Divination et rationalité


273 52 34MB

French Pages [161] Year 1974

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Recommend Papers

Divination et rationalité

  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

J. Gernet

Brisson J. Carlier

A.: Recel-Laurentin:

)ivination et Rationalité

Recherches anthropologiques sous la direction de Remo Guidierl

aux Éditions du Seuil; PÜili

DIVINATION ET RATIONALITÉ

JEAN-PIERRE VERNANT

Parole et signes muets

Autant que du bon sensdont parle Descartes, on pourrait dire de la

divination 'qu'elle est la chose du monde la mieux partagée. Nulle

société,au long de l'histoire humaine,qui ne l'ait à sa façon connue et pratiquée. En invitant des historiens des grandes civilisations du passéà confronter les techniques oraculaires, utilisées ici ou là?pour s'interroger en commun sur les formes qu'a pu revêtir l'intelligence divinatoire, ne prenait-on pas le risque de répéter un travail de docu-

mentation que d'autres avaient déjà mené à bien :?

En réalité, notre projet était à la fois moins vaste et plus ambitieux.

Nous ne prétendions pas présenter à notre tour un tableau presque exhaustif des normes de divination que les spécialistesont pu répertorier dans les diverses civilisations. Nous voulions tenter de répondre,

à partir de quelquescas topiques et par leur comparaison, aux deux problèmes fondamentaux que la divination nous paraissait soulever, ëïèslors qu'on l'envisage dans sa double dimension d'attitude mentale et d'institution sociale : quelle est, d'une part, la nature des opérations

intellectuelles impliquées dans le déroulement de la consultation ora-

culaire, en quoi consiste la logique du système mis en œuvre par le devin pour déchiRrer l'invisible et répondre à la demande des consul'

tants; en bref. quel type de rationalité s'exprime dans lejeu desprocédures divinatoires, l'appareil

des techniques et des symbolismes

oraculaires,les cadresde classiôcationutilisés par le devin pour trier, ordonner, manipuler

et interpréter

les informations

sur lesquelles

se fonde sa compétence? Quellessont, d'autre part, la place et la

fonction de ce savoir oraculaire dans une société donnée : puisque la

scienceprophétique s'exerceà l'occasion de choix, et de choix impor-

tants, qu'elle détermine des décisionstant publiques que privées,

jusqu'où s'étend son champ d'application, quels sont les domaines de la vie socialesoumis à son autorité, et comment se situent, sur ces plans, les rapports du devin avec les autres personnages qui disposent, 1. Nous pensonsen particulier à la série d'études rassembléesen deux volumes par

MM. Caquot et LeibovÎci, sous le titre : /a .Z)ïvi/zarïo/z,Paris, 1968.

9 -}

JEAN'PIERRE VERNANT

PAROLE ET SIGNES MUETS

à leur niveau, d'un pouvoir de décision, comme le roi, le prêtre,

mental qui les sous-tend ont pu imposer leur rationalité sur le plan

intellectuelcommeleur légitimité sur le plan social.

le juge g :?

Entre ces deux types de questions,on pouvait supposera priori

une certaine solidarité. Dans les sociétésoù la divination ne revêt pas, comme dans la nôtre, le caractère d'un phénomène marginal, voire aberrant, où elle constitue une procédure normale, régulière, souvent

Dans cette perspective, on pouvait se demander si les hellénistes étaient les mieux placés, les mieux armés pour faire démarrer la rechercheet proposer un programme d'enquête. Le statut de la divination en Grègeancienne apparaît à tous égards incertain et ambigu. Si les formes de consultation oraculaire pratiquées ici ou là ont été

même obligatoire, la logique des sytèmesoraculaires n'est pas plus

étrangèreà l'esprit du public que n'est contestablela fonction du devin. La rationalité divinatoire ne forme pas, dans ces civilisations, un secteur à part, une mentalité isolée, s'opposant aux modes de raisonnement qui règlent la pratique du droit, de l'administration,

fort variées, nous ne disposons pas cependant de documents compa-

de la politique, de la médecineou de la vie quotidienne; elle s'insère

rables,par le nombre et la précision,à ceux qu'oÆrentpar exemple les mondes chinois et mésopotamien. Surtout, nous n'avons pas à

dans ses démarchesintellectuelles à des normes analogues, tout de

dans des traités. Nous ne savons même pas au juste comment fonc-

de façon cohérente dans l'ensemble de la pensée sociale, elle obéit

faire à des systèmes organisés, à un corps de doctrines consignées

tionnait l'oracle par excellence,celui dont le renom, le prestigeéclipsaient tous les autres et dont l'autorité, à partir du Vile Siècle,s'est imposée à l'ensemble du monde hellénique : l'oracle de Delphes. Les questions y étaient-ellespréparéeset remises à l'avance ou for-

même que le statut du devin apparaît très rigoureusementarticulé, dans la hiérarchie des fonctions, sur ceux des autres agents sociaux responsables de la vie du groupe. Sanscette double intégration de l'intelligence divinatoire dans la mentalité commune et des fonctions

du devin dans l'organisation sociale, la divination serait incapable

de remplir le rôle que lui ont reconnules anthropologuesde l'école fonctionaliste : celui d'une instance oMcielle de légitimation proposant, dans le cas de choix lourds de conséquences pour l'équilibre des groupes, des décisions socialement ).En ché]oniomancie, ]e brû]age pouvait être répétéjusqu'à cinq fois sur une même écaille, et éventuellement de nouveau cinq fois

daire; d'où ]a nécessité de recourir parfois à un second hexagramme

quatre nombres 9, 8, 7 ou 6, appelés baser y//zg(littéralement

: , 'H représente deux mains manipulant des tiges divinatoires; l'aïïcêtl;' du' boulier chinois fut d'ailleurs une abaque où les valeurs numériques étaient matérialisées par des bâtonnets.

50

l -'''

PETITS ÉCARTS ET GRANDS ÉCARTS

JACQUES GERNET

Petits écarts et grands écarts Chine

Il faut soulignerla diÆérence radicalequi, en dépit d'une analogie apparente, oppose le système de divination yoruba l au système chinois

de divination par les hexagrammes.On trouve dans les deux cas des combinaisons de signes binaires dont l'ensemble semble corres-

pondre à la totalité des situations possibles. Chaque combinait;on renvoie à une légende dans le système yoruba, à des commentaires ésotériques dans le système chinois. Mais les combinaisons obtenues

par le jet de noix de palme chez les Yoruba jouent le rôle de simples intermédiaires dans une divination qui est essentiellement ora/e. Elles

Les pratiques divinatoires des populations de langue et de culture

servent à numéroter les légendes.Au contraire, dans la divination chinoise par les hexagrammes,dont la technique remonte à la pre-

très mal exploré. La documentation, extrêmement riche, s'étend sans discontinuité depuis le xlVe siècle avant notre ère jusqu'à nos

qui font l'objet de l'analyse divinatoire. C'est leur construction

chinoises constituent un vaste domaine de recherches qui est encore

jours. DiRërentessuivant leurs fonctions et les milieux sociaux, variables suivant les époques,ces pratiques divinatoires ont une histoire et, en bonne méthode, on devrait exclure toute considération d'ordre général sur la divination dans le monde chinois : on y retrouve en effet presque tous les procédés connus dans les autres civilisations

astrologie, interprétation des phénomènes anormaux, des rêves, des cris d'oiseaux, emploi de jetons, de coquilles, de pièces de monnaie, de plateaux tournants, recours à des médiums inspirés, écriture automatique, almanachs, observation de victimes sacrifiées ou d'animaux

vivants, physiognomonie, notation de paroles surprises dans la rue ou de chansonsd'enfants, recours à des grimoires... et il n'y a guère de phénomène qui ne puisse être retenu comme présage. On trouve

même, dans cette civilisation agraire, des présages végétaux : plantes dont l'apparition rarissime est considérée comme signe de bon augure,

et monstres végétaux. Cette diversité et cette richesse n'ont rien

de surprenantsi l'on songeà l'extensiondans le temps de notre documentation,à l'étenduegéographique du monde chinois et à la diversité des inûuences reçues par ses diŒérentesrégions au cours

de l'histoire (inüuencesde la Mésopotamieancienne,de l'lran, de l'Inde, de l'Islam, despopulationsnon chinoisesde la Chineet des autres régions de l'Asse orientale).

Cependant, on reconnaît dans ce foisonnement de pratiques la

prédominance de certaines orientations particulières au monde chinois qui sont la marque d'une civilisation originale. Et, puisqu'il s'agit ici de recherchescomparées,on peut indiquer commentse situent, par rapport à d'autres, certaines données chinoises.

mière moitié du ler millénaire, ce sont les combinaisons elles-mêmes des signes J,a/zg(lignes continues) et des signesyfn (lignes interrompues)

qui est interprétée, de même qu'étaient interprétés, dans la divination

plus ancienne par les os ou l'écaille de tortue, le senset la forme des

craqueluresproduites par le feu, comme l'indique l'excellenteétude de M. Vantlermeersch. Les lignes continues et discontinues des hexagrammes sont les symboles des deux forces fondamentales qui

sont à la base de la constitution de l'uûvers. L'hexagrammeest analogue à une cellule avec seschromosomesX et Y. Le devin analyse chaqueligne et chaquetrigramme (trigrammes inférieur et dupé'

rieur ainsi que trigrammes intermédiaires).

Mais il y a plus : si la divination est possible,c'est parceque l'équi-

libre des forces cosmiquesque traduit l'hexagramme au moment de la divination est un équilibre instable. L'objet de la divination est de savoir dans quel sens va se transformer le système à la suite d'une

modification minime; les lignes yï/z et yang symbolisent en eŒetdes réalités capables de mutation : suivant sa place dans l'hexagramme,

telle ligne yîn ou yang manifestera une tendance à se transformer en son contraire (le jeune J,a/zg(chibre 9) devient vieux yang (chibre 7) apte à se transformer en jeune yïrz(chiffre 6) qui devient vieux yïn (chibre 8) et se transforme en jeune yang...). Cela explique pourquoi

le plus ancien manuel de divination par les hexagrammesporte le nom de épïJ.

On est fort loin des modes de divination proprement orale des

civilisations sansécriture ou de celles où l'écriture n'a été introduite

que tardivement et ne joue qu'un rôle secondaire. Comme le souligne M. Bottéro, à propos de l'hépatoscopie dans la Mésopotamie ancienne,

il y a une relation étroite entre écriture et divination par l'analyse 1. Décrit par P. Verger, dans un séminaire au Centre de recherchescomparéessur

les sociétés anciennes,

52

en 1968.

53

PETITS ÉCARTS ET GRANDS ÉCARTS

JACQUES GERNET

de signesgraphques, entre scribe et devin spécialistedes Êgures divinatoires. Et il est probable que cette relation est plus étroite encore lorsque la pictographie ou l'idéographie accusele caractère autonome

de l'écriture par rapport à la parole, comme ce fut le cas aux plus hautes époques de la civilisation mésopotamienne et comme ce fut

fonction de sa direction et de l'heure de la journée. L'action humaine

n'est enGaGequ'à la condition d'être en accord avecle cadre général dans lequel

elle se situe

: la réussite

est fonction

et de la disposition des forces en présence rs/zi,).

du moment

rsÆO

Si les signesne sont jamais univoques, si la gauchen'est pas tenue

le cas en Chine pendant toute l'histoire. Cette permanencede l'écru/z/reiciëagrapàïque l dans le monde chi'

en elle.;même pour spécialement sinistre et de mauvais augure dans le monde chinois, mais est tantôt honorable et faste, tantôt de moindre

les plus originales. Tout en donnant lieu à une très riche littérature

dépend du cozzfexfe.Les devins chinois ne cherchent pas à déchiffrer

nomsn'est peut-être pas étrangère à certaines de ses orientations

et à un remarquableeffort de systématisation, la divination déductive par l'examen des entrailles de victimes en Mésopotamie n'a pas été relayée et remplacée par d'autres modes de divination fondés sur le même principe, comme ce fut le cas en Chine où l'analyse des conû-

gurations graphiquesdevint un des procédésprivilégiés de divination.

La source s'est tarie au Moyen-Orient alors qu'elle est restée active

en Asie orientale. La divination par les hexagrammesmarque en Chine un progrès radical par rapport à l'ancienne divination 'par le feu..Elle a permis tout à la fois d'approfondir l'analyse symbolique et de substituer à l'examen empirique des craquelures(qui avait donné naissance aussi à une véritable science divinatoire et à des écoles

de devins) une formulation mathématique qui a encouragé une spécu-

lation sur les nombresen tant que réalités individuelles douéesde vertus iuï generfs et en tant que principes d'organisation de l'espace et du

temps. La plupart

des grandes

orientations

de la pensée

scientifique chinoise apparaissent avec le développement de la divi' nation par les hexagrammes : notion de croissance et de déclin,

calculs par manipulations, prédominance de l'analyse des systèmes clos sur celle des séries linéaires, tendances algébriques des mathé-

matiques chinoises... Mais c'est aussi la notion d'ordre, et l'impor-

tance attribuée à une correspondance exacte entre ]es signes et les réalités, qu'on peut mettre en relation avec les spéculationsdivinatoires les plus anciennes. Le monde chinois marque une nette préférence pour les formes de

divination (&ducïïve: il ne s'agit pas généralementde connaîtrela volonté des dieux, mais d'analyser des situations. C'est pourquoi la divination porte d'ordinaire sur des ensembleset des conjonctions de signes : un présage isolé est rarement signiûcatif. De même qu'il

sembleque, dans les plus anciennesméthodesd'oniromancie. on tenait compte de la position des astresau moment du rêve, de même le cri du corbeau devait être interprété, dans le folklore moderne, en 1. Ce terme très inadéquat est employé à défaut d'un meilleur.

54

valeur, c'est que les dispositions rituelles sont variables et que tout

les messages obscurs et ambigus d'une volonté divine, mais s'eŒorcent

d'analyser une situation globale, un rapport de forces dont l'équilibre est instable, des conjonctions mouvantes comme celles des secteurs

terrestreset desconstellationsqui tournent autour de l'axe polaire. Un homme rêve qu'un phénix mâle vient se poser sur sa main et

s'imagine naïvement que c'est bon signe. Mais un interprète des songes le met en garde et, en eŒet,le rêveur perd sa mère dix jours plus tard. Comment expliquer cette inversion du sens d'un présage qui avait toutes les apparences d'un signe faste? .Or le Rïfue/ ne dit-il pas que le bâton de deuil à la mort du père

doit être taillé dansun bambou et que le bâton de deuil à la mort de la mère est en sterculier? Le phénix s'est posé sur une main qui allait

tenir le bâton de deuil l Ce qu'on dénomme géomanciedans le monde chinois, et qui s'y

développeà partir des IVe.Vesiècles,n'est pas à proprement parler une méthode divinatoire, mais une sciencedes inâux inhérents aux configurations topographiques : le sens et la forme des plissements de terrain,

la disposition

des cours d'eau, l'orientation

du site révèlent, à qui sait en déchiŒrer la signiôcation,

générale

la présence

cachéede courants positifs et négatifs r)pinet yang,). Comme le corps humain ou le cosmos, les sites sont des lieux que traversent des f/1/7œx dont ]e bon équilibre est source de santé et de vie. Le géomancien

tient d'ailleurs le plus grand compte de ce champ de force dominant

qu'est ]e champ magnétique terrestre : il se sert d'une boussole,et

c'estpar rappoi't à la directionindiquéepar la boussoleque sont interprétées les diŒérentescaractéristiques du site.

Du choix d'un bon site pour une habitation ou un tombeaupeut

dépendre le bonheur durable d'une famille. Inversement, une suite

1. 7bÜf/zggæa/z.gjï, clap. 279,IXiaoJi, p. 2216del'éd. Zhonghuashuju.On notera

que le thème du présage faste qui serévèle néfaste.ou du bigne de mauvais augure qui se révèle de bon augure est assez fréquent. Mais il n'a pas du tout les mêmes implications

que dans le monde grec : à cette ambiguïté du signe n'est associéeaucune conception tragique de la destinée humaine.

55

1

.1

JACQUES GERNET

PETITS ÉCARTS ET GRANDS ÉCARTS

d'événementsmalheureux peut avoir pour origine le choix d'un lieu d'où se dégagent des inüux néfastes.

Superstition condamnéepar les milieux cultivés, la géomancie

ne digère pas dans son principe des méthodesde divination les plus

typiquesdu monde chinois. Toute divination semblemettre en jeu

une représentation du cosmos et ]es premières conceptions cosmologiques sont issues des milieux de devins. La tortue dont la carapace ventra[e sert à ]a divination par ]e feu est une représentation du monde : ronde en haut comme le Ciel, elle est carrée à la base comme la Terre.

La carapace soumise au feu porte sur sa face externe 9 écailles (9 sera

le chibre du ya/zg,c'est le nombre des régions crééespar le souverain mytlüque Yu le grand) et 12 secteurssur sa face interne (12 est yî/z). Cette carapace était orientée dans le sens nord-sud au moment où

l'on procédait à la divination. Les devins de la fin de l'époque des Royaumes combattants (m' s.) et de l'époque des Han (-- 206 à + 220) se servaient d'un systèmede planchettesdénommé s/zï dont l'une, carrée,figurait la Terre, et dont l'autre, circulaire, pouvait pivoter par-dessus et portait

une représentation

des objets célestes.

D'après J. Needham, la ôgure de la Grande Ourse aurait été remplacée

sous les Han par une cuillère en magnétite, autre représentation qui pouvait pivoter sur elle-mêmeet s'orienter dans la direction du pôle.

Avant de se dépouiller de toute significationreligieuse,la plupart

des jeux chinois

(raæ/zæ,fléchettes lancées dans un vase, /fzïbo et weïqï,

jeux où les adversairesdéplacentdes pions de valeur opposéesur des échiquiers, xfanggi, échecs proprement dits...) semblent avoir eu la

fonction de rites divinatoires. Le weïgîest, à l'origine, un jeu royal qui servait à décider de la conduite des campagnes,des stratagèmes guerriers, des choix politiques... Une des plus anciennesformes du jeu d'échecsen Chine daterait desannées561-578et est probablement à l'origine du jeu d'échecs indien. Ses piècesreprésentaient,dit-on, la Lune, le Soleil, les étoiles, les constellations, les cinq puissances

Toute ïa pratique des physiognomonistesest fondée sur une géographie ou, 'plus 'exactement, une cosmologie du corps. humain. Le

visageest une carte de géographie ou une carte du ciel, orientée et divisée en une multitude de secteurs. Les mêmes éléments peuvent entrer dans des conôgurations diÆérentes, être diŒéremment

le nezest l'une descinq planètes,l'un des cinq pics cardinaux de la géographie chinoise, l'un de cestrois éléments constitutifs de l'univers

que sont le ciel, l'homme et la .Terre. Le ciel.(haut de la tête) doit erre rond et large (signe de réussite sociale), l'homme (le nez) régulier

et vigoureu;l (signe de longévité), la Terre (le bas du visage) carrée et massive (signe de richesse). Le même eRort pour dégager des données de l'observation certaines structures universelles se ïètrouve dans la géomancie. Certains manuels

permettent d'identifier les formes inÊnîes que peuvent. prendre les plissements de terrain, les collines et les montagnes, en les réduisant

à cinq types fondamentaux en rapport avec.lescinq puissancesfondement;les'(les wz{xf/zg) : une montagne en forme de ballon révèl! son

aHnité avec le métaÏJ'une montagne en forme de terrasse son aMnité avecla terre, etc. Toutes ces indications révèlent les rapports étroits qu'entretiennent dans le monde chinois divination et représentations cosmologiques et permettent de comprendre pourquoi les méthodes divinatoires recourent de préférence à des séries de symboles qui servent à.la notation du temps et de l'espace et qui peuvent à l'occasion se disposer sous forme de tableaux orientés. Ce sont -- les huit trigrammes et les 64 hexagrammes; --

les deux séries de signes cycliques(troncs

célestes, ffanga/z, au

nombrede dix, et branchester;estres,dzÆI,au nombre de.douze) qui Êgurent sur les plus anciens témoignage?. écrits(xîv' dont la combinaison sert à former un cycle de 60;

siècle) et

-- les douze animaux correspondant aux douze signes cycliques

fondamentales(cellesde la terre, de l'eau, du feu, de la végétation

dela série duodénaire;

La ligne médiane de l'échiquier chinois a d'ailleurs conservé le nom de voie lactée r/ïanÀe,).Il semble que les pièces devaient être disposées

leurs multiples; -- de façon générale, tous les ensembles cosmiques, célestes ou

et des métaux), le yïæ et le J,ang, les quatre secteurs de l'espaœ, etc.

avant le jeu conformémentà la situation des corps célesteset des forces cosmiques au moment même. On peut noter aussi que l'écho' quier du weigï comptait 361 intersections (19 x 19) qui sont un équivalent du nombre des jours de l'année l

1. Sur l'histoire des différents typesd'échecsen Chine et leur relation avecla tablette

-- les chiures de la série décimale (l à 9), leurs combinaisons et

géographiques(cinq

: eau: terre, feu, bois, métal; don-

née; e;sentielles de la géographie chinoise; yï/z et ya/zg; ciel et terre;

saisons; secteurs de l'espace ; constellations...). Des systèmes de correspondances permettent de passer d'un système

à l'autre et rendent possible une sorte d'algèbre divinatoire.

divinatoire des devins de l'époque des Han, l$ J. Needham, Scie ce and Cïvï/ïsafïa/z iÆ C&f/ïa, vol. IV, 1, p. 3 18 sq.

56

57

PETITS ÉCARTS ET GRANDS ÉCARTS

JACQUES GERNET

Civilisation de l'écriture, la civilisation chinoise est la seule à possé-

der une infinité de signesgraphiquesqui épuisenttoutes les réalités del'univers (les « dix mille êtres>>,wa/zwzl) :. comme leshexagrammes, chacun d'eux peut être composéet décomposé,et chacun d'eux peut recéler des véritéscachées.De là un très'large emploi de l'analyse des caractèresde l'écriture dans les devinettes,les prédictions, les

Fuzhen rêve d'un vieillard qui lui annonce qu'il ne sera reçu aux concours officiels qu'à la quatrième tentative. et les noms dont

teau entre les dents et deux couteaux à chaque main. Un devin lui

en son milieu et de deux autres caractères dao dans sa

partie inférieure ;

Si ]a divination porte souventsur les noms personnelset les noms

divination par l'écriture sur un caractèrechoisi de façon apparemtèreyï(,un simpletrait horizontal). yï, dit le devin,est le dernier trait du caractère f's/zengJet le premier trait du caractère rxïJ : le malade n'en a plus pour longtemps. Cependant?

le devin se ravise et demandel'année de naissancedu malade. Il

les monstres s'étaient aRublés étaient des allusions à ces diŒérents

est né l'année du bœuf f'nïzzJ.Si l'on ajoute un trait au caractère /ziæ,

arbres. L'un des immortels portait le nom de Shibagong (Son excel-

tant s'en tirera 4 Sansdoute y a-t-il toute une part de jeu dans ces déductions, tant il est vrai que la divination a de fortes accointancesavec les activités

lenceno 18), dont les caractèresune fois réunis forment lè caractère gang,qui désignele pin.

Les signessont l'essencedesêtres et les noms que l'on porte déter'

minent la destinée.

Un nomméDoulu Fuzhenavait étépris en aŒection par le préfet

de Quzhou (Zhejiang), qui lui conseilla de changer de nom personnel

aprèsun nom de famille à deux caractères(Doulu), il ne convient pas

d'avoir un nom personnelqui soit composélui aussi de deux carac-

tères; pour leur senset leur euphorie, le préfet propose à son ami trois

caractèresentre lesquelsil lui laissele choix. Le soir même, Doulu

ÿ$!BWH$,BœB';aæ,Ba#:,: 58

on obtient de nouveau le caractère s/ze/zg: le père du consul-

ludiques(manipulations,jets de pièces,jeux de mots...). Mais c'est aussi une conceptionrelativement originale des fonctions du signe qui se dégage des données chinoises : ce que la divination met en

cause des structures mentales, dépassede beaucoup le cadre limité qu'on serait tenté de lui attribuer a priori. Le signe conçu comm!

l;f/zdïce d'une réalité cachée est aussi moue/z d'acfïan sur le réel : il 1. Zaïpï g gua/zgÿï,chap. 278, .Doulu Shu, p. 2205 de l'édition Zhonghua shuju

Pékin,

1961(conte

du vn'-vïn'

siècle).

2. 16/d., chao. 278, Song Yan, p. 2211. 3. /bïd., chap. 278, Jïangling Li ling, p. 2215. 4. Récit d'époque Song.

59

JACQUES GERNET

PETITS ÉCARTS ET GRANDS ÉCARTS

suscitela réalitéou l'événement aussibienqu'il les traduit ou les

annonce. Cette double fonction du signe est admirablement illustrée par un conte d'origine chinoise recueilli dans le .Kb/!/'akumanage/arï sÆÜ,ouvrage japonais du XHe siècle :

Comment une vieille femme regardait chaquejour s'il y avait du saïtg sur un stûpa.

C'est maintenant du passé. Sous le règne des 'k++, de Chine,

il y avait à l'endroit appelé ++# shû une grande montagne. Sur le sommet de cette montagne, il y avait un stûpa. Au pied

de cette montagne, il y avait un village. ï)ans -cevillage, une

vieille femmedemeurait.Son âge était d'environ quatrevingts ans. Cette vieille femme,une fois par jour sansfaute, montait jusqu'au stûpa situé sur le sommet de cette montagne

et l'adorait. Comme c'était une montagne grande et haute,

pour la gravir du piedjusqu'à la cime, le parcoursétait abrupt et rude, le chemin était long. Néanmoins, sans que d'obstacle il y eût, fût-ce quand la pluie tombe; sansque de cesseil y eût, fût-ce quand le vent souille; sansque de peur il y eût, fût-ce quand surviennent le tonnerre et les éclairs; lorsque l'hiver est froid et qu'il gèle ; lorsque l'été est chaud et dur à supporter;

ne laissant pas passermême un jour, sansfaute elle montait et adorait ce stûpa. Il y avait des annéesqu'elle faisait ainsi. Les gens,voyant cela, n'en savaientabsolumentpas la cause. >Ainsi s'accordèrent.ils à dire et

là-dessus,vu que c'était chose habituelle, la vieille, en se traînant traînant, monta.

Les jeunes garçons, interrogeant la vieille, lui dirent : >Les

garçons dirent : >Elle dit et, faisant le tour

du stûpa, le regarda; puis elle redescendit.

Après cela, les garçonsde dire :« Cette vieille ne reviendra plus auUourd'hui, sans doute. Mais demain, lorsqu'elle va de nouveau venir et regarder le stûpa, nous allons l'effrayer, la faire courir et rirons. )>Ainsi s'accordèrent-ils à dire et, setirant

du sang,ils en barbouillèrent le stûpa puis, étant rentrés,œs garçons, ils parlèrent aux gens du village, di?ant : >.Un usage

attesté en Chine à l'époque contemporaine consiste à exposer au soleil levant, après un mauvais rêve, une feuille de papier où l'on a écrit ces mots :

Si on ne parvient pas à inverser leur sens ou à les cacher, ils produisent tôt ou tard

leurs

eŒets

Un débauchérêve qu'il est entraîné ligoté avec ses compagnons

de débaucheet des courtisanes. Son épouse fait au même moment un

leurs enfants avaient dû fuir. Faut'il le dire, qu'ils ne savaient point où étaient les richessesdes maisons, les objets; et qu'éle-

rêve identique (thème fréquent du même songe chez des personnes

avec soi sesenfants et petits-enfants, ne perdit point fût-ce un

de lire des sûtra bouddhiques et de faire des dons aux communautés de religieux. Mais, voyant que la prophétie ne se réalise pas, il s'enhar-'

vant la voix, ils criaient à l'envi? Seulecette vieille, entraînant objet de sa maison et, s'étant par avanceenfuie, s'installa tran-

quillement dans un autre village. Ceux qui avaient ri de la chose ne parvinrent pas à s'enfuîr et, tous, ils moururent.

Aussi faut-il croire les choses que des gens qui seraient âgés pourraient nous dire. Cette montagne, comme cela, s'écroula entièrementet devint une mer. Ainsi dit-on qu'il a été rapporté. Comme s'il y avait une nécessitélogique qui liait le signeà l'événement, ce qui n'était tout d'abord que simple présagedont l'appari-

tion spontanéeaurait été le signeprémonitoire de la catastrophese

transforme en une sorte de détonateur de la catastrophe quand il est le produit d'une intervention humaine. Le conte du .KbnÿaÆu mo/zoga-

ïarï a donc l'avantage d'attirer l'attention sur lesrapports qui unissent la divination à l'expressiondesvœux et destabous : du seul fait qu'ils sont énoncéset connus, présagesnéfastesou de bon augure tendent, 62

diRérenteset parfois fort éloignéesl'une de l'autre). L'homme se réforme et mène pendant trois ans une vie pieuse et austère, ne cessant

dit et commenceà se relâcher.Entraîné un jour à une partie de plaisir

sur un lac par une de ses anciennes connaissances, il périt noyé avec

tous ses compagnons û.

Plus significativeencore est cette histoire qui relate la mise à

l'épreuve d'un devin l.Jn homme vient consulter un spécialiste de l'interprétation des songeset prétend qu'il a rêvé d'un chien de paille (objet rituel). >Quant

à l'interprétation des trois rêves, elle se fonde sur l'identiâcation du rêveur à l'objet de son rêve : ce qui advient au chen de paille corres' pond aux trois phases successivesdu rite dans lequel il ûgure : après le banquet, le chien de paille est jeté à terre et foulé par les roues' des voitures. Puis, quand la cérémonie est terminée, les objets rituels sont r .es

IJn très beau texte sur les pouvoirs de ïa musique âgure dans le

.lïa/!Aeïzi(milieu du MesiècleavantJ.-C.') :

'

'

Le prince de Wei se rendant chez le prince de Jin bivouaque en cours de route sur les bords de la Puo et y entend un air étrange et

mélancolique qu'il fait noter par son maître de musique. Parvenu au terme de son voyage, il veut faire entendre cet air à son hôte. Mais

le maître de musique du prince de Jin en arrête ]'exécution dès ]es premi!!es notes : >Mais le prince de Jin, passionnéde musique,s'entêteet exige que cet air de mauvais augure soit joué intégralement. Puis il

demande s'il en existede plus mélancoliques. >Sur les injonctions de son prince,

le .maître .de musique est cependant contraint'de l'exécuter. A la pre:

migre exécution,huit couples de grues noires viennent du sud se percher au-dessus des portes de la cour. A la deuxième, les grues se

disposent sur deux rangs comme des danseurs.A la troisième, elles

crient en allongeantleur cou et se mettentà danseren déployant leurs ailes. Toute l'assistance est en liesse. Le prince de Jin demande s'il. n'existe pas d'air plus mélancolique encore. Mais le prince de Jin, passionné de musique, s'obstine. A la première exécution, des

nuagessombres s'élèvent, venus du nord-ouest. A la seconde, un ouragan se déchaîneet un déluge s'abat sur le palais, déchirant les tentes,brisant les tables et les plats du banquet, arrachant les tuiles des toits. L'assistance se disperseet le prince de Jin se réfugie sous une colonnade. A partir de ce moment, le royaume de Jin est frappé d'une sécheressede trois années consécutives et le prince de Jin tombe gravement malade.

Si les tabous sont l'envers des présages,c'est parce que domine une notion généralede l'ordre de l'univers d'où il résulte que toutes chosessonten correspondance. Le yue/ï/zg,ancien calendrier qui ûgure dans le Z,ÿï, rituel compilé

aux Ve.IVesièclesavant J.-C., indique, pour chaque mois de l'année, la position du soleil dans le ciel, les constellations qui apparaissent

au sud au crépusculeet à l'aube, les signescycliquesqui qualifient les jours de ce mois, le souverain mythique, le génie, l'espèce d.insecte, la note, le tuyau sonore, le chiffre, la saveur, l'odeur, le type de sacri-

fice domestiquequi correspondentà ce mois de l'année. Il indique les phénomènes

naturels

qui doivent

s'y produire

(par exemple

: .la

première ûoraison des arbres fo/zg, la transformation des rats des champs en alouettes, les premiers arcs-en-ciel...). Il rappelle quelle doit être la place qu'occupe le prince dans son palais, son type de voiture, ses}anioni, la couleur de sesvêtements,la sorte de jade qu'il doit porter, ses nourritures du mois, sa vaisselle,les comporte' mente et les activités en accord avec le mois, les tabous...

Si l'on met en vigueur au deuxième mois du printemps les règle-

ments de l'automnes dit le Z,üsÆÏcÆu/zgïu(ÛnMe siècle avant J.-C.)

où se trouve incorporé le texte du }'æe/ïng,le royaume nourrira d'inondations, les soupes du froid séviront partout et on verra surgir le brigandage et les guerres.

Si l'on met en vigueur les règlements de l'été au premier mois du printemps, le vent et la pluie viendront hors de saison, les plantes et

les arbres se dessécheront. En eŒet,la vertu du bois étant en pleine

activité au printemps, il convient d'y manifester bienveillanceet

g. rani'b.Ü.tl ':î, eK,:"i:: gh";Z;8:'æ;'ï:";œ:;,s'%ltf'!œ

générosité. Si l'on applique à cette époque de l'année les règlements

64

65

de l'été (époqueoù domine la vertu du feu), la végétationsourira

JACQUES GERNET

PETITS ÉCARTS ET GRANDS ÉCARTS

de cet excès hors de saison de la vertu du feu et se desséçheraavant

que ne soient venus l'automne et l'hiver.

De telles conceptions qui furent systématiquement .développées

du =e siècleavanieJ.-C. au ler sièclede notre ère, impliquent qu'à l'inverse les anomalies et les dérèglements de la nature soient conçus

comme les signes d'abus, de transgressions ou d'excès. Ils révèlent que le souverain abuse des châtiments, fât un trop grand usage des

armes, ou que les mesuresde faveur et les amnisties.sont trop fréquentes, que .les concubines et les impératrices.s'immiscent

dans les

alaires de l'État... On peut donc considérer les chapitres des anciennes histoires officielles qui classent les présages suivant les.cinq catégories

fondamentalesde la terre, de l'eau, du bois, du feu et du métal rwuxï/zgz#ïJcommeune démonstrationde la valeur des règlements saisonniersdu }'ue/ï/zg.

Ce qu'on demande aux spécialistes de la .divination? ce n'est pas seulement de savoir interpréter les signes, mais à l'occasion de fournir

les moyens de transmuter le néfaste en propiœ. ou de tourner la dimculté que présenteune interdiction ï. Connaître l'origine d'une anomalie ou d'un mauvais destin, c'est connaître aussi le plus souvent les remèdesà y apporter. Un conte du 7'aipfng gz/azzBI/ï 2 relate une grande sécheresseau

Hunan. IJn devin en voit l'origine dans un îlot surgi dans le cours d'une rivière : cet îlot est une tortue surnaturellequi pompe les soupes de la nature. Il suit de raser cette excroissanceanormale pour que la nature retrouve son équilibre. C'est qu'en eŒet>Ce disant, il rendra favorable l'énonciation oraculaire qui le concerne et < le mal > (à prévoir à la suite)

de son rêve ne-lui adviendrapoint 2

En réalité, ces namôz/rôï2 se rattachent, de soi, à la conjuration et à l'exorcisme 3; mais que, dans la pensée des usagers et des spécialistes

du temps, on les ait reliés à la divination, nous en trouvons la preuve

dansles passages des traités divinatoiresoù le /zamburôï2 compétent a été inséré tout de suite après l'oracle contre lequel il doit assurerla défense.Une pareille possibilité, oŒerteà tout un chacun, moyennant les formuleset recettesidoines,de transformer,en quelquesorte, le sensde l'avenir prévu par les devins, est un élément de la plus haute

importance pour nous aider à comprendrele propre contenu de la divination. Tous ces documents de la pratique sont donc d'un intérêt considérable; mais, mal répartis eux aussi dans le temps, l'espace et la variété

desobjets,ils nous laissenttrop souventsur notre faim et ne nous permettent de restituer qu'un aperçu fort lacunaire de l'expérience mantique, et encore moins de ses développementset modifications sur tant de siècles.

T

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

documentent surtout la divination populaire, ce sont en somme des fraîfës de casæùfïgue dïvïnafofre, traduisant une technique, une logique, une véritable science mantiques. Les plus anciens, une.centaine publiés à ce jour ï, sont de la ôn des temps .paréo-babyloniens, .aux

alentoursde 1600avant notre ère; du ler millénaire, notammentde l'époque des Sargonides,jusqu'à celle des Séleucides,juste avant .la disparition de la'Mésopotamïe comme unité politique et culturelle, nous en avons retrouvé positivement des milliers de tablettes, dont il est impossible ici de dresser un catalogue même sommaires Des plus vieux aux plus récents, tous se présentent, pour l'essentiel, de façon identique : semblablement disposés, avec le même.vocabulaire. la même nomenclature technique, les mêmes procédés d'analyse,

d'investigation et d'exposition, la même mentalité. Une pareille constancedans la forme est à mettre au compte du traditionalisme bien connu des lettrés mésopotamiens d'autrefois. Mais elle démontre également que, dès le XVHe siècle avant notre ère,. les techniciens locaux

de la divination avaient acquis, et sans doute depuis au moins .quelques siècles, une pleine maîtrise de leur art et de leur science, phéno-

mènequi devra retenir toute notre attention. Comment se présentent ces traités, qu'ils soient constitués d'un paragraphe de quelques lignes z, d'une seule tablette 3 ou .d'un nom-

bre plus ou moins grandi+ Suivant une forme /ogigueuniverselleen Mésopotamie ancienne depuis au moins la ûn du Me .millénaires, et dans laquelle sont coulés non seulement des rituels 6, mais plus ou moins tous les traités scientifiques : de jurisprudence v, de médecine 8, voire de musicologieo, ils sont faits d'une suite de propo-

:'Ë':ù næ W 11Hg#@ Foreruaner to gamma ô/zz,.HUC,4 40-41, 1969-1970, P. 87 s.

2. Ainsi. dansyOS. X, lesn'' 6, 12.

b. Z,a >,,qui lui répond a. Par

U

exemple

variantes. Dans les recueils anciens, ou copies d'ancien, cesvariantes sont volontiers désignés comme telles par la formule JanîJ ; a, et plus souvent encore la/zï2 Xu/n-Jæ.' , marque

presque toujours ce pronostic lui-même : la portion

des traditions

diΎrentes, voire les doctrines

d'écoles diRérentes

d'interprétation du mêïne phénomène, les copistes les ajoutant alors

d'avenir '

ad c0/7zp/eme/zft/nz docrr/nae .' pour que le lecteur ait sous les yeux tous

]es renseignementsconnus, un peu comme si, éditant un texte, on y alignait toutes les leçonsattestées,faute de critère assurépour choisir

1. DiŒérentesgraphies phonétiques et surtout idéographiquesse rencontrent de ce

gammaselon les écoles de scribes ou les temps. On trouve aussi trD/12m :>,

notamment à Bogazkôy.

2. Pour mieux marquer la distinction des deux, nous les séparerons ici par un long

tiret

X : n' 44 44); ?)et /nerelff (?)dans 2C,

83

ËamaË : XLII IO.

'v

JEAN BOTTÉRO

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

la meilleure d'entre elles ï. Voici un exemple assez typique, où les

ment et de mise en ordre de toutes sesprésentationsà l'œil de

comme s'il s'agissait de prévisions complémentaires

toires, même les plus anciens, des analyses d'une extraordinaire menu'

variantes, bien que d'un senscontraire, sont simplementjuxtaposées, Si, sur l'épiderme de son visage, à droite, se trouve une (marque-

de-naissance-appelée)umlafz{ -- il sera chanceux; (ou bien) cet homme deviendra pauvre '.

])ans la suite du traité, et selon une mise en forme tout à fait carac-

téristique de la littérature scientifique mésopotamienne depuis les

temps les plus reculés a, les oracles sont alignés et classés,

en fonction des protases, selon un ordre généralement rigoureux,

et constant pour un même sujet, lequel ordre est fondé sur une analyse

plus ou moins pousséede l'objet oraculaire. Si, par exemple, ce der-

nier est la présentation (externe) du corps humain, on commencera

l'examenpar la tête : le haut du crâne; l'occiput; le front; la cheve[ure; [es tempes; ]es sourci]s; ]es paupières; ]es yeux; ]es orei]]es;

le nez; la bouche; les dents; la langue; le menton; le cou; et ainsi de suite, en descendant,jusqu'aux pieds. De chacune des parties ainsi considéréessont mises en avant toutes les situations et tous les états

capablesd'en modifier le contenu omineux : sa présenceou son absence; ses dimensions et quantités : s'il est grand, très grand, petit, très petit, unique,à deux, trois, quatre, etc, exemplaî les ou subdivisions; sa disposition interne et sa position par rapport à d'autres éléments : s'il est debout, couché, penché, à l'envers, contigu,

éloigné,à droite, à gauche,en haut, au milieu, en bas, devant, derrière; sa coloration : s'il est rouge, noir, blanc, vert.jaune4,

l'observateur i. Il y a de la sorte, dans la plupart des traités divina-

tie, qui commandentdescentaineset desmilliers de présages diHërents, chacun avec son oracle. Par exemple, dans le traité classique de physiognomonie a, une tablette entière, la seconde, est consacrée au crâne, et principalement à la chevelure, lesquels sont détaillés en 166 présagesparticuliers. Lorsque l'objet en question ou l'un de sesaspects étaient à la fois

difïïçilesà décrire et facilesà représenter,il arrivait qu'un croquis, dansle texte,en précisâtla forme en vuea. Mieux encore,et surtout en matière d'aruspicine, on en faisait parfois des maquettes en argile 4 : ou dans le même dessein de préciser la silhouette oraculaire de l'objet,

ou pour en rendre l'étude plus commode. Dans un climat où la chair morte se décomposait rapidement, et où il n'était pas toujours possi'

ble ou utile de >la pièce anatomique nécessaire pour un examen ou pour un contre-examen mantiques -- les'

quelspouvaientavoir lieu à distanceplus ou moins longue' --, l;idée 'd'en

confectionner

une réplique en terre a dû venir

d'autant plus naturellement qu'un tel usage était universel dans ce pays d'argile î. Ces ôgurines ont pu servir aussi de spécimens,de 1. Ces schémas fo rment souvent des catégories récurrentes. Par exemple, chaque fois qu'une des positions est envisagée, mettoïis à droite, on.çnvisag? aussitôt après la position contraire : à gauche (exemples plus loin, p: 174 s). Chaque fois que se pose la

question du nombre, on le pousse,'selon les cas, de un ou deux à sept, ou davantage (ainsi, pour les naissances de jumeaux, triplés, etc., voir plus loin, iZ=170, et n. 6). Chaque

fois qu'est évoquée la ressemblance de l'objet avec un animal, il y a.toute une.liste

avec parfois de plus ou moins nombreusesnuances ô; puis l'addition,

d'animaux typiques,commefaite d'avance, qui peut en comporter jusqu'à une vingtaine

dont il existe, par exemple pour le corps humain, une bonne quinzaine

du traité de tératomancie, dans /zbæ, p. 32 s. : lignes 5 s.; la ÿ' tablette, fbïd.! p. 73 s. : lignes l s. et 90 s.; la Vll', ibld., p. 91 s. : lignes l s. etc.). L'rude d: ces rannffzï

ligne 26»); CÀafx, 1, p. 118 :

]. Ce procédése retrouve ailleurs dans tout le Proche-Orientancien

c'est lui qui explique,par exemple,la compilationdu Yahwiste,de l'Elohisteet des autres documentsqui composentnotre Hexateuque.Voir encorele très important article de 1. Guidé, L'historiographie chezles Sémites,.R.B,1906,p. 509s.

2 C7, XIX.Vlll, pl. 29 : revers12.

3. Voir l'article dans.D.Æ Z. 1, p. 360s.; et ici plus loin, p. 153. 4. Telles sont les couleurs fondamentales de la chromatique des Babyloniens, les-

quels, d'autre part, pas plus que les autres Sémitesanciens,n'ont jamais distingué

p. 9i, n' 547; à Ugarit et en Palestine, voir ci-dessus,lës notes 8, 9 de la p. 70 et 2 de la P. 7] 5. Voir le texte cité ci-dessus p. 76.

6. Voir par ex. .aRIa, 1 : n''40 9 s.; Il : n'' 134 6 s.; 139 10 s.; IV : n' 54, 5 ss,et

VI : n' 75 8 s. etc.

7. Sansinvoquer les innombrables ûgurines céramiques retrouvées dans le pays (voir

nettement entre le jaune et le vert, ni portégrande attention au bleu. Voir B. Landsberger

surtout M.-Th.'Barrelet,

face 25 - revers 6 du texte cité à la note 2.

locale, la matière première de l'Flamme créé par les dieux(voir par exemple ap: cïr., la planche qui suit la p. 6 : Le travail de l'argile par les dieux dans les texteshistoriques

dansJCS 21, 1967,p. 139s. 5. Sur ces nuances,voir ïôid., p. 142s. On en trouve onze en tout dans les lignes 6. Voir par exemplePO.B,p. 39 s.

}iïgzïrf es ef Re/fÊlÉse/z ferre cafre de /a it/ësopofamïe annq e

1968), on rappellera seulement ici que l'argile est à peu près toujours, dans la mythologie

et religieux), et que lei >.Certains grands foies d'argile sont de véritables atlas de la géographie hépatoscopique : chaque

était laissée à lardivinité, l'autre où elle

1. DÉFINITIONS

région omineuse y est délimitée, marquée et annotée de sa , que s'introduit une distinction fondamentale dans le domaine divi, natoire. Ou bien la connaissancedu futur était communiquéepar une

intervention personnelleet immédiate de l'être surnaturel censéle

connaître par soi-même et qui le : c'est ce que nous appellerons la dïPf/za/folkfnspfrée. Ou bien cette connaissance était acquise 1. VAT 7525 : 11130, dans H/O 18, 1957-1958,p. 62 s.

2. Æjd..1 15.

passive. La connaissanœ du futur --- parfois aussi du présent et du

passé -- y était censéecommuniquée spontanément et sans ïntermédiairq;par une divinité en personne : des dieux comme Dagan *, Adad a, Sama! ô, ltûr-Mêr 5; 'des déessescomme Annunît e, Bêlet' ekallim 7, Bêlet-bîri 8; parfois >ou ,sans autre précision, mais dont la personnalité était évidemment connue des intéressés 9

Ces divinités opéraient leur révélation, soit en la > r3apôræ,) ïo, le mode concret d'une telle commissionn.étant point défini; ou alors -- on ne le marquepastout net, mais le lecteur com' prend sans peine entre les lignes -- en provoquant une manière de chez leur correspondant, lequel se mettait à rgaôü,) n. Parfois, il est précisé que les destinataires immé1. ,4nnz/aï/z /Pô!)-/P70

3. .Lads, p. 103 s.

3. /bÏd.'. 16. 4. /bÏd.. II.

plli133.si

90; 111 : n' 40; xlII

4. A 4620, dans .D]WH, p. 85. 5. .4.RÀ/. X. : n' IO.

5. Par ex.. yOS. X. : n' 42. 1 51 etc.

6. Par ex. Ô/., 11,p. 23 64 etc.

7. Camp. l'usage d'expressionsidentiques dans le domaine proprement médical 7'HDP,.p. XXll s. Voir ici, plus haut, n. 6, p. 82, le cas particulier des oraclesethnique fort diRérents l

Ces titres, nous ne savons pas bien s'ils marquaient une fonction

et un état de vie, ou l'exercice casuel d'une activité : autrement dit, s'il y avait des ou professionnels:

habilités et habitués à recevoir les messagesdes dieux a, ou bien si

tout individu, choisi, au moins une fois, par un dieu pour son porteparole, devenait du même coup mzi/aÆ;zz2 ou llpî/u sans que cela ahan. gent le moins du monde son existence ou son statut social. La vérité

ou l@ï/œ,ou i@/zz(aufém. i@i//æ)::, ou tel autreplusexcepà8nnellb Leur sens est assez clair : le mll/aÆ& 12 est l' , l'individu

est probablement entre les deux : autrefois comme aujourd'hui, les psychiatresle savent,il y avait des habitudinairesde l'extase;

qui serapporte aussibien à l'interlocuteur qu'au garant î4), c'est-à-dire,

à moins que l'extatique ne fût par ailleurs connu et ,substituts courants de la personne, que l'on devait soumettre à une enquête -- sans doute divinatoire -- pour tirer au

net la qualité et l'authenticité de son message.

1. .,4.R]U. IX : n'' 7 et 8.

2. 1Bid. : n' lO (dans le temple!). 3. Voir C.41), A/2, p. 8 b : 6'. XLII

4. .R..4 42t.P..129; :n'sl12etl13.

..4.R]t/, XI : Bos 50, 51, 100 '

rêve au cours duquel le dieu. parle --l ' ' '' ''.'

5. Depui? .le rêve.d'Eanatum de.Lagan(env.2470;voir 1)]1/.4,p- 57), puis de Gudéa

1. La question des rapports entre le dg Mali et celui d'lsraël a été sou;:lnt étudiée.'Voir en dernier lieu J. G. Heintz, dans He/æs7es/onze/zrz//n, sz/pp/. ]7 (1969),p. 112 s., et le complément de bibliographie du même dansB/ô/lca 52, 1971,

(eny.2140; ïôjd., p. 58),et celui qui date la >:

Mais rêr/æ est aussi l'objet matériel essentiel de là divination

déductive : l'J?bjet qui

sert de présage,et s'il a ce sensdans le présentpassage,on .l'entendra.de l'exercice courant 'de l'aruspicine, au cours duquel un devin, c'est-à-dire un technicien de ce type de divination déductive, a pu. recevoir par hasard une révélation directe du dieu. ' 3. R.4 42, p. 132, ligne 5i, oti il faut lira faÆ-/œet non ka/-/u(Rëperfafre

.,410. HRÀ/, lll :t Xs 4050.78; et A 455 dans.Z)7WH, p. 79 s.; pour le féminin, voir n .ll= .[odJ, P. 103 s.; A 4260 dans .Z)J]/H,p. 85; .dRÀ/, X. : R's 9, 53, 81, et IXlll 12: Une gaàôafw, ou qammaflï(la lecture n'est pas certaine), dans ,4R]W, X : n' 80.

Al'époque2neosassy'benne,on connaît aussi les ràggima (maso.)et raggfmfa (fëm.) 13. Comme ma/zf/sde ma/æomaï,en grec. 14. Le verbe apæZa signiûe « répondre à une question », mais aussi et sa(sur ce damier sujet,

voir la note suivante). tée à la note précédenteet .4R.4/, VI : no 45; X : n" .7, 8, 50; XLII : n' '112. Et sur le sens de cet examen, se reporter à l'article de A. Finet, Les symbolesdu cheveu,du bord du vêtement et de l'ongle en.MésopotamieÏ.p: 101s. de l;auvïage cd\lectiî Eschatologie et Cosmologie, Ro 3 deél.Annalesdu Centre d'histoire des religio?ti

90

ï//anazzaz,

tion essentielleet commela çbcation du 'personnage;voir dans ce sens /ôïd.,ligne 8 s >>

est ambigu, compte tenu que tout.sujet était de soi ,et la forme de la

comme témoins dans les contrats a, ou comme bénéâciaires de distributions de vivres ou d'émoluments ô; certains semblent rattachés

nière, dans l'état présent d'un dossier imparfait, mais dont la valeur statistique paraît assez solide, c'est que si l'on y a manifestement

Lassa ô. Il n'est donc pas exclu qu'au moins tels ou tels de cesperson-

directe de la connaissance divine du secret et de l'avenir, faite à l'anté' ressé lui-même (par , ce qui suppose que ces derniers,

au moins, composaientun corps social.D'autre part, il sepeut bien

de certaines régions, en particulier -- si nous sommes bien infor-més -dans le nord-ouest (Mari) et le nord (l'Assyrie).

aussi que, comme à Mari, telle ou telle de ces personnalités ait, une

fois ou l'autre,joué un rôle politique; ainsi comprendrait-onmieux cette apodoseisolée d'un traité de tératomancie : ,des protases ont été conservées(voir

2. Voir notamment les passagescités (notes précédentes) du CHI), E et Z. 3. rCZ.,, ] : n' 57.20s.; X : n' 34 47. Le mot maÆ4z2 y est écrit ]es deux fois par son sumérogramme .[ C/.GC/B..B,4 : ,q'ui>, ou .

l'article cité de R. D. Biggs). C'est iÏonc ici quelque chose qui relève, premièrement: de la divination déductive. 'ÏbÜtefois, l'existence même de ces recueils, et précisément dans la mesureoù l'on y a supprimé les protases, et même si l'on a de bonnes raisons de croire

(Pour le sens,camp. la lettre de Mari citée plus haut, p. 92, n. l). 4. 7CZ,, X. : n' 39 Il et 69 4; il s'agit alors de femmes, qui ne sont du reste peut-

que quelquesprédictions on pu être faites, on ne sait dans quel but, ex .eve/zra; implique un certain intérêt endémiquepour les rêvé/af/o/z.ç touchant l'avenir et, de ce biais, trahit une mentalité plus ou moins inclinée vers la divination inspirée, domaine propre de la

être qu'au service chacune d'un ma&4ü (voir Z 4 59, 1969, p. 220, note 1049).

s. rcb X : n' 39 Il (à la déeÊs e Inanna de la ville de Zabalam), et 69 4 (au dieu NingiËzida, dont l'attache locale n'est point précisée).

comme telle. On peut également souligner, dans le même sens, que deux de ces recueils sont mis sur la bouche d'êtres divins, détenteurs naturels de la connaissancede l'avenir : un ancien roi qui, après sa mort, semble avoir été considérécomme un personnage surnaturel, Ëulgi, deuxième souverain de la llje dynastie d'Ur (env. 2093-2046), et surtout Marduk, devenu pratiquement le dieu suprême à Babylone,

6. .HUC,4 34, 1963, p. IO, ligne 89.

7. R. P. Dougherty,Records/rom E/ecÆ, 7ïmeof ]V2zbolz/dœi, pl. IV, n' Il -- avec

le duplicat VAT 8418, signalé dans HF0 2, 1924-1925,p. 108 s. -- : ligne 28.

8. /zbæ,p. 131 : tabl. XI 7.

9. Voir notamment.area/æ.s, p. 200et 249s.

à la ân du Il' millénaire.

10. Voir par ex. M. Streck, .Hxsz/rôan@a/, 11,p. 120 a : Annales V 95, avec la note 7.

95

94 r

ËHI

JEAN BOTTËRO

SYMPTÔMES, SIGNES, ÉCRITURES

pratiques divinatoires pour tout un chacun ï. Entre autres procédés

b. Les pratiques annexes de la di'giration inspirée.

pour connaître le futur -- sur plusieurs desquels nous aurons à reye-

Il s'agit là encore de l'usage ofbçiel de la divination inspirée. Son

usage privé est mal documenté. La faveur qu'ont toujours

gardée,

depuis la haute époque, les révélations par songes porterait à penser que l'homme de la rue avait dans ce pays un faible pour la recherche

de l'avenir par un contact plus immédiat avec les dieux -- ce qui constituele trait essentielde la divination inspirée. L'impression est confirmée par deux ou trois pratiques : où subsiste la même note foncière, diversement mâtinée d'autres croyances et usages. Pour des raisons diÆérentes,elles sont assezmal connues.

La première est l'ïncuba/fon. On appelle ainsi un procédé, connu ailleurs a, qui cherche à provoquer un songe révélateur, un contact

onirique avec le monde surnaturel,.pour en tirer la connaissancede l'avenir. Un passagecélèbre de l'.l»épée de GÏ/gamesnous montre le héros qui, en route avecson ami Enkidu pour la Forêt desCèdres et anxieux de ce que leur réservera cette formidable entreprise, >,fait cette prière : s. Il se met donc en position d'obtenir plus immédiatement du monde divin la révélation nocturne de ce qui l'attend : la montagne,

à son sommet,le rapproche des dieux; l'espacesacré dans lequel il s'enferme l'isole du reste du monde; et la prière qu'il fait devrait être efficace-- et elle l'est. C'est donc de la divination inspirée, mais pro vogzfëe.Le mêmeusagereparaît çà et là û; et qu'il ait été répandu dans le peuple, on en trouverait la preuve, au moins pour les alentours du milieu du ler millénaire avant notre ère, dans une sorte de recueil de [. Faut-i]

ranger ici ]a >imploré 3. Il n'est pas tout à fait sûr que ce >de ce pays.. L'ampleur

ment exaucé, '(car) le dieu a entendu sa prière '

souci«.e le caractère implicite de dialogue avec le.monde .divin? de

contact plus immédiat avec.lesdieux,,qui est celui de la clêQonomau'

de l'exposé ci-dessous, comparé

au peu de pagesqu'on vient de lire touchant la divination.inspirée, est'à l'échelle de la documentationautrement considérablequi se trouve sur cc chapitre à notre disposition : à peu.près tout ce .qu'on a classéplus haut sous le titre de TëmoÜ/cages dïrecfsressortit à la divination déductive.

Il est vrai que, surtout pour les traités, mais aussi pour les observa-

tions et examensdivinatoires,il s'agit ici de textes savants,écrits par et pour destechniciens.De ce biais, on risque fort de.juger mal l'état réel des chosessi l'on étend, sansautre précaution, à la popula-

Ü :

ligëlignn

:sÂ:qEx=..

",

98

«

"""

"«"

tion entière ce que notre dossier exactement compris ne nous permet

d'attribuer qu'à un groupe après tout restreint. Maisl pour .quece dernier ait joui d'une aussi grande inRuence,pour qu.il se soit senti poussé et comme contraint à développer si extraordinairement. .sa discipline qu'elle est devenue à la fin, statistiquement, la première

dans les préoccupationsintellectuelleset littéraires du temps, ne 1. Voir les références données par L. Oppenheim, p. 54 et n. 10 de son article cité àla n. 3, p. 98. .

99

H

Ë.l l

l JEAN BOTTÉRO

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

faut-il pas qu'il ait été encouragépar une croyance universelle et profondes?Même si l'homme de la rue ne voyait pas du même œil que l'expert la divination déductivea, il devait donc, en Mésopo' tamis d'autrefois, la tenir plus ou moins confusémentpour quelque

formes et des aspects diŒérents, de chacun desquels on pouvait tirer, par analyse, des aspects diÆërents du future Il n'est donc pas surpre-

chose de très considérable.

De cette divination déductive,la partie à la fois la plus originale

et la plus clairement et abondamment documentéeest la théorique, la logique, disons hardiment :/aparfie ic'ïenr@gœe, qui réclame d'abord toute notre attention.

Pour mieux ordonner et comprendreune aussi énorme massede documentsa, il y faut introduire une distinction liminaire fondamentale, selon la double présentationpossiblede son objet premier le présage.Ou bien œlui-ci se trouvait d'embléeà la disposition de l'homme, lequel n'avait, ni plus ni moins, qu'à l'enregistrer et l'observer, avant de l'étudier; ou bien il ne lui était d'abord pas apparent, ou pas disponible,et il devait premièrementle rec&ercÀer ou le produire -- il faudra voir dans quelles conditions.

dont la variabilité est moindre par nature, comme le règne minéral, et même celui des végétaux, voire, dans une moindlle mesure, des animaux : ils ne sont pas restéshors de l'examen des devins, on va le voir, mais leur pauvreté formelle n'a point. permis qu'on leur consacrât des analyses très poussées et même de véritables traités indépendants?

comme ce fut le cas d'autres objets, de l'ordre des corps célesteset

surtout de l'ordre humain. On les a donc de préférence étudiés avec

plus ou moins de détails, comme autant de paragraphes ou.de cha-

pitres de traités dont le propos était tout autre: Le plus célèbrede ces traités, et le plus copieux, que nous aurons à citer. souvent?était une sorte d'encyclopédie divinatoire par les aléas de la vie quotidienne, centrée sur l;homme et sesconditions de vie, urbaine, sociale, familiale,

de 107 tablettes, c'est-à-dire quelque chose comme une dizaine,.de

Pour sauter tout de suite à une conclusion d'ensemble. dont le aux yeux de l'historien

général de ce mot -- et traité en parents pauvres des ordres entiers

son environnement, ses travaux et ses jours. Il comprenait plus

a. La di'pination déductive de simple observation. poids devrait être considérable

nant que les techniciensde la divination déductive.aient porté plus d'attention et de soin à observerles êtres les plus riches en singularités et en transformations, les plus >. 'Par malchance,'Iln'en existepasencore d'édition critique et à jour, et les étudesde F. Nôtscher l peuvent tout juste donner une

cité

101

11'

P

JEAN BOTTÉRO

SYMPTÔMES, SIGNES, ÉCRITURES

pluies, orages, dontl'étude -- l'>-- attestée. encore modestement, dès la première moitié du He millénaire2, a produit une vaste compilation qui comprenait dans son état final 70 tablettes soit à peu près 7 000 oracles. On lui donnait pour titre, selon l'usage,

les premiersmots par quoi elle commençait': enûma..4/zæ En/ï/. les quels introduisent une façon de prologue cosmogonique marquant le rôle imparti aux astrSlspai' les dieux créateurs du monde : Une partie seulement,non petite, 'de ce > nous

a été.conservée,éditéed'abord, au début de ce siècle,par Ch. Virolïeaud dans sa monumentale

.4x/ra/agie c&a/cïëen/ze4, à quoi l'on a pu

ajouter beaucoup depuis, comme le montrent les études plus récentes,

de E. F. Weidner5 notamment.Une édition critique est en cours preparëe par Miss E. Rainer, à Chicago Le traité lui-même a été agrémenté de résumés d'extraits. de commentaires, Qe catalogues.avec toute une littérature d'observations, de rapports, de lettres tournant autour des préoccupations astroloBiques, surtout omcielles, mais aussi privées', principalement au ler millénaire,dans la seconde moitié duquel apparaissent meme

Si le jour de sa disparition, disparition, la Lune : s'attarde s'attarde dans le ciel (au lieu de disparaître

d'un coup) --'il

y aura sécheresse-et-

famine dans le pays ' Si le 29 du môi; d'Aiîar (avril-mai) se produit une éclipse du

Soleil -- le roi mourra, durement châtié par cama!; mortalité générale' Si Vénus s'attarde à son zénith -- les pluies cesseront4 Si au mois de Telrît (septembre-octobre),Mercure est visible à l'est, puis à l'ouest -- bataille 5

Si l'Orage 6 gronde au mois de Simân (mai:juin) -- révolte dans le pays' Si l'éclair se dirige du sud vers l'ouest -- pluies et inondations 8

S'il pleut au mois d'l.Jlûl (août-septembre),le 8' jour -- mortalité générale'.

DiRusée dans tout le Proche-Orient dès le milieu du Ue millénaire îo,

cette asfro/agie est devenue au ler (avec l'hépatoscopie) une des tech-

niques divinatoires les plus pousséeset les plus en faveur en Mésopo-

des horoscopesv.

tamie, d'où elle a continué de rayonner alentour et jusque fort loin ::

Voici maintenant quelques brèves citations du traité, pour donner une idée de la matière et de son traitement

tion >>est le dernier(28' ou 29') dü mois lunaire.

On a pu lire plus haut un compte rendu d'observation d'éclipse.

1. Mot à mot : « le dieu »'Ïil s'agit de Sîn, dieu de la Lune; aÆérente n'a fait que s'entier avec les siècles, et

l'ouvrage classiqueconsacré à l'aruspicine est devenu une >imposante, plus encore que celle qui est consacrée à l'astrologie. Malheureusement,cette littérature n'est bien connue à ce jour que d'un ou deux spécialistes qui, s'ils ne manquent pas une occa-

sion de souligner qu'ils la connaissent bien, ne semblent pas s'être souciés encore d'en préparer, ou même seulement d'en annoncer.

pour le bien commun,je ne dis pas une édition critique -- travail considérable, qui nécessiterait toute une équipe --, mais du moins un modeste schéma de mise en ordre des documents. Faute de mieux, je tirerai donc des seuls traités paléo-babyloniens les quelques oracles

gescÆRHe,8. 1941IP0 81 : 7. ligne avant la ûn.

j. Mot à'mot : à n'a point de porte ».

l .RJ

6î,.p.. 4q 1.51 ?:; à la ligne 57 du même document, les parallèles (yOS, X

n" 25 8' et.70'; 26 lï.[10J; .51 s. 1116;.ainsi que 20 21; 25 47'; 26'11 30 et ïiï 43)'et le sens(voir .4Hw, p 693)invitent à considérerle ï-na/-'i-fd du texte comme une faute du

scribe pour ÈXaAëï-f! .: /za'édæveut dire >-- l'intéressé est en proie à une vieille dette d'argent vis-à-vis de Sîn 5

3

lorsque tu verges(la substance aromatique) sur la braise, la

fumée s'échappe (seulement) vers la droite, non vers la gauche

tu l;emporteras sur ton adversaire. Si elle s'échappe(seulement)

Cette discipline mantique ne semble guère avoir donné lieu à une littérature, technique ou non, importante : du moins en avons-nous, grâce à G. Pettinato, une édition récente et à jour 6

Du dossier qu'il a rassemblé, il ressort que, pratiquée plus volon-

tiers.à l'époque ancienne (et connue chez les Hittites 7),la léëanomancie

l'était encore au l'r millénaire 8, mais avec une autorité ofûcielle fort diminuée, peut-être au prout des bonnes gens de la rue. Tel paraît également avoir été le cas des deux autres techniques apparentées,

versla gauche,non vers la droite -- ton adversairel'emportera

sur toi D

1. Orle/zla/lan. s. 32, 1963,p. 384 s. : 7 s. et 19s. : apodose>(voir p. 87)

2. 1.oc cü.(inoteinrecédtons, Po381s' manuscritssubsistantssont du ï" millénaire

lesquelles ne sont même plus attestées, dans notre'dossier, après le

He millénaire.

1. Z.4 57, 1965,P. 128: 6.

2. Blot à mot : « sije fais(la manipulation))>.

4. 1bid. 4 5. Zbfd.,p.14.et 25 6. Citée Îci : ô/.

8 Apodose (voir çi-dessus, p. 87).

7. Voir C7:#, p. 9S : 542. Un des textes trouvésen Mésopotamie est d'Assur,

àà dater millénaire :: X,4R, .K,4R.n dater de de la la ûn ôn du du Il' Il'.millénaüe n' 151, (d/« p. 77 s.). Les trois autres, les plus copieux, soit paléo-babyloniens. i. Voir ôl., 1, p. 19 s:

116

qu'ilysoit

dissous,

' 4. Libanomanzia

ét le mauvais presto

destin avec lui:

i Babilonesi,

dans.

4ïvïsr!.deg/ï

p. 303 s; voir aussi R. D: Biggs dans.R.A 63, 1969, P. 73.

5. Art. citédeG. Pettinato,p. 318: 3 s.

117

.

..

.

.

ôïz/dz

..- '

. ,. '.

orle/z rail

'li,

.'- ...,

iyoo,

SYMPTÔMES, SIGNES, ÉCRITURES

JEAN BOTTÉRO

Si la partie haute de la fumée se regroupe comme (les branches

d') un palmier, tandis que la partie inférieure demeure grêle -- un chagrin surviendra à l'intéressé l

Ces trois techniques -- et peut-être, d'un peu plus loin, ce que j'ai

ç. La di'giration déductivepopulaire Il n'en va pas de même pour ce que l'on peut appeler la dîvï/zaïhzz

de nouveauà la méthodede la divination déductive.Dans tous les

c2ëduc/ïve pope/aire ï, laquelle, peut-être très tôt a, s'est trouvée mise en parallèle et en rivale pauvre à la divination des techniciens.D'une

autres présages, observés autour de soi ou recherchés parmi les

de témoignages écrits : nous en avons assez, ç?ependant, pour mus en

appelé la -- apportaient quelque chose

entrailles de la victime, le segmentd'avenir 1;s'il ne s'en approchepas, c'est que le malheureux amant a été >4

Dans le petit vade-mecumdivinatoire à l'usage du tout-venant, déjà cité à propos de l'incubation

ô, il est conseillé à qui veut connaître

l'avenir de prendre pour présage,par rapport à une questionprécise

devins aient beaucoup apprécié cette sorte de promotion de leur rôle

d'autres techniquesanaloguesen grand nombre eussentété imaginables;et pourtant nous n'en connaissonsaucune,en dehors de la lécanomancieet des deux autres, qui ait été mise au point et surtout codifiée 3 -- ce qui était la marque de la divination déductive cljîcïe//e et savante.

1. Art. cité de G. Pettinato,p. 318 : 12. 2. C'est içi que s'insère pareillementl'ordalie(ci-dessus,p 87), en dépit du

pl 3. lolns pc l qu'nn appelait le /zÎJ /iZ)ôi,mot à mot le « lever du cœur », métaphore

fait qu'elle recherchait non le futur mais le passédans sa relation avec le présent : quel

üis4Erl$,DmaiB transp$5ln9;'C.4, Jlzcîelzr À/esoparamfaPZ Parency Incalzrarfa#s,p. 46,

3. C'est-à-dire dont la matière ait été analyséeen toutes sespossibilités, comme c'est

n'5. E. Rainer, Fortune Telling in Mesopotamia, dans /NAIS 19, 1960, P. 23 S., cité

était le coupable du crime commis.

le cas pour tous les domaines explorés par la divination déductive(ci-dessus.

118

p. 84).

p.97,n.l

119

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

JEAN BOTTÉRO

et posée à l'avance, les réactions d'un bœuf brusquement arrosé d'eau

froide, en pleine nuit ï. Il en est prévu dix-sept, énumérées,comme c'est l'habitude dans les traités, par contraires ou par variantes : ou >;en rêve, desquels chacun fournit

les grands traités : ou .lci, comme on le voit, c'est toujours de la divination déductive, où toutefois le>non seulement produit ses présages,

œlui de l'asfro/agie, toujours dans le même recueil de >,pour la Balance; ,pour le Capricorne. Pour obtenir une de ces cases, et peut-être plusieurs, car il pouvait y avoir des combinaisons multiples, on devait se servir de dés ou d'osselets.L'orientation divina-

toire du systèmen'est pas contestable.Mais, ici, le de la tablette attire l'attention sur un élément nouveau. Le>en question porte en eŒetle nom de n'indique pas nécessairement qu'elle aît été du même coup

1. Voir C,4.Z), K, p. 435b : 2. 2. /bïd.,

ô,. Divination populaire et ÜÂ jeu de hasard »

1, p. 198 b s., et .,4.#w, p. 881 b s.

3. Pour les parts d'héritage, voir les textes cités, par ex., sous /sgæ,dans CH.D,

/oc. cff. Pour les fonctions publiques, voir la curieuse pièce, justement én fo rme de dé,

publiée dans F.J. Stephens, Ho/fveaædJ7 forica/ 7exh..., pl. XXVll, n' 73 : >J'ai alors traité les présages. Dans le premier, il y

si l'on

en croit les traités, chaque détail signiÊcatif d'un point oraculaire constitue un présage et donne un oracle : le devin, ici 2, ne mentionne même pas le résultat anal, sans doute parce qu'il l'a trouvé conÊrmé

Pied (?) était tourné vers [la Membrane (?)] du Creuset; l 'Assise du Pasteur était liée à droite [et détachée à gauche?]; il y avait le Choc-du-Front de l'Ennemi[... ] ; la partie gauche du Doigt était brisée ; l'Excroissance [...] ; ]es Parties-hautes étaient

par le contre-examen.Car il procèdeaussitôt, commeGétait apparem'

[.-]; le Cheminétait normal; ]a Demeurede gauche[...]; ]a

façon de balance entre les éléments favorables et défavorables de

ment la règle, à la vériôcatioïi épïgï/fu 3) sur une secondevictime, dont

il détaille l'autopsie comme il avait fait pour la première..A la. ûn, seulement,il donne le résultat général : le roi n'a pas à s'inquiéter

normales. Dans (la pièce traitée pour) mon contre-examen,

pour

Porte du Palais [était normale (?); ]'Assise du Pasteur (?)] était détachée à droite [et liée à gauche(?)] ; à la gauche de [... ]e/]a...]

l'épreuve et de la contre-épreuve. Il est possible que le devin lui:même, grâce au détail de son examen, se soit fait une idée plus nuancée de la

était fendu(e) [...] ; il y avait l'Implantation du Trône; ]e Doigt

était normal; l'Excroissanceétait très renforcée(?); les Poumons étaient normaux; le Cœur était normal; les Partieshautes étaient normales. (En conséquence), Monseigneur ne

doit pas s'inquiéter au sujet de son arméea.

L'opération divinatoire est ici complète.Elle est faite dansun but défini, marqué en toutes lettres et mêmeavec un certain détail, au

son armée.

Sans doute

a-t-il

tiré

cette

conclusion. .d'une

situation à venir, répondant mieux au détail du questionnaireposé en tête de l'opération; mais ce détail, il ne le précisepas ici : il se contente. en somme -- et sans doute est-ce là ce qu'avant tout l'on attendait de lui, comme d'un médecin, à qui personne ne songerait à

demanderautre choseque le fïn mot du diagnosticou du pronostic de donnerau roi, en'l'occurrenœ,le ,commeil aurait donné le en cas de résultat ûnalement défavorable.

début : quel sera le sort précis que réserve à l'armée de Mari sa ren-

contre avec le roi de Babylone? Capture? Défaite? Par llammürabi en personne,-ousesalliés? Choc hostile, ou arrêt des hostilités par entente

pacifique? Retour en bon état à Mari? Le devin d'abord une première victime rmaërfrœ,),dont il se contente d'énumérer les sites oraculaires qu'il y a relevés,en notant leur présenceou leur état, mantiquement significatifs. Il y en a une douzaine, dont certains

portent une dénominationqui paraît tirée de l'oracle essentielqu'ils contiennent : ainsi le ,probablement l' > ou « oniromancien ». Peut-être leur faut-il ajouter d'autres techniciens,comme ceux de

ï.

.,4.Zïw, p. 684 b, s. v. mæ.ibÆÆ'œ.

2. Ils sont à plus d'une reprise mentionnéscôte à côte : voir le texte cité p. 73

n. 7; et ]esvers 1 52 et Il 6 s. du .Lœd/œ/ ôê/ /zêmegi,dans .BMZ, p. 32 s., 38 s.; autres réf.,

îb/d, p. 284,note sur 52.

3. Ainsi encore J. Ronger, dans Z,4 59, 1969, p. 204 : naissance,jouissant d'une totale intégrité corporelle îo, obligations évidemment crééespar le corps desZ)ôrüeux-mêmes,peu soucieux d'ouvrir à n'importe qui leur mandarinat, au risque de dévaluer

leurs privi[èges. ]] faut d'ai]]eurs convenir que ]a seu]e nécessité limi-

naire d'interminables étudespour posséderà fond toute la panoplie des traités de la scienceet des manuelsde la pratique divinatoires n,

célèbrez. Il n'y en avait pas toujours dans les agglomérations secondaires'2,mais les villes, surtout d'une certaine importance politique a, en comptaient un certain nombre, et même parfois beaucoup trop, comme le laisse entendre un présage de la lre.tablette du Jumma ô/u. qui voit là?.non sans humour, une menace de >rsapéézlJ

pourra villes

Rien ne dit qu'ils aient été rattachés à un temple, à un sanctuaire, et encore moins à un de ces,au sensgrec du terme, inconnus

dans le pays5. Si certains épisodesde l'examen divinatoire 'pouvaient coïncider avecdes moments de la liturgie ofhcielle 6 et, par conséquent,

se dérouler au lieu par excellencedu culte, avec, de ce point de vue, une préférence possible pour tels ou tels sanctuaires 7, il arrivait aux

devins d'ofHcier ailleurs, par exemple au palais 8. En réalité, c'est

sansdoute là surtout qu'était leur point d'attache : ils étaient au service du roi 9, qu'ils suivaient même en ses déplacements, et surtout

dans..sesexpéditions militaires 10. Soit dit par parenthèse,une telle

mobilité démontre combienpeu localisé était l'exercice de leur art. En tout cas, assimilés comme on vient de les voir au personnel du

palais et du roi, ils étaient donc, en tant que ôôrü, tout à fait et profanes, non moins même

Chaque ôôrî2 était donc une sorte de (haut) fonctionnaire î', occupant une >,et qui parfois s'y rendait

texte de Mari cité plus haut nous a permis d'entrevoir les approches

[. A. Fa]kenstein, dans .D ]W], p. 48 s. Au ]''

($68-627), qui«

11, p. 362 :

voulut

2. A. Falkenstein, /oc. c/z'.,p. 46.

)>(M. Streck, .4ssærôaæfpa/,

3: (dans

'

W. Ring, Baby/onfa/z .jazz/zdary Sfopzes

lignes 16, etc.

4. ..4.R]U, Vll, p. 235, n. 1, et .Z)JWH,p. 92. S. R. Fmnkena, Brf(gë airs de/?z.BrffisÆ.4/KseKmi,p. 10 s. : n' 17, lignes 13-15.

6. R.4 53, 1959, p. 58 : 7, et sur ce personnage (Asqudum), voir i)À/l,

p. 92.

7. Celle desmdr ôôrê(mot à mot : >,idiotisme qui n'implique nulle-

ment une charge héréditaire) : réf. dans Z.4 59, 1969, p. 214, n. '1009.

8. MaÆÏ/ ôô/ê, 32@ïr&drê ; >(réf. fôfd., n. 1010 s.), et plus tard, raôî bôrê ; >(C.4D, B, p. 125 b).

9. Mot à mot : : e//H (voir CHI), E, p. 105 : 3 a); il'ne s'agit point de

{'appartenance à une aristocratie, qui n'existait pas'dans le pays, mais seulement à une famille aisée et indépendante. IO. .8B.R, p. 118 : n' 24 27 s.

11. Allusion fbfd, p. 118 : n' 24.22, qui renvoie à p. 96 s. : n' 1-20; comp. Streck,

..4xsœ/üaæ/pa/, 111p: 362 : /, 3 .Mais, comme nous le verrons mieux plus loin ô, toute cette casuistique ne fournissait que les paradigmes d'une science dont les principes non écrits devaient permettre de résoudre /ous les cas c'est lace aux imprévus qu'un bon (devin montrait son métier ». comme un bon médecin devant un syndrome inattendu ou Jamais décrit Chaque présage étant ainsi résolu en son oracle, il fallait au Z)ôrü, comme un parallélogramme des forces 9 qui donnait la réponse

Tout devin que je suis, (j'ai trouvé) mes présages-hépatosco-

pisser à un troisième examen(CT, XX, pl. 46 : 11128 s.). Il est possible que çes e)iamens

omineuse en question : >;parfois en vain, au moins pour retrouver l'exacte situation

le cas échéant,équilibrer ce contenu oraculaire composite, en pondé'

Au long de cette étude, et comme pour en accuser le caractère humain et faillible, pouvaient se glisser des >r'egü/æJ3

surgir des complications inattendues, voire des discussionsentre gens un a moine de métier 4. On même aes des cas où l'opérateur déclarait forfait et

compétenceet l'attention de plus d'un bôrü à la fois a.

au prix de recherchesplus ou moins fastidieuses au sein de cet énorme fatras :(C.4D. B, p. 123'b), ou >(ÀJïw, p. 791 b :

B 3): Camp. du reste le texte cité par L. Oppenheim, .4Pzcfeizf À/eiopafamfa p. 369, e: 74, et commenté

p. 227(trad.

fr. p. 376 et 236). A. Reisner, SumeÜscÆ-baàJ,lbnïscÆe

.27ym/ze/z..., p. 8, n' 4 : 52 s., marque que les devins pouvaient forfaire à leur métier et « mentir >>.

5. Joœrna/ o/ fÆe Roya/ .4sfaffc Sache/y, Ce/zf. sapé/,

pl. 3, revers 2; voir

aussi

.BMZ, p: 32 : 52; 38 : 6; 44 : 109, où il est fait allusion à l'impuissance ou à l'incapacité desdevins; et, par ex. JC, Il' suppl. : LXl1 30 : « les ôôrü ne font aucune réponse aux présages».

133

T b

JEAN BOTTÉRO

SYMPTÔMES, SIGNES, . ÉCRITURES

IJn médecin, un mathématicien, un juriste n'eussent pas procédé,

opéra/ions divinatoires

fiques.

liturgique )>,où le cérémonialétait à sa place. Et pourtant l'immersion que nous constatons là dans la croyance religieuseet la piété, il semble que nous devions l'étendre à tout exercice de mantique

raisonné ni parlé autrement. Comme technique, la divination déductiveétait donc aussi que ces disciplines scienti-

: : les seules que nous connaissions

un peu

mieux semblent être justement celles qui tiennent de la >(lettre paléo:llabylonienne : R. Frankena, Tabw/ae 'c iefMormes... de l,labre-Bô#/...,

lÿ

: n' 50, 22 s.).

On pouvait aussi consulter les devins, non devant un présage, mais à l'occasion d'une

préoccupation ou d'un projet dont on voulait connaîtreÎ'issue : .l?ar e3emplg,une affaire de santé (J. Nougayrol, et le texte n' 218, pl. LXXXll,

JCS 21, 1967, p. 220 : B : 1-2; p. 221 : E : 1:2; etc. ligne 29, de E. M. Grime, Records /ram [/r and ].a/:a?

tation mantique. C'est pourquoi, afin de donner une idée du côté religieuxde la divination déductiveen so/zexercice,il est utile de rappeler ici ce que nous savons des pratiques divinatoires, même si nos documents ont chancede se rapporter surtout à celles que nous avons appe]ées . Les conditions de lieu, de temps, de présentation

des personnes,

d'abord, y trahissent le sentiment du >et la conscienced'une

certaine communion avec le monde divin.

Nous ne savonspas bien si n'importe quelle consultation divina-

toire pouvait se faire n'importe où, encore que ce n'ait pas toujours

été obligatoirementdans un sanctuaire,mais elle ne pouvait certainementpas sefaire n'importe quand. Il y avait pour elle aux dieux o6ciellement -- c'est-à-dire

au nom du souverain,et non pour un simple particulier(voir ci-dessus,EfZ)id). D.ans le cas des pouvoirs publics, il y avait naturellëmeïit des prises de présages cirëgnstanciées et « sur commande >>(voir 'p. ex. .4.R]W, Il : n' 13ÿ 5-10; et' l)À/.4, p 88 s.). Mais

Les Grands ])jeux de la Nuit

il est vraisemblable que se t;ouvait instituée une sorte de consultation divinatoire

permanente pour faire en quelquemanièreà tout momentle point sur la marche à venir des affaires publiques. Dans ce but, on a dû obliger les fonctionnaires à

communiquerd'ofïicë et d.'urgenceaux devins ofËlciels,ou à la cour, les événements

1. Ceque l'on appelaitnêpegfïbôrî (Z.4 59, 1969,p. 208et n. 953).

extraordinaires etpar conséquent présumés omineux(ci-dessus, p. 100 s., n. 4, et camp. p. 92, et p. 133,n. 2) dont ils auraient eu connaissance à travers le pays, et à régulariser aussi lest prises de présages», terme qui seréfère à la consultation des.qruspices, avec

2. NBK, p. 220 : 1 50 s. et 226 : Il 60 s. (Nabonide); et comp. .4BZ,,XLII : n' 1278, B 6 s. (trad. dans Ze/fers, 1, p. 288 s., n' 340); .K'HR : n' 151, revers 56; et DIWH, p. 32

ple, lorsqu'on lit le texte cité plus haut(p. 112,n. 1), on a bien l'impie?sion que le cérémonial'liturgique, ûxé d'autre part, était normalement doublé, en.quelque sorte, d'une

augure : rCZ,, VI : pl. XIX, n' 9, face, 24. Voir aussi le passagecité p. 165, et n. 1,2.

tout ce qu'elle impliquait : sacrifices de victimes, dissection et examen. A Mari, par exem-

façon de surveillance divinatoire, avec présence du bôrz2 à côté des sacriûcateurs et

examensystématiquepar lui desvictimes(ce qui, soit dit en passant, conârme ïg caractère; de'l'aruspicine : cf. ci-dessus, p. 112, et n. 2). Tous ces éléments,

on le voit, donnaient une variété considérableau cérémonialdesopérations mantiques.

134

ut n. 3 s

3. Ainsi, apparemment, le jour de la fête du dieu local, puisqu'il est de mauvais 4. Voir déjàplushaut,p. 96 et n. 3, où la scène-- il est vrai qu'il s'agit d'incuba-

tion =-- sepasseévidemmentde nuit. Nous savonsaussi(voir W. G. Lambert dans/raq 27, 1965,p. 6 : 111,24 s.) que la cérémonieordalique se préparait par une veillée pro-

longée

135

T b

JEAN BOTTÉRO

SYMPTOMES, SIGNES) ÉCRITURES

Le lumineux Gibil, Irra le valeureux, l'Arc, le Joug. le Dragon,

paroles. Leur caractère déprécatoire suent, pour l'heure, à nous mon-

Le Chariot, la Chèvre,et le Bison et l'Hydre,

trer, avectout ce qui précède,à quel point la divination déductive--

Qu'ils se présentent(maintenant)

très diÆéremment toutefois de la divination inspirée 1 --

(O vous tous,) dans le présageque je traite...

baignait,

elle aussi, en quelque sorte, dans une religiosité profonde, et était mise

Placez la Vérité î!

entre les mains des dieux.

D'un autre côté, l'acte divinatoire requérait une certaine prépara-

Nombreux sont les dieux qui intervenaient de la sorte, d'une manière

tion. Non seulement la victime, quand la procédure choisie en voulait une, devait être, selon la règle a, >

ou d'une autre, dans les opérations divinatoires, appelésà l'aide ou invoqués par les devins et les fidèles : des moindres, comme Gibil,

('e//æ,Xuk/œ/z/J a, mais le devin lui-même, de quelque grande déesse, lëtar sans doute.

137

T SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

6

JEAN BOTTÉRO

jugeait toutes les actions humaines, dont pas une n'échappait à son

déductive appliquée, tenue.pour présidant aux actes divinatoires et garants de leur résultats : Samaget Adad. C'est eux que l'on « inter-

regard 1 : c'est indubitablement en tant que dieu de la Justice que Sa-

mai est devenule dieu par excellencede la divination. Nous allons revenir sur cette équivalence. De tout ce qui précède,il ressort donc que, si la divination déductive,

rogeait au cours de l'examen-divinatoire (ôîrzi) 1 >>,l'on

procédait à cet examen, qui aboutissait à ]a épurzlssüJ a, laquelle était prise et portée

sous toutes ses formes, apparaît, par son mëcanfsmeune activité

.C'est pourquoi on les invoquait si souvent comme >

était pourtant da/zssa prafïgue imbibée de religiosité a, et mise en

(pur isiD 7 et de la >f'iÆrïZ)œ; '.

rapports étroits avec le monde divin. A ce point que le devin luîmême, dont nous avons pourtant vu combien la réponse à la question divinatoire dépendaitde son travail, de sesréflexions,de ses

L'intervention d'Adad 9 dansle domainemantiquen'est pas facile

à expliquer : c'était premièrement un dieu de la Tempête, de la Pluie, de l;éclair, de l'Orage îo. La clé du mystère est peut-être à chercher

études,de son application de la méthode et de la logique propres à sa

dans un usage emprunté aux Sémites de l'Ouest, puisqu' Adad était une divinité purement sémitiquen, comme SamaË.Ce dernier,

ou de :{ prédiction >>,mais en termes de rôê/ê ôîrï,' bê/êïkrïbïJ, mais

cama!, seigneur-et-maîtredu jugement-divinatoire, Adad, seigneur-et-maître de la prière-consécratoire (pour obtenir une réponse divinatoire) et de l'examen-divinatoire, vous qui trônez sur un sièged'or et mangez à une table de lapis-lazuli,

oraculaire >>rbê/ê dhï,' bê/ê pærusiê,),les propres mots qui servent

oraculairez

que patrons de la mantique, étaient appelés, non seulement ne se

confond absolument pas avec l'avenir inéluctable. Car, pas plus que

le verdict du juge, celui du devin n'était inévitablementexécutoire. Prenons par exemple l' 129 du de Uammurabi.

C'est en réalité une sentencequi condamneà mort une épouse prise en flagrant délit d'adultère, et son complice; mais le texte ajoute que « si le mari veut faire grâceà son épouse,le roi pourra de mêmefaire grâce à son serviteur >>,l'amant de l'infidèle i. Les dieux qui décidaient

l'avenir par la consultation-divinatoire n'avaient pas moins que le souverain d'ici-bas droit de repentir et de grâce. Aussi le consultant ,c'est-à-dire qui avait reçu du devin une réponse défa-

vorable touchant son avenir, gardait-il loisir de se tourner vers ses juges suprêmespour leur demandergrâce.Voilà pourquoi il existait des lzamôurbû z, des rituels (MÂË.E

pÀ î), spécialement des hauts dignitaires du clergé, laquelle impliquait

1. LES ORIGINESET L'EMPIRISME

l'exercice de l'aruspicine a. Moins d'un siècle plus tard, vers 2450,

un passagede la stèle des vautours d'Eanatum de Laganmontre {>est un terme ambitieux et impropre, au bout du compte,

puisqu'il ne serapporte, en l'occurrence,qu'à ce que nouspouvons savoir de la divination dansle pays à partir du moment où, grâce à l'existence de documents écrits et intelligibles, il est entré dans l'ère historique.

que l'on croyait alors à la valeur omineuse des songes -- par plutôt que par oniromancie proprement dite 3. Après 2350, à ['époque d'Accad, est attesté ]e recours usue] à ]'orda]ie,

]aque]]e,

à sa façon, illustre la pratique de la divination déductiveavecproduction de présages.Les plus vieilles croyancesastrologiques4 et clodo' nomantiques 5connues, le sont vers 2130, sur des documents de Gudéa

a. Les plus vieux témoignageset ïa protohistoire de la divination. Si l'écriture cunéiforme a été inventée en Basse Mésopotamie vers

2850avantnotre ère,îl a d'abord fallu prèsd'un demi-siècle,pour le

moins, avant que l'on perfectionnât sufbsamment ce primitif amas de signes mnémotechniques pour en tirer un véritable système graphique, apte à exprimer assezbien la langue parlée, et intelligible à d'autres

qu'à ceux qui ne l'avaient d'abord employéque pour aider leur mémoire î. De longues années encore, il sera surtout utilisé pour la

comptabilité, l'administration et les >d'affaires, puis étendu

au domaine des inscriptions votives et commémoratives et, vers 2600, à la proprement dite. Réservé d'abord à la langue sumé-

rienne, il est alors adapté à l'accadienne, qui l'emploie couramment dès avant le dernier quart du Me millénaire 2.En l'une et l'autre langue, de plus en plus copieux avec le temps, les documents de œtte période

1. Pour l'histoire et les originesde l'écriture cunéiforme, voir notamment R. Labat.

p. 73 s. dans/'.Écrfrre ef la PiycÆologfe dexpeau/es, 1963.Onn'a, m'cst avis,jamais assezinsisté sur le caractère mnémotechniqueoriginel et longtemps essentielà œ système graphique : voir .,4/z/zœafre /970-/97/,'p. 89 s. 2. C'est cette adaptation à une langue phonétiquement et morphologiquement aussi diüërente du sumérien que le sémitique(accadieÔ), qui devait conférer â l-'écriture cunéiforme sescapacités de.rendre ]e plus exactement possible par écrit tout ce qu'expri-

mait le langageparlé. Voir /oc. cïf., p. 90 s.

144

de Laga!. Et c'est à la fin du =e millénaire, au cours de l'époque d'Ur 111,qu'on tombe pour la première fois sur le nom, désormais classique en sumérien, du spécialiste par excellence de l'aruspicine : wÂË.gu.Gfn.

cfD ô. Si l'on veut poussercette période jusque vers 1900,on la terminera sur les trente-deux maquettes de foies inscrites, trouvéesà Mari, qui constituent les plus vieux témoignages touchant la discipline mantique déductive. Mais peut-être est-il plus sagede les reléguer aux premiers temps de la période suivante.

Ce butin est suggestif à l'extrême, puisqu'il nous autorise à faire

remonter très haut, dans le pays, l'importance du rôle, même public,

joué par la divination;la coexistence de la divinationinspirée ' (songe d'Eanatum; clédonomancie des Cylindres de Gudéa) et déductive; et, pour cette dernière notamment, sinon l'usage de techniques 1. .DÀ4H, p. 47. Coma. A. Lads, .Le rôle des oracles dans la nomination des rois et

dcs prêtres'

P. 91 s

chez ]es ]sraé]ites,

]es 'Égyptiens

et

]es Grecs,

dans .Bië/anges

]14a#lero,

l,

2. Le rôle du « chevreau>>dans ce choix d'un personnageà promouvoir à quelque

haute charge de l'État, ne s'explique guère autremeïit, surtout compte tenu de la pratique ultérieure. Voir plus haut, p. 112, n. 6, pour l'importance probable du phénomène

dansé'histoire delà divination. 3. 4. 5. 6.

.Z)À4H,P. 57 s. 1bïd., p. 64 s. ÆÏd., P. 66. 1bfd, p. 47, et ci-dessus,p. 129.

7. Il s'agit naturellement de divination inspirée au senslarge(çi-dessus, p. 96 s.) et

non pas au sens strict et (p. 88 s.).

145

JEAN BOTTÉRO

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

déjà diÆérenciées,au moins la prédominance de l'aruspicine. Mais tout cela n'intéresse que l'exïsfe/zce de la mantique et son importance, que

nous pouvons déjà pressentirfort grande. Sur l'esse/zcede cette divi-

nation, l'idée qu'on s'en fàsaît, la techniquedivinatoire,ces vieux témoignages restent complètement muets. Est-ce à dire qu'il faut nous résigner à ne rien connaître de ce point

capital et renoncer à , ce

qui est, en Histoire, le seul moyen de les bien comprendre?En dépit desapparences,les documentsne nous manquent pourtant pas pour

retrouver ce premier état de la divination en Mésopotamie.Mais il

faut les chercher où ils se trouvent : non dans cette période, mais dans

la suivante.

Tout d'abord, dès l'ouverture de cette dernière, un fait capital

s'impose : les premiers traités de divination déductive î. ïls nous appa-

raissent d'emblée sous une présentation littéraire et technique si parfaite et définitive qu'à moins d'en appeler à la génération spon'

fanée, nous sommes contraints d'y voir le résultat de plusieurs siècles,

pour le moins, d'une étude intensive et d'une tradition orale ou même écrite l Si de cette tradition rien ne nous est resté, avant les Foies de Mari, il est pourtant possible de retrouver dans les traités ultérieurs un cer-

tain nombre d'oracles que la critique interne nous autorise à faire remonter à cette période première. C'est l'analyse de tels oracles qui va nous permettre de nous faire une idée sufRsammentprécise de la

De ces oracles antiques fossilisés dans les traités plus récents, les

f

plus faciles à reconnaître, parce qu'ils portent en eux-mêmes,pour ainsi dire, la marque de leur temps, sont les , comme nous avons appelé ceux qui, au lieu d'impliquer, selon le schème courant, une apodose au/urtzr, l'ont au passé, et généralement

autour d'un grand nom ou d'un'événement plus ou moins notable de l'histoire. Par exemple

Si(dans le Foie), la Porte du Palais: est double,qu'il y a

trois Rognons l et qu'à droite de la Vésicule-biliaire sont creusées épa/Jzz,) deux perforations épi/iu,) bien marquées :(c.est

le) présage des ApiËaliens, que Narâm-Sîn (env. 2260-2223), par le moyen de sapes fpi/Jœ,)fit prisonniers 2 Et encore

Si, à droite du Foie, se trouvent deux Doigts l -- (c'est le) présage du Temps-des-Clompétiteurs

3

Si l'on met en compte le nombre total des apodosesque nous con: naissons,plusieurs dizaines de mille pour le moins, ces oracles.historiques forment un ensembleassurémenttrès modeste,mais qui n'est pas du tout négligeable : on peut en dénombrer à peu près deux cents ô. Presque tous se caractérisent d'abord par le libellé, communément

divination déductive en sa période de formation. Certes, nous devrons,

dans ce but, recourir à un certain nombre d'hypothèses et de raisonne-

ments, mais l'Histoire, quand elle y est réduite par le manque de témoignages explicites et contemporains, ne répudie pas de tels pro-

cédésde connaissance, pourvu qu'ils soient tirés, avec rigueur et prudence, de données indubitables et convenablement analysées.

1. Cî-dessus, p. 88s.Il faut noter que, dès les premierstémoignages(enréalité

les Foies de Mari), la seille langue acçadienneest utilisée pour transcrire les présageset les oracles : dans toute l'histoire de la divination, sur près de deux millénaires, à ] 'exception de quelques rares passages(le prologue, du reste retraduit de l'arcadien, de la

grande

série astrologique

: ci-dessus, p.

102 et n. 3;

et quelques

passages

dispersés et forts brefs, comme O. R. Gurney, Semer 9, 1953, p. 25, n' 28, et /zbæ, p. 69 s. : apodoses de 36-38 -- qui sont plutôt des idéographies savantesrecherchées et

plus ou moins çïyptographiques), jamais le sumériencommetei n'ëst utilisé comme langage divinatoire -- et mêmele vocabulaire accadien propre à la divination ne compte

que très peu d'emprunts au sumérien. Si l'on tient compte dela situation fort diRérente pour d'&utres comme celle de l'exorcisme, c'est là une forte présomption

en faveur de l'idée que la tradition mantique(déductive) n'a pas été mise par écrit

1. Termes techniques de l'anatomie hépatique .: voir déjà pt 73, n. 1, etc.

2. yOS, X : n' 24 9. Pour la ville d'ApiËal, voir p. 164, n. 4. 3. Mot

à mot

: > sont probablement récentset peuvent ne .pas signiûer.grand-chose..Ceci aussi est en

146

147

avant que la langue accadienne fût écrite, et même devenue le langage of6ciel des docu2160). Voir encore plus loin, p. 149.

faveur d'une certaine antériorité de l'extispiêine(voir

déjà p. 112, n. 6 et aussi p. 148, n. l).

r JEAN BOTTÉRO

inusité ailleurs, de leur apodose : >

tiennent à notre temps : la majorité aux dynasties d'Accad et des Qutû,

ainsi que d'Uruk IV; puis un bon nombre à celle d'(Jr 111et à celle d'lsin 1; de la période antérieure,on ne relève que peu de noms, ou alors dans un contexte vagueet plus ou moins mythologique a; et des temps qui suivent, trois ou quatre seulement : une fois !jammurabi 4; une fois un monarque cassite dont le nom n'est plus lisible en entier s;

et une fois Nabuchodonosor 1 (1123-1103),de la ]le dynastie d'lsin,

vers la ûn du second millénaire ô. Il y a gros à parier que cesexemples erratiques ne sont que l'eŒet d'une imitation consciente des anciens 7

après la période ici contemplée,il n'y a donc pratiquement plus eu d'oracles historiques.

Or, et voici qui est capital, ces oracles, partout où les événements

qu'ils rapportent sont contrôlables par d'autres sources documentaires, se révèlent parfaitement dignes de foi, au moins dans l'essentiel tant et si bien que les hstoriens -- sans se défendre évidemment d'en

fore d'abord la critique -- les ont traditionnellement pris pour une des sourcesles plus ancienneset les plus sûres de leur reconstruction

de cette haute époqueo. C'est admettre implicitement que, d'une manière ou d'une autre, de tels ont touché de près aux événementsdont ils témoignent. Le fait est que le dernier roi mentionné par son nom dans les Foies de Mari, IËmê-Dagan d'lsin (env. 1953-

1935), ne devait guère précéder leur rédaction que d'une cinquantaine d'années au pluso.

1. amûfæsigniûe d'abord le foie en tant qu'examiné par l'aruspice; puis, par dérivation, le présage(tiré decet examen): CAD, A/2, p. 96 s.-- nouvellemarque probable d'une antique prépondérance de l'hépatoscopie. D'autres fo rmules introdtictoires sont

plus rares(et figurent seulementdansles traités plus récents):

Ceci nous permet donc de retrouver dans les traités, plus récents, une suMsanteportion des oraclesélaborésau cours de la période qui retient ici toute notre attention. Leur première caractéristique,

c'est qu'ils relèvent tous de ce type de divination que nous avons appelée (/zôæ, p. 105 : Vl11, 41'). Exemples analogues dans R. Labat, 'tl/n ca/eæd/ïer ôlz'6y/o/deæ..«.p. 150 s. : 5 s. etc.; et les

textes cités par L. Oppenheim, Orle/z/a//an. s. 5, i936, p. 207, n. Il ; 210, n. 1; 219 s.; 22

Ce caractère concret. détaillé et manifestement >décrits dans les traités de tératomancie(un exemple ti-dessus, p. 106 s. et

107,n.4, et un autre plus loin,p. 151,ûn dela lr' ilote).

'

''

1. A0 7029 5 dans .R,4 38, 1941, p. 82, et 40, 1943, p. 84, sub 10. Autres réf. ïô/d. On

trouve aussi d'autres tournures, comme telle ville : Ur (Reports,n" 1714 s.; 1724 s.); Kig (1).4, p. 65,ligne 60');"Dér (ïbïd.,p. 208, bord droit,

2) etc., qui font elles aussi allusion à de vieilles défaites de çes cités, éliminées pour un temps ou peut-être à jamais de l'avant-scène politique. 2. Pour la note explicative

: > fXa), comp. par ex. /zôæ, p. 46 : Il 6.

3. On verra plus loin, p. 165 et notes, le cas des apodoses détaillées et de type >(Cr, XXXIX, pl. 14 ; 13; voir F. Nôtscher dans Orfenfa/fa 51-54,'p. 122);(fÀfd., pl. 4 : 68 s.; Nôtscher, /ac. cif., p. 48). Des témoignages d'une telle ,dans le pays.

Elle consiste en ceci, pour le rappeler d'un mot, que la connaissance de l'avenir y est tirée, par un raisonnement de l'homme, d'un présage,

c'est-à-dire d'un objet quelconque où elle se trouvait donc comme incluse et cachée.

tisme )>, la partie sémitiquedu plus vieux peuplementde la Mésopotamie l se serait laisséesi totalement conquérir par la forme telle' ment plus>qu'était la divination déductive. Un pareil engouement pour la divination déductive, qui aurait réduit presqueà rien, en Babylonie propre, une tendanceatavique au \, comme butin

de guerre?

même civi]isation, c'est justement ]a mise au point de l'écriture.

par exemple,autrementdit : ,,).

'ils représentaient pour'leur faire évoquer immédiatement les maïs, agrégats' de phonèmes, par lesquels le sumérien rendait. œs .choses -- le plus vieil exemple connu est celui du signe de , >>, >>,

monosyllabisme d'un grand nombre de. mots, et par !onséquent

de signes,a favorisé l'usage plus universel de beaucoup.d'entre.eux, et la constitution

d'une sorte de syllabaire, qui a réduit considéra-

blement la panoplie, d'abord inûnie, des signes û, et grandement

puisque tout l'est et le nord du pays étaient bornés de chaînes qui

en délimitaient les frontières d'avec le monde habité î: et ainsi de

1. Voir A. Falkenstein,..4rc/zaï.çc&e 7ex/e...,p. 37s.

suite. D'autres associations pouvaient être suggéréespar la juxtapo-

2

sition ou l'entremêlement de divers signes : celui du' dans

œlui de >,pour ou « de Djemdet Naçr », au cours de laquelle s'est faite la découverte capitale de la valeur phonétique des signes : ci-dessus, p. 155, n. 3. Voir du reste A. Falkenstein /'ïscÀe/" }He/rgesc#ïc/zre,11, p. 44 s.

2. Elle ne comportait qu'une vingtaine de consonnes et trois voyelles.

3. Ce progrès a été presque accompli une fois, dans des circonstances que nous

i gnomons,en Assyrie, au début du Il' millénaire : l'écriture paréo-assyrienne,à part un

nombre fort restreint de signesà valeur idéographique,n'emploie guère qu'à peu près 130caractères représentant, en gros, 230 valeurs phonétiques, dont un certain nombre sont

rares ou utilisées seulementdans des cas peu nombreux et précis. Voir K. Hecker, GrammaffÆ der .K&//epe-Zexz'e, 1968, p. 12 : 5 c. Mais le système n'a ni rayonné ni

survécu

4. On les appellevolontiers

Danîe4 V, S-28(le festin de Balthazar et la ïnain qui écrit sur le mur...)

159

mythe,

H/z/zœaïre

Ë

nAN BOTTÉRO

lui conférer plus de force et de notoriété; mais /a rab/elfesz/r gz/oï

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

dans l'antique et obstinéetradition pictographiquede l'écriture

saient comme autant de pictogrammes qui leur servaient à notiôer leurs décisionstouchant Ïe destin d'autres choses : c'est à savoir les hommes. Tel est sans doute le sens profond de la divination

autrement dit la chose-destin-de-l'intéressé. En somme, les présages

succès millénaire

il l'inscrivait, c'était le support matériel du présage, et ïl \'écrirait cunéiforme

: la chose-présage ûgurant et signiûant la chose-oracle,

n'étaient que les ï(7ëogrammes, marquéspar les dieux, des oracles, c'est-à-dire du desfï/zfixé par eux. Une fois ce point de vue adopté, un certain nombre de traits relatifs

à la divination déductive prennent toute leur valeur et leur sensvéri-

table : par exemple le fait que, dans le directoire des devins, c'est la tablette et le calame qui composent les emblèmes corporatifs des Z)tiré1, signe que l'écriture tenait en leur discipline une place beaucoup

plus foncière que dans les autres branchesdu savoir de tradition écrite. Par exempleencore, l'idée d'appeler >ou {>('Jïtir Jams,) 2 la disposition des astres et des cons-

tellations sur la voûte étoilée devient éloquente, et davantage si l'on pense à la qu'en faisaient les astrologues. Et, pour ne point

tout citer, il arrivait souvent, en extispiscine et en physiognomonie

notamment, que le présagelui-même consistât comme tel en un signe d'écriture marqué sur le foie, ou sur le front 3

Ainsi s'explique, enûn et surtout, un des noms les plus anciens et

les plus courantspour désignerle : ïêrfu, qui, en vertu

déductive. et telle la raison foncière de sa primauté, de son incroyable en Mésopotamie

ancienne : non seulement elle

s'accordait parfàtement avec la mentalité, la rationalité des habitants du pays et leur façon de voir le monde, mais elle.en était issue et n'en

formait que la traduction dans le domaine de l'intérêt porté vers la marche future des choses. j

c. La « pictographie » desprésages.

Pour en revenir maintenant aux oracles élaborésau cours de la période ancienne qui, dans notre opinion, a vu la mise au.point de la divination déductive comme discipline, un certain nombre de questions se posent à leur sujet.

Ët d' abord = quel était le support des « messages» divins qu'ils

constituaient ou,'si l'on veut, ïa forme et l' apparence de ses e( picto-

grammes )>?Nous savons déjà qu'on y doit compte!,.et sans doute depuis de longs siècles, les entrailles des victimes sacriûées, les mouve-

ments des astres et peut-être les songes et les rumeurs omïneuses,

ûn de compte, « la mission que donne un supérieur à son inférieur )>,

mais,bien que nul témoignagedirect ne nous en.soit resté.à.ce jour, il y a de sérieusesprobabilités que d'autre? techniquesdivinatoires

en bonne règle par écrit û, en somme : le>qui porte cet

ordre. Le >est de la sorte le support et le libellé d'un tel « mandement», rédigé par les dieux pour marquer le sort de l'intéressé-- autrementdit le rôle futur qu'ils lui réservent,ce qu'ils ont

attestéesplus tard, comme la tératomancie,.aient déjà été en exercice '. Sans doute même faut-il aller plus loin. Si les vieux Mésopotamiens

décidé de son avenir.

imaginaient en vérité que les dieux écrivaient en intervenant dans la >,>et, en

Donc, les dieux, à mesure qu'ils faisaient les chosesô, les dispo1. .BBR,p. 118 s. : ligne 20.

Z. R.êî. dans 1. ].(3elb, Standat'd Operaliîtg Procédure Jot ïhe Assyrien Dictionary, p. 31 et 32 s.; et N. H. Tur-Sinai dans .4rOr 17/2, 1949, p. 424.

' 3. Voir p.' ex. yOS, X : n' 14, 5 s. et ï4 s. (hépatoscopie);n' 61, 1 et 7 rïrem); rBP, n' 6 (pl. 12s.) : revers 12-66;et n' 27, pl. 35 s. (avecdessins!);et aussi J. Nougayrol, .R.440, 1945-1946,p. 79 s. 4. Ainsi, dans le Mythe d'Anzû, le messager divin Adad >

lnmense page d'écriture. On trouve cette idée dans un Hymne d'Assur-

banipal (668-627) à cama! -- dont nous savonsjustement l'importance en matière divinatoire Tu scrutés à la lumière (de) ton (regard) la terre entière comme (autant de) signes cunéiformes *.

ri/qe rêrra,iqu'on lui donneà porter(LXH, n' 1 : face lï 33; 11128 etç.; trld. dans R.'Labat,'Z,et Relfgïani d PracÆe-Orieæf...p. 89, vers 85 etç.L Référencesd'époque paléo-babylonienne

: F. R. Kraus, .Brf(#ë a i dem .4rcÆïve des lgamaJ-ëazir, .p. 44 s .=

n' 65, 7;'H. H. Figulla, l,effets and i)ocæmenrs of f/re O/d .Baby/ola/z Per/od, Ur Excava/iozzs Texrs, V : n' 10, 22(ordre

du roi), etc.

5. Il s'agit ici naturellement des chosesdans la disposition desquellesles hommes ne pouvaient intervenir : comme celle du fétus dans lë ventre de sa.mère, la mise en place des astres et météores, le fait que chacun ait tel ou tel visage, telle.ou telle marque de naissancesur le corps, ou soit entmîné dans telle ou telle aventure onirique, la conduite

160

reste plus haut, p. 100 s, n. 4, et plus loin,. ci-dessous.

.

. . .

'-

,. .. -.---:

,..

1. 0n peut le déduirenotammentd!..l'existencea' « oraclesHistoriques » panui içs

3891S€Hil'liii;XdHK3i.:'ütœ':. gî;t ".',:*«".'-161

JEAN BO'lTÉRO

SYMPTOMES, SIGNES, ECRITURES

Tout ici bas était donc omineux,. et l'on peut gagerà coup sûr

que, dès cette époque ancienne, et justement parce qu'une telle attitude était commandée par leur propre conception du phénomène divinatoire et de l'action divine, les antiques Mésopotamiens avaient au moins inauguré -- mais non certes encore, sans doute, systématisé

-- cette immensecuriosité universelle,cette sorte d'extraordinaire volonté de déchiH'ramentdu cosmos, qui est une des caractéristiques de leur esprit.

pictographie, comme la propre écriture indigène cunéiforme : c'est-àdire un ensemble de signes, parfois tirés du réel et encore reconnais-

sables, parfois purement conventionnels, et qui représentaient des choses,ou des mots une façon de code, comme on dit volontiers

aujourd'hui. Que les vieux devins en aient eu conscience,on peut +e pressentir devant quelques indices qui subsistent dans la plus vieille littérature divinatoire. Par exemple, ces désignations de certains aspectsdu présage, principalement en extispicine, évidemment tirées de leur signiûcation omineuse : >,>,etc î. Ou encore, une fois

ou l'autre, la mise en valeur de la généraled'un de ces sacrificielle

et son contenu, a des chances de se référer à un événement historique

Si, d'emblée, le produit-anormal a sa bouche soudéel -- le roi mourra de sa belle mort 2 et un personnage-important prendra le commandement du pays 3

à la bouche,et la mort naturelledu roi, suivied'une façon

Deuxième question, plus complexe : comment arrïvaff-on à {ëcÀ{8rer ces messages'divins ainsi imcrits dans ïes présages? C'était \à une

n'avait, de soi, rien de commun avec ce qu'i]s étaient œnsés évoquer.])e ceux-là, le contenu signiôcatif n'avait pu être découvert que par hasard -- par

de

2 )>

Si, sur la poitrine de l'oiseau (sacriûé),à droite et à gauche, se trouvent quantité de taches-rouges-- mes soldats et les soldatsde l'ennemi, aprèss'être rencontrés,ne se battront

point; le nom de ce (présageest) : remontre'.

Après un exemple co/zcrefde >mantiques et les réalités : l'évocation immédiate, un symbolismeplus ou moins subtil, ou alambiqué, ou reposant sur des croyances ou des imaginations très archaïques-- telle encore, cette idée qui rattache le succèset le bonheur à la d/aile, l'échec et la malchanceà la gauche3. C'est par là surtout que beaucoup de ceséquivalencesnous restent impénétrables

séparésde ces vieilles gens par des millénaires, nous n'avons plus du

tout la même façon de voir qu'eux, les mêmes expériences, les mêmes

traditions, la même mentalité et la même logique. L'important, toutefois, n'est pas que zzoz/s puissionstout lire commeeux, tout comprendre comme eux, mais que nous sachions qu'mx lisaient et comprenaient,que leur lecture n'était pas arbitraire ou fantaisiste, mais, à sa façon, objective et rationnelle. Le même phénomène se produit çà et là pour les documentsécrits qu'ils nous ont laissés, et notammentla partie idéographiquede leur écriture : il y a des pictogrammes, des idéogrammes que nous ne comprenons plus, mais qui avaient un sensparfaitement clair aux yeux de ceux qui les avaient écrtts

Un pareil empêchementintervient beaucoupmoins dans les cas où le > serapportantà un mof, sa signiôcationsejoue sur un jeu d'assonancesphonétiques. Par exemple, dans l'autre oracle historique cité p. 147, des pel:Horafionsconstatéesfpf/iæ pa/3uJsur le foie, on passeaux sapesfpï/iizJ qui ont servi à réduire une ville forte, dont le nom lui-même, Hpïla/ 4, est composé des mêmes phonèmes constitutifs, avec une légère métathèse. Quantité de .C'est pourquoi les prédictions anciennes,

remplies de détails superfétatoires, ont un caractère si réaliste et,

pour tout dire en un mot, anecdotique 1. Mot à mot : etc.),' se compren-

JEAN BOTTÉRO

attardât

: il était indispensable

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

de chercher d'abord

à comprendre

comment est née, parmi les vieux Mésopotamiens, la divination déductive, et comment, dès le principe, elle n'a été en somme qu'un pj'oduit

authentiquede leur mentalitéet de leur rationalité.Il nous reste à la voir maintenant,per sunna calf/a, évoluer avecelleset comme

elles

11

naissancedu corps humain ï-. Nous le savonsdéjà, et ne le répétons ici que par commodité, dans les traités, cet objet omineux est présenté

par les protasesen toutes sesvariations : un noevus,par exemple, se trouvant supposé, à la suite, aŒectertoutes les parties du corps humain, énuméréesà la lettre de la tête aux pieds a; dans les recueils anciens, l'analyse semble généralement moins poussée que plus tard $,

LE PASSAGE A L'ÉTAT])E ,nombre qui n'a guère chance

d'avoir jamais été observéici-bas,l'auteur du traité pouvait diMcilement chercher son apodose ' dans une constatation

quelconque,

mais setrouvait contraint de recourir à une lecture aprïorï : en exploi-

tant, par exemple, une valeur du chibre , lequel pouvait évoquer, mettons l'idée de perfection et totalité; aussi donne-t-il

pour oracle : « (]] y aura) ]'Empire : >>.Et quand, à ]a fin d'une énumération partie de >;.Et, comme dans les ,mais

d'une façon plus détaillée et méthodique encore, ces de Hammurabi

vides lorsqu'on n'y peut rien restituer, et plus ou moins remplis dans

problèmes juridiques suHsamment dégagés de leurs circonstanœs trop individualisantes, exposés en leurs données essentielles, puis

les inconvénientsen remplaçant cette interminable ritournelle par

les appelle lui-même des [...] 6 son voisinage le . mentionnera en mauvaise part contre son voisinage, dans un procès [il ['emporterai

sur sa bassejoue de droite

sur le milieu de son cou

[sur

il aura juste de quoi retourner son bénéûce à son bailleur-de-fonds

hurla partie bassede sonnez

surson cou,à gauche

séjour? en prilson? incendie [...?] parmi sa parenté-de-sang, un homme

L quelques ïigttes perdues \

il aura toujours un 6

sur le coin de son œil, à droite

sa lèvre dans/avec [ le mal... [

le mal au >de l'autorité ;

c'est le cas du .Par exemple, à la partie droite répond toujours un mauvais augure,et un bon à la gauche : l'umfaru sur le sourcil de droite annonce qu'on n'obtiendra pas ce que l'on désire; sur le sourcil de gauche,qu'on l'obtiendra

È

consultation sur l'avenir à connaître par divination déductive tour' naît régulièrementautour d'une question poséeet à laquelle on atten-

dait une réponsepar oui ou par non. A quoi pouvaientdonc être

(face 7 s.) :; et encore : les enfants n'auront pas, ou auront de la chance,

utiles, en ces cas, des répertoires interminables où l'on ne trouve jamais la moindre réponse catégorique, mais seulement-: on vient

selonla position à droite ou à gauchedu nœvussur la paupièreinférieure (face 12 s.), et de mêmeen allait-il pour la paupièrehaute, et

de le voir encore -- des pronostics plus ou moins

le ,en dépit de la cassure qui nous en masque le mauvais

sort, à la ligne 10 de la face. Même opposition entre la promises aux enfants à l'occasion de la basse-

touchant ce qui devait se passer dans æ/zdomaine c fermïné comme la

vie familiale (ainsi face 10 s., 20 s.; revers 12') ou personnelle (revers 14' s., 18', 28' s.) ou sociale (revers 16' s., 20' s., 27' s., 30' s.) ou écono-

joue (lôïd. 20 s.), et entre la tristesse geignarde et la joie débordante à propos de la basse région jambière (rev. 28's.); le sens de la dénon-

mique (face 15 s.; revers 19' etc.)? Ces cataloguesjouaient pour les

sera la victime si l'æmgafz{se trouve à droite, et l'auteur (apparemment

devins le même rôle que les >,c'est'à-dire si la demande

a pour objet le pronostic d'une maladie; ou et de l'ave-

R

6. Très fréquent. Mais voir particulièrement des apodosescomme fZ)fd. :' n' 311 48-

50; [V [O; n' 47 90 s ; et son para]]è]e 48 27 s. Comp. .D], p. 7': 17' ]igne en partant

du haut.

179

T JEAN BOTTÉRO

SYMPTÔMES, SIGNES, ÉCRITURES

l Un nir du du ménage ménage ï. Un peu peu plus tard surtouta, on trouvera prévus,

constances plus précises, comme c'était l'once du juge d'appliquer le droit à chaque cas particulier

dans cette même optique, jusqu'à l'état social ou économique de l'intéressé : si c'est >4; et, parmi les traités plus récents tout au moins, ûgurent, çà et là, de véritables listes d'objets possibles du même acte divinatoire

Si c'est un malade, il mourra; si c'est une armée partie en

campagne, elle ne s'en reviendrapoint(saineet sauve) : S'il s'agit d'un notable, (il aura encore plus de) notabilité;

s'il s'agit d'un pauvre,(encoreplus de) pauvreté2

Si tu fâs acted'extispicine pour(t'informersur)ce bien-être

Le passagesuivant, par sa formulation même, marque parfaitement à quel point la consultation divinatoire, telle qu'on l'enregistrait dans

du roi, Ke succèsd)es armes,(le déroulement d')un voyage, la prise d'une ville (assiégée),la guérison d'un malade, la pluie

du ciel(::: pour savoir s'il pleuvra), desopérationscommerciales(= pour savoir si elles apporteront profit ou perte)

les traités, se trouvait,

en sa décision, command/ëepar so/z des/fzzafaïre

Si tu fais acte-de-lécanomancie 3 en vue d'un mariage 4

ou bien d'autres (objets) (encore).- '.

laisse tomber à part (dans la coupe d'eau) un jet d'huile pour

(représenter) l'homme, et un pour(représenter) la femme: si

Ce qui, en somme, équivalait à souligner la po/yva/once de/'apodose 6,

dont il fallait seulementaccommoderle contenu essentieli des cir-

(les gouttes) demeurent l'une contre !'autre, le destin de cet

homme et de œtte femme est de s'épouser; si après être restées ainsi accolées, la goutte-qui-représente l'homme disparaît 5

1. Ô/., 11,p. 62 14.Texte cité plus loin (p. 181,n. 6).

2. Mais voir déjà, pour l'époque paléo-babylonienne,yOS, X : n' 56 1 19, où,

l'homme mourra (le premier); si c'est elle de la femme: la

en.réponse.à un même présage, l'oracle est d'abord donné>(niôfu),

puis spéciûérm ikênæ) : le premier doit s'attendre à une défaite; le second,à être ruiné par le âsc.

femme mourra (la première) '

3. ]wop. xiv. p f84Ïi :s. 6; cz. :xxxvni, pï. ï3 : ïoo; pï. 26 : 4i; pï. 36 : 6i; 4. ]WID& IXIV, p. 50 s. ; 111 14 s. Dans le même passage, on prévoit en outre l'appli+

des techniques divinatoires en mantiques d'intérêt public(notamment extispicine et

astrologie) et d'intérêt privé(en partïciüier physiognÔmonie et oniromancie). fl est vrai que ces dernières, par la qualité même de leurs présages(accidents du corps et compter

cation de l'oracle au cas d' « un prisonnier ». A ma connaissance.l'« esclave ». comme

tel, n'est jamais mentionné dans'depareils contextes.Dans C7 et .K,4.R. Zoc.cü'. à la n. précédente, et dans D.4, p. 226 : 22, il est question du>(m ikênziJ. lbfd. : 20, c'est le.mot a/îïê/æ.glE.paraît avoir ce même sens,et ainsi peut-être ailleurs, çà et là par exemple CT, XXX.Vlll, pl. 21 .: 2, où l'incise ana amê/ï, placée étrangement entre le ?ujet(mark :.un âls) et le.verbe, fait l'eÆetd'une note ajoutée pour marquer qu'il s'agit

tement ou aventures oniriques d'un particulier, lequel était sans doute couramment

rence.par l'usage de la l ''. personne,.comme souvînt. Il ne faudrait toutefois pas donner trop d'importance à ce point : en réalité amê/a, ou am.êZa Ja le plus souvent : « Phoïnme », ou « cet homme », désigne régulièrement , pour le distinguer du souverain, désignéen l'occur-

nent le bien public plus que le destin de tel ou tel intlividu, desprédictions appropriées à ces derniers : par exemple yOS, X : n' Il 11121 etc.; et quelquefois par passages entiers : ibïd. : n' 18 54-60 etc. De même, si certaines apodosei de traités àstroiogiqües semblent exclusivement dévouées, par exemple, à des prédictions météorologiques, par une sorte de souci de garder présage et oracle sur le même plan(,4C, Adad : :kX),'on

soit parce.qu'il lui est survenu,.soit parce qu'il a consulté l'aruspice pour connaître

l'avenir grâce à lui: dans ce dernier cas,.on le dénomme aussi ôê/ fm»zerï ='«lle propriétaire du mouton (sacriûé pour l'examen divinatoire) >>(yOS, X : no. Il IÏ1 16: 31 V 16

y rencontreailleurs desprédictions, non seulementd'intérêt public(ou« le chef

>etç. : par exemple, ïôid. : 111 33) mais primé(ainsi >(,K:4R, n' 389 : VAT 10481. 6i. Mais, comme

(cet)homme )>: iôfd. = Xil 14). ôn aurait donc tort d'insÈter trop sur une telle distinc-

on rencontre !usai rmôfæ) se trouve opposé,dans'i'application de l;oracle, au souverain( 4C, Sema: : Vl11 6), il est permis' d'avancer que, de toute façon, le mot

2. JWDP, XIV, P. 51 16 s.

a/?zê/æClu.!!Pinsindirççtement,l se rapporte au simple sujet. 5. . C7. XX, pl:44 : 59 ô-61. Voir aussi .8.BR,p. 196 : 11121 ç., et 7CZ,, V, pl. XLII s. passim (41, 46 57 s. etc). 6.. C'est justement à cause de cette manifeste polyvalence de l'apodose, ainsi soulignée de teglps.!!.temps par des notes explicites(voir encore pour l;époque récente les listes dans.Cr, X.X, pl. 44 : 59 -b-61; et comp. 7CZ,, VI, PI. XLII : Be j face 46, ûn: 58,

3. Mot à mot : >(.4C, 2' suppl : LXVI 3 ; camp. aussi f&fd. ; LXXVïïï,

1936, p. 209 s. -- mais.fomp . sa.réservep. 214, et les exceptions qu'il signale p. 220

n. 2 --, et Dreams, p. 239 a), d'admettre qu'il y 'ait eu, vraiment, une distinction réelle

180

181 J

r JEAN BOTTÉRO

SYMPTOMES, SIGNES, ECRITURES

Réexaminées sous œt angle, bien des ), soit, le plus souvent,:ous la forme abstraite d'ui substantif(;

$guïe dans te présage, ï'oracle doit comporter telle lecture, telle idée \. ïô Jamais sans doute en Mésopotamie l'on n'a été si près de la formulation d'un ensemble de qui réduisaient à l'essentiel, et en clair,

l'exégèsedes signes-- ce que nous avons appelé la >desprésages,et ce qui fait le propre fonds de la

divination déductive. En même temps, jamais l'on n'a mieux montré

combien cette méthode était rationnelle : les présagescontenant en eux-mêmes les éléments des oracles, il sufRsait d'analyser correcte'

û)oud'uninôMtif(,,etc. L'équivalence des deux est exem:

l'énoncé même de quelques présages laisse entendre qu'on discernait déjà consciemment les éléments de la

ci-dessus

deuxième colonne enregistre de même, sous un seul mot, ou parfois

pliûée dans la troisième colonne, où se trouve transcrit un oracle complet, dans la protase duquel apparaît le mot, ou l'idée qui figure

en la. première colonne, et, dans ]'apodose, ce qui ûgure dans ]a deuxième. Par exemple Z'ongz/ezlr

Réussite

Si la Station est assez/ongzïe pour arriver jusqu'au Chemin --- le prince rézzxsfra en la campagne qu'il aura entreprise 9

avoir les vieux ôêrü, on les trouve déjà dans les premiers traités, où

lisons-nous dans un traité paléo-babylonien a; et, pour qu'il n'y ait aucun doute sur l'équi-

valence entre le Point-fort et la Trahison, le premier figure dans la protaseet le seconddans l'apodose de la ligne précédente3 : Nous pouvons imaginer par là combien on était près, dès la plus vieille époque de la divination dans le présage, signifie .« réussite >>,

comme on le voit à l'exemple suivant : « Si la Station etc. >>.Quelle que soit la fonction exacte des oraclescités en la troisième colonne exemples.donnés à une « .théorie >>ou point de départ d'une analyse dont le résultat aurait été mis en valeur élans les deux autres colonnes,

il est au moins évident que cette analyse est faite : en d'autres termes. que du présage on a su tirer et en quelque sorte aôx/Faire conscïemme/z/ eï/orme//eme/zf la seule donnée essentielle, ce qui soulignait tacitement

l'existence d'une règle : « CAague/oiÿ g e fe/ signe, fe/ «pïcfogramme )> }},Z.K?1/41, 1934, P. 180 s.

2. 3. 4. 5. 6.

texte, loir l'important

commentaire de J. Donner

d,.i

Texte cité, lignes 7, 19 et 18. /b/d.=']igne ]0. /bid..:ligne l. 1bïd.='ligne 16. Mot à mot : (voir déjà ci-dessus, p 176, n. 2) : fbfd,, lignes

ç. Abstraction et valeur généralisée des apodoses L'abstraction et la généralisation de l'apodose, beaucoup plus manifestes et universelles au ler millénaire, on les trouve déjà inaugurées aussi mille ans plus tôt. Certes, les apodoses circonstanciées 1. En somme,cetexte représenteune manière de code divinatoire illustré d'exem-

ples. On en a de plus simples, sur deux colonnes seulement, à la façon des« vocabulaires >> bilingues du cru, connus depuis le début du Il' millénaire et qui alignent des signes ou

desmots sumériens,d'une part, et, de l'autre, leur valeur ou leur traduction en accadien (DAT, 1, p. 360 s.). Un exemple intéressant est un petit astrologique de l'épo-

que des Sargonides(autour du premier tiers du 1" millénaire), publié par E. F. Weidner dans HFO 19, 1959-1960,p..;105 s. : sur deux colonnes, il présente, à la suite, à gauche

un choix de signesomineux caractéristiques,avec, en face, sur la colonne de droite, leur valeur oraculaire essentielle.Ainsi, à la col. l, ligne 3, peut-on lire, que>ou : (opposéenaturellement à son contraire i)est connue aussi

-- autrement dit, cette apodose, matériellement réservée aux souverains,

pour les rêves la. Même dans ce domaine, on le voit, le développement

n 'intervienne la }: Si 33 (cité p. 107, n. 9), face l s.: revers13 s.: etc.

10. Face9 s.. etc.

11. Reversl s.: cf. 9 s.. etc. 12. Notamment danslesdocumentsde la pratique, telles leslettres : ainsi A. Ungnad,

AtîbabyïenischeBriefe aus dem Muséum zu Pltiiadeïphia,ïï'

189

11, 24 s. Camp. i)reams, p: 229.

SYMPTOMES, SIGNES, ÉCRITURES

E. LA SCIENCE DIVINATOIRE MÉSOPOTAMIENNE ETLA SCIENCE TOUT COURT

La divination déductive, phénomène typiquement mésopotamien, est donc véritablement née de la mentalité, de lavision du monde, de

la culture mésopotamiennes,et elle s'y trouve si profondément intégrée qu'elle a évolué avec elles. Sans doute même a-t-elle joué un rôle

important danscette évolution et ce progrès,à tout le moins sur le plan du savoir : nousl'avons vue passerde l'empirisme, simpleconstatation, a posrerïorï, de cas individuels, concrets, isolés, contingents et non-prévisibles, à la connaissancea priori, déductive, systématique, capable de prévoir et portant sur des objets universels, nécessaireset, en somme abstraits 1 : ce que nous appelons la science,au sensformel

et propre ce ce mot, tel que l'ont défini les Grecsz et tel qu'il commandeencore,pour l'essentiel,notre propre idée de ce type de connaissance.

Assurément, l'obÿer de cette science divinatoire : l'avenir connaissa-

ble à travers le présentet déductible du présent, ne pouvait subsister ou garder quelque consistance que dans une We//anis/zaæu/zg comme celle des vieux Mésopotamiens, pour lesquels le monde était mené, en gros et en détail, par des puissances supérieures à lui et à l'homme,

lesquelles, maîtresses souveraines de son avenir. en connaissaient le déroulement à l'avance et pouvaient donc le notiûer, et le notiûaient en eÆeten l'inscrivant dans les chosesà mesure qu'elles les produisaient,

tel objet ne pouvait subsister.Mais la mé/Acideet l'esp/.ïf scientiûques acquis grâce à l'étude de cet objet inconsistant et caduc pouvaient lui survivre. Cette façon d'aborder le réel sous son angle non phénoménal mais universel, en en recherchant une connaissance analytique

et nécessaire,déductive, a priori, cette attitude aôs/raï/eet icïenf@gue devant les choses,c'était une acquisition définitive de l'esprit humain,

un enrichissement et un progrèsconsidérables, et qui ne pouvaient pas davantagepérir que la maîtrisedu feu ou l'invention de la métallurgie et de l'écriture. De l'importance d'une telle invention et de l'avenir qui lui était promis, les vieux Mésopotamiens ne paraissent pas avoir eu un senti-

ment bien clair. Certes,ils l'ont étendueau'delà des limites de la divi-

nation,et ils en ont tiré desprogrèsassezremarquables en d'autres champsd'étude et d'intérêt. Par exemple,en médecine,où la chose est d'autant plus frappante que nous connaissonsau moins un traité

de diagnosticset pronosticsmédicauxî, construit exactementsur le type des traités divinatoires, et dont les deux premières tablettes au moins, sur les quarante qui le composent, sont encore en plein univers

mantique '. Par la suite, au contraire, on y rencontre des analyses

plus rigoureuses et plus consistantes, avec le sentiment que, si l'objet

maférie/ en est le même que celui d'autres disciplines divinatoires,

l'objet /orme/ et l'optique en pourraient être tout autres. Nous y trouvons ainsi des protases identiques à celles de la physiognomonie, mais dont les apodoses et conclusions sont tout à fait diŒérentes. Par

exemple, à la même observation d'un ,les physiognomonistes concluaient : >destin est toujours so/zdestin, il ne peut admettre qu'il soit absolument aveugle et fortuit. Une attitude purement rationnelle, à savoir l'adaptation psychologique,intérieure, de l .hommeà l'événement, reste toujours dans une œrtaine mesure un idéal philosophique ; ce' qu'on rencontre surtout, c'est zonegrïrz{(ië psyc/zo-(e/igïeme.gü

viseà a(Zapfer /'événenzezz/ à /'gomme.Ce mécanismede projection

fait que le fatalisme au sensstrict n'est guère qu'une po?ttion théorique,. démentie dans les croyances et dans leÉ conduites. La dialectique entre

un destin impersonnel, soustrait à toute influence humaine: et des dieux accessiblesà l'action des hommes, reste non résolue dans les conceptions des Grecs. C'est le cas, dans 1'/7ücïe, pour Sarpédon :et

Hector; chez Hémdote, pour Crésus et Cambyse. Même. contradiction ouverte chez les ançilms Germains, voire dans une religion dogma-

tique comme l'Islam, où elle aboutit à un paradoxe théologique \

A l'événement,l'homme répond normalementet d'abord par l'action. Or, pour agir, il faut connaîtreet connaîtreà temps,c'est-à-

l

5U ?W% IZ1?21=mŒHZIWH'HE: ël':æ diction de H. Ringgren et les conclusions de G. Hlenningsen.

201

11 It

ROLAND CRAHAY

LA BOUCHE DE LA VÉRITÉ

dire d'avance.C'est ainsi que toute divination d'événementsest

liée à l'avenir.

Les Grecsrecourentà deux méthodes: d'une part, interpréter, en fonction d'un code,des faits matériels,spontanésou provoqués, considéréscomme un modèle analogque diï monde; d'autre part, solliciter des dieux des révélations en langage humain. En fait, nous le verrons, les deux méthodesreposent sur une même base psychologique. C'est la seconde qui nous intéresse ici. Je prendrai mes exemples

surtout chez Hérodote, en partie parce que c'est là qu'ils me sont le plus familiers, en partie aussi parce que cet auteur nous les fournit avec un abondant contexte narratif et exégétique. IJne observation préalable : dans mon livre sur h Z,ïïférafure

oracu/airechez.17ëro(hfe ï, j'ai cru devoir récuser,au nom de la cri-

tique historique, l'authenticité matérielle de la plupart des réponses transmises par cet auteur. Les données seront envisagéesici indépen-

damment de cette question. Les récits de consultation oraculaire --

acceptables.ou non dans leur matérialité historique -- expriment comment, dans l'optique des Grecs, se déroulait le dialogue oraculaire, et c'est là ce que nous nous proposons d'examiner.

La question est généralement double -- Ferai-je ou non, telle chose? C'est-à-dire une alternative ou question formée; -- Que dois-je faire pour que telle choseréussisse?Question ouverte,

mais limitée à une condition rituelle du succès.

Le consultant peut tricher en se dispensant de la première question,

à laquelle il a, d'avance, répondu lui-même. Ainsi fait Xénophon î;

!es inscriptions nous montrent que le cas n'est pas exceptionnel. La réponse se conforme au même schéma -- elle tranche le choix posé par la première question, pour autant

qu'elle ait été formulée;

-- elle édicteun conseilde caractère rituel, partois moral, et

accorde une promesse de succès : /trio/z kai ameïnon esraï, .

Donc, nulle prédiction au sensstrict, mais une caution pour l'avenir, cautionliéeà unecondition. Les orac]es connus par ]a littérature ne flint, somme toute, qu'expli-

citer ce processus,mais en donnant parfois une ûgure concrète--

succèsou désastre-- à l'engagement que le dieu prend quant au futur. C'est dans ce sensseulement qu'ils formulent des prédictions.

l

11

Ëes./ormesrïfzze//esont manifestementfait. dans les sources littéraires, l'objet d'une stylisation qui nous oblige à chercher ailleurs

l,e vocabœ/aire (ü /'ac/ion oracuh/re nous est connu uniquement

des informations directes. Pour œla, nous disposonsd'un certain nombre. d'inscriptions, notamment pour Dodone et Delphes. Pour ce dernier sanctuaire,nous pouvons recourir à l'étude de Pierre Amandry 2 Nous n'avons pas à évoquerici l'objet concret des consultations

par les rapports circonstanciés où la consultation est pourvue d'un

poséespar des États. Il nous suïïit de noter qu'elles concernentdes

formules spécifiques, des verbes, généralement employés à l'actif

c'est leur forme.

tation. On peut, semble-t-il, ranger ce vocabulaire technique sous quatre

questions pratiques posées par des particuliers; questions religieuses conduites, et qu'elles sont tournées vers l'avenir. Ce qui nous intéresse,

- . B.dans Ctahay: la Littëtature

arac111airechez Hërodote(Bibi.

de {a fbc. de philos.

e/ /erfres.ü'r dv. IÙ Z,fige,./brc. /3æJ,Liègeet Paris, 1956.'Je renvoieà cet o;nage sous le sigle .L.O.

2. Plane Amandry, Z.a À/aærfqKe apo///nfeæne d DebÆei.Eîsaï i r /e .fbacrfo aemeæf

de /'Drac/e, Thèse, Paris. 1950, en particulier

p. 155 s.

202

cadre narratif : donc, avant tout, par des témoignages littéraires. Il comporte des termes banals d'interrogation (epeïrô/aô ,plus fréquent dans le langage oraculaire que le simple sëmafnô;prof/zanfo/z(deux ibis chez Hérodote), neutre d'adjectif, dérivé de prof/zaf/zô , dérive de f/zeopropos,attesté comme

lui dès l'//îa(2ë, ainsi que le verbe fÀe(propeô >.

Si le second élément n'est pas totalement sûr, un Grec comprend sûrement /zorï rôî r/zeôïprepeï >.

De même dïkazô, employé dans le sens oraculaire une fois chez Hérodote û, et une autre fois, de manière particulièrement explicite, chez Euripide ô, appuie la déclaration oraculaire sur la dÆë, interpré-

tation morale de la volonté divine.

Au total, on le voit, nous sommes en présence d'un vocabulaire différencié 6, qui conserve des données techniques ranaireô,) ou psy-

chologiques rmanfeuôJ, mais est formé essentiellementde verbes de

déclaration ou de volonté. Dans la mesure où ceux-ci sont spécifiques,

ils font appel à une norme extérieure, à un destin, à la divinité, mais l'emploi

corrélatif

de la plupart

de ces verbes à la voix moyenne

montre, pour reprendre le terme de Redard, l'appropriation par l'homme et pour l'homme de ce destin, autrement dit: l'établissement

d'un dialogue.

Quant au contenu des réponses,il faut noter que certains mots

présentent la révélation

comme un signe r>rôsëma/nô, pr(p/za/zfoizJ

et que plusieurs composésorientent l'oracle vers l'avenir. 1. G. Reàu&. Recherches sur XPH. XPïïE®AI.

Étude sémantique(Bibliothèque

de/'Ëca/ecüsÀa ïei ër dex,.Ûsc.303) Paris, 1953;cf. E. Benveniste, Praô/èmesde litîguistiqüe gënéra ïe, Pâlis, 1966, p. 2:77:2.8S. 2. V, 42, 2. J.

1.

+/.

Z.

4. 1. 84. 3.

1. P. 25 s.

2. Par exemple,1, 65. 3. Par exemple,1, 46. 4. Rapprochépar Hérodote,IX, 93, 4. 204

5. Oresre.163-165.

6. J'ai cru inutile de fà,ire rentrer dans ce relevé sommaire les termes obscurs ôakîs

et sibuïïa.

205

LA BOUCHEDE LA VÉRITÉ

même,le c/ëx/ï/z,elle attend une révélation spéciûque.Dans le chef de l'oracle, il s'agit alors d'une ma/zfigzze ozzver/e sur l'inanité des possibles. Va-t-elle s'engager fermement dans une prédiction

111

apodictique?

Les oracles rapportés dans la littérature doivent, mêmeet surtout quand ils sont des faux, correspondre à un mental .qui

permet de les :« Il ne dit ni ne cache : il signiûe (soma'Èn,ei} . »

Ainsi s3expliqueque l'oracle soit le plus souventévoqué dansles

sources sous forme d'un retour en arrière, à propos de l'événement

qui le réalise.Souvent,d'ailleurs,la sourceconserve(oufabrique) l;expression grammaticale du fàît en rapportant l'oracle au plus-que-

parfâit. Terrain favorable aux faussaires,mais correspondant à une attitude mentale authentique.

Ainsi en est-il de l'oracle relatif aux statuesde Damia et d'Auxésia.

Dans l'histoire de Crésus,Hérodote utilise le retour en arrière pour trois oracles sur onze ï. De même, la mort de Cambyse rappelle l'oracle

et les autres signes qui l'annoncent 2 et l'oracle qui met Sparte en

amefnon. Cette formule -- comparatif ou superlatif-- peut apparaître déjà dans la question : les Cyrénéens ont demandé >

Par l'équivoque,deux solutions s'ofïtent au choix. L'oracle prédit

à Crésus la destruction d'un grand empire a. Récit absurde, peut-être,

et à coup sûr fïctiÊ mais qui, par sa stylisation outrancière, acquiert valeur de paradigme. Ou encore, Delphes annonce aux Spartiates qu'ils arpenteront les terres de Tégée, ce qu'ils feront efïëctivement,

mais en qualité de prisonniers,forcés de cultiver les terresdesvaine r 4 queurs

Les exemplesfoisonnent dans l'historiographie antique : on peut

encore mentionner deux anecdotes rapportées par Diodore de Sicîle où un général s'entend annoncer qu'il dînera, ou logera, dans la ville qu'il assiège.Il y dînera, ou y logera, en efïët, mais comme prisonnier ô.

Ces équivoques, les Grecs les qualiûent de Æfô(ë/oï,par allusion à

la charge étrangère qui dénature un métal précieux. C'est strictement

le point de vue myope du consultant. En fait, aux yeux du dispensateur de l'oracle, c'est l'homme qui falsifie l'alliage.

Le ./ez/(& mo/s ramènel'équivoque à une ambiguïté linguistique. Fuyant les Perses,les Phocéenss'établissent à Cyrnos, où ils avaient

fondé une ville sur l'avis d'un oracle. Chassésde cette île, ils apprennent .

3. Hlérodote, 1, 53; ci-après, p. 218 et .L.O., p. 197-198

4. Hérodote, 1, 66; cf, .Ë.O., p. 153. 5. IXVI, 91-92; X.X, 29; cC.L.0., P. 49.

1. Vl1, 12 s.; cf: .L.0., p. 222-223. 2. 11,139; cf. .[.0., p. 88.

l'île

Un oracle avait annoncé à Cléomène qu'il s'emparerait d'Argos.

211

T f

ROLAND CRAHAY

Vainqueur de l'armée argïenne, Cléomène s'empare d'un petit sanc-

LA BOUCHE DE LA VÉRITÉ

Lichas réussit à s'emparer des ossementset à les apporter à Sparte.

tuaire à quelque distance de la cité. Lorsqu'il apprend que ce sanctuaire est'celui du héros Argos, Cléomène renonceà prendre la ville

Dès lors, les Spartiates l'emportèrent sur les Tégéatesl Les Athéniens doivent

Le jeu de mots sert souvent à annoncer la mort des grands person-

nages. C'est ainsi que Cambyse mourra à .Ainsi dansles deux récits de la fondation de Cyrène8: les deux fois le consultant se dérobe, 1. Cf. Z.O., P. 4748. 2. Æ/d, P. 264. 3. /b/d., p. 82 et 269.

est soigneusementmis au point et entouré d'une mise en scènefrap-

pante. Crésusa sollicité de son vainqueur Cyrus, comme la plus grande 11.1, 65; cf. .L.0., p. 149.

2. V, 72; cf. .L.0., p. 169. 3. IXI, 33; cf. .L.0., p. 102. 4. VI. 19; cf. .L.0., p. 175.

4. Hérodote,V, 42; cf. .L.O.,p. 143.

5. 1, 55; ci-après,p. 218. 6. 1, 85; ci-après,p. 218 et .L.O.,p. 186

6. 111,57; ce ci-dessus,p. 213 et .L.O., p. 258. 7. Cf. ci-dessus,p. 210 et .L.O., p. 97 s.

8. Vl1, 169;cf':.L.0., p. 324.

5. 1, 55; cf. ci-après, p. 216 et .L.O., p. 199-200. 8. IV, 150 et 155; cf. .Ë.O., p. 1 12.

214

7. V, 67; cf. .L.0., p. 247.

9. V, 92, 4' partie. 10. f, 9ô-91; cf, Z.0., p. 201-202.

215

ROLAND

CRAHAY

LA Bougne DE LA vÉRnÉ

\

donc faire honte à l'oracle en lui rappelant, d'une part, les promesses fallacieusesqui ont encouragéle roi à la guerre, en lui montrant, d'au-

tre part, la réalisation : seschaînesde prisonnier. La réponse de la Pythie est une véritable théorie de l'oracle 1. Tout est ûxé par le destin. Apollon a pu, en récompense de la piété de Crésus,diïïérer le terme du malheur annoncé jadis à Gygès, mais non détourner la catastrophe. Crésus a bénéficié d'un sursis de trois ans et il a été sauvé des gammes du bûcher (on notera,

à ce propos, le caractère contradictoire, dialectique, du destin dans les conceptions grecques).

2. Les oracles demandaient à être interprétés : Crésus devait, s'il ne les comprenait pas lui-même, questionner de nouveau le dieu pour savoir lequel des deux empires serait détruit et qui était le roi-

mulet annoncé. S'il voulait mener correctement ses rélïexions, eu me//o/zfa boæ/euesïÀaï,il fallait, cAFé/z,consulter de nouveau. Ainsi

apparaît, à propos de l'attitude du consultant, le même terme impliquant la nécessité,dont dérive le verbe qui est, par excellence,celui du conseil oraculaire : c/zraô. En conclusion, Crésus doit reconnaître que la faute rfë/z tamar/a(ÜJ est en lui, non dans le dieu. Ce que nous devons, nous, souligner, c'est que la faute de Crésus n'est que secondairement une faute de conduite c'est, avant tout, une ./bure (ë connaïssa/zce.

Le même débat est développéd'une manière plus explicite et plus

dramatique encore,si c'est possible,à propos de Cambyse.Nous pouvons ici nous appuyer sur l'analyse psychologique pénétrante qu'en a faite Jutta Kirchberg, analyseà laquelle nous aurons flirt peu à ajouter :.

lci les interventions divinatoires ne sont pas groupéesen un récit continu, comme dans l'histoire de Crésus.La narration amorce le processus par un premier signe, qui est laissé de côté dans la suite

des événements,comme dans l'esprit de celui qui l'a reçu, et qui

ne révèle sa puissancedestructive qu'au terme de la conduite aveugle

du roi, quand sa réalisation se rencontre avec celle d'autres signes négligés. On songe au terme allemand qui sert à rendre une bombe à

(64,

1) : il a été le jouet

d'une

homonymie.

Il comprend,

nzafÆôn,

et pleure son frère(64, 2). Il saute en selle pour se mettre en campagne

et 'ke blesseavec son sabre, à l'endroit même du corps où il a jadis frappé le bœuf Apis. La blessure lui paraissant mortelle,./zôs /zoï kaïdëï echxe fefl

Èfaï(64,

3) l --

on notera le rapport .de cause

à eïïët --, il demande le nom de la ville où il se trouve. On lui.répond

Ecbatane.Alors, il lui revient à l'esprit un oracle de Butô lui.prédisant qu'il mourrait à Ecbatane, oracle qu'il a rapporté naturellement

à la capitalede la Médie : oracle au plus-que-parfait,mal interprété en vertu d'une confusion par homonymie Cambyse a cru, edokee, alors que l'oracle

et, de ce fait? négligé.

disait,

fo de cÀrêsfërlo/z

e/ege..' (64, 4). Grâce à la concoriïance, /zlpo fëx sympÆorës, des deux

autres signes, il accède à l'intelligence, esêp/zro/lèse,et . comprend l'oracle, l;u//aôô/z de ïo fÆeopropfo/z(64, 5). Dans ses adieux .à sf?n entourage, il reconnaît avoir agi >(Ce n. s. 2, 1962, p. 93-96), ne présente pas be aucoup d'intérêt.

220

5-d 2

221

'l LUC BRISSON

DU BON USAGE DU DÉRÈGLEMENT

formé de sel et d'acide. Or la chair, en se desséchant,permet l'appa-

donc de la folie. Pour Platon, la déraison rapzoïa), qui apparaît

rition de cette pellicule qu'on appelle peau î. Et, sur le crâne, l'humi-

dité, sortant par les trous que le fëu a percésdans la peau, et refoulée sous la peau par l'air, donne naissance aux cheveux h Le démiurge fabrique, avec un mélange d'os et de chair sans levain,

les tendons 3, dont il se sert pour attacher les os entre eux. Et enfin, d'un mélange de tendons et de peau, il constitue les ongles 4

La vie humainese caractérisepar l'union de l'âme et du corps5

ramas/zïa)et la folie rmalzfa ÏJ. Or la déraison qui équivaut à la folie

peut avoir pour causesoit une intervention divine, soit un dérèglement afïëctant lë corps humain. Aussi la folie apparaît-elle, dans un cas,

Or le point de contact privilégié de l'âme avec le corps est la moelle 6

comme une maladie divine, dans l'autre, comme une maladie humaine, ayant ultimement pour cause l'état du corps humain 2

chacun au niveau des siègesde ces espècespsychiques. L'espèœ immor'

premièrement de la naissance, où l'âme humaine, qui vient de choir dans un corps totalement immergé, par ses besoins insatiables, dans

et le nombril; espaced'ailleurs divisé en deux par le diaphragme, opérant une séparation similaire à celle qui séparel'appartement

espècerationnelle a. C'est aussi le cas lorsque, aaligé de graves maladies, le corps atteint un point de corruption qui afïëcte profondément

Dans la moelle cervicale, s'ancre l'espèce immortelle de l'âme humaine î, dans la moelle épinière, l'espèce mortelle et, par conséquent, ses deux sous-espèces 8. Ces points d'ancrage correspondent telle est établie dans la tête o. Et l'espèœ mortelle réside entre le cou

des hommes de celui des femmes dans une maison ïo. La iàus-espèce irascible se situe entre le cou et le diaphragme u, où se trouve le cœur, comparé à un poste de garde ïa. Et la sous-espèceappétitive est enchaînée entre le diaphragme et le nombril î3, au niveau du f oie ïû, comme une bête sauvage à sa mangeoire i5

Ainsi constituéd'un tel corps et d'une telle âme,l'homme doit, durant sa vie terrestre,garder unejuste proportion, d'une part entre

Platon, dans le 7ïmëe, donne trois exemples, où l'état du corps amige l'âme humaine de cette maladie qu'est la déraison. Il s'agit

le flux du sensible,subit de graves perturbations au niveau de son l'activité rationnelle de l'âme qui s'y est incarnéeô. En outre, cette activité rationnelle peut être entravéepar le foisonnementdu sperme qui, trop abondant,ruisselleautour de la moelle,dont il dit un résidu, inonde tout le corps et, de ce fait, déclenche un déséquilibre, qui se répercute au niveau le plus élevé de l'âme humaine 5

Lorsqu'elle est une maladie humaine, la folie présenteun caractère

essentiellementnégatif, et doit être guérie par l'exercice de la gymnas-

son corps et son âme, et d'autre part entre les diverses parties de son âme. Dans cette perspective, il doit subordonner son corps à son âme ïô,

tique, de la musique et de la philosophie, dont une cité bien constituée

d'ardeur de l'âme en vue de l'acquisition de la connaissance îv. D'autre part, l'espèce immortelle de son âme doit diriger les espèces mortelles

fait être louée 7

sanstoutesois négliger ce corps, qui pourrait être détruit par un excès qui lui sont subordonnées. Voilà pourquoi le cercle' du même, en

cette espècerationnelle, doit imposer sa domination, non seulement à la. sous-espèce appétitive,

par l'intermédiaire

de la sous-espèce

irascible îo, mais même à cette sous-espèceirascible, qui, souvent, a tendance à se laisser emporter dans des accèsde füreurÏo

Ce rapide examende la constitution de l'homme durant son existence terrestre nous permet d'aborder le problème de la déraison, 1. 7ïm., 75 e 8-76a 2. -- 2. 7ïm., 76 a 4-d 3. -- 3. 7ïm.. 74 d 2..4.-- 4. 7ïm.. 76 d 3-6.

-- 5.nm.,87e 5-6.-- 6.Zm.,73Z,2-5.-- 7.7ïm.,73'c6-dÏ.:- 8.'ïjÜ:l'j32'i-; il d

comme la maladie fondamentale de l'âme humaine, puisqu'elle est la conséquent, en cette âme humaine, d'une disproportion qui enlève à la raison son rôle directeur, comprend deux espèces: l'ignorance

. 9. 7'ïm., 69 d 6-e 3. -- 10. 7ïm., 69 e 6-70 a 2. -- 11. 7ïm.. 70 a 2-7. -- 12. 7'ïm.. 70a 7-Ô3. -- 13. 7ïm., 70 d7-e 2. -- ï4. 7ïm., 71 a 7-ô 1. -- 15. 7ïm.,'70 e'2-3.'-- '16.'7ïm. 87 d 1-3. -- 17. 7ïm., 88 a 1-7. -- 18. 7ïm., 70 a 4-7. -- 19. 7Ïm., 70 b 3.

222

doit se préoccuperô. Mais, lorsqu'elle est provoquéepar une cause divine, la folie présente un caractère éminemment positif; et doit de ce

Certes,même si elle a une origine divine, la folie se caractérisepar une occultation de la raison 8. Cependant, dans ce cas, son action n'est pas exercée par une puissance inférieure -- sous-espècesmortelles

de l'âme humaine, ou corps humain --, mais se trouve relayéepar l'intervention d'une puissancesupérieure,d'ordre divin o. Dans cette

éventualité,l'homme est l'objet d'une participationdivineio, qui équivautà une possession n. En fait, il est,en quelquesorte,habité par une puissance divines'

Or, pour Platon, la folie d'origine divine peut encorerevêtir quatre

formes.

La première est la ./b/ïe man/ïg e rma/zffkë,),c'est-à-dire la divina-

1. 7ïm.. 86 b 2-4. -- 2. 7ïm., 86 Z)2. -- 3. 7ïm., 42 e 5 -44 b 1. -- 4. 7'ïm.,85 a s. -5. 7Ïm.,86 ô s. -- 6. 7'ïm., 87 b 7-ô 9. -- 7. P#êz#e,244 a 6-8.-- 8. P&èü'e,244 b 2. -g. .Z%êd'e. 244 a 7-8. -- 10..PÆèdPe, 244 c 3. -- 11. .1%ê(#e, 244 e 4, 245 a 2. -- 12.PÀèd»e. 244 ô 4.

223

11

LUC BRISSON

DU BON USAGE DU DÉRÈGLEMENT

tian, don d'Apollon l Or, ICI, Platon qui renoue avec un usage dont le Ciao/e constitue le meilleur exemole. estime au'étvmolon-

l'Orphisme à penser à l'urDiusme l'Orphisme ll et et au au Dionysisme z, les deux seuls points de repère rendant possible une certaine orientation dans cette nébu-

)

quement >(ma/z/fÆëJ dérive de f'ma/zïÆëJ c'est-àdire que ma/zfiÆë ma/zfiÆë a été constitué constitué constitué par par l'ajout l'ajout l'ajout d'un d'un f à mazzïÆë'

leuse'de pratiquesreligieusesplus ou moins marginalespar rapport à la cité,'et qui, de ce fait, ne peuvent qu'être mal déûnieset rester son tour ne permet pas d'en cerner dans un clair-obscur, qui exactement les contours et engendre,par conséquent,une confusion

contre cet Toutefois, Platon s'insurge contre cet ajout, bout, qui, selon lui, ne peut provenir que d'une ignorance de ce qui est beau 3, puisqu'il occulte [e rapport profond ]iant ]a divination à ]a fb]ie

plus ou moins marquée.

La troisième forme de folie divine est celle qu'implique la poésie, et qui vient des Muses 3. L'inspiration poétique, qui .s'empared'une

Et, pour illustrer son propos, Platon fait mention de la prophéteste ae l)eIDhes " , des prêtressesde Dodone 5 et de la Sibylle o. En fait, la divination a pour but la recherchede l'avenir 7,grâceaux indices(directementenvoyéspar les dieux a des êtres numains en proie

âme pure et délicate a, lui permet de glorifier les exploits des anciens ',

en vue de l'éducation de la postérité Enûn quatrième forme de folie divine, don d'Aphrodite

l'enthousiasme

mantique, aussi bien au niveau du nom, dont il démontre la dégéné:

1. Le livre de 1. M. Linforth, 7Ze .4rfs (#'OI.pÀeæs, Berkeley and Los Angeles,1941, demeure, malgré''certaines réserves qu'entraîne un' positivisme un peu excessif; la

rescence étymologique, qu'au niveau de de l'œuvre. l'œuvre, ll' «

c'est-à-direla divination par le vol et l'aspect des oiseaux.En efïët, l' dérive d'une observation impliquant, en dernière

meilleure étude sur les rapports de Platon avœ l'orphisme présumé doit'

:M:,HÏl;ÇKigçl;É.ËŒ.à:'

analyse, la raison humaine; alors que la mantique a pour cause l'enthousiasme, c'est-à-dire la POSSeSSion divine. (.)r autant le monde divin est superieur au monde humain, autant, toutes proportions gardées, la mantique doit être supérieure à l'>.

La seconde forme de folie divine est la ./b/ïe fé/esffqze o, don de Dionysos îo que, dans un texte très controversé, Platon nous présente

l

ainsi. selon toute vraisemblance,il s'agit de la folie propre aux rites de puriûcation et aux initiations u, qui ont pour but de délivrer îz un groupe ou un individu

de maladies et d'épreuves

ayant pour cause

un ressentiment divin à leur égard :a. Platon ne fait référence à aucune

pratique particulière bien déûniepour illustrer son propos. Toutefois, devant la teneur présuméede ce texte, et grâce à'laa constitution de champs sémantiques qui se recoupent, on est invinciblement amené

.Baægæez', 215 c 2-e 4.

:=UÊÜI'wj; ï::";$':';fÆU*i='::a,S:'zBœ.œ;æ'E PÀêz#?.228 ô 7 et le mîzeôaccÆeusa de 234 d'5). Ce qui, en soi, n'a rien djétonnant. - -Les rites corybantiques débutent par l'intronisation(sur

la signification de la fÆronôsls,

initier,

ïninistre,

qr M. Delcourt, Xép&afsfoi ou h loge de d magicien, Pari!, 1951) de cela qu'on veut

1. .P/zêz#'e, 265 Ô 2-3.-- 2. .P.bêd)e, 244 c 4-5. -- 3. P&êéûe.244 c 4.

et autour'duquel'

évolue,

sous la direction

4: .1üêd)e, 244 a. 8. Sur le sujet, cf: P. Amandry, .[a .À42z/zfïqæeapo//ï/z ïe/z/ze à .DebÆe.ÿ, Paris, 1950; et H. W. Parka, .4 }ïfsfo/y cÿ' /Æe Z)ebÆïc crac/e; Oxford, 1939. ' '

5. Pàè(û'q244g.8-ô 3. Sur le sujet, cÊ la sçhÔlie;et H. W. Parka, 7»e Drac/esq/'

Zeæ.s.: .Do(üna, O4y/7@ fa, .dmmo/z,Cambridge, 196? ' ' 6. P&èd'e,244 6 3..Cf. la scholie; et .R..E.;"s: v. Sibyllin. 7. .P.bide, 244 b 4-5. -- 8. P/zêz#e. 244 c 5-d 5: ' 9. 1. M. Linforth analysece texte, particulièrement difhcile, dans un excellent article intitulé : >.Ce faisant,

Platon remonte, en quelque sorte, aux sources.

+

En efïët, en Grège, les exemples ne manquent pas de cités gouvernées

1. .[où, V, 738 ô-d -- 2. .RI».,427 Z)6-c4. -- 3. Zoù, 759 c 6-d 1. -- 4. .[off, 828a 2-4

243

LUC BRISSON

DU BON USAGE DU DÉRÈGLEMENT

selon des lois inspirées par des dieux à des hommes exceptionnels.

dans le cas cependant où il y aurait égalité entre.tous les trois

Ainsi, la Crête a eu commelégislateurMinos qui, tous les neuf ans,

ou entre deux d'entre les élus, on s'en remettra à la gr✠d?s

. Dans l'un et l'autre cas, le champ du savoir couvre (66 a). Le rêveur de la R(»œb/ïgzle n'est donc pas celui du

ca/ioæ pœremen/ Àa/naine, excluant toute intervention

surnaturelle.

La mantique inspirée, dit Porphyre, pourrait être tout simplement

une activité de l'âme ou du vivant complet mis dans certaines condé' bons

psycho-physiologiques

par

la maladie,

le déséquilibre

des

humeurs'(la ), l'absorption de drogues,les danses endiablées,la musique des ïïûtes et des cymbales... Porphyre semontre

même attentif aux degrés de conscience qui accompagnent ces transes.

Il prend ainsi une attitude tout à fait positiviste, celle d'Aristote.î Quant à la divination --

ont en commun. deux points. : elles enlèvent aux c#eœxtoute 'responsabilité dans la divination; elles rangent cette forme de savoir du côté de la ge/zesù,du devenir, comme l'avait fait Platon Caï les démons

font partie du devenir : la frontière entre lœ démonset lesdieux passe precïsémententre.l'espace sublunaire, soumis au changement, à la naissanceet à la destruction, et le monde supralunaire qui n'est pas encore celu! de l'Être immobile, maïs au moins celui du mouvement régulier et éternel.

Pourquoi Porphyre a-t-il cherchéà retirer aux dieux toute respon-

sabilité dans la divination? Un texte de la Z,offreà .4/Môo/z' apporte une réponse assezclaire i

' '' '

-rr

Les devins afRrment tous qu'ils obtiennent la prévision de l'avenir grâceaux dieux et aux démons,vu qu'il est impossible que l'avenir soit connu par d'autres que ceux qui en sont les maîtres. Alors,. est-ce que la divinité ('ïo fÆeïo/z.Js'abaisse

Jusqu'à une . tel degré de servilité

hommes qu'il se trouve même d dans la farine?

('Æzp#esfan) 'devant les

' '

''"'' '' '"' '"

gens qui voient l'avenir

La divination. est donc retirée aux dieux comme indigne de la

A quoi cela sert-il d'avoir contact rsu/zozziïaJ aveclespuissances supérieures, si c'est pour leur demander si l'on doit se marier,

ou acheter une propriété, comment on peut retrouver un esclave

fugitif ou régler une transaction commerciale : tout cela ne nous apprend rien sur le bonheur reuchf/nozzïa.). Et, même si ces puissances donnent une réponse au sujet du bonheur, cette

réponsen'ofh'e aucune certitude, aucune garantie, quand bien

même leurs autres réponses seraient parfaitement vraies : ce

ne sont ni des dieux, ni de bons démons, mais çe qu'on appelle tromperie î.

Les puissancessurnaturelles avec lesquellesles opérations divina-

toires mettent le consultant en contact ne se préoccupent aucunement de ce que recherche le sage : le bonheur, c'est-à-dire le salut. Tous leurs

conseilsont trait au monde sensible : le mariage -- c'est'à-dire, en termes néoplatoniciens, la sensualité -- et l'argent : tout ce que le sage doit fuir. Comme ces puissances sont démoniaques, non divines, elles ne participent pas à l'omniscience de Dieu : quand il s'agit de la

seule chose nécessaire,du salut, elles ne peuvent qu'induire le consul-

tant en erreur, soit involontairement, soit même volontairement,si ce sont des puissances mauvaises.

Le Z)e abs/ï/ze/zrïaaMrme encore plus catégoriquement l'inutilité de la divination pourle sage. Mais le philosophe..., celui qui se détache des choses extérieures,

de la divinité est d'ailleurs le souci constantde Porphyre, qui s'ind gne

nous sommesfondés à aMrmer qu'il n'ira pas importuner les démons, et qu'il n'aura pas besoin de devins ni d'entrailles d'animaux. Car ]es biens qui flint l'objet des divinations sont

L'impiété ne consiste pas tant à ne pas entourer d'honneurs les

il ne s'abaisse pas au mariage, et n'a donc pas à importuner le

ne.soit pas digne de lui, de sa félicité, de son être indestruc-

ou de toutes les autres formes de prétention à la gloire qui règnent chez les hommes. Sur ce qu'il recherche, ce n'est pas le devin, ce ne sont pas des entrailles d'animaux qui lui

transcendance divine. Préserver la dignité, le caractère tra;scandant

après Platon des opinions fausses que les hommes se font des dieux :

statuesdivines qu'à attribuer à Dieu les opinions du vulgaire. Pour .toi, évite de. te faire jamais de Dieu aucune idée qui l .e

Ce sont les mauvais démons, dit le -Deabs/ïnen//a', qui nous ont mis.dans.la tête des opinions sacrilègessur les dieux. Mais si la divination est indigne des dieux, elle est aussi indigne du sage,pour

deux raisons

:

'

1.11,4142.

4. 11,40.

devin à ce sujet; ii ne s'abaisse pas à faire commerce; il ne consulte pas au sujet d'un serviteur, ou de sa réussitesociale,

donneront des indications certaines 2

On ne peut dire plus clairement que la divination, puisqu'elle se rapporte

à la genesiÿ,

au devenir,

n'a

pas d'intérêt

pour

le sage.

Tout ce qui ne contribue pas au salut est distraction, nous plonge dans

2. g 15 Parthey = Il 3 a Sodano 3. Lettre

précisément ceux dont il s'est exercé à se détacher. En efïët,

à Zdarceïla. \'7.

1. 1.eïfre à HæëZ)oæ, $ 48-49 Parthey

'

2. 11.52. 254

11 19 a-ô Sodano

255

SCIENCE DIVINE ET RAISON HUMAINE

JEANNIE CARLIER

le devenir. dansl'oubli de l'être, dans l'. Porphyre est donc beaucoup plus rigoureux que son maître Platon dans la con-

damnation de la mantique. Dans la cité idéale desZ,oiÿ,les traditions

religieuses, les oracles, ies devins avaient un rôle à jouer; Porphyre, lui, ne se soucie plus de modeler la cité des hommes sur le modèle du

monded'en haut : son idéal est de vivre complètementà l'écart de la politique, et même de la société.

Si la divination n'a pasde part dansla vie du sage,c'est qu'il existe

pour lui une forme meilleure et plus haute de contact avec le divin.

Le texte du De absfïne/zffa déjà cité plus haut 2 est intéressantà un double titre : d'abord parce qu'il reprend quelques-unsdes termes qui ont été mis en évidence daimsle .PAécionet dans la R(»ub/ïgue sur

l;âme« repliée en elle-même )> rÆaf/z'/zeaufërzJ ; ensuite, parce que cette

forme de connaissance ou plutôt de contemplationest cette fois directement opposée à la divination

Sur ce qu'il recherche, ce n'est pas le devin, ce ne sont.pas des entrailles d'animaux qui lui donneront des indications certaines. Seul et par lui-même raœros d'ÀeazlfoœJ, ainsi .que

nous l'avons dit, il s'approcherade Dieu, qui a son siège dans ses véritables entmilles, et prendra ainsi des gagesde

Avec Jambliqueet son grand traité .De mysferïfs,il semblequ'on

vie éternelle, se rassemblanttout entier là-bas fÀo/os ekei

surreusas)..

La [,eïfre à ]]/arec//a ($ 10) exp]ique ce qu'est le . le >Ce qui unit

Et surtout, qu'on ne comparepas la divination à cette sciencedu

pronostic acquise par ]es médecinset les navigateurs3l Bien entendu, Jamblique refuse aussi avec indignation l'explication aristotélicienne de la mantique, qui en fait une faculté propre à l'âme Si la vraie divination était afïtanchissementde la partie divine

par rapportau restede l'âme, ou séparation de l'intellect

f/foui), . ou rencontre (de l'intellect avec quelque chose?), alors on aurait raisonde conclureque l'enthousiasmeest le fàît de l'âme humaine(mais il n'en est rien) ô. Cependant, Jamb]ique va plus ]oin. Non seulement ]a divination

n'a pas l'homme pour origine, mais, dans ce contact avec le surnatu-

rel, l'initiative et l'action humainessontabsolumentnulles : l'homme nejoue aucun rôle; il est passif : il reçoit La divination vient de l'extérieur, des dieux, et cela spontanément

raz/fexoæiïon.), manifestant

veut et comme elle veut s.

l'avenir

quand

elle

les théurgesaux dieux, ce qui fait descendre les dieux, ce sont des

> f/zo ïlzJ, et qui utilisent des symboles ('sz/n/Àemaïa,suez)o&zJcompris

des dieux seuls et révéléspar eux Ce sont les sun//zemafaqui accomplissent leur œuvre -- la théophanie -- d'eux-mêmes r'az//aap#'-

/zeaz/fô/z,), ou plutôt la puissance divine elle-même reconnaît en' ces

symboles ses propres images feïÆonaiJet est attirée par aMnité et sympathie. En somme, les dieux se font descendreeux-mêmes,les hommes n'y sont pour rien 4

1. 111, 6 : il s'agit d'une suivie d'une incarnation dans un médium.

3.: C'est une. formule très frappante, qui définit clairement la position des nouveaux

philosophes-théurges par rapport aux philosophes«'contemplatifs», tels Plotin et yre

4. A.cette «.descente des dieux >>que constitue la mantique répond un autre rite

essentiel,de la théologie (Commentaire des Oracles chaldaïquesdans Oracles chaldaïques,

lui, nous fait embrasser par la raison r/ogôfJ et l;intuition

rno efJ l'essenœ inengendrée.

D'après le Chaldéen,en revanche,nous ne pouvons monter vers Dieu qu'en fortiûant

3. 111, 27.

258

259

JEANNIE CARLIER

SCIENCE DIVINE ET RAISON HUMAINE

L'élaboration théorique ainsi formulée a une grande importance,

pour le présent et pour l'avenir. En efïët, ces ne sont rien d'autre

que des pratiques

magiques;

et les szzn//zemafa

sont les noms bizarres, les pierres, les plantes, etc., de la magie égyp-

tienne millénaire. Le néoplatonismeassumeainsi le grand courant souterrain de la magie hellénistique et lui donne son fondement théorique. Dès lors, les néoplatoniciens vont devenir des professeurs d'occultisme pour tout le Moyen Age et la Renaissance.

Il reste à répondre aux deux objections majeures de Porphyre la divination est indigne de Dieu, dont elle ne respectepas la transcen-

dance; elle est indigne du sage,car elle ne se souciepas du salut. Cette seconde objection, Jamblique la balaie d'un revers de main

les prêtres(devins ou théurges)n'importunent pasl'intelligence divine à propos de petites choses, mais l'interrogent sur le bonheur et le salut l

C'est nier l'évidence z.

propre.Ainsi donc,cettemanièrede rendrecomptede la mantique rejoint ce qui a étédit sur la création et sur la providence divine. Car elle non plus ne rabaisse pas l'intellect

rzzozls)

des puissances supéi'ieures vers les choses d'ici-bas et vers nous;

mais, tandis que l'intellect divin reste en lui-même, cette explication ramène à lui tous les signeset la mantique entière, et en même temps découvre que mantique et signesprocèdent de cet intellect divin l

Voilà la véritable théorie de la mantique, à laquelle il faut se tenir fermementsi on veut en rendre compte epfsfëho/zfkôs, ;c'est-à-dire, en droite théologie. Car le mot epïsfëhë a changé de sens, et ce petit fait de vocabulaire permet de mesurer le chemin parcouru depuis Platon. Celui-ci avait

La première objection est traitée avec plus d'ampleur, même si la démonstration n'est pas parfaitement convaincante. A la source de

refusé à la divination le titre de

l'âme (/zo II) par ascèseet initiative humaine

PORPHYRE

contact intime avec le divin, qui estle soi véritable sans intermédiaire gage de salut, de vie éternelle

de

la

sur l'apparence)

nelle plus ou moins inconsciente et

involontaire

ne met pas en contactavecles dieux mais avec les démons par l'intermédiaire du devin porte sur la ge/zesïs,donc inutile, voire néfaste, pourle salut

au plus profond de l'âme r o s) par ascèse et initiative humaine JAMBLIQUE

activité du /zoa.ÿ.de l'e/zæofa

losophie « contemplative ».

phi

de l'ordre de l'inengendré,de l'éternel.non du devenir vient des dieux et remonte aux dieux descente des dieux dans l'homme provoquée par révélée par les dieux, et des rites qui utilisent les appartenant

à l'ordre physique -- au devenir -- mais dont les dieux ont enseigné l'ineffable puissance, permettent de court-circuiter, en quelque sorte,

l'intuition rationnelle, par un contact immédiat avec l'ordre divin la divination se situe au-delà de toute raison.

T DENISE GRODZYNSKI

Par la bouche de l'empereur Rome IVe siècle

Dans l'empire romain du ]Ve sièc]e,c'est ]e fait même que ]a divination soit interdite qui en rend l'étude intéressante.La description en elle-mêmedes pratiques divinatoires n'a qu'une valeur historique secondaire. L'essentiel est que, réprimées de la façon la plus sévère qui

soit, ces pratiques continuent à être exercées.La répression est édictée par les textes de lois, qui, pour ce IVe siècle, sont réunis dans le Code théodosîen.

Malheureusement,les juristes qui ont analysé ces textes les ont étudiéssans les replacer sufhsammentdans leur cadre historique. C'est le cas de juristes français tels que Martroye ï, Maurice 2, E. Mas-

soneau3 qui, autour de 1930,ont publié des travaux sur les lois du

Code théodosien réprimant l'astrologie, la magie et la divination. Ces

juristes n'ont vu, dans les dispositions contre l'haruspicine ou la sorcellerie,que des phasesdu combat contre le paganisme,étant donné que ces lois, œuvre des empereurs chrétiens,'punissaientla divination qui avait eu sa place dans la religion païennetraditionnelle. Cette perspectiveest trop limitée : la divination avait déjà été réprimée par lespaïens.Cramer montre, au fil d'un travail très minutieux et très complet, que la répression de la divination obéit à des motifs essentiellement politiques dès le début de l'Empire, de l'époque d'Au-

guste à celle des Sévèresô, c'est-à-dire à une époque bien païenne.

Quant aux historiens,ils ont étudié cette répressionsans serrer

d'assez près les dispositions juridiques.

C'est surtout à partir des procès

de magie racontés par Ammien Marceïlin que H. Funke arrive pour le IVesiècleà la même conclusion que Cramer : c'est la raison d;État 1. F: Martroye,

Revue historique

de droit Perçais

et étranger, $, 1930.

2. J. Mauriçe, 5(L?.terreur de la magieau ïv' siècle», Rev e Àfsfor/gæe de d'oif .P#æ. raïs e/ é/ gager, 6, 1927. ' ' 3: E: Massoneau,thèse de doctorat de droit : .Lecrime de mag/ee/ /e .Drop/romain: Paris. 1933.

'

4. Cramer, .ds/roh.gyfæ.Roman.[aw a/zdPo/ï/ü.f, Phi]ade]phie, 1954.

267

Y PAR LA BOUCHE DE L'EMPEREUR

DENISE GRODZYNSKI

et non la religionqui estla causede l'interdictionde la divination et de la sorcelleries. La seule tentative (à notre connaissance) d'une étude sociologique des sciencesoccultes est celle, toute récente, de Péter Brown : à bien

des égards, cette étude est à la fois magistrale et subtile. Mais elle nous paraît ne pas accorder à la législation et à l'État la place qu'il

convient de leur donner. De telle sotte que Péter Brown supprime l'atmosphère de terreur qui entoure l'exercice de la divination et de la magie '.

Pour une meilleure compréhension du sujet, il nous paraît nécessaire

d'exposer les lois du Code théodosien. Plusieurs points particulièrement significatifs pourront alors se dégager.

Premier point : le châtiment infligé aux devinset à leurs consultants est la mort. Nous nous eŒorceronsde replacer cette peine de mort dans l'ensemble du système pénal du IVe siècle.

Secondpoint, faisant intervenir la distinction, û.équentedans le

ou pour sepenchersur le sort deshumbles,il n'en restepasmoins un

historien irremplaçable, voir unique, par la précision de sa narration.

D'autres témoignages pourront être évoqués, par exemple celui

de Libanius î. Ceux qui décrivent la répression de la divination proprement dite sont rares. Mais ils ont le mérite de nous éclairer sur la jurisprudence (au sensactuel de ce mot) et sur le comportement des contemporains face au système législatif.

Le Codethéodosiena recueilli environ trois mille texteslégislatifs.

Parmi eux, il y en a seulementdouze qui interdisent l'exercice de la

divination et de la magie. C'est peu si l'on comparece chifïte aux cent quatre-vingt douze lois concernant les décurions ou aux soixantesix édictées à l'encontre des hérétiques. Mais la portée d'une action

législativene se mesurepas à la quantité des textes.C'est ainsi que, pour condamner le paganisme, vingt-cinq lois ont suffi. Les douze qui

Code théodosien, entre ce qui est privé et ce qui est public : en ce qui

nous intéressentici sont d'une extrême importance. Ces douze lois qui, sous le titre De ma/l?/ïcü ef maf/zemafïcfsef ceferls sïmï/fous

comme crimes publics des actes paraissant avoir un caractère privé. Troisième point : pour la première fois, la loi romaine assimile

tous les autres semblables>>,sont l'œuvre d'empereurs chrétiens,légi-

concernela divination, les lois tendent de plus en plus à considérer

(C. 7h., IX, 16, 1-12), condamnent >pour désignercette pratique divinatoire utilisée par.l! religion païennetraditionnelle; Voulant justifier sa clémencepour l'haruspicine publique(par

opposition à sa sévérité pour l'haruspicine privée), il dit dans la première loi que l'haruspîclne publique est autorisée, bien qu'elle soit une > (IX, 16, 5), (IX,'16, 6), (IX, 16, 11). Elles incriminent aussi les sorciers

Il importe peu en l'occurrence que œs faits soient vrais,. faux ou exagérés.Certains d'entre eux appartiennent à un topos très ancien

des êtres pudiques (IX,

l'autre, c'est que l'anecdote a paru significative -- s'emploient à illus-

de (IX, 16, 5), de soumettreà leurs désirs

de 'empereur despotique 4. Ces deux auteurs -- .et, sj l'un répète

plaisant dans ]a soui]]ure (]X, 16, 6. ] 1).

trer en quoi le règne de l'empereur est, à leurs yeux, intolérable : en

16, 3), d'être des créatures souillées et se com-

Les législateursn'osent pas qualiûer de cette façon odieuseles

devins; les astrologues sont trop savants, les haruspices et les augures

trop proches de leurs homologues de la religion officielle. C'est en assimilant les devins aux sorciers que l'on transmet aux premiers la culpabilité des seconds.

Parmi les accusationsportées contre les magiciens,celle de crime

politique n'est pas exclue : >-- ce dont se

targuaient depuis longtemps toutes les magiciennes de Thessalie --

c'est troubler l'ordre du monde dans lequel la place impériale est inscrite. ])onc toute magie porterait atteinte elle aussi, comme la

ce qu'il réprime comme crime d'État un comportement privé consistant à recourir à une amulette prophylactique.

De plus, le texte d'Ammieïi rend évidentecette contamination

entre la pratique de la magie et celle de la divination ,:.le port d'une

amulette prend la signification d'une consultation d'oracle sur la mort de l'empereur.' La remarque d'Ammien explique pour$uoï sont misessur le mêmeplan deux pratiques à première vue très différentes : c'est le fait de /luire à /'.Erar, de vouloir la mort de l'empereur.

Le sensde la législation contenue dans le Code théodosien a été remarquablement perçu par Ammien.

divination, au pouvoir de l'empereur. 1. Paul, Se/z/e/zce.ç. V. 23. 17.

1. R. Syme, .Hmmïa/zæs a/zd /Æe .Hïsforia

3. Cramer,op. cfr.(flpra, p. 267 n. 4), p. 234.

2. X.ZZJ. Cb

2. C. 7%.,IX, 38, 1 (322).

280

.d ægzz.çfa,Oxford,

1968, P. 32-33.

ca/Zà,ad. G. Sabbah, Paris,.Z,es .Be/h.ÿZef/les, 1970, t. 11, P. 156.

4. guet., 7ïô., 58, 3. Syme,/oc. cï/., p. 32. 281

PAR LA BOUCHE DE L'EMPEREUR

DENISE GRODZYNSKI

Cependant, le témoignaged'Ammîen Marcellin lui-même fait comprendrel'attitude répressivedes empereursà l'égard de la divination. .Ne voit-on pas, dans ]e monde de la cour, un grand nombre de dîgûtaires en fonction ou à la retraite. desex-Préfetsde la ville ou

permet de. se représenterles coteries rivalisant dans l'espoir d'un changementde règne. Tant de hauts fonctionnaires ont consulté

haruspice,pour connaîtrele nom du futur empereur?Certainsd'entre

nous parle ne cessentde consulter sur les afïàires de l'État et se préoccupent fort peu de consulter sur leurs affaires privées ï. Il est évident que, pratiquée dans ces catégories élevéesde la société, la divination pouvait représenter un danger pour l'empereur, qui s'empressait de la réprimer.

du prétoire,desex-gouverneurs, consulter,qui un oracle,qui un

eux vont chercher auprès des devins la connaissance du destin pour

donner corps à leur espoir, jusqu'alors fragile, d'accéder eux-mêmes

au trône impérial. Rien de plus significatif à cet égardque la triste histoire d'Assyria et de Barbation. Barbation, un commandant d.infanterie r>e(üs/ris mï///ïae recrorJ, consulte des experts en prodiges pour connaître la signification à donner à un ess;im d'abeilles qui, soudainement, s'était formé chez lui. Il lui est répondu que cet

un devin ou un oracle pour connaître leurs chances d'obtenir l'empire

qu'on peut en déduire que cette divination constituait une forme d'opposition politique à l'Empereur. Les dignitaires,dont Ammien

Mais cette répressionne date pas du IVe siècle,nous l'avons vu.

Elle est née en même temps que l'empire. Les empereursjugeaient nécessairede trouver une légitimité à leur pouvoir ailleurs quç dans la

missive, elle le supplie de ne pas la répudier une f ois qu'il sera empe-

victoire. C'est dans l'ordre cosmiquelui-même qu'iîs ont cherché la conÊrmation de leur souveraineté.La conâguration des astres à leur naissancesigniûait le consentementdes dieux à leur règne. Les empereursse réjouirent de cette garantie divine manifestéepar

déjà imaginée veuve. La servante dénonce ses maîtres qui sont exé.l

donner de la publicité à leur thèmezodiacal.

amen annonce un grand péril. Assyria, l'épouse de Barbation, a alors une.co.nduite étrange ; elle fait écrire par une de sesservantes une lettre

en écriture chiffe'ée,pour son mari, parti en expédition.Dans cette reur, . et de .ne pas épouser Eusébie, l'impératrice

alors régnante,

butés, ainsi que d'autres, sur ]es ordres de Constanceil î. Ainsi la conduite intempestive et niaise de l'épouse avait eu des conséquences

terribles : l'empereur avait pris au sérieuxle présage.Mais le plus remarquable en l'occurrence est l'interprétation

qu'avait

donnée

Assyria à la réponse des experts. Ce ,'donton ne sait qui il menace,voilà qu'il signifie pour cette sotte femme l'accession

de son mari au trône impérial. C'est dire combien elle avait projeté ses désirs, et ceux de son époux, dans l'insignifiance totale de la réponse

donnée.

Cet exemple est loin d'être isolé. Dans le grand procès de Théodore qui se.déroule en 371,.l'oracle -- il s'agit ici d'un anneau suspendu à un. fil qui, par son. balancement, désigne les lettres de l'alphabet

inscritessur un. cerclede métal -- n'avait encoredésignéque les trois premières lettres du nom du futur empereur, (DEO; à peine

la quatrième lettre, .A, fïït-elle indiquée, que l'un' des participants

s'exclama que Théodore était celui que le destin venait de nommer a.

Combien prompte avait été la réaction de cet homme, à qui une indi-

cation incomplètesuMsaitpour connaîtrele nom entier du futur

empereur (:! fait, ce füt Théodose qui, huit ans plus tard, succéda

à Valent). Il y avait donc un groupe d'amis, constituéautour de Théodore, qui escomptaitl'acœssion de celui-ci au trône. Cela 1. XVl11, 3, 2 s.

leur horoscope. C'est pourquoi, jusqu'au He siècle, ils voulurent

Auguste [après avoir consulté l'astrologue Théogène qui lui avait prédit un avenir exceptionnel] eut si grande confiance

dans son destin qu'il ât publier son horoscope r'r/semavu4gaperlfJ et frapper des piècesd'argent portant le signe du Capricorne sous lequel il était né '. Deux siècles plus tard encore, Septime Sévère, nous apprend

Dion Cassius,connaissaitle destin qui l'attendait grâceaux étoiles sous lesquelles il était né; il les avait fait peindre sur les plafonds des piècesdu palais où il rendait lajustice, de façon qu'elles fussent visibles de tous, à l'exception de cette portion du ciel qui -- comme on dit -- observe l'heure [c'est-à-dire

l'horoscopes;car cetteportion, il ne l'avait pas fait peindre de la même manière dans les deux pièces3

S'inscrire dans le cours des astres est une solution qui comporte des avantageset des risques. L'empereur y gagne la caution des dieux et une garantie contre l'usurpation, car il devient difhcile de détrôner celui dont le destin va de pair avec l'ordre du monde; 1. 11est difficile de savoir quelles étaient les questions poséesaux devins..Nous ne possédonsguère, pour le we' siècle, les horoscopes que les astrologues établissaient après consultation de leurs clients. O. Neugebauer(creek Jïaraicopex, Philadelphie, 1964) n'explique pas cette lacune de la documentation.

2. XXIX,1,32.

2. guet., ,4zŒ.,94, 19. -- 3. .Z»//., 77, 11, 1.

282

283

T DENISE GRODZYNSKI

PAR LA BOUCHE DE L'EMPEREUR

mais, puisque le déterminisme astral n'est pas un monopole impérial,

chacun peut se croire destinéà l'empire si la prédiction d'un devin l'a annoncé.Cela, Franz Cumont l'expliquait dès 1897: Et il montrait que, pour remédier à ce danger d'usurpation, la peine de mort était brandie contre les astrologues l

Nous pouvons ajouter quelques mots pour rendre plus sensible

la logique du systèmerépressif à l'encontre de la divination. Comment

faire, quand on est empereur,pour que cessenties prédictions en

faveur des autres? Firmicus Maternus avait bien, au début du IVeSiècle,

imaginé une théorie ingénieusequi rendait nulle et non avenuetoute

consultation d'haruspice et d'astrologue au sujetdu Princeou de l'Empire a. Sa théorie ne flat pas entendue.Les empereursusèrent d'un moyen rigoureux pour empêcherune prédiction qui aurait pu mettre leur trône en danger : ils interdirent la divination. Point d'horoscope, point d'empire. Les tentatives d'usurpation (fréquentes à causedesconditions historiques, parmi lesquellesil faut mentionner l'absence d'une successionhéréditaire légalementétablie) ne purent plus prendre pour prétexte la connaissance d'un horoscope. La répression de la divination fut une solution simpliste, et qui se révéla

inefhcace, pour tenter de s'opposer aux usurpateurs. Même si les

empereursn'ont pas à faire face à une usurpation caractérisée,ils ne tiennent pas à ce que leurs sujets connaissent la date de leur mort.

Car un empereurdont on saurait quand il mourra serait dÿà un empereur mort. Personne n'accomplirait

son devoir civique ; les impôts

ne pourraient plus être perçus; tous chercheraientà savoir le nom du futur empereur, les coteries s'organiseraient, la police changerait

de camp... C'est bien pour cela que SeptimeSévèren'a pas fait peindre sur les plafonds la totalité de son thème zodiacal : n'importe

quel astrologueaurait pu prédire la date de sa mort 3 1. >Il répond :

Le cadre topographique, on le voit, est capital chez les Nzakara

dont le langageest riche en mots, la syntaxepourvuede maintes

formes verbales, mais dont la penséea un support très imagé. Ces

f

images sont saisiesdans le cadre familier de la vie villageoise et de la

qui est censé

tuer ou laisser vivre le poussin. Les deux opérations, oracle des bois frottés et épreuvedu poison, sont complémentaires.Comme l'une et l'autre sont infàillible$ l'épreuve du poison doit conôrmer les conclu-

n'étaient pas dues à un refus; il suMsait qu'elles reconstituent peu à

peu les villages où elles avaient séjourné,les casesdans lesquelles elles avaient habité pour que les noms de leurs conjoints surgissent.

sions des bois frottés, œ qui se produit en général, car les devins ont la

Les difHrences entre ces deux consultations tiennent non seulement

maîtrisede leur préparationtoxique. Nous nous en sommeslongue-

à la personnalité des devins mais encore aux techniquesdivinatoires. Dans les deux cas, le support du raisonnement est une a/ïer/zafïve issue d'un frottement : frottement d'une poudre, frottement de deux bois, dont lesréponsessont recherchées à volonté, de façon réitérative.

ment expliquée ï; nous nous contenterons de souligner l'aspect que le

jugement surnaturel donne au dialogue du devin et du consultant, à propos d'un cas d'ensorcellement. Voici l'histoire. Un vieil homme, ancien catéchiste de la mission

Dans les deux cas, les croyances relatives au monde hostile des esprits

protestante évangélique, est accusé d'avoir ensorcelé sa femme

invisibles sont les mêmes. Mais Nakindi est une voyante, entourée

310

: ils savent discerner le mensonge.

un breuvage à un poussin, c'est un juge supra-naturel

succession mouvementée de leurs maris et amis, leurs réponses évasives

collègues par une liste de questions apprises, à quelques variantes près, pendant l'initiation. Le frottement de la poudre, qu'elle est seule

les bois frottés sont clairvoyants

L'épreuve du poison est un jugement. Quand le devin fait absorber

nature qui l'environne. Lorsque j'interrogeais certainesfemmessur la

de sesespritsfamiliers qui courent sur son dos et sesmains; elle se concentresur la sensationtactile d'une poudre dont elle est seule à sentir le glissementsec ou humide. Elle n'est pas guidéecomme ses

peut aussi

se faire pour éclairer un juge embarrassépar les versionscontradictoires desplaidants. En général, la pratique des bois flottés est alors suivie d'une épreuvedu poison. Comme l'expliquent les Nzakara,

elle est malade. Il est d'un clan esclave dans lequel, semble-t-il,

l'organe héréditaire du sorcier est censé exister : on l'aurait trouvé {

autrefois à la suite d'ordalies par le poison. Le juge du tribunal coutumier,à qui l'on a présentél'affaire quelquesjours avantcette 1. arec/ese/ Or(ü/ïes...,p. 70-89 311

DR A. RETEL-LAURENTIN

LA FORCE DE LA PAROLE

consultation, a envoyéles plaidants chez son devin habituel afin que celui-ci démasquela sorcellerie,si elle existe. Dans ce cas. le soràer

naît que les façonsde faire de sa femmelui ont déplu : >;elle n'est pas à l'origine de la maladie. Les parentsde la femme demandentalors au mari de seulement

se voit obligé de pratiquer un contre-ensorcellement, seul recours de

guérison.Le vieux mari a dÿà été reconnu sorcierpar un autre devin, mais, dans une afïàire aussi importante, on demandeau meilleur

dire s'il y a sorcellerie (mangou) ou envoûtement.

devin du pays de contrôler les déclarations de son collègue.

Le mari raconte alors une deuxième querelle entre lui et son épouse; il s'est fâché un jour où (comme

qu'lwa collera tant que la femme restera sous la menace d'un envoû-

vase d'offrandes du sanctuaire de mes mânes. selon la coiitume

est ici : tuer et n'anchir, et que deux possibilités de nuire sont évoquées :

marche

car lwa n'est pas un esprit envieux ou vengeur.L'homme veut dire

Si j'ai fait un envoï2ïemenf par une plante, si j'ai invoqué le

le poison (qu'il survivre au poison).

quelqu'un

sur une canne, lwa reste ôxé >. lwa est fixé sur la maladie comme les mânes sur le précédent consultant; mais lwa n'égare pas un malade, comme le font les mânes,

ment au sujet de l'origine de la maladie de sa femme,ce qu'il fait

dessus la même croyance. Le premier ''1

le dit peut-être pour essayer

d'échapper à une déclaration de sorcellerie sans nuire à la guérison

de sa femme. Le devin, par contre, revient sur cette ûxation pour obtenir une confessionqui rendra l'épreuve du poison inutile, puis' qu'il n'y aura plus de contestation.

Le vieil homme finira de perdre son assurancelorsque le devin lui reproched'avoir apporté, en vue de l'épreuve du poison, un poussin provenant de sa basse-cour. Généralement, on achète une volaille afin de montrer qu'on n'avait pas l'intention de procéder à un envoû'

terrent sur l'animal, envoûtementqui peut troubler la réponsedu

disputes relative à ce pagne qu'elle lui avait réclamé. L'homme recon-

bengué. Or lwa colle sur : celui-ci est envoûté. Il faut renoncer à l'épreuve tant qu'il n'y aura pas un autre volatile à utiliser.

312

313

L'épouse intervient pour rappeler à son mari une de leurs premières

+

DR A. RETEL-LAURENTIN

Au dix-septième échange du dialogue, l'inculpé unit par déclarer

Avouer, c'est dire oui. Elle m'a complètementprivé de nourri' turc ï, c'est pourquoi je l'ai eniorce/ëeà la mesurede sestorts...

Là-dessus, je pars régler les façons de faire de mon clan (l'exorcisme des efïëts de la sorcellerie, selon la coutume de son clan), et les contre-envoûtements aôn que cette femme guérisse.

Quand elle sera guérie et qu'il me plaira de me soumettre au jugement du bengué,je le ferai. Je vais aussi aller chercher

(acheter) un autre poussin pour dénouer également !es ruses

du génie de mon père.

La deuxièmephrasedu nous paraît donner

un nouvel exemple d'antithèse; à la sorcellerie-qui-mange, est opposée le refus-de-nourriture.

Ce n'est pas par hasard que le mari évoque

le jeûne comme cause déclenchante de sa sorcellerie, au lieu de gestes de menace ou de querelle. Quant à sa dernière phrase, elle commente une révélation du devin : son père avait vénéré un génie; pour apaiser sa colère, il faut lui sacriûer un poulet.

La première réaction d'un Européen, qui a une façon difïërente de concevoir'les différends et de les apaiser, peut être l'indignation.

Pour moi, ce fut la surprise.Je croyaisqu'un ex-catéchiste allait

s'indigner d'être soupçonnéde sorcellerie.C'était bien mal connaître les coutumes nzakara. La pression exercée sur l'inculpé était, paraît-il,

amicale.: il avait été un bon mari, on souhaitait qu'il continue à vivre en paix avec sa femme.Il était sorcier?Il n'y était pour rien, puisqu'il avait hérité de l'organe sorcierà sa naissance: lorsqu'il avait proféré des paroles de menaces,sous forme de serment, sa sorcellerie organique, dans son ventre, les avait entendues et les avait

exécutées.Tout devient clair. Le mari s'est emporté contre son épouse parce qu'il avait f aim, qu'il ressentait peut-être aussi une certaine

animositéde la part de sa femmeet sa sorcellerieavait accompli la menace, a son insu. Notons qu'aucun commentaire n'accompagne cette déclaration. Cependant le devin continue sa consultation en disant

LA FORCE DE LA PAROLE

[Au mari] quand elle sera guérie, tu reviendras boire le bengué(c'est lé poussin qui boira) et nous verrons alors si c'est parce qu'elle a mal agi enverstoi que tu t'es fâché et l'as ensorcelée.

En contrepartiede l'aveu du mari, le devin chars! la femme;

elle avait irrité les mânes de son mari, et excité sa sorcellerie en prononçant des paroles de colère et de menace contre !ui. Elle aussi est

donc responsable,mais toujours selon cette responsabilité atténuée dont nous avons parlé à propos de la première consultation divinatoire; l'homme propose, les esprits disposent. Enûn, le but de l'inquisition n'est pas de condamner, encore.moins d'isoler'le prévenu dans un cercle de mépris, mais de conjurer le mal,

de rétablir'la paix et l'harmonie au foyer comme au village.

111. LE ROLE DE L'INSTRUMENT DANS LES CONSULTATIONS DIVINATOIRES.

a. Rôle de ïa consultation

La description de ces trois consultations divinatoires chez les Nza-

kara fait percevoir la participation des intéressésau dialogue entre un

devin et son lwa. Les consultants sont ouvertement interrogés sur leur vie passée et présente. La révélation ne porte pas.:ur le >? ç'est-à-dire sur les événements qui se sont passés au village, car ceux-ci

flint partie du domaine connaissable. Le domaine de recherche du

devin, c'est l'inconnaissable, c'est.à-dire ce monde invisible des esprits qui, en œuvrant pour le malheur des hommes, sont la .cause profonde des maux. L'enquête menée par le devin paraît .utile .au consultantcomme aux assistants,car elle sert à discernerl'origine du mal, à révélerle nom de l'esprit qui agit, son moded'action et ses

lwa dit que la femme aussi a créé des ennuis à son époux,

intermédiaires : envoûtements, sorcellerie. Mais par-delà l'évocation des esprits nuisibles, les discussions entre

sa canne, redevienne joyeuse et que son mari, lorsqu'il aura

lit attentivement les textes de consultations semblables, on s'aperçoit

c'est pourquoi les mânesde celui-ci ont fait ensorcelercette femme. Que l'on règle tout cela; que cette femme, ayant jeté apaisé les esprits, revienne au jugement du bengué.

consultëÙtset devins constituent une sorte de psychodramepropre à déchargerl'anxiété latente et l'agressivité du consultant. Lorsqu'on que J'exfërïorïsa/fon des sentiments secrets est assezsouvent considérée

cuisiner, car c'est un rôle exclusivementféminin. est alors réellement condamné au

comme une partie des remèdes. Ces deux aspects complémentaires des consultations leur confèrent un rôle dans la psychologie collective et dans la vie sociale.

314

315

1. La femme malade n'a pas préparé les repas de son époux. L'homme, ne pouvant

jeûne s'il n'a pas de parente proche.

DR A. RETEL-LAURENTIN

LA FORCE DE LA PAROLE

sapuissanceî. Autrefois, lorsque le sorcier était dévoilé par les spasmes

de l'agonie, la foule criait : Benguézali:= Benguéle prend. Les

b. Rôle de ïa techniquedivinatoirepar alternative dansla révélation.

convulsions étaient l'image de cette lutte digestive, analogue à celle

Un autre aspect que nous retiendrons, c'est la raison du prestige

de l'animal qui, pris au piège, se débat dans un blet de chasse.

1. Les techniquesdivinatoires desNzakara proposentpeu d'images;

ou des signes graphiques dessinésà même le sable, proposent de

d'une perche à l'entrée du village : la sorcellerie interne et invisible est malfaisante; la sorcellerie extériorisée et exposéeest sans efïët nocif; plus, elle menace les sorciers. L'absence de sorcellerie, à l'inverse, est manifestéepar l'absence

son diagnostic, sans parfois que 'le consultant intervienne.

puisqu'il a franchi le ventre sansy trouver cet autre obstaclequi est

Chez les Nzakara, au contraire, le devin propose des explications; les bois frottés ne font que trier, ou ,comme le disent les

lorsque le poison d'épreuve est administré à un poulet, censé représen-

On autopsiait le sorcier et l'organe maléique était exposé au sommet

des techniques instrumentales représentant une simple alternative.

elles s'opposent en cela à. la géomancie africaine, par exemple, dans laquelle des sériesde dés,de cauris?des objets variés, jetés d'un panier,

multiplessymbolesou imagesqui vont guiderle devin et orienter

de signes extérieurs. Le breuvage a >le non-sorcier(le tuyau),

le mensonge. Le langage actuel rend compte de ce mécanisme; tera'inculpé,celui-ci déclare

Nzakara eux-mêmes, en répondant aux questions par l'équivalent d'un ouïou d'un/zo/z. En fait, l'alternative instrumentale n'est pas exactement un oui ou un non, elle répond à deux images antinomiques qui éveillent

\

l

des. correspondances dans un système de pensée compose de séries antinomiques et vivant d'images qui présentent entre elles des analogies. La plupart des mécanismes, biologiques ou sociaux, semblent s;appa-

renter. à une opposition de référent,

me terrasse, ou encore Z,Cagesenti, [me jette à] terre).

Non sorcellerie ;: le breuvage coule sans rencontrer d'obstacle

plemïere approximation : sac / tuyau, en attendant qu'une étude

(tuyau). Sorcellerie = le breuvage coule dans un sac, lutte (convulsions) et tue. C'est un exorcisme. Le premier terme de l'alternative, l'innocence, nous présente donc le breuvage qui suit son cours, sans obstacle, comme le courant

plus pousséepermette une meilleure expression. Donnons quelques exemples. Le sorcier exécute sesmaléûces grâce à un organe pourvu de dents ou de grillés et situé dans le ventre î, c'est-à-dire au siège même de la

vie. C est un .Le substrat:espritde cette sorcelleriepeut quitter le ventre du sorcier et pénétrer dans le corps d'un animal an chair et

d'un ïïeuve : le poussincourt et picore.L'autre, la sorcellerie(oules autres forces nuisibles à l'homme, l'envoûtement ou la déclaration mensongèred'innocence) signifie la prise, c'est-à-dire la capture

en os ou en rêve; sous.cetteforme, il l'esprit ou le sang de sa victime; la maladie ou la mort seront la manifestation visible manger; être tué ou malade, c'est être mangé.

Dans l'ordalie africaine par le poison, l'homme suspectde sorcel-

lerie un aliment toxîquë ou l'absorbe sous forme de breu-

vage: Nous. avons vu que les Nzakara appellent bengué cet esprit

invisible. qui anime l'ordalie et qui tue le 'sorcier de la même façon que celui-ci s'est emparé d'autres individus en . Le breuvage, comme un messager,rencontre, dans le ventre, l'organe sorcier et. le capte. Le breuvage a heurté !e sac du sorcier, 'il a brisé

(Zlengepÿô, bengué dépasse, de la même façon que le majeur dépasseles autres doigts). Sinon, que je sois pris ou terrassé

par le bengué(bennezua ka ka Æa,me casse,ou mï /ï benne,

que nous avons nommée'en

de son actionanthropophagique. On pourraitdire : vivre,c'est

si je suis innocent, que je franchise le bengué ('mï kz//zzlza ôengeJ; ou que le bengué franchisse, c'est-à-dire traverse

+

le poussin titube, est pris de convulsions et meurt.

De même, iwa, dit-on, lorsque les bois necollent pas; il n'a pas trouvé d'obstacle; inversement, les bois qui collent

évoquent l'obstacle, la .Les deux manœuvres de l'instrument s'opposent, selon deux images analogues à celles de la sorcellerie et del'ordalie parle poison. Les eïïëts de l'adultère nous ofïtent encore un autre terme de compa-

raison qui explicite un jeu d'oppositions, dialectique en apparence,

mais organique dans son essence,analogue au sac et au tuyau. Nous 1. Dans d'autres sociétés africaines. l'ordalie révèle la sorcellerie par des manifës

:autres, aies peut être la vraœdsorceinüie tian. arme dans un organe héréditaire. Pour

316

tations analoguesà celles du sorcier : délire, convulsions ou diarrhée. Orzü/fese/ Sor cel/crie en .4/}ïqKe JVbïre, Anthropos,

Paris, 1973.

317

{

DR A. RETEL-LAURENTIN

LA FORCE DE LA PAROLE

en disons quelques mots parce qu'il nous introduit à l'analogie entre

amants par intention >>dans l'espoir d'une prompte délivrance.

deux.types de désordres : les désordres sociaux et les perturbations d'ordre physiologique. Les Nzakara croient, et ils rejoignent en cela maintes autres sociétés africaines, qu'un homme qui couche avec

Ensuite, on présente à haute voix les noms confessésaDX ancêtres, en les priant de se réconcilier et d'annuler ou d'oublier les écarts de conduite de la femme. Alors, disent les Nzakara, la délivrance se

villageoises par excellence. Mais l'acte sexuel adultérin a en même temps des elïëts organiques,

et d'expulsion ou d'éliminationdam lesquels un mal,adultèreou

h

l'épouse d'un autre accomplit un geste antisocial, au même titre que ceux du sorcier, perturbateur de l'harmonie et de la prospérité

Nous venons de donner deux exemplesd'ingestion (au senslarge)

sorcellerie,sont des actes antisociaux. Ils agissentcomme.des corps organiques intracorporels, qui auraient un pouvoir antibiologique inhibiteur ou destructeur.Dans l'épreuve du poison donné au sorcier,

ïzzsïræ, dans (1'utérus ï) : il désordonné sa gros:

fesse...Le liquide séminal est conçu comme la sève caractéristique

le breuvage,élément de vie, devient mortel: Dans l'adultère,l'embryon, promessed'un nouveau membre pour le lignage, meurt: par expulsion

d'un lignage(c'est la résonanceorganiquedu lignage).L'acte sexiïel du mari est une nourriture pour sa femme et son enfant parce qu'il a formé une alliance avec son épouse,alliance qui est plus qu'un gage

prématurée (l'avortement) ou par rétention prolongée (l'accouchement

de paixj elle est antinomique de guerre. L'adultère est donc l'équivalent

dystocique).

enceinte ou qu'elle le devienne. Cette guerre se manifestera concrète-

n'est qu'un exemple, parmi d'autres, des .raisonnements nzakara

' La suite 'd'oppositions

d'une déclaratio! de guerre dans le sein de la femme, qu'elle soit

Or l;oracle par les bois frottés répond parfaitement à une explication d'événements complexes, élaborée lentement mais sûrement par

ment lorsque le fétus tombe dans le sang : ç'est l'avortement. Cette conséquencequasi.mécanique de l'adultère est tellement grave que, dans certaines sociétésafricaines comme chez les Luba, un homme préfère envoyer sa femme chez son amant afin que celui-ci