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French Pages 310 [316] Year 2005
CITOYENNETÉ A LA
BASSE
ET
ÉPOQUE
PARTICIPATION HELLÉNISTIQUE
wWwW.droz.org
ÉCOLE
PRATIQUE
DES HAUTES
ÉTUDES
Sciences historiques et philologiques
IM HAUTES
ETUDES
DU
MONDE
GRECO-ROMAIN
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CITOYENNETE
ET PARTICIPATION A LA BASSE EPOQUE HELLENISTIQUE Actes de la table ronde des 22 et 23 mai 2004, Paris, BNF
organisee par le groupe de recherche dirige par Philippe Gauthier de l'UMR 8585 (Centre Gustave Glotz)
édités par PIERRE
FRÖHLICH
ET CHRISTEL
LIBRAIRIE DROZ 11. rue Massot
MÜLLER
S.A.
GENEVE 2005 A la librairie Champion, 3 rue Corneille - Paris
ISBN : 2-600-01052-1 ISBN-13 : 978-2-600-01052-8 ISSN : 1016-7005 Copyright 2005 by Librairie Droz S.A., 11, rue Massot, Genève All rights reserved. No part of this book may be reproduced or translated in any form, by print, photoprint, microfilm, microfiche or any other means without written permission.
Avant-propos
Jean-Louis FERRARY Membre de l’Institut
École pratique des hautes études Directeur de l’UMR 8585 -- Centre Gustave Glotz, Paris
U SEIN du « Centre Gustave Glotz. Recherches sur les mondes hellénistique et romain (UMR 8585 - CNRS, EPHE, Paris I, Paris IV) »,
un groupe de recherche s’est constitué sur « Les institutions des cités grecques de la basse époque hellénistique aux débuts du Principat », animé par Philippe Gauthier (Institut de France, EPHE) et regroupant Alexandru Avram (univ. du Maine), Jean-Marie Bertrand (Paris D), Andrzej Chankowski (Lille III), Édouard Chiricat, Jean-Louis Ferrary (Institut de France, EPHE), Pierre Fröhlich (Paris I), Patrice Hamon (univ. de Rouen), Anna Heller (univ. de Limoges), Christine Hoet-Van Cauwenberghe (Lille IH), François Lefèvre (Paris IV), Christel Müller (Paris I), Denis Rousset (EPHE), Ivana Savalli-Lestrade (CNRS) et Michel Sève (univ. de Metz). Ce volume contient les actes d’une table ronde orga-
nisée par ce groupe, qui s’est tenue les 21 et 22 mai 2004 dans la salle des commissions de la Bibliothèque nationale de France (site Richelieu). Aux intervenants membres du groupe avait bien voulu se joindre Michael Wörrle, directeur de la Kommission für Alte Geschichte und
Epigraphik des Deutschen Archäologischen Instituts (Munich), tandis que les conclusions avaient été tirées par Claude Vial (Montpellier II). La préparation du volume a été assurée par Pierre Fröhlich et Christel Müller. Nous remercions chaleureusement Laurent Dubois et Jean-Loup Lemaitre, qui ont bien voulu l’accueillir dans la collection « Hautes études du monde gréco-romain » de l’École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques.
Abréviations Ne sont indiquées ci-dessous que les abréviations des publications citées en note. Pour les revues, sauf exception, les abréviations sont celles de l’Année philologique et pour les corpus et recueils d’inscriptions, celles
du Guide de l’épigraphiste.
ÉTIENNE et KNOEPFLER,
ΚΒ. ÉTIENNE
Hyettos
Béotie et la chronologie des archontes fédéraux entre 250 et 171 avant J.-C. (BCH Suppl. 3), Athènes-Paris, 1976 M. FEYEL, Contribution à l’épigraphie béotienne, Le Puy, 1942 Ph. GAUTHIER, Les cités grecques et leurs
FEYEL, CEB GAUTHIER, Bienfaiteurs
et D. KNOEPFLER,
Hyettos
de
bienfaiteurs (rM-f" siècle avant J.-C.), Contri-
bution à l'histoire des institutions (BCH Suppl. 12), Athenes-Paris, 1985 MIGEOTTE, Emprunt
MIGEOTTE, Souscriptions
L. MIGEOTTE, L’Emprunt public dans les cités grecques, recueil des documents et analyse critique, Québec-Paris, 1984 L. MIGEOTTE, Les souscriptions publiques dans
les cités grecques (École pratique des hautes études, Hautes Études du monde gréco-romain, 17), Genève-Québec,
Quass, Honoratiorenschicht
1992
Fr. Quass, Die Honoratiorenschicht in den Städten des griechischen Ostens. Untersuchungen zur politischen und sozialen Entwicklung in hellenistischer und römischer Zeit, Stuttgart,
ROESCH, EB
1993 P. RoEscH, Études beotiennes, Paris, 1982
RoESCH, Thespies
P. ROESCH,
Thespies et la confédération béo-
tienne, Paris, 1965 SCHMITT-PANTEL, Banquet
P. SCHMITT-PANTEL, La cité au banquet, Rome -
Paris, 1992
Introduction Philippe GAUTHIER Membre de l’Institut École pratique des hautes études UMR 8585 -- Centre Gustave Glotz, Paris
A
avoir souhaité la bienvenue à tous, spécialement à ceux qui sont venus de loin, je dirai quelques mots au sujet du titre retenu pour notre colloque, espérant ainsi introduire nos débats. Commençons par la seconde partie de ce titre et reconnaissons aussitôt nos dettes. C’est Louis Robert qui a, sinon inventé, du moins mis en valeur l’expression « basse époque hellénistique » en conférant à cette expression une valeur historique. Il entendait par là « le 11° et le 1“ s. av. J.-C. » (ainsi dans le commentaire du décret d’Hanisa en Cappadoce honorant un citoyen bienfaiteur, Apollônios, fils d’ Abbas, Noms indigènes [1963], p. 481), tout en précisant parfois « le I“ 5. av. J.-C. et le π΄ 8. av. J.-C. (plus ou moins) avancé » (ainsi Bull. ép. 1978, 19, p. 390). Quant
à la signification historique que donnait à cette expression L. Robert, je ne puis mieux faire que citer une page de la Revue des études anciennes (1960, p. 325-326, reprise OMS II, p. 841-842), dans laquelle il traitait du décret de la Confédération lycienne pour une évergète de Corinthe, Junia Theodora : Après le style proprement hellénistique, tel que permettent de l’étudier une foule d’inscriptions, Diodore et Polybe, la « basse époque hellénistique » a introduit la rhétorique de l’époque. Je crois que cela tient notamment à un fait social. De plus en plus l’évolution de la société enlève les affaires des cités à l’action souveraine de l’assemblée du peuple et de la démocratie et les met aux mains d’une minorité, plus ou moins héréditaire, de notables, qui assurent de leur fortune bien des services essentiels de l’État et reçoivent en retour des honneurs de plus en plus nombreux et éclatants. Cette nouvelle aristocratie des cités possède une éducation soignée, elle honore et cultive la παιδεία; la rhé-
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PHILIPPE GAUTHIER
torique prend de plus en plus de place dans la formation de la jeunesse et des élites, etc.
Je citerai encore l’étude de L. Robert consacrée au décret d’Éphèse
en l’honneur d’un gymnasiarque, Diodôros, fils de Mentôr, RPh, 1967, p. 7-14 (OMS V, 347-354). Les éditeurs de ce décret (J. Keil et G. Maresch, Jahreshefte Akad. Wien 45 [19601], p. 75-100) avaient proposé, non sans hésitation (« wohl »), de le dater du nr siècle av. J.-C. L. Robert réfuta cette datation, écrivant (loc. cit., p. 11 = 351): Le style témoigne de façon massive et répétée que ce décret ne peut être du ur 5. Nous lisons là un spécimen caractéristique d’une phraséologie morale et politique qui n’est pas antérieure au 11 siècle, et sans doute à une partie avancée du 11" siècle ; c’est le style de la basse époque hellénistique.
Cette périodisation ainsi que sa valeur historique ont été approuvées et ont fait l’objet d’analyses ou de commentaires variés, notamment en France. Ainsi, P. Debord, dans les actes d’un colloque tenu à Strasbourg en 1985 et publié en 1987, Sociétés urbaines, sociétés rura-
les dans l’Asie Mineure et la Syrie hellénistiques et romaines, a publié (p. 29-40) une étude intitulée « Stratifications sociales en Asie Mineure
occidentale à l’époque hellénistique ». Il y a souligné le contraste entre haute et basse époque hellénistique. À propos de celle-ci, il croyait pou-
voir constater « une dépolitisation réelle de la vie publique et la croissance du poids de l’évergétisme » ; et il écrivait : « La cité repose économiquement sur les épaules de quelques-uns » (loc. cit., p. 39). Pour ma
part, dans un ouvrage d’histoire des institutions intitulé Les Cités grecques et leurs bienfaiteurs (1985), j ai osé opposer le Iv* s. et la haute époque hellénistique d’une part, la basse époque hellénistique d’autre part, écrivant à propos de celle-ci (p. 73) : « Étant moins lié ou n’étant
plus lié à l’exercice des fonctions publiques, l’évergétisme perd peu à peu son caractère strictement civique ; le contrôle du peuple s’amenuise
ou disparaît ». Plus récemment, dans une étude (Tekmeria, 5 [2000], p. 39-62) consacrée au décret de Thessalonique pour un citoyen bienfai-
teur, Parnassos, document exactement daté de 62/1 av. J.-C., j'ai réuni les exemples de décrets — une dizaine — où il est spécifié que les bienfaiteurs avaient décidé et annoncé qu’ils assumeraient eux-mêmes les frais des honneurs octroyés par le peuple, en particulier les frais (importants)
INTRODUCTION
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de construction de la ou des statue(s). J’ai alors noté que ces exem-
ples dataient tous de la basse époque hellénistique et que les évergètes en question déclaraient qu’en agissant de cette façon ils demeuraient
« fidèles à eux-mêmes », ou bien « fidèles à l’attitude de leurs ancêtres », évoquant ou dévoilant ainsi leur appartenance à une sorte de caste
plus ou moins héréditaire de notables. J’ai noté également que, tout en soulageant la communauté civique de dépenses non négligeables,
ces évergètes réduisaient objectivement l’autonomie de la communauté civique en tant qu’instance de décision. D’autres historiens se sont exprimés dans un sens différent. Certains d’entre eux ont révoqué en doute l’utilité, sur le plan historique, d’un
découpage entre haute et basse époque hellénistique. Je passerai rapidement sur les remarques critiques qu’a présentées à ce sujet Fr. Quass dans son ouvrage intitulé Die Honoratiorenschicht in den Städten des griechischen Ostens (1993), notamment p. 15-16. Ce savant, en effet, s’agissant
du rôle des notables dans leur cité, croit apercevoir une continuité quasi parfaite depuis l’époque classique jusqu’à la fin du Haut-Empire romain et il voit dans les cités grecques des communautés perpétuellement dépendantes soit de leurs notables, soit des rois puis des empereurs ou de leurs représentants, au cours de ces six siècles. Tout en saluant l’érudition de l’auteur, j'ai esquissé la critique de l’interprétation historique qu’il a présentée (cf. Bull. ép. 1994, 194) et je n’y reviens pas ici.
Je citerai en revanche Claude Vial qui, dans une utile synthèse intitulée Les Grecs de la paix d’Apamee à la bataille d’Actium (1995), écrivait en conclusion (p. 251) : L'expression « basse époque hellénistique » est traditionnelle. Elle a été quelquefois utilisée dans cet ouvrage, pour des raisons de commodité. Mais elle n’a pas de sens historique. C’est seulement pour la Macédoine et une partie de la Grèce continentale que les événements des années 200-189 ont représenté un choc violent... Ailleurs, en Asie, en Égée,
à Athènes, la vitalité et la prospérité sont les mêmes après 189 qu’au ur 5. ; elles sont parfois plus grandes... Pour toutes ces régions, le grand tournant s’est produit lors de la première guerre de Mithridate.
Je citerai enfin, ou plutôt je résumerai l’intervention tranchante de
Chr. Habicht en 1993 lors du colloque de Munich dont les actes furent ensuite publiés sous le titre Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus (1995, M. Wörrle et P. Zanker éd., p. 87-92). À la question « Ist ein
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“Honoratiorenregime” das Kennzeichen der Stadt im späteren Hellenismus ? » Chr. Habicht répondait par la négative. Non qu'il mit en doute le rôle prépondérant d’une petite minorité de notables dans les cités de la basse époque hellénistique ; mais, selon Habicht, qui partageait dans une certaine mesure, semble-t-il, l’opinion de Fr. Quass, il en allait déjà de même à la période classique puis à la haute époque hellénistique. En effet, rappelle Chr. Habicht, aucun régime démocratique ne peut prospérer ni même se maintenir sans l’appui et le concours d’une minorité, c’est-à-dire d’une « élite » qui jouit de la confiance (certes point inébranlable) du peuple et qui fournit les stratèges, les ambassadeurs, les responsables des finances, les gymnasiarques etc. dont la cité a besoin.
Il en allait ainsi également à la basse époque hellénistique. Chr. Habicht précise que cette minorité agissante ne constituait pas une « classe », mais un groupe plus ou moins mouvant, non structuré; il admet toutefois que l’accumulation des honneurs civiques (le fait que le même
bienfaiteur soit gratifié dans la cité de plusieurs statues et de couronnes « perpétuelles ») et l’attribution d’honneurs inouïs (l’inhumation soit à
l’agora, soit au gymnase considéré comme une seconde agora, l’institution d’un culte du vivant même du bienfaiteur) représentent des nouveautés importantes. Mais il conclut en rappelant que cette « élite » diri-
geante avait toujours besoin (et dépendait donc) de la confiance et de l'approbation du corps civique. Au début d’un colloque ayant pour titre celui que nous avons retenu,
les quelques citations ou commentaires que je viens de faire ou de rappeler montrent qu’il n’est sans doute pas inutile de préciser deux points. D'abord, dans notre esprit, l’expression « basse époque hellénistique » n’est pas et ne doit pas être affectée d’un signe négatif, par opposition à une « haute époque hellénistique » qui serait considérée comme plus prospère ou plus glorieuse. Il s’agit simplement, à nos yeux, d’une époque différente, en particulier d’une époque de transition entre deux périodes plus ou moins durables et stables, d’une part la haute époque hellénistique, au cours de laquelle les communautés civiques avaient appris à composer, non sans déboires, avec les rois ou les représentants des monarchies heritieres d’ Alexandre, et d’autre part le Haut-Empire romain qui introduisit un ordre politique nouveau pour l’ensemble du monde grec. Ensuite nous serons d’accord, je présume, pour admettre que l’étiquette « basse époque hellénistique » recouvre des histoires passablement différentes selon les régions du monde grec et que, par conséquent,
INTRODUCTION
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elle pourra être appliquée, selon les régions, à des périodes plus ou moins
longues et caractérisées par des traits différents ici et là. Au sujet de l’ Asie Mineure et du monde égéen, je l’ai rappelé, Claude Vial estime que « le grand tournant s’est produit lors de la première guerre de Mithridate ». Pour ma part, je serais tenté, s’agissant de l’ Asie Mineure, de le situer un
peu plus haut, vers les années 133-125, années où se placent d’abord la fin de la monarchie attalide, qui depuis 188 contrôlait une grande partie
de l’Anatolie, puis la création de la province d’Asie et l’entrée en scène des publicains. Mais, il faut l’admettre, le choix de telle coupure plutôt que de telle autre reste sujet à discussion. À propos de la Grèce péninsulaire, on peut faire commencer la basse époque hellénistique vers 168, après Pydna et la suppression de la monarchie macédonienne, ou seule-
ment vers 146, après la désastreuse guerre d’Achaie. « Un peu partout, écrivait Édouard Will, on constate (alors) une évolution oligarchique des
institutions, analogue à celle qui se manifeste dans les cités sujettes de Rome » (Histoire politique du monde hellénistique IP [1982], p. 397). En fait, cette constatation est loin d’être vérifiable dans la plupart des cités. Mais la remarque d’Edouard Will me conduit naturellement au second
point que je dois brièvement évoquer dans cette introduction. TT
Citoyenneté et participation : le titre que nous avons retenu est évidemment inspiré d’Aristote, en particulier du livre III de la Politique. Pour le Stagirite, qui n’envisage que des communautés civiques de taille
modeste ou moyenne, les différentes définitions du citoyen contiennent toutes la notion de participation : « participation à l’exercice de la justice (krisis) et au pouvoir conféré au magistrat (archè) », droit de « par-
ticiper au pouvoir délibératif ou judiciaire » (koinônein archès bouleutikès à kritikès) ; « la cité est une communauté de citoyens auxquels est
reconnue la possibilité de participer au pouvoir » ; etc. Le lecteur de la Politique se rend bien compte, au fil des pages, que la citoyenneté, aux yeux de l’auteur, est moins un statut, plus ou moins enviable, qu'une fonction, plus ou moins absorbante. Ces définitions aristotéliciennes sont consignées au seuil de l’époque hellénistique. Or de très nombreux décrets de la haute époque hellénistique, émanant de toute sorte de cités, lorsqu'ils confèrent la politeia à
un ou plusieurs étrangers méritants, contiennent l’idée de participation :
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PHILIPPE GAUTHIER
« et qu’un tel soit citoyen et qu’il participe à tout ce à quoi participent aussi tous les autres citoyens », avec parfois des précisions intéressantes comme celles qui figurent dans les décrets de Priène de la fin du 1v°s., en particulier « la participation aux affaires sacrées et aux magistratures », kai hiérôn Καὶ archeiön métousian. En va-t-il de même à la basse époque hellénistique ? La participation d’un grand nombre de citoyens aux instances politiques (Conseil, Assemblée, tribunaux) est-elle encore attestée ou perceptible dans notre documentation, ni plus ni moins qu’à la période précédente ? Ou bien constate-t-on, ici ou là, que le Conseil (ou telle commission du Conseil) devient l’institution essentielle pour
la prise de décision ? Les citoyens demeurent-ils, en droit et dans une certaine mesure en fait, les acteurs de la vie politique, ou bien deviennent-ils les obligés, consentants ou résignés, d’une minorité de notables fortunés, formant peu à peu une sorte de caste héréditaire ?
Autre champ de réflexion possible. Il y a un peu plus d’un demisiècle, en 1949 et 1950, David Magie dans son ouvrage Roman Rule in Asia Minor brossait un tableau assez sombre de la situation éco-
nomique et sociale, mais aussi politique, des cités d’Asie à la basse époque hellénistique. De son côté, Johannes Touloumakos achevait et
publiait en 1967 une étude intitulée Der Einfluss Roms auf die Staatsform der griechischen Stadtstaaten des Festlandes und der Inseln im
ersten und zweiten Jhdt. v. Chr. (Göttingen, 1967). Cette étude, bornée à l’étude littérale du formulaire des décrets, est historiquement décevante (cf. notamment J. et L. Robert, Bull. ép. 1969, 82). À présent, en explorant la voie ouverte par J.-L. Ferrary dans sa thèse, Philhellénisme et
impérialisme (1988), et en tirant parti de la belle moisson épigraphique récoltée depuis une trentaine d’années, notamment en Asie Mineure, ne pourrait-on analyser de façon plus pertinente et plus féconde les consé-
quences de la conquête ou plus généralement de la domination romaine sur les institutions politiques et donc sur le contenu de la citoyenneté en pays grec à la basse époque hellénistique ? Les participants au présent colloque n’ont évidemment pas l’ambition d’apporter des réponses précises et définitives à d’aussi vastes questions, mais plus simplement d’étudier, à partir de l’analyse attentive des documents eux-mêmes, quelques exemples instructifs, d’ouvrir des pistes pour une réflexion ultérieure et de poser ainsi quelques jalons en vue d’une synthèse sans doute « pour longtemps encore prématurée ».
Alors, chers collègues et amis, au travail!
I CONTOURS
DU
CORPS
CIVIQUE
Devenir une cité : Poleis nouvelles et aspirations civiques en Asie Mineure à la basse époque hellénistique Ivana SAVALLI-LESTRADE UMR 8585 - Centre Gustave Glotz, Paris
A DIFFUSION de la polis est l’un des phénomènes les plus marquants de l’Orient hellénistique. En Asie Mineure, l’on peut distinguer
deux processus. Le premier est la fondation, due à l’impulsion individuelle de dynastes ou de rois, de poleis nouvelles, qui sont cependant
rarement créées ex nihilo, et se développent le plus souvent à travers l’agrandissement d’un établissement grec et/ou indigène préexistant, l’union de deux communautés ou plus par syn&cisme ou par sympolitie
et l’apport d’une population de colons gréco-macédoniens. Cette grande ‘vague de fondations « dynastiques » s’épuise, semble t-il, avec les rois des monarchies périphériques (Cappadoce, Bithynie, Pont, Commagène) et avec Pompée (fondateur ou réorganisateur en particulier de onze villes capitales d’autant de districts dans le Pont et la Bithynie)'. Le second processus est la transformation autonome de communautés urbaines ou rurales indigènes en poleis, suivant une évolution qui est en
grande partie liée à l’hellénisation. Les résultats sont manifestes surtout à l’époque impériale, mais dans certaines régions comme la Lycie occi1.
Sur les fondations dynastiques et royales, cf. V. TSCHERIKOWER, Die hellenistischen Städtegründungen von Alexander dem Grossen bis auf die Römerzeit, Leipzig, 1927, passim ; G. M. COHEN, The Hellenistic Settlements in Europe, the Islands, and Asia Minor, Oxford, 1995, passim et liste des fondateurs, p. 413-419. Sur l’œuvre de Pompée, cf. A. DREIZEHNTER, « Pompeius als Städtegründer », Chiron, 5
(1975), p. 213-245 ; Chr. MAREK, Stadt, Ära und Territorium in Pontus-Bithynia und Nord-Galatia, Tübingen, 1993, p. 26-46.
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IVANA
SAVALLI-LESTRADE
dentale et orientale? ou la Pisidie?, l’existence de cités de type grec est attestée de bonne heure, déjà à la haute époque hellénistique. Υ a-t-il une corrélation entre ces deux types de processus, c’est-à-dire entre l’initiative individuelle et « signée » de dynastes et de rois et l’initiative collective et « anonyme » des communautés locales ? Comment
les cités nouvelles construisent-elles leur identité ? L’étude des dossiers concernant trois cités apparues au cours du ur 5. av. J.-C. : Toriaion, dans la Phrygie orientale, Aphrodisias, dans la Carie orientale, Antioche du Pyrame, dans la Cilicie Plane, fournit quelques éléments de réponse à ces questions. Accessoirement, cette mise au point permettra d'évaluer
le bien fondé de la répartition chronologique entre haute et basse époque hellénistique. Toriaion (SEG 47, 1745) ou l'avènement d’une polis sujette La publication, par Lloyd Jonnes et Marijana Ricl*, de trois lettres d’Eum£ne II gravées sur une stèle provenant du site de l’antique Toriaion/Tyriaion a donné lieu à plusieurs commentaires °. Il s’agit d’un dossier exceptionnel, qui enregistre pour ainsi dire l’acte de naissance d’une polis dans les années suivant le traité d’ Apamée. Ces textes soulèvent plusieurs questions directement liées à la problématique que je viens d’esquisser. Le changement de statut des katoikountes de Toriaion est l’aboutissement d’un processus initié par les intéressés eux-mêmes. C’est un cas jusqu'ici quasi unique de polis sujette qui voit le jour non pas par la 2. 3.
Chr. SCHULER, Ländliche Siedlungen und Gemeinden im hellenistischen und rômischen Kleinasien, Munich, 1998, p. 211-215. St. MITCHELL, « Hellenismus in Pisidien » dans E. SCHWERTHEIM (éd.), Forschun-
gen in Pisidien, Bonn, 1992, p. 1-27; H. BRAND, « Adada-eine pisidische Kleinstadt in hellenistischer und römischer Zeit », Historia, 51 (2002), p. 385-413.
4.
L.Jonnes et M. Rice, « A New Royal Inscription from Phrygia Paroreios : Eumenes II Grants Tyriaion the Status of a Polis », ZA, 29 (1997), p. 1-29 (SEG 47, 1745); L. JONNES, The Inscriptions of the Sultan Daßı, Bonn, 2002, n° 393.
5.
Ph. GAUTHIER, Bull. ep. 1999, 509; Chr. SCHULER, « Kolonisten und Einheimische in einer Attalidischen Polisgründung », ZPE, 128 (1999), p. 124-132, A. BENCIVENNI, Progetti di riforme costituzionali nelle epigrafi greche dei secoli IV-II a.C.,
Bologne, 2003, p. 333-356; I. SAVALLI-LESTRADE, « L'élaboration de la décision royale dans l’Orient hellénistique », dans Fr. PROST (éd.), L'Orient méditerranéen de
la mort d'Alexandre aux campagnes de Pompée, Rennes, 2003, p. 17-39 : p. 20-21.
DEVENIR UNE CITÉ
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volonté d’un roi, mais à la demande de ses « aspirants citoyens ». Quasi unique, cependant, car la démarche des Toriaitai en évoque une autre,
qu'il faut rappeler nonobstant la diversité du contexte. En 175, le grandprêtre Jason reçoit d’Antiochos IV l’autorisation de transformer Jérusalem en « Antioche » de Judée. Le texte qui nous renseigne de manière très allusive sur cet événement se prête à deux interprétations entre lesquelles il est difficile de trancher. Jason, rival de son frère Onias III, se rend à Antioche de Syrie pour demander la nomination à la charge de
grand-prêtre et, simultanément, « la faculté d’instituer un gymnase et un ephèbeion et d’inscrire les habitants de Jérusalem comme Antiochéens (ou : de dresser la liste des Antiochéens de Jérusalem) ». Autrement dit,
Jason souhaite soit que Jérusalem toute entière devienne une nouvelle Antioche, à l’exemple de nombreuses fondations ou refondations séleucides de ce nom qui ont vu le jour en particulier sous le règne d’ Antiochos IV, soit qu’un groupe de « Jérusalemites » forme un corps distinct et privilégié, une sorte de politeuma, à l’intérieur de la population de Jérusalem. La première interprétation semble grammaticalement et historiquement la plus plausible, comme l’ont montré Éd. Will et Cl. Orrieux ?, malgré les nombreuses difficultés qui se posent dès que l’on songe à la mise à exécution de ce projet (délimitation du corps civique, institutions politiques, relations avec la chöra, etc.). D'après ces auteurs, le grand-prêtre Jason aurait obtenu l’autorisation d’agir (assortie éventuellement d’une lettre royale), parce qu’il était en même temps le représentant de l’autorité royale en Judée. Quoi qu’il en soit de cette hypothèse (qui, aujourd’hui, pourrait être renforcée par la connaissance du rôle de ktistai de certains stratèges lagides : Aétos, Boéthos®), l’on peut 6.
I Macc. 4,9 : reçu en audience (δί ἐντεύξεως) par le roi, Jason promet de lui verser cent cinquante talents, en plus de l'argent déjà versé pour acheter le grand pontificat,
ἐὰν ἐπιχωρήθῃ διὰ τῆς ἐξουσίας αὐτοῦ γυμνάσιον καὶ ἐφηβεῖον αὐτῷ συστήσασθαι καὶ τοὺς ἐν Ἱεροσολύμοις Ἀντιοχεῖς ἀναγράψαι. Le roi consent (TI Macc. 4, 10 : ἐπινεύσαντος δὲ τοῦ βασιλέως). Notons au passage l’emploi du verbe ἐπινεύω, utilisé aussi dans la I lettre d’Eumène aux katoikountes de Toriaion ([. 14).
7.
Ed. Wii et CI. ORRIEUX, foudaïsmos-Hellènismos. Essai sur le judaïsme judéen à l'époque hellénistique, Nancy, 1986, p. 116-119.
8.
Sur Aétos (et sur son fils et successeur Thraséas), voir en dernier lieu A. BEN-
CIVENNI, op. cit., p. 299-331 ; sur Boéthos, H. HEINEN, « Boéthos, fondateur de
poleis en Égypte ptolémaïque », dans L. MOOREN (éd.), Politics, Administration and Society in the Hellenistic and Roman World, Louvain, 2000, p. 123-150.
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IVANA
SAVALLI-LESTRADE
tout au moins considérer que Jason était le porte-parole d’une élite de Juifs hellénisés, désireux d’acquerir un statut plus conforme à leur train
de vie, lequel accordait une place importante à l’éphébie et au gymnase,
sans pour autant renier la Loi”. Nous ignorons les termes exacts de la requête présentée par les Toriaitai. Dans sa réponse, Eumène II précise que leurs envoyés ont fait valoir le « dévouement envers nos affaires » (1. 8-9 : ἀξ[ι]ώσαντας δὲ δι᾿
ἣν εἰς τὰ ἡμετέρα πράγματα ἔχετε εὔνοιαν ἐπιχωρηθῆναι ὑμῖν πολιτείαν; cf. 1. 24-25) et « l’attachement sans faille envers nos intérêts »
(Ι. 12-13 : πρὸς πάντα ἀπροφασίστως ἔχετε τὰ συμφέροντα ἡ[μ]ν). À l’époque impériale, nous savons que les communautés villageoises soumettaient parfois une demande très circonstanciée à l’empereur, afin d’obtenir le statut et le nom de ciuitas. Les Tymandenoi de Pisidie (fin du π΄ -début du ur 5. apr. J.-C.) et le demos d’Orkistos en Phrygie (325
apr. J.-C.), qui dépendait alors de Nakoleia, signalent divers critères justificatifs (en particulier, un nombre suffisant de décurions, dans le
premier cas; en plus de cela, la condition passée de ciuitas et les avantages naturels du site, dans le second cas) "°. Les envoyés des Toriatiai
ont dû peindre sous son meilleur jour l’état de leur communauté, mais il nous semble vain de spéculer sur la teneur exacte de leur communi-
qué. L’insistance sur la loyauté et le lien étroit entre politeia et gymnase suggèrent toutefois que, parmi leurs arguments, ceux du nombre d’ habi-
tants et de leur capacité à assumer la défense du territoire devaient avoir une place de choix. Les lettres d’Eumène IT aux Toriaitai nous montrent avec quelle maestria le roi de Pergame affirme son autorité royale en se démarquant de la politique jugée lâche et inconsistante d’Antiochos III et en
transformant son assentiment à la requête des katoikountes de Toriaion en acte de décision souveraine. A. Bencivenni va jusqu’à considérer qu’Eumène II cherche à récupérer l'initiative face au « projet » émanant des katoikountes. En vérité, une donnée est incontestable : malgré certaines potentialités matérielles (situation stratégique sur la route 9.
M. SARTRE, D’Alexandre à Zénobie : Histoire du Levant antique,
M 5. av. J.-C.-
uf 5. apr. J.-C., Paris, 2001, p. 340-342. 10. F. MILLAR, « The Greek City in the Roman Period », dans M. H. Hansen (éd.), The Ancient Greek City-State, Copenhague, 1993, p. 232-260 : p. 240. Cf. Chr. SCHULER, op. cit. (n. 2), p. 229-230; p. 240; Appendice épigraphique : Ο 57 betE35d.
DEVENIR UNE CITÉ
13
reliant Éphèse à la Mésopotamie, territoire fertile) et institutionnelles (existence d’une structure quasi-gymnasiale antérieurement au changement de statut et, semble-t-il, d’un minimum d’organisation collective), les Toriaitai (pas plus que les Juifs hellénistes) n’auraient pu modifier leur condition sans l’autorisation royale, parce qu’ils n’étaient pas libres. Donc, il ne faut pas s’attendre, en pays sujet, à des phénomènes d’« auto-promotion » !! d’une kômè, d’une katoikia, etc. au rang de polis : il peut y avoir des manifestations de vie « politique », c’est-àdire des décisions collectives, adoptées et exprimées sous la forme de décrets, comme chez les Neoteicheitai et les Kiddioukomitai de l’inscription de Denizli (267 av. J.-C.) dans le territoire de la future Laodi-
cée du Lycos !?, mais le passage vers la polis est assisté ou piloté par l’autorité royale (représentée par le roi, un prince ou un fonctionnaire). Ce modèle vaut aussi pour l’époque impériale. L’intitulé de la seconde lettre d’Eum£ne IT officialise, comme le précise le roi lui-même ‘*, le nouvel état de cité (politeuma) reconnu
à l’établissement de Toriaion : « Le roi Eumène au Conseil et à l’ Assemblée des Toriaitai, salut ». Toriaion pourra être considérée une polis tout d’abord parce que le roi la déclare comme étant telle, en s’adressant, conformément aux usages courants, aux instances délibératives de
la cité. On peut dire que l’acte de donner le « nom » de polis, acte qui revient de norme au fondateur et ne se confond pas nécessairement avec l'attribution d’un nouveau toponyme, est véritablement constitutif de
l'identité juridique d’une polis nouvelle “, 11.
M. SARTRE, L’Asie Mineure et l’Anatolie d'Alexandre à Dioclétien, Paris, 1995, p. 48.
12.
M. WÖRRLE, « Antiochos I., Achaios der Ältere und die Galater », Chiron, 5 (1975),
p- 59-87 , Chr. SCHULER, op. cit., p. 188-190. 13. 14.
SEG 47, 1745, 1. 34-37 : Περί te τοῦ νομίζεσθαι πολίτευμα τὸ ὑμέ[τ]ε[ρ]ον, αὐτὸς Ev τῇ ἑτέραι ἐπιστολῇ καταρξάίμ)ενος πίρΙΙοσίπ]εφώνηκ[α!]. Selon une tradition recueillie par Strabon (XIII, 1, 26 [593]}, dont la véridicité
historique est cependant discutée, après la bataille du Granique Alexandre embellit d’offrandes le sanctuaire d’ Athena Ilias, jusqu'alors très modeste, et donna au village d’Ilion le nom de cité (τὴν δὲ τῶν Ἰλιέων πόλιν τῶν νῦν τέως μὲν κώμην
εἶναί φασι, τὸ ἱερὸν ἔχουσαν τῆς Ἀθηνᾶς μικρὸν καὶ εὐτελές, Ἀλέξανδρον δὲ ἀναβάντα μετὰ τὴν ἐπὶ Γρανίκῳ νίκην, ἀναθήμασί τε κοσμῆσαι τὸ ἱερὸν καὶ προσαγορεῦσαι πόλιν KTA.). Cf. G. M. COHEN, op. cit., p. 152-154; Kl. BRINGMANN et H. VON STEUBEN, Schenkungen hellenistischer Herrscher an griechische
14
IVANA SAVALLI-LESTRADE
La nouvelle cité résulte de l’union dans un seul corps civique (εἰς ἕν πολίτευμα) de deux composantes : les katoikountes, qui sont probablement les descendants de soldats ou de colons séleucides, et les indigènes qui cohabitent avec eux '°, c’est-à-dire un groupe de Phrygiens hellénisés, socialement et culturellement déjà intégrés dans la communauté de Toriaion. Il faut se demander si la reconnaissance sur pied d’égalité de l’élément indigène repose sur la demande des pétitionnaires (en principe, les katoikountes uniquement) ou sur la volonté d’Eum£ne II. À Toriaion, le rapprochement entre katoikountes et enchôrioi devait être ancien, comme le pensent les éditeurs . Il avait pu être favorisé par plusieurs facteurs, parmi lesquels 1] faut envisager le niveau social et culturel relativement modeste des colons et leurs effectifs peu nom-
breux. Cependant, la conquête de la politeia, qui entrainait ipso facto la délimitation du politeuma et la rédaction de listes de citoyens, pouvait altérer l’équilibre existant, au détriment des indigènes et des personnes issues d’unions mixtes. Or, dans sa première lettre, Eumène II emploie une formule qui occulte le contraste ethnique et culturel entre colons et indigènes et met au premier plan les relations de cohabitation durable,
comme l’a relevé Chr. Schuler "7. On a l’impression que le roi a en quelque sorte donné un coup de pouce à un processus déjà en acte, et imposé
l’uniformité juridique des colons et des indigènes comme préalable à la constitution du politeuma. Ce souci explique l’importance accordée par Eumène II aux lois qui permettront d’organiser le politeuma naissant, en favorisant, par le biais notamment des tribus, la répartition équitable
des citoyens et leur représentation dans les magistratures, en particulier au Conseil, qui, selon Chr. Schuler, est l’institution qui distingue la polis Städte und Heiligtümer, I, Berlin, 1995, p. 282, KNr. 247. Sur l’emploi du terme
polis et les relations entre l’acte de donner le nom (προσαγορεύειν, ὀνομάζειν) de cité et celui de façonner (κατασκευάζειν) une communauté en tant que cité (cen-
tre politique et territoire), voir les remarques de L. BoFFOo, « Il lessico dell’insediamento nei libri straboniani suli’ Asia Minore », dans A. M. BiRASCHI et G. SALMERI (éd.), Strabone e l’Asia Minore, Naples, 2000, p. 115-142 : en particulier p. 115116 et p. 120-121.
15. SEG 47, 1745, 1. 26-27 : συνχωρῶ καὶ ὑμῖν καὶ τοῖς μεθ᾽ ὑμῶν συνοικοῦσιν ἐνχωρίοις εἰς Ev πολίτευμα συνταχ[θ]ῆναι. Parmi ces indigènes il faut inclure en premier lieu les épouses barbares des katoikountes et leurs enfants. 16.
L. Jonnes et M. Rıcı, loc. cit. (n. 4), p. 11-12.
17.
Chr. SCHULER, loc. cit. (n. 5), p. 129. Je remercie M. WÖRRLE d’avoir attiré mon
attention sur ce point au cours de la discussion.
DEVENIR UNE CITÉ
15
d’autres formes d’organisations civiques. Eumène Π se réserve le droit de vérifier, dit-il, la conformité des lois éventuellement choisies par les Toriaitai à ses propres intérêts : la pleine intégration des enchôrioi relevait certainement des préoccupations du roi, puisqu'il lui importait que les indigènes hellénisés aussi puissent s’entrainer au gymnase, honorer le culte royal et participer à la défense du royaume, comme le laissent supposer certaines rubriques des listes éphébiques de Pergame '. Jérusalem-Antioche, Toriaion : dans les deux cas, la cité nouvelle se construit à la demande d’un groupe social qui fait valoir devant le roi sa capacité à s’autogérer. En valorisant l’appartenance de ses membres à l’ensemble, en principe fermé, des citoyens, le groupe tente de renforcer sa cohésion interne et sa supériorité, voire sa domination, à l'égard de ceux que l’acte de fondation a précisément écartés du corps civique (Juifs traditionalistes, Phrygiens ordinaires).
Aphrodisias ou la mémoire collective des origines Aphrodisias a légué l’un des plus riches dossiers épigraphiques de la basse époque hellénistique et de l’époque impériale '?. L’on sait que 18.
Je ne puis entrer ici dans l'analyse des liens entre citoyenneté, gymnase et royauté,
qui ont été particulièrement étudiés dans le cadre de l'échange entre bienfaits royaux (financement de travaux, fourniture de l’huile) et reconnaissance des cités (sacrifices aux rois) : cf. Ph. GAUTHIER, Nouvelles inscriptions de Sardes 11, Genève, 1989, p. 92-95. La dimension plus largement politique de ces liens doit être soulignée : cf., en plus du cas de Jérusalem-Antioche déjà évoqué, les exemples de
Milet (serment prêté par ceux qui quittent l’éphébie à l’alliance avec Ptolémée I: Delphinion, 139) et de Téos (sacnifice offert par ceux qui quittent l’éphébie au
Roi, au Démos, aux Charites : SEG 41, 1003, 2° décret). Les Attalides ont eu particulièrement à cœur la question de l'éducation des jeunes gens, comme l’atteste
la nouvelle inscription de Metropolis (B. DREYER et H. ENGELMANN, Die Inschriften von Metropolis 1, Bonn, 2003, décret B, 1. 22-26 et commentaire, p. 57-65). Pour les ξένοι et les ἀπὸ τῶν τόπων dans les listes éphébiques de Pergame de la fin du π΄et du début du rs. av. J.-C., cf. L. ROBERT, Villes d'Asie Mineure, Paris, 19622, p. 51-55 et p. 79-81; R. E. ALLEN, The Artalid Kingdom. A Constitutional History, Oxford, 1983, p. 92-96. Sur les liens entre armée, gymnase et culte royal, plusieurs mises au point disséminées dans l'ouvrage de M. LAUNEY, Recherches
sur les armées hellénistiques, Paris, 1950 (réimpr. avec addenda et mise à jour parŸ. GARLAN, Ph. GAUTHIER et Cl. ORRIEUX, 1987), en particulier II, p. 853-856 (Lagides), p. 869-874 (Séleucides et Arsacides), p. 948-950 (culte dynastique).
19. J. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome, Londres, 1982 — à lire avec les comptes rendus de J. et L. ROBERT, Bull. ép. 1983, 361-392 ; de Gl. W. BOwERSOCK, Gnomon,
16
ΙΝΑΝΑ
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la prospérité de cette petite cité, qui était située sur un plateau dans la vallée du Morsynos et représentait un passage obligé entre le haut plateau de Tabai et la vallée du Méandre, est liée en grande partie à sa loyauté envers Rome depuis au moins la guerre contre Mithridate, et
à la faveur dont certains de ces concitoyens, notamment Caius Iulius Zoilos, l’affranchi d'Octave 2, ont joui auprès des dirigeants romains. L’on sait aussi qu’ Aphrodisias est née de l’association, sous forme de sympolitie, entre les Plaraseis (localisés à Bingeç, dans un endroit nettement moins favorisé, à 15 km au sud-ouest de la nouvelle cité) et les Aphrodisieis, au cours du 1r° 5. av. J.-C. Les territoires des deux
communautés forment dès lors une unité, et le centre civique est placé à Aphrodisias, autour du sanctuaire d’ Aphrodite ?'. La nouvelle entité est ὁ δῆμος ὁ Πλαρασέων καὶ Ἀφροδεισιέων 22: elle constitue une πόλις et possède une πολιτεία25; ses interlocuteurs s’adressent aux Πλαρασέων καὶ Ἀφροδεισιέων ἄρχοντες, βουλὴ, ônuoc#. Les Plaraseis, qui dominent au début l’association, disparaissent à la fin du I" 5, av. J.-C. de la dénomination officielle de celle-ci et deviennent, à l’époque impériale, une κώμη d’Aphrodisias. Le contexte dans lequel le processus d’unification politique a mûri demeure très obscure. On
peut isoler deux données. Première donnée, le plus ancien acte public connu à ce jour des Plara-
seis/ Aphrodisieis est la conclusion d’un traité avec les peuples de Kibyra et de Tabai, dont il nous reste le texte du serment prêté par les parties contractantes ©. Ce document témoigne, d’une part, de la cohésion géogra-
phique et culturelle entre les trois peuples, qui se déclarent unis par des 56 (1984), p. 48-53; St. MITCHELL, CR, 34 (1984), p. 291-297. Pour les questions
développées ici, il faut se reporter également à d’autres publications de J. REYNOLDS : « The funeral of Tatia Attalis of Aphrodisias », Ktema,
17 (1995), p. 153-
160 (SEG 45, 1502) ; « Honouring benefactors at Aphrodisias : a new inscription », dans Ch. ROUECHÉ et ΚΕ. ΒΕ. R. SMITH (éd.), Aphrodisias Papers, II, Ann Arbor,
1996, p. 121-126 (SEG 46, 1393).
20.
Sur ce personnage, cf. la contribution de J.-L. FERRARY, infra, p. 56 et 70-71.
21.
1. REYNOLDS, 218. 1. REYNOLDS, J. REYNOLDS, J. REYNOLDS, J. REYNOLDS, 2002, n° 2).
22. 23. 24. 25.
« The Politeia of Plarasa and Aphrodisias », REA, 87 (1985), p. 213op. op. op. op.
cit., n° 1,7, 8. cit., n° 8. cit., n* 2, 4, 6, etc. cit., n° 1 (Th. Korsten, Die Inschriften von Kibyra I, Bonn,
DEVENIR UNE CITÉ
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liens naturels d’alliance, de concorde et de fraternité, d'autre part, de la reconnaissance politique de l’hégémonie romaine, puisque Théa Rômè est invoquée, après Zeus Philios et Homonoia, parmi les divinités garantes du serment, et que les trois peuples s'engagent à ne rien entreprendre contre Rome. Le traité a été conclu nécessairement avant 88, mais le terminus post quem n’est pas fixé avec certitude : soit la période 129-126 (fin de la guerre d’Aristonikos et création de la province d’ Asie, dans laquelle Aphrodisias n’aurait pas été incluse ou parce qu’elle ne faisait pas partie de l’héritage attalide ou parce qu’elle n’avait pas embrassé la cause du rebelle, selon J. Reynolds 26), soit, plus probablement, 167 av. J.-C. (libération de la Carie au sud du Méandre et de la Lycie, soumises depuis 189 à Rhodes, et diffusion du culte de Thea Rômè). Dans ce
cas, le serment aurait été prêté à l’époque où des légats romains organisaient l’ancienne Carie rhodienne : leur action serait à l’arrière-plan de l’agrandissement territorial d’Antioche du Méandre, 50 km au nordouest d’Aphrodisias, voire de la sympolitie entre Plaraseis et Aphrodisieis, selon la reconstruction hypothétique, mais très attrayante, de
M. Errington?’. Seconde donnée, plusieurs Aphrodisieis (hommes et femmes, une vingtaine d'exemples connus jusqu’à présent) de l’époque impériale (1”im 5. apr. J.-C.) se vantent de descendre τῶν συνκτισάντων τὴν πόλιν vel τὴν πατρίδα, ou d’être γένους πρώτου καὶ συνεκτικότος τὴν πόλιν vel τὴν πατρίδα 25. Qui sont ces « co-fondateurs » de la cité? L. Robert a exprimé provisoirement (se réservant de traiter de manière plus approfondie le sujet dans un ouvrage intitulé « Les origines légendaires de Synnada et les parentés des peuples », qu’il n’a malheureusement pas pu écrire) deux opinions qui ne se recoupent pas entièrement. D'une part, il considérait que ces formules renvoyaient aux « familles qui, au Ir“ 5. av. J.-C., ont “fondé” la ville d’Aphrodisias, lorsque l’agglo26. 27.
J. REYNOLDS, op. cit., p. 2-3 et p. 8. M. ERRINGTON, « Θεὰ Ῥώμη und römischer Einfluss südlich des Mäanders im 2. Jh. v. Chr. », Chiron, 17 (1987), p. 97-118 : en particulier p. 97-99 (sur le serment)
et p. 103-105 (sur Antioche du Méandre et sur Aphrodisias). 28. L. ROBERT, Hellenica XIII, Paris, 1965, p. 213; J. REYNOLDS, op. cit., App. VI (Founders’ Kin, p. 164-165 : 19 ex.). Dans ces formules, la primauté exprimée par
πρῶτος n’a pas de valeur temporelle, mais sociale : cf. Quass, Honoratiorenschicht, p. 51-52.
18
IVANA SAVALLI-LESTRADE
mération du sanctuaire est devenue, grâce à eux, une “cité” » ?. Il suggérait en outre que la prêtrise du Démos, attestée dans deux émissions monétaires autonomes des Plaraseis/Aphrodisieis, avait été instituée précisément à cette époque *. D’autre part, il isolait deux formules plus développées, l’une concernant une grande-prêtresse du culte impérial descendante de stéphanéphores, d’archiereis καὶ τῶν συναιτίων τῇ πόλει τῆς αὐτονομίας᾽", l’autre une femme qui était descendante d’archiereis, de gymnasiarques, de stéphanéphores et τῶν συνκτισάντων τὴν πόλιν καὶ πρώτων πιστευσαμένων ἐκ γένους τὴν ἱερωσύνην τῆς θεοῦ Adpodeirng”, soit : « des cofondateurs de la cité, auxquels la pr&trise héréditaire de la déesse Aphrodite a été confiée ». Il évoquait 53 des formules similaires attestées à Héraclée de la Salbakè "", à Olbia”, à Milet *, à Isaura?”, se rapportant probablement à des ktistai individuels, 29.
L. ROBERT, « Inscriptions d’Aphrodisias », AC, 35 (1966), p. 401-432 (OMS VI, p. 25-56) : p. 425. Voir déjà Hellenica XIII, p. 213 : « Il faut se rendre compte que
la “ville” d’Aphrodisias (je ne dis pas le sanctuaire) ἃ été créée et s’est développée tardivement et, je crois, assez soudainement ».
30. L. ROBERT, loc. cit., p. 427. Cf. Th. DREW-BEAR, « Deux décrets hellénistiques d’Asie Mineure », BCH, 96 (1972), p. 435-471 : p. 468-469.
31.
MAMA VII, 564 (J. REYNOLDS, op. cit., App. VI, n° 11 et doc. 40).
32. MAMA VII, 514 (J. REYNOLDS, op. cit., App. VI, n° 16). 33.
34.
L. ROBERT, loc. cit. (n. 29), p. 424, avec cette remarque à propos de MAMA VIII, 514 : « Notre prêtre Zoïlos pouvait entrer dans un groupe ainsi qualifié ». Aux notes 34-37, j’indique les inscriptions auxquelles L. ROBERT faisait allusion, grâce en partie à l’étude de J. H. M. STRUBBE (citée infra, n. 41). J. et L. ROBERT, La Carie II, Paris, 1954, p. 163, n° 40 : décret honorifique pour un défunt, descendant d’ancêtres qui ont fondé (?) la cité et l’ont accrue grâce à la faveur de l’empereur Trajan (transformation en Ulpia Heraclea). La formule est la suivante :
[προγόνω]ν ἐπιφανεστάτων ὑκάρχων καὶ συνεκτικότων τὴν πόλιν. Cf. p.222 (J. et L. ROBERT se dernandent jusqu'où l’on peut remonter dans l’histoire hellénistique d’He-
raclée et imaginent, en l’attente de nouveaux documents, « un détachement de l’agglomération autour d’un Héracleion, devenue indépendante sous César ou Antoine »).
35. losPE 13, 42 (décret d'époque sévérienne pour Callisthénès fils de Callisthénès, ἀν[ὴρ γεν]όμενος προγόνων ἐπισήμων τε καὶ σεβαστογνώστων καὶ κτισάντων τὴν πόλιν); cf. les n° 43 et 44 (inscriptions pour d’autres membres de la même
famille, mais sans indication des ktistai dans le prédicat honorifique). 36.
Didyma Il, 84 (γένους τῶν κτισάντων τῆν πόλιν), 152 (γένους ἀπὸ vaväp-
xov καὶ κτιστῶν τῆς πατρίδος), 279 (γένους ναυάρχων καὶ κτιστῶν), 275 — avec L. ROBERT, Gnomon, 31 (1959), p. 666 — προγόνους] ἔχων τοὺς ὑπὲρ éA[evbepias ἀγωνισαμένους τῆς πόλε]ως καὶ κτίστας). 37.
CIG 4389 (προγόνων τε τῶν κτισάντων t[nv] πόλιν καὶ δόγματι τῆς ἱερᾶς συνκλή[του] τετειμημένων).
DEVENIR UNE CITÉ
19
qui avaient été en relation avec Rome. À cette série, on pourra ajouter la formule conservée dans une inscription d’Halicarnasse, rappelant les tyrannoktonoi (c’est-à-dire les meurtriers du tyran Lygdamis au v°s.
av. J.-C.), qui avaient procuré l’autonomie de la cité. L. Robert songeait alors, semble-t-il, à des ktistai qui auraient inauguré un nouveau cours dans l’histoire de leur cité, éventuellement grâce à l’appui d’une puissance extérieure.
Les opinions des historiens qui ont abordé ces questions varient. Pour J. Reynolds, il est préférable, à la lumière des documents de l’époque républicaine, de considérer que ces formules renvoient à la fois à la création de la sympolitie et à l’acquisition de certains droits ou privilèges (liberté, autonomie, immunité fiscale, asylie du sanctuaire) à
la fin du I s. av. J.-C.*. L. Boffo semble convaincue que les cofondateurs sont les fondateurs véritables, les acteurs d’une « initiative indigène d’en bas », qui ont transformé au début du n° 5. av. J.-C. l’agglomération originaire autour du sanctuaire d’ Aphrodite et appartenaient sans doute au clergé de la déesse . 1. H. M. Strubbe, qui a traité des cofondateurs d’Aphrodisias dans le cadre d’une importante synthèse sur les ktistai, classés en mythiques (ou légendaires) et historiques, relève l'originalité des formules d’ Aphrodisias et affirme d’abord que ces ktistai « constitutionnels » étaient les membres de familles qui avaient participé, peut-être au moyen d’une mission auprès des autorités romaines, 38.
LBW, 505 (Arès fils de Néôn, petit-fils d’ Arès et arrière-petit-fils de Néôn, honoré ταῖς πρῶταις καὶ ἐπιφανεστάταις ἐκ τῶν νόμων τιμαῖς διά TE τὴν ἀπὸ τῶν κτιστῶν
καὶ τυραννοκτόνων τῆς κόλεως καθ᾽ ἑκατέρους τοὺς γονεῖς αὐτοῦ εὐγενίαν καὶ τὴν ἄλλην ἐκ προγόνων ἀρετήν, κτλ.). Le défunt appartenait au γένος des Antheadai, qui detenaient la prêtrise héréditaire de Poseidon /sthmios. J. et L. ROBERT
(Bull. ép. 1982, 368) ont rapproché une inscription funéraire de la basse époque hellénistique pour une femme de cette famille (W. PEEK, Griechische Versinschriften aus Kleinasien, Vienne, 1980, n° 10, p. 19 εἰ 5. Selon 1. et L. ROBERT, les βασιλεῖς auxquels il est fait allusion à la l. 2 seraient les Lagides ; il me semble que l’on pourrait songer aussi aux Hécatomnides). Nouveau témoignage sur les Antheadai dans un document récemment publié : S. ISAGER, « The Pride of Halicarnassos », ZPE, 123 (1998), p. 1-23, 1. 31-32 et H. LLoYD-Jones, « The Pride of Halicarnassos », ZPE, 124 (1999), p. 1-24 : p. 8-9.
39.
J. REYNOLDS, op. cit. (n. 19), p. 164.
40.
L. ΒΟΕΡΟ, 75.
re ellenistici e i centri religiosi dell’Asia Minore, Florence, 1985, p. 74-
20
IVANA
SAVALLI-LESTRADE
à la fondation de la cité“!, ce qui rejoint l’hypothèse émise successive-
ment par M. Errington sur le contexte du traité entre Plaraseis / Aphrodisieis, Tabai et Kibyra. Cependant, le rôle de Zoïlos et celui d’autres notables d’Aphrodisias ayant été assimilés à un « fondateur », οἰκιστής,
ou ayant reçu la sépulture au gymnase, le font pencher pour une solution proche de celle défendue par J. Reynolds. Il est assez difficile de trancher entre ces opinions, car, dans l’épigraphie d’Aphrodisias, la « couche » républicaine et impériale a presque entièrement recouvert la « couche » plus ancienne, celle de la période de la formation (dont seule subsisterait la mention de la prêtrise du Démos) et l’on risque ainsi de projeter dans celle-ci un contexte ultérieur. La prosopographie des descendants des cofondateurs et les formules elles-
mêmes autorisent, me semble-t-il, les remarques suivantes. Dans la première moitié du 11° 5. apr. J.-C., l’archiereia Tatia Atta-
lis est la petite-fille d’Adrastos, κτίστης διὰ προγόνων τοῦ δήμου, actif vers le milieu du I" 5. apr. J.-C., et l’arrière petite fille de Nikoteimos Hiérax, γένους πρώτου καὶ συνεκτικότος τὴν πατρίδα, qui est à son tour fils d’Artémidoros et petit-fils d’un Zénon, dépourvus de tout prédicat honorifique. En supposant que Tatia Attalis soit née vers 100 apr. J.-C. et en calculant par générations de 25-30 ans, Zénon serait né vers le milieu du I“ 5. av. J-C. : lui ou son père auraient appartenu au noyau des « cofondateurs ». Au milieu du nr 5. apr. J.-C., la grande-prêtresse Iulia Paula est décrite comme τῶν συναιτίων τῇ πόλει τῆς αὐτονομίας ἀπόγονος “. Le mot « autonomie » renvoie sans doute aux droits et privilèges assurés par le SC de Aphrodisiensibus (39 av. J.-C.) et acquis grâce à l’influence de C. Iulius Zoïlos auprès d’Octave . Or, vu son nom, Iulia Paula était 41. 1.Η. M. STRUBBE, « Gründer Kleinasiatischer Städte. Fiktion und Realität », AS, 15-17 (1984-1986), p. 253-304. I écrit (p. 294) : « Auf Grund der obenerwähnten Formel kann man vermuten, dass sich verschiedene Familien, vielleicht durch
42. 43.
eine Mission zu den rômischen Machthabern, an der Gründung der Stadt beteiligt haben ». 1. H. M. STRUBBE, loc. cit., p. 295 et ἡ. 243. J. REYNOLDS, op. cit. (πη. 19), p. 165, n° 15, et les articles cités supra, n. 19.
44. Cf. supra, n. 31. 45. Cf. aussi J. REYNOLDS, op. cit., n° 41 (inscription pour un bienfaiteur qui a lutté ρους] ἐλευθερία, les νόμοι et Τ’ ἀσυλία); n° 42 (dédicace du peuple des Aphrodisieis, ἐλεύθερος καὶ αὐτόνομος ar ἀρχῆς, sous Domitien).
DEVENIR UNE CITÉ
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très probablement une descendante de ce grand personnage : les « coresponsables » de l’autonomie devaient en être les contemporains. La formule associant les cofondateurs à ceux auxquels la prêtrise héréditaire d’ Aphrodite a été confiée est aussi extrêmement significative. Elle figure dans l’épitaphe, datant du milieu du nr 5. apr. J.-C., d’une femme dont le nom est perdu“. Étant donné que Zoilos a été nommé
prêtre à vie de la divinité poliade* et d’Eleutheria après 39 av. J.-C. les ancêtres de cette femme appartenaient très vraisemblablement à la lignée de Zoïlos et/ou d’autres Aphrodisieis qui auraient reçu en partage le privilège de la prêtrise à vie d’ Aphrodite, prêtnise devenue ensuite héréditaire. De tout cela, on pourrait conclure que la génération des « cofondateurs » est celle de l’époque triumvirale, dont certains, d’après l’onomastique, auraient par ailleurs appartenu au cercle des familles les plus anciennes de la cité, y compris celles originaires de Plarasa. 51 les formules et la prosopographie ne permettent pas de remonter jusqu’aux auteurs de la sympolitie entre les Plaraseis et les Aphro-
disieis, l’on doit relever qu’elles mettent au premier plan l’effort collectif des notables d’ Aphrodisias dans ce que l’on pourrait appeler la seconde ktisis de la cité. Ces cofondateurs sont exactement à mi-chemin entre les fondateurs mythiques ou historiques d’autrefois (héros, rois, dynastes) et les fondateurs amis de dirigeants romains et des premiers
empereurs, bientôt suivis des fondateurs-bâtisseurs de l’époque impériale avancée, qui sont tous des ktistai individuels. Ils marquent la transition de la polis « égalitaire » à la polis « hiérarchisée ». À Aphrodisias,
les documents de l’époque de la guerre contre Mithridate reflètent l’engagement solidaire de la communauté et son attachement sans faille à l'alliance avec Rome, mais aussi le leadership de certains citoyens qui
se distinguent par leur influence politique et par leurs compétences militaires “ἢ, L'étape ultérieure est la formation d’un réseau de familles dont
les membres ont noué des liens avec les dirigeants romains, en parti46.
Cf. supra, n. 32.
47.
Exactement comme Artémidôros (fils de Théopompos) de Cnide, ami de César, pre-
48.
p- 421. Cf. J. REYNOLDS, op. cit., n° 2 et 3. Sur l’adhésion des élites dirigeantes d’ Aphro-
tre à vie d’Art&mis Hyakinthotrophos dans sa patrie : L. ROBERT, loc. cit. (n. 29),
disias à l’hégémonie romaine, cf. D. CAMPANILE, « Città greche tra Mitridate e Roma », dans B. VIRGILIO (éd.), Studi Ellenistici, ΝῚΠ, 1996, p. 145-173 : p. 148-
150; p. 170.
22
IVANA SAVALLI-LESTRADE
culier avec César et Octave“. Il faut tenir compte de l’existence de ces familles, malgré le rôle extraordinaire joué par Zoïlos, car ce sont elles
qui ont géré les affaires d’Aphrodisias à l’époque impériale et ont bâti et entretenu la mémoire des origines de la cité, en revendiquant l’initiative autonome et collective de leurs ancêtres. La courte histoire hellénistique d’Aphrodisias aura été très tôt retravaillée par un groupe plus ou moins restreint de notables qui, en gommant leurs rivalités et leurs spécificités identitaires, ont élaboré l’image d’une aristocratie homogène de citoyens excellents.
Antioche du Pyrame ou la brève existence d’une fondation dynastique La cité d’Antioche du Pyrame est connue presque uniquement par des inscriptions (dédicaces et décrets) et les (rares) mentions à l’étran-
ger αἀ᾽ Ἀντιοχεῖς ἀπὸ Πυράμου. Jusqu’à présent, elle n’a pas livré de monnaies Ὁ, La pièce maîtresse du maigre corpus épigraphique d’ Antioche du Pyrame, encore largement inédit, est un long fragment de décret découvert en 1949 lors des fouilles 4 Ἢ. Th. Bossert dans le secteur de Karatach, publié en 1951 par R. et 5. Werner, et daté par les éditeurs des années 140 av. J.-C.°! Ayant à publier l’ensemble des inscriptions pro49.
En attendant l'achèvement de la publication du corpus épigraphique d’ Aphrodisias, cf. J. REYNOLDS, op. cit., n*6 et 8 (Solon, φίλος d’Octave, ἐν τοῖς γεινωσκομέvois d’Auguste) et n* 28-32 (dossier concernant Callicratès fils de Molossos et ses ancêtres).
50.
Malgré O. TEKIN, « River-Gods in Cilicia in the light of Numismatic Evidence », dans E. JEAN, À. M. DiINçoL et S. DURUGÖNÜL (éd.), La Cilicie : espaces et pouvoirs locaux, Istanbul, 2001, p. 519-551, qui dans son catalogue inclut, p. 546,
n° 130, une monnaie attribuée jadis par Mionnet à Magarse : il s’agit certainement 51.
d'une pièce de Hiérapolis Castabala. S.etR. WERNER, « Eine griechische Inschrift aus Karatas », Jahrbuch f. Kleinasiatische Forschung, I, 3 (1951), p. 325-327. Le lieu exact de la découverte n’a pas
été communiqué. Il faut distinguer entre le site de Dört Direk — sur le Cap Karatach (ou Fener Burnu) — où devait se trouver le sanctuaire d’Athéna Magarsia,
et le site de Karatach, 4 km à l’est du promontoire, en face des îles Didymes, où se trouvait le port. Les ruines, considérablement étendues, de l’agglomération urbaine (mur d’enceinte hellénistique ou romain, stade romain, cavea du théâtre), de même que la plupart des inscriptions émanant du peuple des Antiochéens (du Pyrame), connues depuis le début du xvur° s., proviennent de l’aire de
DEVENIR UNE CITÉ
23
venant de la région, L. Robert avait aussitôt annoncé une étude détailleé de ce document, mais son projet n’a pas abouti. Il a cependant rectifié deux lectures, proposé de rehausser la date d’une vingtaine d’anndes
et esquissé brièvement le schéma des relations entre Mallos, Magarsos
(ou Magarsa) et Antioche du Pyrame“2. Concernant ce troisième point, il écrivait notamment ceci : Magarsos, sous ce nom, n’a jamais été, politiquement, une « ville ». Magarsos a été un sanctuaire, avec agglomération, et un port, faisant partie du territoire de Mallos, dépendant de cette ville comme Éleusis d’ Athènes ou Didymes de Milet. (...) Magarsos n’a dû devenir une
« ville » que sous le nom d’Antioche du Pyrame. Mallos a dû lui être soumise, par un retournement dont on a des exemples; ces revirements sont assez naturels quand le port et la ville sont si éloignés. En tout cas, - même si Mallos ne lui avait pas été soumise — dans le cours du If siè-
cle Antioche a perdu son indépendance, et elle est redevenue territoire de la ville de Mallos; il n’y a plus eu dès lors que l’ethnique « Mallote ».
Je SEG et les dans de ce
donne ailleurs une nouvelle édition commentée de l’inscription 12, 511, assortie d’une mise au point sur la géographie, l’histoire institutions d’Antioche du Pyrame *. La reconstruction proposée le cadre de la présente communication s’appuie sur les résultats travail, auquel je renvoie le lecteur pour une argumentation plus
complète. Dört Direkli. Cf. F. HıLo et H. HELLENKEMPER, Tabula Imperi Byzantini 5, Kilikien und Isaurien, I-II, Vienne, 1990 : I, p. 335-336 et II, photos 277, 278 (Magarsos); I, p. 337 (Mallos) ; G. M. COHEN, op. cit. (n. 1), p. 360-362 (Antioche du Pyrame).
Le décret SEG 12, 511 avait été dressé contre l’autel d’Homonoia dans le sanctuaire d’Athéna Magarsia. J'observe que la photographie de l'inscription montre, en dessous du texte gravé, une ligne très nette de démarcation horizontale laissée par la
base dans laquelle la stèle était engagée à l’origine. 52. L. ROBERT, « Contribution à la topographie de villes de l’ Asie Mineure méridionale », CRAI, 1951, p. 254-259 : p. 256-259. 53. L. ROBERT, loc. cit., p. 256-257. 54.
I. SAVALLI-LESTRADE, « Décret d’Antioche du Pyrame concernant l'institution du
culte d’Homonoia et l'envoi d’une ambassade à Antioche du Kydnos » (à paraître dans Studi Ellenistici, 18 [2006]). Cette étude exploite un dossier de L. ROBERT
transmis par M”* Jeanne ROBERT à Ph. GAUTHIER, qui me l’a communiqué à son tour : je le remercie chaleureusement pour m’avoir permis d’en avoir connaissance et m'avoir fait bénéficier de ses annotations personnelles.
24
ΙΝΑΝΑ
SAVALLI-LESTRADE
Lorsqu'elle vote le long décret dont la partie conservée stipule de manière détaillée les cérémonies de l’inauguration de l’autel d’Homonoia, Antioche du Pyrame est une cité sujette. En effet, les prescriptions des 1. 25-26 évoquent des vœux et des libations qui seront faits, selon l'usage, « aux dieux et aux rois »°°. Le mot « rois », au pluriel, désigne soit un roi et son co-régent, soit les rois en général, ceux dont la cité dépendait, ici les Séleucides, et plus précisément le roi vivant et ses πρόyovot. Depuis quand Antioche du Pyrame existait-elle ? L'histoire politique des cités de la plaine cilicienne pendant le 1Π 5. av. J-C. est très mal connue. L’on suppose que la plupart d’entre elles ont été durablement soumises aux Lagides, à l’exception notable de Tarse, qui, après être tombée en leur pouvoir pendant une très courte période *, porte déjà au milieu du ur 5. av. J.-C. le nom d’ Antioche du Kydnos*’. Pour la fondation d’Antioche du Pyrame et son éventuelle suprématie sur Mallos, l’an 197 av. J.-C. constitue à l’heure actuelle le terminus post quem®.
Cette année-là, Antiochos III arrache aux Lagides plusieurs villes de Cilicie et de Lycie, parmi lesquelles Mallos, apparemment sans rencon55. SEG 12, 511,1. 26-27 : καὶ ἐπειδὰν συντελῶνται αἱ νενομισμέναι κατευχαὶ καὶ σπονδοποῖαι ἐν τῶι θεάτρωι τοῖς τε θεοῖς καὶ τοῖς βασιλεῦσιν, κτλ. 56. En attendant la publication du corpus des monnaies de Tarse par À. HOUGHTON,
57.
cf. A. DAVESNE et V. YENISOGANCI, « Les Ptolémées en Séleucide. Le trésor d’Hüseyinli », RN, 34 (1992), p. 23-36 : p. 32 (monnayage de Ptolémée II, frappé sans doute vers 261, au début de la II“ guerre de Syrie). FD III, 4, 154 : proxénie accordée Ἀθηνοδότωι Θεοδότου Ἀντιοχεῖ ἀπὸ Κύδνου, sous l’archonte Aristion; date proposée, avec réserve, par G. Daux, Chro-
nologie delphique, Paris, 1943, G 22. Quelques années plus tard, sous l’archonte Dion (ca 251 2), la proxénie est accordée Στασιάνακτι Ἀριστίππου Ἁντιοχεῖ ἀπὸ
(K)vôvou (FD III, 2, 208). 58.
Une dédicace du peuple des Antiochéens (du Pyrame), vue sur le site de Dört
Direkli en 1892 par R. HEBERDEY et Ad. WILHELM (Reisen in Kilikien, Österr. Akad. Denkschriften 44/6, Vienne, 1896, p. 7, n° 14), mais dont on n’a plus de trace aujourd’hui, a été datée par ses inventeurs, sur la base de l’écriture, du mi‘ 5. av. J.-C. La transcription fait état de lettres rondes plus petites, phi à petite boucle, sigma à branches divergentes. Le nu serait, d’après le commentaire, à jambages inégaux. Or, ces caractères d’ancienneté se retrouvent dans un fragment de décret
inédit d’Antioche, dont l’écriture a été datée par Ph. Gauthier des années 200-180. Jusqu'à nouvel ordre, ces deux inscriptions sont les plus anciens documents émanant de la cité d’Antioche du Pyrame. Il faut noter par ailleurs qu’au milieu du 11 5. av. J.-C. l'écriture des bases inscrites d’Antioche du Pyrame et de Mallos affectionne des traits archaïsants (cf. G. DAGRON et D. FEIssEL, Inscriptions de Cilicie,
Paris, 1987, pl. XXIX, n°* 68-70).
DEVENIR UNE CITÉ
25
trer de résistance ”. Il serait parti de la base navale d’Aigéai, mais nous ignorons depuis quand il en avait le contrôle ®. Dès lors, la ville nouvelle aurait vu le jour sous Antiochos III. Une dédicace d’ Antioche du Pyrame en l’honneur d’un agent royal, Diomédès fils d’Asklépiadès,
citoyen de Séleucie de Piérie, préposé aux revenus (ἐπὶ τῶν προσόδων), qui avait montré son dévouement envers le roi Antiochos et envers le
peuple, pourrait dater du règne d’Antiochos IIT‘!. La domination séleucide sur l’ensemble de la Cilicie, acquise par Antiochos II et entérinée par le traité d’ Apamée, a probablement marqué un rapprochement entre Antioche du Kydnos-Tarse et Antioche du Pyrame. L’auteur du II Livre des Maccabées nous transmet une infor-
mation importante, quoique malheureusement isolée de son contexte : Antiochos IV avait assigné Tarse et Mallos ἐν δωρεᾶ à sa concubine Antiochis, mais les citoyens se révoltèrent et le roi intervint personnellement pour mettre fin à la stasis : le projet dut être abandonné’. On
peut en déduire que les poleis de Tarse et de Mallos, villes et territoires, 59.
Jérôme, Comm. in Dan. 11,16 (= Porphyr., FgrHist 260 F 46) : et ceperit alias urbes, quae prius a Ptolemaei partibus tenebantur, Syriae et Ciliciae et Lyciae. Eo enim tempore captae sunt Aphrodisias et Soloe et Zephyrion et Mallos et Anemurium et Selenum et Coracesium et Coricus et Andriace et Limyra et Patara et Xanthus et ad extremum Ephesus : de quibus universis et graeca et romana narrat historia. Liste plus courte chez Tite-Live (33, 20, 4-6), qui ne mentionne pas Mallos
60.
et précise que le seul endroit qui résista ἃ Antiochos III fut Korakesion (Alanya): cf. J. et L. ROBERT, Fouilles d’Amyzon, I, Paris, 1983, p. 157. Voir la dédicace (ca 200-193 av. J.-C.), trouvée à une dizaine de kilomètres d’Ayas, de Themisön, ἀδελφιδοῦς d’Antiochos II, publiée par M. H. SAYAR, « Von Kilikien bis Thrakien », dans A. BRESSON et R. DESCAT (éd.), Les cités de l’Asie Mineure occidentale, Bordeaux, 2001, p. 227-234 : p. 227-231
61.
62.
(avec les remar-
ques de Ph. GAUTHIER, Bull. ép. 2002, 445). R. HEBERDEY et Ad. WILHELM, op. cit., p. 18, n° 16 , avec le commentaire : « Nicht älter als das II. 5. a. Chr., wonach für Ἀντίοχος Zeile 6 frühestens der Dritte dieses Namens in Betracht kommen kann. » D'après la transcription, l’écriture est sensiblement plus récente que celle du n° 14 (cf. supra, n. 58). II Macc. 4, 30-31 : Τοιούτων δὲ συνεστηκότων συνέβη Tapoeic καὶ Μαλλώτας
στασιάζειν διὰ τὸ Ἀντιοχίδι τῇ παλλακῇ τοῦ βασιλέως Ev δωρεᾷ δεδόσθαι. θᾶττον οὖν ὁ βασιλεὺς ἧκεν καταστεῖλαι τὰ πράγματα καταλιπὼν τὸν διαδεχόμενον comme guerre mais il
Ἀνδρόνικον κτλ. Ces événements ont lieu entre la nomination de Ménélas grand-prêtre et sa convocation à Antioche (172/1 ?) et les débuts de la sixième de Syrie (hiver 170/69). On ne peut pas fixer plus précisément la chronologie, faut garderà l'esprit que les cités concernées par l’acte d’assignation ἐν δωρεᾷ
ont pu avoir été informées du projet quelque temps déjà auparavant.
26
IVANA SAVALLI-LESTRADE
jouissaient d’une grande prospérité, à l’instar d’autres cités qui ont fait l’objet de projets similaires de la part de rois hellénistiques, et aussi, je
pense, qu’elles formaient une « unité » économique et fiscale au sein de l’administration séleucide. W. Ramsay avait même imaginé que les
deux cités, pour remercier ce roi de les avoir bien traitées, avaient pris l’une et l’autre le nom d’Antioche. L’épigraphie a apporté un démenti à cette hypothèse, puisque Tarse s’était appelée Antioche du Kydnos plus de soixante-quinze ans plus töt® et Antioche du Pyrame existait probablement depuis quelques décennies. Quant à l’emploi des noms de Tarse et de Mallos dans le récit du II‘ Livre des Maccabées, il s’explique sans doute par le fait qu’à l’époque de la rédaction (ca 160 av. J.-C.) ou de la réélaboration (ca 125 av. J.-C.) de celui-ci, Tarse avait repris son
nom traditionnel et Antioche du Pyrame avait disparu en tant que cité indépendante, au bénéfice de Mallos. En tout cas, la réaction de Tarse et de Mallos, alias Antioche du Pyrame, à la décision autoritaire d’ Antiochos IV, a dû déclencher ou renforcer des liens de solidarité qui sont, nous le verrons, à l’arrière-plan du décret SEG 12, 511. L'intervention d’Antiochos IV eut lieu vers 171 av. J.-C. En 172/1 av. J.-C. deux citoyens d’Antioche du Pyrame reçoivent la proxénie à
Delphes“. Il s’agit à la fois de la première attestation précisément datée de l’ethnique Ἀντιοχεὺς ἀπὸ Πυράμου et de la plus ancienne attestation de ressortissants d’Antioche du Pyrame à l’étranger. L’un des deux proxènes était assurément un notable, père du démiurge désigné d’office comme ambassadeur à la fin de notre décret et fils d’un prêtre de Zeus Polieus et d’Athéna Polias 55. Malheureusement, l’on ignore la raison de la venue des deux Antiochéens à Delphes. Cependant, étant donné le contexte chronologique, il ne nous semble pas aventureux d’imaginer que les deux Antiochéens ne s’étaient pas rendus à Delphes à titre privé, mais qu’ils avaient été chargés d’une mission officielle — peut-
être auprès du sanctuaire d’ Apollon 7 --, en relation avec les difficultés 63. Cf. W. RUGE, s.v. Tarsos, RE IVA 2 (1932), col. 2413-2439 : 2418-2419. 64.
501}, 585,1. 285-286 : sous l’archonte Kleophanès, la proxénie a été accordée κατὰ
τὸν νόμον Ἀσκληπιάδηι Μητροδώρου, Δημητρίωι Ἀναξίππου, Ἀντιοχείοις ἀπὸ Πυράμονυ.
65. SEG 12, 511, 1. 34-35. 66. Inscription inédite, mentionnée par L. ROBERT dans A. DUPONT-SOMMER et L. RoBERT, La déesse de Hiérapolis-Castabala, Paris, 1964, p. 98, n. 2.
DEVENIR UNE CITÉ
27
récemment traversées par leur cité : interrogation de l’oracle, remercie-
ment (si le danger avait déjà été écarté) à Apollon, qui était à la foi père de Mopsos (l’un des héros fondateurs de Mallos) et dieu archégète de la dynastie séleucide, demande de reconnaissance de liens de parenté ou
d’autres privilèges 7... R. et 5. Werner ont daté le décret d’Antioche du Pyrame des années
140, probablement parce qu’ils ont voulu marquer l’écart d’une génération entre Démétrios fils d’Anaxippos, le proxène de Delphes, et son fils Démétrios, démiurge et ambassadeur à Antioche du Kydnos. Mais le père et le fils ont pu être politiquement actifs à peu de distance l’un de l’autre, voire en même temps, et un faisceau d’arguments (paléographiques, épigraphiques et numismatiques) invite à ne pas placer la date plus bas que les années 160 (comme le suggérait L. Robert), le serminus ante quem étant fourni par les émissions monétaires de l’atelier de Mallos, qui recommence à fonctionner, apparemment après une très longue interruption, sous Demetrios I‘ (162-150 av. J.-C.)®. Antioche du Pyrame aura donc vécu moins d’un demi-siècle. C’est une durée de vie très courte pour une cité, qui suffirait à expliquer le mutisme presque total des auteurs anciens à son sujet. Toutefois, Antioche du Pyrame n’était pas une cité obscure et insignifiante. Elle disposait de plusieurs atouts : le port situé à l’embouchure du Pyrame, dont le cours était navigable jusqu’à Mopsueste, un territoire très étendu et diversifié, un patrimoine cultuel prestigieux, centré notamment sur le sanctuaire de la déesse indigène Athéna Magarsia et sur l’oracle d’ Amphilochos. Elle s’était développée, selon l’hypothèse de L. Robert, aux dépens de Mallos, qui était située sur une colline près du village de Kyzyltahta, 25 km
au nord de Karatach, sur la rive droite du cours actuel du Pyrame. La cité nouvelle s’est greffée sur l’ancienne, qui n’aura cependant
pas nécessairement cessé d’exister en tant que « ville », avec ses habitations, ses monuments, ses lieux sacrés, ses fortifications. En effet, une notice du Stadiasme atteste sans équivoque que Mallos et Antioche du 67.
Mutatis mutandis, la situation évoque celle de l'ambassade que Matrophanès de Sardes, après la fin du siège de la ville par Antiochos III (214/3), a effectuée à Delphes : cf. Ph. GAUTHIER, op. cit. (n. 18), p. 143-150 et D. KNOEPFLER, « Le temple
du Métrôon de Sardes et ses inscriptions », MH, 50 (1993), p. 26-43 : p. 39-43. 68. Voir l’importante étude d’A. HOUGHTON, « The Seleucid Mint of Mallus and the Cult figure of Athena Magarsia », dans Studies in Honor of Leo Mildenberg, Wet-
teren, 1984, p. 91-110 et pl. 12-13.
28
IVANA SAVALLI-LESTRADE
Pyrame étaient deux toponymes distincts, comme l’ont fait valoir à juste titre F. Imhoof-Blumer, dans sa monographie essentielle sur le sujet, et, à sa suite, R. Heberdey et Ad. Wilhelm ”°. L. Robert était d’autre part d’avis que le décret SEG 12, 511 apportait un argument nouveau à la localisation d’Antioche du Pyrame à Magarsos : « la procession qui part du foyer du conseil pour arriver au sanctuaire d’Athéna Magarsia ne part évidemment pas du prytanée de Mallos, à 25 kilomètres du sanc-
tuaire »”. Si le point de départ était Mallos, il faut compter en effet avec environ six heures de marche pour les participants et tabler sur une panégyrie durant au moins deux jours. Cela ne nous paraît pas « techniquement » impossible 72, mais, comme nous venons de le dire, la distinction entre les toponymes est assurée et, dans ce cas, on admettra que la cité nouvelle se soit dotée d’un centre civique conséquent (dont le prytanée et le théâtre, mentionnés dans le décret), plus près du sanc-
tuaire d’ Athena Magarsia. Il faut alors se demander qui a constitué le politeuma d’ Antioche du Pyrame et comment l’identité politique, ins-
titutionnelle et culturelle d’Antioche s’est construite dans ses relations avec Mallos. Nous allons essayer de répondre à ces questions, en utilisant la documentation disponible. En premier lieu, il est certain que les citoyens d’ Antioche du Pyrame ont exploité les traditions historiques et légendaires de Mallos, grâce auxquelles ils ont pu notamment affirmer leur appartenance à un réseau culturel prestigieux (centré sur Argos), comme
l’a fait remarquer
©. Curty 73. Il est possible, en particulier, que la double tradition rela69. F. IMHOOF-BLUMER, Mallos, « Mégarsos, Antioche du Pyramos. Étude géographique, historique et numismatique », Annuaire de la Société française de numismatique et d'archéologie, 6 (1882), p. 7-127 : p. 94. La notice du Stadiasme (Geogr. mar. mag. 163) est la suivante : Ἀπὸ Μαλλοῦ εἰς Ἀντιόχειαν ἐπὶ Πυράμου ot. pv’. Or, la distance indiquée (150 stades, soit environ 27 km) correspond en gros à
70.
celle entre Karatach et Kyzyltahta. R. HEBERDEY et Ad. WILHELM, op. cit. (n. 58), p. 9, notant aussi que les mots de Skylax, Per. 102 (Ποταμὸς Πύραμος καὶ πόλις Μαλλός, εἰς ἣν ὁ ἀναπλοῦς κατὰ τὸν ποταμόν) ne conviennent pas à Karatach, située à l'embouchure du Pyrame.
71.
L. ROBERT, loc. cit. (n. 52), p. 257.
72.
Voir mon commentaire sur les clauses relatives à la procession dans l’étude annoncée supra, n. 54.
73.
Cf. O. Curry, Les parentés légendaires entre cités grecques, Genève, 1995, p. 252-
253. Il ne faut pas perdre de vue que Mallos elle-même n’était pas une fondation grecque (pas plus que Tarse) : les légendes accréditant l’origine hellénique des cités
DEVENIR UNE CITÉ
29
tive à l'emplacement du tombeau d’Amphilochos, situé selon les uns à Mallos, selon les autres, à Magarse, s’explique précisément par cette situation de dédoublement, sinon de concurrence, entre l’ancienne et la nouvelle cité“. Parce qu’ils se considéraient comme grecs et plus spécialement rattachés aux héros de la saga argienne, les Antiochéeens du Pyrame ont pu entre autres faire valoir leur « parenté » avec Tarse-Antio-
che du Kydnos et tenu à participer aux concours panhelléniques. Examinons de plus près ces faits, qui éclairent la conduite de l’élite dirigeante
d’Antioche du Pyrame dans le domaine des relations internationales. D'abord, la « parenté » : c’est, sans conteste, le mot clé du décret SEG 12, 511. « afin que soit manifeste à tous la disposition sincère et amicale du peuple envers ses parents » (1. 22-23 : ὅπως δὲ ἐκφανὴς πᾶσιν ὑπάρχῃ ἡ τοῦ δήμου | πρὸς τοὺς συγγενεῖς ἀληθινὴ καὶ οἰκεῖα διάθεσις), les Antiochéens du Pyrame ont voté que, lors des concours musicaux, le héraut public invite les Antiochéens du Kydnos à la proédrie, en leur qualité de « parents et amis » (1. 24-25 : συγγενεῖς καὶ
φίλους). Mais l’évocation de la parenté apparaît déjà au début du fragment, qui a été présenté comme suit : [Ἀγαθῆι Τύχηι καὶ ἐπὶ σωτηρίαι] τοῦ τε ἡμετέρου δήμου καὶ où Ἀντιοχέων τῶν προς τῶι] | Κύδνωι καὶ τῶν συναυξησόντων τὰ τῆ[ς φιλανθρωΪ]πίας καὶ | φιλίας καὶ ὁμονοίας δίκαια, κτλ. (1. 0-3) °. Or, ces lignes font partie d’une formule de vœux placée à la fin des considérants, formule qui, dans sa forme abré-
gée (par exemple, ταῦτα εἶναι ἐπὶ σωτηρίᾳ καὶ φυλακῇ τοῦ δήμου) est bien attestée dans les décrets de plusieurs cités grecques à l’époque hellénistique. Le mot φιλανθρωπία, restitué par les premiers éditeurs ciliciennes se sont formées « à l’époque hellénistique au plus tôt » (L. ROBERT, BCH, 101 [1977], p. 108 = Documents d’Asie Mineure, Paris, 1987, p. 66). Voir à
ce propos l’étude suggestive de T. 5. SCHEER, « Présence du passé dans le monde
74.
bellénistique : mythe et tradition locale », dans A. ERSKINE (éd.), Le monde hellénistique, espaces, sociétés, cultures 323-31 av. J.-C., tr. fr. Rennes, 2004 (titre original : A Companion to Hellenistic World, Oxford, 2002), p. 289-307 : p. 301 et s. Strabon, XIV, 5, 16 [676] : tombeau d’Amphilochos à Magarse, pouvant encore être vu; ARRIEN, Anabase, 2, 5 (sacrifice de type héroïque offert par Alexandre à Amphilochos, à Mallos). Cf. PAUSANIAS, 1, 34, 3; LUCIEN, Alexandre, 29; Philopseudes, 38-39 (oracle d’Amphilochos à Mallos, célèbre entre tous).
75.
Les mots suppléés à la L. O sont dus à Fr. SokoLowski1 (LSAM, 81); à la. 1, L. RoBERT a restitud t{où Ἀντιοχέων] au lieu de τ[ὧν Ἀντιοχέων) (cf. SEG 14, 900, p- 206).
30
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et reproduit depuis, est incompréhensible dans cette clause. Le rappel de la φιλανθρωπία et des φιλάνθρωπα est fréquent dans les échanges entre cités ou entre cités et rois, mais la iunctura τὰ τῆς φιλανθρωπίας δίκαια est sans parallèles. Il faut restituer τὰ τῆς συγγενείας δίκαια, dont on a plusieurs attestations épigraphiques et littéraires : ce sont les droits (devoirs et privilèges) qui découlent de la parenté *. À cause de l’état du fragment, l'institution du culte d’Homonoia a accaparé l'attention des lecteurs. On en a déduit que cette mesure visait
une réconciliation avec Antioche du Kydnos, mais ce n’est qu’une hypothèse77, Certes, à l’époque impériale l’hégémonie de Tarse était contestée par d’autres cités ciliciennes (Adana, Mallos, Aigéai), et leurs querelles pouvaient remonter assez loin dans le temps. Cependant, l’on ne décèle, dans la partie conservée du décret, aucune trace d’inimitié à l’encontre
d’Antioche du Kydnos. Au contraire, on remarque une attitude de grande déférence de la part des Antiochéens du Pyrame, qui désirent capter la
bienveillance d’ Antioche du Kydnos et, par le biais de la parenté, attirer la cité plus puissante dans leur jeu et en faire leur alliée. L’autre maître mot de l’inscription est l’intérêt commun aux deux cités : les ambassadeurs désignés par Antioche du Pyrame se rendront chez les Antiochéens du Kydnos, leur remettront le décret et discuteront
avec eux περί τῶν συμφερόντων ἀμφοτέραις ταῖς πόλεσιν (1. 38-39). Antioche du Pyrame voulait sans doute -- comme le suggérait L. Robert — se procurer l’appui d’Antioche du Kydnos contre une troisième cité, dont elle se sentait menacée, et qui pouvait représenter une menace pour
Antioche du Kydnos aussi. Quel est cet ennemi ? Comme il doit s’agir d’un ennemi commun, donc voisin des deux cités (dont le territoire était
limitrophe) et que les Antiochéens du Pyrame insistent sur les droits et les privilèges attachés à la parenté et sur leur attitude véritablement
amicale envers les parents #, on le cherchera dans une cité proche qui, bien que parente, ne respectait pas les obligations liées à son statut. Il pourrait s’agir de Mopsueste, qui cultivait, comme Tarse et Mallos, la 76. 77.
78.
Explication plus complète sur ce point, avec parallèles à l’appui, dans l’étude annoncée supra, n. 54. Cf. le commentaire très prudent de G. THÉRIAULT, Le culte d’Homonoia dans les cités grecques, Lyon-Québec, 1996, p. 88.
L'expression ñ τοῦ δήμον πρὸς τοὺς συγγενεῖς ἀληθινὴ καὶ οἰκεία διάθεσις, aux Ι. 22-23, a une connotation polémique.
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UNE CITÉ
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tradition de ses origines argiennes (Mopsos étant en outre le fondateur commun de Mallos et de Mopsueste) et portait à l’époque le nom de Séleucie du Pyrame, ou de la troisième Antioche de la région, AdanaAntioche du Saros, dont nous ignorons cependant les traditions légen-
daires. Adana conviendrait le mieux, car cette très ancienne et prospère ville indigène, ennemie traditionnelle de Tarse, ne pouvait sans doute se prévaloir d’aucun lien « authentique » de parenté avec Antioche du Kydnos et Antioche du Pyrame, mais seulement d’un lien artificiel, dû à leur état de (re)fondations séleucides.
Quant à la participation d’Antioche du Pyrame aux concours panhelléniques, les inscriptions nous fournissent quelques renseignements
utiles. Le décret lui même donne deux précisions. En effet, les vainqueurs des concours stéphanites défileront en tête de la procession,
avec les prêtres et les magistrats ”, ce qui est plutôt banal. Mais, en plus de cela, il est prescrit qu’à l’issue du sacrifice, les citoyens ordinaires prendront leur repas par tribus, κατὰ φυλας, tandis que les magistrats et
les vainqueurs des concours stéphanites banquèteront dans le sanctuaire même d’Athéna Magarsia®. Or, si ces hiéroniques ont dû participer surtout à des concours locaux, qui ont foisonné dans les villes de l’ Asie
Mineure hellenistique®', les inscriptions nous apprennent que quelques Antiochéens du Pyrame ont remporté des victoires aux concours de la
Période (aux Némeia et aux Olympia), ainsi qu’aux Hérakleia de Thèbes (concours devenu stéphanite au milieu du ı1°s., peut-être déjà à la fin du is. av. J.-C.) et aux Panathénées d’ Athènes. L’onomastique est intéressante : les vainqueurs des Nemeia et des Olympia s’appellent, en effet, Amphilochos fils de Theisön et Hérakleitos fils d’ Amphilochos ®. Les spécialités des compétiteurs sont intéressantes aussi : le vainqueur des Herakleia a obtenu un prix dans la course des poulains # ; les vainqueurs des Panathénées des années 170/69 av. J.-C. 79. SEG 12,511, 1. 10-11. 80. SEG 12, 511, 1. 14-15. 81. Voir la synthèse récente de CI. VIAL, « À propos des concours de l'Orient méditerranéen à l’époque hellénistique », dans Fr. PROST (éd.), op. cit. (n. 5), p. 311-328. 82.
LBW 1487 ἃ; R. HEBERDEY et Ad. WILHELM, op. cit. (n. 58), p. 7, n° 14.
83.
R. HEBERDEY et Ad. WILHELM, op. cit. (n. 58), p. 8, n° 17.
84.
St. V. Tracy et Chr. HABICHT, « New and Old Panathenaic Victor Lists », Hespe-
ria, 60 (1991), p. 187-236 : p. 189, col. I, 32 (une femme ayant remporté le prix
dans la catégorie des courses de biges de chevaux adultes, Ἀρχαγάθη Πολυκλείτου Ἀντιοχὶς ἀπὸ Πυράμου).
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et 158/7 av. J.-C. ont fait courir des poulains ou des chevaux. Dans les listes des vainqueurs des Panathénées des années 170/69, 166/5 et 158, d’autres Grecs de Cilicie, -- un Zéphyriote et cinq Antiochéens du Kydnos — ont remporté également des victoires équestres. Il faut mettre la participation des Grecs de Cilicie aux épreuves hippiques des grands concours panhelléniques en relation, je pense, avec les ressources du pays (qui possédait de vastes pâturages et d'importants troupeaux de chevaux, comme l’indique par exemple le tribut payé aux Achéménides), avec la richesse de ses élites et avec la possibilité, pour celles-ci, de
faire briller leurs écuries aussi plus près de chez elles, notamment lors des fêtes organisées par les Séleucides en Syrie. Par ailleurs, ces derniers tiraient indirectement avantage de la participation de leurs sujets aux concours internationaux : la gloire d’un « Antiochéen » (du Pyrame, du Kydnos, du Saros ou d’ailleurs.) ne rehaussait-elle pas, outre celle de la patrie du vainqueur, la renommée de ses rois # ?
Sur le plan des institutions politiques et des cultes, Antioche du Pyrame paraît aussi avoir hérité de Mallos : le plus haut magistrat, le démiurge, appartient en effet à la κοινή institutionnelle des cités hellénisées de l’ Asie Mineure méridionale, en particulier de la Cilicie ®’; le culte d’Athéna Magarsia, devenu le culte principal d’Antioche, n’oblitère pas celui de Zeus Polieus et Athéna Polias‘, qui se rattache à la colonisation argienne, vraie ou supposée, de Mallos. 85.
1G IF, 2316, 49-50 (un homme ayant remporté le prix dans la catégorie de la course
des quadriges de poulains, Δημήτριος Διονυσίου Ἀντιοχευς ἀπὸ Πυράμου). Pour la date, cf. St. V. Tracy et Chr. HABICHT, loc. cit., p. 217-218. 86.
Dans le catalogue des vainqueurs des Panathénées de 170/69, pas moins de six Ἀντιοχεῖς, provenant respectivement d’Antioche de Mygdonie, d’Antioche de Syrie et d’Antioche du Kydnos, sont regroupés au début de la section des vain-
queurs des épreuves qui se sont déroulées dans l’hippodrome (St.V. Tracy et Chr. HABICHT, loc. cit., col. II, 22-34). Un autre Ἀντιοχεύς figure dans la section correspondante de la liste, moins bien conservée, des vainqueurs des Panathénées de 162/1 av. J.-C. (St. V. Tracy et Chr. HABICHT, loc. cit., col. III, 20). À
défaut de faire courir leurs propres équipages — mais notre information est, bien sûr, incomplète : Alexandre Balas a gagné deux fois aux Panathénées, entre 150 et 145
av. J.-C. (cf. St. V. Tracy et Chr. HABICHT, loc. cit., p. 218 et 233) -- les Séleucides pouvaient compter sur les notables du royaume.
87. L. ROBERT, Noms indigènes, Paris, 1963, p. 478-479. 88.
Cf. supra, n. 66.
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À côté de ces emprunts, l’on relève des traits sans aucun doute spécifiques d’Antioche : le culte de la Polis®°, la Ville personnifiée, qui pourrait, comme dans des contextes analogues, avoir été institué lors de la fondation de la cité, et le culte de Zeus Olympios, qui, attesté
dans des inscriptions de Mallos d’époque impériale *, doit remonter au règne d’Antiochos IV et, par conséquent, être un héritage d’Antioche du Pyrame. Magistratures et prêtrises sont indissociables des hommes qui les assument, sinon des lieux où elles sont exercées, qui peuvent, sous certaines conditions, être transformés ou déplacés. Le fond « mallote » des institutions politiques et des cultes d’Antioche du Pyrame s’explique au mieux en supposant que la classe dirigeante de la cité nouvelle était, en tout ou en partie, issue de l’ancienne classe dirigeante. Antioche du Pyrame est sortie toute armée, pour ainsi dire, de Mallos. La rapidité et la soudaineté avec laquelle la cité nouvelle s’affirme, dotée d’une panoplie institutionnelle en parfait état de fonctionnement, conduisent à la même conclusion. En outre, la continuité qui semble caractériser les relations entre Mallos et Antioche du Pyrame naissante, au début du Ir 5. av. J.-C., vaut aussi pour les relations entre Antioche du Pyrame finissante et Mallos, au milieu du Π΄ 5. av. J.-C. En effet, les Antiochéens du Pyrame deviennent, en l’espace d’une génération, des Mallotes”" et Antioche, en tant que cité, cesse d’exister, mais certains de ses cultes, et pas des moindres, sont intégrés dans Mallos renaissante : le culte de Zeus Olympios, comme déjà indiqué, mais aussi celui de la Ville”? et, surtout, le culte d’Athéna Magarsia, dont l’idole orne le revers du monnayage royal inauguré par les ateliers de Mallos sous Démétrios
IF et maintenu sous Démétrios II, Antiochos VI, Antiochos VII, Antio89.
R. MOUTERDE, « Inscriptions grecques et latines du musée d’Adana », Syria, 2 (1921), p. 207-220, 280-294 : p. 290, n. 8, avec la lecture et les précisions sur la
provenance données par L. ROBERT, « Les inscriptions », dans Laodicée du Lycos, Le nymphée, Québec - Paris, 1969, p. 247-389 : p. 317, n. 1. 90.
Deux inscriptions mentionnées par L. ROBERT, dans A. DUPONT-SOMMER et L. RoBERT, op. cit. (n. 66), p. 98, n. 2.
91.
Cela a été parfaitement démontré par D. FEISSEL, dans G. DAGRON et D. FEISSEL,
92.
W. RaMsay, « Inscriptions of Cilicia, Cappadocia and Pontus », The Journal of Philology, 11 (1882), p. 142-160 : p. 143, n° 2.
op. cit. (n. 58), n° 68, p. 112-113.
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chos VIII et Antiochos IX”. Une telle continuité, voire « réversibilité » dans les relations entre Mallos et Antioche du Pyrame pourrait facilement induire en erreur et faire croire, comme cela a été le cas parfois, à
l'identité entre les deux cités. Or, il n’en est rien. Antioche du Pyrame est née de Mallos mais ne se confond pas avec elle. Au final, le schéma que je propose est le suivant. Lorsque Antiochos III a repris le contrôle de I’ Asie Mineure méridionale, plusieurs cités l’ont accueilli favorablement, devançant les conséquences d’une conquête violente. À Mallos, comme, par exemple, à Xanthos, l’ensemble ou la majorité des citoyens a embrassé la cause séleucide. Pour des raisons qui ne peuvent pas être fixées avec certitude — l’on envisagera la volonté de rompre avec le passé lagide de la cité, le désir de renforcer les relations maritimes avec la Syrie et la nécessité de mieux contrôler le débouché du Pyrame -- le roi aura cependant imposé l’abandon de Mallos et financé la construction d’une cité près du port, qui a reçu, en l’honneur de son fondateur, le nom d’Antioche du Pyrame. Le corps civique des Antiochéens est donc constitué, pour l’essentiel, d’ex-Mallotes : nous ne sommes pas en mesure d’établir s’il ya eu un changement dans la composition du groupe dirigeant, ni de quelle ampleur il fut. Il me paraît exclu, en tout cas, que les Mallotes aient pris eux-mêmes la résolution de quitter leur patrie, étant donné leur empressement à reprendre leur ethnique et -vraisemblablement - à réintégrer le site de Mallos, moins d’un demisiècle après la fondation d’Antioche du Pyrame. Vers le milieu du 11 5. 93.
L’on se reportera à l'importante étude de A. HOUGHTON mentionnée supra, ἢ. 68, dont nous citons les remarques suivantes (p. 97), qui soulignent l'originalité de ce
monnayage et apportent une touche supplémentaire au tableau des relations entre Tarse et Mallos : « No Seleucid coinage can with certainty be attributed to Mallus prior to the reign of Demetrius I. The single coin of this king struck at Mallus suggests either a very late issue, or one of very short duration. It is noteworthy, however, that this is the first recorded instance of the use of a strictly local reverse type on royal Seleucid silver bearing the king’s portrait and name. (...) From the reign of Demetrius’ immediate successor, Alexander I Balas, onward, Tarsus placed its own
local symbol, the deity Sandan standing on the back of a horned and winged lion, on royal silver. The change of reverse type may have been inspired by the acceptance of a local type on Demetrius’ mallian coinage. » À noter également que selon A. HOUGHTON (loc. cit., p. 98) Mallos a été le principal atelier monétaire de Cilicie sous Démétrios II.
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av. J.-C.*, en effet, celle-ci disparaît en tant que cité. Les Mallotes/Antiochéens ont peut-être reçu l’aval de Démétrios I“, qui avait besoin de renforcer sa position dynastique, notamment face à Alexandre Balas, et aura saisi l’occasion pour se démarquer de son prédécesseur abhorré (Antiochos IV) et du prétendu fils de celui-ci. Enfin, l’abandon du site
d’Antioche du Pyrame, en tant que centre urbain et politique, aura été motivé non seulement par l’attachement persistant de ses citoyens à Mallos, mais aussi par des facteurs de sécurité, car la recrudescence de la piraterie et des guerres, qui ont troublé la Cilicie en particulier à partir des années 150, poussait naturellement les populations à déserter les
côtes et à se réfugier à l’intérieur des terres.
Remarques d'ensemble La formation et l’histoire de Toriaion, d’Aphrodisias et d’Antioche du Pyrame ont leur propre dynamique, suffisamment intéressante en soi pour quiconque étudie les cités grecques de l’époque hellénistique. I] y ἃ, bien entendu, quelque chose d’artificiel dans le rapprochement de poleis que tant de facteurs séparent (situation géographique, contexte politique, tissu culturel, vestiges documentaires) et il serait parfaitement vain de chercher à tout prix le plus petit dénominateur commun à des objets qui sont, par la force des choses, singuliers. Néanmoins, il nous semble que la présente analyse fait apparaître quelques analogies dans
les premières phases de l’existence des trois cités étudiées, qu’il vaut la peine d’énoncer plus clairement. Ces poleis nouvelles apparaissent à la faveur d’un changement politique au niveau régional : passage de la domination séleucide à la domination attalide (Toriaion) ; de la domination rhodienne (?) à l’hégémonie
romaine (Aphrodisias) ; de la domination lagide à la domination séleucide (Mallos/Antioche du Pyrame). 94.
Le terminus post quem est l’an 158/7 av. J.-C. (mention de l’ethnique Avrıo-
χεὺς ἀπὸ Πυράμου dans /G IT, 2316, 49-50), le terminus ante quem est l’année de la mort de Démétrios I“ (150 av. J.-C.), sous lequel ont été frappés, comme nous venons de le rappeler, des tétradrachmes d’argent portant au revers l’image d’Athéna Magarsia avec la légende ΒΑΣΙΛΕΩΣ AHMHTPIOT et sur l’avers le portrait du roi et la lettre M (= Μαλλωτῶν).
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L'initiative d’« en bas », lorsqu'elle est avérée (Toriaion et Aphrodi5185), profite par conséquent d’un vide temporaire de pouvoir, mais elle est aussitôt validée par les nouvelles autorités. Du fait de leur fondation récente et des circonstances critiques qui
ont présidé à celle-ci, ces cités ont sans doute accordé une certaine prééminence sociale et politique au groupe restreint des « protocitoyens » qui ont dirigé la communauté à ses débuts et aux descendants de ceuxci : la supériorité des notables, qui est ailleurs, à la basse époque hellénistique, le résultat d’une évolution, semble être ici une donnée de
départ (Aphrodisias et très probablement Antioche du Pyrame). Enfin, pourquoi vouloir devenir une cité ? La question doit être posée, même si l’on ne peut pas y donner de réponse générale, étant donné que
les modalités de ce choix — car il s’agit fondamentalement d’une décision, et non pas de l’addition d’un certain nombre de conditions favo-
rables — ont été très variées. D’après les dossiers étudiés, il me semble que l’un des moteurs est certainement une volonté de valorisation de la
part d’un groupe social qui s’estime suffisamment fort et prospère pour gérer en son propre nom les affaires d’une communauté parvenue à un certain degré de différenciation : à Toriaion, les katoikountes face aux enchôrioi, à Aphrodisias, les gens du sanctuaire d’ Aphrodite face à ceux
du sanctuaire de Zeus Plaraseus ; à Antioche du Pyrame, où la situation est particulièrement complexe, les Mallotes philoséleucides, liés peutêtre davantage au sanctuaire d’ Athena Magarsia et aux activités du port, face (éventuellement) aux Mallotes philolagides de la ville haute.
Les autorités dominantes qui, comme on l’a vu, reconnaissent l’identité juridique des cités nouvelles (Toriaion, Aphrodisias) et leur donnent, le cas échéant, leur propre nom (Antioche du Pyrame), trouvent leur compte en accédant aux desiderata de ces communautés, car non seulement elles réaffirment ainsi leur souveraineté, mais, de plus, établissent un pacte politique avec les groupes dirigeants et, grâce à cela, se procu-
rent à moindres frais l’allégeance des sujets. À défaut de bien connaître le poids de l’administration royale ou l’impact de l’influence romaine, l’existence de cultes voués aux basileis, à Théa Rômè, à certaines divinités emblématiques (Aphrodite, trait d’union entre la gens Iulia et la cité à Aphrodisias, Zeus Olym-
pios à Antioche du Pyrame et dans d’autres fondations séleucides) est un indice très important des liens de dépendance qui, dès l’origine, ont
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marqué le devenir de ces communautés. Mais l’avenir des cités, ancien-
nes ou nouvelles, libres ou sujettes, est d’abord, comme toujours, l’affaire des citoyens et de leur adhésion aux choix qui régissent tous les domaines de la vie collective, quelles que soient les contingences internes ou externes. À cet égard, la comparaison entre la réussite durable d’Aphrodisias et l’essor éphémère d’ Antioche du Pyrame pourrait offrir matière à diverses spéculations. Addendum Apres la remise du manuscrit aux éditeurs, un nouveau lot d’inscriptions d’Aphrodisias a été publié par A. CHANIOTIS, « New Inscriptions from Aphrodisias (1995-2001) », AJA, 108 (2004), p. 377-416. L'une des nouvelles inscriptions enrichit le dossier des « cofondateurs » d’Aphrodisias. Il s’agit d’un décret posthume en l’honneur d’Hermogénès fils d’Hephaistiön (A. CHANIOTIS, loc. cit., n° 1, p. 379-382), τῶν
πρώτων καὶ ἐνδοξοτάτων πολειτῶν, προγόνων | ὑπάρχων τῶν μεγίστῶν καὶ συνεκτικότων τὸν δῆμον καὶ ἐν ἀϊρετῆι καὶ φιλοδοξίαις καὶ ἐπανγελίαις πλείσταις καὶ τοῖς καλίλίστοις ἔργοις πρὸς τὴν πατρίδα βε«βι»ωκότων, κτλ. (1. 4-8). Cette formule développée, qui se différen-
cie des formules condensées sur les ancêtres « cofondateurs » connues à Aphrodisias à l’époque impériale, est la plus ancienne attestée à ce jour. En effet, Hermogénès, lui-même ἀνὴρ καλὸς καὶ ἀγαθὸς καὶ φιλόπατρις καὶ κτίστης καὶ εὐερίγέτης τῆς πόλεως καὶ σωτήρ (1. 8-9), a œuvré pour le bien de la patrie au Is. av. J.-C., avant le début du Principat. Ses ancêtres doivent avoir vécu au moins deux générations plus tôt, au 1° 5. av. J.-C. (A. CHANIOTIS, loc. cit., p. 382) ou au début du 1‘ 5.
av. J.-C. (nous ignorons quand et à quel âge Hermogénès est décédé), à une époque relativement proche de celle à laquelle la sympolitie aurait eu lieu. Le nouveau document montre que la rhétorique des origines était déjà bien en place au tournant du rs. av. J.-C. et confirme que les titres stéréotypés de l'aristocratie impériale d’Aphrodisias se fondent sur l’engagement politique d’un groupe de familles actives tout au long de la basse époque hellénistique.
À propos des πάροικοι dans les cités d’ Asie Mineure Jean-Marie BERTRAND Université Paris I Panthéon-Sorbonne UMR 8585 — Centre Gustave Glotz, Paris
TERME de πάροικος et le verbe παροικέω ne sont pas très fréquents dans la prose classique, il semble qu’ils peuvent servir ἃ designer le voisin, celui qui habite à proximité de quelqu’un ou vit sur la marge d’un terroir considéré comme référence par l’auteur !. À l’époque hellénistique, la signification première du mot n’est pas oubliée par les documents, ainsi, dans telle inscription honorant Diophantos de Sinope, stratège de Mithridate, est-il question des Taures vivant dans le voisinage de Chersonèse, παροικοῦντες2. Néanmoins, il semble appartenir désormais, dans la majorité de ses emplois devenus nombreux, à un registre plus spécifiquement technique. Si l’on se cantonne au domaine anatolien, il sert à désigner l’indigène vivant, avec sa famille, dans la dépendance d’une cité de type grec, exploitant, comme ses voisins de même origine et statut que lui, des terres sur lesquelles des droits lui sont, de jure ou de facto, reconnus. L’ont parfaitement compris et signifié Ph. Gauthier, dans un article fondateur*, et F. Papazoglou, dans un livre fondamental par son intelligence et son exhaustivité*. Nous allons 1.
Les références les plus topiques sont, Thucydide IN, 113; IV, 92 qui fournit le
wn
L;
terme παροίκησις, ou Isocrate, Panégyrique, 162. losPE 352. Ph. GAUTHIER, « Métèques, périèques et paroikoi : bilan et point d’interrogation », dans R. Lonis (éd.), L'étranger dans le monde grec, Nancy, 1988, p. 23-46.
4.
F. PAPAZOGLOU, Laoi et paroikoi. Recherches sur les structures de la société hellénistique, Belgrade, 1997.
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essayer de proposer quelques remarques permettant de préciser certains des résultats déjà acquis concernant cette population en nous efforçant de réfléchir au statut du sol qu’elle habite et exploite. L'étude du cas des Pédiens et de leurs rapports avec la cité de Priène est essentielle pour ce faire. Les Pédiens apparaissent de façon évanide mais vraisemblable dans une lettre d’Alexandre à Priène dont les restitutions et, plus encore, l’explication qui les fonde posent des problèmes difficiles*. Le roi décide que, pour ce qui concerne les [villages ?] des Murs[ileens] et des Pfédiens], il tient leur terroir pour sien, χώραν γινώσκω ἐμὴν εἶναι, eux-mêmes devant payer les tributs, φέρειν τοὺς φόρους. Il exempte, en revanche, la cité des Priénéens de la contribution due jusqu'alors. Le point essentiel que doit prendre en considération toute analyse, comme l’a bien compris S. M. Sherwin-White, est que la publication de ce texte par la cité en une archive toute à sa gloire® témoigne de ce qu’elle n’a pas à se plaindre de la décision royale puisqu’elle en garde la mémoire monumentale. Les Pédiens, pour ne rien dire des Mursiléens dont on ne sait rien par ailleurs, sont mentionnés dans cette lettre parce qu’ils continuent d’intéresser Priène. Si le roi affirme son droit de propriété sur eux, ils restent dans la dépendance de la cité. En témoigne, de façon évidente, un décret qui, honorant un certain Mégabyxos d’Éphèse, lui accorde le droit d’acheter des propriétés foncières dans l’ensemble du territoire poliade à l’exception de celles qui, pour d’évidentes raisons de prudence, se trouveraient à la frontière d’Éphèse et de celles qui seraient situées dans le pays des
Pédiens 7, τῶν δὲ κτημάτων ὧν οἱ Πεδιεῖς κέκτηνται μὴ εἶναι αὐτῶι κτήσασθαι. Ce document, qu’il faut dater des années 295, témoigne de ce que les Priénéens contrôlaient, au début du ur s. av. J.-C., les villa-
ges et le terroir considéré comme la propriété des indigènes. L'emploi du même verbe pourrait témoigner de ce que Mégabyxos et les Pédiens 5.
I. Priene 1. Cf. A. J. HEISSERER, Alexander the Great and the Greeks, Univ. Okla-
6.
homa, 1980, chap. 6. 5. M. SHERWIN-WHITE, « Ancient archives : the Archives of Alexander, a Reappraisal », JHS, 105 (1985), p. 69-89.
7.
1. Priene 3, Ch. V. CROWTHER, « I. Priene 8 and the History of Priene in the Early Hellenistic Period », Chiron, 26 (1996), p. 195-239 établit la date du document que
le corpus considère comme très largement antérieur (334/3).
À PROPOS DES πάροικοι
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étaient détenteurs d’un droit de même nature. Cela, bien évidemment, pose quelques problèmes. ἢ faudrait se demander, tout d’abord, en effet, si le droit de propriété individuelle existait chez les Pédiens présentés comme une collectivité, comme le laisse imaginer l’emploi du terme κτήμα. Il est malaisé de répondre à cette question. Plus difficile encore est de comprendre comment un domaine dont le roi affirme qu’il en est propriétaire, sur lequel pourtant la cité exerce un droit de surveillance puisqu'elle y interdit certaines transactions foncières, peut se trouver
dans la situation que décrit le texte. Nous ne voulons pas ici traiter, d’une façon générale, de ce que peut être la « terre royale ». Il nous semble, en tout cas, que l'essentiel n’est pas de prétendre résoudre les difficultés d’analyse en se réfugiant dans l’idée que le pouvoir serait libre de déployer une puissance qui l’exonèrerait de toute référence au droit foncier opposable aux communautés et aux particuliers. Un royaume est, d’une certaine façon, un mixte qui
associe dans la définition des droits fonciers qui y sont applicables, la tradition orientale à la tradition juridique grecque à laquelle les cités ne peuvent pas ne pas faire référence. ἢ ne faut pas imaginer que la pensée politique grecque classique soit obnubilée par l’idée de la prévalence du droit à la propriété privée. Chacun peut concevoir qu’une cité est le véritable propriétaire de toute la terre qui constitue son territoire et que ce droit peut l’emporter sur toute revendication individuelle. Platon le signifie de façon particulièrement claire même s’il le fait d’une façon qui peut passer pour polémique parce qu’il considère que le problème de la terre doit être traité comme un élément particulier dans un ensemble politique qu’il faut bien qualifier de totalitaire. Pour lui, tout élément du sol comme toute personne y vivant est un des éléments constitutifs du corps politique, ne se définit et n’existe que par rapport au groupe quand il écrit dans la loi sur les héritages, « ni vous ni ces biens
ne vous appartiennent, eux et vous appartenez à toute votre race, ou plu8.
R.J. VAN DER SPEK, « Land Ownership in Babylonian Cuneiform Documents », dans M. J. GELLER et H. MAEHLER avec A. D. E. Lewis (éd.), Legal Documents
of the Hellenistic World, Londres, 1995, p. 173-245 (après « New evidence on Seleucid land policy », dans De Agricultura, {n memoriam Pieter Willem de Neeve, Amsterdam, 1993, p. 61-77), pense que ce que les textes appellent ainsi serait le
domaine privé du roi mais que celui-ci jouirait d’une souveraineté qui lui permettrait de s’abstraire des règles du droit privé et de violer à son gré les droits semblant les mieux acquis pour accroître ses propriétés.
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tôt, c’est à la cité qu’appartient toute votre race et toute votre fortune, τῆς πόλεως εἶναι τό τε γένος πᾶν καὶ τὴν οὐσίαν »?. Moins idéologiquement volontariste dans l’expression, mais tout aussi clair, est Dion de Pruse qui sait dire que « le territoire appartient à la cité, ἡ χώρα τῆς πόλεως, même si chacun des acquéreurs est le maître de ce qui est à lui, οὐθὲν ἧττον τῶν κεκτημένων ἕκαστος κύριός ἐστι τῶν ἑαυτοῦ » !. On peut, donc, considérer que lorsqu'il est envisagé que toute la terre du royaume puisse être le domaine du roi, cela n’a rien qui puisse étonner un Grec s’il admet que celui-ci est bien le représentant légitime de l’ordre étatique. Si l’on essaie de tirer les conséquences de ce principe, on peut valider la façon dont L. Boffo présente le problème en montrant
que la capacité du détenteur d’un bien à en disposer librement est le seul
critère qui permette de juger de son droit à la propriété !!. Il paraît vraisemblable, donc, que l’on doive admettre que les Priénéens n’ont pas le droit de disposer librement du pays des Pédiens et que c’est pour cette
raison qu’ils n’y accordent pas l’éykmoic à celui qu’ils veulent honorer et favoriser. On ne peut pas échapper à l’idée que cela tient bien à ce que le roi possède seul, pour les avoir clairement affirmés, tous les droits de propriété sur cette terre. On peut comparer cette situation à celle qui prévaut à Zéleia vers la même époque. À l’issue d’une guerre civile qui l’a laissée exsangue, la cité a décidé d’enquêter sur la façon dont certaines terres publiques auraient pu être accaparées par des particuliers pour faire vérifier par le tribunal si telle occupation était justifiée, pour les récupérer éventuellement, pour vendre celles qui se révèleraient libres d'occupation. Seules pouvaient faire l’objet de ce type de cession les δημόσια χωρία au sens propre du terme à l’exclusion des terres « que possédaient les Phrygiens payant le tribut, ὅσα οἱ Φρύγες ἔχοντες φόρον ἐτέλεον ». De toute évidence, la cité considère qu’elle assure la gestion des terres possédées par les indigènes, puisqu'elles appartiennent à la sphère de sa compétence législative et que l’on pourrait même les confondre avec le domaine public, mais elle connaît les limites de ses droits. On doit admettre que cette situation tient à ce que la zone est la propriété du roi auquel les 9. 10. 11.
Lois 923a-b (traduction E. Des Places). Dion Chrysostome, Discours Rhodien 47, 1. L. ΒΟΕΡΟ, « Lo statuto di terre, insediamenti e persone nell’Anatolia ellenistica »,
Dike, 4 (2001), p. 233-255.
À PROPOS DES πάροικοι
43
paysans paient le tribut, comme le font les Pédiens de leur côté. Il est difficile d'expliquer comment on peut concevoir qu’une terre appartenant au domaine royal et, de ce fait, soumise au prélèvement tributaire ait pu se trouver dépendre d’une administration politique. Le problème du tribut, s’il est essentiel dans la pratique comme nous le verrons, et s’il est l'expression du droit royal, peut passer pour marginal au regard
de l’argumentation juridique. Nous savons, en effet, que partout, dans les cités, étaient levées des taxes locales et, parallèlement, des impôts dont elles n’étaient pas maîtresses de dispenser quiconque, même pour
lui faire honneur, parce que leur produit était destiné au roi '?. L'essentiel est de comprendre le rapport à la terre et à ses habitants. La mise à disposition du sol par le souverain au bénéfice d’une cité
peut prendre diverses formes. La plus simple est celle qui est pure concession d’un terroir libre de toute occupation que le roi donne à mettre
en valeur et à exploiter contre le paiement d’un tribut qui s'apparente à une rente locative, ainsi Philippes reçoit-elle pareil cadeau d’ Alexandre, la terre dont elle recevait la jouissance restant propriété royale "À. On connaît des cas beaucoup plus compliqués. Particulièrement significative de cette complexité est la situation de Smyrne au temps de la
guerre des Frères '?. À l’instigation du roi Séleucos Kallinicos et de ses représentants
en Anatolie, Smyrne a conclu avec les colons et les soldats des divers corps installés à Magnésie un accord de complète sympolitie qui doit construire, en un véritable synœcisme, un πολίτευμα homogène (1. 60). Tous les Hellènes de cette communauté complexe sont devenus citoyens de Smyrne, intégrés à égalité de droit dans les diverses circonscriptions politiques et le Peuple est chargé de la sécurité du site urbain de Magnésie en y déléguant un magistrat préposé à la garde des clefs et à la défense du lieu (1. 55). II semble bien que le territoire de Smyrne dont 12.
Sur les formules canoniques témoignant de ce fait, il suffit de renvoyer à E. BIKER-
13.
MAN, Institutions des Séleucides, Parıs, 1938, p. 101. M. HATZOPOULOS, Macedonian Institutions under the Kings : a Historical and Epigraphic Study, Athènes, 1996, IT, n° 6. M. FARAGUNA, « Aspetti amministrativi
e finanziari della monarchia macedone tra IV e III secolo, Athenaeum, 86 (1998),
14.
p- 349-395 (370-373) montre très justement que le texte signifie par l’emploi du verbe νέμεσθαι que la cité n’a pas la propriété de la terre concédée. I. Magnesia am Sipylos 1 (OGI 229) avec divers éléments de commentaire. Voir M. LAUNEY, Recherches sur les armées hellénistiques, Paris, 19872, p. 669-675.
44
JEAN-MARIE
BERTRAND
le roi vient de garantir la possession libre à la ville!
et le terroir con-
trôlé par la communauté des gens installés à Magnésie soient désormais confondus, les nouveaux citoyens se voyant reconnaître le droit
de s’installer en ville, la monnaie de Smyrne ayant cours légal partout. Tout différent est le cas d’une garnison voisine de Palaimagnésie qui se trouve associée a posteriori à cette procédure pour le service du roi. Il s’agit de personnels militaires qui avaient été dotés par le souverain et son représentant à Sardes, Alexandros, de deux lots de terre, κλῆροι (1. 100-101), pris sur la terre royale comme de règle. Certains de ces
garnisaires n’avaient pas reçu de terres, Smyrne décide, dans le cadre de l’accord, de leur donner un κλῆρος ἱππικός libre d’impôt (1. 102). Aux soldats de deux unités qui n’ont pas vocation à s’installer durablement, l’une, au moins, étant composée de recrues perses, les Smyrniotes promettent de veiller à ce que leur solde soit payée sur la caisse royale comme d'usage, ἐκ βασιλικοῦ (1. 106). Le fait que le peuple de Smyrne puisse, de façon crédible, proposer l’une et l’autre de ces deux mesu-
res est de grande signification. Quitte à rendre compte sans doute, mais le fait que cette mesure soit approuvée ne semble pas faire de doute, en
raison, au moins, des difficultés de la guerre, la cité peut envisager d’effectuer une distribution de terres aux soldats royaux qu’il faut maintenir sur place. Elle semble, par ailleurs, posséder la maîtrise comptable des revenus que le roi tire du secteur puisqu'elle peut envisager de faire
payer la solde des troupes non alloties sur des fonds qui ne sont pas les siens propres mais dont elle a, d’une façon ou d’une autre, la maîtrise parce qu’ils doivent transiter par ses propres services. Ces fonds, dans
la mesure où les soldats ne semblent pas payer d’impöt foncier comme en témoigne la mention d’une exemption, ἡ ἀτελεία ἡ νῦν ὑπάρχουσα (L 102), doivent provenir de villages indigènes tributaires. Il est parfaitement clair que cette zone n'appartient pas, à la date du décret, au ter-
ritoire de Smyrne, elle est terre royale et le fait que le roi puisse l’attribuer à la ville n’est qu’une éventualité que l’on prend en compte, « si le roi attribue le terroir à la cité, ἐὰν προσορισθῇ ἡ χώρα τῆι πόλει τῆι ἡμετέραι » (1. 101). Si cette attribution n’est pas effective à la date du décret, les effets de la décision de Smyrne doivent, néanmoins, être immédiats, la cité décidant, comme on s’en rend compte, de la gestion 15. ΟΟἹ 228.
À PROPOS DES πάροικοι
45
du terroir et de ses revenus par ce qu’il faut bien considérer comme une sorte de délégation de pouvoir. Les conséquences d’un transfert possible de la propriété du roi à la cité sont, par ailleurs, évoquées de façon discrète et comme en creux par la façon dont est réglé le cas des mem-
bres de la communauté de Magnésie qui, devenus citoyens de Smyme, possédaient, outre leur κλῆρος de Magnésie désormais intégré au territoire de Smyrne, parce qu'ils étaient aussi en poste à Palaimagnésie, deux κλῆροι dans les alentours du poste. Il est décidé que ces dotations resteront libres d’impôt si Palaimagnésie est rattachée à Smyrne, ce qui veut dire que cette accession à la propriété pourrait permettre à la cité à modifier les règles fiscales en vigueur dans le domaine royal puisqu'elle doit promettre que ce ne serait pas le cas pour rassurer les soldats de la fidélité desquels elle veut être sûre. À Priène ou à Zéleia, la situation paraît plus simple. Il semble que le roi, conscient d’être devenu le maître du sol par l’effet de sa victoire, avait confié la surveillance et la gestion d’importants territoires ruraux peuplés d’indigènes à l’une et l’autre cité !. Il n’entendait pas être privé des revenus de leur travail. Les Pédiens comme les Phrygiens continueraient, donc, de payer tribut au souverain pour un sol dont il entendait
conserver la propriété mais dont il n’entendait sans doute pas assurer la gestion au quotidien. Les cités se trouvaient ainsi dotées d’une mission de service royal qui, sans doute, leur convenait puisque Priène ne semble pas s’en plaindre. La situation qui lui est faite n’est pas unique, bien évidemment, et il faut envisager la possibilité d’en expliquer les parallèles. L’intérêt de la cité tenait à ce qu’elle effectuait elle-même la levée du tribut dû au roi. Elle percevait des taxes dont le produit était proportionnel au montant des récoltes ou au fruit de l’élevage, mais elle rétrocédait au souverain une somme fixe établie par l’administration en fonction de la valeur estimée du terroir !?. Il est vraisemblable que l’es-
sentiel du bénéfice réalisé par elle résultait d’un contrôle strict des prélèvements, d’une surveillance serrée de producteurs, favorisés par la 16.
17.
On peut penser découvrir des λαοί à Zéleia, F. PAPAZOGLOU s’y refuse avec beaucoup d'énergie (op. cit., n. 102, TS, p. 48-50), mais Chr. SCHULER, Ländliche Siedlungen und Gemeinden im hellenistischen und römischen Kleinasien, Munich, 1996, p. 203, l’admet sans état d’äme. R. DESCAT, « Mnésimachos, Hérodote et le système tributaire achéménide », REA, 87 (1985), p. 97-112 (p. 108).
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JEAN-MARIE
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proximité. On comprend que nul n’appréciait de se trouver dans cette situation, ni, non plus, d’ailleurs être attribué à quiconque, que ce soit
un ensemble de villages '? ou une cité !?. C’est, sans doute, une exploitation de ce type, tournant à la surexploitation, qui pourrait expliquer que les Pédiens, laissés par Alexandre à la disposition de Priène, se soient révoltés avec l’aide de Magnésie, cité voisine, durant le règne de Lysimaque qui fut contraint d'intervenir en force pour sauver la cité ?, Les Pédiens, ainsi, une fois vaincus, furent rendus à Priène par le roi?', mais le statut de certains d’entre eux changea comme on doit le déduire, selon toute vraisemblance, de la lecture d’une inscription malheureusement très lacunaire 2. Les indigènes, ceux du moins, peut-être, qui n’avaient pas participé de façon trop évidente à la révolte, entrèrent dans la cité qui jusqu’alors leur était restée étrangère en accédant au statut de πάροικος à la seule condition de s’être fait connaître dans les trente jours suivant la décision royale. S’ils ne quittèrent sans doute pas leurs villages, à quelques exceptions près peut-
être 25, car on n’imagine pas de quelle activité autre que rurale la plupart d’entre eux auraient pu tirer de quoi vivre et comment la cité aurait pu supporter de perdre en un instant le produit de leur activité, ils abandonnèrent leur statut originel et ses contraintes. Il est vraisemblable que ce 18.
Le cas de Telmessos est bien connu, M. WÖRRLE, « Epigraphische Forschungen zur
19.
Geschichte Lykiens, I », Chiron, 8 (1978), p. 201-247. Sur les villages sacrés attribués à Apollonia de la Salbakè, L. et J. ROBERT, La
Carie, II, Paris, 1954, p. 285-302 (p. 297). J. MA, Antiochos Ill et les cités de l'Asie 20.
Mineure occidentale, Paris, 2004, p. 100-105 et 157-158. I. Priene 14,1. 5-7, Ch. V. CROWTHER, « I. Priene 8 and the History of Priene in the
Early Hellenistic Period », Chiron, 26 (1996), p. 195-239 (p. 222, n. 102). 21.
Sur le retour, forcé sans doute, des habitants indigènes des villages dans une cité que l’on veut relever, voir J. MA, op. cit., « Dossier épigraphique », n° 31.
22.
I. Priene 16. 58. M. SHERWIN-WHITE,
loc. cit., p. 79, pense que le roi donne aux
Pédiens un statut nouveau mais on ne peut apprendre grand chose du document lui-même. F PAPAZOGLOU, op. cit. (n. 4), parle (p. 176) du « droit de paroikein » et de « création de paroikoi par ordre royal ». Ph. GAUTHIER,loc. cit. (n. 3), reste d’une
grande prudence (p. 32-33), « il semble qu’on puisse conclure que Lysimaque, après la guerre, avait accordé à certains (?) Pedieis de s’établir en qualité de paroikoi (on
23.
lit seulement le verbe paroikein), dans un délai de trente jours, sur le territoire défini par lui (?) » et il constate qu’ensuite on « n’entend plus parier » des Pédiens. 1. 8. Svencickaja semble (si l’on en croit l’analyse d'un article que je n’ai pas pu lire par F. PAPAZOGLOU, op. cit.) penser que le statut de paroikoi impliquait la liberté de déplacement et le libre choix du domicile.
À PROPOS DES πάροικοι
47
soit de leurs descendants qu’il est question dans l’inscription en l’honneur de Sôtas qui avait su entraîner dans son combat contre les Galates « les plus braves d’entre les citoyens καὶ τῶν ἀπὸ τῆς χώρας » 2", la formule n’étant pas unique”. Si tel est bien le cas, d’ailleurs, il est significatif de constater, à la lecture de ce texte, combien le territoire de Priène paraît désormais unifié, même s’il peut sembler que certains ruraux aient pu faire cause commune avec les envahisseurs. On y trouve mêlés, en effet, des citoyens propriétaires, qu’il faut protéger des barbares et faire rentrer en ville avec leurs biens, et ces nouveaux partenaires
du combat mené par les citoyens, qu’ils fussent enrégimentés ou membres des troupes d’élite. Désormais, la présence effective dans la cité des πάροικοι ne posait plus de problème et elle serait, notamment, rendue manifeste par leur participation aux banquets publics. Ils s’y trouvaient jouir d’un rang qui n’était pas médiocre, puisqu’ils apparaissaient dans les énumérations souvent assez longues des divers ayants droit ? juste après les citoyens 27, Certains d’entre eux, dans le cours du I 5. av. J.-C.,
accédèrent à l’éphébie À. Les modalités de cette intégration au politique peuvent être éclairées par le parallèle offert par l’histoire de Pergame et celle d’autres cités d’Asie Mineure. On sait que le roi Attale Philomètôr, à sa mort, avait laissé Pergame libre mais que les difficultés nées de l’activité d’ Aristonicos imposèrent que la cité prît des mesures destinées à favoriser la cohésion sociale et éviter l’effet des tentations sécessionnistes de telle ou telle partie de la population. Cela se fit par l’amélioration du statut personnel de chacun de ceux qui appartenaient à des catégories d’inférieurs. Ainsi la pleine citoyenneté est accordée τοῖς ἀναφερομένοις ἐν ταῖς τῶν παροίκων ἀπογραφαῖς, « à ceux qui étaient inscrits dans 24. 25.
1. Priene 17,1. 20. Il est difficile, néanmoins, de comprendre quel est le statut propre de tous ceux que les inscriptions éphébiques de Pergame désignent comme des ἀπὸ τόπων. L. ROBERT en avait traité dans Villes d’Asie Mineure, Paris, 1962?, p. 51-52. Depuis divers textes qui se rattachent, par leur formulaire, à cette série ont été publiés, notamment
dans EA, 16 (1990), p. 65-67, « Some Mysians from Emoddi ». 26. I. Priene 108, 109, 112, 113, après les katoikoi dans 118. Ces énumérations se ter27.
minaient parfois par la mention des Romains. Parfois même il semble qu’ils soient seuls à profiter des évergésies avec les citoyens,
1. Priene 117. 28. I. Priene 113, 123.
48
JEAN-MARIE BERTRAND
les registres des πάροικοι » ”. L'existence de listes est la conséquence naturelle de l’intégration d’un groupe de personnes dans la cité *, qu’il
s’agisse de citoyens ou de quiconque a droit à un état-civil. Ces listes existaient à Pergame pour les πάροικοι, de même qu’il en avait été établi à Priène quand les Pédiens, désireux, de troquer leur statut de paysan royal pour celui de πάροικος avaient dû se faire reconnaître. Ce
qui caractérise la situation de Pergame et qui doit témoigner d’une évolution de l'institution est que le statut de πάροικος n’est pas, ou n’est plus, exclusif de l’origine ethnique ou sociale de celui qui en jouit. Peuvent y accéder, en effet, d’autres catégories d’inférieurs, enfants d’affranchis, esclaves royaux ou publics. Cela témoigne de la banalisation des rapports interethniques à l’intérieur du système politique et de la mobilité des personnes dans le corps social*!. Le même type de glissement de statut se retrouve, pour les mêmes raisons, mis en œuvre à
Éphèse quand, lors de la guerre mithridatique, pour assurer un recrutement militaire suffisant. Il est, ainsi, prévu que « les assimilés par privilège fiscal, les πάροικοι, les dépendants des temples, les étrangers qui prendront les armes et se feront inscrire auprès des officiers deviendront citoyens avec droits égaux et semblables, les esclaves publics qui prendront les armes deviendront libres et πάροικοι »°?. On constate, là encore, l'importance de la valeur probatoire des listes et la complexité
de leur établissement. On peut, par ailleurs, constater que les πάροικοι ne sont pas soumis aux obligations militaires, ce qui devait avoir été
le cas à Priène quand Sôtas les rallia pour combattre les Galates en appoint d’une compagnie de marche regroupant les plus solides d’entre les citoyens. Il est, néanmoins, significatif que dans les deux cités,
les πάροικοι aient été amenés à devoir choisir de participer ou non aux combats, cela témoigne à la fois de leur infériorité juridique et de leur
liberté. En revanche, quand Aphrodisias décida, elle aussi de marcher contre Mithridate, ni les πάροικοι ni les esclaves n’eurent le choix de 29. ΟΟΙ 338, |. 13. 30. Voir, sur ce point notamment, l’important article d’I. SAVALLI, « I neocittadini nelle cittä ellenistiche », Historia, 34 (1985), p. 387-481. 31.
Voir notre note, « Frontières externes, frontières internes des cités grecques », dans
Cl. Moari (éd.), La mobilité des personnes en Méditerranée, de l'Antiquité à l'époque moderne, Rome, EFR, 2004, p. 71-98.
32. SylP742, 1. 42-48.
À PROPOS DES πάροικοι
49
leur attitude et furent mobilisés, l’association des deux types de personnel recruté témoignant de la médiocrité de la place tenue par ceux d’en-
tre eux qui étaient libres *. Il semble donc que la situation des πάροικοι ait pu n’être pas homogène dans l’ensemble des cités du monde anatolien hellénistique. Ce statut perdura durant l’époque romaine comme on le sait d’un texte, devenu classique, publié à Oinoanda *. L'important est de comprendre, si faire se peut, pourquoi l'intégration de ces paysans, ou d’autres dépendants, fut proposée et si elle fut réelle. La rupture des frontières statutaires fut, partout, la conséquence de graves crises, que ce fût à Priène, à Pergame ou à Éphèse, il ne faut pas s’en étonner. Cela témoigne de la capacité d’adaptation de la cité grecque où les progrès sociaux sont touJours possibles en réponse aux difficultés du moment. Solon, Clisthène, Agis et Cléomène n’ont fait que tirer les conséquences de l’impossibilité de continuer à faire vivre la constitution de leur cité dans ses formes anciennes. Une des difficultés de l’époque romaine fut que, dans la paix revenue, le progrès social put sembler moins nécessaire et que, notamment, la ville et la campagne, &ypoixia, purent passer comme des mon-
des tout à fait distincts #.
33. 34.
J. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome, Londres, 1982, n° 2b. M. WÔRRLE, Stadt und Fest im kaiserzeitlichen Kleinasien, Munich, 1988, 1. 27 de l'inscription publiée, voir p. 144.
35. Voir sur l’opposition entre bourgeois et campagnards, /. Prusias ad Hypium 17.
Les Grecs des cités et l’obtention de la ciuitas Romana Jean-Louis FERRARY Membre de l’Institut École pratique des hautes études UMR 8585 -- Centre Gustave Glotz, Paris
RÂCE à l’exceptionnelle quantité d’informations que nous fournissent les Verrines sur la situation de la Sicile dans les années 70, nous savons qu’un certain nombre de notables grecs y avaient reçu
récemment la citoyenneté romaine, en particulier de la part de Pompée, qui y avait fait campagne en 82 pendant la guerre civile/. Nous
n’avons de précisions ni sur les raisons pour lesquelles ce privilège leur avait été accordé, ni sur leur rôle politique local avant et après l’octroi
de leur nouveau statut, ni sur les privilèges individuels dont ils jouissaient. Nous constatons seulement que ces citoyens romains de fraîche date continuaient à habiter sur le territoire de leur cité d’origine, alors que la Grèce propre et l’ Asie ne paraissent pas, à même époque, avoir encore connu ce phénomène. Les arguments en ce sens ne sont pas seu-
lement ὁ silentio. Il est significatif que la famille d’un notable qui s’était aussi distinguée aux côtés des Romains et contre Mithridate que celle de Chérémon de-Nysa? n’ait pas été honorée de la citoyenneté romaine dès le retour des Romains en Asie et la confirmation des actes de Sulla par le Sénat. Les raisons de cette différence de traitement, me semble1.
Voir E. BADIAN, Foreign Clientelae (264-70 B.C.), Oxford, 1958, p. 302-308 (« Appendix B : Singillatim ciuitate donati »). Outre des Cn. Pompeii, les Verrines mentionnent deux autres notables provinciaux devant leur citoyenneté à des Sullaniens notoires : un Q. Caecilius Dio à Halèse (II, 2, 20-2) et un Q. Lutatius Diodorus à Lilybée (II, 4, 37).
2.
Fr. HILLER v. GÄRTRINGEN
et Th. MOMMSEN,
SylP 74]. WELLES, RC 73-74.
MDAI(A),
16 (1891), p. 95-106;
52
JEAN-LOUIS
FERRARY
t-1l, sont à chercher autant chez les Grecs que chez les Romains. Il est
vrai que la Sicile était la plus ancienne province, qu’elle pouvait apparaître, pour des raisons géographico-historiques, comme une espèce de prolongement de la Grande Grèce italique, et que l’accès de notables siciliens à la citoyenneté romaine peu après que cette dernière avait été conférée à toutes les anciennes cités d'Italie, y compris les cités grecques, était une espèce de développement naturel. Mais cela peut expli-
quer, non seulement que les Romains aient été plus disposés à accorder la citoyenneté à des Grecs de Sicile, mais aussi que la demande ait été beaucoup plus forte en Sicile qu’en Asie. Ainsi faut-il tenir compte des liens qui s’étaient tissés entre Grecs issus de cités de Grande Grèce et de Sicile * et qui ne pouvaient se maintenir que si les familles siciliennes
parvenaient, elles aussi, à la citoyenneté romaine. Un document d’un intérêt tout particulier pour la période sullanienne
est le 5.0. de 78 récompensant les navarques Asclépiade de Clazomènes, Polystrate de Carystos et Méniskos de Milet pour services rendus pendant la « guerre en Italie »*. Outre les clauses visant spécifiquement à réparer tout dommage que les navarques auraient pu subir du fait de leur absence au service de Rome, les privilèges concédés sont considérables : pour eux et pour leurs descendants, exemption de toute taxe et liturgie dans leurs propres cités, pour eux-mêmes (sans mention explicite, cette fois, des descendants), exemption de toute taxe mise en adjudication par un magistrat romain et concernant l’Asie ou l’Eubée ; pour euxmêmes et leurs descendants, droit de choisir comme juridiction, aussi
bien comme défendeur ou accusé que comme demandeur ou accusateur, les tribunaux de leur propre cité, ou un magistrat et des juges romains, ou les tribunaux d’une cité libre restée fidèle aux Romains ; inscription, enfin, sur la liste officielle des amis du peuple romain et droit, pour
eux-mêmes et leurs descendants, de se présenter devant le Sénat ou de députer auprès du Sénat pour y défendre leurs intérêts personnels. Si les navarques ne se voient pas conférer la citoyenneté romaine que recevra quelques décennies plus tard Séleucos de Rhosos, et que reçoi3.
Ainsi, à Délos, le banquier Héraclide de Tarente est-il associé avec un Syracusain, Nymphodôros, et marié avec une Syracusaine, Myrallis fille de Ménékratès
(ID 1716). 4.
Voir en dernier lieu l'édition et le commentaire qu’a donnés de ce texte A. RAGGI,
ZPE, 135 (2001), p. 73-116.
LES GRECS
DES CITÉS ET LA CIUITAS ROMANA
53
vent à même époque des Grecs de Sicile, la raison n’en est pas nécessairement qu'ils n’en aient pas été jugés dignes. Les privilèges qui leur sont conférés peuvent être rapprochés de ceux que la loi de repetundis
gracchienne (123/2) accorde à des accusateurs pérégrins victorieux qui déclinent la récompense de la citoyenneté : la prouocatio et l’optio fori;
dans l’un et l’autre cas, d’autre tio militiae munerisque. I] y a fait normales dans la mesure où mêmes catégories de personnes.
part, l’accusateur reçoit aussi la uacades différences incontestables, tout à les deux textes ne s’adressent pas aux Les bénéficiaires de la loi gracchienne
devaient être avant tout des Italiens‘, qui se voyaient protégés contre
la coercition des magistrats romains et exemptés des obligations militaires et fiscales. Dans le cas des trois navarques du s.c. de 78, le statut officiel d’amis du peuple romain et le droit de s’adresser directement
au Sénat offraient aussi, sous une autre forme que la prouocatio, une garantie contre les abus de magistrats romains ; et, faute d’une exemption des obligations militaires qui n’aurait plus de sens pour ces anciens capitaines, on retrouve la même immunité fiscale et le même droit de
choisir entre différentes juridictions. La loi gracchienne a surtout l’intérêt de montrer que la citoyenneté romaine n’était pas forcément la
récompense la plus attractive : même dans les cités italiques 7, elle risquait d’isoler son bénéficiaire et le maintien de la pleine appartenance à la communauté locale assorti de privilèges tant au sein de cette communauté que vis-à-vis des autorités romaines pouvait paraître préférable. Il me paraît peu probable que le choix proposé en matière de récom-
penses aux accusateurs victorieux dans certains procès publics ne l’ait pas également été en faveur de ceux que le peuple romain voulait distinguer pour leur valeur militaire et leur fidélité dans des circonstances
5.
ΜΗ. CRAWFORD (éd.), Roman Statutes, Londres, 1996, n° 1, 1. 78-9 = 85 + 86; cf. n° 8 (Fragmentum Tarentinum, fin du ur s.), 1. 2-7.
6.
J.-L. FERRARY, RHD, 76 (1998), p. 42-44.
=
difficiles. Le s.c. de 78 ne devait pas être sans précédent. Nous savons que, dès les années 90, il y avait en Asie un certain nombre de person-
À l’exception des colonies latines, où la mise en place, peut-être dès cette époque, de l'obtention de la citoyenneté romaine par l’exercice des magistratures dut être accompagnée de garanties permettant de poursuivre sur place une activité publique,
et où Romains et Latins pouvaient, de toute façon, contracter entre eux des mariages légitimes et procéder à des actes juridiques valides.
54
JEAN-LOUIS
FERRARY
nes inscrites individuellement au nombre des amis du peuple romain. Il serait sans aucun doute imprudent de prétendre qu'ils possédaient déjà tous les privilèges inclus dans le s.c. de 78. Sans doute n’y avaitil pas plus un statut cadre des individus amis du peuple romain que des cités libres, mais plutôt des statuts privilégiés dont les éléments constitutifs étaient chaque fois précisés par un s.c. Il me paraît en revanche vraisemblable que des privilèges tout à fait comparables à ceux du s.c. de 78 furent conférés aussi à ceux qui s’étaient distingués dans la résistance contre Mithridate et dans l’assistance aux Romains lors de la crise de 88 : il fallait bien de toute façon qu’ils bénéficient de mesures restitutoires leur permettant de recouvrer les biens confisqués et, du point de vue fiscal, Rome dut veiller à ce qu’ils ne fussent pas indirectement victimes des sanctions qui avaient pu frapper leur cité. Le s.c. de Ascle-
piade, et d’autres que nous devons donc supposer”, sont remarquables par la façon dont le Sénat ne confère pas seulement des garanties vis-à-
vis des magistrats romains ou des Romains séjournant en Orient !°, mais s’ingère au mépris de l’autonomie des cités, en permettant à des Grecs qui ont bien mérité de Rome d’échapper aux taxes et liturgies civiques
et de récuser les tribunaux de leur cité !!. Du moins présupposent-ils que leurs bénéficiaires reviennent s’installer dans leur cité. Rome veillait à ce que tous les dommages qui avaient pu résulter de leur absence à son 8.
Οἱ κατ᾽ ἄνδρα κεκριμένοι ἐν τῆι πρὸς Ῥωμαίους φιλίαι dans les inscriptions OG/ 438 et 439; IGR IV, 291. Cf. J.-L. FERRARY, dans Ο. SALOMIES (éd.), The Greek East in the Roman Context. Proceedings of a Colloquium organised by the Finnish
Institute at Athens, May 21 and 22, 1999, Helsinki, 2001, p. 26-28. 9.
Nous en avons d’ailleurs une confirmation épigraphique : le s.c. de 73 sur les privilèges fiscaux du sanctuaire d’Amphiaraos (RDGE 23) nous apprend qu’Hermodore d’Oropos, le prêtre d’ Amphiaraos, avait été inscrit par le Sénat au nombre des amis
du peuple romain pour le récompenser de sa fidélité pendant la guerre de Mithridate et qu’il jouissait de ce fait d’une immunité fiscale (1. 16-18 et 45-51). 10.
Ainsi que l’a noté A. RAGGI (ZPE, 135 [2001], p. 107), en cas de procès avec un Romain les tribunaux romains risquaient d’être plus favorables à un citoyen qu’à un ami et les tribunaux locaux d'être incompétents ; d’où l’intérêt de pouvoir recourir
à une troisième juridiction, celle d’une cité libre restée fidèle à Rome. 11.
La clause judiciaire n’est pas seulement un complément nécessaire des clauses restitutoires, comme l’ont pensé F. DE VissCHER, Studi in onore di P. De Francisci
1, Milan, 1956, p. 42-43, n. 3, et A. J. MARSHALL, GRBS, 10 (1969), p. 44-45. La formulation n’est pas limitée à certains procès et c’est un privilège étendu aux des-
cendants des bénéficiaires : voir A. RAGGI, ZPE, 135 (2001), p. 106-107.
LES GRECS DES CITÉS ET LA CIUITAS ROMANA
55
service fussent réparés et leur offrait, au sein de leur communauté, une
position privilégiée qui pouvait certes gêner leur réinsertion, si l’emportaient d’un côté l’arrogance et de l’autre l’envie, mais aussi la faciliter, si l’ami du peuple romain mettait au service de la cité ses bonnes relations avec les maîtres du monde, compensait ses privilèges fiscaux par son évergétisme et n’abusait pas de ses privilèges judiciaires. Pour ceux qui voulaient rester au sein de leur cité, de tels privilèges valaient bien la concession de la cité romaine, qui ne leur aurait pratiquement accordé rien de plus et aurait davantage encore distendu les liens avec leur communauté d’origine.
Nous avons vu le rôle joué par Pompée dans l’accès à la citoyenneté romaine de Grecs de Sicile, mais il ne me semble pas que le phénomène se soit reproduit en Orient lorsqu'il y fut à la tête des légions, de 67 à 62. Le seul Grec de cette partie du monde méditerranéen dont nous soyons certains qu’il reçut la citoyenneté de Pompée est Théophane de Mytilène, Nous savons maintenant qu’il avait joué un rôle politique dans sa patrie avant l’arrivée de Pompée '?, mais lorsque Théophane fut fait citoyen romain, ce fut pour suivre Pompée à Rome et jouer à son côté un rôle de conseiller très influent et, s’il revint peut-être durablement dans sa patrie, ce ne fut en tout cas qu’après l’assassinat de Pompée en Égypte en 48. Bien entendu, Théophane n’avait pas oublié Mytilène : son influence auprès de Pompée contribua à ce que la cité retrouvât la liberté qu’elle avait perdue à la suite de la guerre de Mithridate, ce pour quoi Théophane fut honoré de son vivant, puis après sa mort sous le nom
de Θέος Ζεὺς Ἐλευθέριος Φιλοπάτρις Θεοφάνης . Mais le dernier témoignage que nous ayons de lui est une lettre reçue par Cicéron en 12.
V. ANASTASIADIS et G. A. SOURIS, Chiron, 12 (1992), p. 377-383.
13.
/G XII 2, 163. Voir L. ROBERT, CRAI, 1969, p. 42-64; D. SALZMANN, MDAIR),
92 (1985), p. 245-260. Selon B. HOLTHEIDE, Rômische Bürgerrechtspolitik und rômische Neubürger in der Provinz Asia, Fribourg-en-Brisgau, 1983, p. 25, « daneben existierte in Mytilene noch eine große Gruppe von Pompeii, die vom Pompeius, möglicherweise auf Vermittlung des Cn. Pompeius, das Bürgerrecht erhalten hatte », mais les Pompeii datés de l’époque républicaine dans la liste de la p- 234 sont d’origine italienne, non des Mytiléniens honorés de la citoyenneté par Pompée sur l’éventuelle intercession de Théophane : un Cn. Pompeius Longus (/G XII 2, 88), un Cn. Pompeius Rufus (/G XII 2, 86), un Cn. Pompeius Cn. f. Rufus (IG XU 2, 238), un Cn. Pompeius Sp. f. Nestor, un Cn. Pompeius Sp. f. Hedulus et une Pompeia Sp. f. (/G XII 2, 382).
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JEAN-LOUIS FERRARY
juin 44, d’où il résulte qu’il était alors en Italie !*, et les descendants de Théophane firent carrière dans la noblesse d’empire, l’ordre équestre, puis l’ordre sénatorial. En revanche Pythodoros de Tralles (le fils ou plutôt petit-fils de Chérémon de Nysa), pourtant grand ami de Pompée !, ne devint pas alors citoyen romain. Ceux de ses descendants qui ont une
onomastique romaine sont des Antonii, et c’est le mariage de Pythodoros avec une Antonia (quelle qu’elle soit) qui semble avoir introduit la
citoyenneté romaine dans la famille". C’est seulement à partir des années du pouvoir personnel de César,
après Pharsale, puis surtout pendant le triumvirat et sous le règne d’Auguste, que nous pouvons constater une véritable mutation, avec
l'apparition de notables locaux pourvus de la citoyenneté romaine tout en restant dans leurs cités. L'importance de ce phénomène et l’intérêt de ces C. Iulii ou de ces Antonii ont été particulièrement soulignés par L. Robert, en particulier dans des pages de 1966 qui gardent toute leur valeur, même si le point de départ en est C. Iulius Zoilos d’Aphrodisias, dont il est apparu depuis, ἃ la surprise generale, qu’il s’agissait d’un
affranchi de César Auguste '’. Mais la chronologie précise de cette diffusion de la citoyenneté romaine continue de poser bien des problèmes,
compte tenu en particulier de ce qu’un C. Julius peut avoir obtenu la citoyenneté de César ou d’Octavien Auguste. 14.
Cicéron, Art. 15, 19, 1 (entre le 16 et le 19 juin 44) : Theophanes quid uelit nescio ... Mihi autem scribit uenire ad me se uelle ut et de suis rebus et quaedam quae ad me pertinerent. Il est vrai que Dolabella, qui avait obtenu pour cinq ans le gouvernement de la Syrie venait de nommer Cicéron au nombre de ses légats, le 3 juin (Cicéron, Att. 15, 11, 4). Mais si Théophane avait été à Mytilène, il n’aurait pas eu le temps de l’apprendre et de faire parvenir à Cicéron une lettre pour le rencontrer en Orient.
15. Strabon XIV, 1, 42, C 649. 16.
17.
Voir PIR?, Ρ (1998), stemma 22. Le gentilice Antonius est porté par M. Antonius Pythodoros (/. Ephesos 615), peut-être un fils de Pythodoros de Tralles et d’ Antonia, honoré διὰ τὴν μητρὸϊς εὐνοίαν ou εὐεργεσίαν] ; par Antonia Thryphaena et peutêtre M. Antonius Polemon, issus du mariage de Pythodoris Philomètôr (/. Smyrna 614), fille de Pythodoros et d’Antonia. Le problème de savoir si Antonia était ou non une fille d’ Antoine reste posé depuis la controverse entre Mommsen et Dessau. L. RoBERT, AC, 35 (1966), p. 413-432 (= OMS VI, 37-56). Voir aussi, sur les Antonii, Laodicée du Lycos. Le Nymphée. Campagnes 1961-1963, Québec - Paris, 1969,
p. 306-309. L'inscription révélant que L. lulius Zoilos était un θεοῦ Ἰουλίου υἱοῦ Καίσαρος ἀπελεύθερος a été publiée en 1982 par J. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome, n° 36.
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Parmi les Grecs qui reçurent la citoyenneté de César, Théopompe de Cnide est sans doute le plus proche de ce qu'avait été Théophane de Mhytilène pour Pompée ®. Lui aussi fit profiter sa cité de l’amitié dont il jouissait à titre personnel et il dut être en particulier le principal artisan du traité qui fut accordé aux Cnidiens, en novembre 45. Mais il est intéressant de noter que C. Julius Théopompos et ses deux fils Artémidoros et Hippocritos ne sont pas à cette occasion comptés au nombre des ambassadeurs cnidiens, mais mentionnés séparément, avec l’indication que les serments entre les deux cités furent échangés « en leur présence » '?. Théopompe rendit service à plusieurs autres cités. C’est le citoyen de Cnide qui est remercié lorsque Laodicée de Syrie lui élève une statue dans sa ville de naissance, mais lorsqu’on trouve à Rhodes
et à Cos des bases l’honorant avec les tria nomina et sans indication de l’ethnique Κνίδιος, on peut se demander si l’ami de César n’est pas avant tout considéré comme un Romain ©. Le rapprochement entre
Théopompe et Théophane ne saurait toutefois être poussé trop loin. En juin 45, Théopompe est en Italie, où il attend le retour de César qu’il n’a donc pas accompagné en Espagne?!. Mais le jour des Ides de mars 44, il n’est question de la présence dans l’entourage du dictateur que de son
fils Artémidore et c’est d’Asie que Théopompe est contraint de s’enfuir pour se réfugier à Alexandrie lorsque Trebonius, l’un des assassins de
César, y exerce le proconsulat?. Enfin, les descendants de Theopompe ne semblent pas avoir fait le choix de la noblesse d’empire, comme ceux 18.
19.
Voir encore à son sujet G. HIRSCHFELD, JHS, 7 (1886), p. 286-290. Les sources sont réunies par W. BLÜMEL dans 1. Knidos, Bonn, 1992, p. 43-44. En dernier lieu, G. THÉRIAULT, Phoenix, 57 (2003), p. 232-256. I. Knidos 33, À, 1. 5-9 : ὑπὲρ τοῦ δήμου τῶν Κν[ιδίω]ν ὅρκιον ἕτεμον [---]παίου υἱός, Κλινίας Σειλίου υἱός. Πρεσβευταὶ Kviölijov [---JAET[---JHAIOI. Συμπαρῆσαν Γάιος} Ἰο[ύ]λιος [Ἀ]ρτεμιδώρου υἱὸς Θεύπομπος, [Γάιος] Ἰούλιος Γαίου υἱὸς Ἀρτε[μί]δωρος, Γάιος Ἰούλιος Taio[v viol Ἱππόκριτος.
20. Laodicée : 1. Knidos 58. Rhodes : /G XI] 1, 90. Cos : AE 1934, 91. Dans l’inscription de Delphes CID IV, 131, l’ethnique Κνίδιος ainsi que le praenomen abrégé et
le gentilice sont tous restitués. Je me demande s’il ne faudrait pas plutôt revenir à la solution de H. PoMTow (Sy!F 761 C), avec une onomastique encore purement grecque : [à πόλις τῶν Δελφῶ]ν Θεόπομπον Ἀρτεμι[δώρου Κνίδιον ἀρετ]ᾶς κτλ.
21. Cicéron, Art. 13,7, 1. 22. Artémidore dans l’entourage de César aux Ides de mars : Plutarque, Caes. 65, 1-4; Appien, BC 2, 116. Théopompe après les Ides de mars : Cicéron, Phil. 13, 33.
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de Théophane : c’est à Cnide, où il reçoit des τιμαὶ ἰσόθεοι ?, que l’on retrouve Artémidore fils de Théopompe. B. Holtheide, en 1983, croyait pouvoir mentionner trois autres C. Iu-
lii devant leur citoyenneté à César dans des cités d’Asie : Épikratès de Milet, Hybréas de Mylasa et Zoilos d’Aphrodisias *. Nous avons déjà vu qu’il faut exclure Zoïlos de cette liste (n. 17). Une belle étude de P. Herrmann a enrichi et renouvelé le dossier d’Épikratès 25. Holtheide,
à la suite de Hiller #, supposait que la famille avait reçu la citoyenneté depuis Épikratès I, stéphanéphore en 83/2, qui en 76 avait joué un rôle
important dans la libération du jeune César fait prisonnier par des pirates. Mais P. Herrmann a bien souligné : a) que la citoyenneté romaine n’est attestée que pour Apollönios II,
fils d’Épikratès I, stéphanéphore en 58/7, et son fils Épikratès II, stéphanéphore en 40/39?7; b) qu’Épikratès II fut un personnage important, jouant notamment un rôle décisif dans la mise en place du culte impérial à Milet et dans la province d’Asie et explicitement qualifié dans une inscription nouvelle de φίλον [ca 5-7] ον γενόμενον Αὐτοκράτορος Καίσαίρος θε]οῦ υἱοῦ θεοῦ Σεβαστοῦ 25, alors que nous ne savons rien du rôle que put jouer Apollönios II; c) que dans les listes de stéphanéphores, enfin, ni Apollônios IF, ni ses
deux fils Épikratès II et Apollônios III, stéphanéphore en 39/8, l’année où Milet retrouva sa liberté, ne sont désignés comme des C. Iulii, le pre-
mier stéphanéphore de Milet citoyen romain étant Γάιος Znıog Ἄθικτος, en 24/5 apr. J.-C., et le premier membre de la famille d’Épikratès doté
d’une onomastique romaine, peut-être Ἰουλία Γλυκωνὶς [FaiJov Ἰου23. 24. 25.
1. Knidos 59. B. HOLTHEIDE, Römische Bürgerrechtspolitik, p. 26-30. P. HERRMANN, MDAI(I), 44 (1994), p. 203-236.
26.
HILLER v. GÄRTRINGEN, RE XV, 2 (1932), 1613. C. FREDRICH (Milet I, 2 [Ber-
lin, 1908], p. 111) avait été le premier ἃ identifier le stéphanéphore de 83/2 avec le personnage mentionné par Polyen, 8, 23, 1 à propos de la capture de César par les pirates, mais, si on le lit avec soin, on voit que c’est son fils Apollönios qui, selon lui, avait bénéficié de la reconnaissance de César en recevant la citoyenneté.
27. 28.
MDAI(I), 44 (1994), p. 205, n. 10. SEG 44, 938, 1. 3-4. Pour la restitution de la lacune, P. HERRMANN hésite entre φίλον [καὶ οἰκεῖ]ον et φίλον [πατρῷ]ον (p. 210, n. 26). I. SAVALLI-LESTRADE (RPh, 124 [1998], p. 81, n. 78) a proposé φίλον [καὶ ξέν]ον.
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λίου [lac.}, en 31/2 (dernière année conservée des listes de stéphanéphores) : est-ce que la cité, quand elle établissait des listes de ses magistrats
éponymes, mit un certain temps avant d’accepter de leur reconnaître une onomastique qui révélait leur qualité de citoyen romain? ou en doit-on déduire qu’ Apollônios II et Épikratès II ne reçurent la citoyen-
neté romaine qu'après avoir été stéphanéphores ? P. Herrmann, après A. Rehm, est resté sur ce point d’une grande prudence ?. Je me permettrai d’ajouter deux remarques :
a) le principal bénéficiaire de l’octroi de la citoyenneté romaine ne serait-il pas Épikratès II et le pâle Apollônios II ne l’aurait-il pas seulement reçue en tant que père d’Épikratès, de la même façon que la citoyenneté est concédée, en même temps qu’à Séleucos de Rhosos, à
ses parents et à ses descendants ? Tant qu’on ne dispose pas de preuve qu’ Apollönios IH fut lui aussi un C. Iulius 30 c’est, me semble-t-il, une
hypothèse qu’on ne saurait écarter et qui irait bien sûr dans le sens d’une datation basse, post-césarienne, de l’accès à la citoyenneté de cette
importante famille de Milet ; b) le fait que la cité de Milet ἐλευθέρα καὶ αὐτόνομος ἐγένετο en 39/8 doit probablement être interprété comme une récompense pour la fidélité dont elle avait fait preuve l’année précédente, alors qu’Epikra29.
A. REHM, Milet 1, 7 (Berlin, 1924), p. 326 : « bemerkenswert ist es, daß die Zuge-
hörigkeit zur Familie der Julier in den Stephanorenlisten verschwiegen wird... Man mag in der Zurückhaltung eine Äußerung des Bürgerstolzes erkennen. Oder ist es mit Preuner (Hermes, 55 [1920], p. 178) anzunehmen, daß der familie das
römische Bürgerrecht erst nach dem Jahre 39/8 verliehen worden ist? ». P. HERR-
MANN, MDAXT), 44 (1994), p. 205, n. 10; ENEPTEIA. Studies on Ancient History and Epigraphy presented to H. W. Pleket, Amsterdam, 1996, p. 4. On n’a pas non
plus de gentilice romain pour l'inscription mentionnant Épikratès dans une liste de
30.
prophètes (Didyma II [1958], n° 205, 1. 2) et A. REHM, pour cette fonction, hésite entre une datation entre 33/2 et 27/6 (p. 159) ou en 20/19 (mais ce n’est qu’une hypothèse parmi d’autres, pour tenter de dater le fragment n° 399, où on ne sait qui est le stéphanéphore et qui est le prophète et où ne restent que des patronymes). Il me semble que l’inscription Didyma 205, à la différence des listes de stéphanéphores, ne permet pas de proposer un terminus post quem : Épikratidès inscrit sa fonction, son nom et son patronyme sur des abaques, au-dessus des fonctions, noms et patronymes de précédents prophètes gravés sur des colonnes et le support architectural de l'inscription ne laissait guère place à une onomastique romaine (voir Didyma Il, p. 158-159). À moins que les deux frères aient aidé Rome contre l’expédition de Labienus et aient tous deux été honorés, avec leur père, de la citoyenneté romaine.
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ἰὸς IT était stéphanéphore, lors de l’invasion des provinces romaines d’Orient par une armée parthe conduite par Q. Labienus. Deux héros de la résistance des cités contre la menace parthe furent, en Carie, Hybréas
de Mylasa et Zénon de Laodicée‘!. Le fils de Zénon reçut en récompense un royaume en Lycaonie et Cilicie et Zénon lui-même, probable-
ment, la citoyenneté romaine avec le gentilice Antonius 2. Nous savons d’autre part qu’Hybréas de Mylasa reçut la citoyenneté d’un C. Iulius δ. 31. Strabon XIV, 2, 24, C 659-660 (pour Zénon et Polémon de Laodicée, voir aussi XII, 8, 16, C 578). 32.
Polémon lui-même aurait été honoré de la citoyenneté romaine selon D. C. BRAUND, Rome and the Friendly King. The Character of Client Kingship, Londres, 1984,
p. 41, ce qui expliquerait le nom de sa fille, Antonia Thryphaina, et peut-être de son second fils, s’il s’agit bien du M. Antonius Polémon dynaste-prêtre d’Olba en
Cilicie. Contra R. D. SULLIVAN, ANRW II, 7, 2 (1980), p. 920-922 et PIR?,P 531, soulignant sant plutôt elle-même d'un autre τρις sur un [Λο]ύκιος
qu’aucun document n’accorde à Polémon un gentilice romain et penque ses enfants auraient hérité leur gentilice de leur mère Pythodoris fille d’une Antonia (voir n. 16). Mais il faut également tenir compte rameau de la famille, qui apparaît avec Ἀντώνιος Πολέμων Φιλόπαmonnayage de Laodicée frappé vers 5 av. J.-C. (RPC I, 2898-2900) et Avtolvıog Πολέ]μωνος υἱὸς Κορ[νηλί)ᾳ Ζήνων, grand prêtre du culte
impérial en Asie (MAMA VI, 104; SEG 37, 855), et qui pourrait descendre d’un second fils de Zénon (A. CEILAN et T. RıTTı, Epigraphica, 49 [1987], p. 77-98). Il y ἃ donc des raisons de supposer que Zénon reçut la citoyenneté romaine et le gentilice d’ Antonius pour le récompenser de sa résistance à l’armée parthe. Je ne crois pas qu’on puisse déduire du prénom Lucius de ce grand prêtre que « la concessione della cittadinanza viene fatta risalire a L. Antonius, fratello del triumviro, proquestore in Asia nel 49 a.C. » (M. D. CAMPANILE, / sacerdoti del koinon d’Asia [I sec. a. C.-Ill sec. d. C.], Pise, 1994, p. 36). Il est vrai que L. ROBERT (Laodi-
cée, p. 309) a pensé que certains L. Antonii « ont pu déjà recevoir le droit de cité
33.
du frère de Marc, Lucius Antonius, qui gouverna la province d’Asie comme proquaestor en 49 et qui reçut des honneurs en diverses villes ». Mais cette hypothèse reste ἃ confirmer et L. Robert ne manquait pas d’ajouter : « surtout, dans le cours de l’époque impériale, dans les familles d’Antonii, on a varié les prénoms de Marcus et de Lucius ». C’est très probablement en 39 que la famille de Zénon de Laodicée a reçu la citoyenneté et Zénon dut alors devenir un M. Antonius, même si certains de ses descendants sont des L. Antonii. I. Mylasa 534-536. Sur Hybréas, L. ROBERT, RN, 15 (1973), p. 48, n. 15 (avec la
bibliographie antérieure ; on notera toutefois que le grammateus Hybréas qui émit un monnayage de bronze à Mylasa peut n’&tre qu’un homonyme : RPC I, n° 2791, et p. 459); G. MARASCO, Fra Repubblica e impero, Viterbe, 1992, p. 37-59; E. Noë,
dans Italia sul Baetis. Studi in memoria di Fernando Gascö, Turin, 1996, p. 50-64 ; Ε DELRIEUX et M.-CI. FERRIÈS, REA, 106 (2004), p. 49-71.
LES GRECS
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Holtheide opte pour Cesar” et cette hypothèse ne saurait être récusée a priori, mais je pense plutôt que les Grecs récompensés pour la loyauté qu’ils avaient manifestée en 40 ont pu recevoir, pour les uns le nom
d’ Antonius et pour d’autres celui de lulius *. Les accords de Brindes entre César Octavien et Antoine (automne 40) avaient confirmé le con-
trôle par Antoine des provinces orientales et lui avaient confié le soin de mener la guerre contre les Parthes mais, surtout dans des périodes de relative détente, cela ne signifiait pas que chacun des deux dynastes soit totalement tenu à l’écart de la « province » de l’autre. Aphrodisias, de ce point de vue, est peut-être un cas moins exceptionnel qu’on ne l’a souvent cru. Permettre à des notables d’ Asie possédant déjà des relations d’amitié (i.e. de clientèle) avec les Iulii de prendre le nom de C. Iulius
pouvait être pour Antoine, dans la période qui suivit Brindes, un acte de courtoisie tout à fait normal. Il est donc possible que ce soit seulement
en 39 qu’Épikratès de Milet (dont le grand père avait déjà été un ami de César) et Hybréas de Mylasa devinrent des C. Iulii. On le voit, la chronologie exacte de l’accès de certaines grandes familles d’ Asie à la citoyen-
neté romaine reste encore incertaine et j'aurais tendance à penser qu’en ce domaine le rôle joué par le second César (Octavien, dès le triumvirat, puis Auguste) fut plus important qu’on ne l’admet généralement et qu’il
faut réduire au contraire celui de César dans les années 48-44. Théopompe de Cnide et ses fils, assurément, ne furent pas les seuls à recevoir ce privilège de César dans les années qui suivirent Pharsale et tous les bénéficiaires des générosités césariennes ne devinrent pas des C. Iulii. Nous savons, par Plutarque, que Cicéron obtint pour le philosophe péripatéticien Cratippe de Pergame, de César, la citoyenneté romaine et, de l’Aréopage, une invitation à enseigner publiquement à Athènes. Deux inscriptions nous ont appris que le philosophe avait pris le nom de M. Tullius, que son fils fut à Pergame prêtre de Rome et son petit-fils prêtre héréditaire de Rome et d’ Auguste, la famille restant attestée à Pergame jusqu’au 1r siècle *%. Mais ce n’est pas en tant que 34.
B. HoLTHEIDE, Römische Bürgerrechtspolitik, 28. En dernier lieu F. DELRIEUX et
M.-CI. FERRIES, loc. cit., p. 63-64. 35.
En ce sens déjà, pour Hybréas, E. Noë, loc. cit., p. 62-63. Il est en revanche inutile de supposer avec G. MARASCO, op. cit., p. 52-53 qu'Hybréas aurait dû attendre la
chute d’ Antoine pour recevoir la citoyenneté et on ne saurait en tout cas invoquer en ce sens Plutarque, Ant. 24, 7 (voir F. DELRIEUX et M.-CI. FERRIES, loc. cit.).
36.
Plutarque, Cic. 14,7; CIL, II, 399 et A. O’BRIEN-MOORE, YCIS, 8 (1942), p. 23-49; Chr. HABICHT, Die Inschriften des Asklepieions, VII, 3, Berlin, 1969, p. 164-165.
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FERRARY
notable pergaménien que Cratippe reçut le droit de cité, ni pour services rendus à Rome. Catastrophé par l’état dans lequel il avait trouvé les écoles philosophiques lorsqu'il passa par Athènes en 51 pour rejoindre
sa province de Cilicie?’, Cicéron fit en sorte d’y remédier en y faisant appeler Cratippe depuis Mytilène, où il avait enseigné dans les années
précédentes #, et en lui faisant conférer une sorte de double reconnaissance officielle. Cratippe ne fut d’ailleurs pas le seul en faveur de qui
Cicéron obtint de César la citoyenneté, directement ou indirectement *?, et Cicéron ne fut certainement pas le seul à solliciter et obtenir de tels privilèges. Pour en revenir aux C. Iulii, nous avons un C. Julius Saty-
ros fils de Théogénès, honoré par la cité de Chersonèse Taurique après avoir mené une ambassade à Rome auprès du Sénat et de César dictateur pour la troisième fois (donc en 46). Selon M. Rostovtseff, Satyros
aurait été fait citoyen de Chersonèse une vingtaine d’années auparavant ; ce serait un armateur originaire de quelque cité de la côte méridionale du Pont, qui aurait été navarque au service de César pendant la guerre d’Alexandrie *, comme cet Asclépiade de Cyzique, qui commanda le(s)
navire(s) envoyé(s) par la cité pendant la guerre d’Alexandrie et qui, deux générations plus tard, était encore honoré par la célébration de concours annuels“!. On notera toutefois qu’ Asclépiade ne semble pas avoir été honoré de la citoyenneté romaine, non plus qu’un autre Cyzi-
cène, Théognète, qui commanda un navire envoyé par la cité pendant la guerre d’Afrique “2, Il y eut d’autres Grecs qui assistèrent César ou 37. Cicéron, Arr. 5, 10, 5. 38. Cicéron, Tim. 2 et Brut. 250; Plutarque, Pomp. 75, 4. 39.
Cicéron, Fam. 13, 36 : P. Cornelius Démétrios Mégas, un Sicilien pour lequel Cicéron obtint la citoyenneté de César par l’intermédiaire de Dolabella.
40.
IOSPE 13, 691, M. RosTOVTSEFF, JRS, 7 (1917), p. 27-44, part. 35-37. I. Makarov, dans la nouvelle édition qu'il va donner du corpus de Chersonèse et dans une communication à paraître dans les actes du XII" Congrès de l’ AIEGL (Barce-
lone, 2002), propose une interprétation différente. L'expression En[i τῶν] πατέρων ἁμῶν (1. 7) ne signifierait pas que Satyros ἃ reçu la citoyenneté à Chersonèsos « à l'époque de nos pères », mais « chez nos pères », c’est-à-dire à Héraclée du Pont,
métropole de Chersonèse (interprétation proposée en 1997 par Ju. G. Vinogradov) et l’ambassade à Rome aurait été faite pour y défendre les intérêts d’Héraclée, n’ayant donc rien à voir avec une prétendue première éleuthéria de Chersonèse qui est inconnue de Strabon (C 309, 7, 4, 3). 41.
IGRIV, 159. F.W. HasLuck, JHS, 23 (1903), p. 89-91 ; L. ROBERT, Hellenica VII,
1950, p. 96; Bull. ép., 1964, 227, p. 180. 42. SyiP 763.
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sont connus comme ayant été proches de lui pendant ses campagnes en Orient et qui, pourtant, ne devinrent pas des C. Iulii : c’est le cas,
notamment, de Mithridate de Pergame, qui regut il est vrai le royaume du Bosphore Cimmérien, sortant ainsi du cadre de la cité“, ou de Cal-
listos de Cnide, honoré par les Amphictions et les Delphiens alors qu’il était en Grèce dans l’entourage de César et de Q. Fufius Calenus*. Ce qui pourrait apparaître comme incohérent dans la politique de César en matière d’octroi à des Grecs du droit de cité me paraît s’expliquer par la conjonction d’une plus grande libéralité dans la concession de ce droit et de la persistance d’un relatif manque d’intérêt pour ce privilège de la part des notables grecs entendant poursuivre leur activité politique au sein de leur cité ou dans le cadre des provinces. Il n’est pas impos-
sible qu’un Théopompe de Cnide ait envisagé, après Pharsale, de suivre l’exemple de Théophane ; Cratippe de Pergame retira de son nouveau statut un surcroît de prestige pour aller enseigner à Athènes, où se
rendaient les héritiers de l’aristocratie de leur « grand tour ». Pour d’autres, de Sulla, le statut personnel d’ami du non de privilèges supplémentaires, et
romaine pour une étape obligée en revanche, comme à l’époque peuple romain, accompagné ou les avantages qu'ils purent obte-
nir pour leur cité, durent paraître suffisants pour consolider leur posi-
tion au sein de cette cité et y obtenir des honneurs civiques qui restaient leur principale ambition. C’est sans doute le cas de Potamon de Mytilène qui, sous César et Auguste, fut manifestement l’homme politique
le plus influent de la cité, parvint par deux missions auprès de César à obtenir la confirmation des privilèges de la cité, puis, sous Auguste,
l'honneur et la garantie d’un traité. Potamon partage bien des traits communs avec le groupe des C. Iulii mis en valeur par L. Robert, que ce soit son double statut d’homme politique et de lettré, les honneurs qui lui 43.
Il est appelé Μιθραδάτης Μηνοδότου sur deux bases trouvées à Pergame, où le
peuple I’honore comme « nouveau fondateur de sa patrie après Pergamos et Philétairos » : H. HEPDING, MDAI(A), 34 (1909), p. 329-40 (IGR IV, 1682). Le nom de Μιθ[ραδάτης] apparaît aussi dans une lettre de César à Pergame dont une copie a été retrouvée à Smyrne (1. Smyrna 590, I. 4), mais on n’en peut rien déduire du point de vue qui nous intéresse : Octavien dans ses lettres à Rhosos parle de Séleucos, comme il parle de Zoïlos dans une lettre à Stéphanos retrouvée à Aphrodisias, sans indication de leur gentilice romain. Sur Mithridate de Pergame, voir aussi L. ROBERT, CRAI, 1969, p. 61-62 et C. P. Jones, Chiron, 4 (1974), p. 202-205.
44.
SylP 761 A (CID IV, 130) et B.
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FERRARY
furent décernés par la cité (l’appellation de « fondateur », un monument spectaculaire) ou, enfin, son rôle dans la mise en place du culte impérial. Nul doute, me semble-t-il, qu’il eût pu s’il l’avait voulu devenir lui aussi un C. Iulius. Il doit s’agir d’un choix et celui qui n’hésitait pas à se faire appeler « descendant du roi Penthilos » prenait d’une certaine façon le contre-pied de Théophane “. Il est d’autant plus remarquable de noter que le fils de Potamon acquit, lui, la citoyenneté romaine, avec cette étrange particularité d’ailleurs qu’il devint, non pas comme on s’y
serait attendu un C. Julius, mais un C. Claudius Diaphénès *. Pour la concession de la cité romaine à des Grecs pendant l’époque triumvirale, un document d’une extrême importance est bien entendu le dossier concernant Séleucos de Rhosos, publié pour la première fois en 1934 par P. Roussel, et dont une nouvelle édition vient d’être donnée par
A. Raggi *’. Le dossier est composé de quatre documents : une première lettre de César (Octavien) à la cité de Rhosos, datée de 35 av. J.-C., sim-
ple lettre d'accompagnement du document suivant ; un édit ou un décret 45.
Sur Potamon, voir R. W. PARKER, ZPE, 85 (1991), p. 115-129. Τῷ σώτηρι καὶ
εὐεργέτα καὶ κτίστα τᾶς πόλιος : [6 XII 2, 159-163; [Ποτ]άμων Λεσβ[ών]ακτος ὁ διὰ Bliov ἱερεύς ---] Θεῶ Σεβαστῶ Καίσαρι : 60 XII 2, 154; τὸν axdyovov Πενθίλω τῶ [β]ασίλεος : /G XII, Suppl. 7.
46. IG XII 2, 656 : [ἀρ]χίρεως διὰ βίω θέας Ῥώμας καὶ 1 Σεβαστῶ Δίος Καίσαρος ὉὈλυμπίω πάτρος τᾶς πάτριδος προεδρία Γαίω Κλαυδίῳ Ποτάμωνοίς ὕω] Διαφένη τῶ εὐεργέτα. Β. HOLTHEIDE, Römische Bürgerrechtspolitik, p. 160, n. 309, pense que des C. Claudii augustéens s'expliquent par l’association du prénom d’Auguste et du gentilice de Tibère avant son adoption, mais les deux autres exem-
ples qu’il donne ne sont pas concluants : un [Ta.] Κλαύδιος Πατρέου [Biwvos vid Kupeiva Βίων à Smyrne (avec référence à J. KEIL, Kleinasien und Byzanz, IstForsch, 17 [1950], p. 59, n° 13; mais voir la réédition de cette inscription par
G. PETZL, 1. Smyrna 642 : les restitutions proposées par J. Keil ne sont nullement certaines et nous renverraient au règne de Trajan); un Γάιος Κλ(αύδιος) Κεφαλίων, monétaire à Pergame (mais le Κεφαλίων d'époque augustéenne n’a pas de gentilice [RPC, I, 2362-3], et le stratège KA. Κεφαλίων, sans praenomen, doit être daté
du règne de Domitien [RPC I, 2364 ; II, 920-4]). 47.
P. Rousseı, Syria, 15 (1934), p. 33-74. La nouvelle publication d’A. RAGG:1 (ZPE,
147 [2004], p. 123-138) tient compte des travaux parus depuis, en particulier ceux d'ARANGIO-RUIZ, DE VISSCHER, SCHÖNBAUER et, plus récemment, de H. WoLFF dans W. Eck et H. WoLrF (éd.), Heer und Integrationspolitik. Die römischen Militärdiplome als historische Quelle, Cologne - Vienne, 1986, p. 44-115 et bénéficie aussi d’un nouvel examen de la pierre qui lui a permis d’en améliorer la lecture.
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qui devait avoir été pris par César (Octavien) et Antoine (même si le nom d’ Antoine a été omis lors de la gravure de l’ensemble du dossier après Actium) et qui concède un certain nombre de privilèges au navarque
Séleucos de Rhosos, pour le récompenser de son activité militaire aux côtés de César (Octavien) ; une seconde lettre de César (Octavien) à Rho-
sos, datée de l’automne 31, en réponse à une ambassade de la cité dirigée par Séleucos ; enfin une troisième lettre de César (Octavien) à Rhosos, datée de 30 et lui recommandant Séleucos. Les privilèges concédés à Séleucos le sont en vertu d’une loi Munatia Aemilia de 42“ et il n’est guère douteux qu’ils valaient pour toute une catégorie de bénéficiaires dont fit partie Séleucos. Même si cette partie du texte est la moins bien
conservée, on en peut du moins tirer un certain nombre de conclusions assurées : a) Séleucos reçoit tout d’abord, pour lui, ses parents, sa femme et ses descendants, la citoyenneté et l’immunité optimo iure. Il ne fait aucun
doute que, du point de vue même des institutions et des autorités romaines, leur statut est privilégié, comme en témoignent, par exemple, la garantie de ne pas devoir loger contre son gré un magistrat romain ou l’exemption de certains droits de douane ou même le droit de se faire recenser en leur absence dans leur tribu ; Ὁ) même si la possibilité semble être envisagée que Séleucos et sa famille décident de s’établir dans un municipe ou une colonie d’Italie et des mesures prises pour lui permettre de le faire dans les meilleures conditions (1. 26-27), deux des privilèges concédés partent du principe d’un retour de Séleucos dans sa cité d’origine. L’un lui garantit la jouissance
de tous les biens, mais aussi le maintien de toutes les dignités et privilèges (à commencer par les sacerdoces qui, à la différence des magistratures, peuvent être viagers) qu’il y avait possédés (1. 28-32). L’autre lui permet, en tant que défendeur ou accusé, d’être traduit devant la juridiction de son choix, les tribunaux de Rhosos ou ceux d’une autre cité libre ou un tribunal romain, avec le droit, en cas d’accusation capi-
tale ou d’action judiciaire impliquant un praeiudicium capitis, de dépu48. Cette loi ne fut d’ailleurs pas le seul fondement normatif de concessions de citoyenneté accompagnées de privilèges exceptionnels. Nous ne savons en quelle année
exactement, ni en faveur de qui, fut adoptée une loi Fonteia ratifiant des décisions d'Antoine, et dont des fragments ont été trouvés à Cos (Roman Statutes 36). Les
similitudes avec le dossier de Séleucos paraissent en tout cas incontestable.
6ό
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ter au sénat ou aux magistrats et promagistrats romains (1. 53-63). La première de ces deux clauses implique clairement que l’acquisition de la citoyenneté romaine ne devait en aucune façon empêcher Séleucos de continuer à exercer une activité publique au sein de sa patrie. Une confirmation nous en est donnée par le fait que Séleucos conduit l’ambassade envoyée par Rhosos auprès du jeune César, alors à Éphèse, et que César (Octavien) approuve ce choix, soulignant même que son attachement pour Séleucos le rendra d’autant plus soucieux de manifester
sa bienveillance envers Rhosos “. La clause judiciaire est très proche de celle du s.c. de 78 (s’en différenciant essentiellement par sa restriction aux cas où Séleucos ou les siens seraient défendeurs ou accusés). Faute de connaître exactement les privilèges dont jouissait Rhosos, cité ἱερὰ καὶ ἄσυλος καὶ αὐτόνομος, NOUS ne pouvons assurer que, comme Chios, elle avait en principe le droit d'imposer sa juridiction aux citoyens romains résidents Ÿ, auquel cas le privilège concédé à Séleucos aurait constitué une atteinte à l’autonomie de la cité. J’ai l’impression que nous avons le texte d’une clause concernant l’ensemble de ceux qui
recevaient la citoyenneté romaine conformément à la loi Munatia Aemilia, quels que soient le statut et les privilèges de leur cité d’origine, et que cette clause, largement tralatice, appliquait à de nouveaux citoyens des
dispositions qui avaient été formulées en un premier temps à l’intention de pérégrins honorés à titre individuel du titre d’amis du peuple romain. Même en ce cas, il est remarquable qu’on ait maintenu, pour désigner le choix de la juridiction locale, la formule [ἐ]ν οἴκωι τοῖς ἰδίοις [νόμοις] (= domi suis legibus, 1. 55)
Avec une communication faite en 1938 par F. De Visscher à l’Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres°’, le dossier de Séleucos devint 49.
L. 80-81. Le cas de Rhosos n’est aucunement isolé. Aux exemples rassemblés par D. KIENAST, RE, Suppl. 13, s.v. presbeia, 1973, col. 536, on ajoutera une ambas-
sade de Samos auprès d’ Auguste conduite par C. Scribonius Philopoimen, fils adoptif d'un notable samien qui avait dû recevoir la citoyenneté d’ Antoine sous le patronage de C. Scribonius Curion son beau-fils (H. J. KIENAST et Kl. HALLOF,
50. 51.
Chiron, 29 [1999], p. 205-223). RDGE 70, 1. 17-8. F. DE VisscHER, CRAI, 1938, p. 24-39. Le dossier de Séleucos y est explicitement introduit comme un « argument capital » en faveur de la thèse de SCHÔNBAUER. Ce
dernier s’en saisira dès l’année suivante, dans un article au titre significatif : « Die Inschrift von Rhosos und die Constitutio Antoniniana », APF, 13 (1939), p. 177-
209.
LES GRECS DES CITÉS ET LA CIUITAS ROMANA
67
(après et avec le troisième édit de Cyrène, dont je parlerai un peu plus loin) un argument important dans la polémique conduite par E. Schön-
bauer et R. Taubenschlag contre L. Mitteis *?, polémique qui concernait avant tout la signification et les conséquences de la constitution antoninienne de 212, après que la publication en 1910 du papyrus Giessen
40 et, plus encore, l’interprétation qu’en avait proposée E. Bickermann
en 1926 avaient relancé la question. Ce n’était pas nécessairement la meilleure façon d’aborder et de comprendre ce dossier et F De Visscher lui-même, dans ses travaux les plus récents, a pris soin de recadrer sa recherche en laissant de côté le problème de la constitution antoninienne et en se limitant à la conception romaine de la citoyenneté à l’époque
républicaine et augustéenne “*. Mais la polémique est restée centrée sur la notion de dualité des droits de cité ou de double citoyenneté, qui crée entre les deux citoyennetés une apparente et trompeuse égalité * : on
tirera sur ce point grand profit d’excellentes pages écrites par D. Nörr en 1963 %. 52.
L. Mirreis, Reichsrecht und Volksrecht in den östlichen Provinzen des römischen
53.
Kaiserreichs, Leipzig, 1891. Bon survol historiographique de E. VOLTERRA dans Afti del convegno internazionale sul tema « I diritti locali nelle province romane con particolare riguardo alle
54.
condizioni giuridiche del suolo », (Roma, 26-28 ottobre 1971), Rome, Acc. Naz. Lincei, Quaderno, 194 (1974), p. 55-64. Avec deux articles parus dans AC, 14 (1945), p. 11-35 et 15 (1946), p. 29-50 (repris
dans Nouvelles études de droit romain public et privé, Milan, 1949, p. 51-118) et une contribution aux Studi in onore di P. De Francisci, Milan, 1956, I, p. 39-62. Contre les thèses exposées par F. DE VISSCHER, voir V. ARANGIO-RUIZ, Scritti giuridici in onore di Fr. Carnelutti, Padoue,
1950, IV, p. 55-77 (= Scritti di diritto
romano, IV, Naples, 1977, p. 159-181) et A. N. SHERWIN-WHITE, Roman Citi-
zenship, Oxford, 1973, p. 291-336. 55.
56.
(ΓΕ
DE VISSCHER, Nouvelles études, p. 51 : « la question de la dualité des droits
de cité, soulevée par M. SCHÖNBAUER dès 1929 (...) fait actuellement l’objet d’amples débats. À l’appui de cette dualité, nous avons en 1938 attiré l’attention sur l'importance capitale de l'inscription de Rhosos (...) et, en 1940, de l’Édit III de Cyrène ». Les adversaires de DE VISsCHER reprennent la notion de double citoyenneté. L'article de V. ARANGIO-RuIz en 1950 est intitulé « Sul problema della doppia cittadinanza nella Repubblica e nell’impero Romano », et le chapitre de A. N. SHERWIN-WHITE en 1973, « Dual Citizenship and the Enfranchisement of the Individuals ». D. NôRR, Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 31, 1963, p. 525-600, part. p. 556598.
68
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Dans le Pro Caecina comme dans le Pro Balbo, Cicéron a clairement formulé le principe que le droit romain ne permet pas d’être citoyen de deux cités à la fois, même s’il reconnaît que cette règle n’était plus toujours respectée et qu’il a vu des Romains exercer des magistratures dans des cités grecques sans se rendre compte que, ce faisant, ils renonçaient implicitement à la citoyenneté romaine 7. De la contradiction entre ce principe et ce que l’on constate à l’époque impériale, Mommsen avait déduit une évolution qui lui paraissait indissociable de ce que « les cités autonomes de droit latin ou de droit pérégrin qui appartiennent à l’em-
pire se sont transformées d’Etats en villes » 5, Cette analyse avait besoin d’être affinée °”, non d’être purement et simplement rejetée ®. On ne peut ignorer les textes cicéroniens ou tenter d’en affaiblir le poids, en prétendant qu’ils ne concerneraient pas le pérégrin reçu dans la citoyenneté romaine ou qu’ils ne le concerneraient qu’après abandon de sa patrie
d’origine pour venir s’établir à Rome ou en Italie‘!. À la première interprétation s’oppose l’accent mis par Cicéron sur la convention d’hospitium conclue par la cité de Gadès avec Balbus après qu’il eut acquis la citoyenneté romaine et à la seconde, le fait que cette convention n’est mise en rapport qu’avec cette acquisition. Il me paraît donc incontestable que les privilèges conférés en vertu de la loi Munatia Aemilia consacrent l'abandon d’un principe dont Cicéron nous apprend qu’il n’était déjà plus strictement respecté lorsqu’il séjourna à Athènes, au début des années 70. On n’a peut-être pas suffisamment remarqué que, dans tout le développement du Pro Balbo, le principe de l’incompatibi57.
Cicéron, Caecin. 100; Balb. 28-30. Le refus par Atticus de recevoir la citoyenneté athénienne (Nepos, Art. 3, 1) semble bien confirmer la légitimité de la critique cicéronienne.
58. Th. MOMMSEN, Staatsrecht III, p. 698-700 (= Droit public romain VI, 2, p. 330332). 59. 60.
Il est incontestable que la vision très dépréciative qu’avait MOMMSEN de la cité grecque sous l’hégémonie romaine se retrouve aussi dans ces pages. En fait, mis à part les positions extrêmes et opposées de DE VISSCHER et d’ARANGIO-
Ruiz, la thèse mommsénienne d’un abandon du principe originel d'incompatibilité reste généralement acceptée. SHERWIN- WHITE a tort, selon moi, de reconnaître que le troisième Édit de Cyrène est significatif de cette évolution et de nier que ce soit
déjà le cas avec le dossier de Rhosos, mais, chronologiquement, la différence n’est pas considérable. 61.
Voir en ce sens, respectivement, DE VISSCHER, 1949 et 1956 (cf. n. 54).
62. Cicéron, Balb. 41-42.
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lité est associé à celui d’une stricte égalité des citoyennetés. C’est le cas lorsque Cicéron prétend que, dans le monde grec, on peut appartenir à plusieurs cités, sans tenir compte de ce que la concession de citoyenneté restait virtuelle tant que l’étranger ne décidait pas de la réaliser, ce qui impliquait notamment, mais non exclusivement, qu’il vint s’instal-
ler dans la cité qui lui en avait concédé le privilège”. C’est le cas aussi lorsque Cicéron n’envisage pas, füt-ce pour l’écarter, le cas du citoyen d’une colonie latine qui, parvenu à la citoyenneté romaine par l’exercice d’une magistrature, n’en garde pas moins le droit d’exercer une activité publique dans cette colonie. Ce système, qui existe en tout cas depuis
la loi Pompeia de 89, avait pu s’affranchir du principe d’incompatibilité, à la faveur assurément de la proximité qui existait entre les systèmes juridiques de Rome et des colonies latines, mais aussi parce qu’il impliquait une hiérarchie des droits de cité, en sorte que le résultat de l’acquisition de la citoyenneté romaine était moins une double citoyenneté qu’une Standeszugehörigkeit (pour reprendre la terminologie de D. Nôrr). Au moins autant que l'institution municipale dans l’Italie postérieure à la guerre sociale (car Rome reste l’unique patria iuris“*), c’est le droit des colonies puis des municipes latins qui me paraît avoir joué un rôle décisif dans l’émergence d’une citoyenneté romaine compatible avec une citoyenneté locale, au prix d’une claire hiérarchie reconnue entre l’une et l’autre. C’est avec César que la citoyenneté romaine et le statut latin cessent d’être confinés dans les limites de la péninsule : création de colonies dans les provinces, concession du droit latin à la Sicile
et à des communautés d’autres provinces occidentales%. La loi Munatia Aemilia de 42 fut une des mesures destinées à satisfaire les demandes des vétérans des légions victorieuses du parti césarien, ce qui se fit sans trop de respect du droit, qu’il s’agisse des municipes italiens ou des 63.
Comme l’a souligné Ph. GAUTHIER (REG, 99 [1986], p. 132-133), le texte du Pro
Balbo n’est pas une source exacte sur le comportement des cités hellénistiques en matière d'octroi du droit de cité. Il me semble d’autre part que Cicéron ne s’exprimerait pas comme il le fait si, ainsi que l’a proposé DE VisscHER en 1956, les con-
séquences de la concession de citoyenneté romaine avaient été elles aussi dépendantes de la décision du bénéficiaire de la faire suivre ou non d’un changement de domicile.
64. 65.
Cicéron, Leg. 2, 5. Fr. VITTINGHOFF, Römische Kolonisation und Bürgerrechtspolitik unter Caesar
und Augustus, Wiesbaden, 1951, p. 60-91.
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cités grecques. Il y a dans les privilèges conférés à Séleucos l'autonomie de la cité, au moins aussi nette que dans le s.c. explique le soin que prend ensuite Auguste à marquer ce que en revanche attendre de la médiation de Séleucos. Lorsque
une atteinte à de 78, ce qui la cité pourra ce dernier est
qualifié, dans la dernière lettre de César (Octavien) à Rhosos (1. 87-88)
de ὁ καὶ ὑμέτερος πολεί[της καὶ ἐμ]ος ναύαρχος, il ne faut pas entendre « votre (ancien) compatriote et mon (ancien) navarque »°, mais bien
« votre compatriote et mon navarque », car l’obtention de la citoyenneté romaine ne l’a pas coupé de la patrie dans laquelle il est revenu et ce retour n’a pas mis un terme à l’amitié que les services rendus lui ont gagnée. Avec les Grecs recevant la ciuitas et l’immunitas optimo iure en
récompense de leur activité militaire dans les armées triumvirales, comme avec ceux qui reçoivent la ciuitas (et très vraisemblablement aussi l’immunitas) en récompense de leur fidélité à Rome face à l’invasion parthe, nous constatons, à la fin des années 40 et dans les années
30, une incontestable évolution par rapport à la fin des années 80 et aux années 70 ( Séleucos de Rhosos face à Asclépiade de Clazomènes, Polystratos de Carystos et Méniscos de Milet, comme Zénon de Laodicée, C. Iulius Hybréas de Mylasa et C. Iulius
Épicratès de Milet face à Chérémon de Nysa et Pythodoros de Tralles) : la citoyenneté romaine fait désormais partie des privilèges offerts à des Grecs voulant retourner ou rester dans leur patrie et y exercer une acti-
vité publique, et acceptés par eux, ce qui implique que cette nouvelle citoyenneté romaine n’est plus perçue, ni par Rome ni par les cités, comme excluant ou diminuant la citoyenneté primitive des bénéficiaires, mais plutôt comme une forme de Standeszugehörigkeit se substituant à l’amicitia pour indiquer la vocation de ses titulaires à être les intermé-
diaires privilégiés entre les cités grecques et le pouvoir romain‘. Le monument de C. Iulius Zoïlos d’ Aphrodisias fournit de cette évolution un remarquable témoignage iconographique, que la spécificité du statut personnel de Zoïlos ne me paraît pas remettre en cause. Sur les 66. En ce sens, A. N. SHERWIN-WHITE, Roman Citizenship, Oxford, 19732, p. 297, ἡ. 2. 67.
68.
Selon une évolution qu’on trouve aussi chez les rois, quand la citoyenneté romaine devient progressivement une caractéristique se substituant au statut d’amici populi Romani. R. SMITH, The Monument of C. Julius Zoilos, Aphrodisias I, Mayence, 1993. Rappelons que L. Robert avait été le premier à rapporter ce monument à C. Iulius Zoïlos et à en proposer la bonne datation (AC, 35 [1966], p. 427-432).
LES GRECS DES CITÉS ET LA CIUITAS ROMANA
71
cinq panneaux d’un côté entièrement parvenu jusqu’à nous, on voyait côte à côte, d’une part une représentation de Zoïlos, en toge, entouré d’Andreia qui lui offre un bouclier et de Time qui le couronne et, d’autre part, le même Zoïlos, cette fois en chlamyde de voyageur, entre Dèmos dont il serre la main droite et Polis qui le couronne. La première scène, qui associe étroitement citoyenneté romaine et valeur militaire, peut être une allusion à la guerre de Labienus ; elle conviendrait parfaitement à des contemporains de Zoïlos, comme Zénon de Laodicée ou Hybréas de Mylasa (ou aussi Séleucos de Rhosos), et elle permet à Zoïlos de s’inscrire dans la tradition des ciuitate donati uirtutis causa (même si,
dans son cas, les choses furent en réalité plus complexes)©. La seconde scène, de son côté, pourrait représenter Zoïlos revenant de Rome après y
avoir obtenu des privilèges pour sa cité natale 70, L'interprétation exacte des reliefs du monument de Zoïlos reste sur plusieurs points problématique (d’autant qu’une partie seulement d’entre eux nous sont parvenus), mais ce qui nous reste suffit à montrer que Zoïlos était célébré à la fois comme citoyen romain et comme citoyen d’Aphrodisias ou, plus
exactement, comme un fils d’Aphrodisias auquel ses liens avec Rome et les maîtres de Rome, récompensés par la citoyenneté romaine, avaient donné la possibilité de rendre les plus grands services à sa patrie. Avec la génération de Zeno, C. Iulius Hybréas, C. lulius Épicratès, Seleucos, C. Iulius Zoïlos etc., la voie
n’était pas encore totalement ouverte à un accès généralisé des plus éminents représentants des cités grecques à la citoyenneté romaine. ἢ fallait pour cela que deux ultimes étapes fussent franchies. Il fallait tout 69.
R. SMITH, op. cit., ἡ. 68, p. 28. La date exacte du retour de Zoïlos à Aphrodisias est inconnue, mais on peut sans difficulté la placer à la fin des années 40, peu après la
victoire des Césariens à Philippes : la dédicace de la cauea du théâtre, où Octavien ne porte pas encore le titre de Sébastos, date au plus tard de 28 av. J.-C. et Zoïlos
a déjà exercé la charge de stéphanéphore pendant dix années de suite (voir la discussion de SMITH, op .cit., p. 6). On notera enfin que la numérotation des jointures des panneaux, qui a permis une reconstitution sûre du monument, part de Zoïlos entre Polis et Demos (A-A), suivi de Zoïlos entre Time et Andreia (A-Z), et que le panneau suivant, sur un autre côté, incluait une représentation de Rome (H), dans
un ensemble dont le reste est malheureusement perdu, mais auquel il faut peut-être rapporter une représentation de Pistis. R. SMITH, op. cit., p. 58 propose un rappro-
chement intéressant avec l’exaltation à deux reprises, dans le dossier de Séleucos, 70.
de sa pistis, envers Rome (I. 15) et envers Octavien (1. 89). R. SMITH, op. cit., p. 40-41.
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d’abord qu’il apparût clairement que la citoyenneté romaine n’impliquait pas nécessairement les privilèges exceptionnels que les triumsvirs avaient accordés à leurs anciens compagnons d’armes. Il fallait aussi que les aristocraties des cités, y compris de celles qui étaient les plus fières de leur passé et les plus jalouses de leur autonomie, en vinssent à considérer l’acquisition de la citoyenneté romaine comme un privilège désirable et finalement constitutif de leur prééminence même au sein de leur cité natale. La première de ces deux étapes était de la responsabilité du pouvoir
romain, qui se rendit compte assez vite que la citoyenneté romaine ne pouvait continuer à se développer au sein des cités que si elle était clairement dissociée de privilèges fiscaux dont une extension sans discrimination aurait mis en péril l'équilibre financier toujours précaire des cités. Nous avons sur ce point le témoignage décisif du troisième édit de Cyrène, en 7/6 av. J.-C. : εἴ τινες ἐκ τῆς Κυρηναικῆς ἐπαρχήας πολειτήαι TETELUNVTAL, τού-
τους λειτουργεῖν οὐδὲν ἔλασον ἐμ μέρει τῷ τῶν Ἑλλήνων σώματι κελεύω ἐκτὸς τ[ο]ύτίι}ων οἷς κατὰ νόμον ἢ δόγμα συνκλὴςτου» τῶι τοῦ πατρός μου ἐπικρίματι ἢ τῶι ἐμῶι ἀνεισφορία ὁμοῦ σὺν τῆι
πολειτήαι δέδοται, καὶ τούτους αὐτοὺς οἷς ἡ ἀνεισφορία δέδοται, τούτων τῶν πραγμάτων εἶναι ἀτελεῖς ὧν τότε εἶχον ἀρέσκει μοι, ὑπὲρ δὲ τῶν ἐπικτήτων πάντων τελεῖν τὰ γεινόμενα.
L'interprétation de ce texte important a été l’objet de controverses. Les premiers éditeurs avaient compris ἐμ μέρει au sens de « à tour de rôle », et rapporté τῷ τῶν Ἑλλήνων σώματι au verbe λειτουργεῖν, au sens de « être assujettis aux liturgies envers le corps des Hellènes », i.e.
les communautés hellènes dans chaque cité”!. En 1939, F. De Visscher objecta que c'était aux cités et non à des communautés des Hellènes que
les liturgies étaient dues et que, à l’époque augustéenne, ni σῶμα en grec ni même corpus en latin n’étaient utilisés au sens de « collectivité » ; il proposa de construire λειτουργεῖν σώματι et de comprendre « aient à s'acquitter des liturgies personnelles qui incombent aux Hellènes » 72. En 1942, A. Wilhelm reprit et modifia l’interprétation de De Visscher, 71.
L. WENGER, ABAW, 34, 2 (1928), p. 46-47; A. v. PREMERSTEIN, ZSS, 48 (1928),
72.
Ρ. 468-469. F. DE VisscHER, CRAI, 1939, p. 111-120; Les Édits d’Auguste découverts à Cyrène, Louvain, 1940, p. 89-103.
LES GRECS DES CITÉS ET LA CIUITAS ROMANA
73
en rapportant les mots τῷ τῶν Ἑλλήνων à ἐμ μέρει et non à σώματι
comme on l’avait fait jusque-là 73, et De Visscher lui-même se rallia à la proposition de Wilhelm ’*. Mais Wilhelm avait aussi cru devoir supposer une faute de gravure, en restituant «τῷ ἑαυτῶν» σώματι, et Oliver proposa de son côté «ρήμασι καὶ» σώματι : « they by my order are none the less to perform public services as Hellenes with their persons » 7, tandis que M. Guarducci, adoptant elle aussi la construction de Wilhelm mais rejetant toute correction, comprenait : « ordino che costoro siano non di meno obbligati a prestare personal-
mente (= pro capite) i tributi in qualità di Greci » 75. Je ne suis pas sûr que le dernier mot ait été dit sur ce passage difficile, même si je pense que la direction indiquée par Oliver est finalement la meilleure. La signification générale de l’édit, heureusement, paraît claire et n’a guère été contestée. Auguste, manifestement, rejette les prétentions abusives de Grecs qui avaient reçu la citoyenneté romaine et se croyaient dispensés de participer aux liturgies à l’intérieur de leur cité. Il rappelle que l’immunitas est un privilège particulier qui doit être concédé en plus de la ciuitas et profite, au demeurant, de cette occasion pour limiter le bénéfice de l’immunitas aux biens possédés au moment de sa concession, à l’exclusion de ceux qui ont été acquis postérieurement. L'essentiel est que, mis à part une catégorie de privilégiés dont Séleucos de Rhosos est pour nous l’exemple le mieux connu, les Grecs honorés de la citoyenneté romaine, du point de vue des charges à fournir à leur cité d’origine, restent comptés au nombre des Grecs. Un autre édit d’ Auguste retrouvé à Cyrène et datant de la même année 7/6 reconnaît le maintien du lien à la cité d’origine en matière pénale, lorsque, interdisant qu’un Romain introduise une accusation contre un Hellène pour le meurtre d’un autre 73.
A. WILHELM, AAWW,
92 (1942), p. 2-10 (= Akademieschriften zur griechischen
Inschriftenkunde, III, Leipzig, 1974, p. 106-114) : « als Hellenen, wörtlich “in der Abteilung der Hellenen” Leiturgien leisten ». On ne retiendra pas de WILHELM, en
revanche, l’interprétation de λειτουργεῖν ... σώματι comme désignant le service militaire, avec référence notamment à I. Priene 174 et SylP 1017 : voir la mise au point de Ph. GAUTHIER, Chiron, 21 (1991), p. 49-68.
74. 75.
F. DE VISSCHER, Nouvelles études de droit romain public et privé, p. 115-116. 1. H. OLiver, Hesperia, 29 (1960), p. 324-325; Greek Constitutions of Early Roman Emperors from Inscriptions and Papyri, Philadelphie, 1989, p. 43 et p. 5254 (avec une critique de l'interprétation de M. Guarducci et une réfutation des
objections de A. N. Sherwhin-White). 76.
M. Guarpuccı, Epigrafia greca Il, Rome, 1969, p. 82-83.
74
JEAN-LOUIS
FERRARY
Hellène, il introduit l’exception « à moins qu’un Hellène gratifié du droit de cité romaine ne veuille agir pour le meurtre d’un parent ou d’un
concitoyen » 77, Mais l’édit concernant les liturgies était, pour les cités,
d’une importance décisive À et il témoigne d’un souci, qui réapparaîtra de façon récurrente chez les empereurs, de restreindre ou de limiter en nombre les privilèges personnels quand on s’apercevait qu’ils risquaient
de porter une trop grave atteinte aux finances des cités ?”?. La dernière condition nécessaire à une distribution abondante de la citoyenneté romaine au sein des élites civiques était que ce privilège fût recherché par ceux qui étaient susceptibles de le recevoir. On a plutôt mis l’accent sur le premier aspect, en soulignant par exemple la politique restrictive dont aurait fait preuve Auguste selon Suétone ou, au contraire, la générosité de Claude raillée par Sénèque *. Cela ne suffit pas à expliquer que le rythme d’accès des élites civiques à la citoyenneté ait été sensiblement différent d’une cité à l’autre et il faut, sans aucun doute, tenir compte aussi d’une demande plus ou moins forte selon les cités. Une étude récente a souligné que les titulaires des plus hautes charges athéniennes n’apparaissent pas pourvus d’une onomas-
tique romaine avant le règne de Claude“! (ce qui d’ailleurs n’exclut pas qu’il ait pu y avoir plus tôt des Athéniens pourvus de la citoyenneté) ὅ2. 77.
1% édit, I. 40.
78.
Voir la lettre de César à Mytilène (RDGE 26, col. b, I. 27-28) : πάλιν ὑπέμίνασ]αν
79.
οἱ [ὑμέτεροι πρεσβευταὶ μη]δένα δεῖν ἀτελῆ eilvar] παρ᾽ ὑμῖν. Voir G. P. BURTON, RPh, 124 (1998), p. 16-24.
80. 81.
Suétone, Aug. 40, 5 ; Sénèque, Apocol. 3, 3. D. J. GEAGAN, dans M. C. ΗΟΕΕ et 5. I. ROTROFF (éd.), The Romanization of Athens, Oxford, 1997, p. 19-32. Les premiers représentants de l'élite politique athénienne pourvus de la citoyenneté romaine sont Ti. Claudius Noius fils de Philinos, huit fois général des hoplites entre 41 et 61 et premier épimélète de la cité, qui reçut la citoyenneté au tout début du règne de Claude (voir D. J. GEAGAN, AJPh,
100 [1979], p. 279-282; sur les origines de sa famille, attiques et non italiques, E. KAPETANOPOULOS, Historia, 19 [1970], p. 563-564), et Ti. Claudius Theoge-
nes, héraut de l’Ar&opage, général des hoplites et épimélète. La famille d’Herode Atticus obtint la citoyenneté, non pas avec Hérodès, le contemporain de Cicéron et
de César (de qui il obtint pour la cité un don de 50 talents), quatre fois général des hoplites, mais seulement avec un de ses descendants, Ti. Claudius Herodes, probablement au début du règne de Néron (W. AMELING, Herodes Atticus, Hildesheim,
1983, I, p. 13 et p. 178 [stemma] et I, p. 55-56, n° 22).
82.
C'est le cas de Lysiades, qu’ Antoine
fit entrer dans sa quatrième décurie de juges
(Cicéron, Phil. 5, 13-14; 8, 27) : je ne peux croire en effet (pace Chr. HABICHT,
LES GRECS
DES CITÉS ET LA CIUITAS ROMANA
75
Manifestement, les Athéniens les plus puissants et les plus éminents mirent un certain temps avant de briguer un privilège qu’on dut leur
accorder sans trop de difficulté, dès qu’ils manifestèrent leur aspiration à le recevoir. J’aurais tendance à retrouver à cette occasion la même attitude ombrageuse que j’avais relevée en signalant qu’ Athènes et Rhodes semblent s’être refusées à honorer du titre de patrons des Romains de la
République et que Rhodes continua à conférer le titre de proxènes à des
magistrats romains jusqu’à l’époque syllanienne *. Je n’ai pas non plus l’impression que les élites rhodiennes se soient précipitées pour obtenir une citoyenneté romaine qui n’est attestée qu’à partir des règnes de Claude et de Néron. La documentation devrait sur ce paint être soigneu-
sement contrôlée : ainsi l’erreur de Chr. Blinkenberg faisant d’un prêtre d’Athéna Lindia, qui fut ambassadeur auprès de plusieurs empereurs,
un C. Iulius, alors que ce fut un T. Flavius, n’a-t-elle été que tout récem-
ment corrigée par Chr. Habicht”. « Je le répète », écrivait L. Robert en 1966, « un Gaius Julius est toujours intéressant » . Près de quarante ans plus tard, c’est un dossier sur lequel tout n’a pas encore été dit*.
dans The Romanization of Athens, p. 15) qu’il ait pu être choisi parmi les juges sans avoir auparavant reçu la citoyenneté de César ou d’ Antoine. Fils du philosophe épicurien Phèdre, il appartenait à une excellente famille athénienne (A. E. RAUBITSCHEK, Hesperia, 18 [1949], p. 96-103) et fut probablement archonte en 51/0, mais il semble s’être installé à Rome pendant les années de la dictature césarienne et n’a pas, en tout cas, de descendant connu dans l’aristocratie athénienne de l’époque
impériale. Voir E. Rawson, Roman Culture and Society, Oxford, 1991, p. 455-459. 83.
J.-L. FERRARY, Actes du X° Congrès international d'épigraphie grecque et latine (Nîmes 1992), Paris, 1997, p. 206 et p. 211.
84.
Lindos Il, 384 ; Chr. HABICHT, ZPE, 84 (1990), p. 113-120 (et en dernier lieu A. BRESSON, dans 5. FoLLET (éd.], L’hellénisme d'époque romaine. Nouveaux documents, nouvelles approches [f" 5. a. C.-nr s. p. C.], Paris, 2004, p. 225-232). L'erreur de Blinkenberg avait entre-temps été reprise dans la PIR? I, 287, alors que la tribu Quirina ne permettait de supposer qu’un Ti. Claudius ou un T. Flavius. 85. L. ROBERT, AC, 35 (1966), p. 418. * Je ne peux que signaler sur épreuves le nouveau stemma des descendants de Zénon de Laodicée proposé par P. J. THONEMANN, EA, 37 (2004), p. 144-150.
IT
INSTITUTIONS
CIVIQUES
Trois exemples méconnus d'intervenants dans des décrets de la basse époque hellénistique Philippe GAUTHIER Membre de l’Institut École pratique des hautes études UMR 8585 -- Centre Gustave Glotz, Paris
DD;
une vingtaine d’années j’ai souligné à plusieurs reprises
que devait être amendée l’opinion commune selon laquelle, à la période hellénistique, l’initiative des décrets civiques appartenait essentiellement, voire uniquement, au Conseil et aux principaux magistrats. En effet, dans de nombreux cas, tous connus par l’épigraphie, on constate que le Conseil (et d’abord son « bureau ») s’était borné à avaliser
et parfois à mettre en forme un projet de résolution ou une demande présenté(e) par un ou plusieurs particuliers, des citoyens « ordinaires », que j’ai proposé de qualifier d’« intervenants » 2. Les décrets gravés évo-
quent alors soit la démarche de l’intervenant, περὶ ὧν ἐπῆλθεν ὁ δεῖνα, 1.
Pour l'opinion traditionnelle voir notamment A. H. M. JoNESs, The Greek City from Alexander to Justinian (1940), p. 168 : « More and more frequently as time goes on motions in the assembly are proposed not by an individual but either by the presiding committee of the council or by a board or boards of magistrates or by both jointly. In some cities this practice is so uniform that it has been conjectu-
red that only these bodies had the right of proposing motions ». Cf. aussi Claire
2.
PRÉAUX, Les villes hellénistiques, dans les Recueils de la Société Jean Bodin VI (1954), p. 128; Susan SHERWIN-WHITE, Ancient Cos (1978), p. 176-177. L’exposé récent de P. J. RHODES (avec D. M. Lewis), The Decrees of the Greek States (1997), p. 491-499, est heureusement plus précis et plus nuancé. Voir notamment le Livret de l’École pratique des hautes études (Section des sciences historiques et philologiques ) 9 (rapport sur les conférences de 1993-1994),
p. 39; 10 (1994-1995), p. 58-59; 11 (1995-1996), p. 90-91.
80
PHILIPPE GAUTHIER
ou bien ἐπειδή, πρόσοδον uel ἔφοδον ποιησάμενος ὁ δεῖνα περί κτλ., soit le mémoire écrit qu’il avait remis au Conseil, ὑπὲρ ὧν προεγράψατο ὁ δεῖνα, ou bien ἐπειδή, ὁ δεῖνα προγραφῆν uel εἰσγραφὴν ποιησάμενος κτλ. Il serait sans doute instructif de dresser, en utilisant et
en complétant le répertoire de P. J. Rhodes et D. M. Lewis”, la liste des témoignages datant de la basse époque hellénistique et de voir si l’on observe alors le maintien ou le déclin de telles procédures. Il appartiendra sans doute à Patrice Hamon d’approfondir cette question dans le prolongement de sa belle thèse sur le Conseil dans les cités hellénistiques. Rappelons seulement que les longs décrets gravés au II et au I” siècle av. J.-C. pour les grands évergètes (tels Polémaios et Ménippos à Colophon, Moschiôn, Hèrôdès et Kratès à Priène, Ménas à Sestos) impliquent en tout cas la confection préalable d’un mémorandum, composé par l’honorandus lui-même ou par un proche et remis au Conseil. Je voudrais m’attacher ici à l’étude de trois décrets (ou ensem-
bles de décrets) de la basse époque hellénistique, émanant de Téos en Ionie, d’Alabanda en Carie et de Kotyrta en Laconie, afin de dégager ou d’éclairer le rôle des intervenants dans la procédure qui a conduit à l’adoption des décisions.
I. Décrets de Téos et décret-réponse des Magnètes du Méandre Les rares décrets de Téos dont l’intitulé soit préservé présentent au début la formule Τιμούχων καὶ στρατηγῶν γνώμη“. C’est le cas notamment pour deux décrets développés et intéressants, l’un voté en l’honneur du roi Antiochos III, sans doute en 204/3*, l’autre, plus tardif (fin du πὸ 5. av. J.-C. 2), adopté en l’honneur d’un juge et de son secrétaire venus de Mylasa°. C’est le cas également pour l’un des deux décrets de Téos gravés à Magnésie du Méandre, décrets dont je reproduis le texte ci-après, ainsi que le texte du décret voté en réponse par les Magnètes
huh
ES
(I. Magnesia 97).
Supra, n. 1. Cf. P. J. RHODES, op. cit., p. 391-395. SEG 41 (1991), 1003 (P. HERRMANN).
I. Mylasa 634.
TROIS EXEMPLES
MECONNUS
D’INTERVENANTS
[Π]α[ρὰ Τηίων]" [Μελά]γιππος Ἀπολλωνίου εἤ]πεν᾽ ἐπειδὴ [Μελά]νιππος Ἀπολλωνίου ἐπελθὼν ἐπῇ]
[τοὺ]ς ἄρχοντας καὶ τὴν ἐκκλησίαν οἴεται δεῖγ [ἀπ]ρσταλῆναι πρεσβείαν εἰς Μαγνησίαν, ἣ [ἀνο]ίσει τὰς τιμὰς αἷς τετίμηται ὑπὸ το[ῦ δή]-
[μου Γ]λαῦκος, δεδόχθαι τῶι δήεμοωι anoölei][ξαι] πρεσβευτὰς δύο ἤδη, οἵτινες ἀφικόΐμε][νοι] εἰς Μαγνησίαν ἀνοίσουσι τῶι δήμωι [τῶν] [Μαγ]νήτων τὸ ψήφισμα, καθότι τετίμηκε[ν]
[ὁ δῆμος Γλαῦκον Ἀδμήτου Μάγνητα, καὶ πίαρα]12
[καλ]έσουσιν Μάγνητας συγγενεῖς ölv]-
[τα]Ἰς καὶ φίλους τοῦ δήμου διὰ προγόνων τήν τίε πά][σα]ν σπουδὴν καὶ ἐπιμέλειαν ποιήσασθαι, ὅπως [τὸ] [ψήφιῇΠσμα, καθ᾽ ὅτι τετίμηται Γλαῦκος Ἀδμή[του]
16
[Μάγ]νης, ἀναγραφῆι εἰς στήλην λιθίνην κα[ὶ στα][θῆι ἐ]ν τῶι ἐπιφανεστάτωι τόπωι οὗ ἀν αὐ]-
[τοῖ]ς φαίνηται, καὶ ὅπως ὁ στέφανος [ὧι] 20
[ἐσ]τεφάνωκεν ὁ δῆμος Γλαῦκον ἀγ[αγγε][λῆι ἐ]ν τοῖς Διονυσίοις οἷς συντελοῦσιν Malyvn][τες] δηλοῦντες αὐτοῖς, διότι ταῦτα noınoalvres]
[ἀκόλου])θά τε πράξουσιν τῆι rpoürapyodon φ[ιλίαι] [ταῖς π]όλεσιν πρὸς ἀλλήλας καὶ χαριοῦνίται) 24
[τῶι mur Ébo(ô)rov δὲ τοῖς πρεσβευταῖς τίά][ξαι τὸν δῆμον, τὸ δὲ ταχθὲν δοῦναι τὸν δη[λω][θησό]μενον, ἀποκατ(α)στῆσαι δὲ ἐκ τῆς διοικ[ήσε]-
[wc. Πρ]εσβευταὶ ἠιρέθησαν Ἀπολλώνιος 28
[Μελ]ᾳνίππον, Μελάγιππος Ἀπολλωνίου. Παρὰ τῶν αὐτῶν᾽
[Τιμ]ρύχων καὶ στρατηγῶν γνώμη: ἐπειδὴ ΓΙλαῦ]32
36
[κος] Ἀδμήτου Μάγνης χρήσιμον καὶ φιλότιμοίν ἑαυ][τὸν] παρεχόμενος διατελεῖ κοινῆι τε τῆι πό][λε]ι καὶ ἰδίαι τῶμ πολιτῶν τοῖς ἐντυγχάνί[ουσιν) [αὐτ]ῶι, δεδόχθαι τῶι δήμωι᾽ ἐπαινέσαι Γ[λαῦκον) [Αδμ]͵ήτου Μάγνητα ὄντα εὐεργέτην τοῦ δίήμου)], [στε]φανῶσαι δὲ αὐτὸν ἐν τοῖς Διονυσίίοις) [ὅταν] τοὺς χοροὺς συντελῶμεν τῶι Διονύ[σωι]
[στεφ]άνωι χρυσῶι ἀρετῆς ἕνεκεν καὶ εὐνοίᾳ!ς ἧς ἔ]-
81
82
PHILIPPE GAUTHIER [χων δι]ατελεῖ εἰς τὸ[ν] δῆμον, τῆς δὲ ἀναγγελίαίς tov]-
[των] ἐπιμεληθῆναι τοὺς τιμούχους, παρακαλεῖν δὲ av][τὸν] εἰς προεδρίαν καθότι καὶ τοὺς ἄλλους εὐερ-
[yÉtas ἐ)ν τοῖς ἀγῶσιν οἷς ἡ πόλις τίθησιν, ὑπά[ρχειν) [δ' αὐτῶ]ι καὶ ἀτέλειαν καθότι καὶ τοῖς ἄλλοις eveplyétaic], [στε]φανοῦσθαι δὲ αὐτὸν καὶ καθ' ἕκαστον ἔίτος, Ö][ταν τ]οὺς χοροὺς συντελῶμεν τῶι Διονύσωι στε]-
[φάνω]ι χρυσῶι, τῆς δὲ ἀναγγελίας τοῦ στεφάίνου ἐπι][μελεῖ]σθαι τοὺς ἑκάστοτε γινομένους τιμού[χους]. 48
Πρὸς τὸ Tniolv]' [Ἔδοξ]εν τῶι δήμωι Δημοφῶν (Δ)γημοκράτου elinev]'
52
[ἐπειδ)ὴ Τήιοι ψήφισμά τε καὶ πρεσβευτὰς alnoctei][λαν]τες Ἀπολλώνιον Μελανίππου, Meialvın][πον ἈἸ]πολλωνίου τοὺς ἀνοίσαντας πρὸς [ἡμᾶς]
[τὰς δ]Ιεδομένας ὑφ᾽ αὑτῶν τιμὰς Γλαύκωι [Ἀδ][μήτ]ου τῶι παρ᾽ ἡμῖν προσαγορευομένωί[ι Aptenı][δώρω]ι Ἀδμήτου «καὶ» παρακαλοῦσιν ἡμᾶς συ[γ]-
56
[γενε]ῖς ὄντας διὰ προγόνων τὴν πᾶσαν [σπου][δὴν καὶ ἐ]πιμέλειαν ποιήσασθαι, ὅπως τὸ [ψήφισμα] [καθ᾿ ὃ τ]ετίμηται Γλαῦκος Ἀδμήτου Μάγνης, ἀ[να)[γραφῆι] εἰς στήλην λιθίνην καὶ σταθῆι ἐν τῶ[ι ἐπι]-
[φανεσ]τάτωι τόπωι, καὶ ὅπως ὁ στέφανος, [ὧι ἐστε][φάνωκ]εν ὁ δῆμος ὁ Τηίων αὐτόν, ἀναγγελῆι ἐν [τοῖς]
[Διονυσί]οις οἷς συντελοῦ(μ)εν, ἐνεφάνιζον [δὲ καί] [ὅτι ταῦ]τα ποιήσαντες ἀκόλουθα πράξουσίιν τῆι] [προὐπα]ρχούσηι φιλίαι ταῖς πόλεσι πρὸς ἀλίλήλας καὶ]
68
[χαριο]ύμεθα τῶι δήμωι τῶι Τηίων, διελέγίησαν) [δὲ περὶ} τούτων καὶ οἱ πρεσβευταὶ μετὰ πάσῃϊς φιλο][τιμίας] ἀκολούθως τοῖς ἐν τῶι ψηφίσματι yle][γραμμένοις, δε)δόχθαι τῶι δήμωι ἐπηινῆσθαι μὲ[ν] [Tniovg ἐπὶ τ]ῶι τιμᾶν τοὺς καλοὺς κἀγαθοὺς [üv]-
[δρας κ]αὶ ἀποκρίνασθαι αὐτοῖς ὅτι ὁ δῆμος ὁ Μ[αγνή]ίτων βουλόμε]νος χαρίζεσθαι τῶι δήμωι τῶν Τηίωίν, ἀκό]72
[λουθα πρά]σσων τῆι προὐπαρχούσῃι φιλίαι ταῖ[ς πό]-
ίλεσι πρὸς ἀλλήλα]ς τὰς δεδομένας τιμὰς Ἁρτεμιδώ(ρωι) [δέχεται μετ]ὰ πάσης προθυμίας καὶ καθότι παρ[ακα]76
[λοῦσι] ποιήσίε]ται τὴν ἀναγραφὴν τοῦ ψηφίσματίος καὶ] [τὴν ἀν]άθεσίιν) τῆς στήλης ἐν τῶι ἐπιφανε[στάτωι]
TROIS EXEMPLES
MÉCONNUS
D’INTERVENANTS
83
[τόπ]ωι, ποιήσεται δὲ καὶ τὴν ἀναγγελίαν τίοῦ ote][φάνου,] καθότι ἀξιοῦσιν" ὅπως δὲ καὶ τὸ ψήφισίμα τὸ]
[παρὰ] Τηίων, καθ᾽ ὃ τετίμηται Ἀρτεμίδωρος Ἁ[δμήτου] 80
[ὁ ὑπὸ] Τηίων ἀπὸ τοῦ παρωνύμου Γλαῦκος Afôuntou]
84
[προσ]αγορευόμενος, ἀναγραφὲν εἰς στήλ[ην λιθί][νην ἀν]ατεθῆι εἰς τὸ [ἰε]ρὺὸν τῆς Ἀρτέμιδος τ[ῆς Λευκο][φρυην]ῆς, ἐπιμελὲς [π]οιήσασθαι τοὺς ἐνε[στηκότας] [οἰκονόμ]ους, τῆς δὲ ἀναγγελίας τοῦ στεφάνου ποι]-
[ἤσασ]θαι τὴν ἐπιμέλειαν τοὺς ἀγωνοθέτίας τοῦ μου]-
88
[σικο]ῦ τοὺς ἐπὶ Λάμπωνος, ἐπηινῆσθαι δὲ [καὶ τοὺς] [πα]ρὰ Τηίων πρεσβευτὰς Ἀπολλώνιον κ[αὶ Mel[λάνιπ]πον ἐπὶ τῆι φιλοτιμίαι, ἀποσταλῆναι δὲ αὖ[τοῖ]ς καὶ ξένια τὰ κατὰ [τ]ὸ ψ[ἠ]φισμα᾽ (καλεί]-
92
[τω δ᾽ αὐτοὺς καὶ ὁ στεφανηφόρος εἰς [τὸ πρυτα][νεϊ]ον᾿ ἵνα δὲ καὶ ἀσφαλῶς παραπεμφθ[ῶὥσιν)], [το]ὺς πολεμάρχας καὶ τοὺς ἱππάρχί[ας τὴν] [ἐπιμέλειαν ποιήσασθαι.
Notes critiques. L. 1, je restitue [ITJa[p& Τηίων], cf. L. 29. L. 25-26, M. ΗΟΙleaux, Études I, p. 335-336, a proposé de restituer τὸν δηϊλωθησό]μενον. L. 37, au début écrire [ὅταν], cf. Holleaux, ibid., p. 323. L. 63, le rédacteur a repris verbatim le texte du décret de Téos, πράξουσιν, au lieu d’écrire, comme il aurait fallu, πράξομεν. L. 71-72, écrire ἀκόλουθα] (Holleaux).
Il suffit de lire les textes pour se rendre compte que le décret de Téos gravé aux 1. 30-47 est le plus ancien (je le désigne ci-après par la lettre A), le décret gravé aux L. 1-28 venant ensuite (B), et le décret voté
en réponse par les Magnètes, L. 49-93, mettant un point final à l’affaire (C). Le décret A nous apprend que, sur proposition des timouques et des stratèges, les Téiens ont octroyé des honneurs importants (couronne d’or perpétuelle aux Dionysies, place d’honneur dans les concours et exemption des taxes « comme pour les bienfaiteurs » de la cité) au Magnète Glaukos, fils d’ Admètos, « qui ne cesse de se montrer utile et dévoué en général à la cité de Téos et en particulier à chacun des citoyens qui ont recours à lui ». Si le rédacteur ne précise pas la nature des services rendus par Glaukos, nous pouvons du moins affirmer que ces services ont été rendus par lui aux Téiens soit à Téos même, soit ailleurs, mais non pas dans sa propre patrie, Magnésie du Méandre, où Glaukos était connu sous le nom d’ Art&midöros (cf. C, 54-55).
84
PHILIPPE GAUTHIER
Le formulaire du décret B, adopté peu après le précédent, paraît quelque peu incohérent. Citons P. J. Rhodes (op. cit., p. 394, je traduis de l’anglais) : Ici le même homme (Mélanippos, fils d’Apollonios) est nommé en tant que proposant, est dit être intervenu auprès des magistrats et de l’Assemblée, et fut désigné, ainsi que son fils, comme envoyé (sc. à Magné-
sie du Méandre) ; et je suis porté à croire que dans les archives de Téos ce décret aussi doit avoir été attribué aux timouques et aux stratèges.
Quoi qu’il en soit de ce dernier point, à mon avis fort douteux, il me semble que l’on peut comprendre comment les choses se sont passées. Le premier décret (A) accordait de grands honneurs à Glaukos, mais ne prévoyait pas d’en informer la patrie du bienfaiteur, pour une raison que j’essaierai de dégager plus loin. Cependant, peu après le vote de ce décret, Mélanippos, fils d’Apollonios, intervint (B, 1. 3, ἐπελθὼν) auprès des magistrats pour demander l’envoi d’une ambassade à Magnésie du Méandre; les magistrats (sans doute les timouques et les stratèges) refusèrent d’avaliser cette demande et se contentèrent de donner la parole à Mélanippos lors de l’Assemblée suivante (1. 2 [Μελά]νιππος Ἀπολλωνίου é[i]rev). L'Assemblée écouta l’orateur et approuva sa proposition, tout en élisant comme ambassadeurs l’intervenant lui-même et son père (ou son fils). Ainsi, il semble que dans cette affaire les timouques et les stratè-
ges aient tenu à dégager leur responsabilité : non seulement ils n’ont pas voulu proposer eux-mêmes l’envoi d’une ambassade à Magnésie du Méandre, mais encore ils ont refusé de prendre à leur compte la proposition de Mélanippos, laissant au peuple la responsabilité de la décision. L’explication de cette attitude singulière nous est sans doute donnée, à mon avis, dans les dernières lignes du décret C. Ce décret, adopté par les Magnètes du Méandre, nous apprend d’abord que les deux ambassadeurs téiens, étant arrivés à bon port et ayant rappelé aux Magnètes
la parenté ancestrale qui les liait aux Téiens, leur ont remis le texte du décret honorant Glaukos alias Artémidôros, leur ont demandé de le faire graver et d’exposer la stèle dans le lieu le plus en vue, enfin de faire proclamer aux Dionysies la couronne décernée par les Téiens. Les Magnètes agréèrent ces demandes et prirent les décisions adéquates. Mais l’indication la plus intéressante se lit à la fin. Après avoir décerné l’éloge aux deux ambassadeurs téiens, leur avoir remis les présents d’hospitalité et les avoir invités au prytanée, les Magnètes décident (1. 91-93) :
TROIS EXEMPLES MÉCONNUS
D’INTERVENANTS
85
« que les polémarques et les hipparques veillent à ce que (Mélanippos et
Apollônios) soient escortés en sécurité ». On est donc dans une période de guerre ou d'insécurité. Les hipparques magnètes et leurs cavaliers ? escortèrent-ils les ambassadeurs téiens seulement jusqu’à Éphèse, où ceux-ci purent s’embarquer pour Téos, ou bien et plus probablement les raccompagnèrent-ils jusque chez eux, εἰς τὴν ἰδίαν, comme le précise par exemple un décret de Bargylia pour un juge venu de Téos (I. lasos [Bargylia] 608, 91-93)? En tout cas, il me semble que la décision des Magnètes pourrait éclairer rétrospectivement l'attitude des timouques et des stratèges de Téos. Ceux-ci avaient accepté de proposer eux-mêmes le
décret attribuant de grands honneurs au Magnète Glaukos alias Artémidöros et ils l’avaient fait ratifier par l’ Assemblée. Mais, compte tenu de l’insécurité régnante, ils avaient sagement remis à des temps meilleurs l’envoi d’une ambassade à Magnésie du Méandre. C’est pourquoi, me semble-t-il, lorsque Mélanippos vint leur demander de réparer ce qu’il estimait être une négligence de leur part, ils refusèrent d’avaliser et de transmettre eux-mêmes sa demande à |’ Assemblée, dégageant ainsi leur
responsabilité en cas de malheur. II. Le décret d’Alabanda en l'honneur de Pyrrha(kos ?) Publié en 1886 par G. Cousin et Ch. Diehl, étudié par Ad. Wilhelm et M. Holleaux, ce décret a été réédité récemment par F. Canali De Rossi, dont je reproduis le texte et les notes®.
4
7.
[- - - - Ἰξεῖν, πΙίρεσβευτὴς δὲ πλεονάκις] [αἱρ]εθεὶς ὑπὸ τοῦ δήμου [πρὸς τὰς γείτονας] [πἸόλεις ἀπροφασίστως ὑπήκουε [τῶι δήμωι καὶ τὰς] πρεσβείας ἐκτενῶς καὶ ἐνδόξως ἀναδεχόμενος ἐφ᾽ Eav]τῶι διετέλει, καὶ ὁσάκις ποτὲ τῶι δήμωι χρεία ἐπ[έβαι]Sur la cavalerie de Magnésie du Méandre et les guerres entre cités voisines, cf. Aristote, Politique TV, 3, 3 (1289 b 38-40) , sur les monnaies de bronze de la cité au type du cavalier (le héros fondateur Leukippos), représenté aussi en parasème en tête de décrets, cf. O. KERN en note à /. Magnesia 4; L. ROBERT, RPh, 62 (1936), p. 164
(OMS II, 1243), rapprochant l'exemple de Colophon ; avec J. ROBERT, La Carie ἢ, 8.
Paris, 1954, p. 136 et n. 5; Hellenica ΧΙ-ΧΙΗ͂, Paris, 1960, p. 178, n. 62. Ch. DEL et G. Cousin, BCH, 10 (1886), p. 299-306; M. HoLLEAUX, REG,
11
(1998), p. 258-266 (F. CanaLı DE Rossi, /scrizioni storiche ellenistiche, Rome,
2001, n° 169, avec traduction et notes).
86
PHILIPPE GAUTHIER
vev ἐπισυναχθῆναι χρήματα ἐξ ἐπαγγελίας κ[αὶ] ἄλλην τινὰ παρασκευὴν γενέσθαι πρὸς τὴν τῆϊ[ς πό]-
λεως σωτηρίαν ἐν ἅπασιν πρωταγωνιστῶν ἐφαί[νε]το, καθ᾽ ἰδίαν τε τῶν πολιτῶν ἑκάστωι προσεφί[έρε]10 φιλανθρώπως, τινὰς δὲ καὶ τῶν πολιτῶν ἐ[πὶ ξέ]νης δουλεύοντας ἀπέσωισεν, σπεύδοντός τε [τοῦ]
12
δήμου τὴν ὑπάρχουσαν πρὸς Ῥωμαίους οἰκί[ειό]mta καὶ φιλίαν ἀνανεώσασθαι καὶ τὰς χρείας [ἃς] παρέσχηται εἰς τὰ στρατόπεδα αὐτῶν ἐκφανί[εῖϊς]
16
γενέσθαι πρὸς αὐτοὺς καὶ ποιήσασθαι συμμαχίίαν,] καὶ περὶ τούτων δόξαντος πρεσβείαν ἐξαποσίτα)]λῆναι πρὸς τὴν σ[ύγ]κλητον, θεωρῶν τὴν χρείαν οὗ]-
σαν ἀναγκαίαν καὶ πρὸς τὴν τῆς πατρίδος ἀσφά[λειαν) 20
καὶ σωτηρίαν ἀ[ν]ήκουσαν, παρακληθεὶς ὑπὸ τοῦ δήμου] προθύμως ὑπ[ήϊκουσεν οὐθένα κίνδυνον ὑφιδόμενί[ος] καθ᾽ αὑτόν, ἀποδημήσας τε κατώρθωσεν τὰ κατὰ τὴ[ν πρεσ]-
Beiav συμφερόντως τῆι πατρίδι, περὶ ὧν καὶ ὁ δῆμο[ς παρα]γενομένου αὐτοῦ ἐπ[ιγν)]οὺς τὰ πεπραγμένα καὶ [τὴν κα]24
28
λοκαγαθίαν ἀπεδέξατό τε τὴν προαίρεσιν αὐτο[ μετὰ] πάσης εὐνοίας καὶ ἐτίμησεν αὐτὸν εἰκόνι χαλκί[ῆι᾽ ὕστερόν) τε. τοῦ δήμου [π]ρο[εἸλομένου πέμψαι πρεσβευτίὰς πρὸς] Ῥωμαίους relpi τ]ῶν φόρων, ἀπαράκλητον ἑαυτ[ὸν παρε]σκεύασεν, παραθείς τε τῆι Ῥωμαίων συγκλήίτωι τὰ ὑ]-
πάρχοντα τῆι πόλει δίκαια καὶ ἀναστραφεῖίὶς ἐν tov]τοῖς ἐνδό[ξ]ω[ς] καὶ προσκαρτερήσας φιλο[τίμως ἔλα]32
βεν δόγμα περὶ τῆς ἀφορολογησίας συμφέρίον τῆι πό]λει, καὶ ἐπισταλεὶς πρὸς] τὸ[ν] βασιλέα περὶ τῶν [φόρων] τῶν δὲ με[γ]ἰστίω]ν ἀγαθῶν αἴτιος γενόμενίος, ἀ]-
πεξέλιπε τὸν βίο[ν] ἐν τ]ῆι πρεσβείαι᾽ ὅπως [οὖν ἡ] 36
τοῦ δήμου εὐχαριστί]α φανερὰ πᾶσιν γένηϊίται) ἣν ἔχων δ[ι]ατελεῖ ἐμ πα[ν]τὶ καιρῶι ὑπὲρ [τῶν ἀγαθῶν) ἀνδρῶν [καὶ μνήμ]ης ἀξίων, οἵ τε ἄλλοι θεωρ[οῦντες τὴν]
τοῦ δήμ[ου σπ]ουδὴν ἣν ἔχει οὐ μόνον εἰ[ς τοὺς ζῶντας] ἀλλὰ καὶ εἰς [τ]οὺς μετηλλακχότας γίνωνται πρωτα]-
γοω[ν]ισταὶ ὑπὲρ τῆς πατρίδος, οἰόμεθα [δεῖν τὴν βου]λὴν ψηφίσασθαι στεφανοῦσθαι Πύρραϊ[κον τοῦ δεῖνος] χρυσέωι στεφάνωι ἀρετῆς ἕνεκεν καὶ εὐ[νοίας τῆς εἰς] τὴν πατρίδα καὶ τὸν καθ᾽ ἕκαστον ἐνι[αυτὸν εἰρημέ]-
TROIS EXEMPLES
44
MECONNUS
D’INTERVENANTS
87
νον ἀγωνοθέτην ποιεῖσθαι τὴν ἀναγίόρευσιν ἐν πᾶσιν] τοῖς γυμνικοῖς καὶ μουσικοῖς ἀγῶσιν κ[αὶ τοῦ προ]-
γεγραμμένου στεφάνου καὶ τῆς εἰκόνος [ἧι πρότερον ἐτι]μήθη, ἀναγραφῆναι δὲ [κ]αὶ τὸ ψήφισμα τοῦτο ἐν στήληι λι]-
48
θίνηι καὶ ἀνατεθῆναι [ἐ]ν τήι ἀγορᾶι τῆς πόλεως...] [...] Ἔδοξε τῆι βουλῆι καὶ τῶι δήμωι εἰ...] [- - - Jav ἐψηφοφορήθη κατὰ [τὸν νόμον. ..]
[- - - - ἸΩΣΙ - - -Ἰ L. 1, [φιλοδο]ξεῖν, supplevir Holleaux ; in apographe tamen a Diehl et Cou-
sin producto ante € aspicitur linea verticalis. L. 2, supplevi, [yeitovac] Diehl et Cousin. L. 3, [τῶι δήμωι] suppleverunt Diel et Cousin; [τοῖς ἀξιουμένοις],
Holleaux. L. 4, supplevit Holleaux ; tantum omisi ὅσον inter ἀναδεχόμενος et éd. L. 5, é[EéBaivlev supplevit Holleaux, sed post E in apographe aspicitur
linea verticalis. L. 25, supplevit Holleaux, ἔτι Diehl er Cousin. L. 31, supplevit Holleaux, omisi tantum ὃν post συμφέρον. L. 32, [φόρων] supplevit Henze; [συνθηκῶν] Holleaux.L. 41, restituit Habicht, Stadtbild, p. 90, n. 16; Tvppä[kou
τὴν εἰκόνα] ceteri. L. 42, εὐνοίας] supplevi , εὐεργεσίας], Holleaux.
Au sujet de la date j’incline à suivre les partisans d’une date basse :
peu après la 1" Guerre Mithridatique, donc dans les années 80 av. J.-C.°. Voici une traduction de ce décret : =
ayant été souvent désigné par le peuple comme ambassadeur
auprès des cités --- il acceptait ce choix sans invoquer de prétexte (pour s’excuser) et il n’a cessé d'assumer les ambassades avec toute l’ardeur
et le brio possibles ; et, toutes les fois que le peuple avait besoin de recueillir des fonds à partir de promesses solennelles et de disposer de quelque autre fourniture (ou équipement) nécessaire au salut de la cité, il
figurait en toutes occasions au premier rang des compétiteurs, tout en se montrant aussi généreux en particulier à l’égard de chacun de ses concitoyens ; et attendu qu’il délivra certains de nos concitoyens qui étaient
asservis à l’étranger ; et, comme notre peuple était empressé à renouveler les bonnes relations et l’amitié avec les Romains, à mettre en valeur
les services qu’il a rendus à leurs armées, (enfin) à conclure une alliance (συμμαχία) avec eux ; et, attendu qu’à ce sujet, le peuple ayant décidé
l’envoi d’une ambassade au Sénat, Pyrrhakos, considérant qu’il s’agis9.
Telle est la datation proposée par H. WiLLRICH, Hermes, 34 (1899), p. 305-311,
approuvée par M. HOLLEAUX, Études IH, p. 152 note 3, plus récemment par Chr. Μαβεκ (cf. SEG 38, 1048) et par Chr. HABICHT, dans B. VIRGILIO (éd.), Studi
ellenistici XII, 2001, p. 12.
88
PHILIPPE GAUTHIER sait d’un service essentiel, qui importait à la sécurité et au salut du peuple, acquiesça avec empressement aux sollicitations du peuple et, sans craindre aucun danger pour lui-même, partit et conduisit l’ambassade
au mieux des intérêts de la patrie, et (attendu qu’) à ce sujet le peuple, à son retour, ayant reconnu l’excellence de ses actes, agréa sa conduite avec pleine bienveillance et honora Pyrrhakos d’une statue de bronze; et, plus tard, le peuple ayant résolu d'envoyer une ambassade auprès des Romains au sujet des tributs (?), (attendu que Pyrrhakos) se mit de
lui-même à sa disposition et, ayant exposé au Sénat des Romains un exposé sur les droits (ou privilèges) de notre cité et, s’étant alors comporté brillamment mais aussi ayant fait montre d’une ardente ténacité, il
a obtenu une décision avantageuse pour notre cité concernant l’exemption de tribut ; et (attendu qu’) envoyé auprès du roi au sujet du traité (?) il fut responsable de très grands avantages (pour nous), mais mourut au cours de l’ambassade ; — afin donc de rendre manifeste à tous la reconnaissance que ne cesse d’avoir le peuple en toute circonstance envers les hommes courageux et dignes de mémoire, et afin que les autres, considérant l’empressement que manifeste le peuple non seulement pour les vivants, mais aussi pour les défunts, deviennent les champions de leur patrie, nous demandons que le Conseil décide par vote que Pyrrhakos, fils de [---], soit honoré d’une couronne d’or en raison de sa valeur et de
ses mérites envers la patrie et que l’agonothète élu chaque année procède à la proclamation, dans tous les concours gymniques et musicaux, tant de la couronne susmentionnée que de la statue dont (Pyrrhakos) a été anté-
rieurement honoré, et que soit transcrit le présent décret sur une stèle de pierre et que celle-ci soit érigée à l’agora [---]. Il a plu au Conseil et au peuple [---]. (La proposition ?) a été soumise au scrutin secret conformément à la loi (et a été accordée ?).
Malheureusement amputé de ses lignes initiales, ce long décret récapitule post mortem les nombreux et grands services rendus par Pyrrhakos à sa patrie, notamment lors de ses ambassades auprès des Romains d’une part, du roi (Mithridate VI?) d’autre part. Les 34 premières lignes encore lisibles donnent à lire une prose classique dans les attendus d’un décret, dépendant d’un ἐπειδή initial disparu et consistant en une série de propositions, coordonnées ici par la particule τε, et non δέ "0, dont le sujet est l’honorandus lui-même et dont le verbe est normalement à la 10.
Cf. K. A. GARBRAH, ZPE, 96 (1993), p. 191-210 : « On the enumerative Use of τε », commentant notamment le décret de Smyrne ΟΟὶ 229.
TROIS EXEMPLES
MÉCONNUS
D’INTERVENANTS
89
3° personne du singulier. Vient alors (1. 34-40) la formule hortative. On attend ensuite soit la formule δεδόχθαι τῆι BovAñt καὶ τῶι δήμωι, soit directement une série d’infinitifs énumérant les décisions approuvées par l’Assemblée. Au lieu de quoi on trouve un brusque changement de construction, 1. 40, οἰόμεθα δεῖν κτλ. : « nous demandons que le Conseil vote pour que soit couronné d’une couronne d’or Pyrrhakos, fils de --- et que cette couronne soit proclamée chaque année », etc. Il semble donc que tout le texte qui précède a pour auteur ce « nous ». De qui s’agit-il? Le seul commentaire topique que je connaisse est celui d’Ad. Wilhelm, AE 1901, p. 154, repris dans les Abhandlungen zur Gr. Inschriftenkunde II, p. 117". Selon Wilhelm, les 1. 1-48 nous donneraient le texte d’une proposition faite soit dans le Conseil, soit dans l’Assemblée (Wilhelm ne précise pas par qui, mais il songe manifestement à un groupe : des particuliers ? des magistrats ? la commission permanente du Conseil 7), proposition reprise ensuite mot pour mot par la commission du Conseil dans une autre Assemblée (d’où le maintien de οἰόμεθα δεῖν). Auraient été ajoutées ensuite les I. 49 sgg. notant la
ratification de la proposition par l’Assemblée au moyen d’un vote secret
(ἐψηφοφορήθη κτλ... Les observations d’Ad. Wilhelm nous mettent sur la bonne voie; je les développerai comme suit. Un groupe de citoyens s’était présenté devant le Conseil, avait rappelé les grands services rendus par Pyrrhakos à la cité et avait conclu son intervention en présentant une demande d’honneurs, οἰόμεθα δεῖν τὴν Βουλὴν ψηφίσασθαι στεφανοῦσθαι Πύρρακον κτλ. Ayant donné son approbation, le Conseil invita les inter-
venants à prendre la parole devant |’ Assemblée, qui ratifia la proposition au vote secret. Ensuite le secrétaire se contenta de reprendre puis de faire graver le texte des intervenants en y ajoutant la formule de sanction et la mention de la ratification au vote secret (1. 49 sgq.).
III. Décret de Kotyrta (IG V 1, 962) Publié en 1900, republié après examen de la pierre (aujourd’hui au Musée épigraphique d’ Athènes) en 1913 par W. Kolbe dans les /G, puis 11.
En revanche la glose de P. J. RHODES, op. cit. (n. 1), p. 322 (« Honorand has previously been elected by demos and honoured by demos ») ne me paraît pas éclairante.
90
PHILIPPE GAUTHIER
par Ed. Schwyzer en 1923 dans son recueil d’inscriptions dialectales "2, ce décret, presque intact, a été repris assez récemment par L. Migeotte, L’Emprunt public dans les cités grecques, Québec - Paris, 1984, n° 25,
dont je citerai la traduction : Ἐπειδὴ Πειίτας Kpamaıvix[ov]
Ἀσωπίτας εὔνους ὧν ὑπάίρχει] Tai πόλει τῶν Κοτυρτατᾶν [δι][à] προγόνων, νῦν τε τᾶς π[όλιος] [xpleiav ἐχούσας διαφ[ό)ρίων, πα][ρ]αγενομένων rot αὐτ[ὸν εἰς] [ΑἸσωπὸν τῶν καταστάγτίων)
μετὰ τῶν ἐφόρων ἐκ τίᾶς πόλιος] καὶ οἰομένων δεῖν Savelican τᾶι] πόλει ἀργύριον, ἐπαγγείλαί[το] 12
καὶ ἔδωκε ὅσου χρείαν ἦἧχίεν à πό]λις ἄτοκον, ἀπροφάσιστον ἑαυτὸν ποιῶν, ἔδοξε τᾶι π[ό]λει τῶν Κοτυρτατᾶν᾽ [Πειίταν] Κρατησινίκου Ἀσωπί[ταν πρό]-
16
Eevov ἦμεν καὶ εὐεργέτίαν) τᾶς πόλιος αὐτὸν καὶ [ἐκγόνους]: ὑπάρχειν δὲ αὐτῶι καὶ [τοῖς] ἐκγόνοις καὶ χρημά[σιν ἀσφά)-
20
λειαν καὶ ἀσυλίαν κ[αὶ πολέ][μ]ου καὶ εἰράνας καὶ ἰσοποίλιτε!]αν καὶ ἐπινομίαν καὶ [ἀτέλει]αν πάντων᾽ καλεῖν [δὲ αὐτὸν) καὶ εἰς προεδρίαν ἐν τοῖς [γυ]-
24
μνικοῖς ἀγῶσιν, οἷς ἁ [πόλις] τίθητι, ὅκκα καὶ τοὺς ἄλλους
προξένους καὶ εὐεργέτας 28
καλῆι᾽ καὶ τὰ λοιπὰ τίμια ὅσ[α] καὶ τοῖς ἄλλοις προξένοις καὶ
εὐεργέταις τᾶς πόλιος τῶν 32 12.
Κοτυρτατᾶν᾽ ἀναγράψαι δὲ τὰν προξενίαν ταύταν
Dialectorum Graecarum exempla epigraphica potiora (1923), n° 44.
TROIS EXEMPLES
MECONNUS
36
τοὺς ἐφόρους τοὺς περὶ Evκρατίδαν εἰς στάλαν λιθίvav καὶ ἀναθέμεν εἰς τὸ ἱερὸν τοῦ Ἀπόλλωνος τοῦ Ὑπερτελεάτα, ὅπως πᾶσιν φανερὸν ἧι διότι ἁ πόλις τοὺς ἰδίους εὐεργέτας τίι]-
40
μεῖ ταῖς καταξίοις τιμαῖς.
D’INTERVENANTS
91
Attendu que Peisitas, fils de Kratèsinikos, d’Asopos, est dévoué à la cité de Kotyrta, à l’exemple de ses ancêtres [ou par tradition ancestrale], et que maintenant, la cité ayant besoin d’argent, comme les commissaires (?) étaient allés le trouver à Asopos avec les éphores, de la part de la cité [ou depuis notre cité] et lui avaient demandé de prêter de l’argent
à la cité, il a promis et versé sans intérêt autant que ce dont la cité avait besoin, sans chercher de détour, il a plu à la cité de Kotyrta, etc.
Suit l’octroi de plusieurs privilèges, dont l’épinomia, valable en l’espèce dans une cité limitrophe, donc particulièrement utile "5. L. Migeotte commente : « Le texte est laconique, mais nous apprend au moins qu’une importante (?) délégation, composée des éphores, principaux magistrats de la ville, et d’autres personnages dont le rôle n’est
pas clair, est allée trouver Peisitas chez lui ». Ce qui manque en effet -- ou qui semble manquer — dans les consi-
dérants de notre décret, ce sont l’évocation et la justification de la procédure qui fut suivie puis de la décision qui fut prise dans les instances civiques de Kotyrta avant l’envoi d’une délégation à Asopos auprès de Peisitas. D’une manière générale, en effet, quand il est évoqué ou
résumé, le processus institutionnel qui a conduit à l’adoption d’un décret figure dans l'intitulé. Or, ici comme dans les autres décrets gravés de Kotyrta, point d’intitulé. On a seulement mention, 1. 13-14, de la formule de sanction, ἔδοξε τᾶι πόλει, qui évoque apparemment une approbation populaire '*. 13.
Voir sur ce point les justes observations de Chr. CHANDEZON, L'élevage en Grèce (fin v-fin rs. a.C.). L'apport des sources épigraphiques, Bordeaux, 2003, chap. ΓΝ. 14. Cette formule de sanction est du reste attestée à Kotyrta par ce seul exemple ; dans
les décrets IG V 1, 961, 963, 965 et sans doute 966, on lit ἔδοξε τῶι δάμωι τῶν Κοτυρτατᾶν.
92
PHILIPPE GAUTHIER
La clé pour l'interprétation réside sans doute dans la mention, relativement sûre, des καταστάντες "5. À mon avis, il ne s’agit pas exacte-
ment de « commissaires » (ainsi L. Migeotte), c’est-à-dire de personnages désignés, donc élus, par le peuple pour telle ou telle mission, car on attendrait plutôt dans ce cas le participe passif, οἱ κατασταθέντες uel οἱ καθιστάμενοι. En revanche, dans les décrets des cités hellénistiques comme chez les auteurs, à propos d'intervenants, c’est-à-dire de citoyens ordinaires qui ont présenté, seuls ou en petit groupe, une proposition ou une requête devant tels magistrats ou devant le Conseil ou devant l’Assemblée, on lit fréquemment des expressions comme
καταστὰς uel καταστάντες ἐπὶ τοὺς ἄρχοντας uel ἐπὶ (ou εἰς) τὴν Βουλὴν, uel εἰς τὴν Βουλὴν καὶ τὸν δῆμον ᾽δ6. Ce qui manque donc dans
le décret de Kotyrta, c’est le complément de καταστάντες. Je supposerais alors que plusieurs citoyens, en un moment où leur cité avait un urgent besoin d'argent, s’étaient présentés devant les éphores (Kkatao15.
À ma demande, M. Ch. KRiTzaAS, directeur du Musée épigraphique d’ Athènes, que je remercie vivement, a bien voulu revoir attentivement l’inscniption /G V 1, 962 (EM 12676), dont il m’a envoyé une excellente photographie et un estampage. Il a accompagné son envoi des précisions suivantes : « L'extrémité droite de quelques lignes (y compris la 1. 7) est très usée, comme vous pouvez le constater vousmême sur la photographie que je vous envoie. Je crois pourtant pouvoir lire les traces très faibles d’un N après le second A. En outre, l’espacement des lettres et l’espace disponible plaident plutôt pour ΚΑΤΑΣΤΑΝΙΤΩΝ (11 lettres) que pour KATAZTA[8ENTRN (13 lettres) ». — D’après la transcription présentée dans les IG on pourrait supposer qu’on apercevait encore au début du xx° siècle, dans la partie droite des lignes, quelques traces de lettres qui ont aujourd’hui disparu. 16. Cf. Hérodote III, 46 : les Samiens chassés par Polycrate amivent à Sparte ; κατα-
στάντες ἐπὶ τοὺς ἄρχοντας ἔλεγον πολλὰ οἷα κάρτα δεόμενοι, « s'étant présentés devant les magistrats, ils parlèrent longuement en hommes qui sollicitaient d’une manière pressante ». N'ayant rien obtenu après cette première audience,
ils revinrent à la charge : μετὰ δὲ ταῦτα δεύτερα καταστάντες ἄλλο μὲν εἶπον οὐδέν, θύλακον δὲ φέροντες ἔφασαν τὸν θύλακον ἀλφίτων δέεσθαι, « étant intervenus une seconde fois, ils ne dirent rien de plus, mais apportant un sac ils
déclarèrent que ce sac manquait de farine ». Quelques exemples littéraires (dont le précédent) et épigraphiques ont été cités par Ad. WILHELM, JÖAI, 8 (1905), p. 5
(Abhandlungen und Beiträge zur gr. Inschriftenkunde I, 223). Ajouter notamment IG ΧΙ 4, 761 (décret de Délos pour des ambassadeurs envoyés à Ténos et qui à leur retour se sont présentés devant le Conseil, [κατασ]τάντες ἐπὶ τὴν Βο[υλὴν κτλ.);
I. Ephesos 1460 et 1470; J. BOUSQUET, REG, 99 (1986), p. 31-32 (SEG 36, 1220) : décret de Xanthos pour cinq Chalcidiens qui étaient intervenus devant l’Assemblée, καταστάντες ἐν τῆι ἐκκλησίαι, pour demander l’octroi de l’enktesis; I. Mylasa 102, 1. 18; Ch. B. WELLES, RC 7, 2; etc.
TROIS EXEMPLES
MÉCONNUS
D’INTERVENANTS
93
τάντες ἐπὶ uel εἰς τοὺς ἐφόρους) et leur avaient proposé de recourir aux services de Peisitas d’Asopos, avec lequel ils étaient sans doute liés d’amitié ; ils leur avaient rappelé que Peisitas était dévoué par tradition familiale envers la cité de Kotyrta (1. 1-4), et déclaré qu’il serait donc possible de le persuader d’accorder un prêt à la cité aux meilleures conditions. Les éphores, vraisemblablement avec l’approbation de l’Assemblée de Kotyrta, auraient retenu cette proposition ; et, connaissant leurs liens avec Peisitas, ils auraient demandé aux intervenants de les accompagner à Asopos et d’être leurs porte-parole. Plus tard, après la conclusion de l’emprunt, les citoyens de Kotyrta avaient honoré le géné-
reux bienfaiteur. Résumant alors l’affaire, le rédacteur du décret aurait en quelque sorte oblitéré le rôle des intervenants : en effet, en choisissant de mentionner leur présence, donc leur rôle décisif, aux côtés des éphores, lors de l'ambassade à Asopos (παραγενομένων ποτ᾽ αὐτὸν εἰς Ἀσωπὸν τῶν καταστάνίτων] μετὰ τῶν ἐφόρων), il ne pouvait que laisser
dans l’ombre leur intervention préalable, à Kotyrta, auprès des éphores, (τῶν καταστάνί[των] ἐπὶ uel εἰς τοὺς ἐφόρους). Il s’agit là cependant, je le reconnais, de fragiles conjectures, puisqu'elles présupposent quelque maladresse de la part du rédacteur antique.
Consistant en trois explications de texte, cet exposé ne comporte pas de conclusion. Lorsque j’ai commencé à m’interesser au rôle des « intervenants » dans l’élaboration des décrets, rôle que les rédacteurs antiques
évoquent en mentionnant soit la démarche ou la demande d’audience (prosodos, ephodos) auprès du Conseil ou de tel collège de magistrats,
soit le rapport écrit (prographè uel sim.) présenté par tel particulier, j’ai réuni essentiellement des exemples datant de la haute époque hellénistique. Les exemples plus tardifs me semblent être moins nombreux. Mais seule une enquête exhaustive, qui ne manquerait pas d’intérêt, permet-
trait d’établir si l’on observe à ce sujet une évolution, voire un changement global, à la basse époque hellénistique.
La procédure d’adoption des décrets en Béotie de la fin du 1Π’ 5. av. J.-C. au I s. apr. J.-C. Christel MÜLLER Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne UMR 8585 -- Centre Gustave Glotz, Paris
A PRÉSENTE Contribution a pour objectif d’apporter, si possible, un éclairage modeste à deux problématiques croisées, beaucoup plus
vastes qu’elle : la question du développement du groupe des notables à la basse époque hellénistique et celle du rapport entre l’intervention romaine et l’évolution des institutions. Le propos est de nature technique, puisqu'il consiste à analyser le formulaire des décrets civiques béotiens entre la 2° moitié du ur 5. av. J.-C. et le 15 s. apr. J.-C. !, afin de pre-
ciser les contours et les modalités de la participation civique. L'ensemble documentaire de ces décrets civiques n’a jamais fait
l’objet dans sa totalité d’une étude particulière, même 51 d’excellentes pages, souvent anciennes, ont été consacrées à tel ou tel aspect de la procédure ou, plus généralement, aux institutions locales. L’ouvrage
de H. Swoboda ? sur les décrets étant antérieur à la parution du corpus
des /G VII?, c’est à un article du même“, publié en 1910, qu’il faut se reporter pour trouver l’une des rares « Études sur la constitution de la Béotie », dont une deuxième partie relative aux décrets de cités, surtout celle d’Akraiphia. Si la littérature concernant le koinon et les institutions 1.
Même si l’on ne s’interdit pas quelques excursus dans une époque impériale un peu
plus avancée. 2. 3. 4.
H. SwoBopa, Die griechischen Volskbeschlüsse, Leipzig, 1890. 1G VII : W. DITTENBERGER (éd.), Inscriptiones Megaridis Oropiae Boeotiae, Berlin, 1892. H. SwoBopa, « Studien zur Verfassung Boiotiens », Klio, 10 (1910), p. 315-334.
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CHRISTEL MÜLLER
fédérales s’est largement renouvelée depuis°, ce n’est pas autant le cas pour la vie institutionnelle locale. Après H. Swoboda, il faut attendre les analyses de M. Feyelf, mais surtout celles de P. Roesch qui a donné la seule monographie actuellement à notre disposition sur les institutions des cités, avec Thespies et la confédération béotienne. Cet ouvrage s’appuie sur la révision d’une stèle de Thespies de la fin du ur° 5. av. J.-C.”, qui donne la liste des magistrats élus par la cité pour deux années consécutives. À l’occasion de cette réédition, l’auteur a dressé un vaste panorama des institutions béotiennes, sorte de nomenclature commentée de manière thématique, mais qui ne fournit pas d’analyse des décrets en tant que tels. L’approche est la même, quoique sur des questions plus diversifiées, dans le second ouvrage de P. Roesch, Études beotiennes. Plus proches du travail que nous souhaitons mener, on citera les pages consacrées au cas de la Béotie par J. Touloumakos ὃ en 1967, mais les conclusions paraissent d’une grande rigidité et la chronologie des décrets, telle qu’établie par l’auteur, singulièrement arbitraire. Toujours au chapitre des publications d'ensemble, on évoquera le livre de Ρ J. Rhodes”, sur les décrets des cités grecques, publié en 1997. Malheureusement ce riche ouvrage, dont la synthèse finale est précieuse, présente, pour notre propos, deux inconvénients : d’une part, le corpus n’est pas complet ; d’autre part, les datations tiennent rarement compte de la bibliographie parue depuis les éditions princeps et sont donc souvent inutilisables. La catégorie des décrets béotiens a donc davantage fait l’objet d’articles ou d’allusions éparses, et l’on retiendra entre autres le nom de 1. Tréheux 9, qui s’est 5.
Cf.en dernier lieu, Th. CORSTEN, Vom Stamm zum Bund. Gründung und territoriale
6.
M.FEYEL, (ΕΒ et Polybe et l'histoire de Béotie au ııf siècle avant notre ère, Paris,
7.
1942, pour ne citer que les titres les plus connus, qui du reste ne contiennent que des commentaires ponctuels sur les institutions civiques. Sur la date de cette inscription, sans doute pas antérieure à 210 av. J.-C. et même
Organisation griechischer Bundesstaaten, München, 1999, p. 27-60.
peut-être plus récente, cf. D. KNOEPFLER, Chiron, 12 (1992), n° 98. 8.
J. TOULOUMAKOS, Der Einfluss Roms auf die Staatsform der griechischen Stadtstaaten des Festlandes und der Inseln im ersten und zweiten Jhdt. v. Chr., Göttingen,
9.
1967, p. 38-47. P.J. RHoDEs (avec D. M. Lewis), The Decrees of the Greek States, Oxford, 1997, p. 113-125.
10. J. TREHEUX, « La prise en considération des décrets en Grèce à l’époque hellénistique », dans CI. NICOLET (éd.), Du pouvoir dans l'Antiquité : mots et réalités. Cahiers Glotz, 1 (1990), p. 117-127.
LA
PROCÉDURE
D’ADOPTION
DES DÉCRETS
EN
BÉOTIE
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penché en 1990 sur la formule probouleumatique, et surtout celui de D. Knoepfler qui, par exemple, dans une de ses « Contributions à l’épigraphie de Chalcis »!', a livré un certain nombre de remarques sur la réforme du Conseil. Ces considérations invitent donc à reprendre l’ensemble du dossier, dans une perspective diachronique qui implique une réévaluation complète, autant que faire se peut, de la datation de chaque décret et, pour chaque cité, des études prosopographiques détaillées !?, les deux pans de ce travail étant naturellement liés. Avant de procéder à la présentation du corpus, il convient en effet de revenir sur les principes de datation. Jusque dans les catalogues d’inscriptions béotiennes les plus récents, les dates proposées sont vagues.
Ainsi en va-t-il de la liste établie pour les inscriptions dialectales par G. Vottéro , dont une partie nous intéresse pour le début de la période considérée. Parmi les catégories chronologiques établies par l’auteur, la dernière période (dite « période ionienne-attique tardive ») englobe un siècle entier du milieu du in 5. jusqu’au milieu du 11° s. av. J.-C., sans que l’ordre de précision donné pour chaque document soit jamais inférieur au demi-siècle. Pourtant, si l’on veut renoncer au flou identitaire de la basse époque hellénistique, il faut impérativement tenter de faire progresser la chronologie : c’est une banalité mais qui mérite d’être rappelée, tant le problème se pose avec acuité pour cette période. J’ai donc essayé dans mon recensement de proposer des datations aussi précises que possible, selon les critères suivants d’où la graphie est exclue * si l’on veut descendre à moins de 50 ans près : Le premier critère (et le plus vague), de nature linguistique, est celui de la présence ou de l’absence de traits dialectaux. Si l’on se réfère 11.
BCH, 114 (1990), p. 473-498. Cet article n’est que l’un d’entre ceux, fort nom-
12.
Il ne s’agit nullement ici de livrer une étude exhaustive, qui serait du reste impensable même en outrepassant les limites quantitatives imposées à l'exercice, mais seulement de poser quelques jalons. En particulier, il ne m’est pas possible de don-
breux, où l’auteur se livre à des analyses de détail des décrets béotiens.
ner le long tableau des décrets civiques béotiens que j’ai pu établir, non plus que la liste prosopographique sur laquelle reposent plusieurs datations. L'un et l’autre
seront publiés en annexe de l’ouvrage que je prépare sur La Béotie et Rome : études d'histoire politique et sociale. 13. G. VOTTERO, Le dialecte beotien (vır s.-ır 5. av. J.-C.). II. Répertoire raisonné des inscriptions dialectales, Nancy, 2001.
14. Cf. ÉTIENNE et KNOEPFLER, Hyettos, p. 284.
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CHRISTEL MÜLLER
aux premières publications ainsi qu’aux /G, les éditeurs d’inscriptions avaient une représentation assez saine de la situation et donnent souvent comme terminus post quem pour une inscription en koinè sans mélange le milieu du 1° 5. av. J.-C. C’était également l’opinion de C. D. Buck, quoiqu'il ait souligné par ailleurs les progrès de la koine des la fin du ur 5. dans certaines cités . Mais P. Roesch a bouleversé cette situation, en considérant que le dialecte béotien disparaissait avec la Confédération, soit dès après 171 av. J.-C. 'f et il a classé les inscriptions de part et d’autre de ce rempart chronologique. Depuis, la question a été longuement reprise par G. Vottéro "7, qui rappelle qu’en matière d'évolution linguistique, il n’y a pas de disparition brutale des phénomènes, sauf s’il
s’agit d’une décision. priver les Béotiens de la koine remplagät le les Romains, donc la
Or il n’y a nulle part trace d’une décision visant à leur langue, même s’il était naturel et logique que dialecte, puisqu’elle était la langue qu’utilisaient nouvelle langue du pouvoir. En réalité, on cons-
tate que le dialecte se maintient non seulement jusqu’au milieu du ır“ s.,
comme le propose G. Vottéro '#, mais même plus tard, si l’on accepte la datation (140-120 av. J.-C.) que donne Chr. Habicht !? pour deux proxènes delphiens d’Akraiphia, mentionnés dans un décret en dialecte de 15.
16.
C. D. Buck, The Greek Dialects, Chicago, 1955, p. 154 : « The influence of the Attic koinè becomes considerable toward the end of the third century B.C., and some inscriptions or portions of inscriptions are wholly in koinè (...). But most of the inscriptions are substantially dialectal until the second half of the second century ΒΟ. ». ROESCH, EB, p. 399 : « le dialecte disparaissant des documents publics en 171 ».
17. G. VOTTÉRO, « Koines et koinas en Béotie à l’époque dialectale (vIF-IF 5. av. J.-C.) », dans CI. BRIXHE (éd.), La koinè grecque antique 11. La concurrence, Nancy, 1996,
p. 43-92. L'auteur a le mérite de montrer qu’en matière de koinai, la situation fut singulièrement plus complexe qu'on ne l'avait cru. Il expose en detail les mécanismes linguistiques qui accompagnent l'apparition en Béotie non pas d’une seule lan-
gue commune, mais de plusieurs à différentes époques, dont, dès la première moitié du Iv“ s., la koine ionienne-attique et, dans la 2° moitié du 1115 5. une autre dite koina
de l’Ouest, très proche du béotien par son vocalisme a, mais dont on peut détecter des traces. Cf. déjà, sur ce point, W. BLÜMEL, « Charakterisierung des boiotischen Dialekts », dans La Béotie antique, Colloque de Lyon - Saint-Étienne 1983, 1985,
Ὁ. 388-390, qui renvoie à son ouvrage Die aiolischen Dialekte, Göttingen, 1982. 18.
19.
G. VOTTÉRO, « Koinas et koinès », p. 88. La faiblesse du raisonnement réside chez lui dans le manque de points d’ancrage sûrs en chronologie absolue, pourtant absolument indispensables à la datation des phénomènes linguistiques eux-mêmes. Chr. HABICHT, « Proxeniedekrete von Akraiphia », GB, 19 (1993), p. 39-43.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DÉCRETS ΕΝ BEOTIE
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cette cité ?. Il faut donc renoncer, en la matière, à une vision monolithique de la situation, qui peut varier en fonction des cités et des destinataires des inscriptions. Le deuxième critère de datation est celui de la prosopographie, qui
requiert une parfaite rigueur, c’est-à-dire l’utilisation de la récurrence conjointe du nom et du patronyme. Sur ce chapitre, M. Feyel?! a écrit des pages essentielles dont la substance a été reprise et développée en
détail par les auteurs de Hyettos ?. De ces deux exposés, qu’il est inutile de répéter, on retiendra surtout que les rapprochements prosopographiques doivent, pour être valables, être corroborés par d’autres arguments, le tout « créant un faisceau concordant d’indices ». Les simples rapprochements onomastiques (un seul nom récurrent) sont, en tout état
de cause, largement insuffisants, quoique couramment pratiqués en lieu et place de la bonne méthode. Le dernier critère, le plus fiable évidemment, quoique rarement présent, est le lien que l’on peut établir avec des événements bien datés. Le principal d’entre eux, qui sera seul discuté ici*, est la dissolution de 20.
BCH, 23 (1899), p. 91-94, n° TII.2. G. VOTTÉRO (« Koines et koinas », p. 76-77)
21.
classe lui-même les décrets III.5 pour un Thebain et ΠΙ.7 pour un Romain, gravés à la suite de IIl.2 et dans les mêmes termes, parmi les textes de « très bonne qualité dialectale ». Il cite par ailleurs un catalogue de vainqueurs aux Charitésia d’Orchomène (/G VII, 3195), postérieur à la guerre contre Mithridate, entièrement en dialecte et truffé de digammas : sur le renouveau de ce concours au I" 5. av. J.-C. D. KNOEPFLER, Chiron, 12 (1992), n° 161. M. FEYEL, Polybe et l’histoire de Béotie au ur siècle de notre ère, Paris, 1942,
p. 23-25.
22. ÉTIENNE et KNOEPFLER, Hyettos, p. 271-280. 23.
Parmi ces événements que je ne peux évoquer en détail figurent les multiples réorganisations, à des époques diverses, de concours béotiens, comme les Ptoia (« rénovés » à trois reprises : ROESCH, EB, Paris, 1982, p. 229-231) et les Mouseia (D. KNOEP-
FLER, « La réorganisation du concours des Mouseia à l’époque hellénistique : esquisse d'une solution nouvelle », dans A. HURST et A. SCHACHTER [éd.], La montagne des Muses, Genève, 1996, p. 141-167), voire l'instauration de nouvelles fêtes, comme
celle des Erôtideia après la guerre mithridatique (D. KNOEPFLER, « Cupido ille propter quem Thespiae visuntur. Une mésaventure insoupçonnée de l’Eros de Praxitèle et l'institution du concours des Erôtideia », dans D. KNOEPFLER [&d.], Nomen Lati-
num. Mélanges offerts au professeur André Schneider, Neuchâtel - Genève, 1997, p. 17-39). En particulier cet « après-guerre », parfois mentionné explicitement dans les inscriptions (ainsi /G VII, 2727 [Akraiphia, catalogue de vainqueurs aux Sôteria triétériques]), a été une époque importante pour la reprise de plusieurs concours et, de ce fait, constitue un bon point d’appui chronologique : cf. A. G. GOSSAGE, « The
Comparative Chronology of Inscriptions Relating to Boiotian Festivals in the First Half of the First Century B.C. », BSA, 70 (1975), p. 115-134.
100
CHRISTEL MÜLLER
la Confédération par les Romains en 171 av. J.-C. : tout rapprochement
prosopographique associé à la présence d’un archonte fédéral donne un terminus ante quem ou au minimum un ferminus ad quem”*. Dans - Je sillage du même événement, on mentionnera la destruction de la cité
d’Haliarte, qui doit être placée à l’été 171, la cession du territoire à Athènes datant de 167. Toujours en rapport avec cette dissolution, l’octroi de la proxénie à un citoyen d’une autre cité de Béotie, est nécessairement postérieur à 171, dans la mesure où les Béotiens disposaient, par leur appartenance même à la Confédération, des privilèges ordinairement conférés par ce type de décrets : sur cette question, longtemps débattue mais qui me paraît résolue, je me range à l’opinion de D. Knoepfler*. Aucune autre solution ne paraît logique et seules deux
inscriptions semblent « résister » à ce schéma, sur lesquelles il convient de revenir brièvement à titre d'exemple. La première est un décret de proxénie d’Akraiphia * en l’honneur d’un personnage dont le nom est perdu, mais non l’ethnique, puisqu'il
est dit [.A]pıaprıoc. La situation paraît ici presque insoluble, puisque la patrie du bénéficiaire voudrait que l’on fût avant la destruction d’Haliarte ; mais il faudrait alors admettre que l’octroi de la proxénie était possible entre cités de la Confédération. Une hypothèse plus compliquée consisterait à supposer que le décret fut pris entre la destruction de la cité en 171 et son rattachement à l’Attique en 167, mais peuton imaginer qu'il ait pu rester des Haliartiens dans une cité diruta a fundamentis, après que les uns eurent été massacrés et les autres vendus 277 La meilleure solution me paraît donc celle proposée jadis par M. Feyel, qui consistait à supposer qu’on avait octroyé la proxénie à « un ancien citoyen d’Haliarte (...) à titre honorifique, assez longtemps 24.
25.
26.
Il faut, en effet, envisager par exemple que la carrière d’un même magistrat mentionné dans deux inscriptions différentes (dont l’une datée par l’archonte fédéral) ait pu se prolonger un certain temps après la dissolution du koinon. L'auteur a évoqué cette question in locis multis, mais je renvoie ici en dernier lieu à D. KNOEPFLER, « L’épigraphie de la Grèce centro-méridionale (Eubée, Béotie, Phocide et pays voisins, Delphes). Publications récentes, documents inédits, travaux en cours », dans Actes du XF colloque d’Epigraphie grecque et latine, Rome, 1999, p. 242 n. 66, qui renvoie au résumé de sa position sur la question, tel que donné par Ph. GAUTHIER, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs (IV°-r" siècle avant J.-C.), Athènes - Paris, 1985, p. 211. P. PERDRIZET, « Inscriptions d’Acraephiae », BCH, 23 (1899), p. 94, n° EV.1.
27. Tite-Live XLII, 63.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DÉCRETS EN BEOTIE
101
après 171 ». Et il plaçait ce décret vers 150, en rapprochant sa gravure de celle d’un décret d’Akraiphia pour des juges de Mégare ”. Indépendamment de la faiblesse de l’argument paléographique utilisé seul, on soulignera que le rapprochement prosopographique effectué récemment par Chr. Habicht pour un décret de proxénie gravé sur la face antérieure de la même stèle et déjà évoqué à propos du critère dialectal, permet désormais de dater ce dernier des années 140-120 av. J.-C. Par conséquent, même si l’époque de la gravure n’est pas nécessairement celle de la prise des décrets, on ne saurait trop s’éloigner d’une telle datation pour l’ensemble des inscriptions portées par cette pierre *.
Le second cas, encore plus complexe à résoudre, est celui du décret de Chorsiai?' en l’honneur de Kapön fils de Brochas qui, en période de disette généralisée en Béotie et d’embargo sur le blé décrété par les cités, avança aux Chorsiéens 200 kophinoi de blé, qu’il fit livrer lui-même, avant de leur prêter, quelque temps plus tard, des sommes importantes dont ils avaient besoin à l’occasion d’un procès. L’une des questions cruciales est celle de l’origine de ce Kapôn. On en fait généralement un citoyen de la polis voisine de Thisbé, en s’appuyant sur un
argument prosopographique très solide : l’existence d’un Brochas fils
de Kapön, théorodoque thisbéen dans un décret de Thisbé *? relatif à la réorganisation des Ptoia vers 120-110 av. J.-C. La taille de la lacune * 28.
M. FEYEL, « Nouvelles inscriptions d’Akraiphia », BCH, 60 (1936), p. 27. On peut même supposer que cet Haliartien avait trouvé refuge dans la cité d’Akraiphia après
la destruction de la sienne propre et y bénéficiait, grâce au décret, des avantages liés au statut de proxène, même si l’inscription est trop lacunaire pour que nous
sachions avec certitude quels privilèges lui avaient été accordés. En particulier, la restitution de l’ed. pr., calquée sur le formulaire des autres décrets de la stèle et donc quasi-certaine, ne fait pas mention de l’enktesis : npö&e[vov εἶμεν κὴ εὐερ-
γέταν τᾶς πόλιος Ἀκρηφιείων ki αὐτὸν κὴ ἐκγόνως] | κὴ εἶμεν αὐτῦς τὰ [τίμια κὴ τὰ ἄλλα φιλάνθρωπα πάντα καθὰ κὴ τῦς ἄλλυς προξένυς] | κὴ εὐεργέτης τᾶς [πόλιος Ἀκρηφιείων γέγραπτη]. 29. BCH, 24 (1900), p. 74 + BCH, 60 (1936), p. 15-18, n° I bis. 30.
Je parviens donc sur ce point, quoique peut-être avec plus de prudence (le temps de la gravure n’est pas nécessairement le temps de l’octroi des honneurs) aux mêmes
conclusions que D. KNOEPFLER, Actes du XF colloque d'épigraphie, p. 243-244 :
31.
« la série des décrets publiée par P. Perdrizet en 1899 (est) nettement postérieure à 171 en dépit de la présence d’un décret pour un Haliartien ». MIGEOTTE, Emprunt 10, avec la bibliographie antérieure.
32.
1G VIH, 4139 + BCH, 44 (1920), p. 247-249, n° 9.
33.
Il manque 9 ou 10 lettres au début de la 1. 3, comme j'ai pu m’en assurer par moimême, en réexaminant cette inscription conservée au Musée épigraphique
102
CHRISTEL MÜLLER
est par ailleurs parfaitement compatible avec la restitution de l’ethnique et du début du mot suivant [Θισβεὺς εὔν]οος. Cette restitution, qui semble s’imposer, a été contestée par D. Knoepfler à plusieurs reprises * en vertu du raisonnement suivant : les cités béotiennes ayant toutes décrété un embargo sur le blé, Kapön qui fait livrer 200 kophinoi à Chorsiai ne peut pas être béotien. S’y ajoute un argument implicite relatif à la date : le décret pour Kapôn doit être daté des années 200/180 av. J.-C., car il semble intrinsèquement lié, par ses préoccupations (situation financière difficile) à une convention * conclue entre Chorsiai et Thisbé, qui prévoit un remboursement échelonné des dettes de la première envers la seconde. Or cette convention mentionne l’archonte fédéral Empédiondas, daté ca 200-190 av. J.-C. par les auteurs de la chronologie des archontes fédéraux *. Par conséquent, puisque le décret est antérieur à 171 et que l’octroi de la proxénie entre Béotiens est impensable à cette
date, Kapôn ne saurait être thisbéen. L’auteur en conclut que le personnage doit être phocidien, sur la foi de rapprochements purement onomastiques°”. Il y a pourtant moyen de produire une autre analyse. 1) Le rapprochement prosopographique entre les deux personnages (Kapôn et Brochas) est incontestable sur le plan technique, à cause de la récurrence simultanée du nom et du patronyme, et l’emporte donc sur un rapprochement purement onomastique avec des noms phocidiens, restitués de surcroît. La banalité du nom Kapôn ne change rien à l’affaire. Le Kapôn du décret de Chorsiai peut donc être le père du Brochas d'Athènes (EM 11538), en septembre 2004, grâce à l’aimable autorisation du direc-
teur M. Kritsas et de la directrice adjointe, M" Karapa. Qu'ils soient ici remerciés 34.
35. 36.
37.
de leur prévenance. D. KnoEPFLER, BCH, 114 (1990), p. 491, n. 82; 1p. « Sept années de recherches sur l’épigraphie de la Béotie (1985-1991) », Chiron, 12 (1992), p. 473, n° 110 et XF colloque d'épigraphie, p. 242. MIGEOTTE, Emprunt 11. ÉTIENNE et KNOEPFLER, Hyettos, p. 350. La place de cet archonte dans la chronologie n’a pas été modifiée depuis, à ma connaissance.
D. KNOEPFLER, XF colloque d'épigraphie, p. 242, n. 67 : « Le nom de Bpéya est certes bien attesté à Thisbé en relation avec celui, plus banal, de Κάπων, mais il n’est pas étranger à la Phocide (...) ». Cette hypothèse reposerait-elle aussi sur la langue utilisée par ce décret peu banal, i.e. un dialecte mâtiné de koina de l'Ouest
comme le note G. VOTTÉRO (« Koinas et koinès », p. 66), koina qui traduit entre autres « l’influence de Delphes toute proche » ? L’argument, s’il est tel, ne me paraît guère recevable, car cette koina se rencontre presque partout en Béotie.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DÉCRETS ΕΝ BEOTIE
103
théorodoque des années 120-110, auquel cas le premier aurait été actif
vers 170-150 av. J.-C., ce qui ne suscite aucune difficulté #. D’autres personnages probablement de la même famille sont connus à Thisbé ” et Kapôn a peut-être fait partie des membres de l’élite locale restés fidèles aux Romains contre les tenants virulents d’une position favorable à la Macédoine “. 2) Un autre élément paraît indéniable : une certaine proximité dans le temps entre le décret pour Kapôn et la convention entre Thisbé et Chorsiai. Cette proximité n’implique cependant aucune antériorité du premier sur la seconde“!. Les deux inscriptions sont indépendantes l’une de l’autre, même si elles expriment le même type de préoccupations. Le décret pourrait donc être postérieur, même si c’est de peu, à la convention. D’autre part, la convention liant Chorsiai à Thisbé, on n’est guère étonné de voir un Thisbéen se porter au secours des Chorsiéens : dans l’un et l’autre cas, Chorsiai est en position de débitrice. On voit bien qu’il s’agit d’affaires entre voisins béotiens. On peut même, me semblet-il, pousser l’analyse plus loin. Les deux textes comportent un terme désignant une convention, symbolon dans le décret, homologon dans l’autre texte. Malgré la différence de vocabulaire, ne faut-il pas voir dans le symbolon “2 du décret une allusion à la convention liant les deux 38.
Une telle datation évite de devoir « prêter longue vie à Brochas » (MIGEOTTE, Emprunt, p. 43).
39. Ainsi un archonte figurant en tête d’un catalogue de vainqueurs aux Basileia de Lébadée (SEG 3, 368) pourrait être le théorodoque déjà mentionné : [ἄρχοντος ?
Βροχᾶ ? Κ]άπωνος Θισβέί(ως]. À l’époque impériale, l’une des grandes familles de l’élite locale est celle des Brachas (alternance vocalique avec Brochas), qui ont obtenu la civitas Romana
sous Trajan. Je serais tentée, même si les indices sont
ténus, de voir, dans ces Brachas de l’Empire de lointains descendants, peut-être une branche collatérale, de cette riche famille thisbéenne à laquelle appartenait le créancier de Chorsiai au u s. av. J.-C., compte tenu du conservatisme onomastique dont elle fait preuve. Mais ce n’est là qu’une hypothèse. 40. Sur la politique pro-macédonienne de Thisbé et le règlement de sa situation par sénatus-consulte (RDGE 2), cf. Chr. MÜLLER, « Le comportement politique des cités béotiennes dans le premier tiers du 15 s. av. J.-C. : le cas d’Haliarte, Thisbé et Coronée », Boiotia Antiqua, VI (1996), p. 127-141. 41.
Comme l’imagine MIGEOTTE (Emprunt, p. 46), qui voit dans la dette évoquée par
la convention une conséquence du procès mentionné dans le décret. 42.
J'interprète donc l'expression [κ]ὰτ τὸ coûlu]Bo[Alov τὸ πὸτ αἰὐτ)ώς (1. ) de la même manière que P. ROESCH, RPh, 39 (1965), p. 260, « conformément au sym-
104
CHRISTEL MÜLLER
cités à propos des dettes de Chorsiai ? Dans ce cas, le procès évoqué dans le décret pourrait découler des clauses de la convention, qu’il s’agisse d’un procès intenté par Thisbé contre Chorsiai pour non-remboursement au terme des onze années prévues ou par Chorsiai contre Thisbé pour maintien du protêt après remboursement effectif des sommes dues. Mais dans l’intervalle entre les documents, le koinon a été dissous. 3) Enfin, à propos de l’embargo, celui-ci a été décrété par toutes les cités de Béotie : τᾶν πολίων rao[d]Jov ànevadroué|[vov τ]ὰν τῶ [olitw [ἀπο]στ[ο]λάν (1. 5-6). Outre les difficultés de lecture que pré-
sente la pierre et qui laisse un peu dubitatif sur les restitutions, cette formule semble peu compatible avec l’existence de la Confédération, car elle implique nettement une décision individuelle de la part des cités,
comme le remarque à juste titre L. Migeotte “. C’est d’ailleurs l’inter-
prétation qu’en avait donnée P. Roesch en rééditant le texte en 1965 *, avant de changer d’opinion“. Certes Kapôn en livrant son blé semble enfreindre la mesure, mais faut-il imaginer un embargo absolu et rigide ? Chorsiai et Thisbé entretiennent des liens particuliers qu’atteste la convention; un embargo entre ces deux-là paraît difficile dans ces conditions. Par ailleurs, cet embargo pourrait n’avoir concerné que les transactions publiques et non les activités des particuliers. Enfin, si l’on admet que l’embargo incluait aussi Thisbé, ne faut-il pas alors voir dans
le décret un hommage rendu au risque pris par le personnage ? Risque ou arrangement local du reste.
Par conséquent, puisque Kapôn est bien thisbéen et qu’il obtient la proxénie à Chorsiai, le décret est postérieur à 171. Je le placerais volontiers dans les années 170-160 av. J.-C., ce qui s’accorde avec les autres arguments énoncés et ne contredit pas, au contraire, le contexte béotien bolon conclu avec eux (8.6. les Thisbéens). Ph. GAUTHIER, Symbola, Nancy, 1972,
p. 382-383, qui place ce texte au chapitre des incerta, suit de préférence l’opinion de L. Moretti selon lequel le symbolon est un accord entre Kapôn et Chorsiai rela-
tif aux 200 kophinoi. 43. 44.
45.
MIGEOTTE, Emprunt, p. 43. P. RoESCH, loc. cit. (n. 42), p. 256-261.
P. RoESCH, « Les lois fédérales béotiennes », Actes du premier congrès international sur la Béotie antique, Teiresias, 1 (1972), p. 67-68 et « Pouvoir fédéral et vie
économique dans la Béotie hellénistique », Akten des VI. Kongr. Epigr., Munich, 1973, p. 260-261 : l'auteur va jusqu'à supposer l’existence d’une loi fédérale sur l’embargo, d’où découleraient les décrets de chacune des cités.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DECRETS EN BEOTIE
105
des années immédiatement postérieures à la 3° guerre de Macédoine. C'était du reste la conclusion à laquelle étaient autrefois parvenus les auteurs de Hyettos, réfutant à juste titre l’argument de « l’écriture et de l’état du dialecte » “ sur lesquels on s’appuyait traditionnellement pour dater le document du début du n° siècle. ΤΙ est temps maintenant de présenter très brièvement le corpus dans son extension à la fois géographique et chronologique. Je me suis limitée ici aux quinze poleis strictement béotiennes qui figurent dans le corpus de Berlin et qui ont produit des décrets civiques“. Ces cités n’ont pas toutes le même profil, ni les mêmes habitudes épigraphiques. Certaines comme Akraiphia ou Thespies ont été mieux explorées sur le plan archéologique* ou bien ont eu des destins très différents sur le plan his-
torique et présentent donc un ensemble plus abondant, même si paradoxalement le corpus de Thespies n’est pas le plus fourni en décrets pour la basse époque hellénistique. L’ensemble documentaire utilisable (autrement dit hors fragments trop mutilés), comprend environ 150 décrets échelonnés dans leur très grande majorité Ὁ entre la 2° moitié (surtout le dernier tiers) du 1Π’΄ 5. av. J.-C. et le milieu du rs. apr. J.-C.
1) La série la plus fournie se place à la fin du ım“ et au début du ns. (91 textes) Les gros contingents sont fournis par les proxénies de Tanagra et Thespies avec 28 décrets pour la première, 30 pour la seconde. 2) Un 2° groupe de décrets se situe entre 171 av. J.-C. et le début de la guerre contre Mithridate (34 textes), en particulier les décrets pour des juges étrangers ou pour la rénovation des Ptoia à la fin du ır“ 5. 46. ÉTIENNE et KNOEPFLER, Hyettos, p. 243. 47.
Siphai n’a pas donné de textes civiques, même si l’on sait par un texte d’Aigos-
thènes (/G VII, 207) que la πόλις Σιφείων existait bel et bien. Par ailleurs, le cas 48.
d’Oropos, si intéressant, mériterait une étude séparée. Sur les fouilles menées à Thespies et au Val des Muses et les conditions de découverte des inscriptions, cf. Chr. MÜLLER, « Les recherches françaises à Thespies et au Val des Muses », dans A. HURST et A. SCHACHTER (éd.), La montagne des
49.
Muses, Genève, 1996, p. 171-183. Sur les travaux accomplis à Akraiphia et au Ptoion, cf. EAD., « Le Ptoion et Akraiphia », BCH, 118 (1995), p. 655-660. TI reste encore des décrets inédits à Orchomène et à Thespies : pour la première, cf. D. KNOEPFLER, Actes du XF colloque d’Epigraphie, p. 246. Pour la seconde, la publication très attendue du corpus des inscriptions de Thespies, conservé à Lyon dans le fonds des archives Roesch, devrait mettre, prochainement, un terme à ce problème. À ce total s’ajoutent quatre décrets d’associations religieuses qui présen-
tent de fortes similarités avec les décrets civiques. 50.
Je n’ai compté que trois décrets du [ν΄ 5. av. J.-C. à Lébadée, Haliarte et Thèbes, et
neuf décrets entre les années 300 et 230 av. J.-C.
106
CHRISTEL MÜLLER
3) Au rs. av. J.-C., ou mieux entre les années 80 et 30 av. J.-C. le vide est presque total, puisque l’on connaît seulement deux décrets datables de
manière certaine, et ce en relation avec la guerre contre Mithridate : celui de Chéronée pour Amatokos, lieutenant de Sylla! pris en 87/6 av. J.-C. et celui de Thespies en l’honneur du légat Q. Braetius Sura *?. 4) Le dernier groupe se place entre le dernier tiers du I“ 5. av. J.-C. (où commence véritablement une autre époque) et le début de l’Empire
jusqu’au règne de Néron (14 textes), avec en particulier le dossier relatif à l’évergète Epaminondas d’Akraiphia, qui comprend un décret de
Thèbes 5 et deux décrets d’Akraiphia*. Je ne mentionnerai que pour mémoire, puisque cette table-ronde concerne la basse époque hellénistique, l’existence de décrets civiques jusqu’au rr° 5. apr. J.-C. et même peut-être jusqu’au ur‘ s., après 212 apr. J.-C.“
Ces chiffres ne doivent pas masquer l’hétérogénéité de l’ensemble, constitué comme toujours de « dossiers » particuliers à telle cité et à telle époque, comme dans le cas des proxénies de Tanagra ou de Thespies durant la première période. La seule polis à avoir correctement échelonnée dans le temps est Akraiphia total), qui ne compte cependant aucun texte entre 80 On est donc loin de l’abondance athénienne, qui permet
livré une série (34 décrets au et 30 av. J.-C. la si précieuse
mise en séries, mais on n’oubliera pas que ces (petites) cités béotiennes n’ont pas fait l’objet de la même attention de la part des archéologues que d’autres, voisines et plus fortunées °”. Et je ne saurais trop faire
mienne, pour les décrets béotiens dans leur ensemble, cette remarque de D. Knoepfler à propos de ses proxénies érétriennes : « de tous ces textes, y compris les plus mutilés, suinte un peu d'histoire, pour autant que l’on 51, 52. 53. 54. 55.
56. 57.
M. HoLLEAUX, « Décret de Chéronée relatif à la première guerre de Mithradates », REG, 31 (1919), p. 320-337 (= Études I, p. 143-159). RA, 31/32 (1948), p. 830-832, n° 11. IG VI, 2711, 1. 87-124. 1G VII, 2712 et 2713, 1. 27-58. Décret de Thespies (170 ou 171 apr. J.-C.) : A. PLASSART, « Une levée de volontaires thespiens sous Marc-Aurèle », Mélanges G. Glotz Il, Paris, 1932, p. 731-738 =
Nouveau choix, 15. Fragment de décret d’Akraiphia très mutilé en l'honneur d’un agonothète : BCH, 27 (1903), p. 296-299, col. B. Ainsi, je ne doute pas un instant qu'une fouille bien « ciblée » sur le site de Tanagra
intra muros ne vienne enrichir considérablement le stock épigraphique existant.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DECRETS ΕΝ BEOTIE
107
s’applique à les scruter avec quelque opiniâtreté » #. Ces divers points précisés, il importe maintenant de savoir quels changements affectent la procédure de prise de décision et selon quelle évolution. Je traiterai plus particulièrement deux points : la proposition et les organes participant à la prise de décision.
Sur la proposition, je partirai des conclusions de P. Roesch, pour en vérifier la validité : selon lui, « il est probable qu’au cours du 11°
siècle av. J.-C. une modification est intervenue. Dans les intitulés des décrets, on ne mentionne plus le personnage qui a fait la proposition ;
cette proposition est anonyme. Puis une formule de proposition collective remplace la précédente, peut-être dès l’arrivée des Romains en 171; ce changement coïncide avec la disparition du dialecte » *. L’analyse des décrets permet de classer les proposants en deux caté-
gories. Le premier cas, de loin le plus courant, est celui où le rogator est un individu (ou plusieurs individus). Cette situation est tout à fait caractéristique des proxénies de la fin du τη“ et du début du n° s., par exemple dans les séries de Thespies ou Tanagra. Mais, quoique présent surtout au début de la période, un tel proposant existe aussi dans plusieurs décrets de la fin du 1r° s., par exemple celui de Thisbé relatif à la deuxième réno-
vation des Ptoia®. Et à la fin du 1" 5. av. J.-C., voire sous l’Empire, ce sont encore parfois des individus qui font la proposition, comme à Thespies dans le décret en l’honneur d’un proconsul Futius Longus‘! dont le rogator est un certain Πολυκρατίδης Ἀν[θεμίωνος] ou, à Akraiphia, dans le décret en l’honneur de Néron®, proposé par l’évergète Epaminondas. L'intérêt de ce point, banal en soi, est de montrer que le rogator individuel ne disparaît pas au cours de la basse époque hellénistique. Ces individus sont-ils connus par ailleurs, soit comme proposants
soit comme magistrats ? Force est de constater que de nombreux propo58.
D. KNOEPFLER,
Décrets érétriens de proxénie et de citoyenneté.
Eretria XI,
59.
Lausanne, 2001, p. 7. ROESCH, Thespies, p. 171.
60.
/G VII, 4139 + BCH, 44 (1920), p. 247-249 n° 9.
61.
BCH,98 (1974), p. 651, n° 4. Selon P. RoEschH, il ne peut s’agir de Q. Futius Longus, consul suffect vers 50-55 apr. J.-C., car la coupe syllabique de l’inscription interdit de restituer Κόιντ-ος (PR propose [Far Jos ou [Λούκι]ος) et également parce que le rogator est Connu pour son activité surtout dans le dernier tiers du 1“ 5. av. J.-C.
62.
/G VII, 2713, 1. 27-58.
108
CHRISTEL MÜLLER
sants n'apparaissent qu’une seule fois, tous types d’inscriptions confon-
dus, peut-être parce que la documentation est elliptique ou lacunaire, mais peut-être aussi parce que le cercle des citoyens actifs reste large. Malgré cela, on constate des récurrences relativement fréquentes. Il y a d’abord des proposants récurrents : à Akraiphia, Ἐπικλεῖς Mvariao,
est rogator de trois décrets de proxénie vers 140-120 %. Le constat est le même pour certaines proxénies de Tanagra, Thespies ou Thisbé δ΄. Mais faut-il s’en étonner dans ces petites cités où le nombre de citoyens ne devait pas être très élevé ? Il est plus intéressant de constater que certains de ces proposants
individuels sont ou ont été des magistrats en place, en général des polémarques ou leur secrétaire, mentionnés dans l'intitulé du décret même
dont ils sont le rogator. C’est ainsi le cas ἀ᾽ Εὐχειρίδας Nix[wvog], à Kopai, dans un décret relatif à deux créancières de la cité datant pro-
bablement du début du 11° s.°, comme de l’ Akraiphien Ἐπικλεῖς déjà mentionné. De même, dans le dossier orchoménien de 223 av. J.-C. consacré aux affaires de Nikaréta de Thespies , ce sont les polémarques
Καφισόδωρος Διωνουσίω et Adavödwpog Ἵππωνος qui sont à l’origine des propositions faites dans chacun des deux décrets. Enfin, à Tanagra, vers 200 av. J.-C.°”, dans le décret sur le transfert du sanctuaire de Dèmèter et Kor&®, le rogator, Τελεσίας Θαρσουμάχω, fait partie de la commission de trois membres élue pour veiller durant trois ans au bon déroulement de l’opération. Comme le président de séance, Σιμώνδας 63. BCH, 23 (1899), 111.4, 6 et 7. 64.
Ainsi, à Tanagra, Κλιόνικος Ἀντιπάτρῳ est rogator des deux proxénies 523 et 524, sous l’archontat de Τίμων. À Thespies, Ἐπιμάχανος Μνασιστράτω est l'auteur de trois propositions sous l’archontat de Aovoias (ΑΕ, 1936, Chr. p. 39, n* 211, 213
et 214b). Cet Ἐπιμάχανος (et non Μάχανος comme le pense W. Dittenberger !) est indubitablement l’archonte de la proxénie /G VII, 1727, dont le rogator est Top-
τέας Φαείνω, connu par AE, 1936, Chr. p. 39, n° 212, dans la série citée à l’instant.
65.
À Thisbé : 1G VII, 2223 et 2224 ont le même rogator, Δωρίμαχος Δωροθέω, cette fois sous deux archontes différents, ce qui est encore plus significatif bien sûr. FEYEL, CEB, p. 148-155 (MIGEOTTE, Emprunt 15 = Chr. CHANDEZON, L'élevage en Grèce, Bordeaux, 2003, p. 47, n° 9).
66. 67.
MIGEOTTE, Emprunt 13, avec la bibliographie parue depuis /G VII, 3172. Je me conforme à la date établie par D. KNOEPFLER, « Zur Datierung der großen
Inschrift aus Tanagra im Louvre », Chiron, 7 (1977), p. 67-87. 68.
L. MIGEOTTE, Les souscriptions publiques dans les cités grecques, Genève - Qué-
bec, 1992, n° 28.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DÉCRETS EN BÉOTIE
109
Θιομνάστω, se retrouve aussi membre de la commission, M. Feyel59 avait fait l’hypothèse que ces deux-là, avec le troisième membre, étaient en fait les polémarques de l’année. Le rôle essentiel dévolu à ces magistrats dans le fonctionnement politique des cités béotiennes a été suf-
fisamment souligné 7 pour qu’il soit inutile d’y revenir. Pour autant, quelle conclusion tirer de ces récurrences ? P. Roesch, dans l’approche purement institutionnelle qui est la sienne, considère que « les polémarques peuvent proposer des décrets ». Certes, il s’agit là d’un droit, mais d’un droit considérable (par rapport à la notion de proposant lambda, füt-il membre du Conseil), à peine limité par l’interdiction probablement faite au président de séance (et premier polémarque) d’en proposer au moment où il exerce sa fonction7}, Je serais donc tentée de voir
là, comme l’avait déjà noté jadis M. Feyel 72, une réelle concentration du pouvoir politique entre les mains de quelques uns, sans pour autant pouvoir comparer avec la période précédente, puisque la chronologie de la documentation ne le permet pas. Pour la fin du I“ 5. av. J.-C. et le début de l’Empire, la situation me semble encore plus nette, dans la mesure où les proposants des quelques
rares décrets sont faciles à identifier, parce qu'ils sont reconnus dans
leur cité soit en tant qu’individus (comme Épaminondas à Akraiphia), soit comme membres de familles illustres. C’est le cas de Polykratidès fils d’Anth&miön de Thespies dans le dernier tiers du 1“ s. av. J.-C., qui
est à l’origine des bonnes relations de sa famille avec les Romains : 1] offre un gymnase aux Italiens de Thespies ”, il entretient des relations avec T. Statilius Taurus 75, consul en 37, consul suffect en 26 av. J.-C. et son propre patron, et l’on peut suivre le stemma de sa famille, jusqu’à la fin du 1Π’ 5. apr. J.-C.” 69.
FEYEL, CEB, p. 155.
70.
RoESCH, Thespies, p. 162-176.
71. 72.
Ibid.,p. 171. FEYEL, CEB, p. 155 : « pour prix de leurs services, les polémarques disposaient
73.
forcément d’une influence illimitée sur les affaires publiques ». Réédition correcte du texte dans RoESCH, EB, p. 171-172 : vers 15 ou 10 av. J.-C.
selon mes propres calculs. 74.
BCH, 26 (1902), p. 291, n° 1. L'identité correcte du Taurus mentionné à Thespies
a été établie par M. KaJAVA, « Cornelia and Taurus at Thespiae », ZPE, 79 (1989),
p. 139-149. 75. Stemma donné par C. P. Jones, HSCPh, 74 (1970), « A Leading Family of Roman Thespiae », p. 223-255. Un nouveau stemma accompagné d’un commentaire détaillé sera donné dans le livre annoncé n. 12.
110
CHRISTEL MÜLLER
Le deuxième cas est celui où la proposition émane d’un groupe de magistrats. L'exemple se rencontre à Akraiphia, avec deux sous-ensembles : les polémarques et les syndikoi attestés à trois reprises ou les archontes et les synèdres. J’ai été surprise de constater, alors même que je pensais retrouver ce phénomène dans d’autres cités, qu’il n’en est rien : Akraiphia est la seule polis où cette pratique est attestée de manière explicite. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existait pas ailleurs, mais la situation reste étonnante. En-dehors d’Akraiphia, soit l’on a affaire à un rogator individuel, soit tout simplement le rogator n’est pas mentionné : à Hyettos, le décret [περὶ φυλακῆϊ]ς τῆς πόλεως "5, qui peut dater du 3° quart du 11 5. 7, et dont le début est intégralement restituable, commence sans la mention du proposant. La situation est la même à Chéronée en 87/6 av. J.-C. dans le décret pour le Thrace Amatokos “ὃ. Cette situation des u et I” s. av. J.-C. contraste fortement avec celle de la fin du ı11/debut du 11° 5. (série des proxénies), où le rogator est rarement omis, alors même qu’il s’agit de décrets abrégés. On peut se demander, même si la nature 6 silentio de l’argument rend la réponse impossible, si l’absence du rogator ne doit pas être entendue comme le signe d’une proposition émanant d’un ensemble de magistrats, probablement
les archontes et les synèdres, donc en somme si la pratique « collégiale » attestée de manière explicite à Akraiphia ne trouve pas son équivalent tacite dans les décrets des autres cités. Revenons sur les groupes de magistrats proposants à Akraiphia : le premier groupe formé des polémarques et des syndikoi est un groupe curieux, d’abord parce que ces derniers sont des magistrats très peu attestés et par là même très mal connus, qui ont peut-être des compétences judiciaires d’après P. Roesch”; ensuite parce qu’ils apparaissent dans l’un des trois cas ® comme proposants au milieu d’une série 76.
A. WILHELM, JÖAT, 8 (1905), p. 276-285 (= Kleine Schriften IL/1 [1984], p. 242-251). Le texte est repris dans A. BIELMAN, Retour à la liberté, Athènes - Lausanne, 1994,
77.
ÉTIENNE et KNOEPFLER, Hyettos, p. 244.
n° 49, et Chr. CHANDEZON, L'élevage en Grèce, Bordeaux, 2003, p. 50, n° 10.
78.
M. HoLLeaux, REG, 31 (1919), p. 320-337 (= Études I, p. 143-159).
79. 80.
ROESCH, Thespies, p. 246-247. BCH, 23 (1899), TV.3. Le terme σούνδικυ est sûr, car il apparaît au début de la 1. 9, dans la partie bien conservée de la stèle. Pour autant, la restitution de l’éditeur : [ὁ
δ. τοῦ δ. ἔλεξε κὴ TO πολέμαρχυ kh] σούνδικυ, me paraît très peu plausible, car un rogator individuel n’est jamais associé à un groupe de magistrats dans la proposition. Il est préférable de placer un vacat après le décret IV.2 et de restituer sim-
plement τῦ πολέμαρχυ κὴ] σούνδικυ.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DÉCRETS ΕΝ BÉOTIE
[{]
de proxénies (ca 140-120 av. J.-C.) dont les rogatores sont par ailleurs
des individus“. Il n’y a que deux hypothèses possibles : soit les deux procédures (proposants individuels et groupes de magistrats) ont existé de façon concomitante ; soit la gravure de ces proxénies, réalisée « d’un coup » et « de la même main » 52, ne faisait que reprendre des textes votés à des époques diverses pour perpétuer, à destination des lecteurs présents et à venir, la mémoire de privilèges acquis également aux descendants de ces proxènes. On ne peut donc rien en tirer sur le plan de l’évolution des institutions. Le deuxième groupe de magistrats-proposants est celui des archontes et des synèdres, plus intéressant car attesté dans des décrets plus récents. Les archontes, terme qui désigne les principaux magistrats de la cité (on pense entre autres aux polémarques et à leur secrétaire), représen-
tent les chefs de l'administration locale #. À l’époque impériale, ils sont les destinataires des lettres qui parviennent aux cités, qu’elles émanent de l’empereur ou d’autres poleis®*. Les synèdres sont les membres du synédrion, autrement dit l’organe qui a remplacé la boulè à un moment donné de la basse époque hellénistique, que l’étude de la prise de décision doit maintenant nous aider à déterminer. En ce qui concerne la prise de décision, si l’on prend les formules de sanction et de résolution, on peut distinguer quatre étapes en tenant compte de la totalité de la documentation : — 1) ἔδοξε)δεδόχθη τῦ δάμυ (uniquement en dialecte);
— 2) ἔδοξε )δεδόχθη τῦς σουνεδρῦς κὴ τῦ δάμυ ou ἔδοξε) δεδόχθαι τῶι συνεδρίωι καὶ τῶι δήμωι (en dialecte ou en koine); — 3) ἔδοξε) δεδόχθαι τοῖς ἄρχουσι καὶ συνέδροις ou plus généralement τοῖς τε ἄρχουσι καὶ συνέδροις καὶ τῶι δήμωι (uniquement en koinè);
— enfin, 4° et dernier type de formule (variante du type 3) : la réapparition du terme boulè en lieu et place de synédrion. Le premier type de formule, ἔδοξε) δεδόχθη τῦ δάμυ, se rencontre surtout au début de la période considérée, en particulier dans les 81. BCH, 23 (1899), IV.1, 2, 4 et 5. 82. BCH, 23 (1899), p. 96. 83.
ROESCH, Thespies, p. 171.
84.
Par ex., /G VII, 2711.
112
CHRISTEL MÜLLER
proxénies de la fin du 111‘/début du II s., mais pas uniquement, comme en témoignent les décret de Kopai ou de Chorsiai®, déjà évoqués. On ne trouve qu’une seule variante exceptionnelle de cette formule dans une proxénie de Cheronde®”, où il est dit δεδόχθη τῇ βωλῆ κὴ τῦ δάμυ. Ainsi, ce n’est pas parce que la boule n’ apparaît qu’une seule fois dans une formule de résolution qu’elle n’existe pas ou ne joue aucun rôle. Elle est attestée dans certains intitulés, à Tanagra par exemple, où une proxénie ® présente l'intitulé suivant : Bora Προστατη[ρίω μεινὸς]. En témoigne encore la formule probouleumatique propre aux décrets béotiens qui suit alors un modèle simple, attesté 19 fois dans notre corpus ‘, toujours en dialecte et seulement à la fin du nr‘/début du Ir s., comme à Haliarte” dans un décret de proxénie pour un Macédonien d’Edesse®" et dans le décret relatif à la première réorganisation des Ptoia52 datée des années 220 av. J.-C., où l’on trouve la formule « standard » προβεβωλευμένον εἶμεν αὐτῦ πὸτ τὸν δᾶμον. Cette formule, propre à la Béotie et quelque peu condensée, ne me paraît être que l’expression de la
procédure probouleumatique, sans impliquer une double présentation du 85.
MIGEOTTE, Emprunt 15 (début du 11° 5. av. J.-C.).
86.
MIGEOTTE, Emprunt 10. Le décret de Chorsiai pour Kapôn serait ainsi le seul décret civique béotien à employer une telle formule après le premier quart du ır s. av. J.-C., disons après 171 : on ne manquera donc pas de m’objecter que ce fait milite contre sa datation après la dissolution de la Confédération, d’autant qu’après la 3° guerre de Macédoine, c'est clairement une autre formule, on le verra, qui est
employée, au moment où apparaît le synédrion. Je me contente d’y voir un indice supplémentaire permettant de préciser cette datation et suis donc tentée de placer le décret de Chorsiai juste après la dissolution (et, qui sait ?, peut-être avant 167), dans ces années troublées où le passage des armées romaines a mis la Béotie à feu et à sang,
87. 88.
IG VII, 3287. 1G VII, 529.
89.
Dernière mise au point sur le nombre d'inscriptions portant la formule à cette
période (en incluant les territoires temporairement béotiens comme Oropos) : D. KNOEPFLER, « Inscriptions de la Béotie orientale », dans Festschrift S. Lauffer, Rome,
1986, p. 593, n. 53. La restitution par Dittenberger de la proxénie tana-
gréenne /G VII, 526 : [προβεβωλευμένον εἶμεν αὐτῦ ποτὶ τὰν βωλὰν κὴ τ]ὸν δᾶμον, me paraît erronée, car ce serait le seul exemple de mention de la böla dans la formule probouleumatique pour cette période.
90. RoEscH, EB, p. 205. 91. IG VI, 2848. 92.
Sur la date de cette première réorganisation du concours, cf. Fr. LEFEVRE, Documents amphictioniques, CID IV, Athènes - Paris, 2002, n° 76.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DECRETS EN BEOTIE
113
projet devant le Conseil et l’ Assemblée, comme le voudrait J. Tréheux ””. Il est difficile cependant de préciser les raisons de l’emploi de cette formule dans tel décret et de son omission dans tel autre : P. Roesch avait
émis l’hypothèse * qu’elle apparaissait lorsque le décret avait des implications financières ou portait sur des affaires religieuses. Dans ce cas, sa présence dans les proxénies pourrait dépendre de l’application effective des privilèges octroyés, en particulier celui de l’empasis qui avait des conséquences concrètes sur la vie de la cité. Le cas le plus complexe est celui des séries de proxénies où seule l’une d’entre elles présente la
formule. Prenons les proxénies tanagréennes 10 VII 522 à 524, gravées sur un même bloc. 523 et 524 sont strictement contemporaines, puisque archontes, mois, présidents et proposants sont identiques. Le n° 522, gravé à gauche des deux autres, présente plusieurs variations, dont l’adjonction notoire de la formule probouleumatique qui vient en remplacement de la formule de résolution. L'examen d’un estampage ancien "" confirme ce que le texte (sinon la transcription des /G) laisse supposer : le n° 522 a été clairement gravé après les deux autres*, et je subodore qu’il en va de même pour la pierre portant les proxénies 510 à 512. Il est donc difficile, si l’on peut dissocier de la série l’élément hétérogène, d’attribuer un contenu précis à ce qui est peut-être une simple différence de formulaire à quelques années d’intervalle. On n’en tirera en tout cas
aucune conclusion définitive sur l’importance relative du Conseil et de l’Assemblée dans cette première période et encore moins sur l’existence de décrets probouleumatiques ou non probouleumatiques *. 93.
J. TRÉHEUX, « La “prise en considération” des décrets en Grèce à l’époque hellénistique », dans Cl. NICOLET (éd.), Du pouvoir dans l'Antiquité : mots et réalités,
Paris, 1990, p. 117-127. D. KNOEPFLER (Chiron, 12 [1992], n° 36) ne se prononce pas explicitement sur la validité de l’hypothèse de J. Tréheux, mais semble ne pas
la récuser puisqu'elle repose « sur une analyse rigoureuse de l'expression ». La
94. 95.
lourdeur de la procédure ainsi entendue sembie pourtant extravagante et je ne suis pas sûre qu’il faille ici surinterpréter le grec. RoEsCH, Thespies, p. 132-133. Estampage, anonyme et non daté, conservé à l’EFA, sans n° d’inventaire, dans le
dossier intitulé « Varia Béotie », que j’ai pu consulter en septembre 2004, grâce à l’obligeance de la bibliothécaire M* E. Rochetto.
96.
Dans 522, les lettres sont plus petites et la gravure moins aérée ; surtout, la fin de la 4° ligne vient « buter » contre le début de la proxénie 523.
97.
J’adhere donc aux conclusions de P. J. RHODES, Decrees, p. 489.
114
CHRISTEL MÜLLER
La formule du deuxième type, ἔδοξε) δεδόχθαι τοῖς τε συνέδροις καὶ τῷ ônuo” ou τῶι συνεδρίωι καὶ τῶι δήμωι” est rédigée soit en dialecte, soit en koinè. Le passage progressif du dialecte à la koine ἃ donc eu lieu pendant la phase où elle prévalait. Deux questions se posent à son propos : celle de la date à laquelle apparaissent les synédroi et le synédrion et celle de la signification historique du changement. Sur le premier point, P. Roesch s’est souvent prononcé, sans pour autant jamais donner d’argument pour étayer sa datation : pour lui, le
synédrion apparaît à la fin du 11° s., même si le terme se répand surtout au 115 5. Je vois à cette thèse deux origines, toujours implicites :
d’une part, la date assignée par l’auteur lui-même à l’apparition d’un synédrion fédéral, précisément à la fin du nr s.; d’autre part, la date de disparition du dialecte, puisque les textes les plus anciens citant des synédroi sont en dialecte et seraient donc antérieurs à cette disparition elle-même datée par P. Roesch de 171. En réalité, il convient de modifier cette chronologie selon les principes énoncés plus haut. En effet, à partir
du moment où l’on admet que le dialecte est susceptible de se maintenir jusque dans la 2° moitié du 11° s., on peut sans difficulté placer après 171 des décrets qui n’étaient attribués à la période précédente que pour des raisons linguistiques. Or, tous les décrets qui mentionnent des synédroi sont datables après 171. Aucun rapprochement prosopographique ne s’y oppose, au contraire, à l’exception semble-t-il d’un cas à Akraiphia!® où l’on peut identifier le secrétaire Πραξίλλεις Ἠσχριώνδαο à un polémarque figurant dans un catalogue militaire daté d’un archonte fédéral "°! : mais cet archonte, Athanias, a été placé entre 180 et 175 par les auteurs de Hyettos ® et l’on est en droit de supposer que le même personnage a pu être actif avant et après 171, pendant une durée de 10 ou 15 ans. En réalité, c’est précisément la conjonction de ces deux inscriptions qui permet de prouver, à mon sens, ce que D. Knoepfler avait émis à titre d’hypothèse en 1990 "05 : les synedria locaux sont apparus 98.
Décret de Thisbé d'acceptation des Ptoia vers 120/110 av. J.-C. : 1G VII, 4139 +
BCH, 44 (1920), p. 247-249, n° 9. 99.
Décret de Hyettos pour des citoyens d’Hypata : Ad. WILHELM, JÖAT, 8 (1905), p. 276-285 (= Kleine Schriften I/1 [1984], p. 242-251). Cf. n. 75.
100./G VII, 4127 : proxénie en l’honneur de Γάιος Ὁκτάιος Τίτου Ῥωμεῖος. 101. BCH, 23 (1899), p. 197, πον.
102. ÉTIENNE et KNOEPFLER, Hyettos, p. 350. 103. D. KNOEPFLER, « Contributions à l’épigraphie de Chalcis », BCH, 114 (1990), p. 497, et Décrets érétriens de proxénie et de citoyenneté, Eretria ΧΙ, Lausanne, 2001, p. 416.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DECRETS ΕΝ BÉOTIE
115
en Béotie après la dissolution de la Confédération dans les années 170167 1%. Il convient donc de dissocier, au moins sur le plan chronologique, la question du Synédrion fédéral 195, qui existe dès le 1“ s.'%, de celle des synédria locaux.
Il convient alors de poser la question du rapport éventuel entre l’apparition des synédria et l’intervention romaine pendant la 3° guerre de Macédoine. Les parallèles proches sur le plan géographique sont clairs : D. Knoepfler a bien montré que « le changement d’appellation du Conseil à Chalcis et à Érétrie eut lieu au lendemain de Pydna vers 167 » "67. En Béotie, une partie des cités avait embrassé de façon déterminée la cause macédonienne et les Romains matèrent les révoltes et les conflits de façon sommaire à Haliarte, Thisbé et Coronée, avant de régler en 170 av. J.-C. le sort des deux dernières par sénatus-consulte "®#, Mais les sources évoquent uniquement l’épuration '” massive et circonstancielle des boulai locales : les dispositions du sénatus-consulte de Thisbé confient
ainsi le pouvoir politique pendant dix ans à « οἵτινες εἰς τὴν φιλίαν τὴν ἡμετέραν πρὸ τοῦ ἢ Γάιος Λοκρέτιος τὸ στρατόπεδον πρὸς τὴν πόλιν Θίσβας προσήγαγεν » (1. 22-24). Pourtant l’introduction des synédria, s’il faut la leur imputer, n’apparait pas seulement comme un moyen pour les Romains de « consolider et accroître le pouvoir de leurs partisans » !'°, mais davantage comme une réforme de fond destinée à durer. 104. La nouvelle datation de l’apparition du synédrion a, du reste, des conséquences importantes sur celle d’autres inscriptions, comme par exemple les affranchissements, pour lesquels on dispose aujourd’hui d’un utile corpus (L. DARMEZIN, Les affranchissements par consécration en Béotie et dans le monde grec hellénistique,
Nancy, 1999) : une grande partie de ces textes, souvent datés à l'heure actuelle de la fin du ım“ ou du début du ır s. font en effet état d’une intervention du synédrion
(ainsi à Chéronée, /G VII, 3356 et 3357). 105. Sur
les synédria fédéraux, cf. dans le présent volume,
la communication de
P. HAMON.
106. Les réflexions de ROESCH (Thespies, p. 126-133) donnent l'impression que les deux problèmes sont intimement liés et de nature identique. Il suffit pourtant de prêter un minimum d'attention à la chronologie pour s’apercevoir que ce n'est pas ici le cas.
107. BCH, 114 (1990), p. 497. 108. RDGE 2 et 3. 109. Sur cette épuration en Grèce, cf. J.-L. FERRARY, « Les Romains de la République et les démocraties grecques », Opus, 6-8 (1987/1989), p. 209. 110. D. KNOEPFLER, « Contributions à l’épigraphie de Chalcis », BCH, 114 (1990), p. 497.
116
CHRISTEL
MÜLLER
La troisième question qui s’impose est celle de savoir quelle modification institutionnelle est perceptible sous le changement de nom,
car je ne pense pas qu’il s’agisse d’une pure question de dénomination '"'. D. Knoepfier !’? fait de cette mesure, de façon très classique, une « réforme de tendance oligarchique ». Il faudrait pouvoir prouver l’introduction (probable) d’une qualification censitaire, ce que les formulaires de décrets ne nous permettent pas de mesurer l'?. Pausanias ''* rapporte que c’est après la guerre d’Achaie seulement, donc en 146/5, que Mummius « renversa les démocraties et établit pour l’exercice des charges des qualifications censitaires » : même si l’on ne dispose d’aucun argument indubitable pour infirmer son propos, il semble qu’une telle date soit trop tardive dans le cas béotien. Venons-en maintenant au troisième type de formule : ἔδοξε) δεδόχθαι τοῖς ἄρχουσι καὶ συνέδροις ou, plus généralement, τοῖς τε ἄρχουσι καὶ συνέδροις καὶ τῶι δήμωι "3. Il s’agit d’une formule tardive, utilisée (en koinè seulement) plutôt à la fin du I” s. av. J.-C. ou au début du rs.
apr. J.-C., même si elle apparaît de façon parfaitement datée à Chéronée en 87/6, dans le décret pour Amatokos "6. La formule est restituée dans ce décret, mais la restitution est très plausible compte tenu du nombre de lettres de la lacune. On en trouve une autre attestation dans le décret de Tanagra pour deux musiciens athéniens !'?, traditionnellement date du 1r° 5. : son formulaire invite ainsi à le placer plutôt au début du rs. av. J.-C. Dans ces décrets, les archontes, après avoir été inclus dans le groupe des proposants, sont désormais associés à part entière aux organes de décision, le synedrion et le démos, selon un système pyramidal 111. C'est la question que pose, en ces termes, J.-L. FERRARY, loc. cit. (n. 109), p. 212.
112. D. KNOEPFLER, loc. cit., p. 497, n. 110. 113.J.-L. FERRARY, loc. cit., p. 215, n. 46. Est-ce à dire qu’à ce moment de leur histoire, les cités béotiennes sont revenues, d’une certaine manière, à une situation institutionnelle proche de celle qui était la leur au tout début du 1v° 5. av. J.-C., lorsque les quatre boulai de chacune d’entre elles n'était accessible qu’à τοῖς κεκίτημένοις]}
πλῆθός τίι χρημά]των ? Peut-être, mais ce n’est là qu’une hypothèse. 114. Pausanias VII, 16, 9. La valeur historique du passage a été bien établie par J.-L. FERRARY, Philhellénisme et impérialisme, BEFAR 271, Rome - Paris, 1988,
p- 199-209. 115./G VI, 2713. 116. REG, 31 (1919), p. 320-337 (= Études I, p. 143-159). 117.SEG 2, 184.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DÉCRETS EN BÉOTIE
117
très clair composé des magistrats, du Conseil et de l’ Assemblée. Les deux premières catégories sont devenues des catégories constituées, au même titre que les étrangers résidents, paroikoi et ektéménoi par exem-
ple, comme on le voit dans le décret d’Akraiphia pour Epaminondas ""5 où l’on rappelle que l’évergète a organisé un banquet où il a régalé à part « les archontes et les synèdres », ce qui semble signaler la constitution d’un ordo. Le quatrième et dernier type de formule constitue en fait une variante
du troisième type, avec la réapparition du terme boulè dès la fin du 1 5. av. J.-C. dans le décret de Thespies pour le proconsul Futius Longus !!°. Le terme réapparaît dans la formule probouleumatique, qui du reste se complique étrangement, puisqu’elle se présente désormais sous la forme προβεβουλευμένον εἶναι ἑαυτῶι πρός τε τηὺ βουλὴν καὶ τὸν
δῆμον 2, On a déjà évoqué les conclusions improbables que J. Tréheux avait tirées de la spécificité de la formule probouleumatique béotienne, même dans sa structure la plus simple, conclusions que la deuxième
formule, encore plus compliquée, ne viendrait selon lui que renforcer. Cette hypothèse ne paraît pas acceptable et j’y verrais plutôt le signe que l’omission du Conseil était ici impensable, en rapport avec la place qui était la sienne désormais. Il y a en tout cas au 1° 5. apr. J.-C. une équivalence claire entre la boulè et les synedroi. On le voit dans le décret
d’Akraiphia 2) pour son évergète Épaminondas, où la formule de sanction (1. 90) associe les archontes, les synèdres et le peuple, tandis que la boulè est mentionnée à la fin du décret. Par la suite, sous l’Empire, la boulè éclipse les synédroi eux-mêmes, ce qui est peut-être la preuve d’une uniformisation des pratiques et du vocabulaire à l’échelle de la province. On continue de la trouver dans les décrets, mais surtout dans
les dédicaces avec une formule particulière aux 11° et ur s. apr. J.-C. : Y(ndiouarr) B(ovAñc) καὶ Δήμου, surtout dans des consécrations pri-
vées qui semblent réclamer une autorisation de la cité, comme c’est le cas à Thisbé des dédicaces de la famille d’Oulpios Brachas '*. 118./G VII, 2712. 119. BCH, 98 (1974), p. 651, n° 4. 120. Ibid. ainsi que /G VII, 2713. 121.1G VU, 2712. 122./G VII, 2241 et 2242.
118
CHRISTEL MÜLLER
Quelques mots de conclusion pour finir. D’une manière générale, la leçon méthodologique à tirer de ce type d’analyse me semble être la nécessité de porter une attention extrême à la chronologie. On a spontanément tendance à tirer les inscriptions béotiennes vers la haute époque
hellénistique, parce que les faits dialectaux sont perçus a priori comme des archaïsmes, en comparaison de la « modernité » supposée de la koine. Il convient, par ailleurs, de cesser de considérer comme un tout indisso-
ciable les Ir et r siècles av. J.-C. et tenter de parvenir à des périodisations plus fines au sein même de cette « basse époque hellénistique ». Il reste clair, cependant, pour la Béotie, qu’en termes historiques, sinon linguistiques, la période 171-167 constitue un tournant majeur. Sur la procédure elle-même, à propos du rogator, contrairement à ce qu’énonçait P. Roesch, on renoncera à déceler une évolution linéaire,
un passage du rogator individuel à une proposition anonyme, puis à un groupe de proposants. Le processus est plus complexe : tout dépend des cités, qui ne présentent pas une totale uniformité institutionnelle, puisque la formule « collégiale » n’apparaît que dans une seule d’entre elles; ensuite il est impossible de prétendre que le rogator individuel disparaît avec l’arrivée des Romains; enfin, aucun des cas de figure (individuel/collégial) ne paraît plus particulièrement lié à l’une des étapes du changement de procédure dans la décision elle-même. Il convient donc de ne pas surévaluer la portée de la présence d’un proposant individuel, ce qui marque sans doute la limite même d’une analyse strictement institutionnelle. En effet, le fait que l’on ne puisse identifier la plupart des rogatores de la fin du ur et du début du ır 5. av. J.-C. ne tient peut-être qu’au caractère elliptique du formulaire des proxénies abrégées. Lorsque les décrets sont plus bavards, on constate souvent le rôle particulier que les polémarques, par exemple, jouent dans cette phase de la procédure. Fautil voir là le signe d’une restriction progressive du vivier des proposants annonçant la proposition faite ensuite par des collèges de magistrats ? Nul
ne saurait l’affirmer, en raison du faible nombre de décrets antérieurs. À l’autre bout de la période, sous l’Empire, le proposant individuel agit peut-être avant tout grâce à son nom ou ex officio comme Epaminondas
d’Akraiphia'”, pour lequel le décret précise son statut de « grand-prêtre perpétuel des Augustes et de Néron » dans la proposition même. 123.1G VII, 2713, 1. 27.
LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DÉCRETS EN BEOTIE
119
Enfin, en ce qui concerne les organes décisionnels, on peut établir un double constat : d’une part, un attachement certain aux formes institutionnelles, puisque le démos se maintient d’un bout à l’autre de la basse époque hellénistique et même plus tard, sans modification visible pour nous, ce qui naturellement ne signifie pas qu’il n’y en eut pas; d’autre part, une évolution réelle perceptible au fil des multiples changements qui affectent la procédure. Le plus évident d’entre eux reste le remplacement, en Béotie comme dans d’autres cités de Grèce continentale "253, de la boulè par le synédrion, pour lequel on est en droit de supposer une intervention directe des Romains après la 3° guerre de Macédoine, même s’il faut être prudent sur le contenu à donner à cette réforme. Mais l’apparition des archontes dans la formule de sanction ou de résolution "25, ne me semble pas nécessairement moins significative : ce sont finalement les mêmes qui proposent et qui décident. Au cours de la basse époque hellénistique, en tout cas entre le début et la fin de la période envisagée, au contrôle des magistrats par la cité [25 s’est substitué celui de la cité par les magistrats.
124.Cf., dans le présent volume, la communication de P. Hamon sur l'évolution du Conseil. 125. Ainsi à Akraiphia, dans un décret en l’honneur d’ Αἰσχριώνδας Πραξίλλους, agonothète des Ptoia (/G VII, 4148), qui se situe à peu près au tournant de notre ère et, en tout cas, entre l'introduction du denier en Grèce (pas avant l’époque d’ Auguste selon D. KNOEPFLER, « L’intitulé oublié d’un compte des naopes béotiens », dans D. KNOEPFLER [éd.], Comptes et inventaires dans la cité grecque, Neuchâtel, 1988, p. 283) et la refondation des concours en Ptoia Kaisareia, dans le 1° tiers du r*s. apr. J.-C.
126. Une étude récente (P. FRÔHLICH, Les cités grecques et le contrôle des magistrats, Genève - Paris, 2004) a bien montré que, dans le domaine financier, à la haute époque hellénistique, « les cités béotiennes exerçaient sur leurs magistrats (...) un con-
trôle tatillon » (p. 531), qui connaît progressivement aux If et I" s. av. J.-C., « un très net assouplissement » (p. 508).
Le Conseil et la participation des citoyens : les mutations de la basse époque hellénistique Patrice HAMON Université de Rouen UMR 8585 — Centre Gustave Glotz, Paris
L;
QUESTION qui est au cœur de notre colloque porte sur la valeur et le sens de l’appellation « basse époque hellénistique » appliquée à la seconde partie du n° 5. et au 155. av. J.-C. Pour vérifier la pertinence de cette périodisation de l’histoire des cités grecques, il faut pouvoir identifier des transformations significatives dans le fonctionnement des institutions et, plus généralement, des sociétés civiques, pendant la période considérée. L’une de ces multiples transformations est manifeste, malgré les lacunes de la documentation : c’est celle qui affecte le Conseil dans toutes les cités, entre le 11° 5. av. J.-C. et le début du Principat. Les historiens des institutions ont depuis longtemps relevé les indices de cette mutation. Elle ἃ été récemment évoquée par Fr. Quass et par H. Müller, dans les brèves études qu’ils ont tous deux consacrées
aux boulai civiques. On peut esquisser en quelques phrases ce phénomène de mutation radicale, sur lequel les deux historiens s’accordent. Dans les cités démocratiques (aussi bien à l’époque classique qu’à la haute époque hellénisl.
Quass, Honoratiorenschicht, part. p. 382-394 (« Die Umbildung des Rates »); H. MÜLLER, « Bemerkungen zu Funktion und Beteudung des Rats in den helle-
nistischen Städten », dans M. WÖRRLE et P. ZANKER (éd.), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus, Munich, 1995, p. 41-54. J’ai consacré en 2000 une thèse à ce sujet, dont je prépare actuellement la publication et dont les conclusions ont déjà été présentées succinctement : « À propos de l’institution du Conseil dans les cités grecques de l’époque hellénistique », REG, 114/2 (2001), p. xvI-xx!.
122
PATRICE
HAMON
tique) ?, être membre du Conseil est une fonction relativement banale : la boulè est un organe politique régulièrement désigné et auquel les citoyens ordinaires participent temporairement, en siégeant à tour de rôle, pour un semestre ou pour un an. Si l’on se transporte deux ou trois
siècles plus tard, dans les cités grecques du Haut Empire -- et en particulier dans la province d’ Asie, où les documents sont relativement abondants -, il est clair que la boulè est devenue un « ordre »? auquel certains citoyens appartiennent et qu’ils « intègrent » dans des conditions
entièrement nouvelles“. On passe de la participation à l'appartenance : le Conseil perd ainsi son caractère d’institution démocratique. L’explication la plus couramment retenue, notamment par Fr. Quass et H. Müller, pour rendre compte de ce phénomène universel est celle
de la « romanisation »°, donc de l’influence du modèle d'organisation politique en vigueur à Rome même et dans les colonies et municipes de
l’Occident romain. Les cités grecques auraient ainsi progressivement adopté les pratiques civiques des conquérants, en Grèce continentale au cours du 115. av. J.-C., et en Asie Mineure dans le courant du rs. av. J.-C. On sait que, dans la nouvelle province de Bithynie et du Pont, les Romains purent imposer ce modèle de façon unilatérale et uniforme
à des cités profondément remaniées et réorganisées par Pompée. En revanche, en Achaïe et surtout en Asie, une telle réorganisation générale semble n’avoir jamais eu lieu ou en tout cas n’avoir jamais été poussée 2. 3.
Les cités démocratiques ne sont pas les seules : ce n’est pas ici le lieu d'envisager en détail les cités de régime oligarchique. Le terme ne doit être employé qu’avec prudence pour l’époque républicaine. Il semble bien, comme Ρ LE Roux me l’a fait remarquer, qu'il n’apparaît pas en Occident, à propos des conseils de décurions, avant le Principat.
4.
Un règlement de Pergame, du 115 5. apr. J.-C. (MDAI[A], 32 [1907], p. 299, 1. 9-
10) emploie κατατάσσεσθαι, « se voir assigner une place, être intégré dans les rangs », à propos de cette entrée définitive dans la boulè, verbe qui aurait été tout
5.
à fait inapproprié pour désigner le recrutement d’un bouleute deux ou trois siècles auparavant : καταλογῆς γεινομένης πρὸς ὁμοιότητα τῶν - - - - - εἰς τὸ συνέδριον τῆς βουλῆς κατατασσομένων. Sur ce concept et ses emplois dans l’historiographie récente, voir Ρ LE ROUX, « La
romanisation en question », Annales HSS, 59 (2004), p. 287-311. 6.
Sur l’organisation de la province de Bithynie-Pont par Pompée, voir en dernier lieu H.-L. FERNOUX, Notables et élites des cités de Bithynie aux époques hellénistique et romaine (ur siècle av. J.-C. -- ur siècle apr. J.-C.), Lyon, 2004, p. 129-146, en
particulier, sur les conseils civiques, p. 142-145.
LE CONSEIL
ET LA PARTICIPATION
DES CITOYENS
123
aussi loin. La mutation des conseils civiques procéderait donc plutôt d’une acculturation relativement rapide aux usages et à l’idéologie des hegoumenoi. Elle serait même un des exemples les mieux documentés de la romanisation spontanée des élites de l’Orient grec. Il faudrait donc admettre que la basse époque hellénistique soit définie, en matière d'institutions civiques, comme l’ère de ce que 1. Touloumakos appelait
l’« influence de Rome ».
Les Conseils des cités d'Asie à la basse époque hellénistique Il ne s’agit pas ici de remettre fondamentalement en cause les conclusions précédentes, mais de les nuancer ou de les prolonger sur cer-
tains points, en nous interessant plus particuliörement aux Conseils des cités d’Asie Mineure, dans le dernier tiers du 11° s. et la première moitié du I“ s. av. J.-C. Les études précédemment citées se sont concentrées sur l'histoire institutionnelle au sens strict et, en l’espèce, sur la question de l’évolution des pouvoirs du Conseil, telle que les décrets nous la laissent très imparfaitement entrevoir. Il me semble que l’on peut aborder le problème par un autre biais, en se demandant comment les citoyens se représentent la place occupée par le Conseil dans la cité. Il faut analyser, pour ce faire, non plus les intitulés des décrets et les formules de sanction ou de résolution, mais plutôt certaines « lois sacrées » ou certains règlements organisant telle cérémonie publique à caractère cultuel ou politique et détaillant la composition d’une procession, d’un cortège
civique ou d’un banquet®. Les prêtres et les magistrats ont traditionnellement pour fonction de représenter à eux seuls l’ensemble des citoyens. Les présidents des organes délibératifs (Conseil et Assemblée), qu’ils portent le nom de prytanes, de prostatai ou de stratèges, tiennent toujours une des premières places en de telles occasions. Prenons l’exemple de la fête d’Arté7.
J. TOULOUMAKOS, Der Einfluss Roms auf die Staatsform der griechischen Stadtstaaten des Festlandes und der Inseln im ersten und zweiten Jhdt. v. Chr, Göttin-
8.
gen, 1967. A. CHANIOTIS, « Sich selbst feiern ? Städtische Feste des Hellenismus im Spannungfeld von Religion und Politik », dans M. WÖRRLE et P. ZANKER (éd.), Stadibild und Bürgerbild im Hellenismus, Munich, 1995, p. 147-172, avec un catalogue des docu-
ments relatifs aux fêtes civiques.
124
PATRICE HAMON
mis Kindyas à Bargylia, désormais très bien connue par un remarquable dossier épigraphique datant des années 120 av. J.-C.? Les Bargyliètes s’adressaient à eux-mêmes une image de la structure de leur cité, avec tous ses éléments constitutifs, à travers les bœufs qu’ils offraient à la déesse : le corps civique était incarné par les différents magistrats, qui élevaient et présentaient chacun un bœuf ; les métèques dans leur ensemble étaient représentés par un unique bœuf ; un concours de beauté déterminait au dernier moment l’ordre dans lequel les victimes marcheraient à l’autel. L'intérêt réside en l’occurrence dans la liste des magistrats ou collèges de magistrats censés représenter symboliquement l’ensemble du politeuma -- liste qui fut d’ailleurs établie par un premier décret et complétée dans un décret postérieur, par souci d’exhaustivité : le prêtre d’Artémis, les prytanes, le stéphanéphore éponyme, les néopes, l’agonothète, auxquels on ajouta les chréophylaques, les agoranomes (avec leur secrétaire), les stratèges, l’épimélète des sanctuaires, les trésoriers (avec le secrétaire du Conseil) et enfin les responsables de l’éducation
des jeunes gens et des adolescents (gymnasiarque, hypogymnasiarque
et pédonome) "°. Les festivités les plus importantes requièrent la présence physique, non seulement des magistrats dans leur fonction représentative, mais également de la masse des citoyens et autres habitants. Toutes les composantes de la cité sont alors censées participer à la procession ou
au banquet, à leur place, au complet et en harmonie. La pratique est ancienne, mais les documents explicites ne se multiplient qu’à partir du I 5. av. J.-C., comme A. Chankowski le souligne dans sa contribution
au présent volume !!. Citons, parmi les exemples retenus par A. Chankowski, deux décrets de Pergame. Le premier organise entre autres la réception solennelle du roi Attale III (138-133 av. J.-C.) au retour
d’une campagne victorieuse : la cité de Pergame se présente en ordre au souverain, composée des prêtres et prêtresses, des stratèges et autres magistrats, des hiéroniques, des éphèbes et neoi conduits par le gymnasiarque, des garçons conduits par le pédonome, et enfin de tous les citoyens, de leurs femmes et des étrangers résidents !?. Le deuxième 9. 10. 11. 12.
SEG, 45 (1995), 1508 ; EA, 32 (2000), p. 91. EA, 32 (2000), p. 91,1. 3-6 et 14-19. A. CHANKOWSKI, « Processions et cérémonies d’accueil », infra, p. 196. 0G1332, 1. 33-38.
LE CONSEIL
ET LA PARTICIPATION
DES CITOYENS
125
décret concerne une cérémonie religieuse, la consécration de la statue cultuelle de Diodoros Pasparos dans son sanctuaire : la liste des participants à la procession est quasiment identique (les magistrats et les simples citoyens étant omis) 15. On trouve la même image de totalité ordonnée dans les funérailles publiques — autre forme, un peu particulière, de défilé civique --, par exemple à Priène, des années 120 jusqu’aux années 60 av. J.-C. (éphèbes et neoi, garçons, stratèges et simples citoyens), et même encore beaucoup plus tard, à Cyzique, vers le début du 1“ 5.
apr. J.-C., lors des obsèques d’Apollonis “. Dans ces différentes cérémonies mises en scène par les autorités publiques, le corps civique est présenté comme un ensemble uniforme, conduit par les prêtres et les collèges de magistrats et au sein duquel ne sont admises que les distinctions par classes d’âge. Il faut remarquer que le Conseil, en tant que corps constitué, ne fait jamais partie de cette « image de la cité » en ordre de marche ou couchée pour le banquet. La cité démocratique (ou de forme démocratique, dans le cas particulier de la Pergame des Attalides) ne considère pas sa boulè exactement comme un collège de magistrats, mais plutôt comme une expression temporaire de la totalité du corps civique, dans sa capacité délibérative. Elle est un organe auquel participent en principe le plus grand nombre de citoyens, au même titre qu’ils prennent part aux séances de l’Assemblée et le cas échéant aux tribunaux populaires. Il serait donc contraire à l’esprit des institutions de faire défiler les bouleutes devant les simples citoyens et de suggérer ainsi une hiérarchie. De la même manière, il ne viendrait à l’idée de personne de faire défiler les membres d’un tribunal civique. Seuls les « magistrats du Conseil » (prytanes à Athènes, Bargylia et Cyzique, stratèges à Pergame et Priène, etc.) ont vocation à figurer en tête d’une procession organisée par la cité, parmi les autres magistrats, devant la masse indifférenciée et égalitaire des citoyens, que ces derniers soient ou non membres du Conseil pen-
dant l’année considérée.
À partir de la fin du n° s. av. J.-C., cependant, la cité n’est plus la seule à organiser de telles cérémonies publiques. Les grands évergètes 13. IGR IV, 292, 1. 41-43, avec la correction introduite par L. ROBERT, Études anatoliennes, Paris, 1937, p. 47. 14. Priene : I. Priene 9,1. 20-21; 113, 1. 110-118. Cyzique : SEG 28, 953, 1. 42-47.
126
PATRICE
HAMON
prennent de plus en plus fréquemment à leur charge les frais des fêtes et spécialement des banquets liés aux grands cultes civiques, comme
P. Schmitt Pantel l’a mis en valeur dans ses travaux !. Ils impriment volontiers leur marque personnelle à ces festivités traditionnelles. Dans un esprit de concurrence, certains de ces très riches personnages créent même des occasions nouvelles de rassembler tous leurs concitoyens : tel magistrat éponyme donne par exemple à son entrée en fonction le caractère d’une grande fête publique, en instituant de toutes pièces un programme de sacrifices et de banquets ; tel autre fait de même à l’occasion de la consécration d’un édifice qu’il offre à sa cité. Les occasions de se rassembler et de dessiner les contours du corps civique se multiplient. Mais le schéma n’est pas le même quand c’est la cité qui ordonne la fête ou quand c’est un grand bienfaiteur qui en a l’initiative et se fait maître de cérémonie. Il me paraît donc capital de bien distinguer à qui revient
l'initiative en matière d’organisation '®. Un des meilleurs exemples de ces évergètes est Archippè de Kymè. Le dossier a fait l’objet d’études et de commentaires nombreux ces der-
nières années !?. Il est exactement contemporain des documents de Bargylia et de Priène cités plus haut : nous sommes dans les années 120 av. J.-C. environ. I. Savallı a suggéré de situer ces documents précisément au lendemain de la guerre contre Aristonicos et des troubles qu’elle causa au sein de la communauté civique. Dans le souci de restau-
rer l’unité de la cité, Archippè lança un vaste programme édilitaire dont les deux principaux éléments étaient un bouleutèrion et un temple de la Concorde. Elle organisa à ses frais un banquet et une collation publics lors de l’inauguration de son bouleutèrion δ. Quelques années plus tard,
lors de la consécration de la statue honorifique que ses concitoyens lui avaient accordée au titre des « très grands honneurs », elle réitéra son 15.
16. 17.
Voir P. SCHMITT-PANTEL, « Le festin dans la fête de la cité hellénistique », dans La fête, pratique et discours, Paris, 1981, p. 85-99, part. p. 89-91 , Eap., La cité au banquet, Rome - Paris, 1992, part. p. 359-380. Voir les remarques de Ph. GAUTHIER, Bull. ép. 1993, 169, p. 483. SEG 33, 1035-1041. Cf. I. SAVALLI-LESTRADE, « Archippe di Kymè, la benefattrice », dans N. LORAUX (éd.), La Grecia al femminile, Rome, 1993, p. 233-273 (trad.
fr., Paris, 2003, p. 247-295); R. Van BREMEN, The Limits of Participation, Amsterdam, 1996, p. 13-16; A. BIELMAN, Femmes en public dans le monde hellénistique,
Paris, 2002, p. 169-177. 18. SEG 33, 1036, 1. 20-30.
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127
geste : banquet et collation furent offerts aux Kyméens |”. Ce n’est pas la cité, mais Archippè elle-même qui fit office dans les deux cas de maitre de cérémonie et qui assigna leur place respective aux participants. Archippè ne procéda pas toujours de la même manière avec ses invités. Lors des simples collations, les Kyméens furent traités de façon indifférenciée, qu’ils fussent citoyens ou non. Les banquets, quant à eux, furent formellement offerts « aux tribus » ?°, mais les Kyméens furent en fait rangés alors par Archippè en trois catégories bien distinctes : 1°) les bouleutes, 2°) les douze tribus du corps des citoyens ordinaires, 3°) les paroikoi (ou metoikoi). Si la cité avait organisé le banquet, seuls les stratèges, qui étaient à Kymè les principaux magistrats, auraient été mis en avant, conformément à leur fonction représentative habituelle. Archippè en décida autrement : elle traita à part la boulè tout entière (« pandè-
mos »°!). Et celle-ci reçut à elle seule la même quantité de viande et de vin que chacune des tribus et que l’ensemble des paroikoi. Archippè introduisit en l’occurrence une hiérarchie là où l’idéologie démocratique maintenait l’uniformité et l’isonomie. On objectera que c’est le bâtiment particulier qu’on inaugurait et dans lequel Archippè tint ses réceptions -- le bouleutèrion — qui explique dans ces deux occasions la place spéciale réservée aux bouleutes, et que l'exemple n’est donc pas probant. En fait, l'exemple d’ Archippè n’est pas isolé en Asie Mineure. Les grands notables de Priène, qui sont ses contemporains, ne procédaient pas d’une autre manière quand ils exer19. SEG 33, 1037, L. 16-20. 20. SEG 33, 1036, 1. 1; 1037, 1. 1. 21. 1. SAVALLI-LESTRADE, loc. cit., trad. fr., p. 264-265, voit dans le qualificatif pandèmos, appliqué au Conseil, un reflet de l’« idéologie de l’union et du consensus » qu’elle perçoit à juste titre dans tout le programme évergétique d’Archippe. Elle propose de comprendre que la boulè pandèmos est, plus précisément, « une Boulè “au complet”, “plénière”, par opposition à la Boulè régulière, qui de toute évidence n’exigeait pas toujours la présence de tous ses membres ». L’adjectif pandemos s'emploie en effet à propos d’assemblées « plénières » : cf., p. ex., Bull. ép. 1997, 516. Dans les banquets de Kymè, la boulè n’était cependant pas réunie pour délibérer ou émettre un avis, comme la traduction « Conseil plénier » pourrait le laisser entendre. Il faut peut-être comprendre que le corps ainsi rassemblé comprenait non seulement les bouleutes de l’année en cours (les « synèdres » [7], cf. infra), mais
aussi certains « membres associés » : les principaux magistrats (y compris le collège des stratèges, qui président les séances et collaborent étroitement avec le Conseil : cf. SEG 33, 1039, 1. 56-62), voire des membres à titre honorifique (cf. infra).
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çaient des magistratures ou des liturgies prestigieuses dans leur cité 2. Prenons l’exemple d’Hérôdès, qui fut deux fois stéphanéphore à Priène dans les années 120 av. J.-C. Lors de son entrée en charge, au premier jour de l’année, il offrit une collation à toute la population, citoyens (sans distinction) et non-citoyens : bien que ce jour fût aussi celui de l'installation de la nouvelle boule dans ses fonctions, celle-ci n’apparait pas en corps dans le récit des festivités que le décret nous a transmis. La grande fête civique des Panathènaia, quelques mois plus tard, donnait à nouveau au stéphanéphore l’occasion de déployer sa richesse et sa générosité : cette fois-ci, entre autres gestes mémorables, il réserva les viandes d’un sacrifice particulier aux collèges de magistrats et à la boulè 25, Ce type d’attention particulière fut imité par d’autres à Priène, au point
que les bouleutes finirent par devenir les invités habituels non seulement des stéphanéphores, mais aussi des gymnasiarques, en marge ou en sus des grands banquets offerts aux citoyens ou à l’ensemble de la popula-
tion *. Le même phénomène s’observe à Pergame dans les années 70 av. J.-C. Diodoros Pasparos fut alors gymnasiarque dans sa cité et à ce titre ordonnateur de la fête des Kabeiria. Il rivalisa avec ses prédécesseurs et donna un lustre nouveau à la fête en invitant les magistrats et les hiéroniques, mais également les bouleutes, ès qualités 25. P. Schmitt Pantel estime que les évergètes de Priène ou d’ailleurs, quand ils organisaient des banquets, « se conformaient aux habitudes de la vie sociale de la cité sans chercher à les rompre » ; elle parle à leur sujet de « conformisme » 2°. Cela me paraît inexact, en particulier en ce qui concerne les membres du Conseil. Les grands évergètes n’hésitèrent pas en effet à introduire de la nouveauté. En assignant aux bouleutes une place privilégiée, ils opérèrent, à partir de la fin du π΄ 5. av. J.-C., des distinctions et des partages sans précédent. Ils prirent l’initiative de transformer peu à peu une certaine catégorie de citoyens, ceux qui étaient 22.
23. 24.
25. 26.
Sur la serie des décrets priéniens pour de grands évergètes de la basse époque hellénistique, voir la communication de P. FRÖHLICH dans le présent volume, infra, Ρ. 225-256. 1. Priene 109, 1. 176-182, 192-194, 218-219. Voir l'exemple de Zôsimos : 1. Priene 112 (gymnasiarchie, fin des années 80 av. J.-C.), 1. 110-112 (fête des Panathenaia);, 113 (stéphanéphorie, années 60 av. J.-C. env.), 1. 80-89 (fête de Zeus Kéraunios et Panathènaia). IGR IV, 294, 1. 13. Comparer MDAI(A), 35 (1910), p. 410, n° 3, 1. 13-14. P. SCHMITT-PANTEL, dans La fête (cf. supra, note 15), p. 93.
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129
(régulièrement ?) désignés comme bouleutes, en un corps bénéficiant de libéralités et de privilèges. Ils firent en sorte qu'être bouleute ne fût plus seulement affaire de participation politique, mais comportät aussi de plus en plus d’avantages et de prérogatives. On ne saurait affirmer qu’ils créèrent eux-mêmes le changement politique et social. Disons plutôt qu’ils donnèrent à voir au grand jour des évolutions jusqu’alors souterraines et que les usages traditionnels et le conservatisme de la cité démocratique ne permettaient pas d'exprimer. Ils modifièrent donc surtout la représentation que la société avait d’elle-même. Cette évolution empirique était sans doute patente aux yeux de toute la population invitée aux fêtes et aux banquets. Elle trouva cependant, dès la fin du ns. av. J.-C., une forme d’institutionnalisation, certes encore limitée, mais très significative. En effet, les Priéniens entérinè-
rent en quelque sorte les changements susdits en créant une nouvelle distinction honorifique officielle, qui devint le dernier degré dans l’échelle des fimai civiques, réservé aux suprêmes bienfaiteurs : cet honneur consistait à être associé à vie aux « sacrifices et autres privilèges auxquels
ont part les bouleutes » 27, donc principalement à ces banquets qui rassemblaient et qui distinguaient tout à la fois les membres du Conseil priénien dans le cadre de leur somptueux bouleuterion”®. Ces « membres associés » appartenaient désormais de droit au Conseil, sans toutefois participer pleinement, semble-t-il, à ses délibérations. Les Pergaméniens créèrent eux aussi, dans les années 60 av. J.-C. l’honneur nouveau
d’une association honorifique aux séances de la boulè ?. L’analogie avec Priène ne surprend guère : on discernait déjà, dans le traitement réservé
aux bouleutes par les évergètes lors des banquets publics, une évolution comparable dans les deux cités. Les phénomènes précédemment décrits sont partie prenante de l’accroissement du pouvoir des très grands notables par le moyen de l’évergétisme, dans la dernière partie de l’époque hellénistique. Ces grands 27.
I. Priene 108, 1. 322-324.
28.
Je me permets de renvoyer, à propos de l'architecture des bouleutèria de la basse
époque hellénistique, à mon bref article : « “Rites et sacrifices dans le Conseil” : remarques sur les cultes du bouleutèrion et leur évolution à l’époque hellénistique », Topoi, 12-13 (2002-2003), sous presse.
29.
IGR IN, 292, 1. 33-35.
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personnages, en patrons autoproclamés de leur propre cité, redessinent les contours et l’architecture interne de la collectivité civique, selon un principe nouveau de hiérarchie -- une hiérarchie au sommet de laquelle ils s’attribuent tout naturellement à eux-mêmes la première place. Il
s’agit là d’une évolution générale dans la plupart des cités et qui est aujourd’hui bien connue *. Les changements particuliers affectant le Conseil sont donc, au moins à l’origine, un phénomène endogène et qui ne doit encore rien aux Romains, spécialement dans des cités libres comme la Kymè ou la Priène du dernier tiers du 1r 5. av. J.-C. Il convient, sur ce point précis, de nuancer l’idée selon laquelle la mutation des conseils civiques serait due exclusivement à une influence romaine sur les institutions des cités d’Orient.
Le rôle des autorités romaines : problèmes de documentation
et de chronologie * La boulè de Kymè, celle de Priène ou de Pergame connaissent à l’évidence des changements importants. Il reste que l’on ne peut pas encore véritablement parler d’une structure de type « sénatorial », donc que la mutation qui nous intéresse n’est pas encore achevée dans les cités d’Asie vers le début du I" s. av. J.-C.. Elle se poursuit et s’accélère vraisemblablement entre la toute fin de l’époque hellénistique et les débuts du Principat. Faut-il comprendre que les Romains, à partir du moment où ils devinrent définitivement maîtres de l’ Asie, choisirent d’accélérer et de systématiser certaines tendances institutionnel-
les spontanées ? On a émis depuis longtemps l’hypothèse selon laquelle les conquérants auraient édicté des normes juridiques à l’occasion d’un règlement général des affaires d’ Asie, en l’espèce celui qui aurait été imposé par Sylla après la fin de la première guerre contre Mithridate et le retour des cités sous l’autorité romaine, en 85 av. J.-C. De quel type de mesures pourrait-il s’être agi ? Il faut revenir un instant sur [65 précédents règlements romains, en Grèce continentale. Dans 30.
GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 53-75. ; voir également Ip., Bull. ep. 1994, 194.
31. La bibliographie récente sur cette question est utilement présentée par R. BERNHARDT, Rom und die Städte des hellenistischen Ostens (3.-1. Jahrhundert v. Chr). Literaturbericht 1965-1995, Munich, 1998, p. 48-53.
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ET LA PARTICIPATION
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un article de 1989, J.-L. Ferrary a insisté sur les indices de réformes institutionnelles imposées aux cités, par Flamininus en Thessalie en 194 av. J.-C., par Paul-Émile en Macédoine en 167 av. J.-C., et par Mum-
mius en Achaïe en 146/145 av. J.-C. 52 Pour la Thessalie et les quatre républiques de Macédoine, les sources parlent surtout des institutions fédérales : les Romains y introduisirent le principe de la qualification censitaire pour recruter certains magistrats ainsi que les membres des tnbunaux ou des conseils fédéraux. En ce qui concerne les cités, les textes ne sont pas explicites pour la Thessalie et la Macédoine. En revanche, Pausanias dit expressément que Mummius introduisit en 146/145 av. J.-C. l’usage du cens pour le
recrutement des archai dans les cités d’Achaïe *, Cette pratique s’appliqua certainement aux membres des conseils civiques. Or, comme on l’a observé depuis longtemps, un phénomène universel se produisit au même moment : le terme « boulè » fut abandonné et remplacé, dans
la plupart des cités des mêmes régions, par le mot « synedrion » *. Ce dernier terme n’était pas employé, jusqu’alors, pour désigner le conseil d’une cité. Etymologiquement, un synedrion est un congrès ou un « consistoire » : le mot est plus neutre que « boulè ». Il s’appliquait le plus souvent, à l’époque classique et à la haute époque hellénistique, à des conseils de type fédéral 55. Si ce mot fut adopté par imitation, au u 5. av. J.-C. dans les cités de Grèce centrale et du Péloponnèse, c’est, à mon avis, qu’il était censé signaler un changement institutionnel impor32.
J.-L. FERRARY, « Les Romains de la République et les démocraties grecques », Opus, 6-8 (1987-1989), p. 203-214, part. 206-210, prenant le contre-pied de 1. TOULOUMAKOS, Der Einfluss Roms, 1967, p. 11-12, qui était très dubitatif sur la réalité de ces interventions d’ordre institutionnel. Voir également R. BERNHARDT, Polis und römische Herrschaft in der späten Republik (149-31 v. Chr.), Berlin New York, 1985. 33. Pausanias VII, 16, 9; cf. J.-L. FERRARY, loc. cit., p. 210. 34. J. TouLoumaxos, Der Einfluss Roms, 1967, p. 25-28 et 155-158. 35. U. KAHRSTEDT, RE IV (1932), s.v. συνέδριον, col. 1333-1346. M. HOLLEAUX, Études d'histoire et d’Epigraphie grecques I, Paris, 1938, p. 289-300, à propos des synedria de koina en général et de celui de la Confédération d’Athéna /lias en particulier (cf. également L. ROBERT, Monnaies antiques en Troade, Paris, 1966,
p. 26-30, et le nouveau décret publié par T. Özuan et M. ToMBUL, EA, 36 [2003], p. 109-114). Les membres du Conseil de chacune des quatre merides macédoniennes portaient eux aussi le titre de synedroi (Tite-Live, XLV, 32, 2 : senatores, quos
synhedros uocant).
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tant : sans doute la reproduction au niveau civique des règles censitai-
res instaurées dans les instances fédérales Ÿ. Ces synedria civiques de Vieille Grèce semblent effectivement avoir été recrutés, au Π’ et au I". av. J.-C., dans les couches supérieures du corps civique et sur des critères censitaires. On observe néanmoins, dans une poignée de documents, qu’ils étaient toujours désignés formellement pour un an et donc
renouvelés année après annee?”. Il est impossible de dire si des limites étaient imposées à l’itération. Un décret de Pagai (deuxième quart du rs. av. J.-C.), souvent commenté, montre cependant que certains
anciens synèdres pouvaient être présents lors d’une séance et associés à ce titre à la décision prise par le Conseil en titre, ce qui n’est pas tout à fait sans analogie avec ce qu’on observe à Priène ou Pergame vers la
même époque *. Pour résumer et en restant volontairement prudent, on dira que les synedria de Vieille Grèce — ces conseils « nouvelle manière », explicitement désignés comme tels par leur nom -- gardèrent certaines de leurs structures traditionnelles, tout en inflechissant leur recrutement vers des pratiques qui étaient conformes, sinon aux ordres des légats et autres commissaires romains, en tout cas à leurs vœux. Peut-il en être allé de même en Asie, lorsque Sylla imposa après 85 av. J.-C., à la faveur de la lex Cornelia réorganisant la province, un certain nombre de mesures contraignantes aux cités ? Parmi ces mesures, on sait formellement que certaines étaient relatives aux institutions internes des cités, en particulier aux élections des magistrats. Sylla
aurait-il décrété le principe de la qualification censitaire, voire une transformation générale des boulai d’ Asie en petits sénats locaux, afin de punir les cités et surtout de garantir à l’avenir leur fidélité et leur stabilité politique ? 36.
37. 38.
La métonomasie (avec la signification censitaire qu’il faut sans doute lui donner) s’observe dans le Péloponnèse en 146 av. J.-C., mais elle semble avoir eu des précédents dès 167 av. J.-C., sinon dans les cités de Macédoine, en tout cas dans celles d’Eubée et peut-être de Béotie : D. KNOEPFLER, BCH, 114 (1990), p. 473-498. Pour la date d’apparition du mot synedrion dans les intitulés de décrets en Béotie, cf. la contribution de Chr. Müller dans le présent volume, supra, p. 114-116. IPArk 30,1. 7 (Mégalopolis) ; /G V 2, 266, 1. 41-42 (Mantinée). Ad. WILHELM, JOAI, 10 (1907), p. 19-20 (Abhandlungen 1, p. 263-264), 1. 38-39.
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C’est ici que les historiens modernes ont voulu faire appel au témoignage de Cicéron dans le Pro Flacco. Rappelons en un mot qu’il s’agit du plaidoyer de défense de L. Valerius Flaccus, qui fut gouverneur d’Asie en 62/61 av. J.-C., donc précisément dans cette Asie reconquise puis réorganisée par Sylla une vingtaine d’années auparavant. Flaccus fut mis en cause dans un procès de repetundis et plusieurs délégations de cités victimes de ses abus vinrent témoigner à Rome lors du procès. Cela nous vaut, dans la bouche de l’orateur, un tableau rapide mais cir-
constancié de la vie politique dans ces cités, en particulier dans la petite Temnos d’Eolide, d’où provenaient certains des accusateurs. Cicéron cherche avant tout à discréditer les notables temniens venus parler contre
Flaccus et il dépeint à cet effet leurs turpitudes. Or il évoque à plusieurs reprises le Conseil de Temnos : tel personnage n’a jamais pu en devenir membre, malgré tous ses efforts ; tel autre a atteint cette dignité, puis l’a
perdue pour une affaire de malversation ”. Ce Conseil ressemble à s’y méprendre à la curie d’une cité occidentale : les membres sont sélectionnés sur des critères de fortune, mais aussi de respectabilité, sans doute par des censeurs (ou l’équivalent); ils sont inscrits sur l’album
sénatorial de la cité, en principe à vie ; ils peuvent enfin être rayés de cet album en cas d’indignité reconnue. Cette description de la boulè de Temnos ne correspond pas du tout à ce que nous savons par ailleurs du Conseil de deux autres cités d’ Asie -Pergame et Priène —, exactement au même moment, c’est-à-dire dans les années 60 av. J.-C. Diodoros Pasparos, à Pergame, et Zôsimos, à Priène, étaient alors des personnages de toute première importance dans leur cité respective. Ils n’étaient cependant pas membres à vie de la boulè : en tant que grands évergètes, 115 avaient été distingués par un privilège honorifique qui consistait simplement à être régulièrement invités aux banquets ou aux rites d’inauguration des séances de la boulè. Le Conseil n’était donc pas, ni à Pergame ni à Priène, une petite curie comme celle que Cicéron prétend décrire en quelques phrases. L’orateur fait avant tout un réquisitoire contre les accusateurs de son ami Flaccus et, pour lui, tous les moyens sont bons : les « avocasseries méprisantes (...) pour les Graeculi de [son] temps » (L. Robert)* comme les caricatures. En 39. 40.
Cicéron, Pro Flacco, 42-51. L. ROBERT, (ΚΑΙ, 1969, p. 62 (OMS V, p. 582), n. 2.
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l'occurrence, le tableau qu’il brosse du Conseil de Temnos relève, à mon avis, d’une interpretatio romana flagrante. Celle-ci pouvait ou devait cependant s'appuyer sur une part de vérité, comme J.-L. Ferrary me
l’a fait remarquer. Certains traits des conseils civiques grecs, en pleine transformation, pouvaient effectivement faire songer à la structure du Sénat romain. Cicéron n’invente donc pas totalement, mais il déforme grossièrement et il assimile, pour les besoins de sa cause, des réalités encore très différentes. Il faut définitivement renoncer à tirer de son discours des informations fiables sur la situation des boulai en Asie. Tout porte à croire que la lex Cornelia fut de moindre ampleur que la lex Pompeia, vingt ans plus tard. En particulier, Sylla ne chercha pas à décréter une réforme générale des conseils civiques. Il ne lui était d’ailleurs certainement pas possible d’imposer aux vieilles cités d’ Asie,
avec leurs traditions et leurs particularismes, ce que Pompée put sans difficulté établir dans toutes les cités de Bithynie et du Pont, à savoir un modèle unique de boulè recrutée par un censeur local parmi les magistrats sortant de charge, sur des critères de cens et à titre viager. En Asie, c’est donc sans doute à partir de ces mêmes années 60 av. J.-C. et dans le courant de la deuxième moitié du I" s. av. J.-C., ou même encore au début du Principat, que la mutation à proprement parler dut s’achever. Je croirais qu’elle suivit des rythmes et prit des modalités variés selon les cités, mais nous n’en savons et n’en saurons sans
doute jamais rien de précis, à moins qu’on ne découvre quelque document nouveau, ce qui est fort peu probable vu l’indigence de l’épigra-
phie de ces années de transition. Le premier exemple d’individu au nom propre duquel un décret ajoute le titre permanent de « bouleute », qui
prouve qu'il appartient à un ordre constitué, est Ménogénès de Sardes, sous Auguste“! ; les exemples suivants proviennent d’Éphèse et datent des premiers Julio-Claudiens, sans plus de précision “2. La boule est sans
doute dès lors recrutée, à Sardes, à Éphèse et dans une majorité de cités d’Asie, parmi les citoyens ayant accompli une magistrature « bouleutique », qui les qualifie pour être candidat à la dignité de bouleute, si une 41. Sardis VII, 1, 8, 1v, L. 39. 42. D. KNIBBE, Der Staatsmark, Die Inschriften des Prytaneions, Forschungen in Ephesos IX/1/1, Vienne, 1981, B3 et B4.
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place se libère : ils sont soumis à un examen (docimasie) de la part des timètes (censeurs) ou de l’Assemblée et ils doivent acquitter un droit d’entrée (eisèlysion). Ce modèle uniforme ne nous est en fait connu
avec quelque détail que par des documents plus tardifs, pour l’essentiel
du 1° 5. apr. J.-C.“ Traditions institutionnelles dans les cités d’Asie
Le modèle du Sénat s’appliqua finalement aux cités d’Asie*. Il faut indéniablement parler ici de romanisation. Les cités semblent cependant avoir cherché quelquefois à masquer cette rupture, dans leur langage officiel et dans leurs pratiques. Il est par exemple remarquable qu’en Asie, le mot synedrion ne se soit pas substitué au mot boulè, comme ce fut le cas en Grèce continentale. Le terme y a cependant fait son apparition à l’époque qui nous intéresse, mais on n’en recense, sauf erreur, que deux exemples en tout et pour tout. Le premier cas est celui de Kymè d’Éolide. L'usage veut que, dans cette cité, les décrets soient proposés soit par un individu, vraisemblablement un bouleute (ὁ δεῖνα εἶπεν), soit par le collège des stratèges qui préside les séances de l’Assemblée (γνώμη στρατηγῶν) ; ces
décrets sont ensuite ratifiés par le Conseil et le Peuple. Les décrets pour Archippè, datés des années 120 av. J.-C., présentent à cet égard une particularité notable. Ils émanent eux aussi « du Conseil (boulè) et du
Peuple » (ἔδοξεν τῆι βουλῆι καὶ τῶι δήμωι), mais sont tous issus d’un groupe de proposants beaucoup plus large que d’ordinaire (ce qui est certainement un signe d’unanimité du corps civique) : γνώμη στρατηγῶν
καὶ φυλάρχων καὶ τῶν συνέδρων“ὅ. Les « stratèges et phylarques », première composante de ce groupe, sont deux collèges de magistrats 43. 44.
Quass, Honoratiorenschicht, p. 384-390, offre une bonne présentation des caractéristiques des Conseils civiques de l'Orient grec à l’époque impériale. Ilest difficile de parler du modèle des curies occidentales en général, car celles-ci ne nous sont en fait connues que par des documents plus tardifs. De nombreuses ques-
tions continuent d’ailleurs de se poser sur leur organisation interne : cf. Fr. JacQUES, Le privilège de liberté, Rome - Paris, 1984, 2° partie, H. MOURITSEN, « The Album from Canusium and the Town Councils of Roman Italy », Chiron, 28 (1998),
p. 229-254. 45. SEG 33, 1036, L. 2-3; 1037, 1. 3-4; 1038, 1. 2-3 (probouleuma) et 21-22 (décret); 1040, 1. 1-2; 1041, 1. 1-2.
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connus par ailleurs et visiblement liés l’un à l’autre de façon étroite“ ; les synèdres constituent la deuxième composante, apparemment mise sur un plan un peu différent par l’emploi de l’article. Qui sont ces « synèdres » de Kymè ? On songe d’abord aux commissions civiques connues sous ce nom à Milet au 11° et au II“ 5. av. J.-C. : elles ont été étudiées en détail par H. Müller qui ἃ montré qu’il s'agissait de commissions ad hoc, constituées de quelques dizaines de citoyens spécialement élus dans l’assemblée pour rédiger et proposer un projet de décret sur tel sujet précis, en évitant la procédure normale de prédélibération dans la δομίὸ 7, La mise en place d’une telle commission spéciale était rare et réservée à des affaires d’importance majeure pour la cité. N est cependant impossible que la nomination des synèdres kyméens relève du même type de procédure. On les voit en effet proposer dans un cas, en compagnie des stratèges et phylarques, le probouleuma émis par le Conseil, puis le décret de I’ Assemblée proprement dit“ : ils n’évincent donc en rien la boul2 du processus délibératif. Ils n’ont par ailleurs rien d’une commission ponctuelle : ils forment au contraire une instance stable, qui intervient dans l’élaboration des très nombreuses décisions concernant Archippè, sur une période couvrant au moins cinq années consécutives. Il existe un deuxième type de synèdres, également attesté en Asie Mineure. Il s’agit cette fois de commissions chargées d’une mission plus durable de délibération et de proposition, dans des circonstances particulièrement critiques. Par exemple, quand les Éphésiens décidèrent, au début du ur 5. av. J.-C., de mettre tout en œuvre pour aider un groupe de Priéniens entrés en résistance contre un tyran à se maintenir dans
une forteresse du territoire, 115 mirent en place une commission spécialement chargée de cette affaire (τοὺς συνέδρους τοὺς ἐπὶ τοῖς Ilpın-
νικοῖς τεταγμένους) “. Autre exemple : quand la cité de Pergame fut 46. 47.
Sur les douze phylarques kyméens, cf. G. MANGANARO, Chiron, 30 (2000), p. 404405, 1. 20-55 (avec le commentaire de P. FRÖHLICH, REG, 117 [2004], p. 59-81). H. MÜLLER, Milesische Volksbeschlüsse : eine Untersuchung zur Verfassungs-
geschichte der Stadt Milet in hellenistischer Zeit, Göttingen, 1976, p. 20-28. Voir, auparavant, Fr. W. SCHEHL, « Probouleutic Commissioners in Miletus during the 48. 49.
Hellenistic Period », TAPhA, 82 (1951), p. 111-126. SEG 33, 1038, 1. 1-20 et 21-34. SylP 363 (I. Ephesos VI, 2001), 1. 10-11 et 12-13; cf. Fr. W. SCHEHL, loc. cit. Ρ. 112-113; sur la situation historique, voir L. ROBERT, Gnomon, 42 (1970), p. 602
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déclarée libre à la mort d’Attale III, en 133 av. J.-C., et dut prendre son destin.en main, l’Assemblée désigna des synèdres pour réorganiser les affaires publiques *. Les synèdres kyméens qui proposèrent les décrets pour Archippè formaient-ils un comité extraordinaire de ce genre ? L’hypothèse s’accorderait assez bien avec le contexte troublé des lendemains
de la guerre d’Aristonicos, à Kymè comme à Pergame°!. Je crois néanmoins qu’un point important fait difficulté : l’un des textes du dossier indique expressément que ces synèdres kyméens sont périodiquement
renouvelés, à l’instar des stratèges 2, ce qui suggère qu’il s’agit d’une institution ordinaire et habituelle à Kymè. Les Kyméens désigneraient donc régulièrement à la fois un comité de synèdres et une boulè pour orienter les délibérations de 1’ Assemblée : cette situation est étonnante. À la réflexion, je me demande si ces synèdres ne seraient pas tout simplement les membres mêmes de la boulè *. Si l’on accepte cette interprétation (que j’avance avec une grande réserve), il faudrait en conclure que le langage officiel hésitait alors, à Kymè, entre deux termes équiva-
lents — boule et synedroi, ce flottement étant peut-être dû à des circons(OMS VI, p. 652), avec la π. 4. Le décret de Priène pour Évandros de Larissa, I. Priene 12,1. 14-31, daté de la fin du rv° ou du début du nr 5. av. J.-C., est issu de la proposition d’une commission de synèdres ;, malgré le rapprochement suggéré par Fr. HILLER VON GAERTRINGEN, ad loc., p. 18, avec le décret d’Éphèse SylP 363, rien ne permet de préciser la nature de cette commission priénienne ni les circonstances de sa mise en place.
50. M. WÖRRLE, Chiron, 30 (2000), p. 544, 1. 11-13, et p. 564-565. À Pergame sans
51.
doute comme à Éphèse, il est probable que la durée de vie de la commission ne fut pas fixée a priori. Dans le cas de Pergame, sa mission consistait vraisemblablement à assurer la transition politique et plus particulièrement le réaménagement général des institutions et des finances de la nouvelle démocratie pergaménienne, comme le suggère M. WÖRRLE dans son commentaire. On les comparerait volontiers au comité extraordinaire des dix probouloi mis en place en 413 av. J.-C. à Athènes. Ce rapprochement est suggéré incidemment par M. WÖRRLE, loc. cit., p. 565,
n. 118et 119. 52.
SEG 33, 1039, 1. 71 : ὁ δῆμος διὰ τῶν ἐσομένων κατὰ τὸν καιρὸν στρατηγῶν καὶ συνέδρων γράψας ψήφισμα κυρωσάτω περί τε τῆς τῶν διαφόρων λήψεως καὶ τοῦ
ἐκτοκισμοῦ αὐτῶν KTA., « que le Peuple, après avoir rédigé par l’entremise des stratèges et des synèdres qui seront alors en fonction un décret relatif à la réception des fonds et à leur placement à intérêt, le ratifie etc. ». Les stratèges sont, selon
toute vraisemblance, élus pour un an : cf. 1. Kyme 12, 1. 14-15. 53.
H. ENGELMANN, Die Inschriften von Kyme, Cologne, 1976, p. 34, en avait déjà for-
mulé l'hypothèse, mais sans apporter d’arguments précis.
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PATRICE
HAMON
tances historiques exceptionnelles. Dans les décrets kyméens ultérieurs (du moins les quelques-uns qui nous sont conservés), on ne parle plus
que de la boulè*. Le deuxième cas prête moins à controverse. Il s’agit précisément de Milet, à une époque bien postérieure, à savoir celle d’ Auguste. La cité avait été châtiée par Sylla en 85 av. J.-C. ; elle recouvra en 38/7 av. J.-C. non seulement sa liberté, mais aussi l’usage de ses institutions : « magistratures ancestrales » et « assemblée »°°. Le detail de ces bouleversements institutionnels est parfaitement insaisissable dans l’état de la documentation. Une particularité retient cependant l'attention : des synèdres apparaissent dans deux décrets milésiens de cette période, l’un
relatif aux cérémonies des boègiai*, l’autre honorant le citoyen C. Julius Épicratès 7. Les synèdres ne sont pas les proposants, mais l’instance même dont émanent ces décrets, comme l'indique sans ambiguïté la formule de sanction : ἔδοξε τοῖς συνέδροις. Ils n’ont plus rien à voir avec les commissions législatives milésiennes des siècles antérieurs * : les synèdres ne peuvent être, en l’occurrence, que les membres du Conseil de Milet. Le vocabulaire officiel a donc momentanément abandonné le terme de boulè pour celui de synedroi. Dès le courant du 1” 5. apr. J.-C.,
on semble en revenir définitivement, dans les documents civiques milé-
siens, au mot traditionnel de boulè *. À partir du 1* 5. apr. J.-C., la mutation des conseils civiques d’ Asie Mineure en ordines est acquise : elle fut nettement plus tardive que dans les cités de la Vieille Grèce et surtout elle ne se traduisit pas par le même changement de terminologie. Kymè (?) et Milet sont en effet 54. Cf. SEG 32, 1243, 1. 46 (décret pour Kléanax). 55.
E. PREUNER, Hermes, 55 (1920), p. 174-184, d’après les inscriptions republiées par A. REHM, /. Didyma, 218 II et 342.
56. I. Didyma 199, 1. 3 et 10. Le décret date de 16/5 av. J.-C. ou peu après. Il a été repu-
57.
58.
blié par Fr. W. SCHEHL, AJA, 58 (1954), p. 13-26 (SEG 13, 497), avec des restitutions et un commentaire hasardeux. SEG 44, 940, 1. 3. Le décret date précisément de 6/5 av. J.-C. Sur ce personnage, voir, dans le présent volume, la contribution de J.-L. FERRARY, infra, p. 58-61.
Fr. W. SCHEHL, TAPhA, 82 (1951), p. 122-123, voudrait établir un lien entre la métonomasie du Conseil et les événements de 38/7 av. J.-C. Voir également H. MÜLLER, Milesische Volksbeschlüsse, 1976, p. 57, n. 110, et Kr. NAWOTKA, Boule and Demos in Miletus, Wroclaw, 1999.
59. SEG 44, 938 (milieu du I" s. apr. J.-C. env.), 1. 21-22 (αἰτησάμενος ἀπὸ τῆς βουλῆς ψήφισμα περὶ τούτου).
LE CONSEIL
ET LA PARTICIPATION
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des cas isolés et passagers. Partout ailleurs en Asie, les conseils ne sont jamais désignés que par le nom de « boulè » dans les décrets ou les inscriptions honorifiques d’époque impériale. Il arrive que l’on rencontre çà et là des périphrases telles que τὸ συνέδριον τῆς βουλῆς
ou encore τὸ βουλευτικὸν συνέδριον, dans des documents privés ou « semi-officiels » ©, mais en tout cas jamais dans l'intitulé d’un décret (qu'il s’agisse de la formule de résolution, de la formule de sanction, ou encore de la désignation des proposants). Les cités d’ Asie ne sont
certes pas les seules à avoir échappé à cette métonomasie : en Bithynie et dans le Pont, les conseils civiques, conformes au plus au point au modèle romain, portent eux aussi, dans les inscriptions d’époque impériale, le nom de « boulai » et non de « synedria » ; c’est également le cas en Macédoine et dans les autres provinces d’Asie Mineure et d'Orient. En Grèce continentale même, on en revint progressivement au vocable
ancien de boulè®!, Dans le cas particulier de l’ Asie, l'exemple de Kyme (?) et surtout celui de Milet donnent l’impression — fragile — qu’on put hésiter un temps entre les deux dénominations, précisément au moment où
la mutation de l’institution bouleutique dont nous parlons était en train de s’amorcer ou de s’opérer, et que le terme de synedroi fut délibérément écarté. Si la phraséologie officielle de ces deux cités s’en tint finalement à la dénomination traditionnelle de leur Conseil, c’est sans doute par attachement à ce qu’on pourrait appeler leur patrimoine institutionnel. Le conservatisme des cités grecques s’observe non seulement dans la
dénomination du Conseil, mais aussi dans son fonctionnement interne. Athènes offre à cet égard un exemple très frappant. La cité suivit l’évolution institutionnelle générale, mais réussit en quelque sorte à changer 60.
Par exemple à Pergame, dans le règlement du gymnase des neoi : MDAI(A), 32 (1907), p. 299, 1. 10; à Éphèse : Δ Ephesos 1, 27,1. 17 ; également à Minoa d'Amorgos : 1G XII 7,271, 1. 14. La périphrase τὸ συνέδριον τῆς βουλῆς se rencontre chez Aelius Aristide, I, 389, pour désigner |” Aréopage : elle relève de l’effet de style. D. J. GEAGAN, The Athenian Constitution after Sylla (cf. n. 62), p. 36-38, a rassemblé les quelques rares exemples d'inscriptions athéniennes impériales où le terme « synedrion », plus recherché, est employé dans le même but à propos de l’une ou l’autre des deux boulai (l’ Aréopage et les Cinq Cents).
61.
Voir, dans le présent volume, la communication de Chr. MÜLLER sur les cités de
Béotie, supra, p. 117.
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PATRICE HAMON
sans que rien ne change, comme Br. Keil l’a bien montré 2. À partir du τς, av. J.-C. en effet, c’est l’antique Conseil de 1’ Ar&opage, traditionnellement constitué des anciens archontes, qui redevint l’instance politique principale et qui tint le rôle d’ordo prééminent. L'autre conseil — la Boulè des Six Cents - fut dès lors placé en retrait, figé dans sa forme traditionnelle : pour autant que les listes prytaniques nous permettent d’en juger, il continua en effet, au moins jusqu’au ur s. apr. J.-C., de recruter ses membres selon les usages « clisthéniens », c’est-à-dire pour une durée d’un an seulement (avec possibilité d’une, puis de deux itérations)
et à raison de cinquante bouleutes pour chacune de douze tribus %. Par sa structure inchangée, la Boulè était, dans l’ Athènes impériale, la principale survivance démocratique -- Br. Keil parle de « fossile »*. Le poids nouveau accordé à l’Aréopage permit donc aux Athéniens de faire l’économie d’une véritable mutation interne de leur Boule. Athènes était néanmoins la seule cité à avoir deux conseils. Les autres cités, et en particulier les cités d’ Asie, durent transformer leur boulè, ce qui ne les empêcha pas de maintenir obstinément en vie certaines pratiques quelquefois très anciennes. Je voudrais à ce propos m’arrêter sur l’exemple de Cyzique. Cette cité avait emprunté à Athènes, sans doute à l’époque de la Ligue de Délos, son modèle de boulè démocratique, recrutée à raison de (vraisemblablement) cinquante bouleutes par tribu, avec un système de rotation entre les tribus à la prytanie pen-
dant le cours de l’année . Les Cyzicéniens prirent en outre dès l’époque 62.
Br. KEIL, Beiträge zur Geschichte des Areopags, Leipzig, 1920, passim, part. p. 26-
31 et p. 55-57. Ce livre déjà ancien est stimulant et encore très utile, mais l’on hésiterait aujourd'hui à attribuer tous les changements institutionnels à l'intervention directe des Romains, comme le fait l’auteur. Pour une description plus factuelle et plus détaillée des institutions athéniennes d’époque « romaine », voir D. J. GEAGAN, The Athenian Constitution after Sylla, Princeton, 1967 (Hesperia Suppl. XII). Pour la fin du ır et le rs. av. J.-C., voir également les pages de synthèse de Chr. HABICHT, Athènes hellénistique, trad. fr., Paris, 2000, p. 347-353.
63. D.J. GEAGAN, op. cit., p. 32-91. Sous Hadrien, le nombre de tribus passa de douze à treize, mais le nombre total des bouleutes fut ramené à 520, pour que la boulè puisse retrouver sa dénomination de l’époque classique — « Conseil des Cinq Cents » : ibid., p. 74-75 et p. 95-96: P. J. RHODES, The Athenian Boule, Oxford, 1972, p. 1. 64. Br. KEIL, op. cit., p. 27. 65.
(ΕΝ. ΕἼ Jones, Public Organization in Ancient Greece, Philadelphie, 1987, p. 288-
290. Les tribus cyzicéniennes étant au nombre de six aux époques classique et hel-
lénistique, chacune d’entre elles exerçait sans doute la prytanie pendant un mois de chaque semestre. La rotation mensuelle est en effet la pratique la plus répandue.
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ET LA PARTICIPATION
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hellénistique l’habitude de faire graver et d’exposer sur stèle certaines listes mensuelles de prytanes, comme le faisaient de leur côté les Athéniens : nous n’avons conservé qu’un exemplaire de ces listes prytaniques anciennes, qui date approximativement du ır s. av. J.-C.% À la fin de l’époque hellénistique, la boulè de Cyzique connut la même mutation que celle de Sardes, d’Éphèse, de Pergame et des autres cités d’ Asie. On voit ainsi apparaître à Cyzique, dans la première moitié du 1" s. apr. J-C., un collège de timètai : leur local jouxtait, sur l’agora, celui du cosmophylaque, qui était responsable de l'enregistrement des contrats de mariage, gages de la perpétuation du corps civique’. La proximité spatiale n’est sans doute pas fortuite. Les timètes étaient vraisemblablement des « censeurs ». Ils jouaient à ce titre, comme le kosmophylaque, un rôle déterminant dans l’organisation du politeuma et
plus précisément de la couche supérieure ou « bouleutique » de celuici : ils devaient avoir pour fonction d’établir la liste des bouleutes et d’y inscrire régulièrement de nouveaux membres, sans doute choisis sur des critères de fortune et à l’issue de l’exercice de certaines magistratures.
Comment fonctionnait cette boulè désormais recrutée exclusivement dans une partie restreinte du corps des citoyens ? Notre documentation se limite à une série relativement abondante de listes prytaniques, datées pour la plupart du 11° 5. apr. J.-C. Ces listes montrent que l’on main-
tint à Cyzique la division interne du Conseil en différentes sections de bouleutes, chaque section correspondant à une tribu et comprenant cin-
quante bouleutes environ “3, La seule nouveauté fut la création de deux 66.
J. H. MORDTMANN,
MDAI(A),
61 (1881), p. 45, n° 2, II a, avec la planche en
annexe. À l’époque impériale, on ἃ partiellement martelé la partie inférieure de cette liste ancienne (ΠῚ a) pour en graver une nouvelle (II b), sans changer la pierre de place. La nature des deux inscriptions est certainement identique. Quant à la date de la première inscription (Il a), on ne peut que l’estimer d’après l'écriture (l'argument onomastique avancé par l'éditeur étant erroné) : 1 5. av. J.-C. environ. 7. H. MORDTMANN, loc. cit., p. 53, a proposé en outre de reconnaître dans la liste
CIG IV, 6851, de provenance inconnue, une autre liste de prytanes cyzicéniens
d'époque hellénistique ; l’hypothèse est invérifiable. 67. M. SÈvE, BCH, 103 (1979), p. 328-331 (SEG 28, 953), 1. 66-68, et le commentaire, p. 353-355. 68.
Les listes intégralement conservées sont peu nombreuses. Elles comptent de 42 à 51 membres. De telles variations ne doivent pas trop nous surprendre : on les observe également, à un moindre degré, dans les listes de prytanes athéniens du m? s. apr. J.-C. (cf. P. J. RHODES, The Athenian Boule, Oxford, 1972, p. 1, n. 5, et p. 241).
142
PATRICE HAMON
nouvelles tribus, en l’honneur de César et d’ Auguste. Le principe de la rotation mensuelle de ces huit contingents phylétiques à la prytanie® fut également préservé, grâce à la mise en place d’un système à peine plus complexe qu’aux époques précédentes : pendant les huit premiers mois de l’année, chacune des huit tribus exerçait à son tour la prytanie ; pour les quatre derniers mois, les tribus s’associaient deux à deux pour l'exercer conjointement ἢ, Chaque tribu (ou couple de tribus) présidait d’abord le Conseil en tant que tribu-prytane pendant un mois, puis dirigeait pendant le mois suivant les sacrifices et banquets du Kallion, dans lequel il faut reconnaître, semble-t-il, le principal sanctuaire de Cyzique,
consacré à Korè7". Ce système séculaire d'équilibre entre tribus pour la rotation prytanique s’accordait mal avec le nouveau mode de recrutement des bouleutes par des timètes. Il faut peut-être en conclure que la fortune et l’exercice des magistratures n'étaient pas les seuls critères de sélection : les timètes devaient prêter attention à l’appartenance des futurs bouleutes à telle ou telle tribu, pour composer un Conseil formé de huit sections à peu près équilibrées. Peut-on avancer encore un peu dans le domaine des hypothèses ? La dignité bouleutique, conférée à un citoyen de Cyzique par les timètes, signifiait-elle toujours la participation permanente de ce citoyen aux sessions du Conseil ? Les documents ne permettent pas d’apporter une réponse formelle à cette question : en particulier, nous n’avons aucune série de listes prytaniques d’une même phyle qui soit suffisamment fournie pour vérifier que tel personnage réapparaît année après année parmi les prytanes de sa tribu, et donc parmi les bouleutes. La tribu des Aigikoreis est la mieux représentée, par trois listes à peu près contemporaines, datant de l’époque d’Hadrien (une liste complète et deux mutilées) : seuls quatre bouleutes figurent dans deux listes à la fois, toujours parmi
les premiers 72. Bien que l'échantillon soit trop mince pour être con69.
Il est formellement attesté dans la première partie du 1“ s. apr. J.-C., par le décret pour Apollonis (SEG 28, 953,1. 51).
70. 71.
Fr. GSCHNITZER, RE Supplement XIII (1973), s.v. Prytanis, col. 791-792. F.W. HasLUCK, Cyzicus, Cambridge, 1910, p. 213. Sur le sanctuaire et ses mys-
tères, cf. L. ROBERT, BCH, 102 (1978), p. 470-471 (Documents d'Asie Mineure, 72.
Athènes - Paris, 1987, p. 166-167). J. H. MORDTMANN, MDAI(A), 61 (1881), p. 47-48. Les quelques listes publiées
après l’article de Mordtmann n’ont presque rien apporté de nouveau à cet égard.
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ET LA PARTICIPATION
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cluant, l’impression est celle d’un renouvellement constant de la plupart des bouleutes. Cela ne serait pas sans rappeler ce que l’on sait par ailleurs de la Boulè des Cinq Cents à Athènes, à la même époque. Mon hypothèse — invérifiable — serait qu’à Cyzique, la boule continuait de n’être désignée que pour le temps d’une année et que chaque nouvelle boulè était sensiblement différente de la précédente. Si cette hypothèse est juste, il faudrait comprendre que certains notables auraient bien été qualifiés à vie au rang bouleutique par les timètes, mais qu’ils n’auraient pas tous été retenus, chaque année, pour siéger dans la boule effectivement en fonction. On aurait donc concilié à Cyzique l’existence d’un ordre privilégié de citoyens, défini par les timètes, avec le maintien formel des pratiques de répartition et de rotation issues du régime démocratique ancien.
À Rhodes, la rotation des citoyens au sein du Conseil, semestre après semestre, faisait aussi partie des usages démocratiques de l’époque hel-
lénistique 75. Sous le Haut Empire, les inscriptions rhodiennes mentionnent bien la catégorie sociale des « très vénérables bouleutes », distincts des simples citoyens, mais elles révèlent aussi que ce Conseil conti-
nuait de se subdiviser chaque année en une boulè
« d'été » et une boule
« d’hiver » 75. L’attachement des Rhodiens à leurs traditions était, on le sait, plus farouche encore que dans n’importe quelle autre cité de l’époque impériale. Pour en revenir au thème de notre colloque -- la participation politique des citoyens -, il me semble évident que celle-ci est entièrement bouleversée par les phénomènes institutionnels que j’ai évoqués, bien M. Ulpius Claudius Pamphilos apparaît dans les deux listes MDAI(A), 16 (1891), p. 439, II, et 26 (1901), p. 121-122, A (Sebasteis et louleis); C. Erucius Lucius
73.
74.
dans les deux listes MDAI(A), 6 (1881), p. 46, 2 III, et 26 (1901), p. 121-122, A (Sebasteis et louleis). H. VAN GELDER, Geschichte der alten Rhodier, 1900, p. 242-245 ; J.-L. FERRARY, « Cicéron (De re publica 3, 35, 48) et les institutions rhodiennes », dans Filologia e forme letterarie. Studi Francesco Della Corte II, Urbino, 1988, p. 247-252. Voir l’exemple éloquent de la fondation de M. Aurelius Kyros (début du 11" 5. apr. J.-C.) : Th. REINACH, REG, 17 (1904), p. 203-210 : le donateur prévoit que le fonds qu'il octroie à la Boula sera divisé en deux parties, dont les revenus respectifs permettront d'offrir une distribution aux bouleutes d'été et aux bouleutes d’hiver. L'inscription Suppl. Epig. Rhod 67 (ASAA, 14-16 [1952-1954], p. 293-295), revue
par J.-Y. STRASSER, Klio, 86 (2004), p. 141-164, fournit un autre exemple.
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PATRICE HAMON
qu'il soit très difficile — j’en conviens — de rendre compte précisément de ces bouleversements. Il faudrait pouvoir le vérifier en reprenant et en complétant les études de J. Touloumakos, de Fr. Quass et d’autres historiens sur le fonctionnement des assemblées et sur le rôle des magistrats
au Ir et au I" 5. av. J.-C. 75 On devine que le mode de gouvernement des cités et les pratiques politiques des citoyens se transforment. Il est au moins à peu près clair que, dans des cités où les valeurs de distinction et de hiérarchie sont peu à peu admises et traduites dans la vie civique, le contenu de la citoyenneté finit par n’être plus le même pour tous. Au terme de ce processus, ni le Conseil, ni sans doute les tribunaux civiques ne sont plus des organes de participation populaire. La mutation des conseils civiques se trouve au cœur de ce lent basculement qui caractérise la période que nous avons qualifiée empiriquement de « basse époque hellénistique ». L’accord ne peut cependant se faire que difficilement sur les limites chronologiques à assigner à cette deuxième époque hellénistique, en particulier parce que le basculement dont nous parlons ne s’opère pas partout au même moment, ni de la même manière : il est bien engagé, sinon achevé, dès la seconde moitié du 1r° 5. av. J.-C. en Vieille Grèce ; il n’est consommé qu'un siècle plus tard environ en Asie. Ici, 1] est encouragé activement par les conquérants romains ; là, il est plus lent, peut-être plus autonome, en tout cas plus difficile à saisir, à cause de la fidélité tenace des cités à certaines formes héritées du passé et également à cause de la volonté des élites grecques d’atténuer toute apparence de rupture, quelquefois au prix de multiples petits arrangements avec les institutions.
75.
Sur l’origine des propositions de décrets, voir, dans le présent volume, la contribution de Ph. GAUTHIER, supra, p. 79-80. Sur le rôle des magistrats, voir P. FRÖHLICH,
« Les magistrats des cités grecques : image et réalité du pouvoir (rs. aC.-Fs. p.C.) », dans H. INGLEBERT (éd.), /d&ologie et valeurs civiques dans le monde
romain. Hommage à CI. Lepelley, Paris, 2002, p. 75-92.
La politique des évergètes et la non-participation des citoyens Le cas de Maronée sous l’Empereur Claude’ Michael WÖRRLE Kommission für Alte Geschichte und Epigraphik des Deutschen Archäologischen Instituts
CH AILLEURS, ἃ Sardes, que je commence avec le fameux dossier en l’honneur de Menogenes', qui, en 5 av. J.-C., est allé a Rome, en qualité de πρεσβευτής, pour féliciter Auguste à l’occasion de la récep-
tion de la toga virilis par Gaius César et profiter de l’occasion pour soumettre à l’ Empereur quelques demandes de sa patrie. Comme on voulait ἐξαποσταλῆναι πρέσβεις ἐκ τῶν ἀρίστων ἀνδρῶν, Ménogénès était, avec ses qualités d’avnp ἀγαθὸς κατὰ πάσαν ἀρετήν, le candidat idéal : l’Assemblée le désigne, lui, ainsi qu’un autre homme nommé lollas ; à la fin du décret concernant l’ambassade, on ajoute la mention, usuelle : ἠρέθησαν πρέσβεις Ἰόλλας Μητροδώρου καὶ Mnvoyévnc Ἰσιδώρου τοῦ Μηνογένους. Selon les usages diplomatiques, on prépare un exemplaire du décret sur papyrus, on le scelle avec le sceau officiel de Sardes, on le remet aux ambassadeurs qui, eux, le remettront avec cette
garantie d’authenticité à l’ Empereur -- en grec : ἀσπασόμενοι παρὰ τῆς πόλεως καὶ ἀναδώσοντες αὐτῶι (Auguste) τοῦδε τοῦ δόγματος τὸ ἀντίγραφον ἐσφραγισμένον τῆι δημοσίαι σφραγῖδι διαλεξόμενοι τε *
Cette contribution aux actes du colloque est le pendant de mon article « Maroneia im Umbruch », paru dans Chiron, 34 (2004), p. 149-167 (« Chiron 34 »). Certaines
répétitions étant inévitables, j’ai limité les renvois à la documentation pour laquelle
on consultera Chiron 34. — C’est à Pierre Fröhlich que je dois un très grand merci pour la révision soigneuse de ce texte grâce à laquelle il a beaucoup amélioré mon style français et m’a préservé de quelques inadvertances. l.
1. Sardis 8 avec Chiron 34, 149 sq.
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MICHAEL WÔRRLE
τῶι Σεβαστῶι περὶ τῶν κοινῆι συμφερόντων. À Rome, Auguste doit enlever le sceau, reconnaître les ambassadeurs, lire le document, être impressionné par le zèle de Ménogénès, exaucer — si l’on a de la chance
— les souhaits des Sardiens. On a eu cette chance, les ambassadeurs sont retournés avec une lettre d’ Auguste accusant réception, acceptant les bons vœux et agréant les demandes de Sardes. Dès leur retour, Iollas et Ménogénès se présentent devant l’Assemblée, font leur rapport
dans le cadre d’une procédure qui s’appelle ἀποπρεσβεία ; leurs concitoyens sont ravis, s’empressent de leur démontrer leur gratitude par des honneurs spontanés qui, selon les lois, doivent être ratifiés plus tard, et, passé le délai légal, on leur offre les honneurs qu’ils pouvaient attendre : ἔπαινος, εἰκὼν γραπτὴ ἐν ὅπλωι ἐπιχρύσωι, ἄγαλμα μαρμάρινον ἐν τῆι ἀγορᾶι. Telle est, dans une longue tradition qui avait connu très peu de changements et allait persister à l’époque impériale, l’évocation clas-
sique d’une ambassade à la grecque, documentée bien des fois par nos sources littéraires et épigraphiques -- et, vu cette unanimité, c’est avec la plus grande surprise qu’on lit le texte de la grande stèle de Maronée
que Kevin Clinton a publié en 2003?. Sur le fragment I de cette stèle figure le début d’un décret probouleumatique (A) dont les considérants s’étendent de la 1. 3 à la 1. 29, où l’on trouve finalement la formule de résolution, δεδόχθαι τῆι βουλῆι
καὶ τῶι δήμωι. À partir de là, le libellé des décisions proposées par le Conseil à l’Assemblée de Maronée occupe tout le reste de la pierre. Sur le fragment II, se trouve la fin d’un autre décret (B) dont les considé-
rants vont jusqu’à la l. 10, les mesures à envisager occupant les I. 10 à 21. Suivent deux documents d’une toute autre nature, tous les deux des ὅρκοι, avant un espace laissé libre qui s’étend jusqu’au bord inférieur du fragment. Comme nous le verrons, le deuxième décret (B) et les ser2.
Chiron, 33 (2003), p. 379-417 (« CLINTON
1 ») avec le supplément Chiron, 34
(2004), p. 145-148 (« CLINTON 2 »). D’après ce supplément, les deux fragments conservés n’appartiennent ni à la première ni ἃ la troisième stèle d’un ensemble qui, à l’origine, aurait compris les trois stèles dont parle la 1. 25 du fragment II, mais à
une seule stèle de très grande taille. Les 54 lignes du fragment I nous ont conservé le début du texte, les 40 lignes du fragment II sa fin. La lacune entre les deux fragments est estimée par CLINTON 2 à 65 à 80 lignes. Le texte de CLINTON | (avec tra-
duction anglaise) est reproduit (avec quelques corrections et traduction allemande) dans Chiron 34.
LA NON
PARTICIPATION
DES CITOYENS
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ments ne sont pas des documents indépendants, mais font partie des mesures proposées dans le décret (A) qui commence sur le fragment I. Ce décret A s’étend donc, avec une longueur extraordinaire, sur toute la stèle et contient, en projets, le décret B et les serments. Ceux-ci ont trouvé leur place, d’ailleurs presque habituelle, à la fin du dossier lors de sa rédaction finale. Déjà avec le titre (1. I 1-2 : Γνώμη βουλευτῶν καὶ ἱερέων καὶ ἀρ-
χόντων καὶ Ῥωμαίων τῶν τὴν πόλιν κατοικούντων καὶ τῶν λοιπῶν πολιτῶν ἁπάντων) nous sommes en dehors de la norme du formulaire
des décrets civiques : sauf erreur, il n’en existe pas de parallèle exact. La participation des Romains aux décisions de la polis où ils s'étaient installés est connue ailleurs sans que les formes constitutionnelles dans lesquelles elle se produisit soient toujours claires. Dans notre texte, la γνώμη, au sens vague de « résolution », est à entendre de l’avis una-
nime des Maronitains, présentés dans une hiérarchie sociale qui donne la première place aux βουλευταί avec les responsables religieux et politiques ; suivent les Romains et, à la fin seulement, les πολῖται ordinaires. Ce n’est plus la cité grecque dans l’exclusivité et l’égalité de ses πολῖται, la βουλή s’est sans doute déjà transformée en un ordo où
l'élite civique qui assume les fonctions politiques se rassemble et, en même temps, est distinguée de la foule des simples citoyens de telle sorte que bouleutes et Romains se regroupent en une nouvelle classe
supérieure. Un parallèle est fourni par un document provenant de l’autre côté de l’Égée septentrionale, le décret d’Assos concernant une ambassade à Rome à l’occasion de l’accession au trône de Caligula®. Dans son intitulé on lit ἔδοξεν τῆι βουλῆι καὶ τοῖς πραγματενομένοις παρ᾽ ἡμῖν Ῥωμαίοις καὶ τῶι δήμωι τῶν Ἀσσίων. On a donc la même hiérarchie qu’à Maronée. L'ambassade des Assiens devait être composée ἐκ τῶν πρώτων καὶ ἀρίστων Ῥωμαίων te καὶ Ἑλλήνων. C’est encore une fois cette nouvelle élite « transcivique » des habitants de la ville. Et c’est certainement en accord avec la pyramide sociale qu’en tête de la liste des ambassadeurs d’Assos on ἃ finalement fait figurer un nom romain
avant ceux des quatre citoyens qui l’accompagnent. 3. 4.
Cf. Chiron, 34, p. 156. I. Assos 26 (SylP 797; IGR IV 251).
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Mais retournons à Maronée. Les considérants du premier de nos décrets (A) se laissent subdiviser en deux segments dont le premier s’etend de la 1. 13 à la 1. I 22 avec une phrase compliquée dont le verbe principal, ἀπεκρίνατο, restitué par Clinton, a sa place à la fin de la 1. 115 seulement. L’auteur de la réponse est l’empereur Claude. Sa titulature est accompagnée de qualificatifs, ἐπιφανέστατος θεὸς τοῦ κόσμου καὶ κτίστης νέων ἀγαθῶν ἅπασιν ἀνθρώποις, qui énoncent sa nature divine dans le style fleuri du début de l’époque impériale. Dans la mention des « nouveaux bienfaits » (κτίστης νέων ἀγαθῶν), il y a peut-être une allusion à un événement récent, l’occupation romaine du royaume de Thrace et sa réorganisation en province en 45/6. C’était sans doute dans ce contexte que les Maronitains avaient envoyé à Claude l’ambassade dont nous lisons ici le récit. Il commence avec le résumé de la conférence que les ambassadeurs avaient faite devant l'Empereur. Ils lui avaient raconté la longue histoire des relations amicales entre Maronée et Rome depuis le début de l’hégémonie romaine dans la région, avec la fin de la guerre de Persée en 167, ou même plus tôt, quand Maronée avait eu les premiers contacts avec Rome lors des conflits des
années 190 et 180 avec Antiochos III et Philippe V. À la 1. 9, καὶ μετὰ ταῦτα annonce un nouveau paragraphe énumérant les souffrances que Maronée avait endurées pour rester fidèle à Rome dans la guerre contre Mithridate. En récompense (ἀνθ᾽ ὧν, 1. I 12) Maronée est devenue év-
σύνθηκος καὶ ἔνσπονδος, ce qui, je pense, confirme l’avis de F Canali De Rossi, qui a proposé de placer le fameux traité de Rome avec Maronée parmi les mesures de Sylla dans la suite de la paix de Dardanos en
85°. En dehors du traité, Maronée a reçu la liberté et les lois ainsi que d’autres privilèges (1. I 13-14 : ἐλευθερίαν καὶ νόμους μετὰ τῶν ἄλλων φιλανθρώπων ἔλαβε), et l’on peut se demander si la réorganisation de la βουλή en un ordo selon les idées romaines ne faisait pas partie de ces lois offertes. Je sais que ces lignes mériteraient un traitement beaucoup plus détaillé mais nous ne pouvons pas nous y attarder dans le contexte
de ce colloque. Dans la deuxième partie du récit de cette ambassade importante (L. 1 15-22), nous apprenons que la réponse de Claude avait été favo5.
Dans X/ Congresso di epigrafia greca e latina, Atti, 1999, I, p. 322-324. Cf. la nouvelle édition du traité dans CLINTON 1, p. 408-410.
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rable : l'Empereur avait rétabli les droits de Maronée (ἀποκατέστησε αὐτὴν εἰς τὸ ἀρχαῖον δίκαιον [l. I 17 sq.]) et promis de protéger la cité contre toute sorte d’ingérence à venir (καὶ εἰς τὸ λοιπὸν ἀνεπηρεάστους ἡμᾶς διαφυλαχθῆναι [I1. I 21]). On peut en conclure que Maro-
née avait souffert d’abus semblables à ceux que, à Colophon, Ménippos avait dû s’efforcer d’éloigner, en s’opposant aux autorités romaines de la province d’ Asie qui tentaient de se mêler des affaires de Colophon, laquelle, à cause de sa liberté, échappait à leur compétence‘.
Mais, en réalité, nous ne pouvons pas nous faire une idée précise de ce qui était arrivé aux Maronitains pour qu'ils se soient sentis gravement menacés. Toutefois, si l’on considère les expressions de reconnaissance et les applaudissements enthousiastes qui étaient la réaction normale à une telle réponse d’un Empereur, on ne peut qu'être surpris de la méfiance qu’on démontrait aussi nettement à Maronée envers les
promesses qu'avait faites le τηλικοῦτος θεός qu'était Claude : en effet, en dépit d’elles, les Maronitains trouvaient extrêmement important (1. I 22 : ἀναγκαιότατον) de rester vigilants, de lutter contre l’oubli de leurs δίκαια, de continuer à défendre leur ἐλευθερία et leurs φιλάνθρωπα. Dans cet état d'inquiétude et d’angoisse, ils inventaient quelque chose d’inoui. Leur plan, dont le décret A expose les détails à partir de la 1. 25, mérite toute notre attention.
Dans les dernières lignes des considérants (1. I 25 à 29), le projet n’est pas encore très explicite : « sera garanti (le non-oubli des φιλάν6pora) si pour cela l’ambassade aux empereurs est prête en toute occasion en raison aussi d’un décret éternel et ayant force de loi, de sorte
qu'aucune circonstance ne puisse gêner ceux qui sont prêts à assumer la lutte pour la patrie »’. L’ambassade qui est en vue dans ces lignes ne s’adresse plus au seul Claude mais ἐπὶ τοὺς Σεβαστούς, c’est à dire à Claude et à tous les empereurs à venir après lui ; elle n’est donc pas une ambassade unique et concrète, mais la totalité des ambassades virtuel6.
L.et J. RoBERT, Claros I. Décrets hellénistiques, 1989, p. 63 sggq. col I, avec les commentaires des éditeurs.
7.
ἔσται τούτῳ ἐὰν χάρτγ τούτων καὶ διὰ ψηφίσματος αἰωνίου νομο«θετη»θέντος ἡ ἐκὶ τοὺς σεβαστοὺς πρεσβήα κατὰ{τα) πάντα καιρὸν ἑτοίμη ὑπάρχῃ, μηδενὸς ἐνοχλῆσαι τρόπου δυναμένου τοῖς βουλομένοις ἀναλαβεῖν τὸν ὑπὲρ τῆς κατορί»δος ἀγῶνα.
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les à accomplir dans un avenir indéterminé. Et, parce que c’est comme cela, il convient de régler cette affaire avec un ψήφισμα αἰώνιον. Vu
son caractère éternel, un tel décret ressemble à une loi, mais on n’est pas satisfait de la similitude et on se dispose à en faire une loi (ψήφισμα αἰώνιον νομοθετηθέν) avec un traitement législatif complémentaire dont les détails ne sont pas connus pour Maronée et ne nous intéressent pas ici. Mais qu’on ait ressenti la nécessité de cette mesure, qu’on en ait observé les règles et qu’on ait eu (ou prétendu avoir) confiance en son efficacité est remarquable. Passé la formule de résolution (1. 29), on retrouve le projet de décret concernant l’ambassade dont le décret actuel (A), dans sa partie finale,
va formuler une première ébauche en tenant spécialement à son carac-
tere éternel?. Dans la subordonnée avec ἵνα, on voit plus clairement ce que serait ce nouveau type d’ambassade : « afin que, dans le cas d’un éventuel besoin d’une telle ambassade ..., tous ceux qui désirent s’inscrire (ἐπιγράψαι ἑαυτοὺς), au moyen d’un χρηματισμός, au décret (celui qu’on est en train de préparer) comme πρεσβευταί aient la possibilité de s’y inscrire (le second ἐπιγράψαι) comme πρεσβευταί en
prêtant le serment souscrit sceau montrant une tête de sont faits πρεσβευταί pour placé à la tête de l’Empire,
à ce décret et en scellant le décret avec un Dionysos, celle qu’auront choisie ceux qui aller, selon le décret, auprès de l’Empereur le divin César Auguste » "0,
ge
En démêlant ce raisonnement compliqué on voit se dessiner un décret perpétuel et standard avec des noms laissés en blanc, qui doit
9.
Cf. la documentation réunie dans Chiron, 34, n. 29-34. L. 29-31 : δεδόχθαι τῇ βουλῇ καὶ τῷ δήμῳ γεγράφθαι καὶ κεκυρῶσθαι ψήφισμα
ὑπὲρ τῆς τοιαύτης πρεσβείας τὸ ἐπὶ τέλει τοῦ ψηφίσματος [γ]εγραμέγον καὶ εἶναι προησφαλισμένον εἰς τὸν ἅπαντα χρόνον ... 10.
L. 31-40 : ... va ἐάν τις καταλάβηι και«ςρ»ὁς χρείας τῆς τοιαύτης πρεσβήας,
θρανομένοίυ)] τινὸς τῶν τῆς ἐλευθερίας ἡμῶν ἢ τῶν λοιπῶν φιλανθρώπων καίθ᾽ ὁν]τινᾳοῦν τρόπον, ἔχωσιν ἐξουσίαν πάντες οἱ βουλόμενοι διὰ xpnuatioluoù
ἐπιγράψαι ἑαυτοὺς τῷ ψηφίσματι πρεσβευτάς, ὀμόσαντες Toy [ὑἸπογεγραμένον τῷδε τῷ ψηφίσματι ὅρκον, ἐπιγράψαι {. a) ἑαυτοὺς πρεσβευτὰς καὶ σφραYuHapevor τὸ ψή(φισμα) σφραγεῖδι [ἐ]χρύσῃ πρόσωπον Διογύσου ὃ ἂν αὖ-
τοὶ βουληθῶσιν οἱ κατεσταμένοι ὧξ[ε πρ]εσβευταὶ κατὰ τὸ ψήφισμα ἐπὶ τὸν προεστῶτα τῆς ἡγεμονίας αὐτοκράτορα θεὸν σεβαστὸν Καίσαρα.
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remplacer à l’avenir la série, normale, de décrets ad hoc concernant des ambassades individuelles, un χρηματισμός à la place de l’élection des πρεσβευταί, des sceaux privés substitués au sceau de la polis. Fort heu-
reusement, le fragment II nous a, sans aucun doute possible, conservé la fin du dossier. Avant les deux serments, on y trouve dans les I. II 1-21
τὸ ἐπὶ τέλει τοῦ ψηφίσματος (A) [yleypauévov, la partie finale de nouveaux considérants qui répètent l’abrégé historique des relations Maro-
née - Rome que nous connaissons déjà par les considérants du décret A (1. 15-15). À
la L. II 10, une nouvelle formule de résolution intro-
duit la décision d’envoyer une ambassade auprès d’un empereur dont le nom a été laissé dans l’anonymat avec la formule αὐτοκράτωρ θεὸς σεβαστὸς Καῖσαρ (1. II 11). Concernant la mission de cette ambassade, notre texte ne donne que très peu de détails concrets, avec la répétition des notions ἀ᾽ ἐλευθερία, de νόμοι, πόλις, χώρα, φιλάνθρωπα, πρόγονοι. À la L. II 15, on trouve l’exigence, assez insolite dans ce contexte, que les ambassadeurs fassent leur travail avec πάσῃ ἔντευξις καὶ ἱκεσία : qu’ils cherchent, avec le plus grand empressement possible, des contacts et des moyens de mettre en valeur les demandes de Maronée dont ils sont les porteurs. Insolite aussi, et, en outre prématurée, est l’an-
nexe du décret, avec la description des ambassadeurs comme γνησιώτατα προθυμηθέντες ὑπὲρ τῆς πατρίδος (I. Π 20). Ces mots servent, il me semble, à cacher un peu le vide que laisse l’absence de leurs noms attendus à cette place mais qu’on a laissés en blanc. En somme, on ne peut pas douter que le second décret (B) ne soit l’ébauche, annoncée comme son annexe dans le décret A, du décret éternel dans lequel ceux qui le veulent peuvent insérer le nom, concret, de l’empereur régnant et inscrire au-dessous leurs propres noms. 11. À la recherche du ψήφισμα αἰώνιον νομοθετηθέν, sa fausse interprétation des 1.1 29-31 (citées n. 9) a mené CLINTON 2 dans une impasse. Les rédacteurs du décret A y proposent « qu’on présente par écrit et vote comme décret concernant une telle ambassade ce qui se trouve écrit (= le décret-projet B) à la fin du décret (A) et qu'il soit assuré en avance pour toujours ». C’est donc le décret B qui sera le ψήφισμα
αἰώνιον νομοθετηθέν — à la fin d’une procédure administrative dont la stèle ne nous donne que la toute première étape avec le projet (!) du décret A dont l’adoption ne se laisse retrouver qu’indirectement à travers l’existence de la stèle. Tout le dossier de la procédure ultérieure déclenchée par le décret A était conservé dans les archives de Maronée. Comme toujours et partout, la publication épigraphique en est seulement le choix de ce qu’on estimait, d’un point du vue plutôt politique
que dogmatique, le plus essentiel.
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Dans la suite du fragment II (1. 21-31), on lit, sous le titre de ὁ πρεσ-
βευτικὸς διὰ τοῦ χρηματισμοῦ ὅρκος, un χρηματισμός qui est en même temps un ὅρκος. C’est le χρηματισμός annoncé aux 1.134 sq. comme étant celui par lequel ceux qui le veulent s’inscrivent comme ambassadeurs au décret éternel. Χρηματισμός, terme technique du langage administratif pour toute sorte de pièce officielle ou d’acte notarié, est dans ce cas l’engagement écrit l?, adressé aux ἄρχοντες en fonction, d’assumer une ambassade auprès de l’Empereur et du Sénat pour la liberté, etc. sans trahir les intérêts de Maronée, sans céder aux interlocuteurs, sans se laisser acheter, et cette annonce est garantie par les dieux invoqués pour συντηρεῖν τὰ προγεγραμμένα : avant les ἄλλοι Beot, qui n’ont plus de véritable importance, les empereurs morts, Auguste et Tibère, et, Caligula ayant naturel-
lement été laissé dans l’oubli de la damnatio memoriae, l’empereur alors vivant, Claude, et — c’est une nouveauté à noter — le saint Sénat. Le serment des futurs ambassadeurs est suivi d’un autre serment
qui commence à la 1. II 31 et, cette fois, est imposé à « tout le monde » (ὅρκος ὀμοσθησόμενος ὑπὸ πάντων). La signification de cette formule n’est pas claire : s’agit-il de tous les πολῖται ou de tous les habitants de Maronée, comme nous les avons trouvés regroupés dans le titre général du dossier ? Quant au contenu de ce serment, malheureusement de plus en plus endommagé vers la fin du texte, je crois qu’après une introduction qui rappelle plutôt la tradition des serments civiques, ce sont encore une fois l’ambassade « nouveau régime » et spécialement le décret éternel comme base de sa légalité qui sont en vue, car, parmi la triade κατάλυσις, ἀναίρεσις et ἀκύρωσις, interdites aux 1. 11 38 sq., le dernier terme ne s’emploie qu’à propos de l’abolition d’un décret ou d’une loi. Concernant ce dernier serment, nulle part annoncé dans le texte conservé
sur le fragment I, on a sans doute lu quelque chose dans les lignes du milieu du décret A qui nous sont entièrement perdues. Toutefois, le décret A envisage, à partir de la 1. I 40, une série d’interdictions 15 : on ne pourra pas faire annuler le nouveau procédé par le 12. Le formulaire commence avec : Ὁ δεῖνα τοῦ δεῖνος ἐχρημάτισεν ἐπὶ τῶν κατὰ τὴν συνεδρήαν ἀρχόντων ἐἑπανγελλόμενος πρεσβεύειν ἐπὶ τὸν σεβαστὸν καὶ τὴν σύνκλητον κτλ.
13. μηδενὸς ἔχοντος ἐξουσίαγ [τ]ούτου ὑπεναντίου μῆτε γράψαι μηδὲν μῆτε εἰπεῖν
μήτε [προβα]λέσθαι πρεσβευτὴν ἄλλον ἢ πρεσβεύειν τινὰ ἐπὶ προσκαίρφίι τι]γὶ
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biais de la proposition, écrite ou orale, d’un décret de révocation ; on ne pourra pas revenir à l’élection des ambassadeurs par le moyen de la προBoAn, ni à la présentation d’un candidat au Conseil et à l’ Assemblée du peuple, procédure classique, à Maronée comme ailleurs, lors des élections ; On ne pourra pas opposer au décret éternel un décret ad hoc qui donne à une ambassade une mission différente de celle du décret éternel, et, plus généralement, on ne pourra pas gêner une ambassade « nouveau régime » et agir en aucun sens contre le décret éternel. Ce sont ces interdictions qui réapparaissent dans la partie finale (1. Π 37 sgg.) de 1 ὅρκος ὑμοσθησόμενος ὑπὸ πάντων, tout comme le πρεσβευτικὸς ὅρκος est annoncé dans le décret A aux 1. 145 sgg. “ qui obligent les ambassadeurs « nouveau régime » à respecter le décret éternel, à n’en rien changer en
enlevant ou ajoutant quelque chose sauf les noms. À partir du π᾿ siècle av. J.-C., les ambassades à Rome sont commé-
morées dans de nombreux décrets honorifiques "*. En dépit de la diversite des faits, des situations et des cités d’origine, les images qu’ils en donnent montrent, à travers les siècles, une grande homogénéité. Le décret de Maronée, qui n’est pas honorifique, prend sa place dans ce discours général avec la phrase μηδενὸς ἐνοχλῆσαι τρόπου δυναμέvou τοῖς βουλομένοις ἀναλαβεῖν τὸν ὑπὲρ τῆς πατρίδος ἀγῶνα (1. I 27 sq.). La comparaison avec le combat agonistique 6 est presque topique dans ce contexte et évoque, avec le rappel des dangers du voyage ὑκεναντί.α» τοῖς προεψηφισμένοις περιέχοντι ψηφίσίματι μήτε ἐμποδίσαι τὴν
πρεσβήαν ἢ κοιῆσαί τι μαχόμενον τῷ γίομοθετηθέντι ψ]ηφίσματι κατὰ μηδένα τρόπον. 14. κρεσβεύκεριν δὲ κα... .“.... [τοὺ]ς ἐπανγειλαμένους ἐνγράφως περὶ τούτων I. .I[L- - “9 - - τῶι] νενομοθετημένοι εἰς τὸν αἰῶνα ψηφίσίματι - - “1! - «Ἰτου
μήτε περιαιροῦντας μήτε προσγρ[άϊφοντας ἄλλο τι ἢ τὸ ὄνομ]ᾳ τοῦ προεστῶτος τῆς ἡγεμονίας σ[εἰβαστοῦ Καίσαρος καὶ ἐπιγρ])άφογτας ἐπὶ τέλει τὰ τῶν πρεσβευ[τῶν ὀνόματα - - -. 15. Cf. la bonne synthèse de QUASS, Honoratiorenschicht, p. 132-178, la collection des documents par F. CANALI DE Rossi dans le vol. Ill des /scrizioni storiche ellenistiche, 2002, et en dernier lieu Chr. HABICHT, Archaiognosia, 11 (2001/2), p. 11-28.
16. L'essentiel se trouve dans les Études anatoliennes, 1937, p. 50-57 de L. ROBERT, cf. Th. DREW-BEAR, BCH, 96 (1972), p. 458 (avec une limitation aux « procès
Judiciaires » qui ne peut pas être généralisée) ; Quass, Historia, 31 (1982), p. 205; J. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome, 1982, p. 31 sq.; J. et. L. ROBERT, Fouilles
d’Amyzon en Carie Il, 1983, p. 204 ; P. Goukowsky, CRAI, 1998, p. 838 sg.
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qu’on aime lui ajouter, le défi extraordinaire que représentent les négociations avec les autorités romaines et l’abnégation et le courage de celui qui les assume. Les obstacles commencent avec τὸ βάρος καὶ ἡ ὄχλησις τῆς ἀποδη-
μίας, qu’un Épaminondas d’Akraiphia ἃ surmontés ἐν ἐλάσσονι θέμενος τὰ ἑαυτοῦ ἐπείγοντα πράγματα quand, dix ans avant le dossier de Maronée, le koinon béotien peinait à trouver son représentant au sein de l’ambassade des Achéens qui devait féliciter Caligula à l’occasion de son accession au trône 7. Sans nier la réalité du problème ᾿ξ on peut constater la répétition d’un motif qu’on trouve déjà à la fin du 1r° siècle dans les décrets en l’honneur de Ménas de Sestos !° et de Polémaios de Colophon 29, Dans le texte de Colophon, il est joint à l’image du héros solitaire qui porte le fardeau de tous sur ses épaules ?! tandis que les autres citoyens, avec leur refus, disparaissent dans l’anonymat. Le dossier d’Epaminondas y insiste avec sa rhétorique ??, mais c’était aussi une expérience réelle que faisaient les cités à la recherche de citoyens capables de s’occuper de leur politique extérieure 23, de même que de la pénurie du trésor public — ce qui donnait aux ambassadeurs une raison 17. 18.
IG VI, 2711, 1. 61 sgg. ; 95 sgq.; 2712, 1. 39 sqgq. Cf. HABICHT, loc. cit. (n. 15) avec renvoi à Plutarque.
19.
0G1 339, 1. 5 : οὔτε τὴν ἀπαντωμένην καταφθορὰν τῶν ἰδίων τοῖς ὑπὲρ τῆς πόλεως πρεσβεύουσιν ὑπολογιζόμενος.
20.
L. et J. ΕΟΒΕΕΤ, Claros I, 1989, p. 11 sgg. col. Il : σώματι καὶ τῆι ψυχῆι καὶ τῶι
παντὶ βίωι περὶ τοῦ δήμου παραβαλλόμενος. 21. τοὺς μὲν λοιποὺς τῶν πολιτῶν ἀπαρενοχλήτους ἐὼν μένειν ἐπὶ τῶν ἰδίων, αὐτὸς δὲ τὸν ὑπὲρ ἁπάντων κίνδυνον ἀναδεχόμενος. 22.
Le zèle de Polémaios est confronté avec l’égoïsme de ses concitoyens, alors que
pour Epaminondas sa participation à une ambassade du koinon achéen est L’occasion de marquer son comportement en comparaison avec celui des élites des
23.
autres cités membres : πολλῶν τε συνεληλυθότων εὐσχημόνων καὶ πρώτων ἐκ τῶν πόλεων καὶ πάντων ἀρνουμένων, 1G VII, 2712, 1. 40 5 φφ. Cf. le décret, datant déjà du début du ır“ s., en l’honneur d’Hegesias de Lampsaque qui fait impression avec le nombre de ses détails (Sy! 591 [Z Lampsakos 1, cf. J. LINDERSKI, dans Ed. FRÉZOULS et A. JACQUEMIN (éd.), Les relations internationales, 1995, p. 472-474], 1. 2 sgq.). La tentative de motiver les candidats possibles
avec la promesse de grands honneurs se retrouve peut-être à la fin du fragment I de la stèle de Maronée où κατορθωσα-- fait penser à un tel contexte. À cause de la perte de la suite du texte, on n’apprend pas si, pour l’accord de ces honneurs, le retour au jeu de l’Assemblée a été envisagé.
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plus concrète que la φιλοτιμία pure et simple pour assumer eux-mêmes, avec les fatigues, les frais de leurs missions. Dans ces circonstances, le cercle d’éventuels ambassadeurs se rétrécissait à l’élite économique et politique, sans doute un petit nombre de familles puissantes dans une cité comme Maronée. La tendance à l'exclusivité s’accentuait avec l’idée (d’ailleurs omniprésente) que des ambassadeurs de premier plan feraient plus d’impression et auraient plus de succès. Ainsi Assos félicitait Caligula avec une πρεσβεία ἐκ τῶν πρώτων καὶ ἀρίστων Ῥωμαίων τε καὶ Ἑλλήνων2: Ménogénès et lollas, les Sardiens dont nous avons parlé au début, étaient πρέσβεις ἐκ
τῶν ἀρίστων ἀνδρῶν À; les Aphrodisiens qui nouaient des relations avec Q. Oppius dans la guerre contre Mithridate, étaient ἄνδρες τῶν τιμωμένων καὶ πίστιν ἐχόντων# et, de la même manière, le koinon d’ Asie recrutait, vers le milieu du 1° siècle, ses représentants devant le Sénat ἐκ τῶν πρώτων καὶ μάλιστα tuumuévov?. Les décrets de Colophon en l’honneur de Polémaios et de Ménippos parlent de la formation avec laquelle de tels personnages étaient, depuis leur jeunesse, préparés à leur rôle de politiciens, et mettent en lumière comment ils gagnaient de l’expérience et de l’assurance grâce à la permanence de leurs activités publiques, parmi lesquelles les ambassades prenaient une place de premier ordre 25, Naturellement, les voyages à Rome en étaient les plus esti24. 25.
I. Assos 26, cf. π. 4. Cf. ci-dessus n. 1.
26. 27.
Cf. REYNOLDS (n. 16) 2 Ὁ 1. 5 54. REYNOLDS, op. cit., 5, 1. 4 sgq.
28. Cf., dans la suite de la paix d’Apamee, Pamphilos d’Apollonia (L. et J. ROBERT, La Carie I, 1954, p. 303 sgg. n° 167), aux alentours de la création de la province d’Asie, Machaôn de Cyzique (/GR IV, 134, avec … μεγάλας παρέσχετο ἀεὶ χρείας
… ἔν τε ταῖς ἀρχαῖς καὶ ταῖς πρεσβείαις … il est presque un politicien « de profession ») et Ménas de Sestos (OGI 339), un peu plus tard Moschiôn (/. Priene 108,
1. 150 544.) et Cratès de Priène (1. Priene 111, cf. Quass, Honoratiorenschicht, p. 136 sqq.), après plutôt qu’avant les guerres mithridatiques Pyrra[-] d’Alabanda (ISE III, 169, pour la date on suivra Chr. MAREK, dans Alte Geschichte und Wis-
senschaftsgeschichte. Festschrift K. Christ, 1988, p. 294-302, contre CANALI DE Rossi qui, dans /SE, propose le retour à la datation à la 1" moitié du 1r° s.) et, avec
son activité presque contemporaine du dossier de Maronée, L. Nonius Aristodamos de Cos (A. Maıurı, Nuova silloge epigrafica di Rodi e Cos, 1925, 426), φιλόκαιcap et, à côté d’autres fonctions publiques et de prêtrises de Tibere et de Claude,
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mes : les rédacteurs des décrets pour Polémaios et Ménippos y voient le
summum des activités diplomatiques de leurs héros. Pour marquer son admiration pour ces séjours dans la capitale du pouvoir, on pouvait mettre en relief la longue durée et la peine ?”, mais aussi des résultats dépassant toutes les attentes *. Les élites des cités greques étaient, partout et dès les premiers temps, les partenaires préférés de la politique romaine‘! ; le fait est suffisamment connu pour n’avoir pas besoin d’être démontré ici; mais il faut souligner comment, dans les décrets en l’honneur des deux politiciens de Colophon déjà, ces contacts sont caractérisés non pas comme la mise en œuvre d’une coopération pragmatique, mais comme la fusion des ἄριστοι ἄνδρες des deux côtés en une nouvelle élite de beaucoup plus
larges dimensions? : les Grecs admis dans ce cercle par les Romains πρεσβεύσαντα κολλάκις δωρεὰν ὑπὲρ τᾶς πατρίδος ἐς Ῥώμαν ποτὶ τὸς Σεβαστὸς καὶ τὰν σύνκλητον καὶ ἐς τὰν Ἁσίαν ποτὶ τὸς ἀγεμόνας. Pour l’époque impériale cf. les renvois de HABICHT, loc. cit. (n. 15), p. 18. 29.
Cf., parmi les documents les plus impressionnants, SylP 656 avec les références rassemblées par Th. DREw-BEAR, BCH, 96 (1972), p. 458; J. TOULOUMAKOS, Hermes, 116 (1988), p. 307 54. et LINDERSKI, loc. cit. (n. 23), p. 474-476. Certains ambassadeurs trouvèrent la mort pendant leurs séjours, parfois prolongés, à Rome : cf. Chr. HABICHT, ZPE, 112 (1996), p. 89 et dans B. VIRGILIO (éd.), Studi ellenistici
XIII, 2001, p. 9-17. 30.
On trouve les deux aspects dans ce qui nous reste des éloges couvraient Diodôros Pasparos, leur sauveur de la vengeance mithridatique (cf. en dernier lieu A. 5. CHANKowsKkI, BCH, avec les renvois à la documentation et la bibliographie) : cf.
dont les Pergaméniens romaine après la crise 122 [1998}, p. 161-199 ... πολυχρονίους àva-
δεξάμενος ἀποδημίας καὶ κινδύνους ἀλλὰ καὶ ἀφ᾽ οὗ πάρεστιν ἐκ Ῥώμης εἰς μὲν τὴν κατὰ τὸν ἴδιον βίον ἐπιμέλειαν μηδὲ τὸν ἐλάχιστον εἰληφότα καιρὸν κτλ. (H. HEPDING, AM, 32 [1907], p. 257 sqq. n° 8 ΟΚΊῚΝ 293], col. ΠῚ. 11 544.) et la longue liste de grâces négociées par Diodôros à Rome et résumées avec τῶν
δὲ πεπραγμένων ἀγαθῶν ὑπ᾽ αὐτοῦ μεγάλων καὶ σωτηρίων ὄντων καὶ οὐ μόνον τῆι τῶν ὑπ᾽ αὐτοῦ εὐεργεθημένων πόλει πάσῃ δὲ τῆι ἐπαρχήαι (HEPDING, loc. cit., p. 243 sgg. n° 4 [IGR TV 292], 1. 1-16). 31.
I. SAVALLI-LESTRADE en a traité dans RPh, 72 (1998), p. 78-84, cf. ultérieurement
G. THÉRIAULT, Phoenix, 57 (2003), p. 232-256 avec la bibliographie complète. 32.
Cf. col. Il, 1. 24 sgg. du décret de Polémaios : ἐνέτυχεν μὲν τοῖς ἡγουμένοις
Ῥωμαίοις καὶ φανεὶς ἄξιος τῆς ἐκείνων φιλίας τὸν ἀπὸ ταύτης καρπὸν τοῖς κολείταις περιεποίησεν πρὸς τοὺς ἀρίστους ἄνδρας τῆι πατρίδι συνθέμενος πατρωνείας στοιχοῦσαν δὲ τῆι περὶ αὐτὸν ὑποστάσει λαβὼν καὶ τὴν παρὰ τῆς συγκλήτου μαρτυρίαν, et col. IH, 1. 5 sgg. du texte en l’honneur de Ménippos : διὰ
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qui, dans de tels contextes, apparaissent toujours en surhommes *, franchissent les limites de leur polis “ ; en même temps, leur revient un pouvoir qui, n’étant pas fondé sur le consensus de leurs concitoyens, les oppose à eux de telle façon que la γλυκυτάτη πατρίς, comme ils aiment appeler leur polis avec sentimentalité, se retrouve, en face d’eux comme en face des Romains, rabaissée au rôle de la reconnaissante receveuse de dons ressentis comme exorbitants parce que totalement au-delà des limites de ses propres capacités. Pour Diodôros Pasparos, qui était capable de les sauver διὰ τὴν παρὰ τοῖς ἡγουμένοις ἐπὶ τῷ βελτίστῳ ἐν-
τροπήν "5, les Pergaméniens ont trouvé une formule insurpassable en lui décernant l’honneur de brûler l’encens aux grandes occasions de la vie publique ἵνα καθάπερ παρὰ τῶν ἡγουμένων οὕτως καὶ παρὰ τῶν θεῶν αἰτῆται τῷ δήμῳ τἀγαθά *. Dès le début de l’époque impériale, ces personnages apparaissent comme φιλοσέβαστοι et φιλοκαίσαρες *?; on leur offre des honneurs cultuels * et il n’était sans doute pas extraordinaire que les Sardiens, où qu’ils dirigent leurs regards, aperçoivent leur grand concitoyen, Iollas, étant donné les dix statues et les quatre portraits peints τὴν ἐν πᾶσιν ἀρετὴν τοῖς μεγίστοις Ῥωμαίων συσταθεὶς αὐτός τε πρεσβεύων ὑπὲρ αὐτῶν καὶ πίστεως ἀξιούμενος ἐπίσημος γέγονε παρὰ πολλαῖς τῶν ἙἘλληνίδων πόλεων ... χρησιμώτατος γέγονε τῶι δήμωι παρ᾽ οἷς ἀναγκαιόταται πᾶσιν εἰσὶν ἀνθρώποις χρεῖαι. On peut comparer l’admiration respectueuse que les gens de Bargylia accordaient à Poseidonios pour sa réception à l’amicitia du côté de
Cn. Domitius Ahenobarbus (I. Jasos 612, 1. 37 sqq.). 33.
Dans M. H. HANSEN (éd.), The Ancient Greek City State, 1993, p. 215 sq., Ph. Gau-
THIER a exposé l’essentiel du problème que posait le remplacement de la pluralité
des monarchies par la domination unique des Romains pour le jeu de la réciprocité des dons de l'évergétisme « interétatique » : sous cette pression unilatérale, les cités grecques tombaient au rang de destinataires passives de φιλάνθρωπα. Les δίκαια dont elles, Maronée incluse, continuent à parler, sont maintenant des grâces qué-
mandées μετὰ πάσης ἐντεύξεως καὶ ἱκεσίας. 34.
J.-L. FERRARY ἃ abordé le phénomène dans sa conférence au X° Congrès international d’épigraphie grecque et latine à Nîmes : cf. les Actes, 1997, p. 204.
35.
H. HePpiNc, AM, 35 (1910), p. 407 sgg. n° 2 1. 12 sq., cf. loc. cit. (n. 30) col. II L 15 sq. 36. Loc. cit. (n. 30) col. ΠῚ. 27 sgg. 37. Cf. les références que je rassemble dans Chiron, 32 (2002), p. 558 sq. Tib. Claudius lulianus de Kios ne porte pas ce titre, mais c'est à cause de ses bonnes relations avec l'Empereur qu’il a réussi comme ambassadeur (/GR III 22 (1. Kios 4, avec des restitutions trop austères]). L'Empereur auquel s’adressent les ambassades est
le sauveur divin de l’univers (cf. les renvois de CLINTON 1, p. 391 sq.). 38.
Cf. Fr. Quass, Hermes, 112 (1984), p. 208-210.
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MICHAEL WÔRRLE
qu’ils lui avaient offerts *. Peut-être est-ce dû à la partialité, attendue, des décrets honorifiques qui sont presque seuls à nous en témoigner, que ces gens sont toujours des patriotes et jamais des collaborateurs, mais le stéréotype était courant : les ambassadeurs de Maronée se présenteront à l'Empereur comme γνησιώτατα προθυμηθέντες ὑπὲρ τῆς πατρίδος. Sous l'influence de pareilles réminiscences et associations, les Maronitains ne pouvaient même pas imaginer de donner des ordres à leurs
βουλόμενοι ἀναλαβεῖν τὸν ὑπὲρ τῆς πατρίδος ἀγῶνα, de leur imposer des ambassades qui exigaient le dévouement et l’abnégation du δεῖσθαι μετὰ πάσης ἐντεύξεως καὶ ἱκεσίας (1. IT 15). Il fallait attendre qu’en s’apercevant eux-mêmes des besoins de la communauté, ils s’en occu-
pent de leur propre initiative. Le décret en l’honneur de Pyrra[-] d’Alabanda * donne un exemple précoce de ce jeu, avec d’un côté la résolution de la communauté (σπεύδοντος τοῦ δήμου ... καὶ περὶ τούτων δόξαντος πρεσβείαν ἐξαποσταλῆναι) et, de l’autre, l'intuition (θεωρῶν τὴν χρείαν οὖσαν ἀναγκαίαν ... παρακληθεὶς ὑπὸ τοῦ δήμου προθύμως ὑπήκουσεν) de Pyrra[-] qui, plus tard, se surpassa à l’occasion d’une seconde
ambassade à Rome : cette fois ἀπαράκλητον ἑαυτὸν παρεσκεύασεν. De son élection il n’y a aucune trace. Au contraire de ce qui serait, selon le nouveau décret, la norme à Maronée, l’élection à l’ambassade a certainement eu lieu à Alabanda“', mais, dans la mémoire publique, elle n’a été qu’une formalité qui pouvait disparaître derrière l’essentiel : que Pyrra[-] avait exaucé la prière du peuple et qu’il s'était spontanément mis à la disposition de la polis ?. On est tenté de supposer quelque chose de semblable pour un décret de Pergè du temps de Tibère “ et pour la plaque 39. 40.
1 Sardis 27. ISE IL, 169. La mission qu'il avait accomplie pour son premier voyage à Rome
ressemblait d’ailleurs assez à celle qui était prévue pour la πρεσβήα κατὰ πάντα 41. 42.
43.
καιρὸν ἑτοίμη par les Maronéens. En tout cas c’était l’Assemblée d’Alabanda qui négociait avec Pyrral-]. Le fait qu’on utilisait un vocabulaire standard pour évoquer une image standard est prouvé par le décret de Bargylia en l’honneur de Poseidonios (/. /asos 612) où l’on retrouve ... τοῦτον παρεκάλεσεν ὁ δῆμος ... ὁ δὲ παρακληθεὶς προθύμως ὑπήκουσεν et où il manque aussi la mention de l'élection de Poseidonios. I. Perge 23 avec les restitutions et le commentaire de C. P. Jones, EA, 25 (1995),
p. 29-33 : ἀνυπέρβλητον δὲ ἔχων τὴν σπουδὴν ὑπὲρ τῶν ἐπειγόντων τῇ πολει προθυμότατα ὑπεσχημένος πλεύσειν εἰς Ῥώμην δωρεάν.
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de bronze d’Assos“ où la décision de la communauté concernant l’ambassade en l’honneur de Caligula est suivie d’une liste d’ambassadeurs. Au lieu de la formule πρεσβευταὶ ἠρέθησαν, qui est attendue à cette place, elle porte comme titre πρεσβευταὶ ἐπηνγείλαντο ἐκ τῶν ἰδίων : la concurrence des citoyens dévoués remplacée par le refus d’une élite peu coopérative, on ne pouvait qu’attendre que la situation soit déblo-
quée par une épangélia, et qu’applaudir à l’évergète prononçant finalement le mot libérateur, par le moyen de son élection qui, dans la réa-
lité des faits, n’était qu’illusoire. Quand Eirénias avait pris l’initiative pour son ambassade auprès d’Eumène II, les Milésiens avaient imaginé la formule ἐντυχὼν δὲ καὶ βασιλεῖ Εὐμένει κατὰ τὴν δοθεῖσαν ὑπὸ
τοῦ πλήθους αὐτῶι συνχώρησιν “5. Les documents que nous avons discutés sont déjà loin de ce concept, et, en faisant le pas décisif, le décret de Maronée s’en est encore éloigné d’avantage. Dans la crise de 133 av. J.-C. déjà les Pergaméniens ont confié leur polis, μεταπεσόντων τῶν πραγμάτων εἰς δημοκρατίαν (!), à un συνέδριον α᾽ ἄριστοι ἄνδρες. Issus des grandes familles de l’époque des rois et pourvus d’autorité, de richesse et d’expérience politique et administrative, c’étaient eux que l’on croyait capables de défendre l’autonomie et la prospérité du démos contre la convoitise des Romains“. Leurs concitoyens se comportaient avec eux d’une façon qui démontre tous les signes d’une dépendance réelle et d’une mentalité servile ?. Après de longues années d’une coopération étroite avec Rome, la Lycie
a assisté, au début du règne de Claude, à un soulèvement antiromain. 44.
Cf. ci-dessus n. 4.
45.
P. HERRMANN, MDAI(I),
15 (1965), p. 71 sgg. (Nouveau choix 7; Milet VI 3 [sous
presse] 1039), col. I 1. 4 sg. Cf. le cas de Boulôn à qui, au nr s., les Déliens confièrent, par élection, l’ambassade à Thessalonique qu’il avait proposée (/G XI 4, 664 sq. avec le commentaire de Chr. HABICHT, MH, 59 [2002], p. 17 sq.). G. A. Souris, ZPE, 48 (1982), p. 238, a rassemblé de pareilles initiatives pour l’époque impériale.
46. Cf. Chiron, 30 (2000), p. 543-576, surtout 554-557, 565. 47. J'ai traité des stéréotypes qu'utilisent les décrets honorifiques hellénistiques et sur-
tout tardo-hellénistiques pour l’image de l’évergète, dans M. WÖRRLE et P. ZANKER (éd), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus, 1995, p. 241-250, cf. les conclusions pertinentes de R. van BREMEN, The Limits of Participation, 1996, p. 163 sq. (« the increasingly oligarchic nature of civic politics » et « the paternalistic relationship between benefactor-politician and people ») et passim, ultérieurement H.-J. GEHRKE,
dans K.-J. HÖLKESKAMP εἰ al., Sinn (in) der Antike, 2003, p. 225-250.
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Les détails ne nous en sont pas connus, mais l’issue en fut l’institution du régime provincial et le remplacement de 1᾿ ἄκριτον πλῆθος, comme on trouvait maintenant avantageux d’appeler le souverain de l’ancien
État fédéral, par un nouveau conseil ἐξ ἀρίστων à la tête de l’administration locale“. Avec son décret novateur, le démos de Maronée a formellement renoncé à l’élection de ceux qui devaient le représenter devant Claude et ses successeurs. C’était, le texte le trahit, la classe politique maronitaine qui voulait s’en débarrasser, et dans le climat de détresse, d’impuissance et de méfiance envers l’Énibavéoratos θεὸς τοῦ κόσμου qu'était Claude, l’élite des bouleutes ou un cercle plus restreint parmi eux arriva à imposer sa volonté à l’Assemblée du peuple en utilisant
l'argument d’une efficacité plus grande *. Pour cette efficacité, le démos abandonnait une partie essentielle, peut-être la partie la plus essentielle, de sa participation politique et de sa marge de manœuvre : dorénavant la classe politique avait tous les droits d’agir selon sa propre initiative et sans aucun contrôle. Il semble que la renonciation à cet élément central de la démocratie traditionnelle n’était pas incontestée. La peur d’une résistance et la mauvaise conscience des initiateurs apparaissent à travers le recours au formalisme constitutionnel du ψήφισμα νομοθετηθέν et à sa pro-
tection rituelle avec le ὅρκος ἁπάντων. Pour se rassurer on substituait au contrôle politique le ὅρκος πρεσβευτικός avec la garantie de dieux auxquels on ne croyait pas. De cette manière, le maintien des formes conventionnelles cachait la perte du contenu réel sur le plan politique et administratif comme sur celui de la religion. Peut-être la question du sceau à apposer sur le décret que les ambassadeurs « nouveau régime » devaient emporter lors de leurs voyages provoqua-t-elle auprès des Maronitains les premiers doutes sur leur ingéniosité : le sceau public signifiait la garantie de la part de la polis de l'authenticité d’un document ; les sceaux privés qui étaient maintenant 48.
Cf. Chiron, 32 (2002), p. 562-564.
49.
Cf. la πρεσβεία κατὰ πάντα καιρὸν ἑτοίμη de 1.126 sq.
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admis à le remplacer devaient quand même donner l'illusion de cette garantie publique en montrant, eux aussi, la tête (n’importe laquelle, selon le goût des ambassadeurs) de Dionysos qui dominait le monnayage hellénistique de Maronée et qui figurait selon toute probabilité sur le sceau public de cette cité. Mais c’était le problème de l’autorisation des ambassadeurs qui démontrait le plus clairement l’impasse où on était arrivé : sans alternative possible, des πρεσβευταί étaient toujours
les représentants d’une communauté et c’était à celle-ci de les nommer ; leur autoproclamation, même au moyen d’un ὅρκος διὰ χρημα-
τισμοῦ, était exclue. C’est pourquoi, dans le document « pseudo-scellé » que lui remettaient les pseudo-npeoßevrai de Maronée, l'Empereur lisait ἠρῆσθαι πρεσβήαν (1. II 10) et 7pé0noav πρεσβευταί (1. II 20). Cela, on peut tout simplement l’appeler de la tromperie — l’on peut aussi retrouver ici la contradiction entre forme et contenu, entre tradition et actualité, entre réalité et idéologie, qui était typique de la polis de l’épo-
que impériale *.
50.
Concernant le cadre des dispositions mentales et ses transformations au cours de l’époque hellénistique, l'essentiel est dit, en 1969 déjà et sur deux pages seulement, par L. ROBERT dans introduction d’un article sur Théophane de Mytilène (CRAT, 1969, p. 42-44). S'il en fallait une explication elle ἃ été donnée par GAUTHIER, dans
Actes du VIIF Congrès d'épigraphie grecque et latine, I, 1984, p. 82 sgq., surtout 91 sg.
La défense des cités en mer Noire
à la basse époque hellénistique Alexandre AVRAM Université du Maine UMR 8585 -- Centre Gustave Glotz, Paris
ES DOCUMENTS hellénistiques dont nous disposons sur la question de la défense des cités grecques pontiques présentent au moins deux points communs : 1) Vu qu'il s’agit de décrets honorifiques, une figure emblématique est toujours mise en avant, alors que la contribution des autres citoyens demeure constamment occultée : c’est le cas d’un Protogénès ou d’un Nikèratos à Olbia (JOSPE 12, 32 et 34), ou bien des Agathoklès (/ScM I, 15), Méniskos ! et autres Aristagoras à Istros (/ScM I, 54). 2) Les moyens diplomatiques pour venir à bout du conflit l’emportent presque toujours sur les activités militaires. Dans ces conditions, il est légitime de se poser la question : les cités grecques, avaient-elles encore une armée, ou du moins une milice, capa-
ble d’affronter les dangers extérieurs ? Pour la haute époque hellénistique, la réponse est plutôt affirmative ; mais qu’en reste-t-il dans la deuxième moitié du Ir 5. et au 1% s. av. J.-C. ? Récemment, dans un bel ouvrage de synthèse consacré à l’époque
hellénistique, O. Picard s’attaque à deux reprises aux problèmes militaires de la cité. Tout d’abord, pour ce qui est de la haute époque hellénistique : l.
A. MiCEV, « Nadpis na gräcki ezik ot Pliska », dans K. Bo$nakov et D. BOTEvA (éd.), Jubilaeus V. Sbornik v Cest na prof. Margarita Taëeva, Sofia, 2002, p. 280284.
[64
ALEXANDRE
AVRAM
On considère trop souvent que la guerre hellénistique opposait entre eux les rois (dont les conflits sont incontestablement ceux qui mettent en jeu les effectifs les plus importants, concement les ternitoires les plus étendus) : ce sont ces guerres que les historiens anciens ont relatées, et
les Modernes à leur suite. De ce fait, on admet trop facilement que, à l'exception de Rhodes, les cités hellénistiques, volontiers qualifiées de « bourgeoises », auraient abandonné toute pratique militaire aux rois et aux mercenaires. Rien n’est plus faux.
Ou, encore plus loin : « les citoyens continuent à jouer un rôle considérable dans la défense des cités pendant toute la période. Il faut y insister, car les études mentionnent surtout les armées de mercenaires » 2.
Et, afin d’argumenter ses propos, l’auteur évoque le soin porté par la cité à son rempart, l’implication des citoyens dans la défense du territoire et l’éducation donnée au gymnase. Même plus tard, à la basse époque hellénistique, « les cités maintiennent leur rempart en bon état, continuent l’instruction militaire des éphèbes et entretiennent des hommes capables d’assurer un minimum de défense » 3,
Tout cela me semble d’autant plus vrai pour les cités des côtes occidentale et septentrionale de la mer Noire. Si on laisse de côté le royaume du Bosphore, avec ses structures spécifiques, force est de constater que cette région reste un monde des cités ; car, après la mort de Lysimaque et sans doute encore quelques épisodes secondaires contemporains de la deuxième guerre de Syrie, jusqu’au moment de la domination de Mithridate VI Eupator, il n’y a plus de grands royaumes hellénistiques qui y soient impliqués. Par conséquent, le problème des relations entre les cités et les rois ne se pose pas dans les mêmes termes que pour l’ensemble du monde hellénistique. D’autre part, c’est justement l’absence d’une autorité royale qui fait que les cités de cette région sont chroniquement menacées par ce que les auteurs anciens et les inscriptions appellent « des barbares » (Thraces, Gètes, Celtes, Scythes, Sarmates, Bastarnes, etc.). Devant un tel tableau, 1] ne relève que du bon sens que d’admettre que chaque cité aura assuré, pour parler avec O. Picard, « un O. PICARD, dans ©. PICARD,
Fr. DE CALLATAŸ,
Fr. DUYRAT,
G. GORRE
et
w
2.
D. PRÉVOT, Royaumes et cités hellénistiques de 323 à 55 av. J.-C., Paris, 2003, p- 62 et 66. Ibid., p. 155.
4.
Dont j'ai essayé de dégager la portée dans une étude, « Antiochos II Théos, Ptole-
mée II Philadelphe et la mer Noire », à paraître dans CRA/, 2003.
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
165
minimum de défense ». Je me propose donc d’examiner, autant que les documents le permettent, la participation des citoyens à ce « minimum de défense ». Il convient, cependant, de laisser de côté les mentions plutôt banales concernant les gymnases, attestés d’une manière directe ou indirecte dans presque toutes les villes des côtes occidentale et septentrionale de
la mer Noire à partir du 111° 5. av. J.-C. jusqu’à l’époque des Sévères"5. À vrai dire, dans la période et dans la région étudiées, assurer une éducation militaire aux futurs citoyens ne va plus forcément de pair avec l'existence régulière d’une phalange d’hoplites, comme naguère à la belle époque. Le recours aux mercenaires est déjà attesté vers la fin du ın“ 5. av. J.-C. à Istros, à côté, chose significative, du volontariat des Grecs et des indigènes; ce qui n’a plus rien à voir avec l’obligation des citoyens de défendre leur patrie. Autrement dit, le scepticisme concernant la possibilité d’exploiter des données sur les activités propres au gymnase ne porte pas autant sur la qualité de l’éducation militaire reçue que sur le bénéfice que la cité en eût pu tirer en cas de guerre ; car il est raisonnable de douter que, dans de telles circonstances, la cité ait
procédé à la mobilisation obligatoire de tous les citoyens capables de porter des armes.
Quant aux activités de réfection et d’entretien des remparts, on trouve un bel exemple dans le décret d’Istros en l’honneur d’Aristagoras (SylF 708 = IScM I, 54), sur lequel j'aurai d’ailleurs à revenir. Aristagoras s’était chargé de la réfection de l’enceinte d’Istros, laquelle avait été détruite par les Gètes de Byrébista, au point que l’on pouvait 5.
ne serait quand même pas inutile de dresser ici une liste (non commentée, mais divisée par cités) des documents de la basse époque hellénistique mentionnant des
gymnases, des gymnasiarques, des éphébarques, d’autres personnes ayant affaire au gymnase ou, enfin, des activités typiques pour un gymnase : — Apollonia : /GBuig P, 390 (π΄ -- début du rs. av. J.-C.); — Odessos : IGBulg 13, 44 et 50 (r" 5. av. J.-C.)
— Callatis : /ScM ΠῚ, 18 (n° 5. av. J.-C. ; hoplomaque) ; — Tomis : IScM IL, 6 (1“ s. av. J.-C. ; à restituer, 1. 15 : [τοὺς καθ᾽ ékaoto]v
ἐνιαυτὸν γ[ινομένους yuulvaoräpyous]): — Istros : IScM 1, 44 (uhr 5. av. J.-C.), 59 (ir 5. av. J.-C.) et 268 (1° 5. av. J.-C.); — Panticapée : CIRB 129 (pédotribe originaire de Sinope). 6.
ISCMI, 15,1. 12 (λαβὼν στρατιώτας μισθοφόρουχ), à comparer aux I. 42-44 (λαβὼν
τίῶν τε π]ολιτῶν ἐ[θελ]όντας στρατιώτας καὶ τῶν συμφευγόνίτων BlapBäpov ε[ὶς τὴν] πόλιν).
166
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considérer la ville littéralement dépourvue de rempart (ἀτειχίστου τῆ[ς] πόλεως ὑπαρχούσης) et accorder, par conséquent, à Aristagoras, l’épithète de τειχοποιός. Dans un décret malheureusement trop fragmentaire de Callatis (/ScM III, 26), daté du milieu du 1“ s. av. J.-C., il est question
d’une activité de reconstruction (1. 2 : [anoxata]otacıog; 1. 3-4 : εἰς τὸ διατειχίξαι τὸν π[α--- ἀποδε]ιχθέντα τόπον). S’agit-il d’un secteur
de l’enceinte ou bien d’une fortification de la chôra ? On ne saurait le dire, comme on ne saurait, non plus, se prononcer sur un éventuel rapport entre cette intervention et les attaques du même Byrébista. Enfin
convient-il d'ajouter quelque Evidence épigraphique concernant les fortifications destinées à la défense du territoire. Hormis Kerkinitis, Kalos Limèn et les τείχη de la χώρα de Chersonèse 7, on pourrait ajouter les
πύργοι attestés plus tard, à l’époque impériale, comme toponymes grecs dans les territoires de certaines cités comme Tyras, Istros, Tomis ou Callatis8. Néanmoins, tout cela ne doit pas tromper. Les recherches archéologiques, qu’il s’agisse du royaume du Bosphore, de Chersonèse, d’Ol-
bia ou d’Istros, concordent sur un point essentiel : il n’y a plus que peu de sites ruraux après le milieu du nr 5. et il n’y en a presque pas du tout à partir du milieu du ır s. av. J.-C.? 7.
IOSPET, 401 et 352 (= SylP 360 et 709), avec le commentaire de L. ROBERT, Gno-
8.
mon, 42 (1970), p. 579-603. Il s’agit, tout d’abord, de Νεοπτολέμου πύργος (Strabon VII, 3, 16), une fortification située à l'embouchure du Dniestr et dont le nom, contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises, n’a rien à voir avec le stratège de Mithridate mentionné
par le même Strabon dans d’autres contextes (voir plus bas); cf., à ce propos, Ju. G. VINOGRADOV, « Der Pontos Euxeinos als politische, ökonomische und kultu-
relle Einheit und die Epigraphik », étude publiée en 1987 et reprise dans Pontische Studien. Kleine Schriften zur Geschichte und Epigraphik des Schwarzmeerraumes,
Mayence, 1997, p. 63. On peut y ajouter Λαϊκὸς πύργος dans le territoire d’Istros (IScM 1,378), {Tjurris Muca... dans le territoire de Tomis (/ScM I, 141), le πύργος
(pyrglos]) du territoire de Callatis (/ScM III, 55) et peut-être aussi le nom de la localité Stratonis (Tab. Peut., col. 506-512, 8, 4: Scut. Dur. Eur. XII; aujourd'hui Schitu, situé entre Tomis et Callatis), lequel serait à comprendre comme Stratonis (turris) (cf. Στράτωνος πύργος, l’ancien nom de Césarée de Palestine, Strabon XVI, 2, 27). Voir, à ce propos, A. AVRAM et G. V. NISTOR, « Apärarea teritoriului
in cetätile grecesti si problemele zonei pontice », SCIV, 33 (1982), p. 365-376. 9.
S. SAPRYKIN, « Polis Chora in the Kingdom of Bosporus », dans A. STAZIO (éd.),
Problemi della chora coloniale dall'Occidente al Mar Nero. Atti del quarantesimo convegno di Studi sulla Magna Grecia, Taranto, 29 settembre-3 ottobre 2000,
Tarente, 2001, p. 635-665 ; A. N. SCEGLOV, Severo-Zapadnyj Krim v antiénuju
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
167
Les documents peut-être les plus suggestifs concernent le souci des autorités d’assurer des gardes permanentes destinées à veiller sur la sécurité de la ville. Une inscription de Tomis, datée sans doute de la fin du Π’ 5. av. J.-C. (SyiP 731 = IScM II, 2), contient deux décrets. Le premier évoque dans ses considérants la situation lamentable dans laquelle se trouvait la cité et l’inquiétude autour de son enceinte (ὑπὲρ τοῦ περιβόλου τῆς πόλεως) : « les uns ont quitté la ville à cause de l’embar-
ras, alors que les autres ne sont pas capables de défendre la patrie à cause de l’état de disette et des faiblesses » (L. 5 et suiv. : τῶν μὲν διὰ τὴν ἀπ[ο]ρίαν ἐκλελοιπότων τὴν πόλιν, τῶν δὲ διὰ τὴν γενομένηίν
λι]μικὴν 10 περίστασιν καὶ τὰς ἀρρωστίας μὴ δυναμένων [φυ]λάσσειν τὴν πατρίδα). Par conséquent, le Conseil et le peuple décident (1. 11 et suiv.) « d’élire sur l’ensemble des citoyens deux commandants, lesquels enröleront quarante soldats d'élite à faire le service pendant le jour aux portes et à faire sentinelle et des rondes pendant la nuit » (£Aéoθαι ἡγεμόνας ἐκ πάντων τῶν πολειτῶν ἤδη δύο, οἵτινες καταγράψουσιν ἄνδρ[ας] ἐπιλέκτους τεσσαράκοντα τοὺς ἐφημερεύσονταϊίς ἐ]πὶ τῶν πυλῶν καὶ παρακοιτήσοντας τὰς νύκτας κ[αὶ) ἐφοδεύσοντας τὴν πόλιν). Les droits accordés aux commandants -- d’infliger des amendes et de pouvoir contraindre par tout moyen les contrevenants, de recevoir une indemnisation pour officier les sacrifices (l. 19 et suiv.) -- montrent que ces mesures étaient exceptionnelles. Cependant, il convient de s’interroger sur les raisons d’une telle garde : était-elle vraiment destinée à la défense du rempart contre quelque attaque d’une peuplade barbare, comme on l’admet couramment, ou bien — au regard des considérants epoxu, Leningrad, 1978; Ip., Polis et chôra. Cité et territoire dans le Pont-Euxin,
Paris, 1992; V. V. RUBAN, « Problemy istoriteskogo razvitija ol’vijskoj xory v IV-
III vv. don. e. », VDI, 1985/1, p. 26-46; 5. D. Krysickus et 5. B. BUJSkIH, « La dynamique d'aménagement du territoire rural d’Olbia pontique », dans M. BRUNET (éd.), Territoires des cités grecques. Actes de la table ronde internationale organisée par | "Ecole française d'Athènes, 31 octobre-3 novembre 1991, Athènes -
Paris, 1999, p. 273-288 ; A. AVRAM, « Les territoires d’Istros et de Callatis », dans Problemi della chora coloniale ..., p. 593-632; A. RÄDULESCU, L. BUZOIANU, M. BÄRBULESCU et N. GEORGESCU, «Albesti (département de Constantza) - site
fortifié gréco-indigène », Talanta, 32-33 (2000-2001), p. 189-206; M. OPPERMANN, Die westpontischen Poleis und ihr indigenes Umfeld in vorrömischer Zeit,
Langenweißbach, 2004, p. 247-261 (avec de riches références). 10.
Restitution A.-M. VÉRILHAC, « À propos de quelques inscriptions du Pont », Epi-
graphica, 41 (1979), p. 57-58.
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qui mentionnent que certains citoyens avaient déjà quitté la ville — y verrait-on plutôt une mesure contre le dépeuplement de la cité ? Quoi qu’il en soit, le deuxième décret gravé sur la même stèle, qui est en l’honneur
des deux commandants et de leurs soldats, finit par en donner la liste : on n’y trouve que 27 noms (les deux ἡγεμόνες et 25 de leurs subordonnés sur les 40 initialement prévus). Il semble que ce fût tout ce que l’on avait pu trouver, soit même pas la quarantaine désirée. Un autre problème que pose le même décret concerne la nature du service de cette troupe. Pour des raisons évidentes, il est difficile de concevoir des soldats en service permanent, jour et nuit, comme le veut le décret, et d’ailleurs une telle pratique avait été déconseillée jadis
d’une manière explicite par Énée le Tacticien dans son traité 1]. Il est sûr que les quarante soldats étaient répartis entre le service de jour et le service de nuit : il faut donc diviser leur nombre au moins par deux, et il en reste alors très peu. Ce qui n’est ici qu’une hypothèse dans les limites du bon sens semble trouver une confirmation indirecte dans une pratique observée selon toute évidence à Mésambria. Une stèle (/GBulg 12, 324) est consacrée au rs. av. J.-C. aux stratèges par les [φύ]λακες
ἁμερινοί, νυκτερινοί et περίοδοι, les gardes de jour, les gardes de nuit et les soldats de ronde. En conclusion de tout ce que l’on peut tirer de cette documentation assez parcimonieuse, les cités grecques pontiques n’ont jamais abandonné l’idée traditionnelle de la défense par leurs propres forces, autant
dire par les troupes composées de citoyens. Sauf que cela reposait, semble-t-il, plutôt sur le volontariat, et les résultats en étaient visiblement modestes : à peine arrivait-on à défendre la ville, il n’était plus question de contrôler la chôra. Car les barbares des alentours — dont les incursions répétées sont mises en évidence d’une manière très instructive à partir du 11 5. av. J.-C. à la fois par Polybe (IV, 45 et 46 : Byzance devant les menaces des Thraces et des Celtes) et par un bon nombre de
belles inscriptions — n’auront reculé ni devant les quarante braves de Tomis, ni devant d’autres armées de la même force. 11. Énée le Tacticien, Poliorcétique XXII, 8 (éd. A. Daun, Paris, Les Belles Lettres, 1967, p. 44) : καὶ τοὺς ἡμέρας φυλάξαντας μὴ φυλάσσειν νυκτός᾽ οὐ γὰρ Éztτήδειον προειδέναι ἃ μέλλει ἕκαστος πράσσειν (« ceux qui ont été de garde le jour ne doivent pas l’être de nuit, car il n’est pas à propos que chacun connaisse au préalable ce qu'il va faire »).
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
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Dans ces circonstances, l’explication fournie par Strabon (VII, 4, 3) pour l’origine des relations entre la cité de Chersonèse Taurique et le premier roi hellénistique qui s’intéressait à cette région depuis plus d’un siècle, Mithridate VI Eupator, peut être généralisée pour toute la zone concernée. Chersonèse, nous dit le géographe, « fut d’abord indépendante (αὐτόνομος), mais les dévastations qu’elle subissait du fait des barbares la contraignirent à choisir comme protecteur (προστάτην) Mithridate Eupator à l’époque où celui-ci justement projetait une expédition contre les barbares installés au-delà de l’isthme jusqu’au Borysthène et l’Adriatique » !2. En effet, toutes les cités grecques pontiques auront vu en Mithridate le προστάτης capable d’assurer leur sécurité. Ce qui peut d’ailleurs expliquer commodément les divers monuments érigés par les cités à la gloire de Mithridate et de ses stratèges. Il n’est pas question, bien entendu, de réécrire ici des pages d’his-
toire politique "3, I] suffit, pour nous en tenir à notre sujet, d'examiner, dans ces nouvelles conditions, le rapport entre les cités et les stratèges du roi du Pont avec leurs mercenaires. Certes, la discussion a presque toujours tourné autour de Diophantos, fils d’Asklépiodoros, de Sinope. Cependant, si le Sinopéen a sans doute été le plus important de tous -- et
pas seulement parce que le hasard a bien voulu nous léguer l’exceptionnelle chronique sur marbre de Chersonèse --, des stratèges et des mercenaires pontiques sont attestés à peu près partout. J’en donne brièvement une liste des témoignages mise à jour : 1. Strabon parle à deux reprises (VII, 3, 17 et 4, 7) de στρατηγοί de Mithridate en Crimée, au pluriel, sans les désigner nommément ; 2. Le même Strabon (II, 1, 16 et VII, 3, 18) évoque à deux occasions
les exploits du στρατηγός Néoptolémos ; 3. Le décret fragmentaire JIOSPE 13, 349 de Chersonèse est en l’honneur d’un anonyme d’Amisos, selon toute vraisemblance, [στραταγός] 12. Traduction de R. BALADIÉ : Strabon, Géographie, t. IV (livre VID), Paris, Les Belles Lettres, 1989, p. 105-106. 13. Voir notamment Th. REINACH, Mithridate Eupator, roi de Pont, Paris, 1890, p. 57106; D. B. SHELOV, « Le royaume pontique de Mithridate Eupator », JS, 1982, p. 243-266; B. C. MCGING, The Foreign Policy of Mithridates Eupator King of
Pontus, Leyde, 1986; L. BOFFO, « Grecitä di frontiera : Chersonasos Taurica e i signori del Ponto Eusino (Syif 709) », Arhenaeum, 67 (1989), p. 211-259; L. BaLLESTEROS PASTOR, Mitridates Eupâtor, rey del Ponto, Granada, 1996, p. 43-80; Fr. DE CALLATAŸ, L'histoire des guerres mithridatiques vue par les monnaies, Lou-
vain-la-Neuve, 1997, p. 245-279.
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plutôt que [πρεσβευτάς] de Mithridate, et sans doute prédécesseur de
Diophantos !#; 4. Le célèbre décret SylF 709 = IOSPE 13, 352 de Chersonèse en
l’honneur de Diophantos ; 5. Le monument découvert à Kara-Tobe (SEG 47, 1177)15. Un certain Aristonikos et ses soldats (? ) pontiques -- [Ἀρι]στόνι[κος καὶ (οἱ)
Πον)]τικοὶ [στρατιῶται ?] -- érigèrent un [τρό]παϊον, lequel pourrait être identifié avec le trophée commémorant le triomphe sur les Scythes, mentionné par le décret en l’honneur de Diophantos (1. 9 : ἐπόησε βασιλέα Μιθραδάταν Εὐπάτορα τρόπαιον avactäcan) !6; 6. Le décret d’Olbia ZOSPE 13, 35 17 en l’honneur d’un anonyme, fils de Philokrates, κυβερ[νήτης] d’Amisos, lequel avait apporté des
[χοἹ]ρήγια βασιλικά aux troupes de mercenaires arméniens envoyées sur l’ordre de Mithridate à Olbia; 7. Un décret d’Olbia en l’honneur d’un stratège, récemment découvert (2002) et encore inédit !®; 14.
15.
Nouvelles restitutions et interprétations chez A. AVRAM, « Ein neuer Stratege des Königs Mithridates VI. Eupator im Taurischen Chersonesos », /zvestija na Narodnija Muzej Burgas, 4 (2002) (Studia in honorem Ivani Karayotov), p. 69-73. Ju. G. VINOGRADOY et S. Ju. VNUKOv, « Eine bisher unbekannte Episode aus dem Krieg Mithridates’ VI. Eupators gegen die Krimskythen », étude reprise dans
Ju. G. VINOGRADOV, Pontische Studien, p. 493-500. Kara-Tobe est un site antique 16.
à 13 km à l’est d’Evpatorija (Kerkinitis). Ibid., p. 499. Les éditeurs de l’inscription pensent également que l’on pourrait identifier cet Aristonikos à un ναύαρχος actif dans la flotte de Mithridate en 74 av. J.-C. (Memnon, FGrHist, 434 F 27,5; 28, 2; Plutarque, Luc. 11, 7) : «Wenn man aber
annimmt, er sei damals um die 60 Jahre alt gewesen, dann erscheint es nicht unwahrscheinlich, daß er als zwanzigjähriger junger Mann seine Karriere im Range eines Unteroffiziers begonnen hat, der eine Abteilung unter der Führung des Diophantos um
113-112 v. Chr. befehligt hat ». Cependant, une telle identification relève de la pure 17.
spéculation; cf. Ph. GAUTHIER, CRAI, 1998, p. 1187-1188, et Bull. ép., 1998, 289. Voir, sur la date (à cheval entre le 11° et le ı“ s. av. J.-C.), Ju. G. VINOGRADOV,
op. cit., p. 62, n. 287; cf. p. 93, n. 128, sur les Arméniens. 18.
Cf., pour l'instant, A. IVANTCHIK, « Une nouvelle proxénie d’Olbia et les rela-
tions des cités grecques avec le royaume scythe de Skilouros », dans A. BRESSON, A. IVANTCHIK et J.-L. FERRARY (éd.), Cités grecques, sociétés indigènes et empires mondiaux dans la région nord-pontique : origines et développement d'une koinè politique, économique et culturelle (vif 5. a.C.-uf 5. p.C.), Actes du colloque de Bordeaux,
14-16 novembre 2002 (sous presse), n. 9 et 74 (« l'inscription nous
informe que le gouverneur mithridatique d’Olbia a fait construire ou réparer les remparts d’Olbia, la fin des travaux est datée de l’année 78/7 av. J.-C. »; « l’inscription sera prochainement publiée par V. Krapivina et P. Diatroptov »).
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
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8. Le décret de Phanagorie de 88/7 av. J.-C. (SEG 41, 625) concer-
nant les mercenaires du roi du Pont 19; 9. Le décret d’Istros (SEG 47, 1125) en l’honneur du στρατηγός Diogénès, fils de Diogenes d’Am[isos ?] 2; 10. Le décret d’Apollonia du Pont (/GBulg 12, 392) en l’honneur
d’Epitynchanön, fils de Ménékratès, de Tarsos, ὁ ἡγούμενος τῶν στρατιωτῶν τῶν ἀπεσταλμένων ὑπὸ βασιλέως Μιθραδάτου Εὐπάτορος ἐπὶ τὴν [σ]υγμᾳχί[αν].
La participation des armées civiques aux actions coordonnées par les stratèges de Mithridate n’est évoquée que d’une manière plutôt discrète. Les 1. 5 et suiv. du décret JOSPE 1", 352 commencent par évoquer l’intervention de Diophantos, lequel fut appelé par Mithridate à diriger la guerre contre les Scythes, qui, une fois arrivé dans notre cité, est passé courageusement sur le continent avec toute son armée, a pris,
quand Palakos, le roi des Scythes, a attaqué à l’improviste, avec une nombreuse troupe, les mesures qui convenaient à la situation, en ramenant à l’attaque ceux qui pensaient que les Scythes étaient irrésistibles2! (παρακληθεὶς δ᾽ ὑπ᾽ αὐτο[ῦ καὶ] τὸν ποτὶ Σκύθας πόλεμον ἀναδεξά-
μενος [καὶ] παραγενόμενος εἰς τὰν πόλιν ἁμῶν, ἐπάνδρως παντὶ τῶι στρατοπέδωίι) τὰν εἰς τὸ πέραν διάβα[σι]ν ἐποήσατο. Παλάκου δὲ τοῦ Σκυθᾶν βασιλεῖος αἰφνιδίως ἐπιβαλόντος μετὰ ὄχλου πολλοῦ, παρα[τα]Ἱξάμενος ἐν χρείαι, τοὺς ἀνυποστάτους δοκοῦντας εἰμεν Σκύθας τρεψάμενορφ)..
Un peu plus bas, aux 1. 11 et suiv., il est dit que Diophantos « revint dans notre région et, prenant avec lui les citoyens qui avaient l’âge de servir, partit en plein pays scythique » (πάλιν εἰς τοὺς καθ᾽ ἁμὲ τόπους [ἐἸπέ[στ]ρεψε καὶ παραλαβὼν τοὺς ἐν ἀκμᾶι τῶν πολιτᾶν, εἰς μέσαν τὰν Σκυθίαν προῆλθε). Ce n’est que dans un deuxième temps (]. 17 et suiv.) qu’il y fut renvoyé, cette fois-ci avec une armée (δι᾽ ἃς αἰτίας 19.
20.
Ju. G. VINOGRADOV, « Fanagorijskie naemniki », VD/, 1991/4, p. 14-33 = Ju. G. VinoGRADOV et M. WÖRRLE, « Die Söldner von Phanagoreia », Chiron, 22 (1992), p. 159-170. Cf. Bull. ép., 1993, 377 (Ph. Gauthier). A. AvRAM et O. BOUNEGRU, « Mithridates al VI-lea Eupator si coasta de vest a Pontului Euxin. In jurul unui decret inedit de la Histria », Pontica, 30 (1997), p- 155-165. Cf. Bull. ép., 1999, 388 (Ph. Gauthier).
21. Je reprends ici et dans ce qui suit, à quelques modifications près, la traduction proposée par J.-M. BERTRAND, inscriptions historiques grecques, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 243-244.
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βασιλεῖος Μιθραδάτα Εὐπάτορος Διόφαντον [πά]λιν ἐκπέ[ίμ͵ψαντος
μετὰ στρατοπέδου) 22, afin de continuer ses glorieux exploits présentés d’une manière détaillée par la chronique. Autant dire que, dans ses premières entreprises, Diophantos comptait largement sur les forces locales. Cela est clairement indiqué à une reprise (1. 12), mais ressort également de l’expression « ceux qui pensaient que les Scythes étaient irrésistibles » ; car, à vrai dire, une telle crainte était propre aux Grecs de la région, dont les expériences répétées auront fait qu’ils en sussent quelque chose, plutôt qu’à de supposés mercenaires venus d’ailleurs,
lesquels auraient vécu à cette occasion leur première confrontation avec les Scythes.
Plus tard, surpris par l’insurrection de Saumakos dans le royaume du Bosphore (1. 30 et suiv.), Diophantos put échapper au danger en embarquant sur un navire que les citoyens [de Chersonèse] lui envoyèrent ; revenu dans la ville et faisant appel aux citoyens, soutenu par le roi Mithridate qui l’avait envoyé, au début du printemps, il quitta notre cité avec une armée de terre et une flotte
auxquelles étaient adjoints trois navires et des soldats d’élite de la ville (διαφυγὼν τὸν] κίνδυνον ἐπέβα μὲν ἐπὶ τὸ ἀποσταλὲν ἐπ᾽ αὐτὸν ὑπὸ τῶν πολιτᾶν πλοῖον, παρα[γενό]μενος ô[È] καὶ παρακαλέσας τοὺς
πολίτας, συνεργὸν πρόθυμον ἔχων τὸν ἐξ[απο]στέλλοντα βασιλέα Μίι]θραδάταν Εὐπάτορα, παρῆν ἔχων ἄκρου τοῦ Éapoc σ[τρα]τόπεδον πεζικ[ό]ν τε καὶ ναυτικόν, παραλαβὼν δὲ καὶ τῶν πολιτᾶν ἐπιλέκ-
τους ἐμ πληρώμασι τρισί, ὁρμαθεὶς ἐκ τᾶς πόλεος ἁμῶν κτλ.)
Autrement dit, non seulement on voit les citoyens, ou du moins une partie d’entre eux, soutenir activement les efforts de Diophantos, mais on gagne aussi quelques repères sur la force navale de Chersonèse. En revanche, l'interprétation que l’on a donnée au décret fragmentaire IOSPE Τῷ, 353, et selon laquelle la forteresse de Kalos Limèn aurait été libérée par les citoyens de Chersonèse, et non pas par les mercenaires de Mithridate, repose sur une restitution contestable du passage en question. On y ἃ vu un épisode secondaire des actions du même Dio22.
Voir, sur le déroulement de ces événements, Ju. G. VINOGRADOV, « Die Votiv-
inschrift der Tochter des Königs Skiluros aus Pantikapaion und Probleme der Geschichte Skythiens und des Bosporos im 2. Jh. v. Chr. », étude publiée en russe en 1987 et reprise dans Pontische Studien, p. 542 et suiv.; A. K. GAVRILOV, « Das Diophantosdekret und Strabon », Hyperboreus, 2 (1996/1), p. 151-168, surtout p. 159 et suiv.
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
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phantos. En effet, dans le décret ZOSPE 12, 352, 1. 20 et suiv., il est dit que le stratège « s’empara de Kerkinitis et des forts de vive force, puis entreprit d’assiéger les habitants de Kalos Limèn » (Kepxivitiv [μὲν]
ἐλάβετο23 καὶ τὰ τείχη, τοὺς δὲ τὸν Καλὸν λιμένα κατοικοῦντας πολιορκεῖν ἐπεβάλετο), alors que dans le décret ZOSPE 13, 353, en
l'honneur de plusieurs inconnus, on lit à la 1. 2 [νικάσαν]τες παρατάξει Σκύθας (« ayant vaincu en bataille rangée les Scythes »). V. V. LatySev a naguère estimé que la reconquête de Kalos Limèn, déjà amorcée par Diophantos, avait été achevée par les citoyens de Chersonèse. En voici le raisonnement : E v. 2 apparet viros illos, quibus honores decernuntur, contra Scythas pugnasse, quos sine dubio vicerunt; nam si victi essent, hoc in decreto
non esset commemoratum. Vox ἱτᾶς πα]τρίδος, quae v. 3 in. legitur, probat viros illos cives fuisse Chersonenses, non peregrinos.
Et encore plus loin : sed nunc fragmentum, quod tractamus, nobis potius probare videtur non a Diophanto Pulchrum portum esse captum, sed a civibus hoc decreto honoratis ; qua re optime explicatur, cur in decreto Diophantino nihil
de μας expugnatione sit dictum 2. Par conséquent, l'éditeur des ZOSPE proposait prudemment la solution suivante : [-τ- τ- τ τ τ τ τ τ τ στ τς = -- δεδόχθαι τᾶι βουλᾶι καὶ τῶι δάμωι] [ἐπαινέσαι τὸν δεῖνα (τοῦ δεῖνος) καὶ τὸν δεῖνα (τοῦ δεῖνος) καὶ στεφανῶσαι]
[αὐτοὺς χρυσῶι στεφάνωι, ὅτι νικάσαν]τες παρατάξει Σκύθας καὶ
ΣΑΙ ---] [αἴτιοι γεγόνασι τᾶς σωτηρίας τᾶς na]tpiôoc: δεδόσθαι δ᾽ αὐτοῖς καὶ καθ᾽ Ero[c] [στεφανοῦσθαι - - - καὶ τοὺς συμμνάμ]ονας n[oel]odaı τὸ κάρυγμα᾽ «ὁ δᾶμος
[στεφανοῖ - - ἀνακτασαμένους 7 τοὺ]ς κατὰ Καλὸν λι[μένα] τόπο[υ]ς ».
Τὸ δὲ wfa](φισμα τοῦτο ἀναγράψαι εἰς στάλαν λευκ]οῦ λίθου κ[αὶ θέμεν εἰς τ]ὸ n{plévaov τᾶ[ς] [Παρθένον᾽ κτλ. 23. 24.
Vel [κατ]ελάβετο (W. DITTENBERGER, SylP). Commentaire à IOSPE PF, 353, p. 308-309. V. V. Laty$ev est suivi sur ce point par
Ju. G. VINOGRADOV, op. cit., Ὁ. 547.
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La restitution des premières lignes demeure, à mon avis, incertaine 25. En revanche, à la 1. 5, les débris qui nous restent de la formule
utilisée par le κάρυγμα invitent peut-être à imaginer une titulature propre aux stratèges. Je penserais plutôt à « ὁ δᾶμος [στεφανοῖ τοὺς στραταγοὺς τοὺς ἐπὶ τοὺ]ς κατὰ Καλὸν λι[μένα] τόποίῃ5]ς », ou bien à « ὁ
δᾶμος [στεφανοῖ τοὺς στραταγοὺς τοὺς ἐν τοῖ]ς κατὰ Καλὸν λι[μένα] τόποᾳι]ς » 26. Si une telle solution est acceptable, il faudrait désormais compter encore une fois sur des lieutenants de Diophantos, chargés de
la défense de la région autour de Kalos Limèn et renoncer à mettre en avant les exploits des Chersonésitains. J’estime qu’il est bien possible d'insérer cet épisode dans la chronologie relative fournie par le décret en l’honneur de Diophantos de la façon suivante : après avoir conquis Kerkinitis et les forts des alentours, Diophantos mit le siège devant Kalos
Limèn, mais, ayant pris connaissance d’une nouvelle intervention de Palakos, le roi des Scythes, allié cette fois-ci aux Roxolans, il se vit contraint d'abandonner ce front secondaire, afin de se lancer contre la menace principale ; 1] se serait contenté de laisser sur place des stratèges.
Il y a, d’autre part, le terme παράταξις du décret IOSPE 12,353 qui pose problème : il s’agit d’une bataille rangée et non pas d’un siège. Puisque le décret en l’honneur de Diophantos explique clairement l’intervention de Palakos par le désir d’aider les κατοικοῦντες assiégés à Kalos Limèn (Παλά[κου] δὲ συν[ε]ργεῖν τὸν καιρὸν ἑαυτῶι νομίζοντος),
il demeure possible que la παράταξις en question soit la même que la bataille livrée et brillamment gagnée par Diophantos. Le décret IOSPE 12, 353 se serait alors limité à exprimer la reconnaissance des Chersonésitains à l’égard des lieutenants de Diophantos, tout comme un autre décret, plus ancien, aurait été accordé à Diophantos à la suite de ses premiers exploits (cf. IOSPE 12, 352, 1. 14 : ἐφ᾽ οἷς ὁ δᾶμος εὐχαριστῶν ἐτίμασε ταῖς καθηκούσαις αὐτὸν τιμαῖς, « le peuple reconnaissant l’a honoré des honneurs appropriés »), avant que le célèbre décret — que l’on ἃ tant commenté mais qui s’avère inépuisable — ne dresse le bilan de ces res gestae.
25.
Il pourrait s’agir (1. 3 : ΣΑΙ - 1) des Sarmates; cf. M. I. ROSTOVTZEFF, dans Sbor-
26.
nik statej v &st’ PS. Uvarovoj, Moscou, 1916 (apud Ju. G. VINOGRADOV, op. cit., p. 541, n. 66). A. AVRAM, loc. cit. (supra, n. 14).
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
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Tout bien considéré, à retracer attentivement le parcours de Diophan-
tos, il est question d’une collaboration efficace entre les troupes de mercenaires envoyées à plusieurs reprises par Mithridate avec l’armée terrestre et la flotte des Chersonésitains plutôt que de la passivité de ces derniers. ll n’y a, malheureusement, d’après ce que j’ai pu voir, aucun autre indice à ce propos concernant les autres cités pontiques alliées à Mithridate. Force est de constater que la donne change après l’écroulement de la domination de Mithridate. Il n’y a aucune source qui puisse nous renseigner sur les circonstances exactes de la conquête romaine du Pont Gauche. Toujours est-il que, au regard de la collaboration étroite entre les villes grecques et le roi du Pont, qui ressort autant des témoignages
épigraphiques que de l’évidence numismatique, il est peu probable que les cités de la région aient du coup changé de camp, afin de se soumettre de bon gré aux Romains. Il n’y a pas lieu, non plus, pour des hypothèses
concernant une résistance à la poussée romaine. Tout ce que l’on peut tirer des sources, qui sont toutes tardives, est que M. (Licinius Lucullus) Terentius Varron, le proconsul de Macé-
doine, occupa en 72/1 av. J.-C. toutes les villes grecques du Pont Gauche : Apolloniam euertit, Calatim, Parthenopolim, Tomos, Histrum, Bur-
ziaonem [à savoir Bizonem] cepit (Eutrope VI, 10)27; ou bien : supra Pontum positas ciuitates occupauit : Apolloniam, Calathum, Partheno-
polim, Tomos, Histrum (Rufius Festus, 9) 28. Ces villes furent soumises 27.
D. M. PipPiDi, Scythica Minora. Recherches sur les colonies grecques du littoral roumain de la mer Noire, Bucarest - Amsterdam, 1975, p. 177 (cf. p. 166), soulignait la différence entre les termes euertit et cepit, lesquels « permettent de supposer qu’ Apollonie ayant opposé au proconsul une résistance acharnée (grâce, sans doute, à la garnison royale dont la présence dans cette ville nous a été révélée par un décret fragmentaire), elle en a subi les conséquences, tandis que les autres villes situées plus au Nord, jusqu’à la lointaine Istros, ont pu, instruites par l’événement, renoncer à se
défendre, ouvrant leurs portes au vainqueur et s’assurant ainsi sa bienveillance ». 28.
À peine faut-il rappeler que le bréviaire de Rufius Festus n’est pas un écrit indépendant par rapport à Eutrope, autant il utilise les mêmes sources, notamment la soi-disant « Enmannsche Kaisergeschichte » (EKG); d’où également, plus tard, Jordanès, Rom. 221 : Marcus Lucullus [...] similiter capiens et ciuitates, quae litori Pontico inherebant, id est Apollonia, Galato, Parthenopolim, Thomos, Istro. Cf. Eusèbe, Chron., p. 152 (R. HELM [éd.]}). La position à part d’Apollonia dans
la source d’Eutrope semble plutôt s’expliquer par l’épisode assez connu de l’enlèvement de la célèbre statue d’ Apollon lètros (une œuvre de Calamis), que les Romains allaient exposer sur le Capitole : Strabon VII, 6, 1 ; Pline, HN IV, 13 (27),
92 et XXXIV, 7 (18), 39; Appien, Ill. 30.
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à l’autorité du proconsul de Macédoine et contraintes de recevoir des
garnisons 29. Même si les renseignements plus précis font une fois de plus défaut, il est légitime de penser que la présence des garnisons romaines eût été péniblement ressentie par nombre de villes; et cela sans préjudice des exactions des plus accablantes que l’on pourrait supposer, notamment lorsqu’il s’agissait d’un proconsul de réputation aussi sulfureuse que C. Antonius Hybrida. Quoi qu’il en fût, en 61/0 av. J.-C., une émeute des villes grecques mit fin à cette première tentative des Romains de s’ins-
taller sur le bas Danube 5. Dion Cassius est notre source fondamentale, même s’il observe apparemment beaucoup de silences : τά τε γὰρ τῶν Δαρδάνων καὶ τὰ τῶν πλησιοχώρων σφίσι πορθήσας οὐκ ἐτόλμησεν ἐπιόντας αὐτοὺς ὑπομεῖναι, ἀλλ᾽ ὡς καὶ ἐπ᾽ ἄλλο τι μετὰ τῶν ἱππέων ὑποχωρήσας ἔφυγεν, καὶ οὕτω τοὺς πεζοὺς ἐκεῖνοι περισχόντες ἔκ τε τῆς χώρας βιαίως ἐξήλασαν καὶ τὴν λείαν προσαφείλοντο. τὸ δ᾽ αὐτὸ τοῦτο καὶ περὶ τοὺς συμμάχους τοὺς ἐν τῇ Μυσίᾳ ποιήσας ἡττήθη «πρὸς τῇ τῶν Ἰστριανῶν πόλει πρὸς τῶν Σκυθῶν τῶν Βασταρνῶν, ἐπιβοηθησάντων αὐτοῖς, καὶ ἀπέδρα (XXX VIT,
10, 3).
On apprend donc que les « alliés de la Mésie » 3! -- lesquels ne sau-
raient être que les villes grecques 32 — étaient soutenus par les Scythes 29. Un décret de Mésambria (/GBulg P, 314; cf. SEG 47, 1137) en l’honneur d’un certain C. Cornelius, successeur de Lucullus Varron -- Γάϊος Κορνήλιος Γαΐου υἱὸς
Ῥωμαῖος ὁ καθεσταμένος ἐπὶ τᾶς πόλιος [δ]ιάίδοχος] ὑπὸ Μαάρκου Tepevriov Μαάρκοίυ υἱ]οῦ [Λευ]κόλλου αὐτοκράτορος -- mentionne explicitement l’obligation de la ville d'assurer le quartier d’hiver à la garnison romaine (τᾶς δεδομέναίς
ἡμῖν 7 παρ]αχειμασίας). Dans la même ville et vers la même époque, un médecin (1GBulg 13, 315) se voit accorder entre autres le privilège d’être exempté de l’obligation de faire loger des soldats (einev αὐτὸν ... ἀνεκιστάθμευτον). Voir également la παραχειμασία de C. Antonius Hybrida à Dionysopolis mentionnée par le
décret /GBulg 13, 13 (L 16), dont il sera question plus bas. 30.
31.
D. M. ΡΙΡΡΙΩΙ, op. cit., p. 168.
Il s’agit ici d’un anachronisme flagrant. Les provinces de Mésie n’existaient pas encore à l’époque des événements évoqués.
32.
Le premier à avoir mis le signe d’égalité entre les σύμμαχοι ἐν τῇ Μυσίᾳ et les villes grecques de la côte a été Th. MOMMSEN, Römische Geschichte, V, Berlin, 1885, p. 11, n. 1. Les arguments avancés contre une telle interprétation parA. SUCEVEANU, « Sugli inizi della dominazione romana in Dobrugia. Punti di vista e controversie », QC, 2 (1980), p. 479, ne sont guère convaincants. Pour l’emploi du terme
σύμμαχος chez Dion Cassius, voir D. NÖRR, Imperium und Polis in der hohen
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
177
(plutôt des Sarmates à cette époque) et les Bastarnes, auxquels il con-
vient d’ajouter les Gètes 53, et que cette coalition parvint à infliger à Hybrida une terrible défaite.
Toutes les villes grecques n’auront peut-être pas rejoint l’émeute ; car le célèbre décret de Dionysopolis en l’honneur d’Akornion (SylP 762 = 1GBulg 13, 13) mentionne le quartier d’hiver d’Antonius Hybrida dans cette ville (1. 16 : [κατὰ τὴν Γαΐου] Ἀντωνίου παραχειμασίαν). Cependant, la tradition mise à profit par Dion Cassius fait pour le moins de la plupart des villes de la région les acteurs principaux de la révolte. Autrement dit, il ressort non seulement qu'il y avait encore des armées de citoyens, mais aussi que ces troupes étaient suffisamment redoutables pour être capables de s’opposer dans une bataille rangée aux Romains, même si, quant à ces derniers, il ne s’agissait apparemment que des garnisons laissées sur place depuis l’action de Lucullus Varron. Un autre épisode important dans la vie des cités de la même région, dont il convient de faire état ici, est l’intervention du roi gète Byrébista. En dépit des imprécisions des données chronologiques, il est possible de dater des environs de 48 av. J.-C. 34 le terrible sac des cités grecques
d’Olbia jusqu’à Apollonia du Pont, ou bien peu avant la date assurée Prinzipatszeit, Munich, 1966, p. 60-61 : « Aus alldem ergibt sich, daB der Verwendung des Wortes σύμμαχος, das im übrigen selbst einen Neurômer bezeichnen kann [Dion Cassius LII, 19, 2], allein nicht entnehmen werden kann, daß zwi-
schen der mit dem Titel bezeichneten Stadt und Rom ein foedus bestand. Vielmehr bringt sie wohl nur zum Ausdruck, daß die jeweilige Polis im Falle eines Krieges auf römischer Seite “mitkämpfen” würde ». 33. Cf. LI, 26, 5, d’où l’on apprend que, plus tard (29/8 av. J.-C.), M. Licinius Crassus pensait retrouver dans une forteresse des Gètes (Genoukla) les uexi/la abandonnés naguère par Hybrida : τὰ σημεῖα, ἃ τοῦ Ἀντωνίου τοῦ Γαΐου οἱ Baotäpvat πρὸς
τῇ τῶν Ἰστριανῶν πόλει ἀφήρηντο. 34. Sur le règne de Byrébista et sur son royaume, voir notamment I. H. CRISAN, Burebista and his Time, Londres, 1978. Certains historiens ont estimé que le roi trans-
danubien aurait été dès 61/0 l’instigateur de la révoite contre Hybrida; voir dernièrement A. SUCEVEANU, « Πρῶτος καὶ μέγιστος (βασιλεὺς) τῶν ἐπὶ Θράκης βασιλέων : IGBT, 13, Z. 22-23 », Tyche, 13 (1998), p. 240-241. 35.
Dion Chrysostome, Or. XXXVI, 4, en parlant de la destruction d’Olbia par les
Getes : τὴν δὲ τελευταίαν καὶ μεγίστην ἅλωσιν οὐ πρὸ πλειόνων À πεντήκοντα καὶ ἑκατὸν ἐτῶν. εἷλον δὲ καὶ ταύτην Γέται καὶ τὰς ἄλλας τὰς ἐν τοῖς ἀριστεpots τοῦ Πόντου πόλεις μέχρι Ἀπολλωνίας. Cf. D. M. Pippipi, « Gètes et Grecs dans l’histoire de la Scythie Mineure à l’époque de Byrébista », Dacia N. S., 25 (1981), p. 255-262 = Parerga. Écrits de philologie, d'épigraphie et d'histoire
ancienne, Bucarest - Paris, 1984, p. 177-188.
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ALEXANDRE
AVRAM
du décret de Dionysopolis en l’honneur d’Akornion (/GBulg T, 13 : à la veille de la bataille de Pharsale) 56, ou bien, ce qui me semble plus
plausible, juste après cette date ?7. Il résulte de ce document qu’ Akornion avait été envoyé par ses concitoyens chez Byrébista, avant qu’il ne devint l’ambassadeur du roi gète auprès de Pompée. Autant dire que
Dionysopolis, comme peut-être la plupart des cités de la région 38, avait choisi de soutenir Pompée contre César. D’une part, l’attitude de Byrébista concordait donc avec les options des villes grecques, d’autre part, l’inscription de Dionysopolis ne mentionne rien qui puisse suggérer une situation conflictuelle entre les Grecs et les Gètes. Cela étant, Byrébista
n’aurait eu aucune raison apparente pour se jeter sur ces villes avant qu'il ne prit connaissance de l’échec de son allié Pompée à Pharsale ; c’est peut-être alors qu’il décida de saccager les villes grecques, ne fütce que pour empêcher César de s’en emparer. Il est bien possible que certaines cités, comme Dionysopolis, échappèrent à la colère du roi. Ce ne fut sûrement pas le cas d’Olbia et d’Istros, pour lesquelles on a l’avantage de bénéficier d’une évidence archéologi-
que tout à fait concluante 39. Mais, il y a plus que cela : pour Istros on dispose des informations très importantes fournies par le décret en l’honneur d’Aristagoras, fils d’Apatourios (SylP 708 = IScM I, 54), que l’on a mis en
relation à juste titre avec les conséquences de ce même événement#. 36. 37. 38.
Par exemple, D. M. Pirripi, Parerga, p. 185 : « grosso modo entre 55 et 48 av. notre ère ». Voir IScM II, p. 46 et suiv. Cf. Appien, BC II, 51, qui attribue à Pompée les propos suivants : ὅσα γὰρ eiπεῖν ἐπὶ τὴν ἕω καὶ τὸν Εὔξεινον πόντον ἔθνη, πάντα ἔλληνικά τε καὶ βάρβαρα, ἡμῖν σύνεστι καὶ βασιλεῖς ὅσοι Ῥωμαίοις ἢ ἐμοὶ φίλοι, στρατιὰν καὶ βέλη καὶ ἀγορὰν καὶ τὴν ἄλλην παρασκενὴν χορηγοῦσιν (Les guerres civiles
à Rome, livre Il, traduction de J.-L. ComBES-Dounous, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 60 : « en effet, tous les peuples, pour ainsi dire, de l'Orient et du PontEuxin, qu’ils soient grecs ou barbares, sont avec nous; et tous leurs rois, qu'ils
soient des amis du peuple romain ou des amis personnels, fournissent des troupes, des projectiles, de l’approvisionnement et toute sorte de matériel »).
39. Ju. G. VINOGRADOV, Politiceskaja istorija ol’vijskogo polisa, Moscou,
1989,
p. 261-262; P. ALEXANDRESCU, « La destruction d’Istros par les Gètes. 1. Dossier
archéologique », /l Mar Nero, 1 (1994), p. 179-214. 40.
Cf. Ph. GAUTHIER, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, IV-F’ s. avant J.-C.), Athènes - Paris, 1985, p. 34 ; A. BIELMAN, Retour à la liberté. Libération et sauve-
tage des prisonniers en Grèce ancienne. Recueil d'inscriptions honorant des sauveteurs et analyse critique, Lausanne, 1994, p. 189-193, sous le n° 53.
LA DÉFENSE
DES CITÉS EN MER
NOIRE
179
Ce remarquable évergète a fait reconstruire les remparts de la ville (1. 7 et suiv. : ἀτειχίστου τῆ[ς] πόλεως ὑπαρχούσης καὶ κινδυνευόντων πάλιν τῶν πολειτῶν μ[ε]τὰ γυναίων καὶ τέκνων, ταγεὶς ὑπὸ τῶν πολειτῶν τειχοποιὸς ἀνδρηότατα μὲν καὶ γνησιώτατα τῆς ἐπιμελήας τῶν ἔργων προέστη κτλ.), il ἃ aidé les habitants d’Istros (citoyens et étrangers) à regagner leurs foyers, ou bien en négociant avec les barbares, ou bien en leur payant la rançon (I. 12 et suiv. : κατὰ μέρος τῶν πολειτῶν ἀπὸ τῆς βαρβάρου καταπορενομένων εἰς τὴν πόλιν τισὶν μὲν δεξιῶς ἀπ[αν]τῶν τῶν κρατούντων τῆς χώρας βαρβάρων, τισὶν δὲ τῶν πολειτῶν εἰ[ἰς] λύτρα προτιθεὶς ἔδειξεν ἑαυτὸν πρὸς πᾶσαν ἀπάντησιν τῶν σῳζοίμέ]νων εὐομείλητον, πλεῖστά τε συναλλάγματα πολείταις ἅμα κ[αὶ] ξένοις ποιησάμενος πρὸς πάντας ἀφιλαργύρως ὑπεστήσατο), avant d’assumer des magistratures et des charges des plus diverses, lesquelles concernent
moins nos propos4]. Une fois de plus, le document met en avant les mérites de l’évergète ; 1] n’y a rien sur les concitoyens d’Aristagoras, comme il n’y a rien qui puisse évoquer une riposte des Istriens devant les barbares maîtres de la chöra (1. 14 et 27 : τῶν κρατούντων τῆς χώρας βαρβάρων ; cf. L 46 : [τοὺς κρατοῦντας] τῆς χώρας καὶ τοῦ rotau[où Bapßapovc]). La cité préfère, par contre, les négociations et c’est le même Aristagoras qui en est chargé (l. 45 et suiv.).
En revanche, un monument honorifique de Mésambria (/GBulg 1, 323) de la belle série des stèles aux stratèges du rs. av. J.-C. évoque les six στραταγήσαντες [ἐν τῶι πρὸς Γετῶν uel Θρᾳκῶν βασιλέα] Bupeβισταν πολέμωι. Il est permis de supposer que, sous la commande de ces stratèges, Mésambria ait opposé quelque résistance à Byrébista. Ce qui demeure d’ailleurs possible pour plusieurs des cités concernées. Avant de conclure, il convient d’ajouter à ce recueil de témoignages les quelques renseignements dont nous disposons sur l’opposition des villes pontiques face aux attaques des pirates 42. 41.
Voir, à ce sujet, A. pontischen Städten sinn und staatliche Konstanz, 2000, p.
AVRAM, « Wohltäter des Volkes (εὐεργέται τοῦ δήμου) in den der späthellenistischen Zeit », dans M. DREHER (éd.), BürgerMacht. Festschrift für Wolfgang Schuller zum 65. Geburtstag, 151-170 (date le décret de ca 35 av. J.-C.).
42. Je résume ici les considérations de mon article « Date cu privire la pirateria de pe coasta de vest a Märii Negre in epoca elenisticä », dans M. CiH6, V. NISTOR et D. ZAHARIA (éd.), Timpul istoriei I. Memorie si patrimoniu. In honorem emeritae Ligiae Bärzu, Bucarest, 1998, p. 114-122. Voir maintenant aussi G. R. TSETS-
KHLADZE, « Black Sea Piracy », Talanta, 32-33 (2000-2001), p. 11-15.
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Vers la fin du π' 5. av. J.-C., une dédicace est consacrée à Achille - sans l’ombre d’un doute, le héros adoré dans le sanctuaire de l’île
de Leukè - par Posideios, fils de Posideios 45, le vainqueur des pirates satarques (JOSPE 1:, 672) : τοὺς Σαταρχαίους t{oùc τὴν νῆσον ?] πειρατεύσαντίας νικήσας] #4. Action des citoyens d’Olbia? On serait enclin à en douter. Mieux vaut-il penser à une initiative royale d’en finir
avec le fléau de la piraterie, une action sans doute de Skilouros 45, comme naguère, à l’époque d’Eumèle, le roi du Bosphore qui avait combattu d’une manière efficace les pirates en mer Noire (Diodore XX, 25, 2).
Plus tard, à l’époque d’Auguste, la piraterie aurait été plutôt liquidee (cf. Strabon III, 2, 5). Cependant, « à cause de la négligence des légats » (διὰ τὴν ὀλιγωρίαν τῶν πεμπομένων : Strabon XI, 2, 12), les pirates hénioques venus des côtes du Caucase continuaient, d’une part, à menacer la Bithynie et trouvaient, d’autre part, en Crimée des conditions favorables pour placer le butin et pour envoyer des messages aux proches des captifs, afin d’en exiger la rançon. Quant à la côte occidentale, Ovide évoque les raids des Hénioques et des « Achéens » #, alors qu’une inscription d’Ilion montre que ces pirates osaient s’aven-
turer même dans une mer fermée comme la mer de Marmara®’. C’est dans ce contexte troublé qu’il faut expliquer un décret de Callatis (ZScM IN, 43) en !’honneur d’un anonyme, dans lequel je verrais volontiers le célèbre Aristôn, fils d’Aristön, « le fondateur de la cité », connu grâce
à une belle série d’inscriptions 48. Ce citoyen « a équipé à ses frais un 43.
Ce personnage est connu grâce à plusieurs inscriptions d’Olbia (JOSPET, 77 ; 78;
168 ; 670-672); cf. E. I. SOLOMONIK, « Epigrafiteskie pamjatniki Neapolja Skifskogo », NE, 3 (1962), p. 37-40; Ju. G. VINOGRADOV, Politiceskaja istorija ...,
p- 242-244. Restitution 1. B. BrASınsKku, « Pontijskoe piratstvo », VDI, 1973/3, p. 130.V. V. Laty3ev y avait complété τοὺς Σαταρχαίους [νικήσας] πειρατεύσαντίας ἀνέθηκεν 7]. 45. Ju. G. VINOGRADOV, Politiceskaja istorija..., p. 230-250.
44.
46.
Ex Ponto TV, 10, 25-30 : Scylla feris trunco quod latret ab inguine monstris, / Heniochae nautis plus nocuere rates. / nec potes infestis conferre Charybdin Achaeis, / ter licet epotum ter uomat illa fretum. / qui quamquam dextra regione licentius errant, / securum latus hoc non tamen esse sinunt.
47. IGRIV,219 = Δ {lion 102. 48.
Voir, sur ce personnage, A. AVRAM, « P. Vinicius und Kallatis. Zum Beginn der römischen Kontrolle der griechischen Städte an der Westküste des Pontos Euxeinos », dans G. R. TSETSKHLADZE (éd.), The Greek Colonisation of the Black Sea
Area. Historical Interpretation of Archaeology, Stuttgart, 1998, p. 115-129.
LA DÉFENSE DES CITÉS EN MER NOIRE
181
navire de guerre, a protégé le port et les côtes de la guerre et a fait don du navire à la cité » : ναῦν μακρὰν κατασκεναξάμίενος] ἐκ τῶν ἰδίων τόν τε λιμένα κ[αὶ τὰς ἀκ]τὰς ἀπολεμήτους ἐτήρησείν κα]ὶ τὸ πλοῖον ἐδωρήσατο τᾷ πόλε[ι].
Même au 1“ s. apr. J.-C., malgré l’instauration du contrôle romain, les pirates continuèrent à être actifs en mer Noire (Tacite, Ann. XII, 17;
Hist. II, 47). Il ἃ fallu attendre le règne de Vespasien, pendant lequel l’administration romaine parvint à assurer la sécurité de la mer Noire à l’aide de la garnison mise en place en Crimée et d’une flotte composée de 40 navires (Flavius Josèphe, BJ Π, 366-367).
Il est l’heure d’essayer de tirer une conclusion générale. Contraintes de trouver elles-mêmes des solutions à des problèmes aussi graves que les razzias des indigènes et les attaques de pirates, les cités grecques pontiques auront toujours entretenu un corps militaire composé de citoyens. Les compétences en étaient pour autant limitées : service de garde aux portes de la ville, patrouilles nocturnes, interventions plutôt
rares dans la chöra et sur mer, contre les pirates, etc. Il serait donc peutêtre plus raisonnable de parler d’une police de la ville, du territoire et de la mer. Même si le palmarès de ces piètres contingents peut compter, comme on l’a vu, sur une victoire contre les garnisons de C. Antonius Hybrida, sans doute aussi sur quelques exploits à côté des armées royales de Mithridate, il reste trop peu pour que l’on puisse parler de véritables armées de citoyens.
D'autre part, il ne semble pas un hasard que le recours aux professionnels ne soit presque pas du tout mentionné. Vu les difficultés chroniques des cités pontiques à la basse époque hellénistique, il est évident que les communautés ne disposaient pas des moyens nécessaires pour se permettre le paiement des mercenaires. Et puis, ces derniers étaient loin d’avoir une bonne réputation. À regarder le décret de Phanagorie, on reste avec l’impression que la cité était plutôt heureuse d’adresser ses
adieux aux soldats de Mithridate 4. Quant aux magistratures, il conviendrait de retenir les attestations
des stratèges, notamment dans la série des stèles de Mésambria : des stratèges parfois bien actifs, à l’image de ceux qui s’étaient opposés à Byrébista. Mais aussi, dans des circonstances exceptionnelles, un « stra49.
Cf., supra, n. 19.
182
ALEXANDRE
AVRAM
tège de la cité » étranger (SEG 47, 1125, 1. 41-42 : [στρα]τηγὸς [τῆ]ς
πόλ[ε]ως) à Istros. Certes, ce stratège envoyé par Mithridate n’était pas magistrat au même titre que le collège des six stratèges de Mesambria; n’empêche qu’une telle désignation dans un acte officiel de la cité eût été impensable dans une bonne tradition de cité grecque.
III DISTINCTIONS SOCIALES ET PLACE DES NOTABLES
Processions et cérémonies d’accueil : une image de la cité de la basse époque hellénistique ? * Andrzej 5. CHANKOWSKI Université Lille III
UMR 8142 -- HALMA, Villeneuve-d’Ascq
Introduction : la procession comme rituel social
En décembre 103 apr. J.-C., C. Vibius Salutaris, citoyen d’Éphèse et chevalier romain, promit à sa cité de financer la confection de vingt neuf images et statues représentant Artémis, la divinité protectrice d’Éphèse,
et des institutions romaines et éphésiennes : d’une part, l'Empereur et son épouse, le Sénat romain, l’ordre équestre, le Populus Romanus, d’autre part, le Dèmos, la Boulè, la Gérousie, l’éphébie, les six tribus
et plusieurs personnages importants du passé mythique et historique d’Éphèse (dans l’ordre prévu par le fondateur : Auguste, sans doute +
À quelques corrections près, la présente contribution reprend fidèlement le texte de la communication que j'ai faite dans le cadre de la table ronde Citoyenneté et participation à la basse époque hellénistique et dont le but était davantage d’ouvrir
un débat que de donner des réponses définitives au problème soulevé. Pour cette raison, je ne vise l’exhaustivité ni concernant les sources qui servent à étayer ma démonstration, ni concernant la bibliographie citée qui se limite à l'essentiel. À l’occasion de la table ronde, de même que lors d’une réunion de l’UMR 8585 où J'avais présenté une version préliminaire de cette contribution, j’ai profité de nombreuses remarques des participants, dont je les remercie vivement. Certains textes
analysés ici ont été étudiés dans une autre perspective dans un chapitre de mon livre L'éphébie hellénistique : étude d'une institution civique dans les cités grecques des
Îles de la mer Egee et de l'Asie Mineure (à paraître chez De Boccard, Paris).
186
ANDRZEJ
5. CHANKOWSKI
Androclos, Lysimaque, Euonymos, Piön)'. Hormis les représentations de l’empereur et de l’impératrice, toutes ces statues et images, dédiées à Artémis et déposées dans son grand sanctuaire hors les murs, devaient être ensuite sorties de leur dépôt à l’occasion des séances régulières de l’Assemblée, de même qu’à l’occasion des fêtes des Sebasteia et des Sôtèria. Le jour de l’Assemblée, le cortège, composé du personnel sacré
du sanctuaire et portant toutes les statues et les images, quittait le sanctuaire pour arriver à la Porte Magnésienne de la ville. Là, elles étaient confiées aux éphèbes qui se rendaient au théâtre pour les fixer sur des bases en les faisant participer de la sorte aux débats de l’Assemblée. Une fois la séance levée, les éphèbes les reprenaient pour les transmettre au personnel sacré près de la Porte Coressienne, située à l’opposé de la Porte Magnésienne. Elles finissaient ainsi leur voyage circulaire et
revenaient à l’Artémision. Source d’une richesse exceptionnelle, les inscriptions relatives à la fondation de C. Vibius Salutaris sont susceptibles de plusieurs interpré-
tations. On serait tenté, par exemple, d’insister sur la valeur d’initiation civique de ces cérémonies pour les éphèbes qui devaient systématiquement faire de la sorte un parcours des lieux importants de l’histoire de leur cité 2. Cependant, ce qui est plus important pour mon propos, c’est la « participation » à ce parcours des principales institutions de l’univers politique des Éphésiens de cette époque. Participation symbolique, car la présence réelle de leurs membres, habituelle dans les processions sacrificielles, est remplacée par des statues et des images. Il s’agit ici d’une symbolique, pour ainsi dire, du deuxième degré : à la présence des membres des institutions, censés représenter la cité, se substituent des symboles qui représentent ces institutions. Cette mise en scène spectaculaire du rituel social pourrait être interprétée de deux manières opposées. Certains diront : « Quelle inventivité de ces communautés qui, dans un monde qui voit leur importance politique diminuer, cherchent à affirmer, par tous les moyens, leur idenl.
/. Ephesos la, 27 (autres inscriptions relatives à cette fondation : cf. /. Ephesos la,
28-33). Dans un ajout à l’acte de fondation original (1. 447-568), Salutaris ἃ prévu en outre la confection de statues d’Athena Panmousos et de Sebastè Homonoia Chrysophoros.
2.
Cette approche a été appliquée, de façon très réussie, par G. M. ROGERS, The Sacred Identity of Ephesos, Londres - New York, 1991.
PROCESSIONS ET CÉRÉMONIES D'ACCUEIL
187
tite et leur cohésion ». D’autres diront : « Quel décalage entre la grandeur de la procession panathénaïque de l’ Athènes de Périclès et la caricature ridicule d’une procession pratiquée dans l’Éphèse de Salutaris dans laquelle 165 représentants des institutions civiques sont remplacés par des marionnettes ! ». C’est pourquoi le dossier concernant C. Vibius Salutaris, qui date de la fin de la période que nous nous proposons d’étudier ici, introduit au cœur de la problématique que je veux aborder : c'est un document parmi d’autres qui invite à s’interroger sur la valeur de l’image que les cités grecques forgent d’elles mêmes et sur leur façon officielle de représenter la communauté civique. Il est, en effet, banal de dire que tout régime politique — et toute forme de vie communautaire — forge une image à la fois officielle et symbolique de lui-même, qui est censée maintenir sa cohésion et perpétuer son existence. La question n’est donc pas celle de savoir si les cités de la basse époque hellénistique créaient une telle image ou non, mais plutôt si elle est accessible à notre
connaissance (problème des sources disponibles) et, en cas de réponse affirmative, si son analyse s’avère pertinente pour notre sujet, autrement dit si l’on peut déceler une spécificité de cette image à ladite époque *. Le dossier relatif à C. Vibius Salutaris invite à chercher cette image dans les processions. La valeur identitaire des processions ne saurait être mise en doute. Dans ce domaine, l’historien du monde grec peut s’inspirer en particulier de plusieurs travaux sur la vie sociale des villes italiennes au Moyen Âge tardif et à la Renaissance‘. Fondés sur des sources nombreuses et riches, ils ont pu montrer notamment le rôle que les processions jouaient dans la vie de ces communautés, en tant que facteur de cohésion et façon de visualiser l’ordre que la société prétend respecter : chaque élément constitutif de la structure politique et sociale trouve sa place dans la hiérarchie des processions, soigneusement précisée par des 3.
Cf. l’article stimulant et abordant cette question d’un autre point de vue de P. HERRMANN, « Die Selbstdarstellung der hellenistischen Stadt in den Inschriften : Ideal
und Wirklichkeit», dans Πρακτικὰ τοῦ H διεθνὲς συνεδρίου ἑλληνικῆς καὶ λατι4.
νικῆς ἐπιγραφικῆς, Athènes, 1982, p. 108-119. Notamment R. 5. TREXLER, « Ritual in Florence : adolescence and salvation in the Renaissance », dans C. TRINKHAUS et H. OBERMAN (éd.), The Pursuit of Holiness in Late Medieval and Renaissance Religion, Leyde, 1974, p. 200-264 ; In., Public
Life in Renaissance Florence, New York - Londres, 1980: Ip., « Ritual behavior in Renaissance Florence : the setting », M&H, 34 (1983), p. 125-144; E. Mur, Civic Ritual in Renaissance Venice, Princeton, 1981.
188
ANDRZE)J 5. CHANKOWSKI
textes officiels. Une procession crée ainsi l’occasion de célébrer en groupe des valeurs communes, car lors de son déroulement, les participants représentent l’ordre même de la société et son organisation politique. Naturellement, l’historien du monde grec n’a pas à sa disposition des textes aussi riches que son collègue médiéviste ou moderniste et, par conséquent, il devra faire davantage travailler son imagination pour percevoir l’image créée par les processions grecques, qui était directement accessible à leurs spectateurs. Néanmoins, pour la période hellénistique, on dispose d’un nombre non négligeable de décrets par lesquels les cités instaurent un nouveau culte ou réorganisent un ancien culte*. Comme il est normal, parmi les modalités du culte figure une procession sacrificielle. À Cos, par exemple, le décret sur l’organisation d’une fête
en l’honneur du roi cappadocien Ariarathès IV Eusébès et son épouse Antiochis (1. Cos ED 5), probablement pour célébrer une de ses victoi-
res, daté entre 188 et 168-166, prévoit (1. 7-11) une procession sacrificielle qui partira du Prytanée en ces termes : τὸς δὲ πρ[οστάτας πομπεῦσαι ἐ]κ τοῦ πρυτανείου μετά τε [τοῦ μονάρχου καὶ ἱεροποι]ῶν καὶ π[άντων τῶν ἱαρέων καὶ τῶν νενικακότων] τὸς στεφανίτας [ἀγ]ῶναίς καὶ τῶν στραταγῶν (2) καὶ τοῦ γυμνασιάρχου καὶ τῶν νέων [καὶ τῶν ἐφήβων), les prostatai marcheront en procession à partir du prytanée, avec le monar-
chos, les hiéropes, tous les prêtres, les vainqueurs des concours stephaniLai, les stratèges (?) et le gymnasiarque avec les neoi et les éphèbes.
On retrouvera une description de procession encore plus détaillée dans le décret, daté de 37 apr. J.-C., relatif à la célébration des Kaisa-
reia de Chios : [θύειν δὲ τὸν στεφανηφό]ρον καὶ πολεμάρχους καὶ ἐ[ξεταστὰς καὶ
τοὺς ἀγ]ωνοθέτας τῶν Καισαρ[εἰ]ὼν [καὶ τοὺς γυμνασιάρχ]ο[νυς] 5.
L'article de Ε BÔMER, RE, 21 (1952), s.v. « Pompa », col. 1914-1974, contient
une liste de processions qui reste la plus détaillée. Cf. A. CHANIOTIS, « Sich selbst feiern ? Städtische Feste des Hellenismus im Spannungsfeld von Religion und Politik », dans M. WÖRRLE et P. ZANKER (éd.), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenis-
6.
mus, Vestigia 47, Munich, 1995, p. 147-172, en particulier p. 164-168 (dorénavant cité CHANIOTIS, « Städtische Feste »), qui établit une liste des fêtes instaurées ou renouvelées à l’époque hellénistique (à l’exclusion des fêtes liées au culte des souverains), en notant, le cas échéant, des attestations de processions. L. ROBERT, OMS, I, p. 486-497.
PROCESSIONS
ET CÉRÉMONIES
D’ACCUEIL
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μετὰ τῆς ἀγέλης τῶν π[αίδων καὶ τῶν ἐφήβων καὶ τ]ὸν ἄρχοντα τῆς τῶν πρεσβυτ[έρων συνόδου καὶ τὸν δεῖνα καὶ το]ὺς [---Jou ἀπογό-
νους κ[αὶ τοὺς ναυάρχους καὶ τὸν ἄρχοντα τὸν ἐπὶ τὰς ναῦϊς ------καὶ τὸν γραμματέα] τοῦ [δή]μου καὶ [--------- ΙΣ ἄρχοντας, offriront un sacrifice le stephanèphoros, les polémarques, les exetastai, les agonothètes des Kaisareia, les gymnasiarques avec l'association des paides et des éphèbes, le magistrat de l’association des presbyteroi, le [---] et ses descendants, les navarques, le magistrat préposé aux navires [-..], le secrétaire de l’assemblée et... (la suite de la description est difficile ἃ reconstituer).
Séparés d’à peu près deux siècles, ces décrets, deux exemples parmi d’autres, contiennent, d’une manière similaire, une description des participants à la procession. L’ordre dans lequel sont énumérés les participants correspond très probablement à celui dans lequel ils devaient marcher dans la procession. Aussi retrouve-t-on, dans ce dispositif, une description du cortège qui fut formé le jour des fêtes en question : le magistrat éponyme, les magistrats regroupés en collèges, les prêtres et autre personnel sacré, représentent la communauté civique sous sa forme ordonnée face aux hommes et aux dieux ; les vainqueurs dans les concours sont un signe de prospérité accordée par les dieux à la cité, les
groupes des « jeunes », divisés en classes d’äge, symbolisent la rénovation permanente du corps civique. D’autres textes mentionnent également des représentants de subdivisions civiques ? : il s’agit là encore d’une image de la structure de la communauté. Enfin, dans certains cas,
les non-citoyens résidents sont admis, eux aussi, au cortège ὅ, Pris dans leur ensemble, les décrets ayant trait aux processions montrent aussitôt les limites des possibilités d’analyse. On ne saurait, par 7.
A. CHANIOTIS, « Städtische Feste », p. 156 et n. 75; cf. K. ZIMMERMANN, « Späthellenistische Kultpraxis in einer karischen Kleinstadt. Eine neue lex sacra aus Bar-
gylia », Chiron, 30 (2000), p. 451-485, en particulier p. 465-469. 8.
ἃ
Telmessos (0G1 55). À Cos, deux textes (SylF 398 et I. Cos ED 5) prescrivent
le port d’une couronne, les citoyens, sans que la explicitement. Le décret l'analyse de L. ROBERT,
au jour de la fête, par les paroikoi au même titre que par participation des premiers à la procession soit mentionnée d’Ilion en l’honneur d’un roi Antiochos (OG/ 219, avec OMS VI, p. 599-635) prouve que la participation à la fête
pouvait se limiter à des sacrifices privés, offerts dans les foyers. On se souviendra qu’à Athènes, comme le montre un témoignage de Dinarque (Contre Agasiclès, frg. VII, CUF, 1990), les métèques marchaient dans la procession des Panathénées.
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exemple, dégager aucune règle stricte qui présiderait à l’organisation du cortège : dans une cité, les magistrats sont placés avant les prêtres,
dans une autre après eux, etc. Du point de vue institutionnel, ces décrets nous montrent avant tout la diversité des usages locaux des cités. Toujours est-il que l’idée principale reste la même : représenter par un cortège la cité, en donner une image officielle et la perpétuer sous forme de décret gravé sur pierre. Autrement dit exprimer la façon dont la communauté devait se présenter à une occasion solennelle, et surtout la façon dont les auteurs de ces textes voulaient que leurs lecteurs voient leurs communautés. Pour cette raison, il est légitime de rapprocher des textes décrivant les processions, ceux concernant les cérémonies d’accueil solennel (apantèsis, hypantèsis, hypapantèsis), car la forme de ces cérémonies
ressemble à la procession sacrificielle : 1] s’agit, là encore, d’un cortège de composantes de la cité qui, en l’occurrence, sort de la ville pour accueillir le personnage attendu.
L'état de la question Bien entendu, l’intérêt de ces textes pour étudier l’effort identitaire des cités a été remarqué par plusieurs savants. On mentionnera en particulier les études d’A. Chaniotis sur le rôle de la fête dans les cités à l’époque hellénistique 5. Selon ce savant, on observe alors une multiplication de fêtes qu’il qualifie de « fêtes à contenu politique ». En outre, au sein de ces fêtes, l’importance de la procession irait croissante. L'intérêt des cités pour cette partie de la fête qui permettait des mises en scène développées correspondrait à la prédilection (« Vorliebe ») de cette époque pour des mises en scène artificielles, phénomène de théâtralisation de la vie publique que l’on observe dans de nombreux domaines. Les causes de cet intérêt croissant pour la mise en scène des processions seraient, selon A. Chaniotis, avant tout identitaires et pédagogiques. 9.
A. CHANIOTIS, « Gedenktage der Griechen : ihre Bedeutung für das Geschichtsbewußtsein griechischer Poleis », dans J. ASSMANN et TH. SUNDERMEIER (éd.), Das Fest und das Heilige. Religiöse Kontrapunkte zur Alltagswelt, Gütersloh, 1991, p. 123-145: « Städtische Feste », « Theatricality beyond the theater. Staging public life in the hellenistic world », dans Br. LE GUEN
(éd.), De la scène aux gra-
dins. Théâtre et représentations dramatiques après Alexandre le Grand, Pallas, 47 (1997), p. 219-259.
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Ces études d’A. Chaniotis constitueront un point de départ pour quiconque s’occupe des processions, des fêtes, de la culture politique, des efforts identitaires des cités à la époque hellénistique. On souscrira notamment à la conclusion selon laquelle les décrets relatifs aux fêtes (et l’on ajoutera, ceux relatifs aux cérémonies d’accueil) présentent les fêtes avant tout comme un événement constitutif dans la vie de la communauté et comme l’occasion de renforcer sa cohésion. Toutefois, tout en admettant avec A. Chaniotis que la multiplication des fêtes à l’époque hellénistique est un signe important des efforts idéologiques et civi-
ques des communautés pour exprimer leur cohésion, je marquerai quelques réserves par rapport à ses conclusions. 1) L’appellation « fêtes à contenu politique » (« Feste politischen Inhaltes ») n’est pas pertinente. En fait, l’auteur songe aux fêtes dont la
célébration commémore un événement politique majeur. Le contenu de ces fêtes reste donc religieux et leur forme ne diffère point de celle des fêtes plus anciennes ; ce sont leurs origines qui sont politiques ". 2) Étant donné le thème de notre réunion, c’est la dimension dia-
chronique qui nous intéressera au premier chef et la question des césures. Cette évolution dont parle A. Chaniotis est-elle propre à l’ensemble de la période ou, au contraire, s’accentue-t-elle à la basse époque hellénistique ? Pour A. Chaniotis, 1] s’agit d’un phénomène caractéristique pour toute l’époque hellénistique, la césure étant celle entre
la période classique et la période hellénistique !!. Cette interpretation ne me paraît pas convaincante. Je pense, en effet, que la mise en scène dont parle A. Chaniotis a toujours existé, mais c’est seulement à l’époque hellénistique qu’elle trouve sa place dans le texte même des inscriptions. 10.
Cf. Fr. DUNAND, « Sens et fonction de la fête dans la Grèce hellénistique. Les céré-
monies en l’honneur d’Artémis Leucophryéné », DHA, 4 (1978), p. 201-215, dont l'interprétation va dans le même sens que celle d’A. Chaniotis. Elles relèvent toutes les deux de la tendance à nier le contenu religieux des fêtes ayant pour origine un événement politique, notamment de celles instaurées en l’honneur des souverains hellénistiques. Pour une défense convaincante de l’aspect religieux du culte
impérial (phénomène historiquement distinct du culte des souverains hellénistiques, mais proche de celui-ci par sa nature), voir 5. F. KR. PRICE, Rituals and Power. The Roman Imperial Cult in Asia Minor, Cambridge, 1985.
11.
Voir, à ce propos, la polémique de Ph. GAUTHIER, Bull. ép., 1996, 135, et la réponse
d'A. CHANIOTIS, Kernos, 11 (1998), p. 295, n° 67.
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3) Il s’agit donc davantage d’un changement de style dans la docu-
mentation, mais encore faut-il se demander si ce changement de style est révélateur d’un changement dans les comportements sociaux.
« Style succinct » Pour démontrer que, concernant les processions, la césure entre la période classique et la période hellénistique n’est pas valable, il suffit d’évoquer deux inscriptions bien connues datant de la deuxième moitié du ıv° 5. : celle relative aux Petites Panathénées d’ Athènes et celle relative aux Artemiria d’Eretrie. Petites Panathénées (LSCG 33)
Souvent commentée !?, cette inscription fragmentaire est conservée en deux morceaux, dont l’un contient une loi (nomos), adoptée par les nomothètes et prescrivant les modalités du fermage d’un territoire appelé ἡ Νέα, et l’autre contient un décret du Peuple (psèphisma), précisant la réorganisation de la fête annuelle des Petites Panathénées. Ces mesures furent prises peu après la bataille de Chéronée, dans l’ambiance du « renouveau » patriotique promu notamment par Lycurgue. Le texte
précise en particulier les sacrifices à offrir à cette occasion et les modalités de distribution de la viande sacrificielle (B, 1. 7-16) : τὰ μὲν ἄλλα καθάϊπερ τῆι βουλῆι, θ]ύειν δὲ τοὺς ἱεροποιοὺς τὰς μὲν δύο [θυσίας τήν τε τῆι] Ἀθηνᾶι τῆι Ὑγιείαι καὶ τὴν ἐν τῶι ἀρ[χαίωι 7 νεῶι θυο]μένην καθάπερ πρότερον, καὶ νεἱμαντίας τοῖς πρυτάν]εσιν
πέντε μερίδας καὶ τοῖς ἐννέα ἄρ[χουσιν τρεῖς] καὶ ταμίαις τῆς θεοῦ μίαν καὶ τοῖς ἱερ[οποιοῖς μίαν] καὶ τοῖς ot{patinyois καὶ τοῖς ταξιάρχίοις τρεῖς καὶ τ]οῖς πομπ[εῦσι]ν τοῖς Ἀθηναίοις καὶ τα[ἰς κανηφόροιϊς (7) κατὰ «τὰ» εἰω[θότα] τὰ δὲ ἄλλα κρέα Ἀθηναίοίις
μερίζειν], les hiéropes offriront deux sacrifices, l’un à Athéna Hygiaia et l’autre dans l’ancien temple (7), comme auparavant, et ils distribueront (de la
viande sacrificielle selon les modalités suivantes :) cinq portions aux prytanes, trois aux neuf archontes, une aux trésoriers de la déesse, une
aux hiéropes, trois aux stratèges et aux taxiarques ; et aux Athéniens par12.
Cf. deux articles récents : V. J. RosıvacH, « /G IP 334 and Panathenaic hekatomb », PP, 46 (1991), p. 430-442 ; P. BRULE, « La cité et ses composantes : remarques sur les sacrifices et la procession des Panathénées », Kernos, 9 (1996), p. 37-63.
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ticipant à la procession et aux canéphores selon l’usage '?; ils distribueront le reste de la viande aux Athéniens.
L'expression « selon l’usage » concernant la distribution de la viande aux Athéniens participant à la procession et aux canéphores suggère que, pour le reste, ce texte apporte des nouveautés par rapport à l’état
précédent : c’est sans doute pour cette raison que nous avons ici une liste si détaillée des bénéficiaires du sacrifice. Évidemment, tous ces gens-là étaient censés marcher dans la procession sacrificielle. Par conséquent, ce passage permet de reconstituer avec certitude sa composi-
tion et de constater qu’elle comprenait les plus importantes autorités de la communauté (dans son aspect politique et dans son aspect guernier), les responsables du culte dont il est question dans ce texte et des citoyens. Il s’agit bel et bien de l’image officielle de la cité que la procession, organisée à une époque de « renouveau » patriotique, devait représenter. Cependant, il importe de souligner que nous l’apprenons, en quelque sorte, de façon indirecte, car le texte ne contient pas, à proprement parler, de description de la procession : les Atheniens n’ont pas
jugé bon de la perpétuer sous forme d’inscription.
Artemiria d’Eretrie (LSCG 92) La même démonstration peut être faite à propos du décret érétrien relatif aux Artemiria. Quelques années après le renversement du tyran
Clitarque en 341 #, les Érétriens décidèrent, dans une ambiance d’élan patriotique dont ils font état (1. 44-45 : ἐλευθέρων ὄντων Ἐρετριέων καὶ εὖ πρηττόντων καὶ αὐτοκρατόρων, « à une époque où les Éré13. À propos de la restitution τὴν ἐν τῶι ἀρ[χαίωι νεῶι θυο]μένην aux 1. 9-10, voir P. BRULÉ, loc. cit., p. 41-46, qui, suivant d’autres, propose de l’entendre comme l’Erechtheion, mais qui l’étaye par une nouvelle interprétation : le deuxième sacri-
fice serait offert non pas à une autre Athéna, mais à Érechthée. Cf. ibid., p. 47-48, à propos de la restitution τας kavnéépotjs aux I. 14-15.
14. En dépit de l’opinion d’Ad. WILHELM, Abhandlungen und Beiträge zur griechischen Inschriftenkunde, Il, Leipzig, 1984, p. 121-125, qui a pris ce document pour presque contemporain de la loi sur la tyrannie, adoptée par les Érétriens aussitôt après le renversement de Clitarque, les traits de langue prouvent qu’il doit être postérieur de quelques années à cette dernière et, par conséquent, placé plus vaguement entre 340 et 330; voir D. KNŒPFLER, « Loi d’Érétrie contre la tyrannie et l’oligarchie (première
partie) », BCH, 125 (2001), p. 195-238, en particulier p. 203-204, et Ip., Décrets érétriens de proxénie et de citoyenneté, Eretria IX, Lausanne, 2001, p. 33-34.
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triens était libres, vivaient dans la prospérité et se gouvernaient par euxmêmes »), de rehausser l’éclat de l’ancienne fête des Artemiria (Arte-
misia) par un concours musical et par un sacrifice offert par les chöroi ou circonscriptions territoriales érétriennes. Π va donc de soi que le jour de la fête, une procession sacrificielle fut organisée. Nous pouvons nous imaginer et partiellement reconstituer sa composition. « Imaginer » et
« reconstituer » seulement, car sa description détaillée n’apparaît pas dans le texte : les précisions concernent essentiellement l’organisation
de l’agôn, l'achat et l’examen des bêtes sacrificielles !$. Un court passage a été consacré pour déterminer l’ordre des bêtes sacrificielles et pour souligner l’exigence de la présence des participants du concours (1. 35-40) : τὴν δὲ πομπὴν καθιστᾶν τοὺς δημάρχους Ev TEL GYOPEL, ὅποι τὰ LEρεῖα πωλεῖται, πρῷτομ μὲν τὰ δημόσια καὶ τὸ καλλιστεῖον, ἔπειτα τὰ κριτά, ἔπειτα τῶν ἰδιωτῶν, ἐάν τις βόληται συμπομπεύειν᾽' συμπομπευόντοων δὲ καὶ οἱ τῆς μουσικῆς ἀγωνισταὶ πάντες, ὅπως ἂν ὡς καλλίστη ἡ πομπὴ καὶ ἡ θυσία γένηται, les dèmarchoi mettront en ordre la procession sur l’agora, là où les bêtes sacrificielles sont vendues : d’abord les sacrifices publics et le kallisteion Ÿ, ensuite ta krita (= les sacrifices fournis par les chôroi), ensuite les sacrifices fournis par les individus qui souhaiteraient participer à la procession ; en outre, marcheront dans la procession tous les partici-
pants au concours musical, pour que la procession et le sacrifice soient les plus beaux possible.
Il me paraît certain que cette procession, qui était censée être « la plus belle possible », était également composée, comme les processions
de Cos et Chios que nous avons déjà évoquées, de collèges de magistrats et de prêtres. Pourtant, leur présence est passée sous silence, très probablement parce qu'il s'agissait d’un élément évident pour tout le monde 15.
Sur la dokimasia des victimes voir Ph. GAUTHIER, ASNP,
14 (1984), p. 845-848.
16.
Ce terme, qui n’apparaît dans ce document qu'ici et sans qu’on puisse préciser sa signification, est attesté également dans la loi eubéenne sur les technites dionysiaques (/G XII 9, 207; cf. SEG 34, 896) aux 1. 18-20, où il s’agit d’une victime ame-
née et offerte par des théores venant d’une autre cité pour la participation à la fête des Dionysia kai Dèmètrieia, et dans le traité entre Cnossos et Tylissos (Sy/P 56; Staatsverträge 148) où il désigne, aux 1. 9-11, l’offrande qui, à titre de dime du butin, sera envoyée à Delphes. Dans les deux cas le kallisteion est donc une victime fournie par un organisme extérieur par rapport à celui qui organise le sacrifice.
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et que le décret ne stipulait rien de neuf par rapport à l’ordre traditionnel respecté à l’occasion des fêtes civiques. En revanche, la place que
devaient prendre dans le cortège les participants d’un nouveau concours, de même que les victimes d’un nouveau sacrifice, a dû être précisée pour des raisons d’organisation. Les textes analysés m’am&nent à conclure que les décrets des 1V° et
ΠΠ siècles précisant les modalités des fêtes organisées par des cités ne contiennent d’habitude pas de description détaillée de la composition
de la procession. À une exception près !?, je ne connais aucune description détaillée de procession qui soit antérieure à l’acte de vente de prêtrise à Pythoclès de Cos. Certes, il s’agit d’un raisonnement fondé sur le silence des sources, mais qui me paraît probant, étant donné qu’il vaut pour plusieurs décrets relatifs à des fêtes qui entrent parfaitement dans
la catégorie des « fêtes à contenu politique », c’est-à-dire dont le but 17.
Je songe au décret de Colophon, adopté entre 315 et 306 et concernant la construc-
tion des remparts reliant la ville de Colophon à son ancien site (MIGEOTTE, Souscriptions, n° 69, p. 214-223). On y prévoit notamment qu’avant le commencement des travaux, le prêtre d’ Apollon clarien avec tous les autres prêtres et prêtresses, de même que le prytane avec le Conseil et la commission chargée par ce décret de l’inspection des travaux se rendront à l’ancienne agora (καταβάντας εἰς τὴμ
παλαιὰν ἀγοράν) pour y faire des vœux (εὔξασθαι) à plusieurs divinités et héros, engageant la cité à « offrir un sacrifice avec une procession, une fois ces bonnes choses réalisées entièrement, selon ce que décidera le Peuple » (1. 20-21 : ἐπιτελῶγ
γενομένων τῶν ἀγαθῶν, πρόσοδον ποιήσασθαι καὶ θυσίαν καθότι ἂν τῶι δήμωι δόξηι). Évoquée explicitement, l’ambiance patriotique dans laquelle fut adopté ce décret le rapproche de certains décrets de la basse époque hellénistique, par ex. celui de Magnésie du Méandre relatif au culte d’Artémis Leukophryènè (LSAM 33,
avec l’analyse de J. EBERT, Philologus, 126 [1982], p. 198-216, et les remarques de Ph. GAUTHIER, RPh, 64 [1990], p. 61-65) où l’on prévoit des prières et des vœux prononcés par plusieurs magistrats. Certes, dans les deux cas, il ne s’agit pas, à pro-
prement parler, d’une procession sacrificielle (à Colophon, cette procession n’est envisagée qu'à l’avenir ; à Magnésie, elle fait partie des cérémonies prévues par le décret, mais elle n’est pas décrite), mais il me semble hors de doute qu’à Colophon, tout comme à Magnésie, le cortège qui devait se rendre pour accomplir le rite prévu par ces décrets, était ordonné comme une procession sacrificielle. Toutefois, il faut noter qu’à Colophon ce cortège était très particulier : les magistrats y font défaut, en revanche les membres du Conseil, absents d’habitude ès-fonction dans les processions, doivent y participer (sur ce point, cf. P. HAMON, Recherches sur le Conseil dans les cités grecques de l'époque hellénistique, thèse inédite, EPHE, Paris,
2000, p. 187). Il faut donc, me semble-t-il, prendre ce texte pour un cas à part.
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explicite est d'affirmer la cohésion de la communauté civique après un événement politique majeur et qui, pourtant, restent succincts au sujet
de la composition de la procession sacrificielle '®. En outre, les deux décrets analysés démontrent à l’évidence que les processions organisées à ces occasions étaient d’habitude riches et représentaient bel et bien l’image de la cité. Toutefois, nous l’apprenons de façon indirecte, car les secrétaires responsables de la rédaction de ces décrets ne considéraient pas qu’il fallait énumérer leurs éléments en détail dans un texte publié sur pierre. La raison en est sans doute que cette composition était évidente pour tout le monde, car leurs auteurs se réfèrent parfois à une
tradition dans ce domaine '?. « Style développé » Ainsi, les descriptions détaillées des processions n’apparaissent ordinairement pas dans la documentation antérieure à la première moitié du 11° 5. av. J.-C. Bien entendu, il serait vain d’essayer d’établir des césures très nettes pour un phénomène culturel comme celui que j’essaie de décrire. Hormis le décret de Colophon, l’acte de vente de la prêtrise de Zeus Söter et d’Athéna Sôteira à Pythoclès et à sa famille de Cos
(I. Cos ED 82), daté par la gravure de la deuxième moitié du 1" 5. ?° 18.
On citera notamment : — Le décret de Priène (/. Priene 11, avec les corrections de L. ROBERT, OMS III,
p- 1371-1374 et de Ch. V. CROWTHER, Chiron, 26 [1996], p. 209, n. 60), adopté vers 297 pour commémorer, après le renversement de la tyrannie d’Hieron, la restauration de l’autonomie et de la « constitution ancestrale ». La fin de ce texte manque, mais la dernière clause conservée concerne apparemment des sanctions contre les absents à la fête ; il ne semble donc pas qu’il ait pu y être suivi par une description de procession. — Le décret de Samothrace (/G XII 8, 150; SylP 372) accordant, vers 288 et 281, des
honneurs cultuels à Lysimaque à la suite de son intervention contre des attaquants du sanctuaire ; seule la participation à la procession des neuf archontes est spécifiée. — Le décret de Cos SylP 398, voté en 278, à la nouvelle du retrait des Gaulois de Delphes : rien n’est dit sur la composition de la procession sacrificielle prévue par
ce texte. 19.
Voir l’expression κατὰ «τὰ» εἰω[θότα] dans l'inscription relative aux Petites Pana-
thénées, citée ci-dessus. Cf. dans les textes plus tardifs : [τὰ ἄλλα τὰ] περὶ τὴν πομπὴν ἐπιτελέσαι καθότι] πάτριόν ἐστιν (Ilion, 15 s. av. J.-C., LSAM 9, 1. 22);
τὰ μὲν ἀλλὰ γίνεσθαι --- κατὰ τὰ npoündpxovtu (Astypalée, ı ou I" 5. av. J.-C., LSS, 83, 1. 3-4). 20. 5. M. SHERWIN-WHITE, ZPE, 24 (1977), p. 214, n. 34.
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et qui énumère en détail les participants au cortège sacrificiel à mettre en mouvement le jour de la nouvelle fête des Pythokleia, serait le cas le plus ancien de ce qu’on pourrait appeler, faute de mieux, le « style développé », si sa datation doit être effectivement si haute. Toutefois, il ne s’agit pas d’un décret, mais d’une inscription appartenant à une catégorie de documents particulière?!. Quant aux décrets, les descriptions détaillées se multiplient à partir de la première moitié du 1r° 5. av. J.-C., donc un peu avant la période charnière où l’on place d'habitude le début de la basse époque hellénistique. Le décret précité de Cos sur une fête en l’honneur du couple royal cappadocien en représente l’un des cas les plus anciens. Les décrets très connus de Magnésie du Méandre, l’un relatif au culte de Zeus Sôsipolis (SylP 589 ; LSAM 32), adopté après la conclusion de la paix avec Milet (en 197/6), et l’autre relatif du culte
d’Artémis Leukophryene (SylP 695 ; LSAM 33), dont la datation n’est pas assurée mais qui ne doit pas être éloigné dans le temps du décret précédent, illustrent bien, eux aussi, le phénomène en question 2. J’en citerai, comme un exemple très significatif, le décret athénien de 129/8 relatif à la célébration des Thargelia (LSS 14). Comme l’a déjà remarqué Ad. Wilhelm, cette inscription s’inscrit dans une série de textes témoignant de la renaissance d’anciennes fêtes dans la Grèce de la deuxième moitié du € s. av. J.-C. Ad. Wilhelm voyait les causes de ce phénomène dans la volonté des cités d’affirmer l'identité hellénique à une époque où, après la destruction de Corinthe, la dépendance de la Grèce à l’égard de la puissance romaine était devenue une réalité quotidienne et frustrante *. Après de longs considérants, évoquant la piété envers les dieux héritée des ancêtres, qui avaient acquis la gloire par des actions sur terre et sur mer, et en particulier envers Apollon Pythien, « pourvoyeur de 21. À propos de la spécificité des actes de vente de prêtrise à Cos, voir H.-U. WIEMER, « Käufliche Priestertümer im hellenistischen Kos », Chiron, 43 (2003), p. 283-
310. 22.
Cf. également le décret d’ Antioche du Pyrame (vers 160), LSAM, 81, avec le commentaire d’I. Savalli-Lestrade, dans le présent volume.
23.
SAWW, 224/4 (1947), p. 49-53 (= Akademieschriften zur griechischen Inschriften-
kunde, III, Leipzig, 1974, p. 297-301). Cf. déjà JÖAI, 17 (1914), p. 83-85 (= Abhandlungen und Beiträge zur griechischen Inschriftenkunde, I, Leipzig, 1984, p. 549-
551). Ces pages d’Ad. Wilhelm, peuvent être considérées, sauf erreur, comme les premières tentatives de définition de la spécificité de la basse époque hellénistique
qui se refléterait dans un style documentaire particulier, sans qu'il utilise le terme « basse époque hellénistique » lui-même.
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biens » (ἐξηγητὴς τῶν ἀγαθῶν) pour les Athéniens et sauveur (σωτήρ) pour tous les Grecs, on prévoit plusieurs sacrifices et processions, dont les modalités et le rapport réciproque ne sont pas, vu l’état de la pierre, entièrement clairs. Néanmoins, on peut lire, aux 1. 34-38, le début d’une longue description de procession en ces termes : πομπενέτωσαν ὁ {Ë]v ἱερεὺς τοῦ Ἀπόλλωνος τοῦ Πυθίοί[υ κα]ὶ οἱ ἐξηγηταὶ καὶ οἱ ἀλ[λ]ο[ι] ἱερεῖς καὶ οἱ ἐ[ν]νέα ἄρχοντες καὶ ὁ ἱερο[φάν]της καὶ ὁ [δαιδ]ο[ΌὉ]χος καὶ οἱ μετὰ τούτων ἥκοντες καὶ οἱ ἀγωνοθέται [τοῦ ἀγ]ῶνίος τοῦ πρ]ὸς τοῦ Πυθίου τε-λουμέν»ου καὶ
où ἂν χο[ρ]η[γ]οἱ [ὦσιν καὶ] οἱ ἱεροποιοῇ ---], qu’aillent en procession le prêtre d’ Apollon Pythien, les exégètes, les autres prêtres, les neuf archontes, le hiérophante, le dadouchos et son
personnel, les agonothètes du concours pythique, les chorèges en fonction, les hiéropes (la suite est indéchiffrable).
Bien entendu, le caractère détaillé de cette description correspond au caractère détaillé de cette inscription entière. Tout lecteur des inscriptions hellénistiques sait qu’elles s’allongent vers la fin de cette période. Toujours est-il qu’il faut s’efforcer d’expliquer le phénomène. Dans le cas des décrets honorifiques, on évoque, depuis L. Robert, la place grandissante des personnages honorés au sein de la communauté et le nouveau goût rhétorique de la couche sociale à laquelle ils appartiennent.
Cette explication ne vaut pas, en revanche, pour les décrets instaurant ou réorganisant un culte. Le décret relatif aux Thargèlia, ancien culte agraire, rénové en 129/8 dans une ambiance patriotique, de même que les deux décrets de Magnésie évoqués ci-dessus, invitent à voir dans ce phénomène un effort identitaire des cités. Toutefois, il faut souligner que cet effort identitaire est observable aux deux niveaux : à la fois dans la vie de la cité, qui décide de célébrer tel ou tel culte, et dans le style de la documentation dont le but est de perpétuer sur pierre l’attachement de
la cité à ses traditions et son image en fête.
Cérémonies d'accueil (apantèseis, hypantèseis, hypapantèseis) On peut également associer à ce corpus les textes relatifs aux cérémonies d’accueil. Le sens de ce rituel, étudié autrefois par L. Robert, n’est pas difficile à dégager, d’autant plus que des cérémonies semblables par
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la forme et le but sont connues à d’autres époques et dans d’autres sociétés : la communauté se présente tout entière, ordonnée conformément à
sa hiérarchie, pour manifester ses sentiments officiels envers des personnages dont elle veut capter la bienveillance *. Les témoignages sur cette cérémonie remontent au milieu du nr 5. av. J.-C. : le célèbre papyrus de
Gourob 5 décrit l’entrée de Ptolémée III à Séleucie de Piérie et à Antioche en 246 et Polybe (XVI, 25) donne une description détaillée de l’accueil offert par les Athéniens à Attale I” en 200. Mais le premier décret gravé concernant ce rituel date seulement d’entre 139 et 133.
Je songe au décret de Pergame relatif à l’accueil d’Attale III de retour après une victoire (OG/ 332), texte instructif pour notre propos, car démontrant une ressemblance étroite entre la forme de la procession sacrificielle et celle de la cérémonie d’accueil : les deux rituels y sont
décrits l’un après l’autre. Parmi les honneurs accordés par les Pergaméniens au roi figurent, d’une part, l’érection, dans le sanctuaire d’ Asclépios, d’une statue cultuelle (agalma) du roi et l’organisation annuelle d’une procession depuis le prytanée jusqu’au temenos commun d’Asclépios et du roi; d’autre part, l’accueil solennel du roi le jour où 1] entrera dans la ville. La description de la procession est très succincte : le rédacteur s’est borné à écrire que participeront à la procession « ceux qui le font d’habitude » (1. 16-17 : συμπομπευόντων τῶν εἰθισμένων), 24.
Pour le monde grec, les textes relatifs à ce rituel ont été réunis et étudiés par L. ROBERT, Documents d'Asie Mineure, Paris, 1987, p. 460-477, et p. 522-535.
Pour l’Antiquité tardive : S. Ὁ. MACCORMACK, Art and Ceremony in Late Antig-
uity, Berkeley - Los Angeles - Londres, 1981, p. 17-89. Pour le Moyen Âge français : B. GUENÉE et F. LEHOUX, Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, 1968, p. 7-43, avec la polémique de N. COULET, « Les entrées solennelles en Provence au x1v° siècle », Ethnologie française, 7/1 (1977), p. 63-82, qui cniti-
que B. Guenée et F. Lehoux pour avoir traité le cérémonial en question sans relation avec ses formes aux époques plus anciennes, et qui insiste sur sa continuité entre l'Antiquité et le Moyen Âge. Pour l’Empire romain germanique : A. NIEDERSTÄTTER, « Königseintritt und -gastung in der spätmittelalterlichen Reichsstadt » dans D. ALTENBURG, J. JARNUT et H.-H. STEINHOFF (éd.), Feste und Feiern im Mittelalter, Sigmaringen, 1991, p. 491-500. Pour la fin du Moyen Äge et l’époque moderne : Ch. DESPLAT et P. MIRONNEAU (éd.), Les entrées. Gloire et déclin d'un cérémoniel.
25.
Actes du colloque tenu au château de Pau les 10 et 11 mai 1996, Biarritz, 1997. P. Petrie II, XLV et P. Petrie III, CXLIV ; nouvelle édition chez F. JacoBy, FrGrHist 160. Cf. le commentaire de M. HOLLEAUX, Études d'épigraphie et d’his-
toire grecques, III, Paris, 1968, p. 281-310.
200
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5. CHANKOWSKI
en ajoutant que le banquet dans le sanctuaire regroupera « les magistrats » (οἱ ἄρχοντες) ; naturellement, ceux-ci étaient censés marcher dans la procession sacrificielle. En revanche, la description du cortège qui accueillera le roi à l’entrée de la ville est développée (1. 33-38) : ἀπαντῆσαι δὲ [α]Ἰὐτ[ὥιϊι τ]ού[ς] τε προγεγραμμένους ἱερεῖς καὶ τὰς ἱερείας καὶ τοὺς στρατηγοὺς καὶ τοὺς ἄρχοντας καὶ τοὺς ἱερονίκας ἔχοντας τοὺς ἀπὸ
[τῶ]ν ἀγώνω]ν
[στεφάν]ους καὶ
[τἸ]ὸγ [γυ]Ἱμνασίαρχον μετὰ τῶν ἐφήβων καὶ τῶν ν[έων καὶ τ]ὸν [π]αι[δ]ο[ν]ό[μ]ον uetla τῶ]μ παίδων καὶ τοὺς πολίτας καὶ τὰς [γυναῖκας καὶ παρθένους πάν)τας καὶ τοὺς ἐνοικοῦντας ἐν ἐσθίη)σιν
λ[αμπραϊς ἐστεφανωμένους, qu’aillent à sa rencontre lesdits prêtres et les prêtresses (mentionnés ἃ la I. 22), les stratèges, les magistrats, les vainqueurs dans les concours hieroi portant les couronnes obtenues dans ces concours, le gymnasiarque avec les éphèbes et les neoi, le paidonomos avec les paides, tous les citoyens avec les femmes et les jeunes filles, et les habitants de la ville, habillés en tenue solennelle.
Ce cortège ne diffère point des processions sacrificielles, sauf qu’ici il devait contenir tous les citoyens avec leurs femmes et leurs filles et les autres habitants. La cérémonie d’accueil devant forcément exprimer
la joie de toute la communauté, on invite ou oblige tout le monde à y participer. La publication de ce texte sur pierre a pour but de manifester
publiquement les bonnes relations entre les citoyens de Pergame et le roi, mais aussi de perpétuer l’image de la communauté civique, soudée autour des valeurs communes. Dans ces circonstances, on comprendra
facilement que la description du cortège censé accueillir le roi soit très détaillée. Que la description soit détaillée est une chose. Un autre élément frappe dans ce texte : le caractère officiel de l’image que la cité donne ici d’elle même. Ce caractère officiel est bien visible, lorsqu'on compare le décret de Pergame à la description de l’ accueil d’Attale I* que donne Polybe (XVI, 25). À la rencontre du roi et des ambassadeurs romains qui vinrent à Athènes avec lui se portèrent non seulement les titulaires de charges publiques et les hippeis, mais aussi tous les citoyens, avec leurs femmes et leurs enfants : « au moment de leur rencontre, la foule qui l’accueillait manifesta aux Romains et encore plus à Attale une affection on ne peut plus chaleureuse » (τοιαύτη --- φιλανθρωπία --- ὥσθ᾽
PROCESSIONS ET CÉRÉMONIES D’ACCUEIL
ὑπερβολὴν les collèges l'historien, tions. Cette
201
μὴ καταλιπεῖν). Là où le décret de Pergame nous énumère de magistrats (pour donner l’image de la communauté), lui, se concentre sur les sentiments des gens et leurs réaccomparaison est significative, car elle montre que le but de
décret consiste à présenter l’ordre de la communauté 26, Citons en outre le décret de Cyzique relatif à l’accueil des dynastes thraces Rhoimétalkès, Pol&mön et Cotys (Sy/F 798) qui date sans doute
de 37 apr. J.-C. Ces personnages, élevés à la cour de Caligula et portés par lui au pouvoir, arrivèrent à Cyzique, où habitait leur mère Tryphaina, pour participer au concours qu’elle organisait en l’honneur de Drusilla,
sœur de Caligula, associée au culte d’ Aphrodite. Dans les considérants, de forme narrative et remplis de rhétorique ampoulée, on raconte que le peuple, voyant dans l’arrivée desdits personnages un événement joyeux,
« ordonna aux magistrats d’introduire un projet de décret d’accueil pour eux » ([. 16). À la suite de cette initiative, l’Assemblée décida qu’au moment de leur entrée les prêtres et les prêtresses, ayant ouvert les lieux sacrés et ayant décoré les statues des dieux, feraient des vœux pour la vie éternelle de Gaius César et pour leur salut (des trois princes thraces); que tous les Cyzicéens, manifestant leur dévouement envers ceux-ci, aillent à leur rencontre avec les magistrats et les stéphanéphores 27, pour les saluer, se réjouir avec eux, les invitant à considérer la cité comme leur patrie et à être pour elle les auteurs de tous les biens ; et qu’à
la cérémonie d’accueil, l’éphébarque amène les éphèbes et le paidonomos les paides libres À.
26. Cf. la même insistance sur les émotions des participants chez l’auteur du papyrus de Gourob.
27. À propos de ce terme, voir W. DITTENBERGER, dans le commentaire au décret de Pergame, OGI 332, p. 517, n. 24, et Fr. QUEYREL, REG, 115 (2002), p. 575-578. 28. SylP 798, 1. 19-24 : ὑπὸ δὲ τὴν εἴσοδον αὐτῶν τοὺς μὲν ἱερεῖς καὶ τὰς ἱερείας ἀνοίξαντας τὰ τεμένη καὶ προσκομήσαντας τὰ ξόανα τῶν θεῶν εὔξασθαι μὲν
ὑπὲρ τῆς Γαΐου Καίσαρος αἰωνίου διανομῆς καὶ τῆς τούτων σωτηρίας" Κυζικηνοὺς δὲ πάντας ἐνδικνυμένους τὴν εἰς αὐτοὺς εὔνοιαν ὑπκαντήσαντας μετὰ τῶν ἀρχόντων καὶ τῶν στεφανηφόρων ἁσπάσασθαί τε καὶ συνησθῆναι καὶ παρακα-
λεῖν αὐτοὺς ἰδίαν ἡγεῖσθαι πατρίδα τὴν πόλιν καὶ παντὸς αἰτίους γείνεσθαι αὐτῇ ἀγαθοῦ ἀγαγεῖν δὲ ἐπὶ τὴν ὑπάντησιν καὶ τὸν ἐφήβαρχον τοὺς ἐφήβους καὶ τὸν καιδονόμον τοὺς ἐλευθέρους παῖδας. Traduction de L. ROBERT, op. cit., p. 471, légèrement modifiée.
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5. CHANKOWSKI
On retrouve ici les éléments déjà connus : le but politique de la décision du peuple, le règlement du déroulement de la cérémonie par un décret de l’ Assemblée, le rituel fixé par lequel la cité exprime sa joie,
l’enthousiasme de la foule dont la spontanéité est décidée d'emblée. L'intérêt particulier de ce texte, c’est qu'il insiste moins sur l’image officielle du cortège que sur l’image de la cité en joie, célébrant une fête dont la forme ne diffère point de fêtes traditionnelles. La collusion entre la cérémonie d’accueil et la fête est donc parfaite. Le décret élargit la description de la procession par l’ajout d'éléments décrivant les sentiments de la foule. De ce point de vue, l’inscription de Cyzique se
rapproche du texte narratif de Polybe.
Décalage entre l’image de la cité et la réalité sociale Il nous reste à nous demander quel est le rapport entre l’image construite par les cités dans leurs décrets à la basse époque hellénistique et leur réalité sociale. Ce problème ayant déjà été analysé en détail par P. Hamon *, je me limiterai à une remarque. Dans sa contribution, P. Hamon ἃ insisté sur le caractère conservateur de l’image que les cités don-
nent d’elles mêmes à la basse époque hellénistique à l’occasion des processions : l’évolution sociale et institutionnelle des cités, perceptibles à l’occasion d’autres manifestations communautaires, ne trouve d’habitude pas d’expression dans les décrets relatifs aux processions, aux cérémonies d’accueil ou aux funérailles publiques. Il y a pourtant quelques très rares cas qui font exception à cette règle : lorsque la cité accorde une place honorifique à des personnages bien méritants. Je songe en
particulier au décret octroyant des honneurs cultuels à Diodôros après son retour d’une ambassade à Rome, entre 85 et 73 (IGR IV, 292). On y
prévoit la délimitation d’un temenos, la construction, à l’intérieur, d’un temple (naos), avec l’érection d’une statue cultuelle (agalma), et l’inauguration (kathierösis) du nouveau sanctuaire par une procession qui par-
tira du prytanée jusqu’à ce sanctuaire. Le texte énumère les participants à la procession : le prytane, les prêtres, les basileis (?), ensuite le gymnasiarque avec son adjoint hypogymnasiarque, qui mèneront les éphèbes, 29.
« Le Conseil et la participation des citoyens : les mutations de la basse époque hellénistique », dans le présent volume.
PROCESSIONS ET CÉRÉMONIES D’ACCUEIL
203
et les paidonomoi qui mèneront les paides, enfin Diodôros lui-même et
ses enfants Ἢ, Étant donné l’attachement des cités à leur ordre traditionnel, on
mesurera davantage le caractère exceptionnel de cet honneur (qui va de pair avec le caractère exceptionnel des honneurs cultuels que reçoit Diodôros ?'). Certes accorder une place honorifique, à titre individuel, dans une procession est une pratique attestée auparavant. À Cos, dans la deuxième moitié du nr 5. av. J.-C., dans le règlement concernant la vente de la prêtrise de Zeus Sôter et d’Athéna Sôteira à la famille de Pythoclès, on prévoit la célébration annuelle de la fête des Pythokleia
et l’on réserve une place honorifique, dans le cortège sacrificiel, aux descendants de Pythoclès. De même, le décret relatif à la fondation d’Eudémos à Milet (SyIP 577; 200/199), prévoit à l’occasion de cer-
taines fêtes, la participation du fondateur lui-même et, après sa mort, de l’aîné de ses fils, à côté de celle des paidonomoi avec une déléga-
tion de paides et avec les epistatai de la palestre. Mais ces deux derniers cas s’expliquent aisément. Dans le cas de Pythoclès, sa participation (et celle de ses descendants) se fait ès-qualité à cause de la
prêtrise qu’il exerce. Dans le cas d’Eudémos, il s’agit de processions
organisées exclusivement par les paides de la palestre et leurs magistrats (il s’agit donc de fêtes « internes » de la palestre) : la commu-
nauté civique ne prend pas part à ces manifestations. En revanche, la participation de Diodôros à une procession, à côté des magistrats et des prêtres qui représentent la cité, est un honneur qui semble être une
nouveauté ”.
30.
L. 45-46 : πομπευόντων [τοῦ τε] πρυτάν[εως καὶ τῶν] ἱερέων καὶ βασιλέων τοῦ γυμνασιάρχου μετᾶ τοῦ ὑπο[γυμνασιάρχου καὶ τῶν ἐφήβων] καὶ τῶν δονόμων μετᾶ τῶν παίδων, συνκομπευόν[των δὲ καὶ Διοδώρου καὶ vel μετὰ] παίδων. La restitution συνπομπευόνίτων δὲ καὶ Διοδώρου καὶ vel μετὰ] τῶν
καὶ παιτῶν παί-
öwv est due AL. ROBERT, Études anatoliennes, Paris, 1937, p. 47-48. À propos du mot basileis, qui pose problème, voir la solution de P. HAMON, Chiron, 34 (2004),
p- 183.
31.
Sur ce point, voir notamment B. ViRGILIO, « La città ellenistica e i suoi “benefattori”: Pergamo e Diodoro Pasparo », Athenaeum, 82 (1994), p. 299-314. 32. On comparera la même situation dans le décret de Chios relatif aux Kaisareia, cité ci-dessus, p. 188-189.
204
ANDRZE)J 5. CHANKOWSKI
Conclusion Dans les discussions menées au sujet de la spécificité de la basse époque hellénistique, nous nous heurtons toujours à la même question, celle de savoir dans quelle mesure un changement de style dans la documentation reflète un changement social et politique. S’agit-il uniquement d’un phénomène de langue, de style, de goût ou s’agit-il également d’un phénomène social ? L. Robert, qui a attiré l’attention sur le style du
langage politique de la basse époque hellénistique, voyait la cause de ce phénomène dans l’apparition d’une nouvelle couche sociale, ayant un goût forgé par la paideia rhétorique de cette époque. C’est « cette nouvelle aristocratie des cités » possédant « une éducation soignée », écrit-il, qui monopolise les affaires des cités, en les enlevant « à l’ac-
tion souveraine de l’assemblée du peuple et de la démocratie » . Il faut dire que cette réponse n’est pas a priori évidente, car un changement de goût et de culture ne présuppose pas nécessairement de changement
social ou politique. Bien entendu, la remarque de L. Robert n’était pas fondée uniquement sur l’analyse du style des documents, mais sur sa familiarite exceptionnelle avec l’époque, et d’autres savants ont apporté depuis des arguments puisés dans d’autres domaines et étayant ses conclusions.
Cependant, nous ne devons jamais perdre de vue que nous raisonnons sur la basse époque hellénistique à partir d’un phénomène culturel : un changement de style. Concernant les processions, nous sommes con-
frontés à un problème d'interprétation semblable. Bien mise en évidence par À. Chaniotis, la multiplication de fêtes au cours de l’époque hellénistique semble un fait avéré. Je ne pense pas, en revanche, que l’importance des processions au sein de ces fêtes augmente avec le temps. Les citoyens athéniens du IV° 5. av. J.-C. attachaient, me semble-t-il,
autant d’importance à leurs processions que les citoyens pergaméniens du 1r°s. av. J.-C. : pour les uns et les autres, la fête créait l’occasion de représenter leurs cités respectives par un cortège symbolisant la communauté et son ordre. Ce qui change, c’est l’importance de cette image non pas tant « vécue » par ceux qui y participent et l’observent, que décrite dans
33. OMS, p. 841-842. Cf. OMS V, p. 351-354 et p. 561-583.
PROCESSIONS
ET CÉRÉMONIES
D'ACCUEIL
205
un décret, dont la publication sur pierre est censée perpétuer, pour les générations à venir, l’image de cette communauté soudée autour de ses valeurs. Il est, à mon avis, significatif que l’ensemble de notre documentation épigraphique concernant les cérémonies d’accueil et les funérailles publiques** datent de la basse époque hellénistique. Quant aux proces-
sions, puisqu'il s’agit d’un rituel très ancien, il est bien attesté depuis la période classique, mais c’est seulement à partir de la première moitié du
is. av. J.-C. que nous en avons des descriptions détaillées *. Ces documents manifestent clairement l’attachement des communautés civiques de la période en question à des formes anciennes de sociabilité. En ce sens, on est frappé par la similitude des descriptions, qui montrent que, non seulement les processions de la basse époque hellénistique se déroulaient à peu près comme à la haute époque hellénistique, mais qu’il en était globalement de même dans toutes les cités. Les notions d’identité et de comportements identitaires, parfois employées ici par commodité d’expression, s’avèrent finalement peu opérantes : les cités ne manifestent nulle spécificité dans leurs processions (si ce n’est la spécificité de leurs institutions locales), mais bien plutôt se conforment à un modèle commun. Ce que les descriptions de ces décrets met-
tent en évidence, c’est bien, en effet, l’existence d’un même modèle civique hérité de la cité classique, soudée autour de ses magistrats, attachée à ses institutions politiques et religieuses, soucieuse de l’intégration des jeunes, futurs citoyens. Or, la vivacité de ce modèle va à contre-courant de la réalité politique, dans un monde qui voit diminuer le rôle politique des cités. Pour peu que l’on puisse mesurer, pour certains domaines de la vie politique et sociale, l’ampleur des changements survenus, on est frappé de constater à quel point la cité de la basse époque hellénistique est incapable de se penser en dehors des termes de la vie politique classique. On est donc conduit à se demander quelle est l’efficacité sociale recherchée par ces processions et par les descriptions de ces processions dans les décrets. 34.
35.
À propos de ce rituel social donnant, lui aussi, l’occasion à la cité de se présenter en cortège solennel, voir Éd. CHIRICAT, « Funérailles publiques et enterrement au gymnase à l'époque hellénistique », dans le présent volume. Soulignons encore une fois que la diffusion de ce « style développé » est antérieure au début conventionnel de la « basse époque hellénistique ».
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Constatant la multiplication des descriptions de processions, on aurait tendance à conclure que les fêtes de nature « politique » prenaient de plus en plus d'importance dans la vie de ces communautés. En réalité, il ne faut pas perdre de vue que ces descriptions sont avant tout un discours de portée idéologique, et pas forcément le reflet fidèle d’une réalité. Il serait certainement abusif de conclure que les habitants des cités de la basse époque hellénistique passaient plus de temps à défiler dans la rue que leurs ancêtres du IV° 5. av. J.-C. En revanche, il est clair que les instances de la cité saisissaient toute occasion d’exprimer à travers les descriptions rédigées dans les décrets une image de cohésion communautaire et l’inscription de Cyzique évoquée ci-dessus montre bien comment le caractère officiel de la description va jusqu’à l’organisation des sentiments de la foule, censée manifester collectivement sa joie. Pour exprimer cela non pas en des termes idéologiques, comme le font les inscriptions, mais avec un vocabulaire politique, on peut bel et
bien parler d’un conservatisme des cités de la basse époque hellénistique, qui utilisent le modèle classique de la cité comme un instrument lui permettant de manifester l’organisation séculaire et (presque) immuable de la communauté. En réalité, ce conservatisme est une réaction de survie. Quelques rares documents de la fin de la période considérée montrent que ce modèle lui-même ne peut faire autrement que de devenir perméable aux changements sociaux : ainsi à Pergame, Diodôros Pasparos trouve une place dans la procession en raison de son importance sociale. La procession prévue par C. Vibius Salutaris, dans laquelle des symboles renvoyant à l’univers romain sont habilement intégrés à
ceux qui représentent le monde civique des Éphésiens, en constitue un autre cas frappant. Mais il est tout à fait intéressant de constater que ces changements sociaux ne transforment pas l’image que la cité donne d’elle-même, quand elle les entérine. Bien plutôt, elle les intègre dans ce modèle général de description de la procession : conservatisme civique, certes, mais conservatisme intégrateur, qui assure « contre vents et marées » la survie de l’idée classique de la cité.
Funérailles publiques et enterrement au gymnase à l’époque hellénistique Édouard CHIRICAT UMR 8585 — Centre Gustave Glotz, Paris
9 OBJET de notre étude est l’honneur de la sépulture au gymnase, attesté presque exclusivement à la basse époque hellénistique. Nous nous
proposons de déterminer sa chronologie, sa signification et l’éventuelle relation avec les honneurs cultuels accordés dans le cadre du gymnase.
La plus ancienne attestation d’une sépulture au gymnase serait fournie par l’inscription du prophète Eudémos, fils de L[&ön ?] de Milet!. Dans
cette inscription, que Rehm place vers 40 av. J.-C., Eudémos fournit une longue liste de ses ancêtres et affirme que cinq d’entre eux avaient été enterrés au gymnase. Le but de l’évocation de cette lignée impressionnante de personnages est de se présenter comme ἀπόγονος ὑπάρχων | [κ]αὶ πρὸς πατρὸς καὶ μητρὸς προγόνων | εὐεργετῶν τοῦ δήμου, descendant du côté paternel et maternel d’ancêtres bienfaiteurs du peuple. Rehm a reconstitué l’arbre généalogique auquel appartiennent les cinq personnages et ἃ retrouvé leur trace dans les documents milésiens : Xérarès Antenör (1)
| Xénarès IT (2) et Alkimachos (3)
1.
A. REHM, Didyma II, Die Inschriften, 1958, 259, 1. 25-31 : £vre[daplu]evov δὲ τῶν προγόνων μοῦ ἐμ n£lowı τῷ | πρ]ότερον τῶν νέων γυμνασίωι A[vmvopos | τοῦ) Ξενάρου καὶ Ξενάρου τοῦ [Ἀντήνορος καὶ | Ἀλκιμάχου τοῦ Ἀντήνορος κ[αὶ Ἀντήνορος | told Ebavöpidov' καὶ Ebavôpiôlou τοῦ Evavôpilôou.
208
ÉDOUARD CHIRICAT Euandnidès I
Anténr (4) Buandridès ll Anténôr ? et Euandridds ΠῚ (5)
Le plus ancien, Antenör, fils de Xénarès (1), figure vers 313 ou 319 av. J.-C. dans un catalogue de vainqueurs dans l’épreuve de pancrace des Lykaia, catégorie des andres? ; il est olympionique en 308 av. J.-C.?, reçoit le droit de cité à Athènes et sera l’un des souscripteurs du prêt pour les Cnidiens en 282 av. J.-C.*. Xénarès, son fils (2), fait une consécration de 20 phiales à Didymes en 225/4 av. J.-C.°. Anténôr, fils d’Euandridès (3), stéphanéphore en 224/3 av. J.-C.f, est attesté plusieurs
fois dans les inscriptions de Milet?. Il a eu un fils, Euandridès, qui n’apparaît pas ici; celui-ci est stéphanéphore en 216/5°. Euandridès, fils d’Euandridès (5) serait son petit-fils. Ce passage comporte donc deux
groupes d’ancêtres ; la relation entre ces deux groupes est difficile à cerner, mais Rehm propose de voir en Euandridès I, le père d’ Anténôr, un troisième fils d’Antenör (1), fils de Xénarès. Le plus ancien des personnages au sujet desquels Eudémos prétend
qu’ils sont enterrés dans le gymnase de Milet est Anténôr, l’olympionique de 308 av. J.-C. Supposant qu’en 313, lors de sa première partici-
pation attestée à un concours, il avait 20 ans et qu’il est mort à 80 ans (le cas extrême), un calcul simple donne comme terminus ante quem de sa mort ca 260 av. J.-C. Ce serait le plus ancien exemple d’enter-
rement d’un bienfaiteur à l’intérieur de la ville, sur l’agora ou dans le gymnase. Les autres témoignages d’un tel honneur remontent à la basse époque hellénistique, au Π’ et 1 5. Il est vrai qu’à Kymè, vers 120 2.
1GV 2,549, 20-21, Avtevop Ξενάρεως Μιλήσιος ἄνδρας πανκράτιον.
3.
H. FORSTER, Die Olympischen Sieger I, n° 408, (selon un passage d’Eusèbe) παγκράτιον ἀκονιτί ; sur la carrière de cet Anténôr, fils de Xénarès, qui reçut le droit de cité à Athènes en 306/5 (16 II? 472 + IG IT? 169), Ad. WILHELM, ΑΜ, 39
mn
Milet 13, 138, 1. 44; cf. le commentaire de REHM, p. 298, n. 3. A. REHM, Didyma I], Die Inschriften, 1958, 446.
6.
A.REHM, Didyma Il, Die Inschriften, 1958, 447. Milet 13, n° 124, 9; cf. aussi
N
(1914), p. 285-293. 4.
Milet 13, n% 33a, 4; 141,2; 180, 1, cf. p. 246 et 265.
B. HAUSSOULLIER, RPh, 44 (1920), p. 55-56. 8.
Miletl3,n° 124, 17.
FUNÉRAILLES PUBLIQUES
209
av. J.-C., la bienfaitrice Archippè reçoit le privilège d’être enterrée « là où (sont inhumés) les autres bienfaiteurs », ce qui suppose l’existence d’un « enclos funéraire » réservé aux grands évergètes de la cité°. Mais
toutes les autres attestations épigraphiques de l’enterrement au gym-
nase datent du I” 5. av. J.-C. "°. Le présent témoignage est trop isolé pour qu’on ne manifeste à son égard la plus grande méfiance. Pour l’évaluer correctement, il faut rappeler la mise en garde for-
mulée par A. Rehm, L. Robert !! et Ph. Gauthier !? sur le caractère particulier des inscriptions de Didymes relatives aux prophètes. Ce sont des documents privés, rédigés à la sortie de leur charge par les prophètes, personnages qui avaient assuré la fonction la plus importante dans le sanctuaire. Ils avaient toute la liberté dans la rédaction de ces documents, car ceux-ci n’avaient rien d’officiel "5. D’un autre côté, dans la mentalité des Grecs de la basse époque hellénistique, les grands évergètes se distinguaient par des vertus natives, qu’ils avaient héritées de leurs ancêtres ; « l’affirmation d’une qualité naturelle et héréditaire dispense de la citation de preuves » !*. Toutes ces observations contribuent à mettre en doute la valeur de ce témoignage, tout comme cela a été fait au sujet de la prétendue proclamation des ancêtres du personnage en tant que bienfaiteurs (Gauthier, Bienfaiteurs). Les propos d’Eud&mos refiéteraient plutôt la situation de la fin du rs. av. J.-C., quand l’enterrement au gymnase était un honneur possible et convoité. Ce raisonnement n’est malheureusement pas sans défaut. Contrairement à la proclamation en tant qu’évergètes des ancêtres, l’existence des tombeaux des cinq personnages dans un endroit public et fréquenté tel le gymnase devait être non seulement facilement vérifiable, mais aussi connue par la communauté, compte tenu de l’importance de l’honneur. Malgré le caractère privé de l'inscription, cette réalité rendrait difficile
l’invalidation du témoignage "°. . 10. 11. 12. 13. 14. 15.
GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 61. Sur l'enterrement des grands bienfaiteurs dans la ville, cf. L. ROBERT, AC, 35 (1966), p. 422, n. 6 et 7. L. ROBERT, Gnomon, 31 (1959), p. 664. GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 13. A. REHM, Didyma Il, Die Inschriften, 1958, p. 155. GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 56. B. HAuSSOULLIER, RPh, 44 (1920), p. 65, accorde du crédit à la présente inscription
(dont un passage avait été publié par A. Rehm), qu’il considère comme « un texte
210
ÉDOUARD CHIRICAT
Certains auteurs ont ainsi accordé du crédit à l’hypothèse de l’existence dans l’un des gymnases de Milet d’un enclos funéraire appartenant à la famille. Dans une note prosopographique sur Antenör, fils d’Euan-
dridès !6, B. Haussoullier a repris une inscription milésienne publiée par Ο. Rayet "7 sur laquelle le nom du personnage figure en tête, suivi de deux autres. Il affirme, en s’appuyant sur notre texte, qu’il a identifié « la tombe ou l’enclos funéraire de la famille d’ Anténôr », le même que celui mentionné par Eudémos. Mais il nous semble risqué d’appuyer un [6] raisonnement sur la simple identité des noms, car l’homonymie n’est pas un phénomène des plus rares. En plus, O. Rayet écrivait clairement dans ses carnets que ces pierres funéraires provenaient de l’extérieur de la ville, alors que les tombes des ancêtres d’Eudémos devaient se trouver plutôt dans un gymnase à l’intérieur de la ville. On devrait, en effet, s’interroger sur le sens de l’expression τὸ πρότερον τῶν νέων γυμνάσιον. Il s’agit vraisemblablement d’un ancien gymnase des néoi, affecté à un autre groupe d’äge. L’autre hypothèse, peu probable, mais également envisagée par les fouilleurs de Milet, est celle d’un changement total de destination du bâtiment entre l’époque
de l’enterrement et la fin du 1" siècle. Rehm, Krischen et von Gerkan ont même essayé d’identifier sur le terrain le gymnase qui abritait les tombes des ancêtres d’Eudemos, Milet 13, 330. L’un des gymnases de la ville se trouvait sans doute à l’ouest du stade, et le bâtiment a été remanié à l’époque romaine suite à un incendie, sans que l’on puisse dire si sa fonction initiale a été maintenue. Rehm conclut avec prudence que les éléments dont on dispose ne sont pas suffisants pour l’attribuer à l’un des trois groupes d’âge. Récemment, J. Kleine, indépendamment des considérations sur les ancêtres d’Eudemos 15, l’identifie avec le gymnase d’Eumène II. Nous proposons l’identification du gymnase d’Eumène
avec le gymnase des éphèbes et des néoi, ce qui ferait (à nouveau d’une manière indépendante) la liaison entre les deux points de vue. Il s’agirait alors d’un même édifice, construit par le roi, affecté aux deux clasremarquable ». En parlant de Minnis, fille adoptive d’Antenör, fils d’Euandrides, qui avait été ensevelie « dans le tombeau de son père et de ses aïeux », il conclut
qu'elle ἃ eu, elle aussi, le privilège d’être enterrée au milieu du gymnase, dans le tombeau de famille dont parle Eudémos. 16. 17. 18.
B. HAUSSOULLIER, RPh, 44 (1920), p. 55-56. Ο. RAYET, RA, 28 (1874), p. 113; KAIBEL, Epigrammata graeca, 1878, 222 B. 1. KLEINE, « Pergamenische Stiftungen in Milet », MDAA(I), 31 (1984), p. 129-140.
FUNÉRAILLES PUBLIQUES
211
ses d’äge, qui, après avoir accueilli le tombeau d’Eudémos, a cessé de fonctionner comme gymnase des néoi à l’époque romaine. Dans l’état actuel de nos connaissances sur les gymnases de Milet, il
est évidemment impossible de trancher !?. Mais des découvertes archéologiques récentes, faites au gymnase de Messène, tendent à prouver que la pratique des sépultures au gymnase, à des époques aussi anciennes
que le 1π’ siècle av. J.-C., n’est peut-être pas à exclure. Lors des fouilles effectuées dans un ensemble architectonique identifié jusqu’à une date récente avec l’agora, Pétros Thémélis a découvert plusieurs monuments funéraires d’époque hellénistique, chacun d’entre eux comportant plusieurs tombes, d’hommes et de femmes : l’ensemble K1, qui contient sept dépouilles, K2, avec quatre et K3 avec huit dépouilles ?. Le premier monument, K1, date, d’après le matériel archéologique trouvé à l’intérieur, du 1 siècle av. J.-C. ou du 1" siècle apr. J.-C.?', le deuxième, ΚΖ, comporte des éléments architectoniques typiques de la fin du n1F siècle et du début du 1r siècle av. J.-C. 22. Quant au troisième, K3, il com-
porte des inscriptions indiquant les noms de plusieurs hommes et femmes, dont la plus ancienne serait à placer, d’après la forme des lettres,
au 111° siècle apr. J.-C.?°. Tout cela semble indiquer que, dès la haute époque hellénistique, des Messéniens ont reçu l’honneur de la sépulture au gymnase, dans des mausolées à caractère sans doute familial ;
cela appuierait la véracité des informations apportées par l’inscription du prophète Eudémos de Milet. Il faut toutefois noter que Messène est probablement un cas à part dans le monde hellénistique, car de toutes les cités grecques, celle-ci comporte le plus grand nombre de monuments funéraires construits à l’intérieur des murs de la ville, parfois associés à d'importantes constructions publiques, comme l’Asklepieion
ou le stade 23, Ces découvertes doivent, elles aussi, être prises en compte 19.
Cf. aussi E. ZIEBARTH, Aus dem griechische Schulwesen?, 1914, p. 25-27.
20. 21. 22.
P. THÉMÉLIS, Ἡρώες καὶ ἡρώα στή Μεσσήνη, Athènes, 2000, p. 114-136. P. THÉMÉLIS, op. cit., p. 119. P. THÉMÉLIS, op. cit., p. 123.
23. 24.
P. THÉMÉLIS, op. cit., p. 136. Cf. le monument des Saithidai, l’une des grandes familles de la cité; le monument D, construit près de l’Asklepieion, qui abrite les dépouilles des membres de la famille du sculpteur Damophon de Messène ; le mausolée de dix Messéniens
morts dans la bataille pour la défense de la ville contre Démétrios de Pharos, en 214 av. J.-C., monument situé en face de l’entrée de l’Asclépieion.
212
ÉDOUARD CHIRICAT
avec beaucoup de précautions ; il faut sans doute éviter toute généralisation à partir du cas de Messène.
Beaucoup plus tard, à l’époque d’ Auguste, Artémidôros de Cnide ? reçoit des mégistai timai, à l’instar des grands bienfaiteurs de la haute époque hellénistique : des couronnes, des statues, la nourriture au damiorgion, mais aussi des isothéoi timai, typiques de la basse époque hell&nistique : un autel (βωμός), des sacrifices (θυσίαι), une procession (πομπή) et des concours appelés Artemidöreia sont institués en son honneur (1. 16-19). Les lignes 9-12 stipulent que « lorsqu’il mourra (il sera honoré) de funérailles publiques et d’une sépulture dans l’endroit le plus en vue du gymnase ». Nous n’insisterons pas ici sur le détail de ces honneurs, qui posent un certain nombre de problèmes. Une chose est néanmoins importante à retenir : aucun de ces honneurs n’a de rapport avec le gymnase et d'éventuels bien-
faits accomplis à l’égard de cette institution. Artémis reçoit à Cnide un culte civique, et non un culte au gymnase et on se doit d’écarter comme non fondée l’hypothèse de Newton selon laquelle le temple corinthien situé près du lieu de trouvaille de l’inscription d’ Artémidôros serait un temple d’Artémis Hiakynthotrophos à laquelle tout le
site (qu’il tenait pour le gymnase de Cnide) aurait été consacré *. Si le peuple accorde à Artémidôros un enterrement public et une sépul-
ture dans le gymnase, c’est pour récompenser son action politique en faveur de la communauté civique. Artémidôros avait accompagné son père, le mythographe Gaius
Iulius Théopompos, dans l’ambassade lors de laquelle, en 45 av. J.-C. celui-ci avait négocié avec Rome un traité accordant à Cnide l’auto-
nomie et un gouvernement démocratique 27. Tout comme son père, qui reçut le droit de cité à Rome, Artémidôros entretenait d'excellents rapports avec les membres de la classe dirigeante romaine et était un ami intime de César, qu’il aurait essayé en vain d’informer du complot qui a abouti à son assassinat #. Il est probable qu’il a par la suite obtenu de la 25.
1. Knidos 59.
26.
NEWTON, A History of the Discoveries... II, p. 466, note e.
27.
Plutarque, César, 48; C. Cinorius, « Ein Bündnisvertrag zwischen Rom Knidos », RAM, 76 (1927), p. 325 sqgg.
28 . Plutarque, César, 65 ; Appien, La guerre civile II 116; Dion Cassius 44, 18.
und
FUNÉRAILLES
PUBLIQUES
213
part d’Auguste le maintien du statut favorable que César avait accordé à la ville. Selon Strabon, son fils Théopompe était un ami de l’empe-
reur Ὁ, Un cas semblable est celui du personnage anonyme qui fait l’objet
d’un décret honorifique d’Aphrodisias *!. L. Robert, suivi par J. Reynolds, proposent de le placer à l’époque de la guerre de Labiénus. Seul Gl. W. Bowersock propose de dater le texte de l’époque de Mithridate *?, mais c’est une période qui n’a pas connu cette multiplication des confits dont notre décret semble témoigner. Là encore, l’inhu-
mation dans le gymnase n’est pas due à d'éventuels bienfaits du personnage à l’égard de cette institution ou au fait qu’il a exercé la gymnasiarchie (1. 3). Comme l’a démontré L. Robert, cet honneur est la
conséquence des charges extraordinaires qu’il ἃ remplies et de son activité politique, notamment de l’ambassade à Rome et probablement de ses résultats. Il avait sans doute contribué à la sauvegarde de
l’autonomie de la cité, comme l’ont fait ses concitoyens Caius Iulius Zoïlos et Solon, le personnage qui, allant en ambassade à Rome, a été
félicité par Antoine”. L. Robert a montré que cet honneur de la sépulture dans le gymnase est réservé aux fondateurs, à une époque où le gymnase joue le rôle
d’une autre agora *. Il est donc vraisemblable que le personnage d’Aphrodisias, tout comme Art&midöros de Cnide, avait été élevé par ses concitoyens au rang de κτίστης, comme Théophane de Mytilène, l’ami de Pompée qui a
obtenu la liberté pour sa cité, Diodôros Pasparos de Pergame, L. Vac29. G. HiRSCHFELD, GIBM IV, 1, p. 3, car Pline mentionne Cnide parmi les liberae ciuitates (V, 104).
30.
Strabon XIV, 2, 15.
31.
J. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome, 1982, p. 150-151, n° 28, L 10-11 : svvxexoρῆσθαι δὲ αὐτῷ καὶ ἐνταφ[ὴν ἐν τῷ γυμνασίῳ καὶ δίδοσθαι αὐτῷ ἀπὸ τῶν] |
32.
δημοσίᾳ θυομένων γέρα. ΟἹ. W. Bowersock, AJPh, 91 (1970), p. 226-228.
33.
Plutarque, Antoine, 1, 11. Cf. pour ces rapprochements L. ROBERT, « Inscriptions
34.
d’Aphrodisias », AC, 36 (1966), p. 419-422 (OMS VI, p. 43-46). L. ROBERT, loc. cit., p. 422 (OMS VI, p. 46) et n. 7.
35.
L. ROBERT, « Théophane de Mytilène à Constantinople », CRAI, 1969, p. 42-64
(OMS V, p. 561-584).
214
ÉDOUARD CHIRICAT
ceius Labeo de Kymè *, qui sont des « sauveurs de leur patrie par les armes ou les négociations et qui en ont assuré la liberté, souvent lettrés, qui, intimes avec les autorités romaines, ont reçu le droit de cité romaine ... et qui, enterrés souvent à l’agora ou au gymnase comme de nouveaux fondateurs, jouissent d’un culte, ont un prêtre, des sacrifices,
des concours »°”. L'exemple le celui d’un décret texte qui évoque que du ktistes, le
plus concluant pour l’attribution de tels honneurs est de Cyzique pour Démétrios, fils d’Oiniades. C’est le de la manière la plus étroite le lien entre le culte héroïgymnase, ses magistrats et ses habitués :
Plaque en marbre blanc, brisée en haut, où elle était vraisemblablement décorée d’un fronton; la surface gravée était encadrée de deux marges surélevées sous forme de pilastres. Entre l’examen de Lolling (ca 1880) et celui de Ruge (1890), les 8 premières lignes ainsi que les 9-10 dernières lettres ont été détruites et l’inscription a été encastrée dans une fontaine. La pierre a été trouvée à Bandirma (l’ancienne Panormos, l’un des deux ports de Cyzique); le premier éditeur affirme qu’elle y avait
été rapportée d’Eski-Manyas. Éd. : H. G. LoLLing, « Inschriften von Hellespont », AM, 9 (1884), p. 28-34 ; (Ε W. HasLuck, « Inscriptions from Cyzicus », JHS, 23 [1903], p. 89-91, donne le
texte intégral avec une restitution nouvelle I. 13 et un commentaire; G. LAFAYE, {GR IV, 159; F. M. KAUFMANN-J. STAUBER, « Poimanenon bei Eski Manas 7 Zeugnisse und Lokalisierung einer kaum bekannten Stadt », dans Asia Minor Studien 8 [1992], p. 63-
67, n° 10). Cf. : W. RUGE, BPhW, 12 (1892), p. 740 (qui constate les destructions apportées à la pierre après que celle-ci a été encastrée dans la fontaine; il confirme l'absence de la ligne 24); Ad. WILHELM, dans Wiener Eranos,
1909, p. 133 (1. 19-20); F. W. Has-
LUCK, Cyzicus, 1910, List of Inscriptions, 1 10; H. KASTEN, Bursian Jahresberichte,
279 (1942), p. 107; M. P. NıLsson, Die hellenistische Schule, 1955, p. 65; J. et L. RoBERT, Bull. ép. 1964, 227, L. ROBERT, Hellenica VIN, p. 96; Ip., OMS V, p. 26, sur le couronnement annuel du bienfaiteur ; M. SEvE, « Un décret de consolation à Cyzique »,
BCH, 103 (1979), p. 327-359. Date : début de l’époque impériale (HAsLUCK, JHS); vers 25 av. J.-C. (HASLUCK, Cyzicus); fin du X s. av. J.-C. (L. ROBERT, RPh, 53 (1927), p. 103); nous proposons 15 av. J.-C.-15 apr. J.-C.
36. 1. Kyme 19, 1. 44-45 et 49-51 : καὶ ἐπεί κε τελευτάσῃ, κατενεχθένίτα εὐτὸν ὑπὸ τῶν ἐφάβων καὶ τῶν νέων εἰς τὰν ἀγορὰν et 49-51 : εἰσενέχθεν δὲ αὐτὸν εἰς τὸ γυμνάσιον ὑπὸ τε τῶν ἐφάβων καὶ τῶν | νέων. 37.
L. ROBERT, « Inscriptions d’Aphrodisias », AC, 35 (1966), p. 420 (OMS VI, p. 44);
cf. L. ROBERT, Études anatoliennes, Paris, 1937, p. 50.
FUNÉRAILLES PUBLIQUES
215
AQNAANAÏJIIMEI -----===
4
-- ]
καὶ τοὺς ἄίλλου)ς InblAtus------------------- ----------- ] αὐτῶν ENI[... ΑΦΗΣΙ. .... IYAI[- ----------- ἀναγορεύοντος τοῦ]
8
κήρυκίος τ]ά[δε᾽ ὁ] δῆμος κία]ι ofi] πραϊ[γματενόμενοι Ῥωμαῖοι στεφανοῦσιν An]μήτίρ]Πον Οἰνιάδ[ο]υ ἀρετῆς ἕ]νίεκεν καὶ εὐνοίας τῆς εἰς αὐτούς --] στεφανοῦσθαι δὲ αὐτὸν καὶ ἐν τοῖς [κατ᾿ ἐνιαυτὸν ἀγο]μένοις γυμ[νικοῖς ἀγῶσιν]
τῶν ῬΙω]μαίῳν [ἀϊνᾳγο[ρ)είυ) οντος [τοῦ κίἤρνκοξε ὅτι [ὁ] δῆμος στεφανοῖ [Δημή]τριον Οἰνιάδοίυ π]ά[σ]ης ἀ{ρ)ετῆς ἕνεκεν ὁμ]οίως δὲ στεφανοῦσθαι αὑτὸν καὶ ἐν τοῖς Kat ἐνιαυτὸν τιθεμ[έ]νοίις εὐχ]αριστηρίοις ἀγῶσιν Hpgois τῷ πάπ12 rat αὑτοῦ Ἀσκληπιάδηι τῶι οἰκ[ίστηι καὶ τ]οῖς συναγωνισαμένοις αὐτῶι κατ᾽ Ἀλεξανδρείαί(ν) ἐν τῶι [kak{à] Πτο[λεμ]α[ἴον πο]λ{έ]μῳ μετὰ τὰς τοῦ πατρὸς αὑτοῦ
καὶ τοῦ θείου στεφανώσείις ἀναγ]ο(ρ)ε[ὑοντῖος [τ]οῦ κήρυκος ὅτι ὁ δῆμος στεφανοῖ Δημήτριον Οἰνιάδου τοῦ Ἀσκληπιάδου πάσης γενόμενον ἄξιον τιμῆς τῆι 16 πατρίδι, ἀνατεθῆναι δὲ αὐτῶι εἰκ[όνα τελείαν] γρακτὴν ἐν ὅπλωι ἐπιχρύσωι καὶ [ἄγαλμα μαρί[μάριν]ον [ἐν τ]ῶι τοῦ Ἀσκληπιοῦ καὶ Ἀπόλλωνος
epölı] ὕφ᾽ ἃ ὑπογράψαι ὅτι ὁ δῆμος Δημήτριον Οἰνιάδου τοῦ Ἀσκληπιάδου διὰ τ(ῆς ἔκ τε αὐτοῦ καὶ τῶν προγόνων εἰς τὴν πόλιν εὐεργεσίας ἀνατεθῆναι 20
δὲ καὶ στήλην [λε]υκὴϊ[ν λιθ)]εία(ν) πρὸ τοῦ γυμνασίου ἐν τῆι κατασκευ-
αζομένηι στοᾷ [τῷ δήμ]ωι ὑπὸ τοῦ ἀδελφοῦ αὐτοῦ Διονυσίου τοῦ Οἰνιάδου ἐκ τοῦ ἰδίου βίου ἐφ᾽ ἣν ἐν τῆι συντελουμένῃ ὑπὸ τοῦ δήμου καταδρομῆι τοῦ πατρὸς αὐτοῦ Οἰνιάδου τοῦ Ἀσκληπιάδου
24 [στεφανοῦσθαι αὐτὸν μετὰ τὸν πατέρα αὐτοῦ ἐν τοῖς ἀγῶσι τοῖς e.g.] ἀγομένοις κατ᾽ ἐνιαυτὸν ὑπὸ τῶν ἀρχόντων τοῦ γυμνασίου ἀπὸ τοῦ Ἥρῴου, τοὺς δὲ νέους καὶ ἐφήβους καὶ παῖδας τὴν ἐσομένην στεφάνω-
σιν αὐτοῦ π(α)γρ(απ)έ(μ πει)ν (2) καὶ ἐπισημοῦσθαι (2) ἀναγορεύοντος τοῦ κήρυκος 28
ὅτι ὁ δῆμος στεφανοῖ Δημήτριον Οἰνιάδου τοῦ Ἀσκληπιάδου τῆς διὰ
προγόνων εὐ[ν]ο[{1ᾳ[ς] εἰς τὸν δῆμον ἕνεκεν, ποιουμένου τὴν ἐπιμέλειαν τῆς ἀναγορεύσεως τοῦ στεφάνου τοῦ κατ᾽ ἐνιαυτὸν γυμνασιάρχου, ἀναγραφῆναι δὲ εἰς τὴν στ[ήλην κα]ὶ ἀντίγραφον τοῦδε τοῦ ψηφίσ-
32 ματος, τὸ [δὲ] ψήφισμα [εἶναι ὑπὲρ τῆς σ]ωτηρίας τῆς πόλεως. Notes critiques. La dernière édition, celle de Kaufmann et Stauber, n’étant pas satisfaisante (les auteurs ignorent par exemple les remarques du Bull. ép. 1964, 227), nous avons pris comme point de départ celle de Hasluck ; nous avons préféré remplacer la transcription en minuscules des fragments de mots
incompréhensibles des cinq premières lignes par les majuscules correspondantes de la copie de Lolling. Les restitutions que nous proposons seront expli-
quées dans le commentaire. L. 1 TOANA la copie, τὸ ἀνάίλωμα ?]. L. 4 καὶ τοὺς ἄίλλου]ς [π]ο[λίτας] Lolling ; καὶ τοὺς Αἰ... ΟἿΣ TO la pierre. L. 5-6 [- -] | κήρυκίος - -] ônuoolia 7]
216
ÉDOUARD CHIRICAT
τὸ rpälyna? - - - Anliumf[phov Οἰνιάδίου] ἀρ[ετῆς ἕ]νίεκεν καὶ εὐνοίας -] Lolling; [ἀναγορεύοντος τοῦ] | κήρυκίος τ]ά[δε᾽ ὁ] δῆμος κία]ὶ oli]
πρα[γματευόμενοι Ῥωμαῖοι στεφανοῦσιν Δη]μήτριον Οἰνιάδ[ο]υ ἀρετ[ῆς ἕ]νίεκεν καὶ εὐνοίας τῆς εἰς αὐτους] M. Sève, loc. cit. p. 331. L. 8 ἐν τοῖς [---Inevorg TYAI [---] Lolling ; ἐν τοῖς [κατ᾿ ἐνιαυτὸν ἀγο]μένοις γυμ[νικοῖς ἀγῶσιν] Chiricat. L. 13 la restitution ἐν τῶι [κα]τ[ἀ] Πτο[λεμ]αΠον πο]λ[έ]μῳ de Hasluck n’est pas retenue par Kaufmann et Stauber (qui ignorent apparemment le commentaire de L. Robert, Bull. ép. 1964, 227 et Hellenica VII, p. 96) ; ils préfèrent laisser ἐν τῶι [κα]τ[ὰ -- -- -- πο]λίέ]μφ. L. 24 [στεφανοῦσθαι αὐτὸν
μετὰ τὸν πατέρα αὐτοῦ ἐν τοῖς ἀγῶσι τοῖς] | ἀγομένοις Chiricat. L. 25 ἀγομένοις correction de Lolling ; ΑΓΟΜΕΝΟΥ͂Σ la copie. L. 27 π(α)ρ(απ)έ(μ) πειν]
Lolling ; ΠΕΡΙΜΕΝΙ. .]N la copie.
Traduction .… le héraut proclamant : « le peuple et les Romains qui commercent dans la cité couronnent Démétrios, fils d’Oiniadès, en raison de sa valeur et de sa sollicitude envers eux...» ; qu’il soit couronné aussi lors des concours gymniques des Rhômaia, célébrés tous les ans, le héraut pro-
clamant : « Le peuple couronne Démétrios, fils d’Oiniades en raison de toute sa valeur » ; de même qu’il soit couronné dans les concours Hèrôa célébrés comme actions de grâce chaque année en l’honneur de son
grand-père Asklépiadès, l’ciste, et de ceux qui ont combattu à Alexandrie dans la guerre contre Ptolémaios, et ceci après les (cérémonies de) couronnement de son père et de son oncle, le héraut proclamant : « Le peuple couronne Démétrios, fils d’Oiniadès, petit-fils d’ Asklépiadès,
qui est digne de tout honneur auprès de la patrie » ; qu’on lui consacre un portrait le représentant en pied, peint sur bouclier doré, et une sta-
tue en marbre dans le sanctuaire d’Asklépios et Apollon, en dessous desquelles on inscrira « Le peuple (honore) Démétrios, fils d’Oiniades, petit-fils d’Asklépiadès, en raison de sa bienfaisance à l’égard de la cité, qui procède à la fois de lui-même et de ses ancêtres » ; que l’on érige également une stèle de marbre blanc devant le gymnase, dans le porti-
que construit à ses propres frais pour le peuple par son frère Dionysios, fils d’Oiniadès, stèle auprès de laquelle il sera couronné lors de la katadromè dite de son père Oiniadès, fils d’Asklépiadès, qui est organisée
par le peuple lors des concours célébrés chaque année par les magistrats du gymnase en partant de l’heröon; et que les néoi, les éphèbes et les paides accompagnent la cérémonie de couronnement qui suivra et qu’ils manifestent leur vive approbation (?) pendant que le héraut proclamera : « Le peuple couronne Démétrios, fils d’Oiniadès, petit-fils d’Asklepia-
FUNÉRAILLES PUBLIQUES
217
dès, en raison de sa sollicitude ancestrale envers le peuple »; prendra soin de la proclamation de la couronne le gymnasiarque en fonction chaque année ; que l’on transcrive aussi sur la stèle la copie du présent décret et que le décret soit pour le salut du peuple.
Malheureusement, le texte ne nous est connu que sous la forme d’une copie faite en 1880 par H. G. Lolling et vérifiée dix années plus tard par W. Ruge (cf. lemme). Depuis, la pierre a été encastrée dans une fontaine. Nous avons proposé quelques restitutions, en nous appuyant sur le
fac-similé de Lolling #. Ces restitutions éclairent précisément les details des cérémonies organisées au gymnase en l’honneur du grand-père du personnage, Asklépiadès, qui avait été le chef du contingent cyzicénien qui, sous le commandement de Mithridate de Pergame, a participé à la bataille d’ Alexandrie en 46 av. J.-C. Ce personnage est appelé οἰκιστής
et représente la figure principale des combattants en l’honneur desquels la cité organise les concours appelés Heröa. Le texte atteste l’existence d’un heröon, construit à l’intérieur ou dans la proximité immédiate du gymnase, qui abritait probablement la tombe d’Asklepiades. C’est le passage des lignes 19 à 26 qui restait obscur, précisément
l’endroit où l’on voit intervenir les habitués du gymnase dans un contexte agonistique qui, en l’absence de la ligne 24, restait incompréhensible. J. Delorme en donne la traduction suivante : « on décide de placer une stèle ... on y gravera la couronne qui lui ἃ été accordée et qui sera
proclamée par les chefs du gymnase dans la fête célébrée en l’honneur de son père » *. Il faut corriger cette interprétation. Tout d’abord ce n’est pas le gymnasiarque qui proclamera la couronne, mais le héraut. Ensuite, si la ligne 24 n’avait porté qu’une clause sur la gravure de la couronne sur la stèle, le passage qui fait référence aux concours annuels célébrés par les magistrats du gymnase n’aurait plus aucun sens. Enfin, la formule habituelle pour la gravure est ἀναγράψαι εἰς στήλην ou ἀναγράψαι ἐν στήλῃ. L'emploi de la préposition ἐπὶ avec l’accusatif est très rare dans ce cas, comme le montre L. Robert dans Bull. ép., 1976, 581 *. 38.
Cf. notre thèse de doctorat, Les cultes du gymnase en Asie Mineure et dans les îles de l'Égée, soutenue en décembre 2000 à l’École pratique des hautes études, Section
des sciences historiques et philologiques. 39. J. DELORME, Gymnasion, 1960, p. 215. 40.
Cf. aussi ΟΝ 1, 1432, 1. 18. On le retrouve toutefois à deux reprises à Cyzique même, M. SÈvE, loc. cit., 1. 86-87 : [ἀναγράψαι δὲ καὶ ταμίαν] ἐπὶ τὸ μνημῆον τόδε [τὸ ψήφισμα] et MICHEL 537, L 9 : ἐπιγράψαι ἐπὶ τὴν βάσιν.
218
ÉDOUARD CHIRICAT
Nous avons essayé de restituer la lacune de la ligne 24 en tenant compte
de l’interprétation donnée par L. Robert du mot καταδρομή, « exercice militaire d’entraînement ou parade militaire avec bataille fictive dans
les cérémonies, spécialement pour un chef défunt »®!. Selon nous, ce
passage concerne un nouveau couronnement de Démétrios “2, qui aura lieu précisément lors de cette cérémonie. Le verbe στεφανοῦσθαι ne doit pas manquer, suivi éventuellement d’une précision sur le type de couronne. L'expression ἐπὶ τὴν στήλην... ἐν τῆι καταδρομῆι... στε-
φανοῦσθαι αὐτὸν signifierait donc « qu’on le couronne auprès de la stèle. dans la katadrome... ». La préposition ἐπὶ suivie de l’accusatif indique dans certains cas la proximité“, mais il est vrai que c’est παρὰ
que l’on attend ici. Par la suite, comme 1] s’agit d’une épreuve organisée par le peu-
ple en l’honneur de son père vivant (cf. I. 13), on attend que Démétrios soit couronné après celui-ci, [μετὰ τὸν πατέρα αὐτοῦ]. Plus difficile à cerner est le rapport qu’il peut y avoir entre la kataöpoun et les concours annuels du gymnase dont on parle 1. 25, célébrés « en partant
du Mausolée » *. Elle n’en fait certainement pas partie; cette καταδρομή peut ne pas être un concours en soi, mais une démonstration militaire organisée par le peuple pour les jeunes dans le souci de perpé41. 42.
Bull. ep. 1964, voir « une sorte Dans ce décret que l’usage du
227; Hasluck et Lafaye proposaient dans leurs commentaires d’y de cryptoporticus ». il s’agit probablement de couronnes perpétuelles, comme l’indiprésent (cf. Ad. WILHELM, AAWW, 59 [1922], p. 75 et L. ROBERT,
« Cours au Collège de France 1972-1973 », OMS V, p 26, qui cite cette inscription). La même proclamation annuelle se rencontre à Cyzique dans le décret pour
Apollonis, fille de Proclès, republié par L. Robert (1. 52-54 : στεφανοῦν αὐτὴν ἀνὰ πᾶν E[tolg ἐν τοῖς Ἀνθεστηρίοις τῇ δωδεκάτῃ καὶ τῇ τρισκα[ιδ]εκάτῃ χρυσῷ στεφάνῳ, ἀνανγέλλοντος τοῦ ἱεροκήρυκος μετὰ τοὺ[ς προ]τε[τ]ειμημένους).
C'est probablement la couronne dorée perpétuelle, (χρυσῷ στεφάνῳ ἀϊδίῳ) que l’on rencontre dans un autre décret de Cyzique, pour Dioclès, fils de Théopompe, L. ROBERT, BCH,
102 (1978), p. 452-460 (Documents d'Asie Mineure,
Paris,
1987, p. 148-156). Cf. aussi E. SCHWERTHEIM, « ATOLOG στέφανος, zu vier Ehreninschriften aus dem Territorium von Kyzikos », Asia Minor Studien I, 1990, p. 83100, avec les observations de P. HERRMANN, « Epigraphische Notizen 6 », EA, 20
43.
(1992), p. 70-71. Hérodote VIII, 79, στὰς ἐπὶ τὸ συνέδριον, s’étant arrêté à la porte du Conseil; Thucydide II, 34 : καὶ γυναῖκες πάρεισιν αἱ προσήκουσαι ἐπὶ τὸν τάφον ὀλοφυρόμεναι, les femmes de la famille sont présentes au tombeau faisant entendre leurs lamentations.
44. Ce serait le pendant « gymnasial » des εὐχαριστήριοι ἀγῶνες Ἡρώια.
FUNÉRAILLES PUBLIQUES
219
tuer la mémoire des faits d’armes d’Oiniadès *. Ph. Gauthier rapproche ce terme de l’épreuve d’euandria mentionnée dans le décret en l’honneur de Ménas de Sestos (1. 84 : κατατροχάσας τὴν εὐανδρίαν κατὰ τὸν νόμον, « avait fait courir, conformément à la loi — sc. la loi du gymnasiarque --, l’épreuve d’euandria »). Celle-ci aurait été à Sestos « en même temps qu’une course, une sorte de revue en armes, clôturant l’année » *,
Il est possible de proposer une autre explication en renonçant à corriger la copie de Lolling. Celle-ci porte au début de la 1. 26 ΑΓΟΜΕΝΟΥ͂Σ. L’accusatif ἀγομένους pourrait s’expliquer s’il était précédé de la préposition μετὰ. Il y aurait eu un concours organisé dans le gymnase suivi d’une katadrome « d’Oiniadès ». La proclamation aurait été faite à la fin et l’on prescrit aux néoi, éphèbes et paides d’attendre (περιμένί[ει]ν au lieu de πία)ρ(απ)έ(μ) πειν]) après la fin des concours
la cérémonie du couronnement qui suivra (τὴν ἐσομένην στεφάνωϊσιν αὐτοῦ, participe futur autrement inexplicable) et manifester leur approbation enthousiaste (ἐπισημοῦσθαι). Mais ce passage de la ligne 28 reste hautement suspect et en l’absence d’une révision de la pierre nous ne pouvons que nous limiter à des conjectures stériles à partir du fac-
similé de Lolling. En fait, c’est le verbe π(α)γρ(απ)έ(μ) πειν] qui gêne le plus. Il veut
dire « escorter » ; on l’utilise à propos de personnages qui accompagnent une armée “7 ou bien des éphèbes qui escortent les objets sacrés lors des mystères d’Éleusis “δ, Chez Dion Cassius, un personnage est accompagné entre le forum et sa maison par le peuple : καὶ ἐκεῖθεν οἴκαδε
παντὸς μὲν ὡς εἰπεῖν τοῦ δήμου παραπέμποντος αὐτόν “Ὁ. L’honneur de la παραπομπή pouvait être accordé aux ambassadeurs d’une cité
étrangère, aux théores, aux juges étrangers Ὁ, Ce verbe implique tou45.
Le même thème de la mémoire des bienfaits et de la reconnaissance à l’égard des évergètes comme valeurs fondamentales qui doivent être transmises aux descendants revient dans le décret de Téos accordant des honneurs cultuels à Antiochos HI.
46.
Ph. GAUTHIER, « Trois décrets honorant des citoyens bienfaiteurs », RPh, 56
47. 48. 49. 50.
(1982), p. 215-231, p. 228-229. Cf. Bull. ép. 1974, 577, n° 54; Nouveau choix 15, 25, commentaire p. 90-91. IG II, 1078, 1. 20-22 et 25-26. Dion Cassius 43, 22. L. ROBERT, BCH, 50 (1926), p. 491-492 (OMS I, p. 55-56) et P. BOESCH, Θεωρός, p. 53 et n. 2.
220
ÉDOUARD
CHIRICAT
jours un mouvement. Le sens de l’expression π(α)ρ(απ)έ(μ) πεῖν] τὴν στεφάνωσιν, « mener en procession le couronnement », nous échappe.
À la ligne 23 on attendrait que le nom du père de Démétrios soit au datif, ἐν τῆι συντελουμένῃ ὑπὸ τοῦ δή! μου καταδρομῆι τῶι πατρὶ αὐτοῦ Οἰνιάδῳ. L. Robert explique clairement l’usage du datif dans ce genre de formules!, mais ne commente pas l’exception qui se trouve dans notre passage. Le personnage honoré fait partie d’une famille de notables qui ont marqué l’histoire de la ville de Cyzique. Il s’agit tout d’abord d’Asklepiadès, chef du contingent de Cyzique qui ἃ fait partie de l’armée à la tête de laquelle en 46 av. J.-C. Mithridate de Pergame a délivré César assiégé à Alexandrie. Ce personnage est appelé οἱ κιστῆς et représente la figure principale des combattants en l’honneur desquels la cité organise les concours appelés Hèr6a. Ce sont des honneurs héroïques et nous pensons que l’épithète οἰ κιστής ne fait pas référence « à la fondation par ce personnage d’une colonie asklépiade à Poimanenon »,
comme le propose Hasluck°?, mais correspond au titre de κτίστης ou de δεύτερος κτίστης accordé aux grands bienfaiteurs de la basse épo-
que hellénistique, comme Diodoros Pasparos de Pergame 53. À part ces concours annuels, les magistrats du gymnase (οἱ ἀρχόντες τοῦ Yuuvaσίου), célèbrent tous les ans des concours appelés « ἀπὸ τοῦ 'Hpwov », « en partant de l’hërôon ». Nous y voyons un parallèle exact des dromoi courus par les éphèbes athéniens à certaines occasions « en partant du polyandreion », c’est-à-dire vraisemblablement du mausolée des sol-
dats morts à la guerre, comme le polyandreion de Marathon, qui apparaît dans les inscriptions éphébiques d”’ Athènes dans le même contexte : ἐποιήσαντο δὲ καὶ τοῖς Ἐπιταφίοις δρόΐμο]ν ἐν ὅπλοις τόν τε ἀπὸ τοῦ πολυανδρείου καὶ τοὺς ἄλλους] τοὺς καθή[κοντα]ς 5. À Argos 51. Bull. ép. 1964, 227. 52. HASLUCK, « Inscriptions from Cyzicus », JHS, 23 (1903), p. 90, n. 3. 53. Sur le terme οἰκιστής comme équivalent strict de κτίστης, cf. L. ROBERT, Hellenica IV, p. 116 et n. 7 (sur Asklépiodotos d’Aphrodisias, qui avait rendu de grands services à sa patrie et sera traité οἷάπερ οἰκιστῆι); Bull. ép. 1966, 376 (Hadrien
est οἰκιστής de Milet, alors qu’il est souvent κτίστης d’une autre ville); Bull. Ep. 1974, 404 , L. ROBERT, « La titulature de Nicée et de Nicomédie : la gloire et la haine. », HSPh, 81 (1977), p. 11, n. 45 (OMS VII, p. 221, n. 45).
54. IG IR, 1006, 22-23.
FUNÉRAILLES
PUBLIQUES
221
il y avait un πολυάνδριον construit dans le gymnase pour les Argiens
morts dans l’expédition en Sicile. Cet heröon, construit à l’intérieur ou dans la proximité immédiate du gymnase, abritait probablement la tombe d’Asklépiadès et éventuellement celles des autres combattants d’Alexandrie (si l’on admet que les concours des Hèrôa les concernent tous) 56. Il serait donc le centre d’un culte héroïque célébré en l’hon-
neur d’un personnage élevé au rang de fondateur de la cité et qui a reçu
le privilège d’être enterré dans le (ou près du) gymnase. L'exemple le plus proche est celui de Pergame, où Diodoros Pasparos avait reçu un heröon construit sur l’agora de la ville haute, Philétaireia. Tout comme Diodoros et Mithridate de Pergame, Asklépiadès est probablement un ami des Romains, comme l’atteste son engagement aux côtés de César.
Son culte dans le gymnase de Cyzique symbolise en même temps l’attachement de la cité à l’alliance avec Rome et, peut-être, déjà à la nouvelle pax Romana.
En l’honneur de son fils Oiniadès, le peuple célèbre une katadrome commémorant sans doute ses faits de guerre, accomplis probablement
en compagnie de son père Asklépiadès. Quant à Démétrios 57, les honneurs qui lui sont rendus rappellent et suivent ceux du grand-père, du père et de l’oncle. La cité honore ainsi toute une lignée de bienfaiteurs, phénomène caractéristique de la basse époque hellénistique. Élevés au
dessus de la masse, les grands évergètes forment « un petit groupe à part
et pour ainsi dire héréditaire »°®. Pour ce qui est de la date du document, trois éléments sont à prendre en compte. D’après Hasluck et L. Robert, ᾿᾿ἀκμή d’Asklépiadès est à placer vers 46 av. J.-C., date de la participation à la bataille d’Alexandrie ; son fils Oiniadès était encore vivant à l’époque où ce décret a été voté ; son petit-fils Démétrios se trouvait vraisemblablement à son ἀκμή. Si une génération correspond conventionnellement à trente ans, le délai maximum entre l!’axyın du grand-père et celle du petit-fils est de 60 ans; 55. ZIEBARTH, Schulwesen?, p. 109. 56.
Sur les Hèr6a, cf. récemment I. KADER, « Heroa und Memorialbauten », dans M. WÖRRLE et P. ZANKER (éd.), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus, Munich,
1995, p. 199-229. 57.
Qui regoit lui aussi des honneurs cultuels, une statue de culte dans le sanctuaire d’Asklépios et Apollon, sans rapport avec le gymnase.
58. GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 58.
222
ÉDOUARD CHIRICAT
ceci donne le terminus ante de ca 15 apr. J.-C. Le terminus post quem est autour de 15 av. J.-C., au cas où Asklépiadès était déjà grand-père au moment de la bataille. L’honneur de l’enterrement au gymnase est probablement accompagné — comme le précise explicitement le texte en l’honneur d’Artémidôros de Cnide — de funérailles publiques. Quelques textes de Priene (1. Priene, 99 -- Thrasyboulos, n° 108 - Moschiön, fils de Kydimos, n° 113 — Zosimos) évoquent cet honneur de l’enterrement public, ταφὴ δημοσία, accordé à de grands évergètes citoyens, à la fin du 11 et au 1“s. av. J.-C. Les convois funèbres (ἐκφοραί) de Thrasyboulos, Moschiôn, Kratès et Zosimos doivent être escortés par le gymnasiarque des néoi avec les éphèbes et les néoi, par le pédonome avec les garçons, et par les stratèges suivis des autres citoyens. Le décret en
l'honneur de Thrasyboulos 5 explique la finalité d’un tel honneur par le besoin de créer une émulation propice aux actes d’évergétisme : « afin que les autres, voyant la reconnaissance que le peuple manifeste à l’égard des citoyens de valeur, deviennent d’autant plus empressés
à l’égard des intérêts du peuple ». C’est pour des raisons semblables qu’en 182 av. J.-C., Philopoimen reçoit à Mégalopolis l’honneur d’une tombe sur l’agora, des sacrifices et des concours Ÿ. On connaît bien le texte de Plutarque, qui écrit que lors de l’enterrement de Philopoimen les citoyens ont formé un cortège à la fois funéraire et triomphal,
ἐπινίκιον τινα πομπὴν ἅμα ταῖς ταφαῖς, l’urne, couverte de couronnes, étant portée par le fils du stratège des Achéens, Polybe, entouré de l’élite des Achéens. L. Robert a rassemblé dans plusieurs de ses articles les témoignages
des enterrements solennels δ᾽. Un parallele intéressant est celui du décret de Cyrène pour Barkaios, fils de Theuchrestos, qui avait laissé par testament une donation à Hermès et Héraclès pour un usage dont nous ne connaissons pas la destination précise, mais qui était certainement en relation avec le gymnase. En échange, il est prévu que les éphèbes et les habitués du gymnase portent le corps du défunt (I. 18, βαστάξαι δὲ 59. I. Priene 108, 1. 22-23. 60. SylP 624. 61. L. RoBERT, RPh, 55 (1929), p. 156; RPh, 65 (1939), p. 158-162; RPh, 85 (1959), p. 217-221; Études anatoliennes, Paris, 1937, p. 56-57 et 563, n. 3; 1. et L. RoBERT, La Carie II, Paris, 1954, p. 172; Bull. ép. 1966, 272.
FUNÉRAILLES
PUBLIQUES
223
τὰν ἐκφορὰν αὐτῶι τὸς τ᾽ ἐφήβος καὶ τὸς ἄλλος τὸς μετέχοντας τῶι ἀλείμματος) et les gymnasiarques offriront chaque année un sacrifice
à Barkaios lors de son jour anniversaire ©?. À la fin du règne d’ Auguste L. Vacceius Labeo reçoit à Kymè l’honneur de l’enterrement au gym-
nase et les éphèbes porteront son corps à l’agora®?. Cicéron atteste lui aussi dans l’un de ses plaidoyers le caractère exceptionnel des honneurs funèbres accordés par les Grecs aux grands bienfaiteurs ; les Smyrnéens avaient accordé à Castricius primum ut in oppidum introferretur, quod aliis non conceditur, deinde ut ferrent ephebi, postremo ut imponeretur
aurea corona mortuo®. À l’époque hellénistique, les grands bienfaiteurs citoyens obtiennent donc des honneurs funèbres dans l'esprit des cultes héroïques des fondateurs, honorés d’une sépulture sur l’agora ou au gymnase. L’ensemble des textes que l’on vient d'examiner montrent que l’honneur de la sépulture au gymnase à la basse époque hellénistique n’est pas lié à des bienfaits accomplis à l’égard de cette institution, mais au fait qu’elle devient dorénavant, selon l’expression consacrée de L. Robert, « une seconde agora »®. Là où l’on constate la participation des habitués du gymnase ou de ses magistrats, celle-ci doit être interprétée comme une
exhortation adressée à la jeune génération pour qu’elle suive l’exemple des « grands hommes de la patrie ».
62. 63. 64. 65.
L. ROBERT, RPh, 55 (1929), p. 155-156 (OMS II, p. 1121-1122). I. Kyme, 19, 1. 44-45 et 49-5]. CICÉRON, Pro Flacco, 75. L. ROBERT, AC, 36 (1966), p. 422 et n. 7 (OMS VI, p. 46 et n. 7).
Dépenses publiques et évergétisme des citoyens dans l’exercice des charges publiques à Priène à la basse époque hellénistique Pierre FRÔHLICH Université Paris 1 -- Panthéon-Sorbonne UMR 8585 — Centre Gustave Glotz, Paris
ANS un ouvrage fondateur, Ph. Gauthier écrivait que « le rôle des bienfaiteurs dans les cités grecques et l’attitude de celles-ci envers eux forment un sujet presque inépuisable »'. Vingt ans après, malgré l'aboutissement de nombreux travaux, il reste en effet des pistes de recherche à explorer. Plus récemment, en 1992, à propos des aspects économiques et financiers de l’évergétisme, L. Migeotte appelait de ses vœux « un certain nombre d'enquêtes précises et limitées à des cas exemplaires, bien représentés par l’épigraphie, en étant attentif à la spécificité des époques, des situations économiques et politiques des cités, de leurs institutions et de leurs ressources » 2. Ce souhait pourrait s’étendre à tous les aspects de l’évergétisme ; c’est à une de ces études de cas que je voudrais m’atteler. De ce point de vue, Priène est d’un intérêt exceptionnel. La cité est pratiquement figée dans son état de la basse époque hellénistique. Les dernières constructions publiques d’importance remontent à la seconde moitié du τ siècle av. J.-C., notamment, sur l’agora, le portique nord ou
« portique sacré »°. Ce portique a aussi été utilisé entre le dernier tiers 1. 2.
3.
Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes - Paris, 1985 (BCH Suppl. 12), p. 1. « L'évergétisme des citoyens aux périodes classique et hellénistique », dans M. CHRISTOL et O. Masson (éd.), Actes du X" congrès international d'épigraphie
grecque εἰ latine. Nîmes 4-9 octobre 1992, Paris, 1997, p. 196. Ce portique ἃ été consacré grâce aux dons d’Oropherne de Cappadoce, à partir de 155 av. J.-C., si l’on en juge par la dédicace /. Priene 204: cf. Ad. WiL-
226
PIERRE FRÔHLICH
du Π’ et le premier quart du r siècle pour graver 24 décrets (les n* 107 à 130) qui constituent une masse documentaire sans pareille. Ils forment
avec quelques autres documents une série d’une grosse trentaine de textes qui a peu d’équivalents dans le monde grec (sinon Athènes, peut-être Pergame ou Milet) — à cela s’ajoutent plusieurs dédicaces, des inscriptions funéraires, des graffitis, ainsi qu’une connaissance sans équivalent du cadre urbain. En outre, nombre de ces textes sont de très longs décrets développés de plusieurs centaines de lignes de grec (les n® 107-109, 111, 117 et 112-114, pour n’évoquer que les mieux conservés) qui offrent des informations d’une grande richesse, comme les décrets contemporains de Colophon pour Ménippos et Polémaios, et ceux de Métropolis d’Ionie récemment publies*. À la différence de ces derniers, les décrets de
Priène n’ont jamais fait l’objet d’un commentaire d’ensemble, même partiel ; ils n’ont à peu près Jamais été utilisés comme une série. La richesse des informations qu’ils fournissent et l’absence de telles études justifient largement l’objet de la présente étude. Il peut paraître réducteur d’envisager l’évergétisme à travers le seul
cadre des fonctions publiques, alors qu’il ἃ été montré depuis longtemps qu’il débordait largement ce cadre. Cette approche permet néanmoins
de comprendre l’évolution des charges publiques et les modalités de la participation des notables à la vie institutionnelle de la cité. J’envisagerai donc l’évergétisme du point de vue financier, de celui de l’argent
dépensé par les titulaires des charges publiques ; je laisse de côté les largesses effectuées en dehors de ce cadre. HELM, AAWW, 58 (1921), p. 77-78 (Akademieschriften, II, p. 64-65); Th. LENSCHAU, « Orophernes », RE 18, 1 (1939), col. 1169-1170; Fr. RUMSCHEID, Priene.
4.
À Guide to the « Pompei of Asia Minor », Istanbul, 1998, p. 75. Opinion différente de G. KLEINER, « Priene », RE, Suppl. 9 (1962), col. 1209 (le portique devrait être attribué à Ariarathe VI, 130-v. 112 av. J.-C.). Pour les édifices de l’agora et leur chronologie, cf. W. KoENIGS, « Planung und Ausbau der Agora von Priene », MDAI(I), 43 (1993), p. 381-197 et en dernier lieu W. REACK et al., ΜΌΑ (1), 53 (2003), not. p. 343-349 (A. von KIENLIN). Le gymnase du bas doit dater lui aussi de la seconde moitié du 11° 5. : RUMSCHEID, op. cit, p. 199 et 210 (milieu 1r° s., d’après le décret pour Moschiôn I. Priene 108). L.etJ. ROBERT, Claros I, Décrets hellénistiques, Paris, 1989: B. DREYER et R. MERKELBACH, Die Inschriften von Metropolis, I, Bonn, 2003.
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
227
En effet, je voudrais répondre aux questions suivantes : 1) Quelle est l’origine des fonds dépensés dans les charges publiques, publique ou « évergétique » ? 2) Dans le second cas, l’évergétisme a-t-il pour source des difficultés de la cité, une impécuniosité, une crise financière, ou l’esprit de munificence des titulaires des charges ? En d’autres termes, y a-t-il eu un changement du mode de financement de la vie publique et, partant, de l’exercice des magistratures ? Par munificence, j’entends la faculté de dépenser sans compter, audelà des stricts besoins de la charge et de tout caractère d’urgence. La munificence, en grec la mégaloméreia, dépasse l’aide dans une situation d’urgence ; elle met l’accent sur l’ampleur des largesses. En français, on pourrait aussi parler de magnificence : les deux termes sont souvent synonymes. On sait que cette magnificence est au cœur de l’approche de l’évergétisme qui est celle de Paul Veyne, mais qu’elle n’est assurément pas décelable à la haute époque hellénistique. Par ailleurs, la magnificence, qui traduit précisément le grec mégaloprépeia, met plus l’accent sur une attitude générale, par exemple sur le faste, la splendeur d’une fête organisée. Il y a une petite nuance (souvent teintée d’une coloration morale) qui me fait préférer le mot de munificence pour désigner cet aspect de l’évergétisme, en dehors de toute considération morale. 3) Enfin, quelle importance revêt encore l’exercice de ces charges publiques dans les éloges que les évergètes reçoivent de leurs concitoyens ? Je commencerai par donner quelques éléments de réponse à la dernière question en présentant des remarques d'ensemble sur la documentation, avant d’envisager successivement la part des nécessités dans les largesses évergétiques puis celle de la munificence.
Remarques d'ensemble : l'engagement des notables dans la vie civique
“
Il faut d’abord dire quelques mots de la nature de la documentation et du style des textes. On peut distinguer deux groupes de textes :
6.
P. VEYNE, Le Pain et le cirque, Paris, 1976, notamment p. 29-35.
Voir les critiques adressées à P. VEYNE par SCHMITT-PANTEL, Banquet, et celles déjà exprimées en 1978, EaD., J. ANDREAU et A. SCHNAPP, Annales, 33 (1978), 307-325 (notamment p. 312). P. VEYNE semble employer indifféremment magnificence et munificence : ainsi p. 237.
PIERRE FRÔHLICH
228
a) Les longs décrets pour les bienfaiteurs votés au terme d’une carrière. Le modèle le plus achevé ou du moins le mieux conservé en est le décret pour Moschiôn, /. Priene 108, (après 129 av. J .-C.), personnage qui a été actif entre ca 160 et ca 130. On peut y ajouter Hérôdès, honoré par le décret I. Priene 129, voté environ 10 ans plus tard, Kratès, qui, d’après 1. Priene 111, était actif à la fin du 1° et au début du r” siècle? et Hèrakleitos (1. Priene 117), probablement son contem-
porain, pour ne parler que des documents les mieux conservés. Ce premier groupe de documents s’échelonne entre ca 130 au plus tôt et ca 90, avant la première guerre mithridatique ; il constitue une série relativement homogène. b) Les trois décrets pour Aulus Aemilius Zôsimos, Romain, probablement un affranchi, qui reçut la citoyenneté à Priène et y a assumé nombre de charges importantes : après l’exercice de chacune d’entre
elles, un nouveau décret honorifique lui a été voté, qui rappelait ses
bienfaits précédents et lui votait d’autres honneurs : 1. Priene 112-114. Il ne s’agit donc plus de longs décrets votés à l’issue d’une carrière, mais de textes plus circonstanciels. Postérieurs à la première guerre
mithridatique, votés peut-être vers 80 (au plus tôt), les décrets pour Zôsimos sont uniques dans la mesure où ils semblent être les seuls
décrets de Priène conservés pour cette période, peut-être les derniers décrets de Priène.
Malgré de remarquables éléments de continuité entre ces groupes de documents, les décrets pour Zôsimos montrent incontestablement que l’époque est bien différente : on peut relever la multiplication des décrets honorifiques (du moins de décrets gravés) pour un même per-
sonnage, l'inflation des honneurs, la présence importante des Romains et les graves difficultés que connaît la cité. Globalement, la documentation s’échelonne sur 50 ans et concerne l’activité des personnages honorés sur une période un peu plus large,
ἣν
environ 70 à 80 ans (ca 160-ca 80, mais surtout ca 130-ca 80). Pour la date, cf. J.-L. FERRARY, Chiron, 30 (2000), p. 175-179. Le seul parallèle pourrait être constitué par 1. Priene 104, un fragment de décret pour un certain Thrasyboulos fils de Thrasyboulos fils de Thrasyboulos : si le per-
sonnage est bien le petit-fils de Thrasyboulos fils de Dèmétrios, honoré vers 100 U. Priene 99-100, 103), le décret l’honorant doit nécessairement être placé assez bas dans le r* siècle, vers 80 au plus tôt.
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
229
Les personnages honorés sont ce qu’on peut à bon droit appeler des
notables. J’ai évoqué somme toute un tout petit monde : aux cinq personnages cités, on pourrait ajouter une quinzaine d’autres ayant bénéficié de semblables décrets (très mal conservés). Il faudrait pouvoir mesu-
rer le poids relatif de ces notables dans la petite cité qu’est Priène et le comparer avec ce que l’on sait des siècles précédents, bref procéder à une étude prosopographique comme celles qu’I. Savalli appelait de ses
vœux dans un article recent?. Une telle étude dépasse le cadre de cet article et se heurte à de sérieuses difficultés : — une différence entre haute et basse époque hellénistique : à la haute époque, la documentation est autant constituée de décrets pour des
étrangers que pour des citoyens (une petite dizaine), et d’autres objets encore : sous réserve d’inventaire, il est difficile de bien connaître les citoyens de premier plan en l’absence d’une série de documents les honorant ; — difficultés inhérentes à toute prosopographie en milieu grec : absence régulière de patronymes, nombre d’homonymes, etc. ; — il faudrait aussi traiter une masse documentaire peu exploitée
(parce qu’inexploitable 7), celle des noms des éphèbes fournis par les graffitis du gymnase, qui apparaissent précisément de la basse époque hellénistique (les « Topos-Inschriften », I. Priene 313, soit 732 noms) "0,
Malgré tout, grâce au corpus, quelques observations peuvent être rapidement présentées. Sur la période considérée, on peut isoler environ 60 noms de personnes ayant assumé des charges publiques (plus 6 inconnus), notamment des charges prestigieuses comme la stéphanéphorie. Une dizaine d’entre eux a bénéficié d’un décret honorifique (plus 2 inconnus et 7 autres décrets ayant été votés pour des personnages dont le nom est totalement perdu). Il ne s’agit en fait que des charges les plus importantes : il faut donc imaginer un groupe de notables qui n’est peut-être pas aussi restreint qu’on pouvait le penser. 9.
I. SAVALLI-LESTRADE, « Remarques sur les élites dans les poleis hellénistiques », dans M. CÉBEILLAC-GERVASONI et L. LAMOINE (éd.), Les élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Rome - Clermont-Ferrand,
2003, p. 59; voir aussi p. 51-52 pour l’utilisation du terme notable. 10. Il y a malheureusement très peu à attendre des noms figurant sur les monnaies de la cité, cf. K. REGLING, Die Münzen von Priene, Berlin, 1927, p. 157-168.
230
PIERRE FRÖHLICH
En outre, si nombre de ces personnages assument plusieurs charges et mènent une sorte de « carrière » au service de la cité, dans l’état actuel de la documentation, on relève plutôt un partage des charges qu’une concentration. Je n’ai relevé que trois itérations : Hèrôdès, qui a été deux fois stéphanéphore dans la seconde moitié du Ir“ siècle, Moschiôn, qui fut deux fois antigrapheus à la même époque, et Zôsimos, qui a été deux fois secrétaire après 85 !!. Encore Moschiön a-t-il dû laisser passer une année avant d’assumer à nouveau la charge d’antigrapheus "?. On ne trouve pas de trace de cumul, même si certains ne se limitaient pas à assumer pendant leur fonction les seuls devoirs de leur charge. Ainsi Kratès, lorsqu’il était agonothète (stéphanéphore Akrisios), fut envoyé comme ekdikos pour défendre les intérêts de sa cité dans un différend avec Milet ; la même année, il proposa aussi un décret concer-
nant les finances publiques 5. C’est à peu près le seul document qui donne une idée de l’activité multiforme de ces hommes de premier plan. Hèrôdès, lorsqu'il était stéphanéphore, partit en ambassade auprès du roi Ariarathe VI de Cappadoce (130-v. 112 av. J.-C.)'*. Ce sont, à ma connaissance, les deux seuls exemples que l’on puisse alléguer. On peut donc conjecturer que les magistratures et les autres charges publiques, même dispendieuses, ne devaient pas manquer de titulaires, ou du moins que le non cumul était de règle. Les difficultés de la prosopographie ne permettent pas toujours de déceler les éventuels liens familiaux entre ces hommes. Néanmoins, plus de la moitié des patronymes sont connus (32) et seules trois familles
paraissent avoir fourni plusieurs personnages de premier plan : — la famille de Moschiön et d’Athènopolis, fils de Kydimos, deux grands bienfaiteurs du deuxième tiers du Ir s. (honorés par 1. Priene 108 et 107). On suit cette famille sur trois générations, sur l’ensemble du n° siècle, où elle fournit agonothètes, prêtres de Dionysos, prêtresses ll.
Respectivement I. Priene 109, 170-188 et 189-221 (Hèrôdès) ; 108 + Ad. WILHELM, WS, 29 (1907), p. 20 (Abhandlungen, V, p. 300), 1. 212-223 (Moschiôn) et 112, 2225, 113, 15-18, 114, 8-11 et 28-32 (Zôsimos).
12.
1. Priene 111, 212-213 (1" charge), 217-219 (élection pour la 2° charge) ; cf. la note
de HILLER, ad loc.
13. I. Priene 111, 167 (année de la stéphanéphorie), 143 sgg. (début d’une longue 14.
clause mutilée évoquant ses activités d’ekdikos), 202 sqq. (proposition de décret). I. Priene 109, 171-174, cf. 103-107.
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
231
d’Athéna ‘. Mais c’est Moschiön qui paraît être l’homme le plus actif. Inversement, on ne connaît pas de représentant de cette famille actif après ca 120; — celle de Thrasyboulos fils de Thrasyboulos, honoré vers 100 av. J.-C. ; les documents transcrits sur la même exèdre montrent que d’autres membres de sa famille furent actifs dans la vie civique et hono-
rés par la cité !f; — celle de Dèméas fils de Dèméas, proposant des deux derniers décrets pour Zösimos, qui assuma probablement la stéphanéphornie à la même époque (après 85), dont un parent, Dioskouridès (son neveu ?),
proposa le premier décret pour Zôsimos "”. C'est assez peu. Notons au passage que les décrets pour Zôsimos donnent l’impression d’un changement partiel dans les rangs des notables après la guerre mithridatique : en dehors de cette famille, les titulaires des charges (du moins de la stéphanéphorie) sont tous Romains. S’il n’était pas délicat de raisonner sur un si petit groupe de documents, on serait en droit de se demander si la guerre mithridatique n’a pas provoqué un appauvrissement des notables de Priène, dont la ruine a été en partie palliée par l’implication des Romains ayant reçu la citoyenneté priénéenne, qui sont du reste présents au gymnase l#. 15.
Le grand-père maternel de Moschiön et d’ Athènopolis était agonothète au début durs. (Z. Priene 175), leur mère, [Habr]Jotèra, prêtresse d’ Athena (/. Priene 162);
leur oncle maternel, Athènopolis, vainqueur à Epidaure (1. Priene 268). Leur père, Kydimos, fut prêtre de Dionysos, sa sœur, Zoilis, prêtresse d’Athéna (/. Priene
162). Athénopolis lui-même, s’il bénéficia d’un décret bien vague sur ses mérites
16.
(I. Priene 107), fut actif avec Moschiön (1. Priene 108, cf. aussi une ambassade : 138, 7) et acquit la prêtrise de Dionysos (1. Priene 174, cf. 177). Voir les stemmata dressés par HILLER, /. Priene, p. 131 et 154. I. Priene 99, 100, 103 pour Thrasyboulos, 102 et 104 pour un personnage de la
même famille, peut-être son petit-fils. 17.
Dèméas proposant : 1. Priene 113, 11 et 114, 6; stéphanéphore : 112, 21. Dioskou-
ridès fils de Dioskouridès fils de Dèméas, par la nature d’H£rostratos : proposant I. Priene 112, 8 (il s’agirait donc du neveu du premier personnage, et non de son frère, comme l’avance ΗΠ ΕΚ p. 103). Un Dioskouridès fils de Dèméas, son père,
est honoré par le fragment de décret I. Priene 123. 18. Stéphanéphores romains, outre Zôsimos : I. Priene 112, 1 (C. Cestius Hèliodôros); 113, 1 (P. He... nou), 114, 1 (P. Labérius); cf. J.-L. FERRARY, « De l’évergétisme hellénistique à l’évergétisme romain », dans M. CHmisroL et O. Masson (éd.), Actes du
X“ congrès int. d’épigraphie grecque et romaine Nîmes 1992, Paris, 1997, p. 202 et Chiron, 30 (2000), p. 178-179 n. 84. Romains au gymnase : 1. Priene 313, 693-715.
232
PIERRE FRÖHLICH
Plus concluante me paraît être l’étude des fonctions assumées par ces notables. Le document le mieux connu, le décret pour Moschiôn (I. Priene 108) pourrait être trompeur. L’évergétisme de Moschiôn et de son frère Athènopolis (1. Priene 107) s’est effectué en grande partie dans un cadre extérieur à toute charge publique, comme on l’a relevé
depuis longtemps '?. Or, il n’est pas certain que leur exemple soit généralisable : dans l’état actuel de la documentation, il n’y en a pas d’autre à Priène. En revanche, la nature des charges assumées est en soi révélatrice. Il s’agit en premier lieu de fonctions diplomatiques ou de représentation de la cité, notamment de nombreuses ambassades (au moins 9 cas),
auprès de cités, auprès de rois, séleucides, lagides, ou de Cappadoce *,
auprès de gouverneurs romains de la province d’ Asie, à propos des abus des publicains par exemple ?!. Une bonne part de ces ambassades concer-
nait les litiges que Priène entretenait de façon récurrente avec ses voisines Milet ou Magnésie du Méandre. D’où aussi l’importance de la fonction d’ekdikos ; si elle n’apparaît que dans deux décrets honorifiques, nous connaissons au moins 14 personnages s’étant dévoués dans
cette fonction 2. Ces ambassades dessinent des périodes différentes de l’histoire diplomatique de la cité, les années 160-130 avec des échanges soutenus avec tous les rois de l’Orient hellénistique, le dernier tiers du Ir“ siècle avec les Romains, mais aussi les cités de la basse vallée du Méandre. Il faudrait aussi ajouter les théories fréquemment assumées par nombre de ces personnages, auprès des cités, des rois, des magistrats 19. 20.
GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 73-74. Cités : Moschiön, 1. Priene 108, 165-167; un inconnu, à Sardes, /. Priene 120, 15-22?; un autre /. Priene 121, 24-31 ; un autre, /. Priene
21.
121, 24-33, —
rois :
Moschiön, /. Priene 108, 155-159 (Démétrios II [146-138 av. J.-C.]), 163-175 ? {Ptolémée VI ou VII) Hèrôdès, /. Priene 109, 103-107 (Cappadoce) ; un inconnu, I. Priene 121, 31-32 (Séleucos VI, 96-95 av. J.-C.); — ambassades sans précisions : 1. Priene 109, 125-137 (Hèrôdès), un inconnu, /. Priene 125; I. Priene 138, 7 (Athènopolis et Nau[-] fils de Tydeus). Différentes ambassades concernant les Romains ou auprès des Romains : Kratès, I. Priene 111, 14-26 (et 31-337), 111-123?; Hèrakleitos, /. Priene 1117, 11-28 (lignes très mutilées) ; un inconnu, /. Priene 121, 21-24 (cf. J.-L. FERRARY, Chiron,
22.
30 [2000], 170-175); un autre, 1. Priene 124, 5-9? Kratès, /. Priene 111, 26-27 et 123-143, 143-167; Théôn, /. Priene 119, 5-12?. D'autres ekdikoi sont attestés dans l’arbitrage rhodien, /. Priene 42, 18-21.
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
233
romains, comme M. Perpenna lorsqu'il célébra à Pergame la victoire sur Aristonikos ©. Ces théories ont incontestablement revêtu un aspect diplomatique important, mais leur enjeu était naturellement moins vital pour Priène.
D’une manière générale, ces missions, pourvues par l’élection?, désignent des notables rompus à l’art de la rhétorique. Elles leur permettent aussi de nouer des liens étroits avec d’autres notables, et surtout avec les dirigeants romains. L'importance qu’elles ont dans les éloges tient à la fois aux difficultés qui les conduisirent à assumer ces ambassades, à l’enjeu de celles-ci (moins évident pour les théories) et aux dangers que certaines de ces missions leur faisaient courir*. L’impression dominante est que ces personnages assumaient surtout
des liturgies ou des fonctions à caractère liturgique 26, Au premier rang de celles-ci, la prêtrise éponyme de Priène, la stéphanéphorie, dont les dépenses sont complaisamment étalées (60 lignes sur les 300 des considérants du décret pour Moschiôn, 1. Priene 108, 253-311, 50 des 200
pour Hèrôdès, /. Priene 109, 170-221 2). Des personnages honorés, sept l'ont été notamment pour avoir assumé cette fonction. 29 titulaires sont connus pour la période (et seulement 6 cas de stéphanéphorie divine), ce qui donne une indication sur le nombre des riches familles de Priène. Mais les notables priénéens pouvaient et devaient assumer plusieurs liturgies, dont une liste peut être dressée grâce au règlement de la vente de la prêtrise de Dionysos Phléôs, qui doit dater des environs de 100 av. J.-C. (I. Priene 174). L'acheteur est en effet exempté de cer-
taines liturgies en fonction de la somme versée pour acheter la prêtrise : lampadarchie, agonothésie, hippotrophia, archithéorie, gymnasiarchie (6000 dr., 1. 24-27) mais aussi triérarchie, charge d’oikonomos, de néope et l’avance de fonds, la proeisphora (12000 dr., 1. 27-30). On retrouve quatre de ces liturgies signalées dans les décrets honorifiques. 23.
Moschiôn théore : 1. Priene 108, 25-30, 152-155, 159-163 et 223 ?-232 ? (Pergame) ; Hèrôdès : 1 Priene 109, 41 ?-68 ?, 90-98 (Pergame) ; un inconnu, 1, Priene
120, 12-14.
24. E.g. I. Priene 108, 25 : χειροτονηθεὶς (...) θεωρός; 155 : χειροτονηθεὶς (...)
πρεσβευτής. 25.
Voir Chr. HABICHT, « Tod auf der Gesandtschaftreise », dans Β. VIRGILIO (éd.), Studi ellenistici, XII, Pise, 2001, p. 9-17. 26. Pour cette expression, cf. Quass, Honoratiorenschicht, p. 270-274.
234
PIERRE FRÔHLICH
— L’agonothésie, dans deux cas : Kratès, honoré au début du 1“ siècle par un long décret qui détaille entre autres ses largesses dans cette
fonction (1. Priene 111, 167-238 ?) et un évergète anonyme, probablement à la même époque (1. Priene 118, A, 1-18).
— La charge d’oikonomos, avec une seule mention dans un décret honorifique, /. Priene 115 et 131, 7-13 (ca 100-90 av. J.-C. ?). Mais on
sait qu’au moins deux autres notables assumèrent cette charge”. — Celle de néope, dans un seul cas : 1. Priene 115 et 131, 7-13. — La gymnasiarchie, qui n’apparait que tardivement, avec Zösimos :
I. Priene 112, 26-127 ; 113, 18-19; 114, 11-19. Ici, les dépenses en sont complaisamment exposées et la gymnasiarchie a tout l’air d’être une liturgie. Néanmoins, il ne faudra pas généraliser le cas de Priène : dans nombre de cités, la gymnasiarchie demeure une magistrature (souvent
coûteuse il est vrai). De même, on peut s’interroger sur le fait que la gymnasiarchie n’apparaisse pas dans d’autres décrets honorifiques de Priène : cela signifie-t-il qu’il faut attendre le 1 siècle pour que les dépenses y deviennent importantes ? On peut en douter : on sait que la construction du gymnase du If“ siècle a été financée par des donations royales et que, à la suite du renversement de ces rois, Moschiôn avait dû en prendre le relais ”. On sait par ailleurs l’importance de l’attention que portaient certaines monarchies, en particulier les Attalides, au fonctionnement des gymnases des cités et celle des dons qu’ils effectivement pour leur fonctionnement ἢ, même s’il est peu probable que les Attalides aient effectué ce type de dons à Priène*!. Dans ces conditions, on com27.
28.
29.
Mégaristos, stéphanéphore d’après 1. Priene 110, 212 et oikonomos d’après I. Priene 119, 23 (début du 1“ s.). Un certain Thrasyboulos, oikonomos après 129 (Z Priene 108, 376) pourrait être identifié avec le stéphanéphore Thrasyboulos en fonction à la même époque, 7. Priene 42, 1, si ce nom n’était pas courant à Priène (cf. le personnage honoré vers 100 et évoqué plus haut). Cf. Ph. GAUTHIER, « Notes sur le rôle du gymnase dans les cités hellénistiques », dans M. WÔRRLE ET P. ZANKER (éd.), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus, Munich, 1995, p. 1-10. I. Priene 108, 11-117, avec le commentaire de GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 55-56.
En l'occurrence, il ne s’agit pas des Attalides, mais soit de Séleucides, soit d’Oropherne de Cappadoce, soit de Ptolémée VI (HıLLEr, p. 88). 30.
Sur les dons des Attalides, cf. L. ROBERT, Études anatoliennes, Paris, 1937, p- 85-86
avec la n. 3; P. HERRMANN, MDAX),
15 (1965), p. 71-117 (79-82); R. E. ALLEN,
The Attalid Kingdom, Oxford, 1983, p. 118 et 120.
31.
Attale II soutient Ariarathe V de Cappadoce dans sa guerre contre Priène, on en déduit
généralement une hostilité des Attalides envers Priène : Polybe, XXXII, 6, 6.
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
235
prendrait bien que les évergètes aient dû prendre le relais des rois et qu’ils aient assumé la gymnasiarchie, mais cela aurait dû se faire dès l’époque de Moschiön : or, manifestement, l’on a attendu un demi-siècle 52, D'une manière générale, si l’on excepte la stéphanéphorie, on pourra relever que Zôsimos n’a pas assumé les mêmes charges que les évergètes de la fin du 1r° et du I” siècle : sur ce point aussi, ce deuxième groupe de documents suggère une évolution depuis le 1r° siècle. Une autre explication est possible si l’on relève que, somme toute, ces liturgies n’apparaissent pas très souvent dans les considérants des décrets. La grande affaire, c’est la stéphanéphorie, qui est une prêtrise (mais qui est dans un cas qualifiée d’archè 33), ou ce sont les ambassades. N’a-t-on pas cherché à mettre en valeur les charges pour lesquelles les notables avaient été volontaires, du moins formellement ? D'ailleurs, l’importance de ces fonctions onéreuses ne signifie pas pour autant que les notables n’assumaient pas de magistratures classiques : plusieurs d’entre eux paraissent en avoir assumé. Zôsimos a ainsi
été secrétaire du Conseil et du peuple à deux reprises *. C’est à nouveau le seul cas : faut-il y voir l’indice de l’importance que prennent les secrétaires dans les cités grecques à cette époque, en particulier au I” siècle * ? Trois personnages ont assumé la charge d’antigrapheus°*. La nature des missions incombant à ces magistrats est obscure, car les passages les 32.
Si l’on excepte le cas d’un gymnasiarque honoré par les éphèbes à la fin du 11° siè-
cle, s’il s’agit bien des éphèbes et de la fonction de gymnasiarque : seule la partie droite de la dédicace est conservée : 1. Priene 251 (un inconnu, fils d’Aristippos).
33.
Le personnage honoré par 1. Priene 123 semble avoir exercé la stéphanéphonie,
qualifiée I. 5 d’arche. Mais c’est la seule apparition de ce terme à propos de cette charge ; dans les décrets, le passage évoquant le jour d’entrée en charge commence souvent comme ceci : λαβὼν (uel ἀναλαβών, -Bôvtoc) τὸν στέφανον τοῦ Διὸς τοῦ
Ὀλυμπίου (1 Priene 46, 12-13; 108, 253-254: 109, 189-190; 111, 238; 113, 53, cf. 114, 24). La fonction est une prêtrise par les obligations de sacrifices qui incombent à son titulaire, la mention de la piété envers les dieux qui apparaît dans l’éloge de nombreux stéphanéphores, mais elle n’est pas pour autant explicitement quali-
fiée de prêtrise dans les textes de Priène. 34. I. Priene 112, 22-25, 113, 15-18; 114, 8-11 et 28-32. 35. Sur le secrétaire à la basse époque hellénistique (pour le Péloponnèse), cf. L. RoBERT, BCH, 52 (1928), p. 429 (OMS I, Ὁ. 111). 36.
I. Priene 108, 212-223 (Moschiôn, deux fois); 109, 140-142 (Hèrôdès); 119, 13-
14 (Theön, rs. av. J.-C.).
236
PIERRE FRÔHLICH
évoquant sont très elliptiques. Tout au plus sait-on que Moschiôn a pris soin des eklogismoi : τὴν πᾶσαν προ(σ)
εἸδρίαν [ἐποή]σατο περί te
το[ῦς ἐ]γλογισμούς ἢ, Il peut s’agir de registres, de livres de comptes, voire de documents? : dans d’autres cités, les antigrapheis sont souvent associés au secrétaire du Conseil et semblent liés à l’archivage ”.
Enfin, il semble bien d’après un passage mutilé, que Moschiôn ait assumé le commandement de la citadelle de Priène, la Télôneia, à l’instar d’autres personnages de la haute époque hellénistique Ὁ. Une dédicace (mal datée) de phrouroi en l’honneur d’un autre commandant indi-
querait que la fonction conservait son importance à la basse époque hell&nistique‘'. De cette moisson un peu mince, il ne faudrait pas conclure que les
notables assumaient peu de magistratures : plusieurs indices indiquent le contraire. À la fin des considérants de ces décrets, figure souvent un passage résumant les qualités des personnages dans leur vie publique. Le décret pour Hèrôdès est malheureusement très mutilé à cet endroit-là, mais on y ἃ restitué avec vraisemblance : ἔν te τ]αῖς λοιπαῖς ἀ[ρχαῖς καὶ λειτουργίαις Éd ἄς] ὁ δῆμος προεχείριζε[ν] αὐ[τόν--2. Une formule équivalente devait se trouver dans un décret un peu plus tardif pour un certain Thrasyboulos fils de Thrasyboulos, si l’on en juge par ses maigres restes . De même, le décret pour Hèrakleitos loue son attitude « dans 37. 38.
I. Priene 108, 213-214 (avec la correction de Hiller, p. 310). Le mot est relativement rare : a Didymes, Didyma Il, 40 (174/3 ou 173/27), 1. 7-
9. B. HAUSSOULLIER le traduit par « compte de vérification » (RPh, 50 [1926], p- 126), traduction que je n’aurais pas dû reprendre comme je l’ai fait dans Les cités grecques et le contrôle des magistrats, Genève - Paris, 2004, p. 209: « registre de comptes » convient mieux. Une attestation à Athènes : SEG 34, 95, 1. 17 (161/0
av. J.-C.). Ce dernier texte est trop mutilé pour que l’acception du terme soit assu39.
rée. Magnésie du Méandre : SylP 589, 1. 25-26 et 695, 1. 40-41 et 76-77. Pour l'époque impériale, cf. J. NOLLÉ, Nundinas instituere et habere, Hildesheim, 1982, p. 12-58 (SEG 32, 1149), 1. 21-23 et 43-44 (avec le commentaire de NOLLÉ, p. 33 et 35-36).
Naukratis : R. SCHoLL, Tyche, 12 (1997), p. 213-228 (SEG 47, 2123), 1. 23 : col. I, antigrapheus, dans la col. Il, grammateus. 40.
I. Priene, 108, 205-212. C’est aussi l'opinion de Hiller, ad. 1. 209. Haute époque
hell&nistique : Δ Priene 4, 49-59 (285/4 av. J.-C.), 21-22 (ca 275-270 ?), 19 et 23 (mr 5.). Pour la datation, cf. Ch. CROWTHER, Chiron, 26 (1996), p. 195-238. 41.
L Priene 252 (ur ou τι 5. Ὁ).
42.
I. Priene 109, 223-224 + L. ROBERT, RPh, 53 (1927), p. 108 (OMS IL p. 1063), n. 3.
43. I. Priene 102, 7 : [καὶ ἐν λειτου)ργίαις καὶ ταῖς λοιπαῖς ἀ[{ρχαῖς].
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
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toutes les magistratures dans lesquelles il a été élu par le peuple », ἐν] ταῖς ἀρχαῖς ἁπάσαις ἐν αἷς γέγονε χειροτονεθεὶς ὑπὸ [τοῦ δήμου, expression qui devait se retrouver dans au moins deux autres décrets honorifiques“. Des restes mutilés d’un passage du décret pour Kratès, on comprend qu’il ἃ assumé une archè dont la fonction était semestrielle “. De nombreux décrets assurent aussi l’importance de certaines magistratures de premier plan comme celle des stratèges. D’après deux décrets, ils peuvent assurer la proposition formelle des décrets à l’ Assemblée, la γνώμη, comme à la haute époque hellénistique *. Dans les funérailles publiques offertes à certains bienfaiteurs, le cortège funéraire était composé des éphèbes, des néoi et du gymnasiarque, des paides et du p&donome; les stratèges étaient les seuls des autres magistrats à y figurer, en tête des autres
citoyens‘. Cette place d’honneur assure que leurs fonctions n'étaient pas considérées comme mineures. Du reste, il est possible que ces deux missions soient liées à l’association des stratèges aux travaux du Conseil *. Ces observations n’ont rien de surprenant si l’on considère la place éminente qui est la leur dans d’autres cités à la même époque“. Enfin, il apparaît que certains évergètes, lorsqu'ils offrent des banquets, fassent bénéficier d’un traitement privilégié non seulement le 44.
I. Priene 117, 54. Une expression semblable devait se trouver dans /. Priene 99, 5-6
45.
I. Priene 111, 27-31. L. 30 : ἐν τ]ῶι τῆς ἀρχῆς αὐτοῦ χρόνωι ---. L. 27-28 : ἐχειρότονησεν αὐτὸν ὁ δῆ]μος εἰς τὴν δευτέραν éEdun[vov --.
46.
I. Priene 202 (2° moitié du 11“ s.) et 60 (ca 100 av. J.-C.). Haute époque hellénistique : I. Priene 18 et 61 (et peut-être 14). ı1° siècle : Z. Priene 53 et 54. Le nom du proposant est plus souvent mentionné : /. Priene 107, 108, 110 et 112-114, comme
47.
I. Priene 99, 21 ; 104, 11; 108, 369 (restitué); 111, 312 (restitué) ; 113, 116; 117,
(décret pour Thrasyboulos, ca 100) et Z. Priene 132, 1. 1 (fragment d'inscription).
à la haute époque hellénistique : /. Priene 4,7, 10, 18, 19, 21, 26, 63 et 81. 80 (restitué).
48.
49.
Cf. I. Priene 83, 2-13 : portent en compte la dépense pour une couronne par les épiménioi des stratèges en association avec le secrétaire ; proclamation par les mêmes : n° 99, 15-16; 104, 13-14; 109, 273 (avec les restitutions d’A. REHM, dans A. ASBOECK, Das Staatswesen von Priene, diss. Munich, 1913, p. 84). Voir P. ΗαMON, dans le présent volume, p. 135-136. Colophon : Ménipppos stratège des hoplites, L. et J. ROBERT, Claros I, p. 63-66, col. Il, 7-18. Pergame : voir un dernier exemple publié par M. WÖRRLE, Chiron, 30 (2000), p. 543-576, 1. 17-22, avec le commentaire de l'éditeur p. 571-572 (cf. aussi
A. CHANKOWSKI, BCH, 122 [1998], p. 181-190). Metropolis : 1 Metropolis I, A, 2-3, 34-35; B, 2-4, avec le commentaire de B. DREYER p. 17-18.
238
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Conseil mais aussi les magistrats. Tout montre donc que les magistratures — du moins les plus importantes, celles qui apparaissent dans notre documentation --, non seulement gardaient un prestige, mais con-
tribuaient à conférer à leur titulaire une place à part. Comme à la haute époque hellénistique, elles étaient assumées par les notables. Si les
magistratures n’apparaissent que très peu dans les décrets honorifiques, c’est qu’on ne les mettait pas avant, préférant évoquer d’autres méri-
tes, les libéralités. Le changement tient donc d’abord d’un changement dans le discours.
Dépenses et esprit de munificence On pourrait être tenté d’expliquer la part prise par les dépenses dans les mérites attribués aux évergètes par l’impécuniosité de la cité, par les difficultés du temps. Or, dans cette documentation, les difficultés de Priène ne sont évoquées qu’à deux reprises.
Au 1r° siècle, d’après le seul décret pour Moschiôn, une série de difficultés rencontrées par la cité conduisit ce personnage à user de sa fortune pour l’approvisionnement en grain de la cité, mais aussi pour aider
à l’ach&vement de certains travaux publics (réfections à l’Alexandreion, construction du gymnase), ou pour avancer de l’argent à la cité“!. Il s’agit surtout d’avances, pas systématiquement de dons : Moschiôn a
souvent paré à des difficultés de trésorerie, pas à une crise plus grave (sauf pour ce qui est de l’approvisionnement en grain). À chaque fois, il semble avoir agi en tant que particulier, en dehors de toute charge publique ; ces problèmes financiers ne sont à aucun moment invoqués pour expliquer une libéralité effectuée dans le cadre d’une magistrature. Après 85, les décrets pour Zôsimos montrent une situation autrement plus inquiétante : en témoignent l’interruption des fêtes civiques 50. Δ Priene 111, 191-194, 245 ; 112,3, 80-89; 114, 26-27; 117, 34-35. J’ai brièvement commenté ces clauses dans « Les magistrats des cités grecques : image et réalité du pouvoir (nr 5. a.C. - X s. p.C.) », dans H. INGLEBERT (éd.), Les idéologies civiques dans le monde romain. Hommage à Claude Lepelley, Paris, 2002, p. 79-81. Voir infra, p. 242-245, et aussi P. HAMON supra, p. 128.
51.
4. Priene 108, 31-117 (avances : 31-34, 50-57, 89-97, 102-111 ; constructions : 3441,75-79, 111-117; approvisionnement : 41-50, 57-60, 68-89, 97-102 ; dons : 63-
67 ?). Sur tout cela, cf. GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 73.
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
239
et la disparition du groupe des néoi jusqu’à l’intervention de Zôsimos qui le rétablit 2. On serait néanmoins bien en peine d’avancer des parallèles à Priène. Sauf erreur de ma part, dans aucun autre document de Priène l’on n’invoque de telles difficultés. Les dépenses sont invoquées sans qu’il soit nécessaire de les justifier, c’est leur répétition et leur ampleur qui sont soulignées. Le principe même des liturgies explique dans une large mesure l’importance prise par les largesses dans l’éloge d’un liturge. Malgré tout, à
la lecture des documents de Priène, on a nettement l’impression que certains évergètes allaient bien au-delà de ce que l’on exigeait d’eux. La fonction qui apparaît le plus souvent est la stéphanéphorie, que l’on peut ranger parmi les fonctions à caractère liturgique. Les largesses des titulaires 5. sont de trois ordres. En premier lieu, les sacrifices : c’est naturellement la fonction du prêtre qu’est le stéphanéphore. Ils sont néanmoins complaisamment énumérés : surtout ceux qui sont effectués le premier jour de chaque mois (1. Priene 108, 259-261 ; 46, 19-21;
114, 69-70; peut-être 109, 179-182 et 111, 240-241). Ils sont suivis de banquets, auxquels les citoyens sont convoqués par l’appel du héraut (2° jour du mois; 1. Priene 108, 261-263; 117, 32-35). Ces banquets constituent la deuxième occasion de dépenses somptuaires pour les sté-
phanéphores. Il faut leur ajouter le repas d’entrée en charge offert par le titulaire de la charge le premier jour de l’année, qui apparaît dans à peu près tous les décrets honorant des stéphanéphores “*. Certains d’entre eux ont aussi procédé à des distributions de grain (1. Priene 108, 272274 ; 109, 213-214). D’autres personnages pouvaient offrir les banquets, 52.
I. Priene 112, 36-42 (fête d'entrée en fonction); 114, 17-19 (rétablissement du
corps des néoi). Voir aussi infra p. 245 à propos des Panathènaia. 53. Voir aussi Quass, Honoratiorenschicht, p. 291-295, qui rassemble la documenta54.
tion. I. Priene 46, 12-16 (inconnu, ca 100) : 108, 256-259? (Moschiön); 109, 175-179 et 192-194 (Herödes, ca 120); 111, 238-240 (Krates, début 1“ s. av. J.-C.); 113, 36-42 et 52-63 (Zôsimos) ; 123, 4-6 et 9-11 (Dioskourides, 1“ s.). Le décret pour
Hèrakleitos, qui a été stéphanéphore, est mutilé : le passage concernant son entrée en charge semble avoir disparu (1. Priene 117). Pour le repas d’entrée en charge, cf. M. WÖRRLE, Stadt und Fest in kaiserzeitlichen Kleinasien, Munich, 1988, p. 193; SCHMITT-PANTEL, Banquet, notamment p. 372-373; L. et J. ROBERT, Cla-
ros 1, p. 95-%.
240
PIERRE FRÔHLICH
comme les agonothètes. Si l’on mentionne les processions qu’ils organisent (1. Priene 111, 179-180), dans les décrets les honorant, il est surtout
question de sacrifices offerts et de banquets (/. Priene 111, 180-182, 188-190; /. Priene 118, 11-18), ou de distribution de viandes (1. Priene
111, 174-176; 1. Priene 118, 13-15). Alors qu'il était gymnasiarque, Zôsimos effectua aussi de semblables distributions de viande, à partir des animaux sacrifiés lors des Panathenaia (I. Priene 112, 110-112).
L'évergétisme alimentaire tient une place considérable dans les éloges des liturges, au point de reléguer les autres missions à l’arrière-plan, du moins pour les stéphanéphores. Les banquets et distributions offerts sont donc multiples : par chance, les décrets précisent toujours quelles catégories de la population en ont bénéficié. Il arrive que les citoyens soient les seuls concernés, mais c’est
le cas le plus rare : il s’agit à chaque fois (deux exactement) de distributions de viande effectuées par les stéphanéphores après les sacrifices du deuxième jour du mois 5. Cependant, la plupart du temps, ces banquets sont aussi offerts au reste de la population. Les stéphanéphores, au moins depuis Hérôdès (vers 120), invitaient toute la population dans leur propre maison pour la fête marquant le premier jour de l’année, celui de leur entrée en charge *. La fête comportait un double aspect : public, avec l’ouverture des sanctuaires, leur ornement, sacrifices publics, vœux solennels, mais, par le repas qui y avait lieu et qui marquait le début de la fête, une collation de vin doux (glukismos), la maison des titulaires
devenait aussi pour l’heure un lieu public ou « commun ». C’est ce que M. Wôrrle ἃ appelé « l’intégration de la polis dans l’oikos » des notables *?. On dit aussi parfois de ces évergètes qu’ils ont rendu tel lieu « commun », ainsi du gymnase (1. Priene 123, 11-12 ?), ainsi de leur fortune même (1. Priene 108, 91).
L’invitation de l’évergète avait d’autant plus de faste qu’elle concernait non seulement les citoyens, mais aussi, de façon systématique, leurs 55.
56. 57.
1. Priene 108, 260-263 ; 109, 213-214. La mention dans 1. Priene 114, 26 des seules dix tribus (de citoyens) bénéficiant d’un banquet par Zôsimos ne doit pas égarer : ce passage résume celui plus développé de /. Priene 113, 42-25, qui mentionne bien d’autres bénéficiaires. Références supra n. 54. Invitation dans la maison : /. Priene 109, 175-179 et 192194 ; Kratès, /. Priene 111, 238-240?; Hèrakleitos, /. Priene 117, 29. Dans M. WÖRRLE et P. ZANKER (éd.), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus,
Munich, 1995, p. 244-245.
DÉPENSES PUBLIQUES ET ÉVERGÉTISME
241
enfants, d’autres habitants du territoire comme les paroikoi, les étrangers (xenoi)°®, parfois les affranchis "Ὁ, mais aussi les esclaves domestiques, oikétai (parfois simplement « esclaves », douloi)®. Après 85, d’après les décrets pour Zösimos, une autre catégorie est mise à part, les Romains*!. Il est assez probable que toutes ces catégories n’étaient pas concernées par les mêmes réjouissances© : ainsi l’akratisma, le petit déjeuner, offert
par Zösimos le jour de son entrée en charge, l’est-il pour les enfants libres et les éphèbes, alors que les citoyens et les autres libres ont droit à un banquet dans le portique sacré (le portique nord) de l’agora®. Il faut donc distinguer le banquet, que l’on devait attendre de tout stéphanéphore entrant en charge, de la collation servie dans sa propre maison qui, me semble-t-il, sort du cadre strictement public, pour pratiquer une sorte de surenchère en associant toute la population de la cité à la fête, quel que soit le statut de chacun. C’est du reste ce qu’affirme le décret pour Moschiôn : « [ne voulant pas priver des plaisirs] du festin déjà évoqué [les étrangers et] les paroikoi, ni se montrer inférieur dans la [distribution de ses générosités], il les a également reçus » . Une idée comparable apparaît dans un passage très rhétorique du deuxième décret pour Zôsimos : il offrit le petit déjeuner « en faisant partager à tous sur un pied d'égalité
le premier jour de sa charge, jour pendant lequel le sort d’esclave et le statut d’étranger étaient regardés comme négligeables » ὅ5, Dans d’autres occasions, les citoyens sont associés à des catégories moins variées : la plupart du temps, on mentionne seulement des paroikoi 58.
I. Priene 46, 13-14 (citoyens, leurs enfants, habitants de la cité et enfants libres);
108, 257-259 + J. et L. ROBERT, Bull. ép., 1963, 348 (fils de magistrats, citoyens, paroikoi, étrangers, affranchis, esclaves) ; 109, 178-179 et 192-195 (les mêmes); 113, 38-39 et 42-45 (citoyens, paroikoi, Romains, étrangers, esclaves).
59.
Les affranchis ne sont mentionnés que dans /. Priene 108, 259 et 109, 179 (restitués 1. 194).
60.
Oikétai : I. Priene 108, 259 ; 109 (et, dans un autre contexte, 115, 4; 118,13). Dou-
loi : I. Priene 111, 239; 113, 56 (cf. 83). 61.
I. Priene 113, 39 et 43 (cf. aussi 82). Autres exemples chez SCHMITT-PANTEL, Ban-
62.
quet, p. 395. Voir SCHMITT-PANTEL, Banquet, p. 399-401 pour les esclaves.
63.
I. Priene 113, 36-60, qui inclut la promesse et sa réalisation, avec un luxe de détails sans
précédent. Sur akratisma, cf. SCHMITT-PANTEL, Banquet, p. 262-263 et p. 399-400.
64. I. Priene 108, 274-277. Sur ce passage, cf. SCHMITT-PANTEL, Banquet, p. 285. 65.
I. Priene 113, 55-56 + L. ROBERT, Études anatoliennes, Paris, 1937, p. 387-388 n. 1.
242
PIERRE FRÔHLICH
et les étrangers, jamais les enfants ou les esclaves : ainsi des distributions de grain, de viande, des banquets issus des sacrifices. Seuls, au 1“ siècle, trois évergètes ont associé les esclaves à leurs largesses ‘’. Dans le cas de Zôsimos, il s’agit très nettement d’une volonté de munificence, qui surenchérit peut-être avec les habitudes du 11° siècle. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que les citoyens ne sont plus les seuls à bénéficier de l’évergétisme alimentaire, même dans le cadre des banquets publics. Inversement, au sein du groupe des citoyens, les titulaires des charges paraissent parfois avoir bénéficié de largesses exclusives. Une res-
titution du décret pour Moschiôn, adopté après 120, suggère que, lors de la fête du premier jour de l’année, les fils des magistrats faisaient partie en tant que tels des invités (les magistrats étant normalement présents) #. Cela suppose que l’on considérait que les titulaires des magistratures pouvaient bénéficier d’honneurs plus importants qui rejaillissaient sur leur famille. Il n’y ἃ malheureusement pas de parallèles à cette pratique dans les autres inscriptions de Priène. En revanche, à la même époque, Hèrôdès, lors de la fête des Panathénées, a réservé une distribution de viande aux seuls conseillers et magistrats ©. Bien plus, Kratès, honoré vers 90-88 av. J.-C., lorsqu'il était agonothète, ἃ inauguré une pratique parallèle qui fera date : Il ἃ invité tous les magistrats de l’année dans sa propre maison, les épiménioi des stratèges, le gymnasiarque des jeunes gens, le néope, le secrétaire du Conseil et du peuple, l’antigrapheus, le gymnasiarque des
éphèbes, le lecteur et le héraut de la cité 70, 66. Distribution de grain : 1. Priene 108, 274. De viande : 111, 174-176 (agonothète) ; 115, 3-4 (cf. aussi 112, 110-112). Banquets : 109, 181-182; 111, 174-176 (agono-
67.
thète) ; 113, 80-83; 118, 12-13 (agonothète). I. Priene 113, 80-83 : Zösimos régale les esclaves lors des Dionysies ; /. Priene 115 (simple fragment très mutilé), 4 : un évergète anonyme associe les esclaves à ce qui doit être une distribution de viandes; 1. Priene 118, 13 : les esclaves sont invités au
68.
banquet au théâtre organisé par un agonothète (mais peut-être pas à la distribution de viande mentionnée 1. 14-15). I. Priene 108, 257-258 + J. et L. ROBERT, Bull. ép., 1965, 348 et Claros I, p. 96
n. 214 : ἐκάλεσεν ἐπὶ γλυκισμὸν τούς τε τῶν [ἀρχόν]των υἱοὺς καὶ τοὺς πολίτας πάντας κτλ. 69. 70.
I. Priene 109, 218-219. I. Priene 111, 191-194. E. DERENNE, AC, 2 (1932), p. 69 suggère de restituer L 193-194 τῶ[ν γερόντων], sans emporter la conviction, faute de parallèles.
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243
En tant qu’agonothète, il a aussi invité les principaux magistrats en fonction; mais il l’a fait dans sa maison : c’était ajouter aux autres largesses effectuées quant à elles en commun avec ses collègues agonothètes (1. 188-191). De même, au 1” siècle, deux évergètes qui célébraient la
traditionnelle fête d’entrée en charge du stéphanéphore ont offert un quet couché aux seuls conseillers et magistrats”!. Un des exemples les éclairants de cette pratique nouvelle se trouve dans le deuxième décret Zôsimos, à propos d’une fête célébrée alors qu’il était stéphanéphore
banplus pour :
Le 12 du mois Artémision, ayant offert (παραστήσας72) le sacrifice habituel à Zeus Kéraunios, il a distribué une part des victimes aux citoyens,
aux paroikoi, aux katoikoi, aux étrangers (de passage 7), aux Romains et aux esclaves ; il a offert un banquet couché aux conseillers et aux col-
lèges de magistrats dans le sanctuaire du dieu; lors de la fête des Panathènaia, il a offert un sacrifice de bovins à Athéna Polias et, ayant offert un sacrifice favorable pour la concorde commune et pour l’amélioration de la situation du peuple (= la prospérité ?), il n’a
pas dépensé les revenus du sacrifice (τοῖς ἀπὸ τῆς ἱερουργίας) pour ses dépenses personnelles mais, ayant offert un banquet couché au Conseil et aux collèges de magistrats dans le Bianteion (le sanctuaire de Bias), il leur offrit de la nourriture (ou : il leur donna des fournitures ; ou : il
leur prodigua ses largesses) * avec abondance et d'une façon digne de sa propre grandeur d’âme 7. Ce passage appelle plusieurs commentaires. Il est difficile de distin-
guer ce qui incombait normalement au stéphanéphore de ce que Zösimos ἃ assumé en sus et de savoir s’il était aussi contraint d’effectuer ces largesses lors des Panathènaia. Concernant cette fête mal connue à
Priène, il est cependant possible qu’une évolution soit intervenue précisément à la basse époque hellénistique. D’après un passage mutilé du décret pour Lysimaque (vers 286), la cité avait réservé des fonds pour les sacrifices des Panathénées (1. Priene 14, 23-26). Elle serait donc à
l’origine financée sur des fonds publics et placée sous la responsabi71. I. Priene 114 (Zôsimos), 26-27 et 117 (Hèrakleitos), 34-35 (restitué). 72.
Pour cette formule, cf. Ad. WıLHELM, JRS, 27 (1937), p. 145-148 (Abhandlungen, II, p. 209-212); L. ROBERT, Hellenica XI-XII, 127.
73. Pour χορηγία, « fournitures » (donc ici nourriture 7), cf. L. ROBERT, Hellenica XI-XIL,
74.
p- 123-124 n. 2, L. et J. ROBERT, Claros I, p. 22. Le texte est traduit par SCHMITTPANTEL, Banquet, p. 303. 1. Priene 113, 80-89.
244
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lité des hiéropes des tribus 75 — qui n’apparaissent plus par la suite. Au I‘ siècle, certains stéphanéphores participent à la fête par le biais de la procession : un bref passage à la fin des considérants du décret pour Moschiôn précise qu’il y a envoyé des bovins (1. Priene 108, 281-283). Herödes a fait de même, mais le décret ajoute qu'il a distribué les viandes des sacrifices aux conseillers et aux collèges de magistrats (/. Priene 109, 214-219). Un peu plus tard, c’est l’agonothète Kratès (honoré vers 90-88) qui semble avoir pris en charge la fête : un passage très mutilé qui concerne « la déesse » précise qu'il a organisé la procession (ou y a participé), qu’il a offert les sacrifices, effectué les vœux pour la population *. Les agonothètes (des Panathènaia) devaient alors avoir la res-
ponsabilité de la fête (et non des seuls concours accompagnant cette fête devenue panhellénique), comme semble l’indiquer un fragment de décret pour un agonothète77. Au moins une dizaine d’années plus tard, Zösimos, alors qu’il était gymnasiarque, « ayant reçu la responsabilité » de la fête, « afin que soit toujours honorée la divinité protectrice de notre cité, a, d’une part, organisé la procession de concert avec les [δοὸροὶ ?], et, d’autre part, a offert les sacrifices au nom de la cité » 75, Vient enfin le moment où le même personnage, devenu stéphanéphore, a offert les 75.
1. Priene 14, 24-25. Le rapprochement est fait par Asboeck, op. cit. (n. 48), p. 95-96,
mais qui n’en üre pas toutes les conclusions. Pour les fonds publics réservés aux victimes des sacrifices, cf. Ad. WILHEM, loc. cit. (n. 72), p. 148 (Abhandlungen IL p. 212). 76. 77.
78.
I. Priene 111, 179-181 ; la suite est perdue si bien qu'il n’est pas possible de savoir s’il y était question de banquets. I. Priene 118 : mention 1. 3-4 de la piété du personnage envers Athena. Pour la fête, cf. surtout L. ROBERT, Hellenica IX, Paris, 1950, p. 75-76 — à l’occasion de la publication d’une dédicace fournissant la seule attestation extérieure à Priène de l’existence de cette fête. [ἀναλάβων τὴν] ἐπιστασίαν, [iv ἀ]εὶ τιμήσῃ (τὴν) τῆς πόλεως [nluôv προσίτάτιδ]α θεό(ν), ἐπόμπευσε μὲν κατὰ τὰ εἰθισίμέϊνα {μ]ετὰ τῶν [Bo ?Inyav, πίαρ]έσστησεν δὲ ὑπὲρ τῆς πόλεῶς βοϊ[κ]ὴν θυσίαν, 1. Priene 112, 105-109 + ΗΠ ΓΕΒ, p. 311. La suite, qui évoque des prix accordés aux éphèbes et une distribution de viande ne semble pas concerner cette fête mais plutôt ses activités comme gymnasiarque (cf. infra n. 80 à propos de la course longue). Notons qu'un gym-
nasiarque joue un rôle actif dans la célébration de telles fêtes et soit honoré pour cela n’est pas forcément inhabituel, si l’on en juge par l’action du gymnasiarque Diodôros Pasparos à Pergame lors des 2% Niképhoria : cf. A. CHAnKowskı, BCH, 122 (1998), p. 170. Il s’agit cependant seulement des concours et de la fourniture
de l’huile pour les athlètes, cf. à propos de l’agonothète Malousios de Gargara, I. Ilion 1, L. ROBERT, Monnaies antiques en Troade, Genève - Paris, 1966, p. 25-30.
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245
sacrifices et le banquet déjà évoqués. L’implication des stéphanéphores dans la fête paraît croissante ; il est probable qu’ils n’y tenaient pas dès l’origine un rôle de premier plan. Le fait que, au 1” siècle, tout ou partie de la cérémonie ait été assumée successivement par un agonothète, un gymnasiarque et un stéphanéphore, suggère que la cité devait avoir des difficultés à célébrer la fête selon les règles habituelles. La responsabilité qui en échut à Zôsimos et la phrase qui la justifie laissent entendre que la célébration de la fête avait été interrompue, probablement par la guerre de Mithridate, et que la cité n’avait pu désigner des responsables chargés son organisation ”. Zösimos a aussi renoncé à une part des revenus de sa fonction pour régaler exclusivement le Conseil et les magistrats, comme il avait déjà eu l’occasion de le faire en tant que gymnasiarque ®. Lors de la fête dédiée à Zeus Kéraunios, une distinction est établie entre la population qui bénéficie dans son ensemble des distributions et les mêmes conseillers et magistrats qui ont droit à un banquet couché. Le lieu choisi (sanctuaire de Bias ou de Zeus) est un lieu public : la distinction inaugurée par les évergètes du Ir siècle et par Kratès dans leur maison est en quelque sorte institutionnalisée dans un banquet public par Zôsimos. Ce dernier personnage est révélateur d’une évolution dont a déjà parlé Patrice Hamon, dans laquelle 1] s’inscrit, mais qu’il contribue à accentuer. Le phénomène est donc double : d’une part, les citoyens ne sont pas distingués du reste de la population dans les banquets ; comme on l’a déjà remarqué, les bienfaits dépassent le cercle des citoyens ® ; d’autre part, en leur sein une élite, définie par l’exercice des plus hautes charges, bénéficie d’un traitement de faveur. 79.
Alors que la cité continue à désigner des agonothètes, du moins d’après la proclamation des honneurs pour Zösimos à la fin de /. Priene 113 à laquelle doivent par-
ticiper les agonothètes à désigner pour les Dionysies. Peut-être n’y a t-il plus d’ago80.
nothètes des Panathènaia. 1 Priene 112, 110-112. Ils sont alors associés à ceux qui ont couru la course longue
(liée au gymnase et au culte d’Hermes, cf. Ph. GAUTHIER et M. B. HATZOUPOULOS, La loi gymnasiarchique de Béroia, Athènes, 1993, p. 99), aux « maîtres du lieu et aux esclaves publics », τοῖς κερὶ τὸν t[rjov παιδευταῖς καὶ δημοσίοις. Cf. à Pergame le décret pour le gymnasiarque Métrodôros, /. Pergamon 252; MDAI(A), 32 (1907), p. 273-278 n° 10, 6-7 : καὶ τὰ λοιπὰ [ἐχορήγησ]εν tolis] ἄρχουσιν καὶ
παιδευταῖς κ[αὶ] δημοσίοις. Sur ce type de distributions, cf. L. ROBERT, RPh, 85 (1959), p. 207 avec la n. 2 (OMS V, p. 237).
81. Cf. supra, p. 125-130. 82. GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 72-73.
246
PIERRE FRÔHLICH
Deux autres liturgies ont été évoquées à propos de ces banquets, la gymnasiarchie et l’agonothésie. Les décrets où elles apparaissent sont tout aussi instructifs. L'activité ordinaire des agonothètes apparaît très
peu dans ces décrets 5. On évoque surtout les sacrifices offerts et les banquets qui les suivent, ainsi que d’autres dépenses et activités qui ne paraissent pas directement liées à la charge d’agonoth£te, si l’on en juge du moins par le décret pour Kratès, très mutilé à cet endroit-là%. Dans ce même décret, les prix offerts aux vainqueurs des concours n’apparaissent qu’une fois ; c’est somme toute très discret, mais il semble bien que Kratès a dû en assumer les frais. Encore ces prix pouvaientils apparaître dans des passages perdus du décret. Les agonothètes ont
pu aussi avoir à cœur de faire confectionner des prix particulièrement éclatants : un évergète anonyme, agonothète vers le début du 1“ siècle, a voulu, nous dit le décret, que les prix soient « sûrs pour toujours », ὡς ἀσφαλέστατα πρὸς πάντα τὸν χρόνον, « effectuant une dépense supérieure, il ἃ fait fabriquer des prix en bronze de Corinthe », τῆς] δὲ δαπάνης ὑπεράνω γενόμενος συντελέσεν κορινθιου[ργ]ὰ Bpaßeia””.
La fabrication des prix relevait des devoirs des agonothètes, mais rien ne l’obligeait à un tel supplément de dépenses qui paraît caractéristique d’une volonté de munificence.
Ces décrets sont très mutilés : il apparaît néanmoins que ce sont surtout les dépenses des agonothètes qui sont mises en avant et l’esprit de
munificence dont ils ont fait preuve. Le gymnasiarque assumait toujours les fonctions habituelles de sa
charge : Zôsimos s’est ainsi assuré que les éphèbes s’exercent et soient assidus à l’étude (/. Priene 112, 1. 65-76; 113, 28-31). Malgré tout, ces 83.
Comparer avec les éloges adressés à Polémaios et Ménippos à Colophon : L. et 1. ROBERT, Claros I, p. 51-55 et 93-94. Pour les frais engagés par les agonothètes, voir les exemples rassemblés par Quass, Honoratiorenschicht, p. 275-283.
84. I. Priene 111, 174-179-182, 188-194; I. Priene 118, 11-18); distribution de vian85.
des : /. Priene 111, 174-176; I. Priene 118, 13-15. /. Priene 111, 179-182 : fête des Panathenaia (cf. supra) ; 1. 195-211 : lignes muti-
lées, où il est question à plusieurs reprises de dépenses (ainsi 196-197), de contrats avec les étrangers (200-201,
cf. MIGEOTTE, Emprunt, n° 95 p. 298-299), de la pro-
position d’un décret (1. 202-206).
86. 87.
I. Priene 111, 178-179 : ἐδαπάνη[σεν- - - (...)] καὶ τὰς εἰς τὰς στεφανώσεις τῶν νικῶσιν. I. Priene 118, 8-9 Ὁ J. et L. ROBERT, Bull. ép., 1977, 236 (p. 354) pour la restitution et le commentaire.
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missions occupent une part infime des considérants des décrets pour Zôsimos, où sont surtout louées ses dépenses, par exemple la fourniture de l'huile (/. Priene 112, 57-64, 76-80, 85-91 ; 114, 14-15), en hiver, le fait d’avoir fait chauffer le gymnase (/. Priene 112, 95-103 ?). Il a offert les objets nécessaires à l’entraînement des éphèbes, mais aussi les prix pour les concours qu’il organise (/d., 82-83 %, 91-96, 109-110; Z. Priene 114, 30-31) et a consacré des hermès (1. Priene 112, 113-115). En outre,
Zôsimos s’est attaché à donner de l’éclat à chacune de ses largesses : il ne fournit pas seulement de l’huile ordinaire, mais aussi de l’huile aromaüsée lors des fêtes (/. Priene 112, 1. 61-64). De même, il ne se contente
pas de distribuer l’huile aux seuls usagers du gymnase, mais en fait bénéficier ceux qui fréquentent le bain (1. 76-78). C’est du reste un des exemples les plus anciens, qui annonce l’époque impériale ὅ. Devenu plus tard stéphanéphore, Zôsimos, le jour de son entrée en charge, outre un banquet particulièrement fastueux, a fait venir à ses frais de l’étranger un pantomime célèbreἢ et ἃ ainsi offert pendant trois jours un spectacle qui rendait le banquet encore plus fastueux. C’est du reste l’exemple de pantomime le plus ancien : on pourrait supposer qu’il s’agit d’une initiative de Zôsimos, qui a fait assaut de munificence, voire ici de magnificence, pour le plaisir de la population, l’hedone et l’apatè, plaisir et distraction?!. Cette attitude annonce incontestablement l’époque impériale. Enfin, certaines largesses des liturges paraissent avoir fait l’objet d’une promesse. Zôsimos ἃ promis par écrit lors des archairesiai d’inviter la population au banquet lors de sa prise de fonction (1. Priene 88. Pour les restitutions à apporter à ces lignes (et les « prix vivants »), cf. L. et J. ROBERT, Claros I, p. 20. Autres exemples de gymnasiarques ayant offert des prix, surtout à la basse époque hellénistique : Ph. GAUTHIER et M. B. HATZOUPOULOS, La loi gymnasiarchique de Béroia, Athènes, 1993, p. 98 n. 2. Pour les lignes suivantes, cf. D. RIANO RUFILANCHAS, ZPE, 129 (2000), p. 89-96.
89.
Cf. Ph. GAUTHIER et M. B. HATZOUPOULOS, op. cit., p. 82. Des exemples plus tar-
difs sont donnés par Ad. WILHEM, SPAW, 1933, p. 849-852 (Akademieschriften, II, p. 427-430) et par L. ROBERT, Hellenica VI, Paris, 1948, p. 130. 90.
1 Priene 113, 63-69, avec les corrections et le commentaire de L. ROBERT, « Panto-
91.
I. Priene 113, 63-64. Cf. L. ROBERT, loc. cit., et SCHMITT-PANTEL, Banquet, 357-
mimen in Griechischen Orient », Hermes, 65 (1930), 114-117 (OMS I, p. 662-665). 358. Cf. aussi L. et J. ROBERT, Claros I, p. 47-49, à propos des akroamata offerts par les évergètes et notamment de ce texte-ci. Interdiction des akroamata dans les banquets des néoi du gymnase de Béroia : Ph. GAUTHIER et M. B. HATZOUPOULOSs, op. cit., B 66-67 avec le commentaire p. 113-114 et d’autres références.
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PIERRE FRÖHLICH
113, 36-42); plus loin, on souligne que la promesse a été tenue (1. 5758). On pourrait réduire cela aux problèmes conjoncturels, puisque le décret signale que cela ne s’était pas fait depuis la guerre (1. 41-42). Néanmoins, il existe au moins un parallèle à Priène : Dioskouridès fils de Dèméas, qui bénéficie au 1” siècle d’un décret honorifique, malheureusement très mutilé, a lui aussi effectué une promesse, celle de faire distribuer de la viande le jour de son entrée en fonction aux usagers du gymnase et de fournir l’huile toute l’année à tous les citoyens, aux éphèbes paroikoi et à tous les Romains (Z. Priene 123). Deux interprétations
sont possibles :
— soit supposer qu’une contrainte est établie sur ceux qui souhaitent être élus, qui doivent promettre de dénouer les cordons de leur bourse : il n’y ἃ plus rien d’ostentatoire et de munificent là-dedans. Cependant, on ne serait pas loin de la summa honoraria de l’époque impériale ; — soit l’initiative de la promesse appartient aux candidats (cela semble être le cas pour Zösimos) : dans ce cas, il ne peut s’agir que de munificence, peut-être dans un cadre de concurrence entre évergètes 7. Des difficultés ont pu occasionnellement être la source de certaines dépenses ; les liturgies en rendaient obligatoires d’autres, inhérentes à la charge, ordinaires donc. Néanmoins, la place considérable prise par les dépenses dans les éloges des liturges et le luxe de détails qui les accompagne montrent que tous leurs bienfaits n’allaient pas de soi. Certes, les
mémorandums qui sont à la base des décrets pour les grands bienfaiteurs devaient étaler ces dépenses avec complaisance ; les rédacteurs de ces décrets pouvaient eux aussi se montrer complaisants. On ne peut pour autant mettre en doute le côté exceptionnel de ces largesses, à moins de
supposer que l’on votait des honneurs pour tous les liturges sans exception et que les Priénéens passaient leur temps à récompenser les citoyens ayant simplement rempli leurs obligations. Du reste, les indices rassemblés plus haut suggèrent que la concurrence, associée à l’esprit de muni-
ficence, incitait certains évergètes à des largesses plus somptueuses dans leurs liturgies. 92.
On peut en rapprocher la promesse faite par Ménippos à Colophon de faire cons-
truire les chambranles du temple d’ Apollon : Claros L Ménippos II, 24-29. Pour des exemples d'époque impériale, cf. Ad. WILHELM, JOAI, 10 (1907), p. 29 (Abhand-
lungen, I, p. 273); L. ROBERT, RPh, 85 (1959), p. 204-205 (OMS V, p. 234-235).
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En revanche, dans les magistratures, qui apparaissent moins dans la documentation, une telle attitude n’est guère décelable, sinon à propos de
Zôsimos. Lorsqu'il fut secrétaire, à deux reprises, il ἃ fait reproduire en deux exemplaires les documents publics, sur papyrus et sur parchemin *. L’attitude semble avoir été exceptionnelle pour être ainsi soulignée. Restent ce qu’on pourrait appeler les « fonctions de représentation » (diplomatique), où les notables me semblent avoir régulièrement fait
preuve du même état d’esprit. On peut surtout relever les nombreuses mentions de fonctions exercées gratuitement. Certains ambassadeurs ont, nous dit-on, libéré la cité des dépenses en les assumant sur leurs fonds”. De même, à plusieurs reprises, les rédacteurs des décrets relèvent que telle ambassade ou telle théorie ἃ été accomplie δωρεάν, « gratuitement » 55. Dans d’autres cas, les personnes sont dites avoir séjourné ἄτερ ὀψωνίου, sans indemnité de nourriture *. On pourrait considérer qu’il s’agit des nécessités qui ont poussé ces personnes à voyager ou à séjourner sur place à leurs frais, comme il y en a quelques exemples à la haute époque hell&nistique””. Lorsque ces clauses sont développées, on s’apergoit qu’il n’en est rien, comme dans le pour Moschiôn : Le peuple ayant désigné des théores auprès du roi Démétrios [I”, 162150 av. J.-C.], Moschiôn, ayant été désigné comme théore, n’a pas encaissé l’indemnité de nourriture (σιτηρέσιον) affectée pour lui par
la cité; Ayant été élu ambassadeur auprès du roi Démétrios fils du roi Démétrios [Π, 146-138 et 129-126 av. J.-C.}, conservant la même disposition
(manifestée) dans ses générosités antérieurement.
il a accompli l’am-
bassade à ses frais; 93.
I. Priene 112, 23-26; 113, 18; 114, 10-11 et 29-32. Cf. M. WÖRRLE et V. LAMBRI-
S
ΔῈ
NOUDAKIS, Chiron, 23 (1983), p. 359-360 et mon article cité supra (n. 50), p. 88.
I. Priene 111, 132-134 (Kratès), cf. I. Priene 119, 6-8 (Théôn). I Priene 108, 167 (restitué 1. 163); 1. Priene 111, 22, 25. I. Priene 109, 94-95, Hèrôdès théore ἃ Pergame en 130; 106, ambassade auprès d’Ariarathe VI; cf. 121, 34 : χωρὶς ὀψωνίων ; idem 125, 4 (ambassades). Rassemblés par D. KıEnasTt, RE Suppl. 13 (1973), s.v. Presbeia, col. 579-580 et Quass, Honoratiorenschicht, p. 109-111. Je me sépare néanmoins de l’interpréta-
tion de Fr. Quass, qui fait remonter le phénomène de la « liturgisation des ambassades » au 111° 5. (op. cit., p. 192-195; voir déjà mes remarques dans l’article cité supra [n. 50], p. 89).
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PIERRE FRÔHLICH Théore pour Magnésie, Tralles et Kibyra, il n’a pas encaissé l’indemnité
de voyage (ἐφόδιον) pour tous ces déplacements, désirant être en tout fidèle à lui-même (βουλόμενοίς] ἐν πᾶσιν στ]οιχεῖν ἑα{υτῶι])ἢ, il a accompli ces voyages gratuitement ;
par la suite, il a souvent été envoyé en ambassade au nom du peuple, auprès des rois comme des cités et a accompli toutes ces ambassades avantageusement pour le peuple, les premières gratuitement ; quant à celle à Alexandrie auprès du roi Ptolémée [VI ou VIII] et en Arabie à Petra, (il l’a accomplie) selon les besoins, ayant été envoyé par sa patrie, la plupart du temps, il a dépensé l’argent affecté par les citoyens et a effectué d’autres dépenses en vue de contribuer à assurer des avantages communs à notre cité, assumant lui-même ce qui excédait l’indemnité de voyage affectée à son déplacement, exhortant...”
Plusieurs types de générosités sont énumérées : le refus d’utiliser une indemnité de nourriture ou de voyage, ou plus, généralement, le fait d'accomplir une mission « à ses frais ». Par ces exemples, on voit bien ce que signifie « gratuitement » : le personnage n’était pas poussé par des nécessités urgentes à payer ses frais de sa bourse : le fonds nécessaire était prévu. Le décret pour Moschiôn évoque donc un geste en apparence de pure munificence. La dernière ambassade évoquée, qui le conduisit à Alexandrie et à Pétra, paraît avoir été la plus longue et la plus coûteuse. Cette fois-ci, Moschiôn a utilisé l’argent public affecté à sa mission, mais en assumant les compléments nécessaires. Il semble que ces indemnités étaient calculées au plus juste. On peut donc se demander si le refus des théores et des ambassadeurs d’utiliser les fonds qui leur étaient affectés ne relevait pas d’une sorte de comédie. Les indemnités pouvaient avoir été toujours trop faibles au point qu’il ait paru plus simple et plus valorisant pour les ambassadeurs de les refuser d’emblée. En l’absence de toute preuve formelle, il serait cependant imprudent de présenter une telle hypothèse. On peut aussi supposer que l’affectation des fonds n’était que de pure forme et que l’on attendait des personnes désignées qu’elles fassent le geste en les refusant, ce qui permettait à 98. 99.
Sur cette formule, cf. Ph. GAUTHIER, Tekme£ria, 5 (2000), p. 60. 1. Priene 108, 152-174, avec les restitutions de M. HOLLEAUX, Études I, p. 308, pour les 1. 169-171 : κ[αὶ δαϊπάνας [é]tépas [ποήσαὶς (uel [τελέσα]ς) Elvelxa τῶν κοιχγνῇ [τῇ]ι πό[λει συγκα]τασκ[ε]ναζομ[έν]ων χρησίμων.
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la cité d’utiliser cet argent à d’autres besoins '®. Une double comédie aurait été jouée, la cité affectant de disposer des fonds nécessaires aux
ambassades et les ambassadeurs d’avoir l'initiative libérale de les refuser. Il n’est pas possible de vérifier le bien fondé d’une telle supposition ; cependant, que Moschiôn ait au moins dans un cas utilisé l’argent prévu
montre au moins que tout n’était pas que comédie et que la cité pouvait encore financer les ambassades qu’elle envoyait à l’étranger, même si
c'était de manière insuffisante. Quoi qu’il en soit, l’attitude de Moschiön a des parallèles à la basse époque hellénistique, par exemple Polémaios à Colophon '"' ; elle est à ce qu’il me semble une nouveauté de l’époque. Il ne faut donc pas tout envisager sous l’angle de la détresse financière de la cité. Ces ambassades ou fonctions assumées gratuitement semblent l’être à l’initiative des évergètes. Du reste, nombre de passages de ces décrets nous montrent que la cité pouvait encore financer les honneurs : ainsi, elle finance les frais des couronnes offertes aux grands bienfaiteurs lors de leurs obsèques publi-
ques '®. La formule apparaît ainsi dans un décret du 11° siècle : « que la dépense pour la couronne et sa fabrication soit portée en compte », [τὸ δὲ ἀνάλωμα τὸ περὶ τὸν στέφαν]ον καὶ τὴν κατασεκευὴν αὐτου ἀνε-
νεγκεῖν ἐν λόγ[οι] "5, De même, la gravure des décrets honorifiques est, semble-t-il, toujours effectuée aux frais de la cité, selon un formulaire et une procédure classiques, par exemple : « que la personne choi100. Ainsi, à Colophon, Ménippos assume-t-il les frais de l’érection de la statue qui lui est offerte, « dans l’épuisement de la cité » mais « bien que le peuple eût assumé avec plaisir la dépense », J. et L. ROBERT, Claros I, p. 63-66, col. IIII, 33-41, trad.
des éditeurs (cf. aussi Ph. GAUTHIER, Tekmèria, 5 [2000], p. 53 et 60). 101. Claros I, col. I, 34-36, cf. L. et J. ROBERT, p. 26. Pour des parallèles, à Araxa, à Mylasa et à Bérénikè de Cyrénaïque, cf. mon article (supra n. 50), p. 89-90 (aussi dans d’autres fonctions), avec les références aux études de L. ROBERT et d’Ad. WiLHEM (n. 74 p. 89), qui donnent aussi nombre d'exemples d’époque impériale. Noter un des rares exemples à la haute époque hellénistique : Apellis, secrétaire du Conseil gratuitement, /. Priene 4, 16-20.
102. Cf. en dernier lieu P. HERRMANN, dans M. WÖRRLE et P. ZANKER (éd.), Stadtbild und Bürgerbild, Munich, 1995, p. 195, avec les références antérieures, notamment aux travaux de L. ROBERT (pour Priène, Bull. ép., 1966, 272, p. 400). 103.1. Priene 83, 12, restitué par Ad. WILHEM, WS, 29 (1907), p. 15 et 17 (Abhandlun-
gen, V, p. 295, 297). Cf. aussi 109, 269-271 + Ad. WILHEM, loc. cit., p. 17 : τὸ δὲ
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sie pour être oikonomos procède à l’adjudication à ce qu’aura rédigé l'architecte et qu’il porte en compte à la cité la dépense afférente », [καὶ ποιεί]σθω τὴν ἔγδοσιν ὁ μέλλων oil[kovoneiv καθάπερ ἂν συγγράvn) ὁ ἀρχιτέκτων, καὶ τὸ ἐσόμενον | [εἰς τὴν ἀναγραφὴν ἀνάλωμα ἐνεγκεῖ)γ ἐλ λόγωι τῆι πόλει *, Dans d’autres décrets, seule l’adjudication apparaît, mais il ne fait pas de doute que la dépense incombe à la cité '®. Ailleurs, on précise que tel magistrat devra en payer les frais "®. Ces frais doivent être déboursés soit par l’oikonomos, soit par le néope, qui gèrent donc des fonds publics '”, comme du reste à la haute époque hellénistique '®, alors que leurs fonctions sont considérées comme des liturgies selon /. Priene 174. Il faut se garder d’établir pour cette époque une distinction stricte entre liturgie et magistrature comme de n’évoquer que la « liturgisation des magistratures ». Dans d’autres cités, à la même époque, il arrivait que les grands bienfaiteurs honorés prennent en charge le financement des honneurs qui ἐ[σ]όμενον ἀνάλωϊίμα περὶ τ]ὸν στέφανον [καὶ τὴν κἸ]ατασεκευὴν α[ὑτοῦ ἀνενε-
γκεῖν ἐν λόγωι]. Le passage doit aussi être corrigé avec les suggestions de HILLER, I. Priene, p. 311 et de A. REHM, dans A. ASBOECK, Das Staatswesen von Priene,
diss. Munich, 104.1. Priene 107, νεγκεῖ]ν, qui Σιν, λόγος δ);
1913, p. 84. Cf. aussi 117, 73-74 + HiLLER, p. 311. 45-47. L. 47 : au lieu de γράψα]ι dans le corpus, on attendrait ἀνεest peut-être trop long; je reprends la suggestion de Hiller, p. 284, ἐνεγκεῖν apparaît dans 1. Priene 4, 46. Un peu plus tôt dans le ır“ s.,
un parallèle de cette procédure se trouve dans 1. Priene 44, 30-32.
105.7. Priene 108, 376-379; 119, 23-25. Au nr 5. : 53, 72-73; 54, 67-68. 106. /. Priene 111, 314-315 (et 308-309 pour les funérailles). 107. Oikonomos : I. Priene 107, 45-47 (cité supra); 108, 376-379 ; 119, 23-25. Sa men-
tion restituée dans /. Priene 117, 76 doit en être expulsée suite aux nouvelles restitutions de M. HOLLEAUX, Études, I, p- 312 et d’Ad. WILHELM, WS, 29 (1907), p- 21-22 (Abhandlungen, V, p. 301-302). Le rôle de l’oikonomos dans les funé-
railles publiques (couronnement et proclamation des couronnes, I. Priene 99, 13 et 19-20; 109, 266-269 et peut-être 108, 347 sgg.) pourrait être également lié à ses fonctions de magistrat dépensier. — Néope : 1. Priene 111, 309, 314-315 ; peutêtre 117, 73-74. 108. Oikonomos : I. Priene 6, 29-31 ; 18, 18-19 (111° s.). — Néope : ur s. : 1 Priene 3,
22-24, 4, 58-9; 8, 47: 17, 48-50; 18, 32-36; 20-21, 5-8 et 24-28; 32, 2-5; 49, S6; us. : 44, 30-32; 53, 72-73; 54, 67-68; peut-être 70, 19 et 80, 10-11. Is doivent aussi envoyer les xénia : 44, 33-34 ; 53, 74-75 ; 54, 69-70. Un personnage a été néope et oikonomos en même temps d’après un fragment de décret 1. Priene 115
+ 131; malgré A. ASBOECK, op. cit., p. 111-112, le rapport entre ces fonctions ne paraît pas tout à fait éclairci.
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leur étaient votés, du moins des statues '®. Le seul exemple à Priène, un fragment de décret de la deuxième moitié du 11° siècle, paraît bien isolé "0 Dans les autres décrets priénéens, aucune précision n’est donnée concernant le financement des honneurs, notamment des statues. Contrastant avec les précisions que je viens d’évoquer, ce fait pourrait laisser entendre que, à Priène comme ailleurs, les évergètes les prenaient
en charge'''. Néanmoins, dans ce cas, il serait étonnant que l’on n’ait pas jugé bon de préciser cette nouvelle évergésie dans des textes très
développés et circonstanciés et l’on ne manque pas dans d’autres cités d’exemples de financement public des honneurs !"?. Aussi la question doit-elle rester ouverte. Quoi qu’il en soit, il me semble que la cité de Priène affectait toujours des fonds au fonctionnement de nombre de charges publiques. Cela montre que si les notables financent une partie de leurs fonctions à leurs frais, c’est aussi à leur initiative. Le parallèle de Colophon va dans ce sens : les honneurs pour Polémaios sont financés par la cité, l’oikonomos payant les sommes nécessaires « sur les fonds pour la défense et pour l’administration », alors que Ménippos a choisi de soulager la cité de cette dépense l!?. Cette constatation renforce l’impression que s’est installé un esprit de munificence. Il n’est pas indifférent de relever que ce terme apparaît dans les considérants des décrets de Priène pour qualifier l’action de ces notables : tel évergète ἃ assumé sa fonction μεγαλομερῶς, « avec munificence » (7 Priene 115, 2 - I" s.). Zôsimos s’est conduit de la sorte dans sa magistrature, par ses dépenses (7 Priene 113, 19-20). Ailleurs, on vantera l’abondance (δαψίλεια) des fournitures
offertes par le même personnage (/ Priene 113, 59-60 [banquet] et 8889; cf. 111, 197, 199). Ce vocabulaire apparaît ailleurs à la basse époque 109. Cf. Ph. GAUTHIER, « Le décret de Thessalonique pour Parnassos. L’évergète et la
dépense pour sa statue à la basse époque hellénistique », Tekmèria, 5 (2000), p. 3962, notamment 49-60.
110.2 Priene 138, 3-5 et Ad. WILHELM, Neue Beiträge VI, SAWW, 197 (1921), p. 78 (Akademieschriften, 1, p. 369).
111.Conjecture, exprimée avec prudence, de Ph. GAUTHIER, loc. cit., n. 57 p. 59. 112. Ph. GAUTHIER, loc. cit., n. 58 p. 59. 113.L. et J. ROBERT, Claros I, p. 11-17, col. V, 48-54 (Pol&maios) et 63-66, col. III, 3341 (Ménippos, cf. supra, n. 100), avec le commentaire p. 61 et 103 et de Ph. GauTHIER, loc. cit., p. 54 et 60.
254
PIERRE FRÔHLICH
hellénistique ''*. Dans tous les cas, c’est la libéralité des évergètes qui est louée, leur capacité à dépenser sans compter, au-delà des besoins. Conclusion
De remarquables éléments de continuité avec les siècles précédents peuvent être d’abord relevés : Priène est toujours une cité au fonctionnement démocratique !'°. Malgré les graves difficultés qu’elle rencontre, elle a des fonds publics gérés selon les normes démocratiques et souvent mis à disposition des titulaires des charges publiques. Il est probable que ces fonds étaient contrôlés. Que des citoyens aient pris à l’occasion l'initiative de pallier les impécuniosités de la cité n’est pas tout à fait nouveau, même si la gravité et la récurrence des crises n’a pas pu être sans conséquences d’une manière générale. Cette explication n’est cependant pas suffisante pour expliquer l’évergétisme des magistrats à Priène. De même, des magistratures classiques subsistent et sont régulièrement assurndes par les notables ; on peut avoir à y manier des fonds publics, comme aux époques antérieures. Néanmoins, des nouveautés importantes doivent être relevées, notamment dans le contenu des décrets honorifiques, qui laissent souvent de côté ces magistratures pour mettre en valeur les libéralités des notables. Les honneurs sont avant tout motivés par l’attitude des personnages, quel que soit le cadre dans lequel elle s’est manifestée. De fait, on 114. Notamment pour les attestations de μεγαλομερεία, μεγαλομερῶς : Claros L Polémaios, col. IV, 48; OGI 339, 68 (Ménas de Sestos) ; /G XII 5, 721 + XII Suppl.
Ρ. 127, 1. 25 (Andros, 1° s. av. J.-C. ?); J. et L. ROBERT, Carie II, 9, 1.4; 10, Ad et B 11 (Tabai, 1“ 5. av. J.-C.?), Pergame : I. Pergamon 252; MDAI(A), 32 (1907),
Ρ. 273-278 n° 10, 29; MDAKA), 32 (1907), p. 311-312 n° 3, 4 ; MDAI(A), 35 (1910), 401-407 n° 1, a 35 et b 7, 18; ΙΟΚΊΝ, 294, 41 ; I. Pergamon 256 + A. CHANKOWSKI, BCH,
122 (1998), p. 171-172,
12. Voir aussi l’article cité supra n. 50, p. 90. Les
attestations de δαψιλεία, δαψιλῶς, mots par ailleurs très répandus, sont plus rares
dans ce contexte : ΟΟἹ 737, 9-10 (Égypte, 1r° s. av. J.-C.); SylP 799, 16 (Cyzique, 38 apr. J.-C.); /. Perge 21, Ὁ 12 (apr. 19 apr. J.-C.); IScM III, 31, b 6 (Callatis,
milieu du 1“ s. apr. J.-C.), OGI 529, 18-19 (Sébastopolis du Pont, 1r 5. apr. J.-C.) et IScM I, 54, 32 (Istros, I" 5. av. J.-C., δαψιλεύεσθαι). Sur le terme, cf. d’une manière générale Ad. WILHELM, Glotta, 25 (1936), p. 269-273 (Abhandlungen, IV, p- 207-211); J. et L. ROBERT, Bull. épig., 1962, 239 (p. 191). 1 5. J'ajoute que les décrets ne laissent percevoir aucun changement dans la prise de décision.
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fait avant tout l’éloge de qualités personnelles. On comprend aussi que les qualités puissent se manifester en dehors de toute charge publique,
encore que, dans le cas de Priène, cela soit moins net qu’on ne l’aurait pensé a priori. Les notables se caractérisent par l’évergétisme principalement alimentaire et, d’une manière générale, par l’esprit de munificence qui me paraît s’imposer progressivement à cette époque !!f. Il me semble aussi que cet esprit est en grande partie dû à leur initiative, même si naturellement l’attitude des uns avait des conséquences sur les autres titulaires des charges qui pouvaient se voir contraints à dépenser avec au moins autant de faste que leurs prédécesseurs. Cela créait une sorte de contrainte générale ; dans une société de face à face comme dans la petite cité qu’est Priène, il est possible que les évergètes aient eu une marge de manœuvre assez étroite. Il s’agit avant tout d’une image transmise par le discours officiel, celui des décrets honorifiques, qui sont rédigés par des personnes du même monde — ainsi le stéphanéphore Dèméas vantant les mérites du stéphanéphore Zôsimos !!? — en se fondant sur le mémorandum à l’origine de ces grands décrets, largement dû à l’évergète lui-même 115, Je croirais volontiers, comme certains indices le laissent entendre, que ces décrets laissent dans l’ombre une bonne partie des « carrières » de ces notables, par exemple les magistratures classiques. Néanmoins, 1l me paraît tout à fait significatif que cette image soit nouvelle à cette époque. C’est somme toute l’image du citoyen dévoué à sa cité qui a changé. Plus tôt, on faisait surtout l’éloge de citoyens zélés, énergiques, obéissant aux lois et aux décrets, combattant pour elle, agissant avec esprit de justice et rectitude "5, Désormais, même si ces qualités ne sont pas tout à fait absentes, le citoyen dévoué est avant tout 116. Je rejoins ici Cl. ViaL, Les Grecs, de la paix d'Apamée à la bataille d’Actium, Paris, 1995, p. 221-228 (qui parle « d’esprit de magnificence », e.g. p. 227). 117. Proposition de Dèméas : I. Priene 113, 11; 114, 6; stéphanéphorie : 112, 20-21. Cf. supra, p. 231. 118. Il faut cependant rester prudent, dans la mesure où les mentions de « demandes » d’honneurs (surtout pour des citoyens) sont des plus rares en dehors d’ Athènes : cf. GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 191-195. 119. E.g. I. Priene 19-23 (décrets pour des phrourarques) ; 81 (pour des sitophylaques). Cf. d'une manière générale les observations de GAUTHIER, Bienfaiteurs, p. 56-57.
256
PIERRE FRÖHLICH
un évergète munificent. Or, s’il était en théorie loisible à chacun d’être dévoué, zélé et d’obéir aux lois, seule une minorité peut être munificente. On pourrait presque dire que l’image du citoyen dévoué se réduit au notable. Il n’est pas indifférent de rapprocher de cette impression le fait que, d’une part, les titulaires des magistratures et les membres du Conseil commencent à être distingués par ces mêmes évergètes du reste des citoyens alors que, inversement, la masse des citoyens est parfois traitée presque indistinctement des autres habitants de la cité. Avec Patrice Hamon, je remarque que ce phénomène est dû à l'initiative même de notables dans les banquets qu’ils offrent. Par la marge et presque imperceptiblement, c’est un véritable changement politique qui apparaît. À Priène même, ces changements ont sans doute été très progressifs, graduels. Il faut probablement remonter au milieu du 1° siècle pour voir agir ces grands évergètes ; je croirais en outre que les décrets pour Zösimos nous montrent qu’un étape supplémentaire était franchie, au moins dans l’ostentation. Cette impression n’est cependant fondée que sur un petit nombre de documents.
Enfin, il faut poser quelques notes de prudence : il faudrait approfondir l’enquête ; ainsi par l’établissement d’une véritable prosopographie, par des études systématiques, des actions des notables, mais aussi des honneurs qui leur sont conférés. Il faudrait prendre en compte la place des inscriptions honorifiques privées, caractéristiques de l’époque '?.
120. Souligné par J. et L. ROBERT, Bull. épig., 1973, p. 141. J. Ma a entrepris une étude sur ce sujet.
Notables de Macédoine entre l’époque hellénistique et le Haut-Empire Michel SEvE Université de Metz UMR 8585 — Centre Gustave Glotz, Paris
9 HISTOIRE de la Macédoine entre la fin de l’époque royale et les débuts de l’époque impériale n’est pas des mieux connues. Mal documentée par les sources littéraires, elle n’a pas fait l’objet de recherches spécifiques. Le plus souvent, c’est en passant que les historiens de la région en traitent, avant de s’intéresser au développement de la présence romaine, qui trouve ses manifestations les plus apparentes dans la fondation de colonies : à Dion et Cassandreia dans la suite de César,
à Philippes dès 42, à Pella vers 30 av. J.-C.' La région a connu deux chocs considérables dans son organisation sociale : la défaite de Persée
à Pydna en juin 168 avec la destruction de la monarchie macédonienne qui en est résultée et l’arrivée en masse des Romains à partir du milieu du 1@ s. av. J.-C. Commence alors, pour un siècle ou un siècle et demi, une période de reconstruction qui aboutit à une véritable renaissance — à tout le moins une floraison — de la Macédoine : ainsi, on observe que les cités de Beroia et Thessalonique ont livré 374 autels funéraires ou votifs dont aucun n’est antérieur au II 5. apr. J.-C. ?; le contraste est grand avec l.
Sur ce point, voir la discussion d’Ath. Rızakiıs, « Recrutement et formation des éli-
tes dans les colonies romaines de la province de Macédoine », dans M. CÉBEILLAC-
GERvASONI et L. LAMOINE (éd.), Les Elites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Rome - Clermont-Ferrand, 2003, p. 108-110 et n. 4 à 8.
2.
Chiffre emprunté à l'étude de P. ADAM-VÉLÉNI, Μακεδονικοί βωμοί, Athènes, 2002; il reflète la situation de 1996 et devrait être augmenté, voir M. B. HATZO-
POULOS, Bull. ép., 2003, 351.
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MICHEL SÈVE
la situation antérieure. S’il est facile de définir les cadres généraux de
cette évolution, il l’est moins d’en préciser le détail. Les sources littéraires sont très peu explicites et il faut se tourner vers une autre docu-
mentation. On pense naturellement à l’épigraphie, et c’est à cet examen qu’est consacré le présent article, pour la période qui va du milieu du Π’ 5. av. J.-C. à la fin du 1“ 5. apr. J.-C. Le bilan, limité aux régions pour lesquelles un corpus est publié, est pour l'instant le suivant. À Beroia, la collection est assez maigre. On n’y connaît qu’un décret,
de la fin du 11° 5. ou du début du 1 s. av. J.-C., pour Harpale, descendant d’une grande famille locale, honoré de l’éloge, d’une couronne, d’une statue de bronze à l’endroit le plus en vue de la cité et d’une lecture annuelle du décret le jour des élections ἡ. Les dédicaces sont rares, trois antérieures à notre ère (dont deux du dernier tiers du π΄ s.)*, deux difficiles à dater,
probablement de la fin du 1” 5. apr. J.-C.* Les honorifiques sont un peu plus nombreuses (quatorze, si l’on inclut une dédicace à Titus où le nom du grand-prêtre est perdu), mais quatre d’entre elles s’adressent à des empereurs ou des gouverneurs romains et peuvent être datées avec une certaine précision, tandis que les dix autres, pour des personnalités locales, se placent surtout dans la fin de la période : les personnages honorés portent tous des noms romains, même si ce n’est pas toujours le cas des autorités qui les honorent’. Le texte le plus caractéristique est le catalogue des chasseurs d’Héraclès Kynagidas, conservé pour les années 122/1112/1 av. J.-C.®, où le seul nom romain est celui du gouverneur Sextus 3. 4. 5.
6. 7.
8.
1. Beroeae 2, de la fin du 11 5. ou du début du 15 5. av. J.-C. Commentaire de M. B. ΗατΖορουιοβ, Bull. ép., 1999, 338. 1. Beroeae 18 (131/0 av. J.-C.), 24 (même époque), 30 (1°A® s. av. J.-C.). 1. Beroeae 35 (pour Isis, dont le prêtre porte un nom romain) et 40 (pour des membres de la grande famille des Claudii Pieriones, voir A. B. TATAKI, Ancient Beroea. Prosopography and Society, Athènes, 1988 [Meletèmata 8], p. 456-458). 4. Beroeae 60 (41-44 apr. J.-C.), 61 (pour L. Baebius Honoratus, 69-84 apr. J.-C.), 62 (pour Titus), 63 (pour Nerva, 98 apr. J.-C.). 1. Beroeae 103 (d’après des traces de lettres donnant la date, entre 29/8 av. J.-C. et 28/9 apr. J.-C.), 104, 115, 116, 117 (le personnage a mené une ambassade auprès de Nerva pour assurer à sa patrie l’exclusivité de la néocorie des empereurs : c’est déjà l’atmosphère du siècle suivant), 118, 121, 123, 125, 126, 128. 1. Beroeae 134; M. B. HATZOPOULOS, Cultes et rites de passage en Macédoine, Athènes, 1994 (Meletemata 19), p. 105-111.
NOTABLES DE MACÉDOINE
259
Pompeius?. Les épitaphes sont beaucoup plus nombreuses (quarante-huit
en tout), réparties sur toute la période : quatorze pour le n° 5. av. J.-C.'°, dont une sûrement datée du milieu, deux de la deuxième moitié du siècle;
sept pour lesquelles on peut hésiter entre le Ir et le 1* 5. av. J.-C.!!; sept
du I? 5. av. J.-C., dont deux de la première moitié '?; trois du tournant de l’ère, dont une pour un personnage portant un nom romain |; douze du
I" s. apr. J.-C., dont une en latin, trois autres pour des Romains“, enfin cinq pour lesquelles on peut hésiter entre le 1“ et le n° 5. apr. J.-C. (une en latin, trois autres pour des personnages à nom romain) "δ. À Thessalonique, la moisson est un peu plus abondante, mais très déséquilibrée en faveur de notre ère. On peut mentionner quelques décrets !® du 15 5. av. J.-C., l’un de l’an 95 av. J.-C. pour le gymnasiarque Paramonos fils d’Antigonos à qui la communauté des anciens du gymnase accorde l’éloge, la couronne de feuillage, une statue de bronze et un portrait peint en pied (εἰκόνι χαλκῆι καὶ γραπτῆι τελείαι), un autre de 62/1 av. J.-C. pour un personnage, Parnassos, à qui la cité accorde l’éloge, une couronne de feuillage et une statue de bronze au lieu le plus en vue de l’agora !?, trois autres très mutilés pour des bénéficiaires dont le nom est perdu (deux agoranomes reçoivent l’éloge et la cou-
ronne, un autre une statue, pour un autre encore il est question de proédrie). On ne connaît que quelques inscriptions honorifiques, l’une pour le questeur Cn. Servilius Caepio, de l’époque républicaine (peut-être
105 av. J.-C.) '#, une autre de 61/0 av. J.-C. pour un Grec, deux autres, 9. 10. 11. 12. 13.
Il I. Z I. I.
14.
I. Beroeae 205 (début du 1" s.), 298 (première moitié du siècle), 187 (milieu du
15.
devait mourir au combat contre les Scordisques en 119 av. J.-C., SyIP 700. Beroeae 173, 177-181, 196-203. Beroeae 161, 182-184, 204, 392, 393. Beroeae 162-164, 186, 195, 506, 507. Beroeae 165, 166, 176.
siècle), 185, 188, 189, 344, 418 (en latin), 271, 276, 299, 370 (ces quatre dernières de la fin du siècle). I. Beroeae 167, 168, 335, 339, 419 (en latin). Je ne retiens pas, à cause du cognomen Αἰλιανός, le n° 102, daté des 1“-n° 5. par les auteurs du corpus et déjà par l’ed. pr., voir AE
1994, 1559 et 1997, 1348.
16. Respectivement /G X 2, 1, n° 4,5, 7, 11 et 12. 17.
Sur ce décret /G X 2, 1, n° 5, voir les corrections et le commentaire détaillé de Ph. GAUTHIER, Tekmèria, 5 (2000), p. 39-62.
18.
1G X 2, 1, 135; la date vient de l'identification proposée avec le fils du consul de
141, mort dans un naufrage en 104.
260
MICHEL SÈVE
de l’époque augustéenne, pour des Romains !?. Les dédicaces sont bien plus nombreuses, surtout grâce à la découverte du sanctuaire des dieux égyptiens ©, Il y en a une quarantaine, dont seulement une dizaine sont antérieures au milieu du I“ 5. av. J.-C. 2; les autres nomment presque
toutes des Romains 22. Toutes n’émanent pas nécessairement de notables. C’est encore plus vrai des quelque soixante épitaphes connues pour cette période, presque toutes de notre ère ©. Mais il faudrait, pour pouvoir en juger, disposer des photographies des monuments, ce qui est loin d’être toujours possible pour les inscriptions de Thessalonique. Environ les deux cinquièmes de ces textes nomment des Romains. Deux textes difficiles à classer, un catalogue de six noms grecs, dont l’objet ne peut être déterminé, et la donation d’un terrain au collège des fidèles de Zeus Dionysos Gongylos complètent cette revue des inscriptions de la
période* : le donateur, le prêtre et douze des seize membres du collège portent des noms romains. En Chalcidique orientale, on relève à Anthémonte un décret de la période 47-36 av. J.-C., accordant à un personnage dont le nom est 19.
Respectivement /G X 2, 1,221 ; 222, où je restituerais [- - Πωλλίων ὁ κ[αὶ - - -], en considérant que le personnage honoré portait aussi un nom grec. Il doit appartenir à la famille des Herennius Pollio, connue par les inscriptions [Ὁ X 2, 1, 54-
55. Le dernier texte est la dédicace faite par la cité et les Romains à Marcus Papius Maximus (AE 1996, 1367). 20.
Sur ce sanctuaire et ses inscriptions, voir Ath. Rızakıs, Recrutement (cf. n. 1), p- 121, n. 54.
21. /GX 2, 1, 107 et 108 (du ir s. av. J.-C.), 27 (il s’agit de politarques), 77 à 82, 95, 96 (les n* 81, 95 et 96 émanent d’un même personnage); il y a deux Romains.
22.
Par ordre chronologique, /G X 2, 1, 98 (époque républicaine), 124 (année 42-32 av. J.-C.), 30, 50, 109 (39/8 av. J.-C.), 83 (37/6 av. J.-C.), 84 (35 av. J.-C.), 97, 113 (23/2 av. J.-C.), 85 (15/4 av. J.-C.), 31, 32 (époque augustéenne), 51, 99, 126, 129, 133 (tournant de l’ère et premier tiers du rs. apr. J.-C.), 53-55, 68, 69, 73, 74, 87,
88 (17 5. apr. J.-C.), 70 (66/7 apr. J.-C.), 67 (74/5 apr. J.-C.), 56, 71, 118 ( ou1ir 5. apr. J.-C.) ; il convient d'y ajouter les textes bilingues AE 1993, 1392 et 1995, 1389, de l’époque augustéenne. 23.
Sont antérieures à notre ère les épitaphes 20 X 2, 1, 1029 et 1040 (fin 1r°-début 1” 5.
av. J.-C., respectivement de Délos et Thasos), 293, 378 (probablement du milieu du Is. av. J.-C., voir AE 1997, 1355), 909 et la bilingue AE 1997, 1354. Les épitaphes /G X 2, 1, 310 et 354 sont pour des affranchis. La formule Χαῖρε καὶ σύ, τίς rote ei, dont L. Robert notait (RPh, 100 [1974], p. 224 ; OMS V, p. 311) qu’elle était typique de Thessalonique, semble l'être aussi du rs. apr. J.-C.
24. Catalogue : IG X 2, 1, 263; donation : /G X 2, 1, 259.
NOTABLES DE MACÉDOINE
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perdu un portrait sur bouclier doré, la dédicace d’une exèdre aux dieux de l’agora par deux agoranomes en 106/5 av. J.-C., une dédicace aux dieux égyptiens faite par un Romain au plus tard au I" 5. av. J.-C., mais peut-être dès la fin du siècle précédent, la réparation d’une construction par une prêtresse des dieux égyptiens vers la fin du I" 5. av. J.-C. les honneurs posthumes accordés à un Lacédémonien vers le début du 1“ s. apr. J.-C., la statue pour un gymnasiarque qui avait fourni de l’huile à tout le monde (πανδημεί) datée de 62/3 apr. J.-C., et quelques épitaphes*. À Kalindoia, on connaît deux décrets, l’un très mutilé, des environs de 100 av. J.-C., proposé par trois politarques, où il est question d’une contribution et où survivent deux noms de personne; et l’autre complet, de l’an 1 apr. J.-C., accordant à Apollonios fils d’Apollonios petit-fils de Kertimmas, prêtre de Zeus, de Rome et d’ Auguste une couronne de feuillage et une statue pour lui, son père et sa mère, qu’il a financées luimême, parce qu’il a célébré magnifiquement les sacrifices, la proces-
sion et les banquets dans son année de charge et a offert une statue de l’empereur (elle a peut-être été retrouvée). Parmi les autres textes — deux dédicaces modestes des environs de 100 av. J.-C. pour Apollon Pythien et Artémis Hagémona, d’une part, Hermès de l’autre, une autre faite par un esclave à Dionysos en 70 apr. J.-C., celle d’un autel à un temple anonyme par Flavia Mysta (même époque), deux honorifiques privées (ou funéraires ?) datées l’une du 1“ 5. av. J.-C., l’autre de la fin du r s. ou du
début du Π΄ 5. apr. J.-C. et plusieurs épitaphes, on signalera quatre catalogues éphébiques du dernier tiers du 1“ s. apr. J.-C. où la part des citoyens romains est remarquablement faible (environ 6 % des noms), l’épitaphe de Mennidas fils de Démétrios, que son relief désigne comme un cavalier macédonien de l’époque hellénistique tardive, et l’épigramme funéraire pour un enfant de douze ans, Philotas fils d’Aristoménès, dont le grandpère homonyme avait certainement été un notable de la cité. 25. M.B. HaTzopouLos et L. D. LOUKOPOULOU, Recherches sur les marches orientales des Téménides 1, Athènes,
1992 (Meletèmata
11), p. 44-58, n* A 2, A 4 (la
forme de la pierre indique qu’il s’agit d’une exèdre, la dédicace ne le dit pas), A 6, 26.
Α 8, À 9 et les épitaphes A 10-A 12. M. B. HATZoPOULOSs et L. D. LOUKOPOULOU, ibid., p. 75-108, n° K 1 (contribution), K 2 (décret pour Apollonios ; voir AE 1992, 1525 avec ma traduction en français), K 3
à 5 (dédicaces), K 6 (autel), K 7 et 8 (honorifiques privées ou funéraires), K 9 à 12 (catalogues éphébiques ; pour l’analyse de l’onomastique, voir tome II, p. 356), Κ 15
à 20 (épitaphe de Mennidas n° K 17, celle de Philotas n° K 18), K 28.
262
MICHEL SÈVE
En Macédoine centrale, dans la Crestonie à l’épigraphie si pauvre, la cité de Morrylos a gratifié Alkétas d’honneurs importants — portrait peint à placer à l’endroit le plus en vue du sanctuaire d’Asclépios, et célébration comme sacré du jour où Alkétas a été élu aux plus hautes charges — parce qu’il avait assumé le logement des autorités de passage, pris à sa charge de fortifier la cité en l’an 17, de faire livrer des céréales au marché et avait fait don de vaches pâturantes 27. Selon les éditeurs, l’an 17 serait une année de règne de Philippe V (205/4 av. J.-C.). Plusieurs caractéristiques du texte, en particulier la mention des ἡγούμενοι (normalement les autorités romaines), plaident pour une date plus basse, qui serait à calculer selon l’ère de la province (132/1 av. J.-C.) ’#. En Haute Macédoine, on ne s’attend pas à trouver beaucoup, et de fait la récolte est pauvre. On ne relève dans le corpus d’Ath. Rizakis et J. Touratsoglou aucun décret, mais cinq dédicaces en Élimée, dont une seule
de notre ère 33, et huit en Éordée dont la plus récente est de l’an 5/6 apr. J.-C. Ὁ. Les épitaphes ne sont guère plus nombreuses : huit en Élimée, dont une seule de la fin du 1“ 5. apr. J.-C., la seule pour un personnage portant un nom romain, quatre en Éordée, toutes antérieures à
notre ère, trois en Orestide *!. En Lyncestide, il y a trois dédicaces : l’une
à Jupiter faite par un personnage dont on a probablement l’épitaphe *?, une autre faite en l’honneur de C. Arbianus Secundus par quarante-neuf de ses amis *, enfin l’offrande d’un cadran solaire, faite à ses frais par 27.
M.B. HATZoPoULOSs et L. D. LOUKOPOULOU, Morrylos, cité de la Crestonie, Athènes, 1989 (Mélétèmata 7), p. 41-56 (discussion de la date p. 50-51). Citons
pour mémoire la dédicace faite à Asclépios par Sosias fils de Sosipolis, de la cité voisine de Iorion, probablement à l’extrême fin du rs. apr. J.-C., ibid., p. 64-65. 28. Voir D. HENNIG, Chiron, 27 (1997), p. 366-367, approuvé par Ph. GAUTHIER, Bull. ép., 1998, 112, et D. ROUSSET, Livret-Annuaire 18 de l'EPHE, Sciences historiques et philologiques (2002-2003), Paris, 2004, p. 112.
29. EmypagÈs Avo Μακεδονίας 3-1. 30. 31. 32. 33.
Επιγραφὲς Ava Μακεδονίας 88-91, apr. J.-C.). Επιγραφὲς Avo Μακεδονίας 41-47 (Orestide). 1G X 2, 2, 54 (pour la dédicace) et 79 1G X 2, 2, 75 (texte en grec); parmi
93-95, 97 (cette dernière datée de l’an 5/6 et 78 (Élimée), 118-121 (Éordée), 191-193 (pour l’épitaphe). les personnes nommées, quatre portent des
noms purement grecs, vingt-trois les tria nomina, les autres des noms de formule grecque avec des éléments romains (sur les noms de ce type, voir les remarques de F. PAPAZOGLOU, « Grecs et Romains à Stuberra », Archaia Makedonia, IV [1986],
p. 433-436).
NOTABLES DE MACÉDOINE
263
un personnage dont on ne sait rien *, et dix épitaphes *. Ces textes, pour la plupart en latin, ne sont pas antérieurs à notre ère. En Pélagonie, on connaît trois dédicaces très modestes% et sept épitaphes dont deux de
basse époque hellénistique 57. À Styberra, on citera le décret des Derriopes acceptant, en mai 95 apr. J.-C., la fondation testamentaire de M. Vetaus Philo, déjà bienfaiteur de sa patrie, pour célébrer chaque année un banquet en mémoire de Vettius Bolanus : il y est fait mention d’un col-
lege de politarques, d’un conseil, d’un trésorier du conseil#. Citons aussi les catalogues d’éphèbes bien connus : entre les années 41-48 et
121/2 apr. J.-C. il en subsiste dix * : on y trouve un gymnasiarque, un trésorier, un éphébarque, magistrat plutôt que premier des éphèbes (neuf fois), un agonothète. Il faut ajouter une dédicace faite à un bienfaiteur par la cité de Styberra et les negotiatores et une épitaphe mentionnant
un politarque “. 34.
1G X 2,2, 111 : L. Marius L. f. Ter(es), selon le corpus, ou Ter(etina tribu) selon
AE 1973, 489 et 1978, 732. La date, 10 apr. J.-C., est donnée à la fois par l’épony-
mie des consuls et par le comput selon l'ère de la province. 35. 36.
1G X 2,2, 38, 77 à 82, 121 à 123: les deux dernières sont en grec, et le n° 121, rédigé en latin, est écrit en lettres grecques. 1G X 2, 2, respectivement 281 (août 68 apr. J.-C), 278 (94/5 apr. J.-C., à Héraklès
Mégistos, la date est donnée dans les deux cas par l’ère de la province) et 251 (faite 37.
par un vétéran prétorien δράκοντι τῷ ὧδε τειμωμένῳ, elle est omée d’un serpent). 1G X 2,2, 158 (π΄ 5.) et 159 (11%1“ s.), cette dernière en vers, mais en dehors de son âge — 76 ans — rien de remarquable n’est dit du défunt (toutes deux portent un relief de banquet, mais le style très raide de la deuxième orienterait vers une date plus tardive; la date de la basse époque hellénistique est adoptée par J. et L. ROBERT,
Bull. ép., 1974, 335, n° 1), 279 (55/6 apr. J.-C.), 250 (67/8 apr. J.-C.), 276 (81/2 apr. J.-C.), 160 (seule épitaphe en latin, pour un vétéran ; tous les membres de sa famille portent comme lui les noms de C. lulius), 236 (pour un vétéran prétorien, Tr. Κλαύδιος Φόρτιος; le nom de son épouse, Αἰλία Πρόκλα, inspire des doutes sur la datation au I“ 5. apr. J.-C. proposée par le corpus). 38. 1G X 2, 2, 300 : texte en grec mais, à l’exception du président des politarques, tous
39. 40.
les personnages portent des noms romains. Vettius Bolanus pourrait être le consul de 66 apr. J.-C., qui aurait été antérieurement proconsul de Macédoine, à qui Vettius Philo serait redevable de la citoyenneté romaine s’il faut l’identifier avec le Φίλων Φίλωνος éphébarque en 50/1, 1G X 2, 2, 324. Il avait fait une fondation pour l’huile du gymnase mentionnée dans les inscriptions à partir de 87/8 (Ὁ X 2, 2, 325, 1. 6769) jusqu’en 121/2 au moins (/G X 2, 2, 328). IG X 2,2, 323-328 (la liste de 74/5, répartie entre deux stèles, compte 135 éphèbes) ; étude fondamentale de F. PAPAZOGLOU, Chiron, 18 (1988), p. 231-270. IGX 2, 2, 330 (dédicace) et 344 (épitaphe), toutes deux du 1 5. apr. J.-C.
264
MICHEL SÈVE
Face à ce bilan, une question se pose : quels personnages faut-il retenir comme notables ? Les magistrats, les prêtres, les bénéficiaires d’ins-
criptions honorifiques posent peu de problèmes. La chose va moins de soi quand il s’agit de dédicaces : il peut y en avoir de bien modestes dont les auteurs peuvent difficilement être classés parmi les couches dominantes de la société. La chose est encore plus vraie pour les Epitaphes,
quoiqu'il y ait aussi des épitaphes de notables. Ce qui permettrait parfois de trancher, c’est la nature du monument ; mais le risque est alors de confondre les riches et les notables. C’est ce contre quoi devrait mettre en garde la mention récurrente des espoirs mis par le peuple dans la persistance de l’attitude qui a valu leur récompense aux notables — ainsi à Beroia, dans le décret pour Harpale : il est digne d’honneur pour le présent et pour ce qu’on espère de lui, ἐν τοῖς παροῦσιν ὧν τειμῆς ἄξιος καὶ ἐν τοῖς ἐλπιζομένοις. À Beroia, on ne connaît pas beaucoup de magistrats. Il y ἃ trois collèges de cinq politarques, entre l’an 122/1 av. J.-C. et le début du règne de Claude, et deux anciens politarques“! : tous portent des noms grecs. Un collège de trois agoranomes avec un secrétaire est connu vers 130 av. J.-C.“ On ne trouve ensuite à citer que des gymnasiarques : deux qui se partagent la charge la même année, à l’époque d’ Auguste ou
de Tibère, un autre dont le nom est perdu à l’époque de Vespasien, un autre, Ti. Claudios Ptolemaios, qui ἃ été aussi agonothète des empereurs mais est difficile à placer dans le siècle puis, dans l’atmosphère différente de la fin du 1 5. apr. J.-C., le grand-prêtre à vie Ti. Claudios
Pierion, qui l’a été deux fois. De la même époque date la mention de l’éphébarque Ti. Claudios Etymos“ qui a assumé la responsabilité de 41. Collèges : 1 Beroeae 134 (pour 122/1 av. J.-C.), 103 (époque d’Auguste ou de Tibère), 60 (en 41-44 apr. J.-C.). Politarques isolés : 1. Beroeae 2 (Harpale, seul destinataire connu d’un décret honorifique, fin ı-debut 1“ s. av. J.-C.), 392 (Pate-
rinos Antigonou, peut-être père d’un chasseur de 114/3, connu par son épitaphe 42.
métrique). I. Beroeae 24; l’un de ses membres, Marsyas fils de Démétrios, a offert en 131/0 un portique d’incubation en pierre (I. Beroeae 18).
43.
Voir I. Beroeae 103 (époque d’ Auguste ou Tibère : ils portent des noms grecs), 61 (très probablement agonothète et gymnasiarque du koinon des Macédoniens, bien
que ces mentions aient disparu ; vers 69-79), 104 (Ti. Klaudios Ptolemaios), 115 et 44.
123 (Ti. Klaudios Pierion). I. Beroeae 123.
NOTABLES
DE MACÉDOINE
265
l’un des honneurs pour Pierion, l’autre étant dû à la tribu Bereikè dont le secrétaire est nommé : il porte un nom romain. Les responsables du koinon des Macédoniens — dans un cas les chefs des quatre parties de la Macédoine, à plusieurs reprises des grands-prêtres et agonothètes, en tout cinq personnages différents — n’apparaissent que dans la deuxième moitié du I s. apr. J.-C.“ Si l’on se tourne vers les prêtrises, on notera, outre les jeunes prêtres d’Heracl&s Kynagidas mentionnés dans la liste des chasseurs de la fin du 11° 5. av. J.-C. et un autre, isolé, dans une dédicace sans doute un peu plus tardive “6, la prêtrise des dieux Évergètes assurée par Harpale -- le décret en son honneur indique que c’est la plus grande, celle qui demande le plus de dépenses, τὴν μεγίστην
καὶ πλειστῶν δεομένην δαπανημάτων ἱερωσύνην -, celle des dieux
égyptiens, assurée dans le 1” s. apr. J.-C. par C. Canuleius Αρογ 7, et les autorités (un responsable et deux archinéocores) d’un sanctuaire dont
le nom est perdu . Si l’on s’intéresse aux dédicants et à ce qu’ils ont dédié, c’est encore limité : un portique d’incubation en pierre avec une exèdre, offerts en 131/0 av. J.-C. par Marsyas fils de Démétrios connu aussi comme agoranome; des travaux d’adduction d’eau offerts dans la
fin du r“ 5. apr. J.-C. par Claudia Ammia fille de Pierion et ses enfants ; une activité évergétique multiforme, incluant la réparation de routes, de Q. Popillius Python à l’extrême fin du 1“ 5. apr. J.-C.*. Ajoutons quelques statues, trois pour des empereurs, d’autres pour des particu-
liers installées dans des sanctuaires Ὁ, Tout cela ne fait pas beaucoup de monde : une trentaine de magistrats, une dizaine de prêtres, quelques dédicants ; et quelques personnages venus d’ailleurs, comme les trois frères originaires d’Euporia, auteurs d’une dédicace à un grand-prêtre et
dont deux sont morts à Beroia°!. Ce tableau n’est pas beaucoup modi45.
Autorités du koinon : I. Beroeae 61 ; grands-prêtres : I. Beroeae 61, 63, 104, 115, 116, 117, 123.
46.
Liste des chasseurs : 1 Beroeae 134; les chasseurs n'étaient pas nécessairement prêtres d’Heracles Kynagidas, voir M. B. HATZOPOULOS, Cultes et rites de passage en Macédoine, Athènes, 1994 (Meletèmata, 19), p. 107-109. Autre prêtre, 1 Beroeae
47.
30, Asklépiodoros fils de Pleuratos (noter le patronyme illyrien). I. Beroeae 35 et 128.
48.
I. Beroeae 125 (1 5. apr. J.-C.).
49.
I. Beroeae 18 (Marsyas), 40 (Claudia Ammia), 117 (Q. Popillius Python).
50.
I. Beroeae 61 à 63 (pour un empereur dont le nom est perdu, pour Titus, pour
Nerva), 125, 126, 128. 51.
Voir Z Beroeae 121 (dédicace) et 299 (épitaphe).
266
MICHEL SÈVE
fié par l’apport des monuments funéraires. Il y faudrait une étude spéciale incluant l’examen détaillé des monuments eux-mêmes *’. Retenons ceux qui s’imposent. Au milieu du 1° 5. av. J.-C., la riche urne cinéraire ornée de bucranes et guirlandes de Moschinè fille de Kleuas, peut-être le général de Persée connu par Tite-Live 55. Un peu plus tard, dans la deuxième moitié du siècle, le sarcophage d’Harpale fils de Python : il n’est pas possible d’établir avec certitude s’il appartenait à la grande famille de notables de Beroia, mais l’utilisation d’un sarcophage à cette date implique la richesse, sinon l'influence *. Vers la fin du siècle ou le début du suivant, la stèle de Patérinos fils d’Antigonos est l’une des plus belles de la collection, l’épitaphe est en vers et mentionne l'exercice à deux reprises d’une magistrature : il s’agit à coup sûr d’un notable“.
On pourrait en ajouter quelques autres, ainsi, dans la première moitié du I" s. av. J.-C., la stèle de Krateuas fils de Nikadas et de son père Nikadas fils d’ Ammadikos : la sculpture, de très bonne qualité, représente deux hommes debout sous une voûte qui fait penser aux grandes tombes souterraines de l’époque royale *. Mais persister dans cette voie serait s’exposer au travers de confondre riches et notables. Pour faire le notable, il faut joindre l’influence à la richesse. Et ce qui frappe dans le tableau que
52.
Il existait à Beroia une école de sculpture active à l’époque hellénistique. Pour l’attribution des monuments funéraires à des notables, on pourrait penser à tirer argu-
ment de la tête de cheval qui apparaît dans l’angle de certains reliefs : qui dit cheval dit aristocrate. Mais l’exécution de certains d’entre eux est très médiocre et l’on sait d’autre part que l’iconographie aristocratique et héroïque a été transférée au
53. 54. 55.
domaine funéraire (voir, pour celle du banquet, J.-M. DENTZER, Le motif du banquet couché dans le Proche Orient et le monde grec du vır au m siècle avant J.-C., Rome - Paris, 1982) et ne peut être interprétée directement. Seule une multiplicité de critères (dimensions de la stèle, qualité de l’exécution, entre autres) permet de faire des propositions : cela dépasse le cadre de la présente étude. I. Beroeae 177; sur Kleuas, voir Tite-Live 43, 21, 5 et 43, 23, 2-3. I. Beroeae 202; le sarcophage, brisé, est simple et ne présente aucun décor particulier. I. Beroeae 392; l'intéressé est dit avoir été deux fois tage. Cette magistrature n'est
pas autrement attestée à Beroia, mais il peut s’agir d’une licence poétique pour la 56.
fonction de politarque. I. Beroeae 163; autre photo dans A. B. TATAKI, Ancient Beroea. Prosopography
and Society, Athènes, 1988, pl. III. On pourrait ajouter d’autres monuments funéraires, ainsi les πο 184, 186, 204, 205, 271, 276, 344, sans parler de celui des citoyens d’Euporia, n° 299.
NOTABLES DE MACÉDOINE
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je viens de dresser pour Beroia, c’est la dispersion. Nous connaissons peu de monde; il n’y a guère de recoupement entre les diverses séries : ainsi, à une exception près, les magistrats ne sont pas connus comme évergètes. Et la série est déséquilibrée vers la fin de la période : c’est surtout pour l’époque impériale que nous avons des renseignements. En somme, il n’y ἃ que quatre documents indiscutables révélant un notable à Beroia : la dédicace de l’agoranome Marsyas en 131/0 av. J.-C., le décret pour Harpale de la fin du 11° s. av. J.-C., la stèle de Paterinos fils d’Antigonos vers la même époque, la dédicace pour Q. Popillios Python de l’extrême fin du 1“ s. apr. J.-C. À Thessalonique, les magistrats n’apparaissent alors qu'en petit nombre et rarement, le plus souvent dans la période qui va du milieu
du rs. av. J.-C. jusqu'à la fin du règne de Tibère : ainsi, sept collèges
de politarques 57 sont répartis entre la fin du n° 5. av. J.-C. et le premier tiers du I“ s. apr. J.-C. (plusieurs membres des plus récents portent des noms romains). Parmi les autres, citons des agoranomes “ὃ, les trésoriers
de la cité (on en connaît cinq) *”, le gymnasiarque (quatre), l’éphébarque (deux)°', le mnémon (une fois). Les dédicaces font connaître un peu mieux les prêtres, mais presque exclusivement après le milieu du 1° 5. av. J.-C. : trois prêtres des Dieux, trois prêtres de Rome et des Romains bienfaiteurs δ᾽, un prêtre de Zeus Eleutherios et de Rome 57.
1G X 2, 1, 27, 30, 31, 32 (la liste manque presque en totalité), 50, 109 (les n° 30, 50
et 109 représentent le même collège), 126, 129, 133, sans parler du politarque isolé de l’épitaphe 848, qui appartenait peut-être au collège attesté trois fois des années
39/8 av. J.-C. Le cas du n° 28 est différent : pour M. B. HATZOPOULOSs, du fait qu’il ne nomme que deux politarques, il daterait de l’époque royale, voir Macedonian Insti-
tutions Under the Kings, Π. Epigraphical Appendix, Athènes, 1996 (Meletèmata, 22), 58.
n° 72. 1G X 2, 1, 7 (leur nom est perdu).
59.
1G X 2, 1, 30, 50, 109 (les trois textes, 39/8 av. J.-C.), 31 (époque d’ Auguste), 129
(I s. av. J.-C. ou apr. J.-C.), 126, 133 apr. J.-C., selon L. ROBERT, RPh, 100 Ajoutons deux trésoriers des neoi dans Tekmèria, 5 (2000), p. 46, la restitution
(ces deux textes du premier tiers du 1° 5. [1974], p. 210-215 [OMS V, p. 297-302)). le même texte 133. Selon Ph. GAUTHIER, de la mention d’un trésorier de la cité dans
le texte /G X 2, 1, 5 (62/1 av. J.-C.) est à écarter.
60. 61. 62.
1G X 2, 1, 135 (105 av. J.-C.), 4 (95 av. J.-C.), 126 et 133 (premier tiers “ s. apr. J.-C.). IGX2,1,135 et 133. IGX 2, 1, 129.
63.
Pour les deux séries, /G X 2, 1, 31 (époque d’Auguste), 133 (premier tiers du 1 s.
apr. J.-C.), 32.
268
MICHEL SÈVE
(époque d’Auguste), trois prêtres et agonothètes d’Auguste, trois prêtres de Théos Hypsistos et surtout un nombre assez grand de prê-
tres des dieux égyptiens”, ce qui ne fait que refléter la part des découvertes du Sarapieion dans la constitution de la collection. Des bâtiments ont été offerts dans les sanctuaires. Ils sont nombreux dans celui des
dieux égyptiens, tous ou presque dans la deuxième moitié du I" s. av. J.-C., offerts par des negotiatores italiens : un propylon, un Osireion,
avec un péristyle et un réceptacle pour les testicules du dieu (διδυμαφόριον), un réservoir pour l’eau du Nil (ὑδρεῖον), un autel, un sékos et d’autres autels, un dromos (ce dernier vers la fin du r* s. apr. J.-C.) ; des réparations ont été faites au naos et un pronaos a été construit à l’époque augustéenne ὅδ, Au sanctuaire de Théos Hypsistos, citons quatre colon-
nes, avec leur chapiteau et leur base, et un montant de porte offerts en 66/7 apr. J.-C. par Herennia Procula en accomplissement d’une promesse de son père M. Herennius Proculusδ; deux dédicaces gravées sur des sommets de colonnes dont on ne peut évaluer les dimensions font attendre des offrandes d’une certaine importance, mais peut-être
pas des bâtiments à proprement parler °. Deux autres bâtiments doivent être cités : le bâtiment d’archives offert par Dionysodoros fils d’Askle-
piodoros en 39/8 av. J.-C.”! et, d’autre part, le temple, les thermes, le 64. 65. 66. 67.
IG X 2,1, 32. 1G X 2, 1,31, 133 (il s’agit alors du dynaste thrace Rhoimétalkès, un vice-agonothète faisait effectivement la fonction), 32. 1G X 2, 1, 70 (66/7 apr. J.-C.), 67 (74/5 apr. J.-C.), 74 (1 5. apr. J.-C.). IG X2,1,95 (1{--1 s. av. J.-C.), 124 (42-32 av. J.-C. : il s’agit d’une liste de 7 prêtres), 83 (37/6 av. J.-C.), 97 et 113 (23/2 av. J.-C.), 84 (15/4 av. J.-C.), 118 ([--πὸ s. apr. J.-C.). Il convient d’y ajouter un néocore des dieux égyptiens, n° 109 (39/8 av. J.-C.).
68.
IG X 2, 1, 124 (propylon, 42-32 av. J.-C.), 109 (Osireion et autres constructions, 39/8 av. J.-C. ἢ), 83 (ὑδρεῖον, 37/6 av. J.-C. 7), 84 (autel, vers 35 av. J.-C.), 97 (τὸν ση[κὸν] καὶ τοὺς βωμούς; 23/2 av. J.-C.), 118 (δρόμος; fin du 1” s. apr. J.-C.), AE 1993, 1392 (réparation du naos et construction du pronaos, époque augustéenne). Sur l'intérêt des negotiatores pour les cultes égyptiens, voir Ath. Rızakiıs, « L’émigration romaine en Macédoine et la communauté marchande de Thessalonique », dans Chr. MÜLLER
et Cl. HASENOHR
(éd.), Les Italiens dans le monde grec,
Athènes - Paris, 2002, p. 120-122.
69. 1G X 2, 1, 70 : κίονας δ᾽ σὺν ἐπικράνοις καὶ σπείραις καὶ τὴν φλίαν. 70. 71.
1IGX 2,1, 73 (diamètre 28 cm, donc assez petite) et 74 (arc conservé 16,5 cm, plus grande que la précédente ; le texte est en latin). 1G X 2, 1, 50 : le bâtiment est dit γραμματοφυλακεῖον.
NOTABLES DE MACÉDOINE
269
bassin et les portiques qui l’entourent offerts par Avia Posilla à Auguste, Héraclès et la cité de Thessalonique dans la deuxième moitié du règne d’Auguste 72. Ajoutons encore la construction réalisée sur les fonds lais-
sés par testament par le dynaste Rhoimétalkès dans le premier tiers du
I” s. apr. J.-C., peut-être un aleiptérion 75, On ne peut en revanche rien dire du temple de César construit sous Auguste : le début du texte est trop mutilé. Deux choses apparaissent clairement : la ville de Thessalonique a connu une certaine activité de construction dans la deuxième moitié du I” 5. av. J.-C., mais à peu près exclusivement à l’initiative des negotiatores romains, ce que soulignait récemment Ath. Rizakis ; et les magistrats semblent complètement absents de cette activité. Plus encore qu’à Beroia, il y a séparation entre les magistrats et les riches. On a du mal à repérer des notables, en partie parce que nous n’avons guère que des bribes des rares décrets de la cité : celui pris en 95 av. J.-C. pour le gymnasiarque Paramonos fils d’Antigonos le félicite surtout d’avoir
fait les dépenses convenables, où τὴν δαπάνην τὴν προσήκουσαν rapaλέλοιπεν, et il émane des anciens du gymnase; le détail des mérites pour lesquels Parnassos est honoré en 62/1 av. J.-C. est perdu, même s’il doit être mis en rapport avec les circonstances très difficiles que traversait alors la cité : pour Ph. Gauthier, il devait appartenir à la catégorie des grands évergètes. Dans l’état actuel de la documentation, il est bien isolé. À Thessalonique, nous manquons de notables. On en trouve proportionnellement davantage en Chalcidique. À Anthémonte, les agoranomes qui ont offert une exèdre, la prêtresse des dieux égyptiens qui a fait réparer une construction appartiennent à cette catégorie, de même que le gymnasiarque qui a fait une distribution d’huile en 62/3 apr. J.-C., et surtout le personnage à qui ses mérites militaires ont valu un bouclier doré dans la période 47-36 av. J.-C. À Kalindoia, surtout le prêtre de Zeus et d’Auguste Apollonios, en 1 apr. J.-C. L’épitaphe de Philotas pose un problème : il est lui-même membre d’une famille riche -- le simple fait qu’on ait composé une épi72. Dédicace bilingue trouvée à Loutra Sedhes, à une quinzaine de km de Thessalonique (AE 1995, 1389) ; les bâtiments offerts sont dits en grec τὸν ναὸν καὶ τὰ θερμὰ καὶ τὴν δεξαμενὴν καὶ τὰς περικειμένας τῶι ὕδατι στοάς, en latin aedem, aquas, piscinam et porticus circa piscinam. 73.
1G X 2, 1, 133, selon l’interprétation de L. ROBERT, RPh,
(OMS V, p. 300-301).
100 (1974), p. 213-214
270
MICHEL SÈVE
gramme aussi développée (20 vers) pour un enfant de douze ans en est une bonne indication, de même le fait qu’on rappelle son ascendance. Son grand-père homonyme s’était distingué en défendant la cité et avait obtenu une statue de bronze. Mais à quelle date ? On ne peut dater le texte que d’après l’écriture et les éditeurs hésitent entre la fin du Ir 5.
et le τὸ s. av. J.-C. ; il est donc difficile de préciser les circonstances qui ont valu à Philotas grand-père les honneurs mentionnés, même s’il
est certain qu’ils ont été rendus à l’époque qui nous intéresse /*. Il faut en revanche souligner, avec les éditeurs, que les catalogues éphébiques
sont inutilisables pour étudier les notables du dernier tiers du I“ s. apr. J.-C. : contrairement à ce qui se passait du temps de la monarchie, l’institution était accessible alors à tout le monde, y compris aux Romains
domiciliés, aux garçons issus de mariages mixtes ou aux fils d’affran-
chis . Dans la cité de Létè, proche de cette région, on connaît bien le décret pris en 117 av. J.-C. en l’honneur du questeur M. Annius, qui lui accordait, outre l’éloge, un concours hippique annuel à célébrer au mois de Daisios, quand sont célébrés les concours pour les autres évergètes,
ὅταν καὶ τοῖς ἄλλοις εὐεργέταις οἱ ἀγῶνες ἐπιτελῶνται 75. Si l’on manque de renseignements sur ces autres évergètes /?, on peut signaler deux inscriptions pour des notables : en 24 apr. J.-C., trois agoranomes sortis de charge ont consacré une porte monumentale, πυλών, aux
dieux et à la cité "ὃ; et c’est de Létè que provient le grand relief funéraire œuvre du sculpteur Euandros fils d’Euandros de Beroia, pour Dio-
nysophon fils d’Hippostratos, dans le deuxième quart du 1“ s. av. J.-C. 79 74.
M. Β. HarzorouLos et L. D. LOUKOPOULOU, Recherches sur les marches orientales des Téménides I, Athènes, 1992 (Meletèmata 11), p. 100-101.
75.
M.B. HATZOPOULOSs et L. D. LOUKOPOULOU, Recherches sur les marches orientales des Téménides Il, Athènes,
1996 (Meletemata
11), p. 369. La même chose
vaut probablement pour les catalogues de Styberra : le grand nombre des éphèbes de l’année 74/5 peut difficilement s'expliquer autrement; analyse onomastique et tableaux, F. PAPAZOGLOU, Chiron, 18 (1988), p. 249-259.
76. 77. 78. 79.
SylP 700. Sur cette fête, remarques de G. THERIAULT, « Une fête des Évergètes en Macédoine », AncW, 32 (2001), p. 207-213. M.G. Dimirsas, / Makedonia en lithis phtheggomenis ke mnimiis sozomenis, Athènes, 1896, n° 678. Pour le texte, SEG 17, 318; pour le relief, voir en dernier lieu E. VOUTIRAS, dans G. DESPINIS, Th. STEPHANIDOU-TIVERIOU et E. VOUTIRAS, Κατάλογος γλυπτών
του αρχαιολογικού μουσείου Θεσσαλονίκης, Thessalonique, 1997, p. 73-76 et
NOTABLES DE MACÉDOINE
271
À Apollonia de Mygdonie, en 107/6 av. J.-C., le Romain M. Lucilius M. f., dit aussi Démétrios, a consacré un gymnase à Zeus Sôter, Hermès et Héraclès ®, 1} faut aussi rappeler Alketas, de Morrylos en Crestonie,
certainement un notable et probablement de l’époque qui nous intéresse si l’on calcule selon l’ère de la province l’an 17 cité dans le texte (132/1 av. J.-C.); enfin, pour l’extrême fin de la période (il est mort en
95 apr. J.-C.), M.Vettius Philo, de Styberra. L’interpretation du bilan ainsi dressé requiert beaucoup de prudence. Outre les difficultés habituelles quand on est confronté au silence des sources, il faut tenir compte des limites de la constitution du corpus : les villes principales de la Macédoine antique ont connu une occupation continue et toutes les inscriptions découvertes n’ont pas été publiées ὃ". Néanmoins, la répartition des nouvelles découvertes peut tempérer ce
pessimisme. La collection s’enrichit surtout pour l’époque impériale, dans une moindre mesure pour l’époque royale ; pour la basse époque hellénistique, l’accroissement est très lent : la structure de la documentation ne me paraît pas substantiellement transformée. Quelques traits généraux s’en dégagent. Le principal est la grande rareté des notables connus dans la basse époque hellénistique, disons avant le milieu du
I" s. av. J.-C. Ce n’est peut-être pas qu’ils aient manqué : mais ils ne sont pas visibles. Les magistrats, quand ils sont nommés, ne le sont
que dans l’exercice de leur charge ; de même, le plus souvent, les prêtres. On peut signaler à Beroia trois notables indiscutables pour cette période, qui joignent la richesse à l’influence, peut-être deux à Thes-
salonique, un à Kalindoia, deux à Létè (mais il s’agit là de riches plus que de personnes influentes — du moins, si elles l’ont été autrement que
par leur argent, rien ne nous le dit), un à Morrylos. Cette pauvreté pourrait s’expliquer par la pauvreté générale de l’épigraphie macédonienne pour l’époque hellénistique, surtout par contraste avec la pleine époque impériale. Mais on sait plus de choses pour l’époque royale. Il me semfig. 139, n° 56, dont j’adopte la datation ; un relief comparable, mais sans inscription, pour une femme, trouvé au même endroit, pourrait provenir du même monu-
ment, cf. E. VOUTIRAS, ibid., p. 76-77 et fig. 140, n° 57. 80. 81.
J. PAPANGELOS, Mélanges Kanatsoulis, Thessalonique, 2001, p. 111-112, voir Bull. ép., 2002, 280. C’est le cas en particulier de deux lots peut-être importants, à Dion et à Amphipolis, que les fouilleurs ou leurs héritiers rechignent à faire connaître.
272
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ble plutôt qu’il faut voir dans cette situation la conséquence de la défaite de Pydna et de la destruction organisée par les Romains des racines de la puissance macédonienne. C’est un sujet qu’on a davantage évoqué qu’etudie. On sait par Tite-Live que les Romains ont déporté en Italie, avec leurs fils âgés de plus de quinze ans, les Amis du roi, les dignitaires portant la pourpre, les stratèges, les commandants de navire ou de garnison, tous ceux qui avaient exercé quelque fonction au service du roi, y compris comme ambassadeurs ὅ2, On ne sait ce qu’ils sont devenus par la suite. La liste fait comprendre l’ampleur de la secousse pour les couches dirigeantes de la Macédoine. Il faudrait y ajouter les effets matériels, non mesurables, des pillages opérés par les armées romaines. On peut compléter les rares indications des textes par celles de l’archéologie. Ainsi, la construction des grandes tombes souterraines aristocratiques si caractéristiques de la Macédoine des IV“ et III“ 5. cesse vers le
milieu du ır s., pour ne plus reprendre ὃ. Les quelque trente tombes rupestres de Beroia connues de J. Touratsoglou conduisent ce savant à des conclusions semblables. Elles se répartissent sur une période allant du règne de Philippe V au dernier quart du πῇ 5. Celles qu’il publie — il y en a cinq — se caractérisent par leur architecture rudimentaire et la pau-
vreté du matériel qu’elles contenaient et reflètent les moyens limités de leurs commanditaires, qui tenaient pourtant à respecter la tradition %. De la même manière, Pella fut victime d’un effroyable pillage, mais resta occupée jusque dans la première décennie du rs. av. J.-C. (c'était la capitale de la troisième méris), et fut abandonnée après un tremblement de terre, semble-t-il : il n’y restait qu’un monceau de ruines®°. La colonie romaine fondée vers 30 av. J.-C. l’a été sur un autre emplacement situé plus à l’Ouest. Des ressources diminuées, une couche diri-
geante décapitée : on conçoit que les notables se soient faits rares dans la Macédoine de la basse époque hellénistique. Il y avait toujours des magistrats pour organiser la vie en commun ; mais les magistrats ne suf82. Tite-Live 45, 32, 3-6. A. B. TaTAKI pense en avoir observé les effets à Beroia : cf. Ancient Beroea. Prosopography and Society, Athènes, 1988 (Meletemata 8), p. 424.
83.
Remarque déjà faite parA. B. TATAKI, ibid., p. 435.
84.
St. Droucou et J. TOURATSOGLOU, δλληνιστικοί λαξευτοί τάφοι Bepoias, Athènes, 1980. Ainsi Dion Chrysostome, Ταρσικὸς πρῶτος 21.
85.
NOTABLES
DE MACÉDOINE
273
fisent pas à faire les notables. Dans ces conditions, on comprend mieux certains termes du décret de Beroia pour Harpale. Ce personnage appartenait selon toute vraisemblance à une grande famille de la cité, qui avait fourni entre autres un hiéromnémon à Persée, qui fut aussi ambassadeur à Rome en 172 : on ne voit pas comment lui et sa famille auraient pu échapper à la déportation. Quand on lit dans le décret de la fin du ı 5. :
ἀνανεωσάμενος τὴν ἀπὸ τῶν προγόνων δόξαν, εἰ καὶ ἡ τύχη διὰ τοὺς καιροὺς ἥττων ἦν, « il a restauré la gloire ancestrale, même si la fortune était moins favorable à cause des temps difficiles », je me demande s’il faut chercher une circonstance particulière parmi les crises militaires qui ont secoué la Macédoine, de la troisième guerre de Macédoine à la crise mithridatique, comme le font L. Gounaropoulou et M. Hatzopoulos dans leur commentaire, ou simplement comprendre qu’il a été le premier en état de rendre à sa famille le lustre qu’elle avait eu à l’époque royale. Ces circonstances expliquent aussi l’importance des Romains : la place était à prendre. Ils l’ont prise dès la fin du ır“ s., en s’intégrant d’abord dans la population, ce qu’attestent quelques documents où un Romain porte aussi un nom grec %. Mais surtout ils étaient seuls à avoir les moyens d’un évergétisme local®’. Quand une classe suffisante de dominants locaux a pu se reconstituer, les circonstances avaient changé, ils n’avaient plus qu’à s’intégrer de leur mieux au nouvel ordre des choses : c’est ce qui explique à la fois la visibilité nouvelle des notables à partir de l’époque augustéenne et le fait qu’il s’agit le plus souvent de porteurs de noms romains, negotiatores d’abord, puis, de plus en plus, membres de grandes familles locales devenus citoyens romains. Après le milieu du 1 5. apr. J.-C., à Thessalonique comme à Beroia, ce processus était en voie d’achèvement, préparant la situation du 1F 5. apr. J.-C. Il aura fallu deux à trois générations au moins pour que la Macédoine commence à surmonter l’effet des mesures prises par le Sénat en 167 : c’est dire leur efficacité. 86. À Apollonia de Mygdonie, en 107/106, Μάαρκος Λευκίλιος Μαάρκου Ῥωμαῖος ὁ ἐπικαλούμενος Δημήτριος; à Thessalonique Μάνιος Κύρτιος Μανίου Σίγνιος ὁ ἐπικαλούμενος Δημήτριος, [6 X 2, 1, 80; peut-être aussi un membre de la famille de M. Herennius Pollion, /G X 2, 1, 222, cf. n. 19.
87. Ces circonstances contribuent peut-être à expliquer le nombre et la densité remarquables des colonies fondées par les Romains en quelques années dans la Macédoine royale.
Conclusion générale
Claude ΝΊΑΙ, Université Montpellier III
ANS le discours qui a ouvert les travaux de ce colloque, Ph. Gauthier en a précisé l’objet avec une grande netteté. Il a d’abord défini la basse période hellénistique, sans valeur péjorative attachée à l’adjectif « basse », comme une période de transition entre deux époques plus stables, la haute époque hellénistique, durant laquelle les cités avaient composé avec les rois, et le Haut-Empire romain ; pour la date du début de la période considérée, il a admis de légères variations en fonction de l’histoire des régions. Ph. Gauthier a ensuite dégagé avec bonheur la problématique permettant d’étudier la thématique retenue, « citoyenneté et participation ». Du fait que la citoyenneté, selon Aristote et les décrets de la haute époque hellénistique, était définie comme une participation aux instances politiques (Conseil, assemblée, tribunaux) et aux magis-
tratures, les débats devaient s’efforcer de déterminer principalement si, à la basse époque hellénistique, les citoyens dans leur ensemble restaient les acteurs de la vie politique ou si cette dernière était confisquée par une minorité de notables ; puisque l’événement le plus marquant de l’époque fut la conquête romaine, il fallait en mesurer les conséquences sur le contenu de la citoyenneté. Toutes les communications mènent cette recherche en s’appuyant sur des textes épigraphiques, ce qui s’impose. Presque toutes sont des études de cas, fondées sur un ou plusieurs documents. Une partie notable des contributions se limite à une seule cité. C’est parfaitement justifié :
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en raison de la nature de la documentation, l’analyse soigneuse d’exemples est nécessaire aux progrès. Se distinguent les trois communications de A. Chankowski, de P. Hamon et de J.-L. Ferrary qui traitent un problème précis en utilisant des cas multiples et qui, ce faisant, parviennent à des résultats aboutis. Sur les questions chronologiques, les études les plus instructives sont celles de M. Sève et de Chr. Müller qui travaillent sur des régions à l’histoire marquée par une date-clé, la disparition de la royauté et la déportation de la classe supérieure en 167 pour la Macédoine, la suppression de la Confédération en 171 pour la Béotie. M. Sève montre que, si les institutions, et notamment les magistratures, fonctionnent régulièrement dans les cités macédoniennes, les notables connus entre
167 et la moitié du 1 5. av. J.-C. sont extrêmement rares, ce qu’il explique de façon convaincante par les mesures prises en 167 ; il montre aussi
que la place vacante ἃ été prise par des Romains dès la fin du 1r° siècle et qu’une classe de notables s’est reconstituée au cours du I 5. apr. J.-C. On voit ainsi particulièrement bien en Macédoine, sur une durée longue, les effets dramatiques de la conquête romaine sur la vie socio-politique et la lente transition vers le monde de l’Empire. Chr. Müller ἃ mené une étude attentive de la chronologie des décrets dans les cités béotiennes en
montrant que l’emploi du dialecte n’implique pas nécessairement une date haute, que le 1r et le 15 siècles ne constituent pas « un tout indissociable » et qu’on peut déceler des changements multiples au fil du temps
dans la procédure et les organes de décision. Dès que la documentation le permet dans une région ou une cité, il faudrait, comme le souhaite Chr. Müller, essayer d'établir une chronologie fine des faits institutionnels, politiques et sociaux. Reste la question des variations régionales. P. Hamon estime que le basculement du contenu de la citoyenneté, avec l’arrivée au premier plan des valeurs de distinction et de hiérarchie, s’est opéré en Asie un siècle plus tard qu’en Grèce continentale. Ce résul-
tat n’a rien qui puisse surprendre l’historien. Mais, dès qu’on dépasse les aspects généraux, il est délicat de procéder à des comparaisons en bonne méthode : comment s’assurer, pour des phénomènes en évolution, que l’on a bien pris en compte deux moments identiques du processus ? P. Frôhlich, dans son étude sur les grands évergètes, pense que
les changements ont été progressifs depuis leur apparition qu’il date du milieu du Ir siècle.
CONCLUSION GÉNÉRALE
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Des participants se sont efforcés, comme il est naturel, d’analyser les transitions entre la basse époque hellénistique et les périodes qui l’ont précédée et suivie. Les liens avec le Haut-Empire ont été étudiés avec précision par J.-L. Ferrary, Éd. Chiricat et M. Wörrle. Ph. Gauthier, au sujet des « intervenants » dans les décrets, a trouvé des exemples datant de la basse époque hellénistique pour une procédure qu’il n’avait rencontrée auparavant que plus tôt. De même, selon J.-M. Bertrand, la rupture des « frontières statutaires », étudiée à propos des paroikoi et des citoyens, se produisait toujours lors d’une crise grave, ce qui est arrivé, évidemment, à la basse époque hellénistique, ainsi à Pergame après le
legs d’Attale III et à Éphèse lors de la guerre de Mithridate, aussi bien que pendant la période antérieure. Mais la question la plus importante est posée par A. Chankowski : il se demande à juste titre si le changement de style, qui apparaît dans les textes sur les participants aux processions civiques et aux cérémonies d'accueil, avec le passage du « style succinct » au « style développé », est un simple changement de forme et de goût ou s’il s’agit aussi d’un changement réel d’ordre social. La question est d’autant plus importante que le style de la basse époque hellénistique a été bien étudié et analysé par L. Robert. Ce grand savant a insisté sur l’importance de la formation rhétorique de la classe supérieure et considérait que les auteurs de décrets, membres d’une aristocratie dominant la vie politique, exprimaient dans ces textes leur culture et leurs préoccupations ; selon lui, le style et la réalité politique et sociale allaient de pair. La réponse de A. Chankowski est sensiblement différente. Il estime que le point principal est le conservatisme des cités grecques attachées à leur modèle traditionnel : les décrets sont un discours de la cité à portée idéologique qui tend à donner une image de la cohésion de la communauté. A. Chankowski reconnaît, naturellement, que ce discours tourné vers le passé classique n’implique nullement l’inexistence de changements réels importants, des changements que le
texte ne traduit pas nécessairement. Les deux explications ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Pour percevoir dans quelle mesure la citoyenneté implique la parti-
cipation, il faut d’abord se demander comment, de façon collective, se sont créés de nouveaux citoyens, qu’il s’agisse de l’intégration dans le corps civique de catégories d’inférieurs, examinée par J.-M. Bertrand, ou de la naissance d’une polis à l’initiative de communautés dépour-
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vues encore de ce statut. I. Savalli-Lestrade explique, entre autres exemples, comment la cité de Toriaion est née à la demande « d’aspirantscitoyens » et comment Eumène II a formé un corps civique à partir de deux groupes, l’un de colons militaires, l’autre de Phrygiens hellénisés. Elle analyse aussi, dans le cas d’Aphrodisias, la notion de « co-fondateurs » : les notables qui ont agi collectivement sous les triumvirs pour fonder de nouveau la cité. La citoyenneté implique donc parfois qu’on ait participé à l’effort collectif qui a permis de créer la communauté civique dont on devient membre. C’est un des aspects les plus intéressants du thème situé au centre de ce colloque. La cité, une fois née, est une institution durable et M. Wörrle ἃ montré que la cité veut toujours, sous le Haut-Empire, rester vigilante sur la préservation de ses droits : pour s’assurer qu’ils seront défendus à jamais dans l’avenir avec la plus vive énergie et loyauté, Maronée, qui vient d’obtenir le « rétablissement » de ses privilèges par l’empereur Claude, prend des précautions originales en votant un « décret éternel ». La participation des citoyens aux responsabilités concerne plusieurs sphères. Celle de la justice n’a été traitée par personne : la documentation était probablement très mince. Traditionnellement, la participation à la vie de la cité se fait dans trois domaines essentiels : l’activité politique, la défense, la vie religieuse. Cette dernière a été étudiée par A. Chankowski. A. Avram, qui examine avec une grande honnêteté une documentation insatisfaisante et difficile à interpréter, traite de l’effort consenti par les citoyens pour défendre leur patrie en mer Noire occi-
dentale et septentrionale. Les cités de cette région élisaient toujours à cette époque des stratèges qui étaient des magistrats militaires. Les citoyens veillaient à la protection de leur ville, mais le fait qu’une cité ait trouvé seulement 27 gardes sur les 40 souhaités indique que l’emploi de soldat à plein temps les attirait peu. Les cités, en butte aux razzias des barbares et à diverses attaques, semblent avoir mené peu d’expéditions pour protéger la chôra, même si certaines ont envoyé des contingents, en particulier quand le général de Mithridate, Diophantos, a guerroyé dans leur intérêt. L’effort semble assez médiocre, mais la région est excentrée géographiquement et surtout a une histoire originale : il est difficile d’extrapoler. La basse époque hellénistique est une période de transition dans le domaine institutionnel. Les magistratures traditionnelles se maintien-
CONCLUSION
GÉNÉRALE
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nent et leurs titulaires, comme l’a justement montré P. Fröhlich, reçoivent les sommes que la cité a prévues pour son fonctionnement et dont elle contrôle l’usage ; le cumul est inconnu et l’itération restreinte. Dans bien des cas, des critères censitaires nouveaux ont certainement été imposés, mais la documentation précise fait défaut; de plus, ces magistrats, mentionnés incidemment dans les inscriptions ou cités dans des listes (à propos des fêtes notamment), ne bénéficient pas de décrets honorifiques gravés s’ils ont rempli leur charge sans prendre d’initiative singulière, ce qui nuit à notre information; seuls sont bien connus les magistrats éponymes et ceux dont la charge a suscité des largesses. Les assemblées populaires et le rôle qu’y jouaient les orateurs politiques sont évoqués dans la belle étude de Ph. Gauthier sur les intervenants : des citoyens interviennent dans le Conseil pour proposer des honneurs pour un tiers ou l’envoi d’une ambassade qui informera une autre cité des honneurs octroyés à l’un des siens ; après quoi, le Conseil tantôt soutient la proposition en invitant l’intervenant à parler sur ce point devant l’assemblée, tantôt ne la prend pas à son compte mais laisse l’intervenant la défendre devant ses concitoyens. Le Conseil conserve sa fonction probouleutique, mais son évolution pose de nombreux problèmes, bien analysés par P. Hamon. La romanisation a transformé le Conseil civique en ordo à l’époque impériale, avec apparition au I“ 5. av. J.-C. de timètai (censeurs) qui établissent les listes des conseillers. P. Hamon
a réussi à dégager une étape intermédiaire, qui ne s’explique pas par une influence romaine, à la fin du If“ 5. et au cours du r av. J.-C. quand on associe de grands évergètes, à Priène, aux banquets de la Boulé et, à Pergame, à ses séances à titre honorifique. Même si le Conseil continue d’être renouvelé chaque année suivant la tradition démocratique, de telles mesures donnent aux évergètes, et donc à l’élite sociale, une place permanente dans certaines de ses activités. P. Hamon a eu aussi l’idée
ingénieuse d’examiner, pour le dernier tiers du 11° siècle, la place accordée au Conseil lors de cérémonies organisées non par la cité mais par des évergètes : en un temps où le Conseil, émanation du corps civique, n’a aucune prérogative dans les processions et banquets organisés par la cité, les évergètes invitent ès-qualités le Conseil entier en marge ou I.
Surle fait que l’emploi du terme ordo à ce propos n’est correct qu’à l’époque impériale, voir la communication de P. Hamon, n. 3.
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en sus des banquets offerts à l’ensemble des citoyens ou de la popula-
tion. Tout en étudiant l’évolution institutionnelle du Conseil, P. Hamon fait voir comment l'architecture de la communauté civique a été modi-
fiée par l’action des évergètes. Sa contribution complète ainsi celle de A. Chankowski sur l’image que la cité donne d’elle-même. L’évergétisme est un phénomène très important à l’époque hellénistique qui attire, outre celle de P. Hamon, l’attention de P. Frôhlich, Éd. Chiricat et M. Wörrle. P. Fröhlich précise le vocabulaire en distinguant la munificence (mégaloméreia) de la magnificence (mégaloprépeia) : il pense avec raison que la basse époque hellénistique développe un esprit de munificence sans qu’on puisse parler de magnificence. Sans oublier les nombreuses liturgies et magistratures traditionnelles remplies à Priène par les membres de l’élite, P. Fröhlich fait voir la nouveauté du discours officiel qu’expriment les décrets honorifiques : ce discours concentre l’attention sur les largesses, surtout les banquets et les distributions de viande, par lesquelles les notables manifestent
leurs qualités natives, qu’ils exercent une charge (surtout la charge éponyme, la stéphanéphorie), mènent une ambassade ou fassent des dépenses à titre privé. Le cas de Priène, riche pour l’étude des promesses et
des largesses, ne fournit aucun exemple du grand bienfaiteur, sauveur de la cité par ses conseils, ses missions diplomatiques cruciales ou ses
exploits militaires. Éd. Chiricat a étudié la sépulture au gymnase que la cité accorde, après funérailles officielles, à des citoyens exceptionnels, qualifiés de nouveaux fondateurs (ktistès), une question qui avait intéressé L. Robert. S’attachant à des exemples, Éd. Chiricat développe,
entre autres, le cas d’ Asklépiadès qui a joué un rôle important lors de la guerre d’Alexandrie en 46, aux côtés de César, et qui a reçu, peut-être avec ses compagnons d’armes, un heröon dans le gymnase de Cyzique, sa patrie. L'essentiel des documents semble dater de l’extrême fin de l’époque hellénistique, après la mort de César, et du début de l’époque impériale. Quant à M. Wörrle, il montre qu’à Maronée, à l’époque de Claude, la classe politique des notables obtient que le peuple n’élise plus désormais les ambassadeurs qui iront défendre les droits de la cité auprès de l’empereur : ce faisant, les notables confisquent à leur profit la totalité des responsabilités dans les relations avec le pouvoir central et ils en excluent le reste de leurs concitoyens. On est entré dans une nou-
velle période, celle du Haut-Empire.
CONCLUSION GÉNÉRALE
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Le rôle grandissant des notables, surtout des notables pro-romains après la guerre de Mithridate, aurait pu entraîner un grand développe-
ment de la civitas. Il a été très limité au 1“ s. av. J.-C. J.-L. Ferrary a bien montré que cela venait moins d’une réticence des Romains à donner la
civitas que du manque de désir des notables grecs de la recevoir, ce qui est un acquis important. J.-L. Ferrary rappelle qu’initialement un citoyen romain ne pouvait rester citoyen dans sa cité d’origine et donc cessait de
faire partie de l’élite qui remplissait les charges politiques. C’est, dit-il avec raison, la cause principale pour laquelle si peu de Grecs ont acquis la civitas avant la mort de César : ils étaient trop attachés à leur patrie. La plupart des notables qui avaient rendu des services aux Romains préféraient l’octroi de privilèges fiscaux et judiciaires. J.-L. Ferrary montre
que le premier tournant a été la loi Munatia Aemilia de 42 avec l’abandon du principe interdisant à un citoyen romain d’être en même temps
citoyen d’une autre cité. Mais la civitas impliquant une immunité des charges fiscales, liturgies comprises, les cités risquaient de graves difficultés financières si le privilège s’étendait. Le second tournant, selon J.-L. Ferrary, a été le troisième édit de Cyrène de 7/6, qui supprime les privilèges fiscaux liés à la civitas. Désormais l’élite des cités, qui reçoit
la civitas, non seulement peut participer à la vie politique dans sa patrie, mais aussi doit y participer aux dépenses. J.-L. Ferrary éclaire ainsi très heureusement un des principaux aspects de l’histoire des élites à la fin de l’époque hellénistique. La première qualité de ce colloque est que les communications ont su répondre à la problématique si bien dégagée par Ph. Gauthier lors de l’ouverture. Naturellement, elles n’ont pu épuiser un sujet aussi vaste. Mais beaucoup de connaissances nouvelles ont été obtenues. L’essentiel des acquis concerne le domaine institutionnel : études sur l’obtention du statut de cité, sur la procédure d’adoption des décisions populaires, sur le Conseil, sur les magistratures, sur les ambassades, sur l’octroi de la civitas. C’est effectivement ce socle institutionnel qu’il fallait considérer en priorité pour avancer dans la compréhension des faits de participation à la vie politique des cités. Mais il est évident que l'objectif de
la recherche dépassait cette base indispensable : on vise à une meilleure approche des réalités sociales. Dès à présent, ce colloque a permis des progrès considérables sur le fonctionnement de la classe privilégiée des notables. Il me semble que ce débat a établi qu’ils ont tendu à confis-
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quer à leur profit l’essentiel de la vie politique tôt dans le I” s. av. J.-C. et que, sur ce point, la coupure avec le Principat n’est pas nette. Il a aussi dégagé l’importance de l’image que cherchent à donner d’euxmêmes tant le notable que la cité entière. De nouvelles études permet-
tront probablement de nouveaux acquis dans ces domaines sociaux et idéologiques.
Index TEXTES
LITTÉRAIRES
Aelius Aristide I, 389 : 139 n. 60.
Énée le Tacticien, Poliorc. XXH, 8 : 168
Appien, BC IL, 51 : 178 n. 38; Il, 116 : 57
et n. 11. Eusèbe, Chron. n. 28.
n. 22, 212 n. 28.
I. 30 : 175 η. 28. Aristote, Pol. III: 5; IV, 3, 3 (1289b 3840) : 85 n. 7. Arrien, Anab. IL 5 : 29 n. 74.
Cicéron, Att. V, 10, 5 : 62 n. 37; XII, 7, 1:57n.21; XV, 11,4:56n. 14: XV, 19, 1 : 56 n. 14. Balb. : 28-30 : 68 et n. 57; 41-42 : 68 et n. 62.
Brut. 250 : 62 n. 38. Caecin. 100 : 68 et n. 57. Fam. XI, 36 : 62 n. 39. Flac. : 42-51 : 133 et n. 39: 75 : 223 et n. 64. Leg. 1,5: 69 n. 64. Phil. : V, 13-14 : 74 n. 82; VIII, 27: 74 n. 82; XII, 33 : 57 n. 22. Tim. 2 : 62 n. 38. II Verr. : 2, 20-22: Sin.1;4,37:51 n. |.
Dinarque, Contre Agasiklès frg. VII : 189
p. 152 (éd. Helm) : 175
Eutrope VI, 10 : 175 et n. 28. Flavius Josèphe, BJ II, 366-367 : 181. FGrHist 160 (Papyrus de Gourob) : 199 et n. 25. Hérodote III, 46 : 92 n. 16: VII, 79 : 218 n. 43.
Isocrate, Paneg. 162 : 39 n. 1. Jérôme, Comm. in Dan. XI, 16 (= Porphyre, FgrHist 260 F 46) : 25 n. 59. Jordanès, Rom. 221 : 175 n. 28. Lucien, Alex. 29 : 29 n. 74; Philops. 3839 : 29 n. 74. II Macc. IV, 9-10 : 11 n. 6; IV, 30-31 : 25 n. 62 ; 26. Memnon, FGrHist 434F 27, 5 et 28, 2:
170 n. 16.
Nepos, Art. II, 1 : 68 n. 57.
n. 8. Diodore XX, 25, 2 : 180.
Ovide, Pont. IV, 10, 25-30 : 180 n. 46.
Dion Cassius XXX VIII, 10, 3: 176 et n. 32; XLIII, 22: 219 n. 49: XLIV,
116 n. 114; 131 n. 33. Platon, Leg. 923a-b : 41, 42 n. 9. Pline, HN IV, 13 (27), 92 : 175 n. 28, V, 104 : 213 n. 29; XXXIV, 7 (18), 39: 175 n. 28. Plutarque, Ant. I, 11 : 213 n. 33; XXIV, 7:61 n.35.
Pausanias I, 34, 3: 29 n. 74; VII, 16, 9:
18 : 212 n. 28; LI, 26, 5 : 177 et n. 33.
Dion Chrysostome, Or. XXXI (Rhod.) 47, Ι : 42 εἴ n. 10; XXXIH
(Tars. D) : 27:
272 n. 85; XXXVI (Borysth.), 4: 177 n. 35.
284
CITOYENNETÉ Caes. XLVIT : 212 n. 27,LXV :212 n. 28; LXV, 1-4 : 57 n. 22. Cic. XIV, 7 : 61 n. 36. Luc. ΧΙ, 7: 170 n. 16.
Pomp. LXXV, 4 : 62 n. 38. Polybe IV, 45-46 : 168; XVI, 25 : 199, 200 ; XXXTIE, 6, 6 : 234 n. 31. Polyen VII, 23, 1 : 58 n. 26.
ET PARTICIPATION XI,2, 12 : 180. XII,8, 16 : 60 n. 31. XII, 1,26: 13 n. 14. XIV : 1, 42: 56 n. 15; 2, 15: 213 n. 213;2, 24 : 60 n. 31; 5, 16:
29 n. 74. XVI : 2,27 : 166η. 8. Tab. Peut. col. 506-512, 8, 4 : 166 n. 8
Rufius Sestus IX : 175 et n. 28.
Tacite, Ann. ΧΗ, 17 : 181.
Sénèque, Apocol. II, 3 : 74 n. 80 Aug. XL, 5 : 74 n. 80. Skylax, Per. 102 : 28 n. 70. Stadiasme (= Peripl. Mar. Mag.) 163 : 27; 28 n. 69. Strabon II, 1, 16 : 169. II, 2, 5 : 180.
Hist. I, 47 : 181.
Thucydide II, 34 : 218 n. 43, IL, 113 : 39 n. 1; Tite-Live XLII, XLIH
VIL : 3, 16 : 166 n. 8; 3, 17-18 : 169; 4,3 : 62 n. 40, 169; 4, 7 : 169:6,
IV, 92 : 39 n. 1. XXXIIE, 20, 4-6 : 25 n. 59. 63 : 100 n. 27. : 21,5 : 266et n. 53; 23, 2-3 :
266 et n. 53. XLV : 32,2: 131 n. 35; 32, 3-6 : 272
1: 175 n. 28.
et n. 82.
INSCRIPTIONS Les entrées de cet index renvoient parfois aux mêmes
inscriptions,
lorsque différentes éditions ont été indiquées par les auteurs. AE 1934,91 : 57 n. 20; 1993, 1392 : 260 n. 22, 268 n. 68; 1995, 1389 : 260 n. 22, 269 n. 72; 1997, 1354 : 260 n. 23.
AJA, 58 (1954), p. 13-26 : 138 n. 56; 108 (2004), p. 377-416, n°1 : 37. ArchEph, 1936, Chr. p. 39, n°211, 212, 213, 214b : 108 n. 64. ASAA, 14-16 (1952-1954), p. 293-295 : 143 n. 74. Asia Minor Studien, 1 (1990), p. 83-100 :
218 n. 42; 8 (1992), p. 63-67, n°10 : 214. BCH, 10 (1886), p. 299-306 : 85-89.
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108 n. 63; IV.1 : 100 n. 26, 111 n. 81;:1V2 : 110n. 80, 111 n. 81; IV3:110n.80;:IV4:111n.81;
[VS : 111 n. 81. 23 (1899), p. 197,V : 114 n. 101. 24 (1900), p. 74 : 101 n. 29.
26 (1902), p. 291, n°1 : 109 n. 74. 27 (1903), p. 296-299 : 106 n. 56. 44 (1920), p. 247-249, n°9 : 101 n. 32, 107 n. 60, 114 n. 98. 60 (1936), p. 15-18, n° Ibis: 101 n. 29.
98 (1974), p. 651, n°4 : 107 n. 61, 117 n. 119. 102 (1978), p. 452-460 : 218 n. 42. 103 (1979), p. 327-359 : 217 n. 40; p. 328-331 : 141 n. 67. 125 (2001), p. 195-238 : 193 n. 14.
INDEX
FD II, 2, 208 : 24 n. 57; 4, 154 : 24 n. 57.
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: 136 n. 46;
p. 451-485 : 189 η.7; p. 543576: 237 n.49; p.544: 137 n. 50. 33 (2003), p. 379-417 : 146-161 (passim).
34 (2004), 145-148 : 146 n. 2; 149167 : 145.
CID IV, 16: 112 n. 92, 130 : 63 n. 44; 131 : 57 n. 20. CIG ID, 4389 : 18 n. 37. CIG IV, 6851 : 141 η. 66. CIL ΠῚ, 399 : 61 n. 36. CIRB 129 : 165 π. 5.
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DE VISSCHER, Édits d’Auguste : 72 n. 72, 73, 74 et n. 77. Didyma II,40 : 236 n. 38; 84 : 152 : 18 n. 36; 199 : 138 n. S9 n. 29; 218 II: 138 n. 55, n. 1; 275: 18 n. 36; 279:
Hesperia, 60 (1991), p. 187-236 : 31 n. 84, 32 n. 86.
18 n. 36; 56; 205 : 259 : 207 18 n. 36;
342 : 138n. 55; 399 : 59 n. 29; 446 208 n. 5; 447 : 208 n. 6.
:
Dimitsas, / Makedonia en lithis, 678 : 270 n. 78.
EA, 16 (1990), p. 65-67 : 47 n. 25; 29 (1997), p. 1-29 : 10 n. 4; 32 (2000), p. 9] : 124 η.9 et n. 10; 36 (2003), p. 109-114 : 131 n. 35. EM 11538 : 102 n. 33, 12676 : 92 n. 15.
Ἐκιγραφὲς Ava Μακεδονίας 3-7 : 262 n. 29, 41-47: 262 n. 31; 78: 262 n. 31; 88-91 : 262 n. 30; 93-95 : 262 n. 30; 97 : 262 n. 30; 118-121 : 262
n. 31; 191-193 : 262 n. 31.
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GAUTHIER et HATZOPOULOS, Loi gymnasiarchique, B : 247 n. 91.
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285
I. Assos 26 : 147 n. 4, 155 n. 24. I. Beroeae 2 : 258 n. 3, 264 n. 41 ;, —
18 :
258 n. 4, 264 n. 42, 265 n. 49: — 24 : 258 n. 4, 264 n. 42; — 30 : 258 n. 4, 265 n. 46; — 35 : 258 n. 5, 265 n. 47 ; — 40 : 258 n. 5, 265 n. 49;
—
60 : 258 n. 6, 264 n. 41; — 61 : 258 n. 6, 264 n. 43, 265 n. 50; — 62 : 258 n. 6, 265 n. 50; — 63 : 258 n. 6, 265 n. 50; — 102 : 259 n. 15; — 103: 258 n. 7, 264 n. 41 et n. 43; — 104 : 258 n. 7, 264 n. 43, 265 n. 45; — 115 : 258 n. 7, 264 n. 43, 265 n. 45; — 116: 258 n. 7, 265 n. 45; — 117: 258 n. 7, 265 n. 45 et n. 49;— 118: 258 n. 7; — 121 : 258 n. 7, 265 n. 51]:
— 123 : 258 n. 7, 264 n. 43 et n. 44, 265 n. 45; — 125 : 258 n. 7, 265 η. 48
CITOYENNETÉ εἴ — — — n.
n. 50; 128 : 134 : 161 : 12;—
n. 13; n. 15, n. 10; 266 n.
— 126 : 258 n. 7, 265 n. 50; 258 n. 7, 265 n. 47 et n. 50; 258 n. 8, 264 n. 41, 265 n. 46; 259 n. 11;— 162-164 : 259 163 : 266 n. 56; — 165 : 259
— 166 : 259 n. 13; — 167 : 259 — 168 : 259 n. 15; — 173 : 259 — 176: 259 n. 13; — 177: 53; — 177-181: 259 n. 10;
— 182-184 : 259 n. 1]: — 184 : 266 n. 56; — 185 : 259 n. 14 ; — 186 : 259 n. 12, 266 n. 56: — 187 : 259 n. 14; — 188 : 259 n. 14; — 189 : 259 n. 14;
— 195 : 259 n. 12; — 196-203 : 259 n. 10; — 202 : 266 n. 54: — 204 : 259 n. 11, 266 n. 56: — 205 : 259 n. 14,
266 n. 56; — 271 : 259 n. 14, 266 n. 56: — 276 : 259 n. 14, 266 n. 56; — 298 : 259 n. 14; — 299 : 259 n. 14, 266 n. 56: — 335 : 259 n. 15; — 339: 259 n. 15; — 344 : 259 n. 14, 266 n. 56; — 370 : 259 n. 14; — 392 : 259
n. 11, 264 n. 41, 266 n. 55; — 393: 259n. 11,— 418 : 259 n. 14;— 419: 259n. 15;
— 506 : 259 n. 12; — 507:
259 n. 12. I. Cilicie, pl. XXIX, n°68-70 : 24 n. 58. I.Cos ED 5: 188, 189 n.8; ED 82: 196. I. Ephesos 27 : 139 n. 60, 186 n. I, 28-
33 : 186n. 1; 615 : 56n. 16, 1460 : 92 n. 16; 1470 : 92 n. 16; 2001 : 136 n. 49.
I. lasos 612 : 157 n. 32, 158 n. 42. I. Ilion 1 : 244 n. 78; 102 : 180 n. 47. I. Kibyra I, 2 : 16 n. 25. I. Kios 4 : 157 n. 37.
I. Knidos 33 : 57 n. 19; 58 : 57 n. 20; 59 : 58 n. 23, 212 et n. 25. I. Kyme 12 : 137 n. 52; 19 : 223 n. 63. I. Lampsakos 1 : 154 n. 23. I. Magnesia am Sipylos 1 : 43 n. 14. I. Magnesia 4 : 85 n. 7,97 : 80-85. L Metropolis I : 226 n. 4, A : 237 n. 49; B: 15.n. 18, 237 n. 49.
ET PARTICIPATION I. Mylasa 102: 92 n. 16: 534-536 : 60 n. 33, 634 : 80 n. 6. I. Pergamon 252 : 245 n. 80, 254 n. 114;
256 : 254 n. 114. I. Perge 21 : 254 n. 114; 23 : 158 n. 43. 1. Priene 1 : 40 et ἡ. 5:
— 3 : 40 et n. 7,
252 n. 108: — 4: 236 n. 40, 251 n. 101, 252 n. 104 et n. 108; — 6: 252 n. 108, — 8 : 252 n. 108;— 196 n. 18:— 12: 137 n. 49;— 46 n. 20, 237 n. 46, 243, 244 n. — 16: 46 n. 22;— 17: 47 n.
252 n. 108; — n. 108: —
11 : 14: 75; 24,
18: 237 n. 46, 252
19 : 236 n. 40;— 19-23 :
255 n. 119; — 20-21 : 252 n. 108; --21-22 : 236 n. 40: — 23 : 236 n. 40; — 32 : 252 n. 108; — 39 : 222, — 42:
232
n. 22, 234
n. 27. —
44:
252 n. 104 et n. 108; — 46 : 239 et n. 54, 241 n. 58; — 49 : 252 n. 108; — 53: 237 n. 46, 252 n. 105 et n. 108; — 54 : 237 n. 46, 252 n. 105
et n. 108: — 60 : 237 n. 46; — 61 : 237 n. 46: — 70: 252 n. 108; — 80 : 252 n. 108;— 81 : 255 n. 119; — 83 : 237 n. 48, 251 n. 103; — 99: 125 n. 14, 222, 228 n. 8, 231 n. 16, 237 n. 44 n. 47 et n. 48, 252 n. 107; — 100 : 228 n. 8, 231 n. 16;— 102: 231 n. 16, 236 n. 43; — 103 : 228 n. 8,231 n. 16;— 104 : 228n. 8, 231 n. 16,237 n. 47 εἴη. 48:— 107 : 230,
231 n. 15, 232, 237 n. 46, 252 n. 104 etn. 107;— 107-130 : 226: — 108:
47 n. 26, 129 n. 27, 155 n. 28, 222 n. 59, 226 et n. 3, 228, 230 et n. 11, 232 et n. 20, 233 n. 23 et n. 24, 234 =
286
. 27 et n. 29, 235 n. 33 et n. 36, 236
n. 37 et n. 40, 237 n. 46 et n. 47, 238
n. n. n. n.
51, 239 et n. 54, 240 et n. 55, 241 58 n. 59 n. 60 et n. 64, 242 n. 66 et 68, 244, 249 n. 95, 250 n. 99, 252 105 et n. 107; — 109 : 47 n. 26,
128 n. 23, 226, 230 n. 1 1 et n. 14,
232 n. 20, 233 et n. 23, 235 n. 33 et n. 36, 236 n. 42, 237 n. 48, 239 et
INDEX n. 54, 240 n. 55 et n. 56, 241 n. 58 n. 59 et n. 60, 242 n. 66 et n. 69, 244, 249 n. 96, 251 n. 103, 252 n. 107; — 110: 234 n. 27, 237 n. 46; — 111 : 155 n. 28, 226, 228, 230 n. 12 et n. 13, 232 n. 21 et n. 22, 234, 235 n. 33, 237 n. 45 et n. 47, 238 n. 50, 239 et n. 54, 240 et n. 56, 241 n. 60,
287 252: — 175 : 231 n. 15 ; — 202 n. 46; — 204 : 225 n. 3; — 251 n. 32; — 252 : 236 n. 41; — 231 n. 15; — 313 : 229, 231 n.
: 237 : 235 268: 18.
1. Prusiasad Hypium 17 : 49 n. 35. 1. Sardis8: 145 et n. 1; 8, IV : 134 n. 41:
27 : 158 n. 39. I. Smyrna 590 : 63 n. 43; 614 : 56 n. 16;
n. 76, 246
642 : 64 n. 46.
n. 84 n. 85 et n. 86, 249 n. 94 et η. 95,
ID 1716 : 52 n. 3.
252 n. 106 et n. 107, 253;— 112 : 47 n. 26, 128 n. 24, 226, 228, 230 n. 11,
IG IF? 169: 208 n. 3; 472: 208 n. 3;
231 η. 17etn. 18, 234, 235 n. 34, 237
2316 : 32 n. 85, 35 n. 94. IGV 1, 961 : 91 n. 14; 962 : 89-93 ; 963 : 91 n. 14; 965: 91 n. 14; 966 : 91 n. 14: 1432 : 217 n. 40.
242
n. 66 et n. 70, 244
n. 46, 238 n. 50, 240, 242 n. 66, 244 n. 78, 245 n. 80, 246, 247, 249 n. 93, 255 n. 117; — 113 : 47 n. 26 et n. 28,
125 230 235 239
n. n. n. n.
14, 128 11, 231 33 et n. 54, 240
n. 24, 222, 226, 228, n. 17 et n. 18, 234, 34, 237 n. 46 et n. 47, n. 55, 241 n. 58 n. 60
1006 : 220 n. 54;
1G V 2, 266
1078 : 219 n. 48;
: 132 n. 37; 549
IG VII, 207 : 105 n. 47; — 113; —
: 208 n. 2.
510-512:
522-524 : 113 et n. 96: —
523: 108 n. 64; 526:
112
— 524 : 108 n. 64;
n. 61 n. 63 et n. 65, 242 n. 66 et n. 67,
—
243 n. 74, 245 n. 79, 246, 247 n. 90 et n.91, 248, 249 n. 93, 253, 255 n. 117,— 114 : 226, 228, 230 η. 11, 231 n. 17 et n. 18, 234, 235 n. 33 et n. 34, 237 n. 46, 238 n. 50, 239 et n. 52, 240 n. 55, 243 n. 71, 247, 249 n. 93, 255 n. 117; — 115 : 234, 241 n. 60, 242 n. 66 et n. 67, 252 n. 108, 253;,— 117 : 47 n. 27, 226, 228, 232
n. 88: --- 1727 : 108 n. 64 ; — 2223: 108 n. 64: —
2241:
n. 89;
—
529:
112
2224 : 108 n. 64; —
117 n. 122; —
2242:
117
n.53,
111
n. 84, 154 n. 17, — 2712 117 n. 118 et n. 121, — 2713 : 106 n. 54, 107 n. 115, 117 n. 120, 118
: 106 n. 154 n. n. 62, n. 123;
54, 22; 116 —
2727 : 99 n. 23;
: 112 n. 91;
n. 122;
—
106
— 2848
n. 21, 237 n. 44 et n. 47, 238 n. 50, 239 et n. 54, 240 η. 56, 243 n. 71,
—
252 n. 103 et n. 107; — 118 : 240, 242 n. 66 et n. 67, 234, 241 n. 60, 244
115 n. 104; — 3357: 115 n. 104; — 4127: 114 n. 100; — 4139 : 101 n. 32, 107 0. 60, 114 n. 98; — 4148 : 119n. 125.
n. 77, 246 n. 84 et n. 87;— 119 : 232
n. 22, 234 n. 27, 235 n. 36, 249 n. 94, 252 n. 105 et n. 107; — 120 : 233 n. 23,— 121 : 232 n. 20 εἴη. 21, 249 n. 96; — 123 : 47 n. 28, 231 n. 17, 235 n. 33, 239 n. 54, 240, 248; — 124 : 232 n. 21 ; — 125: 232 n. 20,
3172:
2711:
n. 20;
108 n. 66; —
3195 : 99
— 3287 : 112n. 87; — 3356 :
1G X 2, 1,4: 259 n. 16, 267 n. 60; --- 5:
259 n. 16 et n. 17, 267 n. 59; — 7: 259 n. 16, 267 n. 58: — 11: 259
249 n. 96 ; — 129 : 228;— 131 : 234,
n. 16; — 12: 259 n. 16; — 27 : 260 n. 21, 267 n. 57; — 28 : 267 n. 57: — 30 : 260 n. 22, 267 n. 57 et n. 59;
252 n. 108; — 132 : 237 n. 44: — 138 : 232 n. 20, 253 n. 110; — 162: 231 n.15; — 174 : 231 n. 15, 233,
— 31 : 260 n. 22, 267 n. 57 n. 59 et n. 63, 268 n. 65: — 32 : 260 n. 22, 267 n. 57 et n. 63, 268 n. 64 et n. 65;
288
CITOYENNETÉ — 50 : 260 n. 268 n. 71; — 55 : 260n. 19 n. 22; — 67: — 68 : 260 n. — 70 : 260 n. —
22, 267 n. 51 : 260 n. et n. 22; 260 n. 22, 22; — 69 22, 268 n.
71 : 260 n. 22;
268 n. 70; — n. 66 et n. 70: — 80 : 273 n. 268 n. 67 et n. 268 n. 67 et n. — 87 : 260 n. —
57 εἰ n. 22; — — 56 : 268 n. : 260 n. 66 et n.
59, 53260 66; 22; 69;
— 73 : 260 n. 22,
74 : 260 — 77-82 86; — 83 68 ; — 84 68: — 85 22; — 88
n. 22, : 260 n. : 260 n. : 260 n. : 260 n. : 260 n.
95 : 260 n. 21, 268 n. 67;
—
268 21; 22, 22, 22; 22; 9%:
260 n. 21; — 97: 260 n. 22, 268 n. 67 et n. 68: — 98 : 260 n. 22, — 99 : 260 n. 22: — 107 : 260 n. 21; — 108 : 260 n. 21; — 109: 260 n. 22, 267 n. 57 et n. 59, 268 n. 67 et
n. — — — n.
68; 118 124 126 60;
— 113 : 260 n. 22, 268 n. 67; : 260 n. 22, 268 n. 67 et n. 68; : 260 n. 22, 268 n. 67 et n. 68; : 260 n. 22, 267 n. 57 n. 59 et — 129 : 260 n. 22, 267 n. 57
ET PARTICIPATION — 324: 263 n. 38; — 325: 263 n. 38; — 328 : 263 n. 38; — 330: 263 n. 40:
— 344
: 263 n. 40.
IG ΧΙ 4, 664 : 159 n. 45 ; 761 : 92 n. 16. 1G
XI 1, 90 : 57 n. 20.
1G XII2, 154 : 163 : 55n. IG ΧΙ 5,
86: 55 n. 13; 88: 55 n. 13; 64 n. 45; 159-163 : 64 n. 45; 55 n. 13; 238 : SS n. 13; 382 : 13; 656 : 64 n. 46. 721 : 254n. 114.
IG XII 7, 271 : 139n. 60.
1G XII 8, 150 : 196 n. 18. IG XII 9, 207 : 194 n. 16. IG XII Suppl. p. 127 : 254 n. 114;7 : 64 n. 45.
IGBulg 1? 13: 176 n. 29, 177 et n. 34, 178; 44: 165 n.5; 50: 165 n.5; 314: 176 n. 29; 315: 176 n. 29; 323 : 179; 324 : 168; 390 : 165 π. 5; 392 : 171. IGR III, 22 : 157 n. 37. IGR IV, 134 : 155 n. 28;— 159 : 62 n. 41, 214; — 219: 180n. 47; — 251 : 147 n. 4;
— 291: 54 n. 8:
— 292:
125
n. 59 et n. 62; — 133: 260 n. 22, 267 n. 57 n. 59 n. 60 n. 61 et n. 63,
n. 13, 129 n. 29, 156 n. 30, 202; — 293 : 156 n. 30; — 294 : 128 n. 25,
268 n. 65, 269 n. 73; — 135 : 259 n. 18, 267 n. 60 et n. 61 ; — 221 : 260 n. 19; — 222 : 260 n. 19, 273 n. 86; — 259: 260 n. 24; — 263: 260 n. 24; — 293 : 260 n. 23: — 310:
254 n. 114:
260
n. 23;
—
378 : 260 n. 23; —
354 : 260
— 848 : 267 n. 57;
909 : 260 n. 23; —
n. 23:
n. 23;— 1029 : 260
— 1040 : 260 n. 23.
1G X2, 2, 38: 263 n. 35; — 54 : 262 n. 32, — 75 : 262 n. 33; — 79 : 262 n. 32; — 77-82 : 263 n. 35; — 111: 263 n. 34; — 121-123 : 263 n. 35; — 158: 263 n. 37; — 159: 263 n. 37; —
160 : 263 n. 37; —
236:
— 1682 : 63 n. 43.
IOSPE 13,32 et 34:
163; — 35 : 170;
— 42:18 n. 35; — 43: 18 n. 35; — 44 :18n. 35; — 54: 178, — 77: 180 n. 43; — 78 : 180 n. 43; — 168 :
180 n. 43 , — 349 : 169; — 352 : 166 n. 7,170, 171-174; — 353 : 172, 173 et n. 24, 174; — 401:
166 n. 7; —
670-672 : 180 n. 43; — 672 : 180; — 691 : 62 n. 40. IPArk 30 : 132 n. 37. IScM 1, 15 : 163, 165 n. 6; 44 : 165 n. 5; 54 : 163, 165, 254 n. 114; 268 : 165 n. 5; 378 : 166 n. 8.
H, 2:
167; 6:
165 n.5;
141 : 166
263 n. 37: — 250: 263 n. 37: — 251 : 263 n. 36; — 276 : 263 n. 37; — 278: 263 n. 36; — 279: 263
IT, 18 : 165 n. 5; 26 : 166, 31:2
n. 37, — 281 : 263 n. 36; — 300:
ISE III, 169: 85 n. 8 ; 155 n. 28, 158
263 n. 38; — 323-328 : 263 n. 39;
n. 8. n. 114; 43 : 180;55 : 166n. 8. n. 4.
INDEX IstForsch, n. 46.
17 (1950), p. 59, n°13 : 64
Jahrbuch f. Kleinasiatische Forschung, I,
3 (1951), p. 325-327 : 22 η. 51. Jahreshefte Akad. Wien 45 (1960), p. 75100 : 2. JHS, 23 (1903), 89-91 : 214. Journal of Philology, 11 (1882), p. 142160 : 33 n. 92. KAIBEL, Epigrammata graeca, 222 B : 210 n. 17. Klio, 86 (2004), 141-164 : 143 n. 74. KNIBBE, Forschungen in Ephesos IX/1/1, B3 et B4 : 134 n. 42.
Ktema, 17 (1995), p. 153-160 : 16 n. 19. LBW, 505 : 19 n. 38, 1487a : 31 n. 82. Lindos II, 384 : 75 n. 84.
LSAM, 9 n. 17, LSCG, 33 LSS, 14 :
: 196 n. 19; 32 : 197; 33 : 195 197; 81 : 29 n. 75, 197 n. 22. : 192-193; 92 : 193-195. 197-198 ; 83 : 196 n. 19.
MA, Antiochos Ill, « Dossier ép. » n°31 : 46 n. 21. MAMA VI, 104 : 60n. 32. VIL, 514 : 18n. 32 et n. 33,21 ; 564 :
18 n. 31. MDAI(A), 6 (1881), p. 45, n°2, Ila et b : 141 n. 66; p. 46, 2 III: 143 n. 72; p. 47-48 : 142 n. 72; 9 (1884), p. 28-
34 : 214.
16 (1891), p. 439, IL: 143 n. 72; p- 95-106 : 51 n. 2.
26 (1901), p. 121-122 : 143 n. 72. 32 (1907), p. 243, n°4 : 156 n. 30; Ὁ. 257, n°8 : 156 n. 30, 157 n. 35 et n. 36, p. 273-278, n°10 : 245 n. 80, 254 n. 114; p. 299 : 122 n. 4, 139 n. 60: p. 311-312, n°3 : 254 n. 114.
34 (1909), p. 329-340 : 63 n. 43. 35 (1910), p. 401-407, n°1 : 254 n. 114; p. 407, n°2 : 157 n. 35:;
p. 410, n°3 : 128 n. 25. 39 (1914), p. 285-293 : 208 n. 3.
289
MDAKXI), 15 (1965), p. 71 : 159 n. 45. Mélanges Glotz, p. 731-738 : 106 n. 55. MIGEOTTE, Emprunt, 10 : 101 n. 31, 112 n. 86; 11 : 102n. 35; 13 : 108 n. 66; 15 : 108 n. 65, 112 n. 85;25 : 90-93: 95 : 246 n. 85. Souscriptions, 28 : 108 n. 68; 69: 195 n. 17. Milet 13, 33a : 208 n. 7: 124 : 208 n. 6et
n. 8; 138 : 208 n. 4; 141 : 208 n. 7; 180 : 208 n. 7; 1039 (sous presse) : 159 n. 45.
Nouveau choix, 7 : 159 n.45; 15 : 106 n. 55, 219 n. 47. Nuova silloge epigrafica di Rodi e Cos, 426 : 155 n. 28 OGTSS : 189 n. 8: 228 : 44 n. 15:
— 219: 189 η. 8: — — 229
: 43 ἡ. 14:—
332 : 124 n. 12, 199-201 et n. 27;— 338 : 48 n. 29; — 339 : 154 et n. 19, 155 n. 28, 254 n. 114 ; — 438 : 54 n. 8; — 439: 54 n. 8; — 529 n. 114; — 737 : 254 n. 114.
: 254
ÔJh, 8 (1905), p. 276-285 : 110 n. 76, 114 n. 99; 10 (1907), p. 19-20 : 132 n. 38.
PAPANGELOS, Mélanges Kanatsoulis, p-111-112:271 n. 80. PEEK, Griechische Versinschriften aus Kleinasien, 10 : 19 n. 38.
RA, 28 (1874), p. 113 : 210 n. 17; 31/32 (1948), p. 830-832, n°11 : 106 n. 52. RDGE 2: 103 n. 40, 115 et n. 108; 3: 115 et n. 108; 23 : 54 n. 9; 26 : 74 n. 78; 70 : 66 n. 50.
REG, 17 (1904), p. 203-210 : 143 n. 74; 31 (1919), p. 320-337 : 106 n. 51, 110 n. 78, 116 n. 116: 99 (1986), Ρ. 31-32 : 92 n. 16. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome : 15 et n.19; — 1: 16 n.22 et n. 25; — 2: 16 n. 24, 21 n. 48; — 2b: 49 n. 33, 155 n. 26; — 3 : 2] n. 48;— 4: 16 η. 24: --- 5: 155 n.27; — 6:
ET PARTICIPATION
CITOYENNETÉ
290
16 n. 24, 22 n. 49; — 7: — 8: 16 n. 22 et n. 23, 22 28 : 213 n. 31; — 28-32 : — 36: 56 n. 17; — 40: —
41 : 20 n. 45:
16 n. 22 18
n. 22; 49;— n. 49; n.31;
— 42 : 20 n. 45.
ROBERT (J. et L. ou L.), Carie Il, 9 : 254 n. 114; 10, A4 et B11 : 254 n. 114 ; 40 : 18 n. 34.
Claros 1 : 226 n. 4, 246 n. 83; Polémaios : 154 et n. 20, 156 n. 32, 251 et n. 101, 253 n. 113, 254
n. 114: Ménippos : 149 et n. 6, 156 n. 32, 237 n. 49, 248 n. 92, 251 n. 100, 253 n. 113. Documents d'Asie Mineure, 148156 : 218 n. 42. OMS I, p. 486-497 : 188 n. 6, 203 n. 32; Il, p. 1121-1122: 223 n. 62.
RoEsCH, EB, p. 171-172 : 109 n. 73. Roman Statutes 1:53 n.5;8:53n.5; 36:65n.48. ROUECHÉ et SMITH (éd.), Aphrodisias
Papers III, p. 121-126 : 16 n. 19. RPh
1920, p. 55-56 : 208 n. 6; 1929, p. 155-156 : 223 n. 62; 1965, p. 260 : 103 n. 42.
SCHULER,
Ländliche Siedlungen, App.
Ép. G 57b et E 35d : 12 n. 10. SCHWYZER 44 : 90-93. SEG 2, 184 : 116 n. 117. 3, 368 : 103 n. 39. 12,511: 23 εἴη. 51,24 et n. 55, 26et n. 65, 28, 29, 31 et n. 79 n. 80.
13, 14, 17, 28,
497 : 138 n. 56. 900 : 29 n. 75. 318 : 270 η. 79. 953 : 125 n. 14, 141 n. 67, 142 n. 69. 32, 1149: 236 n. 39; 1243 : 138
37, 855 : 60 n. 32. 41, 625 : 171;
1003 : 15 n. 18, 80 et
n. 5.
44, 938: 58 n. 28, 138 n. 59; 940: 138 n. 57. 45, 1502 : 16 n. 19; 1508 : 124 n. 9. 46, 1393: 16 n. 19. 47, 1125: 171, 182; 1137: 176 n. 29;
1177:
170;
1745 : 10 et
n. 4, 13 n. 13, 14 n. 15; 2123: 236 n. 39. SMITH, The Monument of C. Julius Zoilos : 70 et n. 68, 71. Staatsverträge 148 : 194 n. 16. Studi ellenistici, XIII (2001), p. 9-17 : 156 n. 29.
Suppl. Epig. Rhod. 67 : 143 n. 74. SylP 56 : 194 n. 16; — 360 : 166 n. 7; — 363 : 136-137 n. 49; — 372 : 196 n. 18: — 398 : 189 n.8; — 577: 203 ; — 585 : 26 n. 64 ;, — 589 : 197, 236 n. 39; — 591: 154 n. 23; — 624 : 222 n. 60: — 656 : 156 n. 29; — 695 : 197, 236 n. 39 ; — 700 : 259 n. 9, 270 n. 76; — 708 : 165, 178; — 709 : 166n. 7, 170; — 731 : 167; — —
741: 51 n.2; — 742: 48 n. 32; 761 A etB : 63 n. 44,C : 57 n. 20;
— 162: 177; — 763 : 62 n. 42;— 797 : 147 n. 4; — 798 : 201 et n. 28; —
799 : 254 n. 114.
Syria, 15 (1934), p. 33-74 : 64 n. 47. Tyche, 12 (1997), p. 213-228 : 236 n. 39. WELLES,
RC, 7: 92 n. 16; 73/74 : 51
n. 2.
WôRRLE,
Stadt und Fest, p. 144 : 49
n. 34.
WS, 29 (1907), p. 20 : 230 n. 11.
YCIS, 8 (1942), p. 23-49 : 61 n. 36.
n. 54.
33, 1035-1041 : 126 n. 17 et n. 18, 127
n.19
n.20
et n.21,
135
n. 45, 136 n. 48, 137 n. 52. 34, 95 : 236 n. 38; 896 : 194 n. 16. 36, 1220 : 92 n. 16.
ZPE, 112 (1996), p. 89 : 156 n. 29; 123 (1998), p. 1-23 : 19 n. 38, 124 (1999), p. 1-24 : 19 n. 38; 135 (2001), p. 73116: 52 n. 4, 53, 54, 66, 70; 147 (2004), p. 123-138 : 64 n. 47.
INDEX
NOMS
291
PROPRES
Achaïe (guerre d’) : 5, 116.
Antoine : 61, 65, 74-75 n. 82, 213.
Achille (dédicace à) : 180. Aétos, fondateur de cités : 11. Agathocles d’Istros : 163. Agis IV : 49.
Antonia, épouse de Pythodöros de Tralles : 56. Antonia Tryphaena : 56 n. 16, 60 n. 32. Antonius Hybrida (C.) : 176, 177, 181. Antonius Polemon (M.) d’Olba de Cili-
Aglochartos de Rhodes (T. Flauius Aglochartus) : 75.
Aigikoreis, tribu de Cyzique : 142. Aischriöndas fils de Praxillès d’Akraiphia : 119 n. 125. Akornion de Dionysopolis : 177, 178. Akrisios de Priène : 230. Alexandre le Grand : et Ilion : 13 n. 14;
et Mallos : 29 n. 74; et Philippes : 43 ; et Priène : 40, 46.
Alexandre Balas : 32 n. 86, 35. Alexandrie (bataille, guerre) : 62, 217,
220, 221, 280.
Alexandros, agent séleucide à Sardes : 44, Alkétas de Morrylos : 262, 271. Amatokos : 106, 110, 116. Amia (Claudia Ammia) fille de Piérion : 265.
Amphiaraos à Oropos : 54 n. 9. Amphilochos : 29. Andreia (personnifiée, Aphrodisias) : 71.
Androklos d’Éphèse : 186. Annius (M.) : 270.
Antheadai d'Halicarnasse : 19 n. 38. Antenör fils d'Euandridès de Milet : 208, 210. Anténôr fils de Xénarès de Milet : 207-
208. Antiochis, épouse d’Ariarathe IV : 186. Antiochos (15) : 189 n. 8. Antiochos III : 12, 147; en Cilicie : 24-
25, 34 ; et Téos : 80, 219 n. 45. Antiochos IV : et Jérusalem : 11 ; Tarse et Mallos : 25-26, 33, 35. Antiochos VI : 33.
Antiochos VII : 33. Antiochos VIII : 34. Antiochos IX : 34.
cie : 56 n. 16, 60 n. 32.
Antonius Pythodôros (M. Antonius Pythodorus) : 56 n. 16. Apellis de Priène : 251 n. 101. Aphrodite : à Aphrodisias : 16; 19; 21, 36; Cyzique : 201. Apollon : Mallos et Delphes : 27; Cla-
rios : 195 ἢ. 17; Jètros : a Apollonia du Pont : 175 n. 28; Pythien : Athènes : 197-198 ; Kalindoia : 261. Apollônis de Cyzique : 125, 142 n. 69, 218. Apollônios fils d’Apollonios fils de Kertimnas de Kalindoia : 261, 269. Apollônios fils de Mélanippos de Téos : 85. Apollönios II de Milet (C. lulius Apollonius) : 58-60. Apollönios ΠῚ de Milet : 58-60. Apollönios, fils d’Abbas de Hanisa : 1. Arbanius Secundus (C.) : 262.
Archippè de Kymè : 126-127, 135, 137, 209. Arès fils de Néôn d’Halicarnasse : 19 n. 38. Ariarathe IV : 188. AriaratheV : 234 n. 31. Ariarathe VI : 230, 249 n. 96. Aristagoras fils d’Apatourios d’Istros : 163, 165-166, 178-179. Aristodamos de Cos (L. Nonius Aristodamus):
155 ἢ. 28.
Aristôn fils d’Aristön de Callatis : 180181. Aristonikos
(guerre de) : 17, 47,
126,
137, 233. Anstonikos, général de Mithridate : 170.
292
CITOYENNETÉ
ET PARTICIPATION
Aristote : et la participation : 5, 275.
Baebius Honoratus (L.) : 258 n. 6.
Artémidore de Cnide (C. lulius Artemidorus) : 21 n.47, 57-58, 212, 213, 222 ; Artémidôreia de Cnide : 212. Artémidôros de Magnésie du Méandre : 83-85.
Balbus : 68.
Artemis : d’Éphèse : 185-186; Hagemona de Kalindoia : 261; Hyakinthotrophos de Cnide : 21 n. 47, 212; Kyndias de Bargylia : 124: Leukophryènè de Magnésie du Méandre : 195 n. 17,
197 ; Artemiria d'Érétrie : 192, 193195.
Asclépiadès de Clazomènes : 52-55. Asclépiadès de Cyzique : 62, 217, 220222, 279.
Asclépiadès fils de Métrodôros d’ Antioche du Pyrame : 26 n. 64; Asclépiéion : Messène : 211. Asclépios : à Morrylos : 262; Pergame : 199. Asclépiodôros de Béroia : 265 n. 46. Asclépiodotos d’Aphrodisias : 220 n. 53. Athanias, archonte béotien : 114. Athanodôros fils d’Hippön d’Orchomène : 108. Athéna : Athènes : 192 n. 13; Priène : 231,
244
n. 77;
Ilias:
131
n. 35:
Magarsia : Antioche du Pyrame : 27, 28, 31, 32, 33, 35 n. 94, 36; Panmousos : Éphèse : 186 n. 1; Polias : Antioche du Pyrame : 26, 32; Sôteira : Cos : 196, 203.
Athénopolis de Priène : 231 n. 15. Athénopolis fils de Kydimos de Priène : 230, 231 n. 15, 232. Attale [5 : 199, 200. Attale II: 234 n. 31. Attale ΠῚ: 47, et Pergame : 124, 137, 199-200, 277. Attalides et le gymnase : 234. Atticus : 68 n. 57. Auguste : 56, 61, 73, 47, 142, 146, 123,
185, 261, 268, 269: cf. 65-66, 70; époque : 72, 134, 138, 212, 264, 268 n. 68, 269.
Barkaios fils de Theuchrestos de Cyrène : 222-223. Basileia de Lébadée : 103 n. 39. Bastarnes : 164, 177. Bias de Priène : 245. Boéthos, fondateur de cités : 11.
Boulôn de Délos : 159. Brachas (Oulpios), famille de Thisbé :
103, 117. Braetius Sura (Q.) : 106. Brindes (accords de) : 61.
Brochas fils de Kapôn de Thisbé : 101, 103 n. 39. Byrébista : 165-166, 177-179, 181. Caligula : 147, 152, 154, 155, 159, 201. Callicratès fils de Molossos d’Aphrodisias : 22 n. 49. Callistos de Cnide : 63. Canuleius Aper (C.) de Beroia : 265.
Castricius : 223. Celtes : 164, 168. César : 56, 57, 69, 142, 178, 212-213, 257, 269, 280, 281. César (G.) : 145.
César Octavien : cf. Auguste. Chaniotis (A.) : 190-191, 204. Charitésia d’Orchomene : 99 n. 20. Chérémon de Nysa : 5]. Chéronée (bataille de) : 192.
Cicéron : 56 n. 14, 61-62. Claude : 74, 148, 149, 152, 155 n. 28, 159, 160, 264, 280. Cléomène de Sparte : 49. Clisthène d’ Athènes : 49.
Clitarque d'Érétrie : 193. Concorde (temple de, à Kymè) : 126.
Cornelius (C.) : 176 n. 29. Cratippe de Pergame (M. Tullius Cratippus) : 61-63. Cratès de Priène : cf. Kratès. Curtius
Signius
(Μ᾽)
dit Démétrios
Apollonia de Mygdonie : 273 n. 86.
à
INDEX
293
Daisios : a Létè : 270.
Dioskouridès fils de Déméas de Priène :
Damophon de Messène : 211 n. 24.
231 n. 17, 239 n. 54, 248. , Dioskouridès fis de Dioskouridès fils de Déméas de Priène : 231 n. 17. Dolabella : 56 n. 14, 62 n. 39. Domitius Ahenobarbus (Cn.) : 156-157
Déméas fils de Déméas de Priène : 231,
255. Dèmèter et Korè (Tanagra) : 108 Démétnios [* : 27; 33; 35, 249. Démétrios II: 33, 34 n. 93, 232 n. 20,
249.
n. 32.
Drusilla : 201.
Démétrios de Pharos : 211 n. 24.
Démétrios fils d’Anaxippos d’Antioche
Empédiondas, archonte béotien : 102.
du Pyrame : 26 n. 64 ; 27.
Démétrios fils de Démétrios d’Antioche du Pyrame : 27. Démétrios fils de Dionysios d’Antioche du Pyrame : 32 n. 85. Démétrios fils d’Oiniades de Cyzique : Mégas
(P. Cornelius) : 62
d’Akraiphia : 106,
107,
109, 117, 118, 154. Épiklès fils de Mnapias d’Akraiphia : 108. Épikratès I de Milet : 58-60. tes) : 58-61, 70-71, 138.
Epimachanos fils de Mnasistratos de
Demos : personnifié, Aphrodisias : 71; de
Mytilène
Thespies : 108 n. 64.
Epitynchanön fils de Ménékratès de Tar-
statue à Éphèse : 185. Diaphénès
Épaminondas
Épikratès II de Milet (C. Iulius Epicra-
214-222. Démétrios n. 39.
Eirénias de Milet : 159.
(C. Claudius
Diaphenes) : 64. Dioclès fils de Théopompos de Cyzique : 218 n. 42. Diodöros fils de Mentör : 2. Diodöros Pasparos de Pergame : 125,
128, 133, 156 n. 30, 157, 202, 203, 206, 213, 220, 221, 244 n. 78. Diogenes fils de Diogenes (d’Amastris ou d’Amisos) : 171. Diomédès fils d’Asklépiadès, officier séleucide : 25.
Dionysies de Téos : 83, 84; Eubée : 194 n. 16; Priène : 242 n. 67, 245 n. 79. Dionysophôn fils d’Hippostratos de Létè :
270. Dionysos à Kalindoia : 261; Maronée (sceau et monnayage) : 161; Phleös
à Priène : 230, 231 n. 15, 233. Diophanès de Mytilène (C. Claudius Diophanes) : 64. Dionysodôros fils d’Asklépiodôros de Thessalonique : 268.
Diophantos fils d’Asklépiodôros Sinope : 39, 169, 170-174, 278.
de
505: 17].
Érechthée (Athènes) : 193 π. 13. Erucius Lucius (C.) de Cyzique : 142-143 n. 72.
Érôtideia de Thespies : 99 n. 23. Etymos
de Béroia (Ti. Claudius
Ety-
mus) : 264.
Euandridès fils d’Antenör de Milet : 208. Euandridès fils d’Euandridès de Milet : 208. Euandros fils d'Euandros de Béroia : 270. Eucheiridas fils de Nikôn de Kopai : 108. Eudémos de Milet : 203. Eudémos fils de L[&ön ?] de Milet : 207211. Eumèle : 180. Eumène II: 210; et Toriaion : 10, 12-15, 278.
Euonymos d'Éphèse : 186. Ferrary (Jean-Louis) : 6.
Flamininus : 131.
CITOYENNETÉ
294
ET PARTICIPATION
Hiéron de Priène : 196 n. 18. Hippocritos de Cnide (C. Iulius Hippo-
Fonteia (lex) : 65 n. 48.
Funius Calenus (Q.) : 63.
critus) : 57.
Futius Longus (Q. ?) : 107, 117.
Homonoia : 17; Antioche du Pyrame :
Galates : 47, 48, 195 n. 18.
Gauthier (Philippe) : 225. Gètes : 164, 165, 177, 178. Glaukos fils d’Adm&tos de Magnésie du Méandre : 83-85. Granique (bataille du) : 13 n. 14.
Hybreas de Mylasa (C. Iulius Hybreas) :
60-61, 70-71. Hybrida : cf. Antonius Hybrida. lolanos de Kios (T. Claudius Iulanus) :
Habicht (Christian) : 3-4. [Habrjotèra de Priène : 231 n. 15. Hadrien : 220 n. 53; époque : 140, 142.
Harpale de Béroia : 258, 264, 265, 267, 273.
Harpale fils de Pythôn de Béroia : 266. Hégésias de Lampsaque : 154 n. 23. Héliodôros de Priène (C. Cestius Heliodorus) : 231 n. 18.
Hénioques : 180. Hé...nou (P.) de Priène : 231 n. 18. Héraclès : à Thessalonique : 269; Kyna-
gidas : à Béroia : 258, 265; Mégistos : Pélagonie : 263 n. 36. Cf. aussi Hermès. Hérakleitos de Priène : 232 n. 21, 236, 239 n. 54, 240 n. 56, 243 n. 71. Hérakleia de Thèbes : 31. Herennia Procula de Thessalonique : 268. Herennius Pollio (M.) de Thessalonique : 260 n. 19, 273 n. 86. Herennius Proculus (M.) de Thessaloni-
que : 268. Hermès : à Kalindoia : 261 ; Priène : 245 n. 80: et Héraclès : à Cyrène : 222; Apollonia de Mygdonie : 271. Hermogénès fils d’Hephaistiön d’Aphrodisias : 37.
Hermodôros d’Oropos : 54. Hèrôa (Cyzique) : 217, 220-221
24, 30.
.
Hérôdès I d’ Athènes : 74 n. 82. Hérôdès II d’ Athènes (Ti. Claudius Hérodes) : 74 n. 82.
Hérôdès de Priène : 80, 128, 228, 230, 232 n. 20, 233, 235 n. 36, 236, 240, 242, 244, 249 n. 96.
157 n. 37. Iollas de Sardes : 157.
Iollas fils de Mètrodôros de Sardes : 145146, 155. loulieis, tribu de Cyzique : 142-143 n. 72. Isis : à Béroia : 258 ἢ. 5.
Jason, grand-prêtre : 11. Junia Théodora de Corinthe : 1. Jupiter : 262 (Lyncestide) Kabeiria de Pergame : 128. Kaisareia de Chios : 188-189, 203 n. 32. Kallion (sanctuaire de Korè ἃ Cyzique) : 142. Kaphisodôros fils de Dionousios d’Orchomène de Béotie : 108. Kapôn, archonte à Thisbè : 103 n. 39.
Kapôn fils de Brochas (de Thisbè) : 101105, 112 n. 86. Kiddioukomitai
(communauté
villa-
geoise) : 13. Kléophanès,
archonte
à Delphes : 26
n. 64. Klionikos fils d’Antipatros de Tanagra : 108 n. 64. Korè à Cyzique : 142. Kotys, dynaste thrace : 201. Kratès de Priène : 80,
155
n. 28, 222,
228, 230, 232 n. 21-22, 234, 236, 239 n. 54, 240 n. 56, 242, 244, 245, 246, 249 n. 94. Krateuas fils de Nikadas de Béroia : 266. Kydimos de Priène : 231 n. 15. Kyros de Rhodes (M. Aurelius Kyrus) : 143 n. 74.
INDEX Labienus (guerre de) : 59 n. 30, 60, 213. Laberius (P.) de Priène : 231 n. 18. Lagides : en Cilicie : 24. Leukippos de Magnésie du Méandre : 85. Licinius Crassus (M.) : 177 ἡ. 33.
Lousias, archonte à Thespies : 108 n. 64. Lucilius (M.), dit Démétrios de Mygdonie : 271, 273 Lysiadès d’ Athènes : 74-75 Lycurgue d’Athènes : 192. Lykaia de Milet : 208. Lysimaque : 46, 186, 195 n.
à Apollonia n. 86. n. 82.
18, 243.
Machaôn de Cyzique : 155 n. 28. Macédoine (guerre de) : 5, 115, 119, 148,
257, 272. Magie (David) : 6. Marius Ter(tes ?) (L.) de Lynkestide : 263 n. 34.
Marsyas fils de Démétrios de Béroia : 264 n. 41, 265, 267. Matrophanès de Sardes : 27 n. 67. Mégabyxos d’Éphèse : 40. Mégaristos de Priène : 234 n. 27. Mélanippos fils d’Apollönios de Téos :
84, 85. Malousios de Gargara : 244 n. 78. Méhnas de Sestos ; 80, 154, 155 n. 28, 219,
254 n. 114. Ménélas, grand-prêtre juif : 25 n. 62.
Ménippos de Colophon : 80, 149, 155, 156, 226, 238 n. 49, 246 n. 83, 248 n. 92, 251 n. 100, 253. Méniskos d’Istros : 163. Mennidas fils de Démétrios de Kalindoia : 261. Ménogénès fils d’Isidöros de Sardes :
134, 145-146, 155. Méniskos de Milet : 52-55. Métrodôros de Priène : 245 n. 80. Migeotte (Léopold) : 225. Minnis, fils adoptive σ᾽ Anténôr de Milet :
209-210 n. 15. Mithridate VI : 88; et le Pont : 164, 166 n. 8, 169-175, 181-182; guerre de :
16, 21, 48, 51, 54, 87, 99 n. 20, 105,
295
106, 147, 155, 213, 228, 231, 245, 277, césure chronologique (7): 5,
130 (cf. 132), 231 (cf. 256), 281. Mithridate de Pergame : 63, 217, 220,
221. Mopsos, fondateur de Mallos : 27, 31. Moschinè fille de Kleuas de Béroia : 266.
Moschiôn de Priène : 80, 155 n. 28, 222, 225-226 n. 3, 228, 230-236, 238, 239 n. 54, 241, 242, 244, 249, 250, 251. Mouseia de Thespies : 99 n. 23. Müller (Helmut) : 121, 122.
Mummius (C.) : 116, 131. Munatia Aemilia (lex) : 65, 66, 69, 281.
Mysta (Flavia) de Kalindoia : 261. Naul-] fils de Tydeus de Priène : 232 n. 20.
Némeia : 31. Néoptolémos, stratège de Mithridate : 169. Néoteicheitai (communauté villageoise) : 13. Néron : 106, 107. Nerva : 258 n. 6-7, 265 n. 50.
Nikadas fils d’Ammadikos de Béroia : 266. Nikaréta de Thespies : 108. Niképhoria de Pergame : 244 n. 78. Nikératos d’Olbia : 163. Nikoteimos Hiérax d’Aphrodisias : 20. Nouios d’ Athènes (Ti. Claudius Nouius) : 74 n. 82. Octavius Romeius (C.) : 114 n. 100.
Oiniadès fils d'Asklépiadès de Cyzique : 219, 221. Olympia : 31.
Onias DI: 11. Oppius (Q.) : 155. Oropherne de Cappadoce : 225 n. 3, 234 n. 27.
Osireion à Thessalonique : 268 Pamphilos d’Apollonia : 155 ἢ. 28. Pamphilos de Cyzique (M. Ulpius Claudius Pamphilus) : 142-143 n. 72.
CITOYENNETÉ
296
ET PARTICIPATION
Panathenaia de Priène : 128, 240, 243245. Panathénées d’ Athènes : 32, 189 n.8, 192-193, 195 n. 19.
Pompeia (lex) : 69.
Papius Maximus (M.) : 260 n. 20.
Pompeius Sp. f. Nestor (Cn.) : 55 n. 13. Pompeius Sp. f. Hedulus (Cn.) : 55 n. 13.
Paramonos fils d’ Antigonos de Thessalonique : 259, 269.
Parnassos de Thessalonique : 2, 259, 269. Patérinos fils d’Antigonos : 264 n. 41, 266, 267. Paul Émile : 131. Paula d’Aphrodisias (Iulia Paula) : 20. Peisitas fils de Kratèsinikos d’Asopos : 91, 93. Périclès : 187. Perines (Claudii) de Béroia : 258. Perpenna (M.) : 233. Persée : 148, 257, 266, 273. Pharsale (bataille de) : 56, 61, 63, 178. Philippe V : 147, 262, 272. Philo de Styberra (M. Vettius Philo) : 263 (cf. n. 38), 271.
Philopoimen : 222. Philopoimen de Samos (C. Scribonius Philopoimen) : 66 n. 49. Philotas fils d’Aristoménès de Kalindoia : 261, 269-270. Phortios de Pélagonie (Ti. Claudius Phortius) : 263 n. 37.
Phrygiens : 278. Périon de Béroia (Ti. Claudius Pieron) : 264-265.
Piön d’Éphèse : 186. Polémaios de Colophon : 80, 154, 155, 156, 226, 246 n. 83, 251, 253. Polémon, dynaste thrace : 201. Polémon de Laodicée, roi du Pont : 60. Polykrate de Samos : 92. Polykratidès fils d’Anthemiön de Thespies : 107, 109.
Polystrate de Carystos : 52-55. Pompee : 51, 55, 178, 213; fondateur de cités : 9; et les cités d’Asie Mineure : 122.
Pompeia Sp. f. : 55 n. 13.
Pompeius Longus (Cn.) : 55 n. 13. Pompeius Rufus (Cn.) : 55 n. 13. Pompeius Cn. f. Rufus (Cn.) : 55 n. 13.
Pompeius (Sex.) : 258-259. Poseidonios de Bargylia : 156-157 n. 32, 158 n. 42. Posideios fils de Posideios : 180. Posilla (Avia) de Thessalonique : 269.
Potamôn de Mytilène : 63-64. Praxilleis fils d’Eschriöndas : 114. Protogénès d’Olbia : 163. Ptoia d’Akraiphia : 99 n. 23, 101, 105, 107, 112, 114 n. 98, 119 n. 125. Ptoion : 105 n. 48. Ptolemaios de Béroia (Ti. Claudius Ptolemaius) : 264. Ptolémée II et Milet : 15 n. 18. Ptolémée ΠΙ : 199. Ptolémée VI (ou VII?) : 232 n. 20, 234 n. 29, 250. Pydna (bataille de) : césure : 5, 257, 272, cf. 276. Pyrrha(kos 7) d’Alabanda : 85, 87-89, 155 n. 28, 158. Pythodôris Philomètor : 56 n. 16, 60 n. 32. Pythodôros de Tralles : 56. Pythokleia : 197, 203. Pythoklès de Cos : 195, 203. Pythôn de Béroia (Q. Popilius Python) : 265, 267.
Quass (Friedemann) : 3-4, 121, 122, 144. Rhoimétalkès : 201, 268 n. 65, 269. Robert (Louis) : et la basse époque hellé-
nistique : 1-2, 204, 277. Rome (culte de) : Kalindoia : 261 ; Pergame : 61; Thessalonique : 267; Thea Röme : 17, 36. Roxolans : 174. Saithidai, famille de Messène : 211 n. 24.
INDEX
Salutaris (C. Vibius Salutaris) d’Ephese : 185-187, 206. Satilius Taurus (T.) : 109.
Satyros de Chersonèse ou d’Heraclee du Pont (C. Iulius Satyrus) : 62. Sarmates : 177. Saumakos : 172. Scordisques : 259 n. 9. Scribonius Curion (C.) : 66 n. 49.
Scythes : 164, 170-172, 174, 176. Sébastè Homonoia Chrysophoros
(Éphèse) : 186 n. 1. Sebasteia d'Éphèse : 186.
Sebasteis : tribu de Cyzique : 142-143 n. 72. Séleucides : en Cilicie : 24; fêtes en Syrie : 32 ; et Priène : 234 n. 29. Séleucos II Kallinikos : et Smyrne : 43-
45. Séleucos VI : 232 n. 20. Séleucos de Rhosos : 52, 59, 64-66, 70-
71, 73. Servilius Caepio (Cn.) : 259.
Simôndas fils de Thiomnastos de Tanagra : 108-109. Skilouros: 180. Solon d’Aphrodisias : 22 n. 49, 213. Solon d’ Athènes : 49. Sôsias fils de Sösipolis de lorion : 262 n. 27.
Sôtas de Priène : 47, 48. Sôteria d’Akraipia : 99 n. 23; d’Éphèse :
186. Sylla et l'Asie : 130, 132-134, 138, 148. Syrie (guerre de) : 164. Tatia Attalis d’Aphrodisias : 20. Télésias fils de Tharsoumachos de Tanagra : 108. Télôneia, citadelle de Priène : 236. Terentius Varron (M. Licinus Lucullus) :
175, 177. Thargèlia : Athènes : 197-198. Thémisôn : 25 n. 60. Théogénès d'Athènes (Ti. Claudius Theogenes) : 74 n. 82.
297
Théognète de Cyzique : 62. Théôn de Priène : 223 n. 22, 235n. 36,
249 n. 94. Théophane de Mytilène (Cn. Pompeius
Theophanes) : 55-57, 63, 161 n. 50, 213. Théopompe de Cnide (C. Iulius Theopompus) : 57-58, 63, 212, 213.
Théos Hypsistos à Thessalonique : 268. Thraces : 164, 166. Thraséas, fils d’Aétos : 11 n. 8. Thrasyboulos de Priène : 222, 234 n. 27. Thrasyboulos fils de Thrasyboulos de
Priene : 231, 237 n. 44. Thrasyboulos fils de Thrasyboulos fils de Thrasyboulos de Priène : 228 ἢ.
8, 236. Thrasyboulos
fils de Démétrios
de
Priène : 228 n. 8. Tibère : 152, 155 n. 28, 264, 267. Timè (personnifiée, à Aphrodisias) : 71. Titus : 258, 265 n. 50.
Tortéas fils de Phaeinos de Thespies : 108 n. 64. Touloumakos (Johannes) : 6, 123, 144. Trebonius : 57. Tryphaina de Cyzique : 201. Vacceius Labeo (L.) : 214, 223. Valerius Flaccus (L.) : 133. Vespasien : 181, 264. Vettius Bolanus : 263. Veyne (Paul) : 227. Vial (Claude) : 3
Will (Édouard) : 5. Xénarès 208.
fils d’Antenor de Milet : 207-
Ζέποη d’Aphrodisias : 20. Zenon de Laodicée : 60, 70-1.
Zeus : à Kalindoia : 261, 269; Dionysos Gongylos à Thessalonique : 260;
Éleuthérios à Thessalonique : 267: Kéraunios : Priène : 128 n. 24, 245:
Olympios : Antioche du Pyrame : 33,
298
CITOYENNETÉ 36: Priene : 235 n. 33: Philios : à Plarasa/Aphrodisias 17; Plaraseus : 36; Polieus : Antioche du Pyrame : 26,
32; Sôsipolis : Magnésie du méandre : 197; Sôter : Cos : 196, 203; Apollonia de Mygdonie : 271.
INDEX
ET PARTICIPATION Zoïlos d’Aphrodisias (C. Iulius Zoilus) :
16, 18 n. 33, 20, 21-22, 56, 70-71, 213. Zôsimos de Priène (Aulus Aemilius Zosimus) : 128 n. 24, 133, 228, 230, 231, 234, 235, 238-249, 253, 255, 256.
GÉOGRAPHIQUE
Les noms des lieux où se sont déroulés des événements (bataille, paix, accord) sont enregistrés dans l'index des noms.
Achaïe : 122, 131. Adana (Antioche du Saros) : 30, 31, 32.
Aigéai de Cilicie : 25, 30. Aigosthènes : 105 n. 47. Akraiphia : 95, 99 n. 23, 100, 101, 105, 106, 107, 109, 110, 114, 117, 118, 119 n. 125, 154. Alabanda : 80, 85-89 (passim), 158.
Alexandrie : 217, 220, 221, 250. Amphipolis : 271 n. 81. Andros : 254 n. 114. Anthémonte : 260-261, 269-270. Antioche du Kydnos : 24-27, 29-32.
Antioche de Mygdonie : 32 n. 86. Antioche du Méandre : 17. Antioche du Pyrame : 10, 22-35 (passim),
36, 37, 197 n. 22. Antioche de Syrie : 25, 32 n. 86, 199. Aphrodisias : 10, 15-22 (passim), 35, 36,
37,48, 61, 70-71, 155, 213, 278. Apollonia de Mygdonie : 271, 273 n. 86. Apollonia de la Salbakè : 46 n. 19, 155 n. 28. Apollonia du Pont : 165 η. 5, 171, 175 n. 28, 177. Araxa : 251 n. 101. Argos : 28, 31, 220. Asie (province d’): 5, 6, 17, 51, 52, 53,
57, 61, 122, 132, 133, 134, 135, 149; gouverneurs : 60 n. 32, 133, 232; koinon : 155.
Asie Mineure, Anatolie : 5, 6, 9, 34, 43, 47, 122, 123, 127, 130, 136, 138-139, 140, 144, 276. Asopos : 91, 93. Assos : 147, 155, 159.
Athènes : 61, 62, 68, 74-75, 100, 139140,
143; cultes, processions : 189
n. 8, 192-193, 197-198, 199, 200201, 204 ; droit de cité : 208. Bandirma : ancienne Panormos, port de Cyzique : 214.
Bargylia : 124, 125, 126, 156-157 n. 32, 159 n. 42. Béotie : 95-119 (passim), 132 n. 36, 154, 276. Bérénikè de Cyrénaïque : 251 n. 101. Béroia : 257, 258-259, 264-267, 271,
272, 273; gymnase : 247 n. 91. Bingeg : 16. Bithynie : 9, 180; province de BithyniePont : 122 n. 6, 134, 139. Bosphore
Cimmérien
(royaume) : 63,
172, 180. Byzance : 168. Callatis : 165 n. 5, 166, 180, 254 n. 114. Cappadoce : 9, 230, 232, 234 n. 29 et
31. Carie : 17. Cassandreia : 257.
Caucase : 180.
INDEX
299
Césarée de Palestine : 166 n. 8.
Eubée : 132 n. 36, 194 n. 16.
Chalcidique : 260, 269.
Euporia : 265.
Chéronée : 106, 110, 112, 116. Chersonèse (Taurique) : 39, 62, 166, 169170, 171-174. Chios : 66, 188-189, 193. Chorsiai : 101-104, 112. Cilicie : 25, 32; plane : 10, 24. Cnide : 57-58, 212, 213, 222. Cnossos : 194 n. 16.
Colophon : 195 n.17; Ménippos
décrets
pour
et Polémaios : 80,
149,
154, 155-156, 226, 237 n. 49, 246 n. 83, 248 n. 92, 251, 253.
Commagène : 9. Corinthe : 197. Coronée : 115. Cos : 57, 188, 193, 195, 196-197, 203. Crestonie : 262, 271.
Crimée : 169, 180, 181.
Cyrène : 222-223. Cyzique : 125, 140-143, 155 n. 28, 201202, 206, 254 n. 114; décret pour Démétrios, fils d’Oiniades : 214-222, 280. Danube (bas) : 176.
Delphes : 25, 27, 63, 194 n. 16. Délos : 92 n. 16, 159 n. 45, 260 n. 23. Dénizli : 13. Didymes : consécration de phiales : 208 ;
inscriptions relatives aux prophètes : 209. Didymes (îles) : 22 n. S1. Dion : 257,271 n. 81.
Dionysopolis : 176 n. 29, 177, 178. Dniestr : 166 n. 8.
Égypte : 55, 254 n. 114. Éleusis : mystères : 219.
Élimée : 262. Éordée : 262. Éphèse : 2, 13,48, 49, 66, 136, 141 ; époque
impériale : 134,185-187, 206, 277. Épidaure : 231 n. 15.
Érétrie : 193-194. Eski-Manyas : 214.
Gadès : 68. Grande Grèce : 52. Grèce centrale : 131. Grèce péninsulaire : 5, 51, 122, 130, 132,
138, 139, 144, 276. Halèse : 51 n. 1.
Haliarte : 100, 105 n. 50, 112, 115. Hanisa de Cappadoce : 1. Héraclée de la Salbakè : 18. Héraclée du pont : 62 n. 40. Hiérapolis Castabala : 22 n. 50. Hyettos: 110. Ilion : 13, 189 n. 8. Isaura : 18.
Istros : 163, 165, 166, 171, 178-179, 181, 254 n. 114. Italie : 56, 57, 68, 69, 272. Jérusalem : 11, 15.
Kalindoia : 261,271. Kalos Limen : 166, 172, 173, 174. Karatach (cap) : 22 n. 51, 27.
Kara-Tobe : 170. Kerkinitis : 166, 170 n. 15, 174. Kibyra : 16, 20.
Kyzyliahta : 27.
Kopai : 108, 112. Kotyrta de Laconie : 80, 89-93 (passim). Kyme : 126-127, 130, 135-138, 139, 209, 214 εἰ n. 36, 223. Lampsaque : 154 n. 23. Laodicée de Syrie : 57. Laodicée du Lykos : 13, 60. Lébadée : 103 n. 39, 105 n. 49.
Létè : 270, 271. Leukè (île de) : 180.
Lilybée : 51 n. 1. Lycie : 9, 17, 24, 159-160. Lynkestide : 262. Macédoine : 131, 132 n. 36, 257-273 (passim), 276; centrale : 262 ; haute :
CITOYENNETÉ
300
ET PARTICIPATION
262; province, gouverneurs : 175176, 263 n. 38; koinon : 265.
Magarsa/ Magarsos : 22 n. 50, 23, 28, 29. Magnésie du Méandre : 46, 80, 83-85,
195 n. 17, 196, 197, 232. Magnésie du Sipyle : 43-45. Mallos : 23-35 (passim). Mantinée : 132 n. 37. Marathon : 220. Marmara (mer de) : 180. Maronée : 145-161 (passim), 278, 280; traité avec Rome : 148. Méandre (vallée du) : 16, 232.
Mégalopolis : 222, 132 n. 37. Mégare : 101.
Mésambria : 168, 176 n. 29, 179, 181. Mésopotamie : 13 Messène : tombes au gymnase : 211-212; tombes intra muros : 211 n. 24.
Métropolis d’lonie : 15 n. 18, 226, 237 n. 49.
Milet : 18, 58-59, 136, 138-139, 159, 203,
207, 208, 232 ; gymnases, éphèbes de
—
;15n.18,210-211.
Minoa d’Amorgos : 139 n. 60. Mopsueste : 27, 30, 31. Morrylos : 262, 271. Morsynos (vallée du) : 16.
: 251 n. 101. Mylasa
Mytilene : 55, 56 n. 14, 62, 63, 213. Nakoleia : 12.
Occident (romain) : institutions : 122. Odessos : 165 n. 5. Oinoanda : 49.
Olba de Cilicie : 60 n. 32. Olbia : 18, 163, 170, 177, 178, 180. Orchomène de Béotie : 105 n. 49.
Pélagonie : 263. Péloponnèse : 131, 132 n. 36. Pergame : 61, 63,
122
n. 4,
130,
139 n. 60, 141, 233, 245 n. 80, 254 n. 114, 279; et Attale ΠῚ: 124, 199200, 204 ; en 133 : 47-48, 49, 136137, 159, 237 n. 49, 277 ; et Diodôros Pasparos : 125, 128, 129, 133, 156 n. 30, 157, 202, 206, 244 n. 78; listes
éphébiques : 15, 47 n. 25. Pergè : 158, 254 n. 114. Pétra : 250. Phanagoria : 171, 181. Philétaireia, la ville haute de Pergame : 221. Philippes : 43, 257.
Phrygie orientale : 10. Pisidie : 10, 12. Pont (royaume du) : 9, 175. Pont (Mer Noire) : 163-182 (passim); Pont Gauche : 175, 278. Priène : 6, 80, 125, 126, 127-129, 130, 132, 133, 136, 225-256 (passim), 279, 280 ; décrets : 196 n. 18, 226, 228; et ; construcles Pédiens : 40-43 (passim) tions publiques : 225, 234, 238. Pyrame : 22 n. 51, 27.
Rhodes : 17, 57, 75, 143. Rhosos : 64-66, 70. Rome : ambassade à : 19, 88, 133, 145161 (passim) ; d’Assos : 147, 155; de Diodôros Pasparos : 155 n. 30; d’Har-
pale de Béroia : 273 ; de Théopompos de Cnide : 212 et n. 27; de Pyrral[-] d’Alabanda : 158; d’un personnage d’Aphrodisias : 213; alliance, loyauté envers : 16, 21, 51-75 (passim).
Orestide : 262. Orkistos de Phrygie : 12. Oropos : 112 n. 89.
Samothrace : 196 n. 18. Sardes : 44, 134, 141, 157.
Pagai : 132.
Sébastopolis du Pont : 254 n. 114.
Panormos : cf. Bandirma.
Panticapée : 165 n. 5. Pella : 257, 272.
132,
145-146,
Séleucie de Piérie : 25, 199. Sestos : 80, 154. Sicile : 51-52, 53, 55, 221.
155,
INDEX Siphai : 105 n. 47.
301
Smyrne : 43-45.
Thespies : 95, 105, 106, 107, 108, 109, 117.
Styberra : 263, 270 n. 75, 271. Syrie : 34.
Thessalie : 131. Thessalonique : 2, 257, 259-260,
Tabai : cité : 16, 20, 254 n. 114; plateau de : 16.
Tanagra : 105, 106, 107, 108, 112. Tarse : 24- 26, 28 n. 13, 29-31, 34 n. 93. Teimessos : 189 n. 8.
Temnos : 133-134. Ténos : 92 n. 16.
Téos : 15, 80-85 (passim). Thasos : 260 n. 23. Thèbes de Béotie : 105 n. 50, 106.
INDEX
Xanthos : 34, 92 n. 16. Zéleia : 42, 45.
GÉNÉRAL
abrégés (décrets) : 110.
apantèsis : Cf. accueil.
accueil (cérémonies d’}) : 190, 198-202,
apatè (distraction) : 247.
271. affranchi : 56, 228, 241. agalma : cf. statue cultuelle. agonothète(s) : 124, 230, 233-234, 240, 242-243, 246, 263-265, 268. agora : 141, 211, 222-223, Priène, portique nord : 225, 241. agoranome(s) : Bargylia : 124; Thessalo-
apopresbeia : 146.
nique : 259 ; Anthémonte : 261, 269;
Béroia : 264-265, 267: Létè : 270. akratisma (petit-déjeuner) : 241. akroamata : 247 n. 91.
akurôsis : 152. album : 133. aleiptèrion : 269. ambassade(s), ambassadeurt(s) : 27, 62,
84-85, 88, 145-161 (passim), 178, 202, 212-213, 219, 232, 249-250, 273, 280. ami(s) du Peuple romain : 52, 54, 63.
amitié, amicitia : 57, 61, 70. anairesis : 152.
ancêtres : 3, 24, 207, 209. andres : 208. antigrapheus (Priène) : 230, 235-236.
267-
269, 271, 273. Thisbè : 101-104, 107, 108, 114 n. 98, 115, 117. Thrace : province de : 148. Tomis : 165 n. 5, 166, 167, 168. Toriaion : 10-15 (passim), 35, 36, 278. Tylissos : 194 n. 16. Tyras : 166.
archairésiai : 247. archè : 5, 131, 235, 237.
archéologie, archéologique : 166, 178, 210-211,272. archinéocore(s) (Beroia) : 265. archithéorie (Priène) : 233. archive(s) : 40; bâtiment d’ : 268. archonte (fédéral en Béotie) : 100, 102,
114. archontes (magistrats principaux) : Béotie: 110-111, 116-117, 119; Pergame : 200. Aréopage (Athènes) : 140. aristocratie : cf. élite(s). armée(s) (civiques) : 163, 171.
Assemblée : 1, 89, 92-93, 116-117, 119, 125, 135, 160, 186. asylie, asyle : 66. attendus : cf. considérants. attribution (d’un territoire) : 44, 46.
autel(s) : 212, 257 (funéraires et votifs). autonome, autonomie : 20, 54, 59, 66, 70, 72, 159, 169, 212-213. auto-promotion (cité) : 13.
CITOYENNETÉ
302
ET PARTICIPATION
bain(s) : 247. banquet(s) public(s) : 47, 117, 123-124, 126-129, 133, 200, 237, 239-242, 245-247, 261, 263, 279-280. barbare(s) : 164, 167-169, 179, 278. basileis : 202 (Pergame). basilikon : 44. bêtes (de sacrifice) : 194. bienfaiteur : cf. évergète. blé : cf. grain. boègia(i) : 138. bœuf(s) : 124.
: 51-75
(passim), 214,
281. civitas (cité) : 12.
classe (sociale) : 4. clientèle : 61. cohésion (civique) : 206; géographique et culturelle : 16; interne: 15, 191. collation : 127-128;
glukismos : 240-
241. colon(s) militaire(s) : 9, 14, 278. colonie(s) : 122, 257; d’Italie:
65;
latine : 53 n. 7, 69: romaine : 272.
comédie (civique) : 250. commission(s) civiques : 136.
bömos : cf. Autel. bouclier doré : 269. Boulè, bouleute(s),
bouleutique : cf.
Conseil. bouleutèrion : 126-127, 129. bovins : bœuf : 124; vaches : 262.
154,
276;
131; Asie:
155;
104,
Macédoine : 265 .
conformisme : 128. Conseil : 6, 14, 79-93 (passim), 97, 111-
carrière : 228, 230, 255. caste : 3.
cavalier(s) : Magnésie du Méandre : 85; hippeis, Athènes : 200; macédonien : 261. cens, censitaire : 116, 131-134, 279. censeur(s) : 133, 141.
112, 115, 117, 119, 121-144 (passim), 147, 160, 195 n. 17, 237, 242, 245, 263, 279; des Six Cents, des Cinq Cents, Athènes : 140, 143; à titre viager : 134: statue à Éphèse : 185. conservatisme, conservateur : 129, 139,
143, 202, 277;
céréales : cf. grain. cérémonie(s) publique(s) : 123, 185-206 (passim).
chevaux : 31-32 (épreuves hippiques). chorègia basilika : 170.
chôroi (circonscriptions territoriales à
Érétrie) : 194. chrèmatismos (engagement écrit) : 150152. chréophylaque(s) : 124. 118,
121, 144, 207, 229, 276, 277-278, changement global : 93; coupure avec le Principat : 282; découpage, transition : 2-4 ; diachronie, césures,
périodisation : 191, 196; répartition : 10; transition : 275.
que : 270. Confédération, (con)fédéral(e) : lycienne : synédrion : 114,
canéphore(s) à Athènes : 193.
chronologique : 97,
concours : 31, 62, 217-218, 222; hippi-
1: béotienne : 95,
cadran solaire : 262.
chronologie,
civitas Romana
intégrateur : 206.
considérants : 88, 91, 148, 151, 167, 201, 247. constitution antoninienne : 67.
contröle : 119, 279. convention(entre cites) : 102-103.
cortège(s) : 123, 185-206 (passim), 222, 237. cosmophylaque : 141. couronne(s) : 222, 251; Téos : 83-84 ;
Cyzique : 217-218;
perpétuelles:
218 η. 42. créance, créancier : 108.
culte impérial : Aphrodisias : 18; Milet : 58: Mytilène : 64. culte(s) (héroïque) : 221, 223. cumul (absence de) : 230. curie : 133.
INDEX damiorgion (Cnide) : 212. damnatio memoriae : 152.
303
de repetundis (procès) : 133.
238, 251, 254, 281 ; appauvrissement des notables : 231 ; crise, difficultés: 225, 227-228, 245, 248. édilitaire (programme) : 126.
décalage (entre image et réalité) : 202.
édit(s) : Séleucos
décurion(s) : 122 n. 3.
Cyrène : 67, 72-73. éducation: 1, 155; militaire : 164-165. égyptiens (dieux) : 260-261, 265, 268269. eiselysion (droit d’entrée à la Boule) : 135. ekdikos (Priène) : 230, 232. eklogismos (registre, livre de compte) : 236. ekphora(i) : 222. ektèmenoi : 117. élection : 161 ; ambassadeurs : 153, 158; renonciation à : 160. éleuthéria, éleuthéros : cf. liberté. élite(s) : 1, 4, 12, 29, 32, 72, 74, 103, 109, 144, 147, 155-156, 159-160, 204, 245, 281.
datation : cf. chronologie.
défense : 163-182 (passim) ; du territoire :
12; du royaume : 15. démiurge (Antioche du Pyrame) : 27, 32. démocratie, démocratique : 1, 4, 121122, 125, 127, 129, 140, 143, 160, 212, 254, 279, dèmos : cf. Assemblée. dèmosia chôria : 42. dépendance : 159. dépense(s) : 225-256 (passim). depeuplement : 168. dette(s) : 102-103. dialecte, dialectal : 97,
111,
114,
118,
276. didymaphorion (réceptacle pour les testicules d’Osiris) : 268.
diplomatie, diplomatique : 145, 156, 163, 232, 249. dirigeant(e) : 33-34 (classe). dissolution (du koinon béotien) : 99, 104,
115, 276. distinction : 144, 276. docimasie : 135. domi suis legibus : 66. don(s) : 238. dôréa (royale) : 25. dôrean (gratuitement) : 249-251. double citoyenneté : 67. douloi : 241. droit (romain, latin et pérégrin) : 68.
dromoi : 220 (Athènes). dromos : 268. dualité (des droits de cité) : cf. double
citoyenneté.
de Rhosos : 64;
de
Embargo (sur le blé) : 101-102, 104.
émeute : cf. révolte. empasis : Cf. enktèsis. empereurs(s) : 149; morts : 152; statues : 185. enceinte : cf. rempart. enchôrioi : 14-15, 36. enclos funéraire : 209-210. enfant(s) : 241. enktèsis : 42, 113.
enspondos : 148. ensunthekos : 148. épangélia : 159. éphébarque : Styberra : 263; Béroia: 264 ; Thessalonique : 267. éphèbe(s), éphébie, éphébique(s) : 47, 124-125, 164, 186, 202, 210, 219220, 222, 229, 237, 241, 246, 248; catalogues : 261,
270;
statue
à
Éphèse : 185; Styberra : 263. ephèbeion : 11.
économique
(situation) : 6, 26; surex-
ploitation : 46; disette : 101, 167; besoin d'argent : 92 ; pénurie du trésor public et détresse financière : 154,
ephodos (demande d'audience) : 93. éphore(s) (Kotyrta) : 92-93.
épimélète(s) des sanctuaires (Bargylia) : 124.
CITOYENNETÉ ET PARTICIPATION
304
gymnasiarchie, gymnasiarque : Aphrodisias : 18, 213; Bargylia : 124; Per-
épinomia : 91.
épistates(de la palestre, Milet) : 203. éternel (décret) : 149-153, 278. ethnique(s) : 34. étrangers résidents : 124, 189.
game : 202; Cyzique : 217; Priène : 128, 222, 233-235, 237, 240, 244, 246; Anthémonte : 261; Styberra:
euandria (épreuve de course) : 219.
263; Béroia : 264; Thessalonique:
évanide : 40.
259, 267, 269.
Évergètes (dieux, Béroia) : 265. évergétisme, évergète : 2, 55, 93, 106, 117, 125-126, 128-129, 133, 157 n. 33, 159, 179, 209, 212, 220-223, 225-256 (passim), 279-280. exèdre : 261, 269.
exemption(s) : de taxes et de liturgies : 52; droits de douane : 65 ; à Téos 83.
habitude(s) épigraphique(s) : 105. hèdonè : 247. hègemones (commandants de soldats à Tomis) : 167-168. hegoumenoi : 123; 262. hellénisation : 9, 12, 14-15, 32, 278. héraut : 217. hermès (statue) : 247.
femmes):
17-18,
200,
209,
211;
Archippè : 126-127. fête(s) : 185-206 (passim); interruption des — : 238. Flotte romaine: 172, 175, 181. fondation (dynastique) : 9. fondation (testamentaire) : 263. fonds publics : 44, 243, 253-254, 279. formalisme : 160. formalité (élection) : 158.
fort, fortification, fortifier : cf. rempart. frontière(s) (statutaires) : 49, 277. funérailles publiques : 125, 202, 207-223 (passim), 237, 251, 280.
garçons : cf. paides. garde (service de) : cf. phylakes. garnison(s), garnisaire(s) : 44; romaines :
176, 181.
Gérousie (statue à Éphèse) : 185. glukismos : cf. collation. gnômè : cf. proposition. gouverneur(s) (romains) : 232.
graffitis : 229. grain : 101-102, 238-239, 242, 262. grand-prêtre(s) : Jérusalem : 11 ; Béroia :
265.
hèrôon : 280. Cyzique : 217, 220-221. hiérarchie : 21, 125, 127, 130, 144, 147, 187, 276; des droits de cité : 69. hiéromnémon : 273. hieronique(s) : 31, 124, 128. hiérope(s) : 244.
hipparque(s) (Magnésie-du-Méandre) : 85. hippotrophia (Priène) : 233. homologon : 103. honneur(s) : cultuels : 157, 202, 207, 214;
isotheoi timai : 58, 83, 212;
mégistai timai : 126, 212; suprêmes : 129; inflation des : 228, inouïs : 4; posthumes : 261. hoplite(s) : 165. hospitium (convention d’) : 68. huile : 261 ; ordinaire et aromatisée : 247248.
Hydreion réservoir pour l’eau du Nil : 268. hypantèsis : cf. accueil. hypapantèsis : cf. accueil. hypogymnasiarque : Bargylia : 124; Pergame : 202.
graphie : 97, 101.
idéal (classique de la cité) : 206.
gymnase : 11-13, 15, 164-165, 231, 269; seconde agora : 4; sépulture au — : 20, 280, 207-223 (passim).
identité, identitaire : des cités 10; floue
97; politique et juridique d’une cité nouvelle 13, 28, 36; effort des cités
INDEX 190-191, 198 ; valeur des processions 187 ; hellénique 197 ; comportement : 205. idéologie, idéologique : 161, 191, 205206, 277, 282.
image : cf. représentation(s). immunité, immunitas : 53, 73, 281; optimo jure : 65, 70. impôts : 43, 45. inauguration (des séances de la boulè) : 133. indigène(s) : 14-15, 39-40, 42, 44-46; razzias : 181 ; communautés : 9. inférieurs (catégories d’) : 47-48. initiation, initiatique : 186. initiative (des décrets) : cf. proposition.
insécurité : 85. intégration : 47, 277. interethnique(s) (rapports) : 48. intervenants : 79-93 (passim), 277, 279. intitulé : 91, 123. Italiens : 53. itération: 132, 140, 230. jeunes : 189. Juge(s) étranger(s) : 219, Béotie : 105. juridiction : 52-53, 65. karugma : 174.
katadrome : 218-221. katalusis : 152.
katatassesthai (se voir assigner une place) : 122 n. 4. kathierösis : 202. katoikia, katoikountes : 10, 12-14, 36,
174. kleros, klèroi : 44-45,
koinè : 98, 111, 114, 118. koinon : cf. Confédération. kômè : 13, 16. kophinoi : 101-102.
krisis (participation à l’exercice de la justice) : 5.
ktistès, ktisis: 18-19, 37, 64, 213-214 (Aphrodisias, Cnide, Mytilène, Per-
game, Kymè); 223, 280; co-fondateurs : 278 ; deuteros : 220-221 ; Aphrodisias : 17-22; Jérusalem : 11.
305
Lampadarchie à Priène : 233. lex de repetundis (gracchienne, 123/2 av. J.-C.) : 53; Cornelia (85 av. J.-C.): 132; Fonteia : 65 n.48; Munatia Aemilia 65, 66, 69, 281; Pompeia :
69. liberté, libre : 59; cités : 54, 130, 214; Colophon : 149;
Maronée : 148;
Milet : 138. liste(s) : d’ambassadeurs : 159 ; de magis-
trats : 124; de prytanes, de bouleutes : 140-142; de statuts : 48. Litiges frontaliers : 232.
liturgie(s) : 54, 72-73, 128, 233, 239, 247-248, 280-281; liturgisation des magistratures : 252. loi(s) : 148, 192 ; sacrées : 123.
magistrats romains : 66.
magnificence : 227, 247, 280. mausolée : 211. mégaloméreia : cf. munificence. mégaloprépeia : cf. magnificence. mémoire : des origines : 15; monumentale : 40; publique : 158. mémorandum : 80, 248, 255. mercenaire(s) : 163-182 (passim). meris, merides (parties de la Macédoine) :
265, 272. métèque(s), métoikoi : 124, 127. métonomasie : 139. milice : 163. mise(s) en scène : 186, 191 : artificielles :
190. mnémon (Thessalonique) : 267. mobilisation : 165. modèle (civique) : 205, 277.
monnaies : Mallos : 27, Maronée : 161; Plaraseis ! Aphrodiseis : 18. monument(s) funéraires : 266. municipe(s) : 65, 69, 122. munificence : 227, 238, 242, 246-248,
253, 255-256, 280.
mystères d’Eleusis : 219. naos : 202.
navale (force) : cf. flotte.
306
CITOYENNETÉ
navarque{(s) : 52, 62, 65, 170 n. 16. negotiatores : 263, 268-269, 273. néoi : 124-125, 210-211, 219, 222, 237, 239. néope(s) : 124 ; Priène : 233-234, 252. nomothète(s) : 192 (Athènes).
notables : 3-6, 22, 26, 36, 51, 56, 63, 95, 127, 129, 133, 143, 220, 225-256 (passim), 257-273 (passim), 275, 278, 281. officiel (discours) : 255. oiketai : 241. oikistès : 20, 217, 220 et n. 53. oikonomos (Priene) : 233-234, 252-253.
oikos (lieu de festivités) : 240, 243.
oligarchie, oligarchique : 116, 159 n. 47. olympionique : 208. onomastique : grecque : 99, 102, 229230, 260, 264, 273; romaine : 57-58, 74, 258-259, 265 ; homonymie : 210.
optio fori : 53. orateurs : 279. ordo, ordre : 117, 122, 138, 140, 147148, 279.
ordre équestre (statue à Éphèse) : 185. orkos : cf. serment. paideia : cf. éducation. paides : 125, 203, 219, 222, 237. paléographie : cf. graphie. pandèmos (boulè) : 127. pantomime : 247. parapompè, parapempein : 219. parataxis : 174. parenté (entre peuples) : 17, 27-31, 84.
paroikoi, paroikountes : 39-49 (passim), 117, 127, 189 n. 8, 241, 248, 277. participation : 5-6, 95, 144, 275, 277; symbolique : 186. patrie, patriote, patriotique : 55, 66, 68, 70-71, 158, 281, défense de la : 165; glukutatè patris : 157; grands hommes de la : 223 ; renouveau à Athènes sous Lycurgue : 192-193.
ET PARTICIPATION
patron(s) : 75, 109. patrouille : cf. phylakes. pédonome(s) : Bargylia : 124; Pergame :
203: Priène : 222, 237. pérégrin(s) : 53, 66, 68. philanthröpia : 29-30. philokaisar :157. philosebastos : 157. philotimia : 155. Phrouroi de Priene : 236. phylakes : 181, 278; hamerinoi, nukteri-
noi et periodoi : 167-168, 181. phylarque(s) : 135-136. pillage(s) : 272. piraterie, pirate(s) : 35, 179-181.
polémarque(s) en Béotie : 108-110. Polis : culte de la, Antioche du Pyrame :
33; personnifiée, à Aphrodisias : 71. politarque(s) : 261, 263-264, 267. politeia : 12, 14, 16; citoyenneté : 5.
politeuma : 11, 13-14, 28, 43, 124, 141. polyandr(e)ion : Athènes : 220; Argos :
221. Populus Romanus
(statue à Éphèse) :
185. portrait : peint : 157; peint en pied : 259; sur bouclier doré : 261. praejudicium capitis : 65. présentation (d’un candidat au Conseil et
à l’Assemblée) : 153. prêt : 101, 208, 238. prix (concours) : 246-247. probole : 153. probouleuma : 136.
probouleumatique : décret : 113, 146; fonction : 279; formule béotienne :
97, 112-113, 117. probouleutique : cf. probouleumatique. procès : 104. procession(s) : 123-124, 185-206 (pas-
sim), 212, 240, 244, 261, 277. proédrie (Téos) : 83. proeisphora : 233. progonoi : cf. ancêtres.
INDEX prographè (rapport écrit) : 93. promagistrats : 66. promesse : 248, 280.
résolution (formule de) : 89,
prophète(s) (Didymes) : 209.
proposition, proposant(s) : 79, 80, 89, 107-111, 118, 135, 139, 237; gnöme comme « résolution » à Maronée : 147. propriété : droit de : 40; individuelle: 41 ; royale : 42; transfert de : 45. propylon : 268. prosodos (demande d'audience) : 93. prosopographie, prosopographique : 99, 102, 221, 229-230, 256.
prostates, prostatai : president:
123;
protecteur : 169. protêt : 104. prouocatio : 53. province(s):
Achaïe : 122;
307
Asie:
5,
17, 58, 122, 132, 149, 232; Bithynie-Pont : 122; Mésie : 176 n. 31; Thrace : 148; régime provincial : 160. proxénie, proxène(s) : 26-27, 75, 98-106,
108, 111-113. prytane(s) : 123-125; Pergame : 202. psèphisma : 192; boulès kai dèmou : 117; nomotheteten : 160. publicains : 232.
Pylôn (porte monumentale) : 270.
111-117,
119, 123, 139, 146, 150-151. révocation (décret de) : 153. révolte(s) : 46, 115, 172, 176-177. rhétorique : 1-2, 37, 154, 198, 204, 233,
241, 277; ampoulée : 201. rituel social : 186.
rogator : cf. proposition. Romains : 51-75 (passim), 248, 257-273 (passim), 276; conquête : 175, 275;
domination romaine : 6; influence institutionnelle : 115, 119, 130; « proposants » à Maronée : 147; Priène : 228-231. romanisation : 122-123, 135, 279. royauté (liens avec citoyenneté et gymnase) : 15 n. 18. rural, ruraux (sites) : 166. sacrifice, sim), 261. sanction 119,
sacrificiel : 128, 185-206 (pas212, 222, 239-240, 242-245, (formule de) : 89, 91, 111-117, 123, 139.
sarcophage(s) : 266.
sceau : public : 145, 160-161; privé: 150-151, 160. Sénat : 52, 54, 66, 130, 132-135,
155, 273; statue à Éphèse : 185.
152,
sénatus-consulte : de Aphrodisiensibus, quartier(s) d’hiver (obligation de loge-
ment) : 65, 176 n. 29, 177, 262. réception (solennelle) : 124. réforme(s) (imposées par les Romains) :
131.
serment : 147, 150, 152, 161 ; orkos apan-
region(s), régional : 5; variations : 275-
276. rempart(s) : 164-167, 170 n. 18, 174, 179, 195 n. 17, 262. repas (d'entrée en charge) : 239-240. représentation(s) : 123, sim).
39 av. J.-C. : 20; de Asclepiade, 78 av. J.-C. : 52-54; Thisbè et Coronée, 170 av. J.-C. : 115. sentiments : angoisse : 149; de la foule : 201-202; joie : 206.
185-206
(pas-
résistance (aux Romains) : 175 et n. 27.
tôn et orkos bouleutikos : 160. servile (mentalité) : 159.
sitèresion : 249-250. sol : mise à disposition du : 43 ; statut du : 40. soldat(s) : 163-182 (passim).
stade : 211. Standeszugehörigkeit : 69-70.
308
CITOYENNETÉ ET PARTICIPATION
stasis : 25. statue(s) : 157, 212, 253, 265; cultuelle : 125, 199, 202; honorifique : 126;
Éphèse : 185. stéphanéphore(s) : 124; Milet : 58-60, 208 ; Priène : 128, 225-256 (passim). stéréotype(s) : 159 n. 47. stratège(s) : 123; lagides : 11; Téos : 80,
timouque(s) de Téos : 80, 84-85.
tombes : souterraines : 266, 272: rupestres : 272. toponyme, toponymie : 13, 28. tradition(s), traditionnel(s) : cf. conservatisme.
traité : Apamée : 25; Cnidiens, 45 av. J.-C. : 57; paix de Dardanos, 85 av.
84-85 ; Bargylia, Pergame : 124-125,
J.-C. : 148 ; garantie d’un : 63; Plara-
Kymè : 127, 135-136; Mésambria :
seis/ Aphrodiseis + Kybira et Tabai : 16-17, 20; Rome + Maronée : 148.
168, 179, 181; de Mithridate : 169175, 182; Priène : 125, 222, 237. style (des inscriptions) : 1-2, 227, 277, changement
de : 204; développé:
196-198 ; fleuri : 148 ; succinct : 192. sujette (polis) : 10, 24. summa honoraria : 248. symbolon : 103. symmachos : 176 n. 32.
263: de la cité, Thessalonique : 267. tribu(s) : 14, 31, 65, 127, 140-142, 244, tribunaux : 52, 54, 65, 125. tribut(s), tributaire : 40, 43, 44-45.
syndikoi en Béotie : 110. synédrion : 110-111,
tresorier(s) : 124; du Conseil, Styberra :
265: statue à Éphèse : 185.
sympolitie : 9, 16, 19, 21, 43. synèdre(s),
travaux publics : 238; adduction d’eau : 265.
114-
117, 119, 131-132, 135-137, 139.
triérarchie à Priène : 233. trophée : 170 (triomphe sur les Scythes). tyrannoktonoi (Lygdamis) : 19.
synoecisme : 9, 43.
urne cinéraire : 266.
taphè dèmosia : cf. funérailles publiques.
vacatio militiae munerisque : 53. vaches pâturantes : 262. vente (prêtrise) : 196, 233. viande (distribution de) : 127, 192-193, 240, 242, 248, 280. village(s) : 40, 44; communautés villa-
taxes : 43, 54. temenos : 202. terre royale : 41, 44-45. territoire (poliade) : 17, 39-49 (passim); défense du : 164, 166 et n. 8, 168, 181, 278. terroir : 39-49 (passim).
théâtralisation (de la vie publique) : 190.
théâtre à Éphèse : 186. théorie(s), théore(s) : 219: Priène : 232. théorodoque (Thisbé) : 101, 103. timai : cf. honneurs. timètai : 135, 141-143, 279.
geoises : 12. visibilité (des notables) : 273. volontariat, volontaire(s) (défense) : 168. vote (secret en Assemblée) : 89.
voyage(s) : dangers du : 153-154 ; indemnités de : 250 ; à Rome : 155-156. xénoi : 241.
Table des matières Avant-propos, par Jean-Louis FERRARY ............ene
VII
Liste des abréviations ........ μος
VIII
Introduction, par Philippe GAUTHIER ..................Ὡτττ ὼς I. CONTOURS
DU CORPS
1
CIVIQUE
Devenir une cité. Poleis nouvelles et aspirations civiques en Asie
Mineure à la basse époque hellénistique, par Ivana SAVALLI ......... 9 À propos des πάροικοι dans les cités d’Asie Mineure, par Jean-Marie BERTRAND ρος
39
Les Grecs des cités et l’obtention de la ciuitas Romana,
par Jean-Louis FERRARY
....ϑνω μον μην ρρρμμμβρρρβρρορος 5]
II. INSTITUTIONS
CIVIQUES
Trois exemples méconnus d’intervenants dans des décrets de
la basse époque hellénistique, par Philippe GAUTHIER .................. 79 La procédure d’adoption des décrets en Béotie de la fin du ur 5. av. J.-C. au I“ s. apr. J.-C., par Christel MÜLLER ............ μμῶς
95
Le Conseil et la participation des citoyens : les mutations de
la basse époque hellénistique, par Patrice HAMON
..........
121
La politique des évergètes et la non-participation des citoyens. Le cas de Maronée sous l’Empereur Claude, par Michael WÖöRRLE
145
La défense des cités en mer Noire à la basse époque hellénistique, par Alexandre AVRAM
.....umnnnesesssesnnnnsssssssssssessnsennennnnsnssensssssseeennnnnnnnnnnsnesenntnn 163
310
CITOYENNETÉ
ET PARTICIPATION
III. DISTINCTIONS PLACE
SOCIALES
ET
DES NOTABLES
Processions et cérémonies d'accueil : une image de la cité de la basse époque hellénistique 7, par Andrzej S. CHANKOWSKI ... 185 Funérailles publiques et enterrement au gymnase à l’époque
hellénistique, par Édouard CHIRICAT ........aenn Dépenses publiques et évergétisme des citoyens dans l'exercice des charges publiques à Priène à la basse époque hellénistique, par Pierre FRÖHLICH
..............eensssennenmnnnssssnennnenssensenenssssenennunsnennennnnennn
Notables de Macédoine entre l’époque hellénistique et le Haut-Empire, par Michel SÈVE .........neeeenennee Conclusion générale, par Claude VIAL ρος INDEX Textes litt&raires .................eeennessseesennenenenanennensenne Inscriptions ........ueesseeneenessssseenennssssnennnannsssenennunssssssenennnennen Noms propres .......senensseennmnssssseenmunsssssennunansssessnnnssnerstennnenennen
Index géographique Index general ........ ρος