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French Pages [144] Year 2019
‘This book is a good contribution to the renewal of knowledge about Near Eastern art and architecture during the Hellenistic and Roman periods. It provides a series of interesting articles that illustrate the dynamism of current research and offer new insights based on recent work.’
Cette publication constitue les actes de la deuxième journée d’études sur l’art du Proche-Orient hellénistique et romain, qui s’est tenue à l’Institut Catholique de Paris le 29 mai 2018. Comme lors de la première journée d’études, publiée en 2018 (BAR S2897), les chercheurs ont abordé des sujets variés dans l’optique d’enrichir le débat concernant les échanges, contacts et transferts culturels dans le Proche-Orient antique. Sont ainsi évoqués l’architecture et l’urbanisme, la mosaïque, l’art funéraire, le portrait royal, les importations et exportations... Le domaine géographique couvert est également très vaste, débordant même le Levant. Il inclut la Syrie (Palmyre, Doura-Europos), le Liban, la Judée/Palestine, Délos et l’Égée ainsi que l’Égypte. Les approches, comme les thèmes traités par les auteurs, sont plurielles et exploitent les données de l’archéologie, l’épigraphie, la numismatique, l’iconographie, souvent en les croisant. Elles permettent de livrer de nouvelles interprétations.
Caroline Arnould-Béhar est maître de conférences en Histoire de l’art antique à l’Institut Catholique de Paris et membre de l’unité de recherche EA 7403 “Religion, culture et société”. Elle est également chercheur associée à l’UMR 7041 ArScAn, au sein de l’équipe Archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain (APOHR). Ses travaux portent sur l’art de la Palestine hellénistique et romaine. Véronique Vassal est directrice du Département d’Histoire de l’Art de l’Institut Catholique de Paris et membre associée de l’unité de recherche EA 7403 “Langues, Cultures, Histoire et Education”. Elle est également chercheur associée à l’UMR 7041 ArScAn, au sein de l’équipe Monde grec et systèmes d’information. Ses recherches portent sur la mosaïque antique, technique, décor, fonction architecturale ainsi que sur les échanges culturels et artistiques entre l’Orient et l’Occident. Contributeurs : Bilal Annan, Caroline Arnould-Béhar, Nicolas Bel, Jean-Sylvain Caillou, Gaëlle Coqueugniot, Christiane Delplace, Jacqueline Dentzer-Feydy, Hédi Dridi, Gérald Finkielsztejn, Anne-Marie Guimier-Sorbets, Christian-Georges Schwentzel, Véronique Vassal
Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain, volume 2
This book constitutes the proceedings of the second study day on art of Hellenistic and Roman Near East held at the Catholic University of Paris on May 29th 2018. As during the first study day, published in 2018 (BAR S2897), the researchers discussed various topics with the aim of enriching the debate on exchanges, contacts and cultural transfers in the ancient Near East: architecture and town-planning, mosaics, funerary art, royal portrait, imports and exports. The geographical area covered is also vast, extending even beyond Near East. It includes Syria (Palmyra, Dura-Europos), Lebanon, Judea/Palestine, Delos and the Aegean as well as Egypt. New interpretations are developed from diverse and interdisciplinary approaches, utilising the data of archaeology, epigraphy, numismatics and iconography.
ARNOULD-BÉHAR & VASSAL (Dir.)
‘The originality of this work is its crosscultural approach, exploring interconnections between East and West which have not attracted enough attention so far. It therefore provides a new scope in this research area and opens up an innovative, more transdisciplinary discussion.’ Dr Helen Fragaki, Universiteit Leiden
2019
Dr Caroline Durand, Research Associate, UMR 5189 Centre National de la Recherche Scientifique, Lyon
BAR S2934
BAR INTERNATIONA L SE RIE S 2934
Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain : les circulations artistiques entre Orient et Occident, volume 2 Actes de la journée d’études du 29 mai 2018, Institut Catholique de Paris Sous la direction de
Caroline Arnould-Béhar et Véronique Vassal B A R I N T E R NAT I O NA L S E R I E S 2 9 3 4
2019
Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain : les circulations artistiques entre Orient et Occident, volume 2 Actes de la journée d’études du 29 mai 2018, Institut Catholique de Paris Sous la direction de
Caroline Arnould-Béhar et Véronique Vassal B A R I N T E R NAT I O NA L S E R I E S 2 9 3 4
2019
Published in 2019 by BAR Publishing, Oxford BAR International Series 2934 Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain: les circulations artistiques entre Orient et Occident, volume 2 ISBN 978 1 4073 1686 4 paperback ISBN 978 1 4073 5607 5 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781407316864 A catalogue record for this book is available from the British Library
© The editors and contributors severally 2019 Cover Image Fragment du décor du temple de Jérusalem, Centre Davidson. © C. Arnould-Béhar The Authors’ moral rights under the 1988 UK Copyright, Designs and Patents Act are hereby expressly asserted. All rights reserved. No part of this work may be copied, reproduced, stored, sold, distributed, scanned, saved in any form of digital format or transmitted in any form digitally, without the written permission of the Publisher.
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REMERCIEMENTS Madame Anne Banny, doyenne de la Faculté des Lettres de l’ICP, qui a rendu possible la tenue de la journée d’études, l’équipe éditoriale et technique des British Archaeological Reports pour leur efficacité, les rapporteurs pour leurs conseils avisés, Rozenn Douaud qui a réalisé la carte placée au début du volume, Brigitte Steiger et Delphine Louis-Dimitrov pour leurs relectures attentives de l’anglais, Helena Romeo, doctorante à Paris I, pour son aide dans l’organisation de la journée d’études, le Bureau de la Recherche de l’ICP pour son soutien. Nous remercions également pour les crédits photogtaphiques : J. Aliquot, Les Archives photographiques du Musée épigraphique d’Athènes, les Archives CEAlex, Classical Numismatic Group, le Département des Antiquités de Palestine, Th. Fournet, A. Guimier, Z. Haddad, Interactive Ancient Mediterranean, the Israel Antiquities Authority (IAA), V. Miailhe, la Mission archéologique française de Palmyre, la Mission archéologique de Khirbet edh-Dharih, la Mission archéologique de Madâ’in, Musée du Louvre/Pierre et Maurice Chuzeville, Proyecto Arqueológico de Magdala (en particulier Marcela Zapata Meza et Rosaura Sanz Rincón), M.-P. Raynaud Photothèque Henri-Stern, Yale University Art Gallery.
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Les pavements d’opus signinum Technique, décor, fonction architecturale Véronique Vassal Oxford, BAR Publishing, 2006
BAR International Series 1472
Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain: les circulations artistiques entre Orient et Occident, volume 1 Actes de la journée d’études du 11 mai 2017, Institut Catholique de Paris Edited by Caroline Arnould-Béhar and Véronique Vassal Oxford, BAR Publishing, 2018
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BAR International Series 2897
SOMMAIRE Liste des auteurs..................................................................................................................................................................vi Avant-propos ......................................................................................................................................................................vii Caroline Arnould-Béhar et Véronique Vassal Urbanisme et architecture à Palmyre : le décor architectonique entre Occident et Extrême-Orient..........................1 Christiane Delplace Orient et Occident en Nabatène : quelques remarques sur l’emploi de l’ordre dorique ............................................13 Jacqueline Dentzer-Feydy Le « marché romain » d’Europos-Doura (Syrie) : morcellement et monumentalisation du centre de la ville à l’époque romaine ................................................................................................................................................................23 Gaëlle Coqueugniot Pour une typologie de la stèle funéraire en Syrie du Nord hellénistique et romaine : forme, structure, encadrement .......................................................................................................................................................................35 Nicolas Bel Les éloquentes aspérités de la mort. Sur quelques reliefs funéraires rupestres d’époque hellénistique de l’arrière-pays phénicien.....................................................................................................................................................51 Bilal Annan Le mausolée de Sébasté : nouvelles données....................................................................................................................65 Jean-Sylvain Caillou et Hani Nour Eddine La politique iconographique d’Agrippa Ier et la circulation des images entre Orient et Occident (37-44 apr. J.-C.) ...71 Christian-Georges Schwentzel Quelques témoignages d’une survivance de la tradition non-figurative dans l’art de la Palestine romaine et byzantine .............................................................................................................................................................................79 Caroline Arnould-Béhar Les mosaïques de Magdala (Galilée) : motifs géométriques et floraux .........................................................................89 Véronique Vassal Les scènes nilotiques sur les mosaïques : aller et retour entre Orient et Occident ....................................................101 Anne-Marie Guimier-Sorbets Traces archéologiques et épigraphiques carthaginoises en Égée ................................................................................. 111 Hédi Dridi Trente ans d’apports de l’étude des amphores importées au Levant Sud hellénistique ........................................... 123 Gérald Finkielsztejn Europe est-elle de Sidon ? (Résumé) ..............................................................................................................................133 Odile Wattel-de Croizant
v
LISTE DES AUTEURS B A Doctorant École Pratique des Hautes Études – Université Paris I – Ifpo UMR 8546 – AOrOc, École normale supérieure, équipe Hellénismes d’Asie et civilisations orientales C A -B Maître de conférences, Institut Catholique de Paris – EA 7403 : Religion, culture et société UMR ArScAn, Archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain (APOHR) N B Conservateur du patrimoine – DRAC Nouvelle-Aquitaine Doctorant Université Lyon 2 UMR 5189-HiSoMA J -S C Chercheur associé Ifpo Directeur de la Mission archéologique franco-palestinienne de Samarie-Nord Palestine (MAS), Institut Français du Proche-Orient (Ifpo) G C Éditrice CNRS, USR 3225, MAE Nanterre UMR ArScAn, Histoire et archéologie de l’Orient cunéiforme (HAROC) C D Directeur de Recherche émérite au CNRS Dirige la Mission Archéologique Française de Palmyre de 2001 à 2008 UMR ArScAn, Archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain (APOHR) J D -F Directeur de Recherche émérite au CNRS UMR ArScAn, Archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain (APOHR) H D Professeur d’archéologie de la Méditerranée antique, Université de Neuchâtel UMR 8167, Orient et Méditerranée – Mondes sémitiques G F Archéologue émérite Autorité des Antiquités d’Israël (Israel Antiquities Authority-IAA) A -M G -S Professeur émérite de l’Université Paris Nanterre UMR ArScAn, équipe Archéologie du monde grec et systèmes d’information C -G S Professeur des Universités en Histoire ancienne à l’Université de Lorraine Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire (CRULH) V V Directeur du département d’histoire de l’art, Institut Catholique de Paris Chercheur associé Université Paris Nanterre UMR ArScAn, équipe Archéologie du monde grec et systèmes d’information
vi
AVANT-PROPOS Les approches, comme les thèmes traités par les auteurs, sont plurielles et exploitent les données de l’archéologie, l’épigraphie, la numismatique, l’iconographie, souvent en les croisant. Elles permettent de livrer de nouvelles interprétations.
This book is a collection of twelve edited papers from a study day held at the Catholic University of Paris on May 29 2018, devoted to artistic exchanges between the East and the West in the Near East during the Hellenistic and Roman periods. It follows a first volume containing the proceedings of a first study day organised in 2017 on the same subject (note 1).
Aux questions de transferts culturels, de circulation des formes, des motifs et des idées s’ajoute, dans ce second volet, celle de la circulation des biens et des personnes. Elle est soulevée par Gérald Finkielsztejn qui observe la répartition des amphores dans le Levant sud à la période hellénistique et par Hédi Dridi qui s’intéresse aux témoignages de la présence de Puniques dans la Méditerranée orientale et jusque sur les rives de la mer Noire.
The issues addressed here reflect the cultural diversity of the Near East in these periods and highlight the interactions between the cultures of Greece and Rome and the local, sometimes even Middle or Far East, cultures. Contributors examine a variety of examples in the fields of architecture and town-planning, sculpture, mosaic, numismatics, iconography and epigraphy which allow them to deliver new interpretations. In addition to the questions of cultural transfers, of the circulation of forms, iconographic motifs and ideas, the book considers the movement of goods and persons in the last two papers.
Le champ géographique couvert par ce second volume a été élargi à l’Égypte et à l’Égée, régions abordées par Anne-Marie Guimier-Sorbets pour la première, Hédi Dridi pour la seconde. Le reste des contributions porte sur la Syrie du nord, Palmyre, Doura-Europos, la Nabatène, le Liban et la Judée/Palestine.
The present volume still focuses on the Near East (Northern Syria, Palmyra, Dura-Europos, Phoenicia, Nabataea, Judea/Palestina) but the area under study is enlarged to Egypt and Egea in two of the papers.
Le volume contient douze articles rédigés en français et accompagnés d’un résumé français et anglais ainsi que les résumés français et anglais de la communication délivrée lors de la journée d’études par Odile Wattel-de Croizant (« Europe est-elle de Sidon ? »). Le lecteur pourra se référer à la carte de la région placée au début de l’ouvrage.
L’ouvrage rassemble douze articles issus des communications présentées au cours d’une journée d’études qui s’est tenue à l’Institut Catholique de Paris (ICP) le 29 mai 2018 sur le thème des circulations entre Orient et Occident dans le Proche-Orient hellénistique et romain. Il fait suite à un premier volume publié en 2018 contenant les actes de la première journée d’études organisée sur le même thème à l’ICP, en mai 20171.
Les textes sont regroupés en fonction de leur thématique commune. Les trois premiers ont pour sujet, au moins pour partie, l’architecture, l’urbanisme et le décor architectural. Les trois suivants portent sur l’art funéraire. Les autres traitent de sujets en rapport avec les problématiques d’échanges et de transferts, qu’ils soient de biens, d’idées ou de motifs.
Organisées par Caroline Arnould-Béhar et Véronique Vassal, ces deux rencontres ont permis de rassembler des chercheurs aux profils et domaines d’activités variés (archéologues, historiens d’art et historiens) se complétant par leurs travaux. Le thème commun des circulations, envisagé de façon large, a été traité à travers une série de cas d’étude permettant d’observer les situations de contact et de croisements entre les cultures de la Grèce et de Rome, les cultures locales et, dans certains cas, moyenou extrême-orientales. Les questions abordées reflètent la diversité culturelle du Proche-Orient durant les périodes hellénistique et romaine.
C’est avec Palmyre que débute l’ouvrage, et plus précisément ses décors de pierre et de stuc étudiés par Christiane Delplace. Se basant sur quelques exemples significatifs, celle-ci met en évidence la double filiation de l’art de Palmyre, à la croisée de l’Orient et de l’Occident. Tandis que certains éléments de décor relèvent d’un courant hellénisant, d’autres montrent une parenté avec des décors des aires mésopotamienne, iranienne ou même plus lointaines. C. Delplace remarque par exemple que le mode de présentation en très haut relief de têtes en stuc de Palmyre est attesté dans ces régions et que les meilleurs parallèles se trouvent dans le monde kouchan.
1 C. Arnould-Béhar, V. Vassal, Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain : les circulations entre Orient et Occident, Oxford, BAR, (BAR International Series 2897).
Jacqueline Dentzer-Feydy se penche sur les formes sous lesquelles l’ordre dorique s’est développé en vii
Caroline Arnould-Béhar et Véronique Vassal L’article de Jean-Sylvain Caillou, rédigé en collaboration avec Hani Nour Eddine, a pour objet un mausolée mis au jour à Sébasté par les archéologues américains en 1908 et qui a récemment été réexaminé par la Mission archéologique franco-palestinienne de Samarie dirigée par l’auteur. Les résultats préliminaires des nouvelles fouilles sont présentés. Elles ont conduit à interpréter le monument comme un tombeau-temple, témoignant de la romanisation des élites de Samarie.
Nabatène. L’auteur examine d’abord la situation dans l’ensemble de la région, constatant que c’est sous une forme simplifiée que le dorique s’y présente (colonnes généralement dépourvues de cannelures, mutules absentes de la corniche et parfois même absence de gouttes sous les triglyphes). Sur les sites nabatéens l’ordre dorique est attesté par des colonnes à bases et chapiteaux moulurés dont elle questionne l’origine, faisant l’hypothèse d’une introduction de l’ordre toscan depuis l’Italie ou par l’intermédiaire de l’Asie Mineure. J. Dentzer-Feydy constate, par ailleurs, le large usage fait par l’architecture nabatéenne de l’ordre composite corinthien/dorique avec un entablement composite à frise dorique.
Les quatre articles suivants consistent principalement en une étude iconographique. L’étude des images des monnaies frappées dans le royaume d’Agrippa Ier amène Christian-Georges Schwentzel à s’interroger sur les intentions du souverain dans son utilisation de l’iconographie pour servir sa politique. L’auteur constate que le roi client a émis deux séries distinctes : un monnayage de type grec frappé dans des cités ayant le statut de polis et un de type juif à Jérusalem. Par ce biais, Agrippa rend hommage à la famille impériale tout en se faisant accepter par ses sujets. L’iconographie monétaire montre par ailleurs la cohabitation d’images du pouvoir venues de Rome et d’autres issues de Perse.
Gaëlle Coqueugniot s’intéresse au « marché romain » de Doura-Europos, une vaste cour à colonnade construite au centre de la ville dans la seconde moitié du IIe ou au début du IIIe siècle. L’étude des vestiges en place en 2009 a permis à l’auteur de corriger et d’affiner la datation de ce bâtiment semi-privé à vocation commerciale et de reconnaître quatre phases de construction. Si la forme architecturale – celle du macellum romain – est importée, sa vocation commerciale ne le distingue pas des autres aménagements de ce secteur de la ville. G. Coqueugniot retrace dans son article le développement urbanistique du quartier de l’agora qui reflète deux phénomènes caractéristiques de la période de la domination romaine : la monumentalisation et la réduction de l’espace public.
Caroline Arnould-Béhar questionne l’idée d’une discontinuité entre l’art juif de la période hérodienne regardé généralement comme aniconique et celui de l’Antiquité tardive analysé comme ayant pleinement adopté la figuration. Elle observe, dans le domaine de la sculpture principalement, la persistance d’une tendance non-figurative. L’une de ses expressions est le motif de l’arcade ou de la niche vide représenté déjà sur des ossuaires d’époque hérodienne et qui se rencontre encore dans le décor de synagogues de la période romaine tardive ou byzantine. L’auteur voit aussi dans la schématisation de la figure humaine le choix d’une abstraction en conformité avec une tradition ancienne d’aniconisme.
Les trois études suivantes sont consacrées à la thématique funéraire. Nicolas Bel nous livre le premier volet de ses recherches en cours sur les stèles funéraires de la Syrie du nord hellénistique et romaine. Dans cette première étape, l’analyse est typologique et prend en compte la forme de la stèle et sa structure architectonique. Bien qu’inachevée puisqu’elle sera suivie d’une analyse iconographique, l’étude permet d’entrevoir des différences régionales et de mettre en évidence des typologies purement romaines et d’autres locales. Ainsi, à côté des stèles à fronton ou à niche rectangulaire qui renvoient à des schémas grécoromains, les stèles hautes et à sommet cintré ou les stèles à niche paraissent témoigner d’un lien avec des modèles locaux.
Véronique Vassal s’intéresse aux mosaïques mises au jour sur le site de Magdala, en Galilée. Elle porte son attention plus particulièrement sur les tapis ornés de rosaces décorant, l’un, une pièce proche du mikvé de la ville et l’autre la synagogue. Les parallèles qu’elle propose appartiennent au monde occidental (Pompéi, Tindari…) mais aussi à la Méditerranée orientale. La parenté avec des objets de l’artisanat local d’inspiration mésopotamienne ou égyptienne tels que des ivoires de Megiddo ou de Chypre ainsi que des récipients en faïence et parfois en terre-cuite lui permet de souligner le rapport entre les différents types d’artisanats.
L’étude des reliefs funéraires rupestres de l’arrière-pays libanais a retenu l’attention de Bilal Annan. Situés dans la région de Byblos pour la majorité mais également à Qana, dans le sud du Liban, ces reliefs ont été négligés par la recherche. L’auteur en livre une description détaillée, complétant et précisant celles, anciennes, d’Ernest Renan et d’Henri Seyrig. L’analyse iconographique et stylistique lui permet de confirmer le caractère funéraire de ces reliefs. Les thèmes représentés comme les vêtements portés par les personnages s’inscrivent à la fois dans la tradition grecque et dans la tradition locale. Un faisceau d’indices – le plus important étant la représentation de chapiteaux éoliques – conduit B. Annan à suggérer une datation à la période hellénistique pour cette série de reliefs.
L’article d’Anne-Marie Guimier-Sorbets est consacré aux scènes nilotiques, un thème privilégié dans les mosaïques et qui se prête bien à la question des circulations et des transferts culturels. L’auteur retrace les développements du thème depuis l’Égypte lagide où il fait son apparition, son adoption dans l’Italie de la fin de la période républicaine puis sa diffusion dans l’ensemble de l’Empire. Tandis que les artistes hellénistiques s’attachent à représenter de viii
Avant-propos manière détaillée le fleuve, sa flore et sa faune, les Romains privilégient le caractère comique des représentations mettant en scène les « pygmées ». L’article se termine sur l’étude approfondie d’un pavement de Thmouis figurant une scène de banquet nilotique. Les deux dernières contributions portent sur les échanges de produits et les déplacements de personnes et ont pour dénominateur commun de prendre en compte les données de l’amphorologie. C’est par une approche fondée sur le croisement des sources archéologiques et épigraphiques qu’Hédi Dridi propose d’aborder la question de la présence carthaginoise en Égée. La présence d’amphores, en particulier, constitue une source d’information majeure qui s’ajoute aux données de l’épigraphie et des sources textuelles. Les témoignages attestent la présence de produits ou d’individus en Attique, à Délos et jusque sur les rives de la mer Noire. Ces témoignages permettent à H. Dridi d’entrevoir une période, le IIe siècle avant J.-C., de dynamisme commercial pour Carthage. Des marchands se seraient implantés à Délos et auraient développé de nouveaux marchés sur les rives de la mer Noire. La contribution de Gérald Finkielsztejn consiste en un bilan et une mise à jour des travaux réalisés au cours des trois dernières décennies sur les amphores importées au Levant sud hellénistique. L’apport des témoignages des amphores est considérable et souligné par l’auteur qui a consacré l’essentiel de sa carrière à leur étude. La présence d’amphores d’origines très variées atteste la pleine intégration du Levant sud aux échanges internationaux de la période hellénistique. Caroline Arnould-Béhar et Véronique Vassal
ix
Canope Alexandrie
é
Smar Jbeil
ISRAËL
Jérusalem Beit Nattif Herodion En-Gedi Massada Dharih
JORDANIE
Iraq al-Amir
Beidha Pétra
PALESTINE
Mashnaqa Baalbek Qalaat Fakra Sidon LIBAN Chalcis Qana Banias Dabura Chorazin ’En Nashut Magdala Assaliye Tibériade Gamla Sepphoris Suweida Beth She’arim Gadara Megiddo Césarée Bosra Sébasté Gerasa
Birket Hjoula Byblos Ghineh
Enkomi
Carte du Proche-Orient avec les principaux sites mentionnés (infographie Rozenn Douaud UMR 7041)
e
CHYPRE
EGYPTE
n a r r ite d é M r Me
Fond de carte : Martin Sauvage (CNRS, UMR 7041 ArScAn, Nanterre)
N
0
200 km
ARABIE SAOUDITE 100
SYRIE
Palmyre
IRAQ
3000 2000 1500 1000 500 200 100 0
mètres
Doura Europos
URBANISME ET ARCHITECTURE À PALMYRE : LE DÉCOR ARCHITECTONIQUE ENTRE OCCIDENT ET EXTRÊME-ORIENT Christiane Delplace Résumé Après une brève synthèse sur l’évolution urbanistique et architecturale de Palmyre, mettant en évidence les éléments occidentaux et orientaux dans ces deux domaines, l’analyse du décor architectonique en pierre et en stuc révèle des influences venues du monde parthe (le costume palmyrénien), de la Chine des Han (textiles), de l’Inde kouchane... Pour le décor architectonique, les monuments publics recourent davantage à la pierre, les maisons privées à leur transposition en stuc. Si le style s’inscrit dans la tradition hellénisante, la technique du haut-relief se rapproche du monde asiatique central et extrême-oriental. Mots-clés : pierre, stuc, hellénisant, parthe, kouchan, chinois, temple, maison, tombeau-tour, commerce. Abstract A short synthesis on the urban and architectural evolution of Palmyra highlights the Western and Eastern elements in these two areas. It is followed by an analysis of the architectural decor in stone and stucco which reveals influences from the Parthian world (the palmyrenian costume), China Han (textiles), India kouchane. As for the architectural décor of public monuments, these rely more on stone, whereas private houses rely on their stucco transposition. If the style is part of the Hellenistic tradition, the technique of high relief is closer to the central Asian and Far Eastern world. Keywords: stone, stucco, hellenizing, parthian, kushan, chinese, temple, house, tomb-tower, trade.
En architecture, l’exemple de l’agora entre basilique et curie, dont on peut situer la construction entre 70 et 130, est issu d’un modèle romain regroupant toutes les fonctions politique, judiciaire et commerciale. Même si le type d’agora se rapproche davantage du modèle de l’agora ionienne de plan péristyle qui s’est développé en Asie Mineure à partir du IIIe siècle avant J.-C.5, le regroupement des trois composantes est romain. Il manque cependant le temple de type capitolin généralement présent et ouvrant sur le forum. Mais nous ignorons tout de la situation au nord-est de l’agora avant l’époque où fut implantée la mosquée identifiée à cet endroit par la mission suisse de D. Genequand6.
Bien que l’on commence à entrevoir l’histoire de Palmyre depuis le IIIe millénaire avant notre ère grâce aux recherches en cours de Michel Al-Maqdissi avec les sondages effectués en mars 2011 dans l’enceinte du sanctuaire de Bêl1, reprenant des recherches plus anciennes effectuées par R. de Mesnil du Buisson en 19662, et les plus anciennes inscriptions palmyréniennes reflétant l’existence d’anciennes tribus toutes présentes dans le temple de Bêl3 (fig. 1), c’est essentiellement aux trois premiers siècles de notre ère que l’on peut saisir l’histoire et l’importance de Palmyre. L’étude de l’urbanisme a permis de suivre l’extension de la ville du sud vers le nord, d’un noyau que l’on peut saisir au sud du wadi pour une occupation d’époque hellénisticoromaine, puis une première extension vers le nord avec le groupe agora entre curie et basilique et une première tentative de mise en place d’une grande voie à colonnades dans la seconde moitié du Ier et dans la première moitié du IIe siècle, pour atteindre sa plus grande extension vers le nord à l’époque sévérienne4 (fig. 2). 1 2 3 4
A titre de comparaisons pour ce type de regroupement, je citerai les exemples d’Ordona en Italie, de Feurs en France, de Belo en Espagne ou de Cuicul-Djemila en Algérie7. D’aspect plus commercial par la présence de boutiques, j’évoquerai l’exemple du marché suburbain M103 d’époque sévérienne (fig. 3) − objet des recherches de
Sous presse. Du Mesnil du Buisson 1966 ; Al-Maqdissi 2000. Delplace, Dentzer-Feydy 2017. Delplace, Dentzer-Feydy 2005 ; Delplace 2017.
Martin 1951, p. 449-524. Genequand 2013, p. 97-114. 7 Voir pour d’autres exemples : Delplace, Dentzer-Feydy 2005, fig. 465485. 5 6
1
Christiane Delplace
Fig. 1 : Palmyre des Ier et IIe siècles. Localisation des inscriptions mentionnant les tribus et leurs relations avec les sanctuaires connus (d’après Delplace, Dentzer-Feydy 2017, p. 79, fig. 2).
De même, les statues et reliefs en pierre, par exemple du sanctuaire d’Allat, présentent ce même mélange d’origines : si la statue de culte d’Allat au IIe siècle est une copie de l’Athéna Parthénos, d’autres statues plus anciennes relèvent d’une autre influence, sans doute parthe.
la Mission archéologique française entre 2001 et 2008 − ainsi que d’autres structures périphériques qui reprennent un plan assez semblable8 et dont certaines ont été l’objet de fouilles récentes9. L’architecture religieuse dont l’un des exemples les plus connus est le temple de Bêl10 dans sa phase monumentale (visible jusqu’en 2015), remontant au Ier siècle après J.-C., est dans la tradition hellénistico-romaine, avec cependant des éléments orientaux comme la présence de merlons, l’existence de thalamoi ou adyta flanqués d’escaliers menant au toit où pouvaient se dérouler des cérémonies religieuses.
Sur des reliefs provenant du sanctuaire d’Allat, sont figurées deux scènes différentes : une chasse à la panthère poursuivie par un cavalier tirant à l’arc sur le fauve d’une part13, un cavalier tenant un agneau à grosse queue sous le bras gauche et présentant une couronne de laurier de la main droite d’autre part14. Les deux cavaliers portent un vêtement que l’on peut rapprocher du vêtement d’une statue funéraire du tombeau Qasr el-Abiad – Q280 (fig. 4a). De même, on rapprochera de ces exemples la statue en bronze de Shami15. Déjà en 1937, H. Seyrig avait mis l’accent sur ce rapprochement avec le monde parthe16. C’est le même costume qui se retrouve également dans plusieurs tombeaux à Palmyre (fig. 4b). Ailleurs, on peut retrouver des togati de type romain, des personnages portant un costume local, des prêtres portant le mortier et vêtus de longue robe. C’est un peu ce mélange culturel qu’a
Les temples d’Allat ou de Baalshamin, pour les phases datées des années 130-150, d’aspect gréco-romain (sur podium, avec péristyle et pronaos à colonnes in antis) ont été précédés de temples de traditions différentes : d’origine arabe pour Allat11, originaire du sud de la Syrie pour Baalshamin12.
8 9 10 11 12
13
Gawlikowski 2017, p. 224, fig. 192 : du Ier siècle avant J.-C. Gawlikowski 2017, p. 215, fig. 180 : du Ier siècle après J.-C. 15 Seyrig 1939. 16 Dans une étude sur les origines « iraniennes » d’un type de vêtement porté par les Palmyréniens : Seyrig 1937.
Dentzer 1994. En synthèse : Delplace 2017, p. 132-140. Synthèse : Seyrig, Amy, Will 1975. Synthèse : Gawlikowski 2017. Synthèse : Collart, Vicari 1969.
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Urbanisme et architecture à Palmyre
Fig. 2 : Proposition de restitution de J.-Cl. Golvin : la cité de Palmyre dans sa plus grande extension. On reconnaît au sud du wadi : la ville hellénistique. Au nord du wadi et au sud de la grande colonnade, d’ouest en est, se développent la colonnade transversale, un quartier d’habitation, la colonnade partant du tetrakionion en direction du sanctuaire d’Arsû, le groupe de l’agora entre curie et basilique, le théâtre inscrit dans sa place et la colonnade en direction du sud, un quartier d’habitation, le sanctuaire de Nabû, et le dernier tronçon de la grande colonnade partant de l’arc vers le sanctuaire de Bêl. A l’arrière de celuici, la grande maison d’Achille et Cassiopée. Au nord de la grande colonnade, toujours d’ouest en est, on rencontre le secteur d’habitat disposé en lanières (per strigas) intégrant le sanctuaire de Baalshamin, puis un habitat plus distendu à l’arrière des thermes ouvrant sur le tronçon central de la grande colonnade, et, partant des environs de l’arc, une grande voie se dirigeant vers le nord desservant un marché suburbain et l’amphithéâtre. En limite nord se situait le « port » de la cité. Conservant encore un caractère suburbain, on relève le sanctuaire d’Allat à l’ouest, de même que les nécropoles ouest et nord. Enfin, la palmeraie est largement présente au sud et à l’est de la cité (d’après Delplace 2017, p. 111-113).
représenté Th. Fournet dans sa restitution du monument pour notre ouvrage sur l’Agora de Palmyre17 (fig. 5).
Palmyre et ceux de Mathura en Inde, datés de l’époque kouchane, soit le IIe siècle après J.-C. (fig. 6). Or, l’on sait par trois inscriptions du milieu du IIe siècle20, que des relations commerciales à grande distance existaient entre la Scythie (Inde) et Palmyre, notamment par mer. Cependant, le saut chronologique apparaît assez important, et H. Seyrig soulignait le caractère exceptionnel dans l’art indien de la modénature qu’il décrivait pour Mathura21, qui comme le Gandhara, se situaient dans des provinces ayant subi les influences grecques et iraniennes. Mais soulignait-il, le motif ne pouvait être expliqué par une influence grecque, ce qui l’amenait à se tourner vers l’Iran parthe. Or, il est de notoriété, après nombre d’études, que les caravaniers palmyréniens s’étaient établis ou entretenaient, dès le Ier siècle, des relations suivies avec les comptoirs de commerce à Babylone et Séleucie, puis de manière plus intensive en Basse-Mésopotamie, avec
Dans le décor architectonique, tant en pierre qu’en stuc, on peut retrouver ces diverses influences, sans qu’il soit toujours possible d’en identifier le lieu d’origine. Si les frises des corniches et frontons des portes et fenêtres des monuments de Palmyre apparaissent relativement répétitives18, certains éléments trahissent une origine différente. En 1940, H. Seyrig19, analysant les reliefs découverts dans la fondation T du sanctuaire de Bêl, remontant à la phase première du grand temple, soit la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère, avait mis en évidence les parallèles existant entre des chambranles de
Delplace, Dentzer-Feydy 2005. Que l’on songe aux nombreux exemples du temple de Bêl : Seyrig, Amy, Will 1975, p. 253-255, Alb. 124-129 (notamment, les grecques, oves, rais-de-cœur, perles et pirouettes, denticules ...) ; ou à l’agora : Delplace, Dentzer-Feydy 2005, p. 60-69. 19 Seyrig 1940. 17 18
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Delplace 2003 ; IGLS XVII,1, n° 248, 250, 26. Seyrig 1940, p. 291.
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Fig. 3 : Plan-masse du marché suburbain M103 (par E. Saliège, à partir des relevés de Th. Fournet, N. Aubin et E. Saliège, Mission archéologique française de Palmyre ; d’après Delplace 2017, p. 136).
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Urbanisme et architecture à Palmyre
Fig. 4a : Statue funéraire provenant du tombeau dit Qasr el-Abiad (= Q280) (d’après Seyrig 1939, p. 180-181, pl. XXV). Fig. 4b : Hypogée de Bolha (= S135) dans la nécropole sud-est, daté de 89 : l’une des chambres latérales avec le lit funéraire portant un membre de la famille accoudé sur klinè (d’après Delplace 2017, p. 100).
Fig. 5 : Vue restituée de l’agora à partir de l’angle ouest (dessin Th. Fournet, 2001, d’après Delplace, Dentzer-Feydy 2005, p. 116, fig. 202).
Vologésiade, Spasinou Charax, et Forat22, aux portes de l’Iran ou dans des territoires sous influence ou contrôle
parthe, et cela jusqu’en 161. Après une interruption d’une vingtaine d’années − en raison de la guerre entre Parthes et Romains, et de la tentative d’usurpation d’Avidius Cassius en 175 − le commerce caravanier reprenait ainsi que l’atteste une inscription datée de 193. Cette reprise correspondait aussi à l’arrivée au pouvoir dans ces années de la fin du IIe siècle, de Septime Sévère. Le commerce
22 Voir l’ensemble de la documentation rassemblée par Chr. Delplace et J.-B. Yon, dans Delplace, Dentzer-Feydy 2005, p. 151-254 ; Yon, IGLS XVII,1, 2012, passim sous la rubrique « Caravanes » de chaque monument. L’article fondateur est dû à Michel Gawlikowski 1994.
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Christiane Delplace conforté cette interprétation qui place Palmyre − sans exclusive cependant − au centre de ces contacts. Dans différentes maisons de Palmyre, de nombreux stucs ont été découverts qui ont fait l’objet de deux tables rondes en 2013 et 201429; ils ont révélé pour Palmyre, l’existence de décors très semblables dans leur ensemble, et remontant tous plus ou moins à l’époque sévérienne, vraisemblablement dépendant d’un même atelier : les décors architectoniques sont proches du traitement en pierre mais ils intègrent de grandes figures en haut relief surgissant de la paroi. A titre d’exemples, j’évoquerai la maison dite hellénistique30, intégralement publiée, le site de la source Efqa31 et la grande demeure à l’est du sanctuaire de Bêl. Pour cette dernière, les stucs proviennent dans leur grande majorité des pièces situées à l’est du grand péristyle 5, groupe de pièces que nous aurions tendance à interpréter comme un haremlik (fig. 7). Outre les frises architectoniques de différents modules rappelant les frises en pierre (perles et pirouettes, oves ...), de nombreux stucs sont figuratifs : poisson, bélier, têtes masculines et féminines, figures en pied ... (fig. 8).
Fig. 6 : Reliefs. A gauche un relief de chambranle de Palmyre présentant une succession de frises : une plate-bande avec rinceau de vigne entre deux listels, une profonde feuillure de profil carré, un tore ciselé d’un entrelacs avec perles, un tore avec feuilles imbriquées, une plate-bande ornée d’une succession de petits bouquets de trois feuilles et perles. A droite un relief de Mathura (Inde) : si la moitié gauche est illustrée de scènes religieuses locales, la moitié droite rappelle le décor palmyrénien avec le tore ciselé, le tore avec feuilles imbriquées plus schématiques, la plate-bande avec rinceau de feuilles (d’après Seyrig 1940, pl. XXX).
De même que pour les frises architectoniques, la présence d’éléments figuratifs n’est pas spécifique aux décors en stuc. Si l’on explore les décors en pierre, on retrouve, sans qu’elles soient toujours très représentées, de telles figures dans notre documentation ; compte tenu de leurs dimensions réduites, elles ont pu attirer l’attention des pilleurs d’antiquités32. En reprenant la documentation palmyrénienne, nous pouvons relever la présence de figures humaines − généralement des têtes masculines, féminines ou indéterminées − ornant une dalle de plafond du temple de Bêl33, ainsi qu’à l’agora, mais sans provenance précise34, ou ornant l’abaque de chapiteaux corinthiens, comme à l’agora35 ou au sanctuaire de Nabû36. Tous ces éléments sont à dater de la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. alors que les stucs relèveraient plutôt de l’époque sévérienne, ou un peu plus tôt vers la fin du IIe, accusant ainsi un bon siècle de différence.
reprenait, mais de manière, semble-t-il moins intensive, pour se prolonger jusqu’à l’époque d’Odainath : la dernière mention épigraphique évoquant l’activité des caravanes, se situe en 262/3 – 267/8 et rappelle la carrière d’un personnage très célèbre à Palmyre, Septimius Worod23, qui a parfois été considéré comme étant d’origine parthe24 et proche d’Odainath ou/et de son fils25. Ces décors architectoniques ont pu également avoir été influencés par des motifs transmis sur textiles, dont certains exemplaires ont été retrouvés dans les tombes palmyréniennes ; ces documents ont fait l’objet d’études très intéressantes effectuées par la mission archéologique allemande dirigée par A. Schmidt-Colinet26. Parmi ces textiles, des tissus en soie notamment ont révélé une origine chinoise. Quelques tombes ont été recensées qui ont livré de tels tissus ; les plus importantes sont celles de Kitôt, fondée en 40, de Iamlikhô, fondée en 83, et d’Elahbel, fondée en 10327, qui ont d’ailleurs été occupées parfois très longtemps. Les soies qui y ont été découvertes sont généralement polychromes, mais le tombeau d’Atenatan, fondé en 9 avant J.-C. avait déjà livré de la soie monochrome28.
Une découverte intéressante, par le nombre d’exemplaires recueillis, par sa localisation et par sa chronologie, a été faite dans une région relativement éloignée de Palmyre : Dentzer-Feydy, Guimier-Sorbets, Delplace 2019 : comportera les articles de Claudine Allag et Nicole Blanc pour le site de la source Efqa, de Michel Gawlikowski pour l’insula fouillée par la mission polonaise, de M.T. Grassi pour la maison en cours de fouille par la mission italienne, de B. Tober en synthèse de son étude sur les stucs et peintures de la maison dite hellénistique (voir note suivante), de Chr. Delplace, pour les stucs de la grande demeure située à l’est du sanctuaire de Bêl, fouillée en 1940-1941. 30 Tober 2013. Un document synthétique dans Delplace 2017, p. 142143. 31 Eristov, Blanc, Allag 2009 ; Allag 2014 ; Blanc 2014. 32 Lors de notre inventaire des stucs de la grande maison à la fin des années 2000, nous avons pu constater qu’un certain nombre des plus beaux exemplaires avaient disparu : destruction au cours des déménagements divers, disparition, mauvais rangement ... ? 33 Seyrig, Amy, Will 1975, pl. 135, 18-19. 34 Delplace, Dentzer-Feydy 2005, p. 308-309, fig. 401-402. 35 Delplace, Dentzer-Feydy 2005, p. 308-310, fig. 403-406. 36 Bounni, Seigne, Saliby 1992, photogr. 96-97. 29
Les reliefs en pierre ne sont pas les seuls à refléter les relations entre Occident (Grèce et Rome) et Orient (Iran, Inde). Les recherches récentes sur les décors en stuc ont
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Delplace 2017, p. 170-173. Interprétation discutée et mise en doute par Will 1996. Voir Yon 2002, p. 148-150. Schmidt-Colinet, Stauffer, Al As’ad 1999. Schmidt-Colinet 1997, p. 28 (carte). Clauss 2001, p. 75-78.
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Cassiopée 18
Achille 16
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N PALMYRE maison à l’est de Bêl 0
5m
10m
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Fig. 7 : Palmyre. La grande demeure à l’est du sanctuaire de Bêl (à partir du relevé de R. Duru (1941) réalisé pour la publication en préparation, de Chr. Delplace et J. Dentzer-Feydy).
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Christiane Delplace
Fig. 8 : Palmyre. Stucs de la grande demeure : a. Frise de corniche (d’après Delplace 2019, fig. 4b) ; b. Console en forme de corbeille de fruits (photo CD = Delplace 2019, fig. 5a) ; c. tête féminine (cl. IFAPO F 3388 = Delplace 2019, fig. 10a) ; d. jeune femme drapée dansant (cl. IFAPO F 3399 = Delplace 2019, fig. 13a).
il s’agit de la découverte d’un important lot de petites têtes humaines détachées de l’abaque de chapiteaux corinthiens en pierre mis au jour dans la périphérie nord de Petra, en Nabatène, plus précisément à Beidha37. Ces têtes38 ont été trouvées dans une structure partiellement conservée, relevant d’un édifice avec cour à portique à décor dionysiaque ; l’ensemble serait à dater du règne du roi de Nabatène, Malichos Ier, soit entre 59/8 et 30 avant J.-C. Les auteurs de l’étude identifient deux groupes stylistiques, un groupe hellénisant et un groupe de style plus provincial, tous deux datés entre 60 et 30 avant J.-C. Quant à l’iconographie, elle se rattacherait à un courant dionysiaque dont on retrouve les traces notamment dans les chapiteaux corinthiens (rinceaux de vigne, grappes de
raisin ...) et dans plusieurs têtes elles-mêmes39. En outre, certaines d’entre elles, bien que plus anciennes d’au moins deux siècles, peuvent être rapprochées de certaines têtes en stuc de Palmyre, tant les têtes féminines40 que les têtes masculines barbues41. Les têtes en stuc de Palmyre s’intègrent elles aussi dans deux courants, l’un hellénisant, l’autre plus « local ». Le cas de Beidha ne serait pas isolé, mais son côté exceptionnel résiderait dans le nombre d’exemplaires recensés, dans l’état actuel de nos connaissances. Les auteurs de l’étude de Beidha rappellent l’existence de quelques exemples isolés à Petra même, à Ez Zantur et dans quelques autres sites de Nabatène jusque dans le
Bikai, Kanellopoulos, Saunders 2008, fig. 21, 2, identifiée comme un Dionysos. 40 Tête féminine de Palmyre, Inv. F3397a (Delplace 2019, fig. 10b), avec Beidha (Bikai, Kanellopoulos, Saunders 2008, fig. 22,16). 41 Tête barbue de Palmyre, Inv. F3395b (Delplace 2019, fig. 8c), avec Beidha (Bikai, Kanellopoulos, Saunders 2008, fig. 22, 14). 39
37 Bikai, Kanellopoulos, Saunders 2008. Je remercie J. Dentzer-Feydy de m’avoir signalé cet article. 38 Bikai, Kanellopoulos, Saunders 2008, p. 477-490, et principalement les figures 15, 21-23. Catalogue aux p. 499-503 : 31 têtes.
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Urbanisme et architecture à Palmyre Hauran42. Enfin, pour l’origine du motif, ils évoquent le type de chapiteau à tête d’Hathor originaire d’Égypte43. De ces remarques, il ressort que ces décors tant en pierre qu’en stuc ne peuvent être séparés. Si les reliefs en pierre sont davantage à rechercher dans les monuments publics ou de prestige, les reliefs en stuc, à Palmyre, ont été récupérés dans les maisons, même si l’on a pu relever leur présence à proximité de temples, comme dans l’enceinte des sanctuaires de Baalshamin44 et de Nabû45, mais généralement hors contexte précis. Ainsi, si nous prenons en compte tant les reliefs en pierre que ceux en stuc, nous pouvons rassembler un certain nombre de documents datant de la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère jusqu’au premier tiers du IIIe siècle après J.-C., qui peuvent s’intégrer dans un courant hellénisant de tradition dionysiaque. Cette tradition dionysiaque est particulièrement bien mise en évidence dans les stucs de la source Efqa avec les représentations de masques de théâtre46, de même que dans la « maison hellénistique »47. Ailleurs, certaines têtes féminines rappellent les représentations de Ménades, certaines têtes masculines celles de satyres et les rinceaux de feuilles de vigne ... illustrent ce monde dionysiaque. L’ensemble de cette documentation semble s’inspirer davantage d’une tradition hellénisante même si certains éléments, évoqués plus haut, reflètent une autre influence qui était perceptible dans les documents plus anciens.
Fig. 9 : Stuc de Hadda, monastère de Tapa-Kalan (d’après Cambon P., dir. 2002, fig. 67).
En conclusion, si le traitement stylistique rappelle plutôt le monde occidental hellénisant, c’est leur traitement en haut relief − presque de la ronde-bosse − qui semble s’inspirer d’une autre origine, et dont on relève des parallèles à l’autre extrémité du monde hellénistique, soit en Extrême-Orient (Asie Centrale et Afghanistan). Les comparaisons les plus proches pour ce traitement technique en haut-relief se retrouvent, mais dans une autre matière, celle de l’argile, de la Mésopotamie à l’Afghanistan (fig. 9). Ces régions avaient également connu la « conquête » macédonienne ; elles développèrent un art influencé par l’hellénisme mais intégrant des caractéristiques culturelles locales. Les exemples les plus intéressants, en l’état actuel de nos connaissances, ont été découverts dans le monde kouchan48, notamment à Hadda49. Rappelons que nous avions déjà évoqué plus
haut l’importance des relations commerciales entre le monde proche-oriental et les mondes indien et chinois, mais aussi les relations privilégiées de Palmyre avec le monde parthe : installation de comptoirs de commerce palmyréniens en limite du monde parthe, présence de la céramique parthe ou d’imitation locale ... Malheureusement, ce maillon parthe, qui semble central, est encore largement manquant. Cette présentation partielle de la documentation, centrée sur Palmyre, et en particulier sur la grande demeure à l’est du sanctuaire de Bêl, est encore largement préliminaire. L’étude de cette demeure50, objet de fouilles anciennes, pose encore de nombreux problèmes en l’absence de données précises concernant les lieux de trouvailles ; cette maison avait été occupée pendant des siècles par le village arabe évacué dans les années 1930, dans le cadre du dégagement de l’ensemble du sanctuaire de Palmyre et de son environnement. Les limites de la maison sur trois de ses côtés n’ont jamais été retrouvées en raison de leur intégration dans les maisons arabes et leur dégradation progressive au cours d’une longue période jusqu’à leur redécouverte au XXe siècle.
Bikai, Kanellopoulos, Saunders 2008, p. 478-479. Personnellement, je n’en suis pas vraiment convaincue. 44 Fellmann, Dunant 1975, p. 69, Abb. 1 : carte avec situation des lieux de trouvailles. Les fragments ont majoritairement été trouvés dans la grande cour, au nord du temple, mais sans possibilité de reconstruction générale (p. 85-86). 45 Bounni 2004, p. 98-99 : localisation imprécise. 46 Eristov, Blanc, Allag 2009, p. 9-11 ; Blanc 2019, dans Dentzer-Feydy, Guimier-Sorbets, Delplace 2019. 47 Tober 2013, p. 202-203, Abb. 197. 48 Nous avons développé cet aspect dans notre article (Delplace 2019) : nous y passons en revue les découvertes de fragments de statues ou hautsreliefs en argile recouverte de stuc peint en provenance d’Afghanistan et d’Ouzbékistan, relevant du monde kouchan ; sur cet aspect technique : Tarzi 1986. 49 Tarzi 1976, 2005. 42 43
Cette maison est en cours d’étude par J. Dentzer-Feydy et moi-même, en développement d’une étude de E. Frézouls 1976 ; l’ensemble de la documentation qu’il avait rassemblée nous a été confiée par Mme A. Frézouls que nous remercions. 50
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ORIENT ET OCCIDENT EN NABATÈNE : QUELQUES REMARQUES SUR L’EMPLOI DE L’ORDRE DORIQUE1 Jacqueline Dentzer-Feydy Résumé L’ordre dorique n’est pas le plus représenté des ordres gréco-romains au Proche-Orient à l’époque hellénistique et romaine. Il s’est diffusé à l’époque hellénistique sous une forme simplifiée conforme aux évolutions décoratives de la période. Dans le royaume nabatéen et les régions voisines, on distingue ensuite deux tendances majeures : l’adoption des ordres composites qui se sont généralisés à la fin de l’époque hellénistique et celle des colonnes à bases et chapiteaux moulurés, avec ou sans entablement à frise dorique. Cette deuxième tendance est une importation directe ou indirecte de l’ordre romain dit toscan. Mots-clés : ordre dorique, ordre composite, chapiteau dorique, entablement dorique, Alexandrie, Nabatène, Pétra, Hégra, Iraq al-Amir, Dharih, Jérusalem, Syrie du Sud, Bosra, Suwayda, Qanawat. Abstract The Doric order is not the most commonly represented Greco-Roman order in the Near East in the Hellenistic and Roman periods. It spread during the Hellenistic period in a simplified form that conformed to the decorative ideas of the time. In the Nabataean kingdom and its neighbouring areas, two main tendencies can be distinguished: the use of composite orders, which became widespread at the end of the Hellenistic era, and that of moulded column bases and capitals, with or without an entablature with a Doric frieze. This latter style is a direct or indirect import of the so-called Roman Tuscan order. Keywords: doric order, composite order, Doric capital, Doric entablature, Alexandria, Nabataea, Petra, Hegra, Iraq al-Amir, Dharih, Jerusalem, Southern Syria, Bosra, Suwayda, Qanawat.
de l’arc nabatéen de Bosra. Et ces derniers temps, j’ai également travaillé sur les blocs nabatéens épars sur le site de Bosra, parmi lesquels de nombreux chapiteaux et frises doriques.
Mon attention a été attirée récemment vers les usages et les formes de l’ordre dorique dans le domaine nabatéen et sud-syrien aux périodes nabatéenne et romaine. Notre collègue Jérôme Rohmer m’a posé une question au sujet de l’ordre dorique utilisé à Qanawat, en Syrie du Sud, dans le secteur du temple périptère. Quelques jours plus tôt, lors d’une séance de travail qui réunissait François Villeneuve, Renaud de la Noue, Pascale Linant de Bellefonds et Delphine Seigneuret à propos de la publication en préparation du temple de Dharih, qui est situé à une centaine de kilomètres au nord de Pétra, nous avons abordé brièvement la question de la restitution de la colonnade dorique de la cour qui précédait le temple. À cette occasion, j’ai revu la première restitution par l’architecte Thibaud Fournet du « bâtiment B », en cours de fouille et d’étude, qui se situe immédiatement à l’est du temple dit « Qasr al-Bint » dans le centre de Pétra, et nous avons eu à ce sujet un échange de messages. Toujours à propos de cette discussion, j’ai mentionné la demi-colonne dorique, qui est adossée à l’un des massifs situés à l’est
Toutes ces réflexions croisées pendant les dernières semaines avec nos collègues, comme mes sujets de travaux en cours, m’ont donné l’idée que le dorique au Levant, et en particulier dans le domaine nabatéen, est un bon sujet d’étude. Bien qu’il ne soit pas le plus visible des ordres classiques dans la région, il se présente sous des formes diverses qui sont probablement des marqueurs de son origine culturelle et de son évolution régionale.
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L’ordre dorique de tradition grecque (fig. 1) Sous sa forme classique, l’ordre dorique est peu fréquent au Proche-Orient et, surtout, les exemples conservés ne sont pas plus anciens que l’époque hellénistique2. MarieChristine Hellmann a indiqué que la forme de l’ordre dorique décrite par Vitruve à l’époque augustéenne correspond au plus tôt aux exemples « évolués » du IIIe
1 C’est avec grand plaisir que je remercie Mesdames Caroline ArnouldBéhar et Véronique Vassal pour l’organisation du colloque Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain : les circulations entre Orient et Occident, ainsi que l’Institut catholique de Paris qui nous a reçus le 29 mai 2018.
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Orit-Peleg 2017, p. 4-5, mentionne cependant quelques témoins du style classique grec en Judée dès la période perse.
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Jacqueline Dentzer-Feydy
Fig. 1 : Ordre dorique (d’après le temple de Zeus à Olympie, par P. Grunauer) (d’après Hellmann 2002, fig. 157).
siècle avant notre ère. En l’absence d’un traité descriptif pour l’époque classique, la définition de l’ordre dorique grec ne peut se faire qu’à partir des exemples connus. Elle rappelle qu’un ordre dorique « canonique » n’a jamais existé dans l’Antiquité. La définition d’un dorique « canonique » est donc en quelque sorte moderne et académique3. Malgré les variantes régionales et les variations dues à l’évolution chronologique, on peut rappeler brièvement les caractères principaux de cet ordre : 1) une colonne sans base, cannelée, avec des filets et des annelets sous le chapiteau dont l’échine a un profil en ovolo et un abaque en bandeau lisse ; 2) une architrave à une seule fasce couronnée par un listel saillant (taenia) et des listels sous les triglyphes (regulae) sous lesquels pendent six gouttes ; 3) une frise à triglyphes et métopes alternés couronnés par un listel ; 4) une corniche dont le larmier du soffite comporte des plaques rectangulaires (mutules) avec des gouttes, un bec de larmier avec un coupe-larmes.
Orient montrent une simplification progressive des éléments constitutifs du décor : disparition des cannelures, des filets, des gouttes, amortissement droit des glyphes, disparition fréquente des mutules et des gouttes, etc. La corniche en particulier perd son identité dorique et se rapproche d’une corniche ionique, elle-même simplifiée. Ces caractéristiques de l’ordre dorique à l’époque hellénistique ne sont cependant pas une spécificité des sites du Proche-Orient. On les constate également sur des sites contemporains de Grèce et d’Asie Mineure4. S’il est probable que l’ordre dorique a été utilisé sur des sites côtiers de Phénicie et de Palestine, comme l’attestent les chapiteaux doriques du sanctuaire hellénistique de Milk’Ashtart à Oum el-’Amed5, Alexandrie est sans doute pour la partie méridionale de la Méditerranée orientale le centre le plus important pour l’usage de l’ordre dorique. Même si peu de monuments ont survécu, l’ordre dorique était répandu dans l’Alexandrie hellénistique6. Les tombeaux de Moustapha Pacha (1 et 2) de Gabbari (2), de Shatby (A) et de Sidi Gaber en sont les témoins : la cour du tombeau 1 Moustapha Pacha, qui date du IIIe ou IIe siècle
Exemples d’ordre dorique grec hellénistique dans la partie méridionale du Proche-Orient Par rapport aux différents exemples d’ordre dorique développés en Grèce à l’époque classique, les ordres doriques régionaux d’époque hellénistique au Proche3
4 Dentzer-Feydy dans Will, Larché 1991, p. 188-190 ; McKenzie 2007, p. 83. 5 Dunand, Duru 1962, p. 62-63, p. 101, 102, fig. 23, p. 104, fig. 26, p. 111, fig. 31, p. 117, fig. 35. 6 Peleg-Barkat 2017, p. 5 et note 5.
Hellmann 2002, p. 123-124.
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Orient et Occident en Nabatène
Fig. 2 : Alexandrie, Moustapha Pasha, tombeau 1, chambre 1 (d’après McKenzie 2007, fig. 106).
notable dans la diffusion du dorique aux IIIe et IIe siècles dans la région. Les caractères principaux de l’ordre dorique dans la Judée d’époque hellénistique sont l’usage d’un chapiteau à l’échine oblique rectiligne et lisse, une frise sans métopes et une corniche au soffite lisse, sans mutules. L’ordre dorique est limité aux bâtiments publics et privés, avec des usages d’ampleur limitée, comme des portiques de cours et de portes. Dans les édifices à plusieurs niveaux, l’ordre dorique est normalement utilisé au premier niveau ou rez-de-chaussée et à l’extérieur. À Jérusalem, dans la vallée du Cédron, le tombeau des Béni Hézir présente un très bon exemple de pur dorique simplifié dans la tradition hellénistique.
avant J.-C., évoque une cour à péristyle grecque tout en mêlant un ordre grec classique, mais simplifié, avec des caractères égyptisants7 (fig. 2). Les colonnes massives sont cannelées à partir du tiers de la hauteur. Les chapiteaux ont des annelets, mais pas de filets. Sous les regulae des architraves, les six gouttes sont remplacées par un listel continu. L’amortissement des triglyphes est droit. Les mutules sont représentées mais les gouttes ont disparu (?). Par ailleurs, plusieurs éléments de portiques doriques ont été retrouvés : par exemple, sur un ordre provenant du secteur de la station Ramleh, qui est conservé au Musée Gréco-romain, les chapiteaux ont des annelets, mais pas de filets, et une échine droite et non en ovolo ; l’entablement est plus classique qu’au tombeau 1 de Moustapha Pacha avec des gouttes sous les regulae et des mutules à gouttes8.
À Iraq al-Amir, en Transjordanie, près d’Amman, dans le domaine d’Hyrcan, qui date dans son dernier état construit du premier quart du IIe siècle av. J.-C., le « palais » dit « Qasr al-Abd » se trouve au milieu du paysage du wadi Sir, autrefois un « paradis » de jardins irrigués, dans lequel ont été construits quelques édifices contemporains du Qasr. Ainsi, sur la falaise se trouvait un bassin monumental entouré d’un portique dorique, étudié par l’architecte Laurent Borel10. On constate que l’ordre dorique est orthodoxe, mais très simplifié : pas de cannelures sur les fûts, pas de regulae, ni de gouttes sous les triglyphes, pas de mutules sur le larmier et des colonnes de plan cordiforme aux angles.
En Judée, Orit Peleg-Barkat9 indique que l’usage de la décoration architecturale classique est apparu sous l’autorité des Ptolémées, puis est devenu progressivement plus fréquent sous les Séleucides et les Hasmonéens. On constate à cette époque une préférence marquée pour l’ordre dorique, ce qui est différent de ce que l’on observe en Asie Mineure à même époque. Pour O. Peleg-Barkat, cette préférence pourrait être une marque de l’influence alexandrine dans la mesure où Alexandrie a joué un rôle 7
McKenzie 2007, p. 71-73, fig. 106. McKenzie 1990, pl. 218, d’après Hoepfner 1971, pl. 31 ; McKenzie 2007, p. 83. 9 Peleg-Barkat 2017, p. 5-6, exemples à Alexandrion, Jericho pour l’époque hasmonéenne. L’auteur indique que cette tendance est dans la continuité de ce que l’on observe plus tôt à l’époque hellénistique à Marisa et Tel Dor, ainsi que sur différents sites de Syrie, comme DouraEuropos et Jebel Khalid, et de Transjordanie. 8
À Suwaydâ, en Syrie du Sud, le tombeau de Hamrat, conservé au XIXe siècle et aujourd’hui entièrement détruit, 10
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Borel 2006.
Jacqueline Dentzer-Feydy
Fig. 3 : Pétra, sanctuaire du Qasr al-Bint, bâtiment B, plan simplifié (© Th. Fournet, MAFP, d’après F. Renel, M. Belarbi, Inrap).
était constitué, selon les témoignages, d’un noyau plein de maçonnerie coiffé d’un couronnement pyramidal. Ce monument funéraire était orné d’un ordre dorique appliqué sévère et relativement orthodoxe, bien que simplifié, d’après les dessins anciens. Selon J. Rohmer, l’habillage extérieur de ce tombeau reprend les caractéristiques architecturales et décoratives des mausolées hellénistiques de la fin du IVe et du IIIe siècle en Macédoine et en Asie Mineure11.
banquets ou peut-être résidence des prêtres. L’exploration archéologique et l’étude sont en cours dans le cadre de la Mission archéologique française à Pétra, Jordanie (MAFP), dirigée par Laurent Tholbecq. Les fouilles sont conduites par François Renel et l’étude architecturale par Thibaud Fournet12. Le bâtiment, dont seule l’aile nord a été dégagée, se développait probablement autour d’une cour à portiques dont nous avons trouvé cinq colonnes en place et un nombre important de blocs en chute (fig. 3 et fig. 4). Les colonnes doriques ne comportaient pas de bases et leurs fûts lisses étaient recouverts d’un épais mortier stuqué à cannelures. Thibaud Fournet a relevé sur le chapiteau des annelets, un profil en doucine pour l’échine et un abaque en deux listels superposés. On remarque qu’aucun bloc de frise dorique n’a été retrouvé correspondant à l’entablement de cet ordre. Dans l’attente des dégagements ultérieurs, il faut donc supposer que cet entablement était lisse et donc proche d’un entablement ionique.
Filiation du dorique grec classique, puis hellénistique, au Proche-Orient dans l’architecture nabatéenne Les exemples d’ordres doriques complets sont peu fréquents, voire inexistants. En revanche, il existe quelques exemples de colonnes doriques. À Pétra, le bâtiment B, situé juste à l’est du temple dit « Qasr al-Bint », et qui ouvre au nord sur l’esplanade du téménos, est, au moins dans l’une de ses phases principales, contemporain de la construction du temple lui-même, soit vers le tournant de l’ère, et en relation avec la construction de celui-ci. C’est un bâtiment majeur dans le sanctuaire dont la fonction doit encore être précisée : ensemble de salles de
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Le tombeau à l’Urne, situé sur la falaise orientale du même site, présente une façade de tombeau rupestre, précédée d’une cour à portiques, qui était au moins en partie
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Rohmer (à paraître), chapitre 3.
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Tholbecq 2017, p. 43-61. Voir aussi Augé et al. 2016, p. 282-285.
Orient et Occident en Nabatène
Fig. 4 : Pétra, sanctuaire du Qasr al-Bint, bâtiment B, coupe Nord-Sud vers l’ouest du vestibule, état actuel (noir) et hypothèse de restitution (bleu) (© Th. Fournet, MAFP).
également rupestre13. Les colonnes ne sont pas cannelées, mais elles étaient peut-être stuquées. Elles n’ont pas de bases non plus. Les chapiteaux ont un collier lisse et leur échine n’est pas en ovolo, mais moulurée. On remarque que l’entablement est de type ionique sans frise dorique (fig. 5).
doriques à échine droite, qui sont en fait le plus souvent des chapiteaux de pilastres de porte. Comme chapiteaux de pilastres de porte, on trouve également à Pétra des chapiteaux moulurés17. À Hégra, une ville nabatéenne située à environ 500 km au sud-est de Pétra, actuellement en Arabie Saoudite, les chapiteaux doriques ou apparentés, en l’absence de colonnade conservée, sont des chapiteaux de pilastres de porte. Ils ont en général une forme très simplifiée en biseau, mais sont aussi moulurés sur quelques façades18. Tous les tombeaux rupestres à façades du site sont datés ou datables dans le courant du Ier siècle de notre ère.
Dans le complexe du tombeau du Soldat romain, étudié dans le cadre de l’International Wadi Farasa Project dirigé par Stephan Schmid, une cour à portiques a été restituée entre le tombeau du Soldat romain et la salle au triclinium. Les chapiteaux sont également moulurés et des arcs ont été restitués pour couvrir la colonnade14. Cet ensemble date du milieu du Ier siècle de notre ère.
À Dharih, à une centaine de kilomètres au nord de Pétra, l’état principal conservé du sanctuaire date du IIe siècle de notre ère, soit de la période de la province d’Arabie. D’après les travaux de la mission archéologique francojordanienne de Dharih, dirigée par François Villeneuve, une cour à portiques précédait le temple (fig. 6). Les chapiteaux conservés sont également du type mouluré que nous connaissons à Pétra (fig. 7).
Toujours à Pétra, au sud de la porte d’accès au téménos du sanctuaire du Qasr al-Bint, des colonnes à chapiteaux moulurés du même type appartenaient à l’édifice mal connu et encore non exploré surnommé à tort « Baths »15. J. McKenzie a proposé un récapitulatif graphique des types de chapiteaux utilisés à Pétra (corinthiens à un et deux registres, ioniques et doriques)16. Parmi ces derniers, les chapiteaux moulurés et les chapiteaux pseudo13 14 15 16
Il faut noter que sur les édifices et monuments qui comportent des portiques à chapiteaux doriques ou apparentés, il y a
McKenzie 1990, pl. 91, 93, 95b, 96e. Schmid 1999, fig. 4, 6, 13. McKenzie 1990, pl. 77b. McKenzie 1990, diagramme 14.
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Nehmé et al. 2015, p. 286-287, fig. 5.52 à 5.55. Nehmé et al. 2015, p. 284-287, fig. 5.35 à 5.51.
Jacqueline Dentzer-Feydy
Fig. 5 : Pétra, tombeau à l’Urne, portique de la cour (cl. et graphique Th Fournet, MAFP).
Les ordres composites
une absence d’entablement dorique reconnu, donc il ne s’agit plus d’un ordre dorique à proprement parler. D’autre part, sur les exemples nabatéens, les chapiteaux ne sont pas orthodoxes avec une échine en ovolo, mais ce sont, sous des formes plus ou moins complexes, des chapiteaux moulurés.
Comme l’a rappelé Marie-Christine Hellmann21, le mélange des ordres est apparu dès le Parthénon, considéré cependant comme un unicum. C’est cependant à l’époque hellénistique que les ordres composites ont connu leur plus grand développement. Il y a deux formes d’ordres composites : 1) soit on interchange, sans la modifier, l’une des deux parties (colonne et entablement) ; 2) soit on modifie l’entablement dorique par l’introduction d’éléments ioniques (architrave à fasces, denticules, etc.). Ces deux procédés sont souvent utilisés conjointement, surtout à la fin de l’époque hellénistique quand l’ordre dorique perd ses caractères originels. Au Qasr al-Abd, à Iraq al-Amir, la colonne corinthienne remplace la colonne dorique sous un entablement dorique orthodoxe mais simplifié22 (fig. 8).
Dans le deuxième volume du Dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine, ces chapiteaux sont cependant classés comme doriques à oves, en doucine, à oves et en doucine, etc. soit moulurés19. On remarque que les exemples correspondants qui sont représentés sont originaires d’Asie Mineure hellénistique et de Pompéi. Au théâtre d’Aphrodisias, d’après la belle et récente publication de Nathalie de Chaisemartin et Dinu Theodorescu, le proskénion, qui date de 30 à 27 avant notre ère, comportait un ordre dorique avec des chapiteaux à oves et des chapiteaux de pilastres moulurés20. S’il est vrai que les ordres doriques représentés dans les régions voisines du domaine nabatéen, à Alexandrie, à Iraq alAmir ou en Palestine, sont bien issus des modèles grecs simplifiés au cours de la période hellénistique, on peut se demander si les modèles de colonnes à chapiteaux moulurés avec des entablements de type ionique ne sont pas plutôt issus de courants culturels et décoratifs venus d’Asie Mineure ou même d’Italie.
19 20
La plupart des exemples d’ordres composites se rattachent cependant à la deuxième formule et datent des IIe et Ier siècles avant notre ère. En ce qui concerne l’ordre composite ionique/dorique, on le rencontre à Pergame essentiellement, en Cyrénaïque, à Cyrène et à Ptolémais, en Italie méridionale et en Sicile sur de petits monuments ainsi qu’en Palestine (Jérusalem, tombeaux d’Absalom, d’Oum el-Amed ; en Judée, à Deir ed-Derb), en Transjordanie (Jérash, sanctuaire de Zeus ; Gadara, façade de tombeau) et en Phénicie (Qalaat Fakra). Sur les monuments de 21
Ginouvès 1992, p. 82-83. De Chaisemartin et Theodorescu 2017, p. 55-60.
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Hellmann 2002, p. 179-185. Dentzer-Feydy dans Will, Larché 1991, p. 152-154.
Orient et Occident en Nabatène
Fig. 6 : Dharih, plan du sanctuaire au IIe siècle (© Mission archéologique de Khirbet edh-Dharih).
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Fig. 7 : Dharih, relevé d’un chapiteau du portique de la cour située devant le temple (© Mission archéologique de Khirbet edh-Dharih).
Fig. 8 : Iraq al-Amir, Qasr al-Abd, restitution de l’ordre principal extérieur de l’étage (d’après Will, Larché 1991, pl. 66).
Transjordanie (Gerasa, Gadara), l’architrave disparaît et la corniche rétrécit au profit d’une frise dorique décorative surdimensionnée. À Jérusalem, sur le tombeau d’Absalom, l’ordre est triplement composite puisqu’il comporte une corniche égyptienne. Alors que les frises doriques d’époque hellénistique ont en Palestine des métopes sans ornement, O. Peleg-Barkat note qu’à l’époque hérodienne, ces métopes sont sculptées pour la première fois en Judée de rosettes à différents stades de finition et d’élaboration : du disque plat à la rosette plus naturaliste avec les pétales recourbés. Selon cet auteur, bien que la recherche des exemples hellénistiques de rosettes dans des métopes nous conduise vers l’Asie Mineure et Alexandrie, les parallèles existant dans l’Italie républicaine la font pencher plutôt pour une influence romaine23. La répartition géographique des exemples d’ordre composite ionique/dorique, comme celle d’autres particularités des ordres de la fin de l’époque hellénistique forme un arc allant du Proche-Orient à l’Italie du Sud en passant par la côte africaine hellénisée. Il faut signaler aussi un foyer de création dans l’Asie Mineure occidentale, en particulier à Pergame. En revanche, la Macédoine, l’Attique et le Péloponnèse ne semblent pas avoir été concernés par cette mode décorative24.
l’entablement du Qasr al-Bint, l’imbrication des ordres est complète avec des gouttes sur le couronnement ionique de l’architrave. La frise dorique est surmontée d’un rang de denticules ioniques et d’une corniche corinthienne à modillons25. Cet ordre composite corinthien/dorique est particulièrement fréquent à Pétra26 comme à Hégra27 sur les édicules appliqués qui encadrent les portes (fig. 9) et parfois sur les entablements appliqués principaux28. L’ordre composite corinthien/dorique semble avoir recouvert globalement les mêmes régions que l’ordre composite ionique/dorique, mais avec une extension plus importante en Afrique du Nord, de l’Égypte à la Tunisie, en Thrace, en Grèce, à Délos sur de petits monuments funéraires et à Eleusis, ainsi qu’en Italie du Sud jusqu’à Aoste et en Provence29. Quelle est l’origine de ces combinaisons décoratives ? L’Égypte alexandrine ou l’Asie Mineure ? Même si l’on peut citer en effet des exemples en Italie du Sud, c’est un type de composition qui est plus abondamment représenté dans la partie orientale et méridionale de la Méditerranée.
L’ordre composite corinthien/dorique avec un entablement composite à frise dorique est celui qui est majoritairement utilisé dans l’architecture nabatéenne. C’est l’une de ses principales caractéristiques décoratives. Dans 23 24
Zayadine, Larché, Dentzer-Feydy 2003, p. 52, pl. 3, 4, 5, 7, 28, fig. 5 et 7. 26 McKenzie 1990, pl. 94b, tombeau à l’Urne, pl. 102b, tombeau du Soldat romain, pl. 108b, tombeau 258, pl. 110b, tombeau 846, pl. 112, niche de la salle 468, etc. 27 Nehmé et al. 2015, p. 344-349, fig. 5.302 à 5.312. 28 McKenzie 1990, pl. 119, tombeau corinthien, pl. 135, triclinium au Lion, pl. 138-139, Deir, etc. 29 Dentzer-Feydy 1988. 25
Peleg-Barkat 2017, p. 8-10 ; p. 54-57, fouilles au Mont du Temple. Dentzer-Feydy 1988.
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Orient et Occident en Nabatène Ertel31. Notons que nous sommes à une trentaine de kilomètres au nord de la limite nord du royaume nabatéen pour cette période. Comme à Bosra, les bases sont moulurées en tore au-dessus d’une plinthe, les fûts ne sont pas cannelés et les chapiteaux présentent une échine rectiligne surmontée d’un abaque simplement mouluré, comme à Bosra également. L’entablement est d’un dorique simplifié et bâtard : l’architrave lisse a des regulae mais pas de gouttes ; la frise relativement « normale » a des métopes ornées de rosettes inscrites dans des cercles ; en revanche, la corniche est constituée par un corps de moulures lisses où l’on reconnaît à peine un larmier et une sima. Pour Jérôme Rohmer, ces caractéristiques signalent un dorique déjà romanisé pour lequel une datation vers le tournant de l’ère chrétienne serait plausible32. Cependant, dans la mesure où, à cette époque, l’association de colonnes doriques à un entablement à frise dorique ne semble guère fréquente, J. Rohmer se demande si cette restitution à partir de blocs épars et de modules différents est recevable. Les chapiteaux pourraient-ils être utilisés avec la frise dorique à rosettes ? Ou bien cet ordre restitué pourrait-il être considéré comme « toscan » ? Cet ordre dit « toscan » précisément, dont la dénomination détonne au Proche-Orient, on le trouve également sur différents sites syriens, dont Palmyre, utilisé pour des colonnades de portiques. Ainsi, le portique ouest de la cour du sanctuaire d’Allat, qui date de 114 de notre ère, comporte des colonnes à bases attiques et chapiteaux moulurés33. Nous sommes là dans la province romaine de Syrie à l’époque de Trajan. De même, au théâtre de Bosra, la colonnade qui couronne la cavea peut être considérée comme un exemple de dorique romain « toscan » de l’époque antonine, dans la filiation des demi-colonnes appliquées du quartier Est nabatéen, qui datent du dernier quart du Ier siècle de notre ère.
Fig. 9 : Hégra, Arabie Saoudite, façade du tombeau IGN 22 (cl. Mission archéologique de Madâ’in Sâlih).
Un Dorique romain ? Un Toscan romain ? Revenons enfin sur les chapiteaux moulurés, qui ne sont pas de filiation purement dorique, mais pourraient être venus d’Asie Mineure ou d’Italie par l’Asie Mineure ou l’inverse.
Dans et pendant le royaume nabatéen, l’utilisation de l’ordre dit « toscan » est plus remarquable. Si pour la plupart des structures décoratives utilisées dans l’architecture nabatéenne, on trouve aisément une filiation hellénistique de la Méditerranée orientale alexandrine, le plus souvent, l’utilisation de colonnes à bases et chapiteaux moulurés sort des cadres connus. Si l’on se tourne vers la description des ordres par Vitruve au livre IV, 7, 3 34, on note que la colonne dorique correspond pour l’essentiel à la forme grecque, mais que la colonne de l’ordre toscan a une base moulurée en tore et cavet renversé ainsi qu’un chapiteau mouluré à gorgerin, qui peut prendre des formes diverses. D’autre part, au-dessus de ces colonnes de style toscan, les entablements ne sont pas ou pas forcément doriques, comme on l’a vu à Pétra.
On remarque sur certains sites en Syrie du Sud, à l’époque nabatéenne, l’utilisation d’un dorique bâtard avec des colonnes à bases moulurées et des chapiteaux doriques ou moulurés. Ainsi à Bosra, à l’est de la porte nabatéenne qui constitue la limite entre la partie ouest de la ville et le quartier est, deux massifs X et Y constituent la face orientale de ce passage de style et d’époque nabatéenne30. Contre le massif X, au sud, et contre le massif Y, au nord, une demi-colonne dorique est adossée qui constituait le départ d’un portique d’orientation plus ou moins nord-sud. La colonne comporte une base en tore et cavet renversé, le fût est lisse et le chapiteau est d’un dorique simplifié avec deux bandeaux sur l’abaque. À Qanawat, dans le sanctuaire du temple périptère, des éléments de portiques attribués à l’époque augustéenne ont été identifiés par les fouilleurs dirigés par Stephan Freyberger et ils ont été étudiés par l’architecte Christine
L’ordre dorique prend donc au Proche-Orient, et en Nabatène en particulier, des formes variables avec des 31 32 33
30
Dentzer, Blanc, Fournet et al. 2002, p. 82-88, pl. 4.
34
21
Ertel 2000, p. 207-222, fig. 13, pl. 43-44. Rohmer à paraître, chapitre 3, Qanawat, le secteur du temple périptère. Gawlikowski 2017, p. 111-115, fig. 97. Gros 1992, p. 27-28.
Jacqueline Dentzer-Feydy évolutions que l’on peut identifier et suivre. Suivant des tendances observées plus largement à la même époque, il se simplifie, puis se déstructure en se fusionnant avec les ordres ionique et corinthien. Si l’on considère le problème des circulations entre Orient et Occident, j’ai soutenu et je reste convaincue que le domaine alexandrin a joué un rôle majeur dans la formation des formes nabatéennes. Cependant, là encore, il existe des phénomènes évolutifs et des usages micro-régionaux. L’Arabie du Nord n’est pas la Syrie du Sud, même nabatéenne. On peut identifier et on pourrait certainement affiner la question des influences de l’architecture de l’Asie Mineure, de même que l’adoption de formes manifestement romaines dans le domaine nabatéen. O. Peleg-Barkat mentionne dans l’architecture hérodienne l’introduction de formes romaines35. En Nabatène, il s’agit peut-être moins d’influences estouest directes que de circulations plus complexes entre le domaine alexandrin, qui est lui-même issu du monde grec et qui a diffusé sa culture et sans doute ses artisans sur l’ensemble de la région du Sud Levant, et l’Asie Mineure, qui a également nourri la Méditerranée orientale, comme l’Italie, et réciproquement.
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Peleg-Barkat 2017, p. 7, mentionne à ce sujet Roller 1998, p. 90-117.
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LE « MARCHÉ ROMAIN » D’EUROPOS-DOURA (SYRIE) : MORCELLEMENT ET MONUMENTALISATION DU CENTRE DE LA VILLE À L’ÉPOQUE ROMAINE Gaëlle Coqueugniot Résumé Le « marché romain », au nord de l’îlot G6 sur l’agora d’Europos-Doura, est l’un des édifices qui caractérisent le plus clairement les évolutions urbanistiques de l’agglomération pendant la période de domination romaine (165-256 de notre ère). Construit en plusieurs étapes dans un emplacement originellement réservé dans la vaste place non construite au sud de l’agora, cet édifice met en lumière la réduction de l’espace public au profit des constructions commerciales privées ou semi-privées au cours des périodes parthe et romaine. Dans son avant-dernière phase, le marché s’organisait autour d’une vaste cour bordée par deux portiques, qui rappelle les macella romains. La forme architecturale du macellum se répand au Proche-Orient au cours des IIe et IIIe siècles de notre ère, et le marché d’Europos présente ainsi un exemple saisissant de la monumentalisation du centre-ville en cours dans la ville avant son abandon au milieu du IIIe siècle, suivant ainsi un modèle récurrent dans de nombreuses agglomérations du Proche-Orient. Mots-clés : agora, macellum, Europos-Doura, Doura-Europos, Syrie romaine, Orient romain, architecture, urbanisme, espace public, commerce. Abstract The “roman market,” north of block G6 in Europos-Doura’s agora, is one of the buildings that most clearly characterised urban evolutions in the settlement under Roman rule (165-256 CE). Built in several stages in a site originally earmarked in the vast unbuilt square south of the agora, this building sheds light on the downsizing of public space in favour of private or semi-private commercial structures during Parthian and Roman times. In its penultimate phase, the market was organised around a large courtyard delimitated by two colonnades, which reminds us of the Roman macella. The architectural form of the macellum spread through the Near East during the 2nd and 3rd c. CE. Europos’s market is a striking example of the monumentalisation of the citycentre underway in the city before its abandonment in the mid-3rd c., thus following a model also observed in a large number of Near-Eastern settlements. Keywords: agora, macellum, Europos-Doura, Dura-Europos, Roman Syria, Roman Near-East, architecture, urbanism, public space, trade. Le site d’Europos-Doura, découvert en 1920 dans la vallée du Moyen-Euphrate, est considéré comme l’un des sites majeurs de l’Orient gréco-romain. Ce petit centre administratif doit sa renommée à son abandon presque total au IIIe siècle de notre ère, qui permit la conservation exceptionnelle de ses édifices. Son exploration dans les années 1920 et 1930, puis de 1986 à 2011, a mis en lumière des syncrétismes artistiques et des influences urbanistiques multiples entre Orient et Occident. Le quartier central de l’agglomération, l’agora, exprime parfaitement l’équilibre entre influences exogènes – égéennes d’abord, romaines plus tard – et développements locaux dans l’urbanisme du site. Cet article se concentre sur l’une des constructions les plus monumentales – quoique largement ignorée dans la littérature archéologique du site – de cette agora : le « marché romain » (Roman Market), au nord de l’îlot G6. L’étude renouvelée de cet édifice et de son environnement permet de préciser les caractères de ce quartier commercial,
entre éléments récurrents dans l’Empire romain et particularismes locaux1. Europos de Parapotamie : une ville hellénistique en Orient Europos de Parapotamie est fondée par les Séleucides au tournant du IVe et du IIIe siècle avant notre ère en bordure Je tiens à remercier Caroline Arnould-Béhar et Véronique Vassal pour leur invitation à présenter ces recherches dans le cadre de la journée d’études « Art et archéologie du Proche-Orient hellénistique et romain : les circulations entre Orient et Occident » (Institut catholique de Paris, 29 mai 2018) et les participants à cette journée pour leurs suggestions et commentaires. Mes remerciements s’adressent également à Pierre Leriche pour avoir permis et encouragé les travaux de terrain que j’ai menés sur l’agora de 2005 à 2010 dans le cadre de la Mission francosyrienne d’Europos-Doura (MFSED), ainsi qu’à Susan Matheson, Lisa Brody et Megan Doyon pour leur accueil répété à New Haven dans la Dura-Europos Collection de la Yale University Art Gallery. 1
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Gaëlle Coqueugniot
Fig. 1 : Plan d’Europos (© Mission franco-syrienne d’Europos-Doura/G. Coqueugniot).
elle continue à se développer en suivant le schéma urbain mis en place par les Séleucides et devient le chef-lieu du district de Parapotamie, qui s’étend sur les deux rives de l’Euphrate, du confluent du Khabour au nord à une limite encore indéfinie au sud. C’était un comptoir fréquenté par les commerçants de Palmyre et de la vallée de l’Euphrate. Le toponyme sémitique Doura, « la forteresse », est utilisé par la population sémitique, avant de remplacer
du plateau dominant la rive droite de l’Euphrate. D’une implantation militaire modeste, contrôlant la route qui longeait le fleuve2, elle prend ses dimensions et sa forme définitives au cours du IIe siècle avant notre ère. Passée sous contrôle parthe arsacide vers 110 avant notre ère, 2 Pour une mise au point récente sur l’histoire et l’urbanisme du site, voir Leriche 2010 et Leriche, Coqueugniot, Pontbriand 2011.
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Le « marché romain » d’Europos-Doura (Syrie)
Fig. 2 : La fouille du marché romain en 1932. Au premier plan, on aperçoit la voie ferrée Decauville, permettant l’évacuation des déblais de fouille (cl. dura-e306~01, © Dura-Europos Collection, Yale University Art Gallery, d’après Brown, Rostovtzeff 1944, pl. XIV-2).
L’agora, un quartier commerçant au cœur d’Europos
partiellement le toponyme grec après la conquête romaine de la ville en 165 de notre ère. La présence romaine se renforce au tournant du IIIe siècle, avec l’installation d’une importante garnison à l’intérieur même de la ville et l’apparition d’édifices influencés par ces nouveaux venus : thermes, amphithéâtre, principia. La ville est assiégée par les Sassanides en 256 et largement abandonnée peu de temps après.
Le quartier central d’Europos, l’agora, a été identifié au début des années 1930 au centre de la ville hellénistique. Il inclut l’espace de huit îlots bordés par les quatre axes principaux de la ville, plus larges que les autres rues : la rue principale au sud et la rue 4 au nord, la rue D à l’ouest et la rue H à l’est (fig. 1). Environ la moitié de cet espace a été exploré en deux phases. Le dégagement extensif des édifices mobilisa un grand nombre d’ouvriers au cours de l’automne 1931, assistés par l’installation d’un système de voie ferrée Decauville permettant l’évacuation rapide des déblais vers le ravin intérieur (fig. 2) puis de nouveau entre 1934 et 1937 sous la direction de Franck E. Brown. Les principales découvertes du secteur furent présentées succinctement dans le rapport préliminaire de la cinquième saison4 et, surtout, dans un volume dédié de la neuvième saison5, qui décrit rapidement les « maisons », pièce par pièce, mais omet largement certains espaces, à l’instar du « marché romain6 ». Il propose également une évolution générale
Largement oublié pendant les siècles qui suivirent, le site reste en l’état, rarement perturbé jusqu’en 1920. La découverte de peintures murales par des soldats britanniques lors d’une altercation avec les tribus nomades locales permet d’assurer l’identification des ruines avec le site de « Doura, la cité de Nikanor, fondation des Macédoniens, aussi appelée Europos par les Grecs3 ». Elle est suivie par une première exploration rapide de 1921 à 1923, dirigée par Franz Cumont sous l’égide de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, puis par une mission conjointe de l’Université de Yale et de l’Académie dirigée par Michail Rostovtzeff, de 1929 à 1937, qui explore près d’un quart du site intra-muros (fig. 1). Une troisième phase d’exploration, dans le cadre de la Mission francosyrienne d’Europos-Doura dirigée par Pierre Leriche de 1986 à 2011, a permis de préciser la chronologie de la ville et de compléter notre compréhension de certains secteurs précédemment dégagés. 3
4
Hopkins 1934. Brown, Rostovtzeff 1944. 6 En effet, la description des bâtiments de l’îlot G6 se limite à une présentation succincte de la maison fouillée par F. Cumont au sud de l’îlot, le long de la rue principale, et de la « maison C » au nord de celuici. Les seules échoppes du « marché romain » décrites dans l’ouvrage sont les boutiques de cette dernière ouvrant sur la colonnade nord du marché. 5
Isidore de Charax, Étapes parthiques 1 (Ier siècle de notre ère).
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Gaëlle Coqueugniot
Fig. 3 : Le quartier de l’agora à l’époque romaine. En rouge, les limites connues des îlots hellénistiques, d’après les fondations identifiées dans le secteur, en jaune les limites restituées. Le marché romain occupe la partie nord de l’îlot G6, dans la partie centrale de l’agora (cl. y-721a~01, © Dura-Europos Collection, Yale University Art , d’après Brown, Rostovtzeff 1944, fig. 78, complété par G. Coqueugniot).
du quartier de l’agora, s’appuyant principalement sur le dégagement en profondeur des îlots G3 et G1. Plus récemment, l’agora a fait l’objet d’une nouvelle étude partielle à partir de 2005, conjuguant l’observation des vestiges encore visibles sur le terrain, l’ouverture de sondages stratigraphiques ciblés et l’étude des archives de fouilles conservées à la Yale University Art Gallery7.
plein au sud, qui la séparait d’une place sud apparemment entièrement dénuée de constructions, le long de la rue principale de la nouvelle agglomération. À hauteur de ces places, les voyageurs devaient quitter la rue principale, qui débouchait sur un front de taille abrupt immédiatement à l’est des îlots B8 et C7. L’emplacement était donc stratégique et les deux rues D et H canalisaient le trafic entre la rue principale et la rue 8 au nord du site, qui descendait dans le ravin intérieur et permettait de rejoindre la plaine fluviale.
L’espace dédié à l’agora, central, fut réservé dès la mise en place du plan orthogonal de la ville au IIe siècle avant notre ère (fig. 1). F. Brown y restitue deux grandes places publiques (fig. 3 : les îlots hellénistiques sont en rouge et jaune). La place nord était enclose par des rangées de boutiques au nord, à l’est et à l’ouest et par un mur 7
Ces espaces ouverts sont ensuite progressivement réduits pour laisser place à des constructions diverses de nature commerciale, artisanale ou domestique aux époques parthe et romaine. Le système viaire régulier fut alors modifié pour laisser place à ces nouveaux bâtiments, séparés
Coqueugniot 2011, 2012 et 2016.
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Le « marché romain » d’Europos-Doura (Syrie) par d’étroites allées et impasses (fig. 3). Cette nouvelle configuration d’un quartier principalement dévolu aux activités commerciales lui valut le surnom de « bazar » donné par les premiers fouilleurs. Enfin, une dernière phase édilitaire de monumentalisation de l’espace public est amorcée dans les dernières décennies d’occupation du site, avec en particulier l’apparition de colonnades le long de la rue principale de plusieurs façades de l’agora8.
De fait, le complexe est tout juste mentionné dans le rapport préliminaire de la cinquième saison de fouilles et tout autant ignoré dans le volume consacré à l’agora, paru en 1944. Les archives de la mission américano-française, conservées à la Yale University Art Gallery, sont également largement silencieuses sur le bâtiment : quelques rares photographies, trois plans dont l’un fut publié en 1944 (fig. 4 et 5), et quelques entrées dans le catalogue des objets, malheureusement difficile à exploiter en raison d’un changement mal documenté dans la numérotation des pièces fouillées dans l’îlot.
Le « marché romain » sur l’agora d’Europos L’étude de la vaste cour à colonnades qui occupait la partie nord de l’îlot G6, surnommée « marché romain » sur les plans de la ville, illustre parfaitement l’histoire de l’agora d’Europos, à la fois ses évolutions dans l’antiquité et l’historiographie des fouilles dans le secteur. Elle fait partie des principaux édifices mis au jour dans cet espace central, dont M. Rostovtzeff avait pressenti, avant même le début de son dégagement, qu’il pourrait receler l’agora de la ville grecque. L’exploration du secteur débute en novembre 1931 à partir de la rue H, à l’est, sous la responsabilité d’André Naudy. Comme dans le reste du site, le dégagement est amorcé par le dégagement en tranchée des façades bordant les rues, en particulier la rue H et la « rue du marché » (Market Street), au milieu de laquelle est installée la voie ferrée Decauville par laquelle les déblais de la fouille sont évacués vers le ravin intérieur. Cette rue débouchait directement sur le marché romain. La fouille de l’agora dans son ensemble est cependant ralentie dès le début du mois de janvier 1932 par le déplacement d’une partie des voies Decauville et des ouvriers le long des murailles septentrionale et occidentale de la ville, dont les vestiges se révélaient plus sensationnels9. Ainsi, la fouille de la « grande cour à colonnes » (fig. 2) et de la place entre les îlots G1 et G5, engagée en décembre, est surtout menée au cours du mois de février 1932, sans mention explicite dans le journal tenu par le responsable de la mission sur place, Clark Hopkins10. L’exploration complète du quartier est repoussée à une saison future11 et ne sera jamais achevée. Ainsi, la moitié nord de l’îlot G6 n’a jamais été explorée à l’exception de la « Maison Cumont » mise au jour au début des années 1920. Malgré un dégagement des colonnades et des boutiques périphériques assez profondément sous leurs seuils les plus tardifs, la cour centrale du marché reste elle aussi largement inexplorée : seule une tranchée transversale est ouverte au centre de la cour, peut-être pour vérifier la présence hypothétique d’une construction centrale. L’îlot G6 ne semble pas avoir fait l’objet de fouilles plus poussées lors des travaux de F.E. Brown sur l’agora, entre 1935 et 1937.
En 2009, à l’occasion d’une nouvelle campagne d’étude sur l’agora, quelques observations et nettoyages superficiels furent engagés dans ce complexe (fig. 6), en prévision d’une exploration plus poussée, malheureusement abandonnée. Il s’agissait notamment de vérifier et préciser les hypothèses présentées par F.E. Brown dans la publication préliminaire de l’agora, en particulier concernant les phases de construction identifiées dans ce secteur. Au-delà de sa fonction commerciale – rapidement reconnue par ses découvreurs12 –, ce complexe peut ainsi être considéré comme un exemple représentatif de plusieurs tendances urbanistiques et architecturales typiques du quartier de l’agora et, plus généralement, du site dans son ensemble. L’évolution architecturale de l’îlot G6 Le marché romain occupait la partie nord de l’îlot G6. Lors de son exploration des niveaux les plus anciens, hellénistiques de l’agora, caractérisés par l’usage de blocs de gypse réguliers, F.E. Brown n’a pas noté de vestiges de cette période dans le secteur. Selon sa restitution de l’agora hellénistique (en rouge et jaune dans la fig. 3), le complexe était localisé dans la partie nord de la grande place non bâtie en bordure de la rue principale, là où – par restitution symétrique avec le mur d’orientation est-ouest découvert dans l’îlot G1 – se trouvait précisément l’enceinte septentrionale de l’agora nord, enclose sur un modèle peut-être importé d’Asie Mineure13. Le marché romain s’installa plus tard dans cet espace réservé, interrompant sans toutefois le condamner l’axe est-ouest de la rue 2 (fig. 3). Cette rue se retrouvait ainsi « privatisée » entre les rues E et F. La colonnade nord du marché, dont l’accès était contrôlé par deux entrées massives à chacune de ses extrémités, permettait aux passants de pénétrer dans le quartier de l’agora depuis la rue D à l’ouest jusqu’à son centre même. Au-delà du marché et de la rue F, la circulation était ensuite détournée vers le sud pour emprunter Market Street, dans l’axe de la porte principale du marché.
8
Downey 2000. Hopkins 1979, p. 105. 10 La chronologie du dégagement du complexe peut être partiellement retracée à partir des entrées dans le registre général des objets : entre le 2 février et le 13 mars 1932, sont enregistrés dans ce catalogue, conservé dans les archives de la Yale University Gallery, des artéfacts associés à l’îlot G6. Il s’agit de monnaies principalement, ainsi que d’objets en bronze et en fer et quelques lampes et vaisselles en céramique. 11 Rapport mensuel (non publié) de Cl. Hopkins au Président de l’université de Yale, daté du 1er avril 1932, conservé dans les archives de la mission, Yale University Art Gallery. 9
12 Dans les premiers jours du dégagement de cette « grande cour bordée de colonnades », Cl. Hopkins émet l’espoir, vite infirmé, qu’il puisse s’agir d’un sanctuaire ; cf. l’entrée du 4 décembre 1931 dans le journal de Cl. Hopkins (non publié), Dura-Europos Collection, Yale University Art Gallery. 13 Dans sa publication préliminaire de 1944, F.E. Brown mentionne de manière récurrente l’agora de Priène comme prototype de la place publique d’Europos.
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Gaëlle Coqueugniot
Fig. 4 : Plan du marché romain publié par F.E. Brown en 1944 (cl. y-721f~01, © Dura-Europos Collection, Yale University Art Gallery, d’après Brown, Rostovtzeff 1944, fig. 85).
Selon F.E. Brown, le marché sous sa forme visible (fig. 4), c’est-à-dire une vaste cour bordée de deux colonnades, aurait été créé au cours du IIe siècle de notre ère selon un modèle étranger, typiquement romain14. Ce nouvel édifice, en rupture avec le développement « oriental » de l’agora parthe, s’appuyait sur des constructions déjà en place, les boutiques de la partie sud de l’îlot G6 et la « maison C » au nord, qu’il unifia autour d’une grande cour ; plusieurs boutiques d’époque parthe, établies parallèlement à la « maison C », auraient alors été rasées dans la partie
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septentrionale de la cour, tandis que les boutiques à l’ouest de la cour furent ajoutées a posteriori. Le réexamen attentif des vestiges encore in situ en 2009 a permis d’affiner et de corriger la chronologie relative de la moitié nord de l’îlot G6 qu’avait proposée F.E. Brown. Le marché romain d’Europos est de fait une construction moins uniforme que ne le laissait supposer sa courte présentation en 1944, résultat de phases de construction multiples (fig. 7).
Brown, Rostovtzeff 1944, p. 62-64.
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Le « marché romain » d’Europos-Doura (Syrie)
Fig. 5 : Plan inédit du marché romain. Plusieurs différences importantes sont à noter avec le plan de F.E. Brown, vraisemblablement postérieur : la numérotation divergente des salles – en particulier des boutiques – et la présence sur ce plan de détails architecturaux non reproduits sur le plan de F.E. Brown (cl. dura-h43a~01, © Dura-Europos Collection, Yale University Art Gallery).
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Gaëlle Coqueugniot
Fig. 6 : Le marché romain vu depuis la rue F, vers le nord-ouest. Au premier plan à gauche, l’entrée principale du complexe. À l’intérieur de la cour, on aperçoit les bases des colonnades est et nord, ainsi que les constructions tardives qui s’appuient sur le stylobate. Noter également les seuils finaux des boutiques nord, bien plus hauts que les autres seuils du secteur (cl. G. Coqueugniot/MFSED).
Phase 1 : constructions antérieures au marché
Au nord, la façade sud des boutiques associées à la « maison C » est prolongée vers l’est jusqu’à la rue F. Cette extension permet l’ajout de deux nouvelles échoppes, ouvrant directement sur le marché.
Dès le tournant du Ier siècle av. notre ère et du Ier siècle de notre ère, s’amorce une réduction progressive des espaces publics non construits de l’agora au bénéfice de constructions privées, domestiques ou artisanales. Cette densification des espaces bâtis au détriment des places originelles s’effectue en plusieurs étapes, qui ne semblent pas toujours très structurées. Ainsi, comme l’avait déjà remarqué F.E. Brown, la « maison C » et ses boutiques associées, au nord de l’îlot G6, précédèrent la mise en place du « marché » proprement dit, ce que confirment les seuils les plus anciens de cette construction, situés sous le niveau de circulation de la cour. Il est également possible que les constructions au sud de la cour aient déjà été en place, sous une forme ou une autre ; plusieurs indices laissent néanmoins penser qu’elles connurent un réaménagement lors de la phase 2.
Deux longs murs orientés nord-sud sont érigés le long des rues F et E (fig. 6). Ils viennent enclore l’espace laissé libre entre l’alignement de boutiques au nord de l’îlot G6 et la moitié sud de l’îlot déjà bâtie. Les deux nouvelles façades du complexe ainsi créé sont percées de quatre entrées. L’entrée principale, plus large, ouvrait à l’est sur la rue E, qui traversait l’agora en son milieu. Paradoxalement, cette entrée n’a pas été créée au milieu de la façade orientale du marché, et elle ne se trouvait pas non plus exactement dans l’alignement de la « rue du marché » (fig. 3), dont la construction semble pourtant correspondre à une même phase de monumentalisation de l’espace public. Deux entrées secondaires d’environ 2,25 m de large, aux angles nord-est et nord-ouest de la cour, permettent de maintenir l’axe de circulation préexistant, dans le prolongement de la rue 2. Une dernière entrée au sud-ouest de la cour ouvrait sur la rue secondaire E.
Phase 2 : construction du marché La construction du marché elle-même pourrait correspondre à une seconde période de réduction de la place publique, après la conquête romaine d’Europos en 165 de notre ère. Le marché présente en effet des particularités architecturales qui le rapprochent du modèle romain du macellum15, relativement mal représenté au Proche-Orient avant les IIe et IIIe siècles de notre ère. La construction de ce marché repose sur la séparation du reste de la place publique d’un vaste espace encore non construit :
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Une colonnade coudée est installée à l’est et au nord de la cour. Les colonnes, vraisemblablement en brique crue, étaient posées sur des bases quadrangulaires intégrées au stylobate en blocage de djousse et calcaire rouge local. Aucun élément de chapiteau ni d’entablement n’a été identifié dans le marché, mais on retrouve la même technique de construction dans les colonnades bordant la rue du marché voisine, où quelques éléments conservés permettent de restituer des chapiteaux doriques en pierre locale. Le portique nord (fig. 8), profond de
Voir la discussion ci-dessous.
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Le « marché romain » d’Europos-Doura (Syrie)
Fig. 7 : Les phases de construction du marché romain, d’après les publications anciennes et les observations récentes (plan G. Coqueugniot).
3,70 m, longeait les boutiques déjà existantes et celles nouvellement construites au nord. Il se trouvait dans la prolongation directe de la rue 2, dont il constituait visiblement une portion privatisée par les deux portes nord du marché. Le portique est, installé le long d’un mur plein, présente un entrecolonnement plus irrégulier. Son stylobate s’interrompt à 1,50 m au nord de la façade sud, sans que la relation stratigraphique entre le portique et les salles septentrionales du marché n’ait pu être établie avec certitude.
saillant de S17, indique peut-être une construction progressive de ces échoppes. Plus certainement encore, aux six boutiques construites à l’ouest de la cour (du sud au nord : S15, 14, 16, 17, 18 et 21, fig. 4) vient ensuite s’adjoindre une petite arrièreboutique au nord de S21. Celle-ci n’apparaît pas sur le plan de F.E. Brown (fig. 4), mais elle est déjà notée sur le plan inédit du secteur (A23, fig. 5) et – surtout – encore parfaitement visible sur le terrain. Cet ajout vient de fait combler l’espace laissé entre les boutiques ouest et le portique nord, dont elle annexe les deux colonnes orientales dans son mur septentrional (fig. 8).
Au sud de la cour se trouvent huit espaces : sept salles indépendantes, probablement des boutiques, et un vestibule (B10, fig. 4) menant à un bâtiment non fouillé. Les murs de fond de ces boutiques ne sont plus visibles, enfouis sous les déblais à la suite de l’effondrement de la berme de fouille. Un examen plus poussé de la façade de ces espaces a cependant permis de mettre en lumière la position proéminente de la salle S5. Son entrée, large d’1,50 m, est équidistante du mur occidental du marché et de la colonnade orientale. Elle est encadrée par deux pilastres discrets, localisés à environ 1,50 m de part et d’autre des jambages. À environ 2,70 m au nord de la façade, à la limite d’un secteur non fouillé de la cour, apparaissent les vestiges d’une colonne et un amas de blocage correspondant à une construction effondrée. Ces vestiges ne peuvent pas correspondre à un troisième portique, en raison de l’absence de stylobate à l’est et à l’ouest ; il pourrait plutôt s’agir d’un profond porche saillant, mettant ainsi en exergue la position centrale de la salle S5.
Phase 4 : constructions dans la cour Dans une dernière phase, plusieurs constructions supplémentaires, non numérotées sur le plan de F.E. Brown, sont ajoutées dans la partie nord de la cour. Une pièce supplémentaire est ajoutée à l’est de la boutique S21/A2116 (numérotée A19 sur la fig. 5), condamnant son entrée initiale ; un nouvel accès est créé dans la façade nord de l’arrière-boutique A23, ouvrant directement dans le portique. Trois autres salles sont érigées contre le mur oriental du marché (A3, 4 et 22, fig. 5). Les murs de ces constructions, en blocage de djousse et de calcaire moins soigné que les autres espaces du marché, avaient initialement poussé F.E. Brown à y reconnaître des boutiques d’époque parthe, qui auraient été rasées lors de la construction du marché. L’examen des vestiges a néanmoins permis de rejeter cette hypothèse, et d’y voir plutôt une phase ultime d’aménagement du secteur : ces murs sont en effet conservés sur une hauteur légèrement supérieure au stylobate du portique, sur lequel ils s’appuient visiblement (fig. 6). Ces quatre salles, qui ne suivent pas exactement le même alignement, conduisent à un morcellement de l’espace central : le portique nord,
Phase 3 : construction de boutiques supplémentaires Une série de boutiques est ensuite venue s’ajouter le long du mur occidental du marché, à partir du sud. Malgré l’absence d’indications chronologiques précises, la postériorité de ces constructions est établie avec certitude : les murs latéraux de ces boutiques viennent en effet s’appuyer clairement contre le mur du marché. Un très léger décrochement dans l’alignement de la façade entre les boutiques S17 et S18, largement caché par le jambage
La numérotation double se réfère à la numérotation adoptée par F.E. Brown (fig. 4) / celle adoptée dans le plan inédit plus complet (fig. 5). 16
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Gaëlle Coqueugniot
Fig. 8 : La colonnade nord du marché romain vue vers l’est, depuis le nord-ouest de la boutique S21 (cf. fig. 4). Au premier plan, le premier entrecolonnement du portique nord a été condamné par la construction d’une petite salle annexe à S21 (cl. G. Coqueugniot/MFSED).
les plus complets – explicitement associé au commerce alimentaire, en particulier celui des produits de la pêche, de la boucherie et d’autres denrées précieuses, nécessitant une protection et un contrôle particuliers19. Il apparaît donc important, avant de classer le marché romain d’Europos dans la catégorie des macella romains à proprement parler, d’examiner – outre sa forme-même – la ou les fonctions de ce complexe sur l’agora.
désormais largement séparé de la cour, ressemble ainsi de plus en plus à une ruelle marchande privée. Le « marché romain » : un édifice qui se démarque de l’agora parthe ? Lors de sa découverte, le marché d’Europos a tout de suite été rapproché des grands marchés romains déjà connus en Méditerranée. Il a d’ailleurs longtemps été considéré comme l’un des rares exemples de macellum dans les provinces orientales de l’Empire17. Cette identification repose en grande partie sur la forme même du complexe, qui rappelle celle de ces marchés alimentaires, organisés autour d’une cour bordée de colonnades et de boutiques et dont l’accès était contrôlé par des portes. Si le type architectural du macellum romain – à la suite des agoras ioniennes – semble se répandre dans les provinces de l’Empire à partir de l’époque flavienne18, la définition retenue par Claire de Ruyt pour ce complexe n’est pas uniquement architecturale. En effet, le macellum est – dans les textes anciens et dans les vestiges archéologiques
La vocation commerciale de l’édifice au nord de l’îlot G6 a fait l’objet d’un consensus depuis sa mise au jour. Néanmoins, la nature exacte des produits qui y étaient vendus reste plus difficile à appréhender, au vu du caractère incomplet et mal documenté du dégagement de la structure. Le registre des objets pour l’année 1931-1932 n’a enregistré qu’un nombre limité de découvertes dans l’îlot G620 : des monnaies surtout, ainsi que quelques objets métalliques (bagues, ornements, éléments d’attaches en bronze et en fer) et céramiques (lampes et pots). La publication préliminaire de l’agora s’est concentrée sur les édifices de la dernière phase d’occupation du site, à l’exception notable des boutiques indépendantes. Ainsi, pour la moitié nord de l’îlot G6, seule la « maison C » et les boutiques adjacentes ont fait l’objet d’une description succincte21. Les aménagements relevés par les fouilleurs dans cet ensemble (table équipée d’une cuve et large
Pour une synthèse qui reste commode sur ces macella du monde romain, malgré son catalogue aujourd’hui incomplet, voir De Ruyt 1983, (p. 68-70 pour sa présentation du marché d’Europos). Au Proche-Orient, on ajoutera notamment à ce catalogue le macellum de Gerasa (Uscatescu, Martín-Bueno 1997) et les marchés suburbains de Palmyre (Delplace 2017, p. 135-140). 18 Ainsi, Cristilli 2015 considère l’expansion du modèle comme une marque du pouvoir central romain sur les provinces. Pour le ProcheOrient, il mentionne en particulier le cas du macellum de Gerasa, érigé sous Hadrien, dont les maladresses architecturales seraient liées, selon lui, à l’importation d’un modèle nouveau dans la région (p. 78-79). 17
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De Ruyt 2007 ; Richard 2014. La numérotation des espaces fouillés telle qu’elle apparaît dans le registre des objets doit vraisemblablement être rapprochée du plan non daté conservé dans les archives de la mission de Yale (fig. 5). 21 Brown, Rostovtzeff 1944, p. 153-156. 20
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Le « marché romain » d’Europos-Doura (Syrie) foyer dans la cour C1022, trois bassins en céramique dans le corridor C3, un dolium dans la boutique C8, six dolia et deux amphores en C4) ont permis d’y reconnaître une taverne, peut-être associée à un commerce de vin ouvrant sur le marché romain23. Des éventuels aménagements dans les autres boutiques du marché romain, nulle mention n’est faite dans les publications de l’agora. Tout au plus le plan de F.E. Brown (fig. 4) permet-il de restituer des banquettes dans S18 et S21 à l’ouest, un probable dolium en S11 au sud, et des structures non définies en S6 au sud et en S4 au nord. En 2009, nos travaux n’ont pas porté sur le dégagement des boutiques, dont les murs de briques avaient fondu depuis leur dégagement initial en 1932, recouvrant leurs éventuels aménagements internes. Au milieu de la boutique S21, cependant, était encore visible la face supérieure d’une pierre circulaire de près d’1,20 m de diamètre, qui pourrait correspondre à un élément de pressoir24. Parmi les maigres indices relevés quant à la fonction probable des boutiques du marché, aucun ne se rapporte de près ou de loin au commerce de la viande ou du poisson, les produits de prédilection vendus dans les macella25. Certes, ces denrées et les autres produits alimentaires échangés dans le macellum n’ont que rarement laissé de traces aisément visibles sur le terrain. Néanmoins, la présence de dolia et – surtout – celles d’amphores semble indiquer un négoce de vin, traditionnellement absent des macella romains26.
le « marché romain » apparaît ainsi comme l’expression de la double évolution urbanistique de ce quartier central. Sa construction, dans le courant du IIe siècle de notre ère ou – au plus tard – au début du IIIe, intervient à un moment où les espaces centraux de l’agora étaient en voie de disparition au profit de constructions privées, échoppes et édifices alliant espaces domestiques et commerciaux. La réduction des places publiques d’Europos débute apparemment pendant la domination parthe, au tournant de l’ère chrétienne ou au cours du Ier siècle de notre ère28. Au fil des empiètements privés sur l’espace central non bâti, plusieurs des édifices les plus importants riverains de la place s’approprient de vastes espaces ouverts, se créant de petites places semi-privées et préservant ainsi leur accès sur les rues principales29. Ainsi, le bureau des chréophylaques – des magistrats responsables de l’enregistrement des transactions foncières –, installé dans l’angle sud-ouest de l’îlot hellénistique G3, se pare au cours du Ier siècle d’une vaste cour (A1), qui lui permet de conserver son unité et un accès direct sur la rue F et le square désormais réduit de l’agora30. Le marché construit au cours du siècle suivant au nord de l’îlot G6 constitue de fait un nouvel espace semi-privé consacré au négoce, à l’instar de la cour irrégulière bordée d’entrepôts créée au sud de l’îlot G1, dans une position presque symétrique au marché, là où précédemment passait la rue 2 (fig. 3).
Qui plus est, il ne semble pas y avoir eu de distinction claire entre les produits échangés dans ce marché et ceux vendus dans les échoppes mises au jour dans la cour irrégulière au sud de l’îlot G1 plus à l’est et le long des rues de l’agora (fig. 3).
Le « marché romain » de l’îlot G6 est aussi l’un des exemples les plus évidents d’une monumentalisation des espaces centraux de la cité, qui s’exprime en particulier par l’apparition de colonnades, jusqu’alors très limitées à Europos. Cette monumentalisation des rues de la ville a été rapprochée de la multiplication des colonnades le long des rues et dans les espaces publics des grandes villes de l’Orient romain aux IIe et IIIe siècles de notre ère31. À Europos, cette monumentalisation s’exprime principalement le long de la rue principale, avec son arc fermant la rue à hauteur des îlots B8 et C7 – en bordure de l’agora – et la construction progressive de portiques le long des îlots mitoyens32, et sur l’agora : les rues H et D sont fermées par des arcs, la rue H, la « rue du marché » et l’allée G2 sont parées de colonnades sur une grande partie de leur tracé. Le marché de l’îlot G6 est sans doute l’exemple le plus achevé de cette monumentalisation, qui peut être reliée à l’installation des Romains dans la ville à partir de 165 de notre ère. Il s’inspire visiblement du modèle exogène du macellum, vraisemblablement importé par les soldats romains stationnés là dès le milieu du IIe siècle et, surtout, après l’installation pérenne d’une importante garnison dans le tiers nord de la ville au début du IIIe siècle. Cette romanisation des espaces publics reste inachevée à Europos, peut-être en raison de l’importance modeste de l’agglomération ou à cause de son siège par
De fait, la plupart des édifices de l’agora – à l’exception de l’office public des chréophylaques, dans l’angle sud-ouest de l’îlot G3 – avaient une fonction commerciale attestée : boutiques bordant les différents axes de circulation, tavernes, ateliers artisanaux, maisons de passe, etc.27. Plus qu’un bâtiment qui se distingue fonctionnellement du reste de l’agora, le « marché romain » de l’îlot G6 apparaît donc comme un édifice commercial d’une forme nouvelle, importée, dans un quartier dévolu depuis longtemps déjà à toutes sortes de transactions commerciales. Le « marché romain » d’Europos et les évolutions édilitaires sur l’agora d’Europos Plus qu’un édifice particulier, qui se serait démarqué des autres constructions de l’agora par des activités différentes,
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Nous suivons ici la numérotation adoptée par F.E. Brown, correspondant au plan publié dans le volume de 1944 (fig. 4). 23 Voir Baird 2007. 24 Cet élément apparaissait déjà sur le plan non daté (boutique A21, fig. 5). 25 De Ruyt 2007. 26 L’absence traditionnelle de négociants en vin, huile et céréales dans les macella romains est rappelée encore par Andreau 2012, p. 77. 27 Baird 2007 ; Baird 2014, p. 186-200 ; Coqueugniot sous presse.
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Brown, Rostovtzeff 1944, p. 28-54. Brown, Rostovtzeff 1944, p. 55-65. Coqueugniot 2012, p. 107-110. Downey 2000. Leriche 2004.
Gaëlle Coqueugniot Cristilli A. (2015), « Macellum and Imperium. The Relationship between the Roman State and the Marketbuilding Construction », Analysis archaeologica 1, p. 69-86.
les armées sassanides et de son abandon au milieu du IIIe siècle. L’étude du « marché romain » de l’îlot G6, bien qu’inachevée, a permis de préciser la chronologie de l’édifice et surtout de mettre en valeur deux évolutions également apparentes dans d’autres secteurs de la ville et, plus largement, dans les autres villes de l’Orient Méditerranéen : d’une part, la réduction de l’espace public – places et rues – au profit de constructions domestiques et commerciales, d’autre part, la monumentalisation de ces espaces publics, clairement marqués par des influences extérieures importées par l’armée romaine à partir du milieu du IIe siècle de notre ère.
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POUR UNE TYPOLOGIE DE LA STÈLE FUNÉRAIRE EN SYRIE DU NORD HELLÉNISTIQUE ET ROMAINE : FORME, STRUCTURE, ENCADREMENT Nicolas Bel
Résumé La Syrie du Nord hellénistique et romaine a livré des témoignages matériels funéraires très disparates. Le présent article propose de s’intéresser au cas des stèles funéraires, et de passer rapidement en revue les différentes typologies repérées dans la région (Antioche, Apamée, côte syrienne, Émésène, Cyrrhestique, Moyen-Euphrate), en s’intéressant particulièrement à leur composition structurelle (forme, cadre architectural). On constate une juxtaposition de types différents sur des territoires restreints. Des tendances peuvent être repérées, et des pistes interrogées (importance du fronton comme marqueur d’influence, persistance de traditions anciennes, originalités architectoniques). Mots-clés : stèle funéraire, Syrie du Nord, structure architectonique, reliefs rupestres, Zeugma, Hiérapolis, Cyrrhus, Apamée, Émésène, Antioche. Abstract North Syria in the Hellenistic and Roman period has provided a large variety of funerary archaeological remains. The purpose of this paper is to consider the case of funerary stelae, reviewing the different types to be found in the area (Antioch, Apamea, Syrian Coast, Emesene, Cyrrhestica, Mid-Euphrates) and then focusing on their structural composition (shape, architectural framework). A juxtaposition of many different types in small areas is clearly apparent. Trends may be discerned which give new insights (pediment as cultural marker, former traditions still visible, architectonic innovations). Keywords: funerary stela, Northern Syria, architectural structure, rock-cut reliefs, Zeugma, Hierapolis, Cyrrhus, Apamea, Emesene, Antioch. Introduction : définition du champ de l’étude
perspective archéologique5 ou épigraphique6. Une vision synthétique à l’échelle de la Syrie a été proposée par Klaus Parlasca7. Enfin les recherches récentes tendent à englober l’architecture et le mobilier funéraires dans une approche globale du fait funéraire, de la conception de la sépulture à la commémoration8. Il a toutefois semblé utile de revenir sur la question du relief funéraire, et d’interroger la documentation à l’échelle d’une région, en intégrant sites archéologiques et collections muséales, pour tenter de distinguer des tendances, influences et persistances, dans un secteur du monde gréco-romain à cheval entre Orient et Occident9.
Depuis les grandes expéditions scientifiques au Levant au début du XXe siècle1 jusqu’aux missions archéologiques programmées ou de sauvetage du tournant du XXIe siècle2, la documentation révèle une densité très importante de témoignages matériels funéraires en Syrie pour les époques hellénistique et romaine. Mais le paysage est très disparate, entre des nécropoles ou tombeaux fouillés et documentés et des trouvailles fortuites éparses rassemblées dans les musées au fil des décennies. De grands ensembles ont heureusement été bien étudiés et publiés sous forme de monographies3 ou de synthèses régionales4. Par ailleurs, un catalogage systématique des collections muséales libanaises, syriennes et turques a été initié, dans une
Quelle est la nature du corpus que nous entendons embrasser sous l’appellation relief funéraire ? Il s’agit,
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1 Par exemple, les expéditions archéologiques de l’université de Princeton en Syrie, cf. Butler et al. 1903-14 et 1914-30. 2 Citons les découvertes des missions internationales sur les sites de Séleucie-de-l’Euphrate et Apamée à partir de 1992, cf. Kennedy 1998 ; Desreumaux, Gaborit, Caillou, 1999. 3 Pour Palmyre : Sadurska, Bounni 1994 ; Dentzer-Feydy, Teixidor 1993 ; pour Séleucie-de-l’Euphrate : Wagner 1976 ; pour la Cyrrhestique : Blömer 2014. 4 La première publication d’un corpus funéraire intégrant tous les sites d’une région concerne le Hauran en Syrie du Sud : cf. Sartre-Fauriat 2001.
Weber 2006 ; Laflı, Meischner 2008 ; Laflı, Christof 2014. Cf. programme des IGLS ; cf. Aliquot, Yon 2016 pour l’université américaine de Beyrouth et Yon, Aliquot 2016 pour le musée national de Beyrouth. 7 Parlasca 1982. 8 Voir la très récente synthèse, sur le territoire de la Syrie et du Liban actuels, proposée dans De Jong 2017. 9 Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un doctorat en cours, mené sous la direction de Pierre-Louis Gatier (université Lumière-Lyon 2 ; laboratoire HISOMA, UMR 5189). Je remercie P.-L. Gatier pour ses relectures et conseils, ainsi que J. Aliquot pour son éclairage et son aide. 6
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Nicolas Bel
Fig. 1 : Carte de la Syrie du Nord (© N. Bel sur fonds de carte IFPO).
parmi les aménagements funéraires à la surface du sol, des monuments meubles conçus pour être dressés et fichés en terre à l’emplacement de la sépulture individuelle, c’est-à-dire les stèles funéraires, « plaque[s] de pierre dressée[s] destinée[s] à signaler la sépulture, et éventuellement gravée[s] (…) »10 ; par extension et pour leur rôle de signalement, on peut intégrer au corpus les plaques de pierre bouchant, dans un tombeau collectif, les emplacements individuels (loculi). Stèles et plaques de loculus font bien sûr partie de l’ensemble vaste des monuments du culte funéraire creusés, construits ou sculptés (tombeau rupestre, colonne, massif construit, édicule, tombeau maison, tombeau temple, tombeau tour, mausolée, columbarium, hypogée, sarcophage, statue funéraire), au sein duquel des comparaisons utiles peuvent être faites. En particulier les reliefs rupestres, sculptés en façade ou à l’intérieur de tombeaux excavés, peuvent présenter de fortes similitudes avec des stèles funéraires.
hydrographique de l’Oronte jusqu’au Moyen Euphrate (fig. 1). Ce secteur deviendra successivement la partie nord de la province de Syria, puis la province de Syria Coele en 197. Plusieurs zones peuvent être distinguées : les centres urbains fondés au début de l’époque hellénistique sur la côte et le long de l’Oronte, notamment Antioche près de Daphnè (Antakya) et Apamée de l’Oronte (Afamya) ; les villes côtières : Laodicée (Lattaquié), Arados (Arwad) et leurs territoires, particulièrement importantes à l’époque impériale pour leur position stratégique en lien avec les voies romaines nord-sud ; les cités de la haute vallée de l’Oronte (Émèse (Homs), Épiphanie (Hama), Aréthuse (Al-Restan)), en contact avec la Syrie intérieure ; le Massif calcaire à l’est d’Antioche et d’Apamée et jusqu’à Béroée (Alep) ; au nord, la Cyrrhestique jusqu’à Dolichè (Dülük) ; enfin, sur la boucle de l’Euphrate, les cités fondées à l’époque hellénistique, notamment Séleucie-del’Euphrate/Zeugma (Bâlkis), sur la route d’Antioche à Édesse, auxquelles il faut relier le territoire de Hiérapolis (Membidj).
Pour présenter brièvement le champ géographique de l’étude, il a semblé pertinent de se concentrer sur la partie septentrionale de la Syrie11, au nord d’une ligne TartousHoms, correspondant à une zone d’influence séleucide continue du IIIe au Ier siècle avant J.-C. : depuis le bassin
Dans la thématique globale des circulations artistiques entre Orient et Occident, l’étude des stèles funéraires de Syrie du Nord s’accommode très bien de bornes chronologiques larges, couvrant l’époque hellénistique et tout le Haut-Empire12 : de 300 avant J.-C., date des
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Ginouvès 1998, p. 61 et note 96. La partie méridionale de la Syrie est par ailleurs intégrée dans les recherches sur le portrait funéraire menées par Bilal Annan sous la direction de F. Villeneuve (Paris I) et F. Queyrel (EPHE). 11
Cette étude étant une première étape d’un travail plus vaste, nous ne nous attachons pas ici à la question de la datation relative des reliefs funéraires. 12
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Pour une typologie de la stèle funéraire en Syrie du Nord hellénistique et romaine premières fondations séleucides en Syrie du Nord13, à 313, date de l’Édit de Milan, point visible de l’enclenchement d’une évolution culturelle et religieuse profonde. Cette large période permet en effet d’entrevoir des phénomènes importants : l’introduction de la cité grecque en Orient, avec ses règles et ses modes ; la domination de la République romaine puis du Principat, apportant là encore des modes de pensée et de représentation exogènes. L’étude des interactions de ces éléments avec les traditions indigènes reste cohérente dans un contexte païen qui perd l’exclusivité à partir du début du IVe siècle.
largement éparpillés. Le corpus connu provient à la fois des fouilles américaines réalisées dans les années 193020, qui ont dégagé environ 150 stèles, et de trouvailles réalisées par les habitants et apportées régulièrement aux autorités au cours du XXe siècle ou vendues21. Si les stèles issues des fouilles ont été étudiées de longue date22, les stèles conservées dans les collections publiques turques n’ont fait l’objet que récemment de publications systématiques détaillées23, qui permettent aujourd’hui d’avoir une idée des différentes typologies présentes dans les nécropoles d’Antioche. Les publications identifient trois types de structure architectonique : les stèles à fronton et tenon inférieur, les stèles à fronton et base sans tenon, et les stèles à cadre architecturé ; ces dernières sont considérées comme les plus tardives, représentatives de l’évolution des coutumes funéraires à l’époque romaine impériale24.
Quelle méthodologie adopter pour mener cette analyse ? Pour chaque groupe de reliefs funéraires repéré dans la zone géographique étudiée, une sélection est effectuée, de manière à représenter les caractéristiques de chacun d’entre eux, l’objectif étant d’avoir une vision synthétique de la variété des types et de leur évolution éventuelle au cours du temps14. A partir de cette sélection, la première étape, présentée ici, consiste en une analyse de la composition structurelle du relief (forme, cadre architectural)15, en s’appuyant sur des normes descriptives communes16, sur des typologies déjà établies pour certains sites17 ou pour des corpus très proches18. On s’est intéressé aux éléments suivants : la forme générale du bloc dégagé pour être sculpté, l’existence ou l’absence d’un cadre architectural, la présence de détails architecturaux reconnaissables, la hiérarchie des niveaux de relief (encadrement, champ)19.
L’analyse de l’ensemble permet d’aller plus loin (fig. 2). Lorsque les données de dimensions sont disponibles, elles invitent à établir une distinction très nette entre deux types de productions : d’une part des stèles épaisses (plus de 10 cm d’épaisseur) manifestement destinées à être dressées librement ; d’autre part des plaques fines (moins de 4 cm d’épaisseur) taillées et préparées pour être fixées au mur. Les stèles ont une hauteur moyenne de 60-80 cm, tandis que les plaques ne dépassent pas 40 cm de hauteur. Cette distinction renvoie clairement à la destination des reliefs funéraires : par leur volume et la présence d’un tenon inférieur (conservé sur plus de la moitié des exemplaires), les stèles devaient être insérées dans une mortaise, aménagée soit en surface du sol, dans un socle ou massif signalant l’emplacement de la tombe, soit à l’entrée ou dans la salle centrale du tombeau creusé ou construit. Les plaques sont de taille standardisée et ont été amincies de sorte qu’il est impossible qu’elles aient été disposées librement, mais plutôt apposées verticalement sur une paroi (par scellement pour clore la cavité du loculus plutôt que par fixation grâce à des pattes métalliques à la manière d’un ex-voto moderne).
Les différents groupes repérés et leur typologie Antioche-sur-l’Oronte Ville la plus importante du royaume séleucide, capitale de la province romaine de Syria en 64 avant J.-C., enfin siège du culte impérial pour les quatre éparchies de Syrie, Antioche était environnée par plusieurs nécropoles (sudest et nord-est) dont les monuments funéraires ont été
Quelles que soient les interprétations liées à l’usage de ces reliefs, la distinction entre stèles et plaques est également intéressante du point de vue de la composition architectonique des reliefs. En effet, deux constatations peuvent être formulées. Premièrement, sur les deux types, le motif du fronton triangulaire est omniprésent25 : il peut
13 A l’issue du partage d’Ipsos en 301, Séleucos Ier se lance dans un programme de fondation, notamment des quatre villes de la « tétrarchie syrienne » (avril-mai 300) : Séleucie-de-Piérie, Antioche-sur-l’Oronte, Apamée-sur-l’Oronte et Laodicée-sur-mer ; cf. Seyrig 1970, p. 298-307 ; Sartre 2001, p. 118. 14 De Jong 2017, qui prend en compte le territoire de la Syrie et du Liban actuels, préfère sélectionner les seuls sites pour lesquels des données archéologiques sont assurées, et quantifier intégralement, en annexe, les éléments funéraires de chaque site retenu. 15 Une seconde étape, restant à mener, consistera à analyser la représentation du défunt : reprise de modèles iconographiques établis (deixiosis, déploration, banquet funéraire) ; représentation en buste, en pied, seul ou en groupe, en toge ou en armes ; représentation symbolique du défunt (aigle, corbeille) ou des funérailles (guirlande, rideau) ; enfin absence de représentation. 16 Ginouvès 1985 et 1998. 17 Voir par exemple, pour Séleucie-de-l’Euphrate/Zeugma, la typologie établie par Wagner 1976, p. 156-157 et fig. 19, p. 160. 18 Cf. Le Dinahet-Couilloud 1974 sur la typologie des stèles de Rhénée (Délos) : stèles rectangulaires, stèles à fronton, stèles à couronnement semi-circulaire. 19 Aux différents niveaux de relief, il faudrait ajouter les éléments peints, disparus la plupart du temps sur les stèles, mais qui constituaient un niveau de décor supplémentaire. Les plaques de loculus, protégées à l’intérieur des tombeaux, en gardent fréquemment les traces, cf. DentzerFeydy, Teixidor 1993.
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Fouilles de l’université de Princeton, cf. Stillwell 1938 et 1941. Le fonds se trouve aujourd’hui principalement au musée archéologique d’Antakya, au Princeton University Museum, au Worcester Museum, ainsi qu’au musée du Louvre et au musée archéologique d’Istanbul ; cf. Güven 2014, p. 18. 22 IGLS III,1 ; Kondoleon 2000, p. 139-143 ; Weir 2001, p. 274-277, propose une analyse quantitative et qualitative à partir des inscriptions des stèles conservées à Princeton, par rapport aux stèles présentes dans IGLS III,1. 23 Laflı, Meischner 2008 ; Laflı, Christof 2014 ; Güven 2015. Une cinquantaine de stèles du musée d’Antakya apparaissent dans IGLS III, cf. Güven 2014, p. 21, qui passe en revue, dans le cadre d’une approche thématique, tout le corpus connu. 24 Laflı, Christof 2014, p. 162, 169 ; Laflı, Meischner 2008, p. 167. 25 Mais pas exclusif : voir Princeton University Art Museum n° 2000114 et 2000-115, cf. Weir 2001, p. 280-284. 21
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Fig. 2 : Antioche, typologie des stèles (a-c) et plaques (d-f) (© N. Bel).
être soit représenté en haut-relief et totalement dégagé, avec trois acrotères réservés en ronde-bosse, un central et deux aux angles26 ; soit représenté en relief mais intégré dans le volume central de la stèle, dont la partie supérieure reste quadrangulaire, les deux ou trois acrotères étant alors détachés en bas-relief27 ; enfin, pour les plaques, le rampant du fronton peut épouser le bandeau périphérique du relief, donnant au bord supérieur une forme triangulaire, avec parfois évocation des deux acrotères d’angle28. Deuxièmement, le niveau de représentation des détails architecturaux est beaucoup plus poussé sur les stèles que sur les plaques. Sur les premières, une moulure est quasi systématiquement représentée entre la base et le champ central (une combinaison tore/baguette et congé/cavet), ainsi qu’entre le champ central et le fronton (au moins un congé ; souvent un entablement ionique simplifié, avec deux ou trois fasces bien visibles supportant le fronton) ; dans 20% des cas, le champ central est encadré de colonnes ou pilastres lisses, à base attique (deux tores) et chapiteau
dorique ou corinthien, donnant à la stèle une forme d’édicule ; le champ central, généralement rectangulaire, est parfois en forme de niche cintrée sous le fronton29 ; enfin le fronton est fréquemment occupé par une rosette centrale à quatre, six ou huit pétales. Pour les plaques au contraire, peu de détails architecturaux apparaissent : en général un simple bandeau plat continu fait office de base, de montants verticaux et de rampant du fronton ; aucun entablement ne sépare le champ et le fronton ; dans plusieurs cas, les montants verticaux sont des pilastres simplifiés, sans base, avec parfois un décrochement évoquant des chapiteaux30.
Par ex. : n° 2388, 8442, 9026 et 17737 du musée d’Antakya. Par ex. : n° 11182, 11183, 16737, 17843 et 17913 du musée d’Antakya, n° MA 5457 du musée du Louvre. 28 Par ex. : n° 1936.41 et 1936.42 du Worcester Art Museum, n° AO 11246 et MND 1798 du musée du Louvre, n° 2000-92 du Princeton University Art Museum.
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La richesse des détails architectoniques sur les stèles dressées d’Antioche permet des comparaisons avec des productions d’ateliers grecs d’époque hellénistique, en particulier ceux de Rhénée et des Cyclades (type de la stèle à fronton)31. Ces rapprochements plaident pour une datation haute des stèles d’Antioche, en comparaison Dans au moins un cas, ce cintre remplace le fronton et donne à la stèle une forme générale cintrée : n° 8445 du musée d’Antakya. 30 Sur deux plaques (n° 16737 du musée d’Antakya et n°2324 du musée archidiocésain de Wroclaw), de véritables colonnes sont représentées : lisses, à base attique et chapiteau ionique ou corinthien. 31 Cf. Le Dinahet-Couilloud 1974, p. 263-268.
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Pour une typologie de la stèle funéraire en Syrie du Nord hellénistique et romaine du groupe des plaques, évoluant vers une structure architectonique simplifiée.
verticaux ou colonnes ne viennent l’encadrer, comme c’est le cas sur les stèles à fronton d’Antioche. Enfin une base plus large, reliée au fût par un simple chanfrein, permet à la stèle de tenir dressée sans tenon ; sa surface est moins préparée que celle du champ central. Deuxièmement, les stèles à édicule se caractérisent par un cadre architectural sculpté en haut-relief, donnant l’impression d’un petit bâtiment funéraire, avec parfois la représentation de la porte à double vantail, à la manière des stèles de Phrygie d’époque romaine38. Les détails architectoniques sont beaucoup plus précis : podium, bases attiques, colonnes cannelées aux deux-tiers, chapiteau ionique, entablement ionique à architrave (trois fasces, couronnement, frise, denticules), fronton triangulaire habité d’une rosette à six pétales dans le tympan. Ce souci du détail n’est pas propre à l’époque hellénistique, puisqu’on le retrouve sur la stèle d’Aper et Florus, datée de 96 puis 11639. Au-dessus du fronton sont figurés des acrotères d’angle (palmette ouverte), entre lesquels se développe en faible relief un décor de rinceaux, malheureusement incomplet sur tous les exemplaires conservés40. Une stèle de ce type a encore été découverte en 2009 dans un champ au sud de la ville : elle témoigne d’une simplification extrême du type à édicule, avec simple abaque, corniche plate, rampants en biseau, acrotères non sculptés, et une rosette au centre41. Enfin une série moins représentée est celle des cippes funéraires, imposants par leur taille (environ 150 cm de hauteur, et plus épais que les stèles) et la qualité de leur modénature : ainsi le cippe d’Héraios (mort en 134) et de Mélinna (morte en 160) présente une surface finement préparée et une mouluration de corniche parfaitement exécutée (quart-de-rond, doucine, quart-de-rond)42.
Apamée-de-l’Oronte Située dans le bassin moyen de l’Oronte, Apamée est fondée dès 300 avant J.-C. Cité florissante devenue un site militaire de premier plan, elle a laissé des vestiges architecturaux monumentaux et un rempart impressionnant ; des fouilles belges y sont entreprises dès 193032. L’abondance exceptionnelle du matériel funéraire retrouvé est liée à la présence au IIIe siècle de la Legio II Parthica, qui hiverna à Apamée en 215-218, 231-233, 242-244 et 25233. La présence d’une nécropole au nord et à l’est du rempart est attestée34, toutefois la totalité des stèles et cippes, en calcaire, ont été trouvés sans connexion avec leur contexte d’usage initial (remplois, contexte agricole). Du fait de cette forte présence militaire au IIIe siècle, il faut distinguer les stèles funéraires destinées aux citoyens de la cité depuis le IIIe siècle avant J.-C. jusqu’au IIIe siècle apr. J.-C., toutes inscrites en grec, de celles destinées aux soldats et officiers de la légion et de ses corps auxiliaires, inscrites en latin. Les stèles de citoyens, peu étudiées comme un ensemble, se répartissent en trois types : stèles à fronton, stèles à édicule, et cippes (fig. 3 a-c). Les premières, les plus répandues, se caractérisent par une insistance sur le motif du fronton, sur lequel porte l’essentiel du travail de sculpture ; ce phénomène est constant durant toute la période, bien que la qualité de la facture semble diminuer au cours de la période romaine : on peut comparer par exemple le fronton de la stèle d’Eugéneia (datée des IIIe-IIe siècle avant J.-C.)35 de qualité très soignée avec une corniche (baguette, quartde-rond, cavet) et des rampants (baguette, cavet) détaillés, avec celui de la stèle de Gorous (datée de 118/119)36, représenté par un simple rampant large et plat. Le fronton, très en relief et débordant latéralement, est d’autant plus mis en valeur que la pierre n’est pas totalement dégagée au sommet, pour sculpter en bas-relief de volumineux acrotères d’angle ainsi qu’une rosace à l’emplacement de l’acrotère central37. Quant au champ central, il épouse totalement le fût de la stèle, sans que des montants
Les monuments funéraires des militaires de la Legio II Parthica constituent un corpus beaucoup mieux connu et étudié43, se répartissant en trois types : autels, cippes, stèles (fig. 3 d-f). Les autels funéraires, type romain répandu dans toutes les provinces à partir du IIe siècle, notamment par le vecteur de l’armée, sont composés d’une base à moulure en biseau, d’un dé central cubique et d’une corniche moulurée surmontée d’un bandeau droit, incisé de motifs d’acrotères d’angle, voire de rosettes intermédiaires44. Les cippes funéraires, de section carrée, ont une moulure à la base et à la corniche, et parfois un pyramidion au sommet. La qualité de la sculpture est variable, certains exemplaires rappelant par la finesse des moulures (quart-de-rond et doucine) et du parement, les cippes de citoyens45. Enfin les stèles, moins épaisses,
32 Sept campagnes de 1930 à 1938 sous la direction de Fernand Mayence, publiées à partir de 1931 dans le Bulletin des Musées Royaux d’Art et d’Histoire et dans L’Antiquité classique ; création du Centre belge de recherches archéologiques à Apamée de Syrie en 1965 et missions annuelles successives sous la direction de J.-Ch. Balty, avec trois colloques importants publiés (1969, 1972, 1980) ; rapports annuels publiés depuis 2007 sous la direction de Didier Viviers dans la Revue belge de Philologie et d’Histoire. Le démontage de la Tour XV (reconstruite intégralement au IIIe siècle en remployant notamment des stèles funéraires de la nécropole) en 1986-1988, a permis d’étudier 130 stèles jusque-là inaccessibles. 33 Viviers 2008, p. 146-148 : 168 stèles et cippes sont répertoriés pour ces quatre périodes d’hivernage de la légion. 34 Vandenabeele 1972, p. 85-92 : sondages menés par Frieda Vandenabeele en 1969-70. 35 Musée d’Apamée, n° d’inventaire inconnu ; cf. Balty 1981, p. 193 n° 3, fig. 208. 36 Musée d’Apamée, n° d’inventaire inconnu ; cf. Balty 1981, p. 194 n° 6, fig. 211. 37 Cf. Mayence 1936, pl. XLV fig. 6, stèle d’Aetos (= IGLS IV, n° 1354).
Voir la stèle de Démonicos, dans Balty 1981, p.193 n° 4. Balty 1988, p. 97 pl. 12,2. 40 Cette forme de couronnement rappelle les stèles à couronnement semi-circulaire de Rhénée, cf. Le Dinahet-Couilloud 1974. 41 Viviers 2010, p. 132, pl. XVI : N. Paridaens et D. Viviers la datent du IIe siècle. 42 Van Rengen 1969, p. 98-99, pl. XXXVII. 43 Cf. Balty, Van Rengen 1993, notamment p. 10-12 pour la typologie, reprise ici ; Balty, Van Rengen dans Viviers 2008, p. 146-147, annonçant une publication du corpus en préparation. 44 Par exemple, Balty, Van Rengen 1993, n° 8, p. 30 (datant de 215-218) et n°10, p. 32 (datant de 231-233). 45 Voir par exemple Balty, Van Rengen 1993, n°5, p. 26. 38 39
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Fig. 3 : Apamée, typologie des stèles civiles (a-c) et militaires (d-f) (© N. Bel).
y ont été découvertes47. Depuis le Djebel Akra au Nord jusqu’à la pérée aradienne au Sud, les deux cités les plus importantes sont Laodicée-sur-Mer (Lattaquié) et Arados (Arwad). Ces sites portuaires ont joué un rôle important à l’époque romaine impériale comme carrefour de circulations commerciales et surtout militaires : ils permettaient notamment de rejoindre Apamée et Raphanée, desservant ainsi les routes militaires nord-sud. Un caractère cosmopolite se dégage des quelques stèles funéraires provenant de ces sites ; on y retrouve une variété de types : cippe haut à motif figuré sur le dé central, haute stèle architecturée (fronton, corniche, entablement, colonnes cannelées aux deux-tiers) avec représentation de la défunte en pied, petite stèle à défunt représenté debout,
sont les plus nombreuses. Le fronton triangulaire y est récurrent, traité en deux dimensions par un bandeau plat courant sur tout le pourtour de la stèle ; le champ central est ainsi toujours encadré46. La corniche est parfois supprimée pour donner plus de place à la représentation figurée, ou parfois remplacée par un arc syrien, cintré. Les cités de la côte Bien que peu riche en vestiges mobiliers funéraires, la région côtière au Sud de Séleucie-de-Piérie doit être brièvement mentionnée ici, pour les quelques stèles qui
Je remercie Julien Aliquot pour les données de première main qu’il m’a fournies.
46 Voir par exemple Balty, Van Rengen 1993, n° 4, p. 25 (datée de 215218), n°11, p. 33 (datée de 231-233) et n° 24, p. 50 (datée de 252).
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Pour une typologie de la stèle funéraire en Syrie du Nord hellénistique et romaine en faible relief, buste funéraire sculpté dans une niche rectangulaire48. Les deux premiers types sont proches des cippes militaires et des stèles civiles d’Apamée ; le type de la stèle plaque avec défunt en pied rappelle les plaques d’Antioche, ou les petites stèles sur lesquelles le défunt en pied se détache en très haut-relief du champ49 ; le quatrième type se rattache à une tradition de représentation militaire présente dans toutes les provinces orientales de l’Empire romain.
de Houlatha, au musée national de Damas), le sommet cintré s’épaissit en cul-de-four décoré, pour la première, d’une conque54. Sous la plinthe est ménagé un tenon, pas toujours conservé. Tout le champ est occupé en haut-relief par la représentation en pied du défunt, l’inscription se logeant directement sur le fond de la stèle dans les espaces laissés libres. Une seule de ces stèles est datée, de 110 apr. J.-C. La seconde série n’a pas été étudiée en tant que telle. Elle partage avec la première des caractéristiques (fig. 4 c) : en basalte, les stèles adoptent une silhouette élancée, avec un sommet cintré ou ogival ; elles ne comportent pas d’encadrement architectural latéral. Elles ne portent pas de décor en haut-relief. Un motif structure l’agencement de la stèle : la guirlande aux pans retombants, en guise de corniche (et parfois complété d’un motif de remplissage là où on attendrait un tympan : rosette, aigle, croissant de lune, corbeille)55. Les inscriptions datées situent l’ensemble entre 110 et 160.
Le bassin moyen de l’Oronte : l’Émésène Ce secteur, occupé par les territoires des cités d’Épiphanie (Hama), Aréthuse (Al-Restan) et Émèse (Homs), correspond à une zone de passage entre Syrie intérieure et Syrie côtière. Émèse en particulier profite de cette position de carrefour et prend de l’importance au IIe siècle avant J.-C., sous la principauté arabe des Samsigeram50, puis à l’époque sévérienne (proclamation d’Héliogabale en 218, élévation au rang de métropole). Les reliefs funéraires d’Émésène ont principalement été découverts, depuis le XIXe siècle, sans connexion avec leur usage originel51 ; ils forment deux séries très différentes des productions étudiées ci-dessus.
La Cyrrhestique Cette région s’étend, au nord du Massif calcaire, depuis l’Antiochène jusqu’aux hauteurs de l’Euphrate et jusqu’au secteur de Dolichè (Dülük) au nord. La cité principale de Cyrrhus (Nebi Houri) s’est développée dès l’époque hellénistique (rempart, plan orthogonal) et à l’époque impériale (théâtre, urbanisme) ; elle joua un rôle militaire important, sur la route reliant Antioche à l’Euphrate (présence de la Legio X Fretensis) au Ier siècle56. Dans l’état actuel des données il est possible de distinguer pour ce secteur deux lots de reliefs funéraires : des stèles issues de trouvailles dans les nombreux villages de Cyrrhestique ; les stèles de la ou des nécropoles de la ville de Cyrrhus, de conception apparemment très différente.
La première série52 est un groupe très homogène de stèles figurées en basalte aux dimensions imposantes (H. 160 à 200 cm) et élancées (largeur 40 à 50 cm). Elles se caractérisent par une proportion hauteur/largeur constante, et par une composition identique (fig. 4 a-b) : base en plinthe parfois surmontée d’un chanfrein, absence de cadre architectural, fond de stèle aplani et se terminant, sans corniche ni fronton, par un sommet à angle aigu, presque ogival, ou cintré53 ; dans deux cas (stèle de Diodôra et stèle 48 Les trois premières stèles sont conservées au musée de Tartous (n° inventaire inconnu) ; la dernière est conservée au musée de Lattaquié (stèle de Valerius Secundianus, inv. n° 97, cf. Rey-Coquais 1994, p. 154155, pl. 2 ; AE 1994, n° 1769). 49 Par exemple, la stèle AO 29410 du musée du Louvre (rapportée par E. Renan comme provenant d’Arados), ou la stèle I.N. 892 de la Ny Carlsberg Glyptothek (acquise à Sidon par Løytved). 50 Qui préserve son autonomie jusqu’en 78, date probable de son intégration dans la province de Syrie, cf. Sartre 2001, p. 382-383, 451, 504-506. 51 Voir IGLS V. Pour les acquisitions postérieures à l’ouverture du musée archéologique de Homs en 1974 : Moussli 1983 ; Moussli, Ebert 1990. A partir de IGLS V, De Jong 2017 dénombre 125 stèles funéraires (annexe en ligne, table 17 : Homs cat.2). Nous nous concentrons ici sur la vingtaine de numéros pour lesquels une documentation iconographique est disponible. Dans les monuments funéraires de comparaison, citons la fouille d’un tombeau complet, à Hama, par l’équipe de H. Ingholt en 1938, qui a livré une statue funéraire et plusieurs bustes en ronde-bosse ; cf. Parlasca 2006 pour une synthèse très claire de cet ensemble clos. 52 Un point de la question a été fait dans Gatier 2010, à la suite de la découverte d’une nouvelle stèle à ‘Aqîrbât en 2001. Pour les autres exemples : IGLS V, n° 2311 (cf. Mouterde 1925, p. 216-218, pl. XXVI,1), 2331 bis (cf. Skupinska 1999, p. 174, pl. 25c), 2334 (cf. Parlasca 1982, pl. 22,2), 2359 bis (cf. Skupinska 1997, p. 21, pl. VI,1), 2392 bis (cf. Skupinska 2003, p. 592, fig. 8), 2406 (stèle de Sohaimos), 2582 (stèle de Saibaè) ; musée de Hama n° 1472 (cf. Skupinska 1997, p. 21, pl. VI,3) ; lieu de conservation inconnu, stèle de Valônios Severos vue à Burj elQaé (cf. Perdrizet, Fossey 1897, n° 16, p. 72-73, fig. 2) ; stèle féminine, tombeau rectangulaire de Liftâya (cf. Mouterde 1932, p. 112, pl. XIII,4). 53 Cette silhouette cintrée ou ogivale serait à mettre au compte de la tradition régionaliste phénicienne, d’après Skupinska 2003, p. 592. Si le terme « phénicien » n’est pas totalement approprié, on peut en
Les stèles provenant des villages forment un lot important, apporté au fil des décennies dans les collections des musées d’Adana ou de Gaziantep. Elles ont fait l’objet d’une publication globale, mais sélective, par M. Blömer57. On en connaît malheureusement rarement le contexte précis de trouvaille, excepté le nom de la localité. La soixantaine revanche y chercher un héritage nord-ouest sémitique, commun aux cités phéniciennes de la côte et aux principautés néo-araméennes de Syrie du Nord. 54 IGLS V, n° 2331 bis et n° 2392 bis. 55 Musée de Homs, stèle de Dôsa (n° 671), cf. Moussli 1983, p. 254256, n° 1 ; stèle de Klaudianos, cf. Moussli, Ebert 1990, p. 93, n° 5 ; stèle de Sammaios, cf. Moussli, Ebert 1990, p. 94, n° 6, pl. 1 ; Burdj al-Qattinah, stèle de Iadlaios (in situ), cf. Yon, Gatier 2009, p. 201 n° 58; Homs (quartier de la gare), stèle de Saéa (cf. Mouterde 1932, p. 92, n° 8, fig. 7). 56 Cf. Abdul Massih 2018, p. 54 pour la fouille du camp romain en 2008. E. Frezouls explora à plusieurs reprises le site, mais sans publication globale. Des fouilles syro-libanaises ont été entreprises depuis 2006 et doivent donner lieu à plusieurs publications, à la suite du premier volet consacré au théâtre (2012). Au moins une nécropole peut être localisée au nord-ouest, dans le secteur du mausolée hexagonal. La cité connaît une activité très importante aux Ve-VIe siècles. 57 Blömer 2014, p. 93-99, 255-294. Certaines stèles, mentionnées par Cumont, ont été étudiées par J. Wagner mais sans publication. Blömer répertorie 64 stèles (catégorie B II).
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Fig. 4 : Typologie des stèles d’Émésène (a-c) et de Cyrrhestique (d-h) (© N. Bel).
et en s’intégrant dans le sommet cintré, systématiquement préservé) ; la haute taille de la stèle permet souvent la juxtaposition de plusieurs champs.
d’exemples révèle une production extrêmement homogène (fig. 4 g-h) : toutes sculptées en basalte, les stèles offrent des proportions élancées, et leur sommet adopte toujours une forme cintrée ; leur profil n’est pas régulier mais en « pain de sucre », s’épaississant vers l’arrière et le bas, la partie inférieure du fût servant de socle. Au sein de ce groupe, Blömer distingue quatre types en fonction de la répartition du décor58. Pour l’analyse de la structure architectonique de ces stèles, on peut retenir les caractères suivants : lorsqu’un cadre architectural est représenté, il l’est sous forme d’un large bandeau plat (listel), qui environne le champ central de manière continue ; en partie inférieure ce bandeau peut se confondre avec le plan de la base ; les bandeaux latéraux peuvent jouer le rôle de pilastres lorsqu’un fronton est représenté (toujours en bas-relief,
Dans la ville de Cyrrhus, les nécropoles civiles et militaires ont accueilli de nombreuses stèles, dont quelques exemples sont connus. Comme à Apamée, coexistent naturellement plusieurs types de monuments funéraires : stèles civiles et stèles militaires (fig. 4 d-f). Le calcaire est utilisé de préférence au basalte. Pour les stèles civiles, des types différents de ceux trouvés à Antioche ou Apamée sont utilisés : tantôt une représentation de porte de tombeau en bas-relief surmontée d’un tympan cintré accueillant un ou plusieurs bustes funéraires, à la manière des stèles de Phrygie ; tantôt un type à édicule avec encadrement architectural et fronton décoré, le champ principal étant occupé non par l’inscription comme à Apamée, mais par la représentation du défunt en buste ; enfin un type où la
58 Blömer 2014, p. 95-96, pl. 19,3. La quinzaine de stèles datées permet de situer la période principale de production entre 120 et 180.
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Pour une typologie de la stèle funéraire en Syrie du Nord hellénistique et romaine structure architectonique se limite à un ruban funéraire dont les pans forment des bordures verticales. Dans les deux cas, les proportions massives des stèles sont notables. Pour les stèles militaires, un type simple se retrouve (encadrement architectural en large listel, couronnement simple par un arc cintré agrémenté de deux acrotères, champ central sculpté en relief dans le creux).
et base cubique, inscription sur la base. Ce type peut être déployé dans sa hauteur avec deux champs superposés. Le second type, à niche, se caractérise par un champ figuré dégagé du fond de la stèle, comme dans une niche de décor rupestre, horizontale à la base, cintrée au sommet (fig. 5 c-d) ; la stèle est alors plus épaisse et sculptée en hautrelief, formule particulièrement adaptée à la sculpture d’un buste funéraire, qu’on trouve sur la majorité des cas, alors qu’aucune stèle du premier type n’en figure. Généralement la niche n’est environnée que par le plan de référence du bloc, sur lequel est directement gravée l’inscription, sous la niche ; parfois la niche est travaillée sous forme d’édicule (par dégagement d’un arc cintré et d’acrotères au sommet du bloc ; par sculpture en bas-relief de pilastres et d’un arc cintré). On peut rattacher à ce dernier type les quelques reliefs parfaitement rectangulaires, sans cadre architectural détaillé sur le plan de référence, figurant deux ou trois bustes côte à côte.
Le Moyen Euphrate La boucle du Moyen Euphrate, limite naturelle à l’Est du Massif calcaire et de la Cyrrhestique sur la route d’Édesse, voit la fondation de cités et la densification de son occupation à l’époque hellénistique et romaine59. Les sites les plus importants sont Séleucie/Zeugma et Apamée-de-l’Euphrate, deux cités bien distinctes de part et d’autre du fleuve ayant fait l’objet d’un programme international de sauvetage depuis 1992 préalablement à la mise en eau du barrage de Birecik60. Centre urbain très étendu (75 ha) développé en terrasses, Séleucie/Zeugma est entourée de trois nécropoles (à l’est et au sud, au pied du Bâlkis Tepe, à l’ouest dans la vallée du Bahce Dere) connues pour l’époque impériale61 : la nécropole ouest comprenait notamment 144 tombes rupestres à alcôves ou en hypogée, dont les reliefs rupestres fournissent d’excellents éléments de comparaison avec les stèles funéraires ; les nécropoles est et sud ont livré plusieurs tombes non pillées, avec des sculptures funéraires encore en place62. Ces fouilles donnent un contexte archéologique ferme aux nombreux reliefs funéraires découverts épars et publiés par J. Wagner en 197663. Celui-ci a dressé une typologie basée sur la composition architectonique des stèles, avec cinq types64 ; nous proposons de les regrouper en deux catégories distinctes : les stèles à fronton triangulaire et à cadre architectural, c’est-à-dire à édicule, et les stèles à niche. Les premières correspondent à un modèle bien standardisé (fig. 5 a-b) : fronton à rampants larges, acrotères d’angle non décorés (parfois perforés), tympan à rosette, pilastres non décorés avec simple abaque
Il faut rattacher à cet ensemble la cité de Hiérapolis (Membidj), au pied du plateau en allant vers l’Euphrate, sur la route menant d’Antioche à Séleucie-du-Tigre ; site du sanctuaire d’Atargatis de Bambykè, Hiérapolis est devenue une cité importante dès l’époque hellénistique65. S’il n’est pas possible d’avoir une vision d’ensemble des stèles funéraires des nécropoles de Hiérapolis, les trouvailles éparses montrent une apparente variété de types (fig. 5 e-g). A côté de reliefs à niche, avec ou sans cadre architectural66, comparables au type de Zeugma, une série se distingue par la mise en œuvre et la combinaison des motifs employés : stèles de proportions élancées, à la surface très finement préparée, et décor en faible relief ; le cadre architectural consiste soit en montants latéraux portant un fronton67, soit en guirlandes végétales (feuilles de laurier par trois) tenant lieu d’encadrement et de corniche ; ce motif de guirlande structurant le décor peut aussi être disposé à l’intérieur du champ central, et adapté en rubans retombant d’une couronne68. La guirlande et la couronne, associées à l’aigle, semblent être des motifs caractéristiques des productions de Hiérapolis. Terminons par un hapax : la stèle de Marthama, dite provenir de Hiérapolis69 : elle est d’un type très différent, à mi-chemin entre stèle et statue funéraire. Le très haut-relief est intégré dans une niche architecturée, comme placé dans une vraie niche ; les montants verticaux sont sculptés et gravés en pilastres d’antes et surmontés d’un arc cintré décoré d’une épaisse guirlande, dont les rubans remplissent les
59 Cf. Sartre 2001, p. 118 et 151 : vingt-cinq sites repérés dans ce secteur. Cf. Gaborit 2007, p. 219. 60 Cf. Gaborit 2015, vol. 2, notices A08 (Belkis-Zeugma), A08a (Bahce Dere Nécropole Ouest) et A08b (Belkis nécropole Est) pour un historique de la recherche et des fouilles. Pour Séleucie : cf. Wagner 1976 et Kennedy 1998 ; pour Apamée : cf. Desreumaux, Gaborit, Caillou, 1999. Les fouilles d’Apamée et de ses tombeaux d’époque impériale, à l’emplacement de l’ancien quartier hellénistique, poussent à rattacher les traditions funéraires de cette ville au domaine de l’Osrhoène (inscriptions araméennes, style de représentation des défunts), nous ne l’incluons donc pas dans cette étude. 61 La nécropole d’époque hellénistique est connue seulement par quelques tombes, sous l’extension urbaine ultérieure (chantier 6), cf. Gaborit 2015, notice A08, §50-51. 62 Par exemple, la tombe TS3 de Zôpis et sa famille, cf. Ergeç, Yon 2012, p. 174-177 = tombe T91 dans Görkay 2012, p. 295-297. 63 Wagner 1976 publie 131 stèles ; ce corpus est complété par Ergeç, Yon 2012 avec 11 stèles au contexte archéologique connu, et 24 de provenance indéterminée. Skupinska-Lovset 1985 a proposé une répartition chronologique du Ier au IIIe siècle en se basant sur une analyse iconographique des reliefs. 64 Wagner 1976, p. 156-161, fig. 19 : type I à édicule (71 nos), type II à édicule et fronton cintré (1 n°), type III à édicule sans architrave et à niche (4 nos), type IV à niche dans cadre architectural (11 nos), type V à niche sans cadre architectural (44 nos).
Cf. Sartre 2001, p. 171, 789. Par exemple, Jarry 1982, n° 32, p. 89 et n° 36, p. 91 ; stèle de Marias, musée national de Damas (n° 8985), cf. Parlasca 1981, pl. 7,3 ; deux stèles du musée de Tartous (buste masculin et buste féminin), n° inconnu. Le motif cintré peut être déployé en une stèle de forme cintrée offrant deux registres de bustes funéraires (fig. 8 c) : cf. Mouterde, Poidebard 1945, pl. CXVII,1. 67 Par exemple une stèle à quatre aigles trouvée dans les ruines du mur Sud de la ville, cf. Hogarth 1907-08, n° 9, p. 192-193 (= IGLS I, n° 236). 68 Voir par exemple Cumont 1910, n° 10 et 11 [= IGLS I, n° 240] p. 39 ; Jarry 1985, n° 7-8, p. 111, pl. III ; Rey-Coquais 1998, n° 1-2, p. 193-200. 69 Musée d’Alep, n° 6294, H. 148 cm, calcaire ; cf. Parlasca 1981, p. 13, pl. 13,3 ; Jarry 1985, n°5, p. 110, pl. III ; SEG 32, n°1472. 65 66
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Fig. 5 : Typologie des stèles de Zeugma (a-d) et de Hiérapolis (e-g) (© N. Bel).
écoinçons, tandis que le cul-de-four de la niche est orné d’une large coquille.
dans le monument funéraire individuel des citoyens des cités de Syrie du Nord, comme sans doute dans tout le monde gréco-romain, de Délos à Smyrne. Pourtant, il n’est présent que sur la moitié des stèles de Zeugma, de manière anecdotique sur les stèles de Cyrrhestique, et pas du tout sur les stèles d’Emésène. Est-ce un fossile directeur pour la période ? Cette inégalité de diffusion du motif du fronton est-elle un élément de discrimination dans le dossier des influences locales/gréco-romaines ? Il est intéressant de noter que ces remarques s’appliquent aussi bien aux stèles qu’aux reliefs rupestres : la forme de la stèle architecturée, avec son module fronton triangulairecorniche-entablement-colonnes, est utilisée à Apamée et Arados, mais également dans la nécropole rupestre de Bdama, entre Lattaquié et Idlib (fig. 6).
Quelques pistes de réflexion en guise de conclusion Ce rapide tour d’horizon des productions de reliefs funéraires dans la Syrie du Nord hellénistique et romaine donne une impression de diversité, parfois confuse, et de juxtaposition de types différents correspondant à des territoires parfois très limités. Le propos s’étant concentré sur la typologie formelle des stèles (forme, structure architectonique), il est difficile de tirer des conclusions générales ; toutefois quelques tendances apparaissent. Premièrement, le motif du fronton triangulaire, en sommet de stèle ou en sommet de bas-relief, est généralisé à Antioche et à Apamée, fréquent à Séleucie/Zeugma ; dans ces cités il est présent aussi bien sur les épitaphes civiles que militaires. Véritable métonymie de l’architecture classique, il semble être un élément commun, indémodable,
Deuxièmement, les stèles à niche rectangulaire, abritant plusieurs bustes, produites à Zeugma renvoient par leur gabarit et la simplicité de leur encadrement au profit de la figuration individualisée, à la mode purement romaine 44
Pour une typologie de la stèle funéraire en Syrie du Nord hellénistique et romaine
Fig. 6 : Comparaison : (a) stèle d’Apamée, (b) stèle de Tartous, (c) relief de Bdama (a : d’après Balty 1981, p. 193 ; b : cl. J. Aliquot ; c : d’après Mouterde 1949, pl.VIII,2).
observable en façade des grands tombeaux familiaux de la capitale70 (fig. 7).
commune ; le lien ne serait-il pas alors à chercher du côté d’un héritage commun au nord de la Cyrrhestique et au Moyen Euphrate, lié à leur rattachement momentané à la Commagène, ou à la forte présence militaire romaine sur ces deux territoires ?
Troisièmement, des typologies semblent purement locales : les hautes stèles d’Émésène, les stèles « en pain de sucre » de Cyrrhestique intérieure, les stèles à niche de Zeugma et Hiérapolis. Pour les deux premiers types, les proportions, le sommet souvent cintré et le mode de sculpture du basalte peuvent amener à s’interroger sur la persistance de modèles locaux plus anciens, notamment araméens71 (fig. 8). Quant au type du relief à niche du Moyen Euphrate, il présente tant de similitudes avec les décors rupestres des façades et murs de tombeaux de Zeugma et Dolichè72 qu’il semble indispensable de les appréhender de manière
Quatrièmement, des habitudes de structuration de la stèle semblent traverser les territoires : l’usage de la guirlande et ses rubans, ou de la couronne et ses rubans, en guise de corniche et de montants latéraux, d’une manière peu classique, se retrouve en Émésène, en Cyrrhestique, à Hiérapolis. Est-ce le trait d’une production originale, en marge des modèles standardisés en usage dans les villes ?
70 A la suite de Parlasca 1967, p. 564, fig. 12-13, comparer par exemple le relief de la Columbia University (n° 5-560.68) avec celui du musée du Louvre (n° Ma 1329). 71 Voir les stèles du premier millénaire avant J.-C. de Hama, Amrit, Byblos, ou même Dhibân (stèle de Mésha). Il est par exemple frappant de constater les similitudes structurelles entre des stèles du IIe siècle de Cyrrhestique, et les stèles produites à Neirab au VIIe siècle avant J.-C. : cf. la stèle du prêtre Si Gabbor (musée du Louvre, n° AO 3026). 72 Cf. Ergeç 2013, p .1-5, 27-32, pl. 13,1 et 46,2 ; Ergeç, Yon 2012, p. 60-69.
Enfin, l’exploration de ces axes de réflexion ainsi que le travail à mener sur l’analyse iconographique de ces séries de reliefs funéraires pourraient permettre de développer les bases brillamment posées par K. Parlasca, et de proposer des rattachements géographiques aux nombreux reliefs funéraires sans provenance, présents dans les collections publiques syriennes, turques, européennes et américaines. 45
Nicolas Bel
Fig. 7 : Comparaison : (a) stèle à portraits familiaux de Hiérapolis (Columbia University, n°5-560.68), (b) stèle à portraits familiaux de Rome (musée du Louvre, Ma 1329) (a : d’après Parlasca 1982, pl.6,2 ; b : cl. musée du Louvre/ Pierre et Maurice Chuzeville).
Fig. 8 : Comparaison : (a) stèle araméenne de Neirab (musée du Louvre, AO 3026), (b) stèle de Cyrresthique (musée de Gaziantep, n°4100), (c) stèle de Hiérapolis (a : cl. musée du Louvre/ Pierre et Maurice Chuzeville ; b : d’après Blömer 2014, pl. 80,2 ; c : d’après Mouterde, Poidebard 1945, pl. CXVII,1).
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LES ÉLOQUENTES ASPÉRITÉS DE LA MORT. SUR QUELQUES RELIEFS FUNÉRAIRES RUPESTRES D’ÉPOQUE HELLÉNISTIQUE DE L’ARRIÈRE-PAYS PHÉNICIEN Bilal Annan
Résumé Les reliefs rupestres documentés dans l’arrière-pays de Byblos, d’abord étudiés par Ernest Renan, n’ont pas fait l’objet, depuis un article décisif d’Henri Seyrig publié en 1940, d’étude approfondie. À travers une analyse iconographique des différents thèmes illustrés par ces reliefs (chasse à l’ours, sacrifices, scènes de deuil), nous souhaitons d’une part consolider l’hypothèse de Seyrig qui avait reconnu en ces reliefs des portraits funéraires placés auprès des tombes, et d’autre part proposer des éléments qui vont dans le sens d’une datation hellénistique de ce corpus d’images. Mots-clés : Phénicie hellénistique, reliefs rupestres, portraits funéraires, chasse à l’ours, rites sacrificiels, Pénélope, anakalypsis, culte funéraire, Byblos, Qana. Abstract The rock-cut reliefs documented in the hinterland of Byblos, and which had been studied by Ernest Renan, have not been subjected to further in-depth scrutiny since Henri Seyrig’s decisive article in 1940. By means of an iconographical appraisal of the thematic repertoire illustrated by these reliefs (bear hunt, sacrificial scenes, and scenes of mourning), we have sought on the one hand to consolidate Seyrig’s hypothesis to the effect that these reliefs were intended to be funerary portraits and on the other hand to provide evidence suggesting a Hellenistic dating for this corpus of reliefs. Keywords: Hellenistic Phoenicia, rock-cut reliefs, funerary portraits, sacrificial rites, bear hunt, anakalypsis, funerary cult, Byblos, Qana.
La relative négligence qu’ont connue ces reliefs de la part de la communauté archéologique s’explique d’une part par leur aspect fruste et d’autre part, pour certains, par leur relative inaccessibilité4. Exposés à l’air libre depuis plus de deux millénaires, ils ont subi naturellement l’usure du temps, qu’a parfois malheureusement accélérée la main de l’homme, et se prêtent donc malaisément à l’étude. De plus, l’absence d’inscriptions qui auraient pu accompagner ces reliefs rend leur datation particulièrement délicate. Il nous semble pourtant que ces documents méritent une étude attentive, en ce qu’ils sont susceptibles de jeter une lumière nouvelle sur les pratiques tant artistiques que funéraires des habitants de la Phénicie antique.
Les reliefs rupestres répartis dans l’arrière-pays libanais, qui forment l’objet de notre propos dans cette contribution, ont été pour la plupart d’abord documentés lors de l’expédition « phénicienne » d’Ernest Renan1. La lecture iconographique que ce grand savant en avait donnée a été plus ou moins suivie dans les décennies suivantes par les « antiquisants », à vrai dire peu nombreux, qui se sont penchés sur la question de leur interprétation, jusqu’à la réévaluation décisive proposée par Henri Seyrig dans un article paru en 1940, et qui en a fixé de manière convaincante la destination funéraire2. Depuis cette date, aucune étude poussée n’est venue à notre connaissance confirmer ou enrichir l’interprétation de l’éminent « helléniste oriental »3, à la lumière des apports récents de l’histoire de l’art antique et des découvertes archéologiques des huit décennies depuis écoulées. C’est pourquoi il nous a semblé opportun de reprendre ce dossier et de réexaminer ce petit corpus d’images dans son ensemble, en tentant d’en dégager la cohérence iconographique et de replacer ces reliefs dans leur environnement artistique proche-oriental et, plus largement, méditerranéen.
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Nous examinerons dans un premier temps les reliefs documentés dans l’arrière-pays de Byblos (actuel Jbeil), et notamment dans les localités de Ghineh, Mashnaqa, Birket Ḥjoula et Smar Jbeil, et nous aborderons dans un deuxième temps la série, numériquement importante, de reliefs sculptés dans le roc dans les carrières antiques
Renan 1864. Seyrig 1940. Bordreuil 2016.
Pour prendre la mesure de cette inaccessibilité, il n’est que de lire les minutieuses indications que donne Seyrig (1940, p. 116, n. 1) au visiteur qui souhaite localiser le relief de Jrapta. Sur cette localisation, voir infra. 4
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Fig. 1 : Scène de la chasse à l’ours, Ghineh (cl. B. Annan).
du village de Qana, au Sud-Liban5. Nous proposerons ensuite une interprétation iconographique et thématique des différentes scènes illustrées, en nous appuyant sur des comparanda contemporains issus du Proche-Orient ou du monde méditerranéen. Signalons d’emblée que cette brève étude ne portera que sur les représentations anthropomorphes, en lesquelles, quand elles ne sont pas accompagnées d’attributs mythologiques, nous voudrons reconnaître des portraits funéraires.
aujourd’hui inaccessible. Dans un cadre irrégulier, un personnage masculin est montré de dos, debout, penché, profilé à gauche, en appui sur ses deux jambes, la droite rejetée en arrière, la gauche avancée et fléchie. Il est vêtu d’une tunique à manches courtes tombant à mi-cuisses et ceinturée à la taille. Le visage est très endommagé, mais il nous semble pouvoir encore reconnaître une barbe drue recouvrant les joues (?), un menton bas et arrondi, un nez droit au bout rond et un œil petit et enfoncé. La tête est coiffée d’un bonnet conique sous lequel paraissent, à l’arrière du crâne, des mèches lisses voilant la nuque. Ses bras sont écartés du corps et ses mains serrent un épieu maintenu obliquement, enfoncé dans la poitrine d’un ours massif dressé sur ses pattes arrière, et avançant vers son adversaire. Le pelage abondant de l’animal est bien défini en mèches enchevêtrées et ondoyantes. De sa tête et de ses pattes avant ne sont aujourd’hui conservées que les silhouettes.
Ghineh6 Le premier relief de Ghineh (fig. 1), village situé à 36 kilomètres de Beyrouth, dans le caza de Kesrouan, est taillé sur une paroi rocheuse au-dessus d’un caveau funéraire 5 Renan fait aussi mention de deux reliefs qu’il a notés à Tannourine, dans le caza de Batroun (Renan 1864, p. 257-258 : « Au-dessous de Tannourin el-Fauka, il y a une sculpture sur le roc. On distingue trois personnages, un grand au milieu, deux petits de chaque côté. Le médaillon est couronné en arceau. Les têtes ont été martelées, et toute la sculpture est des plus frustes. Aux environs, il y a des caveaux, sans compter une grande caverne auprès du médaillon »), dont il ne donne pas d’illustration ; et à Btirza dans le Liban-Nord (Renan 1864, p. 136137 : « En montant de Kisbé à la haute vallée de la Kadischa, on trouve à Tirza, ou Btirza, une sculpture bizarre. C’est une sorte de griffon entaillé sur le rocher ; l’animal a près d’un mètre et demi de long. Non loin de ce médaillon se voit un caveau, ainsi que cela a lieu pour tous ces basreliefs sculptés sur le roc. Celui-ci a neuf niches et est assez beau. Il est situé en face de la sculpture »). Voir aussi Virolleaud 1924, p. 113, pl. XXVII/1 et Seyrig 1940, p. 118. 6 Renan 1864, p. 238-239, p. 292-295, pl. XXXVIII ; Jeremias 1906, p. 90-91 ; Baudissin 1911, p. 78-81, pl. I-II ; Ronzevalle 1930, p. 192, pl. XXXVIII, 28 ; Perdrizet 1938, p. 60-63 ; Seyrig 1940, p. 113-114, pl. XV.1, pl. XVII ; Donceel 1966, p. 229 ; Soyez 1977, p. 31, pl. IV-V ; Parlasca 1982, p. 7 ; Binst 2000, p. 115 ; Nordiguian 2005, p. 160 – 161 ; de Jong 2017, p. 330. Dimensions de la scène de vénerie : H. 197 cm ; L. 279 cm ; Pr. 21 cm. Dimensions de la niche à la femme endeuillée : H. 147 cm ; L. 88 cm ; Pr. 12
À droite de cette scène est figuré dans une profonde niche rectangulaire un personnage féminin assis sur un haut coussin disposé sur un siège à pieds léonins, apparemment sans dossier, vu légèrement de haut et en perspective, et dont l’arête du pied avant gauche est clairement visible (fig. 2). Le relief accentué de l’assise plate au rebord large pourrait suggérer un siège creux, par exemple un δίφρος7. Drapée dans un ample manteau (himation) posé sur les
7 Pour ce type de siège, voir Richter 1966, p. 38-43, fig. 200-223 ; Andrianou 2009, p. 28-29, fig. 6a-6b. La restitution d’E. Renan (1864, p. 292, pl. XXXVIII), ou plutôt celle de ses dessinateurs M. Thobois et M. Lockroy, d’un siège strictement de profil et à assise courbe est donc quelque peu inexacte.
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Les éloquentes aspérités de la mort épieu [et qui] se tient en réserve avec deux gros chiens14». Comme le note H. Seyrig, l’image de la femme assise doit être considérée indépendamment de la scène de grande vénerie, puisque « l’unité de l’ensemble est gravement rompue par le fait que la dame est assise dans une niche, et que cette niche, par surcroît, est comme intentionnellement séparée de la chasse par une forte arête du rocher15». Mashnaqa16 À Mashnaqa, près d’un temple d’époque romaine17, trois bas-reliefs ont été taillés sur les parois aplanies de rochers bordant un chemin antique. Une modeste nécropole, consistant en une série de fosses creusées dans le roc et fermées par des couvercles amovibles à deux pentes, surmonte l’un de ces groupes. Le premier de ces bas-reliefs (fig. 3) montre, dans un naïskos à fronton à tympan lisse et dont l’entablement repose sur deux pilastres surmontés de chapiteaux éoliques, une figure masculine occupant toute la hauteur, debout, profilée à droite, en attitude de marche, vêtue d’une tunique courte. La main droite est étendue en avant, « probablement dans un geste de salutation18», tandis que la gauche semble portée à la ceinture. Le visage, qui accuse un moindre relief que le reste du corps, a dû être mutilé. Faisant exactement face à cet édicule, un second naïskos de même ordonnance renferme l’image d’un personnage féminin (fig. 4) assis sur un siège sans dossier, pourvu d’un coussin (dont la présence est suggérée par l’irrégularité de la ligne sous le corps), très érodé, et dont on peut encore voir les pieds fortement incurvés. La dame, dont la figure est très effacée, se présente dans une attitude sensiblement identique à celle de la femme endeuillée de Ghineh : genoux joints, pieds reposant sur le sol (sans trace de marchepied), bras gauche fortement coudé, la main portée au visage (on aperçoit encore trois doigts). La main gauche n’est pas visible : l’avant-bras était peut-être ramené sur le ventre, la main frôlant ou soutenant le coude droit19. Le visage ne devait pas être très gracieux : menton protubérant, bouche petite dessinant une moue, pommettes saillantes, nez aquilin, front haut et bombé. La calotte crânienne est lisse, ce qui suggère un voile formé du pan d’un himation retombant dans le dos et enveloppant le corps.
Fig. 2 : Femme endeuillée, Ghineh (cl. B. Annan).
épaules et couvrant le dos8, la femme est profilée à gauche, les genoux joints, la main gauche apparemment posée sur la cuisse, la main droite levée vers la tête, soit portée contre la joue selon le motif dit de Pénélope9, soit retenant entre les doigts un pan du manteau formant voile, écarté du visage, dans le geste de l’anakalypsis10 : l’érosion de la pierre ne permet pas de trancher. Le visage avait été martelé anciennement, comme l’avait noté Renan11, de sorte que l’on ne peut rien en distinguer. Les pieds de la dame, légèrement surélevés par rapport à ceux du siège (si l’imagier a respecté les proportions naturelles du corps), pourraient être posés sur un marchepied, ce qui est relativement courant dans cette catégorie de représentations12.
Ibid. Ibid. 16 Renan 1864, p. 284, p. 288-290, pl. XXIV A ; Baudissin 1911, p. 7881, pl. III A ; Seyrig 1940, p. 114-116, pl. XVI ; Soyez 1977, p. 31, pl. VI-VII ; Parlasca 1982, p. 7 ; Binst 2000, p. 114 ; Blas de Roblès, Pieri, Yon 2004, p. 126 ; Nordiguian 2005, p. 168-169 ; de Jong 2017, p. 330. Dimensions du premier groupe : H. 217 cm ; L. 288 cm ; Pr. 13 cm ; dimensions du deuxième groupe : H. 245 cm ; L. 145 cm ; Pr. 12 cm ; dimensions de la niche cintrée enfermant le septième personnage : H. 149 cm ; L. 72 cm ; Pr. 7 cm. 17 Nordiguian 2005, p. 162-167. 18 Seyrig 1940, p. 115. 19 Pour un geste similaire, voir un bas-relief trouvé à Tartous, aujourd’hui à Paris, musée du Louvre, inv. AO 4864 : Gubel 2002, p. 41, n° 24 ; ou un bas-relief sidonien au même musée, inv. AO 4866 : Gubel 2002, p. 85-86, n° 77 ; ou encore une des Pleureuses sur le sarcophage du même nom, au Musée archéologique d’Istanbul, inv. 368 : Fleischer 1983, p. 15-16, pl. 19. Voir aussi ibid., p. 38-39. 14 15
Sur la paroi adjacente du rocher, dans un second panneau que nous n’avons pu identifier lors de notre visite13, était représenté « à gauche, un homme également armé d’un
8 On peut encore voir un ourlet de l’himation partant de l’épaule gauche et descendant obliquement sur le côté gauche du torse. On peut ainsi supposer que ce manteau devait recouvrir un chitôn. 9 Collignon 1911, p. 118-124, fig. 60 ; Balty 2000. 10 Blundell 2002, p. 158-161 ; Cairns 2002, p. 75 et n. 12 ; Cairns 2009. 11 Renan 1864, p. 292. 12 Richter 1966, p. 49- 52, fig. 206, 208-209, 212, 215, 219-220. 13 H. Seyrig (1940, p. 114, fig. 1) laisse entendre qu’il a pu observer ce panneau in situ, mais n’en donne pas d’illustration.
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Fig. 3 : Édicule montrant un personnage masculin, Mashnaqa (cl. B. Annan).
Les deux édicules étaient flanqués chacun de deux petites niches mettant en scène des personnages secondaires, montrés de profil, masculins pour le premier, féminins pour le second. Des deux premiers ne sont conservées que les silhouettes ; des lignes passant sous la taille suggèrent le port de tuniques courtes. L’un d’eux, à droite, est surélevé sur une espèce de base, et ils lèvent tous deux un bras dans le geste de salutation20. Leurs pendants féminins portent des tuniques talaires, dont on aperçoit encore les plissés. Seule la figure à droite de la dame assise est relativement bien conservée : selon H. Seyrig, « elle tend vers la dame assise dans l’édicule un petit récipient, qu’elle tient sur sa main ou sur la pointe de ses cinq doigts21». Près de ces deux groupes de reliefs, sur un pan de rocher aplani, est figuré, dans une niche cintrée, un septième personnage de sexe indéterminé, montré debout, profilé à droite, vêtu d’une tunique retombant jusqu’aux mollets, le bras gauche longeant le corps, la main probablement portée à la taille (ceinturée ?) (fig. 5). Aucun détail du vêtement ou de son attitude corporelle n’est lisible.
Pour des personnages antithétiques dans une pose similaire, voir une stèle votive punique provenant de Motyé en Sicile et datée des VIe-Ve siècles av. J.-C., aujourd’hui à Motyé, Museo Whitaker : Moscati 1989, p. 314. 21 Seyrig 1940, p. 116. L’auteur ajoute : « La femme placée à gauche se tient de même, et il est très probable que les deux acolytes de l’autre relief accomplissent une fonction du même genre, à laquelle, du moins, leur attitude se prête parfaitement ». L’érosion des reliefs ne nous a pas permis de constater ces détails. 20
Fig. 4 : Second édicule représentant une femme éplorée, Mashnaqa (cl. B. Annan).
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Les éloquentes aspérités de la mort à libation suspendue entre les doigts par son goulot, et une boîte à encens posée sur l’orifice de la cruche25». Ce personnage est suivi d’un jeune garçon court vêtu, menant un animal au sacrifice, cochon plutôt que mouton comme l’affirme Seyrig, eu égard à l’arrondi marqué du ventre glabre. De l’autre côté de l’autel est figurée une femme debout, portant un chitôn talaire, dont l’étoffe au bas décrit de larges cannelures obliques, recouvert d’un himation frangé, posé sur les épaules et retombant aux genoux, et qui rayonne en plis serrés à partir de la taille. Le bras gauche, replié sur le torse, est pris dans le drapé de l’himation, tandis que la main gauche est levée en direction du médaillon, vers lequel la tête est aussi tournée. L’on discerne encore quelques traits du visage : lèvres pleines, pommettes hautes et saillantes, yeux largement fendus sous de puissantes arcades sourcilières, front haut et bombé. Aucun détail de la chevelure n’est discernable. Derrière cette dame se tient une jeune canéphore vêtue de même d’une tunique talaire et d’un manteau frangé dont les plis rayonnant à partir de l’épaule gauche sont encore visibles. Sa chevelure lisse retombe sur ses épaules. Le bras droit a disparu, et la main gauche tient en équilibre sur la tête la corbeille évasée (κάνεον ou κανίσκιον) dans laquelle devaient être placées des offrandes. Smar Jbeil26 Sur les rochers de soubassement du château croisé de Smar-Jbeil ont été taillés dans le roc, près d’un caveau funéraire et sur deux flancs adjacents, une série de reliefs. Le premier est un bas-relief très effacé (fig. 8), inscrit dans une profonde niche rectangulaire : Renan y avait vu « un personnage assis et un autre agenouillé devant lui27». En fait, ces deux personnages sont en position assise : le premier, à droite, est simplement figuré de profil, siégeant sur une chaise à dossier bas et légèrement incurvé au sommet (πρόσκλιντρον28 ; seul détail encore discernable), penché vers l’avant, les deux mains apparemment jointes sur les genoux, ou alternativement une main soutenant le menton ; le second est présenté de face, la tête tournée vers son auditeur, la main droite levée en sa direction, la main gauche posée sur la cuisse. De ces personnages ne sont conservées que les silhouettes29, de sorte qu’on ne peut pas même déterminer le sexe de chaque personnage ni des détails de leurs vêtements.
Fig. 5 : Relief montrant un personnage dans une niche cintrée, Mashnaqa (cl. B. Annan).
Birket Ḥjoula22 Le bas-relief suivant a été localisé de manière erronée par E. Renan, et à sa suite par H. Seyrig, dans le village de Jrapta, dans le casa de Batroun. Son véritable emplacement est sur le flanc escarpé d’un promontoire rocheux bordant la route qui traverse la localité de Birket Ḥjoula23, à proximité d’un caveau funéraire creusé dans le roc (fig. 6-7). Le bas-relief très érodé met en scène quatre personnages, deux masculins et deux féminins, distribués de part et d’autre d’un autel élancé placé au-dessous d’un médaillon rectangulaire portant l’image effacée d’un buste féminin en lequel Seyrig a voulu voir « indiscutablement celui d’une femme voilée24». À gauche de l’autel se tient un homme debout, vêtu d’une tunique à manches longues et amples et coiffé d’une tiare cylindrique. Sa main gauche est avancée vers le médaillon, tandis que la droite est portée au-dessus de l’autel, tenant, selon Seyrig, « une cruche
Vis-à-vis de ce relief sont disposées en haut-relief, dans trois niches rectangulaires séparées par des arêtes fines, des figures dont les têtes ont disparu, en attitude frontale,
Ibid. Renan 1864, p. 245 ; Chaaya 2016, p. 232, fig. 41. Il ne nous a pas été possible de prendre les mesures des reliefs. 27 Renan 1864, p. 245. 28 Pritchett 1956, p. 220 ; Andrianou 2006, p. 226. 29 Renan 1864, p. 245 : « Malheureusement ces sculptures sont si frustes qu’il est fort difficile d’en déterminer le sujet et d’en caractériser le style. Les images que nous en pourrions offrir seraient tellement vagues que nous renonçons à les publier ».
22 Renan 1864, p. 238, pl. XXI ; Seyrig 1940, p. 116-117, fig. 3, 4, pl. XV.2 ; Soyez 1977, p. 31, n. 77, pl. VIII ; Parlasca 1982, p. 7 ; de Jong 2017, p. 330. Il n’a pas été possible de noter les dimensions de ces reliefs. 23 Nous souhaitons remercier ici Mme Nada Helou, de l’Université libanaise, de nous avoir indiqué l’emplacement de ce relief et de nous y avoir accompagné. Faute de recul, nous n’avons pu prendre de clichés satisfaisants de l’ensemble du relief. 24 Seyrig 1940, p. 117. L’état du relief ne permet pas de confirmer cette lecture.
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Fig. 6 : Scène de sacrifice, Birket Ḥjoula (d’après Renan 1864, pl. XXXI).
Fig. 7 : Scène de sacrifice, Birket Ḥjoula (cl. B. Annan).
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Fig. 8 : « Scène de conversation », Smar Jbeil (cl. B. Annan).
et dont les traits sont très érodés (fig. 9). Renan avait relevé à cet endroit « trois médaillons, dont deux à deux personnages et un à un personnage30», ce que nous pouvons confirmer. La niche la plus proche du relief précédent est aussi la mieux conservée, ou plutôt la moins endommagée : une figure (masculine ?) en tunique longue retombant aux chevilles, semble tendre la main droite audessus d’une masse quelque peu arrondie en laquelle nous reconnaîtrons volontiers un autel ou un thymiatère. Les deux autres niches offrent un même spectacle : personnage vraisemblablement féminin à gauche, portant une tunique talaire (on distingue encore les plis du vêtement dans la niche mitoyenne) et, par contraste, personnage masculin à droite, dont les pieds dépassent sous la tunique. Qana31 Les reliefs taillés dans le roc aux alentours du Wadi Qana (fig. 10), au Liban-Sud, et qui ont été fréquemment étudiés depuis l’expédition de Renan, n’ont pas laissé d’intriguer les visiteurs. I. Kaoukabani, qui en a donné l’étude la plus récente32, avait dénombré plusieurs dizaines de Ibid. Renan 1864, p. 635-636 ; Guérin 1880, p. 402-403 ; Perrot, Chipiez 1885, p. 427 ; Maspéro 1897, p. 187-188 ; Schumacher 1890 ; Conder 1890 ; Ronzevalle 1910, p. 201-208, pl. XIV-XVI ; Kaoukabani 1971 ; de Jong 2017, p. 330. Nous tenons à remercier M. Brahim Kaoukabani d’avoir bien voulu nous rencontrer pour discuter de ces reliefs. 32 Un projet de prospection systématique du site, annoncé au tournant du nouveau millénaire (El-Masri 1999/2000), semble ne pas avoir abouti. 30 31
Fig. 9 : Série de figures dans des niches, Smar Jbeil (cl. B. Annan).
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Fig. 10 : Reliefs rupestres, Qana (cl. Z. Haddad).
représentations anthropomorphes, réparties en quatre séries, combinant de simples « stèles » pourvues de têtes extrêmement stylisées, et des figures plus élaborées, montrées de profil ou en attitude frontale et vêtues de tuniques plissées33.
rapprochements iconographiques qu’il opère entre ces reliefs et divers monuments syriens sont de nature à égarer le lecteur : l’attirail sacrificiel du personnage masculin sur le relief de Birket Ḥjoula est ainsi « analogue à celui des prêtres de Palmyre37» ; le sujet même de cette scène évoque tout à la fois « le sarcophage d’Ahiram, la frise du sarcophage des pleureuses, [et] le relief tyrien [qu’il publie] plus loin38». Les attitudes respectives de l’homme effectuant le geste de la salutation et de la femme éplorée à Mashnaqa sont « [dans] une nécropole phénicienne […] des figures courantes39». Nous voyons donc que le grand savant a puisé pour ses comparanda dans l’imagerie « phénicienne » des époques perse, hellénistique ou romaine, voire de l’âge du Bronze récent (sarcophage d’Ahiram). Seul K. Parlasca s’est, à notre connaissance, prononcé pour une datation indubitablement hellénistique de ces reliefs rupestres, sans toutefois expliciter les raisons de cette position40.
Éléments de datation Les reliefs de Mashnaqa ainsi que les tombeaux y afférant appartiendraient, selon E. Renan, « plutôt à l’époque séleucide, si l’attitude et le costume du personnage principal n’avaient quelque chose de romain34». Le savant inscrit dans la même période les reliefs de Ghineh et de Birket Ḥjoula35, fondant toutefois son approche sur un critère pour le moins douteux, mais qui a longtemps informé l’interprétation iconographique de la sculpture syrienne, selon lequel l’exécution médiocre d’une image était un gage de son ancienneté36. H. Seyrig, qui a pourtant donné le commentaire le plus abouti de ces reliefs, n’en a curieusement proposé aucune datation claire, ou même approximative. Les
Le relief de Smar-Jbeil, montrant des personnages assis, aurait, selon E. Renan, « quelque chose d’assyrien41». Enfin, les reliefs de Qana demeurent, comme l’avait noté B. Kaoukabani, « un point litigieux difficile à trancher42». Selon C.R. Conder, ces reliefs « belong to the
33 Pour ce dernier ensemble, voir Kaoukabani 1970, p. 30, fig. 5, fig. 8-9, p. 31-32, fig. 19-20, fig. 25-28. 34 Renan 1864, p. 291-292. L’auteur ajoute : « En tout cas, ici comme à Afka et à Kalaat-Fakra, l’art grec et romain a complètement plié ses habitudes à l’esprit du pays et aux besoins des cultes locaux ». 35 Renan 1864, p. 295 : « Je n’ose émettre aucune supposition sur l’âge de sculptures aussi frustes. Elles sont probablement contemporaines de celles de Maschnaka et peut-être de celles de Jrapta, quoique l’exécution de ces dernières soit bien supérieure ». 36 La théorie du « progrès » artistique allant nécessairement de pair avec une « hellénisation » croissante des pratiques artistiques s’avère tout aussi nuisible à une saine compréhension des images que la position inverse d’une « décadence » artistique inéluctable dont se seraient rendus coupables les imagiers de l’Antiquité tardive.
Seyrig 1940, p. 117. Ibid., p. 119. Le relief tyrien en question, aujourd’hui conservé au Musée National de Beyrouth, inv. NM 22544, présente deux pleureuses de part et d’autre d’un sarcophage anthropoïde. Voir Seyrig 1940, p. 120122, pl. IX. 39 Ibid., p. 118. 40 Parlasca 1982, p. 7 : « Gleichfalls hellenistisch ist offenbar eine Gruppe von Felsreliefs im Hinterland von Byblos, die in der älteren religion geschichtlichen Literatur eine gewisse Rolle gespielt haben ». 41 Renan 1864, p. 245. 42 Kaoukabani 1971, p. 27. 37 38
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Les éloquentes aspérités de la mort pyramidal »49, ou encore sur une stèle funéraire de même provenance, apparemment inachevée, et qui montre un personnage masculin vêtu d’une tunique retombant aux genoux, un bras replié sur la poitrine50. Un autre composant vestimentaire qui semble avoir été particulièrement prisé en milieu phénicien à l’époque hellénistique, et qui devait sans doute être réservé à certains dignitaires, est le bonnet arrondi (ou sa variante sacerdotale, la tiare cylindrique), ici porté par le chasseur de Ghineh et le sacrificateur de Birket Ḥjoula, et que l’on retrouve tant sur des stèles funéraires à Oumm el-’Amed51 que sur des stèles votives ou funéraires d’époque hellénistique provenant de Tyr52 ou de Sidon53.
Roman period and represent native work43», hypothèse à laquelle se range S. Ronzevalle44. Décelant une supposée « influence ituréenne », B. Kaoukabani les date quant à lui « de la fin de l’époque hellénistique et du début de l’époque romaine45». Ces divergences d’interprétation soulignent assez combien la datation de tous ces reliefs est des plus malaisées, eu égard à leur déplorable état de conservation ; aussi devonsnous procéder ici avec beaucoup de prudence. Certains éléments stylistiques peuvent néanmoins fournir quelques indices quant aux périodes au cours desquelles ces images ont été élaborées.
Gestuelle
Chapiteaux éoliques
Une analyse de la gestuelle de certains personnages peut à son tour contribuer à la contextualisation chronologique de nos reliefs. Ainsi les motifs de « Pénélope » (paume portée à la joue) ou de l’anakalypsis (main écartant le voile du visage), restitués sur les reliefs féminins de Ghineh et de Mashnaqa, font d’abord leur apparition dans le répertoire iconographique grec à la fin de l’époque classique54. En Phénicie, les figures féminines ornant le sarcophage dit « des Pleureuses », daté par R. Fleischer de la fin du règne du roi de Sidon Straton Ier (deuxième quart du IVe siècle av. J.-C.)55, en fournissent quelques-unes des plus anciennes attestations56, annonçant, en quelque sorte, la large adoption de ces schèmes dans l’iconographie funéraire aux époques hellénistique et romaine57.
L’indice chronologique le plus probant nous semble être fourni par les chapiteaux éoliques couronnant les pilastres des deux édicules de Mashnaqa. Si ces chapiteaux sont intégrés à la grammaire architecturale levantine dès l’âge du Fer46, ils se rencontrent encore à l’époque hellénistique, comme l’atteste un orthostate provenant du temple de Milkʻashtart à Oumm el-’Amed, décoré d’une figure féminine effectuant le geste de salutation devant une colonne surmontée d’un tel chapiteau47. Il n’apparaît pas toutefois que cet ornement architectural soit demeuré en usage en Syrie à l’époque impériale, ce qui offre à notre sens un précieux terminus ante quem pour ce groupe de reliefs.
Le geste de la salutation, ou de l’adoration , qui consiste en une main étendue devant soi ou levée à hauteur d’épaule, la paume tournée vers l’extérieur, et qu’effectuent le personnage masculin dans le grand naïskos à Mashnaqa et les deux sacrificateurs sur le relief de Birket Ḥjoula, se rattache quant à lui à la ritualistique proche-orientale ancienne, qui requérait de l’adorant de se présenter devant
Vêtements Quelques détails des vêtements de divers personnages représentés sur ces reliefs sont aussi susceptibles d’en affiner les datations. Si la tunique (chitôn) et le manteau (himation) sont ordinairement adoptés par les habitants de la Phénicie tant à l’époque hellénistique que romaine, la tunique courte de la figure masculine dans l’édicule à Mashnaqa, avec sa main portée à la ceinture, ainsi que celles de ses « acolytes » masculins, celle du garçon emmenant le cochon à Birket Ḥjoula, celle du personnage probablement masculin présenté seul dans une niche à Smar-Jbeil, et surtout celle d’une figure masculine de profil, à l’épaule nue et le bras figé dans le geste de salutation, à Qana48, trouvent quelques parallèles à Oumm el-’Amed, notamment en l’image d’un « suivant » portant une main à la ceinture et vêtu d’une tunique courte découvrant l’épaule, sur l’une des faces du « cippe
Beyrouth, Musée National de Beyrouth, inv. 2063: Dunand, Duru 1962, p. 151-154, pl. XXXVI/2 ; Doumet-Serhal, Maila-Afeiche 1997, p. 187, n° 91. 50 Paris, Musée du Louvre, inv. AO 4407 : Dunand, Duru 1962, pl. LXXX/2. Voir aussi une stèle présentant un personnage féminin accompagné d’un garçon, dans le même musée, inv. AO 31154 : Gubel 2002, p. 142, n° 153. 51 Voir, par exemple, Dunand, Duru 1962, pl. LXXVII, LXXVIII/1, LXXIX/2, LXXX/1. 52 Paris, Musée du Louvre, inv. AO 1001 : Gubel 2002, p. 119, n° 113. 53 Beyrouth, Musée National de Beyrouth, inv. 4673 : Doumet-Serhal, Maila-Afeiche 1997, p. 186, n° 87. Voir aussi une stèle de provenance indéterminée (Phénicie), à Paris, musée du Louvre, inv. AO 14710 : Gubel 2002, p. 152-153, n° 171. 54 Cavalier 1989/1990. 55 Fleischer 1983, p. 63. 56 Ibid., p. 35-44, pl. 18-33, et particulièrement pl. 23, A 6 ; pl. 28, B 5 ; pl. 31, C 2. Voir aussi Balty 2000, p. 11. Pour un examen iconographique des figures féminines endeuillées dans l’art grec d’époque classique, voir Huber 2001. 57 Pour ne retenir que quelques exemples « phéniciens » : une stèle sidonienne d’époque hellénistique à Beyrouth, au Musée archéologique de l’American University of Beirut, inv. 4798 : Parlasca 1982, p. 7-8, pl. 5/2 ; une autre stèle inédite, de provenance indéterminée, dans le même musée, inv. 5362 ; le petit côté d’un sarcophage sidonien d’époque impériale, à Istanbul, Musée archéologique, inv. 417 T : Mendel 1912/1914, I, p. 76-78, n° 12. 49
Conder 1890, p. 264. L’auteur ajoute : « They may even be as late as the Byzantine age », ce qui serait pour le moins surprenant. 44 Ronzevalle 1910, p. 207 : « Seul, Conder, du fond de son cabinet de travail, mais, avec son flair d’homme du métier, qui a vu et dessiné de sa propre main plus d’un morceau du genre, a prononcé le vrai diagnostic. Toutes les stèles, d’après lui, celles du haut comme celles du bas, ‘belong to the Roman period and represent native work’. C’est on ne peut plus exact, et je m’étonne qu’on n’en ait pas tenu compte ». 45 Kaoukabani 1971, p. 37. 46 Kletter 2015. Voir par exemple un chapiteau éolique chypriote daté de la fin du VIIe siècle avant J.-C., au Musée du Louvre, inv. AM 2753. 47 Dunand, Duru 1962, pl. XXVIII/2. 48 Kaoukabani 1971, pl. IV, fig. 8-9. 43
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Bilal Annan Thèmes
l’idole avec une paume ou deux tournées vers celle-ci58. Ce geste, qui trouve des parallèles contemporains à Oumm el-’Amed59, ou sur deux stèles funéraires « phéniciennes », l’une sidonienne60, l’autre tyrienne61, ne se rencontre plus, à notre connaissance, dans le répertoire iconographique d’époque impériale62.
Une lecture attentive des différents sujets qu’offrent ces reliefs peut de même nous permettre d’en préciser les contextes d’élaboration et les sources d’inspiration. Le thème de la conversation à laquelle prennent part les personnages assis sur le bas-relief de Smar-Jbeil apparaît dans l’iconographie funéraire grecque au IVe siècle av. J.C. : en lieu de l’habituelle poignée de mains (δεξίωσις) en signe d’adieu70, certains personnages sont alors montrés engagés dans une conversation explicitée par une main tendue vers son interlocuteur, indiquant clairement la prise de parole, la paume tournée vers le spectateur ou, plus rarement, les doigts joints en manière d’explication71. Ce thème de la « conversation d’adieu » sera perpétué dans l’art funéraire à l’époque impériale, à l’exemple d’un sarcophage tyrien dont les reliefs illustrent le mythe d’Oreste, et dont un petit côté de la cuve est décoré d’une telle scène impliquant vraisemblablement les époux72, ou encore par un bas-relief de provenance indéterminée, montrant un personnage masculin assis et étendant la main droite vers un éventuel interlocuteur dont l’image n’est pas conservée73.
Enfin, la dernière attitude corporelle que nous aurons à examiner est celle que nous appellerons « pose hiératique », héritée de l’Égypte pharaonique, et qui dispose le personnage strictement de profil, une jambe avancée, l’autre reculée, les deux pieds épousant la ligne de sol, exemplifié ici par le personnage masculin dans le grand édicule de Mashnaqa. Cette pose hiératique a été, depuis l’âge du Bronze en Mésopotamie, un des modes de figuration anthropomorphe privilégiés au Proche-Orient ancien. L’art rupestre oriental, tant sur la côte turque63 qu’en milieu iranien achéménide64, n’a pas manqué de recourir à cette solution iconographique, qui permet d’animer, en mimant la marche, une figure en relief. C’est bien cette même solution que nous retrouvons, dans l’espace phénicien, sur la stèle du Baʻal au foudre d’Ougarit, datée des XIVe-XIIIe siècles av. J.-C.65, ou encore sur la stèle dite « d’Amrit » ou de « Shadrafa », datée de 850-750 av. J.C.66. Pour l’époque hellénistique, c’est encore une fois les stèles d’Oumm el-’Amed qui fournissent les comparanda les plus pertinents67, auxquelles nous pourrions ajouter une stèle de même conception trouvée à Bourj esh-Shemali, près de Tyr, en remploi dans une tombe (romaine ?)68, et une seconde stèle (votive ?) exhumée à Bostan eshSheikh, près du temple d’Eshmoun69. Cette « pose hiératique » sera progressivement abandonnée en Phénicie au cours de l’époque hellénistique, pour disparaître tout à fait à l’époque impériale, en faveur d’une pondération hellénique qui déploie les volumes corporels avec plus de naturel, dans une tridimensionnalité accentuée.
Le thème du sacrifice, illustré par le relief de Birket Ḥjoula et que nous restituons sur un des reliefs adjacents à la scène de conversation de Smar-Jbeil et sur un relief de Qana (voir infra), fait évidemment référence aux rites de commémoration qui se déroulaient aux environs du tombeau, et dont aucun témoignage littéraire ou épigraphique n’a, à notre connaissance, conservé le souvenir en Phénicie hellénistique. Dans la Grèce de l’époque classique, ces rites se trouvent fréquemment représentés sur les lécythes à fond blanc, montrant tantôt les préparatifs à la visite des tombes, et tantôt les parents réunis autour de la stèle funéraire, et sacrifiant74. Nous pouvons alléguer aussi en ce sens une autre scène de sacrifice qui avait été documentée dans la tombe II de la nécropole sidonienne de Marissa, et datée de la fin du IIIe s. av. n.è.75.Voici la description qu’en donnent ses inventeurs, seul témoignage qui nous en soit parvenu : « Next to the tomb door a youthful servant is pouring out, at the very edge of the door of the burial chamber, a libation from a small blue or green kantharos. […] Behind him is a tripod painted yellow, to represent gold, with feet like those of the
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Goldman 1990, p. 48, n° 15. Voir par exemple la stèle « Jacobsen » à Copenhague, Ny Carlsberg Glyptothek, inv. 1835 : Dunand, Duru 1962, p. 162, pl. LXXVII ; la stèle de Baʻalyaton à Paris, Musée du Louvre, inv. AO 4047 + AO 3137 : Dunand, Duru 1961, p. 161-162, pl. LXXIX/3 ; ou une stèle érigée pour une défunte au même musée, inv. AO 5135 : Dunand, Duru 1962, p. 163, pl. LXXVIII/1. 60 Paris, Cabinet des Médailles et des Antiques, inv. 54.52bis : Parlasca 1982, p. 6, n. 18, pl. 1/1. 61 Toronto, Royal Ontario Museum, inv. 961.1 : Parlasca 1982, p. 7, n. 28, pl. 3/1. 62 Notons quelques exceptions toutefois, en lesquelles, du fait de leur rareté, nous voyons une survivance plutôt que le reflet d’une coutume, à l’exemple d’une stèle en basalte de provenance indéterminée (Hauran ?), et à notre connaissance inédite, à Beyrouth, Musée archéologique de l’American University of Beirut, inv. 3911. 63 Relief de Tarkasnawa, roi de Mira, daté du XIIIe siècle av. J.-C. à Karabel : Harmanşah 2018, p. 489-490, fig. 20/3. 64 À Persépolis : Vanden Berghe 1959, p. 37, pl. 46 c.d. 65 Paris, Musée du Louvre, inv. AO 15.775 : Gubel 2002, p. 52, fig. 7. 66 Paris, Musée du Louvre, inv. AO 22247 : Gubel 2002, p. 51-53, n° 38. 67 Dunand, Duru 1962, pl. LXXIX/2 ; LXXX/2. Voir aussi une stèle à notre connaissance inédite, et qui pourrait provenir d’Oumm el-’Amed ou de l’arrière-pays tyrien, à Beyrouth, Musée archéologique de l’American University of Beirut, inv. 3965. 68 Chéhab 1934, p. 45, pl. XI/2. 69 Ibid., p. 45-46, pl. XII. 59
Davies 1985 ; Pemberton 1989. Pour des exemples attiques d’époque classique, voir Clairmont 1993, II, p. 126-127, fig. 2.191 ; p. 287-288, fig. 2.324b ; p. 360, fig. 2.355d ; p. 541, fig. 2.430 ; IV, p. 35-36, fig. 4.205 ; p. 101-102, fig. 4.425 ; p. 172-173, fig. 5.480. L’auteur caractérise simplement ces gestes comme des « speaking gesture[s] ». Notons qu’à la différence du bas-relief de Smar-Jbeil, dans toutes ces images, l’un des interlocuteurs est toujours debout, l’autre assis. 72 Beyrouth, Musée National de Beyrouth, inv. 26327: voir dernièrement Yon, Aliquot 2016, p. 158, n° 320 (avec bibliographie antérieure). 73 Beyrouth, Musée National de Beyrouth, inv. 3274 : Yon, Aliquot 2016, p. 234, n° 435. 74 Fairbanks 1907, p. 342, p. 349-355, pl. V, VIII, XIV/2 ; Garland 2001, p. 108, fig. 26. Pour les banquets auprès des tombes à l’époque romaine, voir Scheid 2005, p. 161-188. 75 Jacobson 2007, p. 48. 70 71
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Les éloquentes aspérités de la mort ouverte, l’air féroce85. Quatre ou cinq de ces chasseurs, dont l’un est monté à cheval, étaient munis d’épieux et de lances originellement peints et que suggèrent les positions de leurs mains. Seul le chasseur situé immédiatement à l’arrière de l’ours pouvait, selon G. Mendel et R. Fleischer, brandir une hache86. Fermant cette scène, à droite, un dernier chasseur lâche sur l’animal un chien, tandis qu’un autre canidé est montré sur ses pattes arrière, sous le ventre de l’animal, prêt à bondir. Ce thème sera enfin repris, quoique moins fréquemment, dans l’iconographie cynégétique de la fin de l’époque classique ou de la haute époque hellénistique, comme l’illustre la frise peinte de la « chasse royale » dans la tombe II à Vergina87, donnant à voir un chasseur armé d’un épieu affrontant un ours juché sur un promontoire rocheux devant une grotte, et serrant dans sa gueule une lance brisée88 ; un autre chasseur, se tenant auprès, est revêtu d’une peau d’ours89.
incense altar which stands in Tomb I, in which rests a large blue or green vessel, only the mouth and neck of which are preserved. Beyond this is a large krater, with ornamental feet, standing on a pedestal. This is also painted blue or green, and, like the preceding, is designed to represent glass. The upper part is gone, and a large piece of the wall above it is chipped away, as though there had been a human face or faces there. The whole appears to represent a festal or banqueting scene, in which the tenant of the burial chamber is made a participant, as it were, by the libation poured into the door76». À Marissa comme à Birket Ḥjoula, et peut-être à Smar Jbeil et à Qana77, des parents se sont donc représentés accomplissant des sacrifices en mémoire de leurs défunts, dont les portraits sont figurés auprès, donnant ainsi à voir, en quelque sorte, des portraits honorant un portrait. La chasse, illustrée ici par le relief de Ghineh, appartient quant à elle initialement au registre iconographique de l’héroïsme dans le monde hellénique et relève, dans les empires assyrien et achéménide, des prérogatives régaliennes78. Si la chasse au lion est majoritairement privilégiée dans le répertoire cynégétique79, la chasse à l’ours, quoique minoritaire, n’en est pas absente80. Nous la retrouvons par exemple à l’époque achéménide sur deux sceaux gréco-perses de Daskyleion, le premier montrant un chasseur à cheval, le second un chasseur à pied, tenant haut une lance oblique qu’il s’apprête à enfoncer dans la poitrine de l’animal81. L’Hérôon lycien de Trysa, érigé vers 380-370 avant J.-C., compte parmi ses nombreux reliefs une représentation d’un chasseur à cheval affrontant un ours82 ; cette scène trouve un écho dans un relief ornant le Monument des Néréides à Xanthos83. À Muskar en Lycie, un relief rupestre figurant un chasseur à pied accompagné de son chien et combattant le même animal, préfigure par son agencement le relief de Ghineh84. Mais le document sans doute le plus apte à fournir, de par sa provenance et attendu les affinités iconographiques qu’il entretient avec notre relief, un indice de ses sources d’inspiration consiste en une des scènes ornant la petite frise du socle du sarcophage sidonien dit « des Pleureuses », évoqué plus haut. Cette scène montre sept chasseurs accourant vers ou affrontant un ours debout sur ses pattes arrière, gueule
Cet ensemble cohérent d’images nous permet de dégager quelques caractéristiques de la chasse à l’ours aux époques achéménide et hellénistique. Activité réservée aux princes et aux rois, potentiellement héroïsés, la chasse à l’ours se déroulait dans des parcs réservés (παράδεισοι)90ou des forêts sauvages. Certains chasseurs étaient munis de filets91 ou se couvraient un bras du manteau de manière à se prémunir des attaques de leur adversaire92 ; et le plus souvent ces chasseurs, à pied ou montés à cheval, s’armaient d’épieux ou de lances, ces armes, qui permettent de placer entre soi et la bête imposante une distance suffisante, semblant indiquées pour cet affrontement93. C’était aussi une chasse à courre : partout les chasseurs sont accompagnés de chiens94. Tous ces éléments tendent à démontrer, s’il en était besoin, et comme l’avait d’abord suggéré H. Seyrig95, l’unité de composition des deux reliefs taillés sur le rocher de Ghineh : le chasseur à pied est d’abord montré muni de son épieu et suivi de ses chiens, puis attaquant sa proie. Notons aussi que notre chasseur n’est pas accompagné de valets, comme c’eût été attendu dans le cas d’une expédition princière, et aucun détail de son vêtement ne 85
Mendel 1912/1914, I, p. 64 ; Fleischer 1983, p. 11, p. 31, pl. 12 ; Palagia 2000, p. 178-179, fig. 3. 86 Mendel 1912/1914, I, p. 64 ; Fleischer 1983, p. 11. 87 Sur cette frise et les détails de sa composition technique, voir Brécoulaki 2006, p. 104-133, pl. 26-46, avec la bibliographie antérieure. 88 Palagia 2000, p. 193, fig. 12 ; Borza, Palagia 2007, p. 98, pl. 7 ; Brécoulaki 2006, p. 107, pl. 28. 89 Borza, Palagia 2007, p. 99-100, fig. 10, pl. 7. 90 Sur les paradeisoi dans l’empire achéménide, voir Tuplin 1996, p. 88131. 91 Chasseur revêtu d’une peau d’ours : Borza, Palagia 2007, p. 99-100, fig. 10, pl. 7. 92 C’est le cas du chasseur sur le sceau de Daskyleion (Kaptan 1996, p. 91, pl. 26, fig. 6-7) et du chasseur faisant face à l’ours sur le sarcophage des Pleureuses (Fleischer 1983, pl. 12, A4). 93 Cette impression de la lance comme arme de choix pour affronter l’ours est renforcée par la figuration de chasseurs diversement armés (arcs, épées, voire des grosses pierres) sur les scènes de chasse successives (sanglier, panthère, cerf) complétant la frise du socle sur le sarcophage des Pleureuses : Fleischer 1983, p. 11, pl. 12-13. 94 Sur l’occurrence des chiens sur la frise de la Tombe II de Vergina, voir Reilly 1993. 95 Seyrig 1940, p. 114.
76 Peters, Thiersch 1905, p. 33. Voir aussi Jacobson 2007, p. 38, qui signale trois photographies de cette scène « albeit in a more deteriorated state » dans les archives de l’Israel Antiquities Authority. 77 Le relief de Smar Jbeil peut illustrer la piété du défunt et non un culte des ancêtres, puisque ce dernier est figuré seul dans la niche. 78 Briant 1991 ; Palagia 2000, p. 177-178, p. 181 ; Seyer 2006 ; Seyer 2007. 79 Dans le tombeau d’Apollophanès à Marissa est figuré, sur la frise animalière, un chasseur affrontant une panthère blessée : Peters, Thiersch 1905, p. 23-24, pl. VI. 80 Roland 2000. 81 Kaptan 1996, p. 91, pl. 26, fig. 3-4, 6-7. 82 Benndorf, Niemann 1889, pl. XVII, fig. A 15. 83 Smith 1900, p. 28, n° 889 : « On the left is a attendant carrying a stag on his shoulder. Next is a bear hunt. A bear on its hind legs tries to strike a dog which appears to be snapping at it. Meanwhile one horseman on the left and three on the right gallop to the scene, accompanied by a dog. They have their hands raised ready for thrusting with their spears ». Voir aussi Kaptan 1996, p. 94, n. 76 indiquant la bibliographie ultérieure. 84 Mellinck 1983, p. 437, pl. 60, fig. 20 ; Kaptan 1996, p. 94.
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Bilal Annan Conclusion
nous autorise à y reconnaître un personnage de haut rang qui aurait appartenu à une maison royale. À l’instar du chasseur sur le relief de Muskar (qui se trouve lui aussi, rappelons-le, accompagné d’un chien), le commanditaire a voulu s’approprier les qualités depuis longtemps attachées à cette activité, à savoir la valeur guerrière et une résonance héroïque. Comme le note Seyrig, la scène de la chasse à Ghineh pourrait soit représenter un « exploit du défunt » soit comporter une valeur allégorique, dans le sens d’une imitatio heroica, mais la réitération de ces images depuis l’époque achéménide nous fait davantage pencher pour une chasse véritable, ayant éventuellement entraîné la mort du protagoniste.
L’interprétation adonidienne du relief de Ghineh, d’abord avancée par Renan, et longtemps admise par les commentateurs successifs, doit être abandonnée en faveur d’une symbolique strictement funéraire, qu’aucun détail iconographique ne vient contredire99. En effet, l’éminent spécialiste des études sémitiques n’avait pas manqué de noter la présence de tombes à proximité des divers reliefs, mais, cédant à la séduction de sa théorie adonidienne, avait curieusement estimé que « [partout] ces sculptures sur le roc sont auprès de caveaux funèbres, quoique souvent elles semblent sans relation avec eux100». H. Seyrig a depuis définitivement fixé la destination funéraire de ces reliefs101. Qu’elles illustrent un sacrifice en commémoration des défunts (à Birket Ḥjoula, à Smar Jbeil, à Qana et, selon Seyrig, à Mashnaqa102), des scènes de deuil (Mashnaqa, Ghineh) ou encore d’adieux (« scène de conversation » à Smar Jbeil), toutes ces images participent d’une culture funéraire diffuse dans la Phénicie hellénistique, et qui a emprunté ses motifs au vocabulaire iconographique grec pour donner corps à des rites locaux. Ce sont donc ici des portraits de défunts annonciateurs de la longue postérité que connaîtra, à l’époque impériale, l’art rupestre funéraire en pays phénicien103.
En conclusion, nous sommes tenté d’attribuer au groupe de Ghineh une datation relativement haute, peut-être au IIIe siècle avant J.-C., quand la chasse à l’ours cesse, semblet-il, d’être exclusivement associée à la sphère royale, mais continue de retenir un prestige certain découlant de ses premières associations. La représentation adjacente de la dame éplorée, dans la posture de l’anakalypsis ou de Pénélope, schèmes qui se diffusent dans le monde grec à partir du IVe siècle avant J.-C., vient appuyer cette hypothèse. Le groupe de Mashnaqa, quant à lui, se rattache au précédent par la figuration d’une dame dans une pose similaire, et les chapiteaux éoliens surmontant ses pilastres nous poussent à l’inscrire dans le même siècle. Le relief de Birket Ḥjoula, peut-être contemporain de la fresque peinte de Marissa, appartient, par les particularités des attitudes et des vêtements des personnages (tuniques courtes, tiares coniques) qui le composent, à la haute époque hellénistique (IIIe-IIe siècle avant J.-C.).
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Rien ne nous permet de réunir les deux groupes de SmarJbeil dans un même programme, les reliefs des figures debout dans des niches étant peut-être plus tardifs que la « scène de conversation » leur faisant face, mais, quoiqu’il en soit, nous ne voyons aucune objection iconographique à retenir pour cet ensemble une datation hellénistique, comme rien ne nous encourage à leur attribuer une date plus tardive, impériale.
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Le caractère extrêmement schématique de la plupart des reliefs de Qana ne permet certes pas d’en fixer les bornes chronologiques, mais certaines images d’une finition plus soignée, comme celle de la figure masculine à l’épaule nue décrite plus haut, ou celles présentant deux personnages féminins, l’un de face96, l’autre de trois-quarts, déposant peut-être une offrande sur un thymiatère longitudinal97, et dont les plissés des tuniques évoquent le traitement que l’on peut constater sur certaines stèles d’Oumm el’Amed98, nous incitent à inscrire de même, sans certitude, ces séries dans l’époque hellénistique.
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Soyez 1977, p. 31. Renan 1864, p. 258. 101 Seyrig 1940, p. 118-120. 102 L’auteur (ibid., p. 119) voit en effet dans les quatre acolytes flanquant les deux naïskoi des « ministres d’un rite funèbre ». 103 Pour des exemples de reliefs rupestres funéraires d’époque romaine au Liban et dans l’Antiliban, voir Mouterde 1951/1952 ; Rey-Coquais 1994 ; Omeri, Robeh 2012. 100
Ibid., p. 30, pl. III, fig. 5. Ibid., p. 31-32, pl. VIII, fig. 19. 98 Paris, Musée du Louvre, inv. AO 5135 : Dunand, Duru 1962, p. 163, pl. LXXVIII/1 ; Paris, Musée du Louvre, numéro d’inventaire inconnu : Dunand, Duru 1962, p. 164-165, pl. LXXXV/1. 96 97
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LE MAUSOLÉE DE SÉBASTÉ : NOUVELLES DONNÉES Jean-Sylvain Caillou et Hani Nour Eddine Résumé Il y a plus d’un siècle, un important mausolée romain était découvert à Sébasté, l’antique Samarie refondée par Hérode. En 2015-2016, le tombeau a fait l’objet d’une fouille complémentaire et d’un réexamen par la mission archéologique franco-palestinienne de Samarie-Nord Palestine. Cet article présente les résultats préliminaires des recherches effectuées. Mots-clés : architecture romaine, architecture funéraire, tombeau-temple, Samarie. Abstract More than a century ago, an important Roman mausoleum was discovered in Sebaste, the ancient Samaria rebuilt by Herod the Great. In 2015-2016 the tomb was the subject of a complementary excavation and re-examination by the Franco-Palestinian archaeological mission of SamariaNorth Palestine. This article presents the preliminary results of the research carried out. Keywords: roman architecture, funerary architecture, temple-tomb, Samaria.
Historique et résultats des fouilles précédentes
autres parois de l’édifice. Le dégagement extérieur permit aussi de découvrir trois sarcophages immédiatement au nord du mausolée et un autre au sud. La fouille complète de la chambre funéraire livra les restes de sept sarcophages et mit au jour dans le sol de la salle, à l’angle sud-ouest, un petit conduit vertical communiquant avec une chambre inférieure qui n’a pas pu être fouillée. Voutée en berceau, celle-ci comportait un arcosolium dans la paroi nord et une porte dans le mur sud qui, croyait-on, menait à une troisième chambre funéraire. Les rapports ne signalent aucune découverte de mobilier dans le mausolée luimême. En revanche, les trois sarcophages situés au nord du mausolée étaient inviolés et comportaient chacun les restes d’un individu. Ils ont livré quelques objets dont des verreries et une monnaie de Constance II (337361). D’après ce mobilier et l’analyse architecturale, la construction du mausolée a été datée de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle après J.-C., son occupation s’étant poursuivie jusqu’au milieu du IVe siècle.
Le monument funéraire a été repéré et partiellement fouillé par la mission archéologique de l’université d’Harvard en 1909-19101. Il se trouvait sous le village moderne de Sébasté, à un endroit où le niveau du sol s’était élevé de plus de 7 m. depuis l’Antiquité (fig. 1). Le sondage pratiqué dans la cour d’une maison a permis d’exhumer en partie la façade du monument et d’accéder à la chambre funéraire. Le mausolée, de forme carrée, était précédé d’un portique de quatre colonnes qui abritait deux sarcophages disposés de part et d’autre de l’entrée de la chambre funéraire. D’autres sarcophages furent découverts à l’intérieur de la chambre qui, fermée par une porte en pierre, comportait trois arcosolia et était couverte par une coupole sur pendentif, conservée jusqu’au sommet. En 1937, la fragilité structurelle du mausolée et son importance archéologique incitèrent le Département des Antiquités de Palestine du Mandat Britannique à poursuivre son dégagement pour assurer sa conservation (fig. 2)2. Les découvertes effectuées à cette occasion renouvelèrent la compréhension de l’édifice. Il fut établi que le portique comportait non pas une, mais deux rangées de colonnes, situées en face de quatre pilastres qui scandaient la façade du monument. Des pilastres identiques ornaient les trois
Le mausolée a été démonté en 1979 ou dans les années 1980 par les Israéliens afin d’être reconstruit au nord du forum, à l’entrée du parc national qu’ils avaient créé sur le site. Nous ne disposons d’aucune publication sur cette opération qui s’est révélée désastreuse3. Le projet n’a pas été mené à terme en raison des difficultés techniques rencontrées4. Les blocs démontés sont restés éparpillés pendant de nombreuses années autour de la plateforme
Reisner, Fisher, Lyon 1924, p. 220-223, pl. 79. Hamilton 1939, p. 64-71. A cette occasion, le pourtour du trou au fond duquel se trouvait le mausolée a été entièrement recouvert d’un parement de pierre, toujours en place, sauf à l’ouest du mausolée où il a été modifié ultérieurement.
Benelli, Hamdan, Piccirillo 2007, p. 21; Hamdan, Benelli 2013, p. 5455. 4 Selon d’autres témoignages, l’opération aurait été arrêtée à cause des protestations de l’Unesco. Interrogée, sa représentation en Palestine n’a pas pu confirmer cette information.
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Fig. 1 : Plan de localisation du mausolée (© V. Miailhe).
Fig. 2 : Le mausolée lors de son dégagement en 1937 (cl. Département des Antiquités de Palestine).
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Le mausolée de Sébasté
Fig. 3 : Les vestiges du mausolée et le trou d’accès à la chambre inférieure avant les fouilles de 2015 (cl. J.-S. Caillou).
prévue pour le remontage, constituant des proies faciles pour les « amateurs de vieilles pierres ». Ce n’est qu’en 2014 que les Israéliens ont utilisé les blocs encore présents pour construire un muret de pierres sèches entourant la plateforme. Ainsi, il ne reste de ce monument exceptionnel, conservé sur toute sa hauteur pendant près de 1800 ans, que quelques photos et un gigantesque trou au milieu du village. C’est vraisemblablement après le démontage du mausolée qu’un sondage a été pratiqué à l’aplomb de la porte de la chambre inférieure (fig. 3). Il s’agissait en fait de l’accès principal de cette chambre qui était aménagée dans un podium servant de soubassement aux parties supérieures. L’intérieur de la salle fut déblayé, ce qui fit apparaître des caveaux aménagés dans le sol (fig. 4). Ces découvertes sont restées inédites. Les nouvelles fouilles5 La Mission archéologique franco-palestinienne de Samarie-Nord Palestine que nous avons créée en 2013 avec le soutien du Ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités et du Ministère français des Affaires étrangères avait comme premier programme de recherche 5 Nos remerciements à tous ceux qui ont participé à la fouille : Anan Chead, Hammam Chalalda, Séverine Dufouleur, Ghassan Najajra, Moïn Hadj, Wesam et Alaa Shaer, Alessia Venenzi, Laura Vié et Lucie Duvignac. La publication finale comprendra une étude approfondie de l’architecture (Thibaud Fournet), des sarcophages (Lucie Duvignac), des ossements (Anne Gilon), de la faune (Hervé Monchot), de la céramique (Laura Vié), du verre (René Ployer) et du buste funéraire (Bilal Annan).
Fig. 4 : Intérieur de la chambre inférieure avant les fouilles de 2015 (cl. J.-S. Caillou).
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Fig. 5 : La chambre funéraire inférieure après les fouilles, vue du sud (cl. J.-S. Caillou).
l’origine, ils étaient tous fermés par cinq dalles de pierre dont seules les faces de pose étaient planes. Les autres étaient dissimulées sous une sorte de coffrage en mortier argilo-cendreux fermant de manière presque hermétique les caveaux tout en leur donnant un aspect extérieur relativement uniforme. Au moins une dalle de chaque caveau avait été enlevée par les fouilleurs clandestins. Aucun mobilier ni ossement n’a été découvert en place. Les caveaux étaient partiellement remblayés par de la terre et des détritus modernes. Leur niveau inférieur était constitué d’une assise de fondation reposant directement sur la roche.
quadriennal l’étude de la nécropole antique. L’observation du soubassement du mausolée nous a conduits à émettre l’hypothèse que le monument pouvait entrer dans la catégorie des tombeaux-temples, c’est-à-dire des tombeaux dont l’architecture imite celle d’un temple6. Cette hypothèse n’avait pas été envisagée jusqu’à présent en raison de la présence d’une coupole et du plan carré de la chambre supérieure7. En outre, le dégagement du pourtour du mausolée avait fait apparaître une assise de pierres en saillie à la base de la chambre principale. Elle fut interprétée comme étant une assise de fondation alors qu’il s’agissait de la moulure supérieure du podium8. Pour ces raisons, les archéologues qui nous ont précédés ont interprété le mausolée non pas comme un tombeautemple mais comme un tombeau à édicule. C’est pourquoi la plateforme de béton coulée pour supporter le projet d’anastylose a une forme carrée (5,50 x 5,55 m) et non pas rectangulaire.
Un sixième caveau occupe l’angle sud-ouest de la chambre (fig. 6). Trop étroit pour recevoir un corps, il était relié à la chambre supérieure par un conduit constitué de blocs encastrés alternativement dans les parois ouest et sud de la chambre. Le conduit en question était vraisemblablement ajouré puisqu’aucun bloc de la taille des interstices n’a été retrouvé. La fonction de ce dispositif reste énigmatique. Un petit sondage effectué dans les fondations a permis de vérifier qu’il n’y avait aucune communication avec un espace inférieur (tombeau antérieur ou autre). Par chance, le petit caveau n’avait pas été totalement pillé et a livré quelques fragments osseux mais surtout des verreries et des lampes à huile (fig. 7) ainsi qu’un brûle-encens tripode en terre crue correspondant à la phase d’utilisation du mausolée9.
Les nouvelles fouilles, entreprises en juin 2015, avaient pour but de dégager la chambre inférieure de façon à en faire un relevé architectural. Celui-ci a été effectué en photogrammétrie par Vincent Miailhe (Inrap) puis complété de manière classique par Thibaud et Pauline Fournet (Ifpo). Cinq caveaux funéraires ont été mis au jour dans le sol de la chambre. Quatre caveaux parallèles occupaient toute la largeur du fond de la chambre (fig. 5) alors qu’un cinquième, perpendiculaire aux autres, se trouvait immédiatement après la porte d’entrée (fig. 6). À
Un buste funéraire acéphale (fig. 8) a été retrouvé dans l’arcosolium de la chambre inférieure. Sans doute exhumé lors des pillages récents, il est le dernier exemplaire d’une série de bustes découverts dans ou à proximité immédiate du tombeau. Une photo de l’expédition d’Harvard montre
Gros 2017, p. 444-452. R. W. Hamilton formule une observation montrant qu’il n’avait pas compris que le monument funéraire était un tombeau-temple : “the pilasters seen by Fisher on the façade are repeated on the three remaining walls of the tomb, but no trace of corresponding columns exists on any but the western side” (Hamilton 1939, p. 64). 8 À la décharge de nos prédécesseurs, les trois sarcophages découverts à l’extérieur du monument, contre sa paroi nord, avaient été posés sur un sol artificiel correspondant au niveau de la moulure, ce qui a renforcé l’idée qu’il s’agissait d’une assise de fondation. 6 7
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Une fiole en verre et une lampe à huile ont malheureusement été volées dans la maison de fouille entre les campagnes de juin et d’août 2015 (respectivement la première et la deuxième en partant de la droite sur la photographie).
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Le mausolée de Sébasté
Fig. 6 : La chambre funéraire inférieure après les fouilles, vue du nord (cl. J.-S. Caillou).
Fig. 7 : Mobilier exhumé dans le petit caveau, à l’angle sudouest de la chambre inférieure (cl. J.-S. Caillou).
Fig. 8 : Buste funéraire retrouvé dans l’arcosolium de la chambre inférieure (cl. J.-S. Caillou).
déjà, au pied d’un sarcophage, un buste inédit dont il n’est pas fait mention dans le texte10. Quatre autres bustes furent ensuite publiés par Hamilton en 1939, qui mentionne aussi les fragments d’un cinquième, sans plus de détail ni illustration11.
L’analyse de la céramique et des verreries ne remet pas en cause la date de la construction de l’édifice, même si elle pourrait être légèrement plus ancienne, si l’on se base sur une lampe retrouvée (milieu du IIe siècle plutôt que fin du IIe siècle ?). En revanche, l’abandon du mausolée semble remonter à l’époque byzantine et fut peut-être provoqué par l’aménagement d’une grande terrasse en lien avec le sanctuaire chrétien qui s’était constitué autour de la tombe de saint Jean-Baptiste, située juste au nord. La conservation exceptionnelle du tombeau-temple sur toute sa hauteur semble en effet pouvoir s’expliquer par un remblaiement massif de la zone à cette période.
En septembre 2016, un sondage complémentaire a été entrepris sur la façade occidentale du podium pour vérifier la présence d’un escalier. Les premières marches ont été mises au jour, ce qui a permis à Th. Fournet de proposer une première restitution qui reste à affiner dans le détail (fig. 9). Reisner, Fisher, Lyon 1924, pl. 79b. Hamilton1939, p. 68-70. Les archives du Département des antiquités de Palestine ne donnent pas d’information supplémentaire. 10
Le réexamen du monument funéraire mis au jour il y a plus d’un siècle par les archéologues américains a permis
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Fig. 9 : Restitution préliminaire du tombeau-temple de Sébasté (© Th. Fournet).
de mieux le comprendre et d’établir qu’il s’agissait d’un tombeau-temple. Cette catégorie de tombeau emblématique de l’architecture funéraire classique est désormais bien attestée dans la partie nord de la Palestine où elle illustre les emprunts faits à la tradition gréco-romaine. BIBLIOGRAPHIE Benelli C., Hamdan O., Piccirillo M. (2007), Sabastiya: History, Conservation & Local Community, Jérusalem, Edkadek. Benelli C., Hamdan O. (2013), Sabastiya, Tourist Guide, Jérusalem, Fondazione Cariplo. Gros P. (2017), L’Architecture romaine : du début du IIIe siècle av. J.-C. à la fin du Haut-Empire. Vol. 2. Maisons, palais, villas et tombeaux, Paris, Picard. Hamilton R.W. (1939), « The Domed Tomb at Sebastya », Quarterly of the Department of Antiquities in Palestine 8, p. 64-71. Reisner G.A., Fisher C.S., Lyon D.G. (1924), Harvard Excavations at Samaria (1908-1910), Cambridge, Harvard University Press.
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LA POLITIQUE ICONOGRAPHIQUE D’AGRIPPA IER ET LA CIRCULATION DES IMAGES ENTRE ORIENT ET OCCIDENT (37-44 APR. J.-C.) Christian-Georges Schwentzel Résumé Les monnaies d’Agrippa Ier témoignent de la politique iconographique menée par ce roi client auquel Caligula puis Claude confièrent des territoires au Proche-Orient, lui permettant à terme de reconstituer le royaume de son grand-père, Hérode le Grand. Agrippa Ier mit en avant les images de son épouse, la reine Cypros, et de son fils Agrippa II, désigné par avance comme son successeur potentiel. Des indices nous permettent d’accréditer l’hypothèse que les images monétaires des membres de la famille royale correspondaient à des statues érigées dans le royaume. L’iconographie monétaire nous révèle également des exemples originaux de circulation d’images du pouvoir venues d’Occident, mais aussi d’Orient, mêlant hellénisme et « persianisme ». Mots-clés : Judée, dynastie hérodienne, Agrippa Ier, roi client, Orient romain, hellénisme, persianisme, numismatique, portrait royal, politique iconographique. Abstract The coins of Agrippa I disclose the iconographic policy led by this client-king to whom Caligula and later Claudius gave the administration of Near Eastern territories, allowing him to reconstitute the kingdom of his grandfather Herod the Great. Agrippa promoted the images of his wife, queen Kypros, and of his son Agrippa II, appointed as the potential successor. Diverse indications lead to substantiate the hypothesis that the images of the royal family on the coins corresponded to statues erected in the kingdom. The monetary iconography also reveals examples of circulation of images, coming both from West and from East, and associating hellenism and persianism. Keywords: Judea, Herodian dynasty, client-king, Roman Near East, hellenism, persianism, numismatics, royal portraits, iconographic policy. Introduction : le règne d’Agrippa Ier
Il reçoit en guise de territoire la tétrarchie de Philippe, son oncle décédé en 37, dont la capitale était l’ancienne Panéas, près des sources du Jourdain, qui avait été refondée par Hérode sous le nom de Césarée (les historiens nomment la ville Césarée de Philippe ou Césarée-Panéas pour la distinguer de Césarée Maritime). Agrippa Ier reçoit aussi la région de Chalcis dans l’Anti-Liban, un ancien Etat sacerdotal sur lequel avait déjà régné Hérode le Grand.
Aristobule, fils d’Hérode et de son épouse hasmonéenne Mariamne, avait eu quatre enfants avant que son père ne le fasse exécuter pour un complot réel ou supposé. Les deux plus célèbres étant Hérodiade, la princesse des Evangiles, mère de la fameuse Salomé, et Agrippa Ier. Ce roi a fait l’objet d’une brillante étude historique, ouvrage de référence dû à Daniel R. Schwartz1. Le prince avait été envoyé à Rome par son grand-père, en 5 av. J.-C. Il séjourna sur le Palatin, à la cour impériale, sous Auguste puis Tibère et s’y lia d’amitié avec Caius, fils de Germanicus, le futur empereur mieux connu sous le nom de Caligula. A la mort de Tibère, en 37 apr. J.-C., celui-ci accède à l’Empire. Il souhaite alors récompenser Agrippa auquel il offre le titre de roi (rex, basileus) ; Agrippa devenant ainsi un roi client de Rome, un rex amicus et socius populi Romani, comme on disait alors dans le langage officiel2.
Hérodiade, jalouse que son frère ait été élevé à la dignité de roi, pousse alors son époux Hérode Antipas, simple tétrarque de Galilée et de Pérée, à se rendre à Rome pour demander lui aussi le titre royal. Mais l’empereur, exaspéré par l’insistance des demandes du couple, finit par les faire tous deux exiler en Gaule. Agrippa Ier reçoit alors, en plus de son domaine, les territoires repris à Antipas dont la cité de Tibériade qui avait été fondée par le tétrarque. Dans l’œuvre de Flavius Josèphe, le nouveau roi apparaît comme un fervent défenseur des traditions juives. On se souvient de l’affaire de la statue de Caligula que l’empereur avait décidé de faire ériger dans le Temple de Jérusalem, au mépris de la Torah qui rejetait les images d’êtres humains. Agrippa tente de convaincre l’empereur
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Schwartz 1990. Labbé 2012, p. 126-129. Plus généralement sur les rois-clients, voir Braund 1984. 2
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Christian-Georges Schwentzel l’ethnicité du souverain3. Cela dit, seules quelques pages sont consacrées à Agrippa Ier dans ces deux ouvrages ; d’où l’intérêt de rouvrir le dossier iconographique de son règne, en exploitant aussi quelques apports des recherches récentes, et toujours en cours, sur la notion de persianisme4.
de renoncer à un tel acte impie, au cours d’un festin à Rome (Antiquités Juives XVIII, 296-297). Finalement, Caligula meurt assassiné en 41 apr. J.-C. et son projet de statue est aussitôt abandonné. Agrippa Ier est présent à Rome au moment de la mort de l’empereur considéré comme fou. Il soutient le nouvel empereur, Claude, choisi par les prétoriens. Il serait même allé au Sénat, afin de persuader les sénateurs opposés au maintien du régime impérial de reconnaître Claude comme le nouveau César.
Agrippa fit frapper deux groupes de monnaies distinctes : un monnayage de type grec émis dans les ateliers civiques de Césarée-Panéas, Tibériade et Césarée-Maritime ; et, d’autre part, une série spécifiquement juive, c’est-à-dire conforme audit « deuxième commandement », frappée à Jérusalem5. Cette dualité est aussi originale qu’inédite. Aucun souverain n’avait jusqu’alors fait frapper deux monnayages parallèles. Il s’agit d’une forme de double discours officiel6.
Un peu plus tard, Claude, reconnaissant, confirme Agrippa Ier dans ses fonctions de roi-client. Il agrandit son royaume, en lui confiant la Judée : le territoire juif où la Torah est en vigueur, ainsi que les cités fondées par Hérode : Césarée Maritime et Sébasté (qui avait été refondée sur le site de l’ancienne Samarie). Césarée et Sébasté ne sont pas des cités juives, rappelons-le, mais des poleis ; ce qui va avoir une conséquence directe sur la politique iconographique du souverain, puisque la loi de Moïse, et notamment l’interdit concernant les images, n’y est pas en vigueur.
Le double monnayage d’Agrippa Ier est à l’image de son royaume, lui-même double : juif pour sa partie judéenne et grec pour le reste, c’est-à-dire pour les cités qui ont le statut de polis (Césarée-Panéas, Sébasté-Samarie, Tibériade et Césarée Maritime). Le buste royal orne l’avers des monnaies de type grec. Le portrait est réaliste, suivant les codes en vigueur dans l’art hellénistique et romain. Ce réalisme doit permettre de reconnaître le souverain au premier coup d’œil. Ses caractéristiques physiques sont aisément identifiables : nez pointu, front un peu dégarni et cheveux courts. Il porte aussi les attributs caractéristiques du basileus hellénistique : le diadéma et le manteau de pourpre, dont la partie supérieure est parfois visible7. Notons que ces caractéristiques physiques se retrouvent dans une tête en marbre diadémée, retrouvée à Byblos (Musée National, Beyrouth, n° 12649), ce qui permet éventuellement d’y reconnaître la tête d’une statue du souverain8.
Agrippa Ier renonce à Chalcis, territoire qu’il cède à son frère, Hérode dit « de Chalcis » pour cette raison, et qui reçoit lui aussi le titre royal. Il y a alors deux rois clients hérodiens qui règnent dans le Proche-Orient romain. Agrippa Ier et Hérode, les frères rois, se présentent tous les deux comme les défenseurs des lois juives, un rôle qui leur est officiellement reconnu par Claude, selon Flavius Josèphe. Ils sont censés veiller au respect de la Torah par leurs sujets juifs, mais aussi par l’ensemble des Juifs vivant dans l’Empire romain. Agrippa surtout est présenté par Flavius Josèphe comme un souverain très pieux, respectant les règles de pureté. Il est d’ailleurs admis dans le Temple de Jérusalem, alors qu’Hérode le Grand n’avait jamais pu y pénétrer. Cette vision positive d’Agrippa se retrouve dans la Mishnah où il apparaît comme un bon connaisseur de la Torah qu’il lit dans le texte (Sotah 7, 8). C’est aussi au nom du respect de la Torah qu’Agrippa Ier persécute les chrétiens. Trois mille Juifs avaient déjà reçu le baptême selon les Actes des Apôtres. Étienne, diacre de la petite communauté, est lapidé par ordre d’Agrippa qui fait aussi mettre à mort Jacques le Majeur, frère de Jean.
La légende grecque des monnaies nous donne le nom et les titres du souverain : Basileus Megas Agrippas Philokaisar (« Le grand roi Agrippa, ami de César »). L’emploi du nominatif laisse entendre que l’émetteur n’est pas le roi, mais le corps civique, en l’occurrence le démos de Césarée Maritime, où est frappée la monnaie. L’image royale est présentée comme un hommage rendu au souverain par les citoyens de la cité.
Après ces persécutions, le règne d’Agrippa Ier s’achève brutalement en 44 apr. J.-C. Le souverain est victime d’un malaise foudroyant dans le théâtre de Césarée. Les chrétiens y voient un châtiment divin.
Kropp 2013, p. 74-77 et p. 248-252 ; Schwentzel 2013a, p. 152-164. Sur le persianisme, voir Strootman, Versluys, 2017 ; voir encore l’étude de ce phénomène dans l’art du royaume de Commagène sous le règne d’Antiochos Ier Théos : Versluys 2017. 5 Les monnaies d’Agrippa Ier sont datées de l’an 2 à l’an 8 ; sur la chronologie de ce monnayage, voir Stein 1981. Outre dans Kropp 2013 et dans Schwentzel 2013a, on trouvera les photos des types monétaires d’Agrippa Ier sur le site : www.menorahcoinproject.org 6 Il y a toutefois un précédent : Antiochos VII, le basileus séleucide, qui avait fait produire une série de bronzes spécifiques, sans images d’êtres vivants, pour la province de Judée en 131-129 av. J.-C., lors de sa conquête éphémère de la région ; voir Meshorer 1998, p. 50. 7 Sur ces attributs, voir Virgilio 2003. 8 Kropp 2013, p. 75. 3 4
Les portraits d’Agrippa Ier Agrippa Ier a mené une politique iconographique utilisant comme « media » de l’image royale à la fois la monnaie et la sculpture. Ce thème a été abordé dans deux ouvrages publiés en 2013 : le livre d’Andreas J.M. Kropp qui propose une approche iconographique et archéologique ; et mon livre, sous un angle historique incluant la question de 72
La politique iconographique d’Agrippa Ier Le « Grand Roi »
Comme le souligne fort justement D.R. Schwartz, Agrippa avait toutes les raisons de se vanter de son amitié avec l’empereur13.
On remarque aussi l’originalité de la titulature d’Agrippa Ier dit Basileus Megas. Un titre qui, selon Daniel R. Schwartz, serait celui des anciens souverains perses de la dynastie des Achéménides9. Assez logiquement, cette épithète Megas apparaît également dans une source épigraphique concernant Agrippa Ier : l’inscription OGIS 149. Il est remarquable que ce titre de « grand roi » a également été repris par le fils d’Agrippa Ier, Agrippa II, dans une autre inscription (OGIS 425)10. Le titre est donc considéré comme une caractéristique dynastique et familiale, du moins à partir d’Agrippa Ier, car Hérode (pourtant si souvent dit « le Grand » dans l’historiographie) n’a jamais porté officiellement ce titre. Agrippa Ier est le premier « grand roi » de la dynastie des Hérodiens. Flavius Josèphe aussi qualifie Agrippa de Mégas (Antiquités Juives XVIII, 142).
Conséquence logique de cette épithète philokaisar, Agrippa Ier fait frapper des séries monétaires dans le but de rendre hommage à ses maîtres romains. Un premier bronze, orné à l’avers du buste de Caligula, montre au revers le quadrige de Germanicus, père de l’empereur, en imperator14. Le monnayage reprend ici, en Orient, des thèmes créés en Occident. Il s’agit d’une adaptation locale d’une iconographie monétaire d’abord apparue à Rome, sur les dupondii que Caligula fit frapper en l’honneur de son père, Germanicus. La légende (NOMIΣMA BΑΣIΛΕΩΣ AΓΡΙΠΠA : « Monnaie du roi Agrippa ») précise néanmoins l’identité de l’émetteur oriental. Une autre monnaie affiche, à l’avers, le buste de Caesonia, épouse de l’empereur (ΚΑIΣΩΝΙΑ ΓYNH ΣΕΒAΣTOΥ : « Caesonia épouse de l’Auguste »). Ce buste de Caesonia est très original, dans la mesure où aucune monnaie romaine n’offre l’équivalent. Le revers célèbre la petite princesse Drusilla Minor, fille de Caligula et Caesonia, née en 39 (ΔΡΥΣΙΛΛΗ ΘΥΓATΡΙ ΣΕΒAΣTOΥ : « A Drusilla, fille de l’Auguste »)15. La figure féminine debout est une allégorie, sans doute Fortuna-Tyché tenant une Victoire dans la main droite. Il ne doit pas s’agir de la princesse qui était alors très jeune et aurait été représentée comme une enfant.
Si l’hypothèse de Daniel R. Schwartz est intéressante, on se demande néanmoins pourquoi Agrippa Ier aurait ainsi souhaité faire référence aux souverains de l’ancien empire achéménide, quelques 400 ans après sa chute. Il pourrait s’agir d’une forme de « persianisme », phénomène récemment étudié, lors d’un colloque tenu à Istanbul en 2014 (Persianism in Antiquity) dont les actes ont été publiés en 2017 par Rolf Strootman et Miguel John Versluys11. Dans cette publication, Sonja Plischke s’intéresse au titre de « Grand roi »12. Elle rappelle que ce titre fut porté par Cyrus le Grand puis par Darius Ier avant de devenir tout simplement synonyme de souverain achéménide. L’expression ne fut que peu reprise par les Séleucides, si ce n’est Antiochos Ier sur un cylindre babylonien de Borsippa, en 268 av. J.-C. ; puis on la trouve en grec (Basileus Megas) pour Antiochos III, mais uniquement dans les sources littéraires évoquant ce roi. Comme le fait remarquer Sonja Plischke, cette épithète n’apparaît ni dans les documents épigraphiques ni sur les monnaies d’Antiochos III. Plischke conclut qu’il n’y eut pas de persianisme séleucide. Au contraire, les rois arsacides, en réaction contre les Séleucides, affichèrent ce titre sur leurs monnaies.
Encore une fois, nous avons là des images occidentales, dans le sens où elles proviennent de Rome, capitale de l’Empire. Le roi client les reproduit localement, pour manifester sa soumission et sa fidélité à la famille impériale. Il fait même de l’excès de zèle, puisqu’il va jusqu’à créer une nouvelle série monétaire en l’honneur de Caesonia et Drusilla Minor, absentes du monnayage romain La reine Cypros Agrippa ne rend pas seulement hommage à la famille impériale ; il cherche aussi à mettre en valeur sa propre dynastie. Une monnaie dont l’avers est frappé du buste royal, est ornée, au revers, d’une image de la reine Cypros, épouse d’Agrippa16. Yaakov Meshorer, le célèbre numismate israélien, qui avait pu examiner un exemplaire de cette série a déchiffré le nom de la reine. Il restitue ainsi la légende : BΑΣIΛΙΣΣH ΚΥΠΡΟΣ (« La reine Cypros »). La monnaie est datée de l’an 5 (LE), soit 41/42 apr. J.-C.
L’utilisation de ce titre par Agrippa Ier est donc inédite dans ce contexte. Le roi se pose sans doute en rival du grand roi des Parthes dans son rôle de protecteur des Juifs. C’est une forme de persianisme politique. Mais nous y reviendrons plus loin. Rendre hommage à la famille impériale
Cypros est une petite-fille de Phasael, frère d’Hérode. Elle porte le nom de la mère d’Hérode dont elle est l’arrière-petite fille. Cypros l’Ancienne était une princesse nabatéenne
Deuxième épithète dans la titulature du souverain : philokaisar, variante de philorhomaios, dont l’avantage est d’afficher un lien direct et personnel avec l’empereur.
Schwartz 1990, p. 60. Burnett 1987, p. 28 ; Kropp 2013, p. 248. 15 Meshorer 1982, n° 3, pl. 9 ; Hendin 2001, n° 1241 ; Burnett 1987, p. 29-31. 16 Meshorer 1982, n° 7, pl. 9. 13
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Schwartz 1990, p. 137. Schwartz 1990, p. 136. Strootman, Versluys 2017. Plischke 2017.
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Christian-Georges Schwentzel jeune prince l’autorité émettrice. Le fils est censé rendre ici hommage à son père. L’intérêt de cette fiction était sans doute pour Agrippa Ier, de préparer sa succession, en tentant de qualifier par avance son fils, alors que, dans les faits, la permanence du royaume ne dépendait que du bon vouloir de l’empereur. Celui-ci n’avait aucunement l’obligation de reconduire le fils dans les fonctions de son père.
apparentée à la dynastie des souverains de Pétra. Cypros la Jeune, épouse d’Agrippa, se tient ici debout, drapée ; elle arbore un long sceptre dans la main gauche, tandis que sa main droite est levée. On remarque enfin qu’elle porte le titre de basilissa ; ce qui est loin d’être négligeable. Elle est la première reine de la dynastie des Hérodiens. Hérode, polygame, avait eu dix épouses mais aucune n’avait porté le titre de reine ; même Mariamne l’Hasmonéenne n’était que gynè (Flavius Josèphe, Antiquités Juives XV, 185 et 237). La monnaie célèbre ici cette première reine hérodienne, Agrippa ayant tout intérêt à mettre en avant son épouse qui renforce sa légitimité dynastique. Il existe aussi un autre bronze sur lequel on lit le nom de Cypros, à l’avers, associé à un buste qui doit être celui de la reine17.
Le cheval était la monture habituelle du basileus hellénistique, depuis son prototype, Alexandre le Grand, jusqu’à ses divers successeurs, notamment les Séleucides, restés assez proches du modèle macédonien. Les basileis hellénistiques montaient à cheval dans la réalité autant que dans l’iconographie. La bête était en lien avec la fonction militaire du basileus qui combattait habituellement sur son destrier. La monture est également en lien avec la vertu, qualité personnelle (idia arétè) du basileus que vante le discours officiel. Dans le décret d’Ilion (OGIS 219), la vertu royale sert de justification à l’érection d’une statue équestre du basileus séleucide (Antiochos Ier) dans le temple d’Athéna Ilias21.
On peut comparer ces images de Cypros avec celles des reines nabatéennes contemporaines, auxquelles elle est d’ailleurs apparentée d’un point de vue généalogique, en tant que descendante de Cypros l’Ancienne. Les souverains de Pétra, royaume client voisin, menèrent une politique iconographique comparable en assurant, eux aussi, la promotion de leurs épouses18. Le fait que la reine Cypros lève la main droite rappelle l’image des reines nabatéennes, Huldu et Shaqilat Ire, les deux épouses successives d’Arétas IV (9 av.-40 apr. J.-C.), sur des séries de bronzes frappés à Pétra19. Le style nabatéen, plus « provincial », est sensiblement différent des canons grecs de l’art promu par Agrippa Ier. On remarque néanmoins qu’Agrippa a voulu lui aussi se présenter comme un souverain régnant en couple avec une basilissa, comme cela était devenu la norme dans la royauté ethnique des Nabatéens, ou encore auparavant chez les Ptolémées qui ont dû servir en cela de modèle pour les Nabatéens. La mise en avant de la basilissa Cypros cadre parfaitement avec la volonté d’Agrippa Ier de se conformer au modèle royal de type hellénistique et à ses prolongements dans le Proche-Orient du Ier siècle. Un basileus digne de ce nom se doit d’avoir une basilissa prestigieuse à ses côtés.
Mais cette tradition du cheval comme monture du souverain a aussi été reprise, entre-temps, à Rome par les empereurs et leur famille. Le bronze montrant Agrippa II à cheval peut être comparé à un dupondius émis par Caligula en l’honneur de Néro et Drusus César (Drusus III)22. Les deux jeunes frères de l’empereur, éliminés par Tibère, avaient été réhabilités à titre posthume. Flavius Josèphe rapporte aussi que des courses de cavaliers avaient lieu lors des Jeux Actiaques institués dans son royaume par Hérode le Grand (Antiquités Juives XV, 271). Il atteste également l’existence d’une cavalerie d’élite dans l’armée hérodienne (Antiquités Juives XV, 294) de l’époque d’Hérode jusqu’à Agrippa II. Lorsque le fils d’Agrippa Ier devient à son tour roi client, il commande une cavalerie d’auxiliaires qui trouve sa place dans le système défensif du monde romain. Enfin, le cheval est aussi la monture des equites romains. Or, les rois clients appartenaient à l’ordre des chevaliers qui avait été redéfini par l’empereur Auguste.
L’image équestre d’Agrippa II Une autre monnaie ornée du buste du roi présente, au revers, le jeune prince Agrippa II à cheval20. La légende indique : AΓΡΙΠΠΑ ΥΙΟΥ BΑΣIΛΕΩΣ (« D’Agrippa, fils du roi »). La monnaie est datée de l’an 2 (LB), soit 37/38 apr. J.-C. Né vers 27, Agrippa II devait avoir dix ou onze ans. Le basileus entend ici assurer la promotion de son fils. Pris dans son ensemble, le monnayage du roi représente la famille nucléaire : le père, la mère et le fils.
La tradition juive était, par contre, plutôt hostile au cheval. Selon le Deutéronome (17, 16), le roi juif idéal ne devait pas posséder un grand nombre de chevaux. C’était la mule ou l’ânon qui faisait office de monture royale par excellence23. David avait ainsi fait installer Salomon sur sa mule pour le consacrer roi à sa place (1 Rois, 33, 38 et 44).
Il est intéressant de remarquer que le génitif indique que la monnaie est censée avoir été frappée par le prince lui-même, et non par son père, dont le nom est inscrit, à l’avers, au nominatif : ΒAΣΙΛEΥΣ AΓΡΙΠΠΑΣ (« Le roi Agrippa »). Il s’agit d’une sorte de fiction, faisant du
Mais la monnaie d’Agrippa Ier est destinée à des populations hellénisées, non aux Juifs de Judée sur lesquels, d’ailleurs, le souverain ne règne pas encore en 37/38 apr. J.-C., lorsque cette série est frappée. Agrippa II Ma 1999, p. 81-88. Sur les statues équestres des basileis hellénistiques voir Smith 1988, p. 32-33 : le roi était habituellement représenté à cheval, vêtu d’une chlamyde, avec ou sans armes. Sur les représentations d’Alexandre le Grand à cheval, voir Stewart 1993, p. 436. 22 Burnett 1987, p. 27. 23 Briquel-Chatonnet 2001, p. 135. 21
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Kropp 2013, n° 114. Schwentzel 2013a, p. 194-198 ; Schwentzel 2008, p. 271-279. Meshorer 1975, n° 97. Meshorer 1982, n° 1, pl. 9.
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La politique iconographique d’Agrippa Ier n’apparaît donc nullement ici en tant que souverain juif, mais comme le fils d’un basileus et comme un chevalier romain, à l’instar des autres princes « amis ». Il affiche ici son identité politique gréco-macédonienne ainsi que sa qualité de chevalier romain. Par la même occasion, il se montre comme le successeur idéal de son père.
Maritime et de Sébasté abritaient des statues royales. On y trouvait notamment des effigies des trois princesses, filles d’Agrippa et de Cypros : Bérénice, Drusilla et Mariamne. On remarque au passage les noms particulièrement éloquents des trois filles du roi, qui sont à l’image de sa triple identité de souverain juif (Mariamne), de basileus dans la tradition gréco-macédonienne (Bérénice) et de citoyen romain (Drusilla).
Un petit bronze va dans le même sens dynastique : il est orné, à l’avers, du buste du jeune Agrippa II, accompagné de l’inscription au génitif : AΓΡΙΠΠΑ ΥIOΥ ΒAΣΙΛEΩΣ ; « D’Agrippa, fils du roi ». Le buste n’est pas coiffé du diadéma puisque le prince n’est pas encore roi24. Une double corne d’abondance apparaît au revers avec l’inscription au nominatif : ΒAΣ(IΛΕYΣ) AΓΡΙΠΠΑ(Σ) ΦΙΛΟΚΑIΣAΡ. Cette monnaie a d’abord été attribuée par erreur au règne d’Agrippa II, alors qu’elle appartient au programme iconographique « familial » voulu par Agrippa Ier, comme l’a montré R. Deutsch25. Le prince fait donc officiellement frapper ses propres monnaies, du vivant de son père. C’est une manière pour Agrippa Ier de faire judicieusement la promotion de son fils.
Dans le passage en question, Flavius Josèphe raconte que juste après l’annonce de la mort du roi en 44, la foule se souleva, pénétra dans les palais et s’empara de ces images pour les souiller en mimant sur elles des actes sexuels. Cela nous montre que les statues étaient exposées à la vue de tous et bien connues, puisque la foule en rage sait parfaitement où elles se trouvent. Les statues, arrachées aux deux palais, sont installées ensuite dans des bordels et soumises à toutes sortes de dépravations, en guise de vengeance symbolique. Ces faits se déroulant en dehors de la Judée, à Césarée Maritime et Sébasté, on ne peut y voir aucune condamnation des images en tant que telles. Il s’agit plutôt d’un détournement de la politique iconographique royale, comme cela peut se produire lors de révolutions, avec un désir de souiller la famille royale.
Monnaies et sculpture Il est vraisemblable que les images monétaires correspondent à des statues ou à des groupes statuaires élevés dans le royaume, par une sorte de jeu de correspondances entre l’iconographie monétaire et la sculpture officielle. Les séries monétaires figuratives d’Agrippa Ier et de sa famille devaient aller de pair avec l’érection de statues dans les cités du royaume, ainsi que dans les territoires non soumis à la loi juive. Ailleurs, le respect de la Torah avait pour effet de restreindre la politique iconographique du souverain, en excluant tout motif animé, qu’il s’agisse d’êtres humains ou d’animaux.
Le parasol : une image du pouvoir venue de Perse Agrippa Ier fit également frapper, à Jérusalem, une série de monnaies sans images d’êtres animés, conformément à la Loi juive (fig. 1)27. Il s’agit, de loin, de sa série la plus courante ; la masse monétaire étant relativement importante, comme en témoignent les nombreux exemplaires découverts lors de fouilles archéologiques, tandis que les séries grecques du roi sont plus rares28. Cette série était destinée aux régions du royaume où la Torah était en vigueur : c’est-à-dire la Judée au sens large, incluant la Galilée, la Samarie et l’Idumée, en dehors des enclaves que constituaient les cités de type grec et les territoires du sud de la Syrie. Tous les historiens et numismates s’accordent à reconnaître que ces monnaies furent émises dans l’atelier de Jérusalem.
Le revers consacré à Cypros offre très vraisemblablement l’image miniature de statues qui devaient être plus ou moins grandeur nature. On peut imaginer, à partir de la monnaie, des sculptures représentant la reine voilée, levant la main droite et tenant un sceptre. Il en est de même du prince Agrippa II à cheval. La monnaie devait correspondre à des statues équestres. Cette hypothèse paraît confirmée par la découverte, à Saḥr al-Ledja, d’un groupe statuaire, représentant un homme à cheval, précédé de six cavaliers, ou gardes du corps, figurés plus petits que leur chef. L’œuvre, postérieure au règne d’Agrippa Ier, pourrait représenter Agrippa II en vainqueur des brigands du Hauran, une région du sud de la Syrie, non soumise à la Torah; mais l’absence de la tête rend l’attribution incertaine26. Flavius Josèphe (Antiquités Juives XIX, 356-357) confirme l’existence de statues de la famille d’Agrippa Ier. Il nous apprend que les palais royaux de Césarée
Fig. 1 : Agrippa Ier (41-44 apr. J.-C.). Atelier de Jérusalem. Bronze, 17 mm. 3 gr. Dt. Parasol orné de franges. ΒAΣΙΛEΩΣ AΓΡΙΠA. Grènetis. R. Trois épis. LS (an 6) (cl. Classical Numismatic Group).
Kropp 2013, p. 77. Deutsch 1986-1987 ; voir également Meshorer 1998, p. 86, n° 303304. 26 Weber 2009, p. 45. 24 25
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Meshorer 1982, n° 11, pl. 10. Jensen 2010, p. 202.
Christian-Georges Schwentzel achéménide demeurait très positif31. Les grands rois perses apparaissaient comme les garants de la tradition juive ; ils avaient permis aux Juifs de reconstruire le Temple de Jérusalem, détruit par Nabuchodonosor II. Les souverains perses bénéficiaient même d’une double image positive, dans la mesure où ils s’étaient opposés à la fois au roi babylonien Nabuchodonosor et au basileus séleucide Antiochos IV, persécuteur des Juifs. Ils représentaient la protection accordée au Temple et au culte traditionnel. Comme l’écrit Benedikt Eckhardt, les Hasmonéens activèrent un « persianisme » pour des raisons poliques « politically motivated persianism ». Ils jouèrent un rôle essentiel dans la réactivation d’un souvenir positif des Achéménides32. Or, Agrippa Ier se présente justement comme l’héritier légitime des anciens souverains hasmonéens. Il est le petitfils d’Hérode, mais aussi le descendant des Maccabées, par l’intermédiaire de Mariamne l’Hasmonéenne. C’est à ce titre que, contrairement à son grand-père, il est admis dans le Temple où il lit la Torah. Dans son discours officiel, le roi ne met pas en avant sa filiation avec Hérode. Seuls les Actes des Apôtres le nomment Hérode pour des raisons évidemment polémiques, alors qu’Agrippa se garde bien d’inscrire le nom de son grand-père sur ses monnaies. Il ne se définit pas a priori comme un hérodien ; ce qui lui permet peut-être de se référer plus facilement à ses ancêtres hasmonéens. Fig. 2 : Le roi Xerxès suivi de deux serviteurs dont l’un porte un parasol. Bas-relief de Persépolis (cl. Ch.-G. Schwentzel).
Au revers de la monnaie, trois épis de blé émergent d’une partie inférieure qu’on a du mal à distinguer et à identifier : deux feuilles, ou bien du levain représenté sous la forme de morceaux de pâte ? Tandis que l’avers souligne la puissance royale, le revers illustre symboliquement le thème du roi bienfaiteur de ses sujets33. La légende est au génitif : ΒAΣΙΛEΩΣ AΓΡΙΠΑ. Il est remarquable de noter que le nom du roi n’est ici écrit qu’avec un seul Π. Cette série monétaire est pour le moins très originale, même si sa signification précise nous échappe en partie. Il me semble peu probable qu’il puisse s’agir d’une erreur de la part du graveur, d’autant plus que cette série est, de loin, nous l’avons dit, la plus représentée durant le règne d’Agrippa Ier. L’autorité émettrice accorde normalement la plus grande attention aux légendes et au type des monnaies. J’aurais donc tendance à voir dans l’absence du second Π une abréviation volontaire. Pourquoi ? Cela reste un mystère. S’agit-il d’une particularité intentionnelle contribuant à distinguer cette série juive des autres monnaies frappées par Agrippa Ier ? On remarque aussi que la forme du Pi est différente de celle des autres séries du roi : il s’agit ici d’un Pi minuscule dont les jambes ne sont pas totalement symétriques. Pourrait-il s’agir d’un tav hébraïque dans la graphie dite « carrée » qui se développe, semble-t-il, vers cette époque ? Le tav, bien connu dans le monnayage d’Hérode, mais sous sa forme paléohébraïque
À l’avers apparaît un parasol orné de franges. Ce symbole était jusqu’alors inédit dans la numismatique. Il s’agit d’ailleurs de la seule et unique fois qu’il apparaît dans le monnayage antique. Il y a donc là une image extrêmement originale. Quelle peut bien en être l’origine ? Le parasol est un objet « oriental ». Il est porté par les serviteurs du roi lors de ses déplacements, comme on le voit sur les bas-reliefs perses, notamment à Persépolis (fig. 2)29. De manière très étonnante, Agrippa Ier reprend ici à son compte un symbole de l’ancien pouvoir achéménide ; les Perses ayant déjà eux-mêmes repris ce symbole du pouvoir aux rois assyriens. Nous avons là une forme de « persianisme », phénomène, on l’a dit, récemment étudié à l’occasion d’un colloque tenu à Istanbul (Netherlands Institute in Turkey, 24-25 avril 2014), dont les actes ont été publiés en 2017 par Rolf Strootman et Miguel John Versluys30. Benedikt Eckhardt fait remarquer, dans ce livre, que, durant l’époque hasmonéenne, le souvenir de la domination
29 Selon Schwartz 1990, p. 136, le parasol est « a typical symbol of the Persian monarch symbolizing the gods’ care for him or his own care for his subjects ». Sur le parasol achéménide, exhibé lors des sorties du Grand Roi, voir Briant 1996, p. 232-233. 30 Strootman, Versluys 2017.
Eckhardt 2017. Eckhardt 2017, p. 263, évoque ce phénomène politique qu’il nomme « post-Seleucid Achaemenid revival ». 33 Sur ce thème dans la propagande royale, Berthelot 2003, p. 20-27. 31 32
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La politique iconographique d’Agrippa Ier (tel un khi grec, c’est-à-dire une croix), était vu comme un signe protecteur pour le souverain intronisé par Dieu : un symbole de la théocratie juive en quelque sorte34. Il paraît impossible de trancher, même si toute explication autre que l’erreur du graveur demeure a priori préférable.
aucunement mise en valeur. Les monnaies d’Agrippa II se contentent, dans l’ensemble, de reprendre fidèlement les types d’abord émis à Rome36. Le roi privilégie donc une circulation des images à sens unique, de l’Occident vers l’Orient, suivant une volonté de faire profil bas et d’afficher sa soumission face au pouvoir impérial.
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
Agrippa Ier a donc mené une politique iconographique étonnamment riche et diverse. Il manifeste ainsi une triple identité : d’abord son statut de roi « ami » qui l’oblige à rendre hommage à ses maîtres romains, ce qu’il fait avec beaucoup de zèle, en reprenant dans son monnayage des thèmes créés à Rome, mais aussi en en créant lui-même, à l’image du buste de Caesonia, absente des monnaies frappées en Occident.
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Le roi affirme aussi son identité politique de basileus de type gréco-macédonien, accompagné, comme il se doit, d’une basilissa prestigieuse, en l’occurrence la reine Cypros. Enfin, il affiche son identité ethnique juive, en tant que roi descendant des Hasmonéens, ce qui le conduit à développer une forme de « persianisme » politique dans le choix de son titre (« grand roi ») et attributs (le parasol des anciens souverains achéménides).
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Dans une logique dynastique, le roi tente aussi de qualifier par avance, comme son successeur, son fils Agrippa II, né en 27. De manière plus générale, la politique iconographique proclame la philostorgia qui unit la famille ; un sentiment qui entretient l’harmonie au sein de l’oikos.
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Mais la mort prématurée d’Agrippa Ier, en 44, a pour conséquence inattendue le rattachement de la Judée et des autres territoires du royaume à la province de Syrie. Un gouverneur romain est envoyé à Césarée, comme entre 6 et 41 apr. J.-C. La restauration du royaume d’Hérode le Grand aura donc été éphémère. En 48 apr. J.-C., Claude se décide néanmoins à introniser Agrippa II, âgé de vingtet-un an. Cependant, ce dernier ne reçoit que le domaine libanais de son oncle décédé, Hérode de Chalcis, non le royaume de Judée. Il devient aussi le nouvel intendant du Temple et l’interlocuteur privilégié entre l’empereur et les communautés juives de l’Empire. C’est à ce titre que le dernier roi juif, selon Juste de Tibériade, tentera à plusieurs reprises d’intervenir dans les affaires de Judée, afin d’apparaître comme le protecteur des traditions juives35.
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Lorsqu’en 54 apr. J.-C., Néron succède à Claude, Agrippa II reçoit l’ancienne tétrarchie de Philippe, augmentée d’une partie de la Galilée et de la Pérée, mais il doit céder Chalcis à Aristobule, fils d’Hérode de Chalcis qui est nommé roi et se voit également attribuer la Petite Arménie, région de l’est anatolien. A l’opposé du programme iconographique dynastique développé par Agrippa Ier, les séries de son fils seront sans rapport direct avec la famille royale, 34 35
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Sur la notion de théocratie, voir Baslez, Schwentzel 2016. Schwentzel 2013b, p. 66-68.
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QUELQUES TÉMOIGNAGES D’UNE SURVIVANCE DE LA TRADITION NON-FIGURATIVE DANS L’ART DE LA PALESTINE ROMAINE ET BYZANTINE Caroline Arnould-Béhar Résumé Parallèlement à l’introduction de thèmes iconographiques et de savoir-faire issus du monde gréco-romain, des traditions locales se sont maintenues en Judée comme en Galilée et au Golan où elles continuent de s’exprimer à une période avancée. L’adoption du motif de l’arcade ou de la niche vide pour désigner l’espace sacré, interprété dans cette étude comme étant l’expression d’une tendance aniconique, est un témoignage éclairant de la persistance de cette tendance dans l’Antiquité tardive. La représentation très schématique ou incomplète de la figure humaine est un autre aspect de ce courant non-figuratif dont on peut entrevoir la continuité à travers les documents présentés qui appartiennent à la période hérodienne aussi bien qu’à la période romaine tardive. Mots-clés : iconographie, figuration, aniconisme, sculpture, figurine, Judée, Galilée, Golan, arcade, niche, vide sacré. Abstract In parallel with the introduction of iconographic themes and skills coming from greco-roman world, local traditions were preserved in Judea, Galilee and Golan where they remained present in late periods. The adoption of the empty arch and nich motif to designate sacred space, interpreted in this study as an expression of an aniconic tendency, testifies to the persistence of this trend into Late Antiquity. The very schematic or incomplete depiction of the human figure is another aspect of this non-figurative trend, the continuity of which may be observed through the documents discussed which belong to Herodian period as well as to the Late Antique period. Keywords: iconography, figural representation, aniconism, sculpture, terracota figurine, Judea, Galilee, Golan, arch, niche, sacred emptiness. L’objet de cette étude est de questionner la vision d’un art juif qui serait presque totalement aniconique à la période hérodienne – le début de la période romaine – et se serait ouvert à la figuration à la période romaine tardive, du fait principalement d’un impact plus fort de la culture grécoromaine. Même si la position des chercheurs a évolué depuis les travaux de Michael Avi-Yonah qui, au milieu du XXe siècle, affirmait : « The late second, and the third and fourth centuries of our era mark an important evolution of Jewish art in the direction of Hellenism and, parallel to it, a change in the attitude to the representation of living beings »1, cette interprétation reste défendue. Rachel Hachlili, par exemple, envisage toujours une discontinuité entre les deux périodes, dont la première serait « purely aniconic »2.
Comme cela a bien été montré pour l’art nabatéen en particulier, il existe une diversité de situations en ce qui concerne la figuration et la non-figuration, et l’adoption ou l’essor de la figuration n’a pas été fonction du degré d’hellénisation et de romanisation3. Quelques exemples vont nous permettre de montrer que la tendance aniconique de l’art juif reste présente même à une période tardive à travers la persistance de motifs symboliques et du traitement très schématique ou incomplet de la figure humaine. Parmi les premiers, celui de l’arcade ou de la niche vide auquel nous nous attacherons. Les documents étudiés nous amèneront, par ailleurs, à constater que les modèles suivis par les sculpteurs n’étaient pas tous issus du monde gréco-romain mais, pour certains, à rechercher localement. Les exemples choisis appartiennent principalement au domaine de la sculpture mais aussi de la coroplathie4.
Avi-Yonah 1961, p. 29 (= 1981, p. 146). Hachlili 2013, p. 283. Des auteurs tels que Sacha Stern remettent cette interprétation en question (Stern 2013, en particulier p. 111 où il questionne la notion même d’hellénisation). La question de la place de l’image dans l’art juif de l’Antiquité est l’une des plus débattues. Pour un état de la recherche récent, voir les travaux de Steven Fine, en particulier Fine 2010.
Joseph Patrich dénonce parmi les présupposés concernant l’art nabatéen l’idée d’un « (…) gradual process of Hellenization/Romanization (…) » : Patrich 2007, p. 79 ; voir aussi Milette Gaifmann (Gaifmann 2008), Peter Alpass (Alpass 2010). 4 Le terme de non figuration peut être utilisé plus largement que celui d’aniconisme, celui-ci ne s’appliquant qu’au domaine du divin et sous-entendant une attitude religieuse. Nous pouvons retenir
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Caroline Arnould-Béhar
Fig. 1a : Bloc sculpté de la synagogue de Chorazin (cl. C. Arnould-Béhar). Fig. 1b : Dessin du bloc orné d’une arche de la synagogue de Chorazin (d’après Yeivin 2000, pl. 24/3).
I. Le motif de l’arcade ou de la niche vide : la représentation du vide sacré
de la nécropole de Beth Shearim en Galilée9 (fig. 2). Cette nécropole a par ailleurs livré plusieurs sarcophages de plomb datés du IIIe siècle dont l’extrémité de la cuve est ornée du motif de l’arcade10. La représentation architecturale y est très détaillée, le décor végétal de l’archivolte, les bases, futs cannelés et chapiteaux des pilastres étant rendus très précisément. L’espace encadré par les pilastres est, sur l’un des exemplaires, occupé par une menorah, le chandelier à sept branches (fig. 3), un motif à forte signification. Sur un autre, c’est par une rosace, un motif qui aurait pu garder dans certains cas une symbolique vague due à son origine de représentation astrale. A Beth Shearim, ces décors coexistent avec des représentations anthropomorphiques, parfois tirées de la mythologie gréco-romaine.
Le premier document sur lequel nous nous appuierons est un élément du décor sculpté de la synagogue de Chorazin (Korazim) en Galilée (fig. 1). Le décor de cette synagogue bâtie à partir du début du IVe siècle5 a été daté du Ve siècle6. Il s’agit d’un bloc de basalte qui aurait appartenu à l’édicule destiné à abriter les rouleaux sacrés, le Torah Shrine. L’image montre une arcade à double encadrement. Une petite saillie distingue les supports (pilastres ou colonnes ?) des arcs qu’ils supportent. Elle indique les impostes ou les chapiteaux. De part et d’autre, un élément végétal stylisé, arbre ou plus probablement palme, est incisé7. La partie enserrée par l’arcade est totalement lisse, suggérant un espace vide qui peut être interprété comme l’espace sacré. Cette évocation de l’espace vide correspond à une conception non figurative très ancienne comme nous le verrons. Dans le cas présent, la représentation de l’espace sacré était particulièrement adaptée à son support dont le rôle était d’abriter les textes sacrés et, de ce fait, constituait la partie la plus importante de la synagogue8.
Une autre série de sarcophages, de calcaire ceux-ci, présente un décor faisant intervenir l’arcade vide. Ils proviennent de Galilée orientale et datent des IIe-IIIe siècles. Sur les différents exemplaires, le décor est similaire : une tabula ansata au centre flanquée de disques ou patères et une arcade à chaque extrémité11. Celle-ci est représentée avec des supports reposant sur de hauts socles et un couronnement plat débordant la largeur de l’arcade et dont les extrémités sont élégamment stylisées. Mordechai Aviam, qui les a étudiés, reconnaît comme non figuratifs les décors de ces sarcophages. Selon lui, les Juifs de Galilée auraient évité la figuration dans le domaine funéraire. L’identification d’un tombeau ou nefesh qu’il propose nous semble pouvoir être écartée en raison de l’absence de tout élément rendant la représentation réaliste. Il reconnaît en tout cas un motif spécifique qui doit être distingué de celui de l’Arche sainte et nous le rejoignons sur ce point.
D’autres documents de la période romaine tardive ou byzantine présentent un motif d’arcade vide. Un décor sommaire de trois arcades décore la paroi d’une tombe
la définition qu’en donne Brian R. Doak (Doak 2015, p. 34) : “a representational style that systematically (i.e., not inadvertently) avoids specific kinds of figural representation, most specifically anthropomorphic images of the deity or deities”. 5 Selon Ze’ev Yeivin (Yeivin 2000, p. 31*) mais à partir du 3e quart du Ve siècle pour Jodi Magness (Magness 2007, p. 259-274). 6 Yeivin 2000, p. 53*. Selon Roni Amir cependant, le décor serait contemporain de la construction de la synagogue dont elle accepte une datation de la première moitié du IVe siècle (Amir 2012, p. 343-352 ). 7 May suggère des branches d’olivier (« aedicula in antis flanked by olive branches » : Yeivin 2000, p. 27*) mais aucune baie n’est représentée qui permettrait d’identifier cette espèce. 8 Le décor de la synagogue de Chorazin comprend aussi des représentations figurées parmi lesquelles des figures et scènes mythologiques ont été reconnues.
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On note le même renflement au niveau des impostes que sur le relief de Chorazin. 10 Avigad 1976, p. 65/1. 11 Aviam 2016. Un fragment de sarcophage du même type, trouvé à Hammath Tiberias, est mentionné par Louis-Hugues Vincent (RB XXX, 1920) et par Erwin Goodenough (Goodenough 1953-1968, vol 1, p. 137-138). Le dessin reproduit par ces auteurs laisse voir un traitement différent de l’arc, qui est dédoublé.
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La tradition non-figurative dans l’art de la Palestine romaine et byzantine
Fig. 2 : Décor de la tombe 1 de Beth Shearim (d’après Mazar 1957, pl VII/5).
Fig. 4a : Ossuaire de Jérusalem (d’après Rahmani 1994, pl. 23 n° 160). Fig. 4b : Ossuaire de Jérusalem (d’après Rahmani 1994, pl. 26 n° 191).
centrale. Il ne s’agit pas, comme dans le premier cas, de représenter une façade. Nous pensons pouvoir reconnaître le motif sur le linteau d’une synagogue du Golan, celle d’Assaliye12. La structure architecturale est formée de deux colonnes et d’un arc en plein cintre qui s’inscrit dans un couronnement carré. Sa forme la rapproche de la niche destinée à abriter les rouleaux sacrés de la synagogue de Doura-Europos. La coquille qui décore sa demi-coupole est absente de notre relief, indiquant que ce n’est pas une niche mais plutôt une arche qui est représentée. Son emplacement au centre du linteau et encadré de menorot témoigne de l’importance qui lui est accordée. Niche ou arcade, la symbolique est celle de l’espace sacré et, partant, de la présence divine.
Fig. 3 : Face latérale d’un sarcophage de plomb de Beth Shearim (d’après Avigad 1971, pl. LXV/1).
La représentation de l’Arche sainte, l’édicule abritant les rouleaux de la Torah, est extrêmement courante dans l’Antiquité tardive sur tous les types de supports. Elle présente généralement quatre colonnes, un fronton et une porte ou un rideau placé devant l’ouverture. C’est un motif qui fait son apparition tardivement, à l’inverse de celui de l’arcade vide avec lequel il est généralement confondu. Ce qui les distingue aussi est, dans le second cas, l’importance de la partie lisse au centre, représentant le vide, et la réduction de la structure architecturale à deux supports et un arc, son rôle étant celui d’encadrer la partie
Des représentations d’arcades ou de niches vides décorent des ossuaires de la période hérodienne. Elles sont interprétées par Levi Ytzhak Rahmani, dans sa lecture « réaliste » des décors des ossuaires, comme étant des représentations de loculi ou d’arcosolia13.
12 R. Hachlili parle d’un « aedicula » (Hachlili 2013, p. 308 et fig. VI22a). 13 Rahmani 1994, p. 48.
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Caroline Arnould-Béhar On s’intéressera particulièrement à un ossuaire provenant de Jérusalem (rue Shmuel Hanavi)14 (fig. 4a). Sur l’un des longs côtés sont représentées deux niches larges en relief. Elles sont composées d’une plinthe et de deux colonnes supportant un arc surbaissé. Le décor de cette face se complète de motifs végétaux incisés placés entre les deux niches et dans les angles supérieurs. Arbres stylisés ou palmes, ils sont très proches des végétaux du bloc de Chorazin et trouvent leur origine dans l’art de la période du Fer, comme le montrent plusieurs « supports cultuels » du début du Ier millénaire av. J.-C15. Un autre ossuaire, trouvé également à Jérusalem (Qatamon)16 (fig. 4b), montre deux arcades accolées représentées de manière peu réaliste mais très élaborée. Les voussoirs des arcs sont indiqués, de même que les cannelures des piliers/pilastres. L’image se complète de volutes naissant des chapiteaux des piliers extérieurs et d’une tige végétale très stylisée (un lys selon Rahmani17) placée au-dessus du pilier central. Le caractère très détaillé et ornemental des arcades contraste avec la surface lisse des parties qu’elles encadrent. Sur le premier ossuaire décrit, la structure architecturale est traitée en relief, et le contraste avec les parties vides est ainsi accentué. L’espace vide, sur ces deux images, est bien apparent et mis en évidence. Un exemple encore peut être cité, celui d’un ossuaire présentant une arcade unique aux impostes très saillantes, encadrée de deux piliers massifs qui la séparent des motifs latéraux : une rosette à six feuilles et un disque (fig. 5). Aux extrémités, deux larges piliers se confondent avec la bordure d’encadrement. Le décor est d’évidence inachevé et il est probable que l’arche aurait dû être détaillée. Goodenough reconnait dans cette image la représentation de l’espace sacré mais l’interprète à tort comme montrant l’entrée de la tombe18.
Fig. 5 : Ossuaire provenant de Jérusalem (d’après Goodenough 1953-1968, vol 3, 213A).
mentionnés, la présence divine n’est pas exprimée par un espace vide mais par des symboles. La représentation d’un espace vide à l’intérieur d’une arcade ou d’une niche serait, selon notre interprétation, l’indication du vide sacré (sacred emptiness) qui est reconnu comme l’une des expressions de l’aniconisme dans la religion des Sémites de l’ouest. Plusieurs auteurs ont discuté de « l’aniconisme vide » dans la religion de l’ancien Israël ou des cultures voisines20. La place laissée vide correspond à la présence de la divinité. Celle-ci n’est, dans ce cas, pas représentée ni matérialisée par un symbole. La série des sièges votifs appelés « trônes d’Astarté » connus surtout sur la côte phénicienne en est la meilleure illustration même s’ils n’étaient pas tous destinés à rester vides21. La fonction de « trône vide » destiné à accueillir les rouleaux de la Torah reconnue par L.Y. Rahmani pour les sièges de pierre (« sièges de Moïse ») comme celui trouvé dans la synagogue de Chorazin invite à les faire entrer dans la catégorie des objets exprimant la conception aniconique du judaïsme22. La niche vide est un autre témoin matériel de cette conception religieuse. Des exemples peuvent en être trouvés à Pétra même s’il reste difficile d’affirmer qu’une niche aujourd’hui vide n’ait pas contenu un bétyle à l’origine. La petite niche d’un sanctuaire du Wadi Siyyag à Pétra pour laquelle Laïla Nehmé parle de « bétyle en creux » a été reconnue par Moulay Janif comme une niche vide23. Retrouvés en grand nombre dans tout le Proche-Orient dans une période qui
Bien qu’un peu différent, le décor de la « pierre de Magdala (Migdal) » peut être évoqué. Datée du Ier siècle, donc à peu près contemporaine des ossuaires, elle a été trouvée dans une synagogue de Galilée. Les longues faces sont décorées d’arches très stylisées laissant voir des lignes parallèles diversement interprétées19 mais qui sont sans doute des arbres très stylisés, traités de manière « archaïque » et un objet identifié comme une lampe (qui pourrait peut-être être un vase globulaire). La difficulté de l’identification due à la stylisation très poussée reflète bien la volonté de ne pas figurer les éléments mais de les suggérer. L’arbre comme le vase – si l’interprétation est juste – peuvent être vus comme des motifs à connotation religieuse tirés du répertoire de l’ancien Israël. Dans ce cas comme dans celui des sarcophages de Beth Shearim
20 Tryggve Mettinger (Mettinger 1995, p. 20) ; André Lemaire, à qui l’on doit l’expression d’« aniconisme vide » (Lemaire 2003, p. 86-87) et Jill Middlemas (Middlemas 2014), parmi d’autres, pour Israël ; sur la Phénicie : Brian R. Doak (Doak 2015, p. 34, 114-115, 128-130), Eugene D. Stockon (Stockon 1974-75, p. 9-10). Sur l’aniconisme des Nabatéens, voir Joseph Patrich (Patrich 1990). 21 Doak 2015, p. 109-115 22 Rahmani 1990, p. 209-213. 23 Nehmé 1997, p. 1033 ; Janif 2004, p. 127-128. D’autres niches que celle citée pourraient être reconnues comme ayant servi de cadre à un « vide aniconique » en raison de leur fond plat et de leur absence de profondeur.
Rahmani 1994, n° 160. Par exemple, ceux de Pella, du Xe siècle av. J.-C., ou de Tel Rehov. 16 Rahmani 1994, n° 191. Conservé au Musée d’Israël de Jérusalem. 17 Rahmani 1994, p. 122. 18 Goodenough 1953-1968, vol. 1, p. 127-128. 19 Il s’agirait de gerbes de maïs selon les découvreurs (voir Aviam 2013, p. 209) ou d’arcades vues en arrière-plan selon Aviam (Aviam 2013, p. 212) et Bauckham (Bauckham 2015, p. 120). 14 15
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La tradition non-figurative dans l’art de la Palestine romaine et byzantine s’étend principalement entre 1200 à 700 av. J.-C. environ, les sanctuaires miniatures désignés aussi comme naiskoi ou maquettes de sanctuaires24 auraient pour la plupart contenu une statuette ou un symbole divin mais pour certains un espace destiné à rester vide et à accueillir, selon les termes de Brian R. Doak, « an imaginative projection of an invisible deity »25. Deux éléments rapprochent le bloc de la synagogue de Chorazin étudié plus haut de certains de ces objets : les végétaux stylisés incisés qui flanquent l’ouverture d’une part et le double encadrement d’autre part. L’arcade double du bloc de Chorazin pourrait rappeler l’encadrement à ressaut présent sur quelquesunes des maquettes et qui reflèterait l’architecture réelle. L’encadrement multiple constituerait surtout un dispositif permettant de mieux définir et souligner l’ouverture dont la fonction est de donner accès à l’espace sacré.
Pour revenir à la problématique de la non-figuration, l’on doit rappeler que la synagogue de Chorazin présente un riche décor figuré. Les deux « systèmes » ne s’excluent donc pas. II. La schématisation de la figure humaine La figure animale et humaine est incontestablement plus présente dans l’art de la période romaine tardive que dans celui de la période hérodienne. Cet essor de la figuration a été, on l’a vu, mis principalement sur le compte de la diffusion de la culture gréco-romaine. Cependant, outre le fait que l’art de la Judée n’a jamais été totalement non-figuratif, certaines représentations de l’Antiquité tardive doivent peu ou rien à l’hellénisation et révèlent la persistance d’une tradition réticente à la figuration humaine. Elle se traduit par une schématisation des traits du visage ou de la figure entière et une simplification qui peut aller jusqu’à la l’absence d’indication de certaines parties du corps ou du visage.
Dans le cas des représentations d’arcades ou de niches vides, il ne s’agit plus comme aux périodes anciennes d’évoquer une divinité mais la présence divine. Ces images auraient agi comme des signes, des rappels de l’existence de Dieu.
Nous prendrons appui pour l’évoquer sur un document un peu énigmatique, le relief de Dabura (Golan) (fig. 6).
Flavius Josèphe décrivant au Ier siècle le Saint des saints du temple de Jérusalem indique qu’il n’existait pas de matérialisation de la présence divine26. Jill Middlemas, à la lecture des textes prophétiques, remarque la rareté des symboles cultuels27. A cette période, qui est celle de la réalisation de nos documents les plus anciens, la divinité est perçue comme invisible28. Cette invisibilité aurait pris la forme d’un vide et donné naissance dans l’iconographie à l’image symbolique de l’arcade ou de la niche vide. Lorsque l’espace n’est pas vide mais occupé, il l’est par des motifs qui sont en eux-mêmes des signes de la présence divine, principalement la menorah.
Le bloc de basalte trouvé en remploi à Dabura est supposé avoir appartenu au décor de la synagogue. Un personnage masculin y est sculpté dans un relief très plat. Vu de face, il est représenté très sommairement ; à sa droite se trouve un objet à la forme indéterminée, les deux étant placés de manière arbitraire dans le champ du relief, sans aucune suggestion de l’espace. Quoique d’un aspect plus fruste, la figure du relief de Dabura se rapproche de celle du linteau de ‘En Nashut qui, comme lui, aurait décoré une
Comme le démontre bien Milette Gaifman, l’aniconisme n’est pas un phénomène propre à l’Orient mais existe aussi chez les Grecs. Néanmoins, la matérialisation du vide sacré ne semble pas aussi bien attestée qu’en Orient. L’ouvrage de M. Gaifman liste en effet de très nombreux exemples de stèles et roches taillées ayant symbolisé la divinité mais un seul exemple de siège vide et il s’agit d’un aménagement tardif, qui pourrait remonter à la période hellénistique ou romaine29. La représentation du vide sacré peut dès lors être vue comme une réalité proche-orientale.
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La littérature concernant les « maquettes de sanctuaires » est abondante. On retiendra particulièrement la monographie de Béatrice Müller (Müller 2016) et les études de Raz Kletter dans Yavneh I (Kletter, Ziffer, Zwickel 2010), chap. 3 à 5 et Yavneh II (Kletter, Ziffer, Zwickel 2015), chap. 4. 25 Doak 2015, p. 108. Ziony Zevit (Zevit 2001, p. 329) fait également l’hypothèse que certains aient été vides et que l’identité du dieu ait été indiquée par des symboles sur la façade. 26 Guerre des Juifs V, 215-221. 27 Middlemas 2014, p. 88-89. 28 Achenbach 2016. 29 Il consiste en deux sièges accolés taillés dans la roche accompagnés d’une inscription à Zeus et Hécate, dans une petite île du Dodécanèse (Gaifman 2012 p. 163-169).
Fig. 6 : Relief de Dabura (d’après Levine 1981, p. 112).
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Caroline Arnould-Béhar
Fig. 7 : Linteau de la synagogue de ʻEn Nashut (d’après Hachlili 1988, fig. 26).
synagogue du Golan d’époque byzantine30. Le linteau présente une scène identifiée comme illustrant l’épisode biblique du prophète Daniel dans la fosse aux lions (fig. 7)31. Le personnage au centre de la composition est vu de face et représenté les mains levées. Ces dernières sont de taille disproportionnée par rapport à l’ensemble, la main gauche étant plus grande que la tête qui est, elle, très petite par rapport au corps. Comme les animaux qui l’encadrent, la figure humaine est faite de formes géométriques. Elle présente peu de modelé, l’anatomie et le vêtement – dont seule la ceinture est signalée – ne sont pas détaillés. Les traits du visage sont grossièrement indiqués. Les deux reliefs partagent les caractéristiques reconnues comme orientales par plusieurs chercheurs32. On peut énumérer : la frontalité, la forme géométrique du corps, l’absence de respect des proportions et de caractère plastique. Ces particularités s’observent aussi sur les représentations animales de la Galilée et du Golan de l’Antiquité tardive mais également dans la sculpture du Hauran voisin et sont à mettre sur le compte de la conservation de traditions iconographiques et stylistiques régionales anciennes. L’utilisation de ce « style oriental » ne peut, à cette époque tardive, être expliquée par le relatif isolement du Golan et de la Haute-Galilée non plus que par l’emploi du basalte, reconnu comme un matériau dur et difficile à sculpter. Zvi Ma’oz a montré que les lions décorant la synagogue de ‘En Nashut relevaient de deux traditions, l’une étant celle que nous venons d’évoquer et qu’il appelle « géométrique » ou « cubiste », l’autre qu’il reconnait comme classique33. Cela conforte l’idée d’un choix possible puisque les deux savoir-faire étaient disponibles. Le style adopté aurait été plus en conformité avec une démarche rejetant l’illusionnisme, illusionnisme par lequel la figure représentée acquiert sa matérialité et, par là, une forme de réalité. L’absence de plasticité est la marque la plus éloquente de ce mode de représentation fondé sur l’abstraction. Très éloignée de celle des Grecs
Fig. 8 : Beth Shearim, relief de la tombe 3 (cl. C. ArnouldBéhar).
et des Romains, cette conception de l’image correspondait sans doute mieux à une forme d’évitement de la figuration, que confirme le faible nombre de représentations figurées, humaines surtout, dans le décor sculpté des synagogues34. L’identification du motif représenté à côté du personnage sur le bloc de Dabura pourrait aider à comprendre le sens de la représentation. Constitué d’une sorte de pilier sur lequel repose un disque, il peut être vu soit comme un objet du type stèle ou herme soit comme une forme née de la simplification extrême de la figure humaine. En retenant cette deuxième lecture, nous disposons d’un document très éclairant sur la question de la tradition non-figurative, même s’il est isolé. L’on aurait en effet sur le même relief
30 Le linteau a été trouvé en remploi dans une maison du village voisin de Samsam. L’étude la plus complète de son décor est celle de Zvi Uri Ma’oz (Ma’oz 2010). 31 L’identification repose sur la mise en parallèle avec la mosaïque de la synagogue de Na’aran sur laquelle la représentation partielle d’un homme aux bras levés encadré de lions s’accompagne d’une inscription mentionnant Daniel. Voir Geza G. Xeravits : Xeravits 2015. 32 Parmi d’autres, Avi-Yonah 1961, p. 112-113 (= Avi-Yonah 1981, p. 9) ou, plus récemment, Natalia May au sujet des reliefs de la synagogue de Chorazin : Yeivin 2000, p. 52*. 33 Ma’oz 2010, p. 101-119.
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Celle de Chorazin fait exception.
La tradition non-figurative dans l’art de la Palestine romaine et byzantine Il pourrait témoigner de la survivance d’une attitude ambivalente à l’égard de la figuration, sans que celle-ci ait nécessairement été liée à un interdit. Achim Lichtenberger, à travers le type de la femme nue mais aussi ceux du cavalier et de la colombe, entrevoit une résurgence de l’iconographie de l’Israël de la période du Fer et de pratiques religieuses « non orthodoxes »38. La réticence à la figuration peut être envisagée, dans ce contexte, comme une autre manifestation d’un retour – ou d’une persistance – à des traditions anciennes.
Fig. 9 : Figurines de Beit Nattif (d’après Quarterly of the Department of Antiquities in Palestine X/2-3, 1950, pl. XXIV-3).
Même si le corpus des représentations humaines de la période hérodienne est peu épais, il contient quelques exemples permettant d’entrevoir une continuité dans la représentation humaine.
une représentation humaine schématique et une image attestant du recours à des formes non anthropomorphes pour suggérer un personnage (une divinité ?).
Dans les décors privés de cette période, la figuration n’est pas totalement absente. Nous laisserons de côté les célèbres décors de palais hérodiens, au premier rang desquels celui de la Loge royale de l’Hérodium, qui s’inscrivent dans le cadre très particulier de la royauté d’Hérode, mais des témoignages moins spectaculaires d’objets de la vie quotidienne. Les lampes à huile moulées produites en Judée dans la période du Ier siècle avant – début du Ier siècle après J.-C. (Judean Radial Lamps) présentent une décoration géométrique simple. Mais trois d’entre elles, découvertes dans le quartier hérodien de Jérusalem, sont ornées sur le bec de têtes humaines incisées très schématiques. Le nez est rectiligne et long, la bouche apparait sous la forme de deux incisions horizontales parallèles, les arcades sourcilières se rejoignent en traçant une large courbe qui se prolonge par des enroulements formant les yeux. Renate Rosenthal-Hegginbottom a rapproché de ces trois lampes un fragment de vase peint découvert dans les fouilles du cardo Est (cardo secondaire) à Jérusalem. Sur celui-ci, le visage humain est également rendu par des traits géométriques39.
Le relief bien connu de l’homme portant une menorah sur la tête ornant la tombe 3 de la nécropole de Beth Shearim (fig. 8) est un autre témoignage d’une représentation humaine schématisée à l’extrême et même incomplète puisque les bras ne sont pas représentés. D’autres sont connues dans la région où elles sont le fait d’une population iduméenne (Maresha) ou nabatéenne (Pétra, Néguev)35. La coroplathie fournit également des exemples de représentations humaines schématiques. Produites aux IIIe et IVe siècles, les figurines des ateliers de Beit Nattif, au sud de la Judée, témoignent de tendances étrangères à l’art gréco-romain, tant sur le plan de l’iconographie que du style36. Les statuettes présentent peu de plasticité et une certaine raideur. Le visage montre une bouche petite et lippue, un nez long de forme triangulaire, tandis que les arcades sourcilières, qui rejoignent l’arête du nez, sont larges et très saillantes (fig. 9). Des traces de peinture ont été retrouvées sur certaines figurines et indiquent que les yeux étaient peints. Cette polychromie est toutefois loin d’être présente sur l’ensemble de la production37. Il se serait peut-être trouvé au sein de la série quelques exemplaires sur lesquels l’arcade sourcilière était seule figurée. Si l’on accepte l’idée que, sur ces dernières, les yeux n’aient pas été représentés à l’origine, on peut inscrire les figurines en question dans un contexte de semi-figuration. Le visage est en effet incomplètement représenté, seuls certains traits en étant indiqués. Par ailleurs, le modelé et le caractère plastique peu marqués, qui caractérisent aussi les figures humaines et animales des reliefs évoqués précédemment, confèrent un caractère abstrait aux représentations.
A côté des emprunts aux cultures grecque et romaine – avérés et incontestables –, des thèmes ou modes décoratifs attestent du maintien de modes de faire et de penser qui ont leur origine au Levant. La représentation schématique et/ou incomplète de la figure ou du visage humain serait à l’époque romaine tardive ou byzantine l’écho d’une tradition artistique née dans un contexte où la représentation anthropomorphique posait problème. Conclusion La vision selon laquelle un art non figuratif au début de la période romaine aurait laissé place à la fin de la période à un art ayant pleinement intégré la figuration, est à nuancer. Comme dans les cultures voisines, figuré et non figuré ont
35 Voir aussi, pour des exemples au Liban, l’article de Bilal Annan dans le même ouvrage. 36 Il est maintenant admis que la région de Beit Nattif n’a pas été peuplée à cette époque que de païens et que les figurines ont pu être destinées à une population juive (voir par exemple Rosenthal-Heginbottom 2013, p. 92-93). 37 Lichtenberger 2016, p. 278. Nous n’avons pu consulter que le résumé anglais de cet ouvrage.
Lichtenberger 2016. Contra Ida Oggiani (Syria 94, 2017) pour qui cette référence à des modèles du Fer est sujette à caution. 39 Geva 2006, p. 113 ; p. 129, fig. 2 et 3. 38
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Caroline Arnould-Béhar Aviam M. (2013), « The Decorated Stone from the Synagogue at Migdal: a Holistic Interpretation and a Glimpse into the Life of Galilean Jews at the Time of Jesus », Novum Testamentum 55/3, p. 205-220.
pu coexister40. Dans le cas de la Palestine toutefois, une évolution est clairement perceptible et le constat d’une multiplication des représentations figurées à la fin de la période ne peut être remis en question. Ce qui peut l’être est le lien qui est fait entre cette diffusion et une ouverture plus grande aux cultures grecque et romaine. Une partie du répertoire figuré de la sculpture de l’Antiquité tardive puise ses sources dans des traditions locales. C’est ainsi que peut s’expliquer la tendance non figurative que nous avons pu observer à travers deux de ses manifestations.
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La première est la création de formules iconographiques donnant forme au vide sacré et qui s’accordent avec la conception de l’invisibilité de la divinité. Nous avons reconnu comme tel le motif de la niche ou de l’arcade vide. Elles pourraient refléter une démarche religieuse attestée dans l’ancien Israël et chez ses voisins et désignée comme « aniconisme du vide ». Cette image fait partie d’un répertoire symbolique créé pour évoquer le domaine du sacré.
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La rareté des représentations humaines dans le décor des synagogues et dans les décors funéraires va de pair avec leur traitement très schématique, qu’il s’agisse de la figure entière ou du visage. Elle constitue une autre manifestation du maintien ou de la résurgence d’une forme de rejet de la figuration. Leur réalisation dans un style de tradition régionale montrant l’utilisation de formes géométriques, l’absence de réalisme et de plasticité, entre autres caractéristiques, s’accorde avec cette conception de la représentation anthropomorphique visant à ne pas lui conférer de réalité.
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Ces remarques, qui révèlent l’impact limité des contacts avec les cultures de la Grèce et de Rome, s’appliquent à la sculpture, un domaine dans lequel des traditions très anciennes persistent. Les décors de mosaïques ne montrent pas cette diversité de situations concernant la figuration.
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40 Voir, pour la culture nabatéenne, les travaux déjà cités de P. Alpass, J. Patrich, M. Gaifmann ainsi que ceux d’I. Sachet (Sachet 2012) qui montre que les rares tombeaux de Pétra ornés de l’effigie du défunt présentent également, à leur entrée, une niche à bétyle.
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LES MOSAÏQUES DE MAGDALA (GALILÉE) : MOTIFS GÉOMÉTRIQUES ET FLORAUX Véronique Vassal Résumé Le site de Magdala en Galilée, proche du lac de Tibériade a révélé plusieurs mosaïques à décor de fleuron ou rosace, l’une aux abords d’un bain rituel (mikvé), l’autre dans une synagogue datant du Ier siècle de notre ère. Nous commencerons par observer le contexte géographique et historique de ces découvertes, pour nous pencher ensuite sur l’étude du répertoire iconographique. Les parallèles mosaïstiques gréco-romains, mais aussi les ivoires orientaux révèlent l’adoption de schémas communs et la persistance de traditions anciennes. Mots-clés : Galilée, Magdala, Megiddo, mikvé, synagogue, fleuron, rosace, mosaïque, ivoire, ossuaire. Abstract The Magdala site in the Galilee, near the lake of Tiberias has revealed several mosaics decorated with rosettes, one situated close to a ritual bath (mikveh) and the other in a synagogue dating back to the first century AD. We will begin by taking a look at the geographical and historical context of these discoveries before proceeding to study the iconography. Greco-Roman mosaic parallels but also oriental ivories reveal the adoption of shared patterns and the persistence of ancient traditions. Keywords: Galilee, Magdala, Megiddo, mikveh, synagogue, floret, rosette, mosaic, ivory, ossuary.
études2, la circulation des motifs gréco-romains vers la Judée à l’époque du roi Hérode est bien attestée même si des traditions locales persistent. En est-il de même en Galilée au Ier siècle ap. J.-C. ? Ou reçoit-elle des influences plus orientales ?
Depuis plusieurs années des fouilles sont menées sur le site de Magdala (l’actuelle Migdal) en Galilée et de nombreuses découvertes archéologiques y ont été faites datant du Ier au IVe siècle de notre ère. En 2009, une synagogue a été mise au jour, révélant plusieurs tapis de mosaïque. Le panneau central à décor de rosace confère une importance particulière à cette partie de l’édifice sans que nous sachions si ce motif est l’expression d’un aniconisme ou l’adaptation d’un motif floral à caractère symbolique. Au sud-est de la ville de Magdala, une pièce jouxtant un ensemble de bains rituels est ornée, elle aussi, d’une mosaïque dont le panneau central révèle un décor végétal très simple comprenant huit pétales inscrits dans un cercle. Nous nous attacherons dans cette étude à décrire et à comparer les motifs floraux que l’on répertorie souvent sous les dénominations de rosette, rosace ou fleuron1. Nous nous interrogerons sur la circulation des motifs et nous chercherons à évaluer si ces derniers peuvent être liés à d’autres types d’artisanats. Comme nous avons essayé de le démontrer dans nos précédentes
Établie en Basse Galilée, sur les rives du lac de Tibériade, Magdala se situe à quelques kilomètres de Capharnaüm au nord et de Tibériade au sud (fig. 1). Dans les sources chrétiennes, la ville est identifiée comme le lieu de naissance de Marie-Madeleine ou Marie de Magdala3, c’est donc un lieu saint pour les chrétiens. Dans les sources juives anciennes Magdala signifiant « la tour »4 apparaît sous le nom Migdal en hébreu, en araméen Migdal Saba’ayya ou Migdal Nunayya5. Dans les textes grecs y compris chez Flavius Josèphe, elle est appelée Taricheae ou Tarichée6 dont le nom signifie « poisson salé, ou mariné ». Cette dénomination est certainement en rapport avec les activités commerciales de la ville, liées aux industries de salage des produits de la Vassal 2016 ; Vassal 2018. Petite cité des bords du lac de Tibériade, connue surtout dans l’histoire évangélique, parce que patrie d’une Marie (Luc 8.2 ; Marc 15.47 ; Marc 16.9 ; Matthieu 27.56 ; Luc 24.10 ; Jean 20.1). 4 Chancey 2002, voir p. 98-100. 5 Pour les toponymes voir De Luca, Lena (2015). 6 Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques,14.119-120 ; La guerre des juifs, II.180 ; Bauckman, De Luca 2015, p. 91 ; Guijarro 2017, p. 23-24. Bauckham 2017, p. 13-17. 2 3
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L’analyse de ces motifs s’inscrit plus largement dans une étude initiée lors du XIIIe colloque de l’Association internationale pour l’étude de la mosaïque antique (AIEMA) qui s’est déroulé à Madrid en 2015 et dont les actes sont parus en 2016 : L. Neira, éd., Estudios sobre mosaicos antiguos y medievales, Atti del XIII Congreso Internacional de la AIEMA, Madrid 14-18 septiembre de 2015, Roma, l’Erma di Bretschneider. Étude poursuivie en 2017 lors de la journée d’études organisée à l’Institut Catholique de Paris.
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Véronique Vassal
Fig. 1 : Carte du Nord de la Palestine (carte V. Vassal).
été menées indépendamment par différentes institutions : au sud par le Studium Biblicum Franciscanum et au nord, par l’Israel Antiquities Authority (IAA) qui travaille en collaboration avec l’université mexicaine d’Anahuac9. Les recherches ont mis au jour plusieurs vestiges importants qui appartiennent à différentes phases d’occupation de la ville, de la période hellénistique à l’époque byzantine : un aménagement urbain disposé le long de deux axes orthogonaux selon un plan hippodamien, comprenant une place, un édifice à portique, des thermes, un port, une synagogue ainsi qu’un ensemble de bains rituels (mikvaot) situés dans deux habitations10.
pêche. Ces noms sont clairement utilisés de manière interchangeable pour identifier le même endroit et plusieurs auteurs ont déjà débattu de la question de la toponymie du lieu sur laquelle je ne reviendrai pas ici7. Les recherches archéologiques montrent que Magdala a prospéré au début de la période romaine, et c’est certainement à cette époque que la ville va s’étendre vers le nord. Elle était la capitale d’une toparchie en Galilée orientale et l’est restée même après la création de la ville de Tibériade, en l’honneur de l’empereur Tibère, par Hérode Antipas vers 19 ap. J.-C. En 67 Vespasien, nommé par Néron à la tête de l’armée d’Orient, est chargé de réprimer la grande révolte juive. Flavius Josèphe, désigné commandant militaire de Galilée, fait de Magdala / Tarichée son quartier général8. À la même époque, l’armée de Titus remporte plusieurs victoires contre les rebelles zélotes à Tarichée et à Gamla.
Plusieurs mosaïques ont été mises au jour : une à proximité d’un bain rituel, deux autres dans la synagogue, dont l’une partiellement détruite, plusieurs tapis à motifs
Les campagnes de fouilles qui se sont déroulées entre 2006 et 2012 dans les parties sud et nord du site de Magdala ont
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Nous remercions l’IAA et l’université mexicaine d’Anahuac (en particulier Rosaura Sanz Rincón du Centro de Investigación en Culturas de la Antigüedad Facultad de Humanidades, Filosofía y Letras et Marcela Zapata Meza directrice du Magdala Archaeological Project) pour l’autorisation qui nous a été donnée de publier les photographies des mosaïques de Magdala. 10 Zapata-Meza, Garza, Sanz-Rincón 2018, p. 90-94. 9
Kokkinos 2010 ; Taylor 2014. Flavius Josèphe, La guerre des juifs, II.21 ; III.9.7-8 ; III.10.
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Les mosaïques de Magdala (Galilée)
Fig. 2 : Magdala, vue aérienne de l’aire A et structures mikvé 1 et mikvé 3 (E1 et E3). Bains rituels et mosaïque (cl. Archivo digital Proyecto Arqueológico Magdala).
de méandres dans les thermes11, ainsi qu’une inscription apotropaïque et une mosaïque à décor figuré, composée de différentes représentations liées à la thématique des thermes12. Nous allons principalement nous intéresser dans cette étude à deux de ces mosaïques qui possèdent un décor de rosace, l’une située à proximité d’un mikvé, l’autre dans la synagogue.
« retenue d’eau »13 − est constitué d’un bassin principal dans lequel on descend grâce à sept marches14. Il convient de souligner qu’à ce jour, aucun mikvé datant de la fin du Second Temple n’a été retrouvé dans les villes proches de la mer de Galilée, comme Tibériade, Ḥamat ou Capharnaüm. L’explication la plus plausible de cette absence est que la mer de Galilée servait pour le rituel de purification15. En effet, les textes spécifient que le bain doit se faire dans des eaux non dormantes (eaux de pluie, rivières, sources…)16.
La mosaïque appartenant à une pièce proche d’un mikvé Dans la partie sud-est de la ville de Magdala (non loin d’une synagogue), les fouilleurs ont mis au jour un quartier résidentiel avec des maisons de grandes dimensions et trois bains rituels ou mikvaot datés d’après les critères archéologiques du Ier siècle ap. J.-C. (fig. 2). Le mikvé, − littéralement « retenue » et dans le contexte biblique
Genèse 1, 10 ; Exode VII, 19 ; Lévitique Xl, 3. Adler 2018, p. 16, l’auteur suggère que la pratique de l’immersion totale du corps résulterait des pratiques de bain hellénistiques, qui impliquaient l’immersion de la partie inférieure du corps dans une baignoire : « If my proposed historical is correct, the Hellenistic hip bath could be seen as a precursor to the stepped pool – a ʻproto-miqwehʼ of sorts. It may be noteworthy that the stepped form of the Hellenistic hip bath morphologically resembles that of the early miqweh, the latter being generally larger, deeper and fitted with more steps. The development of the distinct architectural form of the miqweh would have been a natural result of full-body immersion becoming the norm ». 15 Bohrmann 1991, p. 317 : « Rappelons que Tibériade, centre spirituel important après 70 ap. J.-C, possède des sources d’eau chaudes (qui représentent du point de vue rituel le même degré de pureté que les eaux salées de la mer Morte) et que les vestiges d’époque romaine de la ville se situent précisément à proximité de ces sources aux propriétés curatives […] ». 16 Flavius Josèphe, Antiquités Juives 14:10, 23, évoque le décret des Halicarnassiens permettant aux Juifs de « réaliser leurs rites saints suivant la loi juive, et d’avoir leurs lieux de prière près de la mer, selon la coutume de leurs ancêtres ». Pour les textes religieux concernant la pratique de l’immersion rituelle, voir Adler 2018 p. 2-6. 13 14
De Luca 2014a, p. 9 : « The theme of the meander mosaic is known, with many variations, in different contexts in the region such as in: Masada, Jerusalem (a Vestibule of a Palatial Mansion of the Upper City and a room in Area F), Caesarea (a reception room and/or triclinium of Herod’s Palace). The motif was also used as a decorative element for frescoes, stuccoes and sculptures, as for example on a capital at Gamla. Some parallels can be found also in a Hellenistic mosaic from Arsameia and in an Early Roman house in Antioch. In Italy, an identical motif was found, for instance, in a floor of the Bear House in Pompei (VII, II, 4446), dating back to before the earthquake of 62 AD, but also examples from the Late Republican period are known ». 12 Chancey 2005, p. 196-197. Le père Franciscain Stephano De Luca et Anna Lena en ont fait une étude très détaillée, voir De Luca, Lena 2014b. 11
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Véronique Vassal
Fig. 3 : Magdala, mosaïque de l’E1 (cl. Archivo digital Proyecto Arqueológico de Magdala).
par des aménagements postérieurs24 (fig. 3). Au centre, un panneau rectangulaire, plus petit, matérialisé par une bande-cadre de couleur rouge-orangée25, dans lequel est inscrit un losange, puis un cercle de même couleur26. Ce cercle contient lui-même une rosace ou fleuron unitaire à huit éléments adjacents en pétales lobés27. Les pétales sont alternativement blancs et noirs et contrastent, par opposition de couleur, avec le fond du cercle. Ce type de décor est, selon Anne-Marie Guimier-Sorbets, inspiré des dallages et se retrouve aussi bien en Asie Mineure qu’en Campanie28. Nous pouvons comparer le pavement de Magdala au panneau de seuil de l’oecus major de la maison IIIQ dans le quartier du théâtre de Délos (fig. 4a) : un fleuron composite à huit éléments adjacents inscrit dans un cercle, lui-même inclus dans un losange, puis dans un rectangle. Cette composition centrée est également attestée sur d’autres documents : dans le tepidarium de la maison de Caesus Blandus à Pompéi ; sur un sol en mortier de
Le rite et les symboles liés à l’eau et la purification sont nombreux dans la religion juive17. L’eau intervient souvent dans le déroulement du culte comme vecteur de pureté et de spiritualité. Rappelons à ce propos que Moïse ordonna aux Hébreux de se purifier et de laver leurs habits18, pour se disposer à recevoir les Lois du Seigneur au pied du mont Sinaï. Aaron et ses fils n’entrèrent dans l’exercice du Sacerdoce, et ne furent revêtus de leurs habits de cérémonies, qu’après avoir lavé tout leur corps dans l’eau19. La même pratique eut lieu pour la consécration des Lévites20. L’eau et l’action de se laver instaurent donc une limite entre le matériel et l’immatériel, entre l’homme et le divin. La mosaïque trouvée dans un bâtiment21, à proximité de l’un des trois bains rituels mesure environ 3,51 m par 3,74 m. Elle occupe une pièce22 servant probablement à l’accomplissement de rituels23 avant de descendre dans le mikvé. Le tapis de mosaïque est rectangulaire entouré d’une bordure de méandre fractionné, sérieusement endommagée 17 Lévitique (XV). Pour la purification, voir également les travaux de Yonathan Adler de l’Université d’Ariel. 18 Exode XIX, 10. 19 Exode XXIX, 4 ; Lévitique VIII, 6. 20 Les Nombres VIII, 6-7-8. 21 D’après les fouilleurs : Zapata-Meza, Garza, Sanz-Rincón 2018 = bâtiment (E1). 22 D’après les fouilleurs : Zapata-Meza, Garza, Sanz-Rincón 2018 = pièce (C13). 23 Zapata-Meza, Garza, Sanz-Rincón 2018, p. 90-92, fig. 5-8.
Zapata-Meza 2018, p. 95 : « Another mosaic with a black meander frame was recently revealed in a Roman mansion near Amaẓya, in the region of Bet Guvrin, dated to the first century CE ». 25 Guimier-Sorbets 2001, p. 48-52 : motif copié des dallages. 26 Guimier-Sorbets 2001, p. 53 : « Le motif du losange inscrit dans un rectangle, traité en mosaïque de pavement comme en peinture murale à l’imitation du sectile, se trouve aussi bien en Asie Mineure qu’en Campanie ». 27 Balmelle et al., 2002, pl. 262. 28 Guimier-Sorbets 2001, p. 53 : voir les sols de Didymes ou Pompéi. 24
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Les mosaïques de Magdala (Galilée)
Fig. 4 : (a) Délos, mosaïque de seuil de l’oecus major de la maison IIIQ dans le quartier du théâtre (cl. V. Vassal), (b) Sperlonga, mortier de tuileaux provenant de la villa de Tibère (cl. V. Vassal).
Fig. 5 : (a) Canope (Égypte), dessin d’une mosaïque fragmentaire (dessin V. Vassal d’après Guimier-Sorbets 2009b, p. 650, fig. 8), (b) Musarna mosaïque de bains (cl. V. Vassal), (c) Massada palais ouest, mosaïque de bains (cl. C. Vassal).
tuileau provenant de la villa de Tibère à Sperlonga29 dont le style graphique est propre à la technique (fig. 4b) ainsi que sur la mosaïque en opus tessellatum d’Oderzo, dans la domus de la via Mazzini30.
à Massada35 (fig. 5c). Les parallèles les plus proches de notre rosace appartiennent à la sphère orientale et apparaissent sur différents supports comme le décor d’une jarre funéraire de Mari où est gravée une rosace à huit pétales adjacents avec un petit bouton central, datée du IIIe millénaire (fig. 6a) ; ou une coupe néo-assyrienne en fritte de quartz glaçurée, conservée au Musée du Louvre (fig. 6b), dont les pétales sont alternativement de couleur bleue puis marron, rappelant la forme de la rosace de la mosaïque de Magdala. D’autres artefacts provenant d’Égypte reprennent ce même modèle, notamment les rosaces en faïence ou en terre cuite trouvées en grand nombre et conservées dans les musées de Liverpool et de Boston36. Cependant, si l’on observe attentivement la forme et le positionnement des pétales de certaine de ces rosaces, on remarque qu’ils ne sont pas parfaitement adjacents : les axes sont séparés par des intervalles réguliers restituant l’aspect d’une vraie fleur. Au centre de ces rosaces, un petit
Le décor de la mosaïque de Magdala est plat, sans aucun effet illusionniste. La facture est un peu grossière comme le suggère la réalisation approximative de certains segments du méandre. Enfin la palette chromatique est réduite n’utilisant que trois couleur le noir, le blanc et le brun/rouge. Ce motif floral ne peut être identifié à aucune fleur en particulier31, contrairement à l’hypothèse que nous avons proposée dans une précédente étude à propos de la mosaïque de bains du palais ouest de Massada32. Nous avions également remarqué que les motifs floraux ornaient souvent des pièces d’eau et cela dès l’époque hellénistique en Égypte, en Italie, en Judée. La rosace varie par sa forme : deux fleurons superposés à Canope (fig. 5a)33, un six-feuilles à Musarna34 (fig. 5b), des pétales bilobés
Vassal 2018, p. 71-73. Rosace égyptienne en terre-cuite (1086-1070 av. J.-C.), Musée de Boston 88.1014 ; Rosace égyptienne en faïence (1184-1153 av. J.-C.) Musée de Boston 1979.579 ; Rosace égyptienne en faïence (1184-1153 av. J.-C.) National Museums Liverpool 20.11.84.86… « The bulk of the fragments from the palace of Ramses III were sent to Liverpool, 100 pieces in all, of rosettes, pieces of figures and drapery in glazed tile and alabaster, small pieces of glass for inlaying » (Petrie, 1889, p. 27). 35
Coarelli 1973 ; Cassieri 2006, p. 42-43, fig. 18 ; Cassieri 2008, p. 1920, fig. 13 ; Jacopi 1963, p. 21. 30 Tirelli 1987, p. 171-190 ; Malizia, Tirelli, 1985, p. 151-158. 31 Ce qui n’est pas le cas à Jérusalem, voir Vassal 2018. 32 Vassal 2018, p. 72 : la rosa canina ou fleur d’églantier. 33 Vassal 2018, p. 74-75. 34 Vassal 2016, p. 36. 29
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Véronique Vassal
Fig. 6 : (a) Mari, jarre funéraire, Musée du Louvre AO19828 (cl. V. Vassal), (b) Tell Djigan, coupe néo-assyrienne en fritte de quartz glaçurée, Musée du Louvre AO22989 (cl. V. Vassal).
Chypre, la Syrie, l’Égypte et l’Anatolie, la ville ayant été un centre important d’exportation du cuivre recevait, en retour, de l’argent et de l’ivoire39. La mosaïque de la synagogue En 2009 a été mise au jour une synagogue dans la partie nord-ouest du site. Bien qu’il y ait eu une première phase d’aménagement vers le milieu du Ier siècle avant J.-C., le bâtiment a été probablement construit dans les années 20-30 de notre ère. La synagogue a été agrandie vers les années 40-50 et, sans pouvoir en préciser les raisons, elle a été abandonnée ou détruite à la fin des années 60. Toutes les découvertes sont à peu près de la même époque, dont une monnaie date de l’année 4340. Rien n’a été retrouvé des périodes hellénistique ou byzantine. La synagogue est donc datée du Ier siècle de notre ère41. Jusqu’à présent, c’est la seule synagogue trouvée en Galilée datant du début du Ier siècle avec un décor de mosaïques et de fresques. Néanmoins il s’agit de l’un des sept exemples connus de cette période. Récemment une autre synagogue a été découverte à Tel Rekhesh42, à côté du Mont Tabor, mais aucune mosaïque n’y a été retrouvée.
Fig. 7 : Enkomi (Chypre), couvercle d’une boîte en ivoire, vers 1340-1050, British Museum 1897, 0401.1354 (cl. V. Vassal).
bouton matérialise le cœur de l’élément végétal. Enfin, certains objets en ivoire provenant de Chypre reprennent exactement le même motif. C’est le cas d’un couvercle provenant d’Enkomi, sur lequel le décor a été réalisé en partant d’une composition radiée à huit secteurs (fig. 7). Puis l’artisan a travaillé par évidement minutieux pour réaliser les pétales lobés, on peut néanmoins remarquer un léger déséquilibre dans la symétrie de la corolle. D’autres modèles au contraire présentent des rosaces à douze ou dixhuit pétales37. La rosace est un motif décoratif populaire probablement inspiré des arts et des textiles syriens, phéniciens et égyptiens38. Ces exemples que l’on trouve à Enkomi s’expliquent par le lien étroit qui existait entre
La synagogue découverte au nord-ouest du site de Magdala mesure environ 120 m2. Elle est composée d’une salle de lecture aménagée de bancs (bet midrash), entourée par un vestibule. Une petite pièce adjacente conservait probablement les rouleaux de la Torah. La toiture était supportée par un ensemble de colonnes et de murs couverts de fresques aux couleurs vives dont il ne cercle brun (originalement rouge ?) fut ensuite dessiné en son centre. Il est rempli d’une fleur ou rosette bleue à 6 pétales, au cœur brun ». 39 Karageorghis 1993, p. 577 : « La richesse de l’île en cuivre et l’intense exploitation qu’elle fait de ses mines n’ont pu qu’attirer ses voisins proche-orientaux, de même que les Égéens. L’archéologie nous fournit d’amples preuves des relations actives que Chypre entretenait avec les pays du Levant et l’Égypte ». 40 Avshalom-Gorni, Najar 2013 : « Included among them is a coin from the year 43 CE that was discovered in the foundation of the mosaic in the reading room, a coin from the Year 2 of the Great Revolt that was discovered on the street and a coin from 80 CE that was found on the ceiling collapse of the synagogue ». 41 Hachlili 2013, p. 33. 42 Hasegawa, Kuwabara, Paz 2019.
37 Disques en ivoire, Chypre, vers 1600-1050 av. J.-C. Metropolitan Museum de New York, 74.51.5212 ; 74.51.5222 ; 74.51.5224… 38 Halstad 2015, voir documentation de Qasr Ibrim époque postméroïtique (Basse Nubie), fiche T482, p. 97 : « Toujours aussi remarquable est une bannière de tissu en lin, peinte d’une rosace bleue » ; p. 467 : « Le deuxième est un carré d’étoffe peinte, en lin, mesurant environ 35 x 26 cm [Pl. 144b]. Une épaisse couche de pigments blancs fut d’abord appliquée sur toute la surface pour former un fond uniforme. Un épais
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Les mosaïques de Magdala (Galilée) reste aujourd’hui que quelques témoignages. Au centre de la pièce principale, les fouilleurs ont découvert une pierre richement sculptée, dite la « pierre de Magdala » qui est d’un grand intérêt archéologique pour la période du Ier siècle, bien que sa fonction exacte ne soit pas encore parfaitement déterminée. L’étude des motifs en bas-relief qui ornent la pierre, une menorah, des rosaces, des arcades… donne lieu à différentes interprétations43. À l’ouest, est conservée en partie une mosaïque qui recouvrait probablement l’ensemble du vestibule. Certains fouilleurs supposent qu’elle n’a jamais été achevée. Ils suggèrent que la réalisation a été interrompue par le déclenchement de la révolte en Galilée et que la synagogue a été abandonnée et détruite au moment de la conquête romaine de Magdala en 67. Cependant aucun témoignage archéologique ne vient corroborer cette explication. Un panneau carré de mosaïque représentant une rosace est disposé dans l’axe de la pièce, face à l’entrée, mais du côté opposé. Sur les parties latérales du panneau central, se déploie une composition linéaire de méandre de svastikas à retour simple et carrés noirs sur fond blanc44. L’élément sur lequel se porte notre attention est le panneau carré situé dans l’axe de l’entrée représentant une composition radiée à huit rayons, autour d’un bouton (rouge-orangé) disposée dans un cercle déterminant huit triangles à un côté convexe (fig. 8)45. Quatre secteurs à fond blanc sont délimités par un filet triple noir et quatre secteurs à fond noir sont délimités par un filet triple noir d’un côté, et un filet simple noir de l’autre. Le cercle qui contient l’élément central radié est inséré dans un panneau carré délimité par deux filets de tesselles noires ; dans les écoinçons à fond blanc on note des chevrons noirs aux extrémités digitées. Il peut également s’agir du motif du gamma, inspiré de la lettre grecque, qui est bien identifié sur différents vêtements46. Ce même décor est présent dans les écoinçons d’une mosaïque de la ville haute de Jérusalem (aire P2)47, datée entre 37 av. et 70 ap. J.-C. qui représente un fleuron à six-feuilles48, aujourd’hui très fragmentaire mais utilisant une gamme chromatique plus large. O. Peleg-Barkat fait remarquer que la présence du motif du gamma dans les écoinçons des mosaïques est sans doute liée aux fonctions des pièces. Dans la synagogue de Magdala, le panneau de mosaïque carré à décor de gamma peut être une allusion à une prescription
Fig. 8 : Magdala, mosaïque de la synagogue, après restauration (cl. Rosaura Sanz Rincón).
biblique49. L’extrémité découpée du gamma pourrait être alors l’évocation de ces franges disposées sur les vêtements carrés ou à quatre coins, propre au judaïsme, comme le Talit que le commandement prescrit de porter pendant la prière à la synagogue50. Au centre des quatre secteurs du cercle sont matérialisés des triangles réalisés à l’aide de tesselles noires. La mosaïque ne possède aucun rendu illusionniste. Seules trois couleurs sont utilisées : le noir, le blanc et le rouge (uniquement pour les cercles). La composition en « métope » avec un élément circulaire inscrit en son centre, le traitement des triangles noirs à l’intérieur des quatre secteurs semblent imiter le travail de la marqueterie, plaquage ou incrustation de fines lamelles de bois précieux, d’ivoire ou d’os. En Judée, un sarcophage trouvé dans les environs d’Ein Gedi51 présente une cuve et un couvercle de bois sombre. Ils sont décorés de rosaces ainsi que de cercles composés de petits segments colorés noirs et blancs. Ces segments sont probablement en bois précieux, ou en ivoire, un matériau qui se travaille comme le bois et, comme lui, se rétracte en séchant. Hélas, les témoignages de sarcophage en bois sont rares, compte tenu de l’humidité du climat pendant
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Aviam 2013 ; Bauckham 2015. Le décor de la pierre est actuellement étudié par le professeur Rina Talgam de l’Université hébraïque de Jérusalem. 44 Pour les comparaisons voir De Luca, Lena 2014, p. 9. 45 Balmelle et al. 2002, pl. 345 a. 46 Voir Avigad 1983, p. 146, fig. 164 ; Hachlili 1998, p. 136, 139 : « The chitons of Jochebed and Miriam are decorated on the lower left by a gamma pattern » ; Hachlili 2009, p. 12 : « On the basis of textiles found in the Judaean desert caves […] » ; Peleg-Barkat 2016, p. 32 : « The gammadia motif is known mostly from contemporaneous textiles, mainly from outer garments (himation / pallium, and in rabbinic literature: tallit). Pour le motif du gamma, voir également Rhamani 1994, p. 37-38 ; R. Talgam et Z. Weiss (2004), « The Mosaics in the House of Dionysos at Sepphoris », Qedem 44, p. 47-48. 47 Talgam 2014, p. 17, fig. 19. 48 Le motif du six-feuilles est également présent sur une autre mosaïque de Jérusalem décorant un bain dans le quartier juif : Talgam 2014, p. 17, fig. 20 ; Vassal 2016, p. 36.
Nombres 15, 38 : « Parle aux enfants d’Israël, et tu leur diras de se faire des tsitsit [franges] aux coins de leurs vêtements, à travers leurs générations, et ils mettront sur le coin de chaque tsitsit un fil de tekhelet. » ; Deutéronome, 22:12 : « Tu mettras des franges aux quatre coins du vêtement dont tu te couvriras […] ». 50 Peleg-Barkat 2016, p. 12 : « To be wrapped in the Tallit is regarded as being enveloped by the holiness of the commandments of the Torah, denoting a symbolic subjection to God’s will (b. R. H. 17b) ». 51 Aujourd’hui conservé dans l’aile Samuel et Saidye Bronfman au Musée d’Israël à Jérusalem et datant du Ier siècle av. J.-C. 49
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Véronique Vassal
Fig. 9 : Jérusalem, ossuaire judaïque à décors de rosaces, Ier siècle, Musée du Louvre AO5023 (cl. V. Vassal).
J.-C.57. Parfois deux six-feuilles se superposent comme à Ietas en Sicile au début IIIe siècle av. J.-C.58. À Massada, les pétales sont bilobés59. Enfin à Tindari60, le motif est beaucoup plus géométrique, et les pétales sont remplacés par des trapèzes à deux côtés curvilignes (seconde moitié du IIe – première moitié du Ier siècle av. J.-C.). En revanche, la composition à huit triangles à un côté convexe apparaît principalement sur des objets en ivoires de Megiddo. L’histoire de l’ancienne cité cananéenne est très riche en raison de sa position stratégique au carrefour de deux routes, l’une militaire et l’autre commerciale, qui donnèrent à la ville une importance considérable dès la plus haute Antiquité. Construite sur un mont surplombant « la route de la mer », Meggido fut la voie principale qui allant de l’ancienne Égypte à la Mésopotamie, reliait les villes phéniciennes à Jérusalem et à la vallée du Jourdain. Les fouilles de l’Institut oriental de l’université de Chicago ont révélé un grand nombre de ces artefacts, aux décors variés, lors de la campagne de 1936-193761. Pour n’en citer que quelques-uns datant des XIIIe-XIIe siècles av. J.-C., nous pouvons mentionner un couvercle présentant au centre une rosace entourée par une frise de capridés (fig. 10a), une boîte réalisée dans une dent d’hippopotame62, deux jeux de plateau63, des pions de jeu (fig. 10b)64. Ce trésor en ivoire découvert à Megiddo témoigne d’une connaissance étendue des arts des pays voisins65. Rappelons que sur
les mois d’été. La plupart des sarcophages et ossuaires en pierre, environ les deux tiers, ne portent ni décoration ni inscription. Parmi ceux qui sont décorés, le motif le plus répandu est celui de la rosace52. L’influence de la gravure et de la sculpture sur bois est certainement à l’origine des décors, en creux ou en relief, bien connus sur les pierres tendres qui mettent en avant les ombres et les contrastes. Tel est le cas d’une rosace à six-feuilles sur un linteau provenant de Gamla53, des rosaces de l’un des sarcophages découverts dans le tombeau des Rois à Jérusalem54 ou des nombreux ossuaires (fig. 9) dont les motifs sont réalisés en creux ou en saillie afin de jouer avec la lumière55. Par son style et sa facture, par l’alternance du clair et du sombre la mosaïque de la synagogue de Magdala, suggère probablement une influence du travail du bois ou de la marqueterie. Le motif de la rosace ou du fleuron est un élément décoratif extrêmement commun, il se rencontre aussi bien dans la sphère occidentale que dans la sphère orientale aux époques hellénistique et romaine. Il apparaît sur les sols de mosaïques, mais il est également très commun dans l’iconographie des ossuaires, en Judée. Cependant, on trouve plus volontiers des fleurons à quatre, cinq ou six pétales plutôt qu’à huit. Sur les mosaïques, les fleurons à huit pétales sont soit lobés comme à Pergame au IIIe siècle av. J.-C56 ou lancéolés comme à Pompéi au IIe siècle av.
Maison de Stallius Eros (Regio I, Insula VI, 13 – 14), PPM I, p. 402, fig. 3. 58 Pesando 2008, p. 167 ; Brem 2000, p. 79-81, pl. 8, 9-1, 10. 59 Vassal 2018, p. 70-72. 60 Spigo 2005, p. 46. 61 Loud 1939. Pour les parallèles, voir Barnett 1949 ; Kantor 1956 et 1960 ; Gachet-Bizollon 2007 ; Feldman 2009. Les fouilles de Meggido furent menées dans les années 60 par Y. Yadin et depuis 1994 par The Megiddo Expedition de l’université de Tel Aviv. 62 Loud 1939, pl. 24, fig. 129 a et b. 63 Loud 1939, pl. 47-50. 64 Loud 1939, pl. 52. 65 De Mertzenfeld 1938, p. 346 : « L’admirable collection conservée dans les caves du cinquième palais témoigne d’une connaissance étendue des arts des pays voisins, tout en traitant les motifs qu’elle emprunte 57
52 Peleg-Barkat 2016, p. 41 et note 55 : « Because of the prevalence of the rosette on ossuaries, an association with reincarnation was promoted ». 53 Hachlili 2013, p. 39, fig. II-12b. 54 Sarcophage à décor de rosaces, Ier siècle ; Tombeau des Rois, Jérusalem. Musée du Louvre AO5036. Parmi les sarcophages découverts dans le Tombeau des Rois, celui-ci est le plus complet. De forme traditionnelle, avec un couvercle arrondi, il porte un magnifique décor de larges rosaces aux feuilles épaisses. Pour la description, voir Hachlili 2005, p. 120, fig. III-31 et références citées par l’auteur. 55 Un exemple : ossuaire de Jésus, fils de Joseph, période hérodienne. Musée d’Israël à Jérusalem S-767. Voir également Rahmani 1994. 56 Salzmann 1982, n° 166, p. 67, 124, pl. 83.1 ; Guimier-Sorbets 2011, p. 439, fig. 1.
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Les mosaïques de Magdala (Galilée)
Fig. 10 : (a) Megiddo, couvercle en ivoire présentant au centre une rosace entouré par une frise de capridés (d’après Loud 1939, pl. 13, 54b), (b) Megiddo, pion ou disque en ivoire (dessin V. Vassal, d’après Loud 1939, pl. 52, 236).
certaines aquarelles dessinées par Émile Prisse d’Avennes, dans son ouvrage Histoire de l’art égyptien66, les plafonds des nécropoles de Thèbes sont décorés d’une rosace à pétales curviligne, très semblable aux exemples de Meggido. En Égypte, on rencontre également, sur les mosaïques, le motif du nelumbo nucifera67 et sur d’autres supports le fleuron a quatre, six, huit-feuilles, ou plusieurs corolles superposées68 (fig. 11). Si l’on observe les décors mésopotamiens, les rosettes représentées sont le plus souvent des fleurs de plus d’une dizaine de pétales lobés comme l’atteste la parure de cheveux d’une petite tête féminine en ivoire69, ou le détail d’un bracelet sur un basrelief en gypse représentant un esprit protecteur du Palais de Nimrud, période néo-assyrienne, vers 865-860 avant notre ère70. L’utilisation, à des kilomètres et à des années de distance, d’un même thème décoratif, ne va pas sans poser les problèmes de la tradition et de la propagation d’un motif, problèmes solidaires en fait de deux questions plus générales : celles de la transmission d’un art et du développement des ateliers. À Magdala, les deux mosaïques semblent avoir été réalisées par un même groupe d’artisans. Néanmoins, peut-on véritablement parler d’un atelier compte tenu du peu de mosaïques trouvées dans cette zone et datables du Ier siècle ? La rareté des documents peut ainsi conduire à de fausses appréciations. Toutefois, de fortes relations iconographiques se tissent entre les divers types d’artisanats — ivoire, sculpture en pierre, céramique, mosaïque — créant une communauté d’art. La simplification des traits et l’importance donnée à la ligne sont, probablement en partie, une conséquence de l’emploi de la technique de la gravure sur ivoire, puis sur pierre. En
Fig. 11 : Égypte, boîte à papyrus à couvercle pivotant en bois peint, vers 1400 av. J.-C., Musée du Louvre N1319 (cl. V. Vassal).
ce sens, les mosaïques de Magdala sont très proches de la série des ivoires plus anciens aux influences orientales, tout en conservant quelques traits gréco-romains. Abréviation PPM I = Pompei pitture e mosaici BIBLIOGRAPHIE Adler Y. (2018), « The Hellenistic Origins of Jewish Ritual Immersion », Journal of Jewish Studies 69/1, p. 1-21.
avec une réelle personnalité. […]. Voir également pour l’influence de la Crète : Giveon 1978, p. 34-50 ; l’acquisition de pièces précieuses : Hoffman 1997, p. 53-65 ; les cadeaux diplomatiques : Lilyquist 1998, p. 25-33. 66 Prisse d’Avennes 1878, voir l’ornementation des plafonds : guillochis et méandres (nécropole de Thèbes). 67 Daszewski 1978, p. 125-126, fig. 113-114 ; Guimier-Sorbets 2009, p. 650, fig. 8. ; Vassal 2018, p. 74-75, fig. 9a. 68 Égypte, boîte à papyrus à couvercle pivotant en bois peint, vers 1400 av. J.-C. Musée du Louvre N1319. 69 Tête de femme en ivoire, vers 900-700 av. J-C. British Museum N898. 70 Conservé au British Museum 1848,1104.12.
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LES SCÈNES NILOTIQUES SUR LES MOSAÏQUES : ALLER ET RETOUR ENTRE ORIENT ET OCCIDENT Anne-Marie Guimier-Sorbets Résumé Les premières scènes nilotiques sont dues aux Égyptiens, qui figuraient ainsi leur vie quotidienne. Quand les Grecs se sont installés près du Delta, à la suite de la conquête d’Alexandre, ils ont représenté ces paysages nouveaux pour eux, en mettant l’accent sur l’eau du fleuve, sa flore et sa faune, ainsi que, parfois, les habitants des marais. Le caractère grotesque de ces scènes s’est développé lors du transfert de ces images à Rome, à une époque où Auguste voulait affirmer la supériorité des Romains sur une province conquise, qui exerçait pourtant sur eux une réelle fascination. Du Nil, les Romains n’ont plus retenu que l’exotisme et les malheurs mais aussi les scènes joyeuses, voire érotiques, des « pygmées » dans un paysage caractéristique. Sous cette forme comique, elles ont été figurées surtout dans la partie occidentale de l’Empire et sont revenues en Égypte, pour leur caractère plaisant et apotropaïque. Dans la partie orientale, on a préféré évoquer les paysages du Nil. Les styles changent, les images restent et, selon les contextes, leur interprétation diffère. Mots-clés : Mosaïque, scène nilotique, paysage nilotique, période hellénistique, période impériale, Antiquité tardive, Alexandrie, Égypte gréco-romaine, Rome, Empire romain. Abstract The first nilotic scenes are attributable to the Egyptians depicting their daily lives in such manner. When the Greeks settled near the Delta, following the Alexandrian conquest, they portayed these landscapes which were novel to them, focusing on the river water, its flora and fauna, as well as, sometimes, the inhabitants of the marshes. The grotesque character of these scenes arose when such images arrived in Rome, at a time when Augustus wished to assert Roman superiority over a conquered province notwithstanding such province being a real source of fascination for Rome. The Romans only retained from the Nile its exoticism and misery but also the joyful, and one can even say, erotic, scenes of the “pygmies” in a characteristic landscape. This comic portrayal which was mainly resorted to in the western part of the Empire and found its way back to Egypt because of its amusing and apotropaic character. In the Eastern part of the Empire, the preference was to show depictions of Nilotic landscapes. Styles change, depictions remain and, depending on context, their interpretation may vary. Keywords: Mosaic, nilotic scene, nilotic landscape, Hellenistic period, Roman period, Late Antiquity, Alexandria, Graeco-Roman Egypt, Rome, Roman Empire. Les premières « scènes nilotiques », représentations du Nil, avec les rives du fleuve, la flore et la faune, et les activités qui s’y déroulent – chasse, pêche, navigations diverses – sont évidemment celles qui furent peintes par les Égyptiens pour orner leur palais (époque amarnienne) ou leurs tombes (Nouvel Empire). Par ailleurs, depuis Homère (Iliade, III, 3-6), les Grecs racontaient les difficiles combats opposant des « pygmées », les plus petits des hommes, et les « grues », les plus grands des oiseaux (géranomachies). Sur la céramique grecque archaïque comme sur des vases plastiques, de petits hommes aux prises avec des crocodiles, étaient rendus de façon assez peu réaliste par des artisans qui n’avaient certainement jamais vu l’animal. Sur la vaisselle du banquet, ces sujets de dérision étaient destinés à divertir les convives. Plus tard, les scènes nilotiques ont été retrouvées en assez
grand nombre sur les mosaïques et les peintures romaines, en particulier dans les maisons de la région du Vésuve : on y voit, d’une part, des paysages dits sacro-idylliques dont le caractère nilotique et pittoresque est évident, et, d’autre part, des scènes grotesques voire érotiques, avec de petits personnages souvent disgraciés qu’on nomme habituellement nains, pygmées, ou grylloi, un nombre important d’études ayant été consacrées à leurs origines et à leurs significations dans l’iconographie1. Une étude récente a mis l’accent sur la propagande impériale à l’origine de la diffusion de ces caricatures de l’Égypte et des Égyptiens2 : en effet, Octave-Auguste ayant vaincu Cléopâtre et Marc1 Dasen 1993 ; 2009 ; Guimier-Sorbets 2011 ; Guimier-Sorbets 2013 ; Meyboom, Versluys 2007 ; Tybout 2003 ; Versluys, Meyboom 2000. 2 Meyboom, Versluys 2007 ; Versluys 2013.
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Anne-Marie Guimier-Sorbets
Fig. 1 : Pompéi, Maison du Faune, détail du panneau central devant l’exèdre d’Alexandre et Darius (cl. A. Guimier, ArScAn).
Antoine à la bataille d’Actium fit de l’Égypte une province romaine et il lui fallait lutter contre le prestige dont ce pays mythique jouissait encore auprès des Romains. Nous allons voir, à partir de quelques mosaïques, que la réalité est plus complexe et qu’il convient de prendre en compte les différents types de représentations et leur contexte architectural pour comprendre le choix de telles scènes.
À Palestrina, ancienne Préneste, la mosaïque Barberini figure le cours du Nil en crue depuis ses sources dans les montagnes sauvages jusqu’au Delta, avec les diverses activités qui se déroulent dans ce cadre grandiose4. On admire, près des sources, les espèces sauvages d’animaux dont le nom est indiqué en grec, les pierres précieuses colorées serties dans les rochers5, puis le cours du fleuve traverse divers paysages caractérisés par leur diversité et des constructions éphémères (huttes) comme pérennes (sanctuaires), édifiées sur les rives. Dans la partie basse du fleuve, les hommes se livrent à diverses activités et en particulier à une fête en l’honneur de l’arrivée de la crue bénéfique. Ce vaste paysage vu comme à vol d’oiseau était inconnu en Italie, on sait que les peintres alexandrins ont porté une attention particulière aux représentations de paysages, et ce riche pavement doit être la copie d’une peinture issue d’un atelier royal alexandrin6.
L’origine des scènes nilotiques à l’époque hellénistique Le grand pavement Barberini de Palestrina et les trois tapis d’entrecolonnements de la Maison du Faune (VI, 12, 2) à Pompéi constituent certainement les scènes nilotiques les mieux connues de tous, des spécialistes comme du grand public. Les trois panneaux placés devant la bataille d’Alexandre et Darius rendent avec réalisme la faune et la flore du Nil3. On reconnaît les nélumbos, espèce de lotus rose dont les fleurs ne s’étalent pas sur l’eau, contrairement à leurs feuilles arrondies, mais sont portées par de hautes tiges : d’abord serrés en bouton, leurs pétales en plusieurs nuances de rose s’ouvrent largement en deux corolles avant de laisser place à une capsule d’où s’échappent les graines. Leur floraison marque la montée de la crue du fleuve, et les trois états de croissance peuvent être contemporains (fig. 1). Bien que les proportions relatives des animaux n’y aient pas été respectées − pour que crocodile, hippopotame, ichneumon et cobra puissent figurer dans le même panneau, à côté des canards cueillant des fleurs, des oiseaux et de la grenouille − la précision et le réalisme de leur rendu attestent la connaissance directe que ces mosaïstes avaient de ces animaux d’Égypte et le grand intérêt que les Grecs portaient à la faune, depuis l’époque classique. La surface grise de l’eau est éclairée par les reflets du ciel, entre les vaguelettes des risées. Placés devant la bataille d’Alexandre et de Darius, ces panneaux faits d’opus vermiculatum très fin, avec de subtiles nuances de couleurs, sont l’œuvre d’un atelier très expérimenté.
Ces deux pavements emblématiques des scènes nilotiques ont été découverts en Italie et on les date désormais du dernier quart du IIe siècle avant J.-C. : les mosaïstes de la péninsule italique étaient-ils les créateurs de ce type de scène ? Dans son étude magistrale de la mosaïque Barberini, P. Meyboom a montré qu’elle était l’œuvre d’un atelier de mosaïstes alexandrins venus travailler à Palestrina7. Il en allait certainement de même pour l’ensemble des pavements et emblemata de la Maison du Faune à Pompéi8. W.A. Daszewski a montré qu’il existait des scènes nilotiques sur des mosaïques d’Égypte d’époque hellénistique : sur un emblema actuellement conservé au Musée de l’Agriculture au Caire et dont la provenance alexandrine est probable, on distingue un petit homme à peau foncée navigant dans les marais sur un bateau fait de papyrus (papyrella) tandis qu’un martin pêcheur, cousin de ceux des panneaux de la Maison du Faune, se penche avant
4 5 6 3
7
De Vos 1994, p. 121-125 ; Guimier-Sorbets 2011, p. 658-661 ; Guimier-Sorbets sous presse, chapitre 8.1.2.
8
102
Gullini 1956. Trinquier 2007. Meyboom 1995, p. 106-107. Meyboom 1995, p. 91-95. Guimier-Sorbets sous presse, chapitre 8.1.2.
Les scènes nilotiques sur les mosaïques
Fig. 2 : Canope, musée gréco-romain d’Alexandrie (cl. Archives CEAlex). Fig. 3 : Madrid, musée archéologique, panneau venant de Rome (cl. A.-M. Guimier-Sorbets, ArScAn).
de plonger vers sa proie9. Sur un fragment de Canope, dans le Delta, un autre petit personnage à grosse tête (nain), nu, semble courir (fig. 2) ; avec d’autres fragments, il appartient à un grand panneau à décor nilotique10. Ces deux panneaux du IIe siècle avant J.-C. prouvent, avec d’autres fragments au décor animalier caractéristique, l’existence de scènes nilotiques dans l’Égypte lagide, créées par des peintres et des mosaïstes grecs à la fois impressionnés par la nature luxuriante, la faune et les petits habitants qu’ils découvraient sur les bords du Nil ou du lac Maréotis, et attirés par la figuration des paysages et des personnages pittoresques. D’Alexandrie, ces scènes ont été diffusées, comme on le voit, par exemple, sur un fragment de panneau d’étage provenant de la Maison de Fourni à Délos (fin IIe – début Ier siècle avant J.-C.) : on y retrouve l’eau grise du Nil éclairée par des reflets lumineux, un oiseau picorant sur une large feuille près d’une capsule de nélumbo11.
panneaux nilotiques en Italie. Nous l’avons constaté aussi bien pour les panneaux de la Maison du Faune que pour la mosaïque Barberini, mais ce traitement caractéristique se remarque aussi sur un fragment de grand panneau actuellement conservé au Musée archéologique de Madrid et provenant vraisemblablement de Rome ou de ses environs : sur le fond gris et blanc des eaux du fleuve et des roseaux de la berge, un petit homme à peau claire tente vainement d’échapper au crocodile en grimpant sur un palmier (vers 100 avant J.-C.)13 (fig. 3). Sur un panneau de Rome figurant le moment où un prêtre nourrit un crocodile, on reconnaît le même traitement des eaux du Nil ainsi que les nélumbos qui y croissent au milieu des canards14. Vers 30 avant J.-C., cette scène, nullement parodique, devait plaire à Rome par son caractère pittoresque et exotique, mais ce panneau pouvait aussi être en relation avec le Sérapiéion du Quirinal. Sur l’emblema hellénistique réutilisé vers 30 avant J.-C. dans un pavement de la Maison du Ménandre à Pompéi (I, 10, 4)15, la surface du fleuve présente les mêmes reflets, entre les nélumbos et des canards, mais l’esprit de la scène change : quatre petits personnages contrefaits, quasi nus, naviguent en dansant dans une barque à cabine, tandis qu’un cinquième vogue dans une papyrella. Au second plan, on distingue la berge opposée avec des constructions. L’origine alexandrine de ce petit emblema réalisé dans un caisson de terre cuite est possible, d’autant qu’il illustre parfaitement le témoignage de Strabon (Géographie, XVII, 1, 15 et 17) à propos de son voyage en Égypte vers 25 avant J.-C. : il note qu’on menait joyeuse vie sur le canal qui reliait Alexandrie à Canope et
Nulle dérision, nulle parodie dans ces représentations nilotiques : ces panneaux attestent seulement le goût des Grecs pour la représentation de la nature, faune et flore qui devaient leur paraître bien exotiques après leur installation en Égypte, et pour le pittoresque qu’illustrent ces petits personnages vivants presque nus dans les marais où ils se déplaçaient sur leurs papyrellas12. Diffusion du thème iconographique et évolution du traitement Le traitement de la surface de l’eau du fleuve paraît un bon « marqueur » de l’origine alexandrine – ou du moins de la formation alexandrine des mosaïstes qui ont réalisé des Daszewski 1985, no 44 ; Versluys 2002, no 101 ; Guimier-Sorbets sous presse no 41. 10 Daszewski 1985, no 28-37 ; Versluys 2002, no 99 ; Guimier-Sorbets sous presse no 42. 11 Guimier-Sorbets, Nenna 1992, p. 617, 619-620 ; Guimier-Sorbets 2011, p. 651 ; Versluys 2002, no 121 (photographie à l’envers). 12 Empereur 2011. 9
13 14 15
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Versluys 2002, no 25 ; Guimier-Sorbets 2011, p. 652. Versluys 2002, no 13 ; Salvetti 2013, no 15, p. 117-120. Maiuri 1933, p. 58-59, pl. 7, 21 ; Versluys 2002, no 37.
Anne-Marie Guimier-Sorbets que toutes sortes d’activités plaisantes se pratiquaient sur les barques16. Peintures et mosaïques conservées en grand nombre dans la région du Vésuve vont ensuite figurer à l’envi ces petits personnages comiques soit dans leurs activités sexuelles débridées, sur terre ou à bord de leurs petits bateaux, soit dans leurs activités quotidiennes dans les marais (chasse, pêche) où ils se trouvent aux prises avec des animaux sauvages (hippopotames, crocodiles, …) ainsi que des échassiers qui les menacent de leur long bec − souvenir de l’épisode des géranomachies d’Homère. Sur les peintures murales, ces nains y sont aussi figurés dans des parodies : dans la Maison du médecin à Pompéi (VIII, 5, 24, vers 70 après J.-C.) on les voit banqueter sous une tenture, tout en assistant aux ébats d’un couple, ainsi que dans une parodie du jugement de Salomon17. À Nîmes, dans la domus 10 de la Villa Roma (40-50 après J.-C.), des nains parodient des scènes mythologiques, comme la délivrance d’Andromède par Persée, ou Ajax arrachant Cassandre de l’autel d’Athéna18. Ces satires irrévérencieuses des mythes gréco-romains étaient du goût des Romains. Des scènes comiques diffusées surtout dans la partie occidentale de l’Empire romain Le thème iconographique des malheurs comiques des « pygmées » sur les bords du Nil se répand surtout dans la partie occidentale de l’Empire. Il y est traité en style noir et blanc, sur des pavements d’Espagne, à Italica et à Mérida notamment, tandis qu’il est polychrome à la villa Silin ou à Leptis Magna en Tripolitaine. Sa diffusion est attestée en Afrique du Nord19. À Italica, dans le bassin de la Maison de Neptune (seconde moitié du IIe siècle après J.-C.), les scènes nilotiques bordent le triomphe marin de Neptune ; dans les marais évoqués par des nélumbos à peine esquissés, on retrouve les géranomachies et un pygmée sur un palmier tentant de tenir à distance le crocodile qui le menace20 (fig. 4). À Mérida (calle Segasta, IIe siècle après J.-C.)21, les pygmées chassent avec leurs doubles bâtons et l’un d’entre eux est dévoré par un crocodile. La faune égyptienne n’y est évoquée que par des palmiers, on voit des barques mais l’eau n’est pas représentée (fig. 5). Dans la villa maritime de Silin, les scènes bordent le jardin le long du péristyle : elles recevaient l’eau des toitures, et leur évocation aquatique devait être plaisante par temps sec. Les nains, coiffés de couvre-chefs végétaux, chassent dans les marais figurés par des nélumbos approximativement rendus : des amphores cassées en guise de bouclier et armés de leurs doubles bâtons, ils sont aux prises avec des crocodiles, de grands échassiers et des canards. Nulle figuration de l’eau qu’évoquent seulement les nélumbos22
Fig. 4 : Italica, Maison de Neptune, détails (cl. M.-P. Raynaud, Photothèque Henri-Stern).
(fig. 6). À Rome le succès de ces scènes comiques voire érotiques ne se dément pas : ainsi un grand panneau noir et blanc figure, de façon schématique, un paysage nilotique avec des « pygmées » chassant un hippopotame, tandis que, sur trois embarcations, d’autres se livrent à des ébats sexuels variés, au milieu des nélumbos, des canards et en présence d’un crocodile23 ; de la fin du IIIe siècle après J.C., ce tapis appartenait peut-être à un complexe thermal. Pour la partie orientale de l’Empire romain, on peut citer une partie de la bordure qui entoure le riche tapis du triclinium de la villa de Dionysos à Sepphoris (Diocaesarea, Israël). On y voit des personnages cueillant de très grands nélumbos, ainsi que d’autres luttant contre un crocodile et un échassier24. La scène n’est pas réellement comique mais elle rappelle celles qui ont été préalablement évoquées ; elle semble due à une réparation, effectuée dans le courant du IIIe siècle après J.-C. Mais toutes les scènes nilotiques ne sont pas comiques Le goût alexandrin pour la peinture de paysage s’est lui aussi diffusé en même temps que les produits de ses ateliers, qui ont ensuite fait des émules. Ainsi les paysages dits sacro-idylliques si fréquents sur les parois peintes des maisons de Campanie présentent souvent des
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Les scènes nilotiques sur les mosaïques
Fig. 5 : Mérida, calle Segasta, détail, musée archéologique (cl. A. Guimier, ArScAn).
vie26. Il en va de même pour le pavement de la Maison du Nil, dans la même ville, avec la figure allégorique du dieu, dans un paysage nilotique (deuxième moitié du IIIe siècle après J.-C.)27. Le grand pavement d’El-Alia (Tunisie), conservé dans les musées du Bardo et de Sousse, offre une large vue des berges du Nil et des activités familières qui s’y déroulent ; on y voit un âne en train d’être dévoré par un crocodile28. Toutefois, ces évocations de paysages nilotiques sont surtout présentes dans la partie orientale de l’Empire29 ; elles peuvent y être associées à une allégorie du dieu Nil, comme à Patras, dans un Sérapéion et dans une maison : autour du Nil, le tapis est bordé d’une bande figurant diverses embarcations au milieu des nélumbos (fin IIIe – début IVe siècle après J.-C.)30. En Palestine et en Arabie, du Ve au VIIIe siècle, les évocations du Nil sont fréquentes sur les mosaïques. Deux larges tapis figurent le cours du Nil, avec une personnification du dieu, la représentation de la ville et du nilomètre d’Alexandrie, le fleuve et sa crue au milieu de diverses scènes et animaux sauvages : l’un se trouve dans l’édifice du Nile Festival à Sepphoris31, le second orne la maison-synagogue de Kyrios Leontis, à Beth Shean (Scythopolis)32. La navigation sur le Nil au milieu des canards et des nélumbos sert aussi à caractériser le paysage sur des bordures topographiques, comme sur le pavement d’Hadid (Haditha), près d’une figure de ville fortifiée qu’une inscription nomme Égypte33, ou encore sur le pavement de l’église de Saint-Étienne à Umm alRasas (Jordanie)34.
Fig. 6 : Silin, villa romaine, détails (cl. A. Guimier, ArScAn).
caractéristiques nilotiques, éventuellement avec des petits personnages, mais sans caractère comique. De même, dans la salle royale de l’Hérodion, un pinax suspendu, peint de façon illusionniste sur une paroi, figure un paysage nilotique : avec un crocodile au premier plan, il est exempt de tout caractère comique ou parodique (20-15 avant J.C.)25. Peinte sur une paroi du frigidarium des Thermes de la chasse à Leptis Magna (Tripolitaine), une vue à vol d’oiseau des activités de la vie quotidienne montre le Nil avec des pêcheurs en barque, tandis qu’un couple se promène sur une autre embarcation au milieu des canards et des nélumbos ; un hippopotame (?) et des palmiers soulignent le caractère nilotique du paysage, choisi à la fin du IIe siècle après J.-C. pour exprimer les plaisirs de la 25
Versluys 2002, no 93 ; Blas de Roblès 2005, p. 94-96. Panneau conservé au musée de Tripoli : Versluys 2002, no 91. 28 Foucher 1965, p. 138-141 ; Versluys 2002, no 86. 29 Balty 1984. 30 Kolonas, Stavropoulou-Gatzi 2017, p. 81. Celui du Sérapieion date de la seconde moitié du IIe ou du début IIIe siècle après J.-C. : ibidem, p. 136. 31 Versluys 2002, no 130 ; Talgam 2014, p. 355-359. 32 Versluys 2002, no 125 ; Talgam 2014, p. 113-114. Pour une étude de plusieurs de ces décors nilotiques en Israël et leurs interprétations, voir Hachlili 1998. 33 Talgam 2014, p. 124-125. 34 Piccirillo 2002, p. 237. 26 27
Rozenberg 2013, p. 184-185.
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Anne-Marie Guimier-Sorbets
Fig. 7 : Qasr el-Libya, église, musée (cl. A. Guimier, ArScAn).
Un pavement exceptionnel : une scène de banquet nilotique à Thmouis, dans le delta du Nil
À Antioche-Daphné, à la fin du Ve siècle, une série de sept panneaux conservés d’un tapis en quadrillage figurent simplement des canards, des échassiers et des poissons nageant dans le Nil au milieu des nélumbos caractéristiques35. Les images sont simples mais la référence est explicite.
Dans les collections du Musée gréco-romain d’Alexandrie, un grand pavement polychrome provenant de Thmouis dans le Delta, figure un banquet de plein air au milieu des marais40 (fig. 8). Autour du banquet on reconnaît plusieurs éléments caractéristiques des paysages nilotiques : des nélumbos rendus de façon réaliste avec des feuilles rondes et leurs fleurs dans leurs divers états de croissance, des touffes de roseaux ou de papyrus, quelques palmiers. On retrouve les images traditionnelles de la faune du Nil, attestées sur les pavements hellénistiques : le crocodile tapi dans les roseaux, l’hippopotame surgissant de l’eau, le cobra menaçant, la tête dressée et le cou gonflé au-dessus de son corps enroulé, le couple de canards sauvages, le martin pêcheur perché sur un roseau, des échassiers, des pélicans, un cobra, des crocodiles, et des poissons en banc devant l’hippopotame qui tente de les attraper. Sur le côté gauche, un petit personnage nu portant une palanche garnie se retourne pour tenter d’échapper à l’échassier qui le menace. Du côté droit, d’autres nains nus, fortement penchés en avant, tentent de pêcher des poissons. Une photographie d’archives permet de comprendre qu’un des nains est happé par un gros animal surgissant de l’eau pour le dévorer.
En contexte chrétien, le Nil fait partie des quatre fleuves du Paradis. Dans la petite église de Qasr el-Libya (OlbiaThéodorias, Cyrénaïque) du VIe siècle, il est représenté à la fois par une allégorie et par un panneau présentant sa faune et sa flore : un crocodile, un canard et des nélumbos en divers états de croissance36 (fig. 7). Sur un autre panneau du même bâtiment, des personnages cueillent de longs nélumbos, tandis qu’un bovidé est affronté à un crocodile37. Ce thème est fréquent dans les scènes nilotiques de la partie orientale de l’Empire romain : pour montrer le caractère sauvage de la faune, ce ne sont plus les « pygmées » que mangent les crocodiles, mais de gros animaux domestiques que, parfois, leurs propriétaires tentent de sauver. Dans les églises byzantines, les nélumbos en bouton ou en fleur gardent leur caractère décoratif mais aussi symbolique, comme sur les mosaïques pariétales à fond d’or de l’église de la Théotokos Acheiropoiètos à Thessalonique au Ve siècle38. Dans l’église de Saints-Lotet-Procope, à Khirbet el-Mukhayat sur le Mont Nebo (Jordanie), le symbole identique est figuré sur un tapis d’entrecolonnement densément couvert de canards et d’échassiers évoluant au milieu des nélumbos, dans l’eau du fleuve dont les vaguelettes sont représentées (537 après J.-C.)39. 35 36 37 38 39
Sous une tente, trois convives festoient agréablement au milieu de la végétation et de la faune nilotique (fig. 9). La toile à franges, ornée de bandes jaunes et rouges, est fixée sur de longues tiges de nélumbo, dont un bouton est visible du côté droit. Les convives, couronnés et richement vêtus, sont installés sur des lits, avec un enfant. Devant les lits, on distingue le guéridon, deux amphores sur leur support, pour l’approvisionnement du
Cimok 2000, p. 283-285. Blas de Roblès 2005, p. 161-165. Versluys 2002, no 98 ; Guimier-Sorbets 2011, p. 657. Melmoth 2015, p. 72-73. Versluys 2002, appendice no 52 ; Talgam 2014, p. 104, 106.
Versluys 2002, no 100 ; Guimier-Sorbets 2013 ; Guimier-Sorbets 2019 sous presse no 44.
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Les scènes nilotiques sur les mosaïques
Fig. 8 : Thmouis, musée gréco-romain d’Alexandrie (cl. Archives CEAlex).
Fig. 9 : Thmouis, musée gréco-romain d’Alexandrie, détail du banquet (cl. Archives CEAlex).
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Anne-Marie Guimier-Sorbets banquet. À côté, des capsules de nélumbo séchées sont préparées pour la boisson : parmi les convives, la femme vue de profil, tient l’une de ces capsules par la tige, pour la porter à ses lèvres. De même, devant le convive de gauche, une feuille verte dont une extrémité se soulève sert d’assiette. Ces personnages utilisent donc de la vaisselle végétale, comme le décrivait Strabon pour cette région (Géographie, XVII, I, 17).
air, souvent figuré sur les peintures et les mosaïques romaines, mais il revêt ici un caractère parodique puisque les nains, habillés comme le maître de maison et ses hôtes, se livrent à la même occupation que les convives qui vont le contempler durant leur propre banquet. Ce pavement réunit, en les intégrant dans une même composition, les différents types de scènes développés précédemment dans des panneaux distincts. La mosaïque a été réalisée en Égypte, au milieu du Delta où la scène est censée se dérouler, il n’y a donc ni exotisme, ni caricature du pays, dont au contraire on souligne le caractère plaisant et rafraîchissant. Le mosaïste et son commanditaire ont reproduit les paysages alentours, les peuplant de petits personnages à la fois mythiques et comiques : avec de bonnes qualités techniques, une connaissance de schémas iconographiques déjà anciens, mais aussi avec inventivité et humour, ils ont créé, au IIIe siècle après J.-C., un pavement tout à fait exceptionnel.
Devant eux et leur tournant le dos, une femme nue danse en écartant son voile bleu brodé : elle est figurée en plein mouvement et l’écharpe cache aux convives le dos de la danseuse, tandis qu’elle dévoile presque entièrement son anatomie pour le spectateur de la mosaïque auquel elle fait face. Un petit personnage est penché vers la danseuse, un joueur de flûte vraisemblablement. L’échassier, une talève sultane, semble lui aussi attentif à l’anatomie de la danseuse. Les tailles respectives des tiges de nélumbo supportant la tente, de l’échassier et de la femme, des corolles de fleurs et des dîneurs, montrent que ces personnages sont très petits. Même habillés, ils présentent des traits communs avec ceux qui s’activent, nus, dans les marais : ils ont la même tête disproportionnée, le crâne déformé vers l’arrière, des visages marqués par des arcades sourcilières proéminentes, un nez et des lèvres charnus. Ils ont aussi les mêmes bras courts et arqués. Il s’agit donc d’un banquet de nains.
Pour tenter de conclure Loin de faire un inventaire exhaustif, nous n’avons choisi que quelques exemples ; pourtant on ne peut qu’être frappé par l’omniprésence et la pérennité des scènes nilotiques sur les mosaïques antiques depuis l’Égypte grecque puis romaine jusqu’à la Palestine et l’Arabie chrétienne, en passant par l’Italie, l’Espagne et l’Afrique du Nord : le succès du thème atteste l’importance de l’Égypte et du Nil dans les mentalités et l’imaginaire gréco-romains jusque dans l’Antiquité tardive. Ces scènes pittoresques, (presque) toujours exotiques, comiques, parodiques voire grotesques et donc apotropaïques en Occident, sont toujours des images de plaisir et d’abondance, en lien avec l’eau et son agrément dans des régions chaudes et sèches. Depuis l’Égypte lagide, ces images se sont diffusées à Rome et dans la péninsule italique, puis, de là, d’abord, semble-t-il, en Occident, puis en Orient. Selon les contextes politiques et religieux, les régions, les époques et les fonctions des bâtiments, ces scènes ont été traitées de façon différente, avec plus ou moins de réalisme, de détails, ou d’éléments symboliques. L’Occident semble avoir préféré le caractère comique des aventures périlleuses des « pygmées », l’Orient a mis l’accent sur le Nil et ses paysages, toujours évocateurs de plaisir et d’abondance. Cette iconographie montre comment les schémas se sont transmis au cours des siècles, comment les mosaïstes et leurs commanditaires se sont appropriés tel ou tel aspect parmi ceux qui furent créés au plus tard au Ier siècle avant J.-C. et même avant dans l’Égypte lagide. Héritier de la double tradition iconographique, le pavement de Thmouis marque, au IIIe siècle après J.-C., le retour de ces scènes dans leur pays d’origine. L’ensemble constitue un exemple rare de dialogue sur la longue durée entre l’Égypte grecque, Rome et les parties occidentale et orientale de son Empire, et même au-delà dans le monde chrétien.
La scène nilotique est animée par les déboires des nains aux prises avec des animaux que leur taille rend encore plus redoutables. Et ce sont aussi des nains qui participent au banquet. Vêtus, moins caricaturaux car engagés dans la même action que les convives de la salle qu’ils ornent, ils n’en gardent pas moins leurs traits distinctifs. Il ne faut y voir aucune caricature de l’Égypte, mais une scène plaisante : les plaisirs du banquet dans une nature fraîche, à la fois sauvage et riche, un contexte qui rappelle aux invités du maître de maison les plaisirs d’un repas au bord de l’eau. Et la présence des nains rend la scène encore plus pittoresque, amusante, en même temps qu’elle donne au pavement un caractère apotropaïque, dans la continuité de la tradition de l’Égypte pharaonique. On voit là, la mise en abyme de l’image : les propriétaires de la demeure qui devaient festoyer dans cette pièce – comme festoie au bord des marais la famille représentée sur le pavement – invitent leurs hôtes à les rejoindre dans leur salle de réception, ce qu’indique l’inscription ; et ils les associent aux plaisirs représentés sur le sol dans un mode parodique, le rire suscité par la vision des nains les protégeant du mauvais sort. La large vue, comme en vol d’oiseau, du paysage du Nil en crue avec la diversité de sa flore et de sa faune rendue avec précision et réalisme poursuit la tradition des paysages hellénistiques. Toutefois l’eau elle-même n’est pas figurée et le paysage où la faune domine est animé par les déboires des nains — on retrouve les nains pêcheurs happés par un gros animal tandis qu’un autre, porteur de palanche est menacé par un échassier, thèmes en faveur dans l’Occident romain. On retrouve aussi le thème du banquet de plein 108
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TRACES ARCHÉOLOGIQUES ET ÉPIGRAPHIQUES CARTHAGINOISES EN ÉGÉE Hédi Dridi Résumé La recherche sur la mobilité des personnes durant l’Antiquité et notamment celle des Puniques et des Carthaginois est loin d’être nouvelle. Elle a cependant souvent été traitée à travers les seules sources textuelles. Cette contribution se propose d’aborder la question de la présence carthaginoise en Egée à travers une approche fondée sur le croisement des sources archéologiques et épigraphiques. Un accent particulier sera mis sur le potentiel des témoignages amphorologiques. Mots-clés : mobilité, diaspora, commerce, amphores, épigraphie, Carthage, Athènes, Laurion, Délos, mer Noire Abstract Research on mobility including that of Punics and Carthaginians, is far from new. However, it has often been treated through the only textual sources (classical tradition, epigraphy). This paper discusses the Carthaginian presence in Aegean through a multi-source approach with a particular emphasis on the amphorological evidence. Keywords: mobility, diaspora, trade, amphorae, epigraphy, Carthage, Athens, Laurion, Delos, Black Sea. Introduction
Ces travaux, en mettant en lumière le niveau d’intégration des Phéniciens et des Puniques (on pourrait également ajouter les Numides) dans les sociétés grecques, questionnent l’irréductible altérité phénicienne et punique qui transparaît des œuvres des auteurs anciens (Hérodote, Polybe ou Diodore de Sicile)5. Ce champ d’investigation prometteur se heurte toutefois au caractère évanescent des traces de présence punique ou phénicienne. Il est alors nécessaire de ne pas se cantonner à l’exploitation d’un seul type de sources, même si les témoignages sont limités, disparates et inégaux et qu’il faut souvent se résoudre à ne formuler que des hypothèses ou des suggestions qui restent suspendues au progrès de la recherche.
Enquêter sur la présence étrangère dans les sociétés antiques et par conséquent sur les altérités, les migrations et les mobilités n’est pas un exercice nouveau en soi. Plusieurs chercheurs se sont intéressés à ces thèmes, à commencer peut-être par Helen Pope qui publiait dès 1935 une étude sur les non-Athéniens mentionnés dans les inscriptions attiques1. La recherche a toutefois connu un développement notable depuis que les questions des migrations et de la mobilité internationale sont devenues des thèmes d’actualité2. Dans le domaine des études phéniciennes et puniques, le questionnement n’est pas récent non plus ; Olivier Masson l’a abordé depuis la fin des années 1960 en s’intéressant aux mobilités phéniciennes entre Chypre, le Levant et la Thessalie3. Marie-Françoise Baslez a pour sa part enquêté sur la question des Phéniciens en Mer Égée depuis les années 19804.
Ainsi, en Égée où la présence punique est documentée par les sources littéraires et épigraphiques, on intègre très rarement les données archéologiques et en particulier céramiques alors qu’elles sont susceptibles de fournir de nouvelles informations et de préciser des chronologies. Il suffit de citer l’exemple du « Punic Amphora Building » de Corinthe, baptisé ainsi suite à l’identification d’une grande quantité de tessons d’amphores du type Mañá-Pascual A4 (MPA4), produites dans la zone du détroit de Gibraltar6.
1 Pope 1935. Pour le monde grec, voir également les travaux de M.-F. Baslez (Baslez 1976 ; Baslez 1984). Sur la perception de l’étranger dans l’Égypte pharaonique, voir l’ouvrage de D. Valbelle (Valbelle 1990). 2 On citera notamment Capdetrey, Zurbach 2012. Sur les migrations, voir récemment Garcia, Le Bras 2017 ; Marco Simon et al. 2004. Voir les réflexions de Hakenbeck 2008. 3 Masson 1969 ; Masson 1971 ; Masson 1976 ; Masson 1979 ; Masson 1982 ; Masson 1985. Pour Kition en particulier, on rappellera les articles de J. Pouilloux (Pouilloux 1988) et de C. Bonnet (Bonnet 1990). 4 Outre les références citées plus haut, voir : Baslez 1981 ; Baslez 1986 ; Baslez 1987 ; Baslez 1988 ; Baslez, Briquel-Chatonnet 1990 ; Baslez,
Briquel-Chatonnet 1991a ; Baslez, Briquel-Chatonnet 1991b ; Baslez 1992 ; Baslez 2000 ; Baslez 2001 ; Baslez 2003. 5 Voir Dridi 2011. 6 Le bâtiment à cour centrale a été fouillé de 1977 à 1979. En usage entre c. 460 et 430 avant J.-C., il a livré plus de sept tonnes de couches stratifiées de débris d’amphores. Les amphores de type MPA4 qui contenaient visiblement du poisson préparé représentent 40% du matériel étudié. De telles marchandises devaient certainement être en
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Hédi Dridi
Fig. 1 : Fragment de l’inscription IG II² 418 = CIA II 235 = Syll.3 321, Acropole d’Athènes, après 330 avant J.-C., Musée épigraphique d’Athènes (EM 7242), (cl. Archives photographiques du Musée épigraphique d’Athènes).
La présence carthaginoise à Athènes
Dans le cadre de cette contribution, nous proposons d’évoquer quatre dossiers relatifs à la présence carthaginoise en Égée tout en étant bien conscient que d’autres, comme celui de Thèbes7 et surtout celui de Rhodes8 mériteraient des investigations plus poussées.
Outre les sources littéraires qui rappellent notamment qu’un Carthaginois du nom d’Asdrubal s’est exilé à Athènes où il finit par prendre la direction de l’Académie vers 127/126 avant J.-C. sous le nom de Clitomaque9, quelques inscriptions témoignent de la présence de Carthaginois à Athènes et au Pirée10. La plus notable est sans doute celle qui reproduit un décret athénien attestant la réception de deux ambassadeurs carthaginois au Prytanée, peu après 330 avant J.-C. (fig. 1)11. Leurs
partie convoyées et/ou réceptionnées par des Puniques. Pour un point sur cette structure et le commerce entre Corinthe et le ‘Cercle du détroit’ qui semble s’être développé indépendamment de Carthage, voir Williams 1995 ; Zimmerman Munn 2003. Voir également les recherches récentes de A.M. Sáez Romero (Sáez Romero à paraître ; Theodoropoulou et al. à paraître). 7 Où, d’après une inscription qui a été copiée au XVIIIe siècle et qui a disparu depuis, un Carthaginois, du nom d’Hannibal plutôt que Nôbas (comme le suggérait déjà G. Glotz en 1933), a bénéficié d’un décret de proxénie et d’évergésie accordé par la cité vers 377-363 avant J.-C. (IG VII, 2407, cf. SEG XXIII, 277 ; SEG XLV, 431, 446 ; Glotz 1933). Le décret daterait des années 363-361 avant J.-C. selon Chandezon, Krings 2001, p. 38-39 et note 12, p. 38. Sur ce texte, voir également Roesch 1984 ; Roesch 1966. 8 Rappelons en effet que Carthage fut un notable centre de réception d’amphores rhodiennes aux IIIe-IIe siècles avant J.-C. (voir Lund 1993) et que les sources littéraires mentionnent un Carthaginois du nom d’Amilcar, qualifié de Rhodien (Frontin, Stratagèmes I 2.3 ; Justin XXI, 6 ; Orose 6, 21). La question de la production à Rhodes des petits masques apotropaïques en pâte de verre de tradition phénicienne et
punique mériterait également d’être approfondie (voir Bouzek 2000, p. 136). Pour les relations des Numides avec Rhodes, voir Kontorini 1975. 9 Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, IV, Clit., 67. 10 Sur ces témoignages, nous renvoyons à Chandezon, Krings 2001, p. 37-42 (voir également Manganaro 2000, p. 258). Les sources numismatiques sont parfois évoquées, mais pour constater l’absence de témoignages carthaginois (Chandezon, Krings 2001, p. 50). Il est cependant peu probable que les monnaies carthaginoises n’aient pas atteint Athènes comme le suggère la présence d’une monnaie punique dans une vitrine du musée archéologique du Pirée. 11 L’inscription est gravée en stoïchédon sur une plaque de marbre fragmentaire provenant de l’Acropole (IG II² 418 = CIA II 235 = Syll.3
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Traces archéologiques et épigraphiques carthaginoises en Égée
Fig. 2 : Bouchons d’amphores à profil ‘en toupie’, Carthage, versant S-E de la colline de Byrsa (Fouilles de la mission française, d’après Lancel 1987, pl. 20 p. 136).
noms, Synalos et [B]odmilkas, sont en effet, selon toute vraisemblance carthaginois : le premier est porté par un gouverneur carthaginois d’Héraclea Minoa en Sicile, actif vers 357 avant J.-C. (Plutarque, Dion, 25, 12). Quant au second, il s’agit manifestement de la transcription du nom carthaginois Bodmilqart.
incertaine (puniques ou syro-palestiniennes) provenant de l’Agora et datées du milieu du Ve siècle avant J.-C.17. Il faut ensuite attendre la fin du IIIe siècle – début du IIe siècle avant J.-C. pour retrouver des témoignages renvoyant au monde punique et plus précisément à Carthage. C’est justement du tout début du IIe siècle avant J.-C. que datent les couvercles d’amphore de type ‘toupie’, mis au jour dans le bâtiment carré à péristyle (« square peristyle building ») de l’Agora18. Ce type de bouchon à la forme caractéristique ne trouve, semble-t-il de parallèles qu’à Carthage : les fouilles du ‘quartier Hannibal’ sur le versant S-E de la colline de Byrsa (daté de l’extrême fin du IIIe – début du IIe siècle avant J.-C.) ainsi que celles de l’équipe allemande dans le quartier dit Magon sur la plaine côtière en ont livré quelques exemplaires (fig. 2)19. Ils semblent correspondre aux amphores de type Cintas 312/313 (= Mañá C2) selon S. Lancel qui rappelle que ce type d’amphore est signalé « sur la plupart des sites de Méditerranée occidentale à partir de la fin du IIIe siècle » et que sa production s’est poursuivie après la chute de Carthage20.
Ce témoignage, aussi probant qu’il puisse être ne donne cependant pas d’indications sur la présence de citoyens carthaginois, notamment des commerçants à Athènes. Les données céramiques pourraient pallier ce manque. Dans le sillage des découvertes du « Punic Amphora Building » de Corinthe, quelques chercheurs se sont attachés à réviser le matériel athénien afin d’identifier d’éventuels fragments puniques. On doit ainsi à Mark L. Lawall la publication en 2001 d’un bord d’amphore punique provenant du dernier remplissage d’un puits de l’Agora d’Athènes. Le tesson serait antérieur au sac de la ville par les Perses en 480/479 avant J.-C. comme l’attesterait la présence dans les niveaux supérieurs de ce puits d’ostraca vraisemblablement employés entre 487 et 482 avant J.-C.12. Rapproché de deux types issus de la typologie établie par J. Ramón Torres13 (T-10.2.2.1, c. 550510 avant J.-C. et T-11.2.1.3, c. 510-400 avant J.-C.)14, ce témoignage pourrait indiquer que l’importation en Égée des produits du détroit de Gibraltar a commencé bien plus tôt que 460 avant J.-C. et qu’elle a touché Athènes avant Corinthe15.
La diffusion de ce type d’amphore semble en fait avoir été bien plus large comme l’indiquent les fragments mis au jour sur l’Agora d’Athènes et publiés par Virginia Grace dès 1956. Il s’agit de plusieurs pièces de type Mañá C2 dont certaines sont munies de timbres portant des lettres puniques21. Ces témoignages viennent ainsi enrichir le dossier de la présence carthaginoise à Athènes qui était jusqu’ici uniquement constitué de témoignages littéraires et épigraphiques.
En dehors de ce bord, on signale un fragment de MPA4 provenant du Céramique16 ainsi que des anses d’origine 321. Voir aussi https://epigraphy.packhum.org/text/2636). Elle est conservée au Musée épigraphique d’Athènes (EM 7242). Voir également Masson 1979, p. 54 et note 6. L’auteur tient à remercier Mme Eleni Zavvou, Head Curator of the Department of Research and Documentation of Inscriptions de son aide pour l’obtention des photographies de cette inscription et de celle du cippe de Rhénée (voir ci-dessous, fig. 4). 12 Lawall 2001, p. 169. 13 Ramón 1995. 14 Lawall 2001, p. 170. Pour rappel, la famille des Mañá-Pascual A4 relève des séries 11 et 12 de la typologie Ramón (Sáez Romero 2002, p. 291). 15 L’éditeur de ce fragment estimait qu’il s’agissait de « The earliest Punic amphora fragment from a well-dated context in mainland Greece » (Lawall 2001, p. 169). 16 Zimmerman Munn 2003, p. 213 et notes 163-164 ; Wolff 2004, p. 451452.
17
Boulter 1953, n. 170, p. 109-110, pl. 40 ; Rotroff, Oakley 1992, n. 355, p. 125, pl. 60. 18 Koehler 1986, p. 54 et fig. 3-4 ; Koehler 1996, p. 329, fig. 20, 3-4 et note 24, p. 336. 19 Wolff 2004, p. 455 et fig. 5. Voir Ferron, Pinard 1960-1961, pl. LXXIV, 433-434 ; Lancel 1979, p. 217 et fig. 52,7, p. 214 ; Lancel 1982, p. 32, fig. 26 ; Lancel 1987, p. 115, pl. 120 ; Rakob 1999, p. 210-211, fig. 122. 20 Lancel 1987, p. 109. Sur cette forme, voir Lancel 1979, p. 217-219, fig. 59-62 et Empereur, Hesnard 1987, p. 38-40. 21 Grace 1956, voir p. 95-97, pl. XII et fig. 6, 2-6 (6, 2-3 sont datées de c. 200 avant J.-C., voir Lawall 2001, p. 169 et note 23 ; Wolff 2004, p. 452 et note 18).
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Hédi Dridi Toujours en Attique mais dans la région des mines du Laurion, une stèle funéraire conserve le souvenir d’un Punique, peut-être d’un Carthaginois. Un esclave carthaginois dans les mines du Laurion ? Le monument, actuellement conservé au Musée de Brauron, a été mis au jour dans les environs de Thorikos, dans la région minière du Laurion. Il se présente comme une stèle à fronton et acrotères de 83 cm de hauteur pour 28 de largeur et 9 d’épaisseur (fig. 3)22. Le décor sommital a été rapproché des stèles puniques, mais les parallèles précis manquent23. Quant à la datation du monument, ses éditeurs se sont fondés sur les critères paléographiques et notamment sur la présence de sigma lunaire pour estimer qu’il datait du IIe siècle après J.-C. Cependant, à la suite de Jeanne et Louis Robert, il nous semble que ce monument remonte plus probablement à l’époque hellénistique24. Le lapicide (et/ou le rédacteur du texte), visiblement non grec, a dû s’y prendre à deux reprises pour réaliser l’inscription : une première fois en la gravant de droite à gauche (sinistroverse), dans une tradition plutôt sémitique et une seconde fois en procédant de gauche à droite (dextroverse) : • Texte 1 (sinistroverse) : Ἰανίβηλος | ἀρχι[κ]αμιν|ευτή[ς] • Texte 2 (dextroverse) : Ἰανίβηλε | ἀρχικαμινευ[τ]|ὰ χαῖρ[ε] La stèle est au nom d’un certain Ianibêlos, qualifié d’archikamineute, c’est-à-dire de « Hüttenmeister » (surveillant, inspecteur de la fonderie) par la plupart des commentateurs25 ou de « forgeron en chef », si l’on suit la traduction d’Olivier Masson26. Les premiers éditeurs ont proposé de situer vaguement l’origine de ce personnage dans « la région minière chypriote ou phénico-syrienne »27. O. Masson, en se fondant sur le ductus sinistroverse, sur l’origine du nom et sur sa transcription, a estimé pour sa part qu’il était « d’origine syrienne »28, ce qui l’a amené à supposer l’existence dans l’onomastique syro-araméeenne et en particulier palmyrénienne de la forme YḤNBL ou ḤNBL qui aurait été transcrite Ιανιβηλος29. Mais si on accepte de dater ce monument de l’époque hellénistique, le parallèle palmyrénien devient plus fragile car il est peu probable qu’un Palmyrénien ait pu se trouver dans la région du Laurion à l’époque hellénistique30. Les seuls
Fig. 3 : Stèle IG II2 11697 de Thorikos (croquis de l’auteur d’après : Masson 1976, pl. XII et Peek 1954-1957, n. 116, p. 32).
anthroponymes susceptibles d’avoir été à l’origine de la transcription grecque sont à notre avis puniques : le nom YḤNBᶜL qui ne semble pas attesté en Orient est en revanche documenté dans le monde punique31, à côté d’un autre anthroponyme possible, ḤNBᶜL32. De plus, une tessère d’hospitalité provenant de Lilybée, datée du IIe siècle avant J.-C. et également étudiée par O. Masson, mentionne un nom très proche de Ιανιβηλος : Ινιβαλος33. Dans un contexte comme celui de Thorikos, il serait illusoire de considérer que les règles de vocalisation et donc de transcription des anthroponymes étrangers étaient strictement observées34. De ce fait, il nous paraît plus vraisemblable de considérer que le nom Ιανιβηλος/Ινιβαλος est la transcription grecque
IG II2 11697 ; SEG XIII 207 ; SEG XXVI, 365 ; SEG XXIX 256 ; Peek 1954-1957, n. 116, p. 32 ; Lauffer 1955-1956, n. 17, p. 125 et 133135 ; Masson 1976, p. 97 ; Robert, Robert 1977, n. 181, p. 343 (voir aussi https://epigraphy.packhum.org/text/290499 et https://epigraphy. packhum.org/text/14190). 23 Lauffer 1955-1956, p. 134 et note 6 ; Masson 1976, p. 97 et note 7. 24 Robert, Robert 1977, p. 343. 25 Voir Lauffer 1955-1956, p. 133-135 ; Robert, Robert 1977, p. 343 ; SEG XXIX, 256. 26 Masson 1976, p. 97. 27 Lauffer 1955-1956, p. 134, suivi par Robert, Robert 1977, p. 343. 28 Masson 1976, p. 97. 29 Masson 1976, p. 98. 30 Palmyre est en effet absente de nos sources au premier millénaire avant J.-C. ; elle ne réapparaît pas avant l’époque hellénistique (Teixidor 22
1984, p. 8 ; Sartre-Fauriat, Sartre 2008, p. 34-36). 31 Voir Halff 1965, s.v. Cet anthroponyme est à l’heure actuelle uniquement attesté dans les inscriptions carthaginoises (6 occurrences, voir Ferjaoui 1993, p. 312). 32 Voir Halff 1965, s.v., attesté 312 fois, uniquement en Occident (Ferjaoui 1993, p. 312). 33 Masson 1976, p. 93-96 = IG XIV 279. L’auteur semblait estimer que le nom punique à l’origine de cette transcription était ᵓDNBᶜL (généralement transcrit Adonibaal). 34 J. et L. Robert écrivaient d’ailleurs : « … une écriture aussi malhabile (d’un camarade de Ianibélos, supposait L[auffer] justement, comme d’autres inscriptions du Laurion, qui ne sont pas gravées par des professionnels) … » (Robert, Robert 1977, p. 343).
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Traces archéologiques et épigraphiques carthaginoises en Égée du nom phénico-punique ḤNBᶜL (plus que YḤNBᶜL, moins répandu) et qu’il y a de fortes présomptions pour que Ianibêlos soit un esclave punique, peut-être originaire de Carthage et employé dans les mines du Laurion. Les Carthaginois de Délos Plusieurs témoignages épigraphiques, provenant de Délos et de sa nécropole établie sur l’île de Rhénée, attestent la présence de Carthaginois sur l’île. Celle-ci est particulièrement visible sous la troisième domination athénienne, lorsqu’à partir de 167 avant J.-C., c’est-à-dire près de deux décennies avant la destruction de Carthage, Délos est repeuplée par des Athéniens et des étrangers de diverses origines35. Les Carthaginois ou les personnes d’origine carthaginoise semblent se maintenir à Délos après la destruction de Carthage comme le suggère le cas d’Eisias/Isias, une résidente de Délos inhumée à Rhénée vers la fin du IIe siècle avant J.-C.36 Son épitaphe est gravée sur un cippe funéraire rarement reproduit dans les publications (fig. 4)37. 1.
Εἰσιὰς Ἑρμίου Καρχηδονία χρηστὴ χαῖρε.
La photographie de la pièce permet de rappeler que l’inscription se développe sur deux lignes seulement38 et surtout de relever quelques détails iconographiques
Fig. 4 : Cippe de marbre blanc portant l’inscription IG II2 8994 (= EAD XXX 420), Ile de Rhénée, fin du IIe siècle avant J.-C. (ou Ier siècle après J.-C. ?), Musée épigraphique d’Athènes (EM 1942), (cl. Archives photographiques du Musée épigraphique d’Athènes).
35 Parmi ces témoignages, on mentionnera en premier lieu une attestation antérieure au IIe siècle puisqu’elle apparaît dans l’inventaire de 279 avant J.-C. Elle conserve le souvenir de l’offrande de deux couronnes d’or, l’une pour le temple d’Apollon et l’autre pour le temple d’Artémis. L’auteur de cette offrande, un certain Iômilkos (=> Yeḥimilk ?) est qualifié dans les inventaires suivants de Carthaginois et de Basileus, titre habituellement utilisé pour désigner les Suffètes carthaginois dans les sources grecques (voir Masson 1979 ; Baslez 2000, p. 197-200 qui conteste l’origine carthaginoise du personnage ; Chandezon, Krings 2001, p. 42-44). On signalera également un certain Βαλίτων (=> Baalyaton) qui figure sur une double liste de dédicants aux dieux égyptiens datée de l’époque de la domination athénienne (IG XI, 4, 1228 et 1229, ligne 11. Voir Masson 1971, p. 61-62 ; Tréheux 1992, s.v.). Peu avant 153 avant J.-C., un Ἅννων (=> Hannon), offre un kaliadion (étui) en ivoire au temple d’Apollon (ID 1417, B, II, 9 ; ID 1429, A, II, 26-27 ; ID 1432, Ab, I, 52 ; ID 1443, A, I, 134. Voir Tréheux 1992, s.v. ; Baslez 2000, p. 200-201 ; Chandezon, Krings 2001, p. 44 et notes 43-45). On notera que dans ce dernier cas, Hannon a été qualifié – par erreur selon toute vraisemblance – de Καλχηδόνιος (Chalcédonien). Enfin, un certain Mάγων (=> Magon), anthroponyme typiquement carthaginois, plusieurs fois attesté dans les sources épigraphiques et littéraires, figure dans une liste de souscripteurs du Serapeion de Délos du début du Ier siècle avant J.-C. (ID 2618, b, II, 35 ; Tréheux 1992, s.v.). Le personnage est associé à un certain Tycharos et les deux ne portent ni patronyme, ni ethnique. On peut penser à la suite de M.-F. Baslez qu’il s’agit d’esclaves (Baslez 2000, p. 201-202. Voir aussi Masson 1971, p. 64-65 ; Chandezon, Krings 2001, p. 45 et note 46). Concernant les Numides à Délos, voir Launey 1935 ; Baslez 1981. 36 Bruneau 1970, p. 646-647 ; EAD XXX 420 ; Tréheux 1992, p. 42 (voir également https://epigraphy.packhum.org/text/215389?hs=79-88). La même inscription est répertoriée dans les Inscriptiones Graecae sous le numéro IG II2 8994 (https://epigraphy.packhum.org/text/11418?&boo kid=5&location=7). Concernant la datation proposée, voir Baslez 2000, note 52, p. 201. Ailleurs, le monument est daté de l’époque impériale (Ier siècle après J.-C.) : IG II2 8994 ; Osborne, Byrne 1996, p. 83. 37 L’objet, en marbre blanc, est actuellement conservé au Musée épigraphique d’Athènes (EM 1942), voir Baslez 2000, note 51, p. 201. Nous n’avons malheureusement pas pu y accéder afin d’en relever les dimensions. 38 Contrairement à ce qui est reproduit dans EAD XXX 420, p. 193.
remarquables : M-F. Baslez avait relevé que la présence d’une couronne de feuillages sous le texte suggérait que le monument était d’inspiration punique car cela « ne se produit jamais sur les stèles funéraires grecques »39. Ce n’est pas la seule particularité de ce monument ; on observe aussi un décor de demi-merlons à degrés aux angles qui n’est pas sans rappeler le décor des frises du temple d’Amrit, daté de l’époque perse40 et surtout celui d’une série d’autels votifs datés des Ier-IIe siècles après J.-C. et provenant de la région de Byblos41. Ainsi, sans nécessairement proposer une filiation précise pour le décor de ce monument, on constate tout de même qu’il affiche des caractères allogènes aux usages grecs. Pourtant, arguant que l’anthroponyme et le patronyme de la jeune fille n’étaient pas puniques, certains chercheurs ont contesté son origine carthaginoise en suggérant une confusion du lapicide. Il aurait ainsi gravé un rhô au lieu d’un lambda avec pour conséquence un ethnique carthaginois (Καρχηδονία) plutôt que chalcédonien (Καλχηδονία)42. Cette confusion, due à la proximité des prononciations du rhô et du lambda, est en effet attestée 39 40 41 42
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Baslez 2000, p. 201. Dunand, Saliby 1985. Voir Gubel et al. 2002, n. 58, p. 70-71 et n. 63, p. 75. Voir Chandezon, Krings 2001, p. 46.
Hédi Dridi dans les sources littéraires et épigraphiques43. Mais cela justifie-t-il pour autant les corrections qui sont quasisystématiquement proposées lorsqu’un personnage au nom grec est qualifié de carthaginois ?44 Les Carthaginois, comme les Phéniciens installés en Grèce n’hésitaient pas à adopter les anthroponymes en usage dans leur cité d’accueil en traduisant leur anthroponyme originel (métonomasie), en lui trouvant un équivalent local ou en prenant un nom qui devait leur paraître assonant, ou du moins attractif.45 Ce fut peut-être le cas d’Eisias/ Isias et de son père Hermias, dont les noms suggèrent une dévotion respectivement à Isis et à Hermès. Leurs noms grecs pourraient résulter d’une traduction (plusieurs anthroponymes phéniciens et puniques en Isis comme ‘SBRK = Isis a béni sont attestés) ou d’une équivalence de noms propres puniques. Fig. 5 : Fac-similé de l’inscription SEG XXIV 1098 d’Istros (d’après Lambrino 1927-1932, fig. 17, p. 402).
Les témoignages céramologiques susceptibles de documenter la présence carthaginoise à Délos ne sont pas nombreux. On signalera un timbre amphorique connu depuis le XIXe siècle. L’inscription est du « type le plus ancien de l’écriture néo-punique » selon Philippe Berger qui précise que le fragment était « en terre grisâtre »46. Le texte donne un nom typiquement carthaginois (ᶜZRBᶜL => Asdrubal), suivi à la deuxième ligne d’un terme au sens indéterminé47. Les commentateurs ont assigné à ce témoignage une date postérieure à la chute de Carthage sur la foi de l’usage de l’écriture néopunique. Or, cela n’est pas assuré car le néopunique est attesté à Carthage avant la destruction de la cité48. De fait, il paraît difficile de prendre position sans l’identification de l’amphore à laquelle appartenait le timbre.
centrale et occidentale permettra de livrer de nouveaux témoignages sur les relations entre Carthage et Délos, en particulier durant le IIe siècle avant J.-C. Un Carthaginois en mer Noire Les rives de la mer Noire, aussi éloignées qu’elles puissent être du monde punique furent également touchées directement ou indirectement par le commerce carthaginois si l’on en croit un certain nombre de témoignages : masques polychromes en pâte de verre d’Olbia du Pont et de Panticapée50, amphores de type Mañá C1/2 également à Olbia du Pont51, sans parler de possibles graffitis puniques à Phanagoria52. Ces témoignages mériteraient un réexamen afin de s’assurer de leurs origines et de leurs chronologies. Nous nous limiterons ici au cas d’Istros, colonie milésienne située à l’embouchure du Danube53.
Une révision du matériel amphorique ‘punique’ de Délos serait sans doute très fructueuse. Samuel R. Wolff indique en effet que plusieurs exemplaires complets d’amphores de type Mañá C1/2 non publiés sont conservés au Musée de Délos et que d’autres amphores relevant de ce type sont réemployées dans les canalisations (Maison des Comédiens)49. On peut espérer que leur examen à l’aune des acquis récents de l’amphorologie en Méditerranée
Ce site retient en effet l’attention car, outre des témoignages levantins et chypriotes d’époque archaïque54, il a livré une inscription gravée sur une stèle en marbre aux environs de 200 avant J.-C. Le texte reproduit un décret célébrant un marchand de blé qualifié de carthaginois : Καρχηδόν[ιος] (fig. 5)55. Le nom de ce marchand ne s’est pas conservé mais celui de son père, [Διοσκου]ρίδης (=> Dioscouridès ?), témoigne peut-être de ce phénomène de métonomasie évoqué plus haut et pourrait correspondre à un nom punique théophore en Baal.
43 La même question s’est posée à propos de Boéthos le Carthaginois, sculpteur mentionné par Pausanias, dans sa description de l’Héraion d’Olympie (V, 17, 4). Les différents éditeurs du texte ont préféré traduire l’ethnique de Boéthos par Chalcédonien, voir Picard 1952. 44 Outre ce cas, l’ethnique carthaginois d’une certaine Satyra mentionnée sur une inscription funéraire du Pirée (IG II² 8995 ; https://inscriptions. packhum.org/text/11419?&bookid=5&location=7) est également discuté (Chandezon, Krings 2001, p. 46). De même pour l’ethnique figurant sur le décret d’Istros (voir ci-dessous). En revanche, et dans la mesure où nous ne disposons pas d’exemples épigraphiques de Grecs ayant adopté un nom punique, les corrections dans l’autre sens (Καλχηδόνιος => Καρχηδόνιος) sont admises lorsque le personnage porte un nom clairement carthaginois. C’est le cas du Hannon mentionné plus haut (ID 1417). 45 Voir à ce sujet Amadasi Guzzo, Bonnet 1991. 46 Berger 1887, p. 294. 47 A la suite de J.-B. Chabot, les commentateurs ont repris l’idée d’un anthroponyme libyque à la deuxième ligne (Chabot 1917, p. 563 et par suite Baslez 2000, p. 200 ; Chandezon, Krings 2001, note 53, p. 46). Mais il faut rappeler que la proposition de J.-B. Chabot était hypothétique. 48 Amadasi Guzzo 1995, p. 26-27. 49 Wolff 2004, p. 453 et fig. 2.
Seefried 1982, notamment p. 43-45 et Annexe I, p. 163-164 (Russie méridionale). 51 Lawall et al. 2010, p. 397-398 ; Lungu 2014, p. 30. 52 Morel 2002-2003, p. 333. Voir également Gorokhovskaia, Tsirkin 2005. 53 La colonie a semble-t-il été fondée dans le dernier quart du VIIe siècle avant J.-C. 54 Alexandrescu Vianu 2004 ; Alexandrescu Vianu 1994. Voir également Bouzek 2000. 55 SEG XXIV 1098 ; Lambrino 1927-1932, n. 3, p. 400-406 ; ISM I, n° 20, p. 105-107. Voir également Lungu 2014, p. 21-22. 50
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Traces archéologiques et épigraphiques carthaginoises en Égée Si les éditeurs ainsi que les premiers commentateurs du texte n’ont pas mis en cause l’origine de ce marchand56, on a récemment suggéré une erreur de lapicide dans ce cas également (rhô au lieu de lambda pour Καλχηδόνιος)57. Les deux arguments qui sont généralement avancés dans ce cas sont ceux du nom qui apparaît comme totalement grec et la distance entre Istros et Carthage. Or, nous avons vu que le premier argument n’en était pas un car les témoignages épigraphiques attestent l’usage de noms grecs par les Carthaginois et les Phéniciens. Quant au second, il nous paraît assez peu pertinent dans la mesure où il est contredit par les témoignages archéologiques qui semblent conforter la réalité de relations (directes ou indirectes) entre Carthage et les sites nord-pontiques durant les IIIe-IIe siècles avant J.-C. Outre les pièces mentionnées plus haut, on peut ajouter un type de coupes apodes qui ne semble être attesté qu’à Carthage et à Lattes d’une part et à Istros et Olbia d’autre part58. Pour notre part, nous hésiterions avant de corriger le lapicide. Louis Robert rappelait que l’invocation d’erreurs de lapicides était un « procédé dangereux, qui tranquillise rarement l’esprit et qui est le plus souvent condamné par les découvertes ultérieures »59.
de précieuses informations qui complètent, confortent et nuancent les enseignements que l’on peut tirer des seules inscriptions.
Conclusion
EAD XXX = Couilloud M.-T. (1974), Les monuments funéraires de Rhénée, Paris, EFA/De Boccard (Exploration Archéologique de Délos XXX).
Il reste à espérer que dans un futur proche, l’examen (ou le réexamen) des amphores d’Athènes, de Délos ou de mer Noire par des équipes familiarisées avec la production du bassin occidental de la Méditerranée60 permettra des déterminations d’origines et de dates plus assurées (en particulier pour la série des Mañá C1/2) et fournira ainsi de nouveaux éléments susceptibles de nourrir la réflexion sur la mobilité des Carthaginois et plus généralement des Puniques ainsi que sur la diversité des réseaux commerciaux qu’ils animent. BIBLIOGRAPHIE Corpora épigraphiques, recueils et index onomastiques CIS I = AA. VV. (1881-1946), Corpus Inscriptionum Semiticarum. Pars prima, Inscriptiones Phoenicias continens, Paris, Académie des Inscriptions et BellesLettres.
À l’issue de cette revue forcément partielle des témoignages permettant d’appréhender la présence carthaginoise dans le bassin égéen, il apparaît que celle-ci touche plusieurs sites de la mer Égée et de la mer Noire entre le Ve siècle et le IIe siècle avant J.-C. Ce dernier siècle mériterait davantage d’investigations dans la mesure où, à cette époque, Carthage soulagée de l’effort de guerre à l’issue de la bataille de Zama en 202 avant J.-C., fait preuve d’un notable dynamisme commercial qui lui assure l’opulence et lui permet même de proposer le remboursement anticipé des indemnités de guerre à Rome (Tite-Live XXXVI, 4, 7). On peut suggérer qu’à l’ombre de la puissance romaine, les commerçants et entrepreneurs carthaginois ont pu développer leurs affaires en s’implantant à Délos et en ouvrant de nouveaux marchés sur les rives de la mer Noire. Les Carthaginois semblaient en tous les cas fréquenter cette zone si l’on en croit Tite-Live lorsqu’il affirme qu’en 191 avant J.-C., Carthage a approvisionné en blé l’armée romaine en campagne en Macédoine (XXXI, 19, 2 ; XXXVI, 4, 5).
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56 Cette lecture s’impose en effet en raison de la netteté de la gravure, voir ISM I, n° 20. 57 Voir Avram 2007, p. 85-86 et déjà Chandezon, Krings 2001, p. 45-46. 58 Voir Lungu 2014. L’auteure rappelle par ailleurs que le matériel amphorique d’époque hellénistique d’Istros reste en attente de traitement (note 78, p. 30). 59 Robert 2007, p. 76. Voir également p. 114.
Ainsi, Mark Lawall reconnaissait avec humilité sa connaissance rudimentaire des productions occidentales (Lawall 2006, note 35, p. 269). 60
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TRENTE ANS D’APPORTS DE L’ÉTUDE DES AMPHORES IMPORTÉES AU LEVANT SUD HELLÉNISTIQUE Gérald Finkielsztejn Résumé Le Levant sud a importé des amphores de l’ensemble de la Méditerranée, de l’Egée et de la Mer Noire, aux IIIe-milieu du Ier s. av. J.-C. principalement. Des classes d’amphores timbrées et datées déterminent les périodes d’activités des sites consommateurs – ports, grandes cités, ainsi que des implantations administratives, agricoles, de redistribution ou de garnison –, ou des termini en relation avec des événements historiques : sièges, destructions ou conquêtes. Certaines datations remettent en question certains récits de destructions et d’abandons intenses attribués aux Maccabées. En revanche, les conquêtes par les Hasmonéens sont confirmées ou leur datations affinées. Cette présentation est l’occasion pour l’auteur de mettre à jour des articles publiés précédemment. Mots-clés : Levant sud, amphores, importations, chronologie, Égée, mer Noire, Méditerranéen, période hellénistique Abstract The southern Levant imported amphorae from the entire Mediterranean, the Aegean and the Black Sea, in the third-middle of the first c. BC. mainly. Stamped and dated amphora classes determine the periods of activity of consumer sites – ports, large cities, as well as administrative, agricultural, redistribution or garrison settlements – or termini in relation to historical events: sieges, destructions or conquests. Some dating question some literary accounts of extensive destruction and abandonment, attributed to the Maccabees. On the other hand, conquests by the Hasmoneans are confirmed or their dates refined. This presentation is an opportunity for the author to update previously published articles. Keywords: Southern Levant, amphoras, imports, chronology, Aegean, Black Sea, Mediterranean, Hellenistic Period
Pour Jacqueline Balensi avec toute ma reconnaissance et ma profonde amitié.
choisi le parti de faire ici une mise à jour rapide de mes contributions passées, sous forme de corrigenda-addenda.
Cet article a pour but de présenter certaines des avancées concernant l’étude des amphores importées au Levant sud hellénistique, à laquelle l’auteur de ces lignes à consacré une bonne partie de sa carrière durant trente ans1. J’ai
La région A l’époque hellénistique, le Levant, situé le long de la côte est de la Méditerranée orientée nord-sud, était constitué par la Syrie au nord, la Phénicie au centre et la Cœlé-Syrie au sud. En témoigne la dénomination administrative de la satrapie de Koilē Syria kai Phoinikē dans les textes. Le terme moderne de « Levant Sud » pour les époques classiques a l’intérêt d’être à la fois descriptif et d’englober les entités ethno-géographiques qui le composaient2, qui
1 L’occasion de mon premier contact avec les amphores, m’a été offerte par Jacqueline Balensi, alors que nous nous trouvions à l’École Biblique et Archéologique de Jérusalem, sise au Monastère des Dominicains de Saint-Etienne, au nord de la vieille Ville de Jérusalem, en 1986. Jacqueline, membre du CNRS, y travaillait sur le site de Tell Abu Hawam, dans ce lieu qu’elle fréquentait depuis 1972, année de son obtention d’une bourse du Ministère des Affaires étrangères français, attribuée par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, qui lui permit de rédiger un mémoire qui lançât les recherches pour sa thèse. J’étais son lointain successeur dans les mêmes conditions, et rédigeais un mémoire de Licence de très « ancien régime » sur les « Cultes païens à l’époque hellénistique en Palestine » (titre tout à fait anachronique puisque la Palestine en tant qu’entité administrative officielle n’a été créée par l’empereur Hadrien que 165 années après la fin de l’époque hellénistique ; voir note 2). Jacqueline me proposa de faire un mémoire sur les phases tardives de Tell Abu Hawam, le niveau II perse-hellénistique, ce qui fut fait l’année suivante, grâce à un renouvellement de ma bourse AIBLMAE. Le matériel à étudier comportait 19 anses d’amphores timbrées (Finkielsztejn 1989, p. 229-230, fig. 9). L’année de la publication
de la note résumant mes résultats, ma bourse fut renouvelée pour un mémoire posant les bases de ma thèse, incluant le catalogue des timbres amphoriques de Samarie, et je fus invité par le regretté Amos Kloner à publier les amphores et leurs timbres du projet des fouilles de la Maresha hellénistique qu’il venait de débuter. Ceci me permit d’étudier 95% des classes d’amphores importées (Finkielsztejn 2000a). 2 Sartre 1988. La Phénicie recouvrait le Liban actuel, du fleuve Éleuthère jusqu’aux « Échelles de Tyr » (aujourd’hui Rosh haNikrah). Le Levant sud s’étendait de ces dernières, au nord, jusqu’à la frontière de l’Égypte, au niveau de Raphia, au sud, et du littoral Méditerranéen, à l’ouest, à la partie fertile de la Transjordanie. Ses territoires ethno-
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Gérald Finkielsztejn ont été intégrées aux deux plus grands royaumes issus du partage de l’empire d’Alexandre. Les cités de Phénicie ont bénéficié d’une certaine autonomie, principalement administrative et commerciale. La domination par les Ptolémées d’Égypte a duré de 301 à 198 av. J.-C., jusqu’à la frontière de la Syrie séleucide. Le roi séleucide Antiochos III, régnant en Syrie, en Asie Mineure et sur le Moyen-Orient jusqu’aux confins de l’Inde, a conquis ces territoires entre 200 et 198 av. J.-C. et la dynastie séleucide les a administrés jusqu’à la création progressive de l’État Hasmonéen issu de la révolte des Maccabées de Judée. Cette dernière sera élargie, à partir de 111 av. J.-C., par les conquêtes des entités ethno-géographiques périphériques menés par les principaux dirigeants de la dynastie hasmonéenne, Johanan-Jean Hyrcan Ier3, JudasAristobule Ier et Jonathan-Alexandre Yanaï, et demeurera autonome jusqu’en 70 ap. J.-C., fin de la Première révolte juive contre Rome. La période hellénistique a favorisé les échanges en Égée, en Méditerranée centrale et orientale, puis dans l’ensemble du bassin, ainsi qu’en mer Noire, selon une ampleur et un cadre commercial comparables à ce que nous nommons aujourd’hui la « mondialisation ». Le développement de cette nouvelle ère – dont la chronologie s’étend sur les trois derniers siècles avant l’ère chrétienne (301-30 av. J.C.) – est dû à trois facteurs principaux : • la poursuite d’échanges entre l’Égée et la Méditerranée orientale de la période classique grecque/perse achéménide, mais avec des modifications et réorientations des provenances, comme la diminution progressive des importations du nord de l’Égée, notablement de l’île de Thasos, qui disparaissent vers 170 av. J.-C. ; • l’étendue de l’empire formé par Alexandre, dont la partition a donné naissance à des royaumes étendus, lesquels ont favorisé et élargi les activités commerciales des cités grecques traditionnelles, et pour certaines les ont initiées ; • l’extension progressive de l’ingérence politique de Rome dans les affaires du Monde grec et du Levant, dont ont bénéficié la production et la commercialisation des produits de ces régions, mais également celles de l’Italie, de la Péninsule ibérique et de l’Afrique du Nord, au fur et à mesure de la « montée de Rome » et la création de l’Empire romain.
Carte 1 : Principaux sites du Levant sud hellénistique (© IAA).
poissons et sauces dérivées, et fort probablement le miel. Leurs exportations reposaient autant sur des nécessités que sur les qualités variables de ces produits. En effet, des zones de production de vin ou d’huile locaux, comme la mer Noire, l’Égypte ou le Levant, importaient les mêmes produits, venus principalement de l’Égée, suivis par ceux de la Méditerranée occidentale. Ces flux étaient influencés par la composition socio-économique des régions d’importations – notamment les classes aisées dans les villas desquelles on a retrouvé les principales productions de vins et d’huiles de l’époque –, mais également les développements liés à l’expansion de Rome. L’influence politique de celle-ci a favorisé l’installation de commerçants Italiens en Égée, dès 167 av. J.-C. (l’île de Délos déclarée port franc par les Romains), contemporaine des débuts de la révolte des Maccabées.
Le premier indice matériel de ce phénomène est constitué par les amphores qui transportaient des produits à la consommation répandue, tels que le vin, l’huile, les
Les sites principaux (Carte 1) Les explorations des sites urbains du Levant sud qui ont procuré des quantités notables d’amphores importées remontent à 1898-1899, avec Tell Sandahannah-Maresha (Bliss, Macalister 1902) et se sont poursuivies durant tout le XXe siècle. S’est ajouté un nombre significatif de sites « mineurs » par leur surface ou leur absence dans les sources textuelles à partir de 1990, année du remplacement du Service des antiquités et musées
topographiques comportaient, du sud au nord, la Nabatène occidentale du Néguev, l’Idumée de la vallée fertile de la Shéphéla, au nord du Néguev – colonisée par des Édomites de Transjordanie depuis l’époque perse achéménide –, la Judée et la Samarie montagneuses, la large vallée du Sharon le long du littoral constituée par des cités portuaires – administrées par des Phéniciens de Tyr et Sidon depuis l’époque perse achéménide – la Galilée cosmopolite, dont le nord était sous influence tyrienne –, et, enfin, l’Iturée arabe du Golan et ses alentours. 3 Finkielsztejn 1998.
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Trente ans d’apports de l’étude des amphores importées au Levant Sud hellénistique d’Israël par la Direction autonome des Antiquités d’Israël, et l’augmentation des fouilles programmées et surtout des fouilles préventives.
Égypte (Finkielsztejn 2000a, p. 212, pl. 110f). Les amphores déjà connues ont été présentées dans Finkielsztejn 2000b, p. 141 (sous BPt1, corriger fig. 9, 22), et 2007.
On peut répartir ces sites en fonction de leur taille et de leurs fonctions :
Amphores de l’Égée (Carte 2a) Rhodes. La chronologie de la production la plus représentée au Levant sud (90-95%) a fait l’objet de progrès significatifs résumés ci-dessous (Les timbres amphoriques).
• les grandes villes/cités portuaires, du nord au sud : Akko-Ptolémaïs (Saint-Jean-d’Acre), Dor, la Tour de Straton (Césarée Maritime), Ioppé (Jaffa), Azotus (Ashdod), Yamnia (Yavné), Ascalon (Ashkelon) et Gaza ; • les grandes cités de l’intérieur : Philotéria (Tel Beit Yerakh), Scythopolis-Nysa (Beit Shean), Samarie, Sichem (Naplouse), Gezer, Jérusalem, Marissa (Tell Sandahannah, Maresha) ; • des établissements ruraux, des centres administratifs et de redistribution : Tel Anafa, Kydissos (Tel Kedesh), Khirbet el-Eika, Mazor-El Ad, Ascalon-Barnea.
Cnide (Finkielsztejn 2000a, p. 212, pl. 110g). A côté des timbres du IIe siècle, ceux du IIIe siècle sont bien représentés grâce au développement des fouilles en Galilée et dans les ports de la côte israélienne (Ascalon, Jaffa, et spécialement Akko ; Finkielsztejn, plusieurs catalogues en préparation). Cos – Dressel 4. Dans tous les sites où elles sont présentes, elles conservent leur deuxième position loin derrière Rhodes. Une liste des timbres trouvés au Levant a été publiée dans Finkielsztejn 2004, à compléter : Ἀρατι( et Εὔνους (Kiryat Ata) ; Βότρυος, Καλλ( , Σώπατρος + Π et Rose de Rhodes (Akko) ; Πασίας (Nysa-Scythopolis) ; Μάνης (Gezer). Cf. les Dressel 24, ci-dessous.
Les classes d’amphores et leurs origines4 En 1998 je présentai les classes d’amphores hellénistiques étudiées depuis 1989, essentiellement de Maresha. Les recherches dans les régions d’origine ont permis de préciser la définition de certaines de ces classes, et plusieurs connues sont maintenant chronologiquement représentées plus précocement, grâce à l’extension des fouilles en Galilée et dans les ports. Ce paragraphe est une mise à jour de deux articles principalement : Finkielsztejn 2000a, p. 207-214, et Finkielsztejn 2002, p. 230, fig. 25. Aujourd’hui, pour quasiment toutes les classes importées, en particulier celles peu ou pas timbrées, l’identification de leur origine et leur datation par portions de siècles reposent sur les découvertes de dépotoirs d’ateliers de potiers, la morphologie du récipient et la composition microscopique et chimique des pâtes céramiques. Grâce à cette dernière études, des koina, associant les cités d’une région plus ou moins vaste ayant adopté une classe d’amphore commune, sont identifiées régulièrement.
Éphèse – « Groupe de Nikandros ». Mark Lawall a démontré que ces amphores proviennent d’Éphèse (Lawall 2004 ; cf. ci-dessous, Apports des contextes). Il faut donc corriger Finkielsztejn 2000a, p. 210, et 2004, p. 157-158. Attestation de trois nouveaux noms : Κυαμη, Μόσκειος et Ἒνους? Chios (Finkielsztejn 2000a, p. 210, pl. 110b). La présence régulière des amphores de Chios se confirme (Cf. les Dressel 24, ci-dessous). Un timbre rare est en cours d’étude pour un article collectif en préparation (Killebrew, Finkielsztejn, Shalev, Stefanaki, à paraître). Dressel 24 (Finkielsztejn 2000a, p. 210, pl. 109f-h, 212, pl. 109g, 213, pl. 111a ; 2004, p. 158 ; Finkielsztejn 2002, p. 230, fig. 2, « Glob(ulaires). »). Les amphores que je décrivais comme « Une nouvelle classe d’amphore [de Chios] », Amphores « “Pseudo-Nikandros” » ou peutêtre « Nouveau Type [de Cos] », appartiennent à la classe des Dressel 24 – Proto-Dr. 24 ou Dr. 24 Similis ou (de préférence) Dr. 24-Predecessors hellénistiques – produites le long de la côte ouest de l’Asie Mineure, et dont la caractéristique principale est la lèvre évasée et convexe en « bol », et une panse ovoïde, avec plusieurs variantes, probablement selon leurs lieux de production (autre variante de Maresha : Ariel-Finkielsztejn 2003, p. 146, Un 1 ; Opaiţ 2007, p. 629-630, fig. 4 ; 20a-b, 22 ; 2010, p. 157158, pl. 7, 6-10, pl. 91, 4-6 ; 92, 3 ; Opaiţ-Tsaravopoulos 2011, p. 306-316).
Amphores de Méditerranée orientale (Carte 2b) Pamphylie (Finkielsztejn 2000a, p. 212, pl. 110g). Le corpus des timbres a été publié (Brixhe 2012) et l’onomastique confirme que le timbrage a bien commencé au moins dans le dernier quart du IIe s. av. J.-C., comme démontré à Marissa. Une trouvaille récente ajoute une matrice au corpus. Chypre (Finkielsztejn 2000a, p. 211, pl. 110a). Un corpus des timbres trouvés en Israël a été publié (Finkielsztejn 2013a).
Thasos et Égée du Nord (Finkielsztejn 2000a, p. 211). Le faciès chronologique des timbres de Thasos n’est pas modifié. Le résumé d’une communication a été publié (Finkielsztejn 2013b). La chronologie des timbres de Thasos a été récemment mise à jour (Tzochev 2016).
Dans un souci de concision, les commentaires sont réduits au minimum, accompagnés de références à des publications qu’il est nécessaire de consulter pour les illustrations notamment. 5 Tous mes articles cités parus peuvent être consultés sur ma page https://antiquities.academia.edu/GeraldFinkielsztejn 4
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Gérald Finkielsztejn
Carte 2a : Sites d’importations d’amphores de mer Egée vers le Levant sud hellénistique (© Interactive Ancient Mediterranean).
Akanthos (Finkielsztejn 2000a, p. 212). Les timbres « à la roue », dont un unique exemplaire est connu à Jaffa, sont maintenant attribués à Akanthos et on fait l’objet d’une typologie exhaustive (Garlan 2006 ; Finkielsztejn 2012, p. 77-79).
Gréco-Italiques, Pré-Lamboglia 2 et Dressel 1 (Finkielsztejn 2000a, p. 213-214). Situation inchangée. Sicile – Amphores « Tubulaires » (Finkielsztejn 2000a, p. 212, pl. 110g). L’attribution à la Sicile a été démontrée (Botte 2012 – qui lui attribue le type T-7.6.3.1 des amphores puniques, selon Ramon Torres – ; pour celles du Levant p. 589-592, 595-597, dans la note 154 ajouter à Finkielsztejn 2006, 2014, p. 217-218, pour le dipinto).
Paros (Finkielsztejn 2000a, p. 212, pl. 110c). Pas de nouveaux timbres. Amphores de mer Noire (Carte 2b)
Ovoïdes républicaines (Finkielsztejn 2000a, p. 212, pl. 110g). De nombreux exemplaires de diverses variantes trouvées à Mazor sont présentés, avec ceux d’autres sites, dans une contribution au colloque consacré à cette classe (Finkielsztejn à paraître a ; pour la chronologie, cf. cidessous, Apports des contextes).
Sinope et Chersonèse (Finkielsztejn 2000a, p. 212). Les timbres de Mer Noire trouvés au Levant sud ont été publiés dans Finkielsztejn 2011. Amphores de Méditerranée occidentale (Carte 2b)
Maña C1/2 (Finkielsztejn 2000a, p. 212, pl. 110g). Aucun exemplaire nouveau.
Brindes (Finkielsztejn 2000a, p. 213, pl. 111b-e, 112a). Deux des ateliers les plus importants de production d’amphores de Brindes timbrées, Giancola et Apani, d’où sont originaires celles du Levant sud, ont fait l’objet de monographies (Manacorda-Pallecchi 2012 ; Palazzo 2013 ; cf. ci-dessous, Apports des contextes).
Amphore à « anses côtelées ». Il s’agit d’une classe d’amphore nouvelle au Levant sud, au profil rappelant les amphores du sud-ouest égéen du milieu IIe siècle, 126
Trente ans d’apports de l’étude des amphores importées au Levant Sud hellénistique
Carte 2b : Sites d’importations d’amphores de Méditerranée et de mer Noire vers le Levant sud hellénistique (© Interactive Ancient Mediterranean).
non timbrée et dont la particularité essentielle est la présence d’une côte centrale sur la face externe de l’anse. Deux exemplaires, présentant des variantes, ont été découverts, une amphore complète à Khirbet elEika (Haute Galilée) et une partie supérieure complète à Ascalon-Barnea.
de certains éponymes et j’expose ici ma réflexion qui en découle, chronologiquement (le Tableau 1, ci-dessous, présente les modifications liées à ce qui suit). D’abord, les trouvailles d’ateliers de production dans la Pérée rhodienne (Turquie) et leur analyse a conduit à identifier deux éponymes différents sous les noms de Φιλώνδας et Φιλωνίδας des timbres (Cankardeş-Şenol, Şenol, Doğer 2004, p. 354 ; Cankardeş-Şenol, Canoğlu 2009, p. 147, note 125), ce que Badoud refuse (2015, p. 161, note 63) mais que j’accepte et place respectivement ca. 233 et 219 av. J.-C. (Finkielsztejn 2001a, p. 191, Tableau 18). Φιλώνδας n’apparaissant pas avec la mention du mois, en conséquence la date de l’apparition du mois sur les timbres sera certainement relevée. Badoud a démontré que :
Les timbres amphoriques La chronologie des timbres déjà identifiés à évolué pour certaines classes représentées au Levant sud (Rhodes, Ephèse, Thasos, Sinope) et stagné pour d’autres (Cnide, Cos, Chypre). Etant donné que les amphores rhodiennes sont les plus nombreuses à avoir été importées au Levant sud, je ne résume ici qu’une mise à jour de la chronologie des éponymes de la cité, laquelle est une des plus avancées des séries de timbres.
1. l’éponyme Θευφάνης II datait de l’année 199 av. J.-C., 2. seuls deux éponymes du nom de Φιλόδαμος avaient daté des timbres, le premier en période Ib et le second en période III (Finkielsztejn 2001a, p. 188, Tableau 17, p. 192, Tableau 19), 3. un troisième éponyme Αὐτοκράτης qui trouve sa place en 166 av. J.-C. n’a pas daté de timbres amphoriques (Finkielsztejn 2001a, p. 192, Tableau 19).
Les travaux importants de Nathan Badoud dans son ouvrage sur la chronologie de Rhodes (Badoud 2015), n’ont pas procuré l’avancée espérée dans l’affinement de la chronologie que j’ai suggérée (Finkielsztejn 2001a, non disponible en ligne). Celle-ci repose essentiellement sur le rythme d’intercalation du mois supplémentaire, Πάναμος δεύτερος, ajouté certaines années au calendrier annuel, et figure, comme les autres mois, sur les timbres amphoriques à dès la fin du second tiers du IIIe siècle. Je n’étais pas moi-même en mesure de faire cette étude et, donc, n’en ai pas pris compte. Badoud n’attribue pas – à l’issue de son raisonnement fort convaincant conduisant à la suggestion d’un rythme reposant sur les textes – d’années pour les éponymes connus avec le mois intercalaire (Finkielsztejn, Thomsen à paraître en 2019). En revanche, il a déterminé l’emplacement annuel
Dans ma chronologie, dans le doute lié à de possibles « éponymes flottants » (Finkielsztejn 2001a, p. 179) dans l’ensemble de la chronologie de ca. 198 à 108 av. J.-C., j’ai réservé arbitrairement 2, 1 et 1 années vides (Périodes III, IV et V respectivement). Les deux premiers vides disparaissent par l’identification des deux nouveaux éponymes ci-dessus. Quant aux deux autres je propose de les éliminer dans la présentation des tableaux, préférant indiquer les dates sous la forme d’une fourchette de deux années en période IV et V (cf. ci-dessous, Apports des amphores…). 127
Tableau 1 : Mise à jour suggérée de la chronologie des éponymes rhodiens (Finkielsztejn 2001a ; Cankardeş, Şenol 2004 ; Cankardeş, Şenol 2009 ; Badoud 2015 ; Finkielsztejn, Thomsen, à paraître)
Gérald Finkielsztejn
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Trente ans d’apports de l’étude des amphores importées au Levant Sud hellénistique Apports des amphores à la chronologie des sites et de l’histoire du Levant sud
précédemment (Lawall 2004, p. 187, Tableau 2). Cette constatation est confirmée par un exemplaire trouvé à Ascalon-Barnea, abandonné à la même date. 2. On constate que peu d’amphores Dr. 24-Predecessors (5,46%) se trouvaient dans les entrepôts, la moitié des précédentes, alors qu’elles provenaient toutes de la côte ouest de l’Asie Mineure, comme celles d’Éphèse. 3. Les Pamphyliennes ont également fait leur apparition peu avant la destruction de Mazor (2,19%) et aucune n’est timbrée.
Au Levant sud, des contextes archéologiques datés par les timbres amphoriques, essentiellement rhodiens, et éventuellement les monnaies, permettent de préciser ou d’identifier des événements historiques, connus par les textes ou non. Outre ceux que j’ai déjà présentés (Finkielsztejn 1998 ; 2001a, p. 167-170, 175 ; 1999b ; 2001b, p. 189-191), des timbres rhodiens trouvés sur certains sites ont permis :
Il est notable qu’à Mazor, le plus grand nombre d’amphores importées soit de la classe de Cos, à anses bifides (32,78%). Les amphores de l’île de Cos sont également très bien représentées à Khirbet el-Eika. Bien que toutes celles de Mazor ne proviennent pas nécessairement de l’île, étant donné l’engouement pour cette forme en Méditerranée, Cos se trouve près de la côte sud-ouest de l’Asie Mineure et, comme ses amphores ont été secondes après les amphores de Rhodes durant toute la période hellénistique, il est possible que les autres amphores de cette région aient commencé à bénéficier d’une route très active.
1. d’évaluer une période de déclin des activités commerciales de Marissa, inaugurée par le « passage » de Judas Maccabée près de la cité en route vers « la Terre des Philistins », puis entretenue par les effets des conflits dynastiques séleucides dans la région (I Macc. 5, 65-67 ; AJ XII, 7:4, 8:1,6 ; 163-143 av. J.-C. ; Finkielsztejn à paraître b ; 1999a ; 2010), 2. de préciser la date et l’ampleur d’un épisode guerrier de la révolte des Maccabées, mené par Jonathan le successeur de Judas depuis le sud de la Galilée – Mazor, Philotéria (Fischer, Tal 2017), Khirbet el-Eika, Tel Keisan (?) – jusqu’à Tel Kedesh au piémont du Golan (1 Macc. 11, 63-74 ; 146-144 av. J.-C. ; Finkielsztejn à paraître b) 3. de préciser le terminus ad quem pour la fin du siège de Jérusalem par Antiochos VII, et, par déduction, de celle de l’occupation de Gezer par ce même souverain (1 Macc. 13, 43-48 ; AJ XIII, 8:2-, 9:2 ; 133-131 av. J.C. ; Finkielsztejn à paraîre c).
4. très peu d’amphores de Brindisi Palazzo Type IIB ont été retrouvées à Mazor (2,19%), en comparaison de la quantité de celles de Marissa, lesquelles en incluaient plusieurs complètes. Il faut donc en déduire que cette importation aura commencé très peu de temps avant la destruction de Mazor et s’est développée ensuite, jusqu’à la conquête de Marissa, en 108 av. J.-C. 5. en revanche, les Ovoïdes républicaines sont les mieux représentées pour la Méditerranée occidentale (9,84%). Un exemplaire a atteint Khirbet el-Eika également. Plusieurs sont, à l’évidence, originaires d’Afrique du Nord et cette apparition à l’autre bout de la Méditerranée au moment de la destruction de Carthage, indique qu’elles ont été produites suffisamment avant, peut-être dès le début du siège de la ville punique par les Romains, en 149 av. J.-C. Il est vrai que cette classe s’apparente par son profil à « la tradition grecque ».
Apports des contextes du Levant sud à la connaissance des classes d’amphores Les termini ante quem procurés par les timbres amphoriques rhodiens, confirmant ou affinant les dates de destructions ou de conquêtes ayant impacté les importations d’amphores – suppression totale ou diminution significative –, permettent de situer le moment de l’importation de telle ou telle classe d’amphore, lequel peut être informatif pour le début de leur production également. Ainsi, dans les sites détruits ou abandonnés lors de l’expédition de Jonathan Maccabée (146-144 av. J.-C.), ont été trouvées plusieurs classes d’amphores, principalement dans les entrepôts d’une villa de Mazor. Ce dernier contexte met en évidence l’importation de classes d’amphores, avant la destruction du site. Ces classes étaient déjà connues à Marissa, mais probablement arrivées à partir de la reprise des activités de ce site, contemporain de l’expédition de Jonathan (144143 av. J.-C.).
Très récemment, une grotte, située à l’extrême nord de la Galilée, qui a servi d’entrepôt pour plusieurs amphores locales phéniciennes, incluait également trois amphores importées intactes ou complètes, situées ensemble tout au fond, comme dissimulées : une de Brindes et une « Nikandros », toutes deux timbrées d’un nom, et une PréDressel 24 non timbrée6. Au vu de la rareté de ces classes et la probabilité qu’elles aient représenté une « nouveauté », il est possible que le contenu de cette grotte soit à mettre en relation également avec l’expédition de Jonathan. Les propriétaires auraient décidé de mettre à l’abri des vivres, dont trois « bonnes amphores » venues de loin.
À Mazor on constate que (se référer aux classes énumérées ci-dessus) :
Les études des amphores importées au Levant sud hellénistique, résumées et mises à jour ici, apportent des résultats dans plusieurs domaines interdépendants : les
1. les amphores « de Nikandros » d’Éphèse (10,93% du nombre minimum d’individus comptables, c’est-àdire 183) ont été timbrées d’un nom (et non plus d’un monogramme) peu avant 145 av. J.-C., et donc bien avant les années 130 av. J.-C. comme cela était cru
6
Je remercie Yinon Shivtiel et Danny Syon pour m’autoriser à signaler cette découverte.
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Gérald Finkielsztejn Finkielsztejn G. (1989), « Tell Abu Hawam : réexamen des périodes hellénistique et perse (Fouilles de 1929 à 1933) », Revue Biblique 96, p. 224-234.
productions d’amphores, conteneurs de produits divers, le commerce dans le monde méditerranéen déjà globalisé, l’administration de ces deux activités par le timbrage entre autres et la chronologie nécessaire à l’écriture de l’Histoire. Aujourd’hui l’étude des amphores implique une recherche interdisciplinaire permettant d’obtenir de très divers paramètres : chimiques (composition des pâtes céramique et des produits transportés), physiques (pour restaurer la dynamique et l’ergonomie qui guidaient les choix des formes adoptées), géologiques des lieux de production des conteneurs liés à celle des produits, maritimes (construction navale adaptée au transport, organisation des chargements), architecturaux (ateliers et leurs fours, ports et lieux de consommation), épigraphiques (timbres, dipinti et incisions), administratifs (acteurs des contrôles à toutes les étapes, de la culture à la consommation), historiques (influence des événements impactant les relations commerciales et précision chronologique de ceux-ci), sociologiques (identification des classes de producteurs et de consommateurs et de leurs pratiques respectives). Dans le contexte qui nous concerne ici, l’étude des amphores que j’ai initiée a contribué à l’évaluation de la place du Levant sud sémite dans le monde hellénistique grec. Elle a introduit l’étude des interactions humaines au niveau du quotidien – et non plus seulement au niveau de l’Histoire écrite, dont celle des religions –, lesquelles ont évidemment contribué profondément à poser les bases de ce que deviendra l’Europe, à travers la civilisation romaine et son adoption du christianisme.
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Nous joignons ici, le résumé de la communication donnée par Odile Wattel-de Croizant (Directrice de l’Institut Du Savoir Partagé (IDSP) et chargée d’enseignement en Histoire ancienne – Institut Catholique de Paris) lors de la journée d’études du 29 mai 2018, dont le texte n’a pu être fourni par son auteur.
EUROPE EST-ELLE DE SIDON ? Odile Wattel-de Croizant Résumé Les sources littéraires gréco-romaines se partagent entre Tyr et Sidon, pour situer la ville natale de la fille du roi Agénor. Depuis une dizaine d’années, les fouilles archéologiques de Sidon, témoignent des relations commerciales entre la Crète et ce port depuis le IIe millénaire, via Chypre : une tasse minoenne de Phaestos (1980-1850 av. J. C.) est actuellement la plus ancienne importation minoenne retrouvée au Levant. À l’opposé, le développement du port englouti de Tyr ne semble pas avoir été antérieur au Ier millénaire. L’ancienneté de Sidon est confirmée par l’Ancien Testament, où le port est mentionné 38 fois, puis par Homère dans l’Iliade (trophée d’Achille en argent fabriqué par les Sidoniens). Sidon est aussi célèbre pour son temple d’Astarté, figurant sur l’avers de monnaies de cuivre des années (174 av. J. C.), avec Europe au revers. À l’époque romaine, Europe aurait été associée au culte de cette déesse lunaire selon Lucien de Samosate et Achille Tatius. Une mosaïque de Sarrîn (secteur de Carrhes/Harrân, Osrohène), du VIe siècle ap. J.-C., représente l’enlèvement d’Europe par un taureau à bosse de type syrien, qui emporte loin du rivage de Sidon (mentionné dans un pictogramme) une princesse éplorée, avec entre ses cornes, en forme de croissant lunaire, une structure architecturale, avec une colonne et un entablement, vus en perspective, qui pourraient ressembler au temple d’Astarté. Europe était-elle de Sidon ? On peut seulement affirmer qu’elle était un produit d’exportation et un label commercial pour les Phéniciens, en particulier dans leurs relations commerciales avec les Grecs. Abstract Differing Greco-Roman literary sources locate the birthplace of King Agenor’s daughter as being either Tire or Sidon. For approximately the last ten years, archaeological excavations carried out in Sidon, clearly evidence the existence of a trading relationship between Crete and Sidon since the second millennium, via Cyprus: a Minoan cup of Phaestos (1980-1850 BC) is currently the oldest Minoan import to have been found in the Levant. In contrast, the development of the sunken port of Tire does not seem to have occurred prior to the first millennium. The antiquity of Sidon is confirmed by the Old Testament, where the port is mentioned 38 times, then by Homer in the Iliad (silver Achilles trophy made by the Sidonians). Sidon is also famous for its Temple of Astarte, appearing on the obverse of copper coins in the years around 174 BC, with Europe on the reverse. In Roman times, Europe would have been associated with the worship of this lunar goddess according to Lucien de Samosate and Achille Tatius. A mosaic of Sarrîn (near to Carrhes/Harran, Osrohene), dating from the 6th century (AD), depicts the abduction of Europe by a Syrian-type humpbacked bull, which can be seen to be carrying away from the shore of Sidon (mentioned in a pictogram) a weeping princess, holding between her horns, shaped like a moon crescent, an architectural structure, with a column and an entablature which, when we take a closer look at it, bears a resemblance to the Astarte temple. Did Europe come from Sidon? We can only go as far as saying that she was an export product and a commercial label for the Phoenicians, especially in their trading exchanges with the Greeks.
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