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English Pages 257 [256] Year 2014
Dessins érotiques
Page 4 : Sappho et Erinna dans un jardin à Mytilène Solomon Simeon, 1864 Aquarelle sur papier, 33 x 38,1 cm Tate Gallery, Londres Mise en page : Baseline Co Ltd 127-129A Nguyen Hue Fiditourist, 3e étage District 1, Hô Chi Minh-Ville Vietnam ISBN : 978-1-78042-101-8 © © © © © © © © © © © © © ©
Confidential Concepts, worldwide, USA Sirrocco, London UK Masson Estate/ Artists Rights Society, New York, USA/ ADAGP Munch Estate/ Artists Rights Society, New York, USA/ BONO Bellmer Estate/ Artists Rights Society, New York, USA/ ADAGP Dubuffet Estate/ Artists Rights Society, New York, USA/ ADAGP Picasso Estate/ Artists Rights Society, New York, USA Berthomme de Saint-André Estate/ Artists Rights Society, New York, USA/ ADAGP Freud Estate Hockney Estate Kirchner Estate Schlichter Estate Vertès Estate Lobel-Riche Estate
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Avant-propos « L'érotisme a sa propre justification morale car il dit que le plaisir me suffit ; c'est l'affirmation de la souveraineté individuelle. » – Mario Vargas Llosa
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Sommaire Beardsley (1872-1898) . . . . . . . . . 83, 85, 87, 89, 91, 93, 95, 97, 99, 101, 103, 105 Bellmer (1902-1975) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207, 209, 211, 213, 215, 217, 219, 221 Boucher (1703-1770) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Berthomme de Saint-André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .169 Degas (1834-1917) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55, 57, 59, 61, 63, 71, 73 Dubuffet (1901-1985) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201, 203 Freud (1922) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 Füssli (1741-1825) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Gauguin (1848-1903) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 Géricault (1791-1824) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Hockney (1937) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 Ingres (1780-1867) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19, 21, 23, 25, 27, 29, 31, 33, 35, 37 Kirchner (1880-1938) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133 Klimt (1862-1918) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111, 117, 135, 143, 145, 147, 157, 159 5
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Laszlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .197 Lobel-Riche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .195 Masson (1896-1987) . . . . . . . . . . . . . . 175, 183, 191, 225, 227, 229, 231, 233, 235 Michelangelo (1475-1564) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Munch (1863-1944) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Pascin (1885-1930) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163, 171, 173, 177, 179, 181, 185 Picasso (1881-1973) . . . . . . . . . . . . . . 187, 189, 223, 237, 239, 241, 243, 245, 247 Rembrandt (1606-1669) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11, 13, 15 Rodin (1840-1917) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43, 45, 47, 49, 51, 53, 75, 107, 109, 121 Rops (1833-1898) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65, 67, 69, 77, 113 Schiele (1890-1918) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123, 125, 127, 129, 131, 137, 139, 141 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .149, 151, 153 155, 161 Schlichter
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Von Bayros . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Vertès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .165 7
T
out collectionneur d’art érotique s’est vu un jour ou l’autre proposer des œuvres
insuffisantes à tous les égards, tandis qu’il espérait mieux. Pourtant, le vendeur affirmait avoir trouvé un objet important dans ce domaine. Il semble parfois que l’œil s’abêtit au contact de ce sujet libre.
Scherzo Michel-Ange, vers 1512 Doria-Pamphili Collection, Rome
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Pour s’en convaincre, il suffit de considérer un homme, souvent très cultivé, tenir pour importante une œuvre pourtant mineure d’un point de vue artistique. A l’inverse, il arrive qu’un chef-d’œuvre passe pour futile seulement à cause de son sujet. Il est certain que la seule représentation de l’acte sexuel n’est pas encore de l’ « art érotique », de même qu’un objet scabreux et pornographique ne perd pas son caractère d’art à cause d’un contenu réputé indécent et immoral.
Joseph et la femme de Putiphar Rembrandt van Rijn, 1634 eau-forte, 9 x 11,5 cm
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Il est également erroné de penser que les oeuvres produites afin d’exciter le désir sexuel ne peuvent pas appartenir à l’art, uniquement en raison de leur basse intention. Art érotique et pornographie se distinguent-ils donc par la dimension fictionnelle ?
Le Moine dans le champ de blé Rembrandt van Rijn, 1645 The Art Institute of Chicago, Chicago
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La pornographie est elle aussi un produit de la fantaisie, avec une structure différente de celle de la réalité sexuelle. Comme le souligne Gunter Schmidt, elle « est construite comme le fantasme et le rêve sexuel, elle est tout aussi irréelle, mégalomane, féerique, alogique et stéréotypée ».
Le Lit à la française Rembrandt van Rijn, vers 1646 eau-forte, 12,9 x 22,6 cm The Pierpont Morgan Library, New York
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D’ailleurs, celui qui propose l’alternative « art ou pornographie », s’est déjà auparavant décidé par son attitude moralisante contre la pornographie. Par conséquent, ce qui pour l’un relève de l’art est pour l’autre une machination diabolique. Le mélange de questions d’ordre esthétique et d’ordre moral voue toute tentation de clarification dès le début à l’échec.
Sappho et Erinna dans un jardin à Mytilène Solomon Simeon, 1864 Aquarelle sur papier, 33 x 38,1 cm Tate Gallery, Londres
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Le mot « pornographie » dans son acception étymologique grecque et purement descriptive signifie « écriture de la prostitution ». Elle désigne ainsi les textes traitant des thèmes sexuels. Cette définition permettrait donc de rapprocher la pornographie et l’art, du moins en ce qui concerne son contenu.
Mars enlaçant Vénus Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1800-1806
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Ainsi, la notion de pornographie pourrait être réhabilitée. L’évaluation de l’art érotique dépend considérablement des époques et est donc fluctuante. L’histoire de la retouche des figures du Jugement Dernier de Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine est exemplaire. Pendant la Renaissance, la nudité n’était pas considérée comme indécente ni obscène.
Couple nu Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1800-1806
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Le pape Clément VII, qui avait commandé la fresque, ne trouva donc rien d’immoral dans la réalisation de Michel-Ange. En revanche, son successeur, le pape Paul IV, demanda à un peintre d’ajouter au Jugement Dernier des pantalons ! Les fresques découvertes à Pompéi et rendues publiques il y a peu de temps, offrent un autre exemple du rapport difficile de la société avec l’art érotique.
Femme lutinée par l’Amour Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1800-1806
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Lorsqu’en 1819 le « cabinet des objets indécents » fut aménagé dans le Palazzo degli Studi, le futur musée national, seules des personnes « d’âge mûr et de bonnes moeurs confirmées » obtenaient l’accès à cet espace clos. En 1823, le nom de la collection changea en « cabinet des objets tenus secrets ».
Couple nu enlacé dans un lit Jean-Auguste Dominique Ingres, 1800-1806
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On garda la coutume de la faire visiter exclusivement à des personnes en possession d’un permis royal en règle. Après les émeutes de 1848, la vague réactionnaire atteignit également la collection érotique du musée. En 1849, le « cabinet des objets tenus secrets » ferma définitivement ses portes. Trois ans plus tard, la collection déménagea dans une salle encore plus éloignée, dont on mura les portes.
Couple nu enlacé dans un lit Jean-Auguste Dominique Ingres, 1800-1806
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Ce ne fut qu’en 1860, après l’entrée de Giuseppe Garibaldi à Naples, qu’on essaya d’organiser la réouverture de la collection érotique. Son nom changea une fois encore, cette fois-ci en « collection pornographique ». Au cours du temps, on lui emprunta des objets à maintes reprises pour les insérer dans des expositions officielles.
Homme enlaçant une femme par derrière Jean-Auguste Dominique Ingres, 1800-1806
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L’histoire riche de péripéties de ce cabinet offre une illustration éloquente de l’évolution des moeurs des siècles passés. Les époques ont favorisé différemment la représentation de l’érotisme. Or, l’art érotique reflète non seulement le degré de liberté sexuelle atteint, mais également le refoulement imposé à l’érotisme.
Couple nu faisant l’amour Jean-Auguste Dominique Ingres, 1800-1806
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On imagine aisément que les oeuvres les plus passionnées virent le jour à cause de l’oppression culturelle de la sexualité. Dans le rapport sexuel direct, la nature utilise l’espèce. La sexualité instinctive des animaux n’a donc rien d’érotique. En revanche, dans l’érotisme, la culture utilise la nature, et cette sexualité formée culturellement a une histoire.
Couple assis Jean-Auguste Dominique Ingres, 1800-1806
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La base de la sexualité culturelle se fonde sur les interdits moraux, juridiques et magiques qui changent avec le temps et qui évitent que l’édifice social soit attaqué. L’érotisme exprime la pulsion freinée et maîtrisée, mais également l’envie de sexualité. Il traverse la fantaisie de la communauté sans l’exposer aux dangers destructifs d’une sexualité directe.
Trois Femmes au bain Jean-Auguste Dominique Ingres, 1800-1806
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Il est l’exercice d’équilibre réussi entre la société organisée de façon rationnelle et les exigences d’une sexualité effrénée et destructive. Or, même dans sa version maîtrisée, l’érotisme reste une puissance démoniaque dans la conscience humaine, où résonne le chant des sirènes conduisant vers la mort.
Union (Mars et Venus) Jean-Auguste Dominique Ingres, 1800-1806
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Don et abandon, régression et agression sont, de façon universelle, les forces attirantes. Cette convergence d’envie et de mort joua toujours dans la littérature un rôle important. Dans la mesure où l’érotisme se constitue de distances et de détours, le fétichiste est l’emblème de l’érotomane.
Un Homme avec trois femmes Johann Heinrich Füssli (Henry Fuseli) vers 1809-1810 crayon et lavis sur papier, 18,9 x 24,5 cm Victoria and Albert Museum, Londres
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Le corps imaginé l’intéresse plus que le corps réel, et la tension sexuelle l’excite plus que la satisfaction vers laquelle elle aspire. Les collectionneurs font partie des fétichistes. Tandis que le débauché opère dans la réalité, le fétichiste vit dans l’empire du fantasme où il jouit de façon peut-être encore plus illimitée de ces plaisirs vicieux.
L’Union Théodore Géricault, vers 1817 mine de plomb, plume, encre brune et gouache blanche sur papier bleu, 13,5 x 21,3 cm Musée du Louvre, Paris
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L’art permet non seulement la distance, mais il accorde aussi la liberté de jouer avec le feu sans se brûler les doigts. Il parle aux yeux, permet de lancer des œillades sur les interdits sans se rendre répréhensible. Cette liberté qu’accorde la distance, se voit dans les réactions différentes des lecteurs de magazines
pornographiques
et
des
spectateurs d’œuvres d’art.
Couple saphique allongé près d’une roue de fortune Auguste Rodin, deuxième moitié du XIXe et premier quart du XXe siècle mine de plomb et aquarelle sur papier, 25 x 31 cm Musée Rodin, Paris 42
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Qui a vu sourire un lecteur de revues pornographiques ? En revanche, cette sérénité s’installe souvent lorsque l’on regarde un tableau. L’art serait capable de réduire la force immédiate de la sensualité. Qui déclare avec dédain
qu’une
oeuvre
d’art
est
pornographique, en s’en détournant avec dégoût, ne démontre que son manque de sensibilité pour ce qui est représenté.
Temple de l’amour Auguste Rodin, deuxième moitié du XIXe et premier quart du XXe siècle mine de plomb et aquarelle sur papier, 25 x 32,6 cm Musée Rodin, Paris
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Ce refus n’est même pas le signe d’une moralité particulière, mais plutôt d’un manque de culture érotique. Eduard Fuchs, le grand maître de l’art érotique dont on accusait les livres d’être pornographiques, considérait lui aussi l’érotisme comme le thème fondamental de l’art : la sensualité est omniprésente dans chacune de ses manifestations. Dans ce sens, il serait presque tautologique de vouloir parler d’art érotique.
Salammbô Auguste Rodin, deuxième moitié du XIXe et premier quart du XXe siècle mine de plomb et estompe sur papier, 25 x 32,6 cm Musée Rodin, Paris
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Longtemps avant Fuchs, Lou AndreasSalomé remarquait les affinités électives entre érotisme et esthétique : « Le fait que la pulsion d’art et la pulsion d’amour offrent de si vastes analogies, que l’enchantement esthétique glisse si imperceptiblement dans le plaisir érotique, que le désir sexuel aspire si involontairement au beau comme ornement, semble être un signe d’un développement fraternel à partir d’une origine commune. »
Courtisane Auguste Rodin, deuxième moitié du XIXe et premier quart du XXe siècle mine de plomb et aquarelle sur papier, 32,5 x 25,1 cm Musée Rodin, Paris
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Lorsque l’on demanda à Picasso, vers la fin de sa vie, quelle était la différence entre art et érotisme, il répondit d’un air méditatif et rêveur : « Mais, il n’y a pas de différence. » Tandis que d’autres craignaient l’érotisme, Picasso mettait en garde contre les expériences dangereuses de l’art :
Couple saphique assis Auguste Rodin, deuxième moitié du XIXe et premier quart du XXe siècle mine de plomb, estampe et aquarelle sur papier, 32,6 x 25,2 cm Musée Rodin, Paris
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« L’art n’est jamais chaste, on devrait le tenir loin de tous les ignorants innocents. Ceux qui ne sont pas suffisamment préparés ne devraient jamais entrer en contact avec lui. Oui, l’art est dangereux. Quand il est chaste, il n’est plus de l’art. » Voilà pourquoi les « gardiens des mœurs » voudraient tant supprimer toute expression artistique et littéraire. Si le spirituel est le propre de l’homme, tous ceux qui le mettent en contradiction avec le sensuel sont hypocrites.
Femme nue aux longs cheveux renversée en arrière Auguste Rodin, deuxième moitié du XIXe et premier quart du XXe siècle estampe et aquarelle sur papier, 27,5 x 21,4 cm Musée Rodin, Paris 52
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En s’élevant vers l’érotisme et vers l’art, la sexualité atteint sa véritable forme spirituelle, c’est-à-dire humaine. D’ailleurs, certains traduisent érotisme par « art d’aimer ». Ce qui fut exclu du processus de civilisation exige un moyen propre qui lui correspond pour se développer : l’art. « Pornographique » est une qualification dévalorisante utilisée par ceux qui n’ont aucun rapport avec l’érotisme.
Au Salon Edgar Degas, vers 1876-1877 monotype, 15,9 x 21,6 cm Musée Picasso, Paris
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Il semble que leur sensualité échappe à toute chance d’être formée. C’est pourquoi ces sous-privilégiés de la culture aiment se présenter comme experts ou avocats et voient les dangers de la sexualité même là où ils apparaissent sous les formes adoucies de l’art. De même, le fait qu’une œuvre puisse blesser des sentiments, ne la rend pas pour autant pornographique.
L’Entremetteuse Edgar Degas, vers 1876-1877 monotype, 16,5 x 11,8 cm Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, Paris (Fondation Jacques Doucet)
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L’art ne procure pas seulement du bonheur, son devoir est également d’irriter et de bouleverser
les
hommes.
La
notion
de
pornographie est donc inopportune et déplacée. Des représentations artistiques d’ordre sexuel appartiennent
incontestablement,
qu’elles
irritent ou fassent plaisir, à l’art, sauf s’il s’agit de travaux bornés et sans esprit. Mais ceux-ci, au moins, ne sont pas dangereux.
Deux Femmes (Scène dans un bordel) Edgar Degas, vers 1876-1877 ou 1879-1880 monotype, Katherine Bullard Fund, Museum of Fine Arts, Boston 58
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De tous temps, tous les artistes – peintres, sculpteurs – ont été amenés à produire des représentations
érotiques.
Michel-Ange,
Rembrandt, Rubens, Boucher, Fragonard, Ingres, Géricault, Degas, Rodin, Rops, Klimt, Schiele, Picasso, Pascin sont des artistes célébrés pour leurs œuvres érotiques. Leurs croquis érotiques sont fascinants, sans pour autant être répétitifs.
La Fête de la patronne Edgar Degas, vers 1876-1877 monotype, 11,5 x 15,9 cm
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Chacun d’entre eux est unique, dans la mesure où les diverses techniques de dessins permettent un rendu différent. Ces techniques, (crayon, fusain, craie blanche sur papier de couleur,
mine
de
plomb,
aquarelle
et
techniques mixtes), confèrent un éclat au dessin qui nous invite à la contemplation de ces scènes érotiques.
Admiration Edgar Degas, 1876-1877 monotype à l’encre noir rehaussé de pastel rouge et noir sur papier, 21,5 x 16 cm Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, Paris
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De temps en temps, les scènes présentées par les artistes sont traitées sur un ton aguicheur,
humoristique,
alors
qu’elles
peuvent aussi être très crues et prosaïques. Certains de ces dessins étaient des études préparatoires pour des œuvres peintes. Ces croquis érotiques diffèrent de l’étude du nu « traditionnel » en ce que l’atmosphère chargée d’érotisme est transmise par la technique particulière du dessin.
Haisne et Amour de prestre sont de mesme Viol Félicien Rops, vers 1878 fusain, lavis d’encre de Chine et pastel, 22 x 28,5 cm Galerie Derom, Bruxelles 64
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Les artistes : Michel-Ange (1475-1564) Le
dessin
érotique
occupe
une
place
prédominante dans l’œuvre de Michel-Ange, par conséquent considérée comme étant l’épitomé de l’art. Dans ses premiers dessins, de nets contours isolent le corps tandis que de vigoureuses hachures soulignent le mouvement. L’artiste préfère les effets de couleurs qui fondent le corps dans le décor qui l’entoure, permettant alors au spectateur de se projeter dans la peinture.
Impudence Félicien Rops, vers 1878 crayon de couleur, 18 x 12 cm Musée royal de Mariemont, Morlanwelz
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Rembrandt van Rijn (1606-1669) Rembrandt n’était pas seulement un grand peintre, il possédait également un immense talent pour le dessin et la gravure. Ce peintre hollandais se caractérise par sa passion envers l’expression des sentiments et de la psychologie humaine, surtout la sienne qu’il traduit en art de façon si réaliste qu’elle nécessite une virtuosité technique.
À un Dîner d’athées Félicien Rops, 1879, tiré de Les Diaboliques, crayon, 24,4 x 18,5 cm Bruxelles
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François Boucher (1703-1770) Le nu féminin, dont il avait une conception particulièrement sensuelle, était le sujet préféré de Boucher, à tel point que même ses allégories mythologiques ou ses « bergeries » étaient simplement considérées comme étant des prétextes licencieux.
Le Tub Edgar Degas, vers 1880 monotype
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Ses
séries
d’eau-forte
(qui
illustrent
certaines œuvres de Molière) aussi bien que ses dessins, évoquent des peintures dans le goût de Watteau, non seulement à travers la fluidité de sa ligne mais aussi par leur grâce et leur élégance.
Le Bain matinal (La Femme du boulanger) Edgar Degas, vers 1885-1886 pastel sur papier, 67 x 52 cm Fondation Henry et Rose Pearlman
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Johann Heinrich Füssli (1741-1825) Ses encres sont vraiment uniques. Le dessin nerveux nourrit la puissance, le modelé des silhouettes, la violence et la vigueur du mouvement. Ses dessins, qui représentent des femmes, des magiciens ou bien des actrices sophistiquées, n’hésitent pas à susciter des désirs érotiques chez les spectateurs.
Couple enlacé, tiré du Cercle des Amours Auguste Rodin, vers 1889 mine de plomb, plume et encre sur papier 16,2 x 10,2 cm Musée Rodin, Paris 74
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Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867) Ingres se distingue de ses pairs par la précision et la pureté de sa technique de dessin. Les nus (qui
comprennent
souvent
des
couples)
constituent la part la plus originale de son œuvre. Son exaltation sensuelle de la beauté féminine est renforcée par le grand raffinement des lignes du corps.
Derrière la Scène Félicien Rops, vers 1890 Crayons de couleurs, pastel et aquarelle 22 x 14,5 cm collection particulière, Bruxelles
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Théodore Géricault (1791-1827) C’est surtout au travers de ses dessins que Géricault démontre sa créativité et son pouvoir expressif. Il est audacieux dans le choix de ses thèmes, tout comme dans son utilisation de techniques variées. Inspiré par ses études de la mythologie antique, l’artiste élabore librement ses scènes érotiques avec conviction.
Ancien Culte maori Paul Gauguin, vers 1893 crayon, encre et aquarelle sur papier, 21,7 x 16,9 cm Musée du Louvre, Paris
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Félicien Rops (1833-1898) Rops a commencé sa carrière en tant que dessinateur mais est rapidement devenu le maître de la représentation de la femme et du désir. Ses dessins soulignent le rôle provocant et
érotique
de
la
représentation
par
l’application de tons doux et d’effets de lumière. Son œuvre couvre toute l’échelle de l’érotisme, de la débauche à la pornographie, tout en conservant une sensibilité artistique.
Le Baiser Edvard Munch, 1895 eau-forte, 32,9 x 26,3 cm Munch-Museet, Oslo
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Edgar Degas (1834-1917) Degas
appartient
au
groupe
des
impressionnistes. Cependant, contrairement à eux, il produisit une grande quantité de pastels et de monotypes. A partir du moment où Degas atteint sa maturité artistique dans les années 1870, toutes ses représentations féminines sont teintées d’une atmosphère de débauche.
Lysistrata défendant l’Acropole Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre
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Ses esquisses révèlent son intérêt pour la ligne et sa précision dans la représentation du mouvement. Degas retrace l’univers sinistre et moderne de la prostitution. Ses dessins montrent des femmes dans des poses provocantes, sensuelles malgré tout. Elles vendent leurs corps à des hommes en haut-de-forme, qui son quant à eux à la recherche du plaisir.
Les Ambassadeurs lacédémoniens Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre
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Auguste Rodin (1840-1917) Dans ses œuvres, Rodin tente de capturer les positions fugitives de ses modèles aussi bien que leurs mouvements, leurs attitudes et leurs gestes. Son attirance pour l’érotisme et le plaisir sensuel se ressent particulièrement dans ses croquis qui révèlent un monde où s’exprime toute l’exubérance des plaisirs débridés.
Cinésias implorant les faveurs de Myrrhine Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre
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Aucune pose n’est trop audacieuse et les détails physiques sont sensuels et même, à vrai dire, ouvertement sexuels. Rodin a dessiné toute sa vie, mais les œuvres qu’il a faites au tournant du siècle (quand il avait 60 ans), jusqu’à sa mort en 1917, sont extrêmement caractéristiques. On en compte environ 8000.
Lysistrata haranguant les femmes d’Athènes Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre
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Exécutés simplement au crayon, ou bien complétés à l’encre et au lavis, ces dessins tardifs sont les images de la simplicité dans tout son raffinement et de la beauté dans ce qu’elle a de plus épurée. Ils se divisent en deux catégories : les danseuses, en particulier Javanaises et Cambodgiennes, et les nus féminins.
L’Inspection du héraut Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre
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Ces deux types d’œuvres étaient élaborés très rapidement au crayon, d’après nature, certains étant retravaillés par la suite. Certains étaient esquissés d’après l’original puis reproduits sur une autre feuille, afin d’éliminer les lignes superflues ; autant de moyens tournés vers la simplification.
Lysistrata tend un rameau d’olivier à son ennemi, le pénis… Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre, Victoria and Albert Museum, collection Harari, Londres 92
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Certains étaient coupés puis recomposés avec d’autres. Cette méthode de travail était complètement inhabituelle, de par sa rapidité d’exécution et sa liberté. Rodin ne regardait pas sa feuille pendant qu’il travaillait. De même, il ne demandait pas à ses modèles de tenir une pose particulière.
La Mesure du pénis Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre
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Au contraire, il les dessinait pendant qu’elles se déplaçaient librement autour de lui, laissant tomber sur le sol la feuille à peine achevée tandis que déjà il en commençait une autre. L’audace des poses et des points de vue, de même que les distorsions hardies qui en résultent, sont extraordinaires.
Deux Athéniennes en détresse Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre
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Cette toute nouvelle façon de travailler coïncida avec son obsession pour la danse moderne pendant sa période tardive. Dans un article publié en 1912, il revendiquait le fait que la danse avait toujours eu le privilège de l’érotisme dans notre société.
L’Adultère impatient Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour les Satires de Juvénal, plume et encre, Victoria and Albert Museum, collection Harari, Londres
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En cela, les femmes sont à l’origine du renouveau y compris pour d’autres modes d’expression de l’esprit moderne : Isadora Ducan, Loie Fuller, une autre danseuse américaine, Diaghilev, Nijinsky, l’actrice japonaise Hamako l’ont toutes connu et ont toutes posé pour lui.
La Toilette de Lampito Aubrey Beardsley, 1896 illustration pour Lysistrata d’Aristophane, plume et encre, Victoria and Albert Museum, collection Harari, Londres
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Isadora Duncan ouvrit une école de danse, et amenait ses étudiants dans l’atelier de Rodin, afin qu’il puisse les dessiner. En 1906, Rodin suivit un groupe de danseurs cambodgiens de Paris à Marseille pour la même raison.
Juvénal fouettant une femme Aubrey Beardsley, 1897 illustration pour les Satires de Juvénal, plume et encre
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Sa
réponse,
quasi
extatique,
à
ce
mouvement élégant et libéré que l’on retrouve chez divers danseurs trouva son expression aussi bien en sculpture (Iris) qu’en dessin. Quand les danseurs n’étaient pas disponibles pour être dessinés, Rodin était assez riche pour employer des modèles.
Bathyllus prenant la pose Aubrey Beardsley, 1897 illustration pour les Satires de Juvénal, plume et encre, Victoria and Albert Museum, Londres
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Beaucoup de ses dessins de modèles nus sont d’une nature intensément érotique ; ceux qui sont présentés ici figurent parmi eux. Faits de sa main, ils sont inimitables. En d’autres temps et d’autres circonstances, Rodin avait déjà produit des dessins érotiques : pour des illustrations de livres.
Jardin des supplices Auguste Rodin, vers 1898 mine de plomb, estampe et aquarelle sur papier, 32,5 x 25 cm Musée Rodin, Paris
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Il avait fourni des dessins pour une édition privée des Fleurs du Mal de Baudelaire (1885) et pour une édition folio limitée du Jardin des supplices d’Octave Mirbeau (1902), mais aucun d’entre eux n’égalent, même faiblement, les dessins tardifs de par leur obsession, leur intensité sexuelle, leur rigueur et leur liberté.
Buisson ardent Auguste Rodin aquarelle et crayon sur papier, 32,7 x 35 cm Musée Rodin, Paris
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Les œuvres de Rodin lithographiées pour le roman érotique de Mirbeau ne se concentrent pas sur le pubis féminin comme les derniers, bien qu’ils soient similaires par leur style. Les dessins dans l’œuvre de Baudelaire sont également moins explicites et furent exécutés dans un style graphique plus nerveux, plus sombre et plus agité.
Couple enlacé Gustav Klimt, 1901-1902 étude pour la Frise Beethoven, crayon noir, 45 x 30,8 cm Vienne
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Le caractère troublé et torturé de ces dessins, mais aussi de ces sculptures, reflète l’esprit et l’atmosphère de la poésie de Baudelaire comme La Porte des Enfers. Il paraît raisonnable de penser que ces œuvres, telles que Je suis belle par exemple (dont le titre est inspiré
d’un
poème
de
Baudelaire,
Deux Amies Félicien Rops, vers 1888-1890 aquarelle, 30,5 x 21 cm Felicien Rops Museum, Namur, Belgique
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et dont les deux personnages peuvent également se retrouver, séparément, sur la Porte de l'Enfer), comportent une vision érotique coupable ou bien morbide dans laquelle l’accomplissement sexuel paraît inaccessible. Les dessins tardifs ne révèlent rien de la timidité ni de l’indulgence virtuose dans une telle expression de noirceur oppressive, de lutte et d’impiété.
Amies, de face et de dos Gustav Klimt, 1905 craie noire, 45 x 31 cm Historisches Museum, Vienne
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Ils viennent tous de commandes différentes. Ce qui les distinguent principalement est : leur quantité (généralement inconnue et ce jusqu’à très récemment), le fait que la grande majorité d’entre eux ne furent jamais exposés, la nouveauté des méthodes par lesquelles ils furent exécutés, et l’intransigeance obsessionnelle de la nature de leur sujet. Nus, les modèles féminins sont dessinés inlassablement, avec les jambes écartées.
Amies enlacées Gustav Klimt, 1905 mine de plomb, 38 x 57 cm Historisches Museum, Vienne
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La vulve est placée au centre de l’image ; c’est le foyer ou le centre tel qu’il l’était au vieil âge de Rodin. Dans certaines œuvres, les modèles se masturbent et miment ou pratiquent l’amour lesbien. Il semble catégorique que Rodin ait laissé derrière la Porte la culpabilité et le tourment pour pénétrer du bout des lèvres dans un univers d’exubérance et de plaisir débridés.
Le Jardin d’Aphrodite Franz von Bayros, 1907 tiré des Dessins amoureux
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Paul Gauguin (1848-1903) Gauguin attend de ses œuvres qu’elles transmettent son amour de la beauté sensible et de la sensualité du monde. La pureté des lignes, la liberté et la fluidité des formes introduisent l’énergie, l’émotion, et la vie au sein de ses dessins. Gauguin aime tout ce qui est réel, simple, concret et humain.
Deux Femmes entrelacées Auguste Rodin, vers 1910 mine de plomb et aquarelle sur papier, 32,3 x 29,9 cm Musée Rodin, Paris
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Gustav Klimt (1862-1918) Klimt a dit « tout art est érotique ». Cette approche est très apparente dans son œuvre, bien plus que la beauté sensuelle brute de la femme. Il a produit de nombreuses scènes de nus féminins, dans des poses langoureuses et érotiques, dans des décors scintillants, sensuels et voluptueux.
Nu Egon Schiele, 1910 craie noire, aquarelle, gouache et rehauts de blanc, 44,3 x 30,6 cm Graphische Sammlung Albertina, Vienne
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Klimt gardait dans son appartement des filles qui l’attendaient à n’importe quelle heure dans la pièce voisine, au cas où il avait décidé de les peindre. Franz Servaes, un critique d’art contemporain observe : « Il était entouré de mystérieuses créatures nues qui, pendant qu’il restait silencieux devant son chevalet,
Vue en rêve Egon Schiele, 1911 mine de plomb et aquarelle sur papier, 48 x 32 cm The Metropolitan Museum of Art, New York
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flânaient dans son atelier, s’étirant, paraissant et jouissant toute la journée, toujours prêtes à une commande du maître, restant docilement jusqu’à ce qu’il aperçoive une pose ou un mouvement qui en appelait à son sens de la beauté et qu’il voulait ensuite capturer en un rapide croquis. »
L’Hostie rouge Egon Schiele, 1911 mine de plomb et aquarelle sur papier, 48,2 x 28,2 cm collection particulière, Galerie St. Etienne, New York
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Klimt faisait des ébauches pour toutes les choses qu’il créait virtuellement. Quelque fois il y avait plus d’une centaine de dessins pour une seule peinture, chacun d’entre eux montrant un détail différent – un bout de vêtement, de bijou ou bien un simple geste. Malheureusement, la majeure partie de ses carnets de croquis fut détruite, non pas par ses chats mais par un feu qui se déclencha dans l’appartement d’Emile Flöge. Seuls trois d’entre eux furent sauvés.
Fille nue assise aux bras croisés sur la tête Egon Schiele, 1911 mine de plomb et aquarelle sur papier, 48,2 x 31,4 cm collection particulière 128
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Cependant, les dessins qui ont survécu apportent
un
aperçu
fascinant
des
préoccupations personnelles artistiques de Klimt : alors que dans ses peintures la nudité et la sexualité sont recouvertes, presque emprisonnées, par l’ornementation et le tissu afin de n’être qu’infiniment révélées, dans ses dessins au contraire l’érotisme est non masqué, voire ouvertement montré.
Demi-nu allongé Egon Schiele, 1911 mine de plomb, aquarelle et gouache sur papier, 47,9 x 31,4 cm collection particulière
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Même durant sa vie, ses dessins étaient considérés par les critiques comme étant le meilleur travail de toute son œuvre, mais il n’était pas facile de les voir. A la différence de Schiele qui gagnait sa vie grâce à ses dessins, les revenus de Klimt provenaient entièrement de sa peinture. Pour lui, dessiner entrait soit dans le processus d’une préparation nécessaire à ses œuvres, soit dans une forme de relaxation, un moyen de s’exprimer spontanément en étant libéré des contraintes et des détails de la peinture à l’huile.
Les Amants VI Ernst Ludwig Kirchner, 1911 lithographie, 16,8 x 21,9 cm Hauswedell & Nolte, Hamburg
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Non seulement les dessins de Klimt révèlent la maîtrise de son coup de crayon, mais ils montrent également une obsession pour l’érotisme et une liberté sexuelle qui allaient à l’encontre de la société ultra-protégée et refoulée dans laquelle il vivait. Dans ses dessins, il n’y a pas de contexte spatio-temporel visible, simplement des femmes, qui sans aucun doute, telles décrites précédemment, erraient déshabillées dans son atelier.
Nu allongé et recroquevillé Gustav Klimt, 1912-1913 mine de plomb, crayon rouge, bleu et blanc, 37 x 55,8 cm
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Il ne dessine d’elles que les contours, omettant le modelé interne ou les ombres des corps et attire presque toujours l’attention sur leurs organes génitaux ou leurs seins en utilisant la perspective, le raccourci, la distorsion et autres techniques formelles. Un excellent exemple dans la façon dont deux coups de crayon peuvent rendre un effet érotique d’une grande puissance est Le Couple s’embrassant de 1905-1906, dans lequel un léger cercle d’ombre attire automatiquement le regard du spectateur entre les jambes de la femme et sur ses fesses.
Wally en chemisier rouge, genoux relevés Egon Schiele, 1913 gouache, mine de plomb et aquarelle, 31,8 x 48 cm collection particulière 136
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Les
femmes
sont
également
souvent
dépeintes en pleine masturbation, plongées dans leur propre plaisir sensuel, yeux éteints, le visage légèrement détourné. Comment ces femmes ont pu se sentir si à l’aise avec Klimt pour l’autoriser à les croquer de cette façon ! Langoureuses, félines et complètement absorbées, elles se masturbent délicatement, leurs doigts tenant le clitoris avec assurance, toujours complètement ou partiellement vêtues, les yeux clos dans l’imaginaire chaleur d’une après-midi d’été.
Femme aux bas noirs (Valérie Neuzil) Egon Schiele, 1913 mine de plomb, aquarelle et gouache sur papier, 32,2 x 48 cm collection particulière, Galerie St. Etienne, New York 138
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De temps en temps Klimt dessine avec force les détails, parfois c’est l’ensemble de la pose qui l’intéresse. Les hommes n’apparaissent que rarement dans ses œuvres, et quand ils le sont, ils sont presque toujours dépeints tournant le dos au spectateur. En général, à part pour les études académiques à l’école d’art, les hommes dans les peintures de Klimt sont des personnages annexes.
Femmes aux bas noirs Egon Schiele, 1913 mine de plomb, aquarelle et gouache sur papier, 48,3 x 31,8 cm collection particulière, Galerie St. Etienne, New York
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Leurs visages sont rarement montrés, et semblent n’exister qu’en tant que voyeurs ou simples partenaires physiques pour l’acte sexuel dans lequel la femme reste l’intérêt du spectateur. Ce qui est extraordinaire dans l’œuvre de Klimt, tandis qu’il exprime son admiration évidente pour la beauté des femmes, c’est que lorsqu’il montre les hommes et les femmes ensemble, il donne le sentiment qu’il existe un fossé entre les sexes.
Deux Nus allongés Gustav Klimt, 1914-1915 mine de plomb, 54 x 35,3 cm The Metropolitan Museum of Art, New York
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Edvard Munch (1863-1944) Les dessins de Munch sont dans la lignée du reste de ses œuvres qui incarnent son propre univers. Bien qu’ils donnent l’impression d’une certaine spontanéité, l’artiste cherche à représenter les sentiments, l’amour et la souffrance.
Couple d’amoureux Gustav Klimt, 1914 crayon, 37,3 x 55,9 cm séjour inconnu
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Aubrey Bearsley (1872-1898) C’est un dessinateur anglais, qui illustre notamment des comédies érotiques. Il atteint un sens parfait de la composition, un remarquable emploi de l’espace, un tracé nerveux aussi bien qu’une imagination mélangeant érotisme, cruauté, et ironie.
Demi-nu allongé Gustav Klimt, 1914 crayon bleu, 37 x 56 cm Historisches Museum, Vienne
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Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938) Un grand nombre des œuvres de Kirchner sont violemment expressives, pas seulement dans le choix de ses sujets mais aussi dans le style qui se caractérise par une technique de dessin indéfinie. Son activité graphique érotique est intense et variée, et est démontrée aussi bien dans ses dessins de jeunes modèles nus réalisés en atelier qu’en plein air.
Deux Filles (Couple d’amantes) Egon Schiele, 1914 mine de plomb et gouache sur papier, 31 x 48 cm collection particulière 148
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Pablo Picasso (1881-1973) Picasso, pour qui chaque création procède d’un désir sexuel, a produit toute une série de dessins érotiques. Selon la période de sa vie, Picasso révèle sa vision touchante de la femme, d’un amour tumultueux voire d’un voyeurisme déchaîné. Chaque corps annonce une nouvelle approche artistique. La liberté d’expression allie désir, fascination, virilité, fertilité et sensualité.
Coït Egon Schiele, 1915 mine de plomb et gouache sur papier, 31,6 x 49,8 cm Musée Léopold, Vienne
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Jules Pascin (1885-1930) Devenu très tôt familier des bordels, Pascin trouve d’un bout à l’autre de sa carrière ses modèles de prédilection en appréciant leur immédiate sensualité et lascivité. Dès lors, l’artiste excelle durant toute sa carrière dans la représentation de la nudité, dans laquelle se mêlent aussi bien la vérité de l’attitude et de l’atmosphère que la légèreté du brossé.
Deux Filles allongées tête-bêche Egon Schiele, 1915 mine de plomb et gouache sur papier, 32,8 x 49,7 cm Graphische Sammlung Albertina, Vienne
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Pascin ne cessa jamais de rêver à un monde ensorcelant, sensuellement baroque, un lieu imaginaire où tout n’est que jouissance et dont il porta toujours en lui l’image avec envie. Il essaya de trouver sa voie en référence à cette image dans les bordels de Paris, mais aussi d’Espagne, d’Afrique du Nord et d’Amérique. Sa préférence pour le sujet du « Fils prodigue parmi les putes » lui donna le prétexte de décrire des orgies déchaînées dans un bordel,
Deux Filles enlacées Egon Schiele, 1915 mine de plomb, aquarelle et gouache sur papier, 48 x 32,7 cm Szépmüvészeti Múzeum, Budapest
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à fondement biographique : son père, choqué qu’un jeune homme ait déjà fait des dessins obscènes de bordels dans sa propre ville, lui ordonna de changer de nom. C’est ainsi désormais que Pincas signa Pascin. En 1905, Pascin, qui était né à Vidine en Bulgarie en 1885, emménagea à Paris où il fut chaleureusement accueilli par les peintres de Montparnasse, ceux du Dôme.
Femme couchée portant de la lingerie Gustav Klimt, 1916-1917 mine de plomb, 37 x 56,4 cm Vienne
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Durant la Première Guerre mondiale, il émigra avec sa compagne, Hermine David, pour l’Amérique où il l’épousa et devint citoyen américain. Il retourna à Paris en 1923. Dans l’intervalle,
il
était
devenu
riche
et
internationalement connu. Il aimait la nuit et les festivités nocturnes, et du reste aimait citer Flaubert : « Pourquoi se plaindre à propos de la vie alors que les bordels existent pour vous consoler en y faisant l’amour. »
Femme assise, aux cuisses écartées Gustav Klimt, 1916 mine de plomb, rehauts blancs, crayon rouge, 57 x 38 cm collection particulière 158
159
On le croisait dans tous les bordels de Paris, il était toujours habillé élégamment, portait un costume noir avec une écharpe en soie blanche. Pierre MacOrlan rapporte que dans les bordels il croquait les filles sur les rebords de soie blanche de ses chapeaux melons hors de prix. De ses modèles, Pascin revendiquait
qu’elles
n’étaient
jamais
vulgaires, mais « dignes même dans le vice… tout comme moi ».
Fille allongée en robe bleu foncé Egon Schiele, 1910 crayon, aquarelle et gouache avec rehauts de blanc 45 x 31,3 cm collection particulière, galerie St. Etienne, New York
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Hermann Bing, qui était un ami de Pascin, rapporta : « Qu’il soit debout, assis ou allongé, il était constamment occupé à parfaire ses esquisses… sans s’inquiéter d’utiliser des matériaux prévus à cet effet. Nappes, menus, paquets de cigarettes… Toutes ces surfaces semblaient attirer son stylo, ses brosses et son crayon avec un pouvoir irrésistible.
Fille allongée Jules Pascin, 1920 aquarelle originale, 29 x 26 cm Musée d’Israël, Jérusalem
162
Comme instrument artistique, il utilisait simplement tout ce qu’il avait dans la main. Il utilisait même parfois de l’encre fine avec de l’eau pétillante. Il prenait aussi avantage des restes d’allumettes brûlées – même des grains de café qui restent au fond d’une tasse. Il avait un talent exceptionnel. Souvent, il offrait ses dessins aux gens qui venaient à passer par-là. »
Scène érotique Marcel Vertès, 1938
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Son œuvre est un hymne à la liberté, à l’amour vénal qui amènent le genre masculin et les races toutes ensembles à se dissoudre dans des bacchanales. Dans ces orgies, ainsi que Cabane écrit : « Le « juif éternel » des plus sombres coins de l’Europe trouve un remède à la solitude, à la souffrance et au tourment de vivre. A ses nymphes qu’il traite avec une exquise courtoisie, il transfère sa fièvre, sa déception, son ennui de la vie mais également sa sensible gentillesse. »
Bordello Fantasy Rudolf Schlichter, début des années 1920
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Dans cet énoncé, l’historien d’art Wilhelm Hausenstein accentue, avec un sous-entendu antisémite, les éléments morbides et las du monde dans l’œuvre de Pascin ; à cette époque, 1913, Pascin était encore un jeune homme : « Pour son style il n’y a qu’un mot : lubrique. Il n’y a pas une concupiscence puissante, sa lascivité est écrasée, scrutant avec une méfiance huileuse. Mais malgré toutes ces qualités – et précisément à cause d’elles – il représente une trace de notre temps.
Femmes dénudées Berthomme de Saint- André, 1927
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Avec une vilenie incroyablement productive, que d’aucun qualifierait de formatrice, cela donne des images sales et dépéries dans lesquelles les gens ont émergé du sol comme des vulgaires fleurs sur un sol marécageux ou une prairie que l’on écrase; un très fort accent de Rococo. Sa palette contient du rose, du bleu pâle, du lilas, du jaune rosé et du vert eau de mer, tout comme du Boucher ou Fragonard.
Caresse Jules Pascin, 1925 crayon, 35 x 31 cm collection de M. et Mme. Albert Rambert
170
La vulgarité devient une formule choisie, artistiquement distinguée, elle se développe en une arabesque de courant libre. Pascin délivre l’impossible : l’innocence de la perversité, l’éclosion du vice, la naïveté de la corruption absolue, les traits charmants d’un monde totalement obscène, la candeur pure de l’insecte, tel l’érotisme dans un bordel. » L’amoralité de cet artiste est trop forte pour les critiques
allemands
pour
entièrement justes avec lui.
Scène érotique Jules Pascin, 1927 lavis à l’aquarelle
172
qu’ils
soient
173
Même dans l’encyclopédie érotique illustrée en 1929 on peut lire à son entrée : « La pourriture sociale, les maisons closes qui sentent le diable, trafiquants de filles, prostituées de banlieue, un genre de « Bohème Rococo dans le milieu de Montmartre », qui sont ses sujets, sentent la syphilis et l’asile. Ainsi, cet artiste complètement amoral sait comment cajoler une beauté tendre et délicate, pleine de qualités, hors de son milieu.
Sans titre André Masson, 1928 lithographie pour Histoire de l’Œil de Georges Bataille
174
C’est un dessinateur exceptionnel, ses aquarelles comme ses huiles sont pleines de couleurs douces, et malgré tout le cynisme que sa personnalité exhibitionniste ne renie jamais, il sait comment faire pousser une nouvelle sorte de fleurs sur ce marais culturel. » Cette appréciation de Pascin n’est pas sans ambivalence. Le 2 juin 1930, las de la vie, Pascin s’ouvrit les veines dans son atelier, boulevard de Clichy.
Hommage à André Masson Jules Pascin, 1928 aquarelle originale
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Egon Schiele (1890-1918) Le style de Schiele se caractérise par l’absence volontaire de formes et par la sobriété du contenu dans lequel se détache le sujet de l’arrière-plan. Dessiner est particulièrement important chez l’artiste en partie parce que ses dessins ont un côté allusif et spontané mais surtout parce qu’ils sont colorés.
Hommage à Mario Tauzin Jules Pascin, 1928 aquarelle
178
179
Fasciné par le corps humain, Schiele a produit beaucoup de nus dans des positions qui
apparaissaient
de
plus
en
plus
provocantes, exposant souvent les organes génitaux. En quelques traits, Schiele esquisse les contours du corps sur papier. Une cuisse se retrouve ainsi réduite à deux traits.
Nostalgie Jules Pascin, 1928 crayon, 47 x 62 cm collection de M. et Mme. Albert Rambert
180
181
Le coup de crayon qui est dynamique s’évanouit peu à peu, suivant la malléabilité structurale
d’un
mouvement
rapidement
exécuté. Déchiquetée avec des angles durs, il aime la structure des os. La touche de Schiele devient
alors
calligraphique,
capturant l’expression du corps juste avec quelques lignes.
Scène érotique André Masson, 1928 lithographie pour Histoire de l’Œil de Georges Bataille
182
Dès lors, en contraste avec l’aspect repoussant et osseux des épaules et du bassin, se trouve la ronde diffraction de la poitrine, dont les tétons oranges et la vulve se font blessures. Cependant, la physionomie de ses modèles reste anonyme, comme des fantômes, dont les yeux en bouton pourraient bientôt appartenir à une poupée, qui pourrait être n’importe quelle femme.
Scène érotique Jules Pascin, 1933 dessin tiré d’Erotikon
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185
La position du corps est dirigée vers le regard du spectateur, face auquel elle exhibe ses organes génitaux. Cependant, le geste écarté
des
mains
est
étrange.
Elles
apparaissent inflexiblement dures et en cela rappelle les mains de Schiele.
Accouplements Pablo Picasso, 1933
186
187
André Masson (1896-1987) Masson
produisit
une
série
d’œuvres
graphiques dans le goût de sa technique « automatique » du dessin. La liberté de ses dessins est basée sur le ton et l’expression du désir inconscient, et sur l’automatisme , le tout créant un type incroyable de dessin basé sur le thème du désir en rupture totale avec les modes d’expression usuels.
Accouplements Pablo Picasso, 1933
188
189
L’Histoire de l’œil, le roman de Georges Bataille fut illustré non seulement par Bellmer mais aussi, dès 1927, par André Masson. L’idée de l’érotisme comme étant une tragédie le fascinait également. Masson, qui se qualifiait lui-même comme étant le « rebelle du Surréalisme », compte encore comme un des leaders des Surréalistes en France.
Terre érotique André Masson, 1939 plume, 31,5 x 49 cm galerie Louise Leiris, Paris
190
191
Dès le début des années 20, il en fut l’un des porte-parole et militants, accompagné des théoriciens André Breton, Georges Bataille, Georges Limbour et Michel Leiris. Ensemble avec
Max
Ernst,
Juan
Miró,
Alberto
Giacometti, et Yves Tanguy, parmi d’autres, il était l’objet de discussions artistiques.
Garçon au lit Lucian Freud, 1943 encre sur papier, collection particulière
192
193
Il avoua que « la chose la plus importante était de montrer dans le chemin émotionnel les choses les plus profondes que l’on peut porter en soi, les fantasmes, les désirs, tout ce qui ressort de l’intime ». Dans son œuvre, Eros et Thanatos se livraient une bataille impitoyable. Il puisait son inspiration dans le domaine du pouvoir et de la violence ; pour lui l’union sexuelle et le pouvoir sont synonymes.
Nu Alméry Lobel-Riche, 1936
194
195
Dans une symbolique sexuelle, il transfère cette lutte aux humains, animaux et paysages. Il ébauche une cosmogonie dramatique d’étreintes enlacées et chaleureuses dont les origines
remontent
dans
l’abîme
du
subconscient. Au cours d’une conversation, il confia à l’historien d’art Pierre Cabane :
Le Critique Boris Lazlo, 1921
196
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« L’érotisme est la clef de voûte de toute ma peinture. » Il est très difficile de trouver une de ses œuvres qui n’offre pas en même temps la forme visuelle en une vision profondément sombre, quoique colorée par l’enthousiasme. Masson avoue : « Sortir de soi jusqu’à l’orgie, expérimenter des choses dangereuses, s’abandonner à l’ivresse, franchir le seuil de la mort, tout ça m’a toujours fasciné. »
Nu Félicien Rops, 1890
198
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Pour lui, l’érotisme est un moyen d’éclater les limites de l’ego. En 1925, Michel Leiris présente Masson à Georges Bataille qui suggère qu’il illustre L’Histoire de l’œil, que Bataille écrit pour son éditeur en quelques semaines. Perversion de la prime enfance, violence et agressivité sont les sujets de base de son œuvre que Susan Sontag expose pour l’apogée de la littérature érotique du XXe siècle.
Union X Jean Dubuffet, 1949 plume d’oie et encre de Chine, 27 x 21 cm collection particulière
200
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L’influence de Bataille peut être ressentie à travers toute l’œuvre de Masson. D’un autre côté, Breton ne voulut jamais admettre combien Bataille le fascinait avec ses versions de Sade et l’érotisme. Une fois, il fit une réflexion à Masson : « Bataille est le seul vrai Sadiste ! » Dès lors, il le réprimanda pour ne pas s’être confiné à être purement spirituel et pour avoir mis en pratique ses théories sexuelles.
Couple Jean Dubuffet lithographie d’après le dessin à l’encre, 28,1 x 22 cm
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Masson, qui était conscient des tendances puritaines de Breton, ne lui montra jamais ses dessins érotiques. Masson dit à Cabane : « Pour Breton, l’érotisme était comme un besoin religieux. Cela servait trois buts pour lui : le relâchement des instincts, l’ascétisme, le rituel. »
Dale and Mo David Hockney, 1966 crayon bleu sur papier, collection particulière
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Masson aurait préféré appeler ses dessins « dessins Priapic », Priape était dans la Grèce antique le dieu qui non seulement incarnait la virilité mais aussi la fécondité de la terre. Il était le dieu des jardins, des vignes et de la procréation. Dans les festivals de Priapic de Masson, le dieu fusionne avec la nature.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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Le langage artistique de Masson, comme celui de Bellmer, correspond totalement à ses impulsions : ligne, rythme, forme et couleur se règlent sur le mouvement flottant de ses émotions. Fluctuations, cadences, sauts caractérisent son style en peinture et en dessin, empêchant le sujet de devenir trop rigide. Sa ligne seule transforme tout en érotisme, elle est le sismographe des forces sous-jacentes.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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Une exposition de ses dessins érotiques à la « Galerie du Chêne », pour laquelle Georges Bataille écrivit un texte, fut fermée par la police après quelques jours. Les 22 dessins sur le sujet du désir que Masson compléta quatorze ans auparavant en une journée ne furent pas publiés avant 1961. L’introduction est de Jean-Paul Sartre.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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Le
tumulte
érotique
et
les
orgies
imaginaires sont aussi les sujets de dessins et d’huile que Masson créa entre 1968 et 1970, et qui furent exposés à la galerie Louise Leiris à la fin de années 1970. En 1976, une rétrospective majeure sur l’œuvre de Masson se tint au musée d’art moderne de New York et fut montée à Paris l’année suivante. Aux côtés de Bellmer, Masson est le plus érotique des surréalistes.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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Jean Dubuffet (1901-1985) Dubuffet exécute des dessins dont les images sont volontairement simples et primitives, presque gauches quelque fois. Il crée ainsi son propre monde, libre des principes et des valeurs de l’art culturel dont certaines œuvres provoquèrent des scandales.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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Hans Bellmer (1902-1975) Les dessins de Bellmer témoignent de son imagination érotique troublante. La liberté de ses traits, pas seulement précise mais subtile, la vigueur de ses hachures et plus encore l’emploi du blanc ancrent ses dessins dans le domaine de l’art traditionnel.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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Cependant, ses dessins qui se concentrent sur les femmes, explorent tous les aspects de l’érotisme où tous les fantasmes du voyeurisme, aussi bien que les détails anatomiques, sont excités. Repoussant les frontières, élargissant l’espace qu’il est possible d’utiliser, l’intégration de différentes zones de notre conscience – qui sont habituellement des domaines tabous – tout cela est aussi le programme surréaliste de Bellmer.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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Son Anatomie de la peinture s’aventure dans le domaine peu exploré des frontières entre le physique et le psychique. Sa connaissance de la structure psychique du physique et la continuelle interpénétration des deux zones, aussi bien que sa théorie du subconscient physique sont sans comparaison. Dans ses dessins, on voit le visible coexister avec l’invisible, l’actuel avec le virtuel, le réel avec le possible.
Scène érotique Hans Bellmer, 1968 illustration du Petit Traité de Morale
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« Les dessins de Bellmer, note Wieland Schmied, ne sont jamais juste superficiellement érotiques dans l’unique sens de détails isolés. Ils sont érotiquement chargés en tant qu’entité. L’érotisme détermine la structure de sa pensée et de ses dessins, il est présent dans l’œuvre de Bellmer à trois reprises : comme un sujet, comme un système, et comme un produit fini. »
Raphaël et la Fornarina Pablo Picasso, 4 septembre 1968 tiré de la Suite 347, d’après Ingres, eau-forte, 25 x 32,5 cm galerie Louise Leiris, Paris
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Ses thèmes – la femme, la mère et l’enfant – se sont manifestés très tôt. Il ne parvint jamais à se libérer d’eux, tout comme de la haine envers son père qui est la personnification du principe
d’utilité,
du
bourgeois
et
de
l’oppression. Il est obsédé par des créatures qu’il décrira plus tard comme des « jeunes filles avec de grands yeux qui se tiennent à l’écart ».
Sans titre : Scène érotique André Masson, 1971 lithographie de la série Dessins érotiques, Paris
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Ses courageuses aventures créatrices ont commencé à Berlin en 1933, quand il fabriqua une poupée en bois. Des photos de cette époque arrivèrent entre les mains des Surréalistes à Paris ; et en 1935 furent publiées dans le magazine Le Minotaure sous le titre : Variations sur le montage d’une petite fille. Les Surréalistes autour d’André Breton et Paul Eluard, autour de Max Ernst, Dalí et Tanguy furent spontanément enthousiastes envers cette « œuvre accomplie de beauté convulsive ».
Sans titre : Scène érotique André Masson, 1971 lithographie de la série Dessins érotiques, Paris
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En 1938, après la mort de sa femme, il quitta Berlin et emménagea à Paris où, excepté pour la guerre et les premières années d’après-guerre, il vécut jusqu’à sa mort. En 1941, censé être à Castres, il jeta son passeport dans un égout -signe d’abandon de sa citoyenneté allemande. D’un autre côté, il ne demanda jamais sa citoyenneté française. Tel un vrai surréaliste, il préférait être considéré comme un apatride.
Sans titre : Scène érotique André Masson, 1971 lithographie de la série Dessins érotiques, Paris
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Le cheminement de Bellmer fut marqué par la rencontre avec Bataille pour lequel la notion d’érotique est fondée sur la reconnaissance du mal. Par conséquence, la figure de Sade arrive dans le sombre centre de son œuvre. En 1961, il publia 10 chalcographies sur Sade, et dans la fin des années 60, son important livre illustré, Un Court Traité sur les Mœurs apparaît illustrant les écrits de Sade.
Sans titre : Scène érotique André Masson, 1971 lithographie de la série Dessins érotiques, Paris
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« L’origine de mon scandaleux travail, dit un jour Bellmer, ment dans le fait que pour moi le monde entier est un scandale. » Jelinski écrit sur son travail : « Le choc causé par les dessins de Bellmer vient du fait que Bellmer rend visibles à nos yeux les connexions qui surviennent obscurément et presque sans notre connaissance dans le royaume flou entre le corps et l’âme ».
Sans titre : Scène érotique André Masson, 1971 lithographie de la série Dessins érotiques, Paris
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L’œuvre de Bellmer est unique en tant qu’elle n’est pas une représentation naturaliste qu’il faut trouver en elle, mais elle est une traduction graphique des notions internes, fantasmes et sensations, tout ce qui dérive du désir. » Pendant un long séjour à Berlin en 1953, il rencontra Unica Zürn qui le suivit à Paris en 1955.
Sans titre : Scène érotique André Masson, 1971 lithographie de la série Dessins érotiques, Paris
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Unica Zürn dessinait, faisait des esquisses et écrivait des poèmes, des anagrammes et des petites nouvelles. En 1970, elle se suicida faisant grandir une solitude intime qui caractérise Bellmer les dernières années. La première rétrospective, réunie par Wieland Schmied, ne survint pas avant 1967 dans le Kesner-Gesellschaft à Hanovre.
Union (Mars et Vénus) Pablo Picasso, 1971 dessin tiré d’un carnet de croquis
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Parallèlement à cela, à la Galerie Brusberg, le premier aperçu majeur des dessins imprimés fut montré à une exposition avec des dessins et des collages de Unica Zürn. Bellmer atteint la renommée et le succès seulement plus tard. A nouveau, c’est à Paris que les qualités d’obsessions érotiques de son œuvre furent reconnues.
Union (Mars et Vénus) Pablo Picasso, 1971 dessin tiré d’un carnet de croquis
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« Ce travail, affirmait Jelenski, contredit l’alternative absurde de la forme et du contenu parce que l’œuvre érotique, avec sa touche d’une incroyable perfection, ne reproduit pas les aspects rigides, superficiels et émouvants de l’acte d’amour ; à la place, elle se concentre sur ce qui est réprimé honteusement dans le domaine de l’interdit – i.e. la source actuelle de ce qui tente de se mêler avec une autre personne – la source qui n’est pas simplement la base du vice mais aussi celle de l’amour. »
Union (Mars et Vénus) Pablo Picasso, 1971 dessin tiré d’un carnet de croquis
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Le diamant noir de l’œuvre de Sade, qui représentait le pôle sombre à l’encontre de la lumière furtive du Rococo, étincelle encore une fois dans l’œuvre de Bellmer. Les touches de la continuité historique se révèlent elles-mêmes dans un profond bouleversement subit par l’art moderne.
Scène érotique Pablo Picasso, 1971 dessin tiré d’un carnet de croquis
242
Lucien Freud (1922-….) Les
œuvres
de
Freud
se
concentrent
essentiellement sur la représentation de la réalité de la figure humaine sans aucune idéalisation. Dans ses études de nus, qui sont parfois d’une précision obsessionnelle, remue une troublante étrangeté.
Scène érotique Pablo Picasso, 1971 dessin tiré d’un carnet de croquis
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Davis Hockney (1937-…) Les dessins d’Hockney sont principalement autobiographiques. Après avoir usé d’une approche faussement gauche et naïve, il alla ensuite produire des œuvres avec des dessins aux contours strictes. L’artiste place ses personnages dans des cadres théâtraux et nous donne une vision détachée puis comique du monde.
Sans titre Pablo Picasso, 1971 crayon sur carton, 21,7 x 31,3 cm galerie Louise Leiris, Paris
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247
Index A À un Dîner d'athées
69
Accouplements
187
Accouplements
189
Admiration
63
L'Adultère impatient
99
Les Amants VI Les Ambassadeurs lacédémoniens
133 85
Amies enlacées
117
Amies, de face et de dos
115
Ancien Culte maori
79
Au Salon
55
B Le Bain matinal (La Femme du boulanger)
73
Le Baiser
81
Bathyllus prenant la pose
248
105
Bordello Fantasy
167
Buisson ardent
109
C Caresse Cinésias implorant les faveurs de Myrrhine
171 87
Coït
151
Couple
203
Couple assis
33
Couple d'amoureux
145
Couple enlacé
111
Couple enlacé, tiré du Cercle des Amours
75
Couple nu
21
Couple nu enlacé dans un lit
25
Couple nu enlacé dans un lit
27
Couple nu faisant l'amour
31
Couple saphique allongé près d'une roue de fortune
43
Couple saphique assis
51
Courtisane
49
Le Critique
197
249
D/E Dale and Mo
205
Demi-nu allongé
131
Demi-nu allongé
147
Derrière la scène
77
Deux Amies
113
Deux Athéniennes en détresse
97
Deux Femmes (Scène dans un bordel)
59
Deux Femmes entrelacées
121
Deux Filles (Couple d'amantes)
149
Deux Filles allongées tête-bêche
153
Deux Filles enlacées
155
Deux Nus allongés
143
L'Entremetteuse
57
F/G Femme assise, aux cuisses écartées
159
Femme aux bas noirs (Valérie Neuzil)
139
Femme couchée portant de la lingerie
157
Femme lutinée par l'Amour 250
23
Femme nue allongée aux bottes Femme nue aux longs cheveux renversée en arrière
161 53
Femmes aux bas noirs
141
Femmes dénudées
169
La Fête de la patronne
61
Fille allongée
163
Fille nue assise aux bras croisés sur la tête
129
Garçon au lit
193
H Haisne et Amour de prestre sont de mesme Viol
65
Hommage à André Masson
177
Hommage à Mario Tauzin
179
Homme enlaçant une femme par derrière L'Hostie rouge
29 127
I Impudence
67
L'Inspection du héraut
91 251
J Le Jardin d'Aphrodite
119
Jardin des supplices
107
Joseph et la femme de Putiphar Juvénal fouettant une femme
11 103
L Le Lit à la française
15
Lysistrata défendant l'Acropole
83
Lysistrata haranguant les femmes d'Athènes
89
Lysistrata tend un rameau d'olivier à son ennemi, le pénis...
93
M Mars enlaçant Vénus
19
La Mesure du pénis
95
Le Moine dans le champ de blé
13
N Nostalgie 252
181
Nu
123
Nu
195
Nu
199
Nu allongé et recroquevillé
135
R Raphaël et la Fornarina
223
S Salammbô
47
Sans titre
175
Sans titre
247
Sans titre : Scène érotique
225
Sans titre : Scène érotique
227
Sans titre : Scène érotique
229
Sans titre : Scène érotique
231
Sans titre : Scène érotique
233
Sans titre : Scène érotique
235
Sappho et Erinna dans un jardin à Mytilène
17 253
Scène érotique
165
Scène érotique
173
Scène érotique
183
Scène érotique
185
Scène érotique
207
Scène érotique
209
Scène érotique
211
Scène érotique
213
Scène érotique
215
Scène érotique
221
Scène érotique
243
Scène érotique
245
Scène érotique
217
Scène érotique
219
Scherzo
9
T Temple de l'amour
45
Terre érotique
191
La Toilette de Lampito
101
254
Trois Femmes au bain
35
Le Tub
71
U Un Homme avec trois femmes
39
L'Union
41
Union (Mars et Vénus)
37
Union (Mars et Vénus)
237
Union (Mars et Vénus)
239
Union (Mars et Vénus)
241
Union X
201
V/W Vue en rêve
125
Wally en chemisier rouge, genoux relevés
137
255