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French Pages 129 [128] Year 2021
De la jaunisse à l’hépatite C, 5 000 ans d’histoire
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De la jaunisse à l’hépatite C, 5 000 ans d’histoire Jean-Louis Payen
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Éditions E.D.K. 2, rue Troyon 92316 Sèvres Cedex, France Tél. : 01 55 64 13 93 [email protected] www.edk.fr © Éditions E.D.K., Paris, 2009 ISBN : 978-2-8425-4136-1 Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage – loi du 11 mars 1957 – sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie (CFC) 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
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Illustration de couverture : Jean-Pierre Pascal
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À Cali, Nicolas, Thomas et Jérémy et à Jean-Pierre Pascal
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« Si j’avais une prière à formuler, ce serait moins “donnez-moi la force” que “donnez-moi le désir” de faire. » François Jacob, La statue intérieure, 1987
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PRÉFACE
Le saviez-vous ? Saviez-vous que la première description de la jaunisse fut trouvée sur une plaquette d’argile, inscrite par des Sumériens près de 3 000 ans avant Jésus-Christ, que le mot ictère, cité pour la première fois dans le Corpus Hippocraticum, pourrait provenir de la couleur jaune des yeux de la fouine (iktis) ou du milan (iktivos), qu’en 420 avant Jésus-Christ, Hippocrate, visionnaire, écrivait dans ce même Corpus que « l’ictère apparaît quand la bile entre en mouvement et se porte sous la peau », balayant d’un coup l’origine divine, jusqu’ici ancrée, de la jaunisse, que, plus près de nous, en 1967, une collaboratrice de Blumberg, ressentant une fatigue anormale et se testant pour l’antigène Australia, fut la première à rattacher cet antigène à l’hépatite B, et que, la même année, l’article du même groupe décrivant cette relation fut refusé pour publication... Tout cela est dans ce livre, et bien d’autres choses, inédites et passionnantes, sur 5 000 ans d’histoire. Il était naturel que l’homme préoccupé par la modification de la couleur de ses yeux et de sa peau cherche, de tout temps, à en comprendre les raisons. Du démon Ahhâzu des Sumériens jusqu’au virus de l’hépatite C, Jean-Louis Payen nous montre la fécondité de cette quête et le chemin parcouru. Est-ce par hasard qu’à son terme, l’histoire des hépatites soit venue se confondre avec celle des avancées (et des écueils) de la mé-
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DE LA JAUNISSE À L’HÉPATITE C, 5 000 ANS D’HISTOIRE
decine du XXe siècle : transfusions, usage de drogue, hémodialyse, infections nosocomiales, vaccinations... ? Jean-Louis Payen sait écrire et sa culture est sans limite. Il tire aussi les leçons de l’histoire et parfois s’emporte. Comment, il y a 40 ans, a-t-on pu tolérer que des « volontaires » et des enfants handicapés aient pu être inoculés avec des produits supposés contenir les virus des hépatites ? Mais, retombée positive, les interdits qui ont suivi n’ont-ils pas favorisé l’émergence des biotechnologies aujourd’hui disponibles ? Le vaccin contre l’hépatite B, dès son introduction, a suscité un formidable espoir. Il était prévu qu’en 2010, la propagation du virus soit définitivement stoppée sur notre planète ! Se souvient-on qu’en 1994, dans notre pays, les firmes étaient accusées d’une production insuffisante pour couvrir les besoins et que, trois ans plus tard, les mêmes personnes accusaient ces firmes d’avoir induit des scléroses en plaques ? En 1998 à Nanterre et en 2001 à Versailles, les juges s’en mêlent. Ils condamnent, sans preuve, les fabricants de vaccin. Jean-Louis Payen (il n’est pas le seul) le supporte mal. Il propose pour eux la création d’un droit d’ingérence éthique et signe : « Messieurs les juges, les médecins ont un droit de regard sur vos décisions ». Le livre peut se refermer. Jean-Louis Payen est hépatologue dans un Service toulousain réputé. Il a reçu pour ce livre le prix Lucien Babonneau de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse que lui a remis Hubert Curien. Qu’il sache, par ces lignes, la gratitude de ceux qui, depuis longtemps, attendaient de faire ce voyage. Daniel Dhumeaux
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SOMMAIRE
Préface Daniel Dhumeaux .............................................................................
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Introduction .....................................................................................
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L’ère magique .................................................................................. Première description de la jaunisse..............................................
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L’ère hippocratique et l’origine du mot ictère............................... Hippocrate (460-370 environ avant J.-C.)..................................... La jaunisse au temps de Galien .................................................... La jaunisse chez les Égyptiens ...................................................... Rufus d’Éphèse et la jaunisse ....................................................... Le Moyen Âge, le pape Zacharie et l’archidiacre de Mayence ; saint Boniface................................................................................
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L’ère anatomo-clinique et épidémiologique...................................
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Naissance du concept de virus........................................................
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Individualisation de l’hépatite épidémique et grandes hypothèses physiopathologiques ........................................................................ L’hépatite épidémique................................................................... L’hépatite sérique..........................................................................
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DE LA JAUNISSE À L’HÉPATITE C, 5 000 ANS D’HISTOIRE
L’ère des antigènes et de la microscopie électronique ................. Découverte du virus de l’hépatite B .............................................. Caractérisation du virus de l’hépatite A........................................ Caractérisation du virus de l’hépatite Delta ................................. Le concept d’hépatite non-A non-B...............................................
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Histoire de la vaccination contre le virus de l’hépatite B ............. Naissance du concept de vaccination............................................ Naissance de la vaccination contre le virus de l’hépatite B..........
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L’ère de la biologie moléculaire et du génie génétique ................ Découverte du virus de l’hépatite C .............................................. Découverte du virus de l’hépatite E ..............................................
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Transfusion sanguine et virus de l’hépatite C ...............................
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Toxicomanie et virus de l’hépatite C ..............................................
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Transmission nosocomiale et virus de l’hépatite C .......................
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Droit d’ingérence éthique et histoire des hépatites ......................
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Histoire d’une merveilleuse découverte : l’interféron ................... 1957, souvenez-vous ..................................................................... Interféron et virus, déjà des chemins parallèles........................... Du bon génie génétique naîtra l’interféron médicament.............. Une révolution biologique : le génie génétique ............................. Lé développement de l’interféron ................................................. L’interféron devient une véritable arme contre les virus des hépatites .................................................................................
97 97 100 102 103 104
Conclusions ......................................................................................
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Références........................................................................................
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INTRODUCTION
L
a jaunisse est un symptôme facilement identifiable ; il paraissait bien naturel que l’homme, confronté à une modification de la couleur de ses yeux et de sa peau ait de tous temps recherché les causes de cette transformation. Ainsi, le premier « traité de médecine », 3 000 ans avant J.-C., décrit déjà cette coloration particulière que prennent les téguments et les conjonctives lors de l’accumulation de bilirubine1 dans ces tissus, entraînant la jaunisse. À chaque époque de l’histoire de la médecine, les praticiens, influencés par les concepts médicaux de leur temps, attribuèrent une ou plusieurs explications particulières à la jaunisse. Proche de nous, la découverte des agents responsables des hépatites virales, grandes pourvoyeuses de jaunisses, les associe aux grands problèmes de santé publique de notre temps. L’histoire des hépatites s’articule avec les grands progrès de la médecine du XXe siècle, notamment la transfusion sanguine et l’utilisation des produits dérivés du sang [1], mais aussi les premières vaccinations (fièvre jaune...). Cette épidémie des temps modernes apparaît fortement liée au développement de la toxicomanie intraveineuse [2], mais aussi à l’apparition de techniques médicales très sophistiquées telles que l’hémodialyse, l’endoscopie, s’intégrant ainsi dans le cadre des infections dites nosocomiales. De ce fait, les hépatites virales, et notamment l’hépatite à virus C, 1 Bilirubine : pigment biliaire jaune-rougeâtre produit par la dégradation de l’hémoglobine (transporteur de l’oxygène dans les globules rouges).
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nous interpellent aujourd’hui dans un grand nombre de domaines : la recherche médicale, la santé publique, les questions juridique et éthique. La connaissance des événements passés, comme dans bien des disciplines, nous paraît apporter un élément nécessaire à la réflexion indispensable dans ces différents débats. Ce livre relate l’histoire de la jaunisse en fonction de chaque époque ; l’accent est mis, particulièrement, sur le contexte historique, afin que le lecteur comprenne que certaines attitudes, aujourd’hui totalement inconcevables, comme les expérimentations sur des enfants ou les transfusions sanguines de confort, pouvaient se concevoir dans la pensée de l’époque. Il y sera également question des brillantes innovations techniques qui ont permis de ne plus laisser place aux expérimentations humaines dangereuses et contraires à l’éthique, sans toutefois compromettre les découvertes fondamentales bénéfiques pour l’humanité.
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« L’homme est naturellement métaphysicien et orgueilleux ; il a pu croire que les créations idéales de son esprit qui correspondent à ses sentiments représentaient aussi la réalité. » Claude Bernard
L’ÈRE MAGIQUE
Première description de la jaunisse
U
n médecin sumérien anonyme, qui vécut à la fin du IIIe millénaire avant J.-C., décida un jour de rassembler et de consigner par écrit, à l’attention de ses condisciples et de ses disciples, ses prescriptions médicales les plus précieuses. Il prépara une tablette d’argile humide de 16 cm de long sur 9,5 cm de large, tailla en forme de coin l’extrémité d’un stylet de roseau et inscrivit, dans les caractères cunéiformes de son temps, les noms d’une douzaine de ses remèdes favoris. Ce document d’argile, le plus vieux « manuel de médecine » connu, vivait enfoui dans les ruines de Nippur depuis plus de 4 000 ans [3]. L’apogée de Sumer se situe vers 1 350 avant J.-C. À cette époque, les rois construisirent, au cœur de la Mésopotamie, des palais et des temples, et le renom des richesses de Sumer se répandit parmi les tribus sémites avoisinantes, fixées dans les régions montagneuses à l’est et au nord. Mésopotamie signifie « pays entre les fleuves » ; c’est ainsi que Polybe, historien du IIe siècle avant J.-C., désignait cette région située entre l’Euphrate et le Tigre. C’est dans cette plaine, baignée par les eaux de ces deux fleuves immenses, que les Sumériens firent éclore une civilisation raffinée. On ignore qui inventa la graphie sumérienne, l’une des plus an-
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ciennes connues dans l’humanité. Les premiers témoignages datent de 3 500 avant J.-C. et furent découverts dans les ruines de Kish. Un roseau pointu, une plaque d’argile permettaient la création des tablettes, qui, une fois séchées, pouvaient être conservées. C’est grâce à cette technique, plus simple que le papyrus mais tout aussi géniale, que notre médecin va transmettre ses connaissances. Pendant une longue période, les archéologues travaillant en Mésopotamie avaient été frappés par l’absence de document sur la science médicale de cette civilisation, pourtant si raffinée dans d’autres domaines. Entre 1845 et 1884 furent mis à jour les restes de Ninive, capitale de l’Assyrie. Les deux artisans de cette découverte furent Sir Austin Henry Lajard et son assistant Ormuzel Rassam [3]. Dans les ruines du palais construit sous le règne d’Assurbanipal (668-626 avant J.-C.), les deux hommes découvrirent une couche épaisse d’un mètre cinquante constituée de 20 000 tablettes cunéiformes, plus ou moins intactes. Ces tablettes faisaient partie de la bibliothèque fondée par Assurbanipal ; elles se révélèrent une mine de renseignements pour les historiens de la médecine. En effet, plus de 600 de ces tablettes se réfèrent à la médecine de l’époque. La connaissance de ces documents a permis d’affirmer l’existence d’une science médicale chez les Sumériens. En 1951, R. Labat publia un ouvrage, le Traité acadien de diagnostics médicaux, somme des études les plus récentes effectuées dans le domaine. Le Professeur Labat, dans ce texte [3] dont la traduction est difficile, parvint à isoler certaines maladies : « La jaunisse : si son corps est jaune, son visage jaune, ses yeux jaunes, si ses chairs deviennent flasques, c’est la jaunisse ». Ainsi, bien avant Hippocrate, des médecins en Mésopotamie identifièrent l’un des symptômes qui, quelques siècles plus tard, sera reconnu comme faisant partie du tableau clinique des hépatites. À cette époque, les habitants de la Mésopotamie vivaient sous le règne de très nombreuses créatures démoniaques, inventions des prêtres qui s’en servaient pour expliquer l’origine des maladies. L’homme malade était la proie d’une force occulte, d’un démon et, dans le cas de la jaunisse, il s’agit du démon Ahhâzu. Par ailleurs, les prêtres, frappés par la régularité du mouvement des corps célestes, imaginèrent que le cycle céleste avait son pendant sur terre et que les événements et phénomènes dont l’homme était le témoin étaient conditionnés par le mouvement des étoiles et des astres. Les prêtres mésopotamiens furent ainsi les pionniers d’une doctrine qui eut une influence considérable sur la conception médicale antique et médiévale et dont on ressent encore aujourd’hui les effets. Ils inventèrent une science, l’hépa-
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L’ÈRE MAGIQUE
toscopie. Témoins de cette pratique, de nombreuses reproductions de foies en argile ont été dégagées de fouilles ; ces plaques d’argiles gravées comportaient des dénominations et des marques distinctes en écriture cunéiforme. Ces foies étaient accompagnés de tablettes. En fonction de l’anatomie du foie (largeur de la vésicule biliaire, orientation des canaux hépatiques...), on pouvait déduire l’avenir du malade. Un patient ou une famille désireux de faire procéder à une hépatoscopie conduisait ou faisait conduire au temple une victime sacrificielle. Un aide du prêtre-devin tuait la bête pour en prélever le foie ; l’examen de l’organe renseignait sur les intentions et les desseins des dieux. Le foie était considéré, du fait peutêtre de sa contenance sanguine, comme le siège de la vie et de l’âme. Des modèles de foie en terre cuite et en bronze ont été retrouvés, témoignant de l’importance que les Anciens attribuaient à l’hépatoscopie. Le foie d’un animal immolé n’était pas indispensable à la prédiction, la science et la perspicacité du prêtre pouvaient suffire. Habiles à tirer partie de leurs expériences, des prêtres purent fournir ainsi à ceux qui les consultaient des pronostics exacts sur les maux dont ils étaient atteints. Cette notion culturelle qui fait du foie le siège de l’âme parviendra jusqu’à nos jours à travers la culture arabe. En effet, dans cette civilisation, on ne dit pas à quelqu’un que l’on aime « Je t’ai dans mon cœur », mais « Je t’ai dans mon foie ».
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« La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive, l’expérience trompeuse. Il faut non seulement faire soi-même ce qui convient, mais encore faire que le malade, les assistants et les choses extérieures y concourent. » Hippocrate
L’ÈRE HIPPOCRATIQUE ET L’ORIGINE DU MOT ICTÈRE
Hippocrate (460-370 environ avant J.-C.)
P
ère d’une authentique école médicale, Hippocrate (environ 460 à 370 avant J.-C.) a révolutionné l’approche de la maladie en excluant son origine divine. Il développa la théorie des quatre humeurs : sang, bile (bile jaune), atrabile (bile noire) et pituite (ou phlegme) ; selon cette théorie, le corps se compose d’éléments solides entre lesquels circulent les humeurs. Le déséquilibre des humeurs explique l’apparition des maladies. Le fondateur de l’école de Cos, nom de l’île où Hippocrate exerça son art et développa son enseignement, va s’associer à ses élèves pour écrire le Corpus hippocraticum, traité médical qui fonde les bases d’une médecine nouvelle [4, 5]. C’est dans le Corpus hippocratique que le mot ictère, signifiant jaunisse, est cité pour la première fois [6]. Il est probable que le mot ictère provienne de l’observation d’animaux, notamment de la fouine iktis ou du milan iktivos, qui tous deux ont les conjonctives jaunes, d’où le nom d’icteros en grec traduit par icterus chez les Latins pour désigner ce symptôme observé chez les malades présentant une jaunisse. Toutefois, une autre hypothèse est rapportée par G.H. Roger : icteros viendrait du nom du loriot, oiseau qui depuis Pline passait pour guérir la jaunisse [7]. Dans
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le Corpus hippocratique, de nombreux passages font référence à la jaunisse ; ainsi peut-on lire : « Vers le solstice d’hiver régna le vent du nord : les malades devinrent ictériques, d’un jaune foncé, les uns avec frissons, les autres sans » [8]. Ce texte, relevé dans le livre quatrième du tome II des Épidémies, décrit des cas d’ictères groupés sur le mode épidémique pouvant correspondre à une poussée d’hépatite infectieuse ; cela reste bien sûr une hypothèse. Dans de nombreux autres passages, les textes hippocratiques font référence à la jaunisse. Ainsi, toujours dans le premier livre des Épidémies, on peut lire : « Quelques-uns furent pris d’ictère le sixième jour, mais ils furent soulagés, soit par la voie des urines, soit par un dérangement du ventre, soit par une hémorragie abondante ». D’autre part, dans les Aphorismes1, on peut lire : « Les ictères survenus dans les fièvres le septième, neuvième, onzième et quatorzième jour sont de bonne augure, pourvu que l’hypocondre droit ne soit par dur ; autrement, l’ictère n’est pas bon ». Cette précision permet probablement de faire la différence entre une hépatite infectieuse et un ictère obstructif ou un ictère en rapport avec une pathologie chronique du foie arrivé au stade de décompensation. On découvre cette notion dans un autre aphorisme : « Chez les ictériques, il est fâcheux que le foie devienne dur » [8]. Dans le traité des Infections, Hippocrate nous dit : « L’ictère, traité par des bains chauds et des purgations, se produit quand la bile mise en mouvement se porte sous la peau ». Ainsi, en 420 avant J.-C., cette notion physiopathologique était étonnamment visionnaire. Après les descriptions faites en Mésopotamie, les textes de l’œuvre hippocratique décrivent des tableaux cliniques pouvant correspondre à celui d’une hépatite « virale » par son caractère épidémique réversible. Bien sûr, on ne parle pas encore de virus à cette époque, et encore moins du A, du B ou du C... Après les médecins sumériens qui attribuent la jaunisse à une divinité, l’époque hippocratique, faisant appel à sa conception des quatre humeurs, sortira la jaunisse de son caractère démoniaque, en rapportant aux mouvements de bile la formation du symptôme ; toutefois, aucune étiologie ne sera clairement proposée.
1 Aphorisme : phrase sentencieuse qui résume en quelques mots ce qu’il y a de plus essentiel à connaître sur une question.
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L’ÈRE HIPPOCRATIQUE ET L’ORIGINE DU MOT ICTÈRE
La jaunisse au temps de Galien
Galien naquit à Pergame, en Asie Mineure. Médecin grec installé à Rome, il marqua fortement, comme Hippocrate, l’histoire de la médecine. Il fut considéré comme l’héritier spirituel d’Hippocrate, mais bénéficia aussi d’autres influences importantes, comme celle des écrits aristotéliciens et celle des acquis anatomiques de l’école d’Alexandrie [4]. En effet, en 323 avant J.-C., meurt Alexandre le Grand. Ce monarque avait rêvé d’une capitale intellectuelle, née de la fusion de la culture grecque et de la culture orientale : ce sera Alexandrie. Une école d’anatomie s’y développera, notamment sous Ptolémée II, entre 265 et 247 avant J.-C., ce nouveau roi autorisant la dissection d’êtres humains. Deux anatomistes, Hérophile qui montra l’origine des nerfs, observa les ventricules cérébraux, étudia la circulation sanguine, décrivit des testicules féminins (futurs ovaires) et Erasistrate qui distingua le cervelet, différencia les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs, apporteront tous deux par leurs travaux des informations importantes à Galien. L’œuvre de celui-ci fut considérable, mais elle ne sera jamais complètement connue puisque de nombreux manuscrits disparurent, notamment lors de la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie au Ve siècle. Galien pratiquait la dissection sur les gros animaux, des porcs, des singes. Il fut aussi le médecin des gladiateurs blessés et put ainsi étudier l’anatomie. Cependant, toutes ses descriptions sont loin d’être exactes, Galien ayant souvent extrapolé à l’homme ce qu’il observait chez les animaux. Pour Galien, le sang se forme dans le foie après digestion des aliments. Le sang est transporté par les veines dans tout l’organisme et revient ensuite dans la cavité droite du cœur [9]. À ce propos, Galien pense que le cœur n’est formé que de deux ventricules. Une partie du sang est ensuite refroidie dans les poumons, reçoit les esprits vitaux qui traversent la cloison poreuse du cœur (affirmation anatomique de Galien qui ne sera démentie qu’au XVe siècle) et gagne le ventricule gauche. Le sang artériel chargé des esprits vitaux subit un mouvement rythmé qui correspond au pouls. Galien restera fidèle aux théories hippocratiques des quatre humeurs. Plusieurs passages de l’œuvre de Galien concernent l’ictère ; cependant, aucune notion nouvelle sur la jaunisse ne semble se dégager par rapport au Corpus hippocratique, l’auteur reprenant les descriptions du Maître de l’école de Cos en ce qui concerne l’ictère [9].
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DE LA JAUNISSE À L’HÉPATITE C, 5 000 ANS D’HISTOIRE
La jaunisse chez les Égyptiens Deux papyrus acquis en 1832 par Edwin Smith, appelés papyrus Smith et Ebers, sont consacrés à la médecine. Chez les Égyptiens, l’intervention divine directe explique la plupart des maladies ; toutefois, on trouve très peu d’informations concernant la jaunisse dans les différents écrits [10]. On note parfois une référence aux affections du foie et de la vésicule, comme le signale Christian Jacq dans son livre La loi du désert : « Neferet fit boire au malade de la chicorée, cultivée dans les jardins du temple. La plante aux larges feuilles bleues, qui se fermait à midi, possédait de nombreuses vertus curatives ; mélangée à une petite quantité de vin vieux, elle traitait nombre d’affections du foie et de la vésicule » [11]. Et le docteur J.E. Fares, égyptologue, questionné sur le sujet, pouvait écrire : « Mon long silence peut vous faire penser que, de guerre lasse, je me suis désintéressé de la question qui nous occupe (la jaunisse chez les Égyptiens). Croyez qu’il n’en est rien... au contraire. Bien qu’aimant relever les défis, il est des situations où il est sage de reconnaître la défaite ! Pas de mention de traitements préconisés pour l’ictère dans l’Égypte antique » [communication personnelle].
Rufus d’Éphèse et la jaunisse Un autre médecin va marquer l’histoire de la jaunisse : il s’agit de Rufus d’Éphèse. On ne sait pas grand chose de sa vie et on a du mal à le situer précisément dans le temps [12]. Il aurait été contemporain de Trajan (Ier siècle après J.-C.) [13]. Son œuvre fut importante, il fut le premier à avoir décrit le chiasma des nerfs optiques ; il étudia essentiellement l’anatomie sur le singe. Certains historiens de la médecine diront de lui : « Si l’on avait soigneusement consulté les archives de la médecine, on aurait depuis longtemps trouvé dans Rufus, dans Soranus, dans Héliodore et dans Galien la torsion des artères ; dans Hérophile et dans Rufus, toute une théorie des mouvements du “fond”, mouvements qu’on apprécie aujourd’hui à l’aide d’instruments ingénieux » [12]. Rufus d’Éphèse fut un esprit indépendant et un praticien, il laissa un grand nombre de monographies traitant de maladies précises : la jaunisse, les affections rénales, la goutte, la mélancolie, etc. [14]. Quarante-trois de ses livres furent traduits, si l’on se fie aux références d’Ibn An-Nadim [12]. Les traductions
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L’ÈRE HIPPOCRATIQUE ET L’ORIGINE DU MOT ICTÈRE
de Rufus d’Éphèse introduisirent dans le monde arabe un genre littéraire nouveau, fait de traités brefs mais précis, pratiques, car consacrés à un seul sujet, reposant sur des concepts scientifiques supposés connus. Voici quelques extraits de l’œuvre de Rufus d’Éphèse concernant l’ictère : « Il faut savoir que l’ictère se produit suivant trois modes généraux. Le premier est en raison d’une crise2 ayant lieu dans les fièvres ardentes, lorsque la nature a poussé critiquement hors des vaisseaux, c’est-à-dire des veines, vers le derme, et les a résolus. Cette jaunisse se produit durant les jours critiques, à savoir le septième, le neuvième, le onzième ou le quatorzième jour. L’ictère qui se manifeste avant le septième jour est mortel, les signes et les caractères de ce mode résultant du fait que l’ictère résout la fièvre, et de ce que, dans les jours critiques, les urines et les excréments sont naturels. Le deuxième mode est dû à la discrasie chaude du foie, laquelle répand la bile dans le sang de tout le corps. Ce mode se produit avec la fièvre, il comporte des urines et des excréments bilieux, sans pesanteur du foie. Le troisième mode a pour cause l’obstruction, il se manifeste par les indices suivants : le foie devient lourd, et tout le corps est inondé de bile jaune, les urines et excréments sont blancs, ceci est lié à une obstruction empêchant la bile de descendre soit dans les intestins pour colorer les matières soit dans les reins pour colorer les urines » [12]. On voit à travers ce texte des notions physiopathologiques nouvelles, mais pour une grande part la reprise des écrits d’Hippocrate et de Galien. On peut lire par ailleurs : « L’ictère est une diffusion de l’humeur bilieuse dans le corps, se produisant alors que la force séparatrice de cette humeur a été diminuée et n’est plus capable de la diviser et de la répartir par ses voies sécrétrices habituelles ». Autre notion très intéressante : « Il faut considérer comme une erreur l’opinion que le foie est affecté chez tous les ictériques. On voit souvent, sans que le foie éprouve une affection, se produire une diffusion de la bile jaune dans le derme pendant la période critique de la maladie. On voit quelquefois aussi indépendamment de toute fièvre, le sang troublé par la bile à la suite d’une altération provenant d’une cause étrangère telle que la morsure d’une bête venimeuse. En effet, une personne mordue par une vipère eut tout le corps d’une couleur jaune verdâtre et s’étant mise à boire d’une manière continue de la thériaque fut promptement guérie ». Il s’agit là d’une description d’hémolyse induite par la morsure du serpent.
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À l’époque, la crise signifiait le dénouement de la maladie.
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DE LA JAUNISSE À L’HÉPATITE C, 5 000 ANS D’HISTOIRE
Citons par ailleurs d’autres passages de la monographie sur la jaunisse de Rufus d’Éphèse : « Il y aura encore ictère à cause de l’impuissance de la vésicule biliaire à faire venir à elle, comme dans l’état normal, la matière bilieuse et à purifier le sang par la suite de cette attraction » [12]. Rufus d’Éphèse va associer un autre symptôme à l’ictère : « Il y a démangeaison plus vive ». D’autre part : « Il y a des caractères communs à toutes les sortes de jaunisses, ce sont les répugnances à se mouvoir et l’indifférence pour les aliments doux (sucrés), mais nulle aversion pour ce qui est amer, enfin, des imaginations étranges, une démangeaison par tout le corps et beaucoup de difficultés à transpirer. Le blanc de l’œil, les parties qui avoisinent les tempes, les joues montrent une teinte jaune. Les veines placées sous la peau sont remplies et accusent une surabondance d’humeur ». Rufus d’Éphèse dans sa monographie va proposer des thérapeutiques : « Il convient aussi d’instituer pour ces malades un régime général, à la fois humectant et de nature à produire une atténuation modérée des humeurs épaisses. Pour les ictériques d’une autre espèce, il y a d’abord deux remèdes de premier ordre : la saignée et la purgation. Il faut tirer le sang en petite quantité afin de ne pas trop réduire les forces du malade par une évacuation de sang faite tout d’un coup. Les purgatifs donnés aux ictériques doivent être assez énergiques ; car en raison de la sécheresse du ventre, les purgatifs faibles ne seraient d’aucun effet sur eux ». Tout un tas de détails sont apportés quant aux purgatifs utilisés, graines de pourpier, buglosse, germandrée, trisandale, yvette, violette de doras, fleur de thym... [12].
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L’ÈRE HIPPOCRATIQUE ET L’ORIGINE DU MOT ICTÈRE
Le Moyen Âge, le pape Zacharie et l’archidiacre de Mayence ; saint Boniface Le Moyen Âge débute avec la chute de l’empire romain en 476 après J.-C., sous l’assaut des Barbares. Petit à petit, le christianisme se développe, et durant ces dix siècles de Moyen Âge, autour de la Méditerranée, une nouvelle religion monothéiste prend son essor : l’islam. Non loin de là, le christianisme marquera l’Europe Occidentale. Pendant cette longue période, relativement pauvre dans l’avancée des connaissances médicales, un pape marquera l’histoire de la jaunisse. Le pape Zacharie (690-752) naquit dans le sud de l’Italie de parents grecs. Il devint pape et permit à l’église de jouer un rôle grandissant en Occident. À cette époque, le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, époux de Berthe au grand pied, reçut le soutien du pape Zacharie qui lui donna sa bénédiction. Pépin le Bref tirera de ses liens étroits avec la papauté un bénéfice majeur, augmentant la puissance de la dynastie carolingienne : il reçut l’onction sainte de saint Boniface, archevêque de Mayence [15]. En 751, saint Boniface adressa au pape une lettre faisant état d’une épidémie d’ictère à Mayence. Le pape lui répondit en lui conseillant d’isoler les malades [16]. Il s’agira de la première description d’une épidémie de jaunisse pour laquelle il fut conseillé un isolement des malades.
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« Je dirai qu’à mon avis les faits biologiques condamnent, sur toutes questions, les opinions unicistes. » Charles Nicolle, 1936
L’ÈRE ANATOMO-CLINIQUE ET ÉPIDÉMIOLOGIQUE
L
e Moyen Âge s’achève au début du XVIe siècle, date à laquelle commence l’époque moderne ou Renaissance. Pendant ces longs siècles de Moyen Âge, on assiste au développement de la médecine monastique. Le concile de 1130 interdit à tout ecclésiastique de pratiquer la chirurgie : « L’église a horreur du sang ». Puis se développe la médecine scolastique, avec la création d’écoles consacrées à la médecine, à Salerne en Italie, mais aussi en France à Montpellier, avec la fondation en 1220 de son Université. Toutefois, cette période sera marquée par la domination de la médecine arabe. Cette médecine sera illustrée par des personnages célèbres, tels qu’Avicenne (980-1037), fondateur de l’école perse de médecine. En Europe, les avancées principales se feront essentiellement dans le domaine de l’anatomie. En effet, depuis les travaux de Galien, les connaissances anatomiques n’avaient pas évolué. Mais au XIVe siècle à Bologne, les dissections sont reprises sur des cadavres humains, notamment par Mandino Da Luzzi (1270-1326) qui rédigea en 1316 son Anatomia, premier grand livre occidental d’anatomie [4]. Le médecin du Moyen Âge restera toutefois à distance du malade. Son diagnostic s’appuyait essentiellement sur un examen sommaire, limité à la prise du pouls et à l’examen des urines dont on analysait la couleur, l’aspect et le goût. On s’en tenait aux théories hippocratiques des humeurs. Les traitements proposés furent essentiellement les saignées, les ventouses et les purges. Ce fut encore une époque où les maladies relevaient bien souvent d’une volonté divine, mais peu à peu l’homme se sentit autorisé à les combattre. Le
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malade était impur, il devait être évité, l’isolement des malades fut alors largement recommandé ; on peut lire sous la plume de A. de Villeneuve au XIIIe siècle, dans son ouvrage Compendium medicine : « Il faut isoler les lépreux des autres hommes pour qu’ils ne corrompent pas l’air et rendent lépreux les autres hommes » [17]. Il y a peu d’avancée dans le domaine des connaissances sur la jaunisse au cours de ces siècles. Cependant, pour que de nouvelles idées voient le jour, pour qu’un concept original soit accepté, il faut un univers particulier qui permette à une réalité scientifique d’être reconnue [18]. La Renaissance, avec notamment le développement dans l’Ancien Monde de la syphilis, supposée avoir été introduite en 1492 par les marins de Christophe Colomb, entraînera une conséquence majeure dans le domaine des concepts. L’un des principaux artisans de l’évolution des esprits dans le domaine de la médecine fut Girolamo Fracastoro (1478-1553) [4]. Ce médecin-astronome se forma à l’Université de Padoue où il aura comme condisciple Copernic. Puis il enseigna à l’Université de Vérone et publia en 1546 un ouvrage qui fit le point des connaissances de son époque sur les maladies contagieuses : « De la sympathie et de l’antipathie des choses, de la contagion, des maladies contagieuses et de leur traitement ». Dans ses conceptions nouvelles, G. Fracastoro réfute l’origine divine des épidémies. Il développera une théorie sur l’origine des maladies transmises par les seminaria, agents vivants responsables des maladies contagieuses, capables de se multiplier. À l’époque, la seminaria est considérée comme pouvant être transmise d’un individu à l’autre. Elle est décrite comme un être vivant capable de se multiplier. Ce fut le grand mérite de Fracastoro d’avoir fait accepter ce concept totalement nouveau. C’est l’époque du développement de la syphilis, maladie sexuellement transmissible qui commençait à toucher les ecclésiastiques. Il fallut donc trouver une explication à sa transmission d’un individu à l’autre sans qu’il y ait contact sexuel ! Des théories de transmission par l’air furent alors évoquées afin de protéger le clergé. Dans ce contexte de développement de la « vérole », Fracastoro vint apporter son explication ; ce fut lui d’ailleurs qui donnera son nom à cette maladie en publiant en 1530 un poème écrit en latin Syphilis sive morbus gallicus (syphilis ou le mal français), racontant l’histoire du berger Syphilis, qui, ayant offensé le dieu Soleil, fut puni par lui et devint la victime d’un mal vénérien. Le mot syphilis serait ainsi né de ce texte [19]. Pendant cette période, de grandes avancées se font en médecine dans la compréhension du fonctionnement du corps humain. Harvey, en 1628, décrivit la circulation sanguine. En 1665, Robert Hooke rapporta ses travaux originaux, réalisés grâce à l’uti-
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L’ÈRE ANATOMO-CLINIQUE ET ÉPIDÉMIOLOGIQUE
lisation d’un nouvel outil d’observation, le microscope (micrographia) [20], et utilisa pour la première fois le mot « cellule » [5]. Toutefois, pour ce qui concerne la jaunisse et ses origines, les théories restèrent très proches de celles de Galien, donc d’Hippocrate ; des débats sur la théorie de la génération spontanée se poursuivirent à la faveur des discussions sur l’origine des animalcules (nos futurs spermatozoïdes) qui furent observés en 1677 par Antony Thomizsoon Van Leeuwenhoeke et Jan Ham. Le XVIIIe siècle fut marqué par le développement d’expérimentations qui permirent petit à petit d’approcher le fonctionnement du corps humain. Ce fut l’époque de la découverte de la vaccination par Jenner en 1796 ; nous reviendrons sur son application et ses liens avec l’histoire de la jaunisse. L’exercice de la médecine évoluait, les chirurgiens furent reconnus, une surveillance sanitaire se mit en place. Le développement des idées dans le domaine de la contagion, des micro-organismes et, parallèlement, de la nécessité d’un contrôle sanitaire, d’une surveillance des populations, permit de mieux identifier les pathologies.
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« S’il est terrifiant de penser que la vie puisse être à la merci de la multiplication de ces infiniment petits, il est consolant aussi d’espérer que la science ne restera pas toujours impuissante devant de tels ennemis. » Louis Pasteur
NAISSANCE DU CONCEPT DE VIRUS
E
n latin, virus signifie « jus, humeur, poison, voire liquide » avec une connotation néfaste. Ainsi, pouvait-on lire sous la plume d’Ambroise Paré : « De l’ulcère chancreux sort un virus puant et fétide » [5]. La notion d’infection au sens strict est inconnue de la médecine gréco-romaine qui rejette toute étiologie par sympathie ou par souillure. C’est l’historien Thucydide, contemporain d’Hippocrate qui, le premier, parmi les écrivains occidentaux, mentionna la transmission d’une maladie d’homme à homme et d’un pays à un autre, dans sa description de la peste d’Athènes, épidémie de typhus exanthématique survenue en 430 avant J.-C. [21]. Au XIVe siècle, on donna à l’infection le sens de « souillures matérielles » et même de « pénétration de germes pathogènes » [22]. De fait, un élément fondamental du concept moderne d’infection est la transmission, directe ou indirecte, d’un facteur pathogène d’un organisme à l’autre. Pour exprimer cette idée d’une manière plus précise, on utilisa un autre terme technique : la contagion. Ce mot employé en italien dès le XIIIe siècle, et en français dès 1330, signifie, dans les langues modernes, la transmission d’une maladie par le passage d’homme à homme d’une matière pathogène. Cependant, avant l’invention du microscope, l’infection ne pouvait être vraiment détectée que dans les cas de transmission, par contact, de quelques maladies, bien déterminées par leurs symptômes et peu répandues dans des conditions habituelles de vie d’une population [21]. Petit à petit la notion d’agent pathogène apparaît plus clairement. Ainsi dans le dictionnaire Furetière du XVIIe siècle, on peut lire à propos du vi-
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rus : « agent contagieux et corrosif ». Au début du XIXe siècle, on parlait de virus pour toute matière susceptible de rendre malade l’organisme. La dichotomie entre agent extérieur vivant ou toxique n’était pas encore établie. Vers les années 1850-60, la notion de virus comprit tout germe pathogène responsable de maladies infectieuses, impliquant des contacts particuliers ou des voies intermédiaires (comme les moustiques) et la notion de contagion. Puis l’ère pastorienne précisa la notion de virus [23]. Le virus apparaissait vivant, ce qui le différenciait d’une substance toxique ; il devenait un germe. Vers les années 1900, le virus était remplacé par le terme microbe, terme introduit par le chirurgien français Charles Emmanuel Sédillot en 1878 [24]. Le virus apparaissait comme le plus petit être vivant structuré, ni plante, ni animal ; il pouvait provoquer des maladies infectieuses. Sa petite taille faisait qu’il passait à travers des filtres de porcelaine. Ces microbes extrêmement petits prirent alors les noms suivants : virus filtrant, ultravirus, supravirus. En 1892, un jeune étudiant russe posa la première pierre d’une nouvelle spécialité médicale, la virologie ; Dimitri Ivanovsky décrivit le premier virus [25], celui de la mosaïque du tabac. L’Institut Pasteur, sous la plume d’Émile Roux, dans son premier bulletin daté du 28 février 1903, écrivait : « Jusqu’en 1898, les microbes invisibles n’étaient que des êtres de raison, les travaux de ces dernières années leur ont donné une réalité » [26]. Pour les pastoriens de cette époque, les virus, après filtration à travers les bougies de porcelaine, conservaient leur pouvoir virulent, ce qui indiquait bien leur caractère sub-microscopique. Parmi ces agents filtrants, on pouvait ranger à l’époque les agents de la rage, de la fièvre aphteuse, de la myxomatose et de la mosaïque du tabac. Le XXe siècle aura commencé par la découverte du virus de la fièvre jaune par W. Reed et ses collaborateurs [27], virus transmis par l’intermédiaire des moustiques ; puis, en 1902, E. Centanni et ses collaborateurs [28] décrivirent le virus de la peste aviaire ; en 1903, P. Remlinger [29] décrit le virus de la rage et A. Negri [30] celui de la vaccine. En 1909, K. Landsteiner et C. Levaditi réalisèrent la première transmission d’un virus humain à un animal, en inoculant le virus de la poliomyélite par voie nasale à un macaque Rhésus [31]. Puis C. Levaditi développa des travaux de culture du virus de la poliomyélite et de la rage sur des ganglions spinaux [32]. Ce type d’expériences menées ensuite par Alexis Carrel [33], en 1924, sur des cultures de macrophages du virus du sarcome de Rous amena aux constatations suivantes : « En l’absence de cellules vivantes, ce virus ne peut se multiplier ; par contre, il se développe très bien dans les cultures de leucocytes ». Les techniques de culture s’affir-
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NAISSANCE DU CONCEPT DE VIRUS
mèrent par la suite, avec en 1931 la découverte par A.M. Woodruff et E.W. Goodpasture d’un milieu facile à manipuler : l’œuf de poule embryonnaire [34]. L’observation directe des virus devint possible en 1939 grâce au microscope électronique [35]. Entre 1915 et 1917, Frédéric Twort et Félix d’Herelle mirent en évidence le phénomène du bactériophage, phénomène dans lequel intervient un facteur filtrable, auto-reproductible et infectieux, détruisant les bactéries [36]. En 1934, M. Schlesinger [37] montrait que le bactériophage était composé de protéines et d’acides nucléiques. Un des premiers effets cytopathogènes en culture cellulaire des virus fut observé par Alexis Carrel en 1924 avec la culture sur macrophages du virus du sarcome de Rous [33]. La première classification des virus déterminant les caractères généraux des ultravirus fut publiée par C. Levaditi en 1937. Son ouvrage Les ultravirus des maladies humaines paraîtra en 1948 [38] ; il rapportait les connaissances acquises sur les ultravirus. Ceux-ci apparaissent « – pathogènes mais parfois saprophytes ; – multiples, en ce sens que les maladies qu’ils engendrent ne sont pas dues à un seul ultravirus ou à un groupe restreint d’ultragermes mais chacune d’elles est déterminée par un élément rigoureusement individualisé, spécifique ; – leur spécificité absolue est démontrée par les données suivantes : l’action pathogène est différente d’un virus à l’autre ; l’affinité de chaque ultragerme est élective soit pour les espèces animales ou végétales qui en subissent l’atteinte, soit pour les divers systèmes tissulaires de l’organisme réceptif, soit, enfin, pour certains groupes cellulaires fonctionnels participant à l’ensemble d’un de ces systèmes tissulaires ; – le potentiel antigénique particulier à chaque ultragerme trouve son reflet dans la manière dont l’organisme contaminé ou vacciné artificiellement réagit à son égard à la production d’anticorps spécifiquement électifs ; – les ultravirus sont invisibles par les méthodes microscopiques ordinaires ou s’ils sont optiquement saisissables grâce à des techniques adéquates de microscopie électronique, ils apparaissent corpusculaires et plus petits que les plus infimes germes cultivables connus ; – les ultravirus traversent, dans certaines conditions, les filtres en porcelaine ou en terre d’infusoire imperméables à la plupart des microbes ; – point capital, ils sont parasites obligatoires, en ce sens qu’en dépit d’innombrables et persévérants efforts, il est impossible d’en réaliser la culture sur des milieux inertes, inanimés ;
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– les ultravirus ne pullulent en effet qu’en présence de cellules vivantes, peu importe si ces cellules appartiennent à l’organisme animal ou végétal contaminé ou si elles sont en état de prolifération ou de survie in vitro ; – ce parasitisme obligatoire, cette vie symbiotique inéluctable, représentent un des caractères les plus frappants des ultragermes, caractère dont il nous faudra tenir compte avant tout lorsque nous essaierons de préciser la nature de ces ultragermes. » Le développement des techniques de microscopie électronique, l’utilisation de cultures cellulaires immortalisées seront autant d’outils permettant d’éventuelles avancées dans le domaine de la jeune virologie. C’est dans cette atmosphère de découverte très active que les recherches sur l’étiologie des hépatites vont se développer.
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« L’art de l’investigation scientifique est la pierre angulaire de toutes les sciences expérimentales. » Claude Bernard
INDIVIDUALISATION DE L’HÉPATITE ÉPIDÉMIQUE ET GRANDES HYPOTHÈSES PHYSIOPATHOLOGIQUES
L’hépatite épidémique
L
e développement des techniques de surveillance des populations et, parallèlement, des gestes invasifs comme la vaccination ou les injections thérapeutiques permit de différencier les ictères. La jaunisse suivait les armées en campagne ; des épidémies apparaissaient sur les lieux où les troupes se regroupaient, on parla alors de jaunisse des « camps » [39]. De très nombreuses épidémies furent alors décrites, notamment à Port-Mahon, à Minorque en 1756, Saint-Jean-d’Acre en 1799 au cours de la campagne napoléonienne. Pendant la guerre de Sécession américaine, quelque 52 000 cas d’ictère seront dénombrés [39]. Chaque fois que des hommes seront regroupés dans des conditions d’hygiène précaire, des épidémies de jaunisse seront constatées. Un lien avec l’environnement fut donc établi. Des descriptions reliant les épidémies avec la température ambiante, notamment avec les grandes chaleurs, furent retrouvées à Odenberg en 1697, à Belgrade en 1717 [36]. L’alternance d’un été très chaud et d’un hiver très froid à Kronstadt en 1784-85
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fut rendue responsable d’une épidémie de jaunisse [40]. Des formes saisonnières de jaunisse furent reconnues ; ainsi, R. Willian (1801) [41] rapportait que la jaunisse apparaissait fréquemment chez les enfants et les adultes vers la fin de l’été et qu’elle pouvait facilement être guérie par l’administration de purgatifs ou de laxatifs. Dans son manuel de pathologie interne, Georges Dieulafoy, en 1898, parlait de « l’ictère vernal ou automnal » [42]. Certains auteurs dégageaient des facteurs prédisposants comme les carences alimentaires lors de la famine de 1780 à Göttingen [40]. D’autres théories furent avancées : J.P. Herliz, accusait, en 1761, le temps humide, le manque de nourriture, la peine, la tristesse, les troubles psychiques, de même que les chocs nerveux [40]. Des épidémies apparurent fréquemment entre 1850 et 1865 ; ainsi, 21 épidémies de jaunisse furent répertoriées dans le Traité de pathologie historique et géographique, deuxième édition de 1886 [36]. Notons qu’un grand nombre de ces épidémies ne fut probablement pas signalé ; en effet, la jaunisse attirait moins l’attention des médecins que le typhus ou la dysenterie, maladies considérées comme plus graves à l’époque. Malgré ces observations épidémiologiques orientant vers un processus infectieux, transmissible, une errance physiopathologique apparut avec la théorie de l’ictère catarrhal. Cette théorie fut initialement développée par Rudolf Virchow (1821-1902). Ce médecin allemand eut une influence majeure sur les praticiens de son époque. D’abord professeur à Wurtzbourg, puis à Berlin, il fut médecin de la Charité, puis directeur de l’Institut pathologique [5]. R. Virchow participa aux grandes découvertes de son époque : découverte des cellules animales par Schwann (1838), théorie selon laquelle toute cellule provient d’une cellule pré-existante par Remak et Virchow : « Omnis cellula a cellula » [5]. R. Virchow fut un des pionniers de l’histologie (mot créé par Mayer en 1819) [5]. La plus grande partie de ses travaux est contenue dans une série de 20 leçons, présentées du 10 février au 27 avril 1858 aux praticiens de cette époque qui voulaient se mettre au courant des récentes découvertes histologiques. Il terminait ses leçons par l’exposé de ses idées sur l’inflammation, dont la cause première serait l’irritation ; il y décrit une inflammation parenchymateuse où sont en cause les cellules mêmes du tissu. Pour R. Virchow, l’inflammation sécrétoire, exsudative avec exsudation du liquide venant du sang était le primum movens des états pathologiques. Cette théorie fut reprise par l’école française de médecine, notamment François Broussais et Georges Dieulafoy. Ainsi, pouvait-on lire dans le manuel de pathologie interne de Dieulafoy en 1898 : « On a constaté à l’autopsie l’inflammation du canal cholédoque et, suivant Vir-
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INDIVIDUALISATION DE L’HÉPATITE ÉPIDÉMIQUE
chow, l’inflammation peut se limiter à la partie intestinale et à l’orifice duodénal de ce conduit » [42]. Toutefois, les théories proposées à l’époque furent très variables suivant les convictions de chacun sur la cause des ictères. Pour M. Chauffard, l’ictère catarrhal aurait pour origine des poisons putrides formés dans l’intestin (ptomaïnes) [42]. Pour d’autres, il s’agit d’un agent infectieux extérieur : « Le sol nous paraît comme le foyer générateur par excellence de cet agent, le fond vaseux des fossés, des mares, semble être le meilleur, le plus favorable à la conservation et à la multiplication de ce dernier ». D’autres hypothèses sont soulevées, la jaunisse pourrait être le fait d’une émotion intense : ainsi décrit-on « l’ictère émotif », témoin le cas cité par Potain concernant un homme qu’on allait fusiller, le cas de Rendu qui a trait à une jeune femme après un cathétérisme, le cas de Chauffard qui concerne un homme pris de violentes colères [42], de même les chocs « nerveux », comme le passage de la vie civile à la vie militaire, pouvaient déclencher cette maladie [43]. De ces différentes observations, il nous est resté la croyance populaire qu’une grande émotion peut déclencher une jaunisse, avec l’expression « en faire une jaunisse ». L’individualité étiologique de l’hépatite épidémique ne fut définitivement affirmée que peu de temps avant la Première Guerre mondiale. E.A. Cockayne, en 1912, montra la relation entre la jaunisse sporadique, épidémique et l’atrophie jaune aiguë du foie [44]. Pour cet auteur, la jaunisse était liée dans la grande majorité des cas à une même cause, un organisme spécifique de nature inconnue. Le terme d’hépatite épidémique fut proposé en 1919 par F. Lindstedt, médecin d’origine suédoise [38]. On comprend facilement cette errance physiopathologique, en se replaçant dans le contexte de l’époque ; l’émergence d’une théorie infectieuse avec la transmission d’un « germe », si elle avait pu naître dans l’esprit des praticiens avec les travaux de G. Fracastoro plusieurs centaines d’années auparavant, ne reposait sur aucun élément concret à l’époque. Le développement de la microbiologie pastorienne modifiera les états d’esprit et concrétisera le concept. Cependant, il faudra attendre encore de nombreuses années avant de découvrir l’agent pathogène de cette hépatite épidémique.
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L’hépatite sérique Le développement des techniques médicales telles que la vaccination, la transfusion et d’autres techniques invasives, va permettre l’émergence d’une entité nosologique jusque-là ignorée : l’hépatite sérique. Cette maladie illustre parfaitement le concept de pathocénose décrit par Mirko D. Grmek : « Ainsi, l’ensemble des états pathologiques caractérisant chaque population historique, (nous) amène à retracer aussi les grandes lignes de la réalité changeante des maladies » [20]. Si l’histoire de la jaunisse remonte à plusieurs millénaires comme nous l’avons vu, celle de l’hépatite sérique débute véritablement vers la fin du siècle dernier, par l’observation pertinente d’un jeune homme dont voici les grandes lignes. A. Lürman était officier de santé publique ; en 1883, il travaillait à Brême (Allemagne) où il pratiquait des vaccinations contre la variole. Le vaccin utilisé était un vaccin contenant de la lymphe humaine glycérinée. Après avoir vacciné 1 289 ouvriers des chantiers navals de Brême, Lürman eut le mérite de suivre ces jeunes hommes vaccinés. Il observa alors que 191 d’entre eux développèrent une jaunisse au cours d’une période allant de quelques semaines à 8 mois après la vaccination. Cette étude épidémiologique, réalisée avec une grande rigueur, indiqua que seuls les sujets vaccinés avec un lot particulier de vaccins étaient tombés malades. La vaccination avait été réalisée avec la technique du bras à bras. Avec le recul, on comprend que deux hypothèses pouvaient être soulevées pour expliquer cette contamination : la maladie se transmettait par le vaccin ou bien par l’intermédiaire du sang lors de l’acte de vaccination de bras à bras. Cette première observation détaillée d’une véritable épidémie d’hépatite fut publiée dans une petite revue médicale, en allemand, et passera quasiment inaperçue [45]. Par la suite, de nombreuses publications rapportèrent des phénomènes similaires dans des centres de santé prenant en charge des diabétiques ou soignant des maladies vénériennes... En 1923, une épidémie d’hépatite survint parmi les malades diabétiques de la clinique médicale de Lount ; elle fut rapportée par le docteur H. Malmros [36]. L’incubation de ces hépatites était d’environ 3 mois. Des cas d’hépatites furent signalés dans une clinique suédoise par A. Flaum et ses collaborateurs en 1926 [46]. Toutefois, c’est essentiellement le développement de la vaccination contre la fièvre jaune qui permit de bien caractériser le risque d’hépatite au cours de ce geste préventif. En 1937, M. Theiler et H.H. Smith [47] proposaient de lutter contre la fièvre jaune à l’aide d’un
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vaccin vivant, la souche 17 D obtenue par plus de 200 passages en culture de cellules d’embryons de poulets. Ce vaccin s’avéra très efficace, il était administré par voie sous-cutanée et avait comme adjuvant du sérum humain. Plusieurs centres de vaccination constatèrent l’apparition de cas de jaunisse chez l’homme après vaccin contre la fièvre jaune, en particulier parmi les troupes américaines destinées à intervenir dans les régions tropicales [48]. Dans un article du JAMA, publié en 1942 [49], le vaccin antiamaril utilisé dans l’armée américaine aurait ainsi été responsable de plus de 28 000 cas de jaunisse. En 1937, F.O. MacCallum et J.M. Findlay observaient 48 cas de jaunisse sur environ 2 200 personnes immunisées contre la fièvre jaune en 4 à 5 ans. À cette époque, le procédé vaccinal utilisé consistait en l’injection de 0,5 cc par kilo d’immun sérum humain, suivi 2 à 3 heures plus tard d’une injection de 0,5 cc d’une solution obtenue à partir d’une suspension de cerveau de souris, infecté par une souche neurotrope du virus de la fièvre jaune, dans du sérum humain [50]. Ces auteurs notaient, en 1938, 89 cas de jaunisse sur 3 100 individus d’origines variées, immunisés en 5 ans contre la fièvre jaune. Les symptômes observés étaient ceux d’une hépatite et étaient similaires aux symptômes retrouvés en cas d’hépatite infectieuse épidémique. Il était toutefois noté que la période moyenne entre l’inoculation et l’apparition de l’ictère était de 2 à 3 mois. Les auteurs [50] émettaient plusieurs hypothèses, mais écartaient l’hypothèse d’une réaction particulière liée au virus de la fièvre jaune. Les hypothèses évoquées étaient les suivantes : – la jaunisse observée pouvait être un phénomène anaphylactique dû à des constituants du sérum ; – elle pouvait être liée à la présence d’une substance hépato-toxique présente dans le sérum ou les extraits tissulaires injectés ; – la jaunisse pouvait survenir à la suite d’une invasion bactérienne résultant d’une baisse des résistances de l’organisme après la vaccination ; – elle pouvait être due également à un agent infectieux, injecté avec le vaccin, lequel devait certainement être un virus puisque l’inoculum était passé à travers un filtre qui éliminait les bactéries. En 1937, A.S. MacNalty rapportait 37 cas de jaunisse infectieuse aiguë, suivis de 7 cas mortels avec une nécrose aiguë du foie et ceci, 16 à 100 jours après inoculation à une centaine de patients de sérum de convalescents ayant contracté une rougeole [51]. Cette publication eut le grand intérêt de montrer qu’il existait, déjà en 1937, des cas publiés d’hépatite probablement sérique avec une incubation courte. S.A. Propert en 1938 notait l’apparition d’une jaunisse chez 7 enfants d’une institution pour handicapés mentaux et ceci 78 et 83 jours après l’inoculation de sérum
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humain provenant de convalescents ayant fait une rougeole [52]. Par la suite, de très nombreuses publications faisaient état de jaunisses suivant l’injection de sérum, de plasma, de sang ou de vaccin préparé contre la fièvre jaune et contenant donc du sérum apparemment sain. En 1939, J.M. Findlay et ses collaborateurs [53] affirmèrent que l’explication la plus satisfaisante pour comprendre une telle apparition de jaunisse après vaccination chez l’homme contre la fièvre jaune devait faire appel à un agent infectieux déjà présent dans le sérum utilisé dans la préparation du vaccin. En effet, des raisons techniques, telles que la spécificité de l’infection, l’invisibilité de l’agent au microscope, son absence de développement en milieu de croissance bactériologique, la capacité à résister à la congélation et à la dessication, étaient évoquées par ces auteurs qui concluaient : « La preuve doit être apportée en faveur du point de vue que l’hépatite infectieuse chez l’homme est une infection virale » [53]. Les publications provenaient de nombreux pays du monde ; J. Fox et ses collaborateurs notamment [54] rapportèrent des cas de jaunisse au Brésil, après vaccination contre le virus de la fièvre jaune par la souche 17D. En 1942, J. Gear étudiait les cas de jaunisse sérique survenus après les vaccinations de masse contre la fièvre jaune parmi les troupes américaines. Il montra en particulier la présence d’une substance (antigénique) présente durant la phase aiguë de la maladie et durant la période d’incubation dans le sérum des malades. Ces sérums réagissaient par le test de précipitation avec une autre substance (peut-être un anticorps) du sérum des convalescents guéris [55]. Cet auteur constata également que beaucoup de patients atteints d’une hépatite sérique ou qui la développaient plus tard souffraient de réaction allergique articulaire et d’autres signes suggestifs de réaction antigène-anticorps et ceci pendant la période d’incubation de la maladie [56]. Cette description sera la description princeps de ce qui sera découvert quelques années plus tard par Baruch Samuel Blumberg et qu’il dénommera l’antigène australia. D’autres études décrivirent des cas de jaunisse survenant 4 à 16 semaines après transfusion de sang, de sérum ou de plasma [57]. P.B. Beeson indiquait que ces hépatites ressemblaient fortement aux cas d’hépatites suivant l’inoculation de vaccin contre la fièvre jaune, de sérum de convalescents de rougeole ou d’oreillons ; notons encore une fois que parmi ces ictères post-transfusionnels, certains avaient une incubation courte évoquant déjà les temps d’incubation de l’hépatite non-A non-B, future hépatite virale C. Déjà P.B. Beeson supposait que l’augmentation des transfusions se traduirait par l’augmentation du nombre d’hépatites : « Le présent emploi à grande
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échelle des transfusions de sang et de plasma peut entraîner l’apparition d’un nombre considérable de cas d’hépatite » [58]. Le terme de « jaunisse sérique homologue » fut alors consacré pour cette forme de jaunisse [59]. En dehors de la vaccination, d’autres modes de contamination furent suspectés. Ainsi, S.C. Truelove et L. Hogben publièrent en 1947 la survenue d’ictères au cours de traitements antisyphilitiques pratiqués chez des soldats soignés au centre vénéréologique de l’armée britannique ; 50 % des soldats traités présentaient un ictère dans les 6 premiers mois post-traitement [60]. Il est intéressant de noter dans cette étude qu’après renforcement de la stérilisation des aiguilles et des seringues, les cas d’ictères tombaient à 5 %. J.M. Findlay et ses collaborateurs rapportaient en 1944 [61] : « Aucune différence ne pouvait être détectée dans les découvertes cliniques et pathologiques entre la jaunisse après inoculation et l’hépatite contagieuse. Le ou les agents en cause devaient donc être identiques ou très proches. » Il était évoqué à l’époque que les différences dans les périodes d’incubation entre les deux formes d’hépatite, c’est-à-dire l’hépatite sérique et l’hépatite épidémique, pouvaient s’expliquer par les différentes voies possibles d’inoculation. Cependant, en 1944, A.M. Mac Farlan et G. Chesney [62] rapportèrent dans une étude concernant une épidémie d’hépatite sérique, survenue après l’injection prophylactique de plasma de convalescents ayant eu la rougeole à des personnels militaires, qu’une première attaque de jaunisse contagieuse ne protégeait pas contre une jaunisse sérique homologue. Cette étude suggérait que l’agent étiologique impliqué devait probablement être différent entre les deux types d’hépatite. En 1964, P. Lépine écrivait : « La Seconde Guerre mondiale qui a vu se généraliser l’emploi de la transfusion sanguine et du plasma sanguin a assisté à une explosion d’ictères tardifs qui a mis l’accent sur l’individualité nosologique de l’hépatite sérique comme sur les difficultés de l’éviter » [63]. Ces études épidémiologiques mirent en évidence deux types de maladies, qui, bien que s’exprimant par les mêmes symptômes, semblaient avoir une incubation différente. Le défi était donc lancé aux biologistes avant la Seconde Guerre mondiale de découvrir les agents responsables de ces maladies hépatiques. Dans cette quête, de très nombreuses tentatives d’inoculation à l’animal seront tentées ; cependant, ces tentatives resteront infructueuses et on peut lire en 1948 dans le livre de C. Levaditi et P. Lépine, sous la plume de P. Alphonse et R. Junet, les conclusions suivantes : « La transmission à l’animal de l’hépatite épidémique n’a donc pas été réalisée jusqu’ici de
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façon convaincante. Certains auteurs ont provoqué chez les porcs, l’embryon de poulet, le cobaye, le canari et le rat, une infection généralement mortelle et des lésions histologiques du foie, dont l’interprétation reste controversée. Ces expériences n’ont d’ailleurs pas été confirmées pour l’instant, malgré l’adjonction d’interventions susceptibles de diminuer la résistance des animaux » [38]. Ainsi, faute d’avoir pu développer un modèle animal de la jaunisse, des expérimentations sur l’homme seront entreprises. Ces expériences conduites sur des « volontaires », objecteurs de conscience, prisonniers, sujets atteints de polyarthrite chronique évolutive, enfants handicapés mentaux, pendant la Seconde Guerre mondiale et au décours de cette période troublée, vont permettre d’éclaircir la situation. Ces expérimentations qui choquent aujourd’hui notre conception éthique, ont pourtant été conduites avec l’assentiment des parents et des comités d’éthique de l’époque comme le rappelle Saul Krugman. Il fut l’un des principaux maîtres d’œuvre de ces travaux, il développa, comme nous allons le voir, une expérimentation chez des enfants handicapés mentaux [64]. Ces expériences de transmission de produits sanguins, d’urines, de jus duodénal, de selles, de mucosités nasales, provenant de malades atteints d’hépatites infectieuses, furent tout d’abord réalisées en Allemagne de 1940 à 1942 par G. Lainer et H. Voegt [65, 66]. Par ailleurs, d’autres expériences seront réalisées par J.D.S. Cameron en Palestine en 1943 [24]. Dans cette dernière expérience, effectuée dans deux hôpitaux généraux de l’armée en Palestine, alors sous mandat britannique, J.D.S. Cameron injecta à sept volontaires, par voie intramusculaire, 1 à 2 cc de sang ou de sérum provenant de malades souffrant de jaunisse ; l’un d’entre eux développa une jaunisse un mois après l’injection, un second au deuxième mois, quatre autres six mois plus tard. D’autres expérimentations furent menées en 1944 par F.O. MacCallum et W.A. Bradley chez des volontaires atteints d’arthrite rhumatoïde [67]. Ces volontaires développèrent une jaunisse 27 à 31 jours après ingestion orale, injection sanguine ou instillation nasale de matières fécales, d’urines, de sérums ou de solutions salines de sécrétions naso-pharyngées issues de malades en phases pré-ictérique ou ictérique. En 1945, W.P. Havens rapporta des cas de transmission d’une jaunisse épidémique par voie orale chez d’autres volontaires [68]. Dans toutes ces expérimentations, il est intéressant de noter que W.P. Havens et ses collaborateurs en 1944 différenciaient deux périodes moyennes d’incubation, l’une de 37 jours et l’autre de 64 jours et ceci pour la jaunisse obtenue expérimentalement par ingestion ou inoculation intracutanée de
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produits sériques [69]. Nous verrons par la suite que deux hypothèses peuvent expliquer cette différence, l’incubation longue étant probablement liée au virus de l’hépatite B, l’incubation courte pourrait être soit liée à l’hépatite épidémique (virus de l’hépatite A), soit au virus de l’hépatite C. Il est probable, compte tenu de la transmission sérique au cours de ces expérimentations d’une part et, d’autre part, du taux de prévalence élevé à l’époque des anticorps anti-hépatite A, protégeant contre le virus de l’hépatite A retrouvé dans la population générale, qu’il s’agisse en fait du virus de l’hépatite C. Pendant cette période 1943-1945, de nombreuses expérimentations réalisées par W.P. Havens, J.R. Neefe et ses collaborateurs vont permettre de différencier l’hépatite épidémique de l’hépatite sérique en fonction des modes de contamination [70-72]. En effet, les expérimentations faites chez les volontaires sains montrèrent que la transmission de l’hépatite sérique ne pouvait être réalisée par voie orale, contrairement à l’hépatite épidémique. Par ailleurs, J.R. Neefe et ses collaborateurs montrèrent de nouveau qu’il n’y avait pas d’immunité croisée entre ces deux maladies. Au vu de l’ensemble des résultats de l’époque, F.O. MacCullum proposait, en 1947, le terme d’hépatite A pour l’hépatite contagieuse ou épidémique transmise essentiellement par voie oro-fécale, et d’hépatite B pour l’hépatite sérique ou hépatite sérique homologue transmise principalement par le sang et ses dérivés [74]. Durant les années d’après-guerre, de nouvelles thérapeutiques par voie injectable furent proposées, notamment l’arsénothérapie. Au cours de ces thérapeutiques, de nombreux ictères apparurent. Ainsi, en 1950, P.M. Sherwood rapporta les éléments suivants : « La majorité des cas de jaunisse post-arsenicaux sont maintenant considérés comme des cas de jaunisse sérique homologue transmis par des seringues. De petites quantités de sang ou de sérum ictérigène, présentes dans les seringues utilisées pour prélever du sang ou réaliser des injections intraveineuses d’arsenic non stérilisées entre les patients, transmettent l’hépatite » [75]. De semblables jaunisses consécutives à l’arsénothérapie furent aussi constatées chez des volontaires après injections sous-cutanées. De nombreux cas de transmission au cours d’autres thérapeutiques utilisant les sels d’or, le bismuth, le penthotal ou la pénicilline furent rapportés dans la littérature [76-79]. Pour cette raison, on dénommait aussi cette hépatite sérique hépatite de la seringue. Ainsi, l’hypothèse de deux agents infectieux différents progressait avec l’accumulation de données scientifiques. Toutefois, en 1953, un rapport technique du comité d’experts de l’OMS sur l’hépatite
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concluait de la façon suivante : « Concernant les hépatites, il pouvait s’agir de deux variétés d’un seul et même virus mais on ne saurait exclure l’éventualité de plus de deux virus. Par le terme virus A, le comité entend le virus des souches responsables de poussées d’hépatite infectieuse qui proviennent dans des conditions naturelles ; le virus B représente l’agent susceptible d’exister dans le sang humain, dont l’inoculation parentérale provoque une hépatite ordinairement après une période de 60 à 120 jours. L’origine exacte du virus B est actuellement inconnue » [80]. L’une des expérimentations qui permit d’éclaircir la situation entre les deux types d’hépatite fut menée par Saul Krugman de l’Université de New York à la Willowbrook States School de Staten Island dans l’État de New York. Cette île est située entre New York et Philadelphie. Dans cette institution pour enfants handicapés mentaux qui accueillait essentiellement des enfants atteints de trisomie 21, les capacités d’accueil furent très nettement augmentées en deux décennies, ainsi, entre 1949 et 1963, le nombre d’enfants passa de 200 à plus de 6 000 enfants. Entre 1953 et 1965, 1 153 cas d’hépatites y furent enregistrés. Les médecins en charge de ces enfants constatèrent que la plupart de ces jeunes, dont l’hygiène de vie était limitée compte tenu de leur handicap mental, développaient quelques semaines après leur admission un ictère et, de 6 mois à un an plus tard, un nouvel ictère. Cela rejoignit les connaissances de l’époque sur la possibilité de deux agents infectieux différents dont l’un n’immunisait pas contre l’autre. En 1964, Saul Krugman et ses collaborateurs mirent au point un protocole d’expérimentation qui fut basé sur un dosage tout juste disponible, le dosage de l’activité sérique des transaminases1 [81]. Ces enzymes, la sérum glutamino-oxalacétique transaminase (SGOT) désormais dénommée aspartate aminotransférase (ASAT) et la sérum glutaminique-pyruvique transaminase (SGPT) désormais connue sous le nom de alanine aminotransférase (ALAT), permettaient de déceler la maladie hépatique, même si celle-ci ne se traduisait pas par un ictère. Ces expériences furent réalisées, entre septembre 1964 et janvier 1967, sur une cinquantaine d’enfants qui furent inoculés puis ré-inoculés ou encore à qui on fit ingérer du matériel virulent constitué par du plasma provenant de malades infectés. Rapidement, un jeune malade, désigné sous les initiales MS fit successivement deux hépatites, ce qui permit de récolter un premier 1 Transaminases : enzymes sous l’influence desquelles s’effectue une réaction chimique (la transamination), et dont les cellules hépatiques sont riches. Le taux sanguin de ces enzymes s’élève lors des atteintes du foie.
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plasma MS1 au cours du premier épisode d’ictère et, 6 mois plus tard au cours de son deuxième épisode d’ictère, un second plasma appelé MS2. Tout laissait supposer que, a priori, le virus de l’hépatite A se trouvait dans le sérum MS1 et le virus de l’hépatite B dans le sérum MS2. À noter qu’au cours de cette expérience, S. Krugman avait assimilé à l’hépatite contagieuse classique le premier épisode d’hépatite présenté par l’enfant MS ; elle se caractérisait par une période d’incubation de 30 à 38 jours, avec une courte période d’élévation de l’activité sérique des transaminases et un haut degré de contagiosité. L’autre épisode d’hépatite ressemblait fortement à une hépatite sérique, caractérisée par une plus longue période d’incubation qui pouvait aller de 40 à 108 jours. L’augmentation de l’activité sérique des transaminases était aussi notée, ainsi qu’une contagiosité plus faible. Il est très intéressant de noter que S. Krugman avait aussi authentifié une hépatite de type sérique dont l’incubation était courte (40 jours), probablement ces hépatites étaient des hépatites de type non-A non-B/C. Que de chemin parcouru entre la première description de la jaunisse 1 500 ans avant J.-C. et la caractérisation des différents types d’hépatites dans la première moitié du XXe siècle. Ces avancées nosologiques, comme nous l’avons vu, ont nécessité des expérimentations sur l’homme qui aujourd’hui paraissent inconcevables. Celles menées en Allemagne en 1942, pendant le IIIe Reich, s’intégraient dans une perspective idéologique bien particulière qui a été largement condamnée en 1945, au cours du procès de Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946). Après les terribles révélations sur les expérimentations sur l’homme perpétrées par les médecins nazis, sous le nom de code de Nuremberg, a été posée la première pierre d’un code universel d’éthique médicale, qui propose des orientations générales face à l’expérimentation dans le domaine médical, expérimentation qui, comme le soulignait Jean Bernard, est « moralement nécessaire mais nécessairement immorale ». Cependant, observons aussi, dans un même ordre d’idée, que les études menées, au cours des années 1960, sur les enfants handicapés de la Willowbrook State School choquent nos conceptions éthiques actuelles et pourtant son auteur, qui fut largement critiqué a posteriori, s’est vigoureusement défendu, en faisant remarquer qu’il avait obtenu, à l’époque, l’accord des parents et de comités d’éthique avant d’entreprendre ses travaux de recherche. L’histoire des hépatites nous permet ici non seulement d’observer l’évolution des concepts médicaux, mais aussi plus largement celle des concepts qui régissent les rapports sociaux, qui établissent nos règles morales, ces dernières ayant une
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influence sur les orientations que prennent les chercheurs dans le domaine médical. Ainsi, l’interdiction morale d’expérimentation sur l’homme n’empêchera pas la longue marche des connaissances sur les hépatites, heureusement de brillantes innovations techniques permettront, comme nous le verrons, de ne plus laisser de place aux expérimentations humaines dangereuses et contraires à notre éthique sans pour autant empêcher des découvertes des plus bénéfiques.
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« L’expérimentation humaine est moralement nécessaire, mais nécessairement immorale. » Jean Bernard
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Découverte du virus de l’hépatite B
L
’acteur principal de cette découverte fut le docteur Baruch Samuel Blumberg. Il naquit en 1925 et fit toutes ses études à New York, où il fut reçu docteur en médecine à la Columbia University en 1951 [82]. Durant un séjour de deux ans à Oxford, en Angleterre, il travailla avec Antony Allison dans le département de biochimie de A.G. Ogston. B.S. Blumberg n’était pas spécialiste des hépatites, ni de virologie, mais de génétique. À son retour d’Oxford, il travailla au NIH (National Institutes of Health) à Bethesda et étudia essentiellement le polymorphisme des populations, notamment chez les Basques, les Européens, les Nigerians, les ressortissants de l’Alaska... Son travail était centré sur le polymorphisme des globules rouges. Au cours de l’été 1960, il se retrouva avec son compagnon d’Oxford, Antony Allison, qui vint le rejoindre dans son laboratoire du NIH. Ensemble, ils émirent l’hypothèse que chez les malades multitransfusés pouvaient se développer des anticorps liés au polymorphisme des protéines des globules rouges. Ils pratiquèrent alors des diffusions en gel d’agarose selon la technique mise au point par le professeur Oucht-
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rlony de Göteborg et ceci afin d’authentifier une précipitation d’anticorps produits après transfusion chez les malades multitransfusés [83]. Après avoir testé le sérum de 13 sujets multitransfusés (avec plus de 25 culots globulaires), ils découvrirent en effet des anticorps précipitants chez l’un d’entre eux, Monsieur C de B, qui avait reçu de nombreuses transfusions pour une anémie mal expliquée, suggérant que leur hypothèse était juste. Ce malade habitait le Wisconsin, il fut très coopératif et vint régulièrement dans le Maryland pour participer aux travaux de recherche, acceptant de se faire prélever du sang. Dans les mois qui suivirent, S.B. Blumberg démontra que les anticorps développés chez C de B réagissaient avec une lipoprotéine de faible densité. Ils développèrent alors des recherches génétiques et cliniques, en collaboration avec Harvey Alter, jeune hématologue travaillant à Bethesda et F. Visnich, pilote de chasse de la Navy, qui assistait S.B. Blumberg en tant que technicien. Poursuivant leurs travaux dans ce domaine, en 1963, l’équipe travailla sur des sérums d’un groupe de malades hémophiles que leur avait adressé Richard Rosenfield, directeur de la banque du sang du Mont-Sinaï Hospital de New York. Ils testèrent alors de nombreux antigènes afin de rechercher une précipitation avec les anticorps présents dans le sérum de ces malades. Ce fut au cours de ces manipulations que l’équipe observa une bande de précipitation inhabituellement rencontrée et constata que cette précipitation s’était produite, curieusement, avec un seul antigène ; or, classiquement, les sérums de ces malades multitransfusés réagissaient avec 50 à 90 % du panel des sérums testés [83]. Dans ce cas particulier, sur les 24 sérums du panel testé, un seul sérum contenant les antigènes testés avait réagi. Il provenait d’un aborigène d’Australie. Ce sérum avait été adressé au laboratoire par Robert Kirk. Ils référencèrent naturellement alors cet antigène Ag Au et, par la suite, ils prirent le chemin de l’Ouest australien pour collecter de nouveau des sérums de la même région. Ils étaient intrigués par l’observation faite de la réaction constatée entre un sérum de malade hémophile new-yorkais multitransfusé et le sérum d’un aborigène d’Australie. Dans son article publié dans Science en 1977, après l’attribution du prix Nobel de Médecine, S.B. Blumberg fit remarquer que « initialement ses recherches n’avaient pas pour but de découvrir le virus responsable de l’hépatite B ; ainsi, son expérience suggère qu’il ne faut pas avoir systématiquement une recherche trop spécifique et trop basique pour résoudre un problème biologique » [83]. L’étape suivante fut de collecter des informations sur la distribution de l’antigène Au et des anticorps anti-Au dans différentes populations et
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Samuel Baruch Blumberg. Prix Nobel de Médecine 1976 pour la découverte du virus B.
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groupes de malades. Pour ce faire, l’équipe de Blumberg constitua une banque d’échantillons de sérums au sein de la Division de recherche clinique de l’Institut de Recherche sur le cancer où il travailla à partir de 1964, en Pennsylvanie. Ils constatèrent dans un premier temps que l’antigène Au réagissant avec l’anticorps était très stable, résistant dix ans dans un congélateur. Rapidement, grâce aux banques de sérums, ils accumulèrent de nombreuses informations sur cet antigène Au. Il était rare chez les ressortissants américains (environ 1 pour 1 000 sérums testés). En revanche, il était fréquent dans les populations de zones tropicales et chez les Asiatiques, 6 % aux Philippines, 1 % chez les Japonais, 5 à 15 % dans certaines populations de l’océan Pacifique. F. Visnich chercha alors, dans les banques de sérum, les malades ayant été multitransfusés, afin de voir si on trouvait aussi chez ces malades l’antigène Au. Parmi ceux-ci, il y avait quelques sérums provenant de malades atteints de leucémie [83]. L’antigène Au se révéla très fréquent dans ce groupe de malades. Secondairement, l’équipe constata que ces malades leucémiques étaient multitransfusés. Toutefois, à ce stade des connaissances, de nombreuses hypothèses devaient être testées : cet antigène induisait-il une susceptibilité aux leucémies ou bien était-il lié à une maladie virale, elle-même induisant des leucémies ? Pour étayer cette hypothèse, il fut noté au cours des observations que les enfants atteints de trisomie 21 étaient souvent porteurs d’antigène Au et développaient fréquemment des leucémies. L’équipe eut alors l’occasion de tester des sérums d’enfants trisomiques et nota que 30 % d’entre eux possédaient l’antigène Au. Au sein de l’unité de recherche clinique se trouvait une institution qui prenait en charge les enfants trisomiques. Habituellement, si un enfant était négatif pour l’antigène Au, il le restait, or un des petits pensionnaires James Blair (JB), négatif initialement, devint positif. Il fut alors hospitalisé, mais il ne fut pas observé de signe clinique particulier. L’équipe de B.S. Blumberg, constatant l’apparition du nouvel antigène Au chez l’enfant et considérant que le foie était un producteur important d’antigènes, effectua parallèlement à sa recherche d’antigène Au, des tests hépatiques. Elle s’aperçut alors qu’entre le moment où JB était négatif pour l’antigène Au et le moment où il était devenu positif, ses tests hépatiques, dosage de l’activité sérique des SGOT et SGPT, s’étaient franchement perturbés et qu’il avait développé une hépatite chronique anictérique. Ainsi peut-on lire sur le cahier d’observation le 28 juin 1966, sous la plume de l’un des collaborateurs de S.B. Blumberg, Halton Sutnick : « Les SGOT sont très élevées et le TP abaissé, peut-être avons-nous une explication pour l’apparition de cet
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antigène Au ». Sa prédiction s’avérera juste. Le 20 juillet 1966, une ponction biopsique hépatique confirmera le diagnostic d’hépatite. C’est alors que l’équipe se mit à tester l’hypothèse que l’antigène Au était lié à une hépatite. Dans les sérums qui suivirent, l’équipe testa les sérums des enfants trisomiques en mesurant l’activité sérique de la SGPT en fonction de la présence de l’antigène Au. Il s’est avéré que les sujets porteurs de l’antigène Au avaient une activité sérique élevée des transaminases par rapport à ceux qui n’étaient pas porteurs de l’antigène Au. De nombreux cliniciens de Pennsylvanie leur adressèrent des sérums, ils constatèrent que l’antigène Au apparaissait au cours des hépatites et pouvait ensuite disparaître si l’hépatite évoluait vers une guérison. Début avril 1967, l’une des collaboratrices du laboratoire, Barbara Werner, se sentit fatiguée. Un soir, elle décida de tester son sérum et découvrit une positivité pour l’antigène Au. Elle développera dans les suites une hépatite dont elle guérira. Ce sera la première hépatite diagnostiquée précocement grâce à la recherche de l’antigène Au. À la fin de l’année 1966, l’équipe publia l’association de l’antigène Au avec l’hépatite aiguë. Dans l’article, on note : « L’antigène australia est associé à certaines maladies, hémophilie, thalassémie ; cependant, cette association pourrait être la conséquence d’une infection virale transmise au cours de la transfusion sanguine ». Ainsi, l’hypothèse que l’antigène Au était le marqueur d’une infection virale était soulevée et toute l’équipe se mit à travailler pour le démontrer. En 1967, B.S. Blumberg et son équipe soumirent un nouvel article faisant état du lien étroit constaté entre l’antigène australia et les hépatites aiguës, article dans lequel il proposait que l’antigène Au soit le marqueur d’un virus responsable d’hépatite. Cet article sera initialement refusé pour publication. D’autres équipes travaillaient alors sur le même sujet, au Japon, Okachi et ses collaborateurs et aux États-Unis Alberto Vierucci, collaborateur de Alfred Prince [84-86] ; ces différentes équipes confirmèrent les données obtenues dans le laboratoire de B.S. Blumberg. Il fut mis en évidence que les donneurs de sang, positifs pour l’antigène australia, transmettaient cet antigène ; cette étude sera confirmée plus tard par David Gocke aux États-Unis [87]. Une fois ces données confirmées, les donneurs de sang porteurs de l’antigène australia furent exclus du don, ils le sont bien entendu encore aujourd’hui. Il aura finalement fallu deux ans pour passer de la découverte de l’antigène australia à l’exclusion des donneurs à risque. En 1970, D.S. Dane et ses collaborateurs [88] identifiaient en microscopie électronique, dans le sérum de malades porteurs de l’antigène Au, des particules « en cocarde » de 42 nanomètres de diamètre (particules de Dane) qui
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Stephen Feinstone et son équipe devant le microscope électronique qui a permis la découverte du virus A.
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devaient ultérieurement être considérées comme les particules virales infectieuses du virus de l’hépatite B. Au sein de ces particules, on observait une zone plus dense, appelée la capside, de 28 nanomètres de diamètre, différente de l’antigène Au ; il s’agissait en fait de l’antigène HBc [89], protéine de la capside du virus B. Un troisième antigène, l’antigène HBe fut également identifié en 1972 par L.O. Mac Magnius et J.A. Epsmark [90]. Ces deux auteurs identifièrent aussi les anticorps dirigés contre l’antigène HBe. L’antigène Au fut identifié clairement comme étant la protéine d’enveloppe du virus B et sa dénomination universelle fut alors antigène HBs.
Caractérisation du virus de l’hépatite A Après de nombreux échecs concernant la possibilité de transmission de l’hépatite épidémique à des animaux, J. Deinhardt et ses collaborateurs [91], en 1967, observèrent chez le singe Marmouset une hépatite infectieuse typique après l’inoculation de sérum et de selles obtenus à partir de cas d’hépatite supposée « A » et constatée chez un chirurgien du nom de « GB », mais aussi de la souche MS1 de Saul Krugman [81]. À partir de ces expériences, on constata que le singe pouvait transmettre ce virus à l’homme, des expérimentateurs ayant contracté une hépatite [92]. Toutefois, il fallut attendre 1973 pour que l’observation du virus A soit rapportée pour la première fois par Stephen Feinstone et ses collaborateurs. Le virus fut détecté en microscopie électronique à l’aide d’anticorps de convalescents, il s’agissait de particules semblables à des virus, détectées à partir de matériel fécal obtenu de volontaires adultes en phase aiguë d’hépatite, infectés à partir de la souche MS1 de Saul Krugman. Toutefois, la souche de virus A (référencée initialement virus CR326), s’avérera finalement différente de la souche inoculée au Marmouset par J. Deinhardt à partir du sérum du chirurgien « GB » qui avait développé une hépatite aiguë. Il fut constaté en effet que les caractéristiques biochimiques et biophysiques du virus CR326, agent de l’hépatite A humaine, était différentes de celles du virus dit « GB », agent de l’hépatite du Marmouset [93]. Concernant les caractéristiques de ce virus CR 326, il s’agissait d’un virus présentant une symétrie cubique, un diamètre compris entre 25 et 28 nm. Une fois le virus détecté en microscopie électronique et ceci, grâce à l’intervention d’anticorps spécifiques du sérum par Stephen Feinstone et
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ses collaborateurs, on put envisager la mise au point de méthodes sérologiques sensibles pour la détection d’antigènes et d’anticorps associés au virus de l’hépatite A ; ceux-ci furent réalisés par F.B. Hollinger et ses collaboateurs en 1975 [94]. Au cours de cette même année, l’OMS reconnut le sigle HAV pour « Hepatitis A Virus » comme terme officiel pour ces particules virales [95].
Caractérisation du virus de l’hépatite Delta Dans les années 1970, après la découverte du virus de l’hépatite B, de nombreuses équipes travaillèrent sur ce virus, afin d’affiner les connaissances sur sa structure, son mode de réplication... C’est dans ce contexte qu’un jeune gastro-entérologue de l’hôpital Molinette de Turin en Italie mit en évidence, en 1977, dans des noyaux d’hépatocytes de malades italiens infectés chroniquement par le virus de l’hépatite B, un nouvel antigène que l’équipe baptisa antigène Delta [96]. Cet antigène ressemblait à l’Ag HBc ; cependant des études plus poussées sur des sérums de malades convalescents d’une hépatite B permirent de l’authentifier comme différent [97]. Cet antigène n’était jamais retrouvé chez les sujets porteurs de l’anticorps anti-HBs et seuls quelques patients infectés par le virus B possédaient aussi l’antigène Delta. Mario Rizzetto reçut alors une bourse du NIH (National Institutes of Health), organisme américain, afin d’approfondir les connaissances sur ce complexe antigène/anticorps nouveau, lié au virus B. Après 18 mois de travail, d’abord dans le service de Robert Purcell à Bethesda dans le Maryland, puis dans le laboratoire de GeorgeTown University, sous la responsabilité de John Gerin à Rockeville, toujours dans le Maryland, Mario Rizzetto et ses collaborateurs mirent au point un test sensible (de type radio-immuno-assay) pour détecter les antigènes et anticorps du Delta. Un modèle animal développé par l’équipe de Rizzetto [98], ainsi que des inoculations réalisées chez des « volontaires » [99], permirent d’avancer encore dans la connaissance de cet antigène. Il s’agit en fait d’un petit virus défectif, nécessitant la présence du virus B pour se répliquer, le virus Delta utilisant comme enveloppe celle du virus B. Ainsi, Mario Rizzetto avait bien découvert un nouvel agent viral infectant l’espèce humaine, étrange compagnon nécessitant la présence d’un condisciple pour se répliquer. Il fut rapidement dénommé HDV, hepatitis D virus [97]. Le génome de ce petit virus à ARN fut séquencé en totalité en 1986 par A. Kos et ses collaborateurs [100].
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Pr Mario Rizzetto qui a découvert le virus Delta.
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Le concept d’hépatite non-A non-B Dès 1975, soit deux ans après la découverte du virus de l’hépatite A, Stephen Feinstone et ses collaborateurs publièrent dans la prestigieuse revue de Boston, le New England Journal of Medicine, un article qui posa la première pierre d’un concept nouveau, celui d’hépatite non-A non-B [101]. Dans cette publication, 22 malades présentaient une hépatite posttransfusionnelle et les recherches sérologiques permettaient d’éliminer une infection par les virus A et B. Les auteurs exclurent aussi une infection par le cytomégalovirus et le virus Epstein Barr potentiellement responsables d’hépatite [102]. À cette époque, il était devenu clair que les hépatites post-transfusionnelles, anciennement « hépatites sériques », avaient soit une incubation longue et, dans ce cas, elles étaient liées au virus de l’hépatite B, soit une incubation courte (environ 4 semaines), comme cela était rapporté dans certaines observations [103, 104] ou publications. Cette période d’incubation semblait bien trop courte pour être liée au virus B. Quelques cas étaient rapportés au Costa Rica par Victor Villarejos et ses collaborateurs [105] et par Stephen Locarnini et Ian Gust de Melbourne en Australie [97]. D’autres équipes américaines, notamment celles d’A.M. Prince [106] et de H.J. Alter [107] constatèrent aussi ce phénomène. De nombreuses études se développèrent alors sur ce « nouveau » type d’hépatite dont l’agent restait inconnu. Dans une étude publiée en 1977 par J.H. Hoofnagle et ses collaborateurs [108], des sujets étaient contaminés par du sérum provenant de malades atteints d’hépatite non-A non-B post-transfusionnelle, 6 à 12 mois après les premiers symptômes de la maladie constatés chez les malades prélevés ; or, sur 9 sujets ainsi contaminés, 6 développèrent une jaunisse entre le 18e et le 89e jour et 2 développèrent une hépatite chronique. Cette maladie passait donc fréquemment à la chronicité. Il était par ailleurs observé que son mode de contamination était majoritairement la transfusion sanguine [109]. Dans les années 1970, 7 à 12 % des sujets transfusés développaient une hépatite post-transfusionnelle de type non-A non-B [110]. Jules Dienstag rapportait aussi des contaminations par des instruments, contamination dite nosocomiale [110]. Dans la plupart des cas, cette hépatite était peu symptomatique, voire asymptomatique ; cependant, la progression de l’hépatite chronique vers une cirrhose était constatée chez environ 20 % des malades [110]. Par ailleurs, un lien avec le développement de carcinome hépatocellulaire (cancer primitif du foie) était aussi noté [111]. Comme pour
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L’ÈRE DES ANTIGÈNES ET DE LA MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE
les autres agents infectieux responsables des hépatites virales, les modèles animaux furent difficiles à trouver ; toutefois, en 1985, l’équipe de D.W. Bradley [112] infecta un chimpanzé avec l’agent responsable des hépatites non-A non-B. Ce modèle animal permit de mieux approcher le responsable de cette maladie. Il s’agit d’un petit virus enveloppé ; cependant, les différentes équipes échouèrent dans leurs tentatives de mise au point de tests diagnostiques [110]. Et pourtant, cette maladie inquiétait par son développement, ses liens prononcés avec la transfusion sanguine [113]. Une collaboration étroite entre l’équipe de chercheurs de la société Chiron Corporation à Emeryville en Californie, dirigée par Michael Houghton et l’équipe de Daniel W. Bradley, qui avait développé le modèle animal d’infection du virus non-A non-B chez le chimpanzé au CDC (Centers of Disease Control) à Atlanta, permit la découverte de l’agent viral de la grande majorité des hépatites non-A non-B. Il faudra attendre 15 ans après l’individualisation de la maladie par Stephen Feinstone et ses collaborateurs. Cette longue attente s’explique par la technique utilisée pour mettre en évidence cet agent viral. Il s’agit d’une véritable révolution dans le domaine de la virologie, dans la mesure où la technique utilisée pour approcher le virus sera totalement nouvelle. Elle permettra aussi de détecter d’autres agents viraux tel que le virus de l’hépatite G [114-116] ou le virus TTV [117-120], virus infectant les hommes, mais dont la signification pathologique reste à démontrer.
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« Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que la médecine, jusqu’à la fin du XIXe siècle, n’a pratiquement rien changé en fait de morbidité. Puis avec un seul procédé, la vaccination, se produisirent de nombreux changements. » Mirko D. Grmek
HISTOIRE DE LA VACCINATION CONTRE LE VIRUS DE L’HÉPATITE B
Naissance du concept de vaccination
L
e vaccin est « une substance qui, introduite dans un organisme, lui confère l’immunité vraie (immunité active) contre une maladie » [121]. Le mot vaccin vient de vacca, vache ; un peu d’histoire nous permettra de comprendre comment ce ruminant, aujourd’hui porteur des dangereux prions, a hier contribué à la découverte des vaccins et à l’éradication d’une maladie particulièrement dévastatrice, la variole. À l’époque où les maladies sont encore, pour la grande majorité des hommes, une volonté divine, les Grecs comme les Égyptiens lui reconnaissent une cause objective [122] ; les fièvres sont attribuées à des miasmes contenus dans l’air, dans la nourriture ou dans l’eau. Parallèlement à ces observations pertinentes sur les causes des maladies, les anciens observèrent le fait qu’une première atteinte protège souvent contre une seconde attaque. Ce concept fut toutefois encore marqué par des arrière-pensées reposant sur les croyances de l’époque ; le premier danger surmonté représente une épreuve dépassée par l’homme, qui se trouve renforcé et ainsi se protègera d’autant mieux des futures agressions. Dans le même
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esprit, on peut se protéger contre les poisons en consommant ceux-ci en très petite quantité, le corps acquiert alors une résistance contre les toxiques. En témoigne l’histoire du roi de Pont, Mithridate 1er (302-266 avant J.-C.) qui conquit la Grèce. Craignant d’être empoisonné par ses généraux, il se prémunit en absorbant des doses croissantes de poison afin d’habituer son organisme aux substances toxiques. Thucydide, en 430 avant J.-C., décrivant la peste d’Athènes, écrivait : « Ceux pourtant qui avaient réchappés montraient, envers mourants et malades, une pitié plus grande, car ils connaissaient d’avance les symptômes, tout en n’ayant plus de crainte personnelle. Ainsi, leur sort semblait-il enviable aux autres et euxmêmes, dans l’allégresse du moment, s’attachaient plus ou moins à l’espoir frivole qu’à l’avenir non plus, une autre maladie ne pourrait pas d’avantage arriver à les terrasser » [Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, Livre II]. Ces observations permettent de comprendre comment va naître le concept de vaccination dans l’esprit des hommes. La variole sera à l’origine des premières méthodes rationnelles de protection. Il s’agissait d’une maladie hautement contagieuse qui entraînait une éruption, initialement proche de la rougeole, mais évoluant rapidement et dans un grand nombre de cas vers la mort. Les survivants, immunisés à vie contre une nouvelle attaque de la maladie, gardaient des séquelles sous la forme de cicatrices caractéristiques. La variole ou petite vérole aurait causé la mort de Ramsès V, 1 000 ans avant J.-C. [123]. La première description historique revient au Chinois Kao Hong en 326. Introduite en Europe vers le VIe siècle, apportée par les invasions arabes, la maladie gagna rapidement l’Occident et fit des ravages au Moyen Âge. L’idée était venue de Chine de simuler la primo-infection en choisissant un cas bénin de variole, en prélevant la sérosité des pustules et en l’inoculant par scarification à des sujets sains. Cette méthode bien décrite par Wang Tang, vers l’an 1000, se donnait un double objectif : préserver la beauté des femmes en évitant les cicatrices très inesthétiques provoquées par la maladie et réduire leur mortalité. Utilisée par les Chinois, mais aussi par les Turcs, les Persans, cette pratique de l’inoculation fut rapportée de Constantinople par la femme de l’ambassadeur d’Angleterre, lady Mary Montagu en 1721. Milady Worthley, duchesse de Montagu, avait apporté de Constantinople le traité d’Emmanuel Timone, Historia varoliarum quae per incisionem excitanter, inspiré par la pratique d’une femme théssalienne, qui avait fait avec succès, à Constantinople, 6 000 inoculations. Cependant, l’inoculation avait ses détracteurs et ses dangers. Le danger le plus redoutable de l’inocula-
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tion était de créer un foyer de variole, qui pouvait rayonner dans les quartiers populeux. Témoin ce fait rapporté par Willan, le dermatologiste : « Un enfant ayant été inoculé dans une cour, habitée par 20 ménages, où ses parents tenaient un magasin de chandelles, il en résultait que dans cette cour, 70 personnes furent attaquées de la petite vérole et que 8 en moururent. Ceux-là, à leur tour répandirent le germe d’une contagion nouvelle, de sorte que ce qui fit du bien à un particulier, occasionna un fléau public » [5]. Une fois importée en Angleterre, la méthode passa en Amérique, puis en Allemagne et en France quelques temps plus tard en 1756. Le grand propagateur de l’inoculation sur le continent fut le genevois Tronchin (1709-1781) [5]. À cette époque, il existait partout, ou à peu près, des médecins inoculateurs. En Angleterre, Edward Jenner (1749-1823) chargé d’inoculer la variole dans le comté de Glocester, en 1775, fut surpris de rencontrer un certain nombre de sujets réfractaires bien qu’ils n’eussent jamais été auparavant atteints de la variole. Dans cette contrée, on avait remarqué depuis longtemps que ceux qui, en trayant les vaches, avaient contracté le cow-pox, n’étaient jamais atteints de la petite vérole. Ce fut le point de départ des recherches de Jenner sur le cow-pox (la vaccine). Cette dernière maladie se manifestait chez l’animal par l’apparition de pustules sur le pie, qui se transmettaient à l’homme au moment de la traite ; toutefois, ces pustules n’étaient que temporaires, au niveau des mains, et disparaissaient rapidement sans laisser de séquelles. En 1796, Jenner eut l’idée de transformer cette observation fortuite en une méthode rationnelle ; il entreprit d’inoculer de façon contrôlée la vaccine et non plus la variole, toujours par scarification à un jeune garçon de 8 ans, nommé James Phipps, puis quelques temps plus tard, d’inoculer la variole à ce jeune garçon qui n’eut alors aucune réaction. Après avoir répété cette expérience sur d’autres sujets, Jenner publia ces résultats en 1798 [124]. Les avantages de cette méthode sur la variolisation étaient évidents, la vaccine ne produisait qu’une lésion locale et elle ne risquait pas d’entraîner de nouvelles épidémies de variole. En effet, il persistait des inquiétudes quant à l’innocuité de la variolisation. Inquiétudes parfaitement justifiées, comme nous le rappelle l’événement malheureux suivant de l’histoire de France. Les enfants de Louis XV furent inoculés avec de grandes précautions, mais à cette époque, on ne prit pas le risque d’inoculer Louis XV, qui avait déjà, disait-on, eu la variole dans son enfance. Le 19 avril 1774, Louis XV présenta une fatigue importante et, le 29 avril, une éruption typique de la variole apparut. Il en mourut le 10 mai 1774.
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La méthode de la vaccination développée par Edward Jenner ne tarda pas à se répandre, notamment en France, avec encore certaines réticences. Notons que Napoléon devait introduire cette pratique dans ses armées en 1805 et qu’en 1811 il fit vacciner son fils, le roi de Rome. Les inquiétudes liées à la vaccination étaient en grande partie liées au mode d’action de celle-ci, qui demeurait mystérieux. Il faudra attendre une série de travaux sur le choléra des poules, effectuée en 1879 par Louis Pasteur (1822-1895), pour mieux comprendre le phénomène et avoir une explication rationnelle. En 1879, déjà célèbre par ses travaux en microbiologie, Louis Pasteur réalisa des expériences d’inoculation du choléra des poules à celles-ci afin de déclencher la maladie expérimentalement. Or, le 22 novembre 1879, il retrouva dans son laboratoire un flacon qui avait été ensemencé pendant l’été avec le sang d’une poule morte. Ce flacon avait été oublié dans une étuve et le bouillon, neutre à l’origine, était devenu acide au contact de l’air. Louis Pasteur eut l’idée d’inoculer cette vieille culture à 10 poules. Contrairement à ce qui était attendu, les poules survécurent. Cependant, le germe n’était pas mort, car Louis Pasteur avait tenté de le repiquer et la culture s’était développée. Ce fut alors tout le génie de Louis Pasteur que d’inoculer les poules qui avaient reçu une première inoculation du germe oublié dans l’étuve, avec un nouveau germe dont la virulence était bien connue et, parallèlement, d’inoculer quelques poules n’ayant jamais reçu aucune inoculation ; ces dernières moururent rapidement alors que les poules initialement inoculées par le germe « oublié » survécurent. Louis Pasteur ne s’en tint pas là ; dans un souci de méthodologie, il renouvela cette expérience afin de la confirmer. Au cours de ces expériences, il apparaissait clairement que l’agent du choléra des poules avait perdu une partie de sa virulence tout en conservant ses autres caractères et notamment celui d’immuniser contre une nouvelle infection. C’est cette manipulation de Louis Pasteur qui, en découvrant ainsi les pouvoirs d’une virulence atténuée, permit le formidable développement de la vaccination. Pasteur et ses collaborateurs cherchèrent alors d’autres moyens et démontrèrent l’efficacité du chauffage, du repiquage des germes comme méthode pour réduire cette virulence [125]. En 1885, Louis Pasteur s’attaqua à la rage. Il s’agissait alors d’une maladie fréquente et très redoutée qui se transmettait essentiellement par les morsures de chien. Il isola le germe par transmission à des chiens et à des lapins. Il commença des essais d’atténuation à partir de la moelle épinière de lapin contaminée, en la desséchant lentement. Il réalisa de
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nombreuses expériences sur le chien à partir de ces moelles de lapins, contenant le germe atténué. Il poursuivait ses expérimentations, lorsque le 6 juillet 1885, il reçut Joseph Meister, jeune garçon de 9 ans, amené par sa mère de Steige, près de Villé. L’enfant s’était fait mordre au médius de la main droite, aux cuisses et à la jambe, par un chien très vraisemblablement enragé. Pasteur n’était pas médecin, mais il fit appel au docteur Grancher, son assistant, et le convainquit d’utiliser la méthode que leur équipe mettait au point chez le chien, pour éviter à cet enfant de contracter la rage. Pendant 10 jours, des injections de moelle de lapin furent réalisées chez l’enfant. On connaît l’heureux dénouement de l’histoire, l’enfant fut sauvé. Il naquit alors une nouvelle ère pour la vaccination [125]. Si Louis Pasteur et ses collaborateurs avaient découvert la technique de l’atténuation, ils n’avaient toutefois pas encore compris le principe qui explique le développement dans l’organisme de la personne vaccinée d’une immunité rendant impossible pour un germe virulent d’effectuer son œuvre morbide. Les pastoriens de l’époque pensaient que la maladie consommait, dans l’organisme atteint, des facteurs essentiels dont l’épuisement entraînait la guérison ; on sait depuis que cette hypothèse était fausse, et Louis Pasteur avait à la fin de sa vie renoncé à cette hypothèse, sans toutefois avoir découvert l’existence des antigènes et des anticorps qui expliquent l’efficacité de la vaccination. Tous les organismes vivants sont constitués de substances comprenant des lipides, des glucides et des protéines. Ces protéines sont pour un grand nombre d’entre elles spécifiques de chaque organisme. Ces protéines vont être considérées comme des antigènes. Or, toutes protéines étrangères à un organisme particulier, mais introduites dans celui-ci, vont entraîner de la part de cet organisme une réaction immunologique conduisant à la production d’anticorps. Ces anticorps sont spécifiques de la protéine ayant entraîné leur production, et les anticorps ont une affinité très élevée pour la protéine, c’est-à-dire l’antigène ayant induit leur fabrication. Lors d’une infection par un organisme infectieux bactérien, viral ou parasitaire, les protéines constitutives de cet organisme microscopique vont être reconnues comme étrangères et induire la production d’anticorps spécifiques. Ces anticorps sont plus ou moins efficaces et, dans certains cas particuliers, ils peuvent détruire ou aider à la destruction de l’organisme infectieux. Une fois l’infection jugulée, les anticorps persistent dans l’organisme, ils sont, en quelque sorte, la mémoire de l’infection et, dans un grand nombre de cas, ils évitent que l’organisme soit infecté de
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nouveau par le même agent infectieux. C’est essentiellement par ce mécanisme qu’agissent les vaccins. En effet, il suffit d’infecter l’organisme par un agent infectieux atténué, comme le faisait Louis Pasteur avec l’agent de la rage, pour induire la production d’anticorps, anticorps qui lors de la rencontre avec un agent sauvage très virulent vont neutraliser celui-ci avant que la virulence ait pu se manifester et entraîner la maladie. Les anticorps n’ont été découverts que quelques années après la mort de Louis Pasteur par Behring et Kitasato ; tous deux proposeront d’ailleurs l’utilisation d’un sérum antitétanique et antidiphtérique pour sauver les malades [123]. Il est intéressant de noter que l’histoire de la vaccination est étroitement liée à l’histoire des hépatites, comme nous l’avons déjà évoqué au cours des chapitres précédents, et notamment étroitement liée au développement de la vaccination antivariolique et de la vaccination contre la fièvre jaune. Dans son livre sur les vaccinations, en 1975, Pierre Lépine, professeur honoraire à l’Institut Pasteur, écrivait ceci : « Les hépatites sont chaque année en augmentation numérique importante, les hépatites à virus B, parce que la médecine et la chirurgie modernes font un appel croissant au sang humain. Il devient donc urgent d’organiser une prophylaxie de ces hépatites de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves. Un progrès immense serait réalisé avec l’obtention de cultures, car elle permettrait sans aucun doute d’aboutir assez rapidement à une vaccination considérée actuellement par beaucoup d’épidémiologistes comme le problème numéro un de l’immunoprophylaxie » [126]. Il existe à l’heure actuelle de nombreux types de vaccins différents. – Les vaccins vivants atténués, dérivés des travaux de L. Pasteur, sont constitués par des agents qui ont gardé leur pouvoir infectieux mais qui ont été atténués comme nous l’avons déjà vu. On comprend bien que la stabilité des souches utilisées est le facteur essentiel pour la sécurité de l’utilisation de ces vaccins. – Les vaccins tués ou inactivés sont réalisés à partir de virus ou de bactéries cultivés en masse et inactivés par des traitements appropriés. Dans ce cas, c’est la quantité d’antigènes injectés qui induit l’immunité. Ce principe fut utilisé pour la typhoïde, pour la peste, pour le choléra et pour la coqueluche. – Le vaccin antitoxine : ce vaccin est réalisé à partir de la toxine produite par certaines bactéries comme, par exemple, le Clostridium tetani qui produit la toxine tétanique responsable des signes cliniques rencontrés au cours du tétanos. Le principe de ces vaccins est de rendre la toxine non
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toxique, tout en lui gardant son pouvoir immunogène. Cette possibilité a été découverte par l’Institut Pasteur. Un jeune vétérinaire du nom de Gaston Ramond était entré à l’Institut Pasteur pour assurer la production de sérum antitétanique réalisé à partir de chevaux. Comme il rencontrait certaines difficultés pour conserver les toxines, il en fit part à Émile Roux, alors directeur de l’Institut, qui lui conseilla d’essayer le formol dont on venait de découvrir les propriétés antiseptiques. Le traitement par le formol empêcha en effet la contamination par des bactéries des flacons contenant les précieuses toxines, mais de plus, G. Ramond se rendit compte que le traitement par le formol abolissait leurs effets toxiques sans entraîner la perte de leur caractère immunogène. Cette toxine modifiée, que G. Ramond appela anatoxine, était donc un vaccin idéal, puisqu’il était inoffensif tout en restant actif pour induire une protection. – Les vaccins à ADN nu sont de conception récente ; il s’agit d’utiliser un fragment d’acide nucléique1 viral contenant les informations nécessaires à la synthèse des antigènes viraux, l’antigène lui-même étant synthétisé localement au voisinage des cellules du système immunitaire. Il s’agit d’un vaccin de conception tout à fait nouvelle, et les études sont encore en cours pour assurer l’innocuité de telles techniques. – Les vaccins recombinants : il s’agit là de nouveaux vaccins dont la conception a été possible grâce aux progrès de la génétique moléculaire. En effet, il s’agit d’incorporer une séquence d’ADN2 codant pour une protéine dans le génome d’une cellule animale, végétale ou bactérienne ; cette cellule va produire ses propres protéines, mais aussi celles dont la séquence a été ajoutée. La protéine ainsi synthétisée peut être un antigène viral immunisant contre le virus dont elle est originaire. Il s’agit donc là d’une technique très élégante qui évite de cultiver des virus potentiellement dangereux, tout en ayant à disposition une partie choisie de ces virus, apte à induire une forte réaction immune chez l’hôte qui reçoit ce type de protéines, le protégeant ainsi d’une infection par le virus dont sont originaires ces protéines.
1 Acide nucléique : molécule constituée de l’assemblage de nucléotides, l’ADN étant le support du génome, le répertoire des caractéristiques génétiques d’une espèce. 2 ADN : acide désoxyribonucléique.
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Naissance de la vaccination contre le virus de l’hépatite B Une fois la relation entre l’antigène australia et le virus de l’hépatite B bien établie [127], des essais d’immunisation active ont été rapidement réalisés par Saul Krugman [128] et par les Français J.P. Soulier et ses collaborateurs [129], et ceci avec des sérums chauffés, antigène HBs positif. Ces premières expériences réalisées chez l’homme ont été poursuivies par des expériences réalisées chez le chimpanzé [130, 131]. L’idée fut de récupérer l’antigène HBs chez des sujets donneurs de sang, porteurs de cet antigène, de l’extraire, et de l’injecter chez les sujets qui ont un risque élevé de contracter le virus de l’hépatite B, notamment les patients hémodialysés. Dans les années 1970, Ph. Maupas et ses collaborateurs mirent au point la technique de cette vaccination [132, 133]. Le contrôle de l’innocuité et de l’efficacité du vaccin a été réalisé chez le chimpanzé, et l’ensemble de ces travaux confirmait ceux de Hilleman et de Purcell [130, 131]. Confrontés au risque élevé de contamination par le virus de l’hépatite B, des volontaires de l’unité d’hémodialyse et du laboratoire de virologie acceptèrent de recevoir l’injection du vaccin inactivé mais ils n’acceptèrent pas de recevoir celle d’un placebo ; 96 personnes ont été vaccinées à la fin de l’année 1975 suivant le protocole de deux injections sous-cutanées à un mois d’intervalle. Ces premières expériences démontrèrent l’innocuité et l’efficacité de cette vaccination et 82 % de la population vaccinée développa une réponse immunologique. Ces travaux réalisés dans le laboratoire de virologie de la faculté de médecine de Tours furent publiés dans le Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine en 1976 et dans le Lancet au cours de la même année [133, 134]. Bien que de très grandes précautions aient été prises afin d’éliminer le risque de transmission d’un virion3 complet par cette technique, ce souci restait présent dans l’esprit des médecins. D’autres vaccins du même type étaient mis au point, notamment en Chine [135] ; dans tous les cas, il s’agissait de préparation d’antigène HBs plasmatique d’origine humaine hautement purifiée et inactivée. Ph. Maupas et l’Institut Pasteur avaient des concurrents, notamment l’Institut de recherche thérapeutique Merck qui, sous la responsabilité de M. Hilleman et de ses collaborateurs, publiait en 1975 [136] les résultats d’une étude portant sur l’utilisation d’antigène HBs provenant du plasma de porteurs chroniques de cet antigène hautement 3
Virion : particule virale.
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HISTOIRE DE LA VACCINATION CONTRE LE VIRUS DE L’HÉPATITE B
Philippe Maupas : l’inventeur du vaccin contre l’hépatite B.
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purifié et inactivé par le formol. Les contrôles épidémiologiques concernant l’efficacité de ce type de vaccin étaient réalisés en particulier par Szmuness et ses collaborateurs [137-139] ; les réponses positives de cette vaccination étaient de 76 % après deux injections à un mois d’intervalle et de 96 % après la troisième injection. Les auteurs montraient que l’âge et le sexe des sujets influaient sur la réponse immune au vaccin, une réponse anti-HBs après une ou deux injections était plus fréquente chez les volontaires les plus jeunes et chez les femmes. Avec le succès de cette première vaccination, on pouvait cependant craindre qu’à terme, le nombre de porteurs chroniques de l’antigène HBs capables de fournir cet antigène vaccinant, décroisse ; il fallait donc trouver de nouvelles sources. C’est alors que survient le génie génétique. Il s’agissait, comme nous l’avons précisé tout à l’heure pour le vaccin recombinant, d’utiliser la « machinerie » enzymatique d’une bactérie pour lui faire produire une protéine qui lui est étrangère, après avoir importé le code génétique de cette protéine dans celui de la bactérie. À propos du génie génétique, le professeur Christian Bréchot de l’Institut Pasteur, aujourd’hui directeur de l’INSERM, écrivait ceci en 1981 : « Que peut-on attendre du génie génétique et quelles en sont les limites ? En particulier peut-on espérer fabriquer un vaccin par cette technologie ? Actuellement, la production de particules portant les déterminants de l’antigène HBs par culture de cellules est encourageante, mais il reste à prouver que ces particules induisent la synthèse d’anticorps protecteurs contre l’infection virale. De plus, la cellule productrice est une cellule transformée en culture et donc possède certains caractères des cellules cancéreuses, ce qui pose des problèmes évidents. Le génie génétique, même s’il aboutit à la fabrication d’un vaccin, aura aussi certainement ses limites dans l’étude de la biologie du virus » [140]. Malgré toutes ces interrogations, des travaux se sont poursuivis en France sous la responsabilité de Ph. Maupas, P. Tiollais et leurs collaborateurs qui élaborèrent un vaccin à partir de manipulations génétiques [141]. Ainsi, le premier vaccin contre le virus de l’hépatite B issu du génie génétique était mis au point en juin 1981 à l’Institut Pasteur. La production de l’antigène HBs dans sa totalité était lourde et il était alors démontré que des fragments moins complexes issus de l’antigène HBs gardaient une activité antigénique. Les vaccins actuellement fabriqués sont donc réalisés à partir de ces fragments. L’histoire de la vaccination contre le virus de l’hépatite B ne s’arrête pas là. Nous verrons, dans le chapitre « Droit d’ingérence éthique et histoire des hépatites », les déboires qui ont accompagné les différentes politiques de vaccination dans notre pays.
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« L’imprévisible est dans la nature même de l’entreprise scientifique. Si ce que l’on va trouver est vraiment nouveau, alors c’est par définition quelque chose d’inconnu à l’avance. » François Jacob
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Découverte du virus de l’hépatite C
C
’est donc par une méthodologie nouvelle que Qui-Lim Choo et ses collaborateurs s’attaquèrent au problème de la découverte du virus de l’hépatite non-A non-B, bientôt appelé virus de l’hépatite C [142]. En utilisant le modèle animal mis au point par Daniel W. Bradley, les chercheurs de Chiron Corporation développèrent une méthodologie relativement simple, mais extrêmement laborieuse. Cette méthode reposait sur l’utilisation de l’ADN polymérase. Cette enzyme est capable de synthétiser un brin complémentaire d’ADN à partir d’un brin initial à amplifier. Sa découverte et son utilisation potentielle en recherche furent publiées en 1985 ; elles valurent à son découvreur K.B. Mullis le prix Nobel de chimie en 1993 [137]. Qui-Lim Choo réalisa une extraction, du sang de l’animal, de tous les ADN et ARN possibles, puis il incorpora tous ces extraits de code génétique, un par un, dans un bactériophage gamma GT 11. Ce bactériophage, à partir du brin d’acide nucléique incorporé, synthétisa une protéine correspondante. L’équipe testa cette protéine synthétisée (considérée comme l’antigène) contre le sérum de malades porteurs d’une hépatite dite non-A non-B, où il existait probablement des anticorps spéci-
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fiques. Après avoir testé environ un million de protéines produites par le bactériophage, l’une d’elles, provenant d’un clone d’ADN 5-1-1, réagit avec les anticorps des malades. Afin de s’assurer de l’origine virale de cette protéine, Q.L. Choo et ses collaborateurs utilisèrent le clone ayant produit la protéine réactive (clone d’ADN 5-1-1) et tentèrent de l’hybrider avec des brins d’ADN provenant d’un singe ou d’un homme sain, sans succès. Puis, ils testèrent les ADN retrouvés dans le foie d’un singe infecté par l’agent d’une hépatite dite non-A non-B : une hybridation se produisit. Une fois le code génétique du virus déterminé, il suffisait de produire la structure protéique correspondante et de tester cette molécule protéique contre les anticorps de malades. Cela fut fait et 7 sérums sur 10, provenant de malades atteints d’une hépatite dite non-A non-B réagirent positivement, alors qu’aucun sérum de sujet non contaminé par le virus ne manifesta de réaction [142]. Des tests sérologiques furent rapidement mis au point et des études furent publiées dès 1989, notamment par H.J. Alter et ses collaborateurs [143], sur les malades développant des hépatites posttransfusionnelles.
Découverte du virus de l’hépatite E En octobre 1955, saison des pluies sur une partie de l’Inde, le ciel se déchaîna au dessus de Wazirabad, banlieue de New Delhi où se trouvait une station de pompage pour alimenter en eau potable un million d’habitants de cette grande ville. Les pluies diluviennes firent déborder un égout à l’air libre près de la station de pompage et les eaux de l’égout polluèrent celle-ci. Or, entre décembre 1955 et janvier 1956, 29 300 habitants de cette région développèrent une hépatite aiguë [144]. Cette épidémie très importante par le nombre de patients atteints donnera lieu à de nombreuses observations. La maladie ressemblait beaucoup à l’hépatite épidémique (hépatite A) ; elle était le plus souvent bénigne, cependant elle semblait plus dangereuse chez les femmes enceintes, notamment au cours du troisième trimestre de la grossesse. En effet, des cas d’hépatites fulminantes étaient décrits dans cette circonstance particulière [145]. Cette maladie n’évoluait pas vers la chronicité [146]. On conclut alors qu’il s’agissait d’une importante épidémie d’hépatite probablement liée au virus de l’hépatite A (VHA). Cependant, quand les premiers tests diagnostiques furent disponibles pour détecter un contact même ancien avec le VHA, les études
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MICHAEL HOUGHTON
GEORGE KUO
QUI-LIM CHOO
DANIEL W. BRADLEY L’équipe qui a découvert le virus C.
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permirent de montrer que, dans les pays en voie de développement, la prévalence de ces anticorps (Ig anti-HA de type IgG) était très élevée, y compris chez les sujets jeunes, et que ces anticorps étaient protecteurs contre une nouvelle infection par le même virus. Il devenait donc peu probable que près de 30 000 habitants de New Delhi aient été contaminés par ce virus [97]. Jules Dienstag, alors jeune collaborateur de Robert H. Purcell au NIH (Bethesda, Maryland) se mit en quête de sérums encore disponibles pour lutter contre cette épidémie d’hépatite, mais ses recherches furent vaines. Cependant, après son départ, un sérum stocké depuis 1956 fut découvert dans le laboratoire de Korshed Pavri, directeur de l’Institut national de virologie de Pune en Inde. Son équipe s’était en effet intéressée à l’épidémie d’hépatite en 1955-1956. Cet échantillon fut alors adressé au laboratoire de Robert H. Purcell ; les analyses réalisées alors par Doris Wong indiquèrent clairement qu’il ne s’agissait pas d’une hépatite à virus A [147], elle confirmait en revanche la transmission féco-orale de cette maladie [148]. D’autres auteurs publièrent des cas de petites épidémies ressemblant fortement à celle de New Delhi ; un jeune gastro-entérologue, Mohammed Sultan Khuroo, qui travaillait au Cachemire, région montagneuse du nord de l’Inde, rapporta aussi quelques cas en 1983 [149]. Au cours de la même année, un russe, Mikhail Balayan, de l’Institut de la poliomyélite et des encéphalites virales de Moscou, décrivit son expérience d’ingestion de selles mises en suspension d’un patient qui avait présenté une hépatite de type épidémique non-A, à Tachkent en Asie Centrale. Après cette ingestion, il développa une hépatite aiguë et utilisa ses propres selles pour rechercher en microscopie électronique les virus. Une particule pouvant correspondre à un virus de 27-32 nm fut mise en évidence [150]. Un modèle animal fut alors développé avec transmission de l’agent infectieux à un singe de type Marmouset [151], ainsi que chez d’autres primates, notamment le chimpanzé [152]. En 1989, l’équipe de Daniel W. Bradley, qui avait développé le modèle animal d’infection du virus non-A non-B chez le macaque au CDC d’Atlanta, publiera la découverte de l’agent viral responsable des hépatites non-A non-B de type entérique [153]. Ainsi, le cinquième virus responsable d’hépatite virale était identifiable dans le sérum des malades : il fut nommé virus de l’hépatite E (HEV) [97].
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« Je ne suis même pas convaincu que la médecine d’aujourd’hui soit plus “scientifique” que celle du passé... Il est vrai que si les sciences deviennent toujours plus précises et puissantes, la médecine le devient aussi. Mais il est vrai aussi qu’augmente le nombre des problèmes que nous ne sommes pas en mesure de résoudre. » Mirko D. Grmek
TRANSFUSION SANGUINE ET VIRUS DE L’HÉPATITE C
L
’épidémie d’hépatite virale C est, entre autres, étroitement liée au développement de la transfusion, technique permettant l’injection de sang d’un sujet (le donneur) à un autre sujet (le receveur). À quand remonte la première transfusion ? Comment cette technique médicale d’une importance majeure s’est-elle développée ? Voici les grandes lignes de son histoire. Le sang a une charge symbolique très lourde ; symbole de vie, d’abord, il fut reconnu très vite comme un élément essentiel ou « souffle de vie » ; les Hébreux considérèrent la vie comme un souffle que le sang entretient, car « c’est le sang qui est la vie de toute chair pour tout être vivant ». Les premiers hommes constatèrent que l’animal qu’ils chassent meurt en perdant son sang, que l’ennemi blessé va mourir si la plaie saigne en abondance. On reconnaîtra donc très tôt, à ce liquide rouge, un caractère vital et, à cette époque, sacré. Il va rapidement s’associer à la force, la puissance de l’individu. Ainsi, on se nourrissait de sang ; certains grands chefs militaires comme Gengis Khan, conseilla à ses soldats de boire le sang des chevaux après une période de combat [154]. Dans de nombreuses contrées, on utilisa le sang pour tonifier, renforcer l’individu, du nouveau-né au vieillard. Nous trouvons les mêmes faits dans Virgile [154]. En 1492, pendant que Christophe Colomb naviguait vers l’Amérique, le pape Innocent VIII se mourait. Un médecin proche du souverain pontife
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conseilla de pratiquer une transfusion sanguine. Le chroniqueur de l’époque, Simondi, rapporte que trois jeunes hommes furent sacrifiés pour que le pape puisse bénéficier de leur sang. Le 25 avril 1492, le vieil homme décéda et le médecin s’enfuit. Il est probable que le pape n’ait pas été vraiment transfusé, mais qu’il ait bu le sang des trois jouvenceaux [154]. Paradoxalement, et probablement sous l’influence de l’époque hippocratique et de sa théorie des quatre humeurs, de nombreuses maladies furent attribuées à un excès de sang. D’où l’utilisation des saignées, des sangsues pour soulager les hommes de leurs maux. Cette technique médicale aujourd’hui réhabilitée dans une maladie (l’hémochromatose génétique) a dû, à l’époque où elle était utilisée sans contrôle et sans raison valable, tuer bien plus qu’elle n’a soulagé contre l’excès de sang invoqué dans la cause du mal. Il aura fallu attendre le XVIIIe siècle et des hommes comme René Théophile Hyacinthe Laennec [1781-1826] pour que soit progressivement abandonnée la saignée. Cependant, le sang, précieux vecteur de vie, resta l’objet de nombreux fantasmes et les hommes cherchèrent par la transfusion sanguine à acquérir la puissance, la force du donneur. La première transfusion est rapportée dans le Livre de la sagesse de Tanaquila [154] ; cette transfusion aurait réussi à la femme de Tarquin, l’ancien roi de Rome (mort en 579 avant J.-C.). En 1615, Libavius rapporta la technique de la transfusion [155]. Des tentatives de transfusion de sang d’animal furent réalisées en 1668 [156]. Quelques noms vont marquer cette grande aventure de la transfusion sanguine : rappelons Claude Tardy [157]. Cependant, la transfusion sanguine n’était pas sans danger. On peut l’imaginer à une époque où on ne connaissait ni l’asepsie ni les incompatibilités entre les groupes sanguins humains, et ne parlons pas des expériences réalisées avec du sang d’animal transfusé chez l’homme. Ainsi, l’une des personnalités importantes de l’époque, Jean-Baptiste Denis, fort de ses nombreuses expériences pratiquées chez l’animal, proposa ses services à un jeune homme de 34 ans, Antoine Mauroy. Il s’agissait d’un laquais qui était atteint d’une maladie particulière : il était parfois pris de crises de violence pendant lesquelles il détruisait tout ce qui l’entourait et il agressait violemment sa femme. Au cours d’une crise, il fut retrouvé nu en plein Paris et il fut pris en charge par le docteur Denis qui lui proposa une transfusion sanguine. Le 19 décembre 1667, le jeune malade reçut sa première injection de sang de veau. Antoine Mauroy se sentant nettement mieux, Denis lui fit une deuxième transfusion le 21 décembre. La tolérance fut beaucoup moins bonne, avec une violente réaction probablement induite par la lyse des globules rouges injectés, l’organisme ayant eu le
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TRANSFUSION SANGUINE ET VIRUS DE L’HÉPATITE C
temps de produire des anticorps. Toux, vomissements, tachycardie, puis urines foncées, furent notés par les médecins. Cependant, après quelques jours, le malade recouvra la santé. Pour une courte période, car deux mois plus tard, l’état de santé du transfusé s’aggravant, son épouse rappela à son chevet Denis ; il hésita à intervenir de nouveau, mais fort de ses expériences antérieures, il accepta l’idée de pratiquer une troisième transfusion. Toutefois, il ne put réaliser le geste, faute de trouver un abord veineux correct. Antoine Mauroy mourut le lendemain de cette tentative infructueuse [157]. L’affaire fit grand bruit et alimenta une polémique à l’époque entre les anti- et les pro-transfuseurs. La veuve d’Antoine Mauroy, incitée par les premiers, menaça Denis de porter plainte. Ce dernier répliqua en portant plainte pour diffamation et menace. La sentence fut rendue au Châtelet le 17 avril 1668 : « Dès à présent, faisons défense à toute personne de faire la transfusion sur aucun corps humain, que la proposition n’ait été reçue et approuvée par des médecins de la faculté de Paris, à peine de prison » [154]. Voici la première réglementation de la transfusion sanguine. L’arbitrage tombait entre les mains de la faculté : curieuse responsabilité puisque, à l’époque, elle ne reconnaissait pas la circulation sanguine mise en évidence par le physiologiste anglais William Harvey en 1616 (1578-1658) et publiée en 1628 sous le titre d’Exercitatio anatomica de cordis et sanguinis motu in animalibus. Il faut reconnaître que cette découverte était une véritable révolution puisque depuis Hippocrate, le cœur était considéré comme l’origine des artères et le foie comme celui des veines. Le rôle de la respiration était mal connu ou faussement interprété puisqu’on pensait que c’était dans le ventricule gauche que le sang prenait son caractère de sang artériel. La levée de boucliers des anti-transfusions décrivait l’acte transfusionnel comme « acte barbare sorti de l’antre de Satan » et le verdict du Châtelet imposa un coup d’arrêt au développement de la technique de la transfusion pendant plusieurs décennies. C’est au XVIIIe siècle que de nouveau les médecins s’intéressèrent à cette transfusion sanguine, de nombreux appareils furent conçus pour améliorer la technique et diminuer les risques ! Cependant, si ces expériences se multiplièrent de nouveau, elles manquaient de rigueur et n’apportèrent pas de grande nouveauté. Pourtant, certaines séries rapportées semblaient encourageantes. En 1853 par exemple on peut lire sous la plume d’Oray, professeur de médecine à Bordeaux : « Recourir à la transfusion dans toutes les hémorragies qui menacent la vie est un devoir, y manquer serait une faute grave » [154]. En 1892, dans le Traité de médecine des professeurs Charcot, Bouchard et Brissaud, on peut lire :
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« L’anémie produite par l’hématémèse pourra être si considérable que la transfusion de sang deviendra nécessaire, c’est surtout avec l’ulcère rond que l’on a dû avoir recours à cette suprême ressource » [158]. En Europe sévissait en 1830 et par poussées une épidémie de choléra. Cette maladie liée au vibrion cholerae entraîne une diarrhée très abondante et des vomissements, de sorte que le malade se déshydrate et meurt des conséquences de cette déshydratation. Tandis que François Broussais (1772-1838), adepte des saignées, poursuivait dans cette voie, aggravant l’état de déshydratation des patients, Georges Hayem (1841-1933) et Georges Dieulafoy (1840-1911) utilisèrent la transfusion sanguine et bientôt, sous l’influence du premier, la « transfusion » de sérum salé. Le développement de cette nouvelle technique, bien plus sûre que la transfusion sanguine, à une époque où l’on ne connaissait pas encore les groupes sanguins, va faire abandonner progressivement l’injection de sang. Toutefois, si le sérum salé peut remplacer les pertes hydro-électrolytiques, il ne peut en aucun cas remplacer les pertes sanguines comme celles des hémorragies graves. Le 14 juin 1868, naquit à Vienne Karl Landsteiner, qui révolutionna la transfusion sanguine en découvrant les groupes sanguins [4]. À partir de cette découverte fondamentale et d’autres travaux, notamment sur le groupe Rhésus, la transfusion sanguine devint plus sûre. C’est à ce moment-là qu’éclata la Première Guerre mondiale : les besoins transfusionnels en furent considérablement accrus. Deux Montpelliérains, Jeanbreau et Hebrou, venaient de mettre au point une technique de conservation du sang, rendu incoagulable par le citrate de soude. Cette molécule capte le calcium présent dans le sang et inhibe le processus de coagulation [154]. Héron, de son côté, expérimentait l’utilisation de la réfrigération pour conserver le sang et démontrait son innocuité [154]. Les premières banques de sang furent organisées et de nombreuses vies sauvées sur les champs de bataille. L’entre-deux-guerres fut marqué par un développement important de la transfusion. En 1936, se créa le Central sanitaire international à la faculté de médecine de Toulouse ; il se donnait pour but d’aider les Républicains espagnols. Certains flacons de sang prélevés en Suisse arrivaient par avion aux troupes républicaines. Pendant la Seconde Guerre mondiale, on assista à l’utilisation de transfusions sanguines comme une arme thérapeutique majeure [103]. Les bénéfices pour les grands blessés furent très importants, comme aujourd’hui encore. La mortalité opératoire des soldats gravement blessés passa de 11 % à la fin de la Première Guerre mondiale à 4,5 % pendant le conflit de 1939-1945. La consommation s’accrut très rapidement. En 1952, 500 000 litres de sang
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furent consommés, 1,2 million en 1991 [154]. Des textes de lois, des décrets régissant l’organisation des dons, de la distribution, furent rédigés. Le don du sang est dans notre pays un acte bénévole, anonyme et gratuit, dont nul ne peut retirer de bénéfice financier. Les besoins pour la population française sont très importants, c’est une réalité : on l’estime à 4,2 millions d’unités de sang (chiffre de 1992). Le développement de la transfusion est un des facteurs importants de l’augmentation de l’espérance de vie constatée ces dernières décennies [154]. Elle a ouvert la voie des thérapeutiques agressives mais très efficaces comme les chimiothérapies, les greffes de moelle osseuse, les transplantations. Même si des alternatives peuvent être développées comme l’autotransfusion, le sang de donneurs reste indispensable dans de nombreux cas. Cependant, la transfusion peut transmettre certaines maladies. Inutile de revenir sur le drame du sang contaminé par le virus du SIDA, aucune décision de justice envers de présumés ou de véritables coupables ne pourra rendre le sourire à des parents qui auront vécu la disparition d’un enfant hémophile. Cependant, si inconsolables que soient les familles, cette tragédie ne doit pas nous faire oublier les millions de malades qui ont été sauvés par la transfusion sanguine. Cette technique médicale est aussi une des explications de l’épidémie d’hépatite virale C. Nous avons pu voir au travers des chapitres précédents le rôle joué par l’utilisation de produits sanguins labiles dans la transmission du virus des hépatites. Après la découverte du virus de l’hépatite B et de ses marqueurs, on vit bientôt des cas d’hépatite post-transfusionnelle liée à un ou plusieurs autres virus [101]. Avant 1989, année de la découverte du virus C, 7 à 12 % des malades transfusés développaient une hépatite post-transfusionnelle [110]. Aujourd’hui, dans les pays développés, lorsqu’une étude transversale est réalisée chez les malades infectés par le virus de l’hépatite C, environ un tiers d’entre eux ont eu une transfusion sanguine [159-167]. D’autres connaissances scientifiques renforcent encore l’idée du rôle majeur joué par la transfusion sanguine dans l’épidémie d’hépatite C. Ainsi, la plupart des malades contaminés par la transfusion sanguine ont le même génotype viral 1b [168].
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« L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes Allonge l’illimité, Approfondit le temps, creuse la volupté, Et de plaisirs noirs et mornes Remplit l’âme au-delà de sa capacité. » Charles Beaudelaire
TOXICOMANIE ET VIRUS DE L’HÉPATITE C
L
’autre mode de contamination qui peut expliquer cette épidémie du XXe siècle est la toxicomanie par voie veineuse [2]. L’utilisation de l’opium par les hommes semble originaire de Mésopotamie et sa culture n’était pas ignorée des Perses ni des Égyptiens. Hippocrate prônait son utilisation dans diverses affections [8] et Marc Aurèle, dont Galien était le médecin, semble bien avoir été un des premiers toxicomanes de l’opium, qu’il prenait quotidiennement sous la forme de thériaque [9, 169]. Toutefois, c’est, dans les années 1880, la synthèse de l’héroïne [170-172] qui posa l’une des premières pierres de la toxicomanie par voie veineuse [173]. Ce type de toxicomanie, déjà connu à la fin du XIXe siècle, se développera dans la deuxième partie du XXe siècle [169]. L’injection de la drogue se faisait suivant un rituel comportant notamment l’échange de la seringue. Or, le risque de transmission du virus de l’hépatite C est d’environ 3 % lors d’une piqûre accidentelle avec une aiguille creuse contaminée. Chez les toxicomanes, compte tenu de la répétition du geste et du caractère souvent chronique du portage du virus, le risque de s’infecter par cette voie est très élevé. On estime que 70 à 80 % des toxicomanes sont contaminés par le virus C. Par ailleurs, lorsque par chance une guérison spontanée a lieu après une infection par ce virus, celle-ci ne protège pas contre une nouvelle infection [174]. Aujourd’hui, la lutte contre le SIDA permet d’éviter les échanges de seringues et protège contre la contamination des virus VIH et des virus hépatotropes B, C, Delta... Malgré ces efforts, la toxicomanie reste encore le mode de contamination essentiel de la population au début de ce nouveau millénaire. Elle est devenue le principal mode de contamination du virus de l’hépatite C dans les pays développés [175].
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« Un jour peut-être, chez les nations civilisées, l’individu qui, par sa faute, aura été à l’origine d’un foyer épidémique sera responsable et pourra être poursuivi judiciairement. » Jules Arnould, Nouveaux éléments d’Hygiène, 1889
TRANSMISSION NOSOCOMIALE ET VIRUS DE L’HÉPATITE C
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ous n’acceptons plus aujourd’hui le risque d’être contaminés par une bactérie ou un virus au cours de soins. Pourtant les paragraphes précédents nous ont fort bien montré combien une telle situation à été fréquente au cours des deux derniers siècles avec le développement notamment de la vaccination et de la transfusion. Nous allons dans les quelques lignes suivantes rappeler la naissance du concept d’infection nosocomiale et ses liens avec l’hépatite virale C. Oublions notre monde du XXIe siècle pour plonger dans le passé et imaginer ce que devait être un hôpital du Moyen Âge ou de l’Ancien Régime. Le règlement de l’Hôtel-Dieu de Toulouse au XVIe siècle précisait : « Les pauvres malades ayant actuellement la fièvre ou blessés ou atteints de quelque autre maladie curable y seront... », toute cette humanité s’entassait dans les salles communes, souvent plusieurs par couchage. On peut facilement penser que ces conditions de promiscuité extrême et l’absence quasi totale d’hygiène représentaient les conditions idéales pour le développement de maladies nosocomiales. L’hôpital, autrefois, s’occupait un peu de médecine générale, mais était surtout un lieu d’accueil pour les vagabonds, mendiants, invalides, blessés, malades vénériens et aliénés ; le risque de « transmission nosocomiale » n’était nullement dans les esprits.
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La fièvre d’hôpital Au cours du XVIIIe siècle émergea le concept de santé publique. On prit alors conscience que l’entassement dans ces lieux confinés que sont les hôpitaux était propre au développement de ce que l’on appela alors la fièvre d’hôpital, définie ainsi dans l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert en 1750 : « Fièvre d’hôpital : espèce de fièvre continue, contagieuse et de mauvais caractère, qui règne dans les hôpitaux des villes, des armées, dans les prisons, dans les vaisseaux de transports pleins de passagers ». On identifia alors le mal, d’une part parce qu’il devenait une préoccupation importante, d’autre part parce que les mentalités de l’époque le permettaient. Deux grands courants s’opposèrent alors : les contagionistes qui croyaient à la réalité physique de vecteurs dont on ne connaissait pas la nature réelle et les anticontagionistes qui attribuaient l’apparition de la maladie à des conditions environnementales. C’était l’air vicié qui paraissait être le principal coupable, on entreprit d’utiliser la fumigation. On inventa le ventilateur, destiné à purifier l’air. L’air pur était supposé pénétrer par les pores des murailles, les joints des portes et des fenêtres. On sépara les malades, chacun ayant enfin son lit, si possible en fer, tandis que d’autres efforts se portèrent sur les latrines, sur l’eau, même si à cette époque le bain n’était que thérapeutique. L’hôpital se médicalisa, les progrès scientifiques et techniques rendirent les médecins et chirurgiens exigeants. La notion d’hygiène apparut et la nécessité d’un personnel soignant instruit se fit sentir. En témoignent les propos de Malgaigne (1806-1865), grand chirurgien de l’époque, qui parlait de « l’insalubrité humiliante et criminelle des hôpitaux de Paris ». Il rapporte, en effet, que 50 % des amputés, 71 % des opérés de hernie et 100 % des trépanés mouraient à l’hôpital des suites d’une infection. On assista cependant encore aux stériles oppositions entre pro- et anti-contagionistes. Le coup de grâce fut donné à ces derniers par la révolution bactériologique. Pourtant déjà conceptualisée par Gerolamo Fracastoro avec ses seminaria prima et seminaria contagiosis, comme nous l’avons déjà vu, l’idée même de contamination restera abstraite jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. On croyait toujours à la génération spontanée, mais des esprits se rebellèrent contre ce dogme : l’Italien Spallanzani (1729-1799) la réfuta catégoriquement et ses expériences sur l’isolement d’un microbe dans une goutte d’eau et la mise en évidence de sa division par scissiparité observée au microscope soutint ses hypothèses.
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TRANSMISSION NOSOCOMIALE ET VIRUS DE L’HÉPATITE C
Les premières règles de l’hygiène médico-chirurgicale Un médecin hongrois, Ignaz Semmelweis (1818-1865) instaura les premières règles de l’hygiène médico-chirurgicale. Obstétricien dans une maternité de Vienne (Autriche) en 1844, il observa que la mortalité par fièvre puerpérale était nettement plus élevée dans les salles où des médecins et des étudiants en médecine accouchaient les parturientes que dans les salles où les enfants étaient mis au monde par les sages-femmes. Il émit l’hypothèse que les mains des médecins servaient de vecteurs à l’agent responsable des fièvres mortelles. En imposant alors le lavage rigoureux des mains au chlorure de chaux entre chaque patiente, il fit chuter de façon drastique la mortalité qui passa de 18 à 1,2 %. Cependant, les esprits de l’époque n’étaient pas prêts, et l’application de ces nouvelles mesures se heurtera à l’obstination des obstétriciens eux-mêmes. F. Céline dans sa thèse consacrée à Semmelweis l’évoque ainsi : « Il voulut enfoncer toutes les portes rebelles et s’y blessa cruellement. Elles ne s’ouvriront qu’après sa mort ».
L’ère étiologique La découverte de nombreux agents infectieux responsables des maladies contagieuses ouvrira l’ère étiologique. Citons quelques exemples : la typhoïde (C.J. Eberth, 1880), la tuberculose (R. Koch, 1882), la diphtérie (F. Loeffler, 1884), sans oublier l’un des hommes clés de cette époque si féconde : Louis Pasteur (1822-1895). C’est en 1860 que ce dernier démontrera de façon irréfutable que la vie ne pouvait naître que d’elle-même et que la chaleur pouvait stériliser un milieu en tuant ses germes. On assistera alors au formidable développement de la pasteurisation, outil d’une hygiène qui devenait une préoccupation de premier ordre dans les hôpitaux. Toutes et tous œuvraient de façon consensuelle pour améliorer l’hygiène, réduire le taux d’infections et notamment des infections nosocomiales. Le programme était vaste. Il fallait changer les mentalités, les structures...
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Des cornettes blanches aux pyjamas La première école d’infirmières fut religieuse, créée en 1633 par saint Vincent de Paul à Paris. Le personnel était constitué de gens de tous métiers dont les qualités essentielles étaient le dévouement et l’abnégation. Il n’avait aucune notion des fonctions dont il se chargeait. C’est à Florence Nightingale en 1860 que l’on doit la première école laïque d’infirmières. L’idée sera reprise par la Croix-Rouge en 1876. Dix ans plus tard, l’infirmière n’est plus simplement une personne de bonne volonté mais une véritable auxiliaire médicale, garante de l’hygiène hospitalière. Elle va contribuer à la mise en place de la pasteurisation qui va déferler dans le monde des hôpitaux mais aussi dans les foyers.
De la seringue en verre à la seringue jetable La première seringue en verre fut fabriquée en 1885. C’est un instrument symbolique. L’infirmière avait en charge, après son utilisation, son nettoyage, son séchage et sa stérilisation. Des instruments furent créés pour stériliser : l’autoclave, le poupinel... et là encore, l’infirmière jouera un rôle majeur dans la bonne utilisation du matériel de stérilisation. La vie des professionnels de santé fut grandement simplifiée par l’arrivée du matériel à usage unique. Mais que serait ce progrès sans l’observation stricte des principes de base, tels que l’asepsie de la peau, l’entretien des locaux...
Un risque partagé : première pierre des règles d’hygiène universelles De par leur implication de plus en plus importante dans les soins techniques, les soignants s’exposeront au risque d’infection nosocomiale, notamment celle des virus. Des règles universelles d’hygiène seront appliquées dans des centres d’hémodialyse à partir des années 1970, afin de prévenir l’infection par le virus B dont étaient victimes malades et soi-
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gnants. Elles seront le fruit de travaux réalisés par les fameux CDC1 américains. Au milieu du XXe siècle, la pasteurisation, la stérilisation, les antibiotiques et les antifongiques semblaient avoir sonné le glas des infections nosocomiales. Mais voici que ces dernières décennies elles ressurgissent avec encore plus de vigueur : la cause en tient au formidable développement des techniques médicales, très efficaces mais de plus en plus invasives, pourvoyeuses de complications iatrogènes, et au développement de nouveaux agents infectieux. On a ainsi clairement démontré que le virus de l’hépatite C avait été transmis au cours de soins en chirurgie, endoscopie digestive, anesthésie générale, fécondation in vitro... la liste n’est pas exhaustive. Sans compter les transmissions liées à la transfusion sanguine qui représentent en France environ 200 000 contaminations. Des précautions de plus en plus drastiques sont pourtant prises par les soignants pour protéger leurs malades, mais aussi pour se protéger, car la grande particularité de ces infections réside dans le partage du risque. Le chirurgien qui opère un patient porteur du virus de l’hépatite C prend un risque de se contaminer au cours du geste chirurgical, d’où le rôle essentiel joué par la communication entre le praticien et son patient pour minimiser les risques. Cette lutte sans merci menée dans les établissements de soins nécessite une vigilance de chaque instant, notamment pour la décontamination du matériel, et cela explique bien entendu toute la difficulté qu’il y a à mener à bien cette mission. Par ailleurs, de nombreuses inconnues existent encore dans le domaine de cette transmission nosocomiale, qui empêchent de prendre les mesures adéquates pour réduire davantage le risque. Dans ce contexte de « judiciarisation » de la médecine, nous vivons une nouvelle ère de la contamination nosocomiale ; elle est là pour nous rappeler que la médecine a des comptes à rendre. Si l’on pouvait compter le nombre de vies sauvées par la transfusion de produits sanguins labiles chaque année, il devancerait sans aucun doute et de très loin, celui des maladies transmises par le sang des donneurs. Alors, souhaitons que les leçons de l’histoire, la sagesse et les efforts des professionnels de santé permettent de maîtriser ce risque, lourd tribut que nous font payer les extraordinaires progrès médicaux du XXe siècle.
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Centers for Disease Control.
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« Dans un monde où l’information est une arme et où elle constitue même le code de la vie, la rumeur agit comme un virus, le pire de tous car il détruit les défenses immunitaires de sa victime. Jacques Attali
DROIT D’INGÉRENCE ÉTHIQUE ET HISTOIRE DES HÉPATITES
I
l y a plusieurs décennies, certains pouvoirs politiques, immoraux et sanguinaires, ont conduit le monde médical à créer le droit d’ingérence humanitaire. Ce concept fit prendre conscience à l’ensemble de l’humanité, qu’au nom de principes universellement reconnus, on pouvait intervenir et changer le cours de l’histoire. C’est probablement de tels concepts qui ont permis le développement du tribunal international qui officialise en quelque sorte ce droit d’ingérence. Messieurs les politiques, l’humanité se donne un droit de regard sur vos actions ! Aujourd’hui, le monde médical doit de nouveau se mobiliser afin de créer un droit d’ingérence éthique. Les dérives du monde judiciaire en seraient la principale motivation. Deux décisions récentes concernant le domaine des hépatites peuvent parfaitement illustrer cette dérive des magistrats et motiver ce nouveau droit. La première concerne le vaccin contre l’hépatite B, la seconde l’indemnisation des infections par le virus de l’hépatite C post-transfusionnelles survenues avant 1989, date de découverte du virus et de la mise au point des tests pour son diagnostic. Le 6 juin 1998, le tribunal de Nanterre reconnaissait à tort un lien de cause à effet entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, condamnant de ce fait un laboratoire fabriquant le vaccin, il en fut de même à Versailles en juillet 2001. Afin de comprendre comment une
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telle reconnaissance a été possible, voici des éléments d’histoire qui pourront nous éclairer. La vaccination contre l’hépatite B, comme ceci a été déjà précisé, date de 1981, l’Institut Pasteur ayant mis sur le marché son vaccin. Un an plus tard, une première rumeur concernant un risque de contamination par le virus du SIDA, par l’intermédiaire des vaccins anti-hépatite B de l’Institut, obligea ce dernier à interrompre sa production pendant quelques mois. Alors, jeune étudiant en médecine à Paris, je me souviens encore des discussions de couloirs dans les hôpitaux et des interrogations angoissantes qui naissaient dans nos esprits à la suite de cette rumeur. En tant que professionnels de santé, il nous paraissait utile de nous faire vacciner contre l’hépatite B, cette vaccination allait d’ailleurs devenir obligatoire en 1991. Une fois les trois injections vaccinales réalisées, nous apprenions que ces actes de prévention pouvaient transmettre le virus du SIDA ; imaginez la panique qui régna alors sur les bancs de la faculté, l’information circulant aussi vite que le tréponème lors de l’épidémie de syphilis dans l’Ancien Monde après 1492. Nous fûmes pourtant bientôt rassurés par les publications sérieuses qui dédouanaient totalement ce vaccin. Ce fut pour moi une formidable leçon sur la rumeur. La vaccination reprit, initialement préconisée chez les sujets à risque, puis devant l’échec d’une telle stratégie, l’OMS proposa d’en élargir les indications. En 1991 parut la première publication concernant un possible lien entre une vaccination contre le virus B et une maladie démyélinisante. Il s’agissait d’un article de la célèbre revue britannique Lancet rapportant l’histoire de deux infirmières belges qui, pour l’une, allait développer une poussée de sa sclérose en plaques (SEP), connue depuis 7 ans, 6 semaines après sa troisième dose de vaccin et, pour l’autre, une première poussée de SEP, 6 semaines après un rappel, et ceci une année après la primovaccination. En 1993, une nouvelle publication américaine, sous la plume de J.P. Nadler, rapportait un nouveau cas d’une maladie démyélinisante survenue chez un sujet vacciné contre le virus de l’hépatite B. Le 21 avril 1994, Philippe Douste-Blazy, alors secrétaire d’État à la Santé du gouvernement d’Édouard Balladur, lança une grande campagne nationale de vaccination contre le VHB, ciblant les nourrissons et les préadolescents. Cette campagne eut un très grand succès, la France devint alors le premier pays du monde pour la couverture vaccinale, près de la moitié des Français étant vaccinés. Les pharmacies présentèrent alors des difficultés d’approvisionnement, on cria au scandale, à l’irresponsabilité des fabricants de vaccins
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qui n’étaient pas capables de fournir des doses vaccinales nécessaires aux besoins... Certes, l’hépatite à virus B justifiait la vaccination préconisée, cependant le virus B ne s’embusquait pas derrière la porte de chaque maison, menaçant la vie de tous les citoyens français ! Et pourtant, les réactions contre les pénuries momentanées de vaccins furent parfois d’une violence extrême. En mai 1994, un premier cas de myélite après vaccination fut rapporté en France, une enquête de pharmacovigilance fut alors confiée à un centre strasbourgeois. Le 14 décembre 1994, l’Agence du médicament, aujourd’hui appelée Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) rendit un premier rapport expliquant « qu’aucune relation de cause à effet entre le vaccin et les poussées de SEP n’était démontrée ». Cependant, l’Agence décida d’ajouter une précaution d’emploi à la notice de tous les vaccins, stipulant pour les malades atteints de la sclérose en plaques : « Le bénéfice de cette vaccination doit être évalué en fonction des risques d’exposition au virus et du risque encouru ». Dans l’esprit du béotien, la reconnaissance d’une précaution d’emploi ne suppose-t-elle pas la connaissance d’un lien entre le vaccin et la SEP ? En 1996, le débat devint largement public ; par ailleurs une thèse de médecine lyonnaise intitulée Accidents de la vaccination contre l’hépatite B nourrit les inquiétudes et les doutes. Elle déclencha une réaction antivaccinale sous la forme d’une pétition qui fut relayée par un journal, L’Impatient. Un an plus tard, une association de victimes du vaccin contre l’hépatite B vit le jour sur l’initiative d’un médecin généraliste. Parallèlement à ce mouvement, les premières études visant à clarifier le lien entre une SEP et le vaccin furent publiées. En 1997, l’étude menée par une équipe de La Pitié-Salpêtrière s’avéra négative, suggérant l’absence de lien entre la SEP et le vaccin. En 1998, l’étude cas-témoins multicentrique française réalisée auprès de 18 services de neurologie rapporta de nouveau des résultats négatifs. Toujours la même année, une grande étude cas-témoins issue du système de soins britannique portant sur une base de données comprenant 4 millions d’habitants, s’avéra de nouveau négative. Oui mais, dans l’imaginaire collectif, le lien existait désormais et le vaccin devint un sujet de polémique terrible. Après avoir vigoureusement maltraité les fabricants de vaccins pour leur manque de célérité lors des pénuries, les mêmes se voyaient traités
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de criminels, accusés de produire un vaccin véritable poison capable d’induire des maladies neurologiques graves. Dans cette tourmente, le docteur Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la Santé, soumis à de multiples pressions, prit la décision, le 1er octobre 1998, de suspendre les campagnes de vaccination contre l’hépatite B dans les écoles. Il réaffirmait pourtant aussi la nécessité de la vaccination. Cependant, le message perçu fut bien différent ; en effet, dans la population générale, cette annonce fit sonner le glas de la vaccination ; les médecins généralistes et les pédiatres, désemparés par l’ambivalence des informations scientifiques rassurantes et des décisions ministérielles, ne parvinrent plus à conseiller sereinement leurs patients. Les formidables efforts consentis par notre pays depuis une décennie pour faire disparaître le virus B en France furent rapidement amputés. Les ventes de vaccins chutèrent, réduisant d’autant la couverture vaccinale surtout chez les enfants. Malgré la mobilisation de plusieurs sociétés savantes qui organisèrent une conférence de presse le 15 octobre 1998, rappelant que « le risque neurologique hypothétique n’a jamais été rencontré chez l’enfant de moins de 7 ans », que « les données scientifiques sont incontestablement en faveur de la vaccination systématique du nouveau-né et du jeune enfant », rien ne permit une reprise de la politique, pourtant préconisée par l’OMS, concernant la prévention de l’hépatite B. Deux nouvelles études publiées dans la prestigieuse revue américaine de Boston New England Journal of Medicine en février 2001 confirmèrent l’absence de lien entre le vaccin de l’hépatite B et les maladies démyélinisantes. Comment expliquer, après de telles évidences scientifiques, qu’un tribunal condamne les fabricants du vaccin en reconnaissant un lien entre la SEP et la vaccination ? Cette incohérence motiverait l’application du droit d’ingérence éthique. Il ne paraît pas moralement acceptable de condamner des innocents. On peut toutefois expliquer l’origine d’une telle condamnation. La maladie, de nos jours, est vécue comme un préjudice, dans le sens où elle est une atteinte portée à notre bien-être, mais aussi à ce que nous considérons aujourd’hui comme un droit : le droit à la santé. De ce fait, nous pouvons prétendre être indemnisés si nous jugeons que ce droit a été bafoué, et nous nous retournons, dès lors, vers la justice. Cette dernière va œuvrer pour trouver un coupable : sans lui, pas de possibilité d’indemniser. Dans le cas de la sclérose en plaques, la cause de la maladie étant encore énigmatique, le vaccin paraissait un coupable idéal. La justice devrait pourtant
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admettre, preuves scientifiques à l’appui, qu’il n’en est rien, et qu’aussi injuste que soient les séquelles induites par la sclérose en plaques chez les femmes et les hommes qui en sont atteints, il paraît aussi injuste et immoral, sous prétexte qu’il nous faut soutenir les victimes de la sclérose en plaques, de trouver un faux coupable. Ce droit d’ingérence éthique pourrait s’appliquer aussi lors des condamnations des établissements de transfusions sanguines pour une contamination par le virus de l’hépatite C, liée à la transfusion, mais survenue avant 1989. En effet, comment concevoir que le fournisseur du sang puisse détecter un virus ou un autre agent contagieux dont il suspecte certes l’existence, mais pour lesquels il ne possède aucun outil qui permette de les mettre en évidence ? Encore une fois, on peut comprendre à quel point une infection par le virus de l’hépatite C peut être, dans certains cas, invalidante. Cependant, dans le cas d’une hépatite C post-transfusionnelle, ne faudrait-il pas considérer l’indication de la transfusion sanguine ; toutes ces femmes et ces hommes qui, mourants, se sont vus sauvés par la générosité d’un donneur anonyme, devraient garder présent à l’esprit que la transfusion n’a pas été que le véhicule d’un agent viral mais aussi d’une étincelle de vie. Rappelons à cette occasion qu’en France chaque année, 4,2 millions de produits sanguins labiles sont nécessaires pour les malades de notre pays (chiffre de 1992). Lors d’une enquête transfusionnelle, nécessaire au cours de ces procès, il faudrait aussi réfléchir au terrible préjudice moral occasionné chez les donneurs de sang, lié à la découverte pour l’un d’entre eux de sa contamination par le virus C ; alors qu’il pensait par son don anonyme et gratuit avoir fait un geste de solidarité, imaginez les difficultés qu’il éprouve à l’annonce du diagnostic, auxquelles vient se rajouter la terrible culpabilité d’avoir contaminé quelqu’un. Par ailleurs, reconnaître coupable le Centre de transfusion sanguine alors qu’il n’avait aucun moyen de détecter le virus peut paraître totalement immoral. Encore une fois, autant nous pouvons reconnaître pour ces malades le préjudice lié à la maladie en tant qu’atteinte portée à leur bien-être, autant il paraît difficile de comprendre qu’un faux coupable (le Centre de transfusion sanguine) soit condamné pour les indemniser ; ce dernier ayant fourni un produit qui d’après les moyens et connaissances de l’époque paraissait indemne de tout vice. Notre société se sent aujourd’hui redevable vis-à-vis des malades atteints de la sclérose en plaques, de l’hépatite à virus C ou d’autres maladies chroniques qui induisent une atteinte parfois sévère de notre bien-
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être. La solidarité nationale s’exerce déjà dans bien des domaines, prise en charge à 100 % des soins, COTOREP... Il faut certainement réfléchir ensemble à de nouveaux moyens pour étendre cette aide collective aux personnes malades ; cependant, l’utilisation dans ces cas particuliers de la justice comme moyen, afin d’obtenir l’indemnisation d’un préjudice sans coupable clairement authentifié sinon la maladie elle-même, paraît particulièrement dangereuse. Les condamnés non coupables vivent naturellement cette situation comme injuste. En réponse à cette implication de la justice dans le monde médical cherchant à résoudre par l’arbitraire des problèmes de société, nous, professionnels de santé, souhaitons répondre par un droit d’ingérence éthique. Il ne s’adresse pas qu’à la justice, mais aussi à tous ceux qui aujourd’hui accusent injustement la médecine pour en tirer un bénéfice. L’histoire des hépatites nous a dans ce domaine offert deux merveilleux exemples. La médecine, de plus en plus souvent sur la sellette, est loin d’être une science exacte ; elle donnera à ses défenseurs, n’en doutons pas, bien d’autres occasions d’utiliser ce droit d’ingérence éthique dans bien des domaines à l’avenir. Messieurs les juges, la médecine se donne un droit de regard sur vos décisions !
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« Mais il savait cependant que cette chronique ne pouvait pas être celle de la victoire définitive. Elle ne pouvait être que le témoignage de ce qu’il avait fallu accomplir et que, sans doute, devraient accomplir encore, contre la terreur et son arme inlassable, malgré les déchirements personnels, tous les hommes qui, ne pouvant être des saints et refusant d’admettre les fléaux, s’efforcent cependant d’être des médecins. » « La Peste » ; Albert Camus.
HISTOIRE D’UNE MERVEILLEUSE DÉCOUVERTE : L’INTERFÉRON* 1957, souvenez-vous
E
n 1957, Albert Camus recevait le prix Nobel de littérature pour son œuvre ; Spoutnik I mettait 95 minutes pour accomplir une révolution complète autour de la terre à la vitesse de 24 500 km/h ; Laïka fut le premier être vivant dans l’espace ; cette petite chienne mourut après avoir passé six jours en apesanteur ayant épuisé ses réserves d’oxygène et toujours en 1957, l’assemblée nationale, dans notre pays, ratifia le traité de Rome portant création de la communauté économique européenne... En cette même année 1957, deux chercheurs, l’Anglais A. Isaacs (figure 1) et le Suisse J. Lindenmann (figure 2), du National Institute for medical research de Londres (figure 3), subventionnés par l’Académie des sciences médicales suisse, publièrent dans la revue « Proceedings of the Royal Society of London – Series B – Biology Science », un travail portant sur les interférences induites par le virus influenza sur des membranes chorio-allantoïdiennes d’œufs de poule embryonnés. Ils résumèrent ainsi leurs travaux : « Au cours d’une étude sur le rôle joué par le virus influenza inactivé par chauffage, sur la croissance d’une culture de virus * Certaines données sont reprises de l’article : Payen JL. Histoire d’une merveilleuse découverte : l’interféron. Hépato-Gastro 2004 ; 5 : 363-7, avec l’autorisation des Éditions John Libbey Eurotext.
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Figure 1. A. Isaacs.
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Figure 2. J. Lindenmann.
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sur des membranes chorio-allantoïdiennes d’œufs de poule embryonnés, nous avons mis en évidence la production d’un facteur qui apparaît lorsque ces membranes sont incubées avec des virus chauffés. Ce facteur qui induit des interférences avec les membranes chorio-allantoïdiennes est appelé interféron. Après une phase de latence, l’interféron est tout d’abord détecté au sein de la membrane après 3 heures d’incubation, puis il est sécrété dans le surnageant. » Ce fut le début d’une grande aventure.
Interféron et virus, déjà des chemins parallèles Revenons quelques années en arrière. La fin du XIXe siècle fut une période formidablement féconde dans le domaine des découvertes médicales avec notamment la description de nombreux agents pathogènes responsables des maladies infectieuses. Alors que le mot virus signifiait encore : suc, bave, poison, les filtres de porcelaine, largement utilisés à cette époque, permirent de développer le concept d’agents filtrants (qui passent au travers de ces filtres), dénommés bientôt virus filtrants, ultravirus, infravirus... [176, 177].
Figure 3. The National Institute for Medical Research, London.
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Certains considèrent la déclaration d’Émile Roux au cours de l’année 1898 comme étant l’acte de naissance de la virologie ; en effet on peut lire sous la plume de ce pastorien, dans le bulletin no 1 de l’institut Pasteur en date du 28 février 1903 : « jusqu’en 1898, les microbes invisibles n’étaient que des êtres de raison ; les travaux de ces dernières années leur ont donné une réalité. », il parlait alors des virus [178]. En effet, quelques années plus tôt, un jeune russe, D. Ivanovski, découvrait le premier d’entre eux, celui de la mosaïque du tabac, et posait de ce fait la première pierre d’un édifice toujours en construction aujourd’hui, nous étions en 1892 [179]. On chercha subséquemment à cultiver ces agents viraux : virus de la rage, de la peste aviaire, de la vaccine, de la poliomyélite... Au cours de leurs travaux dans ce domaine, A.M. Woodruff et E.W. Goodpasture [180], en 1931, reconnurent l’intérêt de l’œuf de poule embryonné avec sa membrane chorio-allantoïdienne comme milieu de culture pour ces agents. C’est ainsi que, quelques années plus tard, A. Isaacs et J. Lindenmann à Londres, utilisant ce milieu pour leurs travaux, mirent en évidence « l’interféron ». On sait aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’une espèce moléculaire unique, mais de trois familles de protéines : alpha, bêta et gamma dont la production par certaines cellules de l’organisme se fait en réponse à des stimulus. En ce qui concerne l’interféron alpha, il est produit par certains lymphocytes et des macrophages. De nombreux gènes humains codent pour cette molécule. Son effet antiviral fut rapidement mis en évidence pour un nombre important de virus. Toutefois, l’utilisation de ces molécules en thérapeutique était limitée par des problèmes de production. Ainsi pouvait-on lire dans le livre de thérapeutique datant de 1983, sous la plume de Jean Fabre [181] : « Faute de disposer encore de grandes quantités d’interféron, il est difficile de prévoir l’utilité de cette substance dans la pratique quotidienne », l’auteur concluait cependant : « son large spectre antiviral et l’absence de toxicité majeure autorise quelque espoir pour l’avenir aussi bien dans la prophylaxie que dans le traitement des maladies virales ». L’interféron alpha était alors produit par stimulation des leucocytes ou des fibroblastes humains activés par des particules virales ou des brins d’ARN. Malgré ces difficultés d’approvisionnement, des essais de traitement furent réalisés chez des malades chroniquement infectés par le virus de l’hépatite B (VHB). À cette époque, on teste aussi la ribavirine pour traiter les sujets infectés par le VHB, mais sans succès [182]. L’interféron alpha, par ses effets antiviraux, anti-tumoraux, immuno-modulateurs, intéresse au plus haut point les cliniciens,
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apparaissant comme un traitement possible des cancers, des infections virales chroniques... il représente déjà un espoir considérable. Cependant, cette molécule apparaît comme un véritable défi pour les industriels de la pharmacie face à la question de sa production en grande quantité. Plusieurs laboratoires relèveront ce formidable défi en produisant notamment l’interféron alpha par génie génétique dans les années 1980. Il s’agit d’un interféron alpha recombinant très pur dont nous détaillerons les principes de production.
Du bon génie génétique naîtra l’interféron médicament C’est encore à la fin du XIXe siècle que le concept de « gène » se développa sous l’impulsion des travaux de Mendel, Darwin, Weismann, et Pasteur, qui sonnèrent le glas de la vieille « génération spontanée ». En 1866, E. Haeckel observa la responsabilité du noyau cellulaire dans le maintien et la transmission des caractères héréditaires. L’hérédité apparaissait portée par les chromosomes, ces derniers étant reconnus, dès 1871, comme constituants de la chromatine génétique, et ceci grâce aux travaux de Miescher sur des spermatozoïdes de saumons du Rhin [183]. Le comportement des chromosomes apparaissait similaire à celui des « unités mendéliennes ». Le terme de gène se précisa alors comme étant une particule élémentaire située en un point défini d’un chromosome, point que l’on nomme locus, et dont dépendent les caractères héréditaires de l’individu [184]. En 1924, R. Feulgen et H. Rosenbach décrivirent la constitution en acides nucléiques des chromosomes. De nombreuses observations permirent d’affirmer le rôle joué par les gènes dans la transmission des caractères héréditaires, avec notamment le phénomène de mutation [185]. L’ensemble de ces réflexions permit la conception suivante : un gène = une enzyme [186]. Peu à peu le gène fut conçu comme une unité de recombinaison, de fonction et de mutation. Des expérimentations réalisées sur le bactériophage indiquèrent que l’ADN de ce dernier modifiait héréditairement les bactéries parasitées, laissant entrevoir ainsi que les acides nucléiques de ce virus devaient jouer un rôle dans l’hérédité des bactéries. À cette époque où la guerre contre le nazisme enflamma le monde et particulièrement l’Europe, nous étions alors en 1944, le physicien autrichien E. Schrödinger dans son ouvrage : What is life [187] développa l’idée d’un codage de l’information qui aboutirait à la reproduction ;
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observons que pendant ces moments troublés, le cryptage des messages était en plein essor. La question se posait alors, l’ADN reconnu comme molécule porteuse de l’hérédité pouvait-elle s’auto-reproduire, et si oui comment ? Il fallut attendre l’année 1953 pour que la lumière soit faite sur cette molécule d’ADN, sur sa structure ; ainsi, J.D. Watson et F.H. Crick lui attribuèrent une structure en double hélice ; l’hérédité fut définitivement reconnue comme un fait biochimique, la base nucléique, l’unité de recombinaison et l’unité de mutation ne faisant qu’un [188]. La structure des gènes s’affina, ils comportaient environ 1 000 bases nucléotidiques. Des gènes de régulation furent décrits par les Français F. Jacob, J. Monod et A. Wolff [189]. En 1963, le code génétique, ce triplet formé de 3 bases nucléotidiques correspondant à un acide aminé donné, fut établi par M.W. Nirenberg et al. [190]. En 1976, H.G. Khorana réalisa la synthèse complète d’un gène [183], sa structure morcelée, notamment avec les introns et les exons, fut mise en évidence quelques temps plus tard. On décrivit alors précisément le gène comme une entité d’information génétique. Chaque molécule d’ADN correspondant à une succession de gènes codant la synthèse de protéines enzymatiques ou de structure, des régions contrôlant l’activité de ces gènes et d’autres régions enfin, dont on ne connaît pas encore le rôle [191]. Aujourd’hui, un gène correspond à une succession de quelques centaines ou quelques milliers de paires de bases appariées ; on y caractérise quatre régions : un promoteur, une séquence codante, un terminateur, une séquence de régulation [191].
Une révolution biologique : le génie génétique Toutes ces connaissances nouvelles dans le domaine du monde du vivant ouvrirent un champ extraordinaire d’applications qui fut immédiatement sillonné par de nombreuses équipes de recherche. Le génie génétique devint possible grâce à la conjonction de plusieurs méthodes qui, s’associant, permirent de « manipuler » les gènes. Il fallut dans un premier temps transcrire une séquence d’ARN messager et une séquence d’ADN complémentaire ou ADNc, cela fut rendu possible par la découverte de la transcriptase inverse en 1970 dans les virus oncogènes à ADN par H. Temin et D. Baltimore. Puis des endonucléases de restriction, découvertes en 1970 par H.O. Smith, D. Nathans et W. Arber, permirent de découper en petites fractions l’ADN, afin d’obtenir des fragments de l’ordre de quelques milliers de bases. Puis vint
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le temps de la recombinaison in vitro, rendue possible par le développement de l’ADN ligase, elle permit d’intégrer un fragment d’ADN dans un vecteur (plasmides, phages...) lui-même introduit et amplifié dans une bactérie, ce qui aboutit au clonage des gènes, technique initialement développée par P. Berg, H. Boyer et C. Cohen dans les années 1972-1973. Enfin, la méthode de séquençage de l’ADN, élaborée par F. Sanger et A. Coulson, permit de lire le message [192]. La réalisation de sondes détectant des séquences nucléiques spécifiques autorisèrent des synthèses moléculaires comme celles de l’insuline, la bêta-globine, et des interférons (1980) par génie génétique. Ce prodige devenait possible aussi grâce à l’emploi d’enzymes particulières comme les enzymes d’excision, d’épissage... ; les séquences transcrites éliminées par épissage au cours de la maturation du transcrit primaire s’appellent des introns, cela n’évoque-t-il pas le nom choisi par une firme pour son interféron... C’est alors que survint un coup de frein éthique. Les chercheurs se passionnaient, s’émerveillaient des avancées ; cependant, certains perçurent dans ces techniques nouvelles un risque. Les « manipulations génétiques » non maîtrisées pourraient menacer l’humanité, l’environnement. Cette réflexion éthique aboutit en 1974 à un moratoire proposé par P. Berg. Ces débats sur les conséquences possibles du génie génétique verront leur point d’orgue au cours de la conférence d’Asilomar en 1975. Effrayés par leurs nouveaux pouvoirs, les chercheurs entamèrent, avec la société civile, un débat citoyen qui aboutit à des règles contraignantes édictées en 1976 par le National Institutes of Health américain. Cependant, en quelques années les craintes furent levées. Cette interrogation éthique, certainement légitime en son temps, fut pourtant jugée excessive par certains, comme en témoigne la réflexion de l’un des illustres chercheurs de l’époque James D. Watson : « nous avons crié au loup sans l’avoir vu, ni même entendu » [193].
Le développement de l’interféron Au cours de l’année 1961, I. Gresser produisit de l’interféron dit HUIFN synthétisé à partir de leucocytes infectés par le virus Sendai ; deux ans plus tard, le laboratoire Helsinki Public Health débuta la production du HU-leucocyte IFN sous la responsabilité de K. Kantel. Des expérimentions animales et humaines débutèrent avec ces préparations, notamment
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dans le traitement du mélanome malin, et des gouttes ophtalmologiques furent préparées dans la prise en charge des kératites virales. Cependant, il apparut rapidement deux obstacles majeurs à l’utilisation de cette molécule pourtant très prometteuse, d’une part la production d’anticorps dirigés contre les antigènes du virus Sendai, qui limitaient l’action du traitement et posaient le problème de la pureté du HU-leucocyte IFN, et d’autre part de grandes difficultés à produire suffisamment d’IFN ; par ailleurs, les coûts de fabrication du produit étaient très élevés. Pourtant des premiers essais dans le traitement de l’hépatite virale B semblaient encourageants (figure 4). Alors que la découverte de la molécule d’interféron fêtait ses 20 ans, les problèmes de production restaient insolubles et empêchaient le développement clinique de la molécule. En 1978, plusieurs compagnies pharmaceutiques se lancèrent dans la course des manipulations génétiques, Biogen, Cetus, Genetech, Searle, Dupont. Un an plus tard, le Japonais Taniguchi et ses collaborateurs publièrent les premiers la production d’interféron HU-fibroblastique à partir d’un E. coli par recombinaison génétique. En 1980, Weissman et Gilbert annoncèrent la production d’un interféron par clonage : le Hu Le-IFN produit par un E. coli. La molécule étant enfin disponible en quantité raisonnable, les premiers essais cliniques furent entrepris. La tolérance fut évaluée chez les volontaires, puis la molécule fut utilisée dans de nombreuses pathologies hématologiques, notamment dans la leucémie à tricholeucocytes, où les succès thérapeutiques obtenus en 1983 furent très encourageants ; au cours des années 1980, l’essor industriel de la molécule se réalisa et permit une augmentation très importante de la production et de la qualité du produit qui devient très pur. De ce fait, les essais thérapeutiques se multiplièrent dans les tumeurs solides, le syndrome de Kaposi, les condylomes acuminés, et bien entendu en hépatologie dans le traitement des hépatites NA-NB/C et des hépatites à virus B, nous y reviendrons. On mesure sur ce tableau les progrès effectués au cours de 3 décennies : Évolution de la production d’interféron Source Pureté Capacité de production
Hu Leucocytes
Recombinant E. coli
1%
99 %
1g/an
kg/an
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Figure 4. Efficacité de l’interféron alpha (human leucocyte) dans le traitement de l’hépatite chronique à virus B [195].
En 1996, la technologie de pégylation fut développée notamment dans le domaine des interférons ; offrant une nouvelle avancée technique au service des malades, il s’agissait d’associer à la molécule d’IFN une molécule de PEG modifiant la pharmacocinétique de la molécule en diminuant son élimination.
L’interféron devient une véritable arme contre les virus des hépatites Forts de leur expérience dans le traitement de l’hépatite B delta et de celle de plusieurs équipes dans le traitement de l’hépatite à virus de l’hé-
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patite B [194, 195], l’américain Jay Hoofnagle et ses collaborateurs testèrent, en 1985, avec succès, l’efficacité de l’interféron alpha 2b recombinant des laboratoires Schering Plough chez 10 patients chroniquement infectés par le virus NonA-NonB [196] (figures 5 et 6) ; il s’agissait, nous le savons aujourd’hui, du virus de l’hépatite C (VHC) [197]. À partir de cette étude pilote, deux grands essais randomisés furent réalisés aux États-Unis, publiés en 1989 dans le New England Journal of Medicine [198, 199]. Ces études conclurent à l’efficacité de la molécule dans le traitement des hépatites chroniques à VHC, toutefois avec, à l’époque, compte tenu des schémas thérapeutiques utilisés, un faible pourcentage de réponses virologiques prolongées et de fréquentes rechutes. Ces travaux furent confirmés par des équipes françaises, notamment par les travaux de P. Marcellin et al. [200]. L’allongement des périodes de traitement de 24 à 48 semaines permit d’améliorer le pourcentage de réponses prolongées comme le montrèrent T. Poynard et al. [201] chez les patients naïfs, et J.-L. Payen et al. [202] chez les malades rechuteurs. Puis l’adjonction de la ribavirine et la pégylation permirent de multiplier les succès dans la prise en charge des hépatites à virus C. Ces nouveaux progrès thérapeutiques dans la prise en charge des malades atteints d’hépatites chroniques virales B, B-delta et C s’associent notamment au dynamisme des laboratoires Roche qui développèrent l’interféron pégylé alpha 2a et Schering Plough avec le Peg interféron alpha 2b, en attendant l’arrivée de nouvelles molécules dans la prise en charge de l’hépatite chronique virale C, dans les années à venir, qui semblent très prometteuses.
Figure 5. Efficacité du traitement par interféron alfa 2b dans le traitement des hépatites NonA-NonB [196].
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Figure 6. Efficacité du traitement par interféron alfa 2b dans le traitement des hépatites NonA-NonB [196].
On mesure, au travers de l’histoire de l’interféron, combien la découverte d’une molécule peut être dépendante de nombreux paramètres qui vont permettre son véritable épanouissement. Parmi ces facteurs d’accompagnement, retenons l’environnement scientifique avec, notamment dans le cas de l’interféron, le développement du génie génétique. Mais aussi la ténacité des chercheurs qui n’abandonnèrent jamais l’idée que cette molécule avait un potentiel important, ils avaient ferré un élément de choix, encore fallait-il le faire admettre à leurs partenaires. Ici, il nous faut rendre hommage aux professionnels du médicament qui surent prendre des risques en permettant le développement d’une telle molécule qui, comme nous venons de le voir, mit plus de 20 ans pour prendre son véritable envol.
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« Ce qui ennoblit la science, ce qui commande le respect visà-vis de ses serviteurs, ce n’est pas tant l’enrichissement de la connaissance dont s’enorgueillit la communauté humaine ; ce n’est pas tant cette conquête glorieuse sur l’inconnu qui marque les étapes du génie de notre espèce ; ce sont les applications bienfaisantes, les améliorations physiques, les progrès moraux que la collectivité en reçoit. » Charles Nicolle, 1936
CONCLUSIONS
C
inq mille ans d’histoire, une goutte d’eau dans la longue marche de la vie, mais une histoire déjà si riche. Histoire marquée par l’observation des Anciens d’abord, puis par l’extraordinaire développement des techniques de biologie au cours du XXe siècle. Aujourd’hui, nous sommes capables de découvrir des virus comme le virus de « l’hépatite G » ou le virus « TTV » qui infectent l’espèce humaine sans, semble-t-il au vu des connaissances actuelles, entraîner de maladie spécifique. Notre société est toutefois soumise à des choix philosophiques difficiles : faut-il dépister quand même ces agents viraux, notamment dans les dons de sang ? Le risque de transmission est élevé pour le receveur ; par ailleurs, les techniques de dépistage des autres virus comme le virus de l’hépatite C s’affinent, mais au prix d’une augmentation très importante des coûts : devons-nous tout de même utiliser ces nouveaux tests de biologie moléculaire sur les produits dérivés du sang, afin de diminuer encore le risque maintenant infime mais toujours présent de maladie post-transfusionnelle ? La tentation est forte de réduire encore et toujours les risques, mais c’est compter sans les lourdes conséquences sur notre système d’économie de santé qui déjà s’essouffle, sans oublier la limite toujours présente des tests biologiques qui, même s’ils sont d’une très grande fiabilité, laisseront toujours une place aux faux négatifs et aux erreurs humaines. Notre ambivalence face à cette question rejoint nos problèmes actuels de société : nous souhaitons le risque zéro pour notre santé et dans la vie en général, plus de thérapeutique sans échec, plus d’intervention sans un succès assuré de 100 % et dans le cas contraire la planification de l’indemnisation du risque encouru. Or, cette nouvelle exigence des concitoyens envers leur
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médecine choque profondément certains professionnels de santé, dans la mesure où elle est basée sur une approche fausse de l’art que proposent les hommes et les femmes qui exercent la médecine ; comme le faisait remarquer W. Rozenbaum : « Le monde idéal des guérisons unanimes et absolues est un fantasme » [203]. Il n’est pas question ici de passer sous silence les erreurs professionnelles condamnables, cependant, le médecin va, dans bien des cas, être confronté au dilemme suivant : j’ai à ma disposition un traitement connu comme efficace dans la situation présentée par ce malade, toutefois, il existe un risque, par exemple celui de transmettre un virus (transfusion de produits sanguins) ou une bactérie (réanimation lourde), dois-je choisir l’abstention thérapeutique afin d’éviter une éventuelle transmission virale, au risque de voir s’aggraver la santé de mon patient, ou suis-je autorisé à prendre ce risque potentiel d’infection ? Cette situation est extrêmement fréquente dans la pratique médicale. L’évolution actuelle tendant à faire pencher le médecin vers une abstention thérapeutique, évitant de ce fait une complication directement induite par le traitement proposé, risque à terme de nuire gravement au malade qui aura perdu ainsi une réelle chance de guérison. Il nous faudra réfléchir de façon collégiale à cette délicate question en collaboration avec des juristes et tous les autres acteurs de la santé, notamment les associations de malades, afin d’aider le médecin dans son choix. Le dialogue, au sein de notre société et dans la singularité de l’acte médical entre le médecin et son malade, sera probablement la clef de voûte d’une avancée nécessaire et essentielle pour l’exercice serein de la médecine de demain. À l’aube du IIIe millénaire, Robert H. Purcell parle de l’âge d’or de la recherche sur les hépatites [97], bien sûr, nous avons maintenant les outils diagnostiques pour préciser l’agent responsable de la plupart de nos « vieilles jaunisses » ; cependant, il nous faut reconnaître que nous sortons tout juste de l’âge de pierre dans le domaine thérapeutique. Si les pays développés, notamment grâce à la vaccination contre l’hépatite B, qui protège contre les virus B et Delta, sont peu touchés par ces derniers, il n’en est pas de même dans le reste du monde, et nous ne comptons pas moins de 300 millions de sujets porteurs du virus B sur notre planète. Les recherches avancent dans le traitement de l’hépatite C, mais les résultats sont encore en dessous de la barre des 50 % de guérison. Espérons que, dans un avenir proche, on puisse parler des hépatites virales comme on parle aujourd’hui de la variole : « Il était une fois une jaunisse infectieuse qui a disparu de la terre en... ».
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CONCLUSIONS
Remerciements André et Nady Gil Artagnan, Baruch Samuel Blumberg, Claudine Colleu, Y. Fares, Jacques Izopet, Catherine Payen, Michel Rongières, Stephen Feinstone, Mario Rizzetto, Pierre Jammey, Jacques Frexinos, Brigitte Cazalbou, Cécile Barrué, Nicolas Payen, Karl Barange.
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