Ciceron, De la Divination. Tome I: Livre I [Bilingual ed.] 2251014942, 9782251014944

Le traité De la divination, rédigé en 44 avant J.-C., se présente comme un dialogue entre Cicéron et son frère Quintus.

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French, Latin Pages 352 [346] Year 2022

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Ciceron, De la Divination. Tome I: Livre I [Bilingual ed.]
 2251014942, 9782251014944

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COLLECTION

DES

UNIVERSITÉS

DE

FRANCE

publiée sous le patronage de [ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ

CICÉRON DE LA DIVINATION TOME 1 LIVRE I INTRODUCTION GÉNÉRALE

TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT

PAR

PAR

JEAN-MaRIE ANDRÉ

François GUILLAUMONT

Professeur émérite à la Sorbonne

Professeur honoraire à l'Université de Tours

COMMENTAIRE PAR

GERARD FREYBURGER Professeur émérite à l'Université de Strasbourg avec le concours de

ANNE-LAURE GALLON-SAUVAGE Agrégée de l'Université, Docteure en sciences de l'Antiquité

PARIS LES BELLES LETTRES 2022

Conformément aux statuts de l’Association Guillaume Budé, ce volume a été soumis à l'approbation de la commission technique, qui a chargé Mme Lucienne

Deschamps et M. John Scheid d'en faire la révision et d'en surveiller

la correction

en collaboration

avec MM.

Gérard

Freyburger et Frangois Guillaumont.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. © 2022. Société d'édition Les Belles Lettres 95 boulevard Raspail, 75006 Paris www.lesbelleslettres.com

ISBN : 978-2-251-01494-4 ISSN : 0184-7155

INTRODUCTION

LES PROBLÈMES DE DATATION

On s'interroge, depuis la fin du XIX* siècle!, sur les difficultés de la datation du dialogue, et sur les étapes précises de l'entreprise ; sur l'élaboration du projet, sur le travail de documentation ; sur les phases éventuelles de la rédaction ; sur l'étendue des corrections et rajouts ;

enfin sur les modalités de Ja publication et sur sa date conjecturale. La plupart des hypothéses de datation se situent par rapport à l'article justement célébre de R. Durand? (1903) : elles concernent à la fois l'élaboration et la publication. La publication fait intervenir des évidences, ou des vraisemblances, en général politiques, plus que l'élaboration, qui pouvait demeurer confidentielle (en raison du silence de la Correspondance). Les critères politiques, 1. S. Timpanaro, Marco Tullio Cicerone. Della divinazione, con testo a fronte, Garzanti, Milan, 1988, Introduzione, p. LXVI s.

2. Durand, La date du ‘De diuinatione', Mélanges Boissier, Paris, 1903, p. 173-183 ; discussion de la thèse chez Timpanaro, loc cit., et remarques sur la thése paradoxale de Boes, p. LXIX, note 72. On trouvera la synthèse chez F. Guillaumont, Le ‘De diuinatione' de Cicéron et les théories antiques de la divination, Coll. Latomus, 298, 2006, Annexe, p. 26 sq. 3. Voir la lettre Ad Att. VIL, 11, 3, de 49, évoquant l' Alexander d'Ennius. |

VIII

INTRODUCTION

pour la publication, concernent le degré de liberté et de tolérance intellectuelles du « totalitarisme » césarien. Les spéculations sur la prudence politique de Cicéron, liée aux rappels de la guerre civile et de la chute de la République, doivent s'effacer devant les repéres chronologiques intrinséques fournis par le dialogue, notamment dans les prooemia”, et devant les indications objectives, notamment le catalogue rétrospectif des œuvres philosophiques, dansle prologue du livre II, ainsi que les rares confidences, internes ou extérieures, sur la genése du projet, et surtout sur la transcription littéraire de l'entre-

tien historique entre Marcus et Quintus. Le repére chronologique des ides de mars étant unanimement admis, on rencontre certes des thèses extrémes?,

celles qui reportent une rédaction « bloquée » à la fin de l'année 44, ou proposent, à partir d'un noyau ancien, une reprise étalée dans le temps? ; or un tableau comparatif des diverses hypothèses ferait apparaitre un assez net consensus en faveur de la datation de R. Durand,

repensée et nuancée!°. R. Durand, suivi en grande partie par A.S. Pease!! et par R. Giomini, soutenait avec vraisemblance que 4. Guillaumont, op. cit., p. 29-30 : les conjectures tirées du dossier Deiotarus. Ce roi est tantót appelé Deiotarus, tantót Deiotaros dans cette introduction. 5. M. Ruch, Le prooemium philosophique chez Cicéron. Signification et portée pour la genése et l'esthétique du dialogue, Publications de la Faculté des lettres de Strasbourg, fasc. 136, 1958,

p. 84 et 175-177 : dialogue quasi achevé en mars 44. 6. Diu. 11,1 sq. 7. Sur l'historicité

de

l'entretien,

M.

Ruch,

Le

prooemium,

p. 295 : le nuper de 1, 5 reste vague ; id. Timpanaro, Della divinazione, p. LXXI (Tusculum). 8.

Guillaumont,

Le

‘De diuinatione', p. 26-32.

9. Ibid., p. 32. 10. Ibid. : la rédaction a pu commencer avant le début de janvier 44, en novembre ou décembre 45. 11. A.S. Pease, M. Tulli Ciceronis ‘De divinatione libri duo, Urbana, 1920, rééd. Darmstadt, 1963, Introduction, p. 13-15.

INTRODUCTION

le dialogue a été de mars, et qu'il partielles", surtout avant mai-juin 44 ; des

Lettres

IX

composé et rédigé avant les ides a subi ensuite diverses retouches dictées par la conjoncture nouvelle, l'article s'appuie sur les confidences

à Atticus,

pour

justifier

les

retouches

d'auteur" ; on y soutient aussi que la publication peut être datée entre les ides de mars et le 6 avril 44 — point délicat". A.S. Pease, dans une synthése éclectique sur la datation, systématise une méthode qui associe repéres

historiques et confidences littéraires". A.S. Pease est amené à dissocier la diachronie des œuvres philosophiques du second prooemium, qu'on s'accorde,

depuis

R.

Durand,

à considérer

comme

une postface'5, et les repères historiques". Il distingue les confidences personnelles relatives à la dictature, les allusions explicites à la mort de César, qui sont des rajouts, et le rappel des avatars politiques du roi

Deiotaros'*. Or cette dernière zone d'allusions est difficile à décrypter, en fonction de la biographie du roi, et des hardiesses « pompéiennes » licites sous la dictature ; cette spéculation entraîne évidemment des hypothèses diverses,

sur la diffusion et la « publication », voire

12. Il n’est pas évident que Diu. I, 27, solidaire de l’ensemble I, 1-118, soit un rajout : sa hardiesse est toute relative.

13. On est étonné de l’absence d’allusions à ce grand projet, dans une période où les lettres adressées à Atticus sont nombreuses. 14. Atticus est l'éditeur de Cicéron, pour la quasi-totalité de son ‘corpus’ philosophique, cf. J. Carcopino, Les secrets de la correspondance de Cicéron, Paris, 1957, t. IL, p. 326-328 : aucune trace d'une édition de notre dialogue. 15. Cité supra. 16. Durand, La date du 'De diuinatione', p. 173, note 7. Timpanaro,

Della divinazione,

p. LXXIII-LXXIV :

Cicéron

a-t-il

publié lui-même, et de son vivant, le dialogue 7 17. Op. cit., p. 173. 18. Y] n'est pas établi (cf. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, p. 13, note 36) que le livre ait été écrit aprés les ides de mars. La majorité des auteurs, comme P. Grimal, Cicéron, Paris, 1986, p. 367 sq., situent la composition avant, avec des retouches ultérieures.

X

INTRODUCTION

sur la « présentation » des passages

litigieux dans

une première rédaction". Le catalogue des œuvres énumérées par le second prologue a été souvent scruté. Cicéron vise moins à l'exhaustivité qu'au souci d'établir a posteriori la continuité d'un grand dessein, et d'y insérer le De

diuinatione?, Toutes les autres étapes de l'entreprise philosophique sont éclairées par la Correspondance, qui révéle parfois une documentation commune à

plusieurs dialogues?', mise en réserve - ce qui n'est pas sans créer des malentendus ; tel est le cas du De fato”?, que tous les auteurs, sauf De Bruwaene, consi-

dérent comme postérieur à notre dialogue ; le témoignage irrécusable du second prologue ne saurait être infirmé par l'hypothése d'une curiosité intellectuelle antérieure (Fam. IX, 4). Dans le catalogue, l'omission du De legibus? peut à bon droit surprendre : n'est-1l pas le corollaire d'un De republica que la résurgence des espérances républicaines entourait,

en son temps, d'illusions rétrospectives? ? L'ordre 19. Ruch, Le prooerium, diuinatione', p. 174. 20.

p. 170 sq. Durand,

La date du ‘De

Pour la « postériorité », voir Pease, ‘De diuinatione' libri duo,

p. 14, notes 45 et 46. 21.

Ruch, Le prooemium, p. 105-181 sq., pass., souligne la profu-

sion d'allusions épistolaires concernant les œuvres philosophiques. Id. Guillaumont,

Le 'De diuinatione', Annexe, p. 31.

22. Timpanaro, Della divinazione, p. LXVI sq.; Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron (Recueil de travaux publiés par les membres des Conférences d'Histoire et de Philologie de l'Université de Louvain), 2* série, 42* fasc.,

1937, p. 193-194.

23. La lettre citée prouve que Cicéron s'intéresse dés au probléme métaphysique de la divination (référence à Chrysippe, associés). Cette curiosité, constante dans le deorum, ne prouve rien pour la datation, pas plus que le ment avec De fato,

l'année 46 Diodore et De natura rapproche-

13, qui associe les deux « sources ».

24. Ce dialogue étudie la divination sous son aspect socio-politique (IL 32-33), et, aprés l'éloge de l'augurat par Quintus, on conclut à son existence historique — sur la base de la « théologie civile ».

INTRODUCTION

XI

suivi par le catalogue justifierait la méme remarque. La

mention

du

De

senectute,

déclaré

interiectus

etiam nuper? (sans doute en mai 44), ne peut que conforter, en raison des nombreuses péripéties et pérégrinations de Cicéron, d'avril à mai, l'idée qu'il

restait peu de place, dans son emploi du temps”, pour une refonte totale du De diuinatione. Ce qui retiendra surtout

notre

attention,

c'est le relief donné,

dans

une entreprise inspirée par le patriotisme culturel, à

la somme théologique? : aux trois livres du De natura deorum, dont l'argumentation restait lacunaire sans le complément sur la divination, et sans l'appendice

projeté du De fato*. La question demeure posée, de savoir si la continuité du grand dessein, soulignée dés le prologue narratif du livre I, impliquait, à la fin du livre II du De natura deorum, la conscience d'une lacune, ou si la constatation est rétrospective?

L'important est que la volonté d'insérer la méditation théologique dans une encyclopédie religieuse

a mûri depuis

la période

L'anticipation de Quintus,

d'aoüt-novembre

45?.

dans le livre I (127) ne

25. Sur le réve tenace d'otium cum dignitate, voir notre Otium... (1966), p. 295 sq. (les avatars de l'idéal du Pro Sestio). 26. Diu. II, 3. 27.

Durand,

La date du 'De diuinatione', p. 176-180.

Pease,

'De

diuinatione' libri duo, p. 14. 28.

Théme

récurrent

de

la

pensée

cicéronienne,

cf.

notre

Philosophie à Rome, p. 59 sq. Il est absent du premier prooemium, mais repris dans le second (II, 5-6). 29. IL, 3 sq. : ..de fato si adiunxerimus, erit abunde satis factum toti huic quaestioni... 30. Le passage de ND II, 163-166 constitue une sorte de breuiarium de diuinatione, énumérant tous les types de documents prophétiques, évaluant leur valeur « politique » et historique, et recensant les justifications du Portique (philanthropie ; déterminisme universel des uniuersa et inter se coniuncta). La lettre XIII, 8 à Atticus, de mai 45, demandait communication du Peri pronoias de Panétius.

XII

INTRODUCTION

s'imposait pas, à moins qu'il ne s'agisse d'un renvoi

interne surajouté*'. Parmi les repéres historiques intrinséques, on distinguera les zones de texte objectivement datables, avant et aprés les ides de mars, et les allusions historiques d'interprétation conjecturale. Les confessions personnelles de Cicéron sont antérieures aux ides de mars, quand elles expriment

- au présent — la désillusion du malum otium? et de la negotii inopia, conséquence de l'unius potestas : ainsi dans I, 11 et II, 142, qui prouveraient une première rédaction « haute » ; même certitude pour la remarque

de I, 92, sur l'apogée du Sénat et de la République”. En revanche, l'opposition, décelée par A.S. Pease, entre le « rationalisme de César » et la « superstition

de Pompée » n'est pas trés probante" : elle n'est pas trés polémique, et elle impliquerait une double supposition, une publicité du texte et une complaisance à l'égard du

dictateur, sensible par ailleurs?. Les strates postérieures au « tyrannicide » sont pour l'essentiel localisées dans le second prooemium (II, 4-7). Cicéron y rappelle, au passé, les méfaits de l'unius potestas, les « malheurs de la république », la disponibilité intellectuelle soumise 31. Diu. 1, 127: ..cum fato omnia fiant, id quod alio loco ostendetur... conligationem causarum omnium. 32. Motif récurrent de l'otium calamitosum (L'Otium..., p. 321 sq.). 33. Cette idée d'un apogée « florissant » de la République est récurrente dans la pensée politique de l'auteur, et il renforce d'un regret élégiaque l'argumentation du Pro Sestio. 34.

Diu.

11,

52-53

: l'intention

politique

est manifeste,

mais

elle illustre le conflit entre le rationalisme cicéronien et l'anticésarisme rétrospectif. Mais est-ce à dire, comme le croit Durand, que « Ie paralléle, favorable à César, entre le rationalisme de celui-ci et la crédulité superstitieuse de Pompée » (Guillaumont, Le 'De diuinatione, p. 27) ait été forcément rédigé avant les ides de mars ? 35. Cela pose le probléme général de l'attitude « évolutive » de Cicéron

à l'égard du dictateur : Carcopino,

Les secrets, XE, p. 9 sq.

St. Borzsak, « Cicero und Caesar », Ciceroniana, K. Kumaniecki, Leyde, 1975, p. 22 sq.

Hommages

à

INTRODUCTION

XIII

aux fluctuations politiques et aux imprévus du sort ; dans

le méme

contexte,

il mentionne

la résurgence

des táches politiques — un róle de consultation qui

semble réaliser le rêve ancien d'otium cum dignitates ; l'aveu de IL, 7 (... haec studia renouare coepimus...), qui se situe dans un prooemium postérieur aux ides de mars, évoque un passé révolu, mais prolongé dans la grande

entreprise intellectuelle". En

adoptant

une

hypothése

plausible,

qui

situe

la composition des deux livres, sauf le second prologue, avant la mort de César, on observera que l'interitus

Caesaris n'est mentionné qu'une fois dans le livre I*, et il est frappant que les autres mentions figurent dans le livre II : elles concernent l'impuissance du dictateur à prévoir les trahisons fatales et la mort (II, 23), et les vaines prédictions des Chaldéens, à Pompée, à

Crassus, à César (II, 99). La « royauté » du dictateur

est au passé dans deux autres allusions”. Les repères fournis par les tribulations de Deiotaros susciteront un examen plus critique, parce que les indications du texte sont trop tributaires d’une

argumentation contradictoire“. En effet, cette péripétie de la guerre civile inspire une narration exhaustive dans 36. L'amertume politique est atténuée, dans le contexte du second prologue (II, 6-7), à la fois par la bonne conscience civique, et par la consolation platonicienne sur les naturales conuersiones rerum publicarum. 37. L'Otium..., p. 295 sq. 38. André, La philosophie.., p. 62. Or cette «conversion » contredit, dans le contexte, l'espoir tenace d'un retour de la popularité. 39. Diu. I, 119 : si les hypothèses dominantes sont exactes, il s'agit d'une retouche. Cf. IL, [00 et 112 : ... quem re uera regem... ut quiduis potius ex illis libris (fatalibus) quam regem proferant, quem Romae posthac ne di nec homines esse patientur (avertissement au parti césarien). Jd. Ad fam. XI, 21, 8 (en août 44 : la « royauté » de César apparait comme l'antiphrase absolue de la /ibertas patriae). 40. Timpanaro, Della divinazione, p. LXVIII-LXIX. Voir l'argumentation décisive de Guillaumont, Le 'De diuinatione', p. 29.

XIV

INTRODUCTION

I, 27, et un résumé dans IL, 20, ainsi qu'une exploita-

tion polémique ultérieure, dans II, 78. Le traitement multiple de l'anecdote exige une analyse approfondie. Le tétrarque de Galatie, pompéien réconcilié avec César aprés Pharsale, était devenu le potentat de l'Orient romain*'. Le rappel de son fidéisme divinatoire, qui le rapproche de Pompée et de plusieurs Pompéiens, ne se justifie guére, pour Cicéron, par le souci d'établir une opposition avec le « rationalisme »*? de César, mais par les exigences dialectiques du scepticisme acadé-

mique?. Le présent gerit indique que Deiotaros est vivant, à la date οὐ Cicéron écrit le passage (I, 26-27) : il a rallié ensuite le camp des triumvirs^. Mais comment affirmer que sa déposition de la tétrarchie, acte de César, ne pouvait guère être mentionnée qu'aprés la mort de César ? Comment soutenir, que méme dans un texte « publié », ou diffusé sous le manteau, Cicéron ne

pouvait se permettre d'évoquer là vengeance politique (...tetrarchia et regno pecuniaque multatus est...) ? Cette sanction n'est explicitée qu'une fois dans les trois

mentions”, et cela pourrait passer pour une prudence, si les deux textes n'impliquaient une exégèse trés politique : senatus enim auctoritatem et populi Romani libertatem atque imperii dignitatem suis armis esse defensam... 41. Auxiliaire des généraux romains, Sylla, Murena, Lucullus et Pompée, dans la longue guerre de Mithridate, Deiotaros a été promu « tétrarque » par Pompée, en -63, avec un royaume délimité par la région

du Pont,

d'Amisos

à la Colchide,

avec les villes de

Pharnakeia et Trapézonte. Sur ses « revirements », Timpanaro, Della divinazione, p. LXVIII, note 71. 42. 1L 52-53 : l'appréciation est peut-étre forcée (Pease, 'De diuinatione" libri duo, p. 14), non en soi, mais dans le contexte précis, car divers épisodes de la vie de César prouvent le refus du « fatalisme » du Sort et le choix de l'énergie victorieuse. 43. Les « exemples » anecdotiques (Prusias ; César) illustrent l'échec statistique des praedicta. 44. II avait d'abord soutenu les « Libérateurs ». 45. Diu. I, 27, II, 20 et 76-79.

INTRODUCTION

XV

(1, 27) ...fidem secutus amicitiamque populi Romani... quod populi Romani libertatem defendere pararet (IL, 78). Il convient d'apprécier la hardiesse et le caractére « impolitique » de ces allusions par comparaison avec

le plaidoyer de 46 (Pro rege Deiotaro)'5; le discours semble doser critique modérée et flatterie, et atténuer l'idée d'injustice — avant la sanction finale, il est vrai. Les allusions du De diuinatione sont marquées au coin par la « liberté » républicaine ; l'idéologie cicéronienne classique, celle du Pro Sestio, ressurgit, dans l'éloge de la senatus auctoritas, de la populi Romani libertas, de l'imperi dignitas". Toute supposition est permise : que la premiére version des deux livres comportait la justification politique du tétrarque déchu, et que

le philosophe confiait

à un manuscrit « ésotérique »^*

la rancœur de l'avocat, brimé dans son système de défense : dans ce cas, la censure de l’injuste déposition et l'apologie politique étaient possibles, en pleine dictature ; l’éloge appuyé de II, 26 (...clarissumum atque optimum uirum...)? ne prouve rien, car il n'est pas plus appuyé que dans le plaidoyer public. On peut aussi supposer que, craignant les indiscrétions et le zèle des agents césariens?, Cicéron a différé, avant les ides

46. Ce plaidoyer embarrassé a été prononcé, non au forum, mais dans la maison

du dictateur, cf. Reg.

Deiot.

II, 5.

47. Sur ces valeurs républicaines fondamentales, voir le Pro Sestio, 98-99 : le théme est récurrent dans les Philippiques. Voir J. Hellegouarc'h, Le vocabulaire des relations et des partis politiques, Paris, 1960, chap. III-IV. 48. Discussion des hypothéses chez Durand et Timpanaro (p. LXVIIT. 49. Reg. Deiot. 16 : ... ingenium...prudentia... fides... religio uitae... probitas...

integritas... grauitas...

uirtus.

50. Sur le «totalitarisme » césarien, qui semble contredire la légendaire clementia de la propagande (M. Rambaud, L'art de la déformation historique dans les Commentaires de César, Paris, 1966), voir Carcopino, Histoire Romaine, II, César, Paris, 1950, p. 977-978 (la liberté de publication limitée de Cicéron).

XVI

INTRODUCTION

de mars, toute allusion à cet épisode de la guerre civile. Mais, compte tenu de l'importance supposée des retouches et rajouts, il serait peut-être plus judicieux de penser que seul l'exemplum pietatis? était traité dans une premiére version, et que la censure de l'injuste spoliation et la profession de foi « républicaine » ont été ajoutées à la première rédaction, avec peut-être valeur

d'exhortation pour les « Libérateurs »?, Reléverait de la méme interprétation, comme durcissement d'une premiére rédaction, le sarcasme décoché à Mithridate

de Pergame, fort loué dans le Bellum Alexandrinum, mais qualifié ici d'adsecula. Il serait plus facile, semble-t-il, le probléme

de

reprendre

de la citation du Brutus accien,

dans

I,

43-45, qui a alimenté la contestation, en influengant la datation?. A.S. Pease a opté, non pour une citation

de caractère prophétique antérieure au tyrannicide”, liant l'acte du « libérateur » à l'épopée

du Junius

Brutus légendaire et à l'expulsion du tyran Tarquin6, mais pour une addition ultérieure : il s'agirait du projet de Brutus de donner la tragédie, en récupérant politiquement la légende, lors de ses jeux prétoriens du

6 juillet 44?' ; le projet a été rendu caduc, en tout cas, 5]. Méme idéalisme politique dans I, 27 (peut-étre un rajout ?) et II, 78. 52.

On

notera

le scepticisme

de Timpanaro,

Della divinazione,

p. LXIX, note 72 (à propos du Brutus d' Accius). Sur les convulsions politiques de l'« année des dupes », et les mécomptes de Cicéron, André, Le siécle d'Auguste, Paris, 1974, p. 12-15. Id. Carcopino, Les secrets, p. 394-399. 53. Diu. II, 79 : cf. Bell. Alex. LXVIII, 1 (rappel de Phil. II, 94). 54. Voir supra : la critique de la thése de J. Boes. 55. Pease, 'De diuinatione' libri duo, p. 169-170 et note 5. 56. Timpanaro, Della divinazione, p. LXIX : les intentions de Brutus pour ses jeux prétoriens. 57. L'exemplum civique et politique de Junius Brutus est fréquent Chez Cicéron, voir M. Rambaud, Cicéron et l'histoire romaine, Paris, 1955, p. 28.

INTRODUCTION

XVII

par la fuite des Libérateurs en Orient? Cette version parait plus probable qu'une annonce cryptée des ides de mars, supposant la participation au « complot ». Or il n'est pas exclu, comme le pense S. Timpanaro, réfutant les extrapolations hasardeuses, que Cicéron ait repris, avec une nuance fatidique, le théme classique dela « révolution de 509 », avec le simple pressenti-

ment de la « chute de César »?. De toute maniére, méme s'il y a un omen ex euentu, dans la citation accienne, cela ne remet pas en cause le consensus sur une datation haute. Les probabilités qui se dégagent d'un examen critique des textes peuvent trouver une confirmation dans une autre série de vraisemblances, parfois sous-estimées, tirées de la Correspondance de Cicéron. En effet, si elle apporte peu d'éléments sur l'élaboration proprement dite du dialogue, elle nous renseigne sur le fonds commun de documentation, et surtout, elle suggére certaines impossibilités et certaines possibilités de travail suivi, dans la période

avril-juin 4499. Une documentation et des « notes » sur Posidonius ont dü étre constituées depuis le De natura deorum, achevé en août 455). Depuis 46, Cicéron dispose d'un

58. Dans cette période mouvementée de sa vie, Cicéron dispose de plus de documentation

accumulée,

notamment

dans

ses villas,

que de temps, et de sérénité. Voir infra, Sources. 59. Timpanaro, Della divinazione, p. XVII sq. Ruch, Le prooemium, p. 169 sq. 60. De fato, 12-17 : Diodore, dit ‘Chronos’, est un dialecticien de l'école mégarique (Diogéne-Laérce, II, 111 et 115), mais il ne semble pas figurer dans la documentation du De natura deorum et du De diuinatione. 61. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 213. Toute l'activité « littéraire » de Cicéron, de février à septembre 45, est retracée minutieusement, sur la base de la Correspondance, cf. Lettres, t. VIII, CUF, Annexe II, p. 301-328.

XVIII

INTRODUCTION

dossier sur Diodore et la problématique de la « nécessité » (Fam.

IX, 4) ; la lettre XIII,

27 mai 45, réclamait

l'Epitome

8 à Atticus,

du

Bruti Caelianorum

et le Peri pronoias de Panétius à l'ami et éditeur? : on sait ce que cette documentation a apporté au dialogue de 45 et à notre De diuinatione?. L'existence de ce fonds de lectures et de notes, dans lequel se

détache Posidonius, est de nature à simplifier et à accélérer le travail de rédaction déjà préparé, mais encore faut-il que la disponibilité et la sédentarité le favorisent. C'est là que le témoignage des Lettres se révèle capital. Quel que soit le décalage entre l’entretien réel de Tusculum, à la fin 45, et le début de la rédaction, Cicéron semble avoir été à Rome lors des ides de mars‘, et, aprés ce premier trimestre, ses allées et venues entre la Capitale et les résidences campaniennes rendent difficile un travail suivi, d'avril à juin 44. Mais il subsiste des plages de loisir fécond et de recueillement intellectuel, par exemple la premiére quinzaine

de mai,

à Astura

: les lettres XII,

38, 39,

40 et 44 (à Atticus) attestent une activité d'écriture 62.

Infra, Sources. Cela contredit l'appréciation de W. Sander,

Quaestiones de Ciceronis libris quos scripsit De diuinatione, Diss. Góttingen, 1908, sur une « improvisation rapide et bâclée ». 63. Pease, 'De diuinatione' libri duo, p. 20 sq. 64. Il s'agit d'une rédaction antérieure à la seconde quinzaine de juin 44 — la thèse de Boes n'étant pas plausible (À propos du De diuinatione : ironie de Cicéron sur le nomen

et l'omen de Brutus,

REL, 59, 1981, p. 164-176). 65. Ad fam. VI, 15 (à Basilus : seule attestation de la consultation directe), cf. Carcopino, Les secrets, I], p. 37 sq. ; la lettre semblerait

prouver que Cicéron ne se montre pas volontiers en public aux ides de mars. 66. La lettre XII, 38, 1 (à Atticus), écrite à Astura aux nones de mai 45, montre une activité de rédaction intense, mais non précisée, qui ne concerne pas notre dialogue. 67.

Carcopino, Les secrets, II, p. 31-32. Grimal,

Cicéron, p. 375,

estime qu'il a vu, dans la Curie, le corps du « tyran » assassiné.

INTRODUCTION

XIX

intense, tout comme une autre lettre « familière »9? ; cette correspondance révèle aussi l'achévement de duo

magna suntagmata, qui font probléme : s'agirait-il de dissertations, comme le De gloria et le De uirtutibus o ?

Si le séjour au Puteolanum, de la mi-avril au 15 mai"! a été forcément interrompu par la retraite d'Astura, il a été grevé d'obligations de caractére politique, liées aux angoisses et inquiétudes de l'aprés-César; ainsi les leçons de rhétorique dispensées à Hirtius et Pansa. Soucieux d'évaluer la force des diverses factions

césariennes, violentes ou opportunistes", Cicéron se montre trés conscient des périls qui le guettent, entre

le «tyran mort»

et la «tyrannie vivante »^, et il

compose de longues lettres politiques trés méditées. Or toute une section des Lettres à Atticus a dû lui coüter beaucoup de temps. De toute maniére, avant la mi-avril — repère imprécis -, il faut prendre en compte les déplacements incessants de Cicéron, entre le 7 et le 21 avril? ; il évolue entre le suburbanum de Matius, Tusculum, Lanuvium, Astura, Fundi, Formies,

Sinuessa.. 68.

avant

le séjour

relativement

Sur ces lettres, et le séjour fécond

stable

littérairement

en

d'Astura,

Lettres, CUF, t. VIII, Appendice II, p. 305-308. 69. Ad fam. V, 15. 70. Hypothése formulée pour éclairer les duo magna suntagmata de la lettre XII, 44, 4 à Atticus (d'avril 45). 71. Les lettres du livre XIV Ad Atticum éclairent, à partir de XIV, 9, un séjour dans les résidences de Campanie, le Puteolanum, le Cumanum, le Pompeianum (avec un bref passage à Rome) ; toute cette section souligne le souci de « suivre » la conjoncture politique de la Capitale. 72. Ad Att. XIV, 11,2 ; 121, 2 et 22, 2. Cicéron scrute notamment les dispositions d'Hirtius, son disciple en rhétorique. 73. Ad Att. XIV, 9, 2. Cf. Carcopino, Les secrets, Il, p. 33-35 (les nouvelles menaces de tyrannie) ; cette lettre révèle une lecture (?) de Chrysippe, mais s'agit-il de divination? 74. Ad Att. XIV, 1à 20; XV, 1à 4. 75. Sur ces errances, dont témoigne la section précitée des Lettres, à partir de XIV, 7, voir Carcopino, Les secrets, I, p. 416-417.

XX

INTRODUCTION

Campanie (Pouzzoles et Cumes)". Encore ce séjour stable est-il amputé, si l'on scrute le loisir possible et créateur,

d'un

bref séjour à Naples,

oü il rencontre

Octave", et de la durée d'une petite croisière, le 1° mai

(elle suit un séjour d'une semaine à Pouzzoles^, du 23 au 30 avril) ; de plus, du 3 au 9 mai, un séjour à Pompéi est en grande partie absorbé par la rédaction de longues

lettres politiques”, parfois perdues. Même le retour au Puteolanum, le 11 mai, ne se prolonge pas au-delà du 17 mai, encore faut-il défalquer la visite à Vestorius?. Dés le 17 mai, avec le retour à Rome, les étapes se succédent, comme entre le 7 et le 2] avril. On relévera

pourtant un séjour de plus d'une semaine à Tusculum, entre le 27 mai et le 5 juin, aprés un assez bref passage

à Arpinum®!, On admettra que ces brefs séjours, dans des villas pourvues de bibliothéques, ont pu constituer des pauses studieuses. Cette chronique des déplacements et villégiatures de Cicéron nous améne à penser que, hormis la période qui va du début mai à la seconde quinzaine de juin, l'auteur réunit rarement les deux conditions indispensables à 76.

Sur les villas de Campanie,

outre Carcopino,

Les secrets, I,

p. 83-85, on consultera D'Arms, Romans on the Bay of Naples. A social and cultural study of the villas and their owners from 150 BC to AD

400, Cambridge-Massachusetts,

1970 (catalogue), pass. ; id.

dans Campi Flegrei... (1977), "Proprietari e ville", p. 347 sq. 77. Ad Att. XIV, 10 à 12. 78. Ad Att. XIV, 16, 1: évocation du Lucrin, des Puteolana et Cumana regna. 79. Ad Att. XIV, 17 et Ad fam. IX, 14 (autour des nones de mai 44). 80. Ad Att. XIV, 12, 3. Un détail (...homo in arithmeticis satis exercitatum), prouverait, à cóté des soucis fonciers de cette période, des tractations financières ; or la méme lettre pose le probléme du profit réel des ides de mars -- le crime inutile selon Carcopino -, et Cicéron s'interroge sur la valeur des attentions amicales d'Octave ! Voir notre Siècle d' Auguste, p. 10 sq. 81.

Ad Att.

XV,

3 et 4 : Cicéron y

revient sur l'« assassinat du

tyran » et les suites décevantes des ides de mars.

INTRODUCTION

un

travail suivi, même

de refonte,

XXI

le loisir serein

et

les bibliothéques?, l'ombre reposante de l'Académie et du Lycée qu'exalte le fragment

du De consulatu

cité par le dialogue?. Si l'on exclut les six jours du Puteolanum, d'une fécondité intellectuelle conjecturale, ce sont les séjours d'Astura et de Tusculum, en mai-juin qui rendent la plus probante une datation « haute ». LE PERSONNAGE DE QUINTUS CICÉRON Si l'on fait provisoirement abstraction de la base historique du dialogue (au début de 44) et des procédés de mise en scéne, la personnalité de Quintus appelle

une mise au point?. Le frére de Cicéron, à qui le dialogue ne pouvait guére étre dédié, était invoqué au début du De oratore ; il jouait un róle comme interlocuteur dans les trois livres du De legibus, à cóté d'Atticus et de Marcus ; on le rencontrait aussi dans le livre V du De finibus, où il fait une intervention (V, 96). Dans les dialogues antérieurs, il est crédité de sympathies platoniciennes ou péripatéticiennes?. Ses curiosités philosophiques étaient-elles aussi profondes que Cicéron tend à 82. Le bilan de Carcopino (Secrets..., I, p. 115) ne dit rien de la bibliothéque du Puteolanum. 83. Diu. 1, 21-22. 84. Voir Pease, ‘De diuinatione' libri duo, Introduction, p. 17. La notice sur Quintus, dans P-W, (Kleine Pauly, 5, 1979, col. 999-1001) montre ses goûts littéraires et ses préférences philosophiques. La poésie évocatrice des hauts lieux d'Attique, comme le déme de Colone, dans Fin. V, 3, lui rappelle plutót Sophocle que les grands philosophes. Sa Correspondance avec Marcus, entre 60 et 54 av. J.-C, peu éclairante, révèle un commerce d'allusions littéraires (Epicharme ; Homère). Une lettre (4d Qu. fr III, 5, 7) nous apprend qu'il avait composé quatre tragédies, une Électre et un sujet « troyen ». 85. Notre dialogue recéle (II, 100) une profession de foi péripatéticienne — avec référence à Dicéarque et Cratippe — et une censure de la « superstition » stoicienne! Le De fin. V, 96 indique la méme

XXII

INTRODUCTION

le faire croire ? Il admet, dans le livre V du De finibus, que ses goûts le portaient plutôt vers les Muses'6 — ce qu'accréditerait le livre I de notre dialogue. Bücheler

a édité ses fragments poétiques”. On ne sera donc pas étonné de le voir, dans son exposé du livre I,

privilégier les citations poétiques" : elles enrichissent le consensus doxographique favorable à la divination ; on ne suspectera pas totalement de duperie littéraire les références de Quintus à l’œuvre poétique de Marcus,

les citations du Marius,

du De consulatu

ou du De temporibus meis, ou encore des Aratea? en traduction versifiée. La Correspondance, depuis l'année 60, révéle chez Cicéron un culte des Muses qui se confond avec la fierté

que lui inspirent ses épopées”. Or, dans les années 55-54, Cicéron, qui cherche chez Calliope et chez Uranie des consolations à ses déboires politiques, s'inquiéte auprés de Quintus, légat et familier de César, du jugement porté par l’imperator sur ses essais poétiques ; il semble tenir Quintus, dans plusieurs lettres, pour

un amateur éclairé?! préférence doctrinale de Quintus. Quintus est réputé présent, mais muet, dans le De republica, et il est absent du De natura deorum comme

du

De fato. 86. Les confidences sur le culte des Muses se trouvent dans les Lettres à Atticus, YI, 4 et 5, mais jamais dans la correspondance avec Quintus. 87. Ses fragments poétiques ont été publiés par Bücheler, Q. Ciceronis reliquiae, 1869. Cf. Schanz-Hosius, I, p. 409-410. 88. Voir infra l'étude des citations poétiques de I, 13-15, I, 17, I, 40, I, 43, I, 52, I, 66. Il cite Homére, Ennius, Accius, Pacuvius — notamment l' Alexandre d'Ennius, dont les Topiques, 97, soulignent

la signification morale (moratum). Dès le De leg. I, 2, Quintus citait le Marius. Du point de vue esthétique, Quintus, dans I, 42, défend la valeur psychologique des fictions poétiques. 89. Infra, Culture libérale. 90. Ad Att. II, 3, 4 et 5; Ad fam. I, 9, 23 et XVI, 10, 2. 91.

Pease,

LXXXV.

‘De diuinatione' libri duo, Introduction,

Ad Qu.fr. IL, 7, 13 et 15.

p. LXXXIV-

INTRODUCTION

XXIII

Dans le domaine des convictions doctrinales, Quintus semble partager avec Cicéron un « platonisme » large et éclectique, celui du Pro Murena : il justifie une action

politique inspirée à la fois par l'idéal et le « réalisme »? — méme si l’Arpinate a pris ses distances à l'égard de l'utopie platonicienne. Il n'est pas sûr que les connaissances doctrinales de Quintus se soient enrichies autant

que celles de son frére, mais faire de lui le défenseur de la « citadelle stoicienne », le porte-parole convaincu du Portique, procéde d'une stylisation littéraire et d'un souci dialectique. Le dialogue lui-m&me recéle plusieurs

démentis”. LES

IMPLICATIONS

POLITIQUES

DU

DIALOGUE

Les incises politiques ont été exploitées pour la datation, avec leurs zones de lumière et leurs zones d'ombre : l'enthousiasme républicain suscité par les ides de mars n'étant pas contestable, les protestations contre

la « monarchie » peuvent tout une opposition confidentielle propagande républicaine plaquée serait ainsi pour l’« exemple » du exploitation : le rajout cicéronien,

aussi bien traduire au dictateur qu'une ultérieurement. Il en roi Deiotaros, et son dans I, 27, permet de

lui attribuer, avant ou aprés le tyrannicide, un système

républicain proche de la construction idéologique du 92. La critique célébre du Pro Murena, 63, prélude aux importantes réserves « doctrinales » de Fin. IV, 4 sq. (paralléle entre la rigueur du Portique et la richesse humaine du Peripatos). Ce n'est pas l'effet du hasard si la célébre lettre sur le gouvernement de l'Asie (4d Qu. fr. I, 1, de 59) fait référence ($ 29) à Platon et à l'idéal du politique-philosophe. 93. Timpanaro, Della divinazione, Introduction, p. LXXXIII sq. La lettre III, 5 (δ 1-2) à Quintus, en 54, évoquant la genése du De republica, montre l'importance des Politica d' Aristote, aux yeux des deux fréres.

XXIV

INTRODUCTION

Pro Sestio?', et Cicéron simplifie ensuite (IL, 78) cette idéologie, en y ajoutant toutefois une note civique, et en accentuant la critique de césarien. Un des problèmes que pose l’œuvre — le probléme se posait à Cicéron lui-même

d'héroisme l'arbitraire parce que - est que

les convictions doctrinales, en matiére de divination,

ne correspondaient guère aux clivages politiques”. Or l'orateur appréciait cette convergence idéale, qui lui permettait, à une exception prés, celle de Cassius, de dénoncer dans la doctrine épicurienne une théologie

négative et une idéologie antirépublicaine”. Dans le cas de Nigidius Figulus, de Caecina, d'Appius Claudius

Pulcher, auquel on joindra le pieux Deiotaros",, l'amalgame est impossible. Cicéron, en 46-45, a eu parmi ses correspondants le néo-pythagoricien Nigidius Figulus, considéré par le parti césarien comme un thaumaturge subversif, ainsi qu'A. Caecina, héritier d'une longue tradition étrusque : avant le De diuinatione, l'auteur ne traitait 94. La mainmise césarienne sur l'État est censurée, aprés ND I, 7, par trois allusions (II, 6, 110 et 113). L'apologie pour Deiotaros reprend les valeurs politiques fondamentales du Pro Sestio, axées sur l'ordre et la paix civile, voir notre Otium..., p. 295 sq. Dans Diu. I, 27, on loue ... senatus auctoritatem et populi Romani libertatem atque imperi dignitatem... 95.

La plupart

des Césariens,

comme

Pison

Caesoninus,

sont

d'orientation épicurienne, tout comme le « tyrannicide » Cassius, dont le cas préoccupe Cicéron, cf. L'Otium..., p. 250 sq. L'opposition des Épicuriens au principe méme de la divination est censurée par Quintus, ou par Cicéron (I, 5; 62; 87; 109). 96. L'In Pisonem présente le Jardin romain comme une école d'ambition totalitaire et de subversion, autant que d'incivisme — ce

qui recèle quelque contradiction, cf. L'Otium..., p. 269 sq. (l'originalité de l'épicurisme romain). Cicéron estime le civisme d'un Triarius ou d'un Torquatus, interlocuteurs du livre I du De finibus. 97.

La correspondance

avec Caecina,

dans

Ad fam.

VI, et avec

Nigidius (IV, 13), voir infra, réfute la violence de l’Invective contre Salluste, peut-être cicéronienne.

INTRODUCTION

XXV

pas la divination étrusque de « science barbare »?, et il ménageait le « mage » Nigidius”. Or ces Pompéiens, non

nommés

dans

le dialogue,

sont

certainement

présents dans l'esprit de Cicéron : il citera avec estime Nigidius, dans le prologue de son Timée. S. Timpanaro a eu raison de noter, aprés J. Linderski, que ce mysticisme divinatoire, en raison méme de ses fondements

philosophiques peut-étre, le géne autant que le conformisme augural d'Appius Claudius et de Deiotaros!'®, sur lequel il insiste. Cicéron pouvait-il admettre, par solidarité politique, face à un augurat et à une haruspicine pro-césariennes, une divination récusée philosophiquement ? En dépas-

sant le grief de duplicité politique!?', souvent reprochée à Cicéron par les anciens et les modernes,

il faudrait

reprendre la question à la lumiére de la pensée académique. Il est en effet trop facile d'accuser Cicéron de justifier par un conservatisme politique primaire aussi bien l'haruspicine que le droit augural, avec, à chaque

98.

Diu.

IL,

11

(Tusci ac barbari).

Cicéron,

en relation

avec

sa

doctrine bien connue de l'impérialisme, distingue des peuples civilisés les barbarae gentes (I, 47 et I, 90).

99. Dans Ad fam. IV, 13, consolation au Pompéien proscrit, Cicéron - rentré en grâce auprès de César — loue (8 3) les artes et les studia de Nigidius, le « mage » de Suétone, selon Jéróme (Chronique de l'année 45 av. J.-C.). 100. Ce conformisme est relevé dans 11, 75 pour Appius Claudius, dans II, 75, et pour Deiotaros, dans II, 20 et II, 76-79.

101. Le conformisme, autant que l'hypocrisie religieuse des Paiens évolués, sont un grief classique de la patrologie, cf. Augustin, CD IV, 31, 185 sq. et VI, 5-6. Voir André, « La philosophie religieuse de Cicéron. Dualisme académique et tripartition varronienne », in Ciceroniana,

Hommages à K. Kumaniecki, Leyde,

1975, p. 15-1 et 18-19. Sur la dimension politique de la théologie varronienne, P. Boyancé, Etudes sur la religion romaine, Paris-Rome, 197, p. 253 sq. ; id. Y. Lehmann, Varron théologien..., p. 171 sq.

XXVI

INTRODUCTION

fois, la clause rei publicae causa'?. On ne perçoit pas suffisamment

qu'il s'agit moins

ici de thauma-

turgie politique que d'un acte de foi dans les assises surnaturelles de la République. Dés lors, la démarche « conservatrice » de Cicéron s'explique en réalité par une approche relativiste du phénomene religieux, cela n'implique, ni duplicité, ni fracture de la conscience, et il convient d'insérer l'attitude cicéronienne dans la tripartition académique, celle de Varron'?. Ce dernier n'est mentionné, dans I, 68, que pour une terreur violente, irréductible à toute culture philosophique, qu'il est dit avoir éprouvée à la nouvelle de Pharsale et des « vaticinations » vérifiées. Par ailleurs, la quadripartition — hypothétique — des espaces du phénomène divina-

toire n'est pas trés probante, En revanche, quand Cicéron présente comme « le devoir du sage » le souci de « conserver rites et sacrifices », dans un texte qui tempére la polémique contre l'obscurantisme, dans IT, 148, cette position finale s'éclaire par la référence

à la « théologie civile », conçue comme un cadre de la pensée religieuse. Le Cotta cicéronien du De natura deorum, livre III, polémiquant contre la fausse « piété » épicurienne, se référe à plusieurs reprises à l'opposition entre « la religion du peuple romain » et la liberté de

l'esprit, qui régit la « théologie naturelle » "05, L'hostilité des deux académiciens à la « théologie mythique », celle 102. Diu. II, 28 et II, 75. Id. ND IIL, 9 sq. 103. La philosophie religieuse..., p. 16-18 : l'hostilité de Cicéron à la « théologie mythique » ne coincide guére avec l'esthétique de l'auteur, favorable à l'épopée dans le dialogue, et elle rejoint paradoxalement la critique épicurienne de l'épopée homérique, véhicule de la « superstition ». Or, d'aprés I, 68, selon la confidence de Marcus à Quintus, on observe que tragoediae et fabulae sont liées à un imaginaire malsain, celui des res commenticiae de la religion « populaire »

(ND II, 70 ; Diu. IL, 11). 104. On n'en trouve pas la trace nette dans l'archéologie religieuse du Réatin. 105.

ND

IH, 9 sq.

INTRODUCTION

XXVII

de l'épopée et de la tragédie"S, qui conforte le fidéisme d'un Quintus, n'a pas à étre démontrée — au plan doctrinal. Pour l'antinomie fondamentale, la leçon du De natura deorum demeure valable : l'opposition entre « religion » et « superstition » demeure une aréte centrale de la pensée ; la religion des pAysici est incompatible avec les fabulae des poétes et avec les commen-

ticii et ficti dei de la religion populaire". La cause est entendue, et la terminologie, bien fixée, le confirmerait,

toutes les fois qu'on passe des exemples de la fable aux anecdotes historiques. Si l'on dépasse le probléme de la conjoncture tourmentée des années 45-44, et sa relation avec le dialogue, on constate que Cicéron, avant les ultimes

positions du De officiis"*, poursuit sa réflexion sur l'État et le pouvoir : le dialogue révéle une politologie cohérente, affinée par la réflexion théologique. Le platonisme, dans le bilan initial du livre II, est présenté de maniére privilégiée comme le support idéologique du De republica, et dans une tradition

continue qui va de l'Académie au Peripatos'®. Or 106. Références cicéroniennes et varroniennes dans La philosophie religieuse..., p. 16-17. Pour la convergence des deux pensées, ibid., p. 18-19. 107. ND IL, 70 : ... Videtisne igitur ut a physicis rebus bene atque utiliter inuentis tracta ratio sit... Id. II, 23. Ici, comme là, cette admiration de Balbus pour le « naturalisme » rationnel des physici n'engage pas Cicéron. Sur l'identité du « physique » et du « naturel », voir la note de Pease, De natura deorum I, p. 23 (synthèse sur le concept). 108. César, dans le dernier traité de Cicéron (I, 26, cf. note 39), est présenté comme l'inventeur d'un principat qui « renversa tous les droits de la divinité et de l'humanité », avant d'opérer (I, 46) un transfert démagogique de la propriété. 109. Cicéron pense que le « platonisme » a appris aux dirigeants romains... naturales esse quasdam conuersiones rerum publicarum... — consolation de valeur médiocre en période de tyrannie. Voir la théorie chez Platon, Po/. VIII, 545 c-d ; Cicéron, Rep.

I, 45 et I,

65-68. Mais la doctrine aristotélicienne de la parekbasis (EN VIII,

XXVIII

INTRODUCTION

la doctrine, distinguée du legs critique de la nouvelle Académie, sert de caution à la divination naturelle, celle

des songes : le platonisme « socratique » est associé à la caution pythagoricienne, dans IE, 119, et sans réfuta-

tion aucune. Cette modération peut s'expliquer par le souci de ménager un certain dualisme platonicien, et l'autonomie spirituelle qu'il apporte, comme fondement du réve, et par le fait que ces cautions doctrinales se trouvent dans la Politeia si prisée. On sait que l'héroisme civique des prologues et des discours trouve constamment sa justification dans le dualisme platonicien, avant et aprés le Songe de Scipion. Le texte, marqué au coin d'un certain ascétisme, précise le régime (cultus atque

uictus)? qui rend le corps plus réceptif aux messages prophétiques « plus sürs » : reste à savoir si cette relative complicité avec le platonisme — ici la tradition socratique — s'explique par des affinités politiques, au sens noble, avec le systéme, et, dés lors, on peut se demander

si la politologie platonicienne a laissé son empreinte dans le dialogue. Le désaveu de la « monarchie césarienne » est-il seulement le corollaire d'un républicanisme convaincu, voire agressif, qu'on reléve ici et là dans le dialogue ? La dialectique des régimes, à défaut de la biologie

politique, issue de Polybe!!!, qu'on découvrait dans le De republica, et le schéma cyclique des régimes analysé par le livre VIII de la Politeia, sont-ils présents, 10, 2 et ailleurs), transmise au Cercle de Scipion Emilien par Polybe (VI, 10) est tout aussi déterminante, cf. L'Otium..., p. 171-187, pass.

110. Diu. I, 61. Cette absurdité « pythagoricienne » est réfutée en II, 119 ; or elle a été intégrée par le « premier » Aristote a une théologie panthéiste (ND II, 42-43). 111. L'Otium..., p. 171, note 11 : références polybiennes : VI, 4, 5, 6 et 9. Cette étude du « biologisme » politique dans la pensée romaine a été faite de facon systématique par L. Havas, dans ses

Studia

Historico-Philologica,

intitulés

Corpus

Rei

Debrecsen, 2002, p. 53 sq. (la dette à l'égard de Polybe).

Publicae

INTRODUCTION

XXIX

avec les exempla, implicitement ou explicitement, dans notre dialogue, oü l'enjeu de la divination est souvent politique ? On ne sera pas étonné de voir Quintus, au terme d'une doxographie purement philosophique, à partir de I, 84, invoquer le consensus politique qui dépasse le clivage des constitutions. Le dialogue suppose acquise la tripartition « classique », la distinction entre le régime aristocratique (principes), le régime démocratique, au sens romain (populus, dans l'acception du De republica), le pouvoir individuel des singuli — dans

lequel se fond l'unius potestas césarienne. Citations poétiques et références historiographiques grécoromaines donnent une couleur politique à la réflexion religieuse. La citation poétique de I, 21, flétrissant la conjuration de Catilina, se référe à un pouvoir primitif bon et vertueux, sans doute monarchique, celui des « anciens qui

régissalent peuples et cités par la mesure et la valeur », sans institutions médiates — on songerait à la royauté éclairée de Posidonius, commentée plus tard par

Sénéque!", La référence de I, 95 à l'optima res publica, de la part de Quintus, sert à justifier la divination par le consensus institutionnel, mais elle refléte la synthése politique chére à Cicéron, depuis le Pro Sestio, entre l'idéalisme platonicien et l’exemplarité romaine. La perspective est un peu différente dans 1, 84, qui exploite le consensus ethnique, culturel et institutionnel : … δὲ populi, si nationes, si Graeci, si barbari, si maiores nostri... si summi philosophi, si poetae, si sapientissimi uiri,

qui res publicas constituerunt, qui urbes condiderunt..."*. 112. Epist. XC, 5, qui développe la méme théorie de la monarchie primitive que Diu. I, 21 : ... ueteres, qui populos... Pease, p. 119, néglige l'aspect posidonien de l'archéologie, au profit de la réminiscence homérique. 113. Les summi philosophi sont sans doute les Sept sages, souvent évoqués (par ex., De or. ITI, 137 sq.) comme chefs d'Etat — sauf Thalès ; id. Tusc. V, 7 sq. : les Sept sages ; Pythagore, présenté comme l'inventeur

XXX

INTRODUCTION

Le passage, un peu négligé par les commentaires récents, fait intervenir dans sa diversité le processus cicéronien de la civilisation et de la « fondation », lié à la théorie des sages-constituants : il dominait les digressions historiques du De republica. Cicéron songe ici, entre autres, au Pythagore législateur qu'il révére. Le consensus des nations civilisées et des « états de droit » s'élargit

dans le contexte aux « barbares »!* — monde défini par référence à une civilisation gréco-romaine. La terminologie, politique et ethnique à la fois, opposant les populi policés et les nationes à l'état naturel, consacre la supériorité de Rome, de son populus et de son senatus. Expression d'un républicanisme nostalgique, inséparable de l'optima res publica ? On ne peut le nier, mais il faut prendre en compte une diversité constitutionnelle qui implique comme base de la pluralité politique les « mutations des régimes », les naturales quasdam conuersiones rerum publicarum!, mises en exergue comme un apport platonicien dans le second prologue. Or la dualité fondamentale

reste, dans I, 37 et I, 95,

celle de la démocratie et de la monarchie. On pourrait certes arguer que ce relativisme politique au service du consensus religieux engage essentiellement le platonicien Quintus, et n'a rien de stoicien''$, le Portique étant de la culture et des institutions. Les sapientissimi uiri, fondateurs et constituants, sont les législateurs de la Gréce primitive, les Lycurgue, les Solon, vantés par le De republica et le De finibus : la réflexion du cercle des Scipions a explicité, au-delà de la sapientia « théorétique » des écoles, une « sagesse » politique, voir notre Otium..., p. 174 sq. Le Romulus du De republica (1, 5 sq.), différent du Romulus épique de notre dialogue, est moins un fondateur « inspiré » et « prophétique » que le détenteur d'un savoir pratique, qui saisit et anticipe toutes les opportunités, géographiques, économiques et démographiques. 114. Diu. I, 84 : ... si populi, si nationes, maiores etiam nostri...

si Graeci,

si barbari,

si

115. Diu. II, 6. 116. IL, 8 : malgré cette affirmation, malgré les références de I, 10, I, 82, I, 118, etc., Quintus — on l'a vu — n'est pas stoicien.

INTRODUCTION

XXXI

monarchiste parce qu'« hégémonique ». Or l'évocation d'une royauté archaique exemplaire, dans la citation poétique d'I, 21'", recouvre aussi bien la royauté légendaire et les rois vertueux de Rome, que les « sages » législateurs, les Lycurgue, les Solon, cités ici et là

dans le dialogue!.Tout en récusant philosophique-

ment le consensus, critère académique qui doit gêner la démarche critique, Cicéron ne laisse pas de conserver sa préférence nostalgique à l'optima quaeque res publica, pouvoir vertueux, république idéale ou monarchie non « tyrannique ». L'apport spécifique de Quintus est l'idée de consensus politique, valable selon la « théologie

civile », mais dangereuse pour la « théologie naturelle »!!°. On peut donc conclure, sans chercher à cerner toutes les strates des deux pensées, que Cicéron oscille entre un idéalisme politique pluriel et un républicanisme nostalgique. La clause de l'utilitas publica, qu'on a vu triompher dans le livre II, au service de la « théologie civile », réalise l'accord de Quintus et de Marcus : tous deux prisent également l'imperatorum

scientia, la rei publicae gerendae ratio des imperatores". À l'arriére-plan de notre texte, la théorie d'une politique

117. Dans la théorie génétique du pouvoir transcrite de Posidonius par Sénéque, une royauté des philosophes, liée à une certaine anarchie, se dégrade pour faire place à l'ére des sages législateurs, Solon et Lycurgue

certes,

mais

aussi Zaleucos

et Charondas

; les deux

derniers, législateurs plus ou moins « pythagoriciens » de la Grande Gréce, semblent ignorés de Cicéron, chez qui la thése posidonienne n'est pas évidente. 118. Diu. I, 96 et 111. 119. Diu. I, 1; 11; 84. Cicéron, comme philosophe, récuse ce critère, qu'il admet néanmoins en faveur de l'augurat et de ses prévisions politiques, dans Leg. II, 33; or dans le dialogue (II, 81), il rejette cette notion de consensus, avec un certain élitisme intellectuel, qu'on retrouvait déjà dans ND III, 11 (les «sots » et la « multitude »). 120. Cet art du gouvernement, politique et militaire, évoqué dans les formules de I, 24, illustre le systéme de la ratio atque prudentia.

XXXII

INTRODUCTION

rationnelle, chère au Cercle des Scipions"!, constitue une vérité acquise. Au-delà d'une simple justification du ius auspiciorum, la science de gouvernement reste au sommet de la hiérarchie des artes, dont la divina-

tion « artificielle » fait partie. Conjuguée avec le culte des

instituta

politiquement académique.

maiorum,

valable

elle soustraira

aux

atteintes

la divination

du

scepticisme

LA CULTURE HISTORIQUE DANS LE DE DIVINATIONE : HISTOIRE ET POLITIQUE

Si l'on met à part les dialogues présentés comme des « biographies spirituelles » - le De amicitia, le De Senectute, qui ont pour support historiographique le temps des Scipions et de Caton -, nulle œuvre théorique ne révéle un aussi large recours à l'histoire

que notre dialogue'?. Et encore les biographies précitées évoquent-elles fugitivement le second siécle avant notre ére, à travers la carriére d'un protagoniste de

l'histoire et plusieurs générations contemporaines#, Le probléme des sources historiographiques qui ont fourni les exempla et les euenta, exemples édifiants de « piété », ou épisodes d'irréligion coupable, selon le point de vue des interlocuteurs, a éte traité de manière quasi exhaustive par A.S. Pease. Il a réduit le róle historiographique de Posidonius, et mis l'accent sur l'apport de l'annalistique romaine, les ueteres 121. Z'Otium..., p. 173-177. 122. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 213-215 (Coelius et Philistus) ; M. Rambaud, Cicéron et l'histoire..., p. 29 sq. (les exempla des guerres puniques) ; p. 40 sq. (les « exemples » dans les traités philosophiques) ; p. 68 (densité des prodiges). /d. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, Introduction, p. 26-27 (succinct). 123. Rambaud, Cicéron et l'histoire..., p. 100 sq.

INTRODUCTION

XXXIII

scriptores" qu'il évoque. Cicéron, par le truchement de Quintus,

a célébré comme

annales la chronique

des rois de Rome, de Romulus

à Tarquin, en utilisant

les citations épiques ou dramatiques pour les narrations de quelque étendue ; l'importance des « auspices de fondation » et la conjonction du politique et du sacré dans le pouvoir primitif romain n'ont plus à étre démontrés, et le catalogue des «exemples » englobe aussi bien les rois-prétres romains que les magiciens — théocrates de la Grèce. On verra tout naturellement cité comme cautions romaines un grand nombre d'annalistes. Cicéron posséde des dossiers complets, depuis le De republica et le De oratore. Or la liste des historici, dans 1, 55, est restrictive par rapport au De oratore et au De legibus? ; elle inclut Fabii, Gellii, sed proxume Coelius ; le pluriel, apparemment oratoire, ne recouvre que Fabius Pictor et l'obscur Gellius ; la prépondérance revient à Coelius (Antipater) et à son Bellum Punicum, dédié à Laelius. On sait qu'une lettre à Atticus, dés juin 45, demandait l'epitomé des œuvres

de Coelius composée par Brutus. Il est curieux que 124. Les conceptions historiographiques de Cicéron sont fixées depuis les années 55-50 : voir ses « précis » de l'annalistique, par ex. De or. II, 51-52, et surtout Leg. I, 5-8. Le Brutus apporte aussi des éléments partiels sur Pison, Fannius et Ennius. Cicéron cite, dans notre dialogue, Fabius Pictor (I, 43), Silenos, source de Coelius

(I, 49), le même Coelius pour l'irréligion de C. Flaminius (I, 77-78, rappelant ND I, 8). On trouve aussi la référence de Coelius pour un songe d'Hannibal (I, 48), et celle de l'annalistique « moderne », dans I, 72 et I, 99 (Sulla et Sisenna). Claudius Quadrigarius et Valerius Antias, chroniqueurs importants des guerres puniques, ne semblent pas consultés. 125. La liste omnes historici, Fabii, Gellii, sed proxume Coelius ne paraît pas une généralisation — au pluriel —, mais elle recoupe des homonymes plus ou moins connus, comme le prouverait la confrontation avec la liste complète de Denys d'Halicarnasse, Ant. rom. 1, 7.

126. Ad Att. XIII, 8. L'allusion de l'année 45 au peri pronoias de Panétius montre que Cicéron mentionne le chantier des dialogues théologiques.

INTRODUCTION

XXXIV

malgré les références à Coelius, les guerres puniques, et surtout la seconde, fournissent une documentation

historiographique sements

limitée,

l'ont encore

méme

minorée,

si certains recen-

et leur autre chroni-

queur, Valerius Antias, n'est méme pas mentionné, Cette période de crise religieuse et de mutation des valeurs, οὐ les expiations archaiques alternent avec l'importation des divinités exotiques, et où l'on observe les premiers assauts du scepticisme irréligieux « primaire », n'a fourni que peu d'allusions, liées à des

défaites,

comme

Trasimène

et Cannes.

Caelius

est présent, dans le contexte « fidéiste » du livre I. Marcellus, le vainqueur de Syracuse, n'est mentionné, dans une évocation assez confuse, que comme un esprit détaché de certaines formes de l'auspicium militare". Le dialogue ne cite pas les grands imperatores des guerres puniques, les Scipion, les Caton, les Fabius Maximus, dans l'exercice de leur ius auspiciorum. A tout prendre, le De natura deorum recèle plus d'allusions aux guerres puniques"5, ce qui étonnera un peu. Il est vrai que notre dialogue fait une place significative aux songes d'Hannibal (I, 48-49) : la source en est Coelius, compilateur d'un des chroniqueurs attitrés

du Carthaginois'?. La même source annalistique peut étre conjecturée pour l'anecdote concernant Hamilcar, contemporaine du premier siége de Syracuse, en 309 av. J.-C. : un annaliste a dû compiler Agathoclés de Sicile. En dehors des guerres puniques, la décennie marquée, au début du 1V* siècle, par la prise de Véies 127.

Diu.

II, 77.

128. Rambaud, op. cit., p. 29-30. 129. H. Peter, Historicorum Romanorum Reliquiae, HRR, I, Stuttgart, rééd. 1993, p. 180 sq.: pour le songe, rapporté à la fama, voir Tite-Live,

AUC

XXI,

5. Sur

Coelius

réputé

des somniorum miracula, Peter, ibid., p. CCXIV. Siculus : ibid, p. CCXIX-CCXX.

collectionneur

Notice sur Silenus

INTRODUCTION

XXXV

et l'invasion gauloise?, a imprimé son empreinte au dialogue. Cicéron sélectionne les exempla de Quintus : Ja crue « prodigieuse » du lac d'Albe a été expliquée par

les fata véiens"!, issus de la disciplina Etrusca, dans I,

3; mentionnés dans les « annales », les deux épisodes synchroniques ont révélé deux aspects du destin prédit, un destin indicatif (la prise conditionnelle de Véies), et un destin impératif (la prise de Rome par les Gaulois). Le livre V de Tite-Live puisera à la même source, mais il faut noter que la relation cicéronienne'? ne mentionne

pas le dictateur Camille”, autour duquel Tite-Live a reconstruit une « théologie civile » qui lie l'imperium et la pax deorum, impliquant le respect inconditionnel

des auspices. Les exemples fournis par les guerres civiles ne sont pas à négliger, parce que toutes les crises politiques, à Rome, recélent un arriére-plan surnaturel et prophé-

tique : le dialogue le montre, dans l'évocation versifiée 130.

Rambaud,

Plutarque, Camil.

131.

Le

la mention

p. 28 : II, 69 et 80; cf. Tite-Live, V, 43, 1; 31 ; Diodore,

passage

de

I,

— annalistique

100 — de

Bibl. hist. XIV,

appelle

115.

le rapprochement

Tite-Live,

V,

51,

6 : ...

avec Veiens

bellum ex fatis, quae Veientes scripta haberent. Les libri fatales sont les chartae Etruscae du De consulatu (1, 20) ; cf. Tite-Live, V, 15, 11. Voir les commentaires de J. Bayet, Tite-Live, V, CUF, Paris, 1954 (et 1969), p. 115 sq. ("Véies : réalités et légendes”), sur l'ensemble de la crise religieuse liée à Véies et à l'invasion gauloise. Le dictateur Camille, AUC V, 51, 5, lie le prodige du lac d'Albe au monitus deorum. Voir infra, Culture religieuse. 132.

André, Le siécle d' Auguste, Paris, 1974, p. 122 sq. : 16 théme

de 4. id. p.

la neglegentia deorum dans Tite-Live, V, 51-52, surtout 51, 7-52, Sur la pax deorum, J. Bayet, Religion Romaine, p. 58 sq. et p. 146 ; H. Fuchs, Augustin und der antike Friedensgedanke, Berlin, 1926, 182 sq. 133. On le trouve pourtant dans les « exemples » cicéroniens recensés par Rambaud. . 134. P. Jal, La guerre civile à Rome. Etude littéraire et morale,

Paris,

1963, p. 237-251

: étude du désarroi

lié aux convulsions

de

la République et du déferlement du prophétisme et du mysticisme populaire.

XXXVI

INTRODUCTION

de la conjuration de Catilina!®. Certes l'affrontement de Marius et de Sylla est omis, alors que la « guerre sociale » a sa place dans les exempla ; mais Marius

inspire une anecdote significative"*. Le Marius de Cicéron,

cité complaisamment

par Quintus,

dans

I,

106, nous présente, non pas un chef de parti, mais

un dux fatalis", éclairé par l'inspiration divine, comme le consul de 63. Il conviendrait d'examiner la maniére dont la culture historique du dialogue illustre la conception cicéronienne de l'historiographie : la méthode de classement des faits historiques ; la quéte de la vérité historique ; l'exigence de clarté et d'intelligibilité totales — bref, l'idéal défini par le livre II du De oratore. Le probléme de la véracité historique est facile à résoudre : le choix des faits révéle une tension entre un fidéisme qui adopte les postulats de la « théologie civile », et un criticisme dicté par les catégories de la « théologie naturelle », qui tend à considérer les manifestations du surnaturel divinatoire, non comme des vérités religieuses, mais comme

des « fables innombrables », aussi fictives que

celles de la « théologie mythique ». Les catégories varroniennes, explicites ou latentes, pésent, chez Cicéron, sur

l'histoire religieuse, même discontinue?. Dans la chronique événementielle, que le De diuina-

lione fractionne en anecdota'^, on peut rechercher 135. Diu. I, 18 sq. 136.

Diu.

I, 59 et I, 106 — discuté

dans

II,

136

: le reditus de

Marius impliquant, en réve, le retour d'exil de Cicéron. 137. Le siècle d' Auguste, p. 123-124. 138.

De or Il, 63.

139.

Sur les traces — diffuses, mais nettes -- de la theologia triper-

tita de Varron

chez

Cicéron,

infra, et André,

La philosophie

reli-

gieuse..., p. 11-17. 140. Le fractionnement de l'histoire en exempla, comme « moyen de persuasion », cf. Rambaud, p. 36 sq., a amené l'auteur à composer des anecdota, à l'imitation de Théopompe, cf. Schanz-Hosius, Rôm. Lit. I, p. 533.

INTRODUCTION

XXXVII

les cadres et catégories de l'annalistique, autant que les concepts ethnico-culturels. Le constat initial du dialogue, l'universalité de la divination, dans I, 2-3, part certes d'une opposi-

tion,

illustrée

par

le monde

grec

et « oriental»

gens humana atque docta | immanis atque barbara", mais trés vite la perspective de l'histoire universelle s'estompe, et les ceteri populi servent de repoussoir à l'histoire romaine — à la période royale et aux débuts de

la République, selon une division classique. L'histoire romaine s'encadre dans un schéma binaire bien connu :

domilmilitiae'*, avec les variantes habituelles. Du point de vue géographique et ethnique, une antithése structurée est bien visible — celle des domesticalexterna : ainsi

ceteros populos... noster ; rem Romanam...

externa".

On observe des variantes significatives : les exempla nota de I, 103 sont des exempla domestica, les exempla externa de songes récusés, dans

IL, 136, très critique,

sont qualifiés d'ignota. Mais le philhellénisme aboutit à remettre en cause et à dépasser l'antithése « annalistique » domesticalexterna, et à marquer un net clivage entre le monde grec et les « barbares ». Si l'éloignement géographique, selon les critéres

académiques

de la vérité, peut créer l'obscurité!^,

141. Pour l'opposition ethnico-culturelle Graecilbarbari, et ses variantes (doctalhumana ; immanislbarbara), qui domine la doctrine de la guerre et de l'impérialisme de Cicéron jusqu'au De Officiis, voir I, 2, I, 47, I, 82, I, 84, I, 90 : tout se passe comme si Quintus avait assimilé les conseils de la célébre lettre I, 1 (sur le gouvernement de l'Asie). 142. Le partage primitif de l'annalistique entre domi et militiae (L'Otium..., p. 20 et p. 442, etc.) fournit à l'historiographie « classique » la division externaldomestica (Rambaud, p. 36 sq.). 143.

André, Le siécle..., p. 145 : référence, De or. III, 134 ; Tusc.

V, 55. L’antithèse est également explicite dans ND II, 5-6; Diu. I, 3 ; Rep. III, 24, etc. 144. Ce critére relativiste, latent chez Carnéade,

chez Enésidéme, cf. Brochard,

semble trés net

Sceptiques, p. 257. L'éloignement

:

INTRODUCTION

XXXVIII

c'est le temps et le recul diachronique qui opèrent, dans la mémoire de l'humanité, la distinction la plus radicale;

elle recoupe,

à vrai

dire

imparfaitement,

l'opposition entre annales et historia, qui est loin d'étre

tranchée à l'époque du dialogue!^. L'histoire la plus ancienne rentre dans la catégorie de l'antiquitas (1, 87) : ici la référence à Homère fait intervenir l'histoire légendaire, celle du premier prologue

« argumentatif » (... ab heroicis ducta temporibus... 9). Cicéron évoque souvent les heroicae aetates" : tout un Ennius homérisant rentre dans le méme cycle protohistorique et légendaire, dans une antiquitas ma] dissociée par l'académicien des fabulae et du

fabulosumδ, L'áge des héros et de la guerre de Troie, géographique, les différences « sociologiques », le recul chronologique (voir De fin. 1, 65 : ultima antiquitas), sont liés aux notions d'ignotalobscura. Voir notre article « Idéologie et traditions sur les origines de Rome », in Actes de la Table Ronde en l'honneur de M. Pallottino ‘La Rome des premiers siècles : légende et histoire’, Firenze,

1992, p. 18 et note 60.

145. Voir la terminologie de Leg. I, 5 et 9 et de De or. II, 51 sq., notamment 52 : ... historia nihil aliud nisi annalium confectio... C'est Verrius Flaccus, d'aprés Aulu-Gelle, Noct. Att. V, 18, qui systématise la distinction Aistorialannales. 146. Diu. I, 1 ; ND IIl, 54 (heroicis temporibus) ; id. Tusc. V, 7 (heroicis aetatibus). Cicéron fait dire à Quintus (/eg. I, 8) que l'historiographie doit débuter ab ultimis. Or le cycle troyen est riche de sens pour l'histoire de la divination chez Cicéron. 147. Malgré l'aspect « légendaire » des origines de Rome, ces heroicae aetates correspondent presque toujours à l’âge grec, protohellénique, des héros, dans la théorie mythique des âges, chez Hésiode, et à la tradition homérique, cf. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, note 1, p. 39. 148. La nouvelle Académie, comme le Portique, censure ce goüt du muthoeides, fréquent dans l'historiographie hellénistique, notamment chez Théopompe (Leg. 1, 5). ND I, 34 critique les pueriles fabulae du « platonicien » Héraclide du Pont. Voir notre synthése dans « Idéologie et traditions... ». I] n'est pas contradictoire de récuser les fables archaiques et d'exploiter, dans le sens platonicien, la symbolique morale des mythes, comme celui de Gygès (Off. III, 39). Les

légendes

de la fondation,

chez Tite-live comme

chez

INTRODUCTION

XXXIX

celui des somnia fabularum, s'oppose aux propiora, à

une histoire plus datable, dont le De republica II'?, au demeurant,

soulignait la relative obscurité ; en effet,

Tarquin, chanté dans les épopées ou tragédies natio-

nales, est « plus proche » qu'Enée'?^. Mais peut-on pour autant faire de cette historicité une valeur absolue ? Si Quintus, dans I, 107, considére Ennius comme un garant sür de la fondation romuléenne, le livre IT du dialogue, critique et relativiste, minera cette crédibilité (II, 82 et 116). Une évidence toutefois s'impose : avant la codifi-

cation de Verrius Flaccus,

les notions d’historia

et d'historiae ne désignent pas nettement l'histoire contemporaine, et datable, par opposition aux annales

primitives ou aux récits légendaires. L'historia, au sens le plus général, constitue «le témoin des âges, la survie de la mémoire,

Un passage grecques,

le message

de l'antiquité ».

du livre I (121) associe les chroniques

ou perses,

sur Darius

III et Alexandre,

sur

l'histoire de Crésus rapportée par Hérodote, et la tradition axée sur le prodige igné de Servius Tullius. Avant que le livre II récusát les historiae étrangères comme sources de «fables », et que le dialogue revint sur les « mensonges » d'Hérodote, Quintus appliquait à l'histoire de la divination l'argument d'autorité, dans I, 37. L'opposition entre l’historia Graeca et les annales

du peuple romain semble demeurer entière”. Cicéron, traduisent mythiquement la grandeur fatidique de Rome. La distinction du De inu. 1, 27 est probante. 149.

Rep.

II, 18-19 et 28 : réflexion de Cicéron, et du Cercle de

Scipion, sur l'obscurité de l'Antiquité et la crédulité populaire. Notre dialogue, comme ND III, 80, distingue les uetera et les propiora. 150. Diu. I, 43. 151. Rambaud, Cicéron et l'histoire..., p. 10 sq. : commentaire des textes « fondateurs » du De oratore et du De legibus. Il convient de reprendre, chez Aulu-Gelle, V, 18, le texte de Sempronius Asellio. 152.

C'est

le probléme

central du

« rationalisme » cicéronien,

cf. infra, notre Conclusion générale. Cf. André, « La philosophie

XL

INTRODUCTION

La composition antilogique du dialogue, avec un livre I fidéiste et traditionaliste, et un livre II critique, rationaliste, hostile aux « mythes », pourrait donner à

penser que Cicéron récuse une théologie civile étayée par l’histoire, sans pour autant justifier une « théologie

naturelle »? anachronique, susceptible de réintégrer la divination dans le concept de dieu-raison : le Portique l'a fait, et Varron, comme Cicéron, n'y sont pas réfrac-

taires. Mais la théologie civile, confirmée en apparence par l'historicité,

reste au centre du débat.

En

effet,

le Quintus stoicisé par le dialogue!“ fait implicitement référence à cette théologie civile ; les quelques « confirmations » historiques du livre I, discontinues, rejoignent le catalogue diachronique d'un Balbus, dans le livre II du De natura deorum : la succession des grands hommes

dont la « fortune » fait intervenir l'assistance divine? (iuuante deo). L'académisme apportant surtout, dans notre livre II, la note critique et carnéadienne, comme on verra, il semble manquer un Cotta pour rétablir l'équilibre entre la liberté critique et le conservatisme

civique. Cicéron le reconnaît dans le prologue (I, 8). Or les distinctions radicales du De natura deorum entre «religion » et «superstition » ont marqué profondément la pensée cicéronienne, perpétuellement en quéte d'équilibre, entre deux théologies. La mise au point finale de II, 148-149 sera probante, parce religieuse... », p. 14-15 : le traitement rationnel de la tradition sur Romulus et Numa. Cf. Y. Lehmann, Varron théologien..., p. 171 sq. et surtout p. 222-223. 153. André, La philosophie religieuse..., p. 20-21, notamment note 83. 154. Supra. 155. ND II, 165 sq. 156. I, 8 : ... ante tertium de natura deorum, in quo disputatio Cottae... etenim ipse Cotta sic disputat ut Stoicorum magis argumenta confutet quam hominum deleat religionem : ce rappel du dialogue antérieur concerne autant le Cotta du livre I que celui du livre III.

INTRODUCTION

que

Ja référence

aux

maiores,

XLI

donc

à l'histoire,

est

une constante chez les académiciens romains : ... nec uero (id enim diligenter intellegi uolo) superstitione tollenda religio tollitur ; nam et maiorum instituta

tueri

sacris

caerimoniisque

retinendis

sapientis

est... L'argument est politique et historique. Les liens entre la religiosité cicéronienne et la mémoire politique sont fort nets, dans la III* Catilinaire autant que dans les fragments

du De consulatu.

Si l'on cherche

à résoudre l'apparente antinomie entre l'historicité des croyances et la vérité rationnelle, on se trouve confronté au probléme philosophique essentiel l'ambiguité des convictions religieuses de l'auteur, souvent formulée.

Une grande synthèse de J. Kroyman!”, qui recense les théses opposées sur les relations entre la religion et la réflexion

cicéronienne,

améne

tout

naturelle-

ment l'auteur à évaluer l'attachement de l'Arpinate à la religion ancestrale, et montre du méme coup la pensée religieuse confrontée à la culture historique et à l'idéal politique. Selon les œuvres considérées, le point de vue sera différent. Le De diuinatione ilustre un certain clivage entre la foi du citoyen et les convictions intimes du philosophe, méme dans le cas des rites les plus vénérables, comme les rites romuléens de fondation. C'est dans la chronique contemporaine, dans l'histoire vécue par le politique, que l'on peut le mieux appréhender, dans sa complexité, le probléme du surnaturel et de l'action. Ici, comme pour l’historiographie cicéronienne en général, le dialogue privilégie les leçons politiques des événements. Les proconsulats d'Asie et de Cilicie sont moins riches d'enseignements que la conjuration de Catilina, les campagnes orientales de 157. J. Kroymann, "Cicero und die rómische Religion" in Ciceroniana, Hommages à K. Kumaniecki, Leyde, 1975, p. 116-128.

XLII

INTRODUCTION

Pompée et de Crassus", la guerre civile, et surtout la géopolitique des alliances orientales, la catastrophe finale de Pharsale, enfin la dictature de César et son

assassinat. Toute l'histoire politique contemporaine — d'autres épisodes militaires n'étant qu'évoqués fugitivement — associe au hasard événementiel, non seulement la volonté humaine, mais aussi une sagesse de l'action qui fait la part de l'humain et du divin. C'est ainsi que Cicéron, qui cherche à déméler cette causalité multiple, réussira, pour Deiotaros, pour Pompée, pour César méme, à réaliser l'enrichissement éthique défini

naguère par le De oratore? : à faire des convictions divinatoires des personnages la pierre de touche de leur conscience religieuse. L'histoire héroique a vocation à collecter les « fables » surnaturelles, et les « annales du peuple romain » produisent depuis la plus haute antiquité des catalogues de prodiges ; leur analyse permet de dissocier le « mythique » de la véracité historique, selon l'idéal

du De legibus 1'€, Mais pour l'histoire contemporaine, qui est une politique en action, l'enjeu intellectuel diffère. La réflexion sur les grands hommes, 158. I, 18 (épisode de Catilina, versifié) ; 1, 26 et II, 24 (l'aventure politique de Deiotaros) ; Il, 22 (la défaite de Crassus) ; II, 23 (le destin des triumvirs). La longue lettre à Lucceius (Fam. V, Xii) met l'accent sur la chronique contemporaine et sa fonction « démonstrative », mais sans négliger la grande histoire grecque (Thémistocle et Epaminondas, «exemples» exploités dans les Tusculanes) ; on exploite aussi, dans la chronique des guerres, les modéles de l'historiographie hellénistique, de Callisthéne et Timée à Polybe. 159. De or. IT, 63 : ... ut causae explicentur omnes uel casus uel sapientiae uel temeritatis hominumque ipsorum non solum res gestae, sed etiam, qui fama ac nomine excellant, de cuiusque uita atque natura... . 160. Leg I, 4-5 : le texte cite les légendes sur Numa et Egérie et le prodige de l'aigle de Tarquin l'Ancien -- absent du catalogue du De diuinatione, comme de la relation de Rep. 11, 37, mais issu de la tradition annalistique, cf. Tite-Live, I, 34, 8.

INTRODUCTION

XLIII

sur le mystére de leur destinée, forme de la fragilité humaine, aboutit à cerner deux types de problèmes, connexes : leur lecture des signes du destin, fortuits ou déterminés, leur oscillation entre l'exercice critique de la raison et le conformisme divinatoire — la marge

de liberté et d'initiative que leur laissent le destin fixé et le destin prédit. Les Crassus, les Pompée, les César,

illustrent le paradoxe de l'ignorance heureuse, profitable à l'action, et de la prévision désespérante. Cicéron, au livre II, dans un texte qui oppose les propiora aux

fabulae, conteste que la connaissance de l'avenir ait pu servir leur bonheur et leur gloire/*'. L'histoire religieuse aboutit à une méditation pathétique sur la condition humaine, peut-être plus sincère que dans les œuvres « morales ». Le probléme de la « duplicité » religieuse de Cicéron ayant été posé, on observera que le philosophe ne récusera nullement, dans le mouvement critique de sa pensée, l'interprétation surnaturelle de la crise politique de 63, qui déborde la simple conjuration, proposée par Quintus au livre I. Revenant sur ses acta et consilia, le consulaire les croit éclairés et dirigés par Jupiter Capitolin, maitre des signes prophétiques, et surtout des signes célestes ; dans les évocations épiques du De consulatu, comme dans toutes les Catilinaires, la présence des signes et des volontés divines était manifeste!9^ et la reprise du livre II ne conteste nullement les responsa uerissuma des haruspices. L'histoire romaine la plus récente révèle, pour Cicéron,

l'importance de la divination dans le camp républicain et pompéien. Dans ce champ figurait le thaumaturge 161. II, 22 : ... Abeamus a fabulis, propiora uideamus... clarissimorum hominum nostrae ciuitatis grauissimos exitus... 162. Catil. III, 19-21 : commentaire de Fr. Guillaumont, Le 'De diuinatione', p. 348.

INTRODUCTION

XLIV

et compilateur d'étruscologie Nigidius Figulus — ami de Cicéron ; le dialogue nous a montré une opposition

entre le rationalisme quasi irréligieux de César, qui méconnait les signes contraires, et un certain fidéisme superstitieux chez Pompée. L'œuvre historiographique de César, aussi bien le Bellum Gallicum que le Bellum Ciuile, confirme ce « positivisme », par la négative : le chroniqueur a éliminé de ses narrations, qu'il s'agisse de l'interprétation des événements ou de la psychologie des hommes d'action, toute trace de divin. Au contraire Pompée était toujours sensible aux exta et ostenta, et il a été mystifié par les responsa haruspicum, pour l'issue militaire de Pharsale, comme pour sa fin tragique. Il n'avait sans doute pas intérêt à percer le voile

du

destin,

car comme

César

et Crassus,

1]

s'était vu promettre une mort naturelle, au terme de sa vieillesse (IT, 99). Autre Pompéien, plusieurs fois cité, le « roi » Deiotaros : comme

les chefs romains de

stricte observance, il conformait son action politique aux données des auspices (1, 26) ; il était un dévot de l'auguralis disciplina (1I, 77). Mais son aventure illustre les ambiguités de la divination et de l'action ; en effet,

lors d'un voyage, il suit les avertissements de l'aquilae uolatus'%#, il revient sur ses pas ... et évite de périr dans l'effondrement d'une chambre ; cette conduite était chez lui constante. Or, dans une circonstance cruciale,

il rejoignit le camp de Pompée

... avec des auspices

163. Diu. I, 52-53. Or le dialogue est riche d'avertissements qui jalonnent la destinée de César : I, 119 (les présages annonciateurs des ides de mars), aprés l'épisode du passage en Afrique, malgré l'haruspice (II, 53). Dans le contexte, le positivisme de César, plutôt que son « irréligion », s'oppose à l'attitude généralement réceptive de Pompée. Cicéron a noté, dans l'In Pisonem, les connivences de César avec l'épicurisme, que l'ex-Césarien Salluste (Catilina, LI, 20) n'a pas inventées. 164. Diu. I, 26 : sur les omina fournis par l'aigle, outre Pease, ‘De diuinatione' libri duo, 129-130, note 1, voir A. Bouché-Leclercq,

Histoire de la divination dans l'Antiquité, rééd. 2003, I, p. 127 sq.

INTRODUCTION

XLV

favorables ; les auspices furent démentis par Pharsale, mais Deiotaros eut la satisfaction rétrospective d'avoir

choisi la bonne cause et la gloire'?. Que signifie cet épisode, repris dans les deux livres du dialogue, au-delà de sa portée politique ? Il est évident que pour Cicéron le conformisme divinatoire, souvent démenti par la fin misérable des grands hommes, n'infléchit pas le cours de l’histoire. Pire : chez les Pompéiens le fidéisme

conforte la fiducia, la présomption que le chroniqueur César leur reproche'%. Mais pour Cicéron, il revêt une signification équivoque : il illustre à la fois Ja puissance politique de la tradition augurale et son indigence idéologique. Le De diuinatione dans son appareil de références historiques, traduit la quéte exigeante de la véracité historique, et le souci de repenser les exempla de la théologie civile dans le sens d'une plus haute vérité, celle de la théologie naturelle : un ordre du monde éclairant la destinée des grands hommes et l'inspiration de leurs actes. Au regard du scepticisme académique, qui relativise toute chose, les échecs de la divination ne sont que des échecs techniques, comme

ceux

de

toute

ars,

comme

les

erreurs

de

la « science politique »!*?. LA CULTURE RELIGIEUSE DE CICÉRON THÉOLOGIE ET EXPÉRIENCE

:

La culture religieuse de Cicéron ne saurait étre totalement dissociée de sa culture scientifique, et surtout dans notre dialogue, car la doxographie des écoles 165. Pro rege Deiot. IV, 11. 166. César, BC III, 82-83, dépassé en dureté critique par Cicéron lui-même, cf. Carcopino, Les secrets, Il, p. 93 sq. 167. Ces erreurs de la science politique, dans I, 24, sont rapprochées des erreurs « conjecturales » de tous les « arts ».

XLVI

INTRODUCTION

fait apparaitre des connexions entre la divination « naturelle » et l'anthropologie, et des implications cosmologiques du déterminisme fatidique. Au

sens

étroit

du

terme,

la

culture

religieuse

de l'auteur'* englobe la théologie — la science de la «nature des dieux » -, et la maîtrise, à la fois liturgique et gnoséologique, des sacra, insérés dans leur histoire et enracinés dans les sites « religieux ». A une époque oü Varron a su mettre à l'honneur l'archéologie religieuse de Rome, et crée une classification méthodique des dieux, le De diuinatione s'inscrit

dans la continuité d'une enquéte qui a produit le De natura deorum. On aurait tort de réduire la relation entre les deux dialogues complémentaires, comme le fait A.S. Pease, au probléme du dédicataire. Les dieux à vocation divinatoire — un de leurs avatars — Apollon, Jupiter, voire Esculape, s'insérent dans une théologie aux contours désormais assez nets. Elle correspond à une double tripartition, qui distingue trois perceptions du divin, chez les politiques, chez les poétes et chez les philosophes, délimitant les trois théologies qu'on a vu éclairer la culture historique. Cette tripartition varronienne, d'obédience académique, a été repensée

par Cicéron'? : elle touche à la culture poétique au niveau de la « théologie mythique » — les citations du livre I de notre dialogue le prouvent. Mais la culture religieuse de l'auteur ne peut étre dissociée arbitrairement de son expérience liturgique, celle du magistrat et de l'augure. Comme magistrat, et comme consul disposant de compétences sacramentelles, Cicéron a été confronté à une

crise entourée

d'un

contexte

surnaturel,

dans

lequel la divination officielle joue un róle important, 168. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 188 sq. 169. André, La philosophie religieuse.., p. 11 sq., notamment

p. 14-15.

INTRODUCTION

XLVII

mais qui trahit aussi la prolifération d'un prophétisme

anarchique, marginal, celui des prophéties sibyllines? diffuses. Catilina, comme nombre d'ambitieux contemporains, a eu l'esprit perturbé par le prophétisme marginal, apocryphe au regard de la vraie « religion ». Salluste a analysé le phénomène. Cicéron a été revétu de l'augurat, et cet aspect de sa carriére a été éclairé par d'importantes études. Bien avant le proconsulat de Cilicie, il a constamment

sacrifié au rite des auspicia publica"! que son De legibus prescrivait de respecter'". I] a aussi fréquenté, à titre amical, mais aussi par affinité politique, les Nigidius Figulus, les Caecina, experts en sciences divinatoires, ou frottés d'ésotérisme. Les conjectures sur les sources directes du dialogue, et les lectures faites depuis le printemps 45, pour les deux dialogues « théologiques », permettent d'éva-

luer la culture religieuse de Cicéron!". Elle est étendue. S. Timpanaro a fait une remarque qui s'impose : l'euvre est une « mine d'indications sur les croyances et les rites de la religion romaine, avec les apports grecs 170. Bouché-Leclercq, Diuination, IV, p. 286. Cf. Salluste, Catil. XLVII, 2 : la « royauté » promise aux trois Cornelii. 171. Bouché-Leclercq, Diuination, XV, p. 211 sq. (avec les définitions cicéroniennes, comme celles de Leg. III, 10). Cicéron connait bien le rituel dialogué, qu'il reconstitue d'une maniére sceptique en II, 71-72. 172. Sice texte de Leg. III, 10 est formaliste, et allusif, au livre II

du méme dialogue (II, 31 sq.), Cicéron expose à Atticus l'éminente dignité de l'augurat et de ses pratiques, qu'il insére dans la « science politique ». Il est convaincu, sans duplicité, mais avec un certain relativisme, que les « ancétres » sont auctores ac magistri religionum

colendarum, parce que la théologie « civile » fait partie intégrante de la « sagesse » (sapientialprudentia). 173. Timpanaro, Della divinazione, Introduzione, p. XXVII sq. La confidence de Cotta-Cicéron, dans ND III, 43, est révélatrice : ... meliora me didicisse de colendis diis immortalibus iure pontificio et more maiorum capedunculis his quas Numa... Or le De leg. IL, 52 sq. prouve une bonne connaissance du droit pontifical.

XLVIII

INTRODUCTION

et étrusques »'^; la curiosité cicéronienne s'attache aussi à la genése de la fonction prophétique des dieux ; l'étude des dieux prophétiques, notamment Jupiter et Apollon, s'inscrit dans un comparatisme gréco-romain et gréco-oriental ; cette histoire des divinités illustre une méthode d'histoire religieuse relativiste et comparatiste issue de l'Académie, et appliquée dialectiquement

par Cotta-Cicéron, dans le De natura deorum I et III!^. L'expérience religieuse de Cicéron, et ses sources, impliquent donc d'explorer une période qui précède l'utilisation des doxographies et des doctrines du De diuinatione ; de toute manière, un bilan complet impli-

quera d'analyser d'une maniére critique deux secteurs annexes, relevés par la critique, l'étruscologie et l'orien-

talisme de l’auteur'#*. Avant de compiler les catalogues

de prodiges de

l'annalistique classique", et notamment le « bréviaire » de Coelius, avant méme d'exercer l'augurat -- expérience

tardive, de 53-52, qui lui a inspiré un précis technique"? —, 174. Ibid., p. XXVII. 175. Sur l'Evhémérisme, véhiculé par l'Académie, et les avatars des dieux, ND III, 39 sq. : les avatars d'Hercule, de Jupiter et d'Apollon analysés par les spécialistes, ... ij qui theologi nominantur. Cicéron, dans ND III, 44, a souligné le róle de Carnéade dans la critique religieuse, et il le défend du grief d'athéisme. Cf. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 136 sq. (Evhémérisme et respect de la « religion des ancétres »). 176. R. Bloch, Les prodiges dans l' Antiquité classique, Paris, 1963, p. 49 sq. Pour les informateurs de Cicéron dans le domaine étruscologique, notamment Tarquitius Priscus et Caecina, Schanz-Hosius, Róm. Lit. 1, p. 602. 177.

Sur la dimension

surnaturelle

de l'annalistique,

analysée

ἃ travers les prodiges, recueillis par Tite-Live, cf. supra, W. Soltau, Die Anfünge der rómischen Geschichtsschreibung, Leipsig, 1909, p. 10 sq. 178. Schanz-Hosius, I, p. 526 : notre dialogue I, 28 (avec les notes de Pease, ‘De diuinatione' libri duo, p. 133) semble prouver qu'Appius Claudius a enrichi l'auguralis disciplina de Cicéron - cf. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, Introduction, p. 10-12.

INTRODUCTION

XLIX

Cicéron a été amené par sa carriére politique à exercer la divination publique liée au cursus honorum. Ce devoir du magistrat a été défini par lui dés le De legibus, avant méme la découverte de la « théologie civile », avant 47 ; cette justification du conformisme liturgique et

divinatoire, inscrit dans les instituta maiorum", sera seulement approfondie et systématisée par les deux dialogues théologiques. F. Guillaumont a fort bien retracé l'expérience politique de la divination, à travers diverses étapes cruciales : les prodiges sinistres de l'année 63, développés

avec complaisance dans la III* Catilinaireδῦ, et traités sur le mode oratoire de l'amplification épique dans le De consulatu ; le catalogue simplifié de ces prodiges, au cœur du livre I, scelle la dimension surnaturelle de

l'histoire romaine, et même des destinées « royales »'?! — ]a crise politique et morale de l'exil, et le renfort apporté à la cause du proscrit par les « réponses

des haruspices », de 59 à 57? —. la querelle de l'obnuntiatio dans le contexte de l’« affaire égyptienne »!*, qui révéle les interactions entre la divination officielle 179. des

Sur

le

Académiciens

formalisme romains,

conservateur Guillaumont,

Le

de ‘De

Cicéron,

et

diuinatione',

p. 20-21. 180.

Catil

III, 18-24 : Guillaumont,

Le

‘De diuinatione' p. 124

et 348, établit que notre dialogue, avec le recul, est plus sceptique que la Catilinaire. 181. I, 20-21 : ... altrix / Martia, quae paruos Mauortis semine natos... ueteres, quorum monumenta tenetis! qui populos urbisque modo ac uirtute regebant... La royauté protohistorique, liée aux hypothéses posidoniennes, se confond avec la royauté romuléenne. Ultérieurement Marcus fait citer à Quintus (I, 42 et 44) un exemple « étranger » (Priam) et un exemple « domestique » (Tarquin), selon sa théorie historiographique. 182. Har. resp. IX, 18 : Guillaumont, Le 'De diuinatione', p. 203 (la divination comme base surnaturelle de l'Empire). 183. Sur la restauration de Ptolémée Auléte et son contexte surnaturel, Carcopino, César, p. 773. Cicéron n'analyse l'obnuntiatio que pour le désastre de Crassus.

L

INTRODUCTION

et les vicissitudes de la politique, intérieure ou extérieure. La Catilinaire, dans un mouvement d'amplification ascendant, mettait en exergue l'idée d'une providence divine, jugée capable de seconder la « sagesse humaine » : les différents prodiges relevant de l’interprétation confortent la croyance « raisonnable » — seule la négation serait folie — selon laquelle «la Ville est gouvernée par la volonté et la puissance des dieux immortels ». On sait que la providence philanthropique manifeste sa bienveillance en la révélant par les signes divinatoires. Dans le contexte, les signes livrés à la « divination artificielle » sont, dans l'ordre, les météores

nocturnes

— la chute

de

la foudre

-,

les tremblements de terre ; il s'agit des prodiges carac-

téristiques de 63^ ; Cicéron y rattache les prodiges fulguraux de 65 : le déplacement inexplicable des statues divines, dont celle de Jupiter, le renversement

des statues

d'airain

des

ancétres,

la fusion

des tables de la loi. Les haruspices, convoqués pour interpréter les prodiges « cosmiques » à la lumière des libri fulgurales prédisent « des massacres et des incendies ... l'anéantissement des lois et la guerre civile ». Le discours d'Uranie, dans le chant II du De

consulatu conservé par notre dialogue, présente à peu

prés le même catalogue'#, en insistant sur les phénoménes

cosmiques,

cométes

scintillantes,

éclipses

184. Bloch, Les prodiges, p. 54-56 (en 65 et en 63 av. J.-C.) : . res de caelo percussas... simulacra deorum depulsa... statuae ueterum deiectae... legum aera liquefacta (Diu. T, 19 est parallèle à Catil. VII, 19). 185. Pour l'interprétation des prodiges « fulgurants », BouchéLeclercq, Diuination, IV, p. 32 sq. 186. Diu. I, 18 : ... tremulos ardore cometas... claram speciem concreto lumine lunal abdidit... Phoebi fax, tristis nuntia belli... Le mot fax désigne, non le soleil, mais un météore, diuinatione' libri duo, p. 108, note 107.

cf. Pease,

'De

INTRODUCTION

LI

de lune, « torche de Phébus » ; suivent la chute de la foudre et les tremblements de terre, et tous

les portenta

: les apparitions des terribiles formae,

et les vaticinations

« naturelles » des

uates furenti

pectore ; dans ces prophéties se détache un avertissement fatidique de portée plus vaste, l'idée de cycles et de périodes historiques — une révélation des /ibri

fatales?

La

longue

consultation

de

1'« harus-

pice lydien », qui suit, reprend tous les prodiges à

la lumière des «textes et monuments de l'art »!5 - |a divination artificielle des « recueils étrusques »9". On peut déceler dans cette premiére zone de textes la référence implicite aux deux « genres » de divination, et l'allusion diffuse aux libri, fulgurales, fatales, et méme rituales (allusion à la louve et au « fondateur » Romulus).

Cicéron, au-delà de son expérience théologicopolitique, dispose, en 44, des informations fournies par les éminents

spécialistes contemporains,

les Caecina,

les Nigidius, et « le plus savant des Romains », Varron? ; il dispose aussi du matériel fourni par l'annalistique, qu'il a dépouillé consciencieusement quand il fixe sa doctrine de l'historiographie ; on le voit, dans le livre I, 187. Ces «livres du destin » de l'Etrusca disciplina concernent les cycles de l’histoire et le destin des nations. Voir Bouché-Leclercq, Diuination, IV, p. 87. Le prophétisme, à Ja fin de la République,

exploitait la prophétie de Begoé-Vegoia, axée sur le « huitiéme siècle » finissant, et sur des bouleversements à la fois agraires et politiques, voir M. Pallottino, Etruscologia, entre autres. 188. Citation du De consulatu, dans I, 20. On notera l'absence de

« technicité » de la série du livre IL, 72 : ... Etruscorum et haruspicini et fulgurales et rituales libri. 189. Sur les « recueils étrusques », qui évoquent essentiellement

Tarquitius

Priscus,

Bouché-Leclercq,

Diuination,

IV, p. 79;

cf. Macrobe, Saturn. III, 7, 2 et 20, 3 : le symbolisme divinatoire des couleurs chez les animaux et dans les espéces arboricoles. 190. Prosopographie simplifiée dans Bouché-Leclercq, Diuination, IV, p. 11-13.

LH

INTRODUCTION

dicter manifestement à Quintus des « digestes » d'étruscologie. Le plus caractéristique, d'origine annalistique, est sans conteste celui de I, 92, centré sur l'interpréta-

tion des monstra atque portenta de nature céleste. Cette mention suit le catalogue des monumenta de la disciplina Tusca (... et haruspicini et fulgurales et rituales libri...). Tous les textes du livre I consacrés au « plus religieux des peuples » associent les deux branches de la « discipline », les exta et les caelestia (les de caelo tacta) ; resterait à expliquer, dans I, 35, la série ternaire exta,

fulgora, portenta, présentée par Quintus : en effet tous les fulgora sont des ostenta, et non pas des portenta

— au sens le plus strict du terme'?', La mise au point sur le lexique de la divination romaine est essentielle. I] semble que l'appréciation de I, 9, concernant les Etrusques (ostentorum exercitatissimi interpretes) recouvre tous les signes prophétiques relevant de la « discipline ». Si l'on se reporte au De natura deorum IL, 7, une définition fondée sur la convergence étymo-

logique, assimile ostenta, portenta, monstra, prodigia. Dans la critique de notre livre II, 62, portenta et ostenta sont considérés comme synonymes ; un passage de II, 87 range méme les prédictions astrologiques de Chaldée 191. La terminologie des divers « prodiges » est difficile à dominer, cf. Bloch, Les prodiges, p. 84-85 ; Bayet, Religion Romaine, p. 140 (le tragique de l'anormal) ; Bouché-Leclercq, Diuination, IV, p. 76-78 (discrimination impossible). Bloch glose Diu. I, 93, les termes « aux emplois trés voisins ». Or la série de I, 93 et les gloses grammaticales (ostendunt, portendunt, monstrant, praedicunt) sont repris de ND IL 7. Le prodige étant, selon Bayet, « le tragique de l'anormal », mais une anomalie pas forcément contraire aux « lois de la nature » (Bouché-Leclercq, Diuination, IV, p. 75-77), il semble assez vain de distinguer par la terminologie prodiges végétaux, miracles du monde animal et monstruosités biologiques (ibid., note 222. On sait que

Cicéron,

dans

IL, 87, range

les prédictions

astrologiques

dans les Chaldaeorum monstra (on parle ailleurs des portenta de la théologie « mythique », mis en valeur par la poésie et la peinture).

INTRODUCTION

LI

dans la catégorie des monstra. Dans l'utilisation de la terminologie, il parait difficile de distinguer radicalement les phénoménes célestes « anormaux », exempts de déterminisme cosmique, et les ratés monstrueux de

la biologie, qui se trouvent dans les mêmes catalogues"? Il demeure que notre livre I crédite les Etrusques d'une aptitude à pratiquer l'interprétation totale des signes, mais en reconnaissant à l'extorum cognitio une sorte de primauté. Le livre II, dans sa critique, pose des problémes complexes. En premier heu, celui du rajout étiologique consacré à Tagés et à la révélation de l'haruspicine (II, 50-51) : l'exposé, omis dans le livre I, paradoxalement, précéde de trés peu la critique. Est-ce un « rattrapage », qui trahirait une certaine rapidité de la composition ? Ou un souci de vraisemblance,

dicté

par le désir de ne pas préter à Quintus une science étruscologique trop poussée ? Les deux hypothéses sont plausibles, mais il est d'autres exemples de ces rajouts

différés, bien que l'anecdote de Tagès s'inscrive dans

une vaste narration". Rome doit aux Etrusques l'essentiel de son systéme divinatoire : tous les spécialistes l'ont établi, mais les Romains reconnaissent inégalement la dette. La dette de la divination publique étant admise,

on s'étonnera

que la réfutation sceptique du livre II vise la théologie 192. Les « naissances monstrueuses », relevant de la procurationélimination, remplissent les catalogues de prodiges de l'annalistique, collationnés par Tite-Live jusqu'à l'époque « historique ». Voir par ex. : XXVIL 4 (agnus cum ubere lactenti) ; XXVIH, 11 (porcus biceps et agnus mas idem feminaque) ; XXXI, 12 (agnus cum capite suillo... porcus cum capite humano) ; XXXIL, 29 (agnus biceps cum quinque pedibus). Cicéron, dans notre dialogue, semble ne s'intéresser qu'aux malformations des animaux sacrificiels — prodiges au sein de la consultation divinatoire, au sens particuliérement tragique. 193. L'anecdote semble provenir, non de Nigidius ou de Varron, mais de Caecina, dans Diu. II, 50; cf. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, Introduction, p. 28 : on n'en trouve aucune trace dans le recueil de Peter, ZH RR.

INTRODUCTION

LIV

civile, pourtant préservée, et que Cicéron conteste aux haruspices toscans leur science de gouvernement (II, 11; IL, 75). A la différence des autres critiques, qui illustrent la méthode académique, on saisit ici une réaction culturelle de type nationaliste. La méthode des « rajouts », comblant les lacunes de l'exposé initial, n'est pas exceptionnelle dans le dialogue : on la découvre aussi, dans II, 42, pour la partition de

l'espace céleste en 16 régions. Au terme de sa démarche critique, Cicéron

contestera,

au nom

du nationalisme

romain, la primauté divinatoire du peuple étrusque : ...

cur enim Tuscis potius quam Romanis darent 235 Le De natura deorum avait révélé, en histoire des religions, une méthode comparative qui méne

au relativisme sceptique'?, surtout pour les avatars des divinités gréco-romaines. Dans le méme esprit, le livre IJ de notre dialogue souligne à plusieurs reprises les divergences et variations géographiques qui opposent haruspices étrusques, éliens, égyptiens et carthaginois ; ainsi dans II, 28 et dans IT, 80 — qui reprend la critique de la disciplina Etrusca. Malgré le souci d'élargir l'enquéte à l'Orient, le bilan sera mitigé. La connaissance des cultes du Nil se révéle assez sommaire. Le dialogue reconnait certes (I, 2) l'ancienneté de l'astronomie égyptienne, mais la seule forme de divination bien assimilée est celle de l'oracle d'Hammon"S, égalé à celui de Delphes et de Dodone. 194. Diu. Il, 106 : ce refus de la prépondérance étrusque, corollaire de l'idée d'une supériorité religieuse « sur toutes les nations et toutes les peuplades », se trouvait déjà dans Har. Resp. 19-20. 195. ND III, 42 sq. : la méthode critique de Cotta explore les avatars puniques et orientaux des dieux gréco-romains. 196.

Voir

I, 3 et I, 95

: l'oracle,

quoique

décadent

à la fin de

la République, selon Strabon (Géogr. XVII, 813 C), est cité sur le méme plan que Delphes ou Dodone ; id. ND I, 82 (JupiterAmmon). Étude exhaustive de Bouché-Leclercq, Diuination, II, p. 338 sq.

INTRODUCTION

LV

Les /siaci coniectores sont cités avec mépris (I, 132), par Quintus

lui-même,

dans

une faune de charlatans

« privés » qui font commerce de leurs mystères. Cette faune marginale, qui alimente la xénophobie, est impor-

tante à Rome, de la fin de la République à l'époque

julio-claudienne"", et les traditionalistes dénoncent ces parasites allogénes. Méme parfois incriminée.

la divination judaique est

Or cette divination judaique"*, dans son prophétisme officiel lié à la destinée de la nation, comme dans

ses déviations Cicéron, et la l'époque de la un admirateur

mercantiles, est totalement ignorée de lacune ne laisse pas de surprendre à premiére destruction du Temple, chez des campagnes orientales du Grand

Pompéel”. En revanche, la divination « asiatique » occupe une place importante dans la culture religieuse qui sert de support au dialogue, et surtout la « magie » perse et l'astrologie chaldéenne -- cette dernière connue et remise en question depuis un siècle. Dans l’archéologie de la divination, les peuples de l'Anatolie et ceux du plateau iranien jouissent d'une réelle priorité. L'esquisse

initiale du livre I le prouve???, Cicéron explique par un déterminisme géographique et climatique, de type hippocratique, que les Assyriens et les Chaldéens devaient leur supériorité astronomique 197. Juvénal, IIL, 77 (augur ; magus) ; VL, 543 sq. (les Juifs comme marchands de surnaturel trompeur). Déjà Horace évoque le monde de la sorcellerie et de la divination populaire - la Canidie des Epodes et de la satire I, 8, qui corroborent les images de notre livre I ($ 132). 198. Le Pro Flacco, 67, dénonce la barbara superstitio des Juifs (le paramétre ethnico-culturel courant). Voir Fr. Cumont, Les religions orientales dans le paganisme romain, Paris, 1963, p. 263 et 293 (magie et astrologie sémitiques). 199. Voir le discours De imperio Pompei, à l'occasion de la rogatio Manilia. 200. Diu. I, 1-2.

INTRODUCTION

LVI

à l'existence d'un vaste espace d'observation sidérale :

… propter planitiam magnitudinemque regionum" ; le ciel dégagé facilitait l'observation. L'exploration divinatoire du vol des oiseaux apparait comme l'apport historique des Ciliciens, Pisidiens et Pamphyliens. Or le De diuinatione, qui ne fait pas référence à Zoroastre, Osthanés et Zalmoxis, ne semble bien connaitre que

les « mages hellénisés »"?, surtout Dinon et Callanus (I, 46-47). Les dialogues antérieurs évoquent aussi les mages. Le dialogue mentionne les prédictions des mages à Cyrus le Grand, en limitant la magie divinatoire à

l'interprétation des songes??. Dans le cas de Callanus,

gymnosophiste immortalisé

attaché à l'expédition

par son

d'Alexandre,

suicide, fataliste ou altruiste”*,

l'approche de la mort lui inspire un pressentiment prophétique sur la mort d'Alexandre. Mais les mentions du livre I sont dépourvues de toute précision technique sur la magie divinatoire. Une retractatio ($$ 90-91) ne précise pas pour autant le sens du commerce des Perses avec le divin : ... augurantur et 201. Après I, 2 sq., I, 91 et II, 87 sq. reviennent sur la cognitio astrorum sollertiaque ingeniorum des « Chaldéens » ; c'est le texte du livre IT qui explicite le mieux, dans un contexte sceptique, la base astronomique de la prédiction astrologique. Notre dialogue, dans I, 93, revient sur l'idée d'un déterminisme géographique (... e locis quoque ipsis... Aegyptii et Babylonii in camporum patentium aequoribus habitantes. ..). 202. Cumont, Les religions orientales, p. 151 sq. (aprés p. 125 sq.). Voir aussi Bidez-Cumont, Les mages hellénisés, Paris, 1938. 203.

Diu.

1, 46-47 et I1, 136. La référence aux Persica de Dinon

doit provenir d'abréviateurs de l'historiographie hellénistique : ils ont été utilisés par Cornelius Nepos, familier de Cicéron (Aulu-Gelle, NA

XV, 28) ; il devait à ce correspondant

de nombreux

renseigne-

ments historiographiques, cf. Schanz-Hosius, Lit. I, p. 496 (‘Zur Quellenkunde). 204. Cicéron a exploité cet exemplum classique dans Tusc. V, 77 — alors que dans notre dialogue (I, 52) il est appelé indoctus ac barbarus. Voir Quinte-Curce, Alex. VII, 9, 32.

INTRODUCTION

diuinant. L'accent sera mis sur et sur les connexions multiples du du savoir sacerdotal?, La Perse, julio-claudiennes qui révèlent les encore livré tous les secrets de sa

LVII

la théocratie royale pouvoir politique et avant les campagnes rois-prétres, n'a pas « magie ». Il faudra

attendre I' Histoire naturelle de Pline?'* pour trouver, à Rome, un catalogue vulgarisé de toutes les pratiques de magie divinatoire.

LA CULTURE SCIENTIFIQUE DE CICÉRON ET LE DE DIVINATIONE Le dialogue implique, comme

dans sa démarche

dans

sa démarche

fidéiste

critique, une confrontation

de la religion avec les données de la science ; les options philosophiques ont des supports « physiques », et il faut se demander si Cicéron a bien cerné cet apport. En effet, un monisme stoicisant absorbe la divination dans

un savoir cosmique accessible à la ratio", mais la méme ratio peut aussi, en raison de ses critéres épistémolo-

giques différenciés, sinon divergents, opposer en termes également « physiques », « phénoménaux », l'univers de la « raison » et celui de la « superstition ». Autant 205. Loc. cit. : ... in Persis augurantur et diuinant magi, qui congregantur in fano... ; nec quisquam rex Persarum potest esse, qui non ante magorum

disciplinam scientiamque perceperit...

206. Le précis d'histoire de la magie de Pline, NH XXX, l à 18, se recoupe partiellement avec le De diu. notamment I, 91 — moins la nomenclature. 207. Sur la notion cicéronienne de ratio et le rationalisme de l'auteur, voir notre Conclusion. Le texte de I, 111 oppose un « élan divin », lié à la théologie panthéiste (I, 110), et la raison humaine à l’œuvre dans les prédictions ; dans II, 14, la « prescience » (praesentiri) est exclue de l'inspiration divine, au profit, soit de l'« art », soit de la «raison », soit de la « conjecture ». Il apparaîtra que la rationalisation partielle de la divination par la « famille platonicienne » S'oppose à l'hyperrationalisme stoicien de Balbus (ND II, 162 sq.).

LVIII

INTRODUCTION

que les sources doctrinales et philosophiques, la science peut apporter ses arguments au débat : les savoirs de la sapientia, que diffuse toute école, surtout à la fin de la République, un systéme à la fois anthropologique et cosmique. Il conviendra de ne pas négliger la science religieuse pure, déjà évoquée précédemment, mais de l'appro-

fondir, et de scruter au-delà l'astronomie- astrologie”, ainsi qu’à un moindre degré la médecine et ses « sciences

auxiliaires »?9. Dans le domaine très technique des sciences religieuses, l'académisme romain a apporté une méthode d'investigation et de classement. On a vu que Cicéron a fréquenté deux spécialistes, étrangers à l'École : un néopythagoricien, Nigidius Figulus, un « étrusquisant » d'origine toscane, Caecina. Il correspond avec

eux durant les «années noires », en 46-45?

Avec

Nigidius, le « mage » que les Césariens tiennent pour

un thaumaturge subversif?! et un Pompéien irréducüble, qu'il tente de rallier dans un temps

à l'ordre

nouveau,

de lettres

comme

avec Caecina,

l'échange

est limité et peu probant. Cicéron évoque seulement 208. Voir Diu. 1, 2 et les commentaires de Pease, ‘De diuinatione’ libri duo, p. 41-43 : Cicéron a repris la diachronie comparée de l'astronomie babylonienne (Assyrii ; Chaldaei) et égyptienne. Dans IL, 10, Cicéron, malgré le syncrétisme antique, oppose la divination à l'astronomie scientifique, domaine des mathematici : il est question de la taille comparée et des dimensions réelles du soleil et de la lune, de la mécanique céleste de leurs mouvements et du cours des planétes. Le planétaire de Cicéron est fixé depuis le De rep. VI et le De nat. deor. 11. 209. Sur l'épistémologie de la médecine, infra. 210.

Outre Ad fam. IV, 13, déjà cité, voir VI, 5, 6 et la réponse de

VI, 7 ; pour Caecina, VI, 9, 1 ; X, 23, 3; XIIL, 66, 1 (affinités politiques et intellectuelles des studia). La lettre Fam. VI, 6 à Caecina, capitale pour la réflexion politique, lie la prévision politique à la divination, et ce n'est pas un hasard si elle se référe à l'Amphiaraus des fabulae, devin et guérisseur — célébré par un relief votif. 211. Salluste, /n Cic. XIV : le sodalicium criminel du mage.

INTRODUCTION

LIX

en Nigidius (Fam. IV, 13), l'homme doctissimus et sanctissimus, inspiré par une doctrina et une ratio susceptibles de lui apporter, dans l'épreuve du bannissement, des consolations « philosophiques ». Si rien n'indique qu'il doive aux studia de Nigidius une information étruscologique, on peut conjecturer que ni son de diis, ni son de extis, ni son de somniis??, ne lui étaient inconnus ; il est vrai qu'avant 45-44, Cicéron ne semble pas avoir privilégié l'aspect divinatoire du pythagorisme. Le pythagorisme du Songe de Scipion

constitue surtout une donnée exégétique?", même si le colloque transterrestre entre l'Africain et son descendant contient des éléments prophétiques. La traduction du Timée, dans le prologue, prouve que Nigidius suivait

les débats sur les « problèmes physiques »?'*. La cosmologie de la traduction cicéronienne ne débouche pas sur la divination. Avec Caecina, les choses paraissent plus nettes dans le domaine de la Tusca disciplina. Une lettre fait état d'une grande communauté « de goüts et de liens sociaux »?P : les studia concernent-ils, au sens étroit, les curiosités intellectuelles ? En tout cas les lettres Ad Familiares du livre VI révèlent, outre la familiarité, un commerce

intellectuel

sur la « divination » :

dans VI, 5 et 6, la tradition familiale du correspondant n'est pas le moins du monde dépréciée, et Cicéron vante méme sa diuinatio comme une composante de sa « science politique » ; or cette diuinatio suppose une base 212.

Schanz-Hosius, Lit. I, p. 553.

213.

P. Boyancé, Études sur le Songe de Scipion, Paris, 1936, pass.

Id. 1. Catcopino, La Basilique pythagoricienne de la Porte Majeure, Paris, 1943, p. 258. 214. Timée (traduction cicéronienne) : acer inuestigator et diligens earum rerum quae a natura inuolutae uidentur... ; la terminologie refléte le scepticisme

« antiscientifique » de Socrate,

ésotérisme. 215. Ad fam. XIII, 66, 1 (de 45 av. J.-C.).

et un certain

LX

INTRODUCTION

doctrinale et philosophique, qui ne l'aurait jamais « abusé », et elle dépasse la simple « sagesse » politique

— celle d'un Romulus? 6, En tout cas, le passage fait probléme. La suite de la lettre révéle en effet une association entre la séméiologie augurale, traitée il est vrai avec

un certain recul critique, et la prévision éclairée?". On lit dans la lettre que si la personnalité profonde de César ne peut étre élucidée, l'histoire et le cours des événements restaient, au moment des choix politiques décisifs de la guerre civile, une énigme totale. ... propter incertos

exitus euentusque bellorum?'*. Caecina, si l'on scrute sa réponse, dans la lettre VI, 7, avait un peu perdu la foi en sa « divination ». Mais toute cette correspondance prouve qu'en 46, l'augure Cicéron a eu un regain de curiosité pour la science religieuse d'Etrurie, présente dans le De consulatu. Les problémes de science astronomique, présents dans le De republica I et VI, ont trés tôt fixé la curiosité de l'orateur-philosophe, qui, dés sa jeunesse, vers

86 av. J.-C., avait traduit les Prognostica?? : on admet que le travail a subi des retouches importantes en 60

— repère éditorial important??, La question demeure posée, de savoir si Prognostica et Phaenomena sont deux ceuvres différentes. Les éditions les plus récentes optent pour une spécificité des fragments des années 45-44, 216.

Fam. VI, 6, 3 oppose, avec humour, à la divination « toscane »

la « divination » issue de ja politique rationnelle, cf. Rep. II, 10 sq. (la « providence » de Romulus ramenée à la sapientia politique). 217. Fam. VI, 6, 4-7 : Cicéron, en Amphiaros politique, est parti prudens et sciens vers la catastrophe pompéienne ; sur le destin du « devin » grec, Bouché-Leclercq,

Diuination, TI, p. 24-27.

218.

Ibid., $ 12.

219.

Les Prognostica sont cités, et le titre attesté, dans I, 13 sq.,

surtout II, 14. Le De nat. deor. 11, 104, traitant de mécanique céleste, rappelle que Cicéron a traduit les Aratea « dans son adolescence ». 220. Aratea. Fragments poétiques, éd. 1. Soubiran, Paris, ΟΕ, 1972, Introduction, p. 8-16.

INTRODUCTION

LXI

insérés dans notre dialogue sous le titre de Prognostica?, Or une lettre de 60 donnait déjà l’œuvre sous le titre de Prognostica mea. Peut-on admettre, avec A.S. Pease, que

les Phaenomena étaient une vulgarisation d'amateur?, à partir d'un original en deux parties, les « Phénoménes »

proprement dits, et une monographie sur les levers et couchers des astres ? Les citations des Prognostica, que Cicéron, dans II, 14, appelle nostra Aratea, semblent,

aux yeux de l'auteur lui-méme, faire partie d'un corpus unique : dans ce corpus, comme dans les Géorgiques virgiliennes, les prévisions instinctives du monde animal

rejoignent les observations empiriques sur les mouvements célestes, et illustrent une sorte de « sympathie »

cosmique^?, importante au demeurant dans les justifications théoriques de la divination. Reste que l'anthologie du De diuinatione nous propose une météorologie coupée de ses bases astronomiques, analogique de la divination « astrale », qui donne lieu à des dévelop-

pements distincts, présente dans le De consulatu. Le dialogue tale, comme

fait référence

à l'astronomie

base de la divination

orien-

astrale. Le théme

apparait dés le prologue du livre I, dans sa partie

« argumentative »?? 3; le livre II contiendra une longue 221.

Le titre est donné par Diu. Y, 13; par Ad Att. IL 1, 11 et XV, 16.

222. Pease, 'De diuinatione' libri duo, p. 78 et note (77) 4. 223. Loc. cit. (CUF, p. 193 sq.) : ... inflatus mare... densus stridor... cana fulix itidem, fugiens e gurgite ponti... signa uidetis, aquai dulcis alumnae... saepe etiam pertriste canit de pectore carmen / et matutinis acredula... cursans per litora cornix... Le rapprochement avec Virgile, Géorg. I, 356-414, pass., est probant. Pour le texte virgilien, se reporter à l'édition de W. Richter, Georgica, Munich, 1957, et commentaires. Sur la « sympathie cosmique » chez Virgile,

L'Otium..., p. 516 sq. 224. Diu. 1, 17 sq. — plus tributaire de la culture théologique romaine ; seuls les « ornements » sont de type alexandrin. 225. Le développement historico-géographique de I, 1-7 précède la doxographie philosophique. Cicéron trahit dans le livre Π du De natura deorum (IL, 98 sq.), et dans sa Chorographie, perdue (SchanzHosius, I, p. 534) ses curiosités géographiques et ethnographiques.

LXII

INTRODUCTION

discussion critique de l'astronomie, assimilée aux Chaldaeorum monstra, que Cicéron ne dissocie pas de

la tradition astronomique’*. Le premier prooemium fondait dans un syncrétisme l'Assyrie, la Chaldée et l'Égypte. Or la théorie de la sphére des fixes et le planétaire du Songe de Scipion" ont, depuis l'Antiquité, inspiré des commentaires qui distinguent la tradition chaldéenne et la tradition égyptienne. Il suffit de

renvoyer aux exégéses de P. Boyancé^?, Si cette derniére étude n'éclaire pas fondamentalement les divergences « scolaires », elle souligne que le Songe n'est pas l’œuvre d'un « technicien » ; on analyse avec précision «les idées sur le monde », et notamment

l'opposition entre ordre planétaire « chaldéen » et l'ordre

« égyptien »??. Cicéron semble avoir suivi, dans la quête d'une base cosmologique pour son eschatologie, l'ordre chaldéen, contrairement au systéme « égyptien » suivi par Pythagore, Platon et Aristote — avec la caution scientifique d'Eudoxe.

L'ordre chaldéen,

celui d'Archiméde,

génie

admiré de Cicéron, et de la minorité pythagoricienne, postule un héliocentrisme, impliquant de situer en-decà de la lune Mercure et Vénus, et au-delà, Mars, Jupiter et

Saturne. Cicéron parait suivre la théorie dominante de son époque. Or le De natura deorum, plus proche de notre 226. Le terme de monstra intervient (II, 87) pour justifier les « prédictions fatidiques » des Chaldéens par leur lien avec la « superstition » : la caution scientifique d' Eudoxe, dans le contexte, permet de dissocier astrologie et astronomie « mathématique ». 227. Rep. VI, 15-18, repris dans ND II, 88 sq. 228. Études sur le Songe de Scipion, p. 59-65 : à l'époque, I'« ordre chaldéen » prédomine. 229.

Le

Timée,

dans

la traduction

cicéronienne

(δ 25 sq.), ne

distingue guére l'ordre égyptien de l'ordre chaldéen, le premier de douze signes zodiacaux, le second de onze signes. Voir Fr. Cumont, L'Égypte des astrologues, Bruxelles, 1937, et J. Bayet, Religion Romaine, p. 255-258. Id. l’article de C. Santini, « Astronomia », in Letteratura scientifica e tecnica di Grecia e Roma, Roma, 2002, p. 141 sq. (‘Le origini mesopotamiche”).

INTRODUCTION

LXII

dialogue", dans son livre II, a manifestement concilié l'héliocentrisme avec « l'ordre égyptien de Chrysippe et de Platon ». Notre dialogue, ni dans son livre fidéiste, ni dans son livre sceptique, ne semble prendre beaucoup en compte ces antinomies de la cosmologie antique. La discussion critique du livre Il, qu'on considère comme grandement tributaire de Carnéade, parait tenir pour secondaire l'opposition des deux « systèmes » : Cicéron rattache le « chaldéisme » à Eudoxe et à Platon?!, Or la relation entre les natalicia et les sidera

errantia n'explicitera que par la suite le planétaire et ja ratio mathematicorum"" : cette dernière précisera

les positions relatives de la Terre, de la proxuma Mercuri stella, de Vénus, plus éloignée, et de la Lune par rapport au Soleil. Les « cercles » (orbes), ainsi définis plus tard, s'opposent aux tria interualla infinita et immensa a Sole ad Martis, inde ab Jouis, ab eo ad Saturni stellam. Le souci de préciser le status caeli précède l'analyse du mécanisme”, et a amené Cicéron à accepter le chaldéisme, avant de récuser fondamentalement

nisme astral universel des orbes. Comme les autres dialogues gique, le De diuinatione rencontre,

du

le détermi-

corpus

théolo-

à divers niveaux,

les problémes de la médecine et de ses disciplines auxiliaires — les sciences de la vie?*. 230. ND II, 102. 231. Diu. II, 87-88 : Cicéron trahit, malgré le syncrétisme global souvent

relevé,

la défiance

des

« savants » pour

les prédictions

astrales. 232. Diu. I, 91. l’« ordre chaldéen » est cautionné par Diogène de Babylone et contesté par Panétius, qui lui oppose la ratio mathematicorum, cf. Boyancé, Songe de Scipion, p. 64 et note 1. 233. Diu. II, 91. Toute la suite sera une discussion serrée du déterminisme astrologique, auquel Cicéron (δ 94) opposera le déterminisme naturel de la météorologie : le rationalisme critique impose de refuser l'explication de la germination et de la procréation, ainsi que de l'anthropologie, par temperatio lunae caelique moderatio. 234. Diu. I, 13, et 24 ; I, 12-13.

LXIV

INTRODUCTION

Les multiples allusions aux « sciences de la vie » et à leurs techniques dérivées, dans les deux livres, s'inscrivent

dans une démarche intellectuelle générale, qui remonte au De oratore : elle est essentielle dans la rhétorique latine, et elle institue une

« comparaison » des artes,

de contenu plus épistémologique que sociologique (avant le De officiis). Ce type de réflexion fait partie de la tradition « platonicienne » — au sens large --, celle de l'ancienne Académie et du Peripatos. Cicéron est du reste convaincu que ces deux écoles sont l'« atelier de tous les arts »5, et, dans le méme contexte du De finibus, il cite la zoologie d'Aristote — génétique et morphologie —, ainsi que la botanique et l'explication causale de

la biologie végétale?*. Dans le dialogue, Quintus, comme Marcus, analysent les « arts» en termes épistémologiques, leur valeur « technique » (ars, utilitas" et leur rationalité (ratio) ; ils s’accordent à souligner la nature « conjecturale » de la médecine, de la navigation et de

la stratégie. La terminologie convergente, avec ses outils grammaticaux constants (nom ; adjectif ; verbe), expli-

cite dans tous ces arts une coniectura prévisionnelle?* 235. De fin. V, 7. Voir notre exposé dans le Colloque Aristoteles Romanus,

Strasbourg,

2009.

236. Moreau, Aristote et son école, p. 262-263 : Théophraste savant (Historia plantarum ; De causis plantarum). La vulgarisation de l Historia animalium aristotélicienne fait progresser à Rome la physiologie humaine et la médecine. Voir notre Médecine à Rome, Paris, 2006, p. 279-287, pass. (hygiène, salubrité et urbanisme) ; p. 624 (l'aristotélisme et les sciences naturelles). 237, Voir par ex. I, 13 : l'empirisme médical (cf. infra) en matière thérapeutique : ….herbarum genera, quorum uim atque naturam ratio numquam explicauit, utilitate et ars et inuentor probatus... ; notions capitales de l'empirisme, animaduersa et notata.... ($ 12) ; dans ce contexte, la répétition diachronique de l'observation et la mémorisation constituent un processus essentiel. 238. Les Académiciens, avant Celse, définissent la médecine et son épistémologie comme une ars coniecturalis. Dans Diu. I, 24, comme dans IT, 12-13, la terminologie de l'empirisme conjectural est essentielle (coniectura, opinabiles, conicere). Dans II, 145, pour

INTRODUCTION

LXV

qui tend, comme dans le cas de la divination, à cerner et à réduire les phénoménes et événements « fortuits », naturels ou historiques, et, à défaut, à les faire entrer

dans une rationalité ; cette derniére impliquerait la totale efficacité : or dans ce domaine, praedictio et praesentia sont faillibles. On rejoint la réflexion de Platon, en

marge du corpus hippocratique, sur la part d'epistémé et de technè que recèle l’art médical”. Les échecs de la médecine, analogues aux défaillances de la prédiction, ont ceci de particulier qu'ailleurs l'échec « fortuit » peut

s’expliquer par l'ignorance ou la malchance, Mais dans tous les cas, la résistance du « fortuit » à la rationalité

totale“! est la condition d'une ars coniecturalis. Le dialogue cicéronien ne nous propose pas seulement un traitement analogique du probléme médical. Il révèle aussi des curiosités nosologiques et « hygiéniques » : une réflexion fugitive sur la salubrité et

la « pestilence »“?, rattachée au choix des victimes sélectionnées pour l'extispicine ; elle trahit, ici comme

ailleurs, une certaine assimilation de l'épidémiologie hippocratique, conjuguée avec l'empirisme agraire romain, qui classe les sols et les lieux en fonction de ces paramètres hygiéniques. Le De diuinatione, après le De republica et le De natura

deorum,

et

avant

le

Timée,

marque

donc

illustrer la méthode médicale de l'analogie en « sémiologie » et de la conjecture, Cicéron prend l’exemple des signa quaedam ex uenis et ex spiritu exploités par les médecins. 239.

La

Médecine,

p.

106 ; id. p.

129-131.

Cicéron

n'a sans

doute du ‘corpus’ hippocratique et de sa méthodologie qu'une connaissance « thétique », à travers les vulgarisations des dialogues platoniciens, voire du « bréviaire » aristotélicien des Problèmes.

240. Leg. II, 13; ND III, 70 : dans les deux textes, il apparait que l'intention curative normale peut étre trahie par le « fortuit ». 241. Voir notre Conclusion générale. 242. Voir notre article «La notion de ‘pestilentia’ à Rome : du tabou religieux à l'interprétation préscientifique », Latornus, XXXIX, 1, 1980, p. 15-16 ; La Médecine..., p. 148-149.

INTRODUCTION

LXVI

une étape importante dans l'évolution de la curiosité scientifique des Romains,

dans

un itinéraire culturel

qui mene à la littérature technique du Haut-Empire.

LES SOURCES PHILOSOPHIQUES DU

DE DIVINATIONE

L'exploration de ces sources déborde trés largement les problémes d'érudition pure, parce que le dialogue est à la fois congu comme une synthése doctrinale, orientée

vers la quéte de la vérité, et comme une somme de testimonia sur les écoles philosophiques de l'Antiquité

gréco-romaine?*, En effet, il n'est guère de recherche sur le systéme stoicien, ou sur l'épistémologie académique, voire sur le spiritualisme « platonicien », qui n'utilise les références doctrinales du De diuinatione. I] suffit

de citer les travaux de M. Pohlenz"^ et de C. Lévy“. Plus caractéristiques encore, les monographies doctrinales sur Panétius et surtout sur Posidonius"δ, ou encore les essais de prosopographie philosophique consacrés aux héritiers mineurs des grands systémes, surtout aux Académiciens et aux Péripatéticiens, tel Carnéade?", ou son abréviateur, Clitomaque^?, ou 243.

Von Arnim, St. V. Fr. IT, 629 ; 921 sq. ; 1192-1215, III, 607,

etc.

244. M. Pohlenz, Die Stoa. Geschichte einer geistigen Bewegung, I et II, Gôttingen, 1978-1980 : I, p. 98-100 ; 117-118 ; 138-166, pass. 245. C. Lévy, Cicero Academicus. Recherches sur les Académiques' et sur la philosophie cicéronienne, Coll. EFR,

162, Paris-Roma,

1992,

p. 91 (Cratippe) ; p. 100 sq. ; p. 581 sq. 246. Article de K. Reinhardt, Poseidonios, P-W, discussion dans Timpanaro, Della divinazione,

p. LXXXIX sq. 247. V. Brochard, Les Sceptiques p. 123-124. 248. Plutarque, Lucull. 98 et 102.

grecs,

rééd.

col. 792 sq. : Introduzione,

Paris,

1963,

INTRODUCTION

LXVII

encore le péripatéticien Cratippe??. Ces penseurs plus ou moins mineurs, à la différence des disciples célébres, comme

ceux de

1'« école d'Aristote », ont pour

dominant, ou bien d'avoir dispensé, comme

trait

Socrate,

un enseignement purement oral, ou bien d'avoir laissé, de leurs œuvres perdues et mutilées, des attestations trés fragmentaires. Tel est le cas de Carnéade, maitre

de la conférence publique”, ou encore des « compila-

teurs », Clitomaque et Cratippe”!. L'exploration un examen des faudra trancher citées — lequel

des sources du dialogue appellera méthodes de travail de Cicéron : il entre le recours direct aux œuvres est fonction de son loisir et rejoint

la biographie et l'autobiographie de l'année 44?? —, et l'éventuelle utilisation de doxographies constituées, soit véhiculées par les Écoles, soit intégrées à des sources

privilégiées, Posidonius par exemple". Cicéron

a

avoir recouru

reconnu

aux

lui-méme,

dans

doxographies,

genre

le

livre

I,

cultivé par

une Académie en quête de tous les dissensus^" ; il atteste avoir effectué lui-m&me des synthéses qui soulignent, non seulement les clivages « scolaires », mais aussi 249. Sur Cratippe, outre les mises au point de C. Lévy, Cicero Academicus, voir E. Rawson, « Roman Rulers and the Philosophic Adviser », Philosophia Togata, 1, Oxford, 1989, p. 240-241 (références cicéroniennes). 250. Diogène-Laërce, VI, 62 sq. : il n'a pas laissé d'écrits ; cf. Brochard, Sceptiques, p. 125 sq. ; pour ses théories sur la divination, p. 142-148. 251. Sur Clitomaque, Diogéne-Laérce, IV, 67 : successeur de Carnéade comme scolarque, il était spécialisé dans l'exégése, et trés familier également du stoicisme. Son importance est soulignée par Lévy, Cicero Academicus, p. 46-48 ; 80 sq. 252. Supra : Datation. 253.

Reinhardt,

Poseidonios,

P-W,

1921,

col.

792,

p. 428-429.

Cf. Ad Ait. XVI, 11, 4 et 14, 4 (de l'année 44). 254. Sur ce concept épistémologique, Lévy, Cicero Academicus, p. 337 sq. et 541 sq.

LXVIII

INTRODUCTION

les divergences individuelles à l'intérieur de telle ou

telle école philosophique*. Les catalogues doxographiques illustrent, dés le début (I, 5), le consensus de Socrates omnesque Socratici Zenoque et ii qui ab eo essent profecti, donc un accord «fidéiste » entre le Portique, les « Socratiques », l'ancienne Académie et les péripatéticiens, qui se fonde sur l'antiquorum philosophorum sententia ; un rajout, dans I, 87, est significatif, parce

qu'il intègre les Présocratiques à la uetus Academia^^, Dans le contexte, comme dans I, 5, Epicure est exclu du consensus ; Quintus associera ensuite Epicure au « négateur » Carnéade, dans I, 109. I] est tout aussi

clair que la censure du livre I du De natura deorum,

visant l'arrogance des physici", cherche à atteindre le maitre du Jardin. Dans toute la doxographie initiale, Quintus apparait comme le faire-valoir de la culture philosophique, plus vaste, de son frére. Le fait que

la théologie épicurienne?*, trés conséquente sur ce point, converge avec tous les refus doctrinaux de la divination n'enchante guère Cicéron — un Cicéron qui du reste, a tendance

à refuser au Jardin un vrai

« déisme » : il regrette en effet que le fidéisme de ses « chers stoïciens » ait alimenté les sarcasmes de l'école 255. Acad. post. Y, 13 sq. : Cicéron, dans les Secondes Académiques, professe l'unité des deux Académies, l'Ancienne Cf. J.-M. André, La Philosophie à Rome, p. 80.

et la Nouvelle.

256. Loc. cit. : ... adiunxi ueterem Academiam... Le syncrétisme, qui associe à l'ancienne Académie le Peripatos et le Portique semble l'apport d'Antiochus d'Ascalon, cf. Philosophia Togata, I, p. 78-81. les

257. Diu. II, 30 : se rappeler les positions de Lucullus, dans Academica priora, 11, 32 sq. Cf. Lévy, Cicero Academicus,

p. 541 sq. 258. ND I, 18 sq. Festugiére, Épicure et ses dieux, Paris, 1946, p. 92 sq. : le refus de la divination et des « signes » adressés aux mortels procède du dogme de l’ataraxie divine, voir Diu. II, 40 et II, 104.

INTRODUCTION

LXIX

rivale”. Cicéron rappellera avec une telle dilection

ses griefs culturels permanents’, quand Quintus les évoque”, qu'on peut se demander si cette digression n'est pas soufflée par l'auteur à l'interlocuteur complaisant.

Cicéron attache personnellement une grande importance à la doxographie scolaire, aux uariae doctissimorum hominum sententiae, évoquées en introduction

du livre I. La cohérence doctrinale est pour Cicéron un critère de sérieux, sinon de véracité, et il l'appliquera

méme aux épicuriens"9, qu'il tient pour des adversaires de la logique : tantót 11 la leur concéde, et tantót il la leur dénie. La doxographie initiale du dialogue (à partir de I, 5), révèle l'utilisation d'un fonds doxogra-

phique commun, élaboré et diffusé dans les écoles philosophiques à des fins polémiques??. Les déductions de H. Diels, conjecturant, sur la base d'Aetius, une convergence entre Xénophane de Colophon et

Épicure#, ne sont pas trés probantes ; la doxographie du De natura deorum (1, 25-41) a un contenu différent, la divination n'y apparaissant que trés marginalement,

et

une

fonction

différente

: dans

notre

dialogue, elle a une fonction à la fois « argumentative » 259. Diu. II, 39 : pour l'Épicurien Velleius (ND I, 18), la Pronoia stoicienne est une « diseuse de bonne aventure ». 260. André, L'Orium..., p. 232 sq. : le grief reparaît dans notre dialogue, II, 62 et 103.

261. Diu. I, 62. | 262. Sur la carence logique et dialectique de l’Épicurisme vu par Cicéron, De fin. I, 22 et 63. 263. Telle est la philosophie « thétique », définie par le De or I, 136, et mieux encore par les Paradoxa 1, 1 : elle englobe, dans la doxographie, théologie et « piété ». L'apport socratique n'est pas négligeable, le vieux maître combinant les deux aspects du logos ; il s'agit aussi bien de thémes « physiques » que de thémes « éthiques ». 264. À Xénophane est assignée l'identification de l’« infini » et de la divinité,

voir ND

p. 401-402, note 7.

I, 28 et Pease,

'De diuinatione'

libri duo,

INTRODUCTION

LXX

et « épidéictique », celle de lancer un débat aux enjeux

essentiels.

Or le catalogue des placita exploités

souligne, dans une tradition « platonicienne »*% les restrictions sélectives de Dicéarque et de Cratippe : . cetera diuinationis genera sustulit, somniorum et furoris reliquit ... isdem rebus fidem tribuit, reliqua

diuinationis genera reiecit...

Les Péripatéticiens

ont été des promoteurs, dans le domaine de l'histoire

de la culture et de la philosophie? : leur doxographie intégrait certainement l'épicurisme et l'ancien stoicisme. Mais on peut s'interroger sur le sens précis de I, 6, sorte d'addition d'origine scolaire, qui

explicite la phrase antérieure sur Zénon et toute sa descendance. Ce breuiarium consacré à l'histoire du Portique, à son évolution et à ses variations, et l'accent

mis sur une sorte d'« abátardissement » doctrinal9, introduisent le doute destructeur de Panétius. Il est difficile de trancher entre deux hypothéses, qui soulignent les obscurités de la « question posidonienne » : ce rajout fait-il partie d'un catalogue posidonien, intégrant un hétérodoxe qui minorerait sa crédibilité ? Ou bien n'aurait-on pas plutót affaire à l'apport de placita contradictoires, puisés à « une

source quelconque »?^? 2 Parmi les influences scolaires plus ou moins solidaires d'une transmission doxographique, il convient de dégager 265.

Sur ces fonctions,

liées aux

trois genres

d'éloquence

et à

la thématique des prologues scéniques, voir Donat, De fabula VI, 2. 266.

La vision syncrétique, mais réductrice, de la Platonis familia,

apparaît dés le De Leg. I, 55. 267. Diu. I, 5. 268. Moreau, Aristote et son école, p. 260 sq. 269. Diu. I, 6 : ... sed cum Stoici omnia fere illa defenderent... La divergence de Panétius est réputée une sorte de dégénérescence de l'orthodoxie (degenerauit). La critique de Panétius, dans II, 87-97, est étudiée par Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 191 sq. 270. Timpanaro, Della divinazione, Introduzione, p. LXIV sq.

INTRODUCTION

LXXI

l'apport spécifique du Peripatos"!. La Peripateticorum ratio bénéficie d'une considération proche de la prédilection, dans le catalogue doxographique du livre I, dominé par Dicéarque, et par Cratippe, « parangon des péripaté-

ticiens les plus éminents »?^?, ainsi que dans les multiples confirmations du livre II, la Peripateticorum ratio se voit

attribuer une attirance proche de la séduction", Dans la continuité doctrinale du Peripatos Cicéron semble détacher le Stagirite, ses héritiers directs, qu'il

connaît assez bien, Dicéarque et Théophraste^", et son contemporain Cratippe. Mais d'autres références

péripatéticiennes sont visibles dans le dialogue. L'apport du Peripatos s'insére dans le classement des types de divination, et témoigne d'une réception sélective.

Théophraste, connu de Cicéron, de longue date, comme théoricien des « genres de vie» - avec

Dicéarque?^ —, n'a rien écrit sur les rêves et les songes, si l'on se limite au catalogue de Diogéne Laërce?", Le De finibus le considérait comme un théoricien du pouvoir, des régimes politiques et de leurs déviations : rien n'y indiquait un quelconque intérét pour

les institutions religieuses". I] n'en va pas de même pour l'«enthousiasme inspiré ». Dicéarque, dans les Placita d'Aetius, assume la doctrine du maitre sur l'enthousiasme et les songes?^ ; l'assertion corrobore la mention de Cicéron dans notre dialogue (I, 5), 271. Fr. Pfeffer, Studien zur Mantik in der Philosophie der Antike, Meisenheim am Glan, 1976, p. 61-63. 272. Diu. 1,5. 273. Par exemple, dans II, 100, οὐ Dicéarque et Cratippe sont présentés comme des « princes de la doctrine ». 274. L'Otium..., p. 168 et 179, note 9 (Ad Atr. II, 16, 1). 275. R. Joly, Le théme philosophique des genres de vie dans l'Antiquité classique, Bruxelles, 1956, p. 133 sq. 276.

Diogène-Laërce,

277.

Sa perspective est essentiellement sociopolitique, cf. Joly,

ibid. et Moreau,

278.

V, 42-50.

p. 266.

Aetius, Plac. V, 14 = Diels, Dox. Gr. 416.

LXXII

INTRODUCTION

sur la valeur du furor et des somnia??. Mais s'il a écrit un peri mantikés qui déclare, sans contradiction, la connaissance de l'avenir néfaste (Cicéron adhére

à cette doctrine dans le cas des grands hommes??? contemporains), sa théorie de l’âme fait probléme?!. Notre dialogue, de surcroit, l'associe systématiquement à Cratippe pour l'acceptation des duo genera naturels. Il semble bien que l'École, dans le domaine de la divination, ait été tiraillée entre un spiritualisme

empirique et une tentation matérialiste. Straton de Lampsaque, péripatéticien marginal, dont le matérialisme « physique » résorbe la spiri-

tualité courante??, ne semble pas avoir marqué le De diuinatione, quoique Cicéron connaisse sa théologie??? depuis le De natura deorum et les Academica. Or son œuvre atteste une curiosité pour les problèmes du sommeil, des visions nocturnes, de l’« enthousiasme »

et de l'avenir??*, L'apport de Démétrius de Phalére suscite des inter-

rogations. Car Cicéron l'apprécie?? ; il a écrit un peri oneirón qui admet la vérité des songes. Il semble se situer dans le sillage de l'Eudéme aristotélicien et de l'écrit

consacré à la mantique onirique?* ; il devait exploiter des exemples ptolémaiques liés au culte de Sérapis”?. 279. Diu. I, 5 et 113; II, 100 (Wehrli, Die Schule des Aristoteles, frg. 13-16). 280. Diu. 11, 22-23. 281. Tusc. I, 21, cf. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, p. 59 et note 2. 282. Wehrli, Schule..., V, p. 35, frg. 108-115 : le frg. 109 insiste sur la localisation physiologique 283. Acad. pr. I, 121 ; ND I, 35. 284. Diogéne-Laérce, V, 59-60. 285. De Fin. V, 54 (L'Otium..., p. 284, 320 et 322). 286. Wehrli, IV, frg. 99, p. 26; Kommentar, p. 65-66 (synthése sur la théorie des songes de l'Académie et du Peripatos). 287. Voir le catalogue de ses œuvres chez Diogène-Laërce, V, 80-81.

INTRODUCTION

LXXIIT

Or Cicéron, dans notre dialogue, cite seulement de cet

auteur une anecdote célèbre sur les exercices oratoires de

Démosthéne^*, Héraclide du Pont, souvent évoqué par les travaux sur la formule littéraire du dialogue cicéro-

nien'?, apparaît à deux reprises ; cet auditor Platonis passé vraisemblablement au Peripatos est également connu pour deux sortes d'anthologies intitulées peri khrésmón et peri khréstérión, qui associent oracles et songes prophétiques, dans la préhistoire mythique

comme dans l’histoire hellénistique??. Cicéron, dans I, 46, cite le songe de la mére du tyran Phalaris, mais il le mentionne aussi comme référence de certaines prévi-

sions liées à l'observation conjecturale?! des signes.

Les commentaires soulignent les liens entre sa doctrine divinatoire et celle de Dicéarque, de Démétrius de

Phalére et de Cléarque??, Le Peripatos comportant une tradition ésotérique relative à la divination onirique, celle de l’Eudème, l'apport d'Eudéme de Rhodes n'est pas pour autant élucidé. En effet, le dialogue ne cite qu'Eudéme de Chypre, autour duquel! Cicéron reconstruit toute une narratiun-

cula historique, d'une interprétation compliquée??, et qui s'éclaire sans doute par le sous-titre du dialogue

(Eudémos è peri psukès)”*. Ici Eudéme de Rhodes ne saurait étre invoqué, bien qu'il se soit intéressé à l'histoire 288. Diu. IL, 96. Or Quintus connait l'anecdote antique sur les difficultés phonologiques de Démosthéne, d'aprés le Comm. pet., 2. 289. Ruch, Le prooemium, p. 50-51 (références : Diu. 1, 46 et 130). 290. Wehrli, VII, frg. 130 sq. L'oracle de Trophonios (Diu. I, 74) est rapporté à cette source (frg. 132, p. 40 sq.). 291. Diu. Y, 130 (frg. 141). 292. Wehrli, p. 105 : commentaire du frg. 132. 293. Diu. Y, 53: ...cum animus Eudemi corpore excesserit... 294. Le dialogue d'Eudéme de Chypre est lié au « premier Aristote », celui du Protreptique, que l'auteur de l'Hortensius connait, cf. Jaeger, Aristotle, et W. Theiler, Aristoteles über die Seele, Berlin, 1959, p. 78 sq. Voir Plutarque, Dion, 22.

LXXIV

INTRODUCTION

de l'astrologie et au planétaire,

bien qu'il ait écrit

une histoire de la théologie??. Toute interférence parait exclue dans un contexte péripatéticien : l'astronomie n'y sert pas de caution aux fata ex uagis stellis?6, Il faut conclure alimenté,

chez

ses

prudemment héritiers

que

directs

ou

le Stagirite



lointains,

et

jusqu'à Cratippe, un corpus idéologique favorable à la divination naturelle, axé sur une sorte de spiritualisme

résiduel : l'anecdote d'Eudéme de Chrypre l'exploite?", Mais alors, l'hypothése d'une documentation d'origine

doxographique, celle de H. Diels?*, n'en devient que plus plausible, en présence d'une telle variété de traités spécialisés. La doxographie sur la divination, comme sur les autres problémes, ne saurait se dissocier des distinctions épistémologiques, codifiées par Varron, qui les a recueillies (assentiment ou rejet, négation ou doute

sceptique)” ; ces critères épistémologiques interviennent dans le classement des placita"? qui concernent la nature de la divinité, et son insertion dans l'ordre cosmique. Toutes 165 recherches sur les sources du De diuinalione rencontrent la présence de Posidonius, plus ou 295. Voir les fragments 143-149 (Wehrli, p. 67 sq.). 296. Ce support astronomique du fatalisme divinatoire est inséparable du planétaire des Stoiciens, et réputé tel à Rome, cf. le propos de Tacite, dans la digression célèbre des Histoires. Notre dialogue, dans II, 87, marque bien que l'astronomie « positive », celle d'Eudoxe de Cnide (Pease, 'De diuinatione' libri duo, p. 497) admet la prédiction météorologique, mais non la généthialogie. 297. Diu. I, 53, cf. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, p. 188-189. 298. Doxogr. Gr. (1879), p. 224. 299.

Méthode de Varron, cf. Lévy, Cicero Academicus, p. 89-90 ;

André, La philosophie à Rome, p. 53. 300. ND I, 1 sq. exposé de la démarche intellectuelle appliquée à la perobscura quaestio de natura deorum : elle permet de contrôler la religio. Les critères sont à la fois logiques - doute ou croyance - et cosmologiques - dilemme sur l'administration du mundus, qui peut étre providentielle ou purement mécanique.

INTRODUCTION

moins

étendue,

plus

ou

moins

LXXV

conjecturale,

connu

directement ou indirectement!. On le considère comme une sorte d'intermédiaire idéologique entre Cicéron et Cratippe — peu connu en dehors des festimonia cicéroniens"? au demeurant. K. Reinhardt? a trés longuement analysé la justification cratippéenne de la « divination naturelle » dans le livre I, notamment pour un noyau trés cohérent, qui supposerait une médiation posidonienne (I, 60-71), et il a cru déceler, dans un autre ensemble constitué (I, 109-117),

un amalgame opéré par Cratippe entre la défense de la divination naturelle et la critique de la divination artificielle. Un argument de K. Reinhardt est une régression du dogme de la sumpatheia stoicienne

dans le livre I?*, qui porterait la marque de Cratippe, et l'auteur ajoute à son argumentation une confirmation, la couleur « platonisante » des deux ensembles struc-

turés. Une âpre polémique, retracée par F. Pfeffer, a opposé à la thése de K. Reinhardt les interprétations de 301. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 84 sq. : thése de Reinhardt sur les sources de ND IT; p. 185 sq. : le De diu. et Posidonius. On trouve un exposé de fond sur le « posidonisme » dans Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 63-95 : la synthése est centrée sur Diu. I, 117-131. 302. Cicéron, De off. I, 2, 1 et III, 2, 5; Ad fam. XII, 16 et XVI, 21. On met l'accent sur les liens de ce penseur avec

les cercles politiques romains, plus que sur sa doctrine précise ; on connait sa familiarité avec Pompée et Cicéron, cf. Philosophia Togata, I, p. 240-241. Références dans notre dialogue : I, 5 (école péripatéticienne) ; id. II, 100 ; I, 70-71 : théorie des waticinationes et somnia. 303. Reinhardt

(Poseidonios,

col.

793-796)

maintient,

contre

Pohlenz, l'importance doctrinale de Cratippe pour la pensée cicéronienne. Cf. aussi Poseidonios (1921), p. 434 sq. (‘Cosmos und Sympathie”) ; id. Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 61 sq. (‘Peripatetische Lehre"). 304. Poseidonios, col. 800-801 ; Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 74 sq. 305. Op. cit., p. 47 sq.

LXXVI

INTRODUCTION

M. Pohlenz'* et de I. Heinemann", Elles ne remettent pas en cause l'ensemble des justifications niennes de la divination. Cette controverse daire sur Posidonius et Cratippe ne doit pas le grief global d'un « hyperposidonisme », qui

posidoseconéclipser a dicté

à S. Timpanaro une mise au point trés nette*®, Le bilan proposé par S. Timpanaro fait ressortir que Posidonius, chez qui la sumpatheia reste « un concept pseudo-scientifique », a opéré, dans le sens d'un certain « mysticisme » une conciliation entre les doctrines

stoïcienne et platonicienne®.

Les éditions critiques

des fragments de Posidonius, de Kidd à Theiler, trahissent la tendance à expurger le corpus posidonien de quantité d'attributions arbitraires, voire improbables,

mais cautionnées souvent par le De diuinatione?'?. Les œuvres théologiques et religieuses de l'Apaméen,

au-delà du peri mantikés cité par Cicéron?!!, font partie d'un corpus cohérent, et illustrent un systéme. On peut en effet citer de Posidonius, à cóté du peri mantikés en cinq livres, difficiles à reconstituer, un peri

theôn, attesté par plusieurs références du De natura

deorum* (il utilisait un fonds commun de documentation), 306.

Die Stoa 1, p. 106 et II, p. 62 : Diu. I, 109-131

est au centre

de la controverse. 307. Poseidonios' metaphysische Schriften, Breslau, 1928, p. 324-377 : àpre réfutation de l'hypothése « posidonienne » de Reinhardt. 308.

Della divinazione, Introduzione,

p. LXIV-LXVI.

309. Ibid., p. LXV: l'auteur conteste — avec raison — la tendance de l’exégèse allemande « à attribuer à Posidonius les idées les plus disparates, présentes par exemple chez Cicéron, sans le support de citations précises ou d'indices probants ». 310. Les cautions relevées dans le De diu. sont recensées p. LXV. 311. Diu. I, 6, 64,125, 130 ; II, 35 et 47. 312.

Diogéne-Laérce,

VII,

138

et 148

: cinq

livres, mentionnés

dans Diu. I, 6. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, p. 19 et 23. Références à ND I, 123-124 ; Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 63 sq. Or ND II, 166, dans un contexte posidonien, justifie tous les types de divination, cf. édition de Pease, 'De diuinatione' libri duo, p. 972, note.

INTRODUCTION

LXXVI

ainsi qu'un. Phusikos logos, qui figure dans le catalogue de Diogéne Laérce'", Il est incontestable que, dans l'esprit de Cicéron, la doctrine stoicienne de la divina-

tion fait d'elle une « citadelle »?^, solidement remparée,

défendue par des penseurs énergiques, avec quelques failles mineures — les réserves de Panétius. La cohésion de l'héritage scolaire, affirmée au départ par Quintus (et par Cicéron), est illustrée par des séries doctrinales?!, comme la série Chrysippe-Antipater-Posidonius ; le traité posidonien devait comporter un breuiarium orthodoxe, renforcé ou non par des retractationes. Mais cela n'exclut

pas les références précises des auteurs, comme celles du dialogue cicéronien ; cet aspect de la question est un peu négligé par F. Pfeffer, au profit du « système »°16. Toutefois la prééminence doctrinale du Portique, sensible dans le livre I, couramment admise?", déborde largement la zone « posidonienne » définie dans I, 117-131. Cicéron considére qu'il s'agit de positions « défendues dans leur quasi-totalité » par les adeptes de l'École. Si les commentarii de Zénon sont présentés comme « la semence » que Cléanthe s'est contenté de

« féconder »?* — le De natura deorum YI le prouverait —, c'est à Chrysippe

que

revient

la primauté

313. Ibid., VII, 143 : le compilateur de Zénon explicite le lien entre la théologie de Posidonius et son système « physique » — au sens cosmique (le phusikos logos) ; id. 148 : le peri theón. 314. Image de I, 10, absente des Sr. Ver. Fr, mais fréquente chez Cicéron, Sénéque et Marc-Aurèle, cf. A. Grilli, Vita Contemplativa..., p. 269, note 1. 315. La continuité scolaire est explicitée dans 1, 6 : Cléanthe ; Chrysippe ; Diogéne ; Antipater ; Posidonius ; Il, 35 (Chrysippe ; Antipater ; Posidonius). Antipater apparait dans I, 39, I, 123, IT, 101, IT, 144 — ce qui justifie Pfeffer et Timpanaro de chercher un syncrétisme stoicien, plutót qu'une spécificité posidonienne. 316. Op. cit., p. 53 sq. (Allgemeinstoische Lehre"). 317. Della divinazione, Introduzione, p. LXII sq. ; Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 185 sq. 318. Diu. L, 6 : ... quasi semina... paulo uberiora...

LXXVIII

INTRODUCTION

doctrinale : ... totam de diuinatione duobus libris expli-

cauit sententiam”"”. Or le corpus chrysippéen, en raison d'un certain impressionnisme de la composition, ne se dégage que progressivement dans notre dialogue : le livre I, qui esquissera l'idée d'une séméiologie divine liée à l'ontologie"5, cite simplement une sorte d'encyclopédie des oracles et des songes ; curieusement, dans

ce livre I, les fondements doctrinaux sont négligés, exception faite pour l’« argument ontologique », qui

reparaîtra au livre II?!. En effet le diuinationis auctor apporte à l'appui des portentosa inquiétants le dogme de la causalité, antinomique du fortuitum, et celui de

l'explication « naturelle »?? — à vrai dire aussi ambigué que la natura des stoiciens (II, 61). Les précisions sur la spécificité du livre des oracles et des songes sont moins caractéristiques que la pointe satirique sur la crédulité en matiére oraculaire, et surtout que le rappel des polémiques « académiciennes » ; 11 s'agit surtout

des thèses de Carnéade*”, et elles ont été réfutées imparfaitement par Chrysippe, notamment pour la clarté des signes oniriques : la providence anthropocentrique 319. Voir Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 53-61. 320. La démonstration ontologique de Diu. I, 82 recourt au formalisme syllogistique pour déduire la nature divine de son exis-

tence. 321. Dans Diu. II, 101 une argumentation identique est attribuée à Chrysippe, Diogéne (de Babylone), Antipater, et à l'« ami Cratippe ». 322. Chrysippe, cité comme caution « critique » dans II, 6], réfute, par la vertu du syllogisme, l'existence « superstitieuse »

des portenta, en invoquant la « causalité naturelle » - laquelle exclut le phénomène « fortuit ». Ainsi le phénomène religieux se trouve réintégré dans une sémiologie rationnelle, qui rejoint une théologie « naturelle », commune à Varron et au Portique. 323. Diu. II, 87 et 97. Sur le mélange de dialectique et de dérision dans la méthode carnéadienne, sans doute transcrite par Clitomaque voir Brochard, Sceptiques, p. 142-147. Exemples de facéties philosophiques, II, 87 (la Forruna fortunatior) et II, 97 (l'horoscope « unique » des morts de Cannes !).

INTRODUCTION

LXXIX

et philanthropique?^ est en jeu. Toutefois le texte doctrinal le plus important a été différé : il est cité seulement en II, 130 : Chrysippe, le « théologien » de ja divination, lie la « fonction cognitive, perceptive et

explicative des signes émis par les prodiges divins » au

débat, récurrent, sur la séméiologie providentielle??. On s'interrogera sur le sens d'une telle retractatio, au regard d'une composition maitrisée. Il serait peut-étre spécieux de dire que le livre I se limite à des considérations sur

les oracles et les songes, parce que la convergences

des arguments stoiciens et péripatéticiens"Ó exigeait de tout centrer sur la « divination naturelle » ; l'argument est à la rigueur valable pour la dévalorisation de la sumpatheia, mais il ne tient guère pour la théorie du déterminisme et de l'évidence des signes diurnes, attribuée à Chrysippe dans la critique de II, 61 : n'étant

pas étroitement liée à la notion de fatum””, elle se concilie fort bien avec l'épistémologie péripatéticienne, et, partant, avec le noyau réputé cratippéen. On peut donc, avec prudence, risquer l’hypothèse que le syncrétisme du livre I, souligné par le rédacteur du dialogue à des fins dialectiques, répond à un certain éclectisme

doctrinal de Quintus??, Car la pensée personnelle de 324. Loc. cit., II, 126 : ... Chrysippus Academicos refellens permulto clariora et certiora esse dicat quae uigilantibus uideantur quam quae somniantibus...

En

fait, pour

l’Académie,

les signes

oniriques

de

la « divination naturelle » sont aussi fallacieux que les signes d'observation de la « divination artificielle ». Se reporter à Acad.pr. IL, 47-52. Cette critique renvoie à la thése de 1, 118 (certis rebus certa signa). 325.

St.

Vet. Fr. II, 1189 — cautionné par Diu.

II, 130.

326. Le livre Des Songes d'Aristote, relayé par Cratippe, explique une convergence limitée, cf. Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 61, note 222 et p. 80-81. 327. Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 61 sq. (les concepts de deus, fatum, natura). Le monisme stoicien est incompatible avec la théologie définitive du Stagirite, aprés la phase du De philosophia et du Protreptique. Cf. Moreau, Aristote et son école, p. 135 sq. (Le Monde et Dieu’). 328. Supra : « Le personnage de Quintus Cicéron ».

LXXX

INTRODUCTION

Cicéron est dominée par l'antagonisme du Portique et de l'Académie, qu'il s'agisse de la véracité relative

des genera diuinandi, ou du caractère relatif des vérités et des certitudes??. Peut-on dés lors maintenir une opposition tranchée entre un livre I stoico-platonicien, et un livre II carnéa-

dien et sceptique ? Cette interprétation résisterait mal à l'examen. Même les zones critiques du livre IL, dominées

par une dialectique de la contradiction multiple -- à la fois logique et doxographique --, comportent des compléments posidoniens essentiels. En effet, la distinction fondamentale de la mantique gréco-romaine, celle de la diuinatio naturalis et de la diuinatio artificiosa (I, 11 et II, 26), n'est pas l'apport exclusif du Portique : il systématise une partition d'origine platonicienne??, et cela expliquerait que la sumpatheia, clef de voûte des justifications théoriques, soit absente du livre I, parce qu'inessentielle, et émerge, à travers la critique cicéronienne, à

la fin du livre II (142-143). Mais il demeure que l'analyse approfondie d'un ressort du déterminisme fatidique, l'idée de conuenientia naturae,

se trouvait dés II, 35,

et le rappel de ce point doctrinal fait ainsi rebondir le débat sur le hasard et la nécessité dans l'observation des signes?" ; on se demandera si le choix de l’hostia est

fortuit ou « divin »?? — critère capital pour la véracité. Or ni l'antinomie du deus et du fatum, extérieure à 329. Cette critique du logicisme stérile et du dogmatisme stoiciens se développe du Pro Murena au De fin. IV : on a vu également les abus de la syllogistique en théologie. 330. Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 16-18. La bipartition de Dis. I, 12 (uis/natura) réduit la tripartition de ND II, 163 (... siue uis, siue ars, siue natura...), dont on peut se demander si elle ne « structure » pas la uis divinatoire globale en natura et ars. En fait, le catalogue de ND II, 163 reste confus. 331. Distinction entre auspicia oblatiua et impetratiua : cf. Bayet, Religion Romaine, p. 103-104 et notes 22-23 ; id., p. 54 sq. 332. Diu. II, 18-19 : le fortuit dans les phénomènes et l'arbitraire du « consultant » ; id. II, 71-72 : le rituel du in auspicio esse.

INTRODUCTION

LXXXI

l'orthodoxie stoicienne, ni l'équivoque de la natura, ne seront résolues??. I] faut reconnaître que l'utilisation polémique, — continuatio

et tardive, du concept de sumpatheia

coniunctioque naturae ne renvoie

à aucun

fragment attesté”.

C'est donc l'apport socratique, confondu dans Ja majorité des cas avec les attestations platoniciennes, qui donne au livre I sa couleur doctrinale spécifique. Cela ne nous étonnera guère, si l'on restitue à Quintus sa vraie obédience. La synthése, sur la base d'une tradi-

tion bien établie, est présentée par F. Pfeffer?" chez qui le dialogue n'inspire que des références et des parallèles textuels. Il est trés net que « la pensée de Socrate

s'éclaire par les Mémorables de Xénophon, voire par les exempla dispersés dans l' Anabase du Socraticus »?*5, et surtout par le corpus platonicien, dont Cicéron utilise de manière privilégiée la Politeia et le Phédre. Si l'on néglige certaines anecdotes significatives, comme celle des abeilles, qui revient deux fois, et les mentions

purement politiques, autobiographiques ou plaisantes, de la Politeia,

l'accent

sera nécessairement

mis

sur

les justifications de la « divination naturelle »?" : parmi celles-ci, la doctrine du sommeil libérateur et des songes dans l'anthropologie platonicienne ; sur la théologie

du daimonion 333.

et du prophétisme

delphique??.

Au

Problématique de I, 118 et de IL, 35 : cf. St. Ver. Fr IL, 1209.

334. Voir supra la critique de Timpanaro. 335. Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 49 sq. (du socratisme au Peripatos) et surtout p. 56 sq. 336. Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 40 sq. (‘Die Darstellung der Mantik bei Xenophon"). 337. Analyse du Phédre, 244, du Ménon, 97 sq., du Timée, 71 sq., et de la Politeia, 571 sq., chez Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 6-39. Cicéron, dans I, 60-61, a privilégié la Politeia, mais il fait, dans I, 80, une allusion au Phédre — pour le furor inspiré. 338. Cicéron met certes l'accent sur le sommeil et les songes, mais en négligeant le Timée (Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 33 sq.). Il semble abusif de déceler, dans la connotation « physiologique » de I, 116,

LXXXII

INTRODUCTION

Socrate de Platon est également attribuée la doctrine de I'« enthousiasme mantique », mais avec les réserves de Platon, concernant la valeur «épistémologique » de ce genre de prévisions. Seul le Timée, bien connu

de Cicéron?? et traduit par lui, au méme titre qu'un long passage de la Politeia'^, marquera une démarche critique dans réduction de contredisent syncrétisme corpus

le sens d'un positivisme rationnel, et d'une 1'« enthousiasme ». De telles nuances ne nullement une évidence : l'existence d'un d'inspiration socratique, qui préte au

une valeur d'autorité,

comme

dans

I, 62, ou

dans la reprise des catalogues doxographiques. Car Cicéron, pour le platonisme au moins, se montre trés soucieux d'exactitude textuelle ; il se targue, dans I, 60,

de traduire uerba ipsa Platonis — les termes du livre IX

de la Politeia”*!, La référence, très appuyée, sinon digressive, à l'anthropologie tripartite, s'explique par le souci de libérer la fonction onirique, autonome de « la partie de l'àme qui participe de l'esprit et de la raison » (... ea pars animi quae mentis et rationis sit particeps...). Cicéron fournit alors à Quintus, avec une certaine complaisance,

un support doctrinal pour le fidéisme du livre I, alors que le livre IT trahira son scepticisme en la matière. On observera de surcroît que l'auteur semble poursuivre

l'entreprise de traduction du De republica, livre P. l'empreinte du Timée, vu que la partie théologique conservée, dans la traduction cicéronienne, ne nous renseigne pas sur la divination. 339. Voir la traduction du Timée, 9 (la « causalité » divine) et 42-43 (les leges fatales ac necessarias). 340. Diu. 1, 60-61 = Pol. IX, 571. 34]. Ce souci d'exactitude « philologique », de la part de Cicéron, répond à l'attente d'une élite bilingue, et parfois au souci d'étayer sa critique sur la littéralité - quand il s'agit des textes épicuriens par ex., Cf. L'Otium..., p. 261 sq. La référence au Criton, 44 a-b, dans I, 52, ne prétend pas étre une traduction précise. 342. Rep. I, 66-68 : Platon, Pol. 562-563 a (sur les méfaits de l'exousiallicentia). Notre dialogue (IT, 3) montre la prédilection pour le platonisme -- et l'aristotélisme — politiques.

INTRODUCTION

LXXXIII

De surcroit, malgré quelques traits ironiques décochés à la uis diuina qui usurpe la prévision rationnelle, dans

la seconde section du livre IP?, on n'y trouve aucune réfutation systématique des hypothèses platoniciennes : dans

II, 119,

on perçoit un

le consensus démocritéen

certain

embarras

devant

et pythagorico-platonicien ;

un texte de II, 150 placera toute la réfutation carnéa-

dienne sous l'égide de la méthode socratique"^. Sensible

à la cohésion et à la continuité des écoles“, Cicéron adhére ici au dogme de la continuité platonicienne, à l'unité de la Platonica familia. Tl rappellera la filiation platonicienne d'Héraclide du Pont, auditor et discipulus

Platonis"* — mais sans mentionner son traité —, et celle

d'Eudoxe de Cnide"" : la tradition platonicienne justifie aussi bien la divination que la critique de l’astrologie. Cette observation corrobore les conclusions de F. Pfeffer sur l'aspect contradictoire, ou évolutif, des idées platoniciennes en la matière** ; or, pour nuancer la sévérité du jugement, il faut revenir à l'opposition fondamentale entre divination naturelle — à base anthropologique - et divination artificielle - pseudo-scientifique. Aussi bien Cicéron, lecteur assidu du Phédre, sait-il parfaitement que les duo

genera ne sont pas une division inventée par le Portique". 343. Diu. I, 80 et 118 (convergence de Platon et du Portique) ; id. IL, 29 ; 35 ; 117 ; 124. Le livre II récuse cette « inspiration » pour

l'haruspicine, et méme pour les prophéties, en pratiquant la supposition ironique. Cf. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 216. 344. Pour la Socratica ratio, voir infra : Genre littéraire. 345. Le préambule de I, 4 souligne l'unité du Portique ; quant à l'Académie, son unité, paradoxale, est postulée dans Acad.post. I, 13-14 et 43 sq. Méme le Peripatos est résorbé dans ce vaste syncrétisme (ibid. $ 17). 346.

Diu.

1, 46.

347. II, 87 invoque contre l'astrologie l'astronomie scientifique d'Eudoxe, cf. article d'Hultsch, Eudoxos de la R-E, col. 939 sq. Excellent article de ‘The Oxford Classical Dictionary’ (1996), col. 565-566. 348. Pfeffer, Studien zur Mantik, p. 19-21. 349. Ibid., p. 57 sq.

LXXXIV

INTRODUCTION

Le souci de dégager un corpus scolaire cohérent, irréductible aux dissensions mineures, de nature stoico-

académique, pourrait induire à négliger la source secon-

daire des physici. Ils sont sacrifiés dans le livre IP? du De natura deorum. Notre dialogue explique peut-étre ce silence relatif, car, si la « physiologie » et sa terminologie se référent à une étymologie positive, elles semblent être le monopole d'un rationalisme stoïcien*!. Cicéron dénonce dans cette «catégorie d'esprits » - le mot genus n'étant pas en lui-méme mépri-

sant”? — un dogmatisme arrogant. Insérant à regret les physici dans ses catalogues et doxographies, avec cette dénomination,

il découvre,

à son grand regret,

un fidéisme « présocratique ». Parmi ces physici détenteurs d'un positivisme scientifique qui les porte, soit à la prévision des phénoménes, soit au scepticisme religieux et divinatoire, le dialogue cite Anaximandre, Anaxagore, Thalés?? ; mais rien n'indique une connais-

sance approfondie de leurs placita?*. On peut faire la méme observation pour le négateur Xénophane de 350. Cicéron oscille entre l'admiration pour leur subtilitas (leur « pénétration »), liée à leur curiosité « physique », et le sentiment de leur décri ; il ne semble pas toujours les dissocier des Epicuriens (voir ND Il, 48). L'Académie a tendance à ridiculiser leurs oracula (style prophétique, quasi religieux) et leurs flagitia (« turpitudes intellectuelles »). Voir ND I, 66 et 83. L'Académie les traite souvent par la dérision, cf. Acad. pr. Il, 55. 351. La notion est explicite dans I, 90, comme dans ND I, 20. Diu. 1, 130 montre son incompatibilité avec la divination artificielle,

et reprend l'antinomie de la divination et de la prévision scientifique — notamment en météorologie. 352.

Cette formule se trouve dans I, 111, et elle semble censurer,

avec la diuinarum rerum cognitio, la sapientia-sophia du Portique. 353. Lévy, Cicero Academicus, p. 549 sq. 354. La notion méme de placita est postérieure à la philosophie « républicaine », qui parle d'opiniones — parfois au sens péjoratif, pour désigner les préjugés, les aberrations, voire le consensus vulgaire —, et, d'une maniére plus caractéristique, de sententiae. Sur Xénophane, Pease, p. 54-55 (déisme excluant la divination).

INTRODUCTION

LXXXv

Colophon, pionnier du scepticisme hellénique. Le cas de Démocrite est sensiblement différent. Bien connu

par l’auteur du De oratore^?, le physicus est abondamment cité comme caution par Quintus pour la praes-

ensio rerum futurarum6, pour la théorie du furor inspiré des poètes (il est associé à Platon), pour le consensus universel sur les multiples formes de la divination : ce consensus rassemble populi, nationes, Graeci, barbari, maiores nostri, summi philosophi, poetae, sapientis-

simi uiri... Parmi les « autorités » philosophiques, Quintus cite Démocrite, à cóté de Pythagore et de Socrate ; il rappelle les noms des négateurs, présents

dans la doxographie initiale, Xénophane et Epicure?*. La derniére référence du livre I est significative : dans le contexte de la prévision divinatoire, Démocrite est associé à Héraclide du Pont pour la prévision météorologique et sanitaire, avec ses enjeux agronomiques

(.. salubrisne

an pestilens annus)? ; or l'examen

des entrailles, selon Démocrite, permet ces prévisions, mais le contexte, avec une critique modérée de Marcus,

anticipée, conjugue l'interprétation religieuse avec l'observation empirique des phénoménes ; de surcroit, la réfutation du scepticisme irréligieux de Pacuvius 355. De or. I, 42 et 49 ; II, 194 (= Diu. I, 80) ; dans II, 235 du dialogue oratoire, il est crédité d'une théorie « physiologique » du rire. 356. Diu. I, 5; I, 87; 1, 131 : l'éloge de Quintus y évoque, sans l'expliciter, une consultation des exta susceptible d'alimenter une observation positive. Voir Vitruve, Arch. I, 4, 8-10 (exta et salubritas). 357. Dans I, 84, l'habileté dialectique de Quintus consisterait à intégrer la divination dans la science politique et dans la civilisation. Il faut rappeler l'importance de ce passage de I, 5. 358. Supra. 359.

Diu.

I, 131, aprés I, 79, constitue une digression positiviste

et rationaliste sur le déterminisme des « climats » — concept d’origine hippocratique,

p. 108-109.

cf. J.-M.

André,

La médecine

à Rome,

Paris, 2006,

LXXXVI

INTRODUCTION

paraît ambivalente'?. Le livre II, malgré l'attaque contre le dogmatisme des physici, tire Démocrite du cóté du positivisme pour son interprétation du chant pseudo-prophétique du coq ; dans II, 120, le savant nourrit le doute sur les songes, en raison des antino-

mies sur la nature des « visions »*'. Relevant Démocrite du grief d'« obscurité », Cicéron critiquera paradoxalement la théorie matérialiste de l'image. Si l'on excepte Pythagore, dont la diététique prédivinatoire conforte

le positivisme*?, et dont le spiritualisme rejoint le platonisme, les physici ne semblent apporter au dialogue que des placita diffus, centrés sur la prévision et la causalité”. C'est évidemment la méthode académique de contes-

tation qui dominera la quête des sources du livre I, Une tradition philologique ancienne, acceptée par V. Brochard*, A.S. Pease'66 et S. Timpanaro””, et assez consensuelle, fait de Carnéade l'inspirateur du livre 360. La citation de la Chrysè, dans I, 131, est à double sens : le positivisme du physicus indispose Quintus, mais agrée à Cicéron - malgré ses réserves générales sur les physici. 361. On ne sait s'il s'agit d'une vision interne, ou de l'intrusion d'une uisio externe dans l'àme des dormeurs. L'ambiguité physiologique n'abolit pas la démarche sceptique qui censure les apparences fallacieuses (... uideri falsa pro ueris). 362. I, 62 introduit la caution pythagoricienne, aprés les références platoniciennes de I, 60-61 363. Outre les prévisions météorologiques et sanitaires de Démocrite, on notera, dans I, 111-112, les prévisions agronomiques (et commerciales) d'un Thalés, ainsi que sa prévision d'une éclipse solaire. Méme remarque pour la prévision d'un tremblement de terre chez Anaximandre. Elles ne font pas intervenir la cognatio diuinorum animorum, mais la causalité expérimentale. 364. Les Sceptiques grecs, pass. : le dialogue comme source du scepticisme religieux de Carnéade. 365. Brochard, ibid., p. 42-43 et note 2. 366. Pease, 'De diuinatione' libri duo, p. 25 (référence de II, 87). 367. Op. cit., p. LXII sq. Lévy, Cicero Academicus, p. 572-607, pass.

INTRODUCTION

LXXXVII

« critique ». Certes Carnéade n'a laissé aucun écrit, et

toutes ses théses ont été vulgarisées par le Carthaginois Clitomaque, académicien bien connu de Cicéron : ce rédacteur et abréviateur est attesté comme source dans un seul passage (II, 87). Le livre II débute par la problé-

matique carnéadienne, assez socratique'9, sur l'objet de la divination et sa valeur sensorielle ; à l'arriére-plan

se profile la critique systématique de la perception et

de sa vérité®, Cicéron a noté avec force que l'argumentation sceptique de Carnéade était au premier chef dirigée contre le dogmatisme stoicien, et cela dés

le livre II du De natura deorum". Les attaques contre la doctrine épicurienne ne concernant guère la divination dans le contexte, l'essentiel de l'argumentation carnéadienne portait sur les preuves ontologiques de l'existence des dieux, et sur les défaillances logiques du

syllogisme?" ; mais un autre texte du De natura deorum TEL, révélait la volonté de démarquer du simple athéisme

cette dialectique??.

Cicéron

a toujours considéré,

dans la grande controverse sur la continuité doctrinale et les ruptures de l'Académie, que la méthode carnéadienne est une « confirmation » de la ratio (il 368. Lévy, Cicero Academicus, p. 46-48; p. 174-175 (liberté d'adaptation de Cicéron). 369. Diu. Il, 9 : Carneades quaerere solebat quarumnam rerum diuinatio esset... 370. Lévy, Cicero Academicus, p. 541 sq. (les apories de la physique antique) ; Brochard, Sceptiques, p. 12 sq. (la certitude et la fausseté des représentations, sur la base d' Acad. pr. II, 31-32). 371. ND Il, 162. Cette agressivité est soulignée par notre dialogue (I, 7) ; on la retrouve dans Acad.pr. II, 87, ainsi que dans Tusc. IV, 53 et V, 83-84. Carnéade n'attaque que le dogmatisme, sans détruire les dieux. Cf. ND

III, 44 ; Brochard, Sceptiques, p. 170-171

et 178-179. 372. ND III, 29 : les syllogismes et sophismes sur la « mortalité » et la « sécabilité » des corps vivants, appliqués à l'ontologie divine. 373. ND II, 43-44 : ... non ut deos tolleret, sed ut Stoicos nihil de dis explicare conuinceret...

LXXXVIII

INTRODUCTION

lui applique ce terme) de Socrate et d'Arcésilas?^^, L'historique des Academica (1, 45-46) a établi la tradition d'une Socratica dubitanter de omnibus rebus et nulla adfirmatione adhibita consuetudo disserendi, et présenté l'antagonisme d'Arcésilas et de Zénon comme primordial ; l'apparition de la « nouvelle Académie » se rédui-

sait à « un redressement de l'ancienne Académie »?^ : ici, la démarche épistémologique est essentielle, comme dans le passage du De natura deorum qui fait de

Carnéade un « éveilleur »"5. L'ultime mise au point de notre dialogue (II, 150) ira dans le même sens. Dés le livre I, et avant II, 6, Cicéron rappelait les multa a Carneade acute et copiose contra Stoicos

disputata", et la méthode de « comparaison », à fondement doxographique, qui permet d’éliminer les erreurs dogmatiques. Carnéade délimitait négativement le domaine de la divination, en réservant la compé-

tence des artes??, pratiques et théoriques ; l'intégration stoicienne de la divination à la science était récusée, mais

l'argumenítation insistait avant tout sur les incertitudes de l'éthique, les apories de la cosmologie, les difficultés de la logique. Mais, du point de vue de l'épistémologie, la critique la plus serrée portait sur la rationalisation

prévisionnelle des fortuita^?, dépourvus par essence de toute « rationalité ». La rationalisation du « fortuit » 374. André, Les écoles philosophiques aux deux premiers siècles de l'Empire, ANRW, II, 31, 1, Berlin-New York, 1987, p. 15-16. 375. Acad. post. I, 43 et 46. 376. ND E, 133 : ... ita multa disseruit, ut excitaret homines non Socordes... 377. I, 7 et II, 9. 378. Diu. 11,9 et 12-13 : un des « exercices » favoris de la rhétorique est la contentio artium, que Cicéron pratique parfois à des fins politiques, comme dans le Pro Murena, et ici dans le prolongement de la méditation platonicienne. 379.

Diu.

IL, 14-15

: Cicéron y reprend,

pour la réfuter, la défi-

nition de la divination comme « prescience du fortuit » - la grande aporie du débat, cf. Brochard, Sceptiques, p. 143.

INTRODUCTION

LXXXIX

en « destin », pierre d'achoppement du mécanisme physique", était récusée, moins au niveau des obstacles épistémologiques qu'au niveau de l'éthique : la connaissance de la fatalité désespérante, chez un Priam, faisait sans doute partie de l'argumentation initiale, et Cicéron

y a ajouté les exempla romains"! de Crassus, de Pompée

et de César. Il demeure une aporie fondamentale, qui exclut la prévision du fortuit, s'il est fortuit, ou s'il

devient fatal9, Soucieux de harceler Chrysippe, sa «bête noire »*9, Cicéron-Carnéade adoptait l'ordre paradoxal « divination savante — divination artificielle ». Il insistait sur le dissensus des diverses « harus-

picines » et sur les apories de la diuturna obseruatio®*,

avant de souligner l'inconstantia deorum — autre critére

spécifique??, Carnéade dénongait ensuite le piège de l'évidence phénoménale et ses captiones : les syllogismes ontologiques sur la divinité comme fonde-

ment rationnel de la divination?5.

L’argument

du

consensus étant ambivalent, le Sceptique le récuse comme solidaire d'une pensée mythique (II, 81). Mais le nœud de la critique était le postulat de la cognatio

naturae, avec référence explicite à la sumpatheia?" : 380.

Div.

Il

10

:

les

problèmes

astronomiques,

comme

les problémes téléologiques, sont inaccessibles aux « devins ». 381. II, 22. 382. Diu. IL, 20 : ... si omnia fato... ; le déterminisme « fatal » peut générer le fatalisme de l'argos logos (St. Vet. Fr. I1, 956-958). Voir De fato, 30 et ND

III, 14, et notre Conclusion

sur « rationa-

lisme et liberté ». 383. Voir supra. 384.

Sur cette diuturna observatio,

II, 26 — aprés

I, 2 : le verbe

obseruitare, utilisé deux fois dans le dialogue pour exprimer l'observation astronomique, illustre l'expérience répétitive et l'induction. 385. II, 38 souligne la variation des signes selon l'observation des exta. 386.

Dans ND

II, 162, la divination est déduite logiquement du

finalisme anthropocentrique. 387. Diu. II, 34 et 142 : les notions de continuatio coniunctioque naturae, connexes

de la sumpatheia

du Portique,

dans

le contexte.

XC

INTRODUCTION

elle est une véritable hérésie « physique ». La souplesse dialectique de Carnéade lui permettait sans doute, en la matiére, de se référer au positivisme scientifique qu'il

récuse!

L'émission

divine

des prodiges,

liée à

une théologie anthropocentrique, était radicalement contestée (TI, 48 et 54), et le hasard rétabli dans ses droits. Or la théologie anthropocentrique, une position forte

de Chrysippe*®, intervenait surtout dans la divination naturelle. La rencontre avec l'orthodoxie platonicienne

posait ici un probléme délicat”. Car un tel postulat anthropocentrique était repoussé pour une raison dialectique, le refus du dogmatisme, mais l'équivoque subsistait sur la notion de bonté divine. La tâche était plus facile avec l'anthologie chrysippéenne des oracles et des songes. Les exemples grecs de défaillance des oracles et d'échec du prophétisme, qu'admet le Platonisme, ont-ils

été exploités par Carnéade?? ? La critique du prophétisme prénestin semble le prouver (II, 87). Le catalogue critique des songes qui s'appuie sur la compilation de Chrysippe, citée en II, 115, ne sera explicité que

par la suite”! ; la discussion des différents « cas » 3

Cf. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 195 sq. Pease, ‘De diuinatione' libri duo, p. 410-412 et 571-573 (la terminologie de II, 34 et de II, 142-143). 388. Dans notre dialogue (II, 101), comme dans ND II, 162, l'essence des dieux implique la philanthropie. Si pour un Stoicien la connaissance totale est bonheur, le dialogue, dans la réflexion personnelle de l'auteur, suggère que l'ignorance de l'avenir peut être bénéfique. 389. Cicéron a rencontré le probléme du déclin des oracles de la Pythie — thème récurrent du platonisme impérial — dans I, 38 et II,

117. Cf. P. Vicaire,

« Platon

p. 332 sq. 390. Analyse de Brochard,

et la divination », REG,

Sceptiques, p. 146-147.

83,

1970,

Chrysippe

lui-même, collectionnant les oracles, a noté la fausseté de certains.

391. IL, 134-136. Brochard, Sceptiques, p. 138-139 : la négation de la finalité divine chez Carnéade. 7d. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, p. 127 sq.

INTRODUCTION

XCI

suivra la réfutation des principes de base, et notamment de la uis diuina ; cette derniére sera rapprochée des délires de la veille, et cette « illusion »??, qualifiée d'error, entrainera dans sa chute toute la théorie de la sumpatheia, et son corollaire, la sollicitude divine inscrite dans les monita oniriques (II, 124-125). La réfutation de l'illusion anthropocentrique, forme de

«superstition »?, s'inscrit donc dans une dialectique

de l'aporie et du dilemme, et elle porte indéniablement Ja marque de Carnéade. L'examen critique des sources, qui traite plus d'hypothéses savantes que de textes véritablement probants, et produit plus de spéculations subtiles que de certitudes, a permis de dégager deux éléments contradictoires, mais complémentaires, le conflit des doctrines, que stylise le cheminement doxographique des théses, lié à la culture oratoire, et le syncrétisme plus ou moins

poussé entre les héritiers du Platonisme et les théoriciens du Portique? — dans l'apologie pour la divination, il s'entend. On soupconne, dans la réflexion personnelle

de l'auteur, au-delà du criticisme carnéadien, la contrepartie positive, un certain positivisme péripatéticien, qui apparait en filigrane, comme source secondaire :

il a été explicité dans la vaste synthèse de L. Repici**. Le clivage des genera diuinandi, avec ses dénégations et ses affirmations,

a permis

à un certain positivisme

cicéronien d'exploiter sélectivement les sources grecques. 392. IL 119 : error. 393. Résumé de la théologie de Carnéade dans Brochard, Sceptiques, p. 138-139 (contre l'optimisme et le finalisme ; réflexion sur déisme et polythéisme ; hostilité à la religion populaire). 394. On a vu que les Académiques ont tendance à minorer les différences entre les deux Académies, mais Cicéron a, depuis le De fin. IV, notamment, une certaine propension à atténuer le dissensus entre le Portique et la Platonica familia (accent mis sur les problémes de terminologie). 395. L. Repici, « Gli Stoici e la divinazione secondo Cicerone », Hermes,

123,

1995, p. 175-192, pass.

XCII

INTRODUCTION

LE GENRE LITTÉRAIRE DU DIALOGUE

L'étude du De diuinatione met en évidence le fait que, malgré les péripéties événementielles de l'élaboration et de la rédaction, Cicéron a poursuivi une réflexion théorique sur héritage multiple du dialogue antique, platonicien, artstotélicien et péripa-

téticien?$, et que sa réflexion, associée à la pratique et à divers « repentirs », lui a permis de parvenir à une structure stable ; assumant les postulations de ses devanciers, il a corrigé la théorie par l'expérience de

l'écriture philosophique. L'ensemble de l’œuvre philosophique de l'Arpinate révéle les avatars de la Socratica disputatio, dont il se

réclame fréquemment"δ. Le prologue du De finibus IX”, opposait, avant notre dialogue, la dialectique de Socrate à la rhétorique de l'oratio perpetua - la formule qu'il avait eu l'occasion d'expérimenter dans les Tusculanes^? explicite dans cette œuvre, dans la structure d'un exposé divisé en cinq scholae thématiquement cohérentes, ce « discours continu », comme chez Platon, affleure dans tous

les « dialogues ». Ici, comme

ultérieur et complémentaire“,

dans

le De fato,

le souci de l'exposé

contradictoire peut se concilier avec la tentation de la perpetua oratio. 396. Ruch, Le prooemium, étudie systématiquement la genése du dessein littéraire, au fil de la Correspondance ; p. 73 sq. (pour les « éléments de réalité »). 397. Ruch, Le prooemium, p. 411 sq. (« L'évolution technique »). 398. Synthése rapide dans André, La philosophie à Rome, p. 67-70 ; Lévy, Cicero Academicus, p. 319 sq. Déjà R. Hirzel, Der Dialog, I, Leipzig, 1895, p. 457 sq., avait présenté l'historique du « genre ». 14. Ruch, Le prooemium, p. 18-55. 399. Références : De or. III, 80 ; Fin. I, 1, 2 et V, 4, 10; ND 5, 11; Tusc. I, 4, ἃ. 400. Théorie dans Fin. I, 1, 13 et II, 1, 3.

401.

De fato, 1-3 : l'héritage global de l'Académie.

I,

INTRODUCTION

XCIII

La lettre XIIL, 19 (à Atticus) atteste l'oscillation de Cicéron entre diverses formules, notamment : entre le mos

Aristoteleios, qui impliquait la présence du Stagirite comme protagoniste, ou comme interlocuteur privilégié, avec une tendance, peut-étre, au monologue dogmatique,

et ce qu'on appelle l' Heracleidion"?

: car ce type de

dialogue doit son nom à Héraclide du Pont, un disciple

de Platon qu'on trouve dans la discussion sur les sources ;

il associe la « fable » aux thèses philosophiques9, comme certain Platon, le dialogue étant divisé thématiquement

en livres, sous-titrés ou non, comme les Academica cicéroniens, ou encore les Res rusticae varroniennes. La struc-

ture antilogique, issue du criticisme de Carnéade^, n'est pas en cause. Les formules du De finibus IL, sur la dialectique du "pro' et du 'contra', telles que ... contra omnes philosophos et pro omnibus dicere..., exprimées sous forme de variations répétitives, se retrouvent dans la méthode synthétique proposée par le De fato* : ... ut in utramque partem perpetua explicaretur oratio. La dialectique se

fond dans une rhétorique de la vérité^6, Or, indépendamment du róle assigné à l'auteur, arbitre ou protagoniste, le dialogue cicéronien met l'accent sur le probléme de P'historicité et de la fiction. C'est l'apport de Dicéarque, inspirateur politique et historiographique du De republica, qui domine toute la recherche : il a écrit

des « dialogues philosophiques »*" divisés en livres, insérés 402. Ad Att. XIII, 19. 403. Ruch, Le prooemium, p. 50-52 et 112-113. 404. Id., p. 172-173. Le De fin. II, 1 sq. fait également intervenir Arcésilas. Sur cette méthode, Brochard, Sceptiques, p. 112-113. 405. De fato, 1 : ... ut inutramque partem perpetua explicaretur oratio, quo facilius id a quoque probaretur, quod cuique maxime probabile uideretur, id in hac disputatione... (la formule semble indiquer un dialogue « ouvert »). 406. Ruch, Le prooemium, p. 73 sq. Méme recherche de l'historicité des dialogues chez Rambaud, Cicéron et l'histoire... 407. Témoignages dans Tusc I, 21 et 77. La Correspondance prouve que Cicéron connaissait à fond toute l’œuvre de Dicéarque, cf. Guillaumont, Le ‘De Divinatione', p. 165-166, et note 332.

XCIV

INTRODUCTION

dans un cadre réel, localisé ; ils impliquaient des person-

nages multiples"®, Or la quête d’un « fonds historique », fort nette dans certaines lettres à Atticus, en 45*9, révéle la nécessité de choisir entre l'historicité, repré-

sentée par les grandes « autorités » du passé romain?" et un synchronisme, plus ou moins autobiographique (les contemporains). L'introduction de personnages

encore vivants semble avoir fait problème“!!. Les dialogues « du type dicéarchien », localisés dans un site illustre, comme

ceux du Platonisme,

ont imposé

leur

formule à tous les dialogues purement philosophiques

de Cicéron'", exception faite pour le De fato. On assiste en général, sauf dans le De finibus V, au transfert à Rome et au Latium du cadre athénien, et ce transfert, mi-fictif, mi-autobiographique, sublime et spiritualise les sites italiens, tels qu'Arpinum et Tusculum. Qu'en est-il pour notre dialogue, ou plutót notre antilogie sur la divination ? Dans le Lycée de Tusculum - cadre qui justifie l'entretien « ambulatoire »*^ — dialoguent un Quintus réputé stoïcien, et un Cicéron, académicien critique; les problèmes

d'historicité des interlocuteurs, diachro-

niques dans le De republica, et synchroniques (au sens 408. Ruch, Le prooemium, 46 et 50. 409. La lettre XIII, 19 à Atticus, de 45, contient une discussion Blobale du probl&me littéraire, avec un retour critique sur les choix

du De oratore et du De finibus ; la lettre mentionne aussi l' Aristoteleios mos, impliquant la primauté de l'auteur-locuteur sur les ceteri. 410. Ibid., $4 : Cicéron fait référence aux antiquae personae du De republica. Cf. Rambaud, Cicéron et l'histoire... p. 100 sq. L'historicité de ce dialogue-clé est aussi analysée par V. Póschl, Rómischer Staat und griechisches Staatsdenken bei Cicero. Untersuchungen zu Ciceros Schrift De re publica,

1936, 2e éd. Darmstadt,

1962, chap. II, 40 sq.

411. Ruch, Le prooemium, p. 150 sq. : la quête d'une formule stable, dans les Academica et le De finibus, éclairée par la Correspondance. 412. Ruch, Le prooemium, p. 46-47 : les sites illustres de dialogues — perdus - de Dicéarque, voir Ad Att. XIII, 30, 2. 413. Diu. 1, 8 ; id. : les préambules du De fin. et des Tusc., le sens symbolique du « Lycée ».

INTRODUCTION

XCV

large), dans les autres dialogues", sont ici quasi inexistants. Point n'est besoin de trouver des « autorités » disposant d'une dignité historique, et de respecter des exclusives, comme celle qui frappe les « vivants ». Cicéron, renouant le fil du dialogue aristotélicien orthodoxe, et non dicéarchien, renonce à s'effacer derriére le dialogue, sans jouer « aucun rôle personnel », comme

il est dit dans la Lettre. Cicéron a choisi Aristote contre Héraclide et Dicéarque, dont il semble apprécier plus

la sociologie et l'éthique que la formule littéraire*'. On peut évidemment tisme,

souvent

invoqué

récuser la fiction du socra: la uetus

et Socratica

ratio

contra alterius opinionem disserendi" ; la terminologie méme recéle, avec le recours au verbe disserere, l'antagonisme entre la dialectique et la rhétorique philosophante. Une tradition philologique ancienne,

qui remonte à Wilamowitz?" et à R. Hirzel, juge sévérement la composition du dialogue. On y trouve plus de rhétorique que de réflexion méthodique, sans oublier les

« ornements ». On

récuse ainsi, indirecte-

ment, l'engouement pour une disputatio restaurée, que

le De finibus attribue à Arcésilas*5. I] n'est pas faux que la disputatio apparait souvent comme la caution paradoxale apportée à une schola, à un exposé scolaire 414. Les « générations » historiques des dialogues cicéroniens sont étudiées par Rambaud, op. cit., p. 100 sq. On note le souci d'une chronologie précise, la continuité de la mémoire familiale, plus orale qu'écrite : l'accent est mis sur les générations de 130 et de 100 av. J.-C. Jd. Ruch, Le prooemium, p. 85 sq. 415. Dès l'année 60, Cicéron demande (Ad Att. II, 3, 4) les traités politiques de Dicéarque et de Théophraste ; id. Ad Att. IT, 2, 1 (les Constitutions de Corinthe et d'Athénes). 416.

Tusc. 1,4, 7-8; ND I, 11 : ... ratio contra omnia disserendi...

profecta a Socrate ; Diu. 1, 150 (l'héritage socratique). Le verbe disserere implique en général la subtilité dialectique ; l'opinio, libre et variée, refléte la doxa platonicienne. 417. Voir infra et Bibliographie. 418. Fin. II, 1, 2.

XCVI

INTRODUCTION

et dogmatique ; le fait est que les doxographies trés didactiques,

ici comme

dans les Tusculanes,

relèvent

plus de la schola que de la disputatio authentique“. Du point de vue de l'unité littéraire, les péripéties et les soubresauts de l'élaboration expliquent certes des disparates initiales, et aussi des rajouts plus ou

moins plaqués?? — qu'on a observés. Mais il convient de tempérer un peu la rigueur de Wilamowitz : il nie l'existence de tout débat au motif que l’Arpinate « ne serait jamais entré dans le fond de la pensée, faute de renier le magistére des rhéteurs »?' ; plus outrancier encore,

le catalogue

des griefs de R.

Hirzel

: il voit

dans l’œuvre une sorte de monologue monotone^?, relevé par de nombreuses citations poétiques, par des objections oratoires (I, 23 et II, 108), de type diatribique, qui utilisent l'artifice du verbe inquam, ou par de rares « interruptions »*? ; ces dernières ne susciteraient pas le libre examen des théses opposées, mais redonneraient un élan à l'exposé suivi et dogmatique des critiques d'inspiration académique ; l’éloge de la méthode académique, dans les deux prologues (L 7 et II, 8), masquerait

mal

la carence

d'un

vrai

débat. Ainsi, les objections académiques anticipées du livre I auraient pour unique fonction de relancer l'oratio perpetua de Quintus. Pour

l'essentiel,

Cicéron

s'est

rallié

au

mos

Aristoteleios*^, tout en simplifiant la prosopographie : 419. André, La philosophie..., p. 69. 420. Sur les repentirs et rajouts, reprendre Durand, La date du 'De diuinatione', p. 173 sq. ; Timpanaro, Della divinazione, Introduzione, p. LXVII ; Wardle, Introduction, p. 43. Voir supra l'analyse de Diu.I, 43-45, en relation avec la datation « basse ». 421. Appréciation de Wilamowitz, tempérée par R. Hirzel, Der Dialog, 1, Leipzig, 1895. 422. Ibid. 423. Ibid. 424.

Ad Att.

XIII,

19, 4 : Ruch,

Le prooemium,

p. 40.

INTRODUCTION

XCVII

il maintient la « primauté de l'exposé », privilège de l'auteur, et l'opposition de discours cohérents, discours dogmatiques et contre-discours critiques -- comme dans les sections épicurienne et stoicienne du De finibus, livres 1 à IV*? ; il conserve les interventions personnelles, en les distinguant, dans les deux prologues,

des objections critiques de l'interlocuteur. Cette liberté, fruit d'une évolution romaine du genre « proémique », permet à Cicéron d'introduire le livre I par un prologue « argumentatif », et le livre II par un morceau « démons-

tratif »*% — pour reprendre les catégories de la rhétorique, qui encadrent la création littéraire. Somme

toute,

l'architecture

du

dialogue,

que

S. Timparano^" répute « simple », et «plus simple que celle de toutes les autres ceuvres cicéroniennes », se révéle équilibrée, régie par une démarche intellectuelle. L'apologie pour la divination de Quintus, au livre I, malgré toutes les objections anticipées, est équilibrée par la réfutation méthodique du livre II. La variété des prologues, et leurs strates visibles, historiques ou doxographiques, ne compromet pas cet équilibre. La rhétorique ne tue pas la démarche philosophique : les diverses techniques de « division », de « partition », 425.

Pour

la

structure

de

ce

dialogue,

notre

analyse,

dans

La Philosophie..., p. 74 sq. 426. Cette doctrine des genres, codifiée par les traités oratoires de Cicéron, cf. J. Martin, Antike Rhetorik, Tecknik und Methode, Munich, 1974, définit des développements fonctionnels du prologue historiographique, cf. Ruch, Le prooemium, p. 98 et note 3 ; il est douteux que Cicéron ait créé une thématique du prooemium directement déduite des traités de rhétorique, et l'on évoque les divers types du prologue dramatique, critique et personnel (épitimétique), ou argumentatif-explicatif ; voir Ph. Fabia, Les prologues de Térence, Paris, 1888, p. 90 sq. et p. 283-314. 14. G. Michaut, Sur les tréteaux latins, Paris, 1912, p. 159 sq. — qui montre dans l'évolution des divers prologues un processus interne à la Palliata gréco-romaine, la base théorique étant Donat, De Comoedia VII, 2. 427. Introduzione, p. LXXXIII.

XCVIII

INTRODUCTION

de «confirmation »?*, le maniement

de la « narra.

tion »"?, à la fois didactique et littéraire, sont mises en œuvre avec maitrise. Il y a peu d'« ornements »*? plaqués, qui reláchent l'argumentation; les disparates

de détail?!, le manque de « fini » de la rédaction finale, ne compromettent guere la cohésion de la pensée, doctrinale ou personnelle. Dans la promotion du dialogue romain en genre

littéraire, les prooemia ont une grande importance“? au-delà même des indications chronologiques^". Ils renseignent le lecteur sur le rythme d'élaboration : sur la lenteur méthodique et la part d'improvisation. Les prologues ont leurs « lois fondamentales » et leurs parties « canoniques »*^, épitre dédicatoire, « avertissement », plus ou moins oratoire, de fonction apolo-

gétique, ou « épitimétique »*? — avec des inflexions 428.

De inuentione, I, 19 sq. : 31-32 (« division ») ; 34 (« confir-

mation »).

429. Inu. Y, 27-28. 430. Théorie dans Part.or. 73; Top. 34 ; Orator, 81; De or. 1, 43, etc. Sur les trois finalités essentielles de la rhétorique, assimilées à divers degrés par le prooemium (docere, mouere, delectare), voir A. Michel, Rhétorique et philosophie chez Cicéron. Essai sur les fondements philosophiques de l'art de persuader, Paris, 1960, p. 153 sq. 431. Diu. IL, 50 (Tages) : narration et réfutation confondues; I, 113 (l'omen de Paul-Émile le Jeune) : narration-anecdote : id. II, 71 (Paul-Emile à Cannes) : allusion. 432. Ruch, Le prooemium, p. 93 sq. : le comparatisme grécoromain des « genres littéraires ». 433. Supra : Datation. 434. Ruch, Le prooemium, p. 325 sq. : préfaces « explicatives » et « discours démonstratifs » (du genre « épidéictique ») ; dédicace — absente dans notre dialogue. 435. La catégorie des rhéteurs grecs correspond aux distinctions du De inu. I, 7-12 : « éloge » ou « censure » d'une personne donnée, le ressort en étant (nu. II, 156), selon Aristote, l'Aonestas. Les considérations sur la valeur civique et éthique du genre de vie, ou du grand projet, rentrent dans cette catégorie, mais l'aspect « délibératif » n'est pas absent des réflexions préliminaires de Cicéron :

INTRODUCTION

XCIX

autobiographiques —, enfin présentation « argumenta-

tive » à fonction didactique. La maitrise de ces éléments est un critére de « finition ». Le jugement littéraire variera selon qu'il s'agit d'une vraie « préface », ou d'une « postface ». Si l'on tient compte des interférences entre le dessein littéraire bien

arrété, et les péripéties de la conjoncture,

on peut admettre que le prologue « argumentatif » du Jivre L, sa riche et minutieuse doxographie en forme de

principium a re, font partie d'une rédaction initiale ; que Ja modification de la conjoncture politique due aux ides de mars a déterminé le rajout d'un second prologue, au début du livre II : 1] n'est pas pour autant « hátive-

ment plaqué »*6, mais il est à tout le moins démarqué des « topiques » de l'auteur — surtout le thème de l'otium litteratum comme prolongement et complément du

dévouement civique“. Or une telle « apologie rétrospective »** de la somme philosophique, réalisée après septembre 44*°, annonce un retour de l'engagement politique : il n'est pas fortuit que cette récapitulation mette l'accent sur l'apport de la philosophie politique grecque, autant que sur les valeurs de l'éthique et de la rhétorique. Dans une entreprise littéraire généralement maitrisée, ne serait-ce qu'au prix de « rattrapages », il reste un signe de « composition hâtive » : le fait que l'introduction « scénographique », devenue un classique, de l'entretien « que faire dans une République dégradée par la tyrannie ? ». Faut-il choisir la « paresse dépressive ? » « ou la conversion noble d'activité ? ». 436.

Sur les controverses concernant

le second

prologue, Ruch,

Le prooemium, p. 296-297. 437. André, La Philosophie..., p. 59 sq. 438. Ruch, Le prooemium, p. 295. 439. Diu. II, 7 : la sublimation de la vocation politique entravée et le retour à un róle de « consultation » (brassage des éléments opposés, mais complémentaires du « genre épidéictique ».

C

INTRODUCTION

réel, soit sacrifiée^? : elle implique d'ordinaire un effort pour enraciner le dialogue dans une chronologie et dans une géographie, hautement symboliques, voire inspirées : les grandes fêtes de Rome - un cadre familier qui remplace les sites platoniciens ou péripatéticiens, Cicéron sacrifie partiellement au rite, en localisant le dialogue recomposé dans le Lycée et dans la biblio-

théque de Tusculum^'. Mais tout se passe comme si l'historicité, même stylisée, s’effaçait devant la pérennité de la réflexion.

LA

PRÉSENCE

DE

LA « CULTURE

LIBÉRALE »

DANS LE DIALOGUE

Le probléme de la « culture libérale » dans le dialogue déborde largement le probléme des sources. La vaste culture acquise qu'on y décéle ne concerne pas seulement l'histoire de la philosophie et les sciences exactes — impliquées elles aussi dans l'enquéte sur la divination. En effet l'élaboration du De diuinatione, comme

celle de tous les dialogues et traités, s'insére dans un débat permanent entre la conscience civique et les exigences de la culture, qu'on observe chez Cicéron depuis les années 60 : les crises politiques? ravivent, avec le loisir forcé ou choisi, le souvenir des « études

libérales », et maint prologue considére la conversion à 440. Diu. I1, 8 : il s’agit de la bibliothèque incluse dans le « Lycée », dont on peut présumer qu'elle contenait surtout le ‘corpus’ aristotélicien, et « socratique ». 441. P. Grimal, Les Jardins romains à la fin de la République et aux deux premiers siécles de l'Empire. Essai sur le naturalisme romain, rééd., Paris, 1969, p. 248-249 et p. 357 sq. 442. Outre les crises de la conscience politiques, qui favorisent chez Cicéron le repli « contemplatif » (L'Otium..., p. 282 sq), la Correspondance des années 60-56 révéle une théorie de la « culture libérale », fruit de la condition libre certes, mais aussi du loisir poli-

tique, ibid., p. 291-295 et 315-319.

INTRODUCTION

CI

Ja vie intellectuelle et à la philosophie comme une sorte de «retour aux sources ». Mais cette « philosophie » primordiale, qui est un peu mythifiée, s'insére dans une constante pensée et vécue : la foi dans les artes liberales, et leur convergence avec une éthique de l'otium litteratum. La Correspondance, en éclairant les crises de conscience,

souligne le souci permanent

de maintenir un équilibre entre l'activité et la culture, ennoblie souvent en « vie contemplative », et conjuguée

avec le «culte des Muses »“°. De la culture historique, pourvoyeuse d'exempla probants, et de la culture philosophique, trésor

des placita et des theseis, il conviendrait de distinguer quelque peu la culture littéraire et poétique. Si la valeur dialectique des deux premiéres « cultures » ne se discute

pas, étant donné leur lien avec la finalité oratoire du probare, vertu didactique utile au philosophe“, la poésie, rangée dans la catégorie des « ornements », peut apporter une confirmation pathétique (le surnaturel épique), mais, au-delà de la confirmatio, elle apporte un supplément esthétique : celui de la delec-

tatio. 443. Ibid., p. 191 (lettres à Atticus, II, 4 et 5). 444. Sur cette triple finalité de la culture oratoire, cf. supra et Rhet. Her. 1, 4-5 ; De opt. Gen. 3 sq., etc. Voir J. Martin, Rhetorik..., p. 63-65. Le De oratore II, 155-156, souligne, à propos de la célèbre ambassade des philosophes, le róle de la uis dicendi et de la uarietas au service de la vulgarisation philosophique. 445. Le « genre sérieux » du débat philosophique exclut (Diu. II, 26) le recours aux références comiques. II, 113 précise que les fabulae, domaine du « charme » littéraire, sont les auxiliaires de l'aberration ; voir, dans Inu. I, 27, l'opposition fubulal historia. Cicéron, qui utilise la tragédie grecque comme miroir de l'anthropologie éternelle, dans les Tusculanes (ID), ne laisse pas de dénoncer les dangers des portenta poetarum — base de la « théologie mythique ». Dans Tusc. II, 27, il discute le caractère « libéral » de la poésie. Voir J.-M. André, « Cicéron et Lucréce : loi du silence et allusions polémiques », Mélanges Boyancé, Rome, 1974, p. 30 sq. (à propos de Tusc. I, 10-11).

CII

INTRODUCTION

La doctrine des artes liberales est romanisée par

Cicéron (De oratore)"5, à partir des idées forces du cercle des Scipions et des cautions de certaines écoles philosophiques, surtout le Peripatos ; conjuguée avec l'éthique de l'otium litteratum, qui implique le culte des Muses, elle dirige les lectures du loisir, éclectiques certes, mais sélectives dans le domaine de la poésie. Toute l'économie des citations en procéde, et du méme coup, le sens secondaire du dialogue, véritable « trésor de poésie ». La fonction culturelle de la philosophie a pour corollaire la valeur éthique universelle des belleslettres. Il suffit de rappeler l'exorde du Pro Archia et

les Tusculanes*^'. Il est banal de remarquer que la poétique sélective de

Cicéron

censure

les nugae,

dans

un

classe-

ment moral des « genres ». Solidaires de l'hédonisme épicurien, selon Cicéron, les nugae rejoignent dans le discrédit les cantores Euphorionis et leur lyrisme léger. Cicéron n'a jamais caché sa prédilection pour les genres « sérieux »*5, épopée et tragédie, et 1] les insére dans une conception didactique de la Muse - qui le rapproche paradoxalement d'un Lucréce*?, Avant notre dialogue, l'anthologie poétique des Tusculanes réalisait une synthése entre poésie et vérité,

pour

valoriser

l'héroisme

moral,

et pour

opérer une cathartique féconde dans les profondeurs mystérieuses de l'anthropologie. Certes la tragédie explore et purifie les passions, mais comme l'épopée, ou la peinture mythique, elle peut aussi bien sublimer la violence en héroisme qu'induire le lecteur, ou 446.

De

or.

1, 9-13;

III,

127,

etc.

Le De

inu.

les « arts libéraux » comme un élément essentiel humaine. 447. L'Otium..., p. 321-329. Arch., 12-16 recoupe 448. L'Otium..., p. 218 : le débat avec le lyrisme 449. Ibid., p. 238-239 : l'épopée au service des de la « physiologie », chez Lucréce.

I, 35

considère

de la richesse le De or. I, 9 sq. « épicurien ». austères vérités

INTRODUCTION

je spectateur,

CIIH

à une « mimétique » dangereuse“,

Les genres nobles, animés par les grandes passions,

peuvent véhiculer et embellir la « superstition »*'. Dans

la critique

du muthoeides-fabulosum,

Cicéron

n'est pas tellement éloigné de l'esthétique normative du Jardin. Platonicien, Quintus produit dans le livre I une anthologie favorable au conformisme divinatoire,

voire à la « superstition ». L'attitude de l'Arpinate, qui reproduit toute cette anthologie, à dominante épique,

est nécessairement

ambigué

: l'admiration

esthétique est difficile à concilier avec le refus rationnel de la « théologie mythique ». Les reprises du livre II seront révélatrices. Comment recenser l'énorme appareil de citations

poétiques du livre I?, qui peut s'éclairer en fonction du genre poétique, du contexte, et de la fonction dévolue au texte ? Il est clair que la densité des citations poétiques est différente dans les deux livres du dialogue, compte tenu

des enjeux philosophiques. Les auto-citations du De consulatu et du Marius, pour lesquelles Quintus joue un róle ambigu, méritent 450. Ibid., p. 232 sq. : une des missions de la philosophie est de faire prévaloir la sagesse sur le «fabuleux » et les « mensonges » — les res commenticiae du dialogue, cf. Tusc. I, 11. Les « philosophes » visés ici ne sont pas seulement les Epicuriens, à qui Cicéron dispute ce monopole de la sagesse (Tusc. I, 21). Voir Cicéron et Lucréce..., p. 31-32. L'auteur insiste davantage sur l'apport critique de l'Académie, cf. supra : Idéologie et traditions..., p. 17-20 (les apports de notre dialogue et de ND II et III).

45]. Diu. ΤΊ, 17-22 ; aprés 1, 106. 452. Voir en annexe, le Tableau des citations. 453. Dans I, 17, Uranie patronne la veine épique — en relation avec l'extension cosmique des présages. Calliope est évoquée dans Ad Att. IL, 3, 4, comme source d'inspiration « aristocratique », dans

le contexte d'un otium senectutis ; ici, il cite deux vers du De

consulatu, à la gloire de son adolescence cultivée : 4d Att. II, 19, 10 mentionne un commentarius consulatus, qui est sans doute la base historiographique du poéme.

CIV

INTRODUCTION

une analyse : il joue le róle de faire-valoir de Cicéron, dont les prétentions littéraires sont indéniables, et un róle de dialecticien « socratique », habile à déceler les contradictions et les apories. Marcus ayant anticipé ses critiques, les citations de Quintus ont un parfum d'ironie socratique. Si on ne discute pas l'authenticité des interruptions de Marcus, il n'est pas fâché de mobiliser les Muses, surtout Uranie

et Calliope“*, pour magnifier sa politique passée, et de produire les fruits de son loisir « légitime »*?, source de lecture féconde et de créativité. Mais il faut bien reconnaitre — ce qui genera l'académicien sceptique — que l'épopée d'Ennius, en larges extraits, conforte la « théologie civile » et les valeurs politiques de la Cité, le lien que l'idéologie romaine établit entre la grandeur historique et la pax deorum, et que les narrations épiques enchássées dans les extraits des tragiques Accius et Pacuvius ont le méme

effet, sinon la méme

finalité. La dominante des insertions poétiques est la veine épique, que Cicéron a toujours opposée au lyrisme léger,

en privilégiant Ennius. Même le Brutus d'Accius*6 est exploité dans le sens de la prédestination épique, celle de l'héritage homérique et des destinées exceptionnelles. Or cet héritage homérique est illustré par les traductions cicéroniennes de l’/liade, la plus remarquable revenant dans les deux livres (I, 33 et II, 63) : elle 454. Il faut reprendre les confidences bien connues des Lettres, voir L'Otium..., p. 291-293 : la crise de conscience et le culte des Muses consolatrices. 455. Cette préoccupation constante, et vécue, de Cicéron devient, au-delà des justifications autobiographiques de la Correspondance, un thème « démonstratif » des prooemia philosophiques, voir La philosophie à Rome, p. 61-62. 456. Diu. 1, 45 : ... de sole ostentumst tibi | Populo commutationem rerum portendit...| Auguratum est rem Romanam publicam summam fore...

INTRODUCTION

CV

a pour fonction d'illustrer l'aviscopie de Calchas“”? ; Ja variation sur Sarpédon^? nourrit la méditation sur le fatum, en lui donnant une résonance pathétique, dans II, 25. Le choix des références tirées des genres nobles corrobore le refus d'exploiter la veine plaisante de l'atellane, « sur un sujet aussi sérieux » que le fatum (IL, 26). Exploitées généralement, par Quintus, dans le sens de

la divination officielle, les citations épiques sont parfois orientées dans le sens du scepticisme, notamment contre le charlatanisme des harioli (il s'agit du Telamo d'Ennius, dans I, 132), et contre la superstition populaire, odieuse

au Portique comme à l'Académie^? ; dans le livre II, la citation peut servir, tout naturellement,

de la divination professionnelle, turel épique. On découvre des une herméneutique ambigué, l'Iphigenia, de l Alexander'*', ou

la critique

véhiculée par le surnaexcerpta qui suggérent par exemple ceux de l'épisode homérique de

457. Diu. Y, 88 rappelle la liste des devins de ND IL, 7. Voir Bouché-Leclercq, Diuination, YI, p. 12 sq. (les sources épiques et tragiques qui font connaitre les devins des temps « héroiques »). Cicéron

se remémore

surtout

Homère,

Jliade

1, 68-72

et XIII,

701. 458. Dans I, 25, la référence homérique illustre la supériorité du Destin sur Zeus : elle a été exploitée par les exégéses stoiciennes, par ex. St. Ver. Fr. II, 924 sq., mais Cicéron pouvait trouver aussi une caution dans le platonisme (Protagoras ; Gorgías ; Lois). Voir Roscher, Lexicon... 459. Voir supra André, La philosophie religieuse..., p. 16-18, et les textes de ND

I, 117 et II, 71-72,

ainsi que

III, 92.

La

lecture

« superstitieuse » de l'univers, symbolisée par la divination populaire, s'oppose radicalement à la physica ratio - celle de ND II, 23 et 37 (la polémique antérieure aux censures de notre dialogue). 460. L'Alexander cité dans II, 30 (Ξ Valhen, p. 242-244) contient un propos « rationaliste » d'Achille, identifiable gráce à Rep. I, 30. Le fragment de I, 66 présente une forme « inspirée » du furor, mà par le diuinus

instinctus,

et, comme

tel, différent

de la dementia

qui domine la tirade de Cassandre (I, 114 : la prophétie axée sur les méfaits d'Héléne, la Lacedemonia mulier).

CVI

INTRODUCTION

Sarpédon, ou encore telle citation des Annales d'Ennius, qui peut recouvrir une polémique anti-delphique“. L'utilisation dialectique des citations, épiques ou tragiques, obéit aux finalités de la rhétorique : elle permet d'allier le probare et le delectare, au service de la confirmatio, chez Quintus, au service de la refutatio, chez

Marcus. Le premier a recours à de longues narrations, qui ont pour finalité de sanctifier les origines de Rome, en les marquant du sceau des prédestinations fatidiques, d'« orner » la démonstration, d'ajouter à l'idéologie classique de la grandeur historique l'amplificatio mséparable d’un charme esthétique : on découvre, avant la lettre,

le Tite-Live poétique des premiers livres? Les citations poétiques de Quintus évoquent les auspices fondateurs

de Romulus et le duel des Jumeaux, chez Ennius/?, ou le songe de la Vestale Ilia, dans les mêmes Annales“, Le « songe de Tarquin », chez Accius, a la méme fonction, et il permet de développer, en narration onirique et en «interprétation », la chute de la Royauté et la commu-

tatio rerum de 509'9 — la version officielle romaine. Or la narratio n'a pas toujours un sens obvie : tel vers, dans l'apparition d'Enée à Ilia, reste énigmatique (... ex fluuio fortuna...). La citation du De consulatu, plus ou moins dictée par Marcus, plus que les traductions d'Homére, de Sophocle et d'Eschyle, plus « ornementales » que démonstratives, joue le rôle d'argumentation 'ad hominem'. Le mélange de «théologie civile» et de « théologie 461. Le dialogue, avant le passage de II, 116, qui constate le déclin de la verve poétique d'Apollon, montre le prophétisme delphique (I, 37, 66 et 76) jouissant encore d'une célébrité incontestable. 462. Préface, 3-4 et 7. Pour ces concessions de l’historien d'orientation académique à la « théologie civile » et à la grandeur historique de la Ville, voir notre Siécle d'Auguste, p. 149 sq. 463.

Diu.

1, 107 renvoie aux Annales

I, 77-96 (Vahlen).

464. Diu. I, 40 (Annales I, 35-51) : or le mythe fondateur apparait dès la prophétie d'Uranie du De consulatu (I, 20 : altrix Martia). 465. Diu. 1, 65.

INTRODUCTION

cvH

mythique » est parfaitement plausible, au demeurant, chez un Quintus qui se réclame de l'ancienne Académie :

on la sait attachée à l'herméneutique des mythes“. Ici la fiction rejoint la réalité, le besoin de « culture libérale » chez l'auteur. Les extraits des « poésies de jeunesse » sont exploités par Quintus dans le méme sens que le De consulatu. Tel est le cas des Aratea, traduction dont la dernière partie, citée en I, 13-15, constitue des Prognostica.

Cicéron utilise donc un florilège trés fragmenté, à dominante tragique, dans sa critique rationaliste,

dirigée contre le fabulosum“? et l'« obscurité »*€, qui nourrit le fidéisme inepte“®. Cette technique de réfutation [αἱ permet de mettre en contradiction, sur l'orien-

tation des signes dans l’avispicine“”, Homère et Ennius. L'ésotérisme delphique, la mystification d'une Pythie qui parle latin, sont assimilés à l'« obscurité » mystificatrice des pAysici, dans deux fragments de « poétes 466. Le traitement platonicien des mythes, à propos de la nymphe Orithye (Phèdre, 229 b), est évoqué par Marcus, dans le De leg. I, 1, 3 : il y oppose l’historicité positive et les ficta — selon la distinction du De inu. 1, 27. 467. Diu. II, 113 (fabulis... commenticiis rebus) ; cf. André, « Idéologie et traditions... », p. 18-20. 468. La critique du fabulosum est un des ressorts de la méthode historiographique de Cicéron, malgré certaine caution apportée par le platonisme, cf. Off. TIL, 39 (... fictam et commenticiam fabulam prolatam a Platone...). 469.

Le De natura deorum

a déjà récusé (I, 34, IL, 64 et III, 62)

la crédibilité des « fables » valorisées par l'ignorance sur les « événements archaiques » (Rep. II, 18). Or Cicéron est partagé, parce que la uetustas et l'antiquitas, liées à la mémoire historique du peuple romain, sont généralement tenues pour des valeurs positives, cf. André-Hus, L'histoire à Rome. Historiens et biographes dans la littérature latine, Paris, 1974, p. 16 sq. Autre chose est de révérer, en patriote, la préhistoire de Rome, et de déplorer «la poussiére des annales » (Mur. 6) et le caractére illisible de l'histoire primitive, farcie de « légendes » (Leg. I, 5 et 8). ND II, 70, axé sur les commenticii et ficti dei, censure une « crédulité imbécile ». 470. Diu. II, 82.

CVIII

INTRODUCTION

inconnus »*". Au fidéisme vulgaire, nourri d'obscurité et de « superstition »^"?, Cicéron oppose, dans le commentaire qui suit les citations, une interprétation positiviste

qui explicite le « naturel » et le « fortuit »*? : tel est le cas pour le chant du coq (II, 57). Concluons provisoirement que la poésie, louée comme messagère de la vérité, ou censurée comme véhicule d'un merveilleux aliénant, doit, dans le De diuinatione, se mettre au service de la vérité philosophique, comme elle devait, ailleurs et auparavant, illustrer la vertu et la sagesse et épurer la passion néfaste. Une étape est franchie, semble-t-il, dans une évolution

des « arts libéraux » en culture libératrice "^^.

CONCLUSIONS

En

PHILOSOPHIQUES

tout état de cause,

il convient

de s'interroger

81 l'Arpinate, au terme d'une enquéte critique sur les fondements et la valeur de la divination, est parvenu à des conclusions positives, ou s'il a laissé ouverte toute

la problématique. Certes

Marcus

reprend,

au

terme

de l'entretien-

conférence qui couronne le livre II, un bilan centré 471.

Cités dans II, 115 et 133.

472.

Le

dilemme

du

dialogue,

II,

129,

est formulé

en

termes

polémiques : ... utrum philosophia dignius, sagarum superstitione ista interpretari, an explicatione naturae ? L'explicatio naturae fait référence à la physica ratio de ND II, 63-64 — méthode de réduction positive de la « théologie mythique » et de ses fabulae. 473. Sile « fortuit » reléve de la « conjecture », dans ces citations allégoriques, et exclut le certum du déterminisme, l'explication positive permet de dégager ... uel natura uel casus - donc des « causes naturelles ». La vraie vocation de la culture libérale, pour Cicéron, serait d'étre didactique,

autant que « récréative ».

474. La doctrine du Pro Archia est à cet égard trés nette. Tout le florilège tragique des Tusculanes -- le livre II surtout — va dans ce sens, qu'il s'agisse, malgré toutes les réserves formulées, de « mimé-

tique » ou de « cathartique » (au sens aristotélicien), cf. Tusc. IL, 27.

INTRODUCTION

CIX

sur les songes, qui s'élargit aux autres domaines'^. Le centre de gravité choisi, les somnia, est révélateur,

car il implique, non pas un savoir plus ou moins contestable, mais une prévision de type conjectural

_ le thème est récurrent dans le dialogue". Le besoin de synthése exige la reprise de la polémique sur Ja « superstition » et sa diffusion mondiale, sur ses méfaits universels, sur son exploitation de l'« imbécil-

lité » humaine^", La rencontre avec les diatribes lucrétiennes qui identifient religio et superstitio courantes, est peu probante, et ne jette aucune lumiére sur les relations entre Cicéron et le poéme de Lucréce : l'Arpinate a toujours affirmé péremptoirement que l'Académie, celle d'Arcésilas, voire de Varron, refuse au Jardin le monopole de la lutte contre les chiméres

aliénantes de la « théologie mythique »*?. I] répète, dans notre contexte, que l'abolition de la « superstition » n'abolit pas le «sentiment religieux ». Le livre IT du De natura deorum a établi définitivement que la « tradition ancestrale » sépare « superstition » et « religion », car une piété à base de stricte observance liturgique, dont le droit pontifical fixe

les modalités et les transgressions*”, définit la religion 475. Diu. II, 148 sq. La réflexion s'élargit notamment aux problèmes de l'astronomie et de la cosmologie, conçus en termes théologiques. 476. On a vu son importance pour la méthodologie médicale, cf. I, 24 ; IL, 12-13, etc. 477. IT, 126 prélude à II, 148 : lecture « superstitieuse » et lecture

déterministe du fatum. 478. André, « Cicéron et Lucréce... », p. 21-38, notamment p. 34 : l'accent est mis sur la mythologie d'outre-tombe — qu'on trouve à l’œuvre dans la nécromancie ; les attaques du De diuinatione

concernent l'école épicurienne en général, mais la psuchomanteial nekuomanteia (1, 132) est aussi la cible du Jardin. 479. ND II, 5 confirme le conformisme « sociologique » de Leg. II, 22-23 et II, 32 sur les patrií ritus. La critique de l'haruspicine suit une habile concession : ... quam ego rei publicae causa communisque religionis colendam censeo... Car le respect du cultus deorum, dans

CX

INTRODUCTION

authentique. le cadre

d'un

Cette profession de foi s'inscrit dans conformisme

académique

réfléchi

: il

exclut les équivoques théologiques de l'épicurisme, car ce dernier supprime à la fois la « superstition dont l'essence est la vaine terreur des dieux » et la religion, qui se définit, comme dans le De natura deorum I, 117, par «le culte pieux des dieux ». La référence,

très civique, aux maiorum instituta??, dont le respect préserve la «liturgie sacrée des cérémonies » (II, 75), implique une politique religieuse couronnée par la « théologie civile ». Comme magistrat, le consul de 63, l'augure coopté de 53, le proconsul de 51, admet et assume cette tradition, qu'il présente comme une donnée sociologique du métier de citoyen. Mais Cicéron a besoin de conforter cette certitude politique, et telle est la raison pour laquelle Quintus, pour récuser un scepticisme négateur d'origine philosophique, base de la « théologie naturelle », rappelle

au politique, avant de citer son Marius*, les signes auguraux

de la crise catilinienne, les avertissements,

versifiés par le De consulatu, omina fournis par les « mouvements astraux », portenta des foudres, « fantómes terrifiants », toute une interprétation le contexte méme de l'interpretatio physica, est conforté par le Stoicien Balbus (ND II, 71), parce qu'il est à la fois garanti par le consensus philosophique et la « tradition ancestrale » — dans le cadre de la distinction fondamentale entre « religion » et « superstition ». Ici, comme chez Cotta et Cicéron, on peut se demander si les sacra et caerimoniae ne sont pas « laicisés », et opposés à la libre quête de la vérité. 480.

Ce passage de Diu. II, 148, qui considère comme

un article

de «sagesse politique » la préservation des ... maiorum instituta . sacra et caerimoniae..., corrobore II, 75 (la conservation du « droit augural », dans un contexte critique sur le « préjugé de la divination »). Auparavant, Cicéron, forçant le trait habituel, se défend d'étre un « démolisseur de la religion ». 481. Rappel du texte de II, 105, un peu énigmatique, sur les prédictions sinistres de l'augure Appius (bellum domesticum triste ac turbulentum).

INTRODUCTION

CXI

sinistre des /ibri fulgurales^, Tout ce prophétisme inspiré par le Jupiter ouranien permet certes de mettre en valeur les essais épiques de Cicéron, avec sa complicité littéraire, mais on peut aussi penser qu'il prélude au compromis académique entre

tradition et raison, celui qu'Augustin/? croit dicté par le conservatisme politique. Aprés tout le vieux Caton pouvait bien respecter tous les cultes, même les cultes ruraux et primaires, et prétendre que deux

haruspices ne pouvaient se regarder sans rire ^*^! À partir de la fin de la République,

la conscience

religieuse des Romains est duale. L'ultime conclusion du dialogue, aprés la censure réitérée de la « superstition », sera une profession de foi académique“ — au sens de la « nouvelle Académie » romanisée -, et cautionnée par Carnéade et par le socratisme, plutôt que par Arcésilas : ... sententias suas prudentissime defendere... iudicium suum nullum interponere... ea probare quae simillima ueri uideantur... quid in quamque sententiam dici possit expromere... nulla adhibita sua auctoritate iudicium audientium relinquere integrum ac liberum... Mais cette revendication de

la «libre

pensée », soustraite

à la tyrannie

de

I'« autorité », ne suppose-t-elle pas une raison universellement partagée, et le refus de tout dogmatisme ne risque-t-il pas de prendre la forme privilégiée d'un scepticisme négateur et réducteur, appliqué aux divers genera diuinandi ? 482. Le De diu. I, 17 sq. révéle un Cicéron plus géné par les ostentalportenta et leur interprétation, que par les inconséquences de l'extispicine (IL, 30 sq.). 483.

Les

attaques

qui visent

Varron,

dans

CD

IV,

146 et VI,

253 sq., atteignent doctrinalement toute l'Académie, mais Cicéron est plus particuliérement taxé de scepticisme destructeur (CDD IV, 183). C£. infra, Le destin posthume du Dialogue. 484. Diu. 11, 51. 485.

Diu.

II, 150, présenté comme

l’ultime leçon du débat.

CXII

INTRODUCTION

Il est facile et spécieux de présenter Cicéron comme

«hostile

à toute croyance

aux

signes

L'auteur exclut, en vertu du libre examen,

divins »^6. aussi bien

le fidéisme, qui s'incline devant les apparences phénoménales sans rechercher la causalité, que le scepticisme subversif b f 1ssu d'A rcésilas las : les les Academica Academica Y ontl'ont rejeté’. rejeté“? Faudrait-il pour autant admettre, sans nuance aucune, que « Cicéron, en chassant les prodiges de la nature... interdit toute science de la divination »** ? I] refuse certes l'hyper-rationalisme, l'existence d'un lien déterminant et déterminé entre l'événement et la prédiction ; s'il

reconnait, en météorologie, une pratique rationnelle de l'observation et de la prédiction, il voit en revanche dans

l'histoire une grande part d'événementiel « fortuit »*9^, Il veut un déisme de raison“, solidaire d'une divination incontestable et transparente ; il invite toujours les fidéistes, ou les dogmatiques, à fournir l'explica-

tion rationnelle, le cur de leurs affirmations“. L'espace 486. Cl. Moatti, La raison de Rome. Naissance de l'esprit critique à la fin de la République, Paris, 1997, p. 174-175. 487. Acad. pr. 1, 13 sq., notamment ὃ 15. 488. Moatti, p. 175 : la référence de II, 27, préconisant l'explication « causale », définit une méthode d'examen critique, qui réduit la valeur des arguments d'autorité axés sur exemplorum mirifica copia, sans plus. L'opposition entre rationes et euenta serait curieuse, si euenta désignait la sanction événementielle des prédictions, et non la matérialité douteuse des témoignages. 489. Pour la notion de fortuita, I, 14 et II, 24 : l'opposition fortuitalnon certa semble impliquer le refus du déterminisme fatidique, non de l'objectivité des faits. 490. Le texte de Diu. II, 148 montre une religio réconciliée, mais sans intégration épistémologique, avec la cognitio naturae — et qui n'est pas trés éloignée du « déisme » de Balbus. 491. Diu. II, 15 et II, 27 : la dissociation du quare/cur et du quomodo est essentielle ; car la discussion sur la fortuna événementielle des « physiciens », qui rappelle l'aitia abebaios d'Epicure, dans II,

15, révéle le souci de séparer

la fortuna-casus-euentus

de toute

« superstition » liée à une allégorie divine : elle serait alimentée par l'« inconstance », la « variété », qui sont les indices d'un échec de la « causalité » sûre ; voir II, 18 et II, 10. Le faux déterminisme

INTRODUCTION

CXIII

épistémologique de la divination — on le percoit dans II, 14 — se situe au-delà du « prévisible », et l'académicien, qu'on a vu attaché à « l'extréme prudence », ne tranche

pas entre les divers modes de prévision efficace“”, en médecine, en navigation, en stratégie. La divination ne saurait prétendre au statut d'art privilégié, ou de science des sciences. Les critéres du « vrai » et du « faux » étant difficiles à expliciter pour les oracles et les songes, parce qu'il leur arrive de coincider fortuitement avec l'événement,

il demeure que la « conjecture »*? en la matière est aussi fragile que la conjecture judiciaire en une cause douteuse. Mais doute critique n'est pas incrédulité dogmatique. Cicéron reste toujours un « enquérant »,

au sens de Montaigne, et non un « cathédrant »** ; on ne la de Ia

peut lui contester, dans le dialogue, comme dans vie, une inquiétude quasi métaphysique sur le mystère la destinée humaine, et l'enquéte sur la véracité de divination ravive pour lui le drame des illustres contem-

porains, Crassus, Pompée, César. Avaient-ils un destin scellé d'avance, et sa connaissance pouvait-elle concilier

une action sans avenir avec un apaisement fataliste*” ? Le pathétique de la destinée, et de la fortune, ne hante pas les stoiciens, mais, de Théophraste

à Cicéron,

et

de Cicéron à Plutarque, il marque l'humanisme acadé-

mique du sceau de l’humanité**. des sortes n'abolit pas la mythologie aliénante de la Fortuna (Il, 85-87) — cible des Académiciens, qui se trompent souvent sur la vraie nature de la Tukhè du Jardin. 492. Loc. cit. : ... aut arte aut ratione aut usu aut coniectura... 493. II, 55: notion de coniectura anceps... in causis iudicialibus... 494. Opposition de Montaigne, qui traduit le refus du dogmatisme. 495. Diu. II, 22-23. 496. La méditation a inspiré aux « platoniciens » et « péripatéticiens », de l'époque hellénistique aux Moralia de Plutarque, des Peri Tukhés : ils sont souvent dominés par la quéte d'un sens de l'histoire, régi par le hasard événementiel ou par la « valeur » — des grands

CXIV

INTRODUCTION

La méthode doxographique, justifiée dans tous les dialogues cicéroniens par le traitement académique des contradictions, ne permet qu'une approche de la vérité. On peut dés lors se demander si le « socratisme », codifié et récupéré par l'Académie et le Peripatos, confère une sérénité intellectuelle supérieure au fatalisme stoicien. La dialectique mouvante du livre II évolue au milieu des doxographies, convergentes ou divergentes, en révélant le souci de classer certes les dogmatismes selon leur radicalité, mais aussi de réduire 1'« autorité » sous

toutes ses formes ; le traitement des théses « minimalistes »?", dans le contexte « socratique », véritable disceptatio, sera révélateur, et les omissions, dans le livre II, seront aussi significatives que les réfuta-

tions**. On notera aussi que les mentions du « platonisme », dans le livre II, trés syncrétiques, concernent surtout

la politologie??; que la thèse du furor inspiré, et onirique, illustrée au premier livre par une traduction

complaisante de la Politia’®, fait l'objet d’une réfutation

molle,

comme

la « fable » des

abeilles,

comme

du reste tous les portenta ramenés à des coincidences hommes ou des peuples. Cf. le débat des écoles de rhétorique sur la « fortune d' Alexandre », dont on trouve l'écho dans une digres-

sion de Tite-Live (livre IX). Dans l'histoire critique du prophétisme prénestin (II, 85 sq.), Cicéron s'emploie à désacraliser la Fortuna fatidica au profit d'une doctrine positive du fortuitum. 497. Sur interruption du « Péripatéticien » Quintus (II, 100), qui se réfugie dans la défense de la divination « naturelle », Cicéron choisit de faire porter son attaque sur le dogmatisme stoicien (δ 101). 498. II, 100 marque une sorte de capitulation devant la divination « naturelle ». 499.

Diu.

II, 1-4, notamment

3.

500. Cette référence platonicienne, dans I, 60-61, constitue une habileté dialectique de Quintus, propre à ménager une concession sur la divinité artificielle.

INTRODUCTION

CXV

« fortuites »?!. La verve critique culmine avec l'ironie qui invente

le faux « prodige » : les rats dévorant

la Politia Platonis?.

L'astronomie

du platonicien

Eudoxe est utilisée comme une arme contre l'astrologie

chaldéenne et ses monstra?" : est-ce parce que le platonisme est jugé moins oppressif que le déterminisme stoicien, tenu pour solidaire de l'astrologie chaldéenne,

forme de fatalisme superstitieux ? Est-ce l'idée profonde de Cicéron ? Dans le livre critique, les préparations physiques à l'oniromancie sont plus attaquées comme

une perversion diététique” du dualisme anthropologique (mens / uenter), que leur postulat fondamental. Et pourtant Cicéron, doctrinalement, constate la collu-

sion entre la uetus Academia, les Peripatetici, la famille socratique, et l'école de Zénon, dés le premier prooemium, argumentatif, mais ce syncrétisme n'engage que Quintus, à qui Marcus apporte seulement son érudition doxographique. La « liberté de jugement », dans le dialogue, génére des méthodes critiques différentes pour le platonisme, ménage, pour le Peripatos, et pour le stoicisme. C'est ainsi que la disceptatio socratique, appliquée à la praesensio naturelle, modérée (II, 100-101), diffère de la polémique acérée contre le dogmatisme logicien du Portique. L'adhésion partielle à la divination des péripatéticiens Dicéarque et Cratippe, loués dans le contexte 501. La reprise du catalogue « paradoxographique » de I, 79 (Midas et ses fourmis ; les abeilles de Platon ; les serpents de Roscius), oscille entre le scepticisme sur les faits et l'idée d'une convergence « fortuite » -- les « conjectures » ‘a posteriori relevant d'une herméneutique spécieuse. 502. Diu. IL, 59 : cette invention ironique se situe dans le sillage de prodiges « classiques », comme celui des rats dévorant les clipei (1, 99). Cf. Bouché-Leclercq, Diuination, 1, p. 146-150 (les prodiges zoologiques). 503. IT, 87. 504.

II, 119, reprenant

I, 60, dans un sens critique.

CXVI

INTRODUCTION

précité, peut bien géner Cicéron, méme s'ils ne défendent pas vraiment la divination « institutionnelle », en raison peut-étre des postulats du dualisme spiritualiste. Mais l'acuité de la critique est réservée au dogmatisme stoicien : Cicéron connait bien les compi-

lations et commentaires? de Chrysippe. Alors que la discussion socratique sur le « grand Dicéarque » et son traité « sur l'ignorance de l'avenir » débouche

sur l'aporie du vrai et du faux? 6, Cicéron dénonce, dans le logicisme orgueilleux du Portique, le formalisme stérile de la démonstration syllogistique. Cette méthode des Chrysippe, Diogéne (de Babylone) et Antipater déduit de l'existence des dieux et de leur essence — omniscience et philanthropie — la nécessité d'apporter aux hommes le bienfait de la divination et de la connaissance anticipée”. L'ironie de Cicéron sur le logicisme, en la matiére, rejoint les critiques bien connues,

et récurrentes,

qui

visent

les paradoxes

et

syllogismes sur la vertu, la douleur et les maux^**, Cratippe, en revanche, n'est coupable que de manier des analogies spécieuses sur l'existence de la fonction divinatoire, et de prétendre qu'elle est indépendante

de son usage et de son efficacité”. En effet, alors que Cicéron soutient que les prédictions avérées révèlent 505.

Il s'agit du De oraculis — cet élément essentiel de la culture

religieuse livresque, est évoqué dans I, 6; I, 38 ; II, 115. Pease,

‘De

diuinatione' libri duo, p. 59-60. 506.

II, 105. Ce traité perdu, conservé par Plutarque, figure dans

les sources de Cicéron, n'est pas cité dans la doxographie initiale (1, 5) ; il n'a pas le m&me

contenu.

507. IL, 102. 508. Voir la réfutation de ces « paradoxes », plus intellectuellement que moralement, dans De fin. IV, 16 La philosophie à Rome, p. 78 et 99-100 (l'humanisme contre le logicisme inhumain). 509. Par exemple les analogies tirées de l'oeil et de visuelle, dans II, 107-108 : là encore, la réfutation est avec une référence doctrinale tardive.

choquants sq. André, cicéronien la fonction confondue

INTRODUCTION

CXVII

des coincidences, Cratippe argumente que l'échec épisodique de la prescience est un « raté » : il confirme le fortuit et l'aléatoire de tout « art ». Un art « conjectural », pour un académicien sceptique, mais « proba-

biliste », est moins difficile à justifier qu'un prétendu savoir absolu, étayé par un déterminisme inflexible. Le déterminisme stoicien -- le De fato le prouvera -n'est acceptable qu'en garantissant ontologiquement

un espace de hasard et de liberté*!°. En

définitive,

le De diuinatione

ilustre la conver-

gence harmonieuse de la culture philosophique et de la culture oratoire?!. Il explicite la problématique de la raison

et de la « piété », qui alimentera

les débats de la patristique sur « foi et raison ». Mais le rationalisme cicéronien n'abolit pas l'inquiétude métaphysique : le faux dialogue apparent transcrit en fait l'éternel dialogue intérieur entre le politique et le philosophe, dont les prologues ont souligné la permanence. La seule leçon irréductible à la critique du dialogue est l'apport d'un humanisme cicéronien : cet humanisme tend à réaliser un équilibre entre la rationalisation prudente d'un « fortuit » angoissant, et les piéges d'un hyper-rationalisme sécurisant ; trop de raison ôte les raisons de vivre, en générant le

fatalisme,

désolant

pour

l'homme

d'action,

510. La philosophie à Rome, p. 92-93. 511. Cicéron, retournant à la philosophie, a toujours soutenu qu'il retrouvait la source vive de l'éloquence active et de la rhétorique. Notre dialogue, dans l'autobiographie poétique du De consulatu (T, 22), résume la carrière intellectuelle de Cicéron par un parcours qui commence ... in Academia umbrifera nitidoque Lycaeo : les deux «écoles » ont apporté leurs artes — en premier lieu l'art de dire, à vocation civique (... Te patria in media uirtutum mole locauit...). Cette confidence versifiée correspond aux convictions profondes de Cicéron, dont la Correspondance comme les traités oratoires déplorent la rupture entre le /ogos-raison et le logos-discours. Voir notre Otium... (1966), chap. V, pass.

CXVIII

INTRODUCTION

le sophisme de l'argos logos??, le déterminisme intemporel, qui nie fondamentalement le temps, trame de

la liberté, de l'aventure humaine et de l'histoire??, ἢ n'est pas réconfortant d'apprendre d'un art que notre avenir est déjà au passé.

LE DE DIUINATIONE APRÉS CICÉRON L'HISTOIRE D'UN TEXTE ET LE DESTIN D'UNE PENSÉE

:

La tradition paléographique médiévale nous a livré plusieurs familles de manuscrits, dont les plus impor-

tants sont d'époque carolingienne?^,

On trouvera

une notice annexe sur ces manuscrits, dont les lecons

sont en général concordantes, et qui remontent à l'époque carolingienne. Ils sont évidemment tributaires de la publication et de la diffusion de l’œuvre durant toute l'antiquité classique : le De diuinatione figurait dans les mémes manuscrits, intégré à l'ensemble du corpus philosophique cicéronien, et, en tout cas, aux dialogues de la somme théologique. Le corpus s'est transmis, dans sa quasi-intégralité, et dans un ordre quasi constant. Cette stabilité de la tradition paléographique tient en grande partie à la cohérence interne de l'euvre philosophique, attestée dés l'origine par le prooemium du livre II. Reste à établir si la fin de 512. De fato, 26 sq. Réfutation du corollaire démoralisant du fatalisme, l'argos logos, dans les ὃ 28-29. 513. Au fatalisme doctrinal se rattache la métaphore du cáble enroulé, dont les parties cachées symbolisent le futur déterminé, le « futur nécessaire » — thèse de Diodore Chronos, trés présent dans le De fato. Voir V. Goldschmidt, Le systéme stoicien et l'idée de temps, Paris, 1953, riche en références de notre dialogue. 514. Pease, 'De diuinatione' libri duo, Introduction, p. 33-34; id., p. 604-606. Annexe II. Tableau des manuscrits antiques du Dialogue.

INTRODUCTION

CXIX

la République et les débuts du principat ont connu une édition princeps totale, et si un atelier d'édition,

comme celui d’Atticus’”, a pu la produire. En tout cas, il s'impose de suivre la diffusion et la réception du dialogue, liée à l'édition, dans les cinq premiers siécles

de l'Empire : l'intérét idéologique de l’œuvre était évident, pour les lettrés du Haut et du Bas-Empire, et la curiosité ne pouvait qu'étre avivée par les controverses théologiques entre la pensée chrétienne nouvelle et le conservatisme paien. La confrontation a dü débuter bien avant le phénoméne historique de la « réaction païenne ». On peut se demander si l’apparente stabilité du texte n'implique pas une assez vaste diffusion initiale, qui répondait aux intentions nettement formulées de tous les prooemia — en tenant compte, naturellement du coefficient de destruction et de déperdition, lié aux incendies, au vandalisme, à la réutilisation des parche-

mins. Si le dessein de large diffusion et de pédagogie culturelle des prologues a été réalisé, si le De diuina-

tione n'est pas resté un dialogue « ésotérique »°!f, ou une publication posthume, comme le postulent certains, force est d'admettre qu'il n'inspire pas beaucoup de mentions précises, et qu'il éveille peu d'échos, dans 515. Malgré l'admiration posthume d'Auguste pour Cicéron, le dialogue pouvait paraitre contraire à la politique religieuse du principat naissant, impliquant la restauration de tous les rites et de tous les « collèges », cf. Carcopino, Les secrets, I, p. 30 sq. (politique et édition). Voir Latte, Róm. Religiongeschichte ; J. Bayet, Religion Romaine ; André, Le siécle d'Auguste. Sur Atticus « libraire-éditeur », Carcopino, Les secrets, II, p. 305 sq. : il a édité, outre le De gloria, les dialogues de 45 av. J.-C. (Academica ; De finibus, et méme le livre épicurien, avec la critique), mais pas le De diuinatione.

Serait-ce en

raison des attaques contre le dictateur assassiné, révéré par la propagande augustéenne ? 516. Supposition de Pease, 'De diuinatione' libri duo, fort plausible (p. 29).

CXX

INTRODUCTION

la littérature julio-claudienne"". Il semble pourtant que Denys d'Halicarnasse ait connu l’œuvre : hostile aux

« professeurs d'athéisme philosophique »?5 — ceux qui ridiculisent « les manifestations de la divinité » —, et admirateur du grand orateur, le rhéteur-historiographe a tenu à reprendre toute l’étiologie de l'augurat et de

l'ornithomancie??, Or une consultation directe peut étre contestée, comme dans le cas de Valére-Maxime et de son catalogue d’exempla tirés de l’histoire religieuse de Rome. En effet on se trouve confronté avec des constatations contradictoires. D'une part, les exemples d'histoire religieuse des Faits et Dits mémorables, sont trés denses dans le livre premier de la compilation, quand il s'agit d'illustrer la piété en ceuvre dans les sacra et dans les auspicia, et l'on notera que ces « exemples » sont classés et subdivisés selon la méthode cicéronienne, en exempla domes-

tica et exempla externa"? ; la dette du compilateur envers Cicéron

a été souvent relevée, notamment

par

R. Helm?", Mais d'autre part, dans cette compilation, la quasi-totalité des références concerne le livre I de 517. Voir infra. On peut ajouter qu'un Vitruve (Arch. IX, 1, 8 218) limite à la rhétorique l'apport de Cicéron à l'art de la disputatio (voir les références dans J.-M. André, « La rhétorique dans les *Préfaces' de Vitruve. Le statut culturel de la science », in Filologia e Forme Letterarie, YII, Urbino, p. 268). 518. André, Le siécle d'Auguste, p. 167 (à propos de Denys d'Halicarnasse, Ant. rom. I], 68). Il serait intéressant de confronter avec la version de Denys l'archéologie religieuse de Cicéron, voire ses étymologies, par ex. pour le tripudium (II, 72). 519. Denys, Ant. rom. I-IV. 520. Voir supra, La culture historique dans le ‘De diuinatione'. 521.

André,

« L'Otium chez Valére-Maxime et Velleius Paterculus,

ou la réaction morale au début du principat », REL, XLIII, 1966, p. 299 sq. ; pour les exempla historiques, p. 302. Sur les sources de la compilation, R. Helm, « Beitráge zur Quellenforschung bei Valerius Maximus », Rhein. Mus., 1940, p. 241 sq. Il montre (p. 254-255) que la rubrique pietas de la compilation, importante (Fact. dict. mem. V, 4-6) révèle une bonne connaissance du De diuinatione. Même

INTRODUCTION

CXXI

notre dialogue, l'exposé traditionaliste de Quintus, et, dés lors, le recours au fonds commun de l'annalistique, ainsi qu'à Tite-Live, ne rend pas nécessaire la lecture

d'un De diuinatione largement diffusé. On observera en outre que l'ouvrage pouvait semer le doute sur la politique de restauration religieuse du principat naissant.

Mais

en la matiére,

toutes les spéculations

sont licites, le « flatteur de Tibére » pouvant partager

les doutes critiques de l'esprit fort, son maître”? ; or une grande diffusion à l'époque julio-claudienne irait contre la politique officielle. L'hypothése d'une grande diffusion serait en partie réfutée par le silence des Questions naturelles d'un Sénéque, critiquant, au livre IT, la divination artificielle et la disciplina Etrusca ; l'étruscologie du dialogue, peu étendue et peu exploitée

par C. Thulin*#, n'était pas une référence indispensable, Sénéque connaissant les sources étrusques courantes, à une époque d'étruscomanie. En revanche, notre dialogue a laissé des traces visibles dans le livre de l'Histoire naturelle paralléle au livre II des Questions naturelles, dans un livre II qui lie la physique et l'observation des signes, mais ces passages sont peu spécifiques : Pline adhére, comme presque tous les savants du Haut-Empire, aux postulats stoiciens de la connais-

sance et à la cosmologie du Portique**. Dès cette conclusion Stuttgart,

chez CI. Bosch, Die Quellen des

Valerius Maximus,

1929.

522. Voir notre Mécène. Essai de biographie spirituelle, Paris, 1967, p. 90-91. 523. C. Thulin, Die etruskische Disziplin, 1906-1909, Gôteborg, pass. ld. article Haruspices de Pauly-Wissowa, 1912. Le goût pour l'étruscologie, malgré Tite-Live, ne s'imposera qu'à la génération claudienne. 524. André, « Les Écoles philosophiques... », ANRW, IL, 36, 1, p. 14-15 et 26-27. La grande synthése de V. Naas, Le projet encyclopédique de Pline

l'Ancien,

EFR,

n? 303, Paris,

2002,

p. 22 sq.,

montre que pour Pline Cicéron est essentiellement un théoricien de l'humanitas philhellénique et des artes liberales ; un recueil cicéronien

CXXII

INTRODUCTION

époque se dessine un associant Platon à la Auguste n'a regretté et le « patriote ». A défaut de cerner

cicéronianisme purement culturel, suprématie oratoire de l'Arpinate, chez Cicéron que le grand orateur la transmission du dialogue au sein

de l'Académie — romaine -, sa diffusion dans les milieux

savants et dans les cercles lettrés??, des « antiquaires » augustéens aux interlocuteurs des Nuits attiques, et aux grammairiens du Bas-Empire, les Probus, les Charisius,

les Diomedes, permettrait d'évaluer sa survie culturelle, La culture cicéronienne, qui intégre le corpus philosophique, semble fondée sur une connaissance livresque, qui perdure dans l'entourage du savant préfet Symmaque

et dans le monde érudit des Saturnales de Macrobe”*. À

la fin du 1v? siècle de notre ère, la divination classique

a été entraînée dans la débâcle de la « théologie civile » et de la théodicée de la grandeur

romaine ; on verra

les polémistes chrétiens utiliser, contre le paganisme,

l'argumentaire sceptique de l'académicien?", mais sans que ce regain de curiosité intellectuelle dépasse l'utilisation tactique des « théses », et prouve une renaissance éditoriale du dialogue. Sénéque et Pline pourraient représenter une étape dans la réception du dialogue cicéronien, en raison de

certaines convergences thématiques. Qu'en est-il ? En fait, le livre de fulminibus et tonitruis des Questions naturelles, semble prolonger la méditation cicéronienne : perdu, le De Admirandis, souvent cité par Pline (NH XXIX, 60 et 92. XXX, 146 ; XXXI, 12 et 51), ne se situe pas dans la ligne « positiviste » du dialogue, sinon pour l'exposé de Quintus. Pline cite trois vers des Prognostica (NH XVIII, 228), et plusieurs passages du dialogue (I, 112 et 119) paraissent connus. 525. Voir Pease, 'De diuinatione' libri duo, Introduction, p. 30 -31. 526. Saturn. I, 24, 4 (lien entre l'éloquence et le studium philosophandi — caractére qui n'est pas propre à notre dialogue) ; III, 7, 2 (déjà cité : l'Ostentarium Tuscum et la symbolique religieuse des couleurs). 527. Voir supra, Conclusions philosophiques.

INTRODUCTION

Sénéque

part

rappelle

un

d'une

digression

dilemme

CXXIII

sur

fondamental

le fatum, du

qui

dialogue,

et du corpus théologique, sur l'omnipotence du « destin » et l'espace de la « volonté humaine » 25,

Toute une section du livre II? du traité scientifique de Sénéque est une étrusques, vulgarisés pondant et... source fait une comparaison

paraphrase des /ibri fulgurales par Caecina, un ami corresde Cicéron : ce dernier, si on avec Sénèque, sacrifie l'exposé

et la « classification » de Caecina??, pour ne retenir - on l'a vu - que les enjeux dialectiques. Pline, peu étrusquisant par choix, connait la doctrine générale des foudres, et il la restitue avec moins de précision que Sénéque, tout en explicitant la triple fonction des prodiges (consiliarium ; auctoritatis ; status-

monitorium)?'.

Mais

les nombreuses

allusions

à

l'augurat, chez le naturaliste, font partie du fonds commun de la culture religieuse, et un seul emprunt est manifeste, par ailleurs : il s'agit de l'épisode inquiétant relaté durant un sacrifice du dictateur César, le monstrum de la victime dépourvue de cœur; l'Histoire naturelle (XI, 186) reprend mot pour mot

la relation du De diuinatione?? ; la problématique, le dilemme de l'explication purement physique et de 528. NQ II, 38 : problématique de fato ; II, 45 sq. « fulgurant » inspire une « interprétation physique » qui à ... fatum... causa causarum... prouidentia... natura... Quant-à NO II, 38, 1-4, la digression - religieuse — souligne des prières et des « expiations » ; or l'aruspex est assimilé

: Jupiter l'assimile mundus. la vanité à un fati

minister.

529. IT, 39 : les trois types de foudre ; II, 40 : la distinction fondée sur les significationes (« fonctions ») ; il faudra attendre II, 49 pour trouver affinée la théorie de Caecina. 530. Pease, 'De diuinatione' libri duo, p. 28. 531. NH II, 24 ; II, 138 ; II, 143 sq. 532. Diu. I, 119. L'épisode est relaté, dans les sources latines, par Valére-Maxime (1, 6, 13) et par Suétone, (Zu. LXXVII) ; Suétone insiste à plusieurs reprises sur ces « blocages » du rituel.

CXXIV

INTRODUCTION

la disparition miraculeuse, appelé quaestio magna,

était approfondi dans la réfutation cicéronienne??. Les remarques de l'encyclopédie plinienne sur les animaux, pierres et plantes magiques, ainsi que le corpus impressionnant consacré à la «science

magique » des Perses?*, dans les livres XXVIII à XXX, ne doivent rien au dialogue cicéronien, οἱ cette information reste mince. Le Démocrite du De diuinatione, celui

que Pline dit curieux de « magie » perse, est uniquement cité comme caution des formes naturelles et artificielles

de divination (songe ; furor inspiré ; extispicine)^^ ; il est traité avec ironie, comme

un physicus dévoyé, au

livre II de l'Histoire naturelle?*. Pline n’a guère approfondi sa censure des mages et de leurs « mensonges ». Tout au plus la citation latine des Aratea, les trois vers du livre XVIII, 224, suggérera-t-elle la lecture du

livre 137, Resterait la référence au devin Mélampus, dans

XV,

47,

mais

son

intérét

est

réduit,

Cicéron

n'ayant mentionné le médecin et devin d'Argos que dans l'apologie « politique » de la divination du De

legibus et dans une liste du De natura deorum. Le silence du stoicisme impérial sur le dialogue, jusqu'aux Pensées de Marc Auréle, étant assez net — il 533. Diu. II, 37. Pline part de la formulation cicéronienne du dilemme : ... qui fit ut alterum intellegas, sine corde non potuisse bouem uiuere, alterum non uideas, cor subito non potuisse nescio quo auolare ? (toute une série de cur et de quare) ; résumé trés fidéle

de Pline : ... unde quaestio magna de diuinatione argumentantibus, potueritne sine illo uiscere hostia uiuere an ad tempus amiserit... 534. Notamment dans NH XXX, 9 sq. Cf. supra, Sources. 535. NH XVIII, 321 : cela correspond à la version de Diu. I, 80 et I, 131. C£. Bouché-Leclercq, Diuination, I, p. 39-41.

536. NH II. 537. Le fragment de Diu. I, 15 : ... Vos quoque signa uidetis... Ce passage est au demeurant

trés connu,

à la génération

de Pline,

cf. Quintilien, 7O V, 15-16, mais dans tout un ensemble de culture poétique hellénistique et virgilienne. 538. Leg. II, 33 et ND III, 54.

INTRODUCTION

CXXV

s'explique par une vision intemporelle du « destin », sans

référence

religieuse

directe

la réception se trouve posé pour Haut-Empire. Le

platonisme

de

Plutarque,

—,

le problème

de

le platonisme

du

au

début

de

l'ére

antonine, met l'accent à la fois sur la démonologie socra-

tique et sur la déshérence des oracles de la Pythie??,

Mais la familia Platonica peut puiser directement dans le corpus platonicien, sans intermédiaire latin. Ainsi s'expliquerait le fait que, de la génération de Pline le Jeune à celle des Nuits attiques et d'Apulée, le De diuinatione intéresse peu du point de vue philosophique. Pline le Jeune, admirateur et imitateur de Cicéron?), ne cite jamais le dialogue, même lorsque sa curiosité l'oriente vers les problémes du « surnaturel »,

songes prophétiques et fantômes”! ; seule Ja méthode de discussion in utramque partem apparait, pour les dilemmes de la physique, et point n'est besoin de l'expliquer par la lecture d'un dialogue précis. L’allusion aux sortes du Clitumne, chères à la divina-

tion populaire,

n'appelle aucune

réflexion

sur

la divination « classique ». Dans les entretiens des Nuits attiques, des philosophes attachés à l'héritage du socratisme et à sa dimension scientifique, ne portent attention qu'à la divination

«judiciaire »?? ! On sera à peine étonné que, dans ce contexte érudit, le dialogue n'inspire qu'une remarque

« philologique » sur l'emploi du verbe interpréter", et une bréve citation du livre I centrée sur la préparation 539.

540. le Jeune 541. 542. indicant 543. 544.

Bouché-Leclercq.

Diuination, L, p. 76-78.

André, « Pensée et philosophie dans les ‘Lettres’ de Pline », REL, LIII, 1975, p. 225 sq. Lettres, 1, 18. V, 1, 5; VII, 27. Ibid., VIII, 8, 5 : ... praesens numen atque etiam fatidicum sortes... Or Cicéron ignore ce centre oraculaire. NA 1, 4, 1 et 6. NA XV, 13, 7.

CXXVI

INTRODUCTION

du corps au sommeil et au rêve. Ce traitement du De diuinatione sera celui de tous les grammairiens du Haut

et du Bas-Empire?^6, des Probus, Servius, Charisius, Diomedes.

fortuitement

Leur enarratio,

fragmentaire,

le dialogue cicéronien,

rencontrera

et par le biais

des Géorgiques virgiliennes?" : des signes météorologiques fournis par la nature. Proche des platoniciens des Nuits attiques, Apulée semble peu connaitre le dialogue cicéronien, méme

dans le De deo Socratis®, qui élargit le débat philosophique par les « exemples » empruntés à l'annalistique romaine, et par la récapitulation des genera

diuinand??. Subordonner la prescience à la médiation des démons, pour la gestion quotidienne de l'existence, va certes contre la théorie de la caelestium

uoluntas,

mais la précision vise surtout la divination romaine, y compris la science « fulgurale » des Etrusques et I'« inspiration » sibylline. Or il est fatal que les exempla

d'Apulée?? convergent avec le breuiarium cicéronien du livre

I, fourni

à Quintus.

D'autre

part,

la thèse

545. Div. 1, 62. 546. Références de Pease, 'De diuinatione' libri duo, Introduction, p. 31 : (Keil, GLK) : Probus cite I, 85 (... quid augur cur a dextra coruus...) dans son ‘Commentaire de Virgile’ ; Charisius (Keil, I, 130) ; Diomedes (I, 374). 547. Géorgiques I, 356 sq. Quand les grammairiens rencontrent les Prognostica, cela n'implique pas qu'ils connaissent toutes les autocitations du dialogue, car 1] faut tenir compte de tous les excerpta en usage chez le grammairien, le rhéteur, et méme le philosophe, cf. Sénéque, Epist. XXXIII et Quintilien, 7O II, 15. C'est par ce biais que Sénéque connait, par exemple, les fragments perdus de Mécène. 548. De deo Socratis VII, $ 135 sq. (éd. Beaujeu, CUF). 549. DDS, $ 134 : ... uel extis fissiculandis uel praepetibus gubernandis uel oscinibus erudiendis uel uatibus inspirandis uel fulminibus iaculandis... ceterisque adeo per quae futura dinoscimus... 550. DDS, $ 135-137 : Flaminius, Attus Navius, l'aigle de Tarquin l'Ancien, la flamme prophétique de l'enfant Servius Tullius, Hannibal : tous ces « exemples », tirés de l’annalistique, se retrouvent

aussi bien dans notre dialogue que chez Tite-Live et Valére-Maxime.

INTRODUCTION

CXXVII

académique qui dénie aux dii superi la gestion avilissante des signes divinatoires, n'implique pas une référence privilégiée à notre livre II, plutót qu'au De natura

deorum?!, Le dialogue”? n'inspire pas de curiosité particulière dans les milieux savants marqués par le platonisme, qui précédent largement les Saturnales de Macrobe — contemporain d'Ambroise, de Jérôme et d'Augustin. Or, dans le contexte des entretiens savants du livre I, on examine

les grands dieux gréco-romains,

et méme

leurs avatars orientaux, assyriens et égyptiens : tel est

le cas de SoP? ; on évoque aussi la Fortune d'Antium, mais sans référence à notre dialogue. C'est alors que l'entretien traite des rapports entre la poésie, la littérature et la philosophie. Un certain Evangelus, créditant Cicéron d'un zéle philosophique égal à son zéle oratoire, porte un jugement sévère sur le corpus théologique de l'Arpinate, et il mentionne le De diuinatione : ...quotiens aut de natura deorum aut de fato aut de diuinatione disputat, gloriam quam oratione conflauit incondita rerum relatione

minuat..."*. La patrologie aura souvent tendance à considérer toute la philosophie de Cicéron comme un simple corollaire de sa rhétorique. Mais le dialogue n'inspire pas de référence précise, dans le cadre d'une énorme encyclopédie des divinités, de leur mythographie, de leur liturgie, qui constitue un des centres de curiosité majeurs 551. DDS VII, $ 137 : ... non est operae diis superis ad haec descendere : mediorum deorum ista sortitio est... 552. Le De natura deorum Il, 163 sq., justifie tous les genera diuinandi... Or l'idée d'un partage théologique entre dieux supérieurs et « médioximes », si elle est stoicienne (IL, 164 : ... magna curant, parua neglegunt...), a surtout été systématisée par l'Académisme romain (ND III, 79 sq., notamment 86 : ... minora neglegunt.. ; id. 93 : ... non omnia persequi... hominibus dispertiri ac diuidi somnia. ..). 553. Saturn. L, 23 sq. : Jupiter solaire, Zeus et ses avatars orientaux. 554.

Saturn.

1, 24, 4.

CXXVIII

des

Saturnales.

INTRODUCTION

Leur

érudition,

autonome,

n'est pas

une contribution déguisée à la « réaction paienne »55. L'enquéte sur les générations d'apologistes et de docteurs de la foi qui s'échelonnent entre les Nuits attiques et les Saturnales révélera une présence culturelle de Cicéron et de sa philosophie, dans laquelle 1l serait intéressant de cerner des références au De diuinatione. L'Octavius de Minucius Félix donne la parole à l'académicien Caecilius, qui se réclame de la méthode socratique, d'Arcésilas et de Carnéade (chapitre XIII). Il est bien question des Academici, ici et dans la virulente diatribe d'Octavius contre toute l'école (XXXVIIT), mais nulle part il n’est question de Cicéron, même si Caecilius

semble assumer l'héritage de Cicéron-Cotta, quand il justifie le doute méthodique par le souci d'éviter également « la superstition des vieilles femmes et la destruction de toute religion »5; même si la doxographie théologique du chapitre XIX, présentée par Octavius,

fait une large part à l'interpretatio physica?" du De natura deorum, voire aux critiques épicuriennes du dialogue. De méme l'attaque d'Octavius (XX) contre la crédulité puérile des « ancétres », fruit de l'obscu-

rantisme archaique?*, recoupe toutes les polémiques de l'Académie contre la « théologie mythique »??, ses 555.

P. de Labriolle,

La réaction païenne,

Paris,

10° éd.,

1950,

p. 351-352 : parmi les « piétistes » paiens, Nicomachus Flavianus est un expert en art augural. 556. Octauius XIII, 5 : la notion d'anilis superstitio, liée aux mendacia et fabellae d'une « antiquité » inculte (XX, 1 sq.), rejoint, par la formulation même,

la critique académique,

celle du De diui-

natione et du De natura deorum III. 557. ND I, 63 sq. 558. Même les légendes de la préhistoire romuléenne, dans le De Rep. I et II de Cicéron, n'échappaient pas au grief de crédulité liée à l'inculture. 559.

L'Octauius

censure

constamment,

dans

cette

section,

les « mensonges » de la poésie, supports de la « théologie mythique » (XX, 1 ; XXIII, 1 sq.).

INTRODUCTION

CXXIX

monstruosa, ses mera miracula. Cicéron et Varron n'ont pas besoin d'étre nommés : le refus des prodigia du polythéisme?9), acceptés en raison de l'« irréflexion d'une naive inculture », durcit le scepticisme métho-

dique du De natura deorum, mais n'implique pas une quelconque référence à notre dialogue. Tertullien réserve la « divination » aux prophétes et à Moyse, dont le message atteste «la divinité de

la création »?€'. Or le De anima (XX), dans un contexte dominé par la décadence de la foi judaique, montre la réalisation des promesses messianiques par la venue du Christ, et dénonce la confusion qui s'est établie entre la révélation et « la divination prédisant l'avenir », dans l'unité mystique du Temps'?. Les monstra et les portenta de la théologie paienne, simple perturbation de « l'ordre naturel », et qu'on assigne à la « providence », comme

toutes les miséres de la planéte et de réintégrés dans la démonstration de la « variété de la divination » ne peut gnage supplémentaire pour la divinité. ne fait aucune mention de Cicéron. Les

Africains

Arnobe

l'humanité, sont l’Apologeticum : qu'étre un témoiMais l'apologiste

et Lactance,

à l'aube

du

IV* siècle de notre ère, louent en Cicéron le modèle 560. La foi dans les prodigia, fruit de l'ignorance primitive (Oct. XX, 5), est une forme de « superstition » qui sera explicitée ensuite (XXVI) dans l'examen critique des auspicia et auguria Romana : les exemples (Flaminius, Paul-Emile à Cannes, la traversée de César en Afrique) sont tirés de l'annalistique, alors que d'autres (les oracles d'Amphiaraos, de Tirésias, d'Apollon Pythique) viennent de sources grecques latinisées ; ils doivent se trouver dans tous les « bréviaires

» académiques,

sinon

dans

les excerpta

scolaires.

Cicéron n'est méme pas nommé parmi les Academici. 561. Apologeticum XXI, 1 sq. 562. Ibid., XX, 3-4 : ... et monstris et portentis naturalium forma turbatur... testimonium diuinitatis ueritas diuinationis... unum tempus est diuinationi futura praefanti... Or le De anima XLVI, 11, note que le Stoicisme a apporté les praesidia diuinatricum artium — ce qui permettrait de supposer une connaissance de l'argumentaire de Balbus, ou de Quintus.

CXXX

INTRODUCTION

de l'éloquence et de la « liberté », voire le summus philosophus, le Romanae philosophiae princeps? , mais ils ont surtout médité le De natura deorum. Arnobe, dans l’Ad nationes, apprécie la critique exhaustive des turpitudes mythiques qui dégradent l'image

des dieux?*, mais ne s'intéresse guère à la divination. Pour tous les apologistes chrétiens, comme pour Lactance, la divination paienne, que pratique encore un Maximianus avec son haruspice, Tagis, est «l’œuvre des démons »?9 : la démonologie positive d'un Apulée, intégrée à la théologie, devient une entreprise maléfique. Contestant les dieux paiens, en qui il voit des démons,

dans

les Institutions,

Lactance,

hostile par ailleurs aux « délires » des Chaldéens?95, énumére les signes de la maiestas divine du paganisme : les prodiges, les songes, les augures et les oracles

— les genera diuinandi de Cicéron9. Or, s'il cite abondamment le De natura deorum, surtout le livre II, axé sur le providentialisme stoicien, 1] atteste aussi,

par ses citations, la lecture directe du De diuinatione : il en mentionne les citations poétiques, tout comme les exempla, la Sibylle, les prodiges « fulgurants » de

l'année 63, l'épisode de Tarquin et d'Attus Navius’f, 563. Diu. Inst. I, 16; I, 3 (où il est qualifié de « réfutateur des dieux mensongers et fictifs » — la terminologie du scepticisme académique) ; III, 7. 564. Tout le livre I de |’ Ad nationes exploite les turpitudes de la « théologie mythique », dénoncées par le Cotta-Cicéron du De natura deorum III, par le Sénèque du De superstitione — conservé par Augustin —, et bien avant l'Octauius : les incestes et adultéres divins. 565. Lactance, Mort. Persec. X. 566. Diu. Inst. I, 7 ; sur le « délire » des Chaldéens, qui rappellerait les formules de Cicéron au livre II : VII, 4. Le prophétisme sibyllin est censuré dans IV, 27.

567.

Diu. I, 95, après I, 11 sq.

568.

Diu. Inst. I, 19 ; 1, 34; LI, 36 ; références moins probantes

L, 45 et II, 104.

:

INTRODUCTION

CXXXI

Mais il semble peu apprécier le prooemium du livre I]

sur l'éminente dignité de la philosophie, jugé trop polémique”. Chez Augustin", la critique de la divination et de ses fondements « fatalistes » mettrait en cause le De diuinatione, théoriquement du moins ; l'héritage de

Cicéron

chez l'évéque d'Hippone

recherche.

On

pourrait

attendre

a suscité mainte

d'Augustin,

qui

s'intéresse aux variations historiques de l'Académie,

et qui apprécie les audaces critiques d'un Varron?", une lecture favorable de notre dialogue. N'a-t-il pas souvent,

dans le dialogue

Contra Academicos,

nant l'historique de la nouvelle Académie,

repre-

souligné

la convergence de Cicéron et de Carnéade?" ? Or 569,

Les Institutions II, 13, semblent viser Cicéron dans l'invec-

tive contre ceux qui traitent de « parricides » les contempteurs de la philosophie : le trait est forcé pour le prooemium de notre livre II et son apologie de la philosophie 570. L'étude la plus systématique est celle de M. Testard, Cicéron dans la formation et l'œuvre de saint Augustin, Paris, 1958, I ; II. Textes. L'analyse de la période «sceptique » de l'Académicien Cicéron fait ressortir (p. 81 sq. : CD IV, 30) la gravité de la crise sceptique surmontée (p. 127 sq.) et les abondantes références aux Academica. La « répartition des citations » dans les œuvres philosophiques (p. 206 sq.) prouve une utilisation limitée du De fato, en partie perdu et sauvé dans les manuscrits CDV : elle éclaire les références au De diuinatione, sur l'impossible prévision de l'avenir. Or le florilége des textes (t. IL, p. 45 sq.) fait apparaitre à peine cinq références dans la Cité de Dieu (HI, 17 ; IV, 30; V, 8 et 9; VIII, 2); il s'agit de Diu. I, 32 - I, 112 étant conjectural ; la reprise de la citation d'Ennius, dans Conf. X, 25, n'implique pas forcément l'utilisation de Diu. II, 30; méme remarque pour la traduction d'Homére de I, 32 (CD V, 8). Ce qui est le plus probant, c'est, dans CD

V, 9, le souvenir de Diu.

II, 18-25 ; de méme

pour II, 110-112

du dialogue, dans CD ΠῚ, 17 : ... frustra ad libros Sibyllinos... in libris 'de diuinatione'... La contradiction relevée chez Cicéron, dans CD IV, 30 (... Cicero augur irridet auguria...) suppose sans doute l'allusion à Diu. II, 78-79. 571. CD VI, 12. Voir Lehmann, Varron théologien..., p. 193 sq. 572. Contra Academicos 11, 11 sq.

INTRODUCTION

CXXXII

il censure le « probabilisme »?? de Carnéade, alors méme

qu'il stigmatise les erreurs des « haruspices,

augures, astrologues et interprètes des songes »?", Le dialogue reproche au « grand Cicéron »°”, à qui on dénie la «sagesse », d'étre agnostique ; là est peut-étre le centre du débat posthume, qui aboutit à formuler un certain dédain : Augustin n'évoque-t-il

pas, dans les Confessions”, «le livre d'un certain Cicéron » ? La grande discussion sur le fatalisme et

la libera uoluntas, dans la Cité de Diew", prolonge la problématique de la divination, et notamment sur le déterminisme astrologique. Or notre dialogue est absent de la discussion, et, quand Augustin évoque les attaques de Cicéron contre «la prescience de l'avenir »775, il semble les rapporter au De diuinatione ; la mention de Balbus, qu'il approuve, et de l'académi-

cien Cotta??, prouve qu'il connaît les livres II et III du De natura deorum, où se trouve anticipée la méditation

sur la providence divine, le destin et la divination?* mais les citations de la Cité de Dieu?! sont toutes extraites du De fato, précis sur le destin qui complète

notre dialogue??, les manuscrits

des

1x°-x°

Rien d'étonnant à cela, vu que

anciens, comme

siècles,

les copies ultérieures

présentent

comme

un

corpus

continu"? les trois dialogues théologiques. Les spécialistes ont raison de conclure qu'Augustin aurait peu consulté le De diuinatione, bien qu'on y découvre 573. 574. 575. 576. 577. 578. 579. 580.

Ibid. ei II, 14 (probabilisme). Contra Acad. 1. Ibid. Conf. II, 7. CD V, ὃ 201 sq. Ibid., $ 202-203. Ibid., ὃ 203. Le ὃ 203 cite expressément le Cotta de ND III, 14-20.

58].

Dans

582.

De fato,

les ὃ 203, 204, 205.

583.

Pease, De natura deorum,

10-11 ; 20-21 ; 23-26 ; 40. Introduction, p. 62-65.

INTRODUCTION

CXXXIII

Ja problématique commune sur le fatum astrologique?**, Ja marge de la « volonté » et de la « liberté » humaine,

l'effort pour maitriser causalement le « fortuit ». La réfutation augustinienne du De fato est axée sur l'idée que causes « fortuites », « naturelles », ou « volontaires », relévent de l'omnipotence et de l'omniscience

de Dieu‘, Le « dernier » Augustin a pris ses distances par rapport à Cicéron, même s'il adhère à l'admiration fervente professée par un Balbus pour les beautés de

la planète et la bienfaisance de la nature. Le De natura deorum (le livre II) est moins sollicité, dans le catalogue des merveilles de la Cité de Dieu, que chez les apologistes cicéronisants. Méme la censure

de la divinité de Romulus??", qui gêne Cicéron, dans la Cité de Dieu, doit plus au De republica, livre II, cité textuellement,

dans l'euvre discréte. L'humanisme

qu'à notre dialogue

immense

d'Augustin,

de la Renaissance

: sa présence,

est donc

assez

a favorisé, à partir

de 1500, à Venise, à Bâle et à Paris, l'édition du corpus

philosophique cicéronien?, et Montaigne, dans ses Essais, atteste une lecture de l'ensemble des dialogues. Le De natura deorum et le De diuinatione ne sont pas moins cités que les Tusculanes, réserve de sagesse, ou que 584. CD V, 8 201 : ... falsas et noxias opiniones de astralibus fatis ; id., 205 : fatum et horoscope. 585. Supra : les conclusions sur Hasard et Nécessité. Voir, $ 206 : la notion de causa fortuita. 586. Les « merveilles » de la Providence divine, dans ND II. 126 sq. (mirabilia), ont moins retenu la curiosité d'Augustin (CD XXI sq.) qu'un florilége de Pline, dans les livres XXXIII à XXXVII de l'Histoire naturelle. La définition de Posidonius comme astrologiae deditus fatalium siderum assertor n'implique pas nécessairement la connaissance de notre dialogue et de la théorie de la sumpatheia. 587. CD XXII. 588. De rep. II, 18-19. 589. Catalogue dans l'édition de Pease, p. 620 sq.

CXXXIV

INTRODUCTION

les Académiques, caution d'un doute fécond, qui ruine

tous les dogmatismes — avant l'essai Des Boyteux (III. XI). Certes les références sont plus denses dans le livre II,

dans l' Apologie de Remond Sebon??, qui exploite le criticisme carnéadien. Dès son livre I, Montaigne exploite les

critiques

du

De

diuinatione

II,

sur

la

fausseté

des oracles et la véracité fortuite des songes et hallu-

cinations?' ; il a retenu la métaphore du jet de javelot réussi. Même la déclaration conformiste de Quintus en faveur de l'antiquitas est exploitée dans le sens d'un conservatisme prudent”. Au livre III des Essais, la référence cicéronienne au nihil sapere uulgare, dans une interruption ironique de Quintus (II, 81), renforcera la critique de « l'authorité du nombre et ancienneté

des tesmoignages »?? : comme le Cicéron du passage, Montaigne conteste un consensus « numérique » que défend Quintus. Par ailleurs, la citation d'Accius sur le songe de Tarquin cautionne, dans l'essai III. XI, une interprétation des songes comme « loyaux inter-

prêtes de nos inclinations »*”*. L'érudition anglaise de langue latine, après Bacon”, a souligné la richesse critique du dialogue, notamment 590. Voir l'édition Villey, Paris, 1923 : onze citations. 591. Essais, I, chap. XI, Des prognostications (Villey, p. 51) : référence Diu. IX, 123 592. Ibid., 1, chap. XXIII, p. 154 (De la coustume) : référence, I, 87 : ... quis est enim quem non moueat clarissimis monumentis testata consignataque antiquitas... 593. Essais, III, XI (Des Boyteux), Villey, p. 329 : se réfère à Diu. II, 81 : or le consensus est souvent critiqué, dans divers contextes idéologiques, par ex. par Herbert, dans son De ueritate de 1624, cf. Th. Zielinski, Cicero im Wandel der Jahrhunderte, p. 263-264. 594.

Essais,

HI, XI, p. 426

: Diu.

I, 45.

La citation

du Brutus

d'Accius, fondée sur une édition contemporaine, comporte la lecon res, quae, et non rex. 595.

Référence de Zielinski, p. 266 sq. et notes, p. 435 sq. : le De

natura deorum parait seul impliqué, à cause de la « religion naturelle ».

INTRODUCTION

à l'égard d'une

CXXXV

astrologie néfaste.

Étudiant

l'utilisa-

tion parfois anarchique du dialogue, A.S. Pease a eu raison de noter l'ambiguité

pour

une

conscience

des leçons

du dialogue,

chrétienne” : la critique

des superstitions païennes pouvait miner la croyance à toutes les prophéties. On a vu avec quelle réserve les Péres citaient le dialogue. Le débat est révélateur pour les moralistes et prédicateurs chrétiens du xvIÉ* siècle ; 11 transparait même dans la pédagogie la plus « officielle », et notamment dans celle qui régit l'édition des classiques Ad usum Delphini, « anthologie

sélective, sinon expurgée »?"", Plus que le xvir siècle classique, le siècle des Lumières, chez ses précurseurs ou chez ses maitres, ou dans son manifeste de la Raison, l'Encyclopédie, offre un terrain

d'investigation privilégié pour la survie idéologique du De diuinatione. Le bilan pourra sembler contrasté, si l'on oppose les jugements de Fontenelle et de Condorcet. Fontenelle fait de l'Arpinate, en tant que théologien, le précurseur du libre examen qui prépare le positivisme scientifique, alors que Condorcet, dans son Esquisse des progrès de l'esprit humain, censure globalement «le

despotisme

des

Romains,

si indifférents

aux

progrès des lumières » ; laudateur de la « liberté » 596. Le doute « académique » diffusé par le dialogue, sans sa contrepartie conservatrice, est récusé comme incompatible avec la Ciuitas Dei, dans CD XIX, ὃ 386-387, aprés avoir été « abjuré » dans Conf. VII, 13 sq. ; id. Contra Acad. TI. 597. Les cuvres philosophiques de Cicéron figuraient dans le tome

I, avec le De nat.

deor.

III, tout aussi critique que le livre

II de notre dialogue : l'éditeur, le Jésuite L’Honoré, avait programmé le De diuinatione dans le tome II, différé pour des raisons éditoriales, et non religieuses. 598. Consulté dans l'édition de M. et F Hincker, Paris, 1966, p. 131 : peu éclairé sur l'antiquité en général, hellénophile comme les Girondins, Condorcet évoque «le despotisme des Romains, si indifférents aux progrès des lumières ».

CXXXVI

INTRODUCTION

grecque, comme ses amis Girondins, l'Encyclopédiste dogmatique ne pense pas beaucoup de bien des sectes philosophiques grecques, notamment du

scepticisme radical de l’Académie”.

Mais était-il

capable de discerner le scepticisme négateur d'un Arcésilas du doute méthodique et du probabilisme cicéroniens ? Pour lui, le platonisme, explicité comme

source lointaine de l'« éclectisme », est réputé avoir engendré à la fois « des théologiens et des athées »*9 - ce qui serait une analyse sommaire des divergences entre

Quintus

et Marcus.

Mais

chez

Condorcet,

ni

Cicéron, ni le De diuinatione, n'émergent du conglomérat sceptique. ἃ l'en croire, « l'esprit de doute » aurait manqué « aux érudits grecs et romains, et méme

à leurs savants et à leurs philosophes »9', Condorcet reste obsédé par son concept tale abétissante qui « vendait et des augures et pouvait dans les guerres, leur dicter

de la tyrannie sacerdoà la politique des oracles précipiter les peuples des crimes » : il songe

à la « théologie civile »9? ! Mais Cicéron et Varron ne sont pas allés aussi loin dans la critique de cette théologie du pouvoir. A l'aube du mouvement

des Lumiéres,

Fontenelle

avait pourtant exprimé un regain de curiosité pour notre dialogue. Dans son Histoire des oracles, il esquisse l'analyse de la «crise de la conscience 599, Ibid, p. 135 : l'idée — simplifiée — qu'«il n’y a rien de certain » stériliserait la pensée antique ! 600. Ibid., p. 147, sur l'ambiguité de l'héritage platonicien. 601. Ibid., p. 151 : «on peut reprocher aux érudits grecs et romains, et méme à leurs savants et à leurs philosophes, d'avoir manqué absolument à cet esprit de doute qui soumet à l'examen sévère de la raison, et les faits et leurs preuves » — assertion contredite par une analyse antérieure, réfutée par la théologie académique et un certain « positivisme » cicéronien. 602. Ibid., p. 145 : la vente à la politique des oracles et des augures. Nous croyons établi que la théorie relativiste de la theologia tripertita réfute cette image d'un obscurantisme lié au fidéisme.

INTRODUCTION

CXXXVII

européenne »%, qui affecte en premier lieu le fidéisme

religieux.

P.

Hazard

a démontré

le fabuleux et le mythique

qu'on

récuse

légués par l’historiogra-

phie gréco-romaine. Fontenelle fait de Cicéron, dans le concert des « grandes sectes de philosophes »9*, le contempteur hardi des croyances anciennes, et il précise : « dans ses livres de la divination ». Recensant les attaques cicéroniennes contre l'haruspicine, les signes des « poulets sacrés », du « vol des oiseaux »

et «tous les miracles »9?, le savant mondain cite, en la traduisant, la narration du livre II de notre De diuinatione relative au sacrifice de César, faussé par la malformation de la victime. Il cite également, dans la traduction, le passage du dialogue qui reléve les invraisemblances de la divination apollinienne :

« Apollon n'a jamais parlé latin »95. I] a observé que Cicéron souligne la déshérence du prophétisme delphique... « dés le temps de Pyrrhus », et

«longtemps avant son temps »%7. Mais il cite également,

en traduction,

l'argument

d'autorité

produit

par Quintus en faveur de Delphes*?, le consensus et les offrandes « des peuples et des rois ». Comme Augustin, Fontenelle a relevé la contradiction de

Cicéronf? : « l'extréme liberté avec laquelle il insultait 603. Voir les analyses de P. Hazard, La crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, 1961, p. 32 sq. : la récusation des mythes historiques de Rome. 604. Histoire des oracles, Paris, 1968, p. 38 sq. : on relève une doxographie antique de l'acceptation et de la récusation des « fables » surnaturelles. 605. Op. cit., p. 44. 606. Ibid., p. 95 : citation de Diu. 1, 116. 607. Ibid., p. 96-99. 608. Fontenelle, ibid, p. 96, produit une traduction ‘in extenso' du passage de Diu. I, 37. 609.

Ibid.,

p. 44.

1] relevait de méme,

dans

le méme

ouvrage

(p. 42-43), que « Cicéron... dans ses livres de la divination n'a rien épargné de ce qui était plus sain ».

CXXXVIIT

INTRODUCTION

la religion qu'il suivait lui-même ». Fontenelle a lu in extenso,

ou en extraits,

le De diuinatione,

et son

« pyrrhonisme » lui parait servir la cause de la pensée libre et les combats contemporains, mais, comme Bayle l'a souligné, l'incertitude universelle peut constituer

un appui pour la (οἱ, Le contemporain

de Fontenelle,

Bayle,

dans

son

Dictionnaire historique et critique, a eu l'occasion de traiter des diverses formes de divination, notamment des songes, de la « science des augures », des oracles

célèbres (Dodone, Hammon, Amphiaraus, etc.)9!! ; il ne le fait pas thématiquement, mais par le biais de la prosopographie philosophique et de la doxographie

- dans les articles sur Pyrrhon, Chrysippe, et autres", détracteurs ou apologistes de la divination antique. Dans l'univers du dialogue cicéronien de ce dictionnaire, on relévera que l'article « Cratippe » dénote la lecture du De diuinatione I, 32 (la foi dans les songes) ; or l'auteur n'exploite pas les critiques cicéroniennes du

livre II$?. Dans l'article « Chrysippe »*, Bayle fait référence au De fato, et à la critique épicurienne$? du De natura deorum. Cicéron n'a pas eu l'honneur d'un article : il est avant tout une source,

directe ou

médiate. Mais la présence de Cicéron est fort nette dans l'article « Deiotarus ». Bayle fait une longue

dissertation 610. 611.

sur le cas du «pieux»

Deiotarus*'6,

Hazard, La crise de la conscience..., op. cit., p. 90 sq. Consulté dans la 5* édition d'Amsterdam (1734), p. 282 sq.

et 385, ce dictionnaire contient un article « Oracles » ; l'auteur cite

Diu. 1 (87-88) pour le catalogue des devins grecs légendaires. 612. Dictionnaire..., p. 534-535 : il cite Diu. 1 (70-71) -- en marge de l'article. 613. Sauf pour Deiotaros. 614. Référence au De fato, chap. XVII-XVIII (ὃ 39 sq.). 615. Il s'agit de la critique de Velleius, dans ND I, 15 (à propos des «interprètes des songes »). Velleius ironise sur la Pronoia, « diseuse de bonne aventure ». 616. Op. cit., p. 592-596.

INTRODUCTION

CXXXIX

guidé dans ses choix politiques par les auspices ; le De diuinatione, notamment deux mentions du livre II, est certes une des sources", et il en va de même pour l'évocation d'Amphiaraus et de Tirésias, deux cautions du fidéisme de Quintus? ; or la référence à notre dialogue reste marginale, et circonscrite à des considérations critiques sur les « différences dans la science des augures ». Les réminiscences sont plus nettes pour le Pro rege Deiotaro, les Philippiques, ou

encore la Réponse des haruspices???. Bayle considére que Cicéron, peu « soucieux de l'exactitude dans cet endroit de son ouvrage » (il s'agit du passage du livre I de notre dialogue relatant

la foi de Cratippe

dans les songes),

a surtout

voulu instaurer un débat académique, «le pour et le contre » sur «la conduite de César à l'égard de Deiotarus ». C'est rétrécir singuliérement la philosophie du dialogue. Les articles de l'immense Encyclopédie... de Diderot et D'Alembert — entre 1751 et 1772 — évoquent abondamment Cicéron, moins pour son obédience « académicienne », dans une longue rétrospective

qui va de Carnéade à Antiochus d'Ascalon?!, que 617. Bayle cite Diu. II, chap. VIII et XXXVI. 618. Dans l'article « Amphiaraus », p. 282 sq., les références de Stace sont primordiales. 619.

Œuvres

citées en marge des articles, notamment

Philip. II,

chap. XXXVII et XI, chap. XIII ; Harresp., chap. XIII. 620. Cité supra. Cratippe est plus connu de Bayle par la Correspondance de Cicéron. La mention de la disputatio in utramque partem, exercice académique « du pour et du contre » (Dictionnaire..., p. 592-593) est liée à l'analyse, faite par Bayle, du texte cicéronien sur « la conduite de César à l'égard de Deiotarus ». Le méme article (p. 592 sq.) souligne (p. 596), avec une paraphrase, la « différence sur la science des augures » qui sépare le roi de Cicéron. 621. Encyclopédie..., édition de 1776, I, col. 50-51 ; reprise dans XII, col. 751 b. Or I, 50-51 ne cite, pour l'académisme de Cicéron,

CXL

INTRODUCTION

pour sa « philosophie », et surtout sa philosophie religieuse. La divination antique est souvent mise en cause pour dénoncer les « mensonges de l'histoire »,

que Voltaire$?, entre autres, voudrait immoler au culte de la véracité : un article sur la « certitude » rappelle

les miracles

d'Attus

Navius??;

mais

le dialogue

cicéronien, tributaire de l'annalistique, est-il la source directe ? On peut en douter. Reste que les mentions des genera diuinandi, pour adopter la terminologie de

Cicéron9", sont nombreuses, et exigeraient un plus vaste examen,

notamment

toutes

les remarques

sur

les oracles latins. En définitive, la somme philosophique du xvin siècle révéle

une

connaissance

sommaire,

sans

doute

scolaire, du De diuinatione, et surtout de sa partie critique, le livre II. L'article « divination », qui évoque

une mythique myomancie$?, affirme péremptoirement que Cicéron « ridiculise toutes les formes de divination » ; ne cite-t-il pas une phrase précise, issue d'une lecture directe, ou d'un recueil des citations : Hoc ciuili

que ... l'Académie « de la maison de campagne » et renvoie aux « questions académiques ». 622. Article « Histoire ». 623. Dans l'article « Religion », qui contient un « bréviaire » d'étruscologie,

non

tributaire

de

Cicéron,

lauteur

considére

le « fanatisme des oracles » comme moindre chez les Romains que chez les Grecs (XIV, col. 86) ; l'article intitulé « Sibylle » (traitant aussi des livres Sibyllins) n'apporte que des références à Tite-Live et Virgile. 624. Article « Divination », IV, col. 1070-1073, pass. 625.

Loc.

cit.,

IV,

col.

1071

b.

On

trouve

dans

l'article

une plaisanterie de style académique sur les rats... dévorant une bottine, ou la bottine dévorant le rat. On ne peut guére ne pas songer à Diu. IL, 89 : ... Platonis ‘Politian nuper apud me mures corroserunt... La « myomancie » ne semblant pas répertoriée, il demeure que le « prodige » existe : il est mentionné par Tite-Live, XXVII, 23, 2, comme un exemple de praua religio qui rapetisse les dieux !

INTRODUCTION

CXLI

bello, di immortales ! quam multa luserunt?* ? Avant la Révolution, la polémique pré-révolutionnaire a pris l'habitude de choisir « son » antiquité.

626.

Citation littérale de Día. IT, 53, dans l’article « Divination »,

IV, col. 1070.

LA TRADITION MANUSCRITE DU DE DIVINATIONE

Les plus anciens manuscrits du De diuinatione remontent au IX^ siécle : ce sont 4 manuscrits en minuscule caroline copiés dans la moitié nord de la France (ABVF). Ils contiennent, dans le méme ordre,

8 traités

De diuinatione,

de

Cicéron

Timaeus,

: De

De fato,

natura

Topica,

deorum,

Paradoxa

Stoicorum, Lucullus, De legibus'. Deux de ces manus-

crits étant conservés à la Bibliothéque universitaire de Leyde (4 et B), on donne habituellement le nom de « corpus de Leyde » à cet ensemble de traités. Pour le De natura deorum et le De diuinatione figurent également, parmi les témoins les plus anciens, deux

1. Les Topiques et le De legibus manquent dans V. Parmi les 8 traités du corpus, seuls les Topiques ont une autre ligne de transmission. Sur la tradition manuscrite du corpus de Leyde, voir la présentation

de R. H. Rouse,

dans

L. D. Reynolds

(éd.),

Texts and Transmission. A Survey of the Latin Classics, Oxford, 1986), p. 124-128. L'étude de beaucoup la plus riche est celle de P. L. Schmidt, Die Überlieferung von Ciceros Schrift « De legibus », Munich, 1974, centrée sur le De legibus, mais importante aussi pour les autres traités. Pour la bibliographie ancienne, nous renvoyons à Schmidt et à la préface de l'édition R. Giomini, M. Tulli Ciceronis de divinatione, de fato, Timaeus, Bibl. Teubner, Leipzig, 1975.

CXLIV

LA TRADITION MANUSCRITE

manuscrits des x°-xI° siècles (M et P) et un manuscrit du xr siècle (H). Ces manuscrits dérivent tous d'un méme archétype?. Dans le De diuinatione, quelques mots manquent à la fin du 1* livre ; les manuscrits présentent les mémes transpositions”, et les fautes communes à l'ensemble de la tradition se comptent par dizaines. En voici quelques exemples : I, 36 tibi Gracchus pour Ti. Gracchus

I, 43 in numerum (qui n'offre pas de sens) I, 74 thebaidam pour Lebadiam (cf. IL, 56) I, 122 Epicurum pour Cyrum II 64 sera animis pour sera nimis II, 108 praesensio pour adsumptio.

Les spécialistes s'accordent à reconnaitre deux familles : BFM d'une part, AVHP de Vautre. Voici quelques passages du De diuinatione οὐ les deux familles s'opposent nettement. 1, I, I, I, II,

67 ferte BFM : referte AVHP 78 proelium BFM : om. AVHP 91 duas BF (diuas M) : die AVHP 112 haustam AVHP : exhaustam BFM 46 frater es AHP : fateris BFM

II, 47 aut aera legum AP : aut simulacra deorum BFM II, 66 coniecta belle AVP : coniectabilia BFM Il, 74 nego AVP : del. B om. FM II, 114 de classe AVP : declarasse B"FM

2. Pour Schmidt (p. 100-107), le corpus de Leyde a été constitué à la fin de l'Antiquité, mais l'archétype de nos manuscrits était un manuscrit en minuscule, d'époque carolingienne ou précarolingienne.

Frage

En

revanche,

der Uberlieferung

pour

M.

des Leidener

Zelzer

et K.

Corpus

Zelzer,

« Zur

philosophischer

Schriften des Cicero », WS 114, 2001, p. 183-214, l'archétype était un manuscrit de la fin de l'Antiquité, sans doute en onciale.

3. Voir I, 20; I, 41; I, 44 ; I, 97.

LA TRADITION MANUSCRITE

CXLV

Les manuscrits carolingiens Le manuscrit A, Vossianus Latinus Fol. 84, a été copié au milieu du 1x° siécle*, sans doute en France du Nord’, Il est l’œuvre de plusieurs copistes et contient tous les traités du corpus de Leyde (fol. 36v-66v : De diuinatione). Il a été corrigé par deux correcteurs à peu prés contemporains des copistes, puis par un correcteur du

XI siècle”. Au x° siècle, un évêque appelé Rodulfus l'a donné à une église à Alexandre Petau (1618-1689), dont 1690, la collection

ou abbaye inconnue. Il a appartenu (1610-1672), puis à Isaac Vossius l'Université de Leyde a acheté, en de manuscrits.

Le manuscrit B, Vossianus Latinus Fol 66, est contemporain de À (milieu du Ix* siècle), mais, selon

B. Bischoff, il émane d'un autre scriptorium, vraisem-

blablement situé en France du Nord-Est”. Il contient lui 4. B. Bischoff, « Hadoard und die Klassikerhandschriften aus Corbie », Mittelalterliche Studien, Band I, Stuttgart, 1966, p. 49-63 (p. 53) ; Schmidt, p. 35; Giomini, p. xvii-xvin ; B. Munk Olsen, L'étude des auteurs classiques latins aux xr εἰ xir siècles, t. I, Paris,

1982,

p.

199-200 ; B.

Bischoff,

Katalog

Handschriften des neunten Jahrhunderts, p. 54. K. A. De Meyier,

Codices

der festländischen

Teil II, Wiesbaden,

2004,

Vossiani Latini, Pars I, Codices in

folio, Leyde, 1973, p. 184, date 4 de « saec. 1x! ». 5. France du Nord: Bischoff, Katalog... Teil II, p. 54. ; J. G. E. Powell, préface à M. Tulli Ciceronis de re publica, de legibus, de senectute, de amicitia, Oxford, 2006, p. xxxvi. France : De Meyier, p. 187 ; Schmidt, p. 35; Munk Olsen, p. 199-200. France du Nord-Est : Rouse, p. 125.

Latini photographice depicti duce Scatone de Vries, XIX, Ciceronis operum philosophicorum codex Leidensis Vossianus Lat. Fol. 84, praefatus est O. Plasberg, Leyde, 1915. 7.

Voir

Plasberg,

p. XI-XIV ; Schmidt,

p.

108-121

et

124-134.

Un troisième correcteur du 1x° siècle (Hauptkorrektor, selon Schmidt) n'est intervenu dans le manuscrit qu'à partir du Timée. 8. Milieu 1x° siècle : Bischoff, « Hadoard... », p. 53 ; Schmidt, p. 30; Giomini, p. xxi ; Munk Olsen, p. 200-201 ; Bischoff, Katalog...

Teil II, p. 55. « Saec. 1X! » : De Meyier, p. 191. 9.

Bischoff,

« Hadoard...

», p.

Cf. Schmidt, p. 30 ; Rouse, p. 125.

53;

Katalog...

Teil HI,

p.

55.

CXLVI

LA TRADITION MANUSCRITE

aussi tous les traités du corpus de Leyde, mais les textes sont donnés dans le désordre : ainsi, aprés De natura deorum, I, 1-63, on trouve De diuinatione, IL, 127 deus siquidem-150 (fol. 10v-14r), puis De natura deorum, 1, 91-TIT, 95, puis le reste du De diuinatione (fol. 59r-102r). Derriére ce désordre, qui se poursuit jusqu'à la fin du manuscrit et remonte au modèle de B^, W. Ax a montré

qu'on retrouve l'ordre des traités suivi en ΑΚ ΕἾ. B a été revu par deux correcteurs de l'époque du copiste". L'un d'eux a tenté de remédier au désordre des textes dans des annotations marginales". Un correcteur plus récent, qui donne son nom, Tegano, ne semble pas être intervenu dans le De diuinatione". Plus tard le manuscrit a appartenu à la bibliothéque de la cathédrale de Reims et à Pierre Pithou (1539-1596). Comme À, il a été aux mains d'Alexandre Petau, puis d'Isaac Vossius. Le manuscrit V, Vindobonensis Latinus 189, conservé

à la Bibliothéque nationale d'Autriche, remonte lui aussi au IX* siécle ; il est peut-étre un peu plus ancien

que A et B^, Il pourrait provenir, selon B. Bischoff, du 10. Il faut supposer un intermédiaire entre l'archétype et B : voir Schmidt, p. 91, note 1 ; Giomini, p. xxi-xxiv. Contra Powell, p. XXXVIII. 11. W. Ax (éd.), M. Tulli Ciceronis de divinatione, de fato, Timaeus, Bibl. Teubner, Leipzig, 1938, p. x. 12. Sur les corrections de B, voir De Meyier, p. 193-194 ; Schmidt,

p.

108-121

et

124-134;

B.

Munk

Olsen,

Z'étude

des auteurs classiques latins aux Xf et ΧΙ siècles, t. IV, 1, La réception de la littérature classique. Travaux philologiques, Paris, 2009, p. 305-306. 13. Selon Schmidt (p. 124-134), ce correcteur aurait également corrigé À à partir du Timée ; ce pourrait être Hadoard de Corbie (p. 142). 14. De Meyier, p. 194 : les corrections de Tegano (qui se nomme au fol. 147v) commencent au fol. 109v. 15.

1x° siècle

Giomini, p. 126.

: Munk

Olsen,

t. I, p. 311.

p. xx. « Early part of the ninth

Milieu

1x° siècle

century » : Rouse,

:

LA TRADITION MANUSCRITE

CXLVH

scriptorium de Ferrières'. En tout cas, il a été corrigé

par Loup, abbé de Ferriéres (mort en 862)". Il porte

également des corrections plus récentes". Il contenait

tout le corpus de Leyde, à l'exception des Topiques, mais il ne contient plus le De legibus ; il manque

aussi tout

le début du De natura deorum. Le De diuinatione (fol. 40v-82v) présente des lacunes, liées à la perte de feuil-

lets, ainsi que des omissions plus brèves!?. V a appartenu au prieuré des Faucons à Ánvers, puis à Theodor Poelmann, humaniste anversois (1510-1580 ?), qui l'a donné à l'humaniste hongrois Johannes Sambucus

(1531-1584)?. La majeure partie de la tradition postérieure descend de V?!. Autre témoin d'époque carolingienne crit F, Florentinus

Marcianus

Lat.

257,

: le manusconservé

à

la Bibliothéque Laurentienne de Florence. On le date

de la moitié ou du 3° quart du 1x° siècle?. B. Bischoff a montré qu'il fait partie des nombreuses copies d'auteurs 16. B. Bischoff, « Palàographie und frühmittelalterliche Klassikerüberlieferung », Mittelalterliche Studien, Band III, Stuttgart, 1981, p. 55-72 (p. 65); Bischoff, Katalog... Teil III, Wiesbaden, 2014, p. 476. 17. Voir C. H. Beeson,

« Lupus

of Ferriéres

and

Hadoard »,

CPh 43, 1948, p. 190-191 ; E. Pellegrin, « Les manuscrits de Loup de Ferrières. À propos du manuscrit Orléans 162 (139) corrigé de sa main », Bibliothéque de l'Ecole des Chartes, 115, 1957, p. 5-31 (p. 6 et 13-14). Les variantes introduites par un 1 barré (— uel), que Giomini attribue à une main plus récente (rr. a/r.), doivent, semble-t-il, étre attribuées à Loup (voir Pellegrin, p. 21 et 27). Selon Zelzer et Zelzer, p. 208-209, elles sont de la prima manus. 18. Voir Giomini, p. XX-XXI. 19,

Lacunes : II, 14 plerumque enim-lI, 48 non posse casu ; II, 142

somniorum-Il, 148 fere animos. Le passage II, 71 — uerunt parendum — IL, 83 superstitione multa manquait, mais il a été ajouté par une main plus récente (fol. 70 et 71). Omissions plus bréves en I, 93, 105, 119 et 12] ; IL, 54, 86, 98, 103 et 129. 20. Pellegrin, p. 14. 21.

Rouse, p. 126.

22. Moitié du Ix* siècle : Schmidt, 3° quart du Ix* siècle : Munk

p. 121 ; Giomini,

Olsen, t. I, p. 180-181

p. Xxx.

; Rouse, p. 125;

CXLVIIH

LA TRADITION MANUSCRITE

classiques réalisées alors dans le scriptorium de Corbie. Il contient tous les traités du corpus de Leyde, dans une belle écriture très régulière (fol. 28r-50v : De diuinatione). Au début du xr siècle, Werinharius, évêque de Strasbourg, l'a donné au chapitre de sa cathédrale. C'est là qu'il fut découvert par le Pogge (1380-1459), qui l'emporta en Italie. Il passa entre les mains de Niccoló Niccoli (1364 ? -- 1437), avant de rejoindre le couvent

Saint-Marc de Florence? Selon la plupart des spécialistes, F a été copié sur B pour le De natura deorum et le De diuinatione et sur A pour le reste du corpus? ; 4 et B se trouvaient à Corbie vers le milieu du 1x° siècle ; un méme correcteur a revu

la première partie de B et la seconde partie de 4 ; c'est lui également qui est l'auteur des plus anciennes annotations marginales dans B ; la copie de F a eu lieu aprés ce travail de révision. Cette thése largement répandue ne fait cependant pas l'unanimité : pour certains savants, Bischoff, Katalog... Teil I, Wiesbaden, 1998, p. 264 (circa). 1X5 siècle : Powell, p. xii. 23. Bischoff, « Hadoard... », p. 55-58. Voir aussi T. A. M. Bishop, «The

Script

of Corbie

: a Criterion », dans

Varia

Codicologica.

Essays presented to G. I. Lieftinck, Y, Amsterdam, 1972, p. 9-16 (p. 15) ; B. Huelsenbeck, « A nexus of manuscripts copied at Corbie, ca. 850-880 : a typology of script-style and copying procedure », Segno e testo, 11, 2013, p. 287-309. 24. F a fait l'objet de copies dans l'Italie du Xv* siècle (par exemple Vatican, Vrbinas Lat. 319). 25. Voir C. H. Beeson, « The Collectaneum of Hadoard », CPA 40, 1945, p. 201-222 (p. 206-207 et 215-216) ; A. S. Pease (éd.), M. Tulli Ciceronis de natura deorum, t. I, Cambridge MA, 1955, p. 84 ; Bischoff, « Hadoard... », p. 53; Schmidt, p. 121-134; Munk Olsen, t. I, p. 180-181 (« probablement ») ; Rouse, p. 125 ; Powell, p. xLnI et note 63 ; Huelsenbeck, p. 294-295 ; E. Malaspina, « Recentior non deterior :

Escorial R. I.

2e una nuova recensio del Lucullus di Cicerone », Paideia,

73, 2018, p. 1969-1985 (p. 1973-1974). Dans le De natura deorum, I, 12, F omet une ligne entière de B ; voir aussi II, 81, où l'exemple est un peu moins probant ; dans le Lucullus, 31, c'est une ligne entiére de

A qui est omise par F (voir Beeson, « The Collectaneum... », p. 215).

LA TRADITION MANUSCRITE

CXLIX

F n’est pas la copie de À et B, mais un témoin indépen-

dant*. Pour nous en tenir au De diuinatione, la parenté est si

forte entre F et B corrigé qu'il semble difficile d'exclure un lien de filiation. La question est alors de savoir dans

quel sens s'établit cette filiation : F a-t-il été copié sur B, ou B a-t-il été corrigé d’après F, ou d’après le modèle de ΕἼ Nous nous rallierons à la première hypothèse, car, à plusieurs reprises, F reproduit, puis corrige une erreur propre à B, ce qui ne peut guère s’expliquer que si F

a été copié sur B7. L 5 unus F*: unos BF“ I, 30 a summo 77*: a summo a summo BF" I, 47 indis F*: indiis BF* I, 56 humauisset F°: humanauisset I, 59 atinatis 77^: atinatinatis BF"

BF“

I, 59 tradidisse F”°: tradisse BF I, 70 animos F*: animas BF*

I, 74 herculis F*: arculis BF“ IL, 15 quid est enim P": quod est enim BF“ II, 47 numine F* : nomine BF“ IL, 69 agri F°: agris ΒΕ": II, 85 gremio 7^ : gemio BF°

II, 108 is F* : his BF" II, 110 quod tempus F* : quot tempus BF“ II, 113 me cogis F° : ne cogis BF“ IL, 120 moueri 77: moderi BF* II, 134 thesauri F*: thesauro BF"

II, 143 is F* : his BF“ 26. Voir G. Pascucci, « La tradizione medievale del De legibus e la posizione del codice S. Marco 257 ai fini della recensio », Ciceroniana, NS 1, 1973, p. 33-46 ; Zelzer et Zelzer, p. 186, 195, 206 et 211 ; C. Auvray-Assayas, « Qui est Hadoard ? Une réévaluation du manuscrit Reg. Lat. 1762 de la Bibliothéque Vaticane », Revue d'Histoire des Textes, N. S. 8, 2013, p. 307-338 (p. 310, note 20, et 329-332). 27.

En I, 59, le copiste de F semble avoir mal compris une correc-

tion de B (ulla corrigé en uilla), car il écrit illa.

CL

LA TRADITION MANUSCRITE

A, B, V et F sont les principaux, mais ne sont pas les seuls témoins carolingiens. Au début des années 1970, des fragments d'un manuscrit du IX* siècle contenant le De diuinatione ont été découverts à la Bibliothèque royale de La Haye, dans la reliure d'un manuscrit du xv* siècle, Il s'agit de deux feuillets de parchemin, incomplets l'un et l'autre, qui donnent en minuscule caroline, sur deux

colonnes, des passages du livre II”. B. Munk Olsen a mis ces feuillets en relation avec quatre autres feuillets connus depuis longtemps, qui contiennent également des passages du livre II et dont l'ancienneté avait été

sous-estimée?. Pour lui, comme pour B. Bischoff, tous ces feuillets proviennent d'un seul et même manuscrit”! Pour une partie du livre II, nous disposons ainsi d'un nouveau témoin carolingien, que nous appellerons, avec

G. H. Moser, le manuscrit W?*, Bischoff situe sa confection dans la seconde moitié du 1x° siécle?. W dérive du méme archétype que les autres manuscrits, dont il partage les fautes communes". ΠῚ se rattache à la famille AVHP, comme le montrent les exemples suivants : 28. Voir C. W. de Kruyter, « Ninth-Century Fragments of Cicero's De diuinatione », Quaerendo, 1, 1971, p. 231. 29. La Haye, 135 G 8. Fol. lr : It, 67 eiusdemque dei-69 monstruosis- ; 69 moniti sumus-70 disciplina. lv : 11, 71 necesse 651-72 solistimum ; 14 res praeterquam-75 etrusci harus-. Fol. 2r : IL, 96 uicium meditatione-97 pueris ; 98 eam a romulo-99 credat his. 2v : 1],

101 ut de ceteris-102 diligunt nos ; 103 quod finitum est-104 deos ne. 30. Vienne, Osterreichische Nationalbibliothek, 12525. Les passages du livre II sont les suivants : II, 42 praepotentem louem-67 arma sonuerunt ; 76 bellicam rem-85 mammam appetens. 31. Voir Munk Olsen, t. I, p. 314 ; Bischoff, Katalog... Teil II], p. 493. 32. Voir Moser, édition du De diuinatione, Francfort, 1828, p. xvii. Moser souligne l'intérét du manuscrit, mais le date du XIV siècle (« ut uidetur »). Selon lui, les 4 feuillets servaient à couvrir un livre et ont été découverts par le professeur Warnkoenig, de Liége. 33. Bischoff, Katalog... Teil III, p. 493. Pour Bischoff, l'origine géographique du manuscrit est « peut-étre la haute Italie ». 34. Par exemple II, 50 habet ; 56 thebaide ; 61 quarum omnium ; 62 tito graccho ; 72 adhibentur ; 96 et aethiopas.

LA TRADITION MANUSCRITE

Il, II, II IL, Il, II,

CLI

46 frater es AHP W : fateris BFM 47 aut aera legum AP W : aut simulacra deorum BFM 57 canant BFM : cantant AVP W 74 nego AVP W : del. B, om. FM 80 quem BFM : om. AVP W 101 ista BFM : ita AVP W

II, 101 uidero AVP

W

: dixero B°FM

Les Excerpta Hadoardi Des extraits du De diuinatione figurent dans un autre manuscrit du 1x° siècle : le Vaticanus Reginensis Latinus

1762*. Aprés un poème d'introduction de 56 distiques, œuvre du prêtre Hadoard, custos d'une bibliothèque, ce

manuscrit donne des extraits de 12 traités de Cicéron, regroupés en 19 chapitres, comprenant aussi quelques passages de Salluste, Macrobe et Servius ; puis viennent des extraits de Macrobe et de Martianus Capella, et enfin quelques sentences de Publilius Syrus (sous le titre Sententiae philosophorum). On considère généralement qu'Hadoard est l'auteur de ce florilége. Pour Schwenke et Beeson, le Reginensis serait méme le propre manus-

crit d'Hadoard". Bischoff a montré qu'il fallait situer sa rédaction à Corbie, au IX siècle. Selon lui, comme selon Beeson, le manuscrit F est la source des extraits

pour tous les traités du corpus de Leyde?. Cependant 35. ix? siècle : Schmidt, p. 134; É. Pellegrin et al, Les manuscrits classiques

latins de la Bibliothéque

vaticane,

t. II,

1, Paris,

1978, p. 402. 2° quart-milieu du 1x° siècle : Bischoff, Katalog... Teil HI, p. 442. 2* moitié du IX* siècle : Rouse, p. 125. Fin IX* siècle : Giomini, p. XXIX. 36.

P. Schwenke,

« Des

nach E. Narducci's Abschrift Supplementband V, 1889, p. ment) le florilége cicéronien, le manuscrit, il utilise le sigle 37.

Schwenke,

Presbyter

des Cod. 397-588, avec une K, alors

Hadoardus

Cicero-Excerpte

Vat. Reg. 1762 », Philologus, édite le poéme et (partiellecollation des variantes. Pour que Giomini utilise le sigle R.

p. 400 ; Beeson, « The Collectaneum... », p. 205.

38. Bischoff, « Hadoard... ». 39. Beeson, « The Collectaneum... », p. 206-207 ; Bischoff, « Hadoard... », p. 52-53. Voir aussi Schmidt, p. 141-142 ; Munk

CLII

LA TRADITION MANUSCRITE

quelques composé Assayas, transcrire

spécialistes pensent qu'Hadoard n'a pas lui-méme le florilége : selon C. Auvrayson róle se serait borné, pour l'essentiel, à un florilége plus ancien, remontant à la fin

de l'Antiquité? Les extraits du De diuinatione se trouvent au chapitre VIL, De diuinatione fato sorteque ac somniis". Le titre donne, grosso modo, le plan du chapitre : d'abord des extraits du 1" livre (tirés des ὃ 1-34 et 109-131) et du 25 livre (tirés des ὃ 9-49) ; ensuite

des extraits du De fato? ; puis retour au De diuinatione, avec des extraits tirés de II, 55-108, et, concernant les réves, de I, 115-121 et IT, 137-147 ; enfin la définition

cicéronienne du destin, transmise par Servius. Comme dans

le reste des Excerpta,

le texte de Cicéron

a été

retouché : le pluriel dii est remplacé par le singulier deus ; les références à la personne de Cicéron comme à la forme dialoguée sont supprimées. Rien n'est fait pour indiquer au lecteur que les passages sont tirés de deux discours antagonistes. Les Excerpta Hadoardi (K) reflétent le méme état

du texte que les manuscrits du De diuinatione?. Ils se rattachent clairement à la famille BFM. Olsen, t. I, p. 301 ; Rouse, p. 125. Dans un extrait du De fato, 24, K omet une ligne entiére de F (voir Schwenke, p. 525 et 551). 40. Auvray-Assayas, art. cité. Une thèse similaire a déjà été soutenue par R. Mollweide (dans une série d'articles des Wiener Studien, entre 1911 et 1915). Voir aussi Zelzer et Zelzer, p. 212. 4]. Un extrait de I, 131 (citation de Pacuvius) figure aussi au chapitre I, De diuina natura.

42. Ceux-ci interrompent une critique des prodiges tirée de II, 49-69. 43. On retrouve dans K bon nombre de fautes communes à l'ensemble de la tradition. Voir I, 1 : quaeque proxima ; I, 1 : mortali ; I, 12 : extis pecudum ; 1, 110

: sunt ; I, 110

: cognitione ; I, 111

fluxiones ; I, 115 : liberque sensibus ab omni ; 1, 121 : tradet ita ; I, 126 : similes ; 1, 128 : numquam ; II, 18 : inuenturum ; IL, 61 : quarum omnium ; IL, 146 : confirmant.

:

LA TRADITION MANUSCRITE

CLIII

I, 2 memoriae AVHP : memoria BFM K II, 15 uel om. BFM Καὶ IL, 24 dixerunt AHP : -rint BFM Καὶ II, 25 certa AHP

: certe BEM"

K

JI, 127 non necesse est B*FM K : non nunc haec esset AV nunc haec esset P II, 138 etiamne AVP : etiam B"FM K II, 139 maiore AVP

: maiora BFM

Καὶ

La proximité est particuliérement grande avec le manuscrit F : K présente plusieurs leçons propres à F, ou à FM. I, 129 optinent F obtinent K II, 10 lunaque motum F°K II, ΤΙ, JI, IL,

10 17 21 26

falsa sunt FK necesse est FK ista om. FK communis F*K

IL, 33 alios pulsis F°M®K ΤΙ, 139 sentient FK.

À notre sens, concernant le De diuinatione, rien ne

s'oppose à la thèse qui voit en F la source des extraits^.

44. L'étrange faute de II, 49, prolatus aestate pour prolatus est a te, pourrait s'expliquer par le fait que dans F est a te est écrit d'un seul tenant. 45. Il est vrai que parfois, en dehors des passages retouchés, K s’écarte de F, comme de l'ensemble de la tradition. Voir I, 2 aegyptii codd. : aegypto K ; I, 116 genuisset : procreasset K ; 1, 120 motu : motus K ; I, 125 omnis : omnibus K ; I, 126 obseruatione : -nem K ; I, 131 alieno iecore : alieni iecores K ; II, 11 amicis : ceteris K ; Il, 11 non ad diuinos : nam ad d. K ; IL, 17 ex : quam Καὶ; Il, 34 cognatio :

cognitio Καὶ; Il, 127 hoc deus : hoc deo K ; II, 140 rerum earum : rerum ea K ; I, 146 derogant : denegant K. À notre sens, ces divergences peuvent toujours s'expliquer par une négligence du copiste (par exemple, l'oubli d'une syllabe en IT, 140), ou par sa volonté d'amender le texte.

CLIV

LA TRADITION MANUSCRITE

Les manuscrits des X^ et ΧΙ siècles Le dernier manuscrit à présenter le corpus de Leyde est le Monacensis Latinus 528 (M), conservé à la Bibliothéque universitaire de Munich. Il contient les mêmes traités que AVB (sauf les Topiques, absents aussi dans V), dans le méme ordre (fol. 53v-92v : De

diuinatione). On le date du x° ou ΧΙ siècle“ et on situe sa copie dans l'Est de la France ou l'Ouest de l'Alle-

magne. Il a appartenu à l'humaniste Johann Turmair, dit Johannes Aventinus (1477-1534), qui y a laissé de nombreuses notes marginales, puis à l'abbaye de Biburg

et au collège de Jésuites d’Ingolstadt®. M se rattache nettement à la famille BF, mais il présente parfois des leçons communes avec la famille AVHP?. I, 7 religioni AVHP M : regioni BF I, 30 regiones AVHP M : religiones BF I, 121 luna paulo AVHP M : paulo luna BF II, 15 cadere AHP M : caderet BF II, 18 casu et AHP M : casu aut BF

IL, 33 puleium AHP M : pulegium BF II, 67 equus eius AVP M : equus BF IL, 70 augurandi AVP M : augurandis BF.

On le considère souvent comme la copie de F, avec lequel il a d'incontestables affinités, car il reprend

des corrections propres à Εν, 46. Schmidt, p. 152 (p. 155 : « um 1000 ») ; Giomini, p. XXXI ; Munk Olsen, t. I, p. 241-242 ; M. Reuter et al., Die lateinischen mittelalterlichen Handschriften der Universitätsbibliothek München : Die Handschriften aus der Quartreihe, Wiesbaden, 2000, p. 155. 47. Schmidt, p. 152 ; Munk Olsen, t. I, p. 241-242 ; Reuter, p. 155. 48. Schmidt, p. 152-153. 49. La liste que nous donnons n'est pas exhaustive. 50. M est la copie de F pour A. S. Pease (éd.), M. Tulli Ciceronis de divinatione, Urbana, 1920-1923, p. 606 ; Schmidt, p. 153-155 ; Rouse, p. 126 ; Powell, p. xLiv. Schmidt note (p. 154)

LA TRADITION MANUSCRITE

I, L, I, I, IL, II, IL, IL, II,

CLV

58 proiectus F*M 64 deinceps exp. F om. M 81 et F*M 87 xenofonem 5" F'* xenofontem F*M 8 ipsi FM 49 portenta F°M 87 idque F*M 103 infinitum ΕΜ 114 ipso FM

IL 131 nec FM.

Cependant F offre parfois de petites omissions qui

ne se retrouvent pas dans M?.. La relation exacte de M avec les manuscrits carolingiens reste donc à éclaircir. Le manuscrit

P, Palatinus Latinus

1519, conservé

à

la Bibliothéque vaticane, contient seulement deux traités du corpus de Leyde, le De natura deorum (avec des lacunes) et le De diuinatione, auxquels est joint le poéme De cultura hortorum de Walahfridus Strabo (premiére moitié du IX* siécle). CEuvre de plusieurs copistes, 11 remonte au

X* ou Xf siècle”. Selon B. Bischoff, il aurait été copié à l'abbaye Saint-Nazaire de Lorsch, en Rhénanie?. Le De diuinatione figure aux folios 40 bis recto-85v. La perte de deux feuillets a entraîné des lacunes au livre 1 : manquent les ὃ 51 incolumis-57 iter et 93 exercitatissimi-100 fessi lega-. que M évite parfois des erreurs de F, lui, par la contamination de 4 ou apparenté à A. 5]. Omission de uel en I, 7 ; credo I, 36; -que en I, 117 ; ista en II, 21. 52. Giomini, p. XXV ; É. Pellegrin 2, Paris,

1982, p.

171

; Munk

ce qui peut s'expliquer, selon d'un manuscrit étroitement en I, 9 ; se en I, 32 ; signa en et al., Les manuscrits..., t. II,

Olsen, t. I, p. 296 ; B. Bischoff, Die

Abtei Lorsch im Spiegel ihrer Handschriften, Lorsch, 1989, p. 85 et 128-129 ; Bischoff, Katalog... Teil IT, p. 419. 53. Bischoff, Die Abtei..., p. 85 et 128-129 ; Bischoff, Katalog... Teil III, p. 419. Voir M. Kautz, Bibliothek und Skriptorium des ehemaligen Klosters Lorsch : Katalog der erhaltenen Handschriften, Wiesbaden,

2016, t. IT, p. 988-992.

CLVI

LA TRADITION MANUSCRITE

P est apparenté à A et V, mais il ne descend pas de

V, dont il ne reproduit pas les omissions". I] ne semble pas non plus dériver de À : À présente aussi de petites omissions, que l'on ne retrouve pas dans P? ; d'autre

part P évite un certain nombre de fautes propres à 4?6. Le texte de P est assez souvent fautif, mais 1l est le seul à conserver certaines bonnes leçons : I, 3 eoliam ; I, 17

petessit (P^) ; 1, 19 Nattae ; 1, 43 propiora (avec M”); 1, 67 complebit. Le manuscrit H, Leidensis Heinsianus 118, contient,

quant à lui, trois traités du corpus de Leyde : De natura deorum (presque complet), De diuinatione (incomplet)

et De legibus (jusqu'à ΠῚ,

12)". Il est en écriture

bénéventaine et a été copié au Mont-Cassin sous l'abbé Desiderius (1058-1087), qui, selon le chroniqueur Guido du Mont-Cassin, avait fait copier de nombreux manuscrits, parmi lesquels Ciceronem de

natura deorum?. Il a appartenu

à Côme de Médicis,

puis au couvent Saint-Marc de Florence, avant d'étre acquis par l'humaniste néerlandais Nicolas Heinsius (1620-1681). Ecrit par plusieurs copistes, il présente des corrections en écriture bénéventaine, des corrections plus récentes, en minuscule, datant du x1 ou du xm° siècle, et enfin des corrections du xv° siècle,

qui, selon A. C. de la Mare, seraient dues au Pogge 54. Voir les omissions bréves signalées en note 19. 55. Omissions de publicam en I, 4, amici en I, 82, quam diuturna en II, 28, et en IL, 56, me en II, 100.

56. Voir par exemple I, 7 acuta et copiosae ; 1, 104 omnis ; II, 13 adducere ; II, 29 pulmone ; II, 51 non Epicuro ; II, 89 finitum hisque. 57. H a été édité en fac-similé par O. Plasberg : Codices Graeci et Latini photographice depicti duce Scatone de Vries, XVII, Cicero de natura deorum, de diuinatione, de legibus codex Heinsianus ( Leidensis 118), praefatus est O. Plasberg, Leyde, 1912.

58. Voir Schmidt, p. 37-41 ; F. Newton,

The Scriptorium and

Library at Monte Cassino, 1058-1105, Cambridge, 1999, p. 23, 25 et 259. Selon Newton, H est à situer à la fin de l'abbatiat de

Desiderius (p. 97), « probably not before the 1080s. » (p. 111).

LA TRADITION

MANUSCRITE

CLVII

et à Niccoló Niccoli?. Le De diuinatione (fol. 53r-78v) est incomplet du( cuntur) et Selon P. L. (w), copié sur

: le livre I s'arréte au ὃ 128 diuinatio le livre II dés le ὃ 47 quarum causam. Schmidt, H dérive d'un manuscrit perdu le méme « hyparchétype » (y) que A et

V9. Ἢ est écrit avec peu de soin : assez nombreuses fautes, omissions de plusieurs mots? ou d'un mot isolé?. Cependant, comme P, il est parfois le seul à conserver une bonne leçon®. Les manuscrits plus récents (XIT-XV? siècle) A.S. Pease a établi une liste de 96 manuscrits qui donnent le texte du De diuinatione, intégralement ou sous forme d'extraits*. 59 d'entre eux sont du xv°

siècle,

15

seulement

sont

antérieurs

à

1300.

Si

précieuse soit-elle, cette liste, établie il y a prés de cent ans, n'est pas complète. Pour la période qui va du 1x° au ΧΙ siècle, B. Munk Olsen ajoute Paris BN Lat. 4588A (xi-xrrr siècle, livre I et livre I1 jusqu'à 93 nati eadem) et Paris, BN Lat. 15085 (s. xi^, extraits du premier livre, et livre II, ὃ 8-62)9. Dans son livre sur le De legibus, P. L. Schmidt étudie une dizaine de manuscrits (du 59. Voir Plasberg, Codices... XVI, p. xu-xim ; A. C. de la Mare, The Handwriting

of Italian Humanists,

1, 1, Oxford,

1973,

p. 47,

note 4 et p. 58-59 ; Schmidt, p. 275-279 ; Giomini, p. xxvu ; Powell, p. XLV-XLvI. Dans le De diuinatione, les corrections des humanistes se trouvent, in margine, aux folios 53v (1, 5 manerent), 54r (1, 9 arbitratus, uideamus), 54v (I, 13 certant), 55r (1, 15 mire) et 58r. 60. Schmidt, p. 67-71. 61. Voir 1, 21 ; L, 76 ; I, 77; I, 78 ; 1, 103; I, 116 ; I, 118 ; II, 44. 62.

I, 8 ille; I, 16 maxumi ; 1, 25 fortasse ; I, 28 nunc ; TI, 57

familiares, etc. 63. L 8 confutet ; I, 12 euentis (passage discuté) ; I, 17 et lubenter ; L, 19 frequentans ; 1, 20 ciuilem ; I, 20 ni; L, 23 casu ; I, 24 pacuuius (avec V?) ; I, 44 uisus est ; II, 24 posset iis ; I, 24 adiuuent (avec M). 64. Pease, édition du De diuinatione, p. 604-619. 65. Munk Olsen, t. I, p. 253 et 275. Voir aussi t. L, p. 236 et 315 (pour des extraits) et t. III, 2, p. 32-33 (manuscrit vendu en 1986 chez Christie's).

CLVIIT

LA TRADITION MANUSCRITE

XIV* et surtout du xv siècle) qui contiennent le De diuinatione et ne figurent pas dans la liste de Peasef, Quelques manuscrits des xII° et ΧΙΠ siècles seront cités occasionnellement dans notre apparat critique. Le manuscrit O, Oxford, Merton College 311, a été copié

en Angleterre,

dans

la seconde

moitié

du

xir? siécle?". Il appartient à la descendance de V et ne donne le texte du De diuinatione que jusqu'en I, 106 duros ulta dolores (fol. 70r-80r). Le manuscrit L, Berlin, Deutsche Staatsbibliothek Lat. 201 (Phillippsianus 1794)

a été copié

en

France

du

Nord,

à la fin du

XII siècle. C'est la première partie d'un manuscrit dont la seconde partie se trouve à Paris (BNF Lat. 8049). Le manuscrit de Berlin donne le texte du De diuinatione jusqu'à IL, 135 uim tantam ut (fol. 48r-73v), le reste est dans celui de Paris (fol. 17rv)9. Comme le note Giomini, L est le plus souvent lié à V ; mais il

s'en sépare sur un certain nombre de points". En revanche, Paris, BNF Lat. 4588A (fol. 53r-65v) et Escorial S. I. 18 (fol. 104v- 134v) se rattachent clairement à la famille BFM. Le premier a été copié en France ou en Italie, au ΧΙ ou au xit? siècle”, le second remonte 66. L'ouvrage d'É. Pellegrin et al., Les manuscrits..., permet lui aussi de compléter la liste de Pease. 67. Munk Olsen, t. I, p. 250 («s. ΧΙ ex. »); Rouse, p. 126

(«s. XI? »); R. M. Thomson,

A Descriptive Catalogue of the

Medieval Manuscripts of Merton College, Oxford, Cambridge, 2009, p. 240-241 (« 5. xit 3/4 »). 68. Schmidt, p. 201 ; Munk Olsen, t. I, p. 147. 69. 142 somniorum-148 fere animos y est omis, comme dans V. C'est aussi le cas dans une partie de la tradition postérieure issue de V. 70. Giomini, p. XXXII. Plusieurs des références de Giomini à L sont erronées. Ainsi, en I, 20, Giomini attribue à L Ja leçon ni prius (correspondant à la correction de Gulielmius). L a en fait ne post, comme VF, 71. Munk Olsen, t. 1. p. 253. « 12/13. Jh. Frankreich », selon R. Klibansky et F. Regen, Die Handschriften der philosophischen Werke des Apuleius, Góttingen,

1993, p. 96.

LA TRADITION

MANUSCRITE

CLIX

au XIIÉ siècle”?. Ces deux manuscrits sont proches l'un de l'autre. Ils descendent de B et ne semblent liés ni à Fmà M. Enfin le manuscrit de Londres, British Library, Egerton 2516 (fol. 78r-99v), est un manuscrit italien de

la fin du xir siécle". Il se rattache à la famille AVHP, mais ne présente pas les omissions caractéristiques de V. Il anticipe sur plusieurs points les corrections des éditeurs modernes. Principes suivis dans cette édition La meilleure édition critique du De diuinatione est

celle de Remo Giomini : c'est elle qui fournit l'apparat critique le plus développé ; fondé sur les 7 manuscrits les plus anciens (AVBFPHM), cet apparat fait une large place aux conjectures des philologues. Il est cependant utile de se référer aussi à la précédente édition Teubner, celle de W. Ax. Ax a utilisé les fiches du grand philologue cicéronien O. Plasberg. Bien que (pour l'essentiel) il soit fondé uniquement sur les manuscrits AVB, son apparat critique complète sur certains points celui de Giomini ; en cas de désaccord entre les deux savants, la lecture des manuscrits faite par Ax se révéle souvent plus exacte que celle de Giomini.

Le commentaire de Pease et surtout celui de Timpanaro" sont de grand intérét pour l'établissement du texte. Nous reconnaissons volontiers notre dette envers tous ces prédécesseurs. Dans cette nouvelle édition, 72. Voir G. Antolín, Catálogo de los códices latinos de la real biblioteca del Escorial, t. IV, Madrid, 1916, p. 24-25. Selon Schmidt, p. 367, ce manuscrit aurait été, avec d'autres, apporté en Espagne par le médecin de Besancon Jean-Jacques Chifflet (1588-1673), qui avait étudié à Padoue et voyagé en Italie. 73. Selon le catalogue en ligne de la British Library. Voir M. Stefani, Ps. Apulei Asclepius, Turnhout, 2019, p. 42-43 (« sec. Xii ; Italia ») ; Klibansky et Regen, p. 85 (« 13. Jh. »). 74. Milan, 1988, 1998.

CLX

LA TRADITION

nous

avons

cherché

à

MANUSCRITE

donner

systématiquement

les legons des 7 codices potiores (ce que Giomini ne fait pas toujours), et surtout à indiquer plus clairement, gráce à un apparat positif, les manuscrits sur lesquels repose le texte édité. À la différence de Giomini, nous n'avons pas jugé utile de signaler dans l'apparat critique les passages figurant dans les extraits d'Hadoard. Les leçons les plus significatives du manuscrit K ayant été citées plus haut dans l'introduction, nous ne les avons pas reproduites dans l'apparat critique. La mention recc. s'applique à des leçons que nous avons rencontrées dans plusieurs manuscrits du XIV? ou du xv? siècle. Lorsque nous avons trouvé une leçon dans un seu] manuscrit recentior, nous indiquons le nom de ce manuscrit. Une telle leçon se trouve peut-être dans d'autres manuscrits, que nous n'avons pas pu consulter. On peut toutefois la tenir pour relativement rare dans les recentiores.

Les manuscrits recentiores qui ont fourni des leçons à notre apparat critique sont les suivants : Cambridge, Univ. Library, Dd. 13, 2 ; Erlangen, 618 (847) ; Madrid, BN 7813 et 9116 ; Oxford, Balliol. 248D ; Paris, BNF 6334, 7698 et 17154 ; Saint-Gall, 850 ; Saint-Omer, 652 ; Vatican, Pal. Lat. 1525, Reg. Lat. 1473, Vat. Lat. 1759

et 114937, François GUILLAUMONT

75.

À

ces

manuscrits

s'ajoutent

les

manuscrits

de

Londres,

British Library, étudiés par J. F. Lockwood, « London Manuscripts of Cicero, De diuinatione, and Asconius », Classical Quarterly, 33, 1939, p. 153-156.

CONSPECTVS SIGLORVM

Codices Codices potiores B — Leidensis Vossianus Lat. F. 86 (s. IX) F = Florentinus Marcianus Lat. 257 (s. IX) M = Monacensis Lat. 528 (s. X-XI) A = Leidensis Vossianus Lat. F 84 (s. IX) V = Vindobonensis Lat. 189 (s. 1x) H - Leidensis Heinsianus Lat. 118 (s. xr) P = Vaticanus Palatinus Lat. 1519 (s. x-x1) Codd. = consensus codicum BFM AVHP Codices qui rarius laudantur

O = Oxoniensis Merton. 311 (s. xi?) L = Berolinensis 201 (Philhppsianus 1794, s. ΧΙ ex.) Par = Parisinus Lat. 4588A (s. Xir-Xui) Scor = Scorialensis S. I. 18 (s. xu) Eg = Londinensis Egerton 2516 (s. XIII ex.) Recc.

— codices s. XIV et XV

Conspectus editionum Rom. - Romana, 1471 Ven. — Veneta, 1471 Ven. 1496 — Veneta, 1496 Marsus, Venezia, 1508 Asc. — Ascensiana, Paris, 1511

VS SIGLORVM CONSPECT

CLXII

Asc. 1521 = Ascensiana, Paris, 1521 Aldus, Venezia, 1523 Cratander, Basel, 1528 Camerarius, Basel, 1534

Victorius, Venezia, 1536 Manutius, Venezia, 1541 Lambinus, Paris, 1565-1566 Ursinus, Genève, 1584 Gulielmius & Gruter, Hamburg, Davies, Cambridge, 1721, 1730

1618-1619

Ernesti, Leipzig, 1737-1739 Hottinger, Leipzig, 1793 Rath, Halle, 1807 Schütz, Leipzig, 1816 Orelli, Zürich, 1828 Moser, Frankfurt, 1828 Giese, Leipzig, 1829

Klotz, Christ, Baiter Müller,

Leipzig, 1855 Zürich, 1862 (ed. Orelli-Baiter-Halm) & Kayser, Leipzig, 1864 Leipzig, 1878

Thoresen, Kobenhavn, 1894 Pease, Urbana, 1921-1923 Ax, Leipzig, 1938

Giomini, Leipzig, 1975 Timpanaro, Milano, 1988, 1998? Scháublin, München,

1991

Wardle (primi libri translatio et commentarius), Oxford, 2006 Augustinus À., M. Terentii Varronis de lingua Latina, Roma, 1557. Baehrens E., Fragmenta poetarum Romanorum, Leipzig, 1886. Bothe

F

H., Poetae scenici Latinorum,

tragicorum, Leipzig, 1834.

5, Fragmenta

CONSPECTVS

SIGLORVM

CLXIII

Courtney E., The Fragmentary Latin Poets, Oxford, 1993. Flores E., Quinto Ennio, Annali ( Libri I-VIII), vol. I, Napoli, 2000. Jocelyn H. D., The Tragedies of Ennius, Cambridge, 1967. Madvig J. N., M. Tulli Ciceronis de finibus bonorum et malorum libri V, Kabenhavn, 1876". Mercier 1, Nonii Marcelli noua editio, Paris,

Peerlkamp Leiden,

Ribbeck

P. H., P

1614.

Virgilii Maronis Aeneidos libri,

1843 (II, p. 371).

O.,

Tragicorum

Romanorum

fragmenta,

Leipzig, 1897). Skutsch O., The Annals of Q. Ennius, Oxford, 1985. Soubiran J, Cicéron, CUEF, Paris, 1972.

Aratea,

Fragments

poétiques,

Vahlen J., Ennianae poesis reliquiae, Leipzig, 19032. Docti homines, qui in apparatu critico laudantur Artigas E., Marco Pacuvio en Cicerón, Barcelona, 1990.

Auratus (Dorat) J. : in editione Lambini laudatus. Badali R., « Note testuali al de diuinatione ciceroniano »,

Studi di filologia classica in onore di G Monaco, II, Palermo, 1991, p. 829-834. Cameron A., Circus Factions, Oxford, 1976 (p. 57). Hertz M., Ein philologisch-klinischer Streifzug, Berlin,

1849 (p. 33). Lachmann C., /n T. Lucretii Cari de rerum natura libros

commentarius, Berlin, 1855? (p. 35-36). Maehly J. A., « Zu den Fragmenten der lateinischen Tragiker », Jahrbücher für classische Philologie, 75, 1857, p. 286-288. Müller L., Quintus Ennius : eine Einleitung in das Studium

der rómischen

Poesie,

St. Petersburg,

1884

(p. 154). Neukirch J. H., De fabula togata Romanorum, Leipzig, 1833 (p. 84-88).

CLXIV

CONSPECTVS

SIGLORVM

Turnebus A., Aduersariorum libri, Paris, 1564 (liber V,

cap. 20 et 23). Vahlen J., Gesammelte philologische Schriften, 1, LeipzigBerlin, 1911 (p. 566 et 573-574). Victorius (Vettori) B, Variae lectiones, Firenze, 1582 (liber X, cap. 7). Vine B., « corde capessere (Ennius, Ann. 42 Sk)», Glotta, 67, 1989, p. 123-126. Winckelmann J. J., Geschichte der Kunst des Altertums, Dresden, 1764 (p. 343-344). Wiseman

T. P., « Cicero,

De diuinatione

1. 55»,

The

Classical Quarterly, 29, 1979, p. 142-144. Wolf F A., « In locos quosdam Ciceronis, Horatii et Platonis animadversiones », Commentarii societatis

philologicae lipsiensis, IL, 1, 1802, p. 40-52 (p. 42-43). De ceteris doctis hominibus, uide Giomini, p. XXXVIIIXLVI.

CICÉRON DE LA DIVINATION

CICÉRON DE LA DIVINATION LIVRE PREMIER

I. 1 C'est une opinion

ancienne,

remontant

méme

jusqu'aux temps héroiques, consolidée par l'accord du peuple romain et de toutes les nations!, qu'il existe chez les hommes

une certaine faculté de divination?,

que

les Grecs appellent μαντική᾽, c'est-à-dire la prévision et la connaissance de l'avenir. Chose entre toutes belle et salutaire, si du moins elle existe, et par qui la nature mortelle se rapprocherait le plus de la puissance divine ! C'est pourquoi, de même que sur bien d'autres points nous avons fait mieux que les Grecs“, de méme nos ancétres ont tiré le nom de cette chose remarquable du mot « dieux », alors que les Grecs, selon l'interprétation de Platon, l'ont tiré du mot « délire ».

2 En vérité, je ne connais aucune nation, ni parmi les plus cultivées et les plus savantes, ni parmi les plus sauvages et les plus barbares, qui n'estime qu'il y a des signes de l'avenir et que certains hommes peuvent le connaître et le prédire. Tout d'abord les Assyriens’,

CICERONIS DE DIVINATIONE LIBER PRIMVS

I. 1 Vetus opinio est iam usque ab heroicis ducta temporibus, eaque et populi Romani et omnium gentium firmata consensu, uersari quandam inter homines diuinationem, quam Graeci μαντικήν appellant, id est praesensionem et scientiam rerum futurarum. Magnifica quaedam res et salutaris, si modo est ulla, quaque proxime ad deorum uim natura mortalis possit accedere. Itaque, ut alia nos melius multa quam Graeci, sic huic praestantissimae rei nomen nostri a diuis, Graeci, ut Plato interpretatur, a furore duxerunt.

2 Gentem quidem nullam uideo, neque tam humanam atque doctam neque tam immanem tamque barbaram, quae non significari futura et a quibusdam intellegi praedicique posse censeat. Principio Assyrii, Ciceronis de diuinatione liber I incipit BFÀ : incipit de diuinatione liber primus eiusdem F eiusdem de diuinitate liber I incipit À M.T. diuinatio P? (inscriptione caret P") eiusdem de diuinatione liber primus incipit M. 1 uetus om. in spat. μας. P | μαντικήν : manticen codd. | est ulla : ulla H | quaque Marsus : quaeque codd. uel sique add. V s. ἰ. | proxime Asc. : -ma codd., Marsus || natura : in n. M (in s. 1.) | mortalis Marsus : -li codd. 2a:in ἢ.

1-2 - II-3

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

3

pour partir de l'autorité la plus éloignée, habitant un pays plat et trés étendu, contemplant un ciel libre et découvert de tous les cótés, observérent soigneusement la trajectoire et le mouvement des astres ; ils en

prirent note et transmirent à Ja postérité ce qui était annoncé pour chaque homme. Au sein de ce peuple les Chaldéens$, ainsi appelés du nom de leur nation, non de leur art, par une observation de longue durée, ont créé, pense-t-on, la science des corps célestes : ainsi on peut prédire ce qui arrivera à chacun et le destin avec lequel chacun est né. Ce méme art, les Egyptiens aussi l'ont acquis, pense-t-on, gráce à la longueur du temps écoulé, au cours de siécles presque innombrables. Les nations des Ciliciens et des Pisidiens et leur voisine, la Pamphylie, peuples que nous avons gouvernés nous-même’, estiment que l'avenir est révélé, avec des signes trés certains, par le vol et

le chant des oiseaux. 3 La Gréce a-t-elle jamais envoyé une colonie en Eolide, en Ionie, en Asie, en Sicile ou en Italie sans consulter l'oracle de Delphes, de Dodone

ou d'Hammon* ? A-t-elle jamais entrepris une guerre sans prendre conseil des dieux ? II. Il y a plusieurs sortes de divination pratiquées de maniére publique comme de maniére privée. En effet, pour laisser de cóté les autres peuples, que de variétés le nôtre a-t-il retenues ! Au commencement Romulus, le pére de notre ville, a non seulement fondé Rome en prenant les auspices”, mais lui-même, selon

la tradition, fut aussi un excellent augure'. Par la suite les autres rois eurent recours aux services des augures et aprés l'expulsion des rois on n'entreprenait aucune action publique, ni en temps de paix, ni en temps de

guerre, sans prendre les auspices. Comme la discipline des haruspices" paraissait avoir une grande efficacité pour obtenir des signes favorables et des conseils, pour

3

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

L2-1L3

ut ab ultumis auctoritatem repetam, propter planitiam

magnitudinemque regionum quas incolebant, cum caelum ex omni parte patens atque apertum intuerentur, traiectiones motusque stellarum obseruitauerunt, quibus notatis, quid cuique significaretur memoriae prodiderunt. Qua in natione Chaldaei, non ex artis sed ex gentis uocabulo nominati, diuturna obseruatione siderum scientiam putantur effecisse, ut praedici

posset quid cuique euenturum et quo quisque fato natus esset. Eandem artem etiam Aegyptii longinquitate temporum innumerabilibus paene saeculis consecuti putantur. Cilicum autem et Pisidarum gens et his finituma Pamphylia, quibus nationibus praefuimus ipsi, uolatibus auium cantibusque certissimis signis declarari res futuras putant. 3 Quam uero Graecia coloniam misit in Aeoliam, Ioniam, Asiam, Siciliam, Italiam sine Pythio aut Dodonaeo aut Hammonis oraculo ? Aut quod bellum susceptum ab ea sine consilio deorum est ? II. Nec unum genus est diuinationis publice priuatimque celebratum. Nam, ut omittam ceteros populos,

noster quam multa genera complexus est! Principio huius urbis parens Romulus non solum auspicato urbem condidisse, sed ipse etiam optumus augur fuisse traditur. Deinde auguribus et reliqui reges usi, et exactis regibus nihil publice sine auspiciis nec domi nec militiae gerebatur. Cumque magna uis uideretur esse et impetriendis consulendisque rebus et [in] monstris interpretandis ac procurandis in haruspicum disciplina, 2 planitiam BF" A : -tiem FM tauerunt BF AV

V(e in ras.)HP || ex om. H || obserui-

: -uitauerant ἢ — uauerunt P M

|| memoriae 4VHP

-ria BFM | cuique : quoque B^ | Pisidarum AVHP M : fi- BF F) || cantibusque : et cantibus 7 || certissimis : et cert- 7 Lambinus Pease. 3 (a)eoliam 1? mg. (m. aliquanto rec.) P : aetoliam BFM impetriendis Manutius ad diu. I, 28 : impetrandis codd. | pr. Davies | alt. in : sine V.

:

(p- mg. ut certAV'H || in del.

II-3 — ΠΙ-5

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

4

interpréter et conjurer les prodiges, nos ancétres recouraient à l'ensemble de cette science, venue d'Etrurie, afin que nulle sorte de divination ne parût négligée d'eux. 4 De plus, comme de deux maniéres différentes les âmes, sans faire appel à la raison ni à la science, sont d'elles-mémes emportées dans un mouvement dégagé et libre, d'une part lorsqu'elles délirent, d'autre part lorsqu'elles révent, estimant que la divination due au délire s'exprime surtout dans les vers sibyllins, ils voulurent que ceux-ci eussent dix interprétes

choisis parmi les citoyens". Dans ce méme genre ils accordérent souvent crédit aux prédictions délirantes des inspirés et des devins, comme

celles de Cornelius

Culleolus pendant la guerre d'Octavius!^. Le conseil

suprême!” ne négligea pas non plus les songes de quelque importance, ceux qui paraissaient concerner la république. Bien plus, de notre temps, Lucius Iulius, qui fut consul avec Publius Rutilius, d’après l'avis du Sénat, fit restaurer le temple de Junon Sospita à la suite d'un rêve de Caecilia, la fille de Baliaricus!. III. 5. Ces pratiques, selon moi, les anciens les ont approuvées en prenant conseil de l'expérience plutót que de la raison. Quant aux philosophes, on a pu rassembler de subtils arguments, forgés par eux, tendant à prouver la véracité de la divination ; parmi eux, pour parler des plus anciens, seul Xénophane de Colophon, tout en disant que les dieux existent, a supprimé complétement la divination" ; tous les autres, à l'exception d'Epicure,

qui ne fait que balbutier sur la nature des dieux", ont admis la divination, mais non pas de maniére uniforme. En effet Socrate et tous les Socratiques, Zénon et ses disciples sont restés fidéles à l'opinion des anciens philosophes,

avec l'accord de l'Ancienne Académie

et

des Péripatéticiens" ; Pythagore”, déjà auparavant, avait accordé une grande autorité à la divination, lui qui de

4

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

omnem

hanc

ex

Etruria

scientiam.

II-3 — III-5

adhibebant,

ne

genus esset ullum diuinationis quod neglectum ab iis uideretur. 4 Et cum duobus modis animi sine ratione et scientia motu ipsi suo soluto et libero incitarentur, uno furente, altero somniante, furoris diuinationem Sibyllinis maxume uersibus contineri arbitrati, eorum decem interpretes delectos e ciuitate esse uoluerunt. Ex

quo genere saepe hariolorum etiam et uatum furibundas praedictiones, ut Octauiano bello Corneli Culleoli, audiendas putauerunt. Nec uero somnia grauiora, si quae ad rem publicam pertinere uisa sunt, a summo consilio neglecta sunt. Quin etiam memoria nostra templum Iunonis Sospitae L. Iulius, qui cum P. Rutilio consul fuit, de senatus sententia refecit ex Caeciliae, Baliarici filiae, somnio. III. 5 Atque

haec,

ut ego

arbitror,

ueteres rerum

magis euentis moniti quam ratione docti probauerunt. Philosophorum uero exquisita quaedam argumenta cur esset uera diuinatio collecta sunt ; e quibus, ut de antiquissumis loquar, Colophonius Xenophanes unus, qui deos esse diceret, diuinationem

funditus sustulit ;

reliqui uero omnes, praeter Epicurum balbutientem de natura deorum, diuinationem probauerunt, sed non uno modo. Nam cum Socrates omnesque Socratici Zenoque et ii qui ab eo essent profecti manerent in antiquorum philosophorum sententia, uetere Academia et Peripateticis consentientibus, cumque huic rei magnam auctoritatem Pythagoras iam ante

3 ex om. H | ullum : illum À | ab iis BF AV : ab his BM HP. 4 suo : suo et A" | esse post audiendas add. H | publicam (p. scriptum) B* VP : om. B"FMA pus ἢ. 5 unus F*M AVHP : unos BF* || deos : deum H || non om. B" | omnesque

: omnes 5^ || ii BF H : i 4 hi VP M || manerent

H' (manerent mg. H°).

: numerent

III-5 - IV-7

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

5

plus se voulait lui-même augure ; en de trés nombreux passages, Démocrite, un garant de poids, a tenu pour

vraie la prévision de l'avenir"! ; mais le Péripatéticien Dicéarque? a supprimé tous les autres genres de divination et n'a gardé que les songes et le délire prophétique, et Cratippe, notre ami, que je tiens pour l'égal des plus grands Péripatéticiens, a accordé sa confiance à ces

mêmes genres de divination et rejeté tous les autres”. 6 D'autre part, comme les Stoiciens défendaient presque toutes ces méthodes, car Zénon,

dans ses écrits, avait

disséminé les éléments d'une théorie et Cléanthe l'avait quelque peu développée, il s'est présenté un homme à l'intelligence trés vive, Chrysippe, qui a exposé toute sa pensée dans deux livres sur la divination, un autre sur les oracles et un autre encore sur les rêves ; à sa suite Diogène le Babylonien, son auditeur, fit paraître un livre

sur la divination, Antipater? deux livres et notre ami Posidonius” cinq. Mais celui qui est peut-être le prince de cette école, Panétius?', le maître de Posidonius, l'éléve d'Antipater, a rompu avec les Stoiciens ; cependant il n'a pas osé nier qu'il existe une faculté de divination, il a dit seulement qu'il en doutait. Ce que ce Stoicien a pu faire sur un point contre le gré des autres Stoïciens, les Stoiciens ne nous permettront-ils pas de le faire

sur tous les autres points? 7 étant donné surtout que la question qui semble obscure à Panétius parait plus claire que le jour aux autres membres de l'école. 7 En tout cas cette louable pratique de l'Académie a été cautionnée par le jugement et le témoignage de cet

éminent philosophe”. IV.

De

fait, nous-même

qui

cherchons

ce qu’il

faut penser de la divination, puisque Carnéade? a présenté de nombreuses objections aux Stoiciens, avec finesse et abondance, nous qui craignons de donner à la légére notre assentiment à une chose soit fausse,

5

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

II[-5 - IV-7

tribuisset, qui etiam ipse augur uellet esse, plurumisque locis grauis auctor Democritus praesensionem rerum futurarum comprobaret, Dicaearchus Peripateticus cetera diuinationis genera sustulit, somniorum et

furoris reliquit, Cratippusque, familiaris noster, quem ego parem summis Peripateticis iudico, isdem rebus fidem tribuit, reliqua diuinationis genera reiecit. 6 Sed cum Stoici omnia fere illa defenderent, quod et Zeno in

suis commentariis quasi semina quaedam sparsisset et ea Cleanthes paulo uberiora fecisset, accessit acerrumo

uir ingenio, Chrysippus, qui totam de diuinatione duobus libris explicauit sententiam, uno praeterea de oraclis, uno de somniis; quem subsequens unum librum Babylonius Diogenes edidit, eius auditor, duo Antipater, quinque noster Posidonius. Sed a Stoicis uel princeps eius disciplinae, Posidoni doctor, discipulus Antipatri, degenerauit Panaetius, nec tamen ausus est

negare uim esse diuinandi, sed dubitare se dixit. Quod illi in aliqua re inuitissumis Stoicis Stoico facere licuit, nos ut in reliquis rebus faciamus a Stoicis non concedetur ? praesertim cum id de quo Panaetio non liquet reliquis eiusdem disciplinae solis luce uideatur clarius. 7 Sed haec quidem laus Academiae praestantissumi philosophi iudicio et testimonio comprobata est. IV. Etenim nobismet ipsis quaerentibus quid sit de diuinatione iudicandum, quod a Carneade multa acute et copiose contra Stoicos disputata sint, uerentibusque ne temere uel falsae rei uel non satis cognitae

5 parem BFM AV V^HP : patrem A"Y" | reiecit : reicit H. 6 cum : quem Y^ | duo : duos 4° | princeps recc., Marsus : principes B'* A*V*HP (de hac forma cf. Pease p. 61) principe A"* principibus B*FM a principibus V7 | inuitissumis BFM AV : inuictissimis HP. 7 acute : -ta À || copiose : -sae 4 || aff. uel om. F.

IV-7 - V-9

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

6

soit insuffisamment connue, nous devons faire en sorte de comparer soigneusement les arguments entre eux, encore et toujours, comme nous l'avons fait dans nos trois livres Sur la nature des dieux?'. En effet, si en tout domaine il est honteux de donner son assentiment à la légére et de se tromper, il l'est surtout en cette matière où nous avons à juger du crédit qu'il faut accorder aux auspices, au culte des dieux, aux obliga-

tions religieuses ; nous risquons, en négligeant cela, de verser dans une erreur impie, en admettant tout, dans

une superstition de vieille femme. V. 8 J'ai souvent débattu de ces questions, mais je l'ai fait récemment de maniére un peu plus appro-

fondie, alors que j'étais avec mon frére Quintus? dans ma villa de Tusculum. En effet nous étions allés nous promener au Lycée (c'est le nom du gymnase situé en

haut?) et il me dit : — Je viens de finir ton troisième livre Sur la nature des dieux : l'exposé qu'y fait Cotta", s'il a ébranlé mon opinion, ne l'à pourtant pas ruinée complétement. — C'est trés bien, dis-je ; en effet Cotta lui-méme discourt ainsi plus pour réfuter les arguments des Stoiciens que pour détruire chez les hommes la religion. Alors Quintus répondit : — C'est du moins ce que dit Cotta, et à plusieurs reprises, selon moi pour ne pas paraitre outrepasser ce qui est communément

admis ; mais les Stoiciens, les dieux. 9 discours, car

dans la passion qu'il met à combattre il me parait supprimer complètement J'ai largement de quoi répondre à son la religion a été suffisamment défendue

au second livre par Lucilius?, dont l'exposé, comme tu

l'écris à la fin du troisième livre, te parait à toi-même plus proche de la vérité. Mais un sujet a été laissé de cóté dans ces livres (parce que tu as pensé, je crois,

6

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

IV-7 - V.9

adsentiamur, faciendum uidetur ut diligenter etiam atque etiam argumenta cum argumentis comparemus, ut fecimus in iis tribus libris quos de natura deorum scripsimus. Nam cum omnibus in rebus temeritas in adsentiendo errorque turpis est, tum in eo loco maxime in quo iudicandum est quantum auspiciis rebusque diuinis religionique tribuamus ; est enim periculum ne aut neglectis iis impia fraude aut susceptis anili superstitione obligemur. V. 8 Quibus de rebus et alias saepe et paulo accuratius nuper,

cum

essem

cum

Q.

fratre in Tusculano,

disputatum est. Nam cum ambulandi causa in Lyceum uenissemus (id enim superiori gymnasio nomen est) : - Perlegi, ille inquit, tuum paulo ante tertium de natura deorum, in quo disputatio Cottae, quamquam labefactauit sententiam meam, non funditus tamen sustulit. - Optime uero, inquam ; etenim ipse Cotta sic disputat ut Stoicorum magis argumenta confutet quam hominum deleat religionem. Tum Quintus : - Dicitur quidem istuc, inquit, a Cotta, et uero saepius, credo, ne communia iura migrare uideatur ; sed studio contra Stoicos disserendi deos mihi uidetur funditus tollere. 9 Eius orationi non sane desidero quid respondeam ; satis enim defensa religio est in secundo libro a Lucilio, cuius disputatio tibi ipsi, ut in extremo tertio scribis, ad

ueritatem est uisa propensior. Sed, quod praetermissum est in illis libris (credo, quia commodius arbitratus es

7 fecimus : fac- V | in iis Rom. : in his codd. | religionique AVHP : regionique BF | iis BF AV*H : his B*M ΚΡ. 8 alias V M° : alia BFM"* AHP | Q. om. H | ille om. H, del. Müller Giomini, post inquit transp. Lambinus | tuum om. P | confutet ἢ : computet BFM VP computaet (an — tat ?) À || uideatur : -antur H. 9 praetermissum : praemissum {7 || credo om. F || arbitratus : -trantes Η' (-tratus mg. H?). M

V-9 - VI-11

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

7

qu'il était plus commode d'enquéter et de réfléchir à part sur cette question) : c'est la divination, qui est la prédiction et la prévision des choses qui passent pour fortuites ; voyons, s'il te plait, quel est son pouvoir et ce qu'elle est. Voici en effet mon opinion : si les genres de divination que nous avons reçus de la tradition et que nous pratiquons sont véridiques, il y a des dieux et, inversement, s'il y a des dieux, il y a des hommes capables de divination. VI. 10. — C'est la citadelle des Stoiciens, dis-je, que tu défends, toi, Quintus, si vraiment ces propositions s’impliquent l’une l'autre : s’il y a une divination, il y a des dieux ; s'il y a des dieux, il y a une divination.

Pourtant on ne te concédera ni l'un ni l'autre point aussi facilement que tu le penses. En effet l'avenir peut être annoncé de façon naturelle, sans intervention divine, et d'autre part, si l'on admet qu'il y a des dieux, il peut se faire qu'ils n'aient attribué au genre humain aucune faculté de divination.

Mais lui : —

Pour moi,

dit-il, un argument suffit à prouver qu'il y a des dieux et

qu'ils prennent soin des affaires humaines“, c’est le fait qu'il y ait des genres de divination dont l'existence me parait claire et manifeste. Ce que je pense moi-méme à leur sujet, je vais, s'il te plait, l'exposer, à condition que tu aies du loisir et que tu n'aies rien qui te paraisse plus urgent que cet entretien. 11 — Moi, dis-je, pour la philosophie, Quintus, j'ai toujours du loisir ; en ce moment où il n'y a rien d'autre que je puisse faire avec

plaisir", je désire beaucoup plus ardemment écouter ce que tu penses de la divination. — Ce que je pense, dit-il, n'a rien de nouveau et ne différe pas de ce que pensent les autres ; car j'adopte une opinion à la fois trés ancienne et justifiée par l'accord de tous les peuples et de toutes les nations. Il y a, en effet, deux sortes de divination, dont l'une reléve de l'art,

7

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

V-9 - VI-11

separatim id quaeri deque eo disseri), id est de diuinatione, quae est earum

praedictio atque quam habeat uim si sint ea genera quaeque colimus,

rerum

quae

fortuitae putantur

praesensio, id, si placet, uideamus et quale sit. Ego enim sic existimo, diuinandi uera de quibus accepimus esse deos, uicissimque, si di sint, esse

qui diuinent. VI. 10 — Arcem tu quidem Stoicorum, inquam, Quinte, defendis, siquidem ista sic reciprocantur, ut et, si diuinatio sit, di sint et, si di sint, sit diuinatio. Quorum neutrum tam facile quam tu arbitraris conceditur. Nam et natura significari futura sine deo possunt et, ut sint di, potest fieri ut nulla ab iis diuinatio generi humano tributa sit. Atque ille : - Mihi uero, inquit, satis est argumenti et esse deos et eos consulere rebus humanis quod esse clara et perspicua diuinationis genera iudico. De quibus quid ipse sentiam, si placet, exponam, ita tamen si uacas animo neque habes aliquid quod huic sermoni praeuertendum putes. 11 — Ego uero, inquam, philosophiae, Quinte, semper uaco ; hoc autem tempore, cum sit nihil aliud quod lubenter agere possim, multo magis aueo audire de diuinatione quid sentias. — Nihil, inquit, equidem noui, nec quod praeter ceteros ipse sentiam ; nam cum antiquissimam sententiam, tum omnium populorum et gentium consensu comprobatam sequor. Duo sunt enim diuinandi genera, quorum alterum artis est, alterum naturae.

11 duo - naturae : cf. Serv. ad Aen.

IIT, 359.

9 id si placet : iam s. p. H | uideamus : ut eamus H^ H°) | habeat : habet P | di sint : di sunt A*' | af. esse 10 et si di sint om. V* | ut sint : ut ita s. V* | iis hiis M | et eos om. V* (et add. V^?) || clara : praeclara

(uideamus mg. : et 4. BF AVH : his P PF.

11 aueo Asc. 1521 : abeo 4° M habeo BF ἌΡ ΨῊΡ || sentias : sententias

V* | sentiam : sententiam F*.

VI-11 - VII-13

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

8

l'autre de la nature**. 12 Quelle est la nation ou la cité qui soit indifférente aux prédictions des haruspices, des inter-

prétes des prodiges ou des foudres, des augures, des astrologues ou des sorts (voilà, à peu de chose prés, les variétés qui relévent de l'art) ou aux avertissements des songes et des vaticinations (ces deux catégories passent pour naturelles) ? En ces matiéres je pense qu'il faut examiner les résultats plutót que les causes. Il y a en effet un certain pouvoir naturel qui annonce l'avenir tantót gráce à des signes observés de longue date, tantót sous l'effet d'une impulsion et d'un souffle divins. VII. Que Carnéade cesse donc de nous harceler, comme le faisait aussi Panétius, en demandant si c'est Jupiter qui a ordonné à la corneille de chanter à gauche,

au corbeau de chanter à droite?. Ces phénoménes ont été observés sur une durée immense et leur signification a été découverte et notée gráce aux résultats. Or il n’y a rien que la longueur du temps ne puisse réaliser et obtenir si la mémoire recueille les faits ct si l'on transmet des documents. 13 On peut à bon droit s'étonner de toutes les sortes d'herbes, toutes les sortes

de racines qui ont été découvertes par les médecins pour soigner les morsures d'animaux, les maladies d'yeux ou les blessures : la raison n'a jamais expliqué leur pouvoir naturel, mais leur utilité a donné du crédit à l'art médical

ainsi qu'à leur découvreur?. Voyons maintenant ces prévisions qui, bien qu'elles relévent d'un autre genre, sont tout de méme assez semblables à la divination : « Souvent aussi la mer gonflée annonce l'arrivée des vents, quand tout à coup elle se souléve depuis ses profondeurs, quand les rochers, que l'eau salée blanchit

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

VI-12 - VII-13

12 Quae est autem gens aut quae ciuitas quae non aut extispicum aut monstra aut fulgora interpretantium aut augurum aut astrologorum aut sortium (ea enim fere artis sunt) aut somniorum aut uaticinationum (haec enim duo naturalia putantur) praedictione moueatur ? Quarum quidem rerum euenta magis arbitror quam causas quaeri oportere. Est enim uis et natura quaedam, quae tum obseruatis longo tempore significationibus, tum aliquo instinctu inflatuque diuino futura praenuntiat. VII. Quare omittat urguere Carneades, quod faciebat etiam Panaetius, requirens Iuppiterne cornicem a laeua, coruum ab dextera canere iussisset. Obseruata sunt haec tempore immenso et in significatione euentis animaduersa et notata. Nihil est autem quod non longinquitas temporum excipiente memoria prodendisque monumentis efficere atque adsequi possit. 13 Mirari licet quae sint animaduersa a medicis herbarum genera, quae radicum ad morsus bestiarum, ad oculorum morbos, ad uulnera, quorum uim atque naturam ratio numquam

explicauit,

utilitate et ars est et inuentor

probatus. Age ea quae, quamquam ex alio genere sunt, tamen diuinationi sunt similiora, uideamus : Atque etiam uentos praemonstrat saepe futuros inflatum mare, cum subito penitusque tumescit, saxaque cana salis niueo spumata liquore 12 extispicum Mercier ad ΝΟΝΙΟΜ 16, 10 (cf. diu. II, 26 et 42) : extis pecudum codd.

exta pecudum Davies (cf. II, 30) || fulgora B (ex

fulge- ?) FM?** VHP : fulge- AM" uel fulgu- mg. V | ea AVPM : eae BF H | artis V* : artes BFM AV"H (ut uid.) P | moueatur : -eantur P | euenta : -tum P | quaedam quae : quae neque H | pr. tum BFM AV : cum HP | aliquo : -quando P || omittat : - [1 | ab dextera : a sinistra H | tempore immenso : tempora in i. M | in s. euentis H, Giomini : in s. -tus BFM AVP significationum euentis Koch Polster Schüublin,

alii alia.

13 sint : sunt P | explicauit : -bit M || explicata sunt post quamquam add. P | pr. sunt om. P | praemonstrat : monstrat À || cum : tum M.

VII-13 -IX-15

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

9

d'une neigeuse écume, rivalisent avec Neptune et font écho à ses tristes plaintes, ou bien lorsqu'un sifflement prolongé, issu du haut sommet de la falaise, prend de

la force, répercuté par la barrière des écueils?'. » VIII. Tes Pronostics sont tout remplis de telles prévisions. Qui donc pourrait mettre en lumiére la cause des prévisions météorologiques ? Je constate, il est vrai, que le Stoicien Boéthus?" s'y est efforcé, parvenant seulement à expliquer les phénoménes qui se produisent dans la mer ou le ciel. 14 Mais le pourquoi de ce qui suit, qui pourrait le dire avec probabilité ? « De méme la foulque grise, fuyant l'abime de la mer, annonce par ses cris que d'horribles tempêtes menacent, quand elle fait entendre sans mesure le chant de son gosier tremblant. Souvent aussi, du fond de sa poitrine, l'acredula? émet un chant lugubre et obstinément répéte son appel matinal, répéte son appel et sans relâche jette sa plainte, dès que l'aurore épand ses fraiches gouttes de rosée, et parfois la noire corneille,

courant sur le rivage, plonge sa téte dans le flot et le laisse ruisseler sur son cou“. » IX. 15 Nous voyons que ces signes ne mentent presque jamais, et pourtant nous ne voyons pas pourquoi il en est ainsi.

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DE DIVINATIONE -LIBER PRIMVS — VIL13 - IX-15 tristificas certant Neptuno reddere uoces, aut densus stridor cum celso e uertice montis

ortus adaugescit, scopulorum saepe repulsus. VIII. Atque his rerum praesensionibus Prognostica tua referta sunt. Quis igitur elicere causas praesensionum potest ? Etsi uideo Boethum Stoicum esse conatum, qui hactenus aliquid egit ut earum rationem rerum explicaret quae in mari caeloue fierent. 14 Illa uero cur eueniant, quis probabiliter dixerit ? Cana fulix itidem, fugiens e gurgite ponti, nuntiat horribilis clamans instare procellas, haud modicos tremulo fundens e guttere cantus. Saepe etiam pertriste canit de pectore carmen et matutinis acredula uocibus instat, uocibus instat et adsiduas iacit ore querelas, cum primum gelidos rores aurora remittit ; fuscaque non numquam cursans per litora cornix demersit caput et fluctum ceruice recepit. IX. 15 Videmus haec signa numquam fere ementientia nec tamen cur ita fiat uidemus.

14 et matutinis — instat : cf. Isid. Etym. XII, 7, 37.

13 certant : cant- H' (cert- mg. H^) | elicere : dicere H | uideo boethum Marsus : uidebo euthum BFM uide boeothum À videbo eothum HP uidebo eo tum V 14 cana AV*HP : cano B (ex corr. ?) FM V || fulix itidem Marsus : fluxit

idem AVHP idem fluxit BFM | nuntiat horribilis clamans B in ras. FM : clamans (e)nuntiat horribilis AVHP (in H uerborum ordo notis restitutus est) | tremulo : -los ἢ | guttere BF A : -ture VHPM | acredula Par Scor, ISIDORUS : acredulis AVH a credulis P ac credulis BFM | pr. instat M, Ven. : instant BFM"^ AVHP || alt. uocibus — primum om. B". 15 numquam B" Ἐπ AVHP : nonnum. B* (non dein eraso) F*M | ementientia codd., Timpanaro : mentientia recc., Marsus Giomini.

IX-15—- X-16

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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« Vous aussi, vous voyez des signes, filles que nourrit l'eau douce, quand à grands cris vous vous apprétez à lancer de vains appels et que vous troublez de vos sons

discordants sources et étangs“. » Qui pourrait supposer que les petites grenouilles prévoient le mauvais temps ? Mais il y a en elles un certain pouvoir naturel capable de donner des signes, pouvoir en lui-méme suffisamment certain, mais

quelque peu obscur à la connaissance humaine. « Les bœufs à la souple démarche, tournant leur regard vers la lumiére céleste, aspirent de leurs naseaux les vapeurs humides de l'air“. » Je ne demande pas pourquoi, puisque Je constate ce qui se produit. « De plus, toujours vert et toujours alourdi, le lentisque, qui a coutume de croitre en fournissant triple récolte, indique, en prodiguant trois fois ses fruits, les trois

moments du labour". » 16 Je ne cherche pas non plus pourquoi cet arbre est le seul à fleurir trois fois ni pourquoi il fait coincider avec le signe de sa floraison le bon moment pour labourer. Je me contente, même si j'ignore le pourquoi de chaque fait, de constater ce qui se produit. Ainsi donc, pour toutes les formes de divination, je ferai la méme réponse que pour les phénomènes que je viens de rappeler.

X. Ce que peut la racine de scammonée? pour purger, ce que peut contre les morsures de serpents l'aristoloche, plante qui tire son nom de son découvreur? et fut

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

IX-15 - X-16

Vos quoque signa uidetis, aquai dulcis alumnae, cum clamore paratis inanis fundere uoces absurdoque sono fontis et stagna cietis. Quis est qui ranunculos hoc uidere suspicari possit ? Sed inest in ranunculis uis et natura quaedam significans aliquid, per se ipsa satis certa, cognitioni autem hominum obscurior. Mollipedesque boues, spectantes lumina caeli, naribus umiferum duxere ex aere sucum. Non quaero cur, quoniam quid eueniat intellego. [am uero semper uiridis semperque grauata lentiscus, triplici solita grandescere fetu, ter fruges fundens tria tempora monstrat arandi. 16 Ne hoc quidem quaero, cur haec arbor una ter floreat aut cur arandi maturitatem ad signum floris accommodet ; hoc sum

contentus

quod,

etiamsi cur

quidque fiat ignorem, quid fiat intellego. Pro omni igitur diuinatione idem quod pro rebus iis quas commemoraui respondebo. X. Quid scammoneae radix ad purgandum, quid aristolochia ad morsus serpentium possit, — quae nomen

15 Iam uero — arandi : Plinius, nat. XVIII, 228.

15 signa uidetis : signata uidentis P | in ranunculis uis et Vahlen Pease Giomini : in riuis et ranunculis BFM in reuis et r. V/H! (mire mg. add. HP?) mire et r. V? in ranis et r. À in retus (an retiis 2) et renunculis P mira uis in ranunculis et Rieger (ap. Orelli), alii alia | satis om. P || certa : cetera H” | aere : nare V* || solita codd., Soubiran : solita est PLINUS, Giomini. 16 ne Aldus : nec codd. || floris : uel foris add. V s. 1. || tert. cur (quor) Christ : quo BFM AVP quod H.

X-16-XI-17

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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elle-méme découverte à la suite d'un songe, je le vois, et c'est bien suffisant ; pourquoi elles le peuvent, je ll'ignore. Il en va de méme pour les signes de vent et de pluie dont j'ai parlé : je ne parviens guére à trouver leur explication rationnelle, mais je reconnais, je sais, je tiens pour assurés leur pouvoir et leurs résultats. De la méme manière, ce que signifie une fissure dans un organe, quels signes donnent les lobes du foie, je l'ai appris ; mais quelle est la cause, je l'ignore. J'ajoute que la vie est pleine de tels signes, car presque tous les hommes

pratiquent l'inspection des viscéres?. Et le pouvoir de la foudre, pouvons-nous vraiment en douter ? Parmi bien des faits étonnants, celui-ci ne l'est-il pas au premier chef ? Au fronton du temple de Jupiter Trés Bon et Trés Grand, Summanus!!, qui était alors fait de

terre cuite, avait été frappé par le feu du ciel et on ne retrouvait nulle part la téte de sa statue. Les haruspices dirent qu'elle avait été précipitée dans le Tibre et on la retrouva à l'endroit méme qu'ils avaient indiqué. XI. 17 Mais quelle autorité, quel témoin invoquer de préférence à toi ? J'ai été jusqu'à par cœur tes vers, et avec grand plaisir, prononce la Muse Uranie au second livre

pourrais-je apprendre ceux que du poème

sur ton consulat? : « En premier lieu Jupiter?, de l'éther,

tourne

et illumine

embrasé de son

par le feu

éclat

l'univers

entier ; il cherche à pénétrer le ciel et la terre de son esprit divin, qui maintient intimement l'intelligence et la vie des

hommes,

enclos

et enfermé

lui-même

dans les profondeurs de l'éther éternel. Et si tu veux connaitre les mouvements et les courses vagabondes des astres situés dans la zone des constellations, qui errent, selon le mot et les propos trompeurs des Grecs,

Il

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

X-16 - XI-17

ex inuentore repperit, rem ipsam inuentor ex somnio — [posse] uideo, quod satis est ; cur possit, nescio. Sic uentorum et imbrium signa, quae dixi, rationem quam habeant non satis perspicio ; uim et euentum agnosco, scio, adprobo. Similiter, quid fissum in extis, quid fibra ualeat, accipio ; quae causa sit, nescio. Atque horum quidem plena uita est ; extis enim omnes fere utuntur. Quid? De fulgurum ui dubitare num possumus ? Nonne cum multa alia mirabilia, tum illud in primis? Cum Summanus in fastigio Iouis optumi maxumi, qui tum erat fictilis, e caelo ictus esset nec usquam etus simulacri caput inueniretur, haruspices in Tiberim id depulsum esse dixerunt, idque inuentum est eo loco qui est ab haruspicibus demonstratus. XL. 17 Sed quo potius utar aut auctore aut teste quam te ? Cuius edidici etiam uersus, et lubenter quidem, quos in secundo «de» consulatu Vrania Musa pronuntiat : Principio aetherio flammatus Iuppiter igni uertitur et totum conlustrat lumine mundum menteque diuina caelum terrasque petessit, quae penitus sensus hominum uitasque retentat, aetheris aeterni saepta atque inclusa cauernis. Et, si stellarum motus cursusque uagantis nosse uelis quae sint signorum in sede locatae, quae uerbo et falsis Graiorum uocibus errant, 16 posse codd., del. Marsus Giomini, retin. Ax Timpanaro || uideo : uidebo A | fulgurum BM AVHP* : -gorum F P" || num : non M | sum(m)anus ΑἸ ἪΡ : sumamus B*^M submanus BF summa manus Κ | maxumi om. H | e BFM AH : om. VP | dixerunt : -rint ἢ. 17 cuius AVHP M : huius BF | et H : ut BFM AVP (sed ut exp. V) | quos : quod δ΄. | de consulatu Manutius Pease : consulatu codd. consulatus Sangall. 850, Ernesti Giomini || igni : igne P || petessit P", Marsus : petissit P" petesset B" H petisset B°FM AV | uitasque : -tamque À | retentat Ven. 1496 : -tant codd.|| quae sint codd. : qua sint Davies Courtney.

XI-17 - XIT-19.

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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mais en réalité suivent un trajet et une carriére déter-

minés, tu verras alors que tout cela porte la marque de l'intelligence divine. 18 Car tout d'abord les mouvements ailés des astres sous ton consulat, les conjonctions redoutables de planétes à l'éclat de feu, tu les as vus

toi aussi, quand sur les hauteurs enneigées des monts Albains tu as accompli les rites de lustration et honoré les Féries latines d'une abondante libation de lait**; tu as vu des cométes scintillantes au feu étincelant, et

tu as pensé que de grands bouleversements seraient causés par un massacre nocturne, car les Féries latines

sont tombées à peu près au moment sinistre où la lune, réduisant sa lumière, a voilé son brillant éclat et disparu

soudain dans la nuit étoilée. Que dire de la torche de Phébus?, annonciatrice d'une guerre funeste, qui volait à la maniére d'une grande colonne de flamme, se dirigeant dans le ciel vers les régions du déclin et du couchant ? Et lorsqu'un citoyen frappé d'un terrible coup de foudre par un temps serein quitta la lumiére

de la vie? 2 Et lorsque la terre au corps gonflé se mit à trembler? ? En outre, apparus à l'heure de la nuit sous diverses

formes,

des fantómes

terribles annon-

caient une guerre et des troubles, des devins à l'esprit en délire répandaient sur la terre de nombreux oracles, révélant la menace de funestes malheurs ; 19 et ce qui est advenu enfin au terme d'une longue évolution, le père des dieux lui-même, prodiguant sans relâche des signes manifestes, l'annongait au ciel et à la terre. XII. Maintenant ce qu'un jour, sous le consulat de Torquatus et de Cotta?, avait fait connaitre l'haruspice

lydien de la nation tyrrhénienne?, tous ces événements fixés par le destin, l'année de ton consulat les accumule et les enferme en ses limites. Car le Pére tonnant dans les hauteurs, appuyé sur l'Olympe étoilé®, a lui-même un jour visé ses propres collines et ses propres temples et

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XI-17 - XII-19

re uera certo lapsu spatioque feruntur, omnia iam cernes diuina mente notata. 18 Nam primum astrorum uolucris te consule motus concursusque grauis stellarum ardore micanti tu quoque, cum tumulos Albano in monte niualis lustrasti et laeto mactasti lacte Latinas, uidisti et claro tremulos ardore cometas,

multaque misceri nocturna strage putasti,

quod ferme dirum in tempus cecidere Latinae cum claram speciem concreto lumine Juna abdidit et subito stellanti nocte perempta est. Quid uero Phoebi fax, tristis nuntia belli, quae magnum ad columen flammato ardore uolabat,

praecipitis caeli partis obitusque petessens? Aut cum terribili perculsus fulmine ciuis luce serenanti uitalia lumina liquit? Aut cum se grauido tremefecit corpore tellus? Iam uero uariae nocturno tempore uisae

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25

terribiles formae bellum motusque monebant,

multaque per terras uates oracla furenti pectore fundebant tristis minitantia casus ; 19 atque ea quae lapsu tandem cecidere uetusto, haec fore perpetuis signis clarisque frequentans ipse deum genitor caelo terrisque canebat. XII. Nunc ea Torquato quae quondam et consule Cotta Lydius ediderat Tyrrhenae gentis haruspex, omnia fixa tuus glomerans determinat annus. Nam pater altitonans stellanti nixus Olympo ipse suos quondam tumulos ac templa petiuit 18 micanti Rom. Soubiran : micantis codd., Giomini | ardore : ardere P | cecidere Crat. mg. : cecinere codd. | abdidit : abdit F# | subito stellanti BFM HP : stel. sub. AV | nocte : de nocte 77 | columen V M : columem Β (ex — men 2) F AHP | petessens Christ : petisset codd. | pr. aut : at P | perculsus 8"*FM AVH : -cussus B* P || ait. aut : at 4“ || tristis : tristi 4^*. 19 lapsu ΒΡΕΜ V : -psus B^ AV*HP || tandem : stantem B* || fore : fero V | frequentans H : -tas BFM AVP.

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XII-19 - XII-20

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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a jeté ses feux sur sa demeure du Capitole. Alors l'effigie en bronze de Nattaf!, ancienne et vénérée, s'écroula, des tables de lois à l'antique majesté disparurent et l'ardeur de la foudre détruisit les statues des dieux, 20 Là se trouvait la nourrice sylvestre du nom romain, la louve de Mars qui, offrant aux petits enfants nés de Mavors ses mamelles gonflées, les abreuvait d'une rosée vivifiante®. Frappée alors du feu de la foudre, avec les enfants, elle tomba et, arrachée de son socle, n'y laissa que l'empreinte de ses pattes. Qui alors, examinant écrits et documents de l'art divinatoire, ne tirait des livres étrusques d'inquiétantes prédictions ? Toutes révélaient qu'un immense désastre, un fléau issu d'une

noble origine, allait fondre sur la cité ; de plus elles annonçaient d'une voix unanime la ruine des lois ; elles ordonnaient surtout d'arracher aux flammes la ville et les temples des dieux et de se garder d'un massacre et

d'un

carnage

horribles;

ces

malheurs

étaient

fermement fixés et établis par un destin rigoureux, à moins qu'auparavant, placée sur une haute colonne et faconnée avec art, une effigie sacrée de Jupiter ne regardât vers les clartés de l'orient ; alors le peuple et le Sénat vénérable pourraient découvrir ces menées occultes, si, tournée vers le lever du soleil$^, elle voyait

de sa place les lieux οὐ siégent les Péres et le peuple.

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

— XII-19 - XII-20

et Capitolinis iniecit sedibus ignis. Tum species ex aere uetus uenerataque Nattae concidit, elapsaeque uetusto numine leges, et diuom simulacra peremit fulminis ardor. 20 Hic siluestris erat Romani nominis altrix, Martia, quae paruos Mauortis semine natos uberibus grauidis uitali rore rigabat ;

quae tum cum pueris flammato fulminis ictu concidit atque auolsa pedum uestigia liquit. Tum quis non, artis scripta ac monumenta uolutans, uoces tristificas chartis promebat Etruscis ? Omnes ciuilem generosa stirpe profectam uoluier ingentem cladem pestemque monebant ; tum legum exitium constanti uoce ferebant, templa deumque adeo flammis urbemque iubebant eripere et stragem horribilem caedemque uereri ;

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45

50

atque haec fixa graui fato ac fundata teneri,

ni prius excelsum ad columen formata decore sancta Iouis species claros spectaret in ortus : tum fore ut occultos populus sanctusque senatus cernere conatus posset, si solis ad ortum

conuersa inde patrum sedes populique uideret. 19 Nam

pater — ignis : diu. II, 45 ; Lactantius, /nst. IIT, 17, 14.

19 iniecit : inuectit H | uenerataque Gulielmius : generataque BFM AVH generaque P | nattae P : nat(a)e BFM AVH || uetusto V : uetuste AV* M uetustae BF HP. 20 auolsa B AV* : auul- FM V*P euul- H || tum : cum H || ciuilem H : -le AV*P -li B (ex — lem ?) FM VF || generosa H* : -sam BFM AVH"P || stirpe codd., Timpanaro : a stirpe Müller Giomini ab stirpe Orelli Soubiran || uoluier Baehrens Soubiran : uitare ΒΡΕΜ, Pease vire

B'^ uiri HP uir 4V! uel diram V? mg. instare Giomini inruere Badali | ingentem codd. : in gentem Rom. Badali Courtney || versum uoluier — monebant post sequentem collocant codd. (asteriscum mg. add. H), transp. Aldus | tum Baehrens : uoltum (uul-) BFM AV^H uultu P uel V, Pease | adeo : ad eum V* adimi V || urbemque Balliol. 248, Davies : -bisque codd. (-besque V^) || teneri BFM H : -re AVP || ni prius Gulielmius : m post H nepos B* AV* ne post B"FM WP || excelsum ©, Lambinus

: -cesum

B" AV -cisum B"FM

-cessum HP.

55

XII-21-XIII-23

21

Cette

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

statue,

exécutée

avec

bien

du

14

retard

et

longtemps attendue, fut enfin, sous ton consulat, placée

sur un haut piédestal, et à la méme heure, à l'instant fixé et désigné, Jupiter faisait resplendir son sceptre au sommet d'une grande colonne et le désastre de la patrie, préparé par le fer et le feu, était par la voix

des Allobroges? révélé aux Péres et au peuple. XIII. C'est donc avec raison que les anciens, dont vous conservez des souvenirs, qui dirigeaient les peuples et les villes

dans

la mesure

et la vertu,

c'est

avec

raison aussi que vos ancétres, qui se distinguaient par la piété et la droiture et l'emportaient de loin sur tous les autres par leur sagesse, ont principalement honoré les dieux à la majestueuse puissance. Cela, du reste, a été profondément compris, avec une attention pénétrante, par ceux qui ont consacré joyeusement

leurs loisirs aux

nobles études

22 et qui, sous

les ombrages de l'Académie et dans le Lycée brillant d'huile, ont répandu les lumineuses doctrines de leur esprit fécond. Arraché à eux dés la premiere fleur de ta jeunesse, la patrie t'a placé au cœur des lourdes tâches

de la vertu*. Pourtant, quand tu cherches à apaiser par le repos les soucis qui te tourmentent, le temps que la patrie te laisse libre, c'est à ces études, c'est à nous‘? que tu l'as toujours consacré®. » Pourras-tu donc te résoudre à contredire mon exposé sur la divination, toi qui as fait ce que tu as fait et écrit avec tant de soin les vers que je viens de réciter 7 23 Comment ! Tu demandes, Carnéade, pourquoi ces faits se produisent ainsi et en vertu de quel art ils peuvent étre élucidés ? J'avoue n'en tien

14

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS — XII-21— XIIL-23 21 Haec tardata diu species multumque morata

60

consule te tandem celsa est in sede locata,

atque una fixi ac signati temporis hora Iuppiter excelsa clarabat sceptra columna, et clades patriae flamma ferroque parata uocibus Allobrogum patribus populoque patebat. XIII. Rite igitur ueteres, quorum monumenta tenetis, qui populos urbisque modo ac uirtute regebant, rite etiam uestri, quorum pietasque fidesque praestitit et longe uicit sapientia cunctos, praecipue coluere uigenti numine diuos. Haec adeo penitus cura uidere sagaci otia qui studiis laeti tenuere decoris, 22 inque Academia umbrifera nitidoque Lyceo fuderunt claras fecundi pectoris artis. E quibus ereptum primo iam a flore iuuentae te patria in media uirtutum mole locauit. Tu tamen, anxiferas curas requiete relaxans, quod patriae uacat his studiis nobisque sacrasti. Tu igitur animum poteris inducere contra ea quae a me disputantur [et] de diuinatione dicere, qui et gesseris ea quae gessisti, et ea quae pronuntiaui accuratissume scripseris ? 23 Quid ? Quaeris, Carneades, cur haec ita fiant aut qua arte perspici possint ? Nescire me fateor,

21 consule te AV*P F*M : consul te BF* consulet e V^ consulet et H | 21 3 atque — hora : om. P, add. mg. B || et Hottinger : at BFM VHP ad A ac L Eg | parata BF"M H : paiata B^ parati πὸ patata AV putata 17^ patrata P | populoque Rom. Ven. : -lusque B^ AV" -lisque B*FM VFHP | quorum — uestri om. ἢ j populos B"*FM V* : -lus B* AV*P | uigenti BF A : uiginti B'*M VP ingenti H | numine ΑΚ ἪΡ MF. : nom- BFM* VF, 22 relaxans Madvig : -xas codd. | patriae codd. : -ina Davies Courtney | uacat, his 4x Giomini : uacat iis M^ uocatis BFM"* AV*H uocis V* uotis P uacat, id Madvig Soubiran || sacrasti : sacrastis V || pr. et del. Aldus.

65

70

75

XIII-23-XIV-24.

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

15

savoir, mais j'affirme que, toi-méme, tu constates leur réalité. —

C'est l’œuvre du hasard, dis-tu. —

Ah oui!

vraiment ? le hasard peut-il effectuer quelque chose qui posséde tous les caractéres de la vérité ? Le jet de quatre osselets peut donner par hasard le coup de Vénus : penses-tu aussi que, si l'on jette quatre cents osselets, le hasard produira cent coups de Vénus ? Des couleurs répandues à l'aveuglette sur un tableau peuvent représenter les contours d'un visage; penses-tu aussi que par une telle aspersion fortuite on puisse obtenir, dans toute sa beauté, la Vénus de Cos" ? Si une truie, de son groin, a tracé sur le sol la lettre A, iras-tu pour autant imaginer qu'elle peut écrire l'Andromaque d'Ennius! ? Carnéade prétendait que dans les carriéres de Chios on avait fendu un rocher et vu apparaitre la tête d'un jeune Pan ; c'était, je crois, quelque forme approchante,

mais sûrement pas une tête digne de Scopas". En effet les choses sont ainsi faites que jamais le hasard n'imite parfaitement la réalité. XIV. 24 — Mais parfois les prédictions ne s'accomplissent pas. — Quel est donc l'art qui échappe à l'erreur ? Je veux parler des arts qui dépendent de

la conjecture et relèvent de l'opinion? Faut-il penser que la médecine n'est pas un art? Pourtant elle se trompe en bien des occasions. Et les pilotes, ne se trompent-ils pas quelquefois ? L'armée des Achéens et tous ceux qui dirigeaient les navires n'ont-ils pas quitté Ilion « joyeux du départ et contemplant les ébats des poissons », comme le dit Pacuvius", « sans pouvoir se rassasier du spectacle » ?

15

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

— XIII23- XIV-24

euenire autem te ipsum dico uidere. — Casu, inquis. - Itane uero ? Quicquam potest casu esse factum quod omnes habet in se numeros ueritatis ? Quattuor tali iacti casu Venerium efficiunt ; num etiam centum Venerios, si quadringentos talos ieceris, casu futuros putas?

Aspersa temere pigmenta efficere possunt ; num

in tabula oris liniamenta

etiam Veneris Coae

pulchritu-

dinem effici posse aspersione fortuita putas ? Sus rostro si humi A litteram impresserit, num propterea suspicari poteris Andromacham Enni ab ea posse describi ? Fingebat Carneades in Chiorum lapicidinis saxo diffisso caput extitisse Panisci ; credo, aliquam non dissimilem

figuram, sed certe non talem ut eam factam a Scopa diceres. Sic enim se profecto res habet ut numquam perfecte ueritatem casus imitetur. XIV. 24 - At non numquam ea quae praedicta sunt minus eueniunt. — Quae tandem id ars non habet ? Earum dico artium quae coniectura continentur et sunt opinabiles. An medicina ars non putanda est? Quam tamen multa fallunt. Quid ? Gubernatores nonne falluntur? An Achiuorum exercitus et tot nauium rectores non ita profecti sunt ab Ilio ut « profectione laeti piscium lasciuiam intuerentur », ut ait Pacuuius,

« nec tuendi satietas capere posset » ?

23 tert. casu H”° : -sum BFM AVH"P || ieceris Eg, Rom. Ven. : eieceris codd. (eic- H) || quart. casu AVHP : -sus BFM || efficere : effingere V?*

| Coae Crat. : cohe H ( ?) co(a)eque BF V quoque 4 aeque P quo M | effici : effingi V" | fortuita om. P | lapicidinis V^ : lapidicinis AV*P lipicidinis H | eam : esse £ | imitetur : -tatur A. 24 tamen om. F | ait : aut H | pacuuius ΨΚ Ἢ : p. quius B" 4 B'* p. cuius F V^ pquoius P pacuius M | posset Rom. Ven. : -sit

aeque BFM quius codd.

XIV-24—XV-27

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

16

« Cependant, le soleil étant prés de se coucher, la mer se hérisse, les ténébres redoublent, la noirceur de la nuit

et des nuages fait obstacle à la vue". » Le naufrage de tant de chefs et de rois si illustres a-t-il donc ruiné l'art de piloter? La science du commandement militaire est-elle réduite à néant parce que récemment un trés grand général a fui et perdu son armée ? N'y a-t-il plus ni méthode ni savoir-faire en politique parce que Pompée a commis beaucoup d'erreurs, Caton un certain nombre et toi-même quelques-unes ? [Il en va de méme pour les réponses des haruspices" et pour toute divination fondée sur l'opinion ; elle s'appuie en effet sur la conjecture, au-delà de laquelle elle ne peut aller. 25 Celle-ci nous trompe peut-étre quelquefois, mais elle nous conduit le plus souvent vers la vérité ; elle remonte en effet à la nuit des temps : pendant des siécles, alors que les choses se produisaient de la méme maniére, précé-

dées des mémes signes, un nombre de fois presque incalculable, l'art s'est constitué en observant et en notant

souvent les mêmes faits. XV. Mais dans vos auspices”, quelle régularité ! Ceux-ci sont maintenant ignorés des augures romains” (soit dit sans t'offenser!), mais les Ciliciens, les Pamphyliens, les Pisidiens et les Lyciens les connaissent encore.

26 Ai-je besoin de rappeler notre hôte, le roi Déjotarus?), homme très illustre et excellent ? Il ne fait jamais rien sans prendre les auspices. Pendant un voyage qu'il avait projeté et entrepris, il fit un jour demi-tour aprés avoir été averti par le vol d’un aigle; la chambre où il aurait dü loger, s'il avait poursuivi sa route, s'écroula la nuit

suivante?', 27 C'est pourquoi, comme il me le disait lui-même, il est très souvent revenu sur ses pas en voyage,

alors méme

qu'il avait déjà fait de nombreux jours

16

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

— XIV-24- XV-27

Interea prope iam occidente sole inhorrescit mare, tenebrae conduplicantur noctisque et nimbum [occaecat nigror. Num igitur tot clarissimorum ducum regumque naufragium sustulit artem gubernandi? Aut num imperatorum scientia nihil est, quia summus imperator nuper fugit amisso exercitu ? Aut num propterea nulla est reipublicae gerendae ratio atque prudentia, quia multa Cn. Pompeium, quaedam M. Catonem, non nulla etiam te ipsum fefellerunt ? Similis est haruspicum responsio omnisque opinabilis diuinatio ; coniectura enim nititur, ultra quam

progredi non potest. 25 Ea fallit fortasse non numquam, sed tamen ad ueritatem saepissime dirigit ; est enim ab omni aeternitate repetita, in qua cum paene innumerabiliter res eodem modo euenirent isdem signis antegressis, ars est effecta eadem saepe animaduertendo ac notando. XV. Auspicia uero uestra quam constant! Quae quidem nunc a Romanis auguribus ignorantur (bona hoc tua uenia dixerim), a Cilicibus, Pamphyliis, Pisidis, Lyciis tenentur. 26 Nam quid ego hospitem nostrum, clarissumum atque optumum uirum, Deiotarum regem,

commemorem ? Qui nihil umquam nisi auspicato gerit. Qui cum ex itinere quodam proposito et constituto reuertisset aquilae admonitus uolatu, conclaue illud, ubi

erat mansurus, si ire perrexisset, proxima nocte corruit. 27 Itaque, ut ex ipso audiebam, persaepe reuertit ex itinere, cum jam progressus esset multorum dierum 24 Interea — mare : cf. Varr. apud Nonium, p. 684, 3 Lindsay. Inhorrescit - nigror : Cic. De orat. III, 157. Inhorrescit mare : Iul. Vict. Ars rhet. p. 83, 6-7 Giomini-Celentano. 24 nimbum BFM AFY' HP : -borum V? -bus 4“ | aJ. num : non M | imperatorum : -rem 5* | fugit : fuit B^". 25 fortasse om. H | ad ueritatem : a ueritate V^ || dirigit : dirigitur V* derigit Müller | pisidis Marsus : fisidiis (phi-) codd.

XV-27-XVI-29

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

17

de route. Du méme Déjotarus, voici en tout cas un trait des plus remarquables : depuis que César l'a puni en lui prenant une tétrarchie et un royaume et en lui infligeant une amende, il déclare étre néanmoins satisfait des auspices qui se sont montrés favorables lorsqu'il partait rejoindre Pompée ; en effet il a défendu avec ses armes l'autorité du Sénat, la liberté du peuple romain et la dignité de l'empire, et les oiseaux qui l'ont poussé à suivre le devoir et la parole donnée ont bien pourvu à ses intéréts ; car avant toutes

ses possessions il faisait passer la gloire. C'est lui donc qui me semble pratiquer en vérité l'art augural. Nos magistrats, quant à eux, se servent d'auspices forcés ; en effet,

lorsqu'on jette une boulette au poulet et qu'il la mange, il est inévitable qu'un petit morceau tombe de son bec ; 28 et puisque vos livres disent qu'on obtient un signe favorable (tripudium) si un peu de nourriture tombe au sol, cet auspice méme qui est forcé, comme je l'ai dit, vous

le déclarez entiérement favorable? (solistimum). Ainsi bien des augures, bien des auspices, comme le déplore

Caton, le sage fameux?,, ont été, par la négligence de votre collège, entièrement abandonnés et délaissés. XVI. Jadis on ne faisait presque rien d’important, méme à titre privé", sans prendre les auspices?, ce que révèlent maintenant encore les « preneurs d'auspices » aux mariages“, qui, ayant renoncé à la pratique, ne conservent plus que le nom. En effet, de méme qu'aujourd'hui on observe les viscéres (bien que cette méthode elle-m&me soit un peu moins en faveur qu'autrefois), alors on observait les oiseaux afin d'obtenir de bons présages pour les affaires importantes? C'est pourquoi, en ne recherchant plus les signes favorables, nous tombons sur ce qui est défectueux et funeste. 29 Ainsi Publius Claudius,

le fils d'Appius Caecus,

et

son collégue Lucius Tunius perdirent des flottes consi-

dérables** pour avoir navigué contre les auspices. Il en fut de méme pour Agamemnon ; les Achéens s'étant mis

17

DE DIVINATIONE- LIBER PRIMVS

XV-27-XVI-29

uiam. Quoius quidem hoc praeclarissimum est, quod, posteaquam a Caesare tetrarchia e/ regno pecuniaque multatus est, negat se tamen eorum auspiciorum quae sibi ad Pompeium proficiscenti secunda euenerint paenitere ; senatus enim auctoritatem et populi Romani libertatem atque imperii dignitatem suis armis esse defensam, sibique eas aues quibus auctoribus officium et fidem secutus esset bene consuluisse ; antiquiorem enim sibi fuisse possessionibus suis gloriam. Ille mihi uidetur igitur uere augurari. Nam nostri quidem magistratus auspiciis utuntur coactis ; necesse est enim offa obiecta cadere frustum ex pulli ore, cum pascitur ; 28 quod autem scriptum habetis, T aut T tripudium fieri, si ex ea quid in solidum ceciderit, hoc quoque quod dixi coactum tripudium solistimum dicitis. Itaque multa auguria, multa auspicia, quod Cato ille sapiens queritur, neglegentia collegii amissa plane et deserta sunt. XVI. Nihil fere quondam maioris rei nisi auspicato ne priuatim quidem gerebatur, quod etiam nunc nuptiarum auspices declarant, qui re omissa nomen tantum

tenent.

Nam,

ut nunc

extis

(quamquam

id

ipsum aliquanto minus quam olim), sic tum auibus magnae res imperriri solebant. Itaque, sinistra dum non exquirimus, in dira et in uitiosa incurrimus. 29 Vt P. Claudius, Appi Caeci filius, eiusque collega L. Iunius classis maxumas perdiderunt cum uitio nauigassent. Quod eodem modo euenit Agamemnoni ; qui, cum Achiui coepissent 27 quoius BFM V“P : quo eius V cuius AH | Davies : tetrarchiae regno codd. tetrarchia, regno euenerint À : — dae uenerint HP M -de uenerint BF | consuluisse B"*FM AVP : -siluisse B" coluisse H | frustrum V* fructum P M.

tetrarchia et regno Ernesti | secunda V* -da uenerint V7 frustum BF AV*H :

28 aut BFM AV'HP : hinc V? L aui Turnebus omni aui Wardle pulte Giomini | priuatim : -tum | nunc om. H | auspices Aldus : -cis AV* -ciis BEM V*HP | tum B^ AVHP : tunc B*FM | impetriri Manutius : impertiri codd. (H non excepto).

XVI-29-XVI-30

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

18

«à murmurer entre eux et à dénigrer ouvertement l'art des haruspices, il ordonne de mettre à la voile avec une rumeur favorable et des présages contraires? ». Mais pourquoi rappeler des faits anciens ? Nous voyons ce qui est arrivé à Marcus Crassus pour avoir

négligé l'annonce de signes funestes?". À ce propos, Appius”!, ton collègue, un bon augure, comme

tu me

le dis souvent, n'a pas agi à bon escient lorsqu'il a

blâmé, en tant que censeur, Gaius Ateius?, homme de bien et citoyen distingué, pour avoir annoncé des auspices mensongers (tel est le motif indiqué). Soit ; admettons que c'était son devoir de censeur, s'il estimait qu'Ateius avait menti ; mals il ne convenait pas à un augure d'ajouter que pour cette raison le peuple romain avait subi un trés grand malheur. Si en effet ce fut la cause du malheur,

la faute ne réside

pas en celui qui annonga des signes contraires, mais en celui qui n'en a pas tenu compte. En effet, la vérité de l'annonce, c'est la suite des événements qui l'a prouvée,

comme le dit le même augure et censeur ; si l'annonce avait été fausse, elle n'aurait pas pu fournir une cause de malheur.

En

effet, les auspices

funestes,

comme

tous les autres auspices, comme les présages verbaux, comme tous les signes, ne fournissent pas la cause pour laquelle un événement a lieu, mais ils annoncent ce qui aura lieu si on ne prend pas de précautions. 30 Ce n'est donc pas l'annonce d'Ateius qui a produit la cause du malheur, mais, en lui opposant un signe, elle a averti Crassus de ce qui arriverait s’il ny prenait garde. Ainsi, ou bien cette annonce n'avait aucune valeur, ou bien, si, comme Appius le pense, elle avait de la valeur, sa valeur était de telle nature que le coupable n'est pas celui qui a donné l'avertissement, mais celui qui l'a négligé.

18

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

— XVI-29-XVI-30

inter sese strepere aperteque artem obterere extispicum, soluere imperat secundo rumore aduersaque aui. Sed quid uetera ? M. Crasso quid acciderit uidemus, dirarum obnuntiatione neglecta. In quo Appius, collega tuus, bonus augur, ut ex te audire soleo, non satis scienter uirum bonum et ciuem egregium censor C. Ateium notauit, quod ementitum auspicia subscriberet. Esto ; fuerit hoc censoris, si iudicabat

ementitum ; at illud minime auguris quod adscripsit ob eam causam populum Romanum calamitatem maximam cepisse. Si enim ea causa calamitatis fuit, non in eo est culpa qui obnuntiauit, sed in eo qui non

paruit. Veram enim fuisse obnuntiationem, ut ait idem augur et censor, exitus adprobauit ; quae si falsa fuisset,

nullam adferre potuisset causam calamitatis. Etenim dirae, sicut cetera auspicia, ut omina, ut signa, non causas adferunt cur quid eueniat, sed nuntiant euentura

nisi prouideris. 30 Non igitur obnuntiatio Atei causam finxit calamitatis,

sed signo obiecto monuit

Crassum

quid euenturum esset nisi cauisset. Ita aut illa obnuntiatio nihil ualuit aut, si, ut Appius iudicat, ualuit, id ualuit ut peccatum haereat non in eo qui monuerit, sed in eo qui non obtemperarit.

29 inter sese Davies Timpanaro (metri causa) : i. se codd. | extispicum BFM AV" : extispiscium HV*P | ateium Manutius : (a)et(h)eium codd. | subscriberet : subscripserit (ex -et) P | iudicabat : -bit £7 || fuisset Eg, Marsus : -sent codd. | potuisset B* AVP : -sent B"FM H | dirae Marsus : dira codd. | sicut V : sicut et BFM AHP sicutei Klotz

sicuti Kayser | omina HY? : in omina Κ΄ in omnia BFM AP | adferunt AVHP : -rant BFM (ex -- rent M). 30 obnuntiatio : abrenuntio pro P || atei : (a)et(h)ei codd. || pr. aut AVHP : ut BFM | obnuntiatio post ualuit transp. H || pr. ut om. H.

XVIL30- XVII-32.—

XVII.

DELADIVINATION- LIVRE PREMIER

19

Et votre bâton augural? (lituus), qui est

l'insigne le plus célébre de l'augurat, d'ou l'avez-vous reçu ? C'est avec lui, n'est-ce pas? que Romulus a délimité les régions du ciel lorsqu'il fonda Rome. Ce lituus de Romulus, c'est-à-dire un bâton recourbé, qui

s'infléchit légérement au sommet, ainsi appelé pour sa ressemblance

avec le /ituus dont

on joue, se trouvait

dans la curie des Saliens?*, qui est située sur le Palatin ; celle-ci ayant brülé entiérement, on le retrouva intact.

31 Mais quoi ? lequel des anciens historiens ne raconte comment, bien des années aprés Romulus, sous le régne de Tarquin l'Ancien, Attus Navius détermina des régions au moyen du báton augural? ? Dans son enfance, à cause de sa pauvreté, il menait paître les truies ; ayant perdu l'une d'elles, dit-on, il fit vœu, s'il la retrouvait,

de donner au dieu la plus grosse grappe de sa vigne. C'est pourquoi, ayant trouvé Ja truie, il se plaga, dit-on, au centre de la vigne,

tourné

vers le midi ; quand

il

eut divisé la vigne en quatre parties et que les oiseaux eurent écarté trois d'entre elles, il partagea la quatrième, celle qui restait, en régions et découvrit, comme

nous

l'apprenons dans les livres, une grappe d’une grosseur étonnante. La nouvelle s’en répandit et, comme tous les voisins

le consultaient

sur leurs affaires,

grands

étaient son renom et sa gloire. 32 Il arriva donc que le roi Tarquin le fit venir devant lui. Voulant mettre à l'épreuve sa connaissance de l'art augural,

il lui dit

qu'il avait en tête un projet ; il lui demanda si cela pouvait se faire. Attus, ayant pris les augures, répondit que c'était possible. Mais Tarquin dit qu'il avait pensé qu'on pourrait couper une pierre avec un rasoir; il ordonna alors à Attus de tenter l'expérience. C'est

ainsi qu'une pierre apportée sur le comitium fut, sous les regards du roi et du peuple, tranchée en deux par un rasoir. En conséquence Tarquin prit Attus Navius

19

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XVII-30 - XVII-32

XVII. Quid ? Lituus iste uester, quod clarissumum est insigne auguratus, unde uobis est traditus ? Nempe eo Romulus regiones direxit tum cum urbem condidit. Qui quidem Romuli lituus, id est incuruum et leuiter a summo inflexum bacillum, quod ab eius litui quo canitur similitudine nomen inuenit, cum situs esset in

curia Saliorum quae est in Palatio eaque deflagrauisset, inuentus est integer. 31 Quid ? Multis annis post Romulum, Prisco regnante Tarquinio, quis ueterum scriptorum non loquitur quae sit ab Atto Nauio per lituum regionum facta discriptio ? Qui cum propter paupertatem sues puer pasceret, una ex iis amissa, uouisse dicitur, si recuperasset, uuam se deo daturum quae maxima esset in uinea ; itaque, sue inuenta, ad

meridiem spectans in uinea media dicitur constitisse, cumque in quattuor partis uineam diuisisset trisque partis aues abdixissent, quarta parte, quae erat reliqua, in regiones distributa, mirabili magnitudine uuam, ut scriptum uidemus, inuenit. Qua re celebrata, cum uicini

omnes ad eum de rebus suis referrent, erat in magno nomine et gloria. 32 Ex quo factum est ut eum ad se rex Priscus arcesseret. Cuius cum temptaret scientiam auguratus, dixit ei cogitare se quiddam ; id possetne fieri consuluit. Ille augurio acto posse respondit. Tarquinius autem dixit se cogitasse cotem nouacula posse praecidi ; tum Attum iussisse experiri. Ita cotem in comitium allatam inspectante et rege et populo nouacula esse discissam. Ex eo euenit ut et Tarquinius 30 clarissumum : -me B* || regiones AVHP M : religiones BF | direxit A : dixerit BFM VHP | id est — inuenit ut glossema secl. Lambinus Pease | a summo iter. BF". 31 atto Orelli : at(thio BFM AVP acio H | discriptio Halm : des- codd. | iis AVH : his BFM P | uouisse : uouisse se H | sue B'"FM A" VÆHP : suae B® siue A^*YV* | abdixissent BFM AH : obdux- V abdux- P | reliqua in : in reliqua M | regiones Eg, Lambinus : -ne codd. (F non excepto), Christ. 32 ei om. P | se ante quiddam om. F || attum B* : at(thium B*FM AVP actium H | iussisse : posse H || experiri B^ HP : expediri B"FM AV | allatam : ill- H.

XVII-32 - XVII-34

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

20

pour augure et le peuple lui demanda conseil sur ses affaires. 33 Quant à la pierre et au rasoir, nous savons qu'ils furent enfouis dans le comitium et qu'on plaga

par-dessus une margelle?". Nions tous ces faits, brülons les annales, déclarons que tout cela est imaginaire, bref, tout plutót que de reconnaitre que les dieux ont souci des affaires humaines ! Mais quoi ? ce que tu as écrit à propos de Tiberius Gracchus? ne confirme-t-il pas la science des augures et celle des haruspices? Ayant, par mégarde, placé défectueusement la tente augurale, parce qu'il avait franchi le pomerium sans

prendre les auspices, il tint les comices pour l'élection des consuls”. L'histoire est bien connue et toi-même tu l'as mise par écrit. Mais Tiberius Gracchus, augure

lui-même, confirma l'autorité des auspices en reconnaissant son erreur et un grand crédit fut accordé à la science des haruspices, qui, introduits au Sénat peu aprés les comices, déclarérent que celui qui les présidait n'avait pas respecté le droit. XVIII. 34 Ainsi donc, je suis d'accord avec ceux qui

ont distingué deux sortes de divination, l'une qui participe de l'art, l'autre qui n'a pas recours à lui". Ils pratiquent un art, en effet, ceux qui recherchent, par la conjecture, le sens des faits nouveaux, ou ont appris, par l'observa-

tion, le sens des faits anciens. Mais ils n'ont pas recours à l'art, ceux qui prévoient l'avenir sans utiliser la raison ni la conjecture, sans observer et noter les signes, mais grâce à une certaine excitation de leur àme ou un mouvement dégagé et libre de celle-ci : c'est ce qui arrive souvent aux réveurs et parfois à ceux qui vaticinent en état de délire, comme Bacis le Béotien, comme Epiménide de Crète,

comme la Sibylle d'Erythrées'?!, Dans cette catégorie, on doit ranger aussi les oracles, non pas ceux que l'on

20

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XVII-32- XVIII-34

augure Atto Nauio uteretur et populus de suis rebus ad eum referret. 33 Cotem autem illam et nouaculam

defossam

in

comitio

supraque

impositum

puteal

accepimus. Negemus omnia, comburamus annales, ficta

haec esse dicamus, quiduis denique potius quam deos res humanas curare fateamur ; quid ? quod scriptum apud te est de Ti. Graccho, nonne et augurum et harus-

picum comprobat disciplinam ? Qui cum tabernaculum uitio cepisset imprudens, quod inauspicato pomerium transgressus esset, comitia consulibus rogandis habuit. Nota res est et a te ipso mandata monumentis. Sed et ipse augur Ti. Gracchus auspiciorum auctoritatem confessione errati sui comprobauit, et haruspicum disci-

plinae magna accessit auctoritas, qui recentibus comitiis in senatum introducti negauerunt iustum comitiorum rogatorem fuisse. XVIII 34 As igitur adsentior qui duo genera diuinationum esse dixerunt, unum quod particeps esset artis, alterum quod arte careret. Est enim ars in ἧς qui nouas res coniectura persequuntur, ueteres obseruatione didicerunt. Carent autem arte ii qui non ratione

aut

coniectura

obseruatis

ac notatis

signis,

sed concitatione quadam animi aut soluto liberoque motu futura praesentiunt, quod et somniantibus saepe contigit et non numquam uaticinantibus per furorem, ut Bacis Boeotius, ut Epimenides Cres, ut Sibylla Erythraea. Cuius generis oracla etiam habenda sunt, 34 Sibylla Erythraea : Lactantius, /nst. IV, 15, 27.

32 atto : at(tio BFM AFP actio H. 33 impositum : -tam P^ | cepisset O L, Ven. : coep- codd. || quod : quo B“ | consulibus &FM** V* : -limus AV*HP M" || rogandis BFM : -antis AV*HP -atis V^ | a AVHP M : om. BF. 34 pr. et alt. iis : his codd. | dixerunt : ferunt P | ii : hi BF V*HP hit 4V* M | contigit FM AVP, Ax : -tingit A, Giomini || bacis Marsus : bac(c)his codd. | boeotius AVE" M : boetius BF H"* boeotus P.

XVIII-34 - XVIII-36

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

2]

tire au sort aprés avoir bien mélangé les tablettes! mais ceux qui sont rendus sous l’effet d’une impulsion et d’une

inspiration divines?, (Pourtant les sorts eux-mêmes ne sont pas à dédaigner'"^, s'ils ont l'autorité que donne l'ancienneté, comme c'est le cas de ceux qui sont, nous dit-on, issus de la terre. À mon avis, quand ils sont tirés, ils peuvent s'adapter à la situation d’après la volonté divine) Dans tous ces cas, les interprétes, comme les grammairiens le font pour les poétes, me semblent s'approcher au plus prés de la divination de ceux dont ils sont les interprètes. 35 Pourquoi donc cette rouerie qui consiste à vouloir détruire en les calomniant des choses rendues solides par leur ancienneté ? — Je n'en trouve pas la cause. — Peut-être est-elle cachée et enveloppée dans les mystéres de la nature. En effet la divinité n'a pas voulu que je connaisse cela, mais seulement que j'en fasse usage. J'en ferai donc usage et je ne me laisserai pas entrainer à croire que toute l'Étrurie divague à propos des viscéres, que la méme nation se trompe au sujet de

la foudre ou interpréte fallacieusement les prodiges"”, alors que souvent un grondement, souvent un mugissement souterrain, souvent un tremblement de terre ont

annoncé à notre république comme aux autres cités bien

des malheurs graves et véritables'*. 36 Et cet enfantement d’une mule dont on se moque, parce qu’un petit s'est formé dans une nature stérile, n'annonce-t-il pas, aux dires des haruspices, un incroyable enfantement

de maux"? Quant à Tiberius Gracchus, le fils de Publius, qui fut deux fois consul et censeur, qui fut aussi un éminent augure, un homme sage et un citoyen remarquable, n'a-t-il pas convoqué les haruspices, comme l'a écrit son fils Gaius Gracchus, pour avoir capturé deux serpents dans sa maison 7 51 reláchait le serpent mâle, répondirent-ils, sa femme devrait mourir peu de temps après ; s'il relâchait la femelle, c'est lui qui devrait mourir.

Gracchus pensa que c'était à lui de subir la mort, car elle venait en son temps, plutót qu'à sa jeune femme,

21

DEDIVINATIONE-LIBER PRIMVS — XVIII-34 — XVIII.36

non ea quae aequatis sortibus ducuntur, sed illa quae instinctu diuino adflatuque funduntur ; etsi ipsa sors contemnenda

non est, si et auctoritatem habet uetus-

tatis, ut eae sunt sortes quas e terra editas accepimus ;

quae tamen ductae ut in rem apte cadant fieri credo posse diuinitus. Quorum omnium interpretes, ut grammatici poetarum, proxime ad eorum quos interpretantur diuinationem uidentur accedere. 38 Quae est igitur ista calliditas, res uetustate robustas calumniando uelle peruertere ? — Non reperio causam. — Latet fortasse obscuritate inuoluta naturae ; non enim me deus ista scire, sed his tantum modo uti uoluit. Vtar

igitur nec adducar aut in extis totam Etruriam delirare aut eandem gentem in fulgoribus errare aut fallaciter portenta interpretari, cum terrae saepe fremitus, saepe mugitus, saepe motus multa nostrae rei publicae, multa ceteris ciuitatibus grauia et uera praedixerint. 36 Quid ? qui inridetur partus hic mulae nonne, quia fetus extitit in sterilitate naturae, praedictus est ab haruspicibus incredibilis

partus

malorum 7 Quid ? Ti.

Gracchus,

Publi filius, qui bis consul et censor fuit, idemque et summus augur et uir sapiens ciuisque praestans, nonne, ut C. Gracchus, filius eius, scriptum reliquit, duobus anguibus domi comprehensis haruspices conuocauit ? Qui cum respondissent, si marem emisisset, uxori breui tempore esse moriendum, si feminam, ipsi, aequius esse censuit se maturam oppetere mortem quam P. Africani

34 et del. Schütz Pease || ductae BFM AV : eductae HP | apte BM AH : -tae VP F | diuinationem codd., Giomini : diuinitatem Hottinger Ax diuinam rationem Schäublin. 35 adducar : ut rear mg. add. V | aut eandem — errare om. B^ || fremitus : nutis H^ nutus A?° (sepe nutus postea deletum est) || pr. multa : multe B. 36 pr. quid : quod H || fetus : f. hic V? | naturae : natura B | malorum : mulorum Z | ti. gracchus : tibi gr. codd. | idemque AVHP FFM : iidemque BF* | c. gracchus Ven. : -g: gr. codd. || aequius : equus 5.

XVIII-36 — XIX-38

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

22

la fille de Scipion l’Africain ; il relâcha le serpent femelle

et mourut quelques jours plus tard'®. XIX. Moquons-nous des haruspices, déclarons-les vains et futiles, méprisons ceux dont un homme très sage et la réalité des faits ont confirmé la science, condamnons aussi Babylone et ceux qui, observant les constellations du haut du Caucase, suivent et calculent la trajectoire

des astres'®, condamnons-les, dis-je, pour leur sottise, leur légèreté ou leur impudence, eux qui, comme ils le disent eux-mêmes,

conservent

enfermé

dans

leurs

archives le souvenir de quatre cent soixante-dix mille

années!!°, estimons qu'ils mentent et ne redoutent pas ce que sera le jugement des siècles futurs à leur endroit. 37 Soit, ce sont des barbares vains et trompeurs ; mais est-ce que l’histoire grecque elle aussi peut mentir ?

Les réponses d'Apollon Pythien à Crésus!!!, pour parler de la divination naturelle, ses réponses aux Athéniens, aux

Lacédémoniens,

aux Tégéates,

aux Argiens,

aux

Corinthiens!?, qui les ignore ? Chrysippe a recueilli d'innombrables oracles, et toujours avec un garant et témoin

digne de foi; comme

tu les connais

bien, je

les laisse de cóté ; je ne défends qu'un seul point : jamais le fameux oracle de Delphes n'aurait été si fréquenté et si célébre, ni rempli par tant d'offrandes venant de tous les peuples et de tous les rois si chaque époque n'avait éprouvé la vérité de ses oracles. 38 — Depuis longtemps

il n'a plus le même rayonnement. — Ainsi donc, de méme qu'aujourd'hui il a moins de gloire parce qu'il ne se distingue plus par la vérité de ses oracles, de même jadis il n'aurait jamais connu une telle gloire s’il n'avait dit l'exacte vérité. Ce fameux pouvoir issu de la terre, qui excitait l'esprit de la Pythie sous l'effet d'un souffle divin, a pu s'évanouir du fait de l'ancienneté", de méme que nous voyons certains fleuves s'évanouir et tarir, ou bien se détourner et s'infléchir dans une autre

22

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XVIII-36 - XIX-38

filiam adulescentem ; feminam emisit, ipse paucis post diebus est mortuus. XIX.

Inrideamus

haruspices,

uanos,

futtiles

esse

dicamus quorumque disciplinam et sapientissimus uir et euentus ac res comprobauit contemnamus ; etiam Babylonem et eos qui e Caucaso caeli signa seruantes numeris [et motibus] stellarum cursus persequuntur ; condemnemus, inquam, hos aut stultitiae aut uanitatis aut impudentiae,

qui

quadringenta

ipsi

septuaginta

milia

annorum,

ut

dicunt, monumentis comprehensa continent, et mentiri

iudicemus nec saeculorum reliquorum iudicium quod de ipsis futurum sit pertimescere. 37 Age, barbari uani atque fallaces ; num etiam Graiorum historia mentita est ? quae Croeso Pythius Apollo, ut de naturali diuinatione dicam, quae Atheniensibus, quae Lacedaemoniis, quae Tegeatis, quae Argiuis, quae Corinthiis responderit, quis ignorat ? Collegit innumerabilia oracula Chrysippus nec ullum sine locuplete auctore atque teste ; quae, quia

nota tibi sunt, relinquo ; defendo unum hoc : numquam illud oraclum Delphis tam celebre et tam clarum fuisset neque tantis donis refertum omnium populorum atque regum, nisi omnis aetas oraclorum illorum ueritatem esset experta. 38 — Idem iam diu non facit. — Vt igitur nunc minore gloria est, quia minus oraculorum ueritas excellit, sic tum, nisi summa ueritate, in tanta gloria non fuisset. Potest autem uis illa terrae, quae mentem Pythiae diuino adflatu concitabat, euanuisse uetus-

tate, ut quosdam euanuisse et exaruisse amnes aut in 36 quadringenta — comprehensa : Lactantius, Inst. VII, 14, 4. 36 condemnemus add. Vahlen | babylonem : babilonios P | e om. P | signa om. F | et motibus codd., del. Christ Pease Giomini | impudentiae Lambinus : impr. codd. || quadringenta AVHP"*M : quadraginta ΒΕ" P* quadringinta FF. 37 uani om. P | tegeatis Marsus : tagyeatis BF t(h)aygetis AV targetis H tayetis P thagretis M (τ exp.). 38 tum AVHP : tunc BFM.

XIX-38-XX-40

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

23

direction. Mais qu'il en soit comme tu voudras (c'est en

effet une grande question), pourvu que soit maintenu ce point, que l'on ne peut contester à moins de bouleverser l'histoire tout entiére : durant de nombreux siécles cet oracle a été véridique. XX.

39

Mais

laissons

les oracles,

venons-en

aux

songes!P. Lorsqu'il traite de ce sujet, Chrysippe, en recueillant de nombreux réves de faible importance, fait la même chose qu'Antipater : il rassemble des songes expliqués selon l'interprétation d'Antiphon!'5, qui eux du moins

révélent la subtilité de l'interpréte ; mais il

aurait fallu se servir d'exemples plus grands!". La mère de Denys, tyran de Syracuse, comme nous le lisons chez

Philistus!*, un homme savant, scrupuleux et contemporain des faits, alors qu'elle était enceinte précisément de Denys, réva qu'elle avait mis au monde un petit Satyre. Les interprétes des prodiges, qu'on appelait alors en Sicile Galéotes!}”, lui répondirent, selon Philistus, que celui qu'elle mettrait au monde serait l'homme le plus célèbre de Grèce et connaitrait une longue fortune. 40 Dois-je te rappeler les légendes de nos poètes ou des poétes grecs 7 Voici en effet ce que raconte, chez

Ennius aussi, cette fameuse Vestale'? : « Et quand la vieille femme, tremblant de tout son corps, eut en hâte apporté de la lumière, Ilia, pleurant, fait alors ce récit (l'effroi l'avait tirée du sommeil) :

“Fille d'Eurydice"!, que notre père aima, vie et vigueur abandonnent maintenant mon corps tout entier. Car

jai

rêvé

qu'un

bel homme!?

m'entraínait

parmi

des lieux charmants plantés de saules, des rives, des sites

inconnus ; ensuite, demeurée seule, ὃ ma vraie sœur,

23

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

alium cursum contortos acciderit (magna enim quod negari non potest terimus : multis saeclis

ΧΙΧ.38. ΧΧ 40

et deflexos uidemus. Sed ut uis quaestio est), modo maneat id nisi omnem historiam perueruerax fuisse id oraculum.

XX. 39 Sed omittamus oracla, ueniamus ad somnia.

De quibus disputans Chrysippus, multis et minutis somniis colligendis, facit idem quod Antipater, ea conquirens quae, Ántiphontis interpretatione explicata, declarant illa quidem acumen interpretis, sed exemplis grandioribus decuit uti. Dionysi mater, eius qui Syracosiorum tyrannus fuit, ut scriptum apud Philistum est, et doctum hominem et diligentem et aequalem temporum illorum, cum praegnans hunc ipsum Dionysium aluo contineret, somniauit se peperisse Satyriscum. Huic interpretes portentorum, qui Galeotae tum in Sicilia nominabantur, responderunt, ut ait Philistus, eum quem illa peperisset clarissimum Graeciae diuturna cum fortuna fore. 40 Num te ad fabulas reuoco uel nostrorum uel Graecorum poetarum ? Narrat enim et apud Ennium Vestalis illa : Et cita cum tremulis anus attulit artubus lumen, talia tum memorat lacrimans, exterrita somno : « Eurydica prognata, pater quam noster amauit, uires uitaque corpus meum nunc deserit omne. Nam me uisus homo pulcher per amoena salicta et ripas raptare locosque nouos. Ita sola 38 acciderit F V^ : occi- B (ex acci- ?) M AV*H (an aci- ?) P. 39 omittamus : mittamus Ÿ | idem 77 : isdem BFM AV"HP || syracosiorum BF* 4*V : syracusiorum AH FFM syracusanorum P | qui : quia

V || galeotae

« uetus codex » teste Ursino

: gal(Deat(a)e codd.

||

tum B* AVHP M : tunc BF 40 et cita BFM AV" P : excita

V*H,

Flores

|| attulit artubus

: attu

artubus V! artubus attii V^ | post lumen interp. Vahlen Ax Giomini | somno : somnio P | uitaque AVHP : uiteque P uita BFM | corpus meum ἌΡ ἪΡ : m. c. B (in ras.) FM V".

XIX-38-XXI-42

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

24

il m'a semblé que j'errais, que lentement je suivais ta trace, te cherchais sans pouvoir te saisir dans mon esprit; nul sentier ne soutenait mon pas. 41 Alors je crois entendre la voix de mon pére m'interpeller en ces termes : ‘Ma fille, tu dois d'abord supporter

des épreuves ; puis, à partir du fleuve!?, ta fortune se rétablira.' Sur ces mots, Ô ma sœur, mon père s'éloigna soudain, il ne s'offrit pas à ma vue, lui que mon cœur désirait. Pourtant, longuement, je tendais les mains vers les espaces bleus du ciel, en pleurant, et j'appelais d'une voix caressante. Le sommeil vient de me quitter,

laissant mon cœur dans la peine." » XXI. 42 Bien que ce soit une fiction de poéte, elle se rapproche pourtant de ce que sont habituellement les réves. Admettons qu'il soit imaginaire aussi, ce songe qui troubla fortement Priam : « Hécube'?,

[a mère, étant enceinte,

réva qu'elle

mettait au monde une torche allumée ; à la suite de ce rêve, le père, le roi Priam lui-même, bouleversé de

crainte en son Cœur, soupirant sous le poids des soucis, ne cessait d'immoler de bélantes victimes. Puis, recherchant la faveur d'Apollon, il lui demande une interprétation, suppliant le dieu de lui apprendre à quoi tend le présage d'un tel songe. Alors, de son oracle, parlant d'une voix divine, Apollon lui fait cette réponse : que Priam s'abstienne d'élever le premier enfant qui aprés

24

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

— XX-40-XXI-42

postilla, germana soror, errare uidebar tardaque uestigare et quaerere te, neque posse

corde capessere : semita nulla pedem stabilibat. 41 Exin compellare pater me uoce uidetur his uerbis : “O gnata, tibi sunt ante gerendae aerumnae, post ex fluuio fortuna resistet". Haec effatus pater, germana, repente recessit nec sese dedit in conspectum corde cupitus, quamquam multa manus ad caeli caerula templa tendebam lacrumans et blanda uoce uocabam. Vix aegro cum corde meo me somnus reliquit. » XXI. 42 Haec, etiamsi ficta sunt a poeta, non absunt tamen a consuetudine somniorum. Sit sane etiam illud

commenticium, quo Priamus est conturbatus, quia .. mater grauida parere se ardentem facem uisa est in somnis Hecuba ; quo facto pater rex ipse Priamus somnio, mentis metu perculsus, curis sumptus suspirantibus, exsacrificabat hostiis balantibus. Tum coniecturam postulat pacem petens, ut se edoceret obsecrans Apollinem quo sese uertant tantae sortes somnium.

Ibi ex oraclo uoce diuina edidit Apollo, puerum primus Priamo qui foret 40 corde codd. : colla Vine. 41 exin AVH M : exim BF P | o gnata Asc. 1521 : cognata BFM AVP cognita H | gerendae : gerenda P ferendae Davies || uersus 12-13 inuerso ordine trad. codd., transp. Asc. 1521 | resistet : resistit P | ef(f)atus pater AV^P : fatus pater H pater effatus 8 (ex corr ? -tus s. 1) FM V* ecfatus pater Müller Skutsch | cum BFM VH, Skutsch : tum AP, Giomini | somnus reliquit : somnus relinquit ^ somne relinquis V, 42 quia Ciceroni attribuit Ribbeck | parere se BFM AVP : parere H, parere ex se Bücheler (ap. Ribbeck) Pease Ax || sumptus : -tis P | exsacrificabat BFM AVP : et sacrificabat H dis sacrificabat Vahlen | edoceret : doceret V | sese : se F7° | sortes : sororis (ex — res) F | ibi AVH**M : ubi BF sibi H* ibi enim P | primus : prius V.

XXI-42 - XXII-44

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

cela doit lui naitre"6,

3

car il serait la ruine de

25

Troie

le fléau de Pergame!?". » 43 Admettons que ce soient là, comme je l'ai dit, des songes légendaires. Ajoutons-y encore le songe d'Énée, qui dans les Annales grecques de Fabius

Pictor? se déroule, on le sait, de telle maniére que tous les exploits d’Énée, tous les événements de sa vie furent ceux qu'il avait vus pendant son sommeil. XXII. Mais voyons des exemples plus proches. De quelle nature est donc le songe de Tarquin le Superbe,

qu'il raconte lui-même dans le Brutus d'Accius!? ? 44 « Quand, à la tombée de la nuit, j'eus livré mon corps au repos, apaisant dans le sommeil mes membres alanguis, je révai qu'un berger poussait vers moi un troupeau porte-laine d'une remarquable beauté ; on choisit dans ce troupeau deux béliers du méme sang et j'immolai le plus imposant des deux ;

alors son frére'? me visa de ses cornes, il m'en frappa et sous le choc je fus culbuté. Ensuite, renversé à terre,

griévement blessé, couché sur le dos, je contemplai dans le ciel un grand, un étonnant prodige : vers la droite, le disque enflammé et rayonnant du soleil déclinait en

inversant sa course'?!. »

2

25

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXI-42 — XXII-44

postilla natus temperaret tollere : eum esse exitium Troiae, pestem Pergamo. 43

Sint

haec,

ut dixi,

somnia

fabularum,

hisque

adiungatur etiam Aeneae somnium, quod nimirum in Fabi Pictoris Graecis annalibus eiusmodi est ut omnia quae ab Aenea gesta sunt quaeque illi acciderunt ea fuerint quae ei secundum quietem uisa sunt. XXII. Sed propiora uideamus. Cuiusnam modi est Superbi Tarquini somnium, de quo in Bruto Acci loquitur ipse ? 44 Quoniam quieti corpus nocturno impetu dedi, sopore placans artus languidos, uisust in somnis pastor ad me appellere pecus lanigerum eximia pulchritudine ; duos consanguineos arietes inde eligi praeclarioremque alterum immolare me ; deinde eius germanum cornibus conitier, in me arietare, eoque ictu me ad casum dari ; exin prostratum terra, grauiter saucium,

resupinum in caelo contueri maximum ac mirificum facinus : dextrorsum orbem flammeum radiatum solis liquier cursu nouo.

42 temperaret tollere BFM AV! : temptaret tollere H tempora extollere

V? tempora P. 43 sint : sunt P | hisque AVHP M : isque BF || adiungatur : -guntur H | nimirum in Dederich Pease : in numerum codd. in nostri Hertz Giomini | propiora P M : propriora BFM* AV propria H || acci Camerarius : accius BF AV P actius H M. 44 uisust Lambinus Timpanaro : uisus est H, Giomini uisum est BFM AVP, Orelli | somnis : -niis P | pastor : -torem Orelli || appellere : -lare H | uersum pecus — pulchritudine post sequentem ponunt codd. || immolare me B AVH : immolare FMP | maximum : -me B* | liquier F : linquier BM AVH*P ]inquere H* fluere Marsus nitier Davies.

XXII-45 - XXIII-46

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

26

45 Voyons donc quelle interprétation de ce rêve fut donnée par les devins :

« Roi, ce que les hommes accomplissent dans la vie, ce qu'ils pensent,

voient,

ce dont

ils se soucient, ce

qu'ils font et agitent à l'état de veille, si cela arrive à quelqu'un pendant son sommeil, cela n'a rien d'étonnant ; mais fait si grand, les dieux ne le montrent pas

à la légére ni sans réflexion. Prends garde donc : celui dont tu juges l'esprit obtus comme celui d'un mouton pourrait avoir un cœur armé de sagesse, au-dessus du commun,

et te chasser du tróne ; car le signe qui te

fut montré à propos du soleil annonce pour le peuple un changement de régime tout proche. Puisse cela bien tourner pour le peuple ! Quant au fait que l'astre toutpuissant a pris sa course de la gauche vers la droite, il présage magnifiquement la grandeur de la république

romaine!??, » XXIII

46

Eh

bien!

revenons

maintenant

aux

exemples étrangers. La mère de Phalaris", comme l'écrit Héraclide du Pont", un homme savant, auditeur et disciple de Platon, crut voir pendant son sommeil les statues des dieux qu’elle-même avait consacrées dans sa maison : l'un de ces dieux, Mercure, d'une patére qu'il tenait dans la main droite, semblait verser du sang ;

26

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXII-45 — XXIII-46

45 Eius igitur somnii a coniectoribus quae sit inter-

pretatio facta uideamus : Rex, quae in uita usurpant homines, cogitant, curant, [uident, quaeque agunt uigilantes agitantque, ea si cul in [somno accidunt, minus mirum

est ; sed di rem tantam

haud

temere

[improuiso offerunt. Proin uide ne, quem tu esse hebetem deputes aeque [ac pecus, is sapientia munitum pectus egregium gerat teque regno expellat ; nam id quod de sole ostentum [est tibi populo commutationem rerum portendit fore perpropinquam. Haec bene uerruncent populo ! Nam [quod ad dexteram cepit cursum ab laeua signum praepotens, pulcherrume auguratum est rem Romanam publicam summam [fore. XXIIL 46 Age nunc ad externa redeamus. Matrem Phalaridis scribit Ponticus Heraclides, doctus uir, auditor et discipulus Platonis, uisam esse uidere in somnis simulacra deorum quae ipsa [Phalaris] domi consecrauisset ; ex iis Mercurium e patera, quam dextera

45 rex quae AV*P : reges quae BF res quae ΚΡ res quas M rerumque Z | si cui BFM AV*P : sicut V*H || accidunt : -dant 7 || mirum Neukirch : mirandum codd., Giomini || sed del. Christ Giomini || di rem tantam Neukirch Christ Giomini : in re tanta codd., Ax Davies Timpanaro | improuiso codd. : uisa se Davies Timpanaro || proin BFM AVH*' : proinde HP | deputes : -tas H || egregium codd., Timpanaro : egregie Bothe Giomini | teque : te ἢ || perpropinguam Marsus : -qua codd. | uer(r)uncent BFM AVH : aueruncent P uel indicent add. V mg. | cepit BF V : caepit 4 coepit HP M. 46 extema : exteriora P | phalaris ΒΡ ΕΜ AVHP del. Marsus : phalaridis B^ | iis B*F V : is B“A his HP M.

XXIII-46 - XXIV-48

| DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

27

celui-ci, quand il touchait terre, paraissait bouillonner si fort que toute la maison en était inondée. Ce réve de la mére, la cruauté monstrueuse du fils le confirma.

Dois-je citer, d’après l'Histoire des Perses de Dinon,

le songe de Cyrus, que les mages interprétèrent pour ce personnage éminent ? Comme pendant son sommeil il avait cru voir le soleil à ses pieds, il tenta trois fois, écrit Dinon, de le saisir dans ses mains, vainement, car

le soleil en roulant lui échappa et disparut ; les mages, tenus alors chez les Perses pour une catégorie de sages

et de savants"$, déclarérent que cette triple tentative pour saisir le soleil annonçait pour Cyrus un règne de

trente ans”. Et il en fut ainsi ; il vécut en effet jusqu'à sa soixante-dixiéme année alors qu'il avait commencé son règne à l’âge de quarante ans. 47 Assurément il y a aussi chez les peuples barbares une certaine aptitude à la prévision et à la divination,

si l'on en croit ce qui est dit de l'Indien Callanus??*. Partant vers la mort, tandis qu'il montait sur un bücher en flammes : « Admirable départ de la vie, dit-il, puisque, comme il en fut pour Hercule, mon corps mortel une fois brülé, mon àme s'élévera vers la lumiére ». Comme Alexandre lui demandait de dire ce qu'il souhaitait, i1 répondit : « Tout est pour le mieux ; je te reverrai sous peu ». Et il en fut ainsi : en effet, à Babylone, quelques jours plus tard, Alexandre

mourut!?, Je m'écarte un instant des songes, mais j'y reviendrai bientót. Il est bien établi que, la nuit οὐ brüla le temple de Diane à Éphése, cette méme nuit Alexandre naquit d'Olympias et que, quand le jour commença à poindre, les mages s'écriérent que la ruine, le fléau de

l'Asie était né la nuit précédente'^?. XXIV.

revenons

48 Voilà pour

aux

songes.

les Indiens

Hannibal,

et les mages;

écrit Coelius'"!,

27

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXIII-46 — XXIV-48

manu teneret, sanguinem uisum esse fundere ; qui, cum

terram attigisset, referuescere sanguine redundaret. Quod filii crudelitas comprobauit. illi principi interpretati sint

uideretur sic ut tota domus matris somnium immanis Quid ego quae magi Cyro ex Dinonis Persicis libris

proferam ? Nam cum dormienti ei sol ad pedes uisus esset, ter eum scribit frustra adpetiuisse manibus, cum se conuoluens sol elaberetur et abiret ; ei magos dixisse,

quod genus sapientium et doctorum habebatur in Persis, ex triplici adpetitione solis triginta annos Cyrum regnaturum esse portendi. Quod ita contigit ; nam ad septuagesimum peruenit, cum quadraginta natus annos regnare coepisset. 47 Est profecto quiddam etiam in barbaris gentibus praesentiens atque diuinans, siquidem ad mortem proficiscens Callanus Indus, cum inscenderet in rogum ardentem, « O praeclarum discessum, inquit, e uita, cum, ut Herculi contigit, mortali corpore cremato,

in lucem animus excesserit ! » Cumque Alexander eum rogaret,

si quid

uellet, ut diceret,

« Optume,

inquit ;

propediem te uidebo. » Quod ita contigit ; nam Babylone paucis post diebus Alexander est mortuus. Discedo parumper a somniis, ad quae mox reuertar. Qua nocte templum Ephesiae Dianae deflagrauit, eadem constat ex Olympiade natum esse Alexandrum atque, ubi lucere coepisset, clamitasse magos pestem ac perniciem Asiae proxuma nocte natam.

XXIV. 48 Haec de Indis et magis ; redeamus ad somnia. Hannibalem Coelius scribit, cum columnam 46 esse : esset 5^ | sint : sunt A^ | dinonis β΄ : dinonisi B*F AV* dynonisii V dionisi(i) HP M | libris del. Gulielmius Pease | conuoluens : uoluens Z | quod genus - in Persis : secl. Hottinger Schäublin l| contigit : -tingit δός 47 profecto : autem ἢ | inscenderet AVP : ascen- B°FM scen- B^ conscen- À | discessum inquit : i. d. P | pr ut BFM VP : in A et H | alt. contigit : -tingit B^ | diebus : dies B" | ad quae Asc. : atque codd. adque Eg | ubi B°FM APVHP : 161 B^ A* || clamitasse : clamasse A. 48 indis AVHP FM : indiis BF".

XXIV-48 - XXIV-50

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

28

voulait emporter une colonne d'or qui se trouvait dans

le sanctuaire de Junon Lacinia!* et il se demandait si elle était en or massif ou seulement dorée à l'extérieur ; il la fit perforer et, ayant découvert qu'elle était en or massif, il décida de la prendre ; mais pendant son sommeil il vit Junon qui lui ordonnait de n'en rien faire et le menagait, s'il passait outre, de lui faire perdre

aussi l'œil avec lequel il voyait bien? ; cet homme avisé ne négligea pas l'avertissement ; c'est pourquoi, avec l'or qui avait été prélevé, il fit faire une petite génisse et la placa au sommet de la colonne. 49 Voici encore

ce que l'on trouve dans l'Histoire de Silénus!*, écrite en grec, la source de Coelius'?^ (Silénus a raconté avec le plus grand soin les actions d'Hannibal) : aprés la prise de Sagonte, Hannibal réva qu'il était convoqué

par Jupiter à l'assemblée des dieux"; à son arrivée, Jupiter lui ordonna de porter la guerre en Italie et lui

donna pour guide un des membres de l'assemblée ; sous la conduite de ce dernier, il commença à s'avancer avec

son armée ; alors son guide lui recommanda de ne pas regarder derriére lui ; mais Hannibal n'y put tenir bien longtemps et, emporté par la curiosité, il se retourna ; il vit alors une béte énorme et monstrueuse, entourée de

serpents, qui partout sur son passage renversait tout, les arbres, les buissons, les toits, et saisi d'étonnement

il demanda au dieu ce qu'était un pareil monstre ; le dieu répondit que c'était la dévastation de l'Italie et il lu recommanda de continuer tout droit sans s'inquiéter de ce qui avait lieu derrière lui et dans son

dos. 50 Dans l' Histoire d' Agathoclés'"", on peut lire que le Carthaginois Hamilcar, assiégeant Syracuse", crut entendre une voix lui disant qu'il dinerait le lendemain à Syracuse ; comme ce jour commengait à briller, de

28

| DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

auream,

quae

esset in fano Iunonis

uellet dubitaretque utrum secus

inaurata,

XXIV-48 — XXIV-50

Laciniae,

auferre

ea solida esset an extrin-

perterebrauisse,

cumque

solidam

inuenisset, statuisse tollere. ΕἸ secundum quietem uisam esse Iunonem praedicere ne id faceret, minarique, si fecisset,

se curaturam

ut eum

quoque

oculum

quo

bene uideret amitteret ; idque ab homine acuto non esse neglectum ; itaque ex eo auro quod exterebratum esset buculam curasse faciendam et eam in summa columna conlocauisse. 49 Hoc iiem in Sileni, quem Coelius sequitur, Graeca historia est (is autem diligentissume res Hannibalis persecutus est) : Hannibalem, cum cepisset Saguntum, uisum esse in somnis a Ioue in deorum concilium uocari ; quo cum uenisset, louem

imperauisse ut Italiae bellum inferret, ducemque ei unum e concilio datum, quo illum utentem cum exercitu progredi coepisse ; tum ei ducem illum praecepisse ne respiceret ; illum autem id diutius facere non potuisse elatumque cupiditate respexisse ; tum uisam beluam uastam et immanem circumplicatam serpentibus, quacumque incederet, omnia arbusta, uirgulta, tecta peruertere, et eum admiratum quaesisse de deo quodnam illud esset tale monstrum, et deum respondisse uastitatem esse Italiae praecepisseque ut pergeret protinus, quid retro atque a tergo fieret ne laboraret. 50 Apud Agathoclem scriptum in historia est Hamilcarem Karthaginiensem, cum oppugnaret Syracusas, uisum esse audire uocem se postridie cenaturum

Syracusis ; cum

autem

is dies

48 laciniae Marsus : luciae AVH lucin(a)e B (-ne ex corr.) FM lyciae P | statuisse BEM AHP : -sset B^ V* — ssetque V || eum : eam B^ [| quo bene : qui bone F* | exterebratum BFM AV : et ter- H ter- P | columna BFM : -n(a)e AVHP. 49 item Lambinus : i(s)dem codd. || is F"M*^ AVHP : his ΒΕ Μη | imperauisse : -rasse P | e : in À | coepisse FM" AVH : -sset BM" cepisse P | tum — praecepisse om. P || id om. H || potuisse : posse P | immanem ΒΡ ΕΜ A'VHP : -nam B^ 4* | incederet B^FM AP V*HP : inci- B^ ATV | praecepisseque L, Rom. Ven. : praecoepisseque M* — c(oJepissetque BFM"* VHP — cipissetque À.

XXIV-50-XXV-52

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

29

grands troubles éclatérent dans son camp entre soldats

puniques et siciliens ; les Syracusains s'en aperçurent, firent irruption dans le camp à l'improviste et emmenérent

Hamilcar

vivant ; c'est ainsi que l'événe-

ment confirma le rêve. L'histoire est toute pleine de tels exemples et de plus la vie courante en regorge. 51 Mais voici un grand exemple : le fameux Publius Decius, fils de Quintus, le premier Decius à étre consul, alors qu'il était tribun militaire sous les consuls Marcus Valerius et

Aulus Cornelius? et que notre armée était bloquée par les Samnites, affrontait avec audace les périls des combats et on lui conseillait d'étre plus prudent ; alors, comme

l'attestent les annales"! il déclara avoir rêvé que, se trouvant au milieu des ennemis, il mourait en obtenant la plus grande gloire. Cette fois-là il libéra l'armée prise au piége, tout en restant indemne ; mais trois ans plus tard,

étant consul, il s’offrit en sacrifice? et contre la ligne formée par les Latins il s'élanga tout armé. Grâce à son exploit les Latins furent vaincus et anéantis. Sa mort fut si glorieuse que son fils désira connaitre le même sort. XXV.

52 Mais

venons-en

maintenant,

si tu en es

d'accord, aux songes des philosophes. Platon représente Socrate, quand il était dans la prison publique, disant à son ami Criton qu'il doit mourir deux jours plus tard ; il a vu en réve une

femme

d'une

rare beauté,

qui, l'appelant par son nom, a cité un vers d'Homére formulé à peu prés ainsi : « Le troisiéme Jour, un beau jour, te conduira jusqu'à

Phthie!?. » Cette prédiction,

le Socratique

est-il écrit, se réalisa. Xénophon

(quel homme,

quel

grand

homme !),

29

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

inluxisset, magnam seditionem Poenos et Siculos mulites esse

XXIV-50 — XXV-52

in castris eius factam ; quod

inter cum

sensissent Syracusani, improuiso eos in castra inrupisse Hamilcaremque ab iis uiuum esse sublatum : ita res somnium comprobauit. Plena exemplorum est historia, tum referta uita communis. 51 At uero P. Decius ille Quinti filius, qui primus e Deciis consul fuit, cum esset tribunus militum M. Valerio À. Cornelio consulibus, a Samnitibusque premeretur noster exercitus, cum pericula

proeliorum iniret audacius monereturque ut cautior esset, dixit, quod extat in annalibus, sibi in somnis uisum esse, cum in mediis hostibus uersaretur,

occidere cum

maxuma gloria. Et tum quidem incolumis exercitum obsidione liberauit ; post triennium autem, cum consul esset, deuouit se et in aciem Latinorum inrupit armatus. Quo eius facto superati sunt et deleti Latini. Cuius mors ita gloriosa fuit ut eandem concupisceret filius. XXV. 52 Sed ueniamus nunc, si placet, ad somnia philosophorum. Est apud Platonem Socrates, cum esset in custodia publica, dicens Critoni, suo familiari, sibi post tertium diem esse moriendum ; uidisse se in somnis pulchritudine eximia feminam quae se nomine appellans diceret Homericum quendam eius modi uersum : Tertia te Phthiae tempestas laeta locabit. Quod, ut est dictum, sic scribitur contigisse. Xenophon Socraticus (qui uir et quantus !) in ea 50 inluxisset (ill-) : luxisset À | sensissent AVHP M : senti- BF | improuiso eos : improuisos B^ | iis AV : his BFM HP. 51 consul fuit AVHP M : £. c. BF || a. edd. : aulo codd. | consulibus Eg", Rom. Ven. : consule codd. cos. Áx | sibi codd., Giomini : se sibi Müller Pease Ax | in]columis exercitum — 57 familiares iter desunt in P. 52 phthiae Marsus : pythel(a)e BFM pythlae AV phithae H | locabit B*FM V*H : -uit Βα. AV* lj ut om. codd. praeter V** || est dictum : eius d. H.

XXV-52 — XXV-54

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

30

dans le récit de l'expédition qu'il accomplit avec Cyrus le Jeune, met par écrit ses réves, qui se réalisérent de

facon étonnante"*^, 53 Dirons-nous que Xénophon est un menteur ou qu'il divague? Et Aristote, cet homme d'un génie exceptionnel et presque divin, se trompe-t-il lui-même ou veut-il tromper les autres quand il écrit que son ami Eudéme de Chypre, faisant route vers la Macédoine, arriva à Phéres, qui était une ville de Thessalie alors tout à fait célébre, mais

maintenue par le tyran Alexandre! sous une domination cruelle ? Donc, dans cette ville, Eudéme tomba si gravement malade que tous les médecins désespéraient

de le sauver ; pendant

son

sommeil

il crut

voir un jeune homme d'une beauté remarquable lui disant qu'il guérirait trés prochainement et que dans peu de jours Alexandre le tyran périrait ; Eudéme lui-même retournerait cinq ans plus tard dans sa patrie.

Aristote" écrit que les premières de ces prédictions se réalisérent aussitót : Eudéme guérit et le tyran fut assassiné

par les fréres de sa femme ; mais,

à la fin

de la cinquiéme année, alors que, d'aprés son réve, Eudéme avait l'espoir de retourner de Sicile à Chypre, il fut tué en combattant devant Syracuse ; ce réve fut donc interprété ainsi : quand l'àme d'Eudéme a quitté son corps, c'est alors qu'elle semble avoir regagné sa patrie. 54 Associons aux philosophes un homme trés savant, un poéte vraiment divin, Sophocle : comme une patére en or massif avait été dérobée dans le temple d'Hercule, il vit en songe le dieu lui-méme, qui lui révéla

l'auteur du vol; une premiére et une seconde fois il négligea l'avertissement ; mais comme le méme réve se répétait encore, il monta à l'Aréopage et soumit l'affaire ; les Aréopagites firent arréter celui qui avait été désigné par Sophocle ; l'homme, mis à la question, avoua et restitua la patére. Après cet incident le temple

fut nommé temple d'Hercule Révélateur'*?.

30

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXV-52 — XXV-54

militia qua cum Cyro minore perfunctus est sua scribit somnia, quorum euentus mirabile extiterunt. 53 Mentiri Xenophontem an delirare dicemus ? Quid ? singulari uir ingenio Aristoteles et paene diuino ipsene errat an alios uult errare, cum scribit Eudemum Cyprium familiarem suum, iter in Macedoniam facientem, Pheras uenisse, quae erat urbs in Thessalia tum admodum nobilis, ab Alexandro autem tyranno crudeli dominatu tenebatur ; in eo igitur oppido ita grauiter aegrum Eudemum fuisse ut omnes medici diffiderent ; ei uisum in quiete egregia facie iuuenem dicere fore ut perbreui conualesceret, paucisque diebus interiturum Alexandrum tyrannum, ipsum autem

Eudemum quinquennio post domum esse rediturum. Atque ita quidem prima statim scribit Aristoteles consecuta : et conualuisse Eudemum et ab uxoris fratribus interfectum tyrannum ; quinto autem anno exeunte, cum

esset spes ex illo somnioin Cyprum illum ex Sicilia esse rediturum, proeliantem eum ad Syracusas occidisse ; ex quo

ita illud somnium

esse interpretatum

ut, cum

animus Eudemi e corpore excesserit, tum domum reuertisse uideatur. 54 Adiungamus philosophis doctissimum hominem, poetam quidem diuinum, Sophoclem ; qui, cum aede Herculis patera aurea grauis subrepta esset, in somnis uidit ipsum deum dicentem qui id fecisset. Quod semel ille iterumque neglexit. Vbi idem saepius, ascendit in Arium pagum, detulit rem ; Areopagitae comprehendi iubent eum qui a Sophocle erat nominatus ; is quaestione adhibita confessus est pateramque rettulit. Quo facto fanum illud Indicis Herculis nominatum est. 53 interpretatum : Gell. XV, 13, 7. 52 qua : quam B" | scribit : -bere H. 53 eudemum : eumdemum B* | suum : sui £" | perbreui : -uiter H | ita : illa B^, Ax ista Davies | aristoteles BF FF° : -lis AV^HM | eudemi e B*FMP° AV : eundemie B" eudemiae ATH M*. 54 qui id BFM" A : quid VH M" quis Marsus || ascendit BFM AV? : scendit V/H | arium pagum BFM" V : ariopagum AM" areopagum H | areopagitae B"* AV^H : ario- B"FM VF.

XXVI-55—- XXVI-56

XXVI.

DE LA DIVINATION -LIVRE PREMIER

3]

55 Mais pourquoi emprunter mes exemples

aux Grecs ? Un je ne sais plaisent davantage. Tous les Gellius*, rapportent ce précise est celle de Coelius les Latins, comme

quoi fait que les nótres me les historiens, les Fabius, fait, mais la relation la plus : pendant la guerre contre

les grands Jeux votifs avaient lieu

pour la premiére fois, la cité fut soudain appelée aux armes ; c'est pourquoi, les jeux ayant été interrompus,

on décida de les recommencer'?.

Avant qu'ils ne

débutent et alors que le public avait déjà pris place, un esclave portant la fourche fut conduit à travers le cirque, tandis qu'on le battait à coups de verges. Par la suite un certain paysan romain eut une apparition pendant son sommeil : quelqu'un lui déclara qu'aux jeux le premier danseur ne lui avait pas plu'9^, et il lui ordonna d'aller le dire au Sénat ; mais le paysan n'osa pas. Une seconde fois il reçut le même ordre et l'apparition lui conseilla de ne pas s'exposer à sa colére ; mais méme alors il n'osa pas. Ensuite son fils mourut, et pendant son sommeil il reçut le méme avertissement pour la troisième fois. Alors, devenu lui-même infirme, il

Soumit l'affaire à ses amis et sur leur conseil se fit porter en litiére à la curie; aprés avoir raconté son réve au Sénat, il put rentrer à la maison sur ses jambes et guéri. Ainsi, la vérité du songe ayant été reconnue,

le Sénat

fit recommencer les jeux une fois encore : voilà ce que

rapporte la tradition'?'. 56 Gaius Gracchus, peut-on lire chez le même

Coelius,

a raconté à bien des gens

qu'au moment où il était candidat à la questure, son frére Tiberius lui apparut en songe et lui dit qu'il aurait beau hésiter, il devrait périr de la méme mort que lui. Coelius écrit qu'il avait appris cela lui-même avant que Gracchus ne devint tribun de la plébe et que Gracchus

en fit le récit à beaucoup'?. Que peut-on trouver de plus certain que ce réve ?

31

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS — XXVLss

XXVI-56

XXVI. 55 Sed quid ego Graecorum ? Nescio quo modo me magis nostra delectant. Omnes hoc historici, Fabii, Gellii, sed proxume Coelius : cum bello Latino ludi

uotiui maxumi primum fierent, ciuitas ad arma repente est excitata, itaque ludis intermissis instauratiui constituti sunt. Qui ante quam fierent, cumque iam populus consedisset, seruus per circum, cum uirgis caederetur, furcam ferens ductus est. Exin cuidam rustico Romano dormienti uisus est uenire qui diceret praesulem sibi non placuisse ludis, idque ab eodem iussum esse eum senatui nuntiare ; illum

non

esse ausum.

Iterum

esse

idem

jussum et monitum ne uim suam experiri uellet ; ne tum quidem esse ausum. Exin filium eius esse mortuum, eandem in somnis admonitionem fuisse tertiam. Tum illum etiam debilem factum rem ad amicos detulisse, quorum de sententia lecticula in curiam esse delatum,

cumque senatui somnium enarrauisset, pedibus suis saluum domum reuertisse. Itaque somnio comprobato a senatu ludos illos iterum instauratos memoriae proditum est. 56 Gaius uero Gracchus multis dixit, ut scriptum apud eundem Coelium est, sibi in somnis quaesturam petenti Tiberium fratrem uisum esse dicere, quam uellet cunctaretur, tamen eodem sibi leto quo ipse interisset esse pereundum. Hoc, ante quam tribunus plebi C. Gracchus factus esset, et se audisse scribit Coelius et «eum? dixisse multis. Quo somnio quid inueniri potest certius ? 56 C. uero Gracchus -- dixisse multis : cf. Plut. C. Gracchus,

55 proxume : maxime V", Wiseman | excitata itaque e. quae B" excita itaque H! || constituti : consecuti H || qui A". | cuidam : cuiquam 8“ || qui diceret B*FM A"YH : | alt. iussum recc., Ven. : uisum codd. | exin AV*H M : domum BFM : om. AVH || instauratos : -to 4. 56 petenti : om. V petere dubitanti Halm non petenti AVH : quem BFM | plebi BFM* AHY* : -bis V MF° Badali : dixisse codd., Giomini illum d. Christ d. eum | inueniri : -re B".

Y, 7.

B^FM AVIF : ante : quantae quid d. B* A exim BF V* | Klotz | quam | eum dixisse Müller Pease

XXVII-56-XXVIII-58

XXVII.

rappellent

Et

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

ces

trés

deux

songes,

fréquemment,

que

qui

32

les

Stoiciens

donc

pourrait

les mépriser ? L'un concerne Simonide!? : après avoir vu le cadavre d'un inconnu laissé à l'abandon et l'avoir inhumé, il avait l'intention de s'embarquer, mais il fut averti en songe de ne pas le faire par celui à qui il avait offert une sépulture ; s'il prenait la mer, il périrait dans un naufrage ; c'est pourquoi Simonide rentra chez lui, et tous ceux périrent qui alors prirent la mer. 57 On rapporte ainsi l'autre songe, qui est tout à fait célébre : comme

deux

Arcadiens,

des

amis,

faisaient

route

ensemble, ils parvinrent à Mégare!* ; l'un alla loger chez un aubergiste, l'autre chez un hóte. Ils dinérent et s'endormirent ; la nuit étant assez avancée, celui qui

était chez son hóte vit en songe son ami qui le priait de venir à son secours, car l'aubergiste s'apprétait à le tuer ; d'abord, terrifié par ce réve, il se leva ; puis, s'étant ressaisi et considérant qu'il fallait tenir cette vision pour négligeable, 1l se recoucha. Alors, pendant son sommeil, il vit son même ami lui demander, puisqu'il ne l'avait pas secouru de son vivant, de ne pas laisser

sa mort sans vengeance ; aprés l'avoir tué, l'aubergiste avait jeté son corps sur un chariot et l'avait recouvert de fumier ; il lui enjoignait de se tenir le lendemain matin à la porte de la ville avant que le chariot ne pût la franchir. Bouleversé par ce réve, il aborda de bon matin le charretier à la porte de la ville, lui demanda ce qu'il y avait dans son chariot ; l'autre, terrifié, s'enfuit, le mort fut retiré du fumier et l'aubergiste, dont le crime

avait été découvert, subit son châtiment. XXVIII. 58 Que peut-on qualifier de plus divin que ce réve ? Mais à quoi bon chercher plus d'exemples ou des exemples anciens ? Souvent je t'ai raconté mon réve,

32

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXVII-56 — XXVIII-58

XXVII. Quid ? illa duo somnia, quae creberrume commemorantur a Stoicis, quis tandem potest contemnere ? Vnum de Simonide : qui, cum ignotum quendam

proiectum

mortuum

uidisset

eumque

humauisset

haberetque in animo nauem conscendere, moneri uisus

est ne id faceret ab eo quem sepultura adfecerat ; si nauigauisset, eum naufragio esse periturum ; itaque Simonidem redisse, perisse ceteros qui tum nauigassent. 57 Alterum ita traditum clarum admodum somnium : cum duo quidam Arcades familiares iter una facerent et Megaram uenissent, alterum ad cauponem deuertisse, ad hospitem alterum. Qui ut cenati quiescerent, concubia nocte uisum esse in somnis ei qui erat in hospitio illum alterum orare ut subueniret, quod sibi a caupone interitus pararetur ; eum primo, perterritum somnio, surrexisse ; dein, cum se conlegisset idque uisum pro nihilo habendum esse duxisset, recubuisse ; tum ei dormienti eundem illum uisum esse rogare ut, quoniam sibi uiuo non subuenisset, mortem suam ne inultam esse

pateretur ; se interfectum in plaustrum a caupone esse coniectum

et supra stercus iniectum ; petere ut mane

ad portam adesset, prius quam plaustrum ex exiret. Hoc uero eum somnio commotum mane praesto ad portam fuisse, quaesisse ex eo quid plaustro ; illum perterritum fugisse, mortuum esse, cauponem re patefacta poenas dedisse.

oppido bubulco esset in erutum

XXVIII. 58 Quid hoc somnio dici diuinius potest ? Sed quid aut plura aut uetera quaerimus ? Saepe tibi 56 humauisset F*M AVH : humanauisset BF" | redisse : credidisse V* (ex credisse) | tum om. H || nauigassent 4"*VH M : -gasset 4% — gauissent BF. 57 familiares om. H | cauponem ue! cop- codd. || concubia : uel connu- add. V s. I. | a caupone (a cop-) : copone P || primo : -mum P® | duxisset AVEP M : dix- BF | pateretur : put- V || eum om. P || erutum esse : e. fuisse H | cauponem : cop- P 58 diuinius potest codd., Pease : p. d. 4x Giomini (clausulae causa ?) | aut plura : plura H.

XXVIII-58-XXVIII-59

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

33

souvent je t'ai entendu raconter le tien : moi, quand

je gouvernais l'Asie comme proconsul'9, je t'ai vu en réve t'avancer à cheval jusqu'à la rive d'un grand fleuve, t'élancer soudain en avant, tomber dans le fleuve et ne

plus reparaitre nulle part ; saisi de crainte, je me mis à trembler ; alors soudain tu te montras de nouveau, tout

joyeux, tu gravis sur le méme cheval la rive opposée et nous nous embrassámes. Facile est l'interprétation de ce réve, et en Asie les spécialistes me prédirent les événements qui de fait se réalisérent. 59 J'en viens maintenant à ton réve. Certes, je l'ai souvent entendu de ta bouche,

mais notre ami Sallustius/*' me l'a raconté plus souvent encore : lors de cet exil, glorieux pour nous, mais désastreux pour la patrie, tu te trouvais dans une propriété de

la plaine d'Atina!9 et tu étais resté éveillé une grande

partie de la nuit; vers l'aube enfin tu commengas à dormir d'un lourd et profond sommeil ; c'est pourquoi, bien qu'il füt urgent de se mettre en route, Sallustius ordonna à tous de faire silence et de te laisser reposer ;

te réveillant aux environs de la deuxième heure', tu lui racontas le réve que voici : comme tu errais tristement dans des lieux solitaires, il te sembla que Gaius Marius,

précédé de licteurs aux faisceaux garnis de laurier'", te demandait la cause de ce chagrin ; tu répondis qu'on te chassait par la violence de ta patrie ; il te prit alors la main droite, t'invita à garder courage, te confia au plus proche de ses licteurs pour qu'il te conduisit à

son monument"

et affirma qu'en ce lieu serait pour

toi le salut. Alors, toujours selon son récit, Sallustius

s'écria qu'un retour rapide et glorieux t'attendait et toi-même tu parus enchanté de ce rêve. Voici, de fait,

33

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXVIII-58— XXVIII-59

meum narraui, saepe ex te audiui tuum somnium : me, cum Asiae pro cos. praeessem, uidisse in quiete cum tu, equo aduectus ad quandam magni fluminis ripam, prouectus subito atque delapsus in flumen nusquam apparuisses, me contremuisse timore perterritum ; tum te repente laetum extitisse eodemque equo aduersam ascendisse ripam, nosque inter nos esse complexos. Facilis

coniectura

huius

somnii,

mihique

a peritis

in Ásia praedictum est fore eos euentus rerum qui acciderunt. 59 Venio nunc ad tuum. Audiui equidem ex te ipso, sed mihi saepius noster Sallustius narrauit, cum

in illa fuga nobis gloriosa, patriae calamitosa, in uilla quadam campi Atinatis maneres magnamque partem noctis uigilasses, ad lucem denique arte «te» et grauiter dormitare coepisse ; itaque, quamquam. iter instaret, se tamen silentium fieri iussisse neque esse passum te excitari ; cum autem experrectus esses hora secunda fere, te sibi somnium narrauisse : uisum tibl esse, cum in locis solis maestus errares, C. Marium cum fascibus

Jaureatis quaerere ex te quid tristis esses, cumque tu te patria ui pulsum esse dixisses, prehendisse eum dextram tuam et bono animo te iussisse esse lictorique proxumo tradidisse ut te in monumentum

suum

deduceret,

et

dixisse in eo tibi salutem fore. Tum et se exclamasse Sallustius narrat reditum tibi celerem et gloriosum paratum, et te ipsum uisum somnio delectari. Nam 59 fascibus laureatis : cf. Priscian. p. 498, 5-6 Keil (GLK 3). 58 pro co(n)s. BFM : procis AV prouinciis HP prouinciae Rom. Ven. | prouectus BF% AVHP : proiectus FM || delapsus : delatus H | nusquam : nunquam Η | coniectura : cetera H. 59 uilla B°M AVHP : ulla B* illa F | atinatis : atinatinatis BF" | arte te ΕΑ. Wolf Timpanaro : arte codd. | dormitare codd. : dormitare te Giomini dormire te Müller Pease | coepisse edd. : c(o)episses codd. | se tamen F.A. Wolf : te tamen codd. tamen se Giomini tamen Müller | iussisse codd. : iussisse se Müller | tristis B^F AV"HP : -tes B^ 4'*V* maestus M | tu te patria Moser Giomini : te tu p. BFM AVP, Timpanaro tu p. te H te tua p. Pease dubit. in app. | tradidisse FM AVHP : tradisse BF".

XXVIII-59 - XXIX-61

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

34

ce qu'on m'a annoncé rapidement à moi-méme : ayant appris que dans le monument de Marius on avait voté

ce magnifique sénatus-consulte concernant ton retour, sur

la proposition

du

consul,

homme

trés

illustre

et excellent, et qu'un plein théátre avait approuvé cette décision avec des cris et des applaudissements incroyables, tu déclaras que rien ne pouvait étre plus

divin que ce songe d'Atina'". XXIX. 60 — Mais bien des songes sont trompeurs!#, — Disons plutót qu'ils sont peut-étre obscurs pour nous. Mais admettons que certains soient trompeurs : que pouvons-nous dire contre les songes véridiques ? Ces derniers se produiraient beaucoup plus souvent si nous allions dormir en bonne condition. En réalité, alourdis que nous sommes par le vin et la bonne chére, nous avons des visions troubles et confuses. Considére les propos de Socrate dans la République de Platon. Voici ce qu'il dit : « Pendant que nous dormons, lorsque la partie de l'àme qui participe de la raison et de l’intelligence s'assoupit et tombe en langueur et que la partie où réside une certaine férocité, une cruauté barbare, est étourdie par l'excés de nourriture et de boisson, cette derniére se donne libre cours dans le sommeil et se déméne sans retenue. C'est pourquoi se présentent à elle toutes sortes de visions privées de sens et de raison : par exemple, elle croit s'unir charnellement à sa mère ou à tout autre individu, un homme ou un dieu, souvent une bête, et elle s’imagine aussi commettre un meurtre,

se couvrir de sang de manière impie et accomplir bien des actes impurs et hideux sans réflexion ni pudeur aucune. 61 Mais si celui qui se livre au repos a suivi un régime et un genre de vie salubres et modérés, comme la partie de son âme qui est celle de l'intelligence et de la sagesse s'anime et se redresse, rassasiée par un régal de belles pensées, comme la partie qui se nourrit de plaisirs n'est ni épuisée par les privations, ni comblée

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DEDIVINATIONE- LIBER PRIMVS

XXVIII-59 — XXIX-61

illud mihi ipsi celeriter nuntiatum est, ut audiuisses in monumento Marii de tuo reditu magnificentissumum illud senatus consultum esse factum, referente optumo et clarissumo uiro consule, idque frequentissimo theatro incredibili clamore et plausu comprobatum, dixisse te nihil illo Atinati somnio fieri posse diuinius. XXIX. 60 — At multa falsa. — Immo obscura fortasse nobis.

Sed

sint

falsa

quaedam ; contra

uera

quid

dicimus ? Quae quidem multo plura euenirent, si ad quietem integri iremus. Nunc onusti cibo et uino perturbata et confusa cernimus. Vide quid Socrates in Platonis Politia loquatur. Dicit enim : « Cum dormientibus ea pars animi quae mentis et rationis sit particeps sopita langueat, illa autem in qua feritas quaedam sit atque agrestis immanitas cum sit immoderato obstupefacta potu atque pastu, exultare eam in somno immoderateque iactari. Itaque huic omnia uisa obiciuntur a mente ac ratione uacua, ut aut cum matre corpus miscere uideatur aut cum quouis alio uel homine uel deo, saepe belua, atque etiam trucidare aliquem et impie cruentari multaque facere impure atque taetre cum temeritate et impudentia. 61 At qui salubri et moderato cultu atque uictu quieti se tradiderit, ea parte animi quae mentis et consilii est agitata et erecta saturataque bonarum cogitationum epulis, eaque parte animi quae uoluptate

59 incredibili : -le A**. 60 dicimus B^ AVHP

: -cemus B*FM || plura euenirent B°FM AHV*

:

plure uenirent B^ i^ plura uenirent P | loquatur : sequatur P | obstupefacta : extupofacta B^ extumefacta Christ | miscere : -ri V | cxuentari : -re 4”.

XXIX-61-XXX-63

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

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par la satiété (l'un et l'autre de ces états émousse d’ordinaire l'acuité de l'esprit, que notre nature manque de quelque chose ou qu'elle l'ait en surabondance), comme enfin la troisième partie de l’âme, où réside l'ardeur de la colère, est apaisée et adoucie, alors, les deux parties impulsives de l’âme étant maitrisées, il adviendra à la troisiéme partie, celle de la raison et de l'intelligence, de se mettre à briller et de se montrer pleine de vie et d'énergie pour accueillir les réves : alors s'offriront à elle dans son sommeil des visions tranquilles et véridiques. » Ce sont les paroles mêmes de Platon que j'ai traduites"*.

XXX. 62 Écouterons-nous donc plutôt Épicure!? ? En effet Carnéade, par goüt de la discussion, dit tantót

ceci, tantót cela ; mais lui dit ce qu'il pense, et il ne pense jamais rien de raffiné ni de bienséant. Le mettras-tu donc au-dessus de Platon et de Socrate ? Ceux-ci, à supposer qu'ils ne donnent pas d'arguments rationnels, vaincraient cependant, par leur seule autorité, ces piètres philosophes. Platon nous invite donc à nous préparer au sommeil en disposant notre corps de telle facon que rien n'apporte erreur et trouble à l'àme'5. Pour la méme raison, croiton, il était interdit aux Pythagoriciens de consommer des féves, car cette nourriture entraine un fort ballon-

nement, contraire à la tranquillité de l'esprit dans sa recherche du vrai'". 63 Ainsi donc, lorsque dans le sommeil l'àme est coupée de son association et de son contact avec le corps, alors elle se souvient du passé,

discerne le présent et prévoit l'avenir ; en effet le corps du dormeur est couché, pareil à celui d'un mort, mais l’âme, elle, est vivante et pleine de vigueur. Elle le sera bien davantage aprés la mort, quand elle aura quitté complètement

son corps'?. C'est pourquoi, à l'approche de la mort, elle est beaucoup plus apte à la divination. En effet ceux qui sont atteints d'une maladie grave et mortelle constatent justement l'imminence du trépas ; c'est pourquoi, bien souvent, l'image des morts se présente à leur esprit, c'est

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DEDIVINATIONE-LIBER PRIMVS

XXIX-61 - XXX-63

alitur nec inopia enecta nec satietate affluenti (quorum utrumque praestringere aciem mentis solet, siue deest naturae quippiam, siue abundat atque affluit), illa etiam tertia parte animi in qua irarum existit ardor sedata atque restincta, tum eueniet, duabus animi temerariis partibus compressis, ut illa tertia pars rationis et mentis eluceat et se uegetam ad somniandum acremque praebeat : tum ei uisa quietis occurrent tranquilla atque ueracia. » Haec uerba ipsa Platonis expressi. XXX. 62 Epicurum igitur audiemus potius ? Namque Carneades concertationis studio modo ait hoc, modo illud ; at ille quod sentit : sentit autem nihil umquam elegans, nihil decorum. Hunc ergo antepones Platoni et Socrati ? Qui ut rationem non redderent, auctoritate tamen hos minutos philosophos uincerent. Iubet igitur Plato sic ad somnum proficisci corporibus adfectis ut nihil sit quod errorem animis perturbationemque adferat. Ex quo etiam Pythagoreis interdictum putatur ne faba uescerentur, quod habet inflattonem magnam is cibus tranquillitati mentis quaerenti uera contrariam. 63 Cum ergo est somno seuocatus animus a societate et a contagione corporis, tum meminit praeteritorum, praesentia cernit, futura prouidet ; iacet enim corpus dormientis ut mortui, uiget autem et uiuit animus, Quod multo magis faciet post mortem, cum omnino corpore excesserit. Itaque adpropinquante morte multo est diuinior. Nam et id ipsum uident, qui sunt morbo graui et mortifero 62 iubet igitur — contrariam : Gell. IV, 11, 3. 61 affluit O, Orelli : effluit codd. diffluit Marsus || sedata atque restincta om. B*. 62 audiemus : -dimus A^ || modo ait (aut 77) hoc modo illud at codd., Giomini : m. hoc m. illud ait Madvig Müller Pease m. hoc m. illud at Pohlenz (ap. Ax) | tamen : tantum supra scr. M || uincerent : uicerunt V* |} pythagoreis GELLIUS (cf. diu. 1, 102 ; IL, 119) : p(b)yt(hjagoricis codd., Ax pythagoriis Giomini | habet : habent B" | quaerenti codd., Giomini : quaerentis Par Scor Eg, Lambinus. 63 prouidet : prae- V | est : est quam ante H || id om. H |j iis °F: is B AV*P his H M | student : studens 4*°.

XXX-63-XXXI-66

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

36

alors surtout qu'ils ont souci de leur gloire et ceux qui ont vécu autrement qu'ils n'auraient dû, alors surtout

se repentent de leurs fautes!?. 64 Cette clairvoyance des mourants, Posidonius? la confirme en donnant aussi l'exemple suivant : un certain Rhodien, à l'article de la mort, nomma six de ses contemporains et déclara qui d'entre eux mourrait le premier, qui le second, et ainsi de suite. Mais, selon Posidonius, les hommes révent sous

impulsion divine de trois manières différentes : en premier lieu l’âme prévoit par elle-même, du fait de sa parenté avec les dieux ; ensuite l'air est rempli d’esprits immortels, dans lesquels apparaissent comme de clairs indices de la vérité ; enfin les dieux eux-mêmes s'entretiennent avec les dormeurs. À l'approche de la mort, comme je viens de le dire, il arrive plus facilement que les àmes prédisent

l'avenir. 65 D’où la prophétie de Callanus!#!, dont j'ai déjà parlé et, chez Homère, celle d'Hector, qui annonce

en mourant la fin prochaine d'Achille!?,

XXXI. Et de fait l'usage n'aurait pas admis à la légére un mot comme « présager », si la chose, elle, n'avait aucune existence : « Mon âme présageait que je sortais pour rien, quand je quittais la maison? » Sagire en effet veut dire « sentir finement » ; c'est

pourquoi les vieilles sorciéres sont dites sagae parce qu'elles prétendent savoir beaucoup de choses, et les chiens sont qualifiés de sagaces (« au flair subtil »). Celui donc qui sent (sagit) la chose avant qu'elle ne se présente passe pour présager (praesagire), c'est-à-dire sentir à l'avance les événements futurs. 66 Il y a donc dans les âmes une faculté de présager introduite de l'extérieur et incluse selon la volonté divine. Si elle s'enflamme de façon particulièrement vive, on parle de délire, quand l'àme, détachée du corps^5, est excitée sous une impulsion divine.

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DE DIVINATIONE -LIBER PRIMVS

adfecti,

instare

mortem ; itaque

XXX-63 - XXXI-66 iis occurrunt

pleru-

mque imagines mortuorum, tumque uel maxume laudi student, eosque qui secus quam decuit uixerunt peccatorum suorum tum maxume paenitet. 64 Diuinare autem morientes illo etiam exemplo confirmat Posidonius, quod adfert, Rhodium quendam morientem sex aequales nominasse et dixisse qui primus eorum, qui secundus, qui deinde deinceps moriturus esset. Sed tribus modis censet deorum adpulsu homines somniare : uno, quod prouideat animus ipse per sese, quippe qui deorum cognatione teneatur ; altero, quod plenus aer sit immortalium animorum, in quibus tamquam insignitae notae ueritatis appareant ; tertio, quod ipsi di cum dormientibus conloquantur. Idque, ut modo dixi, facilius euenit adpropinquante morte, ut animi futura augurentur. 65 Ex quo et illud est Callani, de quo ante dixi, et Homerici Hectoris, qui moriens propinquam Achilli mortem denuntiat. XXXI. Neque enim illud uerbum temere consuetudo adprobauisset, si ea res nulla esset omnino : praesagibat animus frustra me ire, cum exirem domo. Sagire enim sentire acute est ; ex quo sagae anus, quia multa scire uolunt, et sagaces dicti canes. Is igitur qui ante sagit quam oblata res est dicitur praesagire, id est futura ante sentire. 66 Inest igitur in animis praesagatio extrinsecus iniecta atque inclusa diuinitus. Ea si exarsit acrius, furor appellatur, cum a corpore animus abstractus diuino instinctu concitatur. 65 sagire enim — canes : cf. Paul. Fest. p. 303, 2-3 Lindsay. 64 quod BFM AV : quo HP || post deinde s. 7. add. qui V || deinceps exp. F om. M | adpulsu : -so A" || altero : -rum P^ || euenit AVHP M : -niet BF. 65 qui : quia 5^ | nulla : -Ilo 5^ | ante sentire : sentire H. 66 inest om. H | praesagatio : praesatia H praesagitio Pease Giomini | inclusa : -clausa V | diuinitus : -uinus 4^ | ea om. B*°.

XXXI-66 - XXXI-67

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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« Hécube. — Mais pourquoi es-tu apparue soudain transportée de rage, les yeux flamboyants ? Où est passée cette sage modestie de vierge que tu avais naguère ? Cassandre. — Ma mére, toi qui parmi les nobles femmes

est de loin la meilleure,

me

voici

livrée au

délire prophétique'P. Car Apollon me pousse, dans ma folie, à proférer malgré moi ses oracles. Je rougis devant les vierges de mon áge ; j'ai honte de mes actes devant mon pére, homme excellent ; ma mére, j'ai pitié

de toi ; je suis mécontente de moi. Tu as donné à Priam

la meilleure descendance, excepté moi : voilà ce qui m'afflige. Dire que je suis nuisible quand ils sont utiles, que je fais obstacle quand ils obéissent ! » Ó

vers

tendres

et touchants,

si bien

adaptés

au

personnage ! 67 Mais ce n'est pas le sujet ; le passage exprime ce que je veux dire : en état de délire on prophétise la vérité. « La voici, la voici, la torche environnée de sang et d'incendie!

Bien des années, elle est restée cachée.

Citoyens, au secours, éteignez-la ! »

C'est un dieu enfermé dans le corps humain'*5, ce n'est plus Cassandre qui parle. « Et déjà sur la vaste mer on assemble une flotte rapide ; elle entraine avec elle tout un essaim de maux ; elle va venir, la troupe cruelle, avec ses navires volant

à pleines voiles, et couvrir nos rivages!?". »

37

DEDIVINATIONE- LIBER PRIMVS

— XXXI-66 — XXXI-67

Sed quid oculis rabere uisa es derepente ardentibus ? Vbi illa paululo ante sapiens uirginalis modestia 7 — Mater, optumatum multo mulier melior mulierum,

missa sum superstitiosis hariolationibus. Namque Apollo fatis fandis dementem inuitam ciet. Virgines uereor aequalis ; patris mei meum factum [pudet, optumi uiri ; mea mater, tui me miseret ; mei piget. Optumam progeniem Priamo peperisti extra me : (hoc dolet. Men obesse, illos prodesse, me obstare, illos obsequi ! O poema tenerum et moratum atque molle ! 67 Sed hoc minus ad rem ; illud quod uolumus expressum est, ut uaticinari furor uera soleat. Adest, adest fax obuoluta sanguine atque incendio. Multos annos latuit ; ciues, ferte opem et restinguite ! Deus inclusus corpore humano iam, non Cassandra loquitur. Iamque mari magno classis cita texitur ; exitium examen rapit ; adueniet, fera ueliuolantibus

nauibus complebit manus litora. 67 lamque mari magno : diu. II, 112 ; ad Att. 8, 11, 3.

66 rabere Lambinus Giomini : rapere codd., Vahlen Jocelyn | uisa es Lambinus Pease Timpanaro : uisa est codd., Jocelyn Giomini | ubi illa paululo ante sapiens Timpanaro : u. 1. paulo a. s. codd., Ax u. paulo a. s. i. Auratus Pease Giomini alii alia | uirginalis (ue! uirginali") edd. : li B*FM AVHP — le B^ | optumatum BFM* : optuma tum AFP M optima H | multo om. H | namque Ribbeck Giomini : neque me codd., Vahlen Ax meque Grotius Timpanaro nempe me Philippson | ciet AVHP M : sciet BF | uereor Maehly : uero codd. (B ex corr) | meurn factum : mecum P l| peperisti recc., Marsus : rep(p)e- codd. | men B^ AV : me B*FM HP. 67 uaticinari : -re P | ferte BFM : referte AVHP | restinguite BFM VH : -guit AP | adueniet : aduenit et V (ex corr.) | complebit P, Giomini : -uit

BFM

AVH,

Jocelyn.

XXXII-68 - XXXII-70

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

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XXXI. 68 Il peut sembler que je cite uniquement des tragédies et des légendes. Mais j'ai appris de toi-méme

un fait du méme

genre, qui, loin d'étre

imaginaire, s'est réellement passé. Gaius Coponius!**, homme

entre tous avisé et instruit, vint te trouver à

Dyrrachium, quand il commandait la flotte rhodienne en qualité de préteur, et il te rapporta la vaticination d'un rameur servant sur une quinquérème rhodienne : dans moins de trente jours, la Gréce serait baignée de sang, à Dyrrachium auraient lieu des pillages et l'on s'embarquerait avec l'intention de fuir, les fugitifs, en se retournant, auraient le triste spectacle des incendies,

mais à la flotte rhodienne était accordé un prochain retour dans sa patrie. Alors, toi-méme, tu ne fus pas sans étre ému ; quant à Marcus Varron et Marcus Caton, qui étaient présents alors, ces hommes instruits,

ils éprouvérent une violente terreur. Trés peu de jours après arriva Labiénus'?, fuyant Pharsale. Celui-ci ayant annoncé la perte de notre armée, le reste de la vatici-

nation ne tarda pas à s'accomplir. 69 En effet du blé pillé dans les greniers et répandu çà et là avait jonché les moindres rues et ruelles ; en proie à la terreur, vous vous étes embarqués soudain et pendant la nuit, en vous retournant vers la ville, vous avez vu l'incendie des navires marchands, auxquels les soldats avaient mis

le feu car ils n'avaient pas voulu suivre ; enfin, une fois abandonnés par la flotte rhodienne, vous avez compris

que le devin s'était montré véridique!^. 70 J'ai présenté le plus briévement possible les oracles obtenus en rêve et dans le délire, dont j'ai dit qu'ils ne relevaient pas de l'art. Pour ces deux sortes de divination, il y a une méme explication, qu'utilise d'ordinaire notre ami Cratippe : les àmes des hommes ont, pour une certaine partie, leur origine et leur source

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXXII-68 - XXXII-70

XXXII. 68 Tragoedias loqui uideor et fabulas. At ex te ipso non commenticiam rem, sed factam eiusdem generis audiui : C. Coponium ad te uenisse Dyrrachium, cum praetorio imperio classi Rhodiae praeesset, cum primo hominem prudentem atque doctum, eumque dixisse remigem quendam e quinqueremi Rhodiorum uaticinatum madefactum iri minus xxx diebus Graeciam sanguine, rapinas Dyrrachi et conscensionem in naues cum fuga fugientibusque miserabilem respectum incendiorum fore ; sed Rhodiorum classi propinquum reditum ac domum itionem dari. Tum neque te ipsum non esse commotum Marcumque Varronem et M. Catonem, qui tum ibi erant, doctos homines, uehementer esse perterritos. Paucis sane post diebus ex Pharsalia fuga uenisse Labienum ; qui cum interitum exercitus nuntiauisset, reliqua uaticinationis breui esse confecta. 69 Nam et ex horreis direptum effusumque frumentum uias omnis angiportusque constrauerat, et naues subito perterriti metu conscendistis et noctu ad oppidum respicientes flagrantis onerarias, quas incenderant milites quia sequi noluerant, uidebatis ; postremo a Rhodia classe deserti

uerum uatem fuisse sensistis. 70 Exposui quam breuissime potui somnii et furoris oracla, quae carere arte dixeram. Quorum amborum generum una ratio est, qua Cratippus noster uti solet, animos hominum quadam ex parte extrinsecus esse

69 angiportus : cf. Non. p. 279, 10 Lindsay. 68 dyrrachium Marsus : dyr(r)achio codd. | cum primo codd., Ax Giomini : cum primis Lambinus cumprime Davies | sanguine FM : -nem BF* AVHP | naues AVHP M : -uis BF || pharsalia AV" (ut uid.) HP M : parsalia B pars alia F pharsilia V* || uaticinationis : -nibus V 69 effusumque : et effusumque B" | angiportus : -porta NONIVS | naues AVHP M : -uis BF || subito : subito eam partemque sensum (ex diu. 1, 70) B“ | onerarias V^HP MF : honerarias AV*^ M" honorarias BF. 70 animos FFM AVHP

: -mas BF* || extrinsecus AVHP

: et e. BFM.

XXXII-70-XXXIILI-72

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

39

à l'extérieur"! (ainsi l'on se rend compte qu'il y a en dehors de nous un esprit divin, d'oü l'esprit humain est tiré) ; la partie de l'àme humaine qui comporte la sensation, le mouvement et le désir est inséparable de l'activité du corps ; mais celle qui participe de la raison et de l'intelligence atteint sa plus grande vigueur lorsqu'elle

est le plus éloignée du corps'?. 71 C'est pourquoi, aprés avoir rapporté des exemples de vaticinations et de songes véridiques, Cratippe a coutume de raisonner de la manière suivante : « S'il est vrai que sans les yeux l'office et la fonction des yeux ne peuvent exister, que parfois, d'autre part, les yeux ne remplissent pas leur fonction, celui qui méme une seule fois s'est servi de ses yeux de fagon à discerner le vrai, celui-là posséde

un sens de la vue apte à discerner le vrai. De méme, donc, s'il est vrai que sans la divination l'office et la fonction

de la divination

ne peuvent

exister,

d'autre part quelqu'un, tout en possédant tion, peut se tromper quelquefois et ne pas le vrai, il suffit, pour confirmer l'existence de tion, qu'une fois au moins quelque chose ait

que

la divinadiscerner la divinaété prédit

d'une facon excluant l'intervention du hasard. Or de tels

exemples sont innombrables ; 11 faut donc reconnaitre

qu'il y a une divination Ὁ.» XXXIII. 72 Quant aux méthodes divinatoires qui interprétent les signes par conjecture ou bien les observent et les relévent en fonction des événements,

elles sont appelées, comme je l'ai dit plus haut!*, non pas naturelles,

mais

artificielles ; en ce domaine

on

compte l'art des haruspices, des augures et des autres interprétes. Elles sont rejetées par les Péripatéticiens, mais défendues par les Stoiciens. Certaines interprétations dépendent de documents écrits et d'un savoir transmis, comme le montrent les livres étrusques traitant de l’haruspicine, de la foudre et du rituel et

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXXII-70 — XXXIII-72

tractos et haustos (ex quo intellegitur esse extra diuinum animum, humanus unde ducatur), humani autem animi eam partem quae sensum, quae motum, quae adpetitum habeat, non esse ab actione corporis seiugatam ; quae autem pars animi rationis atque intellegentiae sit

particeps, eam tum maxume

uigere cum plurimum

absit a corpore. 71 Itaque expositis exemplis uerarum uaticinationum et somniorum Cratippus solet rationem concludere hoc modo : « Si sine oculis non potest extare officium et munus oculorum, possunt autem aliquando oculi non fungi suo munere, qui uel semel ita est usus oculis ut uera cerneret, is habet sensum oculorum uera cernentium. Item igitur, si sine diuinatione non potest

et officium et munus diuinationis extare, potest autem quis, cum

diuinationem

habeat,

errare aliquando

nec

uera cernere, satis est ad confirmandam diuinationem semel aliquid esse ita diuinatum ut nihil fortuito cecidisse uideatur. Sunt autem eius generis innumerabilia ; esse igitur diuinationem confitendum est. » XXXIII. 72 Quae uero aut coniectura explicantur aut euentis animaduersa ac notata sunt, ea genera diuinandi, ut supra dixi, non naturalia, sed artificiosa dicuntur ; in quo haruspices, augures coniectoresque numerantur. Haec improbantur a Peripateticis, a Stoicis defenduntur. Quorum alia sunt posita in monumentis et disciplina, quod Etruscorum declarant et haruspicini 71 Cf. diu. IL, 107. 70 ducatur : dic- M | animi rationis BFM : a. eam partem quae r. À (uno uerbo post quae eraso) a. eam partem quae sensum (sensus 77 sensuum V^) r. VH (eam — sensus inter uncos) P, cf. diu. I, 70 supra | tum om. V. 71 si B (ex corr) FM : om. AVHP | possunt : -sint H | potest et officium codd., Timpanaro : potest officium diu. II, 107, Pease Giomini | quis cum : cum quis div. H, 107 | ut nibil : nihil ut diu. ZZ, 107 | fortuito BF AVP : -tu H M. 72 euentis FFM AMV" : uentis ΒΕ A^V*HP | dicuntur : duc- Zi || etruscorum F (ex etrustic-) V7 : et etruscorum AV" HP M

et etrusticorum B.

XXXIII-72-XXXIV-74.

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

40

aussi vos livres auguraux'? ; dans d'autres cas l'interprétation est donnée sur-le-champ par conjecture, en fonction des circonstances. Ainsi chez Homère Calchas,

qui prédit d'aprés le nombre des moineaux le nombre

d'années de la guerre de Troie$, Ainsi ce que nous lisons dans Histoire de Sulla et qui s'est passé sous tes

yeux? : comme Sulla, sur le territoire de Nole!#, faisait un sacrifice devant le prétoire, tout à coup un serpent

surgit du pied de l'autel ; 'haruspice Gaius Postumius l'engagea à prendre l'offensive avec son armée ; ayant suivi ce conseil, Sulla s'empara alors, devant la ville de

Nole, d'un trés puissant camp samnite. 73 Denys lui aussi a fait l'objet d'une conjecture, peu de temps avant le début de son règne : 1l faisait route à travers le terri-

toire de Léontini? et avait lui-même fait descendre son cheval

dans

un fleuve ; mais

le cheval,

englouti

par des tourbillons, ne reparut pas ; n'ayant pu le tirer de là malgré de trés grands efforts, Denys s'en alla, comme le dit Philistus”®, tout attristé. Mais, après avoir parcouru une certaine distance, il entendit un hennissement, il se retourna et aperçut avec joie son cheval tout fougueux ; un essaim d'abeilles s'était posé sur

sa criniére?!. Le sens de ce prodige était que Denys commencerait à régner quelques jours plus tard. XXXIV. 74 Mais quoi? peu de temps avant le désastre de Leuctres"?, quels signes furent donnés aux Lacédémoniens quand dans le sanctuaire d'Hercule des armes retentirent et que la statue du dieu ruissela d'une sueur abondante ! Mais au méme moment à Thèbes,

comme

le dit Callisthéne??,

dans

le temple

d'Hercule les battants de la porte retenus par des barres S'ouvrirent soudain d'eux-mémes et des armes qui étaient fixées aux murs furent retrouvées par terre. Au méme moment, comme on offrait un sacrifice à Trophonius près de Lébadée?", les coqs dans ce lieu se

40

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXXIII-72

et fulgurales et rituales libri, uestri etiam

- XXXIV-74

augurales ;

alia autem subito ex tempore coniectura explicantur, ut apud Homerum Calchas, qui ex passerum numero belli

Troiani annos auguratus est, et ut in Sullae scriptum historia uidemus,

quod

te inspectante factum

est, ut,

cum ille in agro Nolano immolaret ante praetorium, ab infima ara subito anguis emergeret, cum quidem C. Postumius haruspex oraret illum ut in expeditionem exercitum educeret ; id cum Sulla fecisset, tum ante oppidum Nolam florentissuma Samnitium castra cepit. 73 Facta coniectura etiam in Dionysio est, paulo ante quam regnare coepit ; qui cum per agrum Leontinum iter faciens equum ipse demisisset in flumen, submersus equus uoraginibus non extitit; quem cum maxima contentione non potuisset extrahere, discessit, ut ait Philistus, aegre ferens. Cum autem aliquantum progressus esset, subito exaudiuit hinnitum respexitque et equum alacrem laetus adspexit, cuius in iuba examen apium consederat. Quod ostentum habuit hanc uim ut Dionysius paucis post diebus regnare coeperit. XXXIV. 74 Quid? Lacedaemoniis paulo ante Leuctricam calamitatem quae significatio facta est, cum in Herculis fano arma sonuerunt Herculisque simulacrum multo sudore manauit ! At eodem tempore Thebis, ut ait Callisthenes, in templo

Herculis ualuae

clausae repagulis subito se ipsae aperuerunt, armaque, quae fixa in parietibus fuerant, ea sunt humi inuenta. Cumque eodem tempore apud Lebadiam Trophonio res 72 fulgurales AVHP M : fulgo- BF || rituales B (ex corr) FM V*P : trituales 4% arituales (an trituales ?) H tonitruales recc. | sullae : silÀ | C. edd. : G. codd. | sulla (syl-) F*M AVP : scylla BF" silla H. 73 pr. in B^ AVHP : om. B“FM | demisisset Asc. 1521 : di- codd. | philistus (fi-) 8^ AVHP : file- ΒΡῈΜ || iuba BFM AV" (S. L et mg.) H : tubae A'V*P. 74 tert. herculis FM AVHP : arculis BF" || lebadiam Cratander in mg. : thebaidam codd. (sic diu. II, 56) lebadeam Marsus.

XXXIV-74-XXXV-77

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

4]

mirent à chanter avec tant d'insistance qu'ils ne s’interrompaient jamais ; alors les augures béotiens dirent que la victoire revenait aux Thébains, puisque cet oiseau a coutume,

s'il est vaincu, de se taire, et de chanter, s'il

est victorieux. 75 À la méme époque, de nombreux signes notifiaient aux Lacédémoniens le désastre

que fut la bataille de Leuctres. En effet, une statue de Lysandre””, le plus célèbre des Lacédémoniens, se dressait à Delphes ; sur sa tête apparut soudain une couronne de plantes épineuses et sauvages; des étoiles d'or avaient été déposées à Delphes par les Lacédémoniens aprés la fameuse victoire navale de Lysandre, qui abattit la puissance d'Athénes, parce que, disait-on, pendant cette bataille, Castor et Pollux avaient

été vus au cóté de la flotte lacédémonienne ; les insignes de ces dieux, les étoiles d'or dont j'ai parlé, déposées à Delphes, tombérent peu de temps avant la bataille de Leuctres et on ne put les retrouver. 76 Mais voici qui fut, pour ces mémes Spartiates, le plus grand prodige :

ils demandaient un oracle à Jupiter de Dodone"$, l'interrogeant sur la victoire, et leurs envoyés avaient

mis en place l'urne oü se trouvaient les sorts ; mais un singe, qui faisait les délices du roi des Molosses,

dispersa et fit voler en tout sens les sorts eux-mémes

et tout ce qu'on avait préparé pour la consultation", Alors la prétresse préposée à l'oracle affirma, dit-on, que les Lacédémoniens devaient penser à leur salut, non à la victoire. XXXV. 77 Et pendant la seconde guerre punique Gaius Flaminius??, consul pour la deuxième fois,

4]

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXXIV-7A — XXXV-77

diuina fieret, gallos gallinaceos in eo loco sic adsidue canere coepisse ut nihil intermitterent ; tum

augures

dixisse Boeotios Thebanorum esse uictoriam, propterea

quod auis illa uicta silere soleret, canere si uicisset. 75 Eademque tempestate multis signis Lacedaemoniis Leuctricae pugnae calamitas denuntiabatur. Namque et in Lysandri, qui Lacedaemoniorum clarissimus fuerat,

statua, quae Delphis stabat, in capite corona subito extitit ex asperis herbis et agrestibus, stellaeque aureae quae Delphis erant a Lacedaemoniis positae post naualem illam uictoriam Lysandri qua Athenienses conciderunt, qua in pugna quia Castor et Pollux cum Lacedaemoniorum classe uisi esse dicebantur, - eorum

insignia deorum, stellae aureae quas dixi, Delphis positae, paulo ante Leuctricam pugnam deciderunt neque repertae sunt. 76 Maximum uero illud portentum isdem Spartiatis fuit quod, cum oraclum ab Ioue Dodonaeo petiuissent de uictoria sciscitantes legatique «uas? illud in quo inerant sortes collocauissent, simia,

quam rex Molossorum in deliciis habebat, et sortes ipsas et cetera quae erant ad sortem parata disturbauit et aliud alio dissupauit. Tum ea quae praeposita erat oraclo sacerdos dixisse dicitur de salute Lacedaemoniis esse, non de uictoria, cogitandum.

C.

XXXV. 77 Quid? Bello Punico secundo nonne Flaminius, consul iterum, neglexit signa rerum

74 gallinaceos B“M AVHP : -cios BF || boeotios A/dus (cf. diu. LI, 56) : boetios H boetio BFM AVP. 75 et in lysandri... statua codd. : et lysandri... statuae Lambinus (cf. diu. H, 68) | statua : statue B^ || qua in pugna om. H | quia : qua V". 76 isdem AVHP : iis- BF his- M | ioue : uno H | petiuissent : -sset 4 [| uas illud in quo Ernesti Giomini : illud in quo codd. (illud H), Giese sitellam in qua Orelli Schäublin || in quo — simia om. H || et aliud alio disturbauit post disturbauit add. P || dissupauit BF AFF : -sipauit V*H M -superauit P. 77 C. edd. : G. codd.

XXXV-77-XXXVI-78

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

42

ne négligea-t-il pas les signes de l'avenir, entrainant un grand désastre pour notre république ? Aprés avoir procédé à la lustration de son armée, il avait levé le camp en direction d'Arrétium et conduisait ses légions

à la rencontre d'Hannibal, quand lui-méme et son cheval tombérent soudain sans raison devant la statue de Jupiter Stator ; l'incident ne fit naître chez lui aucun scrupule religieux, alors que, selon l'avis des spécialistes, le signe lui avait été adressé pour le détourner d'engager

le combat??. Comme il prenait les auspices en consultant l'appétit des poulets, le pullaire?'? lui disait de retarder le jour de la bataille. Alors Flaminius lui demanda ce qu’il faudrait faire, d’après lui, si méme plus tard les poulets ne mangeaient pas. Comme l'autre avait répondu : ne pas bouger, Flaminius lui dit : « Brillants auspices, en vérité, 81 l'on peut agir quand les poulets ont faim et si l'on ne fait rien quand ils sont rassasiés ! » C'est pourquoi il ordonna de saisir les enseignes et de le suivre. Comme à ce moment le porte-enseigne de la premiére compa-

gnie de hastats? ne pouvait arracher son enseigne du sol et que plusieurs tentaient de l'aider sans résultat, Flaminius, à l'annonce de l'incident, le négligea selon

son habitude??, C'est ainsi qu'en l'espace de trois heures son armée fut taillée en pièces et que lui-même fut tué.

78 Voici encore un fait important, ajouté par Coelius?" : au moment même où avait lieu ce combat désastreux, il

y eut en Ligurie, en Gaule, dans plusieurs îles et dans toute l'Italie des tremblements de terre si violents que de nombreuses villes s’écroulèrent, qu'en maints endroits

des glissements

de terrain

se produisirent

et le sol

s'affaissa, que des cours d'eau rebroussérent chemin et

que la mer pénétra dans les fleuves?"". XXXVI. Les spécialistes font des conjectures divina-

toires certaines. Le fameux Midas de Phrygie?", qui était alors

un enfant,

dormait,

lorsque

des fourmis

entassérent des grains de froment dans sa bouche. II

42

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS XXXV.77 - XXXVI-78

futurarum magna cum clade rei publicae ? Qui exercitu lustrato cum Arretium uersus castra mouisset et contra

Hannibalem legiones duceret, et ipse et equus cius ante signum louis Statoris sine causa repente concidit nec eam rem habuit religioni, obiecto signo, ut peritis uidebatur, ne committeret proelium. Idem cum tripudio auspicaretur, pullarius diem proelii committendi differebat. Tum Flaminius ex eo quaesiuit, si ne postea quidem pulli pascerentur, quid faciendum censeret. Cum ille quiescendum respondisset, Flaminius « Praeclara uero auspicia, si esurientibus pullis res geri poterit, saturis nihil geretur ! » Itaque signa conuelli et se sequi iussit. Quo tempore cum signifer primi hastati signum non posset mouere loco nec quicquam proficeretur plures cum accederent, Flaminius re nuntiata suo

more neglexit. Itaque tribus iis horis concisus exercitus atque ipse interfectus est. 78 Magnum illud etiam, quod addidit Coelius, eo tempore ipso, cum hoc calamitosum proelium fieret, tantos terrae motus in Liguribus, Gallia compluribusque insulis totaque in Italia factos esse ut multa oppida conruerint, multis locis labes factae sint terraeque desiderint fluminaque in contrarias partes fluxerint atque in amnes mare influxerit. XXXVI. Fiunt certae diuinationum coniecturae a peritis. Midae ill Phrygi, cum puer esset, dormienti formicae in os tritici grana congesserunt. Diuitissumum

77 censeret F* : -rent BF*M AVP | censeret — quiescendum om. H | respondisset : -ssent 4% — sse H | poterit : potuit H || re nuntiata : rem nuntiatam Davies || às Victorius Giomini : is FF his BF*M AVP, Ax, om. H || concisus

BFM?*

AVH

: conscius P M".

78 proelium BFM : om. AVHP || labes B"FM VH : laues 4.85 labe P | desiderint 4, Giomini (cf. diu. I, 97) : desed- BFM VHP, Müller Pease | atque — influxerit om. H | in amnes BFM : innes A*V*P annes 4” amnes V | certae Ven. : certe codd., Christ | diuitissumum F*' : diuitissimum ἢ diuinitissumum BF"^ A" V*P diuitiis summum A^* diuinissumum V ditissumum M.

XXXVI-78-XXXVI-80

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

43

Jui fut prédit qu'il serait un jour trés riche ; et cela se réalisa. Mais quand des abeilles se posérent sur les lévres

de Platon, alors un petit enfant qui dormait dans son

berceau”, les devins répondirent que sa parole serait d'une douceur sans égale ; ainsi sa future éloquence fut prédite alors qu'il ne parlait pas encore. 79 Et Roscius, tes amours et tes délices, mentait-il lui-même ou bien tout

Lanuvium mentait-il en sa faveur ? Encore au berceau,

il était élevé dans le Solonium?", qui est une plaine du

territoire de Lanuvium ; une nuit,

à la lueur de

la lampe, sa nourrice, tirée du sommeil, s’aperçut qu'il

dormait entouré des replis d'un serpent^!*, Terrifiée par cette vision, elle poussa un cri. Mais le pére de Roscius consulta les haruspices ; ceux-ci répondirent qu'il my aurait rien de plus célébre, rien de plus fameux que cet enfant. Cette scène, Pasitélès l'a ciselée dans l'argent et

notre ami Archias l'a dépeinte dans ses vers?! Qu'attendons-nous donc ? que les dieux immortels viennent partager notre vie sur le forum, dans les rues, à

la maison ? Ils ne se montrent pas à nous en personne??, mais ils diffusent leur pouvoir au loin et sur une vaste étendue. Tantót ils l'enferment dans les profondeurs de la terre, tantót ils l'introduisent dans la nature de certains hommes. En effet la Pythie de Delphes avait l'esprit excité

par le pouvoir de la terre”! et la Sibylle par le pouvoir de sa propre nature. Et de fait ne voyons-nous pas combien grande est la variété des terres? Parmi elles, certaines apportent la mort, comme celle d'Ampsanctus chez les Hirpins et en Asie les Plutonia, que nous avons vus’? ;

il y a des portions du sol pestilentielles, d'autres salubres, d'autres qui font naitre des esprits subtils, d'autres encore des esprits obtus : tout cela a lieu par suite de la variété des climats et des différentes émanations de la terre. 80

Souvent

aussi

une

certaine

vision,

souvent

le caractére prenant

des voix ainsi que la musique

remuent

les âmes,

violemment

souvent

aussi le souci

et la crainte, comme dans le cas de cette femme? :

43

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXXVI-78-XXXVI-80

fore praedictum est ; quod euenit. At Platoni cum in cunis paruulo dormienti apes in labellis consedissent, responsum est singulari illum suauitate orationis fore : ita futura eloquentia prouisa in infante est. 79 Quid ? amores ac deliciae tuae, Roscius, num aut ipse aut pro eo Lanuuium totum mentiebatur ? Qui cum esset in cunabulis educareturque in Solonio, qui est campus agri Lanuuini, noctu lumine apposito experrecta nutrix animaduertit puerum dormientem circumplicatum serpentis amplexu. Quo aspectu exterrita clamorem sustulit. Pater autem Roscii ad haruspices rettulit, qui responderunt nihil illo puero clarius, nihil nobilius fore. Atque hanc speciem Pasiteles caelauit argento et noster expressit Archias uersibus. Quid igitur expectamus ? An dum in foro nobiscum di immortales, dum in uiis uersentur, dum domi ? Qui quidem ipsi se nobis non offerunt, uim autem suam longe lateque diffundunt, quam tum terrae cauernis includunt, tum hominum naturis implicant. Nam terrae uis Pythiam Delphis incitabat, naturae Sibyllam. Quid enim? Non uidemus quam sint uaria terrarum genera ? Ex quibus et mortifera quaedam pars est, ut et Ampsancti in Hirpinis etin Asia Plutonia, quae uidimus, et sunt partes agrorum aliae pestilentes, aliae salubres, aliae quae acuta ingenia gignant, aliae quae retusa : quae omnia fiunt et ex caeli uarietate et ex disparili adspiratione terrarum. 80 Fit etiam saepe specie quadam, saepe uocum grauitate et cantibus, ut pellantur animi uehementius, saepe etiam cura et timore, qualis est illa 79 lanuuium AHP : lanuium BFM lanuinum V || solonio Gruter (cf. diu. II, 66) : selonio codd. | qui est -- Lanuuini ut glossema secl. Frenzel (ap. Moser) Pease | lanuuini edd. : lanuini BFM AVP colaniuni H | Pasiteles Winckelmann : praxit(h)eles BFM AP praxitales H praxitelis V | terrae BFM VH : in terrae A terra P | cauernis : -nae H* | et ampsancti VHP : etam -p: sancti B4 etiam :p: sancti B*FM | plutonia AVHP : pla- BFM | uidimus Marsus : uidemus codd. | gignant : -nent Β΄ || retusa : retunsa

V

80 specie B"FM*F A : -ciae B* -cies VHP M*.

XXXVI-80-XXXVII-81

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

44

« l'esprit en délire, comme possédée par les Nymphes ou transportée par le culte de Bacchus, invoquant sur

les collines le nom de son cher Teucer?" ». XXXVII. Et cette excitation aussi montre qu'il y a dans les àmes un pouvoir divin. Démocrite affirme en effet que sans délire il n'est pas de grand poète, ce que déclare aussi Platon. Qu'il parle de délire à ce propos, si cela lui plaît, pourvu que ce délire fasse l'objet d'un

éloge, comme dans le Phèdre de Platon??. Mais quoi ? Votre éloquence dans les procés et l'action oratoire elle-méme, peuvent-elles se montrer véhémentes, vigou-

reuses et riches si l’âme méme fortement émue ? En

de l’orateur n'est pas

vérité, je l'ai souvent

remarqué

chez toi et, dans un genre plus léger, chez ton ami

Aesopus^* : il y avait tant de feu dans ses expressions et dans ses gestes qu'un pouvoir mystérieux semblait l'arracher à la pleine conscience de lui-même. 81 Souvent aussi il se présente des formes qui n'ont aucune réalité et n'offrent qu'une pure apparence ; C'est ce qui arriva, dit-on, à Brennus et à ses troupes

gauloises, quand ils menérent une guerre impie contre le sanctuaire d'Apollon à Delphes. On rapporte en effet que la Pythie rendit alors cet oracle : «Je

ferai face à cette situation

blanches?" »

avec les vierges

44

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS XXXVL80. Xxx VII-81 flexanima tamquam lymphata aut Bacchi sacris commota, in tumulis Teucrum commemorans suum.

XXXVII. Atque etiam illa concitatio declarat uim in animis esse diuinam. Negat enim sine furore Democritus quemquam poetam magnum esse posse, quod idem dicit Plato. Quem, si placet, appellet furorem, dum modo is

furor ita laudetur ut in Phaedro Platonis laudatus est. Quid ? Vestra oratio in causis, quid ? ipsa actio potest esse uehemens et grauis et copiosa, nisi est animus ipse commotior ? Equidem etiam in te saepe uidi et, ut ad leuiora ueniamus, in Aesopo, familiari tuo, tantum

ardorem uultuum atque motuum ut eum uis quaedam abstraxisse a sensu mentis uideretur. 81 Obiciuntur etiam saepe formae quae reapse nullae sunt, speciem autem offerunt ; quod contigisse Brenno dicitur eiusque Gallicis copiis, cum fano Apollinis Delphici nefarium bellum intulisset. Tum enim ferunt ex oraclo ecfatam esse Pythiam : Ego prouidebo rem istam et albae uirgines.

80 flexanima - lymphata : Varro, De ling. Lat. VII, 87. In Aesopo familiari tuo : Charis. Ars gramm.

I, 17, p. 165, 32-33 Barwick.

80 flexanima tamquam VARRO, De ling. Lat. VII, 87 (ex Antonii Augustini recens.) : flexa anima t. codd. Cic., Artigas flex animat aquam codd. Var. | aut Auratus : ut codd., Artigas || bacchi B^ (una litt. post 1 erasa ?) : bac(c)ha B°FM AVHP, Artigas || quem : quam || Platonis secl. Timpanaro | etiam om. H || ut eum F*M AVHP : et eum BF" || eum uis quaedam abstraxisse a sensu mentis codd., Ax Giomini : tum Uu. q. a. a. s. mentes Davies eum mentis 11. q. a. a. s. Postgate Pease. 81 reapse Asc. 1521 : re abse BFM AHP res ab se F | copiis : opibus H | delphici (delf-) : delficis V | ecfatam 4’ : effetam 7 (ut uid.)

ecfactam P haec fatam BFMF° A?V h. factam M".

XXXVIFSI-XXXVII-S33.

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

45

A la suite de quoi on crut voir des vierges prendre les armes et l'armée des Gaulois fut ensevelie sous

la neige. XXXVIIL1 Aristote?* pensait, quant à lui, que méme ceux qui délirent sous l'effet de la maladie et sont appelés « mélancoliques » ont dans leur âme quelque chose de prophétique et de divinatoire. Je doute, moi, qu'il faille attribuer cette faculté aux malades du cœur et aux frénétiques, car la divination est le fait d'une âme pure et non pas d'un corps défectueux. 82 Mais elle existe réellement, comme

le montre ce

raisonnement des Stoiciens?? : « S'il y a des dieux et s'ils ne révèlent pas d'avance aux hommes

les événe-

ments futurs, ou bien ils n'aiment pas les hommes,

ou

bien ils ignorent ce qui va se passer, ou bien ils pensent qu'il est inutile aux hommes de connaitre l'avenir, ou bien ils estiment qu'il n'est pas conforme à leur majesté de signifier aux hommes

l'avenir, ou bien ils ne sont

pas capables eux-mêmes de le signifier. Mais il est faux qu'ils ne nous aiment pas (ils sont en effet bienfaisants

et amis du genre humain?*), qu'ils ignorent des événements ordonnés et établis par eux-mémes, qu'il nous soit inutile de connaitre l'avenir (car nous serons plus prudents si nous le connaissons), qu'ils jugent cette táche indigne de leur majesté (1l n'y a rien, en effet, au-dessus de la bienfaisance) et qu'ils soient incapables de connaitre par avance les événements futurs. 83 Il est donc impossible qu'il y ait des dieux et qu'ils ne signifient pas l'avenir. Or il y a des dieux ; donc ils signifient l'avenir. Et, s'ils le signifient, il est impossible

45

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS XXXVIL81-XXXVIII-83 Ex quo factum ut et uiderentur uirgines ferre arma

contra et niue Gallorum

obrueretur exercitus.

XXXVIII. Aristoteles quidem eos etiam qui ualetudinis uitio furerent et melancholici dicerentur censebat habere aliquid in animis praesagiens atque diuinum. Ego autem haud scio an nec cardiacis tribuendum hoc sit nec phreneticis ; animi enim integri, non uitiosi est corporis diuinatio. 82 Quam quidem esse re uera hac Stoicorum ratione concluditur : « Si sunt di neque ante declarant hominibus quae futura sint, aut non diligunt

homines, aut quid euenturum sit ignorant, aut existumant nihil interesse hominum scire quid sit futurum, aut non censent esse suae maiestatis praesignificare hominibus quae sunt futura, aut ea ne ipsi quidem di significare possunt. At neque non diligunt nos (sunt enim benefici generique hominum amici), neque ignorant ea quae ab ipsis constituta et designata sunt, neque nostra nihil interest scire ea quae euentura sint (erimus enim cautiores, si sclemus), neque hoc alienum ducunt maiestate sua (nihil est enim beneficentia praestantius), neque

non possunt

futura praenoscere.

83 Non igitur sunt di nec significant futura. Sunt autem di ; significant ergo. Et non, si significant, nullas uias

82-83 Cf. diu. II, 101-102. 81 uirgines D*FM VH : -nis B* AP || ut et B"F* AP. Ax : et B® ut F"M VH, Giomini | obrueretur : obruetur H || haud BF : haut APP M aut δ΄ A'*V*H | an nec B AH : anne FM VP || tribuendum hoc codd., Timpanaro : h. t. Giomini et edd. ant. || alt. nec BF* AVHP : et FM. 82 futura sint : f. sunt B^ || hominum : -nes A^ (ut uid.) || quid sit futurum FM (cf. diu. II, 101) : quod s. f. B AVHP || quae sunt futura : q. sint f£. H | amici om. À | designata sunt BF VHP : d. sint 4 M || euentura sint BFM AVP : uentura sint A euentura sunt Eg, Ven. | neque hoc B^FM AVP : neque enim hoc 5* H. 83 et non si Asc. 1521 : et si non codd.

XXXVIII-83-XXXIX-86

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

46

qu'ils ne nous donnent pas les moyens de comprendre leurs signes (autrement leur annonce serait vaine), et, s'ils donnent ces moyens, il est impossible qu'il n'y ait pas de divination ; donc il y a une divination. » XXXIX.

84 Tel est le raisonnement de Chrysippe,

Diogene et Antipater?! Ainsi donc, pourquoi mettre en doute l'exacte vérité de la thése que je soutiens si j'ai en ma faveur la raison, les faits, les peuples, les nations, les Grecs,

les Barbares,

et aussi nos ancétres,

bref, si

l'on a toujours pensé ainsi, si j'ai pour moi les plus grands philosophes, les poétes, les hommes trés sages qui ont organisé des républiques ou fondé des cités? Faut-il attendre que les bêtes prennent la parole 7 L'accord de tous les hommes n'est-il pas pour nous

une garantie suffisante” ? 85 Et en vérité on n'apporte aucun argument pour montrer que les genres de divination dont je parle sont sans valeur si ce n'est qu'il parait difficile de donner la raison, la cause de chacun

d'eux. En effet, l'haruspice peut-il expliquer pourquoi une incision dans le poumon, méme si les viscéres sont

favorables, suspend l'action et la remet à un autre jour ? L'augure pourquoi le corbeau sur la droite, la corneille sur la gauche ratifient une entreprise ? L'astrologue pourquoi l'astre de Jupiter ou de Vénus en conjonction avec la lune est salutaire à la naissance des enfants, celui

de Saturne ou de Mars contraire ? Pourquoi la divinité nous avertit-elle quand nous dormons et nous négliget-elle quand nous sommes éveillés ? Et puis, quelle raison y a-t-1l pour que Cassandre, en son délire, prévoie les événements futurs et que Priam, le sage Priam, ne puisse en faire autant ? 86 Tu demandes le pourquoi de chaque chose. Fort bien ; mais ce n'est pas de cela

46

| DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXXVIIL-83-XXXIX-86

dant nobis ad significationis scientiam (frustra enim significarent) ; nec, si dant uias, non est diuinatio : est igitur diuinatio. » XXXIX. 84 Hac ratione et Chrysippus et Diogenes et Antipater utitur. Quid est igitur cur dubitandum sit quin sint ea quae disputaui uerissima, si ratio mecum facit,

si euenta,

barbari, si maiores ita putatum est, sapientissimi uiri urbes condiderunt

si populi,

si nationes,

si Graeci,

si

etiam nostri, si denique hoc semper si summi philosophi, si poetae, si qui res publicas constituerunt, qui ? An dum bestiae loquantur expec-

tamus, hominum consentiente auctoritate contenti non

sumus ? 85 Nec uero quicquam aliud adfertur cur ea quae dico diuinandi genera nulla sint, nisi quod difficile dictu uidetur quae cuiusque diuinationis ratio, quae causa sit. Quid enim habet haruspex, cur pulmo incisus etiam in bonis extis dirimat tempus et proferat diem ? Quid augur, cur a dextra coruus, a sinistra cornix faciat ratum ? Quid astrologus, cur stella Iouis aut Veneris coniuncta cum luna ad ortus puerorum salutaris sit, Saturni Martisue contraria ? Cur autem deus dormientes nos moneat, uigilantes neglegat ? Quid deinde causae sit cur Cassandra furens futura prospiciat, Priamus sapiens hoc idem facere non queat? 86 Cur fiat quidque, quaeris. Recte omnino ; sed non nunc id agitur ; fiat

85 cur a dextra — ratum : cf. Prob. ad Verg. Buc. 9, 13. 83 nec BF* AVHP : nec non F*M | non est FM HP : non non est BF AV. 84 cur om. B^ | ea om. A"* | mecum : metum B°° | si euenta : euentura B% (ut uid.) || ita om. H' | si denique — putatum est post condiderunt transp. Hottinger Schäublin | contenti F*M AVHP : -tempti BF". 85 cur a dextra : quid a d. B* quorum a d. PROBUS (ex quor ?) | a dextra : dextra P | faciat ratum : facit augurium PROBUS | moneat : moueat B° | causae sit B AVHP, Ax : causae est M, Pease Giomini causa est F | furens BFM AFVP : om. A**H.

XXXIX-86 - XL-88

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

47

qu'il s'agit maintenant ; la chose se produit-elle ou

non, voilà la question : c'est comme si je disais que l'aamant est une pierre qui appelle et attire à soi le fer, sans pouvoir t'expliquer le phénoméne, et que tu niais

complètement son existence??. Voilà ce que tu fais à propos de la divination ; pourtant nous la voyons de nos

yeux, nous la connaissons par les récits d'autrui et par nos lectures et nous l'avons reçue de nos pères. Avant la découverte de la philosophie, qui est une invention récente, l'opinion commune n'en a jamais douté et, depuis que la philosophie s'est développée, aucun philosophe, qui du moins eüt quelque autorité, n'a pensé autrement. 87 J'ai parlé de Pythagore, de Démocrite et de Socrate, je n'ai excepté, parmi les Anciens, que

le seul Xénophane?", j'ai ajouté l'ancienne Académie, les Péripatéticiens et les Stoiciens ; Epicure seul exprime

son désaccord??. Mais il juge aussi qu'il n'y a pas de vertu désintéressée, et qu'y a-t-il de plus honteux qu'une telle opinion ? XL. Qui, d'autre part, ne serait touché par l'ancienneté de faits attestés et consignés dans les textes les plus

illustres ? Homère’* écrit que Calchas était de loin le meilleur augure et qu'il conduisit les flottes grecques vers Ilion : c'était, j'imagine, gráce à sa connaissance

des auspices, et non pas des lieux. 88 Amphilochus

et Mopsus?" étaient rois des Argiens, mais en méme temps augures, et ils fondérent des villes grecques sur la cóte de Cilicie ; avant eux il y eut aussi Amphiaraüs

et Tirésias?? : ce n'étaient pas des gens modestes et obscurs, semblables à ceux dont parle Ennius,

47

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XXXIX-86 — XL-88

necne fiat, id quaeritur : ut si magnetem lapidem esse dicam qui ferrum ad se adliciat et trahat, rationem cur

id fiat adferre nequeam, fieri omnino neges. Quod idem facis in diuinatione, quam et cernimus ipsi et audimus et legimus et a patribus accepimus. Neque ante philosophiam patefactam, quae nuper inuenta est, hac de re communis

uita dubitauit, et, posteaquam philosophia

processit, nemo aliter philosophus sensit in quo modo esset auctoritas. 87 Dixi de Pythagora, de Democrito, de Socrate, excepi de antiquis praeter Xenophanem neminem, adiunxi ueterem Academiam, Peripateticos, Stoicos;

unus

dissentit

Epicurus.

Quid

uero

hoc

turpius quam quod idem nullam censet gratuitam esse uirtutem ? XL. Quis est autem quem non moueat clarissumis monumentis testata consignataque antiquitas ? Calchantem augurem scribit Homerus longe optumum, eumque ducem classium fuisse ad Ilium, auspiciorum, credo, scientia, non locorum. 88 Amphilochus et Mopsus Argiuorum reges fuerunt, sed idem augures, iique urbis in ora marituma Ciliciae Graecas condiderunt ; atque etiam ante hos Amphiaraus et Tiresias non humiles et obscuri neque eorum similes, ut apud Ennium

est,

87 testata : Gell. XV,

13, 7.

86 adliciat (all-) BFM AP : atliciat B* adliceat V^H alliceat V7 | trahat : attrahat recc., Pease || rationem : orationem

7

at rationem

V

| philosophus : -phos B". 87 xenofanem B^ AVHP : -fonem B'^F* — fontem FM | clarissumis : -mus V | classium BFM AH : classicim PP classicum V7 (mg. uel classicis) | ad Ilium Gulielmius : ad illum B^ at illum B°°FM AVHP | scientia B*FM AVH : -tiam 8“ P 88 idem codd. : iidem Giomini || augures iique : auguresque 4! augures hiique 4 | iique : ique /* hique J7* | urbis A^ (ut uid.) VP : urbes BFM AFH.

XL-88 - XLI-90

«qui,

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

par

appát

du

gain,

répandent

des

48

avis

trompeurs?? », mais des hommes célébres et éminents qui, avertis par

les oiseaux et d'autres signes, annongaient les événe-

ments futurs ; à propos du second, Homére dit que, méme

vaguent

aux

Enfers,

«lui

à la manière

seul a la sagesse,

des

ombres?'?»;

les autres

quant

à

Amphiaraüs, l'opinion publique, en Gréce, l'honora à tel point qu'il passait pour un dieu et que du sol oü il est inhumé on tirait des oracles. 89 Et le roi d'Asie Priam, n’avait-il pas un fils, Hélénus, et une fille, Cassandre,

capables de divination, l'un par les augures, l'autre par une excitation et un transport divins de son esprit? Des devins de cette sorte, nous pouvons lire qu'il y en eut chez nos ancêtres, certains frères Marcius*!, nés de famille noble. Mais quoi ? Homère ne rappelle-t-il pas que Polyidus de Corinthe, à cóté de maintes prédictions adressées à d'autres, prédit la mort à son fils partant

pour Troie"? ? En règle générale, dans les temps anciens, ceux qui détenaient le pouvoir possédaient en même temps la connaissance des augures ; comme la sagesse, en effet, la divination passait pour un attribut royal : témoin notre cité, où les rois étaient augures et où, par la suite, des particuliers revétus du méme sacerdoce gouvernérent la république avec l'autorité que donnent

les fonctions religieuses". XLI. 90 Ces méthodes de divination ne sont pas négligées non plus chez les peuples barbares : en Gaule, en effet, il y a les druides, parmi lesquels j'ai

moi-même connu l'Héduen Divitiacus"^, ton hôte et ton admirateur,

qui déclarait connaitre la science de

la nature, ce que les Grecs appellent φυσιολογία, et qui prédisait l'avenir tantót par les augures, tantót

48

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XL-88 — XLI-90

qui sui quaestus causa fictas suscitant sententias, sed clari et praestantes uiri, qui auibus et signis admoniti futura dicebant ; quorum de altero etiam

apud inferos Homerus

ait « solum

sapere, ceteros

umbrarum uagari modo » ; Amphiaraum autem sic honorauit fama Graeciae deus ut haberetur atque ut ab eius solo, in quo est humatus, oracla peterentur. 89 Quid ? Asiae rex Priamus nonne et Helenum filium et Cassandram filiam diuinantes habebat, alterum auguriis, alteram mentis incitatione et permotione diuina? Quo in genere Marcios quosdam fratres, nobili loco natos, apud maiores nostros fuisse scriptum

uidemus. Quid ? Polyidum Corinthium nonne Homerus et aliis multa et filio ad Troiam proficiscenti mortem

praedixisse commemorat ? Omnino apud ueteres, qui rerum

potiebantur,

idem

auguria

tenebant ; ut enim

sapere, sic diuinare regale ducebant : [ut] testis est nostra ciuitas, in qua et reges augures et postea priuati eodem sacerdotio praediti rem publicam religionum auctoritate rexerunt. XLI. 90 Eaque diuinationum ratio ne in barbaris quidem gentibus neglecta est, siquidem et in Gallia druidae sunt, e quibus ipse Diuitiacum Haeduum hospitem tuum laudatoremque cognoui, qui et naturae rationem, quam φυσιολογίαν Graeci appellant, notam esse sibi profitebatur, et partim auguriis, partim 88 fictas : fac- V | ab eius solo codd., Giomini : a. e. solio Polster a. e. templo Schäublin ab solo Moser | in quo est humatus del. Hottinger | peterentur : pa- B*. 89 polyidum Marsus : polibum (poly-) codd. || idem codd. : iidem Giomini || ducebant ut testis codd. (ut del. Hottinger Giomini)

batur. Testis Auratus 90 druidae sunt V" s. H diui desunt V? | uid.) | φυσιολογίαν :

: duce-

| religionum : -nem B*. : dryad(a)e s. AV*PM driadae s. BF ariadae ( ?) diuitiacum BFM P : diuic- AV diuiaticum H (ut phisiologiam (phy-) codd.

XLI-90 — XLII-93

par

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

la conjecture ; chez

les Perses,

les augures

49

et

la divination relèvent des mages”, qui se réunissent dans un lieu consacré pour réfléchir et discuter entre

eux, ce que vous aussi" vous aviez coutume de faire jadis le jour des Nones ; 91 et nul ne peut devenir roi des Perses s'il n'a d'abord étudié la doctrine et la science des mages. On peut observer que certaines familles et certaines nations sont spécialement adonnées

à la science divinatoire. En Carie?", il y a la ville de Telmessus, où brille la discipline des haruspices ; et de méme Élis, dans le Péloponnése, posséde deux familles

déterminées, les Iamides et les Clutides?5, remarquables pour leur notoriété en matiére d'haruspicine. En Syrie les Chaldéens se distinguent par leur connaissance des astres et l'ingéniosité de leur esprit. 92 Quant à l'Étrurie, elle observe avec beaucoup de science tout ce qui est touché par le feu du ciel et elle explique ce qui est révélé par chaque signe et prodige. C'est pourquoi, du temps de nos ancétres, quand notre empire était florissant, le Sénat eut raison de décider que, dans chaque peuple d'Étrurie, dix fils de notables seraient voués à l'étude de l’haruspicine, pour éviter qu'un art si important, aux mains de gens de peu, ne perdit son autorité religieuse et ne versát dans le commerce et le trafic”. Les Phrygiens, les Pisidiens, les Ciliciens et la nation des Arabes obéissent trés fidélement aux signes donnés par les oiseaux et nous savons qu'on avait

coutume de faire de même en Ombrie??, XLII.

93

Quant

à moi,

il me

semble

que les lieux

mémes habités par chaque peuple offraient des conditions favorables aux diverses méthodes divinatoires.

49

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

coniectura,

quae

essent

futura

XLI-90 — XLII-93

dicebat,

et in Persis

augurantur et diuinant magi, qui congregantur in fano commentandi causa atque inter se conloquendi, quod etiam idem uos quondam facere Nonis solebatis ;

91 nec quisquam rex Persarum potest esse qui non ante magorum disciplinam scientiamque perceperit. Licet autem uidere et genera quaedam et nationes huic scientiae deditas. Telmessus in Caria est, qua in urbe excellit haruspicum disciplina ; itemque Elis in Peloponneso familias duas certas habet, Iamidarum unam,

alteram

Clutidarum, haruspicinae nobilitate praestantes. In Syria Chaldaei cognitione astrorum sollertiaque ingeniorum antecellunt. 92 Etruria autem de caelo tacta scientissume animaduertit, eademque interpretatur quid quibusque ostendatur monstris atque portentis. Quocirca bene apud maiores nostros senatus, tum cum florebat imperium, decreuit ut de principum filiis X ex singulis Etruriae populis in disciplinam traderentur, ne ars tanta propter tenuitatem hominum a religionis auctoritate abduceretur ad mercedem atque quaestum. Phryges autem et Pisidae et Cilices et Arabum natio auium significationibus plurimum obtemperant, quod idem factitatum in Vmbria accepimus. XLII. 93 Ac mihi quidem uidentur e locis quoque ipsis qui ἃ quibusque incolebantur diuinationum 91 antecellunt : Diomed. 4rs gramm. I, p. 374, 19 Keil (GLK 1). 90 dicebat B*FM AVP

: -bant B^ A.

91 telmessus : telmesus BFM AVP tedmesius H | duas B (in ras.) F : diuas M die AVHP | iamidarum Marsus : iam indarum BF AVHP* iam indurum P^ iam undarum M || clutidarum Lambinus : glut. codd. | cognitione : cogna- V. 92 senatus tum cum florebat : senatos tum conflorebat B^ | de principum filiis X ex singulis Christ Pease : de principum filiis sex singulis codd. de principum filiis X singulis Davies Ax Giomini (ex VAL. MAX. I, 1, I) deni principum filii ex singulis Madvig | ne : nec P | abduceretur BF A" ἪΡ : -rentur B°M A'"*V* | pisidae : fi- (phi-) codd. | factitatum : -tern B^.

XLII-93 — XLIII-95

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

50

En effet les Égyptiens et les Babyloniens?', demeurant sur la surface unie de larges plaines οὐ nulle éminence ne pouvait faire obstacle à la contemplation du ciel, ont consacré tous leurs soins à la connaissance des astres.

Quant aux Étrusques, empreints de sentiment religieux??, qui de ce fait immolaient des victimes avec une fréquence et un zéle tout particuliers, ils se sont adonnés surtout à l'étude des viscères ; parce qu'il y avait chez eux de nombreux orages, du fait de la densité de l'air, et parce que pour la même raison il s'y produisait beaucoup de faits extraordinaires, provenant les uns du ciel, d'autres de la terre, d'autres encore de la conception et de la naissance des hommes

et des animaux,

ils se sont révélés comme

les plus habiles dans l'interprétation des prodiges. La nature de ces phénoménes, comme tu le dis souvent, les noms mémes que leur ont sagement attribués nos ancétres nous la font connaitre. En effet, parce qu'ils indiquent (ostendunt), annoncent (portendunt), montrent (monstrant) et

prédisent^? (praedicunt), on les appelle signes indicateurs (ostenta), annonciateurs (portenta), monstres (monstra) et prodiges (prodigia). 94 Les Arabes, les Phrygiens et les Ciliciens, qui se consacrent surtout à faire paitre leurs troupeaux, parcourant plaines et montagnes, en hiver et en été, ont relevé plus facilement le chant et le vol des oiseaux ; la même raison a joué pour la Pisidie et pour notre voisine l'Ombrie. Quant aux habitants de toute la Carie et notamment ceux de Telmessus, dont j'ai parlé, parce qu'ils habitent des terres trés riches et très fertiles, sur lesquelles de nombreux phénoménes peuvent se former et apparaitre à cause de la fécondité du sol, ils

se sont montrés attentifs à observer les prodiges. XLIII. 95 Qui ne voit que dans les meilleures républiques les auspices et les autres genres de divination ont toujours eu la plus grande influence ? Y eut-il jamais un roi, un peuple, qui n'eüt recours à la prédiction divine ? et ce, non seulement en temps de paix, mais

50

DE DIVINATIONE- LIBER PRIMVS



XLII-93 — XLIII-95

opportunitates esse ductae. Etenim Aegyptii et Babylonii in camporum patentium aequoribus habitantes, cum ex terra nihil emineret quod contemplationi caeli officere posset, omnem curam in siderum cognitione posuerunt ; Etrusci autem, quod religione imbuti studiosius et crebrius hostias immolabant, extorum cognitioni se maxume dediderunt, quodque propter aeris crassitudinem de caelo apud eos multa fiebant, et quod ob eandem causam multa inuisitata, partim e caelo, alia ex terra, oriebantur, quaedam etiam ex hominum

pecudumue conceptu et satu, ostentorum exercitatissimi interpretes extiterunt. Quorum quidem uim, ut tu soles dicere, uerba ipsa prudenter a maioribus posita declarant. Quia enim ostendunt, portendunt, monstrant, praedicunt, ostenta, portenta, monstra, prodigia dicuntur.

94 Arabes autem et Phryges et Cilices, quod pastu pecudum maxume utuntur, campos et montes hieme et aestate peragrantes, propterea facilius cantus auium et uolatus notauerunt ; eademque et Pisidiae causa fuit et huic nostrae Vmbriae. Tum Caria tota praecipueque Telmesses, quos ante dixi, quod agros uberrumos maximeque fertiles incolunt, in quibus multa propter fecunditatem fingi gignique possunt, in ostentis animaduertendis diligentes fuerunt. XLIII. 95 Quis uero non uidet in optuma quaque re publica plurimum auspicia et reliqua diuinandi genera ualuisse ? Quis rex umquam fuit, quis populus, qui non uteretur praedictione diuina ? Neque solum 93 etenim aegyptii et recc., Manutius : ut enim aeg. ut codd. etenim aeg. ut 4x | contemplationi Eg, Ven. : -ne codd. || posset Eg : -sit codd. (V incert.) | maxume : maximae 5" || caelo : caelum B^ || causam : causa B | inuisitata B^ A'*^, Giomini (cf. II, 138) : inusitata B"FM A*VHP, Pease | e caelo : e caelo apud eos V7 | et satu om. V | ostentorum : tentorum V* portentorum V7 | exercitatissimi — 100 fessi lega[tos om. P. 94 pisidiae : phisidiae B (ex — dae) FM pisid(a)e AVH | telmesses BF V : telmeses 4 M tedmeses ἢ || animaduertendis : -tentis 5".

XLIII-95 - XLIII-97.—

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

51

beaucoup plus encore en temps de guerre, à proportion de la gravité du conflit et des menaces pesant sur le salut. Je laisse de cóté nos compatriotes, qui ne font rien à la guerre sans consulter les viscéres et rien chez

eux sans consulter les auspices? ; voyons des exemples étrangers. Les Athéniens, pour toutes les décisions publiques, ont toujours fait appel à certains prétres divinateurs qu'ils appellent μάντεις ; les Lacédémoniens, de leur cóté, ont donné à leurs rois un augure pour assesseur ; de méme ils ont voulu qu'un augure participât au conseil des anciens (c'est ainsi qu'ils appellent leur conseil public) et en méme temps, sur les affaires particuliérement importantes, ils consultaient toujours l'oracle de Delphes, ou celui d'Hammon, ou encore celui

de Dodone?*, 96 Lycurgue, qui organisa la constitution de Lacédémone, fit ratifier ses lois par l'autorité de l'oracle d'Apollon à Delphes ; comme Lysandre voulait les modifier, 11 en fut empéché par la méme institution

religieuse*, De plus, les dirigeants de Lacédémone, non contents d'exercer leur activité dans la journée, allaient passer la nuit, pour y réver, dans le sanctuaire

de Pasiphaé, situé à la campagne, prés de la ville, car

ils tenaient pour véridiques les oracles du sommeiP??". 97 Je reviens maintenant à nos propres usages. Que de fois le Sénat ordonna aux décemvirs de consulter

les livres* ! dans quelles grandes affaires et combien souvent il obéit aux réponses des haruspices?? ! Ainsi, quand

on avait vu deux soleils, trois lunes, des

« torches » dans le ciel, quand le soleil s'était montré pendant la nuit, quand on avait entendu un grondement venant du ciel, quand on avait vu le ciel s'ouvrir

et qu'on y avait remarqué des boules de feu’, quand on rapporta aussi au Sénat un affaissement du territoire de Priverne, lorsque

le sol s'effondra à une immense

51

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XLIII-95 — XLIII-97

in pace, sed in bello multo etiam magis, quo maius erat certamen et discrimen salutis. Omitto nostros, qui nihil in bello sine extis agunt, nihil sine auspiciis domi [habent auspicia] ; externa uideamus. Namque et Athenienses omnibus semper publicis consiliis diuinos quosdam sacerdotes, quos μάντεις uocant, adhibuerunt, et Lacedaemonii regibus suis augurem adsessorem dederunt, itemque senibus (sic enim consilium publicum appellant) augurem interesse uoluerunt, idemque de rebus maioribus semper aut Delphis oraclum aut ab Hammone aut a Dodona petebant. 96 Lycurgus quidem, qui Lacedaemoniorum rem publicam temperauit, leges suas auctoritate Apollinis Delphici confirmauit ; quas cum uellet Lysander commutare, eadem est prohibitus religione. Atque etiam qui praeerant Lacedaemoniis, non contenti uigilantibus curis, in Pasiphaae fano, quod est in agro propter urbem, somniandi causa excubabant, quia uera quietis oracla ducebant. 97 Ad nostra iam redeo. Quotiens senatus decemuiros

ad libros ire iussit! Quantis in rebus quamque saepe responsis haruspicum paruit ! Nam et cum duo uisi soles essent, et cum tres lunae, et cum faces, et cum sol nocte uisus esset, et cum e caelo fremitus auditus,

et cum caelum discessisse uisum esset atque in eo animaduersi globi, delata etiam ad senatum labes agri Priuernatis, cum ad infinitam altitudinem terra 95 multo etiam : multoque 7 | et discrimen om. V | domi habent auspicia B°FM : dum habent a. B“ AV, Ax dum haberent a. H habent a. secl. Schütz Pease Timpanaro a. secl. Giomini domi — dum habent ἃ. dubit. coni. Pease | μάντεις : mantis codd. | idemque codd. : iidemque Giomini | rebus : regibus 4% || delphis (delf-) B^ AVH : a d. B"FM. 96 auctoritate : -tem B5" || religione : pro r. H || pasiphaae Asc. : pasiphe B pasife 4 pasiphae F VH pasifae M || excubabant BFM AV : excubant H incubabant Manutius || quia : qui B*.

97 quantis in rebus — paruit Auc transp. Davies, in extremo $ 98 (post uerba quotiens senatus — iussit iterata) habent codd. | uisum esset Rath : uisum est codd. | post globi interp. Giomini | labes codd. : labe Ernesti Pease.

XLIII-97 - XLIV-100

profondeur tremblements

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

52

et que P'Apulie fut secouée de violents de terre*!, — ces prodiges annongaient

au peuple romain de grandes guerres et de dangereuses séditions et à ce propos les réponses des haruspices étaient en plein accord avec les vers de la Sibylle. 98 Et quand Apollon se couvrit de sueur à Cumes, à Capoue la Victoire ? Et la naissance d'un androgyne, ne fut-elle pas un prodige particulièrement funeste ? Et quand le fleuve Atratus roula du sang ? Quand souvent on vit pleuvoir des pierres, parfois du sang, parfois de la terre, un jour méme du lait ? Et quand un Centaure fut frappé de la foudre au Capitole, sur l'Aventin des portes et des hommes, à Tusculum le temple de Castor et Pollux

et à Rome celui de la Piété?? : n'est-il pas vrai que les haruspices, dans leurs réponses, ont annoncé ce qui se réalisa et que dans les livres de la Sibylle on trouva les mêmes prédictions ? XLIV. 99 Récemment, pendant la guerre des Marses, à

la suite d’un rêve de Caecilia, fille de Quintus, le temple

de Junon Sospita fut restauré par le Sénat/?. Sisenna" montre que ce réve s'accorda de facon étonnante et à la lettre avec les faits, et puis, effrontément, poussé sans

doute par quelque Épicurien/9), il soutient qu'il ne faut pas ajouter foi aux songes. Le méme Sisenna n'éléve pas d'objection contre les prodiges et il rapporte qu'au début de la guerre des Marses les statues des dieux se couvrirent de sueur, on vit couler du sang et le ciel s'ouvrir, on

entendit des voix d'origine mystérieuse annoncer les périls de cette guerre, et à Lanuvium, signe qui parut le plus funeste aux haruspices, des boucliers furent rongés par

les souris. 100 Et que dire de ceci, que nous lisons

52

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS — XLIII-97 — XLIV-100

desidisset Apuliaque maximis terrae motibus conquassata esset, — quibus portentis magna populo Romano bella perniciosaeque seditiones denuntiabantur, inque his omnibus responsa haruspicum cum Sibyllae uersibus congruebant. 98 Quid ? cum Cumis Apollo sudauit, Capuae Victoria ? Quid ? ortus androgyni nonne fatale quoddam monstrum fuit ? Quid ? cum fluuius Atratus sanguine fluxit ? Quid ? cum saepe lapidum, sanguinis non

numquam,

terrae

interdum,

quondam

etiam

lactis imber effluxit 7 Quid ? cum in Capitolio ictus Centaurus

caelo est, in Auentino

portae et homines,

Tusculi aedes Castoris et Pollucis Romaeque Pietatis ? Nonne et haruspices ea responderunt quae euenerunt et in Sibyllae libris eaedem repertae praedictiones sunt ? XLIV. 99 Caeciliae Q. filiae somnio modo Marsico bello templum est a senatu Iunoni Sospitae restitutum. Quod quidem somnium Sisenna cum disputauisset mirifice ad uerbum cum re conuenisse, tum insolenter, credo ab

Epicureo aliquo inductus, disputat somniis credi non oportere. Idem contra ostenta nihil disputat exponitque initio belli Marsici

et deorum

simulacra

sudauisse,

et

sanguinem fluxisse, et discessisse caelum, et ex occulto auditas esse uoces quae pericula belli nuntiarent, et Lanuuii clipeos, quod haruspicibus tristissumum uisum esset, a muribus esse derosos. 100 Quid, quod in annalibus

97 desidisset BF A : dese- V M, Müller disi- H. 98 ortus : -tos Κὶ | quid cum fluuius Herelius Giomini : quid quod fl. codd., Ax | quart. quid : qui B^ | effluxit codd., Timpanaro : defluAsc. 1521 Giomini | responderunt : -bant H | praedictiones : -ne B^ || post sunt codd. habent quotiens senatus — iussit (iteratum) et quantis in rebus — paruit (cf. $ 97). 99 caeciliae q- B^ (ut uid.) V : c(a)eciliaeque AH ciliciae q- B*F ciliciaeque M | iunoni sospitae V : iunioni s. 4 M iunonis sospite B^ iunonis hospit(a)e BF H | conuenisse : uenisse 4’ | epicureo AVH : epicuro BFM | idem : idemque 7 || lanuuii À M : lanuii B (ex corr) F lanuini V (ex lanuuii 7) H.

XLIV-100 — XLV-101

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

53

dans les annales ? Pendant la guerre de Véies?9, alors que les eaux du lac Albain

s'étaient élevées de facon

anormale, un certain Véien, un notable, se réfugia dans nos lignes et déclara que, d'aprés des prophéties que les Véiens conservaient par écrit, Véies ne pouvait étre prise tant que le lac continuerait à déborder et que, si les eaux en s'écoulant gagnaient la mer selon leur mouvement et leur cours naturels, cela signifierait la perte du

peuple romain ; mais si elles étaient détournées de facon à ne pouvoir atteindre la mer, ce serait le salut pour les nôtres. C'est ainsi que nos ancêtres effectuérent pour l'eau du lac Albain ces admirables travaux de dérivation. Mais quand les Véiens, las de faire la guerre, envoyèrent

des ambassadeurs au Sénat, l'un d'eux déclara, dit-on, que le transfuge n'avait pas osé révéler aux sénateurs

toute la vérité? : en effet dans les mêmes prophéties les Véiens pouvaient lire que bientót Rome serait prise par les Gaulois, et de fait nous constatons que cela arriva

six ans aprés la chute de Véies?, XLV.

101

On

rapporte

que

souvent

aussi

dans

les combats on entendit la voix des Faunes^" et dans les situations troublées des paroles véridiques?? à l'origine mystérieuse. Parmi les nombreux

exemples

de cette sorte, je n'en donnerai

mais

que deux,

très

importants. Peu de temps avant la prise de Rome, on entendit clairement une voix sortant du bois sacré de Vesta, qui descend du pied du Palatin jusqu'à la rue Neuve ; la voix ordonnait de réparer les murailles et les portes de la ville ; si l'on n'y pourvoyait pas, Rome serait prise. Cet avertissement fut négligé, quand on pouvait encore prendre des précautions, mais, une fois Subi ce trés grand désastre, la faute fut expiée : un autel,

que

nous

voyons

toujours

entouré

de

son

enclos,

fut consacré à Aius Loquens?? en face de ce lieu. D'autre part, beaucoup d'auteurs racontent qu'aprés

53

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

— XLIV-100 — XLV-101

habemus Veienti bello, cum lacus Albanus praeter modum creuisset, Veientem quendam ad nos hominem nobilem perfugisse, eumque dixisse, ex fatis quae Veientes scripta haberent, Veios capi non posse dum lacus is redundaret et, si lacus emissus lapsu et cursu suo ad mare profluxisset, perniciosum populo Romano ; sin autem ita esset eductus ut ad mare peruenire non posset, tum salutare

nostris fore? Ex quo illa mirabilis a maioribus Albanae aquae facta deductio est. Cum autem Veientes bello fessi legatos ad senatum misissent, tum ex iis quidam dixisse dicitur non omnia illum transfugam ausum esse senatui dicere : in isdem enim fatis scriptum Veientes habere fore ut breui a Gallis Roma caperetur, quod quidem sexennio post Veios captos factum esse uidemus. XLV. 101 Saepe etiam et in proeliis Fauni auditi et in rebus turbidis ueridicae uoces ex occulto missae esse dicuntur ; cuius generis duo sint ex multis exempla, sed

maxuma. Nam non multo ante urbem captam exaudita uox est a luco Vestae, qui a Palati radice in nouam uiam deuexus est, ut muri et portae reficerentur ; futurum esse, nisi prouisum esset, ut Roma caperetur.

Quod

neglectum

illam maximam

cum cauer poterat post acceptam cladem

expiatum

est ; ara enim

Aio

Loquenti, quam saeptam uidemus, exaduersus eum locum consecrata est. Atque etiam scriptum a multis

100 ueienti D""FM AV : ueiecti 4^ (ita semper) uegente B" uergenti H | bello cum : cum b. F* in b. F* | ueientem AVEM : uenientem B'^ uegentem ΒΡῈ | ueientes : uegentes B" | is AVH MP" : his BEM" | profluxisset 4VH M : flu- BF || populo AVH M : -lum BF || esset om. H | salutare : -ris F || deductio est : ducti esse F* deductio esse F° | fessi : fesse À | iis edd. : his B"FM AVHP is B^ || isdem V : his- BFM AHP | uidemus : uidimus P || de clausula esse uidemus uide Timpanaro p. XXVI. 101 sint Madvig : sunt codd. sumo Usener || cum B (s. L)F H : tum AVP M tum cum Müller Ax | expiatum Davies : explicatum codd. | saeptam : septem V^.

XLV-101 - XLVI-103

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

54

un tremblement de terre une voix sortit du temple de Junon sur la citadelle, demandant qu'une truie pleine füt sacrifiée en expiation ; c'est pourquoi cette Junon

a été appelée Moneta?" (l'Avertisseuse). Pouvons-nous donc mépriser ces signes donnés par les dieux et ratifiés par nos ancétres ?

102 Les Pythagoriciens?? prétaient grande attention non seulement aux voix des dieux, mais aussi à celles des hommes, qu'on appelle présages verbaux (omina). Parce qu'ils accordaient à ceux-ci une grande valeur, nos ancétres faisaient précéder toutes leurs actions de la formule : « Que ceci soit bon, heureux, favorable et

couronné de succés? 6!» Aux cérémonies religieuses accomplies en public, on ordonnait de garder le silence?" et, en proclamant les jours de féte, de s'abstenir de procés

et de querelles"*. De méme lors de la lustration d'une colonie, celui qui en était le fondateur choisissait pour amener les victimes des hommes portant un nom de bon augure, et ainsi faisait le général procédant à la lustration de l'armée, le censeur à celle du peuple. Dans les levées de troupes, les consuls observent la méme régle : que

soit enrólé d'abord un homme au nom de bon augure??. 103 Tu sais bien?? qu'étant consul et général tu as observé ces usages avec grand scrupule. Nos ancêtres

ont voulu aussi que la centurie prérogative#! constituât un présage lors de comices régulièrement tenus. XLVI.

Quant à moi, je vais citer des exemples bien

connus de présages verbaux. Paul-Emile/?, consul pour la deuxième fois, avait reçu pour mission de faire la guerre au roi Persée. Le jour méme, quand il rentra chez lui le soir,

en embrassant sa fille Tertia, qui était alors toute petite, il s'apergut qu'elle était un peu triste. Il lui demanda : « Qu'y a-t-il, ma petite Tertia ? Pourquoi es-tu triste ?

54

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

— XLV-101 -- XLVI-103

est, cum terrae motus factus esset, ut sue plena procuratio fieret uocem ab aede Iunonis ex arce extitisse ;

quocirca Iunonem illam appellatam Monetam. Haec igitur et a dis significata et a nostris maioribus iudicata contemnimus ? 102 Neque solum deorum uoces Pythagorei obseruiuocant

omina.

Quae maiores nostri quia ualere censebant,

tauerunt,

sed etiam

hominum,

quae

idcirco

omnibus rebus agendis « quod bonum, faustum, felix fortunatumque esset » praefabantur, rebusque diuinis,

quae publice fierent, ut « fauerent linguis » imperabatur, inque feriis imperandis ut « litibus et iurgiis se abstinerent ». Itemque in lustranda colonia ab eo qui eam deduceret, et cum imperator exercitum, censor populum lustraret, bonis nominibus qui hostias ducerent eligebantur.

Quod

idem

in dilectu consules

obseruant,

ut

primus miles fiat bono nomine. 103 Quae quidem a te scis et consule et imperatore summa cum religione esse seruata. Praerogatiuam etiam maiores omen iustorum comitiorum esse uoluerunt. XLVI. Atque ego exempla ominum nota proferam. L. Paulus consul iterum, cum

Perse gereret obtigisset, uesperum

rediit,

filiolam

ei bellum

ut cum

ut ea ipsa die domum suam

Tertiam,

quae

rege

ad tum

erat admodum parua, osculans animum aduertit tristiculam. « Quid est, inquit, mea Tertia ? Quid tristis es ?

103 L. Paulus — eo nomine : cf. Val. Max. I, 5, 3 ; Plut. 4em. Paul.

10, 6-8. 101 sue AP M : suae BF VH | quocirca : qu. ut H | iudicata : uel indi- add. V mg. 102 omina : nomina B" || ab eo — deduceret secí. Thoresen Pease (sed uide Timpanaro p. 307) | dilectu Eg, Lambinus : -to codd. 103 scis codd. : scio Cobet Pease | cum om. V | omen Manutius : omnes codd. | ego BFM AF VP : ergo 4% om. H | ominum V : hominum BFM AV"HP | consul iterum : consulite 8^ || quae tum : quae À.

XLVI-103-XLVII-105

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

55

— Mon père, répondit-elle, Perse est mort. » Alors, serrant plus étroitement la fillette dans ses bras, il lui dit : « Ma

fille, j'accepte ce présage^. » Or c'était un petit chien de ce nom qui était mort. 104 J'ai moi-méme entendu Lucius Flaccus, flamine de Mars, raconter que Caecilia, femme

de Metellus?^, voulant marier la fille de sa sœur, s'était rendue dans un sanctuaire pour recevoir un présage, ce qu'on faisait souvent alors, d'aprés la coutume des anciens. La jeune fille était debout, Caecilia était assise sur une chaise et pendant longtemps aucune voix ne s'était fait entendre. Alors la jeune fille, fatiguée, demanda à sa tante la permission de se reposer un petit moment sur sa chaise ; celle-ci répondit : « Oui, mon enfant, je te céde ma place ». La suite des événements fut conforme à ce présage, car Caecilia elle-même mourut peu de temps aprés et la Jeune fille épousa l'homme auquel sa tante avait été mariée. Je comprends trés bien qu'on puisse mépriser cela ou méme en rire, mais c'est précisément ne pas croire aux dieux que de mépriser les signes qu'ils

donnent^*, XLVII. 105 Que dirai-je des augures ? C'est ton róle, C'est à toi, je l'affirme, de défendre les auspices??*. Sous ton consulat, l'augure Appius Claudius t'annonga que, l'augure du salut ayant été jugé douteux, une funeste

guerre civile allait troubler la cit&?*" ; celle-ci débuta peu de mois après, mais tu l’étouffas en encore moins

de

jours. Cet augure, je l'approuve vigoureusement : seul en effet depuis de nombreuses années, il a conservé l'art, non pas de rabâcher des formules augurales, mais

de pratiquer la divination. Tes collègues se moquaient

de lui et l'appelaient l'augure de Pisidie ou de Sora??* ; selon eux, il n'y avait dans l'art augural ni prévision

55

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XLVI-103 -- XLVII-105

— Mi pater, inquit, Persa perit. » Tum ille artius puellam complexus : « Accipio, inquit, mea filia, omen. » Erat autem mortuus catellus eo nomine. 104 L. Flaccum, flaminem Martialem, ego audiui, cum diceret Caeciliam Metelli, cum uellet sororis suae filiam in matrimonium conlocare, exisse in quoddam sacellum ominis capiendi causa, quod fieri more ueterum solebat. Cum uirgo staret et Caecilia in sella sederet, neque diu ulla uox

extitisset, puellam defatigatam petisse a matertera ut sibi concederet paulisper ut in eius sella requiesceret ; illam autem dixisse : « Vero, mea puella, tibi concedo

meas sedes. » Quod omen res consecuta est ; ipsa enim breui mortua est, uirgo autem nupsit cui Caecilia nupta fuerat. Haec posse contemni uel etiam rideri praeclare intellego, sed id ipsum est deos non putare, quae ab iis significantur contemnere. XLVII. 105 Quid de auguribus loquar ? Tuae partes sunt, tuum, inquam, auspiciorum patrocinium debet esse. Tibi App. Claudius augur consuli nuntiauit addubitato salutis augurio bellum domesticum triste ac turbulentum fore; quod paucis post mensibus exortum paucioribus a te est diebus oppressum. Cui quidem auguri uehementer adsentior; solus enim multorum annorum memoria non decantandi augurii, sed diuinandi tenuit disciplinam. Quem inridebant collegae tui eumque tum Pisidam, tum Soranum augurem

esse

dicebant ; quibus

nulla

uidebatur

in

103 mea Tertia — pater inquit om. H || perit BFM A" V"P, Ax (perfecti contracta forma) : periit A4 V"5, Giomini | accipio APPM : accepio B'* A^ V*H accepi o BF accepi omen V7. 104 flaminem : flame- P | sororis : -ri ^ | suae AVHP M : sui BF | ominis B*FM V*HP : hominis B^ V* omnis A || id BFM A : om. VHP | iis AHP : his BFM WP hiis V*. 105 App. Manutius : p: codd. || addubitato B^ AVP : at dubitato B" FM H | quem : quae B*.

XLVII-105-XLVII-106

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

56

ni connaissance de la vérité future ; ils disaient que les pratiques religieuses ont été sagement inventées pour s'adapter aux croyances des ignorants. Il en va tout autrement ; en effet, il ne pouvait y avoir ni chez les bergers que commandait Romulus, ni chez Romulus lui-méme la ruse qui consiste à inventer des simulacres

de religion pour tromper la foule??, Mais la difficulté et la fatigue d'apprendre ont rendu la négligence discoureuse : ils préférent soutenir qu'il n'y a rien dans les auspices plutót que d'apprendre exactement ce qu'ils sont. 106 Qu'y a-t-il de plus divin que cet auspice figurant dans ton Marius (pour faire appel de préférence à ton témoignage) ?

« Alors,

soudain,

le serviteur ailé?? de Jupiter

tonnant-dans-les-hauteurs, blessé par la morsure du serpent, arrache au tronc de l'arbre, en le transper-

cant de ses serres cruelles, le reptile à demi mort dont la nuque mouchetée palpite avec violence. Cet adversaire qui se tortille, il le lacére de son bec et le met en sang ; puis, ayant désormais assouvi sa colére, désormais

vengé son âpre douleur, il le relâche expirant et jette à l'eau son corps déchiré ; il se tourne alors du couchant vers les clartés de l’orient. Quand Marius, augure de la volonté divine, le vit glissant d’une aile rapide, dans un vol favorable, et qu’il remarqua cet heureux signe de

son glorieux retour”, le Père des dieux lui-même tonna dans la partie gauche du ciel. Ainsi Jupiter confirma

l'éclatant présage de l’aigle??. »

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XLVII-105 — XLVII-106

auguriis aut praesensio aut scientia ueritatis futurae ; sapienter aiebant ad opinionem imperitorum esse fictas religiones. Quod longe secus est ; neque enim in pastoribus illis quibus Romulus praefuit nec in ipso Romulo haec calliditas esse potuit ut ad errorem multitudinis religionis simulacra fingerent. Sed difficultas laborque discendi disertam neglegentiam reddidit ; malunt enim disserere nihil esse in auspiciis quam quid sit ediscere. 106 Quid est illo auspicio diuinius quod apud te in Mario est ? ut utar potissumum auctore te : Hic Iouis altisoni subito pinnata satelles arboris e trunco, serpentis saucia morsu,

subrigit ipsa feris transfigens unguibus anguem semanimum et uaria grauiter ceruice micantem. Quem se intorquentem lanians rostroque cruentans, iam satiata animos, lam duros ulta dolores,

abiecit ecflantem et laceratum adfligit in unda seque obitu a solis nitidos conuertit ad ortus. Hanc ubi praepetibus pinnis lapsuque uolantem conspexit Marius, diuini numinis augur, faustaque signa suae laudis reditusque notauit, partibus intonuit caeli pater ipse sinistris. Sic aquilae clarum firmauit Iuppiter omen.

106 Hic — satelles : Schol. Veron. ad Aen.

5, 255.

105 aut praesensio : aut auspiciis praesensio V (auspiciis in mg.) | aut scientia om. V || aiebant B°°F V* : age- B'^M AV"HP | esse potuit : potuit V || malunt : malint H. 106 pinnata : pen- V | subrigit Peerlkamp (ad Verg. Aen. XI, 751) Lachmann (ad Lucr. I, 360) : subigit BF VHP subiit AM | semanimum BF A" V*HF. : semianimum A4" VP M, sed animum Z^ | abiecit B^ AV*, Ax (abiécit praesens est, uide LUCR. II, 951) : abicit B"FM V"H P | unda : undam μοί undas Lambinus | pinnis AV^HP : pen- BFM γῇ.

XLVII-107-XLVIII-108.

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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XLVIII. 107 Quant au fameux augurat de Romulus??, il fut celui d'un berger, non d'un citadin ; il ne fut pas

inventé d’après les croyances des ignorants?", mais recu d'hommes sürs et transmis à la postérité. Ainsi, chez Ennius, l'augure Romulus et son frère, lui-même

augure : « avec soin, avec grand soin, et dans un ardent désir du tróne, donnent en méme temps leur attention aux

auspices et aux augures. Sur la colline??? Rémus se consacre

aux

auspices

et guette

tout seul un

oiseau

favorable; de son cóté le beau Romulus demande des signes sur le sommet de l'Aventin et guette la race au-vol-élevé. L'objet de leur conflit était le nom de la ville : Rome ou Rémore?*5 ; tous les hommes avaient souci de savoir à qui des deux reviendrait le pouvoir suprême. Hs attendent ; ainsi, quand le consul est prêt à donner le signal, tous regardent avidement vers la sortie des loges de départ : 108 de l'étroite ouverture bariolée, laissera-t-il bientót s'élancer les chars ? Ainsi attendait le peuple et sur les visages on lisait la crainte des événements, l'inquiétude de savoir à qui des deux serait donnée la victoire, gage d'un grand règne. Cependant le blanc soleil se retira dans les profondeurs de la nuit. Puis l'aurore éclatante, frappée par les rayons, se montra au dehors et en méme temps, dans les hauteurs, au loin, un oiseau favorable, d'un trés bel augure, vola sur la gauche. Au moment où parait le soleil d'or descendent du ciel trois fois quatre corps sacrés d'oiseaux et ils se portent vers des lieux favorables et de bon augure. Alors Romulus constate

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DEDIVINATIONE- LIBER PRIMVS

XLVIII-107-XLVIII-108

XLVTIT. 107 Atque ille Romuli auguratus pastoralis, non urbanus fuit, nec fictus ad opiniones imperitorum,

sed a certis acceptus et posteris traditus. Itaque Romulus augur, ut apud Ennium est, cum fratre item augure curantes magna cum cura, tum cupientes regni dant operam simul auspicio augurioque. TIn montef Remus auspicio se deuouet atque secundam solus auem seruat ; at Romulus pulcher in alto quaerit Auentino, seruat genus altiuolantum. Certabant, urbem Romam Remoramne uocarent ; omnibus cura uiris uter esset induperator. Expectant, ueluti consul cum mittere signum uolt, omnes auidi spectant ad carceris oras, 108 quam mox emittat pictis e faucibus currus : sic expectabat populus atque ore timebat rebus, utri magni uictoria sit data regni. Interea sol albus recessit in infera noctis. Exin candida se radiis dedit 1cta foras lux,

et simul ex alto longe pulcherruma praepes laeua uolauit auis. Simul aureus exoritur sol,

cedunt de caelo ter quattuor corpora sancta auium, praepetibus sese pulchrisque locis dant. 108 praepetibus — dant : Gell. VII, 6, 9. 107 augur om. 4! | cum fratre B^F*M VHP : cum cum f. B*F* A | eura tum : curatim Z | in monte codd. (metro repugnat) : in Murco Skutsch (in app. crit.) | se deuouet atque BFM : se deuoueratque VP se deuouerat quae 4H sedet atque Skutsch | auem B** : autem B^FM AVHP [| quaerit Auentino codd. : monte Palatino Flores (sed uide SERV. Ad Aen. 1Π| 46) | altiuolantum Marsus : alte uolantum codd. | remoramne B"(ut uid.) AVP : remamne B*FM remoram neque 7 | omnibus : omnis V7 | cum mittere B^ VHP : committere ΒΡ ΕΜ A | uolt AV*P : uult BEM VFH. 108 quam mox Par Scor, Aldus : qua mox codd. | pictis codd. : pictos F. E. Brown (ap. Cameron) Cameron Skutsch | ore timebat : ora tenebat recc., Ven. | icta BFM AP : ita VH | uolauit auis B*FM V** : uolauit auis et AV*^HP volauitauisset Βα (μέ uid.) || de caelo post ter quattuor notis transp. V | sese : si esse P.

XLVIII-108-XLIX-111.

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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que la primauté lui est accordée : l'auspice a affermi le socle, la base de son tróne?". » XLIX. 109 Mais reprenons au point dont nous nous sommes écartés pour cette digression : si je ne pouvais nullement exposer le pourquoi de chaque phénoméne et si je montrais seulement que les faits rappelés par moi se produisent, répondrais-je de maniére insuffisante à Epicure ou à Carnéade ? Eh bien ! qu'en sera-t-il s'il existe aussi une explication, facile dans le cas des prédic-

tions fondées sur l'art, un peu plus obscure dans le cas des prédictions divines ? En effet, les prédictions que l'on peut tirer des viscéres, de la foudre, des prodiges et des astres ont été relevées gráce à une observation de longue durée. Or, dans tous les domaines, le temps

écoulé, accompagné d'une longue observation, apporte une science incroyable ; celle-ci peut exister méme sans la motion ni l'impulsion des dieux, dés lors qu'une attention réguliére a permis de reconnaitre l'événement qui suit chaque signe et le signe qui annonce chaque événement. 110 L'autre sorte de divination est naturelle, comme je l'ai dit précédemment ; celleci, dans un exposé subtil, relevant de la physique, doit étre rapportée à la nature des dieux, de laquelle, selon l'opinion des hommes les plus savants et les plus sages, nous avons tiré et détaché nos propres àmes ; et

comme l'univers est tout rempli et pénétré d'une intelligence éternelle et d'un esprit divin, il est nécessaire que les àmes humaines soient mises en mouvement par leur parenté avec les àmes divines. Mais à l'état de veille les àmes sont esclaves des nécessités de la vie et elles se coupent de cette association divine, empétrées qu'elles

sont dans les liens du corps?*. 111 Il existe une catégorie peu nombreuse de gens qui se détournent du corps et se laissent entraîner de tout leur soin et leur zèle vers la connaissance des choses divines. Leurs augures ne viennent pas d'une impulsion divine, mais de la raison

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| DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XLVIII-108 - XLIX-111

Conspicit inde sibi data Romulus esse priora, auspicio regni stabilita scamna solumque.

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XLIX. 109 Sed ut unde huc digressa est eodem redeat oratio : si nihil queam disputare quam ob rem quicque fiat et tantum modo fieri ea quae commemoraui doceam, parumne Epicuro Carneadiue respondeam ? Quid, si etiam ratio extat artificiosae praesensionis facilis, diuinae autem paulo obscurior ? Quae enim extis, quae fulgoribus, quae portentis, quae astris praesentiuntur, haec notata sunt obseruatione diuturna ; adfert autem

uetustas omnibus in rebus longinqua obseruatione incredibilem scientiam ; quae potest esse etiam sine motu atque impulsu deorum, cum quid ex quoque eueniat et quid quamque rem significet crebra animaduersione perspectum est. 110 Altera diuinatio est naturalis, ut ante dixi ; quae physica disputandi subtilitate referenda est ad naturam deorum, a qua, ut doctissimis sapientissimisque placuit, haustos animos et libatos habemus ; cumque omnia completa et referta sint aeterno sensu et mente diuina, necesse est cognatione diuinorum animorum animos humanos commoueri. Sed uigilantes animi uitae necessitatibus seruiunt diiunguntque se a societate diuina, uinclis corporis impediti. 111 Rarum est quoddam genus eorum qui se a corpore auocent et ad diuinarum rerum cognitionem cura omni studioque rapiantur. Horum sunt auguria non diuini impetus, sed rationis humanae ; nam et natura futura praesentiunt,

108 priora B"FM, Vahlen Pease Giomini : propriam B^ AVH propria P propritim L. Müller Skutsch Flores. 109 ut BFM AP : del. V, om. H | queam : quae tum V | quicque : quicquid 5^ | paulo : paulo ante H | fulgoribus BF VHP : fulgu- 4 M | diuturna : diurna P | quoque : quo Z | et quid : quid B*. 110 habemus om. B'^ | sint Eg, Ven. : sunt codd. | cognatione recc., Marsus Pease Timpanaro : cognitione codd. contagione Davies Ax Giomini. 111 auocent : euo- P | rapiantur : -untur B^ | praesentiunt : -tit V^, LL

XLIX-111 - L-113

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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humaine ; car ils pressentent l'avenir de façon naturelle,

par exemple les inondations et la conflagration future du ciel et de la terre ; d'autres, exercés à la politique,

comme nous le savons de l'Athénien Solon??, prévoient longtemps à l'avance la naissance d'une tyrannie ; nous pouvons les dire prudents (prudentes), c'est-à-dire prévoyants (prouidentes), mais nullement devins, pas plus que Thalés de Milet : celui-ci, pour réduire au silence ses détracteurs et leur montrer qu'un philosophe, 51 bon lui semble, peut aussi faire de l'argent, acheta, dit-on, toute la récolte d'olives sur le territoire de Milet, avant le début de la floraison. 112 Sans doute avait-il remarqué, gráce à certaines connaissances scientifiques, qu'il y aurait abondance

d'olives. C'est lui aussi, à ce

qu'on rapporte, qui prédit le premier une éclipse de soleil, celle qui eut lieu sous le règne d’Astyage*®. L. Les médecins, les pilotes, les paysans méme font de nombreuses

prévisions, mais je ne nomme

aucune

d'entre elles divination"! ; ce terme ne convient pas non plus à celle du physicien Anaximandre, qui avertit les Lacédémoniens de quitter leur ville et leurs maisons et de passer la nuit tout armés dans la campagne, parce qu'un tremblement de terre était imminent : ce fut alors que la ville entiére s'écroula et que l'extrémité du mont Taygète fut arrachée, telle la poupe d'un

navire®, Phérécyde5, le fameux maître de Pythagore, ne sera pas non plus tenu pour un devin, mais pour un physicien, lui qui, ayant vu de l’eau tirée d’un puits intarissable,

annonça

l’imminence

d’un

tremblement

de terre. 113 En vérité l'àme humaine ne parvient à la divination naturelle qu’à la condition d’être dégagée et libre au point de n’avoir aucun contact avec le corps, ce qui arrive soit dans les vaticinations, soit dans

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

XLIX-111 - L-113

ut aquarum eluuiones et deflagrationem futuram aliquando caeli atque terrarum ; alii autem in re publica exercitati, ut de Atheniensi Solone accepimus, orientem tyrannidem multo ante prospiciunt ; quos prudentes possumus dicere, id est prouidentes, diuinos nullo modo possumus, non plus quam Milesium Thalem, qui, ut obiurgatores suos conuinceret ostenderetque etiam philosophum, si ei commodum esset, pecuniam facere posse, omnem oleam, ante quam florere coepisset, in agro Milesio coemisse dicitur. 112 Animaduerterat fortasse quadam scientia olearum ubertatem fore. Et quidem idem primus defectionem solis, quae Astyage regnante facta est, praedixisse fertur. L. Multa medici, multa gubernatores, agricolae etiam multa praesentiunt, sed nullam eorum diuinationem uoco, ne illam quidem qua ab Anaximandro physico moniti Lacedaemonii sunt ut urbem et tecta linquerent armatique in agro excubarent, quod terrae motus instaret, tum cum et urbs tota corruit et e monte Taygeto extrema montis quasi puppis auulsa est. Ne Pherecydes quidem, ille Pythagorae magister, potius diuinus habebitur quam physicus, quod, cum uidisset haustam aquam de iugi puteo, terrae motus dixit instare. 113 Nec uero umquam animus hominis naturaliter diuinat, nisi cum

ita solutus est et uacuus

ut ei plane nihil sit cum corpore ; quod aut uatibus

112 ab Anaximandro — instare : cf. Plin. nat. II, 191. 111 eluuiones Turnebus : fluxiones BFM AVP flexiones H | et : ut F° | futuram : futurarum | atheniensi : -sibus À | solone BFM AFP : solon ne 4^ sollenne A | coemisse : quoemisso 7". 112 quadam scientia : quandam scientiam H | e monte VP : monte B* AH, Áx (fortasse recte) in monte B^FM 45 || extrema : extrema pars MF" | extrema montis secl. Davies | montis secl. Timpanaro | auulsa FM AVHP, Ax : auolsa B, Giomini || haustam AVHP

: exhaustam BFM.

L-113-L-114

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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le sommeil. C’est pourquoi ces deux sortes de divination sont admises par Dicéarque et, comme je l’ai dit,

par notre ami Cratippe?" ; s'ils les admettent parce qu'elles dérivent de la nature, je veux bien qu'elles solent les plus importantes, pourvu qu'elles ne soient pas les seules ; mais s'ils pensent que l'observation est dénuée de valeur, ils suppriment une bonne part de ce qui est utile à la conduite de la vie. Mais puisqu'ils nous accordent quelque chose, et quelque chose qui n'est pas mince, [les vaticinations et les songes], il n'y a pas de raison de batailler longuement avec eux, étant donné surtout qu'il y en a d'autres qui n'admettent absolument aucune forme de divination. 114

Ainsi

donc,

ceux

dont

les

âmes,

méprisant

le corps, s'envolent et s'élancent au dehors, enflammées et excitées par une sorte d'ardeur, voient assurément ce qu'ils annoncent dans leurs vaticinations ; et bien des circonstances enflamment de telles àmes, qui cessent d'adhérer au corps : ainsi certains sont excités par telle

sonorité des voix ou par la musique phrygienne?, Beaucoup sont impressionnés par les bois et les foréts, beaucoup par les fleuves ou par la mer : leur esprit en délire voit longtemps à l'avance les événements futurs. De ce genre reléve cette prédiction : « Ah! Voyez! Quelqu'un a rendu, entre les trois déesses, un jugement fameux, et ce jugement fera venir une femme de Lacédémone, une des Furies*®. » De fait les vaticinateurs prédisent bien souvent de cette maniére,

non

seulement

en paroles

ordinaires,

jadis

Faunes

mais méme «en

vers,

les devins"" ».

que

chantaient

les

et

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

L-113

-L-114

contingit aut dormientibus. Itaque ea duo genera a Dicaearcho probantur et, ut dixi, a Cratippo nostro ; si propterea quod ea proficiscuntur a natura, sint summa sane, modo

ne sola ; sin autem nihil esse in obserua-

tione putant, multa tollunt quibus uitae ratio continetur. Sed quoniam dant aliquid, idque non paruum [uaticinationes cum somniis], nihil est quod cum his magnopere pugnemus, praesertim cum sint qui omnino nullam diuinationem probent. 114 Ergo et ii quorum animi spretis corporibus euolant atque excurrunt foras, ardore aliquo inflammati atque incitati, cernunt illa profecto quae uaticinantes pronuntiant, multisque rebus inflammantur tales animi qui corporibus non inhaerent, ut ii qui sono quodam uocum et Phrygiis cantibus incitantur. Multos nemora

siluaeque, multos

amnes aut maria commouent, quorum furibunda mens uidet ante multo quae sint futura. Quo de genere illa sunt :

Eheu uidete ! Iudicauit inclitum iudicium inter deas tris aliquis, quo

iudicio

Lacedaemonia

mulier,

Furiarum

una,

[adueniet. Eodem enim modo multa a uaticinantibus praedicta sunt neque solum uerbis, sed etiam

saepe

uersibus quos olim Fauni uatesque canebant.

114 eheu uidete : div. II, 112.

113 uaticinationes BF" 4° VP : -nis F^M" — ni M** uaticiones A*H | uaticinationes cum somniis codd., Ax, del. Davies Pease Giomini. 114 pr. ii Lambinus : hii H M hi BF AVP || alt. ii Lambinus : hii H hi BFM AVP | sono : somno 5" | sint codd. : sunt L, Ven. | illa : illi B* | iudicauit codd., Jocelyn : -bit Haupt Pease Giomini | inter : intus V* | multa om. H | uerbis codd. : solutis u. Thoresen Timpanaro.

L-115 - LI-116

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

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115 C'est de cette facon que les devins Marcius et

Publicius ont chanté, dit-on, l'avenir? ; dans le méme genre on a fait connaitre les réponses mystérieuses d'Apollon. Je crois qu'il y eut aussi certaines exhalaisons de la terre qui pénétraient les esprits et leur

faisaient répandre des oracles*”. LI.

Telle

est

la cause

des

vaticinations,

et celle

des rêves n'est guère différente. Car ce qui arrive aux devins quand ils sont éveillés nous arrive à nous quand nous dormons. Dans le sommeil, en effet, l'àme jouit de sa pleine vigueur ; elle est libérée des sens et de tous les soucis qui l'entravent, le corps étant couché et presque mort. Parce qu'elle a vécu de toute éternité et fréquenté

des esprits innombrables,

elle voit tout

ce qu'il y a dans la nature, pourvu qu'une nourriture sobre et une boisson modérée la laissent bien éveillée elle-méme tandis que le corps est assoupi. Telle est la divination par les réves. 116

Ici

intervient

une

activité

importante,

qui

ne reléve pas de la nature, mais de l'art, l'interprétation des songes [d’Antiphon], et elle s'applique de la méme maniére aux oracles et aux vaticinations : car il y a des gens qui les expliquent, comme les grammairiens expliquent les poétes. En effet, de méme que la nature divine aurait créé en vain l'or et l'argent, le cuivre, le fer si elle ne nous avait appris aussi comment découvrir leurs filons, de méme

qu'elle aurait donné sans profit au genre humain les produits de la terre et les fruits des arbres si elle n'avait enseigné la maniére de les cultiver et de les préparer, de méme que le bois de construction serait inutile si nous ne connaissions pas l'art de le travailler, ainsi à chaque avantage que les dieux ont donné aux hommes est lié un art qui permet de

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DEDIVINATIONE -LIBER PRIMVS

— L-115- LI-116

115 Similiter Marcius et Publicius uates cecinisse dicuntur ; quo de genere Apollinis operta prolata sunt. Credo etiam anhelitus quosdam fuisse terrarum quibus inflatae mentes oracla funderent. LI. Atque haec quidem uatium ratio est, nec dissimilis sane somniorum. Nam quae uigilantibus accidunt uatibus, eadem nobis dormientibus. Viget enim animus in somnis liber ab sensibus omnique impeditione curarum, iacente et mortuo paene corpore. Qui, quia uixit ab omni aeternitate uersatusque est cum innumerabilibus animis, omnia quae in natura rerum sunt uidet,

si modo temperatis escis modicisque potionibus ita est adfectus ut sopito corpore ipse uigilet. Haec somniantis est diuinatio. 116 Hic magna quaedam exoritur, neque ea naturalis,

sed artificiosa somniorum

[Antiphonis]

interpretatio eodemque modo et oraclorum et uaticinationum : sunt enim explanatores, ut grammatici poetarum. Nam ut aurum et argentum, aes, ferrum, frustra natura diuina genuisset, nisi eadem docuisset

quem ad modum ad eorum uenas perueniretur, nec fruges terrae bacasue arborum cum utilitate ulla generi humano dedisset, nisi earum cultus et conditiones tradidisset, materiaue quicquam iuuaret, nisi confectionis eius fabricam haberemus, sic cum omni utilitate quam di hominibus dederunt ars aliqua coniuncta

115 de BFM : e AVHP || quidem om. B" || uatium : -tum VF | liber ab sensibus omnique Christ Ax Giomini : liberque (— betque À) sensibus ab omni codd. liberque est sensibus ac omni Davies || ab omni : ab omnibus 7 | modicisque BF AVHP : mundique B* moderatisque M | uigilet : eui- H. 116 antiphonis codd. (-phontis Aldus), ut glossema secl. omnes fere Ciceronis edd. (cf. 1, 39), retin. autem Diels-Kranz || sunt enim — poetarum uf glossema secl. Kayser Pease Giomini (cf. I, 34), retin. Timpanaro | aes : es et H | nisi eadem docuisset om. H (lacunae signo add.) | materiaue : materia deinde V | quicquam Madvig : quid codd., Áx | confectionis B°FM HP : -nes B'^ AV* consectionis V.

LI-116-LII-118

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

62

jouir pleinement de cet avantage. De la même façon, donc, parce que beaucoup de songes, de vaticinations et d'oracles

étaient

obscurs

ou ambigus,

on leur a

Joint l’explication des interprètes. 117 De quelle manière les devins ou les rêveurs voient-ils des choses qui pour l'instant ne sont encore nulle part, c'est une grande question. Mais sil'on examinait ce qui doit étre débattu au préalable, la réponse serait plus facile. Car cette question dépend tout entiére de la doctrine sur la nature des dieux, que tu as exposée

de manière limpide au second livre de ton traité?'?, Sj nous maintenons fermement cette doctrine, tout ce dont dépend le point qui nous occupe sera bien établi : il y a des dieux, leur providence gouverne le monde, ils prennent soin des affaires humaines, non seulement dans leur ensemble, mais aussi dans le détail. Si nous

tenons ferme sur ces articles, qui me paraissent, à moi, irréfutables, il est vraiment nécessaire que l'avenir soit signifié aux hommes par les dieux. LIL 118 Mais il faut, semble-t-il, préciser de quelle manière. Car ce n’est pas l'avis des Stoiciens qu'un dieu intervienne dans chaque fissure du foie ou chaque chant d'oiseau (en effet, ce ne serait ni convenable, ni digne

des dieux, et cela ne peut se faire en aucune facon) ; mais, estiment-ils, dés le commencement le monde a été ébauché de telle sorte que des événements déterminés sont précédés par des signes déterminés, fournis soit par les viscéres des victimes, soit par les oiseaux, soit par

la foudre, soit les visions des état de délire. de ces signes de conjecture

par les prodiges, soit par les astres, soit par réveurs, soit par les paroles prononcées en Ceux qui ont une bonne compréhension ne se trompent pas souvent ; les erreurs et d'interprétation tiennent non pas à

un défaut des choses, mais à l'ignorance des interprétes.

62

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

est per quam somniis,

— LI-116-LII-118

illa utilitas percipi possit. Item igitur

uaticinationibus,

oraclis,

quod

erant

multa

obscura, multa ambigua, explanationes adhibitae sunt interpretum. 117 Quo modo autem aut uates aut somniantes ea uideant quae nusquam etiam tunc sint, magna quaestio est. Sed explorata si sint ea quae ante quaeri debeant, sint haec quae quaerimus faciliora. Continet enim totam hanc quaestionem ea ratio quae est de natura deorum, quae a te secundo libro est explicata dilucide. Quam si obtinemus, stabit illud quod hunc locum continet de quo agimus : esse deos, et eorum prouidentia mundum administrari, eosdemque consulere rebus humanis, nec solum uniuersis, uerum etiam singulis. Haec si tenemus, quae mihi quidem

non uidentur posse conuelli, profecto hominibus a dis futura significari necesse est. LII. 118 Sed distinguendum uidetur quonam modo. Nam non placet Stoicis singulis iecorum fissis aut auium cantibus interesse deum (neque enim decorum est nec dis dignum nec fieri ullo pacto potest) ; sed ita a principio inchoatum esse mundum ut certis rebus certa signa praecurrerent, alia in extis, alia in auibus, alia in fulgoribus, alia in ostentis, alia in stellis, alia in somniantium

uisis, alia in furentium uocibus. Ea quibus bene percepta sunt, ii non saepe falluntur ; male coniecta maleque interpretata falsa sunt non rerum uitio, sed interpretum

117 pr. aut om. H | sint haec : sunt haec A" eosdemque : eosdem F | uniuersis : -sus F | a 118 quonam : quodam 7" | fulgoribus : fulguH | furentium : furentis 4% || ii edd. : hi BFM V falsi F* | interpretum : interpretantium A.

| secundo : in s. H | dis : addis 5^. M || alia in stellis om. hii HP om. À | falsa :

LII-118 - LIII-120

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

63

Une fois établi et admis qu'il y a un certain pouvoir divin dont dépend la vie des hommes, il n'est pas difficile de soupçonner de quelle manière se produisent ces

faits dont nous constatons assurément la réalité. En effet, dans le choix de la victime, nous pouvons étre guidés par

un certain pouvoir, doué d’intelligence*!", qui est répandu à travers le monde entier, et, d'autre part, au moment méme où l’on va immoler, il peut se produire un changement dans les viscéres de facon qu'il y ait quelque chose en plus ou en moins ; par de légéres impulsions, en effet, la nature ajoute, change ou supprime bien des choses, 119 Pour que nous n'ayons aucun doute là-dessus, une trés grande preuve nous est fournie par ce qui est arrivé peu avant la mort de César. Tandis qu'il offrait un sacrifice, le jour où pour la première fois il s'assit sur un siége d'or et se présenta avec un vétement de pourpre, on ne trouva pas de cœur dans les viscéres d'un bœuf gras. Penses-tu donc qu'un animal qui a du sang puisse vivre sans cœur ? César ne fut pas ému par l'étrangeté

de ce fait, alors que Spurinna?" lui disait qu'il avait à craindre de perdre l'intelligence et la vie ; l'une et l'autre en effet partent du cœur. Le lendemain on ne trouva pas

de « téte » dans le foie d'une victime”. De tels signes, les dieux immortels, assurément, les lui donnaient pour

qu'il vit la mort, et non qu'il s'en gardât“*. Donc, quand on ne découvre pas dans les viscéres des parties sans lesquelles la victime n'aurait pas pu vivre, il faut comprendre que ces parties manquantes ont disparu au moment méme de l'immolation. LIII. 120 L'esprit divin exerce la même influence sur les oiseaux : ainsi ceux dont le vol est un présage se dirigent tantót d'un cóté, tantót de l'autre, et ils se cachent tantót ici, tantót là ; ceux dont le chant est

significatif” se font entendre tantôt à droite, tantôt à gauche. En effet, si chaque animal utilise à son gré

6.

DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LII-118 - LIII-120

inscientia. Hoc autem posito atque concesso, esse quandam uim diuinam hominum uitam continentem, non difficile est, quae fieri certe uidemus, ea qua ratione fiant suspicari. Nam et ad hostiam deligendam potest dux esse uis quaedam sentiens, quae est toto confusa mundo, et tum ipsum cum immolare uelis extorum fieri

mutatio potest, ut aut absit aliquid aut supersit ; paruis enim momentis multa natura aut adfingit aut mutat aut detrahit. 119 Quod ne dubitare possimus, maximo est argumento quod paulo ante interitum Caesaris contigit. Qui cum immolaret illo die quo primum in sella aurea sedit et cum purpurea ueste processit, in extis bouis opimi cor non fuit. Num igitur censes ullum animal quod sanguinem habeat sine corde esse posse ? Qua ille rei «non est^ nouitate perculsus, cum Spurinna diceret timendum esse ne et consilium et uita deficeret : earum enim rerum utramque a corde proficisci. Postero die caput in iecore non fuit. Quae quidem illi portendebantur a dis immortalibus ut uideret interitum, non ut caueret.

Cum igitur eae partes in extis non reperiuntur sine quibus uictuma illa uiuere nequisset, intellegendum est in ipso immolationis tempore eas partes quae absint interisse. LIII. 120 Eademque efficit in auibus diuina mens ut tum huc, tum illuc uolent alites, tum in hac, tum in illa

parte se occultent, tum a dextra, tum a sinistra parte canant oscines. Nam si animal omne, ut uult, ita utitur

119 Cf. Plin. nat. XI, 186. 118 ad B*FM AVP : om. B* H | deligendam B*FMF V* : dili- ΒΜ’ AV*HP | ipsum : ipsam M | aut absit : absit ἢ. 119 ullum BFM AV*P : ullam V^ illum | habeat : habet Η | non est hic add. Philippson Timpanaro (non est post nouitate add. Klotz Giomini, alii alia) | deficeret : effi- P^ | utramque 5^ 4 : utrumque BEM VH (ut uid.) P | ut uideret interitum om. Κ΄. 120 occultent : -tant V* l a/t. parte om. H l oscines H M^ : hoscines BFM" AV*P hos cnes V".

LII-120 - LIV-122 les

mouvements

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER de

son

corps,

se

portant

en

64

avant,

sur le côté, en arrière, s'il fléchit, fait tourner, étend, contracte ses membres comme 1] lui plait, s'il exécute cela avant méme, ou presque, d'y penser combien

est-ce plus facile pour la divinité, dont la puissance gouverne toute chose! 121 C'est elle aussi qui nous envole des signes de ce genre, dont l'histoire nous a transmis un trés grand nombre. Voici par exemple ce que nous lisons : s'il y avait une éclipse de lune, peu avant le lever du soleil, dans la constellation du Lion, Darius

et les Perses seraient vaincus à la guerre par Alexandre

et les Macédoniens, et Darius mourrait6 ; s’il naissait une fillette à deux tétes, il y aurait soulévement dans le peuple, séduction et adultére dans les maisons, et si une femme révait qu'elle enfantait un lion, les nations étrangères vaincraient la république où ce rêve aurait

eu lieu". Du méme genre relève aussi ce que raconte Hérodote

: le fils de Crésus, qui était muet,

se mit à

parler?" ; à la suite de ce prodige, le royaume et la maison de son pére s'écroulérent de fond en comble. Quel historien ne rapporte que Servius Tullius?? eut la tête entourée de flammes pendant son sommeil ? De même donc que celui qui se livre au repos, l'esprit préparé à la fois par de bonnes pensées et par un régime favorisant le calme

intérieur, reçoit dans

le sommeil

des visions

certaines et véridiques??, de méme l'homme éveillé, s'il a l'esprit intégre et pur, saisit plus facilement les vérités révélées par les astres, les oiseaux et les autres signes, ainsi que par les viscéres des victimes. LIV. 122 C'est assurément ce que au sujet de Socrate et qu'il rapporte dans les livres des Socratiques : il y a divin, qu'il appelle δαιμόνιον, auquel alors que jamais il ne le poussait à

nous avons appris souvent lui-méme un certain principe il a toujours obéi, agir, mais souvent

le retenait. Et Socrate, quant à lui (pouvons-nous trouver

une meilleure autorité ?), à Xénophon qui lui demandait

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DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LIII-120 - LIV-122

motu sui corporis, prono, obliquo, supino, membraque

quocumque uult flectit, contorquet, porrigit, contrahit, eaque ante efficit paene quam cogitat, quanto id deo est facilius, cuius numini parent omnia ! 121 Idemque mittit et signa nobis eius generis qualia permulta historia tradidit, quale scriptum illud uidemus : si luna paulo ante solis ortum defecisset in signo Leonis, fore ut armis Dareus et Persae ab Alexandro et Macedonibus [proelio] uincerentur Dareusque moreretur ; et si puella nata biceps esset, seditionem in populo fore, corruptelam et adulterium domi ; et si mulier leonem peperisse uisa esset, fore ut ab exteris gentibus uinceretur ea res publica in qua id contigisset. Eiusdem generis etiam illud est quod scribit Herodotus, Croesi filium, cum esset infans, locutum ; quo

ostento

regnum

patris et

domum funditus concidisse. Caput arsisse Seruio Tullio dormienti quae historia non prodidit? Vt igitur qui se tradidit quieti praeparato animo cum bonis cogitationibus, tum rebus ad tranquillitatem adcommodatis, certa et uera cernit in somnis, sic castus animus purusque uigilantis et ad astrorum et ad auium reliquorumque signorum et ad extorum ueritatem est paratior. LIV. 122 Hoc nimirum est illud quod de Socrate accepimus quodque ab ipso in libris Socraticorum saepe dicitur : esse diuinum quiddam, quod δαιμόνιον appellat, cui semper ipse paruerit numquam impellenti, saepe reuocanti. Et Socrates quidem (quo quem auctorem meliorem quaerimus ?) Xenophonti

120 sui om. A'. 121 luna paulo AVHP M : paulo luna BF || armis del. Orelli Giomini, Arbelis Fórtsch |] dareus (pr. et ait.) B^ V : darius B"FMA (ex dareus 2) HP | proelio del. Davies Pease Timpanaro | concidisse : -sset 4 ἢ} arsisse : arisse V | tradidit Müller : tradet ita codd. | tum rebus om. V Π reliquorumque signorum post extorum transp. Hottinger. 122 δαιμόνιον : demonion BFM AVP demon ἢ.

LIV-122 - LV-124

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

65

s'il devait suivre Cyrus, exposa d'abord ce qu'il pensait lui-même, puis il lui dit : « Mon conseil est un conseil humain, mais à propos des choses obscures et incertaines je pense qu'il faut s'en remettre à Apollon », lui que les Athéniens aussi ont toujours consulté officielle-

ment à propos des affaires de particulière importance?! 123 De méme on peut lire qu'ayant vu son ami Criton avec un bandeau sur l'eil, Socrate lui demanda ce qu'il avait ; celui-ci répondit que, se promenant dans la campagne, il avait reçu dans l’œil une petite branche, qui avait été courbée, puis relâchée ; alors Socrate lui dit :

« C'est que tu ne m'as pas obéi, à moi qui te retenais en suivant, comme de coutume, un avertissement divin ». Socrate encore, quand

les Athéniens,

commandés

par

Lachés??, eurent été vaincus à Délion, battait en retraite avec Lachès lui-même ; parvenu à un carrefour, il ne voulut pas fuir par la même route que les autres. Comme ils lui demandaient pourquoi il ne continuait pas par la même route, il répondit qu'il en était détourné par le dieu ; alors ceux qui avaient pris une autre route que lui tombérent sur la cavalerie des ennemis. Antipater a recueilli de trés nombreux cas oü Socrate a fait preuve de divination de fagon étonnante ; je les laisserai de côté, car ils sont connus de toi ; il n'est pas nécessaire

que je les rappelle. 124 Voici pourtant, de ce philosophe, une parole magnifique et presque divine : ayant été condamné par des sentences impies, il déclara qu'il mourait dans la plus grande

sérénité ; en effet, ni en

sortant de chez lui, ni en montant sur l'estrade οὐ 1] avait plaidé sa cause, il n'avait reçu du dieu aucun des signes

annonçant d'ordinaire l'imminence d'un malheur??, LV. Voici, quant à moi, ce que je pense : méme s'ils se trompent souvent, ceux qui passent pour la pratiquer en vertu d'un art ou de la conjecture, la divination existe

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DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LIV-122 - LV.124

consulenti sequereturne Cyrum, posteaquam exposuit quae ipsi uidebantur, « Et nostrum quidem, inquit, humanum est consilium ; sed de rebus et obscuris et

incertis ad Apollinem censeo referundum », ad quem etiam Athenienses publice de maioribus rebus semper rettulerunt.

123

Scriptum

est item,

cum

Critonis,

sui

familiaris, oculum alligatum uidisset, quaesiuisse quid esset ; cum autem ille respondisset in agro ambulanti ramulum adductum, ut remissus esset, in oculum suum recidisse, tum Socrates : « Non enim paruisti mihi reuocanti, cum uterer qua soleo praesagatione diuina ». Idem etiam Socrates, cum apud Delium male pugnatum esset Lachete praetore fugeretque cum ipso Lachete, ut uentum est in triuium, eadem qua ceteri fugere noluit. Quibus quaerentibus cur non eadem uia pergeret, deterreri se a deo dixit ; cum quidem ä qui alia uia fugerant in hostium equitatum inciderunt. Permulta con/ecta sunt ab Antipatro quae mirabiliter a Socrate diuinata sunt ; quae praetermittam ; tibi enim nota sunt, mihi ad commemo-

randum non necessaria. 124 Illud tamen eius philosophi magnificum ac paene diuinum, quod, cum impiis sententiis damnatus esset, aequissimo animo se dixit mori ; neque enim domo egredienti neque illud suggestum, in quo causam dixerat, ascendenti signum sibi ullum, quod consuesset, a deo quasi mali alicuius impendentis datum. LV. Equidem sic arbitror, etiamsi multa fallant eos qui

aut arte aut coniectura diuinare uideantur, esse tamen 122 cyrum Cratander in mg. : epicurum codd. et ipse cyrum Camerarius | et obscuris B'* AVP : obscuris B*FM H | referundum B** AVP : -endum FM H -untur B". 123 quaesiuisse : -sset F l| quaesiuisse quid esset om 4 Il uterer : -ret V* | praesagatione codd., Ax Timpanaro (cf. I, 66) : praesagiMarsus Pease Giomini || delium Marsus : duellium codd. (uellium M) l| ipso om. B" Il ii edd. : hi codd. || conlecta Victorius : coniecta codd. collecta Cantabr.

Dd.

13, 2.

124 se om. V || dixit : du- V Il a/t. neque om. A** Il illud AVHPM : enim illud BF l| mali : mala 4° l| sic om. H | qui BFM A'*V*H : om. A*V*P.

LV-124 - LV-126

DELA DIVINATION - LIVRE PREMIER

cependant ; les hommes,

comme

dans

66

tous les autres

arts, dans celui-ci aussi peuvent se tromper. Il peut arriver qu'un signe donné comme douteux soit recu pour certain ; il peut se faire que demeure caché soit le signe lui-méme, soit un signe qui lui serait contraire. À mes yeux, pour prouver la vérité de la thèse que ]e soutiens, i! suffit de trouver je ne dis pas un grand nombre, mais simplement un petit nombre de faits prévus et prédits de maniére divine. 125 Bien plus je n’hésiterais pas à dire que, si un seul fait a été prédit et prévu de telle sorte que, se réalisant, 1l se déroule conformément à la prédiction, sans qu'on puisse voir là l'euvre du hasard et de la fortune, la divination existe certainement et tous doivent reconnaitre son existence. C'est pourquoi il me semble qu'il faut, comme Posidonius", faire dériver l'essence méme de la divination et son explication rationnelle d'abord de la divinité (je me suis suffisamment étendu sur ce point), ensuite du

destin et enfin de la nature. Donc la raison nous force à reconnaitre que tout a lieu selon le destin. J'appelle « destin » ce que les Grecs appellent εἱμαρμένη, c'està-dire l'ordre et la série des causes, chaque cause étant

liée à une cause"? et produisant à partir d'elle-méme un effet. C'est la vérité éternelle s'écoulant de toute éternité. Puisqu'il en est ainsi, rien n'est arrivé qui ne devait avoir lieu et, de la méme façon, rien n'arrivera dont

la nature ne contienne déjà les causes qui le produisent. 126 On comprend ainsi que le destin n'est pas ce que dit la superstition, mais ce qu'enseigne la physique : la cause éternelle des choses, expliquant pourquoi le passé a eu lieu,

le présent a lieu et l'avenir se produira**, Il en résulte que l'observation peut noter l'événement qui suit la plupart du temps chaque cause, méme si ce n'est pas toujours le cas (cela, en effet, il serait difficile de l'affirmer), et il est vraisemblable que ces mémes causes des événements futurs sont discernées par ceux qui voient l'avenir dans le délire prophétique ou le repos du sommeil.

66

| DEDIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LV-124 — LV-126

diuinationem ; homines autem, ut in ceteris artibus, sic in hac posse falli. Potest accidere ut aliquod signum dubie datum pro certo sit acceptum, potest aliquod latuisse aut ipsum aut quod esset illi contrarium. Mihi autem ad hoc de quo disputo probandum satis est non modo plura, sed etiam pauciora diuine praesensa et praedicta reperiri. 125 Quin etiam hoc non dubitans dixerim, si unum aliquid ita sit praedictum praesensumque ut, cum

euenerit, ita cadat ut praedictum sit, neque in eo

quicquam casu et fortuito factum esse appareat, esse certe diuinationem, idque esse omnibus confitendum. Quocirca primum mihi uidetur, ut Posidonius facit, a deo, de quo satis dictum est, deinde a fato, deinde

a natura uis omnis diuinandi ratioque repetenda. Fieri igitur omnia fato ratio cogit fateri. Fatum autem id appello quod Graeci εἱμαρμένην, 1d est ordinem seriemque causarum, cum causae causa nexa rem ex se gignat. Ea est ex omni aeternitate fluens ueritas sempiterna. Quod cum ita sit, nihil est factum quod non futurum fuerit, eodemque modo nihil est futurum cuius non causas id ipsum efficientes natura contineat. 126 Ex quo intellegitur ut fatum sit non id quod superstitiose, sed id quod physice dicitur, causa aeterna rerum, cur et ea quae praeterierunt facta sint, et quae

instant fiant, et quae sequuntur futura sint. Ita fit ut et obseruatione notari possit quae res quamque causam plerumque consequatur, etiamsi non semper (nam id quidem adfirmare difficile est), easdemque causas ueri simile est rerum futurarum cerni ab iis qui aut per furorem eas aut in quiete uideant. 124 etiam : enim B“° | diuine ΒΡ ΕΠ AHP : -na FFM V — nae Β΄ VF. 125 praedictum-cadat ut om. V^ | omnibus om. H |l alt. fato : facto B* |l εἱμαρμένην : himarmenen codd. | causae causa nexa rem : causae causa nexarum JV causa causam (del. nexarum) Vll ex omni : omni 7". 126 fatum AVP M : factum BF H l| et obseruatione : obs- V Il quamque : quamcumque V || simile est Par^, Manutius : similes codd. (B^) l iis AVHP : his B*FM is B*.

LVI-127 - LVI-128

DE LA DIVINATION - LIVRE PREMIER

67

LVI. 127 En outre, puisque tout a lieu selon le destin,

ce qui sera démontré ailleurs", s'il pouvait y avoir un mortel qui embrassát dans son esprit tout l'enchainement des causes, assurément rien ne lui échapperait. Qui en effet connaitrait les causes des événements futurs

connaîtrait

aussi,

nécessairement,

l'ensemble

de l'avenir. Mais puisque personne, sinon un dieu, ne peut faire cela, il reste à l'homme de prévoir l'avenir d’après certains signes révélateurs de ce qui les suit. Les événements futurs ne surgissent pas tout d'un coup, mais le temps s'écoule à la maniére d'un cáble qui se déroule : il ne produit rien de nouveau, mais déploie à

son tour chaque événement. C'est ce que voient ceux qui ont recu le don de divination naturelle et ceux qui, grâce à l'observation, ont pris connaissance du cours des choses. Ces derniers, même s'ils ne discernent pas les causes elles-mémes, discernent pourtant des signes et des indices révélateurs de ces causes, qui ont été confiés à la mémoire, étudiés attentivement et consignés dans les documents laissés par nos prédécesseurs ; ainsi se constitue la divination qualifiée d'artificielle, reposant sur les viscéres des animaux, les foudres, les prodiges et

les signes célestes. 128 Π n'y a donc pas lieu de s'étonner que les devins prévoient ce qui n'existe nulle part ; car tous les événements existent, mais ils sont éloignés de nous dans le temps. Et de méme que dans la semence réside l'essence de ce qui est produit à partir d'elle, de méme dans les causes sont cachés les événements futurs : l'esprit excité par le délire ou affranchi par le sommeil voit qu'ils auront lieu, la raison ou la conjecture le devine. Ceux qui ont appris à connaitre le lever, le coucher, les mouvements du soleil, de la lune et des autres astres

prédisent longtemps à l'avance le moment où chacun de ces phénoménes se produira : de méme ceux qui, en explorant la longue durée, ont noté le cours des choses et la suite des événements comprennent ce qui arrivera, soit

67

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LVI-127 — LVI-128

LVI. 127 Praeterea, cum fato omnia fiant, id quod alio loco ostendetur, si quis mortalis possit esse qui conligationem causarum omnium perspiciat animo, nihil eum profecto fallat. Qui enim teneat causas rerum futurarum, idem necesse est omnia teneat quae futura sint. Quod cum nemo facere nisi deus possit, relinquendum est homini ut signis quibusdam consequentia declarantibus futura praesentiat. Non enim illa quae futura sunt subito existunt, sed est quasi rudentis explicatio sic traductio temporis nihil noui efficientis et primum quicque replicantis. Quod et ii uident quibus naturalis diuinatio data est, et ii quibus cursus rerum

obseruando notatus est. Qui etsi causas ipsas non cernunt, signa tamen causarum et notas cernunt ; ad quas adhibita memoria et diligentia et monumentis superiorum efficitur ea diuinatio quae artificiosa dicitur, extorum,

fulgorum,

ostentorum

signorumque

caelestium. 128 Non est igitur ut mirandum sit ea praesentiri a diuinantibus quae nusquam sint ; sunt enim omnia, sed tempore absunt. Atque ut in seminibus uis inest earum rerum quae ex iis progignuntur, sic in causis conditae sunt res futurae, quas esse futuras aut concitata mens aut soluta somno

cernit, aut ratio aut

coniectura praesentit. Atque ut ii qui solis et lunae reliquorumque siderum ortus, obitus motusque cognorunt, quo quidque tempore eorum futurum sit multo ante praedicunt, sic, qui cursum rerum euentorumque consequentiam diuturnitate pertractata notauerunt, aut

127 fallat : fallet V l efficientis : -tes B^ AVP | notatus est : n. sit M || pr. cernunt : ex m. #° |l fulgorum BF AV"HP : -gurum 128 nusquam Victorius : numquam codd. his codd. i ut om. H Il ii : hii H hi BFM AVP diuturna pertractatione Davies.

ll pr et alt. ii : hii H hi BFM -nant 5** || et monumentis : V* M. || sunt enim : sint e. V" l iis : Il diuturnitate pertractata :

LVI-128 -LVII-130

DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

toujours, soit, si cela est difficile

68

à admettre, la plupart

du temps, soit, si cela non plus ne m'est pas accordé, du moins quelquefois. Ces arguments et certains autres du méme genre, montrant pourquoi la divination existe, sont tirés du destin.

LVII. 129 Il y a une autre explication, découlant de la nature : elle enseigne combien grande est la puissance de l’âme lorsqu'elle est séparée des sens corporels, ce qui arrive surtout aux dormeurs et à ceux qui ont l'esprit transporté. En effet, de méme que les àmes des dieux, sans avoir recours aux yeux, ni aux oreilles, ni à la langue, ressentent chacune ce que chacune des autres ressent

(c'est pourquoi les hommes, méme lorsqu'ils formulent silencieusement

un

souhait

ou

un

vœu,

ne

pas que les dieux ne l'entendent), de même des hommes,

lorsque,

délivrées

doutent

les âmes

par le sommeil,

elles

sont dégagées du corps ou bien lorsque, dans un état de transport, elles se meuvent par elles-mémes, librement

et avec fougue, discernent ce qu'elles ne peuvent pas voir quand elles sont mélées au corps. 130 Cette explication fondée sur la nature, il est peut-être difficile de l'appliquer au genre de divination qui, avons-nous dit, dépend de l'art; mais pourtant, ce domaine aussi, Posidonius le scrute autant qu'il le peut. Il pense qu'il y a dans la nature certains signes des choses futures. En effet nous

savons que les habitants de Céos"* observent chaque année soigneusement le lever de la Canicule et conjecturent, comme l'écrit Héraclide du Pont??, si l'année sera salubre ou porteuse de maladies. Car si l'étoile se montre un peu voilée et comme assombrie, l'air est lourd et épais,

68

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LVI-128 — LVII-130

semper aut, si id difficile est, plerumque, quodsi ne id quidem conceditur, non numquam certe quid futurum sit intellegunt. Atque haec quidem et quaedam eiusdem modi argumenta cur sit diuinatio ducuntur a fato. LVII. 129 A natura autem alia quaedam ratio est, quae docet quanta sit animi uis seiuncta a corporis sensibus, quod maxime contingit aut dormientibus aut mente permotis Vt enim deorum animi sine oculis, sine auribus, sine lingua sentiunt inter se quid quisque sentiat (ex quo fit ut homines, etiam cum taciti optent quid aut uoueant, non dubitent quin di illud exaudiant),

sic animi hominum,

cum aut somno

soluti uacant corpore aut mente permoti per se ipsi liberi incitati mouentur, cernunt ea quae permixti cum corpore animi uidere non possunt. 130 Atque hanc quidem rationem naturae difficile est fortasse traducere ad id genus diuinationis quod ex arte profectum dicimus ; sed tamen id quoque rimatur, quantum potest, Posidonius. Esse censet in natura signa quaedam rerum futurarum. Etenim Ceos accepimus ortum Caniculae diligenter quotannis solere seruare coniecturamque capere,

ut scribit Ponticus

Heraclides,

salubrisne

an

pestilens annus futurus sit. Nam si obscurior «et» quasi caliginosa stella extiterit, pingue et concretum

128 quodsi ne BFM PH : quod sin AV" quodsi P | 128 14 intellegunt (uel intelli-) BEMA : -gant A*VHP | ducuntur BAY : dic- ΒΡῈΜ A'**V*P du H li post du[cuntur def. H usque ad finem libri I. 129 ait. a : et Y" | contingit : -tigit / | quisque : quisquam B*' |l optent : optinent F l| uoueant : uoce A* | mente permoti codd. : in mente

permotis

Davies,

del.

Scháublin

l| liberi

: libere Davies Rath

(cf. H, 100) 1} mouentur : -ueantur 4* | animi secl. Manutius Christ Timpanaro, retin. Pease Giomini. 130 etenim Cantabr. Dd. 13, 2, Manutius : ut enim codd. || quotannis

F*M** AVP : quod annis BF*M" Il et quasi recc., Davies : quasi codd. l| extiterit — aspiratio om. B^.

LVII-130

- LVII-131

| DELADIVINATION - LIVRE PREMIER

69

de sorte qu'il sera pénible et malsain à respirer ; mais si l'étoile apparait claire et très brillante, cela signifie que l'air est subtil et pur, et par conséquent salubre.

131 Démocrite??, de son côté, pense que les anciens ont sagement

établi l'usage d'inspecter

les viscéres

des victimes immolées ; d'aprés leur conformation et leur couleur, on recueille des signes tantót de salubrité,

tantót de maladie, et parfois méme on découvre la stérilité ou la fertilité à venir des campagnes. Si l'observation et l'expérience, fondées sur la nature, ont permis de reconnaitre tout cela, le temps écoulé a pu fournir bien d'autres faits à remarquer et à noter. C'est pourquoi le physicien que Pacuvius met en scene dans le Chrysés connait,

à mon avis, bien mal la nature :

«... car ces gens qui comprennent le langage des oiseaux et tirent leur sagesse du foie"! des victimes, plutót que du leur, je veux bien les entendre, mais non

les écouter??, » Pourquoi

ces propos, je te le demande,

puisque

toi-même, quelques vers plus loin, tu affirmes??, de façon vraiment lumineuse : « Quel qu'il soit, il anime, façonne, nourrit, fait croître et crée tous les étres, il les ensevelit et les recueille tous

en lui et il est aussi le père de tous ; les mêmes êtres naissent à nouveau de lui et en mourant

lui**, »

retournent à

69

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LVII-130 - LVII-131

esse caelum, ut eius aspiratio grauis et pestilens futura sit ; sin inlustris et perlucida stella apparuerit, significari caelum esse tenue purumque et propterea salubre. 1341 Democritus autem censet sapienter instituisse ueteres ut hostiarum immolatarum inspicerentur exta ; quorum ex habitu atque ex colore tum salubritatis, tum pestilentiae signa percipi, non numquam etiam quae sit uel sterilitas agrorum uel fertilitas futura. Quae si a natura profecta obseruatio atque usus agnouit, multa adferre potuit dies quae animaduertendo notarentur, ut ille Pacuuianus, qui in Chryse physicus inducitur, minime naturam rerum cognosse uideatur : ... nam isti qui linguam auium intellegunt plusque ex alieno iecore sapiunt quam ex suo, magis audiendum quam auscultandum censeo. Cur, quaeso, cum ipse paucis interpositis uersibus dicas satis luculente : Quicquid est hoc, omnia animat, format, alit, auget, [creat,

sepelit recipitque in sese omnia omniumque idemst [pater, indidemque eadem aeque oriuntur de integro atque [eodem occidunt.

131 magis — censeo : Nonius, p. 370, 9-10 Lindsay. 130 sin : si V I| apparuerit : -ruit V ii significari AVP : -re BFM Il purumque : puerumquae B*°. 131 Chryse : chrysi A"*VP crysi 4“ crisy BF chrisi M l inducitur : -cuntur F*

|l cognosse

: cognoscere

P ll isti BFM"* AV

: istos M,

Hottinger, istis P Il recipitque : rece- B** I| eadem aeque Bücheler (ap. Ribbeck) : eadem quae B°FM AV*P eademque 8" V".

LVII-131 - LVIII-132.

DE LADIVINATION - LIVRE PREMIER 70

Ainsi donc, puisqu'il y a pour tous une seule demeure, qui leur est commune, puisque les àmes des hommes ont toujours existé et existeront toujours, pourquoi ne pourraient-elles pas comprendre ce qui arrive à la suite de chaque signe et ce qui annonce chaque événement ? Voilà, fit Quintus, ce que j'avais à dire sur la divination. LVIII. 132 Maintenant j'affirmerai solennellement que je ne reconnais pas les tireurs de sorts, ni ceux qui prophétisent en vue du gain, ni méme l'évocation

des morts, que pratiquait ton ami Appius? ; pour tout dire, je fais fi de l'augure marse**, des haruspices de village, des astrologues du Grand Cirque, des devins

isiaques" et des interprètes des songes ; en effet, ils ne sont devins ni par la science, ni par l'art, mais :

« prophétes superstitieux, charlatans sans vergogne, soit incapables, soit insensés, soit poussés par la misère. Ils ne connaissent pas leur propre chemin et prétendent indiquer la route à autrui. Ceux à qui ils promettent des richesses,

ils leur réclament

une petite drachme.

Sur ces richesses, qu'ils prélévent donc leur drachme

et restituent tout le reste? ! » Voilà ce que dit Ennius qui, quelques vers plus haut, estime qu'il y a des dieux, mais juge qu'ils n'ont pas souci de ce que fait le genre humain. Quant à moi, je pense qu'ils s'en soucient et méme qu'ils nous adressent nombre d'avertissements et de prédictions, et j'approuve la divination, pourvu qu'en soient exclues la légèreté, la tromperie et la malignité. Quintus ayant ainsi parlé : — Tu étais, dis-je, remar-

quablement bien préparé??...

70

DE DIVINATIONE - LIBER PRIMVS

LVII-131 - LVIII-132

Quid est igitur cur, cum domus sit omnium una, eaque communis, cumque animi hominum semper fuerint futurique sint, cur ii quid ex quoque eueniat et quid quamque rem significet perspicere non possint ? Haec habui, inquit, de diuinatione quae dicerem. LVIII. 132 Nunc illa testabor non me sortilegos neque eos qui quaestus causa hariolentur, ne psychomantia quidem, quibus Appius, amicus tuus, uti solebat,

agnoscere ; non Aiabeo denique nauci Marsum augurem, non uicanos haruspices, non de circo astrologos, non Isiacos coniectores,

non

interpretes somniorum ; non

enim sunt ii aut scientia aut arte diuini, sed ... Superstitiosi uates impudentesque harioli aut inertes aut insani aut quibus egestas imperat, qui sibi semitam non sapiunt, alteri monstrant uiam ;

quibus diuitias pollicentur, ab äs drachumam ipsi [petunt. De

his diuitiis sibi deducant

drachumam,

reddant [cetera.

Atque haec quidem Ennius, qui paucis ante uersibus esse deos censet, sed eos non curare opinatur quid agat humanum genus. Ego autem, qui et curare arbitror et monere

etiam

ac multa

praedicere,

leuitate, uanitate,

malitia exclusa diuinationem probo. Quae cum dixisset Quintus : -- Praeclare tu quidem, inquam, paratus... 131 cur cum : cum Davies ll eaque : quaeque P Il ii AFP : hii B hi F om. M ll possint recc., Lambinus

: -sunt codd.

132 quaestus : -tos 4 I| ne Pal. Lat. 1525 : nec codd. | habeo nauci Marsus : ab eodem sancti B^ a. e. sancxi BF a. e. sanxi sanci AVP habeo dein nauci Davies l| isiacos B°FM AVP : -gos ysaicos add. V s. L l ii : hi AV P M hii BF | sed Ciceroni trib. Giomini, Ennio Christ Pease | superstitiosi — harioli Ciceroni trib. l| ab iis Lambinus

: ab his codd. || drachumam

denique M a. e. B'^ uel Vahlen’ Jocelyn

edd. : drachman B* (ut

uid.) dragmam B'"FM V dracmam AP | his AVP M : is BF | drachumam B* (ut uid.) M ΑΥ ΝΡ : dragmam BF dracmam V |l quid : qui V Il ac AVP M : hac BF Il exclusa B°° (ut uid.) L Scor : -sam B“FM AVP.

COMMENTAIRE

Les

chapeaux

commentaire

introductifs

sont

empruntés,

des pour

différentes l'essentiel,

sous-parties

du

à l'ouvrage

de

Frangois Guillaumont : Le De divinatione de Cicéron et les théories antiques de la divination, Éditions Latomus, Collection Latomus - volume 298, Bruxelles, 2006, p. 54-56 (Ξ Annexe : plan du De divinatione, livre I). 8 1-7 : préambule d'auteur $ 1-4 : universalité de la divination 8 5-7 : doxographie (les opinions des philosophes sur la divination) $ 7 : annonce par l'auteur de la méthode qu'il entend suivre 1. Ce consensus des peuples est explicité dans I, 91-92 et constitue un argument de poids pour les stoiciens (Cf. Sénéque, Ad Luc. XIX, 117, 6). L'argument d'ancienneté (uetus opinio) est quant à lui explicité dans I, 12. Cicéron revient plus loin sur l'ancienneté de la divination dans I, 25 (ab omni aeternitate) et, par les exemples de devins légendaires ainsi que de philosophes qu'il donne, en I, 87-88. 2. Diuinatio est en effet dérivé de diuinus qui signifie à la fois « qui concerne la divinité » et « qui est inspiré par la divinité », d'ou, avec les deux sens, le frangais divin et devin, divinité et divination.

3. Selon Platon, Phédre 244 b-c, μαντικὴ (τέχνη) vient de μάντις («le devin ») ; on considére généralement en effet que le mot est dérivé de la racine de μαίνομαι « &tre furieux », « étre frappé de délire prophétique ». C'est bien l'opinion de Cicéron qui dit furor, opinion différente toutefois de M. Casevitz, « Mántis : le vrai sens », dans Revue des Études

Grecques,

105, 1992, I — I8.

4. Cicéron considére que les Romains l'emportent sur tous les autres peuples en matiére religieuse (De consulatu suo, vers 68-70, cité infra, I, 21 ; cf. Tusculanes L, 1, 2 et aussi Polybe VI, 56, 6-14).

5. Le terme Assyrii désigne ici les Babyloniens avec qui Cicéron les confond, cf. A. Pease, p. 41, S. Timpanaro, p. 234.

72

COMMENTAIRE (p. 3-4)

6. Chez Cicéron, l'appellation Chaldaei, « Chaldéens », qui désigne les habitants de la région de Babylone, est souvent employée pour indiquer l'ensemble des astrologues (cf. Tusculanes Y, 95). 7. Ces trois régions, situées dans le sud de l'Asie Mineure et réunies dans la province de Cilicie, ont été gouvernées par Cicéron lors de son proconsulat de 51 av. J.-C. 8. Par Pythius, épithéte d'Apollon, Cicéron désigne l'oracle de Delphes qui était le plus consulté et où la Pythie vaticinait (cf. I, 37 ; IL, 115-118). L'oracle de Dodone, en Epire (cf. 1, 76 ; II, 68), rendu dans le temple de Zeus et déjà cité par Homère (Jliade XVI, 233 sqq.) est un des plus anciens de tous les oracles et, avec Delphes, un des plus célébres. Le temple de Zeus Hammon se trouvait dans le désert de Libye et semble avoir été assez délaissé à l'époque

romaine

(cf. Strabon,

XVII,

43 ; Lucain,

PAarsale

IX,

510 sq. ; Quinte Curce, IV, 7, 5-32 ; voir aussi Herbert W. Parke, The Oracles of Zeus, Dodona-Olympia-Ammon, Oxford, 1967, p. 94-163 et 194-241 ; E. Lhote, Les lamelles oraculaires de Dodone, Genève, EPHE, Hautes études du monde gréco-romain 36, 2006, p. 27-325). 9. On sait que la tradition attribuait à Romulus la vue de présages dans le ciel (douze vautours selon Tite-Live, I, 7, un éclair venu de la gauche selon Denys d'Halicarnasse, II, 5) qui l'autorisérent à fonder Rome (cf. aussi infra, I, 108 ; II, 70). 10. Augur : les augures, prétres romains, consultaient surtout le vol des oiseaux. Ils constituaient un collége officiel à Rome. Le frangais « augure » peut aussi signifier « présage » et correspondre au latin augurium. L'*augos primitif est dérivé de la racine de augeo et indiquait une « augmentation », un « accroissement » dans le sens où l'ójas du Rig Véda exprime un « plein de force en vue de l'action » (cf. G. Dumézil, « Remarques sur Augur-Augustus », REL, 35, 1957, p. 134). 11. L'auspicium (aues specere) est au sens propre l'examen du vol des oiseaux, mais le terme peut aussi, comme augurium, avoir le sens de « présage ». 12. Les haruspices étaient des prétres étrusques avant tout spécialisés dans l'examen des fressures des victimes sacrificielles (on reconnaît dans le terme Aaruspex le verbe specere « examiner », que l'on a aussi dans auspicium ; l'elément haru- n'est, quant à lui, pas très clair mais pourrait être lié au terme Aaruga, ae, f, le bélier, en tant que victime sacrificielle et ne serait en tout cas pas un mot d'origine étrusque ; cf. A. Pfiffig, Religio Etrusca, Graz, 1975, p. 45). Le sénat romain les consultait depuis la fin du rf s. Alors que les augures se contentaient d'interroger les dieux, les haruspices interprétaient les prodiges et faisaient des prédictions. Les expiations qu'ils proposaient pour les prodiges étaient prises au sérieux (cf. infra note 108) ; leurs prédictions apparaissaient, en revanche, souvent

COMMENTAIRE (p. 4)

73

fantaisistes, d’où la formule qu'un haruspice ne peut rencontrer un haruspice sans rire (II, 51). Sur leur origine étrusque, cf. supra I, 3 dans un passage où Cicéron, retraçant brièvement l'histoire de l'introduction des plus anciennes formes de divination à Rome, associe les augures à Romulus et aux premiers rois et les haruspices aux Etrusques dont la domination intervient immédiatement aprés celle de ces rois légendaires. 13.

Les livres sibyllins, attribués à la Sibylle de Cumes,

étaient

des grimoires officiellement conservés à Rome, que des prétres spécialisés, les décemvirs sacris faciundis (les decem interpretes dont il est question et qui, à l'époque de Cicéron, étaient déjà des quindecimvirs, au nombre de quinze), consultaient chaque fois qu'une calamité s'abattait sur la ville. 14. Cette guerre civile sévit sous le consulat de Cnaeus Octavius et de Lucius Cornelius Cinna, dont les partisans s'affrontérent en 87 av. J.-C. Le personnage de Lucius Cornelius Culleolus n'est pas autrement connu.

15. Ce conseil supréme désigne le sénat. Pour sa consultation sur la validité religieuse des songes, outre ci-dessous, voir I, 55.

16. Lucius Iulius César fut consul en 90 av. J.-C. et Quintus Caecilius Metellus Balearicus (Baliaricus chez Cicéron) en 123. Caecilia, épouse d'Appius Claudius Pulcher (consul en 79), fut la mére du tribun Publius Clodius et de l'augure Appius Claudius Pulcher dont il est question ci-dessous dans I, 29, 105, 132 et dans IL, 75. Le temple de Junon Sospita dont il s'agit ici se trouvait sur le Forum holitorium (entre le Capitole et le pont Fabricius) : cf. F. Coarelli, in E.M. Steinby, Lexicon topographicum Urbis Romae 11, Rome,

Edizioni Quasar,

1966, p. 128-129.

17. Xénophane de Colophon (vr--v* s.), philosophe et poète grec, était en totale opposition avec la vision anthropomorphe des dieux que donnent les mythes. Dans sa conception monothéiste, le dieu unique est, dans les faits, presque une divinisation de la nature. En excluant le fait que ]a Providence divine puisse s'intéresser aux humains, Xénophane niait la divination. Cf. A. Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l'Antiquité, 1879 (1963), I, p. 33; E. Bréhier, Histoire de la philosophie,

PUF,

nouvelle édition 2004

(1928!), p. 54-55. 18. Epicure (341-271) fonda en 306 à Athénes une école philosophique, appelée Ie « Jardin », qui s'opposait radicalement au platonisme. Sa doctrine, qui n'admet ni fatalité naturelle, ni Providence divine, exclut totalement la divination (Cf. A. Bouché-Leclercq, I, p. 64). D’après Epicure, les dieux ne pouvaient avoir aucun contact avec les humains. (cf. A. Bouché-Leclercq, I, p. 41). 19. Zénon de Citium (333-262) fut le fondateur du stoïcisme. Il enseignait sous le portique (sroa) dit στοὰ ποικίλη de l'Agora

74

COMMENTAIRE (p. 5)

d'Athénes, d’où le nom de son école, l'école du Portique, ou des stoi-

ciens. L'Académie a été fondée vers 385 par Platon. L'appellation Ancienne Académie désigne les années de 317 (mort de Platon) à environ 265. Les péripatéticiens — ainsi nommés en raison de leur habitude de discuter en déambulant, περιπατεῖν-- étaient les aristotéliciens. 20. Pythagore de Samos (VI^ s.) s'établit vers 532 à Crotone (Calabre actuelle), et y fonda une école philosophique qui devint fameuse (Cf. A. Bouché-Leclercq, I, p. 31-32). 21. Démocrite d'Abdére (v°-IV° s.), principal représentant de l'atomisme,

concevait

l'univers comme

le résultat de forces

natu-

relles ; on pouvait donc, d'une part, prévoir des phénoménes de facon scientifique ; d'autre part, les songes, qui constituaient d'aprés Démocrite un moyen pour les hommes d'entrer en communication avec des êtres supérieurs, possédaient une valeur prophétique (cf. A. Bouché-Leclercq, I, p. 39-41). 22. Dicéarque de Messine (347 env.-285 env.), disciple d'Aristote, philosophe plutôt matérialiste (Cf. A. Bouché-Leclercq, I, p. 56). 23. Cicéron rencontra Cratippe à Éphèse lorsqu'il partait pour la Cilicie (cf. Timée, 1) ; il œuvra par la suite pour lui obtenir le droit de cité et une position importante à Athènes en tant que philosophe péripatéticien (cf. Plutarque, Vie de Cicéron 24). Le propre fils de Cicéron suivit l'enseignement de Cratippe à Athénes (cf. De officiis I, 1). Fréquemment nommé dans le De divinatione, il ne croyait qu'à la divination « naturelle » (cf. I, 70-71, II, 109). 24. Cléanthe d'Assos (264-232), originaire de la cóte éolienne, succéda à Zénon (322-264) à la téte de l'école stoicienne et fut suivi de Chrysippe de Soles (env. 232-env. 204). (C£. M. Pohlenz, Die Stoa, Geschichte einer geistigen Bewegung, Góttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1959 (2* éd.), p. 22-30; É. Bréhier, Histoire de la philosophie, p. 260-262). 25. Antipater de Tarse (vers 140), stoicien, semble avoir été l'éléve et le successeur de Diogène de Babylone (IF siècle av. J.-C.). Avec lui la morale stoicienne se rapproche du platonisme. (Cf. É. Bréhier, Histoire de la philosophie, p. 355-357). 26. Posidonius (env. 135-50), qui s’inspirait surtout du stoicisme, était d'Apamée, en Syrie. Il dirigea une école à Rhodes, où Cicéron fit une partie de ses études en 77 (cf. É. Bréhier, Histoire de la philosophie, p. 361). Son róle fut trés important dans la pénétration de la culture hellénistique à Rome. Selon lui, la Providence, le Destin et la nature, constituaient trois sources de révélation (cf. A. Bouché-

Leclercq, I, p. 68). 27. Panétius (env. 185-110), stoicien célèbre, né à Rhodes, vécut à Rome dans le cercle de Scipion Emilien. Il entreprit d'adapter la doctrine stoïcienne aux vertus traditionnelles de Rome. Il

COMMENTAIRE (p. 6)

75

succéda à Antipater à la direction de l'école de 129 à 110, et eut pour éléves Posidonius et de nombreux jeunes aristocrates romains, dont Mucius Scaevola et Ælius Stilon, lui-même maître de Varron. (Cf. É. Bréhier, Histoire de la philosophie, p. 357-361). 28. Cicéron est ici un adepte de la Nouvelle Académie. 29. C'est-à-dire Panétius. 30. Carnéade de Cyréne (214-129), chef de la Nouvelle Académie, fondée vers 280 av. J.-C. par Arcésilas (cf. A. Bouché-Leclercq, I, p. 66-67). Philosophe sceptique, il estimait que nos connaissances ne sont qu'une échelle de probabilités, s'opposant ainsi aux conceptions qui distinguent seulement entre certitude absolue et incertitude. Il participa à la célébre ambassade des chefs d'école à Rome, en 155, en compagnie de Diogéne de Babylone le stoicien et de Critolaos le péripatéticien. Voir pour cette question J.-M. André, L'otium dans la vie morale et intellectuelle romaine des origines à l'époque augustéenne, Paris, PUF, 1966, p. 43 et 164-165 ; J. L. Ferrary, Philhellénisme et impérialisme. Aspects idéologiques de la conquéte romaine

du monde

hellénistique,

Rome,

1988,

351-363.

Carnéade

a

toujours été en désaccord avec les stoiciens. Sa conception présente la divination comme quelque chose d'impossible (si les événements qui se produisent sont l'effet du hasard) ou de nuisible (s'ils sont l'effet de la nécessité) car elle ne peut empêcher qu'ils se produisent, méme s'ils sont mauvais. (Cf. E. Bréhier, Histoire de la philosophie, p. 346-353, en particulier p. 351 pour ce qui concerne la divination). $ 8-11 : introduction du dialogue. Les personnages seront Quintus et Marcus Cicéron. Quintus se chargera de la défense du point de vue des stoiciens. 31. Dans le De natura deorum, Yexposé de Balbus sur la doctrine stoicienne est réfuté par l'académicien Cotta. 32.

Quintus

Cicéron,

né vers

102

av.

J.-C.,

reçut

une

bonne

formation intellectuelle, épousa la sœur d’Atticus (dont il divorga par la suite), fut édile en 65, préteur en 62, gouverneur de la province d'Asie de 61 à 58, puis légat de César pendant la guerre des Gaules ; en 49, il se rangea cependant avec Marcus aux cótés de Pompée. Les deux fréres obtinrent le pardon de César et se rencontrérent alors souvent. Quintus mourut en 43. 33. Cicéron avait dans sa maison de Tusculum deux endroits différents où il allait se promener : le premier, dont il est question ici, élevé et découvert, qu'il appelait son Lycée et qu'il fréquentait d'ordinaire le matin ; l'autre, plus bas et planté d'arbres, destiné aux promenades de l'aprés-midi, qu'il appelait l'Académie (cf. Tusculanes, II, 9) ; ces « lieux », imitant les gymnases grecs, renvoyaient aux jardins oü se réunissaient les écoles aristotélicienne (le Lycée) et platonicienne (l'Académie). Tusculum était situé à une vingtaine de km au sud-ouest de Rome, dans les monts Albains (prés de

76

COMMENTAIRE (p. 7)

Frascati). Sur les discussions à propos de l'emplacement de la villa de Cicéron, cf. A. Pease, p. 65-66 ; l'emplacement traditionnel de la villa a été mis en doute par X. Dupré, R. Ribaldi, « Il santuario extraurbano di Tusculum: a proposito dell'intervento di scavo del 1997 », Atti del convegno Religio — Santuari ed ex voto nel Lazio meridionale

( Terracine,

ottobre 2000), Rome

2004.

34. Dans le De natura deorum C. Aurelius Cotta (consul en 75 av. J.-C., cf. A. Pease p. 67) défendait le point de vue académicien (Cf. De nat. deor. I, 1). 35. Lucilius Balbus, qui défendait le point de vue stoicien dans le De natura deorum (Cf. De nat. deor. 1, 15). 36. La bienveillance et la providence divines sont des éléments fondamentaux de l'argumentation de Quintus et des stoïciens : cf. I, 117-118. A. La divination comme donnée de l'expérience : ὃ 11-108 $ 11-12 : début du discours de Quintus. Deux thémes sont abordés d'entrée : l'existence d'un consensus omnium en faveur de la mantique ; l'opposition divination naturelle/ divination artificielle. 8 12-33 : « digression » (Pease) dominée par la mirifica latebra (voir II, 46) de Quintus, c'est-à-dire l'idée que la divination est un fait incontestable, même

si l'explication rationnelle en demeure

inconnue. $ 13 Première comparaison : les plantes médicinales (on constate leur efficacité sans pouvoir l'expliquer). $ 13-16 Deuxième comparaison : les pronostics météorologiques. $ 16-22 Deux exemples d'euenta (succés de la divination) : l'anecdote concernant la statue de Summanus ; le fragment du De consulatu suo. 8 23 : Réponse à une première objection : le rôle du hasard. $ 24-25 Réponse à une deuxième objection : les erreurs de la divination. $ 25-33 : constantia des auspices. 8 34 Retour aux deux genres de divination. 8 37-71 : la divination naturelle ὃ 37-38 : oracles 8 39-64 : songes

$ 63-69 : vaticinations (les 8 63-64 entremélent songes et vaticinations). $ 70-71 : Conclusion : arguments de Cratippe en faveur de la divination naturelle. 8 72-79 : la divination artificielle (prodiges) $ 79-81 : la uis diuina à l’œuvre dans la divination δ 82-83 : le syllogisme stoicien en faveur de la mantique

COMMENTAIRE (p. 8) 8 84-87

: conclusion

provisoire ; réapparition

TI du

théme

du

consensus omnium

8 87-96 : paragraphes illustrant le consensus omnium (l'universalité de la divination) 8 87-89 : les grands devins de la fable grecque $ 90-92 : la divination chez les Barbares $ 93-94 : la nature du pays rend compte du genre de divination pratiqué par chaque peuple. $ 95-96 : la divination officielle (Athènes, Sparte). 8 97-108 : retour aux exemples romains et à la divination artificielle $ 97-101 : prodiges $ 102-104 : omina 8 105-108 : auspices. Cette premiére partie du discours de Quintus repose, pour l'essentiel, sur la distinction divination naturelle/divination artificielle. La complexité du plan ressortit au fait que Quintus développe aussi deux thémes : la mirifica latebra et le consensus omnium.

37. Rappelons que nous sommes dans les premiers mois de l'an 44 av. J.-C., au pire moment

de la dictature de César, et que Cicéron

vit alors retiré de la vie politique. 38. Cette différence, essentielle dans l'argumentation de Quintus, entre la divination qui reléve de l'ars et celle qui reléve de la natura, est clairement explicitée par lui dans I, 34 et reprise dans I, 72 et I, 109-110 ; elle est critiquée par Marcus dans II, 26-27. Cette distinction est conservée par À. Bouché-Leclercq, I, p. 111 et suiv. et 273 et suiv. 39.

D'aprés

Plaute, Aulularia, 624, le corbeau chantant du cóté

gauche est de mauvais augure ; Plaute précise également (Asinaria, 260) que si son chant vient de la droite, c'est un présage favorable, de méme que si le chant de la corneille vient de la gauche. 40. Sur le caractére empirique de la médecine du temps de Caton l'Ancien, cf. J.-M. André, La médecine à Rome, Paris, Editions Tallandier, 2006, p. 20 sq. 41. Cicéron, Aratea. Fragments des Pronostics III, v. 1-6. Ces vers correspondent aux vers 909-912 du texte d'Aratos (J. Martin, Aratos, Phénoménes, Paris, CUF, 1998). La désignation Prognostica tua juste aprés cette citation correspond à la traduction par Cicéron de la dernière partie d'un poème didactique sur l'astronomie rédigé en grec par Áratos de Soles vers 276-274 av. J.-C. La première division (v. 1-450), dont l'intitulé, les Φαινόμενα, sert souvent à désigner tout l'ensemble, donne une description du ciel et des constellations ; la seconde (v. 451-732), Συνανατολαὶ kai συγκαταδύσεις, présente les levers et couchers simultanés des constellations ; enfin,

78

COMMENTAIRE (p. 9-10)

la troisiéme (v. 733-1154), Προγνώσεις κατὰ σημείων, est consacrée aux signes météorologiques. Cicéron avait traduit l'ouvrage en vers latins pendant sa jeunesse, sans doute vers 89 av. J.-C. (cf. De nat. deor. II, 104). A propos des questions soulevées par la datation de la traduction de la derniére partie, cf. J. Soubiran,

Cicéron, Aratea,

Fragments poétiques, Paris, CUF, 1972, p. 9-16. La version cicéronienne du poéme d'Aratos nous est parvenue de facon incompléte et pour une part sous forme de fragments cités notamment dans le De natura deorum et dans le De divinatione. 42. Boethus de Sidon, éléve de Diogéne de Babylone (cf. supra notes 25 et 30), est l'auteur de plusieurs traités et semble avoir recherché des causes scientifiques à certaines prédictions météorologiques (Cf. A. Pease, p. 82). 43. L'identification de l'animal désigné par acredula est trés incertaine et le terme fait l'objet de discussions dans toutes les éditions du texte, d'autant plus que l’ôkokvybv du texte d'Aratos est tout aussi ambigu. Parmi les nombreuses interprétations, indiquons qu'Avienus, dans sa traduction des Phénomènes d'Aratos, postérieure à celle de Cicéron, v. 1703 a lui-même compris μίμία, la hulotte,

mais

1. Soubiran,

Aviénus,

Les Phénomènes

d'Aratos,

Paris, CUF, 1981, voit davantage dans ce choix l'imitation de l'onomatopée que la traduction exacte du grec. 44.

Cicéron,

Aratea.

Fragments

des

Pronostics

VI,

7-9

et IV,

4-9 (numérotation de J. Soubiran, op. cit.). (7 Aratos, 913-915 et 948-953). 45. Cicéron, Aratea IV, 1-3 (= Aratos, 946-947). À propos de la capacité des grenouilles à « voir les signes », cf. J. KanyTurpin, « Météorologie et signes divinatoires dans le De divinatione de Cicéron », in Ch. Cusset (éd.), La météorologie dans l'Antiquité, entre science et croyance, Saint-Étienne, 2003, p. 370-371 et J. Bouffartigue, « Les prévisions météorologiques tirées des animaux », ibid., p. 409-410 ; d’une manière plus générale,

sur «la

croyance

en une

sympathie

entre

nature

et surna-

ture », cf. N. Belayche et J. Rüpke, « Divination et révélation dans les mondes grec et romain », Revue de l'histoire des religions, t. 224, 2007, p. 146-147. 46. Cicéron, Aratea IV, 10-11 (= Aratos, 954-955). 47.

Cicéron, Aratea V (= Aratos,

1051-1053).

48. La scammonée est une gomme résine (conuoluulus scammonia L.) ; la scammonée d'Alep était réputée. 49.

Cicéron semble ici faire allusion, pour le nom de cette plante,

à une origine qui nous est inconnue. L'aristoloche est une plante grimpante, tonique, habituellement censée, comme l'indique son nom (ἄριστος, n, ov «le meilleur », λόχος, οὐ « l'accouchement »), favoriser les accouchements.

COMMENTAIRE (p. 11-12)

79

50. L’extispicine est en fait l'examen des exta de la victime : foie, vésicule, cœur, poumon, péritoine (cf. R. Schilling, « À propos des exta : l'extispicine étrusque et la /itatio romaine », dans Hommages à Albert Grenier, Coll. Latomus, 58, 1962, p. 1371-1378 = Rites, cultes, dieux de Rome, Paris, Klincksieck, 1979, p. 185) et

R. Schilling (article cité) traduit par « fressure ». Mais le terme exta est traditionnellement rendu par «entrailles ». L’usage de l'extispicine était effectivement, comme le dit Quintus, largement répandu dans le monde antique (cf. A. Bouché-Leclercq, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, t. Il, 1, Paris, 1892, art. Divinatio, p. 298), mais la pratique authentiquement romaine était simplement « de discerner si les victimes avaient satisfait les dieux ou s'il en fallait de nouvelles » (A. Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l' Antiquité, tome IV, La divination italique, p. 62). Sur l'importance de l'extispicine dans les conceptions religieuses anciennes de Rome, cf. G. Freyburger, « Représentations "causes" de trois grands rites de la religion romaine archaïque », dans L'étiologie dans la pensée antique, M. Chassignet, L. Pernot dir., Brepols, Coll. Recherches sur les Rhétoriques Religieuses, tome IX,

2008, p. 273-281. 51. Summanus est une divinité de la mouvance de Jupiter qu'il fallait apaiser aprés les foudres nocturnes. Les Periochae de TiteLive mentionnent au livre XIV l'événement cité ici par Cicéron, et le situent pendant

la guerre contre Pyrrhus, en 278 av. J.-C. Tite-

Live, XXXII, 29 indique que les temples de Vulcain et de Summanus furent encore frappés par la foudre en 198 av. J.-C. 52. Cicéron a composé, sur les événements survenus pendant son consulat

en 63 av. J.-C., trois livres en vers, le De

consulatu suo.

Il n’en reste que quelques fragments, dont le plus long est celui-ci. 53. Dans la perspective stoïcienne, il s'agit à la fois du dieu Jupiter et du soleil, qui incarne sa puissance. 54. Le sacrifice communautaire des cités de l'ancienne Ligue latine était célébré au début de l'année sur les monts Albains ; les consuls le présidaient. 55. Il s'agit certainement non pas du soleil, mais d'un météore. 56. D'aprés Pline (Histoire naturelle IT, 137), cette victime aurait été un décurion de Pompéi. 57. Les météores, la foudre et les tremblements de terre sont également signalés par Cicéron, Catilinaires TIT, 18. 58. En 65 av. J.-C. . 59. Hérodote I, 94 affirme que les Etrusques (dits aussi Tyrrhéniens) sont d’origine lydienne. L'expression signifie « haruspice étrusque ». 60. Il s'agit ici non pas dela montagne de l'Olympe, mais du ciel.

80

COMMENTAIRE (p. 13-16) 61.

Pinarius Natta, qui n'est pas autrement connu.

62. Il s'agit probablement de la louve de bronze bien connue du Musée des Conservateurs. Les divers édifices du Capitole étaient tapissés de copies (sur plaques de bronze) de documents publics divers, notamment

de lois.

63. Catilina appartenait à une famille illustre. 64. Les haruspices préconisèrent cette orientation d'une statue de Jupiter (voir Cicéron, Catilinaires III, 20). 65. Les Allobroges étaient un peuple gaulois installé entre le Rhóne, l'Isére, le Lac Léman et les Alpes Grées ; leurs villes principales étaient Vienne et Genéve. Ils étaient soumis aux Romains depuis le 11° siècle av. J.-C. Une délégation allobroge présente à Rome en 63 av. J.-C. fut sollicitée pour entrer dans la conjuration de Catilina, mais elle refusa et permit à Cicéron de démasquer un nombre important de conjurés. Cf. Salluste, Cat. 41, 1-4 ; 45, 1.

66. Cicéron, aprés des études à Athènes et à Rhodes, devint questeur à l'áge de trente ans. 67. « À nous », c'est-à-dire aux muses, Uranie et ses compagnes. 68. Extrait de Cicéron, De consulatu suo, frag. 2 (éd. J. Soubiran, Cicéron, Aratea, Fragments poétiques, p. 240-243). 69. Les Romains jouaient avec des osselets et des dés. Réussir le coup de Vénus signifiait obtenir une combinaison particulière : cf. Suétone, Aug. 71. 70. La Vénus Anadyoméne peinte à Cos par Apelle pour le temple d'Asclépios passait pour un chef-d'œuvre. 71. Ennius (vers 239-169) fut la personnalité littéraire marquante à Rome aprés la Deuxiéme guerre punique. Il composa notamment des pièces de théâtre dont /'Andromaque et une histoire en vers, les Annales. Il ne reste que des fragments de son œuvre, mais Ennius a exercé une forte influence sur la poésie latine. 72. Scopas (env. 420-350) est un célébre sculpteur grec, né à Paros, qui travailla notamment au Mausolée d'Halicarnasse, une des sept merveilles du monde. 73. L’adjectif opinabilis est l'équivalent de l'adjectif grec δοξαστός, « qui est matiére d'opinion, conjectural ». 74. Pacuvius (220-env. 130 av. J.-C.), poète latin, neveu d'Ennius (voir ci-dessus note 71) ; il est l'auteur d'au moins douze tragédies. 75. Pacuvius, Teucer, fr. 239, vers 3-4 (éd. P. Schierl, Die Tragódien des Pacuvius, Berlin-New York, Walter de Gruyter, Texte und Kommentare, Band 28, 2006, p. 494 Ξ Ribbeck 411-412).

Les pisces dont il est question ici sont certainement des dauphins comme tendent à le prouver des rapprochements avec d'autres textes. Ainsi Livius Andronicus évoque-t-il, tournant autour de la flotte, le lasciuum Nerei simum pecus, qui est une périphrase désignant les cétacés. L'image des dauphins accompagnant une flotte avant

COMMENTAIRE (p. 16-17)

81

la tempéte est également employée par Sénéque, Agamemnon, vers 449-459. De son cóté, Pline l'Ancien, Histoire naturelle XVIII, 361, indique que les dauphins fournissent des présages : Praesagiunt (...) delphini tranquillo mari lasciuientes flatum, ex qua ueniunt parte (« les dauphins qui folátrent sur une mer tranquille annoncent du vent du côté d’où ils viennent », trad. H. Le Bonniec, Pline l'Ancien, Histoire

naturelle, XVII, Paris, Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1972). 76. Cnaeus Pompée est le grand Pompée, qui fut battu en 48 à Pharsale par César et s'enfuit. Marcus Caton (notre Caton d'Utique) fut aux cótés de Pompée pendant la guerre civile (cf. 1, 68) et continua le combat aprés sa mort. Il se suicida à Utique (Province d'Afrique, Tunisie actuelle) en 46. 77. Sur les haruspices, cf. supra note 12. Cicéron nous a laissé un précieux témoignage de réponse d'haruspice, en en donnant le texte, dans le De haruspicum responsis, de 56 av. J.-C., $ 20 sq. 78. « Vos » auspices, parce que Marcus était augure. Les auspices étaient surtout les signes donnés par les oiseaux et la volaille ; cf. à propos de leur évolution infra I, 27 sq. ; 70 sq. ; II, 75. 79. Marcus reproche également à la noblesse romaine d'avoir négligé la science augurale dans le De natura deorum IT, 9. Quintus fait allusion au systéme des auspices en vigueur à son époque, qui était extrémement formel et ne laissait pas beaucoup de place au hasard et à l'observation ; cf. infra IL, 71 sq., et 1. Scheid, « La parole des dieux. L'originalité du dialogue romain avec leurs dieux », La cité antique ?, Opus, 6-7, 1987-1989, 125-136. 80. Nous connaissons bien le roi Dejotarus, tétrarque des Tolistoboiens, en Galatie, par le Pro rege Deiotaro de Cicéron, plaidoirie prononcée en 45, mais aussi par sa Correspondance ei par d'autres sources encore. Déjotarus avait pris le parti de Pompée et

l'avait accompagné dans sa fuite aprés la bataille de Pharsale. Il fut puni de cela par César qui le priva d'une part notable de ses possessions. 81.

Pour Quintus et les stoiciens, la divination ne vise pas seule-

ment à connaitre l'avenir, mais encore à agir pour en éviter certains effets néfastes (cf. infra, 1, 29 : nisi prouideris). Sur la divination comme simple connaissance de l'avenir, voir II, 22. 82. Sur le tripudium sollistimum (ou solistimum, comme dans le De divinatione) voir IL, 72. Les auspices par observation du comportement de poulets enfermés dans des cages et accompagnant le magistrat dans ses déplacements étaient à l'époque de Cicéron la technique la plus utilisée dans la divination publique. 83. Caton le censeur (234-149), le livre est inconnu. 84. Pline le Jeune dit que Trajan, encore à son époque, agissait ainsi dans ses affaires privées (Panégyrique 76, 7).

82

COMMENTAIRE (p. 17-19)

85. Tite-Live exprime la méme idée, à peu prés de la méme facon (ut nihil... nisi auspicato gereretur) dans I, 36,6. 86. Dans l'ancien rite solennel des noces, au lever du Jour des noces, le père de famille consultait les dieux sur l'opportunité de l'acte. 87. La tradition rapporte en effet que, outre la consultation des oiseaux par Romulus et Rémus, Numa ne fut créé roi qu'aprés cette méme consultation par un augure (cf. Tite-Live, 1, 18). 88. La défaite eut lieu en 249 av. J.-C., prés des cótes de la Sicile et est rapportée par Polybe 1, 49, 3-51, 2. 89. Vers d'un poète anonyme 7rag. XLVI (éd. Warmington, 602). Un général romain devait prendre les auspices avant chaque décision importante, et Agamemnon est décrit comme un général romain. 90. Marcus Crassus (115-53), dont la richesse était proverbiale, fut consul en 70 avec Pompée. Il avait réprimé le soulèvement des esclaves de Spartacus et avait conclu un accord politique avec César et Pompée (le « triumvirat »). Marcus fait allusion au départ de son expédition contre les Parthes (II, 84) et à sa défaite à Carrhes, en 53, avec la retraite catastrophique au cours de laquelle il fut tué (II, 22). 91. Sur Appius Claudius Pulcher, cf. supra note 16. Il était collégue de Cicéron parmi les augures ; cf. pour les autres collégues G. 1. Szemler, The Priests of the Roman Republic. A Study of Interactions between Priesthoods and Magistracies, Bruxelles, 1972, 146-157. 92. Gaius Ateius Capito, tribun de la plébe en 55 av. J.-C., avait prononcé des malédictions solennelles contre Crassus, au moment où celui-ci partit de Rome pour l'Orient (voir J. Bayet, « Les malédictions du tribun C. Ateius Capito », dans id., Croyances et rites dans la Rome antique, Paris, 1971, 353-365). Ateius rejoignit ensuite le parti de César. Nous avons conservé des lettres que Cicéron lui adressa en 44 av. J.-C. (4d Atticum, 16, 16). 93. La forme du lituus, décrite ici par Cicéron, est confirmée par des découvertes archéologiques. Son utilisation pour délimiter les régions du ciel est par ailleurs confirmée par Tite-Live (I, 18). Sur l'incurvation du báton augural, cf. Aulu-Gelle, V, 8, 8. 94. Les Saliens constituaient un très ancien collège de prêtres romains, dont le service, des danses accompagnées de chants, était lié à l'ouverture et à la fermeture de l'année guerrière. Nous ne connaissons pas l'emplacement de ce local sur le Palatin. Les augures portaient comme insigne de leur fonction le /ituus. 95. L'épisode est rapporté ailleurs, notamment par Tite-Live, I, 36, 3-5 et Valére

Maxime,

I, 4, 1, et est évoqué

par Cicéron

dans

le De Republica (I, 36). Il est tourné en dérision par Marcus dans IT, 80.

COMMENTAIRE (p. 19-21)

83

96. Le comitium est la partie du Forum sur laquelle se tenaient les assemblées du peuple romain, les anciens comices curiates et, à l'époque de Cicéron, les comices tributes ; il se trouvait à proximité immédiate de la curie, voir F. Coarelli, Guide archéologique de Rome, Paris, 1994, 43-53. 97. Un puteal est un lieu enclos qui marque normalement que la foudre l'a frappé ; il existait au comitium un « puits » de ce type. 98. Il s'agit de Tiberius Sempronius Gracchus, père des deux Gracques ; les deux nouveaux consuls élus en 163, qui se démirent ensuite, étaient Publius Scipion Nasica et Gaius Marcius Figulus. Cicéron raconte la méme anecdote dans le De natura deorum II, l0 sq. 99, Selon le droit sacré, le pomerium est la limite juridique de la ville de Rome. Les comices en question - des comices centuriates — devaient se dérouler en dehors de l'espace délimité par le pomerium, sur le Champ de Mars. Tiberius Gracchus avait dressé la tente augurale dans les jardins de Scipion, au Pincio (cf. De natura deorum 11, 11). Mais, ayant dà se rendre auparavant au sénat qui siégeait à l'intérieur du pomerium, il aurait dû reprendre les auspices en franchissant à nouveau la ligne pomériale en revenant vers sa tente. Les activités rituelles effectuées aprés ce franchissement irrégulier du pomerium étaient donc frappées d'un vice. Or, pour étre légitime dans ses activités, un magistrat devait posséder une réponse favorable des auspices, consultés au lever du jour comitial selon une procédure compliquée. Le magistrat consultant se reposait

avant la prise d'auspices dans une tente spéciale ; installer sa tente augurale était synonyme de préparer l'observation (voir infra Il, 72 pour la procédure). Toute cette phase de l'activité de Gracchus était donc invalidée, et les élections aussi, puisqu'elles dépendaient de la validité de la prise d'auspices matinale. 100. Sur cette distinction fondamentale pour Quintus, cf. supra note 38. 101. Ce Bacis s'appelait Pisistrate, et on lui donna le nom de Bacis ou Bacchis parce qu'il avait quelquefois des transports de fureur et qu'alors il prophétisait (voir Hérodote, VIII, 20 ; 8, 77 etc.). Épiménide, un Crétois, aurait vécu à Athénes vers 500 et serait l'auteur d'une Théogonie d'inspiration orphique (Diogene Laérce, I, 111). Quant à la Sibylle d'Erythrée en Béotie, qui est souvent identifiée à celle de Cumes, elle aurait été une vieille femme qu'on appelait en général Hérophilè. 102. L'uniformité de ces tablettes devait probablement rendre le tirage au sort le plus hasardeux possible, ce qui renforçait d'autant la part attribuée à l'intervention divine. 103. Ce souffle prophétique divin est mentionné par d'autres auteurs, surtout à propos de l'oracle de Delphes : ainsi, Plutarque

84

COMMENTAIRE

(p. 21-22)

parle d'un pneuma, dégageant en outre une odeur agréable (De defectu oraculorum, 50 Ξ 437C). Sur l'ouverture dans le sol du temple d'Apollon de Delphes par lequel ce souffle devait parvenir, cf. G. Roux, Delphi, Orakel und Kultstátten, Munich, Hirmer Verlag, 1971, p. 105-111, avec les références des principaux textes anciens. Marcus

tourne ce souffle en dérision dans II, 117.

104. La tournure utilisée par Quintus montre que la cause de la divination par les sorts est la plus difficile à défendre. La critique de Marcus est acerbe dans II, 85. 105. Quintus s'exprime ici d'une maniére trés rhétorique, sur un registre élevé : c'est que les prodiges reconnus par le sénat font partie de la tradition ancienne et reconnue à Rome. Les historiens latins les mentionnent avec respect méme quand ils paraissent fantaisistes. Sur l'influence effective de l'Etrurie dans les conceptions romaines, cf. R. Bloch, Les prodiges dans l'Antiquité classique, Paris, PUF, 1963, p. 86-111; Veit Rosenberger, Gezähmte Gütter. Das Prodigienwesen der rómischen Republik, Darmstadt, 1998, p. 157-159 ; 200-205. Marcus affirme dans De haruspicum responsis 18 que, dans la fonction d'expiation des prodiges, les haruspices relévent de la plus ancienne tradition de Rome. 106. Ce type de prodige est attesté dans d'autres textes ainsi TiteLive, XXIII, 3l ou Pline, Histoire naturelle VII, 36. 107. A. Pease donne de nombreux autres passages parlant de mules mettant bas (ad. loc., p. 154). 108. Il s'agit du même Tiberius qu'à la note 100 ; voir aussi II, 62. L'histoire est célébre. Cicéron donne ici un exemple de consultation privée des haruspices. L'épouse de Gracchus était Cornélie, mère des Gracques. 109. La traduction ne rend pas le [et motibus] qui semble étre une glose et qui est difficilement traduisible. Comme au ὃ 35, Quintus s'exprime sur un registre stylistique élevé, car, comme dans ce passage, il invoque la tradition romaine avec ici le personnage du pére des Gracques et l'évocation de Scipion l'Africain. Habilement, il enchaine sur le méme registre en quittant la tradition romaine pour aborder l'antique tradition d'autres peuples. Sur l'importance de l'astrologie à Rome à l'époque du De divinatione, cf. outre À. Bouché-Leclercq, I, passim, F.H. Gramer, Astrology in Roman Law, Philadelphie, Memoirs of the American Philosophical Society, t. 37, 1954, p. 58-80, et Tamsyn Barton, Ancient Astrology, Londres-New

York,

1994, passim.

110. Le nombre des années remonte, d'aprés Pline l'Ancien (VII, 193), à Bérosos de Babylone, un historien-géographe de l'époque d'Alexandre le Grand. Ce savant fonda également une école d'astrologie à Cos, et aurait calculé la date du déluge par l'eau et le feu. D'autres nombres sont attestés, jusqu'à 720 000 années

COMMENTAIRE (p. 22-23)

85

(Épigénés de Byzance. Pline, L1). Sur le prestige qu'a encore conservé plus tard la science babylonienne, cf. Censorinus, De die natali ΝΠ],

1 sq.

111. Allusion à l'anecdote célébre rapportée par Hérodote dans I, 46-48 : Crésus envoya des délégués aux plus célébres oracles de son temps et fit, dans tous ces lieux, demander un jour déterminé ce qu'il était en train de faire ; or il faisait quelque chose de trés inattendu : il faisait cuire ensemble dans un chaudron d'airain de la chair d'une tortue et d'un agneau qu'il avait coupés en morceaux. Seule la Pythie de Delphes donna la bonne réponse et le roi reconnut la vérité de cet oracle. Contrairement à S. Timpanaro (ad. loc. note 140), nous ne pensons pas que ce soit une allusion à l'épisode rapporté dans II, 115, car celui-ci n'est pas à l'honneur de l'oracle de Delphes ; II,

115 constitue au contraire, nous semble-t-il, une réponse critique de Marcus à l'éloge de l'oracle fait par Quintus. 112. Pour les Spartiates, voir infra I, 95-96 ; pour Tégée, Hérodote I, 66 sq. ; Argos, Hérodote, VI, 18 ; 77 ; et Corinthe, Hérodote V, 92.

113. Plutarque situe la période de gloire de l'oracle de Delphes, comme d'autres oracles, à l'époque des guerres médiques (De defectu oraculorum ὃ 5 = 411F). Sur la décadence de l'oracle, cf. Plutarque, De defectu oraculorum ὃ 5 = 411D sq. Voir aussi G. Roux, Delphes, son oracle et ses dieux, Paris, Les Belles Lettres, 1976 ; J. Fontenrose, The Delphic Oracle, University of California, 1978. 114. Plutarque émet, quant à lui, l'hypothése que l'exhalaison peut être variable au cours du temps ; il propose encore d'autres explications (De defectu oraculorum $ 50 = 437C et suiv.). 115. La signification oraculaire des songes est, dans le domaine grec, déjà attestée chez Homère (J/iade 11, 79-83 ; XI, 45 sq.) ; elle est certainement présente aussi dans la tradition ancienne de Rome comme le montre l'épisode rapporté dans I, 55. Il concerne en effet les ludi Magni, qui sont des jeux très anciens de Rome : cf. G. Freyburger, Der neue Pauly, Band 7, art. Ludi, Stuttgart- Weimar, Verlag J.B. Metzler, 1999, p. 479. 116. Sur Antipater, voir supra note 25 ; Antiphon était un sophiste athénien contemporain de Socrate. 117. Chrysippe ayant lui aussi recueilli les interprétations d'Antiphon (cf. II, 144). 118. Philistos (env. 430-356) était un homme politique et un historien de Syracuse, contemporain de Denys. 119. Les Galéotes sont des devins de Sicile, sans doute ainsi appelés parce qu'ils prédisaient l'avenir d’après les lézards (γαλεοὶ). 120. Il s'agit d'Ilia (aussi appelée Rhéa Silvia), mére de Romulus et de Rémus. 121.

Eurydice est, d'aprés Pausanias, X, 26, 1, le nom de la femme

d'Enée. C'est donc vraisemblablement un autre nom de Créuse. Ilia,

86

COMMENTAIRE (p. 23-27)

appelée ultérieurement Rhéa Silvia, serait (cf. S. Timpanaro, ad loc., note 145) ici non pas descendante, mais fille d'Énée et sans doute de Lavinia : elle raconte ici son réve à une germana soror qui est certainement une demi-sœur. La vieille femme pourrait être une nourrice. 122. Il s'agit en réalité du dieu Mars, qui a visité Ilia. 123. Ce fleuve est le Tibre. 124. Ennius, Annales I, 32-48 (éd. Warmington I, 14-16). 125. C'est Cassandre qui parle. 126. L'enfant dont il est question ici est Pâris, également appelé Alexandre. 127. Ennius, Alexandre 38-49 (éd. Warmington I, 234). 128. Quintus Fabius Pictor (rii? siècle av. J.-C.), sénateur et historien de Rome, auteur d' Annales racontant l'histoire romaine depuis les origines jusqu'à son époque. Il rédigea ses Annales en grec. Pour ce texte, cf. M. Chassignet, L'annalistique romaine, Y, CUF, Paris, Les Belles Lettres, 1999, p. 17-18. 129. Lucius Accius (env. 170-86 av. J.-C.), poéte latin célébre, auteur surtout de piéces de théátre d'inspiration grecque, dont il nous reste des fragments. Le Brutus est l'une de ses deux tragédies « prétextes » (c'est-à-dire à sujet romain) dont le titre nous est parvenu, et traite de la fin de la dynastie des Tarquins en 509 av. J.-C. À propos du songe de Tarquin et du fait que la représentation de la piéce avait été prévue pour les Ludi Apollinares de juillet 44 av. J.-C., aprés l'assassinat de César, cf. M. Crampon, « Les caractéres formels du songe de pouvoir sous la République romaine », in M. Fartzoff, et al., Pouvoir des hommes, signes des dieux dans le monde antique, Presses Univ. Franche-Comté, 2002, p. 113-117. 130. Le bélier survivant représente Lucius Iunius Brutus, le libérateur de Rome (Cf. Tite-Live, I, 56-60). 131. Accius, Brutus 17-28 (J. Dangel, Accius, Œuvres, Fragments, CUF, Paris, Les Belles Lettres, 1995).

132. Accius, Brutus 29-38 (éd. J. Dangel). 133. Phalaris (env. 570-554), tyran d'Agrigente, passait pour un monstre de cruauté. Plusieurs sources (cf. Th. Lenschau, PaulyWissowa, Real Encyclopádie, tome 19,2, s.v. Phalaris, Stuttgart, 1938, col. 1650-1651) affirment qu'il faisait brüler des victimes dans un taureau de bronze pour que leurs cris donnent l'illusion de mugissements. 134. Héraclide du Pont était un philosophe du 1v* siècle appartenant à l'Académie. 135. Dinon de Colophon, historien du [ν΄ siècle av. J.-C. Ce Cyrus est Cyrus le Grand, le fondateur de la monarchie perse. 136. Les mages étaient une caste sacerdotale experte en astrologie et en divination. Au cours du I* s. av. notre ère le terme prit à Rome

COMMENTAIRE (p. 27-28)

87

un sens péjoratif (cf. R. Garosi dans P. Xella (éd.), Magia. Studi di storia delle religioni in memoria de R. Garosi, Rome, 1976, 55 sq.). 137. La durée de trente ans pour le régne de Cyrus est indiquée également par Justin, I, VIII et Photius, Bibliotheca, Histoire de la Perse VIII. Hérodote, I, 214, donne quant à lui une durée de vingt-neuf ans. 138. Callanos était un brahmane qui séjournait dans l'entourage d'Alexandre le Grand. Lorsqu'il tomba malade, à l’âge de 83 ans, il résolut, dit-on, de mourir en public sur un bücher. Alexandre, pour l’honorer, fit pousser à son armée le cri de guerre. Cf. Arrien, Anabase VII, 3; Cicéron, Tusculanes 11, 52. 139. Alexandre mourut en juin 323. 140. Cette concomitance entre la naissance d'Alexandre et l'incendie du temple d'Éphése est déjà relevée par Cicéron dans le De natura deorum II, 69 ; il y indique que sa source est l’historien Timée de Tauromenium (v. 356-260) ; ce double événement (ainsi que l'interprétation des mages) est également rapporté par Plutarque, Vie d'Alexandre YII, qui le date du sixième jour du mois d'hécatombéon (juillet-aoüt de notre calendrier) en 356. Mais si l'on en croit les calculs d'Arrien, Anabase VII, 28, qui place sa mort

à

trente-deux ans et huit mois, Alexandre était né à l'automne de cette méme année. 141. Lucius Coelius Antipater, orateur, juriste et historien, composa vers la fin du 1 siècle av. J.-C. la première monographie en latin sur la Deuxième guerre punique. Il n'en reste que des fragments. Pour ce texte, cf. M. Chassignet, L'annalistique romaine, 11, CUF, Paris, Les Belles Lettres, 1999, p. 62. 142.

Le temple de Junon Lacinia, qui était trés riche, se trouvait

en Italie du sud, dans le Bruttium, prés de Crotone. L'épisode se situe en 205 av. J.-C. (cf. Tite-Live, XXVIII, 46, 16, mais cet historien ne mentionne pas le songe). 143. Hannibal avait perdu un «il en 217 av. J.-C. en traversant des marécages en Étrurie (Cornelius Nepos, Hannibal, 4, 2-3). 144. Silenos de Calacte, en Sicile, accompagnait Hannibal et écrivit une Histoire d'Hannibal. La prise de Sagonte (Espagne) date de 219. 145.

Sur ce texte, cf. M.

Chassignet,

L'annalistique romaine,

II,

p. 53. 146. On est frappé par la maniére favorable, tout à fait inhabituelle dans les textes latins, dont est présenté Hannibal. Cela est certainement dü à l'influence de Silenos. L'épisode a donné lieu à plusieurs études (cf. S. Timpanaro, p. 271-272. D. Briquel, Le regard des autres, les origines de Rome vues par ses ennemis (début du 1V° siéclel début du f" siècle av. J.-C.), Annales Littéraires

88

COMMENTAIRE (p. 28-30)

de l'Université de Franche-Comté, n°623, Besançon, 1997, p. 46, note 99. On a proposé que le dieu qui conduit Hannibal ait été Hercule. 147. On ne sait s'il s’agit d'Agathoclés de Cyzique (Itf siècle av. J.-C.) ou plutót d'un historien sicilien portant ce nom ; cf. A. Pease, p. 183.

148. Ce siége, conduit par Hamilcar fils de Giscon, eut lieu en 309 av. J.-C. 149. Sur les risques d'erreur dans l'interprétation des songes, Quintus s'explique en partie en I, 127. En fait, selon lui, bien que l'homme soit en relation directe avec la divinité dans ce cas de la divination naturelle, il n'a pas forcément une vision claire du sens du songe. Le róle des interprétes à cet égard est signalé dans I, 45 et dans I, 58. 150. En 343 av. J.-C., Publius Decius Mus était tribun militaire. 151. Il faut sans doute entendre « annales » ici au sens de « récits historiques » d'une manière générale. La première deuotio, celle de 340, οὐ P. Decius trouva la mort en tant que consul, est effectivement rapportée par Tite-Live dans VIII, 9, 1-14. 152. La deuotio est un rite utilisé dans les guerres pour apaiser la colére des dieux et arracher la victoire ; il consiste à faire vœu de sa personne et des ennemis aux divinités d'en bas et à la déesse Terre si les Romains remportent la victoire, et à se ruer ensuite sur l'armée ennemie. En 295 le fils de Decius l'imita, et en 279 son petit-fils suivit le méme exemple. Sur la priére et le rite, cf. F. Chapot-B. Laurot, Corpus de prières grecques et romaines,

Recherches

sur

les Rhétoriques

Religieuses,

tome

2,

G. Freyburger-L. Pernot éd., Turnhout, Brepols, 2001, p. 303-305. 153. Iliade IX, 363. Le récit de Platon se trouve dans Criron 44 a-b. C'est une citation (légèrement modifiée) de l'7/iade où Achille menace de quitter le siége de Troie et de retourner à Phthie, en Thessahe, c'est-à-dire dans sa patrie. Socrate, quant à lui, interprète

le songe comme signifiant que son àme doit retourner dans sa patrie céleste. La traduction en latin du vers d'Homére est manifestement de Cicéron (cf. II, 63). 154. L'expédition (401-399) est racontée par Xénophon dans son Anabase. Les récits des songes de Xénophon auxquels pense Quintus se trouvent dans Anabase YII, 1, 11-13 et IV, 3, 8. 155. Ce tyran de Phéres mourut en 359. Cf. Diodore de Sicile, XV, 61 ; XVI, 14. 156. Aristote a en effet écrit un traité intitulé Eudème. Il s'agit d'une œuvre de jeunesse du philosophe, encore trés platonisante, ayant peut-être méme eu pour modèles certains dialogues de Platon : cf. W. Jaeger, Aristoteles : Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung, Berlin, 1923, traduction francaise d'O. Sedeyn,

COMMENTAIRE (p. 30-33)

89

Aristote. Fondements pour une histoire de son évolution, Paris, 1997, p. 31. 157. Il s'agit de l'auteur tragique Sophocle. Le tribunal de l'Aréopage jugeait les crimes de sang et d'impiété. Le temple est celui d'Héraclés Μηνυτής. 158. Sur ce pluriel cf. supra note 125 de l'introduction générale. 159. Ces jeux ont eu lieu en 491 av. J.-C., si l'on se réfère à Tite-Live II, 36, 1 sq. Il s’agit certainement de ce que l'on appelle communément les Ludi Romani ou Ludi Magni, célébrés en l'honneur de Jupiter (cf. G. Freyburger, Der Neue Pauly, tome VII, Bochum, 2000, col. 479-480), d’où l'intervention du dieu suprême. 160. Le cirque est le Grand Cirque. La « fourche » était une piéce fourchue du timon à laquelle on attachait les bras d'un esclave qui avait commis un délit ; on le conduisait ainsi à travers les rues et lieux publics. Le premier danseur se trouvait à la téte de la procession des jeux et la conduisait. 161. Ce récit, qui se situe dans un passé institutionnel de Rome, est un témoignage précieux, qui atteste que les songes étaient pris en compte dés des époques anciennes de l'histoire romaine. 162. Tiberius Gracchus est le célébre tribun de la plébe de 133, qui fut assassiné en 132. Gaius Gracchus, questeur en 126/5, fut tribun de la plèbe en 123/2 ; il mourut lors des désordres de 122. 163. Simonide de Céos (env. 556-468), célèbre poète lyrique, ami notamment de Thémistocle et chantre des guerres contre les Perses. 164. L'Arcadie est une région du centre du Péloponnèse. Mégare, Μέγαρα au pluriel en grec et généralement aussi au pluriel en latin, se trouve sur l'isthme de Corinthe. 165. Quintus fut proconsul (de rang prétorien) de la province d'Asie (une partie de l'Anatolie occidentale actuelle) de 61 à 58. 166. Il s'agit de l’exil de Cicéron (chute dans le fleuve) et de son rapide retour d'exil (montée sur l'autre rive). Il est à noter que Quintus n'a pas hésité à consulter des spécialistes non romains, sans doute autochtones de la province d'Asie. 167. L'identité de ce Sallustius n'est pas süre : 1] s'agit en tout cas d'un ami fidéle de Marcus, peut-étre d'un de ses affranchis. 168. II s'agit certainement d'Atina en Lucanie. Marcus quitta précipitamment Rome en avril 58 et se dirigea d'abord vers la Sicile. Mais il changea ensuite de route et gagna Brindes pour quitter l'Italie au plus vite. Sur cet itinéraire, cf. L.A. Constans, Cicéron, Correspondance, t. II, CUF, Paris, Les Belles Lettres, 1963

(4* tirage), p. 28-36. 169. La deuxiéme heure qui suit le lever du soleil. Marcus devait se hâter car, interdit igni et aqua, il devait normalement s'éloigner à plus de 500 milles de Rome et risquait la mort s'il ne le faisait pas.

90

COMMENTAIRE (p. 33-35)

170. Bien que chef du parti populaire, Gaius Marius (157-86), le vainqueur des Cimbres et des Teutons, a toujours exercé sur Marcus un attrait sentimental : originaires l'un et l'autre d'Arpinum, ils étaient des homines noui, et connurent tous deux l'exil (Cf. Pro Sestio, 50). Les faisceaux de licteurs couverts de laurier font allusion au triomphe de Marius. 171. Le « monument de Marius » était un sanctuaire de Honos et de Virtus,

à Rome, construit en souvenir de la victoire sur les Cimbres

et les Teutons. L'emplacement de ce temple est discuté. Le vote eut lieu le 1% janvier 58 ; le consul « excellent » est Publius Cornelius Lentulus ; voir M. Bonnefond-Coudry, Le sénat de la République romaine de la guerre d' Hannibal à Auguste, Rome, 1989, 125-130. 172. Cette anecdote est sans aucun doute authentique et constitue un élément fort de l'argumentation de Quintus. La réfutation de II, 137 apparait comme une esquive et doit nous inciter à la prudence quant aux convictions réelles de Marcus. Cf. infra, I, 69, note 192. 173. L'argumentation, concernant les songes qui relévent de la divination naturelle, est comparable à celle de I, 24, qui concerne la divination artificielle. 174. Platon, République IX, 571c- 572b. Sur la manière dont Cicéron traduit ce passage, voir R. Poncelet, Cicéron traducteur de Platon,

Paris,

1957,

253-255.

Le texte de Platon

est ici un peu

sollicité car il est bien question dans ce passage de la République de l'hygiéne alimentaire que doivent observer ceux qui vont dormir, mais celle-ci doit viser à obtenir la vérité (ἀληθεία) plus que des songes divinatoires. 175. Sur la condamnation d'Épicure, cf. I, 5, 62; 87 ; 109. Sur la polémique contre Carnéade, cf. I, 12 ; 23 ; 109. 176. Cicéron rend ici le sens du passage de la République de Platon, cité dans les deux paragraphes précédents, avec exactitude. Dans tout son développement sur la divination onirique, Quintus n'évoque pas les procédés d'incubation dans des sanctuaires oü les conditions (jeünes, sacrifices) doivent préparer aux songes envoyés par un dieu. De telles pratiques sont évoquées notamment par Pausanias, I, 34 qui décrit le rituel à observer dans le temple d'Amphiaraos : sacrifice aux dieux puis immolation d'un bélier sur la peau duquel il faut se coucher et s'endormir en attendant le songe divinatoire. 177. Cette interdiction reléve du pythagorisme ancien : cf. W. Burkert, Weisheit und Wissenschaft, Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon, Nuremberg, Erlanger Beitráge zur Sprachund Kunstwissenschaft, Band X, 1962, p. 164 sq. 178. Passage d'inspiration platonicienne. Cf. infra I, 70, la théorie de Cratippe, fortement marquée par Platon.

COMMENTAIRE

(p. 36-39)

91

179. Sur le repentir des fautes au moment de la mort, cf. Platon, République T, 330 d-331 a. 180. Posidonius d'Apamée enseigna à Rhodes. Cf. I, 6 et supra note 26. 181. Cf. supra I, 47. 182. Iliade XXII, 355-360. 183. Plaute, Aulularia, 178. Cicéron cite sans doute de mémoire, et sa citation est légérement inexacte. 184. Le devin emporté par le délire prophétique se trouve donc dans le méme état que le dormeur qui a un songe (I, 63) : son âme est séparée du corps. 185. Sur l'intérét de cet emploi laudatif de superstitiosus chez Ennius attesté dans ce passage ainsi que dans I, 132, cf. R. Schilling, Annuaire de l'École Pratique des Hautes Études, VS section, tome LXXIX, 1971-1972, p. 287. 186. Dans le délire prophétique, l'àme est, comme dans le songe, séparée du corps (1, 66 : a corpore animus abstractus), mais elle est en outre stimulée (ibid. concitatur) et, est-il dit ici, habitée par

la divinité. 187. Extrait d'Ennius, Alexandre, 57-72 (éd. Warmington I, 240-242). 188. Gaius Coponius, préteur en 49 av. J.-C., se rangea du

cóté de Pompée et commanda avec Gaius Marcellus le contingent rhodien de la flotte à Dyrrachium (Durrés, en Albanie). César atteste l'importance des efforts qu'il déploya pour empécher le débarquement des troupes césariennes dans la région de Dyrrachium (De bello civili ΠΙ, 26, 2-3). 189.

1] s'agit

de

l'écrivain

Varron,

de

Caton

le Jeune

et de

C. Labienus, l'ancien lieutenant de César passé à Pompée. L'épisode rapporté par Quintus s'est déroulé peu de jours avant la bataille de Pharsale, qui eut lieu le 9 aoüt 48.

190. L'épisode est certainement, comme celui raconté dans I, 59, authentique. Il présente donc un grand intérêt pour l'appréciation de l'attitude réelle par rapport à la divination non seulement de Cicéron, mais encore des personnages de premier plan que furent Varron,

Caton

le Jeune et Labienus.

Comme

dans II, 137 pour I,

59, Marcus répond dans II, 114 pour I, 69 par une pirouette, visible par des successions d'interrogations rhétoriques. Marcus pourrait

ainsi montrer qu'il ne veut pas assumer complètement le rôle de sceptique qu'il joue dans le livre II. 191.

Cette mention,

que l'àme de l'homme

serait tirée hors

du

corps par l'áme divine, précise encore le processus de séparation de l'àme et du corps dans la divination naturelle. 192.

On observe que, dans le cadre de l'observation platonicienne

exposée dans la République et rappelée dans I, 60-61, la séparation

92

COMMENTAIRE (p. 39-40)

d'avec le corps, dans la divination, ne concerne qu'une partie de l'àme (la partie rationnelle) et n'est pas totale. 193. Le syllogisme de Cratippe est réfuté par Marcus dans II, 108-109.

194. I, 34.

195. L'art de l'haruspicine est divisé ici en trois sections, possédant chacune des livres avec un exposé systématique (doctrina). Les livres d'haruspicine étaient relatifs à l'inspection des fressures animales ; les livres fulguraux concernaient l'interprétation des foudres ; les livres rituels exposaient les modalités des cérémonies concernant la vie communautaire (fondations de villes, de temples, divisions du peuple) ; mais d'aprés Cicéron (infra 11, 49), les livres rituels concernaient aussi les prodiges. Nous ne connaissons pratiquement rien de ces ouvrages (cf. G. Dumézil, La religion romaine archaïque, 620-658 ; A. Pfffig, Religio Etrusca, Graz, 1975, p. 36 sq.). Les livres des augures romains étaient des recueils contenant des comptes rendus annuels des activités du collége, de ses décisions et des réponses qu'il avait données aux magistrats ou au sénat. 196. Iliade ΤΙ, 326-329. 197. Il s'agit sans doute de Commentaires écrits par le dictateur Sylla (vers 137 -78). L'épisode dont Cicéron fut témoin a dü avoir lieu en 89/88 pendant la Guerre sociale. 198. Nole se trouve en Campanie. 199. Leontini (en grec Λεοντῖνοι, actuelle Lentini) se trouve en Sicile, non loin de la cóte est. L'épisode concerne le tyran Denys et se place en 406/405. 200. Sur Philistos, cf. supra I, 39. 201. Sur le róle prophétique des abeilles, cf. W. Roscher, Ausführliches Lexikon der griechischen und rómischen Mythologie, tome 2, 2, Leipzig, 1894-1897, s.v. Melissa, col. 2641-2642. 202. La bataille de Leuctres, en Béotie, en 371 av. J.-C., opposa les Thébains commandés par Epaminondas aux Spartiates. La réputation d'invincibilité de ces derniers fut à jamais ternie par cette défaite. 203. Callisthéne (vers 360-327 av. J.-C.), apparenté à Aristote, ἃ écrit des Helléniques dont ce passage est tiré, et une Histoire d'Alexandre qu'il ne faut pas confondre avec le Roman d' Alexandre qui lui a été attribué au Moyen Age. 204. Lébadée (actuelle Livadia) est une petite ville de Béotie. Le temple de Trophonios était célébre dans l'Antiquité et l'antre de ce lieu passait pour une des portes des enfers; cf. P. et M. Bonnechére, « Trophonios à Lébadée. Histoire d'un oracle », Les Études Classiques 57, 1989, 289-302. Trophonios était consi-

déré comme

le fils d'Apollon

(Philostrate,

Vie d'Apollonios

de

COMMENTAIRE (p. 41-42)

93

Tyane VIII, 19) et, pour consulter l'oracle, il fallait descendre dans l'antre (Tite-Live, XLV, 27, 8) : on était violemment entrainé vers le fond par une machine et on en ressortait les pieds les premiers (Pausanias, Béotie XXXIX, 11). 205. Lysandre avait détruit la flotte athénienne à la bataille d'Aigos-Potamos, bataille décisive de la guerre du Péloponnése, en 405 av. J.-C. Les Dioscures étaient souvent associés dans l'Antiquité aux étoiles et Plutarque rapporte également qu'ils auraient aidé Lysandre sous la forme d'étoiles (Vie de Lysandre, 12). 206. Sur l'oracle de Dodone, voir supra I, 3. Les Molosses étaient une peuplade installée en Épire, dans la zone de l'actuelle Jannina. L'oracle de Dodone était situé sur leur territoire. 207. La succession des deux verbes disturbauit et dissupauit montre que, dans la tradition de ce récit, le mauvais présage provenait moins du singe (dont Marcus se moque dans II, 69) que du bouleversement de toute l'organisation des sorts provoqué par l'animal. 208.

C. Flaminius

Nepos,

tribun de la plébe en 232

fut consul

pour la premiére fois en 223, une deuxiéme fois en 217 : chef démocrate, il fut souvent en opposition avec le sénat. 209. La lustration était une cérémonie religieuse (généralement un suovétaurile, c'est-à-dire un sacrifice d'un taureau, d'un verrat et d'un bélier à Mars) visant à purifier l'armée et à la préserver de toute influence maléfique. Arretium, en Étrurie, est l'actuelle Arezzo. L'événement en question se situe en 217 av. J.-C. et prélude à la terrible défaite romaine du lac Trasiméne. Le temple de Jupiter Stator, le Jupiter « qui arréte (les fuyards) », aurait été promis par Romulus pour que le dieu mette fin à la fuite de ses troupes (TiteLive I, 12, 4-6). 210. Le pullaire était préposé à la garde et à l'observation des poulets servant pour la prise des auspices. 211. Les hastats étaient des soldats armés de piques (hastae). 212. Certains de ces faits sont également rapportés par Tite-Live, XXIL 3, 11-13. 213. Sur ce fragment de Coelius Antipater, cf. M. Chassignet, L'annalistique romaine, tome II (L'annalistique moyenne), p. 55-56. 214. Dans la bonne tradition romaine, Cicéron a regroupé au $ 77 les omina : « signes », défavorables en la circonstance (Tite-Live fait usage de l'expression foedo omine à ce propos dans XXII, 3, 12) et au $ 78 les « prodiges » indiquant un bouleversement de l'ordre naturel attribué à la colère des dieux. 215. Midas, roi mythique de Phrygie (vir‘-vir siècle av. J.-C.), était d'une richesse légendaire, fondée sur les mines d'or de cette région ; il aurait recu de Dionysos le pouvoir de changer en or tout ce qu'il touchait.

94

COMMENTAIRE

(p. 42-44)

216. Anecdote célébre dans l'Antiquité, dont Horace semble s'inspirer lorsqu'il écrit, dans Odes III, 4, 9-20, que, alors qu'il était enfant, des colombes sont venues le couvrir de feuillage : cf. A. Thill, Alter ab illo. Recherches sur l'imitation dans la poésie personnelle à l'époque augustéenne, Paris, Les Belles Lettres, 1979, p. 163-166. 217. Quintus Roscius Gallus était un célébre acteur que Marcus a défendu en justice (plaidoirie en partie conservée dans le Pro Roscio). Lanuvium est une ville du Latium. Le territoire dit Solonium se trouvait à proximité : Roscius fut donc élevé dans une résidence de campagne. 218. Cet épisode peut être rapproché de celui rapporté dans I, 36 et aussi dans I, 72. Sur le serpent comme protecteur de l'enfant, cf. Euripide, Jon 21-26. 219. Pasitéle était un sculpteur et orfévre néo-attique de la première moitié du 1" siècle av. J.-C., originaire d'Italie du sud. Cf. A. Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne ( V' s. av. J.-C. — Γ s. ap. J.-C.), Rome, 1989, 459, Archias était un poète grec originaire d'Antioche et fut, comme Roscius, défendu en justice par Cicéron (cf. le Pro Archia). 220. Les dieux auraient frayé avec les hommes à l'époque de l'Age d'Or (cf. Catulle 64, 384-386). Quintus réfute cette conception mythique de la religion. 221. Cf. supra, I, 38, où Cicéron parle d'un « souffle divin » (diuino adflatu). 222. Le lac sulfureux Ampsancte se trouvait à proximité de la uia Appia, à la hauteur de Bénévent, dans le pays des Hirpins. Or y trouvait un temple de Mefitis qui était, comme l'antre de Trophonios, une entrée des enfers (cf. Virgile, Énéide VII, 563 sq. et O. de Cazanove, « Le lieu de culte de Méfitis dans les Ampsancti valles : des sources documentaires hétérogènes », O. de Cazanove, 1. Scheid (éds.), Sanctuaires et sources dans l' Antiquité. Les sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte, Naples, Centre Jean-Bérard, 2003, p. 145-178). Plutonia se trouvait

en Phrygie (Asie mineure) ; c'était également un accés aux enfers (voir Strabon, XIII, 629). Sur Delphes cf. supra I, 38 ; et sur les livres Sibyllins I, 4. 223.

Sans doute Hésione,

224.

Pacuvius,

mére de Teucer.

Teucer 373-374 (éd. Warmington.

II, 300) ; cf.

Varron, La langue latine VII, 87. 225. Platon, Phédre 244 a ; cf. Ion, 533 e-534 a.

226. (Clodius) Aesopus était avec Roscius un des grands acteurs de l'époque à Rome. 227. Ce Brennus était le chef gaulois qui mena en 279 av. J.-C. une expédition à travers la Macédoine, la Thessalie et la Grèce ; il attaqua en particulier Delphes. Cf. Cicéron, Pro M. Fonteio, 30.

COMMENTAIRE (p. 45-47)

95

Les Delphiens avaient probablement consulté eux-mémes l'oracle. Voir Diodore, XXII, 9. Les vierges blanches semblent représenter ou annoncer les flocons de neige ; une autre tradition parle de jeunes filles armées accourues des temples d'Athéna et d'Artémis, cf. Justin, XXIV, 8, 5. 228. Problémes 954 a et sq. Dans ce passage, Aristote observe que la faculté divinatoire peut provenir d'un excés de bile dans l'organisme. Quintus utilise habilement ce texte, méme s'il est obligé de prendre quelques distances par rapport à lui, afin de mettre Aristote de son cóté. Toutefois, le Stagirite fournit massivement des arguments à Marcus dans le livre IL. Cf. sur ce point M.-C. Paumier, «La théorie des songes d’Aristote dans le De divinatione de Cicéron », Aristoteles Romanus, La réception de la science aristotélicienne dans l'empire gréco-romain (Y. Lehmann dir.), Brepols, collect. Recherches sur les Rhétoriques Religieuses, n? 17, Turnhout, Belgium,

2013, p. 245-261.

229. Le syllogisme est le procédé de raisonnement privilégié dans la dialectique stoicienne. 230. Sur le lien étroit entre la providence et la philanthropie, entre πρόνοια et φιλανθρωπία, cf. J.-P. Martin, Providentia deorum, Recherches sur certains aspects religieux du pouvoir impérial romain, Paris-Rome, collection de l'Ecole Francaise de Rome, t. 61, 1982, p. 17-19. 23]. Sur ces philosophes, voir supra I, 6. 232. Quintus revient ici aux deux arguments qu'il juge déterminants pour la véracité de la divination : le consensus (élément important pour un stoicien) et l'ancienneté (élément important pour un Romain). Cf. supra$ 1. 233. Quintus reprend ici l'argument de l'efficacité de la méthode empirique, déjà utilisé à propos de la médecine dans le $ 13. Sur la démarche des écoles empiristes, dont peut s'inspirer ce passage, cf. Geoffrey E. R. Lloyd, La science grecque aprés Aristote, traduction J. Brunschwig, Paris, édition La Découverte, 1990, p. 109-110 et 199-200. Sur l'empirisme en médecine, cf. aussi Celse, De medicina, praef. 271-44. 234. Cf. supra I, 5. . 235. Sur cette appréciation d'Epicure, cf. supra, note 180. 236. Iliade I, 68-72. Sur la qualification d'Homére, déjà par Héraclite d'Éphése, comme le plus sage des Hellénes, cf. H. Diels, frag. B 56. (H. Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker, Berlin, 1903, édition revue et augmentée par W. Kranz, Berlin, 1951-1952). 237. Amphiloque était le fils d'Amphiaraos (cf. note suivante) et d'Ériphylé ; il était un voyant comme son père, et participa, lui aussi, à l'expédition des Sept contre Thèbes, figurait parmi les prétendants de Pénélope et parmi les combattants devant Troie, dont il revint

96

COMMENTAIRE (p. 47-49)

à pied. Il fit une partie du chemin avec Mopsos qui était le fils d'Apollon et de Manto, fille de Tirésias (cf. note suivante) ; il fonda avec sa mére le temple d'Apollon à Claros, et battit Calchas dans un concours de divination. 238. Amphiaraos était fils d'Apollon ou d'CEclés et d'Hypermnestre. Il participa à l'expédition des Argonautes et à celle des Sept contre Thébes. Tirésias, originaire de Thébes, était aveugle : sa cécité lui aurait été infligée par Héra pour avoir tranché un différend entre elle et Zeus en faveur du grand dieu ; ce dernier lui aurait donné en compensation le don de la voyance. 239.

Ennius,

Télamon,

331

(éd. Warmington

I, 340).

240. Odyssée X, 492-495. 241. Ces Marcii auraient été les auteurs de prophéties qui auraient en particulier annoncé le désastre de Cannes. Cf. Tite-Live, XXV,

12, qui ne parle toutefois que d'un Marcius, auteur de deux

prédictions. Sur ces Carmina Marciana, cf. Ch. Guittard, Carmen et prophéties à Rome, Turnhout, Brepols, collection Recherches sur les Rhétoriques Religieuses, t. 6, 2007, p. 275-287. 242. Iliade XIII, 663 sq. 243. D'aprés la tradition romaine (cf. supra, I, 3), les rois de Rome auraient possédé la plénitude des pouvoirs, réunissant celui de magistrat et celui de prétre. Dans le systéme républicain le pouvoir des

prétres,

notamment

celui

des

augures,

était

séparé

de

celui

des magistrats, méme s'il s'agissait souvent des mémes hommes. 244. Diviciacos (ou Diviciacus) joua un róle important dans l'appel fait aux Romains par les Héduens en 58 av. J.-C. qui provoqua Ja guerre des Gaules. Il est souvent nommé par César dans La guerre des Gaules. 1] fut sans doute l'hóte de Cicéron lors de son séjour à Rome

en 6l. Sur les druides cf. Fr. Le Roux,

Chr.

J. Guyonvarc'h, Les druides, Rennes, 1986. 245.

Sur les mages perses, cf. supra, I, 46.

246. Marcus était, rappelons-le, augure. 247. La Carie faisait partie de la province d'Asie, que Quintus a gouvernée. 248. Ces familles sont bien attestées : cf. A. Pease, ad loc. 249. Cet épisode, dont nous ne connaissons pas la date, est également rapporté par Valére Maxime (I, 1, 1). Voir aussi à ce propos ce que dit Cicéron lui-même dans De legibus IT, 21. Sur le prestige de la divination étrusque aux yeux de Varron, cf. Censorinus, De die natali,

14, 6 et 17, 6.

250. L'Arabie désigne à cette époque le Nord de la péninsule arabique. La Phrygie désigne la partie nord ouest de l'Anatolie centrale actuelle. La Carie se trouve au sud ouest de la Phrygie (prés de Milet), la Cilicie (autour de Tarse) au nord ouest de la Syrie.

COMMENTAIRE (p. 49-52)

97

Telmessos est une cité de la Carie orientale (cf. A. Bouché-Leclercq, IL, 58 sq). 251.

CF. supra, I, 1.

252. Cf. Tite-Live V, 1, 6 : gens... ante omnes alias... dedita religionibus. Le théme a été développé dans un colloque international dont le titre reprend la formule de Tite-Live : F. Gaultier et D. Briquel (dir.), Les plus religieux des hommes. État de la recherche sur la religion étrusque. Actes du colloque international, Galeries nationales

du

Grand

Palais,

17-18-19

novembre

1992,

Paris,

La Documentation française, 1997. 253. Traductions supposées littérales des termes latins qui suivent. 254. Ce passage compléte et amplifie I, 3 et I, 28. La tradition attribue les peu nombreuses défaites subies par Rome à une neglegentia deorum occasionnelle de leur part (Tite-Live V, 51, 4-7). Cf. J. Rüpke, « Divination et décisions politiques dans la République romaine », Cahiers Glotz, XVI, 2005, p. 217-233. 255. Ce conseil public est la gérousie (« les anciens »), le sénat de Sparte.

Sur les oracles en question,

voir supra I, 3; sur Athènes,

voir G. Glotz, La cité grecque. Le développement des institutions (1928), Paris, 1968 —, 170. 256. Sur les tentatives de corruption de l'oracle par Lysandre, cf. Diodore, XIV, 13, 2-7. 257. Un temple d'Ino orné d'une statue de Pasiphaé est attesté chez Pausanias, III, 26, 1, mais on discute sur sa localisation. 258.

Sur ces livres, cf. supra 1, 4.

259. Sur les oracles sibyllins et les réponses des haruspices, cf. Ch. Guittard, Carmen et prophéties à Rome, p. 239-287 et 328-341. 260. Ce sont là des exemples caractéristiques de prodiges consignés par les historiens latins, notamment par Tite-Live. Les prodiges relevés par ce dernier ont été recueillis par Julius Obsequens dans son Prodigiorum liber. 261. Priverne se trouve dans le Latium. L'Apulie correspond aux Pouilles actuelles. 262. Cumes était située en Campanie, à proximité du lac Averne, au nord ouest de Naples ; la Capoue antique se trouvait dans la méme zone, à l'actuelle S. Maria Capua Vetere. L'Atratus et le prodige de la Victoire ne sont pas autrement connus. Le centaure se trouvait dans le voisinage du temple de Jupiter Capitolin, sur l'aire capitoline. Certains de ces prodiges sont datables, d'autres ne le sont pas : cf. à ce propos S. Timpanaro, ad. loc. 263. Les Marses sont un peuple sabellique du centre de l'Italie et la guerre dont il s'agit est un épisode de la Guerre sociale (90-88 av. J.C.). Sur Junon Sospita, « libératrice » ou « protectrice » des hommes, et Caecilia, cf. supra I, 4.

98

COMMENTAIRE (p. 52-54) 264.

Lucius Cornelius Sisenna, sénateur, préteur en 78 av. J.-C.,

ἃ écrit une histoire de la Guerre sociale. 265. Argument polémique dont Quintus use du fait du mauvais renom des épicuriens. Mais Aristote également niait la valeur divinatoire des songes. 266. Nous ne savons pas dans quel temple de Lanuvium se trouvaient ces boucliers et ne savons rien sur leur nature (ex-voto, accessoire de l'image divine ou simple décoration). Il s'agit peut-étre du temple de Junon Sospita, la déesse tutélaire de Lanuvium. Les souris étaient considérées comme des animaux de mauvais augure puisqu'elles étaient en contact permanent avec le monde souterrain. 267. Peut-étre moins les Annales Maximi, tenus par les pontifes, que des ouvrages historiques. . 268. Véies, ville située dans le sud de l'Etrurie, fut prise par les Romains en 396 av. J.-C. à l'issue d'une guerre de dix ans : cf. Tite-Live, V, ] sq. Sur le mythe du lac Albain, cf. G. Dumézil, Mythes

romains,

ΠῚ,

Paris,

1973,

67-85 ; Fêtes romaines

d'été et

d'automne, Paris, 1975, 25-31. 269. L'épisode est rapporté par Tite-Live de maniére plus ample et avec des variantes : ainsi le Véien est un haruspice et est enlevé par les Romains

(V,

15, 6-7), et son oracle est confirmé

par celui

de Delphes (V, 16, 8, 11). 270. La prise de Rome eut lieu en 390 av. J.-C. : cf. Tite-Live, V, 39 sq. Sur l'importance de cet épisode, cf. D. Briquel, La prise de Rome par les Gaulois, lecture mythique d'un événement historique, Presses

de l'Université Paris-Sorbonne,

Collection

Religions

dans

l'Histoire, Paris, 2008. 271. Faunus, vieille divinité italique, parfois assimilée à Pan, était considéré comme un dieu prophétique (cf. A. Bouché-Leclerca, IV, p. 122 sq.). Ses prophéties étaient favorables puisqu'on donnait à son nom l'étymologie de fauere « être favorable » (cf. Servius, Ad Georgica,

1, 10). Pluriel Fauni : en raison de la confusion de Faunus

avec Pan et Silvanus on parle de Fauni, und Kultus der Rómer, Munich, 1912?, p. 272. Outre les exemples cités par Cicéron, Vie de Paul-Émile 25, 4. 273. Aius Loquens ou Locutius est un qui parle ». Son autel se trouvait aux des

Vestales

aux

marges

du

Forum

cf. G. Wissowa, Religion 212. on peut relever Plutarque, doublet signifiant « celui environs de la maison

romain.

Cf.

J. Aronen,

in

E.M. Steinby, Lexicon Topographicum Urbis Romae, tome 1, Rome, Edizioni Quasar, 1993, p. 29. 274. Son temple se trouvait sur la citadelle du Capitole ; c'est là qu'on battit monnaie par la suite, d’où la moneta « argent monnayé, monnaie ». Cf. Ovide, Fastes VI, 183-184.

COMMENTAIRE (p. 54-55)

99

275. Sur les pythagoriciens et les présages, cf. A. Bouché-Leclercq, I, 30 sq. ; G. Freyburger, M.-L. Freyburger, J.-C. Tautil, Sectes religieuses dans l' Antiquité païenne, Paris, 2° éd., 2006,

137 sq. ; 231 sq.

276. Formule effectivement souvent employée. Cf. par exemple, J. Scheid, Recherches archéologiques à La Magliana 2. Commentarii fratrum arvalium qui supersunt. Les copies épigraphiques des protocoles annuels de la confrérie arvale (21 av.-304 ap. J.-C.), Rome. Coll.

Roma

antica, vol. 4, 1998, p. 146, n? 55, I, ligne 10 ; p. 229,

n? 77, ligne 10 ; Corpus Inscriptionum Latinarum ; XII, 4333. 277. Littéralement, « soyez de bon augure par votre langue », autrement dit, « ne dites que les paroles rituelles », « gardez le silence rituel ». 278.

Cf, par exemple, Tite-Live, V, 13, 7 : iurgíis et litibus tempe-

ratum.

279. Croyance confirmée, par exemple, dans Tacite, Histoires IV, 53, 2 ; Suétone, Vie de Caligulal3, 2. 280.

L'édition Pease, reprenant une correction de Cobet, corrige

ici scis en scio. Mais les manuscrits donnent unanimement scis (cf. l'apparat de la présente édition). Nous conservons donc cette lecon, comme le font la plupart des éditeurs plus récents. 281. Dans les comices (voir supra 1, 32), le peuple était divisé en sous-unités appelées centuries ; on considérait souvent que le vote de la centurie dite prérogative, tirée au sort pour voter en premier lieu, constituait un présage déterminant (C. Nicolet, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris, 1976, 349 sq.) cf. II, 74. Marcus Cicéron affirme lui aussi, dans des discours, le caractére

religieux (Pro Murena 38) et l'autorité (Pro Plancio 49) de cet usage. 282. Lucius Aemilius Paulus (Paul Émile) est le vainqueur du roi de Macédoine Persée — d’où le présage — à la bataille de Pydna, le 22 juin 168. Son deuxiéme consulat date de 168. On appréciera ici l'art du récit et la délicatesse des sentiments, où transparait l'attachement qu'avait eu Marcus lui-méme pour sa fille Tullia. Sur l'art du récit, cf. A. Demouliez, Cicéron et son goût, Bruxelles, collection Latomus, tome 150, 1976, p. 136-141. 283. G. Dumézil a commenté cet épisode dans La religion romaine archaïque, Paris, Payot,

19877, p. 133, jugeant qu'il illustre

tout particuliérement la liberté qu'a l'homme, dans la conception romaine, d'accepter ou de refuser un présage. 284. Il s'agit sans doute de Lucius Valerius Flaccus, dont il est question dans

le Pro

Rabirio

20 (G.J.

Szemler,

Priests,

170, n?9).

Le texte de Cicéron permettrait de considérer cette Caecilia comme la fille de Metellus, et on pourrait alors l'identifier à celle qui est nommée dans I, 4. Mais Valére Maxime, qui rapporte le méme épisode, fait d'elle explicitement (1, 5, 4) l'épouse de Meteltusz)

100

COMMENTAIRE (p. 55-57)

285. Rappelons que Marcus refuse avec force (supra, I, 10) que l'existence des dieux doive être considérée comme liée à la véracité de la divination. 286.

C'est le domaine de Cicéron, augure.

Sur le droit augural,

voir J. Lindersky, « The Augural Law », Aufstieg und Niedergang der romischen

Welt, IL, 16, 3 (1986), p. 2146-2312.

287. Sur Appius Claudius, voir supra I, 29. Sur d'autres augures alors en fonction, voir M. Schlmeyer, « Auseinandersetzungen mit Religion in antiquarischer Literatur von M. Fulvius Nobilior bis L. Iulius Caesar », in Rómische

Religion

im historischen

Wandel,

Diskursentwicklung von Plautus bis Ovid, A. Bendlin, J. Rüpke (ed.), Stuttgart, Potsdamer Altertumswissenschaftliche Beitráge, t. 17, 2009, p. 67-68. L'augure du salut était pris tous les ans pour s'assurer solennellement si les dieux accordaient au peuple romain le salut. Il s'agit ici de l'augurium salutis de 63, annoncé par Appius Claudius au consul Cicéron et présageant d'aprés Quintus la conspiration de Catilina (cf. aussi Dion

Cassius,

XXXVII,

24-25

sur cet

Augure du salut et les événements de l'année). Les « augures » sont en principe les signes observés par les augures, les « auspices » ceux observés par les magistrats. 288. Les Pisidiens étaient des « barbares » et Sora une petite localité campagnarde du Latium, proche du territoire des Marses, dont les habitants étaient connus pour leur crédulité. Ce passage montre qu'il pouvait exister une forte différence d'opinion au sein d'un collège sacerdotal romain, autrement dit qu'il n'y avait pas une doctrine explicite et dogmatique du systéme augural ; méme si la majorité des quinze augures pensait comme Cicéron plutôt que comme Claudius, chacun interprétait sa fonction comme il l'entendait. 289. Quintus répond peut-être ici à Platon, République III, 389b, qui revendique pour les dirigeants le droit de mentir quand l’intérêt de l'Etat l'exige, ou à Polybe, VI, 56, 6-12, qui affirme que le peuple était contenu à Rome grâce à la superstition. Tite-Live fait écho à ce point de vue, à propos de Numa, dans I, 19, 4-5. 290. Ce «serviteur ailé » est un aigle. 291. Marius était exilé. 292. Ce fragment est extrait du Marius de Cicéron, (tr. III éd. Soubiran). 293. Tite-Live confirme dans I, 18, 6 la tradition selon laquelle Romulus aurait, pour fonder Rome, déjà exercé les fonctions d'augure. 294. C'est l'opinion explicitement développée par Marcus dans IL 42-43. 295. Texte certainement corrompu en raison de la métrique ;

en outre la tradition voulait que Rémus eût pris les auspices de

COMMENTAIRE (p. 57-59)

101

la fondation de Rome depuis l'Aventin et Romulus depuis le Palatin. On peut considérer que, dans cette version du récit, Rémus se trouvait au pied de l'Aventin et Romulus au sommet. Voir ce qu'explique F. Guillaumont dans ses réflexions sur I. 107 in monte. 296. Selon que le fondateur approuvé par Jupiter s'appelait Rom-ulus (Roma) ou Rém-us (Remora). 297. Ennius, Annales 1, 80-100 (éd. Warmington I, 28 sq.). B. La justification théorique de la divination : $ 109-131 8 109-116 : la divination naturelle expliquée par les pouvoirs de l’âme séparée du corps. Quintus ne se réclame pas d'une école spécifique. Point de vue général, susceptible d'étre partagé par les péripatéticiens. $ 111-112 : divination naturelle et prévision rationnelle $ 114-115 : les vaticinations 5 115 : les songes 8 117-131 : la théorie stoicienne de la divination $ 117 : début d'un nouveau développement. Quintus pose une nouvelle question (Quo modo autem... ?). Au δ. 118, retour à la divination artificielle. Quintus se réclame désormais des stoiciens. La divination découle de l'existence des dieux et de la providence. $ 118-121 : précisions sur les modalités de l'intervention divine dans la divination. L'haruspicine ($ 118-119), les auspices ($ 120), les prodiges ($ 121) sont expliqués par l'action d'une uis diuina. ὃ 121 : l'interprétation des signes suppose une certaine pureté de l'esprit. Idée qui assure la transition avec les paragraphes sur le démon de Socrate. 8 122-124 : Je démon de Socrate 8 124-125 : comment rendre compte des erreurs de la divination ? 8 125 : le stoicien Posidonius fonde la divination non seulement sur l'existence des dieux, mais encore sur le fatum et sur la natura (δ 129 : la divination naturelle expliquée par la séparation de l'àÀme et du corps ; $ 130-131 : la divination artificielle expliquée par l'existence, dans la nature, de signes des choses futures). 298. Cette conception repose sur l'idée largement répandue dans la philosophie antique que le corps est un tombeau (soma-sema). Elle est notamment exprimée par Paul-Emile dans De republica VI, 14 ; sur le théme, voir la note de E. Bréguet, Cicéron, La République, t. II, Paris, CUF, 2002 (4* tirage), ad. loc., p. 183. 299, Solon, le fameux législateur d'Athénes, (env. 640-560 av. J.-C.) aurait prédit la tyrannie de Pisistrate (cf. Valére Maxime V, 3, étrangers 3 ; Plutarque, Vie de Solon 29-31. 300. L'éclipse eut lieu le 28 mai 585 av. J.-C. et le roi (des Médes) était en fait non pas Astyage, mais son pére Cyaxare. Thalés de Milet, le mathématicien et philosophe, vécut au cours de la 1** moitié du Vf s. ; pour cette histoire, cf. Aristote, Politique

1259 a 3 sq.

102

COMMENTAIRE (p. 59-64)

301. Il y a là une intéressante distinction méthodologique entre divination et prévision rationnelle. Quintus pense toutefois que, si ces deux démarches ne sont pas de méme nature, elles se ressemblent : cf. I, 13 et 128. 302. Anaximandre de Milet (vers 610-547) était l'éléve de Thalés. Il aurait inventé le cadran solaire et concu un modéle de la sphére céleste (Pline, Histoire naturelle, 191). La date de ce tremblement de terre n'est pas connue. 303. Phérécyde de Skyros (VP siècle av. J.-C.), auteur d'un traité sur les mythes de la création et sur l'origine du monde. Nous n'en possédons que des fragments. 304. Sur Dicéarque et Cratippe, cf. supra I, 5. 305. Les mélodies phrygiennes, c'est-à-dire exécutées dans le mode phrygien, étaient réputées provoquer des « transports » divins, par exemple dans le culte de Cybèle. Elles étaient notamment jouées sur des flütes. 306. C'est Cassandre qui parle. Extrait d'Ennius, Alexandre 73-75 (éd. Warmington I, 242). 307. Ennius, Annales, 232-233 (éd. Warmington I, 82). 308. Sur Marcius, cf. supra I, 89. Publicius aurait prophétisé lui aussi lors de la Deuxiéme guerre punique (218-202). 309. Cf. supra I, 34 et la note 103 sur l'opinion convergente de Plutarque. 310. Il s’agit du deuxième livre du De natura deorum. Sur l'existence réelle des événements

à venir, cf. I, 128. Sur des arguments

concrets pour étayer la providence divine, cf. De natura deorum TI, 140. 311.

Cf. De natura deorum

I, 39.

312. Spurinna était l'haruspice qui aurait averti César du danger qui le menagait jusqu'aux ides de mars (le 15 mars 44), date à laquelle il fut assassiné (Suétone, Vie de César LXXXI, 5). Le trône en or et les vétements de pourpre sont des insignes royaux qui énoncent les prétentions monarchiques de César. 313. La «tête » du foie est la partie supérieure de cet organe. 314. Sur l'utilité cependant de la divination pour échapper à un danger, cf. I, 26.

315. Les oiseaux oscines (littéralement « qui chantent en avant ») sont l'ensemble des oiseaux dont le chant et la direction étaient considérés comme un présage, par opposition aux oiseaux alites (dérivé de aja, « aile ») qui donnaient des signes par leur vol et leur comportement. Voir G. Dumézil, La religion romaine archaïque, 588. 316. On pense qu'il s'agit de l'éclipse du 20 septembre 331, précédant la bataille de Gaugamèle (31 octobre 331). 317. Hérodote VI, 131, relate le songe d'Agariste, la mére de Périclés, juste avant la naissance de celui-ci.

COMMENTAIRE (p. 64-69) 318.

Hérodote

103

I, 85.

319. Servius Tullius fut le deuxiéme roi étrusque de Rome. 320. Ce passage renvoie à 1, 61 et à la République de Platon. 321. Xénophon, Anabase III, l, 5 parle de cette démarche auprés de Socrate. Mais la source exacte de cette citation est perdue. Il s'agissait de l'expédition des Dix mille aux cótés de Cyrus le Jeune. 322. Épisode de la guerre du Péloponnèse qui eut lieu en 424 av. J.-C. 323. Allusion au procés de Socrate. Ce récit est également rapporté par Platon, Apologie de Socrate, 40 a-b. Plutarque, Sur le Génie de Socrate 581 d-e. 324.

Sur Posidonius,

cf. supra I, 6.

325. cf. De natura deorum 1, 9. 326. Sur cette notion du destin, cf. J. Kany-Turpin, Cicéron, De la divination, Paris, GF Flammarion, 2004, p. 347, n. 309-310. 327. S'apgit-il du traité De fato, Sur le destin de Cicéron ? Mais l'auteur y dénonce les conceptions stoiciennes et Quintus n'y intervient pas, du moins dans la version conservée. Le passage pourrait étre fautif. 328. Céos est une des Cyclades. 329. Héraclide du Pont est cité par ailleurs supra I, 46. 330. Sur Démocrite cf. I, 5. 331. Pour les Anciens, le foie était le siége de l'intelligence. 332. Pacuvius, Chrysés 104-106 (éd. Warmington II, 200). 333. Il s'agit du physicien, auquel Quintus s'adresse directement. 334.

Pacuvius,

Chrysés,

112-114 (éd. Warmington

II, 204).

C. 8$ 132 : Quintus condamne la divination exercée par des charlatans. 335. Sur Appius, cf. supra, notes 16, 91 et 287. 336. Sur les Marses, voir supra, note 288. 337. Sur la méfiance qui frappait les isiaques, voir G. Freyburger, M.-L. Freyburger, J.-C. Tautil, Sectes religieuses dans l'Antiquité patenne, p. 246-247. 338.

Ennius,

Télamon

332-336 (édit. Warmington,

I, 340).

339. Une petite partie du texte est perdue, mais l'argumentation de Quintus est de toute facon achevée.

NOTES CRITIQUES

I, 12 in significatione euentis Comme Giomini, j'adopte le texte du manuscrit H : in significatione euentis. Euentis se retrouve en I, 72 : euentis animaduersa ac notata sunt.

In significatione peut se comprendre au sens de « dans leur signification », « s'agissant de leur signification ». Sur cette leçon, voir Pease, p. 76 (« fortasse recte »). Pour les nombreuses conjectures suscitées par ce passage, voir l'apparat de Giomini et Timpanaro, note 46, p. 241. L, 15 mollipedesque boues Il est difficile de préciser le sens de mollipes, qui est un hapax et n'a pas d'équivalent chez Aratos. Pease (p. 89), suivi notamment par Soubiran et Timpanaro, comprend « slow-footed », « lazy-footed ». Mais mollis n'indique pas spécialement la lenteur. A. Magnavacca (« Arato ei Latini : una nota sul signum dei buoi (Arat. 954-955) », Maia, 69, 2017, p. 470-485) rappelle que chez Homère les bœufs sont dits εἰλίποδες (« qui tournent les pieds en marchant ») et que cette particularité de leur démarche était expliquée par la souplesse de leurs articulations (voir le traité hippocratique De articulis, 8). Pour lui, boues mollipedes signifie « buoi dalle zampe flessuose » (p. 478). Je me suis inspiré de cette traduction, qui rend mieux compte de l'emploi de mollis. I, 16 [posse] Je ne garde pas posse, qui est conservé par Ax et par Timpanaro avec le sens de « c'est possible » (Timpanaro admet que la phrase présente une légére anacoluthe). Dans tout ce passage, en effet, Quintus constate des faits, dont il ne peut donner l'explication, il n'établit pas des possibilités.

106

NOTES CRITIQUES (p. 10-20)

Selon D. Wardle (p. 140), l'absence de posse rend la phrase plus fluide. I, 18 micanti

À la fin du vers 12, j'adopte avec Soubiran la correction micanti (codd. : micantis). Voir Cicéron, Aratea, fr. XXXII, 1 : fulgore micanti (en fin d'hexamétre) ; 112 : micans... ardor. L, 28 fautt tripudium La correction de Giomini pulte tripudium est des plus ingénieuses. Le terme puls, qui désigne la pátée servie aux poulets divinatoires, apparait dans le passage parallèle du livre IT (II, 73) ; voir aussi Festus, p. 284 L. Si l'on suit le texte de Giomini, l'anaphorique ea, dans ex ea, reprend facilement le mot pulte. Il est plus difficile de considérer (avec Ax) qu'ea renvoie au mot offa de la phrase précédente. Cependant la corruption de pulte en aut s'explique assez mal paléographiquement (voir sur ce point Timpanaro, p. 253). D'autre part le sens n'est pas pleinement satisfaisant : pourquoi la formule augurale, à laquelle se référe Quintus, donnerait-elle autant d'importance à la puis ? Pour ces deux raisons, j'ai renoncé à introduire dans le texte la correction de Giomini. Plus récemment, dans le prolongement de la correction de Turnébe (aui pour aut), D. Wardle (p. 175) a proposé de corriger aut en omni aui (voir déjà Pease, dans sa note à IL, 72 decretum collegi). On lit en effet en II, 72 : Quo antiquissimos augures non esse usos argumento est quod decretum collegi uetus habemus omnem auem tripudium facere posse. Cependant, au livre II, a mention du decretum uetus apparait comme l'introduction d'un élément nouveau, et non comme un rappel du discours de Quintus. Demeure d'autre part la difficulté causée par ex ea : Wardle comprend, semble-t-il, ex ea au sens de ex aui. Cependant, comme le note Giomini, à propos de la nourriture tombant du bec des poulets Cicéron écrit toujours ex ore (I, 27 : ex pulli ore ; I, 72 : ex ore, ex ore pulli ; 1L, 73 : ex eius ore).

Un peu plus loin l'expression in solidum (pour in solum ou in terram) peut surprendre, même si solidum s'emploie pour désigner la terre ferme (Tite-Live, XLIV, 5, 6 ; Florus, I, 18, 9) ou le sol ferme (Virgile, Géorgiques II, 231 ; Ovide, Fastes IV, 821 ; Tacite, Annales IV, 62: Vitruve, I, 5, 1 ; V, 12, 5). Comme le note Pease, le choix

de solidum peut s'expliquer par un rapprochement avec solistimum. I, 34 diuinationem

Je pense comme Pease qu'il n'y a pas lieu de corriger le texte, méme si l'on a affaire à un emploi difficile du mot diuinatio («a difficult use of the word »). À mon sens eorum quos interpretantur

NOTES CRITIQUES (p. 20-25)

107

ne désigne pas les dieux, mais les uates et les somniantes : les interprétes s'approchent au plus prés de leur « divination », c'est-à-dire de leur « inspiration divine », de leur « savoir divin » ; à leur niveau ils participent à cette transmission du savoir divin qu'est la divination. La comparaison avec les grammairiens et les poètes suggère un rapprochement avec l’Jon de Platon, selon lequel les interprètes

des poétes se rattachent eux aussi à la chaine aimantée partant du dieu. I, 36 [et motibus] Timpanaro maintient dans le texte (tout en exprimant des doutes) les mots et motibus, écartés par Christ, Pease et Giomini, mais il ne parait vraiment pas possible de leur donner un sens. Que voudrait dire la coordination numeris et motibus (cf. IT, 17 : ab iis, qui siderum motus numeris persequuntur) ? Je note d'ailleurs que Timpanaro ne rend pas et motibus dans sa traduction. L, 42 parere se

Comme Jocelyn et Giomini, je couserve le texte des manuscrits. Il faut admette avec Jocelyn (p. 223) qu'Ennius méle les deux constructions logiques : parere se... facem uidit et parere... facem uisa est. Cf. limitation d'Ovide, Héroides 17, 237-238 : fax quoque me terret quam se peperisse cruentam... est tua uisa parens. I, 43 nimirum in Le texte des manuscrits, in numerum Fabi Pictoris Graecis anna-

libus n'offre pas de sens. On peut hésiter entre la correction de Hertz (adoptée par Giomini et Schäublin), in nostri F. P. G. a., et celle de Dederich (adoptée par Pease, Timpanaro et Wardle), nimirum in F. P. G. a. F. W. Jenkins (« Fabius Pictor in Cicero's De divinatione », Mnemosyne, 66, 2013, p. 129-132) défend la correction in nostri, mais ses arguments ne sont pas décisifs. Dans ce passage, en effet, Cicéron n'oppose pas les exemples romains aux exemples grecs, comme il le fait ailleurs, mais les somnia fabularum (dont fait partie le songe d'Énée) aux propiora. D'autre part, le parallèle que Jenkins établit avec le De oratore n'est pas convaincant : en Il, 51 (ut noster Cato, ut Pictor, ut Piso), noster ne peut pas porter sur Pictor ; il est donc probable qu'en II, 53 aussi (talis noster Cato et Pictor et Piso), noster porte uniquement

sur Cato.

Comme le note Timpanaro (p. 266), nimirum in rend facilement compte de la lecon erronée des manuscrits. Pour l'emploi de nimirum, soulignant que l'exemple est bien connu, comparer diu. I, 122.

108

NOTES CRITIQUES (p. 31-43)

I, 55 proxume On donne souvent à proxume le sens de «le plus récemment », ce qui fait difficulté, car L. Coelius Antipater, historien contemporain des Gracques, ne pouvait pas étre le dernier historien à avoir relaté cet épisode ; de plus il n'est pas certain qu'il soit postérieur à Cn. Gellius. C'est pourquoi T. P. Wiseman (« Cicero, De divinatione 1. 55 », The Classical Quarterly, 29, 1979, p. 142-144) propose d'adopter la leçon de V corrigé : maxume. Mais proxume signifie aussi « le plus exactement », « le plus précisément » : voir Tite-Live, XXV, 23, 12 ; Quintilien, I, 6, 3; VI, 2, 20. C'est le sens qu'avec D. Wardle il convient de lui donner 1ci (Wardle, p. 63 et 244 : « with the greatest accuracy »). I, 66-67 Citation de l'Alexandre d'Ennius : les manuscrits ne donnent pas d'indication sur les personnages et ne signalent pas le changement de locuteur. Les éditeurs attribuent généralement les deux premiers vers à Hécube et corrigent uisa est des manuscrits en uisa es. Giomini garde uisa est, considérant que la mére de Cassandre s'exprime en aparté. Jocelyn conserve aussi uisa est et attribue les deux premiers vers au coryphée. Cependant il semble bien que les vers 3-9, prononcés par Cassandre, soient une réponse à la question posée dans les deux premiers vers : je préfère donc attribuer ces deux vers à Hécube et corriger est en es. Au vers 1 le texte transmis est rapere. L'expression oculis... rapere se trouve dans un fragment tragique cité par Cicéron, De oratore III, 162. Cependant la correction de Lambin rabere est légére et donne un sens, à mon avis, plus satisfaisant. Virgile (Énéide VI, 49) emploie rabies à propos du délire de la Sibylle (voir aussi Lucain, V, 190, à propos du délire de la Pythie). Au vers 5 Vahlen et Ax gardent le texte des manuscrits neque me (en faisant porter la négation neque sur inuitam). Mais tout le contexte indique que Cassandre prophétise malgré elle : il est donc nécessaire de corriger. On peut hésiter entre les corrections namque (Ribbeck) et meque (Grotius). J'ai choisi la première, qui offre une meilleure suite des idées. L, 79 qui est campus agri Lanuuini Ces mots sont considérés comme une glose par Pease (p. 230) et Wardle (p. 298). Festus (p. 296 L.) situe en effet l'ager Solonius sur la uia Ostiensis,

à 12 milles de Rome,

ce qui est incompatible

avec une localisation proche de Lanuvium. Mais, comme le note justement Timpanaro (p. 290), la mention de totum Lanuuium dans la phrase précédente implique que le prodige a eu lieu prés de Lanuvium. Il faut donc admettre que Solonium désigne ici un lieu

NOTES CRITIQUES (p. 43-49)

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situé sur le territoire de Lanuvium, différent de l'ager Solonius connu de Festus. Un Solonium est mentionné à deux reprises dans les lettres à Atticus (II, 3, 3; II, 9, 1), sans qu'il soit possible de le localiser. Le premier passage laisse entendre qu'en 60 Cicéron y avait une résidence.

I, 80 Dans la citation de Pacuvius, je suis la ponctuation de Giomini (virgule aprés commota), qui, par le rattachement de in tumulis à commemorans, assure un bon équilibre à la phrase. En l'absence de contexte, il est impossible de déterminer avec certitude le sens de tumulis (« collines » ou « tombeaux »). J’ai opté pour « collines » en raison du parallèle avec Accius, Trag. 400. Timpanaro considére Platonis comme une glose (ce que ne faisaient pas les précédents éditeurs), car, pour lui, il n'y a pas de doute que le sujet de appellet est Platon. Mais le sujet de appelle! n'est-il pas plutót Démocrite, auquel le mot furor est rattaché dans la phrase précédente ? Démocrite peut parler de furor à condition qu'il en fasse l'éloge, comme le fait Platon. Platon fait l'éloge du furor. C'est à Démocrite qu'il est demandé d'en faire autant. I. 85 Quid deinde causae sit... Beaucoup d'éditeurs (notamment Pease, Giomini et Timpanaro) préférent le texte de M Quid deinde causae est (cf. Quid deinde causa est dans F) à Quid deinde causae sit, donné par la plupart des manuscrits. L’indicatif est de fait plus logique, mais le subjonctif sit (comme moneat et neglegat dans la phrase précédente) peut être entraîné par les interrogations indirectes qui précédent et qui suivent (voir Plasberg ap. Ax). Comme Ax et Schäublin, je garde donc sit, lecon corroborée par l'accord BAV. I, 92 X ex singulis Etruriae populis Passage difficile, abondamment discuté depuis longtemps (voir A. Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l' Antiquité, Paris, 1879-1882, t. 4, p. 107, note 1). Le texte transmis est sex singulis : singulis Etruriae populis est alors un datif ; il faut donc comprendre que les enfants, ou les jeunes gens, confiés aux différents peuples d'Etrurie, sont de jeunes Romains. C'est ainsi que les choses sont présentées dans le passage paralléle de Valére Maxime (I, I, 1). Pour harmoniser les témoignages de Cicéron et de Valére Maxime, Davies corrige chez Cicéron sex en X (decem), correction suivie par Ax et par Giomini. En revanche, si l'on adopte la correction de Christ (avec Pease et Timpanaro) X ex singulis, les jeunes gens sont des Etrusques,

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NOTES CRITIQUES (p. 49-50)

issus de chaque peuple d'Étrurie, ce qui parait plus vraisemblable et correspond mieux à ce que nous savons des haruspices à l'époque républicaine. D. Watdle, en raison du témoignage de Valère Maxime, adopte comme Giomini le texte corrigé par Davies, ce qui le conduit à supposer que la décision du Sénat, concernant de jeunes Romains, fut par la suite abrogée (p. 326-327). Mais pourquoi Cicéron citerait-il avec éloge une décision qui n'eut aucun effet ou qui fut rapidement abrogée ? D'autre part l’expression singulis Etruriae populis se comprend mieux s'il s'agit de jeunes Étrusques : l'effort demandé est le méme pour chaque peuple, qui doit fourmr le méme contingent de Jeunes nobles, futurs haruspices. S'il s'agissait de former de jeunes Romains à l'haruspicine, i] n'y avait pas de raison de les envoyer dans chaque cité étrusque. Comme Pease et Timpanaro, je préfére donc la correction de Christ : X ex singulis Etruriae populis. On s'accorde à penser que Cicéron est la source de Valére Maxime : il faut donc supposer que celui-ci lisait un texte déjà corrompu, proche de celui de nos manuscrits. Voir les discussions de Pease, p. 259-260, et de Timpanaro, p. 301. I, 95 nihil sine auspiciis domi [habent auspicia] Manuscrits : domi habent auspicia B*FM dum habent auspicia B* AV dum haberent auspicia H. Avec la plupart des éditeurs, il convient d'adopter domi, leçon de B'*FM, qui s'oppose à in bello (cf. I, 3 : nec domi nec militiae). Mais nihil sine auspiciis domi habent auspicia est dépourvu de sens. Giomini supprime du texte auspicia, mais conserve habent, en lui donnant le sens de suscipiunt («ils entreprennent »). Comme il ne me paraît guère possible de donner un tel sens au verbe habere, je préfére supprimer habent auspicia, à la suite de Schütz, Pease et Timpanaro. Il reste qu'il est difficile d'expliquer l'insertion des deux mots habent auspicia dans ce contexte. Comme le note justement G. Magnaldi (« Note in margine al De divinatione di Cicerone », Quaderni del dipartimento di filologia, linguistica e tradizione classica, 1995, p. 59-73), l'expression auspicia habere est cicéronienne (voir leg. III, 10 ; diu. IL, 76-77). G. Magnaldi propose de transférer les deux mots dans la phrase précédente : neque solum in pace, sed in bello multo etiam magis [...] «auspicia habebant». Mais l'expression auspicia habere (qui signifie « avoir le droit de prendre les auspices ») ne parait pas convenir avec rex et populus comme sujets.

NOTES CRITIQUES (p. 56-57)

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I, 106 subrigit ipsa feris transfigens unguibus anguem Le texte des manuscrits subigit ou subiit ne convient ni au sens ni à la métrique. Peerlkamp, dans son édition de l' Énéide (Leyde, 1843), et Lachmann, dans son commentaire à Lucréce (Berlin, 1850), ont proposé la correction subrigit. Mais quel sens donner ici à ce verbe ? Lachmann

cite Valérius Flaccus, I, 157 : ualidis fixam erigit

unguibus agnam. Il s'agit d'un aigle qui, dans son vol, « maintient élevée » une agnelle tenue dans ses serres. Pour Lachmann (comme pour Peerlkamp), subrigit a pour objet anguem : l'aigle, en s'envolant, «élève » le serpent, en l'arrachant

au tronc de l'arbre. Cette

interprétation est suivie par Soubiran et Timpanaro. Mais l'Oxford Latin Dictionary (5. v.) donne ici à subrigere une valeur intransitive : « to rise up, rise aloft ». L'aigle « s'éléve » depuis le tronc de l'arbre (anguem n'est plus alors complément que de transfigens). L'Oxford Latin Dictionary ne donne pas d'autre exemple d'une valeur intransitive de subrigere et rappelle que c'est la forme contractée surgere qui est normalement utilisée au sens intransitif. On peut hésiter entre les deux interprétations. Le parallèle entre Cicéron et Valérius Flaccus et notamment le fait qu'à transfigens de l'un répond fixam de l'autre me conduisent à préférer celle de Lachmann-Peerlkamp. I, 107 in monte

Ici le texte d'Ennius présente vraisemblablement une (bréve) lacune, car la position de Rémus n'est pas clairement indiquée. D'autre part la séquence in monte-secundam est trop longue pour constituer un hexamétre. La position de Romulus sur l'Aventin peut surprendre, car chez les auteurs plus récents Romulus prend les auspices sur le Palatin et Rémus sur l'Aventin (Tite-Live, I, 6, 4 ; Ovide, Fastes IV, 815-816 ; V, 149-152 ; Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines 1, 86 ; Florus,

I, 1, 6; Auiu-Gelle, XIII, 14, 5). Servius garde cependant trace d'une autre tradition, situant Romulus sur l'Aventin (ad Aen. III, 46). Pour

ce qui est de Rémus, Skutsch (p. 76, 222 et 224) propose de corriger in monte en in Murco, Murcus étant l'ancien nom de l'Aventin (selon Festus, p. 135 L.), ou le nom d'une partie de l'Aventin. Dans cette hypothése, les jumeaux se trouvent tous deux sur l'Aventin, mais à des emplacements différents. Skutsch (p. 76 et 224-225) propose également de corriger se deuouet en sedet. In Murco Remus auspicio sedet atque secundam constitue un hexamètre, et c'est le texte adopté par Scháublin. Cependant, si l'emploi de sedere est bien attesté dans la langue augurale (voir notamment Servius, ad Aen. IX, 4), on ne trouve pas, à ma connaissance, auspicio sedere. D'autre part on voit mal pourquoi une forme aussi courante que sedet se serait corrompue en

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NOTES CRITIQUES (p. 57)

se deuouet. Je préfère donc garder se deuouet, qui exprime l'attention passionnée avec laquelle Rémus se livre à la prise d'auspices. Dans la suite du fragment, il n'y a pas lieu de modifier l'ordre des vers. La prise d'auspices débute peu aprés le milieu de la nuit (Tite-Live, VIII, 23, 15 ; Aulu-Gelle, III, 2, 10 ; Festus, p. 474 L.). Sol albus désigne vraisemblablement la lune qui se couche (interprétation de l'humaniste Paulus Merula, reprise par R. V. Albis, «Twin Suns in Ennius Annales », dans Essays in Honor of Gordon Williams, éd. E. Tylawsky et C. Weiss, New Haven, 2001, p. 25-32). Et c'est au lever du jour que Romulus reçoit des signes favorables. Frangois GUILLAUMONT

TABLE DES MATIÈRES

Introduction générale, par Jean-Marie André Les problèmes de datation.......................... Le personnage de Quintus Cicéron ............ Les implications politiques du dialogue ..... La culture historique dans le De diuinatione : histoire et politique... La culture religieuse de Cicéron : théologie et expérience …......................... La culture scientifique et le De diuinatione Les sources philosophiques du De diuinatione............... sss Le genre littéraire du dialogue ................... La présence de la « culture libérale » dans le dialogue .................... esses Conclusions philosophiques ....................... Le De diuinatione aprés Cicéron : l'histoire d'un texte et le destin d'une pensée ........

CVIII CXVIII

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TABLE DES MATIÉRES

La tradition manuscrite du De diuinatione,

par François Guillaumont ......................

CXLIII

Les manuscrits carolingiens....................... Les Excerpta Hadoardi............... esses Les manuscrits des X^ et XY siécles............. Les manuscrits plus récents (xif-Xv* siècle) Principes suivis dans cette édition ..............

CXLV CLI CLIV

Conspectus siglorum ...............

CLXI

sss

CLVII CLIX

DE LA DIVINATION, Livre I

Texte et traduction .…....................................

1

Commentaire, par Gérard Freyburger, avec le concours d'Anne-Laure Gallon-Sauvage..…....................................

71

Notes critiques, par François Guillaumont....

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Composition et mise en pages Nord Compo à Villeneuve-dAscq

Ce volume, le quatre cent trente-quatrième

de la série latine de la Collection des Universités de France, publié aux Éditions Les Belles Lettres, a été achevé d'imprimer en mai 2022 sur les presses

de la Nouvelle Imprimerie Laballery 58500 Clamecy, France

N° d'édition : 10222

- N° d'impression : 204637

Dépót légal : mai 2022