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French Pages 196 Year 2022
Jean Zinn-Justin
Groupes de symétrie en physique Brisure spontanée et transitions de phase
Dans la même collection Symétries continues Franck Laloë Plasmas créés par laser – Généralités et applications choisies Patrick Mora Physique de la turbulence – Des tourbillons aux ondes Sébastien Galtier Le temps dans la géolocalisation par satellites Pierre Spagnou et Sébastien Trilles Physique quantique, information et calcul – Des concepts aux applications Pascal Degiovanni, Natacha Portier, Clément Cabart, Alexandre Feller et Benjamin Roussel Théorie statistique des champs – Tomes 1 et 2 François David Mécanique quantique – Tomes I, II et III Claude Cohen–Tannoudji, Bernard Diu et Franck Laloë Retrouvez tous nos ouvrages et nos collections sur http ://laboutique.edpsciences.fr Imprimé en France c 2022, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de Courtabœuf, 91944 Les Ulis Cedex A et CNRS Éditions, 15, rue Malebranche, 75005 Paris. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35. EDP Sciences, ISBN (papier) : 978-2-7598-2764-0, ISBN (ebook) : 978-2-7598-2765-7 CNRS Éditions, ISBN (papier) : 978-2-271-14459-1, ISBN (ebook) : 978-2-271-14461-4
Table des mati` eres
1 Quelques r´eflexions sur le rˆole des sym´etries en physique . . 2 La notion de groupe. D´efinition et propri´et´es . . . . . . . 2.1 Groupes discrets. Groupes finis . . . . . . . . . . . . 2.2 Groupes ab´eliens discrets . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Groupe sym´etrique ou des permutations . . . . . . . . . 2.4 Transformations lin´eaires du r´eseau cubique g´en´eral . . . . Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Groupes ab´eliens : translations, dilatations et groupe U(1) . 3.1 Translations sur la droite r´eelle et dilatations . . . . . . 3.2 Groupe U (1). Repr´esentations . . . . . . . . . . . . . 4 Groupes de matrice et alg`ebres : g´en´eralit´es . . . . . . . . 4.1 Alg`ebres et groupe de matrices . . . . . . . . . . . . . 4.2 Isomorphismes g´en´eraux . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 D´eterminants et repr´esentations . . . . . . . . . . . . 4.4 Norme de matrices et exponentiation . . . . . . . . . . 4.5 Transformations lin´eaires et matrices . . . . . . . . . . 4.6 Tenseurs. Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . 4.7 Repr´esentations r´eductibles et irr´eductibles . . . . . . . 5 Groupes de Lie : rotations et r´eflexions du plan . . . . . . 5.1 Les groupes O(2) et SO(2) . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Le groupe SO(2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Repr´esentations : formes bilin´eaires et tenseurs . . . . . . 5.4 D´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles . . . . . . 5.5 Repr´esentations des groupes U (1) et SO(2) . . . . . . . 5.6 Repr´esentation complexe de O(2) . . . . . . . . . . . . 5.7 M´ecanique quantique et repr´esentations de dimension infinie Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Alg`ebres et groupes de Lie . . . . . . . . . . . . . . . 6.1 D´efinition et propri´et´es g´en´erales . . . . . . . . . . . . 6.2 Groupe et alg`ebre de Lie : repr´esentation adjointe . . . . 6.3 Matrices complexes 2 × 2, matrices de Pauli et alg`ebre de Lie Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Un groupe de Lie : le groupe orthogonal O(3) . . . . . . . 7.1 Groupe SO(3) et alg`ebre de Lie . . . . . . . . . . . . 7.2 Repr´esentation adjointe . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3 Les repr´esentations matricielles de SO(3) . . . . . . . . 7.4 M´ecanique classique et tenseurs : le tenseur d’inertie . . . 7.5 Espace de fonctions et repr´esentations . . . . . . . . . . 8 Les groupes unitaires U(2) et SU(2) . . . . . . . . . . . 8.1 Groupe SU (2) et matrices de Pauli . . . . . . . . . . .
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Table des mati`eres
8.2 Repr´esentation adjointe de SU (2) et groupe SO(3) . . . . . . 8.3 Alg`ebre de Lie de SU (2) : repr´esentations irr´eductibles . . . . 8.4 Les groupes SU (2) × SU (2) et SO(4) . . . . . . . . . . . . 8.5 Les groupes SO(3) et SU (2) et la m´ecanique quantique . . . . 9 Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N) . . . . 9.1 Groupes matriciels et alg`ebres de Lie . . . . . . . . . . . . 9.2 Le groupe O(N ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9.3 Alg`ebre de Lie du groupe SO(N ) : construction explicite . . . 9.4 Un exemple : l’alg`ebre de Lie du groupe SO(4) . . . . . . . 9.5 Groupes unitaires U (N ) et SU (N ) . . . . . . . . . . . . . 9.6 Groupes U (N ) et O(2N ) . . . . . . . . . . . . . . . . . 9.7 Alg`ebre de Lie de SU (N ) . . . . . . . . . . . . . . . . . 9.8 Repr´esentations de SU (N ) . . . . . . . . . . . . . . . . 9.9 Un exemple : le groupe SU (3) . . . . . . . . . . . . . . . 9.10 Repr´esentations irr´eductibles du groupe SU (3) . . . . . . . 10 Alg`ebres de Lie et op´erateurs diff´erentiels . . . . . . . . . . 10.1 Le groupe SO(N ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10.2 Le groupe SU (N ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Groupe lin´eaire g´en´eral GL(N,R) . . . . . . . . . . . . . . 11.1 Produit tensoriel et tenseurs . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Groupe sym´etrique et tenseurs : r´eduction des repr´esentations 12 Sym´etries en physique classique . . . . . . . . . . . . . . . 12.1 Les ´equations du mouvement en m´ecanique lagrangienne . . . 12.2 M´ecanique hamiltonienne . . . . . . . . . . . . . . . . . 12.3 Transformations canoniques. Crochets de Poisson . . . . . . 12.4 Sym´etries et lois de conservation . . . . . . . . . . . . . 12.5 Th´eorie classique des champs. Th´eor`eme de Noether . . . . . 13 Sym´etries en physique quantique . . . . . . . . . . . . . . 13.1 Rappels minimaux de m´ecanique quantique . . . . . . . . . 13.2 Op´erateurs de position et d’impulsion . . . . . . . . . . . 14 Marche au hasard : sym´etries ´emergentes . . . . . . . . . . 14.1 Sym´etrie cubique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Brisure spontan´ee de sym´etrie . . . . . . . . . . . . . . . 15.1 M´ecanique classique : sym´etries discr`etes et continues . . . . 15.2 Th´eorie des champs, sym´etries continues et modes de Goldstone Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Transitions de phase : approximation de champ moyen . . . . 16.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ´ 16.2 Energie libre et potentiel thermodynamique . . . . . . . . . 16.3 Transformation de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . 16.4 Approximation de champ moyen . . . . . . . . . . . . . 16.5 Sym´etrie Z2 et propri´et´es universelles . . . . . . . . . . . 16.6 Spins a` N composantes : groupes O(N ) et cubique . . . . . 16.7 Fonctions de corr´elation spin–spin . . . . . . . . . . . . .
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Table des mati`eres
16.8 Existence de transitions de phase en basse dimension . . . Appendices. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A1 Groupes de Lie : remarque et autre application . . . . . . A1.1 Alg`ebre de Lie : une identit´e utile et ses implications . . . A1.2 Solide rigide classique libre . . . . . . . . . . . . . . . A1.3 Oscillateur harmonique quantique et alg`ebre de Lie . . . . A2 Relativit´e Restreinte et groupes . . . . . . . . . . . . . A2.1 Groupe relativiste g´en´eralis´e O(1, N ) : d´efinition et alg`ebre de A2.2 Les groupes O(1, N ) pour N = 1 et N = 2 . . . . . . . . A2.3 Le groupe physique O(1, 3) ou groupe de Lorentz . . . . . A2.4 Matrices γ de Dirac . . . . . . . . . . . . . . . . . . Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
vii . . 163 . . 167 . . 167 . . 167 . . 169 . . 171 . . 175 Lie 175 . . 176 . . 178 . . 179 . . 183
Introduction
Cet ouvrage, bas´e initialement sur un cours de DEA de physique donn´e a` l’Universit´e de Cergy-Pontoise en 2000-2001 (Saclay preprint T01/019), mais ´edit´e et compl´et´e par des fragments d’autres enseignements et des notes personnelles, a pour objectif de fournir les bases ´el´ementaires de la th´eorie des groupes, et d’´evoquer le rˆ ole des sym´etries dans diff´erents domaines de physique, classique ou quantique. Dans une premi`ere partie, la structure math´ematique g´en´erale associ´ee aux groupes de sym´etrie est d´ecrite, en insistant sur l’aspect pratique plus que l’aspect proprement th´eorie des groupes. L’ensemble est illustr´e par les propri´et´es de quelques groupes utiles en m´ecanique analytique classique, en m´ecanique quantique non-relativiste et en th´eorie classique des champs. Les groupes sont organis´es par ordre de complexit´e croissante. Nous commen¸cons par des groupes discrets, puis continus ab´eliens (ou commutatifs). Nous introduisons ensuite la notion de groupes de Lie, `a partir de leurs repr´esentations ma` ces groupes sont associ´ees des alg`ebres de Lie. tricielles. A Nous ´etudions de fa¸con d´etaill´ee les propri´et´es du groupe O(3) (le groupe des rotations-r´eflexions de l’espace `a trois dimensions) et unitaire U(2) (qui pr´eserve la norme des vecteurs complexes `a deux dimensions). Utilisant les alg`ebres de Lie correspondantes, nous discutons la d´ecomposition des repr´esentations matricielles de ces groupes en repr´esentations irr´eductibles. Nous d´ecrivons, de mani`ere moins d´etaill´ee, quelques propri´et´es g´en´erales des groupes orthogonaux O(N), qui pr´eservent la norme des vecteurs r´eels de l’espace a` N dimensions, et U(N) qui pr´eservent la norme des vecteurs complexes de l’espace `a N dimensions. Parmi ces groupes, le groupe SU(3), sousgroupe du groupe O(3), est directement utile en physique des particules. La m´ecanique quantique n´ecessite la repr´esentation des alg`ebres de Lie par op´erateurs diff´erentiels, un sujet auquel nous consacrons un chapitre. Enfin, nous ´evoquons le groupe lin´eaire g´en´eral, un sujet qui peut servir d’introduction au formalisme de la th´eorie de la Relativit´e G´en´erale. Deux chapitres sont consacr´es au rˆole des sym´etries dans les ´equations d’´evolution des physiques classique et quantique. La marche al´eatoire sur r´eseaux, dont nous d´eterminons les propri´et´es asymptotiques, pr´esente un exemple de sym´etries asymptotiques ou ´emergentes. Le probl`eme des brisures spontan´ees de sym´etrie et des transitions de phase est ensuite abord´e. Ce sujet est illustr´e par la th´eorie des ph´enom`enes critiques de Landau. Il est montr´e sur des exemples simples comment la th´eorie de Landau, combin´ee avec les propri´et´es de sym´etrie, conduit `a des pr´edictions de comportements universels des quantit´es thermodynamiques au voisinage d’une transition de
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Introduction
phase continue. Bien sˆ ur, ces pr´edictions ne sont, au mieux, que qualitatives. Seules les m´ethodes inspir´ees par le groupe de renormalisation permettent d’obtenir des r´esultats `a la fois g´en´eraux et pr´ecis. L’appendice contient quelques r´esultats techniques, le mouvement du corps solide libre et le spectre de l’oscillateur harmonique quantique, ´etudi´es par des m´ethodes qui font aussi appel `a la notion de groupes de sym´etrie. Nous ´evoquons aussi bri`evement le groupe O(1, 3), ou groupe de Lorentz, un groupe non-compact a` la base de la th´eorie de la relativit´e restreinte, et les matrices gamma de Dirac, qui ont permis de construire l’´electrodynamique quantique, une premi`ere th´eorie quantique des champs relativiste.
Bibliographie ´ [1] Elie Cartan, Un centenaire : Sophus Lie, in Fran¸cois Le Lionnais (dir.), Les grands courants de la pens´ee math´ematique, Hermann, coll. Histoire de la pens´ee, 1998 (1re ´edition : 1948). [2] Wilkinson Microwave Anisotropy Probe ou WMAP est un observatoire spatial am´ericain de la NASA lanc´e en juin 2001 pour dresser une carte de l’anisotropie du fond diffus cosmologique, rayonnement fossile dans le domaine micro-onde montrant l’Univers tel qu’il est 380 000 ans apr`es le Big Bang. [3] Planck, observatoire spatial d´evelopp´e par l’Agence spatiale europ´eenne (ESA) avec une participation de l’agence -spatiale am´ericaine (NASA) a ´et´e lanc´e en mai 2009. La mission du satellite a ´et´e de cartographier les infimes variations de temp´erature (ou d’intensit´e) du fond diffus cosmologique. ¨ [4] W. Heisenberg, Uber quantentheoretische Umdeutung kinematischer und ¨ mechanischer Beziehungen, Z. Physik 33 (1925) 879–893; Uber den anschaulichen Inhalt der quantentheoretischen Kinematik und Mechanik, Z. Physik 43 (1927) 172–198. E. Schr¨odinger, An undulatory theory of the mechanics of atoms and molecules, Phys. Rev. 28 (1926) 1049–1070. [5] J.C. Maxwell, On physical lines of force, Philosophical Magazine (1861). Un article a accompagn´e le 8 D´ecembre 1864 une pr´esentation des ´equations de Maxwell par Maxwell `a la Royal Society : A dynamical theory of the electromagnetic Field, Philosophical Transactions of the Royal Society of London 155 (1865) 459–512, plus tard suivi par A Treatise on Electricity and Magnetism, Oxford Clarendon Press 1873. [6] C.N. Yang, R.L. Mills, Conservation of isotopic spin and isotopic gauge invariance, Phys. Rev. 96 (1954) 191–195. [7] J. Wess, B. Zumino, Supergauge transformations in four dimensions, Nucl. Phys. B70 (1974) 39–50. [8] Albert Einstein, Zur Elektrodynamik bewegter K¨ orpe, Annalen der Physik, vol. 17, 30 juin 1905, p. 891–921. [9] L.D. Landau, Zur Theorie der Phasenumwandlungen I, Physikalische Zeitschrift der Sowjetunion 11 (1937) 26; On the theory of phase transitions, Zh. Eksp. Teor. Fiz. 7 (1937) 932, reproduit dans L. D. Landau, Collected Papers p. 193–216, D. Ter-Haar ed. (Oxford: Pergamon Press, 1965).
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Bibliographie
[10] A. Messiah, Quantum Mechanics, North Holland, Amsterdam (1962); C. Cohen-Tannoudji, B. Diu, F. Laloe, Quantum Mechanics, second ed. 2019 Wiley-Vch. [11] E. Br´ezin, J. Zinn-Justin, Un probl`eme a ` N corps soluble, C. R. Acad. Sc. Paris, 263 (1966) 670–673. [12] Une discussion g´en´erale des sym´etries de jauge, bien plus technique, va tout a` fait au del` a de cet ouvrage. Dans le cadre de la th´eorie quantique des champs, elle peut se trouver, par exemple, dans J. Zinn-Justin, Quantum Field Theory and Critical Phenomena, (Oxford Univ. Press, 1989), fifth edition: Int. Ser. Monogr. Phys., 171 (2020). [13] La th´eorie de la Relativit´e G´en´erale a ´et´e pr´esent´ee dans A. Einstein, Die Feldgleichungen der Gravitation, Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften zu Berlin (1915) 844–847; Die Grundlage der allgemeinen Relativit¨ atstheorie, Annalen der Physik 354 (1916) 769–822. [14] Emmy Noether, Invariante Variationsprobleme, Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu G¨ottingen, Mathematisch-Physikalische Klasse, vol. 1918-2 (1918) 235-257. [15] K.G. Wilson, Renormalization group and critical phenomena. II. Phasespace cell analysis of critical behavior, Phys. Rev. B4 (1971) 3184–3205. [16] L. Onsager, Crystal statistics. I. A two-dimensional model with an order– disorder transition, Phys. Rev. 65 (1944) 117–149. [17] N.D. Mermin, H. Wagner, Absence of ferromagnetism or antiferromagnetism in one- or two-dimensional isotropic Heisenberg models, Phys. Rev. Lett. 17 (1966) 1133–1136; S. Coleman, There are no Goldstone bosons in two dimensions, Comm. Math. Phys. 31 (1973) 259–264. [18] J.C. Le Guillou, J. Zinn-Justin, Critical exponents for the n-vector model in three dimensions from field theory, Phys. Rev. Lett. 39 (1977) 95–98; Critical exponents from field theory, Phys. Rev. B21 (1980) 3976–3998; R. Guida, J. Zinn-Justin, Critical exponents of the N-vector model, J. Phys. A 31 (1998) 8103–8121. [19] J. Zinn-Justin, Transitions de phase et groupe de renormalisation, EDP ´ Sciences et CNRS Editions (Les Ulis 2005). Version anglaise Phase transitions and Renormalization Group, Oxford Univ. Press. (Oxford 2007), r´eimprim´ee par Peking Univ. Press (2014). [20] P.A.M. Dirac, The quantum theory of the electron, Proceedings of the Royal Society A 117 (1928) 610–624.
Chapitre 1 Quelques r´ eflexions sur le rˆ ole des sym´ etries en physique
Les quelques r´eflexions qui suivent ont pour but de motiver l’utilit´e de l’´etude des sym´etries des syst`emes physiques, et donc des groupes de sym´etrie. L’´emergence de la notion de sym´etrie. Beaucoup d’objets naturels macroscopiques ont des propri´et´es de sym´etrie, exactes ou approch´ees, en particulier les ˆetres vivants, mais aussi les cristaux, les astres proches. Ce sont des sym´etries discr`etes, r´eflexion, rotations discr`etes ou continues (cercle, sph`ere). La sym´etrie comme principe utile ou esth´etique. Citons l’invention de la roue. Le principe de sym´etrie aide `a ´elever des constructions ´equilibr´ees. Les sym´etries sont id´ealis´ees en principe esth´etique, par exemple dans l’architecture, les objets d’art. Sym´etrie : un principe de la nature ? Les lois de la nature doivent-elles ˆetre esth´etiques ? Une r´eponse positive, et n´ecessairement subjective a` cette question, conduit `a une recherche de sym´etries explicites ou cach´ees, et a` la construction de mod`eles avec un maximum de sym´etries. Une telle d´emarche est parfois couronn´ee de succ`es, mais peut aussi conduire `a des th´eories inexactes, voire aberrantes (le mouvement des plan`etes `a partir de cercles par Ptol´em´ee, les plan`etes associ´ees aux solides r´eguliers par Kepler). Tr`es rapidement, on prend conscience que les objets macroscopiques ne peuvent jamais avoir de sym´etries, du moins spatiales, exactes parce qu’ils sont constitu´es d’un nombre tr`es grand de constituants ind´ependants, et ceci conduit a` rechercher la sym´etrie dans la nature d’une autre fa¸con. M´ecanique rationnelle. La sym´etrie n’est plus n´ecessairement une propri´et´e des objets naturels mais peut ˆetre une propri´et´e des lois de la nature. Ce sont alors les conditions aux limites qui peuvent briser les sym´etries. Par exemple, dans la m´ecanique newtonienne, les lois de la nature sont invariantes par translation d’espace et de temps, et les propri´et´es des syst`emes insensibles `a un d´eplacement rectiligne uniforme. Il n’y a pas de direction privil´egi´ee dans l’espace, et l’Univers est isotrope `a grande ´echelle (ceci reste en accord avec
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Chapitre 1 : Quelques r´eflexions sur le rˆ ole des sym´etries en physique
les observations r´ecentes, par exemple, les satellites WMAP∗ et Planck∗∗ ont v´erifi´e l’isotropie du rayonnement fossile a` une pr´ecision de 10−5 ). Ceci conduit `a une notion d’invariance par rotation. L’ensemble de ces sym´etries a re¸cu le nom de groupe de Galil´ee de la m´ecanique newtonienne. Sym´etries et r´eduction des degr´es de libert´e. Une sym´etrie permet une r´eduction effective du nombre de degr´es de libert´e. Par exemple, en gravitation newtonienne une sph`ere homog`ene par couches concentriques est ´equivalente `a un point mat´eriel. De fa¸con g´en´erale, en m´ecanique lagrangienne, a` toute sym´etrie continue est associ´ee une constante du mouvement. Ainsi, `a la sym´etrie par translation du temps correspond la conservation de l’´energie, `a la sym´etrie par translation d’espace correspond la conservation de l’impulsion ou quantit´e de mouvement, a` l’invariance par rotation correspond la conservation du moment cin´etique. De mˆeme, en m´ecanique quantique [4], a` toute sym´etrie est associ´e un op´erateur qui commute avec l’hamiltonien, les valeurs moyennes de cet op´erateur ´etant alors ind´ependantes du temps. Ces lois de conservations rendent certains probl`emes solubles. Ces probl`emes solubles peuvent ˆetre soit des approximations de la r´ealit´e, soit des probl`emes mod`eles qui permettent d’´etudier des effets physiques qualitatifs. Sym´etrie et principe dynamique. Ce que nous ne d´ecrivons pas dans cet ouvrage, c’est la sym´etrie con¸cue comme principe dynamique telle qu’elle apparaˆıt dans les ´equations de Maxwell [5], qui est a` l’origine de la plupart des interactions dans la th´eorie des interactions fondamentales a` l’´echelle microscopique. Elle prend dans ce cas le nom d’invariance de jauge [6] (cf. le Mod`ele Standard des interactions fondamentales∗ , la Relativit´e G´en´erale∗∗ ). Supersym´etrie. Il existe aussi une g´en´eralisation de la notion de sym´etrie que nous n’abordons pas dans le texte, connue sous le nom de supersym´etrie [7] , d’utilit´e technique dans certains probl`emes de m´ecanique statistique ou de th´eorie quantique des champs, et qui a ´et´e propos´ee de fa¸con sp´eculative comme ∗
Wilkinson Microwave Anisotropy Probe ou WMAP est un observatoire spatial de l’agence spatiale am´ericaine (NASA) lanc´e en juin 2001 pour dresser une carte de l’anisotropie du fond diffus cosmologique, rayonnement fossile dans le domaine micro-onde montrant l’Univers tel qu’il est 380 000 ans apr`es le Big Bang. ∗∗ Planck, observatoire spatial d´evelopp´e par l’Agence spatiale europ´eenne (ESA) avec une participation de la NASA a ´et´e lanc´e en mai 2009. La mission du satellite a ´et´e de cartographier les infimes variations de temp´erature (ou d’intensit´e) du fond diffus cosmologique. ∗ Le Mod`ele Standard des interactions fondamentales d´ecrit toute la physique des particules ´el´ementaires et de leurs interactions, a` l’´echelle microscopique jusqu’`a la distance la plus courte accessible (2021). ∗∗ La Relativit´e G´en´erale d’Einstein d´ecrit la physique gravitationnelle, au del`a de l’approximation newtonienne, les forces `a distances ´etant remplac´ees par les effets de la courbure de l’espace–temps.
Chapitre 1 : Quelques r´eflexions sur le rˆ ole des sym´etries en physique
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une sym´etrie (approch´ee) possible des interactions fondamentales a` l’´echelle microscopique, o` u elle relie les deux types de particules bosons et fermions. Les sym´etries : un rˆ ole croissant en physique. Le XIXi`eme et XXi`eme si`ecles ont vu la notion de sym´etrie jouer un rˆ ole croissant en physique. On peut ´ trouver a` cela un grand nombre de raisons. Evoquons en quelques-unes : ´ (i) Etudes des objets microscopiques, atomes, noyaux, quarks et leptons (fondamentaux ?). Ces objets sont de plus en plus ´el´ementaires, en ce sens qu’ils sont compl`etement d´etermin´es par un petit nombre de param`etres (au moins apparents, pertinents ou effectifs). On peut s’attendre alors a` ce qu’ils aient de plus en plus de sym´etrie (principe esth´etique ?). Par ailleurs, la m´ecanique quantique, a` cause du principe de superposition, am`ene a` d´evelopper les ´etats sur des bases d’entit´es simples. (ii) La structure de l’espace-temps se r´ev`ele moins triviale que celle suppos´ee dans la m´ecanique newtonienne : la th´eorie de la Relativit´e Restreinte [8] repose sur l’invariance par les groupes de Lorentz (cf. Sect. A2.3) et de Poincar´e. (iii) Un grand nombre de syst`emes dans les physiques microscopique et macroscopique pr´esentant des transitions de phase est observ´e. Une compr´ehension d´etaill´ee de la notion de transition de phase montre le rˆ ole des sym´etries et du concept de brisure spontan´ee de sym´etrie, comme initialement mis en ´evidence clairement dans la th´eorie de Landau [9]. Bien entendu, la prise de conscience croissante de l’importance des sym´etries en physique a ´et´e facilit´ee par le d´eveloppement math´ematique parall`ele de la th´eorie des groupes. Conclusion. Ainsi aucune compr´ehension profonde de la physique contem` la poraine n’est possible sans une prise en compte du rˆ ole des sym´etries. A notion intuitive de sym´etrie est associ´ee la notion math´ematique de groupe, que nous commen¸cons par rappeler. Les ´el´ements du groupe correspondent aux op´erations physiques qui permettent de v´erifier l’existence des sym´etries, une translation, une rotation...
Chapitre 2 La notion de groupe. D´ efinition et propri´ et´ es
L’expos´e qui suit n’a pas comme ambition de faire de la th´eorie des groupes, un domaine math´ematique, par ailleurs extraordinairement riche, mais de rappeler quelques notions essentielles et d’examiner les propri´et´es simples de quelques groupes directement utiles en physique. Il aura donc un contenu parfois plus descriptif que d´eductif. Notation. Dans ces notes, R d´enote l’ensemble des nombres r´eels, C l’ensemble des nombres complexes, et Z l’ensemble des nombres entiers relatifs. Les nombres r´eels non-nuls, c’est-` a-dire appartenant `a l’ensemble R∗ ≡ {R}− 0, forment un groupe multiplicatif ab´elien, c’est-`a-dire commutatif. Il en est de mˆeme pour les nombres complexes non-nuls, c’est-`a-dire appartenant `a l’ensemble C∗ ≡ {C} − 0. Groupes : d´efinition. On consid`ere un ensemble G muni d’une loi de composition interne, appel´ee en g´en´eral produit, telle qu’`a tout couple ordonn´e g1 , g2 ∈ G on associe un ´el´ement de G, not´e alors multiplicativement g1 g2 et que l’on nomme produit. Pour que le produit donne a` G une structure de groupe, il faut qu’il satisfasse a` quelques r`egles simples que nous associons intuitivement a` la notion de sym´etrie : (i) Le produit est associatif : (g1 g2 )g3 = g1 (g2 g3 )
∀ g1 , g2 , g3 ∈ G .
On peut donc effectuer les produits sans se soucier de l’ordre dans lequel on les effectue. (ii) Dans G il existe un ´el´ement neutre, que nous noterons en g´en´eral 1, c’est-`a- dire un ´el´ement qui satisfait 1g = g1 = g
∀g ∈ G ,
et dont on v´erifie qu’il est unique. (iii) Tout ´el´ement g ∈ G a un inverse, que nous noterons en g´en´eral g −1 , ∀g ∈ G ∃g −1 tel que gg −1 = g −1 g = 1 , dont on v´erifie aussi qu’il est unique.
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Chapitre 2 : La notion de groupe. D´efinition et propri´et´es
Groupes commutatifs ou ab´eliens. En g´en´eral, le produit g1 g2 est diff´erent du produit g2 g1 . Les groupes sp´eciaux pour lesquels g1 g2 = g2 g1
∀g1 , g2 ∈ G .
sont appel´es commutatifs ou ab´eliens. Des exemples particuliers sont fournis par le groupe des translations, ou le groupe des rotations du plan. Dans ce cas, la loi de composition est parfois not´ee additivement, et l’´el´ement neutre 0. Les autres groupes sont donc non commutatifs ou encore non-ab´eliens. Sous-groupe. Un sous-groupe de G est un sous-ensemble H non vide de G tel que la loi de composition de G induite sur H lui donne une structure de groupe. Ceci est ´equivalent aux deux conditions : g1 et g2 ∈ H ⇒ g1 g2 ∈ H ,
g ∈ H ⇒ g −1 ∈ H ,
les deux conditions impliquant 1 ∈ H. Centre d’un groupe. Le centre C d’un groupe est l’ensemble des ´el´ements du groupe G qui commutent avec tout G. Cet ensemble a une propri´et´e de groupe, en effet ∀ h1 , h 2 ∈ C ⇒ h 1 h 2 ∈ C ,
h ∈ C ⇔ hG = Gh ⇒ Gh−1 = h−1 G ⇒ h−1 ∈ C .
Produit de groupes. Soient G et H deux groupes. Nous consid´erons l’ensemble produit form´e par les couples (g, h), g ∈ G, h ∈ H. Nous d´efinissons le produit de deux ´el´ements par (g1 , h1 )(g2 , h2 ) = (g1 g2 , h1 h2 ). Ce produit d´efinit une loi de groupe et le groupe est not´e G × H. Dans le cas o` u H ≡ G, on notera le produit G2 ou, plus g´en´eralement, Gp le produit de p groupes G. G´en´erateurs d’un groupe. Il est fort utile de d´efinir la notion de g´en´erateurs d’un groupe. En effet, pour ´etudier des propri´et´es de sym´etrie, il est parfois suffisant d’´etudier l’action des g´en´erateurs du groupe. D´efinition. Un ensemble L de g´en´erateurs d’un groupe G est un sousensemble de G, tel que tout ´el´ement de G puisse ˆetre ´ecrit comme un produit d’´el´ements de L. L’ensemble est appel´e minimal si aucun ´el´ement de L ne peut ˆetre exprim´e comme un produit des autres ´el´ements de L. Dans la suite, par d´efaut, un ensemble de g´en´erateurs sera toujours suppos´e minimal. Repr´esentation ou homomorphisme de groupe. Soient G un groupe et H un ensemble muni d’une loi de composition interne. Une application R(G) de G dans H s’appelle une repr´esentation si, quels que soient g1 et g2 appartenant `a G, le produit R(g1 )R(g2 ) est d´efini, et R(g1 )R(g2 ) = R(g1 g2 ).
Chapitre 2 : La notion de groupe. D´efinition et propri´et´es
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Alors l’image R(G) est un groupe, d’´el´ement neutre R(1), en effet R(g) = R(g1) = R(g)R(1) = R(1g) = R(1)R(g). De mˆeme si
h = R(g) ⇒ h−1 = R(g −1 ).
On utilisera, par la suite, aussi le terme repr´esentation de G pour d´esigner le groupe des ´el´ements appartenant `a R(G). Si l’application R est bijective, c’est-`a-dire que r´eciproquement tout ´el´ement de R(G) est associ´e `a un ´el´ement unique de G, les groupes G et R(G) sont dits isomorphes. Nous noterons parfois l’isomorphisme de deux groupes G et H par G∼H. Un isomorphisme de G dans G est un automorphisme. Un exemple simple est le suivant : Soit x un ´el´ement fixe de G. La repr´esentation R qui a` tout ´el´ement g associe R(g) = xgx−1 est un automorphisme. On rencontrera aussi des applications bijectives qui ne sont pas des isomorphismes parce qu’elles renversent l’ordre du produit, R(g1 g2 ) = R(g2 )R(g1 ). Un exemple est l’application g → g −1 et donc (g1 g2 )−1 = g2−1 g1−1 . Le groupe ainsi obtenu est appel´e groupe oppos´e. Dans le cas de groupes de matrices, la transposition et la conjugaison hermitienne partagent cette propri´et´e. Il est clair cependant qu’une telle r´eflexion n’engendre aucune structure de groupe nouvelle. Groupes abstraits et groupes de matrices. Un groupe peut ˆetre enti`erement d´ecrit par ses ´el´ements et leurs produits, comme nous le ferons de fa¸con explicite pour le groupe sym´etrique ou des permutations. On parle alors parfois de groupe abstrait. Cependant, dans ce qui suit nous exhiberons toujours une ou plusieurs repr´esentations du groupe dans l’ensemble des matrices `a coefficients r´eels ou complexes. Une au moins de ces repr´esentations sera un isomorphisme, ce qui fournira une r´ealisation explicite du groupe comme un groupe de matrices. Le fait qu’un mˆeme groupe puisse avoir plusieurs repr´esentations en terme de matrices est un ph´enom`ene g´en´eral qui conduit, par exemple, a` la th´eorie des repr´esentations des groupes de Lie. Sous-groupe distingu´e (ou invariant) et groupe quotient. Soit H un sousgroupe d’un groupe G. On d´efinit dans G la relation d’´equivalence suivante : Soient x, y ∈ G , alors x ≡ y ⇔ x−1 y ∈ H .
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Chapitre 2 : La notion de groupe. D´efinition et propri´et´es
On v´erifie que c’est bien une relation d’´equivalence, c’est-`a-dire qu’elle est r´eflexive, sym´etrique et transitive. En effet, x ≡ x ⇔ x−1 x = 1 ∈ H x ≡ y ⇒ y ≡ x ⇔ x−1 y ∈ H ⇒ y −1 x = (x−1 y)−1 ∈ H x ≡ y et y ≡ z ⇒ x ≡ z ⇔ x−1 y ∈ H et y −1 z ∈ H ⇒ x−1 z = x−1 yy −1 z = x−1 z ∈ H . Tous les ´el´ements ´equivalents forment une classe. Tous les ´el´ements appartenant `a une mˆeme classe C sont obtenus a` partir de l’un d’entre eux en le multipliant a` droite par tous les ´el´ements de H : Pour x ∈ C, ∀y ∈ C , ∃h ∈ H tel que y = xh . Comme il est ´egalement possible de d´efinir une autre relation d’´equivalence par x, y ∈ G : x ≡ y ⇔ yx−1 ∈ H , on distingue les deux cas, quand c’est n´ecessaire, en parlant de classes a` gauche suivant H dans le premier cas, et a` droite dans le deuxi`eme cas. Comme toutes les propri´et´es sont sym´etriques, on peut n’´etudier que le premier cas. L’ensemble des classes d’´equivalence est appel´e ensemble quotient et not´e G/H. Le sous-groupe H est dit distingu´e ou invariant si ⇒ ghg −1 ∈ H .
(2.1)
⇒ ∃h ∈ H tel que hg = gh ,
(2.2)
∀g ∈ G et ∀h ∈ H Cette relation est ´equivalente `a ∀g ∈ G et h ∈ H
c’est-`a-dire que les classes a` droite sont aussi classes `a gauche. Exemples de sous-groupes distingu´es (i) Tout sous-groupe d’un groupe ab´elien est distingu´e. (ii) Le centre d’un groupe (l’ensemble des ´el´ements qui commutent avec tout le groupe) est un sous-groupe distingu´e. (iii) Soit G un groupe et R(G) une repr´esentation. L’ensemble H des ´el´ements h de G tels que R(h) = R(1) forme un sous-groupe distingu´e de G. En effet, c’est un sous-groupe : h1 , h2 ∈ H ⇒ R(h1 h2 ) = R(h1 )R(h2 ) = R(1) ⇒ h1 h2 ∈ H , −1 = R(1) ⇒ h−1 ∈ H . h ∈ H ⇒ R(h−1 ) = R(h) Il satisfait la condition (2.1) : h ∈ H ⇒ R(ghg −1 ) = R(g)R(h)R(g −1 ) = R(g)R(g −1 ) = R(1).
Groupes discrets. Groupes finis
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Par ailleurs, la condition R(gh) = R(h g) = R(g), montre que l’application G/H → R(G) est bijective, et donne donc a` l’ensemble quotient G/H une structure de groupe. La condition (2.1) est donc une condition n´ecessaire pour que l’ensemble quotient G/H ait une structure de groupe. Condition suffisante. Montrons que la condition (2.1) est suffisante en l’utilisant sous la forme (2.2). On consid`ere l’application R(G) du groupe G sur l’ensemble des classes G/H. Si H est un sous-groupe distingu´e, l’application R(g1 )R(g2 ) = R(g1 g2 ), est une application interne dans G/H. En effet, quel que soit le repr´esentant, d’apr`es (2.2) R(g1 h1 )R(g2 h2 ) = R(g1 h1 g2 h2 ) = R(g1 g2 h1 h2 ) = R(g1 g2 ). Elle d´efinit donc une repr´esentation de G. La condition H est un sous-groupe distingu´e de G est donc une condition n´ecessaire et suffisante pour que l’ensemble quotient G/H ait une structure de groupe. G´en´erateurs. Pour v´erifier la propri´et´e (2.1), il suffit de la v´erifier pour un ensemble de g´en´erateurs de G et H. En effet, `a g ∈ G fix´e, gh1 g −1 ∈ H et gh2 g −1 ∈ H ⇒ gh1 g −1 gh2 g −1 = gh1 h2 g −1 ∈ H . Donc il suffit de v´erifier cette propri´et´e pour les g´en´erateurs de H. Par ailleurs, si pour tout h ∈ H, g1 hg1−1 ∈ H et g2 hg2−1 ∈ H ⇒ g2 g1 hg1−1 g2−1 ∈ H .
2.1 Groupes discrets. Groupes finis Empiriquement, les groupes que nous rencontrerons peuvent se regrouper en plusieurs cat´egories que nous ´evoquerons bri`evement et que nous illustrerons par des exemples. Les groupes discrets sont tels qu’on peut en num´eroter les ´el´ements, c’est-`adire ´etablir une correspondance entre les ´el´ements de G et les entiers naturels. Les groupes finis sont les groupes discrets qui ont un nombre fini d’´el´ements. Le nombre d’´el´ements d’un groupe fini se d´enomme l’ordre du groupe. Un sous-groupe d’un groupe fini divise le groupe en classes. Chaque classe contient un nombre d’´el´ements ´egal a` l’ordre du sous-groupe, et donc l’ordre du sous-groupe divise l’ordre du groupe.
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Chapitre 2 : La notion de groupe. D´efinition et propri´et´es
Une cons´equence simple est la suivante : soit N l’ordre du groupe. Consid´erons un ´el´ement g de G et ses puissances successives 1, g, g 2 , . . . , g N . Cet ensemble a N + 1 > N ´el´ements et donc deux ´el´ements au moins sont ´egaux. Dans ces conditions, il existe n ≤ N tel que gn = 1 . Les ´el´ements 1, g, g 2 , . . . , g n−1 forment un sous-groupe d’ordre n et donc n divise N l’ordre du groupe. Groupes finis et groupe sym´etrique (ou des permutations). Soit un groupe d’ordre N . Num´erotons les ´el´ements du groupe de 1 a` N . Consid´erons le ` g1 fix´e, quand g2 d´ecrit tout le groupe, produit g1 g2 de deux ´el´ements de G. A g1 g2 d´ecrit aussi tout le groupe mais dans un ordre diff´erent. On obtient donc une permutation des entiers de 1, . . . , N . On peut donc associer `a tout ´el´ement g une permutation de fa¸con biunivoque. Au produit de deux ´el´ements est associ´e le produit des permutations correspondantes. Cette application ´etablit donc un isomorphisme entre le groupe G et un sous-groupe du groupe des permutations. Ceci d´emontre que tout groupe fini est isomorphe a` un sous-groupe du groupe SN , le groupe sym´etrique ou groupe des permutations de N objets, que nous d´ecrivons en section 2.3. Repr´esentation r´eguli`ere. Pour un groupe fini G d’ordre N , on obtient une repr´esentation en terme de matrices de la mani`ere suivante : on consid`ere une ` chaque vecteur de base, on base de N vecteurs dans l’espace vectoriel RN . A associe un ´el´ement g du groupe et on note ce vecteur |g (la notation de Dirac). On consid`ere alors l’application lin´eaire R(g) de RN dans RN d´efinie par son action sur les vecteurs de base : R(g) |gi = |ggi .
(2.3)
La repr´esentation G → R(G), o` u R(G) est le groupe form´e par ces applications lin´eaires, est un isomorphisme. De plus, a` tout ´el´ement du groupe est associ´ee une permutation des vecteurs de base, et donc une matrice N × N , ne comprenant qu’un seul 1 et des z´eros dans chaque ligne et colonne. Nous allons donner ici quelques exemples simples et directement utiles de groupes discrets.
2.2 Groupes ab´ eliens discrets Nous rencontrerons quelques exemples de groupes ab´eliens discrets. Groupes de translations sur r´eseau. Le groupe additif des entiers est commutatif : l’´el´ement neutre est 0 et l’inverse au sens du groupe est l’oppos´e. C’est un groupe qui contient un nombre infini d’´el´ements, les ´el´ements de Z. C’est aussi le groupe des translations sur le r´eseau uni-dimensionnel des points de coordonn´ee enti`ere. Le groupe a deux g´en´erateurs, les ´el´ements +1 et −1, son oppos´e.
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Groupe sym´etrique ou des permutations
Ce groupe peut ˆetre g´en´eralis´e `a d dimensions. On obtient le groupe des translations du r´eseau des points de coordonn´ees enti`eres `a d dimensions. Si x ≡ {x1 , x2 , . . . , xd } ,
y ≡ {y1 , y2 , . . . , yd } ∈ Zd
le produit au sens de la loi de groupe est la somme des deux vecteurs x + y x + y ≡ {x1 + y1 , x2 + y2 , . . . , xd + yd }. Ce groupe qui se note Zd est ab´elien. Il a 2d g´en´erateurs. Groupes de translations sur r´eseau fini p´eriodique. Si nous nous restreignons a` l’ensemble des entiers modulo N , que nous notons ZN ≡ Z/N Z, l’addition engendre une structure de groupe commutatif fini a` N ´el´ements. Ce groupe a un seul g´en´erateur +1. Le groupe ZN est le groupe des translations sur un r´eseau unidimensionnel fini avec condition aux limites p´eriodiques. De nouveau, ces notions se g´en´eralisent en plusieurs dimensions. Par exemple, le groupe de sym´etrie de translation du r´eseau carr´e de dimension N × N avec conditions aux limites 2 p´eriodiques (qui a la topologie d’un tore) est ZN . R´eflexions et rotations d’angle 2mπ/N du plan. Le groupe des r´eflexions par rapport a` une droite du plan n’a que deux ´el´ements {g, 1} et g 2 = 1 : g est donc son propre inverse. Ce groupe est isomorphe a` Z2 . Le groupe des rotations dans le plan d’angle multiple entier de 2π/N est ´egalement un groupe ab´elien fini, isomorphe a` ZN . Les ´el´ements sont de la forme ω n , n = 1, . . . N , o` u ω, la rotation d’angle 2π/N , est le g´en´erateur du groupe.
2.3 Groupe sym´ etrique ou des permutations Un exemple tr`es important de groupe fini non-ab´elien est fourni par le groupe sym´etrique ou groupe des (c’est-` a-dire de toutes les) permutations de N objets, not´e SN , pour N ≥ 2 (mais S2 est isomorphe a` Z2 ). Le groupe sym´etrique joue un rˆ ole important en math´ematique puisque, par exemple, il contient tout groupe fini comme sous-groupe; puisqu’il intervient dans la d´ecomposition des produits tensoriels (cf. Sect. 4.6) de repr´esentations en repr´esentations irr´eductibles. Le groupe S3 . Le groupe S3 est aussi le groupe de sym´etrie du triangle ´equilat´eral. Il est engendr´e par deux ´el´ements t1 , t2 , qui sont des transpositions au sens des permutations, t1 [1 2 3] = [2 1 3],
t2 [1 2 3] = [1 3 2].
Les ´el´ements a, b satisfont t21 = 1 ,
t22 = 1 .
(2.4)
Du point de vue g´eom´etrique, ce sont des r´eflexions par rapport `a deux m´ediatrices du triangle.
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Chapitre 2 : La notion de groupe. D´efinition et propri´et´es
Leur produit t1 t2 [123] = [231] est une permutation circulaire, et donc 3
(t1 t2 ) = 1 .
(2.5)
G´eom´etriquement, c’est une rotation d’angle 2π/3 du plan. Les relations (2.4) et (2.5) suffisent a` caract´eriser le groupe S3 . Ce groupe n’est pas ab´elien car t1 t2 [1 2 3] = t1 [1 3 2] = [3 1 2],
t2 t1 [1 2 3] = t2 [2 1 3] = [2 3 1].
Les 3! diff´erents ´el´ements sont 1 , t1 , t2 , t1 t2 , t2 t1 , t1 t2 t1 . On v´erifiera que ce groupe est isomorphe au groupe des matrices 2 × 2 engendr´e par 0 1 1 0 t1 = , t2 = , (2.6) 1 0 −1 −1 en v´erifiant les conditions (2.4) et (2.5). C’est un sous-groupe du groupe O(2) des rotations–r´eflexions du plan que nous ´etudions au chapitre 5. Groupe SN : g´en´erateurs. On v´erifie que les transpositions du groupe des permutations not´ees ti , i = 1, . . . , N −1, o` u ti permute l’´el´ement i avec l’´el´ement i + 1, satisfont t2i = 1 ,
ti tj = tj ti
pour |i − j| > 1 et 3
(2.7a) 3
ti ti+1 ti = ti+1 ti ti+1 ⇔ (ti ti+1 ) = 1 ⇔ (ti+1 ti ) = 1 ,
(2.7b)
qui g´en´eralisent la relation (2.5). R´eciproquement, on d´emontre que le groupe engendr´e par des ´el´ements ti qui satisfont ces relations, et leurs produits, a N ! ´el´ements au plus. Donc, les transpositions forment un ensemble de g´en´erateurs de SN , et ces relations caract´erisent le groupe sym´etrique. Le groupe S4 est le groupe de sym´etrie du t´etra`edre, sous-groupe fini du groupe des rotations-r´eflexions a` trois dimensions O(3) (chapitre 7). Le groupe SN est le groupe de sym´etrie du simplex, un polytope r´egulier dans l’espace a` N dimensions, qui g´en´eralise le triangle et le t´etra`edre. M´ecanique quantique. En m´ecanique quantique [10], le groupe des permutations joue un rˆole important puisqu’il permet de classer les fonctions d’onde `a N particules par leurs propri´et´es de sym´etrie, et donc de construire les fonctions d’onde appropri´ees a` des syst`emes de bosons ou de fermions.
2.4 Transformations lin´ eaires du r´ eseau cubique g´ en´ eral Le r´eseau cubique g´en´eral est le r´eseau des points de coordonn´ees enti`eres dans l’espace de dimension quelconque N . Le groupe de sym´etrie du r´eseau cubique correspondant a` des transformations lin´eaires (ce qui exclut les translations d´ej` a mentionn´ees) est un groupe fini, que nous notons CN . Il peut ˆetre d´efini de la mani`ere suivante : agissant sur le point de coordonn´ees (x1 , x2 , . . . , xN ) ∈ ZN , il engendre les points ayant toutes les coordonn´ees permut´ees et avec tous les changements de signe possibles : (x1 , x2 , . . . xN )
par CN −→ (1 xP1 , 2 xP2 , . . . , N xPN ),
o` u i ∈ {+1, −1}, et {P1 , P2 , . . . , PN } d´esigne une permutation quelconque des entiers {1, 2, . . . , N }.
Transformations lin´eaires du r´eseau cubique g´en´eral
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Il a donc 2N N ! ´el´ements. C’est un sous-groupe de S2N . Il est engendr´e par les (N − 1) g´en´erateurs de SN et une r´eflexion suppl´ementaire, par exemple (x1 , x2 , . . . , xN ) → (−x1 , x2 , . . . , xN ). Le groupe de sym´etrie CN est aussi celui de la maille ´el´ementaire du r´eseau, un carr´e (N = 2), un cube (N = 3), ou plus g´en´eralement un hypercube en dimension N . Groupe du carr´e. Pour illustrer cette d´efinition, nous examinons d’abord l’exemple de la dimension 2 et donc de C2 . Agissant sur le point de coordonn´ees x1 , x2 du r´eseau, il le transforme en (1 x1 , 2 x2 )
et
(1 x2 , 2 x1 ), avec 1 = ±, 2 = ± .
Ce groupe a huit ´el´ements. C’est aussi un groupe de sym´etrie du r´eseau carr´e. Il peut alors ˆetre engendr´e par deux r´eflexions : une r´eflexion par rapport `a une diagonale que nous notons a : a(x1 , x2 ) = (x2 , x1 ),
(2.8)
et une r´eflexion b par rapport a` un axe de sym´etrie parall`ele aux axes, par exemple, b(x1 , x2 ) = (−x1 , x2 ). (2.9) Alors a2 = 1 ,
b2 = 1 ,
(ab)4 = 1 .
(2.10)
De fa¸con g´en´erale tous les polygones r´eguliers sont associ´es `a des groupes finis, sous-groupes du groupe O(2) (chapitre 5). Ils peuvent ˆetre r´ealis´es sous forme de matrices r´eelles 2×2 ou d’op´erations sur les nombres complexes. Les groupes du triangle, du carr´e, de l’hexagone sont aussi les groupes de sym´etries des r´eseaux dont ils forment la maille ´el´ementaire. Groupe du cube. Le groupe C3 est aussi un groupe de sym´etrie du r´eseau cubique. Il peut ˆetre d´efini comme le groupe qui, agissant sur le point de coordonn´ees (x1 , x2 , x3 ), change le signe des coordonn´ees et les permutent. Il est engendr´e par les deux transpositions t1 , t2 de S3 t1 (x1 , x2 , x3 ) = (x2 , x1 , x3 ),
t2 (x1 , x2 , x3 ) = (x1 , x3 , x2 ),
(2.11)
et une r´eflexion r qui, par exemple, change le signe de la premi`ere coordonn´ee r(x1 , x2 , x3 ) = (−x1 , x2 , x3 ).
(2.12)
Il compte 48 ´el´ements. Notons que le groupe de sym´etrie du cube est aussi celui de son dual, l’octa`edre. Les autres solides (poly`edres) r´eguliers (dod´eca`edre et son dual l’icosa`edre) ont comme groupe de sym´etrie un sous-groupe fini de O(3) (cf. chapitre 7) de 120 ´el´ements.
Exercices Exercice 2.1 L’ensemble des deux matrices 1 0
0 1
,
1 2
1 1 1 1
,
forme-t-il un groupe ? Exercice 2.2 On consid`ere un groupe a` deux g´en´erateurs a, b qui satisfont les trois r`egles a2 = 1 ,
b3 = 1 ,
(ab)2 = 1 .
(2.13)
a- Montrer, en utilisant ces trois r`egles, que le groupe est fini et n’a que six ´el´ements distincts. b- V´erifier que les matrices 0 1 −1 −1 a= , b= , 1 0 1 0 satisfont ces trois r`egles et sont les g´en´erateurs d’un groupe isomorphe de matrices. c- Calculer les d´eterminants des six matrices. En conclure que trois matrices forment un sous-groupe. d- Montrer que ce sous-groupe est un groupe distingu´e. e- Que peut-on dire des valeurs propres des six matrices ? Comparer le groupe complet avec le groupe S3 . Exercice 2.3 On consid`ere le groupe avec comme g´en´erateurs les deux matrices √ 1 √ −1 − 3 1 0 a= , b= . 0 −1 3 −1 2 a- Montrer que les deux matrices satisfont les r`egles (2.13). b- Quelle figure g´eom´etrique du plan est-elle obtenue par l’action de tous les ´el´ements du groupe sur le vecteur (0, 1) ? Exercice 2.4 V´erifier que les matrices a, b, d´efinis par les ´equations (2.8) et (2.9), a(x1 , x2 ) = (x2 , x1 ),
b(x1 , x2 ) = (−x1 , x2 ).
(2.14)
satisfont les relations (2.10) a2 = 1 ,
b2 = 1 ,
(ab)4 = 1 .
En d´eduire qu’ils forment un ensemble de g´en´erateurs du groupe C2 du carr´e. Trouver une repr´esentation du groupe par un ensemble de matrices 2 × 2. Calculer les d´eterminants.
15
Exercices
Exercice 2.5 V´erifier que les ´el´ements d´efinis par les ´equations (2.11) et (2.12) sont des g´en´erateurs du groupe du cube C3 . Trouver une repr´esentation en terme de matrices 3 × 3. Exercice 2.6 V´erifier que les six ´el´ements du groupe S3 peuvent se mettre sous la forme A2 A1 avec A1 ∈ {1, t1 }, et A2 ∈ {1, t2 , t1 t2 }. Exercice 2.7 ˜ 4 le groupe engendr´e par des ´el´ements t1 , t2 , t3 satisfaisant les r`egles Soit S ˜ 4 a 4! ´el´ements, (2.7). Il contient S4 comme sous-groupe. En montrant que S ˜ on d´emontre S4 ≡ S4 . ˜ 4 peuvent se mettre sous la Dans ce but, montrer que tous les ´el´ements de S forme A3 A2 A1 avec A3 ∈ {1, t3 , t2 t3 , t1 t2 t3 }, ˜ et donc que S4 contient 4! ´el´ements, en examinant tous les cas de fa¸con exhaustive. Solution ´el´ementaire et id´ee d’une m´ethode r´ecursive. Nous avons v´erifi´e la propri´et´e pour N = 3. On consid`ere maintenant un produit quelconque de t1 , t2 , t3 . (i) Si t3 est absent, on trouve une contribution 1 a` A3 . Sinon, on cherche le facteur t3 le plus a` droite, et on cherche a` le d´eplacer le plus possible vers la gauche. Examinons les obstacles possibles. (ii) On rencontre t3 et par t23 = 1 on est ramen´e au cas (i). Sinon t3 ne peut ˆetre arrˆet´e que par t2 . Dans ce cas, on cherche a` d´eplacer vers la gauche t2 t3 . (iii) Le d´eplacement est bloqu´e par t3 , mais alors t3 t2 t3 = t2 t3 t2 et on est ramen´e au cas (ii). (iv) On rencontre t2 , deux facteurs t2 sont ´elimin´es et on reste avec t3 (un sous-cas (i)). (v) On rencontre t1 et on cherche maintenant a` d´eplacer t1 t2 t3 . Le d´eplacement est bloqu´e par t3 . Mais t3 commute avec t1 et on est ramen´e au cas (iii). Le d´eplacement peut ˆetre bloqu´e par t2 . Mais alors t2 t1 t2 = t1 t2 t1 et comme t1 commute avec t3 , on peut de nouveau d´eplacer t1 t2 t3 . Enfin, si on rencontre t1 , t1 t2 t3 est r´eduit t2 t3 et on est ramen´e a` un sous-cas (ii). Conclusion : l’it´eration se termine avec des contributions a` A3 multipli´ees `a droite de t3 par des contributions `a A2 . La m´ethode se g´en´eralise au groupe SN en utilisant une r´ecurrence, et les ˜ N , engendr´e r`egles (2.7), et permet de montrer que les ´el´ements du groupe S par des ´el´ements ti satisfaisant les r`egles (2.7), peuvent ˆetre mis sous la forme ˜N canonique AN −1 AN −2 · · · A1 , g´en´eralisations de A1 A2 A3 , que le groupe S donc a N ! ´el´ements et est identique au groupe SN . Ce r´esultat intervient dans la solution d’un probl`eme quantique de N particules interagissant sur la droite [11].
Chapitre 3 Groupes ab´ eliens : translations, dilatations et groupe U(1)
Le groupe des translations sur la droite r´eelle est isomorphe au groupe additif des nombres r´eels. C’est un groupe continu ab´elien, c’est-`a-dire commutatif. De fa¸con g´en´erale, les groupes de translations de l’espace euclidien Rn sont simplement des produits du groupe de translation de la droite r´eelle, et ne n´ecessitent donc pas une ´etude s´epar´ee. Tous ces groupes sont des groupes de Lie ab´eliens, non compacts au sens de la topologie. En physique, les translations dans le temps jouent un rˆole distinct mais sont math´ematiquement identiques. ` la diff´erence des groupes que nous avons consid´er´es jusqu’ici, ces groupes A correspondent a` des transformations affines et non lin´eaires. Cependant, le groupe des translations sur la droite r´eelle est isomorphe au groupe des dilatations, qui est le groupe multiplicatif des nombres r´eels strictement positifs. Celui-ci a des repr´esentations lin´eaires. Le groupe des translations sur le cercle est un groupe ab´elien compact. Il est isomorphe au groupe multiplicatif U (1) des nombres complexes de module 1, dont nous ´etudierons les repr´esentations.
3.1 Translations sur la droite r´ eelle et dilatations Le groupe des translations sur la droite r´eelle peut ˆetre d´efini par l’action d’un ´el´ement t(x), d´ependant de la variable r´eelle x, qui transforme une variable de position v ∈ R en t(x)v = v + x. C’est un groupe affine isomorphe au groupe additif des nombres r´eels, ab´elien puisque t(x1 + x2 ) = t(x1 ) + t(x2 ). Le groupe des translations est isomorphe au groupe des dilatations. L’isomorphisme entre translations et dilatations d´epend d’un r´eel μ non nul fix´e. Il peut s’exprimer de la fa¸con suivante : l’´el´ement g du groupe des dilatations est reli´e `a l’´el´ement x du groupe des translations par pour μ ∈ R = 0 fix´e ,
t(x) → g(x) = eμx ∈ R+ ,
x ∈ R.
(3.1)
En fait, nous avons d´efini ainsi une infinit´e de repr´esentations irr´eductibles du groupe des translations sur la droite r´eelle.
18
Chapitre 3 : Groupes ab´eliens : translations, dilatations et groupe U(1)
Translations et espaces de fonctions. Nous consid´erons maintenant une repr´esentation de dimension infinie du groupe de translation agissant sur un espace vectoriel de fonctions complexes f (x), o` u x est un point de la droite r´eelle, de module born´e, et diff´erentiables, d´efini par t(a)f (x) = f (x + a),
x, a ∈ R .
On peut consid´erer cette repr´esentation comme une repr´esentation r´eguli`ere du groupe des translations. Au voisinage de l’identit´e, posant t(a) = 1+a+O(a2 ) o` u est le g´en´erateur des translations, on trouve f (x) ≡
d f (x). dx
La repr´esentation du g´en´erateur des translations sur l’espace de fonctions est l’op´erateur d´eriv´ee. Cette repr´esentation est r´eductible, parce que l’op´erateur d/dx peut ˆetre diagonalis´e. Appelant τ une valeur propre de d/dx, il faut r´esoudre f (x) = τ f (x) ⇒ f (x) ∝ eτ x . Le module |f | de la fonction f est proportionnel a` ex Re(τ ) . Comme nous avons suppos´e que f ´etait born´ee, cela implique Re τ = 0 et τ doit ˆetre imaginaire. Posant τ = ip, f (x) = eipx , ∀p ∈ R . Le spectre du g´en´erateur est continu et la repr´esentation initiale a ´et´e d´ecompos´ee en une somme infinie de repr´esentations irr´eductibles de dimension 1. Si l’espace vectoriel de ces fonctions est un espace vectoriel norm´e, il est alors possible de d´ecomposer les fonctions sur cette base, f (x) = dp eipx f˜(p), (3.2) R
o` u f˜(p) est la transform´ee de Fourier de f (x). Groupe des translations sur le cercle. Nous param´etrons les points du cercle par un angle θ, c’est-`a-dire un r´eel modulo 2π (l’ensemble R/2πZ). Le groupe d’´el´ements t(θ) est d´efini par le produit t(θ1 )t(θ2 ) = t(θ1 + θ2 ),
(3.3)
combin´e avec l’identit´e t(θ) = t(θ + 2π). Comme le groupe des translations sur la droite, c’est un groupe ab´elien (c’est`a-dire commutatif) mais, a` la diff´erence des translations sur la droite, au sens de la topologie, c’est un groupe compact. De l’analyse du groupe g´en´eral des translations, et de la p´eriodicit´e des fonctions sur le cercle, nous d´eduisons que l’op´erateur d´eriv´ee a un spectre discret, d iθ e = i eiθ = i , dθ
(3.4)
Groupe U (1). Repr´esentations
19
et que les repr´esentations irr´eductibles du groupe prennent la forme de eiθ avec entier. Cependant, seuls les groupes d’´el´ements eiθ et e−iθ sont isomorphes au groupe des translations. La d´ecomposition (3.2) est remplac´ee par la s´erie de Fourier, f (θ) =
eiθ f˜ .
(3.5)
∈Z
Cette analyse conduit naturellement `a l’´etude du groupe U (1).
3.2 Groupe U (1). Repr´ esentations Le groupe U (1), ou groupe unitaire unidimensionnel, agit multiplicativement sur l’ensemble C des nombres complexes, consid´er´e comme espace vectoriel, en pr´eservant leur module : z → z = sz , s, z ∈ C , s
avec |z| = |z | = |s||z|.
On peut donc param´etrer s comme s = eiθ ,
θ ∈ R,
et donc le groupe agit comme z → z = eiθ z ⇒ |z| = |z |. θ
(3.6)
Le produit de deux ´el´ements du groupe est simplement eiθ1 eiθ2 = ei(θ1 +θ2 ) , et satisfait donc l’identit´e (3.3). Le groupe U (1) est un groupe ab´elien (ou commutatif) isomorphe au groupe des translations sur le cercle R/2πZ. Notons que les ´el´ements e−iθ forment une autre repr´esentation U ∗ (1) du groupe U (1), isomorphe puisque obtenue par conjugaison complexe, e−iθ1 e−iθ2 = e−i(θ1 +θ2 ) . En particulier z ∗ , le complexe conjugu´e de z, se transforme par le groupe U ∗ (1), z ∗ → z ∗ = e−iθ z ∗ . θ
La conjugaison complexe transforme la repr´esentation initiale en sa complexe conjugu´ee. Si l’on veut qu’elle soit une op´eration interne, il faut doubler l’espace de repr´esentation et agir sur des ´el´ements de C2 par la repr´esentation produit tensoriel (d´efini en section 4.6) U (1) ⊗ U ∗ (1) : iθ e 0 z1 z1 = . (z1 , z2 ) → (z1 z2 ), avec 0 e−iθ z2 ∗ z2∗
20
Chapitre 3 : Groupes ab´eliens : translations, dilatations et groupe U(1)
Formes multilin´eaires et tenseurs de rang . Les repr´esentations du groupe U (1) sont obtenues par l’action de U (1) et U ∗ (1) sur les polynˆomes dans des variables complexes zi , zi∗ . Comme ces groupes agissent de fa¸con lin´eaire, il suffit de consid´erer des polynˆ omes homog`enes. Exemple : repr´esentations de rang 2. Les monˆomes quadratiques sont z1 z2 , z1 z2∗ , z1∗ z2 , z1∗ z2∗ . Dans la transformation zi → eiθ zi et zi∗ → e−iθ zi∗ , i = 1, 2, qui est une repr´esentation du groupe U (1), les diff´erents monˆomes se transforment de fa¸con multiplicative, puisque z1 z2 → e2iθ z1 z2 , z1 z2∗ → z1 z2∗ , z1∗ z2 → z1∗ z2 , z1∗ z2∗ → e−2iθ z1∗ z2∗ . Chaque monˆ ome correspond `a une repr´esentation du groupe U (1). Les produits z1 z2∗ , z1∗ z2 sont invariants. Ils engendrent un espace vectoriel de dimension 2. Ils sont ´echang´es par la conjugaison complexe. Cette repr´esentation peut encore r´eduite en diagonalisant la conjugaison complexe. Les deux espaces invariants correspondent aux vecteurs (z1 z2∗ ± z1∗ z2 ) et aux valeurs propres ±1 de la conjugaison complexe. Les produits z1 z2 qui se transforment en z1 z2 e2iθ et z1∗ z2∗ en z1∗ z2∗ e−2iθ correspondent a` deux repr´esentations irr´eductibles R2 (U (1)) et R2 (U ∗ (1)) du groupe U (1). Elles sont isomorphes l’une `a l’autre, puisqu’elles sont ´echang´ees par la conjugaison complexe, mais ne sont pas isomorphes `a la repr´esentation initiale puisque θ = π correspond a` l’identit´e. Comme not´e plus haut, pour que la conjugaison complexe devienne une op´eration interne, il faut doubler l’espace de repr´esentation, et introduire la repr´esentation R1,1 (U (1)) ≡ U (1) × U (1)∗ de U (1),
z1 z2 z1∗ z2∗
R1,1 (U (1))
−→
e2iθ 0
0
e−2iθ
z1 z2 z1∗ z2∗
.
Repr´esentation g´en´erale. De fa¸con g´en´erale, la repr´esentation du groupe U (1) agissant sur un monˆome est donn´ee par 1 m1 =1
zm 1
2 m2 =1
∗ zm −→ ei(1 −2 )θ 2
1 m1 =1
zm 1
2
∗ zm . 2
(3.7)
m2 =1
La conjugaison complexe ne peut ˆetre une transformation interne que pour 1 = 2 . Pour (1 = , 2 = 0), la repr´esentation irr´eductible R (U (1)) correspond a` la multiplication par eiθ . Pour (1 = 0, 2 = ), la repr´esentation irr´eductible R∗ (U (1)) correspond `a la multiplication par e−iθ , et nous la noterons R− (U (1)). Avec cette d´efinition, pour deux valeurs diff´erentes de , les repr´esentations ne sont pas isomorphes, sauf pour R et R− qui sont complexes conjugu´ees.
Groupe U (1). Repr´esentations
21
G´en´erateur du groupe U (1). Tout le groupe U (1) est d´etermin´e par le voisinage de l’identit´e, g(θ) ≡ eiθ = 1 + iθ + O(θ2 ). Le g´en´erateur L est le coefficient de θ, qui se r´eduit dans cet exemple tr`es simple `a L = i. En effet, en utilisant la loi de groupe, g(θ) = g n (θ/n) = lim (1 + θL/n)n = eθL . n→∞
Dans une repr´esentation R (U (1)) de rang , dans la limite θ → 0, R g(θ) = 1 + θR (L) + O(θ2 ) , avec R (L) = i . Nous d´efinissons
C ≡ R −L2 = 2 .
Le coefficient C , qui sera g´en´eralis´e pour d’autres groupes sous le nom de valeur de l’´el´ement de Casimir, est caract´eristique des repr´esentations irr´eductibles de U (1). Mesure invariante. Consid´erons l’int´egrale 2π 1 fθ (z) = dθ f (z eiθ )dθ , 2π 0 o` u f (z) est une fonction analytique, holomorphe dans un voisinage de z = 0. Alors, 2π 2π 1 1 iϕ i(θ+ϕ) fθ (z e ) = dθ f (z e )dθ = dθ f (z eiθ )dθ = fθ (z) . 2π 0 2π 0 D´eveloppant en puissances de z, on en conclut fθ (z) = fθ (0). La mesure dθ est la mesure invariante pour le groupe U (1) repr´esent´e par le changement de variables θ + ϕ → θ. De plus, l’int´egrale sur θ projette la fonction f sur sa composante invariante par U (1). Repr´esentation r´eelle du groupe U (1). Nous pouvons repr´esenter un nombre complexe z par ses parties r´eelle et imaginaire, c’est-`a-dire par un point du plan R2 , z = x + iy , z ∗ = x − iy , x, y ∈ R2 . (3.8) De mˆeme, nous pouvons d´ecomposer un ´el´ement de U (1) en parties r´eelle et imaginaire : eiθ = cos θ + i sin θ . Un ´el´ement de U (1) peut alors ˆetre repr´esent´e par une matrice r´eelle 2 × 2 de la forme x x cos θ − sin θ −→ g(θ) , avec g(θ) = . (3.9) y y sin θ cos θ Nous reconnaissons dans cette matrice, une matrice de rotation du plan, c’est`a-dire une matrice orthogonale de d´eterminant unit´e appartenant au groupe ´ (5.3)). SO(2) (Eq. Cette relation ´etablit un isomorphisme entre les groupes U (1) ⊗ U (1)∗ et SO(2) (cf. Sect. 5.5).
Chapitre 4 Groupes de matrice et alg` ebres : g´ en´ eralit´ es
Ce chapitre regroupe un certain nombre de notions et de r´esultats qui seront tr`es utiles par la suite, mais pourrons apparaˆıtre tr`es abstraits `a ce stade. Cependant, son contenu deviendra plus concret quand des exemples explicites seront discut´es dans les chapitres suivants. Les groupes de matrices que nous d´ecrirons maintenant sont des groupes continus qui ont une structure de groupe de Lie. Les groupes de Lie constituent une famille excessivement riche. Elle contient les groupes dont les ´el´ements peuvent ˆetre param´etr´es en terme d’un nombre fini de param`etres r´eels. Par ailleurs, ce sont des groupes topologiques, puisqu’on peut d´efinir une norme, ce qui donne un sens a` parler de deux ´el´ements proches. Plutˆot que de d´efinir de fa¸con plus pr´ecise ce qu’est un groupe de Lie, structure dont nous n’aurons pas besoin dans toute sa g´en´eralit´e, nous illustrons cette notion par des exemples qui peuvent ˆetre d´efinis comme groupes de matrices (cf. Sect. 4.1). Nous nous limiterons principalement aux groupes compacts de matrices orthogonales et unitaires, mˆeme si la physique n´ecessite aussi des groupes noncompacts comme le groupe O(1, 3), ou groupe de Lorentz (cf. Sect. A2.3), qui peut ˆetre obtenu par complexification du groupe O(4), ou le groupe lin´eaire g´en´eral (chapitre 11). Nous supposerons que, au moins dans un voisinage de l’identit´e, les ´el´ements du groupe peuvent ˆetre param´etr´es de fa¸con diff´erentiable. Dans un voisinage de l’identit´e, les groupes de Lie peuvent alors ˆetre enti`erement caract´eris´es par l’alg`ebre de Lie associ´ee, une structure math´ematique que nous d´ecrirons.
4.1 Alg` ebres et groupe de matrices Alg`ebre. Pour ´etudier les propri´et´es des groupes de matrices, nous avons besoin de la notion d’alg`ebre de matrices. Un espace vectoriel V sur R (ou C) muni d’une loi de composition interne, appel´ee produit et not´ee v1 v2 pour tout v1 , v2 appartenant a` V, qui est distributive par rapport a` la structure d’espace vectoriel, (λv1 + μv2 )w = λv1 w + μv2 w ,
w(λv1 + μv2 ) = λwv1 + μwv2 .
quels que soient v1 , v2 , w ∈ V et λ, μ ∈ R (ou C) est appel´ee alg`ebre.
24
Chapitre 4 : Groupes de matrice et alg`ebres : g´en´eralit´es
Une base de l’espace vectoriel constitue un ensemble de g´en´erateurs de l’alg`ebre. Alg`ebre de matrices. Le produit ordinaire des matrices induit une structure d’alg`ebre associative (dans le sens que le produit est associatif) sur les matrices. Les notions de repr´esentations et de repr´esentations irr´eductibles se g´en´eralisent aux alg`ebres de matrices. Au chapitre 6, nous introduirons la notion diff´erente d’alg`ebre de Lie, o` u la loi de composition, appel´ee produit de Lie, pour les groupes matriciels, correspond au commutateur des matrices. Groupes de matrices. Nous ne consid´erons dans ce qui suit que des matrices dont les ´el´ements sont r´eels ou complexes. Pour qu’un ensemble M de matrices, muni du produit ordinaire des matrices, forme un groupe il faut, et il suffit (i) que le produit soit une loi de composition interne a` l’ensemble M : ∀ m1 , m2 ∈ M ⇒ m1 m2 ∈ M . Le produit de matrices est automatiquement associatif. (ii) Toute matrice de M doit avoir un inverse, ce qui est ´equivalent a` la condition que son d´eterminant ne s’annule pas. De plus, l’inverse doit appartenir `a M, ∀ m ∈ M : det m = 0 et m−1 ∈ M . L’inverse est alors automatiquement inverse a` droite et `a gauche. Ces deux propri´et´es entraˆınent que la matrice unit´e appartient a` M. C’est l’´el´ement neutre. Les groupes form´es de toutes les matrices inversibles N × N r´eelles et complexes sont not´es GL(N, R) (g´en´eral lin´eaire r´eel) et GL(N, C) (g´en´eral lin´eaire complexe). Tous les autres groupes de matrices `a coefficients r´eels ou complexes en sont des sous-groupes.
4.2 Isomorphismes g´ en´ eraux Une ´equivalence. Si s est une matrice fixe inversible appartenant `a un groupe G, alors la transformation qui, a` toute matrice g de G, associe la matrice g → s−1 g s, est un isomorphisme de groupe. En effet, s−1 g1 ss−1 g2 s = s−1 g1 g2 s . . . . Deux repr´esentations d’un groupe reli´ees par un tel isomorphisme sont appel´ees ´equivalentes. Quelques isomorphismes. Consid´erons l’application qui, `a toute matrice d’un groupe, associe la matrice inverse transpos´ee ˜ ≡ (g−1 )T = (gT )−1 . g → g
(4.1)
25
D´eterminants et repr´esentations
Cette application d´efinit un isomorphisme de groupe puisqu’elle est biunivoque et respecte le produit : T g˜1 g˜2 = (g1−1 )T (g2−1 )T = (g2−1 g1−1 )T = (g1 g2 )−1 = g 1 g2 . Cette repr´esentation n’est en g´en´eral pas une ´equivalence, sauf pour les groupes orthogonaux, dont les ´el´ements satisfont ggT = 1, o` u c’est une identit´e (1 sera partout une notation pour la matrice unit´e). Matrices complexes. Pour les groupes de matrices complexes, la conjugaison complexe est un isomorphisme, (g1 g2 )∗ = g1∗ g2∗ , qui ´egalement, en g´en´eral , n’est pas une ´equivalence (une exception est donn´ee par le groupe SU (2)). Dans le cas de matrices unitaires, qui satisfont gg† = 1 (g† ≡ [g∗ ]T ) , on v´erifie que la conjugaison complexe est identique a` la transformation (4.1). Enfin, le produit de ces deux isomorphismes donne l’isomorphisme g → (g−1 )† .
4.3 D´ eterminants et repr´ esentations Groupe des d´eterminants. Les matrices satisfont det(g1 g2 ) = det g1 det g2 ,
det 1 = 1 ,
det g−1 det g = 1 .
Si les matrices g1 , g2 et g sont des ´el´ements d’un groupe G, ces ´equations impliquent que les d´eterminants des matrices d’un groupe forment ´egalement un groupe, un sous-groupe du groupe multiplicatif des r´eels R∗ ≡ {R} − 0, ou des complexes C∗ ≡ {C} − 0, et une repr´esentation ab´elienne du groupe G. Matrices de d´eterminant 1. Consid´erons le sous-ensemble H de G des matrices de d´eterminant 1. Cet ensemble n’est pas vide puisqu’il contient la matrice unit´e. Il forme un sous-groupe de G puisque det g1 = 1 et det g2 = 1 ⇒ det(g1 g2 ) = 1 ,
det g = 1 ⇒ det g−1 = 1 .
C’est un sous-groupe distingu´e de G. En effet, ∀g ∈ G et h ∈ H :
det(g−1 hg) = 1 ⇒ g−1 hg ∈ H .
L’ensemble quotient G/H des classes forme un groupe isomorphe au groupe des d´eterminants. Dans le cas de matrices quelconques r´eelles et complexes, les groupes des matrices de d´eterminant 1 sont not´es SL(N, R) et SL(N, C), sous-groupes de GL(N, R) et GL(N, C), respectivement. On peut aussi citer le groupe SL(N, Z), le sous-groupe des matrices a` coefficients entiers de d´eterminant 1 (les matrices d’un groupe de matrices a` coefficients entiers ont n´ecessairement d´eterminant ±1), mais dont l’´etude syst´ematique conduit a` des consid´erations arithm´etiques que nous n’abordons pas.
26
Chapitre 4 : Groupes de matrice et alg`ebres : g´en´eralit´es
4.4 Norme de matrices et exponentiation Norme. Dans l’ensemble des matrices complexes de dimension N ×N , consid´er´e comme espace vectoriel, on d´efinit la norme M d’une matrice M, d’´el´ements Mij , en utilisant la trace, par 1/2 , M = tr MM†
(4.2)
o` u M† d´enote la matrice hermitienne conjugu´ee de M (M† ≡ [M∗ ]T ). Comme tr MM† = |Mij |2 ≥ 0 , i,j
la norme ne s’annule que pour la matrice 0. ` cette norme correspond le produit scalaire A ∗ (X, Y) ≡ tr X† Y = Xij Yij ,
(4.3)
i,j
o` u Xij et Yij sont les ´el´ements des matrices X et Y. Partant de l’identit´e
tr (X + λY)(X + λY)† ≥ 0 , et choisissant le nombre complexe λ de fa¸con appropri´ee, λ = |λ| eiθ avec θ = Arg tr Y† X , et |λ| = −| tr Y† X|/ tr YY† , on en d´eduit que le produit salaire est born´e par (l’in´egalit´e de Schwarz) |(X, Y)| ≤ XY .
(4.4)
Cette notion est importante dans le cas des groupes continus pour lesquels elle permet de d´efinir une topologie. Matrices r´eelles. Dans le cas des matrices r´eelles, l’expression de la norme (4.2) est remplac´ee par 1/2 M = tr MMT . (4.5) Exponentielle d’une matrice. Dans l’´etude des groupes de Lie, les exponentielles de matrices jouent un rˆole important. L’exponentielle d’une matrice M peut ˆetre d´efinie par ∞ Mk eM = . (4.6) k! k=0
La s´erie converge au sens des normes (4.2) ou (4.5). Notons que si, et seulement si, deux matrices A et B commutent, leurs exponentielles satisfont eA eB = eA+B ⇐ [A, B] = 0 .
27
Tenseurs. Produit tensoriel
4.5 Transformations lin´ eaires et matrices Soit une transformation lin´eaire T agissant sur un espace vectoriel V r´eel ou complexe de dimension N , ∀x ∈ V , T (x) ∈ V ,
∀ x , y ∈ V , ∀ λ , μ ∈ R ou C :
T (λx + μy) = λT (x) + μT (y). Pour associer une matrice a` cette transformation lin´eaire, on introduit une base de l’espace vectoriel {ei }, i = 1, . . . , N (un ensemble de N vecteurs lin´eairement ind´ependants). Tout vecteur x peut alors s’exprimer sous la forme x=
N
ei vi ,
i=1
o` u les composantes vi sont des nombres r´eels ou complexes. Par ailleurs, N T (ei ) = ej Tji , j=1
o` u Tij sont les ´el´ements d’une matrice N × N que nous notons T. Dans ces conditions, N T (x) = T ej vj = ei Tij vj . j
i,j=1
Le vecteur v de composantes {vi } est donc transform´e par T en Tv. Si un ensemble de transformations lin´eaires forment un groupe G , l’application qui, a` tout ´el´ement T de G, associe la matrice T correspondante est un isomorphisme, comme on le v´erifie en calculant le produit de deux transformations T1 T2 . Remarque. En m´ecanique quantique, les espaces vectoriels sont complexes et l’on rencontre en plus des transformations lin´eaires des transformations antilin´eaires qui impliquent une conjugaison complexe suppl´ementaire, T (λx + μy) = λ∗ T (x) + μ∗ T (y).
4.6 Tenseurs. Produit tensoriel Pour les groupes que nous ´etudierons, nous serons amen´e a` classifier leurs repr´esentations. Dans ce but, nous utiliserons les deux notions importantes de tenseurs et de produit tensoriel. Tenseurs de rang 2. Nous illustrons d’abord les notions de tenseurs et de produit tensoriel avec l’exemple des tenseurs de rang 2. Nous consid´erons un groupe G de matrices N ×N r´eelles ou complexes agissant sur les vecteurs de RN
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Chapitre 4 : Groupes de matrice et alg`ebres : g´en´eralit´es
ou CN , respectivement. Soit g un ´el´ement de G de composantes gij . Un vecteur x de composantes r´eelles ou complexes, respectivement, xi se transforme par x → x = gx ⇔ xi → xi =
gij xj .
j
Au sens des tenseurs, le vecteur x est un tenseur de rang 1. Par d´efinition, un tenseur M de rang 2 a N 2 composantes, que nous notons Mij , et appartient `a un espace vectoriel de dimension N 2 . Il se transforme par G comme M → M avec Mij → Mij = gik gj Mk . (4.7) k,l
Cette loi de transformation d´efinit une repr´esentation du groupe G agissant sur un espace vectoriel `a N 2 dimensions. Symboliquement, elle peut se noter M = (g ⊗ g)M , o` u la notation ⊗ signifie produit tensoriel. La repr´esentation explicite (4.7) montre que pour deux transformations successives, M = (g1 ⊗ g1 )M ,
M = (g2 ⊗ g2 )M ,
on trouve M = (g2 g1 ⊗ g2 g1 )M. Exemple de tenseur de rang 2. Soient x, y deux vecteurs, de composantes xi , yi , sur lesquels agit le groupe matriciel G. Consid´erons la forme bilin´eaire xi yj , qui peut ˆetre consid´er´ee comme une base des formes bilin´eaires et une composante du produit tensoriel x ⊗ y. Elle se transforme par G comme G
xi yj −→
gik gk xk y ,
k,
c’est-`a-dire comme un tenseur de rang 2. Cette transformation peut se r´ecrire G
x ⊗ y −→(g ⊗ g)(x ⊗ y) = gx ⊗ gy . G´en´eralisation. La notion de produit tensoriel se g´en´eralise `a des tenseurs de rang . On consid`ere l’espace vectoriel de tenseurs not´es Mi1 i2 ...i et la repr´esentation R (G) du groupe G, R (G) ≡ G ⊗ G ⊗ · · · ⊗ G, qui agit sur le tenseur M de composantes Mi1 i2 ...i par R (G)
M −→ M , avec Mi1 i2 ...i =
j1 ,j2 ,...,j
gi1 j1 gi2 j2 · · · gi j Mj1 j2 ...j .
29
Tenseurs. Produit tensoriel
Illustration. Consid´erons deux vecteurs x, y, de composantes xi , yi , sur lesquels agit le groupe matriciel G (correspondant, par exemple, a` un changement de rep`ere). Soit M une matrice N ×N de composantes Mij et consid´erons la forme bilin´eaire M(x, y) =
Mij xi yj ,
x, y ∈ RN ou CN .
i,j
On cherche la transformation M → M telle que dans une transformation lin´eaire agissant sur les vecteurs x, y, engendr´ee par une matrice g de composantes gij appartenant au groupe G, la forme quadratique M(x, y) reste invariante : M(x, y) = M (x , y ) ≡ Mij x i yj . i,j
Substituant, on trouve Mij =
T gki glj Mkl ⇔ M = gT M g ⇔ M = g−1 Mg−1 .
(4.8)
k,l
Cette relation d´efinit une transformation lin´eaire dans l’espace vectoriel de dimension N 2 des composantes des matrices r´eelles N × N . Introduisant la repr´esentation (4.1), ˜ ≡ G−1 T , G → G on peut r´ecrire la transformation Mij =
g˜ik g˜jl Mkl .
k,l
Pour insister sur l’aspect tensoriel, on peut introduire la notation symbolique ⊗ appel´ee produit tensoriel pour cette transformation : ˜ )M . M = (˜ g⊗g ˜⊗g ˜ engendre une repr´esentation de dimension N 2 du L’application g → g ˜ groupe G. La matrice Mij , du point de vue des transformations du groupe G, est un tenseur de rang 2. M´ecanique quantique. En m´ecanique quantique, si la repr´esentation fondamentale d’un groupe d´ecrit les propri´et´es de transformation des ´etats de la particule unique, les ´etats a` n particules se transforment comme des tenseurs de rang n.
30
Chapitre 4 : Groupes de matrice et alg`ebres : g´en´eralit´es
4.7 Repr´ esentations r´ eductibles et irr´ eductibles La notion de r´eduction d’une repr´esentation g´en´eralise aux groupes de matrices la notion habituelle de diagonalisation d’une matrice. Consid´erons un groupe de transformations lin´eaires agissant sur un espace vectoriel V de dimension N . Ce groupe a une repr´esentation R(G) qui est un groupe de matrices N × N . S’il existe un sous-espace V de V (V = V) invariant par toutes les transformations du groupe G : ∀g ∈ G , ∀v ∈ V ⇒ gv ∈ V , la repr´esentation R(G) est dite r´eductible. Dans ce cas, en choisissant une base dans V , on obtient par la construction pr´ec´edente une autre repr´esentation R (G) qui est un groupe de matrices de dimension N × N avec N < N . Dans le cas contraire, s’il n’existe aucun sous-espace invariant la repr´esentation est dite irr´eductible. Si la repr´esentation initiale est r´eductible, et s’il est possible d’´ecrire l’espace vectoriel V comme une somme directe d’espaces vectoriels : V = V1 ⊕ V 2 ⊕ · · · , correspondant tous a` des repr´esentations irr´eductibles (une condition qui g´en´eralise la notion de matrice diagonalisable), la repr´esentation initiale est r´eduite en une somme de repr´esentations irr´eductibles. Notons que de mˆeme qu’il existe des matrices non diagonalisables, une repr´esentation peut admettre un sous-espace invariant sans ˆetre d´ecomposable en repr´esentations irr´eductibles. Notons enfin que si une repr´esentation est irr´eductible pour un sous-groupe, elle est irr´eductible pour le groupe tout entier. R´eciproquement, si une repr´esentation est r´eductible pour un groupe, elle est r´eductible pour tout sous-groupe. Enfin, les repr´esentations engendr´ees par produit tensoriel sont en g´en´eral r´eductibles.
Chapitre 5 Groupes de Lie : rotations et r´ eflexions du plan
Le groupe des rotations–r´eflexions du plan fournit un exemple simple de groupe matriciel continu, ou groupe de Lie. Combin´e avec le groupe des translations (ce n’est pas un produit de groupes), il engendre le groupe affine des isom´etries du plan, c’est-`a-dire des transformations affines du plan qui ne changent pas les longueurs.
5.1 Les groupes O(2) et SO(2) Le groupe O(2) des matrices r´eelles orthogonales 2×2 est d´efini par la condition gT g = 1 ,
(5.1)
(gT est la matrice g transpos´ee). Cette condition implique qu’un ´el´ement du groupe agissant sur un vecteur conserve sa norme. En effet, soient v un vecteur dans R2 et g ∈ O(2), alors |gv|2 = (gv)T gv = vT gT gv = vT v = |v|2 . R´eciproquement, on v´erifie que la condition de conservation de la norme implique l’´equation (5.1). Par ailleurs, prenant le d´eterminant des deux membres de l’´equation (5.1), on obtient det gT det g = (det g)2 = 1 ⇒ det g = ±1 . Param´etrant les ´el´ements du groupe et exprimant la condition (5.1), on trouve g=
a c
b d
⇒ a2 + b2 = 1 , c2 + d2 = 1 , ac + bd = 0 .
Ces ´equations peuvent ˆetre r´esolues en introduisant un angle θ et un signe = ±1 tels que a = cos θ , b = − sin θ ⇒ c = sin θ , d = cos θ . On note alors que det g = .
32
Chapitre 5 : Groupes de Lie : rotations et r´eflexions du plan
Le groupe SO(2). Comme nous l’avons montr´e de fa¸con g´en´erale en section 4.3, les matrices de d´eterminant 1 forment un groupe, not´e SO(2), sousgroupe (distingu´e) du groupe O(2). En effet, si g1 et g2 sont deux ´el´ements de d´eterminant 1, det g1 = 1 et det g2 = 1 ⇒ det(g1 g2 ) = det g1 det g2 = 1 . Le groupe SO(2) est donc le groupe des matrices r´eelles orthogonales 2 × 2 de d´eterminant unit´e d´efini par les conditions gT g = 1 , et det g = 1 ⇒ = 1 . Les ´el´ements de SO(2) peuvent ˆetre param´etr´es sous la forme cos θ − sin θ g(θ) = . sin θ cos θ
(5.2)
(5.3)
Appliquant g(θ) au vecteur v(ϕ) de composantes (cos ϕ, sin ϕ), on obtient g(θ)v(ϕ) = v(ϕ + θ), confirmant que la matrice g(θ) engendre une rotation d’angle θ dans le plan. La condition (5.2) implique que la transformation conserve l’´el´ement d’aire et, appliqu´ee `a un rep`ere cart´esien, conserve son orientation. Le groupe O(2). Tout le groupe O(2) peut alors ˆetre engendr´e en introduisant une r´eflexion sous la forme d’un ´el´ement de O(2) suppl´ementaire de d´eterminant −1, par exemple, 1 0 r= ⇒ rrT = r2 = 1 , det r = −1 , (5.4) 0 −1 dans lequel nous reconnaissons la matrice de Pauli σ3 (cf. les d´efinitions (6.12)). Il forme un sous-groupe discret de O(2) puisque r2 = 1. Agissant avec r sur le vecteur (cos ϕ, sin ϕ), on obtient (cos ϕ, − sin ϕ), et donc r correspond a` une r´eflexion par rapport a` l’axe ϕ = 0. Un ´el´ement quelconque de O(2) soit appartient `a SO(2), soit det g = −1 ⇒ det(gr) = det g det r = 1 , et donc son produit par r appartient a` SO(2). Tout ´el´ement h(θ) de O(2) qui n’appartient pas `a SO(2) peut donc s’´ecrire cos θ sin θ h(θ) = g(θ)r = . sin θ − cos θ Alors, h2 (θ) = [g(θ)r]2 = g(θ)g(−θ) = 1 ,
h(θ)g(ϕ)h(θ) = g(−ϕ).
(5.5)
Le groupe SO(2)
33
Puisque h2 (θ) = 1, det h(θ) = −1, c’est aussi une r´eflexion. Notons par ailleurs que rg(θ)r = g(−θ) = g(θ)r2 . (5.6) Donc le groupe O(2), aussi appel´e groupe des rotations–r´eflexions, `a la diff´erence de SO(2), n’est pas ab´elien. Le centre de O(2). Le centre du groupe O(2) est form´e de tous les ´el´ements qui commutent avec tous les ´el´ements du groupe. Ils doivent en particulier commuter avec τ et r, et donc toutes les matrices 2 × 2. Cette condition n’est satisfaite que par les ´el´ements de O(2) proportionnels `a la matrice unit´e, et donc par les matrices ±1, qui forment un sous-groupe Z2 . L’ensemble quotient O(2)/Z2 est donc un groupe, le groupe des rotations–r´eflexions d’angle 2θ.
5.2 Le groupe SO(2) Nous utilisons maintenant la param´etrisation (5.3) des ´el´ements de SO(2). Multipliant deux ´el´ements du groupe, on v´erifie g(θ1 )g(θ2 ) = g(θ1 + θ2 ) = g(θ2 )g(θ1 ).
(5.7)
Le groupe SO(2) est donc un groupe ab´elien (c’est-` a-dire commutatif), iso´ (3.9)) et donc ´egalement au groupe R/2πZ des morphe au groupe U (1) (Eq. ´ (3.3)). translations sur le cercle (Eq. L’´el´ement g(θ) de SO(2), d´efini par l’expression (5.3), peut aussi s’´ecrire g(θ) = 1 cos θ + τ sin θ ,
(5.8)
o` u la matrice r´eelle antisym´etrique τ , qui est le g´en´erateur du groupe SO(2), ´ est proportionnelle `a la matrice de Pauli σ2 (Eqs. (6.12)), 0 −1 , τ T = −τ , tr τ = 0 , τ 2 = −1 . (5.9) τ = −iσ2 = 1 0 L’expression (5.8) prend encore une autre forme, qui peut ˆetre v´erifi´ee en d´eveloppant en puissances de θ, g(θ) = eθτ ≡
∞ θk k=0
k!
τk ,
(5.10)
et en utilisant τ 2 = −1. Le d´eveloppement en puissances de θ d´efinit l’exponentielle d’une matrice. La somme est convergente au sens de la norme usuelle des ´ (4.5)). matrices (cf. Eq. Enfin, notons que g(−θ), la rotation d’angle −θ, engendre un groupe isomorphe au groupe SO(2). Mais, comme cons´equence de la relation (5.6), rg(θ)r = g(−θ), les deux groupes sont ´equivalents.
34
Chapitre 5 : Groupes de Lie : rotations et r´eflexions du plan
G´en´erateur et exponentiation. On peut prendre comme distance entre deux ´el´ements de SO(2) le minimum de |θ1 − θ2 |. Avec cette distance, un ´el´ement g(θ) de SO(2) tend vers l’identit´e quand θ → 0. Pour θ → 0, l’expression (5.10) au premier ordre en θ se r´eduit a` g(θ) = 1 + θτ + O(θ2 ).
(5.11)
Notons qu’en cons´equence de la relation g(θ)gT (θ) = 1, au premier ordre, on trouve directement g(θ)gT (θ) = 1 ⇒ τ + τ T = 0 , une condition satisfaite par la matrice d´efinie dans l’´equation (5.9). Enfin, le d´eveloppement au premier ordre (5.11) et la propri´et´e de groupe conduisent `a une propri´et´e d’exponentiation. En effet, un ´el´ement quelconque du groupe peut ˆetre obtenu par n
g(θ) = lim (1 + θτ /n) = eθτ , n→∞
(5.12)
un r´esultat qui explique la forme exponentielle de l’expression explicite (5.10). La matrice τ est le g´en´erateur unique d’une alg`ebre a` laquelle appartiennent tous les ´el´ements du groupe. On v´erifie qu’elle a comme valeurs propres ±i. Notons ici que tous les ´el´ements d’un groupe de Lie ne peuvent pas n´ecessairement ˆetre engendr´es par exponentiation. Dans le cas du groupe orthogonal O(2), seul le sous-groupe SO(2) peut ˆetre obtenu par exponentiation. En effet, par continuit´e, tous les ´el´ements du voisinage de l’identit´e ont pour d´eterminant 1, et donc aussi tous leurs produits. Nous d´esignerons, en g´en´eral, les ´el´ements d’un groupe qui peuvent ˆetre obtenus par exponentiation comme les ´el´ements connexes `a l’identit´e. Ils forment un groupe. C’est pourquoi, pour engendrer tout le groupe O(2), il faut ajouter un ´el´ement qui est une r´eflexion, et qui engendre un sous-groupe discret de O(2). Alg`ebre enveloppante. L’alg`ebre engendr´ee par les g´en´erateurs d’un groupe et l’identit´e est appel´ee alg`ebre enveloppante. Cette notion diff`ere de l’alg`ebre de Lie du groupe, que nous d´efinirons au chapitre 6. Dans le cas du groupe SO(2), le seul g´en´erateur est τ , et les ´el´ements de l’alg`ebre sont de la forme a −b a + bτ = , avec a, b r´eels . b a Tous les ´el´ements de cet alg`ebre sont inversibles sauf a = b = 0. En fait, cet ensemble est isomorphe au corps des nombres complexes de la forme a + ib ou a − ib. Dans le cas du groupe O(2), l’alg`ebre correspond a` toutes les matrices 2 × 2 r´eelles. Repr´esentations irr´eductibles et ´el´ement de Casimir. La repr´esentation de SO(2) est irr´eductible. En effet, si elle pouvait ˆetre r´eduite, la matrice (5.3), et
35
Repr´esentations : formes bilin´eaires et tenseurs
donc la matrice (5.9), devraient pouvoir ˆetre diagonalis´ees par un changement de base r´eel et ind´ependant de θ. Or les valeurs propres et les vecteurs propres de la matrice τ et donc des matrices (5.3), sont complexes. Pour les groupes que nous ´etudierons, nous montrerons qu’il existe des ´el´ements de l’alg`ebre enveloppante C qui commutent avec tous les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie, et qui sont proportionnels `a l’identit´e dans chaque repr´esentation irr´eductible. Pour le groupe SO(2), l’alg`ebre de Lie se r´eduit au seul g´en´erateur τ . On peut donc choisir comme ´el´ement de Casimir la matrice C = −τ 2 = c1 , et dans la repr´esentation de d´efinition c = 1. Remarque. La propri´et´e que tout le groupe peut ˆetre engendr´e par les ´el´ements voisins de l’identit´e est tr`es importante. En effet, elle montre que les implications de l’invariance d’une quantit´e ou plus g´en´eralement ses propri´et´es de transformation par un groupe peuvent souvent ˆetre ´etudi´ees en ne faisant que des transformations infinit´esimales qui sont d´ecrites en terme des g´en´erateurs du groupe (de l’alg`ebre de Lie en g´en´eral). En particulier, cela joue un rˆ ole dans le cas de la r´eduction des repr´esentations en repr´esentations irr´eductibles.
5.3 Repr´ esentations : formes bilin´ eaires et tenseurs Nous nous int´eressons maintenant aux propri´et´es de transformation de polynˆ omes dans les composantes de vecteurs sur lesquels agissent une repr´esentation d’un groupe. C’est un probl`eme que nous avons d´ej`a ´etudi´e dans le cas du groupe U (1). Comme les transformations sont lin´eaires, le degr´e des polynˆ omes est invariant. On peut donc se limiter aux polynˆ omes homog`enes. Par ailleurs, les polynˆ omes homog`enes de degr´e n peuvent ˆetre consid´er´es comme des restrictions de formes multilin´eaires de n vecteurs dont il suffit donc d’´etudier les propri´et´es de transformation. Transformations de formes bilin´eaires et tenseurs. Nous illustrons ce sujet avec l’exemple de formes bilin´eaires dans deux vecteurs x, y, de composantes xi , yi , sur lesquels agissent les groupes SO(2) et O(2). Soit M, une matrice r´eelle 2 × 2 de composantes Mij et consid´erons, dans un rep`ere donn´e, la forme bilin´eaire r´eelle M(x, y) = Mij xi yj , x, y ∈ R2 . (5.13) i,j
On cherche la transformation M → M telle que dans un changement de rep`ere dans le plan engendr´e par une matrice orthogonale g de composantes gij , gij xj , yi = gij yj , x → x , y → y , avec xi = j
j
la forme quadratique M(x, y) reste invariante : M(x, y) = M (x , y ) ≡ Mij x i yj . i,j
36
Chapitre 5 : Groupes de Lie : rotations et r´eflexions du plan
Substituant (et utilisant gT g = 1), on trouve Mij =
gki glj Mkl ⇔ M = gT M g ⇔ M = gMgT .
(5.14)
k,l
Cette relation d´efinit une transformation lin´eaire dans l’espace vectoriel de dimension 4 des composantes des matrices r´eelles 2 × 2. Pour insister sur l’aspect tensoriel, on peut introduire une notation symbolique ⊗ appel´ee produit tensoriel pour noter cette transformation : Mij =
gik gjl Mkl
est ´equivalent a`
M = (g ⊗ g) M .
k,l
On v´erifie que pour deux transformations successives, M = (g1 ⊗ g1 ) M ,
M = (g2 ⊗ g2 ) M ,
le r´esultat est M = (g2 g1 ⊗ g2 g1 ) M . L’application g → g ⊗ g est donc une repr´esentation de dimension 4 du groupe O(2). La matrice Mij , du point de vue des transformations du groupe O(2), est un tenseur de rang 2 alors que les vecteurs x et y, qui se transforment par la repr´esentation initiale de O(2), sont des tenseurs de rang 1. G´en´eralisation. On peut g´en´eraliser cette notion de produit tensoriel a` des tenseurs de rang . On consid`ere l’espace vectoriel d’´el´ements not´es Mi1 i2 ...i et la repr´esentation O(2) ⊗ O(2) ⊗ · · · ⊗ O(2) du groupe O(2), qui agit sur le vecteur M de composantes Mi1 i2 ...i par Mi1 i2 ...i =
gi1 j1 gi2 j2 · · · gi j Mj1 j2 ...j ⇔ M = (g ⊗ g ⊗ · · · ⊗ g)M .
j1 ,j2 ,...,j
Notons qu’avec cette d´efinition, le produit tensoriel est distributif par rapport `a l’alg`ebre de matrices. Repr´esentation du g´en´erateur. Dans l’exemple des tenseurs de rang 2, d´eveloppons le produit tensoriel au voisinage de l’identit´e : g ⊗ g = 1 ⊗ 1 + θ (1 ⊗ τ + τ ⊗ 1) + O(θ2 ). Donc, dans la repr´esentation de rang 2, la repr´esentation du g´en´erateur de SO(2) est 1 ⊗ τ + τ ⊗ 1.
37
D´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles
5.4 D´ ecomposition en repr´ esentations irr´ eductibles D´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles : le groupe SO(2). Soulignons un point important : mˆeme si, par commodit´e, nous utilisons la notation matricielle pour des tenseurs de rang 2, c’est l’aspect tenseur et donc espace vectoriel de matrices qui est important. Pour illustrer ce point, nous exprimons la matrice M de composantes Mij , comme un vecteur a` quatre composantes (M11 , M12 , M21 , M22 ). La transformation correspondant a` g = g(θ) d´efinie par l’´equation (5.3), prend la forme de la matrice 4 × 4 : ⎛
⎞ ⎛ ⎞ M11 M11 ⎜ M12 ⎟ ⎜ M12 ⎟ ⎝ ⎠ = R(g) ⎝ ⎠, M21 M21 M22 M22 o` u la matrice R(g) = g ⊗ g prend la forme ⎛
cos2 θ ⎜ cos θ sin θ R(g) = ⎝ cos θ sin θ sin2 θ
− cos θ sin θ cos2 θ − sin2 θ cos θ sin θ
− cos θ sin θ − sin2 θ cos2 θ cos θ sin θ
⎞ sin2 θ − cos θ sin θ ⎟ ⎠. − cos θ sin θ cos2 θ
(5.15)
Dans la mˆeme base, la repr´esentation R(τ ) de τ , obtenue par le coefficient d’ordre θ, est donn´ee par ⎛
0 ⎜1 R(τ ) = ⎝ 1 0
−1 −1 0 0 0 0 1 1
⎞ 0 −1 ⎟ ⎠. −1 0
(5.16)
R´eduction de la repr´esentation de rang 2. Une question se pose maintenant, cette repr´esentation de SO(2) est-elle irr´eductible ? Pour investiguer cette question, il est techniquement commode d’exprimer M comme une matrice 2 × 2, mais en prenant en compte que c’est l’aspect espace vectoriel de matrices qui est important ici. Toute matrice 2 × 2 peut ˆetre exprim´ee de fa¸con unique comme la somme d’une matrice antisym´etrique A, d’une matrice sym´etrique S de trace nulle, et d’un multiple de la matrice unit´e 1 : M = A + S + ( 12 tr M)1 , avec A = 12 (M − MT ),
S = 12 (M + MT ) − 12 1 tr M .
Nous avons d´ecompos´e l’espace vectoriel de dimension 4 des matrices r´eelles 2 × 2 dans la somme de deux espaces de dimension 1 et un espace de dimension 2. Cette d´ecomposition peut ˆetre param´etr´ee en terme de quatre coefficients r´eels a0 , a1 , a2 , a3 sous la forme 1 0 0 1 + a2 , ai ∈ R , (5.17) a0 = 12 tr M , A = a3 τ , S = a1 0 −1 1 0
38
Chapitre 5 : Groupes de Lie : rotations et r´eflexions du plan
et donc M=
a2 − a3 a0 − a1
a0 + a1 a2 + a3
.
(5.18)
La forme bilin´eaire (5.13) s’´ecrit alors M(x, y) = a0 (x1 y1 +x2 y2 )+a1 (x1 y1 −x2 y2 )+a2 (x1 y2 +x2 y1 )+a3 (x1 y2 −x2 y1 ). Pour r´eduire la repr´esentation (5.14), il suffit de r´eduire la repr´esentation du g´en´erateur de SO(2). En effet, posant g = 1 + θτ + O(θ2 ), on trouve M = gMgT ⇒ M − M = θ[τ , M] + O(θ2 ). Il suffit donc d’´etudier la variation T = [τ , M].
Posant T=
t2 − t3 t0 − t1
t 0 + t1 t2 + t 3
on trouve t0 = 0 ,
t3 = 0 ,
t1 t2
,
= 2τ
a1 a2
(5.19)
et donc, dans cette nouvelle base, ⎛
0 ⎜0 R τ = 2⎝ 0 0
0 0 0 −1 1 0 0 0
⎞ 0 0⎟ ⎠. 0 0
(5.20)
La matrice a deux valeurs propres nulles correspondant `a des quantit´es invariantes et un bloc de dimension 2 correspondant a` la matrice 2τ . La param´etrisation (5.18) a diagonalis´e simultan´ement toutes les matrices (5.15) par blocs. Les trois sous-espaces propres correspondent maintenant `a des repr´esentations irr´eductibles du groupe SO(2). La repr´esentation de l’´el´ement de Casimir est R C = −R2 τ . L’interpr´etation de ce r´esultat est : (i) la composante a0 est invariante par toutes les transformations orthogonales de la repr´esentation de SO(2). Elle correspond a` la matrice unit´e, 1 = g 1 gT , et au produit scalaire des deux vecteurs : x · y = x 1 y1 + x 2 y2 .
39
D´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles
De plus,
R C = 0.
(ii) La composante a3 est invariante (si M est antisym´etrique, M est aussi antisym´etrique). Elle peut ˆetre interpr´et´ee comme la composante x 1 y2 − x 2 y1 , du produit vectoriel x ∧ y sur l’axe perpendiculaire au plan. De nouveau, R C = 0. (iii) Le vecteur (a1 , a2 ) se transforme par une repr´esentation irr´eductible `a deux dimensions du groupe SO(2). Il correspond a` des tenseurs M sym´etriques et de trace nulle. Mais comme l’expression (5.20) le montre, cette repr´esentation n’est pas isomorphe `a la repr´esentation de d´efinition car elle correspond `a une rotation d’angle 2θ, et donc une rotation d’angle π est repr´esent´ee par l’identit´e. L’´el´ement de Casimir devient R C = C2 1 , avec C2 = 4 . Nous avons v´erifi´e que la repr´esentation de l’´el´ement de Casimir est proportionnelle `a l’identit´e dans chaque repr´esentation. De plus, sa valeur est caract´eristique de la repr´esentation de SO(2). L’exponentiation de l’expression (5.20) donne ⎛
⎛ ⎞ ⎞ ⎛ a0 a0 1 ⎜ a1 ⎟ ⎜ a1 ⎟ ⎜0 ⎝ ⎠ = R g ⎝ ⎠ , avec R g = ⎝ 0 a2 a2 0 a3 a3
0 cos 2θ sin 2θ 0
0 − sin 2θ cos 2θ 0
⎞ 0 0⎟ ⎠. 0 1
(5.21)
Groupe O(2). La transformation (5.14) est invariante par le centre de O(2), qui correspond aux matrices ±1. Elle correspond donc `a la repr´esentation O(2) ⊗ O(2)/Z2 . Pour engendrer la repr´esentation du groupe O(2), il faut aussi d´eterminer la repr´esentation d’une r´eflexion, par exemple correspondant a` la ´ matrice r (cf. Eqs. (5.4)). Dans la repr´esentation (5.21), la r´eflexion r est repr´esent´ee par une matrice diagonale d’´el´ements diagonaux (1, 1, −1, −1). Utilisant la param´etrisation (5.18), on trouve a 0 + a1 a2 − a3 a0 + a1 −a2 + a3 r r= . a2 + a3 a0 − a1 −a2 − a3 a0 − a1 La transformation est interne a` chacune des composantes irr´eductibles. La composante a0 est toujours invariante et est appel´ee composante scalaire. La composante a3 change de signe et est appel´ee pseudo-scalaire. Enfin, pour les deux composantes a1 et a2 , r est de nouveau repr´esent´e par r, c’est-`a-dire par une r´eflexion.
40
Chapitre 5 : Groupes de Lie : rotations et r´eflexions du plan
5.5 Repr´ esentations des groupes U (1) et SO(2) Nous avons not´e en section 3.2 que le groupe SO(2) est isomorphe `a une repr´esentation du groupe U (1). Nous pouvons donc d´eduire les repr´esentations irr´eductibles de SO(2) des repr´esentations irr´eductibles de U (1). Ces derni`eres correspondent aux monˆomes complexes de la forme (3.7). En terme de coordonn´ees r´eelles du plan, za = xa + iya , ces produits sont des combinaisons lin´eaires des produits de composantes de (xa , ya ). Tenseurs de rang 2 et repr´esentations irr´eductibles. Les produits z1 z2∗ , z1∗ z2 sont invariants. Ils sont ´echang´es par la conjugaison complexe qui repr´esente la r´eflexion d’espace. En terme de coordonn´ees r´eelles, ils correspondent a` z1 z2∗ = x1 x2 + y1 y2 + i(y1 x2 − y2 x1 ),
z1∗ z2 = x1 x2 + y1 y2 − i(y1 x2 − y2 x1 ).
On reconnaˆıt dans la partie r´eelle le produit scalaire, et dans la partie imaginaire un terme pseudo-scalaire, composante sur l’axe perpendiculaire au plan du produit vectoriel (x1 , y1 ) ∧ (x2 , y2 ) : x 1 x 2 + y1 y2 =
1 (z1 z2∗ + z1∗ z2 ), 2
y 1 x 2 − y2 x 1 =
1 ∗ (z z2 − z1 z2∗ ). 2i 1
La derni`ere repr´esentation de SO(2) est obtenue en associant deux repr´esentations conjugu´ees complexes de U (1). En terme de coordonn´ees r´eelles, + z1∗ z2∗ ) = x1 x2 − y1 y2 = (x1 , y1 )σ3 (x2 , y2 ), − 12 i(z1 z2 − z1∗ z2∗ ) = (x1 y2 + x2 y1 ) = (x1 , y1 )σ1 (x2 , y2 ). 1 2 (z1 z2
Ces deux composantes se comportent comme les ´el´ements d’une matrice 2 × 2 ´ (5.17)), ou comme des composantes d’un sym´etrique de trace nulle (cf. Eq. vecteur, except´e que ce vecteur tourne d’un angle 2θ dans une rotation d’angle ´ (5.20)). Cette repr´esentation de SO(2) n’est pas isomorphe a` la repr´esenθ (Eq. tation de d´efinition puisque `a deux ´el´ements de SO(2) qui diff`erent d’un angle π correspondent le mˆeme ´el´ement de la nouvelle repr´esentation. G´en´eralisation. Par exemple, consid´erons les tenseurs de rang 3. Dans la d´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles, la nouvelle repr´esentation irr´eductible correspond aux produits z1 z2 z3 et z1∗ z2∗ z3∗ . En effet, dans une transformation de U (1), z1 z2 z3 → e3iθ z1 z2 z3 , et z1∗ z2∗ z3∗ → e−3iθ z1∗ z2∗ z3∗ . Cette repr´esentation n’est pas isomorphe aux repr´esentations irr´eductibles de rang inf´erieur puisque une rotation d’angle θ est repr´esent´ee par une rotation d’angle 3θ. Les trois autres produits z1 z2 z3∗ , z2 z3 z1∗ et z3 z1 z2∗ , et les produits conjugu´es complexes, se transforment par e±iθ , comme la repr´esentation fondamentale. Groupes U (1) et O(2). Pour obtenir un groupe isomorphe au groupe O(2), il faut repr´esenter les r´eflexions. Ce ne peut pas ˆetre une op´eration interne
Repr´esentation complexe de O(2)
41
au groupe U (1). Dans la repr´esentation du plan par des nombres complexes, la r´eflexion r des relations (5.5) peut ˆetre repr´esent´ee par une transformation antilin´eaire, la conjugaison complexe z → z ∗ . Cette transformation laisse zz ∗ invariant. Son carr´e est l’identit´e, et par ailleurs iθ ∗ ∗ e z = e−iθ z . La conjugaison complexe satisfait donc la relation (5.5) et du point des matrices r´eelles correspond au choix r = σ3 .
5.6 Repr´ esentation complexe de O(2) Toute matrice U telle que
U† U = 1 ,
est appel´ee matrice unitaire. Elle conserve la longueur des vecteurs complexes : v2 = v† · v = |v1 |2 + |v2 |2 ,
Uv2 = v† U† Uv = v2 .
On appelle U (2) le groupe des matrices unitaires 2×2. Une matrice orthogonale est une matrice unitaire r´eelle. Donc O(2) est un sous-groupe de U (2). Le groupe SU (2) est le sous-groupe de U (2) correspondant aux matrices unitaires de d´eterminant 1. Donc le groupe SO(2) est un sous-groupe du groupe SU (2). Dans l’espace complexe, une matrice de SO(2) peut ˆetre diagonalis´ee par une transformation unitaire. Comme g(θ) s’exprime uniquement en fonction de τ , il suffit de diagonaliser τ . Ceci peut ˆetre r´ealis´e en utilisant la matrice unitaire 1 1 i u= √ ⇒ uu† = 1 . (5.22) 2 i 1 En effet, †
u (cos θ + τ sin θ) u =
eiθ 0
0
e−iθ
.
(5.23)
Toutes les matrices du groupe ont pu ˆetre diagonalis´ees simultan´ement par la mˆeme transformation. Par cons´equent, la repr´esentation complexe de SO(2) est r´eductible. Cela signifie que l’espace des vecteurs complexes a` deux dimensions se d´ecompose en deux sous-espaces invariants par tous les ´el´ements du groupe SO(2), ce qui se traduit par g(θ)(z1 , 0) = eiθ (z1 , 0),
g(θ)(0, z2 ) = e−iθ (0, z2 ).
On reconnaˆıt que la repr´esentation initiale de SO(2) correspond a` la repr´esentation `a deux dimensions U (1) ⊗ U ∗ (1) du groupe U (1). Par contre, pour engendrer le groupe O(2), il faut rajouter une r´eflexion, par exemple la matrice r, dans la base initiale qui, apr`es la transformation (5.23), devient uru† = 2iτ .
42
Chapitre 5 : Groupes de Lie : rotations et r´eflexions du plan
La matrice τ n’est pas diagonale. L’espace C2 ne se d´ecompose donc plus : la repr´esentation complexe de O(2) est irr´eductible. Par ailleurs, −τ
eiθ 0
0
e−iθ
τ =
e−iθ 0
0 eiθ
,
ce qui ´echange les deux repr´esentations et ´equivaut a` une conjugaison complexe.
5.7 M´ ecanique quantique et repr´ esentations de dimension infinie Action sur des espaces de fonctions. La m´ecanique quantique [4] n´ecessite de d´efinir aussi l’action de groupes sur des espaces vectoriels de fonctions complexes (les fonctions d’onde) de carr´e sommable (c’est-`a-dire appartenant `a un espace de Hilbert). Cela correspond a` des repr´esentations sur des espaces vectoriels norm´es de dimension infinie. Nous supposons ci-dessous que ces fonctions de plus sont infiniment diff´erentiables. Les fonctions d’onde peuvent aussi se transformer de fa¸con non triviale par le groupe, mais nous nous limitons ici au cas le plus simple de fonctions invariantes, dont seuls les arguments se transforment. Rotations. Soit un espace vectoriel de fonctions f (θ) p´eriodiques sur [0, 2π] (donc d´efinies sur un cercle) de carr´e sommable. Nous supposons que l’´el´ement du groupe SO(2) est un op´erateur de translation sur le cercle, c’est-`a-dire, g(θ)f (θ ) = f (θ + θ ).
(5.24)
Comme extension de la d´efinition donn´ee dans l’´equation (2.3), cette repr´esentation peut ˆetre consid´er´ee comme la repr´esentation r´eguli`ere du groupe SO(2) puisque a` tout vecteur est associ´e un ´el´ement du groupe et le transform´e du vecteur correspond au produit des ´el´ements du groupe. Cette repr´esentation de dimension infinie est r´eductible. Le g´en´erateur du groupe des rotations, la matrice τ , est repr´esent´e par l’op´erateur diff´erentiel (cf. chapitre 10) T=
d . dθ
Comme l’´equation (3.4) le montre, les repr´esentations irr´eductibles peuvent ˆetre class´ees suivant les valeurs propres de cet op´erateur. Ici, cela correspond a` f (θ) = iλf (θ) ⇒ f (θ) = eiλθ . Comme f (θ) est une fonction p´eriodique de p´eriode 2π, on en d´eduit λ = avec ∈ Z. On retrouve les valeurs propres (3.4). Les vecteurs propres f (θ) sont de la forme f (θ) = eiθ .
M´ecanique quantique et repr´esentations de dimension infinie
43
Toute fonction p´eriodique de carr´e sommable peut ˆetre d´evelopp´ee sur cette ´ (3.5)), base. Dans la version complexe (Eq. f (θ) =
+∞
f eiθ , avec
=−∞
|f |2 < ∞ .
Dans le cadre de la m´ecanique quantique, l’op´erateur T est proportionnel a` l’op´erateur moment cin´etique L : L=
1 T, i
o` u est la constante de Planck. L’action de T sur une des fonctions de base est T eiθ = i eiθ ⇒ L eiθ = eiθ . Par un effet purement quantique, les valeurs du moment cin´etique sont quantifi´ees. La repr´esentation de rang correspond au moment cin´etique . Mesure invariante par le groupe SO(2). Consid´erons une fonction p´eriodique continue f (θ) et l’int´egrale I(f ) =
1 2π
2π
dθ f (θ). 0
On dit que la mesure dθ est une mesure invariante par le groupe SO(2). En effet, remarquons qu’au param`etre θ nous pouvons associer un ´el´ement g(θ) du ´ (5.24)). groupe SO(2). Agissons sur la fonction f par un ´el´ement fixe g(θ0 ) (Eq. Alors, 2π 2π 1 1 g(θ0 ) dθ f (θ) = dθ f (θ + θ0 ) = I(f ), 2π 0 2π 0 apr`es le changement de variables θ + θ0 → θ. Cette int´egration peut aussi s’interpr´eter comme une projection de la fonction f sur les fonctions invariantes par le groupe.
Exercices Exercice 5.1 Montrer que les matrices
M(x) =
1 0
x 1
avec x r´eel quelconque, forment un groupe. Citer un groupe isomorphe. Montrer que ce groupe admet un sous-espace invariant. La repr´esentation est-elle d´ecomposable en somme de repr´esentations irr´eductibles ? Exercice 5.2 Montrer qu’une transformation lin´eaire de l’espace a` deux dimensions qui pr´eserve la norme des vecteurs correspond a` une matrice orthogonale. Exercice 5.3 V´erifier que toute matrice de SO(2) peut s’´ecrire sous la forme (5.10). Exercice 5.4 Montrer que le groupe des rotations d’angle 2πp/N , p, N entiers (isomorphe a` ZN ) est un sous-groupe distingu´e de O(2). Que peux-t-on dire de O(2)/ZN ? Exercice 5.5 Retour sur le groupe des permutations de trois objets. Montrer maintenant que le groupe S3 est isomorphe a` un sous-groupe de O(2) (mais non de SO(2)). ´ (5.4)) Pour cela, on consid`ere les deux matrices (r est d´efini par l’Eq. a = r,
b = r e(2π/3)τ ≡ rg(2π/3).
On v´erifiera que les relations fondamentales (2.4) et (2.5) sont satisfaites et qu’il existe une transformation qui permet de passer des matrices dans cette repr´esentation aux matrices (2.6). Le sous-groupe de S3 qui appartient `a SO(2) est le sous-groupe Z3 c’est-`a-dire les rotations d’angle 2π/3.O(2). Exercice 5.6 Le groupe du carr´e. Le groupe du carr´e est un autre sous-groupe de O(2). Il est compos´e de rotations de π/2 et de r´eflexions par rapport aux axes. Il a huit ´el´ements. On v´erifiera qu’on peut choisir comme g´en´erateurs les deux matrices ´ de Pauli (d´efinies par les Eqs. (6.12)) σ1 et −σ3 , que les quatre ´el´ements de SO(2) sont alors 1 , −iσ2 , −1 , iσ2 , et les quatre autres ´el´ements sont obtenus en multipliant par σ3 sont σ3 ,
−σ1 ,
−σ3 ,
σ1 .
Exercice 5.7 ´ (5.4)) engendre un sous-groupe de O(2). Ce La matrice de r´eflexion r (Eq. sous-groupe est-il distingu´e ?
Chapitre 6 Alg` ebres et groupes de Lie
Facteurs ab´eliens. Nous excluons dans ce qui suit les groupes avec facteurs ab´eliens, ou les alg`ebres de Lie o` u un g´en´erateur commute avec tous les autres (une restriction `a des alg`ebres de Lie simples ou semi-simples, cf. fin de la section 6.1) parce que, d’une part les groupes ab´eliens peuvent ˆetre trait´es a` part, et d’autre part, pour diff´erents aspects, ils nous obligeraient `a des pr´ecautions de langage suppl´ementaires. Alg`ebres de Lie. Les alg`ebres de Lie jouent un rˆ ole tr`es important dans l’´etude des groupes de Lie, puisqu’elles caract´erisent enti`erement les ´el´ements du groupe de Lie connect´es de fa¸con continue a` l’identit´e, et donc le groupe a` des sous-groupes discrets pr`es. Cette propri´et´e sera illustr´ee par des exemples simples dans les chapitres suivants, en commen¸cant avec l’´etude des groupes O(3) et SU (2) dans les chapitres 7 et 8.
6.1 D´ efinition et propri´ et´ es g´ en´ erales Une alg`ebre de Lie A est une alg`ebre, espace vectoriel sur R, munie d’un produit (non associatif). Nous notons ici le produit de deux ´el´ements A et B de l’alg`ebre A ∧ B. Le produit de Lie a deux propri´et´es. Il est antisym´etrique, A ∧ B = −B ∧ A ,
(6.1)
et satisfait une identit´e importante, (A ∧ B) ∧ C + (B ∧ C) ∧ A + (C ∧ A) ∧ B = 0 ,
(6.2)
appel´ee identit´e de Jacobi. Dans une alg`ebre de matrices, espace vectoriel sur R, le commutateur de matrices est un produit de Lie : [A, B] ≡ A ∧ B. L’antisym´etrie est ´evidente et un peu d’alg`ebre permet de v´erifier l’identit´e de Jacobi : [[A, B], C] + [[B, C], A] + [[C, A], B] = 0 . (6.3)
46
Chapitre 6 : Alg`ebres et groupes de Lie
Dans la suite, nous ne consid`ererons que des alg`ebres de Lie matricielles. G´en´erateurs et constantes de structure. Soit {τα } un ensemble de g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie, et donc une base de l’alg`ebre consid´er´ee comme espace vectoriel matriciel. L’alg`ebre de Lie peut alors ˆetre enti`erement caract´eris´ee par la donn´ee des relations de commutation entre tous les g´en´erateurs de l’alg`ebre. Nous d´efinissons γ γ γ γ [τα , τβ ] = fαβ τγ avec fαβ ∈ R , ⇒ fαβ = −fβα . (6.4) γ γ , appel´ees constantes de structure, caract´erisent donc Les quantit´es r´eelles fαβ ´ l’alg`ebre de Lie. Etant des commutateurs, on v´erifie que, comme attendu, elles satisfont une identit´e de Jacobi. En effet, la relation (6.3) devient
[τα , [τβ , τγ ]] + [τβ , [τγ , τα ]] + [τγ , [τα , τβ ]] = 0 , et exprim´ee en terme de constantes de structure implique λ δ λ δ λ δ fβγ + fβδ fγα + fγδ fαβ = 0 . fαδ
(6.5)
δ
Alg`ebre de Lie et groupe de Lie. Les groupes de Lie matriciels sont des groupes ´ (4.2)) et donc une distance topologiques puisqu’on peut d´efinir une norme (Eq. entre deux ´el´ements du groupe. Dans une repr´esentation matricielle d’un groupe G de Lie compact, tout ´el´ement g connexe a` l’identit´e, diff´erent de l’identit´e et diff´erentiable, a` cause de la loi de groupe engendre un sous-groupe ab´elien qui ´ (5.8)) en fonction d’un param`etre r´eel t comme peut se param´etrer (cf. Eq. dg(t) 2 g(t) = 1 + tL + O(t ), avec L = . dt t=0 Alors, pour t fini, utilisant la loi de groupe, g(t) = lim (1 + tL/n)n = etL . n→∞
´ (5.8)). La matrice L engendre un sous-groupe ab´elien de G (cf. Eq. Soient g1 et g2 deux ´el´ements du groupe G correspondant a` g1 = etL1 , Alors,
g2 = etL2 .
d[g1 (t)g2 (t)] = L1 + L2 . dt t=0
et donc (L1 + L2 ) appartient a` une alg`ebre. Enfin, consid´erons le produit des ´el´ements du groupe h(t, u) = g1−1 (t)g2−1 (u)g1 (t)g2 (u) ∈ G .
47
D´efinition et propri´et´es g´en´erales
D´erivant par rapport `a t, on trouve ∂ h(t, u) = −L1 + g2−1 (u)L1 g2 (u) = u[L1 , L2 ] + O(u2 ). ∂t
(6.6)
t=0
Le commutateur [L1 , L2 ] appartient `a l’alg`ebre, qui est donc une alg`ebre de Lie. R´eciproque. Soient L1 et L2 deux ´el´ements d’une alg`ebre de Lie, alors eL1 eL2 = eL12 , o` u L12 est aussi un ´el´ement de l’alg`ebre de Lie donn´e par la formule de Baker– Campbell–Hausdorff en terme de commutateurs (cf. Sect. A1.1), L12 = L1 + L2 + 21 [L1 , L2 ] + · · · , et donc enti`erement d´etermin´e par les constantes de structure. Les exponentielles d’´el´ements de l’alg`ebre forment donc un groupe continu G puisque e0 = 1 et eL e−L = 1, ´egalement d´etermin´e par les constantes de ` cause de la loi de groupe structure. A n eL = lim eL/n ∼ lim (1 + L/n)n . n→∞
n→∞
Donc le groupe est d´etermin´e par ses ´el´ements dans une voisinage de l’identit´e. Un ´el´ement du groupe peut ˆetre exprim´e en terme des ´el´ements de l’alg`ebre de Lie. Les ´el´ements de l’alg`ebre peuvent ˆetre d´evelopp´es sur une base de g´en´erateurs {τα }, L= α τα avec α r´eels . (6.7) α
Alg`ebres de Lie simples et semi-simples. Une alg`ebre de Lie qui ne peut pas se d´ecomposer en une somme d’alg`ebres de Lie dont les ´el´ements commutent, et qui ne correspond pas a` un groupe ab´elien (ou commutatif), est appel´ee simple (par exemple, les alg`ebres de Lie des groupes SO(3), chapitre 7, ou SU (2) ´ (8.2))). Quand elle peut se d´ecomposer en une somme d’alg`ebres de (cf. Eq. Lie correspondant toutes a` des groupes non-ab´eliens, elle est appel´ee semisimple (par exemple, les alg`ebres de Lie des groupes SO(4) ou SU (2) × SU (2), (cf. Sect. 8.4)). Par contre, le groupe U (1) ´etant ab´elien, l’alg`ebre de Lie du groupe U (2) des matrices unitaires 2 × 2 qui se d´ecompose dans le produit SU (2) × U (1), n’est pas semi-simple. Alg`ebre enveloppante. Pour les groupes de matrices, il est important de distinguer l’alg`ebre de Lie de l’alg`ebre de matrices. Pour un groupe matriciel, l’alg`ebre des matrices engendr´ee par les g´en´erateurs du groupe et l’identit´e est aussi appel´ee alg`ebre enveloppante. Cette notion diff`ere de l’alg`ebre de Lie du groupe, que nous venons de d´efinir. Des ´el´ements importants de cet alg`ebre sont tous les ´el´ements d’un groupe obtenus par exponentiation des ´el´ements de l’alg`ebre de Lie, mais aussi les ´el´ements de Casimir, des ´el´ements de l’alg`ebre qui commutent avec tous les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie. Ces derniers interviennent dans la classification des repr´esentations irr´eductibles.
48
Chapitre 6 : Alg`ebres et groupes de Lie
6.2 Groupe et alg` ebre de Lie : repr´ esentation adjointe Repr´esentations. Les notions de produit tensoriel, de tenseurs et de repr´esentation s’´etendent par continuit´e aux alg`ebres de Lie, en d´eveloppant les ´el´ements du groupe au voisinage de l’identit´e. En particulier, on v´erifie, pour toute repr´esentation R(G) d’un groupe G, et l’alg`ebre de Lie L(G) correspondante, les relations R(a1 t1 + a2 t2 ) = a1 R(t1 ) + a2 R(t2 ), γ fαβ R(τγ ), [R(τα ), R(τβ )] =
∀ t1 , t2 ∈ L(G) , a1 , a2 ∈ R
γ γ o` u les coefficients fαβ sont les constantes de structure (6.4). La structure d’alg`ebre de Lie est donc ind´ependante de la repr´esentation. La classification des repr´esentations des groupes de Lie, en particulier la d´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles, est ainsi directement li´ee `a la classification des repr´esentations des alg`ebres de Lie correspondantes. Notons cependant que si, du point de vue de l’alg`ebre de Lie, la repr´esentation est un isomorphisme, il n’en est pas n´ecessairement de mˆeme pour le groupe de Lie, comme on peut le v´erifier sur des exemples. Les groupes correspondant ne sont n´ecessairement que localement isomorphes, c’est-`a-dire dans un voisinage de l’identit´e.
´ ements de Casimir et repr´esentations irr´eductibles. Pour construire les El´ repr´esentations irr´eductibles des groupes de Lie, on peut donc commencer par construire les repr´esentations irr´eductibles des alg`ebres de Lie. Dans les groupes unitaires et orthogonaux que nous ´etudierons, nous identifierons des ´el´ements de Casimir, appartenant a` l’alg`ebre enveloppante de l’alg`ebre de Lie c’est-` a-dire dont la forme ne d´epend que des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie, repr´esent´es par des matrices hermitiennes positives. Ces matrices peuvent ˆetre diagonalis´ees avec des valeurs propres r´eelles. Soit R(C), la matrice repr´esentant l’´el´ement de C dans une repr´esentation R. Soit vc un vecteur propre de la matrice associ´e a` la valeur propre c : R(C)vc = cvc . Soit A un ´el´ement de l’alg`ebre de Lie. Alors, AR(C)vc = cAvc = R(C)Avc . L’action de tous les ´el´ements de l’alg`ebre de Lie sur un vecteur initial engendre une repr´esentation irr´eductible. On en d´eduit que l’´el´ement de Casimir est proportionnel a ` l’identit´e dans toute repr´esentation irr´eductible : R(C) = c1 ,
c ≥ 0,
les diff´erentes valeurs de c caract´erisant les repr´esentations irr´eductibles.
Groupe et alg`ebre de Lie : repr´esentation adjointe
49
Repr´esentation adjointe. Une repr´esentation qui joue un rˆ ole particulier est la repr´esentation Adj(G) ≡ G ⊗ [G−1 ]T d’un groupe G ([G−1 ]T est isomorphe a` G), appel´ee repr´esentation adjointe (Adj sera parfois utilis´e comme abr´eviation de repr´esentation adjointe). Elle joue un rˆ ole sp´ecifique, ainsi que des exemples explicites le montreront. Agissant sur une matrice M appartenant `a un espace vectoriel de matrices, elle s’´ecrit de fa¸con commode sous la forme g∈G
M −→ gMg−1 .
(6.8)
De fa¸con plus explicite, en terme des ´el´ements Mij de M et gij de g, elle s’´ecrit g∈G
Mij −→
gik [g−1 ]Tj Mk ,
k,
ce qui montre que M est un ´el´ement d’un tenseur de rang 2. Par ailleurs, la transformation (6.8) est isospectrale Repr´esentation adjointe agissant sur l’alg`ebre de Lie. Soit g un ´el´ement fixe d’un groupe G et consid´erons l’application qui, `a tout ´el´ement h du groupe G, associe g∈G h −→ ghg−1 , avec h ∈ G . Cette application d´efinit un automorphisme Ag de groupe. Par ailleurs, le produit des automorphismes Ag1 Ag2 = Ag1 g2 d´efinit un groupe d’automorphismes, repr´esentation du groupe G. En passant `a l’alg`ebre de Lie L(G), posant g −1 ∼ t, on d´efinit par continuit´e pour tout ´el´ement t de L(G), g∈G
t −→ g t g−1 .
(6.9)
Cette transformation d´efinit l’action de la repr´esentation adjointe du groupe sur l’alg`ebre de Lie consid´er´ee comme espace vectoriel. La repr´esentation pr´eserve la structure d’alg`ebre de Lie. En effet, elle est lin´eaire et ∀t1 , t2 ∈ L(G), [gt1 g−1 , gt2 g−1 ] = g[t1 , t2 ]g−1 . Repr´esentation adjointe de l’alg`ebre de Lie agissant sur l’alg`ebre de Lie. Posant g − 1 ∼ ω, o` u ω est un ´el´ement de l’alg`ebre de Lie et ω → 0, on trouve t → t + [ω, t]. Les g´en´erateurs de la repr´esentation adjointe de l’alg`ebre de Lie agissent par commutation sur l’espace vectoriel engendr´e par les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie : ω∈L(G) t ∈ L(G) −→ [ω, t] .
50
Chapitre 6 : Alg`ebres et groupes de Lie
On peut d´evelopper tout ´el´ement de l’alg`ebre de Lie sur une base de g´en´erateurs {τα } : ω α τα , t = t β τβ . (6.10) ω= α
Alors, [ω, t] =
β
ω α tβ [τα , τβ ] =
α,β
γ ω α tβ fαβ τγ ,
α,β,γ
γ fαβ
o` u les coefficients sont les constantes de structure de l’alg`ebre de Lie d´efinies par l’´equation (6.4). γ Les constantes de structure fαβ consid´er´ees comme matrices, o` u α caract´erise la matrice et γ, β ses ´el´ements, sont aussi les g´en´erateurs d’une repr´esentation de γ l’alg`ebre de Lie. En effet, introduisons la matrice Fα d’´el´ements fβα . L’antisym´etrie r´esultant de la d´efinition (6.4) entraˆıne γ α β Fβγ ≡ fβα = −Fαγ .
En terme de ces matrices, on peut interpr´eter l’identit´e (6.5),
α β α β δ δ Fδλ − Fδλ Fγδ − fαβ Fγλ Fγδ = 0,
δ
comme [Fα , Fβ ] =
γ fαβ Fγ .
(6.11)
γ
Les matrices Fα engendrent donc la repr´esentation adjointe de l’alg`ebre de Lie.
6.3 Matrices complexes 2 × 2, matrices de Pauli et alg` ebre de Lie Les matrices complexes 2 × 2 forment une alg`ebre de dimension 4 sur C. Une base de cette alg`ebre est fournie par la matrice unit´e 1 et les trois matrices de Pauli σμ , 1=
1 0
0 1
, σ1 =
0 1
1 0
, σ2 =
0 i
−i 0
, σ3 =
1 0
0 −1
.
(6.12)
Les matrices de Pauli jouent un rˆ ole important dans la discussion du groupe des rotations `a trois dimensions (chapitre 7) et de l’alg`ebre de Lie du groupe unitaire SU (2) (chapitre 8). Les trois matrices de Pauli σμ sont hermitiennes, σμ = σμ† , et de trace nulle, tr σμ = 0. Leurs produits sont σ12 = σ22 = σ32 = 1, σ1 σ2 = −σ2 σ1 = iσ3 , σ2 σ3 = −σ3 σ2 = iσ1 , σ3 σ1 = −σ1 σ3 = iσ2 ,
Matrices complexes 2 × 2, matrices de Pauli et alg`ebre de Lie
ce qui se r´esume en σμ σν = δμν 1 + i
μνρ σρ ,
51
(6.13)
ρ
o` u μνρ est le symbole compl`etement antisym´etrique, νμρ = −μνρ ,
μρν = −μνρ ,
123 = 1 .
(6.14)
Les quatre matrices 1 ≡ σ0 et les matrices σi sont orthonorm´ees au sens du produit scalaire (4.3) : tr σμ σν† = tr σμ σν = 2δμν ,
μ, ν = 0, 1, 2, 3 .
Les quatre matrices σμ , 0 ≤ μ ≤ 3, forment une base de l’espace des matrices complexes 2 × 2, et toute matrice peut s’exprimer sous la forme M= m μ σ μ , m 0 , m1 , m2 , m3 ∈ C . 0≤μ≤3
On note tr M = 2m0 , et les trois matrices de Pauli forment donc une base des matrices de trace nulle. Les trois matrices de Pauli et la matrice unit´e forment sur R une base des matrices hermitiennes. Toute matrice hermitienne peut s’exprimer comme T= tμ σ μ , t0 , t1 , t2 , t 3 ∈ R ⇒ T = T † . 0≤μ≤3
De plus, det T = t20 − t21 − t22 − t23 ,
(6.15)
qui est l’invariant du groupe de Lorentz O(1, 3) (cf. Sect. A2.3) de la Relativit´e Restreinte [8]. Les matrices de Pauli et le groupe SU (2). Les matrices de Pauli et la matrice unit´e permettent de d´efinir une sous-alg`ebre de l’alg`ebre des matrices complexes 2×2. En effet, consid´erons l’espace vectoriel, de dimension r´eelle 4, des matrices complexes 2 × 2 de la forme S = s0 1 + i
3
si σi ≡ s0 1 + is · σ ,
avec (s0 , s) ≡ (s0 , s1 , s2 , s3 ) ∈ R4 . (6.16)
i=1
Pour d´emontrer que ces matrices forment une alg`ebre, il suffit de calculer le produit de deux ´el´ements A = a0 1 + ia · σ et B = b0 1 + ib · σ de cette forme, (a0 1 + ia · σ)(b0 1 + ib · σ) = (a0 b0 − a · b)1 + iσ · (a0 b + b0 a − a ∧ b) (6.17) (utilisant la notation ∧ pour le produit vectoriel). Les coefficients de 1 et iσ ´etant r´eels, le produit appartient a` l’espace vectoriel (6.16). Les matrices (6.16) forment donc une alg`ebre.
52
Chapitre 6 : Alg`ebres et groupes de Lie
Calculons le produit de matrices SS† et le d´eterminant de S, SS† = s20 + s2 1 , et det S = s20 + s2 .
(6.18)
Ils sont proportionnels au carr´e de la longueur du vecteur (s0 , s) de R4 . Donc les matrices S/ s20 + s2 sont des matrices unitaires 2 × 2 de d´eterminant 1 appartenant au groupe SU (2) (cf. Chap. 8) Alg`ebre de Clifford et groupe O(3). Les trois matrices de Pauli forment sur R une base de l’espace des matrices hermitiennes de trace nulle : T=
3
tμ σ μ ,
t1 , t2 , t3 ∈ R ⇒ T = T† , tr T = 0 .
μ=1
Par ailleurs, les relations (6.13) impliquent σμ σν + σν σμ = 2δμν 1 .
(6.19)
On v´erifie que cette ´equation a comme cons´equence T2 = t21 + t22 + t23 1 .
(6.20)
R´eciproquement, on v´erifie qu’imposer les relations (6.20) pour tout vecteur (t1 , t2 , t3 ) implique les relations (6.19) (cf. aussi Sect. A2.4). Les matrices qui appartiennent a` un espace vectoriel sur R et satisfont la relation (6.19) sont les g´en´erateurs d’une alg`ebre associative unitaire appel´ee alg`ebre de Clifford. Le membre de droite de l’´equation (6.20) est invariant par le groupe orthogonal O(3) agissant sur le vecteur (t1 , t2 , t3 ) (cf. Chap. 7). Les trois matrices de Pauli ont donc une relation directe avec le groupe O(3). En effet, faisons la substitution tμ → Oμν tν , ν
dans l’´equation (6.20), o` u la matrice O, d’´el´ements r´eels Oμν , appartient au groupe orthogonal O(3) : OOT = 1 . Si dans le membre de gauche de l’´equation nous posons (une transformation lin´eaire qui respecte l’hermiticit´e) σμ =
Oμν σν ,
(6.21)
ν
nous trouvons que les matrices σμ satisfont l’´equation (6.20) et comme cons´equence, l’´equation (6.19). La relation (6.19) est donc invariante par toutes les transformations orthogonales du groupe O(3) agissant sur les matrices de Pauli.
Matrices complexes 2 × 2, matrices de Pauli et alg`ebre de Lie
53
Matrices de Pauli et groupe SO(3). Nous avons montr´e que les transformations lin´eaires orthogonales (6.21) laissaient la structure d’alg`ebre de Clifford des matrices de Pauli invariante. Pour que les matrices σμ satisfassent les relations (6.13), il faut de plus que la transformation (6.21) pr´eserve aussi les relations de commutations d´eduites des relations (6.13), [σμ , σν ] = 2i
3
μνρ σρ .
(6.22)
ρ=1
De ces relations, on d´eduit tr σρ [σμ , σν ] = 2iμνρ . En terme des matrices
σμ ,
on trouve
Oμμ Oνν Oρρ tr σρ [σμ , σν ] = 2iμνρ .
μ ,ν ,ρ
Si les matrices σμ satisfont les relations (6.22), l’´equation entraˆıne Oμμ Oνν Oρρ μ ν ρ = μνρ . μ ,ν ,ρ
Le membre de gauche est antisym´etrique dans tous les ´echanges des paires d’indices μ, ν, ρ. Il est donc proportionnel a` μνρ . Choisissant μ = 1, ν = 2, ρ = 3, on v´erifie que le membre de gauche devient l’expression du d´eterminant. On conclut det O = 1 et donc O appartient au groupe SO(3). Les relations (6.13) sont donc invariantes par le groupe SO(3) (cf. Chap. 7). Matrices de Pauli et alg`ebre de Lie. Dans les relations de commutation (6.22), nous posons σμ = 2iτμ , (6.23) (le facteur 2 correspond aux normalisations du chapitre 7). Les matrices τμ forment une base des anti-hermitiennes de trace nulle. Les relations de commutation (6.22) prennent alors la forme [τμ , τν ] = μνρ τρ . (6.24) ρ
Les matrices τμ sont les g´en´erateurs d’une alg`ebre de Lie simple (car il n’existe pas d’´el´ement de l’alg`ebre qui commute avec tous les autres), que nous identifions en section 8.1 avec l’alg`ebre de Lie du groupe SU (2). Les coefficients μνρ , dans ce contexte, sont appel´ees constantes de structure de l’alg`ebre de Lie. Ils satisfont a` l’identit´e de Jacobi et engendrent eux-mˆeme une alg`ebre de Lie reli´ee `a la repr´esentation adjointe de l’alg`ebre de Lie (6.24) (cf. Chap. 7 et, pour un argument g´en´eral, Sect. 6.2). La repr´esentation est irr´eductible car il n’existe pas de vecteur propre commun aux trois matrices de Pauli. L’´el´ement de Casimir C, dont on v´erifiera qu’il commute avec les trois matrices τμ , est donn´e par C = − τ12 + τ22 + τ32 = 34 1. (6.25) La valeur 3/4 ne d´epend pas uniquement des relations de commutation des matrices de Pauli, mais aussi de leur repr´esentation explicite.
Exercices Exercice 6.1 V´erifier explicitement, en utilisant les propri´et´es de matrices de Pauli, ou leurs formes explicites, les relations (6.15), (6.17) et (6.18). Exercice 6.2 V´erifier que l’´el´ement de Casimir (6.25) commute avec les g´en´erateurs de SU (2). En utilisant la forme explicite des matrices de Pauli, calculer sa valeur.
Chapitre 7 Un groupe de Lie : le groupe orthogonal O(3)
Les groupes correspondant aux isom´etries de l’espace `a trois dimensions comprennent le groupe ab´elien des translations, isomorphe au groupe additif R3 (cf. Sect. 3.1), sur lequel nous ne reviendrons pas, et les transformations lin´eaires que nous ´etudions ici. Elles correspondent au groupe orthogonal O(3), le groupe des rotations–r´eflexions, dont nous d´ecrivons ici de fa¸con d´etaill´ee les propri´et´es. Nous commencerons par l’´etude du sous-groupe des rotations SO(3) des matrices orthogonales de d´eterminant 1. L’introduction de l’alg`ebre de Lie, associ´ee au groupe SO(3), nous permettra de construire les repr´esentations du groupe. Nous montrerons que les repr´esentations irr´eductibles du groupe SO(3) peuvent ˆetre classifi´ees, de fa¸con naturelle, en terme d’un entier , la repr´esentation de d´efinition correspondant `a = 1. Le groupe orthogonal des rotations–r´eflexions. Le groupe O(3) est le groupe des matrices r´eelles 3 × 3 qui satisfont g ∈ O(3) ⇔ ggT = 1 . C’est aussi le groupe orthogonal des rotations–r´eflexions de l’espace `a trois dimensions. En effet, les matrices orthogonales pr´eservent la norme des vecteurs r´eels : g ∈ O(3) ⇔ ∀v ∈ R3 : |v| = |gv|. Les matrices de O(3) satisfont det ggT = det(gT ) det g = det2 g = 1 ⇒ det g = ±1 . Les ´el´ements du groupe O(3) de d´eterminant 1 forment un sous-groupe, le groupe not´e SO(3) : g ∈ SO(3) ⇔ g ∈ O(3) et det g = 1 . Le groupe SO(3) est le groupe des rotations de l’espace `a trois dimensions. C’est le sous-groupe de O(3) des ´el´ements qui conservent l’orientation d’un rep`ere cart´esien. C’est un sous-groupe distingu´e (Sect. 4.3). Les ´el´ements du groupe O(3) qui n’appartiennent pas au sous-groupe SO(3) sont obtenus en multipliant tous les ´el´ements de SO(3) par une matrice de
56
Chapitre 7 : Un groupe de Lie : le groupe orthogonal O(3)
d´eterminant −1. Un choix simple est la matrice −1 qui, g´eom´etriquement, correspond a` une r´eflexion par rapport a` l’origine, et qui appartient au centre de O(3). Les ´el´ements de O(3) ont donc comme forme g´en´erale ±g, avec g ∈ SO(3), ce qui se traduit par la relation O(3) = SO(3) × Z2 .
7.1 Groupe SO(3) et alg` ebre de Lie Les ´el´ements du groupe SO(3) voisin de l’identit´e peuvent se param´etrer sous la forme g = 1 + εT(ε), ε ∈ R . Alors ggT = 1 ⇒ T + TT + εTTT = 0 . Dans la limite ε → 0, on obtient T + TT = 0 . L’alg`ebre de Lie de SO(3) est donc compos´ee des matrices antisym´etriques 3 × 3. Celles-ci forment un espace vectoriel de dimension 3. On peut choisir comme base de cet espace les trois matrices (Ta )ij = −aij ,
(7.1)
o` u de nouveau ijk est le symbole compl`etement antisym´etrique (6.14), et donc, ⎛
0 T1 = ⎝ 0 0
⎞ 0 0 0 −1 ⎠ 1 0
⎞ 0 1 0 0⎠ 0 0
⎛
0 T2 = ⎝ 0 −1
⎛
0 T3 = ⎝ 1 0
⎞ −1 0 0 0⎠. 0 0
En effet, toute matrice antisym´etrique A d’´el´ements Aij peut s’exprimer comme A=−
3
a T ⇔ Aij =
=1
ijk ak ⇒ ai =
1 2
k
ijk Ajk .
(7.2)
j,k
Les trois matrices Ti forment donc un ensemble de g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie du groupe SO(3), qui d´epend de trois param`etres r´eels. Utilisant, par exemple, l’identit´e 3
aik bjk = δab δij − δaj δbi ,
(7.3)
k=1
on v´erifie que les commutateurs, ou produits de Lie, des trois matrices sont [Ta , Tb ] =
c
abc Tc .
(7.4)
Groupe SO(3) et alg`ebre de Lie
57
L’alg`ebre de Lie de SO(3) est simple parce qu’il n’existe aucun vecteur propre commun aux trois g´en´erateurs. Nous reconnaissons dans les relations de commutation (7.4) les relations de commutation (6.24) engendr´ees par les matrices de Pauli. Ces deux alg`ebres de Lie sont donc deux repr´esentations isomorphes de la mˆeme alg`ebre de Lie. ´ (6.11)) que les consRemarque. Nous avons montr´e de fa¸con g´en´erale (cf. Eq. tantes de structure, interpr´et´ees comme des matrices, ´etaient les g´en´erateurs de la repr´esentation adjointe de l’alg`ebre de Lie. Nous notons ici que les constantes de structure sont, au signe pr`es, les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie initiale. Donc l’alg`ebre de Lie du groupe SO(3) et de sa repr´esentation adjointe sont identiques. G´en´erateurs : normalisation. Par l’´equation (4.5), nous avons d´efini une norme dans l’espace vectoriel des matrices r´eelles, X2 = tr XT X ,
(7.5)
o` u XT d´enote la transpos´ee de la matrice X. Cette norme induit un produit scalaire. Les matrices (7.1) sont orthogonales au sens de ce produit scalaire, en effet tr Ta TTb = − tr Ta Tb = 2δab . (7.6) ´ ement de Casimir. Les matrices Ta , munies du produit standard des maEl´ trices, engendrent l’alg`ebre (enveloppante) des matrices r´eelles 3 × 3. Une repr´esentation du groupe agit sur l’espace vectoriel correspondant. On v´erifie, en n’utilisant que les relations de commutation de l’alg`ebre de Lie (7.4), que le carr´e scalaire 2 C=− (Ta ) , (7.7) a
commute avec tous les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie, [C, Tb ] = 0 ∀ b . En effet,
[Ta Ta , Tb ] =
a
(7.8)
abc (Ta Tc + Tc Ta ) = 0 .
a,c
C est donc un ´el´ement de Casimir. Utilisant la forme explicite (7.1) des matrices Ta , correspondant a` la repr´esentation de rang 1 de SO(3), on trouve C=
1≤a≤3
Ta TTa = −
T2a = 2 1 .
(7.9)
a
Notons que la forme explicite (7.7) et la valeur explicite de l’´el´ement de Casimir sont la cons´equence du choix de g´en´erateurs orthonorm´es par l’´equation (7.6). ´ (6.25)) d´eduite de l’alg`ebre de Lie des matrices Elle diff`ere de la valeur 3/4 (Eq.
58
Chapitre 7 : Un groupe de Lie : le groupe orthogonal O(3)
de Pauli, avec des relations de commutation identiques, montrant que les deux repr´esentations sont isomorphes, mais pas identiques. Exponentiation. Tout ´el´ement de SO(3) peut s’exprimer comme l’exponentielle d’une matrice antisym´etrique sous la forme g = exp (θ ω · T) ,
(7.10)
o` u θ et le vecteur ω `a trois composantes sont r´eels, et le vecteur ω est choisi de longueur unit´e : ω2 = 1 . L’exponentielle d’une matrice est d´efinie par sa s´erie de Taylor, qui converge au sens de la norme (7.5). L’´el´ement g repr´esente une rotation d’angle θ, avec ω ≡ (ω1 , ω2 , ω3 ) comme vecteur rotation. V´erifions le en prenant ω dirig´e le long de l’axe 3 et ω3 = 1. On trouve ⎞ ⎛ cos θ − sin θ 0 g = eθT3 = ⎝ sin θ cos θ 0 ⎠ . 0 0 1 Agissant sur un vecteur x de composantes xi , c’est une rotation d’angle θ dans le plan (1, 2), qui laisse x3 invariant. Avec la notation gij pour les composantes d’un ´el´ement g´en´eral g de SO(3), l’expression (7.10) conduit, apr`es un peu d’alg`ebre, a` l’expression ´equivalente gij = cos θ δij + (1 − cos θ)ωi ωj − sin θ
ijk ωk .
(7.11)
k
L’action de g sur un vecteur x prend la forme (utilisant la notation ∧ pour le produit vectoriel), gx = cos θ x + (1 − cos θ)(ω · x)ω + sin θ ω ∧ x . Par un calcul simple, on peut v´erifier que cette expression satisfait bien |gx|2 = |x|2 . Enfin une rotation infinit´esimale agissant sur un vecteur x s’´ecrit (gx)i = xi − θ
aij ωa xj + O(θ2 ) ⇔ gx = x + θ ω ∧ x + O(θ2 ).
(7.12)
j,a
Analyticit´e. L’expression (7.10) implique qu’en fonction des trois param`etres r´eels ti = θωi , les ´el´ements gij sont des fonctions enti`eres. C’est ce qu’on v´erifie aussi sur la forme explicite (7.11) (on d´eveloppe en puissances de θ et on utilise la relation i t2i = θ2 ). Une identit´e utile. Toute matrice M 3 × 3 d’´el´ements Mij satisfait l’identit´e, l,m,n
Mil Mjm Mkn lmn = ijk det M .
(7.13)
59
Repr´esentation adjointe
En effet, le membre de gauche est antisym´etrique dans les permutations de (i, j, k) et donc proportionnel a` ijk . Choisissant i = 1, j = 2, k = 3, on reconnaˆıt l’expression du d´eterminant. Appliquant cette identit´e `a une matrice de SO(3), on en d´eduit
gkp
k
gil gjm gkn lmn = det g
l,m,n
ijk gkp =
k
et donc,
gil gjm lmp =
l,m
gil gjm lmp
l,m
ijk gkp ,
(7.14)
k
o` u la relation d’orthogonalit´e a ´et´e utilis´ee. Pour obtenir l’action du groupe O(3), nous devons encore appliquer l’identit´e (7.13) a` −1. Comme det(−1) = −1, (−δil ) (−δjm ) lmp = ijk (+δkp ) . (7.15) l,m
k
7.2 Repr´ esentation adjointe La repr´esentation adjointe Adj(SO(3)) du groupe SO(3) (cf. Sect. 6.2) agit sur l’alg`ebre de Lie, c’est-` a-dire dans la repr´esentation de d´efinition sur l’espace vectoriel des matrices antisym´etriques A = −AT 3 × 3 par A
g∈SO(3)
−→
Ag = gAgT ⇒ ATg = −Ag .
C’est une application lin´eaire interne de l’espace des matrices antisym´etriques. Elle est isospectrale puisque les traces de toutes les puissances des matrices A sont invariantes. En terme de composantes Aij de la matrice A, elle s’´ecrit aussi g g Aij → gik gj Ak ⇔ A → (g ⊗ g)A . k,
Elle correspond `a l’action du produit tensoriel (g⊗g) sur les tenseurs antisym´etriques. Nous utilisons maintenant la param´etrisation (7.2) et l’identit´e (7.14) : Aij =
ce qui implique
g
ij a →
gik gj km am =
k,,m
g
ak →
ijk gk a ,
k
gk a .
La repr´esentation adjointe du groupe SO(3) et la repr´esentation de d´efinition sont donc identiques, une propri´et´e que nous avons d´ej` a not´e dans le cas de l’alg`ebre de Lie en section 7.1.
60
Chapitre 7 : Un groupe de Lie : le groupe orthogonal O(3)
Il n’en est pas de mˆeme pour le groupe O(3) puisque, comme l’identit´e (7.15) le montre, la r´eflexion −1 de d´eterminant −1 est envoy´ee sur l’identit´e. La repr´esentation adjointe Adj(O(3)) du groupe O(3) est le groupe SO(3). On note Adj(O(3)) ≡ SO(3) ≡ O(3)/Z2 . Ainsi un vecteur v qui se transforme par Adj(O(3)) (par exemple, un produit vectoriel de deux vecteurs) se transforme comme un vecteur par SO(3) mais est invariant par la la r´eflexion −1. On appelle un tel vecteur un vecteur axial.
7.3 Les repr´ esentations matricielles de SO(3) Terminologie : le spin. Pour caract´eriser les repr´esentations irr´eductibles des groupes SO(3) et SU (2), il est parfois commode d’utiliser le terme de spin de la m´ecanique quantique (cf. Sect. 8.5), bien qu’il diff`ere du spin physique par un facteur , plutˆ ot que la dimension des repr´esentations (qui lui est directement li´ee). En particulier, les r`egles de d´ecomposition des produits tensoriels de repr´esentations en repr´esentations irr´eductibles prennent ainsi une forme plus naturelle. Avec cette terminologie, la repr´esentation fondamentale de SO(3) est la repr´esentation de spin 1, et les autres repr´esentations irr´eductibles ont un spin entier > 1. Comme dans l’exemple du groupe SO(2), pour construire les repr´esentations irr´eductibles de SO(3), nous ´etudions l’action du groupe SO(3) sur les formes multilin´eaires de plusieurs vecteurs. Exemple : les formes bilin´eaires de deux vecteurs, tenseurs de rang 2. Comme dans le cas du groupe SO(2), la repr´esentation du groupe SO(3) sur les formes bilin´eaires de deux vecteurs x, y ∈ R3 de composantes xi , yi , se d´ecomposent en (i) une repr´esentation de dimension 1 et de spin 0 agissant sur le produit scalaire, x · y δij , (ii) une repr´esentation de dimension 3 et de spin 1 agissant sur une forme antisym´etrique, la repr´esentation adjointe d´ecrite en section 7.2, x i yj − x j yi , ´ (6.14)) en fonction du qu’on peut r´ecrire en introduisant le tenseur ijk (Eq. produit vectoriel x i yj − x j yi =
k
ijk (x ∧ y)k ⇔
ijk xj yk ≡ (x ∧ y)i .
j,k
(iii) la repr´esentation de spin 2 et de dimension 5 (4 × 3/2 − 1), agissant sur les tenseurs sym´etriques de trace nulle, xi yj + xj yi − 23 x · y δij .
Les repr´esentations matricielles de SO(3)
61
Notant [n] une repr´esentation de dimension n, on peut exprimer symboliquement cette d´ecomposition sous la forme [3] ⊗ [3] = [1] ⊕ [3] ⊕ [5]. Le produit tensoriel de deux repr´esentations de spin 1 se d´ecompose dans la somme de repr´esentations de spins 0, 1, 2. Formes multilin´eaires. La mˆeme analyse s’´etend aux formes multilin´eaires de plus haut degr´e. Il faut alors faire intervenir les repr´esentations irr´eductibles du groupe des permutations de plus de deux indices. En particulier, la repr´esentation de spin est obtenue en agissant sur les tenseurs sym´etriques de indices dont toutes les traces partielles sur deux indices sont nulles. La dimension de la repr´esentation de spin est (2 + 1). Par exemple, pour trois indices, on trouve la d´ecomposition [3] ⊗ [3] ⊗ [3] = [1] ⊕ (3 × [3]) ⊕ (2 × [5]) ⊕ [7],
(7.16)
c’est-`a-dire un pseudo-scalaire (spin 0 et dimension 1) proportionnel au produit mixte de trois vecteurs, trois repr´esentations vectorielles, correspondant a` un produit scalaire de deux vecteurs multipli´e par le troisi`eme, deux repr´esentations de spin 2 correspondant a` des repr´esentations mixtes de S3 , et la repr´esentation de spin 3 correspondant aux tenseurs sym´etriques de trace nulle. De fa¸con g´en´erale, le produit de deux repr´esentations de spin 1 et 2 se d´ecompose dans la somme des repr´esentations de spin avec |1 − 2 | ≤ ≤ 1 + 2 . Ainsi pour 1 = 2 = 1, on trouve = 0, = 1, = 2, en accord avec le premier exemple. Utilisant ensuite [3] ⊗ [3] ⊗ [3] = ([3] ⊗ [3]) ⊗ [3], on retrouve = 1,
= 0, = 1, = 2,
= 1, = 2, = 3,
c’est-`a-dire la d´ecomposition (7.16) ` Repr´esentations irr´eductibles de l’alg`ebre de Lie et ´el´ement de Casimir. A chaque repr´esentation R(G) du groupe correspond une repr´esentation de l’alg`ebre de Lie. Au produit tensoriel R(G)⊗R (G) correspondent une repr´esentation de l’alg`ebre de Lie de la forme L(G) ⊗ 1 + 1 ⊗ L (G), o` u L(G) et L (G) sont les repr´esentations correspondantes de l’alg`ebre de Lie. Comme nous venons de le v´erifier, une telle repr´esentation est en g´en´eral r´eductible. ´ (7.7)) Dans chaque repr´esentation, l’´el´ement de Casimir (Eq. R(C) = −
a
R2 (Ta ),
(7.17)
62
Chapitre 7 : Un groupe de Lie : le groupe orthogonal O(3)
commute avec tous les g´en´erateurs, et donc avec tous les ´el´ements de l’alg`ebre de Lie. Dans chaque repr´esentation, la matrice C est une matrice hermitienne positive. Comme nous l’avons montr´e en section 6.2, avec ces hypoth`eses, on en d´eduit que R(C) est proportionnel a` l’identit´e dans toute repr´esentation irr´eductible. R(C) = c1 ,
c ≥ 0.
Au groupe SO(3) correspondent des repr´esentations irr´eductibles de spin entier , (cf. Sect. 8.3), que nous notons R (G). Les g´en´erateurs R (Ta ) de l’alg`ebre de Lie prennent la forme de matrices (2 + 1) × (2 + 1). En section 8.3, nous montrons que, dans la repr´esentation irr´eductible de spin , la matrice R (C) est donn´ee par R (C) = c 1() , avec c = ( + 1) , (7.18) et cette valeur c = ( + 1) est caract´eristique de la repr´esentation (cf. aussi ´ (10.4)). Eq.
7.4 M´ ecanique classique et tenseurs : le tenseur d’inertie Nous illustrons maintenant la notion de tenseur par un exemple de m´ecanique classique, le tenseur d’inertie. En m´ecanique classique, l’´energie E d’un solide libre en rotation s’exprime en terme du vecteur rotation ω = θ˙ n, o` u θ˙ est 2 la vitesse angulaire et n un vecteur unit´e (n = 1) correspondant a` l’axe de rotation, et du tenseur d’inertie I, E = 12 ω I ω ≡ 12 ωi Iij ωj , i,j
o` u I, de composantes Iij , a la forme d’une matrice sym´etrique et ωi sont les composantes de ω (cf. Sect. A1.2 pour plus de d´etails). Dans un changement de coordonn´ees correspondant a` une rotation du syst`eme d’axes, et `a une matrice orthogonale g (gT g = 1) de composantes gij , les composantes du vecteur de rotation ω deviennent ωi = gij ωj ⇒ ωi = gji ωj . (7.19) j
j
L’´energie de rotation du solide est ind´ependante du syst`eme de coordonn´ees, et en fonction des nouvelles composantes ωi prend la forme ωi gik Ikl gjl ωj ≡ 12 ωi Iij ωj . E = 12 i,j
i,j,k,l
En cons´equence, `a la transformation par rotation (7.19) du vecteur ω correspond la transformation des composantes du tenseur d’inertie Iij = gik gjl Ikl . (7.20) k,l
Espace de fonctions et repr´esentations
63
Cette transformation est une nouvelle repr´esentation du groupe des rotations. Les ´el´ements Iij sur lesquels agit le groupe des rotations par l’´equation (7.20), et qui forment un espace vectoriel, sont des tenseurs de rang (ou d’ordre) 2. On peut ´evidemment g´en´eraliser cette d´efinition a` des objets qui ont plus de deux indices, et c’est mˆeme n´ecessaire en m´ecanique quantique. D´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles. Le moment d’inertie Iij est un exemple de tenseur de rang 2 sym´etrique. La transformation (7.20) trans forme un tenseur sym´etrique en un tenseur Iij sym´etrique. Si le solide est invariant par rotation alors le moment d’inertie prend la forme d’un multiple de la matrice identit´e Iij = Iδij . Dans ce cas, puisque que les matrices de rotations sont orthogonales, le tenseur est invariant. Les tenseurs proportionnels a` δij forment un sous-espace de dimension 1 qui est invariant. Prenant l’exemple de l’espace de dimension 3. La dimension de l’espace vectoriel des tenseurs sym´etriques est 6. Cet espace est r´eductible pour la repr´esentation du groupe des rotations et se d´ecompose en un espace de dimension 1 et un espace de dimension 5. correspondant aux tenseurs sym´etriques de trace nulle, i Iii = 0.
7.5 Espace de fonctions et repr´ esentations En m´ecanique quantique, le groupe des rotations agit sur des fonctions d’onde, qui appartiennent a` un espace vectoriel de dimension infini, un espace de Hilbert complexe de fonctions de carr´e sommable. En l’absence de spin, ou moment cin´etique intrins`eque, la repr´esentation agit sur l’argument d’une fonction ψ(x), o` u x est une position dans l’espace a` trois dimensions, par ψ(x) → ψ(gx), g ∈ SO(3). Nous consid´erons dans cet espace le sous-ensemble des fonctions diff´erentiables. Pour ces fonctions, la variation δψ dans une rotation infinit´esimale correspondant a` l’expression (7.12), prend la forme δψ(x) = θ(ω × x) · ∇x ψ(x) + O(θ2 ), ≡ θ ω · Tψ(x) + O(θ2 ), u les op´erateurs diff´erentiels (cf. Chap. 10), (∇x ≡ {∂/∂x1 , ∂/∂x2 , ∂/∂x3 }), o` composantes de T, sont les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie de SO(3), et T est proportionnel a` l’op´erateur (hermitien) moment cin´etique L de la m´ecanique quantique : T = x × ∇x , et L = −iT . (7.21) Cette repr´esentation est r´eductible, et dans sa r´eduction apparaissent toutes les repr´esentations de SO(3) (cf. aussi Chap. 10).
Chapitre 8 Les groupes unitaires U(2) et SU(2)
Nous abordons maintenant un groupe matriciel `a ´el´ements complexes, le groupe U (2) ou groupe de matrices unitaires de l’espace `a deux dimensions, et son sous-groupe SU (2), groupe de matrices unitaires de l’espace `a deux dimensions de d´eterminant unit´e. Le groupe SU (2) joue un rˆ ole important en physique microscopique puisqu’il est reli´e aux transformations des particules de type fermion et, en particulier, `a leur spin, ou moment cin´etique intrins`eque. Il est ´egalement un sous-groupe du groupe de sym´etrie SU (3) × SU (2) × U (1) du Mod`ele Standard des interactions fondamentales a` l’´echelle microscopique. Le groupe U (2). Le groupe U (2) est le groupe des matrices 2 × 2 complexes telles que U ∈ U (2) ⇔ U U † = 1 . (8.1) Ces matrices pr´eservent le module des vecteurs complexes : U ∈ U (2) ⇔ ∀v ∈ C2 : |v| = |U v|. L’´equation (8.1) entraˆıne det U det U † = | det U |2 = 1 ⇒ ∃θ r´eel tel que det U = eiθ .
Le groupe SU (2). Il est possible de factoriser tout ´el´ement de U (2) sous la forme U = eiθ/2 U , avec det U = 1 , o` u eiθ/2 appartient au groupe U (1) et U au groupe SU (2) des matrices complexes unitaires 2 × 2 de d´eterminant 1 : U ∈ SU (2) ⇔ UU† = 1 et det U = 1 .
(8.2)
Les ´el´ements du groupe U (1) commutent avec tous les ´el´ements du groupe U (2), et appartiennent donc au centre de U (2). Le groupe U (2) peut donc se factoriser en U (2) = U (1) × SU (2), o` u tous deux sont des sous-groupes distingu´es. Comme nous avons d´ej` a ´etudi´e les propri´et´es du groupe U (1), nous nous concentrons maintenant sur le groupe SU (2).
66
Chapitre 8 : Les groupes unitaires U(2) et SU(2)
Centre du groupe SU (2). Le centre de SU (2) ne peut contenir que des multiples de la matrice unit´e. La condition det U = 1 a deux solutions U = ±1. Le centre est le groupe Z2 ≡ Z/2Z. L’ensemble SU (2)/Z2 forme donc un groupe (cf. Chap. 2 et Sect. 8.2). Alg`ebre de Lie. D´eveloppons une matrice de SU (2) au voisinage de l’identit´e, U = 1 + T + O(T2 ). Les deux conditions (8.2) entraˆınent (utilisant, pour la seconde, la relation g´en´erale tr ln U = ln det U) T + T† = 0 et tr T = 0 . L’alg`ebre de Lie du groupe SU (2) est compos´ee des matrices 2 × 2 antihermitiennes et de trace nulle, qui est un espace vectoriel r´eel de dimension 3. Remarque. La relation tr ln M = ln det M, o` u M est une matrice complexe arbitraire, se d´emontre en transformant la matrice en une matrice triangulaire ´equivalente, ce qui est toujours possible. L’identit´e est alors ´evidente.
8.1 Groupe SU (2) et matrices de Pauli Nous avons montr´e en section 6.3 que les matrices de la forme (6.16), U = u0 1 + i
3
ui σi ≡ u0 1 + iu · σ ,
(8.3)
i=1
u le vecteur r´eel (u0 , u) ≡ (σ ≡ (σ1 , σ2 , σ3 ) sont les trois matrices de Pauli) o` (u0 , u1 , u2 , u3 ) appartient `a la sph`ere S3 dans l’espace R4 , (u0 , u) ∈ R4 , avec u20 + u2 = 1 ∈ S3 , sont unitaires et de d´eterminant 1, UU† = 1 , et det U = 1 .
(8.4)
L’´equation (8.3) donne donc une expression explicite des matrices du groupe SU (2) en terme des matrices de Pauli. Param´etrisation des ´el´ements de SU (2) et alg`ebre de Lie. D´eveloppons l’expression (8.3) au voisinage de l’identit´e, c’est-`a-dire pour |u| → 0. Puisque u0 est d’ordre u2 , au premier ordre en u, U = 1 + iu · σ + O(|u|2 ) = 1 − 2u · τ + O(|u|2 ), o` u la normalisation pour les matrices τi , reli´ee aux matrices de Pauli σi par ´ (6.23)), est choisie par r´ef´erence aux relations de commutation σi = 2iτi (Eq. de l’alg`ebre de Lie du groupe SO(3). En effet, les relations (6.13) deviennent τi τj = − 41 δij 1 + 12 ijk τk ⇒ tr τi τj = − 12 δij . (8.5) k
Groupe SU (2) et matrices de Pauli
67
On en d´eduit les relations de commutation des trois g´en´erateurs τi de l’alg`ebre ´ (6.24)) : de Lie du groupe SU (2) (Eq. [τi , τj ] = ijk τk , (8.6) k
o` u les coefficients ijk (ijk est le symbole compl`etement antisym´etrique) sont les constantes de structure de cette alg`ebre de Lie simple. Avec ce choix de normalisation tel que tr τi τi† = 12 , les constantes de structure du groupe SU (2) ´ (7.4)) sont identiques. Les alg`ebres de Lie (8.6) et et du groupe SO(3) (Eq. (7.4) sont deux repr´esentations isomorphes de la mˆeme alg`ebre de Lie. Nous pr´eciserons en section 8.2 la relation entre les groupes SU (2) et SO(3). Autres param´etrisations des ´el´ements de SU (2). Tous les ´el´ements U de SU (2) sont reli´es de fa¸con continue `a l’identit´e et peuvent ˆetre exprim´es sous la forme U = exp (θ ω · τ ) , (8.7) avec θ et ω r´eels, et ω 2 = 1. La premi`ere ´equation (8.5) implique 2 (ω · τ ) ≡ ωa ωb τa τb = − 41 ω 2 = − 14 . a,b
Un peu d’alg`ebre conduit alors a` U = cos(θ/2)1 + 2 sin(θ/2)ω · τ ,
(8.8)
´ o` u l’angle θ est d´efini mod 4π (cf. Eqs. (6.16) et (6.18)). Il est facile de v´erifier que cette forme repr´esente bien la matrice unitaire de d´eterminant 1 la plus g´en´erale. L’expression (8.7) montre qu’en fonction des composantes du vecteur θω, la matrice est une fonction enti`ere. De fa¸con ´equivalente, l’expression (8.3) conduit a` la forme explicite z1 −z2∗ U= , (8.9) z2 z1∗ o` u les deux nombres complexes z1 , z2 satisfont det U = |z1 |2 + |z2 |2 = 1 . Conjugaison complexe. Utilisant, par exemple, l’expression (8.9), on v´erifie la relation U∗ = σ2 Uσ2 . Cette identit´e d´emontre que les matrices U et U∗ sont semblables : dans le cas du groupe SU (2), la repr´esentation de d´efinition et sa complexe conjugu´ee [SU (2)]∗ sont ´equivalentes. Les ´el´ements de [SU (2)]∗ peuvent aussi s’exprimer comme ˜ · τ], U∗ = exp [θ ω · τ ∗ ] ≡ exp [θ ω avec ω ˜ 1 = −ω1 ,
ω ˜ 2 = ω2 , ,
ω ˜ 3 = −ω3 .
68
Chapitre 8 : Les groupes unitaires U(2) et SU(2)
´ ement de Casimir. L’expression de l’´el´ement de Casimir ne d´epend que El´ des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie. De l’expression (7.9) nous d´eduisons donc imm´ediatement que dans le cas du groupe SU (2), C=−
3
τi2 ≡ −τ 2 .
(8.10)
i=1
Nous avons montr´e que l’´el´ement de Casimir, qui commutent avec tous les ´ (7.8)), est proportionnel a` la matrice g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie (Eq. unit´e dans chaque repr´esentation irr´eductible (cf. Sect. 6.2) : C = c1. Dans la repr´esentation de d´efinition de SU (2), C est une matrice 2 × 2. Prenant la trace des deux membres de l’´equation (8.10), et utilisant la normalisation (8.5), on en d´eduit tr C = 2c = 32 ⇒ c = 34 , (8.11) alors que pour la repr´esentation de d´efinition du groupe SO(3) le r´esultat est ´ (7.9)). C = 2 1 (Eq. L’expression g´en´erale pour les repr´esentations irr´eductibles de SO(3) est (+ ´ (7.18)). Exprim´ee sous la forme (+1), la valeur pour la repr´esentation 1) (Eq. fondamentale de SU (2) correspond a` = 1/2 (c’est-`a-dire, en m´ecanique quan´ (8.16)). tique, au spin 1/2 (cf. Eq.
8.2 Repr´ esentation adjointe de SU (2) et groupe SO(3) Nous consid´erons maintenant l’action de la repr´esentation adjointe du groupe SU (2) sur son alg`ebre de Lie, c’est-` a-dire sur l’espace vectoriel r´eel des matrices anti-hermitiennes de trace nulle, engendr´e par les matrices τi . Dans cet espace, la matrice la plus g´en´erale peut s’´ecrire H=h·τ ,
h ≡ (h1 , h2 , h3 ) ∈ R3 .
La matrice H satisfait H2 = − 14 h2 1
⇒
tr HH† = 12 h2 .
La repr´esentation adjointe est engendr´ee par les transformations lin´eaires H → HU , avec (8.12) HU = UHU† , o` u U est une matrice de SU (2). On v´erifie que la matrice transform´ee HU est anti-hermitienne : H†U = −HU . De plus, utilisant la cyclicit´e de la trace, on v´erifie que dans la transformation (8.12), les traces tr Hn sont invariantes pour tout n, et donc aussi le spectre et le d´eterminant (la transformation est isospectrale). Par exemple, puisque H est de trace nulle, tr UHU† = tr HU† U = tr H = 0 .
Repr´esentation adjointe de SU (2) et groupe SO(3)
69
La matrice HU peut donc s’exprimer comme une combinaison lin´eaire des matrices τi sous la forme HU = hU · τ , ` la transformation et le vecteur hU s’exprime lin´eairement en fonction de h. A (8.12) est donc associ´ee une transformation lin´eaire dans l’espace R3 . De mˆeme, tr HU H†U = tr UHU† UH† U† = tr HH† = 12 h2 . Cette transformation lin´eaire conserve la norme du vecteur h. C’est donc une transformation orthogonale. De fa¸con plus explicite, nous pouvons utiliser la forme (8.8). De plus, comme il a ´et´e d´emontr´e en section 6.3, on peut agir sur les matrices σi , et donc τi , par une transformation de SO(3) pour r´eduire la forme (8.8) et H `a U = cos(θ/2) + 2 sin(θ/2)τ1 ,
H = h1 τ1 + h2 τ2 .
Alors, UHU† = h1 τ1 + h2 [cos(θ/2) + 2 sin(θ/2)τ1 ] τ2 [cos(θ/2) − 2 sin(θ/2)τ1 ] = h1 τ1 + h2 [cos θτ2 + sin θτ3 ] .
Nous trouvons une rotation d’axe ω = (1, 0, 0) et d’angle θ. Dans le cas du groupe SU (2), le centre (le sous-groupe des ´el´ements qui commutent avec le groupe) se r´eduit a` ±1. La matrice −1 commute avec H et donc la transformation (8.12) correspond au sous-groupe SU (2)/Z2 . Les repr´esentations fondamentale et adjointe de SU (2) ne sont pas isomorphes. Ces arguments ´etablissent donc une relation entre le groupe SU (2) et le groupe SO(3) : SO(3) est isomorphe `a la repr´esentation adjointe de SU (2) et donc SO(3) ∼ SU (2)/Z2 . (8.13) En particulier, on remarque que le changement θ en θ + 2π change un ´el´ement de SU (2) en son oppos´e mais ne change pas l’´el´ement de SO(3) correspondant. Groupes SU (2) et O(3). Exprimons la transformation (8.12) en terme de composantes : [HU ]ij = Uik U∗jl Hkl . k,l
Cette ´ecriture identifie aussi la repr´esentation adjointe avec un sous-groupe de SU (2) ⊗ [SU (2)]∗ ∼ SU (2) ⊗ SU (2) : Adj[SU (2)] = U ⊗ U∗ , avec la relation d’´equivalence U ⊗ U∗ ≡ [−U] ⊗ [−U∗ ].
70
Chapitre 8 : Les groupes unitaires U(2) et SU(2)
Pour construire un groupe qui contienne SU (2) et qui ait O(3) comme repr´esentation, il faut ajouter `a SU (2) un ´el´ement qui ait pour image dans R3 la r´eflexion −1. Cet ´el´ement doit commuter avec toutes les matrices de SU (2), et donc ˆetre un multiple de l’identit´e. Il ne peut pas ˆetre inclus dans la repr´esentation de dimension 2. Il est possible de l’inclure dans une repr´esentation de dimension 4, sous la forme de l’´el´ement (1, −1). Il change alors le signe de H et son carr´e est l’identit´e.
8.3 Alg` ebre de Lie de SU (2) : repr´ esentations irr´ eductibles Remarques pr´eliminaires. Les repr´esentations irr´eductibles d’une alg`ebre de Lie sont aussi irr´eductibles pour les groupes de Lie associ´es. On peut donc commencer par construire les repr´esentations irr´eductibles de l’alg`ebre de Lie. Normalisation des g´en´erateurs. Pour ce qui suit, il est commode de choisir la repr´esentation des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie de SU (2) exprim´ee en terme de matrices hermitiennes : si = iτi = 12 σi . Alors, [sa , sb ] = i
abc sc ,
s†a = sa .
c
Pour construire les repr´esentations irr´eductibles de SU (2), on peut chercher le plus grand sous-groupe ab´elien, qui ici est U (1), et commencer par classer ses repr´esentations irr´eductibles, ce qui est simple. De plus, un espace vectoriel irr´eductible pour un sous-groupe reste irr´eductible pour le groupe tout entier. Dans le cadre de l’alg`ebre de Lie, cela revient a` chercher la plus grande sousalg`ebre dont tous les ´el´ements commutent. Dans le cas de SU (2), elle n’est compos´ee que d’un ´el´ement, et comme tous les ´el´ements sont ´equivalents, nous choisissons s3 . Nous avons vu que la repr´esentation adjointe du groupe agit sur l’alg`ebre de Lie consid´er´ee comme un espace vectoriel. Les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie agissent par commutation (cf. Sect. 6.2). Pour le sous-groupe U (1), l’alg`ebre de Lie est r´eductible. Nous d´efinissons 0 1 0 0 s+ = s1 + is2 = , s− = s1 − is2 = . 0 0 1 0 Les diff´erentes repr´esentations irr´eductibles sont de dimension 1 et correspondent aux ´el´ements s3 , s+ , s− . En effet, [s3 , s3 ] = 0 ,
[s3 , s± ] = ±s± .
(8.14)
Les combinaisons s± sont les vecteurs isotropes et sont aussi reli´es aux classes SU (2)/U (1). Notons alors que s− = s†+ ,
[s+ , s− ] = 2s3 ,
C = s23 − s3 + s+ s− = s23 + s3 + s− s+ .
(8.15)
Alg`ebre de Lie de SU (2) : repr´esentations irr´eductibles
71
Construction des repr´esentations irr´eductibles. Dans ce qui suit, la notation sa dans le cas d’une repr´esentation R(SU (2)) sera une abr´eviation commode pour R(sa ). Comme s3 est une matrice hermitienne, elle peut ˆetre diagonalis´ee. Les repr´esentations irr´eductibles de U (1) correspondent aux vecteurs propres de s3 et sont de dimension 1. Ici il est commode d’utiliser la notation des bras et kets de Dirac. La notation |μ d´esigne le vecteur correspondant a` la valeur propre μ de s3 qui est r´eelle : s3 |μ = μ |μ . Pour obtenir une repr´esentation irr´eductible de l’alg`ebre de Lie de SU (2), il faut maintenant faire agir de fa¸con r´ep´et´ee les g´en´erateurs s± sur |μ et ´etudier l’espace vectoriel ainsi engendr´e. ´ Utilisant la relation de commutation de s3 avec s± (Eqs. (8.14)), on trouve [s3 , s± ] |μ = ±s± |μ = s3 s± |μ − μs± |μ qui peut s’´ecrire s3 s± |μ = (μ ± 1)s± |μ . Pour chacun des deux signes cette ´equation a deux solutions s± |μ = 0 ,
ou
s± |μ = a± (μ) |μ ± 1 ,
o` u a± (μ) est un coefficient complexe suppos´e alors non-nul, et |μ ± 1 un vecteur propre de s3 avec valeur propre μ ± 1. Faisant agir de fa¸con r´ep´et´ee s± , on obtient alors des vecteurs propres de s3 avec des valeurs propres diff´erant de μ par un entier positif ou n´egatif. Comme nous cherchons des repr´esentations matricielles, l’espace vectoriel doit ˆetre de dimension fini. Il existe donc une plus grande valeur propre μ+ et le vecteur propre correspondant est tel que s+ |μ+ = 0 . De mˆeme, il existe une plus petite valeur propre μ− et le vecteur propre correspondant est tel que s− |μ− = 0 . De la construction, il r´esulte que μ+ − μ− est un entier. Nous le supposons non nul sinon la repr´esentation est triviale puisque R(SU (2)) = 1. Pour des raisons historiques li´ees `a la m´ecanique quantique, nous le notons 2s de sorte que s est demi-entier, μ+ − μ− = 2s > 0 . ´ (8.10)) sur ces deux vecteurs, en utilisant alternaL’action du Casimir C (Eq. tivement une des deux formes (8.15) possibles, donne C |μ+ = (s23 + s3 + s− s+ ) |μ+ = μ+ (μ+ + 1) |μ+ , C |μ− = (s23 − s3 + s+ s− ) |μ− = μ− (μ− − 1) |μ− .
72
Chapitre 8 : Les groupes unitaires U(2) et SU(2)
Ces deux valeurs sont ´egales puisque, pour toute repr´esentation irr´eductible, le Casimir C est proportionnel a` la matrice identit´e : μ+ (μ+ + 1) = μ− (μ− − 1) ⇒ μ− = −μ+ , car μ+ − μ− > 0, et donc
μ± = ±s .
Nous avons trouv´e qu’il existe des repr´esentations irr´eductibles pour toutes valeurs enti`eres de (2s + 1), qui correspond a` la dimension de l’espace de repr´esentation, et que le spectre d’un g´en´erateur prend toutes les valeurs −s + m, avec m entier, m ≤ 2s. La valeur propre c de l’op´erateur C est ´egalement d´etermin´ee : c = s(s + 1). (8.16) Elle caract´erise donc la repr´esentation. Conclusion. En d´ecomposant l’espace des formes multilin´eaires de vecteurs complexes, on obtient les diff´erentes repr´esentations matricielles irr´eductibles de SU (2). La repr´esentation dite de spin s o` u (par r´ef´erence a` la m´ecanique quantique) s est un demi-entier, est de dimension (2s+1). L’´el´ement de Casimir correspondant est proportionnel a` s(s + 1). Pour s entier, on retrouve les repr´esentations de SO(3). D´ecomposition de produits tensoriels de repr´esentations irr´eductibles. Nous ´enon¸cons le r´esultat sans le justifier. Le produit tensoriel des repr´esentations de spins s1 et s2 , o` u nous pouvons supposer s1 ≥ s2 , engendre les repr´esentations s1 − s2 + pour entier, 0 ≤ ≤ 2s2 . On peut v´erifier la coh´erence des dimensions des repr´esentations : (2s1 + 1)(2s2 + 1) =
2s2
[2(s1 − s2 + ) + 1].
=0
Remarque. L’expression du produit tensoriel de deux g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie entraˆıne que les valeurs propres extr´emales de s3 pour le produit de repr´esentation [R(SU (2))⊗]2s sont ±s, ce que nous avons retrouv´e. Repr´esentations de SO(3). Pour une repr´esentation de SO(3), l’´el´ement du groupe e2iπs3 doit ˆetre identique a` l’identit´e : cela impose que s soit entier. Ceci conduit a` une autre remarque. En consid´erant une valeur propre μ a priori quelconque, nous n’avons pas vraiment utilis´e l’information que le sousgroupe correspondant est un groupe U (1) sous-groupe de SU (2), et admis tout groupe isomorphe a` un sous-groupe du groupe additif R. Nous avons class´e toutes les repr´esentations de l’alg`ebre de Lie et non du groupe. Ce que l’analyse montre c’est que le groupe SU (2) est le groupe maximal qui a cette alg`ebre de Lie. Par ailleurs, la repr´esentation de dimension (2 + 1) avec entier correspond bien aux tenseurs sym´etriques de trace nulle. V´erifions-le en calculant la dimension de l’espace vectoriel correspondant par r´ecurrence. Choisissons de toujours
Les groupes SU (2) × SU (2) et SO(4)
73
ordonner les indices de fa¸con non-d´ecroissante, c’est-`a-dire de mettre en utilisant la sym´etrie les indices qui ont la valeur 1 le plus `a gauche, les indices qui ont la valeur 2 `a leur droite et les indices qui ont la valeur 3 le plus `a droite. Soit ν le nombre de tenseurs sym´etriques de rang . On construit les tenseurs de rang ( + 1) en ajoutant un indice a` gauche. Si a` gauche il n’y a que des 1, on peut donner les trois valeurs 1, 2, 3 a` l’indice suppl´ementaire. Cela rajoute 2 = 3 − 1 tenseurs nouveaux. S’il a au moins un 2 et pas de 3, on peut ajouter `a droite 2 ou 3. Il y a tenseurs distincts avec au moins un 2 et au plus . Cela rajoute tenseurs. Enfin, s’il existe un indice qui vaut 3 on doit ajouter la valeur 3 et on n’obtient le mˆeme nombre de tenseurs qu’avant. On conclut ν+1 = ν + + 2 ⇒ ν = 21 ( + 1)( + 2). La condition de trace pour un tenseur de rang donne ν−2 conditions, le nombre de tenseurs de rang ( − 2) correspondant aux indices sur lesquels on ne somme pas, d’o` u ν − ν−2 = 21 ( + 1)( + 2) − 21 ( − 1) = 2 + 1 .
8.4 Les groupes SU (2) × SU (2) et SO(4) En section 9.4, nous ´etudions directement l’alg`ebre de Lie du groupe SO(4). Mais, comme nous le montrons ci-dessous, SO(4) a aussi une repr´esentation en terme des matrices de SU (2). Consid´erons la matrice complexe 2 × 2, X = x0 1 + i
3
xa σa ,
avec
a=1
3
x2a = 1 .
(8.17)
a=0
Le vecteur x de coordonn´ees r´eelles (x0 , x1 , x2 , x3 ) appartient `a la sph`ere S3 ´ dans R4 . Nous avons montr´e que (Eqs. (6.18)) det X = 1 , et X† X = 1 ⇒
1 2
tr X† X = 1 .
Tout ´el´ement de SU (2) peut s’exprimer sous la forme (8.17) qui est ´equivalente a` la forme (8.3). Dans la transformation lin´eaire XU = U1 XU†2 ,
(8.18)
o` u U1 , U2 sont deux matrices quelconques de SU (2), la matrice obtenue est de nouveau une matrice de SU (2). En particulier, elle a la d´ecomposition (8.17) avec un vecteur xU dont les coordonn´ees sont obtenues a` partir de x par une transformation lin´eaire telle que x2U = x2 = 1. La transformation (8.18) lin´eaire est donc une transformation dans R4 qui laisse la longueur du vecteur x invariante. Elle d´epend de six param`etres comme le groupe SO(4). Cette remarque permet de relier le produit de groupes SU (2) × SU (2) au groupe SO(4).
74
Chapitre 8 : Les groupes unitaires U(2) et SU(2)
L’alg`ebre de Lie de SO(4) se d´ecompose dans la somme des deux alg`ebres de Lie de SU (2) ou SO(3) et est appel´ee semi-simple. Par ailleurs, (U1 , U2 ) et (−U1 , −U2 ) correspondent a` la mˆeme rotation. Enfin, (−1, 1) transforme x en −x. Nous identifions donc O(4) ∼ SU (2) × SU (2) /Z2 . Alg`ebre de Lie de SO(4). On peut choisir comme g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie de SO(4) les trois g´en´erateurs τa du sous-groupe SO(3) , et trois g´en´erateurs anti-hermitiens compl´ementaires not´ees ta , de telle sorte qu’ils aient comme produits de Lie, ou commutateurs, (cf. aussi Sect. 9.4) [τa , τb ] = abc τc , [ta , τb ] = abc tc , [ta , tb ] = abc τc . c
c
c
D´efinissant les combinaisons Ta± =
1 2
(ta ± τa ) ,
on v´erifie les relations [Ta+ , Tb− ] = 0 , [Ta± Tb± ] =
abc Tc± ,
c
ce qui d´emontre directement que l’alg`ebre de Lie de SO(4) se d´ecompose dans la somme directe de deux alg`ebres de Lie de SO(3) ou SU (2). Donc, SO(4) a deux ´el´ements de Casimir : C+ = − (Ta+ )2 , C− = − (Ta− )2 . a
a
En particulier, la repr´esentation fondamentale de SO(4) de dimension 4 corres´ (8.11)) pond a` la repr´esentation ( 12 , 12 ) de SU (2) × SU (2). On en d´eduit (Eq. C=−
τa2 + t2a = −2 (C+ + C− ) = 2 34 + 34 1 = 3 1 . a
´ (8.16)) Pour les repr´esentations r´eelles (s, s) de SU (2) × SU (2), on trouve (Eq. C = 4s(s + 1)1 = ( + 2)1 , o` u est un entier qui indexe ces repr´esentations de SO(4). La repr´esentation adjointe de SO(4), qui a six g´en´erateurs (les matrices 4×4 r´eelles antisym´etriques), correspond a` (1, 0) ⊕ (0, 1). Remarque. Apr`es prolongement analytique x4 = it, on obtient une relation entre groupes pertinente pour le groupe de Lorentz O(1, 3) (le groupe qui pr´eserve la forme quadratique t2 − x21 − x22 − x23 ) de la physique relativiste) (cf. Sect. A2.3).
Les groupes SO(3) et SU (2) et la m´ecanique quantique
75
8.5 Les groupes SO(3) et SU (2) et la m´ ecanique quantique En m´ecanique quantique, le spin est le moment cin´etique intrins`eque d’une particule. Il caract´erise comment les particules se transforment dans des rotations. Il ne prend que des valeurs discr`etes s ( est la constante de Planck) o` u s est entier ou demi-entier (par un effet purement quantique). Dans des rotations, les particules de type bosons se transforment par les repr´esentations du groupe O(3), la valeur de s est enti`ere et correspond au label des transformations irr´eductibles du groupe (Sect. 7.3). Par contre, dans une transformation correspondante d’espace, les fermions se transforment par les repr´esentations irr´eductibles du groupe SU (2), qui a la mˆeme alg`ebre de Lie que le groupe SO(3), mais o` u s, qui est le nombre que nous avons attach´e aux repr´esentations irr´eductibles du groupe SU (2) (cf. Sect. 8.3), est restreint aux valeurs demi-enti`eres. Pour s entier, les repr´esentations de SU (2) sont isomorphes aux repr´esentations de SO(3), et correspondent aux bosons. Aux particules de spin 1/2 sont associ´es des vecteurs complexes (des spineurs) `a deux composantes qui se transforment par la repr´esentation fondamentale du groupe SU (2). Ceci entraˆıne une propri´et´e bien connue des particules de spin 1/2 dont, par analogie, on peut dire qu’elles ne sont pas invariantes dans une rotation de 2π mais seulement dans une rotation de 4π . En pr´esence de particules de spin demi-entier, le groupe des transformations lin´eaires d’espace de la m´ecanique quantique n’est plus le groupe des rotations SO(3), mais le groupe de spin SU (2).
Chapitre 9 Groupes de Lie plus g´ en´ eraux, les groupes O(N) et U(N)
Les groupes de Lie matriciels sont des groupes topologiques qui peuvent ˆetre param´etr´es de fa¸con analytique par un nombre fini de param`etres r´eels. Dans ce chapitre, nous consid´erons, comme exemples, les groupes orthogonaux O(N ) et unitaires U (N ). Ces groupes, ainsi que leurs sous-groupes, sont ceux qu’on rencontre fr´equemment en physique. Ils sont compacts (au sens des vari´et´es), `a la diff´erence, par exemple, du groupe de Lorentz de la Relativit´e Restreinte (cf. Sect. A2.4). Nous rappelons leurs d´efinitions, construisons leurs alg`ebres de Lie et d´ecrivons quelques propri´et´es simples. Dans ce cadre plus g´en´eral, nous retrouvons certaines propri´et´es que nous avons d´ej`a d´ecrites dans les chapitres pr´ec´edents. Enfin, pour illustrer ces r´esultats, nous ´etudions plus en d´etail les groupes SO(4) et SU (3).
9.1 Groupes matriciels et alg` ebres de Lie Nous commen¸cons par quelques rappels g´en´eraux concernant les propri´et´es, le rˆ ole et la structure d’alg`ebre de Lie. Norme des matrices. Dans l’ensemble des matrices `a coefficients r´eels, respectivement complexes, N × N , consid´er´e comme espace vectoriel, nous avons ´ d´efini les normes (Eqs. (4.5) et (4.2)) 2 X2 = tr XT X ≡ Xij , X2 = tr X† X ≡ |Xij |2 . i,j
i,j
Toute matrice O appartenant au groupe O(N ) (ou `a un sous-groupe de O(N )) satisfait OOT = 1, o` u 1 est la matrice unit´e. En particulier, O2 = tr OT O = tr 1 = N . La norme de tous les ´el´ements est constante et donc born´ee. De mˆeme, toute matrice U appartenant au groupe unitaire U (N ) (ou `a un sous-groupe de U (N )) satisfait UU† = 1, et donc U2 = tr U† U = tr 1 = N .
78
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
La norme de tous les ´el´ements est constante et donc ´egalement born´ee. Groupes et alg`ebres de Lie. Soit G un groupe de Lie, sous-groupe du groupe O(N ), alternativement du groupe U (N ). L’existence d’une distance et la diff´erentiabilit´e permet d’exprimer un ´el´ement g du groupe dans un voisinage de l’identit´e sous la forme g = 1 + t + O(t2 ), pour t → 0 .
(9.1)
Alors, Pour g ∈ O(N ),
ggT = 1 ⇒ t + tT = 0 ,
(9.2a)
pour g ∈ U (N ),
gg† = 1 ⇒ t + t† = 0 .
(9.2b)
La loi de groupe entraˆıne que les ´el´ements t appartiennent `a un espace vectoriel L(G) sur R de dimension finie et forment une alg`ebre de Lie (cf. Sect. 6.1). Tout ´el´ement peut donc s’exprimer comme combinaison lin´eaire des ´el´ements d’une base de n matrices τα : n ω α τα , (9.3) t= α=1
o` u les ω sont n param`etres r´eels, et les matrices τα sont antisym´etriques ou antihermitiennes. γ De plus, il existe des coefficients r´eels fαβ tels que α
[τα , τβ ] =
γ fαβ τγ .
(9.4)
γ
Ces coefficients, appel´es constantes de structure, sont caract´eristiques de l’alg`ebre de Lie, a` la d´ependance dans le choix de la base des ´el´ements τα pr`es. Ils d´eterminent aussi le sous-groupe des ´el´ements obtenus par exponentiation des ´el´ements de l’alg`ebre de Lie. Normalisation et constantes de structure. Il est commode de normaliser les g´en´erateurs, en utilisant les normes (4.5) ou (4.2), comme tr τα τβT = − tr τα τβ = 2δαβ pour O(N ), tr τα τβ† = − tr τα τβ = 21 δαβ pour U (N ), ces choix sp´ecifiques ´etant li´es `a la compatibilit´e avec les exemples de SO(3) (chapitre 7) et SU (2) (chapitre 8). De l’´equation (9.4), on d´eduit alors γ fαβ = − 12 tr(τγ [τα , τβ ]) pour O(N ), γ fαβγ
= −2 tr(τγ [τα , τβ ]) pour U (N ).
(9.5a) (9.5b)
Utilisant la propri´et´e cyclique de la trace, nous pouvons aussi r´ecrire le membre de gauche γ α tr (τγ [τα , τβ ]) = tr (τα [τβ , τγ ]) ⇒ fαβ = fβγ .
79
Groupes matriciels et alg`ebres de Lie
Pour les groupes orthogonaux ou unitaires, on peut donc choisir une base de g´en´erateurs telle que les constantes de structure, que nous pouvons noter γ fαβ ≡ fαβγ , aient une sym´etrie cyclique et soient antisym´etriques dans les trois indices : fαβγ = fβγα = fγαβ = −fβαγ . (9.6) Pour les groupes SO(3) et SU (2), les constantes de structure sont donn´ees par le symbole compl`etement antisym´etrique ijk qui a, en effet, cette propri´et´e. Introduisant les matrices r´eelles Fα de composantes α Fα βγ = fβαγ = −Fγβ ,
(9.7)
´ (6.11)) on peut exprimer l’identit´e de Jacobi sous la forme (Eq. fαβγ Fγ . [Fα , Fβ ] = γ
Les matrices Fα forment une repr´esentation de l’alg`ebre de Lie isomorphe a` la repr´esentation adjointe (cf. Sect. 6.2). ´ ement de Casimir. Soit l’´el´ement, et matrice positive dans toute repr´esenEl´ tation, 2 C=− (τα ) . (9.8) α
Alors, [C, τβ ] = −
fαβγ (τα τγ + τγ τα ) .
α,γ
´ Echangeant α et γ dans le second terme, et utilisant l’antisym´etrie fγβα = −fαβγ , on trouve [C, τβ ] = 0 ∀β , (9.9) et donc C, qui commute avec tous les ´el´ements de l’alg`ebre de Lie, est un ´el´ement de Casimir. Exponentiation. De la loi de groupe, on d´eduit que tous les ´el´ements du groupe, dans un voisinage de l’identit´e, sont de la forme g = lim (1 + t/n) = et , n
n→∞
o` u l’exponentielle, d´efinie par sa s´erie de Taylor, converge au sens des normes (4.5) ou (4.2). Les ´el´ements du groupe G appartiennent ainsi a` une alg`ebre de matrices engendr´ee par les matrices τα . Cependant, comme nous l’avons d´ej` a vu, un groupe de Lie peut avoir des composantes non connexes a` l’identit´e et qui donc ne peuvent pas s’´ecrire comme une exponentielle d’un ´el´ement de l’alg`ebre de Lie. Les ´el´ements connexes `a l’identit´e forment alors un sous-groupe, dont un argument de continuit´e montre qu’il est un sous-groupe invariant ou distingu´e. Donc les classes correspondantes forment un groupe discret. Le groupe complet est engendr´e par les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie et les g´en´erateurs de ce sous-groupe discret.
80
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
9.2 Le groupe O(N ) D´efinition. Soit G le groupe de matrices r´eelles qui conserve la norme d’un vecteur dans l’espace a` N dimensions RN . Soit v = 0 un vecteur a` N composantes vi et g une matrice de G de composantes gij . Alors pour tout vecteur v, 2 2 |v| = |gv| ⇔ v = gij vj = gij gik vj vk . i
j
i,j,k
Une transformation qui conserve la norme conserve le produit scalaire de deux vecteurs, comme on le v´erifie en posant v = v1 + v2 . Sp´ecialisant alors aux vecteurs de composantes vi1 = δai et vi2 = δbi , on en d´eduit gij gik δaj δbk = gia gib = (ggT )ab , δab = i,j,k
i
ou gT g = 1 = gT g . Ces relations caract´erisent le groupe orthogonal O(N ). Elles ont aussi une interpr´etation en terme des vecteurs lignes ou colonnes de la matrice g : elles expriment que les vecteurs lignes (ou colonnes) forment une base orthonorm´ee. Une matrice arbitraire d´epend de N 2 param`etres r´eels. Comme la matrice T g g est sym´etrique, la relation pr´ec´edente ne correspond qu’` a N (N + 1)/2 ´equations ind´ependantes. Donc une matrice orthogonale d´epend de N (N −1)/2 param`etres r´eels. Prenant le d´eterminant des deux membres, on trouve 1 = det(gT g) = det gT det g = (det g)2 . Donc, det g = ±1 . Groupes O(N ) et SO(N ). Les matrices qui ont d´eterminant 1 forment un sous-groupe du groupe O(N ), not´e SO(N ), et qui est le groupe des rotations dans RN . Pour engendrer le groupe O(N ) entier, il faut rajouter un ´el´ement de d´eterminant −1, par exemple une r´eflexion qui change le signe d’une composante des vecteurs comme l’´el´ement π1 (x1 , x2 , . . . , xN ) = (−x1 , x2 , . . . , xN ) ⇒ π1T π1 = π12 = 1 . Tout ´el´ement de O(N ) soit appartient `a SO(N ), soit peut s’´ecrire π1 g, o` ug appartient a` SO(N ). Il d´ecoule de la d´efinition que SO(N ) est un sous-groupe distingu´e de O(N ) et que l’ensemble quotient O(N )/SO(N ) ∼ Z2 . Remarquons que la matrice de r´eflexion par rapport `a l’origine −1 appartient ou n’appartient pas `a SO(N ) suivant la parit´e de N puisque son d´eterminant est (−1)N . Le cas N = 2N + 1 impair est le plus simple puisque pour passer de SO(N ) `a O(N ), il suffit dans ce cas de rajouter la matrice −1 qui commutent avec tous les ´el´ements de SO(N ), et donc O(2N + 1) ∼ SO(2N + 1) × Z2 .
Alg`ebre de Lie du groupe SO(N ) : construction explicite
81
9.3 Alg` ebre de Lie du groupe SO(N ) : construction explicite Le groupe SO(N ), comme le groupe SO(2), est d´etermin´e par le voisinage de l’identit´e, et donc par l’alg`ebre de Lie. La condition (9.2a), tT +t = 0, entraˆıne que les matrices de l’alg`ebre de Lie sont antisym´etriques. En dimension N , l’alg`ebre de Lie a la forme d’un espace vectoriel de dimension N (N − 1)/2 et l’alg`ebre de SO(N ) a donc N (N − 1)/2 g´en´erateurs. D´efinitions. Nous d´efinissons les ´el´ements uαβ eelles uαβ ij de matrices N × N r´ αβ et les matrices τ par uαβ ij = δαi δβj ,
et
τ αβ = uαβ − uβα ,
(9.10)
et donc les matrices τ αβ ont comme ´el´ements τijαβ = δαi δβj − δαj δβi .
(9.11)
Les matrices avec α < β (ou β < α) forment une base des matrices antisym´etriques, et donc des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie du groupe O(N ). En effet, toute matrice antisym´etrique peut s’´ecrire t= tαβ τ αβ . α 2, multiples de l’identit´e. Il n’y a qu’une matrice non triviale −1. Suivant la parit´e de N , elle appartient `a SO(N ) ou non. Dans le cas N impair, on trouve Adj[O(N )] ∼ O(N )/Z2 ∼ SO(N ) = Adj[SO(N )]. Dans le cas N pair, on trouve Adj[O(N )] = Adj[SO(N )] ∼ SO(N )/Z2 .
Un exemple : l’alg`ebre de Lie du groupe SO(4)
83
9.4 Un exemple : l’alg` ebre de Lie du groupe SO(4) Rappel : le groupe SO(3). Nous avons ´etudi´e le groupe SO(3) dans le chapitre 7. L’alg`ebre de Lie a trois g´en´erateurs τ 12 , τ 13 et τ 23 . Ce sont les matrices d´efinies par l’´equation (7.1), avec la correspondance T1 = −τ 23 = τ 32 , T2 = −τ 31 = τ 13 , T3 = −τ 12 = τ 21 . Les relations de commutation sont [τ 13 , τ 21 ] = τ 32 , [τ 21 , τ 32 ] = τ 13 , [τ 32 , τ 13 ] = τ 21 , ou [τ ij , τ ik ] = −τ jk .
(9.15)
L’´el´ement de Casimir C, qui commute avec les trois g´en´erateurs, est C = −[τ 13 ]2 − [τ 21 ]2 − [τ 32 ]2 . u 13 est la matrice unit´e 3 × 3. Dans la repr´esentation fondamentale C = 2 13 , o` Le groupe SO(4). Les six g´en´erateurs sont τ 12 , τ 13 et τ 23 , qui correspondent au sous-groupe SO(3), et de plus τ 14 , τ 24 et τ 34 . Pour i, j, k = 1, 2, 3, en plus des relations (9.15), les nouvelles relations de commutation sont [τ 4i , τ jk ] = δij τ 4k − δik τ 4j , ou, plus explicitement, [τ 41 , τ 12 ] = τ 42 , [τ 42 , τ 12 ] = −τ 41 , [τ 43 , τ 12 ] = 0 , [τ 41 , τ 13 ] = τ 43 , [τ 42 , τ 13 ] = 0, [τ 43 , τ 13 ] = −τ 41 , [τ 41 , τ 23 ] = 0, [τ 42 , τ 23 ] = τ 43 , [τ 43 , τ 23 ] = −τ 42 , et [τ i4 , τ j4 ] = −τ ij ou [τ 14 , τ 24 ] = −τ 12 , [τ 14 , τ 34 ] = −τ 13 , [τ 24 , τ 34 ] = −τ 23 . Alg`ebres de Lie des groupes SO(3) × SO(3) et SO(4). Pour , = ±1, on trouve les relations de commutation [τ ij + τ 4k , τ jk + τ 4i ] = (1 + )τ ik − ( + )τ 4j . On en d´eduit, pour = − = 1, [τ ij − τ 4k , τ jk + τ 4i ] = 0 , et donc les trois g´en´erateurs avec = 1 commutent avec les trois g´en´erateurs avec = −1.
84
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
Pour = , on trouve les relations de commutation [τ ij + τ 4k , τ jk + τ 4i ] = −2 τ ki + τ 4j . Les trois g´en´erateurs correspondant a` = −1 sont τ 12 − τ 43 ,
τ 23 − τ 41 ,
τ 31 − τ 42 .
Ils satisfont les relations de commutation [τ 12 − τ 43 , τ 23 − τ 41 ] = −2 τ 31 − τ 42 , [τ 23 − τ 41 , τ 31 − τ 42 ] = −2 τ 12 − τ 43 , [τ 31 − τ 42 , τ 12 − τ 43 ] = −2 τ 23 − τ 41 , o` u l’on reconnaˆıt une repr´esentation de l’alg`ebre de Lie de SO(3). Pour = 1, on trouve les trois g´en´erateurs τ 12 + τ 43 ,
τ 23 + τ 41 ,
τ 31 + τ 42 ,
et les relations de commutations [τ 12 + τ 43 , τ 23 + τ 41 ] = −2 τ 31 + τ 42 , [τ 23 + τ 41 , τ 31 + τ 42 ] = −2 τ 12 + τ 43 , [τ 31 + τ 42 , τ 12 + τ 43 ] = −2 τ 23 + τ 41 , qui forment une autre repr´esentation de l’alg`ebre de Lie de O(3). L’alg`ebre de Lie de O(4) est donc semi-simple et se compose de la somme directe de deux alg`ebres de Lie de O(3), un r´esultat coh´erent avec l’analyse de la section 8.4. En terme des matrices de Pauli, on peut r´ecrire, pour = −1, 0 −i iσ2 0 σ2 = → τ 12 − τ 43 = , (9.16a) 0 iσ2 i 0 0 1 0 σ1 → τ 23 − τ 41 = , (9.16b) σ1 = 1 0 −σ1 0 1 0 0 −σ3 → τ 31 − τ 42 = . (9.16c) σ3 = 0 −1 σ3 0 De mˆeme, pour = 1, τ 12 + τ 43 = τ 31 + τ 42 =
iσ2 0 0 12
0 0 , τ 23 + τ 41 = −iσ2 −iσ2 −12 , 0
o` u 12 est la matrice unit´e 2 × 2.
−iσ2 0
, (9.17)
Groupes unitaires U (N ) et SU (N )
85
On v´erifie que les g´en´erateurs des deux alg`ebres de Lie sont reli´es par la transformation 12 0 12 0 t → t . 0 σ3 0 σ3 Sous la forme (9.16), il est plus explicite que les deux alg`ebres de Lie sont isomorphes `a l’alg`ebre de Lie de SU (2) et donc, comme discut´e en section 8.4, l’alg`ebre de Lie du groupe O(4) est isomorphe `a l’alg`ebre de Lie de SU (2) × SU (2)/Z2 . Les deux ´el´ements de Casimir, qui commutent avec tous les g´en´erateurs, sont C = −[τ 12 + τ 43 ]2 − [τ 23 + τ 41 ]2 − [τ 13 + τ 24 ]2 . u 14 est la matrice unit´e en Dans la repr´esentation fondamentale C = 3 14 , o` dimension 4.
9.5 Groupes unitaires U (N ) et SU (N ) D´efinition. Le groupe U (N ) est le groupe des matrices unitaires N × N `a ´el´ements complexes qui pr´eservent la norme de vecteurs complexes. Les matrices du groupe U (N ) satisfont U† U = 1 = U † U .
(9.18)
Ici aussi, ces relations expriment que les vecteurs complexes lignes ou colonnes de U forment une base orthonorm´ee. Une matrice complexe N ×N arbitraire d´epend de N 2 param`etres complexes ou 2N 2 param`etres r´eels. La matrice U† U est hermitienne et donc l’´equation matricielle (9.18) ne correspond qu’` a N 2 ´equations r´eelles ind´ependantes. Une matrice de U (N ) d´epend donc de N 2 param`etres r´eels. Conjugaison complexe. La complexe conjugu´ee d’une matrice unitaire est une matrice unitaire. La conjugaison complexe respecte la loi de groupe (U1 )∗ (U2 )∗ = (U1 U2 )∗ , et commute avec l’inversion. La matrice identit´e, puisque r´eelle, est invariante. L’application U −→ U∗ est donc un isomorphisme de groupe. Le groupe SU (N ). Prenons le d´eterminant des deux membres de l’´equation (9.18), 1 = det(U† U) = det U† det U = | det U|2 . Donc, le d´eterminant d’une matrice unitaire est un nombre complexe de module 1. Consid´erons alors les matrices de d´eterminant 1. Elles forment un sousgroupe distingu´e de U (N ), not´e SU (N ) (`a N 2 − 1 param`etres r´eels), U ∈ SU (N ) ⇔ U† U = 1 et det U = 1 .
(9.19)
86
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
R´eciproquement, toute matrice de U (N ) peut ˆetre obtenue a` partir d’une matrice de SU (N ) en la multipliant par un nombre complexe de module 1, et donc un ´el´ement de U (1). De plus, ce produit est commutatif, a` la diff´erence de ce qui se passe dans la relation entre SO(N ) et O(N ). On peut d´ecrire tout ´el´ement de U (N ) comme un couple (U, v) avec U ∈ SU (N ) et v ∈ U (1), et le produit satisfait (U1 , v1 )(U2 , v2 ) = (U1 U2 , v1 v2 ). Cette structure se r´esume dans l’identit´e U (N ) ∼ SU (N ) × U (1). L’´etude du groupe U (N ) se ram`ene donc `a l’´etude du groupe U (1) (cf. Sect. 3.2) et l’´etude du groupe SU (N ). Notons enfin que la condition det U = 1 ´etant r´eelle, la conjugaison complexe transforme aussi une repr´esentation de SU (N ) en une autre repr´esentation SU (N )∗ isomorphe. Dans le cas N = 2, nous avons v´erifi´e que les deux repr´esentations sont ´equivalentes (cf. Chap. 8). Ce n’est plus le cas pour N > 2. Centre de SU (N ). Un sous-groupe qui a la propri´et´e de commuter avec tous les ´el´ements du groupe est appel´e centre du groupe. Nous v´erifierons que toute matrice qui commute avec tous les ´el´ements de SU (N ) est proportionnelle `a la matrice identit´e. Les matrices de SU (N ) qui sont proportionnelles `a l’identit´e ont la forme U = u1 ⇒ u = eiθ ,
det U = 1 ⇒ eiN θ = 1 ou θ = 2πk/N , avec 0 ≤ k < N .
Les matrices de SU (N ) qui commutent avec toute matrice complexe et tous les ´el´ements du groupe sont les racines N i`eme de l’unit´e, et forment le sous-groupe ZN de SU (N ). C’est un sous-groupe ab´elien et donc distingu´e (cf. Sect. 2).
9.6 Groupes U (N ) et O(2N ) Le groupe orthogonal O(N ) est le sous-groupe des matrices r´eelles du groupe U (N ). R´eciproquement, toute matrice unitaire peut aussi ˆetre ´ecrite comme une matrice orthogonale de dimension double en s´eparant partie r´eelle et partie imaginaire. Il suffit de d´ecomposer les complexes en partie r´eelle et imaginaire. La norme du vecteur complexe `a N composantes est aussi la norme du vecteur r´eel a` 2N composantes. La transformation pr´eserve la norme du vecteur complexe et donc du vecteur r´eel. Nous concluons que cette d´ecomposition r´eelle de la matrice est orthogonale et que le groupe U (N ) est un sous-groupe du groupe O(2N ). Les deux groupes ne peuvent ˆetre isomorphes que pour N = 1 car pour N > 1, le groupe U (N ) d´epend de moins de param`etres que le groupe O(2N ). Plus explicitement, d´ecomposons une matrice U de U (N ) en parties r´eelle et imaginaire : U = A + iB .
Alg`ebre de Lie de SU (N )
87
Une repr´esentation isomorphe r´eelle de U (N ) est donn´ee par A −B U → O = , B A comme on peut le v´erifier par multiplication explicite. Alors, T BT A U† = AT − iBT → ≡ OT . −BT AT On en d´eduit, UU† = 1 ⇔ OOT = 1 ⇔ AAT + BBT = 1 et BAT − ABT = 0 , ce qui confirme que U (N ) est un sous-groupe de O(2N ).
9.7 Alg` ebre de Lie de SU (N ) Les ´el´ements de l’alg`ebre de Lie du groupe U (N ) satisfont l’´equation (9.2b), t + t† = 0 , et sont donc des matrices anti-hermitiennes. Pour exprimer que la matrice U a un d´eterminant ´egale `a 1, on peut utiliser l’identit´e ln det = tr ln valable pour toute matrice, et donc det(1 + t) = 1 + tr t + Ot2 ). Au premier ordre, la condition implique tr t = 0 . Les matrices t sont les matrices anti-hermitiennes de trace nulle. Elles forment un espace vectoriel de dimension (N 2 − 1). On peut choisir une base τα orthogonale au sens de la trace des matrices complexes, satisfaisant tr(τα τβ† ) = − tr(τα τβ ) = 21 δαβ .
(9.20)
Toute matrice anti-hermitienne de trace nulle t peut s’exprimer sous la forme tα τα , avec tα ∈ R . (9.21) t= α
Les matrices anti-hermitiennes τα sont les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie de SU (N ). Tout ´el´ement du groupe SU (N ) appartient `a l’alg`ebre de matrices engendr´ee par l’ensemble des g´en´erateurs de l’alg`ebre de U (N ). Le produit de Lie est le commutateur des matrices : [τα , τβ ] = fαβγ τγ , (9.22) γ
88
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
o` u les fαβγ sont des coefficients r´eels, constantes de structure de l’alg`ebre de Lie, qui comme cons´equence de la normalisation (9.20) sont antisym´etriques ´ dans les trois indices (cf. Eqs. (9.5)). Interpr´et´e en terme des matrices (9.7), ce r´esultat signifie que les matrices Fα , d’´el´ements Fα etriques et engendrent une repr´esentation βγ = fβαγ sont antisym´ orthogonale du groupe unitaire. ´ ement de Casimir. Nous avons montr´e (Eqs. ´ El´ (9.8, 9.9)) que, comme cons´equence de la normalisation des g´en´erateurs et donc de l’antisym´etrie des constantes de structure, l’´el´ement C=−
τα2 ,
(9.23)
α
commute avec tous les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie : [C, τα ] = 0 . Dans toute repr´esentation irr´eductible, la matrice C est proportionnelle `a la matrice unit´e : C = c1. Dans la repr´esentation fondamentale, C est une matrice N × N . Prenant la trace des deux membres de l’´equation (9.23) et utilisant la normalisation (9.20), on trouve alors tr C = N c =
1 2
N2 − 1 N2 − 1 ⇒ c = . 2N
(9.24)
Une d´ecomposition. On peut d´ecomposer une matrice anti-hermitienne en partie r´eelle t2 et imaginaire t1 sous la forme t = t2 + it1 avec t2 = −tT2 , t1 = tT1 ,
(9.25)
ce qui implique tr t1 tT2 = 0 . Notons T1 et T2 les espaces vectoriels des g´en´erateurs correspondant. Les relations de commutation satisfont [T1 , T1 ] ∈ T2 ,
[T2 , T2 ] ∈ T2 ,
[T1 , T2 ] ∈ T1 .
Les g´en´erateurs appartenant a` T2 forment donc l’alg`ebre de Lie du sous-groupe O(N ). On peut attribuer une parit´e aux g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie, la parit´e +1 aux ´el´ements de T2 et la parit´e −1 aux ´el´ements de T1 , un choix qui est compatible avec les relations de commutation. L’espace quotient U (N )/O(N ), parce qu’il est dot´e de cette propri´et´e, est appel´e espace sym´etrique.
Alg`ebre de Lie de SU (N )
89
Une r´ealisation explicite. Utilisons la d´efinition (9.10), uαβ ij = δαi δβj . Consid´erons les matrices τ1αβ = uαβ + uβα ,
τ2αβ = uαβ − uβα , pour α < β .
Alors, (γ < δ) τ1αβ (τ2T )γδ = 0 et tr τ1αβ (τ1T )γδ = 2 (δαδ δβγ + δαγ δβδ ) = 2δαγ δβδ , tr τ2αβ (τ2T )γδ = 2 (δαγ δβδ − δαδ δβγ ) = 2δαγ δβδ . Pour α = β, notons tr uαα (uββ )T = δαβ , et donc on peut prendre τ1αα =
√
2uαα .
L’ensemble des matrices τ1αβ avec α ≤ β forment une base orthonorm´ee pour T1 et les matrices τ2αβ avec α < β forment une base orthonorm´ee pour T2 . Dans le cas du groupe SU (N ), la matrice sym´etrique r´eelle t1 est de trace nulle, et pour satisfaire la condition tr t1 = 0, on peut prendre pour α ≤ N − 1, les matrices diagonales (τ1αα )ii = 2/(α + 1)α pour i ≤ α , −α 2/(α + 1)α pour i = α + 1 et 0 pour i > α + 1 . Exponentiation. On d´emontre ensuite que toute matrice de SU (N ) peut s’´ecrire comme l’exponentielle d’une matrice anti-hermitienne t de trace nulle : U = et =
∞ 1 k t . k!
k=0
On v´erifie qu’une telle expression est bien une matrice unitaire. En effet, U† =
∞ (−1)k k=0
k!
tk = e−t ,
de d´eterminant ´egal `a 1 : ln det U = tr ln U = tr t = 0 . Les ´el´ements de SU (N ) peuvent donc s’exprimer en terme des param`etres r´eels tα de la repr´esentation (9.21) des ´el´ements de l’alg`ebre de Lie.
90
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
Une remarque utile. Une matrice qui commute avec toutes les matrices hermitiennes de trace nulle est proportionnelle `a l’identit´e. En effet, toute matrice complexe M peut s’´ecrire M = (M + M† )/2 + i [(M − M† )/2i], et est donc une combinaison lin´eaire a` coefficients complexes de matrices hermitiennes. Une base des matrices hermitiennes est fournie par les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie de U (N ), c’est-` a-dire de l’alg`ebre de Lie de SU (N ) `a laquelle on ajoute la matrice identit´e. Donc toute matrice qui commute avec toutes les matrices hermitiennes, commute avec toute matrice et est donc proportionnelle `a la matrice identit´e. Mais, comme toute matrice commute avec la matrice identit´e, il suffit qu’elle commute avec toutes les matrices hermitiennes de trace nulle. Alg`ebres de Lie U (N ) et O(2N ). La relation entre les groupes U (N ) et O(2N ) d´ecrite dans la section 9.6 s’´etend imm´ediatement aux alg`ebres de Lie. Un ´el´ement T de l’alg`ebre de Lie de U (N ) est une matrice anti-hermitienne : T = T1 + iT2 ,
avec
TT1 = −T1 , TT2 = T2 .
Dans le cas du sous-groupe SU (N ), de plus tr T = 0 ⇒ tr T2 = 0 . Elle est repr´esent´ee par
T →
T1 T2
−T2 T1
.
Les matrices repr´esentant l’alg`ebre de Lie de O(2N ) ont la forme plus g´en´erale T1 T2 avec TT1 = −T1 , TT3 = −T3 . −TT2 T3
9.8 Repr´ esentations de SU (N ) Repr´esentation adjointe. Consid´erons l’espace vectoriel H des matrices hermitiennes de trace nulle, espace vectoriel isomorphe `a l’alg`ebre de Lie consid´er´ee comme espace vectoriel. Si H appartient a` cet espace et U est une matrice unitaire HU = UHU† (9.26) appartient a` l’espace. En effet, H†U = HU ,
tr HU = tr(UHU† ) = tr H = 0 ,
o` u nous avons utilis´e la propri´et´e cyclique de la trace. La transformation (9.26) est donc une transformation lin´eaire dans l’espace H, appel´ee repr´esentation adjointe du groupe U (N ), ou Adj(U (N )).
Repr´esentations de SU (N )
91
De fa¸con plus g´en´erale, la cyclicit´e de la trace entraˆıne que les traces de toutes les puissances de H sont invariantes et donc, ´egalement son spectre et son d´eterminant. Par ailleurs, si nous d´ecomposons la matrice unitaire U dans le produit d’une matrice de SU (N ) par ´el´ement de U (1), nous voyons que UU ne d´epend que de l’´el´ement de SU (N ). Nous pouvons donc nous restreindre aux ´el´ements de SU (N ) : Adj(U (N )) ≡ Adj(SU (N )). R´ecrivons l’´equation (9.26) en terme de composantes, [HU ]ij =
Uik U∗jl Hkl .
k,l
Les transformations (9.26) de l’espace H forment donc un groupe appartenant a` la repr´esentation Adj(SU (N )) ≡ SU (N )∗ ⊗ SU (N ) du groupe SU (N ). Les ´el´ements de Adj(SU (N )), que nous noterons aussi N ⊗ N ∗ , sont des matrices (N 2 − 1) × (N 2 − 1) agissant sur les (N 2 − 1) coefficients du d´eveloppement de H sur une base. Les constantes de structures, interpr´et´ees comme matrices, engendrent une repr´esentation isomorphe, orthogonale de l’alg`ebre de Lie de Adj(SU (N )). Caract´erisons maintenant les ´el´ements de SU (N ) qui laissent tout ´el´ement de H invariant : ∀H : UHU† = H ⇔ [U, H] = 0 . Or nous avons vu qu’une matrice qui a cette propri´et´e est un multiple de l’identit´e, ce qui dans le cas de SU (N ) signifie un ´el´ement du centre ZN de SU (N ). Cette propri´et´e s’exprime par la relation Adj[SU (N )] ∼ SU (N )/ZN . Autres repr´esentations. Nous discutons dans un contexte plus g´en´eral la d´ecomposition des produits de repr´esentations en repr´esentations irr´eductibles. Cependant, quelques remarques simples peuvent ˆetre faites. Il peut ˆetre utile de consid´erer un sous-groupe ab´elien maximal et les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie correspondants, qui commutent tous entre eux. Dans l’exemple de SU (N ), (N −1) matrices diagonales lin´eairement ind´ependantes de trace nulle forment un tel ensemble de g´en´erateurs. Il est alors commode de bˆ atir les repr´esentations de l’alg`ebre de Lie avec comme vecteurs de base les vecteurs propres communs aux g´en´erateurs de ce sous-groupe ab´elien. Par ailleurs, comme nous l’avons d´ej`a not´e, au produit tensoriel de deux repr´esentations R1 (G) ⊗ R2 (G) d’un groupe de Lie G correspondent des g´en´erateurs de la forme L1 (G) ⊗ 1 + 1 ⊗ L2 (G), o` u L1 (G) et L2 (G) sont les repr´esentations correspondantes de l’alg`ebre de Lie. 1 1 Ainsi, si {vα } et {vα } sont les vecteurs propres dans les repr´esentations 1 et 1 2 respectivement, {vα ⊗ vβ2 } forment un ensemble de vecteurs propres dans le produit des repr´esentations.
92
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
Applications en physique. Les groupes unitaires jouent un rˆole tr`es important en m´ecanique quantique et dans la th´eorie des interactions fondamentales. Ainsi, les propri´et´es tr`es voisines, en l’absence d’interactions ´electromagn´etiques, du proton et du neutron, conduisent a` une sym´etrie approch´ee SU (2) dite d’isospin. Le Mod`ele Standard, qui d´ecrit la physique microscopique (ou physique des particules) au niveau le plus fondamental accessible, et qui est bien ´etabli exp´erimentalement, est bas´e sur le produit de groupes U (1) × SU (2) × SU (3) (en fait une sym´etrie de jauge [12]). Il a ´et´e sp´ecul´e que ce produit pourrait ˆetre le sous-groupe r´esiduel a` plus basse ´energie d’un groupe plus vaste avec alg`ebre de Lie simple, comme SU (5) ou SO(10). Comme nous avons d´ej` a d´ecrit les groupes U (1) et SU (2), nous d´ecrivons maintenant bri`evement le sous-groupe SU (3), qui est le groupe de la chromodynamique quantique, une th´eorie qui d´ecrit les interactions entre quarks et gluons dans le Mod`ele Standard.
9.9 Un exemple : le groupe SU (3) Nous appliquons maintenant les remarques g´en´erales sur les groupes unitaires au groupe SU (3) des matrices complexes unitaires 3 × 3 de d´eterminant 1. Par contraste avec le groupe SU (2), la repr´esentation fondamentale et sa conjugu´ee complexe sont isomorphes mais ne sont pas ´equivalentes. Remarque. Le groupe SU (3) a comme sous-groupe SU (2) × U (1). En fait, la vari´et´e quotient SU (3)/SU (2) × U (1) est un espace sym´etrique, ce qui se refl`ete dans la structure de l’alg`ebre de Lie comme nous allons l’expliquer. Comme nous avons d´ej`a classifi´e toutes les repr´esentations des groupes SU (2) et U (1), il est commode de partir des repr´esentations de l’alg`ebre de Lie de SU (2) × U (1) pour construire les repr´esentations de l’alg`ebre de Lie de SU (3). Alg`ebre de Lie : repr´esentation explicite. La repr´esentation adjointe est de dimension 8. En effet, l’alg`ebre de Lie de SU (3) a huit g´en´erateurs, de la forme iTα o` u les matrices Tα sont hermitiennes de trace nulle. Nous les choisissons orthonorm´ees par la trace : tr Tα Tβ = 12 δαβ . L’´el´ement de Casimir est alors C=
8
Tα2 .
(9.27)
α=1
Le sous-groupe ab´elien maximal comprend deux g´en´erateurs que nous pouvons choisir de la forme ⎞ ⎛1 ⎞ ⎛1 √ 0 0 0 0 2 3 3 ⎝0 1 T3 = ⎝ 0 − 21 0 ⎠ , T4 = 0 ⎠. 3 2 0 0 0 0 0 − 23
Un exemple : le groupe SU (3)
93
Avec la mˆeme normalisation, nous d´efinissons encore ⎞ ⎛ ⎛ 0 − 2i 0 12 0 1 T1 = ⎝ 2 0 0 ⎠ , T2 = ⎝ 2i 0 0 0 0 0 0
⎞ 0 0⎠ . 0 T1 , T2 , T3 sont les g´en´erateurs du sous-groupe SU (2) et T4 du sous-groupe U (1). Enfin, pour les quatre g´en´erateurs restants, nous pouvons choisir ⎞ ⎞ ⎛ ⎛ 0 0 12 0 0 − 2i T 5 = ⎝ 0 0 0 ⎠ , T6 = ⎝ 0 0 0 ⎠ , 1 i 0 0 0 0 ⎞ ⎞ ⎛2 ⎛2 0 0 0 0 0 0 T7 = ⎝ 0 0 12 ⎠ , T8 = ⎝ 0 0 − 2i ⎠ . 0 12 0 0 2i 0 Par ailleurs, iT2 , iT6 et iT8 sont des matrices r´eelles antisym´etriques qui engendrent l’alg`ebre de Lie de SO(3), autre sous-groupe de SU (3). De mˆeme que nous avons l’avons fait pour les matrices τ1 et τ2 dans le but ´ de construire les repr´esentations de SU (2) (Eqs. (8.14)), il est utile d’introduire les combinaisons complexes S1 = T5 + iT6 ,
S2 = T7 + iT8 ,
ainsi que S1† et S2† . Les ´el´ements de matrice se r´eduisent `a [S1 ]kl = δk1 δl3 ,
[S2 ]kl = δk2 δl3 .
Repr´esentation de SU (2) × U (1) et relations de commutation. L’alg`ebre de Lie de SU (2) agit sur les matrices S1 et S2 comme [T3 , S1 ] = 12 S1 , [T1 , S1 ] = 12 S2 ,
[T3 , S2 ] = − 12 S2 [T1 , S2 ] = 12 S1
(9.28)
[T2 , S1 ] = − 12 iS2 , [T2 , S2 ] = 12 iS1 , ce qui montre que S1 et S2 se transforment suivant la repr´esentation fondamentale de SU (2). Les matrices S1 † et S2† se transforment par la repr´esentation conjugu´ee. De plus, √ √ [T4 , S1 ] = 12 3S1 , [T4 , S2 ] = 12 3S2 (9.29) [T4 , T1 ] = [T4 , T2 ] = [T4 , T3 ] = 0 . Il reste `a d´eterminer les relations de commutation entre S1 et S2 ainsi que les matrices conjugu´ees : [S1 , S2 ] = 0 , et
[S1 , S2† ] = T1 + iT2 , [S1 , S1† ] = T3 +
√
[S2 , S1† ] = T1 − iT2 ,
3T4 , [S2 , S2† ] = −T3 +
[S1† , S2† ] = 0 ,
√ 3T4 .
Notons que les relations de commutation sont compatibles avec une notion de parit´e pour les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie telle que les g´en´erateurs de SU (2) × U (1) soient pairs et les g´en´erateurs S1 , S2 , S1† , S2† soient impairs. Cette propri´et´e est caract´eristique des espaces quotient, ici SU (3)/[SU (2) × U (1)], appel´es espaces sym´etriques.
94
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
9.10 Repr´ esentations irr´ eductibles du groupe SU (3) Remarque pr´eliminaire. La condition det U = 1 implique Uia Ujb Ukc abc = det U ijk = ijk . a,b,c
Comme premi`ere cons´equence, on trouve la repr´esentation identit´e dans la r´eduction du produit tensoriel (SU (3)⊗)3 . De plus, multipliant les deux mem∗ bres par Ukl , sommant sur k et utilisant la relation d’unitarit´e, on trouve ∗ Uia Ujb abl = ijk Ukl . a,b
k
Ceci implique que dans la r´eduction du produit tensoriel SU (3) ⊗ SU (3), on trouve la repr´esentation fondamentale de SU (3)∗ . Dans ce qui suit nous notons 3 et 3∗ les repr´esentations fondamentales de SU (3) et SU (3)∗ . M´ethode g´en´erale. Pour construire les repr´esentations de SU (3), on peut partir des repr´esentations de SU (2) × U (1) qui sont caract´eris´ees par un demientier s pour SU (2) et un entier ν pour U (1). Par ailleurs, les g´en´erateurs T3 et T4 forment une sous-alg`ebre ab´elienne maximale. Nous choisissons donc, comme base, des vecteurs tels que (utilisant, pour repr´esenter les vecteurs, la notation des bras et kets de Dirac) √ T3 |μ, ν = μ |μ, ν , T4 |μ, ν = 12 3 ν |μ, ν . ´ ement de Casimir. L’´el´ement de Casimir peut s’´ecrire El´ C = T12 + T22 + T32 + T42 + 21 S1 S1† + S1† S1 + S2 S2† + S2† S2 . Pour la repr´esentation fondamentale (ou de d´efinition), l’´equation (9.24) implique C = 43 1 . Exemples : repr´esentations fondamentale et adjointe. Pour la repr´esentation fondamentale, les trois vecteurs sont 1 1 1 1 , , − , , 0, − 2 2 3 2 3 3 et du point de vue de SU (3) correspondent a` la somme des repr´esentations s = 1/2 et s = 0. Pour la repr´esentation adjointe, nous lisons directement les valeurs propres de T3 et T4 sur les relations de commutation. Nous trouvons la somme de la repr´esentation s = 1 avec les vecteurs |1, 0 , |0, 0 , |−1, 0 , de la repr´esentation s = 1/2 et de sa conjugu´ee, 1 1 , 1 , − , 1 et 1 , −1 , − 1 , −1 , 2 2 2 2 et enfin une repr´esentation identit´e s = 0 correspondant au g´en´erateur T4 et au vecteur |0, 0 .
Repr´esentations irr´eductibles du groupe SU (3)
95
Pour calculer l’´el´ement de Casimir, on peut agir sur le vecteur |1, 0 et utiliser les relations de commutation qui conduisent `a C |1, 0 = T12 + T22 + T32 + T3 + T42 |1, 0 = 3 |1, 0 et donc C = 31. Construction g´en´erale. Les relations de commutation (9.28) et (9.29) impliquent S1 |μ, ν ∝ μ + 21 , ν + 1 S2 |μ, ν ∝ μ − 1 , ν + 1 . 2
De fa¸con corr´el´ee,
S1† |μ, ν ∝ μ − 12 , ν − 1 S2† |μ, ν ∝ μ + 12 , ν − 1 .
Le produit tensoriel 3 ⊗ 3. Appliquons ces r´esultats au produit tensoriel 3 ⊗ 3. Notons que puisque les g´en´erateurs du produit tensoriel sont de la forme T ⊗ 1 + 1 ⊗ T , le produit tensoriel des vecteurs propres communs a` T3 et T4 sont des vecteurs propres de la repr´esentation de T3 et T4 , les nouvelles valeurs propres ´etant toutes les sommes deux `a deux des valeurs propres. Du point de vue du groupe SU (2), nous trouvons une repr´esentation s = 1, deux repr´esentations s = 12 et deux repr´esentations s = 0 correspondant aux vecteurs 2 2 1 1 1 1 2 4 1, , 0, 3 3 × 2 , −1, 3 , 2 , − 3 × 2 , − 2 , − 3 × 2 , 0, − 3 . Nous avons d´ej` a vu que dans la r´eduction apparaˆıt la repr´esentation 3∗ associ´ee aux tenseurs antisym´etriques et aux vecteurs de base 1 1 1 1 2 − , − , , − , 0, . 2 3 2 3 3 Les tenseurs sym´etriques forment eux un espace vectoriel de dimension 6 correspondant donc a` trois repr´esentations s = 1, s = 12 et s = 0 : 2 2 2 1, , 0, 3 3 , −1, 3 , 1 1 1 1 , − , − , − , 2 3 2 43 0, − , 3 S1† faisant passer d’une ligne a` la suivante. Alors, C=
10 3
1.
Le produit tensoriel 3⊗3⊗3. Dans le produit tensoriel, nous trouvons d’abord le produit 3 ⊗ 3∗ qui contient la repr´esentation adjointe et la repr´esentation
96
Chapitre 9 : Groupes de Lie plus g´en´eraux, les groupes O(N) et U(N)
identit´e. De plus, il faut r´eduire le produit 3⊗6. Du point de vue de SU (2), nous trouvons maintenant une repr´esentation s = 32 , deux repr´esentations s = 1, trois repr´esentations s = 21 et deux repr´esentations s = 0 correspondant aux vecteurs 3 1 1 3 , 1 , , 1 , − , 1 , − , 1 , 2 2 2 2 [|1, 0 , |0, 0 , |−1, 0 ] × 2 , 1 1
, 1 , , 1 et 1 , −1 , 1 , −1 × 2 , 2 2 2 2 |0, 0 et |0, −2 . Les repr´esentations irr´eductibles se composent alors d’une repr´esentation isomorphe a` la repr´esentation adjointe et d’une repr´esentation de dimension 10 : 3 1 1 3 , 1 , , 1 , − , 1 , − , 1 , 2 2 2 2 |1, 0 , |0, 0 , |−1, 0 , 1 , −1 , 1 , −1 , 2 2 |0, −2 . La repr´esentation de dimension 10 correspond a` l’action du produit tensoriel 3 ⊗ 3 ⊗ 3 sur les tenseurs sym´etriques, les deux repr´esentations de dimension 8 sur les tenseurs mixtes (au sens des repr´esentations irr´eductibles du groupe sym´etrique S3 , cf. Sect. 11.2) et la repr´esentation identit´e sur les tenseurs compl`etement antisym´etriques. L’´el´ement de Casimir est C = 61. Plus g´en´eralement, la repr´esentation correspondant aux tenseurs compl`etement sym´etriques de rang a pour dimension 12 ( + 1)( + 2) et comme Casimir ´ (10.13)). C = 13 ( + 3)1 (cf. aussi Eq.
Chapitre 10 Alg` ebres de Lie et op´ erateurs diff´ erentiels
Nous avons d´ej`a mentionn´e en sections 5.7 et 7.5, que la m´ecanique quantique n´ecessite aussi des repr´esentations de groupes ou alg`ebres de Lie agissant sur des espaces vectoriels norm´es de fonctions que nous supposons ici infiniment diff´erentiables. De fa¸con g´en´erale, nous consid´erons une fonction ψ de N variables r´eelles xi , lesquelles se transforment sous l’action d’un groupe de Lie G orthogonal, sous-groupe de O(N ) (x ≡ (x1 , . . . , xN )), g∈G
ψ(x) −→ ψ(gx). Nous notons τ α les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie L(G) du groupe G. Au voisinage de l’identit´e, la variation δψ de ψ peut ˆetre exprim´ee sous la forme δψ(x) ∼
α,i,j
α ωα xi τij
∂ ψ(x), ∂xj
avec ωα r´eels ,
(10.1)
o` u les matrices τ α forment une base de L(G). Le membre de droite de l’´equation (10.1) d´efinit une repr´esentation des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie par des op´erateurs diff´erentiels, α ∂ Tα = xi τij . (10.2) ∂xj i,j Notons que, dans cette expression, xi et ∂/∂xj ≡ ∂j sont des op´erateurs agissant par multiplication et diff´erentiation sur des espaces de fonctions. En particulier, ils satisfont les relations de commutation [∂i , xj ] = δij . L’alg`ebre de Lie L(G) est d´efinie par les relations de commutation [τ α , τ β ] =
fαβγ τ γ ,
γ
o` u fαβγ sont les constantes de structure de L(G).
98
Chapitre 10 : Alg`ebres de Lie et op´erateurs diff´erentiels
Un calcul simple montre que les g´en´erateurs diff´erentiels satisfont les mˆemes relations de commutation : [Tα , Tβ ] = fαβγ Tγ , γ
et donc les alg`ebres de Lie sont isomorphes. Nous prendrons ci-dessous comme exemples d’espaces fonctionnels l’espace vectoriel des polynˆomes a` coefficients r´eels de N variables. En effet, les op´erateurs Tα ne changent pas le degr´e des polynˆ omes. Les repr´esentations irr´eductibles agissent donc sur l’espace vectoriel des polynˆ omes homog`enes de degr´e fix´e. Le groupe SO(3). Consid´erons l’exemple discut´e dans la section 7.5. Les g´en´erateurs diff´erentiels sont Tα = − αij xi ∂j . i,j
Apr`es quelques commutations, on trouve pour l’op´erateur de Casimir l’expression (∇ ≡ (∂1 , ∂2 , ∂3 ))
C = − (T1 )2 + (T2 )2 + (T3 )2 = x · ∂ (x · ∂ + 1) − x2 ∇2 . Soit A (x) un polynˆ ome homog`ene de degr´e dans les variables xi dont les coefficients forment un tenseur sym´etrique de rang , A (x1 , x2 , x3 ) = ai1 i2 ···i xi1 · · · xi . i1 ,i2 ,...,i
Alors (x · ∂)A (x) = A (x). Par ailleurs, ∇2 A (x1 , x2 , x3 ) =
akki1 i2 ···i−2 xi1 · · · xi−2 .
(10.3)
k,i1 ,i2 ,...,i−2
Le r´esultat est proportionnel `a une trace partielle sur deux indices du tenseur sym´etrique ai1 i2 ···i . Dans une repr´esentation irr´eductible, l’op´erateur de Casimir est proportionnel a` l’identit´e. Cela implique que l’expression (10.3) doit s’annuler et que l’op´erateur de Casimir doit agir sur un polynˆome A dont les coefficients sont des tenseurs sym´etriques de trace nulle. L’op´erateur de Casimir se r´eduit alors `a C = x · ∂ (x · ∂ + 1) ⇒ CA (x) = ( + 1)A (x). (10.4) Les tenseurs sym´etriques de trace nulle correspondent a` des repr´esentations irr´eductibles. La valeur propre de C est en accord avec le r´esultat (7.18).
Le groupe SO(N )
99
10.1 Le groupe SO(N ) α Remarque pr´eliminaire. Soient les matrices τ α , d’´el´ements τij , un ensemble de g´en´erateurs de SO(N ) formant une base orthonorm´ee de l’espace vectoriel des matrices N × N antisym´etriques telles que
tr(τ α τ β ) = −2δαβ . Toute matrice antisym´etrique A, d’´el´ements Aij , satisfait alors A = − 12
τ α tr(τ α A).
(10.5)
α
Cette expression peut ˆetre v´erifi´ee en calculant tr Aτ β . On choisit pour A la matrice antisym´etrique d’´el´ements Aij = δai δbj − δaj δbi . L’´equation (10.5) entraˆıne alors (un exemple de ce qu’on appelle identit´e de Fierz en physique) α α δai δbj − δaj δbi = τij τab . (10.6) α
Les g´en´erateurs Tα et l’op´erateur de Casimir. Des g´en´erateurs de SO(N ) sous forme d’op´erateurs diff´erentiels sont τ α → Tα =
α xi τij ∂j ,
i,j
et l’op´erateur de Casimir CO(N ) prend alors la forme CO(N ) = −
α
(Tα )2 = −
α
i,j
α xi τij ∂j
α xk τk ∂ .
k,
Utilisant l’identit´e (10.6), et avec un peu d’alg`ebre et de commutations, on trouve pour CO(N ) l’expression (∇ ≡ (∂1 , ∂2 , . . . , ∂N )) CO(N ) = x · ∂ (x · ∂ + N − 2) − x2 ∇2 .
(10.7)
Repr´esentations irr´eductibles. Comme les g´en´erateurs Tα ne changent pas le degr´e des polynˆ omes, les repr´esentations irr´eductibles agissent sur l’ensemble des polynˆ omes homog`enes a` N variables. Pour les polynˆ omes homog`enes g´en´eraux, le Casimir n’est pas proportionnel `a l’identit´e `a cause de la contribution x2 ∇2 . Toutefois, l’op´erateur x2 ∇2 , agissant sur des polynˆomes homog`enes ´ (10.3)). Ainsi, l’op´erateur de Casimir, `a coefficients de trace nulle, s’annule (Eq.
100
Chapitre 10 : Alg`ebres de Lie et op´erateurs diff´erentiels
agissant sur des polynˆomes homog`enes `a coefficients de trace nulle, peut ˆetre simplifi´e en CO(N ) = x · ∂ (x · ∂ + N − 2) . Agissant sur un polynˆ ome homog`ene A (x) de degr´e (les coefficients forment un tenseur de rang sym´etrique et de trace nulle), on trouve CO(N ) A (x) = ( + N − 2)A (x).
(10.8)
L’op´erateur de Casimir est proportionnel a` l’identit´e et a comme valeur propre unique ( + N − 2). Les tenseurs de rang sym´etriques de trace nulle correspondent `a des repr´esentations irr´eductibles de dimension ν˜(N, ) =
( + N − 3)! (2 + N − 2). !(N − 2)!
(10.9)
Pour N = 3, on v´erifie ν˜(3, ) = 2 + 1 et ν˜(4, ) = ( + 1)2 = ν 2 (2, ), cons´equence de la relation entre SO(4) et SU (2) × SU (2). L’expression se d´eduit de la dimension de l’espace des tenseurs sym´etriques ´ (10.14)) par la remarque suivante : la condition de trace pour un ν(N, ) (Eq. tenseur de rang donne νN,−2 conditions, le nombre de tenseurs de rang (−2) correspondant aux indices sur lesquels on ne somme pas, d’o` u ν˜(N, ) = ν(N, ) − ν(N, − 2).
10.2 Le groupe SU (N ) Les g´en´erateurs de SU (N ) sont des matrices anti-hermitiennes de trace nulle que nous notons τ α . Les matrices τ α forment une base de l’espace vectoriel a` coefficients complexes des matrices N × N de trace nulle. Nous les normalisons par tr τ α τ β = − 21 δαβ . Soit M, d’´el´ements Mij , une matrice complexe de trace nulle. Alors M = −2 τ α tr(τ α M).
(10.10)
α
Nous appliquons cette identit´e a` Mij = δai δbj −
1 δij δab . N
L’identit´e (10.10) implique (identit´e de Fierz) 1 α α τij τba = − 21 δai δbj − δij δab , N α α est un ´el´ement de la matrice τ α . o` u τij
(10.11)
Le groupe SU (N )
101
Agissant sur des fonctions des variables complexes zi , la repr´esentation Tα de τ α comme op´erateur diff´erentiel prend la forme α zi τij ∂ zj . Tα = i,j
L’´el´ement de Casimir C+ devient 2 α α C+ = − (Tα ) = − zi τij ∂zj zk τkl ∂ zl α
α i,j,k,l
=
1 2
zi ∂ z j zj ∂ z i −
i,j
1 (z · ∇z )2 2N
N −1 = (z · ∇z )2 + 12 (N − 1)z · ∇z . 2N
(10.12)
Faisant agir C+ sur des polynˆ omes homog`enes de degr´e dont les coefficients sont des tenseurs sym´etriques de rang , que nous choisissons de trace nulle, on trouve (N − 1) C+ = ( + N ) . (10.13) 2N Un peu de combinatoire donne la dimension de la repr´esentation. On trouve la relation de r´ecurrence ν(N + 1, ) − ν(N + 1, − 1) = ν(N, ). On en d´eduit ν(N, ) =
( + N − 1)! . (N − 1)! !
(10.14)
On trouve, par exemple, pour N = 2 C+ = 14 ( + 2),
pour N = 3
C+ = 31 ( + 3),
et ν(2, ) = + 1 ,
ν(3, ) = 21 ( + 1)( + 2),
en accord avec les r´esultats de SU (2) (cf. Sect. 8.3), en posant s = /2, et SU (3) (cf. Sect. 9.10) obtenus directement. Autres repr´esentations. Pour d´ecrire d’autres repr´esentations, il est n´ecessaire d’introduire des variables suppl´ementaires, en particulier, les variables conjugu´ees complexes zi∗ pour d´ecrire l’action du groupe SU (N )∗ , et de distinguer alors les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie r´eels et imaginaires. Pour le groupe SU (N ), on trouve N (N − 1)/2 matrices r´eelles Rab (avec a < b) antisym´etriques et (N − 1)(N + 2)/2 matrices imaginaires sym´etriques i Iab (avec a ≤ b) de trace nulle, avec comme ´el´ements par exemple, ab = Rk
1 2
(δak δb − δa δbk ) ,
ab Ik =
1 2
(δak δb + δa δbk ) −
1 δab δk . N
102
Chapitre 10 : Alg`ebres de Lie et op´erateurs diff´erentiels
Seules (N − 1) matrices Iaa sont lin´eairement ind´ependantes. Les matrices Rab forment une base pour les matrices r´eelles antisym´etriques, et donc de l’alg`ebre de Lie du sous-groupe O(N ). Les matrices Iab forment une base pour les matrices r´eelles sym´etriques de trace nulle. Il est commode d’introduire une notation plus synth´etique. Nous notons τ α les ´el´ements d’une base orthonorm´ee de matrices r´eelles antisym´etriques et υ α ceux d’une base orthonorm´ee de matrices sym´etriques imaginaires de trace nulle, avec tr τ α τ β = − 21 δαβ , tr υ α υ β = − 12 δαβ . Les op´erateurs diff´erentiels correspondant aux g´en´erateurs des alg`ebres de Lie de SU (N ) et SU (N )∗ sont α α ∗ ∂zj + zi∗ τij ∂ zj τ α → Tα = zi τij i,j
et υ α → Sα =
α α ∂zj − zi∗ υij ∂zj∗ . zi υij
i,j
´ (10.5)) Toute matrice antisym´etrique r´eelle A, d’´el´ements Aij , satisfait (cf. Eq. τ α tr(τ α A). (10.15) A = −2 α
Substituant A = Rab , on obtient l’identit´e α α τij τba = − 14 (δai δbj − δaj δbi ) .
(10.16)
α
Une v´erification consiste `a choisir a = j et b = i et sommer sur i, j. On trouve − 14 N (N − 1) pour les deux membres. De mˆeme, toute matrice sym´etrique r´eelle de trace nulle Σ, d’´el´ements Σij , satisfait Σ = −2i υ α tr (υ α Σ) . α ab
Substituant Σ = I , on trouve α
α α υij υba
=
− 41
2 δai δbj + δaj δbi − δij δab . N
(10.17)
La mˆeme v´erification conduit `a − 41 (N − 1)(N + 2) pour les deux membres. Nous aurons besoin de (l’indice α ne prend pas les mˆemes valeurs dans les deux termes du membre de gauche) 1 α α α α 1 τij τba + υij υba = − 2 δai δbj − δij δab , (10.18a) N α α 1 α α α α τij τba − υij υba = 12 δaj δbi − δij δab . (10.18b) N α α
Le groupe SU (N )
103
L’op´erateur de Casimir C prend la forme C=−
α
α ∂ zj zi τij
+
α ∗ zi∗ τij ∂ zj
2
−
α
i,j
α ∂ zj zi υij
−
α zi∗ υij ∂zj∗
2 .
i,j
Nous avons d´ej` a d´efini la contribution C+ par l’´equation (10.12). Nous introduisons la contribution sym´etrique C− correspondant a` z → z ∗ . Utilisant les identit´es (10.16) et (10.17) sous la forme (10.18), on obtient C = C+ + C− +
(1/N )zi ∂zi zj∗ ∂zj∗ − zi zi∗ ∂zj ∂zj∗ .
i,j
Les repr´esentations irr´eductibles correspondent `a des omes homog`enes a` polynˆ la fois en z et z ∗ . L’exemple le plus simple est M = i,j mij zi∗ zj . Notant m la matrice d’´el´ements mij , on trouve CM=
1 N2 − 1 + N N
M−
zi zi∗ tr m .
i
Les repr´esentations irr´eductibles correspondent aux tenseurs m de trace nulle, isomorphes `a la repr´esentation adjointe du groupe SU (N ), et C=N. De fa¸con g´en´erale, les repr´esentations irr´eductibles qui sont ainsi engendr´ees, sont des polynˆomes ψ1 ,2 (z, z∗ ) homog`enes s´epar´ement en z et z∗ , de degr´es 1 et 2 , respectivement, qui satisfont la condition de trace nulle
∂zi ∂zi∗ ψ1 ,2 (z, z∗ ) = 0 .
i
La valeur de C est alors C=
1 2 N −1 [1 (1 + N ) + 2 (2 + N )] + . 2N N
(10.19)
Exercices Exercice 10.1 L’´el´ement de Casimir de SO(N ) : autre calcul. Les op´erateurs diff´erentiels repr´esentants des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie du groupe SO(N ), obtenus a` partir de l’´equation (9.10)), sont donn´es par Lαβ = xα ∂β − xβ ∂α . Seule une moiti´e de ces op´erateurs est ind´ependante, par exemple, celle avec α < β. (i) V´erifier explicitement les relations de commutation (9.13), qui ici ont la forme
αβ γδ L ,L = δβγ Lαδ − δαγ Lβδ − δβδ Lαγ + δαδ Lβγ . Avec les restrictions α < β et γ < δ, seul un terme est non-nul. L’op´erateur de Casimir CO(N ) se d´eduit de l’expression (9.14) : CO(N ) =
1 2
Lαβ Lβα =
α,β
(xα ∂β xβ ∂α − xα ∂β xα ∂β ) .
(10.20)
α,β
(ii) En d´eduire l’expression (10.7). Exercice 10.2 V´erification de l’expression (10.7). On peut v´erifier l’expression du Casimir du groupe√SO(N ) en le faisant agir sur des fonctions invariantes. Nous notons r = x2 . Une fonction invariante homog`ene est r . Le laplacien et de l’op´erateur (x · ∂) agissant sur des fonctions de r seulement sont donn´es par ∇ f (r) = 2
d2 (N − 1) d + 2 (dr) r dr
(x · ∂)f (r) = r
f (r),
d f (r) . dr
En d´eduire, comme attendu, CO(N ) r = [( + N − 2) − ( − 1) − (N − 1)] r = 0 , Exercice 10.3 Oscillateur harmonique quantique invariant par O(N ). Consid´erons l’hamiltonien H de l’oscillateur harmonique a` N dimensions invariant par le groupe O(N ), donn´e par l’op´erateur diff´erentiel (∇ ≡ (∂1 , ∂2 , . . . , ∂N )) H = − 21 ∇2 + 12 x2 . Soit la fonction
ψ (x) = P (x) e−x
2
/2
(10.21)
,
(10.22)
105
Exercices
ome homog`ene de degr´e avec un coefficient r´eel de la forme o` u P est un polynˆ d’un tenseur sym´etrique de trace nulle. V´erifier l’identit´e, 2 2 ∂i P (x) e−x /2 = [∂i P (x) − xi P (x)] e−x /2 . En d´eduire les expressions de ∇2 P et de x · ∇P . Montrer alors que les fonctions ψ sont des vecteurs propres (mais pas tous les vecteurs propres) de l’hamiltonien (10.21) avec Hψ (x) = (N/2 + ) ψ (x).
(10.23)
Chapitre 11 Groupe lin´ eaire g´ en´ eral GL(N,R)
Nous avons consacr´e la majeure partie de cet ouvrage aux groupes orthogonaux et unitaires. Nous ´evoquons ici bri`evement le groupe lin´eaire g´en´eral r´eel GL(N, R) pour donner un aper¸cu de structures plus g´en´erales. Le groupe GL(N, R) est le groupe des matrices r´eelles N × N inversibles, qui est aussi le groupe de transformations agissant sur l’espace vectoriel r´eel RN , et dont tous les groupes de matrices sont sous-groupe. La norme des ´el´ements du groupe n’est pas born´ee et le groupe n’est donc pas compact. Toute matrice g de d´eterminant non-nul peut s’´ecrire g = s det g ⇒ det s = 1 . Le groupe GL(N, R) est donc le produit d’un groupe ab´elien isomorphe au groupe additif des r´eels par le groupe SL(N, R) des matrices de d´eterminant unit´e : GL(N, R) = R × SL(N, R). L’´etude des repr´esentations de GL(N, R) se r´eduit donc `a l’´etude des repr´esentations de SL(N, R). Repr´esentation isomorphe. Pour toute matrice g ∈ GL(N, R), la matrice ˜ inverse transpos´ee [gT ]−1 appartient a` un groupe que nous notons GL(N, R), ˜ ∀ g ∈ GL(N, R) ⇒ [g−1 ]T ∈ GL(N, R).
(11.1)
Ce groupe est isomorphe au groupe GL(N, R), les deux repr´esentations n’´etant pas, en g´en´eral, ´equivalentes. Le sous-groupe des matrices de d´eterminant unit´e ˜ forment alors une repr´esentation SL(N, R) de SL(N, R). L’application (11.1) s’´etend aux matrices complexes, que nous ne discutons pas ici. Remarque. Notons que dans le cas de groupes orthogonaux l’application (11.1) est une identit´e et les deux groupes sont identiques. Dans le cas des groupes unitaires, l’application (11.1) est une conjugaison complexe, R(G) ≡ [R(G)]∗ . Les deux repr´esentations sont isomorphes, mais en g´en´eral pas ´equivalentes sauf dans le cas du groupe SU (2).
108
Chapitre 11 : Groupe lin´eaire g´en´eral GL(N,R)
Alg`ebre de Lie de SL(N, R) et repr´esentation adjointe. L’alg`ebre de Lie de SL(N, R) est compos´ee de l’ensemble des matrices de trace nulle et correspond `a un espace vectoriel de dimension r´eelle (N 2 − 1). La repr´esentation adjointe du groupe agit sur cet espace vectoriel. La repr´esentation adjointe est aussi ˜ obtenue dans le r´eduction du produit tensoriel SL(N, R) ⊗ SL(N, R) : ˜ SL(N, R) ⊗ SL(N, R) = Adj[SL(N )] ⊕ 1 .
11.1 Produit tensoriel et tenseurs Nous avons d´ej` a introduit les notions de tenseur et de produit tensoriel en discutant les repr´esentations de diff´erents groupes. Nous avons soulign´e le rˆ ole des repr´esentations irr´eductibles, et montr´e comment certaines repr´esentations n’´etaient pas irr´eductibles, mais pouvaient ˆetre r´eduites en une somme de repr´esentations irr´eductibles. Rappelons en pr´eambule que si une repr´esentation est irr´eductible pour un sous-groupe, elle est irr´eductible pour le groupe. R´eciproquement, si une repr´esentation est r´eductible pour un groupe, elle est r´eductible pour tout sous-groupe. Une derni`ere remarque : pour les groupes orthogonaux ou unitaires on peut toujours d´ecomposer toute repr´esentation en une somme de repr´esentations irr´eductibles. Produit tensoriel. Nous rappelons la d´efinition du produit tensoriel R1 (G) ⊗ R2 (G) de deux repr´esentations matricielles R1 (G) de dimension n1 et R2 (G) de dimension n2 d’un groupe G. Nous consid´erons un espace vectoriel r´eel V de dimension n1 ×n2 et les vecteurs de cet espace que nous notons les composantes Vα1 α2 . Si a` l’´el´ement g de G correspondent les matrices g1 et g2 dans les deux repr´esentations, nous d´efinissons l’action de R1 (G) ⊗ R2 (G) sur V par [g1 ]βα11 [g2 ]βα22 Vβ1 β2 . [R1 (G) ⊗ R2 (G)V ]α1 α2 ≡ β1 ,β2
Cette d´efinition s’´etend de fa¸con naturelle au produit tensoriel d’un nombre arbitraire de repr´esentations. Nous rappelons aussi que comme G est un groupe de Lie, cette d´efinition implique une relation entre les alg`ebres de Lie correspondantes. Si L1 et L2 repr´esentent un ´el´ement de l’alg`ebre de Lie dans les deux repr´esentations, L1 ⊗ 1 + 1 ⊗ L2 est l’´el´ement de l’alg`ebre de Lie dans la repr´esentation produit. Notation et convention d’Einstein. Dans ce qui suit, les produits tensoriels ˜ impliquent les groupes GL(N, R) et GL(N, R). ˜ , respectivement, appartenant a` deux Nous consid´erons les vecteurs v et v espaces vectoriels V et V˜ respectivement, isomorphes `a RN , que nous appelons duaux. Nous notons les composantes de v, appel´e vecteur contravariant, v i , et ˜ , appel´e vecteur covariant, vi , i = 1, . . . , N , c’est-`a-dire les composantes de v avec des indices en position haute ou basse pour les distinguer.
109
Produit tensoriel et tenseurs
Cette convention se g´en´eralise aux composantes de tous les tenseurs, o` u nous distinguons ´egalement les indices haut et bas. Par ailleurs, la convention de sommation implicite sur des indices haut et bas r´ep´et´es (appel´ee convention d’Einstein, parce que d´evelopp´ee pour la th´eorie de la Relativit´e G´en´erale [13]) sera maintenant utilis´ee : ui vi ≡
N
ui v i .
i=1
Par convention, les vecteurs contravariants v i se transforment par les ´el´ements g de composantes gi j de GL(N, R), (gv)i = gji v j , et les vecteurs covariants, wi , de l’espace vectoriel dual, se transforment par les ˜ ´el´ements de (gT )−1 , dont notons les composantes g˜ij , de GL(N, R), [(gT )−1 v]i = g˜ij vj . Avec ces conventions, on v´erifie gki g˜jk = g˜ki gjk = δji , o` u δji sont les composantes de la matrice unit´e. De plus, dans les transformations du groupe lin´eaire, v i → v i = gji v j ,
wi → wi = g˜ij wj ,
on trouve v i wi → gji v j g˜ik wk = v i wi . Donc, vi wi d´efinit le produit scalaire entre un vecteur covariant et un vecteur de l’espace dual (ou contravariant), qui est invariant dans les transformations ˜ de GL(N, R) ⊗ GL(N, R). Au sens des repr´esentations, la repr´esentation GL(N, R) ⊗ GL(N, R) est r´eductible et contient la repr´esentation identit´e dans sa d´ecomposition. Tenseurs. On appelle tenseurs de rang n des ´el´ements t des espaces vectoriels p Tn−p ∼ V p × V˜ n−p , 0 ≤ p ≤ n, de dimensions N n, dont on note les composantes avec n indices, et sur lesquels le groupe agit par le produit i i ...i
2 p (gt)i1p+1 ...in =
p a=1
gjiaa
n
j j ...j
2 p ˜ijaa tj1p+1 g ...jn .
a=p+1
Ceci d´efinit la repr´esentation, en g´en´eral r´eductible, du groupe lin´eaire not´ee [GL(N, R)⊗]p ⊗ [GL(N, R)⊗]n−p .
110
Chapitre 11 : Groupe lin´eaire g´en´eral GL(N,R)
On appelle trace partielle d’un tenseur toute somme sur une paire d’indices haut et bas, par exemple i i2 ...ip−1 k ti1p+1 ...in−1 k , qui g´en´eralise le produit scalaire. Une telle trace transforme un tenseur de rang n en un tenseur de rang (n − 2). En effet, reprenant le mˆeme exemple, i i ...i
k
p−1
j
2 p−1 k ˜kn−p (gt)i1p+1 ...in−1 k = gjp g
a=1
=
p−1
n−1
gjiaa
a=1
n−1
gjiaa
j j ...j
2 p ˜ijaa tj1p+1 g ...jn
a=p+1 j j ...j
k
2 p−1 ˜ijaa tj1p+1 g ...jn−1 k .
a=p+1
Cette repr´esentation de GL(N, R) peut donc se r´eduire par les traces partielles et la commutation avec les deux groupes des permutations agissant sur les p indices contravariants et les (n − p) indices covariants. Formes multilin´eaires et transformations lin´eaires. Soit un espace vectoriel V r´eel de dimension N , isomorphe a` RN , sur lequel agit lin´eairement une repr´esentation matricielle d’un groupe G. Consid´erons alors un ensemble de p vecteurs va o` u l’indice a = 1, . . . , p indique le num´ero du vecteur et non une composante, de composantes vai . Une forme multilin´eaire est un objet de la forme p Fi1 i2 ...ip vaia . (11.2) F(v) = a=1
i1 ,i2 ,...,ip
Une transformation lin´eaire agissant sur les vecteurs va est ´equivalente `a une transformation lin´eaire sur les coefficients Fi1 i2 ...ip , coefficients qui peuvent ˆetre consid´er´es comme les composantes de vecteurs d’un espace de dimension N p. Par exemple, dans le cas d’une forme lin´eaire, F (v) = Fi v i , (11.3) i
soit g une matrice d’´el´ements Rji appartenant a` la repr´esentation R(G) de G agissant sur le vecteur v, Rji v j . vi → ui = j
Substituant dans l’expression (11.3), nous voyons qu’en terme du vecteur transform´e la forme s’exprime comme F(u) = Fi Rji uj = FiR ui , i
avec FiR =
j
i
j
Fj Rij .
111
Groupe sym´etrique et tenseurs : r´eduction des repr´esentations
La forme se transforme par la matrice transpos´ee. Il est plus commode d’inverser la transformation. Alors, Fi =
[(g−1 )T ]ji FjR .
j
Sous cette forme apparaissent les matrices (g−1 )T qui appartiennent a` la repr´e˜ sentation R(G) du groupe G. Plus g´en´eralement, supposons que la matrice g de la repr´esentation R(G) de G agit sur un ensemble de p vecteurs va de composantes vai : vai → uia =
gji vaj .
j
Substituant dans l’expression (11.2), nous voyons qu’en terme des vecteurs transform´es la forme s’exprime comme F(u) =
Fi1 i2 ...ip
i1 ,i2 ...,ip
p
gjiaa ujaa
a=1 ja
avec
FiR1 i2 ...ip
i1 ,i2 ,...,ip
FiR1 i2 ...ip =
=
Fj1 ,j2 ,...,jp
p
uiaa ,
a=1
gjiaa .
a
j1 ,j2 ,...,jp
La forme se transforme par les matrices transpos´ees qui dans le langage de la th´eorie g´en´erale des groupes appartiennent `a une repr´esentation du groupe oppos´e. Il est plus commode de l’´ecrire sous la forme inverse Fi1 ,i2 ,...,ip =
j1 ,j2 ,...,jp
[(g−1 )T ]jiaa
FjR1 ,j2 ,...,jp .
a
Nous trouvons une repr´esentation du groupe G agissant sur des tenseurs de rang p, qui est le produit tensoriel R(G) ⊗ R(G) . . . ⊗ R(G).
11.2 Groupe sym´ etrique et tenseurs : r´ eduction des repr´ esentations Nous avons d´ej`a vu que les propri´et´es des tenseurs dans une permutation des indices conduisaient `a la r´eduction de la repr´esentation. Ce ph´enom`ene est tout `a fait g´en´eral : la d´ecomposition du produit tensoriel d’ordre n s’appuie sur la d´ecomposition en repr´esentations irr´eductibles du groupe sym´etrique Sn ou groupe des permutations de n objets (cf. Sect. 2.3). Consid´erons une repr´esentation [R(G)⊗]p agissant sur les tenseurs de rang p: ia T i1 ,i2 ,...,ip [g ] ≡ gja T j1 ,j2 ,...,jp . j1 ,j2 ,...,jp
a
112
Chapitre 11 : Groupe lin´eaire g´en´eral GL(N,R)
Il est commode d’introduire les notations ia i1 ,i2 ,...,ip ≡ T ({i}), gja ≡ R({i}), {j}), T a
o` u {i}, respectivement {j}, indiquent l’ensemble des indices i1 , i2 , . . . , ip , respectivement j1 , . . . , jp . La transformation s’´ecrit alors [gT ]({i}) =
R({i}, {j})T ({j}).
{j}
Nous d´efinissons une repr´esentation du groupe sym´etrique Sp par des transformations lin´eaires agissant sur les tenseurs par l’action d’une permutation P sur T : [PT ]i1 ,i2 ,...,ip = T iP1 ,iP2 ,...,iPp ≡ T (P{i}). Avec cette d´efinition [gPT ]({i}) =
R({i}), {j})T (P{j}).
{j}
Mais il r´esulte de la forme factoris´ee de R({i}), {j}) que R({i}, {j}) = R(P{i}, P{j}). Apr`es substitution, on trouve [gPT ]({i}) =
R(P{i}, P{j})T (P{j}).
{j}
Mais l’ensemble des indices P{j} est un ensemble d’indices muets que nous pouvons rebaptiser {j}. Donc [gPT ]({i}) =
R(P{i}, {j})T ({j}) = [PgT ]({i}).
{j}
Le groupe sym´etrique ou des permutations agissant sur les indices des tenseurs commute avec les transformations du groupe. Dans le cas de deux matrices, si elles commutent, on peut les diagonaliser simultan´ement. De mˆeme, dans le cas de groupes qui commutent, on peut r´eduire les repr´esentations simultan´ement. Si l’on d´ecompose la repr´esentation r´eguli`ere du groupe sym´etrique en repr´esentations irr´eductibles, on r´eduit du mˆeme coup la repr´esentation ci-dessus. L’argument s’applique au groupes lin´eaires g´en´eraux, comme GL(N, R) ou GL(N, (C), mais ne garantit pas que pour des sous-groupes du groupe lin´eaire les repr´esentations ainsi obtenues soient irr´eductibles. D’autre part, cette analyse n’est pas assez g´en´erale puisque nous
Groupe sym´etrique et tenseurs : r´eduction des repr´esentations
113
n’avons consid´er´e que les produits d’une seule repr´esentation initiale. Si on con sid`ere des produits de la repr´esentation R(G) et R(G), l’op´eration trace r´eduit des repr´esentations puisque
Rij1 [g−1 ]ij2 = δjj21 ≡ δj1 j2 .
i
En particulier, dans le cas des groupes orthogonaux puisque (g−1 )T = g, prendre les traces sur deux indices r´eduit aussi la repr´esentation. Enfin, rappelons que pour les groupes qui peuvent ˆetre enti`erement engendr´es par leur alg`ebre de Lie, pour classer les repr´esentations irr´eductibles du groupe, il suffit de classer les repr´esentations irr´eductibles de l’alg`ebre de Lie. Groupe sym´etrique : exemple de r´eduction de repr´esentation.. La repr´esentation r´eguli`ere de S3 est de dimension 6. Elle agit lin´eairement sur les vecteurs de base [123], [132], . . . . Cette repr´esentation est r´eductible et se d´ecompose en (i) une repr´esentation compl`etement sym´etrique de dimension 1 qui laisse invariant la combinaison [123] + [231] + [312] + [213] + [321] + [132], (ii) une repr´esentation compl`etement antisym´etrique de dimension 1 qui laisse invariant la combinaison [123] + [231] + [312] − [213] − [321] − [132], (ii) deux repr´esentations mixtes de dimension 2, obtenues en antisym´etrisant par rapport a` une des transpositions et en sym´etrisant par rapport `a l’autre, de vecteurs de base [123] + [132] − [213] − [231],
[213] + [312] − [123] − [321],
[123] + [213] − [132] − [312],
[132] + [231] − [123] − [321],
et respectivement. Cette d´ecomposition appliqu´ee a` un tenseur de rang 3 permet de r´eduire la repr´esentation. De fa¸con g´en´erale, la d´ecomposition des repr´esentations du groupe sym´etrique est bas´ee sur la technique des tableaux de Young.
Chapitre 12 Sym´ etries en physique classique
Avant de d´ecrire les cons´equences de propri´et´es de sym´etrie en m´ecanique classique, il est d’abord utile de rappeler quelques ´el´ements de m´ecaniques lagrangienne et hamiltonienne.
12.1 Les ´ equations du mouvement en m´ ecanique lagrangienne La m´ecanique lagrangienne suppose l’existence d’un lagrangien L(q(t), q(t); ˙ t) fonction d’une position q(t), de sa d´eriv´ee q(t) ˙ (q˙ ≡ dq/dt) et du temps t. Au lagrangien est associ´ee une action classique A int´egrale sur le temps du lagrangien, t A(q) = dt L(q, q; ˙ t). (12.1) t
Les ´equations du mouvement classique se d´eduisent d’un principe variationnel : on exprime que l’action est stationnaire quand q(t) est la trajectoire classique, les points initial q(t ) et final q(t ) ´etant fix´es. En d’autres termes, la variation δA de l’action quand on change q(t) en q(t) + δq(t) avec δq(t ) = δq(t ) = 0, s’annule au premier ordre en δq. Cette condition s’´ecrit L ∂L δA = dt δ q˙ + δq = 0 ∀ δq(t) ∂ q˙ ∂q t t ∂L ∂L d ∂L ∂L . − − δq(t ) + dt δq(t) = δq(t ) ∂ q˙ t=t ∂ q˙ t=t ∂q dt ∂ q˙ t
t
Le terme int´egr´e dans l’int´egration par parties s’annule. L’int´egrale restante ne peut s’annuler pour toute fonction δq(t) que si le coefficient de δq(t) s’annule, ce qui conduit `a la forme d’Euler–Lagrange des ´equations du mouvement : d ∂L ∂L = . dt ∂ q˙ ∂q
(12.2)
116
Chapitre 12 : Sym´etries en physique classique
12.2 M´ ecanique hamiltonienne Au lagrangien (12.1), fonction de la position q et de sa d´eriv´ee q, ˙ correspond l’hamiltonien H, fonction de la position q et du moment conjugu´e p (les variables de l’espace de phase). La transformation qui relie hamiltonien et lagrangien s’´ecrit L(q, q; ˙ t) + H(p, q; t) − p(t)q(t) ˙ = 0, (12.3) o` u la quantit´e p(t), conjugu´ee `a q(t), ˙ est obtenue en exprimant que l’´equation (12.3) est stationnaire par rapport a` q˙ `a p, q (les variables param´etrant l’espace de phase) fix´es : ∂L p(t) = . (12.4) ∂ q˙ Ceci d´efinit une transformation de Legendre, les variables conjugu´ees ´etant q˙ and p. La transformation de Legendre est involutive, c’est-`a-dire que L et q˙ jouent un rˆ ole sym´etrique `a H et p. En effet, en variant l’´equation par rapport `a p (`a q fix´e), q˙ ´etant consid´er´e comme une fonction de p par (12.4), on trouve ∂H ∂ ∂ q˙ ∂ = [pq˙ − L(q, q)] ˙ = q˙ + [pq˙ − L(q, q)] ˙ , ∂p q ∂p q ∂p q ∂ q˙ q,p et donc q(t) ˙ =
∂H . ∂p
Enfin la condition de stationnarit´e entraˆıne la relation ∂ ∂L(q, q) ˙ ∂ q˙ ∂ ∂H = [pq˙ − L(q, q)] ˙ =− + [pq˙ − L(q, q)] ˙ , ∂q p ∂q p ∂q q˙ ∂q p ∂ q˙ q,p et donc
∂H ∂L + = 0. ∂q ∂q
(12.5)
Dans ces conditions, on v´erifie que les ´equations du mouvement dans l’espace de phase (p, q) (ou ´equations du mouvement hamiltoniennes) prennent la forme q(t) ˙ =
∂H , ∂p
p(t) ˙ =−
∂H . ∂q
(12.6)
Tout ce formalisme peut simplement se g´en´eraliser `a des trajectoires dans Rn . Action classique et espace de phase. Les ´equations (12.6), g´en´eralis´ees dans Rn , peuvent aussi se d´eduire a` partir d’un principe variationnel, exprimant que l’action t
˙ A(p, q) = dt p(t) · q(t) − H p(t), q(t); t , (12.7) t
est stationnaire a` la fois par rapport aux variations de p(t) et q(t), les valeurs initiales et finales de q(t) ´etant fix´ees.
117
Transformations canoniques. Crochets de Poisson
Alternativement, on peut int´egrer par parties et remplacer p · q˙ dt par − q · p˙ dt, mais les conditions aux limites portent alors sur p(t). Le terme ˙ dt p(t) · q(t) = p · dq , (12.8) ne d´epend que de la trajectoire dans l’espace de phase mais pas de la vitesse ` une dimension, il est ´egal `a l’aire comprise entre la trasur la trajectoire. A jectoire et l’axe p = 0 (` a plusieurs dimensions a` la somme des aires). On peut l’antisym´etriser dans les composantes pi et qi de p et q. Dans le langage math´ ematique des formes, il est l’int´egrale d’une 2-forme, la forme symplectique ω = i dpi ∧ dqi (∧ d´enote le produit en alg`ebre ext´erieure). Ce point de vue est particuli`erement utile quand l’espace de phase a une structure topologique non-triviale.
12.3 Transformations canoniques. Crochets de Poisson Les transformations de l’espace de phase {qi , pi } → {Qi , Pi } qui laissent la forme symplectique ˙ dt p(t) · q(t) = dp ∧ dq , (dp ∧ dq est la notation du produit en alg`ebre ext´erieure) invariante sont appel´ees transformations canoniques. Elles ont une structure de groupe. Un ensemble de transformations triviales correspondent `a ajouter a` pi un gradient ∂i F (q). Cette transformation est induite par l’ajout au lagrangien d’un terme de d´eriv´ee totale par rapport au temps. Il est facile ensuite de caract´eriser les transformations infinit´esimales qui ne sont pas de cette forme. On trouve Q i = qi + ε
∂T (p, q) + O(ε2 ), ∂pi
P i = pi − ε
∂T (p, q) + O(ε2 ), ∂qi
(12.9)
o` u T (q, p) est arbitraire. Si T est l’hamiltonien, on reconnaˆıt la solution des ´equations du mouvement int´egr´ee entre t et t + ε. Donc l’ensemble des transformations canoniques est associ´e a` l’ensemble des hamiltoniens : l’application qui associent la position dans l’espace de phase au temps t `a la position au temps initial est une transformation canonique. On en d´eduit la forme int´egr´ee de ces transformations. On se donne une fonction g´en´eratrice S(q, Q) (l’action classique de la trajectoire qui relie q `a Q) et on pose pi =
∂S ∂qi
Pi = −
∂S . ∂Qi
(12.10)
On v´erifie directement l’invariance de la forme en faisant le changement en deux ´etapes (qi , pi ) → (qi , Qi ) puis (qi , Qi ) → (Qi , Pi ). Par la mˆeme m´ethode, ! on v´erifie que ce changement laisse aussi invariante la mesure de Liouville i dqi dpi . En particulier, ceci justifie la coh´erence du choix de la mesure thermique ρ(p, q) = dp dq e−βH(p,q) ,
118
Chapitre 12 : Sym´etries en physique classique
o` u β est l’inverse de la temp´erature, en m´ecanique statistique classique. Crochets de Poisson. Il est commode d’introduire les crochets de Poisson de fonctions d´efinis sur l’espace de phase. Pour deux fonctions A(p, q) et B(p, q), le crochet de Poisson est d´efini par {A, B} =
∂A ∂B i
∂B ∂A − ∂qi ∂pi ∂qi ∂pi
.
(12.11)
Les crochets de Poisson sont antisym´etriques. Le crochet de Poisson {qa , pb } =
δai δbi = δab .
i
Une transformation canonique infinit´esimale (12.9) agissant sur toute fonction de A(p, q) de p, q peut s’exprimer sous la forme A(P, Q) = A(p, q) + ε{A, T } + O(ε2 ).
(12.12)
Comme les transformations canoniques forment un groupe continu, on s’attend `a ce que les crochets de Poisson aient une structure de produit de Lie. On v´erifie, en effet, qu’ils satisfont la propri´et´e cyclique (identit´e de Jacobi) {A, {B, C}} + {B, {C, A}} + {C, {A, B}} = 0 .
(12.13)
Les combinaisons lin´eaires `a coefficients r´eels constants des fonctions de p, q munies du produit crochet de Poisson forment une alg`ebre de Lie. La d´eriv´ee par rapport au temps de toute fonction de p, q qui ne d´epend pas explicitement du temps devient ∂Φ d ∂Φ + q˙i p˙ i = {Φ, H} , Φ(p, q) = dt ∂pi ∂qi i
(12.14)
o` u les ´equations du mouvement (12.6), g´en´eralis´ees `a plusieurs variables, ont ´et´e utilis´ees. On en d´eduit qu’une fonction d´efinie sur l’espace de phase, qui ne d´epend pas explicitement du temps et dont le crochet de Poisson avec l’hamiltonien s’annule, est une constante du mouvement classique. De plus, les quantit´es conserv´ees forment une alg`ebre de Lie. En effet, on v´erifie que si A(p, q) et B(p, q) sont deux constantes du mouvement, l’identit´e de Jacobi (12.13) implique {A, H} = {B, H} = 0 ⇒ {{A, B}, H} = 0 , et donc {A, B} l’est aussi.
Sym´etries et lois de conservation
119
Invariance par translation du temps et conservation de l’´energie. Un lagrangien est invariant par translation du temps s’il ne d´epend du temps qu’`a travers la trajectoire q(t) mais pas de fa¸con explicite, c’est-` a-dire ∂L(q, q, ˙ t) = 0. ∂t q,q˙ fix´ es Cette propri´et´e se transf`ere a` l’hamiltonien. Si l’hamiltonien ne d´epend pas explicitement du temps, l’´equation (12.14) implique imm´ediatement d H(p, q) = 0 ⇒ H(p, q) = E , dt o` u E, qui est l’´energie du syst`eme, est une constante du mouvement, associ´ee a l’invariance par translation dans le temps. ` Alg`ebre ext´erieure. Un formalisme plus ´el´egant est bas´e sur l’introduction d’une alg`ebre ext´erieure et de formes diff´erentielles. Ainsi ∂A ∂A A≡ dpi + dqi , ∂pi ∂qi i est interpr´et´ee comme une 1-forme, avec les conventions du produit ext´erieur dpi ∧ dpj = −dpj ∧ dpi , dpi ∧ dqj = −dqj ∧ dpi , dqi ∧ dqj = −dqj ∧ dqi . M´ecaniques classique et quantique. Les crochets de Poisson sont les limites semi-classiques des commutateurs de la m´ecanique quantique, 1 {A, B(p, q)} = lim [A(ˆ , p, qˆ), B(ˆ p, qˆ)] →0 i pˆ→p ,ˆ q →q o` u pˆ, qˆ sont les op´erateurs quantiques d’impulsion et de position correspondant `a p, q, et l’ordre des op´erateurs dans A et B correspond a` un choix hermitien.
12.4 Sym´ etries et lois de conservation Montrons maintenant qu’aux sym´etries continues de l’action correspondent des quantit´es conserv´ees dans le mouvement classique. Comme les sym´etries continues correspondent a` des groupes de Lie, il suffit d’exprimer l’invariance dans des transformations infinit´esimales qui s’expriment en terme des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie. La strat´egie g´en´erale pour obtenir ces lois de conservation est de faire une transformation infinit´esimale d´ependante du temps, et d’exprimer la stationnarit´e de l’action. Comme le lagrangien ne contient que des d´eriv´ees premi`eres, la variation du lagrangien au premier ordre est une combinaison lin´eaire des param`etres de la transformation et de leurs d´eriv´ees par rapport au temps. Si le lagrangien est sym´etrique, la variation s’annule quand ces param`etres sont
120
Chapitre 12 : Sym´etries en physique classique
constants. Donc la variation du lagrangien est proportionnelle aux d´eriv´ees. Int´egrant par parties et exprimant la stationnarit´e de l’action, on obtient que certaines quantit´es ne d´ependent pas du temps. Donnons maintenant quelques exemples pour illustrer cette d´emarche. Translations spatiales et conservation de l’impulsion ou quantit´e de mouvement. Supposons que le lagrangien soit invariant dans le changement q(t) → q(t) + a, a ´etant un vecteur arbitraire. Ceci signifie ´evidemment que le la˙ par exemple pour une particule libre de masse grangien ne d´epend que de q, m, L = 12 mq˙ 2 . (12.15) Une variation qui est une translation fonction du temps δq(t) = a(t), est une variation quelconque de q(t). Comme le lagrangien ne d´epend que de ˙ la variation correspondante δA de l’action est q, ˙ t) ˙ t) ∂L(q; d ∂L(q; ˙ δA = dt a(t) · = − dt a(t) · = 0, ∂ q˙ dt ∂ q˙ apr`es int´egration par parties. La stationnarit´e de l’action implique que le coefficient de a(t) s’annule. En fonction du moment conjugu´e p(t) d´efini par l’´equation (12.4), on voit que cette ´equation entraˆıne dp(t) = 0 ⇒ p(t) = p0 constant . dt ˙ et l’invariance par Dans l’exemple du lagrangien (12.15) on trouve p = mq, translation entraˆıne donc la conservation de l’impulsion, ou quantit´e de mouvement. Dans le formalisme hamiltonien, le r´esultat est une cons´equence des ´equations (12.5) et de la deuxi`eme ´equation (12.6). Invariance par rotation. Soit q un point dans l’espace a` N dimensions r´eelles, dont nous notons les coordonn´ees qi , et consid´erons un lagrangien invariant par rotation, c’est-` a-dire par des transformations lin´eaires du groupe SO(N ), qi (t) → Rij qj (t), j
o` u R, d’´el´ements Rij , est une matrice orthogonale (RT R = 1) : ˙ t) = L(Rq, Rq; L(q, q; ˙ t). On exprime que si qi (t) est une solution classique, l’action est stationnaire par rapport a` toute variation de qi (t) et donc, en particulier, par rapport `a une variation qui a la forme d’une rotation infinit´esimale d´ependante du temps, Rij (t) − δij ∼ τij (t),
(12.16)
121
Sym´etries et lois de conservation
o` u τij est une matrice antisym´etrique g´en´erale, τji = −τij , associ´ee `a un ´el´ement ˙ prennent la de l’alg`ebre de Lie de SO(N ). Les variations δq de q et δ q˙ de q, forme δqi (t) =
τij (t)qj (t) ,
δ q˙i (t) =
j
τij (t)q˙j (t) + τ˙ij (t)qj (t) . j
Si τij est ind´ependant du temps, la variation δA de l’action s’annule a` cause de la sym´etrie. La variation de l’action au premier ordre en τ ne provient donc que de la d´eriv´ee de τ , c’est-`a-dire de q˙ : δA(q) =
dt
τ˙ij (t)qj (t)
i,j
∂L . ∂ q˙i (t)
Annuler la variation de l’action, c’est exprimer que la d´eriv´ee du coefficient de τ˙ s’annule, et donc que le coefficient de τ˙ est constant : i,j
τij (t)
d dt
qj (t)
∂L ∂ q˙i (t)
= 0.
Comme τij est une matrice antisym´etrique arbitraire, cette ´equation entraˆıne que son coefficient antisym´etris´e en (ij) s’annule : L˙ ij = 0 avec
Lij = qi
∂L ∂L − qj . ∂ q˙j ∂ q˙i
(12.17)
` l’invariance par rotation sont associ´ees les constantes du mouvement Lij , A dont l’ensemble est appel´e moment cin´etique, en correspondance biunivoque avec les g´en´erateurs du groupe des rotations. En dimension 3, la repr´esentation antisym´etrique est isomorphe a` la repr´esentation vectorielle. Les constantes du mouvement classique correspondent au vecteur moment cin´etique ∂L L=q∧ , ∂ q˙ o` u la notation ∧ indique un produit vectoriel. Un exemple en est fourni par une particule de masse m soumise a` un potentiel central, comme les potentiels de Coulomb ou newtonien, L = 12 mq˙ 2 − V (|q|). Alors, ∂L = mq˙i ⇒ L = m q ∧ q˙ . ∂ q˙i On reconnaˆıt l’expression du moment cin´etique.
122
Chapitre 12 : Sym´etries en physique classique
Formulation hamiltonienne. Dans le formalisme hamiltonien, l’expression des quantit´es conserv´ees (12.17), qui sont associ´ees aux g´en´erateurs du groupe des rotations, devient Lij = qi pj − qj pi . (12.18) Leurs crochets de Poisson satisfont {Lab , Lcd } = −δad Lbc − δbc Lad + δac Lbd + δbd Lac , des relations o` u nous reconnaissons l’analogue des relations de commutation (9.13) de l’alg`ebre de Lie de SO(N ). La v´erification de cette propri´et´e a` partir de l’action (12.7) du formalisme hamiltonien est simple. Les variables p et q se transforment de la mˆeme mani`ere par une rotation qi → Rij qj , pi → Rij pj . j
j
Dans le cas d’un hamiltonien invariant, l’action est invariante car la quantit´e ˙ dt p(t) · q(t) est aussi invariante par rotation. Dans une rotation qui d´epend du temps (12.16), seul q˙ engendre un terme additionnel,
˙ dt p(t) · q(t) →
˙ dt p(t) · q(t) +
dt
τ˙ij (t)pi (t)qj (t).
i,j
Apr`es int´egration par parties du dernier terme, la stationnarit´e de l’action implique la conservation des quantit´es (12.18). Dans le cas de l’espace a` trois dimensions, nous avons d´ej` a not´e qu’une matrice antisym´etrique ´etait ´equivalente `a un (pseudo-)vecteur et les quantit´es conserv´ees peuvent s’´ecrire comme les trois composantes du vecteur moment cin´etique L = q ∧ p.
12.5 Th´ eorie classique des champs. Th´ eor` eme de Noether Les sym´etries continues en th´eorie classique des champs conduisent aussi a` des identit´es remarquables et des lois de conservation. La trajectoire classique est remplac´ee par des champs classiques ϕ(x), eux-mˆemes fonctions du temps x0 ≡ t, et de variables d’espace {x1 , . . . , xd }. La densit´e de lagrangien L est maintenant une fonction des champs et de leurs d´eriv´ees partielles premi`eres, et l’action A l’int´egrale sur le temps et l’espace de L (∂μ ≡ ∂/∂xμ ) : A=
dx0 dx1 · · · dxd L ϕ(x), ∂μ ϕ(x) ,
o` u l’indice μ prend les valeurs μ = 0, 1, . . . , d.
Th´eorie classique des champs. Th´eor`eme de Noether
123
Exprimant que l’action est stationnaire, on en d´eduit les ´equations de champs, qui prennent ici la forme d’´equations d’Euler–Lagrange g´en´eralis´ees, ∂L ∂L − = 0. ∂μ ∂ϕ(x) ∂∂ μ ϕ(x) μ Sym´etries et conservation du courant. Nous supposons maintenant que le lagrangien est invariant par un groupe matriciel continu G d’´el´ements Rij , agissant lin´eairement sur des champs ϕi (x), Rij ϕj (x). ϕi (x) → j
Nous introduisons des transformations Rij (x) qui sont fonction du temps et de l’espace. Au voisinage de l’identit´e, Rij (x) = δij + τij (x) + O(τ |2 ),
(12.19)
o` u τij est un ´el´ement de l’alg`ebre de Lie de G. Comme l’action est invariante pour Rij constant, la variation δA de l’action au premier ordre en τ ne provient que de la d´ependance du lagrangien en ∂μ ϕ et est lin´eaire dans les d´eriv´ees de τ : ∂L δA(ϕ) = dd+1 x . ∂μ τij (x)ϕi (x) ∂ ϕ μ j (x) i,j,μ Sp´ecialisant τ `a un g´en´erateur du groupe, τij (x) = c(x)Lα ij , int´egrant par parties, et exprimant que le coefficient de c(x) s’annule `a cause de la stationnarit´e de l’action, on trouve ∂μ Jαμ (x) = 0 , μ
ebre de o` u la fonction Jαμ (x) est le courant associ´e au g´en´erateur Lα ij de l’alg` Lie (on pourra comparer aux expressions du chapitre 10), ∂L Jαμ (x) = . Lα ij ϕj (x) ∂μ ϕi (x) i,j Cette ´equation qui relie l’invariance du lagrangien `a la conservation du courant Jμ est appel´ee th´eor`eme de Noether [14]. On v´erifie alors que les quantit´es conserv´ees dans le temps sont les charges Qα associ´ees, int´egrale sur tout l’espace de la composante de temps J0 du courant. Effet, la conservation du courant entraˆıne " # d 0 i 0 = dx1 · · · dxd ∂t Jα (x) − ∂i Jα (x) = dx1 · · · dxd ∂t Jα0 (x) i=1
= ∂t Qα (t),
o` u Qα (t) =
dx1 · · · dxd Jα0 (x)
sont les charges associ´ees. Nous en d´eduisons que ces charges sont des constantes de l’´evolution classique.
124
Chapitre 12 : Sym´etries en physique classique
Nous avons suppos´e ici que les courants s’annulent assez vite `a l’infini de fa¸con que l’int´egrale d’une d´eriv´ee totale s’annule. Exemple : la sym´etrie O(N ), d = 3. Consid´erons une th´eorie des champs avec un champ φ `a N composantes φi et une densit´e de lagrangien (∇x ≡ ∂1 , ∂2 , ∂3 ) L(φ) =
1 2
∂φ(x)/∂t
2
−
1 2
∇x φ(x)
2
2 − 12 m2 φ2 (x) − 41 g φ2 (x) .
Ce lagrangien a une sym´etrie orthogonale O(N ). Les courants conserv´es sont Jμij (x) = φi (x)∂μ φj (x) − φj (x)∂μ φi (x). Dans le cas du groupe O(3), la matrice antisym´etrique peut ˆetre param´etr´ee en terme d’un vecteur, et le courant prend la forme Jμ (x) = φ(x) ∧ ∂μ φ(x), et la charge conserv´ee Q=
dx1 dx2 dx3 φ(x) ∧ ∂t φ(x) .
Chapitre 13 Sym´ etries en physique quantique
Nous avons d´ej` a ´evoqu´e certaines applications de la th´eorie des groupes a` la m´ecanique quantique (Sects. 5.7 et 8.5). Comme ´el´ements de contexte, nous rappelons bri`evement comment les propri´et´es de sym´etrie se manifestent de fa¸con plus g´en´erale en m´ecanique quantique (ce chapitre suppose une connaissance minimale du formalisme de la m´ecanique quantique). Notation. Nous utilisons ici syst´ematiquement la notation des bras et kets de Dirac (une notation usuelle en m´ecanique quantique). ` cˆ Caveat. A ot´e d’op´erateurs unitaires agissant sur l’espace de Hilbert, nous serons amen´e `a d´efinir des op´erateurs, comme hamiltonien, position et impulsion, a` l’interpr´etation physique tr`es simple, mais qui ne sont d´efinis que sur un sous-ensemble dense de l’espace de Hilbert. De plus, leurs vecteurs propres n’appartiennent pas a` l’espace de Hillbert, mˆeme s’ils peuvent constituer une base compl`ete. La manipulation de ces objets demande donc une certaine prudence.
13.1 Rappels minimaux de m´ ecanique quantique Toute sym´etrie est repr´esent´ee dans l’espace de Hilbert (un espace vectoriel complexe norm´e) des ´etats de la m´ecanique quantique par un op´erateur unitaire ou anti-unitaire (unitaire plus conjugaison complexe) car la conservation des probabilit´es implique l’invariance de la norme de tout vecteur. V´erifions le cas unitaire : |ψU = U |ψ ⇒ ψU | = ψ| U† (13.1) et donc
U† U = 1 ⇒ ψU |ψU = ψ|ψ .
o` u nous avons utilis´e la notation des bras et kets pour repr´esenter le vecteur associ´e a` l’´etat ψ et son hermitien conjugu´e. Vecteurs et observables. Les quantit´es physiques (mesurables) ou observables O sont des valeurs moyennes dans des ´etats d’op´erateurs O (hermitiens pour que la valeur moyenne soit r´eelle) agissant sur l’espace de Hilbert, O = ψ| O |ψ
avec
ψ|ψ = 1 .
126
Chapitre 13 : Sym´etries en physique quantique
Une transformation unitaire (13.1) sur les ´etats est ´equivalente, du point de vue des observables, a` une transformation des op´erateurs avec des ´etats fixes, ψU | O |ψU = ψ| OU |ψ avec OU = U† OU . Dans ce qui suit, nous discuterons la transformation des op´erateurs plutˆ ot que celle des ´etats, ce qui correspond au formalisme de Heisenberg plutˆ ot qu’au formalisme de Schr¨ odinger. ´ Evolution dans le temps. L’´evolution temporelle d’un syst`eme isol´e est d´ecrite par un op´erateur unitaire, l’op´erateur d’´evolution U (t, t ) avec t ≥ t , qui d´ecrit l’´evolution d’un syst`eme quantique du temps t au temps t. De plus, l’op´erateur d’´evolution satisfait la loi de composition U (t3 , t2 )U (t2 , t1 ) = U (t3 , t1 ), avec t3 ≥ t2 ≥ t1 ,
(13.2)
c’est-`a-dire que l’´evolution dans le temps est markovienne : l’´evolution est sans m´emoire. Il agit sur les ´etats ψ de l’espace de Hilbert par |ψ(t) = U (t, t ) |ψ(t ) . Comme cons´equence de l’unitarit´e et de la loi de groupe U † (t2 , t1 ) = U (t1 , t2 ). Comme l’op´erateur d’´evolution satisfait l’identit´e (13.2), son action peut ˆetre obtenue a` partir d’´evolutions infinit´esimales. On pose alors U (t + ε, t) = 1 −
iε H(t) + O(ε2 ),
o` u est la constante de Planck. L’op´erateur H(t), qui repr´esente le g´en´erateur de l’´evolution dans le temps, est appel´e op´erateur hamiltonien, dans la mesure o` u il devient l’hamiltonien de la m´ecanique classique dans la limite classique o` u les commutateurs deviennent des crochets de Poisson. Notons, cependant, que ce n’est pas un op´erateur born´e et qu’il n’est d´efini que sur un sous-ensemble dense de l’espace de Hilbert. Dans ce formalisme, l’´equation de Schr¨ odinger qui d´ecrit l’´evolution des ´etats dans le temps s’´ecrit ∂ i |ψ(t) = H(t) |ψ(t) . ∂t Hamiltoniens et op´erateurs ind´ependants du temps. Si l’hamiltonien est ind´ependant du temps, l’op´erateur d’´evolution prend la forme
U (t, t ) = e−i(t−t )H/ , o` u H est le g´en´erateur des translations dans le temps.
127
Op´erateurs de position et d’impulsion
La valeur moyenne de l’hamiltonien a` un temps donn´e est une observable, l’´energie E. Si l’hamiltonien est ind´ependant du temps,
HU = ei(t−t )H/ H e−i(t−t )H/ = H , et donc l’´energie moyenne E est conserv´ee, E = ψ(t)| H |ψ(t) = ψ(0)| HU |ψ(0) = ψ(0)| H |ψ(0) . Plus g´en´eralement, l’´evolution dans le temps d’une observable est associ´ee `a l’´evolution de l’op´erateur O(t) agissant sur l’espace de Hilbert, qui dans ce cas est donn´e par O(t) = ei(t−t )H/ O e−i(t−t )H/ . L’observable a une valeur moyenne ind´ependante du temps si O(t) ne d´epend pas du temps. De nouveau, prenant la limite des translations infinit´esimales, et gardant le terme d’ordre t, on trouve la relation de commutation [H, O] = 0 . Les op´erateurs qui commutent avec l’hamiltonien correspondent a` des observables conserv´ees dans le temps. Notons que les op´erateurs correspondant a` des quantit´es conserv´ees ont une structure d’alg`ebre de Lie. En effet, si [H, O1 ] = 0
et
[H, O2 ] = 0 ,
alors [H, [O1 , O2 ]] = −[O1 , [O2 , H]] − [O2 , [H, O1 ]] = 0 . Donc l’observable associ´ee au commutateur [O1 , O2 ] est aussi conserv´ee. Un groupe de sym´etrie a une repr´esentation en terme d’un groupe d’op´erateurs unitaires. D’apr`es l’argument pr´ec´edent, l’´evolution dans le temps est compatible avec la sym´etrie si les op´erateurs correspondants commutent avec l’hamiltonien. Dans le cas d’un groupe de Lie, ceci entraˆıne que l’hamiltonien commute avec les op´erateurs repr´esentant les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie du groupe.
13.2 Op´ erateurs de position et d’impulsion Nous consid´erons maintenant une m´ecanique quantique associ´ee `a un espace physique r´eel `a d dimensions, et aux sym´etries correspondantes. Translations d’espace. Les translations de l’espace Rd sont repr´esent´ees par un op´erateur unitaire agissant sur l’espace de Hilbert. Une translation de vecteur a est repr´esent´ee par un op´erateur unitaire T (a) : T † (a)T (a) = 1 .
128
Chapitre 13 : Sym´etries en physique quantique
Le groupe des translations est ab´elien : T (a)T (b) = T (a + b) = T (b)T (a).
(13.3)
Dans la limite a → 0, nous obtenons une repr´esentation des g´en´erateurs du groupe des translations. Nous d´efinissons ˆ / + O(|a|2 ), T (a) = 1 + ia · p ˆ sont hermitiens (et de nouveau non-born´es) et est la conso` u les op´erateurs p tante de Planck. R´eciproquement, les op´erateurs T (a) peuvent ˆetre exprim´es en terme des g´en´erateurs par T (a) = eia·ˆp/ . ` cause des relations (13.3), leurs composantes commutent : A [ˆ pα , pˆβ ] = 0 . Cherchons maintenant les vecteurs invariants par translation. Comme la multiplication d’un vecteur par une phase ne change pas l’´etat physique, cela revient `a chercher les vecteurs propres de T (a), qui alors correspondent a` des valeurs propres de module 1 : ˜ = eik·a/ |k , ˜ T (a)|k pour tout vecteur k. Les op´erateurs de translation ont un spectre continu et, par cons´equent, leurs vecteurs propres n’appartiennent pas a` l’espace de Hilbert, puisque la condition d’orthogonalit´e s’´ecrit ˜ k ˜ = (2π)d δ (d) (k − k ), k| o` u δ (d) d´enote la fonction (en fait distribution) de Dirac en d dimensions. Ils forment n´eanmoins une base compl`ete. Enfin, du point de vue de l’interpr´etation physique, le vecteur k est l’impulsion associ´ee a` l’´etat invariant par translation. Translations d’impulsion. Introduisons maintenant les op´erateurs unitaires V (k) qui ajoutent a` l’impulsion des ´etats un vecteur k. Ils peuvent ˆetre d´efinis ˜ qui forment une base compl`ete : par leur action sur les vecteurs |k ˜ = |(k V (k)|k + k) . Ils forment un groupe ab´elien et peuvent ˆetre exprim´es en fonction des g´en´eraˆ: teurs hermitiens (et op´erateurs non-born´es) q V (k) = e−ik·ˆq/ . ˆ commutent. Les composantes du g´en´erateur et vecteur q De nouveau, ces op´erateurs ont un spectre continue, et l’analyse est la mˆeme que dans l’exemple pr´ec´edent.
129
Op´erateurs de position et d’impulsion
Relations de commutation canoniques. Calculons ˜ = eia·(k+k )/ |k ˜ . T (a)V (k)|k De mˆeme,
˜ = eia·k / |k ˜ . V (k)T (a)|k
Comme ces relations sont vraies pour tous les vecteurs de base, nous en d´eduisons les relations de commutation T (a)V (k) = eia·k/ V (k)T (a).
(13.4)
D´eveloppant pour a, k → 0, on en d´eduit les relations de commutation (appel´ees canoniques) entre g´en´erateurs [ˆ qα , pˆβ ] = iδαβ . On en d´eduit ´egalement la repr´esentation par op´erateurs unitaires des translations d’espace, ˆ + a = T (a) q ˆ T † (a). q (13.5) Op´erateur position. Consid´erons maintenant les vecteurs propres de V (k). Ils d´ependent d’un vecteur q et nous les notons simplement |q . V (k)|q = e−ik·q/ |q . Nous utilisons de nouveau les relations de commutation (13.4), agissant sur le vecteur |q . Nous en d´eduisons T (a)|q = |q + a . Le vecteur q caract´erise une position attach´ee au vecteur |q . Par ailleurs, q |q = δ (d) (q − q ). ˆ doit donc ˆetre identifi´e avec un op´erateur de position. Les vecteurs L’op´erateur q propres |q correspondent donc a` des ´etats strictement localis´es au point d’espace q (et donc n’appartenant pas a` l’espace de Hilbert). Repr´esentation des fonctions d’onde. Tout vecteur de l’espace de Hilbert |ψ peut ˆetre d´evelopp´e sur la base |q . On d´efinit la fonction d’onde ψ(q) = q|ψ , dont le module carr´e |ψ(q)|2 est une densit´e de probabilit´e qui, int´egr´ee sur un petit volume autour du point q, caract´erise la probabilit´e de trouver une particule dans un voisinage du point q.
130
Chapitre 13 : Sym´etries en physique quantique
De mˆeme on peut d´evelopper les vecteurs sur la base des vecteurs propres de ˆ : p ˜ ψ(p) = ψ|˜ p . Les deux repr´esentations sont reli´ees par une transformation de Fourier : 1 d iq·p/ ˜ |q = |˜ p ⇒ ψ(q) = q|ψ = ddp eiq·p/ ψ(p). dqe (2π)d Dans la repr´esentation des fonctions d’onde, les fonctions d’onde a` impulsion fix´e sont les ondes planes. Invariance par translation. Imposer que l’´evolution dans le temps soit invariante par translation, implique que faire une translation puis laisser ´evoluer ou laisser ´evoluer puis faire une translation conduit au mˆeme r´esultat : [U (t , t), T (a)] = 0 . Passant aux g´en´erateurs, c’est-` a-dire d´eveloppant au premier ordre en t et a, on trouve la relation de commutation ˆ] = 0 . [H, p Dans ces conditions, ils existent des valeurs moyennes conserv´ees, les valeurs ˆ qui sont les impulsions ou quantit´es de mouvement. Un exemple moyennes de p d’un tel hamiltonien est fourni par l’hamiltonien de la particule libre de masse m, H = (ˆ p)2 /2m . 13.2.1 Repr´ esentation unitaire des rotations G´en´eralisant les arguments qui ont conduit `a la repr´esentation (13.5) des translations, on conclut que les rotations de l’espace `a trois dimensions sont repr´esent´ees par des transformations unitaires U (g) telles que U (g) qˆi U † (g) = gij qˆj , j
o` u g, de composantes gij , est une matrice du groupe SO(3). Comme les op´erateurs U (g) appartiennent a` une repr´esentation complexe de SO(3), on peut les param´etrer en terme de trois op´erateurs L g´en´erateurs, choisis hermitiens, du groupe unitaire, et d’un vecteur r´eel Ω sous la forme U (g) = exp [−iΩ · L/] . Faisant une rotation infinit´esimale et introduisant les g´en´erateurs du groupe ´ (7.1)), on trouve SO(3) (Eq. i (Ta )ij qˆj = − aij qˆj . [ˆ q i , La ] = j j
(13.6)
131
Op´erateurs de position et d’impulsion
Les relations de commutation de l’alg`ebre de Lie de SO(3) entraˆınent alors ijk Lk . [Li , Lj ] = i k
Par ailleurs, on v´erifie que les composantes de l’op´erateur ˆ×p ˆ, L=q satisfont aux relations de commutation (13.6). L’´evolution dans le temps est invariante par rotation si U † (g) H U (g) = H . Ceci entraˆıne que l’hamiltonien commute avec les trois g´en´erateurs La , [H, La ] = 0 , et par cons´equent les valeurs moyennes des trois op´erateurs La sont conserv´ees dans le temps. Remarque. L’op´erateur position se transforme par la repr´esentation adjointe du groupe unitaire U (g). Dans ces conditions, si l’on remplace le groupe des matrices g de SO(3) par les matrices du groupe SU (2) rien n’est chang´e. C’est exactement ce qui se passe dans le cas de particules de spin 1/2, ou plus g´en´eralement demi-entier, o` u l’´etat se transforme par une repr´esentation de SU (2). Spin et tenseurs. Nous consid´erons ici des particules caract´eris´ees uniquement par leur spin. Ceci signifie qu’`a un ´etat `a une particule est associ´e un vecteur : l’espace de Hilbert est un espace vectoriel de dimension (2s + 1) pour une particule de spin s. Un ´etat a` deux particules de spin s1 et s2 est alors associ´e au produit tensoriel de deux espaces vectoriels qu’on peut d´ecrire par un objet a` deux indices vectoriels correspondant aux deux particules, un espace de dimension (2s1 + 1)(2s2 + 1). De fa¸con plus g´en´erale, une fonction d’onde a` n particules, par exemple de spin 1/2, sera d´ecrite par un objet a` n indices ψi1 i2 ...in et appartiendra a` un espace vectoriel de dimension complexe 2n . Une fonction d’onde a` n particules de spin 1 sera d´ecrite par un objet a` n indices ψi1 i2 ...in et appartiendra a` un espace vectoriel de dimension r´eelle 3n . Dans ce dernier cas, dans une rotation d’espace la fonction d’onde `a une particule se transforme comme un vecteur de l’espace a` trois dimensions. La fonction d’onde a` n particules se transforme comme un tenseur de rang n, n ψg,i1 i2 ···in = gik jk ψj1 j2 ···jn . j1 ,j2 ,...,jn
k=1
On v´erifie facilement que la loi de transformation pr´ec´edente d´efinit une repr´esentation du groupe des rotations. Les particules de spin demi-entier se transforment par des repr´esentations du groupe SU (2). Th´eorie quantique des champs. Les propri´et´es de sym´etrie de la th´eorie quantique des champs peuvent ˆetre discut´ees par un formalisme g´en´eralisant le formalisme du chapitre 10, mais o` u les d´eriv´ees ordinaires sont remplac´ees par des d´eriv´ees fonctionnelles [12].
Chapitre 14 Marche au hasard : sym´ etries ´ emergentes
Certains syst`emes n’ont des propri´et´es de sym´etrie que dans une certaine limite de courte ou longue distance. On parle alors de sym´etries ´emergentes. Cette situation est illustr´ee par la marche au hasard qui en fournit un des exemples les plus simples. Nous consid´erons un processus de marche al´eatoire sur le r´eseau cubique `a N dimensions des points de coordonn´ees enti`eres q ≡ (q1 , . . . , qN ) ∈ ZN . Nous supposons le processus markovien (sans m´emoire), ce qui signifie que le d´eplacement au temps n ne d´epend que de la position qn au temps n, mais pas de l’histoire qui a conduit `a ce point. Il est enti`erement sp´ecifi´e par une probabilit´e de transition p(q, q ) du point q vers le point q. 14.0.2 Syst` emes invariants par translation Nous nous restreignons dans ce chapitre aux probabilit´es de transition invariantes par translation, p(q, q ) ≡ p(q − q ). (14.1) Soit Pn (q) la probabilit´e au temps n d’ˆetre au point q. La probabilit´e Pn (q) satisfait `a l’´equation de r´ecurrence (parfois appel´ee ´equation maˆıtresse) Pn+1 (q) = p(q − q )Pn (q ). (14.2) q ∈ZN
Les quantit´es Pn et p ´etant des probabilit´es sont positives par d´efinition. La conservation des probabilit´es implique les conditions Pn (q) = 1 , p(q − q ) = 1 . (14.3) q∈ZN
q∈ZN
Pour ce qui suit, nous utilisons `a nouveau le formalisme de la m´ecanique quantique (cf. Chap. 13). L’´equation (14.2) peut ˆetre interpr´et´ee comme l’action d’un op´erateur p d’´el´ements p(q − q ) (une matrice pour un r´eseau fini) sur un vecteur Pn (q). Nous introduisons l’op´erateur translation T(a) d’un vecteur a de coordonn´ees ai sur le r´eseau, tel que T(a)Pn (q) = Pn (q + a).
134
Chapitre 14 : Marche au hasard : sym´etries ´emergentes
L’invariance par translation est ´equivalente `a la commutation des op´erateurs p et T [p, T(a)] = 0 , qui peuvent donc ˆetre diagonalis´es simultan´ement. Le groupe des translations est isomorphes au groupe additif ZN . C’est un groupe commutatif qui a comme g´en´erateurs les translations Ti d’une unit´e dans chacune des N directions possibles, T(a) =
N
a
(Ti ) i .
i=1
Un vecteur propre ψ(q) de T(a) satisfait T(a)ψ(q) = ψ(q + a) = τ (a)ψ(q), o` u τ (a) est la valeur propre correspondante. Nous notons τi les valeurs propres des op´erateurs Ti . La loi de groupe permet d’´ecrire les valeurs propres τ (a) =
N ai τi (1) . i=1
Les op´erateurs Ti agissent sur des distributions qui sont des fonctions born´ees. Les valeurs propres de Ti sont des nombres complexes. Si l’on impose qu’une translation quelconque soit une op´eration interne aux fonctions born´ees en module, il faut que ce nombre complexe soit de module 1, et donc τ (a) = e−ik·a , o` u k est un vecteur r´eel. Comme le vecteur a n’a que des composantes enti`eres, les fonctions e−ik·a sont des fonctions p´eriodiques des composantes ki du vecteur k de p´eriode 2π, et ces composantes peuvent donc ˆetre restreintes au volume −π ≤ ki < π, ∀i (appel´ee zone de Brillouin en physique). Les vecteurs propres de l’op´erateur translation T(a) correspondants sont des exponentielles : T(a) e−ik·q = e−ik·(q+a) = e−ik·a e−ik·q . On est donc amen´e a` d´evelopper la fonction Pn (q) sur une base d’ondes planes, c’est-`a-dire a` l’exprimer comme une transform´ee de Fourier : 1 Pn (q) = dN k e−ik·q P˜n (k), (14.4) (2π)N et r´eciproquement eik·q Pn (q) ⇒ P˜n∗ (k) = P˜n (−k), P˜n (k) = q∈ZN
P˜ (k = 0) = 1 ,
(14.5)
135
Sym´etrie cubique
o` u la propri´et´e (14.3) a ´et´e utilis´ee. Calculons maintenant P˜n+1 (k) a` partir de l’´equation (14.2), utilisant la forme (14.1) : P˜n+1 (k) =
eik·q p(q − q )Pn (q )
q,q ∈ZN
=
eik·q p(q − q )
q,q ∈ZN
Par ailleurs,
eik·q p(q − q ) e−ik ·q =
q,q ∈ZN
1 (2π)N
dN k e−ik ·q P˜n (k ).
eik·q p(q) ei(k−k )·q
q,q ∈ZN
= (2π)N δ (N ) (k − k )
eik·q p(q).
q∈ZN
Nous introduisons la repr´esentation eik·q p(q) ⇒ p˜∗ (k) = p˜(−k), p˜(k) =
p˜(0) = 1 .
(14.6)
q∈ZN
La fonction p˜ est une fonction p´eriodique des composantes ki du vecteur k. Utilisant les ´equations (14.6) et prenant le module de la premi`ere ´equation, on obtient la borne eik·q p(q) = 1 . |˜ p(k)| ≤ (14.7) q∈ZN
De plus, dans la zone de Brillouin la borne n’est atteinte qu’` a l’origine k = 0. Avec cette d´efinition, l’´equation (14.2) prend la forme P˜n+1 (k) = p˜(k)P˜n (k) ⇒ P˜n (k) = p˜n (k)P˜0 (k). Par cons´equent, 1 Pn (q) = (2π)N
dN k e−ik·q p˜n (k)P˜0 (k).
(14.8)
14.1 Sym´ etrie cubique Nous supposons maintenant que la probabilit´e de transition a la sym´etrie cubique du r´eseau. Nous avons vu que le groupe cubique CN admet comme g´en´erateurs les g´en´erateurs du groupe des permutations et une r´eflexion. Il suffit donc d’imposer p(q1 , q2 , . . . , qN ) = p(−q1 , q2 , . . . , qN ), (14.9) p(q1 , . . . , qi , qi+1 , . . . , qN ) = p(q1 , . . . , qi+1 , qi , . . . , qN ) ∀ 1 ≤ i < N − 1 .(14.10)
136
Chapitre 14 : Marche au hasard : sym´etries ´emergentes
Exprimons les cons´equences de la sym´etrie cubique. Tous les g´en´erateurs τ du groupe cubique satisfont τ 2 = 1. On v´erifie que k · τq = τk · q, et donc p˜(k) =
eik·q p(q) =
q∈ZN
=
q∈ZN
e
ik·τ q
eik·q p(τ q) =
eik·τ q p(q)
τ q∈ZN
p(q) = p˜(τ k).
q∈ZN
La fonction p˜(k) satisfait donc a` des conditions analogues a` ceux des ´equations (14.9) et (14.10) et a une sym´etrie cubique. En particulier, elle est sym´etrique et paire dans toutes composantes du vecteur k ce qui entraˆıne aussi qu’elle est r´eelle. Probabilit´es de d´eplacements ` a d´ecroissance rapide. Nous nous restreignons maintenant aux probabilit´es de transition p(q) qui d´ecroissent au moins exponentiellement avec la distance |q|, p(q) ≤ M e−μ|q| ,
μ > 0,
et ceci comprend l’exemple classique o` u les seuls d´eplacements possibles correspondent aux voisins sur le r´eseau. Dans ce cas la fonction p˜(k), somme uniform´ement convergente de fonctions enti`eres de la forme |˜ p(k) ≤ M
e−(μ−| Im k|)|q| ,
q
pour | Im k| < μ, est une fonction analytique sur l’axe r´eel. Posons p˜(k) = e−w(k) ⇒ w∗ (k) = w(−k),
w(0) = 0 .
(14.11)
La r´egularit´e de p˜ et la condition p˜(0) = 1 impliquent que w(k) a aussi un d´eveloppement r´egulier pour k| → 0. D´eveloppement de w(k) pour k = 0. La sym´etrie de r´eflexion ki → −ki interdit tout terme impair en k. Examinons les cons´equences de la sym´etrie cubique sur les termes quadratiques dans les composantes du vecteur k : i
ai ki2 +
bij ki kj .
i =j
Si nous imposons l’invariance dans le changement de signe de chaque composante (k → −k ), nous notons que le premier terme est invariant et que le coefficient de k dans le second terme change de signe. Donc, les coefficients bij doivent s’annuler. Dans le premier terme, l’invariance dans l’´echange ki → ki+1
137
Sym´etrie cubique
. On en d´eduit qu’un seul terme quadratique est le carr´e implique ai = ai+1 scalaire du vecteur i ki2 . Ce terme a une sym´etrie plus grande que la sym´etrie cubique puisqu’il est invariant par le groupe O(N ) des rotations–r´eflexions. ` cause de l’invariance Faisons le mˆeme exercice pour les termes quartiques. A par r´eflexion, ils sont n´ecessairement de la forme ai ki4 + bij ki2 kj2 . i
i =j
Si nous exprimons maintenant l’invariance dans l’´echange ki et ki+1 , nous trouvons ai = ai+1 = a, bij = bi+1,j = b, et donc la forme g´en´erale 4 2 2 a ki + b ki kj = b ki2 + (a − b) ki4 . i
i =j
i
i
Si a = b, le deuxi`eme terme brise l’invariance par rotation et n’a plus que l’invariance cubique. Pour |k| 1, la fonction w(k) peut donc ˆetre param´etr´ee comme w(k) = w2 k2 /2 + O(k 4 ),
w2 > 0 ,
(14.12)
la positivit´e de w2 r´esultant de l’in´egalit´e (14.7). Comportement asymptotique aux temps longs. Pour n → ∞, l’int´egrale (14.8) est domin´ee par les valeurs maximales de |˜ p(k)|, et donc le voisinage de k = 0. ` cause de la forme (14.12) de w(k), pour k → 0, seules les valeurs de k d’ordre A √ ` l’ordre dominant, nous pouvons donc 1/ n contribuent a` l’int´egrale (14.8). A n´egliger les termes d’ordre k 4 dans w(k). Nous supposons aussi que la distribution initiale P0 (q) d´ecroˆıt assez rapidement avec |q| pour que P˜n (k) soit r´egulier,
P˜n (k) = exp ik · q0 + O(k 2 ) , o` u q0 est la position initiale moyenne. Nous pouvons alors n´egliger les termes d’ordre k 2 ou plus. Pour les mˆemes raisons que dans la m´ethode du col, dans la limite n → ∞ nous pouvons ´etendre l’int´egrale (14.8) `a toutes les valeurs de k r´eelles sans restriction `a la zone de Brillouin, les contributions ajout´ees ´etant exponentiellement n´egligeables. Nous en d´eduisons la forme asymptotique 1 (q − q0 )2 Pn (q) ∼ . (14.13) exp − 2w2 n (2πw2 n)N/2 Cette forme gaussienne est universelle puisqu’elle ne d´epend que de propri´et´es g´en´erales de la probabilit´e p(q − q ). Sym´etrie ´emergente. La distribution asymptotique a une sym´etrie O(N ) de rotations–r´eflexion, ind´ependamment de la distribution initiale, et admet donc un groupe de sym´etrie plus grand que la probabilit´e de transition qui n’a que la sym´etrie cubique du r´eseau. Il est devenu commun, dans ce contexte, de parler de sym´etrie ´emergente. Remarques. Le r´esultat (14.13) est analogue au th´eor`eme de la limite centrale des probabilit´es. La forme gaussienne asymptotique (14.13) est valable a` temps grands et pour des distances |q| n.
138
Chapitre 14 : Marche au hasard : sym´etries ´emergentes
Limite continue. Faisons le changement d’´echelles de temps et de distance t = nε ,
√ x = (q − q0 ) ε ,
(14.14)
et prenons une limite n → ∞ `a t fix´e, et donc ε = O(1/n). En fonction de ces variables macroscopiques, la distribution asymptotique devient (le changement de variables sur q entraˆıne un changement de normalisation) P (t, x) =
2 1 e−x /2w2 t . (2πw2 t)N/2
(14.15)
Le temps t et les coordonn´ees x sont les variables qui d´ecrivent a` l’´echelle macroscopique le mouvement brownien engendr´e par la dynamique microscopique (14.2). L’universalit´e a permis de d´efinir une limite continue, dans la mesure o` u la structure de r´eseau et les d´etails du processus ´el´ementaire ont disparu. Cette forme est ´egalement repr´esentative des ph´enom`enes les plus simples de diffusion. Corrections. Il est simple d’´etudier comment des perturbations `a la distribution gaussienne limite d´ecroissent avec n. D´eveloppons la fonction r´eguli`ere w(k) d´efinie par les expressions (14.11) en puissances de k jusqu’`a l’ordre 4 : w(k) = w2 k2 /2 +
2 1 1 ki4 + O(k6 ). w4 k2 + w4 4! 4! i
` l’ordre k 4 , les corrections brisent l’invariance par rotation. Nous faisons alors A les changements d’´echelle (14.14), ce qui sur les variables de Fourier correspond √ `a k = κ ε. Dans la limite ε → 0, a` κ fix´e, la zone de Brillouin devient toute la droite r´eelle. Dans le cas d’une distribution initiale localis´ee exactement a` q = q0 , la distribution dans la limite continue prend la forme 1 P (t, x) = (2π)N
dN κ e−iκ·x e−tw(κ) ,
o` u l’int´egrale sur κ n’est plus restreinte, avec nw(k) = tω(κ), 2 w2 2 1 1 κ4i + O(κ6 ). κ + εw4 κ2 + εw4 ω(κ) = 2! 4! 4! i Examinant le d´eveloppement de la transform´ee de Fourier en puissances de ε = t/n, on note qu’`a l’ordre ε des contributions proportionnelles apparaissent, 4 `a (x2 )2 qui modifie la forme gaussienne, et x qui brise la sym´etrie de i i rotation.
Exercices On pourra v´erifier toutes les propri´et´es d´emontr´ees dans ce chapitre dans le cas de la marche au hasard sur le r´eseau des points de coordonn´ees enti`eres `a N dimensions, avec mouvements limit´es aux proches voisins. Une dimension. Dans cet exemple, p(q) s’annule sauf si q = ±1. Dans ce dernier cas, p(q) = 21 . Alors, p˜(k) = cos k ,
w(k) = 12 k 2 + O(k 4 ).
On prendra comme condition initiale un point de d´epart q0 , avec P0 (q) = δq,q0 ⇒ P˜0 (k) = eikq0 . N dimensions. Dans cet exemple, p(q) s’annule sauf si q est un des vecteurs de coordonn´ees (0, . . . , 0, ±1, 0, . . . , 0). Dans ce dernier cas, p(q) vaut 1/2N . Donc N 1 p˜(k) = cos ki , w(k) = k2 /2N + O(k 4 ), N i=1 o` u ki est une composante du vecteur k. On prendra aussi comme condition initiale un point de d´epart q0 et P0 (q) = δq,q0 ⇒ P˜0 (k) = eik·q0 .
Chapitre 15 Brisure spontan´ ee de sym´ etrie
Au chapitre 16, nous nous int´eresserons a` des transitions de phase li´ees `a des brisures spontan´ees de sym´etrie. Nous commen¸cons ici par examiner la notion mˆeme de sym´etrie bris´ee spontan´ement, par opposition a` la notion de brisures explicites de sym´etries. Nous illustrons la notion de brisure spontan´ee de sym´etrie en examinant diverses situations physiques.
15.1 M´ ecanique classique : sym´ etries discr` etes et continues En m´ecanique classique, la situation de brisure spontan´ee de sym´etrie est simple a` d´ecrire. La notion de sym´etrie bris´ee spontan´ement est valable pour tout groupe de sym´etrie. N´eanmoins, les propri´et´es des brisures spontan´ee de sym´etrie diff`erent suivant que les groupes de sym´etries sont discrets ou continus. Sym´etries discr`etes. Consid´erons l’exemple d’une particule dans un potentiel V (x) r´egulier (c’est-` a-dire autant de fois d´erivable que n´ecessaire), d´efini sur l’axe r´eel, qui a la propri´et´e de sym´etrie (sym´etrie Z2 ) V (x) = V (−x)
⇒ V (0) = 0 .
Deux cas peuvent se pr´esenter, ou bien le minimum du potentiel se situe `a x = 0 et x = 0 est la position d’´equilibre stable, ou au contraire x = 0 est un maximum relatif. Dans cette situation, si le potentiel a un autre minimum x = a = 0, il en a deux points x = ±a, qui sont des positions d’´equilibre stable. Dans le premier cas, non seulement le potentiel est sym´etrique, mais la position de la particule au repos est sym´etrique. Dans le deuxi`eme cas, bien que le potentiel soit sym´etrique, la position de la particule au repos ne l’est pas. On appelle cette situation une brisure spontan´ee de sym´etrie. Bien entendu, il est ´egalement possible que le potentiel ait `a la fois des minima sym´etriques et non sym´etriques et, dans ces conditions, les deux situations peuvent ˆetre r´ealis´ees. Sym´etrie continue. Consid´erons maintenant un exemple de sym´etrie continue : le potentiel V (x), o` u x est un point de l’espace a` deux dimensions, est invariant par rotation, c’est-` a-dire par le groupe SO(2). Ce potentiel radial ne d´epend que de |x|. Dans la situation de sym´etrie bris´ee spontan´ement, il existe un cercle de minima |x| = a > 0.
142
Chapitre 15 : Brisure spontan´ee de sym´etrie V (x)
V (x)
x2
x2
x1
x1
Sym´etrie non bris´ee
Sym´etrie spontan´ement bris´ee
FIG. 15.1 – Brisure spontan´ee de sym´etrie : potentiel avec sym´etrie O(2).
` la diff´erence du cas discret, les minima sont connect´es de fa¸con continue A (Fig. 15.1). Exprimons ces propri´et´es en langage plus formel. Soit un potentiel V (x), x ∈ RN , invariant par un groupe de sym´etrie continue G, sous-groupe de O(N ), et supposons que x = 0 est le centre de sym´etrie : V (gx) = V (x)
∀g ∈ G et ∀x ∈ RN .
Si le minimum du potentiel se trouve au centre de sym´etrie x = 0 (le point invariant par le groupe), qui est alors une position d’´equilibre stable, la sym´etrie n’est pas bris´ee. Si le potentiel est minimum en un point xm = 0, alors le potentiel est minimum `a l’ensemble des points gxm
∀g ∈ G ,
qui sont des positions d’´equilibre stable, et la sym´etrie est bris´ee spontan´ement. Dans cette situation, consid´erons l’ensemble H des ´el´ements de G tels que hxm = xm
∀h ∈ H .
Les ´el´ements de H forment un groupe, sous-groupe de G, et il existe une bijection entre l’ensemble des points gxm , appel´e orbite du groupe, et l’ensemble quotient G/H. Exemple. Consid´erons un potentiel radial d´efini dans l’espace a` quatre dimensions, V (x1 , x2 , x3 , x4 ) = V(r) avec r =
$ x21 + x22 + x23 + x24 .
Ce potentiel a une sym´etrie O(4). Supposons qu’il soit minimum au point (1, 0, 0, 0). Ce point est invariant par un sous-groupe O(3) de O(4). L’ensemble des points o` u V est minimum correspond alors a` l’espace quotient O(4)/O(3), qui est isomorphe a` la sph`ere S3 , comme il est intuitivement ´evident.
Th´eorie des champs, sym´etries continues et modes de Goldstone
143
Brisure spontan´ee de sym´etrie : groupes discrets et continus. Nous avons not´e une diff´erence tr`es importante entre groupes discrets et continus. Dans le cas de la sym´etrie de r´eflexion Z2 (ou d’autres sym´etries discr`etes), les minima d´eg´en´er´es correspondent a` des points isol´es et il faut fournir `a une particule une ´energie finie, au moins ´egale `a la hauteur de la barri`ere de potentiel qui s´epare ces points, pour qu’elle puisse passer d’un minimum `a l’autre. Dans le cas d’une sym´etrie continue, au contraire, on comprend intuitivement qu’une ´energie infinit´esimale suffit. V´erifions-le de fa¸con plus pr´ecise sur un exemple. Consid´erons l’exemple d’un potentiel radial dans le plan (Fig. 15.1). On peut d´ecrire le plan par des coordonn´ees polaires r, θ. L’action classique pour une particule de masse m dans un potentiel V s’´ecrit alors (avec la notation r˙ ≡ dr/dt, θ˙ = dθ/dt) A(r, θ) = dt 12 m r˙ 2 (t) + r2 (t)θ˙2 (t) − V r(t ) . Supposons que le potentiel soit minimum le long d’un cercle r = a = 0. Posons r(t) = a + ε(t), ε(0) 1, et d´eveloppons en ε(t). On choisit θ˙ d’ordre ε et donc : A(r, θ) = dt 12 m ε˙2 (t) + a2 θ˙2 (t) − 12 ε2 (t)V (a) + O(ε3 ). ` l’ordre dominant, l’action devient la somme d’une action pour ε corresponA dant a` une particule soumis `a une force de rappel harmonique, ce qui conduit `a un mouvement oscillatoire autour de ε = 0 : ε(t) ∝ ε(0) cos t V (a)/m , et `a une action libre pour la variable angulaire θ. Nous supposons θ(0) = 0 et ˙ θ(0) = 0. La solution est donc ˙ θ(t) = θ(0)t . ˙ Mˆeme si θ(0) est d’ordre ε, θ(t) augmente ind´efiniment pour t → ∞. La composante θ(t) qui a cette propri´et´e a re¸cu le nom de mode de Goldstone.
15.2 Th´ eorie des champs, sym´ etries continues et modes de Goldstone Nous avons not´e en m´ecanique classique une diff´erence importante dans les propri´et´es des brisures spontan´ees de sym´etrie entre sym´etrie discr`ete et sym´etrie continue. Nous examinons maintenant ce probl`eme dans le cadre d’une th´eorie classique des champs. Nous consid´erons une fonctionnelle locale S(ϕ), o` u le champ ϕ(x) a N composantes ϕi (x) et l’espace a d dimensions, de la forme 2 S(ϕ) = dd x ∇ϕ(x) + V ϕ(x) , x ∈ Rd , (15.1) (∇ ≡ {∂/∂x0 , ∂/∂x1 , . . . , ∂/∂xd−1 }) o` u V (ϕ) est un polynˆ ome born´e inf´erieurement.
144
Chapitre 15 : Brisure spontan´ee de sym´etrie
En physique statistique, S(ϕ) peut s’interpr´eter comme un exemple d’´energie de configuration (aussi appel´ee hamiltonien dans le probl`eme a` n corps) associ´ee au champ ϕ. Nous nous int´eressons alors au minimum de la fonctionnelle S(ϕ) en fonction du champ ϕ(x) et son comportement au voisinage du minimum. L’expression (15.1) peut aussi s’interpr´eter comme le prolongement en temps imaginaire t = ix0 de l’action classique int´egrale d’un lagrangien (`a un facteur i pr`es) correspondant `a une particle scalaire associ´ee au champ ϕ : A(ϕ) =
2 2 dt dd−1 x (∂ϕ(t, x)/∂t) − ∇ϕ(t, x) − V ϕ(t, x) ,
(15.2)
avec ∇ ≡ {∂/∂x1 , ∂/∂x2 , . . . , ∂/∂xd−1 }. Dans ce cas, on s’int´eresse aux ´equations du mouvement classique, obtenues en variant ϕ, en champ faible au voisinage du minimum du potentiel. Sym´etrie bris´ee spontan´ement : analyse g´en´erale. Dans S(ϕ) le premier terme proportionnel `a (∇ϕ)2 est positif. Donc, le minimum de S(ϕ) est atteint pour des champs constants. Nous supposons que V (ϕ) est invariant par les transformations lin´eaires d’un groupe continu (un groupe de Lie) G, sous-groupe de O(N ), agissant sur ϕ. Au voisinage de l’identit´e, nous param´etrons une transformation du groupe G sous la forme ϕi → ϕi +
2 tα ij ϕj ωα + O(|ω| ),
j,α
en´erateurs de l’alg`ebre de Lie L(G) o` u les matrices tα d’´el´ements tα ij sont des g´ du groupe G, et les r´eels ωα param`etrent la transformation. Au premier ordre en ω, l’invariance de V (ϕ) s’exprime par l’´equation ∂V tα ij ϕj ωα = 0 , ∂ϕ i i,j,α ce qui entraˆıne
∀ ωα ,
∂V tα ij ϕj = 0 . ∂ϕ i i,j
(15.3)
Nous supposons maintenant que V (ϕ) a un minimum absolu en un point ϕ = v = 0, de composantes vi , qui n’est pas invariant par le groupe G. Alors il existe un ensemble de champs ϕ, obtenu en faisant agir le groupe G sur v (orbite du groupe G), pour laquelle V (ϕ) est minimum. Consid´erons les ´el´ements du groupe G qui laissent v invariant. Ils forment un groupe H, sous-groupe de G. En effet, si g1 et g2 laissent v invariant, leur produit g1 g2 laisse v invariant. La matrice unit´e laisse v invariant. Enfin, si g laisse v invariant, son inverse laisse v invariant, en effet, gv = v ⇒ v = g−1 v .
Th´eorie des champs, sym´etries continues et modes de Goldstone
145
D´erivant l’´equation (15.3) par rapport a` ϕk , on trouve ∂2V ∂V tα tα ik + ij ϕj = 0 . ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ i i k i i,j Sp´ecialisant l’´equation a` ϕ = v,, on note que le premier terme s’annule et donc l’´equation se r´eduit a` ∂2V tα ij vj = 0 . ∂ϕ ∂ϕ i k i,j Nous divisons les g´en´erateurs de L(G) en ceux qui laissent v invariant, qui sont les g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie L(H) de H, et l’ensemble compl´ementaire. Tous les g´en´erateurs de l’ensemble compl´ementaire sont tels que les vecteurs tα eairement ind´ependants, sinon il existerait au moins un g´en´erateur ij vj sont lin´ suppl´ementaire qui laisserait v invariant. La conclusion est que la matrice des d´eriv´ees secondes ∂ 2 V /∂ϕi ∂ϕj a un nombre de vecteurs propres correspondant a` la valeur propre 0 ´egal au nombre des g´en´erateurs de L(G) moins le nombre des g´en´erateurs de L(H). On appelle ces vecteurs propres des modes de Goldstone. Application : syst`emes ferromagn´etiques. Nous nous pla¸cons dans la situation de sym´etrie bris´ee (appel´ee phase ordonn´ee en physique statistique). Nous supposons que dans l’expression (15.1) le champ ϕ repr´esente une aimantation locale, et que l’aimantation observ´ee est obtenue en minimisant l’´energie de configuration S(ϕ). En champ magn´etique nul, l’aimantation qui minimise S peut prendre toutes les valeurs gv. Nous ajoutons a` S un champ magn´etique h(x) local (de composantes hi ) faible, sous la forme dd x h(x) · ϕ(x),
S(ϕ) → S(ϕ) −
et calculons la variation de l’aimantation due au champ magn´etique. Posant (2)
Vi,j =
∂ 2 V (v) , et m(x) = ϕ(x) − v , ∂ϕi ∂ϕj
nous d´eveloppons V au voisinage du minimum : V (ϕ) = V (v) +
1 2
(2) Vi,j mi mj + O |m|3 .
i,j
N´egligeant une constante additive sans int´erˆet, a` l’ordre m2 nous obtenons la fonctionnelle 2 1 (2) d S2 (m) = d x ∇m(x) + 2 Vi,j mi (x)mj (x) − h(x) · m(x) . i,j
146
Chapitre 15 : Brisure spontan´ee de sym´etrie
La variation de l’aimantation m(x) est obtenue en minimisant la variation de S2 (m), (2) δS2 (m) = −∇2x mi (x) + Vi,j mj (x) − hi (x) = 0 . (15.4) j
En terme des composantes de Fourier du champ d’aimantation et du champ magn´etique local, mi (x) =
dd p eip·x m ˜ i (p),
hi (x) =
˜ i (p), dd p eip·x h
(2)
et notant V(2) la matrice d’´el´ements Vij , l’´equation prend la forme matricielle
−1 ˜ ˜ ˜ ˜ p2 1 + V(2) m(p) h(p), = h(p) ⇒ m(p) = p2 1 + V(2)
−1 o` u p2 1 + V(2) est la matrice des susceptibilit´es magn´etiques. Dans la limite ! ˜ d’un champ magn´etique uniforme, et donc h(p) → h i δ(pi ), un nombre de susceptibilit´es magn´etiques divergent correspondant aux valeurs propres nulles de V(2) . On associe `a ces valeurs propres nulles le terme de modes de Goldstone. En physique quantique relativiste, partant de l’expression (15.2), la mˆeme analyse, o` u l’´equation (15.4) devient une ´equation de champ, conduit a` in −1 terpr´eter la matrice p2 1 − V(2) comme la matrice des propagateurs de particules en th´eorie des perturbations. Le nombre de valeurs propres nulles correspond au nombre de particules de masses nulles, ou bosons de Goldstone, dues a` la brisure spontan´ee de sym´etrie. L’exemple du groupe orthogonal O(N ). Examinons bri`evement l’exemple de la sym´etrie O(N ), pour illustrer le concept de modes de Goldstone, dans la phase ordonn´ee (c’est-`a-dire avec aimantation spontan´ee), en champ nul. Nous consid´erons un syst`eme avec sym´etrie orthogonale O(N ) et un vecteur aimantation m qui se transforme suivant la repr´esentation fondamentale de O(N ). La sym´etrie orthogonale O(N ) implique que la densit´e de potentiel thermodynamique G(m), qui ici joue le rˆ ole du potentiel V divis´e par le volume, n’est qu’une fonction du carr´e du vecteur aimantation. Alors la relation entre le champ magn´etique hα et aimantation mα prend la forme : G(m) = V m2 /2 ⇒ h = m V m2 /2 .
(15.5)
L’inverse Gαβ de la matrice des susceptibilit´es magn´etiques est donn´ee par (2) def
Gαβ =
∂2G = mα mβ V m2 /2 + δαβ V m2 /2 . ∂mα ∂mβ
(2)
(15.6)
La matrice Gαβ a deux sous-espaces propres correspondant au vecteur mα (donc de dimension 1) et aux vecteurs sα orthogonaux a` mα (donc de dimension
Th´eorie des champs, sym´etries continues et modes de Goldstone (2)
147
(2)
(N − 1)), avec les valeurs propres GL , GT respectivement :
(2) Gαβ mβ = mα m2 V (m2 /2) + V (m2 /2) ,
β
Gαβ sβ = sα V (m2 /2). (2)
β
Les deux valeurs propres correspondant a` ces sous-espaces sont, respectivement, GL = m2 V (m2 /2) + V (m2 /2), (2)
GT = V (m2 /2). (2)
(15.7)
Les valeurs propres de la matrice des susceptibilit´es sont les inverses de celles de G(2) . Utilisant alors l’´equation (15.5), nous obtenons pour l’inverse de la susceptibilit´e transverse χT , GT = χ−1 T = |h|/|m| . (2)
(15.8)
Dans la phase ordonn´ee, quand |h| tend vers 0, |m| tend vers l’aimantation spontan´ee qui est non nulle, et donc la susceptibilit´e transverse diverge. Ce comportement signale la pr´esence de (N −1) modes de Goldstone (des particules de masse nulle au sens de la physique des particules). Ce r´esultat est en accord avec l’analyse g´en´erale du d´ebut de section. En effet, ici la sym´etrie r´esiduelle correspond au groupe O(N − 1). Le nombre de g´en´erateurs de l’alg`ebre de Lie de O(N ) est N (N − 1)/2 et celui de O(N − 1) est (N − 1)(N −2)/2. Donc le nombre de modes de Goldstone est N (N − 1)/2− (N − 1)(N − 2)/2 = N − 1, ce que nous avons trouv´e. Autre formulation. Une autre fa¸con de comprendre ce r´esultat est la suivante. En champ nul au-dessous de la temp´erature de transition (ou critique) Tc , l’aimantation est non nulle, alors que le potentiel est sym´etrique. Cela signifie que le potentiel a un minimum pour m = 0 et donc, par sym´etrie, une sph`ere de minima |m| = m0 > 0. Si nous partons d’un minimum et faisons une rotation (une transformation orthogonale) nous obtenons un autre minimum. Une rotation infinit´esimale correspond `a l’addition au vecteur mα d’un vecteur tangent `a la sph`ere et donc orthogonal a` mα . Notons sα les composantes d’un tel vecteur, de module |s| 1. Alors, d´eveloppant la condition d’extremum au premier ordre en X, on trouve la condition 0=
∂G(mα + sα ) ∂ 2 G(m) = sβ . ∂mα ∂mα ∂mβ β
Nous retrouvons les (N − 1) vecteurs propres de valeur propre nulle, correspondant aux modes de Goldstone.
Exercices Exercice 15.1 On consid`ere le potentiel r´eel V(M), o` u M est une matrice complexe 3 × 3, de la forme 2 V(M) = 12 v2 tr MM† + 14 v4 tr MM† , avec v2 ∈ R et v4 ∈ R+ .
(15.9)
Montrer, en utilisant les transformations M → U1 MU†2 , que le potentiel a comme sym´etrie le groupe SU (3) × SU (3) × U (1). Montrer que l’ajout a` V(M) d’un terme proportionnel `a det M + det M† r´eduit le groupe de sym´etrie `a SU (3) × SU (3). Exercice 15.2 V´erifier que pour v2 > 0, le minimum de V(M) est atteint au point sym´etrique M = 0. Pour v2 < 0, montrer que pour la matrice 1 −v2 /v4 , V(M) est minimum. Cette matrice n’est pas invariante par sym´etrie. Montrer que la matrice est invariante par le groupe SU (3). En d´eduire qu’il y a 9 modes de Goldstone correspond a` l’ensemble quotient [SU (3) × SU (3) × U (1)]/SU (3). On pourra aussi s’int´eresser au mˆeme probl`eme apr`es addition d’un terme proportionnel `a det M + det M† . Ce probl`eme pr´esente plusieurs aspects techniques suppl´ementaires.
Chapitre 16 Transitions de phase : approximation de champ moyen
Nous montrons maintenant comment certaines propri´et´es universelles des transitions de phase continues ou du second ordre dans des syst`emes classiques (non quantiques) sont li´ees `a des propri´et´es de sym´etrie. Nous consid´erons ici une classe de transitions de phase simple comme les transitions liquide–vapeur, de l’h´elium superfluide ou les transitions ferromagn´etiques, dont nous supposons la ph´enom´enologie connue. Nous rappelons d’abord quelques subtilit´es de la notion de transition de phase du point de vue de la physique statistique.
16.1 Introduction Notons d’abord que pour des syst`emes avec interactions de courte port´ee, des transitions de phase ne sont possibles que dans la limite du volume infini, c’est`a-dire des syst`emes ayant un nombre infini de degr´es de libert´e. Ceci montre que l’existence de transitions de phase n’est en soi pas quelque chose d’´evident. Une caract´erisation simple et assez g´en´erale d’une transition de phase est dynamique. On appelle espace de phase l’ensemble des configurations d’un syst`eme. Dans l’exemple du mod`ele d’Ising, un mod`ele de spins classiques (ou aimants microscopiques) sur r´eseau r´egulier o` u les spins ne prennent que les valeurs ±1, l’espace de phase pour N spins contient 2N ´el´ements. Les transitions que nous consid´erons ont le caract`ere suivant : aussi longtemps que le volume du syst`eme est fini, tout ´el´ement de l’espace de phase est atteint au cours de l’´evolution temporelle et ceci quelle que soit la temp´erature (si le syst`eme n’est pas discret comme le syst`eme de spins d’Ising tout ´el´ement doit ˆetre remplac´e par tout ´el´ement de volume de l’espace des phases aussi petit soit-il). On dit que le syst`eme est ergodique. Du point de vue des dynamiques stochastiques, cela signifie qu’il existe une probabilit´e finie de relier deux ´el´ements quelconques au cours du temps. Si le syst`eme a alors un ´etat d’´equilibre thermodynamique, les moyennes temporelles sont identiques aux moyennes statiques calcul´ees avec un poids de Boltzmann en sommant sur tout l’espace de phase. Par contre, dans la limite du volume infini (`a densit´e fix´ee pour un syst`eme de particules), suivant la valeur de la temp´erature, le syst`eme reste ergodique (c’est la phase d´esordonn´ee) ou au contraire subit une brisure d’ergodicit´e (les phases sont ordonn´ees). Dans ce dernier cas, l’espace de phase se d´ecompose en
150
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
sous-ensembles disjoints. Quand le syst`eme est pr´epar´e initialement dans un de ces sous-ensembles, il y reste. Dans l’exemple du mod`ele d’Ising, en dessous de la temp´erature de transition les deux sous-ensembles correspondent aux deux valeurs possibles de l’aimantation spontan´ee. Du point de vue statique, les r´egions `a une ou plusieurs phases se distinguent aussi par des sensibilit´es diff´erentes aux conditions aux limites. La phase d´esordonn´ee ne garde pas trace de la mani`ere sp´ecifique dont la limite thermodynamique, c’est-` a-dire de volume infini, est atteinte. Il n’en est pas de mˆeme dans la r´egion `a plusieurs phases o` u la phase atteinte en d´epend. Pour la classe des syst`emes que nous consid´erons ici, il est possible de trouver des observables locales dont les valeurs discriminent entre les phases. Une telle observable est appel´ee param`etre d’ordre. C’est par exemple le spin dans le cas de syst`emes ferromagn´etiques. De plus, dans ces syst`emes la transition de phase correspond aussi a` une brisure spontan´ee de sym´etrie (cf. Chap. 15). Pour expliquer ce concept, nous utilisons de nouveau l’exemple du mod`ele d’Ising. L’´energie de configuration du mod`ele d’Ising ne change pas quand on change le signe de tous les spins la sym´etrie Z2 ). On s’attend donc a` ce que la valeur moyenne du spin soit toujours nulle. Ajoutons maintenant `a l’´energie de configuration un terme qui brise explicitement la sym´etrie du syst`eme (un terme de champ magn´etique pour un syst`eme ferromagn´etique), prenons la limite de volume infini, et faisons tendre ensuite l’amplitude du terme de brisure vers 0. Suivant la temp´erature deux cas peuvent se pr´esenter. Dans la phase dite d´esordonn´ee, la sym´etrie est restaur´ee en ce sens que toutes les fonctions de corr´elation ont la sym´etrie du syst`eme. Dans la r´egion o` u plusieurs phases sont possibles (phases dites ordonn´ees), ce n’est pas le cas. On parle alors de brisure spontan´ee de sym´etrie. Dans cette r´egion de param`etres, la limite thermodynamique et la limite de brisure nulle ne commutent pas, `a la diff´erence de la phase sym´etrique. Dans le cas des spins la valeur moyenne du spin est diff´erente de 0, ce qui correspond a` une aimantation spontan´ee. Le signe de l’aimantation spontan´ee d´epend du signe du champ magn´etique quand on prend la limite de champ nul. Du point de vue du poids de Boltzmann, pour d´ecrire une de ces limites, il ne faut plus sommer sur toutes les configurations, mais seulement sur celles dont la valeur moyenne du spin est ´egale `a l’aimantation spontan´ee. Comme le syst`eme n’est plus ergodique, c’est bien cette somme qui reproduit les moyennes temporelles. Propri´et´e d’amas et longueur de corr´elation. Dans la r´egion a` phase unique, pour des syst`emes avec interactions de courte port´ee (par exemple avec d´ecroissance exponentielle), on d´efinit des fonctions de corr´elation connexes (l’analogue des cumulants d’une distribution) qui ont la propri´et´e suivante. Consid´erons la corr´elation entre deux observables physiques non triviales localis´ees dans deux r´egions spatiales disjointes. Alors cette corr´elation d´ecroˆıt exponentiellement quand la s´eparation entre les deux r´egions tend vers l’infini, une propri´et´e appel´ee propri´et´e d’amas. On appelle longueur de corr´elation l’inverse du plus petit taux de d´ecroissance. La notion de param`etre d’ordre peut ˆetre reli´ee `a la propri´et´e d’amas dans la phase de sym´etrie bris´ee a` basse temp´erature.
´ Energie libre et potentiel thermodynamique
151
´ 16.2 Energie libre et potentiel thermodynamique ` partir de maintenant, nous ne consid´erons que des syst`emes de spins clasA siques (ou aimants microscopiques) avec interactions ferromagn´etiques de courte port´ee. Cependant, cette restriction est largement une restriction de langage. En effet, certaines propri´et´es des transi tions de phase obtenues dans le cadre ferromagn´etique sont universelles en ce sens qu’elles peuvent se transposer a` de nombreux autres syst`emes physiques qui n’ont rien de magn´etiques, comme la transition liquide–vapeur, les transitions de d´emixtion des m´elanges binaires, la transition superfluide de l’H´elium etc.... On parle de l’universalit´e des ph´enom`enes critiques. ` cette liste, on peut ajouter un sujet qui ne semble pas `a premi`ere vue relever A des ph´enom`enes critiques, les propri´et´es statistiques des longs polym`eres, aussi d´ecrites par un mod`ele th´eorique de chemins al´eatoires sans intersection sur r´eseau. L’´etude de l’approximation de champ moyen pour de nombreux syst`emes montre qu’il est plus simple de baser une discussion des transitions de phase sur le potentiel thermodynamique, fonction de l’aimantation (spin moyen) plutˆ ot que sur l’´energie libre fonction du champ magn´etique externe. Dans l’exemple des syst`emes ferromagn´etiques, on comprend qu’il est pr´ef´erable de travailler a` aimantation fix´ee plutˆot qu’`a champ magn´etique fix´e. En effet, dans la phase de sym´etrie bris´ee (ou phase ordonn´ee), dans la limite de champ nul, l’aimantation peut prendre plusieurs valeurs, et l’´etat du syst`eme est donc d´etermin´e par l’aimantation et non le champ. Rappel de physique statistique : spins classiques sur r´eseau. Un mod`ele standard pour l’´etude des transitions de phase est un syst`eme de spins classiques sur r´eseau avec interactions ferromagn´etiques. Nous notons Sr un spin classique sur le site de coordonn´ees r ∈ Zd d’un r´eseau cubique a` d dimensions. Nous appelons E(S) (o` u S sans indice note une configuration de spins) l’´energie d’interaction entre les spins en champ nul, h un champ magn´etique externe uniforme, T la temp´erature et dρ(Sr ) la distribution de spin (normalis´ee) qui pond`ere les configurations de spin au site r. L’´energie d’une configuration de spins est alors H(S, h) = E(S) − h Sr , r
et le poids statistique de Boltzmann associ´e est proportionnel a` exp[−H/T ]. On d´efinit la fonction de partition en champ par Z(h) = dρ(Sr ) exp [−H(S, h)/T ] , (16.1) r∈Zd
et le poids statistique d’une configuration est donc exp(−H/T )/Z. La valeur moyenne d’une observable O(S) fonction d’une configuration de spins, que nous notons O , est donn´ee par 1 O = dρ(Sr )O(S) exp [−H(S, h)/T ] . (16.2) Z d r∈Z
152
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
Notons que la fonction de partition n’est pas une observable physique, mais ses d´eriv´ees logarithmiques par rapport a ` diff´erents param`etres le sont. Pour le mod`ele d’Ising, par exemple, o` u le spin (classique) ne prend que les valeurs ±1, (δ(•) est la fonction, ou plutˆ ot distribution de Dirac) dρ(Sr ) = 12 δ(Sr − 1) + δ(Sr + 1) dSr . L’´energie d’interaction prend la forme (J > 0 correspond a` une interaction ferromagn´etique) E(S) = −J S r Sr . r,r proches voisins
Il est commode pour les expressions qui suivent d’introduire un champ magn´etique renormalis´e H = h/T . (16.3) On v´erifie alors qu’avec cette normalisation la fonctionde partition Z(H) est li´ee aux moments de la distribution du spin total Σ = r Sr en champ par Σn =
1 dn Z(H) . Z(H) (dH)n
La densit´e d’´energie libre associ´ee W (H) (notre d´efinition de l’´energie libre diff`ere ici, et plus tard, des d´efinitions usuelles par un facteur de temp´erature, dans ce cadre sans importance) est W (H) = Ω−1 ln Z(H), o` u Ω est le volume. C’est aussi la fonction g´en´eratrice des cumulants normalis´es de la distribution de spin total. Par exemple, dW (H) = Ω−1 Σ , dH
% & ' d2 W (H) 2 2 = Ω−1 Σ2 − Σ = Ω−1 (Σ − Σ ) . 2 (dH)
Pour travailler `a aimantation M fix´ee, plutˆ ot qu’`a champ magn´etique fix´e, on introduit le potentiel thermodynamique G(M ). Les deux fonctions W (H) et G(M ) sont reli´ees par une transformation de Legendre.
16.3 Transformation de Legendre La transformation de Legendre apparaˆıt dans plusieurs domaines de la physique, comme la m´ecanique analytique (dans la relation entre formalismes lagrangien et hamiltonien) et la m´ecanique statistique. Le potentiel thermodynamique G(M ) fonction de l’aimantation M est reli´e `a l’´energie libre W (H) par la transformation W (H) + G(M ) = HM ∂W (H) M= . ∂H
(16.4a) (16.4b)
153
Transformation de Legendre
La transformation de Legendre est localement inversible aussi longtemps que & ' ∂2W 2 −1 = Ω (Σ − Σ ) > 0. (∂H)2 Cette condition est satisfaite, sauf dans le cas trivial o` u les spins sont fix´es. On v´erifie alors que la transformation de Legendre est sym´etrique. En effet, l’´equation (16.4a) entraˆıne ∂G(M ) ∂H ∂ =H+ [HM − W (H)] . ∂M ∂M ∂H L’´equation (16.4b) implique que le deuxi`eme terme s’annule. Donc, H=
∂G(M ) . ∂M
(16.5)
L’´equation (16.5), relation entre aimantation et champ magn´etique, est en g´en´eral la forme la plus simple d’une ´equation d’´etat. D´eriv´ees secondes. La susceptibilit´e magn´etique χ est d´efinie par def
χ=
∂M ∂2W = . ∂H ∂H∂H
De la transformation de Legendre on d´eduit une expression de χ impliquant le potentiel thermodynamique. On obtient une relation entre d´eriv´ees secondes en d´erivant l’´equation (16.4b) par rapport `a M et en utilisant l’´equation (16.5) : ∂2W ∂2G = 1. ∂H∂H ∂M ∂M
(16.6)
Donc, en g´en´eral, G (M ) est aussi positif. En particulier, c’est le cas pour un r´eseau fini. Au contraire, dans la limite thermodynamique, W (H), qui est la susceptibilit´e magn´etique, peut diverger en champ nul, et dans ce cas G (M ) s’annule. En cons´equence, sur un r´eseau fini la transformation de Legendre est toujours localement bijective. Dans la limite thermodynamique (volume infini), la question devient plus subtile. Si W (H), qui est la susceptibilit´e magn´etique, diverge G (M ) s’annule et il peut y avoir une bifurcation entre une situation o` u, a` H donn´e, il n’y a qu’une valeur de l’aimantation et une situation o` u il y a plusieurs solutions. C’est une situation de transition de phase. Spin ou param`etre d’ordre a ` plusieurs composantes. La transformation de Legendre se g´en´eralise imm´ediatement a` la situation o` u les spins ou, plus g´en´eralement les param`etres d’ordre, ont N composantes (par exemple, quand le spin classique a trois composantes). Ainsi, W (H) + G(M ) =
α
Hα M α ,
Mα =
∂W (H) . ∂Hα
(16.7)
154
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
De nouveau, on v´erifie que cette relation est sym´etrique et permet d’exprimer l’´equation d’´etat en fonction du potentiel thermodynamique : Hα =
∂G(M ) . ∂Mα
(16.8)
Il est existe alors une matrice de susceptibilit´es magn´etiques donn´ee par def
χαβ =
∂Mα ∂ 2 W (H) = . ∂Hβ ∂Hα ∂Hβ
Cette matrice sym´etrique est positive (toutes les valeurs propres sont positives). L’inverse de la matrice χαβ est la matrice des d´eriv´ees partielles secondes de G(M ), ∂ 2 G(M ) χαγ = δαβ . ∂Mγ ∂Mβ γ
16.4 Approximation de champ moyen Dans ce qui suit, nous ne nous int´eressons qu’` a la classe sp´eciale des transitions de phase continues ou du second ordre, au voisinage de la temp´erature de transition Tc . Ces transitions sont caract´eris´ees par la propri´et´e que le param`etre d’ordre (l’aimantation pour les spins) s’annule continˆ ument a` la temp´erature de transition Tc et donc, pr`es de Tc et en champ magn´etique faible, l’aimantation est ´egalement faible. De plus, dans ces conditions une ´echelle de distance, grande par rapport a` l’´echelle des longueurs microscopiques (port´ee des forces, maille de r´eseau), est engendr´ee dynamiquement. Cette ´echelle, qui peut ˆetre caract´eris´ee par la longueur de corr´elation, diverge au point de transition. L’existence de cette nouvelle ´echelle entraˆıne l’apparition d’une physique de longue distance, ou macroscopique, non triviale, universelle en ce sens qu’elle est peu sensible aux d´etails des mod`eles microscopiques, et qu’on s’efforce de caract´eriser. La description la plus ancienne et la plus simple des transitions de phase est bas´ee sur des approximations de type champ moyen. Les r´esultats obtenus par l’approximation de champ moyen et les principes sous-jacents ont ´et´e formalis´es par la th´eorie de Landau [9]. L’applicabilit´e de l’approximation suppose, en particulier, le d´ecouplage des diff´erentes ´echelles de physique : on suppose qu’un petit nombre de degr´es de libert´e macroscopiques peuvent remplacer l’infinit´e de degr´es de libert´e microscopiques, les effets r´esiduels pouvant ˆetre trait´es de fa¸con perturbative. La th´eorie de Landau des ph´enom`enes critiques postule que le potentiel thermodynamique g´en´eral est une fonction r´eguli`ere du param`etre d’ordre et des autres variables thermodynamiques, dont la forme g´en´erale est d´etermin´ee par les propri´et´es de sym´etrie. La th´eorie r´esultante a des propri´et´es de longue distance remarquablement universelles, c’est-`a-dire ind´ependantes des d´etails des interactions microscopiques et, dans une large mesure, de la g´eom´etrie, et de la dimension d’espace. En particulier, les singularit´es des quantit´es thermodynamiques comme fonction de la temp´erature a` la temp´erature critique, sont universelles.
Sym´etrie Z2 et propri´et´es universelles
155
L’approximation de champ moyen est ´equivalente `a une th´eorie quasi-gaus´ (14.13)) . sienne, au sens de la th´eorie des probabilit´es (cf. Chap. 14 et Eq. Cependant, une analyse d´etaill´ee des corrections `a l’approximation de champ moyen indique que ses pr´edictions universelles ne peuvent ˆetre exactes qu’en dimension d’espace plus grande que 4, et donc pas pour des syst`emes r´ealistes. En dimension inf´erieure, les diff´erentes ´echelles ne se d´ecouplent pas, une propri´et´e dont la prise en compte n´ecessite un outil enti`erement nouveau : le groupe de renormalisation [15] (cf. aussi dans l’esprit de cet ouvrage la r´ef´erence [19]). En section 16.8, nous montrons que l’approximation de champ moyen ne peut pas ˆetre correcte en basse dimension. Potentiel thermodynamique pr`es de Tc et approximation de champ moyen. Dans ce qui suit, nous discutons n´eanmoins les transitions de phase des syst`emes ferromagn´etiques dans le cadre de la th´eorie de Landau, ou approximation de champ moyen, car une telle approche donne une description qualitative simple des ph´enom`enes. En particulier, elle permet de mettre en ´evidence le rˆ ole des sym´etries. De fa¸con tout `a fait g´en´erale, on montre que la densit´e de potentiel thermodynamique G(M ) a les mˆemes propri´et´es de sym´etrie que le poids statistique (16.1) en champ nul. Nous consid´erons des syst`emes ayant une transition de phase `a une temp´erature finie Tc , o` u l’aimantation M s’annule continˆ ument. Nous supposons que la densit´e de potentiel thermodynamique G(M ) est une fonction r´eguli`ere de toutes les variables thermodynamiques au voisinage de M = 0 et pr`es de Tc et, en particulier, peut donc ˆetre d´evelopp´ee en puissances de l’aimantation M . Ces propri´et´es sont satisfaites par l’approximation de champ moyen.
16.5 Sym´ etrie Z2 et propri´ et´ es universelles Nous discutons d’abord le potentiel thermodynamique pour des syst`emes ayant une sym´etrie de r´eflexion Z2 comme le mod`ele d’Ising, o` u la sym´etrie correspond au renversement de tous les spins. Dans ce cas, G(M ) est une fonction paire de l’aimantation, G(M ) = G(−M ) ⇒ G(M ) = 21 g2 M 2 + 14 g4 M 4 + O(M 6 ). Dans la phase de haute temp´erature, M = 0 est le minimum absolu de G(M ). Ceci implique g2 > 0. Au-dessous de Tc , mais pr`es de Tc , on impose que G(M ) ait un minimum absolu proche de M = 0. Ceci implique g2 < 0 et g4 > 0. En effet, g2 > 0 conduit a` une transition discontinue, M passant de la valeur nulle a une valeur finie `a Tc . Il en est de mˆeme pour g4 < 0. Puisque g2 change de signe `a Tc , et qu’on a suppos´e la r´egularit´e dans toutes les variables thermodynamiques, on en d´eduit pour |T − Tc | 1, g2 (T ) ∼ a2 (T − Tc ),
avec a2 > 0 .
(16.9)
L’´equation d’´etat (la relation entre aimantation et champ magn´etique appliqu´e) ´ (16.5)) prend alors la forme H = G (M ) (Eq. H/M = a2 (T − Tc ) + g4 M 2 ,
(16.10)
pour |M | 1, |T − Tc | 1. Par ailleurs, la d´ependance en T de g4 peut ˆetre n´eglig´ee.
156
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
L’approximation de champ moyen conduit `a un mod`ele tr`es simple d’´equation d’´etat, qui est universel dans la classe des mod`eles avec sym´etrie Z2 et interactions a` courte port´ee. Nous pouvons en d´eduire quelques cons´equences ´el´ementaires. Aimantation spontan´ee. Pour T < Tc et en champ H nul, une aimantation spontan´ee M apparaˆıt, donn´ee par a2 (T − Tc ) + g4 M 2 = 0 ,
(16.11)
et donc pour |T − Tc | 1, M ∼ ± [a2 /g4 ]
1/2
(Tc − T )1/2 .
La sym´etrie Z2 est spontan´ement bris´ee. Pour toute une classe de mod`eles, on trouve plus g´en´eralement que pr`es de la temp´erature critique Tc , l’aimantation a un comportement en loi de puissances avec un exposant magn´etique β : β
M ∝ (Tc − T ) ,
(16.12)
une forme justifi´ee par des arguments de groupe de renormalisation [15]. La valeur β = 1/2, obtenue dans l’approximation de champ moyen, ou la th´eorie de Landau, est aussi appel´ee valeur classique de l’exposant. ´ Equation d’´etat et forme d’´echelle. Plus g´en´eralement, pour H, T − Tc , M faibles, le groupe de renormalisation conduit a` la forme d’´echelle universelle : H = M δ f (T − Tc )M −1/β ,
(16.13)
ce qui signifie que le rapport H/M δ n’est pas fonction des variables T et M ind´ependamment, mais seulement de la combinaison (T − Tc )/M 1/β , δ ´etant un nouvel exposant critique. Dans l’approximation du champ moyen, on trouve ´ (16.10)), et apr`es un changement d’´echelle exactement cette forme d’´echelle (Eq. de champ, temp´erature et aimantation, la fonction f (x) peut s’´ecrire : f (x) = 1 + x .
(16.14)
On v´erifie facilement que les termes omis d’ordre M 6 et M 4 (T −Tc ) n’induisent que des corrections `a cette forme d’´echelle. La valeur x = −1, o` u H s’annule avec M non nul, correspond a` la courbe de coexistence dans la r´egion `a deux phases, et redonne l’aimantation spontan´ee. Susceptibilit´e magn´etique. L’inverse de la susceptibilit´e magn´etique χ est donn´ee par χ−1 =
def
∂M ∂H
−1 =
∂H = a2 (T − Tc ) + 3g4 M 2 . ∂M
Spins a ` N composantes : groupes O(N ) et cubique
157
En champ nul on trouve χ−1 + = a2 (T − Tc )
pour
T > Tc ,
χ−1 −
pour
T < Tc ,
= 2a2 (Tc − T )
(16.15)
` Tc , la susceptibilit´e o` u l’´equation (16.11) a ´et´e utilis´ee en dessous de Tc . A magn´etique diverge donc sous la forme χ± ∼ C± |T − Tc |−γ , avec un exposant de susceptibilit´e γ = 1, et un rapport universel d’amplitudes C+ /C− = 2 .
(16.16)
´ ` Tc on trouve Equation d’´etat. Revenons `a l’´equation g´en´erale (16.10). A H ∝ M3 .
(16.17)
Dans l’approximation de champ moyen, l’exposant critique δ prend donc la valeur classique δ = 3. (16.18) Les r´esultats de champ moyen sont super-universels. En particulier, ils ne d´ependent pas de la dimension de l’espace. En r´ealit´e, des arguments intuitifs montrent que ces r´esultats trop universels ne peuvent pas ˆetre vrais en basses dimensions (cf. Sect. 16.8).
16.6 Spins ` a N composantes : groupes O(N ) et cubique Sym´etrie O(N ). Nous consid´erons d’abord des syst`emes avec une sym´etrie de rotations–r´eflexions O(N ). Le champ magn´etique H et l’aimantation M sont des vecteurs a` N composantes Hα et Mα , et on v´erifie facilement que G(M) ne d´epend que du module |M| = M de l’aimantation, une propri´et´e que nous avons d´ej` a exploit´ee en section 15.2. Les arguments donn´es pr´ec´edemment se g´en´eralisent simplement, et l’on obtient G(M) = 21 g2 M 2 + 14 g4 M 4 + O(M 6 ). Nous n´egligeons ici les termes d’ordre M 6 ou sup´erieur et la d´ependance de g4 en T . L’´equation d’´etat s’en d´eduit : H = M a2 (T − Tc ) + g4 M 2 . Prenant le module des deux membres, on obtient une ´equation tout a` fait analogue au cas Z2 , avec la mˆeme loi d’´echelle et les mˆemes exposants. Les exposants critiques de la th´eorie de Landau sont non seulement ind´ependants de la dimension d’espace mais aussi du groupe de sym´etrie.
158
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
Cependant, dans la phase ordonn´ee, si l’aimantation a une longueur fix´ee, elle a une direction arbitraire, M = [a2 /g4 ]
1/2
(Tc − T )1/2 u ,
avec u2 = 1 .
Les susceptibilit´es ont une structure diff´erente. L’inverse de la matrice χ des susceptibilit´es est donn´ee par [χ−1 ]αβ =
def
∂Hα = δαβ a2 (T − Tc ) + g4 M 2 + 2g4 Mα Mβ . ∂Mβ
Dans le coefficient de δαβ nous reconnaissons H/M . La matrice χ−1 a deux valeurs propres, 1/χL correspondant au vecteur M, [χ−1 ]αβ Mβ = (H/M + 2g4 M 2 )Mα β
χL = 1/(H/M + 2g4 M 2 ), et 1/χT aux vecteurs X orthogonaux a` M : X · M = 0, a[χ−1 ]αβ Xβ = (H/M )Xα β
χT = M/H , en accord avec le r´esultat g´en´eral (15.8). La susceptibilit´e transverse diverge en champ nul pour tout T < Tc , refl´etant la pr´esence de (N − 1) modes de Goldstone. La susceptibilit´e longitudinale ne diverge qu’` a Tc avec la mˆeme loi que dans le cas Z2 , 1 . χL = 2a2 (Tc − T ) Sym´etrie cubique. Nous supposons maintenant que le mod`ele n’a qu’une sym´etrie cubique. Ceci peut ˆetre la cons´equence d’une brisure de la sym´etrie O(N ) par l’interaction entre les spins et le r´eseau. Dans l’´etude de la marche au hasard, nous avons d´ej` a d´etermin´e la forme des invariants quadratiques et quartiques (cf. Sect. 14.1). Dans le domaine critique, le potentiel thermodynamique prend la forme. G(M) = 12 a2 (T − Tc )M2 + 14 g4 (M2 )2 + 14 h4 Mα4 + O(|M |6 ), (16.19) α
o` u nous supposons h4 = 0. Pour que la transition soit du second ordre, il faut que le potentiel quartique soit born´e inf´erieurement. Cela donne les deux conditions obtenues la premi`ere en choisissant Mα = 0 pour α = 1, la deuxi`eme Mα = M quel que soit α : g 4 + h4 > 0 ,
N g 4 + h4 > 0 .
Spins a ` N composantes : groupes O(N ) et cubique
159
De la forme (16.19), on d´eduit l’´equation d’´etat, Hα =
∂G = a2 (T − Tc )Mα + g4 Mα M2 + h4 Mα3 . ∂Mα
Pour T > Tc fix´e et champ H faible, l’aimantation est faible, le terme cubique est n´egligeable et la sym´etrie de rotation O(N ) est ´emergente, Hα ∼ a2 (T − Tc )Mα . Pour T < Tc , l’aimantation en champ nul est donn´ee par les ´equations Mα = 0
ou
a2 (T − Tc ) + g4 M2 + h4 Mα2 = 0 .
Soit 1 ≤ ν ≤ N le nombre de composantes non nulles. Notons que (νg4 + h4 ) est bien positif car νg4 + h4 =
N −ν ν−1 (g4 + h4 ) + (N g4 + h4 ) > 0 . N −1 N −1
Les composantes non nulles peuvent ˆetre param´etr´ees sous la forme Mα = mα ,
m > 0 , α = ±1 .
Reportant dans l’´equation, on trouve a2 (T − Tc ) + (νg4 + h4 )m2 = 0 , et donc Mα = α
a2 /(νg4 + h4 ) Tc − T .
(16.20)
Il reste `a d´eterminer les solutions qui minimisent le potentiel thermodynamique. On trouve ν G(M ) = − 14 a22 (T − Tc )2 . νg4 + h4 La d´eriv´ee par rapport `a ν a le signe −h4 . Pour h4 > 0 le minimum est ν = N . Toutes les composantes de M sont ´egales au signe pr`es. Il y a 2N minima ´equivalents. On peut choisir par exemple Mα = m pour tout α et on voit que le sous-groupe non bris´e est le groupe des permutations qui laisse ce vecteur invariant. Si h4 < 0 (et alors |h4 | < g4 ), c’est le contraire et ν = 1. Il y a 2N minima ´equivalents. La sym´etrie restante correspond au groupe cubique `a (N − 1) dimensions. On peut choisir la premi`ere composante non-nulle. Ces r´esultats sont bien une r´eflexion de la brisure spontan´ee de la sym´etrie cubique, toutes les valeurs possibles de l’aimantation spontan´ee sont d´eduites de l’une d’entre elles par l’action du groupe cubique.
160
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
Matrice des susceptibilit´es. Au-dessus de Tc , la matrice des susceptibilit´es est proportionnelle a` la matrice unit´e. Ses ´el´ements sont donn´es par χαβ ∼
δαβ . a2 (T − Tc )
La matrice a donc une seule valeur propre, χ = 1/a2 (T − Tc ). En dessous de Tc , on trouve [χ−1 ]αβ = δαβ a2 (T − Tc ) + g4 M2 + 3h4 Mα2 + 2g4 Mα Mβ . Nous devons maintenant distinguer deux cas suivant le signe de h4 . Pour h4 > 0, utilisant l’´equation (16.20), Mα2 = m2 = on trouve
a2 (Tc − T ) , N g 4 + h4
2 [χ]−1 αβ = 2h4 m δαβ + 2g4 Mα Mβ .
Cette expression est la somme d’une matrice proportionnelle a` la matrice unit´e et d’un projecteur sur M, comme dans le cas invariant par rotation. Cette matrice a deux valeurs propres correspondant au vecteur aimantation et aux vecteurs perpendiculaires. Notant de nouveau par χL et χT les valeurs propres de la matrice des susceptibilit´es, on obtient χL =
1 , 2a2 (Tc − T )
χT =
N g 4 + h4 . 2a2 h4 (Tc − T )
Pour h4 < 0 la matrice χ−1 est diagonale. On trouve aussi deux valeurs propres. Supposons M1 = 0, alors χL = χ11 =
1 , 2a2 (Tc − T )
χT = χαα =
g 4 + h4 pour α > 1 . h4 a2 (T − Tc )
Nous notons que pour h4 = 0, c’est-`a-dire en pr´esence de brisure cubique de la sym´etrie de rotation, la susceptibilit´e transverse ne diverge plus qu’`a Tc et, de plus, le rapport des amplitudes pour T > Tc et T < Tc n’est pas universel `a la diff´erence du rapport d’amplitude pour la susceptibilit´e longitudinale. Remarque. Dans tous les exemples que nous avons examin´es, la sym´etrie implique que le terme quadratique est proportionnel a` M2 . Dans le cas de sym´etries plus restreintes, les coefficients de tous les termes Mα2 ne sont plus n´ecessairement identiques. Il n’y a alors aucune raison pour que les coefficients de tous les termes Mα2 s’annulent `a la mˆeme temp´erature. On s’attend ainsi a` trouver plusieurs temp´eratures de transition qui chacune ` chan’implique qu’un sous-ensemble des composantes du param`etre d’ordre. A cune des transitions les composantes qui ne sont pas impliqu´ees peuvent ˆetre n´eglig´ees et on se trouve ramen´e a` la situation avec un seul terme quadratique.
161
Fonctions de corr´elation spin–spin
16.7 Fonctions de corr´ elation spin–spin Nous consid´erons de nouveau l’exemple d’un mod`ele de spins classiques Sr situ´es sur les sites d’un r´eseau cubique de la forme (16.1) mais rempla¸cons le champ uniforme H (dans la normalisation (16.3)) par un champ magn´etique Hr variable d´ependant du site de coordonn´ees r. La fonction de partition (16.1) devient alors Z(H) = dρ(Sρ ) exp −E(S)/T + Hr S r . (16.21) ρ∈Rd
r∈Zd
On v´erifie que les fonctions de corr´elation Z (n) (r1 , . . . , rn ) de spins en n points r1 , r2 , . . . , rn (les moments g´en´eralis´es) sont donn´ees par Zr(n) ≡ Sr1 Sr2 · · · Srn = Z −1 (H) 1 ,...,rn
∂ n Z(H) . ∂Hr1 ∂Hr2 · · · ∂Hrn
Dans la limite H constant, on obtient les fonctions de corr´elation en champ uniforme, et pour Hr → 0 en champ nul. On d´emontre que l’´energie libre associ´ee W(H) = ln Z(H), est aussi la fonction g´en´eratrice des fonctions de corr´elation connexes (les cumulants g´en´eralis´es) W (n) , qui `a la la diff´erence des fonctions Z (n) sont des observables physiques. Par exemple, Wr(2) ≡ 1 r2
∂ 2 W(H) = (Sr1 − Sr1 ) (Sr2 − Sr2 ) . ∂Hr1 ∂Hr2
La transform´ee de Legendre Γ(M ) de W(H), W(H) + Γ(M ) =
Hr M r ,
avec Mr =
r
∂W(H) , ∂Hr
est une fonction de l’aimantation locale Mr . Comme nous l’avons montr´e, la d´eriv´ee seconde ∂ 2 Γ(M ) Γ(2) , r1 r 2 = ∂Mr1 ∂Mr2 (2)
est l’inverse au sens des matrices de Wr1 r2 : Wr(2) Γ(2) = δr1 r2 . 1 r rr2
(16.22)
r
Dans un syst`eme invariant par translation, la fonction a` deux points ne d´epend que de (r1 − r2 ) : ≡ W (2) (r1 − r2 ), Wr(2) 1 r2
(2) Γ(2) (r1 − r2 ). r1 r 2 ≡ Γ
162
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
L’´equation (16.22) devient une ´equation de convolution, W (2) (r1 − r)Γ(2) (r − r2 ) = δ(r1 − r2 ),
(16.23)
r
qui prend une forme simple en transform´ee de Fourier. Multipliant l’´equation (16.23) par eip·r1 et sommant sur r1 , on trouve eip·r1 W (2) (r1 − r)Γ(2) (r − r2 ) = eip·r2 . r,r1
Posons ˜ (2) (p) = W
eip·r W (2) (r),
˜ (2) (p) = Γ
r
eip·r Γ(2) (r).
r
Utilisant alors successivement les identit´es (on pose r1 − r = r ) ˜ (2) (p), eip·r1 W (2) (r1 − r) = eip·(r+r ) W (2) (r ) = eip·r W r
r1
e
ip·r
Γ
(2)
˜ (2) (p), (r − r2 ) = eip·r2 Γ
r
on en en d´eduit la relation ˜ (2) (p) = 1/Γ ˜ (2) (p). W ˜ (2) (0) est la susceptibilit´e magn´etique. La th´eorie de Landau fait Notons que W (2) l’hypoth`ese implicite que Γr−r d´ecroˆıt rapidement quand la distance entre les sites r et r tend vers l’infini. Dans le cas d’une d´ecroissance exponentielle, sa transform´ee de Fourier est une fonction r´eguli`ere du vecteur p. Le comporte(2) ment `a grande distance de Wr−r est domin´ee par le d´eveloppement a` |p| → 0 ˜ (2) et donc de Γ ˜ (2) . de W Si le mod`ele a la sym´etrie cubique du r´eseau, pour T > Tc et T − Tc 1 ce d´eveloppement prend la forme ˜ (2) (p) = a2 (T − Tc ) + 2 p2 + O(p4 ), Γ o` u a2 est d´efini par l’´equation (16.9) et 2 est une constante. Son inverse ( (2) (p), la transform´ee de Fourier de la fonction de corr´elation `a deux points, W ( (2) (p) a une ` l’ordre p2 , la fonction W a une forme dite d’Ornstein–Zernicke. A sym´etrie de rotation O(d) ´emergente, plus ´etendue que les sym´etries discr`etes du r´eseau. Pour T > Tc , W (2) (r) d´ecroˆıt exponentiellement, et pour T −Tc 1 son comportement est domin´e par les deux premiers termes du d´eveloppement ( (2) (p) pour |p| → 0. On en d´eduit que pour |r| → ∞ W (2) (r) a aussi une de W sym´etrie O(d) et d´ecroˆıt comme e−ip·r 1 1 d −ip·r ( (2) e W (2) (r) = W d dd p p (p) ∼ d d (2π) (2π) a2 (T − Tc ) + 2 p2 1 e−|r|/ξ , ∝ (d−1)/2 r→∞ |r|
Existence de transitions de phase en basse dimension
avec
163
ξ ∝ (T − Tc )−1/2 . T →Tc
On obtient ainsi la loi de divergence universelle de la longueur de corr´elation pour T → Tc+ . En g´en´eral, on note par ν l’exposant critique correspondant et donc, dans l’approximation de champ moyen, ν = 1/2. Enfin, `a Tc , W (2) (r) ∼
1 (2π)d 2
dd p
e−ip·r ∝ ∝ 1/|r|d−2 . p2 r→∞
G´en´eralement, on d´efinit l’exposant critique η par W (2) (r)
∝
|r|→∞
∝ 1/|r|d−2+η .
Dans l’approximation de champ moyen η = 0. Conclusion. Nous avons montr´e sur quelques exemples simples comment la th´eorie de Landau combin´ee avec des consid´erations de groupes de sym´etrie permettait de mettre en ´evidence un certain nombre de propri´et´es universelles des transitions de phase continues au voisinage de la temp´erature de transition. Mˆeme si l’hypoth`ese de d´ecouplage des ´echelles, qui est `a la base de la th´eorie de Landau, est incorrecte, cette th´eorie fournit cependant une premi`ere description qualitative simple et utile des transitions de phase.
16.8 Existence de transitions de phase en basse dimension L’approximation de champ moyen est super-universelle, en ce sens que nombre de propri´et´es universelles ne d´ependent pas, par exemple, de la dimension d’espace. En r´ealit´e, une transition de phase avec interactions de courte port´ee est impossible en dimension 1, comme nous le montrons ci-dessous. Tr`es tˆot des r´esultats exacts obtenus pour le mod`ele d’Ising [16] ont montr´e que l’approximation de champ moyen ne pouvait pas ˆetre exacte non plus en dimension 2. Plus tard, des r´esultats rigoureux [17] ont ´etabli que, dans le cas de sym´etries continues, une transition de phase avec ordre ´etait impossible en dimension 2. Nous donnons ci-dessous quelques arguments intuitifs pour justifier ce r´esultat. Enfin, les arguments de groupe de renormalisation [15] ont montr´e que les r´esultats universels de l’approximation de champ moyen ne pouvaient ˆetre corrects qu’en dimension d’espace plus grande que 4, c’est-` a-dire pas pour des syst`emes r´ealistes. En dimension d, pour d ≤ 4 d’autres m´ethodes, comme celles inspir´ees par le groupe de renormalisation , ont permis de d´eterminer des quantit´es universelles. De fa¸con assez remarquable, si les exposants critiques et certaines pr´edictions universelles sont incorrectes, la th´eorie correcte bas´ee sur le groupe de renormalisation pr´edit aussi des propri´et´es d’universalit´e, mais plus restreintes. Les notions d’exposant critique [18] et autres quantit´es universelles restent valables,
164
Chapitre 16 : Transitions de phase : approximation de champ moyen
mais si ces valeurs ne d´ependent toujours pas des d´etails des interactions microscopiques, ils d´ependent cette fois de caract´eristiques g´en´erales des syst`emes comme, par exemple, la dimension d’espace et le groupe explicite de sym´etrie. On parle de classes d’universalit´e. Ci-dessous, nous montrons, par exemple, qu’une transition de phase dans des syst`emes `a interactions de courte port´ee n’est possible qu’en dimension plus grande que 1 pour des sym´etries discr`etes, et plus grande que 2 pour des sym´etries continues avec ordre. Transitions de phase : sym´etries discr`etes. Examinons l’exemple le plus simple, le mod`ele d’Ising, un mod`ele de spins sur r´eseau cubique a` d dimensions avec interactions de proches voisins. Utilisant la terminologie ferromagn´etique, on appelle les variables dynamiques Sr , r ∈ Zd spins, mais ce sont des variables classiques, qui dans le mod`ele d’Ising ne prennent que les valeurs ±1. L’´energie de configuration est de la forme E(S) = −J
Sr Sr , J > 0 ,
r,r ∈Zd , proches voisins
u E int`egre le facteur de et le poids de chaque configuration de spins est e−E (o` temp´erature). L’interaction est dite ferromagn´etique car le signe de J favorise les configurations o` u les spins sont align´es. Le mod`ele d’Ising a une sym´etrie Z2 , qui correspond au renversement de tous les spins. Pour se convaincre de l’existence d’une transition on peut se placer a` basse temp´erature, car l’aimantation spontan´ee (la valeur moyenne du spin) ne peut que d´ecroˆıtre a` plus haute temp´erature, ici quand J d´ecroˆıt. Dans ces conditions l’analyse est purement ´energ´etique. Partant d’une configuration o` u les spins prennent presque tous la valeur +1, il faut d´eterminer la probabilit´e pour que des fluctuations thermiques engendrent une configuration avec les spins retourn´es. La probabilit´e qu’une fluctuation thermique cr´ee une goutte de spins −1 dans un environnement de spins +1 est de la forme e−ΔE , o` u ΔE est la diff´erence des ´energies entre la configuration initiale et la configuration avec la goutte. La diff´erence ΔE est enti`erement due a` la surface de la goutte o` u les spins voisins sont oppos´es, et est donc proportionnelle `a l’aire de la surface. Si R est la dimension lin´eaire de la goutte, en dimension d’espace d l’aire est proportionnelle `a Rd−1 . Pour que tous les spins soient retourn´es if faut qu’une goutte de taille infinie puisse ˆetre cr´e´ee et donc que la probabilit´e reste finie quand R → ∞. On en conclut qu’` a une dimension (d = 1) cela est possible et il ne peut donc pas y avoir de transition de phase. Au contraire, une transition de phase est possible en dimension plus grande que 1. Cet argument est coh´erent avec la solution exacte du mod`ele d’Ising `a deux dimensions qui exhibe une transition de phase. Transitions de phase : sym´etries continues. L’exemple de la m´ecanique classique sugg`ere qu’il doit ˆetre plus difficile de briser spontan´ement une sym´etrie
Existence de transitions de phase en basse dimension
165
continue qu’une sym´etrie discr`ete. En effet, au lieu de faire tourner tous les spins d’un angle α correspondant a` deux directions de l’aimantation spontan´ee, on peut les faire tourner continˆ ument pour diminuer la variation de l’´energie. Consid´erons un mod`ele de spins classiques Sr `a N composantes de longueur unit´e (S2r = 1), r d´enotant un site du r´eseau, avec une interaction ferromagn´etique de proches voisins sous forme d’un produit scalaire Sr · Sr = cos(θrr ), o` u θrr est l’angle entre les spins. Ce mod`ele a une sym´etrie O(N ). Faisons varier lin´eairement l’angle θ, d´efinissant l’orientation des spins, entre une direction initiale d’angle θ = 0 au centre d’une sph`ere, ou d’un cercle, et une direction au bord d’angle α. Nous appelons R le rayon de la sph`ere et ρ la distance au centre : θ(ρ) = αρ/R . Comme la variation d’angle d’un site au voisin est faible pour R grand, la variation de l’´energie par site est proportionnelle a` 1 − cos(θr − θr ) ∼ 12 (θr − θr )2 ∼ 12 (nrr · ∇θ)2 , o` u nrr est le vecteur joignant les deux sites r, r . Sommant sur toutes les directions d’un r´eseau cubique on reconstitue le carr´e du vecteur gradient. La variation de l’´energie totale en dimension d est donc proportionnelle `a
ΔE ∝
dd ρ |ρ|≤R
∂θ ∂ρ
2 ∝ α2 Rd−2 .
On voit donc qu’une transition de phase avec aimantation spontan´ee, c’est-` adire brisure spontan´ee de sym´etrie, n’est possible qu’en dimension plus grande que 2, un r´esultat qui peut ˆetre d´emontr´e rigoureusement [17] pour tout syst`eme avec interactions de courte port´ee. M´ecanique quantique. En m´ecanique quantique, la situation d´epend de la ` temp´erature finie, l’aspect quantique n’est pas important et temp´erature. A l’analyse classique reste valable. Par contre, a` temp´erature nulle, ce sont les propri´et´es de l’´etat de plus basse ´energie qu’il faut examiner. Dans le cas de la particule dans un potentiel avec sym´etrie discr`ete et minima d´eg´en´er´es, a` cause de l’effet tunnel, la particule quantique a une probabilit´e ´egale de se trouver dans chaque minimum. Plus g´en´eralement, pour les syst`emes statistiques quantiques les plus simples, on d´ecouvre un effet de dimension effective : un syst`eme statistique quantique en dimension d’espace d, `a temp´erature nulle, se comporte comme un syst`eme classique en dimension (d + 1).
Appendice A1 Groupes de Lie : remarque et autre application
Dans cet appendice, nous pr´esentons quelques r´esultats suppl´ementaires et d’autres exemples o` u les groupes de sym´etries jouent un rˆ ole important.
A1.1 Alg` ebre de Lie : une identit´ e utile et ses implications Une identit´e g´en´erale. Soit L(t) un ´el´ement d’une alg`ebre norm´ee a` coefficients r´eels ou complexes, fonction d´erivable d’une variable r´eelle t. Alors l’identit´e d L(t) e = dt
1 0
dλ eλL(t)
dL (1−λ)L(t) e dt
(A1.1)
est satisfaite. Elle peut ˆetre d´emontr´ee en d´eveloppant les deux membres en puissances de L(t) et en int´egrant le membre de droite terme `a terme. En effet, `a l’ordre Ln , le membre de gauche est donn´e par (x˙ ≡ dx/dt) n 1 n−p ˙ Lp (t)L(t)L (t). (n + 1)! p=0
Au mˆeme ordre, le membre de droite est donn´e par n ∞ 1 n−p ˙ dλ λp (1 − λ)n−p Lp (t)L(t)L (t). p!(n − p)! p=0 0
L’int´egration donne n p=0
∞
dλ λp (1 − λ)n−p =
0
ce qui conduit `a l’identit´e (A1.1).
p!(n − p)! , (n + 1)!
168
Appendice A1 : Groupes de Lie : remarque et autre application
˙ Application. Nous supposons maintenant que les matrices L(t), et donc L(t), L(t) λL(t) appartiennent pour tout t `a une alg`ebre de Lie. Les matrices e et e font alors partie du groupe de Lie obtenu par exponentiation. Posons Ω(t) = eL(t) . L’identit´e (A1.1) entraˆıne que la matrice −1 ˙ Ω(t)Ω (t) =
1
˙ e−λL(t) , dλ eλL(t) L(t)
(A1.2)
0
´ (6.9)). fait aussi partie de l’alg`ebre de Lie engendr´ee par L(t) (cf. Eq. Remarque. Dans le cas des groupes O(N ) et U (N ), la d´emonstration de cette propri´et´e est ´el´ementaire. Soit g(t) un ´el´ement de ces groupes d´ependant de fa¸con diff´erentiable d’une variable r´eelle t. Alors gg−1 = 1 ⇒
dg −1 d(g−1 ) g +g = 0. dt dt
Pour le groupe O(N ), g
−1
=g
T
−1 d(gT ) dg T ⇒ g = − gT =− dt dt
dg −1 g dt
T .
La matrice (dg/dt)g−1 est donc antisym´etrique, et ´el´ement de l’alg`ebre de Lie de O(N ). Le mˆeme argument s’applique `a g−1 dg/dt, et au groupe U (N ) en repla¸cant gT par g† . Produit d’exponentielles. Soient A et B deux matrices, ´el´ements de l’alg`ebre de Lie L(G) d’un groupe de Lie G. Pour t r´eel, les deux matrices eAt et eBt appartiennent au groupe de Lie engendr´e par exponentiation des ´el´ements de l’alg`ebre L(G). La matrice Ω(t) = eAt eBt appartient aussi au groupe. Nous cherchons a` montrer qu’elle peut s’´ecrire aussi sous la forme Ω(t) = eL(t) , o` u L(t) appartient `a L(G). Nous savons que L(t) = (A + B)t + O(t2 ). Nous partons de l’´equation diff´erentielle ˙ Ω(t) = eAt (A + B) eBt = Ω(t) e−Bt (A + B) eBt , avec Ω(0) = 1 , o` u alternativement ˙ Ω(t) = eAt (A + B) e−At Ω(t), avec Ω(0) = 1 .
(A1.3)
Nous avons montr´e, de fa¸con g´en´erale, que si g appartient a` un groupe de Lie et L `a l’alg`ebre de Lie correspondante, gLg−1 appartient a` l’alg`ebre de Lie ´ (6.9)). Donc (cf. Eq. S(t) = eAt (A + B) e−At ,
169
Solide rigide classique libre
est un ´el´ement de L(G), et l’´equation (A1.3) peut s’´ecrire ˙ Ω(t) = S(t)Ω(t). Nous cherchons une solution L(t) de l’´equation (A1.2),
−1 ˙ Ω(t)Ω (t) = S(t) =
1
˙ e−λL(t) , dλ eλL(t) L(t)
0
telle que L(t) soit un ´el´ement de L(G). Comme nous savons que si L(t) appar˙ e−λL(t) , nous en tient a` une alg`ebre de Lie, il en est de mˆeme pour eλL(t) L(t) concluons que le d´eveloppement du membre de droite en puissances de L(t) ne fait intervenir que des commutateurs. Par exemple, ˙ ˙ S(t) = L(t) + 12 [L(t), L(t)] + Posant
1 ˙ 3! [L(t), [L(t), L(t)]]
+ ··· .
(A1.4)
t
Σ(t) =
S(τ )dτ , 0
par exemple, et inversant le d´eveloppement (A1.4), nous obtenons une s´erie formelle qui ne fait intervenir que des commutateurs, tous ´el´ements de L(G), L(t) = Σ(t) − 12 [Σ(t), S(t)] + · · · Nous concluons que L(t) appartient a` l’alg`ebre de Lie LG), c’est-`a-dire eAt eBt = eL(t) , avec L(t) ∈ L(G).
A1.2 Solide rigide classique libre Nous consid´erons un syst`eme de n points mat´eriels avec positions qa et masses ma , rigidement li´es. Nous introduisons le centre de masse de ces points dont nous notons la position Q(t), et la masse totale M = a ma : M Q(t) =
ma qa (t).
a
Introduisant une matrice de rotation g(t), qui donc satisfait g(t)gT (t) = 1 , on peut exprimer que le syst`eme est rigide en param´etrant qa (t) comme qa (t) = Q(t) + g(t)xa , o` u les vecteurs xa sont ind´ependants du temps. En effet, |qa − qb |2 = |xa − xb |2 .
170
Appendice A1 : Groupes de Lie : remarque et autre application
Par d´efinition du centre de masse,
ma x a = 0 .
(A1.5)
a
L’´energie E du syst`eme libre est donn´ee par 2 1 a 2 ˙ ˙ ma (q˙ a )2 = 12 M Q(t) +2 ma |g(t)x | , E = 12 a
a
o` u l’´equation (A1.5) a ´et´e utilis´ee. Dans ce qui suit, nous omettrons la contribution du centre de masse qui se d´ecouple. Nous pouvons transformer la contribution du point mat´eriel a en utilisant les identit´es a 2 a a ˙ ˙ ˙ |g(t)x | = xa · g˙ T (t)g(t)x = xa · g˙ T (t)g(t)gT (t)g(t)x .
L’expression peut s’exprimer en terme de la matrice ˙ L(t) = gT (t)g(t). En effet, ˙ gT (t)g(t) = 1 ⇒ g˙ T (t)g(t) + gT (t)g(t) = 0 ⇔ LT (t) + L(t) = 0 . La matrice L(t) est antisym´etrique et est donc associ´ee a` l’alg`ebre de Lie du groupe des rotations, et l’´energie devient 2 ma q˙ a (t) = 12 ma xa · LT (t)L(t)xa . E(t) = 21 a
a
Dans l’espace `a trois dimensions, les ´el´ements de la matrice peuvent ˆetre param´etr´es en terme d’un vecteur ω de composantes ωi comme, Lij (t) = ijk ωk (t). k
Pour un syst`eme en rotation uniforme, la matrice L est constante et l’´energie est conserv´ee. On trouve alors ωi Iij ωj , E = 21 i,j
o` u Iij , le tenseur cin´etique (cf. Sect. 7.4), est donn´e par l’expression Iij =
ma xa · xa δij − xai xaj .
a
Rien ne change dans l’argument si la distribution de mati`ere est continue, si ce n’est que la somme sur a est remplac´ee par une int´egrale.
171
Oscillateur harmonique quantique et alg`ebre de Lie
A1.3 Oscillateur harmonique quantique et alg` ebre de Lie Nous d´ecrivons ici une m´ethode de calcul du spectre de l’oscillateur harmonique quantique moins standard que celle utilisant les op´erateurs de cr´eation de d’annihilation, bas´ee sur des consid´erations de repr´esentation d’alg`ebre de Lie. Dans ce probl`eme, l’alg`ebre de Lie ne correspond pas a` une sym´etrie du syst`eme, mais fournit un outil commode pour r´esoudre un probl`eme (un autre exemple classique est l’atome d’hydrog`ene). Notation et convention. Nous posons = 1 ( est la constante de Planck). Soient pˆ et qˆ les op´erateurs quantiques de position et impulsion (` a une dimensions d’espace). Ils satisfont alors la relation de commutation [ˆ q , pˆ] = i. On peut alors ramener l’hamiltonien H de l’oscillateur harmonique quantique `a un multiple de la forme standard H = 12 (ˆ p2 + qˆ2 ).
(A1.6)
D´etermination du spectre. Introduisons deux autres op´erateurs hermitiens p2 − qˆ2 ), J = 12 (ˆ
K = 12 (ˆ pqˆ + qˆpˆ).
Un calcul simple permet d’´etablir les relations de commutation [H, J] = 2iK ,
[J, K] = −2iH ,
[K, H] = 2iJ .
(A1.7)
Elles sont analogues aux relations de commutation de l’alg`ebre de Lie du groupe SO(3), mais le signe de la deuxi`eme relation est diff´erent. Par ailleurs, on trouve que l’op´erateur de Casimir est donn´e par C = J 2 + K 2 − H 2 = 34 1
(A1.8).
Comparant avec l’expression de l’op´erateur de Casimir du groupe O(3) (cf. ´ (7.17)), on observe de nouveau une diff´erence de signe. L’alg`ebre (A1.7) Eq. correspond au groupe O(1, 2), ou groupe de Lorentz de la th´eorie de la Rela´ (A2.6)). Ce groupe pr´eserve tivit´e Restreinte en deux dimensions d’espace (Eq. la pseudo-m´etrique, correspondant `a la forme quadratique x20 − x21 − x22 , invariante (cf. Sect. A2.2). Pour d´eterminer le spectre de H, on proc`ede par analogie avec la classification des repr´esentations de l’alg`ebre de Lie de SO(3) ou de SU (2) (Sect. 8.3). On d´efinit les deux op´erateurs L± = J ± iK ⇒ [H, L± ] = ±2L± . Alors le Casimir prend la forme C = L+ L− + 2H − H 2 = L− L+ − 2H − H 2 = 12 (L+ L− + L− L+ ) − H 2 . (A1.9) Nous utilisons de nouveau la notation des bras et kets de la m´ecanique quantique. Soit |s un vecteur propre de H avec valeur propre s. L’hamiltonien H est un op´erateur positif, donc s > 0. Les relations de commutation entraˆınent HL± |s = (s ± 2)L± |s .
172
Appendice A1 : Groupes de Lie : remarque et autre application
Ceci implique que, soit L± |s s’annule, soit L± |s ∝ |s ± 2 . L’application it´er´ee n fois de L− conduit a` une valeur propre s − 2n. C’est la propri´et´e de positivit´e de l’op´erateur H qui arrˆete l’it´eration. En particulier, si s = s0 , avec 0 < s0 ≤ 2, n´ecessairement L− |s0 = 0 . Agissant alors avec C sur |s0 , utilisant la valeur (A1.8) et la premi`ere relation (A1.9), on trouve C |s0 = 34 |s0 = s0 (2 − s0 ) |s0 , et donc s0 =
1 2
et
s0 =
3 2
.
La solution s0 = 12 est donc la plus petite valeur propre de H (l’´energie de l’´etat fondamental). L’application r´ep´et´ee n fois de L+ engendre alors deux s´eries de valeurs propres (1/2 + 2n) et (3/2 + 2n) ce qui donne bien le spectre connu en (n + 1/2) de l’oscillateur harmonique. Notons que parce que le groupe O(1, 2) n’est pas compact, la repr´esentation est de dimension infinie. G´en´eralisation. Cette m´ethode pour d´eterminer le spectre de l’oscillateur harmonique peut sembler compliqu´ee, mais elle s’applique aussi a` un hamiltonien plus g´en´eral de la forme H=
1 2
q2 , pˆ2 + qˆ2 + α/ˆ
(A1.10)
o` u α est une constante positive. On retrouve alors que H et p2 − qˆ2 + α/ˆ q 2 ), J = 21 (ˆ
K = 12 (ˆ pqˆ + qˆpˆ),
forment la mˆeme alg`ebre de Lie que pr´ec´edemment. Un changement provient de l’op´erateur de Casimir C qui est maintenant donn´e par C = ( 34 − α)1 . En cons´equence, les valeurs propres minimales sont solution de l’´equation s0 (s0 − 2) +
3 4
− α = 0 ⇒ s0 = 1 ±
1 2
√
1 + 4α .
Le spectre reste donc r´eel pour tout α ≥ −1/4. En g´en´eral, on trouve de nouveau deux s´eries de valeurs propres. Il est possible de param´etrer α en terme d’un param`etre r´eel m ≥ −1/2 de la fa¸con suivante : α = m(m + 1) ⇒ α ≥ −1/4
et
s0 = 1 ± (m + 1/2).
173
Oscillateur harmonique quantique et alg`ebre de Lie
L’op´erateur de du Casimir prend la forme C = m + 32 12 − m 1 . Pour α ≥ 0 et donc m ≥ 0, l’hamiltonien est positif et donc la deuxi`eme s´erie n’existe que si s0 =
1 2
−m>0
⇒
m≤
1 2
et
0≤α≤
3 4
.
L’oscillateur harmonique invariant par rotation. L’hamiltonien harmonique a` N dimensions, invariant par le groupe O(N ) est donn´e par l’expression (10.21) : H = − 21 ∇2 + 12 x2 . En coordonn´ees radiales, avec r = |x|, utilisant l’expression (10.7) appliqu´ee `a une fonction de r, et le r´esultat (10.8) pour un tenseur sym´etrique de trace nulle et de rang (o` u est physiquement le moment cin´etique quantique), on trouve CO(N ) d 1 d 2 −∇ = r +N −2 − r2 r dr dr 2 d (N − 1) d ( + N − 2) =− + + . dr r dr r2 Pour mettre l’hamiltonien sous la forme (A1.10), on fait la transformation H → r(N −1)/2 H r−(N −1)/2 . On en d´eduit 1 H = − 2
d dr
2
1 (N − 1 + 2)(N − 3 + 2) + r2 + , avec r ≥ 0 , 2 8r2
´ (10.23)) et (cf. Eq. m = + 12 (N − 3) ⇒ s0 = + 12 N ou s0 = 2 − − 12 N . La condition s0 = 2 − − 12 N > 0 n’a comme solutions que N = 1 et donc = 0, N = 2, 3 et = 0. De plus, pour N > 1 qui est sp´ecial, le vecteur propre doit s’annuler pour r = 0 pour respecter l’hermiticit´e de l’hamiltonien. Cela conduit a` 12 (N − 3) + < 0 et ne laisse que N = 2, = 0 et donc s0 = 1 qui co¨ıncide avec une valeur de la premi`ere s´erie.
Appendice A2 Relativit´ e Restreinte et groupes
Dans cet ouvrage, nous nous sommes limit´es aux groupes de Lie compacts parce que la th´eorie des repr´esentations est plus compliqu´ee, sauf en section A1.3. Toutefois, un exemple tr`es important de groupe non-compact est fourni par le groupe de Lorentz de la Relativit´e Restreinte. Nous ´evoquons ici bri`evement ce sujet.
A2.1 Groupe relativiste g´ en´ eralis´ e O(1, N ) : d´ efinition et alg` ebre de Lie Le groupe d’invariance de la physique relativiste est le groupe non-compact (puisque les ´el´ements de matrice ne sont pas born´es) O(1, 3), qui laisse la forme quadratique Q1,3 (t, x) ≡ t2 − x2 invariante. Physiquement, t est le temps et x l’espace, et le syst`eme d’unit´es choisi ici est tel que la vitesse de la lumi`ere c = 1. Il est int´eressant de g´en´eraliser le probl`eme `a N dimensions d’espace (x ∈ RN ) et au groupe d’invariance O(1, N ) de la forme Q1,N (t, x) ≡ t2 − x2 . La forme Q1,N peut ˆetre d´eduite de la forme QN +1 = x2 + x2N +1 par prolongement analytique en passant des temps imaginaires aux temps r´eels : xN +1 = it. Avec la convention t = x0 pour le probl`eme relativiste, et en terme du tenseur m´etrique relativiste gμν , repr´esent´e par la matrice diagonale G d’´el´ements tels que gμν = μ δμν , avec 0 = 1 et i = −1 pour i = 1, . . . , N , la forme Q1,N peut s’´ecrire N Q1,N (x0 , x) = xμ gμν xν . (A2.1) μ,ν=0 2
Notons G = 1. Le groupe O(1, N ). Soit O un ´el´ement du groupe O(1, N ). L’invariance de la forme (A2.1) s’exprime par l’´equation OT GO = G .
(A2.2)
Calculant le d´eterminant des deux membres, on en d´eduit imm´ediatement que det O = ±1. Le sous-groupe avec det O = 1 peut se noter SO(1, N ).
176
Appendice A2 : Relativit´e Restreinte et groupes
Le groupe O(1, N ) est obtenu par une transformation complexe a` partir du groupe O(N + 1), dont il a certaines propri´et´es alg´ebriques (cf. Sect. 9.2). Il a comme sous-groupe le groupe compact O(N ). Alg`ebre de Lie. Au voisinage de l’identit´e, posons O = 1 + T + T2 . Alors, l’´equation (A2.2) entraˆıne TT G + GT = 0 ⇔ GTT G + T = 1 . Notant tμν les ´el´ements de matrice de T, l’´equation s’´ecrit aussi μ tνμ ν + tμν = 0 .
(A2.3)
On conclut : Pour μ = ν, tμμ = 0, pour i ≥ 1, t0i = ti0 , et pour i, j ≥ 1 tij + tji = 0. L’alg`ebre de Lie a donc N (N +1)/2 g´en´erateurs, avec N matrices sym´etriques et, pour N > 1, N (N − 1)/2 matrices antisym´etriques qui forment l’alg`ebre de Lie du sous-groupe O(N ). On peut v´erifier que les relations de commutations de l’alg`ebre de Lie de O(1, N ) se d´eduisent de celles de O(N + 1) par la transformation t0a → it0a pour a = 1, . . . , N .
A2.2 Les groupes O(1, N ) pour N = 1 et N = 2 L’exemple N = 1. Il est instructif d’examiner l’exemple le plus simple N = 1. L’´equation (A2.2) a comme solutions particuli`eres cosh θ sinh θ O(θ) = , θ ∈ R, (A2.4) sinh θ cosh θ qui d´efinit un sous-groupe ab´elien de O(1, 1), le sous-groupe connect´e `a l’identit´e. Le groupe a aussi deux sous-groupes discrets distincts engendr´es par les matrices σ3 , −σ3 , et correspondant aux r´eflexions d’espace et de temps, respectivement. On notera une diff´erence avec le groupe O(2), o` u il n’existe qu’un sous-groupe puisque ces deux matrices sont reli´ees par une rotation. Le sous-groupe SO(1, 1) est le sous-groupe ab´elien maximal. Il contient aussi la matrice −1, r´eflexion d’espace et de temps, qui n’a pas la forme (A2.4). Comme θ prend toutes les valeurs r´eelles, le sous-groupe d´efini par la repr´esentation (A2.4) est isomorphe au groupe additif des nombres r´eels, ou au groupe multiplicatif des dilatations. L’´equation (A2.3) a comme solution unique une matrice proportionnelle a` σ1 , qui est le g´en´erateur du groupe (A2.4). Les ´el´ements de ce groupe peuvent s’exponentier sous la forme O(θ) = eθσ1 . La norme de la matrice (A2.4) est donn´ee par 2
O = tr OOT = tr O2 = 2 cosh(2θ), qui n’est pas une quantit´e born´ee, a` la diff´erence du groupe O(2), parce que le groupe O(1, 1) n’est pas compact.
Les groupes O(1, N ) pour N = 1 et N = 2
177
Une interpr´etation physique. Supposons que les coordonn´ees (t, x) correspondent `a un syst`eme en mouvement uniforme `a la vitesse v avec |v| ≤ 1. Il est commode de poser v = tanh(ϕ). Appliquons la transformation (A2.4) sur le vecteur (t, t tanh(ϕ)) : cosh θ sinh θ t, t tanh(ϕ) = (t, vϕ t), sinh θ cosh θ avec vϕ = tanh(θ + ϕ).
(A2.5)
On trouve un mouvement uniforme avec une vitesse modifi´ee. On peut interpr´eter tanh(θ) = vθ comme une vitesse. L’´equation (A2.5) alors repr´esente, dans cet exemple unidimensionnel, la loi d’addition des vitesses en th´eorie relativiste. Les matrices (A2.4), comme le sous-groupe SO(1, 1), ne correspondent pas `a une repr´esentation irr´eductible, puisque la transformation, de matrice √ √ 1 1 (σ1 + σ3 )/ 2 = / 2, 1 −1 les diagonalise sous la forme θ e 1 1 1 1 O(θ) = O(θ) → 12 0 1 −1 1 −1
0
e−θ
.
La diagonalisation conduit a` prendre comme coordonn´ees x± = x0 ±x1 appel´ees coordonn´ees du cˆ one de lumi`ere en ce sens que les points x± = 0 correspondent `a des particules de masse nulle se propageant a` la vitesse de lumi`ere (´egale a` 1 dans notre syst`eme d’unit´es). Ces points sont invariants par la transformation (A2.4). Par contre, l’addition des matrices de r´eflexion rend la repr´esentation de O(1, 1) irr´eductible. Notons cependant que, du point de vue de la physique, la r´eflexion du temps n’est pas une op´eration physique car il existe une fl`eche du temps. Le groupe O(1, 2). L’´equation (A2.3) ⎞ ⎛ ⎛ 0 1 0 0 0 T 1 = ⎝ 1 0 0 ⎠ , T2 = ⎝ 0 0 0 0 0 1 0
a comme solution ⎞ ⎛ 1 0 0 ⎠ , T3 = ⎝ 0 0 0
les trois g´en´erateurs ⎞ 0 0 0 −1 ⎠ , (A2.6) 1 0
T3 ´etant le g´en´erateur du sous-groupe SO(2) (le sous-groupe statique) du groupe O(1, 2). Les trois matrices satisfont T1 = TT1 ,
T2 = TT2 ,
T3 = −TT3 .
Elles ont comme produits de Lie [T1 , T2 ] = −T3 ,
[T2 , T3 ] = T1 ,
[T3 , T1 ] = T2 .
178
Appendice A2 : Relativit´e Restreinte et groupes
Ces commutateurs se d´eduisent des des commutateurs de l’alg`ebre de Lie du groupe O(3) par la transformation T1 → iT1 , T2 → iT2 . L’´el´ement C de Casimir, qui commute avec les trois g´en´erateurs, est C = T21 + T22 − T23 . C’est un op´erateur positif comme le Casimir du groupe compact O(3) (cf. aussi Sect. A1.3). Dans la repr´esentation fondamentale C = 21 . Les sous-groupes discrets correspondent a` la r´eflexion de temps et a` la matrice diagonale d’´el´ements (−1, 1, 1) et a` la r´eflexion d’espace correspondant, par exemple, a` la matrice (1, −1, 1).
A2.3 Le groupe physique O(1, 3) ou groupe de Lorentz Le groupe O(1, 3) est reli´e par prolongement analytique au groupe O(4) et contient le groupe O(3) comme sous-groupe. Une base de g´en´erateurs de son alg`ebre de Lie est donn´ee par (pour le groupe O(4) cf. Sect. 9.4) 0i τμν = δμ0 δνi + δμi δν0 , ⇒ t0i = [t0i ]T ,
ainsi que les matrices correspondant au sous-groupe O(3), ij ij T tij μν = δμi δνj − δμj δνi ⇒ t = −[t ] .
Utilisant les expressions obtenues en section 9.3, on en d´eduit les relations de commutation de l’alg`ebre de Lie du sous-groupe O(3), [t13 , t21 ] = t32 , [t21 , t32 ] = t13 , [t32 , t13 ] = t21 , ou [tki , tkj ] = −tij , puis [t0i , t0j ] = tij , ou, de fa¸con plus explicite, [t01 , t02 ] = t12 ,
[t01 , t03 ] = t13 ,
[t02 , t03 ] = t23 ,
et enfin [t0i , tjk ] = δij t0k − δik t0j , c’est-`a-dire [t01 , t12 ] = t02 ,
[t01 , t13 ] = t03 ,
[t01 , t23 ] = 0
[t02 , t12 ] = −t01 ,
[t02 , t23 ] = t03 ,
[t03 , t13 ] = −t01 ,
[t03 , t23 ] = −t02 ,
[t02 , t13 ] = 0 [t03 , t12 ] = 0 .
On v´erifie que les matrices τ 0a = it0a et les matrices tab de l’alg`ebre de Lie de O(3) reconstituent l’alg`ebre de Lie de O(4). En particulier, les deux copies des g´en´erateurs de O(3) qui commutent deviennent des combinaisons complexes de la forme tab ± it0c , avec a, b, c ∈ {1, 2, 3}. Nous ne discutons pas ici les repr´esentations du groupe O(1, 3) dans la mesure o` u les repr´esentations pertinentes pour la classification des ´etats sont celles du groupe affine de Poincar´e, dont le groupe de Lorentz et les groupes de translations d’espace et de temps sont des sous-groupes.
Matrices γ de Dirac
179
A2.4 Matrices γ de Dirac Origine physique du probl`eme. Le groupe O(1, 3), ou groupe de Lorentz, en th´eorie relativiste (appel´ee aussi Relativit´e Restreinte) laisse invariant la forme u t est le temps et x1 , x2 , x3 les trois quadratique r´eelle t2 − x21 − x22 − x23 (o` coordonn´ees d’espace, dans un syst`eme d’unit´es o` u la vitesse de la lumi`ere c = 1). Dirac s’est pos´e le probl`eme d’exprimer cette forme quadratique comme le carr´e d’une forme lin´eaire. Ce probl`eme n’a pas de solution sur les r´eels ou les complexes, mais Dirac a d´ecouvert que ce probl`eme avait une solution en terme de quatre matrices 4 × 4, appel´ees depuis matrices de Dirac. Cette d´ecomposition permet de d´efinir l’´equation de Dirac, une ´equation de champs d´ecrivant la propagation de fermions libres de spin 1/2 [20]. Nous allons l´eg`erement simplifier le probl`eme en partant de la forme quadratique x2 avec x ≡ (x1 , x2 , x3 , x4 ), qui est le carr´e de la norme d’un vecteur dans R4 , et qui est invariante par le groupe O(4). Dimension g´en´erique. Alg`ebre de Clifford. De fa¸con g´en´erale, consid´erons le probl`eme d’exprimer une forme quadratique r´eelle en dimension N , invariante par le groupe O(N ) comme le carr´e d’une expression lin´eaire de la forme d’une matrice hermitienne de taille minimale : QN (x) ≡ 1
N μ=1
x2μ =
N
2 x μ mμ
, x ∈ RN ,
(A2.7)
μ=1
o` u 1 est la matrice unit´e et les mμ sont des matrices hermitiennes de taille minimale qu’il faut d´eterminer. D´eveloppant le carr´e et identifiant les deux membres, on en d´eduit les relations, mμ mν + mν mμ = 2 δμν 1 .
(A2.8)
Les matrices qui satisfont ces relations d´efinissent une alg`ebre de Clifford. Prenant la trace des deux membres de l’´equation, on trouve tr mμ mν = δμν tr 1 , et donc les matrices sont orthonorm´ees par la trace. Multipliant l’´equation (A2.8) par mμ , μ = ν, et prenant la trace, on trouve tr mν = 0 et donc toutes les matrices sont de trace nulle. Dimension de l’alg`ebre de Clifford. L’alg`ebre de Clifford est une alg`ebre a` coefficients r´eels, dont les ´el´ements sont les combinaisons lin´eaires des matrices ` cause de la relation (A2.8), les ´el´ements mμ et de tous leurs produits. A lin´eairement ind´ependants sont de la forme 1 , mμ , mμ mν avec μ < ν , . . . , mμ1 mμ2 · · · mμp avec μ1 < μ2 < · · · < μp , . . .
180
Appendice A2 : Relativit´e Restreinte et groupes
Il est simple de v´erifier qu’il existe 2N monˆomes ind´ependants. On en d´eduit que pour N pair, il faut au moins des matrices de dimension 2N/2 × 2N/2 pour repr´esenter l’alg`ebre de Clifford. Pour N impair, on peut utiliser la mˆeme alg`ebre que pour (N − 1) en choisissant pour mN le produit de toutes les matrices mμ . Groupe d’invariance de l’´equation. Notons que comme QN (x) est invariant par le groupe O(N ), si les matrices mμ sont des solutions au probl`eme, u les Oμν sont les composantes d’une matrice orthogonale, est ν Oμν mν , o` aussi une solution du probl`eme. Cette propri´et´e peut ˆetre directement v´erifi´ee `a partir de l’´equation (A2.8). En effet, consid´erons la transformation lin´eaire `a coefficients r´eels N mμ = Oμν mν . ν=1
L’´equation (A2.8) entraˆıne
Oμρ Oνσ mρ mσ + mσ mρ = 2 δμν 1 .
ρ,σ
Si les matrices γμ satisfont l’´equation (A2.8), cela entraˆıne
Oμρ Oνρ = δμν
ρ
ou, en terme de la matrice O de composantes Oμν , OOT = 1 . L’´equation (A2.8) est donc invariante par toutes les transformations orthogonales du groupe O(N ). Alg`ebre de Lie et alg`ebre de Clifford. Introduisons les matrices σμν = 12 [mμ , mν ] = mμ mν , avec μ = ν . Puisque σμν = −σνμ , seules les N (N − 1)/2 matrices avec μ < ν, ou de fa¸con ´equivalente μ > ν, sont ind´ependantes. Le commutateur (ou produit de Lie) de deux matrices σμν est alors [σλμ , σνρ ] = 2 (δμν σλρ − δμρ σλν − δλν σμρ + δλρ σμν ) , o` u l’on reconnaˆıt les relations de commutation (9.13) de l’alg`ebre de Lie du groupe O(N ). Deux dimensions. Pour illustrer le probl`eme, nous consid´erons l’exemple de l’espace a` deux dimensions, et donc dans le cas de la forme quadratique Q2 (x) ≡ (x21 + x22 )1, qui est invariante par le groupe O(2). Il est clair qu’elle ne peut pas s’´ecrire comme le carr´e d’une forme lin´eaire dans R2 ou C2 . Par
Matrices γ de Dirac
181
contre, si nous consid´erons le probl`eme dans l’alg`ebre des matrices complexes hermitiennes 2 × 2, le probl`eme peut ˆetre r´esolu sous la forme 2
Q2 (x) = (x1 σ1 + x2 σ2 ) , o` u σ1 et σ2 sont deux matrices de Pauli (cf. Sect. 6.3), qui satisfont σ12 = σ22 = 1 ,
σ1 σ2 + σ2 σ1 = 0 .
Notons que puisque le membre de droite est invariant par une transformation orthogonale agissant sur le vecteur (x1 , x2 ), l’´equation est encore satisfaite par une transformation orthogonale agissant sur σ1 , σ2 . Le commutateur [σ1 , σ2 ] = iσ3 engendre le groupe O(2) dans sa repr´esentation complexe. De fa¸con alternative, on peut choisir des matrices sym´etriques r´eelles σ1 et σ3 . Leur commutateur est iσ2 , qui engendre le groupe SO(2). Trois dimensions. La forme quadratique Q3 (x), invariante par le groupe O(3), peut ˆetre factoris´ee en 2
Q3 (x) = (x1 σ1 + x2 σ2 + x3 σ3 ) , o` u σ1 , σ2 et σ3 sont les trois matrices de Pauli, qui forment une alg`ebre de Clifford. Les commutateurs redonnent les trois matrices de Pauli, dans un ordre diff´erent, et nous avons montr´e quelles engendrent les groupes SO(3) et SU (2) (cf. Sect. 8.1). Quatre dimensions et matrices de Dirac en temps imaginaire. Nous avons montr´e que le probl`eme de factoriser Q4 (x), qui implique une alg`ebre de Clifford de 4 g´en´erateurs, n’a de solutions qu’avec des matrices au moins 4×4. Utilisant une notation similaire `a celle des matrices de Dirac, nous appelons γ˜μ quatre telles matrices hermitiennes, lin´eairement ind´ependantes, d´etermin´ees par la condition 2 4 4 Q4 (x) = xμ γ˜μ = xμ xν γ˜μ γ˜ν , (A2.9) μ=1
μ,ν=1
ce qui est ´equivalent a` γ˜μ γ˜ν + γ˜ν γ˜μ = 2 δμν 1 . Les matrices 4 × 4 γ˜ ont la forme 0 Pour i =, 1, 2, 3, γ˜i = σi
σi 0
(A2.10)
,
γ˜4 =
0 i12
−i12 0
(σi sont les matrices de Pauli). Les matrices σμν deviennent alors 0 σi σk 0 σij = ijk pour i, j, k ≤ 3 , σi4 = for i ≤ 3 . 0 σk 0 −σi k
182
Appendice A2 : Relativit´e Restreinte et groupes
Nous reconnaissons les matrices σi± =
1 4
ijk σjk ± 12 σi4 ,
j,k
g´en´erateurs du groupe SU (2) × SU (2). L’exemple physique N = 3. L’´equation (A2.9) devient 3 μ=0
2 x μ γμ
=
3
xμ xν gμν 1 ,
(A2.11)
μ,ν=0
et donc, γμ γν + γν γμ = 2gμν 1 . Les matrices de Dirac, solutions de ce probl`eme, peuvent ˆetre obtenues a` partir des matrices solutions de l’´equation (A2.10) par la transformation γ0 = γ˜4 , γs = i˜ γs , pour s = 1, 2, 3 .
Index A
D
action classique, 115, 143 aimantation spontan´ee, 150, 156, 164 alg`ebre de Clifford, 179, 180 alg`ebre de Lie semi-simple, 47 alg`ebre de Lie simple, 47 alg`ebre de Lie, 45, 118 alg`ebre de matrices, 23 alg`ebre enveloppante, 34, 47 alg`ebre ext´erieure, 117, 119 automorphisme, 7
deux-forme, 117 distribution δ de Dirac, 128 distribution gaussienne, 138
B bosons de Goldstone, 146 bras–kets de Dirac, 125 brisure d’ergodicit´e, 149 brisure spontan´ee de sym´etrie, 141, 150 C Casimir de SO(3), 98 Casimir de SO(N), 99 Casimir de SU(3), 94 Casimir, 48, 53, 57, 62, 72, 82, 88, 101, 103 centre de O(2), 33 centre de SU(2), 66 centre de SU(N), 86 centre d’un groupe, 6 champ moyen, 154 charge conserv´ee, 124 charges, 124 classe d’un groupe, 8 classes d’universalit´e, 164 conservation de l’´energie, 119 de l’impulsion, 120 des probabilit´es, 133 du courant, 123 constante de Planck, 43, 75, 126, 128 constante du mouvement classique, 118 constantes de structure, 46, 67, 78 convention d’Einstein, 108 crochets de Poisson, 118
E ´el´ement neutre, 5 ´el´ements de Casimir, 47 ´energie libre, 151, 152, 161 ensemble quotient, 8, 142 ´equation de Schr¨ odinger, 126 ´equation d’´etat, 153, 156 ´equations d’Euler–Lagrange, 115, 123 ergodicit´e, 149 espace de phase, 116 espace sym´etrique, 88, 93 exposant critique δ, 156 exposant critique η, 163 exposant critique ν, 163 exposant de susceptibilit´e, 157 exposant magn´etique, 156 F fermions, 65 fonction ` a deux points, 162 fonction de partition, 151, 152 fonction g´en´eratrice, 161 fonctions de corr´elation connexes, 161 fonctions de corr´elation, 161 fonctions d’onde, 129 formalisme de Heisenberg, 126 formalisme de Schr¨ odinger, 126 forme d’´echelle, 156 forme symplectique, 117 formes bilin´eaires, 35 formes multilin´eaires, 110 G gaussienne universelle, 137 g´en´erateur de SO(2), 34 g´en´erateur d’un groupe, 6 Goldstone, mode de cf. mode de groupe : d´efinition, 5
184
Index
groupe ab´elien, 6 groupe commutatif, 6 groupe de matrices, 7, 24 groupe de renormalisation, 155 groupe des d´eterminants, 25 groupe des permutations, 11 groupe du carr´e, 13 groupe du cube, 13 groupe fini, 9 groupe lin´eaire g´en´eral GL(N,R), 107 groupe lin´eaire g´en´eral, 24 groupe lin´eaire sp´ecial SL(N,R), 107 groupe O(1,3), 178 groupe O(1,N), 175 groupe O(N), 146 groupe orthogonal O(3), 55 groupe orthogonal : repr´esentation unitaire, 130 groupe produit, 6 groupe quotient, 7 groupe SO(2), 32, 33 groupe SO(3), 55, 98 groupe SO(4), 83 groupe SO(N), 80, 81 groupe SU(3), 92 groupe SU(N), 85 groupe sym´etrique, 11, 111 groupe unitaire SU(2), 65 groupes de translations sur r´eseaux, 10 groupes discrets, 9 H hamiltonien quantique, 126 hamiltonien, 116 I identit´e de Fierz, 99, 100 identit´e de Jacobi, 45, 46, 53, 118 interaction ferromagn´etique, 152 isomorphisme, 7 isomorphismes g´en´eraux, 24 L lagrangien, 115 laplacien en cordonn´ees radiales, 104 limite continue, 138 lois de conservation, 119
longueur de corr´elation, 150, 163 M marche au hasard, 133 matrice des susceptibilit´es, 160 matrice : exponentielle de, 26 matrices de Dirac, 179 matrices de Pauli, 50, 66 m´ecanique hamiltonienne, 116 m´ecanique quantique, 125 mesure de Liouville, 117 mesure invariante par SO(2), 43 mesure invariante par U(1), 21 mesure thermique, 117 mod`ele d’Ising, 152 modes de Goldstone, 143, 145, 146, 158 moment cin´etique, 63, 121, 122 mouvement brownien, 138 N norme de matrices, 26 O observables quantiques, 125 ondes planes, 130, 134 op´erateur quantique de translations d’espace, 127 d’impulsion, 128 op´erateur unitaire, 125 op´erateurs diff´erentiels, 63, 97, groupe SO(N), 99 groupe SU(N), 100 ordre du groupe, 9 Ornstein–Zernicke, forme de 162 oscillateur harmonique quantique, 104 P param`etre d’ordre, 150 Pauli : matrices de, 66 phase d´esordonn´ee, 149,150 phase ordonn´ee, 145, 146, 149, 150 potentiel radial, 143 potentiel thermodynamique, 151, 152 principe variationnel, 115, 116 produit ext´erieur, 117 produit tensoriel, 27, 108 propri´et´e d’amas, 150
Index Q quantit´es conserv´ees, 118, 127 R
185
sym´etrie O(N), 157 sym´etrie Z2 , 155 sym´etries discr`etes, 164 syst`emes ferromagn´etiques, 145
rapport universel d’amplitudes, 157 T r´eduction de repr´esentations, 37, 111, 112 tenseur d’inertie, 62 relations de commutation tenseur, 27, 36, 108, 109 canoniques, 129 th´eor`eme de la limite centrale repr´esentation adjointe de SU(2), 68 des probabilit´es, 137 repr´esentation adjointe, 49 th´eor`eme de Noether, 122 repr´esentation r´eguli`ere, 10 th´eorie classique des champs, 122 repr´esentation, 6 th´eorie de Landau, 154 repr´esentations ´equivalentes, 24, 67 th´eorie quantique des champs, 131 repr´esentations irr´eductibles, 30, 48 transformation canonique, 117 rotations du plan, 32 transformation de Fourier, 130 rotations–r´eflexions, 33 transformation de Legendre, 116, 152 S transformations lin´eaires, 27 transform´ee de Fourier, 18, 134, 146, 162 semi-simple, 84 transform´ee de Legendre, 161 s´erie de Fourier, 19 SO(2) : repr´esentations irr´eductibles, 38 transition de phase, 153 solide rigide, 169 sous-groupe distingu´e, 7, 8, 25 sous-groupe, 6 spin et tenseurs, 131 spin, 60, 65 spins classiques sur r´eseau, 151 susceptibilit´e magn´etique, 153, 162 sym´etrie ´emergente, 133, 137 162 sym´etrie continue, 141, 164 sym´etrie cubique, 135, 158, 159
U universalit´e, 151, 154 V variables macroscopiques, 138 vecteur axial, 60 vecteurs contravariants, 109 vecteurs covariants, 109 Z zone de Brillouin, 134