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French Pages 108 [99] Year 2020
CHAT DE LA DÉESSE BASTET AU CHAT NÉO-POP
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Saviez-vous que, jusqu'au Moyen Âge, on se méfiait de cet animal moitié domestique, moitié sauvage ? Oue les chats évoquaient paresse, cruauté, gourmandise voire luxure ? Et qu'« avoir un nez de chat » était alors un grave défaut physique ? Saviez-vous qu'à partir de la Renaissance, il devint l'ami des artistes et fit l'admiration de Léonard de Vinci ? Oue le chat de Matisse apparaît dans ses peintures ?
Ça, c'est de l'art, une collection pour (re)découvrir les grands artistes en 40 notices illustrées . • Une sélection précise d'oeuvres incontournables et inattendues • Des repères visuels clairs: chronologies, cartes, graphiques • Des encadrés variés : anecdotes, mises en contexte, influences
Déjà parus : Ço, c'est Froncis Bacon - Ço, c'est El Greco Ço, c'est Henri Matisse - Ço, c'est Victor Vasarely Ço, c'est Léonard de Vinci - Ço, c'est bleu - Ço, c'est noir.
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Les chats dans l'art Du sauvageon au chat de salon Insoumis L'indépendance des chats est bien connue. Buffon, dans son Histoire naturelle, le relève déjà: «On ne peut pas dire que les chats, quoique habitants de nos maisons, soient des animaux entièrement domestiques; ceux qui sont le mieux apprivoisés n'en sont pas plus asservis: on peut même dire qu'ils sont libres, ils ne font que ce qu'ils veulent.»
Au bûcher! Jusqu'à la Renaissance, il est rare de croiser des chats dans l'art religieux, même dans les peintures de l'arche de Noé. Pendant des siècles, le christianisme associe le félin au Diable et aux hérétiques. L'inquisition ordonne le sacrifice de chats lors de fêtes populaires. Une pratique qui perdure jusqu'à la fin du xv111• siècle dans l'est de la France.
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Le chat est l'animal de compagnie le plus apprécié au monde, devant le chien. Pourtant la relation entre l'homme et le chat n'a pas toujours été aussi radieuse! Oue nous apprennent les oeuvres d'art de notre histoire commune avec lui? Divin félin
Notre cohabitation avec les chats ne date pas d'hier. Elle remonte au néolithique et coïncide avec le développement de l'agriculture. Les stocks de grains dans les villages entraînent alors l'arrivée des rongeurs et de leur prédateur naturel: le chat. Les humains, pour des raisons sanitaires, ont tout intérêt à laisser le félin s'installer chez eux. L'animal est progressivement apprivoisé, mais pas réellement domestiqué. Des preuves archéologiques attestent cette ancienne cohabitation dans le bassin méditerranéen. En Égypte, le chat chasse les rongeurs, mais aussi les scorpions et les serpents. Sa présence bénéfique fait de lui un animal vénéré. À partir du 1•r millénaire av. J.-C., il est associé à la déesse Bastet. Statuettes et momies de chats sont alors abondamment produites. En quête de reconnaissance
En Europe, de !'Antiquité à la fin du Moyen Âge, le chat est presque absent des oeuvres d'art. On se méfie de cet animal moitié domestique, moitié sauvage qui semble avoir un lien fort avec les mystères de la nature. Le chat prend toutes sortes de connotations négatives : il est l'animal de la paresse, de la cruauté, de la gourmandise, de la sensualité voire de la luxure. On l'associe souvent au Diable puis aux sorcières. La présence du chat dans l'art progresse en même temps que son acceptation par les hommes. Il passe en quelques siècles du simple détail dans la marge d'un manuscrit au rang de véritable sujet pour les peintres.
Traces de domestication (Chypre et Anatolie)
Début de la domestication en Égypte
1
1
vu• millénaire av. J.-C.
Introduction en Grèce puis à Rome
Toléré dans les habitations européennes
Vers le v• siècle av. J.-C
1v• millénaire av. J.- C .
Devient un animal domestique 1
x1v• siècle
Vers le v• siècle
Compagnon des aristocrates
Arrivée en Europe des persans et des angoras
xv1• siècle
Compagnon privilégié des femmes
1
xv11• siècle
Compagnon des intellectuels et des artistes
xx• siècle
xv111• siècle
Réhabilitation du chat de gouttière
x1x• siècle
Animal de compagnie le plus répandu au monde
Fin du
xx• siècle 7
« Le chat devint grand seigneur et ne courut plus après les souris que pour se divertir.» Charles Perrault, Le Moître chot ou le Chot Botté
Muse des artistes
Chat vs chien Il y aurait environ quatre cents millions de chats dans le monde. En France, on estime la population à plus de treize millions, pour seulement sept millions et demi de chiens. À partir des années 1990, le nombre de chats dépasse celui de chiens en Occident. Plus apte à vivre en appartement, câlin mais indépendant... le matou est plus apprécié.
Et en Asie? Le chat est introduit en Ch ine au debut de not re ère. sous la dynastie des Han. par les echanges commerciaux . Il devient un animal de compagnie à la symbolique positive. Il arrive au Japon vers le v1' siècle. en même temps que le bouddh isme. On sait qu ·en 999. l'empereur lchijo en reco1t un en cadeau pour ses 13 ans .
Divers projets d'enseignes surmontées de chats noirs Théophile Al exandre Steinlen 1896 Lavi s d'encre de Chine et mine de plomb Musée d'O rsay, Pari s (conservé au mu sée du Louvre)
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À partir de la Renaissance, le matou devient l'ami des poètes et des artistes, il suscite même l'admiration de Léonard de Vinci. L'arrivée des chats exotiques, angoras ou persans, contribue à adoucir son image. De la Renaissance au xv111 e siècle, il fa it successivement son entrée dans la peinture religieuse, les natures mortes, les scènes de la vie quotidienne puis, avec un immense succès, dans l'art du portrait. Au x1xe siècle, les peintres s'identifient plus que jamais au chat de gouttière, qu'ils contribuent à réhabiliter. Ils aiment représenter ce compagnon mystérieux, solitaire, nocturne et vagabond. De Delacroix à Gauguin, en passant par Manet, Renoir ou Vallotton , tous les grands artistes se frottent au thème félin. Les chats envahissent peintures, sculptures, gravures, affiches et bibelots. Et la littérature n'est pas en reste : Baudelaire, Maupassant, Pierre Loti ... Oui n'aime pas les chats? Un modèle chouchouté Le xxe siècle consacre le chat comme l'animal d'i ntérieur par excellence. Ami des écrivains et des artistes, il dort sur le bureau ou dans l'atelier de son maître. Les chats de Bonnard, Matisse, Foujita, Balthus ou Andy Warhol apparaissent dans leurs peintures. Ceux des plus grands photographes ne sont pas en reste. Il est vra i que les grands yeu x et les courbes du félin sont particulièrement graphiques. Le matou devient aussi héros de la littérature pour enfants, star de la bande dessinée et d'Internet. Aujourd'hui, il semble avoir perdu ses connotations négatives ... sauf peut-être pour ceux qui redoutent de croiser un chat noir.
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Repères géographiques
Origine des races
~ Le chat
à la conquête du monde Une domestication progressive Néolithique
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Antiquité •
Du début de notre ère jusqu'au xv• siècle Après 1500
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European shorthair Europe t:1au égyptien Egypte
·•· 1@res traces de domestication v11• millénaire av. J.-C.
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Domestication et divinisation 1v• millénaire av. J.-C.
Espèce ou race? Le chat. Fe/is silvestris cotus. est une sous-espèce issue de la domestication du chat sauvage. un félin largement disparu en Europe. mais encore très répandu en Asie et en Afrique. Il existe une cinquantaine de races de chats domestiques.
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Des mots et des chats Divin ou démoniaque? Chats compagnons d'écrivains
Depuis le xme siècle et le Roman de Renart, le chat est l'animal littéraire par excellence. Héros de contes, de légendes, de romans, de poèmes ... Il est aussi l'ami des écrivains qui se plaisent à décrire les mille facettes de sa personnalité.
Anonyme,
Jean de La Fontaine,
Charles Perrault,
Le Roman de Renart
Fables
Le Chat botté
1668-1694
1697
Livres à chats ...................... .. .... ... . Vers 1200
La comtesse de Ségur,
Edgar Allan Poe,
Blondine
Le Chat noir
1856
1843 Colette,
Émile Zola, Lewis Carroll,
Alice ou pays des merveilles
Le Paradis des chats et outres textes
Belaud: Joachim du Bellay Micetto: Chateaubriand Chanoine : Victor Hugo Minou: George Sand Mysouff: Ale xandre Dumas Tibère: Baudelaire Kiki : Colette Bébert : Céline
Dialogues de bêtes, Lo Poix chez les bêtes, Lo Chatte ...
Pierre Loti,
Vies de deux chattes
1
1900
1865
1904
Boris Vian ,
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Marcel Aymé,
Blues pour un chat noir dans Les Fourmis
Les Contes du chat perché
1949
1946
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LES INCONTOURNABLES
Momie de chat Chats, lions et un dragon La Raie Magdaleine Pinceloup de La Grange Chat angora avec papillon Tête de chat Olympia Le Chat botté Le Garçon au chat Le Chat blanc Affiche pour Le Chat Noir Portrait de la mère de l'artiste Marguerite au chat noir Trois chats Le Chat blanc Le Roi des chats Chat saisissant un oiseau Le Chat Sam, Yellow Cat
LES INCONTOURNABLES
Momie de chat vue siècle av. J.-C. Histoire de bandelettes Les momies animales D'autres momies d'animaux sont offertes aux divinités égyptiennes: des chiens au dieu Anubis, des ibis ou des singes au dieu Thot, mais aussi des crocodiles ... Elles sont utilisées pour demander une grâce, en guise de remerciement ou assurent au donateur un lien éternel avec la divinité.
Formes animales des dieux Bélier: Khnoum . Amon Chat: Hathor. Bastet Chien: Anubis Crocodile: Sébek Faucon: Horus. Rê. Mon tou. Khonsou ... Hippopotame: Taouret Ibis: Thot Scarabée: Khépri Serpent (cobra): Apophis. Ouadjet. Rénénout... Singe (babouin): Thot Vache: Isis. Hathor Vautour: Mout. Nekhbet
Momie de chot v11• siècle av. J.-C. Musée du Louvre, Paris
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Le chat est l'un des emblèmes de l'art égyptien. Statues, momies, peintures de tombes ... Il est souvent associé à Bastet, la déesse du Foyer et de la Maternité, la protectrice des femmes enceintes et des enfants. Le culte des animaux en Égypte remonte au ive millénaire av. J.-C., mais il prend une importance croissante à la fin de la période pharaonique et jusqu'à la domination romaine. De cette époque tardive, la Basse Époque (v11e-1ve siècle av. J.-C.), date notre momie de chat. Bastet n'a pas toujours été associée au chat. Les dieux égyptiens n'ont pas une identité bien définie, mais une infinité de noms et de formes. D'abord associé à Hathor, le chat ne prête pas ses traits à Bastet avant 1000 ou 800 av. J.-C. Auparavant, elle était femme ou lionne. Elle devient finalement douce féline attentive à ses chatons, souvent accrochés à ses mamelles. Les momies de chats déposées dans les sanctuaires de Bastet sont innombrables. Acquérir une momie de chat n'est pas compliqué et c'est bien moins coûteux qu'une élégante statuette en bronze. Des animaux sont spécialement élevés par les prêtres afin d'être tués et momifiés. Les momies sont ensuite vendues aux pèlerins et enterrées dans des nécropoles. Le sanctuaire de Bastet le plus célèbre est celui de Bubastis. L'imagerie scientifique a révélé que les chats sont tués très jeunes - colonne vertébrale brisée, crâne enfoncé mais aussi que certaines momies contiennent en réalité très peu voire pas du tout de restes d'animaux! La qualité et le« remplissage» des momies varient en fonction des moyens de l'acquéreur. Les textes parlent même d'« ensevelisseurs de chats».
LES INCONTOURNABLES
Chats, lions et un dragon 1517-1518 Projets félins Jésus et son chat Au début des années 1480, léonard réalise plusieurs dessins sur le thème de la Vierge à l'Enfant avec un chat. L'Enfant Jésus y étreint l'animal, qui tente de s'échapper. Le félin y est-il un symbole du Mal? Aucune peinture correspondante n'a jamais été réalisée.
Léonard l'a dit «Même le plus petit des félins, le chat, est un chef-d 'oeuvre.»
Chats, lions et un dragon Léonard de Vinci 1517-1518 Encre, plume et lavis Royal Library, Windsor
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Plus que ses peintures, les manuscrits de Léonard de Vinci attestent la variété et la profusion des sujets qui l'intéressent. Les chats ne font pas exception.
Léonard a dessiné une vingtaine de petits chats à l'encre brune. Les félins sont étudiés dans des attitudes diverses: endormis, se léchant, s'étirant, guettant, se battant... Le volume des corps, les muscles, le pelage ou encore les expressions faciales sont rendus avec une grande précision. D'autres chats, en action, sont le fruit de l'observation et de la mémoire. Sur notre feuille, quelques esquisses de lions ainsi qu'un dragon se mêlent aux chats. La cohérence entre ces trois animaux, réels ou imaginaires, est expliquée par Vinci lui-même en bas de la page: «De flexion et d'extension/Cette espèce animale, dont le lion est le prince en raison de sa colonne vertébrale qui est souple ... » L'artiste lie souvent des réflexions écrites à ses dessins. Il ne s'agit pas d'une feuille préparatoire, ma is plutôt d'une recherche scientifique. C'est la souplesse et la torsion qui intéressent le savant. Entre art et science, Léonard s'intéresse à tout. Son esprit analytique se double d'une soif de connaissance hors du commun . Vers 1513-1514, dans la marge d'un traité commencé sur l'anatomie humaine, il mentionne le projet d'un autre traité, sur le mouvement animal: « Écrire un traité distinct décrivant les mouvements d'animaux à quatre pattes, parmi lesquels l'homme, qui dans son enfance rampe à quatre pattes.» Nos chats, ainsi qu'une autre page semblable représentant un chat, des chevaux et des dragons, sont peut-être des ébauches de ce projet. Les deux pages sont datées de 1517 ou 1518, soit un an avant la mort de l'artiste. Établi en France, Léonard est devenu le peintre, l'ingénieur et l'architecte du roi François I•'. Il est au faîte de sa gloire.
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LES INCONTOURNABLES
La Raie Vers 1725-1726 Le chat et le monstre L'Académie royale Pendant l'enfance du roi Louis XIV est créée à Paris l'Académie royale de peinture et de sculpture. Cet organisme d'État est chargé de former les artistes du royaume. On y enseigne la pratique et les théories de l'art et du bon goût. Fermée après la Révolution, l'Académie renaît en 1817 sous le nom
d'École des beaux-arts, qui existe toujours.
Un modèle intemporel Diderot considère que Lo Raie est un chef-d·œuvre que tout jeune peintre se doit de copier. Matisse confie quïl s·agit d"une des oeuvres quïl etudie le plus lorsquïl se rend au Louvre et Soutine en propose un hommage expressionniste en 1924. Quant à Marcel Proust. il livre une description remarquable de ce tableau au « monstre étrange».
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Voici une nature morte qui n'en est pas tout à fait une. Un chat bien vivant se dresse à côté de la raie suspendue. Cette étonnante peinture est considérée comme un chef-d'oeuvre et fascinera Diderot, Proust, Matisse ou encore Soutine. Dans une niche en pierre, une raie éviscérée est suspendue à un crochet. C'est une femelle, la poche qui contient l'oeuf a été conservée. Les narines et la bouche du poisson forment un étrange visage, à la fois hypnotique et répugnant. À droite de la raie, le monde des objets: un pichet en grès, une bouteille de vin, une casserole, un chaudron, une écumoire et un couteau. À gauche, le monde organique : deux barbeaux morts, des huîtres, des petits poireaux et un chat de gouttière au museau tacheté. Notre félin a les papilles en émoi. Pour ne pas déraper, il marche précautionneusement sur les huîtres. Ses yeux sont rivés sur les deux poissons au centre de la table. Son corps est arqué, sa queue levée, ses oreilles sont dressées. Grâce au chat, Chardin introduit un suspense dans ce qui aurait pu être une simple nature morte. Il exalte aussi les cinq sens: en essayant de faire le moins de bruit possible, le chat regarde et renifle ce qu'il veut toucher et goûter. Grâce à cette composition à la fois simple et très maîtrisée, Chardin surprend et enchante les plus grands peintres de son époque, qui admirent la construction de l'image, mais aussi le rendu saisissant des matières, l'aspect luisant et humide du poisson. Chardin a tout juste vingt-huit ans. Il est un jeune artiste inconnu et l'exposition de cette toile à l'Académie royale de peinture et de sculpture lui vaut d'être agréé et reçu le jour même. C'est tout à fait exceptionnel quand on sait que, pour certains artistes, cela prend parfois trois ans!
« L'oeil qui aime à jouer avec les autres sens [ ... ] sent déjà la fraîcheur des huîtres qui vont mouiller les pattes du chat.» Marcel Proust
Lo Raie Jean Siméon Chardin
1725-1726 Huile sur toile Musée du Louvre, Paris
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LES INCONTOURNABLES
Magdaleine Pinceloup de La Grange 1747 Compagnon de luxe Ode à mon chartreux Montaigne, Du Bellay, La Fontaine, Fontenelle ou encore Montesquieu ... Les écrivains et poètes revalorisent le chat à partir de la Renaissance. En 1588, Joachim du Bellay dédie un poème à son chat Belaud. Ce matou chéri est d'ailleurs un chartreux «Couvert d'un poil gris argentin,/Ras et poli comme satin».
REPÈRES
Femmes et fillettes au chat Théodore ! Géricault, Louise < 1818 Vernet enfant
1880 Pierre Auguste Renoir, Julie Monet ou /'Enfant ou chat
1912
Fernand Léger, Femme ou chat
Édouard Manet, Femme avec un chat
1887 Pierre Bonnard, Lo Femme ou chat
l
! 1921
Mogdo/eine Pinceloup
de Lo Grange Jean-Baptiste Perronneau
1747 Huile sur toile J. Paul Getty Museum, Los Angeles
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Charles François Pinceloup de La Grange est officier et conseiller de Louis XV. Fier de son ascension, il commande à Jean-Baptiste Perronneau un portrait de lui-même et un de son épouse Magdaleine. Mme Pinceloup de La Grange n'a pas l'air très à l'aise. Plutôt raide, elle pose assise de profil sur une chaise, lève le menton et tourne légèrement la tête. Elle regarde au loin, mais dans ses bras, son chartreux nous interpelle. Cette race très ancienne de chats au pelage gris velouté est alors l'une des plus chères. Au xv111 esiècle, ces chats nobles sont loués pour leur beauté par le naturaliste Buffon dans son Histoire nature/le. Le pelage gris et soyeux du chat de Magdaleine s'accorde parfaitement à sa coiffure à la mode, savamment bouclée et légèrement poudrée. Il porte un collier de grelots dorés en écho aux perles du ras-de-cou de sa maîtresse. Ce chat n'est pas qu'un animal de compagnie: c'est un accessoire de mode! Perronneau place plusieurs chats dans ses portraits de femmes ou de jeunes filles (Mademoiselle Huquier, Fillette ou chaton). Plus qu'un goût personnel, c'est un phénomène de société, car au xv111e siècle le chat devient l'animal de compagnie privilégié des femmes et des enfants. Dans les bras des fillettes, il est douceur et délicatesse. Associé aux femmes, il évoque élégance et confort des salons, quand ce n'est pas un certain érotisme. Notons que cela n'empêche pas, le chat de gouttière des milieux populaires d'être toujours mal aimé. Certains aristocrates sont si attachés à leur matou qu'ils commandent des tombeaux en marbre gravés d'éloges éplorés. La duchesse de Lesdiguières fait élever dans son jardin un monument à la mémoire de Ménine, «la plus aimable et la plus aimée de toutes les chattes ». Sur un sarcophage de marbre noir, une Ménine sculptée est installée sur un coussin de marbre blanc.
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LES INCONTOURNABLES
Chat angora avec papillon Vers 1761 Élégance exotique Question de style L'art rocaille s'épanouit entre les années 1720 et 1770. Décoratif, léger, raffiné, ce style typiquement français s'organise autour de la ligne courbe et de l'asymétrie. Le répertoire rocaille s'inspire du charme de la nature : fleurs, coquillages, oiseaux et nuages ornent les salons aristocratiques.
Et les chiens? Les petits chiens fragiles sont aussi à la mode. Les lévriers de compagnie et les petits épagneuls sont en vogue à la cour. Louis XV aime ses chiens au point de leur consacrer des portraits: Sylvie, Mignonne, Charlotte ou encore Gredinet sont immortalisés par le peintre Oudry.
Le chat exotique arrive en Europe au xvme siècle et fait fureur dans les sphères aristocratiques. Même le roi en possède à Versailles. L'engouement est tel qu'il est digne d'être représenté seul sur la toile. Notre angora blanc est un chat luxueux et oisif. Bien peigné et surtout bien nourri par ses maîtres, il ne chasse plus les rongeurs de la maison, mais se contente de suivre gracieusement les papillons dans un jardin. Avec sa tête tournée, sa patte en l'air et sa queue en panache, l'élégant félin ondoie sur fond de verdure. Il est souple, sinueux et décoratif comme un ornement rocaille. Le chat angora est une nouveauté fort appréciée au xv111 e siècle. Les chats exotiques - persans, syriens et angoras - sont importés d'Iran, de Syrie et de Turquie. Il faut dire qu'aux xv11 e et xv111 e siècles, l'Orient fascine. L'exotisme donne un souffle nouveau aux arts et à la mode. Le naturaliste Buffon consacre dans son Histoire naturelle plusieurs paragraphes historiques et descriptifs aux «chats d'Angora ». Le scientifique vante leur poil Ion~ et soyeux, leur tête ronde, la variété de leur couleur. Certains angoras sont parfaitement blancs et charment les Occidentaux. Alors que le chat européen sombre et tigré est encore assimilé à la fourberie, à la sauvagerie voire au malheur et au Diable, ces nouveaux arrivants connaissent un vif succès. Le cardinal Richelieu , principal ministre:de Louis XIII , en possède plusieurs, tout comme au siècle suivant le roi Louis XV. On connaît le nom de certains d'entre eux : Blanchon et Brillant. Blanchon ressemble, comme son nom l'indique, au tableau de Jean-Jacques Bachelier. Il vit vers 1730. Autorisé à se prélasser sur la cheminée du cabinet du roi , il partage aussi sa chambre, avec pour lit un confortable coussin de damas rquge.
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« Rien n'est plus doux, rien ne donne à la peau une sensation plus délicate, plus raffinée, plus rare que la robe tiède et vibrante d'un chat.» Guy de Ma.upassant
Chat angora avec papillon Jean-Jacques Bachelier Vers 1761 Huile sur toile Musée Lambinet, Versailles
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LE S IN C ONTOURN A BLES
Tête de chat 1824
Profil félin Qu'est-ce que le romantisme? C'est un mouvement culturel et esthétique du début du x1x• siècle qui cherche à rompre avec la référence gréco-romaine. Les sujets littéraires, l'exotisme, le temps des cath édrales ou encore la puissance de la nature sont les nouveaux thèmes prisés par les artistes.
REPÈRES Fél ins romantique s
! Théodore 1819 · Géricault, Tête de lionne Eugène Delacroix, Jeune 1830 tigre jouont avec sa mère Antoine Louis Barye, Tigre 1832 dévorant un goviol Antoine Louis Barye, Lion ou 1835 serpent Eugène 18 54 .,, Delacroix, ! Chasse au tigre
Tête de chat Eugène Dela croi x 1824 Aquarelle su r papier Musée du Lo uvre, Pari s
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Peintre romantique par excellence, Eugène Delacroix se passionne pour la représentation animale. Tigres, lions et chevaux peuplent ses peintures. Dans ses dessins et aquarelles, plus intimes, le chat trouve sa place. Delacroix ne réalise pas de grandes peintures mettant en scène un chat, mais il étudie souvent le félin dans ses esquisses, rapides dessins à l'encre noire, croquis à la mine de plomb ou aquarelles sur papier. On croise dans ses carnets des chats jouant, dormant, s'éti rant... Notre tête de chat tigré est son étude la plus aboutie. Elle est détaillée et en couleurs, c'est une aquarelle. Le pelage rayé est précis. On perçoit la délicatesse de l'oreille et la finesse des moustaches. Le petit oeil jaune est brillant et le museau humide. Le chat est représenté de profil, mais son oeil observateur nous regarde en coin. Le matou est fier et droit, à la manière d'une statue égyptienne. L'aquarelle est une invention anglaise de la fin du xv111 • siècle qui connaît vite le succès en Europe. Elle est très utilisée par les romantiques . Facile et légère à t ransporter, elle permet de garder la spontanéité du croquis en y ajoutant la couleur. Elle est parfaite pour les études animalières. Grâce à cette technique, Delacroix donne à ses tigres, lions et chevaux une illusion de vie saisissant e. L'artiste voue une véritable passion aux félins et partage cet engouement avec d'autres peintres, en quête comme lui de fougue et d'exotisme. Citons Théodore Géricault, auteur d'une majestueuse Tête de lionne. Les tigres et les lions sont des animaux que Delacroix étudie en se rendant à la ménagerie du Jardin des plantes de Paris.
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LES IN CO NTOURNABLES
Olympia 1863 Prostituée, servante et chat Un noir, un blanc Le thème félin est à la mode en cette seconde moitié du x1x• siècle. Pour son ami le critique d'art Jules Champfleury, auteur d'un livre sur les chats, Manet dess ine en 1868 une affichette publicitaire. Deux chats de gouttière, un noir et un blanc, rôdent mystérieusement sur les toits de Paris.
Acceptable vs scandaleux En 1863. une peinture de nu fait l"unanimité: Lo Naissance de Vénus d'Alexandre Cabanel. Elle est même achetée par l"empereur Napoléon Ill. La déesse de l'Amour est gracieusement assoupie sur les vagues. son abondante chevelure blonde flotte le long de son corps laiteux et glabre. des angelots voletant autour d'elle ... tout le contraire d'O/ympio.
L'O/ympio d'Édouard Manet est sans conteste l'une des oeuvres les plus importantes du x1x• siècle. Entre tradition classique et modernité audacieuse, le tableau met en scène une prostituée, sa servante et son chat. Une femme est allongée sur un lit aux draps froissés. Elle nous fixe droit dans les yeux. Certains qualifient ce regard d'effronté. Aucun doute, il s'agit d'une prostituée. Sa servante, derrière le lit, lui apporte le bouquet d'un client. Un chat noir au poil hérissé se lève à ses pieds. Il nous regarde, lui aussi, comme si nous l'avions dérangé en entrant dans la pièce. Sommes-nous un autre client? Rien n'est plus scandaleux en 1865, que ce sujet et son traitement: nudité crue, regard franc, peau blanche aux accents jaunes. Le tableau est la risée du public. On se moque, on crie au mauvais goût et à la provocation. Pour les bourgeois habitués aux nus mythologiques roses, cette femme est sale voire cadavérique ... Olympia n'est pas une déesse à la nudité abstraite. Elle est une femme déshabillée. Pire, elle est en tenue de travail. Coiffée d'un chignon, elle a gardé son ras-de-cou, ses boucles d'oreilles et son bracelet. Elle est à demi chaussée. On comprend mieux ce tableau si l'on en regarde un autre : la Vénus d'Urbin de Titien (1538). Olympia en est une reprise modernisée. Au pied de la Vénus, un petit chien dort. Symbole de la fidélité, il fait écho au thème du mariage. Manet remplace la sexualité conjugale par la sexualité tarifée. La déesse prend chair. Le chien est remplacé par un chat, emblème de lascivité et de sexualité. De couleur noire, il acquiert au x1x• siècle une connotation supplémentaire: il devient l'animal de la vie urbaine nocturne et interlope.
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«j'ai fait ce que j'ai vu.» Édouard Manet
Olympia Édouard Manet
1863 Huile sur toile Musée d'Orsay, Paris
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LES INCONTOURNABLES
Le Chat botté 1862
Il était une fois ... Plus rusé qu'un renard Le chat est sournois, hypocrite et rusé dans les contes et les fables. Dans Le Chat botté, il utilise la ruse pour donner fortune à son jeune maître. Moralité: « L'industrie et le savoir-faire valent mieux que des biens acquis. »
REPÈRES Nom d'un chat !
!
Tibert 1200 · (Le Roman de Renart) Raminagrobis (Fables, Jean de La Fontaine)
1697 Beau-Mi non (Blondine, comtesse de Ségur)
1865
1668-1694 Le Chat botté (Les Contes de ma mère /'Oye, Charles Perrault)
1856 Le chat du Cheshire (Alice ou pays des merveilles, Lewis Carroll)
Alphonse (Les Contes d~ _ 1934 1946 chat perche, : Marcel Aymé) :
Le Chat botté Gustave Doré
1814 Estampe BnF, Paris
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Tous les enfants connaissent le Chat botté, ce félin si malin qui se tient debout et parle comme les humains. Chapeau, cape et ceinture ... il est unique en son genre. Mais qui sait que cet accoutrement est l'invention de Gustave Doré, génial illustrateur du x1x• siècle?
«Au secours, au secours, voilà M. le marquis de Carabas qui se noie!», crie le Chat botté en levant les pattes. Le félin se tient sur la rive tandis que son maître, pauvre fils de meunier sans le sou, se baigne nu dans la rivière. li lui faut se faire remarquer pour que le roi dans son carrosse s'arrête. Ce dernier s'empresse d'offrir au faux marquis des vêtements neufs pour remplacer ceux qu'il croit dérobés par des voleurs, alors qu'ils ont été cachés dans un buisson par le rusé matou ... Peintre mais surtout dessinateur virtuose, Gustave Doré illustre les classiques de la littérature. De 1855 à sa mort, rien ne lui échappe, de la Bible à Balzac, en passant par Dante, Rabelais, La Fontaine, Perrault, Chateaubriand, Edgar Poe ou Victor Hugo. Son Chot botté, sa Belle ou bois dorment ou son Petit Chaperon rouge sont toujours des références. On ne compte plus les illustrateurs, auteurs de bandes dessinées et surtout cinéastes qui se sont inspirés de son univers onirique. Il est le maître des décors fantastiques, fourmillant de détails, tour à tour magiques, féeriques ou démoniaques.
Le Maître chot ou le Chot botté est transcrit par Charles Perrault dans le recueil des Contes de mo mère /'Oye en 1697. Dans la première version illustrée, le chat ne porte qu'une paire de bottes. Doré l'affuble d'un costume d'époque Louis XIV. Le félin porte un chapeau à large plume, une noble cape, une bourse en cuir et une paire de bottes extravagantes. L'artiste ajoute de savoureux détails félins: le collier qui ferme la cape est constitué d'une rangée de petits crânes d'oiseaux, alors que dans sa bourse s'agite une souris vivante.
LES INCONTOURNABLES
Le Garçon au chat 1868 Un cas à part Renoir
et les chats Renoir peint des dizaines de portraits féminins , de la petite fille à la mère de famille. De nombreux chats et chatons accompagnent les modèles en ronronnant. Loin de l'ambiguïté sexuelle, ils accentuent la douceur et le confort.
Les impressionnistes 1869: Monet et Renoir peignent en plein air avec une touche rapide. 1874: Première exposition et naissance du mot « 1mpress1onn1sme ». 1876-1882: Organisation de si x expositions. sans grand succès. 1886: Huitième et dernière exposition. puis séparation du groupe. 1900: Les impressionnistes exposent à !'Exposition universelle : début de leur notoriété.
Le Garçon ou chat Pierre Auguste Renoir
1868 Huile sur toile Musée d'Orsay, Paris
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Renoir est l'impressionniste des femmes. Sur ses cinq mille peintures, des centaines sont des études de nu féminin. Au début de sa carrière apparaît un cas unique et mystérieux: un jeune homme nu avec un chat.
Un jeune garçon, à la peau très blanche, se tient debout, près d'un meuble recouvert d'un long tissu. Au niveau de sa tête, installé sur un coussin vert, un gros matou ronronne. Le chat frotte avec délectation sa tête sur la joue du jeune homme, qui l'entoure de ses bras. La présence d'un chat à côté d'un nu masculin est inédite. Elle crée ici une atmosphère sensuelle énigmatique. En 1868, Pierre Auguste Renoir est au tout début de sa carrière. Il a réussi le concours d'entrée à !'École des beaux-arts de Paris six ans plus tôt et y a rencontré trois jeunes peintres de son âge : Claude Monet, Frédéric Bazille et Alfred Sisley. L'impressionnisme n'existe pas encore; le mouvement naîtra officiellement en 1874. À la fin des années 1860, Renoir cherche encore son style. Il travaille à partir du modèle vivant et regarde les oeuvres de Courbet et de Manet. Le réalisme cru et audacieux de leurs nus le fascine. L'O/ympio de Manet (voir page 31), révélée au public seulement trois ans avant la réalisation du Garçon ou chat, le marque profondément. La peau très pâle du modèle contrastant avec le fond sombre, le vert bouteille du coussin - identique au rideau d'O/ympio et même le chat en sont révélateurs.
Le Garçon ou chat est sans équivalent dans !'oeuvre de Renoir. Il est son unique nu masculin. On ignore l'identité du modèle. Est-ce un simple modèle d'atelier? Le peintre ne reprendra jamais ce thème. Il est trop passionné par les femmes et en plaisante lui-même : «je ne savais pas encore marcher que j'aimais déjà les femmes! »
LES INCONTOURNABLES
Le Chat blanc 1894 Réveil en douceur Bonnard l'a dit Bonnard aime la nature, la lumière, l'extérieur ... En visitant le musée du Louvre à Paris, il s'exclame un jour: «Ce qu'il y a de plus beau dans un musée, ce sont les fenêtres»!
Pas si simple ... Bonnard hésite longtemps à propos de la forme et de la position des pattes du Chat blanc. Outre plusieurs dessins préparatoires, l'analyse de la peinture à la radiographie a révélé de nombreux repentirs. Certains sont d'ailleurs visibles à l'œil nu.
Le Chat blanc Pierre Bonnard
1894 Huile sur carton Musée d'Orsay, Paris
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Peintre de la poésie des petites choses, Bonnard représente les animaux avec une grande tendresse. Ce chat blanc aux longues pattes, étrange et cocasse, est le plus célèbre de ses félins.
Un chat blanc s'étire après la sieste. Il raidit ses pattes, enfonce la tête dans son cou et plisse les yeux avec contentement. Il fronce son museau rose tandis que sa gueule esquisse presque un sourire. Bonnard peint avec bienveillance et amusement son chat se réveillant dans le jardin. Le chat sort tout juste d'un moment de douce torpeur. On imagine qu'il a fait sa sieste dans son coin favori du jardin, par une agréable après-midi d'été. La lumière est douce et le chat ne projette aucune ombre. L'absence d'ombre est fréquente chez Pierre Bonnard. Il travaillera tout au long de sa carrière à rendre la lumière et son frémissement. Et puis il y a l'influence japonaise, les fameuses «images du monde flottant». Comme ses amis nabis - Maurice Denis, Félix Vallotton, Paul Ranson, Édouard Vuillard ... - , il collectionne l'art japonais. Il trouve dans les estampes, les paravents et autres kakemonos une source d'inspiration infinie. Son amour pour l'art nippon, au sein duquel le chat est abondamment représenté, lui vaut d'ailleurs le surnom de «nabi japonard » par ses amis. Bonnard aime peupler ses oeuvres des animaux qui lui sont chers. On fait ainsi la connaissance de ses chats, de ses chiens, des poules de la ferme familiale en Isère ... Il travaille avec une touche héritée de l'impressionnisme, en jouant avec les gammes colorées. Cette touche tachetée est unique. Elle le démarque des autres nabis, qui privilégient souvent les aplats (voir pages 91 et 95). Bonnard rend ainsi merveilleusement la douceur des poils du chat blanc et surtout l'agréable frisson qui le parcourt tout entier, du bas des pattes jusqu'au bout de la queue.
LES INCONTOURNABLES
Affiche pour Le Chat Noir 1896 Icône mystérieuse Lo Bol/ode
du Chat Noir Le chansonnier Aristide Bruant est l'ami de Toulouse-Lautrec, qui signe ses affiches. Le compositeur et interprète de la Bo/Iode du Chat Noir est considéré comme le créateur de la chanson française réaliste. Son style perdure jusqu'à Édith Piaf.
Les cabarets de la Belle Époque Les Folies-Bergère: fondé en 1869 Le Chat Noir: 1881-1897 Le Moulin-Rouge: fondé en 1889 La Belle Meunière: pour !'Exposition universelle de 1900
Affiche pour Le Chat Noir Théophile Alexandre Steinlen 1896 Lithographie LACMA, Los Angeles
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Le chat noir de Steinlen est une figure de Paris au même titre que la silhouette de la tour Eiffel. Avant d'envahir les boutiques de souvenirs, il était l'emblème d'un célèbre cabaret de la Belle Époque. Le peintre et sculpteur Théophile Alexandre Steinlen quitte sa Suisse natale pour Paris en 1881. Libertaire et anarchiste, il aime le Paris populaire. Il s'installe à Montmartre et rencontre les personnalités artistiques qui y gravitent. Il fait la connaissance de Rodolphe Salis, qui ouvre la même année son cabaret Le Chat Noir au pied de la butte. L'endroit devient rapidement un haut lieu de rencontre du tout-Paris. On y croise touristes, banquiers, médecins, prostituées, journalistes et artistes. Parmi les habitués, Toulouse-Lautrec, Alphonse Allais et Aristide Bruant. Familier des lieux, Steinlen est aussi un amoureux des chats. Celui qu'il dessine pour l'affiche est assis, fier et élancé. Un chat graphique, à mi-chemin entre l'Art nouveau et l'Égypte antique qui le passionne. Les lignes sont courbes, le graphisme est simple et la mise en page efficace. Steinlen est aussi illustrateur de presse satirique, il dessine dans le célèbre hebdomadaire L'Assiette ou beurre. Son trait libre frôle la caricature: les moustaches du chat noir sont fantaisistes et immenses, son pelage hirsute, ses pattes griffues. Son chat est traité en aplat, silhouette noire dont seuls les yeux perçants sont visibles. Le cabaret propose d'ailleurs du théâtre d'ombres. Réhabilité par les romantiques au milieu du x1xe siècle, le chat de gouttière, ou chat noir, trouve enfin ses lettres de noblesse. Il est associé à la vie de bohème parisienne des années 1900. Compagnon idéal des artistes sans le sou et des écrivains solitaires, il est comme ses maîtres: à la fois intégré et en marge de la société, urbain, noctambule et surtout... mystérieux.
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LES INCONTOURNABLES
Portrait de la mère de l'artiste 1904 En ronronnant Remarqué par Hopper Quand le jeune peintre américain Edward Hopper vient se former à Paris entre 1906 et 1910, il fréquente les expositions. Alors que tout le monde ne retient que Picasso et Matisse, Hopper s'inspire des portraits et des paysages de bord de Seine d'Albert Marquet.
Souvent qualifié d' « impressionniste tardif» ou de« fauve assagi», Marquet est un des meilleurs amis de Matisse. Peintre discret et poétique, il aime les paysages fluides, les couleurs subtiles et les portraits silencieux.
Dans ce dessin au pastel, il représente sa mère. Elle est plongée dans son ouvrage de broderie. Sur ses genoux, un gros chat gris ronronne paisiblement. Le matou a fermé les yeux et posé la tête sur le bout blanc de ses pattes. Il semble le plus confortable possible. Sa tête baissée est un écho au visage de sa maîtresse, dont l'activité minutieuse lui garantit avec bonheur une sieste de longue durée. La gamme à la fois vive et subtile des rouges, des bruns et des gris donne à cette scène d'intérieur une atmosphère rassurante.
Un peintre voyageur Calme et réservé, Marquet n·est pas pour autant casanier. Il voyage en France. en Europe. au Maghreb et au Proche-Orient. À partir de 1920. il quitte Paris chaque hiver pour se rendre à Alger. Il y épouse Marcelle en 1923 et y restera pendant la Seconde Guerre.
Portrait de la mère de l'artiste Albert Marquet 1904 Pastel sur papier Musée des Beaux-Arts, Bordeau x
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Marquet est très proche de sa mère, il l'a souvent peinte. Il apprécie ces moments simples en sa compagnie. Né à Bordeaux, l'artiste est issu d'un milieu modeste. Fils unique, il connaît une enfance difficile : il est myope, frêle et affligé d'un pied bot. Le jeune homme trouve vite refuge dans le dessin et noircit de croquis ses cahiers d'écolier. Sa mère, Marguerite Deyres, est une femme dévouée. Elle soutient son fils et souhaite qu'il puisse étudier à Paris le dessin et la peinture. Contre l'avis du père, un employé des chemins de fer qui ne croit guère au talent d'Albert, la mère et l'adolescent plient bagage. Ils s'installent tous les deux à Paris en 1890, rue Monge. La mère ouvre une boutique et le fils entre à l'École des arts décoratifs. Il y rencontre Henri Matisse, avec qui il noue une amitié durable. Rien dans cette image tranquille, sauf peut-être le rouge très vif de la robe, ne laisse transparaître que Marquet côtoie les peintres les plus avant-gardistes. Il expose en effet aux côtés des fauves Matisse, Vlaminck et Derain au Salon d'automne de 1905.
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Marguerite au chat noir 1910 De l'harmonie Minouche et compagnie Matisse est souvent associé aux chats, en raison des photographies qui le montrent avec un chat dans les bras ou ronronnant à ses côtés. Dans les années 1940, le peintre vit à Nice, entouré de quatre chats: Minouche, Gros-Chat, Puce et Chouchou.
1910 C'est une année importante pour Matisse. Outre une série de portraits féminins, il termine la création, pour le collectionneur russe Chtchoukine, de deux de ses plus grands chefs-d'oeuvre: Lo Danse et Lo Musique.
Marguerite ou chat noir Matisse
1910 Huile sur toile Musée national d'Art moderne, Centre Pompidou, Paris
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Henri Matisse a souvent vécu avec des chats. Pourtant, ils n'apparaissent jamais dans sa peinture. Jamais, sauf une fois: sur les genoux de sa fille.
En 1910, Marguerite a seize ans. Après avoir été une enfant fragile, elle devient une adolescente épanouie. Ce portrait est un équilibre délicat entre stylisation et ressemblance. Il est le préféré de Marguerite. Ses grands yeux cernés de noir nous regardent avec pudeur. Ils répondent au noir profond de ses cheveux et à celui du chat posé sur ses genoux. Après la brève et éclatante période du fauvisme, au cours de laquelle Matisse a évacué le noir, il en explore à nouveau les possibilités. Le trait de contour souple et puissant devient une de ses signatures. Le chat noir de Marguerite est avant tout un motif, au même titre que ses cheveux. Leurs formes courbes se répondent parfaitement. Le chat est traité en aplat, sans aucun détail, comme une ombre chinoise ou un papier découpé avant l'heure. Entre les formes noires, les couleurs vibrent. Le blanc et le bleu de la tenue sont encadrés par le jaune du fauteuil. La touche colorée est toujours visible, tantôt striée tantôt brossée. Le fond, abstrait, est vert et rose. Une petite touche de vert sur le front de Marguerite et ses joues roses en sont l'écho. Chez Matisse, il est toujours question d'équilibre et d'harmonie. Née de l'union de Matisse avec sa première compagne, Marguerite est l'aînée. Son épouse, Amélie, la considère comme sa fille. À six ans, Marguerite est atteinte d'une grave diphtérie. De santé fragile, elle n'est pas scolarisée normalement. Elle est toujours fourrée dans l'atelier et devient un modèle privilégié. Adulte, elle se marie et disparaît des toiles. Mais elle reste proche de son père: elle tient son secrétariat, le représente lors d'expositions et travaille à l'établissement de son catalogue raisonné.
LES INCONTOURNABLES
Trois chats 1913 L'ami des bêtes Franz Marc
l'a dit «je tente de m'identifier de manière panthéiste aux vibrations, aux flux du sang dans la nature, dans les arbres, dans les animaux, dans l'air.>
Quelques repères 1905: naissance du fauvisme (France) 1905 : formation du groupe expressionniste Die Brücke (Allemagne) 1907: naissance du cubisme (France) 1909: naissance du rayonnisme (Russie) 1909: manifeste du futurisme (Italie) 1912: formation du groupe expressionniste Der Blaue Reiter (Allemagne) 1914: début de la Première Guerre mondiale. fin des mouvements d'avant-garde
Franz Marc a toujours préféré la pureté des animaux
à la société des hommes, trop éloignés de la nature. Chiens, chevaux, vaches, biches, loups ou encore chats parcourent sa brève et intense carrière. Franz Marc a peint trois chats sauvages, des grands brins d'herbe et un tronc d'arbre. Malgré ces quelques éléments reconnaissables, !'oeuvre est à mi-chemin entre figuration et abstraction. En plein milieu, un chat s'étire dans un mouvement dynamique et puissant. Les deux autres sont assis. L'un, immense et rouge, est situé derrière le chat noir et blanc, bien qu'il soit beaucoup plus grand. Il nous observe en baissant la tête, comme pour entrer dans le cadre. À droite, un chat tigré tourne la tête vers nous. Marc fait partie du groupe de peintres expressionnistes allemands Der Blaue Reiter «Le Cavalier bleu ». Passionné, comme ses amis Vassily Kandinsky et August Macke, par la puissance expressive des lignes et des couleurs, l'artiste s'éloigne du réel pour se frotter à l'art abstrait. Les corps des chats sont simplifiés et traités en facettes, comme les premières oeuvres cubistes de Braque et Picasso. Les couleurs rappellent le fauvisme de Matisse. Quant à l'étirement dynamique du chat central, il poursuit les explorations des artistes futuristes italiens. Son tableau s'inscrit aussi dans la lignée des rayonnistes russes, qui cherchent à rendre par des rayons l'énergie de la matière. En rupture avec le monde moderne industriel, Franz Marc trouve dans l'animal son thème de prédilection. Il voit en l'homme un être corrompu, mais il célèbre la pureté des animaux, en symbiose avec la nature. Au début de sa carrière, il peint des animaux ronds et bienveillants: chevaux, vaches, chiens. En 1913, à l'approche de la guerre, l'inquiétude se fait sentir. Il représente avec des lignes brisées des animaux plus sauvages: des loups, un tigre et nos trois chats.
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« Très tôt, j'eus le sentiment que l'homme était laid; l'animal me semblait plus beau, plus pur.» Franz Marc
Trois chots Franz Marc
1913 Huile sur toile Kunstsammlung NordrheinWestfalen, Düsseldorf
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LES INCONTOURNABLES
Le Chat blanc 1920 France-Japon Malfaisant ou porte-bonheur? Introduit au Japon
à l'époque médiévale, le chat est un animal double. Le Bakeneko, ou monstre-chat, est un chat aux pouvoirs surnaturels malfaisants. Au contraire, le célèbre Manekineko est le chat porte-bonheur tricolore qui lève la patte et appelle la fortune.
L'ami Miké Dans les années 1920-1930, Foujita vit avec son chat Miké, fidèle compagnon qui ne le lâche pas d'une semelle. Miké n'est pas blanc, il est brun tigré. Dans les autoportraits, il regarde toujours amoureusement son maître.
Les félins peuplent l'univers de Foujita, surnommé le« Peintre des chats». Compagnon voluptueux des nus féminins au corps laiteux, animal admiratif du peintre dans ses autoportraits, le chat est l'ami bienveillant et silencieux. Un chat blanc nous regarde de ses petits yeux en amande.
À vrai dire, ce chat n'est pas parfaitement blanc, il est tricolore. Son pelage est tacheté de beige et de noir. Les taches noires sont d'élégantes virgules qui habillent le front, le dos rond et le bout de la queue du félin. En écho à ces deux couleurs, le gris du sol et le rose pâle du mur constituent les seules teintes du fond. Foujita aime représenter le quotidien avec minutie. Les moustaches, les poils de la queue ou des oreilles sont d'une rare finesse. Ces délicats traits rappellent les dessins traditionnels japonais à l'encre sur papier. De la même manière, les couleurs, peu nombreuses, évoquent la pureté de l'art d'Extrême-Orient. Tout l'art de Foujita, si populaire dans les années 1920, est un savant mélan~e d'Orient et d'Occident. Né au Japon, il a étudié à l'Ecole des beaux-arts de Tokyo avant de s'installer à Paris en 1913. Le chat est un animal très populaire et abondamment représenté dans la culture japonaise. Il apparaît dans les estampes des maîtres du x1xe siècle que sont Hiroshige, Hokusai et Kuniyoshi. Parallèlement, dans la France des Années folles, le chat devient le compagnon des artistes et des intellectuels. Notre félin est donc un condensé de la double culture de l'artiste.
À l'élégance des chats répond celle de Foujita. Coupe au bol, boucle d'oreille, fine moustache et vêtements faits maison : le dandy japonais est un incontournable des soirées mondaines de Montparnasse.
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« L'idéal du calme est dans un chat assis.» Jules Renard
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Le Chat blanc Léonard Tsuguharu Foujita
1920 Huile sur toile Collection particulière
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LES INCONTOURNABLES
Le Roi des chats 1935 Je suis un chat Oui est Balthus? Balthasar Klossowski de Rola vient d'une famille d'artistes. Quand il est enfant, son père, peintre, décorateur de théâtre et historien de l'art, se sépare de sa mère, elle-même peintre et élève de Bonnard. Elle rencontre alors !'écrivain allemand Rainer Maria Rilke, qui ne tarde pas à surnommer l'enfant < Balthus ».
REPÈRES Une vie de chats 1921
Mitsou
Le Roi des chats
1935
Thérèse rêvant
1938
Le_Chat de }a Med,terronee 1 1975-1978
Le Chat
ou m,ro,r /Il
J
Le jeune homme de vingt-sept ans joue de sa physionomie longiligne en étirant démesurément ses jambes. Un gros chat tigré vient frotter sa tête contre son genou droit. À sa gauche, une plaque est appuyée contre un tabouret, sur lequel repose un fouet. Elle porte une inscription : «The portrait of H. M. the King of Cats painted by Himself, MCMXXXV. » Nous sommes donc face au «portrait de Sa Majesté le roi des chats peint par lui-même ». Ce roi nous déconcerte ... Ironique ou mégalomane? Selon son habitude, Balthus déploie un univers ambivalent. On oscille entre la douceur du chat et la violence du fouet. On hésite entre l'attitude décontractée du dandy, la main sur la hanche, et le regard sombre avec lequel il nous dévisage. L'artiste traverse une période compliquée. Ses oeuvres érotiques et ambiguës exposées l'année précédente à Paris ont fait scandale. Il n'a presque rien vendu et se sent si incompris qu'il songe à mettre fin à ses jours. Il vit alors avec un chat, celui du portrait, qu'il a nommé Frightener (« Effrayant»). Un matou qui fait peur à tout le monde, sauf à son maître.
1949
Le Lever
+i
1989-1994
Le Roi des chats Balthus 1935 Huile sur toile Fondation Beyeler, Riehen
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Balthus est un artiste à part. Il ne fait partie d'aucun mouvement. Le chat, récurrent dans son oeuvre, est son animal totem, pour ne pas dire son alter ego.
Derrière la représentation de Frightener se cache certainement le souvenir de Mitsou, le chat à qui Balthus doit son entrée précoce su r la scène artistique. À onze ans, il adopte puis perd Mitsou. Ce triste épisode inspire à l'enfant une série de dessins à l'encre de Chine, remarqués par l'amant de sa mère, !'écrivain Rainer Maria Rilke. Le recueil consacré à Mitsou est publié deux ans plus tard, en 1921. Balthus n'aura de cesse de représenter des chats, compagnons silencieux de ses modèles féminins, entre érotisme et mystère. Il est pour lui un parfait a/ter ego.
LES INCONTOURNABLES
Chat saisissant un oiseau 1939 Le chat et la guerre Le chat et l'oiseau Les chats de Picasso sont souvent peints avec une certaine brutalité. Carnassiers et hirsutes, ils s'en prennent avec rage aux ·oiseaux, aux crabes et autres langoustes. Au contraire, l'oiseau symbolise la liberté et la paix. La fameuse colombe de la paix, tout en blancheur, en courbes et en délicatesse, est dessinée par Picasso après la guerre. La colombe est un motif qu'il reprendra régulièrement au cours des années 1950 et 1960.
REPÈRES Quelque s chats de Picasso
1936
! Illustration ' pour I' Histoire naturelle de Buffon
Sculpture de chat
1943
Nu couché jouant avec un chat
1964
Chat et homard
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i
1965
Au printemps 1939, Picasso a cinquante-huit ans. Il partage sa vie avec Dora Maar. Ils suivent les événements qui précipitent l'Europe vers la guerre. Picasso ne peindra jamais directement le conflit, mais une atmosphère angoissante et violente envahit sa peinture.
Le début de l'année 1939 est plus que somb re. En janvier, quelques jours après la mort de sa mère, Picasso apprend que Barcelone est tombée sous les coups des franquistes. Début avril, la dictature de Franco commence en Espagne. Le 15 mars, les troupes allemandes entrent dans Prague. Le 20 avril, à l'occasion du cinquantième anniversaire d'Hitler, une parade militaire est organisée à Berlin ; les Waffen-SS sont en tête. Deux jours plus tard , Picasso peint un Chat saisissant un oiseau. La date du 22 avril 1939 est inscrite par grattage dans la peinture, en haut à gauche. Picasso représente sur un fond clair, un chat tigré brun et noir. Ces couleurs ne sont pas le fruit du hasard. Tout le corps du chat semble contracté, crispé: son dos est courbé, ses griffes blanches s'agrippent au sol, tandis que ses oreilles sont pointues et sa queue est dressée. Il saisit entre ses crocs un oiseau noir. L'oiseau est déjà mort. Sa blessure béante rouge et son bec ouvert sont un spectacle à la fois banal et d'une grande violence. Le peintre a réparti avec économie les trois couleurs primitives de la culture occidentale : le noir, le blanc, le rouge. La tête du chat ressemble à un masque cubiste. Ses yeux inexpressifs et inquiétants font penser aux Demoiselles d'Avignon, peintes trente ans auparavant. Picasso peint rarement la guerre et l'actualité politique, si ce n'est dans Guernica (1937), Le Charnier (1945) et Massacre en Corée (1951). Il explique ne pas chercher le sujet comme un photographe. Mais il confie : « Il n'y a pas de doute que la guerre existe dans les tableaux que j'ai faits alors. »
«j'adore les chats devenus sauvages aux poils hérissés. Ils chassent les oiseaux, vadrouillent, courent dans les rues comme des démons.» Picasso à Brassaï, 1943
Chat saisissant un oiseau Pablo Picasso
1939 Huile sur toile Musée national Picasso-Paris
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LES INCONTOURN A BLES
Le Chat 1951 Félin filant Chat droit, chien courbe La même année, Giacometti crée Le Chien, tout aussi maigre mais totalement différent, si ce n'est opposé. Le vieu x canidé voûté est traité avec humour et compassion. Il balance sa queue et ses oreilles tombantes au rythme de sa marche lente.
REPÈRES
Q uelques chats sculptés
! Antoine Louis Barye, Chat
Vers 1850
OSS/S
Emmanuel Frémiet, Chat
Vers 1875 Théophile Alexandre Steinlen, Chat
Vers 1900
angora assis Rembrandt Bugatti, Femme ou chat 1993
1906
1
Jeff Kaons, Cot
j on a C/otheshne
Le Chat Albe rto Gi acometti
1951 Bronze The Metropolitan Museum of Art, New York
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Les personnages longilignes de Giacometti sont des icônes de l'art. L'artiste suisse est obsédé par la figure humaine et, pourtant, en 1951, il exécute trois remarquables sculptures animalières: un cheval, un chien et un chat.
Le Chat de 1951 a certainement comme point de départ l'observation d'un vrai chat, celui de Diego Giacometti, le frère et collaborateur d'Alberto. L'artiste a souvent examiné le félin qui «passait comme un rayon de lumière », glissant sa forme souple de prédateu r entre les obj ets de la maison sans jamais les toucher. Giacometti ne réa lise pas un portrait de chat mais travaille à rendre l'idée - la quintessence - du félin, sans attendrissement ni affect. Sa silhouette grêle avance, silenc ieuse, les pattes suivant une ligne imaginaire. Les omoplates sont sa illantes, la queue légèrement relevée et la tête tendue, le regard guettant la proie. Le corps du félin est à la fois souple, en mouvement et parfaitement horizontal. Ce chat est une apparition. Si l'on pl isse les yeu x, il ressemble presque à une oeuvre abstraite : deux triangles posés sur une épaisse ligne horizontale - le socle, partie importante de l'oeuvre pour Giacometti - et reliés par une autre ligne horizontale. Cette simplic ité nous rappelle qu'avant son retour à la figuration au milieu des années 1930, Giacometti était un artiste non seulement surréa li ste, mais aussi abstrait, maniant les formes géométr iques simples et jouant des suspensions pour trouver le juste équilibre. Notre chat semble comme usé, rongé pa r le temps . Il fait songer à ces statuettes de bronze étrusques découvertes rou illées et presque friables . Giacometti est fasciné par l'efficacité et la simplicité des fo rmes antiques. Comment ne pas penser à une momie de chat en regardant cette petite tête ronde sur un corps parfaitement linéaire?
LES INCONTOURNABLES
Sam, Yellow Cat 1954 Pop cat Warhol ou Warhola? En 1949, Andrew Warhola, fils d'immigrés slovaques, a vingt et un ans. Il arrive à New York et reçoit sa première commande pour le magazine G/omour. La revue fait une erreur sur son nom et l'écrit sans le «a» final. Désormais, Andy signe Warhol.
Warhol en quelques dates 1949: arrivée à New York 1951: chaussures pour Horper·s Bozoor 1962: Compbe//"s Soup Cons. Diptyque Morilyn et Triple Elvis 1963: Ten Lizes 1964: création de la Factory. son atelier 1964: F/owers 1972: Mao Zedong 1985-1987: Andy Worho/"s Fifteen Minutes. émission sur MTV
Som, Yellow Cot Andy Warhol
1954 Lithographie Collection particulière
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On connaît tous Andy Warhol, ses soupes Campbell's, sa Marilyn Monroe, ses Mao Zedong multicolores et son Elvis démultiplié. Mais s'est-on déjà arrêté sur ses chats? Sam, un chat jaune aux grands yeux rouges, nous regarde. Sam est le chat d'Andy ... et de sa mère. Et il n'est pas le seul. Au milieu des années 1950, Andy vit à New York avec sa mère, Julia, et un couple de chats : Hester et Sam, parents d'une ribambelle de chatons. L'appartement, un deux-pièces sur Lexington Avenue, est envahi. Il y a des chats partout: dans le salon, la chambre, la salle de bains ... Et à part Hester, ils s'appellent tous Sam! Ce dessin date d'une période méconnue et importante : celle de l'ascension du roi du pop art. Il témoigne de son mode de vie décalé. Warhol est un dandy qui fréquente les cafés de l'Upper East Side, mais qui vit avec sa maman et une multitude de chats. Warhol décore les vitrines de grands magasins et tente sa chance comme illustrateur. Ses dessins joyeux, originaux, le font connaître. Il acquiert une renommée importante dans le milieu de la publicité et de la mode en travaillant pour les magazines Vogue, Vonity Fair ou The New Yorker. En marge, il mène des projets plus personnels : des petits livres qu'il confectionne pour son entourage. Il écrit des poèmes humoristiques, illustre de fausses recettes de cuisine et dessine ses chats. Sa mère recopie les textes à la main de son écriture bouclée si charmante. Les lithographies de chats de 1954 ne sont pas une sérigraphie pop, mais le principe est en gestation. Les chats sont dessinés d'une manière simple. Ils sont coloriés en aplats de couleurs vives totalement fantaisistes. Notre Sam est jaune citron. Mais il existe beaucoup d'autres Sam: couchés, assis, de face ou de profil, rose bonbon avec les yeux verts, violets aux yeux orange ou bleus aux yeux jaunes.
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LES INATTENDUS
Seigneur souris servi par un chat Chat mangeant une caille Chats sauvages L'Annonciation Enfants tourmentant un chat Table de cuisine avec gibier Chats et singes Têtes de chats Combat de chats Chat qui court Le Chat jaune Portrait de M. X Portrait de Mm• Ranson au chat Eiaha Chipa La Paresse Paris par la fenêtre Notre chat Ulysse Chat sur une corde à linge
LES INATTENDUS
Seigneur souris servi par un chat xv1e-x1e siècle av. J.-C. Drôles d'Égyptiens « Miou » Dans !'Antiquité, les Égyptiens désignent le chat par l'onomatopée «miou ». La transcription est «miw» au masculin et« miwt » au féminin. En français, on retrouve cette onomatopée dans le verbe« miauler».
Le Nouvel Empire De la XVlll 0 à la XXe dynastie. le Nouvel Empire (1552-1069 av. J.-C.) correspond à l'apogée de la civilisation pharaonique. Sa capitale est Thèbes. Les grands temples de Karnak. Louxor et Abou Simbel sont construits. les nécropoles de la vallée des Rois et de la vallée des Reines sont fondées. Se succèdent notamment Hatchepsout, les Thoutmosis, les Amenhotep (ou Aménophis), Akhenaton et son épouse Néfertiti. Toutankhamon et les Ramsès.
Seigneur souris servi par un chat Ostrocon de Deir-el-Médineh xv1•-x1 • siècle av. J.-C. Calcaire Musées royaux d'Art et d'Histoire, Bruxelles
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Dans l'art égyptien, il n'y a pas que des momies et des statuettes de Bastet; il existe aussi des chats populaires, parfois d.e ssinés avec humour. Qu'est-ce qu'un ostrocon? C'est un morceau de calcaire, ou plus rarement de poterie, sur lequel est écrit un texte ou tracé un dessin. Les ostroco de Deir-el-Médineh constituent une collection d'oeuvres vivantes et originales. Leurs auteurs sont les peintres des tombeaux de la vallée des Rois . Ces artistes, rompus à l'art du dessin, vivent dans le village de Deir-el-Médineh, non loin des tombeaux. Des ostrocons ont été découverts dans le village, mais aussi à proximité et à l'intérieur des tombes royales. On observe souvent un double tracé noir et rouge sur les ostroco figurés. Ils peuvent servir de brouillon pour des exercices d'apprentis corrigés par leur maître ou être le lieu d'une expression artistique personnelle. Les sujets sont très variés: réalistes ou satiriques, inspirés par la nature ou la poésie, représentant des hommes ou des animaux ... Comme cette représentation inattendue d'un seigneur souris servi par son chat domestique. La faible souris parvenue au pouvoir est assise avec satisfaction face à une table sur laquelle est servie une appétissante volaille. Elle est vêtue du pagne en lin traditionnel, le chendjit. Elle respire le parfum suave d'une fleur de lotus et tient un linge dans l'autre main. Face à elle, son serviteur chat se tient debout. On reconnaît à son pelage rayé et ses hautes oreilles le chat sauvage d'Égypte. Il évente son maître avec un f/obe//um, un éventail de plumes ou de feuilles attachées à un long manche. Cet ostrocon n'est pas unique. Il existe d'autres exemples de souris servies par des chats. S'agit-il d'une fable transmise par tradition orale et oubliée? L'image a-t-elle une portée satirique, de critique de la société constituée de maîtres, de serviteurs et d'esclaves? Le mystère demeure.
« L'art n'a pas de limite et aucun artiste ne possède la perfection.» Ptah-hotep, vizir de la V• dynastie
LES INATTENDUS
Chat mangeant une caille ue siècle av. J.-C. De vilains défauts Et chez les Grecs? Le chat est presque absent. Pourtant, le prem ier Occidental à le mentionner est l'historien Hérodote, au v• siècle av. J.-C., lors de son voyage en Égypte. En Grèce, l'animal de compagnie favori est l'oiseau. Le chat n'est donc pas le bienvenu dans son entourage. Pour ce qui est d'éradiquer les rongeurs, nul besoin de chat: les Grecs ont domestiqué la belette.
Pixels avant l'heure La mosaïque est l'art romain par excellence. Pour réaliser des dessins aux lignes souples et aux détails minutieux, les Romains utilisent des tesselles (petits cubes de pierre, de marbre ou de pâte de verre) de seulement quelques millimètres. Cette technique est appelée opus vermicu/otum. Selon la taille et la coupe des tesselles, on parle d'opus tessel/otum, d'opus sectile ...
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Les Romains ne connaissent-ils pas ce félin ou est-il mal-aimé au point de n'être pas représenté?
Les artistes grecs et romains représentent de grands félins - panthères, guépards et léopards sur les vases, les mosaïques et les fresques . En revanche, il est difficile d'identifier des chats. Les archéologues hésitent souvent : s'agit-il de chiots , de belettes, de lynx ou de chats? Ce Chat mangeant une caille est l'un des seuls exemples connus de !'Antiquité romaine. Il provient du sol du second atrium de la maison du Faune, une demeure de Pompéi d'une immense richesse décorative. En haut, un chat saisit une caille. En bas, se juxtaposent canards, poissons et coquillages. Le chat attrape le volatile toutes griffes dehors. Agressif et sauvage: nous sommes bien face à un chat de !'Antiquité romaine. Le félin est alors fort peu apprécié. Il est rare dans les villes et les fermes. Attiré par les oiseaux et les rongeurs, il côtoie les hommes sans être domestiqué. Dans son traité sur les animaux, Aristote dit de la fouine qu'elle est « mangeuse d'oiseaux comme les chats ». Et Ésope, bien avant lui, mettait déjà en scène dans ses Fables le chat « dévoreur » de volailles , de rats ou de souris. L'image du chat, agressif et carnivore, est d'autant plus négative qu'il est associé par les Romains à une sexualité débridée et donc condamnable. Hérodote, Aristote et Plutarque mentionnent le chat pour son comportement sexuel et sa grande fécondité. Ruse, souplesse, sexualité ... les qualités alors toutes négatives du chat commencent à être associées à celles de la femme et le sexe féminin est comparé à un chat. Plutarque nous explique que les chats aiment la bonne odeur du parfum ... comme les femmes. Voilà, en germe, un lexique qui aura de beaux jours devant lui!
Chat mangeant une coi/le siècle av. J.-C. Mosaïque Museo Archeologico Nationale, Naples
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LES INATTENDUS
Chats sauvages 1387-1388 Sauvageon médiéval Chasser au Moyen Âge Loisir pratiqué par tous les groupes sociaux, la chasse est un divertissement de prestige pour les nobles, qui chassent au vol et à courre, mais c'est surtout une activité morale qui éloigne l'homme des péchés et de l'oisiveté.
Le bestiaire médiéval Réels ou légendaires. les animaux sont chargés de symboles. souvent religieux. qui peuvent varier selon le contexte. Les animaux préférés: ours. lion. cerf. boeuf. aigle, pélican, colombe. licorne, phénix. Les mal aimés: cochon. renard. chat. serpent. loup. dragon. âne sauvage.
Il faut attendre le Moyen Âge pour que le chat se répande dans les campagnes. Il est autorisé dans les fermes et dans les maisons jusque dans la chambre, même s'il reste un animal solitaire. Dans cette rare enluminure du x1ve siècle, Gaston Phébus se livre à l'observation du chat sauvage. Les chats ont des corps massifs et des pattes solides. Certains sont gris sombre, d'autres, tachetés, ressemblent presque à des léopards, auxquels ils sont comparés par l'auteur. Ces individus se livrent à des occupations diverses : certains grimpent à un arbre, un se lèche le poil tandis qu'un autre attrape un petit rongeur. Certains enfin se prélassent, allongés ou roulés dans leur tanière. Au Moyen Âge, le chat est mieux considéré mais il n'a pas encore un statut domestique : nous sommes loin du matou ronronnant devant la cheminée. Sa relation avec l'homme demeure distante et ambivalente. Il est toléré mais reste un travailleur qui a pour mission de manger les souris. Il n'a que rarement un prénom, ce n'est pas un compagnon de jeu et il vit souvent de manière à moitié errante. Il n'est bien entendu pas nourri, sinon il n'aurait plus faim et ne débarrasserait pas la maison des rongeurs.
À cette époque, les chats apparaissent dans les marges des manuscrits. S'ils sont souvent dessinés d'une manière assez grotesque, c'est qu'ils sont considérés comme disgracieux. «Avoir un nez de chat» est un grave défaut physique. Et lorsque Chrétien de Troyes, dans Le Conte du Graal, utilise cette comparaison pour décrire une demoiselle, il ajoute qu'elle est « plus laide que toutes les productions de l'enfer ».
Chats sauvages dans Le Livre de chasse Gaston Phébus
1387-1388 Vélin, min iat ures, lettres ornées BnF, Paris
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L'enluminure de Gaston Phébus est exceptionnelle. Ce seigneur de la région de Foix, chasseur hors pair, est un grand bibliophile. Il est le premier à décrire les animaux dans leur environnement naturel. Il propose ainsi des planches zoologiques avant l'heure.
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LES INATTENDUS
L'Annonciation 1527-1528 Sauve qui peut 1 Qu'en dit
la Bible? Même si le chat est souvent associé au Diable par le christianisme au Moyen Âge, il n'est jamais mentionné dans la Bible. Sa présence est une invention des artistes. Au contraire, dans l'islam, le chat jouit d'une connotation très positive dès l'époque médiévale.
REPÈRES Chat caché ...
!
And rea 1523 ' Sansovino,
L'Annonciotion Le T intoret, Lo Naissance de saint
1555
Jean-Baptiste Véronèse, Les Noces
1563
de Cano Rembrandt,
Lo Sainte Fom,lfe
oul
1646
En 1527, peindre une Annonciation est tout ce qu'il y a de plus traditionnel. Pourtant, un détail est ici très inhabituel : en plein centre de la peinture, un chat s'enfuit. L'ange Gabriel porte un lis - symbole de pureté - et se pose à terre près de la Vierge pour lui annoncer qu'elle sera la mère du Christ. Marie, plongée dans sa lecture, est surprise voire apeurée. Au-dessus, Dieu le Père fend les nuages. La composition triangulaire est savante. Les mains, les regards et les couleurs guident notre oeil. Gabriel, en bleu, tend la main vers Dieu le Père, en rouge. Dieu tend les deux mains vers Marie, habillée en rouge et bleu. Dieu et l'ange regardent la Vierge qui, elle, nous regarde. Face à nous, elle ouvre les mains en signe d'étonnement. Au centre de ce trio coloré, un petit chat tigré bondit. Il est là pour faire le lien entre les deux côtés du tableau : l'humain à gauche (Marie, la chambre, ses affaires) et le sacré à droite (Gabriel, Dieu, les nuées). L'élan figé du chat crée une impression d'arrêt sur image. Le temps, symbolisé par le sablier sur le tabouret, semble suspendu. La présence d'un chat dans une Annonciation est peu fréquente. Elle renforce l'effet de surprise. L'ange vient tout juste d'atterrir, ses cheveux et son drapé sont encore en mouvement. Il a dérangé le félin , qui s'enfuit d'un bond en le regardant de ses petits yeux méfiants.
rideau
1655
Charles Le Brun, Le Sommeil de j /'Enfant Jésus
L'Annonciotion Lorenzo Lotto 1527-1528 Huile sur toile Museo Civico di Villa Colloredo Mels, Recanati
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À la Renaissance, le chat acquiert son statut d'animal domestique et sa présence ici renforce le sentiment de proximité. De nombreux détails quotidiens sont peints par Lotto : la patère avec les vêtements de Marie, l'étagère avec les livres et le bougeoir, le lit à baldaquin, emblème de l'intimité du foyer. Certains historiens pensent que la présence du chat permet de rompre avec les peintures conventionnelles, d'autres évoquent l'image du Diable qui s'enfuit devant l'ange.
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LES INATTENDUS
Enfants tourmentant un chat Vers 1590
Ne pas réveiller le chat qui dort Chats martyrs Durant l'époque moderne et dans toute l'Europe, le chat est fréquemment l'objet de rituels populaires violents. C'est le cas pendant la période du carnaval, où le chat revêt une dimension sexuelle, ainsi qu'à la Saint-Jean: on brûle des chats ou on les enferme dans un sac pour les noyer.
Pauvre crustacé Il n'est pas rare de croiser des crustacés dans la peinture allégorique ou de vanité au xv11" siècle. Qu'il s'agisse d'un crabe ou d'une écrevisse. le crustacé est synonyme d'inconstance ou de déviance morale ... parce qu'il se déplace de travers.
Enfants tourmentant un chat Annibal Carrache Vers 1590 Huile sur toile The Metropolitan Museum of Art,
New York
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Pourquoi deux enfants essaient-ils de pincer l'oreille d'un gros chat avec un crustacé? Cette énigmatique peinture est attribuée à Annibal Carrache, esprit parmi les plus étonnants de l'ère baroque. Deux garnements s'amusent avec un chat tranquillement couché sur une table. L'aîné tient une écrevisse dans la main. Tandis qu'il a déjà passé une pince autour de l'oreille du chat, celui-ci se rétracte en grognant-et en plissant les yeux. Cette saynète de torture animale provoque le rire de la petite fille ... mais nul doute qu'après avoir été pincé, le chat va griffer la main inconsciemment posée devant lui. Au xv11 • siècle, le chat est un animal encore ambivalent. De plus en plus accepté, il demeure attaché au Diable et aux sorcières dans la culture populaire. On torture ou on tue des chats lors de certains divertissements européens jusqu'au xv111 • siècle. Cela dit, l'attitude des enfants est ici condamnable et le matou va sévir. Une lecture morale de !'oeuvre est permise: une action mauvaise ou imprudente sera toujours punie. Ce thème n'est pas une invention d'Annibal Carrache. Il existe à la même époque plusieurs tableaux avec des enfants se faisant mordre ou pincer par un animal - Jeune garçon mordu par un lézard (Caravage, 1594), Enfant pincé par une écrevisse (Sofonisba Anguissola , 1554). Comme Caravage, Carrache cherche à bousculer les conventions. Il souhaite s'éloigner de l'art sophistiqué et maniériste. Il s'intéresse à l'étude d'après nature et peint avec une touche vive et spontanée. Sa voûte de la galerie du palais Farnèse à Rome devient une référence et sera un des modèles pour la galerie des Glaces de Versailles.
« Les jeunes chats sont gais, vifs, jolis, et seroient aussi très-propres à amuser les enfans si les coups de patte n'étoient pas à craindre.» Buffon, Histoire naturelle 73
LES INATTENDUS
·Table de cuisine Vers 1630 Petits chapardeurs Belgique espagnole Les Flandres catholiques, ou Pays-Bas espagnols, correspondent à l'actuelle Belgique. La région a alors pour capitale Bruxelles et pour port principal Anvers. Elle n'est pas indépendante, mais sous la domination des rois Habsbourg espagnols.
Cuisiner un paon Le paon est consommé par l'élite de !'Antiquité au xv11 • siècle. Il est surtout apprécié pour sa beauté : avec ses plumes, il forme un plat extravagant. Les hérons et cygnes sont cuisinés au Moyen Âge et jusqu'au xv11• siècle. On les remplace ensuite par des oiseaux plus petits : pigeon, poulet, chapon ...
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Chapardeur des cuisines par excellence, le chat est souvent associé à la gourmandise. Et Frans Snyders, spécialiste des tables débordantes de victuailles, anime ses compositions de petits félins affamés.
Dans une cour, s'entasse sur une lourde table de bois une abondance de victuailles. Deux chevreuils encadrent un cygne dont la tête tombe jusqu'au sol. Un échassier, des paons et un faisan complètent l'étalage. Les lapins, perdrix et coq sont pendus en hauteur. Le petit gibier est entreposé sous la table, à côté des artichauts. Sous un panier en osier rempli de canards, de bécassines et autres petits oiseaux, trois chatons gris sont affairés. Ils sont minuscules et renforcent l'aspect monumental du gibier. Le plus doué a réussi à attraper un oiseau jaune et croque dedans. Ses frères miaulent vers le panier, le museau en émoi. Les gourmands sont accompagnés de leur mère, une chatte tigrée qui s'attaque à la tête d'un paon. Leur agitation ne gêne apparemment pas du tout le petit chien placide qui dort en boule non loin de là. Snyders peint avec brio les animaux, vivants ou morts, notamment les textures et les matières. On a presque l'impression que l'on peut toucher les plumes douces du cygne blanc ou le poil ras des chevreuils. L'abondance de l'étal reflète la richesse de sa ville. Le port d'Anvers est une capitale économique et artistique de premier plan. Les peintres y sont nombreux et les commandes affluent. Eglises, nobles, bourgeois, guildes, commerçants ... tous veulent des peintures pour décorer leur intérieur. Les peintres se spécialisent. Certains sont doués pour les personnages, d'autres pour les paysages ou les animaux. La célébrité de Snyders est grande. Rubens fait appel à lui pour peindre les animaux de ses compositions. Et le roi d'Espagne Philippe IV lui commande des oeuvres pour son pavillon de chasse près de Madrid.
« Grippeminaud le bon apôtre, Jetant des deux côtés la griffe en même temps, Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.» Jean de La Fontaine, le chot, lo Belette et le petit Lopin
Tobie de cuisine avec gibier et légumes Frans Snyders Vers 1630 Huile sur bois Musée des Beaux-Arts, Lyon
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LES INATTENDUS
Chats et singes Vers 1650-1670 C'est pour une coupe? Histoire de singes La singerie est un genre initié dans la peinture flamande au xv1• siècle. Les scènes comiques avec des singes habillés et évoluant dans un environnement humain deviennent très populaires aux xv11• et xvm• siècles. Les chats les accompagnent dans plusieurs oeuvres des frères Teniers: Concert de chats et singes, Singes coiffant des chats ...
Vous avez dit du cuivre? Au xv1 " siècle. parallèlement au développement de la gravure. les artistes d·Europe du Nord ont lïdée de peindre sur des plaques de cuivre. Le support est apprécié pour sa surface lisse qui permet des détails minutieux et un rendu brillant proche de l'émail.
Voici un étonnant salon de coiffure. Les barbiers sont des singes et les clients des chats! Une singerie typique de la peinture flamande qui fourmille de détails amusants et instructifs. Il fait bon dans ce salon chauffé par un petit brasero. Un chat roux couvert est assis sur un fauteuil. Il se regarde dans un miroir avec satisfaction. Autour de lui, deux singes gris et blanc le peignent, lui coupent consciencieusement les moustaches et les poils des oreilles. D'autres chats entrent, attendent ou s'installent. Un singe s'occupe de décrocher une bassine de cuivre à l'aide d'une perche. Sont entreposés à côté de lui les outils du barbier : rasoirs, ciseaux, blaireaux, peignes doubles, bouteilles de lotion. Un autre fait chauffer un drap blanc sur une bassinoire en cuivre. Deux clients chats attendent leur tour, assis sur un coffre. L'un d'entre eux nous regarde. Il a une patte cassée en écharpe. Près de la fenêtre, un chat gris, ravi, tient devant lui une bassine d'eau chaude et s'apprête à se faire raser par un singe brun au sourire espiègle. Une porte s'ouvre sur un paysage de maisons bourgeoises à pignons qui sont typiques d'Anvers. Un « seigneur chat» entre, coiffé d'un chapeau de mousquetaire et vêtu d'une cape rouge. Il n'est pas sans rappeler le Chat botté. Cette image n'est pas issue du conte de Perrault, qui sera écrit une trentaine d'années plus tard. Il s'agit d'une peinture sur cuivre, d'à peine vingt centimètres sur trente, réalisée pour un amateur de singeries. Ce genre, dont le peintre Abraham Teniers et son frère sont spécialistes, est très en vogue au xv11• siècle. Dans ce salon de barbier, les singes s'affairent et les chats s'admirent... En somme, il y a d'un côte les commerçants malicieux et de l'autre côté les bourgeois satisfaits d'eux-mêmes. Mais ne parle-t_-on pas mieux de la vie des hommes grâce aux animaux?
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« Si les singes savaient s'ennuyer, ils pourraient devenir des hommes.» Goethe
Chats et singes dons un salon de barbier Abraham Teniers Vers 1650-1670 Peinture à l'huile sur cuivre Kunsthistorisches Museum, Vienne
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LES INATTENDUS
Têtes de chats Vers 1670 Plus vrais que nature Prestigieuses tapisseries Créée sous Henri IV
à Paris, la manufacture royale des Gobelins prend une ampleur sans précédent sous Louis XIV grâce au ministre Colbert. La manufacture produit des centaines d'oeuvres destinées à l'ameublement des châteaux et aux présents diplomatiques. Sa renommée est internationale.
Le zoo de Versailles Lieu de divertissement aujourd'hui disparu. la ménagerie de Versailles est créée par Louis XIV. Autour d'un pavillon, sept enclos accueillent des animaux exotiques. Sous Louis XV. il y a même un rhinocéros.
Têtes de chats, un lopin, une tête de chèvre Pieter Boel
Vers 1670 Huile sur toile Musée des Beaux- Arts, Alençon
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Pour produire les tapisseries du roi Louis XIV, la manufacture des Gobelins fait appel aux meilleurs artistes de France et d'Europe. Chacun a sa spécialité. Pieter Boel excelle dans le rendu des animaux.
Voici un chat qui miaule, qui bâille, qui bouge, aussi vivant que sur une photographie. Et pourtant, nous sommes à la fin du xv11e siècle. Le peintre Pieter Boel, spécialiste des animaux et natures mortes, a observé ce chat sous quatre angles différents. li l'a aussi peint assis, dans le coin de la toile, accompagné d'un autre félin. En bas, un lapin et une tête de chèvre complètent ces études sur le vif. Rien d'étonnant, au xv11 e siècle, de voir le chat associé aux animaux de la ferme, car il est l'animal domestique privilégié des maisons rurales - où il chasse les rongeurs. Pieter Boel étudie les mouvements et postures en changeant les points de vue. li les saisit avec le plus de spontanéité possible. Il analyse également le pelage et réussit, à l'aide de sa touche rapide et brossée, à rendre la texture des poils. Cette capacité rare à représenter l'animal en action est remarquée par Charles Le Brun, directeur de l'Académie royale de peinture et de la manufacture royale des Gobelins. Aux Gobelins sont dessinées et tissées les plus belles tapisseries destinées aux châteaux du Louvre et de Versailles. Le Brun, qui forme les artistes et repère les talents, engage Pieter. Il peint des animaux et des végétaux qui sont ensuite reproduits dans des bordures de tapisseries. Le peintre anversois observe les animaux du quotidien: chats, chiens , oiseaux, gibier ... Ses talents lui ouvrent les portes de la ménagerie royale de Versailles. Là, il a le privilège rare d'observer des animaux exotiques. Il dessine et peint pour Le Brun des animaux peu connus des autres artistes de l'époque: des singes, un lion, un dromadaire, des autruches, des perroquets, un lynx ou encore un casoar!
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LES INATTENDUS
Combat de chats 1786-1787 Toutes griffes dehors Rangé à la cave Tissées avec des matériaux précieux, les tapisseries sont considérées comme des oeuvres d'art de premier rang. Ce n'est pas le cas des modèles peints, les cartons, parfois jetés. Le Combat de chats est roulé et oublié dans une cave au x1x• siècle. Ce n'est qu'en 1984 que la toile est officiellement attribuée à Goya.
Chat noir La peur des animaux noirs, associés au Diable et aux sorcières, est répandue dans toute l'Europe depuis le Moyen Âge et s'accentue du xv1• au xv111• siècle. On se méfie des chats noirs, mais aussi des corbeaux, chiens, poules, coqs, chèvres et béliers noirs.
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Peintre inclassable, précurseur du romantisme noir, Francisco de Goya est dans sa jeunesse peintre à la cour d'Espagne. Ses thèmes sont souvent inhabituels, à l'image de ce Combat de chats.
Deux chats se font face sur un mur de brique. La lumière est incertaine : est-ce l'aube ou le crépuscule? Du côté sombre, le chat noir; du côté où point la lumière, le chat gris. Les félins s'affrontent en courbant l'échine et en baissant les oreilles. Le chat noir, légèrement en recul, semble avoir perdu la partie. Il a le regard effrayé et les moustaches tombantes. On entend presque les miaulements du chat gris, qui ouvre grand la gueule et laisse voir ses petits crocs aiguisés. Cette oeuvre tout en longueur est un dessin préparatoire pour une tapisserie destinée à orner le dessus d'une porte dans la salle à manger du palais du Pardo, près de Madrid. La légère contre-plongée s'explique par l'emplacement de la tapisserie: on devra passer sous ce combat de chats. Nos chats font partie d'un ensemble de quarante-six tapisseries commandées à Goya par le futur Charles IV. Le but est de rompre avec les traditionnelles tentures de bataille ou de chasse et d'orner la salle à manger avec des images vives et plaisantes. Au début de sa carrière, Goya peint de nombreux modèles pour la manufacture. Il peint avec réalisme et vivacité, dans l'esprit des Lumières de la fin du xv111• siècle. Son style pittoresque met en scène les anecdotes du quotidien, des nobles comme du peuple. Par exemple, un combat de chats errants observé au détour d'une rue. Ces chats nous rappellent aussi à quel point le peintre est fasciné par les atmosphères sombres et mystérieuses. Quelques années plus tard , Goya devient sourd. Il développe alors un univers inquiétant, hanté par les thèmes de la folie et de la sorcellerie.
«CHAT: Les chats sont traîtres. Les appeler tigres de salon. Leur couper la queue pour empêcher le vertigo.» Gustave Flaubert, Dictionnoire des idées reçues
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Combat de chats Francisco de Goya
1786-1787 Huile sur toile Musée du Prado, Madrid
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LES INATTENDUS
Chat qui court 1871-1885 Arrêt sur images Un, deux, trois ... tirez! Le scientifique Étienne Jules Marey invente le «fusil photographique» en 1882. L'appareil photo est monté sur un vrai fusil modifié qui permet douze prises de vues en rafale sur des plaques circulaires. Il est aussi l'auteur du terme «chronophotographie» en 1889.
REPÈRES
De la photo au cinéma
1839 Négatif photographique (WHF Talbot)
1878
Pellicule souple (Kodak)
1891
Cin~matographe (freres Lum1ere)
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: Daguerréotype (Louis Daguerre)
1840 Décomposition du mouvement (Eadweard Muybridge)
1888
t
Kinétographe (Thomas Edison)
l
! 1895
Avant l'invention du cinéma, l'Anglais Eadweard Muybridge et le Français Étienne Jules Marey mènent tous deux des recherches sur l'immobilisation du mouvement: c'est la chronophotographie.
Voici un chat tigré qui court à toute allure. Le mouvement de sa course souple et légère est décomposé en vingt prises successives : on distingue une accélération, d'un petit trot à un galop dynamique au cours duquel le chat bondit à deux reprises. Son corps se ramasse, puis s'étire en sautant. Le félin semble voler au ras du sol avant un atterrissage fluide et précis. Ces vingt clichés correspondent dans la réalité à une seule seconde de course. L'insaisissable, le fugace, est figé sur la pellicule. Ce chat est publié par Muybridge, en 1887, dans son recueil Animal Locomotion. Une vraie somme: onze volumes, quatre mille photographies. Une centaine de planches montrent des chevaux, les autres vont de l'éléphant au perroquet en passant par des chiens, lions, cochons ou autruches. Pour notre oeil contemporain , ces séries en noir et blanc ne présentent rien de très surprenant. Mais en 1887, elles sont révolutionnaires . Nous sommes dix ans avant l'invention du cinéma. Le mouvement relève du fantasme. Quant à la photographie, elle est très peu démocratisée et se cantonne souvent aux portraits et aux paysages. Les clichés de Muybridge ont un grand retentissement. Voilà des images qui dépassent les limites de l'oeil humain ... Elles fascinent le public, des scientifiques aux artistes. Quelle aide à la création! Il est le premier à s'intéresser à la décomposition du mouvement. Il commence en décomposant le galop d'un cheval. Pour ce faire, il a l'idée d'utiliser une série d'appareils à déclenchement automatique. Il y a, au départ, autant d'appareils que d'images. Le Français Marey poursuit l'idée et met au point en 1882 une technique de prises de vues en rafale avec un seul appareil.
« À mon avis, vous ne pouvez pas dire que vous avez vu quelque chose à fond si vous n'en avez pas pris une photographie.» Émile Zola
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Chat qui court Eadwea rd Muybridge
1871-1885 Collotype sur papier blanc Royal Academy of Arts , Londres
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LES INATTENDUS
Le Chat jaune 1880 Chat bibelot Qu'est-ce que l'école de Nancy? Alliance provinciale des industries d'art, elle se forme vers 1900 et conjugue des savoirs lorrains anciens: faïencerie, cristallerie, ébénisterie ... L'école devient un des fers de lance du style Art nouveau en France. Majorelle, Daum et Gallé en sont les grands représentants.
La symbolique du jaune Apprécié dans les cultures orientales (Turquie. Iran. Inde. Chine .. .). le jaune est mal aimé en Occident du Moyen Âge à !"époque moderne. Et pour cause. dans la tradition chrétienne. la couleur est associée à l'envie. au mensonge et à la trahison - à lïmage du manteau de Judas.
Le Chat jaune Émile Gallé
1880 Céramique et pâte de verre Musée départemental MauriceDenis, Saint-Germain-en-Laye
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Un gentil chat, jaune comme un citron, nous regarde avec des yeux ronds. En voilà une drôle de décoration pour son salon! Entre céramique traditionnelle et objet Art nouveau, ce chat incarne le goût d'une époque.
Cet amusant petit chat jaune est un objet décoratif d'environ trente centimètres de haut. Il est en céramique recouverte d'une glaçure jaune vif. Ses deux yeux verts translucides sont en pâte de verre. Les seuls éléments peints en noir sont les sourcils et la moustache. Ses sourcils noirs tombants et sa moustache qui remonte ne sont pas vraiment ceux d'un chat. Ces détails inattendus, plutôt cocasses, donnent au matou le visage d'un gentil monsieur à la mode des années 1880. C'est une oeuvre d'Émile Gallé. Céramiste, ébéniste et verrier, il fait le lien entre l'art, la science et l'industrie. Son chat date de 1880, époque à laquelle il travaille dans l'entreprise familiale, la maison Gallé- Reinemer. Notre chat jaune n'est pas un exemplaire unique! De nombreux félins presque identiques sont produits et portent sous leur base le monogramme G. R., pour Gallé-Reinemer. Certains sont décorés de coeurs bleus ou rouges, ou de fleurettes. Tous sont du même jaune citron. Mais pourquoi ce jaune? Le chat d'Émile Gallé s'inscrit dans la tradition des bibelots animaliers que l'on trouve alors dans l'est de la France et en Allemagne, mais il rompt avec le naturalisme en adoptant une forme souple typique de l'Art nouveau et en utilisant une couleur inattendue. Aux xv111e et x1xe siècles, le jaune vif évoque l'Orient. Émile Gallé est fasciné par les arts décoratifs chinois et japonais. Le jaune, déprécié pendant des siècles en Occident, est au contraire la couleur du pouvoir dans l'empire du Milieu.
LES INATTENDUS
Portrait de M. X Vers 1910
Vous avez dit naïf? Pourquoi «Douanier»? Avant de se consacrer à la peinture, Henri Rousseau a travaillé au service intérieur des ports sur la Seine en tant qu'employé subalterne, ou gabelou. Même si certaines marchandises sont taxées aux différents octrois, Henri n'est pas véritablement douanier, mais il adopte ce surnom.
Passion félins Le Douanier Rousseau peint souvent des chats, seuls, accompagnés, parfois minuscules, mais sa préférence va aux félins plus gros. Tigres, lions, léopards et panthères peuplent ses jungles imaginaires. Étonnant pour un artiste dont les seuls voyages sont les visites à la ménagerie du Jardin des plantes de Paris!
Portroit de M. X, dit Pierre Loti Henri Rousseau Vers 1910 Huile sur toile Kunsthaus, Zurich
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Ce portrait a longtemps été interprété comme celui de !'écrivain Pierre Loti. Si cette hypothèse semble abandonnée, il reste tentant d'y voir l'auteur de Pêcheur d'Islande, entre autres à cause de la présence d'un chat. Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau, peintre naïf et parfaitement autodidacte, qualifie son Portrait de M. X de «portrait-paysage». Ce genre, dont il se revendique l'inventeur, reprend les codes du portrait de la Renaissance italienne. Le principe est simple : un personnage en buste est placé devant un paysage naturel agrémenté de petits arbres. Au-delà de la ligne d'horizon s'ouvre un paisible ciel bleu. Mais nous sommes bien face à une peinture moderne : à l'arrière-plan, il y a une usine. Devant ce paysage se tiennent un chat et son maître. Ils ressemblent à deux pantins figés et inexpressifs. Tous les deux sont peints avec une grande frontalité. Le seul élément dynamique de la toile est la main levée de l'homme, une cigarette rougeoyante coincée entre l'index et le majeur. Le petit félin tigré est représenté d'une manière à la fois enfantine et énigmatique: il est assis sur un curieux support rouge qui le place à la hauteur de son maître. Il nous regarde, les yeux écarquillés. Si Rousseau rencontre les moqueries pour son style jugé maladroit, il est admiré par Vallotton et Picasso, et compte parmi ses amis les écrivains Jarry, Cendrars et Apollinaire. Le Portrait de M. X ressemble à s'y méprendre à une photographie de Pierre Loti prise vers 1904. Tout semble indiquer qu'il s'agit de !'écrivain voyageur: une épaisse moustache noire, un fez (Loti, passionné par la Turquie, en porte un chez lui), un haut col de chemise blanche et, bien entendu, un chat. Car Pierre Loti est un amoureux des chats . L'identité du modèle demeure néanmoins incertaine. En effet, un autre écrivain, Edmond Franck, affirme avoir posé pour ce portrait.
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LES INATTENDUS
Portrait de Mme Ranson au chat Vers 1892 Ton sur ton Oui sont les nabis? Sérusier, Bonnard, Denis, Ranson, Vuillard, Roussel et Vallotton sont de jeunes peintres férus de littérature et de textes ésotériques. Ils se font appeler les nabis («prophètes» en hébreu). Ils développent, entre 1888 et 1890, un style décoratif et japonisant qui rompt avec l'illusion du réel.
Japonisme ambiant Le japonisme culmine en Europe entre 1860 et 1890. Artistes. écrivains. collectionneurs ... tous sont fascinés par les objets du pays du Soleil levant. s'en inspirent ou les collectionnent. Cest le cas de Monet. Van Gogh. Degas. Denis. Loti. Zola ou encore Proust. pour n·en citer que quelques-uns.
Le chat de Mm• Ranson se confond presque avec les plis de sa robe. Sa présence affirme ce que le peintre a théorisé quelques années auparavant: la peinture est avant tout une histoire de lignes, de motifs et de couleurs.
Dans un intérieur tapissé, France Ran son prend le thé, vêtue d'une longue robe jaune aux manches bouffantes. Mme Ranson accueille volontiers les amis artistes de son époux Paul-Élie dans son atelier parisien, boulevard du Montparnasse. À ses pieds, se mêlant aux plis de sa robe, un petit chat vient se frotter le cou. Ses rayures jaunes et noires sont presque identiques aux plis noirs de la robe, de même que ses petites oreilles pointues font écho aux minuscules chaussures qui dépassent du vêtement. Enfin sa queue, relevée en arabesque, reprend la souplesse du chignon de sa maîtresse. Maurice Denis ne cesse de l'affirmer depuis ses dix-huit ans : la peinture n'est pas la réalité. Rien ne sert d'en chercher l'illusion. L'impressionnisme est totalement dépassé. Au contraire, la peinture est un art pur, poétique et symbolique. Le peintre fait s'entremêler des lignes et des couleurs. li l'écrit en 1890: « Se rappeler qu'un tableau - avant d'être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote - est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.» Avec ses compagnons nabis, Maurice Denis souhaite renouveler la peinture. Les jeunes peintres s'inspirent de l'art japonais. Ils abandonnent la perspective traditionnelle et travaillent les couleurs en aplats, comme au pochoir. On remarque que le chat et sa maîtresse semblent flotter devant la tapisserie et ne projettent aucune ombre.
Portrait de Mm• Ronson ou chat Maurice Denis Vers 1892 Huile sur toile Musée départemental MauriceDenis, Saint-Germain-en-Laye
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LES INATTENDUS
Eiaha Ohipa 1896
Chat des îles Des chats en Océanie Les chats sont introduits par les colons européens en Océanie et en Australie à partir du xvm• siècle. Sur les toiles de Gauguin, on en croise plusieurs. Deux petits chats blancs sont représentés au premier plan de la grande oeuvre en frise D'où venons-nous? Oue sommes-nous ? Où allons-nous ?
REPÈRES Gauguin voyageur
1891
Retour à Paris pour exposer
1894
: '.remier séjour a Tah1t1
1893
l
Séjour en
Bretagne
Retour à Tahiti
1901
Mort de_Gauguin a Atuona
1895 Installation aux Marquises (à Atuona, île d'Hiva Oa)
i 1903
Eioho Ohipo (Ne trovoi//e pos) Paul Gauguin
1896 Huile sur toile Musée Pouchkine, Moscou
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Quand il arrive à Tahiti en 1891, Gauguin est frappé par les couleurs, la lumière, les corps ... et le silence, un silence omniprésent qui va l'envahir.
En 1895, il retourne à Tahiti après deux années d'échecs personnels et artistiques. Il peint des personnages mélancoliques et mystérieux, comme ces deux Tahitiens. La maison est celle de Gauguin lui-même, à Punaauia. Elle lui sert de cadre pour plusieurs compositions. L'homme, assis et immobile, est vêtu d'un pagne blanc. Il fume du tabac avec nonchalance. Un lourd anneau doré pend à son oreille tandis que des fleurs ornent ses cheveux longs. Il pose sa main sur le genou de la femme, vêtue d'un paréo bleu et jaune. À leurs côtés, un chat blanc dort, roulé en boule. Dehors, un chien veille. Les deux Tahitiens ne bougent pas, ne parlent pas et regardent le spectateur d'une manière énigmatique. Le chat rappelle le pagne de l'homme. Sa présence renforce l'atmosphère de silence et d'indolence. Au félin ronronnant sont associés l'espace intérieur et le sommeil. «Ne travaille pas», précise Gauguin en tahitien. Au contraire, le chien fait le lien avec le monde extérieur: la lumière, la couleur et le mouvement. L'artiste est fasciné par les corps polynésiens gracieux et androgynes, par leur peau mate et cuivrée. Gauguin veut voir en eux la pureté primitive. Cela l'obsède. li les représente souvent par deux. Il étudie les postures de ces figures silencieuses comme des statues et les réutilise d'œuvre en oeuvre. On retrouve nos deux personnages en 1901 dans Et l'or de leur corps. Il mêle à son observation son souvenir des sculptures grecques et des bas-reliefs égyptiens. Ces figures massives au visage traité comme un masque influenceront fortement le jeune Pablo Picasso. Ouant aux arabesques des motifs (chat, fleurs , paréo, porte), elles dégagent une puissance décorative qui intéressera, entre autres, Henri Matisse.
« Toujours ce silence. Je comprends pourquoi ces individus peuvent rester des heures, des journées, assis sans dire un mot [ ... ]. » Paul Gauguin 95
LE S INATTENDU S
La Paresse 1896
Au pied du lit Qu'est-ce que la xylogravure? L'artiste dessine d'abord sur un bloc de bois, puis il creuse les contours. Il encre ensuite la partie en relief. Le bloc encré vient tamponner le support par pression. Tout ce qui est creusé apparaît en blanc sur le papier.
Mieux vaut un chat! Ouand Vallotton se marie. son épouse est veuve avec trois enfants de sept. neuf et douze ans. Il ne les apprécie guère et écrit. dans une lettre au peintre Vuillard: « Je préfère encore mieu x les chats que les enfants car on peut les renvoyer d'une table.»
Vallotton est un artiste suisse de culture protestante. Il a le goût de la ligne, de la contrainte et du travail bien fait. Fasciné par le nu féminin et les estampes japonaises, il pratique avec virtuosité la gravure sur bois. Une femme nue, alanguie sur son lit, se prélasse. Allongée sur le ventre, elle tourne la tête pour regarder son chat qui s'approche. Le matou vient quémander des caresses . Il s'est dressé sur ses pattes pour atteindre sa maîtresse. Du bout des doigts, la femme lui caresse le sommet de la tête, entre les oreilles. Cette magistrale gravure en noir et blanc s'intitule Lo Paresse. On perçoit la mollesse du corps tout en courbes. Les lignes féminines épousent celles des coussins. Le bras nonchalant se prolonge dans le corps souple du félin . Le chat est depuis longtemps associé à la fém inité, à l'érotisme et à la paresse. Cette association semble s'accentuer au x1x• siècle et devient un sujet privilégié chez les symbol istes ou les nabis, groupe dont Vallotton fait partie. Cette petite gravure témoigne de la virtuosité de l'artiste dans le travail de la ligne et de l'aplat. La blancheur des personnages, cernée par un épais contour noir, contraste avec les motifs des couvertures et des coussins. Vallotton s'amuse avec les carreau x, points, courbes et autres zigzags. Dans ses compositions, il joue auss i avec le cadrage. Il use des plongées, contre- plongées, personnages coupés ... La femme est vue en plongée, ses pieds sortent du cadre. Vallotton est un passionné de photographie. Il s'achètera son premier Kodak trois ans plus tard , en 1899, et s'en servira pour ses nus féminins. Artiste touche-à-tout, ses gravures connaissent un vif succès. Il traite de tout : une émeute dans la rue, une averse qui fait s'ouvrir les parapluies, un paysage, !'Exposition universelle, les grands magasins, des scènes de couple ou d'intimité féminine ...
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« Dieu a inventé le chat pour que l'homme ait un tigre à caresser chez lui.» Victor Hugo
Lo Paresse Félix Vallotton 1896 Encre sur papier Musée d'Art et d'Histoire, Genève
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LES INATTENDUS
Paris par la fenêtre 1913 Étrange matou Le petit parachutiste Le chat regarde-t-il la tour Eiffel ou le petit parachutiste qui s'en est élancé? Les personnages défiant les lois de la gravité apparaissent fréquemment chez Chagall. En 1910, le parachutisme en est à ses balbutiements et, le 4 février 1912, à Paris, un inventeur trop confiant, François Reichelt, s'élance dans un costume de sa fabrication depuis le haut de la tour Eiffel. Le saut est fatal et fa it la une des journaux.
Bestiaire symbolique de Marc Chagall Le coq: sacrifice dans le Judaïsme. renouveau. élan vital. La chèvre: innocence. tendresse. comptines, fêtes juives. bouc émissaire. L'âne: docilité. tendresse,bonheu~ La vache: enfance. Russie rurale. Le poisson: père de l'artiste. plaisir. mobilité. temps qui passe.
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Quand Chagall arrive à Paris, il découvre la Ville Lumière et les avant-gardes. Il est fasciné par le fauvisme de Matisse et le cubisme de Picasso. Chagall se représente dans un appartement, tel un Janus
à deux visages. L'un regarde en dehors, peut-être vers sa Russ ie natale. L'autre se tourne vers la fenêtre ouverte. Il admire une vue parisienne : de petits immeubles serrés au pied de la tour Eiffel. Un couple d'amoureux (souvenir de sa fiancée Bella, restée en Russie) flotte au pied de la Dame de Fer tand is qu'un parachutiste côtoie son sommet. Un tra in passe à l'envers. Sur le rebord de la fenêtre se tient un curieux chat à tête d'homme. Les animaux traversent tout l'œuvre de Chagall. Les plus récurrents sont ceux de sa jeunesse à Vitebsk, en Biélorussie. Il peint le poisson, souvenir de son père employé dans un dépôt de harengs, mais surtout le coq, la chèvre et l'âne, ces animaux doux et inoffensifs de la ferme de son enfance, souvenirs d'une Russie rurale, pauvre et joyeuse. Le chat est différent. Il est d'ailleurs très rare chez Chagall. Mais le contexte est particulier : nous sommes à Paris et le chat va de pair avec les artistes et intellectuels parisiens. Les animaux, chez Chagall, ont une double signification. Dans la tradition juive hassidique au sein de laquelle il a grandi, l'animal opère souvent une fusion avec l'humain. Il n'est donc jamais à prendre au premier degré, il est une manière de se représenter. Noctambule, solitaire et un peu vagabond , le chat est à l'image de la vie de bohème que le jeune peintre découvre alors. Le chat regarde vers la tour Eiffel : symbole de la vie moderne et clin d'oeil à son ami Robert Delaunay, dont le cubisme coloré et dynamique l'influence fortement. L'aspect morcelé du cubisme rencontre son goût russe pour les couleurs vives et joyeuses.
«j'ai choisi la peinture parce qu'elle [. .. ] me semblait être une fenêtre par laquelle je pouvais m'envoler dans un autre monde.» Marc Chagall
Paris par la fenêtre Marc Chagall
1913 Huile sur toile Solomon R. Guggenheim .Museum, New York ·
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LES INATTENDUS
Notre chat Ulysse 1989 Heureux qui comme Ulysse ... Fameux sonnet de Du Bellay Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage , Ou comme celui-là qui conquit la toison , Et puis est retourné, plein d'usage et raison , Vivre entre ses parents le reste de son âge.
Matou muse des photographes Sensuel, mystérieux. contemplatif... le chat inspire de nombreux photographes. Parmi les auteurs de célèbres clichés félins. citons Brassaï. André Kertész. Jacques-Henri Lartigue. Dora Maar ou encore Willy Ronis.
Notre chat Ulysse et l'ombre de Martine Henri Cartier-Bresson
1989 Épreuve gélatine-argentique sur papier Collection particulière
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Surréaliste, grand reporter, cofondateur de l'agence Magnum, Henri Cartier-Bresson est surnommé « l'Œil du siècle». Pour celui qui a voyagé toute sa vie, rien d'étonnant à appeler son chat Ulysse! Ulysse, chat de Cartier-Bresson et de sa seconde épouse, la photographe Martine Franck, se prélasse sur un fauteuil. Le matou noir aux pattes blanches est allongé en pleine lumière. Les ombres de son profil ainsi que de celui de sa maîtresse, hors cadre, se détachent avec élégance et netteté. La photographie est en noir et blanc. Cartier-Bresson n'apprécie pas la couleur, il ne la travaille que rarement et par obligation. Il travaille les équilibres: noir et blanc, droites et courbes, ombres et lumière. Les courbes d'Ulysse font écho aux profils et à la forme du fauteuil. Ses pattes répondent à la ligne du buste de Martine et aux bandes du sol à l'arrière-plan. Cette composition savante et soignée est caractéristique de celui qui, au départ, voulait devenir peintre. La photographie date de 1989. Cartier-Bresson est alors âgé de quatre-vingt-un ans. Il a traversé les époques, les styles, les pays. Il a officiellement arrêté de photographier mais conserve toujours dans sa poche son fidèle Leica. Le hasard poétique des ombres sur le fauteuil rappelle l'esthétique surréaliste des années 1930: alors âgé de vingt ans, le timide Cartier-Bresson assiste aux réunions du groupe surréaliste. Le doux silence du félin assoupi nous emporte au contraire dans ses derniers voyages asiatiques : après un long séjour au Japon en 1965, il photographie plus posément et découvre avec passion le bouddhisme zen. A la retra ite, le photographe parcourt les musées, dessine et prend, de temps en temps, des photographies intimes et contemplatives, juste pour le plaisir. Exactement comme celle d'Ulysse.
LES INATTENDUS
Chat sur une corde à linge 1994-2001 Chaton néo pop L'homme de tous les records Jeff Koons détient en 2019 le record du prix de vente d'une oeuvre pour un artiste vivant. Son Robbit est adjugé 91,1 millions de dollars. Il détrône alors le peintre David Hockney, qui a lui-même dépassé ... une autre oeuvre de Koons, le Bo//oon Dog (Oronge) , vendu 58,4 millions de dollars en 2013.
REPÈRES Le bestiaire de Kaons
: lnf/atable F/ower 1979 1 Rabbit
1988
Puppy
199'1-2000
Do/ph,o
and Bunny
1986 Michael Jackson and Bubbles
t
1992
i
Bo//oon Dog
Un petit chat est pendu dans une chaussette et nous regarde fixement. Il ne ressemble pas à un vrai chat mais à un jouet en plastique. Sa représentation est simplifiée, ses couleurs sont uniformes. Le matou est maintenu par deux pinces à linge et deux grosses marguerites fantaisistes, une bleue et une rose, encadrent la sculpture. Ludiques, simples et fluo, les gadgets et produits de la société de consommation sont une source d'inspiration inépuisable. Koons dit s'interroger sur leur glorification. Il en joue avec ce très grand format: notre chat dans sa chaussette mesure plus de trois mètres de haut. Star des calendriers, des cartes postales et d'Internet, le chat, notamment le chaton , s'est vu consacré à la fin du xxe et au début du xx1e siècle. Il est devenu l'animal mignon par excellence. Câlin, attendrissant, drôle ... il a perdu les connotations des siècles précédents. Cette sculpture de chat fait partie d'une série initiée en 1994 et intitulée Ce/ebrotion. Après avoir exposé des objets industriels dans les années 1980, le plasticien travaille à leur reproduction monumentale, ultracolorée et en série. Le Chat sur une corde à linge existe en cinq exemplaires dont les couleurs varient.
2007-2013
Chat sur une corde à linge (Coton o Clothesline) Jeff Kaons
1994-2001 Polyéthylène Collection de l'artiste
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Jeff Koons cultive le kitsch et la provocation. Il est certainement l'artiste le plus controversé de ce début de siècle. Ses oeuvres les plus populaires sont des lapins ou chiens gonflables. Son chat, enfantin, s'inscrit dans ce que l'on appelle l'esthétique hyperpop.
Les oeuvres de Koons mélangent habilement références artistiques et culture populaire. Accessibles à tous, elles semblent conçues comme des produits dérivés alors qu'elles ne sont guère accessibles. Un paradoxe savamment cultivé par l'artiste, par ailleurs excellent homme d'affaires.
Table des illustrations LES INCONTOURNABLES Pagel? Momie de chat v11• siècle av. J.-C. Hauteur : env. 50 cm Musée du Louvre, Paris Pagel9 Léonard de Vinci Chats, /ions et un dragon 1517-1518 Encre, plume et la vis 27 x 21 cm Royal Library, Windsor Pages 21 et 22-23 (détail) Jean Siméon Chardin
Lo Raie 1725-1726 Huile sur toile 1,14 X 1,46 m Musée du Louvre, Paris
Pages 31 et 32-33 (détail) Édouard Manet
Olympia 1863 Huile sur toile 1,30 X 1,91 m Musée d'Orsay, Paris Pages 35 et 14-15 (détail) Gustave Doré Le Chat botté 1862 Estampe BnF, Paris Pages 37 et 4 (détail) Pierre Auguste Renoir Le Garçon ou chat 1868 Huile sur toile 1,23 X 0,66 m Musée d'Orsay, Paris Page 39 Pierre Bonnard
Le Chat blanc Page 25 Jean-Baptiste Perronneau Magdeleine Pince/oup de Lo Grange 1747 Huile sur toile 65 x 52 cm J. Paul Getty Museum, Los Angeles Pages 27 et 2 (détail) Jean-Jacques Bachelier Chat angora avec papillon Vers 1761 Huile sur toile 66 x 81 cm Musée Lambinet, Versailles Page 29 Eugène Delacroix Tête de chat 1824 Aquarelle sur papier 15,5 x 14 cm Musée du Louvre, Paris
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1894 Huile sur carton 51 x 33 cm Musée d'Orsay, Paris Page 41 Théophile Alexandre Steinlen Affiche pour Le Chat Noir 1896 Lithographie 93 x 34 cm LACMA, Los Angeles Page 43 Albert Marquet Portrait de la mère de /'artiste 1904 Pastel sur papier 61 x 50 cm Musée des Beaux-Arts, Bordeaux Page 45 Matisse Marguerite ou chat noir 1910 Huile sur toile 94 x 64 cm Musée national d'Art moderne, Centre Pompidou, Paris
Pages 47 et 48-49 (détail) Franz Marc Trois chats 1913 Huile sur toile 72,6 x 102,5 cm Kunstsammlung NordrheinWestfalen , Düsseldorf Page 51 Léonard Tsuguharu Foujita
Le Chat blanc 1920 Huile sur toile Collection particulière Page 53 Balthus Le Roi des chats 1935 Huile sur toile 78 x 50 cm Fondation Beyeler, Riehen Page 55 Pablo Picasso
Chat saisissant un oiseau 1939 Huile sur toile 81 x 100 cm Musée national Picasso-Paris Page 57 Alberto Giacometti
Le Chat 1951 Bronze 27,9 x 80 x 13,3 cm The Metropolitan Museum of Art, New York Page 59 Andy Warhol Som, Yel/ow Cet 1954 Lithographie Collection particulière
LES INATTENDUS Page 63 Seigneur souris servi par un chot Ostrocon de Deir-el-Médineh xv1•-x1' siècle av. J.-C. Calcaire Musées royaux d'Art et d'Histoire, Bruxelles Page 65 Chat mangeant une coi/le 11' siècle av. J.-C. Mosaïque Museo Archeologico Nationale, Naples Page 67 Gaston Phébus Chats sauvages, dons Le livre de
Pages 77 et 78-79 (détail) Abraham Teniers Chats et singes dons un salon de barbier Vers 1650-1670 Peinture à l'huile sur cuivre 24 x 30 cm Kunsthistorisches Museum, Vienne
Page 93 Maurice Denis Portrait de Mm• Ronson ou chat Vers 1892 Huile sur toile 89 x 45 cm Musée départemental MauriceDenis, Saint-Germain-en-Laye
Page 81 Pieter Boel Têtes de chats, un lopin, une tête de chèvre Vers 1670 Huile sur toile 41 x 32 cm Musée des Beaux-Arts, Alençon
Pages 95 et 3 (détail) Paul Gauguin
Pages 83 et 84-85 (détail) Francisco de Goya
chasse
1387-1388 Vélin, miniatures, lettres ornées BnF, Paris Pages 69 et 70-71 (détail) Lorenzo Lotto L'Annonciotion
1527-1528 Huile sur toile
114 x 66 cm Museo Civico di Villa Colloredo Mels, Recanati Page 73 Annibal Carrache Enfants tourmentant un chat Vers 1590 Huile sur toile 66 x 89 cm The Metropolitan Museum of Art, New York Pages 75 et 60-61 (détail) Frans Snyders Tobie de cuisine avec gibier et légumes Vers 1630 Huile sur bois 270 x 340 cm Musée des Beaux-Arts, Lyon
Eioho Ohipo (Ne travaille pas) 1896 Huile sur toile x 75 cm Musée Pouchkine, Moscou
65
Pages 97 et 98-99 (détail) Félix Vallotton Lo Paresse
Combat de chats 1786-1787
1896
Huile sur toile 56 x 196 cm Musée du Prado, Madrid
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Page 87 Eadweard Muybridge Chat qui court
1871-1885 Collotype sur papier blanc 17 x 41 cm Royal Academy of Arts, Londres Page 89 Émile Gallé Le Chat jaune
1880 Céramique glaçurée et pâte de verre 32 x 18 cm Musée départemental MauriceDenis, Saint-Germain-en-Laye Page 91 Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau Portrait de M. X, dit Pierre Loti Vers 1910 Huile sur toile 61 x 50 cm Kunsthaus, Zurich
Encre sur papier x 22 cm Musée d'Art et d'Histoire, Genève
Page 101 Marc Chagall Paris par la fenêtre
1913 Huile sur toile x 142 cm Salomon R. Guggenheim Museum, New York
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Page 103 Henri Cartier-Bresson Notre chat Ulysse et l'ombre de Martine
1989 Épreuve gélatine-argentique sur papier 36 x 25 cm Collection particulière Page 105 Jeff Koons Chat sur une corde à linge
1994-2001 Polyéthylène
310
x 280 x 127 cm Collection de l'artiste
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Crédits © Adagp, Paris, 2020 / photo Guggenheim: 101 © Artothek I Bridgeman Images: 47, 48-49 © BnF, Paris: 67 © Bridgeman Images: 4, 21, 22-23, 37, 39, 77, 78-79, 91 © Bridgeman Images I Royal Collection Trust, Her Majesty Oueen Elizabeth Il, 2020: 19 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Pala is I image Centre Pompidou, MNAM-CCI: 43 © Fondation Balthus, 2020: 53 © Fondation Foujita/ Adagp, Paris, 2020: 51 © Henri Cartier-Bresson / Agence Magnum, 2020: 103 © Jeff Kaons , 2020: 105 © Leonard de Selva I Bridgeman Images: 93 © Luisa Ricciarini / Bridgeman Images: 3, 65, 69, 70-71, 95 © Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais/ image of the MMA: 73
© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Decamps: 17 © Museo del Prado, Dist. RMN-GP / image du Prado: 83, 84-85 © Publ ic Domain / Getty Museum, Los A ngeles: 25 / Los Angeles County Museum of Art : 41 / Musée d'art et histoire, Genève: 97, 98-99 / Musée d'Orsay, Paris: 31, 32-33 / Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles: 63 © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) I T hierry Le Mage: 9 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux: 5, 29 © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz: 2, 14-15, 27, 35 © RMN -Grand Palais / Benoît Touchard: 89 © RMN-Grand Palais/ Jean-Gilles Berizzi: 81
© RMN-Grand Palais I René-Gabriel Ojéda: 60-61, 75 © Succession Alberto Giacometti (Fondation Alberto et Annette Giacometti, Paris + Adagp, Paris) 2020 / Photo Christie's: 57 © Succession H. Matisse, 2020 / Photo: Centre Pompidou, MNAMCCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian: 45 © Succession Picasso, 2020 I Photo Bridgeman Images: 55 © The Andy Warhol Foundation for the Visual A rts, Inc. / Licensed by ADAGP, Paris 2020 / Photo Christie's: 59 © The Stapleton Collection I Bridgeman Images: 87 En couverture Dessin original de ThéophileAlexandre Steinlen publié dans Contes à Sara. Histoires sons paroles, Paris, Librairie Conquet, 1898, première édition. Photo © Pierre Bergé & Associés
© 2020, éditions du Chêne Hachette Livre w ww.editionsduchene.fr
Direction: Emmanuel Le Vallois Édition : Hélène Sevin Direction artistique: Sabine Houplain
Fabrication : Rémy Chauvière
Conception graphique: Sophie Della Corte (ass istée d'Audrey Alves)
Photogravure : Reproscan
Textes: Alix Paré
Partenariat et ventes directes: Sylvie Rocland ([email protected])
Relecture-correction : Clémentine Bougrat Valérie Mettais
Relations presse : Hélène Maurice ([email protected])
Édité par les Éditions du Chêne (58 rue Jean Bleuzen, 92178 Vanves Cedex) Achevé d'imprimer en avril 2020 par Estella Graficas en Espagne Dépôt légal: mai 2020 ISBN: 978 -2-81232-056-9 42/3125/1- 01 LES
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