Dracontius, Œuvres, Tome IV: Poèmes profanes VI-X. Fragments 9782251013985

Avec ce volume s'achève la publication des Œuvres de Dracontius, poète latin qui vivait à Carthage au Ve - VIe sièc

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French Pages 332 Year 2002

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Table of contents :
Note de l'éditeur

Bibliographie

Poèmes profanes VI-X (ROMVLEA)

Conspectus siglorum

Texte et traduction

VI. Épithalame prononcé en l'honneur des frères

VII. Épithalame de Johannes et Vitula

VIII. L’Enlèvement d’Hélène

IX. Délibération d’Achille, se demandant s’il vendra le corps d’Hector

X. Médée

Autres poèmes profanes et fragments

Conspectus siglorum

Texte et traduction

Les Mois

L’Origine des roses

Fragments

Notes complémentaires

Index nominvm

Table des matières
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Dracontius, Œuvres, Tome IV: Poèmes profanes VI-X. Fragments
 9782251013985

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COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de Γ ASSOCIATION GUILLAUME B UDÉ

DRACONTIUS ŒUVRES TOME IV POÈMES PROFANES VI-X FRAGMENTS TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT PAR

ÉTIENNE

Maître de Conférences

WOLFF

à Γ Université de Paris XIII

D e u x iè m e tirage

PARIS LES BELLES LETTRES

2002

Conformément aux statuts de ΓAssociation Guillaume Budé, ce volum e a été soumis à V approbation de la commission technique, qui a chargé M. Claude Moussy d yen faire la révision et d ’en surveiller la correction en collaboration avec M. Etienne Wolff,

Tous droits de traduction, de reproduction et d ’adaptation réservés pour tous les pays. © 2002. Société d'édition Les Belles Lettres 95 boulevard Raspail, 75006 Paris www.lesbelleslettres.com Première édition 1996 ISBN : 2-251-01398-9 ISSN : 0184-7155

NOTE DE L’EDITEUR Avec ce volume s’achève la publication des Œ uvres de Dracontius dans la Collection des Universités de France, commencée en 1985, qui comprend donc deux volumes de C h ristia n a (le prem ier s’ouvrant sur l’Introduction géné­ rale à Dracontius, de CL Moussy, p. 1-140) et deux volumes de P ro fa n a . Ce tome quatrième est étroitement lié au précédent, où nous avons donné, avec J. Bouquet, une Introduction à l’œuvre profane de Dracontius (t. 3, p. 1-86). C’est en effet la seule obligation de limiter la taille des livres qui a amené à dissocier les pièces auxquelles on donne traditionnellem ent le nom de R om u lea. Aussi, pour éviter les répétitions superflues, n ’avons-nous pas hésité à renvoyer souvent à ce volume troisième, auquel le lecteur se reportera. Nous nous référons également aux deux premiers volumes, dont nous avons suivi les principes d ’édition. Étienne W olff

BIBLIOGRAPHIE Pour la commodité du lecteur, nous rappelons ici les ouvrages les plus fréquem ment cités dans le volume, avec éventuellement l’abréviation utilisée, cela bien q u ’ils figu­ rent déjà pour partie dans la bibliographie sélective du tome troisième, p. 84-86, On trouve une bibliographie presque complète, jusqu’en 1976, sur les Profana de Dracontius, dans l’ouvrage de J.M. Diaz de Bustamante m entionné ci-dessous, R. M. A gudo Cubas, Dos epilios de Draconcio, De raptu H elenae e H y la s, C.F.C., 14, 1978, p, 267-3%, H. Bornecque, Les déclam ations et les déclamateurs diaprés Sénèque le Père, Travaux et mémoires de l’Université de Lille, Lille, 1902 (Les déclam ations et les déclamateurs). J. B ouquet-É. W olff, Dracontius, Oeuvres, t. 3, C.U.F., Paris, 1995 (C.U.F., t. 3). E. Courtney, The R om an months in art and literature, M .H .,

45, 1988, p. 33-57. J. M. D iaz de Bustamante, Draconcio y sus carmina profana, Santiago de Compostela, 1978 (Draconcio). M. F errari, Spigolature Bobbiesi. III. Due versi ed iti-in editi di un perdu to « Rom uleon » d i Draconzio, I.M . U., 16, 1973,

p. 31-41. Ch. J . Gross, The Verona Florilegium o f 1329, Diss. Chapel Hill, 1959. I. Gualandri, Problem i Draconziani, R .I.L ., 108, 1974, p. 872-8% . D. K uijper, Varia Dracontiana, Den Haag, 1958. P. Langlois, Art. Dracontius, R .L .A .C ., IV, Stuttgart, 1959, col. 250-269 (Dracontius). C. M o r e lli, L sè p ita la m io nella ta rd a p o esia latin a, S.I.F.C., 18, 1910, p. 319-432. — , S tu d ia in seros L atinos p oetas, S.I.F.C., 19, 1912, p. 93-120.

X

BIBLIOGRAPHIE

CL Moussy-C. Camus, Dracontius, Oeuvres* t. 1, C.U.F., Paris, 1985 (C.U.F., t. 1). CL Moussy, Dracontius, Oeuvres, t. 2, C.U.F., Paris, 1988 (C.U.F., t. 2). Z. P avlovskis, S tatiu s an d the late L atin E pith alam ia, C.Ph., 60, 1965, p. 164-177. E. P rovana, B lossio Em ilio Draconzio. Studio hiografico e letterario, M em orie d ella R ea le A ccadem ia d elle Scienze d i Torino, 62, 1912, p. 23-100 (Draconzio). A. M. Quartiroli, G li epilli d i Draconzio, A thenaeum , 2 4 ,1946, p. 160-187 ; 25, 1947, p. 17-34. W. S chetter, Dracontius, R om ulea 9, 18-30, R h .M ., 124, 1981, p. 81-94. H. Stern, A propos des poésies des mois de ΓA n th ologie p a la tin e , R .E .G ., 65, 1952, p. 374-382. J. T olkiehn, Homer und die römische Poesie, Leipzig, 1900. A. M. T upet, L a M a g ie dans la poésie latin e, Paris, 1976. Fr. V ollmer, B lossii A em ilii Dracontii carmina, M.G.H., A .A ., t. X IV , Berolini, 1905, rééd. 1961 (M .G .H .). Br. W eber, Der H ylas des Dracontius, Teubner, Stuttgart und Leipzig, 1995. E. F. W ilson, P astoral and E pithalam ium in L atin Literature, Speculum, 23, 1948, p. 35-57. É. W olff, Quelques remarques sur Vèlision dans la po ésie de Dracontius, R .P h ., 67, 1, 1993, p. 95-101.

POÈMES PROFANES VI-X (.ROMVLEA)

CONSPECTYS SIGLORYM I. CODICES N

N eapolitanus B ibi. nat. I V E 48, s. XV-XVI, p. 1-75 et 97-115. n N eapolitanus B ibi. nat. I V E 48, p. 77-96. V F lorilegium Veronense Bibl. cap. C L X V III (155).

II.

EDITIONES ET ADNOTATIONES CRITICAE

Bdhrens : E. Bährens, K ritische Satura X X X , N .J.Ph.P., 107, 1873 ( = J .K .P h ., 19), p. 69-70 ; D racontii carmina... minora... e d id it Fridericus de Duhn, ibid., p. 265-271 ; Zu Dracontius, ibid., p. 851-852 ; Jahresbericht über die römischen Epiker, J.A . W., 1, 1873, p. 224-230 ; Édition de Dracontius {Carmina profana), P .L .M ., t. 5, Lipsiae, 1883. B a iley : D .R .S. Bailey, E m endations on Dracontius9 Rom ulea, V . C h r 9, 1955, p. 178-183. Blomgren : S. Blomgren, In D racontii carmina adnotationes criticae. Eranos, 64, 1966, p. 46-66. Brahman : C. Brakman, M iscella quarta, Leiden, 1934, p. 25. Bücheier : Fr. Bücheier, Coniectanea X V I, R h .M ., 27, 1872, p. 477 ; In Dracontium, luuenalem , N igidium , R h.M ., 28, 1873, p. 348-350. D ia z : J.M. Diaz de Bustamante, Édition de Dracontius {Carmina profana), Santiago de Compostela, 1978. Duhn : Fr. de Duhn, Edition de Dracontius {Carmina minora), Lipsiae, 1873 ; Zu Dracontius, N .J .P h .P ., 107,1873 ( = J.K .Ph.,

19), p. 647-648. E llis : R. Ellis, On the new ly ed ited Poems o f Dracontius, J.Ph., 5, 1874, p. 252-261. G iarratano : C. Giarratano, Com m entationes Dracontianae, Nea­ poli, 1906. G il : A. Gil, D racontiana, N au icu la Tubingensis. S tu dia in honorem A n to n ii Tovar, Tübingen, 1984, p. 161-166.

X IV

CONSPECTVS SIGLORVM

Grillo : A. Grillo, Tra filo lo g ia e narratologia, Roma, 1988, p. 115-127. Grillone : A. Grillone, D iaz d e B ustam ante, Draconcio y sus carmina pro fa n a . Gnomon, 52, 1982, p. 528-537 ; N oterella Draconziana, C.C.C., 5, 1984, p. 191-200. Gualandri : L Gualandri, Problem i Draconziani, R .I.L ., 108, 1974, p. 872-890. Gudeman : conjectures de A. Gudeman in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . H aupt : conjectures de M. Haupt in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . Housman : A. E. Housman, A strology in Dracontius, C.Q., 4, 1910, p. 191-195. Hudson- W illiam s : A. Hudson-Williams. Notes on Dracontius and on the « A egritudo Perdicae », C.Q., 33, 1939, p. 157-162 ; Notes on Dracontius, C.Q., 40, 1946, p. 92-100. la n n elli : C. Iannelli, Édition partielle inachevée de Dracontius (De raptu H elenae) utilisée par A. Mai, A ppendix a d opera edita ab A n gelo M aio, Romae, 1871, p. 12-17. K uijper : D. Kuijper, Varia Dracontiana, Den Haag, 1958. Leo : conjectures de Fr. Leo in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . Lowe : G. Löwe, A d Dracontium et Orestis tragoediam . A cta societatis p h ilo lo g a e Lipsiensis, 2, 2, 1874, p. 483-484. M arx : conjectures de Fr. Marx in Fr. Vollmer, M .G .H et P.L .M . M orelli : C. Morelii, L 9epitalam io nella tarda po esia latin a, 5.1. F.C., 18, 1910, p. 431 ; S tu dia in seros Latinos poetas, 5.1. F.C., 19, 1912, p. 117-120 ; Frustula 4, SJ.F .C ., 21, 1915, p. 85-86. M üller : L. Müller, De re metrica poetarum Latinorum 2, Petropoii, 1894, p. 424. Peiper : R. Peiper, Édition inachevée de Dracontius utilisée par Fr. Vollmer in M .G .H . et P .L .M . Petschenig : conjectures de M. Petschenig in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . Prisco : A. de Prisco, Osservazioni su Draconzio, R om ulea VIII, 11-23, Vichiana, 6, 1977, p. 290-300 ; Due note a l De raptu H elenae d i Draconzio (carm. 8 ,3 6 e 244), M iscellanea d i stu di in onore d i A rm ando Salvatore, Napoli, 1992, p. 221-231. Ribbeck : O. Ribbeck, K ritische B eiträge zu Dracontius, R h .M ., 28, 1873, p. 461-472. R ohde : conjectures de E. Rohde in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . Rossberg : K. Rossberg, In D racontii carmina minora et Orestis quae uocatur tragoediam obseruationes criticae, Stadae, 1878 ;

CONSPECTVS SIGLORVM

XV

K ritische N achlese zu Dracontius und der sogenannte Orestis tragoedia,, N J .P h .P ., 119, 1879 ( = J .K .P h ., 25), p. 475-479; Neue S tu dien zu Dracontius und der Orestis tragoedia, N .J. P h .P ., 135, 1887 ( = J .K .P h ., 33), p. 833-860; Dracontiana, Com m entationes W oelfflinianae, Lipsiae, 1891, p. 63-68. Schenkl : K* Schenkl, Dracontii carmina minora,., ed id it Fridericus d e D uhn, Z.Ö .G ., 24, 1873, p. 510-522. Schetter : W . Schetter, M edea in Theben, W .J.A ., N .F., 6 a, 1980, p. 209-221. Schm idt : M. Schmidt, Zu Dracontius, R h .M ., 29, 1974, p. 202-203. Skutsch : conjectures de F. Skutsch in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . Speranza : F. Speranza, N oterelle critiche a lla M edea d i Draconzio, A . & R ., 6, 1961, p. 168-173. Teuffel : W . Teuffel, Zu Dracontius, Rh.M.^ 30, 1875, p. 320. Traube : conjectures de L. Traube in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . Vollmer : Fr. Vollmer, Éditions de Dracontius (Rom ulea), M .G .H ., A .A ., t. X IV , Berolini, 1905, et P .L .M ., t. 5, Lipsiae, 1914. Vollm er1 : Fr. Vollmer, M .G .H . Vollmer^ : Fr. Vollmer, P .L .M . W agler : conjectures de P.R. Wagler in Fr. Vollmer, M .G .H . et P .L .M . Weber : Br. W eber, Der H ylas des Dracontius, Teubner, Stuttgart und Leipzig, 1995, p. 235-236. Zingerle : A . Zingerle, Zu späteren lateinischen Dichtern, t. 2, Innsbruck, 1879, p. 52.

VI EPITHALAME PRONONCÉ EN L’HONNEUR DES FRÈRES 1

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« Remarquables jeunes gens, qui êtes la suprême gloire de vos parents, le sceau de leur affection et la grande consolation de leurs clien ts2, l’amour vous a rendus éloquents pour que vous chantiez, à votre mariage 3, de doux vers. La bienfaisante Vénus, le souverain de Delphes 4 et Cupidon aux flammes puissantes ont pénétré dans leur temple 5 : allons, ceignez vos tempes de laurier et vos fronts de m yrte 6, ornez de giroflées vos chevelures, que les lis blancs mêlés aux roses 7 vous fassent des couronnes ; que la blancheur, la pâleur et la rougeur 8 qui fleurissent sur le visage des jeunes filles prennent place dans vos cheveux, que l’on attache les guirlandes de fiançailles tressées avec des fleurs au parfum d’ambroisie 9. Que le cortège d’Apollon 10 danse au chant des Muses, que la belle Dioné m ette sur sa chevelure des guirlandes de laurier n , que Pallas aux armes retentissantes ceigne d ’olivier ses cheveux 12, q u ’elle porte les armes de Mars 13 avec les­ quelles vous savez préluder au co m b at14 et pouvez supporter la guerre, si les circonstances le requièrent. La Muse, Vénus, Phébus, Cupidon et l’Hymen fils de Bromius vous ont intim em ent soumis 15. Mars se livre à une danse am oureuse16 et désire se concilier Vénus dont il est, 2. am icitia a ici (v. 2) le sens de « tendresse, amour conjugal » ; iuuenes (v. 1) ne désignant que les deux jeunes gens, le texte ne peut signifier qu’ils scellent l’amitié de leurs parents respectifs en se mariant. L’hémistiche solamen grande clientum (v. 2) fait moins allusion, selon nous, à des bienfaits des jeunes gens envers les clients qu’à l’assurance d’une continuité de la famille qu’ils leur donnent en se mariant : les clients auront toujours un patron.

VI < EPITHALAMIYM IN FRATRIBYS DICTVM> « Egregii iuuenes, < o > gloria sum m a parentum , foedus am icitiae, solam en grande clientum , dulcia cantatis du m uotis carm ina uestris, facundos uos fecit am or. V enus alma, potestas D elphica, flam m ipotens inuasit tem pla C upido : tem pora iam lauro uel m yrto cingite frontes et uiolis ornate com as, dent alba coronas lilia m ixta rosis, candor pallorque ru b o rq u e crinibus insidat q u i uern at in ore puellis, floribus am brosiis sponsalia serta ligentur. Saltet A pollineum M usis cantantibus agm en, laurea serta com is im ponat pulchra D ione, Pallados arm isonae crinem praecingat oliua, arm a ferat M artis, q u ib u s et proludere nostis et bellum , si tem p u s eget, perferre ualetis. Interius uos M usa V enus P hoebusque, C upido et B rom ius possedit H ym en. M ars saltat am ores et V enerem placare cu p it, cui m ilitat om nis epithalamium in fratribus dictum ex subscriptione scripsi : titulus deest in N epithalamium add. manus recentior fortasse A. M ai || 1 ante uersum N || o add. Bohrens : om. N spatio fere trium litterarum relicto uos Rossberg et Duhn || 4 post Venus et potestas distinxerunt Blomgren D iaz || 5 inuasit Duhn : inausit N inclusit Bücheier || templa N : tecta Bohrens || 6 myrto N : -tus Rossberg || frontes N : fronde Rossberg || 13 ante uersum N || armisonae crinem Duhn : amisonae crimen N || 14 martis N : mauors Bohrens || 16 cupido N : cupidoque Rossberg Bohrens.

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EPITHALAM E DES FRÈRES

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languissant, tout entier le s o ld a t17 et avec qui il joue, après le combat, les bras nus 18. L’Amour, déchaîné, exulte dans le camp de Vénus 19 : les dieux sont venus applaudir au butin 20 de Dioné victorieuse. Ainsi donc je t ’invoque 21, savante, éloquente et habile Vénus : épanche-toi à travers mes sens 22 ; les plaisirs que tu donnes sont brûlants. Il convient que tu viennes de toi-même, il ne convient pas que tu arrives parce qu’on te dem ande23. Contente-toi de mes vœux, Vénus (tu as l’habitude d ’approcher avec douceur les cœurs durs, de parcourir les membres de qui ne veut pas de toi, d’entrer dans l’esprit des vieillards, de ranim er leurs veines et de réveiller leurs cendres glacées par la chaleur de tes feux 24, pour que le vieillard rangé 25 aime comme naguère quand il était dans la force de l’âge) : je ne souhaite pas voir se développer mes sens lascifs, mais, je t’en prie, imprègne mon sein de tes vers 26, pour que je puisse 2 , à ce mariage, chanter tes triomphes, danser, mêlé aux chœurs, et chanter des chœ urs 28. Dans la ville on célèbre avec faste un mariage officiel 29 : les deux sœurs qu’une seule maison a données, une seule maison les reçoit 309 celle qui me protège de son bouclier et par la faveur de laquelle je vis 31 : après que j’eus éprouvé divers malheurs et tant de périls mortels 32, ils m ’ont, en guise d ’indulgente protection, tendu une main pleine de bonté et, ce qui était davantage, quoique offensés par moi ils m ’ont accordé le salut et avec bonté ont rétabli ma fo rtu n e 33. Tous les déclam ateurs34 sages et habiles du pays accourent, désirant les louer et prêts à les chanter : combien 35 de hâte ne dois-je pas m ettre moi à composer en leur honneur éloges et poèmes pour les services qu’ils m ’ont rendus et leurs sentim ents à mon égard 36 ? Enfant bienfaisant 37, Cupidon, toi qui es une créature de feu et 18. Le relatif cui (v. 18) fait zeugma : il convient pour m ilitat mais non pour ludit (on attendrait quacum). Nudis lacertis (v. 19) signifie « sans armes », Mars déposant les armes après le combat. Mais c’est aussi la tenue propre aux ébats amoureux. Le verbe ludere, qui a dans la poésie érotique le sens de « se livrer aux jeux de l’amour », prolonge l’ambiguïté.

EPITH ALAM IVM I N F R A T R I B V S

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m arcidus et nudis lu d it post arm a lacertis, ac furibund u s A m or V eneris p er castra triu m p h at : in praedam uenere dei uincente Dione. Ergo, V enus, te, docta, uoco, facunda perita, per sensus te funde m eos ; tu a gaudia feruent. Sponte uenire decet, non te decet ire rogatam . Sufficiant tib i uota, V enus (praecordia dura mollis adire soles, nolentibus ire p er artus et m entes in trare senum uenasque leuare ignibus et gelidas calidis reparare fauillas, u t ueterànus am et senior ceu n u p er adultus) : non ego lasciuos opto m ihi crescere sensus, sed, precor, aspergant n o stru m tu a carm ina pectus, u t ualeam cantare tuos p er uota trium phos et m ixtis saltare choris, cantare choreas. P ublica magnifice p er m oenia uota g eran tu r : quas dedit u n a dom us, dom us excipit una sorores, quorum um bone tegor uel q uorum m unere uiuo : post uarios casus, post to t discrim ina uitae porrexere piam placido pro tegm ine dextram et, quod m aius erat, laesi trib u ere salutem fortunam que m ihi reducem pietate nouarunt. Q uisquis adest sapiens scholasticus atque peritus accurrit laudare uolens, cantare paratus : quantam ego festinem laudes et carm ina ferre pro m eritis anim isque u iru m ? P u er alm e Cupido, ignea progenies et reru m perpes origo, 2 22 uoco Biicheler : duco N pc duca N M rogo Bohrens precor Rossberg || perita N : per ora Bäkrens || 24 rogatam Bücheier : -tum N -tu Bohrens || 31 carmina N : flamina Schenkl numina Bohrens || 33 saltare N : alt- Bohrens |l 34 möenia N : munia Gil || geruntur Bohrens : geran- N Duhn || 35 post sorores grauiter distinxit Schenkl || 38 pro tegmine N : protegmine Bohrens || 39 laesi N : s o coni. Bohrens || 42 post uolens legitur expunctum et carmina ferre iV || 43 in initio legitur pro meritis animisque uirum N || quantum Giarratano Diaz : quanto N Vollmer quin Bücheier Duhn quas Bohrens.

ÉPITHALAM E DES FRÈRES

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Porigine continuelle de toutes choses, approche ici, armé de ton carquois qui flotte, lâche 38, dans ton dos, dépose 39, je t ’en prie, de caressants baisers sur tes flèches em pen­ nées, afin que les époux, se m ordant F un Pautre, se lèchent et se frottent de la langue le palais et que, retenant les dents, ils m ouillent leur bouche de b a i s e r s ' Q u e les deux fiancées apprennent à connaître Pardeur de leur mari 41 ; que Pamour, attachant ses bras nus aux épaules des vierges, les unisse chacune à leur fiancé de manière à ne faire d ’eux pour ainsi dire qu’un seul être ; qu’une douleur traîtreusem ent séduisante les mêle, selon la coutume, par une chaste blessure à la troupe des femmes mariées 42 et leur enlève cette nuit une virginité longtemps conser­ vée 43 ; enfin que Pamour et des fils, gages de tendresse, soient la récompense de leur souffrance 44« » A peine avais-je dit ces mots que soudain arrive l’enfant ailé4 : le feu de son visage éblouissait, son front était menaçant, ses cheveux scintillaient ; imberbe, lascif46, il était dans le camp du plaisir c Le Rire 47 allait lui témoigner son respect, le Désir honnête, joint aux Etreintes, le suit le Plaisir mesuré vient aussi, la Grâce radieuse qui allume les torches 49 légitimes accourt, viennent la Loyauté bien­ faisante 50 et la Vivacité qui ignore l’artifice, la chaste P u d e u r51 s’avance, l’esprit en repos, la Tempérance toujours vigilante, pleine de zèle, c o u rt52, ainsi que tout ce qui accompagne habituellement 53 les amours honnêtes ; Liber, le front paré de lierre et de pam pres mêlés 549 entre et sur tous agite les thyrses couronnés de vigne 55 ; Pan se plaît à faire entendre de sa flûte une mélodie, les Bacchantes à to u rn o y er56 tandis que danse Silène, et 38. huc ades (v. 46 ; de même Rom. 4, 39 ; 10, 94) équivaut à hue ueni, en particulier quand on s’adresse à une divinité, cf. Virgile, Bue. 2, 45 ; 7, 9. Fluidus signifie « lâche, flottant », voir Thés. L.L.9 VI, 1, 953, 30-37, qui cite notre texte. 39, Bücheler corrige indue (v. 47) en inbue, en se fondant sans doute sur le v. 112 et sur Rom. 7, 39. Ce n’est pas nécessaire. 46. Dracontius a écrit un vers presque semblable à celui-ci (v. 58) dans Orest. 713 : ore fremens et fronte minax mucrone coruscus. L’Amour est aussi qualifié de impubes lasciuus (v. 59) dans Rom. 2,

46 et 7, 12.

EPITH ALAM IVM IN FRATRIBVS

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huc ades arm atus fluidis post terga pharetris, indue pinnatis, precor, oscula blanda sagittis, m orsibus alternis u t lam bens lingua palatum terg at et u d en tu r suspensis dentibus ora. Sponsa m aritales cognoscat u tra que uapores et sponso sic iungat am or quasi corpore in uno bracchia uirgineis annectens stricta lacertis. H as m atronali societ de m ore cateruae blan d itu s sub fraude dolor sub uulnere casto seruatum qu e diu rap iat hac nocte pudorem et poenae sit m erces am or, pia pignora, nati. » Vix ea fatus eram , subito uen it aliger, ignis ore m icans ac fronte m inax et crine coruscans, im pubes lasciuus, erat cui castra uoluptas. ib a t in obsequium Risus, A m plexibus haerens iusta L ibido coit, u en it et m oderata V oluptas, candida legitim as accendens G ratia taedas o ccurrit, uen it alm a Fides, P etu lan tia simplex, casta P u d icitia procedit m ente quieta. Sobrietas p er cuncta uigil deuota cucurrit et quicquid iustos solite com itatur amores. L iber pam pineis o rnatus fronte corym bis in tra t et uuiferos u ib rat super agm ina thyrsos ; P an calam is perflare melos B acchaeque rotari 47*

47 indue N : imbue Bücheier B uhn Gualandri Diaz Grillone || 50 utraque Haupt : utra N Duhn Lofstedt et (uel ut) utra Blomgren Diaz pura uel uirgo coni. Duhn laeta Schenkl || 51 sponso N : -sos Duhn Bährens D iaz || sic N : his Bährens || iungat Duhn : uingat N || 54 sub fraude N : sine fraude Bährens || 55 rapiat Bücheier : -ant N Kuijper II hac Bücheier : ac N || 57 aliger ignis N : aliger ille Bährens igniger ales Rossberg || post aliger distinxit Bücheier || 59 erat N : erant Bährens || uoluptas N : iugata Bährens || 60 amplexibus N : compBiicheler Duhn || 61 uoluptas N : uoluntas Rossberg || 62 accendens Duhn : accedens N || 63 occurrit N : acc- Bährens Vollmer || 68 uuiferos N : uuige- Bährens || 69 rotari Bücheier : po- N.

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à pousser la foule 57 à clamer des vers fescennins et à se réjouir Fesprit. Pendant ce temps Cypris s’est approchée ; portée par ses colombes elle apparaît de la partie du ciel où roule le char de feu qui illumine les régions 57*59 du midi. Des mors faits de fleurs retenaient les colombes d’une blancheur radieuse60, les rênes doucement flottantes étaient d’éclatantes 61 roses tressées, les beaux jougs des oiseaux sont des lis entrelacés de roses 62. Cypris d’une baguette d ’un blanc radieux ordonne à son attelage d’avancer63, les oiseaux ram ent en battant des ailes. La bienfaisante Cythérée tourna les yeux vers les murailles de Carthage et dit : « Dirigez votre vol par là, oiseaux, je le veux 64 : les fils de Victor 65, avec la faveur du destin, se marient. Dans cette famille régnent la pure loyauté66, la sagesse qui ignore l’artifice, la tendresse sur le sein de l’époux, les senti­ ments 67 sans crime. On n ’y voit pas la jalousie dévorante et leur pouvoir ne s’est pas laissé aller à l’o rgueil68 ; exerçant ses droits avec modération, à la manière 69 d ’un particulier, il a permis par sa libéralité à de nombreux pauvres de se marier : il a l’habitude de doter les indigents, d’entretenir ceux qui sont dans le besoin et de procurer aux jeunes filles sans ressources la protection de nos lois 7 . » Voilà ce q u ’avait dit la vénérable Cythérée. Déjà les oiseaux idaliens s’engageaient au milieu des demeures 71 : toutes les Joies se précipitent pour rendre hommage 72 à la déesse ; cependant l’air réservé,. anxieuse, seule, au loin, ayant abandonné la chambre fleurie, la Virginité, pudique, s’enfuit et, éprouvant une agréable crainte, baigne son visage de pleurs 73 ; elle se retire et son destin est de ne pas revenir. Vénus quant à elle, atteignant la ville, gagne l’antre de son mari et entra dans les therm es de Maximia57. Au sens de « les gens », populus est habituellement au singulier en latin, non au pluriel comme ici (v. 70) et presque partout chez Dracontius (cf. Rom. 10, 522 ; Orest. 958). Fescenninos fremitus (v. 71) désigne les vèrs ou chants fescennins qu’on chantait aux mariages, généralement appelés fescennini uersus (Tite-Live 7, 2, 7) ou fescennina (Rom. 8, 644; 10, 288).

E P ÏT H A L A M IV M I N F R A T R IB VS

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Sileno saltante placent populosque m ouere in fescenninos frem itus et gaudia m entis. Affuit interea C ypris ; subuecta colum bis apparet de p arte poli qua flam m eus axis u o lu itu r australis collustrans cardinis oras : florea p u rp u reas retin eb an t frena colum bas et rosa blandifluas rutilans n ectebat habenas, lilia su n t inserta rosis iuga p u lch ra u olucrum ; uerbere p u rp u reo Cypris iu b et ire iugales, rem igat am m otis p in n aru m plausibus ales. M oenia respexit C arthaginis alm a C ythere, « Illo », dixit, « aues, conuertite, m ando, uolatus : V ictoris soboles felici sorte iugantur. Illic p u ra fides, illic pru d en tia sim plex, coniugis in grem io pietas, sine frau d e uoluntas ; n on ibi liu o r edax, non est elata potestas, priuato sub m ore gerens sua iu ra m odeste q u a e m ercede sua m ultos coniunxit egentes : haec inopes dotare solet uel pascere egenos, legibus et nostris nudas uestire puellas. » D ixerat haec C ytherea parens. la m tecta subibant Idaliae uolucres : o ccu rru n t G audia cuncta obsequium latu ra deae ; tam en ore m odesto anxia sola p rocul thalam o florente relicto V irginitas p u d ib u n d a fugit g ratu m q u e pauescens fletibus ora rigat ; quae non re d itu ra recedit. A t V enus attingens u rbem p etit an tra m ariti N ep tu n iq u e dom os in trau it M axim ianas :70* 70 saltante N : cantante Bohrens (| placent N : calent Eliis Bohrens parant coni. Duhn || 72 post columbis distinxit Duhn || 77 rosis N : rotis Vollmer qui post id uerbum distinxit || 78 post ire distinxerunt Bücheier Duhn || iugales N : -Hs Bücheier Duhn || 81 post conuertite legitur iterum conuertite expunctum N |[ 84 uoluntas N : uoluptas Bährens || 87 quae Bücheler : qui N quin Bohrens || 94 gratumque N : rapt- Bährens.

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nus 74 : là bourdonne la foule pudique des mères et des jeunes filles 75 ; on a ceint la tête des fiancées de la couronne n u p tiale76, l’immense procession, heureuse, chantait des hymnes de fête 77 : « L’honorable descendance de Victor entreprend d ’accroître sa maison 78, les parents ont uni leurs fils à des brus ; de fait les frères, Vietoriamis et R ufinianus79, par la loi conjugale, tom bent sous le pouvoir de Dioné 80. » Alors Vénus, s’avançant jusqu’aux fiancées, leur adresse ces mots : « Devenez grosses toutes deux en jouissant des féconds ébats de l’amour 81 ; cepen­ dant, à la venue de la nuit, résistez, par décence, à vos maris, mais sans déployer dans cette résistance un effort excessif 82 : mon fils est plus violent quand on le dédaigne et brûle davantage 83, de ses flèches qui donnent l’am our, les corps 84 qui lui résistent. » Sur ces mots la mère ordonne à son fils de rem plir son carquois. Lui, de bon cœur, envoya des flèches imprégnées de m ie l85 et transperça d ’un roseau les sens des deux femmes, il frappe en s’approchant le cœ ur des jeunes gens, la poitrine des frères dont on fête b ruyam m ent86 le mariage. La lumière même du jour leur paraît longue, ils désirent le voir s’écouler 87 ; les nouvelles épouses, form ant des vœux semblables, souhaitent vivement que la nuit lui succède et que la longue durée du jour se transform e en n u it88. On se dirige vers la chambre nuptiale, un banquet abondant est servi 89, les troupes de danseurs se mêlent en des jeux de circonstance. Que vous naissent de beaux enfants qu’ils célèbrent un tel mariage, et que croissent les descendants engendrés par votre jeunesse en fleur 91 ! 75. iuuenum (v. 98), coordonné à matrum* ne peut être qu’un féminin. 76. cinxere (v. 99) : passage du présent au parfait et du singulier au pluriel (syllepse ou sujet indéterminé). La fin du vers rappelle Lucrèce 2, 606 : muralique... cinxere corona. 78. Ce v. 101, un peu embrouillé, est expliqué par Vollmer (M.G.H., p. 334) : progenies Victoris est sujet, crementa complément d’objet et domus (génitif) dépend de crementa. Crementum est un mot tardif (à l’exception de deux attestations isolées). Nous comprenons les v. 101-104 comme le contenu des uotiua* d’où nos guillemets.

E PITH ALAM IVM IN FRATRIBVS

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illic tu rb a frem it m atru m iu u en u m q u e pudica et m atronali sponsas cinxere corona, pom pa cateru aru m felix u otiua canebat : « P rogenies crem enta dom us V ictoris honesta suscipit et n u rib u s natos iunxere parentes ; V ictorianus enim < fratres > et Rufinianus lege m aritali u en iu n t sub iu ra D ionae. » T u n c V enus ad sponsas in tran s hac uoce p ro fatu r : « Crescite fecundis gaudentes lusibus am bae, nocte tam en p ro p eran te uiris certate m odeste, sed hoc certam en m odico Zuctamine constet : acrior est p u e r ille m eus, d u m tem n itu r, et plus u rit am oriferis certantia m em b ra sagittis. » D ixerat et p u eru m genitrix im plere pharetras im perat. Ille libens im butas m eile sagi lias m isit et am b aru m sensus transfixit harundo, corda ferit iu u en u m ueniens et pectora fratru m qu o ru m uo ta sonant. Longa est lux ipsa diei, et cu p iu n t tran sire diem ; succedere noctem exoptant parib u s uotis sp atiu m q u e m o rarum lucis adoptatae tran sire in tem pora noctis. P erg itu r ad thalam os, conuiuia laeta celebrant, agm ina saltan tu m m iscentur lusibus aptis. P ignora pulch ra m icent et talia uota celebrent, floribus et uestris crescat generata propago. 99 matronali D uhn : -lis N || 103 in margine praefixum est R N |i uictoriamis N : uictorinianus coni. Duhn D iaz || enim fratres Bährens : enim N Duhn Vollm er1 D iaz || in fin e uersus add. si uictoriamis seruatur amantes Duhn uterque Schenkl jj 105 hac N : haec Bührens II 106 crescite N : ues- Bührens || 108 luctamine Haupt : certamine N Duhn conamine Bücheier Vollmer1 || 109 acrior Duhn : atrior N || 111 dixerat et Duhn : dixit et N dixit sed Bücheier dixit ut haec Bührens Il 112 sagittas Bücheier : sagaci N || 114 ueniens N : uemens coni. Bührens || 116 diem N : citam Bührens || succedere noctem N : succedereue umbras Bührens j| 117 morarum N : moratum Bührens Hudson- W illiams D iaz || 122 floribus N : mo- Eliis || subscripsit N : explicit epithalamium in fratribus dictum

YII EPITHALAME DE JOHANNES ET YITULA 1

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Je désirerais, héraut du sang de Fabius à ce noble mariage, être à présent soûl de chant idalien 2. Et si la Fortune, clémente, m ’avait accordé aujourd’hui cette fa­ veur, je ne serais pas un objet de mépris mais me trouverais loin d’ici, racheté par la gloire — commettant alors vraim ent une faute si, quoique ramené à la vie, je n ’exprimais pas de magnanimes éloges 3 quand le témoin s’est acquitté de sa tâ c h e 4 — , et je chanterais, à la cérémonie, les torches nuptiales de Vitula et de Johannes. Attachant des guirlandes de laurier sur ma chevelure, ceignant mes tempes de myrte 5, je souhaiterais révéler ce qui se passe à présent à la cérémonie nuptiale. Je chanterais6 la présence7 de Cypris, la bonne mère des Amours, leur cortège qui conduit les danses en une troupe voluptueuse, le dieu im pubère, lascif, inflexible, violent, charm ant, adversaire de la paix, silencieux et bavard, voleur, babillard, audacieux, nu et a rm é 8, sauvage et tendre, cruel et inoffensif, qui, à coups d ’ailes, a apporté ici

4. emerito auspice (v. 6). L’auspex, sorte d’augure familial et privé, était chargé d’examiner, au mariage, les entrailles de la bête qu’on venait d’immoler et se portait garant de la faveur des auspices ; la traduction traditionnelle du mot par « témoin » est une approximation. Le verbe emereor a le sens rare de « s’acquitter de », voir Thés. L.L., V, 2, 471, 30-42 qui cite quelques exemples de Stace, Claudien et du Code Théodosien. 5. per uota (v. 7) : sur le sens de uotum et l’emploi de per, voir Rom. 6, 3 et 34 et les notes 3 et 29. On rapprochera le v. 8 de Rom.

6, 6 .

VII EPITHALAMIVM IOANNIS ET VITVLAE Carm inis Idalii cuperem nunc ebrius esse nobilium thalam is F abiani sanguinis index. Q uod m ihi si felix hodie fo rtu n a dedisset, non inhonorus eram , sed laude redem ptus abirem uere reatus agens, s i no n tam en ipse renatus em erito ferrem generosas auspice laudes, et V itulae canerem taedas p er u o ta Ioannis. Laurea serta comis religans et tem pora m yrto prodere gestirem haec quae n u n c p er uota g eru n tu r. C antarem quia C ypris adest, bona m ater A m orum , agm ine m ollifluo ducens sua pom pa choreas, im pubes lasciuus atrox uiolentus am oenus iis pacis tacitusque loquax fu r garrulus audax, n u d u s et arm atus, ferus et pius, im probus insons. 4

4 eram (uerb.) N Kuijper Blomgren : eram (subst.) Rossberg Vollmer erae uel era Bährens || abirem N Kuijper Blomgren : adirem Rossberg Vollmer || 5 uere reatus scripsi : uere creatus N Kuijper Giarratano D iaz Grillone uer recreatus Bücheler Duhn Bährens uel recreatus Vollmer Blomgren || si non Bücheler Vollmer Blomgren : sed non N Kuijper D iaz Grillone et non Bährens || tamen N : tantum Bährens || 6 emerito N : a merito coni. Bährens || ferrem scripsi : referens N || generosas N : -sius coni. Bährens || laudes N : munus coni. Bährens [| 7 hunc uersum ante 4 posuit Bährens || 8 post 8 excidisse uersum censuit Duhn || 9 haec dei. Bährens || 11 mollifluo N : -fico Bährens || sua pompa N : subolesque Bährens || uersibus 11-14 parentkesin statuit Vollmer || 13 tacitusque loquax N : tacitus reloquax Bährens || fur garrulus N : furtiuus et Bährens.

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EPITH ALAM E DE JOHANNES

avec lui de quoi inspirer F am o u r9. le divulguerais q u ’il lient les traits qui em brasèrent le père d'Achille, FÉacide, rendu radieux par fam o u r de la Nymphe 10 ; j’aurais dit les flèches qui em brasèrent pour Daphné l’éloquent Apollon, celles qui em brasèrent l’Indien Liber à la vue du blanc visage de la jeune fille du Dicté n , ou celles qui firent brûler d ’am our Mars, la fureur guerrière 12, pour le corps de neige de la jeune prêtresse de Vesta 13*: ainsi procura-t-il aux générations romaines l’éternel Quirinus que le Sénat, après sa m ort, rangea avec sa mère parm i les dieux au-dessus des astres . Mais puisqu’il n ’est pas permis à un prisonnier de dire des vers et q u ’u n poète ne peut se taire en u n m om ent de fête, que des enfants chantent ces événements — mes vers dans leur bouche seront sincères ; que des jeunes filles frappent des pieds 15 avec bru it et battent les rauques tam bourins de leurs paumes, que, plaçant leurs doigts sur une flûte, elles soufflent de-ci de-là dans leur instrum ent, produisant avec leurs lèvres une mélodie 16, q u ’elles grat­ tent de leur plectre harmonieux les douces cordes, et que retentissent leurs voix assemblées et la lyre bavarde 11. Que les femmes de Byblos m arient les Satyres et les N ym ­ phes 18, que les Dryades partout dans les prés se joignent aux Napées 19, q u ’elles am ènent aux Faunes toutes les Naïades et les O réades20, que l’A m our s’unisse aux Bacchantes dans le camp de D io n é21 ; que P an cornu, 9. quod amoriferum (v. 15). Il faut suppléer esset » le verbe de la relative (voir Vollmer, M.G.H., p. 317 et 438). Par cette périphrase Dracontius désigne les flèches de l’Amour (voir Vollmer, M .G.H., p. 152). On peut mentionner ici la correction de J. Gil (Dracontiana, dans Nauicula Tubingensis. Studia in honorem A ntonii Tovar, Tübingen, 1984, p. 163) qui écrit : et quod amoriferumst aequum hunc dixisse uolucrem (« y toto lo que es licito llamar ai alado portador del amor »). Sur l’adjectif amorifer, voir la note 84 à Rom. 6,110. Volucer substantive peut désigner l’Amour chez Dracontius, voir v. 154 ; Rom. 2, 80 ; 10, 113 et 161. 11. La périphrase Dictaea puella (v. 20) désigne Ariane, originaire de la Crète, où se dresse le mont Dicté. La blancheur (candida) connote la beauté. Bacchus-Liber reçoit l’épithète d’« Indien » en tant que conquérant de l’Inde (cfi Rom. 10, 272). C’est à Naxos qu’il s’éprit d’Ariane abandonnée par Thésée et l’enleva.

E P IT H A L A M IV M 10 ANNIS

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et quod am oriferum secum huc daxisse uolucrem . V ulgarem quia tela gerit, quibus auctor Achillis arserit Aeacides nym phae radiatus am ore ; spicula dixissem , quibus arsit Apollo disertus, cum peteret D ap/m ea, Liber quibus arserat Indus, candida D ictaeae cum cerneret ora puellae, uel quibus, ipse furor, Mars est accensus am ore, Vesticolae niueos p eteret cum uirginis artus, u t daret aetern u m R om ana in saecla Q uirinum et post fata deos faceret super astra senatus« Sed quia captiuo fas non est dicere carm en nec reticere licet festiuo in tem pore uati, ista canant pueri, quia carm ine uera lo q uentur ; plausibus in su lten t et tym pana rauca puellae percutiant palm is, digitis sub harundine uentos dispensent hinc inde melos perflante labello et quatiant dulces Museo pectine chordas, et uocis tex tu ra sonet neruique loquaces. Bybliades Satyris iungant N ym phisque hym enaeos et D ryades passim coeant p er prata Napaeis, Naiadas Faunis iungant et Oreadas om nes, et Bacchis copletur A m or p er castra Dionae ; 15 et quod N : armaque Bohrens telaque Biicheler || amoriferum secum N : amoriferumst aequum Gil || huc Bährens : hunc N Duhn Gil H duxisse Duhn : dixisse N Gil uexisse Bährens || 17 arserit Vollmer : asserit N arserat Duhn Bährens || 19 daphnen Vollmer : dapnem N daphnem Duhn D iaz || 20 cerneret Duhn : -rat N || 21 furor N : pater Haupt ferox Bährens || amore Duhn : amare N Vollmer || 24 deos N : deum Schenkl || senatus Schenkl : -um N edd. || 26 licet N : libet coni. Bährens || 27 quia N : qui Biicheler Duhn Bährens || uera N : uota Bährens || 28 insultent N : exu- Bährens || 29 uentos Biicheler : uentus A motis Bährens || 30 labello Bährens : Üa-N Duhn Vollmer || 33 bybliades Duhn : bibliades N bybliadas Bährens || 33 hymeneos N : -naeus Rossberg || 34 coeant Duhn : cohibent N Vollmer coient coni. Vollmer D iaz socient coni. Bährens || 35 naiadas scripsi : oreadas N edd. oreades Schenkl Rossberg || et N : se Schenkl || oreadas transposui : naidas N edd. naides Schenkl Rossberg || omnes N : am· Biicheler Duhn Schenkl || 36 copletur Duhn : copuletur N Vollmer Rossberg.

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arrivant avec sa syrinx aux tuyaux inégaux 22, danse, et que pendant ce tem ps Silène, ivre, chancelle sur son ânon 23. Que leurs bouches, effleurées par la flûte de rose 24, se confondent, que, la lyre cessant de jouer, leurs langues fassent entendre un bruit nouveau 25 et que, retenant les dents, ils prennent plaisir à se mordre alternativement 26. Que la Grâce majestueuse fixe sur leurs têtes les produc­ tions printanières nées de la d o u leu r 27*; que la chaste Pudeur, pour plaire au mari dénudé tresse dans les prés des couronnes de fleurs variées, alliant les lis aux roses et les giroflées aux jacinthes 29 ; q u ’elle resplendisse, qu’elle brille de la pâle rougeur des pierreries 39 et q u ’elle marie les herbes de Sardaigne aux roses de Sétif 31. De même que l’enfant idalien mêle le miel aux poisons 32, de même qu’il n ’y a pas de rose sans épines, qu’on met au point des remèdes avec des cérastes et que c’est de son dard que l’abeille bienfaisante protège les rayons de m ie l33 : de même la vertueuse Virginité, dans sa pudeur, ne disparaîtelle pas avant d ’avoir blessé le visage du mari de ses ongles hostiles 34 et venge-t-elle elle-même, d ’avance 35, son sang, pour découvrir, par une féconde blessure, les feux sacrés de l’amour. Ainsi seulement les charmants enfants devien­ nent de doux parents, ainsi la race humaine demeure soumise à la loi éternelle. Que la prospérité des fiancés soit égale au nombre des paumes qui, favorisant leur amour, serrent la main de leurs parents le jour ' des noces 36. Que la Loyauté chenue et la Tendresse les unissent 37, que le Plaisir chaste, pour leur voir rapidem ent une postérité, lie

22. imparibus (v. 37) : la syrinx polycalame ou flûte de Pan est composée d’une série de tuyaux de grandeur décroissante, joints au moyen de cire ou d’un lien étroit. Plus nettement encore qu’en Rom. 6, 68, le verbe intrare a ici le sens d’« arriver ». 23. interea (v. 38) est temporel pour Vollmer (M.G.H., p. 364), local pour Duhn {Dracontii carmina minora..., p. 26). La présence ici de Silène (sur laquelle Duhn, Dracontii carmina minora..., p. 26, écrit peu clairement : « latere uidetur loci significatio quo nefas est prodire ebriis et asellis ») se justifie notamment par la réputation de lubricité qu’avait l’âne pour les Romains. Dracontius peut s’être souvenu d’Ovide, Ars 1, 541 : ebrius ecce senex pando Silenus asello.

E P IT H A L A M IV M 1 0 A N N I S

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saltet et im paribus calamis P an corniger intrans, ebrius interea n u te t Silenus asello. Oscula n ectan tu r calamis im b u ta rosatis, et neruo cedente sonet noua m u rm u ra lingua, m orsibus alternis suspenso den te fru an tu r. G ratia uernantes annectat p u lch ra dolores ; casta P udicitia stricto placitura m arito floribus ex uariis texat p er p rata coronas lilia m ixta rosis socians uiolasque hyacinthis ; p u rp u ret et niteat gem mae pallente ru b o re Sardoasque in g e t rosulis Sitifensibus h erb as. Sic puer Idalius perm iscet mella uenenis, sic rosa m iscetur spinis, m edicina cerastis perficitur stim ulisque fauos apis alm a tu e tu r : sic pia V irginitas non to llitu r ante pudoris unguibus infensis quam u u ln erat ora m ariti, et prior ante sui uindex est ipsa cruoris, u t discat sacras fecundo u u ln ere flam m as. Sic fiunt dulces m odo pignora blanda parentes, et genus h u m an u m sic stat sub lege perenni. T o t bona p ro ueniant sponsis q u o t dextra parentum iungit am oriferas p er festa iugalia palm as. Cana Fides P ietasque iugent et casta V oluptas bracchia constringat celeres u isu ra nepotes. 39 39 calamis N : calathis coni. D iaz || 40 cedente Vollmer : candente N caedente Kuijper cantante Bücheier Duhn Bährens gaudente Brackman pandente Bährens etiam tacente Grillone comitante uel stridente Rossberg || uersum 40 ante 3 9 posuit Bohrens || 42 dolores N Kuijper : coi- Schenkl Bährens || uersus 42-45 sic dedit Schenkl 42-44-45-43 || 46 gemmae N : limen Bährens || 47 ante uersum .’. N || iuget Duhn Kuijper : iubet N iuuet Peiper Vollmer || rosulis Peiper : poscülis N poclis Duhn Kuijper D iaz postis Bährens || herbas Peiper : herbis N Duhn Bährens D iaz [| 48 mella Bücheier : bella N Kuijper || 54 discat N : ducat Biicheler sciscat Gil || 58 amoriferas Bährens : -eris N Hpalmas Bährens : -is N || 59 iugent Duhn : iung- N || 60 constringat Bährens : -ant N Duhn || celeres N : celebres Rossberg || uisura N : missura Bährens fusura Peiper.

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leurs bras. Jim on qui préside à Γhymen 38 vient les marier sous de féconds auspices, accompagnée à la cérémonie par Minerve, déesse de la laine 39*; qu'elles célèbrent ensemble, en bon accord, le culte sacré de Dioné. Que des jeunes gens entonnent ce chant 409 que les femmes déjà grandes, les enfants innocents, les garçons et les tendres vierges chantent ces vers 41. Que les vétérans en am our 42*les chantonnent, ainsi que la vénérable vieillesse : il tom bera amoureux celui d ’entre eux qui n ’aura pas chanté leur am our car Cupidon ne sait pas pardonner aux vieillards. Mais moi, qui suis prisonnier, je ne peux faire résonner des vers sur ma lyre, parce que des vers m ’ont valu tourm ents et désastres et ainsi je m e trouve à p résen t45 loin des chants de Cythérée, tourm enté, diminué, angoissé, victime de ma tém érité irréfléchie 46. De même qu’après le combat le soldat pose ses armes à terre pour soigner, m eurtri et gémissant, les blessures qui l’affaiblissent47 : si soudain les clairons frappent ses oreilles de leurs sonneries 48, sa douleur s’en va , sa colère revient et, comme si sa plaie était déjà cicatrisée, sa fureur guerrière lui est rendue et, réclamant des armes, arrête la suppuration (la fureur guerrière devient u n rem ède ; la fureur guerrière, la voix impérieuse de M ars50 et la trom pette rauque sont désormais capables d ’assurer à son corps le salut 51) ; ou de même que le cheval fougueux, voué 52 à porter le joug du cirque et suivi de l’ornière trac ée53 par le vol de ses pieds cornus, si, fort de son propre désir, lui, l’enfant des acclamations tire davan­ tage sur le mors et, lancé à toute allure avec son char bruyant dans un nuage de poussière, reçoit derrière les 38. La pronuba (v. 61) est la paranymphe, c’est-à-dire la femme qui, dans le mariage romain, amène Fun à l’autre les deux fiancés et leur joint les mains. Cette femme doit avoir été mariée et n’avoir eu qu’un mari. Junon reçoit ce surnom comme présidant à Funion conjugale. 39. L’adjectif laniger a ici (v. 62), comme en Rom. 9, 57, le sens de « qui travaille la laine », qui n’est pas attesté ailleurs (selon le Thés. L.L., VII, 2, 2, 930, 78-82). C. Morelli (L9epitalamio mella tarda poesia latina, SJ.F.C., 18, 1910, p. 414) explique que «Minerva, lanigera dea, è la prottettrice delle spose ehe attendono al lanificio e degli sposi ehe coltivano gli studi e Farte della guerra

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P ro n u b a lu n o u en it f e c u n d a sorte m aritans lanigera com itante dea per uota M inerua, concordesque sim ul celebrent pia sacra D ionae. Ista canant iuuenes, ho c.can ten t carm en adultae et sim plex aetas, p u eri teneraeque puellae ; cantilet hoc u eteranus am or, reuerenda senectus c a n te t': am ator erit qui non cantarit am ores, nescit enim senibus ueniam donare C upido. A st ego, q u i nequeo captus m ea plectra m ouere carm ine, sollicito d ed eran t quia carm ina clades, et m odo sic positus, Cythereae cantibus absens, sollicitus, tabidus, tem erarius, anxius, audax : u t uacat expositis post proelia miles ab arm is, saucius atqu e gem ens quo languida uu ln era curet, classica si subitis ferian t clangoribus aures, it dolor, ira red it, ceu iam sit plaga cicatrix, re d d itu r et saniem sistit furor arm a resposcens (fit m edicina fu ro r, fu ro r et uox tessera M artis et dare iam m em bris discit tu b a rauca salutem ) ; au t u elu t acer eq u u s circi iuga ferre dicatus, orbita cornipedo seq u itu r quem ducta uolatu, si, fretu s pro p ria u oluntate, fauoris alum nus plus eat in frenos et concitus axe sonoro pulueris in n u b em rad iatis orbibus actas 61 uenit N : meet Bohrens beet Gil || fecunda Bücheier : secunda N Hmaritans N : -tam Gil || 62 lanigera N : -iiica coni. Bohrens || 66 cantilet N Kuijper : -itet Bücheier Duhn Bohrens Vollmer || amor N : honor Bohrens || 67 non N : hos Bährens || 69 nequeo captus Bücheier : neque hoc aptus N || plectra Duhn : plecta N || 70 carmine N : -nis Leo || sollicito N : legitimo uel anteo pollicito Bohrens officio Leo IIpost sollicito distinxit D iaz |j 71 et N : en Bährens || 72 sollicitus N : -tor Bohrens || tabidus N : ra- Bährens D iaz Grillone pauidus Duhn I) anxius N : incitus Bährens || 73 ut Duhn : et N || 74 quo N : quod Bährens || 75 si Bücheier : his N || 77 redditur Bücheier : rediN H78 furor et Vollmer : furor est N Duhn curat Bährens || uox N : mox Bährens || tessera Duhn : -ssara N || 79 discit N : dicit Bücheier pergit Bährens || 81 cornipedo N : -dum Peiper || 82 uoluntate N : uolet arte Bährens leuitate Bücheier Duhn || 84 radiatis Duhn : -tus N.

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jambes la voiture entraînée par les roues munies de rayons 55 et q u ’il s’abatte sous ce coup, aussitôt la douleur se substitue entièrem ent à son ardeur et on le ramène à l’écurie, tandis que les partisans de sa couleur se lamentent et que la faction adverse ap p lau d it56 : que par hasard retentissent jusqu’à lui les hennissements, le fracas des roues et les immenses acclamations jaillies des bancs du cirque, le choc ne le fait plus autant souffrir 57 : tendant audacieusement les oreilles, dressant le cou, il éprouve en trem blant sa tête et ses membres et ce n’est p a s 58 de hennissements fatigués qu’il rem plit son écurie (sous lui, la terre est humide 59 de la sueur que répand sa fureur), mais, dédaignant ses blessures, il cherche à introduire sa bouche, malgré leur absence, dans les freins garnis de pointes et se livre, derrière les barrières, à des courses vaines 60 ; ou de même que l’oiseau enfermé par ruse dans de l’osier recourbé, qui, d ’ordinaire, en chantant de sa voix agréable, caresse partout les arbres des bois et les paysans 61 occupés à leurs durs labeurs, garde le silence quand il est prisonnier, le cœur rempli de douleur, car il aime le souffle de la liberté et la cime des bois, et se tait, sa voix muette 62 se refusant à toute mélodie : si un autre oiseau émet son chant cadencé, le prisonnier, comme s’il était libre, lance de nobles cris afin de passer pour un oiseau qui, sur une verte branche, s’est remis à chanter avec le printem ps 63 ; cependant, sans gazouiller, i l 64 n ’exhale que de plaintifs accents ; de même, moi qui suis prisonnier et qu’on a écarté 65 de tant de joyeux applaudissements, je composerai quelques vers en l’honneur de deux personnes 66 du sang des mariés, que j ’ai choisies pour les célébrer de mon chant : ce sont Statulenius et O ptavianus67, augustes prélats aux m œ urs irréprochables, cléments dans leur

55. Dans in nubem (v. 84), l’accusatif marque le résultat. Pour ce sens de radiatus (« muni de rayons »), cf. Varron, R .R . 3, 5, 15. 57. Même clausule strepitusque rotarum (v. 88) chez Horace, Epist. 1, 17, 7. Il faut sous-entendre equum avec elisum (v. 90). 58. pensat (v. 92) : au sens de « peser, évaluer ». Nec porte seulement sur fessis, cf. Rom. 10, 73 et 383.

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accipiat post cru ra rotas et corruas ictus, mox studium dolor om nis h ab et plangente colore, aduersa plaudente m anu, stabulisque refertu r : hinnitus si forte sonent strep itu sq u e ro taru m et fauor excussus caueis circensibus ingens, eleuat elisum : directis au rib u s audax erecta ceruice cap u t trem ib u n d u s et artus pensat nec stab u lu m fessis h in n itib u s im plet (iam qua stat p lu itu r tellus sudore furoris), uulnera despiciens ab sentibus ora lupatis ingerit et uacuos dat post praesepia cursus ; aut auis insidiis curuato uim in e clausa, quae cantu m ulcere solet su b uoce canora arboreum p er cuncta nem us durosque labores agricolum , silet in tu s habens captiua dolorem libertatis am ans auras nem o ru m q u e cacum en et tacet om ne melos retin en s sub uoce silenti : altera si resonet m odulatis cantibus ales, ingenuos d at capta sonos q u asi libera, u em an s u t cred atu r auis ram o cecinisse u irenti, illa tam en querulas m iscet m ale garrula uoces ; sic ego captiuus to t festis plausibus actus carm ina pauca feram delectis ipse duobus ex genere am borum , q u i m e m odulante canentur : pontifices sacri S tatulenius O ptauianus m oribus innocuis, sancta p ietate m odesti, 85 ✓

85 post N : per Bdhrens fi corruat ictus Duhn : cornua ictüs R N II 86 studium N : stadium Peiper \\ dolor N : calor Bücheier Duhn color coni. D iaz || omnis N : omne Rossberg || habet N : hebet Wagler abit Bücheier Duhn rapit Rossberg || colore Rossberg : dolore N Duhn corona Bdhrens olim || 87 aduersa Duhn : -so N || 90 elisum N : inlisum Peiper enisum Bdhrens || 95 post N : per Bdhrens || praesepia Bdhrens : presentia N |[ 9 6 aut N : utque Bdhrens || 101 retinens Bücheier : -icens N || 107 pauca N : parua Bdhrens || ipse Duhn : ipe N H 109 optauianus N Kuijper : octauianus Duhn optatianus Duhn etiam Bdhrens Vollmer [j 110 innocuis N : -ui Gil.

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sainte bonté, pleins d ’une religieuse piété m , faits pour le ' chaste service des autels et dont la loyauté chenue a brillé, efficace, dans le palais impérial (Fini exerçait son office à la cour latine, l’autre, chez les Grecs, avait été saintement consacré6869) ; c’est leur descendance qui est ici, et des souhaits de bon augure les réjouiront : espérons que cette enfant, unie en un tel mariage à la famille d ’un avocat 7071, donne naissance à des dieux I En effet le vif ressentim ent que j’éprouve à l’égard de ces gens pour mon maintien en prison vient seulem ent de ce qu’ils ont depuis longtemps oublié ma situation de red u s 71. Au reste si une captivité d ’une durée excessive m ’épuise, vous ne vous taisez pas im puném ent non plus 72 : votre châtim ent n ’est pas plus doux que le mien car vous êtes tenaillés par la honte de m épriser négligemment un poète certes médiocre, mais néanmoins au fait du droit et orateur habile 73. À quoi bon avoir préservé un homme parm i tant de dangers si c’était pour le laisser croupir en prison dans une vie de m alheur 74 ? Je n ’ai pas commis une faute criminelle, bien que le roi n ’ait pas non plus to rt d’être irrité ; mais un homme malveillant, qui me dénonça de sa bouche malfai­ sante, présenta alors les faits sous un jour défavorable et les aggrava 75. Lui qui aurait dû réclamer pour moi le pardon excita m écham m ent la colère du roi mon m aître et le poussa à une cruauté contraire à sa nature 76. Cependant Dieu tout-puissant frappera de repentir le cœ ur du souve­ rain 77 quand, dans sa bonté, il lui ordonnera de me délivrer son pardon 78. E t lorsque, grâce à l’indulgence de mon maître, j’aurai recouvré la liberté, aucun éloge, je le crois, ne sera réservé à vos noms, puisque 79 votre bouche se tait et que je n ’obtiens pas l’aide de vos paroles. Mais, pour ne pas fin ir80 un poème d ’am our par une 68. Clausule proche (v. 110) dans L.D. 2, 70 : pietate modestus, et L.D. 3, 561 : p ieta te modesta. Le e du préfixe de religio (v. 111) est toujours allongé chez Draeontius, voir Rom. 10, 66 et la note 40. 71. alter (v. 118) est ici pour alius, voir Thés. L.L., I, 1748, 39 sq. Même clausule longa moratur dans L.D. 3, 624. Nominis inclusi (v. 120) équivaut à mei inclusi ; sur cet emploi de nomen, qu’on trouve dans les expressions nomen Romanum et nomen Latinum, cf. Passio Cypriani 1 : exquisiui de nomine tuo.

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religione pii, castis altaribus apti, quorum cana fides p er sacra palatia pollens floruit (unus erat Latialis m ysticus aulae, alter apud Danaos sacrata m en te dicatus) ; quorum sanguis adest, ' quos om ina fausta iuu ab u n t : ex hac progenie iunctis et gente togati coniugio tali sperem us n u m in a nasci ! N am m ihi quod teneor non < est > dolor alter acerèus quam- quod apud tales obliuio longa m o ratu r nom inis inclusi« Sed si m e claustra fatigant tem poris im m odici, nec uos im pune tacetis : < poena > est non leuior uobis quatiente pudore, quod licet exiguum tam en in ter iu ra poetam tem nitis im m em ores facunda m ente periti« Q uid prodest sem asse hom inem per ta n ta pericla et clausum liquisse diu sub clade salutis ? N on male peceaui, nec rex iratu s inique est, sed mala m ens hom inis, quae d etu lit ore maligno, et m ale suggessit tu n c et m ea facta grauauit. Poscere quem ueniam decuit, m ale suscitat iras et dom inum regem que p iu m saeuire coegit« N am D eus om nipotens com punget corda regentis, quando iu b et pietate sua ueniam que relaxat« At cum liber ero dom ino ignoscente reductus, d um tacet os u estru m nec nos serm one iuuatis, nom ina uestra, reor, praeconia nulla manebunt« Sed ne m aesta canens concludat carm en am oris.

111 pii N : pia Bährens || 115 omina Bücheier : onima N omnia Bährens || 116 togati N : -ata Bücheier Duhn Bährens || post gente distinxit D iaz || 118 quod N : quo Duhn || non est Duhn : non N non tam Bährens || acerbus Duhn : -ruus N || 122 poena odd. Bücheier || 125 per Bährens : post N Duhn Kuijper D iaz || 129 facta Duhn : fata N H 132 compunget N : -git Bücheier || 133 iubet N : lubet Ellis || ueniamque N : -aeque Bährens || 134 hunc uersum post 131 posuit Schenkl || 137 ne Duhn : nec N || concludat N : -dam Bährens.

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sombre prédiction, que ma bouche murm ure en silence 81 ce que fera la maternelle Dioné après ce mariage, quand les fiancés entreprendront d ’aller à Caralis : elle gagnera les demeures d ’Éole et abordera ce tyran, pour q u ’il retienne les vents et aplanisse la m er azurée comme du m arbre, et qu’une d o u ce82 brise n ’envoie sur son passage que des souffles favorables, de manière que le bateau atteigne sans dommage les rivages de Sardaigne ; et Éole ne refuse pas de satisfaire83 Vénus qui ne demande que son droit. Cypris arrivant en grande tenue se promène çà et là sur les ondes glauques 84*; avec les Nymphes de l’océan s’avance­ ront en un chœ ur écum ant les Tritons, fils des Néréides 959 ainsi que les clients de Phorcus, les poissons de Fabîme marin, les monstrueuses baleines86 et toutes les bêtes effrayantes qui, cachées q u ’elle étaient, s’élanceront d u fond des flots pour s’ébattre 87 à la surface des vagues ; parmi elles Galatée, assise sur un d au p h in 88 menaçant, aspergera d ’eau Neptune : lui, sous les rires de Dioné, secoue de sa tête et de sa barbe le liquide qui en ruisselle89. Le fils ailé de Vénus quant à lui, voletant à coups d ’ailes sur la mer 90, répand trom peusement des roses, pendant q u ’il envoie des flèches de feu à ses compagnons m arins91 et, cruel, enflamme les froides plaines liquides pour que les éléments célèbrent ce mariage. Ces vers suffisent, mais si nous sommes à présent en droit de nous taire, nous les répéterons tous, un jour, à vos bienfaisants descendants 92. 81. os tacitum (v. 139) est un oxymoron qui traduit les réticences de Fauteur : son silence rép o n d à celui de la gens Fabia, cf. v. 135 et la note 72 au v. 121. On comparera cette tournure avec Rom, 10, 18 : muta loqui, et Orest. 612 : tacita quos uoce monebo. C a r a le s est la ville de Sardaigne (aujourd’hui Cagliari) dont est originaire le fiancé. 83. nec negat (v. 144) peut être la traduction de la formule homérique ούδ'άπίθησε (Iliade 1, 220). Comme au vers suivant, le verbe est au présent, alors que le poète a annoncé qu’il chantait ce qui se passerait après le mariage. La forme Eolus, avec e bref, au lieu de Aeolus, est unique selon le Thés. L.L., 1,989,16-17 (en revanche v. 140 Aeolias a une longueur régulière). On peut la rapprocher de la forme Egistkus avec e bref, qui remplace partout chez Dracontius Fhabituel Aegisthus, voir L. Müller, De re metrica poetarum Latinorum 2, p. 144 ; Orest. 35 et la note 38 dans C.U.F., t. 3, p. 166.

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post haec uota parens quid sit factura Dione, m u rm u ret os tacitum , Carales cum coeperit iri : Aeolias petet illa dom os aditura tyrannum , u t frenet uentos et caerula m arm ora tendat, m ollior aura m eans tan tu m bona flam ina m iitat, u t ratis incolum is Sardorum litora tangat. Nec negat haec Eoius Veneri sua iura roganti. Cypris in ornatu ueniens freta glauca uagatur, cum pelagi N ym phis ib u n t T ritones alum ni N ereidum spum ante choro P horcique clientes gurgitis aequorei pisces im m ania cete et quaecunque latens surget de fluctibus imis belua terribilis sum m as gestire p er undas ; in ter quas delphine sedens Galatea m inaci N eptunum p erfu n d et aquis : rorante fluento ille caput barb am q u e ciet ridente Dione. A t uolucer V eneris uolitans super aequora pinnis iam spargens sub fraude rosas tam en igne sagittas m andat ad aequoreos comites et frigida ponti aequora flam m at atrox, elem enta u t uota celebrent. Haec dixisse sat est, sed qui m odo iure tacem us, om nia reddem us quandoque nepotibus almis.

139 tacitum N : uatis coni. Bdhrens || 141 tendat N : tergat Bdhrens II 142 flamina Bdhrens : flum- N Duhn || mittat Duhn : mictat N || 146 tritones N : -nis Bücheier Duhn Bdhrens Diaz || 148 pisces N : pistres D iaz II 149 et Bücheier : at N ac coni. Bdhrens || surget Bücheier : -git N II 150 belua Duhn : bella N || 153 barbamque ciët N : barbamque citet Vollm er1 barbam quatiet Rossberg || 155 fraude N : fronde Bdhrens || igne N : inde Bdhrens || 158 qui N : quae Bücheier || 159 subscripsit N : explicit epithalamium ioannis et uitulae.

VIII L’ENLÈVEMENT D’HÉLÈNE 1

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Le voyage du brigand troyen, l’enlèvement de la Lacédémonienne 2 et le forfait du pâtre au cœur scélérat, j ’y viendrai par un meilleur chemin 3. De fait nous montrons un homme qui devient l’ennemi de son hôte, bafoue les droits de la couche nuptiale 4, les contrats du mariage, les doux liens de la pudeur, le fondement de la famille, l’espoir d ’une descendance, le gage d ’une postérité 5. Car ce qui prend la forme d ’un homme vient tout entier de la mère, naît de la mère 6 ; le père est le principe, la cause, l’origine, mais le père n ’est rien sans la mère : quelle est la part du père dans chaque homme ? C’est la mère qui assure entièrem ent la reproduction7. D o n c8, pour pouvoir ra­ conter avec compétence le crime que commit Paris, le ravisseur adultère, grand Homère, je t’invoque 9 ; tu polis, de ta bouche harmonieuse, des mots charmants 10 ; tout poète descendant dans la fontaine d’Aonie 11 veut que tu sois sa divinité 12 ; et je ne dis pas à ma Camène, en ta présence, « viens » : je me contenterai de l’esprit d ’Homère, qui reste plein de vigueur après sa m o r t13, qui, tirant vengeance des Dardanides, mena aux armes les Pélasges et 8. ergo (v. 11) a toujours un o bref chez Dracontius, cf. e.g. Rom. 9, 13 ; 10, 198 et 253. Sur le problème de la longueur du o final en général, voir t. 3, p. 164, la note 19 à Orest. 13. 10. delimare (v. 13), verbe rare ici employé au sens figuré, est glosé par expolire dans le Thés. Z,JL, V, 1, 458, 1 ; mollia est alors un attribut proleptique. Blandifluus est un adjectif créé par Dracontius, voir Rom. 6, 76 et la note 61. La fin du vers rappelle Horace, Sat. 2, 3, 274 : halba feris annoso uerba palato. Le palais est considéré comme Forgane qui produit les mots, cf. Catulle 55, 31.

VIII [DRACONTIJ OPVS] DE RAPTY HELENAE Troiani praedonis iter rap tu m q u e Lacaenae et pastorale scelerati pectoris ausum aggrediar m eliore uia. N am prodim us hostem hospitis et th alam i populantem iura m ariti, foedera coniugii, consortia blanda pudoris, m ateriem generis, sobolis spem , pignora prolis : nam totum de m atre uenit, de m atre creatu r quod m em b ratu r hom o ; p ater est fons au cto r origo, sed nihil est < sine > m atre p ater : quota portio patris om nis constat hom o ? M ater fit tota propago. Ergo nefas P arid is, q uod rap to r gessit ad u lter, u t m onitus n arrare queam , te grandis H om ere, mollia blandifluo delim as u erb a palato ; quisquis in Aonio descendit fonte poeta, te num en u u lt esse suum ; nec dico Cam enae te praesente « u en i » : sat erit m ihi sensus H om eri, qui post fata uiget, qui d u x it ad arm a Pelasgos de raptu helenae Bohrens Vollmer qui tituli duo certe priora uerba genuina non esse censuit : dracontij opus de raptu helenae N Duhn helena uelit D iaz || 1 lacaenae lannelli : -ceae N \\ 2 pastorale N : -em lannelli Bohrens || 3 meliore N : maiore Ribbeck || uia N : lyra Bohrens || 6 pignora N : -nera Vollm er1 f| 8 quod N : quo Duhn || 9 sine suppi. Duhn : prae suppi. lannelli )| 12 narrare lannelli : -em N II te N : tu lannelli Duhn Prisco des uel da Bohrens || 13 delimas N Grillo : delimans Weber delimes Prisco delibes lannelli Schenkl delibans Böhrens defingas Giarratano defundas Duhn || 14 in aonio xJ . maeonio Bährens || 16 praesente lannelli : -ti N.

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incita Pergam e à la guerre 14 ; j’appelle aussi le poète qui attaqua les Troyens de nuit, après avoir enfermé des hommes en armes dans un cheval, qui renversa les murailles de Troie et tua Priam sous les coups de Pyrrhus 15 : en invoquant les divinités que vous êtes, moi, médiocre poète, je rassemble tout ce que les deux fils des Muses ont dédaigné d ’écrire 16. Les renards considèrent comme un titre de gloire d ’espérer les restes 17 de la proie du lion, il se réjouissent extrêmement d ’avoir obtenu une nourriture que refuse son ventre repu, que sa rage, n’étant plus à jeun 18, a abandonnée, et em portant des os sans viande, pensent qu’il s’agit d ’une proie. Toi, vénérable Homère, tu as le soutien du langage attique 19, toi, Virgile, la faveur de la langue latine : divulguez, je vous prie, quelle raison a poussé le criminel Alexandre à dépouiller Amyciées par un tel enlèvement 20. Déjà, pour juger les hôtes du ciel, s’était assis l’arbitre de l’I d a 21, déjà le gazon, déjà un terre-plein herbu formaient le lieu du procès et l’herbage était devenu le tribunal d ’en h a u t22. Envers le ciel le berger d’Ilion était libéré de tout engagement et il fait preuve de partialité 23 : Vénus se retire couverte de gloire, Junon a été méprisée 24. Alors la déesse vierge s’afflige de la défaite de sa beauté et s’en va tristem en t25 : hélas ! l’homme ignore quels maux fondent sur celui qui a osé 26 imposer sa loi à Minerve ! A titre de récompense une sentence est prononcée contre le juge de l’Ida, et Pâlis est condamné. Et le berger n’est pas le seul à être considéré comme coupable 27 à la suite de ce procès : sont condamnés à m ort ses parents, sont eondam14. uindex (v. 18) est employé dans le sens de « qui tire vengeance de qqn, qui punit qqn », cf. Valère-Maxime 6, 3, 8 : sontium mature uindices extiterunt. La forme Dardanidum est un génitif pluriel (cf. Orest. 138 et Virgile, En. 2, 242) ; les Dardanidae sont les Troyens, descendants de Dardanos. L’expression in bella lacessere se retrouve aux v. 295 et 374, et en Rom. 9, 73, toujours en fin de vers. 17. Sur la tournure laudis habent (v. 25), voir Rom. 5, 253 et la note 113 dans C.U.F., t. 3, p. 272. Comme en L.D. 3, 368 et Rom. 5, 7, le préverbe re- de reliquias (v. 24) est allongé ; voir la note 40 à Rom. 10, 66 et L. Quicherat, Thesaurus poeticus linguae latinae31, Paris, 1922, reproduction anastatique Hildesheim, 1967, p. 948 s.v.

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P ergam a D ardanidum uindex in bella lacessens ; et qui Troianos inuasit nocte poeta, arm atos dum clausit equo, qui m oenia Troiae perculit et P riam u m P yrrh o feriente necauit : num ina uestra uocans, quicquid contem psit u terq u e scribere M usagenes, hoc uilis colligo uates. Reliquias praedae uulpes sperare leonum laudis habent, m eruisse cibos quos pasta recusant uiscera, quos rabies iam non ieiuna rem isit exultant praedam que p u tan t n u d a ossa ferentes. A ttica uox te, sancte, fouet, te lingua Latina com m endat : uulgate, precor, quae causa nocentem fecit A lexandrum ra p tu spoliarei Amyclas. Caelicolum p raeto r iam sederat arb iter Id ae : iam grem ium caespes, iam surgens herbida tellus stabat et aetherium fuerant herbosa tribunal. Soluerat Iliacas caeli uadim onia pastor et litem facit ipse suam : laudata recedit contem pta lu n o n e V enus. T u n c uirgo decore uicta dolet, nam tristis abit : heu nescia m ens est, quae m ala circum stent ausum dare iura M ineruae. ludicis Idaei pretio sententia fertu r dam naturqu e P aris ; nec solus p astor hab etu r ex hac lite reus : d am n an tu r m o rte parentes, 20 20 armatos Biicheler : -to N Iannelli |j 23 colligo Iannelli : -llego N H30 raptu spoliaret Vollmer : raptu spoliare N Iannelli Grillo raptu ut spoliaret Duhn raptu spoliareque Löwe Bohrens ut raptu spoliaret coni. Bährens || 31 praetor N Gualandri : pastor Biicheler Duhn Morelli j[ idae Iannelli : idem N Bohrens ida Biicheler Duhn Morelli II 32 gremium N : gemmans uel solium coni. Bohrens j| iam surgens N : suggestus Gualandri iam sedes uel surgens coni. Bohrens || 33 stabat et N : iam stabula Ribbeck pascua et Bohrens || herbosa N : cliuosa coni. Bährens || 34 iliacus Iannelli : -cas N || uadimonia N : certamina coni. Bährens || 35 et N : sed Ribbeck || 36 uirgo decore Peiper : uirgo decora N Iannelli Prisco tritonia uirgo coni. Bährens || 37 abit Iannelli : abijt N || uicta dolet nam tristis abit N : tristis abit nam uicta dolet coni. Bährens || 38 iura N : dura Bährens.

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nés ses frères ; et une même m ort étend tous ceux qui, dans la ville, lui étaient proches ou lui étaient liés par le sang E t plût aux dieux que cette ville malheureuse seule p é r ît2829 I Les peuples sont condamnés, la Grèce ingénieuse est condamnée à être privée 30, hélas, de grands guerriers ; rO rien t perd le belliqueux Memnon 31, le héros thessalien et le fils de Télamon sont condamnés, deux foudres de guerre périssent 32. Achille expie le mariage de sa mère (mariage qui provoqua ce procès 33), peut-être l’invincible Ajax, fils de Télamon, est-il abattu parce que sa mère Hêsiofté n ’a pas été rendue à Priam 3 . Voilà 35 la raison qu’on donne de l’enlèvement, la raison pour laquelle des peuples ont succombé en même temps, quand les deux sexes eurent été anéantis et que personne, après la guerre, n ’eut épargné les enfants 36. Le ressentiment naît-il à ce point chez les dieux, la colère se déchaîne-t-elle à ce point aux cieux 37 ? Une telle vengeance punit-elle ceux qui ont failli ? Ce sont les destins qui poussent l’homme à oser, les destins impies 38 qui toujours refusent de se laisser fléchir, auxquels rien, jamais, ne s’oppose, dont aucun chemin ne contient la progression 39, devant qui tous les lieux fermés s’ouvrent. A présent son troupeau fait horreur à Paris, les sources, la chaumière, les pâturages, les forêts, les fleuves, les campagnes l’ennuient, il n ’aime plus la douce flû te 40 ; Oenone ne lui plaît plus et il la trouve presque laide depuis 28. A moins de donner à cognatus (v. 43) le sens de « parent par alliance », qu’il a parfois (voir la note 143 au v. 241), ce mot fait redondance, puisqu’il est synonyme de propinquus ^ « parent par le sang ». Le verbe explicare signifie ici « étendre à terre », cf. Stace, Silu. 5, 3, 261. Vna est adjectif. 29. Même clausuie morte periret (v. 44) dans Orest. 343 et 346 (et Orest. 598 : morte perire). Morte perire est un pléonasme fréquent en latin, mais qui se justifie dans la mesure où morte est qualifié, ainsi chez Virgile, En. 4, 696. Ce vers contient deux élisions (cf. L.D. 1, 249 ; 2, 211 et 622 ; Sat. 38, 181, 282 et 283 ; Rom. 10, 109 ; Orest. 538, 769 et 899), ce qui est remarquable eu égard au petit nombre d’élisions qu’on trouve chez notre poète, voir l’Introduction de CL Moussy dans C.U.F., t. 1, p. 94-95 et É. Wolff, Quelques remar­ ques sur Γélision dans la poésie de Dracontius, R.Ph., 67, 1, 1993, p. 95-%.

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dam n an tu r fratres, et quisquis in urbe p ro p in q u u s au t cognatus erat, cunctos m ors explicat una. A tque u tin am infelix urbs ta n tu m m orte p erire t ! D am nantur gentes, d am n atu r G raecia sollers heu m agnis uid u an d a uiris ; o rb atu r Eous M em none belligero, d am n atu r Thessalus heros et T elam one satus, p ereu n t duo fulm ina belli. P ro m atris thalam o poenas dependit Achilles (unde haec causa fuit), forsan T elam onius Aiax ste rn itu r inuictus, quod m ater red d ita non est jffesione P riam o ; sic est data causa rapinae, cur gentes cecidere sim ul, cum sexus u terq u e concidit, infanti nullus post bella pepercit. Sic dolor exurgit diuum , sic ira polorum saeuit et errantes talis uindicta coercet ? C om pellunt audere u iru m fata, im pia fata, quae flecti quandoque negant, quibus obuia n u n q u am res quaecunque uen it, quis sem ita nulla te n e tu r obuia d u m u en iu n t, quibus om nia clausa patescunt. lam grex h o rretu r, fontes casa pascua siluae flum ina ru ra pigent nec fistula dulcis am atu r ; non placet O enone, sed iam prope tu rp is h ab etu r. 42 42 in urbe Duhn : in morte N in orbe Peiper in arce Rossberg morte Iannelli forte Vollmer2 sorte Ribbeck Bährens amore Eliis || 43 explicat N : imp- Iannelli Bährens [| 44 atque utinam N : troiaque ut Bücheier Duhn || tantum N : -ta Bücheier || morte N : marte coni. Bährens || periret Iannelli : perriet N [| a d urbs in margine glossa troia iV H 46 eous N : et eos Iannelli Duhn || 47 damnatur N : danaorum Bährens j| 49 dependit Iannelli : depon- N || 51 sternitur inuictus Iannelli : sternatur in uictus N || 52 hesione Iannelli : esto ne N H est N : et Bährens || post rapinae distinxit Iannelli || 53 cecidere N : occi- Iannelli || cum sexus N : cur sexus Iannelli Duhn Bährens || 54 pepercit Iannelli : perpepercit iV|| 56 coercet N pc : -cit N ac II 57 fata impia N : facta impia Rossberg Bährens || 59 uenit N : redit coni. Bährens || tenetur N : tuetur Bücheier uetatur coni. Bährens || 62 rara N : cura Iannelli curua Schenkl || amatur Iannelli : arm- N || 63 oenone sed iam Duhn : oenones iam N oenone quae iam Iannelli.

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que la belle Vénus, sur l’Ida, lui a promis une femme telle qu’elle était elle-même nue 41 : déjà le berger aspire à sa possession 42. Notre homme trouve les champs sales après la si grave querelle des déesses 439 Pergame seule lui plaît, son esprit et les destins l’invitent à gagner 44 les murs de Troie. Le jeune Pâris, instruit par sa nourrice qu’il avait cajolée45, savait tout sur le sang dont il était né, sur sa race, sur la maison dont il était issu 46 ; et le berger, saisissant les objets avec lesquels il fut exposé, faisait route vers T ro ie 47. À peine avait-il vu, dans sa fatigue, la citadelle, que le sommet de la tour s’écroule sans avoir reçu de coup, que la terre gémit, qu’une partie de la muraille s’effondre soudain et que le seuil de la porte Scée chut à terre m ; alors les eaux du Simoïs tarirent, l’onde cristalline du fleuve X anthe 49 est rouge, le Palladium sue à côté du berger et d ’elles-mêmes les statues de Minerve tom bent 50. C’était par hasard le jour anniversaire de la reconstruction de Pergame par son malheureux chef, Priam , après la guerre menée par Hercule 51 : le descendant de Laomédon qui, chaque année, offrait aux dieux ingrats des présents, gagnait les hauteurs de la citadelle pour acquitter ses vœux à Jupiter, pour faire un sacrifice à M inerve52. Le très vaillant Hector se trouvait à la droite de son père, Troïlus à sa gauche, en compagnie du craintif Politès 53 ; tous ses autres fils 54 venaient ensuite en une foule serrée. Dans le même temps la foule de ses filles entoure la reine 55 qui, accompagnée de ses brus, s’avance, en accomplissant de pieuses promesses 56. Le roi escorte Hélénus, Hécube est aux côtés de sa fille Cassandre. Tandis que, continuant leur marche, ils gagnent les temples, le berger se précipite sur

42. Le Thés. L.L., II, 67, 44-47, ne connaît pas cette construction transitive de anhelare (v. 65) avec un sujet animé, qu’on retrouve en Rom. 10, 77 et 142. Le texte le plus proche qu’il cite est Anth. 23, 1 : qualem (puellam ) meus ignis anhelat. 44. quaerere (v. 67) a le sens mal attesté de petere. La formule fa ta iubent (v. 68) est fréquente chez Dracontius, cf. v. 535 ; Rom. 10, 375 ; Orest. 144 ; mais on la trouve avant lui, voir e.g. Lucain 8, 520.

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ex quo pulchra V enus talem prom isit in Ida, qualis n u d a fuit : talem iam pastor anhelat. Sordent arua uiro post iurgia tan ta dearum , P ergam a sola placent et m oenia quaerere Troiae m ens et fata iubent. M onitus P aris om nia norat blandita nutrice p uer, quo sanguine cretus, qui genus, u nde dom us ; rapiensque crepundia pastor T roianum carpebat iter. Vix uiderat arcem lassus, et intactae p ro cu m b u n t culm ina tu rris, ingem it et tellus, m u ri pars certa repente concidit et Scaeae iacuerunt lim ina portae ; tunc Sim ois siccauit aquas, crystallina X an th i flum inis u n d a ru b et, sudat pastore prop in q u o Palladium uel sponte cad u n t sim ulacra M ineruae. Forte dies sollem nis erat, quo P ergam a recto r infelix P riam u s post H erculis arm a n o u a ra t : annua persoluens ingratis m unera diuis Laom edontiades capitoliâ celsa petebat reddere nota Ioui, latu ru s sacra M ineruae. Ad dextram genitoris erat fortissim us H ector, T roilus ad laeuam pauido com itante P olite ; cetera n ato ru m tu rb a stip a ta sabibat. Reginam interea natarum tu rb a coronat et nurib u s com itata uenit pia uota m inistrans : rex H elenum sequitur, Cassandrae m ater adhaeret. D um p erg u n t et tem pla p etu n t, p ro ru m p it in agm en 64 64 talem N : thalamum coni. Bdhrens || 66 iurgia lannelli : urigia N H70 qui N : quöd lannelli || domus N : domo Peiper || 73 certa N : celsa Rossberg Zingerle Bdhrens D iaz recta antea Bdhrens uersa uel dextra Schenkl || 74 limina lannelli : lum- N || 78 sollemnis N™ : soleN pc H79 nouarat Bücheier : -uerat N -uata lannelli || 80 persoluens lannelli : per soluens N || 83 ad dextram lannelli : addextram N pc addetrtram N™ || 85 caetera natorum N : et rex natorum Bücheier natorum reliqua lannelli || stipata Ribbeck : -tus N lannelli Duhn Schenkl D iaz || subibat Ribbeck : abi- N lannelli Duhn adi- Schenkl Diaz.

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leur cortège et, profitant de leur surprise, les salue d’une voix pleine de hauteur : « Sois heureux, prince ; je vous salue tous, amis ou plutôt frères, pour rapporter la vérité 57*: toi, vaillant Hector, faîte et fleuron de la ville toi aussi, Troïlus, bienfaisant par la vertu même de ta nature : je suis votre frère, reconnaissez votre frère 59. Je suis de votre sang et le fils de Priam , H écu b e60 est ma mère ; on me renie sans que j’aie commis aucun crime : on élève Alexandre en berger, depuis son enfance 61, sur le m ont Ida. E t ne considérez pas q u ’un berger soit m épri­ sable, Phrygiens : c’est moi qui ai arrêté les querelles des dieux ; de fait le ciel ignore les différends depuis que je lui ai servi de juge. Si vous me croyez, troupe de mon sang (d’ailleurs le cœ ur du roi, conscient de sa faute, ne s’y refuse pas et ma mère n ’éprouve pas d ’aversion pour son fils62), reconnaissez aussi, mes frères, les objets qui garantissent que j ’ai été exposé 63. » Après ces mots il jeta à terre, sur la citadelle, les preuves 64 de sa naissance. Ses paroles, la loyauté, la piété ébranlent bientôt le cœ ur de ses parents et la rougeur répandue sur leurs visages 65 confesse noblem ent le crime qu’ils ont commis. Bientôt le père attache ses bras au cou de Paris, inonde 66 de pleurs de joie son fils et, confondu, refusait 67 le pardon de son enfant. Ce fut une stupeur générale. La mère de Pâris, joyeuse, arrive en courant (l’affection lui donne une démarche rapide que lui refuse son âge m ) et bientôt tient le jeune homme serré contre elle : les deux parents répandent des baisers sur son cou et son visage, rivalisent pour en mouiller 69 son corps ; mais dans leur tendre ardeur ils se partagent l’objet de leur

57. aut (v. 92) a ici le sens de aut p o tius, voir Kühner-Stegmann (cité dans la seconde édition, de 1912-1914, où le tome deuxième est en deux parties), II, 2, p. 101. Vollmer (M.G.H., p. 349) glose feram par proferam, cf. Virgile, En. 2, 161 : si uera feram. La tournure que nous avons ici est une variante de l’expression ut uere dicam. Pour se faire reconnaître, Pâris prononce un discours (v. 91-102) d’une habileté consommée : en effet il use de la flatterie à l’égard de ses frères, exploite le remords qu’il lit sur les traits de ses parents, sait apporter des preuves concrètes et mentionne en outre ses titres de gloire.

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pastor et attonitos elata noce salutat : a Sis felix, princeps, om nes saluete sodales au t fratres, u t u era feram : tu fortior H ector, culm en et u rb is apex, et u iribus indolis alme T roile : frater ego, fratrem cognoscite uestrum . G erm anus sum u ester ego P riam ique propago, H ecuba m i genitrix, abdicor crim ine nullo : paruus A lexander pastor n u tritu r in Ida. Nec pastor sit uile, Phryges : ego iurgia diuum com pressi, nam lite caret m e iudice caelum . Si credis, germ ana m anus (nec cetera regis conscia corda negant nec m ater pignus abhorret), noscite depositi uel certa crepundia, fratres. » D ixerat et testes generis proiecit in arce. V erèa fides pietas q u atiu n t m o x corda parentum , am m issum que nefas generosa m ente fatetu r fusus in ora ru b o r. Paridis m ox colla lacertis alligat et n atu m fletu gaudentis in u n d at conuictusque p ater ueniam de prole negabat. O bstupuere om nes. M ater gauisa recu rrit (dat celeres pietas gressus quos denegat aetas), m ox iuuenem com plexa ten et : p er colla p er ora oscula diffundunt et lam bere m em bra parentes insistunt iu u en is certatim , sed pius ard o r 93

93 et uiribus N : tu uiribus Ribbeck tu uirtus Schenkl Giarratano et tu lux coni. Duhn et tu puer Schmidt || alme Bohrens : -mae N lannelli Duhn || 94 ego N : io Schmidt || cognoscite lannelli : cognioN (I 97 nutritur N Grillone : -itus Duhn Ribbeck -ibar Bährens || 99 nam N : iam Peiper || 100 si credis N : ni credis coni. Vollmer sic redii Rossberg hic redii Bohrens || 102 fratres N : -ris Bücheier Duhn Bährens || 104 uerba Ribbeck : uera N lannelli Duhn Eliis || quatiunt N : -it Eliis || mox lannelli : mors N intima Eliis || 106 paridis lannelli : paEi- N || 108 ueniam N : non iam antea Bährens || negabat N : rog- lannelli Duhn Vollmer D iaz || 112 parentes Bücheier : -tis N lannelli [j 113 iuuenis Bücheier : -nes N lannelli.

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passion, chacun l’amenant à l’autre, alternativement 70, et ils sont heureux de posséder tour à tour la chère tête de Pâris 71. Pendant ce temps la nouvelle avait envahi la ville tout entière : le bruit court dans le temple des dieux qu’un berger de l’Ida prétend m ontrer q u ’il est issu de la famille royale 72. Alors le devin Hélénus abandonna le temple et l’autel et, de loin, s’écrie 73 : « Père impie, mère malfai­ sante, que se propose votre cruelle tendresse ? Pourquoi causez-vous la perte de la ville ? Voici, Hécube, la torche annoncée par ton sommeil, qui à la fois brûlera Troie et livrera le royaume de nos pères pour vous donner une bru 74. La Grèce tout entière, affligée, s’assemble en une armée pour p u n ir 75 le rapt de la Laeédémonienne, les Danaens gagneront nos rivages avec mille carènes 76, le camp dorien gronde 77, déjà Achille harcèle Pergame, déjà les Danaens com battent, déjà nous distinguons le corps d’Hector traîné 78 ; déjà, hardi Troïlus, tu te déchaînes au combat, déjà tu es abattu, prém aturém ent 79, courageux enfant devenu téméraire par bravoure. Mais pourquoi tenté-je d’interdire les destins, d ’éloigner des malheurs déjà arrêtés 80, alors que prévoir l’avenir ne sert à rien si les présages sont contraires ? La condition de souverain et l’immense Pyrrhus m ’attendent 81. » Pendant qu’il parle, la prêtresse Cassandre, déchaînée, arrive et ayant saisi sa mère lui prédit 82 : « Pourquoi, injuste mère, pourquoi, père infortuné, pourquoi préparez-vous notre ruine ? 70. Les V. 113-114 sont d ifficiles. Il importe d’abord de préciser que dans son sens métonymique d’« être aimé », affectus peut désigner le fils, comme ici (cf. Vollmer, M.G.H., p. 315), la fille (cf. L.D. 3, 346), ou l’épouse (Orest. 914 et peut-être Rom. 10, 295), voir t. 3, p. 234, la note 683 à Orest. 914. Ici le mot, au pluriel poétique, est complément de dispensat (« répartir, partager »), et Vollmer (M.G.H., p. 315) glose le passage par filium alter alteri adducit. La fin du v. 114 agens alternat utrique reprend la même idée : alternat est intransitif et il faut suppléer affectus ou Parin comme complément de agens. 71. uicibus (v. 115) est pour alternis uicibus, cf. Sénèque, Ep. 36, 11 ; Suétone, Cal. 22, 3. Le vers est inspiré de Stace, Theb. 12, 388 : et cara uicibus ceruice fruuntur. 77. Même anachronisme Dorica castra (v. 127) chez Virgile, En. 2, 27 ; 6, 88. Fremere peut être appliqué à un camp, cf. Lucain 7, 128 : castra fremunt.

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affectus dispensat, agens altern at u triq u e et uicibus cara P aridis ceruice fru u n tu r. N untius interea totam com pleuerat urb em : fam a uolat p er tem pla deum , quod pastor ab Ida se uelit ostendi regni de stirpe creatum . T unc H elenus uates tem plum dim isit et aram et procul exclam at : « P ate r im pie, pessim a m ater, quid pietas crudelis agit, quid perditis u rb em ? Haec est illa tu o fax, m ater, prodita som no, quae sim ul incendet T roiam regnum que p arentum in sortem dab it illa n urus. C oniurat in arm a Graecia to ta dolens rap tu m punire Lacaenae, litora nostra p eten t D anai cum mille carinis, D orica castra frem u n t, iam Pergam a uexat Achilles, iam pugnan t D anai, iam cernim us H ectora tractum , Troile, iam p er bella furis, iam sterneris audax ante annos, anim ose puer, u irtu te proteruus. Sed quid fata ueto, quid fixos arceo casus, cum nihil aduersis prosit p ru d en tia signis ? Me fortuna potens expectat P y rrh u s et ingens. » D um lo q u itu r, Cassandra uen it fu rib u n d a sacerdos et m atrem com plexa canit : « Quid, m ater iniqua, quid, p ater infelix, quid funera nostra paratis ? 114 agens Duhn : agnes N auens Biicheler acres Iannelli amorque Bdhrens || utrique N : -imque Iannelli || 115 et N : ut Ribbeck || fruuntur N : fruantur Ribbeck || 118 uelit N : uelut Biicheler Duhn uultu Ribbeck uetere antea Bdhrens || ostendi Iannelli : -dit N Biicheler Duhn Ribbeck antea Bdhrens || regni N : regum Bdhrens teucri Rossberg || 121 quid pietas N : quo pietas coni. Bdhrens || 123 quae N : qua Bdhrens || 125 dolens N : uol- Biicheler cal- coni. Bdhrens j| 130 animose puer Duhn : animos et puer N animis puer et Iannelli || 131 131-132 habet V fo l. 8 r°, 1, 17 || fixos N : fixos flexos V II 133 me fortuna potens exspectat pyrrhus et ingens Iannelli : me fortuna potens et pyrrhus ingens exspectat N Duhn Vollmer me exspectat fortuna potens epirus et ingens Bdhrens me exspectat fortuna potens et regia pyrrhi Biicheler me exspectat fortuna potens uos pyrrhus et ignis coni. Vollmer || 136 quid funera N : sic funera Bdhrens.

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Hélas 1 oublieuse piété : à Fégard d’un seul tu es une pieuse mère, tu chéris le berger, mais envers de nombreux rois tu te montres im p ie 83 ; tu achèteras, suppliante, le corps d ’Hector après qu’il aura été livré aux monts et aux rocs 84 ; et ce n ’est pas un Hector intact qu’on te vend 85 *; à la place de ton fils, tu garderas par devers toi le corps mutilé d ’Hector m ort racheté à grand prix Le déshon­ neur m ’attend, dans le temple, l’ignoble Ajax se jettera su r moi 87 au milieu de l’anéantissement de ma maison. Déjà Troie brûle, mais toi seul, roi, tu te vois privé de flammes 88 ; et déjà Hécube aboie 89*, et les Danaens jetten t Astyanax du haut des rem parts Ainsi Bellone vous fournit une bru, ainsi le berger de l’Ida sera le propre gendre du T o n n a n t 91 et recevra le triomphe, mais périra juste après. Ensuite Pyrrhus ira au combat et parviendra à renverser les murs, à condamner Pergame aux flammes et, dans son em portem ent, à tuer Priam de son glaive près des au tels92. Mais pourquoi ces vaines prédictions ? Déjà Priam veut avoir pour fils le gendre du T o n n an t93, il accable sa patrie, hait ses enfants, l’infâme, et cherche à priver Andromaque de son mari. Troïlus, pourquoi tardestu ? Courageux Hector, pourquoi n ’agis-tu pas 94 ? C’est vous que la m o r t 95 réclame, c’est vers vous que se portent les destins rigoureux, c’est vous que cherche l’Éacide, vous que massacre Achille, cruel foudre de guerre, vous qui, bien q u ’innocents, subissez le ch âtim en t96 du ravisseur. On ne croit pas mes prophéties 97. Vous du m oins levez-vous, concitoyens, empêchez mes parents d ’étreindre davantage le cou de leur funeste fils 98, chassez m on frère de ces m urs ! C’est lui l’ennemi q u ’annoncent les destins, qui couvrira la ville de cadavres et sera cause que Priant n ’ait pas de sépulture " . Arrachez du cœur de la fille de Cissée 100 son cruel enfant, immolez le scélérat101, purifiez 85. Sur la forme passive uenditur (v. 149), qu’on trouve aussi en Rom. 9, 215 au lieu de uenit (de ueneo) qu’on attendrait, voir Biaise, D.L.A.C., p. 839. 90. C’est Néoptolème qui, à l’instigation d’Ulysse, précipita Astyanax du haut de la seule tour de Troie restée debout, quoique certains textes attribuent le fait à Ulysse lui-même ; voir W.BL Roscber, Lexicon^ I, 660, 29-44.

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Im m eiiior heu pietas : u n i pia m ater haberis pastorem que foues, sed m ultis im pia constas regibus, H ectoreum supplex em p tu ra cadauer p er m ontes p er saxa d atu m ; nec u en d itu r H ector integer et laceram retines pro pignore corpus funeris H ectorei pretio m aiore redem ptum . Me stu p ru m per tem pla m anet, m e pessim us Aiax inuadet pereunte dom o. Iam T roia crem atur, sed flam m is, rex, ipse cares ; iam que H ecuba latrat, A styanax D anais m u ro iactatu r ab alto. Sic p raesta t Bellona n u ru m , gener ipse T onantis Id aeu s sic pastor erit capietque triu m p h u m , sed post ipse cadet. V eniet m ox P yrrh u s ad arm a, q ui scindat m uros, qui dam net Pergam a flam m is, qui P riam um gladio feruens ob tru n cet ad aras. Sed q u id uana cano ? Iam consocer esse T onantis u u lt genitor patriam q u e p rem it natosque nefandus odit et A ndrom achen quaerit uiduare m arito. Troile, quid cessas ? Q uid parcis, fortior H ector ? Vos rep etu n t m ortes, in uos mala fata feru n tu r, uos p etit Aeacides, saeuum uos fulm en Achilles am putat, insontes poenam raptoris habetis. P ro u id a non credor. Vos saltem surgite, ciues, ru m p ite com plexus quos dant per colla parentes infausto iuueni, m uris depellite fratrem ! < Hic > hostis qu em fata canunt, qui m ortibus urbem congeret et P riam u m faciet no n esse sepultum . P ectore Cisseo rap iatu r pignus acerbum 141 et N : en Bohrens || retines Bohrens primum : retinet N lannelli rediet Bücheier Duhn Bohrens deinde || 147 praestat lannelli : peresN II 148 idaeus lannelli : idens N |j capietque N : ra- Duhn || 150 scindat N 1* : sti- N ac || 152 quid lannelli : qui N || esse lannelli : esset N || 153 uult lannelli : -ti N || 154 odit lannelli : obit N || 162 hic suppL Bücheier : om. N lannelli en suppi. Bährens || hostis N : -ilem lannelli || 163 congeret N : egeret Bährens conteret Ribbeck.

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notre Pergame, apaisez Jimon, apaisez la vierge Minerve, par la m ort du sacrilège apaisez Jupiter Tonnant, à la femme duquel il préfère celle de Vulcain, qu’il loue 102. Il est d ’usage, dans de nombreuses villes, d ’offrir au Salut la m ort d’innocents 103 ; mais vous, immolez un coupable pour pouvoir sauver les justes. La médecine, habituelle­ ment, accroît les douleurs pour les supprimer et sauvera un corps par une amputation 104 ; de fait ce sacrifice de la chair malade est salutaire, et la souffrance 105 procure les forces qu’elle enlève ordinairement. Écoutez ceci, vous 106, mes frères, entendez ceci, mes contitoyens, approuvez ceci, mes parents : proposez de m ettre à m ort le berger avec le glaive de son père, de le faire périr de l’épée d’un de ses frères 107. Si par hasard un profane 108 frappe ce criminel, qu’il soit prêtre de la ville : je me retire devant lui ; si par hasard il refuse de servir le culte à ma place, les pontifes Hélénus et Laocoon, autorités sacrées, céderont à ma prière en devenant l’un et l’autre ses adjoints 109. » Pendant que la malheureuse Cassandre prédit les gémissements futurs, apparut à tous les Phrygiens Apollon de Thym brée 110 qui, sans obtenir de salaire, enferma Pergame d ’un rem part et souhaite que cette race ingrate expie le crime de l’a­ vare 111 : les Phrygiens furent frappés de stupeur, le prêtre 102. d e ( y . 167) introduit un complément de moyen, voir t. 3, p. 198, la note 361 à O rest. 431. La clausule p la c a te T o n a n tem est proche de celle de Claudien, In Eutr. 1, 160 : p la c a re T o n a n tem . A m o rem (v. 168), qui signifie « être aimé » (sens rare quand le mot n’est pas en apposition mais qu’on trouve plusieurs fois chez Draeontius, voir Vollmer, p, 317), est à la fois complément de p o stp o n en s et de la u d a t. On a ici l’hellénisme qui consiste à lier grammaticalement le pronom relatif, non au verbe de la relative, mais à un participe inclus dans celle-ci (cf. v. 339 et 458). Le passage rappelle le jugement de Paris, où Vénus, épouse de Vulcain, fut préférée à Junon, femme de Jupiter. Il s’agit d’apaiser les divinités qui ont alors été bafouées. 103. S a lu s (v. 169) est la divinité du salut public et du salut personnel. Cassandre fait ici allusion à la pratique du φαρμακός, voir W.H. Roscher, L exicon , III, 2, 2276-2284. L’idée de victime expia­ toire est familière à l’Antiquité (qu’on pense au bouc émissaire des Hébreux), voir e.g. Virgile, E n. 5, 815 ; J.G. Frazer, L e R a m e a u d ’or, trad. fr. P. Sayn, Paris, 1925, rééd. 1981-84, t. 3, p. 559-586. La clausule d o n a re S a lu te m se lit chez Lucain 9, 1067.

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m actetu rq u e nefas et P ergam a nostra pientur, placetur lu n o , p lacetur uirgo M inerua, sacrilegi de m orte Iouem placate T onantem , cuius postponens V ulcani laudat am orem . V rbibus in m ultis m os est donare Salutem m ortibus insontum , sed uos m actate nocentem , u t liceat seruare pios. A ugere dolores u t resecet m edicina solet m em brisque salutem m em b ro ru m de p arte dabit ; nam corporis aegri fit iactura salus et uires passio praestat quas auferre solet. Hoc < u o s > assum ite fratres, hoc ciues audite m ei, laudate parentes : dicite pastorem gladio pietatis obire, fraterno m ucrone cadat. Si forte profanus hunc feriet quicunque reum , sit in urbe sacerdos : cedo ; loco si forte meo pius esse recusat, pontifices H elenus Laocon, sacrata potestas, cedent o ran ti uel m ysticus extat u t er que. » D um canit infelix ge/nitus Cassandra futuros, uisus adest cunctis P hrygibus T h y m b raeas Apollo, qui m ercede carens conclusit Pergam a m uro et genus ingratum poenas persoluat auari exoptat : stupuere Phryges, tacet ipse sacerdos. 165 et N : ut R ib b eck || 166 placetur iuno Ia n n e lli : placitur iuno N II 167 placate Ia n n e lli : -cete N || 169 donare N : captare Bdhrens II 170 insontum N : in sontum Sehenkl || 172 resecet N : releuet B ücheler D uh n B dhrens recreet G iarratano || 174 salus Ia n n e lli : solus N II 175 hoc uos D u h n : hoc N uos hoc Ia n n e lli hoc hoc P eip er V ollm er hoc o B dhrens || 176 audite N : audete G il || 177 dicite N : duc- B ü ch eler || 178 profanus I a n n e lli : -amus N || 180 esse Ia n n e lli : esset N || recusat Ia n n e lli : recusasat N receptat Bdhrens || 181 laocon N : laucon B dhrens || 182 cedent Ia n n e lli : ced et N cedit et K u ijp e r D ia z Huel mysticus Ia n n e lli K u ijp e r : uelamysticus N nec mysticus B dhrens quia mysticus B ü cheler D uhn || exstat N : exstet Bdhrens V ollm er extet Ia n n e lli || 183 gemitus Ia n n e lli : geni- N || 184 thymbraeus Ia n n e lli : -rens N || 186 persoluat Ia n n e lli : per soluat N II 187 ipse N : ipsa Ia n n e lli D uhn Bdhrens.

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lui-même se tait. Le dieu déclare : « Que prédit la jeune fille ? Pourquoi cet autre envieux pousse-t-il des cris ? Hélénus cherche-t-il à dissu ad er11 Pergame par ses propos ? Les destins, qui préparent de grands événements, interdisent de jamais chasser le berger de la dem eure de ses pères n3. Les ordres des dieux sont arrêtés : lui seul abattra le magnanime Achille, descendant d’É a q u e 123114. Il est décidé que les Troyens régneront là où les rênes du so leil115 font apparaître le jour et là où ils le font disparaître, là où tourne le pôle glacé et là où la zone du ciel est brûlée par le soleil étin celan t116*. Le monde tout entier sera donné en possession aux Troyens et la race troyenne ne régnera pas peu de tem ps m . Les destins sont immuables, les paroles du Tonnant ont été écrites une fois pour toutes, il leur donnera * un pouvoir sans fin ’ 118. Contenez votre folie. Quel juge m ortel fera périr le juge des dieux 119 ? D ’ailleurs les destins ne le perm ettent pas. Il est honteux de vouloir nuire et cependant de ne le pouvoir 12°. Qu’il vous en coûte, mais que personne ne menace plus celui que défendent Clotho, Lachêsis et l’immense A tro­ pos 121. Arrachez les vêtements de peau de sa poitrine de neige 122, et couvrez-le de pourpre rougie par le murex de Sarra 123. E t q u ’il n ’ait pas honte 124 d ’avoir fait paître des brebis : moi-même, Apollon, j ’ai été berger et j ’ai, en chantant, ram ené u n troupeau entier à la maison, voyant, loin de la ferme, ses toits fum er 125 ; de nuit, redoutant Alceste, tout dieu que je suis, j’ai pressé leurs mamelles, et Admète com ptait les chevreaux et les agneaux qui ren112. Apollon reprend les verbes exclam are et canere (v. 188-189), déjà employés v. 120 d’une part, v. 135, 152 et 183 de l’autre pour qualifier respectivement les discours d’Hélénus et de Cassandre. A lte r s’explique par opposition à Cassandre. D eterret est un présent d’effort : « cherche à détourner Pergame (d’accueillir Paris) % où le verbe garde peut-être en partie son sens étymologique. 113. Le v. 190 est un souvenir de Lucain 2, 574 : e x p u lit... p a tr iis e sed ib u s. 115. T roian os (v. 193) désigne les Romains, lointains descendants des Troyens. Il faut sous-entendre d its avec p la c e t (Vollmer, M .G .H ., p. 389). H a b e n a e désigne par métonymie le char du soleil, cf. R o m . 10, 473 et 495. Même clausule so lis h a b en a e chez Claudien, B e ll. G ild . 153.

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Effatur : « Q uid uirgo canit ? C ur inuidus alter exclam at ? H elenus deterret P ergam a u erb is ? P ellere pastorem patriis de sedibus u n q u am fata uetant, quae m agna parant. S tan t iussa deorum : m agnanim um A eacidem solus pro stern et Achillem . Troianos regnare placet, qua solis habenae o stendunt to llu n tq u e diem , qua u e rtitu r axis frigidus et zona flam m atur sole corusco. Troianis d ab itu r totus possessio m undus, tem pore nec paruo T ro u m regnabit origo. F ata m anent, conscripta sem el su n t uerb a T onantis, f im perium sine fine 9 dabit. C ohibete furorem . M ortali d iu u m periet quo iudice iudex ? Nec hoc fata sinunt. P u d o r est uoluisse nocere et non posse tam en. Pigeat, iam nem o m in etu r quem Clotho, quem Lachesis, quem uindicat A tropos [ingens. Scindite pellitas niueo de pectore uestes, m urice Serrano ru tilan s hunc p u rp u ra uelet. Nec pudeat, quod pauit oues : ego pastor Apollo ipse fui dom ibusque canens pecus om ne coegi, cum procul a uilla fum antia tecta uiderem ; A lcestam sub nocte pauens deus ubera pressi, A dm etus in tran tes haedos n u m erabat et agnos. »

188 effatur N : affatus Mährens effera tu Ribbeck effrenis Bücheier II canit N : -is Ribbeck || 190 umquam N : inq- Rossberg || 192 prosternet N pc : -neret N ac || 194 tolluntque (-tque in rasura) N || 197 regnabit lannelli : -bi N || 198 sunt N : stant Rossberg || post semel distinxit lannelli || 199 dabit N : dabo Rossberg Mährens || 200 periet N : paret lannelli || 201 nec N : non Ribbeck || 202 post pigeat distinxit lannelli sed non post tamen || post tamen et iam distinxit Ribbeck || 203 quem ante lachesis deL Peiper || ingens N : urgRossberg || 205 rutilans lannelli : rutui- N || 207 canens N : carens lannelli |{ 209 alcestam N : alcestes lannelli ad saepta Mährens || altera hemistichia uersuum 209 et 210 interuertit Mährens.

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tra ie n t126. » Il avait dit ; Priam, hum blem ent, adore Phébus 127 et, sans inquiétude, lui rend grâces, tandis que l’excellent Hector se tait. Désormais au-dessus de l’autorité royale 128, Paris fait à présent, depuis q u ’il a jugé les dieux, bon marché de tout, sceptre, tiare, pouvoir, tra b é e 129, et désire seulement 215 ajouter sa renommée aux honneurs de ses ancêtres et acquérir une gloire durable, pour cacher 130 son ancienne condition de berger. A peine avait-il vu la cour du roi q u ’il cherche sur le rivage les vaisseaux d ’Ilion ; déjà son esprit se préparait à sillonner la mer Égée. Du coup son père, 220 d’un ton vénérable, parle ainsi au jeune homme : « Fils chéri de tes parents enfin de retour 131, bon arbitre de l’Ida, dis-moi, dans quel b u t veux-tu arm er des bateaux et déploies-tu leurs toiles 132 ? Nulle part je ne prépare la guerre, je gouverne mon royaume dans la paix 133. Mais si la molle inertie te fait honte 134, si tu crois déshonorant de 225 ne rien faire, Alexandre, sois en tout cas mon ambassadeur, va trouver le chef Têlamon et ensuite réclame-lui, mon fils, ma sœ ur Hésioné 135 : quoique je sois roi il retient ma sœ ur en captivité. Pendant ton voyage dans les royaumes doriens, Vénus te donnera une femme, Junon fera de toi 230 un m a ri136. » Alors le jeune homme, réjoui, dit : « Nous obéissons avec joie au meilleur des Troyens, nous n ’avons aucune raison de refuser tes ordres 13 . » Le vieillard est content de trouver chez son fils une telle m odération 138, et ajoute : « Que les dieux, Paris, favorisent tes justes v œ u x 139 ; voici la seule prière, fils, que t ’adresse en suppliant le roi ton père : accorde du moins à m on pouvoir 235 que trois nobles d ’Ilion p a rte n t140 avec toi : en toutes choses la vieillesse respectable 141 contient par ses conseils 126. A lc e sta m (v. 209) est une forme rare, le mot se présente généralement sous la forme A lc e stis (ou -e), is ou id is ; voir cependant Thés. L .L ., I, 1514, 32-34, qui renvoie notamment à Fulgence, M y th . 1, 22 et aux M y th . V at. 2, 117 (154). Le e de A d m e tu s (v. 210) est abrégé. La clausule ubera p re ssi (v. 209) rappelle celle de Virgile, E n. 3, 642 : ubera p re ssa t. Le décompte des bêtes par le maître est évoqué chez Virgile, Bue. 3, 34 : bisq u e d ie n u m eran t a m b o p e c u s9 a lte r et h aedos.

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D ixerat, et P h o eb u m P riam us sum m issus adorat et grates securus agit, tacet optim us Hector. Iam regno non im par erat, sed sceptra tiaram im perium trabeas iam post caeleste tribunal to tu m uile p u tat, solam cupit addere fam am m aiorum titulis, uiuaces quaerere laudes, u t celei quo d pastor erat. Vix uiderat aulam regis, et Iliacas quaerit per litora puppes ; A egaeum sulcare fretum iam m ente parabat. Sic p ater allo q u itu r iuuenem serm one uerendo : « N ate, redux pietatis am or, bonus arbiter Idae, dic, u b i uis arm are rates, ubi carbasa tendis ? N usquam b ella paro, regnum sub pace guberno. Sed si to rp o r iners pudor est et tu rp e uacare credis, A lexander, certe legatus adesto et Telam ona ducem conuentam exposce sororem Jfesionem mox, nate, meam : captiua ten etu r m e regnante soror. D um D orica regna peragras, dat V enus uxorem , faciet te /u n o m aritum . » T u n c iuuenis gauisus ait : « P arem us ouantes, optim e T roiugenum , nihil est quod iussa recusem . » L aetatur senior tali m oderam ine nati ; eifatur : « T u a uota, Paris, di iusta secundent ; hoc ta n tu m supplex genitor rex, nate, p recatur : Iliacos proceres tres tecum pergere saltem im perio concede meo : ueneranda senectus 212 p o s t 212 lacu n am statu eru n t D uhn Bohrens || 213 regno non impar erat N : regno socius paris est R ib b eck regnare paris poterat co n i. B ohrens || tiaram Ia n n e lli : -ra N || 217 celet Ia n n e lli : cele N II 222 ubi uis N : si uis Bohrens || ubi carbasa N : cur carbasa coni. D uh n quo carbasa P e ip e r || 223 bella Ia n n e lli : -lo N || 226 telamona I a n n e lli : ta!- N || conuentum B ü cheier : -tam N Ia n n e lli || 227 hesionem Ia n n e lli : es- N || mox N : uix Bohrens || 229 dat N : det coni. B ohrens || te N : teque Ia n n e lli || iuno D uhn : uno N pc une N ac una Ia n n e lli iure B oh rens uirgo R o ssb erg || 231 troiugenum Ia n n e lli : trouig- N II 232 laetatur N : -tus D uhn || 233 effatur N : et fatur Ia n n e lli || 235 tecum Ia n n e lli : te cum N.

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l’im pétuosité de la Jeunesse« Je te procurerai d ’ém inents compagnons, les trois flambeaux de notre peuple après Hector, à qui le cèdent tous les guerriers 142 : ce seront A nténor, Polydamas et, avec eux, le jeune Énée fils de Dioné, qui t ’est apparenté 143. » Ainsi parla le roi et de lui-même il ordonne qu’on les fasse venir tous trois ; un serviteur se h â te 144« Le garde revient prom ptem ent à la dem eure royale en compagnie des chefs ; les trois nobles apprennent pour quelle destination on prépare des voiles 145. Sans tarder 146 ils m ontent sur les vaisseaux et quittent le rivage. Déjà la flotte dardanienne dépassait Ténédos, déjà elle a abandonné aux eaux Abydos et Sestos et le coude du cap Malée ; déjà ils voient Salamine, royaume de Télamon, b u t de leur voyage 147*. Quand les bateaux eurent atteint le port, aussitôt l’ancre m ord le rivage 143 et le fer s’enfonce dans les sables où on Pa jeté ; une fois les vaisseaux amarrés, la jeunesse tro y en n e 149 et les nobles descendirent ensemble à terre, mais ils abandonnent bientôt le rivage pour se diriger vers la cour du roi. Le héros Télamon leur accorde l’hospitalité 15°. Quoique tenant des rameaux d ’u n olivier feuillu, ce q u ’ils apportent à la demeure du chef, sous couleur de paix, 'ce n ’est pas la paix, mais la g u e rre 151 ; en effet ils avaient des propos susceptibles d ’entraîner un homme aux armes 152, si ne l’interdisaient les droits de l’hospitalité, que personne de mesuré n ’est disposé à violer. Lorsque, après avoir salué le roi, l’ambassade troyenne se

142. Le subjonctif présent p ra e ste m (v. 238) est Féquivaient d’un futur, voir la note 136 au v. 229. Le sens métaphorique de lu m en que nous avons ici est fréquent en latin, cf. e.g. Cicéron, C a t. 3, 24 ; P h il. 11, 24. Vollmer (M .G .H ., p. 392) glose à juste titre to ta p o te n tia (v. 239) par o m n es b ella to re s. La fin du vers peut être inspirée de Claudien, R u f. 1, 358 : en n o stra p o te n tia cessit. 144. sic f a t u s e t om n es (v. 241) : clausule proche chez Lucain 2, 648 : sic f a t u r e t om n es. Ip se (v. 242) peut garder son sens plein : le roi, sans attendre la réponse de Paris, convoque de son propre mouvement les trois notables. P ro p era n te m in istro équivaut à e t m in ister p ro p e ra t : l’ablatif absolu est la conséquence de Faction du verbe principal.

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praecipitem frenat m onitis per cuncta iuuentam . Egregios com ites praestem , tria lum ina gentis H ectore praelato, cui tota potentia cedit : A ntenor Polydam as e m e t iuuenisque D ionae Aeneas cognatus adest« » Sic fatus et omnes u t u eeian t rex ipse iu b et p roperante ministro» Cum ducibus red ii ipse uolans ad tecta satelles regia ; cognoscunt proceres quo uela parantur« Nec m ora, conscendunt puppes et litora linquunt« D ardaea iam T enedon classis transibat, A èydon et Seston dim isit aquis curaasque Maleas ; iam Salam ina u id en t Telam onia regna petentes, V t p o rtu m tetigere rates, m ox ancora m ordet litus et inuentas ferru m p ertu n d it harenas ; pup p ib u s annexis terram T roiana iuuentus et proceres petiere sim ul, sed regis ad aulam linquentes mox litu s eunt. Quos suscipit heros hospitio Telam on. R am os frondentis oliuae portantes ad tecta ducis sub im agine pacis non pacem , sed bella gerunt ; nam dicta tenebant, quae possent arm are uirum , nisi iura uetarent hospitii, quae nem o p arat uiolare m odestus. Rege salutato postquam legatio Troiae

237 frenat N : -net S ch en kl || iuuentam la n n e lli : uiuie- N || 238 tria B ährens : tua N la n n e lli tibi B iicheler D uhn || 240 dionae la n n e lli : -ne N B ohrens || 241 cognatus adest N : prognatus abit Bährens || fatus N : -tur a n te a B ährens || 243 redit la n n e lli : -di N || ipse N : ille R ih beck || 244 uela B iich eler : bella N la n n e lli Prisco || 246 iam tenedon classis la n n e lli : tenedon iam classis N iam classis tenedon D uhn Habydon la n n e lli : ahdon N || p o s t dardana d istin x it la n n e lli II 247 aquis la n n e lli : aquius N || curuasque la n n e lli : uouasque N V o llm e r 2 nocuasque B äh rens raucasque D ia z saeuasque D uh n rau­ cisque L ö w e H 250 inuentas N : inuersas a n te a B ährens inuitas B iicheler umentes R o ssb erg Bährens inmensas R ib b eck || 256 tenebant N : gere- R ib b ec k fere- coni. Bährens || 259 salutato la n n e lli : sol- N.

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fut assise, alors *53 Anténor expose d’une voix calme : « Quelle raison a poussé des nobles troyens et le fils du roi à venir à ta cour, roi Télamon, il convient de te le faire savoir 154 ; si toi-même tu nous y invites, mes compagnons d ’ambassade et le fils du roi 155 parleront, à l’instant, par uia bouche. Priam fils de Dardanus, qui releva notre peuple et notre ville — et nous déclarons ne pas avoir oublié que c’est ton armée qui l’a dévastée 156 — a ordonné à des sujets choisis du royaume d ’Ilion de gagner ton royaume, puissant héros 157, pour que tu restitues dans la paix la sœ ur du roi qui, de par le droit de la guerre 158, se trouve entre tes mains : nous te réclamons Hésioné 159. L’immense Troie gît à terre, écrasée sous les cendres de ses murs détruits, et notre chef ne croit pas que Pergame se relève, à moins qu’à présent, grand roi, tu ne rendes au roi sa sœur, q u ’en ce moment tu retiens en captivité 16°. Il est honteux que le sang de notre chef vive dans la servitude et on fait grief au roi de ce que la guerre ne lui donne pas ce qu’elle lui a enlevé 161. Si la paix, qu’il souhaite, lui vaut un refus, voici la question que nous te posons au nom du roi : suppose que tu aies réclamé à Pfiam une sœur q u ’il retenait ; la douleur ne t ’entraînerait-elle pas aux armes, s’il ne cédait pas à ta dem ande 162 ? Si on t ’adresse cette requête, Télamon, c’est q u ’il y a eu crime et diffamation de l’honneur 163 ; l’asservissement de la sœur de Priam aux Grecs, alors q u ’il est roi, provoque la haine 164 et donne du crédit à la jalousie mauvaise : ' Il a été capable de relever les ruines d ’Ilion ’ m urm ureront les Phrygiens, mais ils ajouteront : ' Le souverain n ’a pu obtenir du roi sa sœur 153. Même début de vers rege s a lu ta to (v. 259) chez Stace, A ch . 1, 57. P o stq u a m ... et est une tournure similaire à u ix... et, mais qui n’est pas attestée ailleurs. R. Ellis (O n th e n e w ly e d ite d P oem s o f D racon tiu s, p. 259) trouve la construction suspecte et pense à l’omission d’un vers. 155. On peut garder à ipse (v. 263) son sens plein plutôt que voir en lui un simple équivalent de tu (comme en R om . 10, 503). Consortes (v. 264) signifie « ceux qui participent avec moi (à l’ambassade) » ; l’emploi absolu du mot en ce sens est rare, voir Thés. L .L ., IV, 487, 36-49. P roies, comme au v. 108, est un terme poétique p o u r filiu s (cf. Tibulle 1, 4, 7, ou I lia s L a tin a 10 et 238), et l’adjectif reg ia est l’équivalent du génitif regis, voir la note 2 au v. 2.

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sedit, et A ntenor placida sic noce pro fatu r : « Troiugenas proceres et regis pignus ad aulam , rex Telam on, uenisse tuam quae causa coegit, insinuare decet ; [et] si iusseris ipse, loq u en tu r consortes nunc ore m eo uel regia proles. D ardanides P riam u s, gentis reparator et urbis, quam uestras populasse m anus m em inisse fatem ur, iussit ab Iliaco delectos pergere regno ad tu a regna, potens, germ anam regis ut, heros, bellorum quam iu re tenes, in pace refundas : posceris H esionem . lacet ingens T roia fauillis excidii com pressa sui, nec Pergam a ductor surrexisse pu tat, nisi iam , rex m agne, sororem reddideris regi, quae nunc çaptiua ten etu r. T u rp e ducis seruire genus crim enque p u tatu r, si non bella dabunt regi quod bella tulerunt. S i pax hoc optata negat, pro rege rogaris : te repetisse p u ta P riam o retinente sororem ; non dolor arm aret, si non daret ille rogatus ? Quod peteris, T elam on, scelus est et fama pudoris ; nascitur inuidia, P riam o regnante sororem G raiugenis seruire suam , liuor m alus inde creditur : ' Iliacas p o tu it reparare ruinas \ m u rm u r erit P hrygibus, ' consortem sanguinis unam non ualuit ’ dicent ' rector de rege m ereri \ » 260 sedit et N : sedit ita Bdhrens sederat Duhn D iaz || sic N : sub Bdhrens || 262 telamon lannelli : tal- N || 263 decet si Iannelli : decet et si N (I iusseris Iannelli : uiss- N || 268 potens N : pet- Bdhrens Schenhl jl heros lannelli : heios N || 270 posceris Duhn : posteris N quod potes Iannelli || iacet N : manet Bdhrens || 272 nisi iam (-isi iam in rasura) N || 274post putatur grauiter distinxerunt Iannelli Bdhrens I! 275 post non leuiter distinxerunt Iannelli Bdhrens || 276 si N : sed Vollmer || optata N : copiata Bdhrens || pro Iannelli : por N || 278 ille Iannelli : illi N || 279 peteris N : -res Duhn || et N : est Ribbeck || 281 liuor N : rumor coni. Bdhrens || 282 creditur N : editur Rossberg traditur Schenhl proditur uel poscitur Ribbeck diditur Bdhrens oritur lannelli || 284 mereri Iannelli : meieri N.

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unique 9165„ » Il avait parlé. Télamon de son côte arm ait son âme contre sa co lère165166*. En effet la tendresse, l’affection, l’am our, Pentente conjugale, sa descendance échauffent et agitent dans son cœ ur une bile am ère Ils exigeaient la ru p tu re du mariage du roi, des liens d ’une chaste union 168 et, ce que personne n ’aurait supporté, il 290 lui fallait l’accomplir envers celle qui était la m ère d ’Ajax 169 ! Voici ce que, dans son em portem ent, PEacide, enflammé d ’une juste colère, se met à dire 170* : « Si les esprits des Troyens avaient le sentim ent de la honte e t de l’honneur, si leurs cœurs vaincus souffraient de la rain e de Troie m , la race de Priam , butin des Pélasges, n ’oserait 295 pas pousser davantage 172 à la guerre les Grecs, compa­ gnons d’Hercule, quand déjà l’immense Ilion a été vaincue et abattue dans la guerre conduite par les dem i-dieux173. Avez-vous décidé d ’expier une seconde fois les parjures de la race phrygienne 174 ? Ainsi ils étaient légers, les châti­ m ents que vous avez subis jadis ? Rapportez mes paroles à 300 Priam , Troyens 175 : qui, vaincu, dit à son vainqueur : ' Fais-moi la guerre 176, mais laisse-moi l’honneur décerné à la bravoure, laisse-moi obtenir du butin ; que m ’atten­ dent les récompenses dues à la gloire, toutes les récom ­ penses du triom phe ; retire-toi victorieux certes, mais doté d ’une gloire stérile, et en restant sur ta faim ’ 177 ? Q ui a 305 Paudace de dire, d ’une voix effrontée, à un roi ou à u n mari, même misérable 178 : ? Brise ton mariage, d é ta ils une famille créée par un honnête accord, condam ne la couche de vos am ours, éteins les torches de fête ’ 179 ? Q ui a rem porté la victoire, pour se perm ettre de faire entendre ces propos à PÉacide, qui a ébranlé la patrie de l’eaneini ? m



165. Même clausule reparare ru in a s (v. 282) chez Lucaî® % 1019 : T h essa lica s... reparare ru inas. La périphrase con sortem sêsmguimis u nam (v. 283) équivaut à sororem u n icam : l’expression est: redon­ dante puisque consors peut à lui seul en latin désigner le fkèæe ou la sœur. M e reri (v. 284) a généralement chez Dracontius le sens de obtin ere, voir O rest. 753 (et la note 536 dans C.U.F., t. 3, p- 217), où, comme ici et en L.D. 3, 565, le verbe est construit avec la préposition d e au lieu de a b . Par souci de u a ria tio Dracontius emploie à d k ê de rex son paronyme rector qui, au sens de « chef », s’applique plutôt en latin à une divinité.

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D ixerat. A t Telam on m entes arm abat in iras ; nam pietas affectus am or concordia proles accendunt m otus in pectore fellis am ari. C onubium regni, thalam i consortia casti scindere poscebant, et, quod m ens nulla tulisset, Aiacis haec m ater erat. Sic incipit ore tu rb id u s Aeacides iusta succensus in ira : « Si p u d o r Iliacis au t m entibus esset honestas, excidium Troiae si pectora uicta dolerent, H erculeos com ites P riam i gens, praeda Pelasgum , non m agis aud eren t in bella lacessere Graios sem ideum post bella ducum , quibus Ilios ingens uicta iacet. P lacuitne Phrygis periuria gentis soluere uos iteru m ? Sie d udum parua luistis supplicia ? Priam o, Troes, m ea dicta referte : uictori quis uictus ait : * Te bella gerente m e m aneat u irtu tis honos, me praeda sequatur, praem ia m e laudis, m e praem ia cuncta triu m p h i expectent, sterili u ictor sed laude potitus et ieiunus e a t 9 ? Quis regi quisue m arito uel m isero sic ausus ait cum uoce proterua : ? C onubium rescinde tu u m , ru m p atu r honesto foedere iuncta dom us, thalam i d am n en tu r am antum , festiuas extingue faces 9 ? Quis uicit, ut istud audiat A eacides, p atriam qui perculii hosti ? 285 mentes N : -tem Bohrens || armabat N : flamma- Bohrens || 287 accendunt Iannelli : acced- N || 290 incipit lannelli : -piat (-iat in rasura) N || 291 iusta N : -as Bohrens || succensus N : acc- Bohrens || ira N : -as Bohrens || 293 uicta dolerent lannelli : iuncta dolorent N I! 297 placuitne Iannelli : placuit ne N || periuria lannelli : per iuria N U 298 soluere N : uo- Bohrens j| sic Ribbeck : si N Iannelli || 305 misero Iannelli : misericois N modico Ribbeck || sic ausus N : sic orsus Morelli cursim usus Bährens || cum Duhn : tum N Iannelli tam Ribbeck Bohrens M orelli || 307 damnentur lannelli : -etur (-e- in rasura) N || 308 quis N : qui Bücheier || 309 aeacides Bohrens : aleN H qui N : quis Bdhrens || perculit Iannelli : -is N || hosti N : -is lannelli.

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Quand d’ailleurs le vainqueur est-il soumis à la loi du vaincu 180 ? Si la maison du tyran Priam est revenue à la vie, si elle s’est relevée, après que je l’ai incendiée 181*, et si le roi lui-même fait cas de l’amour 182 que je porte à son sang, qu’il donne plutôt en dot à sa sœ ur une part raisonnable de son royaume, pour éviter qu’Ajax ne réclame un cadeau que son grand-père, si Troie vivait encore, eût fait à sa mère 183. Si la jeunesse grecque que vous avez connue à la guerre, Phrygiens, a vieilli depuis le temps de mon beau-père, lui a succédé, sous les armes, sa descendance vaillante qui répond aux souhaits de tous les c h efs184. Le vaillant Ajax, selon moi, ne prom et pas peu 185 : il se distingue et cherche un peuple dont il puisse dès maintenant trio m p h er186 ; le fils de mon frère, le thessalien Achille, nourri par l’Ém athie 187, s’illustre et entraîne au combat les monstres à l’œil torve 188, ravageant en compagnie de Patrocle les repaires des Centaures 1 9 ; le fils de Tydée, Sthénélus et le second Ajax g ro n d en t190 ; Antiloque fils de Nestor, Palamède, Teucer, Ulysse 191 sont transportés de joie par le rétablissement de Troie, le redressem ent192 de Pergame. » Alors Polydamas dit, par­ lant d ’un ton humble 193 : « Guerrier redoutable, héritier du juge des âmes, roi qui tires de notre ruine 194 une gloire extrême, tempère ta haine, dompte ta douleur, calme ta colère 195. Un frère réclame une captive, mais il honore en elle une reine, et nous nous la vénérons 196. Non, si Troie vivait encore, Hésioné ne ferait pas un si beau mariage : captive, elle reçoit un royaume ; échappant à un sort malheureux, elle trouve le bonheur ; prisonnière, elle devient souveraine 197 ; à la place de la défaite, elle acquiert le pouvoir, et c’est l’homme qui lui a enlevé 198 la tiare qui

180. Clausule proche (v. 309) dans Orest. 191 : qui perculit hostem. L’adverbe interrogatif quando (v. 310) suppose toujours une réponse négative chez Dracontius. Tamen indique l’impatience, on attendrait tandem. La tournure sub lege tenetur remplace le plus habituel lege teneri, Dracontius affectionnant la préposition sub ; voir aussi TiteLive 21, 3, 6 : (Hannibalem) domi tenendum sub legibus. Même clausule lege tenetur chez Virgile, En. 12, 819.

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Q uando tam en u icto r uicti sub lege te n etu r ? Si P riam i recidiua dom us m an et illa ty ran n i post ignes rep arata meos, si p en d it am orem germ anae rex ipse suae, pro dote sorori uel regni pars iu sta d etur, ne uindicet Aiax quod m atri donasset auus, si T roia m aneret. T em poribus soceri senuit si G raia iuiientus, quam nostis p er bella, P hryges, successit in arm is bellipotens d ucibus cunctis o ptata propago. E st m ihi bellipotens non uilis pignoris Aiax : em inet et qu aerit de qua iam gente triu m p h et ; Thessalus E m athia fratris n u tritu s Achilles em icat et toruos exercet in arm a biform es P atroclo populante sim ul C entaurica lu stra ; Tydides S thenelusque frem u n t A iaxque secundus ; N estoris A ntilochus Palam edes T eucer Vlixes exultant quod T roia redit, quod Pergam a surgim t ». T u n c Polydam as ait sum m issa uoce profatus : « Belliger arm ipotens, anim arum iudicis heres, rex cui de nostris est gloria sum m a ruinis, tem peret inuidia, frangat dolor, ira quiescat. C aptiuam rep etit, reginam frater honorat, nos et adoram us. N on sic, si T roia m aneret, nuberet H esione : regnum captiua m eretur, fit felix de sorte m ala, fit praeda potestas, im perium de clade tenet, diadem a tiaram 310 tamen N : etiam Bdhrens || 311 si N : sic Bücheier || 312 si N : sic Bücheier || 314 detur N : datur Bücheier || 316post soceri distinxit Ribbeck \\ si N : sic Bücheier Ribbeck Bdhrens )| 317 quam N : quae lannelli quin Ribbeck iam Duhn || nostis Vollmer : -tris N Iannelli Duhn Bdhrens || successit N : -ccrescit Rossberg || armis N : aruis Bdhrens || 318 bellipotens N : armi- Bdhrens [| 319 pignoris N Eliis : pecto- coni. Bdhrens || 320 eminet N : imm- Vollmer || 321 thessalus Iannelli : thass- N || emathia fratris N : emathiis antris antea Bdhrens H326 surgunt lannelli : -gant N || 329 gloria Iannelli : cl- N || 333 meretur lannelli : meietur N.

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lui a donné de lui-même le diadème. A pprends d’après c e la 199, Je te prie, souverain, ce q u ’est la race darda» nienne : elle ne sait être esclave ni soumise, régner lui convient davantage 200 ; elle commande à Argos qui Fa vaincue et anéantie 201 ; la Grèce victorieuse s’est acquise, par son triom phe, une maîtresse, non une servante. Il est digne de Fadmiration du monde, l’esprit généreux dm chef que tu es : ne pas vouloir accabler 202 un royaume qui a croulé sous ta vaillance ! Relever les rois abattus* laisser régner les rois, faire des rois, alors qu’ils 203 pourraient être tes esclaves, tels sont tes ordres. Les vains hasards du combat sont sans objet, quand tu commandes, et les guerres ne peuvent plus nuire. Si c’est toi le vainqueur, maître* qui ne voudrait, vaincu aux armes, te revenir en partage 204 après la guerre ? L’ennemi qui a vaincu devient esclave et* sens ta protection, ce sont plutôt les vaincus qui rég n en t205 ». Voilà ce que dit l’ambassadeur. Déjà le cœ ur du roi* fort enflammé 206, s’adoucit. De même que frém it la violente colère du lion, quand, voyant de loin les épieux massifs vibrer dans la main du chasseur 207, tantôt, s’assénant sur les pattes des coups de queue, il répand, en levant la tête, sa crinière sur son cou et ses épaules 208, tantôt, grinçant des dents 209, il se dresse en Fair et fait sortir de sa poitrine un grand rugissement 210 (alors les fleuves résonnent de son cri, les monts et les escarpements en renvoient Féeh© 211) ; mais quand l’habile chasseur, ayant rejeté sa pique, tom be de lui-même et gît face contre terre, la colère du lion s’êtem t ; il trouve honteux que 212 la proie n ’ait pas été abattue par sa dent ; l’animal prédateur dédaigne de m anger ce q u ’il n ’a pas tué lui-même 213, pardonnant, dans sa bienveillaitte 199. exhinc (v. 337) indique la cause ou l’origine, voir fies» i l . , V, 2, 1437, 68-75, qui cite notre texte ; c’est un m ot tardif. Le paradoxe hardi que Polydamas développe dans les v. 336-34® se fonde sur un raisonnement simple : puisqu’une Troyenne, Hésionê» est reine en Grèce, Troie règne sur la Grèce. Cette affirmation, qui eeîeiisement ne paraît pas irriter Télamon, peut avoir été suggérée à Polydamas par la prédiction d’Apollon (v. 193-199) ; voir aussi Virgile, En. 1, 283-285. 200. melius (v. 338) a le sens de magis ou potius (Vollmer, M JrÆ ., p. 323), cf. v. 348 et Orest 227 et 762 ; voir Thés. L.L„ II, 2124*48-69.

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qui tu lit ipse dedit« Quae sit gens D ardana, rector, exhinc nosce preco r : nescit seruire subacta, quam m elius regnare decet ; haec im p erat Argis, p er quos uicta p erit ; dom inam sibi Graecia uictrix, n o e fam ulam quaesiuit ouans. M iranda per orbem m ees generosa ducis, quae non u u lt regna grauare, cum ru e rin t e ir tu te tu a ! R eleuare iacentes et reges regnare iubes regesque creare, d u m possent seruire tibi«, Sors cassa duelli te m oderante uacat nec possunt bella nocere. T e uincente, potens, quis nolit uictus in arm is sorte tu a post bella capi ? Qui uicerit hostis, seruiet, et uicti m elius te praesule regnant. » H aec legatus ait. Regis iam corda tepescunt, quae fu eran t accensa nim is. Sic m agna leonis ira frem it, cum lata procul uenabula cernens uenantis crispare m anu iam u erb era caudae cruribus incutiens spargit per colla per arm os erecta ceruice iubas, iam te n d itu r altus d en tib u s illisis et p ectus grande rem ugit (flum ina tu n c resonant, m ontes et lu stra resultant) ; ast u b i uenato r reiecta cuspide sollers sponte cadit p ro n u sq u e iacet, p e rit ira leonis, tu rp e putans, non dente suo si praeda iacebit ; te m n it praedo cibos, quos non facit ipse cadauer, 342 ruerint uirtute tua Bücheier : ruerint uritur tua N ruerint potitur sua lannelli ultra tua sed et iubet Bücheier primum || post ruerint distinxit Bdhrens, post ruerint et potitur distinxit lannelli || releuare N : -asque coni. Bdhrens || 343 creare N : -ri lannelli || 344 seruire lannelli : -ite N || cassa N : caeca coni. Bdhrens crassa Ribbeck II 346 post uincente distinxit lannelli || 347 qui N : cui Bdhrens || uicerii lannelli : cicerit N sic erit Bdhrens || 350 nimis N : minis Bücheier Duhn || 351 cernens N : -nit Bdhrens -nat Duhn || 352 manu N : -um lannelli || 353 cruribus Peiper : naribus N natibus lannelli metro repugnante artibus Rossberg Bdhrens clunibus Duhn incutiens M orelli D iaz || incutiens N : natibus M orelli Diaz || 360 praedo N pc : -da Hfacit N : male legerunt fecit in N lannelli Duhn Vollmer.

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cru au té214, si le chasseur, dem andant g râce215, s’arrête, inerte : de même la colère du souverain achéen se brise et, de lui-même, il ordonne q u ’on prépare pour les Phrygiens un abondant banquet de sept jo u rs 21 . Le Cythéréên et Ajax, deux foudres de guerre, conversent ensem ble217 ; quant au fils du roi, Alexandre, la reine des Pélasges, Hésioné, la sœ ur de son père, le serre et le presse contre elle 218 ; elle loue, sur le visage de Paris, les traits de Priam . A l’approche du huitième jour, déjà Phébus cachait les astres de ses chevaux jaillissants, déjà une rougeur se répandait p a rto u t219 et l’océan aux ondes stridentes dévoi­ lait les roues du char du soleil 22°. Alors le fils d’Anchise dit sur un ton élevé : « Coule dans la paix une heureuse vieillesse, roi invaincu par les armes ; cependant aucun chef, depuis que Troie a péri, ne te pousse à la guerre, et ton Ajax n ’avait pas atteint l’âge d ’h o m m e221. Mais bientôt, grand roi, répandant trois fois 222 partout la déroute et trois fois partout la destruction, il sera un m u r pour les alliés, un bélier redoutable contre les ennemis, ton Ajax 223 ! Nous transm ettrons tes paroles à Priam . » Ainsi parla-t-il. Ils dirent adieu et saluent le r o i224. Alors ils tournent leurs pas vers le port et atteignent le rivage. Ils m ontèrent sur leur bateau ; les matelots retirent l’ancre pointue, hissent les voiles, éloignent les proues du ri­ vage 225 ; le vent s’abat sur les poupes, tend bientôt les toiles, tandis qu’ils fendent les flots 226 et que les souffles favorables augmentent. Pendant ce temps, arrivant accompagné d ’une tem pête, 215. La tournure u en ia le p re c a tu s (v. 361) — sans doute inspirée de Silius Italicus 13, 77 : u en ia m q u e precatus* également en fin de vërs — peut être rapprochée de L .D . 2, 496 : u e n ia le m in a tu r ; 2, 569 : n ih il ia m u en ia le m ereri ; 2, 701 : u e n ia le iubens. Dans tous ces cas u en ia le est un accusatif de qualification, voir t. 3, p. 205, la note 431 à O rest. 617, mais on peut se demander s’il s’agit d’un adjectif (Vollmer, M .G .H .* p. 424) ou d’un nom (Forcellini, Lexicon* 6, 276). P recatus équivaut à precans* voir t. 3, p. 174, la note 136 à O rest. 165. La conjonction si (v. 362) est déplacée en quatrième position. 220. ro ta s (v. 371) désigne par métonymie le char du Soleil. S trid en tib u s undis* qu’on lit aussi en fin de vers dans O rest . 683 et chez Lucain 9, 866, fait allusion au bruit produit par le contact sur l’eau du métal brûlant du char, voir t. 3, p. 210-211, note 474.

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ignoscens feritate pia, ueniale p r e catus uenator si cesset iners : sic rector Achiuus frangitur et Phrygibus conuiuia laeta parari per septem iubet ipse dies. Cythereus et Aiax colloquium commune tenent, duo fulmina belli ; regis Alexandrum iuuenem regina Pelasgum Hesione complexa fouet, germana parentis ; uultibus in Paridis Priami laudatur imago. Octauo ueniente die iam sidera Phoebus elatis condebat equis, iam cuncta ru&ebant oceano nudante rotas stridentibus undis ; tunc Anchisiades sublimi uoce profatur : « Rex inuicte armis, felix in pace senesce, quamuis nemo ducum uos unquam in bella lacessit, ex quo Troia perit, nec uester creuerat Aiax. At modo, rex, ter cuncta domans ter cuncta reuellens, murus erii sociis, aries metuendus in hostes Aiax, magne, tuus ! Priamo tua dicta loquemur. » Sic fatus. Dixere « uale » regemque salutant. Tunc iter ad portum uertunt et litora tangunt. Conscendere ratem, subducitur ancora mordax, uela leuant nauJae, proras a litore torquent ; puppibus incumbit uentus, mox carbasa tendit, dum fluctus scindunt et prospera flamina crescunt. Africus interea ueniens comitante procella 361 precatus V ollm er : uenatus N reatus Ia n n e lli D uhn minatus R ossh erg ratusque B dhrens || 362 achiuus (-u- altera in rasura) N : -uum P eip er || 364 ipse N : inde coni. B dhrens J| 368 laudatur Ia n n e lli : «tu N || 370 rubebant R ibbeck : me- N Ia n n e lli || 373 inuicte Ia n n e lli : iniuncte N || 374 quamuis N : quam uis B dhrens || lacessit S chenkl : -sset N Ia n n e lli D uhn || 375 nec N : nunc R ib b eck || creuerat N : -rit R ib b eck || 376 at modo rex N : et moderat R ib b eck || ter...ter N : per...per R ib b eck || hunc u ersu m p o st 318 p o s u it R ib b eck || 377 erit B ü ch eier : -is N Ia n n e lli || sociis N pc : sotiis N ac || 378 tuus N : tuos Ia n n e lli || 382 nautae Ia n n e lli : nauae N || 384 et prospera N : inprospera B dhrens || 385 interea N : e terra Bdhrens.

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s’élance contre eux P Africus emporté, qui dispersa bientôt la flotte sur la plaine liquide 227. Les libum es sont enlevées jusqu’aux astres sur le dos de l’abîme 228 et, suspendu en Fair par les eaux, le matelot, sur son navire ballotté par la mer, courut à travers les nuées. Tandis qu’ils pensent que les cordages ont touché l’extrémité des astres et reconnaissent que rien ne saurait être plus élevé que les m on­ tagnes liquides 28229, arrive une vague plus haute que le m ât et, longtemps suspendue sur les bateaux, les menace d ’un naufrage, leur laissant craindre d ’être détruits par la chute de ce paquet de mer 23°. Déjà le vent a soustrait les eaux, déjà la carène, enfoncée dans le sol, repousse le sable 231 ; la vague, entourant le bateau, forme une haute muraille, une immense masse d ’eau est suspendue en l’air comme une tour 232 et les flots soulevés b attent les toiles. Paris sentit ses membres se glacer d’effroi, il se préparait à passer de son navire 233 sur les carènes des légats. Mais quand il voit les Troyens dispersés sur la vaste plaine liq u id e 234, d ’une voix pleine de larmes il se répand en am ers gémis­ sements, et se met à parler ainsi 235 : a Ils sont nés sous un sort heureux les bergers, que la terre retient à l’abri des secousses des tempêtes. Ils ne craignent pas, sur la plaine liquide, les flots, méprisent la rage de la m er dont les ondes aboient 236, et d ’une montagne élevée voient, comme s’ils siégeaient sur une citadelle, les pâturages, les campagnes, les bois, les fontaines, les fleuves, les p r é s 2379 le bétail s’ébattant à travers les champs, les chèvres en quête d ’arbrisseaux accrochées au loin à une roche escarpée 238 : comme elles broutent avec plaisir les vertes herbes de leurs dents 239 ! Les agneaux tétant écrasent 240 les mamelles de 228. g u rg ite curuato (v. 387) est un ablatif d’origine, comme dans le vers de Virgile (En. 3, 564) dont s’inspire ici Dracontius : to llim u r in caelu m cu ru ato g u rg ite . Les libu m ae? à Forigine navires légers comme en avaient les habitants de la Libumie, une province d’Illyrie, sont ici synonymes de n aues. Les v. 388 sq ont été imités par Arator

2, 1072 sq. 230. Même clausule a ltio r u n d a (v. 391) chez Ovide, M e t. 11, 230. D esuper (v. 393) est adverbe et porte sur p e la g o u e n ien te. Le verbe in ten ta re a le sens de minari^ cf. Virgile, E n . 1, 91.

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tu rb id u s occurrit, m ox sparsit in aequore classem. G urgite curuato rap iu n tu r ad astra liburnae et suspensus aquis p er nubila n au ta cu cu rrit nauigium uectante salo. D u m sum m a cerucMs sidera tacta p u ta n t et nil superesse faten tu r "montibus aequoreis, malo u en it altior unda naufragium que diu ratib u s suspensa m in atu r desuper inten tan s pelago ueniente ruinam , lam uentus subduxit aquas, ex tundit harenas pressa carina solo ; m u ru s stat celsior unda circum fusa rati, u astarum tu rris aquarum pendet et elati p e r c e llu n t carbasa fluctus. O briguit p er m em bra Paris, transire parabat ad legatorum pro p ria de naue carinas. A st ubi dispersos longo uidet aequore Troas, soluitur in gem itus lacrim osae uocis am aros et sic orsus ait : « Felici sorte creati pastores, quos te rra capit, quos nulla procella concutit, H a u t ponti m e tu u n t super aequora fluctus et rabidum pelagus tem n u n t latrantibus undis, sed celso de m onte u id en t u t in arce sedentes pascua ru ra nem us fontes et flum ina prata, p er cam pos gestire pecus, pendere capellas praerupta de ru p e procul d u m eta sequentes : u t uirides to n d en t lasciuis dentibus herbas ! V bera lactantes co n tu n d u n t frontibus agni, 387 gurgite B äh rens : cur» N || rapiuntur N pc : -ijntur iV00 || 389 summa N : uertice Ia n n e lli || ceruchis Bährens : ceruicis N carinis Duhn summo Ia n n e lli || 393 ueniente Ia n n e lli : -tem N || 395 murus N : muris B ü ch eier D uhn D ia z muro Bährens || 397 percellunt Bücheier : per coelum N Ia n n e lli || 400 longo N : -ge P eip er || 404 haut Ia n n e lli : aut N || ponti N : uenti B äh rens || fluctus N : flatus Bährens I! 405 pelagus Ia n n e lli : pal- N || 406 sed N : ut R ib b ec k || 407 et N : sata B ährens || 409 p o s t 4 0 9 uersum ex cid isse p u ta u it D uhn || 410 ut R ib b eck : et N Ia n n e lli at E liis || tondent I a n n e lli : tun- N || 411 lactantes N : -tentes B ücheier D uh n B ährens || contundunt N : contendunt m a lim , u id e a d n .

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leur front, tout en trem blant et en agitant la queue 241, leur doux palais exulte de boire une nourriture et de manger une boisson 242. Quel grand plaisir de traire les brebis aux 415 pis tom bants 243, au déclin du jour, quand viennent les ombres de la nuit 244 ! Déjà avec le lait nouveau le berger fait le blanc fromage et, le pressant de ses mains, lui donne une forme ronde 245. La génisse blanche soumet 246 les taureaux fougueux et met aux prises les taurillons, chefs au front armé de cornes 247*. Oui c’est un labeur pénible que 420 de régner 24S, les chefs ont le cœ ur agité d’une peur ex­ trême : que des guerres ne s’élèvent contre eux, que des traits ne les menacent d ’une fin 249 cruelle : partout ils craignent toute sorte 250 de mort. En effet ils redoutent sur terre les glaives, appréhendent sur mer les tempêtes, et les chefs n ’ont pas une heure entière de repos 2 l . » Pendant q u ’il 425 parle, une vague violente survient, retentit avec fracas et de ses eaux frappa le vaisseau : la carène fut soulevée en l’air 252 et, séparée de la flotte, arrêta sa course à Chypre 253. Après un signal, les bateaux arrivèrent, tandis que la tem pête se calmait, et atteignirent Chypre ensemble 254. Il ne m an­ quait que les ambassadeurs ; leur vaisseau, le seul dont on 430 constate l’absence, passe pour avoir été emporté par la houle et les flots en m er Ionienne, et brisé par la rage des tempêtes 235 ; en effet il n ’est pas sur la mer Egée d ’où il a été repoussé. Bientôt le berger dardanien, après cette traversée, sauta de ses pieds trem blants sur le sable 256 et, ayant touché terre, répara ses forces 257 avec ses amis. 435 À Chypre, ce jour se trouvait être la fête de la naissance 241. Dans ca u d a crispan te (v. 412), crispare signifie « trembler, frémir », comme au v. 352 ; il paraît en effet exclu de donner à crispan s le sens de « frisé, bouclé » qu’il a parfois. De même que p e la g o ueniente au v. 393 et sequ en te u o lq tu au v. 456, la tournure est moins un ablatif absolu qu’un ablatif de moyen-manière (sur la forme en -e, voir la note 30 à R o m . 7, 46). 242. edere (v. 413) doit se scander avec un e initial long, comme dans ex e d a t en L.D. 1, 504, cf. Rusticus Helpidius, H ist. te st. 17 (edere) y et Corippe, lo h . 8, 75 (edu n t) ; il s’agit vraisemblablement d’une confusion avec le verbe edere homonyme, voir Thés. L .L ., V, 2, 97, 83-84. P o ta re cibos a tq u e edere p o tu s est un oxymoron comme les affectionne Dracontius (voir t. 3, p. 162, note 2). Sur la construction de exu ltare avec un infinitif, voir la note 18 aux v. 25-27.

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d u m cauda crispante trem u n t m ollique palato exultant potare cibos atque edere potus. M u lie re balan tu m depressis ubera m am m is decedente die noctis uenientibus um bris q u an tu s am or, cum lacte nouo iam caseus albens fo rm atu r m an ib u sq u e p rem it lac pastor ad orbem ! C andida su m m ittit feruentes bucula tauros eom m ittitqu e duces arm ata fronte iuuencos. N am grauis est regnare labor, m etus excutit ingens corda ducum , ne bella ruant, ne tela m in en tu r exitium crudele : necis tim or om nis ubique est. N am gladios tellure pauent pelagoque procellas form idant nec plena datu r ducis hora q u ieti. » D um lo q u itu r, u en it unda grauis resonatque fragore et p u p p im p ercu ssit aquis : sublata carina to llitu r et Cypro classi depulsa resedit. P o st signum uenere rates recidente procella et C yprum ten u ere simul. Legatio sola defuit, u n a fretis et fluctibus acta negatur puppis in Io n iu m rabidis collisa procellis ; Aegaeo nam pulsa caret. Mox pastor harenis D ardanus exiluit trem ulis post aequora plantis et se cum sociis tacta tellure refouit. C ypro festa dies natalis forte D ionae 414 mulgere lannelli : -Icere N -lctrae Bücheler Duhn qui cum antecedentibus coniunxerunt || mammis N : palmis lannelli || 415 die lannelli : diem N || 416 post amor distinxit Ribbeck || 417 lac N : iam Mährens [[ 419 duces N Ribbeck : truces Mährens quies Mücheler || post 419 nonnulla excidisse censuit Duhn || 420 nam N : quam Ribbeck || post est habet labor expunctum N || 421 corda lannelli : -ax N || 422 exitium lannelli : -tum N || necis Mücheler : -ci N -ces lannelli || 424 quieti lannelli : queti N || 425 fragore N pc : fla- N 00 || 427 et N : ec Ribbeck e Mücheler || cypro N : gyaro Mährens linio Ribbeck scopulo Mücheler |[ classi Schenkl : -is N lannelli Duhn Bährens || resedit N : rece- Bücheler || 428 recidente Peiper : resi- N lannelli Duhn Bährens i[ 430 negatur N : uag- Ribbeck Bährens D iaz || 435 dionae Duhn : -ne N -nes lannelli.

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de Dioné 25S. Se dirige vers le temple de Gythérée, pour acquitter 259 des vœux â la déesse, ■tout ce que renferme file de Chypre 26°, ce que contiennent le bois idalien et la haute Cythère, ce qui orne Paphos et embellit la silencieuse Amyclées 261. En outre Hélène, la radieuse fille de Jupiter ailé 262, y était venue, tandis que la Crète retenait son mari loin d ’elle 263. La renommée, messagère du chef, avait rempli la ville tout entière, annonçant l’arrivée de Paris, issu de sang troyen 264. Lorsque la Spartiate apprend l’arrivée du beau jeune homme, elle donne aussitôt ses ordres et des serviteurs se présentent, conformément aux prescriptions de la Lacédém onienne265 : q u ’il vienne recevoir l’hospitalité 266, on l’attend ; car il lui paraissait honteux que Pâris habitât le rivage sablonneux 2 7 comme un vulgaire matelot quand elle, la reine, était là. Alors l’hôte vole à la cour de ΓAtride en compagnie d ’une foule d ’amis 268. Tandis que, comme on le lui a commandé, il se hâte de faire route vers la ville, il jette les yeux de côté sur le temple de Vénus où se trouvait une foule ou plutôt une assem blée269 en prière ; bientôt il se détourne de son chemin pour gagner les autels. Pendant ce temps des cygnes d ’un blanc de neige, méprisant le fleuve, volent sur le rivage 270 ; toute Fassistance dirige son attention sur de calmes colombes évoluant avec grâce ça et là dans l’a i r 271 ; un milan furieux les pourchasse et, en les suivant de son vol rap id e272, tourm ente par ses cris tous ces oiseaux innocents au-dessus desquels vole, menaçant, un puissant épervier 273. Alors un habile augure issu de la race de Mélampus, que le hasard avait conduit à Chypre pendant les jours de fê te 274, 259. Vollmer (M .G .H ., p. 311) et C. Morelli (S tu d ia in seros L a tin o s p o e ta s ^p. 83) font à juste titre de C yth erae (v. 436) un génitif de Cythere* « la déesse de Cythère », quoique cette forme soit sans exemple, voir Thés. L.L.* O nom asticon* II, 811, 16. La clausule a d sacra C yth erae rappelle celle d’Ovide, M e t. 2, 223 et 3, 702 : a d sacra C ythaeron. R e d d e re (v. 437) est un infinitif de but, voir la note 52 au v. 82. 267. Même début de vers litu s karenosu m (v. 448) chez Virgile, E n. 4, 257. On attendrait avec u id e ri une proposition infinitive plutôt qu’une complétive au subjonctif construite en parataxe.

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illa luce fuit. V en iu n t ad sacra Cytherae reddere uota deae q u icquid capit insula Cypros, quod nem us Idalium , quod continet alta Cythera, quod P apho n exornat, tacitas quod lu strat Amyclas» C andida praeterea lo u is alitis ‘H elena proles uenerat, absentem retin et d u m C reta maritum» N untia fam a ducis to tam rep leeerat urbem , aduenisse P arin T roiano sanguine cretum» A udit < u t > ad u en tu m iuuenis S partana decori, m ox iubet et fam uli u eniunt m andante Lacaena : hospitio speratus eat, nam tu rp e uideri, regina praesente P aris ceu n au ita uilis litus harenosum teneat. T unc hospes ad aulam peruolat A tridis socia com itante caterua. P raece p tu m dum carpit iter festinus ad u rb em respicit ad tem p lu m V eneris, cui tu rb a precantum uel conuentus erat ; m ox u e rtit itu ru s ad aras. Interea niuei u o litan t per litora c y c n i flum ine contem pto, placidas hinc inde colum bas m olliter in ten d u n t om nes p er inane uagari ; quas insanus agit rap id u sq u e sequente uolatu m iluus insontes cunctas clam ore fatigat, quas super accipiter uolitans grauis im m inet ales. T unc sollers augur cretus de gente M elampi, quem fors ad C yprum dederat p er festa dierum , 442 ducis N : uolans Bdhrens || 444 audit ut Rossberg : audit N audiit lannelli Duhn || 446 nam N : neu Bohrens || 449 peruolat lannelli : per uolat N || caterua N : -ena lannelli || 450 praeceptum Duhn : perc- N lannelli inc- Bücheier || 451 cui N : ubi coni. Vollmer II precantum lannelli : -atum N |j 452 conuentus N : conce- Bdhrens II uertit iturus Bücheier : uertit iter N uertit ut iret Morelli uertit ut intret Ribbeck iter uertit lannelli Grillone interaertit Ellis Diaz et deuertit Bücheier primum || 453 cycni lannelli : cycmi N || 456 rapidusque lannelli : -dosque N -doque coni. Bdhrens || 457 insontes N : in partes coni. Bdhrens || 460 lacunam quam Duhn statuit seruaui qua opus non est si uersum 461 cum Bdhrens legeris.

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s’exprimant d ’un ton pénétrant, se m it à parler ainsi 275 : « C’est toi que concernent les réponses spontaném ent données par le vol des oiseaux 276 : une femme éblouissante par la beauté de son visage t ’est promise par les oiseaux idaliens 277, les cygnes t ’assurent qu’elle est née de la race du T o n n an t278, mais le milan te garantit u n terrible destin ; on le qualifie en effet d’oiseau de Dis, bien que sans doute la troisième heure déjà achevée 279 et la clarté de Phébus perm ettent à l’oiseau ravisseur d ’offrir, dans l’immensité de l’air 28°, des présages véridiques ; l’épervier de Mars te menace d ’avoir pour dot une guerre cruelle 281. » Alors Paris, tendant les mains et les yeux vers le cie l282, invoque les grandes divinités que sont l’enfant Cupidon et sa mère Dioné 283 : « Bienfaisante Vénus, fille d ’or du Tonnant étincelant 284, toi qui tiens en ton pouvoir mille divinités et disposes, pour manifester ta faveur, des mille moyens que te donne ton père et en même temps de ceux qu’y ajoute ton fils, confirme les présages 285 produits par le cygne de ton père, révélés par ta colombe 2 . Il faut faire obstacle à ces vols défavorables : toi, l’augure, détourne les oiseaux crochus de Mars et du ravisseur infernal287 par les rites auxquels président l’enfant troyen Ganymède, créateur et auteur de cette science et Pollès, à qui le vol éloquent des oiseaux donne la connaissance de l’avenir 289. » Après avoir adressé, suppliant, cette courte prière, il pénétrait dans le temple, couvert d’un vêtement tyrien 290 ; sa chlamyde est teinte du murex royal 291, rougie par la pourpre éclatante qui s’étend sur ses épaules 292 ; elle est attachée avec une fibule pointue ; l’or rehausse la parure du 277. conubium (v. 463) équivaut à uxorem, comme au v. 524 et dans L.D. 3, 93, cf. Virgile, En. 2, 579 ; voir Thés. L.L., IV, 816, 30-39. Sur la périphrase Idaliae uolucres (v. 464), qui désigne les colombes de Vénus, voir la note 71 à Rom. 6, 91, où Fexpression est également en début de vers. 278. Il faut comprendre ( uxorem) genitam (v. 465). Le cygne n’est pas l’oiseau de Jupiter, mais c’est sous la forme d’un cygne que le roi des dieux s’est uni à Léda pour donner naissance à Hélène (cf. v. 440 et 475), à Clytemnestre et aux Dioseures.

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et sic orsus ait p ro ru m p en s uoce sagaci : « T e oblatiua p e tu n t auium responsa uolantum : conubium sp ondent praefulgens ore decoro Idaliae uolucres, de gente T onantis olores p ro m ittu n t genitam , sed m iluus horrida fata ; D itis enim signatur auis, licet hora peracta te rtia quippe sinat P hoebo candente uolucrem uera p er im m ensum praesagia ferre rapacem ; M artius accipiter dotem fera bella m inatur. » T unc P aris ad caelum tendens cum lum ine palmas n um ina m agna uocat p u eru m m atrem que D ionem : « A urea siderei proles V enus alm a Tonantis, n um ina m ille tenens, artes cui mille fauendi d at p ater et n atus su p p let sim ul, om ina firma, quae cycnus genitoris agit, quae uestra colum ba p ro d id it. Infaustos opus est cohibere uolatus : M artis e t inferni uolucres raptoris obuncas augur averrunces sacris, quibus im perat auctor T roius ille p u er G anym edes, conditor artis, et Polles, cui p in n a loquax dat nosse futura. » P auca precatus erat supplex et tem pla subibat uestibus in d u tu s T yriis et m urice regni p er/v sa chlam ys ipsa, fuit, quam p u rp u ra fulgens flam m abat diffusa hum eris ; hanc fibula m ordax 461 et sic orsus N : sic exorsus Bohrens is sic orsus Ribbeck || 464 uolucres lannelli : -cies N || 466 peracta Iannelli : per acta N || 467 candente N z pan- Bohrens || 473 numina N : nom- coni. Bohrens || 474 omina Iannelli : omnia N || 476 prodidit Bücheier : prod.dit N procidit lannelli || 478 auerrunces Bücheier : aberrantes N lannelli auerruneet Bücheier primum || sacris N : saeuis Iannelli signis Bücheier primum || 481 pauca N : uota Bohrens || 482 murice N pc : natrici N™ |j post regni distinxerunt edd. praeter Diaz || 483 perfusa D iaz : persa N persa tamen Iannelli perspicua Vollmer asperso uel respersa coni, etiam D iaz uersicolor Bücheier Duhn Bohrens.

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jeune homm e 293 et, en éraaillant la trame, fait briller le splendide vêtem ent. Le reste de sa troupe, ceinte d’orne­ ments phrygiens 294, raccom pagnait, éclatante. Le berger, gagnant le sanctuaire, pénétra jusqu’aux autels et tourna vers lui tous les regards 295 : la Lacédémonienne, qui s’était parée, l’examine, les yeux égarés, elle cherche à avoir une image complète 296 de cet être gracieux, dans quel vête­ m ent il s’avance, quel duvet couvre ses joues 297 et quelle barbe naissante perce sur son visage de rose 298„ Pleine d ’am our et d ’adm iration la Lacédémonienne, enflammée par les feux idaliens 2" , loue le jeune homme ; en effet déjà l’enfant ailé qui enflamme avait, sur l’ordre de sa mère, embrasé d ’u n trait de feu les moelles de la fille de Léda, lui inspirant en cachette de l’am our 30°. Le berger cependant, après un sacrifice à Dioné, cherche à gagner son gîte 301. La reine s’approche, rouge et pâle à la fois ; elle allait en effet les joues couvertes de flammes p âles302 : ces deux ornements répandus sur son visage trahissent u n am our manifeste 303. Elle aborde pudiquem ent le berger, dominée par Fémotion, et, brûlante 304, engage le héros à dévoiler de quelle souche il est issu et quelle tempête vient de le malmener et jeter à Chypre 3 5. Au beau milieu de ses propos la Lacédémonienne se tait et cherche, dans l’ardeur de sa passion, par quels mots attirer le jeune homme 306. Mais le berger, hôte perfide, quand il sentit dans le cœ ur de cette femme la faiblesse des sens, n ’entreprit pas de dire de quel sang est né le Troyen qu’il est 307, ni quels vents l’ont chassé et conduit aux rivages de Chypre ; déjà, troublé, d ’une voix douce, il louait la reine, plein d ’amour, 293. Clausule proche de celle du v. 484 chez Virgile, En. 12, 274 : iunctums fibula mordet. Le verbe ammouet (v. 485) signifie « apporte, procure ». Ornatus est un génitif dépendant de plus. L’effet sur Hélène des riches vêtements de Paris est souligné par Euripide, Troad. 991-992 ; Iph. A ul. 73-75 ; CycL 182-186. 295. a d aras (v. 488) : les autels semblent donc dans le temple, contrairement à l’habitude antique, voir la note 102 à Rom. 10, 196-199. Même clausule lumina uertit (v. 489) chez Ovide, M et. 5, 545 et Reposianus 147. 301. Dans repetit (v. 498), le préfixe re- marque la reprise d’une action après une interruption. Post sacra Dionae est une brachylogie pour une proposition temporelle, voir la note 43 au v. 66.

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iungit, et ornatus iuueni plus ammowet aurum , quo distincta m icat radians p er stam ina uestis. Cetera tu rb a comes Phrygio succincta decore fulgebat. D elubra petens in trau it ad aras pastor et ie sese cunctorum lum ina u ertit : aspicit hunc errans oculis ornata Lacaena, effigiat per cuncta u irum , quibus ille decorus uestibus incedat uel qua lanugine malas u m b ret et in roseo p ro ru m p at flosculus ore. L audat am ans m irata u iru m flam m ata Lacaena ignibus Idaliis ; nam d udum flam m iger ales m atre iuben te p u er telo candente m edullas Ledaei p artu s fu rtim iaculatus am orem usserat. A t pastor rep etit post sacra D ionae hospitium . Regina uenit pallente rubore, nam flam m is perfusa genas pallentibus ibat : fusus u terq u e decor m anifestum uulgat am orem . P astorem p u d ib u n d a p etit cohibente pauore h o rtatu rq u e u iru m feruens, qua stirpe creatus indicet, et fuerit qua iam uexante procella ad C yprum pulsus. Medio serm one Lacaena iam tacet et quaerit iuuenem quibus appetat ardens dictorum uerbis. Sed pastor, perfidus hospes, u t sensit fragiles m ulieris pectore sensus, incipit Iliacus non quo sit sanguine cretus nec quibus excussus uentis ad litora Cypri uenerit e/fari ; trepidus iam uoce rem issa 485 admonet aurum lannelli : admonet aurium N || 486 quo Iannelli : quod N || 490 errans lannelli : -an N || 493 et in N : et ut Bohrens ut in Ribbeck || 494 mirata lannelli : intrata N || 498 usserat lannelli : uess- N || dionae Duhn : -nem N -nes lannelli || 500 pallentibus N : fulge- uel ferue- uel cande- coni. Vollmer albeBdhrens || 501 decor N : color Bücheier || 504 qua iam N : quanam Ribbeck || 506 ardens N pc : arce Ν Μ || 507 uerbis N : neruis Rossberg inlecebris coni. Bdhrens || 508 fragiles N : faci- Bdhrens || 511 effari Duhn : et fari N at fari Iannelli.

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et commençait à blâmer le mari ab sen t308 de négliger à présent, dans sa tiédeur, et de laisser seule l’épouse la plus jolie 309, qui donc avait recherché le culte et le tem ple de l’auguste Dionéenne 31°. Il ajoute : « Si telle est la femme que j ’obtiendrai du sort, si elle a de même de charm antes joues 311*, un visage modeste, des yeux qui la parent, une gracieuse distinction, si son corps blanc de même est couvert d ’une rougeur vermeille 3 2, si elle est ainsi parée d ’une blonde chevelure, si un élégant genou gouverne ainsi ses membres élancés, son corps gracile 313 ; si j’avais le bonheur d ’être jugé digne d’une telle épouse, je ne l’abandonnerais jam ais314 : suppliant, je la servirais ; recevant ses ordres, je l’adorerais ; esclave soumis à la loi maritale, je m ’approcherais de ma femme 315, nuit et jour anxieux des ordres que, dans son éclatante et lumineuse beauté 316, elle désire donner. Ménélas à tort de mépriser, je ne dirai pas une divinité, mais une jolie épouse, quoiqu’elle soit une divinité, puisqu’elle descend de la souche du Tonnant, dont je tire mon origine 317. » À peine eut-il prononcé ces paroles que la Tyndaride, dont les sens sont consentants 31 , est agitée de soupirs et commence à répondre ainsi : « Quelle est ta naissance, beau jeune homme, bien que tu le taises 319 nous le savons tous depuis longtemps. Nous avons une origine commune : gagnons ensemble ton royaume, soyons, toi pour moi et moi pour toi, de dignes époux 32°. Car c’e s t. ce qu’ordonnent les destins et ce que Jupiter nous presse de faire : il m ’a ordonné de vivre avec pour partage deux maris 321. Quel 308. Il y a une forte asyndète avant trepidus (v. 511) ; cet adjectif a ici le sens de « troublé, ému », comme dans Orest. 693. Reginam laudahat amans (v. 512) fait écho au v. 494. Sur Fabsence de Ménélas, voir la note 263 au v. 441. 309. quod (v. 513) développe le grief ; cette construction avec culpare est rare, voir Thés. L.jL., IV, 1313, 70-73. Même eîausule pulcherrima coniux chez Virgile, En. 10, 611 et dans Anth. 15, 87. Le verbe uacare (v. 514) a le sens de « être seul, délaissé (par son mari, sa maîtresse) », cf. Properce 1, 13, 2 : abrepto solus amore uacem ; Sénèque, Here. Oet. 369. 313. Même expression procera... membra (v. 521) chez Silius Italicus 16, 350 ; Stace, Theb. 1, 414. Ici elle reprend l’idée exprimée par longior artus.

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reginam laud ab at am ans, culpare m aritu m coeperat absentem , quod iam pulcherrim a coniux a tepido deserta uiro neglecta uacaret, sacra D ionaeae m atris uel tem pla petisset, adiungens : « Si talis erit, quam forte m erebor uxorem , sic blanda genis, sic ore m odesto, sic oculis ornata suis, sic pu lch ra decore, candida sic roseo perfundens m em bra rubore, sic flauis orn ata comis, sic longior artus et procera regens in poplite m em bra uenusto ; tali sem per ego dignatus coniuge felix non desim : fam uler supplex et iussus adorem , conubio seruus ueniam sub lege m ariti nocte dieque pauens quidnam uelit illa iubere quae specie fulgente micat. M enelaus o b errat nu m in e contem pto non dicam , coniuge pulchra, quam uis n u m en adest ueniens de stirpe Tonantis, u n d e genus duco. » Mox haec est uerba locutus, T yndaridis faciles q u atiu n t suspiria sensus et sic orsa refert : « Quae sit tu a, pulcher, origo, te reticente m agis du d u m cognouim us om nes. E st com m une genus : pariter tu a regna petam us, si s m ihi tu coniux et sim t i b i dignior uxor. H oc nam fata iu b en t uel nos hoc lu p p ite r u rget : u iu ere m e gem ini iussit sub sorte m ariti. 513 quod iam N : quod tam Ribbeck Schenkl quoniam coni. Bohrens ff 514 a N : cum Schenkl j| neglecta uacaret N : neglectae carae Bährens f| 515 uel templa N : uel tempta Bücheier Vollmer2 contempta Bährens primum || hunc uersumpost 503ponendum censuit Ribbeck | 516 erit N pc : erat N 00 || forte N : so- Bährens || 518 ornata N : armata Leo || suis N : tuis Rossberg D iaz almis coni. Bährens || 521 et N : sic Ribbeck || uenusto Rossberg : -ta N lannelli || 523 et iussus N : demissus coni. Bährens ecfussus Ribbeck || 524 mariti N : -to lan n elli -tae Bährens || 525 quidnam N : quid iam coni. Diihn || 526 oberrat N 1*2 : -rret N™ || 527 non N : ne Morelli || 529 mox N : uix coni. Duhn phrix Eliis || 534 sis mihi lannelli : sic mihi N ego sim Ribbeck | tibi Duhn : tui N tua lannelli.

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que soit F am ant qui m 9a emmenée, il me fera du même coup abandonner FAtride, mon mari, de son vivant» sans qu’il soit encore mort : le destin me doit, après un prem ier hymen, un second mari 322. » Sur ces mots ils cherchent, une fois sortis, à atteindre 323 les vaisseaux et le rivage. Tandis qu ’ils gagnent le port et la flotte, le berger tourna les yeux vers la ville et vit s’élever un immense nuage de poussière tourbillonnante produit par la foule de leurs poursuivants 324. Alors le brigand Paris dit à sa compagne, butin de son rapt 325 : « Nous sommes perdus, reine, Pun comme l’autre, la jeunesse grecque est à nos trousses ; tous les gardes de ton époux F Atride ont parcouru la route avec leur glaive acharné pour retrouver nos traces 326, avec en outre le soutien d ’un escadron de leurs hôtes chyprio­ tes 327328; ils entraîneront bientôt au combat des cohortes de gens en armes : et il se pourrait que tu meures avec moi, si leurs traits nous harcèlent3 8. » Alors la Spartiate réplique : « Jeune homme, pourquoi gênes-tu notre respi­ ration 329 en conversant ? Commande plutôt, roi chéri, aux Phrygiens de prendre les armes, pousse par tes ordres tes serviteurs à presser le pas 330 : à nous de gagner la m er, et si tes serviteurs obéissent cette foule qui accourt ne trouve plus que du vide 331. » Sur ces mots, la bru qui sera fatale

323. poscunt (v. 540) équivaut à petunt (cf. Orest. 797, où reposant — repetunt), voir Blaise, D.L.A.C., p. 636. 324. extorti (v. 543) a le sens de torti, c’est-à-dire « tournoyant, tourbillonnant », et moueo signifie « produire, soulever t. Même clausule turba sequentum chez Juvencus 1, 732. 325. rapinam (v. 544) désigne Hélène, c’est toujours l’emploi, cher à Dracontius, de mots abstraits pour désigner des êtres vivants. Il faut comprendre comme si l’on avait raptam. Cette audace a pu être suggérée à Dracontius par des vers comme celui d’Ovide, Ars 3, 760 : stulta rapina mea est, où il s’agit précisément du rapt d’Hélène. 327. et (v. 548) a la valeur de etiam (Vollmer, M .G.H., p. 345). Hospite est ici un adjectif au féminin et équivaut à un génitif possessif (hospitum = Cypriorum), voir Thés. L.L., VI, 3, 3029, 75-77 et 3030, 12-18. Même clausule hospite turma chez Valerius Flaccus 3, 272. 328. sequentur (v. 550), avec lequel il faut sous-entendre nos, est peut-être employé pour le composé consequentur. Le début du vers et mecum fortasse cades est emprunté à Stace, Theb. 5, 247.

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C onferet A trid i q u isq u is m e d uxit am ator, u t uiuum lin q u am non iam m oriente m arito, post thalam os p rim i cui debent fata secundum . » D ixit et egressi p u ppes et lito ra poscunt. D um portus classem que p etu n t, respexit ad urbem pastor et ingentem u idit consurgere nubem pulueris extorti, m o u it quam tu rb a sequentum . T u n c P aris allo q u itu r com itantem praedo rapinam : « O ccidim us, regina, pares, nos G raia iuuentus insequitur ; gladio uestigia nostra sequaci captatum p eru en it iter qu icu n q u e satelles coniugis A iridis, subnixus et hospite turm a, m ox arm ato ru m rapiens ad bella cohortes : et m ecum fortasse cades, si tela sequentur. » T u n c Spartana refert : « lu u en is, quid nostra retard as pectora colloquiis ? P hrygibus tam en arm a capessant, rex dilecte, iube, gressus celerare m inistros im perio com pelle tuo : properam us ad aequor, et uacat e iussis concurrens tu rb a m inistris. » Sic e/fata uolens rap itu r per colla tyranni

537 conferet Iannelli : confer et N || quisquis lannelli : quisque N II 539 hunc uersum post 536 posuit Bohrens || 540 et litora N : ad uel in litora Bährens || 543 extorti N : exo- Iannelli || mouit Iannelli : mouet N || 544 paris lannelli : patris N || comitantem lannelli : -nte N H545 regina lannelli : regna N || pares nos N : pauesco Ribbeck || 546 sequaci N : sequenti Diaz qui post id uerbum distinxit minaci Bährens || 547 iter N : iet Biicheler item Schenkl || quicumque lannelli : quiccunque N quacumque Ribbeck || 548 atridis lannelli : aridis N atrides Biicheler || et N : it Bährens Morelli |{ post coniugis distinxit M orelli || 549 mox N : nos Duhn pone Bährens || rapiens N : -ent Duhn || 550 cades lannelli : cade N || 551 retardas Duhn : -des N lannelli || 552 pectora N : tempora Ribbeck || 554 tuo N : tuos Ribbeck || properamus N : -remus lannelli Duhn || 555 et uacat e iussis Vollmer : et uacate iussis N et uacat en iussis Morelli Diaz atque uacet iussis Iannelli et uacat auersis Biicheler et uacet auersis Duhn et uacet enisis Giarratano dum uacat emissis uel elusis Bährens dum uacet uel dimicet ecfussis Ribbeck |j 556 sic ecfata Bährens : sic fata N et sic fata lannelli Duhn,

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à Priam se laisse volontier enlever au cou du prince 332 ; ainsi le dos d ’un divin bovidé enleva Europe, quand Jupiter taurin en personne fit jaillir des cornes de son front olympien 333 ; le lanceur de la foudre se réjouit, sur les ondes soumises, de sentir la descendante d’Agênor peser sur son cou céleste 334, tandis que, devenu parent de Cadmus, il fendait les eaux et les vastes flots 335. Donc, quand le ravisseur parvint, défait, à la mer, bien qu’épuisé par sa course et fatigué par son fardeau 336, néanmoins il ne déposa pas sur le rivage la Lacédémonienne — telle était la précieuse charge q u ’il portait — mais la plaça au milieu de son vaisseau 33738; les matelots hissent les voiles et lèvent le camp 333 à la rame. La troupe rassemblée arrive quand la flotte s’est déjà éloignée : tous, sur le rivage, se frappent 339 le front de leurs paumes et jettent à terre tantôt leurs casques, tantôt à la fois leurs traits et leurs boucliers retentissants. Alors le mari lui-même, ayant rapidem ent traversé la campagne sur un cheval en sueur, brisé par l’horrible nouvelle q u ’il avait apprise en allant à Chypre offrir un sacrifice 34°, lorsqu’il aperçut, éperdu, les vaisseaux sillonner les ondes et emmener sa femme 341, s’effondre sur le sable en gémissant et arrache de sa tête ses blonds cheveux 342. Ainsi les tigresses d’Hyrcanie ont l’habitude, souvent343, de se précipiter à travers des lieux im prati­ cables, sous l’aiguillon de la tendresse, quand une femelle perd ses petits et que cette bête féroce, trompée dans son affection, suit le chemin du chasseur coupable 344, poursuit 332. tyranni (v. 556) désigne Pâris, sans valeur péjorative. Le complément cum clade (v. 557) équivaut à un adjectif, cf. Rom. 10, 416. 333. iuuenci (v. 557) est en apposition à dei, de même que taurus (v. 559) à Iuppiter. Le groupe Olympiaca fronte est un ablatif de lieu sans préposition ; l’adjectif Olympiacus s’applique ordinairement à Olympie et non àl ’Olympe. Dracontius aime évoquer les amours et les métamorphoses de Jupiter ; sur l’enlèvement d’Europe, cf. Rom. 2, 20-22 ; 10, 315-316. Même clausule ierga iuuenci (v. 557) chez Ovide, Fastes 5, 531 et Stace, Theb. 9, 334 ; quant à la clausule cornua fronte (v. 559), elle est virgiiienne (Bue. 6, 51 et Georg. 4, 299). 338. Même clausule castra mouentur (v. 567) dans Anth. 941, 54. L’expression castra mouere paraît rare au passif.

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iam P riam i cum clade nurus ; sic terga iuuenci E uropam rap u ere dei, cum Iu p p iter ipse tau ru s O lym piaca produxit cornua fronte ; fulm ineus uector sobolem fam ulantibus undis gaudet A genoriam caelestia colla grauantem , cum Cadm i cognatus aquas freta m agna secaret. E rgo u b i p erü en it rap to r tu rb atu s ad aequor et licet exhaustus cursu uel pondere lassus, qui g ratu m po rtab at onus, tam en ipse Lacaenam litore non posuit, m edia sed p uppe locauit ; nautae uela leu an t et rem is castra m ouentur. A dueniunt collecta m anus iam classe rem ota et q u atiu n t om nes palm is in litore frontes, n u n c galeas, n u n c tela sim ul clipeosque tonantes proieiunt ; tu n c [uenit] ipse uolans per ru ra m aritus sudanti peru ectu s equo, quem n u ntius horrens fregerat ad C yprum uenientem sacra dicare, u t conspexit am ens sulcari p u p p ib u s undas et thalam os gestare suos, collisus harenis ingem it et flauos extorquet uertice crines. H yrcanae sic saepe solent p er deuia tigres affectu stim u lan te rapi, cum pignora m ater p erd it et eliisa feritas pietate nocentis raptoris sectatu r iter, uestigia sollers 557 nurus N pc : murus N ac || 561 grauantem Duhn : -uentém N -uare Iannelli || 562 aquas N : ouans Gil || 563 peruenit Iannelli : -emit N || turbatus Iannelli : turbatur N curuatus Gil || 564 uel N : nec Ribbeck || 565 ipse N : inde Iannelli |j 567 castra N : transtra Peiper || 569 frontes N : -ndes Teuffel || 570 tonantes Duhn : tonantis N Bohrens Vollmer sonantes Iannelli || 571 proieiunt Iannelli : puoN Htunc ipse Vollmer : tunc uenit ipse N uenit ipse Iannelli Duhn Bohrens uenit glossa ad uolans uidetur || 572 peruectus N : praeuGiarratano prou- Bücheier |{ 574 ut conspexit amens N : ut conspexit amans coni. Duhn amens conspexit Bährens || 575 harenis N : arenas Duhn H577 hyrcanae Iannelli : hu canae N || 578 stimulante N pc : -nti N™ (I 579 perdit et N : perdidit Rossberg || nocentis Ribbeck : -ti N Iannelli Duhn || 580 sollers N pc : solers N™.

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habilement à la trace le cheval du brigand, du cavalier haletant 345 ; mais quand la mère farouche s’est aperçue que ses enfants, ayant franchi u n fleuve 346, sont séparés d ’elle par des eaux, elle s’en retourne seule, affligée, et, grinçant des dents, gémit sur la perte de ses nobles petits 347 : telle était la tristesse de FAtride devant l’enlèvement de sa femme. Pendant ce tem ps Enée, de retour de son ambassade, était arrivé à Troie et rapporte à Priam les paroles de T élam on348. Mais comme Priam ne voyait pas son fils chéri Paris, il se donne des coups et souille de poussière ses cheveux blancs 349. A nténor avait entrepris de raconter à Priam , sur les joues duquel couM ent déjà des larmes, les peines et les mille dangers de la m er 350 ; ignorant ce que la tem pête a fait du berger et sans savoir si Fonde a englouti la flotte du jeune homme 3S1, il fait son récit ; il avoue être seulement en mesure d ’affirmer que la m er pleine de rage a retourné le gouffre de ses ea u x 352 et dispersé dans une tem pête les carènes d ’Ilion. À ces mots la cour du chef gémit, en proie à une sombre douleur : la ville, dans son deuil public, se m eurtrit, ses habitants se frappent la poitrine, les deux sexes gém issent353. Ce n ’est pas par considération pour sa valeur, ni qu’il fût capable d ’affronter des guerres ou de supporter celles q u ’on lui faisait354, ni que des forces im menses lui perm issent d ’anéantir un ennemi et de terrasser par le fer des cohortes munies d ’épées 355 (d’ailleurs, même si Alexandre, émule d ’Hercule, avait sa force ou si à to u t le moins, puissant par sa valeur, il égalait les courageux Méléagre ou Thésée 356, cependant, du m om ent que le grand Hector était sauf, personne ne pleurerait Paris d ’u n cœ ur affligé357), mais 345. sessor (v. 581) a le sens de « cavalier » (de même dans Sat. 311) cf. Sénèque, Const. 12, 3 ; Suétone, Cues. 61, 1. Le vers est inspiré de Stace, Theb. 4, 316 : praedatoris equi sequitur uestigia tigris. 346. Le début de vers ast ubi (v. 582), fréquent chez Dracontius (cf. v. 357 et 400 ; voir Vollmer, M .G.H., p. 321), est emprunté à Virgile (e.g. En. 3,410). Même expression toruaparens chez Stace, Theb. 4,249 et Claudien, R apt. Pros. 1, 128. Transacto flum ine est glosé par Vollmer (M.G.H., p. 420) par transitu flum inis ; cet emploi de transigere au sens de « traverser, franchir t n’est pas attesté ailleurs.

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insequitur praedonis equi, sessoris anheli ; ast ubi to rn a parens transacto /lu m in e natos secerni conspexit aq u is, red it orba dolore et gem it infrendens am issum nobile pignus : A trides sic m aestus erat de coniuge rapta. Interea A eneas rediens legatio Troiam uenerat et P riam o Telam onis dicta reportata Sed P aridem genitor postquam non u idit am atum , plangit et albentes im m u n d at puluere canos. A ntenor P riam o pelagi narrare labores iam fletu m anante genis et m ille pericla coeperat ; ignarus quid de pastore procella fecerit aut iuuenis classem si m erserit unda nescius ore refert ; hoc ta n tu m nosse fatetur, quod pelagi rabies subuerso gurgite ponti sparserit Iliacas in tem pestate carinas. 'His dictis gem it aula ducis sub luctibus atris : m oenia iustitio foedant et p langitur urbe, sexus u terq u e gem it, non pro u irtu tis honore a u t quod talis e rat qui posset bella subire au t ingesta pati uel sum m is u irib u s hostem frangere et ensiferas acie iugulare cohortes (quam uis A lexander si u irib u s Herculis esset aem ulus au t certe M eleagrum au t Thesea fortes aequaret u irtu te potens, tam en Hectore m agno sospite nem o P a rin lugeret corde dolenti), 581 sessoris lannelli : -ri N || 582 transacto Duhn : -sactos N lannelli -siecto Peiper || flumine Duhn : lu- N lannelli || 583 aquis Duhn : quis N equis lannelli || 584 pignus (-us in rasura) N || 586 aeneas N : ionio Bohrens || 589 canos N : crines coni. Duhn || 590 antenor lannelli : -no (-n- prius in rasura) N || 592 ignarus N : -ro Bohrens || 594 ore N : esse Bohrens || 597 ducis N : duces Gil || sub Peiper : sed N lannelli et Duhn Gil de Bohrens || 598 moenia N : munia Gil || foedant N : se dant Ribbeck || 600 bella N : tela coni. Vollmer || 601 ingesta N : infe- Ribbeck || 602 acie lannelli : -em N II 603 quamuis lannelli : quam uis N || 606 parin N pc i -im N ac.

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c’est parce qu’il était le fils du roi q u ’on se lamente dans la ville. De fait tous ceux qui gardaient en co re358 en mémoire les propos jadis tenus par Hélénus se réjouissent avec allégresse et ne s’affligent q u ’en paroles. Alors son père faisait faire un cénotaphe à l’absent, pour que l’on crût que le cadavre du mort y gît réellement 359. Pendant que Priam se prépare à offrir un sacrifice au tom beau qui ne contient pas de corps et à rassasier de sang une cavité vide 36°, on aperçoit sur la mer, du rivage, la flotte bien connue 361. Le premier le bateau du jeune homme apparaît, muni de l’insigne royal et entrelacé de guirlandes ; les capes blanches, ornées de couronnes de roses 362, volent au vent, les tuniques de lin sont ornées de soie 363 et l’on voit, au sommet du mât où l’a fixé le fiancé triom phant, le myrte de V énus364. Héeube et Priam courent vers l’onde, accompagnés d’une foule de gens 365, et accueillent la fiancée. Le berger donne à tous des baisers, en s’avançant vers son père Priam et en saluant sa mère ; eux étreignent un cou qu’ils chérissent et im prim ent des baisers sur son visage3 . Le courageux Hector est là, sans y avoir été contraint 367, sans joie non plus ; Troïlus le suit de son plein gré, certes, cependant il est tourm enté 368, souffrant non pas du corps mais de l’esprit. Des présages369 ébranlent les sens et le cœur de cët homme : 1st Mort, le visage sanglant, court parmi les Troyens telle un cruel 358. mox (v. 608) a un sens faible selon R. Ellis (On the newly edited Poems o f Dracontius, p. 260), concerne de tempore praeterito selon Vollmer (M.G.H., p. 376), signifie paulo post selon le Thés. L.L., VIII, 1554, 7. En réalité mox équivaut ici à etiamnunc. 359. Hémistiche presque semblable (v. 610) dans Rom. 9, 91 : tumulum sibi formet inanem. Le subjonctif présent putes (v. 611) ne respecte pas la concordance des temps, voir la note 158 au v._ 269. Iacuisse a le sens du présent iacere, voir la note 120 aux v. 201-202. L’expression praesenti morte cadauer est redondante et peu claire, même si l’on fait de mors l’équivalent de corpus mortuum, cf. v. 162. 361. conspiciunt (v. 614) a un sujet indéterminé. Si l’on en croit les v. 586 sq., seul le bateau des trois ambassadeurs était déjà arrivé à Troie. Ce vers rappelle Ovide, Am. 2, 11, 43 : aspiciam notam de litore puppim. 364. arbor (v. 618) désigne le mât du bateau, comme en Rom. 10, 46, cf. Lucain 9, 332. Le myrte est consacré à Vénus, cf. Rom. 6, 6,

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sed regis quia natus erat, fit planctus in urbe. N am quicun q u e m em or H e le n i m ox dicta tenebat, laetatur gaudens e t ta n tu m uoce dolebat. T unc p ater absenti tu m u lu m form abat inanem , u t iacuisse putes praesenti m orte cadauer. D um p arat inferias genitor m actare sepulchro, non u b i corpus erat, uel nil satiare cruore, per freta conspiciunt notam de litore classem. P rim a ratis iuuenis regali praedita signo apparet, quam serta ligant ; ornata rosetis candida pepla uolant et carbasa sericns ornat, et V eneris celsa sp ectatu r ab arbore m yrtus, quam sponsus defixit ouans. O ccurrit ad undas H ecuba cum P riam o populi com itante caterua, suscipiunt sponsam , dat cunctis oscula pastor a d p atrem P riam u m gradiens m atrem que salutans ; dulcia colla ten en t et u u ltibus oscula figunt. N on in u itu s adest, nec gaudet fortior H ector, quem T roilus seq u itu r non inuitus tam en aeger, non m em bris sed m ente grauis ; praesagia sensus concutiunt anim osque [in] u iri : Mors ore cruento in ter T roianos discu rrit saeua caterua.

608 heleni lannelli : -lem N || mox N : phrix Eliis || 609 et Bdhrens : sed N lannelli Duhn || 613 satiare N : -iante coni. Bdhrens II 614 conspiciunt lannelli : cos- N || 616 ligant lannelli : leg- N || ornata N : en- Bücheier Duhn pron- Bdhrens || 619 pepla N : uela coni. Bdhrens || sericus lannelli : -iens N || 622 ad Biicheler : at N lannelli (I gradiens Biicheler : gaudens N lannelli || 624 non inuitus N : at inuitus Schenkl metro repugnante inuitatus Bailey || nec lannelli : nen N non Vollmer nam. Bdhrens || 625 non lannelli : nec N ( -ec in rasura) Duhn Vollmer D iaz || inuitus tamen lannelli : inuitus attamen N inuidus ac tamen Bdhrens liuidus at tamen Duhn Vollmer Diaz languidus tamen B ailey || presagia (-agia in rasura) N || 627 concutiunt N pc : congu- N 00 || animosque N : -mumque coni. Bdhrens II uiri lannelli : in uiri N pc in uire N “ |j mors ore lannelli : morsore N (I 628 troianos N : -nas Duhn D iaz || saeua N : -uaque Bdhrens || caterua N : cateruas Duhn Vollmer D iaz et aeuo Bdhrens.

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bataillon 370 ; hélas, combien de héros ne doit-elle pas emporter, quels trépas ne doit-elle pas causer, combien de brus ne se prépare-t-elle pas à rendre veuves par la guerre ! Troilus, Politès s’attache à tes 370371 pas. Ainsi habituellement un homme est suivi avec ténacité par son ombre, m uette et fantomatique image 372 qui ne se meut que si celui qu’elle suit se m e u t 373 ; si l’homme s’arrête, elle s’arrêtera, s’il s’assied en faisant quelque mouvement, elle s’assiéra 374, et, reproduisant des figures réelles par des mouvements illusoires 375, sans rien faire elle fait pour ainsi dire tout : tel aussi Politès 376. C’est sous une funeste destinée que le berger avait amené377 sa femme ; déjà ils gagnent les murs, les demeures, déjà ils entrent à la cour du roi et la belle fiancée se couvre de son voile 378, déjà, parée, elle est assise dans la chambre nuptiale ; on danse dans la ville, déjà on frappe des tambourins, déjà la flûte champêtre entonne un chant pastoral379. Elle n’est nullement agréable la sonnerie que joue en réponse le clairon ; les vers fescennins 380 se taisent et le cor laisse peser une menace de guerre ; ce ne sont pas non plus de doux accents qu’a fait entendre la trompette rauque, elle annonce de son airain sonore des armes, des chefs, des boucliers et mille carènes 381 ; on croirait que les buccins du fils de Tydêe 382 engagent le combat. Allez, époux 383, fiancés, déjà vous avez confirmé les songes horribles d’une mère et, parés d’un amour détestable, mis le feu à la torche qui lui fut montrée de nuit 384, qui doit réduire Troie en cendres et infliger la mort aux Phrygiens, bien qu’ils ne soient coupables d’aucun crime capital 385.

370. La clausule ore cruento (v. 627), qu’on lit aussi en Sat. 137 et dans Rom. 5, 309, est empruntée à Virgile {En. 1, 296 ; 9, 341 ; 10, 489 ; 12, 8). Si Fon refuse de faire de saeua caterua (v. 628), avec lannelli, une apposition audacieuse à Mors équivalant à une compa­ raison, la correction de Duhn Troianas cateruas est la solution la plus satisfaisante. Mais eu égard à la liberté dont fait preuve Dracontius dans l’apposition (voir - Vollmer, M.G.H., p. 432-433), il paraît possible de garder le texte du manuscrit. 371. uestra (v. 631) équivaut à tua, voir la note 221 au v. 375. Troïlus et Politès sont aussi associés au v. 84.

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heu quantos rap tu ra uiros, quae fata d atu ra aut quantas p er bella nu ru s uiduare p arata ! Troile, sectatur uestigia u estra Polites. Sic solet u m b ra sequax hom inem larualis imago m uta sequi nec m em bra m ouet, nisi m ouerit ille quem seq u itu r ; si cesset hom o, cessabit im ago uel quodcunque mouens si sederit, illa sedebit m otibus et falsis ueras im itata figuras, nil faciens quasi cuncta facit : sic q uoque Polites. D uxerat uxorem pastor cum sorte sinistra ; iam m uros, iam tecta p etu n t, iam regis ad aulam in tra tu r sponsam que tegunt sua flam m ea pulchram , iam thalam is ornata sedet ; saltatu r in urbe, tym pana iam q u atiu n t, iam rustica fistula carm en pastorale canit. L ituus nil dulce rem ugit, fescemnina silent et bucina bella m in atu r ; nec m olles tu b a rauca sonos dedit, aere canoro increpat arm a duces clipeos et m ille carinas ; classica T ydidis com m ittere bella p u tares. Ite pares sponsi, iam som nia taetra probastis m atris et ornati m isero flam m astis am ore ostensam sub nocte facem, qua T roia crem etur, qua P hryges in c u rra n t obitum sine crim ine m ortis.

629 quantos lannelli : -to N Bohrens || raptura (-ura in rasura) N II quae fata Ribbeck : atque fata N et fata lannelli Duhn quot fata Rossberg Bahr em fatoque Peiper || 633 muta Biicheler : multa N lannelli || 635 uëî N : nil Ribbeck Bährens nec Ribbeck etiam || quodcunque N pc : -umque N ac |l illa N : ille Bährens || 637 quoque N : ipse lannelli (j 638 duxerat lannelli : dix- N || 640 intratur lannelli : -aturi N pc -atiri N™ || 641 iam lannelli : jiam N || 642 tympana lannelli : typ- N || rustica N pc : fistula N ac || 648 somnia Bährens : omina N (o- et -na in rasura) lannelli Duhn iam omina Ellis II 649 matris Rossberg : martis N lannelli Duhn Ribbeck Bährens || ornati N : unati Rossberg Bährens armati lannelli Duhn Ribbeck || 650 ostensam Duhn : ostensa N obtenta lannelli.

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L ’ENLÈ VEM E N T D ’HÉLÈNE

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Le sang troyen constituera la dot 386387; que la fille de Léda, en fuite à travers le camp s’enrichisse du massacre des Pélasges, que les dieux d ’en haut soient privés de leurs enfants, que le ciel gémisse et que la mer se lamente : qu’une telle vengeance suive le crime d ’adultère 388.

386. Les v. 652-653 reprennent l’interprétation du prodige donnée au v. 469. On retrouve la même idée en Rom. 9, 62-63. Il ne faut pas en conclure que Dracontius s’oppose à la tradition la plus répandue et suggère qu’Hélène n’est pas venue à Troie avec ses trésors. Le v. 652 est inspiré de Virgile, En. 7, 318 : sanguine Troiano... dotabere. 387. Ledaea propago (v. 653) : propago a le sens de « fille », qui paraît beaucoup plus rare que celui de « fils » (cf. Lucrèce 1, 42 ; Lucain 6, 589) ; sur l’emploi de l’adjectif Ledaeus, voir la note 300 au v. 497. Fugax per castra est obscur. Sans doute s’agit-il d’une allusion à la dernière nuit de Troie. Le Thés. L.L., VI, 1, 1474, 12, comprend à tort fu gax au sens de inconstans. 388. orbentur superi (v. 654) : les dieux perdirent de nombreux enfants dans la guerre de Troie, ainsi Sarpédon, fils de Jupiter, tué par Patrocle (Iliade 16, 479-481). De même mare plangat évoque la mort des deux fils de Thétis Memnon (cf. v. 47) et Achille. La fin du texte n’est pas une prophétie, mais une malédiction lancée à Paris et Hélène et illustrant l’idée que la faute d’une personne peut entraîner le malheur de beaucoup d’autres (cf. Quintilien, Inst. 5, 11, 9 : urbes uiolata propter matrimonia euersae sunt). Le dernier vers, comme il a déjà été dit (voir la note 3 au v. 3), ne prouve pas que Dracontius veuille tirer une leçon morale de cette légende. Talis uindicta sequatur : clausule proche chez Juvencus 1, 549 : similis uindicta sequatur.

DE R A P T V HELENAE

Sanguine T roiano d ab itu r dos, clade Pelasgum d ite tu r Ledaea fugax pèr castra propago, o rb e n tu r superi, caelum gem at et m are plangat crim en adulterii talis uindicta sequatur. post 655 scriptum τέλος N.

IX DÉLIBÉRATION D’ACHILLE. SE DEMANDANT S’IL VENDRA LE CORPS D’HECTOR 1

PROLOGUE

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Si 2 le courage est un titre de gloire et mérite toutes les récompenses, si le m érite demeure quand les exploits ne sont plus, si la renommée éclatante survit 3 et aime à orner les tom beaux d ’inscriptions honorifiques, consens à ce que nous te demandons« On sollicite le brave que tu es en faveur d ’un brave 4. Le courage chez l’ennemi plaît aux cœ urs nobles 5, un cœ ur élevé ignore l’envie, sait louer les conduites glorieuses et brûlera 6 d ’exalter les actions hors du com mun. Le courage donne des exemples aux bons guerriers et de la honte aux lâches q u ’accable une languis­ sante 7 faiblesse. Toi, vaillant Achille, pour quelle raison ne veux-tu pas lui accorder un tombeau, quoique la privation de sépulcre te laisse indifférent 8 et q u ’aucun danger ne puisse venir d ’un m ort 9 ? Si le sentim ent périt après le trépas 10, pourquoi lui refuses-tu la crémation ? E t si une certaine conscience demeure, alors il est plus juste

4. fo rte (v. 4) : sur cet ablatif en e, voir la note 30 à Rom. 7, 46 et Thés. L.L., VI, 1, 1145, 48-55. 5. Ce v. 5 se trouve dans le Florilegium Veronense^ de même que la sentence des v. 8-9, voir l’Introduction, t. 3. p. 7 et 77. 6. gestiet (v. 7) est un futur au milieu de verbes au présent. Sur le mélange des temps chez Dracontius, voir la note 52 à Rom. 6, 65.

IX DELIBERATIVA ACHILLIS, AN CORPVS HECTORIS VENDAT

< PROOEM IVM > Si decus est u irtu s et praem ia cuncta m eretur, si m eritum post prim a m anet, si fama superstes em inet et gaudet titulis ornare sepulchra, annue quod petim us. F ortis pro forte rogaris : egregias m entes u irtus delectat in hoste, inuidia m ens sum m a caret, laudare decora n ouit et ingentes attollere gestiet actus. D at uirtus exem pla bonis prauisque pudorem , debilitas quos lassa prem it. T u , fortis Achilles, q uid prohibes tum ulos, quam uis iactura sepulchri te m n itu r et nihil est quoduis in m orte periclum ? Si sensus post fata perit, cur b u sta negantur ? Si m ens ulla m anet [et], iam rectius ergo p u ta tu r

titulum genuinum esse censuit Vollmer, Diaz uero duo tantum prim a uerba Dracontii esse || post titulum add. prooemium Vollmer* D iaz II 2 post prima Vollmer : post pama N post palma Rossberg Gil post fama Bohrens post fata Duhn D iaz postrema Bücheier || 3 eminet Duhn : etninet N || 5 habet Vfo l. 3 v°, 2 ,2 3 || hoste V W c : -em N™ II 8-9 (dat-premit) habet Vfo l. 4 r°, 2 ,1 2 || 9 debilitas N : -tat V\\ lassa N : lapsa V || 11 quoduis Duhn : quod uis N Vollmer Bohrens Diaz || periclum N : piaclum Bährens || 12 cur Duhn : cui N Bohrens || 13 si N : sin Bährens || manet Bücheier : manet et N || rectius Bücheler : pectus N II putatur N : putetur Bährens.

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DÉLIBÉRA T 10 N D 5A CHILLE

de considérer le bûcher non comme un repos, mais comme un châtim ent : la m ort torture les mânes et ceux-ci souffrent dans leur corps n . Mais que le sentim ent périt après le trépas en même temps qu’on quitte la lumière du jour, c’est là une rum eur mensongère crue seulement des niais et des enfants 112. Les âmes pieuses, libérées du corps, continuent leur existence 13 ; leur force ignée, lumineuse, les enlève vers les astres et, négligeant le globe de la lune, les replace dans le cercle du so leil14. De là-haut, elles regardent le monde et les étoiles errantes 15, ce que la constellation du Lion prépare au mois d’a o û t16 et ce que tentent tous les autres ornements du ciel. Les âmes rient en voyant leurs membres défunts et la faible utilité de ce corps désormais aban d o n n é17, cela au point qu’elles s’affligent, dès qu’elles ont recouvré la liberté, d’avoir vécu dans leur corps et supporté les barrières d ’une étroite prison 18. Les âmes dédaignent 19 pour leurs os les tom ­ beaux et les urnes, ne se soucient pas d’un vil sépulcre et, enfermées q u ’elles sont dans Fum e des cieux et suspendues par Phébus à la voûte éthérée, ne regrettent pas d ’être séparées de leur enveloppe20. Tu parviendras 21 auprès d ’elles, si une sainte piété habite ton corps de guerrier, si tu n ’es pas cruel envers l’ennemi qui a perdu la vie 22, si tu ne restes pas le farouche Achille après la guerre, si les morts soumis à ton pouvoir ne subissent p a s 23 de châtiment, et si tu épargnes les ombres que torture, à ce qu’on affirme, ton ancêtre le juge 24.

11. sepulchrum (v. 14) a le sens de mors, cf. Rom. 10, 507 ; cette fois c’est le concret qui est employé pour l ’abstrait. Même clausule per membra dolorem (v. 15) chez Lucrèce 6, 657. 12. segnibus (v. 17) signifie ici « niais, balourd ». Relatrix, « qui raconte », paraît un hapax, voir Blaise, D.L.A.C., p. 708. Le texte veut dire que la perte de tout sentiment après la mort est une rumeur qui ne peut se propager qu’auprès des niais ou des enfants, parce que personne de sensé ne la croirait. 16. Le Soleil (v. 21-22) entre dans la constellation du Lion le 20 juillet et en sort le 19 août. Cette constellation est son domicile, voir la note 192 à Rom. 10, 400 et la note 14 à Mens. 15. Signa est sujet de parent, l’interrogatif quid est déplacé.

DELIBERATIVA ACHILLIS

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non requies, sed poena rogus : torm en ta sepulekrum ingerit et m anes to leran t per m em bra dolorem . Sed sensum cum luce sim ul post fata perire, segnibus et pueris m e n titu r fam a relatrix. S unt anim ae post m em bra piae, quas ignea uirtu s tollit ad astra m icans et solis in orbe reco n d it lunares non passa globos ; ac desuper orb em expectant stellasque uagas et signa leonis A ugusto q u id m ense parent, qu id cetera tem p ten t ornam enta poli. R id en t sua m em bra uidentes funeris aèiecti fragiles et corporis usus, u t doleant anim ae iam libertate recepta corporibus uixisse suis et clausira tulisse carceris angusti, [tum ] T um ulos au t ossibus urnas dedignant anim ae, n o n cu ran t uile sepulchrum nec plangunt non esse sim ul, q u as u rn a polorum claudit et aetherium P hoebus suspendit ad axem. A duenturus eris, pietas si sancta m anebit corpore belligero, si non crudelis in hoste post uitam m orientis eris, si im m itis A chilles nec post bella m anes nec spectant fu n era poenas arbitrio subiecta tu o , si p arcit ur um bris, quaesitor quas to rq u et auus, si uera feru n tu r. 15 15 per N : post Bahrens || 17 segnibus Duhn : sig- N || 21 expectant Duhn : exspectat N aspectant Bahrens [| 23 ornamenta Npc : -ti N 00 || sua N : sita Bahrens || uidentes N : putrentis Bahrens || 24 abiecti Bücheier : adiecti N adiectu Gil || 26 claustra Bahrens : -sam N -sa Duhn Vollmer D iaz || 27 tum seek Duhn jj 28 non N : num Gil || 29 nec coni. Vollmer2 : et N Vollmer Gil aut coni, etiam Vollmer2 set coni. Bahrens || quas scripsi : quos N || uma N : umbra Bahrens aura uel sphaera Schenkl || post simul distinxit D iaz |[ 30 post axem noluit distinguere D iaz || 31 aduenturus N : hac uenturus Bahrens huc uel has uenturus coni. Vollmer1adseensurus Rossberg j| 32 corpore AT: pec­ tore Bahrens || belligero N : -ri Rossberg || non N : tam Bahrens || hoste N : -tis -RossèergH 33 morientis N : marcentis uel tabentis Rossberg mo­ deratus Schmidt mansuetus Bahrens || immitis Schenkl : mitis N || 34 nec N : haec Rossberg nunc Bahrens || manes N : minas Schmidt || 35 parcitur Vollmer : parcitis N parseris Rossberg parcis et Schenkl.

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DÉLIBÉRATION D ’ACHILLE

QUESTION MAIS, DIRAS-TU, SI LES ÂMES, APRÈS LA V IE, M ÉPRISENT LEUR C O R PS, PO U R Q U O I TE SOLLICITONS-NOUS EN FAVEUR d ’h e c t q r

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Ce n ’est pas Hector, mais Troie et ses malheureux parents qui te sollicitent ; Andromaque, veuve, gémit et, tenant sur son sein le petit Astyanax, rem plit le ciel de ses plaintes 26 ; la vierge Polyxène 27, parée de belles larmes et qui s’est, de douleur, déchiré les joues et m eurtri les bras, ses longs cheveux en désordre 28*, drapée dans sa réserve, gémit et, sans parler, te prie seulement d ’un signe de tête, en réclamant le cadavre exsangue d ’Hector . T u l e 30 gardes, encore irrité ; apprends qui est cette jeune fille. Elle se lamente, parce qu’il était son frère et serait en vie, si on l’avait vue avant la bataille, et la guerre q u ’une femme a provoquée pour le plus grand péril de Troie, une femme l’aurait empêchée 31. Pardonne, jeune homme. Il est grand d ’avoir châtié les triom phes d ’Hector, il te suffira de triom pher du v ain q u eu r32 ; change m aintenant ton chagrin en joie, vainqueur qui sais 33 changer en deuil la joie des Phrygiens. Les gémissements de la malheureuse Troie l’em portent sur la perte que tu as faite, Achille, qui t ’es courageusement levé pour punir 34 la m ort de ton ami. Tu grondes, Eacide ? Il n ’y a personne pour venger Hector. Ou est-ce que par hasard la Fortune assignerait ce rôle à Pâris ? Les cheveux humides, il se réjouit de passer inaperçu parm i les jeunes filles qui travaillent la laine 35 — sans que sa vénérable mère l’exhorte à une conduite digne 25. La q u a e stio est une des parties de la suasoire. Elle fait suite à une objection supposée. Cette première q u a estio (v. 37-77) est la conséquence logique du raisonnement qui vient d’être tenu : si après la mort le corps n’est plus qu’une enveloppe que Fame a quittée, pourquoi intercéder en faveur du cadavre d’Hector ? La réponse se fait en deux moments : d’abord par un appel aux sentiments d’Achille, devant les yeux duquel le narrateur place la famille d’Hector suppliante, et notamment Polyxène (v. 37-49 ; la fiction est en quelque sorte une anticipation) ; ensuite en expliquant à Achille qu’il n’a plus aucun Troyen à craindre (v. 49-77 ; l’argument était ébauché au v. 9).

DELIBERATIVA ACHILLIS

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QVAESTIO AT

IN Q VIES

:

SI

PO ST

D ESPICIVNT, P R O

VITAM

ANIMAE

C O R PO R A

SVA

H E C T O R E CVR ROGAMVS ?

N on H ector, sed T roia rogat m iserique parentes, A ndrom ache u id u ata gem it uel a d u b era paruum A styanacta ten et, sic caelum questibus im plet ; uirgo Polyxene lacrim is ornata decoris et planctu laniata genas, contusa lacertos ac longis dispersa com is onerata pudore ingem it et ta n tu m n u tu sine uoce precatur, funeris H ectorei poscens exangue cadauer. Q uem retines iratus adhuc ; cognosce puellam . Plangentis germ anus erat, cui uita daretur, ante aciem si uisa foret, Troiaeque periclis fem ina bella dedit, sed fem ina bella negaret. D a ueniam , iuuenis. M agnum est punisse trium phos H ectoris, hoc sat erit quod de uictore trium phas ; iam luctus conuerte tuos ad gaudia, uictor, gaudia qui P h rygibus sollers in funera uertis. Infelix plus T roia gem it quam perdit Achilles fortior occisi consurgens u lto r amici. Infrem is Aeacides ? Qui uindicet H ectora, non est. A nne P arin F o rtu n a iu b et ? Qui crine m adenti inter lanigeras gaudet latuisse puellas nec m ater ueneranda iubet, quod laudis h abetur ;389 38 uel ad ubera B ohrens : uelud ubere N uel ut ubere D uhn || 39 tenet N : tenens B ährens || 42 dispersa N : res- Bohrens || onerata N : -rante B äh ren s || 43 nutu N : uultu R ossberg || 45 quem N : quod coni, D uhn || puellam N : -ae B ährens j| 47 troiaeque periclis N : troiaeque pericla P eip er tibi quaeque peregris B äh rens || 48 dedit sed N : dedit haec B ährens dedisset G il || 51 tuos N : atros B ährens || 56 iubet N : iuuet B ücheier D uh n |j crine madenti D uhn : crimen adenti N || 57 lanigeras N : lanificas Bährens || 58 habetur N : -ere B ücheier D uhn || p o s t iubet d istin x e ru n t E llis Diaz || hunc u ersu m p o st 6 3 p o s u it B äh rens.

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DÉLIBÉRA TION D 9A CHILLE

de gloire. Il agit donc de la sorte 36 et, adultère, se livre au combat dans une chambre à coucher ; car avec son cœur de femme, il n ’engage que les guerres 37 de Vénus, pour se dérober à l’œuvre de Mars et fuir les foudres du champ de bataille 38. La Lacédémonienne quant à elle est couchée, dotée d ’une abondance de sang troyen, d ’une abondance de sang grec 39. Qui, après Hector, sera pour les Dardanides un m ur 40 sur le champ de bataille, qui protégera Pergame épuisée contre les Danaens, qui dirigera les feux phrygiens vers les poupes argiennes 41, qui aura assez de fermeté pour arrêter le fils de Télamon à l’écu retentissant, qui suppor­ tera au com bat les flèches de T eu c er42 ? Q u i43 sera l’ennemi de Diomède, quel escadron soutiendra son assaut furieux ? Quand, s’appuyant sur son bouclier, il aura d ’un tourbillon belliqueux lancé une javeline, qui échappera à la blessure et à la chute mortelle, qui ne sentira pas ses membres palpitants se raidir dans l’agonie 44 ? Est-ce Énée qui, revenant au combat, attaquera le fils de Tydée qui l’a laissé vaincu et a même infligé une blessure à Mars ? Car cela a été un jeu pour lui de frapper la blanche Cythérée 45. Pergame, je le reconnais, n ’est plus un ennemi pour le Pélide depuis qu’il a traîné Hector, mais un butin qu’il contemple en vainqueur 46. QUESTION MAIS, DIRAS-TU, JE CALMERAI MA DOULEUR, SI JE DONNE

LE MEURTRIER DE PATROCLE À DÉCHIRER AUX CHIENS 4.7 ET AUX OISEAUX .

Si par hasard tu te disposes à faire déchirer par des chiens le cadavre d ’Hector 48 et considères cela comme un 37. exercere (v. 59) au sens de « pratiquer » s’emploie parfois avec des mots comme b ellu m , p u g n a , voir Thés. L.L., Y , 2, 1375, 28-34, qui cite notre texte. N a m (v. 60) est rejeté en quatrième position. L’expression b e lla lacessere signifie « provoquer des guerres », cf. Virgile, En. 11, 254. Dracontius écrit plus souvent in b e lla lacessere, cf. v. 73. 40. Sur D a rd a n id is (v. 64), voir la note 14 à R o m . 8, 18. M urus, appliqué métaphoriquement à une personne, se lit aussi en R o m . 8, 377, voir la note 223 à ce vers.

DELIBERATIVA ACHILLIS

hoc agit et pugnam thalam is exercet adulter, pectore fem ineo V eneris nam bella lacessit, u t M artis declinet opus uel fulm ina cam pi effugiat, m agnoque iacet dotata Lacaena sanguine T roiugenum , G raium dotata eruor e. D ardanidis quis m u ru s erit post H ectora campo, aduersus Danaos quis Pergam a fessa tu etu r, puppibus Argolicis Phrygios quis diriget ignes, quis Telam one satum constans um bone tonantem sustinet aut T eucri tolerat p er bella sagittas ? Quis hostis D iom edis erit, quae tu rm a furentem excipit ? In clipeum surgens cum to rserit hastam turbine belligero, quis non sine uulnere fractus concidit et m oriens trem ibundos porrigit artus ? T ydiden Aeneas rediens in bella lacesset, a quo uictus abit, qui im pressit uulnera M arti ? N am niueam lusisse fuit plagare Cytheren. Pergam a Pelidi, fateor, post H ectora fractum non bellum , sed praeda p aten t spectante trium pho. Q VAESTIO AT INQVIES : DOLOREM MEVM LENIAM, PERCVSSOREM PATROCLI

CANIBVS

ET

VOLVCRIBVS

< SI >

DEDERO

LANIANDYM.

H ectoreum si forte canes laniare cadauer ipse paras crim enque putas, hoc M edus honestum 62 62 iacet N : tacet B iich eler D uhn B dhrens || 63 dotata N : dit- G il || 64 dardanidis Bdhrens : -nis N -nio B iicheler D uhn || 66 phrygios B iicheler : -ibus N || diriget N : der- V ollm er2 || 73 lacesset Biicheler : -ssit N H74 uulnera D uhn : -ena N || marti R o ssb erg : matri N D uhn II 76 tractum Biicheler : nactum N uectum R o ssb erg mactum Giarratan o raptum Bdhrens || 77 spectante N : spectato G iarratano spec­ tanda R o ssb erg superante B dhrens || in q u a estio n is titu lo si a d d . D uhn II 79 paras N : probas B dhrens j| putas N : patras G iarratano negas Bdhrens.

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D É L IB É R A T IO N D 5ACHILLE

outrage, le Mède trouve honorable et les Perses tiennent pour un honneur que des oiseaux ravissent leurs m em bres morts. Et quoique aucune urne ne reçoive leurs os, cependant de nombreux sépulcres renferm ent les m em bres qui leur ont été arrachés : la flamme en le brûlant consume le corps, les chiens et les oiseaux, en dévorant les membres, arrivent au même résultat ; ils laissent à peine les os, le bûcher anéantit jusqu'aux o s 49. Peut-être garderas-tu Hector pour que ses os humides aux moelles desséchées se détachent et laissent longtemps couler leur sanie 50 ? C'est l'effet que produisent tous les sépulcres, avec cependant la différence que 51 les cadavres enfermés dans des tom beaux pourrissent dans les ténèbres, tandis que ses os à lui ruissellent ici, à la lumière, et, le jour, souillent de leur aspect tes regards 52. Q u’Andromaque se construise un cénotaphe ; ses larmes auront ainsi l’objet que leur refuse l’ennemi 53. Toi cependant, Achille, destructeur de la race troyenne, le châtim ent de ton impiété 54 t ’attend bientôt, parce que tu souilles les éléments vivants de cadavres. Corrompu p ar les morts, l’air contaminé m anque de brises vivifiantes 55 ; le jour, sous le soleil, a perdu sa pureté, les astres de la nuit ne brillent pas sans altération 569 les cornes du croissant de la lune sont ternies, la nu it infecte de ses im puretés toute la voûte céleste. Phébus n ’enverra pas de maladies aux Danaens, ni aux Pélasges Troie ou le prêtre 49. d e tu r doit être scandé ici (v. 81), comme au v. 226, avec un e bref, c£ R o m . 8, 314 et la note 183. Les sépulcres vivants {m u ltis sepulchris, v. 82) sont les oiseaux et les chiens qui ont dévoré les cadavres. C on den tu r est un futur immédiat, ou un futur au sens de

présent. Dracontius fait ici allusion à une coutume perse que nous connaissons bien, notamment par Hérodote 1, 140. Vollmer (M .G .H ., p. 176) glose le passage par : « Non mos est illis umam dare mortuis. Tamen sua sepulcra inueniunt, cum a canibus eel uolucribus deuorantur ». Mais D. Kuijper (V a ria D ra eo n tia n a , Den Haag, 1958, p. 76-77), s’appuyant sur Cicéron, Tuse. 1, 108 : m a g o ru m m os e st non h um are corpora suorum , n isi a f e r is s in t a n te la n ia ta , et Justin 41, 3, 5 : n u d a ... ossa terra obru un t (P e r s a e ), rappelle que les Perses finissent par enterrer leurs morts. 11 faut donc selon lui comprendre : tandis que le bûcher anéantit jusqu’aux os, les chiens et les oiseaux, auxquels chez les Perses on abandonne les cadavres, laissent, eux, les os, qui sont alors enfermés dans des tombeaux.

DELIBERATIVA ACHILLIS

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credit et ad Persas honor est, si m em bra uolucres eripiant« E t n u lla d etu r licet ossibus urna, m ultis m em bra tam en condentur rap ta sepulchris : corpus flam m a crem ans absum it, m em bra < uorantes > hoc canis hoc uolucres faciunt ; uix ossa relin q u u n t, et rogus ossa rapit. Forsan seruabitur H ector, u t m aJefacta cadant siccantibus ossa m edullis et longa sub tabe fluant ? Hoc cuncta sepulchra exercent ; tam en in tererit quod clausa tenebris p utrescant tum ulis, at hic sub luce m adescant aspectusque tuos funestent ossa diurnis uisibus. A ndrom ache tu m u lu m sibi form et inanem et causam lacrim is faciet quam denegat hostis : te tam en, Iliacae populator gentis, Achillem sacrilegi iam poena m anet, qui uiua perem ptis funestas elem enta uiris. C o rrum pitur aer m ortibus, unde caret laesus uitalibus auris ; non pu ru s sub sole dies, non sidera noctis im polluta m icant, fuscantur cornua lunae, sordibus et to tu m caeli nox inficit orbem . N on P hoebus D anais m orbos, non Troia Pelasgis in /e re t au t natam repetens per castra sacerdos 81*3

81 et nulla B ücheier : et nulli N nulla et P eip er nulli K u ijp e r nudis B ohrens || 82 tamen condentur N : modis conduntur B oh rens || 83 absumit (-u- in rasu ra ) N || uorantes su ppi. Bücheier || 84 uix N : mox B ohrens || 85 et N : nec Bohrens || 86 madefacta Bücheier : male facta N II siccantibus D u h n : sic cantibus N stillantibus B ährens siccatis coni. D uhn || 88 clausa Npc : causa Nac || 89 putrescant N : -eunt B ohrens || madescant B ücheier : -cunt N B ohrens || 90 funestent N : -tant B ohrens || 92 faciet N : -iat Bohrens || quam N : quia coni. B ohrens || 93 achillem N : -es Bohrens || 94 poena Npc : -am Nac || 96 laesus N : tellus D uh n || 97 purus N : puro Bohrens || 98 impolluta B ücheier : impullata N V ollm er hinc pullata Bohrens || fuscantur B ücheler : fuie- N || lunae D uhn : luce N || 99 nox R o ssb erg : mox N mors D uhn Vollmer^ || 100 troia N : uirgo B ohrens || 101 inferet B ohrens : inseret N infert B üch eler D uhn || aut N : et uel ac B ohrens jj natam D uhn : nauta N.

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d’Apollon Chrysès, qui recherche sa fille dans le camp 57 : d ’ici, c’est d ’ici que vient pour les braves le trépas funeste, ici qu’on fait la guerre avec la Mort sanglante. Hector de son vivant fut cruel envers l’ennemi, il lui nuit davantage après son trépas 58. Sans doute le médecin 59 Chiron t ’a-t-il appris à rem édier à la pestilence des charognes, quand il grattait de son plectre les cordes, que les guerres t ’atten­ daient, q u ’il te donnait après les rênes une cithare et, après que tu eus enlevé au fleuve le butin des Centaures, soutenait, l’esprit chargé de science, Γimmense courage de ton cœur d ’enfant 60. Ne t ’a-t-il pas appris 61 q u ’une odeur funeste, qu’un cadavre en putréfaction, vicient l’air, la terre, les vents et les souffles ? C’est cela qui tue les hommes, les oiseaux, les bêtes domestiques et tout sans distinction. Un mort, négligé, nuit 62 à la fois aux êtres vivants et au salut du monde : les morts et les dieux d’en haut n ’entretiennent pas de relations, la nature mère de toutes choses a séparé ces mondes en leur im posant une frontière 63 ; l’éther et les cadavres ne s’accordent pas, un cadavre n ’aime pas gésir en plein air, il cherche à atteindre la retraite nocturne 64 du lieu infernal. Ton sommeil ne sera-t-il pas visité par l’image du juge, Eaque, se rendant dans le camp au milieu des ténèbres 65 et m anifestant sa fureur de la voix et du geste ? Il t ’accusera âprem ent en t ’adressant de durs reproches, et te blâmera légitimement par ces mots : « Cette conduite te convient-elle, vaillant 57. Apollon envoya la peste sur l’armée grecque pour punir Agamemnon de retenir captive Chryseis, le fille du prêtre troyen Chrysès. Achille finit par convaincre le roi de la rendre, et Chrysès vint la reprendre dans le camp achéen. Voir I lia d e 1, 8-457. C hryses (v. 102) doit être scandé avec une syllabe finale brève, de même que E teocles (R om . 10, 585), P o ly n ic es (R om . 10, 586), O restes (O rest. 708), P y la d e s (partout où le mot est suivi d’une v o y e lle ) ; voir les notes 44 et 79 à R o m . 6, 56 et 103. 58. Même clausule M o rte cru enta (v. 103) dans S a t. 131. On trouve une clausule proche de celle du v. 104 chez Virgile, En. 6, 608 et 661 : d u m u ita m a n eb a t. Enfin le début du v. 105 rappelle A n th . 672, 32 : p o s t f a t a nocens. 61. non (v. I l l ) est pour nonn e interrogatif, c’est un tour de langue orale. D o cu it q u ia : une complétive avec q u ia remplace la proposition infinitive, voir la note 6 à R o m . 7, 10. En outre ici le

verbe de la complétive est au futur, quand on attendrait un présent.

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Chryses A pollineus : hinc sunt, hinc funera maesta fortibus et bellum geritu r cum M orte cruenta. H ector in hoste fuit saeuus, cum uita m aneret ; plus post fata nocet. Certe m edicabilis ille te Chiron docuit pestes sanare iacentum , cum chordas q uateret plectro, cum bella m anerent, et citharam post lora daret, cum m entis onustae post C entaurorum raptas de flum ine praedas ingentes anim os puerili in corde leuaret ; non docuit quia m aestus odor, quia p u tre cadauer aera tellurem uentos anim asque grauabit ? Inde hom ines uolucres pecudes et cuncta necantur, corpora uiuorum p ariter m und iq u e salutem m ors neglecta nocet : non su n t com m ercia iuncta m ortibus et superis, diuisit lim ite m undos im posito n atu ra parens ; non congruit aether funeribus nec funus am at sub sole iacere, inferni secreta dei sub nocte p etu n tu r. N on tibi p er somnos aderit censoris im ago, Aeacus in medias ueniens ad castra tenebras uoce m anuque furens et te culpabit am are asper et increpitans ? E t iusta uoce n o tabit : « T ene, deum soboles, caeli pelagique nepotem . 103 fortibus N : mo- B dhrens || 105 certe D u h n : öerte N || medicabilis («lis in rasura) N || 107 cum N : dum Bdhrens || manerent N : moneret B ücheier D uhn tacerent B dhrens G il || 108 onustae Bdhrens : omistae N honestae D uhn G il || 110 ingentes Bdhrens : -entos N -enitos Bücheier D uhn || leuaret B ücheier : -abant N -antia G il II 113 inde N : unde coni. D uhn || 114 pariter L eo : rapitër N rapiet D uhn rapere it Bdhrens || p o s t pariter d is tin x it B a ile y || hunc uersum p o s t 112 p osu eru n t R o ssb erg B dhrens || 115 iuncta (an uincta incer­ tum ) N : uitae B ücheier D uhn || 116 mortibus N : manibus Bücheier D uhn II superis (sup- in rasura) N || 118 funus N : corpus coni. V ollm er1 || 121 in... ad N : ad... in B dhrens || 122 et te N : en te Bdhrens ah te P eip er || 123 et iusta N : te iusta P eip er || 124 tene D uhn : te ne Npc de ne N0* || coeli pelagique nepotem N : caelique nepos pelagique Bdhrens.

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Achille, fils des dieux, descendant du ciel et de Focéan, illustre rejeton de mon Érèbe 66 ? Refuser un tom beau et - un bûcher à des guerriers tués ? En refusant un bûcher à ces malheureux jeunes gens et en privant leur corps de sépulcre, tu ne leur accorderas pas non plus de traverser après leur m ort F Acheron 67. Une pieuse vie m ’a conduit à 130 cette urne, avec la charge d’examiner 68 les mérites et les crimes du genre humain ; cependant le fait d ’être mon petit-fils ne te m ettra pas à l’abri le jour où tu te présenteras à l’urne : les Mânes ne savent pas pardonner, et en outre je partage là-bas avec Minos et Rhadam ante de Cnossos la juridiction du barathre 69. Les Mânes attisent à 135 travers les fleuves infernaux la haine de ton nom, parce que tu refuses leurs droits aux trép assés70, et retiennent Patrocle à qui ils ne perm ettent même pas de m onter dans la barque, tant 71 qu’Hector n ’a u ra . pas franchi les eaux. Or nous ne laissons personne traverser les ondes et obtenir 140 le sort qui lui échoit, s’il n ’a pas reçu la sépulture rituelle 72. » ÉPILOGUE 73

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Cesse, chef tout-puissant dans la bataille, de m ontrer ces sentiments farouches, dépose ta colère, je t ’en prie : Hector, quelle que soit ta fureur envers cet ennemi, ne sentira pas que tu as gardé son cadavre déch iq u eté74 ; Hector n ’endure pas de supplice, mais aux tiens est réservé, dans le camp, le châtiment des Pélasges 75, à cause de la punition que tu infliges aux morts. Éaque est en butte à la haine, ton cher Patrocle supporte des tourm ents et se 66. caeli p e la g iq u e n epotem (v. 124) : par son grand-père Éaque, Achille descend de Jupiter, et par sa mère la Néréide Thétis il est Farrière-petit-fils de Pontos. Virgile, Bue. 4, 49 : cara d eu m su boles, et Stace, A ch . 1, 869 : tu c a e li p e la g iq u e nepos, peuvent être à l’origine de ce v. 124. Dans la périphrase un peu obscure E rebi g en s clara m ei (v. 125), g en s a le sens de « descendant » (cf. Virgile, E n. 10, 228) et Ê rebi fait allusion à l’activité d’Éaque, juge aux Enfers. Sur la construction personnelle de d ec et (v. 126), voir L .D . 3, 478 et la note dans C.U.F., t. 2, p. 102. Même début de vers ista decen t chez Ovide, A rs 3, 571.

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atque E reb i gens clara mei, te, fortis Achilles, ista decent ? T um uli caesis ei busta n eg en tu r ? Nec dabis occisos iuuenes A cheronta natare, prostratis d u m busta negas m orfesque sepulchris abdicas ? Me u ita pia pro m o u it ad urnam , hum ani generis laudes et crim ina quaeram ; nec tam en hinc securus eris, quia noster ad urnam aduenies quandoque nepos : ignoscere m anes . ignorant m ecum que Minos uel G nossius illic indicium R hadam anthus habet com m une barathri. N om inis inuidiam uestri per flum ina m anes exagitant, sua iura neges quod m orte perem ptis, P atroclum qu e tenent, quem nec conscendere cym bam p erm ittu n t, nisi prim us aquas transcenderit Hector. E t nullum pars nostra sinit transire p er undas ac sortem retinere suam , nisi rite sepultum . »

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EPILO G V S Desine, bellipotens, anim os retinere feroces, dux, iram depone, precor : non sentiet H ector, quicquid in hoste furis, lacerum tenuisse cadauer ; supplicium non H ector habet, sed poena Pelasgum seru atu r p er castra tuis, dum funera punis. A eacus inuidiam , carus to rm en ta P atroclus 126 caesis et Duhn : caessis sed N || 127 nature male legit in N Bährens || 128 negas N : neges Rossberg || mortesque Rossberg : mor||esque N manesque Bücheier Duhn || 129 me uita pia Bücheier : merita piam N || 130 humani N : humani ut Bährens || quaeram (que-) N : quaero Bücheier || 132 ignoscere Duhn : ngnoscere N || 133 igno­ rant N** : igorant iV30 || gnossius Duhn : gnoscius N || 135 inuidiam Duhn : in uidia N || uestri N : nostri Bährens || 136 neges Duhn : negis N Hperemptis (-mp- in rasura) N || 138 transcenderit Npc : -ret N00 || 139 pars (-a- in rasura) N : pax coni, Vollmer1 1| 142 dux (-x in rasura) N : trux Bährens || 143 tenuisse N : truncumque Bährens || 144 sup­ plicium Duhn : -cum N || 145 seruatur Duhn : -antur N || tuis N : lues Bährens jj 146 inuidiam Bücheier : -dia N,

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voit châtié pour ta douleur. Restitue à Priam , noble Achille, ne serait-ce que la moitié du cadavre, puisque aussi bien une partie de celui-ci est restée fixée là où tu Pas traîné 76. Si, au mépris de la piété, tu refuses de rendre son corps et ses membres déchiquetés, Andromaque, accompa­ gnée de son beau-père, sortira dans la campagne et, entraînant Astyanax là où l’y invite une triste ornière, elle recueillera, la malheureuse, les membres dispersés de son mari 77. Étreignant une roche ensanglantée au milieu des buissons, elle y im primera 78 des baisers en disant que c’est là son mari ; toute roche couverte de sang, cette pitoyable épouse l’appelle Hector, et elle enseigne à son fils à ne pas 79 fouler les sables que peut-être son sang a imprégnés. Pendant des heures 80 elle attend son beau-père qui tarde, mais sans dem eurer inactive : quand elle voit des herbes rougies, elle les presse et applique le liquide 81 sur le visage de son fils, pour que l’enfant porte sur sa face la m arque de son père ; et, victime d ’une douleur qui l’égare, elle se persuade elle-même que 82 son cher Astyanax est Hector. Cependant elle m ontrera à Priam les os d ’Hector, dispersés çà et là par les roues du char, et tous deux im prim eront en pleurant des baisers sur les chairs d’Hector. Tous deux, ensemble, engageront l’enfant au visage ensanglanté à embrasser son corps : « Ces membres déchiquetés que tu vois partout gisant à terre, c’est ton père », dira à l’enfant son grand-père. Si un tel comportement ne te dorme pas la moindre apparence de pitié 8 , regarde ce que font son épouse, son père, Hécube, son fils et sa pudique soeur 8 4 : le vieux roi Priam gît à terre, baisant tes pieds, et ne se juge

76. uel (v. 148) a le sens de « du moins, au moins », cf. I.D . 1, 559 et la note dans C.U.F., t. 1, p. 308. Le vers est holodactylique. Tractura (v. 149) est un mot rare, mais qu’on lit également dans L.D. 2, 386 (voir la note à ce vers dans C.U.F., t. 1, p. 354-355) ; ici il a un sens actif (« fait de traîner »). 78. fix a dabit (v. 155) équivaut à fig et, cf. Mens. 13 et 16. 79. docet ne (v. 157). Le verbe docere se construit habituellement avec une infinitive où une interrogative indirecte ; voir cependant Thés. L.L., V, 1, 1736, 32 sq., qui cite quelques exemples de la construction que nous avons ici.

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sustinet et u estri poenas luit ille doloris. Vel m edium P riam o , generose, refunde cadauer, nam partem tra c tu ra tenet. Si reddere corpus et laceros artu s te m p ta pietate negabis, exiet A ndrom ache socero com itante per agros A styanacta trah en s, qua tristio r orbita m onstrat, et leget infelix dispersi m em bra m ariti, uepribus e m ediis ru p em com plexa cruentam oscula fixa dab it dicens de ru p e m aritum ; in qua sanguis erit, ru p em uocat H ectora coniux et puerum m iseran d a docet, ne calcet harenas, infecit quas forte eruor. T ard u m q u e per horas expectat socerum , sed non uacat : exprim it herbas, quas rubuisse u id e t ; hoc nati u u ltibus addit, u t patrem ferat ore p u er ; suadente dolore ipsa sibi dem ens extorquet, u t H ectora credat A styanacta suum . P riam o tam en H ectoris ossa, si qua iacent dispersa rotis, ostendet et am bo carnibus H ectoreis defigent oscula flentes. Ore cruentato p u eru m sim ul am bo m onebunt oscula d et m em b ris ; « laceros ubicunque iacere », dicet auus puero, « p ater est quos uideris artus ». M oribus his si n ulla uen it pietatis imago, aspice q uid faciant coniux pater H ecuba natus et p u d ib u n d a soror : P riam us iacet oscula plantis 147 doloris N : furoris Bährens || 151 comitante Duhn : coni- N || 152 tristior N : tritior Bücheier Duhn Bährens || 154 e Duhn : et N Bährens j| post mediis distinxit Diaz || 155 dicens N : ducens Bährens II rupe N : rore Bährens || 156 rupem uocat N : rupe inuocat Bährens II post erit grauiter distinxit Leo || 157 miseranda Duhn : mes- N || 158 horas N : oras Bährens |[ 161 patrem Duhn : -e N || 163 tamen N : tandem Bährens || 164 rotis Schenkl : sororis N solis Duhn || ostendet N : -dit Bährens || 165 defigent Bücheier : -gunt N || 166 monebunt Bücheier : manebant N || 167 uersuum 167-168 altera hemistichia commutanda censuit Bährens || 168 uideris iVpc : sui- N ac || 169 moribus Rossberg : mortibus N motibus Bücheier Duhn uocibus Bährens.

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pas déshonoré par ce que la fortune lui Impose dans son malheur 85 ; de son côté sa chaste fille 869 tenant le jeune Astyanax, le soulève au-dessus d’Hector et apprend à l’enfant à pleurer, mais le petit souhaite s’en aller et ne reconnaît pas le cadavre de son père défunt 87*. Car, hélas, c’est un corps déchiqueté dont la mère et la femme étreignent le cou et c’est sur les membres déchiquetés d ’un noble corps qu’elles cherchent les blessures portées par le fero Mais pourquoi palper le dos du guerrier ? Vous faites Injure à ce valeureux jeune homme ; si vous voulez reconnaître le coup et la blessure qui ont abattu Hector, retournez son corps sur le dos et tâtez la poitrine du prince tué : vos ongles trouveront à quelle profondeur a pénétré la lance puissante et quel mal a causé l’épée de Vulcain æ . En effet les meurtrissures de son dos ont été faites par le char d’Achille, quand il traînait sur les rochers le cadavre du jeune homme défunt et que ceux-ci outrageaient celui qui fut le possesseur de ce corps traîné 89. Par estime pour Hector nous t ’admirons encore davantage, Achille, de Pavoir vaincu et tué 90 ; cependant mets avec grandeur un term e à ta douleur et, étant vengé, pardonne au défunt qui a été puni dès ce m o n d e 91. Apaise-toi, puis regarde derrière toi : tu vois Astyanax ; substitue-lui Pyrrhus tel que ta tendresse l’imagine, et que la vieillesse de Priam te rappelle les vœux de celui qui t ’a engendré. En effet ton 85. Corippe, Ioh. 1 , 155 et lust. 1, 158 a repris la clausule oscula plantis du v. 171. Le comparatif senior (v. 172) équivaut à un positif (de même v. 197), voir la note 25 à Rom. 6, 29. L’imparfait putabat survient au milieu de verbes au présent, voir la note 52 à Rom. 6, 65. Fin de vers proche chez Juvénal 6, 390 : nec turpe putauit. Les v. 172-173 peuvent être inspirés de Sénèque, Troad. 710-711 : nec turpe pu ta / quidquid miseros fortuna iubet. 86. uirgo pudica (v. 173) désigne Polyxène, comme le souligne à juste titre Diaz de Bustamante (Draconcio, p. 222) ; uirgo a souvent le sens de f ilia chez Dracontius, cf. Rom. 10, 422. 87. Les v. 175-176 peuvent être un souvenir de Ylliade 6, 467 sq., où Astyanax a peur de son père Hector et notamment de son casque. 89. Ce v. 187 peut être une réminiscence de Lueain 6, 639 : trahitur per saxa cadauer. Le v. 188 est redondant par rapport au précédent. Le verbe parant a pour sujet saxa, domino désigne Hector, naguère (iam) maître du cadavre malmené (funere tracto).

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rex senior dans ipse tuis nec tu rp e p u tabat, quod m iserum fo rtu n a iu b et ; hinc uirgo pudica A styanacta ienens p aru u m su p er H ectora p o n it et pu eru m deflere docet, sed p aru u lu s op tat ire nec extincti cognoscit /iin e r a patris. H eu lacerum nam corpus erat, quod m ater et uxor com plexae p er colla te n en t et u u ln era ferri p e r laceros artu s generoso in corpore q u aerunt. Sed quid dorsa u iri p alpant ? In iu ria constat m agnanim i iuuenis ; plagam , q u a concidit H ector, et uulnus si nosse placet, uersate supinum corpus et occisi tra c te n tu r pectora regis : inuenient ungues, q uanto descendis hiatu hasta potens q u an tu m q u e d ed it V ulcanius ensis. N am quod terga /e r u n t, hoc cu rru s fecit A chillis, d u m trah it extincti iuuenis p e r saxa cadauer et dom ino iam dam na p aran t de funere tracto. H ectora m irantes plus te laudam us, Achilles, a quo uictus obit : finem da, m agne, dolori et post uindictam ueniam concede perem pto, q u i poenas in luce dedit. Iam respice m itis : A styanacta uides, P y rrh i succedat imago ante oculos dilecta tib i, P riam iq u e senectus m entibus asciscat uenerandi u o ta parentis.

172 putabat N : -bit coni. Vollmer1 {( 174 tenens Bücheier : ponens N II 176 funera Duhn : humera N || 177 erat N : adest coni. Bdhrens II 178 et N : dum Bdhrens || 183 regis N : recta Bdhrens j| 184 des­ cendit Duhn : descendi N*30 discendi N°* || 185 quantumque dedit N : quantum sedit Bdhrens || 186 ferunt Duhn : dederunt N gerunt Bdhrens rubent Rossberg j| achiUis : -lies || 187 iuuenis Npc : iuuonis N™ || 188 domino N : dono G il || iam N : iuga Bdhrens primum l| parant N : parat Schenkl Gil || tracto N : -tu Rossberg -tum G il Hpost 188 lacunam statuit Schenkl jj 189 mirantes N : laudantes Bdhrens |j laudamus N : miramur Bdhrens |j 193 uides Vollmer : uidens N uigens coni. Duhn uerens Schenkl rudem Rossberg Bdhrens (I 194 dilecta JSPC: dei- N™.

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vénérable père, Pélée, désire te voir heureux après la guerre et le vieux Lycomède, à qui ta femme doit le jour, souhaite avoir la joie de te présenter, à ton retour, son petit-fils92. Pense à la douce Deidamie comme si elle assistait avec toi aux lamentations d’Andromaque, l’adroite Deidamie qui passe nuits et jours dans l’agitation 93, les yeux et l’esprit en éveil ; car à peine voit-elle sur les flots sombres une voile qu’elle se précipite, éperdue, vers l’onde, pour savoir si Troie est tombée, si Hector — tant son esprit inquiet le craint — a succombé 94*. Elle désire louer à nouveau l’art avec lequel tu tiens le plectre et touches les douces cordes de ton pouce alerte, et nouer ses bras autour de ton cou en t ’appliquant des baisers de ses lèvres suaves comme le miel . Hécube, accablée, gémis­ sante, souille de poussière ses cheveux b lan cs96. En écartant un pareil présage, représente-toi, dans ton cœur filial, ta mère, habitante de l’onde : quoiqu’elle ne craigne pas pour elle le destin d ’un mortel, cependant elle s’afflige d’avoir en fan té97 en toi un mortel, vaillant Achille. Réfléchis bien à cela, chef suprême, et accorde miséricor­ dieusem ent ton pardon. Si ces arguments ont peu de valeur à tes yeux, fixe un prix, vainqueur, et vends ce noble cadavre. Vends-le comme s’il était encore vivant et pas pour une petite somme, vends 98 Hector aussi cher que tu l’auras estimé. On s’accorde à considérer comme précieux

92. auctor (v. 197) a le sens de « père », cf. Rom. 7, 16. Roi de File de Scyros, Lycomède reçut Achille qui cherchait, suivant les conseils de sa mère, à rie pas partir pour Troie et le cacha dans son gynécée. Mais Achille devint amoureux d’une de ses filles, Deidamie, et lui donna un enfant, appelé Pyrrhus ou Néoptolème. Offerre (v. 198) signifie « présenter ». Faut-il en déduire que selon Dracontius Pyrrhus serait né après le départ de son père pour la guerre de Troie ? Ce serait une innovation par rapport à la version la plus courante du mythe, voir R.E., XVI, 2441, 34-37. 93. planctibus Andromaches (v. 199) : ce datif dépend de praesens. L’adjectif est ici construit comme le verbe adsum. On voit mal pourquoi Deidamie est qualifiée de sollers (v. 200). Vollmer glose le uolat du v. 201 par trepidat (M.G.H., p. 179 et 428), emploi qui n’est pas attesté, mais aucune correction n’emporte l’adhésion (peut-être uacat ?).

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N am genitor P eleus laetum post bella uidere te cupit ; et senior Lycom edes, coniugis auctor, exoptat reduci gaudens offerre nepotem . P lanctibus A ndrom aches ceu praesens b lan d a p u te tu r Deidam ia sim ul, quae sollers nocte dieque m ente oculis atten ta uolat ; nam fluctibus atris carbasa prim a uidens am ens occurrit in undis perquirens, si T roia ru it, si concidit H ector, sollicita quem m ente tim et ; te plectra tenentem atque iterum blandas iuuenili pollice chordas tangentem laudare cupit et bracchia collo nectere m ellifluis adiungens oscula labris. H ecuba m aesta gem ens et canos p aluere foedans — omine non tali m atrem praesentet ab undis corde tuo pietas : licet haec m ortalia fata in se nulla tim et, tam en haec te, fortis Achilles, m ortalem genuisse dolet. H aec, summe, retracta et ueniam largire pius. Si paru a p u tan tu r, fac p retium , uictor, generosum uende cadauer. V endatur ceu uiuus adhuc nec m unere paruo, sed ueniat ta n tu m q u an tu m pensabitur H ector. Hoc placet u t fortis h ab eatu r iudice bello

196 peleus Duhn : -ens N || 198 offerre Duhn : offere N || 199 blan­ da putetur Bücheier : bland maritum et in margine putatur N || 201 mente N : ponto Bährens || uolat nam N : uiclat nam Bücheier uoeat nam Leo qui maritum in uersu 199 huic uerbo primitus adscriptum fuisse coniecit uacat nam scripserim uolantia Gil || atris N : altis coni, Duhn || 202 amens Bücheier : animis N nautis Bücheier antea Bährens summis Peiper rabidis Bährens primum || 204 post te distinxit Schenkl || 205 blandas Npc : -dis N™ || 206 et N : uel Bücheier Duhn || 207 adiungens Duhn : -ges N || 208 puluere foedans Duhn : pluere faedans Npc (sedens N0*) || 209 tali N**0 : tale Nac || ab undis N : abundans Gil || 211 timet Duhn : -ent Npc -ens N*1* || haec N : heu Bährens || 212 haec Bücheier : hoc N || 214 pretium Duhn : -tum N H216 sed N : si coni. Vollmer2 || ueniat N : ueneat Bücheier Duhn D iaz ualeat Bährens || tantum quantum N : tanto quanto Bücheier Duhn Diaz.

D É LIB É R A TIO N D A CHILLE

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le corps d 'u n homme dont la guerre a scellé le courage : tu excites tout le monde contre l’ennemi si, mort en armes, il n ’est pas vendu bon marché " , lui qui, par am our pour ses concitoyens et sa cité, a fait peu de cas de lui-même. Que le Dardanide 100 9 10 y dépense ses richesses, q u ’il donne de nombreux talents ; qu’Astyanax soit dans le besoin, que Priam et tous les habitants de la malheureuse Troie mendient. Voilà le châtiment réservé aux descendants de Laomédon, si ton habile compagnon bien-aim é 101 est enseveli plus dignement avec For d ’Hector, pourvu que cependant le repos soit donné aux enfers, que les vivants obtiennent, à la place de la mort, la faveur du s a lu t102, et que jouissent de la sérénité d ’un air pur le ciel, la mer, le Tartare et la terre, dont tu tires ton origine 103 ; même si celle-ci procure au mort un sépulcre, ce sera un présage que Troie paie un tribut et que les cadavres troyens fournissent un revenu aux Danaens. 99. Sur la curieuse périphrase erit ueniens (v. 219), cf. L.D. 1, 432 : succurrens non erit uiius ; voir la note 21 au v. 31. Le participe passé passif occasus du verbe intransitif occido ne s’emploie habituel­ lement que dans l’expression sol occasus ; voir le Thés. L.L., IX, 2, 353, 8-11, qui cite notre texte comme exemple unique en dehors de cette expression. L’idée des v. 218-219 n’est pas claire : le passage semble vouloir dire qu’Achille encouragera les Grecs au combat s’ils voient qu’on fait grand cas du corps d’un guerrier mort, car alors ils n’hésiteront pas à sacrifier leur vie. 100. Dardanides (v. 221) désigne bien sûr Priam, voir la note 156 à Rom. 8, 265. Curieusement Vollmer (M.G.H., p. 299), suivi par l’Onomasticon, Thés. L.L., III, 47, 39-40, veut en faire un pluriel. 101. La périphrase carior ( = carus) ille sodalis sollers (v. 224225) désigne Patrocle. L’adjectif sollers s’explique aussi mal qu’aux v. 200 ou 52. 102. praestetur de morte salus (v. 227) : cf. L.D. 2,121 : praestatur de clade salus. La préposition de signifie « à la place de », voir t. 3, p. 164, la note 16 à Orest. 11.

DELIBERATIVA A C H IL LIS

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m ors pretiosa u iri : cunctos hortaris in hostem , si non nilis erit neniens occasus in arm is, qui se despiciens eines dilexit et urbem . . D ardanides dependat opes, det m agna talenta : A styanax egeat, P riam us m endicet et om nes, infelix quos T roia capit. H aec poena m anebit Laom edontiadas, si carior ille sodalis sollers H ectoreo co ndetur dignius auro, dum tam en infernis requies d etu r et bona uiuis p raestetu r de m orte salus ac pace fru an tu r aeris innocui caelum m are T a rtara tellus, unde genus ducis ; m orti licet illa sepulchrum com paret, om en erit, si red d at T roia trib u tu m , T roia uel D anais uectigal funera p raestent. 218 218 mors Duhn : mois N || 219 occasus Npc : -um Nac || 221 det ΙΨ*0 : set N ac || 223 haec Bücheier : et N sic Bährens || 224 si N : sic Bohrens jj 225 hectoreo N : hector eo Duhn j| 228 tartara Duhn : -rea N jj post tellus distinxerunt Duhn Bäkrems Vollmer || 231 troia N : troica Bährens || subscripsit N : explicit deliberatiua achillis delibe­ rantis an corpus hectoris uendat.

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X MÉDÉE

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Je me propose 1 de divulguer un crime et de m ontrer les dieux prisonniers d ’une malfaisante jeune fille, les élé­ ments ses vassaux, la nature esclave d’une scélérate2, esclave d ’une vierge ; de m ontrer que les astres du firmament, les courses de Phébus, les étoiles du ciel 3 sont dirigés par le bon vouloir d ’une femme, que le Tonnant attend avec angoisse 4 quel crime Médée va ordonner, où 5 elle va commander d ’envoyer les flammes de l’éther. Sa voix perce les vents 6, quand elle provoque vies et morts, quand elle détourne les destins vers le cours q u ’elle désire. Bien que, son hôte une fois tué, elle soit esclave 7 et coure dans le temple de la Diane Scythe 8, son cœ ur funeste n ’en domine pas moins le ciel qui porte les astres et la mégère, par les efforts de sa prière, presse 9 im puném ent les dieux d’en haut, contre leur gré, à lui obéir. Quelles incantations magiques m urm ure sa langue, quels mots elle prononce en brûlant des herbes aromatiques 10, il convient que le poète l’ignore ; et ce q u ’il est impie de savoir, quel crime ce serait de le divulguer 11 ! P our notre part, nous chante­ rons 12 ce que la savante Polymnie a l’habitude de dire, en ses muets propos, sur son gracieux théâtre 13 : quand le 1. Nous entrons dès le premier vers in medias res par une déclaration d’intention de l’auteur. L’expression utilisée, fert animus, rappelle le début des Métamorphoses d’Ovide : in noua fert animus mutatas dicere formas / corpora, et Lucain 1, 67 : fert animus causas tantarum expromere rerum. L’invocation à la Muse n’intervient (v. 16) qu’après l’énoncé du sujet, comme c’est souvent le cas dans l’épopée. 2. rea (v. 3) a le sens de « coupable », comme au v. 231 et reus au v. 413, voir t. 3, p. 163, la note 13 à Orest. 10.

X MEDEA F ert anim us uulgare nefas et uirginis atrae captiuos m onstrare deos, elem enta clientes, n aturam seruire reae, seruire puellae, astra poli et P hoebi cursus et sidera caeli arbitrio m ulieris agi, pendere T onantem , quod iubeat M edea nefas, ubi m ittere flam m as im peret aethereas. P en etrat uox illa per auras, cum uitas m ortesque facit, cum fata reto rq u et ad cursus quoscunque uelit. Licet hospite caeso seruiat et Scythicae cu rrat per tem pla D ianae, possidet astrigerum funesto pectore caelum et superos im pune p rem it prece nixa uirago inuitos parere sibi. Quae carm ina linguis m u rm u ret aut urens species quae nom ina dicat, haec uatem nescire decet ; quae nosse profanum est, quod fuerit uulgasse nefas. Nos illa canem us, quae solet in lepido Polyhym nia docta theatro m uta loqui, cum nau ta uenit, cum captus am atur medea N : dracontij medea n || 1 atrae Nn : arte Peiper || 3 reae N rfc : deae nac || seruire puellae Nn : sub iure puellae Bdhrens Giarratano D iaz || 4 et uoluit delere Bdhrens || cursus Nn : currus Peiper || 5 pendere Nn : spondere Giarratano perferre Bücheier Duhn penitere Rossberg perhibere Bdhrens patrare Schenkl || 10 seruiat Nn : saeu- Gil || 11 pectore Nn : gramine coni. Bdhrens || 13 linguis Nn : lingua coni. Duhn labris Bdhrens || 14 urens Duhn : iirens Nn || 16 quod Nn : quae Bücheier Duhn quin Bdhrens || nos Nn : non Peiper || 17 docta N : -to n || 18 muta Bücheier : multa Nn || amatur Rossberg : -tor Nn.

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marin arrive, quand, fait prisonnier, ligoté, Jason, qui régnera bientôt, est l’objet d ’une passion ; ou bien ce que clame avec éloquence la pâle Melpomène dressée sur ses hauts cothurnes, lorsqu’elle se lève pour prononcer ses ïambes tragiques 14 : quand la fureur, mêlée à Pamour, fit d ’une mère une sanglante marâtre qui livra sa rivale 15 aux flammes, quand des dragons venimeux 16, plaçant leur cou écailleux sous le joug du char, enlevèrent sur leurs roues, après tant de carnages, la coupable. À présent c’est toi, Calliope, que tes sœurs 17 réclament, désirent : elles te dem andent, très chère, de te rendre dans leur camp 18 (et il ne serait pas convenable que tu y ailles seulement à leur invitation). Ceinte du laurier du poète, viens de la fontaine de Pégase 19, et répands sa rosée sur mes moelles et mes sens. Pourquoi aimer l’hôte q u ’elle devait sacrifier, ou bien pourquoi sacrifier celui q u ’elle aimait ? Chez les Colchidiens se trouvait l’or opulent de la toison de Phrixus 20, une peau de bête conservée depuis long­ temps sous la garde d ’un dragon 21. C’est à cause d ’elle 22 qu’était venu Jason, profanant le premier la mer, pour soustraire à l’arbre sa laine éclatante 23. Lorsque le Scythe vit du rivage la flotte grecque s’avancer sur l’étendue houleuse dont elle fendait les flots, il prit peur ; il pense en effet qu’il s’agit d ’un prodige : qui aurait jamais cru q u ’un homme pût traverser les plaines marines 24, les bourrasques furieuses ? Déjà un barbare se rendait auprès du roi qui ignorait l’affaire, pour lui apprendre 25 quel étrange objet apportait la mer ; mais notre habile héros, Jason 26, du bateau qui courait encore sous le vent se jette seul dans les flots et, légèrement vêtu comme un matelot, gagne à la nage les rivages à portée de vue. Cependant le nourrisson 15. de (v. 22) marque un changement d’état, voir la note 197 à Rom. 8, 334. La fin du vers rappelle L.D. 3, 351 : fecit de patre nouercam. Le terme péjoratif paelice (v. 23) désigne Créuse, comme au v. 508. Celle-ci est également qualifiée de paelex dans Orest. 431, chez Horace, Epod. 3, 13, et Sénèque, Med. 462 et 495. 17. sorores (v. 26). Les neuf Muses sont sœurs, filles de Mne­ mosyne et de Zeus, cf. Ovide, M et. 5, 255 et Trist. 2, 13 : doctas... sorores.

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in ter uincla iacens m ox reg n atu ras Iason ; uel quod grande boans longis sublata cothurnis pallida M elpom ene, tragicis cum surgit iam bis, quando cruentatam fecit de m atre nouercam m ixtus am ore fu ro r dotata paelice flam m is, squam ea uiperei subdentes colla dracones cum rapuere rotis post funera tan ta nocentem . T e m odo, Calliope, poscunt o p tan tq u e sorores : dulcior u t uenias (nec te decet ire rogatam ) ad sua castra p etu n t. Lauro succincta poetae Pegaseo de fonte ueni, quo ro re m edullas et sensus infunde m eos. C ur hospes am atur, qui m actandus erat, uel cu r m actatu r am atus ? D iues apud Colchos P hrixei uelleris au ram , pellis erat, seruata d iu custode dracone. H anc p ropter pelagi tem erator p rim us Iason uenerat, u t rutilas subduceret arbore lanas. V t Scytha conspexit G raiam de litore p u p p im ire per undosum proscissis flu ctib u s aequor, expauit, nam m onstra p u ta t : quis crederet unquam p er freta, per rabidas hom inem tran sire procellas ? B arbarus ignaro regi iam n u n tiu s ibat, quae noua perferret pelagus ; sed callidus heros solus Iason adhuc uento cu rren te carina prosilit in fluctus et litora uisa n atatu 19

19 iacens Nn : -et Duhn Bdhrens || 20 quod Nn : quae Biicheler Duhn Bdhrens || boans Nn : boat Bdhrens || 24 uiperei Biicheler : -eis Nn H26 modo N : medo n || 27 nec te decet Vollmer : nocte decet Nn nunc te decet Biicheler Duhn sic te decet Bdhrens nec dedecet Giarratano non dedecet Rossberg j| rogatam Nn : -tu Bdhrens -tum male legerunt in N Biicheler Duhn Bdhrens || 31 qui n : quae N || 32 uelleris Nn : lanigeri coni. Bdhrens || aurum N : auro Schenkl Bdhrens || 33 pellis Nn : arbor Schenkl || diu N : dui n || 39 rabidas Duhn : ta- Nn || 40 nuntius n : mutius N || 42 uento Nn : lente Bdhrens.

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de Colchide, le messager dont nous avons parlé, revient e n . compagnie de la jeu n esse27 ; ils voulaient savoir ce qu’étaient ce vaisseau, ces voiles, ce m â t28. Ils voient bientôt le héros, le corps nu, qui s’enfuyait vers les eaux. La petite troupe le suit au plus court ; on s’empare de l’homme apeuré et on lui lie les mains dans le dos 29. Alors Junon, quand elle vit que les chaînes scythes maintenaient désormais étroitem ent le jeune homme et que ses compa­ gnons pris de peur avaient fui avec le vaisseau, parle ainsi à l’habitante de Cythère 30 : « Lascive 31, délicieuse, m esu­ rée, douce, puissante, tendre Vénus, qui procures les joies fécondes de l’am our, glorieuse mère des plaisirs et divinité des amants 32, je t ’adresse mes prières, moi, la reine des dieux, la femme du Tonnant 33 : un jeune homme très agréable à m on cœ ur, le beau Jason 34, qui avait traversé jadis à la nage avec moi le Danube glacé 35, se trouve maintenant traîné, le malheureux, prisonnier, à la cour du cruel Aeétès, peut-être pour y être sacrifié sur les autels 36. Arrache ce prisonnier que retiennent mille chaînes, envoie, ma Cypris, l’enfant au carquois 37, l’Amour ; que la mégère furieuse tom be sous les flammes de ton feu, que la fu re u r38 apprenne à aimer, que la prêtresse soit enfin douce, que la jeune fille méprise le temple de Diane au carquois39, q u ’elle dédaigne le sanctuaire de la déesse. Bien que l’am our soit oublieux de la religion 40 et que les amants ne craignent pas la foudre, qu’elle pense qu’il n ’y a pas d’autre déesse que toi, qu’elle adore ta divine puissance, q u ’elle te craigne comme les dieux te craignent, et qu’elle te juge la seule maîtresse des plaisirs, de même que la mer, la terre et toutes les divinités confessent par 27. ille (v. 45) a un sens faible équivalant à celui de Fanaphorique, cf. note 12. Secum est redondant et non réfléchi, comme sibi dans Sat. 166 ; sur l’emploi du réfléchi avec une valeur non réfléchie, voir t. 3, p. 186, la note 272 à Orest. 393. Rossberg veut corriger secum en socia d’après Rom. 8, 449 ; c’est inutile. 28. quid puppis erat (v. 46) : sur l’indicatif dans l’interrogartion indirecte (cf. v. 357), voir t. 3, p. 93, la note 74 à Orest. 71. Arbor a le sens de « mât », comme en Rom. 8, 618. 39. pharetratae Dianae (v. 64) : Diane est chasseresse. Ovide parle de pharetratae uirginis (Am. 1, 1, 10).

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nudatus ceu nauta petit. Sed Colchas alum nus, nuntius ille red it secum com itante iuuenta, u t nossefit q u id puppis erat, quid uela, quid arbor. M em bra u iri m ox n uda u id en t fugientis ad undas ; quem seq u itu r directa m anus capiuntque pauentem et m anibus post terga ligant. T unc lu n o Cytherem , u t u id it iuuenem Scythicas artasse catenas et pauidos fugisse sim ul cum puppe sodales, alloquitur : « Lasciua Venus, iucunda m odesta blanda potens m itis, fecunda uenustas am oris, pulchra uolu p tatu m genitrix et num en am antum , te diuum regina precor, m atrona Tonantis : est nim is acceptus iuuenis m ihi pulcher Iason, qui gelidum quondam m ecum tranauerat Istru m et nunc infelix tra h itu r captiuus ad aulam Aeetis im m itis forsan m actandus ad aras. E ripe captiuum , retin en t quem mille catenae, m itte ph aretratu m puerum , mea Cypris, A m orem , igne tuo flam m ata cadat furibunda uirago, discat am are furor, tandem sit blanda sacerdos, tem pla p haretratae contem nat uirgo Dianae, despiciat delu b ra deae. Licet im m em or extet religionis am or tim ean t nec fulm en am antes, te solam p u te t esse deam , te num en adoret, te m etuat m etuenda deis, te iudicet unam , quam m are quam tellus quam num ina cuncta fatentur 4 44 nudatus Nn : nauifragus coni. Bdhrens || colchus Duhn : -chis Nn Vollmer^ || 45 secum Nn : socia Rossberg || 46 nossent Bücheier : -et Nn H 47 ad undas Nn : ab unda Leo || 48 capiuntque N : capuintque n || 49 cytherem scripsi : citherem Nn cytheren edd. || 53 fecunda N : fac- M üller || uenustas amoris Nn : uenusta suauis Schenkt Bdhrens M üller Diaz uenusta decora Ribbeck || 54 uolupta­ tum N : -atem n || 59 aeetis Duhn : aethios n aethos N aeetae Bdhrens aeidos Rossberg || 61 mitte n : miete N || 63 furor Nn : ferox Bdhrens j| 65 exstet Bücheier : -tat Nn || 66 timeant Bücheier : -ent Nn II 68 iudicet Npcn : -en N 1*.

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leurs temples, leurs autels 41, qu’elles sont soumises à ton pouvoir. Que 42 tu diriges le cœ ur de ton père, que tu invites souvent le Tonnant, dépouillé de son trait ardent 439 à me dédaigner et à abandonner l’Olympe, au mépris de la pudeur, pour se faire pluie, cygne, afin d ’assouvir ses folles passions adultères, ou pour adopter toute autre forme en laquelle il t ’a plu de changer mon mari 44*— je ne m ’en plains pas. le demande seulement que la fille du roi, dès maintenant, aime le fils d ’Aeson et fasse son éloge ; qu’elle soupire aussitôt après lui, qu’elle aspire à possé­ der 46 celui q u ’elle se prépare à sacrifier ; que sa main armée, s’engourdissant, détache les chaînes de ses épaules, que ses bras entourent son cou, et que son épée, restant sur sa faim 47, tombe devant l’auteL » La femme de Jupiter avait fini de parler. Ainsi commença Dioné : « 11 convient, Junon, douce belle-mère que moi, Vénus, j’obéisse à ton pouvoir. Pourquoi en dire davantage ? Mon camp hait qu’on tarde. » Sur ces mots Cythérée cherche celui qui inflige l’am our 49, son fils, à travers la roseraie ; celui-ci, enfoui sous les eaux maternelles, enflammait de son trait, dans les ondes, les déesses marines 50. On envoie auprès de lui Hyménée 51. Les flots, par leurs ondes fumantes, lui révèlent sa présence. Quant il voit la m er brûler 52, il dit : « Ici se cache l’enfant ailé, ici FIdalien 53. Mais il ne peut se cacher, la plaine liquide bouillonne. l ’entends les eaux siffler comme quand Phébus plonge dans l’océan ses coursiers haletants 54 lorsque, à l’approche de la nuit, la lune apparaît sur le ciel émaillé d ’astres suspendus. Viens ici, lascif enfant, ta mère te cherche partout et de tous c’est moi, ton serviteur, qu’elle a envoyé pour que tu viennes 55 sans retard. » Ainsi parla-t-il. Et lui, se levant du milieu des

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41. p e r te m p la p e r aras (v. 70) : Dracontius affectionne Fanaphore de p e r en fin de vers, voir t. 3, p. 204, la note 422 à O rest . 609. Sur la toute-puissance de Vénus, voir la note 285 à R o m . 8, 473. 42. q u ad (v. 71). Duhn, Vollmer et Diaz de Bustamante gardent le quae du manuscrit dont ils font sans doute un relatif de liaison ; les propositions dont les verbes sont f le c tis et iubes n’ont alors pas de lien syntaxique avec le verbe queror . II nous paraît préférable de corriger quae en la conjonction quod.

M ED EA

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im perio subiecta lu o per tem pla p er aras, esse uolu p tatn m dom inam . Q n o d corda parentis flectis et exutum telo candente T onantem despiciat m e saepe iubes nec castus O lym pum d estitu at, sit u t im b er olor, bacchetur adulter uel quodcunque m eum placuit m utare m aritu m — non queror. A esonidem tan tu m peto filia regis nunc am et et laudet ; mox h unc suspiret anhelet, quem m actare p arat ; soluat ceruice catenas torpescens arm ata m anus, cui bracchia collum circum dent m ucro < que > cadat ieiunus ad aras. » F inierat m atrona louis. Sic orsa D ione : « Me V enerem m e, lu n o , decet m e, blanda nouerca, im perio parere tuo. Q uid p lura loquem ur ? O derunt m ea castra m oras. » Sic fata C ythere quaerit am oriferum p er tota rosaria natum : ille deas pon ti telo flam m abat in undis m aternis sum m issus aquis. H ym enaeus ad illum m ittitu r. H uic fluctus p ro d u n t fum antibus undis. V t pelagus caluisse uidet, « H ic aliger », in q u it, « hic latet Idalius. Sed non latet, aequora feru en t : agnosco stridere fretu m , ceu P hoebus anhelos oceano dem ergit equos, cum nocte p ropinqua luna uenit stellante polo p en dentibus astris. H uc ades, o lasciue puer, te m ater ubique quaerit et e cunctis uestrum m e m isit alum num , u t uenias parcente m ora. » Sic fatus. A t ille 71 71 uoluptatnm N : -atem n || quod scripsi : quae Nn edd. quia Bohrens || 73 nec Nn : ne Ribbeck || 74 destituat Biicheler : -uet Nn || bacchetur Nn : Baccheius Bährens j| adulter N : -tri n || 75 quodcumque Bährens : quod cumque Nn quocumque Duhn || 76 aesonidem Nn : -den D iaz |j 77 anhelet Duhn : -lat Nn || 79 cui Nn : quin Gil tum Bährens || colium Nn : collo coni. Bährens || 80 circumdent Nn : -det coni. Bährens || mucroque Bährens : mucro Nn et mucro Duhn || 88 huic Biicheler : hunc Nn || 93 stellante Nn : still- Bährens || 94 huc N : huic n |j 96 parcente Nn : absente Bährens.

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flots, les cheveux éclatants, agita la tête à travers les airs, secoue infatigablement les ailes pour enlever l’eau de ses plumes et les sécher 56 : le feu déployé par les mouvements de l’enfant étincelle comme les astres, partout on pouvait voir le jour briller 57, les flammes voltigent sur la plaine liquide. De même que, là où l’Aurore éclatante peigne ses cheveux de po u rp re 589 avant le jour, pour bientôt teindre l’Orient 5 , le phénix, oiseau unique de son espèce, fatigué de son grand âge 6 0 et destiné à revenir après s’être, au bout de siècles, dressé un bûcher de cannelle, de patchouli, de nard, d ’encens, de baume et d ’am om e61, monte sur ce nid qui sera son tombeau 62 * et bat des ailes pour faire venir les flammes (ainsi naît le feu qui consumera bientôt, avant l’oiseau, les parfum s ambroisiens : de même l’enfant Idalien répandait le feu de ses mouvements d ’ailes : poisson, volatiles, troupeaux, bétail, bête sauvage, berger halètent de désir 6 4 quand le dieu qui enflamme se lève. Ensuite il vole sur la haute mer. Désormais le dieu ailé 6 5 n ’était plus mouillé : d’où q u ’il s’approche, où q u ’il soit, accompagné d ’une odeur printanière il baigne tout d ’une douce chaleur ; un beau chemin de roses se déroule devant lui, les lis éclatants de sa cape font ressortir les pâles giroflées 66 du sentier couvert de fleurs qui s’étend toujours davantage : la trace fleurie, sillonnant 6 7 le ciel, brille dans le vide de Fair. Cypris a perçu l’odeur de ce vol parfum é : « Mon fils est là, dit-elle ; en effet l’air est maintenant jonché d ’une abondance de fleurs, tout exhale une odeur d ’ambroisie 68. » Pendant que parle la lascive Vénus, voici qu’arrive Cupidon, un peu fatigué ; haletant, il s’élance 6 9 vers le sein de sa mère pour 56. Dracontius affectionne l’expression per inane (v. 98) et l’em­ ploie quatre fois dans le poème (v. 98, 118, 465, 565) ; sur son sens, voir Rom. 8, 455 et la note 271. Le présent quatit succède brusque­ ment à un parfait ; sur cette liberté dans les temps qu’on rencontrera plusieurs fois dans le texte, voir la note 52 à Rom. 6, 65. Le verbe desicco (v. 99) est d’emploi tardif ; il est construit ici avec un ablatif de séparation, exemple unique selon le Thés. L.L., V, 1, 695, 31. 65. uolucer (v. 113) désigne l’Amour, comme au v. 161, voir Rom. 7, 15 et la note 9.

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fluctibus e m ediis surgens rutilante capillo excussit p er inane caput, quatit im piger alas, u t pinnas desiccet aquis : m icat ignis u t astra plausibus excussus pueri, per cuncta uideres scintillare diem , u o litant super aequora flammae. Sic, ubi puniceos rutilans A urora capillos pectinat ante diem , quae mox p erfundat Eoum , phoenix, sola genus, senio lassata uetusto, ci/m am a cui folium n ardum tus balsam a am om um inform ant post saecla pyram reditura, sepulchrum conscendit factura rogos et u erberat alas u t flam m as asciscat auis (sic nascitur ignis ante alitem am brosios iam consum pturus odores) : sic p u er Idalius spargebat plausibus ignes ; piscis aues arm enta pecus fera pastor anhelant flam m igero surgente deo. Volat inde per altum . Iam uolucer non u d u s erat : quocunque propinquat a u t ubicunque fuit, blando feruore uaporat, quem sequitu r uernalis odor ; uia pulchra rosarum te n d itu r et uiolas pallentes candida peplo lilia distingunt ac florea semita crescit : persuleans per inane polos m icat orbita florum . Cypris odoriferos sensit fraglare uolatus : « N atus adest », in q u it ; « m ultis iam spargitur aer floribus, am brosio to tu m respirat odore. » D um lo q u itu r lasciua Venus, uenit ecce Cupido fessulus et grem io m atris lib ratu r anhelans, 98 inane N : niane n || 99 ut astra Nn : ad uel in astra Bohrens || 100 excussus n : -ssis N || 103 pectinat N : pectniat n || quae Nn : quam Gil || perfundat Nn : -det Duhn || 104 sola genus Nn : soligenes Bährens || 105 cinnama Duhn : emnima n om. N spatio relicto || 107 factura N : fuc- n || 108 auis Nn : aui Bährens || sic Nn : sibi Schenkt || 109 alitem Nn : alitem et Rossberg diem Ellis Diaz ipsam Bährens |j 113 uolucer Duhn : -crer Nn || erat Nn : aquis Bährens || 115 quem Nn : qui Schenkl || pulchra Npcn : purchra Nac || 118 per­ suleans n : -Itans N || 119 fraglare Npcn : flag- N^.

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s’y blottir. E t tandis que l’enfant Am our y vole tout droit, sa mère s’empare de lui, met ses cheveux en ordre et, l’étreignant, le cajole avec des baisers 70. Câline, elle lui donne les ordres suivants : a Pyrois 71, esprit de feu du monde et féconde chaleur du ciel, toi par qui les choses se renouvellent, qui es le principe, l’origine, la source, le créateur et la cause de la passion 72, toi qui assures la féconde conservation de la vie, la douce volupté, toi qui commandes à l’affection. Amour, c’est à ton instigation que, dans l’univers, les éléments se succèdent et que la terre ne m eurt pas 73, alors que périt tout ce qui est créé, et qu’elle ne se voit pas amoindrie quand recommence un nouveau cours des temps 74. Ma belle-mère, Junon, qui est désormais entre mes mains, vient de me rendre visite et sollicite en suppliante une faveur que tu devais souhai­ ter 75 : que la prêtresse Médée, qui a l’habitude d ’apostro­ pher le ciel d ’une voix sacrilège, de faire venir à elle les dieux contre leur gré, de tourm enter le Tonnant et en même temps de troubler la nature en agitant par ses prières les éléments, la mer, les étoiles et les terres, reçoive ’6 dans le cœ ur tes traits (telle est la demande de Junon), et q u ’elle chérisse, désire, aime, convoite le jeune Pélasge, qu’elle soupire après lui et aspire à sa possession. Arrange donc la chose avec soin et souviens-toi exactement de ceci : tu dois frapper 77 Médée. » Ainsi parla Dioné. L’Amour ailé rit et se soustrait au sein de sa mère 78. Il choisit des flèches cruelles sous le coup desquelles, jadis, la Lune enflammée retint dans l’obscurité le berger — car elle ne soutient pas les feux de Cupidon 79, quoiqu’elle soutienne le disque du Soleil et s’approprie la lumière produite par les rayons de son frère « Que Médée, dit le maître du feu, soit brûlée par ce trait avec lequel l’Amour a embrasé la déesse 72. Le parallélisme de Paccumulation est brisé (v. 129) par le fait que le mot affectus est au génitif. N atura est ici synonyme de origo, genus. Même clausule fons auctor origo dans Rom. 8, 8. 77. fixurus eris (v. 144) : sur cette périphrase qui équivaut à un futur — ici jussif — , voir t. 3, p. 210, la note 467 à Orest. 671. Dioné est ici assimilée à Vénus, comme aux v. 81, 590 et 597, voir la note 48.

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quo sessurus erat. Q uem p ro tin u s Illa uolantem occupat et crines com ponit m ater A m ori ac p u eru m com plexa fouet dans oscula nato. Sic blandita iu b et : « Pyrois, m ens Ignea.m undi atque uapor fecunde poli, successio rerum , affectus n a tu ra genus fons auctor origo, tu uitae fecunda salus, tu blanda üoluptas, tu princeps pietatis, A m or, te praeduee m undo alternant elem enta ulces et non perit orbis, cum pereant quaecunque < creat > , nec sentit [adem ptum successu red eu n te nouo. V enit ecce nouerca, in m anibus iam lu n o meis supplexque p recatu r quae fu eran t op tan d a tibi : M edea sacerdos, sacrilega quae uoce solet com pellere caelum , inuitos accire deos, urgere T onantem , d u m precibus elem enta q u atit m are sidera terras, n aturam tu rb a re sim ul, tu a tela m edullis excipiat (hoc lu n o petit) iuuenem que Pelasgum diligat o p tet am et cupiat suspiret anhelet. Sollicitus tam en ista para cautusque m em ento : M edeam fixurus eris. » Sic fata Dione. R isit A m or m atrisq u e sinu se su b trah it ales ; spicula saeua legit, quibus olim Luna per um bras pastorem flam m ata tenet nec sustinet ignes L una C upidineos, Solis quae sustinet orbem et fratris radiis conceptus lucis adoptat. « Hoc », ait ignipotens, « telo M edea crem etur, quo Scythicam succendit A m or, dom inaeque fauillas

127 ante uersum R Nn || pirois Nn : puer o Bdhrens primum || 132 uices NnP* : duces n0* || 133 creat suppi. Biicheler || 135 precatur Bdhrens : uocatur N nocatur n locatum Biicheler Duhn || 145 saeua N : laena n j| 147 pastorem flammata tenet Nn : pastore inflammata tepet Bdhrens f| 151 quo Duhn : quos Nn.

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scythe 81 ; ensuite, volant dans le temple, j’enlèverai à sa maîtresse ses cendres chaudes ; et qu’ainsi la vierge sanguinaire reconnaisse que cet arc a plus de pouvoir que le carquois de sa maîtresse. De fait Diane a coutume d’abattre des bêtes sauvages, des cerfs et des d aim s 8 2 : mais ce trait-ci abat rois et divinités. » Pendant ce tem ps la charmante Cypris ordonne à quatre colombes d’un blanc de neige de se tenir à sa disposition : elles sont bridées par des rênes de roses, leurs cous éblouissants sont placés sous des gerbes de roses 83 *rouges (en effet les jougs sont formés d’un assemblage de roses) ; la main droite de l’Amour porte un fouet qu’ornent la pourpre moelleuse et la soie délicate Déjà le dieu ailé monte sur les oiseaux et la douce Volupté l’accompagne ; les Em brassem ents arrivent, l’Hymen se joint à eux, les Joies accourent, les Rires et les Baisers s’avancent 85. Au reste 86, bien que le mors ait uni les colombes idaliennes et q u ’elles volent partout ensemble, cependant l’enfant ailé, infatigable, chevauche 87 tantôt l’une, tantôt l’autre ; à présent il se réjouit 'de soulager son attelage et de se racheter en volant (le quadrige volant sent bien que l’aurige s’élève dans Pair de ses propres ailes puis de nouveau rejoint les colombes et, m uni de son carquois, ferme la marche des volatiles 89. La barbare Colchide n ’est pas encore prise dans les glaces scythes 9 0 ; pourtant régnait déjà l’hiver rigoureux, sinistre, du pôle arctique f et engourdi, raidi par le froid et le dieu ailé plein d’audace 91 f- Mais à l’approche de l’enfant, attestant q u ’arrive un dieu, la région affligée devient plus sereine 92 : les nuages repoussants sont bien­ tôt mis en déroute, le dieu qui enflamme chasse les sombres p lu ie s 93. On commençait à voir la Colchide impie, l’autel cruel de D ian e 9 4 : déjà sur l’ordre du 82. Diane est chasseresse et aime notamment à tuer les cervidés, elle est Έλαφιαέα. 83. rosetis (v. 158) : rosetum signifie ici « masse de roses », voir la note 362 à Rom . 8, 616. Le char de Vénus est décrit dans des termes proches en Rom. 6, 75-79, avec le même contraste de fleurs et de couleurs. 86. nam (y, 164) est ici une particule de transition sans valeur explicative, voir t. 3, p. 186, la note 267 à Orest. 381.

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excutiam per tem pla uolans, et uirgo cruenta approbet hos arcus dom inae plus posse pharetris. N am que D iana feras, ceruos ei figere dam m as assolet : hoc telum reges et num ina figit. » Q uattuor interea niueas astare colum bas Cypris am oena iubet : roseis fren an tu r habenis, candida puniceis su b d u n tu r colla rosetis (nam iuga su n t com pacta rosis), fert dextra flagellum purpu ra q u o d m ollis, ten u is q u od sericus ornat.

Iam uolucer conscendit aues et blanda V oluptas it com es. A m plexus ueniunt, Hym enaeus adhaeret, G audia concurrunt, Risus atque Oscula pergunt. N am licet Idalias sociarint frena colum bas et iunctae per cuncta uolent, tam en im piger ales nunc hanc nunc illam residet gaudetque iugales iam releuare suas et se pensare uolatu (sublatum propriis persentit in aera pinnis aurigam quadriga uolans) iterum que colum bas ap p etit et pharetris concludit dorsa uolantum . N ondum p er Scythicas glacies stat barbara Colchis, et iam b ru m a rigens A rctoi tristio r axis f torpebat coacta gelu f et pinniger audax, et magis accessu pueri plaga maesta serenat ad u en tu m testata dei : mox taetra fu g an tu r nubila, caeruleos excludit flam m iger im bres. Im pia iam Colchis, iam saeuior ara D ianae 152 excutiam n : excipiam Npc etcipiam Nac || 154 et figere Bücheier : effigere Nn || 161 auis male legit in Nn Duhn || 165 iunctae N : iuncta an uinctae n || 167 se pensare Nn : dispensare Bdhrens || uolatu Bückeler : -tum Nn Bdhrens || 168 in N : ni n || 169 iterumque Nn : iterum ecce Bdhrens || 170 concludit Nn : eonlidit Bücheier Duhn Bdhrens Diaz compludit Marx contundit Peiper || 172 et Nn : set Bücheier Duhn || 173 torpebat Nn : torpebatque Vollmer || coacta gelu et Nn : coacta gelu hoc Vollmer2 concreta gelu it Bücheier Duhn conpacta gelu set Bdhrens stant cuncta gelu nec Leo || 174 et Nn : it Vollmer^ |j 177 colchis N : coch colchis n.

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m onarqu e95 on emmenait comme - un taureau le beau Iason ; la criminelle Médée le suit, déchaînée, Fépée nue, et elle presse les serviteurs du culte. Ils pénétraient dans le sanctuaire et s’approchaient déjà des autels 96. Mais le dieu des amants gagne en cachette le temple : les traits firent du bruit dans son carquois. La prêtresse Médée est transportée d ’une très grande1joie, elle pense qu’ont retenti sous la voûte les armes de la chaste Diane, la prêtresse croit que la déesse a exaucé ses vœux avant même que ses prières n ’aient été formulées 97. Aussitôt, adorant la divinité, elle dit : « Ç’èst u n présage ; je proclame avec constance ma foi en toi. Trivie, qui es à la fois Lune, Diane et Proserpine héritière du m onde 98 ; de fait tu possèdes trois royaumes : tu règnes dans le ciel, Cynthie, tu brilles sur terre " , chasseresse, et tu occupes la demeure de Pluton, distri­ buant avec équité ton temps entre tes royaumes et tes voyages* Je te remercie de m ’avoir déjà exaucée. La victime amenée par les flots gît à terre, dans ton temple. » Ayant parlé ainsi la sanguinaire jeune fille apporte vers l’autel la farine sacrée 1υυ. Et bien que sa nourrice, qui l’assiste, lasse, tremblante, gémisse, c’est e lle 101 cependant qui ordonne au héros gisant face contre terre de tendre le cou et de redresser la poitrine 102. Quand donc l’étranger Jason se tourne, il lève par hasard les yeux vers le toit et voit l’enfant qui vole et le salue. Le matelot alors prie en murmurant d’un ton pressant : « Divinité que le monde adore 103, si le ciel, la terre, et tout ce que crée la nature, ont été livrés a ton triomphe 104, dieu bienfaisant, si tu ne

95. m a n d a n te tyran n o (v. 178). On apprenait aux v. 58-59 que Jason était entraîné à la cour du roi. Celui-ci vient donc de le condamner à être immolé par Médée. Dans la version la plus courante du mythe Jason, à son arrivée en Colchide, se rend volontairement auprès du roi Aeétès pour lui demander la toison. Celui-ci ne refuse pas mais lui impose comme condition deux épreuves (voir la note 172 au v. 363). Le début du v. 179 rappelle Virgile, E n. 2, 403 : ecce trah ebatur... C assan dra.

96. De nombreux vers de Y É n éide commencent comme celui-ci (v. 182), cf. 9, 371 : iam qu e p ro p in q u a b a n t ca stris m uroque su b i­ b an t.

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coeperat ostendi : iam tu n c mandante tyranno ecce trah e b atu r ceu tau ru s pu lch er Iason, quem sequitu r M edea nocens urg etq u e m inistros nudato m ucrone furens. D elubra su b ib an t iamque pro p in q u ab an t aris. S e d n um en amantum furtim tem pla p etit : so n u eru n t tela pharetris. E xultât gauisa nim is M edea sacerdos : telorum strep itu m castae p u tat arm a D ianae increpuisse tholo, credit sua uota sacerdos ante preces audisse deam . Mox num en adorans « O m en adest », in q u it, « Triuiam te. Luna Diana, confiteor perstans, heres P roserpina m u n d i ; nam tria regna tenes : tu caelo C ynthia regnas, uenatrix terrena micas, capis atria Ditis, tempora distribuens regnis et cursibus apta : iam grates audita loquor. lacet hostia templis per fluctus aduecta tuis. » Sic fata per aras uirgo cruenta molam perfert. At mystica nutrix fessa licet tremibunda gemat, tamen ipsa iacentem tendere colla iubet uel pectora prona supinet. Ergo peregrinus cum iam uersatur Iason, forte oculos per tecta leuat : uidet ecce uolantem atque salutantem puerum. Sed nauta precatur murmure sollicito : « Numen quod mundus adorat, si caelum, si terra tui sunt, alme, triumphi uel quicquid natura creat, si sanguinis expers 178 iam tunc Nn : toruo Bohrens || 179 ceu taurus Bücheier : Centaurus Nn || 180 ministros Bücheier ex 261 : -ras Nn || 182 sed Bücheler : sic Nn hic Bohrens || 183 tela Nn : tecta Bücheier || 185 a n te uersum in e a d e m lin e a scriptu s est et p o s te a suppunctus uersus 187 N |j strepitum N n : -tu S ch en kl Bohrens || 188 inquit N : niquit n || triuiam N n : trinam B ährens |[ 189 confiteor Duhn : confidit to n confidi ëo N totius et B äh rens || perstans N n : praestas Bährens II 190 tenes Npcn : tenens N** || 191 micas N n : meas B ährens || 192 regnis Nn : sig- G il |j apta n : acta N aptans Hudson- Williams D iaz I) 200 sed Nn : sic Bährens.

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contribues pas aux effusions de sang ni à la m ort funeste, si les fleurs de ta mère sont les seules victimes q u ’on t ’offre et si ton temple, où pendent des couronnes tressées, se contente du sang de la pudeur virginale 105, arrache-moi, invincible, à ces maux 1 . On me garde comme victime, pour m ’immoler 107 sur les autels ; mais puisse-t-on me garder sain et sauf ! » Le m aître du feu entendit 108 (en effet il perçoit ce que m urm urent les hommes) et riant, réjoui, dit : « Gracieux pirate, pourquoi as-tu peur, alors que t ’est promis un heureux destin, que tu es encore vivant^09, que des royaumes te sont réservés, que t ’attend la toison du bélier 110*et que la prêtresse Médée te sera donnée comme épouse ? Mais souviens-toi de moi, ne deviens pas orgueil­ leux à la suite de ta bonne fortune, et n ’entreprends pas en navigateur de nouveaux périples. » Pendant que parle l’Amour ailé l n , la jeune fille, ayant dégainé son épée, levait déjà la main. Jason, prisonnier, crie : « Vénus, viens à mon secours, Cupidon, viens à mon secours : on m ’im ­ mole dans l’instant, Médée m ’immole. » Ainsi parla-til. Alors l’Amour approche de la corde étincelante les flèches de feu 112, et envoie de son arc flamboyant un projectile fait de bois de roseau. Les traits volent en rendant un son aigu : la poitrine de Médée s’enflamme, son cœ ur brûle, ses yeux s’égarent, elle pousse des soupirs 113, sa dextre affaiblie a relâché le fer funeste. Mais sa nourrice, s’étant étonnée de ce retard, la réprim ande : « Dis donc, ma fille, pourquoi t ’arrêtes-tu ? Allons, frappe-le ! Qu’on lui arrache les viscères et les entrailles, qu’on consulte son foie pour qu ’il annonce le destin. T u hésites, Médée ? Nous, nous le tuons : la prêtresse de Phébé, inerte, s’engourdit. 105. tamen (v. 204) a un sens faible, comme aux v. 302 et 385, voir Blaise, D.L.A.C., p. 808 et Leumann-Hoffmann-Szantyr, II, p. 496497. Ici il est symétrique du et (déplacé) du début du vers. La périphrase flores matris (v. 204-205) désigne les roses, fleurs de Vénus. L’expression redon pignus hab etu r ? » « Solus », ait captiuus, « ego, m ihi pignora nulla coniugis au t soboiis. » D ictis gauisa uirago blanda refert : « Vis ergo m eus nunc esse m aritus ? » « S enius », Iason ait, « ta n tu m ne uita negetur 230 tremuli D uh n : -is N n |j 231 et B iicheler : sed N n || 232 fueris N rf° : -it ηΜ || 234 inermes N n : -ites Mährens || 235 iacens N rfc : nocens »ac || 237 reuocabat N n : relo- Mährens || inerti N : nierti n || 243 effatur N n : et fatur Mährens || 244 non torta N n : nam torta H udson- W illia m s D ia z contorta P eip er || p o s t artus d istin x eru n t D uhn H u dson- W illia m s D ia z || 245 et N n : est Mährens se et H udson- W illia m s D ia z fj dolorem N n : dolonem Mährens || 246 p o s t iam d is tin x it D ia z || 248 dic nauta D u h n : dignata N n || 250 tibi su ppi. D uhn : iam su p p i. M ährens || 251 solus N pcn : colus N ac j| ego N n : ago P eiper.

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te reconnais pour maîtresse. » Ainsi parla-t-il. La jeune fille, alors, brise les chaînes qui entouraient ses bras et les suspend aux autels, pour racheter son 125 crime ; d’ellemême elle l’appelle son mari, après l’avoir couvert d ’un vêtement de Tyr dont la bordure, en soie moelleuse, faisait ressortir l’or fauve du milieu de l’habit, où les fils vermeils chatoyaient sur la tram e rouge 126. La nourrice p rit peur, tous les serviteurs du culte furent frappés de stupeur. Mais l’enfant m aître du feu, vainqueur, célèbre son triom phe dans le temple, l’Hymen nu joue, la Gaieté sensuelle danse, le doux Désir les escorte, l’Affection sincère se joint à eux, les plaisants Baisers retentissent sur les lèvres vermeilles, la Concorde, la Grâce, le Jeu applaudissent volontiers 127 : le fiancé, Jason, était joyeux, ainsi que la prêtresse, sa fiancée, de se rendre, après être allés au temple, dans la chambre n u p tia le 128. Alors Junon qui préside aux mariages se présenta au héros, puis chantait avec éloquence des remerciements à Vénus 129. La dure Ingratitude suit les époux triom phants, l’Oubli, son frère, m arche à leurs côtés 13°. Cependant Liber, alangui, revenait des Indes qu’il avait domptées, chevauchant, après les combats, ses tigres haletants 131 ; le suit une troupe charmante, prête à danser, qui emmêle ses pas ivres 132 dans les thyrses de pam pre. Il a senti 133 que celui qui inspire l’am our avait frappé de ses flèches la Scythe et que l’enfant ailé avait dévasté le temple de Diane : « Allons, dit-il, retournez là-bas sur vos traces. 125. Les V . 256-257 posent un problème de texte q u i revient notamment à décider si c’est Médée ou Jason qui suspend les chaînes aux autels (voir un résumé du problème par A. Grillone, D iaz de Bustamante, Draconcio y sus carmina profana. Gnomon, 54, 1982, p. 534). Il nous paraît plus logique que ce soit Médée. Ilia (v. 256) a un sens faible, et proprium (v. 257) équivaut à suum, voir t. 3, p. 171, la note 100 à Orest. 101. 127. Concordia (v. 266) apparaît aussi dans l’épithalame de Stace, Silu. 1, 2, 239-240. Lusus a le sens de « jeux, ébats amoureux », cf. Properce 1, 10,9 ; Ovide, Am. 2, 3, 13. Rossberg veut, à tort, corriger le mot en Risus d’après le v. 163 et Rom. 6, 60. Le cortège de Cupidon des v. 263-266 ressemble à celui des v. 161-163. Sur ce goût de Dracontius pour les cortèges, voir la note 47 à Rom. 6, 6Ö-

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te precor et dom inam fateor. » Sic fatus. A t illa ru m p it uincla h u m e n , uirgo suspendit ab aris u t facinus p urget p ro p riu m ; uocat ipsa m aritum uestibus in d u tu m Tyriis, quas sericus am bit mollis et in medio fuluum distinxerat aurum , blatiea puniceo radiabant stam ina filo. Expauit nutrix, omnes stu p u ere m inistri. A t puer ignipotens uictor per tem pla trium phat, nudus lu d it H ym en, mollis Lasciuia saltat, blanda Libido coit, sim plex A ffectus inhaeret, ludicra puniceis resonabant Oscula labris, dant faciles plausus C oncordia G ratia Lusus : sponsus Iason erat gaudens et sponsa sacerdos ad thalam os post tem pla. D uci tunc pronuba luno affuit et grates V eneri facunda canebat. Ecce trium phantes Ingratia d u ra iugales consequitur, gressus consors Obliuio iungit. M arcidus interea dom itis rediebat ab Indis Liber, anhelantes residens post proelia tigres ; quem sequitur iucunda m anus saltare parata ebria pam pineis miscens uestigia thyrsis. Sensit am oriferum Scythicam fixisse sagittis et uolucrem puerum po p u latu m tem pla Dianae : « Illo iam gressus », dixit, « conuertite tigres : 256 ante uersum .·. N || rumpit Nn : -pi Vollmer || humeri scripsi : iuuenique Nn umeri quae Speranza Diaz iubetque Bücheier Duhn iubet Vollmer uiri quae Bohrens || uirgo Nn : uiro Bücheier Duhn uir Speranza D iaz tunc Bohrens || suspendit Nn : -dat Bücheier Duhn || 257 post purget distinxit Speranzc || ipsa N : ipse n || 258 indutum Nn : induitur Bohrens || quas N rfc : quam n™ || 259 distinxerat N : distinxerat n || 260 blattea Duhn : bl *>atea Nn || radiabant n : -bat N || 264 affectus Nn : amplexus Gudeman || 266 lusus Nn : risus Rossherg II 267 sacerdos N : saceo sacerdos n || 268 duci tunc Vollmer : ducit et hunc Nn fugit tunc Leo ruit tunc Bücheier Duhn ruunt tunc Bdhrens II 269 ueneri Duhn : -ris Nn || 270 ingratia N : ni gratia n || 271 gressus Nn : -ssu Bücheier Duhn || consors n : concors N || iungit Npcn : nungit A rac.

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tigres : t o u s n ’êtes par votre nombre qu’une charge pour un dieu. H âtez-vous, valets : l’enfant ailé M alien 134 est moins efficace sans notre appui. » À peine avait-il parlé que, déjà débarrassé d ’eux, il gagnait par ses propres moyens la Scythie : il arrive bientôt chez les C olchidiens, déjà les cortèges de Sém élé se joignent à lui, les fem m es de Byblos dansent et les Bacchantes to u rn o ien t135. Cepen­ dant, revenant de la chasse, la sœur du dieu qui porte le plectre 136 gagnait le sanctuaire, étonnée que le tem ple soit soudain silencieux, que subitement l’ambroisie, partout répandue, exhale ainsi son parfum. Les poésies fescennines 137 résonnèrent aux oreilles de la déesse : « Les beaux fiancés sont en train de prononcer leurs vœux, on unit la resplendissante Médée à son mari, fils d ’Aeson 138. t Elle rougit et fut peinée à la fois : « Q u’un favorable présage ne préside pas à son mariage, dit-elle, qu’elle ne prenne pas un voile 139 de bonheur : q u ’elle déplaise un jour à son m ari pour qui, honteusem ent, elle a conçu un am our tém éraire et sacrilège. Mais un souci plus grand de ju stice m e fait souhaiter que le m atelot, perfidem ent, dédaigne son excel­ lente épouse 14°, et que séduit par un plus dou x attachem ent il lui signifie une amère répudiation 141 ; q u e devenue m ère, elle voie la mort de tous ses enfants 142, q u ’une fois abandonnée, elle pleure les fils nés de sa chair, q u ’elle se lam ente d ’être délaissée par son mari et vive pendant des siècles dans u n e nuit stérile 143 ; que partout où elle aille elle soit une étrangère, et q u ’elle gém isse en reconnaissant qu’elle a elle-m êm e causé sa terrible douleur. » A yant parlé ainsi D iane, attristée, s’en va 144. L’enceinte consacrée est silencieuse, le sanctuaire affligé, le tem ple privé de sang e t 145, seule, la vieille nourrice en gardait le vestibule. 134. pinniger Idalius (v. 280) : cf. Rom. 2, 4-5 : Idalius... / pin n i­ ger et la note 3 dans C.U.F., t. 3, p. 244. C. Morelli (Uepitalam io nella tarda poesia latina, S.I.F.C., 18, 1919, p. 407) fait remarquer la similitude entre l’arrivée de Bacchus en Colchide et celle de Vénus dans Rom. 6, 72-89 : dans les deux passages, après les ordres des dieux à leur attelage respectif, on a quelques explications sur la raison qui les a incités à ce voyage. Quant à l’intervention de Bacchus (ici vrai deus ex machina qui résout les obstacles au mariage), elle peut être inspirée de Stace, Si lu. 1, 2, 219-228.

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estis opus, m ea tu rb a , deo. P roperate, m inistri : p inniger Id alies m inor est sine m unere nostro. » D ixerat et Scythiam uacuus iam sponte petebat : iam u en it ad Colchos, iam se Semeleia iu n g u n t agm ina, Bybliades saltant B acchaeque ro tan tu r. . V enatu interea rediens delubra petebat plectriferi germ ana dei m irata repente quod sileat tem p lu m , subito quod sparsus ubique am brosius sic feaglet odor. Sonuere per aures fescennina deae : « P u lch ro ru m nota geru n tu r, iu n g itu r A esonidi fulgens M edea m arito. » E ru b u it dolu itq u e sim ul : « N on om ine fausto con iu n g atu r % ait, « nec prospera flam m ea siim at : displiceat quandoque uiro, cui tu rp iter audax sacrilegus processit am or. Sed iustius opto : perfidus egregiam contem nat n auta iugalefn, dulcior affectus uel am ara repudia m ittat funera to t u ideat fu erin t quot pignora m ater, ' · orba parens natos plangat, uiduata m arito · lugeat et sterilem ducat per saecula noctem ; aduena sem per eat, se tan ti causa doloris auctorem confessa gem at ». Sic fata D iäna tristis abit. D elu b ra tacent, sacraria m aerent, sanguine tem pla carent, nu trix tam en atria tan tu m tem p lo ru m sem ab at anus, haec anxia crim en 280 munere n : murmure N || 281 uacuus Nn : uaciiam Schenkl Bacchus Bücheier Duhn D iaz currus coni. Duhn || iam sponte Nn : marcore uel languore Bohrens || 284 petebat N rfc : -ban nac -bant Schenkl |j 238 pulchrorum Nn : pulchro dum Rossberg colchorum Peiper pudibundae coni. Bährens || 291 coniungatur N coniug- n || 294 nauta Duhn : nata Nn || 296 mater N rfc : matri n** |j 298 saecula Duhn : secula Nn saecla Rossberg Bohrens || noctem Nn : sortem Ribbeck uitam Bücheier senectam Rossberg Bohrens || 299'se Duhn : sit Nn Bohrens \\ 300 auctorem Nn : acta loco corii. Bohrens || gemat Nn : genus coni. Bohrens |[ 301 ante uersum signum .‘.pictum est et postea deletum N n jf abit Duhn : abijt Nn || delubra tacent nutrix tamen atria tantum et supra sacraria maerent n || 302 tamen Nrt : uacua Bohrens.

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Affligée, elle 146 pleurait la faute de la jeune femme et sa pudeur ravie : telle la strige nocturne, dans les ruines calcinées de sordides bâtisses, fait entendre de son bec, dans l’obscurité, des cris stridents 147 ; tel aussi se plaint le redoutable hibou au chant funèbre, qui pousse de lam en­ tables gémissements 148 quand, affligé, il chante sa tristesse dans la nuit sinistre ; de même la nourrice, anxieuse et affligée, gémit et exhale ses plaintes tremblantes. Cependant u n messager, un garde à la bouche porteuse de sinistres nouvelles, vole à cheval vers le roi et révèle au monarque que sa fille s’est unie à la légère à un mari inconnu 149. Le père prit peur : ainsi jadis le triste Agénor succomba, fort âgé 1 °, privé de la tendresse d ’Europe, en ignorant encore qu’il avait reçu 151 pour gendre le Tonnant. Colère, douleur, divinité, piété, injustice, ro y au m e152, l’agitent et l’ébranlent. Il ordonne à ses serviteurs de saisir leurs armes 153 ; en effet le souci de sa réputation poussait ce chef au combat. Alors qu’il prépare châtiment et m ort, l’Indien Liber arrive à la cour et contint sa fureur par un discours rem arquable : « Ainsi, dit-il, souverain, un scru­ pule religieux sans fondement s’est emparé de ton esprit ? Tu aimes ta fille au point de lui préparer des traits ? P lutôt que de déraisonner, espère de ton enfant de gentils descendants. La prêtresse, quoique vertueuse, n ’a pu supporter le poids de la virginité 154 : même 155 la chaste Diane brûle d ’amour, puisqu’elle a agréé le berger pour mari. » Voilà ce que disait Liber 156. Déjà le cœ ur du 146. haec (v. 303) : le démonstratif a la valeur de Fanaphorique, voir Biaise, M anuel du latin chrétien, § 136 p. 103. 147. Le v. 306 est remarquable par son harmonie imitative. La strige est un oiseau qui passait pour sucer le sang des enfants ou les enlever dans leurs berceaux, cf. Ovide, Fast. 6, 137-138 et Pétrone, Sat. 63 ; voir J. André, Les Noms d ’oiseaux en latin, Paris, 1967, p. 146. On attendrait stridenti et non stridente, voir la note 30 à Rom. 7, 46. 149. passim (v. 313) équivaut ici à temere, voir Orest. 811 et la note 587 dans C.U.F., t. 3, p. 224. Clausule proche chez Stace, Theb. 3, 705 : misero nupsisse marito. 151. meruisse (v. 316) : merere a le sens de obtinere, impetrare, voir t. 3, p. 217, la note 536 à Orest. 753.

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uirginis et rap tu m deflebat m aesta pudorem : qualis in exhaustis per sordida tecta ruinis strix nocturn a sonat rostro stridente per um bras ; qualis et horren d u s funesto carm ine bufeo conqueritur deflenda gem ens, dum tristia m aestus funerea sub nocte canit, sic anxia n utrix ingem it et trem ulas diffundit m aesta querelas. N untius interea maesto uolat ore satelles ad regem subuectus equo natam que tyranno indicat ignoto passim nupsisse m arito. E xpauit genitor : sic quondam tristis A genor concidit E uropae senior fraudatus am ore, cum nesciret adhuc generum m eruisse Tonantem . < I r a dolor > n u m en pietas iniuria regnum < concuti > u n t franguntque uirum , iubet arm a [m inistris < expediant > , nam fama ducem rapiebat in enses. C um poenas m ortesque parat, uenit In d u s ad aulam Liber et egregia com pressit uoce furentem : « Sic tibi, rector », ait, « m entem possedit inanis religio ? Sic pignus amas u t tela p aren tu r ? Q ui furis, expecta dulces de prole nepotes. V irginitatis onus m elior tolerare sacerdos non potuit : feruescit am ans et casta D iana pastorem confessa uirum . » Haec Liber aiebat. 305 exhaustis Nn : exustis Rossberg Vollmer Diaz || tecta minis Nn : funera tectis Bdhrens || 307 bubo Bücheier : bufo Nn || 309 nocte Nn : uoce coni. Bdhrens || nutrix N : nutrrx nutrix n || 316 nesciret n : -isset N H317 in initiis uersuum 317-319 spatia decem fere litterarum uacua sunt Nn |] ira dolor suppl. Bücheier || regnum Nn : regni coni. Duhn H 318 concutiunt suppl. Bücheier : unt Nn || 319 expediant suppl. Vollmer : coniugii suppl. Büchèler Duhn dedecoris uel oppro­ brii suppl. Bdhrens || rapiebat N : -bant n || 320 cum Nn : dum Peiper II 324 qui Nn : quid Bücheier Duhn Bdhrens Vollmer2 Diaz || 326 post amans distinxerunt Duhn Bdhrens || 327 aiebat Nn : aibat coni. Bdhrens agebat Bücheier.

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chef s’apaise, le m onarque disculpe sa fille et loue sur-le-champ Famour de Médée : ainsi Achille, ayant avoué à Lycomède qu’il était son gendre, obtint son indulgence, ainsi le père de sa femme lui pardonna ; fait grand-père il reconnut Pyrrhus, Fenfant né du sein de sa fille 157, entoura de soins son descendant et Fenvoya à Troie, malgré les torts qu’avait Achille envers lui 158. Dès que 159 le Scythe, adouci par Fattachement paternel, se calme, il ordonne d ’appeler à la cour, sans plus leur inspirer d ’effroi, son gendre et sa fille chérie. Alors on couronne de laurier le palais du beau-père, et des guirlandes sacrées en festonnent les portes. Bientôt le Jeune couple 160 pénétra dans la chambre nuptiale : le fiancé, Iason, est en liesse, e t 161 Médée triomphe dans le camp de Vénus. Phébus cependant avait parcouru quatre années, et Médée, féconde, avait donné à son mari deux enfants quand une nuit Iason, allongé, pousse un soupir sans que ses gémissements n ’échappent à la magicienne : « Quelle ruse, quel crime machines-tu, fourbe ? » dit-elle, « tu ne peux trom per celle qui t ’aime 162. Souvent, pendant mes veilles, j’ai sondé ce cœ ur cher à une épouse et j ’ai compris que te te prépares à me trahir 163, que ton esprit volage a de funestes désirs 164. le sais les secrets de la voûte céleste, s i 165 · une épidémie menace, si des guerres se préparent, s’il pleuvra ou si le ciel va s’illuminer d’une flamme éclatante : et tu crois trom per Médée, Iason ? » Alors donc le fils d ’Aeson révèle quel sujet tourm ente son cœ ur ; il explique, outre la toison, qu’après si long-

157. Si on rattache les deux mots pectore natae (v. 331) à ce qui précède, le vers signifie que Lycomède « pardonna en son cœur à sa fille ». Si on les rattache â ce qui suit, en considérant, comme Vollmer (M.G.H., pi 345), que le et du v. 332 est déplacé en troisième position, pectore natae est alors un ablatif d’origine (« né du sein de sa fille »). ha seconde solution a notre préférence. D. R. S. Bailey {Emendations on Dracontius9 Romulea, V.Ckr., 9, 1955, p. 183) adopte la première, en corrigeant en outre pectore en pignora (« pardonna son enfant à sa fille »). Sur cet épisode de la vie d’Achille, voir la note 92 à Rom. 9, 197.

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M ulcentur iam corda ducis natam que tyrannus p u rg at et extem plo M edeae lau d at am orem : sic m eru it ueniam generum confessus Achilles, sic p ater ig n o u it Lycom edes, pectore natae et P y rrh u m suscepit auus grem ioque nepotem fouit et ad T ro iam post crim ina m isit Achillis« Y t Scytha m ollitus blanda p ietate m itescit, m ox iu b et u t generum uel pignus regis ad aulam deposito te rro re rogent« T unc regia lauro cingitur et postes soceri pia serta coronant« Mox thalam os subiere pares : laetatur Iason sponsus et in castris V eneris M edea triumphat« Q uattuor interea Phoebus transegerat annos, sed natos M edea duos fecunda m arito ediderat, cum nocte iacens su sp irat Iason nec gem itus latu ere m agam : « Quam , callide, fraudem quodue nefas m oliris ? » ait« « N on fallis amantem« D ulcia saepe uigil contrectans pectora coniux agnoui quia fu rta paras, quia m ente fugaci infaustum qu o d cu n q u e cupis« Secreta polorum cognosco, si m orb u s erit, si bella parentur, si p lu et au t flam m a cael um ru tilan te coruscet : et tu M edeam credis quia fallis, Iason ? » T u n c sic A esonides stim ulet quae form a m edullas indicat et pellis causas uel tem pore tanto 328 natamque n : nant natamque N nautamque coni. Duhn ||

329 extemplo Duhn : ex templo Nn || 331 ignouit Duhn : innotuit Nn II pectore Nn : pignora Bailey || 333 crimina Nn : funera Bailey stamina Bdkrens || achillis Duhn : ächillis Nn aehillem Rossberg Diaz H 334 mitescit Nn : nitescit Wagier tepescit Büche 1er ministris Bährens j| 336 deposito Nn : eiecto Bohrens Vollmer1 || rogent Nn : uocent Bücheier Duhn || lauro Nn : in margine cum signo omissionis electro N electio n || 338 laetatur Duhn -atus Nn || 341 sed Nn : et Bährens jj 343 nec Duhn : ne Nn || 349 caelum Duhn : coelo Nn caelo Bährens SS351 sic Nn : huic Bährens || forma Nn : cura Bücheler Duhn Bährens || 352 causas Nn : casus coni. Bährens.

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te m p s 166 ses com pagnons ignorent que leur ami est désormais roi, e t que ses parents sans doute le pleurent comme m ort : « Je souhaiterais re v o ir167 les miens et regagner ensuite ta couche, reine, faire connaître aux Pélasges ce que s o n t 1 6 8 m a femme et ma destinée. » Médée dit à son m ari : t Allons, partons 169 ensemble ; j’enlèverai la toison d ’or sans être vue du dragon monstrueux. » A yant ainsi parlé elle s’arrache à son lit dans le silence de la n u i t 1 °. Invoquant lès astres, appelant à l’aide les étoiles, elle ordonne au Som m eil de partir en direction du bois sacré, vers la toison et le temple de Mars 171. Quand le serpent est profondém ent endorm i 172, elle s’empare de la toison, la rem et à son m ari, puis ils s’enfuirent ensemble, après avoir tu é le frère de Médée 173. Ils p re n n e n t 174 avec eux leurs enfants, en p o rtan t chacun un. On était arrivé à TJièbes, la toison d’or est donnée au roi. Celui-ci, C ré o n 17S, l ’adm ire et loue Jason de l’heureux succès de ses raids su r te rre et sur m er 176. Le roi avait une fille bien faite, la très belle Glaucé, déjà parvenue à l’âge nubile et au term e de sa croissance 177 ; quand elle aperçut le jeune hom m e, enflam m ée par sa grâce, elle ne se contient pas, loue son corps et souhaite l’avoir pour époux, quoiqu’il soit le m ari d ’une autre. La chose vint aux oreilles de son père 178. Alors le souverain thébain dit : « Si Jupiter se p o rte garant de ce mariage, si Lachésis, si les destins l’o rd o n n e n t179, moi-même je ne m ’y opposerai en rien. Ma fille a u n désir honteux 180 : puisse cependant la Fortune nous être favorable et d ’innom brables petits167. optarem rewdere (v. 355) : optarem e s t un subjonctif d’affir­ mation atténuée, voir Rom . 7, 1 et la note 2. Reuidere est un verbe rare qu’on ne lit guère que chez Plaute (Truc. 320) e t Apulée (M e t. 11, 25, 1). 168. Le verbe de Pinîerrogative indirecte ualent (v. 357) est à l ’ i n d i c a t i f , v o i r t . 3 , p. 9 3 , la note 74* à Orest. 71. 169: pergamus ( v . 3 5 8 ) : le verbe pergere est synonyme de proficisci, c o m m e -e n Mom. 8 , 2 3 5 . ' 17Ö. stratis rapitur sub nocte silenti (v. 360) : stratis est un ablatif de séparation sans piéposition. L’expression sub nocte silenti se l i t aussi e n f i n de Vers dans- R om . 5, 193 et chez Virgile, En. 4, 7 et 7, 87. L’enlèvement de la toison se f a i t de nuit, comme celui de la statue d e

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Oresta 8 8 5 - S 8 6 .

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quod lateat socios, quia iam sic regnat am icus, consum ptu m quem m orte p u ta n t planguntque parentes : « O ptarem reu id ere meos iteru m q u e reu erti ad thalam os, regina, tuos, m onstrare Pelasgis q uid coniux, qu id fata ualent. » M edea m arito : « Iam p ariter pergam us », ait ; « sic aurea pellis tollatur, lateant u astu m u t m ea facta draconem . » D ixerat et stratis ra p itu r sub nocte silenti. A stra uocans et signa ciens iu b et illa Soporem ad nem us ad pellem uel tem plum M artis abire. D orm ierat serpens : pellis su b tracta m arito trad itu r, et p ariter fugerunt fratre necato. A ccipiunt natos et singula pignora portant. V entum erat ad Thebas, pellis d atu r aurea regi. M iratur rex ipse C reon, lau d atu r Iason quod freta quod terras sic felix praedo uagetur. Regis nata decens fuerat pulcherrim a Glauce, iam cui uirginitas annis m atura tu m eb at ; haec u b i conspexit iuuenem , flam m ata nitore aestu a i et laudans alieni m em bra m ariti optat habere u iru m . Sonuit genitoris ad aures. T u n c recto r T h eb an u s ait : « Si lu p p ite r auctor, si Lachesis, si fata iubent, nil ipse m orabor. P rogenies m ea tu rp e cupit : F o rtu n a fauorem

353 quia Nn : qui Duhn || 354 consumptum quem Duhn : -tumqiie Nn II 355 optarem Duhn : optarem Nn optarim Bährens || 357 fata Nn : uota Bücheier pacta Ribbeck || 359 tollatur Nn : -llitur Duhn || lateant uastum ut Vollmer : ut lateant uastum Nn Duhn || facta Duhn fata N sata n || 360 et Nn : ec Ribbeck || 361 soporem N rfc : -onem ra“ |j 362 ad nemus Nn : in nemus Bährens Vollmer Diaz || ad pellem Nn : ac pellem Bücheier || 363 dormierat Nn : -mitat Bährens II 365 accipiunt Nn : arrip- Bährens || singula Nn : singli.com’. Bährens secum coni. Duhn || hunc uersum post 360 traiciendum esse censuit Bährens || 370 tumebat n : tim- N || 372 aestuat Duhn : aestum Nn II 376 turpe Nn : hire Grillone || cupit Nn : iacet uel perit coni. Vollmer.

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enfants nous 181 louer pendant des siècles, le donnerai la toison, en plus de la dot, pour Fhymen de ma fille 182. » Le vieillard avait term iné. Jason apprit sa décision et le remercie de Favoir c h o isi183. Le monarque criminel, inique, lance des ordres à travers tout son royaume, et invite les chefs à la cérémonie des noces. Pendant q u ’on préparait la fête, Médée apprit le forfait et y cru t im m édiatem ent184, car elle avait remarqué elle-même l’ingratitude de son mari. Aussi comme, accablée, elle apercevait, avant le jo u r fixé, la cour et la maison du roi en effervescence — on préparait le grand festin, et les rois conviés faisaient parvenir leurs présents — Médée, hors d ’elle, observait le cours des étoiles et le disque de la pleine lune 185. Déjà C ynthie avait achevé sa révolution, dépas-* sant les astres p ar ses sauts étincelants 186. A ussitôt la prêtresse de Colchide s’asperge d ’eau, purifiait son corps en répandant de la fum ée .avec des torches de soufre p u r 187 et gagnait en cachette la plaine, où se trouvent mille tombeaux 188 ; là, debout, les yeux baissés, elle confesse sa faute et, les mains tendues, prie la Lune à haute voix imß : « Prem ier des astres, lum ineuse parure des constellations, honneur du ciel étoilé, adversaire de l’obscurité, triple reine 190 de la voûte nocturne, qui par ton éclat m e défends des ténèbres 191 et habites, dans la région du ciel la plus éclairée, le signe d u Cancer 192 qui agite ses pinces au milieu des étoiles 193 ; toi qui parcours 9 4 en un mois u n 181. On peut hésiter sur le complément sous-entendu de laudent (v. 377) : est-ce la Fortune ou Créon ? Nous avons adopté la seconde solution. 182. uirgineo pudori (v. 378) : pudor a souvent chez Dracontius le sens concret de « virginité », c£ v. 206 et 454 et Rom. 6, 5 5 . L’adjectif uirgineo équivaut à un complément de nom, voir Rom. 6, 11 et la note 10. 183. Même début de vers et grates electus agit (v. 381) chez Stace A ch . 1, 366.

184. nec tardius illu d (v. 383) : nec porte sur tardius ; illu d équivaut à id, voir la note 64 à Rom. 7,105. Il est curieux que Médée, qui a affirmé (v. 344 sq.) qu’on ne pouvait la tromper ni lui cacher quoi que ce soit, prenne seulement connaissance du mariage en en constatant les préparatifs.

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p raestet et in n u m eri lau d en t p er saecla nepotes« V irgineo d ab itu r pellis cu m dote pudori« » F in ierat senior. V o tu m cognouit Iason et grates electus agit. P raecep ta tyrannus d iffu n d it p er regna nocens, in u itat iniquus u t u en ian t ad u o ta duces. D u m /e s ta p aran tu r, cognoùit M edea nefas nec tardius illud cred id it ; in g ratu m n a m senserat ipsa m aritum . A nte diem tam en illa dolens, cum cerneret aulam e t regis fernere d om um , cum m agna p aran tu r p ra n d ia , u e n tu ri m itte b an t praem ia reges, signorum cursus e t plenae cornua lunae cap tab at M edea fu ren s : iam clauserat orbem C ynthia sidereis transcendens saltibus astra. M ox Colchis se sp arg it aquis, et su lphure p u ro cum taedis fum ans, p u rg ab at m em bra sacerdos et cam pum secreta petens, u b i mille sepulchra, a sta b a t deiecta oculos, confessa reatum , et L unam m anibus tensis cum uoce p recatu r : « A stro ru m prin cep s, signorum gratia fulgens et caeli stellantis honos, caliginis hostis ac n o ctu rn o ru m trip lex regina polorum atq u e te n e b ra ru m splendens patrona m earum , cui cancer dom us < est > , ora clarissim a m undi, bracchia co n to rq u en s stellis, q u ae m ense peragras B77 et N n ; ut Bährens j| innumeri N : ni numeri n || 380 electus N r fc : elatus n00 || agit N : ait n00 agi i f c || 382 festa Duhn : sesta n sexta N |j 384 nam Duhn : nec Nn || ipsa nac : ipse NnPc || 385 tamen Nn : mente Bährens || 386 cum Nn : dum Bohrens || 387 prandia Bücheier : premia Nn praeuia Bährens || 389 captabat Nn : spectBährens || 391 sulphure Bährens : -ra Nn Duhn Speranza Diaz Qrillone f| puro Vollmer : lauro Nn Duhn Speranza Diaz Grillone largo Leo adusto Bährens || 392 fumans Nn : -ant Bücheier Duhn || 394 adstabat Bücheier : stabat Nn || 399 mearum Nn : nigrarum Bährens |[ 4ÛQ est ora Duhn : ora Nn est hora Housman Diaz articulo Bährens fj 401 stellis quae Duhn : stellisque Nn stellat quae Bährens.

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circuit que le rayonnant Phébus accomplit avec peine en une année entière, toi en qui Pensemble des hommes reconnaît, à juste titre, la maîtresse du destin de nos corps 195, toi qui es la gardienne des forêts et fais m ourir de tes flèches les bêtes sauvages (ours, cerf, sanglier, panthères, daim, lions, quand tes rets approchent ou que vibrent tes épieux, sont déjà ton butin, avant même d ’être tués 196) ; toi que le troisième héritier de l’univers 197 a souhaité associer à son royaume et unir à son autorité cruelle, et à qui il a fait présent de l’autre monde (c’est en ton redoutable 198 pouvoir que tom bent les princes ; chez toi le riche, le pauvre, l’indigent, le voleur, le pirate, le prêtre seront soumis à un régime identique, mais ne subiront pas le même sort : car tu punis les coupables après leur m ort et tu donnes nos entrailles, Perséphone, à un chien c r u e l199) ; toi qui as l’habitude, en quittant le royaume du barathre pour rendre visite au Tonnant, de changer de figure 200 : accorde-moi ton pardon, c’est Médée qui t ’en supplie. Il ne sied pas aux dieux de se m ettre dans une colère désastreuse pour leurs fidèles 201. Je m érite u n châtim ent pour ma faute, il est vrai, mais frappe-moi sans choisir comme instrum ent de ta vengeance, reine, ce misérable Jason qui fut précisément l’instigateur de ma fa u te 202. De grâce, il est le seul par qui, dans mon malheur, je ne voudrais pas me voir punie 2 3, car il devrait être frappé avec moi ; autrem ent je suis prête à tendre la gorge à celui que tes ordres me désigneront 204, pourvu que la fille 205 de Créon ne me sépare pas du matelot dont elle souhaite faire son mari. Exauce ta servante : Jason me fait souffrir, mais je ne l’aime pas 206. Je sacrifierai cinq victimes (des âmes illustres rachèteront ma faute) : la blanche Glaucé avec Jason 207 ; à leurs deux cadavres j’ajouterai le roi Créon ; dans ma détresse j’offrirai aussi, 195. corporis dominam (v. 403). La Lune est déesse des corps, par opposition au Soleil qui est le protecteur des âmes (cf. v. 503-504 et 540), c£ Macrobe, Sat. 1, 19, 17 : Luna... corporum praesul. C’est en tant que corporis domina que la Lune recevra les corps des deux fils de Médée (v. 540), car elle est « séjour des morts », voir A. Le Bœuffle, Lexique latin d ’astronomie et d ’astrologie, Paris, 1987, p. 169 ; A. E. Housman, Astrology in Dracontius, p. 194.

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quod P hoebus radians toto uix explicat anno, corporis et dom inam uerax quam tu rb a fatetur, tu nem orum custos, tu m ors pinnata ferarum (ursus ceruus aper pantherae dam m a leones, retia cum uen iu n t au t cum uenabula uibrant, ante necem tu a praeda iaçent) ; te tertius heres participem regni, consortem iuris am ari optauit m un d u m q u e dedit tib i dona secundum (sub tua terribilis rap iu n tu r sceptra tyranni, diues pauper inops raptor pirata sacerdos aduenient sub lege pari, non sorte sub una : tu punis post fata reos et uiscera saeuo, P ersephone, das nostra cani), post regna b arathri quae uu ltu m m u tare soles uisura T onantem : da ueniam , M edea precor. C um clade suorum non decet ira deos. Mereor pro crim ine poenam , te feriente tam en, non u t m endicus Iason sit uindex, regina, tuus, qui crim inis auctor ipse fuit : m iseram solus non puniat, oro, qui m ecum feriendus erat ; cuicunque iubebis, colla paro feriat, tan tu m ne uirgo Creontis discidium p ariat nautam d u ctu ra m aritum . Exaudi fam ulam : dolor est, non zelus Iason. Q uinque dabo inferias (sat eru n t pro crim ine nostro illustres animae) : niueam cum Iasone Glaucem, m ortibus am borum regem superaddo C reonta et natos m iseranda duos, m ea pignora, supplex 410 terribilis Nn : -les coni. V ollm ef || 411 inops N : niops n || 412 aduenient Nn : -iunt coni. Bohrens || 414 cani N : eam n || regna n : fata regna N || 418 mendicus Nn : mentitus coni. Duhn maledictus Bohrens || 421 erat Nn : erit Bährens || 422 paro Nn : para Eliis dabo Bohrens j| 423 pariat Duhn : parat Nn || 424 zelus N : te- n || 425 dabo N : -os n || erunt Duhn : erint Nn || post nostro porenthesin clausit Bährens || 426 animae Nn : -mas Duhn Bährens || glaucem Nn : -en edd.

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hum blem ent, mes deux fils chéris 208, fruits de m on corps sacrilège ; ainsi mon péché ne m ’aura rien rapporté» » Sur ces mots la prêtresse, levant les yeux, vit que le ciel était immobile 2 ; la lune, de même, a arrêté sa marche et ne semble pas stim uler les taureaux de son char 210 ; mais les astres enflammés, eux, couraient, et donnaient ainsi la réponse de la déesse» Réjouie, la prêtresse tourne alors ses gémissements vers l’enfer 211, invoque d ’une voix devenue confiante le roi du barathre et prie les Furies : « Roi impie de l’Érèbe, maître du redoutable royaume de la M ort 212, qui accueilles, sous la terre qui te presse, les défunts de ce monde, sans que la foule des trépassés 213 parvienne à rem plir ton palais ; vous aussi déesses qui avez des serpents pour cheveux 214 et, en guise de membres (horreur impie !), d ’ignobles et venimeux cérastes (en effet un énorme serpent, tom bant de leur tête, voile leur visage et des dragons sont enroulés autour de leurs cous pâles 215) : s’il est vrai q u ’une maligne victime humaine, déchirée par mes mains, est arrivée chez vous, les mânes, s’il est vrai que, pour vous, j’ai ouvert le ventre d ’une mère et tué dans ses entrailles son e n fa n t216, alors exaucez nos p riè re s 217. Souverain de P Averne, quand demain Glaucé se rendra à ses noces, lâche aussitôt contre elle tes Furies ; hâtez-vous, sœurs du Tartare, on célèbre à présent à Thèbes une deuxième u n io n 218, courez : le frère et héritier de Joc a ste 219 donne sa fille en mariage. Cette famille vous appartient : son im piété Pa vouée à la mort, ses passions l’anéantissent. Pourquoi tarder ? car il n ’y a rien jamais qui

208. m o rtib u s (v. 427) : m ors a le sens de cadau er, voir R o m . 9, 11 et la note 9. Le v. 428 rappelle Ovide, H er. 12, 192 : n a to s, p ig n o r a n ostra, du os. 209. su sp e x it non ire (v. 431) : sur l’emploi de la proposition infinitive après le verbe su sp icio , ci. Virgile, G eorg. 4, 58-60 ; ire a ici le sens de m ou eri (Vollmer, M .G .H ., p. 344), comme dans les vers de Lucain (6, 464-465) dont s’inspire Dracontius : lu p p ite r u rgens / miratur non ire p o lo s. 210. ta u ro s (v. 432) : le char de la Lune est tiré par deux chevaux ou par des taureaux, selon e.g. Claudien, P h o e n ix 60-61 : n itid o s stu p efa cta iuuencos / L u n a p re m it.

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offero, sacrilegos nostro de corpore fructus, ne prosit peccasse m ihi. » Sic fata sacerdos suspexit non ire polos nec Luna u idetur sic tauros urgere suos, sed cursibus astra ignitis responsa dabant. Gauisa sacerdos u ertit ad in fern u m gem itus regem que b arathri secura iam uoce ciet F uriasque precatur : « Im pie rex E rebi, qui form idabile regnum M ortis habes, quem terra p rem it, qui funera m undi excipis et tantis non exples luctibus aulam ; anguicom ae uos quoque deae, quibus (im pius horror !) tu rp ia uipereae fu n d u n tu r m em bra cerastae (plurim us ora tegit pendens de uertice serpens et sinuant orbes per pallida colla dracones) : si m anibus laniata meis mala uictim a uestros ad m anes p eru en it homo, si uiscera m atris uos p ropter scindens hom ines in uentre necaui, nunc nostras audite preces. R egnator A uerni, crastina cum Glauce ueniet n u p tu ra m arito, m ox Furias ad m itte tuas ; properate, sorores T artareae : T hebis iteru m iam uota geruntur, currite, per thalam os Iocastae frater et heres coniungit natam . Gens < haec > est uestra : dicabit m ortibus im pietas, affectus funera praestant. C ur m ora ? N am nihil est quod non me exaudiat [unquam . 431 non ire polos R o ssb erg : non iure polos N n S peran za G rillone non ire polus B dhrens tonuere poli Biicheler Duhn || 432 sic N n : hic B ohrens || cursibus N n : crini- Bohrens Sch etter || 436 impie D uhn : iam pie N n || 440 funduntur N pcn : fundudtur N 00 fundunt se in S ch en kl ludunt per Bohrens || 441 plurimus n : -mis n || 445 necaui N rfc : nac- nac || 451 gens haec B iicheler : genus N n gens en Bdhrens nam gens G iarratan o || dicauit B dhrens : -abit Nn || 452 affectus N n : effectus uel impietatis coni. Bdhrens || praestant (près-) N n : praestent B iich eler D uhn B dhrens || 453 quod n : om. N n ullo sp a tio relicto || non me D uhn : me non N n || umquam N n : usquam Bdhrens.

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ne m ’obéisse. Si la pudique virginité vous plaît* si vous aimez à conserver votre chasteté et ne recherchez jamais le doux contact d ’un époux, une femme mariée, sœ urs sans mari 22°, ne doit vous inspirer que de l’aversion. S i je prie les Furies de se déchaîner et que vous ne fassiez pas le m al spontaném ent, vous n ’êtes plus les Furies 20221*: changez de nom et de demeure, déposez vos serpents, rendez des flammes qui ne vous conviennent pas et aimez Fenfant de 460 Vénus, que jusqu’ici vous avez m ép risé 222. » À peine avait-elle parlé qu’un trem blem ent ébranlait le s o i223 : là où elle s’était trouvée à l’instant, s’ouvre une fissure béante 224. Médée, interdite, colle l’oreille à terre, écoute 225 plus attentivem ent et, se redressant, dit : « Nous sommes exaucée : le sol se met à trem bler, on entend les sœ urs 465 battre l’air de leurs fouets et les serpents siffler entre leurs dents venimeuses 226. Ma situation s’améliore ; il est tem ps de retourner à la ville. Il faut pourtant auparavant nous plonger dans les eaux du fleuve 227. » C’est ce que la magicienne, s’éloignant, fait aussitôt ; puis elle gagne la ville. 470 Cependant, porté par un cheval pourpre, Lucifer 228 se lève pour voiler les étoiles et, brillant, éclatant, répand sur la terre la lumière en agitant sa chevelure ; il précède les roses coursiers du soleil brûlant 229 ; à la cour du prince le tum ulte des clients avait commencé à retentir. Déjà 475 Phébus m ontait sur ses chevaux et le jour, successeur prochain de la nuit, lançait sa rouge lueur 2m9 déjà la demeure de Çréon se rem plit de rois. Déjà la jeune fille avait pris place tout à côté de son époux, Jason, q u i écrivait avec un roseau sur des tablettes : « Le mariage est fixé et

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220. Le V. 454 paraît inspiré de Damase, E pigr. 12, 9 : qm£$ m a g e u irgin eu m p la c u it retin ere p u d o rem . Le mot co n ta g iu m (y. 455) a ici le sens positif et non péjoratif de « contact », voir Thés. L JL, IV, 627, 1-20. Les Furies sont vierges, cf. O rest. 485 et Servius, a d E n . 6 , 5K$0 : F uriae n u m qu am n upserunt. On notera au v. 456 la juxtaposition expressive in n u p ta e n u p ta m , un procédé cher à Draeontius, e t v. 55. 221. La même idée (v. 457-458) est exprimée dans des termes très proches dans O rest. 488-489 : non estis F u riae, s i q u a e ritis a n te rogari / a d qu odcunque n efa s, s i non et sp o n te n ocetis.

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V irginitas si casta placet, retinere pudorem si libet et nunquam contagia blanda mariti quaeritis, innuptae nuptam exhorrete sorores. Si F urias saeuire precor nec sponte nocetis, non estis Furiae : nomen mutate domosque, ponite serpentes, alienas reddite flammas et pu eru m V eneris, quem iam tem psistis, amate. » D ixerat et terra spatium trem ibunda ciebat : quo steterat Medea loco, telluris hiatus finditur. A ttonitas inclinat cautior aures et surgens : « A udim ur », ait, « nam terra trem escit, uerbera plaudentum resonant per inane sororum, sibila uipereis uibrant sub dentibus angues. Res m elior tem pusque m onet red eatu r ad urbem . A nte tam en fluuio corpus m ergatur et undis. » Quod maga digrediens mox perficit et petit urbem. Exilit interea tecturus Lucifer astra puniceo praeuectus equo rutilusque micansque concusso de crine iubar diffundit in orbem flammigeri roseas praecedens solis habenas ; coeperat aula ducis strepitu resonare clientum. Iam Phoebus scandebat equos et luce rufeebat post noctem uentura dies, iam tecta Creontis regibus implentur, iam proxima uirgo marito sederat et tabulas calamo sulcabat Iason :

454 uersus 454-456 p o s t 460 p o s u it Schenkl || 457 nocetis ΔFcn : -ebis TV“* l| 458 domosque N n : modosque coni. Bohrens || 460 amate D uhn : aetate N n || 461 spatium N n : strepitum B ücheier D uhn B ohrens || 462 loco N n : locus u el locum Schenkl || hiatus N n : -tu D uhn II 463 finditur N n : pan- B ährens |! aures Npcn : auras N “0 || 464 audimur : ad- N ac || tremescit N : -miscit n || 465 inane N : niane n || 466 sibila D uhn : syb- N n || 469 maga Npcn : magna N™ || digrediens N n : deg- B ohrens || 471 praeuectus (preu-) N n : prouB ücheler D uhn || 472 in N : ni n || 475 rubebat Bücheier : ruebat N n nitebat B ährens.

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conclu »5 proclame-t-il, et la vierge effrayante, Tisiphone, venant du gouffre du Tartare, signe le document. Mégère, réjouie, y appose son seing 231, et Allecto scelle avec de Facier cette pièce à conviction 232 ; dans la demeure royale elles brandissent comme des fouets 233 leurs redoutables serpents o Cependant Médée avait commencé à confectionner une nouvelle couronne 234, pour laquelle elle mêlait le soufre à la cire Manche ; elle Fentoure de poix et d’étoupe et y ajoute quatre drogues de sa façon, en brûlant de Fencens mâle 235 ; elle prit soin de la parfum er avec du cyprès qui rend stérile et Fentoure du cuivre q u ’un vaisseau naufragé avait perdu 236 ; elle exhorte des serpents munis d ’une crête à la consacrer : des cérastes noirâtres, sur sa permission, léchèrent la guirlande 237. Bientôt le poison mortel s’insinue 238 dans l’horrible cadeau, la sinistre couronne, qui n ’est q u ’une contrefaçon de For, semble briller de son éclat, et les fleurs vénéneuses 239 ont toute l’apparence de pierres précieuses. Pendant que Médée préparait avec ce présent la m ort de Glaucé, le soleil s’avança, embrassant le monde de ses roses rayons 24°. Alors la magicienne, lui présentant la couronne de soufre pour en faire un bûcher 241, dit ceci : « Titan, dont la beauté n ’a pas son égale au m o n d e242, qui conserves la nature par ta chaleur et retiens ensemble les éléments, évitant ainsi leur dispersion désordonnée et la désagrégation de la machine du monde 243, lumière unique du ciel étoilé, la sphère céleste te soutient et t ’empêche d ’aller plus avant dans l’éther éclatant 244, quand tu 232. te stis (v. 482), donné par le manuscrit et tous les éditeurs, est un accusatif pluriel ; ces formes d’accusatif en 4 s sont rares chez Dracontius, voir la note 198. Le vers est inspiré de Claudien, B e ll. G ild . 202 : uoces a d a m a n te n o ta b a t A tropos. 233. Le verbe f la g e lla r e (v. 483) est employé ici de manière intransitive, voir Thés. L.L.%VI, 1, 835, 12-15, qui ne cite que deux autres exemples. 236. s te r ili cypresso (v. 487). On employait le cyprès en médecine pour préparer des drogues (voir Thés. L.L., IV, 1438, 21-32), et du remède au poison il n’y a pas loin. L’adjectif ste rilis a ici un sens actif. Cyprum (v. 488) est un mot rare, voir Thés. L.L., O n om asticon, II, 799, 66 sq. Les magiciennes utilisaient les restes des bateaux naufra­ gés, cf. Apulée, M e t. 3, 17, 3.

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%C onuentum p actu m q u e t, sonat signat < que >

[tabellas h o rrida T artareo ueniens de gurgite uirgo T isiphone signum que p rem it gauisa Megaera, A llecto testis ceras adam ante n o tau it ; anguibus horrendis p er regia tecta flagellant. In terea Medea n ouam form are coronam coeperat et niueis m iscebat su lp h u ra ceris, pix et stupp a ligat, species d at q u attu o r artis m ascula tu ra crem ans, sterili suffire cypresso cura fu it cyproque ligat, q u o d naufraga puppis p erdiderat ; cristata m anus sancire iu b etu r : lam bere caeruleis perm isit serta cerastis. E xitiale rep it m ox praem ia ta etra uenenum , atque au ru m m en tita nocens radiare corona cred itu r et gem m as flores im ita n tu r iniqui. D um /im u s M edea p arat haec m unera Glaucae, processit roseis sol m u n d u m am plexus habenis. A t maga sulphuream ponens ad b u sta coronam haec ait : « O m u n d i facies pulcherrim a, T itan, n atu ram feruore ten en s, elem enta coartans, ne dispersa fluant au t m u n d i m achina m ergat, stelligeri iubar om ne poli, q u em sphaera polorum sustinet et prohibez ru tilam p lus ire per aethram ,

479 a n te uersum f N n || conuentum n : -ectum N || signatque B ohrens : signat f N n signate B ü ch eier D uh n V ollm er || 481 tisiphone D uhn : tes- N n || 482 allecto D u h n : -tos N n || 484 coronam N : no coronam n !| 486 artis N n : arti H u dson- W illia m s D ia z atras etia m H u d so n -W illia m s aris B oh rens acris K u ijp e r j| 487 cremans N n : -at B ü ch eier || 488 cura fuit N n : curauit con i. D uh n || puppis N : cypris puppis η II 491 repit N n : rapit B ü ch eier D u h n replet R o ssb erg tegit Bohrens || 494 funus Bährens : munus N n B ü cheier D uhn immanis e tia m B ährens )| haec N n : nec L eo || munera N n : funera B ücheier D uhn H495 mundum N : mundum q m |f 496 at N : et n || 499 mergat N n : uer- B ücheier ]| 501 prohibet D u h n : -bes N n .

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entraînes en sens contraire de celui du firmament les roues de ton char et que tu rassembles tes feux 245 ; c’est toi qui libères les âmes pieuses et les enfermes pour I’etemite dans ton orbite 246*: aie pitié, dieu très bon, de ta petite-fille 24T. Que cette guirlande se pose sur la chevelure de la jeune vierge, que cette couronne couvre son digne visage : que notre présent, dis-je, se change en un bûcher dans le palais du roi, qu’un tel cadeau sème la mort 248 ; que le feu se saisisse du fiancé et de ma rivale et les réduise en cendres249. » Ayant adressé au Soleil divin ces propos menaçants 25°, elle lui témoigne ensuite son adoration. « C’est le moment, dit-elle, allons. » Sur ces mots elle prend la couronne, se façonne un air innocent 251 et, parvenue à la demeure de Créon, présente la guirlande à la fiancée et la lui donne : « Accepte de bon gré sur ton front. Jeune vierge, une couronne 252 dorée que, captive, je te donne ; puissent mes enfants en obtenir une semblable 253„ t Cela dit elle placé sur la tête qui resplendissait déjà du diadème royal la fatale guirlande. La Colchidienne se retire avec des louanges, et aussitôt le cadeau vomit de funestes flammes : en effet le rayonnant Phébus les nourrit. Déjà le feu avait pris de l’ampleur : le matelot ingrat brûle en même temps que sa jeune femme 254 ; le souverain, Créon, s’apprête à porter secours à sa fille et à son gendre ; lui aussi, il brûle ; bientôt le palais du monarque n’est qu’un bûcher. T o u t le monde fuit en désordre, le p eu p le255, les convives, les serviteurs ; les chœurs des danseurs s’enfuirent ; les chan­ teurs de la fête, atteints de brûlures, se lam entent, e t leurs mains ne battent plus du tambourin ; la foule, gémissante, errant çà et là, se frappe les bras et pleure un deuil qui ne la touche pas en propre. La criminelle prêtresse, seule, restait immobile, sa haine n’était pas encore assouvie 256 ; 245. contra (v. 502) est adverbial. Selon les astronomes anciens, les étoiles, fixées à la voûte céleste, étaient entraînées avec elle dans un mouvement de rotation d’ouest en est, tandis que le soldi et les planètes tournaient en sens inverse, voir Cicéron, Rep. 6* 17, et Ovide, Met. 2, 70-75. Même expression colligis ignes à ta troisième personne dans L.D. 1, 664 et chez Virgile, Georg. 1, 427 à propos du lever de la lune.

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dum contra rapis axe rotas et colligis ignes ; ipse pias animas mittis et claudis in aeuum orbe tuo : miserere tuae, deus optime, nepti. Insidant haec serta comis et uirginis ora digna corona premat : sint, inquam, regis in aula munera nostra rogi, dent praemia tanta sepulchrum, ignea mors rapiat sponsum cum paelice busta. » Sic effata minax Solis mox numen adorat. « Tempus ade st, pergamus », ait. Sic fata coronam tollit et insontem /in g en s ad tecta Creontis uenerat, oblata sponsae dat serta puellae : « Accipe, uirgo, libens auratam in fronte coronam, quam captiua dabo, qualem mea pignora sumant. » Dixerat et capiti, quod iam diademate regni splendebat, fera serta locat. Laudata recedit Colchis, et infaustas uomuerunt munera flammas : has radians nam Phoebus alit. Iam creuerat ignis : uritur ingratus usta cum uirgine nauta ; cum genero nataeque parat succurrere rector, uritur ipse Creon ; rogus est mox aula tyranni. Diffugiunt omnes, populi conuiua ministri, saltantum fugere chori, nam festa canentes ambusti lamenta sonant nec tympana plausu percutiunt, sed turba gemens hinc inde lacertos uerberat et flentes sed non sua funera plangunt. Stabat sola nocens necdum satiata sacerdos

502 ignes Nn : igni Schenkl || 503 mittis et N rfc : mitis et ß“ mites et Bücheier Duhn mulces et Peiper admittens Bdhrens || 504 nepti Nn : -is Bdhrens D iaz || 507 dent Bücheier : dant Nn || tanta Nn : tetra coni. Duhn tacta Leo || 508 busta Nn : busto Duhn adusta Rossberg || 510 adest suppi. Duhn : .·. est Nn || 511 et Nn : ut coni. Duhn jj fingens ad Duhn : pingens ad Nn fingit se Bdhrens || 513 in Nn : dei. Bücheler Duhn D iaz en Bdhrens || 514 dabo Nn : dato Bdhrens || 516 splendebat N : spied- n || 524 ambusti Nn : -tis coni. Bdhrens || 526 sed non Nn : pars et Bdhrens.

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cependant elle ne se sentait pas tranquille : jamais elle n ’aurait cm que des poisons eussent une si grande puissance ni que les Furies fussent tellement soumises aux prières. Mais après que le feu eut brûlé ceux-là seuls que ses ordres avaient désignés, alors, égarée, elle s’attaque à ses fils. De fait, Mermérus et Phérétès 257, dans leur innocence, appelaient tendrem ent à Paide leur mère. P our pouvoir éviter les flammes, ces enfants à Paffection sincère 258 se dirigent d ’eux-mêmes vers la m ort et, dans leur détresse, vont spontanément au devant du danger : ils ignoraient que leur destin était de m ourir sous le glaive de la femme qui les avait mis au monde, et quel traitem ent cette mère cruelle leur réservait 259. Celle-ci alors, déchaî­ née, lève le bras, brandit son épée et dit : « Soleil, mon ancêtre, qui es témoin de tout ; Soleil perse, Mithra 260 ; Lune, ornem ent de la nuit ; Furies, Proserpine, Pluton : toi, rayonnant Soleil, reçois les âmes, toi Lune, les corps, aliment de Pâme ; vous. Furies, prenez le sang que répand mon glaive ; et que le roi de la nuit réclame les ombres ; les souffles aux vents.......261. 11 me suffira d ’avoir puni indistinctem ent coupables et innocents 262. Je tuerai ces malheureux de Pépée qui devait frapper leur père : pour moi je ne serai nullement peinée que d’une ingrate famille personne ne subsiste 263. » Sur ces mots la marâtre, d ’un seul coup d ’épée, perça de part en part ses deux enfants. Puis elle les porta, tels quels, à la citadelle 264 (quand les princes virent le crime de cette femme sanguinaire, ils éprouvèrent à la fois de la crainte et de la peine), comme jadis la cruelle bacchante de Lyée, Agave, portait la tête de son propre fils 265. « Je vous abandonne, malheureux, aux 257. La tradition la plus courante attribue à Médée et Jason deux fils, Mermérus et Phérès, voir R.E., XV, 43, 67 sq. Mais pour ce dernier nom, les manuscrits de certaines de nos sources hésitent entre les formes Pheres et Pheretus (e.g. Hygin, Fah. 25 et 239). Aussi Fr. de Duhn (Dracontii carmina minora..., p. 94) propose-t-il de corriger l’aberrant et ferentes de N en Feretus (dont il faut alors abréger le second e). La plupart des éditeurs préfèrent cependant la correction de Bährens Pheretes (où il faut aussi abréger le deuxième e), considérant sans doute que Dracontius, qui prend souvent des libertés avec la déclinaison des noms propres (voir la note 268 à Rom. 8, 449), a simplement changé Pheres, etis en Pheretes, is.

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nec secura tamen : n u n q u am sic posse uenena cred id it a u t precibus tantum sem ire furores. S ed postquam solos quos iusserat ignis adussit, tunc natos furibunda premit. Nam Mermerus insons et PAeretes matrem blanda pietate uocabant. Vt flammas uitare queat, infantia simplex affectu petit ipsa necem uel sponte pericla quaerit inops, passura necem mucrone parentis, ignari, quae mater erat quid saeua pararet. Tunc genitrix furibunda manum suspendit et ensem ac fatur : « Sol testis auus Sol Persice MitAra, Luna, decus noctis, Furiae, Proserpina, Pluton : accipe, Sol radians, animas, tu corpora, Luna, n u trim e n ta animae ; fundit quem mucro cruorem sum ite uos, Furiae ; noctis rex exigat umbras ; spiritus in u e n t o s .............................. ............................. . satis est punisse nocentes insontesque simul. Miseros hoc ense necabo, quo genitor feriendus erat : nihil ipsa dolebo, si ingrata m aneat nullus de gente superstes. » Haec ait et geminos uno sim ul ense nouerca transegit pueros. Quos sic portabat ad arcem (u t proceres uidere nefas, timuere cruentam et doluere simul), ceu quondam baccha Lyaei saeua caput iuuenis mater gestabat Agaue. 528 nec Nn : sed Bährens || 529 semire Nn : saeu- Vollmer^ || furores Nn : sorores Bährens Schetter Grillone || 530 solos Nn : solidos Vollmer^ j| adussit Duhn : adusit Nn || 531 premit Nn : petit Bohrens || mermerus N : mermrius n || 532 ante uersum f Nn || pheretes Bährens : ferentes Nn feretus Duhn || 533 queat Nn : queant Bücheier Duhn Bährens j| 534 post necem legitur mucrone parentis uel sponte pericla n jj 535 post necem legitur uel sponte pericla mucrone parentis n || 538 ac fatur N : .·. a£ ac fatur n || auus N : anus n II sol persice mithra Duhn : sol perste ministra N sol persee ministra n solisque ministra Bährens || 543 lacunam statuit Duhn quo uersus a Calco seruatos ponere uelit D iaz || 546 maneat Duhn : meneat n meurat N || 551 gestabat Bücheler : tes- Nn.

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bûchers que j’ai allumés », dit Médée, « et où ont brûlé la belle sans pudeur, le noble Créon son père et le perfide Jason. » Après avoir parlé ainsi cette mère cruelle Jette dans le funeste foyer les corps de ses jeunes enfants et, semant l’effroi autour d’elle, appelle son char. Dressant leurs crêtes et leurs cous écailleux arrivèrent des dragons à tête de vipère ; sur leur crête brillaient des flammes 6267 2 268. Le char était une torche, son joug du soufre, son timon du bitume, sa roue un cyprès ; du poison avait durci le mors, l’essieu de plomb avait été pris à cinq tombeaux La sinistre créature prend place dans le char pesant ; la folie 269, une fois assise, ordonne aussitôt aux repoussants serpents d’avancer. Ils se lèvent, rapides, et s’arrachaient bientôt du sol ; déjà les quatre roues glissent çà et là dans l’air où elles tournent, déjà le quadrige volant tiré par de cruels serpents venimeux 270 gagne les hauteurs du ciel, et il aurait pu ternir le jour, altérer les vents, si Phébus n’eût rougi du crime de sa petite-fille et largement baigné tout le disque terrestre de bienfaisants rayons 271. Cruelle Folie, Crime féroce. Désir funeste. Impiété, Furies, Chagrin, Mort, Deuils, Envie, quittez les mortels et pardonnez au monde malheureux27 . Allons, épargnez Thèbes, contenez votre terrible folie qui est la cause de tous les crimes, sans distinction 273 : ainsi la charrue de Cadmus enfouit dans les funestes sillons la féroce semence 274 qui donne un blé tout en fer 275 ; la terre est 266. L’oxymoron pulchra nouerca (v. 552) désigne Creuse et nouerca ne garde de son sens originel que la connotation péjorative. Meis (v. 554) est à rapprocher de his rogis (v. 552). Après avoir offert sa couronne, Médée s’est retirée (v. 516), a observé immobile l’incendie (v. 527), est allée chercher ses enfants, les a tués, puis est remontée vers la citadelle ou le palais royal (v. 548) pour les jeter dans le brasier. Minorum équivaut à paruorum (voir la note 91 au v. 172) et désigne les deux enfants. 268. Le v. 561 peut être une réminiscence de Sénèque, M ed. 798 : de medio rapta sepulcro fa x ( Medeae) ; voir aussi la note 188 au v. 393. Sur le rôle du plomb dans la magie, voir A. M. Tupet, La M agie dans la poésie latine, p. 43. 273. quicunque (v. 574) a ici le sens de quisque, voir Rom. 7, 149 et la note 87.

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« His », inquit Medea, « rogis, ubi pulchra nouerca et pater ipse Creon uel perfidus arsit Iason, uos, miseri, commendo, meis. » Sic fata minorum corpora saeua parens funestos mittit in ignes et currus metuenda petit. Venere dracones uiperea ceruice iubas et colla leuantes squamea, cristato radiabant uertice flammae. Currus taeda fuit, sulphur iuga, temo bitumen et rota cupressus, solidarat frena uenenum, plumbeus axis erat raptus de quinque sepulchris. Occupat illa grauem funesto corpore currum, ire furor residens taetros simul imperat angues«, Tolluntur celeres, mox se tellure leuabant, iam nutant per inane rotae hinc inde laèantes, aera saeua petit uolitans quadriga uenena et poterat fuscare diem, corrumpere uentos, ni Phoebus rubuisset auus de crimine nëptis et totum meliore coma perfunderet orbem. Saeue Furor, crudele Nefas, infausta Libido, Impietas, Furiae, Luctus, Mors, Funera, Liuor, li/iquite mortales miseroque ignoscite mundo, parcite iam Thebis, diros cohibete furores. Inde uenit quodcunque nefas : sic Cadmus < aratro > obruit infaustis crudelia semina sulcis.

554 meis Nn : mei Duhn Schetter || 560 solidarat Npcn : -abat N™ Bdhrens || 563 ante uersum Nn || furor residens Duhn : furore sidens N Speranza Grillone furcore sident n™ furcore sidens nPc toro sidens Bdhrens || tetros N : atros n || 564 se Duhn : è Nn || tellure N : tu tellure n || leuabant Nn : -atae Bdhrens || 565 labantes Duhn : lauaNn (I 566 uolitans N : uomi- Gil || uenena Nn : -neni Bücheier Duhn -nenis Vollmer^ || post quadriga distinxit Bdhrens || 567 poterat Nn : -ant Bdhrens j| 569 perfunderet Bücheier : prof- Nn || 571 furie N 30 : furire N™ fur furie n || 572 linquite Duhn : liq- Nn || 574 sie Nn : hic coni. Duhn ut Bdhrens || cadmus Nn : aduena Leo || aratro in uersu omissum addiderunt in margine Nn : aratis Bdhrens cadmus Leo.

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grosse, hélas, des poisons de Mars haletant 276 conçus pour faire du mal ; une cohorte casquée et une armée mons­ trueuse en jaillirent ; et, quand la moisson bardée de fer sortit du sol 277 avec ses épis munis de glaives, les troupes se jettent sur leurs boucliers, prennent en même temps leurs armes pour s’infliger réciproquem ent la m ort, se menacent m utuellem ent du trépas, et l’épée qui a tué un frère 278 revendique le crime ; de là vinrent Finfortune d’Athamas, les malheurs de P além o n 279*, Finfamie de Iocaste et d ’Œ dipe, l’hostilité d ’Étéocle envers son frère Polynice, la perte de son frère par Polynice et sa propre m ort Douce Vénus, lascif enfant, Bacchus fils de S ém élé281, vous du moins épargnez Thèbes, dont le fondateur, l’origine, ou aussi bien la descendance furent illustres : ta mère, Iacchus, était de souche thébaine 2829 et on raconte que la fille de Dioné, Harmonie, t ’épousa, Cadmus le lab o u reu r283 : pour avoir rem pli ce rôle et rendu de si grands services Thèbes mérite-t-elle ainsi tant de deuils 284 ? Ce sera une faute d ’avoir enfanté des dieux ! Qu’alors la Crète nie avoir nourri le Tonnant qui lui avait été confié 285, qu’alors Délos s’agite sur les flots et s’effraie d ’avoir mérité Faccouchemeiit de dieux 2869 que tes mers te renient, Vénus, que Chypre abjure les Amours, qu’ïdalie rougisse d ’avoir honoré Dioné 2879 que Lemnos repousse 276. Même clausule M a rtis a n h e li (v. 576) chez Virgile, E n. 12, 790. P ra eg n a tu r : le verbe p ra e g n a re , à une forme autre que les participes-adjectifs p ra e g n a n s et p ra e g n a tu s, est très rare. Biaise (D.L.A.C., p. 648) ne cite que ce texte et un sermon du PseudoAugustin. 277. rum peret (v. 579) : rum po a ici le sens intransitif de « jaillir », voir la note 113 au v. 223. 278. fra te rn u m n efa s (v. 582) : «le meurtre d’un frère » ; n e fa s a un sens fort et l’adjectif équivaut à un génitif objectif. 279. L’adverbe in d e, au v. 583 et dans les deux suivants, est sur le même plan que le in d e du v. 574. Athamas, roi de Thèbes, trompa sa femme Néphélê avec Ino, fille de Cadmus et d’Harmonie, dont û eut deux fils, Léarchos et Mélicerte. Mais le couple adultère fut frappé de folie par Junon : Athamas tua Léarchos, et Ino se jeta dans la mer avec Mélicerte. Les divinités marines eurent pitié d’elle et la transformèrent en une Néreide, Leucothée, tandis que Mélicerte devenait le dieu marin Palémon.

MEDEA

75

inde seges ferrata m icat uel M artis anheli heu male conceptis p raegnatur terra uenenis ; em icuit galeata cohors aciesque nefanda, ru m p eret ensiferis cum ferrea m essis aristis, insurgunt clipeis, rap iu n t sim ul arm a phalanges m ortibus alternis et m utua fata m in an tu r fraternum qu e nefas qui gessit uindicat ensis ; inde A tham as m iserandus erat, m iser inde Palaem on, inde Iocasta fuit, turpis fuit O edipus inde, inde Eteocles erat frater Polynicis et hostis, et Polynices inops germ ani m orte perem ptus. Blanda V enus, lasciue puer, Semeleie Bacche, parcite uos saltim Thebis quibus auctor origo a u t soboles praeclara fu it : tib i m ater, lac ehe, T hebana de stirpe et, arator, tib i D iones H arm oniam nupsisse feru n t : pro m unere Thebae et pro to t m eritis sic funera tan ta m eren tu r ? C rim en erit genuisse deos ! lam C reta T onantem depositum nutrisse neget, iam Delos in undas fluctuet et paueat partus m eruisse deorum , te V enerem freta uestra negent, a&iuret A m ores C yprus et Idalium pigeat coluisse D ionem , 576 inde Nn : unde Duhn Mährens Vollmer2 || ferrata Duhn : ferri N ferri r f c ferra if* || micat N n : nutat R ossb erg pullat Mährens || uel martis N n : mauortis Ribbeck || 578 galeata N : galat galeata n || 583 a n te uersum f N n || athamas Duhn : thalamus N talamus r fc talamas || 585 eteocles D uhn : thocles N ethocles n jj frater N : fratri n |j 586 polinices n : -ceps N [| peremptus B üch eler : tërentus N n cruentus Rossberg || 587 lasciue N n : -ua Mährens |{ semeleie bacche Duhn : semeleiae bacchae N n || 588 saltim Duhn : -is N n |[ 589 iacche Duhn : iacet N n iacche est Mährens || 590 et arator tibi diones Kuijper : tärtara tibi diones N n Vollmer tuam cadmoque dione Mährens tuam thebisque dione Bücheler D uhn gener tibi cadme diones e tia m Bücheler tibi spartarcha diones Leo || 592 sic N n : si Mährens || 593 genuisse N n : ten- coni. Mährens i( 594 undas N n : undis coni. Mährens || 596 abiuret Duhn : adiures N n || 597 cyprus NpcnFc : -ris JV“cwac H dionem N n : -en edd.

M ÉDÉE

600

Vulcain et Argos Junon 288, qn’Athènes rejette Pallas sans craindre la tête de la G orgone289, et qu’il soit sacrilège d’avoir honoré les dieux. En effet l’observance d ’un culte passe pour une faute quand elle attire, au lieu d ’éloges, des dangers 29°. 288. Vulcain (v. 598) fut précipité par Jupiter sur Vile de Lemnos en mer Égée pour avoir voulu défendre sa mère Junon dans une querelle qui l’opposait à son mari au sujet d’Hercule ; selon d’autres, c’est sa mère elle-même qui l’aurait jeté de l’Olympe pour dissimuler aux autres divinités cet enfant boiteux. En tout cas Lemnos est le séjour favori du dieu. Quant à Argos c’est, avec Sparte, Mycènes et Samos, une des villes favorites de Junon. 289. La tête de Méduse, une des trois Gorgones (v. 599), fut coupée par Persée qui l’offrit à Athéna. Comme son regard pétrifiait quiconque la regardait, la déesse la fixa sur son bouclier, ou au centre de l’égide, sa cuirasse en peau de chèvre. On attendrait ab Athenis, symétriquement au ab Argis du vers précédent. 290. Les v. 600-601 ont peut-être inspiré Arator 2, 179-180 : impius olim / religionis honor. Clausule proche (v. 601) dans L.D. 3, 443 : pro laude periclum.

MEDEA

76

V ulcanus Lem no, lu n o spernatur ab Argis, Gorgone terribilis Pallas dam netur A thenis, sit < que > nefas coluisse deos, quia crim en habetur religionis honos, cum dat pro laude pericla. 600 sitque Bücheier : sit Nn || 601 laude N : -do n || post 601 scriptum τέλος Nn || in fin e N legitur manu recentiore antonij seripandi ex iani parrhasij testamento.

AUTRES POÈMES PROFANES ET FRAGMENTS

CONSPECTYS SIGLORVM I. CODICES V V

Florilegium Veronense Bibl. cap. C LX V III ( 155), fol. 1 r°. Vaticanus Latinus 9135, s. XVII.

IL EDITIONES ET ADNOTATIONES CRITICAE A lf o n s i : L. Alfonsi, D r a c o n tia n a ( D e o r ig in e ro sa ru m . D e m e n s ib u s ). A e v u m , 34, 1960, p. 100-103. B ä h ren s : E. Bährens^ N e u e V erse d e s D ra c o n tiu s, R h .M ., 33, 1878, p. 313-316 ; Édition de Dracontius (D e m e n sib u s. D e o rig in e ro sa ru m ), P .L .M ., t. 5, p. 214-216. C a lco : Tr. Calco, H is to r ia p a tr i a e , Mediolani, 1627, p. 55-56. C orio : texte de Corio1 et Corio2. C o rio 1 : B. Corio, H is to r ia d i M ila n o , Mediolani, 1503, f. 10 v°

(réédition par A. Morisi Guerra, Torino, 1978, t. 1, p. 95-96), ou Vinegia, 1554, p. 13. C orio2 : B. Corio, H is to r ia d i M ila n o , Vinetia, 1565, t. 1, p. 30. C o u rtn ey : E. Courtney, T h e R o m a n m o n th s in a r t a n d lite ra tu re , M . H , 45, 1988, p. 54. G ross : Ch. J. Gross, T h e V ero n a F lo r ile g iu m o f 13 2 9 , Diss. Chapel Hill, 1959. H u d s o n -W illia m s : A. Hudson-Williams, N o te s on D ra c o n tiu s a n d on th e « A e g r itu d o P e r d ic a e », C .Q ., 33, 1939, p. 161-162. L eo : conjectures de Fr. Leo in Fr. Vollmer, M . G .H . et P .L .M . R ie s e : Fr. Bücheler et A. Riese, A n th o lo g ia L a tin a 2, t. 2, Lipsiae, 1906, p. 323-325, n° 874a-874b. R o m a n o : D. Romano, S tu d i D ra c o n z ia n i, Palermo, 1959, p. 79-81. T h o m a s : E. Thomas, S tu d ie n z u r la te in is c h e n u n d g rie ch isc h e n S p ra ch g esch ich te, Berlin, 1912, p. 69-70. T ra u b e : conjectures de L. Traube in Fr. Vollmer, M.G.H. et

P.L.M. V o llm e r : Fr. Vollmer, Éditions de Dracontius (D e m e n sib u s. D e o rig in e ro sa ru m ), M .G .H ., A . A . , t. XIV, Berolini, 1905, p. 227-228, et P .L .M . , t. 5, Lipsiae, 1914, p. 235-237. V o llm e r 1 : Fr. Vollmer, M .G .H . Z ie h e n : J. Ziehen, N e u e S tu d ie n z u r L a te in isc h e n A n th o lo g ie ,

Frankfurt am Main-Berlin, 1909, p. 33-35. Z u r li : L. Zurli, N o te a l te sto d i R e p o s ia n o , G .I.F ., 41, 1989,

p. 79.

LES MOIS 1

5

Janvier«

La pourpre accorde ses honneurs sacrés aux ju g e s 2 et met de nouveaux noms sur les livres des fastes 3.

Février«

Le soleil, à force de co u p s4, dissout déjà les glaces de Fhiver, sur la vigne les bourgeons éclatent de leur enveloppe gon­ flée 5.

Mars«

Il manifeste les droits du dieu Mars, laisse planer avec ses enseignes la menace de guerres cruelles6, pour réveiller les esca­ drons et faire tailler à la serpette les vignes nouvelles 7.

Avril«

Après l’expulsion des ténèbres les prémices du monde sont riantes, la durée de la nuit est compensée par la lumière du jour 8.

Mai«

Les prés reverdissent en s’émaillant d ’innom ­ brables couleurs, le gazon parfumé se cons­ telle de fleurs aux senteurs d ’am broisie9.

2. Le terme iu rid ic i (v. 1) semble désigner ici les gouverneurs civils des provinces du royaume vandale, appelés habituellement in d ices prou in cia ru m (sur ces indices prouinciarum * voir L. Schmidt, H isto ire d es Vandales^ trad. fr. H. Ê. Del Medico, Paris, 1953, p. 218, et Ch. Courtois, L es V a n d a le s e t ΓAfrique^ Paris, 1955, p. 258). Ils auraient porté la pourpre comme les sénateurs romains avaient une tunique laticlave. 3. La coutume à laquelle fait ici (v. 2) allusion Dracontius est romaine et non plus vandale, il s’agit de l’inscription du nom des deux consuls sur les fastes consulaires.

DE MENSIBVS lam iarius.

P u rp u ra iuridicis sacros larg itu r honores et noua fastorum p erm u tat nom ina libris.

F ebruarius,

Sol hiem is glacies soluit iam uerbere [nbms, cortice turgidulo ru m p u n t in palm ite [gemmae,

M artius,

M artia iura m ouet, signis fera bella [m inatur, excitet u t turm as et tru n ce t falce [nouellas.

A prilis,

P o st chaos expulsum rid en t prim ordia [m undi, tem pora pen san tu r noctis cum luce diei.

M aius,

P ra ta per innum eros uernarct gem m ata [colores, floribus am brosiis caespes stellatur [odorus. 2*6

2 permutat Corio : -mittit Bohrens || 3 uerbere nixus scripsi : uerbere niues Corio uerbere mitis Traube uerbere uemens Leo uerbere tundens coni. Vollmer1 uerbere ridens uel uineens Alfonsi uere renidens A lfonsi etiam Courtney uere niuesque Bohrens Riese || 6 truncet Corio : -cat Hosius Riese Romano || 9 prata per innumeros Corio : per prata innumeri Alfonsi || uernant Bdhrens : -at Corio.

LES MOIS

15

Juin.

Les blonds épis se couvrent en abondance d’une moisson crépue 10, le paysan regagne sa dépense et le matelot regagne les flots n .

Juillet.

Le domicile de la Lune humide fait sécher les moissons 12 ; le Nil épuise l’eau de ses sources pour se répandre en inonda­ tions 13.

Août.

Il occupe la demeure du S o leil14, mais porte le nom d ’Auguste ; il m ûrit les f r u its 1S, tandis que sur Faire on bat le grain sec.

Septembre.

L’automne regorge de raisins à demi colo­ rés 16, prom ettant aux cultivateurs le vin comme salaire de leurs peines.

Octobre.

Les cultivateurs, en sautant, exprim ent le jus qui donne l’ivresse et, plus décents, dans leur simplicité rustique se contentent du m oût. 17 .

:20

λ

Novembre.

L’hiver inerte, de retour, tombe dans l’en­ gourdissement ; l’olive m ûrit, et la terre prend le blé pour le rendre avec intérêt 18.

Décembre.

La froidure hivernale, porteuse de neige, charge les sommets élevés de g iv re 19, et la dureté du gel m aintient les agneaux à la mamelle sous leur mère.

10. La correction de Bahrens (v. 11) s’impose dans la mesure où le verbe flauare n’existe pas (voir Thés. L.L., VI, 1, 887, 59-60). Crispari signifie « se couvrir de quelque chose de crépu » (cf. L.D. 3, 704 et Columelle 10, 166 ; ici il s’agit d’une allusion aux balles), et messis « grain ». Armatus ne rappelle pas la forme pointue des épis, il a le sens de « fourni, muni ».

DE M EN SIB VS

81

Iunius.

M essibus arm atis fiauae crispantur [aristae, rusticus expensas et fluctus nauta [reposcit.

Iulius.

H um ida dant siccas messes

domicilia [Lunae ; fontanas exhaurit aquas, u t N ilus inundet.

A ugustus.

A tria Solis habet, sed nom en Caesaris [affert ; m itia pom a dabit, siccas te rit area fruges.

Septem ber.

A estuat

O ctober.

P ro m itu r agricolis saltantibus ebrius [imber rusticitasque decet gaudens plus sordida [musto.

au tum nus

15

partim

uariantibus [uuis agricolis spondens m ercedem uina [laborum.

N ouem ber.

P igra redux torpescit hiem s ; m itescit [oliua, et frum enta capit quae fenore terra [refundat.

D ecem ber.

Algida b rum a niuans onerat iuga celsa [pruinis et glaciale gelu n u trit sub m atribus agnos.

11 fiauae crispantur Bährens : crispae flauantur Corio || 13 dant Corio : alunt Ziehen || domicilia lunae Corio : domitae ilia lymfae Ziehen || 14 fontanas Corio1 v : fortunas Corio2 1| 16 dabit Corio : datat Bährens || 17 partim Corio : passim coni. Vollmer || 19 ebrius Corio : euhius Bährens || 20 decet Coriot : deo est Bährens madet Courtney || 22 mitescit Corio : ni- v.

20

L’ORIGINE DES ROSES 1 La bienfaisante Vénus s’est fait mal en se dérobant à l’am our de Mars 2 et en pressant de ses pieds nus les prés fleuris : une épine sacrilège 3 s’est glissée parmi les herbes inoffensives et déchire bientôt d ’une légère 4 blessure la plante de ses pieds. De là le sang se répand, l’épine se revêt de rouge ; elle qui a commis un crime est gratifiée d ’un parfum 5 ; tous les ronciers, dans les champs couleur de safran, sont rouges de sang, et la rose,^ imitation des astres 6, sanctifie les buissons piquants. À quoi te sert, Cypris, d ’avoir fui le sanguinaire Mars, quand la plante de tes pieds ruisselle d ’un sang pourpre ? Cythérée aux joues vermeilles, est-ce là punir les fautes que de couvrir d ’une gemme flamboyante la vivace 7 épine ? Il convenait que la déesse, que la divinité des Amours 8, souffre ainsi, pour venger 9 sa blessure par de doux présents.

1. L’origine attribuée à la rose par ce poème est traditionnelle ; voir Aegritudo Perditae 35-86 : Et rosa purpureum spargens per prata ruborem / seu Veneris eruor est seu fla m m a Cupidinis ista ; Anth. 85, 2-3 (De rosa) : aut sentibus haesit / Cypris et hic spinis insedit sanguis acutis ; Anth. 366, 3-4. Plusieurs fleurs et plantes, selon les Anciens, sont nées du sang ou de la tombe de personnages de la mythologie : le crocus, le narcisse, l’anémone née du sang d’Adonis blessé, l’hyacinthe née du sang d’Hyacinthos ou d’Ajax ; voir Ovide, M et. 10, 211-216 ; 13, 394-396 ; Columelle 10, 174-175 ; Pline, Nat. 21, 60 ; Ausone, Epit. her. 3, 5, où Ajax dit : iam dabo purpureum claro de sanguine florem. Cependant il y a d’autres explications sur la naissance de la rose : on la dit parfois fille des baisers, du sourire ou encore du sang de l’Amour, de la perle, de la flamme, de la pourpre du soleil levant ou des cheveux de l’Aurore, voir Peru. Ven. 23-24 ; Ausone, Cupido cruciatur 77 ; Anth. 85, 1-2 ; Anth. 366, 1-2 ; Anth. 646, 15-16 (De rosis nascentibus du PseudoAusone, cf. ed. Peiper, p. 409-410). Quelques auteurs même la font naître du sang d’Adonis, voir Bion I, 64-66 ; Philostrate, Lettres d 9amour 1.

DE ORIGINE ROSARVM

Icitu r aim a V enus, du m M artis u itat am ores et pedibus nudis florea p rata p rem it : sacrilega placidas irrep sit spina per herbas et tenero plantas uulnere m ox lacerat. F u n d itu r inde eruor, u estitu r spina rub o re ; quae scelus am m isit, m unus odoris habet. Sanguine cuncta ru b en t croceos dum eta p er agros, et sancit uepres astra im itata rosa. Q uid prodest, Cypris, M artem fugisse cruentum , cum tib i puniceo sanguine planta m adet ? Sanguineis C ytherea genis, sic crim ina punis, uinacem u t spinam flam m ea gem m a tegat ? Sic decuit doluisse deam , sic n u m en A m orum , uindicet u t blandis uulnera m uneribus. 1 1 icitur Traube : dic- Corio Ziehen fig- Alfonsi del. Riese j| post uenus quondam suppl. Riese || 4 tenero Corio : -ras Alfonsi Zurli || 6 odoris Corio : hono- Alfonsi |) 7 croceos Mährens : -eus Corio || 12 uiuacem scripsi : ueracem Cono Thomas Alfonsi uoracem Hudson-Williams uracem Vollmer Romano mordacem Mährens Riese.

FRAGMENTS i 1

parce que les divinités peuvent toujours s’irriter contre les malheureux, mais, aux gens heureux, veulent même dis­ penser des bienfaits.

II2 Le serpent de soie à l’œil brillant comme une gemme 3 se tend aux vents, et agite ses crêtes éclatantes à travers les nuées 4. 1. Ce fragment nous est donné par le Florilegium Veronense CLXVIÏI (155) de 1329, voir l’Introduction, t. 3, p. 10-11 et 77-78. H rappelle Lucain 3, 449 : et tantum miseris irasci numina possunt. Ch. J. Gross (The Verona Florilegium o f 1329, Diss. Chapel Hill, 1959, p. 3) édite à tort nasci au lieu de irasci. 2. Ce fragment est cité par Tristano Calco dans son Historia patriae, Mediolani, 1627, p. 55-56. Il rapproche ces vers de passages d’Ammien Marcellin et de Claudien que M. Ferrari (Spigolature Bobbiesi. III. Due versi editi-inediti di un perduto « Romuleon » di Draconzio, I.M. U., 16, 1973, p. 35) identifie comme étant Ammien Marcellin 16, 10, 7 ; Claudien, Ruf. 2, 365 ; III cons. Honor. 138-141 ; VI cons. Honor. 566-568 ; la critique italienne renvoie aussi à Sidoine Apollinaire, Carm. 5, 402-407. J. M. de Bustamante, Draconcio, p. 381, propose de les placer après Rom. 10, 542. P. L. Schmidt de son côté (« Habent sua fa ta libelli ». Archetyp und literar-historische Struktur der