Destination le Tchad
 2140319222, 9782140319228

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Florent KASSAï

Destination le Tchad

Du même auteur chez le même éditeur MOI, ANTIBALAKA. Une révolution paysanne, L’Harmattan BD, 2022.

© 2023 L’Harmattan éditions Tous droits réservés pour tous pays y compris le Cameroun et le Tchad. Dépôt légal avril 2023 - première édition. ISBN : 978-2-14-031922-8 Achevé d’imprimer en avril 2023.

JE M’APPELLE ZENABOU ET J’HABITE LE PK 5, APPELÉ GÉNÉRALEMENT KM 5.

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C’EST LE PLUS GRAND QUARTIER MUSULMAN DE BANGUI

ET LE PRINCIPAL CENTRE COMMERCIAL.

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MAIS LES HABITUÉS L’APPELLENT « ZONE 5 ».

REGARDEZ UN PEU ÇA, VIEUX ! ÇA VIENT DIRECTEMENT D’ITALIE.

UNE ZONE OÙ L’ON A INTÉRÊT À SE MÉFIER DE SA PROPRE OMBRE...

À CAUSE DES PICKPOCKETS CONNUS SOUS LE NOM D’ÉPERVIERS. L’UN VOUS DISTRAIT ET L’AUTRE VOUS FAIT LES POCHES.

CES GENRES DE SCÈNES ÉTAIENT FRÉQUENTS AU VOLEUR ! ATTRAPEZ-LE !

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ET RYTHMAIENT LA VIE AU PK5.

JUSQU’À LA PRISE DE POUVOIR À BANGUI PAR LA COALITION SELEKA, UNE RÉBELLION À DOMINANCE MUSULMANE.

LES EXACTIONS AUXQUELLES SE LIVRAIENT SES MEMBRES SUR LA POPULATION CIVILE…

… ONT FINI PAR PROVOQUER LA BAISSE DE LA FRÉQUENTATION DU MARCHÉ.

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DEPUIS QUELQUES JOURS, DES NOUVELLES CONCERNANT LA FORMATION D’UN GROUPE ARMÉ DÉNOMMÉ MOUVEMENT ANTIBALAKA CIRCULAIENT. LEURS OBJECTIFS : PROTÉGER LA COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE ET MARCHER SUR BANGUI

MAIS NOMBREUX ÉTAIENT CEUX QUI NE CROYAIENT PAS EN LEUR CAPACITÉ DE MENER À BIEN CE PROJET. IL NE FAUT S’ALARMER, MAMAN, J’AI APPRIS QUE POUR ARMES CES GENS N’ONT QUE DES MACHETTES.

IL NE FAUT PAS PRENDRE CETTE AFFAIRE À LA LÉGÈRE, FAYZA !

MAIS À MESURE QUE LES JOURS PASSAIENT, LES RUMEURS DEVENAIENT PLUS INQUIÉTANTES, AMENANT LES SELEKA A INTENSIFIER LEURS PATROUILLES.

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BANGUI, 5 DÉCEMBRE 2013. 3 HEURES DU MATIN.

RASSURÉ PAR LA PRÉSENCE DES COMBATTANTS SELEKA, LE PK5 BAIGNAIT DANS LE CALME.

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UN CALME PRÉCAIRE BIEN SÛR.

UNE HEURE PLUS TARD, LE QUARTIER ÉTAIT PRIS D’ASSAUT PAR DES COLONNES DE COMBATTANTS ANTIBALAKA, MUS PAR LA HAINE ET LA VOLONTÉ DE TUER.

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MAIS LA RIPOSTE DES SELEKA NE S’ÉTAIT PAS FAIT ATTENDRE. ELLE ÉTAIT D’AILLEURS FAROUCHE.

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OBLIGEANT LES ANTIBALAKA SOUS-ÉQUIPÉS ET EN PANNE DE MUNITIONS, à BATTRE EN RETRAITE.

LAISSANT DERRIÈRE EUX PRÈS D’UNE CENTAINE DE MORTS, DES CIVILS POUR LA PLUPART.

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DEPUIS, BANGUI VIT AU RYTHME D’AFFRONTEMENTS ENTRE LES SELEKA AU POUVOIR ET LES COMBATTANTS ANTIBALAKA QUI VOULAIENT LES DÉLOGER.

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DEPUIS TROIS SEMAINES QUE LE PK5 ÉTAIT ASSIÉGÉ ET MANQUAIT DE TOUT : NOURRITURE, EAU COURANTE, ÉLECTRICITÉ. POUR SORTIR DE L’ASPHYXIE ET ÉVITER UNE PROBABLE ATTAQUE MASSIVE DES ANTIBALAKA SUR LE QUARTIER, LE CONSEIL ISLAMIQUE ORDONNA L’ÉVACUATION : DESTINATION LE TCHAD.

MAIS QU’EST-CE QUE TU FAIS ENCORE LÀ, ZENA ?

JE FINIS MA VALISE, MAMAN.

MAMAN, JE NE SUIS PAS CHAUDE POUR CE VOYAGE.

DÉPÊCHE-TOI DONC, LE DÉPART EST POUR BIENTÔT !

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QU’EST-CE QUE TU VEUX DIRE PAR LÀ. TU NE VOIS PAS QUE LA SITUATION EST INTENABLE ? DEPUIS TROIS SEMAINES QUE NOUS N’AVONS NI EAU COURANTE NI ÉLECTRICITÉ, SANS PARLER DES ATTAQUES INCESSANTES DES ANTIBALAKA.

JE N’AI PAS DIT QUE J’AVAIS ENVIE DE RESTER, MAIS J’AI PEUR.

DE QUOI AS-TU PEUR, ZENA ?

DES ANTIBALAKA. JE CRAINS QU’ILS NOUS ATTAQUENT EN CHEMIN.

TU RÊVES OU QUOI ? QU’EST-CE QUE LES ANTIBALAKA ONT COMME ARMES, SI CE N’EST DES FUSILS ARTISANAUX

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C’EST PARCE QU’ILS NOUS AVAIENT ATTAQUÉS PAR SURPRISE.

FAYZA, TU OUBLIES QUE C’EST AVEC CES MÊMES ARMES QU’ILS ONT MASSACRÉ LES NÔTRES IL Y A TROIS SEMAINES ?

S’ILS L’ONT DÉJÀ FAIT, QU’EST-CE QUI LES EMPÊCHE DE RECOMMENCER ?

ET POURQUOI SOUHAITERAIS-JE UNE CHOSE PAREILLE ?

WALLAY, ZENA ! POURQUOI ES-TU SI PESSIMISTE ? À MOINS QUE CE SOIT UN SOUHAIT.

VOUS ALLEZ LA FERMER, VOUS DEUX ?

MAIS CE N’EST PAS MOI QUI AI COMMENCÉ, MAMAN, JE SUIS PLUTÔT VENUE LUI DEMANDER DE S’OCCUPER DE IDRISS, LE TEMPS QUE JE FINISSE MA VALISE.

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MAIS QU’EST-CE QUE VOUS FOUTEZ ENCORE ICI, FATIMA ? LES CAMIONS SONT TOUS CHARGÉS.

OÙ EST-ELLE DONC ?

ON ATTENDAIT FAYZA. ELLE N’ARRIVAIT PAS À FAIRE SA VALISE À CAUSE D’IDRISS.

ELLE ARRIVE !

FAYZA !

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J’ARRIVE, PAPA.

MAIS OÙ EST PAPA ? NE VIENT-IL PAS ?

NON, IL NE VIENT PAS.

MAIS POURQUOI ?

PARCE NOTRE SÉJOUR AU TCHAD NE SERA PAS LONG. BIENTÔT LA GUERRE SERA FINIE.

ET QU’EST-CE QUI TE LE FAIT DIRE, ALORS QU’AUCUN DES DEUX CAMPS N’EST DISPOSÉ À FAIRE LA PAIX ?

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JE NE VOIS PAS LES SELEKA CAPABLES DE TENIR LONGTEMPS.

ESCORTÉ PAR LES MILITAIRES FRANÇAIS DE L’OPÉRATION SANGARIS ET LE CONTINGENT BURUNDAIS DE LA MISCA, LE CONVOI SE MIT ENFIN EN ROUTE.

QUELQUES MINUTES PLUS TARD, IL TRAVERSA LES QUARTIERS MUSULMANS DU 5E ARRONDISSEMENT, COMPLÈTEMENT DÉVASTÉS.

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MAIS IL FUT PRIS D’ASSAUT PAR UNE FOULE EN COLÈRE DANS LES QUARTIERS CHRÉTIENS À LA SORTIE NORD DE LA VILLE.

QUE VEULENT-ILS FAIRE, CES FOUS ?

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WALLAY ! VOUS ALLEZ LE PAYER !

ATTENTION, GRENADE !

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MAIS L’ESCORTE N’ALLA PAS AU-DELÀ DE LA BARRIÈRE MILITAIRE DE PK 12, MARQUANT LA LIMITE NORD DE LA VILLE, ABANDONNANT AINSI LE CONVOI À SON SORT.

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LE VOYAGE SE DÉROULA ENSUITE TRANQUILLEMENT

JUSQU’À DAMARA.

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DAMARA, UNE VILLE VIDÉE DE SES HABITANTS À L’APPROCHE DU CONVOI, PAR CRAINTE DE REPRÉSAILLES.

MAIS LA TENSION S’ÉTAIT VITE INSTALLÉE PARMI LES PASSAGERS.

FINALEMENT, LA TRAVERSÉE DE LA VILLE SE DÉROULA SANS INCIDENT.

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POURTANT LE DANGER N’ÉTAIT PAS LOIN.

L’ENNEMI NOUS ATTENDAIT QUELQUE PART.

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ON IGNORAIT LE NOMBRE DE PERSONNES QUI AVAIENT PÉRI DANS CET ACCIDENT PROVOQUÉ. VRAISEMBLABLEMENT UNE DIZAINE DE MORTS.

LA CHUTE DU CAMION AVAIT BRISÉ LE MORAL DE TOUT LE MONDE

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ET DÉCLENCHÉ LA COLÈRE DES PASSAGERS.

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ILS LA DÉVERSÈRENT SUR LES VILLAGES LONGEANT LA VOIE.

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MAIS BIENTÔT NOTRE VÉHICULE TOMBA EN PANNE.

C’EST GRAVE ?

UNE FUITE DE RADIATEUR.

JE VAIS ESSAYER DE COLMATER LA BRÈCHE, MAIS ÇA VA PRENDRE DU TEMPS. ENTRE UNE HEURE ET UNE HEURE ET DEMIE.

ON PEUT LE RÉPARER ?

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OÙ EST-CE QU’ON VA COMME CA, MADEMOISELLE ?

JE VAIS ME SOULAGER.

C’EST MON NEVEU, IL NE VEUT PAS ME LÂCHER.

AVEC LUI ?

NE T’ÉLOIGNE PAS TROP ! ÇA POURRAIT ÊTRE DANGEREUX.

ELLE EST CANON, LA FILLE !

OUI, JE SAIS.

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BRRAAOUM

Mon Dieu, maman, Zeyna !

MON DIEU !

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MAMAAAN ! FAYZAAA !

ATTRAPEZ-LA ! JE LA VEUX VIVANTE.

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NE PLEURE PAS IDRISS, JE T’EN PRIE.

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BANDE DE BONS À RIEN. COMMENT EST-IL POSSIBLE QUE CETTE FILLE SANS DÉFENSE AIT RÉUSSI À VOUS ÉCHAPPER, HEIN ?

VOUS DEVRIEZ REMERCIER LE CIEL QUE JE NE VOUS AI PAS ABATTU.

ON PEUT METTRE LE FEU À LA BROUSSE POUR L’OBLIGER À SE MONTRER, MON COMMANDANT.

JE T’INTERDIS DE PENSER COMME ÇA. JE LA VEUX VIVANTE.

QU’EST-QUE TU NE COMPRENDS PAS, AUBINO. IL VEUT FAIRE D’ELLE SA SIXIÈME ÉPOUSE.

MAIS POURQUOI LE COMMANDANT TIENT-IL À L’AVOIR VIVANTE? LA TÂCHE AURAIT ÉTÉ SIMPLE S’IL NOUS AVAIT DEMANDÉ DE L’ÉLIMINER !

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VOUS NE PENSEZ PAS QU’ON FERAIT MIEUX DE SE SÉPARER ?

TU AS RAISON. ÇA AUGMENTERA LES CHANCES DE RÉUSSITE.

OOOOUUUIIN !

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PITIÉ ! NE NOUS FAITES PAS DE MAL.

MAIS… CE N’EST QU’UNE PAUVRE FILLE ! ELLE EST JOLIE EN PLUS.

POUR L’AMOUR DE DIEU, ÉPARGNEZ-NOUS LA VIE. JE FERAI TOUT CE QUE VOUS VOULEZ.

T’INQUIÈTE, JE NE VOUS FERAI PAS DE MAL.

C’EST VRAI ? QU’ALLAH TE BÉNISSE.

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C’EST TON ENFANT ?

C’EST MON NEVEU, L’ENFANT DE MA SŒUR. SA MÈRE A ÉTÉ TUÉE DANS L’ATTAQUE, AVEC NOTRE PROPRE MÈRE.

CETTE FILLE ME FAIT PITIÉ. JE NE PEUX PAS LA TUER.

VIENS, C’EST PAS PRUDENT DE RESTER ICI.

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ON VA OÙ ?

DANS UN ENDROIT OÙ VOUS SEREZ EN SÉCURITÉ.

COMMENT TU T’APPELLES ?

MOI, C’EST AUBINO.

ZENABOU.

VOILÀ, ICI VOUS SEREZ PLUS EN SÉCURITÉ.

TU NOUS LAISSES ?

JE DOIS REJOINDRE LES AUTRES, SINON ILS VONT S’INQUIÉTER.

NE NOUS ABANDONNE PAS, S’IL TE PLAÎT !

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JE NE PEUX PAS RESTER ICI NI VOUS AMENER AU VILLAGE.

QUE VA-T-ON FAIRE ALORS ? JE NE CONNAIS PAS LE COIN.

QUELLES SONT TES INTENTIONS ?

JE VEUX REPARTIR À BANGUI, MAIS JE NE SAIS PAS COMMENT, AVEC CES ANTIBALAKA QUI CONTRÔLENT LA ROUTE.

MAIS COMMENT NOUS Y RENDRE, SEULS ?

LE MIEUX EST DE VOUS RENDRE D’ABORD À SIBUT. VOUS Y TROUVEREZ LES MILITAIRES FRANÇAIS DE L’OPÉRATION SANGARIS ILS POURRONT VOUS RAMENER À BANGUI.

TU AS RAISON, VOUS N’Y ARRIVEREZ JAMAIS. SURTOUT QU’IL VOUS FAUDRAIT EMPRUNTER DES SENTIERS DE CHASSE.

REVIENS VITE, S’IL TE PLAÎT. J’AI TRÈS PEUR.

JE VAIS VOUS AIDER, BIEN QUE CELA COMPORTE DES RISQUES. MAIS JE DOIS D’ABORD AVERTIR MES PARENTS.

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MOI NON PLUS. ILS ONT SANS DOUTE RÉUSSI À FILER. RIEN VU.

VOUS AVEZ ENTENDU ? ON DIRAIT DES PLEURS D’ENFANT.

MERDE, ILS VONT LEUR TOMBER DESSUS. QUE FAIRE ?

NOUS AVONS L’OBLIGATION DE LES RETROUVER. JE NE VEUX PAS AVOIR DES HISTOIRES AVEC LE COMMANDANT.

ALLONS VOIR, ÇA POURRAIT ÊTRE EUX.

JE N’AI VRAIMENT PAS LE CHOIX.

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NOOOON !

IL FAUT QU’ON PARTE D’ICI. DÉPÊCHE-TOI !

QU’EST-CE QUI SE PASSE ? C’EST QUOI CES COUPS DE FEU ? J’AI DÛ ABATTRE MES DEUX COLLÈGUES. ILS ÉTAIENT À DEUX DOIGTS DE VOUS TOMBER DESSUS.

ON PART à SIBUT COMME ÇA ?

OUI.

IL NOUS FAUDRA COMBIEN DE TEMPS POUR ARRIVER ?

DEUX JOURS DE MARCHE.

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OÙ EST DONC PARTI TON FILS AUBINO ?

COMMENT VOULEZ-VOUS QUE JE LE SACHE ? N’ÉTAIT-IL PAS AVEC VOUS ?

QUE TON FILS ABATTE FROIDEMENT DEUX DE MES BRAVES HOMMES POUR PROTÉGER NOS ENNEMIS ET TOI TU PRÉTENDS N’ÊTRE PAS AU COURANT ?

AUBINO N’EST PAS UN TRAÎTRE. C’EST POUR VENGER SON FRÈRE TUÉ PAR LES SELEKA QU’IL S’EST ENGAGÉ DANS LE MOUVEMENT. JE LE VOIS MAL FAIRE CE QUE VOUS LUI REPROCHEZ.

PUISQUE TU CONTINUEs À NIER, JE VAIS T’AIDER À MIEUX RÉFLÉCHIR, MON CHER.

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AMENEZ-MOI LA FEMME !

NOOOOOOOOOON !

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ON NE SE DÉCIDE TOUJOURS PAS ? OK, JE COMPTE JUSQU’À TROIS. C’EST À TOI DE CHOISIR.

DEUX…

UN…

MAIS, PARLE DONC !

TROIS.

JE VOIS QUE TU AS DÉCIDÉ DE LES PROTÉGER JUSQU’AU BOUT.

TUEZ-MOI PLUTÔT. TUEZ-MOI APRÈS MA FEMME. ALLEZ, TIREZ !

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QUE CE QUI S’EST PASSÉ SERVE D’AVERTISSEMENT À TOUS CEUX QUI NOURRISSENT LA MAUVAISE IDÉE DE TRAHIR LA RÉVOLUTION. NOUS NE LEUR FERONS PAS CADEAU.

NOUS VOUS DEMANDONS SEULEMENT DE COLLABORER. ET TOUS CEUX QUI NOUS AIDERONT À CAPTURER LES FUGITIFS SERONT RÉCOMPENSÉS.

ALERTE INFO Le commandant massacre, chef AntiBalaka, offre une récompense de 25 OOO Frs à toute personne qui réussira à capturer une jeune musulmane, mère d’une enfant, habillée en jaune, ainsi que leur accompagnateur. Un jeune homme dénommé Aubino.

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CETTE INFORMATION DOIT ÊTRE DIFFUSÉE DANS TOUS LES VILLAGES ENVIRONNANTS.

POURQUOI TU NOUS AS SAUVÉ LA VIE ?

TON REGARD... JE NE POUVAIS QUAND MÊME PAS TUER UNE PAUVRE FILLE INNOCENTE ET SANS DÉFENSE. C’AURAIT ÉTÉ INHUMAIN. ET DIEU N’AIME PAS ÇA.

OUI, C’EST VRAI. JE TE DEMANDE PARDON.

JE NE DEVAIS PAS ? TU AURAIS VOULU QU’IL EN SOIT AUTREMENT ?

QUAND TOI ET TES CAMARADES VOUS VOUS ÊTES LANCÉS À NOS TROUSSES, C’ÉTAIT DANS L’INTENTION DE NOUS TUER. QU’EST-CE QUI T’A FAIT CHANGER D’AVIS ?

CELA NE T’A QUAND MÊME PAS EMPÊCHÉ DE PARTICIPER AU MASSACRE DES CIVILS QUI SE TROUVAIENT DANS NOTRE VÉHICULE.

QUAND TU NOUS AURAS DÉPOSÉS À SIBUT, TU REPRENDRAS TES ACTIVITÉS DE COMBATTANT ?

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NON, JE N’EN PEUX PLUS.

TU SAIS, C’EST LE MASSACRE DE MON FRÈRE AÎNÉ ET DE SES DEUX GARÇONS PAR LES SELEKA QUI A MOTIVÉ MON ENGAGEMENT DANS LE MOUVEMENT ANTIBALAKA. JE VOULAIS LES VENGER. JE N’AVAIS PAS IMAGINÉ QUE JE POURRAIS ÊTRE AMENÉ À TUER DES INNOCENTS.

J’IGNORE SI JE ME REMETTRAI DE LA MORT DE MA MÈRE ET MA SŒUR.

J’IMAGINE TA DOULEUR, ZENA. QUOI QUE JE FASSE, JE NE POURRAI LES RAMENER À LA VIE. MAIS CROIS-MOI, JE FERAI N’IMPORTE QUOI POUR VOUS PROTÉGER, TOI ET L’ENFANT.

JE SAIS QUE MON GESTE RISQUE DE COÛTER CHER À MA FAMILLE, MAIS JE NE PEUX FAIRE AUTREMENT.

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TU PENSES QUE TES ANCIENS CAMARADES S’EN PRENDRONT AUX TIENS QUAND ILS APPRENDRONT LA VÉRITÉ ?

JE CRAINS QUE CE SOIT LE CAS.

TU NE PEUX PAS FAIRE QUELQUE CHOSE POUR TES PARENTS ?

LA SEULE CHOSE QUE J’ÉTAIS EN MESURE DE FAIRE, C’ÉTAIT DE LES ALERTER. MALHEUREUSEMENT LES CHOSES SE SONT PRÉCIPITÉES ET PLUS RIEN N’EST POSSIBLE MAINTENANT.

BON, IL FAUT QUE TU TE REPOSES. NOUS AURONS UNE DURE JOURNÉE DEMAIN.

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LE LENDEMAIN, NOUS NOUS SOMMES TRÈS TÔT MIS EN ROUTE.

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ÇA VIENT, ATTRAPE !

TU AS QUEL ÂGE, ZENA ?

DIX-HUIT ANS. POURQUOI ?

SI TU VIVAIS DANS MON VILLAGE, TU AURAIS DÉJÀ EU TROIS ENFANTS... LES FILLES SE MARIENT TRÈS VITE CHEZ MOI.

CERTAINES, OUI. MAIS LA PLUPART LE FONT SOUS LA PRESSION DE LEURS PARENTS.

NE VONT-ELLES PAS À L’ÉCOLE ?

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C’EST ELLES QUI LE VEULENT ?

LES PARENTS DISENT QUE L’ÉCOLE C’EST POUR LES GARÇONS ET QUE LA FILLE A SA PLACE AU FOYER.

QU’EST-CE QUI SE PASSE, ZENA ?

QU’EST-CE QU’IL A ?

IDRISS NE VA PAS BIEN.

IL N’Y A PAS UN COURS D’EAU DANS LES ENVIRONS ? PEUT-ÊTRE QU’UN BAIN LUI FERA DU BIEN.

IL Y A UN MARIGOT PAR ICI. ALLONS VOIR.

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IL FAIT DE LA TEMPÉRATURE ET GRELOTTE.

T’INQUIÈTE, MON GRAND. JE NE VAIS PAS TE NOYER.

VOILÀ, TU PEUX L’HABILLER MAINTENANT.

MERCI, AUBINO.

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AUBINO !

SA TEMPÉRATURE GRIMPE DE NOUVEAU.

OUI ?

OH NON !

Il LUI FAUDRAIT DES SOINS.

C’EST PAS RISQUÉ ?

J’AI UN ONCLE QUI HABITE NON LOIN D’ICI. C’EST UN VOLONTAIRE DE LA CROIX ROUGE. ALLONS LE VOIR.

C’EST LE FRÈRE AÎNÉ DE MA MÈRE, IL NE VA PAS NOUS DÉNONCER. ET PUIS, ON ATTENDRA LA TOMBÉE DE LA NUIT POUR Y ALLER.

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TU FERAIS MIEUX D’ÔTER TON FOULARD. ÇA RISQUE D’ATTIRER L’ATTENTION. JE VAIS MOI AUSSI ENLEVER MES GRIS-GRIS ET CAMOUFLER MON ARME.

EFFORÇONS-NOUS DE MARCHER COMME UN COUPLE QUI SE PROMÈNE.

AH, HEUREUSEMENT. ATTENDS-MOI ICI, À L’ANGLE.

REGARDE, UNE PHARMACIE !

JE VEUX CINQ AMPOULES D’ARTHEMETER ET TROIS SERINGUES.

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BONJOUR, ONCLE.

QUI EST-CE ?

C’EST MOI AUBINO, ONCLE.

AUBINO ? TU OSES VENIR CHEZ MOI APRÈS CE QUE TU AS FAIT ? TU VEUX FAIRE DE MOI UNE AUTRE VICTIME DES ANTIBALAKA ?

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QU’EST-CE QUE VOUS VOULEZ DIRE PAR LÀ ?

JE VEUX DIRE QUE TES SOTTISES ONT CAUSÉ LA MORT DE MA SŒUR ET CELLE DE TON PÈRE, VOILÀ.

QUE… QUOI ?

MAIS AU CAS Où TU L’AURAIS IGNORÉ, JE T’INFORME QUE TA TÈTE ET CELLE DE TA PROTÉGÉE SONT MISES À PRIX.

D’AILLEURS SI J’AVAIS UN FUSIL, JE VOUS AURAIS ABATTU MOI-MÊME.

EH BIEN, FAIS-LE ! PARTONS D’ICI, ZENA. NOUS NE SOMMES PAS LES BIENVENUS.

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TU M’EN VEUX ?

AUBINO ? OUI ?

PAR CE QUE C’EST MOI QUI T’AI AMENÉ TOUS CES MALHEURS.

COMMENT VA IDRISS ?

NE DIS PAS DE BÊTISES, ZENA. N’OUBLIE PAS QUE C’EST MOI QUI AI PRIS LA DÉCISION DE VOUS SECOURIR.

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ET POURQUOI JE T’EN VOUDRAIS ?

PAS MIEUX. SA TEMPÉRATURE N’A TOUJOURS PAS CHUTÉ.

ALLUME-MOI LE BRIQUET.

JE VAIS LUI FAIRE UNE INJECTION.

QUE COMPTES-TU FAIRE ?

TU SAIS LE FAIRE ?

NE PLEURE PAS, BÉBÉ. ÇA VA ALLER.

JE VAIS ESSAYER, NOUS N’AVONS PAS LE CHOIX.

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LA CRAINTE D’ÉVENTUELLES POURSUITES PAR LES GENS DU VILLAGE NOUS A AMENÉs À NE PAS ALLUMER DU FEU CE SOIR. QUANT À MON COMPAGNON, IL SEMBLAIT BRISÉ PAR LA NOUVELLE DE LA DISPARITION DE SES PARENTS. JE DEVRAI À MON TOUR LE SOUTENIR.

IL FAUT QUE TU DORMES UN PEU, TU NE VAS PASSER TOUTE LA NUIT DEBOUT.

JE N’AI pas SOMMEIL, ZENA.

ET PUIS, JE DOIS VEILLER SUR VOUS.

JE SAIS, MAIS CELA N’EMPÊCHE QUE TU TE REPOSES UN PEU. N’OUBLIE PAS QUE NOUS TRAVERSONS TOUS LES DEUX LA MÊME ÉPREUVE. NOUS DEVRIONS POUR CELA NOUS SOUTENIR. S’IL TE PLAÎT, VIENS T’ALLONGER UN PEU.

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ALORS QUE J’AVAIS AU DÉPART CRAINT QU’IL ME VIOLE, ME VOILÀ MAINTENANT PROCHE DE LUI À LE CONSOLER.

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OU ÉTAIS-TU PASSÉ ? JE FAISAIS UN TOUR DANS LES PARAGES. BON, IL FAUT QU’ON Y AILLE.

JE NE PEUX PAS MARCHER, J’AI MAL AU PIED.

FAIS VOIR. OH, IL EST TRÈS ENFLÉ.

NOUS AVONS ENCORE UNE TRENTAINE DE KILOMÈTRES À PARCOURIR ET JE NE SUIS PAS SÛR QUE TU Y ARRIVES DANS CET ETAT.

GARDE LES GRIS-GRIS ET L’ARME. JE NE PEUX PAS LES APPORTER AVEC MOI. SURTOUT, NE SORS PAS D’ICI AVANT MON RETOUR.

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ON DIRAIT UNE MOTO...

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SIBUT, LE CAMP DES MILITAIRES FRANÇAIS DE L’OPÉRATION SANGARIS.

CAPORAL FRANCIS, ACCOMPAGNE NOTRE BONHOMME AU FOYER.

À VOS ORDRES, MON CAPITAINE.

LA ZONE D’INTERVENTION SE TROUVE ICI.

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OOOOUUUUIIN !

MAIS… C’EST LA JEUNE MUSULMANE DONT LA TÈTE EST MISE A PRIX !

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QU’EST-CE QUE JE VOUS AI FAIT ? LACHEZ-MOI, SINON VOUS AUREZ AFFAIRE AUX SANGARIS. ILS SERONT BIENTÔT LÀ.

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LA FERME ET VIENS AVEC MOI.

ALLEZ,

MAIS… ?

VIENS AVEC NOUS !

BBRRRRRRR

SANGARIS !

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QU’EST-CE QUE C’EST QUE CE BRUIT ?

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ZENABOU

N’Y VAS PAS, RESTE-LÀ !

SALAUD, TU VAS LE PAYER !

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CALMEZ-VOUS, MADEMOISELLE. LA BALLE LUI A SEULEMENT TRAVERSÉ L’OMOPLATE.

AUBINO !

IL EST ICI AVEC MOI. JE L’AI TROUVÉ AU BORD DE LA ROUTE.

MON ENFANT, VOUS N’AVEZ PAS VU MON ENFANT ?

IDRISS, MON ENFANT. TU N’AS RIEN ?

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HÔPITAL PRÉFECTORAL DE SIBUT

VOUS PARTEZ AUJOURD’HUI ?

OUI, CET APRÈSMIDI. ET TOI ? OÙ COMPTES-TU ALLER ?

JE N’AI NUL AUTRE ENDROIT OÙ ALLER QUE DE REPARTIR CHEZ MOI, MÊME SI CELA DOIT ME COÛTER LA VIE.

NE DIS PAS CELA, AUBINO. PERSONNE NE TE FERA RIEN.

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TU AS APPRIS CE QUI EST ARRIVÉ À MES PARENTS, ZENABOU. OÙ QUE J’AILLE, LES ANTIBALAKA ME RETROUVERONT ET ME FERONT LA PEAU.

LE PK 5 ?

PAS AU PK 5 QUAND MÊME. C’EST LE SEUL ENDROIT OÙ TU SERAS EN SÉCURITÉ.

C’EST À CAUSE DE MOI QUE TU VIS CETTE SITUATION, AUBINO. ALORS, ACCEPTE MON OFFRE D’HOSPITALITÉ. MA FAMILLE EST DÉSORMAIS LA TIENNE. ET PUIS ? N’OUBLIE PAS QU’IDRISS a BESOIN DE TOI.

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Cette collection originale vous permet de faire connaissance avec des auteurs africains de bande dessinée. Encore peu connu à l’extérieur de l’Afrique, le neuvième art du continent recèle de nombreux talents graphiques, souvent peu conventionnels, aptes à séduire les lecteurs du monde entier. Ces bandes dessinées seront pour vous une occasion unique de découvrir une Afrique racontée par ses habitants, loin des clichés et des préjugés.

1 - Le retour au pays d’Alphonse Madiba dit Daudet - Edimo et Al’Mata 2 - Ils sont partis chercher de la glace Anani et Mensah Accoh 3 - Visions d’Afrique - Collectif 4 - Putain d’Afrique - Anselme Razafindrainibe 5 - Vive la corruption - Didier Viodé 6 - Thembi et Jetje, tisseuses de l’arc-en-ciel Collectif 7 - Chroniques de Brazzaville - Collectif 8 - Jungle urbaine, tome 1 - Kash 9 - Mokanda illusion - Monge Sisé 10 - Cargaison mortelle à Abidjan - Japhet Miagotar 11 - Un guerrier dendi - Sani 12 - Les envahisseurs - Benjamin Kouadio 13 - Tana blues - Ndrematoa 14 - Sommets d’Afrique - Collectif 15 - Le turban et la capote Nassur Attoumani & Luke Razaka 16 - Séductions / Mille mystères d’Afrique Koffi Roger N’Guessan 17 - Moto-taxi - Hodall Béo 18 - Laff Lafrikain - Moss 19 - Nouvelles d’Afrique - Collectif 20 - La fille volée - Franco Clerc 21 - L’odyssée de Mongou - Didier Kassaï 22 - Le croqueur croqué - jeff lkapi 23 - Paris vaille que vaille - Koffi Roger N’Guessan 24 - Lamsari et le trésor des Oudayas Malika Dahil & Jean-François Chanson 25 - Une jeunesse kabyle - Une blonde au bled 26 - Les contes de Morne Plage - Collectif 27 - Les fins limiers - Koffi Roger N’Guessan & Christophe Cassiau-Haurie 28 - Laff Lafrikain 2 - Moss 29 - Joyeuses retrouvailles - Franco Clerc 30 - Le retour en France d’Alphonse Madiba dit Daudet Edimo & Al’ Mata 31 - Les tribulations d’Alphonse Madiba dit Daudet Edimo & Al’Mata 32 - Mamie Denis - Edimo & Adjim Danngar 33 - Cap sur la capitale - Tchibemba & Georges Kyungu MB 34 - Chaka - Koffi Roger N’Guessan & Jean-François Chanson 35 - Les dessous de Pointe-Noire - KHP 36 - Le cauchemar d’Obi - Chino et Tenso Tenso & Jamonyqueso 37 - Légère amertume, une histoire du thé Elanni, Djaï & Koffi Roger N’Guessan 38 - Pour une couleur de peau - Edimo, Martini Ngola, Joseph Danny Nyembi & Nathanael Ejob 39 - Yao, visa refusé - Didier Viodé 40 - Les dogues noirs de l’empire - Massiré Tounkara et Christophe Cassiau Haurie 41 - Laff Lafrikain. La vie au village - Moss 42 - L’odyssée de Mongou - Didier Kassaï nouvelle édition 43 - Moi, antibalaka - Florent Kassaï 44 - Que la mer vous soit légère - Stefano Boroni

COLLECTION DIRIGÉE PAR CHRISTOPHE CASSIAU-HAURIE