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English Pages [223] Year 2000
^^Carmina I h i losoph i ae: Journal of the
International Boethius Society
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Carmina
Philosophiae Journal of
The International Boethius Society
Special Double Issue
Volumes 8 & 9 1999/2000
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The International Boethius Society J. Keith Atkinson President Trustees:
James J. O'Donnell Michael Masi
Emerson Brown, Jr. Derek Pearsall
Noel Harold Kaylor, Jr. Executive Director, International Boethius Society Publisher of Carmina Philosophiae Philip Edward Phillips Recording Secretary, International Boethius Society Editor of the Newsletter
Noel Harold Kaylor, Jr. Philip Edward Phillips Editors of Carmina Philosophiae Submissions and inquiries about the editorial policies of Carmina Philosophiae
should be sent to: Philip Edward Phillips, Editor, Carmina Philosophiae,
Department of English, Middle Tennessee State University, Box 70, Murfřeesboro, TN 37132; Fax (615) 898-5098: E-mail: [email protected]. Inquires concerning membership in the International Boethius Society and subscriptions to Carmina Philosophiae should be directed to: Noel Harold Kaylor, Jr., Department of English, Troy State University, Smith Hall 272, Troy, AL 36082; Fax (334) 670-3519; E-mail: [email protected]. Carmina Philosophiae is published in cooperation with The Association for Textual Study and Production
ISSN 1075-4407
This journal is a member of the CELJ the Council of Editors of Learned Jour Copyright ©2001 The International Boethius Society
Cover design by Debbie Gage
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Contents
Volume I Introduction
The
Böece
de
Prologue Livre Livre
v
I
II
1 7
47
Volume II Livre
III
115
Livre
IV
193
V
273
Livre
Epilogue 319 List of Corrections to Base Manuscript 321 Critical
Notes
323
Glossary of Selected Proper Names 329 Selected Glossary 33 1
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Conf
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A Critical Edition
of a Late Fourteenth Century French Verse Translation of Boethius'
De Consolatione Philosophice: The Böece de Confort Volume II
by
Marcel M. Noēst
Department of Romance Languages The University of Queensland
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111,1 LIVRE III III.l.
Ci commence tout a délivré Du bon Böece le tiers livre:
Quant Philosophie ot fait fin
De son chant, qui fu noble et fin, 4012
Böece ili moult esbahi
Des doulces chançons qu'ot oy; Et lors dresca hault les oreilles
Pour oïr encor des pareilles, 40 1 6 Puis respondi par mos ytés: "O confort des desconfortés, Dame maistresse souveraine!
Moult m'avez alegié ma paine 4020 Ou par la force de sentence, Ou par la douceur ď eloquence; Face Fortune son vouloir,
Car rien ne doubte son povoir! 4024 Vos raisons sont si vertueuses,
Et vos chançons si gracieuses, Que g' y ay pris si grant plaisir
Com plus les oy, plus les désir." 4028 Philosophie s'esjouy Quant ces paroles ot ouy; Puis me dist: "J'ay ja bien senti
Qu'ay un po ton euer converti, 4032 Quant mes paroles escoutoies Ou tres grant entente mettoies; Or ay attendu ta pensee
Qu' el fust .i. pou miex confortee. 4036 Mais Böece, se tu savoies [32v-a] Par quel chemin et par quelz voies Nous t'entendons a demener,
Quelz leçons te voulons donner, 4040
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1 1 6 CARMINA PHILOSPOHI AE
111,1 Quel matere te voulons prendre, Tout ton euer ardroit de l'aprendre; Dehors un po mordent le sens
Mais tres doulces sont par dedens." 4044 Böece respont sanz targer:
"Dame, ou me voulez vous mener?" Adont respont Philosophie:
"A la plaisant et haulte vie 4048
De la vraye felicité Qui parfait Tame en vérité, Ou ton euer se trait et le songe
Mais n'as pas la veue assez longe; 4052 Car pour les ymages mondaines Qui sont unes semblances vaines De la felicité parfaite,
T a veue est j a toute retraite 405 6 Qu'elle ne puet avant aler." Böece dist a brief parler: "Fay moy cognoistre, je te pri,
Qu'elle l'est tantost sanz detri 4060
Et me demonstres vérité Ou est vraie felicité."
Philosophie respondi:
"Volentiers, pour l'amour de ti, 4064 Mais ainçois te confermeray
D'une chose que bien je say Qui t'est notablement contraire:
Se tu en veulz les yex retraire 4068 Quant bien consideré l'auras, Lors plus legierement sauras
L'exemplaire et la vérité [32v-b] De
la
vraie
felicité.
4072
Pour miex comprendre ceste Un tel example te propose:
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chose
BÖECE DE CONFORT 1 1 7 III, i; III, 2 Ill.i
Qui .i. noble champ semer veult
Ainçois de la faux trenchier seult 4076
La mauvaise herbe et la bruyere, Les espines et la feuchiere Qui au grain seulent obvier
Quant il devroit fructefïer 4080
Après une amere savour, Le miel est de plus grant douçour; Quant le vent qui fort siffle et sonne,
Qui volentiers la pluie donne, 4084
Est cheüs, adont les pianettes Apperent cleres et plus nettes. Quant Lucifer après la nuit
Sanz nuee clere reluit, 4088
Le soleil en son char plaisant Fait le jour plus resplendissant; Aussy regarde le faulz bien
Et en retray tout ton engien; 4092 Adont le vray se monstrera
Et en ton courage entrera."
III. 2.
Lors Philosophie la sage
Se retrait dedenz son courage 4096
Et commence a penser parfont Ainsy comme subtilz clers font; Puis, aussi com bien avi see,
A descouverte sa pensee: 4 1 00 "Toutes gens en ce monde mises Ont de vivre diverses guises; Car chascun veult tenir la voie
Qui plus Ii piaist; et toutevoie 4104[33r-a]
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1 1 8 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,2 Ilz tendent tuit a une chose
Ou toute bonté est enclose,
C'est parfaicte felicité
Qui vault autant en vérité 4108
Comme estât de perfección Ouquel la congregación De trestous biens est assemblee; Pour ce est elle tant desiree. 4112
Qui la puet par mérité acquerre Autre bien ne li convient querre;
C'est donques li biens souverains
Que desirent tous cuers humains; 4116 Et le va querant et le chace,
Mais moult est diverse sa trace.
El est de tel condicion
Que 1 ' amour et 1 ' affeccion 4 1 20 De luy est en vos cuers entree; Mais nature est si bestournee Pour l'erreur et fausse semblance
De la parfaite souffisance 4 1 24 Qu'elle cuide du bien mondain Que ce soit le bien souverain;
Si s'efforce et moult se traveille
Et comme les ait se conseille. 4128
Aucunes gens sont en cest monde Qui cuident quant richesce habonde Que ce soit le souverain bien
De 1 ' estât ou ne faille rien; 4132
Pour ce se travaille d'avoir
Grans richesces et grant avoir. Autres gens cuident par erreur
Que ce tres grant bien soit honneur; 4136 Si font toute leur diligence [33r-b] D'avoir honneur et reverence; Et quant ilz sont bien honnourez Estre cuident beneürez. 4 1 40
Autres aussi par ignorance Cuident que ce bien soit puissance,
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BÖECE DE CONFORT 1 1 9 111,2 Dont désirent toute leur vie
Avoir royaume et seigneurie 4 1 44 Ou estre joins aus grans seigneurs Comme juges et conseilleurs. Autres gens trouveras en terre
Qui s'efforcent de gloire acquerre 4148
Et d'acroistre leur renommee
Afín que soit manifestee Ou par fait de chevalerie,
Ou par grant sens et grant clergie, 4152
Car ilz tiennent mondaine gloire Pour une beneiirté voire.
Autres gens vont par autre voie
Car ilz désirent toudis joie; 4 156
Et tel foison de gent habonde Qui dient que des biens du monde C'est le plus grans et plus eslis
Quant le corps a tous ses delis. 4160
Les autres permuent ensemble Car l'autre bien meilleur leur semble: Avoir despendent pour puissance,
Et li autres laissent plaisance 4164
Pour plus acquerre de richesce;
Li autres aiment tant lëesce
Qu' ilz en despendent leur avoir,
Li autres pour renon avoir 4168
Fuit tout. Puissances et delis
Et richesce met en despris;
Dont en ceste merancolie [33v-a]
Met s'entente l'umaine vie 4172 Ne ne puet le certain savoir; Pour renon laissent leur avoir, Los et pris quierent pour vaillance,
Femme et enfans pour leur plaisance. 4176 Avoir amis est tres grant bien, A Fortune n'appertient rien, Ains est ou nombre des vertus;
Les autres biens qu'ay nommé sus 4 1 80
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1 20 CARMINA PHILOSOPHIAE 111,2 Desirent humain appétit Ou pour puissance ou pour délit; Force et grandeur donnent valeur
Et biautés isnele faveur, 4 1 84 Et faveur moult grant délit donne,
Ce semble a chascune personne. Entre tous les biens de Fortune
Ne demeure bonne voie une 4188
Qui puet estre si desiree Qu'a ces .v. ne soit ramenee; Et ces .v. choses pourchaçant
Vont li mortel homme chaçant 4192 Comment felicité parfaicte Soit par eulz trouvee et actraite; Car chascun tient a souverain
Le bien dont il a plus grant fain 4196 Et que desire plus avoir. Or ťay je fait dessus savoir Que de toute bonté humaine
Felicité est souveraine; 4200 Qui son grant bien donques pourchace Felicité parfaicte chace. Epigurus com folz et nices
Felicité mist en delices; 4204
Des autres .iiii. ne físt force [33v-b] Et de ce prouver moult s'efforce; Car li autre bien petis sont
Se délit et joie ne font. 4208 Grant bien n'a pas en sa richesce Cilz qui vit toudis en tristesce; Aussi n'est pas de grant valeur
Sanz joie et sanz délit honneur; 42 1 2 Je ne say quel grant bien je die
De puissant qui merancolie; Gloire est chose tres gracieuse
Et une bonté precïeuse, 42 1 6 Mais n'est pas grant bien queje voie S 'elle ne prent soulas et joie;
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BÖECE DE CONFORT 1 2 1 111,2 Et pour ce en joie et delices Font tuit cil .iiii. biens leur lices. 4220 Or nous convient tourner arriéré
A nostre mateře premiere.
Vous veez que toute la cure
De gent mortel tent par nature 4224 A un grant bien en general,
Mais ne scet en especial Par quel chemin ne par quel trace
Puisse trouver ce qu'il pourchace; 4228 El est ressemblant a Pomme yvre Qui son chemin point ne délivré Car troubleë est sa raison;
Bien li souvient qu'il a maison 4232
Mais ne scet le chemin tourner
Par quoy il y doit retourner.
Autel vous di des gens mondaines:
Hz ont, par leurs plaisances vaines, 4236
Des biens mondains tant volu boire
Qu'ilz ont perdu toute memoire
Du chemin que cilz doit tenir [34r-a] Qui veult a ce grant bien venir; 4240 L'appétit pas de celuy n'erre Qui fort se paine de conquerre L' estât dont descent tant de bien
Que plus faillir ne li puet rien. 4244 Felicité n'est autre chose, Bonté toute est en luy enclose N'elle n'a de riens deffaillance,
Car de tous biens a l'abondance; 4248 Dont ceuls ont trop po de science Qui ne li font grant reverence; Dignes est de tres grant honneur
Le bien, pour laquelle faveur 4252
Toute l'entencion humainne
Nuit et jour travaille en grant painne;
En ce seul bien par excellence
Est le grant bien et 1' eminence 4256
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122 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 2; III, ii De tout bien de toute valeur, N'il n'y pourrait cheoir douleur; Dont doit humaine entencion
Prendre grant delectación 4260 Ou bien qui, a dire en un mot, Tout autre bien passe et enclôt Et qui en li tient par jointure
Toute la force de nature; 4264
Car le fol appétit humain,
De delices quant a a plain, Avoir ou renon ou povoir,
Selon son desguisé vouloir, 4268 Prendre doit trop plus grant plaisir Et convoitier d'ardant désir
Le bien qui est des biens la fin
Ou tous sont par nature enclin." 4272 Ci parle Böece: [34r-b] Quant Philosophie ot retrait Tout ce, si m'a dit: "Il me plait
Ci
parle
Que
pour
Philosophie miex
te
a
faire
Böece: entendant,
Je te face un chant resonnant 4276
Des cordes assez atrempees.
Ill.ii
Or voy quantes choses creees Puissant Nature determine, Et chascune trait et encline 4280
A sa propre condicion Et naturelle affeccion, Et restraint folz frains et met loy
Et joint tout le mondain arroy 4284 A sa naturele aliance, Par sa secrete pourvëance. Regardés les cruels lyons!
Hz sont de telz condicions, 4288
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BÖECE DE CONFORT 1 23 III, ii Au mains les naissans en Libie
Que ce mot 'peny' senefie, Que par art et par artifice
Souvent mectent jus leur malice 4292
Et en désir se laissent paistre De la main nue de leur maistre; Batre se laissent et bouter
Et si les doit on moult doubter 4296
Car ilz ne se pevent tenir Aucunes fois de revenir
A ce que nature leur donne;
Et pour ce, qui trop s'abandonne 4300 Au lyon et qui trop s' i fie Aucune fois en pert la vie;
Car quant le lyon est plain d'ire
Ses fors liens rompt et descire, 4304 Et quant li souvient de franchise [34v-a]
Il despite toute maistrise Et tout le premier qu'il malmainne
C'est son maistre qui le pourmainne. 4308
Regardez aussi les oisiaux Qui vont chantant par les rainsiaux! Quant ilz sont enserrez en cage
Toudiz ont l'ueil vers le boscage, 43 1 2
Combien qu'ilz aient a mengier Et a boire assez sanz dangier; S 'ilz eschappent par aventure,
De leur mengier n' ont pas grant cure; 43 1 6
Vers le bois adrescent leur voie, Ou hault chantent et mainnent joie.
Quant la piantele est enclinee
Et vers terre a force menee 4320
Se cil la laisse qui la tourne Tantost vers le ciel s'en retourne.
Le soleil, qui se couche au tart,
Vient au matin naistre autre part 4324 Et retourne en son premier point Ou nature le met a point.
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1 24 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, ii; III, 3 Regardez creature toute!
Nature l'empaint et la boute 4328 Par sa force et par droite essence Contre coustume et violence, Et s' esforce a trouver chemin
De luy retourner a sa fin 4332 Quant violence ou fausse joie Autre part li ont trouvé voie. La fin d'umaine creature
Est felicité vraye et pure; 4336 A ceste tent vostre désir,
Mais vous ne la povez choisir
Car avez encliné les testes [34v-b]
Envers la terre comme bestes. 4340
III.3
O hommes terriennes bestes, Quel damage tant frailes estes! Vous sentés vo commencement
Mais vous ne povez proprement 4344
Celle vraie fin bien entendre
Ne dedenz vos désirs comprendre, Combien c'un po vous l'entendez,
Et naturelment y tendez 4348 Par vostre naturel amour; Mais maint fol désir par errour Vous en font folement retraire.
Pense, Böece, que tant faire 4352 Ne puet homs mortel, tant soit plains
De tous dessus diz biens mondains, Que par eulz ja puist avenir, A la fin ou tent a venir 4356 S'avoir qu'avoir fussent telz biens Qui ne leur peust desfaillir riens, Nous deissions en vérité
Qu'avoir leur fust felicité; 4360
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BÖECE DE CONFORT 1 25 111,3 Mais car promesses fausses baillent Et que pluseurs choses leur faillent, Nulz homs ja croire ne devroit
Que felicité en eulz soit. 4364 Or te demande je, Böece, En Testat de ta grant richesce,
Qu'as eü encore nagaires,
Se tu trouvas onques contraires, 4368 Se ton euer a fait son plaisir,
Et tout acompli son désir Sanz deffaut et sanz contredit?"
A ce respont Böece et dit: 4372
"Certes, il ne me souvient mie [35r-a] Conques en trestoute ma vie Mon euer eiist ceste franchise;
Ains souvent se meut et debrise; 4376 Nés en mon grant contenement Ne fu il onques autrement."
Philosophie
Dont dist elle: "En ton euer avoit
Souvent ce que pas ne vouloit; 4380 Aucune fois aussi avoies
Ce que pas tu ne desiroies." Böece respondi: "Voirs est."
Elle replica sanz arrest: 4384
Philosophie
"Dont de l'un vouloies l'absence
Et de l'autre aussi la presence." Böece dist: "Il est ainsi." Le liseur
Après dist elle:
Philosophie "Or me di, 4388 N'a pas la personne
mestie De ce dont a grant desirier -Certes, dist Böece, si a."
Le liseur
Après oultre elle demanda: 4392
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126 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,3
Philosophie "Cilz qui a des biens deffaillance, A il parfaite souffisance?"
Böece respondi: "Nennil. Philosophie
-Donques, dist elle, ainsy est il, 4396
Que grans indigences souffroies Combien que plain de biens estoies." Böece respont: "Il est voir.
Philosophie
-Dont, dist elle, pues tu savoir 4400 Qu'avoir tant ait grant habondance? [35r-b]
Ne puet pas donner souffisance Et c'est ce qu'avoir promectoit
A ceulz avec qui habitoit." 4404 Encore dist Philosophie: "Bien croy et ce ne doubte mie C'une plus grant deffaute y a;
Car nulz previleges n'y a 4408 Que l'en ne li puisse tolir Son avoir et luy apovrir." Böece dist: "Je le confesse.
Philosophie
-Car c'est, dist elle, chose expresse, 4412
Confesser ne puez autrement. Tu vois tous les jours clerement Que le plus fort le fait ainsy;
Au foible l'oste, malgré ly. 4416 Dont viennent ces plais et debas Fors que pour ce que par baras, Par force, par extorcions,
On toult biens et possessions, 4420 Malgré ceuls a qui elles sont, Dont après leur querelle font." Böece dist: "C'est tout certain.
Philosophie
-Dont, dist elle, ceuls qui sont plain 4424
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BÖECE DE CONFORT 127 111,3 D'avoir ont grant mestier de prendre Autruy pour leur avoir deffendre. Böece
-Nul, dist il, ce ne nyeroit.
Philosophie
-Dont, dist elle, se riens n'avoit 4428
Dont on le peüst despoillier, D 'autruy confort n'aroit mestier. Böece
-Chascun, dist il scet *que c'est voir. *[35v-a] Philosophie
-Dont, dist elle, puez tu veoir 4432
Que la chose est bien retournee: Richesce est bien fausse provee Qui souffisance promectoit;
Et il convient comment qu'il voit, 4436
Que ceuls qui ont or et argent D'autre gent soient indigent. Quelle guise puet on trouver Pour souffřete aux riches oster? 4440 N'ont il pas souvent soif et fain? Ne sentent il pas vent bisain? Tu me diras par aventure
Que riches ont bien fourneture 4444
Pour oster d'eulz soif, fain et froit,
Et que leur avoir les pourroit Un pou en ce bien conforter,
Non pas toute indigence oster; 4448
Car indigence bee et tent Et toudis autre bien actent,
Et qui indigence empliroit
Indigence plus ne seroit. 4452 Je me tais cy et trop pou cure
De l'indigence de nature, Car nature est de pou contente,
Mais je parole et est m'entente 4456
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128 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 3; III, iii; III, 4 D'indigence de couvoitise, Car chose n'est qui li souffise; Dont se avoir indigence oster
Ne puet et fait riches doubter 4460 Si qu'a toudis mestier ď autrui, Comment puet on trouver en lui Vraie et parfaite souffisance?
Qui le croit, c'est foie cuidance. 4464
Ill.iii
Se li riches avoir avoit, [35v-b] Tant d'or qu'en .i. gouffre entreroit, Son col chargié, tant qu'il peiist,
De pierres precieuses eiist, 4468 C'om treuve emprés la rouge mer, Et grasse terre pour semer, Autant que .c. buefs gaigneroient,
Toutes ces choses ne pourroient 4472 Son euer tenir, tant com il vive,
Que toudiz ne tende et estrive A assembler d'ardant désir
Ce que ja ne pourra emplir; 4476 Plus, compaignie ne comfort Ne fait richece au riche mort."
III.4
Le liseur parle: Quant prouvé ot Philosophie
Que la felicité n'est mie 4480 Es grans avoirs, es grans richesces, Puis preuve aussy qu'es hautesces D'onneur humaine et dignité
Ne puet estre felicité. 4484
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BÖECE DE CONFORT 1 29 111,4 Et fait premier tel question:
Philosophie demande: "Böece, as tu opinion Qu'onneur, dignité, reverence
Soient biens de grant excellence 4488 Et que l'omme honorable facent A qui se joingnent et enlacent?" Et puis elle mesmes respont:
"Certes, ces biens ce pas ne font; 4492 Vertus ne pevent entroduire Ne les vices du tout destruire;
Ains dignité et seigneurie Descuevrent souvent la folie 4496
Des prelas et des grans seigneurs [36r-a]
En monstrant leurs mauvaises meurs.
Pour ce faisons nos moqueries
Des folz qui sont es seigneuries, 4500
Car leurs folies sont ouvertes
Qui devant estoient couvertes; Grant honeur ne puet pas avoir
Qui sa folie fait savoir. 4504 Il ot en la cité de Romme
Un grant sires et puissant homme
Qui fu appelez Novion,
C'om tenoit a un fol felon, 4508
Et qui seoit par grans honneurs Es haulz sieges des senateurs, Calculus pour sa felle envie
Dist par truffe et par moquerie 45 1 2 Que 'boche' seroit appelez, Car ses maulx n'estoit pas celez Et plain estoit de maies mours, Aussi com la boche est d'umours. 45 1 6
Puis donques que la seigneurie Du sires monstre sa folie
Et descueuvre son ignorance,
Cilz n'acroist pas moult sa vaillance 4520
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1 30 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,4 Qui en seigneurie est tenus, Car pour fol en sera tenus;
Tu pour mal c'onques endurasses
Ne fus si fol que tu cuidasses 4524 Qu'onneur fust de moult grant vertu
En celui qui l'a voit vestu, Car celui honnourer veoies
Que tu pervers jangleur savoies; 4528 D'onneur ne povons faire signe A celui qui n'en est pas digne;
Mais s'un homme sage veoies, [36r-b] Digne tu le reputeroies 4532
D'avoir honneur et reverence
Pour sa vertueuse excellence.
Tu n'as pas autre opinion?" Böece dist: "Vraiement non, 4536 Car vertu a auctorité
Telle que donne dignité Tantost de sa propre nature A
vertueuse
creature.
4540
-Mais sages homs 'honneur' desprise Que le peuple appelle 'maistrise', Car elle n'a pas la valeur De la biauté de vraie honneur; 4544 Et ce pues tu en ce cognoistre Qu'oneur es folz fait honte acroistre, Car tant qu'ont plus de dignité,
Tant sont de pluseurs despité; 4548 Quant ilz ne sont dignes d'office, Hz ne le sont mie sanz vice, Car leur clerë iniquité
Diffame vraie dignité. 4552 Encor puet sentir tes courages Que, par ses dignités umbrages, Ne puet .i. homme, tant en aye,
Parvenir a dignité vraie; 4556
Car së aucun bien honnouré
A esté, tant qu'a demouré
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BÖECE DE CONFORT 1 3 1 111,4 Entre ceulz de sa nación,
S'il va en autre region 4560 Nul honneur on ne li fera; Son honneur toute tost perdra.
Après se la dignité tele
En li eust bonté naturele, 4564
Nulle gent ne le peust oster [36v-a]
Du lieu ou se voulsist enter!
Li feus a chaleur par nature,
Pour ce tous temps sa chaleur dure, 4568 Mais Nature si n'a pas joint Seigneur et honneur en .i. point. Et pour ce que n'ont point de force,
Fors que la fausse qui s' esforce 4572 A euls d'onneur commune gent, Pour ce convient par droit cogent Qu'aux indignes tantost deffaille
Et qu'avecques les dignes aille. 4576
Ainsy est il en tous pays Qu'onneur point ne dure todis. Jadiz on faisoit moult grant cure
De l'office de prefecture 4580 Et aussy de rentes pluseurs C'om paioit lors as senateurs;
Or sont orendroit tuit cheii
Et prefecture et cil treii: 4584
Et lors estoit un souverains
Qui avoit la cure des grains Que lors on tenoit moult gentil;
Or n'est il ore riens plus vil. 4588 Puis dont que dignité humainne N'a point de vraie honneur certainne, Fors tant qu'opinion li donne,
Or prent or laisse la personne; 4592 Puis que reverence n'a trait, Ains grant vergoingne a vertu trait,
S' avec le temps s'en va et vient,
Malgré des gens, ville devient; 4596
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1 32 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 4; III, iv; III, 5 Quel bien a tel honneur en luy Ne quel bien puet faire a autruy?
Ill.iv
Nous lisons d'un seigneur Néron [36v-b] Qui fu orgueilleux et felon, 4600
Si mauvais c'on ne povoit pire, Qui tint tout le rommain empire. Il se cointoioit et vestoit
De robe qui pourpree estoit 4604 Du sane de la petite estree Qui en la mer de Tyre est nee; Pierres precïeuses eslites
Portoit, c'om nomme marguerites 4608 Et perles en commun langaige. Ce Néron fu plain de la rage Du tres vil pechié de luxure,
Et combien qu'il fust plain d'ordure, 4612 Tous senateurs metoit en siege Par imperial previlege. Appelles tu dont dignité Celle meschant auctorité 46 1 6 Qu'avoit si tres pute personne? Honnis soit qui noms d'onneur donne A si chetive dignité;
Estre n'y puet felicité. 4620
III.5
Après richesce et dignité,
Voions que c'est de royauté." Et demande Philosophie,
Aussi comme par trufïlerie, 4624 "Roy, royaume et leur acointance, Ne sont ilz pas de grant puissance?
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BÖECE DE CONFORT 1 33 111,5 Comment ne tiens tu pas povoir
Tres grant qui puet toudiz manoir?" 4628 Et puis elle respont a ly: "Nous avons de ce doubte cy
Moult d'exemples viex et nouviaus
Qui preuvent que roys et royaux, 4632 Après leur grant felicité, [37r-a] Cheüs sont en grant povreté;
N'est puissance de grant honneur
Qui ne puet garder son seigneur! 4636 Encor te monstre en vérité,
Se puissance est felicité, Que les roys sont maleüreus
Plus que ne sont beneüreus. 4640 Se beneürté est puissance, Maleiirté est impuissance. Les roys sont trop plus impuissant
En terre qu'ilz ne sont puissant, 4644 Dont sont ilz plus maleiireux Qu'ilz ne sont vrais beneiireux. Que li roys sont plus impuissant
En terre qu'ilz ne sont puissant 4648 Je le te monstre par raison:
Il l'est plus sanz comparaison De lieux ou le roy riens ne peult
Que de lieux ou fait ce qu'il veult; 4652 Or laissons aler leur misere, Car la conclusion est clere:
Felicité n'est pas tres droite
Puissance de roy tant estroite. 4656 Encor povons nous bien veoir La grant valeur de leur pooir, Car ne puet estre sanz paour,
Sanz cuisançon et sanz doulour! 4660 Dyonisïus fu uns homs, Si com en exemple lisons, Tyrans de moult grande puissance;
Un jour avint que par mischance 4664
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1 34 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,5 Uns homs qui fu de sa m.esnie Li dist qu'il menoit bonne vie,
Car il avoit force et povoir [37r-b] De tout acomplir son vouloir; 4668 Li tyrans avoit bien trouvé
Et en pluseurs cas esprouvé Les cuisançons et les paours
Que souvent ont les grans seignours; 4672
Si la doubta en tel maniere
Qu'il le mist en une chaiere Et une espee toute nue,
Luysant, trenchant et fort ague, 4676 A un fillet la fist sur pendre; Puis li fist par devant estendre
Nobles nappes tres bien mondees,
Viandes fines et parees; 4680 Cil ne pot boire ne mengier Car paour l'en fist atargier; Solas ne puet mener ne rire.
Lors le tyrant li prist a dire: 4684 - Tel est l' estât que nous tenons Et la vie que nous menons, Car la doubtance de la mort Menace le foible et le fort. 4688
- Quelle est donques telle puissance Qui ne puet garder de doubtance, Ains menistre de sa nature
Aguillons de soing et de cure? 4692 Se fussent de paour délivré Seiirement peüssent vivre, Mais ilz n'osent pour leur povoir;
Dont ne doivent point gloire avoir 4696 De tel puissance qu'il ne peult Faire ce qu'il desire et veult; Tu vois que pour leur paour grant Ilz sont et derrier et devant 4700
Environnez d'escuieraille, [37v-a] De gens d'armes de serventaille
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BÖECE DE CONFORT 1 35 111,5 Qui souvent font les gens fremir;
Mais il les doit trop plus cremir, 4704 Car a mort mectre le pourroient Matin ou tart quant ilz vouroient. Nous lisons de ce grant tyrant,
Dont nous avons dit ci devant, 4708 Selon que dit le commenteur En allegant Valer Paucteur, Qu'il fist de ses filles barbieres
Pour ce car en moult de manieres, 47 1 2 Ou en li rere ou en saignier, Se doubtoit toudiz du barbier; En nulle rien n'avoit fiance,
En paour vivoit et doubtance. 47 1 6 Quelle puissance sera donques Qui sanz doubtance ne fu onques? Se li seigneur ne sont puissant
Comment le seront li servant, 4720 Les preneurs et les chastelains, Baillifs et autres souverains
Que li roys, tant qu'est en estât,
Souvent apovrist et abat? 4724 Et quant li roys n'est abatus Si sont il souvent gitez jus. Qui diroit que cilz riens ne doubtent
Qui en telz servises se boutent 4728 N'aroit pas bien en sa memoire De Seneque et Néron l'istoire. Seneque fu maistre Néron
Et le batoit quant sa leçon 4732 Ne savoit repeter ou dire; Quant Néron fu mis a l'empire,
Seneque, qui l'avoit apris, [37v-b] Cuida sur tous avoir le pris 4736 Et cuida le char gouverner; Mais Néron fist le char tourner, Car condempner le fist a mort,
Sanz voie de droit et a tort, 4740
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1 36 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,5 Pour ce que quant le regardoit De paour tout son euer ardoit Quant li souvenoit de s'enfance;
Tant li fist de recognoissance 4744 Qu'il voult qu'il preist mort legiere Et qu'il eslisist la maniere; Lors Seneque se fist saignier
En un baing ou se mist baignier; 4748
De ses .ii. bras qu'il fist ouvrir Sailly sane qui le fist mourir; Et but du venin qui estoit
En l'anel qu'en son doy portoit 4752 Pour morir plus aisieement. Souvent reçoit tel paiement Cil qui tout son temps ou servise
Des grans seigneurs son corps debrise. 4756 Aussi estoit Papinion, Maistre d'Antonie Aurillon, En l'ordre de chevalerie -
Et puis li fist perdre la vie; 4760
Car sanz nul terme et sanz deffaut
Il fist de luy faire bersaut Et fist glaives contre li traire
Pour ly tuer tost et deffaire. 4764 Et combien que cil duy seigneur Vousissent laissier leur honneur, Et Seneque tout renonçast
Et a Néron tout presentasi. 4768
En promectant d'umble courage [38r-a] De luy bouter en reclusage, Le pesant fais d'adhésion
Qui est en dominacion 4772 Ne laissa emplir leur désir, Ains les convint tantost morir.
Que vault donques tele puissance
Qui fait toudis vivre en doubtance? 4776 Par tel bien seiirté n'est pas Que laissier ne puez quant tu l'as!
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BÖECE DE CONFORT 1 37 111,5 Quel confort puet faire a puissance Amis dont as fait F aliance? 4780
Fortune est non mie vertu,
Ton euer l'a ja bien perceü. Ceulz qui puissance fait amis
Adversité fait ennemis; 4784 Or n'est il chose si doubteuse
N'a nuyre tant malicieuse, Pour estre de tous biens privez,
Com peril d'ennemis privez. 4788 Et de ce avons nous figure Notable en la sainte escripture,
Que vertu avecques puissance
Ne pevent avoir acordance, 4792
Ainçois estrivent toudis fort. Voirs est que par David fu mort
Son loial chevalier Urie,
Vaillant et bon sanz flaterie, 4796 Qui avoit la dame espousee Que on appeloit Bersabee; Et David a li gésir vost
Quant Uriës estoit en l'ost; 4800 Puis quant se senti engrossie A David, ne le cela mie,
Qui tantost envoia quérir [38r-b] Urie pour a li gésir 4804 Et couvrir le villain pechié Dont avoit esté entechié; Et pour ce qu'il n'y voult gésir,
David si F envoia mourir; 4808 Et tout par sa grande puissance Qui en ce fist maie ordenance Pour paour qu'il ne s'aperceust
Qu' avecques li couchié eüst. 4812
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1 38 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, v; III, 6 III.V
Dont se veulz vivre sanz doubtance
Et acquérir vraie puissance, Pense de dampter ton courage
Contre ton fier et fol usage; 48 1 6 Seurvaincre ne le laisse pas Par chamelz et villains solas, Car se ta puissant renommee
Estoit en Ynde redoubtee 4820
Et cilz qui habitent en Tille Ou le jour fine, c'om dit Tille, Estoient en t'obeïssance,
Si n'aras tu vraie puissance 4824 Se ne pues pensees obscures
Seurmonter et chetives cures
Et ton faulx mortel mouvement.
Se ce ne pues certainement, 4828 Condurre puet ton cler engien Que ta puissance ne vault rien, Car ton povoir n'est pas povoir
Quant tu mesmes te fais cheoir. 4832
III.6
Puis veons de gloire mondainne Comment el est et fausse et vainne; Dont un clerc grec ainsi l'escrie
En une sienne tragedie 4836 En injuriant faux renon [38v-a]
Qui vient non de fait mais de nom. - O, dist il, gloire vainne et foie!
Renommee fausse qui vole 4840 En milliers d'ommes sans bien fait, Qui onques riens ne fist ne fait Fors que, sanz plus par fort souffler, Renommee de vent enfler. 4844
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BÖECE DE CONFORT 1 39 111,6 - Aucune fois on glorifie Personne qui ne le vault mie;
De ceste gloire la naissance
Vient d'une foie oultrecuidance 4848
Et d'une fausse opinion Qui court parmy la region;
Tel gloire po vault et po monte;
Mais ne puet avoir plus grant honte 4852 Cilz qui voix commune met hault Quant il pense qu'il ne le vault. Aucunes genz sont en ce monde
Ou sens et vertu tant habonde 4856
Que le peuple les glorifie Et les loe et les magnifie Pour leur valeur et leur mérité;
Encor est tel gloire petite, 4860 Que sage pour fait que il face, Il ne desire ne pourchace Avoir la gloire de ce monde
Puis qu'il a conscience monde; 4864
De ceste gloire ne dy plus, J'en ay assez dit par dessus; Car s'en aucune region
On fait de toy grant mención 4868
Pour ce que ton nom homs cognoit, Et plus d'autres rien on n'en oit,
Dont s'en un lieu de gloire es plains, [38v-b] En trop plus sanz gloire remains. 4872
Je croy que tele fausse gloire N'est pas digne seul de memoire
Entre les bons de conscience
Qui ne font force d'apparence, 4876 Car ne vient de bon jugement Ne durer ne puet longuement. Une autre gloire est moult volage
Qui vient de sane et de lignage, 4880
Que chascun puet vainne veoir Se vertu ne li fait avoir;
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140 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 6; III, vi Et est clamee gentillesce,
Car cil qui dit que la noblesce 4884
De ses parens gentil le fait, Trop se desdit et se mesfait; Se la noble vie ne tient
Des nobles parens dont il vient, 4888 Car celui qui se glorifie De noblesce de sa lignie De noblesce a valour en luy,
Des parens est, non de celuy; 4892 Dont se noblesce en toy tu n'as, Par autruy noble ne seras. Pourquoy dy, s'en gloire a nul bien,
Autre chose je n'y voy rien 4896
Fors que cil de noble lignage; Contrains sont dedenz leur courage D' enfuir leurs nobles parens
Que nobles soient hors et ens; 4900 Car qui vient de noble lignie, S'il fait ou s'il dit villenie, Il n'est mie de droite ligne;
De ses nobles parens forligne. 4904 Ill.vi
Toute raisonnele substance [39r-a]
Descent de semblable naissance,
Car tuit homme ont .i. noble pere,
C'est Dieu, cui nulz ne se compere, 4908 Qui comme sires tous puissans Les estoilles par nuit luisans A assis ou hault ciel lassus
Et les hommes a mis ça jus; 49 1 2 Qui soleil de rais environne Et a la lune cornes donne; Qui les ames a sa semblance
Du hault siege de sa puissance 49 1 6
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BÖECE DE CONFORT 1 4 1 III, vi; III, 7 Fait descendre ça jus en terre Et es corps humains les enserre. Dont mortele nature humainne
Faite est toute de noble grainne. 4920 Pourquoy avez dont tant de plait En vous ventant qu'estes estrait
De nobles parens ancesseurs? Tous presens et predecesseurs 4924 N'avez c'un seul estor, c'est Dieu; Nul n'est de ce lignage esquieu: Riche, povre, grant et menu,
Tuit sont de ce pere venu; 4928 Tuit sont nobles, tuit sont gentilz, Femmes, enfans, grans et petis, S' aucun par foie nourreture
De pechié et mortele ordure, 4932 Ne laisse par fausse semblance
La noblesce de sa naissance.
III.7
Or parlons des delis charnés Ou aucuns sont tant encharnés 4936 Qui cuident que charnalité Soit parfaite felicité.
Ces delis ont .ii. damoiselles [39r-b]
Qui ne sont ne bonnes ne belles: 4940
Angoisse de euer la premiere, Repentance la derreniere; Angoisse vient quant couvoitise De charnel délit euer atise 4944 Et il ne puet a son plaisir Saouler son charnel désir; Quant le désir est saoulez
Repentance après vient au lez. 4948 Le commenteur ici recite, En une histoire assez petite
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142 CARMINA PHILOSOPHIAE 111,7 Qu'en l'epistre Valier il prist,
Qu'a Ruffin adont il escrist, 4952 C'une dame avoit nom Thaïs, La plus belle de son pays S 'elle menast honneste vie; Demóstenes 1 ' ot couvoitie, 495 6 Si la désira a avoir; Celle dame li fist savoir
Se cent besans ne li envoie
Que ja n'aura de son corps joie; 4960 Demóstenes le ciel regarde Et en regardant se prent garde
Qu'il avoit foie couvoitise,
Si respondi en ceste guise: 4964 -Je ne vueil pas tant chierement Acheter mon repentement.
-Se nous parlons des mangeries,
Des festes et des beuveries 4968
De ceuls qui comme folz et nices Sont tousjours plungiez en delices, N'en trouveras pas .i. de trente
Qui en la fin ne s'en repente; 4972
Car viandes trop multiplies [39v-a]
Engendrent souvent maladies; Le corps en delices plungiez
Et de grans morsiaux engorgiez 4976
Font moult souvent les grans ventrees Qui des morsiaux sont engendrees En nourrissant humeurs mauvaises
Dont les corps vivent en mesaises; 4980 Pour ce repentir s'en convient; Cil soit bien a qui il souvient
De ses delis et de ses aises
S'ilz ont point engendré mesaises, 4984 Toudiz router et puis vomir Toutes yex rouges et toussir.
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BÖECE DE CONFORT 143 111,7 Felicité n'est pas trouvee En feste si mal ordenee 4988
Ou angoisse mainne la dance Et la queue tient repentance. Encor te di plus fort assez,
Car se delices corporez 4992
Felicité sont appelees, Les bestes sont beneürees; La beste met toute sa cure
Comment les delis de nature 4996 Et ses désirs charnés parface
Quant parfait dont ce qu'elle chace; Se delis felicité sont,
Felicité les bestes ont. 5000
Toutesvoies c'est fausseté, Car la vraie felicité
N'a nulz fors que la creature
Qui raisonnable est par nature." 5004
Böece met ce moult briefment
Dont dilaté l'ay clerement.
"Ce fust tres delitable vie [39v-b] D'avoir moillier, enfans, mesnie; 5008
Mais on ne scet de l'aventure; Ilz sont de diverse nature,
Je ne say pas bien que j'en die,
Nature est chose trop mucie: 5012
Aucun pere a tué son fiex Et aucuns filz n'ont pas fait miex, Ilz ont occis leur propre pere;
Aussy treuvë on de misere 5016
Moult grant foison en mariage; Il ne t'en fault pas faire sage, Tu l'as esprouvé autrefois
Et encor cy tu le cognois 5020
Et selon paternel coustume Le sens en tres grant amertume. Dont j'apreuve ce brief ditier
D'Euripe mon escolïer: 5024
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144 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 7; III, vii; III, 8 Meschief de non avoir enfans, C'est une beneürté grans.
Ill.vii
La charnel delectación
Porte le poingnant aguillon 5028 Que quant le charnel délit passe Les cuers des hommes point et quasse; Ains m'est qu'est pareille assés A la mousche c'on nomme aés 5032 Qui l'aguillon et le miel porte: L' aguillon point, le miel conforte,
Le miel met jus, puis vole seure,
L'aguillon toudis li demeure; 5036 Aussi qui en char se delite A delectación petite; Mais l'aguillon toudiz demeure
Qui le euer mort, point et deveure. 5040 III.8
Or pues tu clerement veoir [40r-a] De ces biens le petit povoir, Car ilz ne font que forvoier
Ceulz qui promectent convoi er 5044
Et mener droit a la fontainne De felicité souveraine. Pour ce monstrer te vueil briefment
Les maulx venans communelment 5048 De ces biens mondains dessus dis:
Se tu es povres et mendis, Se tu veulz assembler avoir
D' autruy le te convient avoir 5 052
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BÖECE DE CONFORT 1 45 111,8 Par force barat ou service; Tant que tu crois, l'autre apetice; Le bien que tu assembleras
A ton pröesme Tembleras: 5056 Se tu veulz avoir dignité, Prier ou serve humilité
Te convient souvent le donnant
Dont tu quiers a aler devant; 5060 Et tu vas, com serf par derriere
En multipliant ta prîere:
S' aucun quiert que puissance ait,
Faire li convendrá le gait 5064 Et estre en pensee toudis Et a pluseurs perilz subgis: Et s' aucun quiert gloire acquérir,
En moult de lieux li faut quérir, 5068 Aus grans painnes son corps offrir Veilles et grans travaux souffrir En lieux divers se boutera
A painnes ja seürs sera: 5072 Se prendre veulz délit charnel Vouloir as bien desraisonnel;
Qui a servir trop se delite [40r-b] Une chose vil et despite, 5076 Un sac ort et puant vaissel, Aussi com sont tuit corps mortel,
Se penses aus puans sentines
Qui des corporels officines 5080 Tous les jours par hault et bas issent; De la charoingne ou se nourrissent, Tu diras fy du damoisel
Qui sert a si povre vaissel, 5084 Fy de si povre damoisele Comme est volenté raisonnele, Tant angelique, tant gentile,
Qui sert a dame si tres ville. 5088
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146 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,8
Las, com foible possession Couvoite humaine affeccion
Quant desire biens corporieux!"
Ci pour monstrer quans sont et quieux, 5092 Le commenteur qui fist la glose Ce que Böece brief propose, Expose serîeusement,
Et je o luy semblablement. 5096
"Je voy quatre biens corporeux As corps humains moult amoureus: Grandeur, force, legiereté,
Ce sont .iii., le quart est biauté; 5 100 Se nous parlons de la grandeur Elle n'est pas de grant valeur, Et si trouveras une beste
Plus grant que homs, c' est manifeste, 5 1 04 Laquelle on appelle elephant; C'est une beste fort et grant, Sur toutes autres moult diverse, Car et cil ď Ynde et cil de Perse 5 108
Qui des elephans ont copie [40v-a]
Les mainnent a la chevauchie
Pour la grandeur de leur corsage
Et la vertu de leur courage; 5112
Et sur leur dos font leur chastiaus
Ou ilz ont lances et quarriaus, Targes, escus, dars et espees
Et grant foison de genz armees. 5116
Se de tel grandeur as merveille,
Lieve ta teste et si t'esveille!
Regarde le ciel estelé De hault, de bas, de Ione, de lé, 5 120 Et ne tien pas celui pour vain Qui tout le ciel tient en sa main,
Qui de toutes pars l'environne
Et toute sa grandeur li donne! 5 1 24
Se tu veulz de force parler Ne te convient pas loing aler.
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BÖECE DE CONFORT 147 111,8 Un torel est plus fort sanz faille
C'uns homs qui fait champ de bataille; 5 128 Qui le veroit quant il menace Ferir du pié enmy la place, Faire voler celle poudriere
Et par devant et par derriere, 5 1 32 Bien diroit qu'il est vertueux, Hardis et fier et courageux; Duquel raconte l'escripture
Qui des bestes dit la nature 5 136 Que tous les sauvages toraux Sont tant puissans et fiers et maus
Qu'ilz ne doubtent assaux ne cos,
Car plus dur ont la pel du dos 5 140
Que la pierre dont le feu sault; Pour ce, ne doubtent nul assaut;
Et toutesvoies ce pou monte, [40v-b] Car la mort tout vaint et tout dompte. 5 144 Se tu tiens a grant chose force,
De regarder le ciel ť esforce. Met ensemble tous les maçons,
Grans et petis, maistres, garçons, 5 148 Pour leur chapler, pour leur ferir,
Ja ne pourront au ciel tollir Un petit grain de sa substance;
Pense dont de quelle puissance 5 152
Est li maistre qui le puet faire Et qui le puet aussi desfaire.
Legiereté de corps est chose
Assez plaisant ou se repose 5156
Et de pluseurs gens desiree; Mais encor n'est personne nee Qui par esforcement que face
Vuidast si tost une grant place 5 1 60 Com fait une beste sauvage, Tygre, selon nostre langage. Laissons atant de ceste beste; Envers le ciel lieve sa teste 5 164
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148 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,8 Et regarde le firmament Qui se meut tant isnelement Que le soleil a si grant erre
Fait trespasser et mer et terre; 5 1 68
Et l'endemain au matinet
A son premier point se remet.
Or pense que cil qui le meut
Legierement donner ce puet? 5 1 72
S'a felicité veulz aler
A celui te convient [parler]. Biauté de corps et fleur de prés
Ensemble vont assez de pres; 5 176
La flour est assez tost flourie [4 1 r-a] Et la biauté est tost faillie.
Une dame fu appelee
Alcipiades, moult ornee, 5 1 80
De gentil et plaisant courage Et de grant biauté de visage; Aristote, qui lors vivoit, Grant nombre d'escoliers avoit 5 1 84
Qui volentiers la visitoient Pour la biauté qu'en li veoient Et devant li tant la löerent
Qu'a li visiter l'enclinerent; 5 1 88 Quant il ot assez remiré Son gent corps, bel et esmeré, Qui de grant biauté resplendist,
A ses disciples ainsy dist: 5 1 92
-S'uns homs avoit les yex si fors Comme li lyns, si que les corps Des dames qui belles se font
Peüst regarder en parfont 5 1 96 Et considérer leurs entrailles,
Point ne priseroit .iiii. mailles La biauté de la damoiselle
Que vous jugiez estre tant belle; 5200
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BÖECE DE CONFORT 1 49 111,8 Car son corps qui tant est jolis Et par dehors est tant polis Par dedenz est tout plain d'ordure;
Pour ce n'est rien bel par nature; 5204
Mais së aucun pour bel se tient, Ceste fole cuidance vient
Car il a trop frailes les yex
Pour regarder les parfons lieux. 5208
Quant j'ay fait du lyns mención, Pour ce vueil la condicion
C ' om dit du lyn communelment [4 1 r-b] Faire savoir plus clerement: 521 2
Lyns est une beste sauvage Au loup semblable de corsage Qui tant a clere la veüe,
Tant trespersant et si ague, 5216
Que murs ne parois ne 1' arreste;
A l' example de ceste beste Entent Aristote parler,
Car cilz qui pourroit faire aler 5220
Son regart tout parmy le corps
Et par dedenz et par dehors N'aroit volenté ne courage
De remirer le bel visage; 5224
Car pour l'ordure du troussel Harroit le gracieux musel. Je vueil dire ce qu'il me semble
De tous les biens du corps ensemble. 5228 Leur bonté seroit plus löee S' elle estoit de plus grant duree; Mais une fievre fort ague
En .iii. jours tout le corps transmue; 5232
De paraguë nous raconte Phisique, qui scet que ce monte, Que tant est aigre et si tres fort
Qu'en .iii. jours met .i. home mort. 5236
Or te vueil raconter en somme
De tous les biens de mortel home
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1 50 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 8; III, viii Dont j' ay parlé moult longuement L'erreur et le decevement: 5240 Premièrement les biens mondains Sont mensongiers, tres faux et vains, Car ilz promectent grans biens faire
Et puis après font le contraire; 5244
Felicité pas il ne font [41v-a]
Car en eulz pluseurs deffaux ont; Aussi ne font ilz pas la voie
Qui a felicité convoie. 5248 Pour ce, beneiireux n'est mie
Qui des biens mondains a copie.
IH.viii
Helas! complaindre me convient
Quant d'ignorance me souvient 5252 Qui les dolans mortelz, chetis, A laissié sages et subtis Pour pourchacier et pour acquerre
Les povres petis biens de terre. 5256 Vous n'alez pas les arbres batre Pour or de leur branches abatre; Bien savez toute la maniere
Car on le treuve en la miniere. 5260
Ne n'alez es vingnes boueuses Pour trouver pierres precïeuses; Bien savez cerchier les contrees
Ou marguerites sont trouvées. 5264 Vous n'alez pas vos rais estendre Es montaignes pour poisson prendre; En la mer le savez quérir
Pour vous de poisson enrichir. 5268 Qui veult prendre chievre sauvage Ne va pas nagier en rivage; Bien savez que toudis seult faire
Es haultes roches son repaire. 5272
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BÖECE DE CONFORT 1 5 1 III, viii Vous savez qu'en la mer parfonde De plus grans poissons plus habonde Et savez du petit poisson
Qui est appelez conchilon, 5276
De qui sane on fait la couleur Pour taindre pourpres de valeur,
En quel riviere ilz sont trouvez. [4 1 v-b] D'un autre poisson bien savez 5280
Qui a demy pié de corsage Et est de si aspre courage Que les grans nefs de mer arreste,
Si que pour vent ne pour tempeste 5284 Elles ne vont n' avant n'arriéré, Tant les ahert de grant maniere.
Nonpourquant vous, com folz meschans,
Les cuers avez si ignorans 5288 Que ne curez ne tenez compte Du bien qui tout autre seurmonte. Se ce bien cy trouver voulez, Prenez eles et si voliez 5292
Et l'alez lassus ou ciel querre, Car il n'est pas ci bas en terre Ou vous ignorans le querez;
Mais trouver vous ne li pourrez 5296 Pour couvoitise et ignorance Qui vous ont tollu cognoissance. Or ne say je comment je prie Pour vostre obstinee folie 5300 Fors que pri au Dieu tout puissant Qu'il ne vous soit pas tant nuisant Que des biens mondains ne vous doint;
Mais après quant venra le point 5304 De leur saveur qui est amere, Cognoissance vous doint si clere Que par leur goust que font amer
Le vray bien vous vueilliez amer. 5308
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1 52 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,9 III. 9
Or as tu, dit Philosophie, La fourme et la maniere oïe
Ou ťay, se te souffist, monstré,
Quant tout auras bien regardé, 5312
Que la felicité mondainne [42r-a]
Est fausse et de mençonges plainne; Dont est il temps que désormais
T'enseigne quel est li biens vrais." 5316 A dont Böece respondi: "Je voy tres bien qu'il est ainsi; Si vueil recorder clerement,
Tout de piain et sommierement, 5320 La sentence de la parole Que j'ay apris en vostre escole. Richesces ne font souffisance,
Royaumes ne donnent puissance, 5324 Dignités n'ont parfaite honneur, Gloire n'est de nulle valeur, La charnel delectación
Porte keue de scorpion; 5328 J'ay, dit il, ce bien entendu.
Philosophie -Voir est, dist elle, mais sees tu La cause de leur fausseté?"
Böece
dist:
"En
vérité
5332
Je le cognois en general Mais non pas en especial, Dont plus ouvertement les
De vous volentiers, se peüsse. 5336 -Certes, respont Philosophie, La raison est appareillie, Car ces biens n'ont perfección
Fors quant ilz sont en union; 5340
Quant ilz sont par erreur desjoins Et sont mis l'un de l'autre loins, Adont les convient il mentir,
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sceusse
BÖECE DE CONFORT 1 53 111,9
Car ilz ne font que pervertir 5344
Les cuers et a faux biens atraire
Et du parfait vray bien retraire. [42r-b] Cuides tu qu'ait cil souffisance
Qui a mestier d'autruy puissance? 5348 Böece respont -Souffisance, dist il, n'a pas. Philosophie a Böece -Bien, dist elle, respondu as. Quant aucune chose foible est,
Il fault qu'ait autrui confort prest. 5352 Böece parle -C'est chose, dist il, sans doubtance. Philosophie -Donques, dist elle, souffisance Et paour sont toudis ensemble. Böece
-Certes, dist il, il le me semble. 5356 Philosophie -Cuides tu, dist elle, c'om voie Quant l'un avec l'autre se loie, Ces deux choses cy despiter
Ou tres dignement honnorer? 5360 Böece
-De ce, dist il, nul ne se doubte Qu'on ne leur doië honneur toute.
Philosophie parle -Or, dist elle, encor adjoustons
A ces deux biens que dit avons, 5364 Reverence, si seront troy." Böece respont: "Je 1' octroy, Il le fault seje vueil voir dire.
Philosophie
-Les doit on, dist elle, despire 5368
Ou pour leur tres grant excellence Donner honneur et reverence?
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1 54 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,9 Tu as fermement dit dessus
Qu'onnorer tant c'om ne puist plus 5372 Doit l'en souffisance et povoir. [42v-a] Cil qui dignité veult avoir Ce qu'elle avoir par autrui fault
N'est pas que n'ait aucun deffault." 5376
Böece dist: "C'est si tres cler
Que nulz ne le pourroit nýer.
-Dont s'ensuit que, se avec leur
Estoit adjousté honneur, 5380
Ilz n'en vauldroient se miex non.
-Il s'ensuit, dist il, par raison.
Philosophie respont -Dont, dist elle, qui souffisance
A avec honneur et puissance, 5384
N'est ce pas bien tres grant delis?
Böece parle -Je suy, dist il, trop esbahis.
Penser ne puis comment ara
Tristour cil qui tous ces biens a. 5388
Philosophie respont -Dont, dist elle, confesser fault
Qu'estre doit tres joieux et baut Qui a tous ces biens diz dessus;
Et par tel voie convient plus, 5392
Car dire faut que souffisance, Puissance, honneur et plaisance, Sont choses qui divers les font,
Mais pareilles substances ont. 5396
Böece parle -Il fault, dist il, que ce confesse.
Philosophie respont -Dont, dist elle, c'est chose expresse Que ce qui est d'une nature, Perversité de creature 5400 En pluseurs parties depart;
Mais quant cuide avoir une part [42v-b]
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BÖECE DE CONFORT 155 111,9 De ce que nul ne puet partir,
Il en convient tout departir; 5404
Car quant ne veult c'une partie
D'une chose qui departie Estre nullement ne pourroit,
Avoir ne puet ce que vourroit. 5408
Böece demande
-Or me monstrez, dist il, comment
Ces biens departent foies gent.
Philosophie respont -Quant homs, dist elle, veult avoir
Grans richesces et grant avoir, 5412
D'avoir richesces tant s'esforce
Que de puissance ne fait force; D'onneur ne li chaut ne de gloire;
Il desprise joie notoire; 54 1 6
S'il pert honneur, point n'en a honte; Aussi ne fait il pas grant compte S'il n'est de bonne renommee,
Mais que sa bourse soit fourree; 5420 Qu'il desprise delis et aises, Il appert bien es grans mesaises, Es grans travaux, es grans ennuis
Qu'il en endure jours et nuis, 5424
Car par sa tres grant couvoitise Trestous les autres biens desprise. Et si voy bien par ce dictier
Quantes choses li font mestier. 5428
Du sien propre a souvent besoing, Son euer ardant d'angoisse et soing; Et com eschapper il ne puist
Qu'assez de deffautes ne truist, 5432
Avoir aucunement ne peult
Souffisance que quiert et veult. [43r-a] Ainsy est des autres qu'ay dit,
D'onneur, de gloire et de délit. 5436
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1 56 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,9
Puis donques que la couvoitise L'un desire, l'autre desprise, Et si n'ont point perfección
Fors quant sont en conjonccion, 5440 Encor n'a pas estât parfait Qui de l'un des biens se reffait. Böece demande
-Quoy dont? Au mains, dit il, me semble
Qu'il desire tous ceulz ensemble 5444 Il desire felicité.
Philosophie respont -Tu vois, dist elle, en vérité
Qu'elle n'est pas es biens du monde,
Dont l'un deffaut quant l'autre habonde; 5448 Et si n'ont pas en eulz puissance
De donner ce dont font semblance."
Böece dist: "Il est ainsy. Philosophie respont
-Or vois tu bien, dist elle, cy 5452
Qu'es biens qui faillent pluseurs fois Felicité quérir ne dois." Böece tantost respondy:
"Il est bien vray et je l'octry. 5456 Philosophie respont -Or as tu, dist elle, la guise, Toute la fourme et la devise Et les causes en vérité
De la fausse felicité; 5460 Se la vraie tu veuls savoir, Il ne te faut fors que avoir Ton regart a tout le contraire,
Car l'un de ceulz l'autre desclaire. 5464[43r-b]
Böece dit
-Cecy, dist il, pourroit entendre
Un aveugle, car ce comprendre M'as fait quant un pou ci devant
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BÖECE DE CONFORT 1 57 111,9 M'as monstré de la decevant 5468
Felicité la fausse guise. Dont me semble, se bien m'avise, Que je l'ay assez entendu Et en mon euer bien retenu 5472
Par contraire condicion
Toute la grant perfección Que vraie felicité donne
A celui a qui s'abandonne: 5476 Elle si donne souffisance, Et si li donne grant puissance Et grant gloire pour sa valeur,
Elle le fait digne d'onneur, 5480 [Elle le plunge tout en aises a Et fouir fait toutes mesaises; b Nul n'a condicion si faite c
Fors que felicité parfaite."] d Philosophie l'entendy, Si s' escria et dist ainsy:
Philosophie "O mon disciple tres privé Com es ore beneüré! Car
tu
veulz
la
voie
5484
tenir
Par laquelle pourras venir A l' estât de perfección, Il te faut une addicion. 5488 Böece demande
-Qu'est ce, dist il, qu'ajouster doy? Philosophie respont -Amis, dit elle, avise toy,
Car tu dois tenir et savoir [43v-a] Que bien mortel ne puet avoir 5492 Tel estât qui tant est parfait, Ja soit ce que semblant en fait.
Böece respont
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158 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,9 -Certes, dist il, je ne le croy.
Philosophie parle
-Or te gardes dont de desroy 5496
Que ne les desires jamais, Ce sont ymages contrefais Qui du vray bien ont l'apparance,
Mais du vray bien ont l'influance, 5500 Ou compris est tout bien en somme, One ne donnent a mortel homme."
Böece dist: "Je me consent.
Philosophie respont
-Puis, dist elle, que ton euer sent 5504
Et queja cognois clerement La felicité qui ne ment, Il ne te faut fors que prouver
Comment tu la pourras trouver. 5508 Böece parle -C'est ce, dist il, queje désir; Grant temps a que j'en ay plaisir. Philosophie respont -Nous lisons, dist elle, en Platon,
En son livre de Thymeon , 55 12 Ou i) nostre escolier recite, Que nes en chose tres petite Doit l'en toudis premier requerre
Le seigneur du ciel et de terre. 5516 Que cuides tu dont que doions Faire a ce que dignes soions De trouver le siege honorable
Ou felicité est estable? 5520[43v-b] Böece parle -Supplier, dit il, de voix clere, De toutes choses le vray pere
Sanz laquelle inspiración Nulz ne fait commencement bon, 5524 Car il li plaise a nous aidier A ce que devons soushaidier.
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BÖECE DE CONFORT 1 59 III, 9; III, ix -Tu dis voir", dit Philosophie,
Et tantost en grant melodie, 5528 D'une voix acordee et nette, A chanté ceste chançonnete:
Ill.ix
Philosophie dit "O qui mondainne creature
Toute gouverne par mesure 5532 Et par ta raison pardurable! Qui ciel tournant et terre estable As formé et fait a ta guise; Et toute la semence as mise 5536
En quatre petis elemens Des choses qui ont leur commens Et tendent a corrupción;
Qui le temps par succession 5540 As commandé courre grant erre; Qui les angelz et ciel et terre En diverses manieres mues
Et en toy point ne te remues; 5544
A faire les choses mondainnes
Ne ťont contraint causes forainnes
Fors ta grant bonté sanz envie;
Qui franchement se multiplie 5548 Et se donne courtoisement, Sanz force et sanz contraignement, A toute la chose creee;
Qui toute chose as façonnee 5552[44r-a] A l' example de ton courage Qui de tout le monde l'ymage Tant excellente et tant eslite
As en ton tres biau euer escripte; 5556
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1 60 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, ix Et as donné forme et figure A celle tres noble escripture; Qui tout a point du monde as traites
Toutes les parties parfaites; 5560 Qui les elemens joins ensemble Si que Ii uns l'autre ressemble En une qualité commune: Le feu et Pair si en ont une, 5564 Car ilz ont ensemble chaleur; L'air et l'iaue si ont moisteur; Air et terre si ont froidure;
Terre et feu sont sec par nature; 5568 Le feu ne puet plus hault voler, Terre ne puet plus bas aler. Tu les moiens espris humains
Entre toy et les corps mondains 5572
Es membres corporelz mis as; Et si tres bien les ordenas
Car aucuns d'eulz le ciel tournent,
Les autres corps humains aournent; 5576 Ceulz que fais as pour corps ourner A toy se pevent retourner Et par charité convertir;
Et quant se doivent departir 5580
Des corps qu'ilz ont en leur baillie, Il pevent par ta courtoisie
Vers le ciel adrecier leur trace
Pour regarder ta clere face. 5584 Tu, pere, qui toutes ces choses
Tant nobles qu'a ton veuil disposes [44r-b] Et ordenes ou a ta guise,
Nostre pensee bas assise 5588 Ou bien de terre qui deffault, Eslieve et fait monter en hault; Donne nous trouver la fontaine
De felicité souveraine; 5592
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BÖECE DE CONFORT 1 6 1 III, ix; III, 10 Nos entendemens enlumine
De la tres grant clarté divine En tel guise et en tel maniere
Qu'en la vertu de ta lumiere 5596 Te puissons veoir clerement Et amer pardurablement; Desrompt et dechace la nue
Qui nous empesche ta veüe; 5600
Oste de nous foie plaisance Qui nous tient en ceste ygnorance. Tu es la clarté tres serie,
Joie final d'umaine vie; 5604 Tu es le paisible repos Des débonnaires et devos; Car tu es de la vraie joie Commencement, duc, terme et voie. 5608
III.10
Or ť avons monstré clerement
Que l'en entent communelment Par Testat de felicité;
Mais ne sees pas en vérité 5612 Se l'en puet trouver ne savoir Qui cest grant estât puet avoir. Dont par toy a esté retraite
La diffinicion parfaite 5616 A fin que par penser volage Ne nous decovre faux ymage. Premier nous te demonstrerons
Et entendre le te ferons 5620[44v-a] Que trouver convient une chose Ou toute bonté est enclose, Qui des autres est souveraine Et commencement et fontaine. 5624
Böece, dont dois tu entendre
Qu'en toutes choses convient prendre
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1 62 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 10 Une de grant perfección
Dont vient la generación 5628 Des autres choses mains parfaites; Car toutes choses qui sont faites Vont toudis en apetissant;
Pour ce, qui voit bien deffaillant 5632 Et qui n'est pas du tout parfait Dire puet que ce bien est fait Par .i. bien tres grant et tres hault
Qui de nulle rien n'a deffault. 5636 Raison par nature s' acorde Que toutes choses qui ont ordre Celle qui est toute premiere
Soit sanz deffaut trestoute entiere; 5640 Quant nature a ouvrer se prist, Premier parfaites choses fist,
Ja soit que les autres après
De moult de deffaux soient pres; 5644 Et qui par la deffectueuse Veult prouver la plus vertueuse, S'il veult sa raison droit tenir, En la fin le convient venir 5648
A une chose tres parfaite Qui de nulle rien n'ait souffraite. Puis qu'est dont par toy esprouvee La felicité mains löee 5652 Qui
sanz
deffaut
estre
ne
peult,
Raison s' acorde et droit le veult [44v-b] Que l'en treuve, comment qu'il aille,
Un autre bien ou riens ne faille; 5656 Ce bien parfait sanz contredit Felicité doit estre dit.
Böece respont -Parler, dist il, ne m'en faut plus,
Tres ferme et bien vray l'as conclus. 5660 Philosophie dit
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BÖECE DE CONFORT 1 63 III, 10 -Or convient dont après prouver En quel lieu la pourras trouver. Chascuns homs tient communelment
Que Dieux est prince seulement 5664 Et gouverne tous comme bons; De ce prouver mestier n'avons, Car Dieu si est .i. tel seigneur.
C'om ne pourroit penser meilleur. 5668
Raison le demonstre tres bon, Plain de toute perfection, Car se tres parfait il n'estoit
De tous prince estre ne pourroit; 5672 Car qui meilleur pourroit trouver, On le pourroit prince prouver.
En toutes les choses qui sont
Les plus parfaites devant vont. 5676
Sanz fin dont toudis compteras
Ou a un seul ťarresteras
Oultre lequel ne pourra plus
Tres parfait de toutes vertus; 5680 Bien parfait et felicité Sont tout un sanz diversité;
Le bien parfait est en Dieu donques,
Felicité ne li fault onques." 5684
Böece dist: "Je 1' octroy bien,
Contredire on n'y puet rien. [45r-a] -Je te pri, dist Philosophie, Garde comme ton euer l'octrie 5688
Et qu'apreuves bien sainnement Que Dieux est bon tres plainnement. -Pourquoy, dist il, m'en doubteray?
-Pour ce, dist elle, que ne scay 5692 Se tu cuides qu'il ait de luy Ce grant bien ou il l'ait ď autrui Et que difference il y ait
Entre Dieu et ce bien parfait: 5696 Se qu'il l'ait d'autruy confessoies, Plus puissant celui cuideroies,
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1 64 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 10 Car moins puissant est la personne
Qui prent que n'est celle qui donne; 5700 Or ne puet estre, car devant
Avons prouvé Dieux tout puissant; Si ne puet avoir difference Entre celle divine essence 5704
Et ce souverain bien sus dist; Car il convendroit c'om fainsist
Aucun qui ces .ii. assemblasi
Qui meilleur de tous .ii. semblast; 5708 Aussi tout un pas ne seroit Se l'un de l'autre differoit
Et ce seroit tres grant erreur
Penser autruy de Dieu meilleur; 5712 Car com Dieu soit commencement
De toutes choses ensement, Le convient croire plus parfait
Que toutes choses qu'il a fait; 5716 Ce t'avons ja conclus de vrays. Böece respont -Tres bien, dist il, doubte n'en fais.
Philosophie dit a Böece [45r-b] -Tu sees aussi que, de certain, Felicité est bien souvrain. 5720
Böece respont -Je croy, dist il, aussy ceci.
Philosophie parle -Dont, dist elle, j'argue ainsi: Felicité est biens souvrains,
Dieux est de trestous biens tres plains, 5724
Dont clerement en vérité
Dy que Dieu est felicité. Böece respont -Resister n'y pourroie plus, Car tu l'as bel et bien conclus. 5728
Philosophie dit -Encor par ce confermeray Ce que par devant monstré ay,
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BÖECE DE CONFORT 1 65 III, 10 Car se .ii. biens souvrains estoient,
Puis que differens ilz seroient, 5732
En l'un clos seroit aucun bien
Dont li autres n'en auroit rien; Ainsi seroient imparfait
Pour cel bien qui seroit soustrait 5736 Que l'un auroit et l'autre non; Par ce condurre pourroit on Que ne seroit biens souverains
Nul des -ii., puis qu'il auroit mains 5740 De tel condicion ostee; Or est bien souvrain assemblee De tous biens ou riens il ne fault.
Par force dont confesser fault 5744
Qu'il n'y ait point de difference Entre celle divine essence
Et parfaite felicité,
Car toute la divinité 5748[45v-a] Et la bonté en luy enclose
Sont du tout une mesme chose."
Böece dist: "C'est chose voire,
Tres ferme , bien digne de croire. 5752 Philosophie respont -Or te vueil je, dist elle, faire Un intracident correlaire
Des choses qui provees sont,
Ainsy que geometres font 5756 Que nomment appericions Pour ouvrir les intencions
Des disciples a miex entendre
La propre fin ou veulent tendre. 5760 Du tout aussi et par tel guise Qu'oms est fait justes par justise, Et sages quant a sapience,
Et pacient par pascïence, 5764 Ainsy dirons nous par raison Que, par participación
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1 66 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 10 De felicité, hommes sont
Beneurez quant boneür ont; 5768 Et puis que selon vérité Beneurté est divinité
Et par divinité avoir
Puet on estre dit Dieu pour voir, 5772 Cilz dont qui sont beneiirez Pevent dont estre Dieu nommez!
Ce n'est pas d 'inconvenient,
Car par nature seulement 5776 N'en est c'un par perfección, Mais par participación Pevent moult bien estre pluseurs."
Böece dist: "Tres plain d'onneurs 5780 Et tres bel est ce correlaire. [45v-b]
Philosophie -Encor, dist elle, en vueil extraire
Et adjouster .i. trop plus bel."
Böece tost demande: "Quel? 5784 -Pour miex, dist elle, proceder.
Philosophie parle Premier, je te vueil demander Com felicité ja prouvee
Soit de pluseurs biens composee 5788 Et ait pluseurs membres ensemble; Je te demande s'il te semble Que l'un soit des autres plus grans,
Que tous ses membres si vaillans 5792
Ensemblé a, unisse et les joingne Et acomplissement leur doingne, Et auquel soient raportees
Celles parties rassemblées?" 5796
Lors dist Böece: "Je vouldroie
Que brief par plus ouverte voie Tout ce qu'as ci dit me monstrasses
Et clerement le me notasses. 5800
Philosophie respont -Nous ne doubtons, dist elle, en rien
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BÖECE DE CONFORT 1 67 III, 10 Que felicité ne soit bien.
Böece parle -Voire, dist il, bien souverain. Philosophie respont
-Adjouste, dist elle, de plain; 5804
Ce met aussi aus autres choses
Car il te loit que tu proposes: Se bien est souvraine puissance
Et a souvraine souffisance, 5808 Souvrain honneur, gloire et délit,
Que s'ensuivra dont de ce dit? [46r-a] Seront dont ces membres égaux
Ou bonté sera li royaux, 5812
Si que bonté trestuit aront Pour chief ou se raporteront? Böece
-J'entent, dist il, ta question, Dont désir la conclusion. 5816
Philosophie -Tu pues, dist elle, entendre ainsy
La conclusion de cecy: Se ces biens diz membres estoient,
Diversité entťeulz aroient, 5820 Car tous membres de leur nature
Qui font un corps par leur jointure Entťeulz ont diversité grant;
Et nous avons prouvé devant 5824 Que ces biens sont tout .i. tousjours; Dont ne sont pas membres plusours; Dont faudroit par neccessité
Confesser que felicité 5828 C'un seul membre sans plus n'aroit Et cecy estre ne pourroit.
Böece respont -Jë entent, dist il maintenant,
Mais or vueil je le remenant. 5832 Philosophie parle -Ces biens, dist elle, sus nommez
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1 68 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 10 Sont tous a bonté rapportez; Pour ce desire la personne
Puissance, pour ce qu'el est bonne, 5836
Et demande l'en souffisance
Pour ce qu'est bonne en sa substance, Aussi d'onneur, gloire et délit;
Dont la fin de tout appétit 5840 Est bonté, car nulz par raison [46r-b] Ne quiert fors ce qu'il tient pour bon Ne nulz homs par especial
Ne desire ce que scet mal; 5844 S 'aucun desire mal, ce vient Car ce qui est mal a bon tient. Pour quoy, il appert de certain
Que bonté est bien souverain 5848 Et le final terme est désir
De tout le naturel plaisir,
Car la cause est plus desiree
Que n'est l'eure de li causee. 5852 S 'aucun chevauche pour avoir Santé, il puet trop bien savoir
Que la santé avoit plus chier
Qu'il ne faisoit le chevauchier. 5856 Puis dont que tout ce c'om desire Est pour bonté sanz plus eslire, Et aussi toute volenté
Si
desire
beneürté,
5860
Condurre on puet, sanz doubte aucun, Que sommierement c'est tout un Sanz aucune diversité
De
bonté
et
felicité
5864
Et sont souveraine substance.
Böece responî -Ci n'a pas aucune doubtance. Philosophie parle
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BÖECE DE CONFORT 1 69 III, 10; III, X -Or t'avons, dist elle, prouvé C'un sont Dieu et felicité. 5868
Böece respont -Ainsi est, dist il, vraiement.
Philosophie -Dont, dist elle, seürement
Povons condurre que l'essence [46v-a] De Dieu bonne est par excellence 5872 Et qu'en Dieu est bonté enclose Du tout et non en autre chose.
III.x
Ci parle Philosophie de Dieu Venez en, tous emprisonnez,
De faux delis environnez, 5876 Qui désirés en grant maniere La felicité mençongiere, Qui des chaiennes obstinees
Lie terriennes pensees ! 5880 Se venez a ceste bonté, Faite sera vo volenté; C'est le repos des traveilliez,
Le conseil des desconseilliez, 5884
De tous perilz paisible port, Des desconfortés le confort.
L'en puet bien dire par raison
Que c'est celle noble maison 5888 Que fonda Romulus a Romme, En laquelle n'entroit nul homme, Tant eüst fait grande folie,
A qui el ne sauvast la vie; 5892 Et estoit maison de refuge
Contre main de prince et déjugé; Asilus estoit appelee
A toutes gens abandonnée 5896
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1 70 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, x; 111,11 Ne le fleuve c'om dit Targus Ne l'autre c'om nomme Hermus, Dont l'un a araines dorees
Et 1 ' autre rives argentees, 5 900 Ne le fleuve c'om dit Indus, Voisin du chaut soleil Phebus, Ou naissent pierres precïeuses,
Esmeraudes tres gracieuses, 5904[46v-b]
Touz ce grans dessuz diz rivages N'enluminent point vos courages, Ains aveuglent pensers humains Par désirs couvoiteux et vains; 5908 Et cuers avers chascun atise
De cerchier la par couvoitise Ce que la terre tient en li En basses cavernes nourri . 5912
Mais felicité tout puissant, Lassus au ciel resplendissant, L'obscurté de toute ame humaine
Destruit par la clarté souvraine; 5916 Quant ceste clarté vient en place, La clarté du soleil defface, Car sanz mesure et sanz nul compte Toutes autres clartés seurmonte. 5920
III.ll
Böece respont -Après tout ce, Böece dit,
Je me consens sanz contredit
A ce qu'as dit, car fermement
Prouvé l'as raisonnablement. 5924
Philosophie demande -Combien, dist elle, priseroies Ce grant bien se le cognoissoies?
Böece respont
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BÖECE DE CONFORT 171 111,11 -Certes, dist il, ce bien divin
A bonté sanz nombre et sanz fin, 5928 Et sanz fin je le priseroie Se bien cognoistre le povoie.
Philosophie parle -Je le te vueil, dist elle, aprendre
Et faire par raison entendre, 5932 Mais que tu croies sanz esmoy
Que tout ce qui est dit est vroy; [47r-a] Dont faut que tout ce supposons.
Böece respont
-Il me plaist, dist il, c'est raisons. 5936
Philosophie parle -Nous t'avons, dist elle, prouvé Et tu l'as dessus aprouvé Que les biens faillans et mondains
Ne puet l'en dire souverains; 5940 Car qui prent .ii. diverses choses Qui ne sont pas ensemble encloses Et qui n'ont pas bonté commune,
Pour ce que leur bonté n'est une, 5944 Ains est en chascune retraite,
Nulle des .ii. si n'est parfaite; Car chascune d'elles mains vault
Pour l'autre bonté qui li fault. 5948 Et si t'avons prouvé devant, Se tu en es bien souvenant, Qu' ains que .ii. biens estre diz soient
Felicité, il fault que un soient 5952 Pour ce qu'un n'est que suffisance; Honeur, gloire, joie, puissance Soient tuit une mesme chose
En la divinité enclose, 5956 Qui soit souveraine apelee Et de toute gent desiree;
Donques pour avoir unité Toutes ces choses ont bonté, 5960
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1 72 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 11 Car s'elles unité n'avoient
De point de bonté ne seroient. Böece respont -Certes, dist il, je le ťotry.
Philosophie parle
-Or sees tu bien, dist elle, aussy 5964[47r-b]
Que nul bien n'est fors par bonté." Böece dist: "C'est vérité.
Philosophie -Dont, dist elle, sanz fiction Te
La
fais
telle
chose
deducción:
est
une
5968
pour
bonté
Et est bonne pour unité; Dont sont tout .i., si com
Bonté et unité ensemble; 5972 Car en choses d'une substance
Ne pourroit avoir descordance. Böece respont -Certes, dist il, je t'entenz bien;
De ce je ne me doubte en rien. 5976 Philosophie parle -Encor, dist elle, par nature
Vois que chascune chose dure Tant com elle garde unité,
Car tantost com diversité 5980
La divise ou la depart, La chose se meut et depart." Böece respondi: "Comment? Philosophie respont
-Nature, dist elle, la prent, 5984
Car en toutes bestes vivans
Quant l'ame et le corps sont joingnans Et sont tout un, sanz dessevree,
Adont est ce 'beste' appelee; 5988 Et quant l'ame s'en est partie, Lors 'beste' on ne l'appele mie:
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me
semble,
BÖECE DE CONFORT 1 73 III, 11 Aussi quant les membres joins sont
Au corps, ď espece humaine font; 5992 Et s'estoient tous séparés
Ce ne seroit plus 'corps' nommez: [47v-a] Ainsi partout tu trouveras
Et par nature esprouveras 5996 Que, tant que les choses un font, Tant elles durent et tant sont; Aussi toute division Est cause de destrucción. 6000
Böece parle -Quant j' ay, dist il, par tout pensé, Je tiens que tu dis vérité.
Philosophie demande 'Est il, dist elle, creature
Qui par appétit de nature 6004 Ne desire duración
Et refuie corrupción?
Böece respont -D'omme, dist il, et de la beste Ceste chose est tres manifeste; 6008 Car ilz ont tuit, grant et petit,
Propre et naturel appétit
Par lequel ilz pevent chacier
Nourreture et leur pourchacier 60 1 2 Pour faire plus durer leur vie, Dont naturelment ont envie.
Chascun sa vie sauver veult
Et fuit la mort tant comme il peult. 601 6 Mais des choses qui point n'aroient D'ame, si comme arbres seroi ent Et herbes et choses sanz vie,
De telz choses ne scay qu'en die. 6020 Philosophie -Es herbes, dist elle, et es plantes Tout ce trouveras se les hantes, Car ilz desirent et ont chier
Les lieux ou mains pevent sechier: 6024[47v-b]
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1 74 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 11 L'olive desire les champs, Les cypres les montaingnes grans, Et les faulx desirent palus, Les cheveux de dame Venus 6028
En roches et en pierres croissent; De tous désiré quant s'acroissent, Selon l'appétit de nature,
Le lieu ou chascun d'eulz plus dure. 6032 L'un porte fruit et l'autre non, Et chascun fruit a sa saison.
Arbre n'y a petit ne grant
Qui de bouter ne soit engrant 6036
Ses racines dedenz la terre
Pour sa nourreture conquerre; Et quant a nourreture prise,
Parmy ses branches la devise 6040 Pour sa duración garder; Encor te convient regarder Que par dedenz est la mouelle,
Qui tendre est, plus noble et plus belle, 6044 Et puis le bois et puis 1' escorce Qui de garder l'arbre s' esforce Et puet plus de mal endurer
Pour plus faire l'arbre durer. 6048 Encor pues autrement choisir L'appétit et le grant désir Que les choses ont de durer; Car se tu veulz considérer 6052
Ce qui n'est en soy pardurable Dure tous temps en son semblable
Par la vertu et l'existence
Que nature mist en semence: 6056 Aussi pues tu le feu veoir
Qui toudiz fait en hault mouvoir [48r-a] Legiereté de sa nature; Et le fais de la terre obscure 6060 Li fait faire sa demourance
Es lieux bas pour sa grant pesance,
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BÖECE DE CONFORT 1 75 III, 11 Es lieux tiennent plus convenables
Car en ces lieux sont plus durables. 6064 Encor regarde que nature Tant que puet tient la terre dure Et fort pour les coups endurer,
Afin que plus puisse durer; 6068 Et s 'aucun diviser la veult,
Elle se deffent tant qu'el peult. Li airs et l'yaue de legier
Partir se laissent et trenchier; 6072 Mais tantost après se regoingnent, Car les parties que s'esloingnent Et reçoivent division
Tendent tuit a corrupción. 6076 Le feu est ď estrange maniere Et a ardoir si tres planiere Que s' aucun le veult departir, Il s' esforce de convertir 6080
Celui en sa propre nature. Tu trouveras en creature
Deux appetis moult desguisez:
Li un des deux est appelez 6084 Voluntaire par son droit nom Et suit deliberación;
L'autre est naturel appétit,
Selon ce que clergie dit; 6088
De sa nature refuit fort
La corrupción et la mort, Et se deffent tant que plus peult
Contre ce qui nuyre li veult. 6092[48r-b]
Du naturel voulons ci faire
Mención, non du volentaire; Aussi qu'en mengant avalons
La viande et point n'y pensons, 6096 Et si respirons en dormant Sanz lors penser ne tant ne quant, Car sanz deliberación
Nature a separación. 6 1 00
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1 76 CARMINA PHILOSOPHIAE
111,11 Dont l' appétit que bestes ont De vivre tant qu'elles pourront N'est pas appétit voluntaire, Naturel est et neccessaire. 6 1 04 Mais volenté souvent embrace
La mort, que nature dechace, Car la volenté se delite
En acquerre par son mérité 6 1 08 Vie qui soit plus proffitable Que ceste qui est pou durable; Et pour ce j'ay ci dessus dit
Que par naturel appétit 6112
Toute chose de Dieu creee
Desire tousjours sa duree; Car la pourvëance divine
T outes creatures encline 6116
De vouloir sa duración, De fuir sa corrupción; Ceste chose est tretoute expresse."
Böece dist: "Je le confesse, 6120 Acertenez suy maintenant De ce dont doubtoie devant.
Philosophie dit -Puis donques que division
T ent toudis a corrupción 6 1 24 Et unité a sauvement, [48v-a] L'en puet dire certainnement Que tous temps toute creature
Desire unité par nature. " 6128 Böece dist: "Il est ainsy. Philosophie respont -Ensement, dist elle, te di
Qu'aussy bonté et unité Sont une chose en vérité." 6132
Böece tantost respondy: "Et ce semblablement j'otry.
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BÖECE DE CONFORT 1 77 III, 11 Philosophie -Puis dont que n'ont que une essence,
L' en puet dire par consequence 6136 Que toute chose desiree Est d'aucune bonté douee
Et que cë est bon de nature
A quoy tent toute creature; 6 1 40 Dont ainsy pues bonté descrire: Bonté est que chascun desire." Böece respont sanz delay:
"On ne puet riens penser plus vray: 6144 Ou il convient que tout mal aille Ou sanz chief et retour deffaille, Ou il faut c'uns souverains soit
A qui toutes choses par droit 6148 Soient servans et raportees Et a son plaisir ordenees, Et que cil soit souverains biens
En qui deffaillir ne puet riens." 6152
Lors s'escria Philosophie: "Or suy, dist elle, resjouye Car ma doctrine as par my.
Or as la vérité par my 6156 En ton euer fichié proprement [48v-b]
Par laquelle puez vraiement Savoir ce de quoi te doubtoies. Böece demande
-De quoy, dist il?
Philosophie -Car
ne
savoies,
6
1
60
Dist elle, ou quérir on devoit Ne qui la vraie fin estoit De toutes choses; or le sens, Car tu confesses et consens 6 1 64
Que bonté de tout bien enclose Est vraie fin de toute chose.
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1 78 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, xi; III, 12 Ill.xi
Encore Philosophie Qui veult de parfonde pensee
Savoir vérité espuree, 6 1 68 Sans forvoier ou divertir, Par dedenz li doit convertir La lumiere d'entendement Et tout le forain mouvement 6 1 72
Et quanque devant voit au monde Doit refletir tant que redonde
En li dont sache sanz oultrage
Le grant tresor de son courage; 6176 C'est la noble treble puissance De l'ame qui doit cognoissance Gouverner toute par mesure.
Lors ce que par mondaine cure 6180
A couvert obscure ordenance
Li livra en plus grant plaisance Et plus cler que ray de soleil,
Car combien que le grant traveil 6 1 84
Et le pesant fes corporel Empesche le ray raisonnel De clere lumiere enterine
Et a oubli souvent l'encline, 6188
Neentmoins dedenz par existence [49r-a]
Remaint et ahert la semence
De vérité toudis cognoistre
Qui resveillë et fort fait croistre 6192
Doctrine souvent repetee; Dont a question bien formee Aucune fois bien respondons
Ce qu' autre fois apris n ' avons; 6 1 96 Laquei chose estre ne pourroit Se par dedenz nous habitoit
L'enracinee cognoissance
Dont respondons sanz pourvëance; 6200
Et selon ce que dit Platon,
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BÖECE DE CONFORT 1 79 III, xi; III, 12 Quant aucun pense a sa leçon, Souvent avient que il revoit
Ce qu'avant oublié avoit." 6204
111.12
Le liseur dit
Quant Bôecë ot tout ouy A sa maistresse respondi: Böece respont " A Platon, dist il, je m'acorde,
Que celuy aprent qui recorde; 6208 Car je n'ay pas de nouvel pris
La leçon qu'ores m'as apris;
Autresfois moult bien la savoie
Mais toute oubliee 1 ' avoie 62 1 2
Pour le pesant fes de mon corps Et pour mes tristours griefz et fors.
Philosophie parle -Ce, dist elle, tout bien recordes,
T antost faudra que tu ť acordes 62 1 6 A ce que nagueires disoies Que confesser tu ne savoies. Böece demande
-Quoy?
dist
il.
[49r-b]
Philosophie dit -Par quelz gouvernaux, Dist elle, est li monde mortaux 6220 Gouvernés et par quel puissance? Böece respont -J'ay bien, dist il, en cognoissance Que j'ay dit que je ne savoie,
Et com ores un pou le voie, 6224 Le désir plus a plain ouïr De toy, s'il te vient a plaisir.
Philosophie parle
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1 80 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 12 -Un pou, dist elle, cy devant
Ne doubtoies, ne pou ne grant, 6228 Que Dieu si gouverne et dispose
A sa volenté toute chose.
Böece respont -Zsncore ce tieng je pour vray,
Ne jamais ne m'en doubteray. 6232 Les raisons vueil dire et pourquoy De ce doubter je ne me doy: Car li mondes grans et espars
Est formé de diverses pars 6236 Si contraires et si desjointes Que, se par Dieu n'estoient jointes,
Diversité de sa nature
Les di verseroit sanz jointure 6240 Et seroient sanz point d'acort En un continuel descort; Dont s' un souverain les tenoit
Et par ordre ne les tenoit, 6244 Pour certain compas et mesure, Le certain ordre de nature
Tantost desordenez seroit
Et sanz ordre procederoit, 6248 N'il ne pourrait trouver espaces, [49v-a] Temps, lieux, qualitez, propres places, S'un chief n'avoit sur tous maistrise
Qui les disposasi a sa guise; 6252 Comment qu'il soit, ceulz qu'il discerne Toutes les choses et gouverne Selonc coustumee loquelle
En son droit nom Dieu je l'apelle. 6256
Philosophie -Puis, dist elle, que sanz deffault Tu sees tout ce, trop poi me fault
Labourer a ce que tu chaces
Ce que finablement pourchaces; 6260
Ou est le lieu et la cité Ou habite felicité?
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BÖECE DE CONFORT 1 8 1 III, 12 Or soit clerement exposé
Ce que nous avons proposé. 6264
Prouvé avons, si com me semble, Q'une chose sont tout ensemble Beatitude et suffisance,
Et avons prouvé sanz doubtance 6268 Qu'il n'a nulle diversité
Entre Dieu et felicité.
Böece respont -Je l'ay confessé des pieça. Philosophie replique
-Dont, dist elle, Dieu mestier n'a 6272
D' autrui port ne de main seconde Pour bien gouverner tout le monde. S'il li failloit chose foraine,
Suffisance n'aroit pas plaine. 6276 Böece respont C'est voir, dist il.
Philosophie -Dont tout par ly,
Dist elle, tout ce monde cy
Gouverne a son vueil et dispose, [49v-b] Ciel, terre, mer et toute chose. 6280
Böece
-Je ne le puis, dist il, nier.
Philosophie respont -Aussy t'avons fait octrïer,
Dist elle, que Dieu et bonté
Ont une seule ydemptité. 6284
Böece respont -Certes, dist il, bien m'en souvient.
Philosophie li respont -Donques, dist elle, te convient Confesser par neccessité
Que tout gouverne par bonté. 6288
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1 82 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 12 Dont est il comme un gouvernail Qui tout mainne et qui tient le bail,
Par qui toute chose creee
Est de corrupción gardee. 6292 -Je me consent, dist il, de vray;
Et cy un pou devant pensay Que tu ce dire me vouloies,
Combien qu'encore toutesvoies 6296 Je fusse en souspeçon un poi. Philosophie respont -Certes, dist elle, je t'en croy, Mais il me semble que les yex
As levez pour entendre miex 6300 La vérité que ne souloies; Se ce que dit est bien sentoies, Ce que veuil dire de legier
Entendroies sanz nul dangier." 6304 Böece li demanda: "Quoy? -Comme, dist elle, tout par soy, Par le clou de felicité
Dieu gouverne par sa bonté 6308[50r-a] Toute chose et, si com t'ay dit, Tout le naturel appétit A bien naturelment s 'encline;
Pour ce j e dy et determine 6312 Que franchement par volenté Dieu gouverne tout par bonté Et toutes choses obeïssent Et sanz contrainte convertissent 63 1 6
Leur volenté et leur désir
De servir en tres grant plaisir A Dieu comme leur vray seigneur, Leur souverain et leur recteur. 6320 Böece dit
-Il le convient, dist il, par droit, Car le royaume ne seroit
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BÖECE DE CONFORT 1 83 III, 12 Beneüreux se li subgis N' estaient tous ensemble unis 6324
Et qu'ensemble sanz nul descort N'obeïssent tous d'un accori
Au roy qui les sauve et dispose. Philosophie respont Dont, dist elle, n'est nulle chose 6328 Qui gardant naturel désir
Vueille a Dieu point désobéir." Böece dist: "C'est vérité.
Philosophie demande -Et s'aucun par iniquité, 6332 Dist elle, vouloit resister, Il n'y pourroit riens proffiter,
Car Dieu a souvraine puissance Si comme tu sees sanz doubtance. 6336
Et pour ce n'est il nulle rien Qui puist ou vaille a souvrain bien
Désobéir ne contrester. [50r-b]
Böece dit
-Ce croy je moult bien sans doubter. 6340 Philosophie respont -Dont, dist elle, se bien dispose Fort et tres fort tretoute chose
Par plaisance et souvraine amour
Par puissance et tres grant vigour." 6344
Böece dist: "Non seulement
Ce que m'as monstré clerement Et la doctrine que m'as dite
Me reconforte et me delite, 6348 Mais ton parler si advenant Me plaist et me delite tant Que maintenant grant vergoingne ay
De ce que devant murmuray 6352 Et reprens la foleur qu'avoie Quant cy devant je reprenoie Dieu de sa gubernacion
Pour ma grant tribulación. 6356
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1 84 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 12 Philosophie demande -As tu, dist elle, lut la fable Qu' O vi des met moult proffitable?
Jadis furent aucuns jaians
Qui fors gens estoient et grans, 6360 Si que par grandeur et par force Cuidierent a Dieu faire force
Car montaignes amorcelerent a
Et 1 ' une sur 1 ' autre ordenerent, b Et cuidierent ou ciel monter,
Sanz congié a Dieu demander; 6364 Mais Dieu de son jeu leur joua, Car par foudre que feu porta Il destruit tout leur edifice
Ne leur vault force ne malice 6368
Que ne soient tuit confondu,
Car leur painne ont du tout perdu. [50v-a] Mais veulz tu qu'ensemble hurtons
D'aucunes proposicions? 6372 Je croy que ď escolle si belle
Pourra saillir une estincelle
De vérité belle et plaisant." Böece dist: "A ton commant. 6376
Philosophie : -Je croy, dist elle, que sans doubte Chascun tient que puissance toute
Est en Dieu seulement enclose.
Böece respont: -Certes, dist il, de ceste chose 6380 Nul ne doubte qui ait pensee, Se n'est du tout desordenee.
Philosophie dit : -Et cil, dist elle, qui seroit
Tout puissant tout faire pourroit. 6384 Böece respont :
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BÖECE DE CONFORT 1 85 III, 12 -Nul, dist il, ne tient le contraire.
Philosophie demande: -Dieu, dist elle, puet il mal faire?
Böece respont: -Certes, dit il, je tiens que non.
Philosophie replique:
-Dont, dit elle, mal, cetui nom, 6388
Est noient puis que ne le veult Faire le tout puissant ne peult." Adont Böece respondi:
"Te truffes tu, dist il, de my 6392
Qui par ces raisons sophistiques Que pour enveloper m'expliques?
Me veulz en cest cercle tenir
Duquel je ne pourroie issir? 6396 Car quant suy pres tant loing sui plus, [50v-b]
Com de la maison Dedalus,
Et par ces raisons merveilleuses Treuve toutesvoies doubteuses 6400 Et a l'entrer et a l'issir.
Il semble que vueilliez partir La divine et une simplesce
Cy devant sanz tel subtillesce 6404
Quant a parler tu commenças. Tres clerement tu me prouvas Que felicité est tous biens
Et qu'est toute sanz faillir riens 6408
En Dieu enclose seulement, Et c'om ne povoit nullement Estre beneürés nommez
Comme puet Dieu estre appelez, 64 1 2 Ce pour jovel tu me donnas; Et puis après tu m'enseignas Que Dieu, bien et felicité
Sont tout ensemble une entité, 64 1 6
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1 86 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, 12 Et que Dieu gouverne le monde Par luy, sanz autre main seconde, Et que tout naturel désir
Obeïst a li par plaisir; 6420 Tout ce nagueres me monstroies Par raisons et par propres voies Et par cleres probacions,
Sans estranges disgressions." 6424 Adont respont Philosophie: "Compains, je ne te truffe mie,
Car de grant chose avons traictié;
Qui par son don nous a aidié 6428 A prouver que c'est bien souvrain;
Et l'avons de euer tres certain
Cy devant prié humblement. [5 1 r-a] Dont cuidier ne dois nullement 6432
Qu'en si haulte et noble clergie Vueille parler de trufferie Car celle divine substance
Ne puet avoir en li muance; 6436 Recevoir ne puet chose estrange, Pour chose nulle ne se change; Mais comme dit Permenidés
Elle maint en un point adés 6440
Et met a toutes choses bourne
Et les roe et tourne et retourne,
Premiers par generación,
Puis après par corrupción, 6444
Toutes choses a son vueil meut Et rien mains on ne se remeut.
Dont Böece, se pris avons
Non ailleurs mais propres raisons 6448 Selon la propre qualité Des choses que t'avons dité,
De ce ne dois avoir merveille.
Mais au dit Platon te conseille 6452
Disant qu'estre doivent voisines Les paroles et com cousines
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BÖECE DE CONFORT 1 87 III 12; III, xii Aus choses dont on veult traitier
Sanz estrange plait affectier. 6456
Ill.xii
Beneüreus seroit pour voir Cil qui la fontaine veoir Pourrait bien de vérité pure; Beneüree
est
creature
6460
Qui les loiens de terre obscurs Puet desloier de pensers purs.
Philosophie D
'Orpheiis
nous
la
raconte
fable
et
le
conte
Comment ala par toute terre [5 lr-b] Erudice s ' amie querre,
Affolez d'amour com meschant; Mais tant fist que par son doulz chant Les Dieux d'enfer la li rendirent , Dont bien courte joie li firent.
Orpheüs fu ça en arriéré
Un menestrel de grant maniere 6464 Qui faisoit chans moult delitables, Selonc ce que dïent les fables, Et souverain musiciens,
Et bel touchoit tous instrumens; 6468 Et fu nez et nourris en Trece,
En une partie de Grece; Une tres belle amie avoit
Laquelle Erudice on nommoit. 6472 Avint qu'il perdi celle amie Dont il mena dolante vie, Car lonctemps li couru après
Par bois et par champs et par prés; 6476 Toutesvoies soy complaignant Aloit toudis chalemelant; La douceur de ses chalemiaux
Les chesnes et les grans ourmiaus 6480
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,
1 88 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, xii Faisoit troter et courre en dance;
Les rivieres qui par plaisance Qui contre le val fort couroient
A son tres doulz chant s'arrestoient; 6484 Le cerf se joingnoit au lyon Et li lievres au chien felon Pour sa tres doulce melodie
Qu'il faisoit en querant s'amie. 6488 Quant ne la puet trouver sur terre,
En enfer la voult aler querre
Et se complaint des diex d'amont [5 1 v-a] Qui de son pleur semblant ne font, 6492
Car ne li veulent reveler
Ou s'amie pourra trouver. Quant il veult en enfer descendre, Ses instrumens forment fist tendre 6496
Si qu'il n'y ot clef ne muance Qui ne fust selon l'ordenance Caliope, qui le chant fist
Et qui tout son chant li aprist. 6500
Grant désir a de tel chant faire
Qui aus dieux d'enfer puisse plaire. Chant ne le povoit conforter;
Amour faisoit son pleur doubler, 6504 Car par biaus pris et dous langages Grace trouva es diex umbrages. Quant Orpheüs vient a la porte
D'enfer, adont se desconforte, 6508 Car a la porte .i. chien demeure Qui tout derompt, mort et deveure,
Que l'en appelle Cerberus;
Lors fu esbahis Orpheüs 65 1 2 Car le mastin avoit .iii. testes,
Ce que n'ont pas les autres bestes; Si prist a touchier sa vielle
Si doucement qu'a sa cordelle 6516 Actraist le mastin deputaire Et l'a fait doulz et débonnaire.
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BÖECE DE CONFORT 1 89 III, xii Quant il ot le portier passé
Qui ne Tot ne mors ne quassé, 6520
Si encontra les trois deesses
Qui sont encor plus felonnesses, En ce siecle les ames temptent Et en l'autre fort les tourmentent. 6524
Quant regarda ces forsenees [5 1 v-b] N'est pas seürs de ses denrees; Et nonpourquant avant ala Et
si
Qu'il
doucement
fist
au
vïela
doulz
6528
son
de
sa
Encliner a misericorde
Celles qui tourmentent les ames
Et leur fist geter maintes larmes. 6532
Quant Orpheüs ot eschappees Ces diablesses et passees, Si trouva le roy Yxion
Tournant en grant affliccion; 6536 Yxion fu pour ses pechiez En une grant röe atachiez Par piez, par mains et par la teste;
Celle röe point ne s' arreste, 6540 Repos n'a que tousjours ne tourne, Car de nuit et de jour retourne; Orpheüs prist si doucement A demener son instrument 6544
Que par son tres douls vieler La röe cesse a röeler
Aussy com s' elle eüst envie D'entendre celle melodie. 6548
Ainsy se porta Tantalus Moult tres bien envers Orpheüs; Tantalus en une saison
Les dieux semont en sa maison 6552 Et fist grant mengier et grant feste;
Mais en la fin li vint moleste,
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corde
190 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, xii Car quant vit que li fault vitaille
Son propre filz par morsiaus taille 6556 Et le mist cuire pour mengier; Les diex qui doivent tout vengier
De ce crisme garde se pristrent [52r-a] Et tres durement l'en pugnirent, 6560 Car Tantalus est condempnez En enfer, avec les dempnez, Ou il est en une riviere
Si plungiés devant et derriere 6564 Que son menton a l'yaue touche Et si n'i puet mectre sa bouche; Ainçois quant voit l'onde venir
Et il la cuide retenir, 6568
L'onde tantost arrieres fuit; Ainsi meurt de soif jour et nuit;
Un grant pommier est en la place
Qui son fruit li met a la face; 6572 Quant il cuide la pomme mordre, Elle ne fait que soy estordre,
De l'autre part prent a voler,
Pour ce ne la puet engouler; 6576
Ainsi meurt de soif et de fain
Cil qui la vitaille a en main; Quant Tantalus ouý la note,
Qui par bemol fu moult devote, 6580
Tant fu seurpris et esbahis Et en joie de euer ravis Que la fain et la soif oublie En escoutant la melodie. 6584
Tutïus estoit d'autre part Qui fu uns homs de maie part Et qui pour sa transgression
Est en moult grant afïliccion; 6588 Car un votour, oisel de proie, De son ventre li trait le foie; Quant le voultour ouy le chant,
Qui melodie causoit grant, 6592
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BÖECE DE CONFORT 1 9 1 III, xii
Pour la doulceur lieve la teste [52r-b] Et du mengier tantost s' arreste.
Ors' en va Orpheüs sa voie,
En plorant fait semblant de joie, 6596 Mais de grant joie n'y a point Car l'aguillon d'amour le point. Au roy d'enfer s'est adreciez
Comme dolant et courrouciez; 6600 Aucune fois la corde touche, L'autre fois chante de la bouche; Soit par bouche ou par son de corde
Toudis requiert misericorde 6604 Et en chantant grace supplie.
Que voulez vous queje vous die? Tant a vïelé et chanté
Qu'il a le diable enchanté; 6608 Le roy d'enfer tantost s'acorde C'om li face misericorde.
- Rendez, dist il, cestui s'amie,
Car par son chant l'a desservie; 6612 Mais tant li mectons nous de loy Qu'il ne regarde derrier soy Jusqu'à tant qu'il l'aura menee
Oultre toute nostre contree. 66 1 6
- Mais la loy d'amour est si fort Que ne doubte painne ne mort; Dont est folle painne et errour
De baillier loy a fine amour; 6620 Car Orpheüs fu amans fins Et d'enfer voult veoir les fins.
Son regart tourne par derriere
Pour regarder s'amie chiere; 6624 Et quant la loy n'a pas tenue, S'amie tantost a perdue;
En enfer va comme devant. [52v-a] Ici
fine
la
fable
atant.
6628
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1 92 CARMINA PHILOSOPHIAE
III, xii L 'exposition de la fable D 'Orpheüs homme mal estable A vous recorde ceste fable
Qui querez le jour pardurable Et ja vous estes mis en voie;
Gardés vous bien que fausse joie 6632 Ne vous face tourner arriéré
Ne perdre ceste grant lumiere. Qui bien veult a enfer penser
De tous maulx se doit bien tenser, 6636 Ne pour un seul petit horaire Point ne doit son appétit traire En ce puant venimeux gouffre Ou sanz fin art l'eternel souffre." 6640
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BÖECE DE CONFORT 1 93 IV, 1 LIVRE IV IV.l.
Ci parle Böece a li mesmes Quant chanté ot Philosophie En mectre de grant melodie, Par voix douceté de sa bouche
En li gardant de tout reprouche 6644 Quant a la bouche et au visage, En maniere meüre et sage, Je qui encore point n'avoie
Oublié les maulx que souffroie, 6648 Ses paroles que disposoit, Dont moy encor lire vouloit, Soubdainnement entrerompi
Et tantost ainsy je li dy: 6652 Böece a Philosophie O, tu dame qui enlumines Tous cuers de tes vraies doctrines, Tant pour elles qui sont divines
Que par raisons fermes et fines! 6656 De tout ce qu'as dit cy devant [52v-b] Je n'estoie pas ygnorant,
Mais je l'avoië oublie
Pour les maulx que m'ont mestrîé; 6660 Et toutesvoies la greignour Cause de ma present tristour Est car Dieu ou bonté habonde,
Par bonté gouverne le monde, 6664 Et si seuffře le mal venir,
Et le venu ne veult pugnir! Se tu veulz bien considérer,
Cause ay de cecy merveiller; 6668 Et encor ay plus grant merveille
Car il semble que Dieu sommeille Quant tyrans ont les seigneuries
Qui ne font fors que vilenies; 6672
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1 94 CARMINA PHILOSOPHIAE IV, 1 De leur maulx point pugniz ne sont; Et les bons qui les vertus ont Sans guerredon sont dechaciez;
Les mauvais les ont souz les piez. 6676 Comment sueffře tele ordenance,
Au mains sanz aucune vengance, Le roy qui tout scet et tout peult
Et qui rien fors bonté ne veult? 6680 De ce nuls assez ne pourroit Lui merveillier et plaindre a droit! -Adont, respont Philosophie,
Tout ce que dis mon euer ottrie; 6684
Ce seroit chose moult terrible
Et plus que nulz monstres horrible. Selon ta susdicte pensee
En maison si bien ordenee, 6688 Li sires et peres soufířoit
C'un vaissel qui rien ne vaudroit,
Vil et ort, fust mis a honneur [53r-a] Et le precïeux de valeur 6692 Fust laissiez en la vile ordure; Tout ce seroit contre droiture; Mais il est bien tout autrement
Que tu ne cuides folement; 6696
Car se tu es bien souvenant
De ce qu'avons dit cy devant, Tu sauras par pluseurs raisons
Qu' ou royaume dont nous parlons 6700 Les bons sont preux, fors et vai 11 ans,
Et les mauvais sont non puissans. Et que tretous biens sont meris
Et que tous vices sont pugnis; 6704
Aussi toudis vient beneurté
Aux bons et aux maulx maleurté, Et maint autre chose en tel guise
Que, se ton engin bien s'avise, 6708 Tes complaintes apaiseras Et en paix te confermeras.
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BÖECE DE CONFORT 1 95 IV, 1; IV, i Mais pour ce que je t'ay monstré La
fourme
de
felicité
6712
Ou elle maint et est assise, Il est or temps queje t'avise, Sans plus repeter ci devant,
La voie tres droite et plaisant 67 1 6 Comment y pourras advenir. Ou pour t'y faire miex venir Pennes donray a ta pensee
Dont puist estre hault eslevee, 6720 Si que toute tristour ostee Et clere santé recouvree, Retourner puist en son esduit
Par moy seurté, port et conduit. 6724
IV.i
Je te donray deux pennes belles, [53r-b] Force et prudence, par lesquelles Voler pourras legierement Par dessus le hault firmament. 6728 Se prendre le veult ta pensee Quant elle sera hault volee, La terre elle despitera Et tout le ciel seurmontera 6732 Et par hault isnel mouvement
Derriere son dos belement
Du feu et les nues verra;
Et si hault se transportera 6736 Tant que passera les planetes Et du soleil les voies nettes, Puis volera hault d'une part
Vers Saturne, le fřoit vieillart, 6740
Et en volant et contemplant Par son grant labour fera tant
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1 96 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, i Que par chevalereux harnages
Verra li reluisans visages 6744
De l'estoille de Deïté
Ou est plaine felicité; Puis en volant descendera
Et le cercle regardera 6748 Du ciel ou pluseurs paintes sont Estoilles, qu'en nuyt cleres sont; Et quant aura par tout volé
Et puis l'un, puis l'autre escolé, 6752 Quant avisee bien sera, Le dos au bas ciel tournera; Ciel et tout laissera derriere
Pour la reverente lumiere 6756
Qui sur tous autres est assise D'infinité clarté esprise.
Lors d'un tres embrazé désir [53v-a] Et en tres desireux plaisir 6760 Joieuse dira en tel guise: - Vez cy dont toute honneur est prise,
Vez cy le ceptre et royal siege
De celui qui par previ lege 6764 Le char isnel du ciel gouverne Et le monde trempe et discerne, Resplendissant cler et serain,
De tout le vray roy souverain. 6768 - Ta pensee ore endormie Par voler, ainsy esveillie Sera par contemplación.
Lors en grant consolacion 6772 Et dira: 4 Or ay remembrance
De ce qu'avoie en oubliance Mis pour m'engoisseuse tristeur;
Orendroit cognois mon seigneur, 6776 Vez ci ma propre mansion, Mon pays et ma nación; Ci demourray finablement.'
Et se tu veulz aucunement, 6780
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BÖECE DE CONFORT 1 97 IV, i; IV, 2 Quant seras en celle grant joie, Toy retourner vers l'orbe voie Et de terre la nuit obscure
Qu'avoies ja laissié par pure 6784 Pensee volant eslevee, Lors toute mondainne pensee Tres orde et vile jugeras;
Et adont tu apercevras 6788
Les felons tyrans, dont te plains
D'iniquité et vices plains Que doubtent leurs povres subgis,
Comment sont dampnez et bannis 6792 De ce lieu ou tout bien habonde [53v-b] Apresté pour tout ame monde."
IV.2
Böece dit:
Quant j'o Philosophie ouy,
Adont mon euer se resjouý; 6796
"Ha hay! dis je, com chose grant M'as promis; mais si trespuissant Te scay que tieng que poieras
Bien tout ce que tu prometras; 6800
Si te pri que sanz demourance Tu me donnes tost délivrance
De moy faire, sanz plus actendre, Celle tres noble chose entendre 6804
De quoy tu m'as fort resveillie;
Bien scay que l'as appareillie. Philosophie dit a Böece -Pour toy, dist elle, miex aprendre
Tu dois premièrement entendre 6808 Que les bons toudis puissans sont Et mauvais point de povoir n'ont;
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1 98 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 2 Et que bien et mal sont contraire,
Qui preuve l' un l' autre desclaire; 6812 Dont qui preuve que bons sont fermes Preuve que mauvais sont enfermes; Mais pour donner a no sentence
Plus parfaite foy et science, 6816
Puis l'un, puis l'autre proverons; Et de tous deux procéderons. Deux choses neccessaires sont
A tous ouvrages que gens font, 6820 Ce sont volenté et puissance. Se ces deux ne sont d'acordance, Nul homme n'ouvrera ja bien:
Vouloir sanz povoir ne vault rien; 6824 Aussi ne pourroit riens valoir [54r-a]
Puissance sanz aucun vouloir. Dont il avient assez souvent
Qu'aucun desire fervaument 6828 Et veult avoir ce qu'il n'a mie, Adont est il raison c'om die
Qui ne li fausist que puissance."
Böece respont: "Sanz doubtance, 6832 Voir est, nul ne s'en doubte rien.
Philosophie parle : -Aussi, dist elle, vois tu bien Que, quant aucun fait ce qu'il veult,
On ne doubte ce qu'il ne peult?" 6836 Böece respont tantost: "Non. Philosophie dit: -Aussy, dist elle, est ce raison Que cil qui puet soit dit puissant,
Et non puissant qui po ne grant 6840 N'a de vertu ne de puissance. Böece respont : -Ce croi je, dist il, sanz doubtance.
Philosophie demande: -Te souvient il, dist elle, point
Comment cy dessus par maint point 6844
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BÖECE DE CONFORT 1 99 IV, 2 J 'ay prouvé que désir humain Tent toudis, de propos certain, Combien que par diversité, A venir a
felicité?
6848
Böece respont: -J'en suy, dist il, bien souvenant
Que tu l'as prouvé cy devant. Philosophie dit : -N'as tu pas, dist elle, en recort
Que tout un sont et sanz descort, 6852 Bonté avec felicité [54r-b] Sanz aucune diversité, Et pour sa bonté reclamee Est
felicité
desiree?
6856
Böece respont: -Point, dist il, je ne m'en despoire, Fichié est fort en ma memoire
Si c'onques je ne l'oubliay;
Du recorder mestier je n'ay. 6860
Philosophie parle : -Donc, dist elle, chascun engien S' esforce de venir a bien.
Böece respont: -Certes, dist il, je le confesse.
Philosophie parle:
-Aussi, dist el, est chose expresse 6864
Que bon est dit bon par bonté.
Böece respont: -Certes, dist il, c'est vérité.
Philosophie parle: -Donques, dist elle, sanz faillir
Consuyvent li bons leur désir. 6868
Böece respont: -Ainsy, dist il, le m'est avis.
Philosophie dit: -De ce, dist elle, sont bennis Les mauvais, car s'ilz consi voient
Bon désir, mauvais ne seroient. 6872
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200 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 2
Böece respont: -C'est voir, dist il, je le ťotry. Philosophie dit : -Or conclus donc, dist elle, ainsy: Nous avons dit que par nature Trestoute humaine creature 6876
Bonté desire et bonté veult; [54v-a] Le mauvais donques qui ne peult Avoir bonté en mal faisant
Doit estre bien dit non puissant, 6880 Car ne puet faire n'acomplir Ce dont a naturel désir;
Mais les bons puet on puissans dire
Qu'ilz ont ce que leur euer desire. 6884
Böece respont: -Qui cy, dist il, ce doubteroit
Raison pas bien ne cognoistroit. Philosophie parle: -Encore, dist elle, autrement
Je te demonstre clerement: 6888
Pren .ii. hommes qui d'un courage Veulent faire .i. semblable ymage Selon l'appétit de nature,
L'un le fait bien sans mesprenture, 6892
L'autre ce naturel office
Ne puet faire pour aucun vice; Nonpourquant tant s'esforcera
Que imperfectement le fera. 6896
Lequel tiens tu le plus puissant?" Böece respont en pensant Combien c'un pou le conjecture: "Ta question est trop obscure;
Dont le désir ouïr plus cler. 6900
Philosophie dit -Tu, dist elle, ne dois doubter Que homs aler et li mouvoir peult
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BÖECE DE CONFORT 201 IV, 2 Naturelement quant il veult.
Böece respont:
-De ce, dist il, ne m'en doubt pas. 6904
Philosophie argue:
-Tu sees, dist elle, que ses pas [54v-b]
A l'office assiéront des piés. Böece respont:
-De ce, dist il, suy tous preschiez. 6908
Philosophie demande: -Or voy, dit elle, un exemplaire: .ii. hommes sont qui veulent traire
A un lieu pour eulz reposer;
Li un d'eulz .ii. y veult aller 6912
Par droit office de nature
Si com humaine creature; Car sur ses piez se puet tenir
Et tout droit aler et venir; 69 1 6 L'autre en ses piez n'a point de force Et pour ce des mains il s 'esforce Et se trait ou il vouldroit estre,
Or a destre, or a senestre. 6920 Lequel, selon ť opinion, Devroies tu miex par raison Le plus puissant des .ii. juger?
Böece respont: -Procede, dist il, c'est tout cler. 6924 Nul ne doubte que plus puissant Est celui qui acomplissant Est son désir selon nature
Que l'autre qui se desfigure. 6928 Philosophie parle: -Dont, dit elle, a felicité
En qui close est toute bonté; Bons et mauvais onniement
Desirent tout communelment; 6932 Les bons y viennent par droit us De bonnes euvres de vertus,
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202 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 2 Mais li mauvais par autre guise,
Par bobans et par couvoitise 6936[55r-a] Qui n'est pas naturel office D'acquérir si grant benefice, Par abuser des biens de terre,
Felicité cuident acquerre. 6940 Cuides tu qu'il soit autrement?
Böece respont: -Nennil, dist il, certainnement
Ains encor voy par consequence
Que selon la vraie sentence 6944 Qu'ay octroié pour tout certain Que les bons ont puissance a plain, Et les mauvais, descognoissans,
Doivent estre diz non puissans. 6948 Philosophie: -Tu, dist elle, bien m'adevances Car conclus as les concordances
Selon toute m'entencion;
Pour ce, selon l'opinion 6952 Des myres, j'ay bonne esperance Que tost aras force et puissance De resister a t'ygnorance
Et de ravoir ta cognoissance; 6956 Et pour ce que te voy tres prest D'entendre raison sanz arrest,
Pour ce foison assembleray
De raisons et les te feray. 6960 Voy et entent l'enfermeté
Des mauvais, et l'iniquité, Qui one ne pevent parvenir A la fin ou tendent venir. 6964 Nature entroduit et doctrine
Et com par force les encline. Que feroient ces vicïeus
Se ce désir si gracïeus 6968[55r-b]
Les laissoit de vraie nature
Qui va devant et toudis cure
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BÖECE DE CONFORT 203 IV, 2 Et tent et toudis les enorte
Et les aprent et les conforte 6972
De venir a la vraie fin?
Et ilz tel appétit divin, Par erreur et par ignorance, Mettent du tout en oubliance? 6976
Considere ce que propose: Ce n'est pas de petite chose Ne louyer de legiere perte,
Car tu sees et c'est chose apperte 6980 Que tant que de plus grant valour Est la chose, de tant l'errour
Est plus grief et plus damagable;
Si grant est et si honnorable 6984
Felicité, c'om ne puet plus, Dont sont bien chetifz et confus
Les mauvais qui, contre nature,
De ce souverain bien n'ont cure; 6988 En vain nuit et jour se travaille
Appetit naturel qui vaille Et se veult a li convertir;
Mais faux bien le fait parvertir; 6992 Auquel grant bien vient, com j'ay dit, Des bons le final appétit; Dont puissans sont li mauvais non.
Et te monstre un example bon: 6996
Car tu sees que chascun diroit Que cilz qui ne s'arresteroit Jusqu'à tant qu'il fust a la fin
De sa voie et de son chemin 7000
C'on ne pourroit oultre passer
Plus puissant seroit en aler [55v-a] Que cilz qui aler n'y pourroit,
Ains enmy voie demourroit. 7004
Les bons ont tel condicion; Le pié de leur affeccion N' arreste point enmy la voie;
Tousjours il queurt a celle joie 7008
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204 CARMINA PHILOSOPHIAE IV, 2 Car de toutes est souveraine; Cure n'ont de joie mondaine. Mais le euer faut enmy la place
A ceuls que couvoitise enlace, 7012
Qui par leur tres grant couvoitise
Emprisonnez sont en tel guise Qu' ilz ne pevent avoir puissance
De procurer leur délivrance; 70 1 6
Non puissans les dois appeler, Car ne pevent avant aler. Dont s'ensuit que tous cuers pervers
Sont de toute force desers 7020
Et les mauvais fuyent vertus
Et les vices leur plaisent plus; Et dis que c'est par ignorance
Du bien dont ilz n'ont cognoissance; 7024 S'ainsy tu les dis ignorans, Bien les preuves tres non puissans. Car il n'est plus grant non puissance
Que d'aveugleë ignorance, 7028
Ne dire ne pues vraiement Que ne sentent certainnement Que c'est grant bien que de bien faire,
Mais tout de gré font le contraire; 7032
Car leur charnelle affeccion
Bestourne leur entencion, Car ilz vivent sans actrempance;
Luitier ne veulent par puissance 7036[55v-b]
Contre une fort temptacion,
Mais tantost en subjeccion Mectent leur non puissant feblesce,
Tant par malice que peresce, 7040
Et de science et volenté Se declinent a mauvaisté.
Et puet on dire sanz folie
Que tel gent du tout ne sont mie? 7044 Car cilz qui laissent de certain La fin commune et bien souvrain
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BÖECE DE CONFORT 205 IV, 2 Qui racine est de toute essence,
On puet bien faire consequence 7048 De si anïentië gent Que point ilz ne sont simplement! J'otroy bien que mauvais ilz sont,
Mais vray et simple estre pas n'ont; 7052 Dont ilz sont par condicion Car toudis ont l'addition
De mauvaistié qui leur essence,
Selon la logiqual science, 7056 Leur appetice et diminue Et de simple estre les desnue Aussi que sanz cause et a tort
La charoingne d'un homme mort; 7060 Vray homme ne puet simplement Nommer, a parler proprement Ainsi se bien parler tu veuls,
Proprement dire tu ne peuls 7064 Que mauvais soient simplement, Puisque perdent le fondement Qui sauve et garde la nature
De vray estre de creature. 7068 Encore parle Philosophie
Se tu me dis qu'ilz ont povoir [56r-a]
De faire leur mauvais voloir, J'octroy qu'ont povoir de mal faire;
Mais ce dit povoir par contraire, 7072 Car ce povoir vient de foiblesce Car ilz n'ont force ne pröesce De resister a ce mesfait,
Lequel ilz n'eüssent pas fait 7076 S' ilz eussent eu force et vigueur De resister a celle erreur.
Et telle impossibilité
Conclut qu'ilz sont en vérité 7080 Un droit nëant, car cy devant Avons fait preuve suffisant
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206 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 2 Que mal n'est rien; dont cil rien sont
Qui seul povoir de mal faire ont." 7084 Böece respondi: "C'est cler. Philosophie parle: -Tu te pues, dist elle, aviser, Pour miex entendre le povoir
Que cuident les mauvais avoir: 7088
Ci devant avons diffini
Le bien souverain; c'est cil qui A la puissance souveraine. Böece respont : -C'est, dist il, chose tres certaine. 7092 Philosophie parle: -Aussi, dist elle, avons prouvé Qu'il ne puet faire iniquité." Böece respont: "Certes, non. Philosophie replique:
-Nulz, dist elle, qui ait raison 7096
Ne diroit que horns fust tous puissans.
Böece respont :
-De ce, dist il, n'est nulz doubtans [56r-b] Et encor vousisse je bien
Que qui fait mal ne peüst rien. 7100 Philosophie parle: -Comme, dist elle, il soit ainsy Que seul bien puet faire cely Que tout puissant nous confessons, Et des mauvais bien nous savons 7104
Que tous puissans ilz ne sont mie, Par raison dont il fault c'on die
Que ceulz sanz plus qui le mal font
Plus foibles et mains puissans sont 7 1 08 Tant qu'ilz sont a plus lointaing bout De celui qui a povoir tout. Encor puet on ce confermer:
Chascun de vray puet affermer 7112
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BÖECE DE CONFORT 207 IV, 2; IV, ii Que tout homs puissance desire, Et tout désir se trait et tire
Au souvrain bien de sa nature,
Vray chief de toute creature; 7116 Mais puissance de seul mal faire Ne se puet joindre ne retraire Au bien souvrain de tel povoir;
Ne doit dont nul désir avoir, 7 1 20 Et riens mains toute creature
Desire povoir par nature; Dont tel povoir n'est pas povoir,
Ce puez tu entendre et savoir. 7 1 24
Pourquoy condurre sanz doubtance Dois que tous les bons ont puissance, Et des mauvais en vérité
Appert la foible enfermeté. 7 1 28 De cë est Platon tesmoignage Qui dit que seulement Ii sage
Pevent acomplir leur désir, [56v-a] Mais li mauvais leur fol plaisir 7132
Et non leur désir pevent faire; Car délit les fait a li traire. Pour bien dont chascun désir a
Com cuide estre en ce délit la, 7136 Mais point leur délit n'acomplissent Combien en mal trouver y puissent, Car mal raporter ne se peult
Au souvrain bien qüeurt et veult 7140
L'umain désir et vraie cure De toute vivant creature.
IV.ii
Se tu veulz le povoir savoir
Que grans seigneurs pevent avoir, 7144 Ne regarde pas par dehors Leur hault siege, Pabit du corps,
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208 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, ii; IV, 3 Les thrones de magesté grant,
Leur ceptre cler resplendissant, 7 1 48 Leur vestement qui est de pourpre Resplendissant de couleur propre, Leurs paroles, leurs grans menaces,
Leurs armes cleres et leurs maces; 7152 Mais un po plus en parfont entre Et regarde le euer du ventre.
Dessoubz ce parant appareil,
Qui point n'aliege leur traveil, 7 1 56
Se tel seigneur clerement vois Tu les trouveras maintes fois
Emprisonné et atachié
En la chaienne de pechié; 7 1 60
Aucune fois resplendi st d'ire, Autre fois de tristour souspire; Tristour le tourmente et traveille,
Envie l'art et desconseille; 7164
Mauvais désir a li l'atrait, [56v-b] Fausse esperance tort le fait; Dont quant verras ces seigneurs grans
Estre sers a tant de tyrans, 7 1 68 Tu pourras bien condurre et dire Qu'il ne fait pas quanqu'il desire
Qui a ses aises asservies
Dessoubz si dures seigneuries; 7172
Ains cilz qui deüst estre franc Pour son povoir ou noble sane Devient sers a tant de seigneurs Comme en li a de maies meurs. 7 176
IV.3
Or vois dont bien en quelle ordure
Gist mauvaistié orbe et obscure
Et en quel reluisant lëesce
S'esjoïst vertu et pröesce. 7 1 80
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BÖECE DE CONFORT 209 IV, 3 Dont clerement dois ottroier
Que bons ne sont one sans loier Et maulx, ou hors ou enz, toudis
Sont raisonnablement pugnis; 7 1 84 Car de tous ouvrages humains La cause et li motis certains
Est le louyer ou en actent,
Aussi qu ' avient communelment 7188
Quant aucun court a Pestapel Il queurt pour gaignier le chapel, C'est le louyer qu'il doit avoir;
Aussi des bons te fais savoir 7192
Car en toutes euvres qu'il font
Leur entencion toudis ont
Comment bonté puissent gaignier,
T oudis reportent ce louyer. 7 1 96 Et nous t'avons prouvé devant
Que bonté est cause mouvant [57r-a]
De toute naturel estude;
Tous desirent beatitude, 7200 Dont bonté est louyer commun A ouvrage et ouvrier chascun; Bons ne puet estre dit sanz faute
Cilz qui d'aucun bien a deffaute; 7204 Toudis les bons leur louyer portent, C'est bonté en qui se deportent. Face tyrans tout son effort,
Toudis est li preudons si fort 7208
Que du tyrant la felonnie Ne lui puet tollir bonne vie; Et cil qui puet bonté gaignier
Ne gaingne pas petit louyer; 72 1 2 Sa couronne ne puet sechier Ne perir ne jus trebuchier, Ne pour estrange cruauté
Ne perdra ja sa loiauté. 72 1 6
S 'estrange personne donnoit Ce louyer, oster le pourroit;
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210 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 3 Mais ce louyer a chascun donne
La prouesce de sa personne! 7220 Dont tant que bon et fort sera
Ce louyer ne le laissera. Finablement comme tout homme
Desire son louyer en somme, 7224 Pour la bonté qu' estre en li croit, Comme vray dire estre pourroit
Que le bon en qui est bonté
N'ait ja de son louyer plenté, 7228 C'est louyer sur tous souverains, Li plus biaux et li plus certains. Souviengne toy du correlaire
Que reputas si salutaire 7232[57r-b]
Queje conclus ci par devant, C'est assavoir qu'omme vivant Sont dit bon quant ilz ont bonté,
Et que Dieu puet estre nommé 7236 Qui est de bonté plentureux. Li louyers dont des vertueux, Participer de Dieu le nom,
Est tel que sa duración 7240 Temps n'aucun jour ne gasteroit; Povoir nul ne l'amenderoit
Ne nul mauvais ne li puet nuire.
Dont tu pues condurre et deduire 7244 Tout le contraire du louyer Qui doit les mauvais commencier; Car com bien soit au mal contraire,
Ilz doivent divers louyers traire; 7248 Puisque bonté est aus parfais Louyer, tout ainsy as mauvais Est louyer mauvaistié et painne,
Car cilz qui se travaille et painne 7252 D'acomplir sa desordenance Scet bien qu'il en fera penance. Pourquoy se les mauvais pensoient,
Certainement ilz sentiroient 7256
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BÖECE DE CONFORT 2 1 1 IV, 3 Que leur louyer point ne les laisse:
Mauvaistié qui jus les abaisse Et non pas mal tout simplement,
Mais desrain mal soudainement, 7260 Leur conscience fort deffait
Et a li les tire et actrait.
Or voy par contraire raison
Ce que nous avons dit du bon, 7264 Que les bons sont sanz difference
Tousjours en une mesme essence. [57v-a] Dont li mauvais, quant ilz s'estrangent
De bonté, leur nature ilz changent, 7268 Car cil qui bonté puet acquerre Il est un petit dieu en terre.
Et tout aussi par le contraire
Cil qui s'esforce de mal faire 7272 De sa nature se tresmue
Et est semblant a beste mue
Et sanz plus de nature humaine Garde la semblance forainne. 7276
Puisque tant seulement bonté Puet voler contre humanité, Il faut que loy humaine laisse
Qui soubz humanité s'abaisse. 7280 Pourquoy faut que celui que vois Bestourner raisonnables lois, Que homs croire tu ne le doies;
Ains trop miex cuidier deveroies 7284 Qu'il eust condicion de beste Telle com il le manifeste.
Quant aucun l' autrui bien couvoite
Et pense par voie non droite 7288 Comment fortraire le pourra,
Si l'emblera ou le toulra, La grant ardeur de son courage
Le fait semblant au leu ramage; 7292 Quant aucun de la langue ague Est com rasouer esmolue
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2 1 2 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 3 Pour diffamer et pour mal dire,
Pour tencier et pour contredire, 7296 Appelé l'ai chien esragié, Car de venin est tout chargié;
L'un abaie, puis l'autre mort
Et l'autre souvent giete mort, 7300[57v-b]
Car il lui toult sa bonne fame Par detracion et diffame.
Quant aucun demaine sa vie
Par barat et par tricherie, 7304 Et ses fais ne veult reveler,
Renart le pourras appeler Car tant se change et contrefait
C'om ne puet cognoistre son fait; 7308
Quant on cuide qu'il die voir Il ne pense qu'a decevoir. Quant aucun en son euer a mis
Soy vengier de ses ennemis 73 1 2 Et tous destrempés fremist d'ire
On puet bien de tel homme dire Qu'il porte le euer de lyon
Qui le fait cruel et felon. 7316
Quant aucun est trop paoureux Es faiz qui ne sont perilleux En tel maniere qu'il se doubte
Ou doubter on ne se doit goûte, 7320
Faire pourras comparaison De lui et du cerf par raison.
Quant aucun est trop pereceux
Entullés, lourt et oublieux, 7324
A qui ne chaut de sa besoigne,
De l'asne pas moult ne s'esloigne; Asnë est une pesant beste
Qui riens ne retient en sa teste. 7328 Quant aucun est de euer muable Et en son estât variable, Oisel le pourras appeler
Car il ne fait fors que voler. 7332
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BÖECE DE CONFORT 2 1 3 IV, 3; IV, iii Quant aucun es delis du corps,
Qui tant sont vil et tant sont ors, [58r-a] Veult user son corps et sa vie
Il semble a la truye soullie. 7336 Ainsi, les mauvais folz et nices Pour leurs pechiez et pour leur vices Sont convertis en beste mue
Quant ilz ont leur bonté perdue. 7340
IV.iii
Quant Ulixes revint de Troie Par la mer adresca sa voie; Mais un grant vent souffla si fort
Ses nefs, qu'elles vindrent a port 7344 D'une isle ou estoit la deesse, Fille au soleil, enchanteresse, Qui Circés estoit appellee,
La plus belle c'onques fust nee, 7348
Qui tel bevrage sot confire Que tous les beuvans tire a tire Appareilla en tel costé,
Quant du buvrage orent gousté, 7352 Qu' ilz devindrent bestes sauvages, Chievres, lyons et loups ramages; Et sont tuit changié par dehors
Quant a la figure du corps; 7356 Ilz vont rampant comme lyons, Grans dens ont et ongles felons
Si comme ont les lyons d'Aufrique;
Li autre com loup famelique, 7360 Quant leur meschief cuident plorer, Forment se prennent a uler; Li autre com la tygre nee D'Inde fort doucement salee 7364
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214 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, iii Sur couvertures de maisons; Combien qu'en eulz donnent raisons, Hz sont simplement com tenue
La figure de beste mue; 7368[58r-b]
Mais le euer toudiz franc remaint
Qui se dolouse et se complaint Quant il pense que la faiture
De son corps a changié figure. 7372
Ulixes envoié avoit
Par devant la gens tout droit Qui burent tuit de sa poison
Quant entrerent en sa maison; 7376 Si furent tous müez en pors
Quant a la semblance dehors; Le glan ou boscage mengoient
Et le pain de blé reffusoient. 7380 Mais Ulixes fist autrement
Car il ala premièrement Parler au dieu de sapience
Qui li oste telle apparence, 7384 C'est Mercure, aus elles d'oisel, Par son mouvement tres isnel, Car il li donna la fleur blanche
Qui tous malefices estanche 7388 Et li prist leçon et doctrine
Pour eschiver celle divine; Quant il vint a celle deesse,
Qui d'enchanter estoit maistresse, 7392 Par ses charmes le cuida prendre; Mais il l'en sot moult bien deffendre, Car ne voult boire ne mangier
Chose qui le pëust changier. 7396 Or veez quiex distinctions Auront ces .ii. mutacions
Dont l'une vient par malefices,
L'autre par pechié ou par vices: 7400 Certes, celle qui vient par charmes
N'a povoir de grever les ames; [58v-a]
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BÖECE DE CONFORT 2 1 5 IV, iii; IV, 4 Le corps tant seulement tresmue
En figure de beste mue, 7404
Mais le euer toudiz franc demeure
Qui pour son corps se plaint et pleure Par raison dedenz sa pensee
Secretement enracinee; 7408 Mais muement qui vient de vice En soy a trop plus de malice; Au corps ne fait nul nuysement
Mais 1 ' ame navre durement; 74 1 2 Charme toult au corps sa faiture
Mais pechié l'ame desfigure; Pour ce pechierres sont plus ors
Que ceulz qui sont mliez en pors." 7416
IV.4
Quant Böece ot ouy la fable, Que reputa moult delitable,
Adont a dit a sa maistresse:
"Tout ce qu'as dit vray je confesse: 7420 J' octroy qu'assez selon droiture On puet bien dire, sanz injure, Que mauvais pour leur malefice
Et leur cruel bestial vice, 7424 Combien que gardent leur corsage, Riens mains pour leur pervers courage, Pour leurs semblables qualités
De leurs grans bestialités, 7428 On puet nommer bestes sauvages; Et pour raisonnables, ouvrages Qu'ilz ont mué et estrangié
Dire qu'en bestes sont changié; 7432 Mais bien vousisse qu'estre peust, Et me semble qu'estre deüst, Que tuit li felon plain d'envie
Qui pour leur grant forsenerie 7436[58v-b]
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216 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 4 Tous les bons, sanz cause et a tort, Persecutent jusqu'à la mort, Quant ilz sont en leur fol courage
Lorsqu'ilz fussent beste sauvage." 7440 Adont a dit Philosophie: "Ce, dist elle, n'appartient mie, Si comme je te prouveray
Ci après quant mon lieu verray; 7444 Car s 'on leur ostoit le povoir
D'acomplir leur mauvais voloir, On les releveroit de painne
Tres grant, car c'est chose certainne, 7448 Combien qu'aucuns pas ne l'octroient, Que mains maleüreux seroient Et mains de mal deserviroient
Li mauvais, se point ne povoient 7452
Parfaire leur mauvais désir
Que quant le pevent acomplir! Mauvaise chose est mal voloir,
Plus mauvaise de mal povoir, 7456 Sanz lequel povoir languiroit. Chetif vueil qui rien ne pourroit, Mais cil mal suppellatif fait
Qui mal veult et puet et parfait. 7460
Dont .iii. grans maleiirtés ont Les mauvais quant leur mal parfont Qui sont vouloir, povoir, parfaire.
Böece respont:
-Je ne croy, dist il, le contraire; 7464
Mais j'ay de savoir volenté Se celle grant maleiirté, Qui donne aus mauvais pooir fort De tourmenter les bons a tort 7468
Leur puet durer moult longuement. [59r-a] Philosophie respont: -Tien, dist elle, certainement
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BÖECE DE CONFORT 2 1 7 IV, 4 Que ce povoir trop po leur dure
Et trop mains, car par aventure 7472 Tu ne voudroies n'eulx aussy, Car en ceste brief vie cy N'i a chose tant soit tardive
Qui ne soit soubdaine et chetive 7476 Au désir de l'ame immortele, Qui tent a la vie eternele; Et d'autre part leur esperance
Qu'ilz ont en celle grant puissance 7480 D'acomplir leur fole pensee Est en .i. seul moment finee; Dont point longuement el ne tarde,
Ains vient quant ne s'en prennent garde; 7484 Et ce leur est grant courtoisie Quant la mort abrege leur vie,
Car elle met fin a l'ouvrage
Qu'ilz avoient en leur courage 7488
Et qu'ilz eussent peu et parfait, Mais la mort les en a retrait.
Puisque chetifs les font malices,
Plus chetifs sont quant plus de vices 7492 Pevent faire et plus longuement; Dont chetif tres souvrainement
Li mauvais obstiné seroit, Car toudis son mal en croistroit 7496 Se n'estoit la finable mort
Qui met fin a son fol effort.
Se vray est ce qu'avons traittié,
Il appert que la mauvaistié 7500 Qui est es mauvais pardurable
En nul temps ne sera finable, [59r-b]
Si com de fait elle seroit
Se la mort brief ne l'affmoit. 7504
-Chose as, dist il, moult merveilleuse Conclut a octroier doubteuse,
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2 1 8 CARMINA PHILOSOPHIAE IV, 4
Böece respont: Mais bien voy qu'el est despendant
De ce qu'as prouvé cy devant. 7508 Philosophie parle -Tu as, dist elle, opinion
Bonne de la deducion.
Mais il convient que tu octroies La conclusion ou la noies 75 1 2
Avec la proposicion Dont vient celle conclusion, Ou que tu dies que ces mos
Ne concluent pas le propos; 75 1 6 Autrement, puisqu' octroieras
Les premisses, cause n'aras Pourquoy la consequence nyes Puisque Pentecedent cctries. 7520 Encor une autre chose orras
Qui mains merveilleuse n'est pas Et s'ensuit par neccessité
De ce que ja t'avons dité. 7524
Böece demande:
-Quoy, dist il?
Philosophie: -C'est, dist elle, vray. Car quant li felon, sanz esmay, Acomplissent leur felonnie
Que selon droit n'est pas pugnie, 7528 Ilz sont plus meschans et chetifs Que s' ilz estoient bien pugnis; Et ce n'entenz pas a prouver
Pour .ii. causes, car de leger 7532
Qui pugnisi bien le pecheour, [59v-a] Il se corrige de s'errour; Autres y prennent examplaire
Dont plus se doubtent de mal faire. 7536 Mais pour autre raison et guise Vueil prouver la parolle emprise
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BÖECE DE CONFORT 2 1 9 IV, 4 Que li fel mauvais vicieux
Sont plus chetifs maleiireux 7540 Quant pugnis ne sont de leur vice Que s'ilz estoient par justice: Suppose que ne peust nulz homs
Exemple en leurs correccions 7544 Prendre par leur mauvais voloir Qui ne leur en donne povoir. Böece demande:
-Comment, dist il, ce prouveras
Autrement que ja prouvé l'as? 7548 Philosophie respont: Monstré, dist elle, nous t'avons Que beneiireux sont les bons Et mauvais ont maleiirté.
Böece parle: -Certes, dist il, c'est vérité. 7552 Philosophie demande: -Se, dist elle, aucun bien on donne
A maleiireuse personne, N'est elle pas plus eüreuse
Que n ' est 1 ' autre meseüreuse 7556 A qui on ne fera nul bien, Mais demourra sanz avoir rien En sa misere seulement.
Böece respont: -Oïl, dist il, certainnement. 7560 Philosophie demande:
-Et se, dist elle, on adjoustoit [59v-b]
A ce chetif, qui riens n'aroit Fors seulement chetiveté,
Aucune autre maleürté, 7564 Ne seroit il plus meschëant Que le chetif dit par devant Qui par le bien participé Relieve
sa
chetiveté?
7568
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220 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 4 Böece demande:
-Comment, dit il, de par Dieu soit? Philosophie respont: -Qui dont, dist elle, selon droit
Pugni st la mauvaise personne
.1. bien en luy adjouste et donne, 7572 C'est painne qui selon justice
Est un franchissant benefice.
Et quant mauvais pugnis ne sont,
On leur adjouste .i. mal secont, 7576 C'est assavoir impugnité Qui est selonc la vérité Une racine de mal grant,
Car confessé ay ci devant 7580
Que c'est mal grant quant n'est pugni Celui qui bien l'a desservi. Böece octrie :
-Je ne le puis de riens nier.
Philosophie demande :
-Dont dois tu, dist elle, octrïer 7584
Que li mauvais qui franchement Demeurent tres injustement Sanz aucune correccion
Sont de pire condicion, 7588 Plus maleüreux, plus chetis, Que cilz qui justement pugnis
Sont selon justice et raison [60r-a]
De leurs maulx en toute saison; 7592 Car pugnir maulx est équité, Non pugnir est iniquité.
Böece dit:
-Nulz homs de ce ne doubteroit.
Philosophie dit
-Aussy, dist elle, octrïeroit 7596 Chascun que grant bien est justice, Et iniquité est grant vice.
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BÖECE DE CONFORT 22 1 IV, 4 Böece demande:
-Tout ce, dist il, est ensuyvant
Des choses qu'as conclus devant; 7600
Mais je te pri que tu me dies Se, quant les ames sont parties Du corps et de la vie humainne,
S' elles seuffřent tourment et painne? 7604
Philosophie respont: C'est, dist elle, chose certaine Qu'aucunes seuffrent tres grant painne Qui meurent en pechié mortel,
Car leur painne est perpetuei; 7608
Les autres moult plus doucement,
Car s'ilz finent devotement
Sont en purgatoire pugnies
De leurs plus legieres folies. 7612
Mais de ce plus cy ne diray; Nïentmoins se monstré je t'ay Pour ce que saches sanz doubtance
Que mauvais n'ont nulle puissance 7616
Et que finablement toudis Sont les mauvais par droit pugnis. Et pour ce que vousisses bien
Que leur povoir ne durast rien, 7620 T'ay je trouvé que tant plus dure [60r-b]
Tant ont plus de maie aventure, Et qu'ilz seraient tres chetifs
Se ce povoir durait toudis; 7624
Après aussi que les mauvais, Injustement de leurs mesfais Laissiez quois sanz pugnicion,
Ont plus grant maledicion 7628
Que n'ont les pugnis justement; Dont il s'ensuit par consequent Que de tant que pugnis sont mains
Que de tant soient plus contrains 7632
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222 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 4 Et dignes de tourmens plus grans.
Böece parle: -Quant, dist il, suy bien avisans Tes raisons, point je ne m'esmaie
Qu'il n'est nulle chose plus vraie; 7636
Mais quant pense a aucuns humains Qui ont les jugemens si vains, Piuseurs en y a qui sooient
Ceci point ne 1 ' octrîeroient 7 640 Ains ne le vouldroient ouyr.
Philosophie respont: -Car, dist elle, leur fol désir
A si acoustumé leur yeux
A veoir sanz plus choses vieux 7644
Que ne se pevent convertir A pure clarté advertir;
Telz ressemblent a la siiette
Dont la clarté du soleil nette 7648
Aveugle les yex, dont par jour Riens ilz ne voient tout entour, Mais l'orbe nuit les enlumine
Car par nuit ont la velie fine; 7652 Ainsi est il des folz chetifs [60v-a] Qui ensuyvent leurs appetis, Jugans selon la leur devise
Non pas en raisonnable guise 7656
Ne selonc l'ordre de nature; Et cuident que selon droiture Non pugnië iniquité
Soit une grant beneürté! 7660
Or voy l'ordenance divine Qui tout selon droit determine: Car se bon es, tu n'as mestier
Déjugé forain qui louier 7664
Doint a la ta bonne desserte;
Car dit t'ay et c'est chose apperte Que le bon si porte avec ly
Son louyer tout; et së ainsy 7668
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BÖECE DE CONFORT 223 IV, 4 Tu veulz aus mauvais confermer, Puisque tu te veulz deffermer, Tantost tu deviens beste mue;
Dont ce seroit painne perdue 7672 Se queroies juge forain, Car je t'ay prouvé de certain Que le mauvais porte toudis
Painne, car estre doit pugnis 7676 Selon raison et équité; Car de son gré si est bonté Tout ainsi que se regardoies
Puis le ciel, puis les orbes voies 7680 Plainnes de boues et d'ordure, Tu diroies selonc nature
Et sanz estrange jugement,
Fors par naturel sentement, 7684 Que le ciel est digne d'amour Et c'om doit fuir la puour.
Mais le peuple ce pas n'entent [60v-b] Pour son aveugle jugement. 7688 Que te semble? Est ce vérité? Or laissons cilz qu'iniquité
Fait bestialment confermer.
Autre exemple povons former: 7692 Se cil qui la veue a perdu Cuide c'onques vëanz ne fu, Car du tout il s'oubliera, Certainnement il cui dera 7696
Qu'il sans deffaute soit vrais homs. Mais nous, qui tout bien ce savons, Les jugerons tres imparfais
Puisqu'ilz seront aveugles fais; 7700 Ne ce n'est pas merveille grant Se peuple commun ignorant N'entent mie bien, car aussi
N'entendroit il pas bien ceci, 7704 Combien c'om le puist affermer Et par fors raisons confermer,
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224 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 4 Que le mauvais injurieux
Est par raison plus vicieux 7708
Que n'est la bonne creature A qui il fait souffrir l'injure!
-J'ay, dit Böece, grant désir
De ces bonnes raisons ouyr. 77 1 2 Philosophie parle: -C'est, dist elle, chose certainne Que mauvais sont dignes de painne. Böece respont: -Certes, dist il, je le confesse.
Philosophie parle:
-Aussi, dit elle, est chose expresse 7716
Que mauvais sont maleüreux.
Böece
dit:
[61r-a]
-De ce ne suy je pas doubteux Philosophie dit: -Donques sont trestuit cilz ch
Qui desservent estre pugnis. 7720
Böece dit:
-Cecy bien octroier convient, Car selon droit il appartient.
Philosophie demande: -Se, dist elle, juges estoies,
Lequel de ces .ii. pugniroies: 7724
Celui qui l'injure feroit Ou celui qui le soustenroit?
Böece respont: -Cecy si m'est assez appert,
Car a celui qui l'a souffert 7728 Dignement satisfieroie Pour la painne que je donroie Au fel qui l'injure aroit fait, Selon le cas de son mesfait. 7732
Philosophie dit : -Dont, dit elle, appert selon droit Que vraiement plus chetif soit
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BÖECE DE CONFORT 225 IV, 4 Le mauvais quant il fait l'injure
Que celui qui l'injure endure. 7736 Böece respont: -Vraiement, cecy contredire Ne devroit nulz homs ne desdire.
Philosophie dit: -Dont, dist elle, est tout cler ceci.
Et pour autres raisons aussi, 7740 Qui viennent tous d'une racine, Que li mauvais au mal s' encline Par sa mauvaise volenté,
Dont injure, est la vérité, 7744[61r-b] Doit estre trop plus au faisant Actribué que au souffrant. Mais pluseurs croient le contraire,
Car quant voient injure faire, 7748 Pour la grant pitié qu'ilz en ont,
Au juge supplier s'en vont Pour celi qui sueffre la painne.
Nëantmoins, c'est chose certainne 7752 Que trop miex supplier devroient Pour le faisant s'ilz s'avisoient,
Car mauvais juge est plus chetis
Que n'est le bon, a tort pugnis. 7756 Lequel juge fei, s'on vouloit Remedïer, il convendroit Qu'aussy com le malade au mire On
alast
accuser
et
dire
7760
A son souvrain piteusement, Non pas de tremble mouvement, Mais sanz yre par pitié pure,
Afin que par doulce droiture 7764 Ce juge qui l'injure a fait Jugié fust selon son mesfait.
Car de tant que plus celle injure Li demourra sanz avoir cure 7768
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226 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 4 Tant plus fort a curer sera,
Et toudis s'enracinera; Mais s 'au doulz juge est accusee,
Tantost pourra estre sanee; 7772
Et se les mauvais la vertu
Regardoient qu'ilz ont perdu Et l'ordure ou se sont soubmis,
Et bien pensassent que guéris 7776 Estre nullement ne pourroient
Se digne painne ne souffřoient, [61v-a] Pour le grant désir et santé
De ravoir vertu et bonté, 7780 Ces painnes trop po priseroient; Ains a leurs amis prïeroient Que point ne les deffendisissent
Ne qu'aucun pri pour eulz fesissent. 7784
Et du tout ilz se soubmetroient
Soubz le jugement que sauraient Raisonablement sanz mesprendre Vices oster et vertu rendre. 7788 Dont se puet et doit ensuïr C'on ne doit nul homme haïr,
Car nul sage ne hait les bons, Aussi nulles raisons n'avons 7792
Dont doions les mauvais haïr; Ce pues tu savoir et sentir,
Car tout aussi comme langour
Est mal de corps, aussi errour 7796 Et vices est mal de courage. Comme donques nul homme sage
Ne diroit c'om deiist haïr
Le malade c'om voit languir 7800 En povreté et maladie, Ains nature et raison s'ottrie
Que pour sa grant enfermeté,
Pour misericorde et pité, 7804 On ait de li compassion Tant qu'il a plus grief passion.
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BÖECE DE CONFORT 227 IV, 4; IV, iv Or confessent tous sanz cremour
Qu' esperititele langour 7808 Est plus grief que la corporelle; Dont par raisonnable cautelle Ceulz c'on voit si griefment languir
On ne doit nullement haïr, 78 1 2[6 1 v-b] Mais avoir en pitié greigneur De tant qu'ilz ont plus grief langueur; Car chascun si voit bien sanz faindre
De bien geler, bien fort estraindre. 7816 IV. iv.
Quel proffit povez vous avoir De guerre faire et esmouvoir, De ferir l'un l'autre et touchier
Pour faire la mort approuchier; 7820 Haster il ne la vous fault point; De son gré vendra tout a point,
Son legier cheval point n'arreste,
Toudis vient et toudiz s'apreste. 7824
La guerre vous delist souffíre Que vous font quant sont en leur yre Serpens, lyons, tygres, ours, pors,
Qui des denz souvent mortel mors 7828
Vous font quant trop les approchiez. Et vous encor vous courrouchiez Et l'un a l'autre ostez la vie
Par haýnes et par envie! 7832 Se vous dites par aventure Que de ce faire avez droiture Pour vos descors et pour vengance,
Pour injure, pour desplaisance 7836
Que vous a fait vostre prouchain, Ce n'est pas mouvement certain
De juste cause de bataille,
Que pour telles choses il faille 7840
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228 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, iv; IV, 5 Faire cruelles assemblees, Ore de dars, ores d'espees, Oster a un homme la vie
Que donné ne li avez mie. 7844 Mais se me veulz entendre et croire,
Jë offre cy a ta memoire [62r-a] Un bon et brief enseignement
Qui donne aus ames sauvement: 7848 Aies les bons en amisté
Et des mauvais aies pité; Aimme les bons car c'est droiture,
Et les mauvais pour leur nature." 7852
IV. 5
Böece dit: "Or suy seür Qu'il est eür et meseür De chascun, car c'est chose apperte
Qu'il est selon seue deserte. 7856
Mais encor ay doubtance aucune Car en la mondaine fortune
Une deffaute moult grant treuve:
Tout communelment on esprouve 7860 Qu'il n'est nul tant soit bons et sages
Duquel plus veille li courages Qu'il soit povres, nus et cheti fs,
Honteux et de son lieu bannis, 7864 Ains desire et Ii piaist trop plus Qu'il soit riches et chier tenus, Qu'il ait reverence et honnour
Et en puissance et en vigour, 7868 Flourir en grant auctorité
Ou lieu de sa nativité; Et ainsy selonc vérité
Puet on l'office d'équité 7872 Mieulx parfaire et de sapience. Car le peuple grant reverence
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BÖECE DE CONFORT 229 IV, 5 Fait a telz et trop plus le croient,
Comme les biens des seigneurs doient 7876 Participer tous leurs subgis, A bon pasteur bonnes brebis. Tourmens, lois, Chartres et prisons
Sont faites pour leurs mesprisons 7880[62r-b] Pugnir de personne perverse, Mais souvent on voit la reverse;
Car tourmens fais pour les mauvais
Souvent sueffřent hommes parfais, 7884
Et mauvais voit on revestus
D'onneur, de louyer, de vertus! J'ay trop grant admiración Dont vient telle confusion 7888
Tant injuste; dont trop désir
De toy la vraie cause ouïr. Trop mains je m'en merveilleroie S' ensemble tout meslé cuidoie 7892
Et que Fortune tout par ly
Meslast ainsi ces choses cy; Mais Dieu qui maine chose toute
Me fait plus accroistre ma doubte 7896 Qui joie aus bons, as mauvais plours, Octroiera par aucuns jours, Puis après tantost le contraire,
Aus mauvais joie et as bons haire. 7900 Je ne voy point de descordance Entre si muable ordenance Et celle des cas de Fortune!
Argumens de Philosophie
Je te dy que merveille aucune 7904
N'est point se de ce sont doubtable Qui l' ordenance raisonnable N'entendent, dont opinion
Ilz ont que c'est confusion 7908 Et ordenance desguisee De chose si souvent muee!
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230 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 5; IV, v Mais tu, combien que l'ignorance Tu aies de telle ordenance, 7912
Rien mains, puisque tu tiens et crois, [62v-a] Car octroié l'as autre fois,
Que Dieu par sa bonté dispose,
Mainne et gouverne toute chose; 7916
Croire dois qu'a cause discrete Combien qu'elle li soit secrete.
IV.v.
Cil moult fort s'esmerveilleroit
Qui bien la cause n'entendroit 7920 Comment une estoille Arturus,
Qui est assise hault lassus, Plus tart que les autres s'esmeut,
Et son char, que nommer on seut 7924 Böetes ou le chariot, A parler selon commun mot, Tost se lieve et couche plus tart
Qu'autres estoilles de sa part 7928 Ou el est assise ou songon De la part de septentrion;
Et si semble visiblement
Que c'est Arturus si souvent 7932 De ses estoilles, dont sept a, La flambe que clere on verra
Et la clarté chiet en la mer.
Cilz qui ne saura estimer 7936
La cause de ce mouvement
S'en esbahira moult forment.
Autres aussy de sens petit
Si s'esmerveillent quant pâlit 7940 En la nuit l'ors, orbe et obscure, Qui devant estoit clere et pure.
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BÖECE DE CONFORT 23 1 IV, v Et de la clarté qu'elle avoit Aus autres estoilles donnoit 7944
La lune quant est esclipsee; Dont gent a en une contree
C'om appelle les Coribans, [62v-b] Qui sont si simples ignorans, 7948 Que quant la lune esclipser voient Certainnement tiennent et croient
Qu'elle soit adont enchantee;
Dont font une grant assemblee 7952 Et prennent toutes leurs vaisseles D'arain, pos, bacins et paieles, Et les sonnent et fierent fort
Pour faire a la lune confort; 7956 Et cuident par leur sonnement Enchacier tel enchantement. Nulz ne s'esbahist de la mer
Qui la force du vent tumber 7960 Fait et ferir a ses rivages
Et faire ces ondes volages, Ne de la noif ne se merveille
Nulz qui la voit quant se toueille 7964 Qu'elle devient et dure et ferme;
Nëantmains en bien po de terme Toute se destrempe et se font
En printemps quant li chaut ray sont 7968 Du soleil qui fondre la fait; Car ce vient par naturel trait
Et que les causes sont appertes
Et communelment descouvertes, 7972 Nulz ne s'en esmerveille plus. Mais des mouvemens de lassus Et chose non acoustumee
S'esbahist et est trop troublee 7976 La simple et la commune gent, Qui les causes ne voit n'entent. Puis quant l'orbe erreur d'ignorance
Se convertist en cognoissance, 7980
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232 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, v; IV, 6
Adont cesse de merveillier [63r-a]
Car savoir le fait resveillier."
IV.6.
Adont Böece respondi: "Certainement il est ainsi, 7984 Mais je te pri par ton plaisir
Que tu me vueilles descouvrir Les causes orbes et obscures
Pourquoy c'est que ces creatures 7988 Gouverne ainsy diversement, Car j'en suy troublez tres forment. Cause je n'y voy nullement
Ne ne cognois ne n'y entent." 7992
Adont Philosophie ainsi, En sousriant, li respondi: "Tu me fais une question De
si
haulte
solucion
7996
Qu'a painne a personne en ce monde Combien que grant science habonde, Qui puist suffire aucunement
A satisfaire y proprement; 8000
Car la matiere est si tres fort
Que, quant on a fait bon effort
De faire une solucion,
D'autre part sanz dilación 8004 Viennent sans nombre doubte grans: Aussi comme aucuns sont disans
L'ydee, serpentine beste
Que, quant on li trenche la teste, 8008 Il en renaist tantost pluseurs.
Dont il n'est homs qui sans erreurs Sceüst les causes concevoir
Ne les grans doubtes percevoir 8012 De la question qu'as empris, S'il n'est embrazé et espris
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BÖECE DE CONFORT 233 IV, 6
Et enluminé clerement [63r-b] Du tres vif feu ď entendement. 8016
Car en ta question enclos Sont tous ces fors et haulz propos De la simplece sanz muance
De la divine pourvëance, 8020
Et de la destinee humaine,
De cas d'aventure soubdaine, De la predestinación
Divine, ou reprobación 8024
De franchise de volenté.
Tu sees de quel difficulté Ces choses dessus dictes sont,
Mais car en partie pourront 8028 Cause estre de ta medicine, Pour ce, combien que pour doctrine Si haulte aions le temps trop brief,
Au mains pour .i. po ton mal grief 8032 Alegier nous nous penerons Et d'aucunes ť enfermerons.
Mais se la musique te plait
Des mectres que ťay devant fait, 8036
Il te fault laissier ce délit,
Car les choses qu'ay dessus dit
Sont ensemble si enlaciés
Qu'il fault qu'ilz soient ensuyés 8040
En ordre sanz varier rien.
Böece respont: -Certes, dame, il me plaist tres bien." Lors tout aussi com se vousist
D' autre chose parler me dist : 8044 Philosophie tres haulte :
"Z,e commencement et naissance
De toutes choses que muance
Ont et tout procès naturel [63v-a]
Prennent leur forme et leur titel, 8048 Leur ordre et toute gouvernance,
Tout de la divine substance,
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234 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6 Laquelle tres simple et discrete,
Selon sa science secrete, 8052
Mainte maniere a establi
De gouverner ce monde cy;
Laquelle maniere avisee
Est tant seulement regardee 8056
Dedenz l'entendement divin Par vif sentement enterin
Puet on appeller 'pourvëance';
Mais quant la divine ordenance 8060
On prent selonc ce que dispose, Meut et gouverne toute chose, Ainsi souloit estre appelee Anciennement 'destinee': 8064
Laquelle distinccion clere Est a l'engin qui considere Des membres la propriété;
Car 'pourvëance' en vérité 8068 Est la simple et haulte raison Seurmontant toute opinion Qui est ou vray seigneur enclose
Dont il gouverne toute chose; 8072
Mais ce nom nommé 'destinee' Est une chose enracinee
Et disposición certaine,
Jointe a toute chose mondaine 8076
Selon la disposición Et muable condicion, Que par droit ordre determine
Celle pourvëance divine. 8080 Et celle haulte pourvëance [63v-b]
Comprent et tient en sa substance
Toutes choses, quelconques soient,
Ne sanz li estre ne pourraient; 8084
Mais destinee si regarde Les choses et leur baille garde A chascune lieu, temps et guise,
A son vueil et a sa devise, 8088
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BÖECE DE CONFORT 235 IV, 6 Par raison dedenz sa pensee Secretement enracinee
Dont ceste ordenance actrempee,
Comprise ensemble et transportée 8092
Sanz relación simplement Ou regart et l'entendement De celle divine pensee,
Est lors 'pourvëance' appelee; 8096
Mais celle disposición, Quant selonc la relación Qu' ell' a quant elle distribue
Ces choses ainsi entendue, 8 1 00 Puet estre 'destinee' ditte.
Et combien que la ci escripte Distinccion soit different,
Rien mains l' un de F autre despent; 8 1 04
Car la destinee ordenance
Se despent de la pourvëance, Tout ainsi com soubtil ovrier,
Quant veult faire .i. ouvrage entier, 8 108 En son euer s' apense et avise La forme de l'euvre et la guise, Puis tout ce qu'avoit simplement
Avisé en son pensement, 8112 Par ordre et par succeccion Tout met a exequeion;
Ainsi divine pourvëance [64r-a] En sa pensee 1 ' ordenance 8116 A son plaisir pense et propose,
Puis la disposee chose Diversement par destinee
Selonc la chose proposée 8 120 Fait et menistre au temps certain.
Dont combien que par autre main, Par esperis, mauvais ou bons,
Ou par F ame qu' en nous avons, 8 1 24 Ou par commun cours naturel, Ou par planetes ou par ciel,
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236 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6 C'est chose clere et tres certaine
Que principalment meut et maine 8 1 28
Et distribue et determine
Tout la pourvëance divine. Mais destineë est la guise, L'ordre et la mutación mise 8 1 32 Et la nature temporele
Jointe a creature mortele.
Et a parler plus proprement
Et un petit plus clerement, 8 1 36
Ycelle ordenance entendue Et substainement absolue
Selonc son droit significai
Et son perpetuei estât 8140 Et sa substance essencïele, Ainsy 'pourvëance' on l'appele; Mais ycelle mesme ordenance,
Quant prise est pour la dépendance, 8 144 Quant ouvre relativement De fait excerciteement, Quant est par franche courtoisie
A euvre certaine appliquie, 8148 Selon sa loy qu'il veult et dicte, [64r-b] Ainsy est 'destinee' dicte. La pourvëance est com le roy,
Et destinee de sa loy. 8152 Dont appert par ces choses dictes Que toutes les choses subgictes A destinee par droiture Sont submises dessoubz la cure 8156
De pourvëance et soubz la guise, A qui destinee est submise. Mais aucunes secretes choses
En pourvëance sont encloses 8 160 Qui, par cause haulte et celee,
Seurmontent celle destinee.
Et ce sont les choses hautainnes
A la divinité prouchainnes 8 1 64
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BÖECE DE CONFORT 237 IV, 6 Qui pour lë estre pardurable Passent destinee muable; Aussi que s'en un cercle un point
Avoit enmy lieu tout a point, 8168
Et le cercle toudis tournast
Tout temps et point ne reposast,
Celle part qui plus pres seroit
Du point qui ne se mouveroit 8 1 72
Mains tourne tant qu'est plus prochaine Que l'autre part du point lointaine; La lointaine a plus grant espace,
Dont il faut que plus grant tour face; 8 1 76 Et s' aucune chose se joint Et se boute dedenz ce point, Toute l'autre se tournera, Mais celle ne se mouvera: 8 1 80
Ainsy est quant humain voloir Se joint et trait a son povoir
Pres de celle divine essence, [64v-a]
En qui est toute providence; 8 1 84
Tant mains il se retourne et meut Et tant mains souffrir li esteut
La müence de destinee;
Mais de tant qu'aucune pensee 8 1 88 En est plus lointaine et arriéré, De tant est plus a la maniere De destinee obéissant.
Et s' aucune pensee tant 8 1 92 Se povoit conj oindre et pres traire
De celle bonté neccessaire, Qui remouvoir ne se pourroit,
Adont du tout trespasseroit 8 1 96
De destinees les muances.
Dont destinees ordenances
Sont semblables aus argumens
Subgis aus vrais entendemens, 8200
Car l'entendement ne se mue
Auquel sert celui qui argue;
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238 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6 Et tout aussi com l'engendré
Est a l'engendrant comparé, 8204
Et corn succession muable
A eternité pardurable, Et comme le cercle qui tourne
Au point ou centre qui retourne 8208 Ne reçoit point mutación Pour s'estable stacion, Et s'est par li tout mesuré
T out compassé et figuré, 8212
Ainsi muable destinee
A pourvëance est comparee.
Et celle destinee dicte
A pourvëance ainsi subgitte 8216 Le ciel et les estoilles meut, [64v-b] Les elemens tempre et esmeut A faire permutación
Par changant generación; 8220
Quant l'un de l'autre est engendrez, Tous les grains de la terre nez, Toutes semences, tous enfans,
Tous procès de nature issans, 8224
Toute la fortune de l'omme, Toutes ces choses ci en somme
En perpetuelle jointure
Estraint par cause et par droiture; 8228
Lesquelles disposicions, Comme leurs generacions, Prennent en celle pourvëance
Ou ne puet point estre muance. 8232
Il s'ensuit que ses causes sont Non muables qui tout ce font. Et se n'iert la loy souveraine, Toute chose courant et vaine, 8236 Pour sa grant mutabilité, Tost perdroit toutë entité;
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BÖECE DE CONFORT 239 IV, 6 Dont se cest ordre cy se mue
Pour la chose qui se tresmue, 8240 C'est quant a la cause seconde; Mais quant a la cause parfonde Et la premiere dont despent
Mtier ne se puet nullement. 8244 Combien dont que ceste ordenance A vous, tous plains d'orbe ignorance,
Semble confusion troublee
Pour vostre ignorance aveuglee, 8248 Riens mains pour cause juste chose Justement adresce et dispose,
N'il n'est nulz homs qui face rien [65r-a] Que ce ne soit pour aucun bien, 8252 Combien que mauvais par errour Querans le bien en leur folour Soient deceus villainement,
Cë avons prouvé plainement; 8256 Et aussi est l'ordre gardee De toute la chose creee, Puisque tout a creé et fait
Le tres puissant et tres parfait; 8260 C'est raison que toute euvre faite Finalment soit a bien retraite.
Mais tu diras, ou pourroit on
Trouver plus grant confusion? 8264 Car nous veons que les parfais Chevance a paine aront ou pais Et les mauvais sont en delices
Qui ne font que pechiez et vices; 8268 Ilz ont des bons le paiement Et les bons portent le tourment Que les mauvais deussent porter.
De ce te vueil cy conforter: 8272 Vous n'avez pas l'oeil si entier Que vous puissiez a droit jugier Personne sel one leurs mérités,
Com il appert des ypocrites 8276
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240 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6 Lesquelz, qui ne les hanteroit, Pour parfais on les jugeroit! Le jugement seroit moult faux
Et en vendroient moult de maux 8280
Qui diroit de toute personne Ceste est mauvaise et ceste bonne; Ains verras toudiz avenir
Que quant pour bon voudras tenir 8284 Celui que tu ne vois mal faire, [65r-b]
Un autre dira le contraire.
Comment donques pourra jugi er
Ou de la paine ou du louyer 8288 Qui ne scet jugier les personnes
S' elles sont mauvaises ou bonnes? Encor s'il estoit .i. telz homs
Qu'il sceiist deviser les bons 8292 Si que de tout homme vray die Cilz est bon et cilz ne l'est mie,
Pour ce ne puet il pas savoir
Que chascun des .ii. puet avoir; 8296 Car ne scet les complexions Des cuers ne leurs condicions; Et ce qui fait a l'un domage
Fait a l'autre grant avantage 8300 Pour procurer son sauvement; Ainsy que faux le jugement Est de celui qui jugera
Du mal que il ne cognoistra 8304 De corporelle maladie,
C'est assez semblable folie.
Simple gent souvent se merveille
Pourquoy de chose non pareille 8308 On donra a .ii. qui verront Que tout semblable mal aront, Et l'un chose amere usera
Et 1 ' autre doulce mengera, 8312 L'un aura porcion legiere Et l'autre l'aura aigre et fiere.
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BÖECE DE CONFORT 24 1 IV, 6 Mais li sages phisicïens
Qui bien scet des .ii. pacïens, 8316
Les diverses complexions Donne diverses pocions,
Ne de ce ne s'esbahist point; [65v-a] Car la cause scet et le point 8320
Comment il puet santé donner; Ainsi scet Dieu tout ordener.
Qui est de l'ame la santé
Fors que vertüeuse bonté? 8324
Et vices sont la maladie
Dont la lasse ame est afeblie.
Et qui puet miex donner vigour
A Tarne et Ii oster langour 8328
Que Dieu, qui les pensees voit Et les complexions cognoit, Qui du hault lieu de son dongon
Voit et cognoist tout par raison 8332
Ce qui a chascun fait mestier Et qu'il convient pour li aidier?
Tout ce li donne ou fait avoir
Selonc son saint secré savoir. 8336 Dont destinee merveilleuse
Vient d'ignorance tenebreuse Que le sage chose acomplist Dont le non sachant s'esbahist. 8340 Mais de la divine science
Te diray une brief sentence: Tu cuides souvent d'aucun fait
Que tres bonne et juste cause ait, 8344 Et la pourvëance divine
Tout le contraire determine. Lucan nostre familier
Ce proprement veult octrier 8348 Quant il parolle de l'armee Que Jules fist contre Ponpee; Car il dist que Chaton le sage,
Qui ot cler et parfont courage, 8352
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242 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6
La partie Ponpee tint [65v-b] Et pour tres juste la soustint,
Tant qu'avecques li il s'arma
Et contre Jules chevaucha. 8356
Mais la divine pourvëance, Qui tout juge ajuste balance, L'autre partie tint meillour. Dont Jules Cesar ot honnour 8360
De la bataille et la victoire, Si com il appert en l'ystoire. Dont toutes choses qui se font
Bonnes et justes cause ont, 8364 Mais sa perverse opinion Cuide que soit confusion. Prenons .i. homme parfait si
Que de Dieu et du monde ami 8368 Soit pour les vertus dont est plains, Et a tous courtois et humains;
Mais il sera par aventure De euer si foible creature 8372
Que, s 'adversité voit venir, Il ne se pourra maintenir
En innocence par laquelle Cuidoit avoir fortune telle, 8376 Mais cherra par impacïence. Pour ce divine providence, Selonc son parfait jugement,
Le dispose courtoisement 8380 Des biens temporeiz de ce monde Qu'adversité ne le vergonde.
L'autre en ce siecle trouveras
Que tres parfait esprouveras 8384 Qui est enclin a tout bien faire Et fort a souffrir tout contraire;
Toudiz bien fait et bien li vient, [66r-a] Par raison ainsi le convient 8388
Car de li Dieu a ordené
Que soit ainsy guerredonné
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BÖECE DE CONFORT 243 IV, 6 Et en la mort et en la vie;
Pour ce ne ly vient maladie 8392 De deffaut ou meschief n'a garde, Car il est en la sauvegarde Du grant Seigneur et du grant Roy
Qui selon sa piteuse loy 8396
Fait en terre ses bons amis
Ja commencier leur paradis. Dont d'un tel parle proprement
Un clerc de moy plus excellent, 8400 Permenides, et dit ainsy:
- Le saint corps de cest homme cy Ont vertus tout édifié, Environné et maistrié Et par leur Gardé de toute adversité.
grant
8404
auctorité
- Dieu met aucuns es seigneuries
Quant sont bons pour les felonnies 8408 Corrigier qui habondamment Seroient par mauvaise gent Qui moult se multiplïeroient, Se fort refrenez ilz n'estoient. 8412
Aus autres mesleement donne, Puis mal, puis bien, car leur personne Le puet endurer et souffrir;
Aus autres veult leurs biens tollir, 841 6 Car leur felicité trop longe
De Dieu les estrange et eslonge. Aus autres donne adversité
Afin que bien excercité 8420 Soient leur pacient courage [66r-b] Quant de souffrir auront l'usage. Autres despitent plus que droit
Ce que moult doubter on devroit 8424 Et entreprennent par folie
Ce qu'acomplir ne pevent mie;
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244 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6 Telz seulent tres triste fin faire
Dont sont aus autres exemplaire; 8428 Car pour acquerre gloire vaine
Souvent meurent de mort vilaine.
Les autres sont si vertiieux
Que pour tourmens tyrans crüeux 8432 Ne pevent mater leur vigour; Et telz prennent par leur valour Que mal ne paine aucun povoir
Contre vertu ne puet valoir. 8436 Qui toutes ces choses cognoit, Par leur propre fin assez voit Et pour leurs proffis qui en viennent,
Comment elles gardent et tiennent 8440
Tres juste disposición
Sel one leur ordinacion.
Et par ce cognoistre puet on Aucune cause et la raison 8444
Pourquoy pervers en general Souvent prennent puis bien, pus mal; Mais du mal nul n'est esbahy, Car mauvais ont mal desservi. 8448 Et quant les autres aussy voient Ces griefz tourmens qu'ilz souffreroient, Se faisoient vices semblables,
Lors se gardent com raissonnables 8452
Et maulx laissent et s'en abstiennent
Et quant biens aus mauvais aviennent,
C'est aus bons doctrine certaine [66v-a]
Que la felicité mondaine 8456 Ville est quant elle s'abandonne A une mauvaise personne Et que nulz n'y doit sa fiance
Avoir en ly pour sa muance; 8460
En li n'a point d'estableté Mais toute variableté.
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BÖECE DE CONFORT 245 IV, 6 L'autre chose dont me recorde
Vient d'une grant misericorde 8464 Par la pourvëance divine, Qui tout scet et riens ne decline,
C'est Dieu qui trestout scet et voit:
L'autre trop enferme cognoit 8468 A endurer adversité;
Dont par sa tres doulce pité Destourber et garder le veult
Qu'il ne face du pis qu'il peult; 8472 Car se sa chevance n'avoit, Tantost larron il devendroit
Ou murtrier ou faux ou parjures
Ou ne penseroit qu'a injures; 8476 Pour ce Dieu, par sa courtoisie, De l'avoir li donne copie Pour ce que ses foibles malices
Ne s'abandonne a plus grans vices. 8480
L'autre raison est assez bonne
Pour quoy Dieu aucune foiz donne Les biens a ceus qui mal entendent, Car aucunes fois s'en amendent: 8484
Tu trouveras aucun si sage, Quant il reverse son courage Et bien cognoist ses faiz malignes,
Il perçoit bien qu'il n'est pas dignes 8488 Du bien, de l'aise, de l'onneur [66v-b] Qu'il a de par nostre Seigneur; Si change ses meurs et sa vie
Et met jus toute felonnie 8492 Qu'il n'a cure d'ingratitude; Dont il met a bien son estude, Car paour a se ne se garde
Que ce bien mondain ne s'esparde. 8496
Autres ont bien des biens mondains
Qui sont faux, decevans et vains, Plains de grans richesces et d'aises,
Mais sont personnes si mauvaises 8500
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246 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6 C'om ne les pourroit empirer; Nul ne les puet a bien tirer, Par bonté ne par courtoisie,
Puis qu'ilz sont donques de tel vie. 8504
Tu me diras par aventure Que ce n'est pas selon droiture Quant Dieu de ses biens tant leur donne,
Mais je te diray raison bonne: 8508 Tu sees quant aucun a mesai se Après délit et après aise Toudis est son mal plus amer.
Dieu veult en tele guise ouvrer: 85 1 2 Quant il voit .i. mauvais ou monde Qui de mal faire moult habonde Assez de ses aises li donne
Et de delices l'environne 85 1 6 Et lui fait mener doulce vie;
Non pas pour ce qu'il l'ait gaingnie Mais tant plus angoisseus sera
Quant Fortune se changera, 8520 Que par force changier convient; Car tu sees bien s'il te souvient,
Nous avons dit que Diex seult faire [67r-a] De telz aus autres examplaire, 8524 Se tu en es point remembrant
N'a pas gramment yci devant. Tu me diras par aventure
Que par pitié et par droiture 8528 Aus mauvais donne Dieu avoir; Mais quel raison puet il avoir De leur donner les seigneuries
Ou ilz ne font que felonnies? 8532 Et tant plus ont et plus font mal,
Si entenz bien et non pas mal. A ceste raison te vueil dire:
Quant li mauvais felons, plains d'ire, 8536 Es seigneuries sont montez Tous leurs subgis sont tourmentez,
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BÖECE DE CONFORT 247 IV, 6 Partout, puis amont, puis aval,
Bons et mauvais en general. 8540
Le tourment les mauvais pugnist Et aus preudommes fait proffist; Ces tourmens les bons excercite
Et toudis accroist leur mérité, 8544 Car pacïence excercitee Est haultement guerredonnee. Et si ne te merveilles point
Se le mauvais li mauvais point 8548
Et s'il li fait souffrir tourment,
Car selon divin jugement Tu trouveras souvent en terre
Entre .ii. mauvais plus grant guerre 8552 Qu'entre le mauvais et le bon; Et tout ce fait Dieu par raison,
Car des .ii. ensemble se venge
Quant l'un a l'autre se revenge; 8556
Si leur seuffre porter tel fais, [67r-b]
Car quant l'un de ces .ii. mauvais Voit qu'il n'en puet estre au dessus, S'en est tourmenté et confus. 8560 Et quant ne se puet revenger Le tourment est pour son louyer, Car cil qui sert mauvaisement
N'est digne d'autre paiement. 8564
Aussi en tout ce que Dieu fait N'a rien que bonne raison n'ait; Car a tout ce qu'il fait s'acorde Son droit et sa misericorde. 8568 Encor merveilles te dirons:
Tu verras quant .i. mauvais homs Un autre mauvais fort malmainne,
Le mauvais qui seuffre la painne 8572 En si grant haýnne le prent Qu'il se blasmë et se reprent, Et a grant honte en soy meyme
Quant sueffře de celi qu'il n'eyme; 8576
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248 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6 Pour ce s'esforce et se traveille
De mener vie non pareille Et pense que tel mal feroit
A autrui quant l'injureroit. 8580 Ainsi Dieu par .i. mauvais homme D'un autre mauvais fait prodomme, Car seul Dieu a ceste puissance
Par sa divine pourvëance; 8584
De tous maulx scet aucun bien faire Et convertir en leur contraire.
Pense quantes choses verras
Que merveilleuses tu tenras 8588 Que par Dieu qui les a creees A bonne fin sont ordenees;
Et du dit commun te souviengne: [67v-a] Il n'est [nulz] mal que bien n'en viengne, 8592
Car toutes choses si se font
Selon la propre ordre qu'ilz ont. Et quant de cel ordre descordent,
Si convient il que se racordent 8596
Par une autre voie celee
Qui ainsy estoit ordenee Par destinee descendant
De pourvëance tout sachant; 8600 Dont qui fuit l'ordre de nature, Il chiet en l'ordre de droiture
Qui par ordre le fiert et point
Tant qu'elle le remect a point. 8604 Mais selon commun droit parler On ne doit trop avant aler Ne causelement discuter,
Mais legierement disputer 8608 De la divine pourvëance; Car droit n'est pas que cognoissance De creature puist comprendre
Ne dire, ne penser, n ' entendre 8612
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BÖECE DE CONFORT 249 IV, 6; IV, vi Les causes des intencions, Les haultes disposicions De son tout puissant createur! Mais tenir on doit sans cremeur. 86 1 6
Et qui le tient, il souffist bien
Que Dieu sanz cause ne fait rien; Car il qui a creé nature Et toute vivant creature 8620
A luy ressembler et retraire,
Par maintes guises le fait traire
Et l'espurge, monde et affine,
Ou l'entroduit et l'enlumine, 8624
Si que de son noble courage [67v-b] Soit forclos tout oblique outrage. Dont tout le mal qu'en cesti monde
On voit avenir, tout redonde 8628 Et aucun bien par l'ordenance De celle haulte pourvëance, Mais piece a, car de certain
Tout engin vray de traveil plain 8632 Pour ces subtilles questions Et ces grans foisons de raisons. Et pour ce actens que je te face
Aucune chançon qui te place; 8636
Pour ce te feray ceste cy: Or le pren et digere sy
Que par doulce refección
Plus ferme soit t'entencion 8640
De comprendre et bien retenir Ce qu'après tost pourras ouyr.
IV.vi
Philosophie determine De la prescience divine Se tu veulz bien soigneusement
Regarder par pur jugement 8644
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250 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vi Les drois de celui qui hault tonne, Voy du ciel la souvraine bonne Comment en ce tres hault palais
Gardent leur ordre et vieille pais 8648 Les estoilles sans descordance, Chascune selonc s'ordenance:
Le soleil par sa grant chalour
Si meut et reluist tout entour 8652
Sanz point empeschier par s'ardure De la lune la grant froidure; Une estoille tout a devise,
Tout au plus hault du ciel assise, 8656 Qui est la Grant Ourse appelee [68r-a] Et pour s'isnele et fort alee Onques ne se laisse cheoir,
Combien que les autres veoir, 8660
Puist toutes veoir en la mer
Et puis issir et relever, Et si n'a volenté n'envie
Que s'ardant flame soit moillie 8664 Com les autres en occident; Aussy vois qu'ordeneement, Selonc temporel mouvement
Vers les parties d'Orient, 8668
Que, quant Venus au vespre esclaire,
Bien tart adont elle desclaire
Et anuite l'ombragement
Par son venir souevement 8672
Tant qu'en obscurté est la nuit, Puis quant a l'aube elle reluit, Lucifer eli' est appelee
Et monstre la clere journee; 8676 Ainsi concorde et vraie amour
Maintient en paix et en vigour Et bennist bataille et descors
De tous les celestïeux corps. 8680 Aussi ceste paix et concorde Les ēlemens ensemble acorde,
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BÖECE DE CONFORT 25 1 IV, vi Car humeur amoitist secheur
Et froidure actrempe chaleur; 8684
Aussi a elle telz vertus
Que le feu puet tout hault lassus Monter, de ce ne doubte nuls,
Et la terre pesant cy jus 868 8 Se repose sanz descordance; Et par celle mesme ordenance
Printemps si ramainne la flour, [68r-b] La verdure et la doulce odour, 8692
Et esté par sa grant ardure Le forment seche et si meiire;
Puis vient auton qui les fruiz donne,
Puis yver qui Pyaue abandonne; 8696
Et par ceste mesme actrempance Toute chose, vie et puissance Prent son estre et sa nourreture
Selon 1 ' appétit de nature, 8 700 Puis après, par corrupción, Tourne a final conclusion.
Ainsy que ces choses se font
Et par ordre viennent et vont, 8704 Lassus se siet et se repose Le seigneur qui tout ce dispose, Commencement et fin, li roys,
Sage, juge, qui par ses loys 8708 Tres justement tant mainne et duit; Et selon son frain entroduit
D'aler, venir ou de repos;
Car s'ilz laissent mondain propos, 8712 Qui est vagues, foibles et vains, Courir sanz y mectre les mains Et sanz eulz baillier certain terme
Par lequel les arreste et ferme, 8716 L'ordre qui ore est tres estable, Par son forvoiement muable, Faudroit et yroit tout a mal,
Se la fortune original 8720
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252 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vi; IV, 7 Laissoit sanz obeïr a luy. Mais ce vray et doulz seigneur cy
Toute chose desire et esme
Et tent et requiert de li mesme 8724
Qu'elle soit par li gouvernee, [68v-a]
Nourrie, tenue et sauvee;
Ne ceci durer ne pourroit
Se toute chose en soy endroit 8728 Selon son naturel désir, Par amour et par droit plaisir, Du tout ne se convertissoit
A celui qui tout scet et voit, 8732 Qui par bonté et grace pure
Leur a donné estre et nature.
IV. 7
Or voy qu'il se puet ensuyr
De tout ce qu'as voulu ouïr." 8736 Lors Böece respondi: "Quoy? La consequence pas ne voy. Philosophie parle: -De ce que ci dessus dit t'ay
Puet chascun condurre de vray 8740
Que toute fortune bonne est." Böece respont sanz arrest: "Comment se fait la consequence?
Philosophie respont:
-Se pues, dist elle, la sentence 8744
De ce que dit ay concevoir, Adont tu pourras percevoir Que toute fortune advenant,
Soit doulce ou aspre, est venant 8748 Ou pour les bons excerciter Ou pour les biens remunerer Ou pour pugnir et corriger
Ceulz qui pechent trop de leger, 8752
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BÖECE DE CONFORT 253 IV, 7 Car toute chose est raisonnable
Qui est ou juste ou proffitable.
Böece responî -Ta raison, dist il, est tres clere,
Et quant ce qu'as dit considere 8756[68v-b] En ta chançon tantost chantee De pourvëance et destinee,
Tu l'as vraiement affermé
Et par fors raisons confermé; 8760 Mais je te suppli, s'il te plait, Que l'oppinion qu'as retrait Par devant du peuple commun De ces .ii. faces nombrer un. 8764
Philosophie demande: -Pourquoy, dist elle, ce feray?
Böece respont: -Car, dist il, le peuple pour vray
Usurpe par commun langage
Que Fortune est maie et sauvage 8768
A aucuns sanz nulles raisons.
Philosophie demande: -Veulz tu, dist elle, qu'aprochons A la commune oppinion
Qui parole ainsy sanz raison, 8772 Et parlerons plus layement Pour ce que rude jugement
Ne cuide qu'aions seurmonté
L'engin commun d'umanité? 8776 Böece respont : -Ainsy le fais comme tu veulz. Philosophie dit: -Tenir et tres bien croire peulz Que tout ce qui proffite est bon. Böece octrie:
-Certes, dame, c'est bien raison. 8780 Philosophie parle: -Et tout ce, dist elle, proffite
Qui corrige ou qui excercite?
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254 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 7
Böece -Il
est
dit bien
:
[69r-a]
voir
Philosophie
et
je
l'octry.
respont
-Et donques, il est bon aussy?" 8784 Böece respont: " Pourquoy non? Philosophie dit : -Ce proffit cy, donques, est bon
De celui qui en grant vigour
Se bataille par nuit et jour 8788
Puissamment, contre adversité,
Ou qui en fuyant mauvaisté De bonté en fuyant la voie.
Böece respont
-Cecy nýer je ne pourroie. 8792
Philosophie dit: -Le commun, dist elle, ce tient,
Quant Fortune joieuse advient As bons, que ce n'est pas mal fait,
Car leur bon louyer les actrait. 8796
Böece respont : -C'est voir, certes. Lors voix commune Dira que tres bonne est Fortune. Philosophie dit : -Et aussy quant par le contraire
Aus mauvais voient tourment faire, 8800
Comment que lors bien juste soit, Si dient il, comment qu'il voit,
Qu'elle n'est pas adonques bonne! Böece respont:
-Certes, dame, toute personne 8804
Dit c'om ne puet penser pïeur.
Philosophie dit: -Or voy dont ci leur foie erreur, Car de bonne et maie fortune,
Suyvans l'opinion commune, 8808[69r-b] Avons prouvé communelment Qu'opinion commune ment,
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BÖECE DE CONFORT 255 IV, 7 Car leur opinion muable
A vons prouvé inopinable . 8812
Böece demande:
-Comment, dit il, le preuves tu?
Philosophie respont: -Par ce, dist elle, qu'ay conclu, En suyvant leur oppinion
Par la devant dicte raison, 88 1 6
Que tuit cil qui sont vertüeux Ou qui d'estre sont desireux Toute fortune leur est bonne;
Et a la mauvaise personne, 8820 Selon F oppinion commune,
Tres mauvaise est toute fortune.
Böece respont: -Se nuls octroier ne l'osoit,
Si fault il, dame, qu'ainsi soit. 8824 Inîroducion de Philosophie: -Pour ce, tous bons cuers, je vous prie Quant Fortune vous contrarie Que vous ne vous desconfortés,
Mais en pacïence portés 8828
Ce que Fortune pourra faire; Car ne puet estre tant contraire Qu'elle ne soit par vous vaincue.
Se vous voulez avoir tenue, 8832
Regardés en une bataille Ou chascun fiert ou broche ou taille. Li couars chevalier s'enfuit
Quant il ot le cri et le bruit; 8836 Mais le preux chevalier entent [69v-a] A gaingnier honneur et actent: Pour ce, tant comme il puet s 'esforce,
Sa vertu demonstre et sa force. 8840
Ainsy est des fais de Fortune,
Car pour gaignier vertu aucune Qui de bien faire se traveille
A grant bataille s'appareille; 8844
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256 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 7 Aspre Fortune le guerroie Et la doulce li porte joie; Grant peril est s'il ne se garde
Qu'en celle bataille ne perde. 8848
Quant l'aspre se veult esforcier Le preudomme fait courroucier; Et souvent bat tant la personne
Que des meschiés qu'elle li donne 8852 L'escu de Pacïence quasse; Et la doulce Fortune passe Souvent haubert d'Umilité.
Pour ce te pri en charité: 8856 Que toy mis en ceste bataille Le euer nullement ne te faille; Quant Fortune triste ť abonde,
Garde que ton euer ne confonde; 8860 Et quant fausse joie ť aporte, Ton euer pas trop ne se transporte; Tien le moien bien fermement,
Ne t'en despoire nullement 8864 Ne d'autre part oultrecuidance; Et soit toudis en ť esperance Le louyer de felicité,
Non pas de fausse vanité. 8868
En vostre vouloir vous tenez
La fortune que miex amez:
A vo vouloir povez eslire [69v-b] De la meilleur ou de la pire; 8872
Toute fortune aspre et dure
Qui ne corrige creature Ou n'espreuvë humain désir
Est faicte pour les maulx pugnir; 8876 Dont bien t'avise [et] excercite Et en vertus te solicite.
Maintien toy fort en ceste guerre
Se tu veulz los et pris acquerre, 8880
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BÖECE DE CONFORT 257 IV, 7; IV, vii Et toudis aies en memoire Des vaillans chevaliers l'istoire
Qui pour acquerre los et pris
Ont tant de grans travaulz empris. 8884
IV. vii
Ci endroit dit Philosophie A Böece qu 'il ne se jye Fors que Dieu et baille figure De Troye la desconfiture Paris, au roy de Frise fils, Ou la cité li plus gentils
Que nous lisons estoit assise,
Troies, la grant. Quant voult s'emprise 8888 D'armes acomplir et de joie, Devers Grece adresca sa voie.
Quant en Grece vient a grant painne Son fait si subtilment demainne 8892
Qu'il a fait d'Elaine s'amie Et de son pays l'a ravie; Et la mena en tres grant joie
Tout droit en la cité de Troye. 8896 Ce fait fu chose merveilleuse,
Car celle Helaine estoit espeuse Du frere au roy Agamenon
Qui Menelaüs avoit nom; 8900
Quant Menelaüs pert Helaine [70r-a] N'est pas merveille se duel maine; Aus piez de son frere se rue
Pour s'espouse qu'il ot perdue 8904 Et comme courroucié supplie Que celle injure soit vengie. Agamenon, qui nommé cy
Actrides, quant cecy ouy 8908
Tost sanz delay envoia querre Tous les grans seigneurs de la terre
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258 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vii Et fist ses nefs appareillier
Pour aler 1 ' injure vengier 8912 Qu'avoit fait Paris a son frere; Car moult l'a voit au euer amere.
Tuit li prince si consentirent
Et de leurs nefs mil en emplirent, 8916 Toutes chargiees de leurs gens Qui estoient en armes gens. Quant furent en mer bien avant, Un fort vent li vint au devant 8920 Qui leur a fait tant de contraire
Que ne povoient avant traire, Ains ont leur voile descendu;
Li marinier ont respondu 8924 Que pour ce fort vent apaier Il convenoit sacrefïer
A Dyane la grant dëesse,
Qui de la mer estoit maistresse, 8928 La fille au roy Agamenon Qui ot Effuganes a nom; Cilz oublia amour de pere
Pour vengier la honte son frere 8932 Et pour honneur et los acquerre; Tantost sa fille manda querre
La teste trenchier li commende [70r-b] Et a un prestre en fist offřende; 8936
Quant elle fu sacrefíee Toute la mer fut appaisiee. Agamenon en Frise vint
Devant Troye son siege tint 8940
Et .X. ans la il demoura
Ou grans batailles demena; Es batailles et es assaux
Furent mors maint nobles vassaus; 8944 Ne fu pas en son fait tardis Mais tant courageux et hardis
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BÖECE DE CONFORT 259 IV, vii Qu'en la fin a la cité prise
Et a destrucción l'a mise; 8948 Des menus fist prisons esclaives Et les grans fist morir de glaives. Comment Ulixes si trouva
./. gëant a qui l'oeil creva Quant Ulixes de celle guerre
Par mer retournoit en sa terre, 8952 Il mist .X. ans a retourner
Pour les grans perilz de la mer. Tant que par aventure avint
Que un jour en un balme vint 8956 Ou Poliphemus habitoit, Qui un tres grant gëant estoit; Et n'a voit que .i. oeil ou front
Mais moult estoit gros et parfont; 8960 Ce grant gëant grant feste fist,
Les compaignons Ulixes prist Et les occist et les menga;
Mais Ulixes bien s'en venga 8964 Car assez tost après mengier Ce gëant prist fort a ronfler
Et dormi fort pour l'abondance [70v-a] Dont il avoit empli sa pance; 8968 Ulixes, Ytacus nommés, De ce gëant s'est approuchés Et son coup en tel guise lieve
Que l'oeil d'enmy le front li crieve; 8972 Lors fu en joie et en baudour, Convertie sa grant doulour.
Le gëant a ce coup s'esveille, D' Ulixes trouver se traveille, 8976 Court et cerche de toute part; Mais il pert sa painne et son art Car Ulixes trop pou le doubte
Puisqu'il est tel qu'il ne voit goûte. 8980
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260 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vii
Böece le vaillant et sages Traicte de douze vasselages Que Hercules fist en sa vie, Ce tesmoingne Philosophie. Hercules pour acquerre gioire Fist grans fais dignes de memoire;
Dont est raison que je te die [70v-b] Douze fais qu'il fist en sa vie: 8984 Centaures une gent estoient Qui toute Grece degastoient, Demy hommes, demy chevaux; Les mons couroient et les vaus 8988 Par legiereté et par force;
Hercules encontre s' esforce
En tout lieu et en toute place;
Il les enquiert et les enchace, 8992 A eulz s'est souvent combatus, Et jusqu'au sane les a batus, Si que rivieres et contrees Sont de leur sane enluminees. 8996
Le secont vasselage. Aussy sees tu bien du lyon Qui toute celle region Tenoit en paour et doubtance
Car par sa force et sa puissance 9000 Hommes et bestes devouroit, Si que rien il n'y demouroit, Tout estoit destruit et perdu;
Quant Hercules l'a entendu, 9004 Le lyon pense a mort livrer Pour tout le pays délivrer;
Tantost vers le lyon s'adresce,
Au premier coup tres fort le blesce; 9008 Puis après fist si son effort Que ce cruel lyon mist mort Et li osta la pel du dos
Qui après reçut de grans coups; 9012
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BÖECE DE CONFORT 26 1 IV, vii Car il en fist un garnement,
Lequel vesti pour paiement, Qui fu si fort de toute part
Qu'il ne doubtoit lance ne dart. 9016[71r-a] Le .iii.€vasselage Finëus pour sa felonnie A ses enfans tolli la vie; Dont fu pugnis moult durement,
Car les diex tout premièrement 9020 De sa veüe l'aveuglerent Et puis les arpes li donnèrent; Arpes sont oyseaux de corsage
Et sont pucelles de visage 9024
Qui le servoient en tel guise: Quant il avoit sa table mise Les arpes devant li venoient
Et toute la table ordoioient; 9028 Quant il cuidoit mengier son pain, Elle l'ostoient de sa main; Hercules, qui quiert los et pris,
Sanz plus tarder son arc a pris 9032
Et vers ces oiseaus est alez
Qui tantost s'en sont envolez; Tant les contraint et les dechace
Qu'il leur a fait vuidier la place; 9036 Et tel y ot qui fu férus
Et en la place retenus.
Le .iiii.e vasselage Après furent .ii. damoiselles,
Filiez d'Atha, cointes et belles, 9040 Qui gouvernoient un jardin Tres hault et tres noble et tres fin,
Qui les pommes d'or seult porter;
Ces dames pour leur deporter 9044 Ce jardin souvent visitoient Et a l'entree mis avoient
.1. dragon pour garder la porte
Du jardin qui pommes d'or porte; 9048[71r-b]
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262 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vii Ce grant dragon jour et nuit veille, Et de ce n'est pas grant merveille, Du perdre a paour, si les garde;
Hercules nuit et j our regarde 9052 Comment cueillir il en pourra, Il en aura ou il mourra;
Hercules fu de grant courage;
Ou jardin, malgré le visage 9056 De ce dragon, moult tost se boute Si comme homs qui riens ne doubte; Hardiement sur son col charge
De pommes d'or une grant charge, 9060 Sur l'espaule senestre fort Du metal d'or sueffře le port; Et puis du jardin s'en repaire
Sanz aucun peril ou contraire. 9064 Le quint vasselage: Aussi te vueil je raconter Comment Hercules pot dompter Cerberus, le portier d'enfer,
Qui ne doubtoit acier ne fer; 9068 Hercules ot un compaignon, Qui Puritheiis avoit nom, Qui moult fort ama d'amour fine
La dame d'enfer, Proserpine; 9072
Et fu si durement tenus Par les assaux dame Venus
Qu'en enfer aler proposa,
Mais que tout seul aler n'osa; 9076 Hercules li fist compaignie Qui scet bien, se Cerberus crie, Les Dieux d'enfer s'esveilleront
Qui grant moleste leur feront; 9080[71v-a] Si fist de pierres d'aymant Trois chaiennes en un tenant
Dont il l'a si fort atachié,
Quant il est d'enfer approuchié, 9084
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BÖECE DE CONFORT 263 IV, vii Le portier, qui .iii. testes porte, Qu'il l'a trait tout hors de la porte; Quant Cerberus hors se trouva
Ses .iii. testes, tantost leva 9088 Et comme une beste esbahie
A haulte voix forment s'escrie; N'i ot hommes n'oiseaux ne bestes
A qui ne feïst grans molestes; 9092 Tres grant paour ot la gent toute,
Fors Hercules qui riens ne doubte. Le .vi.e vasselage Aussi fist grant fait Herculés
Quant il occist Dyogenés, 9096 Ou selonc l'autre oppinion Un autre qui Glaucus ot nom. Glaucus fu un riche tyrant
Qui comme felon et puissant 9100 Enseigna par sa pute estrainne Ses chevaux mengier char humainne; Pour ce, quant hoste li venoit, Pour li tuer le recevoit 9 1 04 Et aus chevaux de sa maison
De sa char faisoit livraison; Quant Hercules ouy ce dire,
T antost comme lyons plain ď ire 9108
Vers ce tyrant sa voie adresce Et fist tant par sa grant pröesce
Que le pays en délivra Et a ses chevaux le livra 9112
Qui mengierent la char leur maistre, [7 1 v-b] Qui d'autre char les souloit paistre; Et puis les chevaux fist ferir
De glaives et les fist mourir. 9116 Le .vii.e vasselage
Ydra entre les autres bestes
Fu un serpent qui a .ii. testes Moult divers et moult merveilleux,
Et au pays moult perilleux; 9 1 20
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264 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vii Le serpent en champ desconfire Estoit une trop longue tire, Car quant une teste perdoit
Trois autres testes recouvroit; 9 1 24 Pour ce estoit fort a seurmonter;
Car Hercules le voult dompter; Car il, qui tout fort fait emprent,
Ses armes et ses quarriaus prent 9128 Et corn hardis et preux vassaux A ce serpent fait griefz assaux; Ce serpent siffle, crie et brait,
Venin giete, les langues trait; 9132 Hercules fiert et ront et taille,
La veïssiez aspre bataille, Cruelle trop et merveilleuse
Et pour Hercules perilleuse! 9136 En la fin Hercules regarde Et moult soigneusement prent garde Que de ce serpent pres n'aprouche
Qu'il n'a que venin en sa bouche; 9140 Si fist que furent amassees D' espines maintes grans chartees Et d'autre bois a grant foison
Qu'il fist mectre tout environ 9144 De ce serpent et puis y boute
Le feu si que nesune goûte [72r-a] De ce serpent ne demoura,
Car le feu tout le devoura. 9148
.viiie vasselage : Hercules moult grant fait emprist Quant a Athelaüs se prist;
Athelaiis avoit puissance,
Car il scet l'art de nigromance 9152 De changier souvent sa figure Après humaine creature; Et se faisoit bien invisible
Comme ce fust chose possible; 9156
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BÖECE DE CONFORT 265 IV, vii Sembloit serpent, gros et menu, Et puis sembloit torel cornu; Et vivoit selon sa maniere
Ou sur terre ou en la riviere. 9 1 60
Hercules amoit une dame, Dejaniere, moult belle fame; Cilz Athelaüs par envie
Voult Hercules tollir s'amie; 9164 Mais folie tres grant emprent
Quant il a Hercules se prent; Car plus chier aroit souffrir mort
Qu' endurer c ' on Ii fesist tort. 9168 Entre eulz .ii., comment qu'il aille, Fermerent .i. champ de bataille; Quant vint après a la journee
Qui par eulz estoit assignee 9 1 72 Pour eulz en celi champ combatre Et l'un d'eux jus par mort abatre, Hercules vient comme lyon
Contre ce cruel champion; 9176 De leurs glaives se combatirent Et puis a la luite se pristrent;
De tres merveilleuse vigour, [72r-b] Par hayne, non par amour, 9 1 80
Hercules le va embracier
Plus fort que chaienne d'acier; Quant Athelaüs se senti,
En un serpent se converti, 9 1 84
Mais ne li vault enchantement
Car Hercules plus aigrement Et plus fort l'assaut et enchace
Quant il le voit enmy la place; 9188 Le serpent se deffent moult fort Et de vaincre fait son effort, Car moult estoit hideuse beste
Par corps, par keuë et par teste; 9 1 92 Quant Hercules de li approuche, Le serpent hault lieve la bouche
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266 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vii En bëant, pour li engouler
Et pour li mordre et affoler; 9 1 96 Hercules qui d'atour savoit, Car essaié ja moult l'avoit, Sur le serpent sault par derriere
Et restraint par forte maniere 9200 Entre ses mains, devers la teste;
Quant le serpent sent la moleste Comment Hercules le défroissé
Et fremissoit de grant angoisse, 9204 Que d'estrangler estoit ja pres, Il se mua tantost après En un torel tres grant et fort;
Hercules qui ne doubtoit mort, 9208 A ce torel prist la bataille; Telle ne vit one homs sanz faille;
Le torel, com cruele beste,
Lieve ses cornes et sa teste, 92 1 2
D'une part mort, d'autre si rue, [72v-a] Devant li n'est personne en rue, De l'autre part hurte et hennist;
T out quanqu' il actaint il occist; 92 1 6
Mais Hercules tant le tourna
Que d'une corne 1' escoma Et l'arracha hors de sa teste,
De quoy il ne fist pas grant feste; 9220 Quant Athelaüs si mal mis Se senti et qu'il fu desmis D'une corne dont descornés
Estoit, onques puis qu'il fu nés 9224 Ne fu en son euer si dolent;
Car sanz songier appertement Tantost de la place s'esloingne,
Ou par paour ou par vergoingne; 9228 En l'yaue fist de luy plungon Ou se plunga jusqu'au menton, Car s'il fust demouré sus terre
Hercules li fust alez querre; 9232
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BÖECE DE CONFORT 267 IV, vii Quant la bataille fil fenie Hercules enmena s' amie.
Le .ix.e vasselage Antheüs fu ça en arriéré Gëant de diverse maniere 9236 Et fu engendrés de la terre; Pour ce, quant il estoit en guerre Encontre personne aucune, Il avoit en li tel coustume 9240
Quant il sentoit son corps lassé,
Travaillié, blecié ou quassé, Encontre terre se getoit;
La terre, qui piteuse estoit, 9244 Corn lasse, dolente et amere,
Car n'est amour tel com de mere, [72v-b] Avoit pitié de son enfant
Et lui donnoit force si grant 9248 Que quant de la terre levoit Double force toudis avoit. Ce grant gëant pour sa grant force
De desrober la gent s ' esforce; 925 2
En tout le pays n'a grant beste Qu'il ne face baissier la teste; Tout estoit desrobé et pris;
Hercules, qui quiert los et pris, 9256 A juré, s'il le puet tenir, Qu'il le fera a droit venir. Hercules, piain de grant pröesce,
Vers ce gëant sa voie adresce, 9260
Et le gëant com agrapart Li vient au devant d'autre part
Le plus tost qu'il puet afuyant
Aussi com un lyon ruyant; 9264
Quant ilz sont ensemble venuz, Comme preux se sont maintenuz; L'un fiert et l'autre se revenge;
N'i ot haubert, fourrel ne renge, 9268
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268 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vii Ou demourast boucle ne maille, Tant fu deronpt en la bataille; En la fin Hercules restraint
Si fort qu'a pou qu'il ne l'estaint; 9272 Quant se senti si fort estraindre, Il se prist si fort a complaindre, Puis fist semblant qu'il estoit mort
Afin que relevast plus fort 9276 Quant il aroit touchié la terre; Merveilleuse fu ceste guerre.
Hercules qui riens ne savoit
Du bon eür que cilz avoit 9280[73r-a]
Le laissa sur terre cheoir
Ou il reprist double povoir; Puis tantost sur ces piez ressaut
Et renouvelle son assaut; 9284 De ce gieu souvent li joua, Mais nostre Sires envoia
A Hercules science clere
Qu'ainsy la terre estoit sa mere 9288 Et que quant il la toucheroit Toudis plus fort releveroit; Si li joua d'un autre gieu;
Il le leva par le milieu 9292
Et le sceut si doucement prendre Que l'ame du corps li fist rendre. Si ne li valut riens son sort
Car pas ne le garda de mort. 9296 Le .x.e vasselage
Cacus fu li souverains lierres
Que l'en trouvast en toutes terres Et savoit l'art sans riens doubter
De guerroier et feu bouter; 9300
Et en mal faire seurmontoit
Volcain qui la foudre faisoit; Et si estoit Volcain son pere
Qui l'ot engendré de sa mere. 9304
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BÖECE DE CONFORT 269 IV, vii Li roys Evandres le doubtoit Pour ce que le feu il boutoit Et si desroboit moult souvent
Ou l'un ou l'autre de sa gent; 9308 Hercules en ce temps venoit
D'Espaingnë ou conquis avoit De bestes une moult grant proie; Si li convint tenir sa voie 93 1 2
Par le pays et par la terre [73r-b] Ou Cacus menoit ceste guerre. Quant il est ou pays venuz,
Ne s'est pas en l'ostel tenuz, 9316 Ains est alé logier au plain; Lors quant Cacus, le filz Volcain, Regarda ces grans buefs d'Espaingne
Plus aise est que cilz qui se baingne 9320 Et pensa c'un po sus le tart De ces gras buefs ara sa part; Quant Hercules fu endormis
Cacus ses compaignons a mis 9324 Enmy lieu de toutes les bestes; Ne les pristrent pas par les testes, Mais chascun prist d'un buef la keue,
Entour sa main forment la neue; 9328 Menez les ont tout au contraire
Du lieu ou ce Cacus repaire Car paour ont s 'on les pourchace
C'om ne les treuve par leur trace. 9332 Quant Hercules après s'esveille, Esbahis est a grant merveille; Les buefs perdus prist a huchier
Et les autres fist atachier; 9336 Grant painne en prist, moult leur fu mal,
Or court, puis amont, puis aval, Tant a venu, tant a alé,
Qu'il est en la balme avalé 9340 Ou Cacus avoit ces buefs trait, Car l'un des buefz rungist et brait;
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270 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, vii Pour ce, quant il l'a entendu,
Tantost a celle part tendu 9344
Hercules en sa descendue;
Ce grant larron point ne salue,
Tost le trait hors de celle balme; [73v-a]
S'en venga tous ceulz du royalme, 9348
Car a dure mort le mena Et tous ses buefs en ramena.
Le .xi.e vasselage: Ou pays ot .i. porc sengler,
Dont moult fort convenoit sengler 9352
Celui qui le vouloit actendre; Hercules le proposa prendre Car trop faisoit destrucción
A toute celle region, 9356 En vingnes, en champs et en prez; Nul ne l'osoit chacier de pres Car il avoit la dent ague
Plus trenchant qu'espee esmolue; 9360 Hercules, qui par son courage Ne doubte privé ne sauvage, Vers ce sangler sa voie tourne
Et en tele guise l'atourne 9364
Qu'il le fait escumer forment Si que nes tout son vestement Et les grans espaules qu' avoit
Qu'après le ciel presser devoit 9368
Enflamerent grant temps après, Car forment le tenoit de pres; En la fin tant fiert et tant bat
Que ce sengler tout mort abat. 9372 Le .xiie vasselage : Or est temps queje te raconte Un fait qui tout autre seurmonte.
Athala, pere aus damoiselles
Qui sont si cointes et si belles 9376
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BÖECE DE CONFORT 27 1 IV, vii Dont j' ay fait dessus mención, Estoit en une region
Ou le ciel sur son col portoit, [73v-b] Car un tres fort gëant estoit; 9380
Et bien doit estre fort et grant
Qui porte chose si pesant. .1. jour vint que cilz Athalas
Estoit de porter le ciel las; 9384
Il dist qu'il se reposerait Volentiers se trouver pourroit
Qui peüst souffrir celle paine
Tant qu'il eiist repris s'alaine; 9388 Hercules, qui pour gloire acquerre Environna et ciel et terre,
En ce lieu vient par aventure
Et du ciel porter prist la cure; 9392 Onques ne fu ouy d'oreille Chose de si tres grant merveille,
Car pour porter le ciel n'encline
Ne les espaules ne l' eschine; 9396
Pour ce travaux c'est bien raison
Qu'il soit venuz a la maison Ou felicité est logie.
Pourquoy, seigneurs, encor vous prie 9400 Quant Fortune aspre sur vous saut Et temptacion vous assaut Aiez bon euer de vous deffendre;
Car fort vassal ne puet comprendre, 9404 Quant bien veult, bien quiert et bien chace, Chose que bien ne le perface. Alez donques la droite voie
Qui vers le ciel tout droit a voie. 9408
Pourquoy estes vous si sanz art Que sanz sens alez autre part Et paoureux tournez le dos
Quant vous veez venir les coups? 9412 Ne fuyez pas sans faire guerre: [74r-a]
Cil a le ciel qui vaint la terre."
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BÖECE DE CONFORT 273
V, Pro LIVRE V
Prologue Ci fine le livre quatriesme. Et puis commence le cinquiesme.
Le proheme La matere du livre quint
Est si fort que one homs n'avint 9416 A bien la science comprendre, Ne par vif engin bien entendre,
Se non par la grace divine
Qui bons cuers humains enlumine, 9420 Que c'est si parfonde matere Que Saint Augustin la compere, Combien c' on n'y puist pareil faire,
A la mer, feu et ray solaire. 9424 Du proheme sommes délivré: Or entendez bien ce quint livre . En la mer plus avant yras, Tant mains de fons y sentiras;
Les talons n'as pas assez Ions
Pour avenir jusques au fons. 9428 Tant que veoir plus par estrif Vouldra ton oeil le ray actif Du soleil, tant le verra mains,
Car il est de clarté trop plains. 9432 La main tardroies, se le feu Presumes a touchier a nu.
Car chose est trop mal actrempee
Et tres mal proporcionnee: 9436 Char a feu, et oeil a cler ray, Piez a fons marin; mais de vray
Sanz nulle comparación [74r-b] Il a meneur proporcion 9440
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274 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, Pro; V, 1 Entre la puissance creee Et en sa vigueur limitee A F infinité tout puissant,
Transcendant tout engin vivant, 9444 A toute comprendre impossible. Dont chose n'est pas entendióle Que tant soit subtilz interpretes
Savoir puist ses causes secretes; 9448 Ains, tant que plus avant se boute De tant y conçoit plus de doubte; Rien mains, selon ma ferme foy,
Qu'avoit Böece, tieng et croy. 9452 Translateray son livre quint Selon la sentence qu'il tint Sanz riens adj ouster y du mien,
Mais en sivant le propos sien, 9456 La translación exceptee. Or sont dont recontinuee
La matiere qu'entrepris ay,
Selon ce tant pou que je scay. 9460
V.l.
Ci parle Böece a Philosophie "Philosophie dit avoit Ce que pour mon proffit savoit."
Ce dit Böeces et sembloit
Que sa matere elle assembloit 9464 Et convertissoit ja ces mos Pour traictier des autres propos. Lors dit il: "Je luy dis ainsy:
Chiere dame, en qui je m'affy, 9468
Ta doctrine en la vérité
Est tres digne d'auctorité;
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BÖECE DE CONFORT 275 V,1 Mais il me souvient que jadis
D'une question [que] me dis 9472[74v-a]
Qu'elle estoit de biens toute plaine; Ce fu quant de la souveraine Pourvëance fís mención.
Dont te fais ceste question 9476 Et qui est de celle venant Qui tele est: se chose avenant
Par cas ou soubdaine aventure
Est aucune chose en nature 9480 Et s 'aucune chose l'octries?
Je te requier que tu me dies
De sa nature, quelle el est." Le liseur dit :
Lors elle respont sanz arrest: 9484 Philosophie parle: "J'ay, sachés bien, volenté grant D'acomplir ma promesse tant Queje te puisse ouvrir la voie
Par quoy recouvrer je te voie 9488
En ton pays, beatitude,
Par cognoissance et vraie estude; Et combien que moult proffitable Soit ta demande assez estable 9492 Qui l'entendroit moult proprement, Nïentmoins pou est different
Du propre chemin et sentier
De ce que nous voulons traictier. 9496
Dont grant doubte ay que trop ne soies Fors traveilliez de trop de voies, Si que tenir le droit chemin
Ne puisses a la vraye fin. 9500
Böece respont: -De ce, dit il, ne doubte en rien,
Car quant je puis entendre bien
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276 CARMINA PHILOSOPHIAE
V,1
Aucun bon et plaisant propos, [74v-b] Ce m'est délit et grant repos; 9504 Et d'autre part si bien fondés Sont tous tes dis de tous costés
Que par leur tres ferme creance Il n'en remaint nulle doubtance." 9508
La response Philosophie : Philosophie respondy: "Il demourra avecques ty Pour acomplir ta volenté." Le liseur dit:
Et ainsy a tost commencé: 95 1 2 Philosophie argue:
"S' aucun de son fol mouvement
Parole de cas simplement, Sans nulle cause descouvrir, Et veult unement diffinir 95 1 6 Et ainsi dire et fermer ose
Que cas adont n'est nulle chose, Ains dis que c'est une voix vaine
Qui n'a point d'essence certaine; 9520 Ne nulz autres significas
Des choses subjectes a cas, Car Dieu si pourvoit toute chose
Et par droit ordre la dispose. 9524
Dont chose qui sanz autre vient Et sans provision advient, Mais que par sa vaine aventure, Lieu n'a es choses de nature. 9528
De rien ne puet on que rien faire, Onques nul ne dit le contraire De nos anciens devanciers
Tous plains d'ouvriers particuliers. 9532 Combien que de la cause ouvriere
De tout fondement et premiere [75r-a]
Ne soit pas leur entencion,
Mais de toute operacion 9536
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BÖECE DE CONFORT 277 V,1 Manuele et materiele, Car de nature raisonnele
Fu leur accort communelment,
Qu'il fu .i. prince, .i. fondement, 9540 Duquel tout edifice vient. Puis donques que cas qui avient Sanz cause dont ait sa naissance,
On puet condurre sanz doubtance 9544 Que cas ainsi que l'avons pris Doit estre nulle chose dis." Böece demande:
-Et qu'est, damë, et qu'en dirons?
N'est il riens propre dont puissons 9548
Par diffinicion aucune
Appeller ou cas ou fortune, Aucune chose en ceste vie?
Combien que l'ay, ne sache mie 9552 Que cest propre mot senefie, Car ne scet de lectres demie.
Philosophie respont: -Cecy nostre clerc Aristote
Briefment et vraiement le note, 9556 Et en son livre de Phisique Le diffinist, traicte et explique Assez pres de raison entiere. Böece demande:
-Comment, dame, par quel maniere? 9560 Philosophie respont: -Biaus amis, Aristote dist Que toutes fois qu'aucun batist Une chose, quelle ne soit,
Et qu'entencion ait tout droit 9564[75r-b] A aucune chose certaine, Se par une cause foraine Autre que cely ne tendoit
Vient autre chose, celle on doit 9568 Appeler 'cas' hardiement. Example t'en fais clerement:
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278 CARMINA PHILOSOPHIAE V,1 Uns homs va en son champ houer
Pour aucuns grains dedenz semer; 9572 Une masse d'or treuve grant Qu'autre mist la, Ione temps devant; Cil qui li mist n'entendoit point
Que cilz la trouvast si a point; 9576
Et cil qui semer entendoit Point trouver eel or ne cuidoit; Nonpourquant, la masse est trouvee
Pour cause vraie et esprouvee 9580 Pour ce que cilz ce champ houa Et li autres luy aloua. Ainsi sont les cas de Fortune
Sanz vraie entencion aucune, 9584 Par causes et sentes couvertes, Non pas entencions appertes Des causes qui venir le font. Dont Fortune et cas riens ne sont 9588
Qui leurs causes ne considere; Mais quant vient une chose clere Des causes qui conjointement
S'assemblent, combien qu'autrement 9592 Qu'assembler on ne les cuidoit, Lors c'est 'cas' a parler a droit
Et ces causes assembler fait
L'ordre qui vient et est extrait 9596
De tel ordre non evictable
Qui par cause tres raisonnable [75v-a]
Descent de la vive fontaine
De pourvëance souveraine, 9600 Qui tout en leurs temps et leurs lieux
Dispose si com ne puet mieux; Ainsy le vois en la nature
De l'yaue et d'autre creature. 9604
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BÖECE DE CONFORT 279 V, i V. i.
Deux fleuves sont de grant renon, Tygris et Eufrates ont nom, Naissans d'une seule fontaine
Qui sourt entre une agüe vaine 9608 D'une grant roche en Armenie En l'endroit et vers la partie De Perse ou a telle maniere
C'om sy bataille par derriere; 96 1 2 Car li Perchin, quant veulent traire Et occirre leur adversaire, Traient par derrier en fuyant
Leurs viretons et 1 ' ost suyant 96 1 6
Navrent souvent en la poitrine Quant la pointe esmoullue et fine Des viretons s 'atache fort; Dont souvent les mectent a mort. 9620
Ces .ii. fleuves tost se desjoingnent, Mais quant après ilz se rejoingnent, Les nefs et les bois qui seront
En ces fleuves se mouveront, 9624 Et selonc ces merveilleux tours
Ensuyvent ces nefz tout le cours Et l'ordre soit ou tort ou drois,
Ou vaines ou roides ou quois, 9628 Que cel yaue en courant fera; Et aucune fois cessera
Sanz l'entencion et pensee
De ceulz qui mainnent la navee. 9632[75v-b]
Ainsy est il de loy commune Que cas, aventure et fortune Courent, ce semble, sanz nul frain
Ne sanz resnes d'arrest certain, 9636 Mais tuit menez sont par la loy, Par l'ordenance et par l'arroy
De la pourvëance divine
Qui a son ordre tout encline." 9640
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280 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 2 V.2.
Böece dit: "Ore l'entens
Et a ces tiens dis me consens, Mais en tes causes assemblees
Qui sont si par ordre actrempees, 9644 A point de lieu ne de hassage La franchise de no courage? Ou se tous mouvemens humains
Sont neccessairement contrains 9648 De celle chaienne ordenee De celle causei destinee?
Philosophie parle et dit: -Toute creee creature
Raisonnable a de sa nature 9652 Propre franchise et liberté,
Puisqu'el puet a sa volenté
User bien naturelement
De raisonnable entendement 9656 Ce que doit suýr et amer Ou que doit fuyr et blasmer; Dont suit la chose proffitable
Et fuit la contraire et nuysable. 9660 Dont ont cilz en qui est raison
Franchise de vouloir ou non. Mais franchise et liberté telle
Partout ou est n'est pas ou elle: 9664 Car hault les divines substances [76r-a] Ont leur volenté sanz muances, Leur povoir plus efficaux sont,
Leur désir sanz painne prest ont, 9668
Plus subtil est leur jugement; Ames humaines ensement
Ont la franchise trop plus sainne
Quant contemplación demainne, 9672
Garde et maintient haut leur pensee; Et quant Tame est jus occupee
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BÖECE DE CONFORT 28 1 V, 2 A la corporelle devise,
De tant est meneur sa franchise; 9676
Et encor est elle meneur
Quant met sa pensee et labeur Es mondaines affeccions
Ou seufïre grans subjeccions. 9680
Mais la derniere Servitute
Si est quant elle se depute
A servir aus vices villains
Qui despoillent fřans cuers humains 9684 De leur propre possession, De liberté et de raison; Car quant ilz ont leurs yex arriéré
De la souveraine lumiere, 9688
De vérité clos et retrait, Et ilz les ont gité et trait
Aus biens tenebreux de ce monde,
Lors la nue espesse et parfonde 9692 Les aveugle tous d'ignorance Et leur troublee cognoissance De consentement toudiz croist; Et si les lie tant estroist 9696 Servitute d'acoustumance
Que capturez en grant meschance
Sont et comme déshérité [76r-b] De franchise de liberté. 9700
Pour la difficulté tres grant
Qu' ilz ont, quant en eulz repentant Veulent aus vices resister
Et en grant painne excerciter 9704
Pour retourner a la clarté
De pure et franche volenté Et toutes les diverses guises
De ces devant dictes franchises, 9708
Voit ce perpetuei regart Pourvëancë et juge a part Bons louyers ou painnes de vices,
A chascun selon ses mérités. 9712
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282 CARMINA PHILOSOPHIAE V, 2; V, ii Et selon la grecque sentence Dieux par divine sapience Sanz commencement tout cognoit, Tout sent et tout oit et tout voit. 9716
V.ii.
Omere, d'un amillé chant, Loua la clarté pure et grant Du soleil, qui tant resplendist;
Mais le soleil, tant fort luisist, 9720
Ne pourroit en la terre entrer
Ne par ses clers rays penetrer La mer jusques au fons embas.
Mais certes ainsy n'est il pas 9724 Du grant seigneur qui fist le monde, Car il de clarté telle habonde,
Combien qu'il habite lassus,
Si voit il quanqu'il a ça jus 9728
De sa clarté trespercé tout, Terre et la mer jusques au bout; Tout voit sa clarté desnuee
Nuit orbe et espesse nuee. 9732
Ce seigneur qui seul tout cognoit [76v-a]
Et a un seul coup d'oeil tout voit, Choses qui ont esté et sont,
Qui seront et estre pourront 9736 Pour ce tresperçant tout cler ray
Le puez bien clamer 'soleil vray.'"
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BÖECE DE CONFORT 283 V, 3 V.3.
Böece dit: "Or suy je plus
Que n'estoie devant confus, 9740
Car je suy en doubte plus grant
Queje n'estoie par devant. Philosophie demande: -Quelle est, dit elle, ta doubtance?
Je pense assez pour quel muance 9744 Ton euer ainsi se trouble et change. Böece respont : -Car cë est chose trop estrange Et semble contrariété
Que Dieu tout ce qui a esté 9748 Et qui est et qui sera voit
Et qu'avec cë ensemble soit
La franchise de volenté.
Et n'entens pas en vérité, 9752 Se Dieu scet ce qu'est a venir Et nullement ne puet faillir
Në errer en sa cognoissance, Il convient dire sanz doubtance 9756 Que par droite neccessité Cë advendra en vérité
Qu'il aja vraiement sceii
Et clerement precogneii. 9760
Se Dieu donques scet toutes choses, Les apparens et les encloses, Et devant tout commencement
Il voit et scet certainnement 9764
Nos vouloirs et eleccions [76v-b] Et nos deliberacions, Ne volenté n'a nul povoir
De nulle autre chose vouloir, 9768 La chose n'a pas grant franchise Qu'il convient ouvrer en tel guise Que son fait et sa volenté
Acomplist par neccessité. 9772
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284 CARMINA PHILOSOPHIAE V, 3 Nous n'avons autre liberté
Que celle qu'a devant dicté La pourvëance qui tout voit,
Qui descripte estre ne pourroit; 9776 Car se nous povons autre avoir, Dont ne seroit le regart voir Ne la science bien certaine
Ne la pourvëance souvraine 9780 Qui voit tele chose future. Et ce ne diroit creature
Qui vousist jugier par raison.
Ne pas ne tient l'oppinion 9784 D'aucuns qui cuident satisfaire A ceste doubte en lui contraire, Car ilz dient a cestui cas
Qu'aucune chose n'a' ient pas 9788 Car Dieu future la veoit, Mais, que la chose avenir doit, Pour ce ne puet estre celee
A la pourvëance increee; 9792
Et ainsi seroit neccessaire
De retourner tout au contraire;
Et lors de ce qui avenroit
Pourvëance point ne seroit 9796 Cause, mais tout a l' opposite, Pour ce que la chose sus dicte
Par neccessité avenroit, [77r-a] Pour ce Dieux ycelle verroit! 9800 Mais ceste response suppose Que d'aucune future chose Nostre labour et nostre paine,
Soit, ce pourvëance souvraine 9804
Est seule cause neccessaire
De la future chose faire,
Ou se pour ce qu'en vérité
Future est par neccessité, 9808 Pour ce le scet la pourvëance; Mais ce n'est pas nostre doubtance.
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BÖECE DE CONFORT 285 V, 3 Encor la response devant
Cuide que nous soions engrant 9812 De toy demonstrer quel ordre ont
Les causes des choses qui sont Pourveues neccessairement,
Combien qu' il semble aucunement 98 1 6 Que pourvëance pas ne soit Cause souffisant pourquoy doit Par neccessité advenir.
Par example ce pues sentir: 9820
Se tu vois un homme seoir
Et as oppinion pour voir
Qu'il se siet, c'est neccessité
Que tu oppines vérité, 9824
Puisqu'il se siet présentement. Et aussi neccessairement, Puisque vraie est oppinion, Il
convient
Que
lors
sanz
se
evasion
siee
en
9828
vérité.
En tous deux a neccessité:
Neccessaire est la session,
Neccessaire est ť oppinion 9832 Mais pour ce, s' oppinion n'as [77r-b] Vraye, pour ce pas ne diras Qu'el ait fait cel homme seoir;
Ains pour ce qu'il se siet pour voir, 9836 Pour ce est vraye ť oppinion Pour celle vraye session. Ainsy a tous .ii. est commune
Neccessité, combien que l'une 9840 Soit cause de la vérité, En semblable conformité
Puet on dire de pourvëance
Et des choses qui sans doubtance 9844
Sont futures et a venir.
Se Dieu les prouvoit sans faillir Pour ce qu'elles futures sont,
Et neccessaire estre pas n'ont 9848
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286 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 3 Pour ce que Dieu elle pourvoit. Toutesvoies convient qu'il voit Que Dieu chose future voie
Et que la pourveue estre doie, 9852
Tout ce vient par neccessité; Et ce souffist pour liberté De toute franchise destruire.
Qui bien aussy vouldroit deduire 9856 De la response la maniere, Elle met ce devant derriere, Que chose qui est temporele
Soit cause de perpetuele 9860
Et de souvraine cognoissance! Car qui auroit tele cuidance, Quel difference puet avoir
Entre cuidier que Dieux savoir 9864
Puet la chose qui doit venir Pour ce qu'est future avenir
Et cuidier que choses passees [77v-a] De Ione temps ait anichilees 9868
Soient cause et raison certainne
De pourvëance souveraine? Quant j'ay certaine experience
Que la chose est en ma presence, 9872
Puisque certaine en est m' entente, Par neccessité est presente; Tout aussy te convient tenir
De la chose qui doit venir, 9876
Se tu sees bien qu'elle avenra, Que par neccessité venra; Puis donques que Dieu tout pourvoit,
Ce qu'est a venir scet et voit, 9880
Par force convient que l'en tiengne Que ce qu'il scet futur adviengne; Neja pour nostre esforcement
Estre ne pourra autrement. 9884
Encor sees tu certainement
Qui entent la chose autrement
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BÖECE DE CONFORT 287 V, 3 Qu'entendre ne doit par raison,
C'est une fausse oppinion. 9888
Entre oppinion et science A trop estrange difference. Nul dont ne puet ou doit tenir
Que pour certain doit avenir 9892
Chose qui non avenir peut, Car par force avenir esteut Ce dont on voit tout clerement
Qu'il avendra tout vraiement; 9896 Pour ce ne puet non avenir; Ainsy le doit chascun tenir. Posons que Diex scet de certain
C'une chose avendra demain, 9900
De quoy tu dis que j ' ay franchise [77 v-b] Qu'elle soit toute en l'autre guise; Donques puet bien chascun veoir
Que j ' ay franchise et le povoir 9904
De faire la chose autrement
Que ne voit divin jugement; Et science et t'entencion
Sont doncques fausse oppinion, 9908 Et par consequant decevance Puet cheoir en sa cognoissance, Ce qu'oms ne doit, sans trop mesdire,
De euer penser ne de voix dire. 99 1 2
Qui fausseté mesler voulroit Avec science, on ne pourroit; Comment dont chose non certaine
Saura science souveraine. 9916 Tu me diras par aventure, Quant la chose de tel nature Est qu'el puet avenir ou non,
Dieux en a precognición; 9920
Non pas a l'un determinee, Car elle n'est pas ordenee A un certain precisement,
Mais il scet bien certainnement 9924
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288 CARMINA PHILOSOPHIAE V, 3
Que la chose avendra ou non Car elle a tei condicion.
Se tu vouloies ainsy dire,
L'en ne s'en devroit fors que rire 9928 Car point n'aroit de difference Entre divine sapience Et nostre oppinion humaine;
Et si ne seroit point certaine 9932 La science nostre Seigneur, Ce dire seroit grant erreur.
Thycesëes devins estoit [78r-a]
Qui de deviner se vantoit 9936 Et disoit en sa devinaille:
- Tout ce que vous diray sans faille Avendra ou n' avendra mie.
- C'est le dit maistre Thycesie 9940 Dont chascun ne doit fors que rire; Tout ainsy se tu me veulz dire Que Dieux determineement
Ne scet ne cognoist clerement 9944 Se la chose avendra ou non, Maistre Thycesie aras nom. Puis donques qu'en celle fontaine De toutes choses tres certaine 9948
Ne puet cheoir chose muable, Ains a vérité pardurable Qui n'en pourroit estre empeschie,
Pour ce convient il que l'en die 9952 Qu'il scet determineement De toute rien l'advenement.
Pour ces raisons me puet sembler:
Puisqu'a Dieu ne puis riens embler 9956 Ne soustraire a sa sapience N'a sa certaine prescience Et de ce qu'il scet avenir, Nous convient par force tenir 9960 Que sanz faulte toudis avient; Par force dire nous convient
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BÖECE DE CONFORT 289 V, 3 Que tout vient par neccessité
Sans franchise de volenté. 9964
Et se une fois tu octries
Et que pour ces raisons tu dies Que tout vient par neccessité
Sanz franchise de liberté, 9968
Pourquoy seront donques pugnies [78r-b]
De tous maulx autres les folies?
Puisque par neccessité sont
Contrains de faire ce qu'ilz font 9972 Et ne pevent vouloir ne faire
Nulle chose qui soit contraire, Tel chose est pechié venial.
Diex est donques tres desloial 9976
Et la loy a raison contraire
Qui l'euvre tele voluntaire. Que la volenté veult par force
De blasmer et pugnir s' esforce. 9980 Par ce mesmes puez tu savoir Que li prodoms ne doit avoir Louyer nul de chose qu'il face,
Car cest oppinion defface 9984 La franchise ď elección, Qui louyer et pugnicion
Doit avoir selon son mérité.
Encor se l 'oppinion dicte 9988 Que tout vient par neccessité Concevoit en soy vérité, Riens ne seroit vertus et vices; Il seroit bien et fol et nices 9992
Qui vices et vertus mettroit Ou franchise point ne seroit.
Encor en ceste oppinion
S'ensuit plus grant confusion 9996 Et de plus grant desloiauté; Se tout vient par neccessité, Dire convient certainnement
Que ď un mesme commencement 1 0000
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290 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 3 Viennent tous les maulx et les biens; Car se tu franchise ne tiens
Du mal laissier et bien eslire, [78v-a]
Par droite force convient dire 1 0004
Que Dieux en mal ne puet cheoir Et qui selon son grant povoir, Par sa divine intención, Te fait de tel condicion 10008 Que franchise te baille et donne, Ou soit tres mauvaise ou tres bone; Et de ce dire est tel erreur
C'om ne pourroit nulle greigneur. 1 00 1 2 Encor y a plus grant doubtance Car et priere et esperance Sont une droite vanité;
Se tout vient par neccessité, 1 00 1 6 Que vault prîer et esperer? Puisque riens ne puet alterer En la divine pourvëance
Qui terme met et ordenance 1 0020 A toutes choses avenir, Pour ce, se nous voulons tenir
Qu'elle donne neccessité, Ces deux choses sont vanité. 10024
Helas, com grant desconvenue! Horns ressembleroit beste mue, Sans esperance et sans prîere; Car c'est seulement la maniere 10028 Par laquelle homs se puet actraire A son souverain examplaire; Par quoy par douce marchandise
D'umble oroison, d'espoir sousprise, 10032 Nous desservons par devos pris Grace d'inestimable pris Par qui homs puet a Dieu aler
Et a ly doulcement parler; 1 0036 Par lequel puet ravoir sa grace [78v-b]
Et venir a sa clere face.
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BÖECE DE CONFORT 29 1 V, 3; V, iii S'ainsy estoit qu'il convenist
Que par neccessité venist 1 0040 Tout, comment pourrons faire paix
A Dieu de nos frequens mesfais? Puisqu'esperance et sa proiere
Ne le cognoist a la lumiere 1 0044 De la deýté souveraine, Qui de son estre est la fontaine, Commencement, termes et voie
De toute sa parfaicte joie, 1 0048 Il faudra donc que humain lignage, Aussi com par plaisant langage Tu as chanté cy par devant,
Soit desjoint de la main puissant 10052 Qui le gouverne et le soustient. Et se la fortune dont vient
Tous biens ainsy du tout laissoit, Cessier du tout le convenroit. 10056
V. iii
Hé, Dieu, dont vient ceste doubtance Et ceste mortel descordance?
Quel cause puet mectre discorde Es choses dont l'une s' acorde 10060 A l'autre car elle li semble
En vérité et puis ensemble Ne se pevent coupler ou joindre?
L'un des voirs veult il l'autre poindre 10064
Et gieter de sa compaignie; Certes de ce ne vient il mie, .ii. voirs ne se bataillent point
L'un a l'autre s'ahert et joint; 10068 Mais ce vient d'umaine pensee Dont la clarté est si pressee
Des membres corporelx obscurs [79r-a] Qu'elle ne puet les loiens purs 10072
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292 CARMINA PHILOSOPHIAE V, iii Et subtilz veoir sanz nuee,
De char tenebreuse aveuglee. Pourquoy dont tant art la pensee
Ainsy, de sa char estoupee, 1 0076
De savoir vérités encloses?
Il semble que saches les choses Qu'angoisseusement si desire.
Nonpourquant on puet et seult dire 10080 Que folz est qui traveille rien
De savoir ce queja scet bien. Se tu dis que veoir vouldroit
Et qu' aveuglee ne pourroit, 1 0084
Elle traveille dont en vain Ce dont elle scet le certain.
Nulz ne veult ne parler ne doit
De ce que ne scet ne cognoit; 1 0088 Nul ne veult ce qu'il scet aprendre N'a ce qu'a trouvé ne veult tendre. Et se tu dis par aventure
Que nostre ame de sa nature, 1 0092 Quant fu premièrement creee,
Elle estoit en luy disposee De cognoistre gloire souvraine
De toute autre chose hautaine, 1 0096 Et pour ce, combien qu'orendroit
Aveugleë aucune soit De la nuee qui l'estaint
De ses membres soubz lesquelz maint, 1 0 1 00 Et qu'en somme et en general Et non pas en especial
N'a pas celle gloire oubliee
A laquelle estoit enclinee 1 0 1 04
Naturelment tant qu'est de ly [79r-b]
Dont n'a pas mis tout en oubli; Pour ce quant veult en vérité
Entendre une subtillité, 1 01 08 Elle est neutre et indifferent
Car un petit elle l'entent
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BÖECE DE CONFORT 293 V, iii; V, 4 Par sa naturelle clarté, Mais de ses membres 1 ' obscurté 10112
Si l'empesche que proprement Ne le scet pas parfaitement, Dont en sa nature gardant
Et ce que ne scet regardant 10116 Des principes qu'elle cognoit, Avec ce que de nouvel voit Par certaine collacion
Fait et voit la conclusion." 1 0 1 20
V.4.
Le liseur dit :
Philosophie, après ce dy A Böece, ainsy respondy:
Philosophie respont a Böece: "Ce n'est pas question nouvele,
Ancienne est de tel querele; 1 0 1 24 Merques Tules la disputa Et ventila et discuta Et en son livre moult en dist
Que de Divination fist 10128 Et que ces .ii. choses ensemble Ne pevent estre, ce li semble; Il mist en Dieu tel ignorance
Qu'il n'y a sa precognoissance 10132 Pour ceste franchise garder.
Aussi as voulu regarder Autrefois ceste question
A grant deliberación 10136 Et l'as subtilment demenee; [79v-a] Mais encor n'est pas terminee Ne d'aucuns des nostres jadis
Bien despeeschiés par leurs dis 10140 Ne traictee diligenment Ne soulue assez fermement;
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294 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 4 Et c'est la cause et achoison:
Car entendement de raison 1 0 1 44
D'omme ne puet pas bien comprendre Ne ne puet clerement entendre La simplesce et la grant vaillance
De la divine cognoissance; 1 0 1 48 Car qui bien cler Pentenderoit En ce de rien ne doubteroit.
Et pour ceje m'essaieray
Ci se monstrer le te pourray, 10152
Mais premier delivrer m'esteut
Ce queje voy qui plus t'esmeut. Je te fais une question
Pourquoy celle solucion 10156
Ne tiens a bonne et suffisant:
Qui dit que la chose advenant Que pourvëance souveraine
N' en est pas cause si certaine 1 0 1 60 Qu'elle ne puist non avenir, Et ainsy pourra retenir Nostre volenté sa franchise?
Tu m ' argues par autre guise 1 0 1 64 Que tout ce qui avenir doit A venir neccessité soit, Fors pour ce qu'il convint c'on tiengne
Que chose pourveü adviengne. 10168 Se dont pourvëance divine A neccessité point n' encline
La chose a venir, corn disoies [79v-b] Et un pou devant confessoies, 1 0 1 72 Quelle chose dont contraindra Tout ce qui avenir devra Par ta voluntaire franchise
Qu'il adviengne en certaine guise? 10176 Posons ce qu'estre ne puet voir, Pour la consequence veoir, Qu'il ne soit point de pourvëance; Adont tu diras sanz doubtance 10180
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BÖECE DE CONFORT 295 V, 4 Que franchise de volenté Puet vouloir sanz neccessité.
Or posons d'autre part que soit,
Mais qu' a ce qui avenir doit 1 0 1 84
Ne doint point de neccessité; Je croy que franche liberté Auras a la chose future.
Tu me diras par aventure 10188 Que precognoissance benigne N'est pas cause mais est seul signe; Que tout ce que Dieu precognoit
Par neccessité venir doit; 1 0 1 92
Non pas que sa precognoissance Soit cause de tele ordenance
Que ce qui est future adviengne
Et que par neccessité viengne, 1 0 1 96
Mais elle monstre seulement
Qu'il advendra certainement, Et que ne puet non avenir.
Donques te convendrá tenir 10200
Que tout ainsy il avenroit,
Se point precogneü n'estoit; Ce qui est signe ne fait mie,
Mais monstre ce que senefie. 10204 Dont premier prover il faudroit [80r-a]
Que par neccessité vendroit Celle chose dont prescience
Seroit digne de s'existence, 10208
Car se la chose rien n'estoit,
Son signe aussi rien ne seroit; Et si n'est pas demonstraison Ferme ne certaine raison 1 02 1 2 Qui se fait par telz forains signes, Car les fermes raisons et dignes
De toutes les choses qui sont
Par leur propre cause se font. 1 02 1 6 Mais comment estre ce pourroit
Que ce que pourvëance voit
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296 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 4 Nullement ne puist avenir?
Ce ne voulons nous pas tenir; 1 0220 Ains disons des choses qui sont Pourveues qu'elles avendront, Mais non pas de neccessité.
Ce pues veoir en vérité 1 0224 De pluseurs choses qui se font Qui point de neccessité n'ont. Je croy que nulz homs ne diroit Se li charretiers arrestoit 10228
Son char pour tourner ou pour traire Qu'il seroit contrains a ce faire Par force ou par neccessité; Car chascun voit en vérité 10232
Qu'il le puet s'il veult adrecier Et s'il veult il le puet laissier. Se par neccessité tout vient,
Par force octroier il convient 10236
Que les ouvriers ne sont pas sages Quant ilz traveillent es ouvrages
Qui sanz leur traveil se feroient [80r-b] Se neccessité telle avoient." 10240
Böece respont: "Je t'entens; Riens ne vaudrait l'art et le sens
Des ouvriers, s'estoit neccessaire
L' ouvrage qu' ilz font ainsi faire. 1 0244 -Ce donques, dist Philosophie, Qui neccessaire n'estoit mie, Ains que soit fait en vérité,
Puet venir sanz neccessité; 10248 Car moult de choses sont futures
Qui n'ont pas de leurs aventures
Neccessité inevictable.
Je croy qu'oms qui fust raisonnable 10252 De certain propos ne diroit Que ce que de present fait voit, Ainçois corn le fist, point ne fust
Tel qui point avenir ne pust; 10256
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BÖECE DE CONFORT 297 V, 4 Ce dont c'om cognoist en present Devant a franc advenement; Car tout ainsy que la science
De ce que tu as en presence 1 0260 La chose point ne neccessite, Ainçois demeure franche et quite De force et de neccessité.
Ainsy diras en vérité 1 0264 Que la chose precongneüe N'est point contraire a sa venue Par raison de precongnoissance; Mais encor remaint la doubtance, 10268 Car pour certain convient tenir
Que la chose soit a venir Qu'est avenir precongneüe;
Et c ' est ce qui tant te tresmue, 1 0272
Car tu ne pues pas bien savoir [80v-a] Comment ton engin puet avoir Fourme et certaine cognoissance
De la chose dont est doubtance, 10276 S 'elle doit avenir ou non
Par sa propre condicion, Quant la chose est tel creature
Que selon sa propre nature 10280 Ne doit plus estre que non estre. Dont puet la cognoissance naistre, Ou soit humaine ou soit divine,
Qui son jugement determine 1 0284
A l'un des cas tant seulement
Et juge la chose autrement Que sa nature ne le veult?
C'est une raison qui te meult 10288 Qui vient d'une grant ignorance, Car tu cuides que congnoissance Soit selon la propre nature De la chose ou la creature 1 0292
Que l'en scet et que l'en cognoit; Et nonpourquant, chascun cognoit
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298 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 4 Et entendre puet le contraire,
Car cognoissance se doit faire, 1 0296
Ou soit par sens ou par raison, Tout selon la condicion
De la vertu et la puissance
En laquelle est la cognoissance. 1 0300
Et ce que maintenant dit ay, Par example te monstreray:
Pren une chose seulement,
Tu verras que tout autrement 10304 La sent le tast et la velie;
La veüe ses rays li rue
De loing et la voit toute ensemble; [80v-b] Le tast si le joint et assemble, 10308
Et partie après autre sent; Ceste diversité descent
Non pas de la chose sentie,
Car point ne se diversifie, 1 03 1 2
Mais tel nature ont les puissances Qu'il reçoivent ces cognoissances. Et encor te monstre autre guise
Que cognoissance se desguise 1 03 1 6
Et sa maniere change et mue,
Non par la chose congneüe, Mais par celui qui la cognoit
Qui diversement 1 ' apperçoit 1 0320
Selon la diverse nature:
Le regart cognoit la figure
D'omme en sa presente lumiere,
Et si n'a point d'autre lumiere 10324
De cognoistre homme n' autre chose;
L'ymaginacion enclose Ymagine moult clerement,
Car ne requiert pas en present 1 0328
La chose qui ymaginee;
La raison d'omme enluminee
Seurmonte en sa perfección
Sens et ymaginacion, 1 0332
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BÖECE DE CONFORT 299 V, 4 Car elle sent la nature une
Qui est a pluseurs homs commune Et qui est en chascun des leur;
Mais de moult tres plus grant valeur 10336 Est le divin entendement,
Que la fourme que raison prent Et qu'elle fait uni versele
Et trait de chose corporele, 10340
Dieux la cognoist en la purté [8 lr-a]
De la simple divinité Ou la fourme a son examplaire,
Dont Diex le scet quant Ii piaist traire. 10344 Cy te monstre .iiii. puissances Qui ont diverses cognoissances,
Selon leur diverse nature.
Encor dois tu mectre ta cure 1 0348
De bien cognoistre et de savoir De chascune le droit povoir; Car la plus haulte scet et voit
Tout ce que la basse cognoit, 10352 Et si le cognoit et le prent
Tres plus bel et plus noblement. Mais la puissance basse et mendre
N'a povoir qu'elle puist entendre 10356 De l'autre la perfección
Et la noble condicion.
Dont aussi qu'avons dit devant,
Chascune a son appartenant 10360
De sa propre operacion En suyvant la condicion. Mais l'intelligence divine
Est tant cognoissant et si fine 10364 Qu'a un seul regart proprement, Sanz faillir et formelement, Sanz collacion de raison
Et sanz ymaginacion 10368 Et sanz corporele veüe, Toute chose est par li sceiie
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300 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 4 Qui raison puet par li savoir
Ne ymaginacion veoir 1 0372 Ne puet par sens estre sentie. Aussi convient il que on die
Que souvent seurmonte raison [8 1 r-b] Sens et ymaginacion; 10376 Car la raison cognoit et prent Les choses universelment Sans ymaginer et sentir.
Et aussi se puet departir 10380 De sens ymaginacion, Qui est de tel condicion Que la chose ymaginer peut
Puisque le sens point ne se meut. 10384 Dont raison est qui diffinist
En general Tomme, dont dist Qu'omme est beste qui est mouvable,
A .ii. piez et s'est raisonnable; 10388
Combien que ceste cognoissance Monstre en general la substance D'omme, ce puet chascun savoir
Qu'en especial doit avoir 10392 Tout homme ymaginacion Et sensible condicion, Qui est chose moult bien faisible. Concevant en chose sensible 10396
Aussy ymaginacion, Combien que par la vision Et autre sens soit engendree,
Riens mains, la chose separee, 10400 Puet ymaginer et veoir,
Sanz li en sa presence avoir, Non pas par forain sentement
Mais par figure et j ugement . 1 0404 Or pues tu dont assez veoir Que cognoistre faut et savoir Des choses la vérité pure,
Selon la fourme et la nature 10408
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BÖECE DE CONFORT 30 1 V, 4; V, iv
De la puissance cognoissant [8 1 v-a] Qui est selonc elle entendant, Et non pas selonc l'entendue
Et selonc la chose vëue; 1 04 1 2
Ne nul ne dit que soit injure Se le jugement la nature Ensuit du juge qui le fait,
Car tout ouvrage se retrait 1 04 1 6
Plus a la fourme dont il vient
Qu'a l'estrange a qui n'apartient.
V.iv.
Jadis fu une gent moult sage
Qui selon le commun langage 10420 On appeloit docteurs stoýques, Car en portes en liex publiques En Athenes et autre part De leur science et de leur art 10424
Tout publiquement disputoient; Et si moriginés estoient Que par leur port et mos pesans,
Combien que fussent jonnes ď ans, 1 0428 Nïentmains eulz tout pour leur sens Chascun les nommoit anciens,
Car 'Stoa' en grec autant vault
Com portail assis en lieu hault, 10432 Car pour leur tres bele eloquence Chascuns avoit en eulz creance. Ces docteurs si furent obscurs
Mais n'orent leurs engins bien purs, 1 0436 Au mains en ceste oppinion, Car selon leur intención
Les ymages et les semblances
Des corps et forainnes substances 10440
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302 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, iv
Estoient dedenz nos pensees Moiennans nos sens emprimees
Sanz ce que nostre entendement [8 1 v-b] Rien feist n ' ouvrast nullement 1 0444
Fors que recevoir et comprendre Ces semblances; ainsi entendre
Nous convenoit quant s'emprimoient
Ces semblances et se joingnoient 1 0448 Présentement en nostre engien. Aussy ne distingoient rien
Entre puissance intellective
Et cognoissance sensitive; 10452
Dont tout aussi com escrivain
Qui a Ione greffe et roide main
En une page necte et plaine
Ouvre comme en mer seraine, 10456 Lectres tost empraint et escript Et figures propres descript,
Ainsi celle ymage empraintee
De la chose representee 1 0460 Nous demonstre la cognoissance D'aucune commute substance.
Se nostre humaine pensee
Est si quasse et desvigouree 10464 Que rien de ly n'entent ou dicte, Ains est pacient et subgicte Com le mirouer au visage
Duquel retient sans plus l' ymage, 10468 Comment pourroit pensee telle Congnoistre chose incorporelle
Ou faire la collacion
Des propos et conclusion, 10472 Et ordener et exposer Et diverser et composer Par le chief hault et puis par bas
Et jugier d'enterins debas, 1 0476 Des faussetez redargüer [82r-a]
Et des vérités desnüer?
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BÖECE DE CONFORT 303 V, iv Dont fausse est ceste opinion.
Car puissant operacion 10480
A nostre humain entendement
Ne puet, quant il veult proprement, Luy appliquer et luy estendre
A la chose qu'il veult entendre, 10484
Combien qu'aussi en .i. corps vif
Il fault .i. resveillant motif
Qui le sens esmeut et esveille,
Com clarté l'oeil et voix l'oreille, 10488
Pour cler miex veoir et ou0r; Ainsy povons nous consentir Que la fantasie en nos corps
Esveille, des sens de dehors, 10492
Les especes qu'elle reçoit, Les apure, puis ens esmoit, Et les presente a nostre engien; Et lors il entent et veult bien 10496 Comment doit son ouvrage faire, S'a un propos ou au contraire Se doit selon vray jugement De son subtil entendement 10500
Ou consentir ou descorder; Ainsy puet et scet acorder Les choses dehors et dedenz
Selon l'entente et le vray senz 10504 Que doivent par raison avoir Ceulz qui ont en eulz franc voloir. Ainsy d'ymages sensitives,
Par ces raisons intellectives, 10508
De ses choses qui entreprendre Pour affermer et pour reprendre
Selon leur propre qualité [82r-b]
Discerne ou joint en unité. 1 05 1 2
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304 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 5 V.5.
Doncques se tous humains courages Requeroient forains ymages Et les semblances corporeles
De toutes les choses desqueles 1 05 1 6 Veulent faire vray jugement, Et fault que, par leur sentement Fait et offert présentement, Resveillent nostre entendement 1 05 20
Et resveillent nostre pensee Par leur qualité presentee; Nonpourquant nostre cognoissance
N'ensuit pas de celle semblance 10524
La nature et propriété,
Ains ensuit celle qualité La nature et condicion
De la nostre intelleccion; 1 0528 Par raison plus fort et certainne
Toute intelligence souvrainne, Especialment la divine
Qui nulle semblance n'encline, 10532 Qui n'a mestier ď estrange ymage, Qui point n'esveille son courage, La chose qu'entendre vouldra
Selon la nature pourra 1 05 36
Congnoistre de sa volenté, Selon la propre qualité
De sa pensee absolue,
Et non pas que de l'entendue 1 0540 Ensuyve la condicion. Dont s'ensuit, pour ceste raison, Que toutes diverses substances
Si ont diverses cognoissances; 10544[82v-a]
Car le sens la chose cognoit Seulement selon ce que voit Qui est dehors materîele,
Sanz jugier que soit tele ou quele 1 0548
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BÖECE DE CONFORT 305 V, 5 Ne s' elle se revient ou non, Comme sont moulles ou hanon;
Puis ymaginacion pure
Cognoit, puis façon et figure, 10552
L'affeccion et mouvement
Dont les autres poissons souvent Se meuvent selon leur désir
De la chose avoir ou fuyr; 10556 Mais raison dessus la plus clere, Sanz considérer la matere, L' espece voit en general
Qui est a pluseurs communal 1 0560 Des essences qui sont humaines;
Mais des divines souveraines
Appartient a l'intelligence
Comme cognoissance et science; 10564 Dont c'est la plus noble et plus haulte Comme elle cognoit sanz deffaute Sa nature et les dessus dictes
Cognoissances a lui subgictes. 10568 Que dirons nous dont d'un tel cas S'en ses vertus avoit debas
Sens et ymaginacion,
Qui sont plus bas que n'est raison, 10572 Et se vouloient opposer Contre raison et proposer Que la forme que raison prent Universal
Pour
ce
est
un
qu'elle
nient
ne
le
10576
puet
prendre
N'a eulz n'appartient point d'entendre [82v-b]
Fors chose sensible et mouvable?
Se leur jugement raisonnable 1 05 80 Estoit, raison rien ne seroit
Que seul universal cognoit Et ne fait force nullement
De particulier mouvement; 1 05 84
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306 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 5 Et dont tout ainsi seroit vaine; Car c'est chose clere et certaine C'om voit les choses clerement
Qui ont sensible mouvement. 10588 Et s' au contraire respondoit Raison et ainsy arguoit
Qu'ont moult noble condicion
Sens et ymaginacion, 1 0592 Car ilz servent a cognoissance Que d'entendre riens n'ont puissance Fors que les choses corruptibles
Et corporeles et sensibles? 10596 Vous qui avez les cognoissances Des unes et autres puissances En ce debat, en ce descort, Vous sériés tous de l'acort 10600
De raison et sa part tendriés Et pour plus noble soustendriés La condicion de raison
Que sens n ' ymaginacion, 1 0604
Car vous sentez certainement
Que raison prent plus noblement Les choses que les sens ne font,
Qui basses cognoissances ont:- 10608 Mais de tres plus grant excellence Est la divine intelligence Que n'est la vertu de raison;
Et si est sanz comparaison 1 06 1 2[83r-a] Et trop plus excellente et sainne Sa congnoissance souveraine: Ne par congnoistre ne comprendre,
Elle ne puet pas bien entendre 1 06 1 6 Comme divine intelligence Aura certainne prescience De ce qu'en soy n'est pas certain
S'il avendra huy ou demain; 1 0620
Car raison ne puet pas tenir Que pour certain puist avenir
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BÖECE DE CONFORT 307 V, 5 Et qu'en soy non avenir peut;
Pour cë aussi raison ne peut 1 0624
Que prescience souveraine Soit de chose qui est certaine. Mais se raison povoit entendre
Et bien parfaitement comprendre 1 0628
Le cler et certain jugement De tel divin entendement,
Aussy que disons que raison
Seurmonte ymaginacion 10632
Et tout sens par sa grant noblesce,
Ainsi dirons que la hautesse
De raison est serve et souvine
A 1 ' intelligence divine. 1 0636 Pour ce, nous devons adrecier Et nos testes en haut drecier
En tel guise et en tel maniere
Que puissons veoir la lumiere, 1 0640
La grant noblesce et l'excellence De la divine intelligence; Car pure contemplación
Est voix de disposición 10644
Par quelles nous sont revelees
Choses secretes et celees [83r-b]
Que ne puet ne raison comprendre
Ne nostre entendement entendre; 1 0648 C'est que Dieu puet de vray savoir La chose qu'il ne puet avoir Certaineté d'advenement,
Car il cognoit tout autrement 10652
Par cognoissance souverainne Que ne cognoit raison humainne; Car sa cognoissance trespasse
Toute autre cognoissance basse, 1 0656
N'en la divine entencion
Ne puet cheoir oppinion
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308 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 5; V, v Variable, ne doubte plaine,
Qu' el a simplesce souveraine, 10660
Sans commencement, fin, ne terme,
Sans loy et sans doubtance, ferme.
V.v.
Certes bien doit Diex contempler
Cil qui veult vray homme sembler 10664 S'il veult bien regarder l'ymage Et la façon de son visage.
Les bestes selon leur nature
Sont de moult diverse figure; 10668
L'une sur terre bas se rue
Et se traine toute estendue,
Et quant son corps se meut ou tourne
Après lui la pouldre retourne; 1 0672
Les autres ont legieres eles Dont nagent en l'air comme isneles Et volent en batant le vent
Dont leur chemin parfont briefment; 1 0676 Les autres pour leur vie acquerre S'esjoïssent d'aler sur terre Et du pié fierent sur la place
Si que souvent y pert la trace; 10680[83v-a]
L'une as champs vit, l'autre ou boscage, Et l'autre se tient en rivage; Et combien que portent ces bestes
Diverses façons manifestes, 10684
Leurs testes d'orbe sens grevees Ou toutes vers terre enclinees. Mais li homs a haulte figure,
Droit corps, et lieve par nature 10688
La teste amont dont le ciel voit Et dessur terre va tout droit;
Pourquoy la façon le fait sage
Qu'aussy que son front et visage 10692
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BÖECE DE CONFORT 309 V, v; V, 6 N'est point envers terre encliné, Mais hault sus ou ciel eslevé,
Aussy le courage dedens
Se conferme avec tous ses sens 10696
Et hault par contemplación
Face ou ciel s'abitacion, Car c'est chose desordenee
S'en droit corps a courbe pensee. 10700
V.6
Car aussy c'un pou ci devant Nous t'avons fait cler entendant,
Que cognoissance se devise
Selon la forme et propre guise 10704
De la nature et la substance
De ceuls qui ont la cognoissance, Pour ce vueil je monstrer ma cure
De toy monstrer de quel nature 1 0708 Diex est en sa divinité; Lors pourras miex en vérité
Savoir quel est sa cognoissance.
Dieux est une simple substance 1 07 1 2 De qui la vie et la duree
Est eternité appellee; [83v-b] Eternité, si com moy semble,
Est perfección tout ensemble 1 07 1 6 Qui n'a point de succession; Car toute sa perfección Est en present sans rien actendre.
Et ce pourrions plus cler entendre 1 0720 Se faisions comparación D'eternele duración
A succession temporelle;
Car temps si a nature telle 1 0724
Qu'ensemble nulement ne dure Passé, presente ou future;
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310 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 6 Est toute chose qui a vie
En temps la premiere partie, 1 0728 Preterite est toute passee,
Et la future n'est pas nee; Hyer est passé, demain venra;
Dont temporele chose n'a 10732 C'un seul moment present qui passe, Le jour ďuy a si brief espasse Que demain sera tout passez.
Et suppose, si comme assez 10736 Aristote le tint et crut,
Que sans terme le monde fut, Que point de commencement n'eust,
Et que sanz fin durer deüst 10740
Par temporele infinité;
Nonpourquant, selon vérité, Avoir eternité ne puet,
Car toudis il se change et muet 10744 De chose passé a future N'onques tout ensemble ne dure. Mais eternité en un point
Toutes ses pars ensemble joint, 1 0748[84r-a] Toute ensemble dure sa vie, Ensemble a chascune partie, Rien n'a passé, tout est present
Ne chose future n'atent; 10752 Dont l'affinité temporele Est tout present a l'eternele. Dont sont moult deceus sans raison,
De l'opinion de Platon, 10756 Qui dient se le monde estoit Ainsy que Platon le metoit Sanz fin et sanz commencement,
La chose faite proprement 1 0760
A son faiseur ressembleroit
Puisqu'eternel com luy seroit. Mais il y a grant difference
De temporele a permanence 10764
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BÖECE DE CONFORT 3 1 1 V, 6 Qui court toudis par temps muable, Combien que soit interminable, Ainsy que Platon Papliquoit
Au monde que sanz fin disoit, 10768
Et de l'eternai permanence Qui tient tout ensemble et presence Tout son estre et sa vie toute,
Ainsy que fait sanz nulle doubte 10772 A noble divine pensee De ly mesmes enluminee. Et combien qu'il ne semble mie
Que Diex plus ancienne vie 10776 Ait que les choses que fais a,
Car sanz commencement ouvra
Quant a temporele mesure,
Riens mains quant a propre nature 10780 De simplesce et d'eternité
Point n'y a de conformité; [84r-b] Car en tel cas point ne retrait
Faiture a celui qui le fait, 10784 Car le mouvement temporel Ensuit tant qu'il puet l'eternel Et pas actendre ne le peut; Par succession se remeut 1 07 8 8
Et acquiert par son remouvoir Ce qu'ensemble ne puet avoir: Dont celle simple infinité
Par future heure preterite 1 0792 Ensuit quant a duración; Non pas quant a perfección. Et pour ce que celle plenté De tout son estre en unité 1 0796
Conj oindre ne puet par presence,
Pour ce est mouvant par consequence; Des pars continue en present
D'un seul petit estant moment 10800 Pour ly retraire aucunement
A celui qui sanz mouvement
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3 1 2 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 6 Tient toute sa vie presente;
Et ainsy met toute s ' entente 1 0804
De sa vie continuer
Pour ly fort toudis remuer,
Car present il ne puet manoir
Car pas le fait toudiz mouvoir. 1 0808 Dont ensuyvant l'oppinion De ces disciples de Platon, Nous voulons propres noms trouver Et vrais noms a chascun donner: 10812 Nous nommerons Dieux eternel
Et le monde perpetuei; Puis dont que divine science
Voit choses selon son essence 1 08 1 6[84v-a] Et celle essence present a Tout ce qui est, fu et sera, Eternité a tout present;
Dieux pour ce voit tres clerement 1 0820 Ensemble a un simple regart Tout ce qui vendra, tost ou tart. Dont se veulz penser proprement
Comment tout voit appertement 1 0824 Présentement, par tres estable Regart, tres cler et pardurable,
Point n'appelleras sa science
A propre parler prescience, 1 0828
Qui denote chose future, Mais a parole propre et pure
Tu la dois appeler science
De tousjours permanant presence; 1 0832 Ne plus ne le dy previdence Mais dire le dois providence; Car previdence, selon voir,
Note chose devant veoir, 10836 Mais providence se prent garde Et présentement tout regarde
De son tres hault siege lassus
Les choses qui se font ça jus. 10840
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BÖECE DE CONFORT 3 1 3 V, 6
Pourquoy di que ce que Diex voit
Par neccessité venir doit.
Le regart d'aucune personne
A ce qu'il voit present ne donne 10844
Ne neccessité ne franchise; La chose voit selon sa guise." Böece dit: "Non vraiement.
Philosophie
-Dont est il vray se dignement 10848 Deussons faire comparaison [84v-b]
D'umaine a divine raison:
Puisque vous veez ce qui est Devant vous en present tout prest 10852 Sanz la chose müer en rien, Diex le puet au mains aussi bien; Son regart ne change ne mue
De rien la chose cogneüe; 1 0856
Tele la voit comme sera
Après quant elle se fera. Dont sa divine cognoissance
Ne change de riens la substance 10860 De la chose qu'en vérité A presente en s'eternité Et d'un seul regart voit presence
La neccessaire contingence. 1 0864
Uns homs voit le soleil lever
Et voit ensemble .i. homme al er; Dont l'un vient de neccessité Et 1 ' autre vient de volenté. 1 0868
Cilz regars et celle velie En leur nature rien ne mue;
Aussy est de l'entendement
A qui toute chose est present. 1 0872 Dont quant Diex scet certainement Ce que non neccessairement Doit avenir par contingence,
Il semble que par consequence 10876
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3 14 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 6 Il ait de ce s'oppinion, Car advenir ce puet ou non;
Mais oppinion n'en a pas; Ains doit on dire de ce cas 10880
Qu'il en a science meslee, Quant elle est bien consideree,
Car la chose en s'eternité [85r-a]
Est presente en sa vérité, 1 0884
Et si doit en temps avenir Sanz certaineté a venir.
Se tu dis que ce que Diex voit
Ne puet non estre qu'il ne soit 10888
Et ce qui non estre ne peut . Par neccessité estre esteut, Et ainsy tu me contraindras
Que neccessité prouveras, 10892
Je te confesse que c'est voir Combien que ce ne puist savoir Qui bien ne considere a part
La vertu du divin regart. 10896
Dont je te respons que la chose Qui pour future se dispose, Se presisement raportee
A la souveraine pensee, 10900
Ainsi est neccessaire pure; Mais quant a sa propre nature, Tres franchement elle est future;
Distinguer te fault par droiture. 10904 Dont a plus clerement parler On pourroit dire l'omme aler Et tous hommes mortelz renaistre
Quant ilz sont ne pevent non estre, 10908
Et lors sont de neccessité; Et se j 'octroy en vérité
Mais des neccessités ensemble
L'une a l'autre point ne ressemble; 10912
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BÖECE DE CONFORT 315 V, 6 Car l'une est condiciónele, L'autre de ly n'est mie ytele, Ainçois est simple et absolue
Qui par nature ne se mue. 1 09 1 6 Nature meut Tomme et atrait [85r-b]
Et volenté aler le fait;
Mais se vous supposez qu'il aille, Il le convient aler sanz faille; 10920 Et devant quant il non aloit,
Rien d'aler ne le contraingnoit Ne son aler en vérité
N' avoit point de neccessité 1 0924 En sa nature simplement; Ains povoit bien estre autrement. Et toutesvoies Dieux savoit
Que cela ainsy avenroit; 1 0928 Mais la sienne present vette En la nature rien ne mue.
Ains remaint toute liberté
Et franchise de volenté, 10932 Quant a Dieu neccessaires sont, Mais en elles leur franchise ont. Dont sanz doubte tenir on doit
Que tout advient quanque Dieu voit, 10936
Mais aucunes choses adviennent
Que neccessités ne contraingnent; Et quant sont par leur aventure
Ne perdent leur propre nature; 10940 Car quant a avenir estoient Non avenir elles povoient. N'il n'y a point de difference
Se pour la divine science 1 0944
Les choses n'ont neccessité
En plus que n'ont en vérité Quant tu les vois appertement,
Com ť ay devant dit clerement 1 0948 De celui qui voit l'omme aler Et si voit le soleil lever,
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316 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 6
Qui quant sont en la vérité [85v-a] Lors ilz sont par neccessité; 10952
Mais li uns neccessaire estoit
Que l'omme quant se reposoit Aler prist par sa volenté,
Combien que par neccessité 1 095 6 Quant il aloit présentement Lors aloit neccessairement;
Ainsy ce que Dieu voit sera,
Mais la chose point ne perdra 1 0960
Pour ce point sa propre nature.
Dont dire povons sans injure Que, quant a Dieu, sont neccessaires,
Mais aus faisans sont voluntaires. 10964
Et aussi ce qui est sensible, Quant est a raison entendible Comparé en son general,
Adont il est universal; 10968
Nëantmains, quant a sa faiture, Elle a singulière nature. Mais tu me mouveras doubtance,
Car s'il remaint en ma puissance 1 0972 Mon propos rnüer et changier,
Je puis providence empeschier; Car j ' auray puissance de faire Autrement et tout le contraire 10976
De ce que Dieu avant savoit Et dont prescience il avoit. A ce te puis ainsy respondre
Car a Dieu tu ne puez escondre 10980 Ne ton propos ne ton povoir,
Ne le changier de ton vouloir; Ne par un seul simple regart
Ne scet comment et de quel part 10984 Tu te dois changier et rnüer [85v-b] Et de ton propos remüer,
Tout franchement sanz violence;
Car il a tout en sa presence. 1 0988
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BÖECE DE CONFORT 3 1 7 V, 6 Sa science point ne se change En nouvelle në en estrange; Ainsi que quant diverses choses
Franchement tu fais et exposes 10992
Devant un homme qui voit cler, Tu ne puez ses yex eschapper Que n'en ait vraye experience
De ce que fais en sa presence, 10996
Sanz ce qu'en rien ses yex se changent Ne ce que fais muent n'estrangent. Que diras dont? Se changera
Li oeil de Dieu qui cognoistra 1 1000
Ton propos divers variable? Feras tu son regart muable? Certes non. Car sa cognoissance Toutes tes oeuvres ade vanee 1 1004 Et convertisi tout et rapelle
A celle presence eternelle, Ne point ne change, ainsi que crois,
Sa cognoissance pluseurs fois; 1 1008
Ains par .i. seul cop de regart Voit le futur de toute part,
Non pas pour la chose future,
Mais pour sa tres simple nature. 11012
Et ainsy puet estre solue Ta question et dissolue
Quant disoies que l'aventure
De la chose qui est future 11016
De nouvel meut et determine
Celle pourvëance divine,
Car elle est si tres excellente [86r-a] Que par cognoissance presente 1 1 020 Toutes choses ensemble prent Et sanz faulte en .i. point comprent;
N'obligier ne le puet ne doit
Chose aucune, quelle que soit, 1 1024
Future, passee ou present; Tout a passé eternelment.
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3 1 8 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, 6 Cy après est sanz ficción
Du livre la conclusion:
Ainsy dont en la ditte guise
Remaint aus hommes leur franchise. 1 1028
De mal faire et de bien chacier,
De painne ou louyer pourchacier; Car Dieu qui toutes choses voit
Et de lassus scet et cognoit, 1 1032
Et qui par vision presente De s'eternité excellente
Par grace convoie et soulage
La qualité de nostre ouvrage, 1 1036
Et ains que fait l'ait bien l'empire, Aus bons ne pourroit escondire Leur guerredon et aus mauvais
Leur paine selon leurs mesfais 1 1040
Donne par sa juste balance. Dont pour nient vostre esperance N'est pas, ainsi n'en tel maniere
Vainne n'est pas vostre priere, 1 1044
Car qui a droit faire le veult Sans efficace estre ne peult.
Laissiez donques vostre folie,
Amez bonté et sainte vie, 1 1048
Vos pneres en hault dreciez,
Vos esperances esdreciez [86r-b]
D'umble affeccion et courage
Et vous gardez de tout oultrage! 1 1052
Grant cause avez et neccessaire
Du mal laissier et de bien faire,
Car par ces dis presens savez,
Se dissimuler ne voulez, 1 1056
Que toutes choses que vous faites Présentement tost sont retraites
Devant les yex du juge droit
Qui toutes choses scet et voit, 1 1Ö60 C'est Dieu le vif qui regnerà Tous temps, car jamais fin n'ara."
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BÖECE DE CONFORT 3 1 9
V, Epilogue Epilogue Explicit Ci lz qui bien estudïeroit
De ce livre cy la substance, 1 1064 Fortune point ne priseroit
N'en luy n'aroit point ď esperance Quant d'umains biens habonderoit;
Toudiz vivroit en grant doubtance; 1 1068 Et quant souffreteux en seroit Point ne lairoit perseverance;
Son euer en Dieu reposeroit
En qui ne puet estre muance, 11072
Et toudis en luy trouveroit Plenté de biens et habondance Ainsy que mesti er li seroit
Selon la divine ordenance, 1 1 076
Car en Dieu servant gaigneroit En ce siecle sa suffisance, Puis sanz fin l'entronizeroit
En l'esternai gloire et vaillance, 1 1080 Lequel par grace nous octroit [86v-a] Celui qu'en vraye obeïssance Tout bon euer sert, craint, aimme et croit.
Amen.
(11084)
Amen. Ainsy sans point m Voult le translateur cong
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320 CARMINA PHILOSOPHIAE
V, Epilogue II C 'est le congié de l 'escrivain: Icy endroit fine Böece En qui pevent trouver l'adresce Horns et femmes par ses recors
A sauver leurs ames et corps, 1 1088 Non pas eulz laissier tourmenter De desespoir ne seurmonter En orgueil l'ort pechié terrible,
Le plus grief de tous et horrible; 11092
Ainçois est d'avoir paci enee Nuit et jour et querre science Glorieuse pour Dieu amer,
Requerir, servir, honnorer 1 1096
Et la doulce vierge Marie, Sur tous les cielx d'anges chierie, En qui divine pourvëance Se mist et ot double substance 1 1 100 Merveilleuse pour nostre amour; Ausquelx prierons sans demour, Jointes mains, que ilz gardent d'yre
Li vaillans homs qui fist escrire 1 1 104
Le livre assez bien compassez, Et les ames des trespassez Vueillent garder de maulx liens.
R dit 'Amen' d'Orlïens. 1 1 108
Qui cest escript a droit verra Nom et seurnom y trouverra.
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List of Corrections To Base Manuscript 438 ťner 458 1.] cote 513 d.] inserted by second scribe 515 F.] Fortume 585 fai
627 m.] maitenant
1430 m.] modains 1782 m.] one de 1783 Ce ne te donna fors vie
2101 ďe.] dehus 2243. v.] dit 2663 r.] maison 2678 meilleurt 3028 added in second hand
4104 piaist] nuist 4428 n'avoir
4491 elles 4956 convertie 5027 Li
5063 puissane 5174 p.] omitted 5347 Soussance
5438 Li un dessus
5480 a, b, c, d omitted; an incorrect rubric Ci fine le tiers livre et après commence le quart is added at this point.
5534 Que 5574 C. li a.
5645 defïlectueuse
5841 D.] Et 5961 n.] inserted in second hand 61 10 p. d.] pardurable 6288 incorrect rubric follows Böece li dit 6291 tout] toutee 6371 hurcons
6388 c. n.] ce mon 6532 maites
6721 Si] Di 7098 n. d.] n. doubdans 7152 leur abbreviated 7337 filz
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322 CARMINA PHILOSOPHIAE
7463 Qui son voulair povoit parfaire 7486 abregent
7573 que 11 Al Q.] incorrect abbreviated form is for qui
7925 B.] added in second hand 8238 enticté
8427 triste] tiste 8592 nulz omitted 8605 commn
8877 et omitted
8911 apparereillier 9355 destuccion
9472 que omitted 10432 a.] si 10493 L. e.] elles; reçoivent 10494 apurent; ens esmoit] les esmeuvent
10635 souvine] souvinie 10912 poit
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Critical Notes
These notes deal with a limited number of aspects which facilitate the understanding of the text.
1, 4: 774: avec lour: The text contains six instances of the usage of lour and leur as a personal pronoun preceded by a preposition (w. 774, 2059, 2620, 2841, 5379 and 10335). These forms appear uniquely at the rhyme. Brunot remarks that this feature is characteristic of texts
from the Champagne, Burgundy and the Franche-Comté1. As all instances in this text occur in verses which are direct borrowings from the Roman de Fortune et de Félicité , the importance of this feature is limited. It appears that the author of the Böece de Confort did not consider it necessary to eliminate this pronominal usage.
814: publiques malfaiteurs: Opilio, brother of Cyprien, and Gaudentius, both accusers of Boethius.
I, v: 1121-1124: An erroneous statement is made with regards to the visibility of some of the brightest stars in the sky. According to these
verses, Arcturus (the brightest star in the constellation of Bootes) would re-appear in autumn, whereas Sirius (the brightest star in the skies) would dominate the night sky in Summer. The same statement
is found in version IX (w. 1077-1080) and appears a fair translation
of the Latin text, which refers to both stars thus: "[...] quaeque Arcturus semina uidit Sirius altas urat segetes" (I, v, 21-22). In fact, even if one considers the changes in the skies since the completion of
the Consolatio (including the astronomical phenomenon of precession, which means that the relative position of the sun has moved approximately 11 degrees between Boethius' death and the establishment of Renauťs Roman), these stars are best visible when the sun is located in the opposite position in the heavens: Arcturus is best visible throughout Summer and Sirius is best visible in Winter. An explanation lies perhaps in the assumption that these stars are noted not in terms of their visibility, but of their proximity to the sun,
when they are least visible.
H, 1: 1750: Leur fait chanter la chantepleure: Godefroy (II, 57b) refers to the chantepleure as "celle qui chante et qui pleure" and then elaborates "une poésie célèbre du XIIIe siècle porte le nom de chantepleure , ou pleurechante' elle est adressée à ceux qui chantent
en ce monde et qui pleureront dans l'autre: 'Mult vaut miex pleurechante que ne fait chantepleure.' (La chantepleure, v. 5)." Cf. Brunot, vol. 1, p. 318.
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324 CARMINA PHILOSOPHIAE
Renauťs elaboration (IX, w. 1867-1904 ) version X, as it would have deviated too far author's liking.
H, 2: 1915: Que li roys de Perse ot après: I between Cyrus, the emperor of Persia Macedonia, who was defeated by Aemilius
text reflect those in version IX. The origin found in Nicholas Treveťs commentary.
1919: Et l'apelloit on par nom Falle: In ver
Paulinus as Paule. The Eastern rhyme P
only partly respected in version X, where th
saule caused a change in name forced by t rhyme Falle : salle has resulted in a non-se
H, m: 2058: Une dame de grant lignage: This is Rusticiana, Boethius' wife and daughter of Symmachus.
2077-8: Boethius was very young when he became became consul.
n, iv: 2693: Quant il est assis ou sonjon: The lexical item sonjon (also songon, cf. IV, 5, 7929) is not attested in the dictionaries, as observed by Atherton (Vol. II, 432-3). On the basis that the word sonjon should
render the meaning of the Latin cacumen , and could represent a misspelt somon , the meaning "summit" is proposed. This would not, however, account for the form songon. There is a similarity with the word donjon which refers to the main tower of a castle, as described in Godefroy (IX, 408c). Given the context of the expression [etre]
assis ou sonjon , which appears twice in this text, it could be argued that sonjon is derived from the verb susgesir , meaning "to be situated
high up," cf. Godefroy, VII, 610c.
H, 6: 3135: Böece, ne fesmoie rien: The verb fesmoie is unattested in the dictionaries. There is no direct equivalent of this verse in the Latin text and the suggestion that this verb is an imperative 2 form is based
on contextual evidence. Though Amiens , 411 (the manuscript closest
to Paris , 1982) also clearly reads fesmoie , the control manuscripts
have adopted different readings: "Böece ne meserre en rien" ( Toulouse , 822) and "Böece, ne me celle rien" (mss. Paris , 577 and Douai , 766). This would indicate that this lexical item is unfamiliar even to scribes of the late XIVth century. It is curious to note that in two control manuscripts a verb in the imperative mood is used, whereas in the third a verb in the present tense of the indicative mood
is found. The meaning of fesmoie remains as yet unclear. Alternatively, a minor scribal mishap may have caused an intended t
to be read as the letter / in which case the reading may have been ť esmoie. If this were the case, the reading fesmoie in Amiens , 411
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BÖECE DE CONFORT 325
would just have been an attempt by its scribe to copy
3257: un roy, vaillant home: The referen
Regulus, a Roman general, who was defeat Carthaginians during the first Punic wars; Rome to arrange an exchange of prisoners voluntarily returned to Carthage where h Cicero relates the story of Regulus in his De
II, vi: 3423: occist son frere: Tiberius Claudius Brittanicus, son of Claudius and Messalina, heir to the imperial throne. His stepmother Agrippina, however, contrived that her own son Nero should succeed
Claudius. He is believed to have been poisoned by Nero.
3424: espandi le sane sa mere: Agrippina Minor, Roman princess and mother of Nero. She poisoned her husband Claudius in order to
help Nero become emperor. She was murdered on Nero's instructions.
H, 7: 3509: Selon que dit le commenteur: The author, committed to his principles of translation, points out to the reader that the example of cannibalism in w. 3507-3522 is not taken from Boethius' Consolatìo ,
but from a commentary. This commenteur in which the author explicitly puts his trust (v. 3510) is evidently Nicholas Trevet. In Treveťs commentary are contained not just this single example, but all three subsequent examples, which deal with cannibalism (w. 35073522), marriage between close family members (w. 3525-3528) and parricide (w. 3531-3538)2. 3553: les Turs: The reference is to the Parthians, a semi-nomadic
people between the Eufrates and the Indus. Known for their horsemanship, they successfully fought the Roman armies at several occasions.
3611-3612: une heure po d?espace tient / Qui .xl. momens contient: The suggestion that an hour contains 40 units instead of 60 is not supported in Renaut's text, where these lines read: "Une heure
n'a pas grant temps / Et si a soixante momens" (IX, w. 3797-8). These momens , therefore, should be seen as minutes and the graphy
".xl." is most likely a scribal misrendering of ".lx.," though it is curious to note that all the control manuscripts, as well as most of the other manuscripts of the Böece de Confort , contain the reading ".xl." For this reason, the text has not been emended.
II, vii: 3787: Brutus: In this text, as in Renaut's Roman , the reference is to Lunius Junius Brutus, who is believed to have removed Tarquinius 2
Edmund Tait Silk, "Cambridge MS. II. 3. 21 and the relation of Chaucer's Boethius to Trivet and Jean de Meung," Diss. Yale University, 1930: 280.
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326 CARMINA PHILOSOPHIAE
Superbus from Rome and to have become one of reference in the Consolatìo , however, m Junius Brutus, one of the murderers of known for his virtue.
3816: Si com appert en .i. sien livre: In
mistakenly believed Cato Uticensis. and t scholarly text, the Disticha Catonis , to be has repeated Renauťs mistake.
HI, iii: 4469: C'om treuve emprés la rouge m the colour red as found in the Latin text. comments: "To the Romans the Persian Gulf and not the Red Sea
was known as the Mare Rubrum"3 The use of rouge is therefore purely adjectival and has no connection to the proper noun. For this reason, the adjective is not capitalised in this text.
HI, 5: 4731-4764: In this text, the amount of detail provided in the description of vengeful master-pupil relationships exceeds both the Latin Consolatìo and Renauťs Roman. In neither of these texts is
there mention of Seneca's ring or of Aurelius. In fact, Renaut would
have Nero responsible for the murders of both Seneca and Papinianus. All detail contained in the Böece de Confort is found in the commentary of Nicholas Trevet, suggesting that the translator had access to this commentary when establishing the text.
HI, 8: 5179-80: Une dame fu appelee / Alcipiades, moult ornee: According to Courcelle4 the image of Alcibiades as a woman is first found in the writings of Rémigius of Auxerre. Also found in the commentary by Nicholas Trevet, both Renaut and the author of the Böece de Confort adopt this interpretation in their texts.
5194: Comme li lyns: There is confusion here between the sharp vision of the lynx and that of the Argonaut Lynceus. Mention of the lynx is found in the commentary of Nicholas Trevet; therefore, it is not surprising to find the same interpretation in Renauťs Roman and in the Böece de Confort.
HE, 10: 5754: Un intracident correlaire: The word intracident is not attested in the dictionaries. The similarity of the variants intercedent (Paris,
577) and intracedent (Douai, 766) suggests that this word was not problematic in the XIVth and XVth centuries. The Latin text contains
the line "Super, haec, inquit, igitur ueluti geometrae soient 3
4
V.E. Watts, Boethius: The Consolation of Philosophy. Penguin Classics. Harmondsworth: Penguin, 1978, p. 84. Quoted in Atherton, vol. 2, p.434.
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BÖECE DE CONFORT 327
demonstratis propositís aliquid inferre, quae porism
tibi ueluti corollarium dabo" (III, 10, 22
translator tried to render the Latin inferre o
of the Latin lexical items intra and cedere
between" would appear plausible. When aspects are considered, intracident may "additional inference."
HI, 1 1 : 6028: les cheveux de dame Venus: Adiantum (in French cheveu-deVénus) is a fern of tropical origin. It owes its name to its fine, black petioles.
IV, 3: 7189: estapel: This lexical item translates the Latin stadium. It is perhaps a form of the word estaple (stake, post), a form possibly derived from the German stapel , which Godefroy (III, 606c) defines as "cible, but d'un tournoi." Given the context, the meaning "target, finishing line" would appear appropriate.
IV, 4: 7647: Telz ressemblent a la siiette: The siiette is described in the text as an illness which is characterised by daytime blindness (w. 7648-7652). Godefroy (X, 724c) provides additional detail in a quote
which describes a "fièvre éruptive contagieuse, accompagnée de sueurs abondantes: L'an 1328, survint une maladie en Angleterre et aux basses Allemagnes, qui fut nommée du peuple la suette pour ce que les patiens avoient une bien grande sueur par tout le corps, avec grand frisson, tremblement et palpitation de coeur, accompagnee de fievre continue: et mouroient en peu de jours."
IV, 5: 7929: Ou el est assise ou songon: see sonjon, (II, iv: 2693). IV, v: 7920- 7935: also IV, vi: 8655-8665: In these two metres, there is frequent reference to two constellations in the Northern heavens, namely Bootes and Ursa Major. From the descriptions given, there is
room for some confusion between the two. Boethius' text is quite
clear on the issue: In metre IV, v, he describes correctly the constellation Bootes , of which the brightest star is Arcturus and which, in its most basic representation resembling a kite, contains seven stars, as stated in v. 7933 of this text. This constellation does indeed pass through the zenith and is only invisible for a short time, as it does not sink far below the Western horizon before it rises again
in the North-East. In this respect it forms a contrast with the constellation Ursa Major , which also contains seven bright stars in its
most basic configuration. In metre IV, vi, the Latin text and this
translation elaborate in a symbolic way on the fact that this constellation does not disappear below the horizon at any time, which
is true for both France and Northern Italy.
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328 CARMINA PHILOSOPHIAE
IV, 6: 8238: Tost perdroit toutë entité: The
whereas all control manuscripts read en être" (Godefroy, IX, 483b). The noun e
dictionaries. As both readings allow fo octosyllable, the text has been emende supported by all control manuscripts.
8400: Un clerc de moy plus excell
Permenides by the translator can be fou
the same prose5: "Parmenides me excelle in Renauťs text nor in the Latin text6. Th
appear to be a direct borrowing from Tre
to the suggestion that the translator of th
access to Treveťs commentary.
IV, vii: 9022: les arpes: Both Renaut and th
confuse the Stymphalian birds, which f defeated by Hercules, with the Harpies,
women's bodies and birds' wings and cla
9096: Dyogenés: As is the case in Versio mistakes Diogenes, the Cynic philosoph king of Thrace.
V, 2: 9645: A point de lieu ne de hassage: The noun hassage is not attested in the dictionaries. Its tautological use suggests a meaning similar to the word lieu , "room" or "space."
9682: Si est quant elle se depute: The reflexive verb is not contained in the dictionaries, but appears to resemble the meaning given in
Godefroy, IX, 308a: "deputer, v.a., envoyer qqn avec mission de parler en son nom, de défendre ses intérêts." By extension, the meaning of the reflexive verb would be "to assign oneself."
6
5 Silk, p. 628. In his English translation, Watts states that the source of the maxim is unknown (p.
139).
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Glossary of Selected Proper Names Actrides IV, vii: 8908: see Agamenon. Alcipiades III, 8: 5180: Alcibíades , Athenian general (c. 450-404 B.C.). Pupil and friend of Socrates, and famous for his intelligence, ambition and good looks. Mistaken for a woman in this and a number of other translations.
Anaxagoras I, 3: 533: Anaxagoras of Clazomenae , one of the earliest philosophers to settle in Athens (c.500- c.428 B.C.). He was brought to trial on charges of impiety and treachery, but escaped with the aid of friends.
Armenie V, i: 9609: Armenia , region in Asia Minor, in which the Euphrates and Tigris have their source.
Asilus III, x: 5895: erroneous personification of asylum , refuge.
Atha IV, vii: 9040; Athala (Athalas) IV, vii: 9375: Atlas , in Greek mythology, one
of the Titans. Zeus punished him for revolting against the gods by condemning him to carry the heavens upon his shoulders.
Aubin 1, 4: 781: Albinus , a Roman of consular rank accused by Cyprian of treason.
Antonie Aurillon III, 5: 4758: Marcus Aurelius Antoninus , or Caracalla (A.D. 188217). Roman emperor who was responsible for the execution of the jurist Papinian.
Basile I, 4: 805: Basilius , a Roman of questionable reputation who was one of Boethius' accusers.
Buriside II, 6, 3247: Burisis, a mythological king of Egypt reputed to sacrifice to Zeus all foreigners who entered his country. He was defeated and killed by Hercules. Camus I, 4: 915; Camons I, 3: 583: Canus , probably the Stoic philosopher Julius
Canus put to death by Caligula and cited by Seneca as an example of philosophic tranquillity.
Champaingne 1, 4: 765: Campania , a province in Italy. Coribans IV, v: 7947: erroneous translation of the word "Cori," from Corus , ie north-west wind.
Creze II, 2: 1857: Croesus , last king of Lydia (reigned c. 560-546 B.C.). Eventually defeated by Cyrus, founder of the Achemaenid Persian Empire. Cyrius I, v: 1 123: Sirius, a Canis majoris , the brightest star visible in the heavens.
Dejaniere IV, vii: 9162: Deianira , daughter of Oeneus and Calydon, whom Hercules won as bride from Achelous, the river-god.
Discipline des estoilles et leur doctrine (Livre de) II, 4: 2388: De Disciplina Scholarium , a Pseudo-Boethian text and the source of the anecdote of the Inconstant Scholar. The erroneous attribution to Boethius is found in the
commentary by Nicholas Trevet.
Effuganes IV, vii: 8930: Iphigenia , daughter of Agamemnon and Clytemnestra.
Euripe III, 7: 5024: Euripides , Greek tragedian (c. 485-c. 406 B.C.). II, i: 173 1 : unidentified river in Greece.
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330 CARMINA PHILOSOPHIAE
Falle II, 2: 1919: probably an erroneous tran
Macedonicus, Roman general and consul in of Macedonia. He was not a contemporary text.
Frise IV, vii: 8885: Phrygia , ancient region of ce
Guay I, 4: 918: Gaius Caesar Caligula , Roman e cruelty.
Hermus III, x: 5898: Gediz, river in Turkey. Jehan de Cis maistre, Prologue I: 65 : unidentified author of an earlier translation of the Consolatìo.
Tulles Marees II, 7: 3559, Merques Tules V, 4: 10125: Marcus Tullius Cicero , Roman orator, philosopher and writer (106-43 B.C.). Nothon II, vi: 3438: Notos , south wind.
Novion HI, 4: 4507: Nonius , unknown Roman politician satirised by the poet Catullus.
Ponpee IV, 6: 8350: Gnaeus Pompeius , Roman general and politician, defeated by Caesar at Pharsalus.
Puritheüs IV, vii: 9070: Pirithoos , king of the Lapiths and friend of Theseus. During his wedding, a battle with the Centaurs broke out in which they were defeated.
Septentrion II, vi: 3437, the seven stars of the constellation Ursa Major, also used to designate the North.
Stoýcus I, 3: 558: erroneous personification of a Stoic philosopher; possibly a reference to Zeno of Citium, who founded the Stoic school c. 315 B.C. Stoicism teaches virtue as the highest good, indifference to emotion, pain
and pleasure, and patient endurance.
Targus III, x: 5897: Tajo , river in Spain.
Tholomé II, 7: 3488: Claudius Ptolemaeus of Alexandria, Greek geographer and astronomer, whose model of the universe, in which the sun was the absolute centre, was accepted throughout the Middle Ages. Tyre (n.) II, v: 3058; Tirion (adj.) II, v: 3055: Tyre , ancient Phoenician seaport on the coast of Lebanon, famous, among other things, for its purple dyes.
Valer III, iv: 4710; Valier III, 7: 4951: Valerius Maximus, Roman author from the first half of the first century A.D.
Zephirus I, v: 1117: Zephyr , the west wind in Greek mythology; commonly known as a mild, gentle breeze.
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Selected Glossary agrapart: (m.) person keen to take or capture IV, vii: 9261 [alouer]: (tr.) to put, place V, 1 : 9582 [apeticer]: (intr.) to diminish, to lessen 1, 4: 976
asprele: (f.) horse-tail (plant) II, 8: 3927 bisain: (adj.) relating to a cold, dry wind from the North (-East) III, 3: 4442 buce: (f.) two-masted ship II, 4: 2510 cautele: (f.) caution, prudence II, 1: 1639 cauteleusement: (adv.) through cunning II, iv: 2689 [chalemeler]: (intr.) make oneself be heard playing the pipe III, xii: 6478 [chalemel]: (f.) musical instrument, forerunner of the clarinet III, 9: 6479
conchilon: (m.) fish with purple-coloured scales III, viii: 5276 deputaire: (adj.) bad, perverted II, 8: 3891 [deputer]: (refi.) to assign oneself V, 2: 9682 (see note) [entronizier]: (tr.) to put on a throne V, Epil: 1 1079
[entullé]: (adj.) senseless IV, 3: 7324 estapel: (m.) target, finishing line IV, 3: 7189 (see note) estree: (f.) small marine creature found in the sea of the coast of Tyre, Lebanon III, iv: 4605 [festu]: (m.) straw; an item of little value
(expr.) passer com oysel sur festus , to rush over something with little interest I, Prol: 60
hassage: (m.) room, space V, 2: 9645 (see note) intracident: (adj.) falling in between III, 10: 5754 (see note) poe: (f.) claw; (expr.) donner de sa poe , to strike II, 2: 1877
previdence: (f.) the action of foreseeing V, 6: 10833
redarguer: (tr.) to blame V, iv: 10477 [sentine]: (f.) area in the hold of a ship where water accumulates III, 8: 5079 [serain]: (adj.) Saracenic II, v: 3053 [serainne]: (f.) siren 1, 1: 309 songon: (m.) summit, high point IV, v: 7929; (expr.) être assis ou songon to be in a high place II, iv: 2693 (see note) süette: (f.) fever IV, 4: 7647 (see note) unement: (adv.) in simple terms V, 1 : 95 16
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