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French Pages [276] Year 1998
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avant qu’elle ne vous domine
Albert Ellis LES EDITIONS DE
L’HOMME
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Dominez anxiété votre
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avant qu’elle ne vous domine
Données de catalogage avant publication (Canada) Ellis, Albert Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine Traduction de : How to control your anxiety before it Controls you. 1. Angoisse. BF575.A6E4514
2. Relations humaines. 1999
152.4’6
I. Titre. C99-940915-8
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© 1998, Albert Ellis Institute © 1999, Les Éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides, pour la traduction française Tous droits réservés L’ouvrage original américain a été publié par Birch Lane Press Book, une division de Carol Publishing Group sous le titre How to Control Your Anxiety Before It Controls You Dépôt légal: 3e trimestre 1999 Bibliothèque nationale du Québec ISBN 2-7619-1500-3
Dominez votre • / / anxiété é
avant qu’elle ne vous domine
Albert Ellis
Traduit de Vaméricain par Louise Drolet
LES EDITIONS DE
L’HOMME
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CHAPITRE
1 Pourquoi je suis convaincu que vous pouvez dominer votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
usqu’à l’âge de dix-neuf ans, j’étais un être fort anxieux. En fait, je suis sans doute né avec une tendance à m’angoisser. Ma mère était ainsi: c’était une heureuse nature, mais elle pouvait se ronger les sangs pour des bagatelles, l’ar¬ gent, par exemple. Durant mon enfance et mon adolescence, elle n’en avait jamais vraiment manqué. À une époque, mon père, un promoteur et un excellent vendeur, était littéralement millionnaire — ce qui n’était pas peu dire dans les années vingt. Mais ma mère surveillait constamment nos dépenses, et quand mon père laissait un pourboire de cinquante dollars à un serveur, elle le reprenait discrètement et y substituait un don plus modeste. Elle versait ses économies dans un compte dis¬ tinct qui contenait des milliers de dollars. Mais elle craignait toujours de manquer d’argent. 1 Après que mon père eut perdu son premier million à la Bourse, alors qu’il était en train d’amasser le second et que la famille se débrouillait fort bien financièrement, ma mère conti¬ nuait de s’inquiéter à propos de l’argent — et de plusieurs autres détails plutôt insignifiants — et d’économiser sou par sou. Elle 7
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n’a pas eu complètement tort, car en 1929, mon père perdit son second million et fut incapable de lui verser son allocation habi¬ tuelle. Nous traversâmes cependant la Grande Dépression sans trop de mal, car mon frère, ma sœur et moi trouvâmes du travail et pûmes subvenir aux besoins de la famille. Pourtant, ma mère se tourmenta sans arrêt jusqu’à sa mort, qui survint à quatrevingt-treize ans, alors qu’elle possédait toujours ses économies. Vous pourriez penser que c’est elle qui m’a appris à m’in¬ quiéter, mais cela ne serait pas tout à fait exact. Mon frère, mon cadet de dix-neuf mois, grandit dans le même environne¬ ment et sa tendance à prendre les choses à la légère frôlait la pathologie. Il ne craignait pas de courir des risques et se lan¬ çait dans toutes sortes d’entreprises «périlleuses» sans jamais se soucier des conséquences. Si elles tournaient bien, tant mieux ; si elles tournaient mal, cela ne le troublait pas le moins du monde. Il se jetait tout bonnement dans l’aventure suivante, qu’elle fut sociale ou commerciale. En fait, il se débrouillait fort bien pour la simple raison qu’il se faisait rarement du souci. Tout le contraire de moi ! Je craignais toutes sortes d’éven¬ tualités. J’ai assurément été un enfant et un adolescent timide, obéissant et indécis qui fuyait les risques ; lorsque j’en courais un, je me faisais de la bile. La perspective de parler en public me terrifiait. Comme j’étais intelligent et plutôt doué, on me deman¬ dait souvent de prononcer de brefs discours, soit avant une pièce de théâtre scolaire ou pour répondre aux questions dont le professeur ne doutait pas que je connusse les réponses. Or, la plupart du temps je me taisais volontairement et j’évitais parti¬ culièrement les présentations publiques. Laissez-moi vous donner un exemple. L’orthographe n’avait pas de secrets pour moi et j’étais souvent le meilleur de ma classe dans cette matière, mais j’évitais les concours de crainte de commettre une erreur (ce qui ne m’arrivait pratiquement jamais) et de me couvrir de ridicule. Si le professeur m’obli¬ geait à entrer dans la compétition, je surclassais presque tou¬ jours mes camarades et je remportais la palme ; mais ces con¬ cours me causaient une anxiété exceptionnelle. Seule ma vic¬ toire me donnait du plaisir, mais il était fort bref. 8
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Voici un autre exemple: de temps à autre, nous devions mémoriser un court poème et le réciter devant la classe le len¬ demain. J’avais une peur affreuse de bégayer même si je pos¬ sédais une excellente mémoire. Ces récitations publiques me terrorisaient. Le jour fatidique, je me fabriquais un mal de tête carabiné dès mon réveil et je plaçais le thermomètre près du radiateur pour faire croire à ma mère que j’avais de la fièvre. Celle-ci me gardait alors à la maison. Il n’était pas question que je bafouille et que j’affiche mon angoisse devant le professeur et mes camarades ! Un jour, j’avais environ onze ans, je gagnai une médaille à l’école du dimanche et je dus monter sur l’estrade pour la rece¬ voir et remercier le président de l’école. Je montai donc sur l’estrade, reçus la médaille et remerciai le président, mais comme je regagnais mon siège, un ami me dit: «Pourquoi pleures-tu?» J’étais tellement anxieux à l’idée de parler en public que mes yeux s’étaient remplis d’eau, et on aurait dit que je pleurais. Je souffrais également d’une violente anxiété sociale qui se manifestait quand je rencontrais de nouveaux camarades, quand je m’entretenais avec un représentant de l’autorité et surtout quand on me présentait des membres de l’autre sexe. Je m’intéressais énormément aux petites filles depuis l’âge de cinq ans et demi, époque où j’étais tombé follement amoureux d’une petite voisine au caractère enjôleur. Lorsqu’elle disparut de ma vie, je tombai passionnément amoureux de la plus jolie fille de ma classe chaque année ou presque. Oui, une vraie pas¬ sion amoureuse, un véritable attachement obsessif-compulsif. Mais peu importe à quel point j’adorais les petites filles et me torturais l’esprit pour trouver des moyens de me rapprocher d’elles — ce qui occupait pratiquement tout mon temps —, je ne leur adressais jamais la parole et ne faisais jamais un geste vers elles. Je les évitais timidement, craintivement, fermais ma grande gueule et me contentais de les regarder lascivement. L’idée que, si je les abordais et tentais de me lier avec elles, elles pourraient déceler mes défauts, me rejeter, avec raison, et me donner un complexe d’infériorité, me causait une vive 9
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frayeur. C’est tout juste si je ne me voyais pas disparaître sous le plancher advenant un rejet ! Même durant mon adolescence, et jusqu’à l’âge de dixneuf ans, je me retins d’aborder les femmes qui m’attiraient. Deux cents jours par année environ, je me rendais au jardin botanique, un endroit enchanteur situé tout près de chez moi pour lire, observer les jolies femmes (de tous âges) et flirter avec elles. Mais je ne leur adressais jamais la parole et n’osais pas m’en approcher. En général, je m’installais sur un banc de pierre et une jeune fille ou une femme prenait place sur un autre banc, à environ trois mètres du mien. Je posais aussitôt mon regard sur elle (à cet âge, je m’intéressais à toutes les femmes sans exception) et parfois elle me regardait aussi. Je lui jetais des regards furtifs, flirtant ouvertement avec elle, et souvent, en retour, elle flirtait avec moi. Certaines étaient inté¬ ressées et m’auraient assurément accueilli à bras ouverts, si seulement j’avais eu l’audace de les approcher. Mais c’était hors de question! Je trouvais toujours un mil¬ lion de prétextes pour me défiler : elle était trop grande ou trop petite, trop vieille ou trop jeune, trop intelligente ou trop bête. J’élaborais toutes sortes d’excuses et de rationalisations. C’est ainsi que je n’ouvrais jamais la bouche, peu importe à quel point elles semblaient curieuses et réceptives. Puis, quand l’objet de ma passion se levait enfin ou si je devais moi-même partir, je maudissais ma bêtise, me dénigrais sévèrement pour ma lâcheté et résolvais d’essayer — d’essayer vraiment — d’aborder la prochaine candidate intéressante. Mais je ne le fis jamais. COMMENT JE SURMONTAI MA CRAINTE DE PARLER EN PUBLIC V
A dix-neuf ans, je résolus de surmonter mon anxiété. Je m’at¬ taquai tout d’abord à ma peur de parler en public. À cette épo¬ que, je jouais un rôle actif au sein d’une organisation politique, un groupe libéral dont je dirigeais en fait la section jeunesse, appelée Young America. Comme c’était un fort petit groupe 10
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dont presque tous les membres étaient mes amis, je n’avais aucune difficulté à m’adresser à huit ou dix d’entre eux à la fois. Je ne considérais pas cela comme une performance publi¬ que. En revanche, j’étais censé prendre la parole devant les membres d’autres organisations dans le but de leur donner des renseignements sur notre groupe et de les convaincre d’y adhérer. Il entrait dans mes attributions de chef de faire de la propagande pour mon organisation. Mais ce rôle me terrifiait et je refusai de le tenir à maintes reprises comme m’y inci¬ taient les dirigeants de la section adulte, New America, qui chapeautait la section jeunesse. Comme d’habitude, je me dérobais à mes obligations. Comme on continuait de faire pression sur moi pour que je donne des conférences au nom de Young America, je cédai et je résolus de surmonter ma peur de parler en public. J’avais lu un grand nombre d’ouvrages de philosophie et de psychologie et je comptais bien un jour écrire un livre sur la psychologie du bonheur, un sujet qui me passionnait (à cause de mon anxiété). J’avais donc déjà une bonne idée, fondée sur les écrits de cette époque (1932), de la manière d’affronter l’anxiété et les pho¬ bies. J’avais lu ce que quelques grands philosophes comme Confucius et Gautama le Bouddha avaient écrit à ce propos. J’avais surtout retenu les préceptes des philosophes grecs et romains comme Épicure, Épictète et Marc Aurèle. Or, comme dès l’âge de seize ans, la philosophie avait été mon principal passe-temps, j’avais lu ce qu’un grand nombre de philosophes modernes comme Thoreau, Emerson et Bertrand Russell avaient écrit sur la maîtrise de l’anxiété. Enfin, la plupart des psychologues modernes tels que Freud, Jung et Adler, qui cherchaient aussi à guérir les gens de leur anxiété, m’étaient familiers. J’étais donc préparé sur les plans tant philosophique que psychologique. J’avais aussi parcouru les œuvres du célèbre béhavioriste John B. Watson, sur ses premières expériences visant à guérir les enfants des peurs et des inquiétudes qui les tourmentaient. Watson et ses assistants prenaient des enfants de sept ou huit ans qui avaient une peur bleue des animaux (souris ou lapin) 11
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et les exposaient à l’objet appréhendé, d’abord de loin puis de plus en plus près. Watson parlait aux enfants et les distrayait tout en rapprochant l’animal graduellement. Au bout d’une vingtaine de minutes, les enfants n’avaient plus peur et se mettaient même à flatter l’animal. Ce procédé de décondi¬ tionnement, appelé désensibilisation in vivo, donnait d’excel¬ lents résultats et en une ou deux séances, Watson guérissait les enfants de leurs peurs et phobies extrêmes. « Eh bien, me dis-je, si la méthode est efficace pour les petits enfants, elle devrait être efficace pour moi. Essayons-la. » C’est ainsi que pour la première fois de ma vie pratique¬ ment, au lieu de me soustraire à mes engagements, je fis tout le contraire. Chaque semaine, je m’arrangeai pour prononcer au moins un discours au nom de mon organisation et le fis con¬ tre vents et marées. L’idée de parler en public continuait de me terrifier et j’éprouvai un inconfort extrême les premières fois. Mais je savais, pour l’avoir lu et pour avoir compris certaines choses, que mon inconfort ne me tuerait pas. Je me raisonnais aussi en me disant que les catastrophes que j’escomptais — l’auditoire me tournant en ridicule et me conspuant — ne se produiraient sans doute pas. Selon toutes probabilités, je pro¬ noncerais simplement un discours médiocre qui serait loin de convaincre mon auditoire que Young America était le meilleur groupe politique qui ait vu le jour depuis la rébellion des ÉtatsUnis contre l’Angleterre et, au pire, les nouveaux adhérents seraient peu nombreux. Ma foi, ce serait terrible, mais ce ne serait pas la fin du monde. En d’autres termes, j’utilisai un mélange de monologue intérieur rationnel — largement appris des philosophes —, je m exposai à ce que je craignais le plus et je me forçai à parler en public chaque semaine pendant dix semaines. Eh bien, cela donna d’excellents résultats! J’étais très inconfortable au début, puis un peu moins et enfin — ô surprise ! — tout à fait à l’aise. Mes palpitations, mes sueurs froides et mon cafouillage s atténuèrent graduellement. J’appris à me concentrer inten¬ sément sur le sujet de mes discours — quel extraordinaire groupe politique était Young America — plutôt que sur ma per12
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formance oratoire et mon anxiété. Je découvris en outre, à mon grand étonnement, que je pouvais être un orateur assez éloquent, qui se débrouillait aussi bien en public que devant une seule personne ou un petit groupe d’amis. En fait, j’avais toujours eu de la facilité à parler, mais l’idée de parler en pu¬ blic me terrifiait. J’étais pourvu de solides cordes vocales et capable de formuler des phrases intelligentes et avec un peu d’entraînement, tout cela s’améliora. Cette expérience, le fait que je me sois forcé — oui, littéra¬ lement forcé — à parler en public en dépit de mon inconfort jus¬ qu’à ce que je sois à l’aise et que j’en arrive même à y prendre plaisir, fit une profonde impression sur moi. C’est l’une des principales raisons qui me poussèrent, neuf ans plus tard, à devenir psychothérapeute. À l’époque où je fis mes premiers exposés en public, je n’envisageais pas du tout la profession de thérapeute, mais je caressais l’idée de devenir écrivain et d’écrire des livres sur le bonheur. Cette idée me souriait peut-être pour la seule raison que je pouvais la mener à bien sans avoir à parler en public. Quoi qu’il en soit, je ne voulais pas devenir thérapeute, je voulais seulement être moins inquiet, plus heureux. Et j’y parvins en très peu de temps. Toute anxiété à l’idée de parler en public me quitta à jamais. Le fait d’avoir vaincu mon anxiété dans ce domaine atténua en outre mon anxiété générale. Par exemple, je m’étais toujours senti obligé de réussir — à l’école, dans les sports et dans d’autres entreprises impor¬ tantes — et d’avoir belle allure. Je me démenais comme un dia¬ ble pour réussir et y parvenais dans une mesure raisonnable. Je portais une attention particulière à mes études, faisais mes devoirs et, en général, m’en tirais honorablement. Certes, cela m’angoissait passablement — puisque ma réussite prouverait ma valeur personnelle et qu’un échec était toujours possible. Quelle horrible perspective ! En voyant que je pouvais éprouver de l’embarras en public et même cafouiller à l’occasion sans pour autant me dénigrer moi-même, je devins moins inquiet de réussir. Je voulais encore réussir, mais cela n’était plus une nécessité absolue. 13
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COMMENT JE SURMONTAI MON ANXIÉTÉ SOCIALE Pour me mettre à l’épreuve, toutefois, je décidai de tenter la seconde expérience importante de ma vie : me débarrasser de mon anxiété sociale — et surtout de ma peur d’être rejeté par les femmes qui m’attiraient. Cette anxiété m’avait tourmenté toute ma vie et surpassait ma peur de prendre la parole en public. Souvenez-vous que je voulais devenir écrivain et que ce métier ne m’obligeait pas à faire des discours en public. Mais si je continuais de m’intéresser aux femmes — et j’en avais bien l’intention —, la paralysie qui me frappait en leur présence serait par trop restrictive ! J’en serais réduit à dépendre de mes amis et de ma famille pour me faire de nouvelles amies. Quelle barbe ! C’est ainsi que, fort de mes succès oratoires, je résolus d’ap¬ pliquer le même procédé à mon anxiété sociale. Tandis que je m’apprêtais à terminer mes études supérieures à l’université, je m’imposai le brillant exercice de me rendre au jardin botanique chaque jour du mois précédant la rentrée. J’y aborderais des inconnues, peu importe mon embarras. Je marcherais dans le parc, me disais-je, jusqu’à ce que je voie une femme intéres¬ sante assise seule sur un banc et je prendrais aussitôt place auprès d’elle. Pas sur ses genoux, bien sûr, mais sur le même banc plutôt que sur le banc d’à côté. Puis ayant accompli cet exploit — qui me terrifiait, car je craignais qu’elle me donne mon congé et s’éloigne aussitôt —, j’accomplirais l’acte le plus dangereux qui soit: je m’accorderais une minute, une toute petite minute, pour lui adresser la parole. Si j’en mourais, eh bien, tant pis ! Je surmonterais ma gêne et lui parlerais aussitôt même si elle arborait un air effarouché. Voilà la brillante tâche que je m’étais assignée. Pourquoi était-elle brillante ? Parce que si j ouvrais la bouche sur-le-champ au lieu de chercher de midi à quatorze heures, je savais que je serais moins anxieux, que j en finirais avec ce sale truc et que j’aurais de meilleures chan¬ ces de voir mes efforts aboutir à quelque chose. Je suivis mon plan au pied de la lettre. Peu importe mon anxiété, chaque fois que je voyais une femme assise seule sur un banc, je m’installais aussitôt — sans y penser ! — à ses côtés. 14
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Je ne laissais aucune excuse touchant son apparence, son âge, sa taille ou autre, me détourner de mon but. Aucune ! Je m’obli¬ geais tout bonnement, malgré ma gêne, à m’asseoir près d’elle, ce qui eut pour effet d’en chasser un grand nombre. Tout compte fait, je crois bien avoir abordé cent trente femmes pen¬ dant ce mois d’août. Trente, soit près du quart d’entre elles, décampèrent aussitôt. Plutôt décourageant ! Mais il m’en resta exactement cent — ce qui était excellent pour mes recherches. Loin de me laisser démonter, j’adressai comme prévu la parole à ces cent femmes. Je parlai des fleurs, des arbres, du temps, des oiseaux, des abeilles, du livre ou du journal que j’étais en train de lire — bref de tout et de rien! Rien de bril¬ lant ni de futé. Rien de personnel. Aucun commentaire sur leur apparence ni sur quoi que ce soit d’autre qui risquerait de les effrayer ou de les faire déguerpir. Tout juste une centaine de phrases banales. Eh bien, ces cent femmes me parlèrent à leur tour, certai¬ nes très brièvement, d’autres pendant une heure et plus. J’eus une conversation animée avec beaucoup d’entre elles. Si elles semblaient réceptives, je les interrogeais sur leur travail, leur famille, leur mode de vie, leurs passe-temps, leurs intérêts et ainsi de suite. Je bavardais à bâtons rompus tout comme je l’aurais fait si on me les avait officiellement présentées. Pour ce qui est de mon principal objectif — les inviter à sortir, les voir régulièrement, coucher avec elle et peut-être épouser l’une d’entre elles —, j’échouai sur toute la ligne. Échec et mat ! Car sur les cent femmes que j’abordai, une seule accepta de sortir avec moi et elle me posa un lapin! Nous avions bavardé pendant deux heures, elle m’avait embrassé sur la joue avant de partir et accepté de me rencontrer dans le parc le soir même, mais elle ne vint pas. Bêtement, j’avais omis de lui demander son numéro de téléphone, de sorte que je ne la revis jamais. Quelle ne fut pas ma déception ! Mais j’y survé¬ cus et, par la suite, je notai systématiquement le numéro de téléphone des femmes qui acceptaient de sortir avec moi! Au cours de ce mois, j’essuyai une centaine de rejets et me débarrassai tout à fait de mon anxiété sociale et surtout, de ma 15
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peur de rencontrer des étrangères dans des lieux inconnus. J’avais constaté que ces rejets n’avaient pas entraîné de consé¬ quences catastrophiques. Aucune des femmes que j’abordai ne fit mine de me trancher le pénis d’un coup de couteau. Aucune ne vomit avant de décamper. Aucune n’appela les flics. Les conséquences terribles que j’avais si souvent imaginées ne s’étaient pas produites. Au lieu de cela, j’eus de nombreux entretiens agréables avec ces femmes, j’en appris beaucoup sur des inconnues, je vis fondre progressivement ma gêne et mes craintes et j’en tirai plusieurs autres bienfaits. Le mieux dans tout cela, c’est que je vainquis presque aussitôt ma peur d’aborder les femmes et, pendant le reste de ma vie, j’adressai la parole à des centaines de femmes littéralement et j’invitai à sortir celles que je rencontrais dans les parcs, les trains, les aéroports et d’autres lieux publics. Je n’éprouve plus aucune crainte à cet égard et, bien que la grande majorité d’entre elles aient rejeté mes propositions à l’égard du sexe, de l’amour et du mariage, je fus à jamais débarrassé de mon anxiété sociale. Qui ne risque rien n’a rien ! Ma peur de me tourner en ridicule aux yeux des femmes et d’être rejeté s’était évaporée ! Vous comprenez maintenant pourquoi, comme je l’indique dans l’en-tête de ce chapitre, je suis convaincu que l’on peut dominer son anxiété avant de se laisser dominer par elle. C’est parce que j’y suis parvenu totalement, dans les domaines du discours public et de l’anxiété sociale, sans l’aide de personne ni même d’un psychothérapeute. Je me suis servi de mes expé¬ riences pour apprendre à vaincre mon anxiété et j’ai, à titre de thérapeute, appris à des milliers de gens à faire de même au cours des cinquante-quatre dernières années. De plus, mon expérience personnelle a façonné ma compréhension et ma pratique de la psychothérapie, et sans elle, je n’aurais sans doute pas créé la thérapie rationnelle-émotive. Le fait d’avoir été aux prises avec une anxiété exceptionnelle dans bien des domaines et de me rendre compte que désormais j’éprouvais la plus grande difficulté à être tendu ou inquiet dans les situations même les plus difficiles, m’a poussé à mettre mes connaissances au service des autres. 16
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L’essentiel, toutefois, c’est que je surmontai uniquement par moi-même mon anxiété démesurée. Certes, j’appris énor¬ mément des œuvres de nombreux philosophes et thérapeutes. Je m’inspirai également des travaux de John B. Watson qui, sans être thérapeute, réalisa plusieurs expériences théra¬ peutiques. Grâce à eux et en serrant les dents — en acceptant d’éprouver un inconfort extrême et en me persuadant de la futilité de mon anxiété et de mes phobies —, je crois pouvoir affirmer sans mentir que je suis devenu l’un des êtres les moins affolés qui soient. J’ai traversé de multiples épreuves depuis l’époque de mes dix-neuf ans, il y a quelque soixante-cinq ans de cela. J’ai toujours à cœur de réussir, d’accomplir toutes sor¬ tes de choses, de mériter l’approbation de certaines personnes et de mener une vie agréable. J’ai appris à être seulement sou¬ cieux, désolé ou déçu devant les malheurs réels ou potentiels de ma vie, mais je ne suis pratiquement jamais angoissé, déprimé ni furieux. Autrement dit, l’être facilement perturbé et « perturbable » que j’étais est devenu quelqu’un qui se laisse rarement boule¬ verser. Comme l’indique le titre de l’un de mes livres popu¬ laires*, je refuse obstinément de me mettre martel en tête pour quoi que ce soit — oui, pour quoi que ce soit. Je suis toutefois convaincu que j’y suis parvenu seul, sans aide ni thérapie, sans groupe de soutien, sans amis ni parents pour m’aider et me pousser à faire ce que j’ai fait. J’ai réussi à ébrécher mon anxiété d’une manière considérable et je con¬ serve depuis lors une relative sérénité. Entre-temps, j’entrepris de me consacrer à la psychothé¬ rapie et de voir plus de clients peut-être que les thérapeutes de tout le pays. J’inventai une forme de psychothérapie très populaire et largement enseignée, dont l’extraordinaire effi¬ cacité a été prouvée dans des études expérimentales. De multiples façons, elle met en valeur un aspect qui s’est révélé
* Allusion à How to Stubbomly Refuse to Make Yourself Misérable About Anything — Yes, Anything!
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efficace dans d’autres modèles de psychothérapie — en l’oc¬ currence modifier les idées restrictives des gens et les pousser à braver leurs peurs. Le mieux de toute l’affaire, c’est peut-être que la thérapie rationnelle-émotive (TRÉ), que j’ai créée en 1955, et la théra¬ pie cognitive du comportement (TCC), une forme similaire qui vit le jour au cours des années soixante, sont sans doute les formes les plus efficaces d’autothérapie jamais inventées. Des centaines de livres et de documents s’inspirent des principes de la TRÉ ou de principes similaires pour montrer aux gens comment surmonter par eux-mêmes leurs profonds senti¬ ments de dépression, d’anxiété, de rage, d’autodénigrement et d’apitoiement sur soi. Cela s’explique par le fait que cette forme d’autothérapie peut être décrite en termes faciles à comprendre et utilisée par n’importe quel individu déterminé à l’appliquer à ses propres problèmes personnels. Elle est effi¬ cace ! Si j’en crois mon expérience personnelle et celle de dizai¬ nes de milliers de gens qui ont utilisé les principaux éléments de la TRÉ et de la TCC, je suis à peu près certain que vous, qui lisez ce livre, pouvez aussi dominer votre anxiété avant qu’elle ne vous domine. Certes, il n’existe pas de garanties à cet égard, mais vous avez de fortes chances de réussir si vous vous y met¬ tez vraiment. Je l’ai fait moi-même, sans aide aucune, et sans les cinquante ans et plus de recherches et de pratique qui ont décuplé l’efficacité de la méthode. Si vous lisez attentivement les pages qui suivent, vous pouvez, vous aussi, vous habituer à dominer votre anxiété. Avez-vous tendance à vous tourmenter souvent et à propos de diverses choses? Oui, comme pratiquement tous les humains. Pouvez-vous travailler à minimiser votre anxiété et à modifier votre façon de penser dans cette optique? Oui, comme pratiquement tous les humains. Adopterez-vous les façons de penser et prendrez-vous les mesures que j’ai moimême employées pour atténuer votre anxiété ? Essayez la TRÉ et la TCC et voyez par vous-même !
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CHAPITRE
2 Ce qu’est l’anxiété et comment elle vous domine
C
royez-le ou non, l’anxiété est une émotion positive qui contribue à vous garder en vie et à préserver l’espèce humaine. Car, à l’instar de tous les humains «normaux», vous êtes né et vous avez grandi avec des désirs, des préfé¬ rences et des objectifs, et si vous n’éprouviez jamais d’appré¬ hension et ne vous souciiez aucunement d’assouvir vos désirs, vous toléreriez toutes sortes d’actes odieux — succès médio¬ cres, réprobation des autres, activités dangereuses, agressions et même tentatives de meurtre sur votre personne — sans même lever le petit doigt pour les éviter. En gros, l’anxiété est un ensemble de sentiments et d’impulsions inconfortables qui vous indiquent que des choses désagréables — qui vont à l’en¬ contre de vos désirs — sont en train ou susceptibles de se pro¬ duire et qu’il est temps que vous interveniez. Par conséquent, si vous êtes en danger d’être attaqué et ne voulez pas être blessé, plusieurs choix s’offrent à vous : déguerpir, combattre votre agresseur, chercher l’aide de protecteurs potentiels, appeler les flics, parler à votre agresseur pour l’empêcher de vous attaquer et ainsi de suite. Or, si vous n’étiez pas soucieux, vigilant, anxieux, tendu, prudent ou affolé, vous ne feriez rien 19
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
de tout cela. Vous percevriez peut-être le danger qui vous guette, mais ne feriez rien pour l’éviter. Dans le même ordre d’idées, si vous pensez que vous ris¬ quez de perdre votre emploi et que vous voulez le garder, vous vous ferez de la bile et choisirez, ici encore, une ou plusieurs des options suivantes : parler à votre patron, redoubler d’ef¬ fort au travail, chercher un autre emploi, demander à des amis d’intercéder en votre faveur, envisager de lancer votre propre entreprise, vous perfectionner en suivant des cours ou une formation, et ainsi de suite. L’anxiété découle donc de votre désir d’obtenir quelque chose et de la constatation que vous risquez de ne pas l’obtenir, ou du fait que vous ne désirez pas obtenir une chose et risquez de l’obtenir. Si vous n’aviez vraiment aucune préférence, désir ou souhait, vous seriez indifférent à presque tout ce qui vous arrive et, par conséquent, dépourvu d’inquiétude. En outre, vous ne vivriez sans doute pas très longtemps, puisque notre survie dépend en grande partie de notre désir de vivre et d’évi¬ ter la douleur, l’inconfort et les ennuis si graves qu’ils pour¬ raient être fatals. Pour pouvoir survivre, vous devez remplir certaines fonctions — respirer et manger surtout — et être à l’aise en quelque sorte. Car en l’absence quasi totale de confort causée par une douleur constante, disons, ou la privation de toute jouissance pendant une longue période —, l’être humain aura tendance à perdre le goût de vivre et préférera mourir. Presque tous les humains, cependant, tendent vers un but. Ils désirent vivre et être raisonnablement heureux et libres de toute souffrance. Certains êtres échappent peut-être à cette règle, mais ils sont vachement rares! Et les exceptions ne vivent pas longtemps. Le souci ou l’angoisse de vivre, par con¬ séquent, et d’être relativement exempt de douleur et de ma¬ ladie est ce qui nous maintient en vie. Même les jeunes enfants, qui ne sont pas encore capables de se débrouiller seuls, veulent vivre, s’amuser et ne pas souffrir. L’anxiété les aide à le faire. Malheureusement, il existe de multiples degrés et formes d anxiété, et certaines sont malsaines ou autodestructrices. 20
Ce qu’est l’anxiété et comment elle vous domine
Une anxiété saine — que nous pouvons aussi nommer préoc¬ cupation, vigilance ou circonspection — vous aide, comme nous l’avons déjà mentionné, à obtenir davantage de ce que vous voulez et, surtout, moins de ce que vous ne voulez pas. Car ce que vous ne voulez pas pourrait littéralement vous mutiler ou vous tuer. C’est pourquoi la sorte d’anxiété qui vous pousse à regarder des deux côtés avant de traverser une rue, à conduire votre voiture à une vitesse raisonnable, à ne pas manger d’aliments empoisonnés et à éviter les quartiers mal famés la nuit (ou même le jour), est très saine. L’anxiété saine vous garde en vie. Mais l’anxiété, comme je l’expliquerai en détail plus loin, peut facilement être et est sou¬ vent malsaine — c’est-à-dire destructrice et contraire à vos intérêts fondamentaux. Supposons que vous vous apprêtez à traverser une rue. Si vous éprouvez une saine anxiété, vous avancerez à pas prudents, tiendrez compte des feux de circu¬ lation, surveillerez les voitures qui pourraient brûler un feu rouge et traverserez la rue d’un bon pas, plutôt qu’à une allure d’escargot. C’est très bien ! Mais supposons que vous éprouvez une telle appréhension à l’idée de traverser la rue que votre cœur bat à se rompre, que vos jambes tremblent et que vous regardez dans toutes les directions. Que se passera-t-il si vous êtes en proie à une anxiété aussi vive ? Il est fort probable que vous courrez frénétique¬ ment, trébucherez, regarderez du mauvais côté ou serez si effrayé que vous demeurerez paralysé ou adopterez tout autre comportement absurde et causerez même un accident. La pa¬ nique est vraiment une forme d’anxiété — mais une forme dangereuse qui cause habituellement plus de tort que de bien. Il en va de même si la personne panique à propos de cho¬ ses qui ne présentent aucun danger physique. Si vous pensez que votre emploi est en danger et que cette perspective vous horrifie et vous affole, vous pourriez, sous l’effet de la panique, tenir des propos désespérés à votre patron, afficher votre pa¬ nique devant lui, quitter votre emploi prématurément sans même savoir si vous l’auriez perdu, être trop effrayé pour cher¬ cher un autre emploi, obtenir un nouvel emploi et paniquer 21
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
aussi au sujet de ce nouvel emploi, et faire un tas d’autres ges¬ tes stupides qui ne vous aideront ni à conserver votre emploi ni à en trouver un nouveau et à y donner un bon rendement. Une saine préoccupation peut vous aider à garder votre emploi ou à en trouver un autre tout aussi intéressant, tandis que la panique a toutes les chances de saboter votre emploi du moment et tous les autres qui suivront. Voilà qui n’est pas fameux ! ANXIÉTÉ SAINE ET MALSAINE La morale de cette histoire et l’essentiel de mon propos, c’est qu’une saine inquiétude ou préoccupation peut vous garder en vie et conduire à des résultats plutôt excellents, tandis qu’une anxiété malsaine peut facilement vous faire mordre la pous¬ sière. L’anxiété saine, ou prudence, vous place aux commandes de vos propres sentiments et vous aide à faire face efficace¬ ment aux situations dangereuses ou compliquées. L’anxiété malsaine, ou panique, produit souvent l’effet contraire: elle vous prive de tous vos moyens de sorte que vous affrontez d’une manière médiocre et parfois désastreuse les risques et difficultés qui surgissent dans votre vie. Une anxiété saine est un mélange de prudence et de vigilance qui écarte tous les dangers potentiels. L’anxiété malsaine est synonyme d’affole¬ ment, de terreur, d’horreur, de phobies, de tremblements, d’étouffements, d’engourdissements et elle entraîne toutes sortes de troubles physiques et psychosomatiques qui vous font certes prendre conscience des dangers possibles, mais qui nuisent très souvent à votre capacité d’y faire face d’une manière adéquate. Tout au long de ce livre, je vous montrerai la différence entre l’anxiété saine et l’anxiété malsaine ainsi qu’entre d’autres sentiments sains et malsains. Les principes théoriques et pratiques présentés ici sont fondés sur la TRÉ, qui a donné lieu à une forme de psycho¬ thérapie fort différente de la plupart des autres en ce qu’elle établit clairement la distinction entre les émotions négatives saines (chagrin, regret, déception, contrariété) et les émotions négatives malsaines (affolement, dépression, fureur, sentiments 22
Ce qu’est l’anxiété et comment elle vous domine
d’incompétence et apitoiement sur soi) engendrées par les cir¬ constances difficiles de la vie. Nous en reparlerons plus loin. Pour l’instant, revenons aux différentes formes d’anxiété. Une saine anxiété ou préoccupation est presque toujours fondée sur une peur réaliste ou rationnelle. Si vous désirez tra¬ verser une route dépourvue de feux où la circulation est dense, vous éprouverez la peur réaliste d’être heurté par une voiture et blessé ou tué. Pourquoi? Parce qu’il y a d’excellen¬ tes chances pour que cela se produise dans la réalité. De même, si vous occupez un emploi intéressant et que vous arrivez sans cesse en retard, que vous insultez votre patron et que vous travaillez peu, vous éprouverez la peur réa¬ liste d’être rétrogradé ou congédié. Car, étant donné les cir¬ constances, cela pourrait très bien arriver ! Ainsi vos peurs réalistes ou raisonnables découlent de l’ob¬ servation du fait que vos actions pourraient provoquer un évé¬ nement négatif ou même destructeur qui a effectivement de bonnes chances de se produire. Si vous vous conduisez mal envers des gens très agressifs, il y a de fortes chances pour qu’ils cherchent à vous faire du mal. Attention! Vos peurs réalistes vous indiquent que votre comportement risque de vous attirer des désagréments et vous avertissent de le modifier si vous voulez échapper à ceux-ci. Il existe cependant une foule de peurs plutôt irréalistes ou irrationnelles. Exemples : vous marchez sur le trottoir et vous êtes terrifié à l’idée qu’une voiture pourrait passer par-dessus le bord et vous frapper ; votre travail vous vaut des éloges, vous touchez régulièrement des augmentations, mais vous êtes hanté par l’idée que si vous arrivez en retard ne serait-ce qu’une fois ou si vous commettez une seule erreur négligeable, on vous congédiera sans cérémonie ; vous craignez de prendre l’ascenseur parce que vous êtes convaincu qu’il y a de fortes chances pour que vous suffoquiez, que vous restiez coincé entre deux étages durant plusieurs heures ou même plusieurs jours ou que l’ascenseur tombe en vous entraînant dans la mort. Ces peurs sont absurdes parce que ces événements ont peu de chances de se produire ; en fait, vous prenez une 23
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
quasi-impossibilité — une chance sur un million — et la muez en forte probabilité. Les êtres humains, et c’est regrettable, s’inventent souvent des peurs irrationnelles qui les terrifient et les poussent à com¬ mettre des sottises. Certains refusent de marcher sur le trottoir sous prétexte que c’est trop risqué. D’autres s’affolent et démis¬ sionnent de leur travail, alors que leur rendement est excellent et leur patron, fort satisfait d’eux. D’autres se tapent une ving¬ taine d’escaliers chaque jour pour ne pas prendre l’ascenseur. Les peurs malsaines et irréalistes engendrent souvent une profonde anxiété, même en présence d’un danger minimal ou inexistant. Presque tous les gens laissent l’une ou l’autre de ces peurs limiter bêtement leur vie. C’est ainsi que certaines personnes refusent de prendre l’ascenseur, l’escalier méca¬ nique ou le train, malgré les risques exceptionnellement mini¬ mes qu’ils présentent. Ou elles craignent la réprobation de personnes qui n’ont aucun pouvoir sur elles, mais se laissent désapprouver sans rien dire ou faire. Elles ont peur, pour avoir été rejetées par un être cher, d’être rejetées par tous ceux qu’elles aimeront par la suite. Ou elles croient, si elles perdent leur emploi pour une raison ou pour une autre, de ne plus jamais réussir à conserver un poste intéressant. Ces peurs irrationnelles sont fort répandues et les gens tout à fait téméraires, quand il s’agit d’entrer en lice pour obte¬ nir un emploi intéressant, par exemple, peuvent être absolu¬ ment terrifiés à l’idée d’amorcer ou de préserver une relation amoureuse. D’où proviennent ces peurs irrationnelles ? Un peu plus loin, nous étudierons leurs principales causes et la manière de ne pas se laisser dominer par elles. Mais à ce stadeci, je désire surtout souligner que beaucoup de gens, si ce n’est la plupart, éprouvent des peurs irrationnelles, qui les subju¬ guent et gâchent leur vie. Ces peurs aberrantes conduisent même certaines personnes à la mort : elles s’affolent en traver¬ sant la rue et trébuchent devant une voiture en marche, mal¬ gré les feux et la présence d’un agent de la circulation. Comment faire la distinction entre l’anxiété saine et l’anxiété malsaine ? Et entre les peurs rationnelles et les peurs irration24
Ce qu’est l’anxiété et comment elle vous domine
nelles ? Premièrement, en vérifiant la réalité des faits et les lois de la probabilité. Si vous ignorez les faits et que vous êtes per¬ suadé, par exemple, que les ascenseurs sont dangereux, même si un tas de gens les prennent chaque jour et en ressortent indemnes, vous aurez des ennuis. Les faits sont les faits, et si une chose est vraiment dangereuse — conduire une voiture à cent quatre-vingt kilomètres à l’heure —, il existe presque tou¬ jours des faits pour le prouver. Deuxièmement, les peurs irréalistes sont exagérées ou sur¬ généralisées. Pour avoir entendu dire qu’une personne était restée coincée dans un ascenseur durant trois heures, vous pensez à tort que cela pourrait fort bien vous arriver à vous. Parce que quelques personnes rejetées par leur partenaire n’ont jamais eu d’autre relation amoureuse par la suite, vous êtes certain qu’une rupture vous condamnera à vivre en soli¬ taire pour le reste de vos jours. Vous exagérez et surgénéra¬ lisez certains risques et possibilités. Troisièmement, vous possédez une vision extrême et sans aucune nuance des choses. Ainsi, la perte d’un emploi relative¬ ment intéressant vous apparaît comme un terrible malheur, alors qu’en fait, vous toucherez une allocation de chômage pendant un certain temps et pourrez profiter de cette période d’inactivité pour vous perfectionner ou chercher un meilleur emploi. L’anxiété irréaliste, autrement dit, résulte en grande partie d’une façon de penser erronée et exagérée fort répandue chez les êtres humains. L’anxiété, ainsi que nous l’avons précisé au début de ce chapitre, sert à protéger vos désirs, mais vous avez tendance à vous tourmenter ou à vous affoler au lieu d’éprou¬ ver une préoccupation normale devant les dangers et les per¬ tes possibles. Puis, et cela est déplorable, votre affolement embrouille vos actions — vous empêche de traverser la rue sans danger ou d’améliorer votre rendement au travail — et provoque en grande partie le «désastre» que vous prévoyez. En paniquant à propos d’une perte ou d’un danger éventuel, vous perdez tellement les pédales que vous provoquez ce que vous désirez éviter. 25
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Comment expliquer cela? Il est tout probable que votre anxiété protectrice devient hypersrotectrice et, par le fait même, autodestructrice. Certes, il est toujours possible, même si les chances sont minces, que l’ascenseur tombe ou demeure coincé entre deux étages durant de longues heures. Donc, au lieu de courir ce risque fort minime, vous vous rongez d’inquié¬ tude à l’idée que cela pourrait se produire et refusez de pren¬ dre l’ascenseur pour le reste de votre vie. Stupide ! Mais très protecteur. Hyperprotecteur en fait ! Il faut sans doute chercher du côté de l’évolution l’une des principales causes de ce phénomène. L’anxiété s’est intégrée à notre cerveau, notre cœur et nos actions il y a des dizaines de milliers d’années, à une époque où la vie comportait des dan¬ gers exceptionnels. Les hommes et les femmes ont la peau mince — comparés aux éléphants et aux rhinocéros — et ils peuvent facilement être blessés et tués. Par conséquent, dans le bon vieux temps — ou le « mauvais vieux temps » —, il fallait une bonne dose d’anxiété pour survivre. C’est pourquoi la nature a non seulement incorporé la prudence et la préoccupation à nos gènes, mais aussi une anxiété extrême qui nous a sans doute, il y a plusieurs siè¬ cles de cela, protégés des animaux plus forts et plus mé¬ chants, sans parler des autres humains. Dans le monde mo¬ derne, ce degré extrême d’anxiété n’est pas nécessaire à notre survie, mais il demeure ancré dans notre biologie. C’est pour¬ quoi nous réagissons avec prudence et préoccupation devant les dangers réalistes, mais aussi avec une anxiété et une pa¬ nique extrêmes devant les dangers imaginaires ou peu importants. En dépit de tout cela, nous sommes presque tous sujets à l’anxiété tant réaliste qu’irréaliste, aux peurs rationnelles et irrationnelles. En présence d’un risque ou d’un danger, nous sommes facilement circonspects et soucieux, mais nous cédons tout aussi facilement à l’anxiété et à la panique. La TRÉ vous montre comment conserver les émotions saines que sont la prudence et la préoccupation, et comment minimiser les émotions malsaines comme l’anxiété et la panique. C’est ainsi 26
Ce qu’est l’anxiété et comment elle vous domine
que vous pouvez dominer votre anxiété au lieu de la laisser, comme c’est souvent le cas, hélas ! vous dominer. Pour vous aider à reconnaître si, oui ou non, vous êtes en proie à l’anxiété, j’ai décrit ses symptômes les plus courants dans le tableau 2-1. Vous pouvez ressentir un ou plusieurs de ces symptômes lorsque vous êtes anxieux. Si vous êtes simple¬ ment soucieux, il se peut que vous ressentiez certains de ces symptômes, mais à un degré passablement moindre. TABLEAU 2-1 QUELQUES SYMPTÔMES COURANTS D'ANXIÉTÉ
SYMPTÔMES RESPIRATOIRES
SYMPTÔMES DU SYSTÈME DIGESTIF
Essoufflement Respiration rapide Respiration peu profonde Respiration haletante Pression sur la poitrine Boule dans la gorge Sensation d'étouffer Bégaiement
Perte d'appétit Nausées Douleurs et malaises abdominaux Vomissements
RÉACTIONS CUTANÉES Sueurs Picotements Frissons ou bouffées de chaleur Rougeur au visage
SYMPTÔMES MUSCULAIRES Tremblements Secousses dans les paupières Nervosité Réflexes de sursaut Marcher de long en large Jambes tremblantes Rigidité Insomnie
RÉACTIONS CARDIAQUES Accélération du rythme cardiaque Palpitations Lipothymie ou syncope Hausse de la tension artérielle Baisse de la tension artérielle
Le tableau 2-2 présente quelques circonstances ou situa¬ tions susceptibles de vous rendre anxieux. La liste n’est pas exhaustive et il est possible que vous éprouviez de l’anxiété dans des situations où les gens n’en ressentent pas habituelle¬ ment. 27
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
TABLEAU 2-2 QUELQUES SITUATIONS ANXIOGÈNES OU CAUSES D'ANXIÉTÉ
ANXIÉTÉS
PHOBIES
Fréquenter des gens Parler en public Chercher un emploi Travailler Pratique de sports Études Événements traumatisants Syndrome de stress post-traumatique Troubles médicaux Intoxicants Alcoolisme ou toxicomanie Névrose obsessionnelle Bégaiement Être anxieux Afficher son anxiété Paniquer et montrer sa panique
Rencontres sociales Espaces ouverts Espaces fermés Hauteurs Trains Automobiles Ascenseurs Animaux Ponts Tunnels
Surveillez les symptômes que vous ressentez quand vous êtes en proie à l’anxiété, surtout si celle-ci est fréquente ou intense. Puis remarquez quelles choses ou situations vous angoissent souvent ou beaucoup. Cependant, évitez de vous rendre tellement anxieux à la perspective d’être anxieux que cette anxiété-là prendra le dessus. Vous pensez peut-être être «anxieux» dans certaines situations, alors qu’en fait vous éprouvez seulement une préoccupation saine et normale.
28
CHAPITRE
3 Vous créez vous-même votre anxiété et vous pouvez la «décréer»
H
eureusement, vous créez vous-même une grande partie de votre anxiété malsaine et, plus heureusement encore, vous avez le pouvoir de la supprimer ou de l’atténuer. Comme nous l’avons déjà souligné, nous naissons -avec cette tendance à être soucieux ou anxieux et il vaut mieux la conserver en partie, car notre survie en dépend. Nous naissons et grandissons dans un environnement qui nous pré¬ dispose à l’anxiété, car une foule d’événements dangereux peut contrecarrer la réalisation de nos désirs et de nos buts : maladies, accidents, conflits avec les autres, agressions, mau¬ vais traitements, viol, effondrement de la Bourse, guerre, et un tas d’autres désagréments. Cette exposition à un grand nom¬ bre de difficultés potentielles et le fait qu’elles puissent faire obstacle à nos désirs et à notre plaisir prouve bien que nous sommes faits pour être soucieux et que notre anxiété est nécessaire et sert à nous protéger. En tant qu’humain, par conséquent, deux facteurs cru¬ ciaux font que vous êtes prédisposés (sainement, comme nous l’avons mentionné au chapitre précédent) à l’anxiété : premiè¬ rement, le facteur biologique ou votre tendance héréditaire à vous montrer prudent et vigilant ; deuxièmement, les nombreux 29
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
facteurs environnementaux de votre vie qui contrecarrent vos désirs et dont vous devez tenir compte. De plus, en tant qu’humain, vous naissez et grandissez avec un certain libre arbitre. Vous pouvez prendre des décisions et choisir une forme d’activité ou une autre. Même si vous êtes partiellement restreint par votre biologie et votre environnement, vous êtes un agent de plein droit et, par conséquent, vous pouvez exer¬ cer des choix. Cela signifie que vous pouvez choisir d’emprunter une voie ou une autre. Lorsque vous voulez obtenir davantage de ce que vous voulez et moins de ce que vous ne voulez pas, vous tâchez de deviner le meilleur chemin à prendre et à mesure que vous avancez sur ce chemin, vous découvrez ce qui est «bon» et « mauvais » pour vous — c’est-à-dire ce qui vous rapproche de vos objectifs et ce qui vous en éloigne. Mais vous ne savez pas avec certitude quel est le meilleur chemin et vous pouvez aisé¬ ment vous tromper en cours de route parce que vous ne le voyez pas en entier. Votre chemin peut très bien bifurquer sou¬ dainement. C’est ainsi qu’en tant qu’être humain, vous demeurez tou¬ jours quelque peu dans le doute. Vous n’êtes jamais vraiment certain — même si vous croyez le savoir — de ce qui est «bon» ou «mauvais» pour vous. Vous devez faire des expé¬ riences, courir des risques pour finalement découvrir la «bonne» voie. Mais si, la plupart du temps, vous savez ce que vous voulez et ne voulez pas et devez trouver le « bon » chemin pour l’obtenir, vous n’êtes cependant jamais assuré de satis¬ faire vos désirs parce que vous ne possédez ni certitude abso¬ lue ni règles invariables. Votre existence même est incertaine et, au mieux, probabiliste. Vous pensez connaître le bon che¬ min, mais vous n’en êtes jamais tout à fait certain. Cela résulte du fait que vous possédez une certaine liberté de choix: vous pouvez choisir vos buts ou vos intentions et la manière dont vous les réaliserez. C’est pourquoi les existentialistes parlent en termes d’«anxiété existentielle». Cette latitude crée en vous des doutes et des incertitudes. Par conséquent, vous êtes toujours un peu anxieux — ce qui veut dire que vous doutez 30
Vous créez vous-même votre anxiété et vous pouvez la «décréer»
des conséquences de vos choix, que vous espérez faire les bons, mais que vous n’êtes jamais tout à fait certain de ce qui fonctionnera pour vous. L’anxiété, le doute et l’incertitude sont donc inhérents à la condition humaine. Vous ne pouvez pas échapper complète¬ ment à l’angoisse, mais vous pouvez atténuer une grande partie de la tendance malsaine et exagérée qu’elle engendre en com¬ prenant comment vous la créez et en vous exerçant à réagir autrement — afin de vous en tenir à une saine circonspection. Comme nous l’avons mentionné, votre anxiété comporte un facteur biologique, fait de tendances innées à ressentir des désirs, à faire des choix afin d’assouvir ces désirs, à risquer de ne pas mettre ces choix en pratique, puis à les réviser et à les modifier. Vous êtes naturellement porté à faire des choix et fortement prédisposé à l’anxiété. C’est alors, comme nous l’avons mentionné plus tôt, qu’entre enjeu le deuxième facteur important: votre environnement, les gens et les choses qui vous entourent et qui soit favorisent la réalisation de vos désirs, soit y font obstacle. Si ces gens et ces choses vous con¬ viennent («bons » pour vous), vous obtiendrez beaucoup de ce que vous voulez et un petit peu de ce que vous ne voulez pas, et vous serez peu enclin à l’anxiété ou à la dépression. En revanche, s’ils sont «mauvais» pour vous, vous obtiendrez moins de ce que vous voulez et davantage de ce que vous ne voulez pas, ce qui aggravera vos sentiments d’anxiété et de dépression. Malheureusement, vous n’avez pas beaucoup d’influence sur ces deux facteurs cruciaux qui peuvent vous rendre anxieux. Vous ne pouvez pas facilement modifier votre biologie — ce qui fait de vous un être humain unique pourvu de diverses caractéristiques et propensions. Cependant, ces traits hérédi¬ taires ne sont pas immuables et vous pouvez (au prix de durs efforts) modifier certains de ceux qui font de vous ce que vous croyez «être». Mais seulement dans une certaine mesure et avec difficulté. Vous n’avez d’autre choix que d’accepter certai¬ nes de vos caractéristiques — votre « nature » — et de vous en accommoder, car elles ne sont pas faciles à changer ! 31
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Pour ce qui est de votre environnement, soit le milieu humain et matériel dans lequel vous avez grandi et vivez aujourd’hui, vous pouvez le modifier dans une certaine mesure seulement. Vous pouvez voter au moment des élections — mais vous ne pouvez pas changer le gouvernement du tout au tout. Vous pouvez trouver un nouvel emploi, changer de logement et de partenaire amoureux, et modifier un tas d’autres facteurs environnementaux. Mais vous ne pouvez pas les changer tous ! Et souvent, vous pouvez à peine en changer quelques-uns. Dans une large mesure, vous êtes coincé avec des gens et des choses que vous ne pouvez pas vraiment changer — qui se mettent en travers de vos désirs et vous donnent ce que vous ne voulez pas. Si vous êtes anxieux et si vous désirez, disons, augmenter vos revenus, vous ne pouvez pas facilement transformer vos principaux talents (votre don pour la comptabilité ou votre capacité d’apprendre la peinture suffisamment bien pour en vivre). Pas plus qu’il n’est facile de modifier votre environ¬ nement (par exemple, le nombre d’emplois qui existent dans les domaines comptable ou artistique). Vous pouvez y apporter certaines modifications — mais elles sont limitées. Heureusement, d’autres éléments exercent une forte in¬ fluence sur votre degré d’anxiété et vous pouvez les modifier. Vous pouvez changer certaines choses afin de convertir votre anxiété malsaine à l’égard de certaines situations fâcheuses en saine anxiété. Il s’agit de votre façon de penser, de vos senti¬ ments et de votre comportement, qui sont largement responsa¬ bles de votre anxiété et du fait qu’elle est saine ou malsaine. Vous pensez peut-être à tort que seule votre biologie est respon¬ sable de votre anxiété. Ou que seul votre environnement — votre éducation, votre conditionnement infantile ou les circons¬ tances actuelles de votre vie — est la cause de votre anxiété. Ces facteurs sont importants et ils ont un rapport avec votre anxiété, mais ils ne sont pas cruciaux. Le troisième facteur, en l’occurrence vous-même — et votre façon de penser, de sen¬ tir et d agir —, joue un rôle beaucoup plus crucial et exerce une influence plus profonde sur votre anxiété et sur les formes saine ou malsaine sous lesquelles elle se manifeste. 32
Vous créez vous-même votre anxiété et vous pouvez la «décréer»
L’ANXIÉTÉ RELATIVE AUX ENTREVUES D’EMPLOI Le troisième facteur important, comme je le mentionnais au premier chapitre, fut proposé à l’origine par les philosophes et les penseurs. Les humains sont en général de piètres philoso¬ phes : ils ne réfléchissent pas clairement aux diverses décep¬ tions qu’ils éprouvent et ont tendance à imputer la plupart de leurs problèmes aux événements qui leur arrivent. Ils ont rai¬ son en partie. Si votre envie de combler vos désirs est contra¬ riée, vous êtes porté à accuser les événements qui ont tout juste précédé le moment où vous avez éprouvé de la frustra¬ tion. Ainsi, si vous postulez un emploi et que l’interrogateur vous met sur la sellette et rejette votre candidature, vous pen¬ sez: «L’interrogateur contrecarre mon désir d’obtenir cet emploi.» En réalité, vous convoitiez cet emploi, vous avez choisi l’entreprise pour laquelle vous vouliez travailler, vous avez répondu aux questions de l’interrogateur et vous vous êtes senti rejeté. Le résultat, en conséquence, ne découle pas uniquement du fait que l’interrogateur a rejeté votre candi¬ dature, mais en grande partie de vos désirs, de votre choix de l’entreprise, de vos réponses et ainsi de suite. Vous faites .partie intégrante de la situation. Et si vous voulez vraiment travailler, il vous faudra non seulement trouver un «bon» interrogateur, mais aussi un certain type d’emploi, choisir l’en¬ treprise, vous présenter à l’entrevue et faire un tas d’autres choses. Certes l’interrogateur joue un rôle important, mais vos désirs, choix et actions, ainsi que d’autres variables, tiennent une part encore plus importante dans ce scénario. Peut-être ne voyez-vous pas tous les facteurs qui entrent enjeu de sorte que vous ne comprenez pas pourquoi vous n’avez pas obtenu l’emploi que vous visiez. La situation devient encore plus compliquée et incompré¬ hensible si l’on observe les sentiments que provoque en vous le rejet de votre candidature. Votre but ou votre désir est d’obtenir l’emploi. D’abord, au point A (adversité), vous rencontrez l’interrogateur qui rejette votre candidature. Au point C, la conséquence émotive, vous 33
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
êtes déprimé de n’avoir pas obtenu l’emploi et très anxieux à l’idée de perdre d’autres emplois similaires que vous pourriez postuler. Nous avons donc A, adversité, et C, la conséquence, dépression et anxiété. Cela paraît très clair et en tant qu’hu¬ main normal, vous aurez tendance à conclure que A mène à C ou provoque C, en l’occurrence que l’événement A a engendré vos sentiments de dépression et d’anxiété. Il s’agit toutefois là d’une façon de penser défectueuse qui nous vaut à presque tous des ennuis. Chaque fois qu’un incident déplaisant se produit et qu’il nous angoisse ou nous déprime — comment pouvons-nous nous réjouir d’un incident déplaisant qui va à l’encontre de nos désirs —, nous concluons aussitôt que l’incident déplaisant, A, a précédé nos sentiments négatifs d’anxiété ou de dépression (C), et que, par conséquent, A est la cause de C. Cela est particulièrement vrai parce que si A ne s’était pas produit (et que l’incident avait été agréable plutôt que désagréable, un succès au lieu d’un échec, par exemple), nous ne serions pas en proie à l’anxiété ou à la dépression. En conséquence, nous concluons que, parce qu’il s’est produit un événement déplaisant, son caractère déplaisant (mauvais) doit avoir provoqué nos sentiments déplaisants (mauvais) d’anxiété ou de dépression. Cela saute aux yeux, non? En fait, ce n’est pas du tout évident ; et nous avons tort de conclure que A (adversité) est la cause de C (anxiété ou dépression). Car si une centaine de personnes, disons, essuyaient le même revers, sombreraient-elles toutes dans l’anxiété ou la dépression? Évidemment non. Presque toutes, disons quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-quinze pour cent, éprou¬ veraient des sentiments négatifs à propos de l’événement (A) qui nuit à leurs intérêts et qu’elles auraient préféré éviter. Mais ces sentiments seraient variés. En voyant leur candidature rejetée par 1 interrogateur, ces cent personnes éprouveront soit de la déception, soit de la colère, soit un sentiment de dépression, soit de la frustration et ainsi de suite. Il est proba¬ ble qu’elles ne réagiront pas toutes de la même façon. Leurs réactions seront négatives pour la plupart bien sûr, mais dif¬ férentes. Ces personnes ne seront pas toutes déprimées et 34
Vous créez vous-même votre anxiété et vous pouvez la «décréer»
quelques-unes pourraient même se réjouir de ne pas avoir obtenu l’emploi. Elles concluront qu’elles ne le voulaient pas vraiment ou que, même si elles le voulaient, il comportait plus d’inconvénients que d’avantages. L’essentiel à noter ici, c’est que, lorsqu’il vous arrive une malchance — vous n’obtenez pas l’emploi que vous convoitez, par exemple —, celle-ci n’est pas directement responsable de votre découragement. Il existe une variable intermédiaire —, vos pensées et croyances (B) à l’égard de la situation — qui influence votre réaction bien davantage. De même que vous choisissez de vouloir l’emploi (ou de ne pas le vouloir) et de tout faire pour réussir l’entrevue (ou de ne pas faire d’effort dans ce sens), vous choisissez aussi vos croyances à l’égard d’un éventuel échec ; et ces croyances influencent votre réac¬ tion face au rejet. Par exemple, supposons que vous posiez votre candida¬ ture, que vous faites de votre mieux pour passer l’entrevue et que vous n’obteniez pas l’emploi en dépit de cela. Vous pouvez croire (B): «Ma foi, j’ai fait de mon mieux pour obtenir ce poste, mais malheureusement, il y avait d’autres candidats plus qualifiés que moi. Dommage, mais ce n’est pas le seul emploi sur le marché. Tirons donc une leçon de l’expérience et postulons d’autres emplois similaires. » Si vos croyances (B) ressemblent à cela, vous serez sans doute désolé ou déçu, mais vous ne vous haïrez pas et ne serez pas découragé. Si, en revanche, vous faites de votre mieux lors de l’entrevue et n’obtenez pas l’emploi, vous pour¬ riez nourrir des croyances tout à fait différentes à l’égard de votre échec, du genre: «J’aurais dû faire mieux lors de l’en¬ trevue. J’ai commis plusieurs bourdes que j’aurais dû éviter. Cet emploi me convenait à merveille et c’est affreux que je ne l’aie pas obtenu. J’ai été tellement bête que mes autres entrevues sont vouées à l’échec. Je suis un parfait imbécile ! Je dois trouver un emploi comme celui-là, sinon ma vie sera foutue. Si je continue de me comporter comme cela en entre¬ vue, je ne trouverai jamais d’emploi intéressant. C’est terrible ! Pauvre moi ! » 35
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Si vos croyances (B) ressemblent à celles-ci, vous avez de bonnes chances d’être très déprimé, de songer au suicide, d’éviter toute démarche future et de demeurer en chômage pendant un bon bout de temps. La morale de cette histoire : vous gouvernez votre destin émotionnel. Si vous n’avez aucune influence sur les emplois offerts, les types d’entrevue que vous devrez passer, la déci¬ sion de l’interrogateur, le nombre d’emplois similaires qui exis¬ tent sur le marché et d’autres aspects importants de la re¬ cherche d’emploi, vous commandez cependant vos réactions et sentiments à l’égard de votre succès ou de votre échec. Vous gouvernez en grande partie, sinon complètement, vos senti¬ ments en choisissant vos croyances: dans le cas présent, ce que vous vous dites au point B lorsque des événements mal¬ heureux surviennent au point A. Par conséquent, et heureusement, si vous ne pouvez pas toujours contrôler les événements de votre vie, vous pouvez en général choisir vos réactions devant ces événements. S’il vous arrive un malheur — en l’occurrence un événement qui va à l’encontre de vos objectifs et intérêts —, vous éprouverez sans doute de prime abord des sentiments négatifs sains tels que déception, chagrin, regret, contrariété et frustration, car vous n’aimez pas être privé de ce que vous voulez (ni obtenir ce que vous ne voulez pas) et mieux vaut avoir une réaction quelque peu négative devant ces événements. Cela est sain parce que votre déception vous poussera à revoir les malheurs survenus dans votre vie, à y réfléchir, à les affronter et à faire quelque chose pour y remédier. Si vous n’éprouviez aucun sentiment négatif à leur égard, vous les laisseriez défiler dans votre vie sans rien faire. Vous voulez donc faire quelque chose, et vos émotions négatives saines vous y aident. C’est pourquoi, dans le cadre de la TRÉ, nous disons qu’elles sont saines ou utiles. Si toutefois vous choisissez d’éprouver des sentiments négatifs malsains (B) devant l’adversité, vous ne pourrez pas y faire face avec succès. Car ces sentiments — panique, anxiété, dépression, rage, haine de soi et apitoiement sur soi — vous perturberont et vous empêcheront de maîtriser la situation. 36
Vous créez vous-même votre anxiété et vous pouvez la «décréer»
Ils ont souvent une intensité exceptionnelle. Ils vous obsèdent et vous préoccupent. Ils vous empêchent de penser lucide¬ ment et de résoudre vos problèmes. Ils peuvent vous paralyser et vous incitent souvent à com¬ mettre des actes vengeurs qui sabotent ce que vous pouvez faire pour vous aider. Ils créent des troubles psychosomatiques tels que palpitations et maux de tête, qui vous bloquent et vous empêchent de faire front. Je répète : s’il vous arrive une malchance — par exemple, un emploi que vous convoitiez avidement vous échappe —, et que vous sombrez aussitôt dans l’anxiété et la dépression, il est rare que le malheur comme tel soit responsable de votre réac¬ tion émotive. L’événement peut être vraiment fâcheux et il joue un rôle dans votre réaction négative, mais tout aussi importantes et même plus encore sont vos croyances (B) à leur égard. Comme elles couvrent une grande variété de per¬ ceptions, d’observations et de conclusions, vos réactions émo¬ tionnelles sont tout aussi variées. C’est ce qui explique que devant un échec — rejet de sa candidature —, une personne peut manifester des émotions faibles ou fortes, saines ou mal¬ saines. Nul ne réagit de la même façon devant un même mal¬ heur. Si cent personnes traversent la même épreuve, elles auront des réactions négatives similaires, mais chacune d’elles réagira aussi à sa manière très personnelle. Il en va de même pour vos réactions comportementales (et celles d’autres personnes). Si vous n’obtenez pas l’emploi que vous voulez au point A (adversité), cet échec peut vous inciter à solliciter plusieurs autres entrevues d’emploi et à décrocher, en fin de compte, un poste intéressant. Mais il peut aussi vous décourager au point que vous refusez de poser votre candida¬ ture ailleurs. Comment expliquer cela? Encore une fois, la principale différence réside dans ce que vous vous dites au point B, qui représente votre système de croyances. Vous pou¬ vez dire: «C’est dommage que j’aie perdu cet emploi, mais je comprends mieux où l’interrogateur veut en venir et je me sens tout à fait capable d’obtenir ce genre de poste et d’y exceller. J’aurais donc intérêt à passer le plus d’entrevues 37
Dominez votre anxiété aVant qu’elle ne vous domine
possible et ma candidature finira bien par être acceptée. Cela prendra peut-être un certain temps, mais mes efforts seront sûrement couronnés de succès.» Ce type de croyances (B) vous poussera à continuer vos recherches et à postuler le plus d’emplois possible. En revanche, si vous vous dites plutôt: «Je vois bien, d’après cette entrevue, que j’aurai un mal fou à obtenir ce genre de poste, car je ne possède pas les qualifications requi¬ ses. Même si on m’engageait, je ferais sûrement preuve d’in¬ compétence et serais vite congédié. À quoi bon, dans ce cas, solliciter d’autres entrevues ? Il vaudrait mieux que je cherche un type de travail différent. Peut-être que je n’ai aucun talent et que je devrais vivre aux crochets du gouvernement ou de ma famille. » Si vos croyances suscitent en vous cette réaction devant votre échec, vous ne lèverez sans doute pas le petit doigt pour trouver un emploi similaire ou, dans un cas extrême, vous vous retirerez tout à fait du marché du travail. Votre réaction devant votre échec dépend donc largement non pas de l’entrevue et de ses résultats, mais de ce que vous vous dites concernant votre échec et de la possibilité de solli¬ citer d’autres emplois. Vos réactions tant émotives que com¬ portementales devant l’adversité, je le répète, dépendent dans une large mesure de vos croyances à l’égard de votre échec et pas seulement de l’échec comme tel. Cela est fort heureux, je le répète, car la plupart du temps, vous êtes maître de ce que vous croyez ou ne croyez pas et, par conséquent, de vos sentiments et de vos actes.
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CHAPITRE
Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux
S
i vous subissez un très grand stress — comme c’est le cas quand on est victime de violence, d’un viol, de mauvais traitements ou d’un grave accident —, il se peut que vous cédiez très vite à la panique ou à la fureur et que, pendant un certain temps, vous ne maîtrisiez plus vos pensées, vous vous sentiez bizarre et vous comportiez d’une manière étrange. Même alors, vous finirez par vous rétablir et vous maîtriserez beaucoup mieux vos pensées et vos actes que vous ne le faisiez tout de suite après le traumatisme. Cependant, temporairement du moins, vous avez subi un tel choc, surtout si vous avez été pris par surprise et que vous n’arrivez pas à penser clairement. Il s’agit là, heureusement, de cas exceptionnels. La plupart du temps, votre cerveau et votre système nerveux central fonctionnent relativement bien, et vous pouvez choisir vos pensées, vos émotions et vos actions — dans la mesure où vous croyez pouvoir le faire! Car si vous croyez que vous n’avez aucun pouvoir sur elles et que vos pensées et émotions vous possèdent tout entier et vous gouvernent, vous pourriez fort bien provoquer ce résultat. En théorie, vous avez le pouvoir de modifier vos pensées, vos émotions et vos comportements, mais si vous êtes convaincu du contraire, il se peut que vous 39
Dominez votre anxiété aVant qu’elle ne vous domine
baissiez les bras et que vous les laissiez vous dominer. Vous croyant incapable de mettre en échec votre anxiété ou votre panique, vous leur cédez et les laissez sévir. En fait, vous pou¬ vez faire quelque chose même si vous êtes sérieusement pa¬ niqué, mais vous vous croyez impuissant et vous paniquez même devant votre panique. Alors, c’est une pagaille monstre — vous perdez tout contrôle. Même si vous pensez que vos croyances sont en grande partie responsables de vos réactions émotives et de vos com¬ portements et que vous faites l’effort d’observer celles qui vous perturbent et vous empêchent de fonctionner, vous n’êtes cependant pas encore tout à fait maître de vos senti¬ ments. Il n’y a pas de remède miracle ! Mais d’une manière remarquable, vous pouvez créer, gérer et modifier à votre guise vos réactions émotives et vos comportements. Vous cessez d’être en proie à l’anxiété, à la dépression et à la colère — comme cela vous arrive souvent lorsque vous n’exercez pas cette forme de maîtrise —, car vous disposez d’un vaste choix de croyances que vous pouvez épouser ou repousser. Comme nous le répéterons tout au long de ce livre, vous pouvez penser, vous pouvez penser à vos pensées et vous pouvez même penser à penser à vos pensées. Les humains sont ainsi faits. Ils peuvent penser de toutes sortes de manières différentes — d’une manière saine et positive et d’une manière négative et autodestructrice. Ils sont nés avec ce don. Si seulement ils s’en servaient ! Examinons maintenant de quelle manière les principes fon¬ damentaux de la TRÉ vous permettent de maîtriser vos émo¬ tions et comportements et, en particulier, de dominer votre anxiété avant qu’elle ne vous domine. Si vous appliquez ces principes, vous atteindrez sans doute un degré de maîtrise émotionnelle que vous n’auriez jamais cru possible sur votre anxiété surtout, mais aussi sur toute autre émotion perturba¬ trice que vous avez peut-être l’habitude de créer.
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Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux
COMMENT NOUS CRÉONS L’ANXIÉTÉ RELIÉE À LA RÉUSSITE Prenons maintenant un aspect de votre vie qui vous « rend » souvent anxieux. Supposons que vous voulez vraiment excel¬ ler dans une tâche, un sport, un emploi ou une relation et que vous craignez de ne pas y parvenir. Un échec vous vaudrait la réprobation de plusieurs personnes dont vous voulez être bien vu. Vous éprouvez donc une anxiété toute naturelle. En regard de la TRÉ, votre objectif (O) est de réussir et il y a de bonnes chances pour que survienne une malchance (A) sous la forme d’un échec doublé d’un rejet. Donc au point C, qui représente la conséquence émotive de votre crainte d’échouer et d’être rejeté (A), vous êtes en proie à une terrible anxiété. Ce sentiment ne vous aide certes pas à réussir dans votre entreprise et, de ce fait, à être accepté. Au contraire, vous vous rongez les sangs à la perspective d’un échec. Vous tremblez, vous vous sentez faible et inquiet, et cela nuit gran¬ dement à vos efforts pour réussir. Vous êtes si anxieux que votre estomac est noué, vos mouvements sont déséquilibrés et presque paralysés. Selon la TRÉ, votre anxiété peut avoir plusieurs causes : la tâche que vous cherchez à accomplir est réputée pour sa com¬ plexité et les gens qui jugeront votre performance sont très critiques. Or, ces causes extérieures sont indépendantes de votre volonté et vous ne pouvez pas les changer. Quelles cau¬ ses, dans ce cas, sont en votre pouvoir et peuvent être modi¬ fiées à votre avantage ? La réponse est : surtout vos croyances à l’égard de la situation et de la possibilité d’un échec et d’un rejet. Vous choisissez vous-même ces pensées dans une large mesure et vous pouvez les modifier si elles sont destructrices. Examinons-les de plus près. Tout d’abord, vous nourrissez sans doute des pensées rationnelles à l’égard de votre projet et de l’approbation que vous vaudra votre succès. Ces pensées rationnelles, ou préfé¬ rences, peuvent ressembler à ceci: «J’espère vraiment réussir ce projet et mériter ainsi l’approbation des gens à qui je veux 41
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
plaire. Bien sûr, il se peut que mon rendement soit médiocre et ce serait dommage, car je n’obtiendrais pas ce que je veux et je risquerais d’attirer sur moi des critiques que je ne souhaite pas. Toutefois, un échec et un rejet ne seraient pas catastro¬ phiques. Je peux en tirer une leçon et recommencer. En outre, mériter les critiques des personnes à qui je veux plaire ne me tuera pas, cela me privera seulement d’un plaisir. Même si j’échoue dans ce projet et dans tout autre projet similaire, je serai déçu, mais non pas anéanti. Et si je ne mérite jamais l’ap¬ probation de ces gens, je serai déçu, mais pas du tout détruit. Voyons si je peux donner le meilleur de moi-même ; si j’échoue, je m’engagerai dans d’autres projets similaires de sorte que je finirai bien par réussir et par mériter une bonne dose d’estime. Et si ce n’est pas le cas, eh bien, tant pis ! Je peux quand même être passablement heureux. » Ces pensées (B) sont rationnelles parce qu’elles peuvent vous aider à réussir et à mériter l’approbation des personnes dont vous recherchez l’appui. Elles engendreront en vous une saine déception en cas d’échec, ou un enthousiasme sain qui vous aidera à réussir. Elles vous aideront aussi à donner le meilleur de vous-même dans ce projet et dans des projets simi¬ laires, et à ne pas vous défiler ni déclarer forfait trop tôt. Elles vous inciteront aussi à concentrer vos pensées et votre énergie sur des programmes et des plans qui vous aideront à obtenir ce que vous voulez, et à ne pas obtenir ce que vous ne voulez pas. Elles sont très proactives et, même si elles ne vous garantissent pas une réussite absolue, elles augmentent forte¬ ment vos chances de réussir. C’est pourquoi nous les appelons croyances rationnelles : parce qu’elles sont positives et ont ten¬ dance à accroître votre efficacité. Si la perspective d’un malheur potentiel (A), en l’occur¬ rence l’échec de votre projet, s’accompagne de pensées ration¬ nelles (B), vos résultats (C) seront probablement conformes à vos désirs. C’est ainsi que vos croyances rationnelles vous per¬ mettent la plupart du temps de réaliser vos objectifs (O) et engendrent des sentiments constructifs de déception en cas d échec. En conséquence, vous avez de bonnes chances de 42
Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux
réaliser vos objectifs dans le présent ou l’avenir. Les pensées rationnelles ont tendance à entraîner des résultats désirables. Toutefois, si vous visez le succès et l’approbation (O) et que vous constatez que diverses fatalités (A) peuvent con¬ trecarrer ceux-ci, vous pouvez facilement ressasser des croyances irrationnelles (B) qui vous perturberont et sabo¬ teront vos résultats (C). Par exemple: «Et si j’échouais et que j’étais tout à fait rejeté par les personnes dont je désire l’appui? Ce serait affreux ! Je ne dois absolument pas échouer et essuyer un rejet. Je ne pourrais jamais le sup¬ porter. Cela signifierait que je ne suis pas assez bon pour réussir, que je suis incompétent et nul \ Si on me rejetait à cause de mon échec, cela prouverait que je suis un bon à rien et qu’on me désapprouvera pour le reste de ma vie! Comme ce serait horrible! Je serais totalement anéanti! Je ne pourrais pas être heureux du tout. Si je n’obtiens pas ce que je veux vraiment, cela ne vaut pas la peine de vivre et je ferais peut-être mieux de me tuer ! » Ces pensées irrationnelles sont habituellement plus no¬ cives que positives. Elles peuvent susciter en vous une anxiété et même une panique telle que vous ne pouvez plus fonction¬ ner et provoquer l’échec et le rejet que vous redoutez. Elles peuvent vous rendre physiquement malade et faible. Elles peuvent entraver votre fonctionnement intellectuel au point que vous avez du mal à élaborer des plans susceptibles de vous conduire au succès. Elles provoquent une telle paralysie affec¬ tive que, si vous ratez vraiment un de vos objectifs, vous per¬ drez toute envie d’essayer de nouveau ou encore, vous déploierez des efforts désespérés qui se solderont par une série d’échecs. Vos pensées irrationnelles pourraient même vous détourner de votre objectif et vous orienter vers d’autres objectifs qui vous laissent indifférent, ou encore vous ôter toute ambition. Elles peuvent fort bien affecter le reste de votre vie et vous faire échouer dans des projets auxquels vous preniez plaisir jadis et que vous excelliez à mettre en œuvre. Dans un cas extrême, elles peuvent même vous conduire à la dépression nerveuse ou au suicide. 43
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Il existe donc une énorme différence entre les croyances rationnelles constructives et les croyances irrationnelles des¬ tructrices quand on aborde un projet important et qu’on sou¬ haite le mener à bien afin de mériter l’approbation de per¬ sonnes clés. Vos croyances rationnelles vous aiguillonneront et vous encourageront à poursuivre votre projet avec un degré de préoccupation raisonnable. La préoccupation est une forme d’anxiété, car elle vous place devant la possibilité d’un échec et vous oblige à faire preuve de circonspection et de vigilance. Elle vous aide à planifier votre projet et à le mener à bien, à en ordonner les divers aspects et à les remanier, le cas échéant. On pourrait dire que la préoccupation est un aspect essentiel de votre pouvoir: car sans une saine préoccupation, vous ne vous donnerez aucune peine pour accomplir votre tâche et surtout pour le faire avec compétence. Vos croyances ration¬ nelles vous rendent donc soucieux, circonspect, vigilant et prêt à parer à toute éventualité. De plus, être préoccupé est intéressant et agréable: cet état d’esprit vous incite à vous investir vraiment dans votre projet, à imaginer les meilleures façons de procéder et à vous y absorber tout entier. Il conduit à ce que le professeur Csikszentmihalhyi de l’université de Chi¬ cago appelle une expérience gratifiante intrinsèque, causée par le plaisir que vous procure votre travail et le fait qu’il vous absorbe entièrement. On ne peut pas en dire autant de l’anxiété ! L’anxiété est une swrpréoccupation ou une inquiétude exagérée. Si la pré¬ occupation donne de l’importance à vos projets et les rend passionnants à vos yeux, l’anxiété leur donne une dimension capitale ou sacrée. Même si les deux sentiments peuvent sembler similaires — la préoccupation et l’inquiétude exagérée d’une certaine façon, ils sont à des années-lumière l’un de l’autre. Car quand vous vous dites: «Je veux vraiment réaliser ce projet et je ferai de mon mieux, mais si je ne réussis pas parfaitement, j’y prendrai quand même plaisir», vous êtes dûment préoccupé. En revanche, si vous l’intensifiez au point de la rendre irrationnelle en vous disant: «Je dois à tout prix réaliser ce projet à la perfection, sinon je suis un incompétent », 44
Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux
vous manifestez une inquiétude exagérée, vous vous mettez dans tous vos états. Comme nous l’avons déjà mentionné, cette sorte d’inquiétude excessive ou anxiété peut vous bouleverser au point de miner toutes vos chances de réussite. Comment savoir si vos croyances sont irrationnelles et des¬ tructrices ? Il existe des moyens assez simples de détecter ces croyances, de les contester (au point D) et de les convertir en croyances rationnelles. Je les décrirai sous peu. Mais d’abord, examinons le point C pour déterminer quel est votre degré d’anxiété. L’anxiété est un sentiment viscéral d’insécurité, de doute et d’indécision. On la reconnaît en général par les sensa¬ tions physiques qu’elle entraîne : des papillons dans l’estomac. Mais elle peut revêtir un tas d’autres formes, telles que l’essouf¬ flement, les tremblements et les secousses musculaires. Nous avons énuméré quelques-unes de ses principales formes dans le tableau 2-1 de la page 27. Si vous ignorez si vous êtes anxieux ou non, consultez ce tableau pour voir si vous présentez un ou plusieurs de ces symptômes. Lorsque vous aurez conclu que vous êtes anxieux et non pas seulement préoccupé, prudent ou vigilant, essayez de déterminer la cause principale de votre anxiété, ou A (adversité). En règle générale, vous constaterez que vous êtes anxieux à l’idée de rater un de vos principaux objectifs ou d’essuyer les critiques de personnes à qui vous voudriez plaire ou par rapport à divers types de perte, certai¬ nes formes d’inconfort, des troubles physiques, des dangers ou la mort. Les principales causes de l’anxiété sont énumérées dans le tableau 2-2 de la page 28. EXIGENCES ET OBLIGATIONS ANXIOGÈNES ET MORTELLES Maintenant que vous êtes presque certain de souffrir d’anxiété et que vous avez une idée de ce qui la cause, cherchez les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux. En théorie, il existe des centaines ou des milliers de croyances irrationnelles. Mais, après de nombreuses années de recherche, les spécia¬ listes de la TRÉ et de la thérapie cognitive du comportement 45
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ont conclu que presque toutes les pensées irrationnelles entrent dans quelques catégories générales. Ainsi, commencez par examiner ces catégories pour voir si les vôtres appartien¬ nent à l’une d’elles. Les voici. Les impératifs, obligations et autres exigences absolues. Quand j’amorçai mes recherches sur les croyances irrationnel¬ les de mes clients, j’en relevai douze fort répandues, chacune comportant de nombreuses variantes. J’intégrai ces croyances et variantes à des tests sur les croyances irrationnelles que je distribuai à toutes sortes de gens, perturbés ou non. Les résul¬ tats de ces tests furent publiés dans des centaines d’études. Conformément à mes prévisions, il ressortit que si un individu embrasse un grand nombre de ces croyances et les applique avec force et rigidité, il sera plus anxieux et plus perturbé que celui qui en épouse un moins grand nombre et les applique avec légèreté ou modération. Cette importante découverte corroborait dans une large mesure les principes de la TRÉ et démontrait que les troubles affectifs des humains étaient reliés à leurs croyances irrationnelles. Toutefois, lorsque je poursuivis mon travail clinique et mes recherches sur les croyances irrationnelles, j’eus la surprise de constater que mes douze croyances originales tenaient tou¬ jours debout, de même qu’un grand nombre de leurs variantes. Je découvris en outre qu’elles se résumaient à trois croyances principales et que pratiquement toutes les autres croyances irrationnelles, qui se chiffraient par centaines, pouvaient être classées dans ces trois catégories. Quel ne fut pas mon étonne¬ ment lorsque je constatai, encore que j’aie soupçonné cette vérité pendant des années, que chacune des trois croyances irrationnelles de base qui engendraient une perturbation affec¬ tive, prenait la forme d’une exigence ou d’une obligations abso¬ lue et inconditionnelle. Karen Horney, une analyste originale, soulevait un point semblable en 1950, en parlant de la «tyran¬ nie du il-faut-que » qui perturbait les gens. Pour ma part, je me concentrai tout particulièrement sur ces exigences absolues en utilisant la TRÉ avec mes clients vers le milieu des années cinquante. Voici les trois plus puissantes. 46
Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux
1. Les exigences envers soi-même. Exemples: «Je dois à tout prix réussir dans toutes les tâches essentielles que j’entreprends.» «Je dois être aimé entièrement, ou du moins être approuvé complètement, par les gens qui comp¬ tent à mes yeux.» «Il faut que je donne un rendement exceptionnel ou parfait dans les projets que je choisis de réaliser.» Cette obsession* qui caractérise les gens du monde entier à de nombreux moments de leur vie, fait qu’ils sont anxieux, déprimés, se sentent incompétents, se détestent et se rongent les sangs quand ils ratent divers objectifs de leur vie. 2. Les exigences envers les autres. Exemples: «Les autres doivent m’aider à obtenir ce que je veux et m’empêcher de subir ce que je ne veux pas. » «Il faut que les autres m’ai¬ ment et m’approuvent quand je le désire. » Cette obses¬ sion engendre de la colère, de la rage, de la violence, des conflits, des guerres et des génocides lorsque les autres ne se soumettent pas à votre volonté et ne vous traitent pas exactement comme vous exigez qu’ils le fassent. 3. Les exigences envers les circonstances extérieures. Exemples: «Ilfaut que les conditions d’emploi soient éta¬ blies de manière à me permettre d’obtenir le genre d’em¬ ploi que je désire à un salaire intéressant. » « Les conditions climatiques doivent m’agréer et m’apporter précisément le genre de temps que je souhaite. » «Les conditions politicoéconomiques doivent être en tout temps conformes à mes désirs et ne pas contrecarrer mes intérêts personnels.» Cette obsession entraîne une faible tolérance à la frustra¬ tion, le découragement, la temporisation, la dépendance et diverses conséquences perverses. Comme je l’ai déjà mentionné, j’eus la surprise de constater que ces trois exigences fondamentales englobaient toutes les *L’auteur a forgé le terme musturbation, intraduisible en français, en accolant le vocable must aux trois dernières syllabes de masturbation pour désigner l’obses¬ sion du il-faut-que. (N.D.T.)
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Dominez votre anxiété a^ant qu’elle ne vous domine
autres et engendraient toute une panoplie d’émotions négati¬ ves et de comportements dysfonctionnels. Je n’ai pas encore trouvé d’exigence importante ni de croyance irrationnelle qui n’appartienne pas à l’une ou l’autre de ces trois catégories res¬ ponsables du dysfonctionnement humain. Chacune de ces exi¬ gences peut se subdiviser en de multiples sous-catégories qui englobent directement ou indirectement un besoin absolu. Cela signifie que, chaque fois que vous visez un objectif précis sans vous imposer d’exigence à cet égard, vous éprou¬ verez les émotions saines que sont le chagrin, le regret, la déception et le déplaisir en cas d’échec, mais ne serez prati¬ quement jamais gravement perturbé. Car l’énoncé d’une préfé¬ rence semble toujours englober un mais ou un cependant qui empêche toute perturbation affective. Par conséquent, si vous vous dites, je veux vraiment réussir ce projet, mais je serai quand même raisonnablement heureux si j’échoue, vous éprouverez sans doute une déception normale advenant un échec, mais non un traumatisme grave. Une exigence absolue ne comporte pas de préférence ni de mais. Elle dit précisément ce qu’elle dit: qu’en toutes circons¬ tances et à tout moment, il faut à tout prix que vous réussis¬ siez et méritiez l’approbation des autres, ce qui, bien entendu, est tout à fait irréaliste. Car il y aura des moments où votre rendement laissera à désirer et où on vous critiquera. Com¬ ment réagirez-vous ? Réponse : vous serez anxieux ou déprimé. Il existe bien sûr des obligations conditionnelles qui sont parfaitement sensées. Par exemple, si vous dites que pour acheter un livre, vous devez le payer et que pour étudier à l’université, il vous faudra vous inscrire, acquitter les droits de scolarité, suivre des cours et passer les examens, cela va de soi. L’accomplissement de certains objectifs ou actions néces¬ site souvent des actions préalables. Mais affirmer qu’en toutes circonstances et en tout temps, vous devez acheter un livre, que vous ayez ou non l’argent pour le faire, est stupide. Vos obligations inconditionnelles sont tout bonnement irréali¬ sables et selon toute vraisemblance, elles vous rendront mal¬ heureux. 48
Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux
Ainsi, s’il est fort souhaitable que vous acheviez votre pro¬ jet et méritiez l’approbation de certaines personnes pour cela, il n’y a aucune raison pour que vous dussiez absolument réus¬ sir simplement parce que vous préférez qu’il en soit ainsi. Votre préférence pour le succès vous laisse une porte de sor¬ tie au cas où votre souhait ne serait pas exaucé, mais votre exi¬ gence absolue (vous devez à tout prix satisfaire votre désir quelles que soient les circonstances) ne peut que vous attirer des ennuis. Les exigences absolues donnent rarement de bons résultats et on pourrait croire que des humains intelligents les éviteront. Mais les gens s’en imposent sans arrêt et, comme la TRÉ le met en évidence, ce comportement conduit souvent à l’anxiété, à la dépression et à l’autodénigrement. Aussi, si vous voulez vous libérer de toute perturbation affective, commen¬ cez par trouver vos exigences, contestez-les, laissez-les aller et convertissez-les en préférences réalistes. Vous imposez-vous ces nécessités absolues consciemment quand vous êtes perturbé émotivement ou quand vous adoptez un comportement dysfonctionnel? Cela est possible, mais ce n’est pas certain. Vous vous dites peut-être consciemment: «Je dois être reçu à cet examen de mathématiques, sinon je suis le dernier des imbéciles!» ou «Je dois être aimable avec mes parents sinon je suis un mauvais gosse et une méchante personne ! » Si vous pensez cela, il est clair que vous vous ren¬ drez anxieux à l’idée d’être recalé à votre examen de mathématiques ou de ne pas traiter vos parents correcte¬ ment. Votre obligation est consciente, vous pouvez voir ce qu’elle est et soit vous accrocher à elle et vous ronger les sangs, soit la muer en préférence («Je préférerais être reçu à l’examen de mathématiques, mais cela n’est vraiment pas essentiel pour que je m’accepte moi-même»). Puis, selon la TRÉ, vous éprouverez une saine contrariété et une saine déception si vous échouez, mais ne serez pas anxieux au point de ne plus pouvoir fonctionner normalement. Souvent, toutefois, vous n’êtes pas conscient de vos exi¬ gences et obligations, et vous pensez à tort que vous préférez être reçu à l’examen. Mais en scrutant de plus près votre 49
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
;préférence, vous constaterez inévitablement qu’elle recèle aussi une obligation ou une exigence cachée juste sous la surface. Car, selon la théorie souvent éprouvée de la TRE, cette exigence est vraiment là et vous n’en êtes tout bonne¬ ment pas conscient — tant que vous ne la cherchez pas, cela va sans dire ! Si l’on présume que la TRÉ est juste et que vos besoins et préférences, contrairement à vos devoirs et exigences, ne créent pas d’anxiété lorsqu’ils demeurent inassouvis, vous verrez que les exigences anxiogènes que vous vous imposez s’accompagnent de plusieurs croyances corollaires qui ont fortement tendance à accroître votre anxiété. En voici quelques-unes. Croyances autodénigrantes ou concernant son incom¬ pétence personnelle. «Parce que je dois absolument être reçu à ce test et qu’il se peut que je sois recalé, cet échec fera de moi un raté, un être tout à fait incompétent et nul. » Cette pensée irrationnelle engendre l’une des principales formes d’anxiété grave. L’anxiété reliée à la réussite peut aussi englo¬ ber la croyance irrationnelle que si vous êtes collé au test de mathématiques, les autres vous mépriseront et que, parce que vous devez mériter leur approbation et risquez de ne pas l’ob¬ tenir, cela fera de vous un être méprisable. Rabaisser les autres ou les condamner pour leurs défauts. «Parce que les autres doivent se conduire avec amé¬ nité et loyauté à mon égard, et que certains ne le font pas, ce sont des pourris qui méritent d’aller au diable et d’être punis. » Cette croyance irrationnelle est une surgénéralisation qui con¬ damne les gens pour leurs actes et elle peut entraîner bien des actes de fureur, des conflits, des guerres et même des géno¬ cides. Elle suscite tout naturellement une réaction courroucée chez les autres qui vous blâment parce que vous êtes en colère, plutôt que de s’en prendre uniquement à votre colère comme telle. C’est ainsi que la colère engendre la colère et que le blâme engendre le blâme ; et cette forme réciproque de sur¬ généralisation n’a pratiquement pas de fin. Horreur et pessimisme. Si vous croyez que vous devez être gentil envers vos parents et que vous ne l’êtes pas toujours, vous /
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pourriez avoir tendance à vous déprécier. Mais vous pourriez aussi entretenir la pensée irrationnelle suivante : « Ma conduite envers mes parents est affreuse. Comment ai-je pu envisager de me conduire ainsi et surtout de passer aux actes. C’est hor¬ rible ! » Si vous avez tendance à tout trouver atroce, horrible, terrible, vous serez en proie à une anxiété plutôt malsaine au lieu d’éprouver simplement du chagrin, de la déception, des remords sains. L’emploi de ces qualificatifs accroît considéra¬ blement votre anxiété. Je ne peux le supporter. Si vous êtes convaincu que les autres doivent absolument se conduire loyalement envers vous, vous pourriez penser: «Je ne peux pas supporter leur faus¬ seté!» Cette attitude consolide vos exigences et vous irrite parce qu’elle sous-entend que les gens qui vous manquent de loyauté vous empêchent d’éprouver un bonheur quelconque et que vous seriez tout aussi bien mort. Elle contribue à amplifier votre fureur ou votre anxiété — quand vous dites « Il faut que je réussisse ce projet, je ne pourrais pas supporter un échec ». Tout ou rien, vision extrême des choses et autres formes de surgénéralisation. Si vous vous obligez à donner un excel¬ lent rendement, exigez que les autres vous traitent correcte¬ ment et jugez une situation terrible lorsqu’elle ne correspond pas en tous points à vos attentes, c’est cette vision extrême et surgénéralisée des choses qui vous cause des ennuis. Vous inventez les pensées irrationnelles suivantes: «Comme j’ai échoué misérablement dans cet important projet, je suis cer¬ tain d’aller d’échec en échec et de ne jamais accomplir rien de valable. » «Le fait que j’aie perdu quelques relations signifi¬ catives prouve que je ne trouverai jamais le partenaire que je souhaite et que je gâcherai à peu près toutes mes relations inté¬ ressantes. » « Comme il m’arrive sans cesse des malchances, je ne pourrai jamais être heureux. » C’est ainsi que vos exigences et obligations absolues vous conduisent à l’autodénigrement, à la condamnation des autres, à la tendance à tout exagérer, au «je ne peux le supporter» et aux fausses surgénéralisations. Vos exigences et vos pensées irrationnelles se créent et se renforcent mutuellement. Par 51
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
conséquent, si vous êtes persuadé que «ce serait affreux d’échouer dans ces projets importants et je ne peux pas suppor¬ ter de donner un rendement médiocre », vous penserez d’autant plus que : « Puisqu’il est si affreux d’échouer, cela signifie que je dois absolument réussir et que je suis un incompétent notoire si je n’y arrive pas ! » Vos exigences alimentent votre pessimisme et celui-ci consolide en retour vos exigences. Vos croyances irra¬ tionnelles se fortifient mutuellement et se multiplient. Pourquoi les humains sont-ils si souvent irrationnels? Je le répète, c’est en partie parce qu’ils sont conditionnés par leurs parents et leur culture. Mais aussi parce qu’ils semblent possé¬ der une tendance biologique à transformer leurs fortes préfé¬ rences en exigences absolues. Pas toujours, mais très souvent. Cela fait partie de la nature humaine. Résumons ce que j’ai expliqué jusqu’ici: vous êtes norma¬ lement préoccupé ou modérément anxieux, car vous affrontez de nombreux problèmes, tracas et tensions au cours de votre vie. Si vous n’en aviez cure et ne cherchiez aucunement à les résoudre, votre survie serait menacée. Vous possédez donc une tendance biologique et sociale à affronter vos difficultés et à y réagir, et, jusqu’à un certain point, il est bon que vous soyez préoccupé, circonspect et vigilant. De plus, vous avez facilement tendance à vous inquiéter à outrance, et cela vous empêche de faire face de manière posi¬ tive aux nombreux agents stressants que vous rencontrez. Cette inclination est en partie biologique et elle découle de la prudence et de la vigilance excessives manifestées par les hommes et les femmes primitifs ; mais vous la tenez aussi de vos parents, de vos professeurs et de votre culture. Elle con¬ siste largement à transformer votre profond désir de succès, d’approbation et de confort en exigences dysfonctionnelles et exagérées. Lorsque vous voulez réussir et mériter l’approba¬ tion d’autrui, vous convertissez souvent vos préférences en exigences grandioses, irréalistes et arrogantes, dont voici les plus importantes: 1) «Je dois à tout prix réussir, sinon cela voudra dire que je suis une mauvaise personne et un incompé¬ tent» ; 2) «Ilfaut absolument que les autres me traitent avec 52
Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux
égards, sinon ils sont odieux» ; 3) «Mon mode de vie doit être organisé de telle sorte que j’obtienne tout ce que je veux et presque rien de ce que je ne veux pas, sinon le monde sera un endroit pas mal horrible où vivre. » Ces trois impératifs irrationnels ont tendance à muer une tension et une inquiétude modérées en anxiété et en panique graves. Le premier provoque l’anxiété de l’ego, tandis que les deuxième et troisième engendrent de la colère et une faible tolé¬ rance à la frustration, qui sont reliées à la crainte de l’inconfort. Sans ces exigences conscientes et inconscientes, vous serez quand même prudent et vigilant, surtout devant un risque réel de danger, mais vous perdrez rarement la maîtrise de vousmême et saurez comment affronter vos réactions au stress. La panique ou les crises de panique sont définies dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (.DSM-IV) de la American Psychiatrie Association comme des crises d’anxiété soudaines qui peuvent atteindre rapidement un sommet (en moins de dix minutes habituellement) et s’accom¬ pagnent souvent d’un sentiment de danger ou de catastrophe imminente et d’un puissant désir de s’enfuir. Les principaux symptômes somatiques ou cognitifs sont les suivants : palpita¬ tions, sueurs, tremblements, nausées ou malaises abdominaux, étourdissements ou vertiges, sentiment d’étouffer, douleurs thoraciques, dépersonnalisation, peur de perdre le contrôle ou de «devenir fou», peur de mourir, sensations anormales de brûlure ou de picotement de la peau, frissons ou bouffées de chaleur. Ces malaises sont également associés à une anxiété grave, mais l’état de panique contribue à les intensifier. Une fois que vous avez créé votre panique — ou même une anxiété grave sans panique —, vous avez tendance à vous dire : «Je ne dois pas paniquer! » «Je ne peux pas supporter les horribles sensations qui accompagnent la panique!» «C’est affreux et horrible de paniquer ! » Vous en arrivez ainsi à pa¬ niquer devant votre panique, ce qui, bien entendu, accroît votre affolement initial et le prolonge indûment. En fait, lorsque vous paniquez à l’idée de paniquer, vous êtes à ce point hanté par l’«horreur» de vos sentiments que 53
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
vous pouvez les provoquer simplement en y pensant. Dans ce cas, vos premiers signes d’affolement — sans doute provoqués par votre attitude pessimiste — cèdent le pas à la seconde série de symptômes, en l’occurrence la panique à l’idée de pa¬ niquer, qui peut s’accompagner d’une «vague anxiété». En fait, vous paniquez (symptôme secondaire d’anxiété) devant la panique qui vous envahit (symptôme primaire d’anxiété), et c’est là la principale cause de votre problème. Supposons toutefois que vous vous laissez envahir par l’anxiété ou la panique au lieu de tenter de la dominer. Que ferez-vous, dans ce cas, pour transformer vos exigences aber¬ rantes en préférences raisonnables et parfois assez fortes? Lisez le prochain chapitre et vous verrez bien.
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CHAPITRE
Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
S
i l’on suppose que la théorie qui sous-tend la TRÉ est juste, vous pouvez dominer votre anxiété tout en pré¬ servant la circonspection et la vigilance qui vous gardent en vie, d’une manière relativement simple quoique pas néces¬ sairement facile. En gros, il s’agit de maintenir vos désirs de réussir, de mériter l’approbation des autres, d’être à l’aise et d’éviter les accidents et les problèmes physiques, tout en évitant soi¬ gneusement de les transformer en exigences et obligations. Quels que soient vos désirs, objectifs et valeurs, vous n’au¬ rez sans doute pas à les modifier radicalement — du moment que vous les gardez tels quels, sous forme de préférences. Mais dès que vous les métamorphosez en nécessités et en impératifs, il est temps de vous arrêter et de réfléchir à leur caractère destructeur, puis de les ramener à l’état de désirs et de préférences. Cela paraît simple, direz-vous. Certes, mais ce n’est pas facile. Nous allons étudier un cas précis qui vous aidera à com¬ prendre comment vous pouvez y arriver.
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L’ANXIÉTÉ LIÉE AUX RELATIONS AMOUREUSES Prenons un exemple des plus courants. Supposons que vous êtes sincèrement amoureux, mais que vous avez de bonnes raisons de croire que Julie — appelons-la Julie — ne vous rend pas votre affection et se montre plutôt indifférente à votre égard. Vous désirez si fort qu’elle vous aime en retour que la crainte qu’elle ne le fasse pas vous rend anxieux. Comment pouvez-vous atténuer votre anxiété ? Tout d’abord, supposons que vous êtes déterminé à ga¬ gner l’affection de Julie et que votre désir revêt une allure d'exigence. Pourquoi supposer cela? Parce qu’en vertu de la TRE, nous croyons qu’une anxiété grave a de bonnes chances d’être provoquée par une exigence. Supposons donc que c’est le cas. Votre préférence ou désir, manifestement, est de voir Julie vous retourner votre affection. Nous supposons que, puisque vous êtes en proie à une vive anxiété, ce désir s’est mué en besoin impératif. Vous cherchez ce besoin et n’avez aucun mal à le trouver: «Non seulement je préfère que Julie m’aime, mais je pense qu’elle doit absolument le faire. Or, comme elle n’a pas l’air de m’aimer comme elle le devrait, et ne m’aimera peutêtre jamais comme je l’aime, je suis très anxieux. N’ayant aucune garantie que j’obtiendrai ce que je veux, je suis très anxieux et en fait, peut-être même paniqué. » Bon, nous tenons là une exigence plausible concernant Julie qui, selon toutes probabilités, vous rend anxieux. Simple, n’est-ce pas ? Il ne fait aucun doute que si vous cherchez quelle est votre exigence, elle vous sautera aux yeux. Maintenant, que ferez-vous à propos de cette exigence qui dit: «Julie doit absolument m’aimer comme je l’aime»? Com¬ ment vous y prendrez-vous pour la modifier? La réponse, en vertu de la TRÉ, consiste à la contester. Votre objectif est de gagner le cœur de Julie. Or, au point A (adversité), elle ne semble pas se soucier beaucoup de vous et ne vous aimera peut-être jamais. Au point B, vous entretenez la croyance irrationnelle qu’elle doit à tout prix vous aimer. y
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Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
Ainsi, au point C (conséquence émotionnelle), vous êtes anxieux. Cela est très clair, n’est-ce pas ? Puis en continuant de suivre la voie de la TRÉ, vous passez à l’étape D, celle de la contestation, qui est peut-être la mé¬ thode thérapeutique la plus puissante jamais inventée et qui a été créée il y a des milliers d’années par divers philosophes asiatiques, grecs et romains. Il s’agit de mettre en doute la pen¬ sée irrationnelle suivante: «Il faut absolument que Julie m’aime ! » Tout d’abord, je vous indiquerai trois manières de contes¬ ter vos croyances irrationnelles. Puis je vous présenterai plusieurs autres techniques cognitives, émotives et compor¬ tementales qui vous permettront de remettre en question cette croyance précise ou toute autre idée irrationnelle et autodestructrice. CONTESTER SES CROYANCES IRRATIONNELLES GRÂCE À LA MÉTHODE RÉALISTE OU EMPIRIQUE La première méthode, la plus fondamentale en quelque sorte, est dite réaliste ou empirique, car la principale raison pour laquelle les croyances irrationnelles sont inefficaces, c’est qu’elles contredisent la réalité. Elles ne concordent pas avec la réalité des faits et, si vous vous entêtez à les préserver, elles vous causeront un tort considérable. C’est pourquoi la pensée irrationnelle «Il faut absolument que Julie m’aime ! » doit d’abord être contestée à la lumière de la réalité. Il s’agit de vous demander encore et encore tant que vous n’aurez pas obtenu de réponse satisfaisante, «Pourquoi faut-il absolument que Julie m’aime?» Où est la preuve qu’elle doit le faire? Est-il réaliste de supposer qu’elle doit m’aimer à tout prix ? Sur quels faits repose cette idée ? Y a-t-il une raison pour laquelle elle doit m’aimer à tout prix ? » Les réponses à toutes ces questions ne sont pas du tout dans le sens que Julie doit vous aimer. Julie est libre, en réa¬ lité, de vous aimer ou de ne pas vous aimer. Par conséquent, elle n’est pas obligée de vous aimer. En réalité, il se peut fort 57
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
bien qu’elle ne vous aime pas. Rien ne prouve qu’elle doive absolument vous aimer, mais tout indique qu’elle pourrait ne pas vous aimer et vous êtes contrarié parce que vous exigez qu’elle vous aime et, en fait, elle ne vous aime pas et ne vous aimera peut-être jamais. Il est donc clair, à la lumière des faits, qu’elle ne vous aime pas. Encore une fois, il n’est pas réaliste de présumer que Julie doit vous aimer, alors qu’elle est libre d’éprouver de l’amour, de la haine ou de l’indifférence à votre égard. De même qu’il est irréaliste de supposer qu’elle ne peut pas décider de ne pas vous aimer. Laissez parler les faits. Quels sont-ils? Les faits indiquent clairement qu’elle vous aime à certains moments et pas à d’autres. Ses sentiments envers vous sont fluctuants. Manifestement, ces faits prouvent qu’elle ne vous aime pas d’une manière inconditionnelle en tout temps et en toutes cir¬ constances. Ici encore, il n’y a rien qui oblige Julie à vous aimer. Elle a plusieurs raisons de le faire, ne serait-ce que votre gentillesse à son égard. Mais il se peut qu’elle ne vous aime pas, malgré votre gentillesse ou parce qu’elle vous trouve trop gentil et qu’elle vous juge faible ou difficile à rassasier. Peu importe l’angle sous lequel vous envisagez les choses, cela ne vous avance certainement à rien d’affirmer que Julie doit absolument vous aimer parce qu’il est clair que cela pour¬ rait n’être pas son choix et que son choix peut ne pas concor¬ der avec votre exigence. Julie est une créature autonome qui peut décider de son propre chef de vous aimer ou de ne pas vous aimer. Ainsi, quand vous affirmez avec insistance qu’elle doit absolument vous aimer en tout temps et en toutes cir¬ constances, vous niez le fait qu’elle pourrait vous aimer ou ne pas vous aimer et qu’à certains moments, elle vous chérit ten¬ drement, mais pas à d’autres. Elle est peut-être dotée d’une nature instable et changeante, et vous insistez pour qu’elle vous porte un amour indéfectible qui ne correspond pas à sa nature. Comme c’est irréaliste! Si vous exigez qu’elle vous aime tout le temps quand il est clair qu’elle ne le fera pas, vous vivrez dans un état permanent d’anxiété. 58
Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
Vous pouvez utiliser la même méthode réaliste et empi¬ rique pour contester certains corollaires de la pensée : « Il faut absolument que Julie m’aime.» Par exemple, si elle ne vous aime pas (comme elle le devrait selon vous), vous pourriez penser: «Je suis un piètre amant et un incompétent, et c’est pourquoi elle ne m’aime pas.» Or, cette pensée est irréaliste parce que Julie a peut-être une foule de raisons de ne pas vous aimer beaucoup, dont certaines n’ont rien à voir avec vous et beaucoup à voir avec elle. Ainsi, il est possible qu’elle n’aime personne et quelle soit incapable d’aimer. Ici encore, comme vous insistez sur le fait que Julie doive à tout prix vous aimer alors qu’en fait, elle n’éprouve pas beau¬ coup d’affection pour vous, vous pourriez conclure ceci: « C’est affreux, c’est terrible ! Je ne peux pas supporter le fait qu’elle ne m’aime pas ! » Mais si vous comparez ces pensées à la réalité des faits, vous verrez que son indifférence est néfaste, car elle vous prive de l’amour que vous voulez et dont vous avez besoin. Mais en réalité, ce n’est pas la pire catas¬ trophe qui pourrait vous arriver. Julie pourrait vous détester et décider de vous tuer. Son indifférence envers vous n’est pas mauvaise au point qu’elle ne devrait pas exister, mais en disant qu’elle est affreuse et terrible, vous laissez sous-entendre qu’elle est mauvaise et ne devrait pas exister. En fait, aussi terrible qu’elle vous paraisse, son indifférence continuera d’exister. En outre, quand vous dites que vous ne pouvez pas supporter qu’elle ne vous aime pas, vous laissez entendre, de prime abord, que son indifférence vous tuera. Or, il est peu probable que vous tombiez raide mort juste parce qu’elle ne vous aime pas. Et votre affirmation: «Je ne peux pas le sup¬ porter! » signifie que, si elle ne vous aime pas, vous ne connaî¬ trez plus jamais le bonheur. Cela est tout aussi irréaliste parce que, si vous êtes malheureux dans les circonstances, ce n’est pas parce que vous ne pouvez pas être heureux, mais bien parce que vous pensez ne pas pouvoir l’être. Vous pouvez contester non seulement la croyance irration¬ nelle que Julie doit absolument vous rendre votre amour, mais aussi les dérivés tout aussi irréalistes de cette croyance selon 59
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
lesquelles il est affreux de ne pas obtenir son amour et vous ne pouvez tout simplement pas supporter qu’elle ne vous aime pas autant que vous le voudriez. Les croyances irrationnelles, en vertu de la TRÉ, sont presque toujours irréalistes. Vous pouvez les contester et les modifier en faisant preuve d’un réalisme rigoureux et en regardant honnêtement les faits de votre vie et de celle de l’autre personne. CONTESTER SES CROYANCES IRRATIONNELLES GRÂCE À LA LOGIQUE La croyance « Il faut absolument que Julie m’aime » et ses corol¬ laires ne découlent pas logiquement de la pensée « Parce que je suis follement amoureux d’elle et que je serais enchanté si elle m’aimait en retour, elle doit absolument m’aimer maintenant et pour toujours. » Si vous voulez transformer cette idée en pen¬ sée rationnelle positive, posez-vous les questions suivantes: « Qu’est-ce qui dit que parce que je suis fou de Julie, elle doit m’aimer tout autant ? Quel est le lien entre mon vif désir d’ob¬ tenir son amour et mon besoin d’être aimé d’elle? Doit-elle m’aimer simplement parce que cela m’apporterait beaucoup ? Ma conclusion est-elle liée à ce fait ? » Si vous vous posez ces questions sans arrêt jusqu’à ce que vous obteniez une réponse directe, vous verrez qu’aucune de vos exigences relatives à l’amour de Julie n’est logique. Il est assez logique de votre part de conclure que, parce que vous voulez obtenir l’amour de Julie, son indifférence vous frustre et vous déçoit, car votre besoin n’est manifestement pas com¬ blé. Chaque fois que vous n’obtenez pas ce que vous voulez, il est normal que vous soyez déçu et vous pouvez en toute logique vous dire : « Mes désirs ne sont pas comblés et cela est regrettable ou inconfortable. » Mais vous ne pouvez pas logiquement aller au-delà de cette affirmation et insister pour dire que, puisque vous êtes frustré, vous ne devez absolu¬ ment pas être privé de l’amour de Julie et que, par consé¬ quent, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Cela n’est pas forcément le cas. 60
Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
Plus précisément, contestons logiquement certaines de vos conclusions concernant le fait que Julie ne vous aime pas comme elle le «devrait absolument». Tout d’abord, demandezvous : « S’ensuit-il nécessairement que Julie doive absolument m’aimer maintenant et à jamais juste parce que je suis fou d’elle?» La réponse est: Aucunement. Il n’existe aucun lien entre vos présomptions — vous l’aimez et vous serez grande¬ ment frustré si elle ne vous rend pas votre amour — et la con¬ clusion qu’elle doive absolument vous aimer. Certes, il serait préférable pour vous qu’elle vous aime, mais cela ne veut pas forcément dire qu’elle est obligée de vous aimer. Elle a le droit, le privilège de vous aimer ou de ne pas vous aimer; et elle peut, bien entendu, exercer ce droit d’une manière ou d’une autre. Même si vous préférez de beaucoup qu’elle vous aime, vous ne pouvez pas l’obliger à le faire. En fait, cette préférence marquée risque plutôt de l’éloigner de vous ! Ici encore, lorsque vous contestez votre croyance irra¬ tionnelle, vous pouvez vous demander: «Y a-t-il un lien entre mon vif désir et mon besoin d’obtenir l’amour de Julie?» Réponse: Non, aucun. Peu importe la force de votre senti¬ ment pour elle, elle n’est clairement pas tenue d’éprouver le même et de vous aimer. Votre nette préférence n’est pas un ordre. Si elle l’était, votre belle vous aimerait certainement. Mais il est clair qu’elle n’est pas tenue de répondre à votre désir. Nul être au monde n’est tenu d’obéir à votre désir — sauf si vous l’y forcez à la pointe du fusil. Et même là, la per¬ sonne peut préférer mourir. Mais dans ce cas-ci, vous n’avez pas de fusil, et même si vous en aviez un, Julie ne serait toujours pas tenue de céder à votre exigence et de vous aimer. En fait, il est très probable qu’elle ne le ferait pas ! En contestant logiquement votre croyance irrationnelle, vous commencez à comprendre qu’en réalité, vos désirs n’ont pas besoin d’être assouvis à tout prix. Même si vous mouriez littéralement de ne pas être aimé de votre belle, cela ne l’obli¬ gerait pas à vous aimer. Elle pourrait, si elle le désire, vous laisser mourir, tout simplement ! 61
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Vous devez comprendre que vous pouvez toujours contes¬ ter logiquement vos exigences et obligations absolues. Vous comprendrez ainsi qu’il n’y a aucune raison pour que vous obteniez toujours ce que vous voulez, que vous pouvez suppor¬ ter le fait que votre désir demeure insatisfait et que cela n’est pas affreux, et que vous n’êtes pas un être odieux parce que vous ne fonctionnez pas aussi bien que vous « devriez » fonc¬ tionner. Vous verrez du même coup que vos exigences grandio¬ ses à l’égard de vous-même, des autres et des circonstances extérieures ne sont pas logiques: même si vous préféreriez vous acquitter honnêtement de vos tâches importantes, être traité avec amabilité et loyauté par votre entourage et voir les circonstances s’arranger en votre faveur, il n’est pas obliga¬ toire que vos préférences soient respectées. Il est illogique d’exiger que vos désirs soient satisfaits simplement parce que vous le préférez. Cela n’est pas du tout logique. «Mais, direz-vous, supposez que mes échecs, la conduite déloyale des autres à mon égard et mes mauvaises conditions de vie m’amoindrissent et me tuent à petit feu. N’est-il pas vrai que pour éviter d’être amoindri ou tué, je dois accomplir cer¬ taines choses, être traité raisonnablement bien par les autres et vivre dans des conditions décentes ? » Oui, cela est vrai et tout à fait logique. Parfois, votre vie même dépend de votre succès, de l’attitude décente des autres envers vous et de circonstances de vie positives. Ainsi, si vous voulez continuer de vivre, certaines conditions doivent être présentes. Mais rappelez-vous ceci: rien ne dit que vous devez vivre. Bien sûr, vous finirez par mourir de toute façon, même si c’est à l’âge de cent ans. Mais rien ne dit que vous devez vivre vieux ou que vous devez mourir en paix et sans souffrir ou que vous devez être heureux toute votre vie. Toutes ces choses sont préférables, mais ce ne sont pas des nécessités absolues. Si vous pensez qu’elles le sont ou que pratiquement toutes les autres choses que vous voulez vraiment sont des nécessités absolues, vous serez presque certainement en proie à l’anxiété. Vos besoins et désirs sont légitimes et, en un sens, bons — juste parce que vous les ressentez. Mais vous n’avez pas absolument 62
Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
besoin de ce que vous voulez. Pas du tout. Si vous pensez le contraire, vous vivrez dans un état constant d’anxiété! CONTESTER SES CROYANCES IRRATIONNELLES GRÂCE À LA MÉTHODE PRAGMATIQUE La troisième méthode que vous pouvez utiliser pour contes¬ ter vos croyances irrationnelles, et surtout vos exigences absolues, et les convertir en préférences est la méthode prag¬ matique ou heuristique. Il s’agit de prendre une ou plusieurs de vos croyances irrationnelles et de vous demander: «Où me mènera cette pensée irrationnelle si je m’y accroche? Quelles conséquences entraînera-t-elle ? Me rendra-t-elle heu¬ reux ou malheureux ? Que se passera-t-il vraisemblablement si je m’accroche à elle et refuse de la laisser aller?» Prenons la croyance «Parce que je suis fou de Julie, elle doit absolument m’aimer en retour. Ce sera horrible si elle ne m’aime pas ! Je ne pourrai pas le supporter. Mon échec prou¬ vera que je suis un incompétent et un nul ! » Contestez cette croyance avec véhémence en employant la méthode pragmatique: «Si je m’obstine à croire cela, où cela me mènera-t-il?» Réponse: Je serai très anxieux lorsque j’es¬ saierai de deviner si Julie m’aime ou non et très déprimé si je découvre qu’elle ne m’aime pas. Est-ce que ce sera vraiment horrible si elle ne m’aime pas comme je l’aime ? Réponse : Non, ce ne sera pas du tout horrible parce que ce n’est pas la pire chose qui pourrait m’arriver. Mais je penserai que c’est horri¬ ble et je me sentirai affreusement mal, parce que je crois cette sottise. «Mon entêtement à croire cela me rendra-t-il heureux ou malheureux ? » Réponse : Il me rendra malheureux, sauf si j’ai la preuve que ma Julie m’aime vraiment et m’aimera tou¬ jours. Bien sûr, je ne peux pas obtenir cette garantie. Donc, je serai toujours au seuil de la tristesse et de l’anxiété. «Que se passera-t-il vraisemblablement si je m’accroche à cette croyance et si je refuse de la laisser aller?» Réponse: Je continuerai d’être profondément anxieux, à moins que je ne découvre que Julie m’aime vraiment. Même dans ce cas, je serai anxieux 63
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parce que je saurai que je peux toujours perdre son amour et que mon bonheur en dépend. Cette forme de contestation pragmatique constitue le véri¬ table fondement de la TRÉ et des méthodes similaires desti¬ nées à déraciner l’anxiété. Comme vos pensées irrationnelles touchant la réciprocité de votre amour — ou pratiquement toute autre entreprise — exigent que vos désirs soient com¬ blés pour que vous soyez heureux et serein, vous serez déses¬ pérément malheureux s’ils sont contrariés. Par conséquent, en utilisant la forme pragmatique de contestation décrite cidessus, vous voyez l’inutilité d’entretenir ces croyances, sauf si vous tenez vraiment à être très anxieux et déprimé. Les croyances irrationnelles sont parfaites dans ce cas! Mais si vous voulez être raisonnablement heureux et efficace, vous comprendrez que vos croyances irrationnelles sont fatales et engendrent une misère continue. Comme il vous reste une par¬ celle de raison, vous les convertirez en croyances rationnelles ou en préférences sensées. Tout compte fait, nous vous recommandons d’employer systématiquement ces trois formes de contestation: réaliste, logique et pratique. Faites-le régulièrement, car en tant qu’humain, vous êtes habitué aux croyances irrationnelles, vous les entretenez depuis plusieurs années et elles vous sont familières. Par conséquent, pour les abandonner et les priver de leur efficacité, vous avez tout intérêt à les contester vigoureusement grâce aux trois méthodes décrites ci-dessus. Si votre anxiété devant l’indifférence de votre bien-aimée vous rend anxieux, cette anxiété secondaire se classe dans la catégorie Adversité2 ou A2, selon la TRÉ. On peut alors raison¬ nablement penser que vous entretenez des pensées irration¬ nelles à propos de A2 du genre «Je ne devrais pas être aussi horriblement angoissé ! Comme c’est terrible ! Je ne peux pas supporter cette anxiété! Je suis vraiment bête d’être aussi anxieux!» En conséquence (C2), vous êtes anxieux à propos de votre anxiété. Pour contester votre croyance irrationnelle2, vous pouvez aussi employer la méthode logique: «Qu’est-ce qui dit que 64
Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
mon anxiété est terrible et insupportable? » Réponse : Rien. Il est très regrettable que je sois anxieux à propos de mon anxiété parce que ce n’est pas une sensation agréable. Mais ce n’est pas mauvais au point que cela ne devrait pas exister. Je peux la supporter et être quand même heureux. Il est idiot de pen¬ ser qu’un sentiment désagréable comme l’anxiété fait de moi une mauvaise personne. Pour contester votre croyance irrationnelle2, vous pouvez aussi utiliser la méthode pragmatique : « Où cela me mènerat-il de croire que je ne dois absolument pas être anxieux et que je ne vaux rien si je le suis?» Réponse: Nulle part! M’angois¬ ser parce que je suis anxieux! Vous pouvez donc presque toujours détecter les croyances irrationnelles qui sont à l’origine de votre anxiété initiale, les contester et les modifier, et vous pouvez aussi, si vous êtes anxieux à propos de votre anxiété (C2), détecter ces croyan¬ ces secondaires, les remettre en question et minimiser ainsi vos symptômes secondaires d’anxiété. Dans le cadre de la TRÉ, nous encourageons fortement nos clients, comme je l’expliquerai un peu plus loin, à accomplir avec vigueur et persévérance un travail individuel cognitif, comportemental et affectif. Pour les aider, nous avons élaboré un feuillet d’instructions que vous pouvez utiliser pour faire votre propre contestation et élaborer des croyances ration¬ nelles ou une philosophie nouvelle et efficace. Ce feuillet vous est présenté au tableau 5-1, page 66. Le tableau 5-1 vous guidera dans votre travail de réflexion. Vous commencez avec ce qui vous perturbe, la conséquence (C), en l’occurrence vos émotions négatives malsaines et com¬ portements autodestructeurs. Puis vous vous demandez quels événements déclencheurs (adversité) semblent avoir précédé et prétendument provoqué ces résultats. Vous énumérez ensuite vos croyances irrationnelles, puis les contestez (D) et passez ensuite à E, les effets nouveaux et efficaces, qui englo¬ bent des émotions et des comportements.
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
TABLEAU 5-1 A (ÉVÉNEMENT DÉCLENCHEUR)
• • •
Résumez brièvement la situation qui vous perturbe (quelles images enregistrerait une caméra?) L'événement déclencheur peut être interne ou externe, réel ou imaginaire. L'événement déclencheur peut avoir eu lieu ou avoir lieu dans le passé, dans le présent ou dans le futur.
B (CROYANCES IRRATIONNELLES)
D (CONTESTATION DES CROYANCES IRRATIONNELLES)
POUR IDENTIFIER VOS CROYANCES IRRATIONNELLES, RECHERCHEZ:
POUR CONTESTER VOS CROYANCES IRRATIONNELLES, DEMANDEZ-VOUS:
• DES EXIGENCES DOGMATIQUES (Exigences, absolus, impératifs)
• Où cela me mènera-t-il de m'accrocher à ces croyances irrationnelles? Cette croyance est-elle positive ou autodestructrice? -• Sur quelle preuve repose-t-elle? Correspond-elle à la réalité ? • Ma croyance est-elle logique? Découle-t-elle de mes préférences? • La situation est-elle vraiment affreuse (aussi extrême quelle pourrait l'être?) • Est-elle vraiment insupportable!
• UNE TENDANCE PESSIMISTE (C'est affreux, terrible, horrible.) • UNE FAIBLE TOLÉRANCE À LA FRUSTRATION (Je ne peux pas le supporter.) • DES JUGEMENTS SUR SOI OU SUR LES AUTRES (Je suis/il est mauvais, nul.) © Windy Dryden & Jane Walker, 1992. Révisé par A
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Ellis Institute, 1996.
Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
C (CONSÉQUENCES) Principales émotions négatives malsaines:
Principaux comportements autodestructeurs:
Les émotions négatives malsaines englobent: • l'anxiété • le découragement • la rage • une faible tolérance à la frustration • la honte/la gêne • les sentiments blessés • la jalousie • le sentiment de culpabilité. B (CROYANCES RATIONNELLES)
E (EFFETS NOUVEAUX) Nouvelles émotions négatives saines:
Nouveaux comportements constructifs:
POUR PENSER D'UNE MANIÈRE PLUS RATIONNELLE, RECHERCHEZ: LES PRÉFÉRENCES NON DOGMATIQUES (Souhaits et désirs) L'ÉVALUATION DES DOMMAGES (La situation est fâcheuse, regrettable.) UNE BONNE TOLÉRANCE À LA FRUSTRATION (La situation me déplaît, mais elle est supportable.) LE FAIT DE NE PAS SE JUGER GLOBALEMENT SOI-MÊME ET DE NE PAS JUGER LES AUTRES (Je suis humain et faillible. Les autres sont humains et faillibles.)
LES ÉMOTIONS NÉGATIVES SAINES ENGLOBENT: La déception •
La préoccupation
•
La contrariété
•
La tristesse
•
Le regret
•
La frustration
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Un exemplaire du feuillet d’instructions (rempli pour un client typique qui est anxieux à la perspective de se soumettre à un examen dans le cadre d’un cours qu’il veut vraiment réussir ou d’une demande d’emploi) est présenté au tableau 5-2 ci-dessous. Si vous utilisez ces feuillets régulièrement, surtout quand vous vous initiez aux principes et à la pratique de la TRÉ dans le but d’apprendre à dominer votre anxiété, vous deviendrez habile à détecter et à contester vos croyances irrationnelles et à élaborer des effets nouveaux et des comportements et émo¬ tions efficaces.
TABLEAU 5-2 A (ÉVÉNEMENT DÉCLENCHEUR) Je dois passer un examen difficile dans le cadre d'un cours que je veux à tout prix réussir. • • •
Résumez brièvement la situation qui vous perturbe (quelles images enregistrerait une caméra?) L'événement déclencheur peut être interne ou externe, réel ou imaginaire. L'événement déclencheur peut avoir eu lieu ou avoir lieu dans le passé, dans le présent ou dans le futur.
B (CROYANCES IRRATIONNELLES)
D (CONTESTATION DES CROYANCES IRRATIONNELLES)
Je dois absolument être reçu à cet examen. Si j'obtiens un résultat médiocre ou si je suis recalé, cela prouvera que je suis nul! Ce serait affreux si j'échouais ce cours et si je n'obtenais aucun crédit.
Pourquoi faut-il à tout prix que je sois reçu à cet examen ? Si j'échoue, cela prouve-t-il vraiment que je suis nul? Serait-ce vraiment affreux — aussi extrême que cela pourrait l'être — si j'échouais? Si je persiste à croire que je dois être reçu à cet examen et qu'un échec serait vraiment affreux, à quels résultats dois-je m'attendre ?
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Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes
POUR IDENTIFIER VOS CROYANCES : IRRATIONNELLES, RECHERCHEZ
POUR CONTESTER VOS CROYANCES IRRATIONNELLES, DEMANDEZ-VOUS:
•DES EXIGENCES DOGMATIQUES (Exigences, absolus, impératifs)
• Où cela me mènera-t-il de croire cela? Cette croyance est-elle positive ou autodestructrice ? • Sur quelle preuve repose ma croyance irrationnelle? Correspond-elle à la réalité? • Ma croyance est-elle logique? Découle-t-elle de mes préférences? • La situation est-elle vraiment affreuse (aussi extrême quelle pourrait l'être?) • Est-elle vraiment insupportable?
•UNE TENDANCE PESSIMISTE (C'est affreux, terrible, horrible.) •UNE FAIBLE TOLÉRANCE À LA FRUSTRATION (Je ne peux pas le supporter.) •JUGEMENTS SUR SOI OU SUR LES AUTRES (Je suis/il est mauvais, nul.)
© Windy Dryden & Jane Walker, 1992. Révisé par Albert Ellis Institute, 1996.
C (CONSÉQUENCES) Principales émotions négatives malsaines : Anxiété grave à la perspective de passer un examen. Principaux comportements autodestructeurs : J'évite de suivre des cours ou de postuler des emplois si je dois me soumettre à un examen. Les émotions négatives malsaines englobent: • l'anxiété • le découragement • la rage • une faible tolérance à la frustration • la honte/la gêne • les sentiments blessés • la jalousie • le sentiment de culpabilité.
B (CROYANCES RATIONNELLES) Il n'y a aucune raison pour que je doive absolument être reçu à cet examen, même si ce serait grandement préférable. Si j'échouais, ce serait fâcheux, mais je ne serais pas un raté pour autant.
E (EFFETS NOUVEAUX) Nouvelles émotions négatives saines: Préoccupation et déception, plutôt qu anxiété à l'idée de suivre ce cours; ne pas me laisser abattre en cas d'échec. Nouveaux comportements constructifs :
Un échec ne serait pas affreux, mais seulement fort peu souhaitable. Si je persiste à croire que je dois réussir ce cours, je continuerai de me ronger les sangs, mais même cela ne serait pas vraiment affreux.
Ne pas me juger nul en cas d'échec. Ne pas remettre à plus tard les demandes d'emploi qui requièrent que l'on se soumette à un examen.
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine POUR PENSER D'UNE MANIÈRE PLUS RATIONNELLE, RECHERCHEZ: • LES PRÉFÉRENCES NON DOGMATIQUES (Souhaits et désirs) • ÉVALUER LES DOMMAGES (La situation est fâcheuse, regrettable.) • BONNE TOLÉRANCE À LA FRUSTRATION (La situation me déplaît, mais elle est supportable.) • NE PAS SE JUGER GLOBALEMENT SOI-MÊME ET NE PAS JUGER LES AUTRES (Je suis humain et faillible; les autres sont humains et faillibles aussi.)
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LES ÉMOTIONS NÉGATIVES SAINES ENGLOBENT: • La déception • La préoccupation • La contrariété • La tristesse • Le regret • La frustration
CHAPITRE
6 Les affirmations rationnelles
a thérapie rationnelle-émotive (TRÉ) comporte de nombreuses méthodes que vous pouvez utiliser pour A Omettre en échec vos angoisses et minimiser vos senti¬ ments de découragement, de rage, de médiocrité et de pitié pour vous-même. Les êtres humains se tourmentent inutile¬ ment de toutes sortes de manières et peuvent employer diverses techniques pour cesser de le faire. En outre, comme je le mentionnais en présentant pour la première fois la TRÉ au congrès annuel de la American Psychological Association, tenu à Chicago en 1956, les pensées, sentiments et comporte¬ ments humains ne sont pas des processus distincts mais, au contraire, sont étroitement liés. Vous affrontez des malheurs qui déclenchent en vous une réflexion, mais également des sentiments intenses. Vos sentiments englobent d’importantes pensées et actions ; et vos actions s’accompagnent d’émotions et de pensées significatives. Si, par conséquent, vous êtes perturbé par un malheur réel ou potentiel, vous devez comprendre les aspects cogni¬ tifs et comportementaux de votre trouble. Et si vous voulez être moins perturbé ou déperturbé, vous avez tout intérêt à utiliser plusieurs méthodes cognitives, affectives et compor¬ tementales. La TRÉ, je le répète, est une thérapie multimodale 71
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
tout à fait originale qui emploie presque toujours un certain nombre de méthodes variées pour atténuer les troubles affectifs, de même que les pensées et comportements qu’ils engendrent. Dans ce chapitre et les quelques chapitres sub¬ séquents, nous explorerons un certain nombre de modes de pensée ainsi que des manières directes de contester vos croyances irrationnelles qui vous aideront à dominer votre anxiété. L’ABC complet de la TRÉ englobe les points D et E. Au point D, vous contestez les croyances irrationnelles qui engen¬ drent votre anxiété et au point E, vous élaborez un nouveau système de croyances, ou une philosophie nouvelle et efficace, qui vous permet de convertir vos pensées irrationnelles en pensées rationnelles. UN CAS D’ANXIÉTÉ LIÉE À LA PERFORMANCE L’un de mes clients, Jasmin, un être plutôt stable et serein, était professeur de musique. Il réussissait bien dans son mé¬ tier et entretenait d’excellents rapports avec sa femme et ses enfants. Cependant, une ou deux fois par année, il devait don¬ ner un récital de violon à l’école où il enseignait, et cela le ren¬ dait exceptionnellement anxieux. Voici comment se résumait sa situation. A (adversité possible) : Jasmin était censé donner un réci¬ tal un ou deux mois plus tard et, aussi bon violoniste qu’il soit, il avait une peur bleue de mal jouer devant ses propres élèves et d’être sévèrement critiqué par eux. B (croyance rationnelle): «Il se pourrait que je joue mal, que je sois sévèrement critiqué et cela serait fâcheux. Mais ce ne serait pas terrible, seulement dommage et déplaisant. En outre, il se pourrait que je joue très bien et que je mérite une bonne dose de louanges. » C (conséquence) : Un certain degré de préoccupation qui incita Jasmin à s’exercer davantage afin de bien jouer en con¬ cert. 72
Les affirmations rationnelles
B (croyances irrationnelles): «Je dois absolument bien jouer en concert, sinon je me couvrirai de ridicule et ce sera terrible ! Je perdrai ma réputation en tant que professeur et je ne le supporterai pas ! Si je joue mal, cela voudra dire que je suis un mauvais violoniste, un incompétent ! » C (conséquence): Une grave anxiété. Jasmin cesse de s’exercer au violon parce que cela lui rappelle qu’il pourrait mal jouer en concert et être sévèrement critiqué. D (il conteste ses croyances irrationnelles): «Dois-je à tout prix bien jouer simplement pour m’attirer du respect et des éloges ? » E (philosophie nouvelle et efficace): «Rien ne m’oblige à jouer à la perfection à ce récital, même si ce serait préférable. » D (contestation): «Rira-t-on vraiment de moi si je joue mal ? » E (philosophie nouvelle et efficace): «Certaines per¬ sonnes riront peut-être, mais la grande majorité des audi¬ teurs se contentera sans doute de hocher la tête et de dire que je n’étais pas en forme ce soir-là. Si certains — ou même tous — rient de moi, pourquoi serait-ce affreux? Ce ne le serait pas. Ce serait regrettable, mais ce n’est pas la pire cata¬ strophe qui pourrait m’arriver dans la vie. Affreux signifie que ce serait si terrible que cela ne doit absolument pas arri¬ ver. Mais si cela se produit, c’est que cela doit se produire. Cela me déplaira, bien sûr. Mais je ferais mieux de ne pas qualifier l’incident d’affreux. D (contestation) : « Nuirais-je vraiment à ma réputation de professeur si je jouais mal à ce récital? » E (philosophie nouvelle et efficace): «Probablement pas. Ce n’est pas parce que je joue mal à un récital que je suis un mauvais professeur de musique. Rares sont les gens qui m’ac¬ cuseraient de l’être. Même si ma réputation en souffrait passa¬ blement, pourquoi ne pourrais-je pas le supporter? Je pourrais certainement le supporter. Je n’en mourrais pas. Il est peu probable que je serai congédié. De plus, je pour¬ rais faire un tas d’autres choses dans la vie si l’enseignement ne me plaisait plus. » 73
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
D (contestation): «Si je jouais mal, cela voudrait-il forcé¬ ment dire que je suis un violoniste pourri et un incompétent ? » E (philosophie nouvelle et efficace): « Non. Cela voudrait simplement dire que j’ai mal joué en concert et que je pourrais très bien me surpasser une autre fois, comme cela m’est arrivé dans le passé. Même si je jouais très mal du violon, cela feraitil de moi un incompétent ? Bien sûr que non ! Le fait que je joue du violon n’a rien à voir avec mon identité personnelle. Je pos¬ sède de nombreuses qualités et j’accomplis un tas de choses, certaines bien, d’autres moins bien. Par conséquent, même si je joue mal du violon, cela ne fait pas de moi une mauvaise per¬ sonne de même que, si je jouais bien, cela ne ferait pas de moi une bonne personne. Dire que je suis une bonne ou une mau¬ vaise personne est une surgénéralisation qui ne veut rien dire au fond. Je suis quelqu’un qui accomplit de bonnes et de mau¬ vaises choses, y compris jouer du violon très bien à certains moment et très mal à d’autres, surtout si je suis anxieux. Si je ne joue pas comme un virtuose cette fois-ci, je m’exercerai davantage et jouerai mieux, je l’espère, dans le futur. » Si Jasmin suit l’ABCDE de la TRÉ que je viens de décrire, il commencera par éprouver de l’anxiété à la perspective de don¬ ner un récital, puis se calmera et jouera sans doute assez bien le moment venu. Même s’il ne joue pas bien, il en éprouvera sans doute du regret, mais ne sera pas anxieux ni déprimé. L’aboutissement logique de l’étape D (contestation) est E (une philosophie nouvelle et efficace). Chaque fois que vous vous angoissez, puis contestez activement et jusqu’au bout vos croyances irrationnelles, vous arrivez en général à E, une phi¬ losophie nouvelle et efficace. Dans ce cas, si vous embrassez vraiment cette philosophie, vous serez non seulement beau¬ coup moins anxieux devant l’éventualité d’un échec ou d’un rejet, mais cela diminuera votre anxiété devant les échecs, rejets et situations inconfortables que vous pourriez subir dans l’avenir. Pour raffermir votre contestation et vous permettre d’ar¬ river à une nouvelle philosophie, vous pouvez élaborer des affirmations rationnelles qui vous aideront à repousser votre 74
Les affirmations rationnelles
anxiété. Vous pourrez utiliser ces affirmations à l’avenir lors¬ que vous aurez tendance à vous rendre anxieux. Écrivez-les, réfléchissez-y et imprimez-les dans votre tête et votre cœur grâce à la répétition. Quand je travaillai avec Jasmin sur sa crainte de mal jouer en récital, ses affirmations rationnelles ressemblaient à ceci: «Je n’ai certainement pas besoin de jouer comme un virtuose à ce récital encore que cela soit pré¬ férable. Si je joue mal, ce ne sera pas la fin du monde. « Si certains auditeurs rient de mon jeu, je n’ai pas besoin de les prendre trop au sérieux. Leur hostilité découle peutêtre d’un problème personnel. Mais que ce soit le cas ou non, je peux supporter leurs ricanements sans en être horrifié. «Rien n’est affreux, pas même un échec lamentable. Si je joue mal, ce sera tout bonnement regrettable et je peux même en tirer une leçon et faire mieux dans les prochains concerts. «Les gens ne me condamneront pas comme professeur juste parce que je joue mal à un récital. S’ils le font, c’est qu’ils ont des préjugés et je n’ai pas besoin de prendre leur réaction au sérieux. Je pense que je suis un bon professeur de musique même si je ne joue pas toujours parfaitement du violon. « Ma réputation de professeur ne souffrira sans doute pas si je joue mal à ce récital, mais même si c’est le cas, je peux con¬ tinuer d’enseigner et même de bien enseigner. « Même si je joue mal en récital, cela ne fait pas de moi un mauvais violoniste. Même les plus grands virtuoses jouent mal parfois. Et même si j’étais un violoniste vraiment médiocre, cela ne voudrait pas du tout dire que je suis un incompétent. Jouer du violon est seulement une des nombreuses choses que je fais. Il y a des choses que je fais très bien. Je ne suis pas une mauvaise personne même si je joue toujours mal en concert. Je m’améliorerai ou je cesserai de jouer! » Lorsque vous contestez vos croyances irrationnelles et que vous arrivez au point E, votre philosophie nouvelle et efficace, cette dernière revêt généralement la forme d’énoncés ration¬ nels. Vous pouvez les relire, les compléter, en élaborer d’autres semblables que vous pourrez utiliser pour mettre en échec votre anxiété du moment et toute anxiété future. Ces affirmations 75
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
rationnelles constituent une forme de pensée positive. Vous pouvez les créer sans contester vos croyances irrationnelles grâce aux méthodes réaliste, logique et pragmatique, mais vous risquez alors de faire preuve d’un optimisme excessif et en quelque sorte faux. Ainsi, vous pouvez dire, à l’instar de Jasmin quand il élabo¬ rait ses affirmations rationnelles: «Peu m’importe que je joue bien ou mal en récital. Je m’en fiche complètement. Je me con¬ tenterai de jouer au petit bonheur. Je suis un type formidable et un excellent professeur, et je me fiche complètement d’être le pire violoniste du monde, de gâcher ma réputation de pro¬ fesseur et d’être congédié ! » Cette forme de pensée positive irréaliste peut juguler votre anxiété temporairement — mais pas pour longtemps. Aussi, contestez vos croyances irrationnelles, et ce faisant, essayez de créer des affirmations rationnelles réalistes. Réfléchissez-y. Révisez-les. Puis servez-vous-en pour extirper votre anxiété actuelle et future.
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CHAPITRE
La visualisation positive et le modelage
D
e même que vous pouvez utiliser des affirmations rationnelles pour affronter votre anxiété, vous pouvez aussi recourir aux visualisations positives. Pour cela, imaginez une situation qui vous rend souvent anxieux ou qui vous affole et voyez-vous en train d’y faire face positivement et sans être perturbé. UN AUTRE CAS D’ANXIÉTÉ À L’IDÉE DE PARLER EN PUBLIC Géraldine, une analyste de trente ans, utilisait la visualisation positive pour surmonter la crainte de parler en public qu’elle éprouvait depuis l’âge de treize ans. Elle évitait toujours de par¬ ler devant un auditoire même restreint de crainte de chevroter ou de prononcer les mauvaises paroles et de passer pour une incompétente. Toutefois, lorsqu’elle obtint une promotion, il entrait dans ses attributions d’expliquer aux nouveaux venus certaines procédures opérationnelles révisées. Bien qu’elle con¬ nût celles-ci par cœur, elle avait une peur bleue de s’embrouiller dans ses explications, de passer pour une nullité et d’être rétro77
V
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
gradée à un poste moins intéressant. Elle s’inventait sans cesse des excuses et temporisait, mais elle dut finalement prendre le taureau par les cornes et donner un exposé important. La ter¬ reur l’empêcha de dormir et de manger. Sous ma direction, Géraldine décela rapidement les croyances irrationnelles qui engendraient sa terreur de parler en public: «Comme je connais parfaitement le fonctionne¬ ment du système informatique et que mes compétences m’ont justement valu une promotion, je dois être capable de l’expli¬ quer clairement à mes stagiaires. Si je n’arrive pas à le leur enseigner correctement, comme l’exige mon nouveau poste, à quoi suis-je bonne? Ils vont sûrement penser que je suis incompétente et que je n’ai pas mérité ma promotion. Et ils auront raison ! » Ayant mis au jour ces croyances irrationnelles, Géraldine entreprit de les contester et élabora la nouvelle philosophie suivante : «Je ne suis pas incompétente même si je ne suis pas une bonne oratrice, mais seulement une femme qui, en raison de son anxiété, a des problèmes d’élocution. » Or, comme elle voulait solidifier sa nouvelle philosophie, elle utilisa la visuali¬ sation positive pour raffermir ses conclusions. Elle commença par s’imaginer en train de parler à ses audi¬ teurs sans anxiété. Elle se vit préoccupée par son discours, mais seulement préoccupée, de sorte qu’elle arriva presque à se détendre. En s’imaginant ainsi, elle vit qu’elle pouvait par¬ ler en public sans inconfort et cette pensée atténua sa frayeur. Ensuite, Géraldine imagina que ses auditeurs lui posaient des questions pertinentes à propos de son exposé et que, sans trembler, elle donnait à chacun une réponse satisfaisante. Ayant visualisé cela, elle vit qu’elle maîtrisait parfaitement le contenu de son exposé de même que son anxiété. Elle n’éprou¬ vait plus qu’une vague appréhension à l’idée de s’inquiéter outre mesure. Grâce à ses exercices répétés de visualisation positive et à sa contestation continue de ses croyances irrationnelles con¬ cernant Yhorreur de faire un piètre exposé, Géraldine fit sa première présentation avec un minimum d’anxiété. Elle cons78
La visualisation positive et le modelage
tata très vite qu’elle pouvait dominer sa panique avant de se laisser dominer par elle et, en l’espace de quelques mois, elle se mit même à anticiper avec plaisir ses futurs exposés. Vous pouvez, vous aussi, utiliser la visualisation positive pour surmonter votre anxiété à l’égard d’un événement tel qu’une entrevue d’emploi ou un examen. Il suffit d’imaginer que vous pouvez l’affronter avec très peu d’anxiété, que vous maîtrisez la situation et que vous vous en tirez fort bien ou éprouvez d’abord une certaine anxiété, mais arrivez à la sur¬ monter. Tout en faisant cette visualisation positive, vous pou¬ vez examiner les pensées irrationnelles qui engendrent votre anxiété — «Je dois absolument réussir cette tâche, sinon cela prouvera que je suis incompétent !» — et les contester énergi¬ quement. La visualisation positive alliée à cette contestation de vos croyances irrationnelles peut atténuer votre anxiété de manière considérable. LE MODELAGE Comme Albert Bandura et d’autres psychologues l’ont démon¬ tré, le fait de suivre l’exemple d’autres personnes qui ne sont pas anxieuses dans des situations qui vous jettent dans un état de panique est une excellente manière d’apprendre à dominer votre anxiété. Pour ce faire, demandez aux gens que vous con¬ naissez comment ils arrivent à ne ressentir qu’une anxiété minimale. Vous pouvez lire des biographies et des autobiogra¬ phies et découvrir comment les personnages célèbres ont sur¬ monté leur panique. Vous pouvez observer des éducateurs, des orateurs et des facilitateurs et les interroger pour voir s’ils ont déjà souffert d’anxiété et comment ils l’ont vaincue. Parlez aux gens qui réussissent à demeurer calmes et détendus dans des situations assez stressantes et découvrez quelle attitude ils adoptent dans ces moments-là. Parlez aux gens qui étaient fort anxieux à l’égard de certaines choses et qui ont pris des me¬ sures précises pour réduire ou éliminer leur anxiété. Voyez si vous pouvez, vous aussi, utiliser leurs méthodes pour minimi¬ ser vos peurs irrationnelles. 79
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CHAPITRE
8 Utilisez l’analyse coûts-avantages pour dominer votre anxiété
S
i vous appréhendez une situation, vous aurez tendance à l’éviter, ce qui vous débarrassera de votre anxiété tem¬ porairement. À la longue, cependant, celle-ci ne peut que s’accentuer. Ainsi, si vous avez la phobie des ascenseurs, même si à votre connaissance personne n’y a jamais été blessé ni tué, vous éviterez de les prendre. Mais chaque fois que vous faites cela, vous vous dites inconsciemment : « Si je prends l’as¬ censeur, il m'arrivera une catastrophe! Je dois éviter de le prendre ! » Vous réaffirmez ainsi pour vous-même les horribles conséquences qu’entraîne le fait de prendre l’ascenseur et vous renforcez votre phobie. Si, en revanche, vous vous risquez à prendre l’ascenseur à plusieurs reprises, vous constaterez qu’il ne vous arrive rien de terrible ; cela contredira vos croyances et vous permettra de surmonter votre phobie. Vous avez donc tout intérêt à exami¬ ner les inconvénients qu’entraîne votre refus de prendre l’as¬ censeur, à en dresser la liste et à les relire plusieurs fois par jour afin de vous convaincre que les coûts engendrés par ce refus sont de loin supérieurs aux avantages que vous auriez à le prendre. Cette analyse coûts-avantages vous encourage à 81
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
courir des risques à court terme et vous procure l’avantage à long terme de contrer vos phobies. Vous arrivez ainsi à domi¬ ner votre anxiété malsaine avant qu’elle ne vous domine. L’ANXIÉTÉ LIÉE À LA CONDUITE AUTOMOBILE Martine redoutait de monter dans une voiture même si elle était une excellente conductrice et n’avait jamais eu d’acci¬ dent. Elle allait donc presque toujours travailler à vélo, en autobus ou en train. D’une manière irrationnelle, elle avait suivi l’exemple de son amie Josiane, qui refusait de se déplacer en voiture depuis qu’elle avait été légèrement blessée dans un accident. Martine avait développé une phobie de l’automobile, malgré les multiples inconvénients que cela suscitait dans sa vie professionnelle et sociale. J’aidai Martine à mettre au jour sa principale croyance irra¬ tionnelle : «J'ai besoin d’une garantie absolue que je n’aurai jamais d’accident de voiture, mais cela n’existe pas. Aussi doisje éviter de conduire ou de monter dans une voiture!» Elle remit cette croyance en question en se démontrant à ellemême que les garanties absolues n’existaient pas et qu’il était hautement improbable qu’elle soit gravement blessée dans un accident. En outre, Martine effectua une analyse coûts-avantages et nota par écrit tous les inconvénients associés à son refus de rouler en automobile et tous les avantages qu’elle aurait à ris¬ quer de ressentir de l’inconfort durant les premiers trajets afin de surmonter sa phobie. Ce faisant, elle découvrit qu’il valait beaucoup mieux surmonter sa peur et ressentir un inconfort temporaire que d’être gênée pour toujours en préservant et en fortifiant son anxiété. A l’instar de Martine, vous pouvez effectuer une analyse coûts-avantages pour vous prouver qu’il est beaucoup moins coûteux de supporter un inconfort de courte durée en s’expo¬ sant à ses peurs irréalistes et en les surmontant que de tolérer les inconvénients à long terme, et souvent permanents, qu’en¬ traîne le fait d’y céder. 82
Utilisez l’analyse coûts-avantages pour dominer votre anxiété
L’analyse coûts-avantages est aussi très utile pour aider cer¬ taines personnes à dompter leur anxiété à l’égard de leur dépen¬ dance. Par exemple: Robert se jure de cesser de fumer; mais jugeant « horrible » l’inconfort causé par le sevrage, il revient sans cesse à sa vieille habitude. La crainte de ne pas tenir sa résolution et l’incertitude qu’il ressent à cet égard le plongent dans l’anxiété. Pour empirer les choses, il cessera peut-être de fumer pen¬ dant un certain temps, puis recommencera et se blâmera pour sa «terrible» faiblesse. En se dénigrant ainsi, il deviendra encore plus angoissé. Si vous éprouvez cette double forme d’anxiété devant une dépendance, vous pouvez utiliser l’analyse coûts-avantages de deux manières principales. 1. Pour préserver votre dépendance, vous devez vous concen¬ trer sur ses avantages (le plaisir de fumer) et refuser délibé¬ rément de songer à ses désavantages (la possibilité de souf¬ frir d’emphysème et d’un cancer du poumon, le coût des cigarettes et l’offense infligée aux non-fumeurs). Si, par con¬ séquent, vous prenez plusieurs jours pour dresser la liste des nombreux désavantages de la cigarette (une dizaine ou plus) et la relisez attentivement au moins cinq fois par jour, - ils s’imprimeront dans votre esprit conscient, atténueront votre inquiétude à la perspective de cesser de fumer (ou de renoncer à toute autre dépendance) et vous aideront consi¬ dérablement à y renoncer. Vous verrez sans doute que les coûts du tabagisme sont de loin supérieurs à ses avantages, et serez moins angoissé devant l’«horrible» difficulté que vous éprouvez à cesser de fumer. 2. Vous pouvez aussi travailler sur votre tendance à vous déni¬ grer pour votre faiblesse à l’égard du tabagisme (ou de toute autre dépendance). Si vos efforts pour cesser de fumer ne donnent pas grand-chose et que vous vous mépri¬ sez pour votre faiblesse, vous pouvez dresser une liste des inconvénients de l’autodénigrement, la relire plusieurs fois par jour et apprendre à vous accepter inconditionnelle¬ ment. Cela éliminera une grande partie de votre anxiété, puisque l’autocondamnation en est une source importante. 83
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Une analyse coûts-avantages n’est pas efficace pour toutes les formes d’anxiété, mais elle peut être adaptée d’une manière bénéfique à plusieurs de ses pires formes, telle que l’anxiété engendrée par l’autodénigrement. Votre comportement auto¬ destructeur découle fréquemment de votre refus de considé¬ rer les inconvénients qu’il entraîne. L’analyse coûts-avantages concentre votre attention et interrompt votre tendance à vous détruire à long terme en ne considérant que les plaisirs asso¬ ciés à vos habitudes nocives.
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CHAPITRE
9 Vaincre Vanxiété grâce aux techniques pédagogiques
Q
LES OUTILS PSYCHOPÉDAGOGIQUES uand je commençai à pratiquer la TRÉ en janvier 1955, je découvris que certains de mes clients anxieux tiraient autant de profit, sinon plus, des articles et ouvrages que j’avais publiés que de leurs séances de thérapie. Ainsi, Jacques, qui souffrait d’anxiété relative à sa compétence sexuelle, se disait: «Je dois maintenir une érection du ton¬ nerre et satisfaire ma fiancée, sinon cela voudra dire que je ne suis pas vraiment un homme ! » Cette croyance irrationnelle le rendait souvent impuissant, ce qui aggravait son anxiété. Il contesta avec un certain succès ces croyances irrationnelles au cours de ses premières séances de TRÉ, puis il parcourut quelques-uns de mes écrits sur le sexe publiés dans Ameri¬ can Sexual Tragedy ainsi que deux de mes articles intitulés « Problèmes psychosexuels et maritaux » et « Incompétence sexuelle chez l’homme». En lisant ces articles, il comprit encore plus clairement qu’il était anxieux parce que le fait d’accomplir des prouesses sexuelles était pour lui une exigence, plutôt qu’un simple souhait. Lorsqu’il contesta vigoureusement cette exigence, 85
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
sa panique sexuelle s’évapora presque entièrement. À l’instar de plusieurs de mes autres clients, il me signala que les articles l’avaient vraiment aidé. C’est pourquoi, au Albert Ellis Institute de New York, nous remettons toujours à nos clients une série de bro¬ chures sur la TRÉ et leur recommandons plusieurs de nos casset¬ tes audio et vidéo, ainsi que certains de nos ouvrages, afin de les aider à mieux intégrer les principes et les techniques de la TRE. Nous donnons de nombreux ateliers et conférences et nous incitons nos clients à y assister. Ceux-ci semblent bénéficier tout particulièrement des célèbres Ateliers du vendredi soir dans lesquels je donne régulièrement des démonstrations de thérapie-en-direct à des volontaires qui montent sur l’estrade pour exposer un grave problème d’anxiété ou tout autre trou¬ ble affectif. En montrant à ces volontaires comment affronter leur anxiété, leur dépression, leur autodénigrement, j’enseigne à l’auditoire comment chacun peut surmonter ses propres dif¬ ficultés. De nombreuses personnes anxieuses tirent profit de cette forme de modelage. David, par exemple, avait du mal à utiliser la TRÉ pour vaincre sa peur d’être rejeté par les femmes. Quand il me vit montrer à deux volontaires comment mettre en échec des angoisses similaires, il décida d’utiliser la TRÉ avec plus de détermination, et sa propre peur eut tôt fait de s’atténuer. De nombreux autres participants aux ateliers du vendredi et à nos autres ateliers ont minimisé leur anxiété avec ou sans séances de thérapie. MÉTHODES PÉDAGOGIQUES ET «PROSÉLYTIQUES» John Dewey mentionnait, il y.a de nombreuses années, qu’en enseignant une technique ou un sujet à quelqu’un d’autre, on l’apprend encore mieux soi-même. J’ai découvert pour ma part que si j’inculquais à un client les principes de base de la TRÉ et qu’il les enseignait à son tour à des amis et parents, non seu¬ lement ceux-ci en tiraient largement profit, mais en outre, mon client apprenait souvent à appliquer la TRÉ à ses propres dif¬ ficultés d’une manière plus précise et plus profonde. 86
Vaincre l’anxiété grâce aux techniques pédagogiques
L’ANGOISSE DE LA PAGE BLANCHE Prenons le cas d’Anne-Marie. Celle-ci avait appris la TRÉ au cours d’un certain nombre de séances de thérapie de groupe, en lisant plusieurs de mes ouvrages et en écoutant quelquesunes des cassettes audio et vidéo de l’institut, et l’anxiété qui la hantait à la perspective de devoir rédiger ses travaux de tri¬ mestre diminua considérablement. Mais elle fit des progrès étonnants quand elle se mit à enseigner la TRÉ aux personnes anxieuses qu’elle rencontrait. Elle guérit à moitié trois amies qu’elle me référa pour poursuivre le travail; et, au cours du processus, elle surmonta totalement sa peur d’écrire ses tra¬ vaux de trimestre et se porta même volontaire pour en rédiger deux de plus, ce qui l’aurait jadis jeté dans un état d’affole¬ ment. Elle devint si compétente dans l’enseignement de la TRÉ — à elle-même et aux autres —, qu’elle décida de faire des études supérieures et de devenir thérapeute. À vous de jouer. Apprenez les principes de la TRÉ et enseignez-les à des amis et à des parents réceptifs. Tout en les aidant à ancrer ces principes dans leur esprit, vous les utilise¬ rez avec plus de compétence afin d’atténuer vos propres angoisses.
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CHAPITRE
La relaxation et la distraction cognitive
I
LA DISTRACTION COGNITIVE l y a belle lurette, les anciens philosophes avaient découvert que diverses formes de méditation et de yoga peuvent dis¬ traire les gens angoissés de leurs peurs irrationnelles et les calmer temporairement. Il faut dire que l’anxiété et l’inquié¬ tude sont des émotions absorbantes et souvent obsessives. Or, l’esprit humain a du mal à se concentrer sur deux choses à la fois. Si la perspective de jouer la comédie, de réciter un texte ou de chanter en public vous angoisse, c’est que vous avez ten¬ dance à concentrer votre attention sur la qualité de votre jeu : «Je dois absolument me surpasser, sinon cela voudra dire que je suis un bon à rien ! » Cela peut devenir une véritable obses¬ sion qui ne peut que nuire à votre performance. Si, en revanche, vous vous obligez à concentrer votre atten¬ tion sur le contenu de votre jeu — le personnage que vous devez incarner, le poème que vous devez réciter ou les paroles et la musique de la chanson que vous devez interpréter —, cela vous distraira de la qualité de votre jeu et atténuera, tempo¬ rairement du moins, votre anxiété. En fait, vous pourriez même être tellement absorbé par le contenu de votre présentation que vous oublierez complètement sa qualité et que vous 89
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
n’éprouverez pas la moindre anxiété, du moins pour quelques instants. C’est ainsi que fonctionne l’esprit humain: lorsqu’il est occupé tout entier à quelque chose, il ne peut pas s’inquié¬ ter à propos d’autre chose. Vous pouvez utiliser plusieurs sortes de dérivatifs pour dompter temporairement votre inquiétude: la méditation, le yoga, la technique de relaxation progressive élaborée par Edmund Jacobson, la rétroaction biologique, la lecture, les spectacles, regarder les sports — à peu près n’importe quelle technique est efficace pourvu qu’elle vous oblige à concentrer toute votre attention sur autre chose que votre inquiétude. Prenez la relaxation progressive, par exemple. Il s’agit de décontracter une série de muscles à la fois, des orteils jusqu’à la tête. Pendant que vous vous concentrez sur divers muscles, vous êtes incapable de songer au fait que vous devez réussir à tout prix et que ce sera affreux si vous ne réussissez pas par¬ faitement. Vous pouvez aussi utiliser la fameuse réponse de relaxa¬ tion de Herbert Benson qui fonctionne de la manière sui¬ vante: vous choisissez un mot tel que «paix» ou «un» ou une phrase qui a une signification pour vous. Asseyez-vous confortablement, fermez les yeux et détendez vos muscles. Respirez lentement et naturellement. À chaque expiration, répétez le mot ou la phrase que vous avez choisie. Concentrezvous sur votre respiration, votre relaxation et la répétition du mot ou de la phrase apaisante. Ne tenez aucun compte des pensées importunes ni, surtout, des pensées préoccupantes. Si elles s’immiscent dans votre esprit, demeurez détendu et passif. Faites cet exercice de dix à vingt minutes, une ou deux fois par jour. Je le répète, chaque fois que vous voulez arrêter net votre anxiété, vous pouvez recourir à l’un des nombreux dérivatifs cognitifs qui existent. Concentrez simplement votre esprit sur une tâche ou une activité agréable et vous aurez du mal à vous inquiéter en même temps. La distraction n’est toutefois pas un remède miracle, puisqu’elle a rarement le pouvoir de modifier la philosophie qui est à l’origine de votre anxiété. Vous aurez 90
La relaxation et la distraction cognitive
tendance à revenir à vos vieilles habitudes dès que vous aurez terminé l’exercice de relaxation. Pour vaincre l’anxiété d’une manière plus permanente, uti¬ lisez plusieurs des méthodes proposées dans ce livre, et sur¬ tout la contestation énergique et soutenue de vos croyances irrationnelles, qui sont largement responsables de votre anxiété et de vos terreurs paniques.
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CHAPITRE
11 Le recadrage
’une des principales raisons qui fait que vous, comme d’autres, êtes en proie à l’anxiété a trait au fait que votre ■i perception de l’adversité, au point A, est faussée ou exa¬ gérée. Ainsi, comme un accident d’avion est un événement dramatique et inattendu, vous pensez que les avions sont très dangereux. En fait, moins de trois cents personnes meurent chaque année dans des accidents d’avion, tandis que les acci¬ dents de la route font soixante mille victimes annuellement. Pourtant plus de gens paniquent à l’idée de prendre l’avion qu’à l’idée de monter dans une voiture. De même, presque personne ne meurt ni n’est blessé à la suite d’une déception amoureuse — même si quelques-uns s’enlèvent bêtement la vie. Pourtant, l’idée d’être rejeté angoisse plus de gens que la perspective de perdre de l’ar¬ gent ou un emploi. Cela s’explique par le fait qu’ils croient à tort qu’ils ne trouveront plus jamais de partenaire amou¬ reux! Or, il est possible de vérifier, de réexaminer, puis de reca¬ drer les perceptions exagérées ou erronées et les fausses attri¬ butions qui sont des sources fréquentes d’anxiété.
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
LA PEUR D’ÊTRE CRITIQUÉ Chaque fois que quelqu’un fronçait les sourcils ou s’esclaffait, Chantal, une de mes clientes, se «voyait» visée personnelle¬ ment. Cela lui apparaissait comme un « terrible » malheur (A) et, par conséquent (C), elle était anxieuse. Certes, les gens froncent les sourcils ou rient pour maintes raisons dont la plu¬ part n’ont rien à voir avec elle. Mais elle avait tellement peur d’être critiquée qu’elle « voyait » presque toutes les actions des autres comme un blâme personnel à son endroit, de sorte qu’elle était en proie à une anxiété chronique. Je commençai par aider Chantal à voir que même si les autres la critiquaient, ce n’était pas leur réprobation (A) qui la rendait fort anxieuse (C), mais plutôt la pensée (B) suivante: «Je ne dois absolument pas être critiquée par les autres! Si je le suis, cela signifie qu’ils me méprisent profondément, me prennent pour une gourde et le diront aux autres. C’est affreux ! Je ne peux pas supporter leurs critiques ! » Tout en aidant Chantal à détecter et à remettre en question (D) ses croyances irrationnelles (B), je lui montrai également comment examiner et recadrer les événements déclencheurs (A). Est-ce qu’elle était vraiment visée personnellement quand quelqu’un fronçait les sourcils ou riait ? Ne pouvait-on raison¬ nablement penser que ces comportements n’avaient rien à voir avec elle? Chaque froncement de sourcils ou éclat de rire constituait-il vraiment un signe de mépris à son égard ? À force de réfléchir ainsi, Chantal eut tôt fait de compren¬ dre que les froncements de sourcils et les éclats de rire des autres avaient très peu à voir avec elle et que certaines parmi ces personnes l’appréciaient, puisqu’elles riaient parfois de ses blagues et la trouvaient spirituelle. Quand elle put recadrer ainsi les comportements de ces personnes et contester ses croyances irrationnelles concernant Y horreur d’être critiquée, Chantal devint beaucoup moins anxieuse. Vous aussi pouvez vérifier les événements fâcheux qui sem¬ blent survenir dans votre vie pour voir s’ils existent vraiment ou si vous les avez imaginés ou exagérés. Grâce à la TRÉ, vous 94
Le recadrage
pouvez aussi apprendre à considérer les vrais malheurs, y compris les plus noirs, comme des défis, plutôt que comme des catastrophes. Ainsi, la perte d’un emploi peut être vue comme une chance d’en trouver un meilleur ou de se perfectionner afin de progresser dans sa carrière. Vous pouvez voir une «ter¬ rible » rupture amoureuse comme la possibilité d’expérimenter et de trouver un partenaire qui vous convient mieux que celui qui vous a quitté. En dernière analyse, vous pouvez, si vous utilisez la TRÉ consciencieusement, voir même les événements les plus fâcheux — tels qu’un cancer ou la mort d’un parent — comme des tragédies humaines, mais non comme des catastrophes dévastatrices. De la sorte, vous vous préparez à affronter les pires malheurs avec la volonté de passer à travers et d’être raisonnablement heureux dans la vie. Relever le défi que cons¬ titue un événement accablant et voir que l’on peut agir à son égard est l’une des meilleures attitudes que l’on puisse adopter — un cadeau que vous pouvez vous offrir à vous-même.
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CHAPITRE
La résolution de problèmes
L
’anxiété tend à nous envahir et à nous dominer lorsque nous ignorons comment affronter ou résoudre de graves problèmes pratiques et des situations stressantes. Si vous vous dites que vous devez trouver une solution rapide, facile ou complète, vous aurez tendance à vous affoler. La clé, pour diminuer votre anxiété, consiste à cesser d’exiger de trouver des solutions absolues à vos problèmes et d’essayer différentes formules jusqu’à ce que vous en trouviez une qui fonctionne. La TRÉ vous propose aussi des méthodes efficaces de réso¬ lution de problèmes. En règle générale, elle vous permet tout d’abord de mettre un terme à votre besoin irréaliste de trouver des solutions rapides et parfaites à vos tracas. Puis, une fois votre panique domptée à cet égard, elle vous montre comment résoudre vos problèmes efficacement. La TRÉ peut-elle vous enseigner des méthodes efficaces de résolution de problèmes ? Oui, elle peut vous montrer comment utiliser plusieurs règles et techniques auxquelles ont recours les entreprises et les organisations presque chaque fois qu’il faut résoudre un pro¬ blème ou prendre une décision.
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
L’ANXIÉTÉ LIÉE AUX DÉCISIONS PERSONNELLES Laissez-moi vous parler de Maurice, qui dirigeait une floris¬ sante entreprise de détail et qui prenait des décisions avec une relative aisance. Après tout, il n’avait que de l’argent à perdre ou à gagner et, s’il en perdait aujourd’hui, il était pratiquement certain d’en gagner demain. Aucun problème ! Dans sa vie privée, toutefois, Maurice suait sang et eau. Il était convaincu qu’il devait absolument trouver l’épouse par¬ faite, envoyer ses enfants dans les meilleures écoles, prendre soin de ses parents âgés afin de leur garantir une santé parfaite et une vie éternelle, et jouir d’une grande popularité auprès de ses nombreux amis. Si sa réussite était moins que parfaite dans tous les domaines de sa vie privée, il perdait tout mérite à ses propres yeux et — croyait-il — à ceux d’autrui, et se voyait comme une andouille et un minable. En effet, si compétent et admiré qu’il fût dans sa vie professionnelle, Maurice doutait de ses qualités personnelles. Les difficultés de Maurice, comme vous l’avez deviné d’après vos nouvelles connaissances de la TRÉ, découlaient de sa convic¬ tion de devoir à tout prix faire ce qu’il jugeait être la bonne chose, à défaut de quoi il serait un bon à rien. Sa réussite en affai¬ res ne comptait pour rien si ses décisions personnelles se révélaient stupides ou mauvaises. En thérapie, je l’amenai à voir qu’il ne pouvait pas être sûr de réussir, surtout dans sa vie per¬ sonnelle, car ses rapports avec les autres dépendaient dans une large mesure non seulement de sa conduite envers eux, mais aussi de leur réaction individuelle à son égard. Bien sûr, il n’avait aucun contrôle sur ces réactions. Par conséquent, il aurait beau être aux petits oignons avec ses amis, ceux-ci pourraient encore choisir de ne pas l’aimer et de le rabaisser. De même, il aurait beau choisir le «bon» collège pour ses enfants, ceux-ci pour¬ raient quand même refuser de travailler et abandonner leurs étu¬ des. Il était donc tout à fait futile de sa part de dépendre des «bonnes» réactions des autres. Maurice utilisa la TRÉ pour contester ses croyances irra¬ tionnelles et pour extirper une grande part de l’anxiété qui le 98
La résolution de problèmes
tenaillait lorsqu’il devait prendre des décisions personnelles. Puis je lui fis voir qu’il savait déjà intuitivement comment régler ses problèmes professionnels, mais qu’il n’avait pas tout à fait systématisé ses méthodes. J’examinai avec lui certains modèles de résolution de problèmes qu’il avait employés pour prendre ses meilleures décisions au travail. Puis je lui indiquai comment appliquer ces mêmes modèles à ses tracas personnels. Les méthodes que j’enseignai à Maurice peuvent vous aider à prendre des décisions personnelles, professionnelles et pra¬ tiques. Plusieurs spécialistes du modèle cognitif, tels que Donald Meichenbaum, G. Spivack et M. Shure, Thomas D’Zurilla, et Arthur et Christina Nezu, ont décrit ces processus, qui peu¬ vent être résumés de la manière qui suit. Analysez la situation à résoudre. Déterminez les solutions évi¬ dentes et les aspects qui posent un problème. Envisagez quelques solutions ainsi que des solutions de rem¬ placement. Essayez un certain nombre de solutions, d’abord mentalement, puis, si possible, dans la pratique. Vérifiez l’efficacité de chaque solution envisagée et voyez si elle est supérieure à celle d’autres solutions. Cherchez des solutions nouvelles et meilleures, même si cer¬ taines des solutions que vous avez élaborées vous semblent bonnes. Continuez de supposer qu’une solution au moins sera valable, mais cherchez quand même des solutions de rechange. Ne renoncez pas trop vite. Définissez toute situation épineuse ou agent stressant comme un problème qui peut sans doute être résolu. Fixez-vous des objectifs réalistes qui vous aideront à régler votre problème ou à l’atténuer. Imaginez comment d’autres personnes le résoudraient. Considérez les avantages et les inconvénients des solutions que vous envisagez. Lorsque vous aurez élaboré des stratégies et des actions sus¬ ceptibles de régler le problème, répétez-les mentalement. 99
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Essayez la solution qui vous paraît la meilleure. Vérifiez les résultats. Attendez-vous à subir quelques échecs et inconvénients même dans le cas des bonnes solutions. Même si vous ne trouvez pas de solution valable, félicitez-vous et récompensez-vous pour vos efforts.
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CHAPITRE
LJacceptation inconditionnelle de soi
C
omme je l’ai mentionné tout au long de ce livre, vous pouvez aisément détecter les croyances irrationnelles qui engendrent votre anxiété et les remettre en ques¬ tion. Toutefois, si vous le faites d’une manière uniquement intellectuelle — ou vague —, vous pourriez très bien avoir du mal à les déraciner. Cela s’explique par le fait que nous pou¬ vons embrasser en même temps des croyances rationnelles et irrationnelles. Ainsi vous pouvez vaguement croire que vous n’êtes pas obligé d’exceller dans les sports et que vous êtes une bonne personne même si vous n’êtes pas un athlète accompli. Et être aussi tout à fait convaincu que si vous n’excellez pas dans les sports, vous êtes un incapable et un faible. Dans ce cas, votre croyance la plus forte et la plus tenace l’emportera sur votre croyance rationnelle plus faible. Le pire, c’est que votre croyance irrationnelle peut être inconsciente, tandis que la rationnelle est consciente. Plutôt déroutant, n’est-ce pas? Lorsque vous avez du mal à contester vos exigences irra¬ tionnelles et à les convertir en préférences rationnelles, la TRÉ présume que de puissantes croyances irrationnelles sousjacentes sont en cause, que vous en soyez conscient ou non. 101
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Par conséquent, la TRÉ comporte de nombreux exercices d’éveil de l’affect et de nombreuses méthodes résultant de l’expérience pour vous aider à contester ces croyances irra¬ tionnelles et à les modifier. Dans ce chapitre, nous décrivons certaines des techniques émotionnelles les plus vigoureuses de la TRÉ. Celles-ci ne doivent pas remplacer les processus de pensée que j’ai décrits, mais se conjuguer avec eux. S’inspirant de certains philosophes asiatiques comme Gautama le Bouddha et Lao-Tseu, du principe chrétien qui veut que l’on condamne le péché, mais non le pécheur et de la phi¬ losophie existentielle de Martin Heidegger, Jean-Paul Sartre, Martin Buber, Viktor Frankl et Cari Rogers, la TRÉ enseigne l’acceptation inconditionnelle de soi-même. Cette vision est radicalement différente du concept traditionnel de l’accep¬ tation de soi ou de l’estime de soi conditionnelle, qui consiste à s’estimer soi-même à la condition que l’on réussisse très bien et que l’on mérite l’approbation des personnes clés de sa vie. Comme le soulignait l’illustre sociologue George Herbert Mead, votre approbation de vous-même dépend pour une grande part de l’estime que vous témoignent les autres. Or, la plupart du temps, cela donne des résultats très médio¬ cres. En premier lieu, comme vous êtes humain et donc faillible, vous vous trompez souvent. En deuxième lieu, même si vous vous acquittez avec brio de tâches importantes, bien des gens peuvent décider que vous ne leur plaisez pas pour une raison ou pour une autre. En troisième lieu, même si vous réussissez très bien et plaisez généralement aux autres aujourd’hui, comment savoir à quel point vous réussirez et serez estimé demain? L’es¬ time de soi conditionnelle s’accompagne toujours — oui, tou¬ jours — d’un doute. Elle cause peut-être plus d’anxiété et de sen¬ timents de médiocrité que tout autre aspect de la vie humaine. L’ACCEPTATION INCONDITIONNELLE DE SOI: LA SOLUTION EXISTENTIELLE Pour combattre les pièges de l’estime de soi conditionnelle, la TRÉ met l’accent sur les principes de l’acceptation incondi102
L’acceptation inconditionnelle de soi
tionnelle de soi-même. Elle vous enseigne deux principales manières de parvenir à celle-ci. Premièrement, vous pouvez opter pour la position existentialiste et vous pénétrer de ceci : «Comme tous les humains, je manifeste des intentions et j’opère des choix. Du moment que j’existe, que je fais partie de la race humaine et que je suis en quelque sorte unique, je choi¬ sis de m’accepter inconditionnellement, indépendamment de mon degré de réussite et de l’approbation d’autrui. Je préfère réussir dans mes projets et mériter l’approbation des autres. Mais ma valeur personnelle ne dépend pas de mes réalisations ni de l’approbation des autres. Elle repose uniquement sur mon choix d’être vivant, humain et unique. » Cette vision existentialiste de l’acceptation inconditionnelle de soi-même est sûre et presque garantie. Car tant que vous vivrez, vous serez humain et unique. Par conséquent, si votre acceptation de vous-même dépend uniquement de ces deux facteurs, vous pourrez toujours vous définir comme une «bonne» plutôt que comme une «mauvaise» personne. Pas mal, non? Votre acceptation de vous-même dépend alors des réalités indiscutables que sont votre existence, votre humanité et votre unicité et de rien d’autre ! Elle repose donc sur des bases assez .solides : tant que vous vivrez, vous pourrez vous accepter. Malheureusement, cette solution existentielle au problème de la valeur humaine est discutable sur les plans philosophique et scientifique. Car au fond, vous dites: «Je suis une bonne personne parce que je suis humain, vivant et unique. » Mais un philosophe ou un scientifique pourrait rétorquer à cela : « Cer¬ tes, je vous vois comme un être humain, vivant et unique. Ce sont là des faits indéniables. Mais votre nature humaine, vivante et unique n’a rien à voir avec votre valeur. Vous défi¬ nissez votre valeur comme étant bonne, mais elle pourrait tout aussi bien être mauvaise ou neutre. Vous ne pouvez pas prou¬ ver ni réfuter le fait que votre humanité fait de vous une bonne personne. Vous pouvez choisir de le croire, mais vous pourriez également choisir de croire le contraire, en l’occurrence que vous êtes mauvais parce que vous existez et que vous êtes humain. Ce genre de définitions est impossible à prouver. » 103
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Ainsi, l’axiome qui veut que vous soyez «une bonne per¬ sonne » parce que vous êtes humain est impossible à prouver ou à réfuter. Vous pouvez peut-être démontrer que votre défi¬ nition existentielle de vous-même comme étant une «bonne personne » est pratique et plus efficace que si vous vous défi¬ nissiez comme un être «neutre» ou «mauvais». Mais vous ne pouvez pas prouver qu’elle est «vraie», seulement qu’elle est pratique. Elle est donc discutable. LA SOLUTION ÉLÉGANTE La TRÉ vous propose une deuxième manière d’atteindre l’ac¬ ceptation inconditionnelle de soi-même qui contourne la solution définitionnelle, arbitraire. Grâce à cette méthode, vous établissez vos objectifs — par exemple, demeurer en vie et heureux (en réduisant mes souffrances au minimum et en augmentant mon plaisir au maximum) —, puis vous évaluez l’ensemble de vos pensées, sentiments et comportements en fonction de ces objectifs. Ainsi, vous considérez la pensée «Je suis un. être de valeur, qui mérite de vivre et d’être heureux » comme étant « bonne » parce qu’elle vous aide à rester en vie et à vous donner du bon temps. Vous évaluez la pensée «Je suis un incompétent qui mérite de souffrir et de mourir» comme étant «mauvaise» parce qu’elle contrecarre vos objec¬ tifs. Dans le même ordre d’idées, vous évaluez la satisfaction que vous retirez de l’accomplissement d’une tâche comme étant « bonne » et le mécontentement qu’engendre votre échec comme étant « mauvais » parce que cette façon de penser con¬ tribue à votre bonheur. De même, vous évaluez votre tendance à éviter les excès de nourriture comme étant «bonne » et votre tendance à vous empiffrer comme étant «mauvaise» parce que ce comportement vous aide à survivre et à demeurer en bonne santé. En d’autres termes, vous pouvez attribuer une valeur posi¬ tive à la majorité des pensées, sentiments et actions qui ren¬ forcent vos objectifs fondamentaux et une valeur négative à ceux qui les contrarient. Cette évaluation vous permet de vivre 104
Inacceptation inconditionnelle de soi
et d’être heureux en accord avec vos objectifs et vos désirs. Si vous souhaitez être malheureux et mourir bientôt, vous classe¬ rez à peu près chaque pensée, sentiment et action dans la catégorie «bonne» ou «mauvaise» opposée. Fort bien. Les notes que vous attribuez à vos idées, émo¬ tions et actions vous aident à atteindre vos buts fondamen¬ taux. Elles sont utiles ou, d’une manière pragmatique, «bon¬ nes». En fait, ces notes ne sont pas intrinsèquement bonnes ni mauvaises, elles dépendent uniquement de vos objectifs. Vous choisissez ceux-ci et vous pouvez les modifier à votre guise. Mais tant que vous souhaitez les atteindre, vous pouvez évaluer chacune de vos actions comme étant «bonne» ou «mauvaise» en fonction de ces objectifs. Elles sont bonnes quand elles vous aident à satisfaire vos désirs ou mauvaises quand elles contrecarrent ceux-ci. Cela reflète votre vision des choses et, bien sûr, vous y avez parfaitement droit en autant que vous n’insistiez pas pour dire que vos pensées, sentiments et actions sont «bons» ou «mauvais» pour une autre personne, qui peut fort bien avoir des valeurs et des objectifs différents. Tout cela paraît évident. Mais voici où réside la difficulté pour la plupart des êtres humains. Il est relativement facile de se dire: «Mes actions sont bonnes quand elles m’aident à atteindre mes buts et mauvaises quand elles s’opposent à ceux-ci. » Mais parce que vous êtes humain et influencé tant par votre biologie que par votre éducation, vous aurez sans doute du mal à ne pas vous évaluer dans votre totalité. En effet, comme la plupart des humains, vous avez tendance à croire que vous êtes une mauvaise personne lorsque vos actions sont inefficaces ou mauvaises et une bonne personne quand elles sont efficaces et bonnes. Vous êtes porté à évaluer votre totalité, votre identité, votre essence comme étant toute bonne ou toute mauvaise, selon que vous jugez vos actions bonnes ou mauvaises. Alfred Korzybski mentionnait ceci dans son brillant ouvrage Science and Sanity paru en 1933. De concert avec presque tous les humains, vous avez tendance à utiliser le je d’identité 105
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
et à identifier ce que vous faites avec ce que vous êtes. C’est là une grave erreur et une surgénéralisation inexacte. Vous accom¬ plissez des milliers d’actions, bonnes (en accord avec vos objec¬ tifs) ou mauvaises (qui sabotent vos objectifs) pendant votre existence. Vous êtes un être exceptionnellement fluctuant, inconsistant et faillible. Vous vous fixez un but, puis vous agissez souvent à son encontre. Vous décidez de ne pas faire une chose, puis, souvent, vous la faites. Il est donc clair que vous ne pouvez pas vraiment vous évaluer, évaluer votre essence, votre être pro¬ fond en fonction d’une action ou d’une série d’actions que vous accomplissez ou que vous n’accomplissez pas. Comme vous pos¬ sédez de multiples facettes, des millions de facettes, vous ne pouvez pas être « une bonne personne » ou « une mauvaise per¬ sonne». Pourtant, vous tirez constamment ces conclusions, vous vous condamnez pour vos échecs et vous vous félicitez pour vos réussites. Comme le disait Korzybski, en réagissant ainsi, vous vous rendez « fou » et vous obtenez de piètres résul¬ tats individuels et sociaux toute votre vie. En outre, comme l’ont fait observer Korzybski et un bon nombre de psycholinguistes, vous avez tendance à formuler verbalement vos idées, un trait tout à fait humain ; or, souvent votre langage lui-même, de beaucoup supérieur aux langages plus primitifs des autres animaux, vous embrouille et vous joue des tours en créant ce que Kevin FitzMaurice appelle des pensées-objets, soit en fabriquant des objets à partir de sim¬ ples pensées. Par exemple, vous vous acquittez d’une tâche avec succès et vous pensez : « Cette action m’aide et, par con¬ séquent, je dis qu’elle est bonne. » Vous êtes porté à oublier que c’est votre pensée qui définit votre action comme étant bonne et vous vous dites à tort : « L’action (chose) est bonne (pensée).» Vous jugez que le fait réel (l’action) est bon, alors que vous l’avez seulement défini en pensée comme tel. La TRÉ a tendance à résoudre le problème de l’autoévaluation en vous encourageant à juger uniquement vos pen¬ sées, émotions et actions comme étant bonnes (efficaces) ou mauvaises (inefficaces), une fois vos objectifs établis. Mais elle vous incite ensuite fortement à vous arrêter là et à dire: 106
L’acceptation inconditionnelle de soi
« Cette action est bonne, car elle est en accord avec mes objec¬ tifs (et mauvaise si je ne l’accomplis pas). Mais je refuse de m’accorder une note globale, générale, pour l’avoir (ou ne pas l’avoir) accomplie. Elle peut être bonne, si j’en décide ainsi, mais je ne suis pas une bonne personne parce que je l’accomplis. Et elle peut être mauvaise, si je décide qu’elle l’est, mais je ne suis pas une mauvaise personne parce que je l’accomplis. » Cette décision peut paraître simple, mais essayez de vous montrer consistant ! Vous n’aurez sans doute pas de mal à éva¬ luer vos pensées, vos sentiments et vos actions comme étant «bons» ou «mauvais», car vous connaissez vos objectifs et vous savez si vos actions peuvent vous aider à les atteindre. Cependant, lorsque vous aurez jugé que vos actions sont «bon¬ nes» ou «mauvaises», vous serez enclin à vous évaluer vousmême dans votre totalité, car cette tendance est tout à fait humaine et il est très difficile d’y résister! Elle semble s’être inscrite dans la race humaine au cours de son long processus d’évolution et presque toutes les sociétés et cultures humaines la favorisent. Nos parents, éducateurs, contes de fées, histoi¬ res, films, émissions de télévision, etc., nous encouragent for¬ tement à penser que Jean accomplit une bonne action quand il se bat contre le lion, gagne le cœur de la princesse, exécute un toucher gagnant au football ou traite sa mère avec égards. Mais ces « médias » le jugent aussi comme une « bonne personne » et nous invitent à l’admirer dans sa totalité. En outre, si Marie répond d’un ton insolent à ses parents, boude le Prince char¬ mant ou échoue à l’école, nos médias insistent pour nous la présenter comme un «être pourri jusqu’à la moelle». Nous avons naturellement tendance à appliquer à notre personnalité tout entière les jugements que nous portons sur nos actions, et la société nous pousse à le faire. Comment mettre un terme à cette absurdité ? En vertu de la TRÉ, nous avons tout intérêt à évaluer uniquement ce que nous pensons, sentons et faisons, et à comparer constamment notre conduite à nos objectifs et désirs afin de voir si elle nous en rapproche ou nous en éloigne. En outre, nous devrions nous 107
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
abstenir de nous attribuer une note globale. Nous ne sommes jamais bons ni mauvais. Nous accomplissons tout bonnement de bonnes et de mauvaises actions en fonction de nos désirs, de nos objectifs et de nos valeurs. Si nous nous en tenons à ce raisonnement, nous serons mieux à même de satisfaire nos désirs sans céder au je d’identité et à la surgénéralisation qui consiste à évaluer notre essence. Si, en revanche, vous trouvez difficile de ne pas vous accor¬ der une note générale et globale, et de juger uniquement vos actions comme étant «bonnes» ou «mauvaises», vous pouvez revenir à la solution existentielle du problème de l’autoévaluation. Contentez-vous de dire, même cela est vrai par définition et tout à fait empirique: «Je suis une bonne per¬ sonne parce que j’existe, que je suis humain et que je suis un individu unique. Point à la ligne. » Affirmez-le et tenez-vous-en à cela. Vous ne pouvez ni le prouver ni le réfuter d’une manière réaliste ou pragmatique. Mais cela marche ! Pourquoi l’acceptation inconditionnelle de soi, telle que je la préconise dans ce livre, est-elle si importante pour vaincre votre anxiété avant qu’elle ne vous domine ? Parce que l’accep¬ tation de soi ou l’estime de soi conditionnelle est la source des pires formes d’anxiété. Certaines d’entre elles — telles que la crainte de l’inconfort ou une faible tolérance à la frustration — sont importantes, car sans elles, votre survie serait menacée. En effet, en tant qu’organisme physique, vous êtes exposé toute votre vie à une foule de dangers: accidents, maladies, agressions humaines ou animales, dissensions et guerres. Votre survie dépend donc de votre prudence et de votre vigi¬ lance. De plus, comme vous êtes un animal à l’épiderme sensi¬ ble, vous devez être encore plus prudent et vigilant que, disons, un éléphant ou un rhinocéros. Pour vous aider à vous protéger, la nature vous a doté d’une forte propension au souci et à la prudence. C’est ce qui fait qu’à la suite d’un accident de voiture, vous pourriez renon¬ cer à conduire votre voiture pendant un certain temps ou même pour toujours. Si vous vous faites agresser dans une ruelle sombre à deux heures du matin, vous pourriez décider 108
Inacceptation inconditionnelle de soi
de ne plus sortir le soir ou même le jour. Le but de l’évolution est d’aider les espèces à survivre, mais pas nécessairement à être heureuses. La survie du plus fort signifie souvent celle des créatures les plus prudentes et les plus effrayées. La crainte de l’inconfort, par conséquent, vous maintient en vie. Elle vous incite à courir peu de risques, à éviter la dou¬ leur, à préserver votre sécurité. Souvent, elle vous pousse à vous montrer exagérément soucieux et prudent de telle sorte que vous menez une vie pleine de restrictions et relativement ennuyeuse. Mais vous vivez. Les pires formes d’anxiété, cependant, ne découlent pas souvent d’un souci excessif à l’égard des aspects physiques, mais plutôt des aspects psychiques de la vie. Elles surviennent lorsque vous êtes terrifié à l’idée d’échouer dans une tâche importante et d’encourir la réprobation des autres. Un antidote remarquable à cette forme courante d’anxiété de l’ego ou d’autodénigrement potentiel est — vous l’avez deviné ! — l’acceptation inconditionnelle de soi-même. Lors¬ que vous maîtrisez parfaitement votre ego, ou auto-évaluation, vous avez remarquablement moins peur de l’échec et du rejet. UN CAS D’ANXIÉTÉ DE L’EGO Prenons le cas de Sarah. Lors de sa première séance de théra¬ pie rationnelle-émotive, elle était belle, brillante, compétente et particulièrement douée pour vendre des assurances. Elle était la plus jeune représentante de l’entreprise et la meilleure, assurément. Elle touchait au moins un quart de million de dol¬ lars en commissions chaque année, était fiancée à un beau pro¬ fesseur d’économie, qui était aussi conseiller en gestion auprès de plusieurs grandes entreprises, et ceinture noire de karaté. Elle souffrait cependant d’une anxiété sociale exceptionnelle causée en partie au fait que son fiancé fréquentait des profes¬ seurs et des hommes d’affaires éminents, compétents et cul¬ tivés, avec qui il discutait brillamment de n’importe quel sujet ou presque. Sarah avait fait uniquement des études de pre¬ mier cycle et travaillait dans un domaine (la vente) où ses 109
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réalisations pouvaient difficilement se comparer à celles de la plupart des collègues de son fiancé. Elle était persuadée qu’ils la regardaient de haut et elle avait une peur bleue de dire des bêtises devant eux. Elle s’imaginait qu’ils la méprisaient tout à fait. Sarah ne craignait pas vraiment l’inconfort, car elle se char¬ geait des problèmes qui rebutaient les autres, travaillait de lon¬ gues heures et poussait de l’avant dans ses cours de karaté, tout en se mesurant audacieusement aux hommes de son groupe. Mais elle ne supportait pas d’être critiquée et se déni¬ grait sévèrement quand elle faisait un faux pas avec ses clients au travail ou cafouillait devant les collègues de son fiancé. Au début, elle argumenta longuement avec moi sur les principes de l’acceptation inconditionnelle de soi-même. Si elle réussissait aussi bien dans la vente et dans ses cours de karaté, c’était en grande partie parce qu’elle se poussait à réussir et arrivait ainsi à surclasser la plupart des gens, hommes ou fem¬ mes, à qui elle se mesurait. Elle était donc persuadée que réus¬ sir était extrêmement important et qu’on était une bonne per¬ sonne uniquement si on dépassait les gens naturellement doués. Bien que je fusse d’accord avec elle pour dire que la réussite était très importante dans la vie (si vous y accordiez de l’importance) et qu’on en retirait de nombreux avantages (pécuniaires, entre autres), j’insistai sur le fait qu’elle n’avait rien à voir avec la valeur personnelle d’un individu, sauf s’il le croyait, bien qu’à tort. Pourquoi dis-je à tort? Parce que, comme le prouve l’histoire de Sarah, même si elle excellait dans de nombreux domaines importants de sa vie, elle était hantée par la crainte de ne pas maintenir cette réussite dans l’avenir. Et dans certains domaines de sa vie comme les études, où sa réussite n’était pas exceptionnelle, elle se rongeait les sangs à propos de sa valeur personnelle et pas seulement de ses réalisations. Je dois dire que je suis pas mal doué pour convaincre les gens de renoncer au concept de l’acceptation conditionnelle de soi parce que, comme je le leur explique, il est inefficace, sauf pour les êtres qui sont parfaits — et qui le resteront jusqu’à 110
L’acceptation inconditionnelle de soi
la fin de leur vie. Car, en tant qu’humain faillible, un individu peut toujours essuyer un échec — même après avoir connu un succès initial. Je n’arrivais pas à en convaincre Sarah, car elle réussissait très bien dans plusieurs domaines et connaissait rarement des échecs. J’eus plus de succès lorsque je tentai de la persuader que même si elle réussissait remarquablement bien, son besoin profond de mériter l’approbation d’autrui lui nuisait considérablement. Car certaines personnes jalouses pouvaient facilement se tourner contre elle justement parce qu’elle réussissait bien. Plusieurs représentants de sa compa¬ gnie, par exemple, ne l’aimaient pas parce qu’elle les surclas¬ sait. Plusieurs hommes dans ses cours de karaté la trouvaient antipathique parce qu’elle était meilleure qu’eux. Plusieurs femmes, y compris certaines de ses amies, étaient jalouses de sa beauté. Peu importe ce qu’elle faisait, elle ne pouvait pas gagner avec ces gens-là. Je tentai de lui enfoncer cette idée dans le crâne et réussit, de prime abord, à lui faire voir que l’excellence n’était pas toujours acclamée. Sa supériorité pou¬ vait en fait lui attirer des ennuis avec les gens moins doués qu’elle à certains égards. Je démontrai en outre à Sarah que les gens pouvaient la rejeter pour maintes raisons, malgré ses succès. Ils pouvaient ne pas aimer son apparence, par exemple, ou nourrir des pré¬ jugés religieux ou raciaux à son égard. Ou peut-être qu’ils étaient agressifs et en voulaient au monde entier. Je finis par la convaincre que sa philosophie perfection¬ niste, selon laquelle toutes ses actions sans exception devaient lui valoir l’affection de tout un chacun, n’avait aucune chance de l’aider même si elle suscitait beaucoup plus d’admiration et de respect que la moyenne des femmes. N’empêche, elle crai¬ gnait de perdre ce respect et cette admiration, et était plus angoissée que bien des femmes beaucoup moins talentueuses et séduisantes qu’elle. Lorsque Sarah renonça à son profond besoin d’approbation sociale, son anxiété s’atténua considérablement. Elle lut cer¬ tains de mes livres de même qu’une de mes brochures intitulée «La psychothérapie et la valeur de l’être humain». Toutes ces 111
Dominez votre anxiété ayant qu’elle ne vous domine
lectures érodèrent petit à petit son besoin perfectionniste de réussite. Elle «pigea» enfin et, à l’une de nos dernières séances, elle me confia: «J’ai soudain compris que toutes nos définitions de ce qui est bon ou mauvais sont des choix que nous faisons et que nous pourrions fort bien opérer des choix différents. Tous ces choix sont, comme vous dites, définitionnels. Même quand nous évaluons nos performances, nous procédons en choisissant certains objectifs — obtenir un A à un cours, par exemple —, puis nous décidons si nous avons atteint notre but ou non. Une autre personne pourrait aisément viser un A+ ou un B et, par conséquent, son évaluation serait différente de la nôtre. Nous choisissons donc nos objectifs et évaluons nos comportements en conséquence. Puis nous nous jugeons dans notre totalité en fonction de la note que nous attribuons à notre performance. Cette évaluation globale de nous-mêmes est particulièrement arbitraire et nous pourrions la laisser tomber. Mais, comme vous dites, nous avons une forte propen¬ sion à nous évaluer et nous le faisons. Bêtement, stupidement ! Eh bien, plus moi. Je continuerai d’évaluer mes réalisations, mais je vais essayer très fort de ne plus m’évaluer moi-même. Rien ne m'oblige à le faire et je vois désormais à quel point cela me fait du tort. Je ferai donc de mon mieux pour éviter cela. Je n’y parviendrai pas toujours, bien sûr, mais je le ferai certaine¬ ment beaucoup moins que je l’ai fait toute ma vie ! » Sarah tint parole. Elle s’évalua beaucoup moins et quand elle se surprenait à le faire, elle s’arrêtait aussitôt. Elle persévéra dans cette voie et, bien qu’elle fût la personne la plus portée à s’auto-évaluer que j’aie connue, elle passa à l’autre extrême. Elle comprit tout à fait que solliciter l’approbation d’autrui et exiger d’elle-même une réussite parfaite afin de prouver qu’elle était « une bonne ou une mauvaise personne » ne pouvaient que don¬ ner des résultats sinistres. Elle se livrait constamment à des actions bonnes et mauvaises, en l’occurrence des actions qui la rapprochaient de ses objectifs ou l’en éloignaient, mais n’éva¬ luait plus que rarement son identité personnelle. Si vous le désirez, vous pouvez suivre le même chemin que Sarah vers l’acceptation inconditionnelle de soi-même. Encore 112
Inacceptation inconditionnelle de soi
une fois, vous pouvez vous évaluer arbitrairement comme une «bonne personne» ou un «être de valeur» juste parce que vous existez, que vous êtes humain et unique. Mais vous pou¬ vez aussi emprunter la voie plus élégante qu’a choisie Sarah et éviter le plus possible de vous évaluer globalement. Acceptez simplement le fait que vous êtes vivant, humain et unique sans vous attribuer une note globale et surgénéralisée. Cette attitude atténuera grandement votre anxiété. Vous éprouverez peut-être une appréhension excessive à l’idée d’être blessé, de tomber malade ou d’être tué ; vous continue¬ rez de craindre l’inconfort; mais votre besoin de réussite et d’approbation diminuera considérablement. Vous continuerez, je l’espère, de travailler à réaliser d’importants projets et à mériter le respect des personnes qui comptent pour vous. Car en agissant ainsi, vous avez de bonnes chances de satisfaire un plus grand nombre de vos désirs et d’encourir moins de frus¬ trations. Mais il y a une grande différence entre désir et besoin désespéré. Une très grande différence. Désirer claire¬ ment la réussite ou l’estime d’autrui, mais sans en avoir besoin, annulera en grande partie votre besoin d’avoir des certitudes, des garanties, de prouver votre valeur en tant que personne à vos yeux et à ceux des autres. Essayez-le, vous verrez bien!
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CHAPITRE
14 L’acceptation inconditionnelle d’autrui
’être humain est clairement un animal social qui vit rare¬ ment tout seul. Si vous êtes psychologiquement en -I—J santé, vous aurez tendance à bien vous entendre avec les autres: avec votre famille, vos parents, vos amis, vos cama¬ rades d’école, vos voisins, vos collègues de travail. Vous êtes né et vous avez été élevé dans ce but, et votre existence même dépend, dans une large mesure, de vos relations avec autrui. Bébé, puis enfant, vous avez évidemment eu besoin que l’on prenne soin de vous. À l’adolescence et à l’âge adulte, vous pouvez très bien vous débrouiller seul. Mais pas tout à fait, parce que vous auriez du mal à cultiver votre nourriture, à bâtir votre maison, à tisser vos vêtements et à accomplir un tas d’autres tâches qui vous gardent en vie et vous procurent du confort. Les vieillards perdent souvent une partie de leur auto¬ nomie et, par conséquent, ont davantage besoin des autres. Outre qu’ils vous aident à rester en vie, à jouir d’un certain confort et à fonctionner relativement bien, les autres sont sou¬ vent une source de plaisir. Vous appréciez certainement de bavarder avec eux, de les aimer, d’avoir des rapports sexuels avec eux, de travailler avec eux, de participer à des jeux et des sports avec eux et de vous adonner à une foule d’autres activi¬ tés sociales. Pourquoi? Parce que vous êtes humain et qu’à ce 115
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titre, la camaraderie, le sexe, l’amour et la coopération amélio¬ rent grandement votre vie. Votre nature biologique fait de vous un membre à part entière de la grande famille humaine. Étant donné votre nature sociale, vous avez tout intérêt à nouer des liens harmonieux avec d’autres humains et intimes avec certains d’entre eux. S’il est vrai qu’en tant qu’adulte, vous pouvez survivre avec un minimum de contacts humains, et même en menant une vie d’ermite, vous avez beaucoup plus de chances d’être heureux si vous entretenez des rapports amicaux et affectueux avec les autres. Votre vie sera plus inté¬ ressante, créative, enrichissante et heureuse, et votre anxiété s’en trouvera réduite. DOMINER SA COLÈRE AVANT D’ÊTRE EMPORTÉ PAR ELLE Malheureusement, il n’est pas toujours facile de dominer sa colère. Il y a toutes sortes de gens dans le monde et un bon nombre d’entre eux se montrent souvent méchants, injustes et agressifs envers vous. Il peut s’agir d’individus enragés, dépri¬ més, maussades, difficiles et même psychopathes. Ils peuvent penser qu’ils ont une excellente raison de vous en faire voir de toutes les couleurs. Certains vous bernent ou vous marchent sur la tête parce qu’ils veulent ce qu’ils veulent et se fichent pas mal de ce que vous obteniez ou non ce que vous voulez. D’autres, sans raison apparente, vous insultent ou se mettent en travers de votre chemin. Que faire dans ce cas ? Ma foi, cela est déplorable, mais vous possédez vous-même une tendance à la fois innée et acquise à sortir de vos gonds. De sorte que vous avez de fortes chances de piquer une colère contre eux et de chercher à vous venger. Cette attitude est-elle bénéfique pour vous ou redresse-t-elle les torts que les autres vous ont vraisemblablement causés ? Très rarement ! L’amour engendre l’amour et la rage engendre la rage. Si vous croyez, à tort ou à raison, que quelqu’un s’est servi de vous, vous com¬ mencerez par critiquer sa conduite haut et fort. En second lieu, vous condamnerez la personne globalement. Voilà ce 116
L’acceptation inconditionnelle d’autrui
qu’est presque toujours la colère: premièrement, vous vous objectez au comportement «mauvais» de la personne et deuxièmement, vous la condamnez sévèrement. En d’autres termes, comme vous êtes porté à surgénérali¬ ser et à vous condamner vous-même pour vos propres « mau¬ vaises» émotions, pensées et actions, vous faites de même envers ceux qui ont mal agi selon vous. Vous commettez l’er¬ reur de condamner tant le pécheur que le péché et vous cela vous met souvent dans le pétrin. Premièrement, comme Chip Tafrate et moi l’expliquons dans How to Control Your Anger Before It Controls You*, votre colère et votre fureur ont un effet négatif sur votre ren¬ dement et votre santé. Premièrement, la colère vous pousse à agir à l’encontre des gens et des choses qui vous déplaisent, mais elle le fait souvent d’une manière impulsive, aveugle et inefficace. Lorsque vous vous répandez en invectives contre une personne ou une chose que vous jugez odieuse, vous son¬ gez rarement à la modifier ou à la supprimer. Au lieu de cela, vous agissez avec une détermination et une frénésie qui vous suggèrent des choix peu judicieux et des tactiques stupides, de sorte que vous ne corrigez pas efficacement les situations que vous déplorez. Au contraire, vous contribuez souvent à les aggraver. Deuxièmement, la colère active généralement votre sys¬ tème tout entier, ce qui peut causer une foule de troubles psy¬ chosomatiques tels que l’hypertension artérielle, des maux de tête, des troubles gastro-intestinaux et des douleurs muscu¬ laires, et même saboter votre système immunitaire. Les consé¬ quences peuvent être déprimantes. Troisièmement, comme je l’ai déjà mentionné, la colère engendre souvent des batailles, des dissensions, des guerres et même des génocides. De tous les malheurs causés par les émo¬ tions humaines, la colère semble être la principale cause de la
*Ellis, A. et Tafrate, R. C. How to Control Your Anger Before It Controls You, Secaucus, New Jersey, Birch Lane Press, 1997a.
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violence, des meurtres et d’un tas d’autres maux. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les journaux et de regarder les actuali¬ tés jour après jour! De nombreux psychologues ont enseigné diverses maniè¬ res, pour la plupart douteuses, de relâcher sa colère. Les psy¬ chanalystes et maints thérapeutes qui préconisent la méthode cathartique, soutiennent que si vous épanchez votre colère, criez, hurlez et pulvérisez même quelques ballons de boxe, le relâchement ainsi provoqué vous empêchera de commettre de vraies bêtises. Je ne suis pas d’accord. Plusieurs centaines d’expériences ont démontré que plus vous exprimez votre colère, soit verbalement, soit physiquement, plus elle s’inten¬ sifie. D’autres approches recommandent d’adopter une atti¬ tude passive devant l’agressivité des autres afin de les amener à vous traiter avec égards en retour. Cette attitude peut peutêtre arrêter quelques personnes sur leur lancée, mais d’autres profiteront de votre passivité pour vous traiter encore plus rudement. En outre, votre attitude passive et bienveillante, au lieu de relâcher votre colère, la refoulera temporairement, ce qui a souvent pour effet de l’accentuer. Il existe aussi diverses formes de distraction cognitive et physique telles que la méditation, le yoga et la relaxation mus¬ culaire progressive. Peuvent-elles apaiser votre colère? Oui, temporairement, en détournant votre attention et en vous relaxant. Toutefois, il est probable qu’intérieurement, vous conserverez les principes qui sont à l’origine de votre colère et qu’ils vous brouilleront l’estomac et élèveront votre tension artérielle lorsque vos offenseurs récidiveront. L’ACCEPTATION INCONDITIONNELLE DES AUTRES Selon la TRÉ, toutefois, la meilleure solution pour apaiser sa fureur est en grande partie philosophique. La colère est sim¬ plement Yexigence grandiose que les autres ne vous traitent pas d’une manière prétendument aussi abominable. Si vous renoncez à cette exigence, non seulement vous minimiserez votre colère devant les injustices que l’on commet envers vous, 118
L’acceptation inconditionnelle d’autrui
mais vous serez aussi beaucoup moins enclins à piquer des cri¬ ses de colère dans le futur. Les autres, certes, vous trompent, vous agressent et ne tiennent pas leurs promesses. Leurs actions provoquent presque instantanément de la déception et du mécontentement en vous. Mais ces sentiments se muent en fureur lorsque vous insistez pour dire que leurs auteurs ne doi¬ vent absolument pas être comme ils sont ni faire ce qu’ils font. C’est votre insistance monumentale pour qu’ils vous traitent d’une manière «convenable» et «loyale» qui provoque votre colère, et non pas leur mauvaise conduite. La TRÉ vous enseigne de nombreuses méthodes cognitives, affectives et comportementales pour juguler votre colère et atténuer votre tendance à sortir de vos gonds. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’ai écrit un ouvrage entier sur l’utilisa¬ tion de ces méthodes. Quelques-uns des principaux points con¬ tenus dans ce livre sont décrits dans les prochains paragraphes. La meilleure manière de modérer sa fureur et de mettre en pratique les principes de l’acceptation inconditionnelle d’au¬ trui et de soi-même consiste, comme nous l’avons appris, à s’accepter soi-même sans réserve tout en reconnaissant ses défauts et ses erreurs, et en travaillant à les corriger. En vertu de ces principes, vous voyez clairement vos erreurs parce que vous savez fort bien que vous ne vous condamnerez pas à cause d’elles. Vous voyez ce que vous faites pour affliger les autres inutilement sans vous châtier pour autant. Comme nous l’avons souligné dans le chapitre précédent, vous vous conten¬ tez idéalement d’évaluer vos pensées, sentiments et comporte¬ ments en fonction de vos objectifs, mais vous vous gardez bien de juger votre essence personnelle globalement. Si vous avez sauté ce chapitre, lisez-le maintenant pour mieux comprendre les principes de l’acceptation inconditionnelle de soi-même et la manière de les appliquer. L’acceptation inconditionnelle d’autrui découle en gros du même principe, mais appliqué aux autres. Oui, à tous les autres, y compris ceux que vous n’aimez pas et qui se condui¬ sent mal envers vous et envers d’autres personnes aussi. En termes simples, cela signifie condamner le péché, mais non le 119
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pécheur. Ainsi, quand des personnes se comportent d’une manière immorale ou méchante envers vous (et d’autres per¬ sonnes), vous observez leurs pensées, émotions et actions, vous les jugez «impropres» ou «mauvaises», mais vous empêchez rigoureusement d’évaluer ces personnes dans leur totalité en leur collant l’étiquette «méchantes», «mauvaises» ou «ineptes». Ce n’est pas chose facile. En tant qu’animal humain élevé au sein d’un groupe social, vous avez appris quels comporte¬ ments sont «bons» et lesquels sont «mauvais», et vous les jugez naturellement comme on vous l’a enseigné. Par consé¬ quent, vous classez le vol, le manque de loyauté, la paresse, le mensonge et de nombreux autres traits humains dans la caté¬ gorie des « mauvaises » actions et leurs contraires dans la caté¬ gorie des «bonnes» actions. Cela ne pose pas vraiment de problème et, en fait, est plutôt bénéfique. Car si vous voyez les comportements inappropriés et antisociaux comme «mauvais» ou «méchants» et que vous vous entendez là-dessus avec la plupart des membres de votre groupe social, vous pourrez peut-être encourager et aider les gens dont la conduite est immorale à améliorer leur conduite, dans la mesure où vous ne les dénoncez pas cruellement. L’acceptation inconditionnelle d’autrui n’est peut-être pas la manière d’abolir complètement la colère, les combats, les meurtres, les conflits et les guerres, mais elle fera beaucoup pour résoudre ces problèmes humains complexes. Car si vous êtes disposé à accepter les autres, mais non pas certaines de leurs actions, et que vous n’exigez pas qu’ils se gardent de commettre certains actes des plus fâcheux, votre courroux s’apaisera et vous serez mieux à même de juger si leur con¬ duite est vraiment mauvaise et dépravée. Si, par exemple, vous avez la certitude qu’une personne vous a escroqué, vous critiquerez sa mauvaise action mais, si vous pratiquez l’acceptation inconditionnelle d’autrui, vous serez simplement déçu au lieu de trépigner de colère. Puis, mû par cette émotion négative saine, vous réfléchirez pour voir si la personne vous a vraiment dupé ou si elle s’est tout bonnement trompée dans ses calculs ; vous devinerez quelques-unes des 120
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raisons qui ont motivé son acte (son enfant était malade et elle avait besoin d’argent pour payer de coûteux traitements médi¬ caux) ; vous la convaincrez de vous rembourser ; et votre calme vous permettra de discerner plusieurs aspects de la duperie susceptibles de la justifier, du moins en partie. Vous aurez alors de meilleures chances d’amener la personne à rectifier sa con¬ duite, d’en arriver à un compromis, de ne pas vous la mettre à dos pour le reste de votre vie et de l’aider à changer afin qu’elle ne berne plus personne. L’acceptation inconditionnelle d’au¬ trui et l’indulgence qu’elle engendre souvent vous incitent à réagir d’une manière plus sensée aux actes perfides des autres, ce qui les pousse à améliorer leur conduite. Outre qu’elle vous aide à surmonter votre colère et votre fureur, l’acceptation inconditionnelle d’autrui peut-elle atté¬ nuer votre anxiété? Sans aucun doute. Car quand vous êtes vraiment en colère contre quelqu’un, vous avez tendance à craindre : 1) d’avoir mal jugé ses actions ; 2) d’avoir fait preuve d’une excessive sévérité ; 3) de sortir de vos gonds et de com¬ mettre des bêtises ; 4) d’exciter le courroux de cette personne qui cherchera alors à se venger ; et 5) vous vous dites que vous êtes méchant comme une teigne et que vous méritez d’être condamné pour vous être ainsi laissé emporter. Comme je l’ai démontré dans ce livre, votre anxiété découle très souvent de votre tendance à vous dénigrer en tant que personne et à vous sentir médiocre. Mais elle découle aussi de votre tendance à blâmer les autres comme personnes et non pas seulement à juger leurs comportements inadéquats. L’anxiété et la colère, par conséquent, ont à peu près le même fondement, en l’occurrence le blâme. Lorsque vous cédez à l’anxiété, vous vous encouragez aussi à céder à la colère et vice versa. Ces deux sentiments découlent de la notion surgénéra¬ lisée qui veut que les gens ne devraient absolument pas faire d’erreurs et qu’ils doivent être condamnés dans leur totalité lorsqu’ils en commettent. Certaines personnes appellent «colère contre soi-même» l’autodénigrement ou considèrent la colère comme une tendance à «dénigrer les autres». Les deux sentiments sont étroitement liés et il vaut mieux, si vous 121
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
êtes enclin à vous dénigrer et à dénigrer les autres, que vous évitiez ces deux émotions destructrices. QUAND LA COLÈRE S’ACCOMPAGNE D’ANXIÉTÉ SOCIALE Martin ne cherchait pas particulièrement à dominer sa colère ; il la trouvait plutôt justifiée et bénéfique pour lui. Il remplissait les fonctions de garde du corps auprès d’un riche manufactu¬ rier et il devait son poste en grande partie au fait que son patron, s’il savait s’affirmer dans son travail, avait une peur ter¬ rible de la lutte physique. Il avait engagé Martin de même que deux autres gardes qui travaillaient jour et nuit pour le proté¬ ger de toute agression au cours des négociations mouvemen¬ tées qu’il menait avec les syndicats. Issu des quartiers les plus pauvres de la ville, Martin avait été à la tête d’une bande à treize ans, avait fait de la boxe professionnelle pendant un cer¬ tain temps et n’avait peur de rien — du moins physiquement. Sur le plan affectif, cependant, il souffrait d’une grave anxiété sociale et craignait surtout que les femmes remarquent sa timi¬ dité et son léger bégaiement. C’est pourquoi, malgré sa haute stature, son physique avenant, ses dons de danseur et son intelligence, qui était supérieure à celle qu’on prête normale¬ ment à un garde du corps, il sortait rarement avec les femmes et se détestait pour son incapacité de nouer des relations avec elles comme le faisaient si aisément tous ses amis. Au début, Martin lutta contre le principe de l’acceptation inconditionnelle de soi-même. Il avait grandi dans un milieu où on valorisait la compétence et la réussite et, en particulier, les prouesses physiques. Comme jeune chef de bande et plus tard comme boxeur, il avait toujours suscité le respect et l’ad¬ miration parce qu’il était grand, musclé et colérique. Il profé¬ rait franchement ses opinions et était toujours prêt à les défendre à coups de poing, de sorte que ses amis l’admiraient et faisaient ses quatre volontés ou presque. C’est pourquoi il était convaincu que sa colère était bénéfique pour lui et ne lui causait pas grand tort. 122
Inacceptation inconditionnelle d’autrui
J’eus du mal, au début, à inculquer à Martin le principe de l’acceptation inconditionnelle de soi-même propre à la TRÉ. Il le saisissait intellectuellement, mais n’arrivait pas à le mettre en pratique. Il se sentait tellement accepté par les autres en raison de ses capacités physiques qu’il ne semblait pas avoir besoin de s’accepter lui-même en plus. En outre, il prenait soin de sa mère et de son père, pauvres et peu instruits, et de sa sœur cadette Sylvie, qui avait perdu un bras dans un accident de voiture et qui nécessitait un soutien considérable. Comme il avait l’impression d’être un bon fils et un bon frère, il se tenait en très haute estime. Je pus bientôt lui montrer que son anxiété à l’égard des femmes démentait l’estime qu’il se portait à d’autres égards et qu’il fondait son sentiment de sa valeur personnelle d’abord et avant tout sur ses capacités physiques, ce qui était efficace dans une certaine mesure. Mais son estime de lui-même était aussi teintée par son inaptitude à aborder les femmes et à être à l’aise avec elles. En effet, il s’affolait en leur présence et elles le congédiaient inévitablement après quelques soirées. Par conséquent, il se voyait comme un bon à rien et continuait de souffrir d’anxiété. . Je montrai d’abord à Martin que même sa confiance à l’égard des hommes était fort conditionnelle, puisqu’elle reposait sur sa vigueur physique exceptionnelle. Les hommes comme lui l’admiraient. Je l’amenai à comprendre que s’il avait été petit et malingre, ou grand et costaud, mais incapable de dominer les autres hommes avec ses poings, il aurait vite fait de se déni¬ grer et de se considérer comme une mauviette. Il se respectait surtout pour la même raison que les autres hommes le respec¬ taient, en l’occurrence pour sa force physique. Sans elle, il ne serait rien. J’expliquai aussi à Martin que dans les milieux qu’il fréquen¬ tait, on admirait les gens capables de défendre leurs opinions et de se battre avec quiconque se trouvait en désaccord. Il n’y a rien de mal à s’affirmer. Mais il ne devait pas fonder sa valeur personnelle sur un talent particulier comme il le faisait. S’il se voyait et était vu comme un «vrai homme » en raison de sa force 123
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
physique, ses faiblesses dans d’autres domaines importants de la «virilité» — sa timidité envers les femmes, par exemple — fai¬ saient de lui un «faible» et un perdant. S’il fondait sa valeur humaine sur sa compétence dans un domaine crucial de sa vie, son inaptitude dans un autre domaine «viril» important risquait fort d’annuler cette valeur. Pour être «une bonne personne», il devrait être compétent dans tous les domaines. Martin fut sidéré quand je lui expliquai que sa sollicitude auprès de ses parents et de sa sœur lui valait un bon point en regard de presque toutes les normes sociales. Toutefois, cela ne faisait pas de lui une « bonne personne », mais seulement un homme qui se conduisait bien dans ce domaine particulier. Pour être une « bonne personne » conformément à son idéal de réussite, il devait se conduire à la perfection dans presque tous les domaines. Or, il était peu probable qu’il y parvienne ! J’amenai peu à peu Martin à s’accepter lui-même d’une manière inconditionnelle, à apprécier ses qualités positives tout en les dissociant de sa valeur personnelle, puis je me ris¬ quai à attaquer ses autres qualités « positives », en l’occurrence sa tendance à intimider les autres avec sa colère. Il s’enor¬ gueillissait du fait que dans sa jeunesse, il avait tenu tête à son principal rival, Alfredo, et refusé de se laisser intimider par ses tactiques sournoises. Au contraire de Martin, Alfredo ne défendait pas ce qu’il croyait juste à coups de pied et de poing, mais il amadouait des mafieux plus âgés et utilisait leur puis¬ sance pour renforcer la sienne. Fort de leur soutien, il mentait et trichait au besoin pour manipuler les autres. Alfredo demeurait toujours dans le quartier où Martin avait grandi et il était impliqué dans le trafic de la drogue et plu¬ sieurs autres rackets. Martin, une fois devenu boxeur, se tint loin des bandes, se rangea et déménagea dans un quartier plus huppé. Mais il continuait de visiter ses amis dans son vieux quartier et se battait souvent avec Alfredo pour l’empêcher de profiter des gens plus faibles du voisinage, dont certains étaient ses amis. À une occasion, Martin avait empêché Alfredo d’exploiter Thomas, un de ses amis. Les deux hommes en étaient venus 124
Inacceptation inconditionnelle d’autrui
aux mains, et Martin était sorti de ses gonds et avait menacé Alfredo de lui trancher les couilles et de le laisser se vider de son sang s’il faisait du tort de quelque façon que ce soit à Tho¬ mas. Alfredo, qui était un peu plus grand que Martin et très fort physiquement, avait commencé par lui résister, puis sa couardise avait repris le dessus et il avait battu en retraite. Martin exultait devant la victoire magnifique et peut-être défi¬ nitive qu’il avait remportée sur «ce rat visqueux». Je reconnais que Martin a sans doute bien fait de défendre son ami Thomas contre les magouilles d’Alfredo. Mais je souli¬ gnai également à Martin qu’il détestait Alfredo lui-même et pas seulement son comportement de brute. Alfredo, comme je l’ai mentionné, avait toujours eu de graves problèmes. C’était un faible qui se protégeait en faisant des courbettes devant des truands plus âgés et plus puissants. Il n’était pas, comme Mar¬ tin, demeuré fidèle à lui-même, il ne s’était pas battu pour ce en quoi il croyait vraiment, mais s’était défilé et avait adopté les manières et attitudes des mafieux. Bien que sa conduite fût loin d’être louable, c’était un être humain faillible, victime de ses tendances innées et de son milieu pauvre, et il ne fallait pas le condamner entièrement. Alfredo arborait une attitude fana¬ tique et intimidante à l’égard des plus faibles que lui et il les dominait avec la force qu’il tirait de ses puissants associés. Si Martin se servait de sa force physique et de sa colère pour ter¬ roriser Alfredo et le remettre à sa place, il n’en employait pas moins des tactiques intimidantes afin de l’écraser et, en un sens, il profitait de sa faiblesse. Les efforts d’Alfredo pour effrayer Thomas étaient répréhensibles, et on avait raison de vouloir y mettre un terme. Mais les tentatives de Martin pour intimider son ennemi étaient tout aussi injustes et n’étaient pas aussi formidables qu’il le prétendait. Il ne fut pas facile de faire comprendre à Martin que sa colère à l’endroit d’Alfredo n’était pas vraiment une bonne action et qu’elle comportait des désavantages réels. Elle n’était pas juste pour Alfredo, puisqu’elle le condamnait globalement comme personne et pas seulement certaines de ses actions ; et elle était tout aussi injuste pour Martin, puisqu’elle le faisait 125
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
passer pour un héros, alors qu’elle était discutable. Il n’avait pas raison de condamner Alfredo, de même qu’on n’a presque jamais raison de condamner un être humain ; ses accusations n’étaient pas appropriées et, à certains égards, elles étaient nocives. En conséquence, je lui conseillai de ne pas s’entêter dans sa colère. Mon insistance finit par porter fruit. Martin vit enfin qu’il était immoral et injuste de condamner Alfredo pour sa mau¬ vaise conduite. Il affirma qu’il ferait tout pour éviter de le faire désormais. Il tint parole. Il réfléchit sérieusement à la question et m’apporta une solution quelques semaines plus tard. Il prit rendez-vous avec Alfredo afin de lui parler de ses manoeuvres d’intimidation envers Thomas. Alfredo n’en menait visible¬ ment pas large, car il croyait que Martin voulait comme à son habitude le menacer et le punir physiquement pour avoir ter¬ rorisé Thomas. Mais loin de se montrer belliqueux et mena¬ çant, Martin lui expliqua qu’il n’aimait pas la façon dont il traitait Thomas et trouvait sa conduite répréhensible. Cepen¬ dant, il avait décidé de ne pas blâmer Alfredo pour sa con¬ duite, mais simplement d’essayer de le convaincre, sans colère, qu’il avait tort. «Je sais, dit Martin, que tu penses que tu agis correcte¬ ment, mais je suis d’avis que tu effraies Thomas injustement. Nous ne pouvons pas avoir raison tous les deux et je présume que c’est moi qui ai raison. Dans ce cas, c’est toi qui as tort. Je vais donc partir de cette prémisse, mais aussi de celle que tu es un être humain faillible qui a le droit de se tromper par moments. Donc, je juge ta conduite répréhensible et je m’ef¬ force de t’amener à la changer, mais je ne te condamne pas comme je l’ai fait pendant des années. Comme je l’ai dit, tu crois avoir raison et tu as droit à ton opinion. Je pense que tu as tort, donc entendons-nous sur le fait que nous ne sommes pas d’accord là-dessus. Mais tant que tu continueras de mal te conduire envers Thomas, comme je pense que tu le fais, j’es¬ saierai de te convaincre de changer. Cependant, je ne perdrai plus mon temps et je ne me perturberai plus en te détestant. 126
L’acceptation inconditionnelle d’autrui
Comme le dit la Bible, je reconnais que dans le cas de Thomas, tu as péché, mais je ferai de mon mieux pour ne pas te con¬ damner, toi, le pécheur. Je cesse donc de te détester et je ferai de mon mieux pour détester uniquement ta conduite. » Ce discours sidéra Alfredo et il fut particulièrement surpris de l’absence de la rage de Martin qui accompagnait habituelle¬ ment ses conflits avec ce dernier. Il reconnut même avoir har¬ celé Thomas d’une manière excessive dans certains cas et pro¬ mit de reconsidérer certaines de ses actions envers lui. L’entre¬ tien des deux compères se termina sur une note étonnamment amicale et coopérative. Il fit certainement des merveilles pour Martin lui-même qui, ayant quitté Alfredo, réfléchit à leur entretien et, pour la première fois de sa vie, se sentit prêt à lui pardonner. Il voyait Alfredo comme un type vraiment paumé de qui on pouvait attendre des actes de paumé. Il éprouvait en fait de la pitié pour Alfredo, pour son caractère et son enfance difficile, et il était particulièrement soulagé de pouvoir laisser tomber l’agressivité qu’il ressentait à son égard depuis l’enfance. Mieux encore, Martin réfléchit aussi ardemment à son pro¬ pre cas et à son intransigeance envers lui-même. Il vit qu’il se condamnait de la même manière qu’il condamnait Alfredo en tant que personne et qu’il avait tort. Certes, il avait commis des bêtises et il en était responsable. Il s’était mal conduit et ne pouvait pas justifier ses actes. Mais il était un être faillible qui ferait des bêtises jusqu’à la fin de ses jours — pas toujours, bien sûr, mais assez souvent. S’il pardonnait à Alfredo les mau¬ vaises actions qu’il continuait de commettre envers Thomas et bien d’autres gens, Martin pouvait fort bien se pardonner luimême pour ses propres mauvaises actions ! Martin subit donc une véritable conversion et cessa de bl⬠mer les gens pour leur conduite. Il commença par accepter plei¬ nement Alfredo avec ses manœuvres d’intimidation. Puis, en par¬ tie à cause de cela, il s’efforça de s’accepter lui-même totalement avec ses propres écarts de conduite. Le premier changement d’attitude et de comportement provoqua automatiquement le second, et celui-ci renforça le premier. En outre, lorsque Martin 127
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
cessa de se dénigrer pour sa timidité envers les femmes, il put travailler sur ce sentiment comme tel et le surmonter. Vous pouvez, à l’instar de Martin, opérer vous aussi ce dou¬ ble changement remarquable dans vos pensées et sentiments, et dans les actions qui en découlent. Tout d’abord, comme nous l’enseigne la TRÉ, les humains sont humains et faillibles. Au cours de leur vie, ils commettront plusieurs actions nocives à l’égard d’eux-mêmes et des autres. Efforcez-vous de leur pardonner, sans nécessairement leur pardonner leurs actions. Condamnez celles-ci si vous le voulez, mais surtout pas leurs auteurs. Acceptez-les avec leurs méfaits — ou les actes que vous considérez comme tels — et faites votre possible pour les aider à s’améliorer. Même si vous échouez lamentablement, pardonnez-leur leurs mauvaises actions, mais ne les condam¬ nez pas en tant que personnes. En même temps, reconnaissez vos propres erreurs, péchés et actes immoraux. Voyez-les comme des actes répréhensibles ou erronés, mais ne vous considérez pas comme une mauvaise personne pour les avoir commis. Si vous faites votre possible pour ne pas blâmer les autres pour leurs écarts de conduite ni vous-même pour les vôtres, vos deux principes d’acceptation, l’acceptation inconditionnelle de vous-même et des autres, se renforceront mutuellement. Comme nous l’avons souligné cidessus, en cessant de vous condamner vous-même et de bl⬠mer les autres, vous ne supprimerez pas totalement votre anxiété, mais vous réduirez celle qui accompagne le blâme. Ce qui est une sacrée grande part !
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CHAPITRE
15 L’imagerie rationnelle-émotive
J
e ne cesse d’insister sur le fait que si vous arrivez un jour à vous accepter vous-même et à accepter les autres incon¬ ditionnellement, vous aurez minimisé une grande part de votre anxiété inutile. Dans une large mesure toutefois, celle-ci découle de votre souci excessif d’éviter les erreurs et de votre besoin absolu d’approbation. Ainsi, votre capacité de vous accepter vous-même et d’accepter les autres inconditionnelle¬ ment annihile en grande partie ces formes d’anxiété. Une troisième source importante d’anxiété, comme je l’ai déjà mentionné, est la crainte de l’inconfort qui découle de votre besoin d’être assuré que vous ne courrez pas de danger ou que vous ne serez pas privé de ce que vous désirez vraiment. On pourrait l’appeler souci à l’égard des événements ou du monde extérieur. Non seulement vous désirez fortement que les choses et les événements se déroulent comme vous le voulez, mais vous exigez des certitudes à cet égard et vous insistez pour que les circonstances qui, pour beaucoup, sont indépendantes de votre volonté, soient en tous points conformes à vos désirs. L’acceptation inconditionnelle des autres, si vous la pous¬ sez jusqu’à son extrême logique, englobe aussi l’acceptation inconditionnelle des circonstances. Non seulement vous con¬ tinuez de vouloir que les choses et les événements soient 129
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
conformes à vos désirs, mais vous acceptez aussi le fait que cela puisse ne pas être le cas — et qu’ils les contrarient même. Par conséquent, vous acceptez les événements indésirables quand ils se produisent, vous évitez de récriminer ou de hur¬ ler, vous faites de votre mieux pour les modifier et, si c’est impossible, vous vous en accommodez gracieusement. Vous connaissez désormais les trois principales manières d’éviter l’anxiété : 1) accepter le caractère désagréable de vos propres échecs et erreurs; 2) accepter aussi les frustrations causées par les efforts des autres pour vous empêcher d’obtenir ce que vous voulez ou vous forcer à subir ce que vous ne voulez pas ; 3) accepter enfin les obstacles à vos désirs que les choses et les événements placent sur votre chemin. Voilà ! Qu’est-ce qui peut encore vous rendre anxieux ? À peu près rien ! C’est là, bien sûr, le but de la TRÉ : ne pas modifier vos désirs et souhaits, mais vous persuader de ne plus exiger de vous-même, des autres et des circonstances qu’ils soient assouvis à tout prix. Vous pouvez certainement conserver vos souhaits, préférences et désirs, mais pas vos exigences gran¬ dioses à moins que vous ne préfériez demeurer anxieux inuti¬ lement. Comme vos exigences absolues sont anxiogènes, la TRÉ vous recommande fortement de les remettre en question et de les convertir en préférences. Pour y arriver, nous vous propo¬ sons plusieurs méthodes affectives puissantes, comme l’il¬ lustre l’anecdote ci-dessous. Maxie C. Maultsby fils devint mon élève en 1968. Il avait été l’élève, quelques semaines auparavant, de Joseph Wolpe, le célèbre thérapeute du comportement. Il affirma qu’il avait appris quelques méthodes utiles auprès de Wolpe, mais préfé¬ rait les méthodes — et en particulier la contestation des croyances irrationnelles — qu’il m’avait vu démontrer dans mes séances de thérapie individuelles et collectives, et mes ateliers du vendredi soir. Il reprit son internat en psychiatrie et se spécialisa en thérapie rationnelle-émotive. Doté d’une grande créativité, il inventa l’imagerie rationnelle-émotive (IRÉ), l’un des outils les plus efficaces de la TRÉ. 130
L’imagerie rationnelle-émotive
fl s’agit, en premier lieu, de penser à l’une des pires choses qui pourrait vous arriver — par exemple, un rejet ou un échec très important — et à ressentir spontanément toute émotion qui vous assaille à l’idée de subir cette «terrible» épreuve. En géné¬ ral, on est très rapidement envahi par des sentiments d’anxiété, de dépression, de haine de soi ou de pitié à l’égard de soi-même. LA PEUR PANIQUE D’ESSUYER UN GRAVE ÉCHEC Supposons que vous êtes très anxieux, comme l’était Gene¬ viève, chaque fois qu’elle imaginait que son incompétence médicale lui valait d’être sévèrement critiquée par son patient et peut-être même par ses collègues médecins. Elle était tout à fait paniquée à l’idée d’établir un diagnostic erroné et d’ag¬ graver par là l’état du patient. Au cours d’une séance d’imagerie rationnelle-émotive, j’in¬ vitai Geneviève à imaginer qu’elle commettait une erreur et encourait la réprobation de son patient. Elle fut aussitôt prise de nausées et de tremblements. «Bien! dis-je. Vous êtes vrai¬ ment en contact avec votre anxiété. Ressentez-la le plus tota¬ lement possible. Sentez-la vraiment. Devenez aussi angoissée et paniquée que vous le pouvez ! » Geneviève était en proie à une anxiété extrême, elle était même horrifiée. «Bien! répétai-je. Maintenant, conservez l’image qui vous rend anxieuse. Vous vous êtes magistralement trompée dans votre diagnostic, et le patient va de mal en pis. II vous blâme, et vos collègues aussi. Maintenant, tout en pré¬ servant cette image, ressentez uniquement un vif regret et une vive déception d’avoir établi le mauvais diagnostic et adminis¬ tré le mauvais traitement, mais sans anxiété. Ni anxiété ni pa¬ nique, seulement du regret et une déception. » Geneviève s’efforça de modifier ses sentiments en quelques minutes. Elle me signala enfin qu’elle se sentait vraiment déso¬ lée et déçue, mais non anxieuse. «Bien! approuvai-je. Comment vous y êtes-vous prise? Comment avez-vous réussi à transformer votre anxiété et votre panique en simple déception et regret ? » 131
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
«J’ai imaginé que mon patient me blâmait et se plaignait aux autres médecins de même qu’à ses amis et ses parents des soins que je lui administrais. Puis je me suis dit : “ C’est tout à fait regrettable. J’ai commis une erreur et je le regrette vrai¬ ment. Mais maintenant que je comprends mon erreur, je tire¬ rai une leçon de l’expérience et je modifierai radicalement le diagnostic comme le traitement. Je suis certainement dans mon tort, mais cela ne fait pas de moi un mauvais médecin ni une méchante personne, seulement quelqu’un qui a commis une grave erreur et qui ferait mieux de la corriger. ”» «Parfait! m’exclamai-je. Cette croyance rationnelle a tou¬ tes les chances de fonctionner. Vous vous sentirez désolée et déçue, mais sans être horrifiée et sans vous dénigrer vousmême. J’aimerais que vous utilisiez cette forme d’imagerie rationnelle-émotive chaque jour pendant le prochain mois. Commencez par imaginer le pire et laissez-vous spontanément envahir par la panique et l’horreur. Puis modifiez la pensée irrationnelle qui dit que vous êtes un mauvais médecin et que votre patient et vos collègues vous voient comme tel. Remplacezla par votre nouvelle croyance rationnelle et répétez plusieurs autres affirmations positives spontanées. Faites cet exercice au moins une fois par jour jusqu’à ce que vous arriviez à être spontanément déçue et désolée pour votre conduite, mais non affolée et horrifiée. En vous habituant à faire cela, vous finirez par dynamiser vos croyances rationnelles et par ne plus ajou¬ ter foi à vos pensées irrationnelles, et votre panique cédera le pas à une déception et à un regret profonds. Vous pouvez modifier vos sentiments et ne plus être victime d’une anxiété incontrôlable. Exercez-vous durant quelques minutes chaque jour jusqu’à ce que vous arriviez à dominer votre anxiété. » Geneviève suivit mes instructions à la lettre et, en moins de deux semaines, elle parvint à ressentir automatiquement de la déception et du regret à l’égard de son « erreur de diagnostic et de traitement», plutôt qu’un sentiment d’horreur et de pa¬ nique. De même, vous pouvez utiliser l’imagerie rationnelleémotive chaque fois que vous êtes angoissé à l’égard de vos relations, du sexe, de vos études, d’un emploi, d’un sport et de 132
L’imagerie rationnelle-émotive
presque n’importe quoi. Commencez par repérer les croyances irrationnelles qui engendrent la plus grande part de votre anxiété — vos obligations et exigences absolues — et contestezles au moyen des méthodes réaliste, logique et pratique décri¬ tes dans ce livre. Persévérez jusqu’à ce que vous parveniez à une philosophie nouvelle et efficace. Puis, pour consolider celle-ci, utilisez l’imagerie rationnelle-émotive et imaginez une situation qui vous rend souvent anxieux. Laissez-vous envahir par une réelle anxiété et même par la panique. Puis tentez de convertir celle-ci en préoccupation, circonspection, vigilance, chagrin, regret, déception ou toute autre émotion négative saine. Vous y parviendrez dans une large mesure en muant vos exigences irrationnelles en préférences saines — vous préfére¬ riez réussir et mériter l’approbation des autres, mais cela n’est pas du tout nécessaire. Entraînez-vous systématiquement pendant dix, vingt ou trente jours jusqu’à ce que vous ressen¬ tiez automatiquement des émotions négatives saines plutôt qu’une anxiété et une panique malsaines. Exercez-vous à res¬ sentir ces émotions saines spontanément afin de mieux faire face aux situations qui vous rendent le plus anxieux.
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CHAPITRE
16 Exercices pour combattre la honte
D
ès que je commençai à utiliser la TRÉ avec mes clients en 1955, je compris que la honte était à l’origine d’un grand nombre de perturbations humaines. Car quand une personne a honte de ce qu’elle pense, dit, ressent ou fait, sa honte signifie presque toujours : «J’ai commis une erreur, et les autres me blâmeront et me mépriseront pour cela. » Il n’est pas obligatoire, cependant, que cette affirmation engendre de la honte, de la gêne ou un sentiment d’humiliation, car elle pourrait être suivie de celle-ci : « C’est vrai que j’ai commis une bêtise. Ceux qui s’en apercevront diront sans doute pour la plupart que je n’aurais pas dû faire cela et méjugeront sévè¬ rement, mais je ne suis pas obligé de les prendre au sérieux et de penser comme eux que je suis une mauvaise personne. Peut-être que mon action n’était pas si répréhensible, de prime abord. Peut-être me juge-t-on trop sévèrement. Comme je suis un être humain faillible, on ne peut pas s’attendre que je sois parfait. J’apprendrai donc de mon erreur, je m’efforcerai de ne pas la répéter et je regagnerai ainsi le respect des autres. Même s’ils persistent à me blâmer à cause de ma conduite, je ne suis pas obligé de les imiter et de me dénigrer aussi. Je peux me pardonner mes erreurs et faire de mon mieux pour en commettre moins à l’avenir. » 135
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Si vous pensiez comme cela après avoir mal agi et essuyé les critiques des autres, vous éprouveriez du regret et décide¬ riez de mieux vous conduire dans l’avenir. Mais vous ne seriez pas honteux au point de vous détester. Lorsque vous êtes hon¬ teux et gêné de vos erreurs, vous vous communiquez le mes¬ sage suivant : « J’ai commis une erreur et les autres ont raison de me la mettre sous le nez et de me mépriser. Je n’aurais pas dû agir ainsi parce que ce n’était pas bien. Surtout, je n’aurais pas dû heurter les sentiments des autres ou les agacer par ma conduite. Je devrais accepter leurs critiques et me blâmer moi-même. Je suis vraiment pourri jusqu’à la moelle ! » En ressentant de la honte, vous reconnaissez que vous avez commis une erreur et que bien des gens jugeront votre con¬ duite répréhensible et vous rabaisseront, qu’ils ont raison de juger votre conduite mauvaise et de vous juger vous-même comme une méchante personne. Ce sentiment prouve que vous vous trouvez dégueulasse en tant que personne pour avoir commis une action aussi vilaine. Être honteux, c’est pres¬ que toujours admettre sa nature minable et foncièrement mau¬ vaise. Cela ne signifie pas seulement que vous avez commis quelque méfait, mais plutôt que vous êtes d’accord avec ceux qui vous jettent la pierre. Vous êtes un être inférieur pour avoir agi de la sorte. Vous avez souvent raison de blâmer vos senti¬ ments, pensées et actions, mais votre honte montre que vous vous condamnez pour avoir commis un acte imparfait. La TRE, bien entendu, vous montre comment éviter ce piège. Elle est d’accord pour dire que, si vous avez honte de certaines de vos actions, vous avez peut-être mal agi sociale¬ ment parlant. Après tout, le comportement humain est soumis à des normes, à des règles et à des lois, et vous avez peut-être enfreint celles-ci. Ce faisant, vous avez peut-être aussi heurté les sentiments de certaines personnes ; or, les règles ont juste¬ ment été établies pour vous empêcher de nuire aux autres membres de votre groupe social. Ainsi, en vertu de la TRÉ, si vous avez honte de quelque chose, vous avez peut-être violé certaines règles sociales et commis une action mauvaise ou immorale. s
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Exercices pour combattre la honte
Mais la TRÉ dit aussi que votre honte n’est pas entièrement fondée, car elle vous porte à vous blâmer vous-même dans votre totalité. Au fond, vous dites : « Non seulement les autres ont-ils raison de juger ma conduite mauvaise, mais ils ont rai¬ son aussi de me juger moi comme un bon à rien. Je suis donc un être pourri et sans valeur. Ils devraient me condamner pour ma conduite. Je suis d’accord avec eux pour dire que je ne vaux sacrément rien ! » La TRÉ vous invite non pas à remettre en question votre conduite, qui peut avoir été mauvaise, mais à décider si, à cause d’elle, vous êtes une personne abominable. Sa réponse à cette question est presque toujours invariable : même si vous avez commis un acte répréhensible et immoral, et par le fait même blessé inutilement certaines personnes, vous n’avez pas raison de vous juger mauvais ou horrible. Même dans le cas extrême où vous blessez une personne et qu’elle en meurt, la TRÉ affirme qu’aux yeux de la société votre action est certes condamnable, mais que vous êtes une personne qui a mal agi et non pas une mauvaise personne. Nous pourrions, bien sûr, discuter de cela et dire que, si vous avez commis un nombre suffisant d’actes immoraux — comme Hitler et Staline — et avez causé du tort à des milliers de gens littéralement, vous êtes un salaud. Nombreux sont ceux qui appuieraient ce jugement en soutenant qu’on ne peut pas être trop sévère. En fait, il serait presque impossible de prouver que Hitler et Staline étaient, dans leur essence pro¬ fonde, complètement pourris. Car, ne l’oubliez pas, ils ont com¬ mis quelques bonnes actions de leur vivant. En outre, ils pen¬ saient que leurs mauvaises actions étaient bonnes. S’ils avaient vécu assez longtemps, ils auraient pu changer leur fusil d’épaule et se convertir en bienfaiteurs de l’humanité. Ce qu’il faut se dire, c’est qu’ils étaient fort perturbés, qu’ils étaient nés et avaient été élevés comme des êtres humains extrêmement faillibles de sorte qu’on ne pouvait pas attendre d’eux une gen¬ tillesse et une loyauté constantes. Bien sûr, on ne peut vous comparer à un Hitler ou à un Sta¬ line et vous avez peu de chances de marcher sur leurs traces. 137
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Certes, vous êtes faillible et vous commettez parfois des actes nocifs et stupides. Il ne s’agit pas de justifier ces actes et de dire qu’ils étaient justes et appropriés. Mais si nous vous déni¬ grons dans votre totalité pour avoir mal agi, en quoi cela vous aidera-t-il à devenir meilleur ? Si vous et moi sommes convain¬ cus que vous êtes un bon à rien, un être médiocre et diaboli¬ que, cela vous aidera-t-il à bien vous conduire dans le présent et dans l’avenir? Certainement pas! Il en va de même pour la honte. Si vous commettez de véri¬ tables méfaits, que vous scandalisez les gens et qu’ils vous trouvent tout à fait odieux, le fait qu’ils vous condamnent glo¬ balement et que vous acceptiez cette condamnation vous aidera-t-il à changer pour le mieux? Dans certains cas, cela se pourrait bien. Car si les gens vous blâment et que vous vous blâmez vous-même pour vos actions honteuses, vous pourriez tenir compte de leur jugement et décider de changer. Cepen¬ dant vous pourriez aisément penser: «Si je suis si méchant, comment puis-je espérer changer et devenir meilleur? Si je me conduis mal, je peux peut-être modifier ma conduite, mais si je suis un criminel irrécupérable parce que j’ai mal agi, com¬ ment pourrai-je jamais faire mieux? » Selon la TRÉ, votre honte, votre autodénigrement ont une certaine valeur, mais ils vous font en général plus de tort que de bien. Si vous avez honte uniquement de ce que vous faites et jugez vos actions inopportunes, cela peut vous motiver à modifier votre conduite. Mais si vous avez honte d’avoir com¬ mis des bêtises, si vous vous blâmez vous-même pour vos actions, vous vous accordez un vote de défiance et diminuez vos chances de changer pour le mieux. La honte que vous res¬ sentez doit être uniquement associée à vos actions mauvaises ou nocives et non pas à votre moi tout entier. Quel est le lien entre cela et votre anxiété ? Les deux sont étroitement liés! Lorsque vous êtes anxieux, vous avez sou¬ vent honte de vos actions passées, présentes ou futures que vous jugez déplacées ou stupides. La plupart du temps, vous vous voyez vous-même comme une personne méchante. En conséquence, vous êtes anxieux à la perspective de commettre 138
Exercices pour combattre la honte
des actes répréhensibles, de vous conduire d’une manière stu¬ pide, par exemple, et d’encourir la réprobation des autres. Vous êtes souvent obsédé par la pensée suivante: «Oh! Comme ce serait terrible ! Je me couvrirais de ridicule et je ne pourrais jamais faire oublier ma conduite et être à l’aise avec ces gens de nouveau. » Vous vous inquiétez tellement de ce qui pourrait arriver et vous êtes si perturbé par votre inquiétude que vous provoquez en fait l’action « honteuse » que vous crai¬ gnez. Dans le même ordre d’idées, tout en commettant un acte « honteux » — votre fermeture éclair est ouverte ou votre com¬ binaison dépasse —, vous éprouvez une telle honte que vous avez toutes les peines du monde à le rectifier. Vous vous dites : «Je suis certain que tout le monde l’a remarqué! Ils doivent penser que je suis un parfait imbécile ! Arriverai-je jamais à regagner leur confiance ? » En outre, vous avez peut-être commis un acte «honteux» il y a des années de cela — vous avez eu des rapports sexuels avec votre partenaire sous les yeux des passants éventuels, car les rideaux étaient restés ouverts — et, des années plus tard, vous ressassez encore cette «horreur». Vous vous demandez qui vous a vus. Vous êtes incapable de passer l’éponge. La honte en soi est la principale cause d’une grande part de vos inquiétudes concernant le passé, le présent et l’avenir. L’autodénigrement qui accompagne presque toujours la honte engendre une inquiétude profonde et presque continuelle. Si, par exemple, vous avez volé des timbres dans votre jeunesse ou menti à votre partenaire quand vous sortiez ensemble, ou si, récemment, vous avez eu une liaison qui, si elle était décou¬ verte, vous attirerait le mépris des autres, vous pouvez facile¬ ment en venir à vous détester et à scruter constamment votre conduite afin de détecter d’autres actes «honteux». Vous finirez ainsi par vous considérer comme un véritable crétin, un être minable qui devrait être puni pour ses «péchés» répétés. Pire encore est le désespoir tranquille qui, selon Henry David Thoreau, afflige la plupart des gens. Au lieu de com¬ mettre des actes « honteux » et de se critiquer sévèrement, ils 139
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
s’empêchent d’agir — restreignant ainsi sévèrement la seule vie qu’ils auront jamais. UNE VIE LIMITÉE PAR L’ANXIÉTÉ Prenons le cas de Béatrice. Elle avait été une adolescente spontanée et libre, une sorte de garçon manqué. Elle vivait dans une banlieue fort conventionnelle d’une grande métro¬ pole et commit maintes actions jugées « honteuses » par ses parents et ses pairs. Elle avait eu une liaison passionnée à l’âge de quatorze ans. Elle s’intéressait peu à ses études, même si elle était très brillante et qu’elle n’éprouvait aucune difficulté à suivre les cours avancés. À quinze ans, cependant, elle tomba enceinte et ses parents catholiques, profondément choqués, songèrent à l’envoyer au couvent. Heureusement, elle fit une fausse couche au quatrième mois de sa grossesse et souffrit d’une dépression post-partum pendant quelque temps, puis elle se rétablit et adopta une vie extrêmement rangée. À l’école, elle se mit à bûcher ferme, refusa de sortir avec les garçons, renonça complètement à l’alcool et à la cigarette, et s’enferma dans une vie aussi monastique que celle qui aurait été la sienne si ses parents l’avaient envoyée au couvent. Quand, à vingt-sept ans, Béatrice vint me consulter, elle était gravement déprimée. Techniquement parlant, elle n’avait pas d’ennuis, car elle ne courait aucun risque. Elle avait honte de la conduite spontanée, et plutôt saine, qui avait été la sienne pendant son adolescence. Aujourd’hui, elle accomplis¬ sait consciencieusement son travail d’institutrice de mater¬ nelle, rentrait chez elle où elle passait ses soirées à écouter de la musique classique et menait une vie exceptionnellement limitée et solitaire. Ses parents, qui avaient été si bouleversés par sa personnalité ouverte, étaient maintenant tout aussi bou¬ leversés par l’existence d’ermite que menait leur fille et la pressaient constamment de reprendre une certaine vie sociale. Mais non, elle craignait tellement de prêter flanc à la critique qu’elle ne faisait pratiquement rien. Au grand désespoir de ses parents, il semblait bien que cette jeune femme brillante et 140
Exercices pour combattre la honte
séduisante finirait sa vie comme une vieille fille et n’aurait jamais de vie sociale. La honte, autrement dit, avait métamorphosé une Béatrice autrefois un peu trop sociable peut-être, en créature asociale. Elle évitait les ennuis, car elle était aussi pure que la neige fraî¬ che, mais elle menait une vie restreinte, incroyablement soli¬ taire et déprimante. Son problème, je m’en aperçus très vite, tenait au fait qu’elle était scrupuleusement rigoriste. Elle refusait de se lier avec les gens, exception faite des enfants de sa classe, de crainte de s’attirer des ennuis quels qu’ils soient. Elle avait peur de tout: d’être mal vêtue, de mal s’exprimer, de mal se conduire devant les gens, de s’amouracher du mauvais homme et de tomber enceinte si elle faisait l’amour. Elle restait donc chez elle, écoutait de la musique durant des heures et refusait même d’utiliser ses dons musicaux pour jouer dans un quatuor à cordes qui souhaitait très fort l’avoir comme membre. Jouer dans ce quatuor l’obligerait à avoir des contacts sociaux, à ris¬ quer de se tromper pendant les répétitions et les concerts, et à se couvrir de honte. Béatrice saisit rapidement les principes de la TRÉ qui expliquaient sa dépression et sa vie limitée. Bien que ce ne fut pas le cas initialement, elle avait pris l’habitude de se dénigrer. Ses exigences absolues étaient plutôt évidentes: «Je ne dois pas commettre des actes honteux ou condamna¬ bles, sinon je saurai que je me suis mal conduite, et les autres me jugeront sévèrement et me boycotteront comme ils l’ont déjà fait. Pour empêcher cette catastrophe, je ne dois courir aucun risque et gérer ma vie d’une manière con¬ fortable, sinon agréable. Je dois suivre la voie de la sécurité et non celle de la créativité et du plaisir. Sinon, je risque de commettre de terribles erreurs et de me sentir médiocre. Quelle affreuse possibilité ! » C’est ainsi que Béatrice préservait sa sécurité — et sa dépression. Loin de se dénigrer pour ses erreurs, elle veillait à ne pas en commettre et choisissait, pour y arriver, de ne pas viser trop haut. 141
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
Elle était d’accord, en théorie du moins, avec l’une des principales règles de la TRÉ : un acte répréhensible, aussi stu¬ pide et vil fût-il, ne faisait jamais de vous une mauvaise per¬ sonne. Votre identité comporte tant de facettes que même vos erreurs graves sont compensées par vos nombreuses actions positives et neutres et, par conséquent, vous ne pouvez pas être jugé globalement en tant que personne. Très bien, se dit Béa¬ trice, qui n’en considérait pas moins divers actes qu’elle pourrait commettre comme étant «abominables» ou «honteux», fl s’agissait pour la plupart d’actes immoraux comme de manquer de loyauté envers les autres, leur mentir ou les blesser inutile¬ ment. Elle avait donc appris, et l’enseignait aussi à ses élèves, à éviter ces actes ; et elle apprenait aussi aux enfants, en accord avec la TRÉ, à se pardonner parce qu’ils étaient humains et faillibles quand ils commettaient une action impropre ou mau¬ vaise, et à s’efforcer de rectifier leur conduite. Mais elle n’arrivait pas à se pardonner. Elle était mauvaise si ses actions étaient inopportunes. Elle devait bien se con¬ duire pour être une «bonne personne». La TRÉ était valable pour ses élèves et les autres, mais pas pour elle. Elle devait marcher droit pour se respecter elle-même et mériter le res¬ pect des autres. La règle qui veut que l’on condamne le péché, mais non le pécheur s’appliquait à tous, sauf à elle. Elle devait être particulièrement bonne et, bien entendu, avec ses rem¬ parts de sécurité et son refus de courir des risques, elle l’était. J’encourageai donc Béatrice, à son corps défendant, à faire des exercices pour combattre sa honte. Je l’invitai à trouver une action qu’elle et bien d’autres gens jugeraient stupide et hon¬ teuse. Elle devait ensuite perpétrer cet acte consciemment et publiquement tout en luttant contre son sentiment de honte, fl faut choisir un acte que l’on ne commettrait jamais en temps normal et que les autres jugeraient ridicule, mais qui ne risque pas de leur faire du tort ou de vous attirer des ennuis. Par exem¬ ple, vous prenez le train ou l’ascenseur et annoncez les stations ou les étages à haute voix. Ou encore vous vous habillez bizarre¬ ment, vous portez une chaussure marron et une noire, par exemple. Vous pouvez aussi promener une banane en laisse — 142
Exercices pour combattre la honte
et la nourrir avec une autre banane ! Ou demander un article d’épicerie dans un magasin de chaussures. N’importe quelle action convient du moment qu’elle vous paraît embarrassante — et pas seulement une charmante blague — et que les autres ont des chances de juger ridicule et de vous trouver bizarre. Puis, tandis que l’on vous observe et que vous voulez disparaître sous terre, vous travaillez sur votre sentiment de honte. Vous le convertissez en regret et en déception devant votre conduite et l’attitude sévère des autres à votre égard, mais n’éprouvez aucune honte, gêne ou humilia¬ tion. Si vous répétez ces exercices à plusieurs reprises, vous constaterez deux choses. Premièrement, vous êtes plus anxieux à la pensée de commettre ces actions que lorsque vous passez aux actes. L’idée d’encourir la désapprobation de plusieurs personnes vous plongera dans l’anxiété et pendant quelque temps, vous remettrez sans doute l’exercice à plus tard. Puis, quand vous agirez enfin, vous serez beaucoup moins angoissé parce que vous serez engagé dans l’action et que cela vous distraira de votre anxiété. Deuxièmement, vous serez surpris de constater que c’est à peine si on remarque ce que vous faites. Par exemple, quand une de nos thérapeutes promena une banane avec une laisse rouge par une lumineuse journée d’octobre sous les yeux d’une foule de promeneurs, beaucoup détournèrent les yeux, car ils étaient gênés de la voir faire une chose aussi dingue! Leur honte était bien plus grande que la sienne ! Troisièmement, la première fois que vous ferez l’exercice, vous éprouverez presque à coup sûr un malaise. Mais si vous persévérez, votre malaise diminuera considérablement et vous finirez peut-être même par vous amuser. Ainsi, un client timide eut beaucoup de mal à se forcer à arrêter un inconnu à l’exté¬ rieur de l’Institut pour lui dire : «Je sors à l’instant même d’un hôpital psychiatrique. Quel mois sommes-nous?» Même si le premier passant lui jeta un regard horrifié et s’éloigna rapide¬ ment, mon client vit qu’il était fort capable de faire l’exercice et il recommença avec plusieurs autres passants pendant la 143
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
semaine. Bientôt, il n’eut plus du tout honte et s’amusa même comme un petit fou. Après quelque temps, sa timidité fondit comme neige au soleil et il passa la semaine la moins timide de sa vie. Après avoir fait l’exercice une vingtaine de fois, il n’en ressentit plus aucun embarras et était enchanté de surprendre tant de gens sans pour autant se sentir honteux. Quatrièmement, vous verrez que plus vous faites cet exer¬ cice ridicule, plus votre honte s’atténue. Béatrice, pour sa part, opta pour deux actions qu’elle ne commettrait jamais dans sa vie ordinaire. Elle sortit dans la rue en plein jour et entonna l’hymne national à pleins poumons. Bien que le soleil brillât, elle s’abrita sous un grand parapluie noir comme pour se pro¬ téger de la pluie. Elle se sentit ridicule au début, puis elle se détendit et sa honte s’évanouit tout à fait. Puis pour apprendre à dominer sa honte encore davantage, elle se mit à faire des choses qu’elle n’avait pas faites depuis de nombreuses années. Elle téléphona à l’un de ses anciens petits amis qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps et l’invita à sortir. Il accepta et ils pas¬ sèrent une excellente soirée. Elle le réinvita et passa plusieurs soirées agréables en sa compagnie. Elle alla dans un bar pour la première fois depuis des années, but un soda ou deux, car elle craignait encore de prendre ne serait-ce qu’un verre d’alcool, et adressa la parole à plusieurs inconnus. Béatrice éprouva si peu de honte en s’adonnant à ces acti¬ vités qu’elle avait boudées pendant des années qu’elle mit un terme à son existence monacale et recommença à sortir et à s’amuser. Elle comprit que non seulement il n’y avait rien de mal à courir des risques, mais qu’en fait, c’était même amu¬ sant. Si elle ne se mit pas à papillonner, elle n’en noua pas moins quelques relations et amorça une vie beaucoup plus nor¬ male. Ses parents étaient enchantés de la nouvelle Béatrice. Vous aussi pouvez surmonter votre anxiété et votre embar¬ ras grâce aux exercices pour combattre la honte. Que vous ayez peur des gens, de parler en public ou de pratiquer un sport, vous pouvez détecter vos croyances irrationnelles à cet égard et les remettre en question. Si vous faites ensuite des exercices pour combattre la honte en rapport avec votre peur, 144
Exercices pour combattre la honte
vous serez de plus en plus à même de prendre le taureau par les cornes et prendrez plaisir à le faire. Utilisez les exercices pour combattre la honte avec des anxiétés précises ou pour ébrécher vos peurs irrationnelles en général. Plus vous en ferez, moins vous serez anxieux et, comme je le suggérais avant, vous pourriez même vous amuser à faire un tas de choses qui vous affolent aujourd’hui.
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CHAPITRE
17 Des méthodes puissantes et importantes pour dominer votre anxiété
Q
uand je devins psychothérapeute en 1943, à l’âge de vingt-neuf ans, je contestais toujours certaines croyances irrationnelles de mes clients afin de les aider à mettre en échec leur anxiété. Car même si je privilégiais les méthodes psy¬ chanalytiques pour comprendre l’origine de leurs perturbations, je sentais aussi, à l’instar sans doute de nombreux analystes, que mes clients nourrissaient souvent des pensées autodestructrices et que tant qu’ils s’accrocheraient à ces pensées et agiraient comme si elles étaient logiques, ils seraient angoissés. ANXIÉTÉ ET INCOMPÉTENCE SEXUELLE À cette étape de ma carrière de thérapeute, j’étais déjà une autorité en matière de problèmes sexuels. Je voyais clairement que les hommes qui n’arrivaient pas à satisfaire leur partenaire ou les femmes qui n’atteignaient pas une excitation sexuelle suffisante ou l’orgasme avaient tendance à croire dur comme fer à un certain nombre de faussetés qui étaient responsables de leurs anxiétés et phobies à l’égard du sexe. Les hommes, par exemple, sont portés à croire qu’ils doivent atteindre une 147
Dominez votre anxiété a^ant qu’elle ne vous domine
solide érection facilement et rapidement; qu’ils doivent tou¬ jours accomplir le coït avec une femme ; qu’ils doivent prolon¬ ger les rapports (de dix minutes à une heure) ; et que, pendant les rapports, ils doivent conduire leur partenaire à l’orgasme. S’ils présentent une faiblesse à l’un de ces égards, cela veut dire qu’ils sont impuissants, que leurs partenaires les méprise¬ ront et les abandonneront à l’horreur de la masturbation ou de l’abstinence complète. Cela, bien entendu, «prouve hors de tout doute» qu’ils sont des mauviettes et qu’ils ne seront jamais considérés comme de «vrais hommes». Aussi bien, dans ce cas, renoncer au sexe ou, au mieux, se montrer gentil avec une femme qui les accepterait dans une union sans sexe. Quant aux femmes, elles sont souvent persuadées qu’elles doivent s’allumer très vite sous les baisers et caresses de leur partenaire (masculin, en général) ; désirer aussitôt être péné¬ trées ; prendre beaucoup de plaisir au coït ; atteindre prompte¬ ment (disons en dix minutes ou moins) un orgasme explosif ; être impatientes de faire l’amour de nouveau, moins de dix minutes plus tard, et avoir un nouvel orgasme fabuleux (ou deux ou trois) en un court laps de temps. Si elles ne sont pas immédiatement excitées et n’ont pas au moins un orgasme phé¬ noménal pendant les rapports, cela veut dire qu’elles ne sont pas séduisantes, qu’elles ne sont pas vraiment féminines et qu’elles doivent se contenter de ressembler à des pruneaux secs pour le reste de leur vie — ou, à tout le moins, laisser leurs partenaires masculins utiliser leur corps pour leur propre plaisir. Elles peu¬ vent même donner naissance à plusieurs enfants sans jamais, malheureusement, connaître l’orgasme. Ainsi soit-il. Quand je compris qu’un grand nombre de mes clients et clientes entretenaient ces concepts stupides à l’égard du sexe et surtout des rapports amoureux, je m’attaquai avec vigueur à leurs croyances et, après quelques séances de psychothéra¬ pie, la majorité d’entre eux me signalèrent qu’ils avaient des rapports sexuels satisfaisants et se sentaient compétents. Je m’appliquai surtout à leur ôter de la tête l’idée que sexe égale coït, et leur enseignai de nombreuses façons de prendre du plaisir et d’en procurer à leurs partenaires sans pour autant 148
Des méthodes puissantes et importantes pour dominer votre anxiété
s’unir sexuellement. Une fois convaincus que la copulation n’était pas le fin du fin et qu’ils devaient apprécier toutes sor¬ tes de jeux sexuels, mes clients prirent beaucoup plus de plai¬ sir à leurs ébats. Oui, expliquai-je, il n’y avait rien de mal à avoir des rapports sexuels même s’ils consistaient en préten¬ dues « perversions » : mari et femme se caressant jusqu’à l’or¬ gasme et n’accomplissant l’acte sexuel que de temps à autre. Où appris-je à pratiquer la thérapie sexuelle qui vint en aide à des centaines d’individus et de couples de 1943 à 1948? Surtout auprès de vieux sexologues tels que Havelock Ellis, Iwan Bloch, August Forel et W. F. Robie, qui pratiquaient tous activement, au début du xxe siècle, en tant que médecins spé¬ cialisés en sexothérapie. Sigmund Freud et ses disciples, hélas, ne comptaient pas parmi eux et en fait, ils induisaient leurs patients et le corps médical en erreur en déifiant le coït, à l’instar, malheureusement, de la plupart de leurs patients, et en mettant en valeur la capacité de coïter plutôt que d’accor¬ der une importance égale aux stimulations érotiques et aux caresses. Freud et les freudiens se trompaient et ils causèrent beaucoup de tort à leurs patients, tandis que les premiers sexologues mentionnés ci-dessus étaient à peu près sur la bonne voie et firent beaucoup de bien. En 1948, alors que je pratiquais la psychothérapie et la sexothérapie depuis cinq ans, Alfred Kinsey et ses associés confirmèrent mes enseignements et ceux des premiers sexolo¬ gues. Ayant interrogé des milliers d’hommes et de femmes pour la première fois dans l’histoire, Kinsey redécouvrit le sexe sans coït et le dit très clairement dans les deux premiers tomes de ses études intitulés Sexual Behavior in the Human Male et Sexual Behavior in the Human Female. Ses livres étayaient les principes que j’inculquais à mes clients depuis un certain nombre d’années et que j’expliquais dans des articles et des ouvrages populaires. C’était encourageant d’être sou¬ tenu par les recherches scientifiques de Kinsey. Puis, dans les années soixante, William Masters et Virginia Johnson entreprenaient d’observer la vie sexuelle de nom¬ breux sujets, y compris des femmes, et publiaient deux ouvrages 149
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révolutionnaires : Les réactions sexuelles et Les mésententes sexuelles. Leurs recherches confirmaient de nouveau les obser¬ vations des premiers sexologues et les découvertes de Kinsey et de ses associés, soit que le comportement sexuel tant des hommes que des femmes allait bien au-delà de la copulation et englobait toutes sortes de caresses et d’actes sexuels perpé¬ trés en dehors du coït. En fait, il semble que les femmes sur¬ tout parvenaient très souvent à l’orgasme en dehors du coït et plus rarement lors du coït comme tel. Entre-temps, soit en janvier 1955, peu après que Kinsey eut publié ses principales découvertes sur la sexualité fé¬ minine et masculine, et avant que Masters et Johnson n’eussent même amorcé leurs fameuses recherches, la théra¬ pie rationnelle-émotive vit le jour. Sa théorie sur l’incompé¬ tence sexuelle était beaucoup plus précise que les travaux des sexologues précédents. Car le schéma ABC des troubles affec¬ tifs propre à la TRÉ semblait convenir parfaitement à de nom¬ breux troubles sexuels, et les méthodes cognitives, affectives et comportementales présentées par la TRÉ dans les années cinquante semblaient offrir une solution à la plupart des pro¬ blèmes sexuels des gens. Plus précisément, la TRÉ soutient que les troubles sexuels d’origine psychologique — qui s’accompagnent souvent de troubles physiques et médicaux — concordent très bien avec le schéma ABC. Ainsi, un homme désire avoir des rapports sexuels avec sa partenaire, il tente de le faire au point A (évé¬ nement déclencheur) et a le choix, au point C (conséquence émotive) de réussir ou d’échouer à en tirer du plaisir et à en donner à sa partenaire. S’il échoue, c’est souvent parce qu’au point B (croyance rationnelle), il se dit: «J’aimerais beaucoup réussir à procurer beaucoup de plaisir à ma partenaire.» S’ajoute à cela la croyance irrationnelle suivante: «Je dois à tout prix réussir. Je dois avoir une puissante érection, la main¬ tenir pendant quelque temps et enfoncer mon pénis dans le vagin de ma partenaire jusqu’à ce qu’elle soit tout à fait exci¬ tée et ait un orgasme, qu’elle me supplie presque de lui en don¬ ner d’autres et me considère comme le meilleur amant qu’elle 150
Des méthodes puissantes et importantes pour dominer votre anxiété
ait jamais eu! Il est absolument nécessaire que je prenne du plaisir et que j’en donne aussi à ma partenaire, sinon cela veut dire que je suis sexuellement incompétent et que je ne suis pas un vrai homme ! » Cette croyance irrationnelle rendra cet homme très anxieux avant les rapports sexuels, elle alimentera son anxiété pendant les rapports et le poussera à s’espionner (comme l’ex¬ pliquent Masters et Johnson avec raison) pour voir si son pénis « fonctionne vraiment » et à se traiter de femmelette si ce n’est pas le cas. Puis la prochaine fois qu’il aura des rapports sexuels avec la même femme, il sera plus anxieux que jamais et aura beaucoup plus de mal à avoir une érection et à la maintenir. Son anxiété reviendra en force ! Quant à la femme aux prises avec des troubles sexuels d’ordre psychologique, mais qui est tout à fait capable d’être allumée et d’atteindre l’orgasme avec son partenaire, le sché¬ ma ABC ressemble souvent à ceci: au point A (événement déclencheur), elle veut être excitée, avoir un orgasme et en donner un à son partenaire. Mais au point C (conséquence émotive), elle n’est pas excitée ou elle perd son excitation après un certain temps, n’atteint pas l’orgasme, éprouve peutêtre des douleurs pendant le coït et n’arrive pas à donner de la jouissance à son amant. Au point B, elle nourrit la croyance rationnelle suivante: «J’aime faire l’amour et je voudrais y prendre plaisir et en procurer à mon partenaire. » Mais celleci se double des croyances irrationnelles suivantes: «Je dois absolument être facilement allumée et atteindre au moins un orgasme formidable. En plus, je dois apprécier entièrement ses puissantes secousses et jouir pendant qu’il s’unit énergi¬ quement à moi et me procure une jouissance extatique. Je dois à tout prix arriver à l’exciter pleinement avec ma langue, mes mains et mon vagin, et lui donner au moins un et de pré¬ férence plusieurs orgasmes fabuleux afin qu’il adore faire l’amour avec moi et me supplie constamment de recommen¬ cer. Si je ne réussis pas à lui donner du plaisir et à en prendre, cela voudra dire que je ne suis pas une vraie femme et que je mérite à peine d’être aimée. » 151
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Les variations sont nombreuses au chapitre des problèmes sexuels féminins et masculins, mais la plupart suivent le sché¬ ma ci-dessus. Les membres des deux sexes préfèrent non seu¬ lement des rapports sexuels « corrects » — en général des rap¬ ports fort excitants qui conduisent à des orgasmes fabuleux ou mutuels — mais encore ils l’exigent. Les exigences des parte¬ naires suscitent en eux de l’anxiété et de la panique, de sorte que souvent, ils n’arrivent à rien du tout. Même s’ils s’aiment, ils finissent souvent par avoir des rapports peu fréquents ou peu satisfaisants. Ils trouvent parfois d’autres partenaires qu’ils n’aiment pas toujours autant. Mais souvent, s’ils échouent avec un partenaire, ils transposent leurs croyances irrationnelles sur le partenaire suivant et tous les autres, et essuient un échec après l’autre. Même s’ils sont biologique¬ ment aptes à avoir une variété de rapports sexuels satisfai¬ sants, cela leur arrive très peu souvent. UN CAS DE PANIQUE SEXUELLE Comme vous le devinez sans doute, la première partie de la solution préconisée par la TRÉ à un problème sexuel féminin ou masculin d’origine psychologique consiste à détecter les croyances irrationnelles précises de la personne et à les con¬ tester vigoureusement. Roland était un homme de trente ans très viril qui pouvait obtenir une érection très facilement, se masturbait chaque jour et parfois deux fois par jour et pouvait satisfaire presque toutes ses partenaires dans la mesure où elles parvenaient à l’orgasme en moins d’une minute. Si elles prenaient deux minutes ou plus, c’était raté. En effet, Roland tenait rarement plus de deux minutes quand il se masturbait, et quand il faisait l’amour avec une jolie femme, surtout une nouvelle partenaire, son excitation était telle qu’il jouissait au bout d’une minute tout au plus. Après l’éjaculation, son pénis était si sensible qu’il devait se retirer rapidement et il mettait de trente à quarante minutes avant de devenir de nouveau rigide et cette nouvelle érection durait, elle aussi, seulement une minute ou deux lors du coït. La plupart de ses partenaires 152
Des méthodes puissantes et importantes pour dominer votre anxiété
éprouvaient une attirance physique envers lui au début de la relation, mais comme elles étaient très vite insatisfaites sur le plan sexuel, elles éprouvaient une déception croissante qui se muait parfois en ressentiment et cessaient d’avoir des rapports avec Roland. L’une d’elles, Johanne, éprouvait peu de désir et n’atteignait presque jamais l’orgasme avec un homme, mais elle était disposée à continuer de voir Roland et de faire l’amour avec lui parce qu’il lui plaisait en tant que compagnon. Mais il l’invitait rarement à sortir, car il la trouvait beaucoup trop mince et peu attirante. Pour sa part, Roland était très attiré par Laure, une femme séduisante et intelligente, mais elle insistait sur le fait qu’elle n’aimait faire l’amour que si le coït durait au moins cinq minu¬ tes. S’il n’arrivait pas à maintenir son érection aussi longtemps, Roland ne lui convenait pas. Elle connaissait des tas d’hommes qui pouvaient facilement conserver leur érection de dix à quinze minutes et si ce n’était pas son cas, tant pis pour lui. Elle lui donna cependant une chance, même en sachant qu’il souffrait d’éjaculation précoce. Mais avec elle, son problème ne fit que s’aggraver. Il devait durer, devait tout simplement durer pour pouvoir lui plaire. Bien sûr, il éjacula en quelques secondes. Elle affirma qu’ils pouvaient être amis, mais rien de plus. Ce rejet déprima Roland, qui était vraiment attiré par Laure. Avec d’autres femmes, surtout si elles étaient très bel¬ les, il demeurait très anxieux. «Même si je ne suis pas le meilleur amant du monde, se répétait-il, je suis certainement dans la moyenne. Deux ou trois minutes, c’est tout ce que je demande. Cela suffit à certaines femmes. Mais il faut que je tienne plus d’une minute ! Je ne dois absolument pas éjaculer aussi vite ! Je suis un vrai perdant si je le fais. Comme la plu¬ part des femmes ne jouissent pas en une minute, je serai tou¬ jours un perdant ! » J’expérimentai avec Roland plusieurs techniques destinées à le ralentir. Je lui demandai d’utiliser un préservatif, et parfois deux, pour atténuer ses sensations. Je lui proposai d’essayer une pommade qui renferme des ingrédients susceptibles d’en¬ gourdir les nerfs. Je lui conseillai de se masturber et d’éjaculer 153
Dominez votre anxiété aVant qu’elle ne vous domine
juste avant de faire l’amour avec une femme afin de diminuer son ardeur sexuelle au moment des rapports. En pure perte : tous ces moyens mécaniques étaient rendus inefficaces par son anxiété, qui déclenchait l’éjaculation. Comme il s’espion¬ nait sans cesse pour voir combien de temps il durerait, il éja¬ culait encore plus vite. Bientôt, il ne tint plus que quelques secondes après la pénétration. Il aurait pu, comme je le lui conseillais, satisfaire Laure avec ses doigts ou sa langue, mais elle insistait pour qu’il le fasse pendant le coït. En se conformant à son exigence, il aggravait son anxiété. Nous nous attaquâmes donc aux je-dois et aux il-faut de Roland. Je l’aidai à se demander encore et encore: «Pourquoi dois-je satisfaire une femme avec mon pénis, alors qu’il existe manifestement d’autres moyens de le faire? Qu’est-ce qui dit que je suis un mauvais amant et une femmelette parce que certaines femmes comme Laure sont obsédées par le coït et n’acceptent pas la jouissance clitoridienne ou autres formes de stimulation sexuelle ? Pourquoi ne puis-je simplement accepter que j’éjacule rapidement et trouver une femme brillante et séduisante qui puisse s’en accommoder? Pourquoi suis-je obsédé par l’idée de séduire une femme qui déifie mon pénis comme je le fais moi-même, manifestement ? » Ces questions aidèrent Roland à cerner de plus près son problème psychologique. Il vit que s’il continuait d'exiger au lieu de vouloir un coït prolongé, il serait tellement anxieux qu’il n’y arriverait pas. Cela paraissait plutôt évident. Pourtant, Roland ne s’acceptait toujours pas lui-même avec ses limitations. Il voulait Laure et ne supportait pas de se pas¬ ser d’elle. Mais il exigeait aussi d’avoir plusieurs autres choix intéressants, des femmes capables de jouir très rapidement durant le coït ou qui préféraient jouir par d’autres moyens que la pénétration. Quand il trouvait ce genre de femmes, cepen¬ dant, elles étaient différentes de Laure en ce qu’elles se mon¬ traient exigeantes à d’autres égards. Roland, qui manifestait une faible tolérance à la frustration, continuait de définir ses 154
Des méthodes puissantes et importantes pour dominer votre anxiété
problèmes sexuels comme étant catastrophiques et horri¬ bles, plutôt que simplement fort regrettables. Comme il se faisait peu à peu à l’idée qu’il n’avait pas besoin de maintenir son érection plus longtemps pendant le coït, encore que cela fût préférable, mais qu’il demeurait anxieux, je lui enseignai plusieurs techniques de contestation convaincantes. Une fois encore, le problème que présente une contestation légère tient au fait que, par la suite, on peut toujours se dire comme le fit Roland: «Mon incompétence sexuelle n’est vraiment pas si horrible que cela, elle est seu¬ lement ennuyeuse et elle ne révèle rien sur moi en tant que personne. » Mais malgré cette croyance rationnelle, vous pou¬ vez quand même croire dur comme fer : « C’est horrible d’être aussi incompétent! Je suis vraiment une mauviette au lit et moins qu’un homme ! » Dans ce cas, votre anxiété n’aura rien perdu de son intensité. LA CONTESTATION ÉNERGIQUE ET RADICALE DE SES CROYANCES IRRATIONNELLES La première technique que j’enseignai à Roland consistait à enregistrer ses croyances irrationnelles sur bande magnétique et à les contester avec force. Ainsi, il enregistra sa principale croyance irrationnelle: «Je dois absolument faire en sorte d’éjaculer moins vite pendant le coït, sinon Laure et toutes mes bonnes amies me rejetteront, et cela prouvera que je suis un mauvais amant et un homme peu viril!» Roland devait enregistrer cette croyance sur une cassette et la contester vigoureusement pendant plusieurs minutes pour montrer qu’elle était irrationnelle et qu’il pouvait l’abandonner. Il devait enregistrer ses arguments aussi. Ensuite, il devait faire écou¬ ter la bande à moi-même et à plusieurs personnes qui étaient au courant de son problème. Nous devions évaluer non seule¬ ment la justesse de ses arguments, mais encore si sa contesta¬ tion était énergique ou faible et molle. Roland se débrouilla fort bien sur la première bande qu’il enregistra. Il énonça les croyances rationnelles suivantes : il n’y 155
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
avait aucune raison pour qu’il doive absolument éjaculer moins vite pendant le coït; Laure le rejetterait peut-être s’il n’éjaculait pas moins vite, mais ce ne serait pas le cas de tou¬ tes ses bonnes amies ; et s’il continuait d’éjaculer rapidement, certaines partenaires le jugeraient incompétent, mais certaine¬ ment pas toutes. Cela ne prouverait certainement pas qu’il n’est pas viril. Il était viril en dépit de son inaptitude à satis¬ faire sexuellement certaines femmes. Les croyances rationnelles de Roland étaient parfaites, mais il commença par les énoncer d’une petite voix morne qui manquait de conviction. Il recommença donc en s’efforçant cette fois de la contester avec plus de véhémence. Le résultat fut nettement meilleur, sinon parfait. Finalement, au troisième essai, il contesta ses croyances irrationnelles avec force et éla¬ bora une philosophie nouvelle et efficace (E) beaucoup plus convaincante. Lorsque nous écoutâmes la bande, ses amis et moi jugeâmes qu’il avait contesté ses croyances avec vigueur et conviction. Le jeu de rôles est la deuxième technique convaincante que j’utilisai avec Roland. Il tenait son propre rôle, tandis qu’une amie, qui était au courant de son problème, tenait celui de Laure, la femme qui le rejetait sexuellement. Pendant le jeu de rôles, il tenta de convaincre « Laure » que le coït n’était pas sacré et que si elle voulait bien être patiente avec lui, il la con¬ duirait d’abord à l’orgasme sans pénétration et que par la suite il pourrait sans doute maintenir son érection plus longtemps et la satisfaire en la pénétrant. La fausse Laure rejeta délibéré¬ ment ses arguments et refusa de se laisser convaincre. Roland se tira fort bien d’affaire dans son rôle, mais sous l’effet du rejet, il finit par devenir anxieux et ses arguments se ramolli¬ rent. On interrompit donc le jeu de rôles, comme on le fait sou¬ vent en TRÉ, afin que Roland puisse détecter les pensées qui engendraient son anxiété. À ce stade du jeu de rôle, il se di¬ sait: «À quoi bon? C’est sans espoir! Je n’arriverai jamais à la convaincre. Pas plus que j’arriverai à convaincre n’importe quelle femme séduisante de courir un risque avec moi sexuel¬ lement. Je devrais peut-être oublier toute l’affaire et renoncer 156
Des méthodes puissantes et importantes pour dominer votre anxiété
non seulement à Laure, mais aussi à toutes les femmes qui sou¬ haitent un coït prolongé. » Ces croyances irrationnelles, qui firent surface pendant le jeu de rôles, furent alors examinées et promptement réfutées, et Roland put continuer de jouer son rôle avec conviction, même si ses efforts pour convaincre l’amie qui incarnait Laure n’aboutissaient à rien. Devant son échec, il éprouva du regret et une saine déception plutôt que, comme il l’avait fait si sou¬ vent, des sentiments impropres de dépression et d’anxiété. Le jeu de rôles inversé fut la troisième technique convain¬ cante que j’employai avec Roland. Un ami reprit à son compte les croyances irrationnelles de celui-ci, quant à son incompé¬ tence sexuelle, et les défendit ardemment, tandis que Roland essayait de le convaincre d’y renoncer. Aucun argument — aussi séduisant fut-il — ne vint à bout de la résistance de l’ami. En s’exerçant ainsi à contester vigoureusement ses propres croyances irrationnelles (maintenues par l’ami), Roland put plus facilement les laisser aller. En quatrième lieu, je proposai à Roland d’élaborer de puis¬ santes affirmations rationnelles. Il n’eut aucun mal à en fabri¬ quer plusieurs et à se les répéter, bien qu’il n’y crût pas tout à fait. Je l’invitai donc à écrire plusieurs énoncés rationnels un certain nombre de fois, puis à les relire jusqu’à ce qu’ils s’im¬ priment dans son cerveau et son cœur. En voici quelques-uns qu’il utilisa d’une manière emphatique et puissante, et qui semblaient efficaces: «Même si je ne règle pas mon problème d’éjaculation précoce et que je perd Laure et les autres fem¬ mes qui exigent un coït prolongé, je ne serai jamais, jamais un amant pourri et totalement nul. Je serai seulement moins compétent sexuellement pour CES femmes, mais non pour TOUTES les femmes du monde. » «Je souhaite vraiment pou¬ voir prolonger le coït, parce que j’en tirerais beaucoup plus de plaisir et certaines de mes partenaires aussi. Mais JE N’AI PAS BESOIN, PAS BESOIN, PAS BESOIN DE CE QUE JE VEUX! Je PRÉFÈRE l’obtenir, c’est tout. JE PEUX, oui je PEUX sacre¬ ment être heureux dans la vie même si je ne pratique pas le 157
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
coït parfaitement. Et je suis tout à fait résolu à être heureux, que je réussisse ou non à retarder mon éjaculation. » En recourant à ces puissantes techniques propres à la TRÉ à divers moments, Roland renonça enfin à son besoin extrême de prolonger le coït. Il devint beaucoup moins anxieux et en moins de quelques mois, il arriva à conserver son érection de trois à cinq minutes. Pas aussi longtemps qu’il l’aurait voulu, mais n’empêche, cela représentait une nette amélioration.
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CHAPITRE
Ancrez-vous solidement dans des croyances rationnelles et positives
e ferais mieux de le répéter, car cela est crucial si vous voulez comprendre vos perturbations émotives telles que ZJ l’anxiété grave, que celles-ci sont rarement, et ne sont pour ainsi dire jamais, de pures réactions émotionnelles. Ce que nous appelons normalement sentiments consiste en un mélange de pensées, de réactions affectives à ces pensées et d’actions engendrées par ces pensées et émotions. Ainsi, si vous apercevez une chose (un homme armé d’un revolver, par exemple) qui vous paraît « dangereuse » et concluez que vous êtes en danger, vous serez inquiet, et vous vous enfuirez, appellerez la police ou prendrez toute autre mesure pour vous protéger. Votre anxiété est donc formée d’un mélange com¬ plexe de perceptions, de pensées, d’émotions et d’actions ; elle n’est pas seulement une émotion pure. L’un des principaux facteurs déclencheurs de l’émotion, et surtout de l’anxiété, est la force de votre conviction d’être en danger. Supposons que vous aperceviez un homme armé d’un revolver: vous pouvez supposer qu’il s’agit d’un jouet, que l’arme n’est pas chargée, que l’homme ne fait que porter une arme dans son étui, qu’il s’agit d’un policier ou qu’il veut vous 159
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
protéger d’une éventuelle agression, vous éprouverez sans doute un vague sentiment de préoccupation ou de circonspec¬ tion — car vos perceptions et pensées peuvent vous tromper et l’homme pourrait bien être dangereux après tout. En revan¬ che, si vous êtes convaincu que l’homme veut votre peau, même si la plupart des observateurs penseraient autrement, vous pourriez paniquer et l’attaquer avant qu’il ne vous atta¬ que, ce que, bien sûr, il ne fera peut-être pas. C’est la force de votre conviction et non le danger réel que présentent l’homme et son arme, qui fait que votre anxiété est faible, modérée ou grave. Si votre conviction est faible, votre anxiété sera minime, mais si vous êtes tout à fait persuadé que l’homme est dangereux même en l’absence de toute preuve, votre anxiété sera accablante. Ce n’est donc pas seulement votre croyance qui compte, mais la force avec laquelle vous y adhérez. Il est important de reconnaître cela si vous voulez mettre votre anxiété en échec avant qu’elle ne vous domine. Si vous vous dites rationnellement que l’homme armé n’est pas dange¬ reux parce qu’il est vêtu comme un policier et qu’il semble désireux de vous protéger, mais qu’en même temps la pensée irrationnelle vous traverse l’esprit que tout individu armé est dangereux et que, par conséquent, cet homme-là veut votre peau, votre puissante conviction irrationnelle l’emportera vrai¬ semblablement sur votre faible conviction rationnelle. Vous réagirez à l’homme au fusil comme s’il était vraiment un truand résolu à vous occire. En d’autres termes, vos fortes convictions engendrent souvent de puissantes réactions émotives, même si elles ne sont fondées sur rien et qu’elles ont toutes les chan¬ ces d’être incorrectes. Puisque vos croyances irrationnelles puissantes peuvent facilement surpasser vos croyances rationnelles faibles et vous plonger dans une anxiété qui a peu à voir avec la réalité, la TRE a élaboré un certain nombre de techniques pour vous aider à remettre en question vos convictions irrationnelles et à les remplacer par de solides convictions rationnelles. L’une d’elles est la technique paradoxale inventée par Windy Dryden, _____
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Ancrez-vous solidement dans des croyances rationnelles et positives
qui consiste à vérifier et à contester vos croyances rationnelles pour vous assurer qu’elles sont efficaces et solidement ancrées en vous. Windy Dryden, professeur de counselling au Goldsmith’s College de funiversité de Londres, a inventé un grand nombre de techniques utiles en TRÉ et a écrit plus de livres que moi sur le sujet. PEUR PANIQUE DE PRENDRE LA PAROLE AUX RÉUNIONS DU PERSONNEL Si vous éprouvez une anxiété malsaine et contestez les croyan¬ ces irrationnelles qui en sont la cause, vous élaborerez une phi¬ losophie nouvelle et efficace à laquelle vous croirez mollement et avec réserve. Caroline, par exemple, était une rédactrice publicitaire très compétente qui méritait constamment des éloges pour son travail. Elle travaillait pour une agence presti¬ gieuse depuis huit ans, avait touché plusieurs augmentations et primes, et constituait pratiquement un accessoire fixe au sein de l’entreprise. Néanmoins, bien que ses patrons reconnussent sa valeur, elle était terrifiée à l’idée de devoir prendre la parole aux réunions du personnel. Elle avait de bonnes idées qui étaient bien accueillies, mais elle s’affolait à l’idée de les exposer publi¬ quement. Elle craignait de bégayer, de cafouiller, de dire des bêtises ou de devenir muette au beau milieu de son exposé. On saurait alors qu’elle était incompétente et incapable de s’expri¬ mer et on conclurait que ses idées étaient stupides et irréalisa¬ bles. En tant que rédactrice publicitaire, elle se savait compé¬ tente. Mais pour exprimer ses idées à haute voix, elle était nulle et le savait. En conséquence, elle ne parlait que si on l’in¬ terrogeait et n’osait pas présenter ses idées pourtant excellen¬ tes. En outre, elle se dénigrait impitoyablement parce qu’elle passait pour une andouille muette aux yeux de ses collègues. Ses croyances irrationnelles, que nous découvrîmes rapide¬ ment en thérapie, étaient les suivantes: «Je dois m’exprimer très clairement et très bien. Je dois absolument montrer à quel point je suis brillante et pas seulement en rédaction 161
Dominez votre anxiété ayant qu’elle ne vous domine
publicitaire, ce qu’ils savent déjà. Je dois impressionner mes collègues par mes idées et la clarté de mon exposé. Si je cafouille, ils croiront que je suis uniquement douée pour la rédaction publicitaire et qu’au fond je suis une nullité ; d’une part, ils me soutiendront dans ce que je réussis bien, d’autre part, ils me mépriseront et casseront du sucre sur mon dos. Je suis certaine qu’ils le font déjà et qu’ils me voient comme une incompétente notoire. Ils me gardent sans doute par pitié et certainement pas pour mon utilité aux réunions. » Caroline discerna très rapidement ces croyances irrationnel¬ les et entreprit de les contester. Elle nota par écrit ses argu¬ ments et la nouvelle philosophie qui en découla, et se tira fort bien de ce petit exercice — après tout, elle était rédactrice publicitaire et savait écrire. Elle élabora les croyances rationnel¬ les suivantes : «Je ne suis pas obligée de m’exprimer avec clarté et cohérence lors des réunions du personnel, encore que ce fût préférable. J’aimerais beaucoup leur montrer à quel point je suis brillante et pas seulement en rédaction publicitaire, mais ce n’est certainement pas une obligation, et s’ils pensent que c’est mon seul talent, peu importe. J’aimerais bien les impressionner par la clarté de mes idées, car ils auraient ainsi meilleure opinion de moi. Mais, encore une fois, cela est seulement préférable et pas du tout nécessaire. Si je continue de bafouiller aux réunions du personnel et qu’on me prend pour une nouille et qu’on médit de moi, cela ne me fera pas mourir. Il est clair que l’on ne me congédiera pas, on me regardera de haut, c’est tout. Bien sûr, on ne fera peut-être même pas cela, mais le cas échéant, je peux le supporter et continuer de bien faire mon travail tout en étant raisonnablement heureuse. Même s’ils me prennent pour une oie et qu’on me garde uniquement pour mon travail de rédac¬ tion, je peux accepter leur gentillesse et leur pitié, et ne pas me dénigrer. Je peux refuser de me rabaisser, même si je n’apporte jamais de contribution significative aux réunions du personnel. Je m’accepterai avec mes limites et j’éviterai de me dénigrer en tant que personne, même s’il est clair que les autres le font. Je suis quand même contente d’exceller dans mon travail, même si je ne suis pas la plus brillante oratrice qui soit. » 162
Ancrez-vous solidement dans des croyances rationnelles et positives
La nouvelle philosophie de Caroline, qu’elle ébaucha après avoir contesté assez vigoureusement ses pensées irration¬ nelles, était excellente. En temps normal, si elle y avait vrai¬ ment cru, elle aurait vaincu son anxiété. Puis elle aurait surmonté son refus de prendre la parole aux réunions du per¬ sonnel. Car, grâce à sa nouvelle philosophie, elle ne craindrait plus d’exprimer sa pensée, s’exercerait à le faire et verrait qu’aucune catastrophe ne survient, même si elle parle d’une manière hésitante et incohérente. Malheureusement, Caroline ne croyait pas vraiment à sa nouvelle philosophie. Elle la jugeait sensée et pertinente pour les autres, mais elle n’était pas vraiment convaincue. Elle demeurait donc terrifiée, encore qu’un peu moins, à l’idée de prendre la parole aux réunions. Elle n’ouvrait pratiquement pas la bouche et se condamnait parce qu’elle pensait devoir le faire. Je recourus donc à la puissante méthode de Windy Dryden et j’invitai Caroline à se prouver énergiquement la valeur des croyances rationnelles auxquelles elle adhérait mollement et, par là même, à les réaffirmer. Par exemple, elle remit fer¬ mement en question la croyance suivante : « Je ne suis pas obli¬ gée de m’exprimer avec clarté et cohérence lors des réunions du personnel, encore que ce fût préférable » en se demandant : « Pourquoi ne suis-je pas obligée de m’exprimer avec clarté et cohérence lors des réunions du personnel ? Pourquoi serait-ce préférable, mais non nécessaire?» Voici ses réponses : « Il est clair qu’aucune loi ne stipule que je dois m’exprimer avec clarté et cohérence lors des réunions du personnel et comme cette loi n’existe pas, je ne suis pas tenue d’y obéir. Il serait préférable que je prenne la parole aux réunions parce que mes collègues pourraient tirer profit de ce que j’ai à dire et m’approuver. J’aurais avantage à ce que l’on m’apprécie au sein de l’équipe. Mes collègues penseraient que je suis bien plus qu’une bonne rédactrice publicitaire et ce serait bien. Mais je n’ai pas ouvert la bouche depuis longtemps, je m’en tire quand même très bien et je jouis même de l’estime de certains collègues. Peu importe la foule de raisons pour les¬ quelles il serait préférable que j’exprime ma pensée et que je 163
Dominez votre anxiété ayant qu’elle ne vous domine
participe pleinement aux réunions du personnel, il est tout à fait clair que rien ne m’y oblige. Il n’est pas nécessaire que mes désirs profonds soient satisfaits.» Caroline contesta ensuite d’autres croyances rationnelles pour vérifier la fermeté de sa conviction. Celle-ci, par exem¬ ple : «Je ne suis pas obligée de m’exprimer avec clarté et cohé¬ rence lors des réunions du personnel, encore que ce fût préfé¬ rable. J’aimerais beaucoup leur montrer à quel point je suis brillante et pas seulement en rédaction publicitaire, mais ce n’est certainement pas une obligation et s’ils pensent que c’est mon seul talent, peu importe. » Elle contesta cette croyance rationnelle en se demandant: «Pourquoi ne suis-je pas obligée de m’exprimer avec clarté et cohérence lors des réunions du personnel, encore que ce fût préférable? Qu’est-ce que cela me donnerait de leur montrer à quel point je suis douée et pas seulement pour la rédaction publicitaire? Pourquoi ne suis-je pas tenue de le faire ? » En contestant de la sorte ses croyances rationnelles, Caro¬ line trouva les réponses suivantes: «Je ne suis pas obligée de m’exprimer avec clarté et cohérence lors des réunions du per¬ sonnel parce que je n’y suis pas obligée, c’est tout. Je ne l’ai pas fait depuis des années, on me tolère et on m’accorde même des augmentations de salaire. Ce serait préférable si je m’expri¬ mais bien parce que cela me plairait et que mes collègues auraient sans doute une meilleure opinion de moi. Mais préfé¬ rable ne veut pas dire nécessaire. La mort et les impôts sont peut-être nécessaires, mais mériter l’approbation ultime de mes collègues ne l’est certainement pas. » Caroline continua de contester ses croyances rationnelles jusqu’à ce qu’elle y crût fermement. Elle cessa d’y adhérer du bout des lèvres pour les embrasser du fond du cœur, et cela donna d’excellents résultats. Elle commença par s’accepter pleinement, même si elle se taisait pendant les réunions et, plus tard, elle parvint à s’exprimer beaucoup mieux et sans anxiété. A l’instar de Caroline, vous pouvez remettre en question les croyances rationnelles et la nouvelle philosophie que vous V
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Ancrez-vous solidement dans des croyances rationnelles et positives
vous répétez à vous-même et que vous enseignez même à d’au¬ tres du bout des lèvres. Il est facile pour vous, comme pour presque tous les humains, de répéter comme un perroquet vos croyances rationnelles parce que vous savez qu’elles seraient efficaces si vous y croyiez vraiment. En fait, vous faites parfois semblant d’y croire pour vous tirer d’embarras. Vous savez que vous êtes irrationnel parce que vos croyances ne fonctionnent pas; vous imaginez donc quelques croyances rationnelles et vous agissez comme si vous y croyiez vraiment. Vous pouvez alors affirmer que vous êtes vraiment rationnel, alors que vous ne l’êtes pas du tout. Vous pouvez aussi déclarer à tort que vos pensées n’ont rien à voir avec vos sentiments et que les émo¬ tions malsaines comme l’anxiété vous tombent dessus sans crier gare, mais ne sont fondées sur aucune croyance irra¬ tionnelle. Quoi qu’il en soit, si vous croyez que vos pensées sont rationnelles, mais que vous continuez d’éprouver des senti¬ ments et d’adopter des comportements impropres, utilisez la méthode de Windy Dryden et contestez ces pensées jusqu’à ce que vous ayez l’impression d’y adhérer fermement. Vos émo¬ tions et actions deviendront alors beaucoup plus saines et plus fertiles.
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CHAPITRE
Le sens de l’humour
I
l existe une façon de contester vos croyances irrationnelles et les sentiments négatifs malsains qui les accompagnent et elle consiste à les voir sous un angle cocasse. Les humains ont tendance à prendre leurs malheurs beaucoup trop au sérieux et à se tourmenter inutilement. Supposons que vous craignez de marcher seul la nuit dans des rues obscures et désertes, vous prenez la situation au sérieux et cela vous protège du danger. Mais si vous êtes affolé à l’idée de sortir de la maison, sauf en plein jour, que vous ne sortez que si la rue est pleine de monde et que vous refusez de sortir le soir, même si votre maison brûle, votre avez complètement perdu le sens des proportions et vous prenez l’obscurité beaucoup trop au sérieux. De même, les gens très anxieux perdent le sens des pro¬ portions et de l’humour lorsqu’ils utilisent les qualificatifs affreux et terrible pour désigner certains dangers. La per¬ sonne qui a la phobie des ascenseurs, par exemple, est cer¬ taine qu’elle suffoquera si elle monte dans un ascenseur ou qu’il s’écrasera. Elle ne voit pas que l’ascenseur est peut-être la forme de transport la plus sûre du monde et que des mil¬ liers de gens le prennent quotidiennement sans problème. Elle perd tout sens des proportions et de l’humour, et imagine
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
des milliers d’accidents potentiels qui, bien sûr, ne se produi¬ sent jamais. L’humour allège les situations, même les plus sérieuses. Si vous craignez de prendre la parole en public parce que vous êtes certain que tous les membres de l’auditoire vous fixeront en attendant que vous commettiez une bourde, le thérapeute vous conseillera de les imaginer tous assis sur les toilettes, le pantalon baissé ou la jupe relevée, et poussant pour déféquer. Cette image cocasse atténuera à coup sûr votre anxiété. Si vous craignez que vos voisins ne vous entendent quand vous faites l’amour, qu’ils rient de vous et qu’ils vous prennent pour un obsédé sexuel, imaginez ce même couple se balançant au plafonnier et se battant mutuellement avec de grosses chaî¬ nes chaque fois qu’ils font l’amour, et le ridicule de vos peurs vous sautera aux yeux. La TRÉ utilise souvent l’humour comme outil pour vaincre l’anxiété. Elle enseigne, par exemple, que les autres trouvent amusant de vous espionner afin de voir dans quel pétrin vous vous êtes fourré et de rigoler à vos dépens. Si rares soient les gens qui partagent votre phobie particulière et honteuse — celle d’avoir un ou deux cheveux gris à vingt ans —, les autres n’en ont pas moins leurs propres peurs idiotes. Ils se soucient de ce que vous pensez d’eux et sont tellement préoccupés par leurs propres bêtises qu’ils ne pensent pas du tout à vous ni à votre comportement. En outre, lorsque vous semblez très anxieux en public et que vous craignez qu’on ne se moque de vous, ditesvous que la plupart de vos observateurs sympathisent sans doute avec vous et se réjouissent de ne pas être à votre place. Comme le souligne la TRÉ, ce n’est pas ce que vous faites qui vous rend malheureux, mais bien votre vision de la situa¬ tion fâcheuse. Si vous la voyez d’une manière tragique et excessivement sérieuse, vous deviendrez anxieux ou déprimé. Mais si vous la prenez avec humour, vous pourriez la trouver divertissante et même en tirer du plaisir. En apprenant à prendre les choses avec un brin d’humour, vous prendrez peu à peu du recul devant vos tracas. Vous vous distrairez de certaines de vos pensées excessivement 168
Le sens de l’humour
sérieuses et perturbées. Vous dégonflerez vos réflexions gran¬ dioses. Vous apprendrez à accepter la faillibilité humaine. L’humour vous aidera à voir que la vie a bien des petits côtés loufoques. Au lieu de vous prendre au sérieux, ce qui nourrit constam¬ ment vos sentiments d’anxiété et de dépression, essayez de considérer vos pensées, vos sentiments et vos actions avec un sens de l’humour conscient. Vous pouvez délibérément cher¬ cher à voir le côté amusant ou comique de la vie : la vôtre et celle des autres. Presque toutes les situations présentent un aspect comique, même si vous n’obtenez pas l’emploi convoité ou si vous essuyez un rejet. Si vous persévérez dans vos efforts, vous finirez par les accepter. L’humour atténue l’anxiété tout en accroissant l’optimisme. Certes, l’échec et le rejet sont difficiles à supporter. Mais ils présentent aussi des avantages et un aspect humoristique. Les gens vous rejetteront, par exemple, parce que vous réussissez et surtout si vous le faites mieux qu’eux. Voir le côté sombre des choses avec humour a l’avantage de les alléger. Ainsi, vous pouvez rire de vos défauts et refuser de les prendre trop au sérieux. Vous pouvez voir qu’il est ridicule d’espérer connaître uniquement des succès et jamais de revers. Vous échouerez peut-être, mais si vous prenez votre échec à la légère, cela vous aidera à réussir la prochaine fois. Si vous regardez vos défauts avec humour, vous comprendrez que les échecs comme les réussites font partie de la condition humaine. Vous ne devriez pas vous juger trop durement ni penser qu’un premier échec sera inévitablement suivi d’une longue suite de revers. Si vous envisagez vos défauts sous un angle critique, mais humoristique, vous verrez que vous pouvez surmonter les incon¬ vénients qu’ils entraînent et même les atténuer dans le futur. Si vous évitez de vous rabaisser, que vous observez vos erreurs avec ironie et faites de votre mieux pour en tirer une leçon, vous pour¬ rez accepter vos échecs sans les voir comme des catastrophes, ce qui a souvent pour effet d’entraîner de nouveaux déboires et de vous empêcher d’apprendre de ces erreurs. 169
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
DES CHANSONS HUMORISTIQUES RATIONNELLES Pour vous encourager à voir vos échecs et vos pertes avec humour, j’ai composé quelques chansons humoristiques desti¬ nées à promouvoir cette attitude. Je les ai présentées pour la première fois lors d’un colloque sur l’usage de l’humour en psy¬ chologie, organisé dans le cadre du Congrès annuel de la American Psychological Association, qui eut lieu à Washington, D.C., en 1976. Je réussis même à faire chanter avec moi les psychologues de l’auditoire. J’obtins un succès tel que j’ai con¬ tinué de les chanter depuis ce temps dans mes ateliers et mes conférences sur la TRÉ. Il m’arrive aussi de les entonner lors de mes fameux ateliers du vendredi soir au Albert Ellis Institute de New York. Mes chansons étaient si efficaces que je décidai de les uti¬ liser avec mes clients ordinaires. Nous avons donc imprimé un feuillet de chansons que nous distribuons à tous nos clients à la clinique. Chaque fois qu’ils sont anxieux, ils peuvent se chanter une chanson anxiolytique. Un grand nombre d’entre eux arrivent ainsi à atténuer leurs sentiments d’anxiété et de dépression. Si vous chantez des chansons humoristiques et anxioly¬ tiques et si vous utilisez d’autres méthodes humoristiques, vous progresserez à coup sûr dans votre lutte contre l’anxiété inutile. Les exigences et obligations qui sont à l’origine de votre anxiété sont trop sérieuses et manquent tout à fait d’hu¬ mour. Si vous les abandonnez avec humour, vous pourrez voir qu’il n’y a aucune raison pour laquelle vous devez absolument réussir à la perfection, n’éprouver aucun inconfort ni aucune anxiété. L’humour ouvre l’esprit et est libérateur. Les obliga¬ tions et exigences ferment l’esprit et vous inhibent. Éliminez le plus possible les je-dois et les il-faut de votre vie, et vous souf¬ frirez d’un minimum d’anxiété ; de plus, vous la mettrez en échec avant qu’elle ne vous domine.
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CHAPITRE
Exposition ou désensibilisation in vivo
L
a thérapie rationnelle-émotive, comme je l’ai montré dans ce livre, touche les aspects cognitifs, affectifs et comportementaux de la personne. Dans ce chapitre, je décrirai quelques-unes des principales méthodes comporte¬ mentales utilisées dans le cadre de la TRÉ pour vous aider à surmonter votre anxiété avant qu’elle ne prenne le dessus sur vous. Comme je l’ai raconté au début de ce livre, j’ai vaincu ma ter¬ reur de parler en public et d’aborder les femmes grâce à un mélange d’analyse philosophique et de thérapie comportemen¬ tale. Les philosophes m’ont appris que rien, en réalité, n’engen¬ dre vraiment l’anxiété, surtout un projet aussi inoffensif que de parler en public. À l’âge de dix-neuf ans, j’avais lu quelques ouvrages sur la thérapie cognitive, particulièrement ceux d’Al¬ fred Adler sur la psychologie individuelle, mais les philosophies terre à terre des anciens Grecs et Romains, et en particulier d’Épicure, d’Épictète et de Marc Aurèle m’impressionnèrent bien davantage. Tous affirmaient très clairement que je créais moi-même la plus grande part de mon anxiété et de mes pho¬ bies et qu’en pensant lucidement, je pouvais les minimiser. 171
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Cela m’apparut comme une intuition brillante sur la condition humaine et je décidai de la mettre à profit. Toutefois, je parcourus aussi quelques ouvrages sur les expériences de John B. Watson avec les petits enfants qui avaient peur des souris et des lapins. Il les aida à surmonter leurs craintes grâce à la désensibilisation in vivo, c’est-à-dire en les exposant aux animaux jusqu’à ce qu’ils se familiarisent avec eux, les jugent inoffensifs et aillent même jusqu’à les caresser. J’utilisai donc cette méthode pour surmonter ma ter¬ reur de parler en public et d’être rejeté par d’éventuelles par¬ tenaires féminines. Je contestai mes croyances irrationnelles sur l’échec et le rejet, je m’exposai de plein gré à l’inconfort et j’obtins de merveilleux résultats. Après quelques mois d’auto¬ thérapie et sans l’aide d’aucun thérapeute, mon anxiété et mes phobies s’évanouirent. Quand je devins psychothérapeute, en 1943, j’employai naturellement ces techniques avec de nombreux clients et je les aidai considérablement à surmonter leurs propres angois¬ ses. Toutefois, à cette époque, j’étais quelque peu entiché de psychanalyse, pas tant la psychanalyse freudienne que celle, plus libérale, d’Erich Fromm, de Harry Stack Sullivan, de Franz Alexander et Thomas French, ainsi que de Karen Homey. En 1947, j’amorçai ma formation en analyse avec Richard Hulbeck. Pendant plusieurs années, je coiffai donc deux cha¬ peaux : celui de l’analyste non freudien et celui du thérapeute cognitif du comportement. Je me disais analyste, mais je pra¬ tiquais en fait les deux formes de psychothérapie (tout comme de nombreux analystes de l’époque se disaient psy¬ chanalystes sans toutefois faire d’analyse) jusqu’en 1953. Puis, comprenant que la psychanalyse faisait souvent plus de tort que de bien aux gens, j’abandonnai ce titre en 1953 pour garder uniquement celui de psychothérapeute et j’amorçai la création de la thérapie rationnelle-émotive. En janvier 1955, je pratiquais déjà ce que j’appelais alors la thérapie rationnelle, qui comportait un certain nombre de méthodes cognitives, affectives et comportementales, et, en particulier, l’exposition ou la désensibilisation in vivo. 172
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Dès 1955, j’avais déjà écrit cinq livres sur le sexe et l’amour, et plus de quarante articles professionnels et populaires sur les relations et le mariage. Comme un pourcentage élevé de mes clients étaient anxieux par rapport au sexe et à l’amour, j’utili¬ sai la méthode de l’exposition avec eux. Je les persuadais de prendre les rendez-vous qui les effrayaient, d’avoir des rap¬ ports sexuels avec des partenaires avec lesquels ils avaient échoué et de demeurer dans des unions et des relations extrê¬ mement difficiles. Tandis qu’ils modifiaient leur façon de pen¬ ser «terribiliste», je voulais qu’ils serrent les dents, qu’ils essaient et échouent, et qu’ils constatent qu’un échec n’avait rien de terrible et ne diminuait en rien leur valeur personnelle intrinsèque, sauf s’ils pensaient que c’était le cas. Ma réussite exceptionnelle avec ceux de mes clients qui se heurtaient à de graves problèmes sexuels et amoureux me fit comprendre que j’étais sur la bonne voie et que le travail indi¬ viduel qui consistait à s’exposer à l’échec et au rejet était effi¬ cace dans une large mesure. Des clients qui avaient pratique¬ ment cessé toute activité sexuelle après avoir essuyé une série d’échecs, redescendaient dans l’arène et connaissaient sou¬ vent quelques revers de plus avant de réussir et d’en tirer un immense plaisir. Certains clients, qui avaient failli se suicider après avoir été rejetés par leur belle et qui craignaient comme la peste d’engager de nouvelles relations amoureuses ou con¬ jugales, se remettaient à sortir et à nouer des liens, et bientôt un certain nombre d’entre eux vivaient de merveilleuses rela¬ tions amoureuses. Je pressais un nombre de plus en plus grand de mes clients à s’affirmer, à courir des risques, à surmonter leur anxiété et leurs phobies pour nouer des liens sexuels et amoureux. Je notai les résultats positifs de mon modèle cognitif de psycho¬ thérapie dans un certain nombre de livres et d’articles et, à tra¬ vers les séances individuelles de thérapie et mes écrits, je libé¬ rai sans doute plus de gens de leurs angoisses à l’égard du sexe et de l’amour que tout autre psychothérapeute. Kinsey puis Masters et Johnson apportèrent beaucoup d’eau au moulin grâce à leurs écrits scientifiques. Mais mes meilleurs livres 173
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atteignirent des milliers de gens qui n’auraient sans doute jamais ouvert un traité scientifique. Aujourd’hui, beaucoup de participants à mes conférences et à mes ateliers m’informent avec gratitude qu’ils ont surmonté leur anxiété à l’égard du sexe et des relations amoureuses dans les années soixante après avoir lu quelques-uns de mes meilleurs livres de poche. Vous aussi pouvez combattre votre anxiété à l’égard du sexe, de l’amour et de tout autre aspect de votre vie grâce aux méthodes comportementales que je mis en œuvre il y a plus de cinquante ans et que j’élaborai surtout lorsque je me mis à pra¬ tiquer la TRÉ, en janvier 1955. La plus importante d’entre elles demeure la désensibilisa¬ tion in vivo ou exposition. Lorsque je la mis en pratique sur moi-même à l’âge de dix-neuf ans, l’exposition était rarement employée en psychothérapie, même dans les premiers modè¬ les de thérapie comportementale. À l’époque, on la jugeait trop active, trop envahissante et susceptible de susciter la résis¬ tance du client. Des méthodes de déconditionnement plus passives et indirectes étaient populaires, surtout la désensibi¬ lisation imaginaire ou inhibition réciproque élaborée par le thérapeute du comportement Joseph Wolpe. Ce dernier se di¬ sait que si vous éprouvez une peur irrationnelle telle que la peur du thamnophis, un serpent inoffensif, ou même de l’image d’un serpent, vous devez imaginer que le serpent se trouve à cinq cents mètres de vous, puis utiliser la technique de relaxation progressive de Jacobson pour vous détendre. Puis vous imaginez que le serpent se trouve à trois cents mètres et vous vous relaxez de nouveau. Puis à cent mètres, et vous vous détendez. Et ainsi de suite jusqu’à ce que la désen¬ sibilisation soit complète et que vous n’ayez plus peur de pen¬ ser au serpent ni même d’y faire face. De nombreuses expé¬ riences menées dans les années soixante ont démontré que cette méthode d’inhibition réciproque était souvent efficace, aussi variées que soient les théories justifiant cette efficacité. Quand vous pratiquez la TRÉ, vous pouvez utiliser la dé¬ sensibilisation imaginaire de Wolpe pour atténuer votre peur irrationnelle des serpents ou d’un tas d’autres choses 174
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effrayantes ». Mais, en fin de compte, vous devrez sans doute aller au zoo et regarder le serpent dans le blanc des yeux, sinon vous ne serez jamais certain d’avoir vraiment dompté votre peur. La désensibilisation imaginaire doit donc être éprouvée par l’affrontement in vivo de l’objet appréhendé. En outre, comme l’ont démontré de nombreuses expériences por¬ tant sur la thérapie du comportement depuis les années soixante-dix, la dé sensibilisation imaginaire ne semble avoir aucun effet sur certaines des pires peurs irrationnelles des gens — comme celle d’être anxieux jusqu’à la fin de leur vie s’ils n’accomplissent pas certain rituel obsessif-compulsif. Cer¬ taines personnes ont besoin de l’exposition in vivo pour voir leurs peurs diminuer ou disparaître tout à fait. «
PEUR DU MÉTRO ET PEUR PANIQUE DE PANIQUER Lorsque vous utilisez la TRÉ, je vous conseille de recourir à l’exposition in vivo pour minimiser vos peurs irrationnelles. Prenons le cas de Maurice, un analyste en informatique qui aimait son métier, occupait le même emploi depuis quinze ans et avait touché de nombreuses augmentations de salaire. Pour s’y rendre cependant, Maurice n’avait d’autre choix que de faire un trajet d’une heure en métro. Or, sa peur du métro était telle qu’il ne le prenait pratiquement jamais. Comme une de ses épaules avait tendance à se disloquer, il était dangereux pour lui de conduire la voiture. Il s’arrangeait donc pour voya¬ ger avec des habitants de son quartier qui possédaient une voi¬ ture. Mais cela ne fonctionnait pas toujours, et Maurice était souvent forcé de prendre une série d’autobus ou un taxi pour se rendre à son travail et pour retourner chez lui. Les taxis coûtaient cher et le trajet en autobus prenait beaucoup de temps. Mais Maurice avait toujours la phobie du métro et, les rares fois où il le prit, il fut en proie à une terrible anxiété. Maurice n’avait aucune raison de craindre le métro. Ni lui ni aucun membre de son entourage n’avait jamais été blessé en utilisant ce moyen de transport. Un jour qu’il se rendait à l’uni¬ versité en métro, le train s’était arrêté cinq minutes entre deux 175
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stations, ce qui avait jeté Maurice dans un état de panique accompagné de palpitations et d’une abondante transpiration. Mais il n’était rien arrivé, et le train était reparti aussitôt. À la suite de cet incident, Maurice refusa de prendre le métro pen¬ dant des années. À l’instar de la plupart des gens qui sont por¬ tés à paniquer, il craignait de paniquer de nouveau et il était convaincu qu’il ne supporterait pas un nouvel arrêt du métro et une nouvelle crise de panique. Au lieu d’affronter sa pani¬ que et de voir qu’elle était regrettable, mais non terrible, il se défilait en voyageant en voiture, en taxi et en autobus. En premier lieu, en utilisant la TRÉ, je m’attaquai à la croyance irrationnelle qui sous-tendait le symptôme secondaire de Maurice, en l’occurrence sa peur panique de paniquer. Il mani¬ festait la faible tolérance à la frustration qu’éprouvent souvent les gens à l’idée de paniquer. Il se disait: «Je dois à tout prix éviter de paniquer! C’est la sensation la plus désagréable que j’aie jamais connue. Je ne peux pas supporter les palpitations, l’es¬ soufflement, la paralysie de mes membres et les terribles sensa¬ tions qu’elle engendre ! J’ai l’impression que je vais mourir et sou¬ vent, je me dis que cela vaudrait mieux, car cela mettrait fin à mon supplice. Si je dois souffrir ainsi et ressentir toute ma vie la menace de cette terrible expérience, à quoi bon vivre? Si ce n’était que je crains de faire souffrir mes parents et mes frères, j’envisagerais sérieusement d’en finir et de mettre fin à ma détresse. » En d’autres termes, Maurice se disait non seulement qu’il détestait ses graves crises de panique, mais aussi qu’il ne les tolérait pas et ne pouvait absolument pas être heureux si elles continuaient de se produire. C’est pourquoi, malgré les inconvé¬ nients que cela lui causait, il refusait de prendre le métro. En deuxième lieu, même si Maurice commença par nier le fait qu’il brûlerait de honte si la panique le paralysait dans le métro et que les autres passagers le regardaient de haut, je continuai de l’interroger et découvris un aspect important de l’histoire. Il ne craignait pas du tout, semble-t-il, qu’on le voit trembler de peur, mais l’idée de perdre le contrôle de lui-même et d’uriner dans son pantalon l’horrifiait. Cela serait vraiment honteux ! Il ne pourrait pas supporter l’air horrifié des passa176
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gers à la vue de son pantalon mouillé et puant. C’était la pire catastrophe qui pourrait lui arriver et il devait l’éviter à tout prix pour ne pas être à jamais avili. Maurice éprouvait donc une faible tolérance à la frustration et il se dénigrait à l’idée de paniquer dans le métro. Nous tra¬ vaillâmes donc ensemble sur ses croyances irrationnelles et, théoriquement du moins, il put voir qu’il pouvait supporter les émotions intenses et le sentiment d’impuissance engendrés par ses attaques de panique ; il pouvait aussi tolérer d’uriner dans son pantalon et de dégoûter les autres passagers. Il arriva même à la conclusion, quand il réfléchit à ses croyances irra¬ tionnelles sur une éventuelle crise de panique, que les passa¬ gers qui risquaient de le trouver répugnant étaient de purs inconnus qu’il ne reverrait sans doute jamais et qui oublieraient très vite l’incident. Certains, se dit-il, loin d’éprouver du dégoût, jugeraient qu’il est normal d’être incontinent quand on a peur et se montreraient sans doute aimables et pleins de sollicitude. Jusqu’ici, pas de problème ! Maurice contesta les croyances irrationnelles qui sous-tendaient sa panique et son exigence absolue selon laquelle il ne devait en aucune circonstance pa¬ niquer et montrer aux autres qu’il avait peur, et il surmonta en partie sa crainte de paniquer dans le métro. Au moins, il pou¬ vait envisager que cela se produise sans succomber à une ter¬ rible anxiété. Quant à prendre le métro, toutefois, il n’y avait rien à faire. Il refusait de courir ce risque. Les problèmes de transport de Maurice s’aggravèrent. L’entreprise pour laquelle il travaillait déménagea dans une autre ville et il devint presque impossible pour lui de voyager en voiture avec des collègues. Prendre l’autobus était plus compliqué et prenait encore plus de temps qu’auparavant et le taxi ou la limousine coûtaient très cher. La meilleure solution consistait donc à prendre le métro, puis le train, qui était comme une autre sorte de métro. Mais il s’exposait plus que jamais à succomber à la panique. Maurice tenta désespérément de trouver un autre emploi d’informaticien, quitte à toucher un salaire moindre, mais sans succès. Il songea à changer de profession et à 177
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accepter n’importe quel type d’emploi. Mais il devrait pour cela sacrifier les quinze ans qu’il avait passés dans son entre¬ prise actuelle ainsi que ses indemnités de retraite. Il ne sem¬ blait y avoir aucune solution et il s’enfonça de plus en plus dans l’anxiété et la dépression. De guerre lasse, il décida de travailler sur sa phobie du métro. Ayant passé des mois à discuter interminablement de ses croyances irrationnelles et à les contester mentalement, il m’interrogea sur la possibilité de prendre de vraies mesures pour vaincre sa phobie. Il me demanda quelques exercices faciles et sensés qu’il accomplirait, malgré son inconfort, et qui pourraient éroder sa peur du métro. Je proposai donc à Maurice un plan relativement simple que j’avais utilisé avec plusieurs autres clients dans le même cas que lui. Il s’agissait pour Maurice de se rendre à la station de métro la plus proche de chez lui et de prendre le métro jus¬ qu’à l’arrêt suivant. Puis il descendrait du métro, prendrait le suivant cinq ou dix minutes plus tard, et effectuerait un autre court trajet entre deux stations. Il continuerait de faire cela, un arrêt à la fois, jusqu’à ce qu’il s’habitue et soit moins craintif. En outre, comme le métro à ce point de la ligne circulait audessus du sol, il ne se sentirait pas coincé sous terre. Maurice accepta ce plan en théorie, mais il trouvait sans cesse des excuses pour remettre son exécution à plus tard. Il craignait encore de paniquer, puis de paniquer devant sa pa¬ nique, et cette pensée le terrifiait. Un dimanche, cependant, jour où les trains sont moins bondés qu’en semaine, il se força à se rendre jusqu’à la station proche de chez lui. Il laissa pas¬ ser le premier train et monta dans le suivant. Il avait peur, mais il se répétait : « Un arrêt. Un seul arrêt. Un seul putain d’arrêt. » À la station suivante, il descendit avec un soupir de soulage¬ ment. Rien de terrible n’était arrivé. Pas de panique, mais une anxiété considérable. Le dimanche suivant, il prit de nouveau le métro pour des¬ cendre à la station suivante, puis un autre, et descendit deux sta¬ tions plus loin. Après deux mois, il pouvait effectuer un long tra¬ jet en métro en descendant à chacune des stations et en prenant 178
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le train suivant. Puis il s’efforça de demeurer dans le métro et de laisser passer deux stations, puis trois, et ainsi de suite. En moins de quelques mois, il put effectuer un long trajet le dimanche, dans un métro vide. Puis il répéta son exploit en semaine, au moment où le métro était bondé. Nul désastre ne se produisit, nulle crise de panique. Il lui arrivait encore d’éprouver de l’incon¬ fort ou de l’anxiété, mais plus il prenait le métro, plus il voyait que la panique n’était pas vraiment un problème. Il lui arriva à quelques reprises d’éprouver une légère anxiété lorsque le métro s’arrêta sous terre de cinq à dix minutes entre deux stations sans raison évidente. Mais toujours pas de panique. Un jour que le train était arrêté depuis une quinzaine de minutes, il espéra même ressentir de la panique afin de voir s’il pouvait y faire face et ne pas paniquer devant sa panique. En fait, dès le moment où il se mit à prendre le métro, il ne ressentit jamais de panique. Au bout de neuf mois, il était à peu près certain qu’il ne paniquerait pas et surtout qu’il pourrait faire face à une crise si jamais elle survenait. Chaque jour, il prenait le métro, puis le train pour se rendre à son travail et en était fort heureux. Entre autres choses, il découvrit qu’il pouvait facilement s’y plonger dans un livre ou un journal, alors qu’il n’arrivait pas à le faire en voiture ou en autobus. Ainsi, l’heure et quart qu’il passait à voyager chaque jour devint une expérience plus positive que négative. Vous aussi pouvez vaincre l’anxiété qui limite vos activités quotidiennes. Explorez, à l’instar de Maurice, les pensées irra¬ tionnelles qui vous angoissent et qui vous empêchent de vous livrer à des activités bénéfiques ou agréables. Puis forcez-vous à les accomplir, malgré votre inconfort. Il y a de bonnes chan¬ ces, ce faisant, pour que vous ne mouriez pas et que vous sur¬ montiez rapidement votre malaise. LA PEUR DE REMETTRE SES TRAVAUX SCOLAIRES
Gabrielle avait la phobie de finir les travaux exigés dans son cours d’histoire et elle cajolait et soudoyait son petit ami Simon pour qu’il le fasse à sa place. Elle effectuait toutes les recherches et rédigeait une première ébauche, mais elle ne 179
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finissait jamais son travail. Elle persuadait Simon de le peaufi¬ ner et de l’achever pour elle, à défaut de quoi elle ne pourrait pas le remettre. La plupart du temps, Simon avait très peu à faire avant de juger le travail à point. Mais Gabrielle ne le remettait jamais sans qu’il y ait mis la dernière main. Comme elle se condamnait sévèrement, je l’aidai d’abord à s’accepter inconditionnellement même si elle comptait sur Simon pour terminer ses travaux à sa place. Son comporte¬ ment, ainsi que je le lui démontrai, était faible, stupide et inepte et il renforçait sa crainte de terminer seule ses travaux. Mais il ne faisait pas d’elle une femme faible, stupide et inepte ; seule sa phobie la poussait à se comporter ainsi. Gabrielle refusait toujours de remettre un travail avant que Simon ne l’ait retouché. Je reçus donc le couple ensemble et expliquai à Simon qu’il ne rendait pas service à Gabrielle en cédant à ses exigences. Je lui soutirai la promesse qu’au cours du mois suivant il ne toucherait à aucun des trois travaux qu’elle devait remettre. Elle devrait les terminer sans son aide ou n’en rendre aucun. Gabrielle éprouvait une anxiété exceptionnelle à la pers¬ pective de rendre trois travaux entièrement de son cru et elle s’employa frénétiquement à convaincre des amis de se substi¬ tuer à Simon et de les remanier. Heureusement, personne n’ac¬ cepta de l’aider de sorte qu’elle fit contre mauvaise fortune bon cœur et se répéta qu’aucune catastrophe ne surviendrait si elle assumait l’entière responsabilité de ses travaux. Elle se força, en dépit de son inconfort, à terminer ses trois travaux et à les rendre. Elle acheva le premier avec une anxiété profonde et bien des pleurs et des grincements de dents, le deuxième avec une anxiété moindre et moins de gémissements et le troi¬ sième, avec très peu d’anxiété et sans se lamenter. Par la suite, elle rédigea tous ses travaux avec enthousiasme sans l’aide de quiconque et elle s’émerveilla de sa capacité de le faire. L’histoire de Gabrielle montre que l’exposition à des situa¬ tions effrayantes peut parfois se faire d’un seul coup, plutôt que graduellement. Il est clair que, en ce qui vous concerne, vous avez le choix de l’une ou l’autre des méthodes. Surtout, 180
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détectez les pensées irrationnelles qui vous rendent très anxieux et qui vous poussent à éviter certaines situations diffici¬ les. Contestez-les avec véhémence et sans faillir. Si votre pho¬ bie persiste, obligez-vous à accomplir cela même qui vous effraie, malgré votre inconfort. Faites-le encore et encore. Si vous en mourez, comme je dis toujours à mes clients, n’ayez crainte, nous vous enterrerons en grandes pompes avec une profusion de fleurs dans un endroit merveilleux. Mais vous ne mourrez pas. Au lieu de cela, vous surmonterez d’un seul coup ou graduellement votre anxiété et votre phobie, et vous serez très heureux de ne plus y céder.
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CHAPITRE
Tolérez et endurez les situations anxiogènes
L
e problème de la plupart des situations anxiogènes, c’est que l’on peut toujours trouver un moyen d’y échapper. Ainsi, si l’idée de parler en public vous affole, vous pou¬ vez généralement éviter de le faire. Si vous êtes terrifié à l’idée d’aborder les hommes ou les femmes qui vous plaisent pour les inviter à sortir, vous pouvez facilement les éviter. Chaque fois que vous fuyez une situation alarmante, toutefois, vous accroissez votre anxiété à son égard. Car le plus souvent vous vous dites : « Il est certain que si je prends la parole à cette réu¬ nion, je m’en tirerai très mal, me couvrirai de ridicule et me sentirai idiot. » Ou: «Si j’invite cette jolie femme à sortir avec moi, elle me trouvera peu intéressant et me repoussera, et je me sentirai tout à fait nul. » Ainsi, le fait d’éviter une situation qui vous terrifie vous procure un soulagement temporaire, mais accroît presque tou¬ jours votre anxiété irrationnelle. Il en va de même si vous modifiez ce que la TRÉ appelle l’adversité au point A, car en dépit de cela, vous pouvez aisément reporter vos croyances irrationnelles sur la nouvelle situation (A) et éprouver un nou¬ veau trouble affectif en C (conséquence émotive). 183
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
LA PEUR D’ÊTRE CRITIQUÉ AU TRAVAIL Prenons le cas d’Annie. Annie confectionnait des patrons et elle avait terriblement peur d’être critiquée, surtout au travail. Chaque fois qu’elle avait un supérieur critique — ou qu’elle croyait tel —, elle trouvait aussitôt un prétexte pour quitter son emploi et en chercher un nouveau. Pendant les entrevues d’emploi, elle posait souvent plus de questions que l’interroga¬ teur, car elle voulait déterminer à l’avance à quel point son futur patron avait l’esprit critique. Il est clair, dans ces conditions, qu’Annie ne s’habitua jamais à travailler sous les ordres d’un supérieur négatif, et sa crainte d’être blâmée s’intensifia de plus en plus. À chaque nouvel emploi, elle apportait avec elle son hypersensibilité à la critique; et parce qu’elle craignait très fort d’être méprisée, elle voyait du mépris là où il n’y en avait pas. En outre, elle réagissait si mal aux suggestions même constructives que ses supérieurs craignaient souvent de heurter ses sentiments, sur¬ veillaient outre mesure leurs propos et se débarrassaient par¬ fois d’elle parce qu’elle les limitait trop. Annie vint me consulter parce qu’elle ne trouvait plus de travail au sein de la vaste industrie du vêtement. Elle s’était enfuie de tant de postes et avait été congédiée tellement sou¬ vent que ses choix s’étaient rétrécis. C’était une patronnière compétente et elle aimait son travail qui était fort bien rému¬ néré. Mais elle semblait avoir épuisé ses possibilités d’emploi. Comme vous l’avez sans doute deviné, nous travaillâmes sur sa tendance compulsive à changer d’emploi et à chercher des supérieurs non critiques. En premier lieu, disons qu’elle nourrissait une aversion normale ou rationnelle envers la réprobation, comme l’indiquait sa philosophie : « Je n’aime pas qu’on me critique et qu’on me dise quoi faire, puisque j’exerce mon métier avec compétence depuis maintes années. Je veux que mes supérieurs me laissent faire mon travail. S’ils ont des objections ou des suggestions à m’adresser, j’aimerais qu’ils le fassent d’une manière polie et civilisée. Je suis prête à les écouter et à améliorer mon travail. Mais je n'aime pas les sug184
Tolérez et endurez les situations anxiogènes
gestions présentées d’une manière déplaisante et rude qui lais¬ sent sous-entendre que je suis incompétente et que je ferais mieux de retourner à mon ancien travail sur les machines à coudre. » Si seulement Annie avait conservé cette attitude, elle aurait été désolée et frustrée quand on la critiquait, mais elle n’aurait pas eu de difficulté à trouver du travail. Simultanément toutefois, elle embrassait des croyances irrationnelles beaucoup plus profondes, telles que: «Il ne faut absolument pas que l’on me blâme ou me critique, car cela signifierait que mes supérieurs n’ont pas confiance en mes talents et qu’ils me prennent pour une patronnière de peu d’envergure et un être inférieur. J’ai honte d’être rabais¬ sée ainsi, surtout que certains superviseurs sont plus jeunes que moi et en savent beaucoup moins que moi sur la confec¬ tion de patrons. Je ne supporte pas de les voir me dénigrer et je ne peux pas les laisser profiter de moi sans réagir. Je suis une poule mouillée si je ne mets pas sur-le-champ un terme à leurs critiques injustes. Je leur montrerai qu’ils ne peuvent pas me discréditer de la sorte ! Je démissionnerai! » Ces pen¬ sées irrationnelles, peu réalistes, blessaient et enrageaient Annie. _ Lorsqu’elle les distingua clairement et les remit en question, elle devint moins vulnérable devant les prétendues agressions de ses superviseurs et conserva ses emplois deux ou trois fois plus longtemps qu’auparavant. Mais tôt ou tard, un de ses supérieurs passait sa mauvaise humeur sur elle, et ses croyan¬ ces irrationnelles revenaient en force ; alors, soit qu’elle démis¬ sionnait, soit qu’elle insistait pour être placée sous la sur¬ veillance d’un autre patron. Je sentis que je devais me montrer assez ferme avec Annie et je lui fis promettre qu’elle ne quitterait pas son emploi, même si on la critiquait durement tant qu’elle n’aurait pas dépassé son humiliation et sa rage. Lorsqu’elle se serait cal¬ mée, après avoir contesté ses pensées irrationnelles et qu’elle éprouverait de la frustration et un regret sains devant les criti¬ ques «injustes» de ses supérieurs, sans se sentir humiliée ou furieuse ni se dénigrer elle-même, elle pourrait quitter son 185
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emploi si elle le désirait toujours. Dans le cas contraire, elle l’endurerait jusqu’à ce qu’elle surmonte sa douleur et sa colère. Peu de temps après, la résolution d’Annie fut mise à rude épreuve. Sa supérieure, qui avait été patronnière autrefois, l’engueula parce qu’elle avait mis trop de temps à compléter une commande, ce qui avait obligé l’entreprise à engager une patronnière supplémentaire dont elle jugeait n’avoir pas vrai¬ ment besoin. Elle lui passa un savon et affirma qu’en vingt ans, elle n’avait jamais vu une patronnière aussi lente. Si elle n’ac¬ célérait pas son rythme, non seulement elle serait congédiée mais on informerait ses futurs employeurs de sa tendance à lambiner. Anéantie, Annie sombra dans l’anxiété et la dépression, ce qui eut pour effet de ralentir son travail encore davantage. Elle était prête à démissionner mais, se souvenant de sa promesse, elle entreprit de contester ses croyances irrationnelles. Elle s’en prit en particulier à la croyance voulant que Maria, sa supérieure, était injuste parce qu’elle se rapportait à des normes de confection vieilles de vingt ans et fort différentes de celles d’aujourd’hui. Elle oubliait que la confection de patrons était beaucoup plus complexe aujourd’hui et demandait beau¬ coup plus de temps. Annie contesta l’attitude injuste de Maria et élabora rapidement l’affirmation suivante : « Supposons que tout le monde est d’accord avec moi pour dire qu’elle est injuste. Qui a dit qu’elle devait être juste? Comment, en fait, peut-elle se montrer équitable quand elle a tendance, et je le sais depuis longtemps, à se montrer injuste? Elle est injuste! Laissons-la faire. Je n’ai pas besoin d’être injuste envers moimême en prenant au sérieux sa partialité et en me dénigrant moi-même. Je peux affronter sa partialité avec impartialité. Laissons-la être aussi injuste qu’elle le veut. Je vais tirer la situation au clair et éviter de me condamner. » Durant cette contestation, Annie, pour une des rares fois de sa vie, fit bonne figure devant la méchante humeur de Maria et refusa de se laisser intimider. Elle avait résolu de se calmer et de chercher un autre emploi, car elle n’aimait pas prêter flanc aux critiques injustes de Maria. Mais elle conserva délibé186
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rément son emploi, même après avoir vaincu sa douleur et sa rage juste pour voir combien de temps elle persévérerait sans se mettre dans tous ses états. Pendant plusieurs semaines, Annie tint bon et supporta des critiques encore plus sévères de la part de Maria qui était contrariée de voir que, pour la première fois, ses attaques n’avaient aucun effet sur Annie. Elle redoubla d’effort, mais en pure perte. Parce qu’Annie avait contesté ses croyances irrationnelles et conservé son emploi en dépit des persécutions de Maria, elle vit clairement qu’elle pouvait mettre en échec son anxiété et sa rage avant de se laisser dominer par elles. Demeurer à son travail dans des conditions très difficiles renforça sa capacité de dominer ses émotions, malgré les traitements injustes de Maria. Celle-ci finit par la congédier, car elle ne pouvait pas supporter la nouvelle attitude sereine d’Annie qui prit la nou¬ velle avec un flegme remarquable. Par la suite, elle fut beau¬ coup moins sensible aux critiques de ses supérieurs et quitta rarement un emploi dans un état de fureur désespérée. En vous inspirant de l’exemple d’Annie, vous pouvez endu¬ rer des situations très difficiles — avec un patron, un conjoint, des beaux-parents, des amis et d’autres personnes prétendu¬ ment injustes et hargneuses. Travaillez sur votre propre ten¬ dance à être aisément contrarié par les actions des autres que vous jugez agaçantes. Supportez-les jusqu’à ce qu’elles vous laissent indifférent, puis décidez si vous avez avantage à rester ou à partir. Plus vous maîtriserez vos réactions excessives devant les actes contrariants des autres, plus vous arriverez à dominer votre anxiété... avant qu’elle ne vous domine.
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CHAPITRE
22 Le renforcement
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a technique qui consiste à récompenser les gens quand ils se conduisent bien et à les punir quand ils se condui¬ sent mal est employée depuis des siècles par les pa¬ rents, les éducateurs, les philosophes, les chefs religieux et d’autres façonneurs du comportement humain, et son effica¬ cité a souvent été démontrée. Ivan Pavlov fut l’un des premiers à-l’utiliser pour conditionner les animaux et, à sa suite, un cer¬ tain nombre de scientifiques y recoururent pour encourager la bonne conduite et décourager les actions indésirables. Dans les années vingt et trente, B. F. Skinner démontra au cours d’un certain nombre d’expériences psychologiques que le conditionnement opérant est un facteur crucial lorsqu’il s’agit d’encourager enfants et adultes à agir au meilleur de leurs inté¬ rêts. Il entendait par là que les individus ont tendance à repro¬ duire les comportements pour lesquels ils ont été récompensés antérieurement. Les contingences de renforcement les prépa¬ rent largement à exécuter certaines tâches telles que résoudre des problèmes ou faire leurs devoirs. Plus on renforce ou récompense leur comportement, plus ils auront tendance à le reproduire, et vice versa. Ce trait, suggérait Skinner avec force, est inhérent aux animaux et aux humains ; et on peut l’utiliser
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pour les amener à accomplir des choses bonnes ou utiles et à interrompre leurs actions mauvaises ou mutiles. La thérapie comportementale, qui s’inspire des travaux de Pavlov, de Skinner et de nombreux béhavioristes, utilise le principe du renforcement pour aider les clients à remplacer leurs actions et émotions perturbées par de saines actions et émotions. Des centaines d’expériences contrôlées ont prouvé que le renforcement était efficace. Par conséquent, la TRÉ l’associe souvent à ses méthodes afin d’aider les gens à domi¬ ner leur anxiété. LA CRAINTE D’AFFICHER SA COMPÉTENCE Bertrand, un avocat de quarante ans, avait souffert sa vie durant de plusieurs formes d’anxiété reliée à la performance. Il réussissait très bien lorsqu’il passait un test ou une entrevue d’emploi, défendait ses clients au tribunal et pratiquait des sports. Mais il était souvent fort anxieux en se livrant à ces activités, car il craignait non pas d’échouer lamentablement, mais d’atteindre un succès modéré plutôt qu’exceptionnel et de se rabaisser ainsi aux yeux de ses observateurs. Donc même si sa performance était supérieure à la moyenne, dès que la date d’un examen était fixée, il se faisait de la bile, car il crai¬ gnait d’obtenir des résultats médiocres, «honteusement» médiocres. Son inquiétude s’aggravait à mesure que la date fatidique approchait et, une fois l’épreuve terminée, même s’il s’en était fort bien tiré, il craignait que ses amis et associés le méprisent pour sa performance médiocre. Aucun de ses amis proches ne le dénigrait jamais pour ses performances « médio¬ cres», mais il croyait que c’était par simple politesse et, qu’au fond, ils avaient peu d’estime pour lui. Bertrand, en partie parce qu’il avait étudié le droit, saisit très vite le schéma ABC de la TRÉ et devint très habile à détecter les croyances irrationnelles qui étaient à l’origine de son anxiété. Cette tâche lui était particulièrement facile parce que presque toutes ses pensées irrationnelles étaient des variantes de quelques thèmes simples qui couraient en filigrane 190
Le renforcement
dans sa vie et le harcelaient constamment. Au fond, chaque fois qu’un événement important approchait — même s’il devait avoir lieu des mois plus tard —, Bertrand se répétait avec une ferme conviction: «Je dois prouver encore une fois que je suis un homme compétent et de valeur! Certaines personnes se croient bonnes parce qu’elles sont gentilles envers les autres ou adhèrent avec rigidité aux préceptes moraux. Mais je sais que cela est stupide parce que n’importe qui peut faire cela et remporter la palme de la bonté universelle. Comme c’est bête ! La valeur personnelle d’un individu est manifestement liée à sa capacité de survivre et de réussir. Darwin avait raison, c’est le plus fort qui survit. Et être fort signifie réussir à résoudre les problèmes cruciaux de la vie — en l’occurrence, être compé¬ tent. Par conséquent, si je veux être bon et digne de valeur, je dois pouvoir survivre à divers tests de compétence. Échouer ferait de moi un pauvre type, un bon à rien incapable de se mesurer à d’autres et de les surclasser. Donc, même si je ne suis pas tenu d’être compétent en tout — cela serait évidem¬ ment impossible —, je dois passer tous les tests de compé¬ tence importants avec brio et surpasser les autres. Ne coupons pas les cheveux en quatre. Je dois réussir dans les domaines essentiels de ma vie, sinon je ne pourrai pas montrer ma com¬ pétence et je ne survivrai pas ou je serai très malheureux. Il est clair que la valeur humaine se mesure à son habileté à accom¬ plir des tâches cruciales. Si je pensais autrement, je me dupe¬ rais comme le fait la majorité de la race humaine. Pas moi. Je relève le défi qui consiste à être le plus fort afin de survivre et je réussirai bien dans toutes mes tâches importantes, quel qu’en soit le prix. Je dois le faire. C’est une nécessité. » Comme vous le voyez, Bertrand entretenait de nombreuses variations sur le thème de la réussite exceptionnelle à tout prix et il souffrait, par conséquent, d’une anxiété quasi universelle. Il entrevit cela lors de notre toute première séance de TRÉ, puis le comprit très clairement après quelques séances et après avoir rempli le feuillet d’instruction plusieurs fois entre nos rencontres. Cette compréhension, cependant, n’atténua pas tout de suite son anxiété. Chaque fois que sa compétence 191
Dominez votre anxiété qvant qu’elle ne vous domine
était mise à l’épreuve, surtout lors de ses apparitions au tribu¬ nal, il était en proie à une anxiété excessive qui n’avait rien à voir avec le simple souci de bien faire. Pour atténuer son anxiété en principe, mais en réalité pour la préserver, Bertrand refusait les causes qui l’obligeaient non seulement à négocier un règlement avec les avocats de la par¬ tie adverse, mais en outre à paraître en cour et à plaider devant un juge et un jury. Ses erreurs, s’il en commettait, seraient alors très visibles et plus « désastreuses » que s’ils les commettaient devant un avocat ou deux de la partie adverse. S’il croyait qu’une cause avait de bonnes chances d’être enten¬ due en cour, il refusait de s’en charger et la passait à l’un ou l’autre des associés du cabinet. Pour l’aider à vaincre son anxiété, je pressai Bertrand à accepter délibérément toutes les causes devant être défen¬ dues devant un tribunal. Cela le forcerait, lui expliquai-je, à affronter son anxiété profonde au lieu de l’éviter. De la sorte, il prendrait conscience de ses croyances irrationnelles, serait forcé d’y faire face et progresserait bien davantage que s’il les évitait. Autrement dit, je lui conseillai vivement la désensibili¬ sation in vivo afin d’en arriver à surmonter son anxiété à l’idée de paraître au tribunal. Bertrand fut encore plus anxieux quand il entendit mon plan de lutte contre son anxiété et il l’accepta avec réticence. Mais comme il s’arrangea pour éviter presque toutes les causes qui l’obligeraient à paraître au tribunal, le plan n’avait aucune chance de fonctionner. Je recourus donc à la méthode du con¬ ditionnement opérant de B. F. Skinner. Nous décidâmes que Bertrand était fort habile à régler les causes par voie de conci¬ liation et en tirait beaucoup de plaisir. Là où ses collègues arri¬ vaient à un arrangement de dix mille dollars, Bertrand amenait la partie adverse à verser deux ou trois fois cette somme. Fort de ses exploits, il était porté à négocier de plus en plus d’arran¬ gements à l’amiable. Reconnaissant sa compétence dans ce domaine, les membres de son cabinet avaient tendance à lui confier les causes qui avaient de bonnes chances de se régler à l’amiable. 192
Le renforcement
Pour nous assurer que Bertrand accepterait un plus grand nombre de causes judiciaires, nous élaborâmes une règle qu’il s’engagea à respecter pendant quelques mois. Pour chaque cause susceptible de se régler par voie de conciliation, il devait en accepter une qui risquait de le conduire au tribunal. De la sorte, il pourrait se ronger les sangs à propos d’un assez bon nombre de causes judiciaires et utiliser les règles de la TRÉ pour contester son anxiété. Chaque fois qu’il accepterait de plaider une cause anxiogène, il aurait le plaisir, mais unique¬ ment à cette condition, de se charger d’une cause à l’amiable la fois suivante. Bertrand donna son accord, malgré ses vives appréhen¬ sions. Il se força à accepter un nombre égal de causes non judi¬ ciaires et judiciaires. Au début, il était anxieux et parfois affolé, mais avec le temps, son anxiété s’atténua et il devint plus habile à plaider les causes qu’il avait évitées auparavant. Lorsqu’un procès le rendait anxieux, il redoublait d’efforts pour dominer son anxiété grâce aux techniques de la TRÉ et il devint vite plus détendu et plus compétent aussi. Le condition¬ nement opérant fut donc assez efficace et il permit à Bertrand de s’exposer aux causes qui le rendaient anxieux alors que, s’il ne s’était pas récompensé en acceptant des causes à l’amiable, il aurait évité les causes judiciaires et aurait fait peu d’efforts pour surmonter son anxiété à leur égard. De même, chaque fois qu’un test, une entrevue d’emploi, la participation à un événement sportif, une occasion de parler en public ou toute autre activité exigeant une certaine compétence vous rend anxieux, vous pouvez trouver une façon de l’éviter et surmonter ainsi temporairement votre anxiété. Mais si vous per¬ sistez à l’éviter, vous conserverez votre anxiété et elle ira en s’ac¬ centuant. Mieux vaut, dans ce cas, trouver une façon de vous exposer à une attaque éventuelle de panique et de vous forcer à le faire un certain nombre de fois tout en contestant les pen¬ sées irrationnelles qui engendrent votre anxiété. Si vous avez du mal à vous exposer à une situation anxiogène, utilisez les principes de l’organisation des contingences ou du condition¬ nement opérant pour vous obliger à le faire. Accordez-vous la 193
Dominez votre anxiété Rivant qu’elle ne vous domine
permission d’accomplir une activité facile et agréable après avoir achevé la tâche difficile et anxiogène que vous faites tout pour éviter généralement. Ne vous défilez pas. Ne déclarez pas forfait. Persévérez jus¬ qu’à ce que vous arriviez à accomplir la tâche appréhendée avec facilité et peut-être même sans renforcement ni récom¬ pense et que vous surmontiez votre peur irrationnelle à cet égard. À court terme, il se peut que ce soit difficile et que votre anxiété s’aggrave même. Mais à la longue, vous vous libérerez vraiment et vous ne vous créerez plus qu’un minimum de souci excessif.
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CHAPITRE
23 Les punitions
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elon B. F. Skinner, les humains accompliront des tâches ardues si on les récompense ou si on renforce leur com¬ portement, mais on ne peut pas atteindre le même résul¬ tat avec les menaces et les punitions. Cela s’explique par le fait que les gens se rebellent contre les punitions, les jugent injus¬ tes et agissent parfois délibérément à leur encontre. Ainsi, si vous interdisez à des enfants ou à des adolescents de pénétrer dans une pièce ou d’ouvrir une armoire en menaçant de les punir sévèrement s’ils outrepassent vos ordres, ils peuvent vous désobéir à dessein et se mettre en quatre pour pénétrer dans la pièce ou ouvrir l’armoire en question. Ils voient votre interdiction comme un véritable défi et feignent d’ignorer vos menaces ou les prennent à la légère. Eh bien, Skinner n’avait pas tout à fait raison. Si vous êtes dépendant d’un comportement autodestructeur comme le tabagisme, l’usage de techniques de renforcement ne vous aidera peut-être pas à extirper votre habitude. Vous y prenez tellement plaisir que nulle récompense ne peut vous convain¬ cre d’y renoncer. Supposons que vous adorez regarder une émission de télévision. Si la seule récompense que vous vous accordez pour vous abstenir de fumer est de regarder cette
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Dominez votre anxiété qvant qu’elle ne vous domine
émission, vous continuerez certainement à fumer. Le plaisir que prendra le fumeur invétéré à regarder l’émission est beau¬ coup moins intense que celui que lui procure la cigarette. La télévision ne constitue donc pas une récompense efficace. En revanche, si vous vous pénalisez sévèrement chaque fois que vous vous accordez une cigarette, vous arriverez peutêtre à cesser de fumer. Ainsi, si vous placez le bout allumé dans votre bouche à chaque bouffée ou allumez chaque cigarette avec un billet de cinquante dollars, vous vous guérirez vite de votre mauvaise habitude ! Ou si vous souffrez d’emphysème et savez que le cancer du poumon vous guette, vous renoncerez assez vite à fumer. Pour cette raison, la TRÉ vous encourage parfois à recou¬ rir à de rigoureuses pénalités lorsque vous voulez surmonter certaines anxiétés graves et autres perturbations. Ce serait merveilleux si la méthode du renforcement fonctionnait tout aussi bien. Mais si vous l’avez essayée sans succès, il serait sage d’employer les punitions. Pour Bertrand, par exemple, qui surmonta sa crainte de paraître au tribunal en égalisant le nombre des causes réglées à l’amiable et celui des procès, le principe du renforcement donna d’excellents résultats. Sauf dans un cas particulier. Il devait plaider contre un avocat sans scrupules qui faisait tou¬ jours son possible pour faire mordre la poussière à l’avocat de la partie adverse et qui gagnait en général ses causes de quel¬ que façon que ce soit. Comme Bertrand s’était déjà mesuré à lui auparavant et avait toujours perdu, il répugnait à se mesu¬ rer de nouveau à lui. Il avait envisagé de se défiler et de refiler la cause à un de ses associés, mais il se détestait pour cela. Son système de renforcement habituel — qui consistait à s’accor¬ der un règlement par voie de conciliation à titre de compensa¬ tion — demeurait sans effet. Aussi, ayant débattu la question avec moi en thérapie, il décida que s’il n’acceptait pas de défendre cette cause, il se pénaliserait en faisant un don de mille dollars à un groupe fanatique auquel il s’opposait. Il écri¬ vit même une lettre à ce groupe à laquelle il joignit un chèque de mille dollars et adressa l’enveloppe au siège social. S’il refu196
Les punitions
sait de défendre la cause qui l’opposait à son terrible adver¬ saire, il l’expédierait. Le procédé fut efficace. Bertrand n’expédia jamais sa lettre et il plaida la cause devant les tribunaux. Il la perdit en raison des tactiques sournoises de son adversaire, mais n’en éprouva ni anxiété ni dépression. La punition potentielle qu’il avait pré¬ vue pour lui-même aurait été si pénible s’il s’était défilé qu’il défendit la cause jusqu’au bout tout en détestant cela. Si vous utilisez ce procédé, réservez-le aux cas extrêmes. Si une tâche vous pèse, mais que vous êtes persuadé que vous devez la remplir et que cela atténuera votre anxiété, commen¬ cez par examiner les croyances irrationnelles qui vous frei¬ nent. Vous vous dites peut-être: «Si je remplis cette tâche — par exemple, affronter mon partenaire sur le fait qu’il m’a menti à propos d’urie affaire importante —, je deviendrai très anxieux et je ne le supporterai pas. » Contestez vigoureuse¬ ment cette pensée irrationnelle, puis obligez-vous à affronter votre partenaire. Si vous n’y arrivez pas, songez à vous accor¬ der une récompense après l’avoir fait. Ou, si vous pensez que ce sera inutile, prévoyez une punition et ne manquez pas de vous l’infliger si vous continuez d’éviter l’affrontement qui vous angoisse. Votre anxiété s’intensifiera sans doute temporaire¬ ment, mais à la longue, elle finira par décroître. Essayez la con¬ trainte, vous verrez bien.
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CHAPITRE
24 Le jeu de rôle fixe
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eorge Kelly fut un pionnier de la thérapie cognitive du comportement, mais il ne songea jamais à aider ses clients à contester leurs croyances irrationnelles afin de mettre en échec leur anxiété. Au lieu de cela, il les encoura¬ geait à extirper ces croyances et surtout à utiliser le jeu de rôle fixe. L’ANXIÉTÉ RELATIVE À LA RECHERCHE D’UN MEILLEUR EMPLOI Supposons, par exemple, que vous avez peur de postuler un emploi intéressant parce que vous craignez que l’interrogateur ne vous mette sur la sellette. Vous êtes instruit, expérimenté et suffisamment qualifié pour occuper un emploi nettement meilleur que votre emploi actuel, mais la perspective de passer plusieurs entrevues vous rebute parce que vous savez par expérience que ce n’est pas votre fort. Vous conservez donc votre emploi ou vous vous contentez de postuler des emplois peu stimulants où vous savez que les interrogateurs ne vous donneront pas de fil à retordre. Bien sûr, vous êtes conscient de votre anxiété et de votre faiblesse à cet égard, et vous vous
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Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
traitez de lâche parce que vous ne convoitez jamais le type d’emploi qui vous permettrait d’exploiter vos talents au maxi¬ mum. Comme d’habitude, vous utilisez le schéma ABC de la TRÉ et vous analysez vos croyances irrationnelles : « Les entrevues ne sont pas mon point fort et je dois absolument m’améliorer. Les autres étant moins angoissés que moi peuvent obtenir presque tous les emplois qu’ils veulent. Mon anxiété est un handicap terrible et elle nuit à mon cheminement de carrière. Cette faiblesse fait de moi un être tout à fait incompétent. Si je n’étais pas anxieux, tout irait bien ; aussi je me déteste pour mon anxiété. Elle fait de moi un vrai paumé ! Que pensent de moi les interrogateurs quand ils me voient trembler et répon¬ dre de travers à leurs questions ? Un vrai nul ! Et ils ont raison. De tous les handicaps qui existent, je dois posséder celui-là! Les gens d’affaires me mépriseront; de même que mes amis, sachant que je peux seulement occuper un emploi pourri comme celui que j’ai en ce moment et que je ne progresserai jamais vraiment. Ma propre famille est consciente de ma fai¬ blesse puisque, malgré mon niveau d’instruction et mon expé¬ rience, je suis complètement coincé sur le plan professionnel. C’est vraiment sans espoir, et les autres voient bien que je n’irai pas loin dans la vie ! » A l’aide de la TRE, vous contestez ces croyances irration¬ nelles au moyen d’arguments logiques. Vous vous dites que votre anxiété est un handicap, mais que ce n’est pas la pire chose qui pourrait vous arriver. Vous exigez d’être calme et serein lors des entrevues d’emploi, et c’est cette exigence qui vous rend anxieux. Votre anxiété ne vous aide pas, surtout en entrevue, mais elle vous rend seulement un peu incompétent et non tout à fait incapable. Les interrogateurs ne vous mépri¬ sent sans doute pas parce que vous êtes anxieux et certains ne remarquent sans doute même pas votre frayeur; ceux qui la remarquent rejetteront peut-être votre candidature, mais sans croire pour autant que vous êtes un type paumé. Vous voyez que vous avez tort de vous détester à cause de votre anxiété ; vous devriez plutôt haïr celle-ci et faire de votre mieux pour la V
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Le jeu de rôle fixe
dompter. Car si vous vous détestez dans votre totalité, cela vous rendra encore plus anxieux et vous « prouvera » que vous ne pouvez faire autrement qu’échouer aux entrevues d’emploi. Vous constatez que, si vos amis ne voient pas d’un très bon œil votre poste peu important, ils ne vous évitent pas pour autant. Votre famille n’aime pas que vous occupiez un emploi aussi inintéressant mais elle continue de vous aimer et de vous accepter. Vous voyez que vous affrontez des difficultés réelles mais que, même si vous ne surmontez jamais votre anxiété à l’égard des entrevues d’emploi, vous n’en serez pas pour autant un bon à rien qui ne réussira jamais dans la vie. Il est fort utile de contester ses croyances irrationnelles ; si vous le faites, vous vous sentirez beaucoup mieux et vous serez résolu à vaincre votre anxiété. Essayez le jeu de rôle fixe de Kelly. Il s’agit d’élaborer une saynète dans laquelle vous vous dépeignez avec des attitudes et des sentiments tout à fait opposés à ceux que vous éprouvez dans le moment à l’égard de votre anxiété et des handicaps qu’elle entraîne. Ce sketch est plutôt optimiste et ressemble à ceci. La perspective de passer une entrevue m’angoisse - très peu de sorte que je continue de chercher un emploi plus stimulant que celui que j’occupe actuellement. Je possède un bon bagage d’expérience et de connaissan¬ ces, et je suis certain de pouvoir le montrer aux interro¬ gateurs. Si mes réponses sont gauches, je m’arrêterai, réfléchirai et je me reprendrai. Si je deviens très anxieux, je ferai comme si de rien n’était et je continuerai de répondre aux questions. Tout le monde éprouve de l’anxiété à un moment ou l’autre pendant une entrevue et je ne fais pas exception à la règle. Rien ne sert donc de me rabaisser parce que je suis anxieux et j’y travaille. Si je ne plais pas aux interrogateurs, je sais qu’ils ne me méprisent pas personnellement, mais qu’ils pensent seulement que je ne suis pas le meilleur candidat pour le poste à combler. Si ma candidature est rejetée, je com¬ prends que mes amis et ma famille m’accepteront 201
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
comme personne en dépit de mon échec et qu’ils ne me mépriseront pas. La majorité des candidats échouent aux entrevues d’emploi, car les interrogateurs peuvent interroger une vingtaine de candidats par poste. Je poursuivrai donc mes efforts en dépit de mes échecs et je suis presque assuré de trouver un jour le type d’em¬ ploi que je souhaite vraiment, de le conserver et de pro¬ gresser dans ma carrière. Élaborez cette sorte de sketch utile et positif et relisez-le plusieurs fois afin de le graver dans votre mémoire. Voyez-vous beaucoup moins anxieux et capable de passer une entrevue, même si vous angoissez temporairement. Voyez que vous êtes capable de résoudre les questions et les situations complexes et de trouver des réponses intelligentes. Puis, pendant un cer¬ tain temps, disons une semaine, un mois ou plusieurs mois, fai¬ tes comme si votre sketch était vrai. Appliquez-le au pied de la lettre comme vous le feriez pour le scénario d’une pièce dans laquelle vous tenez un rôle. Relisez-le de temps en temps lors¬ que vous le jugez nécessaire et jouez votre rôle à fond. Vous verrez qu’au bout d’un certain temps, vous incarnerez vrai¬ ment certains aspects du personnage que vous vous êtes donné dans ce jeu de rôle fixe. Zoé éprouvait une vive anxiété à la perspective d’être enga¬ gée comme comptable principale, car elle avait échoué deux fois à l’examen du CPA. La plupart des emplois qu’elle postu¬ lait exigeaient des candidats qu’ils aient réussi l’examen du CPA, ou du moins les trois quarts, et comptent passer le der¬ nier quart. Ce n’était pas du tout le cas de Zoé qui s’attendait à voir sa candidature rejetée pour chaque emploi qu’elle pos¬ tulait. Elle contesta la pensée irrationnelle voulant que les interrogateurs la trouvent stupide parce qu’elle avait échoué deux fois à toutes les parties de l’examen, et son anxiété s’at¬ ténua quelque peu. Elle écrivit ensuite un jeu de rôle fixe dans lequel elle était calme et sereine, puis répondait fort intelli¬ gemment aux questions concernant son échec à l’examen du CPA. Elle s’exerça à jouer ce rôle dans trois entrevues. Elle 202
Le jeu de rôle fixe
n’obtint pas le premier poste, passa à un cheveu d’obtenir le deuxième et décrocha le troisième et le meilleur, en persistant à incarner le personnage qu’elle s’était inventé. Une fois encore, si une présentation vous rend anxieux et que votre anxiété vous empêche sérieusement de faire du bon travail, cherchez les croyances irrationnelles qui engendrent votre anxiété et remettez-les en question jusqu’à ce que vous discerniez leur fausseté, puis élaborez un jeu de rôle fixe par¬ faitement adapté à ce genre de cas. Vous ne réussirez pas tou¬ jours, mais vous pourriez devenir un grand comédien!
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CHAPITRE
La biologie et l’usage des médicaments
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ertaines thérapies cognitives du comportement et d’au¬ tres types de thérapie s’opposent systématiquement à l’utilisation de médicaments, sauf dans quelques cas inhabituels, sous prétexte que toutes les formes d’anxiété et tous les troubles affectifs sont entièrement acquis ou condi¬ tionnés. Pas la TRÉ! Bien qu’elle mette l’accent sur le cons¬ tructivisme et soutienne que la plupart des gens sont respon¬ sables de leurs perturbations et peuvent, par conséquent — bien qu’au prix d’efforts soutenus — remodeler leurs pen¬ sées, leurs émotions et leurs actions, elle affirme également qu’ils sont biologiquement prédisposés à le faire. Certes, ils apprennent un grand nombre de leurs dysfonctions cognitives, affectives et comportementales, mais n’oubliez pas qu’ils nais¬ sent éducables et influençables ! En fait, la TRÉ soutient que tous les humains ou presque bâtissent des réactions saines aux difficultés de la vie et sur¬ tout aux dangers qu’ils affrontent de la naissance à la vieil¬ lesse, sinon ils ne survivraient pas. Mais ils développent aussi des réactions impropres ou autodestructrices: c’est le cas lorsqu’ils réagissent trop ou trop peu à leurs problèmes. Dès 205
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
la naissance et, par la suite, ils apprennent à s’améliorer, mais aussi à opérer des choix peu judicieux qui leur font du tort. Ils sont souvent névrosés ou autodestructeurs et souffrent même parfois de problèmes graves tels que le trouble de la personnalité ou la psychose. Fort heureusement, ils cher¬ chent la plupart du temps à s’améliorer, sinon leur survie serait menacée. Quand ils sabotent leur propre bien-être et celui de leur groupe social, ils sont fort capables d’observer leurs pensées, leurs émotions et leurs actions dysfonction¬ nelles et de les modifier considérablement. Ils font cela natu¬ rellement et peuvent aussi apprendre à être constructifs — entre autres en lisant et en appliquant les enseignements contenus dans ce livre. L’anxiété en particulier est le produit de nombreux facteurs biologiques et sociaux et peut être maîtrisée au moyen de diverses techniques physiques et mentales. Les études récen¬ tes menées sur le cerveau, le système nerveux central et les fonctions biochimiques ont mis au jour maints aspects physio¬ logiques de l’anxiété : ainsi, lorsque vous percevez une situa¬ tion comme un danger ou un problème, votre cerveau entre rapidement en action. Vos amygdales envoient un signal à votre cortex préfrontal qui expédie à son tour un message à vos amygdales pour indiquer que vous êtes inquiet. Puis votre corps est le théâtre de diverses réactions biochimiques. Votre corps a le choix soit de vous stimuler, soit de vous calmer pour vous aider à faire face aux problèmes que vous percevez et il peut le faire en provoquant l’une ou plusieurs des réactions suivantes : production de sérotonine, dilatation du noyau caudé, activité excessive du gyrus cingulaire, sys¬ tème endocrinien (hausse rapide du taux d’adrénaline), neurotransmetteurs, système nerveux autonome, rythme res¬ piratoire, et une foule d’autres. On découvre chaque jour de nouveaux aspects biochimiques de la circonspection normale et de l’anxiété excessive, et il serait stupide de ne pas en tenir compte. Comme le faisait remarquer Edward M. Hallowell: « Les gens inquiets semblent hériter d’une sensibilité neurolo¬ gique que les événements de la vie peuvent stimuler. » 206
La biologie et l’usage des médicaments
Pour compliquer encore davantage les choses, votre corps exerce une profonde influence sur votre esprit et sur votre anxiété, et vice versa! Les émotions intenses peuvent trauma¬ tiser votre cerveau et même votre système immunitaire, et engendrer des troubles physiques temporaires et parfois per¬ manents qui aggraveront à leur tour vos réactions émotion¬ nelles. Les possibilités de dysfonction peuvent être circulaires et quasi interminables. Mais n’allons pas nous mettre martel en tête et conclure que l’anxiété peut facilement causer le cancer et que nourrir des pensées saines peut guérir rapidement des maladies pou¬ vant être fatales. Si vous prenez trop au sérieux le lien corpsesprit comme le préconisent plusieurs succès de librairie récents, vous ne réussirez qu’à accroître votre anxiété ! En supposant que votre anxiété et surtout vos sentiments de panique peuvent avoir des racines tant physiques que psy¬ chologiques, que pouvez-vous faire? Plusieurs choses impor¬ tantes. Tout d’abord, dites-vous que vos croyances irrationnelles sont en partie responsables de votre anxiété, même si elle pos¬ sède une forte composante physiologique. En détectant et en contestant ces croyances, vous pourrez les modifier et atté¬ nuer votre anxiété. Surtout cherchez les trois principales obli¬ gations et exigences que vous vous imposez et laissez-les aller tout en conservant les préférences saines qui les accompa¬ gnent. En même temps, cherchez les autres tendances irra¬ tionnelles qui s’associent à vos exigences : le pessimisme, l’in¬ tolérance, et votre tendance à vous dénigrer et à dénigrer les autres globalement pour les défauts que vous leur prêtez. Ensuite, contestez vos croyances irrationnelles avec force et sans faillir en utilisant plusieurs des méthodes cognitives, affectives et comportementales décrites dans ce livre. Appliquezles avec diligence pendant plusieurs semaines ou mois. Ne con¬ cluez pas trop tôt qu’elles sont inefficaces parce que vous n’avez pas encore obtenu de résultats positifs. Persévérez ! Si vos efforts ne sont pas couronnés de succès, envisagez la possibilité d’une cause biochimique. Vérifiez auprès de vos 207
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
proches parents si l’un ou plusieurs d’entre eux souffrent d’une grave anxiété (ou d’autres troubles affectifs). Trouvez comment ils s’en sont guéris et quels médicaments ils ont pris, le cas échéant. Comme la tendance à être anxieux a souvent un fondement génétique, vous devez faire des recherches de ce côté afin d’établir un diagnostic plus précis de vos anoma¬ lies biochimiques éventuelles. Si vous pensez que votre anxiété pourrait bien être causée par un facteur biochimique, voyez votre médecin habituel et décrivez-lui vos symptômes. S’il ne détecte aucune cause médicale, consultez un psychiatre spécialisé en psychophar¬ macologie, qui a l’habitude de prescrire des médicaments psy¬ chotropes à ses patients. Préparez-vous à essayer les médicaments anxiolytiques, les antidépresseurs ou les autres drogues que vous prescrira votre psychopharmacologue. Ils peuvent, dans les doses appro¬ priées, vous aider ou vous nuire. Chaque personne est diffé¬ rente, et certains des nombreux médicaments psychotropes qui existent sur le marché peuvent, temporairement ou à long terme, vous aider considérablement. Essayez-les sous la sur¬ veillance de votre médecin ! Ne vous fiez pas uniquement à vos médicaments, même s’ils semblent être efficaces. Ils peuvent vous aider, mais vous pouvez aussi vous aider vous-même. Certaines études ont démontré que, même si un médicament est efficace à court terme, la thérapie cognitive l’est bien davantage lorsqu’il s’agit de prévenir un regain d’anxiété ou de sentiments dépressifs. Certains médicaments peuvent être très utiles, mais si vous craignez de les essayer sans raison valable, con¬ testez les pensées irrationnelles qui engendrent cette phobie. La TRÉ alliée aux médicaments appropriés peut constituer votre meilleur traitement. Essayez-les sous la surveillance d’un psychiatre. Attention! N’expérimentez pas les médicaments de votre propre chef. Les tranquillisants, en particulier, peuvent entraî¬ ner une dépendance, de l’insomnie et vous empêcher de fonc¬ tionner efficacement. Consultez un bon médecin avant de 208
La biologie et l’usage des médicaments
les essayer. Se traiter soi-même avec de l’alcool ou d’autres drogues peut aussi se révéler fort dangereux ! Si l’autothérapie ou les médicaments ne viennent pas à bout de votre anxiété, consultez un psychothérapeute qualifié. Il est logique de chercher de l’aide quand on souffre d’anxiété grave. Naturellement, je suis de parti pris dans cette affaire, mais je vous dis courez, ne marchez pas, vers le meilleur psy¬ chologue, travailleur social, conseiller ou psychiatre que vous puissiez trouver et qui, de préférence, pratique la TRÉ ou une autre forme de thérapie cognitive.
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CHAPITRE
26 Une façon remarquable de dominer votre anxiété
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omme je mettais la dernière main à ce livre, Kevin Everett FitzMaurice m’expédia un exemplaire de son dernier livre, Attitude Is AU You Need ! Kevin est un conseiller original et l’auteur de plusieurs ouvrages remarquables inspirés des prin¬ cipes de sémantique générale élaborés par Alfred Korzybski, com¬ binés à certaines philosophies asiatiques et aux principes de la thérapie rationnelle-émotive (TRÉ) et de la thérapie cognitive du comportement. C’est un penseur indépendant, et je vous recom¬ mande ses livres. Kevin explique d’une manière particulièrement complète la notion d’acceptation inconditionnelle de soi-même et la manière de penser, de sentir et d’agir afin d’atteindre cet état. Dans son dernier livre, Kevin se concentre sur le problème de l’anxiété et du stress, décrit différentes attitudes susceptibles d’engendrer divers degrés de stress et vous laisse choisir la vôtre en vous expliquant quel degré de stress elle entraînera en con¬ séquence. Permettez-moi de vous présenter ces différentes atti¬ tudes et de voir comment je peux les adapter aux principes de la TRÉ afin de vous aider à minimiser vos angoisses. Selon Kevin, lorsque des agents stressants présents dans votre environnement engendrent un conflit ou de l’indécision 211
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dans vos pensées, vos sentiments et vos actions, vous avez le choix entre cinq attitudes. Accepter: cette attitude se caractérise par une absence de choix, de désir, de distinction, de comparaison, de mesure. Quand vous l’observez, vous êtes en paix avec «ce qui est». Vous acceptez les autres, les lieux et les situations tels qu’ils sont. Chercher : cette attitude consiste à chercher la meilleure option. Vous explorez, élaborez un plan, agissez à l’avance afin d’éviter un problème, commencez à le résoudre, lancez des idées en vrac, examinez les options et les possibilités. Vous cherchez des manières de vous comporter plus efficacement et d’améliorer les lieux et les situations. Préférer: c’est l’attitude qui consiste à souhaiter, vouloir, choisir une option plutôt qu’une autre. Lorsque vous adoptez cette attitude, vous savez ce que vous voulez ou désirez, mais vous connaissez aussi vos limites. Vous souhaitez vous compor¬ ter autrement. Vous voulez que les lieux et les situations soient différents. Vous espérez que la vie s’améliorera. Je-devrais : fort de cette attitude, vous savez ce qui est juste, vous prenez une décision claire, opérez un choix net, êtes convaincu que vous savez ce qui est mieux. Vous faites un choix unique, au contraire de l’attitude précédente qui con¬ siste à privilégier une option parmi d’autres options moins acceptables. Vous pensez que les gens devraient se comporter différemment et que les lieux et les situations devraient être modifiés. Je-dois: cette attitude ne tolère ni excuses, ni variations, ni défauts, ni infériorité. Si vous l’adoptez, une seule voie, une seule option s’offre à vous et vous vous employez à la réaliser. Les gens doivent changer. La vie doit être respectée davan¬ tage. Si vous utilisez l’échelle des attitudes de Kevin selon ses recommandations, vous pourrez réduire votre stress ou votre anxiété malsaine, qui a largement à voir avec l’incapacité de 212
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progresser ou d’atteindre ses buts. Vous pouvez ainsi accroître votre bon stress ou la capacité de réaliser vos objectifs ou de progresser dans cette voie. Si vous observez la première atti¬ tude (accepter), soutient-il, vous n’opérerez aucun choix et n’éprouverez aucun stress ; la deuxième (chercher) vous cau¬ sera un stress minimal; les troisième (préférer), quatrième (je-devrais) et cinquième attitudes (je-dois) s’accompagne¬ ront respectivement d’un degré faible, modéré et maximal de stress. Kevin souligne en outre que ces attitudes entraînent des contraintes milles pour la première, minimales pour la deuxième, faibles pour la troisième, moyennes pour la qua¬ trième et maximales pour la dernière. Kevin soulève quelques excellents points ici. Toutefois, je m’inscris en faux contre ses diverses définitions, car bien qu’elles chevauchent les notions que nous utilisons en TRÉ, je trouve qu’elles manquent de précision. Par conséquent, les ayant modifiées et adaptées, j’ai élaboré les catégories ci-dessous qui m’apparaissent plus précises et sans doute plus utiles pour combattre l’anxiété et la réduire au minimum tout en maximisant la réalisation de ses désirs, de ses choix et de ses objectifs. Voici ma liste révisée : Absence de désir Absence de choix Absence d’objectifs et de buts Acceptation totale Vous ne désirez rien. Vous n’avez aucune préférence ni aucun objectif ou but. Toutes les options se valent. Elles vous laissent indifférent. Désirer une meilleure situation tout en acceptant tota¬ lement ce qui est (résignation): vous voudriez que les gens et les situations soient différents, mais vous les acceptez plei¬ nement tels qu’ils sont. Vous voulez plus, mais acceptez tout à fait de ne pas pouvoir l’obtenir. Vous souhaiteriez que votre vie soit meilleure, mais vous l’acceptez et l’appréciez même si elle ne l’est pas. 213
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Désirer et chercher de meilleurs choix, préférences et objectifs: vous explorez plusieurs options, désirs et préféren¬ ces, et cherchez des manières de les rendre meilleurs et plus agréables. Vous explorez la vie et cherchez des manières de l’enrichir. Vous pensez que la vie pourrait être meilleure et recherchez de meilleurs choix, préférences et objectifs. Préférences modérées : vous préféreriez que les choses et les gens soient différents et meilleurs, mais vous êtes capable d’apprécier ce que vous avez et de l’améliorer. Vous faites des efforts modérés pour améliorer votre vie tout en appréciant grand nombre de ses aspects. Fortes préférences: vous avez une préférence marquée pour certaines personnes et choses, vous pensez qu’ils vous conviennent à merveille, mais vous demeurez ouvert à d’autres possibilités. Vous manifestez une nette préférence pour certai¬ nes personnes et recherchez leur compagnie ou pour certains buts que vous tentez d’atteindre, mais vous êtes passablement heureux et appréciez la vie même si vous échouez. Vous préfé¬ reriez de beaucoup que les gens et les choses changent, et cela vous déplaît que ce ne soit pas le cas, mais vous pouvez être heureux quand même. Exigence modérée (« il-vaudrait-mieux » j: vous savez ce qui est juste et bon pour vous, prenez une décision claire ou opé¬ rez un choix net, mais vous accommodez de moins si vous y êtes forcé. Vous préféreriez que les gens se comportent différemment et que les lieux et les choses changent, mais acceptez que les choses et les gens ne soient pas parfaits et que vous ne puissiez pas les transformer. Vous éprouvez du regret, de la déception et de la frustration lorsque vous, les gens et les choses ne corres¬ pondent pas à vos préférences, mais n’éprouvez pas de senti¬ ments profonds d’anxiété, de dépression ou de colère. Exigence absolue (« il-faut-absolument » ) : vous exigez de faire mieux que vous ne le faites déjà. Vous pensez que vous êtes incompétent ou nul lorsque vous n’êtes pas à la hauteur de vos attentes. Vous insistez pour que les autres améliorent leur conduite. Vous pensez qu’ils sont pourris ou nuis s’ils ne réussissent pas aussi bien qu’ils le devraient. Vous exigez que 214
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les choses et les situations soient meilleures qu’elles ne le sont. Vous croyez que la vie est horrible et inutile lorsque ce n’est pas le cas. Lorsque vos exigences ne sont pas assouvies, vous vous sentez anxieux, déprimé, furieux et vous vous apitoyez sur vous-même. Si vous comparez ma liste d’attitudes à celle de Kevin Everett FitzMaurice, vous verrez que la mienne est plus compli¬ quée et plus précise. En premier lieu, sa liste place l’absence de désir dans la catégorie Accepter. Je soutiens qu’il faut dis¬ tinguer clairement entre le fait de n’éprouver aucun désir et, par conséquent, de n’opérer aucun choix et celui d’éprouver des désirs et de viser des objectifs tout en acceptant que l’on puisse vivre et être raisonnablement heureux même s’ils ne sont pas comblés. Cela est fort différent! En fait, nous observons que les désirs et les objectifs sont presque toujours présents chez les humains (et les animaux — à moins qu’ils soient morts ou tout à fait inconscients. Vivre signifie désirer et viser un but, car sans cela on ne vivrait pas très longtemps ! L’absence de désir est donc très rare chez les êtres humains. Or, Kevin place l’absence de choix et de désir dans la catégorie Accepter. En vertu de la TRÉ, accepter signi¬ fie nourrir des désirs et viser des objectifs, mais accepter qu’ils ne soient pas réalisés même si cela nous déplaît. J’ai donc clai¬ rement ajouté cette forme d’acceptation à la liste de Kevin. Voilà une différence significative entre la sienne et la mienne. En deuxième lieu, à la catégorie Préférer, je fais la distinc¬ tion entre les préférences modérées et fortes, car les désirs et choix humains présentent des gradations distinctes. Vous pou¬ vez désirer modérément exceller dans un sport, au travail ou dans vos rencontres sociales ou le souhaiter ardemment ; ou encore, vous pouvez être convaincu que votre bonheur dépend de votre degré de compétence. Votre attitude devant l’échec est étroitement liée tant à votre désir d’exceller qu’à l’inten¬ sité de ce désir. Le stress ou l’anxiété que vous éprouverez durant ces activités aura tendance à varier selon l'intensité ou la puissance de votre désir de réussir. J’ai donc englobé l’in¬ tensité de votre désir dans ma liste d’attitudes. 215
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En troisième lieu, les appellations je-devrais et je-dois sont mal choisies et peuvent porter à confusion. Pourtant, d’une certaine façon, «je devrais faire ceci» est pas mal diffé¬ rent de «je dois faire ceci», car cela signifie souvent «il vau¬ drait mieux que je sois aimable si je veux que l’on m’accepte » ; il s’agit donc là d’une exigence sensée et conditionnelle. Tou¬ tefois, «je dois me montrer aimable envers les autres» peut signifier «il faut à tout prix que je sois aimable, sinon cela vou¬ dra dire que je suis une personne méchante et nulle ! », soit une obligation inconditionnelle et fort contestable. En consé¬ quence, j’ai remplacé la catégorie je-dois par la catégorie ilvaudrait-mieux (exigence modérée). En quatrième lieu, j’ai transformé la catégorie je-dois de Kevin en il-faut-absolument (exigence absolue). Ici encore, mon intention était de clarifier les choses. L’attitude je-dois, souligne Kevin, a une certaine valeur parce qu’elle vous pousse à faire tout ce qu’il faut pour actualiser ce qui est bien. C’est la passion ou la compulsion qui nous pousse à effectuer le travail, à venir à bout de la tâche. Cela est vrai si l’exigence est condi¬ tionnelle comme dans « si je veux obtenir cm diplôme universi¬ taire, je dois payer les frais de scolarité et passer mes cours». Mais lorsque l’exigence est absolue et inconditionnelle, elle ne mène à rien en général. Ainsi : « Que je paie ou non mes frais de scolarité et sois reçu aux examens, il faut absolument que j’ob¬ tienne mon diplôme. Parce que je le veux très fort, ils doivent absolument me le décerner! » Ici encore, j’ai tenté de préciser les attitudes établies par Kevin et de les rendre plus utiles. Lorsque je compare la description des attitudes que l’on peut observer en ce qui concerne le stress et l’anxiété selon Kevin Everett FitzMaurice, puis ma propre version étendue de ces atti¬ tudes, je préfère la mienne, naturellement, quoique je trouve les siennes plus concises et plus faciles à mémoriser. C’est pourquoi j’ai fusionné les deux versions de manière à obtenir cinq attitu¬ des que vous pouvez choisir pour affronter votre anxiété. Acceptation: accepter les circonstances indésirables qui ne vous plaisent pas du tout, mais que vous ne pouvez pas 216
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modifier. Refuser de vous mettre dans tous vos états à propos de ce que vous ne pouvez pas changer. Exploration: désirer et chercher de meilleurs solutions, préférences et objectifs. Préférence : souhaiter, vouloir, choisir ce qui vous plaît tout en sachant ce que vous êtes prêt à accepter ou à supporter. Exigence modérée (il-vaudrait-mieux) : vous savez ce qui est mieux pour vous et les autres, et vous tentez de l’actua¬ liser, mais sans insister pour le faire à tout prix. Exigence absolue (il-faut-absolument) : vous savez ce qui vaut mieux pour vous et les autres, et vous exigez telle ou telle conduite de votre part et de celle d’autrui ; vous réclamez aussi que les circonstances reflètent votre vision de ce qu’elles devraient être. Selon Kevin, vous avez certainement le choix d’observer l’une ou l’autre de ces attitudes qui, toutes, présentent des avantages et des inconvénients. Je ne suis pas tout à fait d’ac¬ cord, car même les exigences vous poussent vers l’avant, vous donnent de l’énergie, vous motivent et peuvent être utilisées conditionnellement. Ainsi, si vous voulez réaliser vos objec¬ tifs, vous pouvez choisir une attitude et vous convaincre du fait que si vous voulez atteindre ce but, alors vous devez agir de telle ou telle façon. En règle générale, cette attitude est efficace. Toutefois, la TRÉ soutient que les quatre premières atti¬ tudes — acceptation, exploration, préférence et exigence modérée — vous aideront toutes à faire face à l’anxiété. Le fait d’accepter totalement ce que vous désirez changer, mais ne pouvez pas (encore) changer vous rendra peu anxieux, car vous continuerez d’affronter des événements fâcheux et demeurerez soucieux, vigilant et circonspect. Chercher de meilleurs choix et objectifs vous angoissera quelque peu si vos recherches ne portent pas fruit. Mais vous pouvez vous absorber joyeusement dans votre quête. Préférer certains choix vous angoissera faiblement parce que vous pourriez faire des choix «mauvais» ou «inefficaces». 217
Dominez votre anxiété ayant qu’elle ne vous domine
Une exigence modérée, ou le fait de connaître les meilleures options et de tenter de les actualiser, créera une anxiété modérée parce que votre connaissance peut être «erronée» ou vos choix, «judicieux», mais irréalisables. Si la TRÉ est sur la bonne voie, l’anxiété engendrée par ces quatre attitudes devant l’adversité sera faible ou modérée et vous pourrez très bien vivre avec celle-ci sans subir un stress excessif ni céder à la panique. Vous aurez ainsi tendance à obtenir davantage de ce que vous voulez et moins de ce que vous ne voulez pas. Prenez garde cependant à l’exigence absolue ! Je ne dis pas qu’elle est la seule source de votre anxiété grave, car les humains sont des êtres complexes dont l’anxiété peut être causée par un déséquilibre biochimique, par des médicaments, par des événements soudains et traumatisants et par toutes sortes d’autres facteurs. Je soutiens, toutefois, que lorsque vous êtes en proie à une anxiété grave et continue, à la nervo¬ sité et à la panique, vous vous imposez consciemment ou inconsciemment des obligations indues. Par conséquent — réfléchissez-y sérieusement —, vous aurez beaucoup de mal à vous angoisser si vous vous en tenez rigoureusement aux préférences. Car même si vous manifestez une forte préférence envers quelque chose et affirmez avec ardeur qu’il vaudrait mieux que vous l’obteniez, vous sug¬ gérez un mais assez ferme: «Je veux vraiment réussir et je pense que cela vaudrait mieux, mais ce n’est pas une obliga¬ tion et je ne me rendrai pas malheureux si je ne réussis pas. » «Je souhaite ardemment que tu te conduises bien et je pense que cela vaudrait mieux. Mais je serai heureux, même si tu ne changes pas ta conduite.» «J'espère de tout cœur que les circonstances de ma vie seront positives et je pense qu’il vau¬ drait mieux qu’elles le soient. Mais si elles ne le sont pas, j’ap¬ précierai quand même de nombreux aspects de ma vie. » Est-ce assez simple? Oui, mais comme je l’ai répété tout au long de ce livre, ce n’est pas facile! Votre tendance natu¬ relle est de convertir vos désirs et préférences en obligations arrogantes. Vous êtes né et vous avez été programmé ainsi par 218
Une façon remarquable de dominer votre anxiété
votre culture compétitive. Mais vous n’êtes pas obligé de le faire. Vous pouvez choisir de ne pas le faire. Vous pouvez pen¬ ser d’une manière créative et dominer votre anxiété avant qu’elle ne vous domine. Vous avez le pouvoir de vous dynamiser. Utilisez-le !
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CHAPITRE
27 Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété
L
e moment est venu de résumer les principaux points que j’ai soulevés dans ce livre. Vos sentiments et com¬ portements anxieux sont liés à des pensées précises et anxiogènes. Mais, je le répète, ils exercent une influence pro¬ fonde sur votre pensée dont ils sont une partie intégrante. Vous pensez, agissez et ressentez en même temps. Cela est le propre de l’être humain. Résumer ce que vous pouvez faire pour dominer votre anxiété et votre panique est une tâche délicate, car elle m’oblige à élaborer des maximes que vous pourriez transformer en for¬ tes croyances, mais elles vous obligent à modifier à la fois vos pensées, vos émotions et vos actions. De plus, elles se chevau¬ chent et sont souvent redondantes. Mais heureusement, même si elles présentent les mêmes concepts sous différents embal¬ lages, elles se renforcent aussi mutuellement. Répétez-les et vous verrez. Dans ce chapitre, je mettrai l’accent sur les croyances rationnelles que vous pouvez adopter pour modifier vos façons de penser anxiogènes. Dans le suivant, je mettrai en évidence celles qui ont le pouvoir de modifier vos émotions troublantes ; 221
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et dans le dernier chapitre, je présenterai celles qui peuvent surtout modifier vos comportements dysfonctionnels. Toutes les croyances englobent les trois causes et effets. Vos pen¬ sées (maximes) contrôlent votre mode de pensée, vos émo¬ tions et vos comportements, et vos émotions et comporte¬ ments influencent à leur tour vos pensées. Bizarre, mais vrai. Travaillez avec les maximes des trois prochains chapitres et examinez-les pour vous-même. Pour commencer, quelles maximes pouvez-vous répéter avec force et persévérance pour modifier les façons de penser qui engendrent souvent une anxiété incontrôlable? Essayez celles-ci. MINIMISER SES EXIGENCES ABSOLUES ET LES CROYANCES IRRATIONNELLES QUI LES ACCOMPAGNENT 1. Je surveille mes exigences inconditionnelles et absolues, et je les convertis en fortes préférences. Exemple: «J’aime¬ rais beaucoup réussir et mériter l’approbation des autres, mais cela n’est pas obligatoire, et ma valeur personnelle ne dépend nullement de mes actes!» «Il n’est pas absolu¬ ment nécessaire que j’obtienne ce que je veux. » 2. Je surveille mes surgénéralisations et je les rends plus con¬ crètes : « Si j’échoue dans une tâche importante, cela ne veut pas dire que j’échouerai toujours et je pourrais même réussir souvent. » 3. Je surveille ma tendance pessimiste: «Perdre une chose que je souhaite vraiment n’est pas agréable, mais ce n’est ni affreux ni horrible. Il y a de bonnes chances pour que je l’obtienne plus tard et même si ce n’est pas le cas, la terre continuera de tourner ! » 4. Je surveille ma tendance à tout ramener à moi-même : « J’ai peut-être gâché cette relation en me conduisant d’une manière stupide, mais d’autres facteurs sont peut-être en cause. Si c’est vraiment ma faute, que puis-je apprendre de cette expérience afin d’obtenir la relation que je souhaite la prochaine fois ? » 222
Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété
5. Je surveille mon raisonnement affectif: «Le fait que je me prenne pour un perdant fait-il vraiment de moi un perdant? Non. Je déteste perdre et, cette fois-ci, je n’ai pas gagné. Mais mon sentiment profond fait de moi une personne dotée de sentiments et non un lamentable perdant. » 6. Je surveille ma tendance à passer d’un extrême à l’autre. « Sortir victorieux de cette campagne n’aurait pas fait de moi une personne illustre et noble, pas plus que l’avoir perdu fait de moi un être insignifiant. Certes, il aurait mieux valu que je gagne, mais mon échec ne me détruit pas et ne fait pas de moi une nullité. » Je surveille ma tendance à m’identifier à mon comportement. « Cet échec lamenta¬ ble ne fait pas de moi un raté. Je suis une personne qui a échoué cette fois et qui pourrait bien essuyer encore de nombreux revers avant de réussir. » 7. Tout échec est précieux dans la mesure où je ne le prends pas trop au sérieux et vise — sans que ce soit une néces¬ sité — un ultime succès. 8. Les gens qui ont fini par faire leur marque dans mon domaine ont-ils renoncé après avoir essuyé quelques échecs ? Où seraient-ils aujourd’hui s’ils n’avaient pas per¬ sévéré en dépit de leurs échecs initiaux ? 9. Il m’arrivera souvent de généraliser, de faire des catégories et de m’aider à penser, de penser à mes pensées et de pen¬ ser au fait que je pense à mes pensées, mais je tenterai de ne pas généraliser et de provoquer ce que W. Quine appelle le durcissement des catégories. Par conséquent, j’éviterai de dire que je suis ce que je fais, d’identifier les gens à cer¬ tains traits de leur caractère et de voir mes pensées comme des entités de plein droit. 10. Je ne dirai pas que, parce que j’ai échoué, j’échouerai tou¬ jours ou que je suis un raté. Ou que parce que j’ai essuyé de nombreux échecs, je ne réussirai jamais. Ou que, parce que j’ai commis de mauvaises actions, je suis une mau¬ vaise personne. 11. Je m’efforcerai de comprendre que rien n’est jamais tout ceci ou tout cela, tout bon ou tout mauvais, tout blanc ou 223
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tout noir, mais que les choses sont souvent ceci et cela, bonnes et mauvaises, blanches et noires en passant par tou¬ tes les nuances de gris. Moi-même, je possède des caracté¬ ristiques bonnes et mauvaises, blanches et noires et grises, et j’ai des qualités bonnes, mauvaises et neutres. 12. Je ferais mieux de comprendre que la surgénéralisation et la surcatégorisation sont illogiques et irréalistes, et engen¬ drent, en moi-même et chez les autres, des troubles affec¬ tifs. Je ne suis pas ce que je pense, sens et fais ; mes pen¬ sées, émotions et actions sont beaucoup trop variées pour entrer toutes dans la même catégorie, bonne ou mauvaise. Le fait que quelques personnes m’aiment ou ne m’aiment pas n’influe en rien sur le fait que je mérite d’être aimé. Le monde n'est pas un endroit bon ou mauvais, mais il pos¬ sède une multitude d’aspects bons et mauvais. Comme le dit Alfred Korzybski, on ne doit pas voir les gens et les cho¬ ses comme tout blancs ou tout noirs, tout bons ou tout mauvais. Ils possèdent aussi diverses facettes et qualités et, en voulant les placer tous dans une même catégorie géné¬ rale, j’en ai une vision faussée. Lorsque je surgénéralise les qualités négatives des autres et les miennes, je commets une grave injustice envers eux et envers moi-même. 13. J’essaierai de garder l’esprit ouvert, de cultiver le doute et de faire des expériences. Je dois me méfier des solutions défi¬ nitives à mes problèmes et à ceux des autres ! Je peux suivre la fluctuation des preuves nouvelles et changeantes. Mais même ces «preuves» peuvent être teintées en partie par mes opinions, désirs et préjugés, et par ceux des autres. Il faut croire que les vérités finales et absolues n’existent pas ! LES PENSÉES CATASTROPHIQUES À L’ÉGARD DU FUTUR 1. Quand je me fais du mauvais sang parce que ï anticipe un malheur ou la possibilité que les autres me traitent injustement, que je me conduise bêtement et provoque des conséquences désastreuses et autres hypothèses, je peux toujours me dire, ainsi que le conseille Arnold Lazarus, 224
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qui s’en soucie ? Je peux toujours convertir ma panique et mon anxiété en préoccupation, regret et frustration. Ce fai¬ sant, je verrai que la plupart de ces «terribles» malheurs n’arriveront jamais, mais que si certains surviennent, je peux y faire face, améliorer la situation ou l’accepter plei¬ nement et mener une vie moins heureuse peut-être, mais certainement pas tout à fait misérable. De même, quand je cultive une attitude où que je tourne tout à la catastrophe, je peux imaginer le pire et voir que ce serait désagréable, mais je peux comprendre aussi que je pourrais quand même y faire face tout en étant raisonnablement heu¬ reux. Penser que je ne peux pas faire face à l’adversité, le cas échéant, ne fait qu’amoindrir ma capacité d’y faire face. Quand j’anticipe de « terribles » malheurs, je peux me rappeler les paroles de Mark Twain : « Ma vie fut remplie de funestes malheurs — dont la plupart ne sont jamais arrivés. » Je peux aussi penser à des gens qui ont subi de graves malheurs — lèpre, cancer, perte de la vue, perte de l’ouïe, quadriplégie et ainsi de suite — et qui continuent de mener une vie féconde et heureuse. L’adversité fait de nombreuses victimes parce qu’elles se laissent abattre. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde ! Quand je me torture en envisageant les pires hypothèses, je peux me prouver de nouveau ma capacité de faire face au pire, puis étudier la probabilité qu’elles se réalisent vrai¬ ment. Elle est habituellement très minime. En outre, quelle est la probabilité que de graves malheurs — comme faire faillite ou être rejeté par ceux que j’aime — durent toujours ou se répètent interminablement? Elle est minime dans la mesure où je ne serai pas entièrement dévasté si cela arrive. Rien pratiquement ne dure éternellement, même l’anxiété grave et la panique. Dans la mesure où je ne serai pas hor¬ rifié par ces sentiments, ils passeront, eux aussi. Bien des choses sont mauvaises parce que je ne veux pas qu’elles arrivent. Les désastres (guerres, tremblements de terre, famines, massacres et torture) arrivent, mais ils sont 225
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plutôt rares ! J’ai tout intérêt à ne pas voir mes ennuis et mes tracas comme des catastrophes. Il y a un dicton perse qui dit : « J’étais horrifié par la perte de mes chaussures jus¬ qu’à ce que je rencontre un homme sans jambes. » 9. Chaque fois que je me fais du mauvais sang parce que les cho¬ ses ne vont pas comme je le voudrais, je comprendrai que mes croyances irrationnelles cachent une exigence ou une garan¬ tie absolue qui a de bonnes chances de ne pas se réaliser. Je l’exposerai et je la convertirai en préférence ou en souhait. 10. Je savourerai le présent autant que je le peux et je me pré¬ parerai aussi à savourer l’avenir. Je peux maîtriser dans une large mesure mes réactions aux événements futurs, mais j’ai un contrôle limité sur ce que l’avenir me réserve. Plus j’insiste pour le contrôler, plus j’ai de chances de le gâcher. 11. Lorsque je m’inquiète de Y éventualité d’un événement, je tenterai de trouver une solution pratique que je pourrai appliquai si jamais il se produisait. 12. Lorsque je commets une erreur ou que la situation tourne à mon désavantage, je me souviendrai qu’il y a presque tou¬ jours une prochaine fois. 13. Quand je dis «je ne peux pas», je peux comprendre que la tâche qui m’incombe dans le présent ou le futur est peutêtre ardue, mais que j’exagère mon incapacité de l’accom¬ plir. «Je ne peux pas» rend souvent la besogne tout à fait impossible. «Je peux apprendre» est beaucoup mieux! 14. La route de l’enfer est pavée d’attentes dogmatiques et absolues, plutôt que probabilistes. Exiger une «bonne» conduite de ma part et de la part des autres, c’est m’expo¬ ser à subir des «horreurs». 15. Je garde en tête mes désirs et mes objectifs. Je n’insiste pas pour qu’ils soient satisfaits. Je m’efforce de les atteindre, mais pas désespérément. CONCEPTS UTILES DE LA TRÉ 1. Les malheurs sont fréquents dans ma vie et dans le monde, et souvent indépendants de ma volonté. En règle générale, 226
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s’ils me perturbent sérieusement, cela est dû à mon atti¬ tude à leur égard. 2. Les malheurs passés de ma vie peuvent avoir fortement contribué à me perturber. Mais j’y ai contribué aussi! Si, des années plus tard, je continue d’être bouleversé, c’est que je perpétue mes puissantes conclusions dysfonction¬ nelles à propos du passé. 3. Je peux presque toujours modifier mes croyances irration¬ nelles sur le passé et le présent — non seulement en appre¬ nant à les connaître, mais en m’y opposant avec force avec mes pensées, mes actions et mes sentiments. Oui, j’y par¬ viendrai au prix d’un effort considérable ! 4. Reconnaître en quoi les gens et les événements contri¬ buent à mon trouble est sain, pourvu que je reconnaisse aussi mes croyances à cet égard. C’est surtout celles-ci que je dois découvrir et chercher à transformer. APPLIQUER L’ANALYSE COÛTS-AVANTAGES À SES ACTES 1. Je ferai de mon mieux pour voir que la préoccupation, la prudence et la vigilance m’empêchent souvent de me bles¬ ser et m’aident à atteindre les résultats je souhaite, tandis que l’inquiétude excessive, l’anxiété et la panique contri¬ buent souvent à me nuire et entraînent des conséquences déplaisantes. L’anxiété et la panique peuvent engendrer certains bienfaits, mais ceux-ci valent rarement les coûts qui y sont inhérents. 2. Lorsque je suis anxieux ou paniqué devant mon anxiété ou ma panique, cela est en général très coûteux et me cause plus de tort que de bien. 3. Le fait que je m’inquiète ou que je m’affole devant la possi¬ bilité que des événements indésirables se produisent ou que je les provoque moi-même ne contribue aucunement à modifier ces événements ou à les améliorer. En fait, les émotions négatives me privent de tous mes moyens et empirent la situation. 227
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4. Je peux mettre un terme à mon anxiété ou à ma panique devant une situation négative en améliorant celle-ci. Mais si je ne peux rien faire pour l’améliorer, comme c’est souvent le cas, mon anxiété et ma panique contribueront à l’aggra¬ ver. Mieux vaut donc commencer par me délivrer de ces émotions en abandonnant l’idée que la situation ne doit absolument pas exister et que, si elle survient, je ne pour¬ rai absolument pas supporter l’inconfort qu’elle me cau¬ sera. Comme le disait Reinhold Niebuhr, je ferais mieux d’avoir la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse de connaître la différence. 5. Je ferais mieux de me préoccuper de mon avenir et de m’y préparer, mais si je m’inquiète, m’angoisse ou m’affole, je ne pourrai pas savourer le présent ni évoquer avec plaisir les événements et relations du passé. 6. J’ai tout intérêt à reconnaître que si mon anxiété me fait souffrir et entraîne des conséquences néfastes, elle com¬ porte aussi des avantages qui font que j’hésite à la laisser aller. Par exemple, elle m’empêche de courir des risques et d’échouer. Je peux en toute honnêteté rechercher ces avantages pour voir s’ils sont réels et s’ils valent les tour¬ ments que l’anxiété me fait subir. 7. Voici certains avantages que peut comporter mon anxiété : a) elle me vaut une attention particulière de la part d’autrui ; b) elle me protège dans une certaine mesure du danger et des ennuis ; c) elle me rend vigilant et est parfois stimulante et intéressante ; d) c’est une émotion naturelle et je peux penser qu’elle me permet d’être vraiment «moi-même»; e) je peux m’apitoyer sur moi-même avec délectation; et f) j’aime me voir comme une victime d’un monde cruel et de ses habitants. SURMONTER UN AFFREUX BESOIN DE CERTITUDE ET DE PERFECTIONNISME 1. La seule chose dont je puisse être à peu près certain, c’est que l’on ne peut être certain de rien. Mais j’ai de bien 228
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meilleures chances, même dans ce monde incertain, d’ob¬ tenir ce que je veux en travaillant dur qu’en me plaignant du fait que la certitude n’existe pas. L’incertitude et l’ambiguïté sont parfois embêtantes. Mais elles peuvent aussi constituer un défi et une aventure. J’ignore quelles réalisations exceptionnelles seront les mien¬ nes, mais je sais que si j’utilise ma créativité pour persévérer dans mes efforts sans exiger de garanties, j’y prendrai plaisir. La seule certitude que je possède est celle de ma mort. Mais il est possible, encore que ce soit peu probable, qu’un jour la science puisse remplacer nos organes de manière à nous garder en vie pour toujours. C’est à voir! Si je veux la certitude, ou du moins une forte probabilité, que ma vie se déroulera sans problème, c’est bien. Mais si j’exige des garanties, je risque fort d’être angoissé. Si je pense qu’il existe une seule bonne solution à un problème ou à une situation, je me ferme l’esprit aux autres réponses ou solutions possibles. Si j’insiste pour m’en tenir à cette unique solution, je me ferme à toutes les autres possibilités et je peux aisément sombrer dans l’anxiété et la dépression en cas d’échec. Par conséquent, mieux vaut tenir compte de toutes les possibilités et envisager des solutions de rechange. J’ai la certitude que les gens peuvent atteindre la perfec¬ tion dans certains domaines — en orthographe ou en mathé¬ matiques — pendant un certain temps. Mais tous les humains sont faillibles et s’acquittent de leurs tâches fort imparfaitement. Je peux viser la perfection, mais elle n’est pas absolument nécessaire.
COMMENT UTILISER LES MODÈLES 1. Je peux trouver des modèles parmi mes connaissances ou lire la biographie de personnages qui sont demeurés remar¬ quablement rationnels dans des circonstances difficiles. 2. Je peux prendre exemple sur des personnes qui ont sur¬ monté de véritables malheurs et handicaps et mené des vies heureuses et fécondes. 229
Dominez votre anxiété ayant qu’elle ne vous domine
3. Je peux apprendre par observation des comportements bons et mauvais, efficaces ou inefficaces. Je dois me mon¬ trer sélectif et me garder d’être trop influençable ou naïf. Je peux essayer les comportements observés pour tester leur utilité. LES MÉTHODES DE RÉSOLUTION DE PROBLÈMES 1. Les tracas et difficultés de la vie me fournissent une foule de problèmes fascinants à résoudre et de magnifiques défis ! 2. La vie est une longue suite de difficultés. Ce n’est pas parce que je les évite ou que je refuse d’y faire face qu’elles dis¬ paraîtront. Au contraire, elles auront plutôt tendance à s’aggraver. 3. Le fait de viser un objectif et de faire des efforts pour l’at¬ teindre m’aide à résoudre mes problèmes et j’y prends même un certain plaisir. 4. Je me heurterai sans doute à des problèmes moins com¬ plexes si je choisis des objectifs moins stressants. Mais les récompenses que j’en tirerai seront sans doute moins inté¬ ressantes et agréables. 5. Je ne suis pas obligé de réussir à la perfection et de me fixer des buts inaccessibles et plus stressants. J’ai entière¬ ment le choix de le faire ou non. 6. Pour cela, je commence par choisir ce que je désire le plus et j’y concentre toute mon attention. Mon choix peut être largement guidé par ma recherche du plaisir ou mon désir d’éviter toute souffrance dans le présent ou l’avenir. Nulle règle absolue ne préside à l’ordre dans lequel les choses doivent être faites. Cet ordre est largement assujetti à mes préférences. 7. Il vaut mieux que je ne laisse pas mes troubles affectifs nuire à ma formation professionnelle. Je peux acquérir une formation, même si je suis angoissé et déprimé, et celle-ci peut même me distraire de mon anxiété et de ma dépres¬ sion. 230
Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété
8. Le fait de résoudre mes problèmes et de repasser ma matière mentalement peut m’aider à faire mieux dans la pratique et peut même améliorer mon aptitude à résoudre les problèmes. 9. La résolution de problèmes et la formation professionnelle exigent du temps et de la patience. Ma faible tolérance à la frustration s’aggravera si je temporise ou déclare forfait prématurément. Cela risque en outre de me compliquer la tâche et de me surcharger de travail. 10. Lorsque j’essaie de résoudre un problème, j’effectue des recherches, recueille les informations nécessaires, étudie les solutions appliquées par d’autres, demande l’aide dont j’ai besoin et m’efforce de trouver une solution parce que le problème me captive, plutôt que pour «prouver» que je suis quelqu’un d’extraordinaire. 11. Mes croyances sur moi-même, sur les autres et sur les cir¬ constances sont des opinions et des hypothèses, et pas nécessairement des réalités. J’ai tout intérêt à les contester et à les vérifier, surtout si elles ressemblent à des croyan¬ ces irrationnelles et qu’elles me rendent anxieux. Mieux vaut ne pas croire qu’elles sont gravées dans la pierre ! 12. Je ne suis pas le centre des événements. Les gens et les choses peuvent avoir un lien avec moi sans se trouver nécessairement sous ma direction. Les gens font ce qu’ils font, et les choses sont ce qu’elles sont, peu importe mes souhaits et mes choix. Même si cela me déplaît, il vaut mieux que je l’accepte. 13. Pour résoudre une situation délicate, je dois réfléchir aux différentes solutions possibles. Les essayer. Les vérifier. Les réviser. Réfléchir encore. Persévérer! Mais je ne suis pas obligé de trouver la solution juste, vraie ou parfaite. UTILISER LA FOI, L’ESPOIR, L’INTENTIONNALITÉ ET L’EMPATHIE POUR SOI-MÊME ET POUR LES AUTRES 1. Si j’ai confiance en ma capacité de faire face à l’adversité et d’améliorer les circonstances de ma vie, je serai moins 231
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
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angoissé, advenant une difficulté. En étant circonspect plu¬ tôt que gravement anxieux, je serai mieux à même d’empê¬ cher certaines choses de mal tourner. Si j’ai foi en ma propre capacité de dominer et de modifier mon anxiété, je ferai le nécessaire. Je renoncerai à mes exigences irréalistes et grandioses, je les convertirai en préférences et je parviendrai sans doute ainsi à réduire ou à éliminer mon anxiété. Si j’ai la conviction que les autres peuvent m’aider, ou si j’ai foi en la bonté intrinsèque de l’univers ou en quelque pou¬ voir supérieur qui est de mon côté, cela peut soulager tem¬ porairement mon anxiété. Mais comme je ne peux pas compter sur ces choses, il vaut mieux que j’aie foi en mon propre pouvoir de diminuer ou de vaincre mon anxiété. Si je me fie à des tiers ou à des pouvoirs extérieurs et qu’ils ne viennent pas à mon secours, je risque d’être désillu¬ sionné et d’angoisser davantage. Il vaut mieux que ma vie soit orientée vers des objectifs précis qui me passionnent. De la sorte, je m’absorberai dans des relations et des projets intéressants ainsi que des centres d’intérêt vitaux qui me distrairont de mes angois¬ ses et m’apporteront un plaisir constant qui enrichira ma vie, malgré mon anxiété. Ces centres d’intérêt surpasseront mes inquiétudes et rendront ma vie digne d’être vécue. Si je me fixe des objectifs passionnants, je ferai tout pour les atteindre, au lieu de me mettre martel en tête à propos des tracas de la vie. J’essaierai de découvrir les activités qui m’attirent vraiment et de m’y absorber tout entier, au lieu de tenter de plaire aux autres en faisant leurs quatre volontés. En me plongeant dans ces activités et en résolvant les difficultés qu’elles sou¬ lèvent, je coulerai avec elles et je me perdrai en elles sans me préoccuper outre mesure d’imposer ma volonté personnelle. Si je m’y adonne pour le simple plaisir de la chose, je ne me soucierai pas trop de prouver que je peux bien faire. Je ferai tout pour trouver un projet ou une cause durable, vitale et captivante qui me passionnera tellement que je ne
Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété
céderai pas à mes inquiétudes habituelles. Je nouerai des liens étroits avec les gens ou les choses en rapport avec mon projet et je donnerai ainsi un but à ma vie. 7. Comme la plupart des gens, ainsi que l’a montré John Bowlby, je suis né avec une tendance à ressentir un pro¬ fond attachement envers mes parents, mes frères et mes sœurs et envers d’autres personnes, et à les aimer indivi¬ duellement et collectivement. Cette tendance innée fait que je peux m’attacher fortement à un ou à plusieurs indi¬ vidus, ou à un groupe de personnes, et parfois de façon durable. Je peux utiliser l’attrait que je ressens pour cer¬ tains individus ou groupes comme une sorte de lien qui occupera une grande partie de mon temps, me fournira un but utile et mettra en échec mes vaines inquiétudes. Mais je ne dois pas m’attendre à ce que mes attachements soient réciproques. Tant mieux s’ils le sont, mais je peux m’y con¬ sacrer avec un plaisir immense et unilatéral. 8. Il est préférable que je n’entretienne pas une philosophie béate de la vie et la certitude que tout ira pour le mieux et que ma vie sera une danse extatique. Une vision aussi irréa¬ liste des choses atténuera peut-être mon anxiété temporai- rement, mais elle me conduira sans doute à la panique et à la dépression, en cas de difficulté. RECADRER L’ADVERSITÉ 1. Il est préférable que je ne voie pas mes malheurs sous un angle tout à fait négatif, car tous les malheurs ont leurs bons côtés. Et souvent, ils ne sont pas aussi terribles qu’ils semblent l’être à première vue. Je les examinerai d’un œil réaliste, surtout si j’y réagis d’une manière excessive. 2. Si les autres me créent des problèmes, je tenterai de com¬ prendre leur cadre de référence, car ils ont souvent leur propre vision des choses, et ce pourrait bien être la bonne ! 3. J’essaierai de voir mes malheurs à travers le regard d’autres personnes qui ne sont pas concernées de trop près. Avec un certain recul, j’arriverai à les banaliser. 233
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
4. Je peux examiner les événements «mauvais» et surtout « horribles » de ma vie avec un personne dotée d’une cer¬ taine objectivité. Cela m’aidera à voir mes problèmes sous un jour différent. 5. Lorsque je répugne fortement à remplir une tâche qu’il est préférable que je remplisse, je peux prétendre qu’elle me plaît ou que je suis emballé à l’idée de l’accomplir. Faire semblant peut alléger ma résistance autodestruc¬ trice. 6. Je ferai de mon mieux pour voir les gens et les situations difficiles comme des défis intéressants à relever, plutôt que des « horreurs » à affronter. Ma vie deviendra ainsi beau¬ coup plus fascinante et beaucoup moins alarmiste ! UTILISER L’IMAGERIE POUR DOMINER SON ANXIÉTÉ 1. Je peux recourir à l’imagerie ou à la visualisation positive pour imaginer que je viens à bout des tâches complexes que j’aimerais remplir et m’exercer ainsi mentalement à le faire. Cette sorte de répétition du comportement peut aug¬ menter mes chances de réussir. 2. L’imagerie positive peut me donner le sentiment d’être effi¬ cace ou me convaincre que je peux accomplir des besognes ardues avec compétence. 3. Je peux utiliser l’imagerie positive ou la visualisation pour m’imaginer en train de faire face à des situations épineuses et en train de les résoudre avec une anxiété minimale. 4. Je peux pratiquer l’imagerie négative, telle que l’enseigne Maxie Maultsby fils, et imaginer que j’échoue dans des tâches importantes ou que j’éprouve un profond sentiment de frustration ou de privation. De prime abord, je serai envahi par des émotions malsaines comme l’anxiété, la dépression et la rage. Puis j’essaierai de les convertir en émotions négatives saines comme le chagrin, le regret et la frustration. J’y parviendrai surtout en convertissant mes croyances et exigences irrationnelles en préférences et en m’exerçant ainsi à éprouver automatiquement des émotions 234
Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété
saines devant les difficultés de ma vie. Cette forme d’ima¬ gerie porte le nom d’imagerie rationnelle-émotive. INTERROMPRE L’ANXIÉTÉ GRÂCE À LA DISTRACTION 1. Comme l’esprit humain peut difficilement se concentrer sur deux choses à la fois, je peux utiliser de nombreux dérivatifs pour me distraire de mes ruminations. Comme leur effet est temporaire pour la plupart, mes angoisses — y compris mes obligations, exigences et autres pensées irrationnelles — reviendront rapidement à l’assaut. J’ai donc tout intérêt à mettre à jour ces croyances irrationnelles, à les contester vigoureusement et à cultiver des pensées rationnelles devant les malheurs actuels ou potentiels de ma vie. Mais en utilisant un dérivatif approprié, je peux interrompre le flot de mes pensées irrationnelles, m’accorder un moment de détente et rassembler mes forces pour les contester avec véhémence. Dans la mesure où je n’ai pas uniquement recours à un dérivatif ou que je ne m’en sers pas pour évi¬ ter de contester mes pensées irrationnelles, cette méthode peut m’être utile et préparer la voie à une contestation effi- cace. 2. Je peux essayer un certain nombre de dérivatifs, tels qu’arrêter mes pensées, méditer, faire du yoga, respirer, pratiquer un sport de détente, lire, me divertir, et ainsi de suite. Je peux essayer une ou plusieurs méthodes qui me conviennent et me distraient de mes soucis. 3. Si je me concentre sur les malheurs «affreux» qui pour¬ raient m’arriver («Et si cette chose horrible se passait... ! »), je risque de me tracasser d’une manière obsessive. Je peux toujours me dire « Et après ? » et comprendre que la situa¬ tion serait au pire regrettable, mais sûrement pas dévasta¬ trice. Sauf si je la définis sottement comme telle! 4. Je peux utiliser les distractions positives et les activités physiques et mentales qui me plaisent non seulement pour interrompre le flot de mes pensées inquiètes, mais par pur plaisir. 235
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
5. Je peux me distraire en écoutant avec intérêt le babillage anxieux de mon esprit, au lieu de le prendre trop au sérieux. Grâce à cette méthode d’attention consciente, je verrai que je ne suis pas obligé de laisser mes pensées m’envahir et me dominer. 6. L’une de mes formes de distraction préférées consiste à m’intéresser à un problème épineux et captivant et à l’examiner jusqu’à ce que je me mette à jouir de l’expé¬ rience, à y prendre plaisir et à être tellement absorbé qu’il m’est presque impossible de céder à mes inquiétudes habituelles. Mon souci sincère — et non excessif — de résoudre le problème d’une manière constructive m’ab¬ sorbe à tel point que, pendant ce temps, je ne suis pas porté à céder à une angoisse destructrice. Si, toutefois, je suis persuadé que je dois trouver une solution, et surtout une solution parfaite au problème ou au projet qui me préoccupe, cela me rend anxieux et nuit à mon expé¬ rience gratifiante intrinsèque. 7. En me jetant dans des activités à long terme, essentielles et captivantes — bâtir un foyer, une entreprise ou une car¬ rière —, je me détourne de mes inquiétudes futiles et je demeure structuré et captivé pendant des mois ou même des années. Mes inquiétudes ordinaires me paraissent rela¬ tivement banales, et j’ai souvent peu de temps à leur con¬ sacrer. Si toutefois je suis convaincu qu'il faut à tout prix que je réussisse, qu'il faut que les autres m’aiment et m’ai¬ dent, et que les circonstances doivent me permettre de mener mon projet à terme, cela me rendra anxieux, et mon anxiété pourra nuire à sa réalisation. 8. Le fait de m’assigner à moi-même des tâches précises et structurées et de les exécuter sans exiger la perfection de moi-même me distrait de mon anxiété et peut même être très créatif et agréable. 9. Je peux utiliser des pensées, fantasmes, rêveries, plans futurs et autres idées et images plaisantes pour me dis¬ traire de mes tracas, tant que je n’exige pas qu’ils aboutis¬ sent à des résultats fantastiques. 236
Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété
10. Faire un effort mental et physique pour maîtriser une apti¬ tude, un sport, une activité, un jeu, un art ou un projet me distraira de mes inquiétudes, tant que je ne me sentirai pas obligé de le faire à la perfection et que je ne mettrai pas en jeu ma valeur personnelle. QUELQUES CROYANCES RATIONNELLES UTILES 1. Je peux créer et utiliser des affirmations positives pour alléger mon anxiété dans la mesure où elles sont réalistes, logiques et pratiques, et qu’elles ne s’accompagnent pas d’obligations et d’exigences rigides. Ainsi, je peux me dire : « J’espère de tout cœur que les gens me traiteront aimable¬ ment et que les circonstances tourneront à mon avantage, mais cela n’est pas absolument nécessaire. Ce sera fâcheux si mes souhaits ne sont pas exaucés, mais pas désas¬ treux. » « Je préfère de beaucoup réussir et mériter l’ap¬ probation des personnes qui comptent pour moi, mais si ce n’est pas le cas, tant pis. C’est dur, mais ce n’est pas terri¬ ble. » J’ai tout intérêt à croire à fond à ces affirmations rationnelles et pas simplement à les répéter comme un perroquet en pensant que j’y crois vraiment. Il vaut mieux que je m’en convainque avec vigueur, surtout si je vois que je suis retombé dans mon anxiété. 2. Je peux contester mes pensées irrationnelles et en particu¬ lier mes exigences si je vois qu’elles n’existent pas dans ma réalité sociale. Si je devais à tout prix réussir, je ne pour¬ rais pas échouer. Si tu devais te montrer aimable à mon égard, tu le serais toujours. Si les circonstances devaient toujours être positives, elles le seraient. Il est clair que ces exigences n’existent pas ! 3. Je peux contester mes exigences irrationnelles en compre¬ nant que mon insistance à réussir ne m’oblige pas à le faire. Ce n’est pas parce que je dis que tu dois me traiter avec loyauté que tu es tenu de le faire. Ce n’est pas parce que j’exige que la situation tourne à mon avantage qu’elle doit le faire. 237
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4. Je peux contester mes pensées irrationnelles d’une manière pragmatique en me démontrant à moi-même que, si je suis absolument convaincu que je dois réussir, qu’il est horrible que les autres me traitent avec mesquinerie et que je ne peux pas supporter les situations désagréables, je ne peux presque pas faire autrement qu’être et demeu¬ rer anxieux, furieux et déprimé. 5. Je peux voir que mon anxiété et mes autres troubles affec¬ tifs sont en général étroitement reliés aux malheurs qui surviennent dans ma vie. Ainsi, je ne suis pas angoissé quand je réussis dans mes entreprises ou que je suis aimé des personnes qui me sont chères et je le suis quand j’échoue et que je ne suis pas aimé. Mais corrélation ne veut pas dire relation de cause à effet. Les circonstances difficiles de ma vie me rendent anxieux, mais ce sont mes pensées irration¬ nelles qui créent mon anxiété. De nombreux facteurs peu¬ vent «causer» celle-ci, mais les croyances irrationnelles comptent parmi les principaux et, heureusement, je peux les modifier. 6. Je ferais mieux de ne pas confondre mes exigences condi¬ tionnelles avec mes exigences absolues. Si je veux manger, je dois acheter de la nourriture. Si je veux être moins angoissé, je dois reconnaître mon anxiété, chercher ses principales causes (telles que mes pensées irrationnelles) et m’efforcer de les modifier ou de les supprimer. Lorsque je veux quelque chose, je l’obtiens rarement en me croisant les bras ou en espérant un tour de magie. C’est pourquoi les exigences con¬ ditionnelles sont utiles — et, à maintes occasions, nécessai¬ res. Il en va tout autrement des exigences inconditionnelles et absolues. Je ferais mieux de ne pas exiger de moi de réus¬ sir à tout prix et tout le temps ni de toi que tu te conduises gentiment avec moi en toutes circonstances parce que je le veux Je peux maintenir mes exigences conditionnelles et renoncer à mes exigences absolues et inconditionnelles. 7. Si, comme l’explique Karen Horney, j’essaie de préserver une image idéalisée de moi-même qui m’oblige à être for¬ midable et parfait, je finirai presque à coup sûr par avoir 238
Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété
une image négative de moi-même et de ma valeur person¬ nelle. 8. Pour me prouver que mes croyances rationnelles sont jus¬ tes et efficaces, et que j’y adhère avec force (sur le plan affectif), je peux les contester, puis démolir mes propres arguments. Ou je peux demander à un ami de les remettre en question pour voir si elles sont solidement ancrées en moi. 9. Je contesterai vigoureusement mes objectifs et croyances perfectionnistes et je me donnerai la permission et le cou¬ rage d’être imparfaite — un trait remarquable de Sophia Lazasfeld. Même si je préfère de beaucoup réussir à la per¬ fection, surtout dans certains domaines précis, je résisterai à la tentation de l’exiger de moi-même. 10. Je peux presque toujours supporter ce qui me déplaît for¬ tement parce que : a) cela a peu de chances de me tuer ; b) je peux être heureux, encore qu’imparfaitement, mal¬ gré cela ; c) cela peut m’être bénéfique dans la plupart des cas ; d) je peux en tirer une leçon ; e) j’accroîtrai ainsi ma tolérance à la frustration ; f) je me rendrai extrêmement malheureux si je persiste dans l’idée que je ne peux pas le - supporter ! 11. Si je pense que je ne peux pas supporter mon anxiété, je me rendrai doublement malheureux: d’abord, parce que je suis privé de ce que je pense devoir avoir à tout prix; ensuite, je serai malheureux d’être malheureux. L’anxiété est seulement très inconfortable ; elle n’est pas horrible, — sauf si je pense qu’elle l’est. 12. Je peux comprendre que devant les mêmes échecs regret¬ tables, circonstances éprouvantes et actions déloyales des autres à leur égard, bien des gens ne réagiraient pas à ou¬ trance comme je le fais et ne céderaient pas à l’anxiété et au désespoir. Ainsi, certains parmi mes amis ne se blâme¬ raient pas pour leurs échecs, ne rageraient pas devant le manque de loyauté des autres et seraient désolés et déçus, mais non horrifiés devant les épreuves qu’ils traversent. À l’instar des autres, je peux donc choisir mes émotions et 239
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réactions devant mes malheurs, du moment que je les voie sous un jour rationnel. 13. Si j’ai des défauts pour lesquels je me rabaisse en tant que personne, je peux comprendre que je suis un être humain faillible qui possède des défauts inévitables et que mes frè¬ res humains sont, eux aussi, faillibles et qu’ils ne doivent pas être blâmés pour leur erreurs. Qui d’entre nous ne se trompe ni ne pèche jamais ? 14. La pensée positive vaut cent fois mieux que la pensée néga¬ tive en général, dans la mesure où elle n’est pas irréaliste et naïve. Toutefois, les pensées négatives réalistes — telles que « Soyez prudent et vigilant ! » « Réfléchis aux gratifica¬ tions immédiates qui peuvent se révéler nocives à la lon¬ gue! » — sont plutôt utiles. Le bonheur optimal dépend de l’équilibre qui existe entre mes pensées positives et réalis¬ tes, et mon scepticisme.
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CHAPITRE
Soixante-deux maximes rationnelles pour dominer votre anxiété et vos réactions physiologiques à Vanxiété
J
e peux surmonter mon anxiété et améliorer mes réactions physiologiques de diverses façons. En voici quelquesunes.
POUR ATTEINDRE L’ACCEPTATION INCONDITIONNELLE DE SOI-MÊME 1. Je suis une personne à part entière, ayant des besoins et des préférences uniques et personnels. J’ai le droit de ten¬ dre vers ce que je veux et d’éviter ce qui me déplaît, tant que je n’entrave pas les droits individuels et sociaux des autres. Je souscris tout à fait à l’acceptation incondition¬ nelle des autres parce que je choisis de vivre au sein d’un groupe social et de profiter de la vie en société. Afin d’ob¬ tenir davantage de ce que je veux et moins de ce qui me déplaît, je me fixerai des objectifs conformes à mes désirs. Je jugerai mes pensées, émotions et actions comme
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« bonnes » ou « intéressantes » quand elles me rapprochent de mes objectifs et comme «mauvaises» ou «inintéressan¬ tes » quand elles attirent à moi ce que je ne veux pas ou qu’elles m’empêchent d’obtenir ce que je veux. Je me retiendrai rigoureusement de m’évaluer globale¬ ment, c’est-à-dire de m’accorder une note générale. J’ac¬ complis de «bonnes» et de «mauvaises» actions, mais je refuse de me voir comme une personne « bonne » ou « mau¬ vaise ». Je ne suis pas ce que je fais. Je suis une personne qui agit «bien» ou «mal». Je possède une tendance à la fois innée et acquise à me juger globalement et faussement, et j’ai peine à y résister. S’il m’arrive de m’autoévaluer, je m’efforcerai de me juger arbitrairement comme une «bonne» personne du simple fait que j’existe et que je suis humain et unique, et non pas pour d’autres raisons. Cela me sera fort utile, car ce juge¬ ment positif de moi-même m’aidera à atteindre mes objec¬ tifs, tandis que si je me juge « mauvais » ou « nul », cela aura tendance à saboter mes efforts. Je m’accepterai donc inconditionnellement comme une «bonne» personne au lieu de m’évaluer conditionnellement comme un être «de valeur» parce que mes pensées, émotions et actions sont, temporairement du moins, conformes à certaines normes. Je ne risque rien à relier mon acceptation inconditionnelle de moi-même à ma vitalité, mon humanité et mon unicité, car je conserverai ces qualités toute ma vie. Je peux donc me définir en toute sécurité comme une «bonne» per¬ sonne, même si je ne peux pas confirmer cette définition d’une manière empirique. Cette attitude, fort efficace, m’ai¬ dera à atteindre mes buts. Ce jugement est «vrai» d’une manière pragmatique, mais non absolue. Au lieu de dire «Je ne m’aime pas parce que j’ai ce compor¬ tement ou ce trait précis», je dirai «Je n’aime pas ce com¬ portement ou ce trait. Que puis-je faire pour m’améliorer? » Je comparerai mes caractéristiques actuelles à celles du passé et à d’autres personnes afin de les épurer. Mais je ne comparerai pas mon moi à celui d’autres personnes.
Soixante-deux maximes rationnelles pour dominer votre anxiété...
6. Je suis un être unique, mais non pas spécial dans le sens que je vaux mieux que les autres. Certaines de mes qualités sont supérieures à celles des autres et certaines, inférieu¬ res. Mais une fois encore, je ne suis pas ce que je pense, ressens ou fais. Pas plus que les autres ne sont ce qu’ils font. 7. Je choisis de m’accepter avec mes comportements «bons» comme «mauvais» et je fais tout pour améliorer mes actions «médiocres». Je choisis d’accepter les autres comme des personnes, mais je peux vouloir les aider (encore que sans tyrannie ni acharnement) à modifier cer¬ tains de leurs comportements. POUR ATTEINDRE L’ACCEPTATION INCONDITIONNELLE D’AUTRUI 1. J’évaluerai mes pensées, émotions et comportements, mais non pas ma valeur intrinsèque globale en tant que personne, et je ferai de même pour les autres. J’éviterai de les porter aux nues ou de les blâmer en tant que per¬ sonnes et je jugerai leur conduite «bonne» ou «mau- vaise » en fonction de mes propres objectifs et des normes sociales usuelles. 2. Si j’évalue les autres comme j’ai tendance à le faire, je pra¬ tiquerai l’acceptation inconditionnelle d’autrui et je les jugerai «bons» du simple fait qu’ils existent, qu’ils sont humains et uniques, et non pas à cause de leurs pensées, sentiments ou actions. Mieux encore, j’évaluerai leurs actes, plutôt que leur essence profonde. 3. Lorsque je réussis à accepter les autres inconditionnelle¬ ment, il m’arrivera souvent de détester ce qu’ils font, mais je ferai de mon mieux pour ne pas les détester, eux, les auteurs de ces actes, et ne pas leur en vouloir en tant que personnes. Je pourrai tenter de redresser leur conduite, mais je me garderai bien de les blâmer ou de les punir ; je ne condamnerai pas le pécheur, mais uniquement ce qui m’apparaît comme le péché. 243
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RESPONSABILITÉS SOCIALES 1. Je ne suis pas responsable d’être né — avec des limites et des défauts. Il m’incombe cependant de faire de mon mieux avec mes défauts et mes dons. Mais même si je suis respon¬ sable de mes pensées, sentiments et actions, il n’est pas nécessaire que je me comporte de manière responsable, encore que cela soit fort souhaitable. Je ne suis pas un minable ni un bon à rien parce que j’agis d’une manière irresponsable, même si je suis responsable de mon irres¬ ponsabilité et que je me conduis mal. 2. Je suis un animal social que de nombreux liens relient à sa famille, à son groupe social et à sa communauté. Si je sou¬ haite l’amitié et l’appui des autres, je ferais mieux en toute justice de ne pas leur faire de mal et de me conduire d’une manière loyale et responsable envers eux. Nous vivrons mieux si nous sommes responsables les uns des autres. À certains égards, je peux faire passer mes intérêts avant ceux des autres, mais si je ne pense qu’à moi et si je leur fais du tort inutilement, ma conduite est immorale et irres¬ ponsable, elle nuit aux individus et à la collectivité et, sans doute, à moi-même. Je ne suis pas obligé de respecter les préceptes moraux, mais je me porterai beaucoup mieux si je le fais. Si je souhaite de bons rapports avec les autres, je dois adopter une conduite morale et responsable à leur égard. Cela m’apparaît comme une exigence condition¬ nelle, plutôt qu’une obligation absolue. 3. Bien que les autres puissent me faire du mal inutilement et me déposséder, je demeure largement responsable de mes sentiments. S’ils agissent d’une manière déloyale envers moi, je peux choisir des sentiments sains de regret et de frustration ou l’anxiété, la dépression et la fureur. Mes sen¬ timents dépendent quelque peu de la conduite des autres à mon égard, mais surtout de ma propre attitude envers cette conduite. Je suis donc largement responsable de mes émotions et je peux les dominer. Même si je suis biologi¬ quement enclin à réagir aux gens et aux choses avec des 244
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émotions malsaines, je suis fort capable avec la pensée, un travail soutenu et un peu d’entraînement, de me repro¬ grammer de manière à avoir des réactions plus saines. Même si je suis enclin, biologiquement et socialement, à réagir d’une manière outrancière et destructrice sur le plan affectif et comportemental, il n’en tient qu’à moi de tout faire pour corriger mes réactions, mentalement et médica¬ lement. Si je souffre d’un trouble physique comme le dia¬ bète ou un problème cardiaque, je peux me faire soigner, m’y adapter et peut-être même améliorer mon état, et c’est faire preuve d’irresponsabilité envers moi-même et les autres que de ne pas régler mon problème d’une manière appropriée. De la même façon, je peux affronter mes trou¬ bles affectifs d’une manière responsable ou irresponsable, même si je ne les ai pas provoqués moi-même. Même si je suis irresponsable, je suis seulement une personne qui agit mal et non pas une mauvaise personne. Je peux, par irresponsabilité, provoquer ou exacerber mes problèmes physiques et affectifs en buvant de l’alcool, en prenant de la drogue, en fumant et en mangeant trop. Le cas échéant, je reconnais ma conduite irresponsable sans me rabaisser pour autant. Cela augmente mes chances de la rectifier. Si je suis dépassé par mes troubles affectifs et surtout s’ils semblent être causés par un facteur biochimique ou physi¬ que, je peux tenter d’améliorer mon état grâce à des médica¬ ments, un régime alimentaire, des traitements physiques et parfois même en me faisant soigner à l’hôpital, sans pour autant me considérer comme un faible. Cependant, je ne compterai pas d’une manière exclusive ou obsessive sur un traitement physique et je m’efforcerai de modifier mes pen¬ sées, sentiments et comportements, et de les rendre plus efficaces grâce à des techniques psychologiques. Je pourrai peut-être ainsi surmonter d’une manière plus durable mes problèmes affectifs. Comme mon esprit et mon corps sont étroitement liés et s’influencent mutuellement, je surveillerai ma santé 245
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physique, ma diète, mes habitudes de sommeil et mon hygiène, j’éviterai d’abuser des substances toxiques et de m’exténuer physiquement, de sorte que mon corps, parce que je le respecte et le soigne, sera moins susceptible d’en¬ gendrer des troubles mentaux. Ma santé affective est liée à ma santé physique. 8. Je suis responsable de mes habitudes dysfonctionnelles, même quand je suis anxieux. Je peux certes prétendre que mon anxiété est si forte qu’elle me pousse à fumer ou à boire de l’alcool. Mais elle a beau être forte et très incon¬ fortable, je continue de nourrir des pensées du genre: «Elle est tellement inconfortable que je ne peux pas la supporter. Par conséquent, j’ai besoin d’une cigarette ou d’un verre. » Il se pourrait fort bien que ce soit parce que je ne peux supporter mon anxiété que «je suis poussé» à fumer ou à boire. 9. Parmi mes responsabilités sociales figure celle d’appré¬ cier mes relations avec d’autres individus ou groupes de personnes et de m’épanouir au sein de ces relations. Ma «propre » personnalité découle tant de mes tendances bio¬ logiques que de mon éducation et de mes contacts sociaux. Je possède une aptitude innée à entrer en rapport avec les autres, à aimer, et à nouer des liens affectifs et agréables avec des individus et des groupes. Dans la vie, je peux être captivé par des idées et des projets, mais aussi par des rela¬ tions étroites et des causes sociales. Je peux me réaliser d’une manière unique et intense en aimant les gens et les groupes qui ont une signification pour moi. AMÉLIORER SES APTITUDES SOCIALES ET ACCROÎTRE SON PLAISIR 1. Je ne suis pas obligé d’être sociable, d’aimer les autres et de les aider, mais je peux en tirer beaucoup de plaisir et diversifier mes intérêts. Ma bonne entente avec les autres m’empêchera en outre d’essuyer des malchances qui pour¬ raient facilement m’angoisser. 246
Soixante-deux maximes rationnelles pour dominer votre anxiété...
2. Je n’ai pas la capacité de changer les autres profondément, mais je peux vraiment, si je le veux, les accepter tels qu’ils sont, les aimer et les apprécier, malgré ce que je vois comme leurs défauts. 3. Le fait que je dépende de moi-même et que je n’aie pas besoin de l’approbation des autres pour «prouver» ma valeur réduira considérablement mon anxiété ; en effet, la dépendance affective est l’une des principales sources d’anxiété puisque l’on n’a aucune certitude que les autres nous soutiendront. Mon indépendance affective me laisse libre de voir les choses comme les autres, de tenir compte de leurs objectifs et valeurs, et de les aimer davantage. Car je ne m’inquiète plus à outrance de savoir s’ils m’aiment moi, moi, moi. Cette autonomie affective me rend plus sociable. Je peux aimer les gens pour eux-mêmes et pas seulement parce qu’ils ont bonne opinion de moi. 4. Si je privilégie les situations gagnantes pour les deux par¬ ties au lieu de chercher à surpasser les autres, je ne serai pas obligé de gagner. Je pourrai apprécier les victoires des autres, au lieu d’être horrifié et envieux parce qu’ils sont «meilleurs» que moi. Il n’y a pas de rivalité frénétique - entre nous. Si je perds, je ne le prendrai pas trop au sérieux. 5. Si je fais de mon autonomie une nécessité vitale, je deviens alors tout à fait dépendant de ma capacité de la réaliser entièrement et parfaitement. 6. Si je porte les autres aux nues, je souffrirai d’une carence affective perpétuelle et je me perdrai moi-même. Si je me porte aux nues, je serai incapable d’apprécier les autres vraiment et d’entrer en rapport avec eux. Les deux voies mènent à l’anxiété. Car nos vies, la leur comme la mienne, sont fluctuantes et imparfaites. 7. Le fait d’aimer les autres et de les aider ne fera pas de moi une bonne personne, mais c’est là une des actions les plus agréables que je puisse commettre. Cela m’empêche de me préoccuper à outrance de moi-même et de me prendre pour le nombril du monde. 247
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8. M’aimer moi-même et aimer les autres ne sont pas des objectifs contradictoires, et cela peut ajouter un intérêt et un plaisir vitaux à ma vie. 9. Si j’essaie de voir les choses dans la même optique que d’autres personnes, à la lumière de leurs objectifs et valeurs, leurs comportements seront moins susceptibles de me contrarier. Je les comprendrai mieux et les apprécierai davantage. 10. Je comparerai souvent mes atouts et mes qualités à ceux des autres afin de les améliorer, si possible. Mais je ne com¬ parerai pas mon moi à leur moi, ni ne les évaluerai globa¬ lement. Les autres auront souvent des atouts et des qua¬ lités meilleurs — et pires — que les miens. 11. Je chercherai à comprendre les autres et j’augmenterai par le fait même mes chances d’être compris. LE SOUTIEN ET LE RÉCONFORT 1. Dans une certaine mesure, je peux me fier à mes anus et parents pour me soutenir et m’aider à affronter certains problèmes et je peux accepter leur aide et leur réconfort avec gratitude et en tirer le meilleur parti possible. Cela pourrait atténuer mon anxiété. 2. Si je suis aimable et obligeant envers les autres, je pourrai sans doute compter davantage sur leur soutien dans mes moments difficiles. 3. Accepter l’aide des autres ne fait pas de moi une mauviette et ne signifie pas que je ne peux pas prendre soin de moi-même. 4. Il n’est pas bon que je compte trop sur les autres et pas assez sur moi-même. Cela ne me rend pas service et il vaut mieux que je me fie davantage à moi-même. 5. Je peux peut-être solliciter l’aide d’un pouvoir suprême si j’ai de graves ennuis, mais il vaut encore mieux que je compte sur moi-même. 6. Refuser l’aide de ceux qui me l’offrent afin de prouver ma noblesse et mon indépendance peut me conduire au nar¬ cissisme et à la mégalomanie. 248
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7. Obtenir le soutien de ma famille, de mes amis et d’autres personnes et l’assurance qu’ils me l’apporteront quand je suis angoissé peut atténuer mon anxiété et ma panique. Mais comme ce soutien et ce réconfort peuvent manquer ou m’être retirés brusquement, mieux vaut ne pas compter uniquement sur eux. J’ai tout intérêt à bâtir ma confiance en moi et en mon autonomie. 8. Si j’ai absolument besoin de l’appui et du réconfort des autres et que je ne les trouve pas, je risque de céder à l’anxiété et à la panique. Par conséquent, mieux vaut préfé¬ rer obtenir ce soutien en cas de difficulté — sans toutefois en avoir besoin. 9. Je peux obtenir l’appui et le secours de certains individus et groupes en cultivant mes amitiés et mes relations fami¬ liales. Je peux aussi trouver de l’aide dans le cadre d’une thérapie individuelle ou collective et auprès des groupes d’entraide ou de soutien, qui réunissent des personnes aux prises avec des problèmes semblables aux miens. 10. Je ne suis pas tenu d’accepter le soutien, le réconfort ou les conseils que l’on me prodigue, mais je peux les écouter, les prendre en considération et accepter ceux qui peuvent m’être utiles. 11. Ce qui peut me réconforter le plus, c’est de me dire que, peu importe que les circonstances soient contre moi et que les autres me traitent injustement, ma vie n’est pas hor¬ rible. Je peux la supporter et y prendre quand même un cer¬ tain plaisir. Je peux y faire face et sans doute l’améliorer. SE CONCENTRER SUR LES PLAISIRS ET LES ASPECTS POSITIFS DE LA VIE 1. Certes, j’ai parfois plus que ma part d’échecs, de limitations et de frustrations. Mais regardons les aspects positifs de ma vie : mes plaisirs, mes succès, mes amis, mes talents, les choses qui m’intéressent. Bien sûr, ma vie comporte aussi des aspects fâcheux, mais à quoi bon concentrer toute mon attention sur ceux-ci ? Cela ne fait qu’alimenter mon inquiétude ! 249
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2. Dieu sait que ce monde peut être un endroit difficile ! Mais que dire des merveilles de l’art, de la musique, de la littéra¬ ture, de la science, des sports, des animaux, des ressources naturelles et des découvertes scientifiques et médicales? Si je tiens à me concentrer sur les aspects négatifs, com¬ ment puis-je les modifier et les améliorer? Pourquoi ne pas plutôt me concentrer sur les aspects positifs ? 3. Je peux certes voir l’avenir tout en noir et me répandre en invectives contre un morne présent. Mais pourquoi ne pas imaginer les événements agréables qui peuvent arriver et que je peux provoquer? Comment m’y prendrai-je? 4. Tout n’est pas parfait sur cette terre, et je préférerais que ce le soit. Mais travailler à rebâtir mon petit coin du monde pour mon bien et celui des autres peut être à la fois cons¬ tructif et agréable, du moment que j’utilise ma créativité. CRÉER DES ÉMOTIONS SAINES 1. Si je souhaite une chose ardemment ou que j’éprouve une profonde aversion à l’égard d’une chose, il importe que je me rappelle que je ne suis pas le maître de l’univers. Il vau¬ drait mieux que je ne transforme pas mes préférences mar¬ quées en exigences, car je risque d’être souvent perturbé. 2. Je peux éprouver des aversions et des goûts francs, mais si j’en fais des préférences, plutôt que des exigences, je serai sainement désolé et déçu s’ils ne sont pas comblés, plutôt que de m’abîmer dans des sentiments malsains d’anxiété, de dépression ou de colère. Je peux donc choisir d’éprou¬ ver des émotions dynamisantes, plutôt que débilitantes en pensant d’une manière rationnelle et en n’exigeant pas que mes désirs soient comblés à tout prix. 3. J’ai le droit d’avoir un penchant pour n’importe quoi ou presque, même si cette chose semble néfaste ou stupide aux yeux d’autrui, du moment que je reconnais son poten¬ tiel négatif et que je suis prêt à l’assumer. Il vaut mieux que je respecte les préceptes moraux et que je ne nuise pas aux autres, mais je peux certainement me faire du tort à 250
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moi-même dans la mesure où je le reconnais et l’accepte. Si je souhaite éviter les conséquences négatives, je peux voir mes inclinations comme des préférences, plutôt que des exigences et comprendre qu’il n’est pas absolument nécessaire que je leur cède. 4. Les gens qui se conduisent mal ne peuvent pas me faire me sentir mal. Ils contribuent souvent à l’éclosion de mes sentiments parce que, si je juge leurs actions mauvaises, je ne les aime pas et je ressens du chagrin, du regret ou de la frustration, des émotions saines. Mais je pourrais aussi demeurer indifférent ou même apprécier ces gens. Les évé¬ nements fâcheux de ma vie susciteront en moi de la frus¬ tration et du regret. Mais libre à moi de tomber ou non dans l’anxiété ou la dépression. Mieux vaut éviter de dire : « Ce type me contrarie» ou «Cet événement m’a angoissé». Il serait plus juste que je dise : «Je choisis d’être contrarié par ses actions» ou «Je choisis de me faire de la bile à ce sujet». Je peux ainsi opérer des choix plus sains ! 5. Mes désirs modérés ou faibles me causent rarement des ennuis parce que je reconnais volontiers que je ne suis pas obligé de les assouvir. Mais je transforme souvent mes pro¬ fondes envies en exigences et obligations et je suis per¬ turbé si elles ne sont pas comblées. Attention! Mieux vaut ne pas franchir le pas entre désirer une chose très fort et en avoir absolument besoin ! LE SENS DE L’HUMOUR 1. J’ai tout intérêt à prendre maints aspects de ma vie, comme mes relations et mon travail, au sérieux, mais pas trop. A l’occasion, je m’efforcerai de prendre les choses avec légè¬ reté et humour. 2. Il est ironique que je pense souvent pouvoir changer les autres, sur lesquels j’ai peu d’emprise, mais non moi-même, sur qui j’ai une influence beaucoup plus grande. Et sou¬ vent, je me dis que les gens ne devraient absolument pas se conduire comme ils l’ont toujours fait. Comme ils pourraient V
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manifestement se comporter différemment — peut-être ! —, il faut absolument qu’ils le fassent. Où est donc passé mon sens de l’humour ? 3. Si je prends constamment la résolution de changer et que je ne le fais pas, pourquoi dois-je insister pour que les autres changent juste parce qu’ils décident de le faire? Pourquoi doivent-ils avoir la ferme intention de changer quand je ne concrétise même pas mes propres intentions? 4. «Je devrais changer pour le mieux ! » signifie : a) ce serait fort préférable ; b) par conséquent, je dois changer. Deux idées contraires ! La seconde me rendra sans doute anxieux et nuira à l’exécution de la première. De plus, j’ai la sottise de croire que ça m’aide à changer ! RECONNAÎTRE SES PENCHANTS ET SES LIMITES BIOLOGIQUES ET PHYSIQUES 1. Je peux influencer mes réactions physiques et psychoso¬ matiques en surveillant mon régime alimentaire, mes habi¬ tudes de sommeil, ma consommation d’alcool et de drogue, et mes autres habitudes, et en faisant de l’exercice, mais cette influence est limitée et je n’échappe pas toujours à la douleur et aux contraintes physiques. Tant pis! Mieux vaut me discipliner tout en supportant mes limites de mon mieux. 2. J’apprécierai mon corps davantage si j’en abuse moins. Je peux en prendre soin sans m’angoisser ni paniquer devant l’éventualité de succomber à une maladie ou à une infirmité sur laquelle je n’ai aucun contrôle ou un contrôle très res¬ treint. Si je suis très anxieux et obsédé par mon corps, il aura tendance à être moins solide et moins fonctionnel. 3. Les perturbations mentales, affectives et physiques sont souvent engendrées par des facteurs biochimiques et géné¬ tiques indépendants de ma volonté. Les handicaps men¬ taux et physiques sont regrettables, mais non dégradants. Nul ne doit être jugé comme un être faible ou méprisable parce qu’il en est atteint. Pas plus qu’il n’est faible ou 252
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méprisable de prendre les médicaments appropriés ou des mesures correctives pour traiter ses handicaps biochimi¬ ques. Consulter un médecin, un psychiatre et d’autres pro¬ fessionnels de bonne réputation peut être très utile, et je peux raisonnablement le faire. Je suis aisément enclin à boire de l’alcool et à consommer des substances telles que la marijuana, la cocaïne, le L.S.D. et l’héroïne. Elles me détendent et me font planer agréable¬ ment, mais elles entraînent une dépendance et peuvent être néfastes à long terme. Certains médicaments peuvent aussi soulager ma douleur et me rendre euphorique, mais ils peuvent aussi être dangereux. Il vaudrait mieux que je m’informe à leur sujet et que je les prenne sous sur¬ veillance médicale tout en demeurant vigilant. Les plaisirs à court terme que procurent ces substances ne valent souvent pas les inconvénients et handicaps à long terme qu’elles entraînent. Les tranquillisants, antidépresseurs et autres médicaments psychotropes peuvent être assez utiles lorsqu’ils sont pres¬ crits par un médecin, particulièrement par un psychophar¬ macologue ou un psychiatre. Mais il est dangereux de se les administrer soi-même ! Comme certains troubles physiques tels que l’hypoglycé¬ mie et l’épuisement peuvent causer des dysfonctions phy¬ siques et mentales temporaires, il vaut mieux que je con¬ naisse ma sensibilité à cet égard. Si la maladie mentale est largement présente dans mes antécédents familiaux, il vaut mieux que je sois conscient que je pourrais, moi aussi, y être sujet et qu’il est préfé¬ rable que je me fasse examiner. Mon corps influence peut-être mes émotions, mais mes émotions fortes et persistantes peuvent avoir un effet sur mon corps et même semer la pagaille dans mon système immunitaire. La rationalité a un effet sur la forme tant phy¬ sique que mentale, de même que les émotions positives et négatives, fortes et saines.
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CHAPITRE
29 Soixante-cinq maximes rationnelles pour contrer la crainte de Vinconfort et les peurs irrationnelles
ne grande partie de mon anxiété est une angoisse de l’ego qui découle des croyances irrationnelles selon les¬ quelles je dois absolument réaliser d’importants pro¬ jets et être approuvé par les autres si je ne veux pas passer pour un incompétent et un imbécile. Cependant, j’ai également tendance à craindre l’inconfort ou à ne pas tolérer la frustra¬ tion lorsque je crois, au mépris de toute logique, que mes dif¬ ficultés et mes ennuis sont affreux et horribles et que je ne peux pas les supporter ni être heureux jamais. Ces croyan¬ ces englobent souvent l’opinion que l’anxiété est terrible et que je ne peux pas enrayer l’inconfort qu’elle provoque en moi. Pour accroître ma tolérance à la frustration, je dois en général prendre des mesures distinctes et constantes et entre¬ tenir des pensées et des sentiments susceptibles de compen¬ ser les fuites, compulsions, phobies, tendances à temporiser et autres comportements dysfonctionnels qui accompagnent la crainte de l’inconfort. Voici quelques maximes rationnelles importantes que je peux utiliser pour penser et sentir, et sur¬ tout pour contrer ma faible tolérance à la frustration. 255
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POUR ACCROÎTRE SA TOLÉRANCE À LA FRUSTRATION 1. J’évaluerai les choses qui m’arrivent à moi et aux autres comme étant «bonnes» quand elles sont en accord avec mes objectifs et acceptables socialement, et «mauvaises» quand elles sabotent mes objectifs et ceux de ma commu¬ nauté. Je me garderai de leur accorder une note absolue, rigide et globale, mais je tiendrai plutôt compte de leurs aspects «bons» et «mauvais». 2. Je jugerai certaines situations «très mauvaises» ou «exceptionnellement mauvaises» quand il est évident qu’elles nuisent à mon bien-être et à celui d’autres per¬ sonnes, mais je me garderai de leur coller les étiquettes «affreuses», «terribles» ou «horribles». Ces termes lais¬ sent sous-entendre à tort que la situation ne pourrait pas être pire, ce qui est rarement le cas. Ils impliquent égale¬ ment que la situation est tellement mauvaise qu’elle ne doit absolument pas exister. 3. Quand je définis une situation comme étant « affreuse », cela m’angoisse ou m’affole et m’empêche de chercher à l’amélio¬ rer. Je mijote dans mon jus au lieu de passer à l’action. 4. J’ai aussi tendance à dire : «Je ne peux pas supporter les situations très mauvaises » ou « Je ne peux pas les tolé¬ rer». Faux! Je peux les supporter tant que je suis en vie, et rares sont celles qui me tueront. «Je ne peux pas les supporter» signifie que je ne peux pas être le moindre¬ ment heureux tant qu’elles existent, et cela est rarement le cas, sauf si je le crois. Dans ce cas, je ne me permets pas d’être le moindrement heureux ! 5. Je m’efforcerai à coup sûr de modifier les aspects indésira¬ bles de ma vie que je peux raisonnablement changer. Mais si je n’arrive pas à changer les gens ou les choses, ou que cela ne vaut pas tout le temps et les efforts requis, j’accep¬ terai ce que je ne peux pas changer. Je ne me lamenterai pas sous prétexte que cela ne devrait absolument pas exister. J’essaierai plutôt de tirer le meilleur parti possible de la situation, car elle présente sans doute des avantages 256
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comme des inconvénients. En l’acceptant, je peux au moins accroître ma tolérance à la frustration ! Afin de surmonter ma phobie des tâches complexes, je m’imposerai des tâches ardues et accepterai avec joie celles que me confient les autres. Je me concentrerai sur le plaisir qui découle souvent de la réalisation des tâches complexes qu’il est sage pour moi de faire. Oui, la vie est souvent injuste. Mieux vaut donc que j’ac¬ cepte avec promptitude et vigueur les injustices que je ne peux pas corriger. En me soustrayant aux tâches pénibles, je ne fais que pro¬ longer et accentuer les efforts que je devrai déployer. L’évi¬ tement aggrave ma crainte de l’inconfort et m’empêche de la surmonter. Je ne suis pas obligé de modifier les dures réalités ni de les contrôler. Penser que je dois le faire quand c’est impossible me rendra considérablement moins tolérant à la frustration.
LE TRAVAIL INDIVIDUEL 1. J’ai acquis une foule de mauvaises habitudes en ce qui touche mes façons de penser, de sentir et d’agir, et surtout ma ten¬ dance à m’angoisser inutilement, et je m’efforce constam¬ ment — encore que d’une manière souvent inconsciente et automatique — de les préserver. Comme il faudra beaucoup de travail pour les supprimer et les modifier, je ferai, chaque jour de préférence, des exercices individuels susceptibles de faciliter ce changement. Mission ardue ! Mais ma vie le sera encore davantage si je ne m’attelle pas à la tâche ! 2. Je n’ai pas besoin d’un professeur ni d’un surveillant pour m’assigner des devoirs et les corriger, car je peux le faire moi-même. Pour mon propre bien. 3. J’utiliserai des pense-bêtes, notes ou bulletins, pour m’obliger à faire mes devoirs et à les corriger régulière¬ ment. Je m’assignerai un minimum de devoirs chaque jour ou chaque semaine. 257
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4. Je parlerai de ces devoirs à mes amis et à ma famille, et je les encouragerai à me surveiller. 5. À l’occasion, je les inviterai à faire mes devoirs avec moi afin qu’ils puissent en bénéficier autant que moi. 6. Si je ne fais pas mes devoirs régulièrement, j’examinerai les pensées irrationnelles qui m’en empêchent, surtout cellesci : « Il faut que le travail soit facile ! » « C’est trop difficile ! » « Je ne peux pas supporter ce travail ! » 7. Je m’engagerai envers moi-même à faire mes devoirs et à rédiger des travaux précis. Je me récompenserai si je les ai faits et je me punirai dans le cas contraire. 8. J’écrirai les avantages et les inconvénients relatifs au fait de faire ses devoirs, et je les relirai chaque jour ou réguliè¬ rement si j’omets de les faire. 9. Je me préparerai mentalement à faire certains devoirs. Ou encore, je m’exercerai à les faire dans un jeu de rôles auquel participera un ami ou un parent. 10. Je dresserai une liste de quelques-unes de mes pensées rationnelles utiles, comprenant les maximes de ce chapitre et des deux chapitres précédents, et je les relirai régulière¬ ment afin de les graver dans ma mémoire. Cela constituera un excellent travail cognitif. 11. Je raterai à dessein certains projets afin de m’habituer à l’inconfort et de me prouver qu’un échec n’a rien d’affreux et qu’il peut constituer un processus d’apprentissage utile. 12. Je m’assignerai des exercices qui m’exposent à l’échec, au rejet et à la frustration afin de me prouver concrètement que la croyance irrationnelle «il est horrible de ne pas obtenir ce que je veux» est exagérée et fausse. 13. Je me convaincrai que pratiquement toutes les «catas¬ trophes » et les « horreurs » qui m’arrivent ou qui pourraient m’arriver sont seulement fâcheuses. Un point c’est tout. L’EXPOSITION OU LA DÉSENSIBILISATION IN VIVO 1. Je peux éviter de faire face à mes anxiétés et fuir les gens et les choses qui nourrissent mes phobies, et réduire ainsi 258
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ma tension. Temporairement! Mais plus j’avancerai dans cette voie, plus je deviendrai anxieux. Il est raisonnable de ne pas affronter ses peurs rationnelles, telle que celle de tomber d’une échelle. Mais mon anxiété à l’égard des lieux sûrs (les ascenseurs) ou des gens inoffensifs (mes amis) s’aggravera si je fuis les expériences qui me prouveraient que le danger est inexistant. Je ferai donc de mon mieux pour m’exposer aux gens et aux choses que je crains sans raison. Je courrai le risque d’éprouver un inconfort momen¬ tané afin de me débarrasser d’un inconfort prolongé jus¬ qu’à ce que je sois à l’aise dans les situations qui m’affo¬ laient autrefois et que j’y prenne même plaisir. Je peux m’exposer graduellement aux situations anxiogè¬ nes afin de m’y habituer. Ou je peux relever le défi de m’y exposer rapidement et régulièrement, une méthode qui produit souvent des résultats meilleurs et plus radicaux. Plus je cours de risques pour combattre mes anxiétés et phobies irrationnelles, mieux je me sentirai en général. Se libérer des «horreurs» que l’on s’impose à soi-même est l’une des meilleures libertés qui soient. Et, à la longue, c’est la moins coûteuse ! Je peux pratiquer la désensibilisation en imaginant les dé¬ sastres que j’appréhende et en employant des techniques de relaxation pour me déprogrammer. Mais il faudra en fin de compte que je prenne le taureau par les cornes et que j’affronte ces situations dans la réalité afin de constater l’efficacité de la désensibilisation imaginaire. La désensibi¬ lisation in vivo, si je peux m’y prêter malgré mon inconfort, donne souvent des résultats meilleurs et plus rapides. Je peux élaborer une échelle de mes peurs irrationnelles et commencer par travailler sur les plus bénignes. Mais je peux aussi courir le risque d’affronter mes plus grandes peurs — d’un coup plutôt que graduellement — afin de les extirper rapidement et complètement. Je comprends fort bien que mes pires peurs irrationnelles sont souvent la peur de susciter la réprobation ou de me couvrir de honte en public. L’une des meilleures techniques 259
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de désensibilisation consiste à me livrer en public à des actes saugrenus et honteux, quoique inoffensifs, au risque de me couvrir de ridicule. Si je le fais en me persuadant que, bien que je préfère mériter l’approbation des autres, je n’ai pas besoin de celle-ci, je travaillerai sainement sur ma honte. Je serai désolé et déçu que l’on désapprouve mon comportement «honteux», mais je ne douterai pas de ma valeur personnelle et ne me dénigrerai pas en tant qu’être humain. S’EXPRIMER ET S’AFFIRMER À TRAVERS SES ACTES 1. Je m’efforcerai d’être moi-même et d’agir à ma guise et je lais¬ serai les autres être eux-mêmes et faire ce qu’ils veulent. 2. Je ferai de mon mieux pour m’exprimer et m’affirmer en présence des autres et je leur accorderai la même liberté. Lorsque je ne veux pas me plier à la volonté des autres, je refuserai de le faire et j’accepterai qu’ils fassent de même avec moi. 3. Si je ne suis pas d’accord avec une personne, j’exprimerai mes raisons, sauf si elle occupe un poste d’autorité —, car je risque alors de m’attirer des ennuis. 4. Je dirai ce que je pense quand je considère que c’est impor¬ tant, mais n’obligerai pas les autres à abonder dans mon sens ou à céder à mes caprices. Je préfère tout bonnement leur faire connaître mes sentiments à l’égard de certaines choses. 5. Si je veux m’affirmer, obtenir ce que je veux des autres et refuser de faire ce qui me déplaît, il vaut mieux que je n’aie pas absolument besoin de leur approbation. Je suis une créature sociale qui recherche en général l’amour et l’ap¬ probation des autres et qui peut en tirer de grands bien¬ faits. Mais il importe aussi que je reste moi-même et que je ne vende pas mon âme pour mériter cette approbation. J’apprécie la présence des gens qui m’aiment tout en me laissant être moi-même et m’exprimer. J’en chercherai d’autres comme ceux-là ! 260
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CONTRER SES ANGOISSES À TRAVERS L’ACTION 1. En prenant des mesures pour résoudre mes problèmes et en montrant que je peux supporter leurs aspects insolu¬ bles, je prouve que je peux les surmonter et vivre avec ce que je ne peux pas changer. 2. Plus je me démène pour résoudre mes difficultés, moins j’ai de temps et d’énergie pour m’inquiéter outre mesure à leur sujet. 3. L’action m’aide à structurer ma vie et m’empêche de m’in¬ quiéter d’une manière excessive. 4. Si je cours le risque d’échouer en accomplissant certaines choses, je découvrirai au moins ce que je peux faire bien ou mal et je court-circuiterai de la sorte ma crainte constante d’échouer. 5. Mieux vaut essayer et échouer que ne rien essayer du tout. Si l’action est la mère de l’expérience, l’inaction est la mère de l’ennui. 6. Si je fais un effort pour goûter et apprécier l’instant pré¬ sent, je m’inquiéterai moins au sujet de l’avenir. 7. Rien ne sert de m’inquiéter de l’avenir. Je peux fort bien l’améliorer en agissant maintenant. 8. L’action comme telle peut supprimer mes inquiétudes, me stimuler et même m’aider à trouver des solutions à mes problèmes. Il est tout aussi utile de faire de l’exercice, de courir, de pratiquer un sport et toutes sortes d’activités. 9. Si je me force à agir d’une manière plus rationnelle, mes pensées seront plus logiques. Cesser d’atermoyer ou de m’empiffrer peut m’encourager à penser plus rationnelle¬ ment à ma vie et à ma santé. 10. Mes actions influencent mes pensées et mes sentiments, et vice versa. Par conséquent, si je prends l’habitude d’agir pour mon plus grand bien, je pourrai plus facilement nour¬ rir des pensées et des sentiments qui m’aident au lieu de me nuire. 11. Courir des risques en agissant est plus dangereux que d’y songer tout simplement. Mais j’en apprendrai certainement 261
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plus sur les dangers réels auxquels je m’expose que si j’ima¬ gine des «horreurs». Je peux me prouver que mes pensées irrationnelles ne sont pas fondées en les contrant par l’action. 12. Expérimenter est la seule manière d’apprendre ce qui est bon ou mauvais pour moi. Expérimenter veut dire agir. 13. Il n’y a rien de mal à se fixer des objectifs, mais seuls mes efforts pour les atteindre me permettront de savoir s’ils sont accessibles ou entraînent des résultats satisfaisants. 14. Agir à l’encontre de mes croyances irrationnelles est l’une des meilleures façons de les réfuter. 15. Si je me promets d’agir, mais que je ne tiens pas ma pro¬ messe, j’aurai plus de facilité à agir si je révèle mes inten¬ tions aux autres. 16. Ma préoccupation à l’égard d’une chose m’incitera à agir, mais une inquiétude excessive ou une profonde anxiété risque de me paralyser et d’embrouiller mes actions. 17. L’action engendre souvent l’inspiration, tandis que l’inac¬ tion engendre l’inaction. 18. Je ne céderai pas à la panique, mais j’agirai malgré elle. C’est ma panique à l’idée de paniquer qui me paralyse. 19. Je peux réduire au silence mon côté excessivement cri¬ tique en lui intimant l’ordre de se taire. 20. Si j’agis avec assurance, je réussirai à faire ce que je pen¬ sais ne pas pouvoir faire et beaucoup mieux. 21. Ma principale erreur quand je commets une erreur est de ne pas l’accepter. 22. J’agirai comme si certaines de mes croyances rationnelles étaient vraies pour me prouver qu’elles le sont. Par exem¬ ple, je me lancerai délibérément dans des projets où je ris¬ que d’échouer — ou j’échouerai à dessein — pour me prou¬ ver que je ne suis pas un raté ni un incompétent notoire, même si d’autres personnes me voient comme tel. Pendant quelque temps, je me placerai volontairement dans des situations déplaisantes — un emploi inintéressant ou un cours assommant — pour me prouver que je peux surmon¬ ter ma crainte de l’inconfort et augmenter ma tolérance à la frustration. 262
Soixante-cinq maximes rationnelles pour contrer la crainte...
23. Je m’attaquerai à des problèmes faciles au lieu de me tuer à tenter de résoudre des difficultés insolubles. J’essaierai d’accomplir un certain nombre de tâches significatives sans me surcharger de travail ni tenter à tout prix de réussir. Si je suis débordé de travail, je me retirerai de certains projets sans aucune honte. 24. Si je fais tout pour éviter d’être anxieux, j’ai de bonnes chances d’intensifier et de prolonger mon anxiété. Par exemple, si l’idée de prendre la parole en public m’an¬ goisse, je peux refuser de le faire et en éprouver un soula¬ gement temporaire, mais je risque de prolonger mon anxiété ad infinitum. Si je crains de l’affronter et d’en parler — même à un thérapeute —, c’est sans doute parce que je me dis que je ne peux pas la supporter. Je m’empêche ainsi de l’affronter, de m’y habituer et de travailler à la minimiser. Mon anxiété originale, de même que l’anxiété que j’éprouve à l’idée d’être anxieux, ne pourront que s’accentuer. Mon désir de me protéger de toute souffrance immédiate est humain, mais il me cause sans doute beaucoup plus de tort que de bien. 25. Il est fascinant de comprendre comment j’ai acquis mes - mauvaises habitudes. Mais ce que je compte faire pour les extirper est beaucoup plus essentiel. 26. J’ai du mal à surmonter mon inertie et à me mettre en branle, mais cela ne veut pas dire que c’est trop difficile. Si j’attends, ce sera encore plus ardu et j’aurai perdu un temps précieux. 27. Après ma mort, je serai inactif très longtemps. C’est main¬ tenant qu’il faut passer à l’action ! 28. Pour découvrir mes véritables préférences et aversions, je dois expérimenter. Expérimenter, c’est agir ! 29. Courir des risques peut être risqué. Ne pas en courir peut l’être encore plus, car je passerai à côté de ma vie sans même savoir ce que j’aurai manqué. 30. Même si je suis anxieux quand je parle en public et que je crains que mon auditoire ne s’en aperçoive, je peux m’en tirer fort honorablement. Je peux intégrer mes « erreurs » à 263
Dominez votre anxiété avant qu’elle ne vous domine
mon exposé en faisant comme si elles faisaient partie du spectacle ou qu’elles étaient délibérées. Je peux en rire et amener mon public à faire de même. 31. Si je commets une erreur, je le reconnaîtrai sans me déni¬ grer. Je pourrai ainsi en tirer une leçon et éviter de la répé¬ ter. Si je m’accepte avec mes erreurs au lieu de récriminer contre elles, je pourrai tenter d’éliminer ou de modifier les situations stressantes qui m’ont amené à les commettre.
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INDEX
Absence de désir, 212-213, 215 Abstinence. Voir aussi Troubles sexuels Acceptation inconditionnelle de soi-même, 102-104, 109-110, 112, 119, 122-123, 211 Acceptation inconditionnelle d’autrui, 115, 117, 119121, 123, 125, 127, 243 inconditionnelle des circonstances, 129 inconditionnelle de soi-même solution élégante, 104 solution existentielle, 102-103, 108 Accepter, 31, 83, 103, 119-120,123-124,127, 129-130, 136, 154, 162, 164, 169, 178, 180, 192-193, 201, 212-213, 215-217, 225, 228, 243, 247-249, 262 Adler, Alfred, 171 Affirmations rationnelles, 71, 73-77, 157, 237 Agir, 32, 95, 116-117,136,140, 189, 211, 217, 257, 260-263 Albert Ellis Institute, 4, 66, 69, 86, 170 Alcool. Voir aussi Dépendances Ambiguïté, 229 Amour, 16, 58-61, 64, 116, 141,148, 151-154, 168, 173-174, 260, 266 Analyse coûts-avantages, 81-84 Antidépresseurs. Voir aussi Médicament Anxiété approbation, 17, 41-44, 48-50, 52, 55, 102-103, 111-113, 129, 133, 164, 222, 237, 247, 260 crainte de l’inconfort, 53, 108-109, 129, 255, 257, 262 définition, 104, 108, 242 de l’ego, 53, 109, 255 saine et malsaine, 22 secondaire, 54, 64, 176 symptômes, 27-28, 45, 53-54, 65, 208
types, 36, 45, 205 vague, 54, 78, 101, 160 Apitoiement sur soi, 18, 23, 36 Ateliers, 86, 130, 170, 174 Ateliers du vendredi soir, 86, 130, 170 Autodénigrement, 18, 49, 51, 83-84, 86, 109, 121, 138-139 Autres changer, 31-32, 41, 121, 126, 137-138, 177, 184, 212, 217, 228, 247, 251-252, 256, 261, 266 réprobation, 19, 24, 41, 94, 109, 131, 139, 184, 259 Bandura, Albert, 79 Biochimiques, fonctions, 206 Biologie et médicaments, 208, 253 Bloch, Iwan, 149 Bowlby, John, 233 Buber, Martin, 102 Buts et objectifs, 213 Camaraderie, 116 Changement, 127-128, 257 Choix, 19, 30-31, 33, 40, 58, 103, 112, 117, 150, 154, 175, 180, 184, 206, 212-215, 217-218, 230-231, 251 Clitoridienne, manipulation. Voir aussi Troubles sexuels Coït. Voir aussi Troubles sexuels Combattre la honte, exercices pour, 135,137, 139, 141, 143-145 Compromis, 121 Conditionnement opérant, 189, 192-193 Confucius, 11 Contester. Voir aussi Croyances irrationnelles Contingences de renforcement, 189 Contrôle, 40, 53, 98. 176, 226, 252
Dominez votre anxiété axant qu’elle ne vous domine
Corps-esprit, lien, 207 Croyances irrationnelles, 23-24, 26, 39,41, 43-47, 49, 51-53, 55, 57, 59-61, 63-69, 72-76, 7879, 85, 89, 91, 94, 98, 101-102, 130, 132-133, 144-145, 147, 151-152, 155157, 160-163, 167, 172, 175, 177-179, 181, 183, 185-187, 190, 192-193, 197, 199-201, 203, 207-208, 222, 226-227, 231, 234-235, 237-238, 255, 258-259, 262 rationnelles, 26, 41-45, 64-65, 67, 69, 7177, 101, 132, 155-157, 159-165, 170, 221, 223, 225, 227, 229, 231, 233, 235, 237, 239, 241, 243, 245, 247, 249, 251, 253, 255, 257-259, 261-263 Csikszentmihalhyi, professeur, 44 Culture. Voir aussi Société Dépendance, 47, 83, 208, 247, 253 Dépendances analyse coûts-avantages, 81-84 et punition, 197 tranquillisants, 208, 253 Voir aussi Alcool ; Drogues ; Tabagisme Dépression, 8,18,22,31,34,36-37,40,43,49, 86, 131, 140-141, 157, 169-170, 178, 186, 197, 214, 229-230, 233-234, 244, 250-251, 265 Dépression nerveuse, 43 Désensibilisation comportementale, 171, 174, 190, 267 imaginaire, 66, 68, 174-175, 259 in vivo, 12, 171-175, 177, 179, 181, 192, 258-259 Dewey, John, 86 Distraction cognitive, 89, 91, 118 Dryden, Windy, 66, 69, 160-161, 163, 165 D’Zurilla, Thomas, 99 Échec, 13,15,34-38, 40-44, 48, 50-51, 63,6869, 71, 74-75, 86, 104, 109, 111, 131, 147, 152,157,160,169-170,172-173,187,199, 202, 215, 223, 229, 233, 258 Effets nouveaux et efficaces, 65 Ellis, Havelock, 149 Émotions et comportements efficaces, 68 Endocrinien, système, 206 Énoncés rationnels, 75, 157 Enregistrer ses croyances irrationnelles et les contester, 155 Environnement, 8, 29-32, 211 Épictète, 11, 171, 265 Épicure, 11, 171
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Erreurs, 119, 121, 128-130, 135-136, 141142, 169, 192, 240, 263-264 Études expérimentales, 17 Évolution, 26, 107, 109 Exigences, 45-55, 60, 62-63, 66, 69, 101, 130, 133, 141, 152, 170, 180, 207, 215, 217, 222, 232, 234-235, 237-238, 250-251 Exigences absolues, 46, 49, 51-52, 62-63, 130, 133, 141,222, 238 Expérience gratifiante intrinsèque, 44, 236 Expérimenter, 95, 262-263 Exposition. Voir aussi Désensibilisation Faillibilité humaine, 169 Famille humaine, 116 Forel, August, 149 Frankl, Viktor, 102 Freud, Sigmund, 149 Fromm, Erich, 172 Futur, 66, 68, 74, 119, 169, 184, 224, 226 Gautama le Bouddha, 11, 102 Groupes d’entraide, 249 Guerres, 47, 50, 108, 117, 120, 225 Hallowell, Edward, M., 206 Heidegger, Martin, 102 Histoires de cas angoisse de la page blanche, 87 anxiété de l’ego, 53, 109 anxiété liée aux décisions personnelles, 98 anxiété liée aux relations amoureuses, 56 anxiété relative aux entrevues d’emploi, 33 crainte d’afficher sa compétence, 190 panique sexuelle, 86, 152 peur de parler en public, 10-11, 144 peur de remettre ses travaux scolaires, 179 peur du métro et peur panique de pani¬ quer, 175 peur panique d’essuyer un grave échec, 131 peur panique de prendre la parole aux réunions du personnel, 15, 75, 94, 161-164, 266 Homey, Karen, 46, 172, 238 Hulbeck, Richard, 172 Humaine, condition, 31, 169, 172 Humour, 167-170, 251-252 Imagerie négative, 234 Imaginaire, désensibilisation, 174-175, 259 Impuissance. Voir aussi Troubles sexuels Inconfort, crainte de 1’, 53,108-109,129, 255, 257, 262
Index
Inhibition réciproque, 174 Intellectuel, fonctionnement, 43 Inquiétude, 20, 22, 26, 44-45, 53, 83, 89-90, 139, 190, 227, 249, 262 In vivo, désensibilisation, 12, 171-175, 177, 179, 181, 192, 258-259 Irrationnelles, croyances contester ses, 57, 60, 63, 94, 98,157,164, 186, 199, 201 méthode logique, 64 méthode réaliste, 57, 59 Jeu de rôle fixe, 199, 201-203 Kelly, George, 199 Kinsey, Alfred, 149 Korzybski, Alfred, 105, 211, 224 Langage, 106 Lazarus, Arnold, 224 Livres et articles, 173 Lois de probabilité, 25 Maladie mentale, 253 Marc Aurèle, 11, 171, 266 Masters et Johnson, 149-151, 173, 266 Masturbation. Voir aussi Troubles sexuels Maultsby, Maxie C., 130 Maximes rationnelles pour combattre la crainte de l'inconfort et les peurs irrationnelles, 23-24, 26, 39, 41, 43-47, 49, 51-53, 55, 57, 59-61, 6369, 72-76, 78-79, 85, 89, 91, 94, 98, 101-102, 130, 132-133, 144-145, 147, 151-152, 155-157, 160-163, 167, 172, 175, 177-179, 181, 183, 185-187, 190, 192-193, 197, 199-201, 203, 207-208, 222, 226-227, 231, 234-235, 237-238, 255, 258-259, 262 Mead, George Herbert, 102 Médicaments. Voir aussi Dépendances Méditation, 89-90, 118 Meichenbaum, Donald, 99 Meurtre, 19 Nature, 7, 26, 31, 52, 58, 103, 108, 116, 136 Négatives, émotions Voir aussi Anxiété saine et malsaine Neurotransmetteurs, 206 Nezu, Arthur, 99 Nezu, Christina, 99 Objectifs, 19, 30, 36, 42-43, 45, 47-48, 55, 99, 104-108,112,119, 213-215,217, 226, 230, 232, 239, 241-243, 247-248, 256, 262 Obligations, 11, 45-46, 48-49, 51, 55, 62, 133, 170, 207, 218, 235, 237, 251 Optimisme, 76, 169, 266
Orgasme. Voir aussi Troubles sexuels Panique, états de paniquer à l’idée de paniquer, 53-54, 176177, 262 Parents, 17, 49-52, 86-87, 98, 107, 115, 124, 132, 140, 144, 176, 189, 208, 233, 248 Passive, attitude, 118 Pavlov, Ivan, 189 Pédagogiques et prosélytiques, méthodes, 86 Pédagogiques, méthodes, 86 Pensées-objets, 106 Perceptions erronées, 93 Perfectionnisme, 228 Perspective, 8, 13, 21, 28, 41-42, 68-69, 74, 83, 87, 89, 93, 138, 180, 199, 201-202 Peurs irrationnelles, 23-24, 26, 39, 41, 43-47, 49, 51-53, 55, 57, 59-61, 63-69, 72-76, 7879,85,89,91,94,98,101-102,130,132133, 144-145, 147, 151-152, 155-157, 160-163, 167, 172, 175, 177-179, 181, 183, 185-187, 190, 192-193, 197, 199201, 203, 207-208, 222, 226-227, 231, 234-235, 237-238, 255, 258-259, 262 rationnelles, 26, 41-45, 64-65, 67, 69, 7177, 101, 132, 155-157, 159-165, 170, 221, 223, 225, 227, 229, 231, 233, 235, 237, 239, 241, 243, 245, 247, 249, 251, 253, 255, 257-259, 261-263 Philosophes, 11-12, 17, 33, 57, 89, 102, 171, 189 Physiologiques, réactions. Voir aussi Symptômes d’anxiété Physiques états, 45, 187, 217 limitations, 154, 249 Plaisirs, 84, 249, 253 Positive, pensée, 60, 76, 240, 266 Pouvoir supérieur, 232 Préférences, 19, 41, 49-50, 52, 54-55, 62-64, 66-67, 69-70, 101, 130, 133, 207, 214-215, 217-218, 222, 230, 232, 234, 241, 250-251, 263 Préférer, 61, 212-213, 215, 217, 249 Préjugés, 75, 111, 224 Probabilité, lois de la, 25 Problèmes d’éjaculation. Voir aussi Troubles sexuels Prudence, 22, 26, 52, 108, 227 Psychanalystes, 118, 172 Psycholinguistes, 106 Psychologie individuelle (Adler), 171
269
Dominez votre anxiété ayant qu’elle ne vous domine
Psychopharmacologie, 208 Psychose, 206 Psychosomatiques, troubles et colère, 40, 50, 53, 116-119, 121, 125, 186, 265 Punition, 197 Quine, W., 223 Rage, 18, 36, 47, 67, 69, 71, 116, 127, 185, 187, 234 Rapports sexuels. Voir aussi Troubles sexuels Rationnelles, croyances de rechange, 99, 229 Voir aussi Croyances irrationnelles Rationnelle-émotive, thérapie (TRÉ) et émotions négatives, 22, 36, 48, 65, 253 et médicaments, 208, 253 et peurs rationnelles et irrationnelles, 26 feuillet d’instruction, 191 ouvrages sur la, 171 principes de la, 18,40, 46, 86-87,141, 211 Rationnelle, thérapie. Voir aussi Thérapie rationnelle émotive (TRÉ) Réalistes, peurs. Voir aussi Peurs rationnelles versus peurs irrationnelles, 23-24, 26, 39, 41, 43-47, 49, 51-53, 55, 57, 59-61, 63-69, 72-76, 78-79, 85, 89, 91, 94, 98, 101-102, 130,132-133,144-145,147,151-152,155157,160-163,167,172,175,177-179,181, 183,185-187, 190,192-193, 197, 199-201, 203, 207-208, 222, 226-227, 231, 234-235, 237-238, 255, 258-259, 262 Réalité sociale, 237 Recherche, 36, 45, 199, 230, 260 Récompenses, 230 Relaxation progressive (Jacobson), 174 Résolution de problèmes, méthodes de, 97 Résultats, 12, 22, 38, 42-43, 46, 49, 65, 68, 100, 102, 106, 112, 164, 172-173, 190, 196, 207, 227, 236, 259, 262 Rétroaction biologique, 90 Robie, W. F., 149 Rogers, Cari, 102 Rôles, jeu de fixe, 161, 199, 201-203, 232 inversé, 157 Russell, Bertrand, 11 Santé, 98, 104, 115, 117, 245-246, 261 Sartre, Jean-Paul, 102 Secondaire, anxiété, 54, 64 Sémantique, 211
270
Sens de l’humour, 167, 169, 251-252 Sérotonine, production de, 206 Sexe sans coït. Voir aussi Troubles sexuels Shure, M., 99 Skinner, B. F., 189, 192, 195, 266 Sociales aptitudes, 246 causes, 24, 26, 28, 41, 45, 192-193, 196, 222, 238, 246 Société règles, 30, 97, 136, 142, 193 Voir aussi Culture Souci, 8, 20, 108-109, 129, 192, 194, 236 Soutien groupes de, 246 Spivack, G., 99 Stress, 28, 39, 53, 211-213, 215-216, 218, 266 Survie du plus fort, 109 Suicide, 36, 43 Surgénéralisations des autres, 16, 19, 22, 26, 48, 51, 55, 62, 94, 98-99, 103, 106, 109, 113,115,118,121,128-130,133,135-136, 139, 142-143, 154, 165, 169, 187, 222, 224,226,233, 239,241, 243-244,247-250, 260 Système nerveux autonome, 206 Tabagisme. Voir aussi Dépendances Tafrate, Chip, 117 Thérapie cognitive du comportement et médicaments, 208, 253 ouvrages sur la, 171 Kelly, 199, 201 Thérapie du comportement, 18, 45, 175, 199, 211 Thérapie, groupes de, 246 Tout ou rien, 51 Thoreau, Henry David, 139 Tranquillisants, 208, 253 Travail individuel, 65, 173, 257 Troubles psychosomatiques, 22, 37, 117 Troubles sexuels, 150-151 Twain, Mark, 225 Vague anxiété, 54 Vigilance, 21-22, 44, 52, 55, 108, 133, 227 Violence, 39, 47, 118 Visualisation positive, 77-79, 234 Watson, John B., 11, 17, 172 Wolpe, Joseph, 130, 174 Yoga, 89-90, 118, 235
TABLE
Chapitre 1
DES
MATIÈRES
Pourquoi je suis convaincu que vous pouvez dominer votre anxiété avant qu’elle ne vous domine .
7
Chapitre 2
Ce qu’est l’anxiété et comment elle vous domine.
19
Chapitre 3
Vous créez vous-même votre anxiété et vous pouvez la « décréer ».
29
Chapitre 4
Les croyances irrationnelles qui vous rendent anxieux .
39
Chapitre 5
Contestez les croyances irrationnelles anxiogènes.
55
Chapitre 6
Les affirmations rationnelles .
71
Chapitre 7
La visualisation positive et le modelage.
77
Chapitre 8
Utilisez l’analyse coûts-avantages pour dominer votre anxiété .
81
Chapitre 9
Vaincre l’anxiété grâce aux techniques pédagogiques .
85
Chapitre 10 La relaxation et la distraction cognitive.
89
Chapitre 11 Le recadrage.
93
Chapitre 12 La résolution de problèmes .
97
Chapitre 13 L’acceptation inconditionnelle de soi.
101
Chapitre 14 L’acceptation inconditionnelle d’autrui .
115
Chapitre 15 L’imagerie rationnelle-émotive.
129
Chapitre 16 Exercices pour combattre la honte .
135
Chapitre 17 Des méthodes puissantes et dramatiques pour dominer votre anxiété ..
147
Chapitre 18 Ancrez-vous solidement dans des croyances rationnelles et positives .
159
Chapitre 19 Le sens de l’humour.
167
Chapitre 20 Exposition ou désensibilisation in vivo .
171
Chapitre 21 Tolérez et endurez les situations anxiogènes .
183
Chapitre 22 Le renforcement.
189
Chapitre 23 Les punitions.
195
Chapitre 24 Le jeu de rôle fixe.
199
Chapitre 25 La biologie et l’usage des médicaments.
205
Chapitre 26 Une façon remarquable de dominer votre anxiété .
211
Chapitre 27 Cent quatre maximes rationnelles pour dominer votre anxiété.
221
Chapitre 28 Soixante-deux maximes rationnelles pour dominer votre anxiété et vos réactions physiologiques à l’anxiété.
241
Chapitre 29 Soixante-cinq maximes rationnelles pour contrer la crainte de l’inconfort et les peurs irrationnelles.
255
Bibliographie.
265
Index
267
.
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer en juillet 1999.
[ranscontinental IMPRIMERIE GAGNÉ
IMPRIMÉ AU CANADA
Dominez anxiété votre
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S
avant qu’elle ne vous domine
avez-vous que l’anxiété constitue une bénédiction à bien des égards? Elle éloigne les dangers, vous garde en vie et vous fait prendre conscience des
aspects négatifs de l’existence. En revanche, l’anxiété malsaine est une tout autre histoire. Elle engendre une panique paralysante, une inquiétude obsessive et des phobies qui empêchent de tirer du plaisir des activités quotidiennes et des relations personnelles. En appliquant les principes de la thérapie rationnelle émotive présentés dans cet ouvrage, vous pourrez dominer votre anxiété avant qu’elle ne vous domine. Vous apprendrez surtout que les gens et les situations n ont aucunement le pouvoir de vous angoisser et que vous seul pouvez le faire. Ce sont vos attentes absurdes qui engendrent votre anxiété inutile. Un livre qui peut vraiment changer votre vie! ----—-—mm
Si
Albert Ellis a écrit une soixantaine d’ouvrages
collection CIM. On le considère comme l’un logues les plus influents de notre époque.
ISBN 2-7619-1500-3
9 782761 91 50
Photo de la couverture: lan Woolams/Masterfile
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Robert A. Harper) paru chez le même éditeur dai
Conception graphique de la couverture: Christiane Houle
Lapproche émotivo-rationnelle (en collaboration