199 19 14MB
French Pages 211 [212] Year 1973
JANUA LINGUARUM STUDIA MEMORIAE N I C O L A I VAN W I J K D E D I C A T A Series
Critica,
13
edenda curai WERNER
WINTER
BREVE HISTOIRE DE LA LANGUE ROUMAINE DES ORIGINES À NOS JOURS
. A.
par
ROSETTI
1973
MOUTON THE H A G U E • PARIS
© Copyright 1973 in The Netherlands. Mouton & Co. N. V., Publishers, The Hague. No part of this book may be translated, or reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without written permission from the publishers.
LIBRARY OF CONGRESS CATALOG CARD NUMBER: 74-190142
Printed in Hungary
PRÉFACE
Dans l'exposé qui suit nous nous sommes proposés de donner un bref aperçu de l'histoire de la langue roumaine, des origines à nos jours. E t a n t données les proportions imposées à l'ouvrage et le caractère de la collection, nous avons essayé de présenter l'essentiel, sans négliger aucun des aspects caractéristiques de l'évolution du latin danubien au cours des siècles. Les cartes qui accompagnent l'exposé ont pour but de placer les faits dans leur cadre géographique. M. Andrei Avram, du Centre de recherches phonétiques et dialectales de l'Académie de la R. S. de Roumanie, a lu notre manuscrit et nous a présenté une série de précieuses observations. Nous le prions de vouloir bien trouver ici nos sincères remerciements. Bucarest, février 1970 A. R.
TABLE DES MATIÈRES
Préface
5
Abbréviations
17
1 Le latin 1.1 Situation du roumain 1.2 Le latin oriental Carte: Les provinces roumaines 1.2.1 La colonisation de la Dacie 1.2.1.1 Le christianisme en Dacie . . . . 1.2.1.2 L'abandon de la Dacie 1.2.1.3 L'empire d'Orient 1.2.2 Le latin vulgaire 1.2.3 L'évolution phonétique 1.2.4 Innovations réalisées au cours des 1 er —3 e siècles 1.2.5 Traits caractéristiques du latin oriental 1.3 Le système phonologique 1.3.1 Les voyelles 1.3.2 Les consonnes 1.3.3 L'accent 1.4 Morphologie 1.4.1 Le genre 1.4.2 Les cas 1.4.3 La déclinaison 1.4.4 L'article
19 19 19 20 21 22 22 22 24 24 25 26 27 27 28 29 30 30 31 32 32
8
TABLE DES
MATIERES
1.4.5 Le verbe 1.4.5.1 Les conjugaisons 1.4.5.1.1 Indicatif présent . . . . 1.4.5.1.2 Imparfait de l'indicatif 1.4.5.1.3 Parfait de l'indicatif . 1.4.5.1.4 Parfait composé . . . . 1.4.5.1.5 Présent du subjonctif . 1.4.5.1.6 Conditionnel présent . 1.4.5.1.7 Le plus-que-parfait du subjonctif 1.4.5.1.8 Gérondif 1.4.5.1.9 Participe passé . . . . 1.4.5.1.10 Impératif 1.4.5.2 La dérivation 1.4.5.2.1 Les suffixes
. . . . .
33 34 34 34 34 34 35 35 35 35 35 35 35 36
1.5 Syntaxe 1.5.1 La proposition 1.5.2 Les cas 1.5.2.1 Le génitif 1.5.2.2 Le datif 1.5.2.3 L'accusatif 1.5.2.4 L'ablatif
37 37 37 37 38 38 39
1.5.3 L'article 1.5.4 Le verbe 1.5.4.1 Le parfait, 1.5.4.2 Le plus-que-parfait du subjonctif 1.5.4.3 Le gérondif 1.5.4.4 L'infinitif 1.5.4.5 L'impératif 1.5.4.6 Esse 1.5.4.7 La conjugaison impersonnelle . . 1.5.5 Les particules 1.5.6 L'ordre des mots 1.6 Vocabulaire 1.6.1 Mots latins conservés seulement en roumain
39 40 40 40 40 40 41 41 41 41 41 42 42
TABLE DES MATIÈRES
1.7 Conclusions
9
43
. 45 2 Les langues balkaniques 2.1.1 Latinité du roumain 45 2.1.2 Le roumain, langue balkanique 45 2.1.3 L'"union linguistique" balkanique . . . . 46 2.1.3.1 Action du substrat 46 2.1.3.2 Les zones de civilisation dans la Péninsule Balkanique 46 Carte: Territoire de 1' "union linguistique balkanique 47 2.1.3.3 La civilisation grecque 48 2.1.4 Le bilinguisme des peuples balkaniques . . 48 2.1.5 Les mouvements de population dans la Péninsule Balkanique 49 2.1.6 Les Roumains en Serbie 49 2.1.7 Aire du roumain au sud et au nord du Danube 49 2.2 Le thrace et l'illyrieti 51 2.2.1 L'illyrien 52 2.2.2 Le thrace 52 2.3 Le grec 53 2.4 L'iranien 54 2.5 Le germanique 55 2.6 L'"union linguistique" balkanique 55 2.6.1 Phonétique 56 2.6.2 Morphologie 56 2.6.2.1 La postposition de l'article . . . 56 2.6.2.2 Disparition de l'infinitif 57 2.6.3 Vocabulaire 57 2.6.3.1 Expressions en commun . . . . 62 3 Les langues slaves méridionales 3.1 Influence des langues slaves méridionales sur la langue des populations romanisées 3.1.1 Contacts entre la population romanisée et les Slaves .
64 64 65
10
TABLE DBS MATIÈRES
3.1.2 Les Slaves au sud du Danube 3.1.3 La toponymie roumaine d'origine slave . . 3.1.4 Les Roumains au nord du Danube . . . . 3.1.5 Les Roumains nord-danubiens 3.1.6 Les langues slaves méridionales 3.1.7 Le vieux slave 3.2 Effets du bilinguisme slavo-roumain 3.2.1 Phonétique 3.2.2 Morphologie 3.2.2.1 Les cas 3.2.2.1.1 Le vocatif 3.2.2.2 Le numéral 3.2.2.3 Le verbe 3.2.2.3.1 L'infinitif 3.2.2.3.2 L'aspect 3.2.2.3.3 Les formes réfléchies . . 3.2.3 Vocabulaire 3.2.3.1 Mots techniques et mots populaires 3.2.3.2 Calques 3.2.3.3 Eléments du vocabulaire . . . . 3.2.3.3.1 Substantifs 3.2.3.3.2 Adjectifs 3.2.3.3.3 Verbes 3.2.3.4 Formation des mots 3.2.3.4.1 Dérivation 3.2.3.4.1.1 Préfixes . . 3.2.3.4.1.2 Suffixes . . 3.2.3.4.2 Anthroponymie . . . . 3.2.3.4.3 Toponymie 4 Le roumain commun 4.1 Définition du roumain commun 4.1.1 Date 4.1.2 Habitat 4.2 Phonologie 4.2.1 Voyelles
66 66 67 67 68 68 69 69 71 71 71 71 72 72 72 72 72 73 74 74 74 76 76 76 76 76 76 77 77 78 78 79 79 79 79
TABLE DES MATIÈRES
11
4.2.2 Consonnes 4.2.3 Innovations du roumain commun . . . . 4.3 Morphologie 4.3.1 Le génitif 4.3.2 L'adjectif 4.3.3 Le numéral 4.3.4 Le verbe 4.3.4.1 Parfait de l'indicatif 4.3.4.2 Plus-que-parfait 4.4 Syntaxe 4.4.1 Le génitif 4.4.2 Le génitif-datif 4.4.3 L'accusatif 4.5 Vocabulaire
80 82 83 83 83 83 83 83 83 84 84 84 84 84
4.6 Innovations parallèles postérieures au roumain commun 4.6.1 Voyelles 4.6.2 Consonnes. Palatalisation 4.6.3 Le verbe. Le participe passé 4.7 Conclusions
84 84 85 86 86
5 Les langues voisines 5.1 Influence du roumain sur la langue des pays voisins et influence de ces langues sur le roumain 5.1.1 Le magyar 5.1.2 L'ukrainien, le polonais, le slovaque . . . 5.1.3 L'albanais 5.1.4 Le bulgare 5.1.5 Le serbo-croate
87 88 89 89 90 90
6 Du 13e au 16e siècle 6.1 L'alphabet cyrillique 6.1.1 Interprétation de l'alphabet cyrillique . . . 6.2 Phonétique 6.2.1 Voyelles 6.2.2 Consonnes
91 91 91 92 92 93
87
12
TABLE DES
MATIÈRES
6.3 Morphologie 6.4 Conclusions
94 94
7 Le 16® siècle 7.1 Les conditions politiques et culturelles 7.2 Deux catégories de textes 7.2.1 Les premiers textes 7.2.2 Les premières traductions roumaines . . . 7.2.3 L'oeuvre de Coresi 7.2.4 Répartition dialectale 7.3 Innovations 7.3.1 Phonétique 7.3.2 Morphologie 7.3.3 Syntaxe 7.3.4 Dérivation 7.3.5 Composition 7.3.6 Conclusions 7.4 Vocabulaire 7.4.1.1 Eléments latins . 7.4.1.2 Eléments slaves 7.4.1.3 Eléments magyars 7.4.2 Vocabulaire de la langue parlée . . . . . 7.4.3 Choix d'exemples de textes différents . . . 7.4.3.1 Lettre de Neacçu 7.4.3.2 Deux versions roumaines du 16e siècle d'un fragment des Actes et Epitres des Apôtres (ch. 20.7-13)
96 96 97 97 98 98 98 100 100 101 102 104 104 104 106 107 109 110 111 112 112
8 Le 17 e siècle 8.1 L a littérature religieuse 8.1.1 Les chroniqueurs 8.1.2 Conclusions 8.2 La littérature populaire 8.3 Grigore Ureche et Miron Costin, écrivains . . . . 8.4 Ion Neculce 8.5 Démètre Cantemir
115 115 115 119 120 121 123 124
113
TABLE DES MATIÈRES
13
9 L'influence turque ottomane 9.1 Vocabulaire 9.1.1 Suffixes 9.1.2 Statistique du vocabulaire
128 129 130 131
10 L'influence néo-grecque 10.1 Vocabulaire
132 133
11 Transition vers l'époque moderne 11.1 Coup d'oeil sur l'évolution de la langue littéraire à partir du 17e siècle 11.2 Enrichissement du vocabulaire 11.3 L'école transylvaine 11.3.1 Le "Dictionnaire de Bude" (1825) . . . 11.3.2 Ion Budai-Deleanu 11.3.3 Ienâchità Vacârescu (cca. 1740—1797) 11.3.4 Iancu Vacârescu (1792—1863) . . . . 11.3.5 Iordache Golescu (1768—1848) . . . . 11.3.6 Dinicu Golescu (Constantin Radovici din Goleçti, 1777—1830) 11.3.7 Costache Conachi (1777—1849) . . . . 11.4 L'influence française
135
143 144 144
12 Coup d'oeil sur l'évolution des normes de la langue littéraire jusqu'au début du 19e siècle 12.1 Phonétique 12.1.1 Vocalisme 12.1.1.1 Phénomènes généraux . . . . 12.1.1.2 Archaïsmes 12.1.1.3 Innovations 12.1.2 Consonantisme 12.1.2.1 Régionalismes 12.1.2.2 Archaïsmes 12.1.2.3 Innovations 12.2 Morphologie 12.2.1 Flexion nominale 12.2.1.1 Le nombre 12.2.1.2 L'article
146 146 146 147 147 147 148 148 149 149 150 150 150 150
135 137 138 140 141 142 142 142
14
TABLE DES MATIERES
12.3 12.4 12.5 12.6
12.2.1.3 Les cas 12.2.1.3.1 L'accusatif 12.2.1.4 Le numéral 12.2.1.5 Le pronom 12.2.1.6 L'adjectif 12.2.2 La flexion verbale 12.2.2.1 L'indicatif 12.2.2.1.1 Présent 12.2.2.1.2 Le futur 12.2.2.1.3 L'imparfait . . . . 12.2.2.1.4 Le parfait simple . . 12.2.2.1.5 Le parfait composé . 12.2.2.1.6 Le plus-que-parfait . 12.2.2.2 Le subjonctif. Présent . . . . 12.2.2.3 L'optatif 12.2.2.4 Formes périphrastiques . . . 12.2.2.5 L'impératif 12.2.2.5.1 L'impératif affirmatif 12.2.2.5.2 L'impératif prohibitif 12.2.2.6 L'infinitif Syntaxe 12.3.1 Influence savante Vocabulaire 12.4.1 Influence de la langue parlée Conclusions Témoignage des textes
13 Tendances de la langue actuelle 13.1 Faits phonétiques non-littéraires 13.1.1 Adoption de mots nouveaux 13.1.2 Flottements 13.1.3 Abrègements 13.1.4 Adaptations phonétiques 13.1.5 Accentuation 13.2 Phonologie
151 151 151 151 152 152 152 152 152 152 153 153 153 153 153 154 154 154 154 154 154 155 155 155 158 159 161 161 162 162 162 163 163 164
TABLE DBS MATIERES
13.3 Typologie 13.4 Morphologie 13.4.1 Le genre 13.4.2 Singulier et pluriel 13.4.3 Le génitif 13.4.4 Le vocatif 13.4.5 L'article 13.4.6 Le pronom 13.4.7 Le verbe 13.5 Syntaxe 13.6 Vocabulaire 13.6.1 Formation des mots 13.6.2 Eléments du vocabulaire 14 Les dialectes du roumain 14.1 La formation des dialectes 14.2 Les parlers dacoroumains Carte: La répartition territoriale des parlers dacoroumains 14.2.1 Caractères généraux 14.2.1.1 Parlers de la Valachie et de la Dobrogea 14.2.1.2 Parlers de la Moldavie . . . . 14.2.1.3 Parlers du Banat 14.2.1.4 Parlers de Criçana 14.2.1.5 Parlers du Maramureç . . . . 14.2.2 Vocabulaire 14.3 Les dialectes roumains sud-danubiens . . . . 14.4 L'aroumain 14.4.1 Habitat 14.4.2 Phonétique 14.4.2.1 Voyelles 14.4.2.1.1 Diphtongues . . . . 14.4.2.1.2 Nasalité 14.4.2.2 Consonnes 14.4.3 Morphologie
15
164 165 165 165 165 166 166 166 166 167 167 167 168 169 169 170 170 171 171 171 171 171 171 171 174 174 174 175 175 175 175 175 176
16
TABLE DES MATIÈRES
14.4.4 Syntaxe 14.5 Le m ègléno-roumain 14.5.1 Habitat 14.5.2 Phonétique 14.5.3 Grammaire 14.6 L'istro-roumain 14.6.1 Habitat 14.6.2 Phonétique 14.6.3 Grammaire
176 176 176 177 177 177 177 178 178
15 Conclusions
179
16 Indications bibliographiques . . . 16.1 Langues romanes 16.1.1 Roumain (dacoroumain) 16.1.2 Les langues balkaniques 16.1.3 Les langues slaves-méridionales 16.1.4 Aroumain 16.1.5 Mègléno-roumain 16.1.6 Istro-roumain 16.2.1 Du 13e au 16e siècle 16.2.2 Du 17e au 19e siècle 16.2.3 La langue actuelle
180 180 181 184 185 185 185 185 185 186 186
17 Bibliographie 17.1 Appendice
. . . .
187 208
ABBRÉVIATIONS
alb. ar. art. av. bg. campid. dét. dr. esp. frioul. fr. g-
Srr.
Ulyr. iran. istr. it.
lot. lecc. lit. litt. log. mag. magl. mègl. mérid. messap. oss. prov. rus. sard.
albanais aroumain article avesra bulgare campidanais déterminé dacoroumain espagnol frioulan français guège (dialecte albanais) grec illyrien iranien istro-roumain italien latin dialecte de Lecce (Apulie) littéral littéraire logoudorien magyar dialecte de Maglia (Apulie) mègléno-roumain méridional messapien 08sète provençal russe sarde
18 sic. sl.mérid. t. tag. tarant. tokh. ukr. v. vegl.
ABBREVIATIONS sicilien slave méridionale tosque (dialeot albanais) dialecte tagaurique (ossète) dialecte tarentin tokharien ukrainien vieux végliote
1 L E LATIN
1.1 SITUATION D U ROUMAIN
Le latin des provinces danubiennes est représenté de nos jours par le roumain, parlé au nord et au sud du Danube. 1 Le dacoroumain, qui, à partir du 16e siècle — date d'apparition des premiers textes suivis écrits en roumain — forme la base de la langue littéraire, est parlé dans la Roumanie actuelle, qui compte aujourd'hui vingt et un millions d'habitants; l'aroumain, le mégléno-roumain et l'istro-roumain forment des groupes disséminés dans la Péninsule Balkanique et en Istrie. Les divergences dialectales n'empêchent pas la compréhension d'un dialecte à l'autre, comme on pourra le constater en parcourant les exemples (textes oraux des 4 dialectes notés par les dialectologues), réunis par Sextil PuçcARitr (1937). 1.2 LE LATIN ORIENTAL
La romanisation des provinces danubiennes, au 1 er siècle après J . C., est précédée par la consolidation de la puissance romaine sur le Danube. Les Romains n'auraient pas pu se 1 Cf.: "Der Ursprung der rumunischen Sprache datirt dem Gesagten gemäss vom Anfang des zweiten Jahrhunderts, wo römische Colonisten sich am linken Ufer der untern Donau niederliessen" (MIKLOSICH 1861: 4).
20
LE LATIN
maintenir tout le long du fleuve, s'ils n'avaient pas conquis au préalable la Dobrogea. E n 15 après J.C. le préfet romain du littoral maritime siège dans cette province; en 46, la flotte romaine circule librement sur le Danube. E n 86, le territoire situé entre les Balkans et le Danube, jusqu'au littoral mariLES PROVINCES ROUMAINES
time, devient province romaine. Après 150, la Dobrogea est entièrement romanisée. Le roumain s'est développé sur un large territoire romanisé, à savoir: la Dacie nord-danubienne (provinces actuelles d'Olténie, du Banat et de la Transylvanie, et ensuite la Valachie et le sud de la Moldavie), la zone sud-danubienne, tout le long du fleuve, la Dobrogea et, à l'ouest et au sud-
LE LATIN
21
ouest, les provinces romanisées qui ont toujours été en contact administratif et commercial avec la Dacie, à savoir la Pannonie, la Dardanie et les deux Mésies. Le latin danubien et le latin parlé sur la côte de la Dalmatie, ainsi que, jusqu'à la deuxième moitié du 3 e siècle, le latin d'Italie, font partie du groupe oriental du latin. Le groupe apénino-balkanique de la Romania, constitué par le roumain, le dalmate, l'albanais et les dialectes italiens centraux et méridionaux, possède des traits en commun dans la structure grammaticale. 2 1.2.1 La colonisation de la Dacie La conquête de la Dacie, par Trajan (101—107 après J . Ç.) a été préparée par une série de mesures de caractère militaire et administratif, qui ont rendu possible, au moment où la Dacie est devenue province romaine, sa rapide romanisation. Du point de vue économique, la Dacie présentait un grand intérêt, par ses mines d'or et de sel, son cheptel et son industrie du bois. Après la conquête romaine, la Dacie a été colonisée avec des colonistes venus en grande partie d'Asie Mineure et aussi des provinces romaines de Serbie, Bulgarie, de Hongrie et de l'Autriche de nos jours. La Dacie est entièrement romanieée en 150. En 212, par la constitution décrétée par l'empereus Caracalla, les habitants de la Dacie deviennent citoyenr romains. Le latin était employé, dans la nouvelle province, 2
Le latin balkanique est représenté par le roumain (avec ses dialectes sud-danubiens), le végliote (aujourd'hui disparu) et les éléments du vocabulaire de l'albanais, du serbo-croate et du slovène. Cf. là-dessus M E Y E B (1888) et L Ü D T K E (1966: 292). — Les éléments latins de l'albanais nous permettent de le grouper avec le roumain, mais aussi avec les langues romanes occidentales ( M I H Â E S C U 1960: 19; Ç A B E J 1962). — Le vocalisme du végliote impose son groupement avec le roumain, tandis que son consonantisme renvoie aux langues romanes occidentales ( H A D L I C H 1965: 88: R O S E T T I 1968c).
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LE LATIN
comme langue de l'administration et de la communication avec les colons venus d'autres provinces. 1.2.1.1 Le christianisme
en Dacie3
Le christianisme a pénétré en Dacie sous sa forme latine. La généralisation du culte chrétien se produit au 4 e siècle.4 1.2.1.2 L'abandon de la Dacie Sous la poussée des peuples migrateurs, la Dacie a été abandonnée officiellement sous le règne d'Aurélien (275 après J . C.), à partir de l'an 271, date de la création des provinces romanisées sud-danubiennes, Dacia ripensis (entre la Danube et les Balkans) et Dacia mediterranea (avec la capitale à Serdica-Sofia). La civilisation romaine s'est maintenue dans la province romanisée, spécialement dans le Banat, et la population restée sur place a laissé des traces de sa vie modeste, qui nous sont révélées par les fouilles archéologiques. 5 1.2.1.3 L'empire
d'Orient
La Dacie sud-danubienne, nommée aurélienne, et les territoires romanisés situés au nord du fleuve sont restés en 3
Cf. PÂBVAN
(1923;
1937:
1 5 1 e t s.), DAICOVICIU
(1945:
91 et
s.;
1960). 1
Cf. D A I C O V I C I U (1960: 245) et P I P P I D I (1958: 234-64). Sur la d é n o m i n a t i o n de fêtes chrétiennes en roumain: T H I E R B A C H (1957: 4 1 , 50, 95). 5 Cf. W A R T B U R G (1950: 65): "es k a n n w o h l h e u t e als bewiesen gelten, dass zahlreiche R o m a n e n a u c h n a c h 275 in D a z i e n verblieben sind, dass sie unter u n d m i t d e n w e c h s e l n d e n germanischen, slawischen, mongolischen Herrenvölkern gelebt u n d diese überdauert haben, u n d dass sie z u m Grundstock der h e u t i g e n R u m ä n e n geworden sind." — LAUSBERG (1956: 34): "Als R o m 285 D a k i e n r ä u m t e und seine B e a m t e n zurückzog, ist offensichtlich ein starker R e s t romanischer B e a m t e n b e v ö l k e r u n g im L a n d e geblieben."
LE LATIN
23
contact avec les provinces occidentales de l'empire romain jusqu'à la fin du 4 e siècle, lorsque, par une nouvelle disposition administrative, la Dacie aurélienne a été séparée des provinces occidentales. E n 379, sous Gratien, les diocèses de la Dacie et de la Macédonie, avec le sud de la Dalmatie, sont cédés à l'empire d'Orient; l'Illyrie occidentale reste groupée avec l'Italie. Les deux Pannonies sont rattachées à la Dacie sud-danubienne et forment, sous Justinien(527—565), l'archevêché de Justiniana Prima, avec la Dardanie, la Moesia prima, Praevalitana et la Macédonie, qui appartenaient à l'Empire d'Orient à partir du 5 e siècle. Le grec remplace le latin, comme langue officielle, dans l'empire d'Orient, à partir du 7e siècle.6 A partir du 3e siècle, Rome n'avait plus la force d'imposer aux provinces éloignées, de plus en plus autonomes (inclusivement la Dacie), ses innovations lexicales. Une série de mots qui figurent dans les langues romanes occidentales, n'ont plus pénétré en Dacie, par exemple aviations, carruca, (ex)tutare, sugia. Le conservatisme du roumain, en matière de lexique, de même qu'en sarde, s'explique par l'isolement de ces deux langues. Le contact avec la Romania occidentale s'est maintenu, par des liens de nature culturelle ou religieuse, jusqu'au 7e siècle. Jusqu'à cette date, le latin continue d'être la langue officielle en Dacie et en Mésie. L'apport des pâtres transhumants, qui parlaient latin, et dont le nombre devait être important, aura sans doute contribué à la diffusion du latin. 6
L a " R o m a n i a " b y z a n t i n e était constituée par les provinces romanisées suivantes: le nord de la Péninsule Balkanique, l'Italie centrale et méridionale, la Sicile, la Sardaigne et l'Afrique d u nord ( S k o k 1943: 476). L a D a l m a t i e est reliée à l'Italie jusqu'au 7 e siècle. L a dernière inscription latine d e Salona d a t e de 612 ( G a m i l l s c h e g 1935: 233). L a population romanisée s'est m a i n t e n u e en P a n n o n i e jusqu'au 5 e -6 e siècle (région K e s z t h e l y ; A l f ò l d i 1926 2: 30 et s.).
24
LE LATIN
1.2.2 Le latin vulgaire Le roumain représente la phase actuelle du latin parlé dans les pays danubiens, à partir des temps les plus anciens et jusqu'à nos jours. 7 Les divergences dialectales qui ont dû caractériser le latin vulgaire ne transparaissent pas dans les textes qui nous sont parvenus. L'unité, au moins théorique, du latin vulgaire, ne s'applique pas au lexique, qui n'a jamais été unifié dans 1 '"Orbis latinus" ; il y a des mots qui ont pénétré dans certaines provinces, à l'exception d'autres régions. 1.2.3 L'évolution
phonétique
Les textes en latin vulgaire (de fait, ceux qui contiennent des "vulgarismes") attestent quelques innovations phonétiques qui expliquent les phonétismes du roumain: i inaccentué alterne avec e: segnare (cf. dr. a însemna) i inaccentué assimilé en u dans cucutâ < cicuta (dr. cucuta ). syncope des voyelles inaccentuées: anglus (dr. unghi); ccMus (dr. cald); domnus (dr. domn) o confondu avec u: frunte (dr. frunte) v grec rendu par u : martur < martyr (dr. martor) la diphtongue ae prononcée e: edus < haedus (dr. ied),
7 Cf. R e b l i n g (1883), E t t m a y e r (1916), H o f m a n n (1926), Schbijn e n (1939: 180 et s.), L o t (1931). Cf. aussi: "Les langues romanes, dans la généralité des cas, nous font remonter à une langue homogène dans toute l'étendue de la Romania et très semblable à la langue des inscriptions impériales . . . S'il a existé des dialectes du latin parlé, les inscriptions ne nous permettent, jusqu'ici, d'en saisir aucune trace" (Roques). "Il me semble que le principe de l'unité du latin vulgaire demeure toujours inébranlé" ( V â à n à n e n 1957: 473).
LE LATIN
25
par mutation de l'accent, ie > e: paretem (< parietem; dr. perete) passage de au à a : asculta (< auscultare; dr. asculta) le groupe net réduit à nt: santus (v.dr. sînt) le groupe es passé à s: visit < vixit (v.dr. vise) le groupe ns réduit k s: meses < menses (ar. mes 'mois') disparition des consonnes finales -m et -s 1.2.4 Innovations réalisées au cours des 1er—3e siècles ï > e : maester < magister (dr. màiestru) e > a, par assimilation: n.pr. Passar < *passare (dr. pasare ) i accentué assimilé par u suivant: peduclum < pediculus (dr. pâduche) i^>a par assimilation: salvaticus < silvaticus (dr. sâlbatec) 0 >• e .• retundus < rotundus (v.dr. râtund) u en hiatus (w) disparu: febraris < februaris (dr. fâurar); quetus ts : pref < pretium di + oju > § > j : dr. ajuta; cf. log. adzudare ci > c: urcior < urceolus kw > k et p : (a) dr. care, cînd; vegl. kal; log. kale, ca; v.it. ca; vegl., frioul. kand; log. kando < qualis, quam, quando (b) dr. apâ, log. abba < aqua; dr. iapâ, log. ebba < equa gw ^>b: dr. limbâ, log. limba • ss déjà en latin vulgaire: visit < vixit; usore < uxorem
E n roumain et en italien, la surdité de l's intervocalique a été maitenue (dr. casa, it. casa dr. perete. La perte de la quantité et le développement de l'accent d'intensité ont eu pour suite la mobilité de l'accent, qui est devenu relevant, dans la majorité des langues romanes.
1.4
MORPHOLOGIE
1.4.1 Le genre La tendance du latin est d'éliminer le neutre, absorbé par le masculin et le féminin. La catégorie du neutre n'a été conservée, parmi les langues romanes, qu'en roumain 10 et en italien.
• C f . V a n d v i k (1937), L ü d t k e ( 1 9 5 6 : 122 e t s.). Cf. G b a u b ( 1 9 2 8 ) e t R o b e t t i ( 1 9 6 8 d ) .
10
LE LATIN
31
Les désinences du neutre en -a (digita) et -ora (pl. de la 3E déclinaison: tempora) ont été employées en roumain et en italien (-ora forme des collectifs): dr. degete, friguri, piepturi, timpuri (sg. frig, piept, timp). Le neutre, en roumain, emploie la désinence du masculin, au singulier: scaun 'chaise', du féminin, au pluriel: scaune 'chaises', et la désinence -uri au pluriel, caractéristique du neutre: ochi 'oeil' (sg.masc.), ochiuri 'oeufs sur le plat' (le pl.masc. ochi est réservé pour désigner 'les yeux'). L'idée d'inanimé est essentielle pour le neutre roumain; il n'y a pas d'animés, en roumain, qui soient du neutre. Dans la langue actuelle les inanimés peuvent être du masculin: amplificator, centru, economizor ( G R A U K 1 9 6 8 : 1 7 - 8 ) . Le genre personnel, en roumain, s'est constitué à l'intérieur du genre animé: il est réservé aux noms de personnes et d'animaux personnifiés. Le genre personnel est marqué par des morphèmes spéciaux; la préposition pe est une des marques du genre personnel et donc du genre animé: arn vâzut pe Gheorghe 'j'ai vu G.' et oaia nu-l lasâ pe miel 'la brebis ne laisse pas l'agneau'. En latin vulgaire, le passage des noms d'un genre à l'autre est fréquent. Le passage des substantifs neutres au masculin est attesté dans les inscriptions latines ( L E R - 3 E siècle après J.C.). 1.4.2 Les cas La disparition des finales, en latin vulgaire, et, par conséquent, la disparition de la flexion casuelle a eu pour suite l'impossibilité de distinguer les cas. La fonction du nom, n'étant plus marquée par la forme des cas, il s'en est suivi que la place du nom est devenue fixe, ce qui a eu des suites pour la syntaxe du nom. L a tendance à la réduction des cas, signalée tôt en latin, se réalise en latin vulgaire. L'instrumental avait disparu dès l'époque préhistorique du latin. Le nominatif est confondu
32
LE
LATIN
parfois avec le vocatif. Au pluriel, une forme unique est employée pour le datif, l'ablatif, l'instrumental et le locatif. Le roumain a créé des formes nouvelles en -ule (omule) et -lor (oamenilor). Le datif (ainsi le datif féminin de la I è r e et I I I e déclinaisons: unei case < lat. casae; unei morfi < lat. morti) est aussi d'origine latine. Le nom change son caractère, par la disparition des cas. Il devient une marque pour dénommer chaque notion; l'article est employé pour désigner de quelle manière la notion respective doit être prise en considération. 1.4.3 La
déclinaison
La déclinaison latine avait été réduite au nombre de trois: I: II: III:
sg. -a, sg. -u, sg. -e,
pl. e, -as pl. -i, -a, -ora pl. -i, -es, -a
féminins, masculins et neutres, masculins, féminins et neutres.
Un trait caractéristique du roumain et de l'italien est la marque -i du pluriel des noms masculins, tandis que dans la Romania occidentale l'-s a été maintenu: dr. oameni, it. uomini; mais fr. hommes, esp. hombres, etc. 1.4.4 L'article L'article continue le lat. ille, comme suit: Singulier
Pluriel
Masculin nom.-acc. illum > lu itti > i (ar. l'i) dat. illui > lui gén. illorum > lor ilio > lu Féminin nom.-acc. illa
gén.-dat.
> a
illaei > ei
illae
> le
illorum > lor
Devant le nom au génitif-datif, le pronom possessif ou le numéral ordinal, l'article proclitique précédé de la préposition ad se présente de la manière suivantf
33
LE LATIN Singulier
Masculin ad + illo Féminin
Pluriel
ai (a dans les parlera et en aroumain)
ad + ittaei > a ei (au 16* siècle) > ii ar., mégi, ali et l'ei, sous l'accent.
ad + illi
> ai
ad + illae > aie
1.4.5 Le verbe11 Les modes sont les mêmes qu'en latin. Le conditionnel provient du parfait du subjonctif, confondu avec le futur I I de l'indicatif (intraverim + intravero). Le verbe latin, qui exprimait, à l'origine, le degré d'accomplissement du procès, exprime, dès l'époque préhistorique de la langue, le temps. Le système verbal est composé de deux catégories de formes: l'infectum, qui exprime le procès non encore accompli, et le perfectum, qui exprime le procès accompli: Infectum
Perfectum
Indicatif
présent futur passé
dico dicarn (dices) dicebam
dixi dixero dixeram
Subjonctif
présent futur passé
dicam
dixerim
(dicas )
dicerem
dixissem
Infinitif
dicere
dixisse
Impératif
die
Participe et gérondif
dicens dicendum etc.
Au cours de l'évolution du latin, dixi a été senti comme un prétérit, et dixerim, dixeram, dixero, dixisse ont été élimi11
Cf. Lombard (1954—55) et G u t u - R o m a l o verbes auxiliaires, cf. S t b e l l e r (1902).
(1968); pour les
34
LE LATIN
nés. Pour exprimer une action accomplie, on a employé des formations avec habere + le participe en -tus : habeo scriptum. Le futur est exprimé, dès Plaute, par la construction vélle -f- l'infinitif; on la retrouve en latin tardif. Cette construction est employée dans les parlers romans de la Romania occidentale, et en roumain: voi cînta 'je chanterai'. 1.4.5.1 Les
conjugaisons
Les 4 conjugaisons latines ont été conservées: I cantâre > d r . cînta ; I I vidëre > dr. vedea ; I I I vendère < dr. vinde ; IV dormïre >- dr. dormi. 1.4.5.1.1 Indicatif présent 1 sg. dormo, faco (au lieu de dormio, facio), avec l'élimination de Yy, sont les formes normales en roumain, italien et espagnol. y a été conservé dans audio et venio dr. auz et viu. 1.4.5.1.2 Imparfait de Vindicatif dr. cînta, cîrdai etc. s'expliquent par la disparition de -b(-abam). 1.4.5.1.3 Parfait de l'indicatif Disparition des formes avec réduplication. Parfaits en -si. Formes originaires conservées au 16e siècle: adus(u), plîns(u), pus(u), remplacées, ensuite, par la forme analogique adusei etc. I è r e conj. 3 sg. cînta, avec -â inexpliqué, ainsi que l'a de 1 pl. cîntâm; 2 pl. cîntat (16e siècle). II e conj. vâzut. III e conj. ziset. IV e conj. venit. III e conj.: 1 sg. feciu, 2 sg. fecesi (16e siècle), remplacés par les formes analogiques 1 sg. fâcui, 2 sg. fâcusi. 1.4.5.1.4 Parfait composé Les composés avec habere ont exprimé tout d'abord l'idée de possession, et après le 4 e siècle l'idée de parfait.
LE LATIN
35
1.4.5.1.5 Présent du subjonctif Conservation des formes de la 3e pers. du sg. et du pl.: sa cìnte < cantet, cantent, sâ vazâ < vidiat, vidiant. 1.4.5.1.6 Conditionnel présent Parfait du subjonctif latin + futur I I (intraverim + intravero). Ainsi: I ère conj. intrare, II e conj. tâcure, I I I e conj. zisere, IV e conj. auzire. 1.4.5.1.7 Le plus-que-parfait du subjonctif Il est passé à l'indicatif, trait caractéristique du roumain. ère I conj.: 1 sg. cîntase (16e siècle), 2 sg. cìntasi. 1.4.5.1.8 Gérondif Fonction de nom-verbe. Dans la Vulgata, construit à l'accusatif, au génitif et à l'ablatif. 1.4.5.1.9 Participe passé Nouveau type en -utus, pour les verbes de la I I I e conjugaison: credutus, perdutus, vendutus. 1.4.5.1.10 Impératif Forme négative, refaite par analogie: 2 sg. e
16 siècle aujourd'hui
1.4.5.2 La
nu zice nu zice
dérivation
La dérivation avec suffixes est très riche, en roumain (PASCU 1916). Le roumain obtient, à l'aide des suffixes, des adjectifs ou des substantifs tirés de verbes (luptâtor < lupta ; fugar < fugi), là où le latin avait des substantifs noms d'agent (venator h' fk' ft', ê > sk'. Le phénomène est récent en dacoroumain, l'innovation n'ayant pas atteint tous les membres de la série au 16e siècle: il semble être plus ancien en aroumain. 4.6.3 Le verbe. Le participe passé En aroumain, tous les verbes ont le participe passé en - â : cîntatâ, bâtutâ etc. On retrouve cette forme aussi en dacoroumain parlé. L'origine de l'a est phonétique (prononciation explosive de la consonne finale).
4.7 CONCLUSIONS
Pendant l'époque du roumain commun, du 7 e -8 e au 10p siècle, le roumain a acquis ses traits distinctifs, par son développement indépendant des autres langues romanes. Le roumain a acquis certains éléments qui ont pénétré dans sa structure grammaticale et son vocabulaire, à la suite de son contact avec les langues slaves méridionales. A l'issue de l'époque de communauté, le roumain est constitué de telle manière, que son évolution ultérieure lui apportera peu de modifications dans sa structure phonétique et grammaticale, l'apport des siècles postérieurs consistant dans l'introduction d'éléments nouveaux dans le vocabulaire, qui seront éliminés et renouvelés par la suite.
5 LES LANGUES VOISINES
5.1 INFLUENCE D U ROUMAIN SUR LA LANGUE DES PAYS VOISINS ET INFLUENCE D E CES LANGUES SUR LE ROUMAIN 42
Le roumain a été parlé hors de ses frontières, au nord et au sud du Danube, par les pâtres transhumants et nomades et par les émigrants qui abandonnaient leurs foyers à cause des impôts excessifs, des épidémies et des guerres. L'examen des listes de mots roumains empruntés par les langues voisines montre que, dans la majorité des cas, ces mots font partie de la terminologie de l'élevage, spécialement de l'élevage des moutons. Dans la Péninsule Balkanique l'élevage des moutons constituait l'occupation principale de la population roumaine et, en second lieu, le transport des marchandises, à dos de mulet, et les métiers d'artisanat. Les vrais nomades habitaient l'Albanie; la population roumaine peuplait les montagnes et les vallées, où leurs câlive ('huttes') formaient des câtune ('hameaux'). Les migrations des pâtres roumains dans la Péninsule des Balkans sont attestées à partir du 13e et du 14e siècle en Albanie, Epire, en Thrace et en Thessalie. Les voyageurs étrangers, dans la Péninsule des Balkans, ont décrit le spectacle pittoresque des troupeaux de milliers de moutons des Aroumains, descendant vers la plaine avec 1.000 chevaux, " C f . V U I A ( 1 9 6 4 ) e t CVIJIC ( 1 9 1 8 :
177 e t s.).
88
LES LANGUES VOISINES
des familles entières avec enfants et bagages, et deux prêtres (1815). En 1910, J. C V I J I É a évalué à 50.000—60.000 le nombre des moutons appartenant aux Aroumains. Le fait que les Aroumains proprement dits et les Roumains d'Albanie parlent au moins deux langues nous informe sur les effets du bilinguisme sur ces populations, dans le passé et de nos jours. Les Roumains ont été, à cette époque reculée, pâtres et agriculteurs. Il convient cependant de préciser que c'était une agriculture rudimentaire, de montagne, à la bêche, et pratiquée probablement par les femmes, les enfants et les gens âgés. La plante cultivée était le millet, qui présente l'avantage d'avoir une période de végétation courte (mai— juillet). Dans la Dobrogea, les "Mocani", nom donné à la population roumaine venue de Transylvanie (spécialement de la région Braçov, Fâgâraç, et Sibiu), sont, dans leur majorité, d'anciens bergers restés sur place (vers 1850, le nombre des moutons venus de Transylvanie dépassait un million). Les statistiques postérieures à l'année 1878 montrent qu'un quart de la population de la Dobrogea (dans les 80.000 hommes) vient de Transylvanie. Dans le passé, il a existé des régions dans lesquelles l'élevage des moutons constituait l'occupation principale de la population: ainsi, le pays de Yrancea, en Moldavie, Cimpulung, en Bucovine, et Drâguç, en Transylvanie (Fâgâraç). 5.1.1 Le magyar Le contact entre la population roumaine du nord du Danube et les Magyars (MÂNDRESCTT 1 8 9 2 ; T R E M L 1 9 2 8 , 1 9 2 4 ; R O S E T T I 1950) est postérieur au 9E siècle, lorsque les Magyars entrent dans leur nouvelle patrie par la vallée de la Theiss. Les Magyars sont signalés en Pannonie à partir du 11e siècle. A la même époque, ils pénètrent en Transylvanie, par la vallée du Someç, le sud de la Transylvanie étant conquis au 12E siècle.
LES LANGUES VOISINES
89
Les premiers éléments magyars ont pénétré en roumain aux 11e—12e siècles. Les verbes magyars en -i ont, en roumain, la terminaison -ui, qui correspond à -ovati, car ils ont pénétré en roumain par le slave méridional: mag. bântani > sl.mérid. bantovati > dr. bîntui etc. Quelques suffixes viennent du magyar. Dans le domaine du vocabulaire, une série de termes concernant la vie de cour, en ville et à la campagne, le commerce et l'industrie, le droit, l'armée. Quelques toponymes d'origine roumaine sont attestés au moyen-âge en Hongrie. 5.1.2 L'ukrainien,
le polonais, le slovaque43
Les groupes de population roumaine pratiquant l'élevage et surtout l'élevage des moutons sont signalés dans les régions situées au nord des Carpathes, dans le courant du moyenâge. Les pâtres roumains ont transmis aux populations de langue slave du nord des Carpathes des termes du domaine de l'élevage des moutons et ils ont laissé des traces dans la toponymie locale, à partir du 12e siècle. Ils sont signalés dans la Valachie morave, en Silésie, en Galicie, dans la région de Kiev et, plus loin, dans les environs des localités Starokonstantinov et Ostrog. En Galicie il y a eu 350 villages où s'appliquait le droit "valaque". Les Hutzules (dans les 200.000) sont des Roumains slavisés. 5.1.3
L'albanais
Quelques termes roumains viennent de l'albanais — à ne pas confondre avec ceux qui proviennent du thraco-mésien. D'autre part, on a signalé en albanais quelques termes empruntés au roumain.
43
Cf. M i k l o s i c h (1879), C a n d r e a (1900) e t C r â n j a l à ( 1 9 3 8 ) .
90
LES LANGUES VOISINES
5.1.4 Le bulgare La disparition des cas, dans la déclinaison du bulgare, a été expliquée par l'influence du roumain. Une série de mots et de toponymes roumains se retrouvent dans les parlers bulgares. 44 5.1.5 Le serbo-croate Les emprunts du serbo-croate au roumain sont du type dacoroumain. (PUSCARIU 1 9 0 6 - 2 9 2: 2 7 4 - 3 0 0 ; PETROVICI 1935)
44 Influence du bulgare sur les parlers dacoroumains, après le 15E siècle: PATBUT (1958).
6 DU
13 E A U
16 E
6.1 L ' A L P H A B E T
SIÈCLE
CYRILLIQUE
La majorité des textes roumains anciens sont notés à l'aide de l'alphabet cyrillique, employé dans la chancellerie et l'église orthodoxe des pays slaves balkaniques. (BOGDAN 1 9 0 0 , 1 9 0 8 ; CANCEL 1 9 2 1 ; ROSETTI 1 9 4 7 :
185)
L'interprétation de la graphie de ces textes pose une série de problèmes qu'il convient de résoudre à l'aide de la connaissance de l'orthographe des textes slaves et de l'interprétation phonologique des textes écrits. L'alphabet cyrillique a été appliqué au roumain à la fin du 13E et au commencement du 14E siècle. Les textes roumains contiennent des graphies sans valeur phonétique, et des alternances qu'il convient d'interpréter. A partir de 13E siècle, des mots roumains, noms propres et toponymes sont attestés dans les documents d'archivé rédigés en latin, magyar ou slave. Ces matériaux attestent un état de langue peu différent de celui nos jours. 6.1.1 Interprétation de l'alphabet
cyrilliqueiS
Dans le domaine des phonèmes, /a/ a deux réalisations: â et î; â prédomine dans les textes de la Moldavie, î dans ceux de la Valachie. 45
Cf. PHILIPPIDE (1894: 273 et s.), AVRAM (1964) et ROSETTI (1964a).
92
D U 1 3 e AU 1 6 e SIÈCLE
Dans les textes des 13 e -14 e siècles, les voyelles en hiatus se trouvent dans un stade dépassé de nos jours: uo, aujourd'hui o. Dans le consonantisme, les parlers de la Valachie et du sud de la Transylvanie présentent un état plus avancé que ceux de Moldavie: dz et g (de d latin suivi de i en hiatus et de lat. ï consonne + o/w accentués) sont restés tels quels en Moldavie, tandis que dans l'autre région ils ont évolué en 2 et j. Dans le domaine de la morphologie, certaines alternances phonétiques ne s'étaient pas encore produites (par exemple a (sg.) — â (pl.): corabie — corâbii). Les textes religieux du 16e siècle manifestent une puissante influence des originaux slavons ou magyars sur lesquels ils ont été traduits. Le vocabulaire est rempli de mots empruntés aux textes en slavon et en magyar. 6.2 PHONÉTIQUE
L'étude des documents des 13 e -15 e siècles nous permet de présenter l'esquisse suivante des particularités du roumain à cette date: Les matériaux existants ne forment aucun texte suivi. Il faut donc nous contenter du dépouillement des noms propres et toponymes. On tiendra compte du fait que des particularités relevées dans telle localité constituent des témoignages valables avant tout seulement pour la localité ou la région respective. Certaines régions ont innové, d'autres non. 6.2.1
Voyelles
Dans le domaine du vocalisme, e n'avait pas encore été syncopé: derept (aujourd'hui drept). e accentué suivi dans la syllabe immédiatement suivante par e, avait été dès longtemps diphtongué en ça'. Cet état phonétique est attesté dans les textes, par exemple: Neatedul
DU 13e AU 16e SIÈCLE
93
nom propre (aujourd'hui neted) ; mais à côté de ce phonétisme, on trouve attestée la monophtongaison: Urecle (aujourd'hui ureche). La notation par dans Bucumêni montre la conservation de la diphtongue ça'. u final n'est pas noté dans les textes du 13e siècle. La présence des yers cyrilliques (a, b) à la fin des mots, dans les documents en slavon, ne notent pas une voyelle réduite; ce sont des signes orthographiques, sans valeur phonétique. (DENSUSIANU
1902-38 2: 93 et s.; ROSETTI 1947: 228 et s.,
176 et s.; 1968b) î est noté à l'aide des lettres « (Cobîlea, Mînzafi) ; les lettres A et B notent â et î ; î a passé à i en Moldavie (ripi, pl.). Les mêmes graphies sont employées pour noter î nasal (Flâmîndzilor) ; î a passé à i, en Moldavie et en Valachie (Strimtura, Strimtisorul). â a passé parfois à a, en Valachie et en Serbie (Craciun). Conservation de e, non devenu â, après occlusive labiale, dans jumetate (Moldavie). A note la diphtongue ia' dans poAnile ; ça' est noté à l'aide des lettres i et A (Sëca, Jibl/k = seaca, Jïblea) ; la notation de ça' par o (costâ = coastâ) s'explique par le fait que le vieux slave ne connaissait pas cette diphtongue; le hiatus u—o est signalé dans buor, nuor (= bour, nour). Entre e et M en hiatus s'est développé un v: grevul ( = greul). Le phénomène est signalé aujourd'hui dans plusieurs régions du dacoroumain. 6.2.2 Consonnes Les occlusives labiales sont inaltérées dans les régions où elles le sont plus tard. dz est attesté en Moldavie et z en Valachie. Faute d'une lettre nécessaire, ¿f, attesté plus tard en Moldavie, est noté à l'aide de ytc, qui note le j. La notation avec g est employée pour la première fois en Moldavie, en 1454 (Ôamîrb = geamân). En Valachie, la notation approximative avec c est
94
DU 1 3 e AU 1 6 e SIÈCLE
signalée en 1415 (cenune = genune). n a passé à r en Moldavie, Bucovine et Bessarabie (Gamîrb nom propre — geamàn). Le rhotacisme n'est pas signalé en Valachie. n est conservé en Moldavie: Fâuroane ( = Fâuroane, nom topographique) (ROSETTI 1924). t' a passé à k' dans Keg&cb ( = Tigheci, nom de lieu). Le groupe cl' est maintenu en Moldavie jusqu'en 1437 (Urecle, nom propre = Ureche). Le passage à k' est lui aussi signalé en 1428: TJnkiat nom propre (= unchi). Le groupe gV n'est pas attesté.
6.3 MORPHOLOGIE
Dans le domaine de la morphologie il faut signaler les particularités suivantes: Le génitif-datif des noms propres masculins terminés en -ca: Stoicâi. Les noms en -a font le génitif-datif en -ii: Jurjii. Les noms propres féminins en -âj-câ font le génitif-datif en -eil-îil-ii: Cobâliei, Voikîi (= Voicii), Marini (= Marinii). A côté de la terminaison -ure des pluriels neutres, on trouve aussi la terminaison plus récente -uri: Mâlure, à côté de Rupturi (nom topographique). Le génitif-datif des noms propres se construit avec l'article lu: Stefan a lu Has.
6.4 CONCLUSIONS
A l'exception de la notation de qui est attestée normae lement dans tous les textes du 16 siècle, on constate que les traits caractéristiques de la langue des 13 e -15 e siècles sont pareils à ceux du 16e siècle, la répartition dialectale des faits étant la même pendant ces deux périodes. P a r conséquent, on peut avancer que dans l'intervalle entre le 13e et le 17e siècle, l'aspect du roumain est unitaire.
D U 1 3 e AU 1 6 e SIÈCLE
95
Cette unité est assurément seulement apparente et due à notre manque d'information plus détaillée. Car pour le 13e et le 14e siècles, nous ne disposons presque d'aucune information, et les données du 15e siècle sont précaires. Les matériaux à étudier deviennent plus riches à partir du 16e siècle à peine, lorsque nous disposons de textes suivis manuscrits et imprimés, qui permettent une étude plus approfondie de ces matériaux.
7 LE 16e SIÈCLE
7.1 LES CONDITIONS POLITIQUES ET CULTURELLES
Au 16e siècle, dans la société des deux principautés roumaines, les principaux secteurs de production étaient l'élevage et l'agriculture. Le commerce, monopolisé par les Turcs, était improductif. Le chef de l'état encaissait les taxes douanières. Les pays roumains pratiquaient à cette époque l'autarchie féodale. La classe noble (boier 'noble; dignitaire d'état') apparaît dès la fondation des principautés roumaines. La noblesse féodale, créée par le chef de l'état, forme une classe unique. Les paysans cultivaient la terre, qui ne leur appartenait pas. Ils payaient au propriétaire la redevance en nature et en argent. Les boyards possédaient des villages exonérés d'impôts. En Transylvanie la situation est plus complexe. La classe dirigeante avait été magyarisée, après l'arrivée des Magyars en Transylvanie (10 e -ll® siècles). Les paysans sont soumis au servage. La Transylvanie entretient des rapports économiques avec les pays roumains d'au-délà des Carpathes par Braçov, centre commercial de la région méridionale, et Bistri^a, centre commercial de la région du nord-est. Etant orthodoxes, les Roumains de Transylvanie ont des rapports religieux avec les Principautés roumaines. La Transylvanie compte plusieurs fondations religieuses des Princes et des boyards roumains. Les métropolites orthodoxes de la Transylvanie sont sacrés dans les pays roumains. Les relations
LE
16E
SIÈCLE
97
entre les églises roumaines d'en-deça et d'au-delà des Carpathes ont été de tout temps réelles.
7.2 D E U X CATÉGORIES D E T E X T E S
Les plus anciens textes roumains connus jusqu'à ce jour datent du 16 e siècle. Ce sont des textes traduits du vieux slave ou du magyar, et des textes non-traduits: lettres particulières, notes, actes officiels et juridiques de nature variée (achats, ventes, donations, rapports, comptes etc.). E n ce qui concerne la langue liturgique de l'église orthodoxe roumaine, qui était le vieux slave, il convient de savoir qu'entre 802 et 888 l'empire bulgare comprenait aussi les régions nord-danubiennes. Une partie de la noblesse roumaine connaissait le slave. 7.2.1 Les premiers textes46 Le premier texte écrit en roumain qui nous ait été transmis est une lettre particulière qui date du mois de juin 1521: le boyard N E A C S T J de Cîmpulung (Muscel) prévient le maire de Braçov que les armées turques s'apprêtent à passer le Danube (facsimilé dans B I A N U - C A R T O . T A N 1 9 2 9 : pl. 15). Avant cette date, on ne possède que des gloses écrites en roumain dans les documents d'archivé rédigés en slavon. L a langue de la lettre de N E A C S U est très rapprochée de la langue parlée de nos jours. E t de même celle d'autres textes non-traduits. Entre la langue du 16e siècle et la langue de nos jours, les différences sont minimes, du point de vue de la phonétique — à condition de comparer deux états de langue de la même région et de la même catégorie.
« C f . ROSETTI (1964b: 293 et s.; 1968a: 467 et s.).
98
L E 1 6 e SIÈCLE
7.2.2 Les premières traductions roumaines Les premières traductions roumaines de livres religieux datent de la première moitié du 16e siècle. Elles consistent dans la traduction d'un Catéchisme, et ensuite du Psautier, des Evangiles et de leur Commentaire. Ces traductions ont été effectuées dans le Maramureç et le nord de la Transylvanie voisin, sur des originaux en slavon, sous l'impulsion de la Réforme de Luther, qui avait pénétré en Transylvanie dès 1519. Dans la seconde moitié du 16e siècle, à partir de 1544, les traductions roumaines des livres religieux sont imprimées à Sibiu et à Braçov. Vers la même époque ont été traduits en roumain, du slavon, les livres apocryphes contenant des récits bibliques et apocalyptiques, qui ont constitué pendant tout le moyen-âge une littérature tenant lieu des romans de nos jours. Parmi les livres imprimés au 16e siècle il convient de mentionner aussi ceux traduits du magyar, et notamment la traduction de deux livres de la Bible (1582). 7.2.3 L'oeuvre de
CORESI
Le diacre C O R E S I , venu de Valachie, et ses collaborateurs, ont imprimé à Braçov plusieurs éditions de Y Evangéliaire, du Psautier, des Actes et Epîtres des Apôtres, des Commentaires des Evangiles et du Livre des messes (Liturghier), nécessaires pour le culte de l'église réformée, mais ni la Réforme, ni plus tard le calvinisme n'ont réussi à être adoptés par la masse des Roumains, qui sont restés orthodoxes. L'importance des livres imprimés par C O R E S I réside dans le fait qu'ils sont rédigés dans la langue de la Valachie et du sud de la Transylvanie, qui formera la base de la langue roumaine littéraire. 7.2.4 Répartition dialectale Une vue d'ensemble des textes roumains du 16e siècle, traduits et non-traduits, nous permet de reconnaître les régions dialectales suivantes:
99
LE 16 e SIÈCLE
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9)
nord de la Transylvanie-Maramures nord de la Transylvanie Maramureç Bucovine Moldavie sud de la Transylvanie-Valachie sud de la Transylvanie Valachie Banat
Chaque région est caractérisée par des traits particulers. En voici un tableau comparatif: Nord de la Transylvanie et Maramureç (éventuellement aussi Moldavie et B a n a t ) (1) (et Moldavie) a étymologique conservé dans sama (magyar szám) (2) î après dz : dzîc etc. (3) (et Moldavie) a < â dans cadzu etc. (4) (et Moldavie) î < a-\-n dans cîne, mîne (5) (et Moldavie) u < o dans le nom de la Moldavie: Moldua (6) la nasalité des voyelles plus prononcée (7) (et Moldavie) -ça' > è : mè, vei vedè (8) (et Moldavie) tendance de l'y,, deuxième élément des diphtongues ay, iy, ây, de passer à v : tavu, râvu ( - tàu, râu). (9) (et Moldavie) palatalisation des fricatives labio-dentales: hier, va hi (10) (et Moldavie et B a n a t ) dz et g conservés: dzice, gos etc. (11) (Moldavie) tendance de g de passer à j : arjintu, leje (12) l vélaire, avec la tendance à passer à m ou de disparaître: trata ( = înâlta)
Sud de la Transylvanie et Valachie (1 ) ea analogique:
seamä
(2 ) i après z : zic (3) a conservé: cäzu (4) la diphtongue îi : cîine,
mîine
(7) la diphtongue -ea' finale conservée: mea, vei vedea
(9) manque de ce (fier, va fi), qui à être attesté au (10) z et j dans zice, (11) g conservé: argint,
phénomène commence 17 e siècle jos lege
LE 16 e SIÈCLE
100 (13) (et
Bucovine)
v
vocalisé:
Moldua ( — Moldova )
(14) (et Moldavie) -n- > -r- nasal ou -r- (rhotacisme) : bunrâ-
(14) -n- conservé: bvnàtale
(15) (et Moldavie et B a n a t ) n mouillé conservé: cuvinios,
(15) n mouillé > etc.
(16) r fortement vibrant: rrâdà-
(16) r normal
tate, buînrâtate et buràtate
spun etc.
cinâ, urrâciunile ( = râdacinà, urâcÀunile)
i: cuvios, spui
(17) (et Moldavie et B a n a t ) le groupe nt passé à mt : sâmt (3 pl. ind. prés.) (18) le groupe fs conservé: fsat
(= sat)
Les groupements de parlera que nous avons constatés sont justifiés par l'existence de relations sociales entre les groupes du nord de la Transylvanie-Maramureç et de la Moldavie, ou du sud de la Transylvanie et de la Valachie, et par les émigrations de la population de Transylvanie dans les principautés roumaines. De cette manière, la phonétique du roumain au 16e siècle présente des traits dialectaux plus marqués que de nos jours, dans le sens que l'opposition entre les groupes dialectaux est constituée par des particularités phonétiques tranchantes. L'élimination de l'une d'elles s'est faite par l'extension de la langue commune, dotée d'un prestige social plus élevé, sur des régions restées en retard par rapport à l'évolution générale de la langue.
7.3 I N N O V A T I O N S
Voici un bref exposé des innovations que l'on peut recueillir dans les textes du 16e siècle, qui annoncent la structure future, phonétique, grammaticale et lexicale de la langue littéraire. 7.3.1 Phonétique Dans le domaine de la phonétique, monophtongaison de ça' et passage de ia à ie, suivis dans la syllabe suivante par e:
LE 1 6 e SIÈCLE
101
leage (notation conservée par tradition au 16e siècle), iale, iape, muiare^> lege, iele, iepe, muiere; passage de e à i dans nici ( < neci) ; i accentué ( - n ) - â, surtout en position inaccentuée: avâm; bratâ; sârbi ; hotarâ ( = avem, brate, serbi, botare) etc.
148
L ' É V O L U T I O N D E LA LANGUE
LITTÉRAIRE
(6) Réduction de la diphtongue inaccentuée -iu à i, à partir du 16e siècle: menciunos >• mincinos. (7) Réduction de la diphtongue inaccentuée iu- à i, à partir du 16e siècle: iusor > usor. (8) Disparition de 1 '-i, après consonne, surtout en Moldavie et dans l'ouest du territoire: ver merge; târ; cetâf etc. ( = veri, jâri, cetâfi). 12.1.2 12.1.2.1
Consonantisme
Régionalismes
(1) Au 16e siècle, dans les textes du nord de la Transylvanie, Maramureç, Moldavie et Banat, lat. d (-\- e/i) passe à dz (par exemple dzice). Le phénomène est signalé aussi dans les éléments non-latins: slobodzit. E n règle générale, à dz correspond z dans le sud de la Transylvanie et en Valachie. (2) Même répartition pour $ ( < lat. i consonne + oju accentués): gos, gudet, et j, dans l'autre région. (3) Palatalisation de /, d'abord au nord de la Transylvanie, Maramureç et Moldavie (hier = fier ; va hi = va fi), puis dans les autres régions. L a conservation de / en Valachie, est une caractéristique de la langue littéraire, dont la norme commence à s'imposer: le métropolite V A R L A A M emploie la forme palatalisée dans ses ouvrages, autres que ses "Réponses au Catéchisme calviniste" (1645), imprimé en Valachie, où on trouve Vf conservé (ar fi, fire). (4) La palatalisation des autres labiales, signalée dans certains parlers régionaux, n'est attestée que rarement dans la langue littéraire à l'époque ancienne: k' chez Gr. U R E C H E (chizmi), rarement chez I . N E C U L C E (Jcept) et D . C A N T E M I R (chezi pl.). Chez certains écrivains du 18e et du 19 e siècle, de l'ouest du territoire, on trouve quelques exemples de palatalisation des dentales et des gutturales: desghinat et gevolie ( = desfrînat, diavolie ; B U D A I - D E L E A N U ) ; chirotealâ et înghinate ( = pirotealâ, ïmbinate; C . CONACHI). (5) Le rhotacisme de Y-n-, dans les mots d'origine latine,
L'ÉVOLUTION D E LA LANGUE LITTÉRAIRE
149
est un phénomène régional (nord de la Transylvanie et Maramureç) : -n- > -nr- >• -r- (bunâtate >• bunrâtate > burâtate). (6) Dans le nord de la Transylvanie, le Maramureç, la Moldavie et le Banat, on rencontre au 16e siècle de nombreaux cas de conservation de Yn mouillé: cuvinios; spuni etc. Les textes du sud de la Transylvanie et de la Valachie présentent un stade plus évolué: n palatalisé > i (cuvios, spui), qui se généralise au 17e siècle. (7) La yotacisation des verbes à la I e personne du singulier de l'indicatif présent et du subjonctif, à la 3e personne du singulier et du pluriel du subjonctif et au gérondif est fréquente au 16e siècle, mais non générale: crez; sâ-si împarfâ; sa fie; sa piarzà; spuind; spuie; vie etc. (8) Au 16e siècle, les textes du nord de la Transylvanie et du Maramureç présentent la notation de Yr fortement vibrant: urrâciunile. Phénomènes généraux: phonétismes avec m du verbe a rupe (rumpe). 12.1.2.2
Archaïsmes
(1) On en trouve surtout dans des textes ecclésiastiques: d conservé dans putredeaste et putredit. (2) v conservé: svat et svînt, devenus sfat et sfînt. (3) Groupes de consonnes conservés dans des mots d'origine slave ou magyare: bezdnâ, dvorbâsc, mestersug, gînscâ etc. 12.1.2.3
Innovations
(1) Les cas de dissimilation de r dans des prépositions: prentru >- pentru, pre > pe sont fréquents, mais les formes avec r conservé sont employées jusqu'au 19e siècle. (2) Le groupe ht passe à ft : pohtâ >• poftâ; pohti >> pofti. Mais le phonétisme nouveau ne se généralise que très tard. (3) v > h (phonétisme régional): holburâ, hultur ( = volburâ, vultur).
150
L'ÉVOLUTION D E LA LANGUE
LITTÉRAIRE
12.2 MORPHOLOGIE
On n'a pas à enregistrer des formes régionales caractéristiques, si ce n'est l'existence de l'article possessif invariable a, dans les régions de l'est, du nord et de l'ouest, tandis qu'en Valachie on emploie des formes différentes selon le genre (masculin et féminin) et le nombre (singulier et pluriel). Des phénomènes de la langue parlée, tels que l'emploi anormal des suffixes verbaux -esc et -ez ou l'absence de l'article enclytique -l se rencontrent rarement chez les écrivains I V I R E A N U L et B U D A I DELEANU.
Voici quelques faits caractéristiques: 12.2.1 Flexion
nominale
Les formes anciennes des substantifs sor, mînu (pl. avec article: mînule) circulent dans l'époque ancienne, à côté des formes évoluées (sorâ; mînâ, pl. minile). Signalons des formations sans lendemain chez des écrivains comme D O S O F T E I ou
IVIREANUL.
12.2.1.1 Le nombre Le pluriel -ure est fréquent aux 16e et 17e siècles: darure, glasure, lucrure (aujourd'hui daruri, glasuri, lucruri). Le pluriel des noms féminins de la l è r e déclinaison garde, jusqu'à la limite de l'époque moderne, la terminaison en -e: barbe, blane, greseale etc. (aujourd'hui bàrbi, blâni, greseli). Le pluriel du numéral mie 'mille' garde la même forme qu'au singulier: cinci mie (aujourd'hui mii) ; numere (pluriel du substantif nume sg.). Chez D O S O F T E I , -e > -i au pluriel: pietri, pulpi (formes sans lendemain). 12.2.1.2
L'article
Les noms propres portent l'article: Radul vodâ; fratele Mircii vodâ ; Cîrnul ; Cornescul etc.
L'ÉVOLUTION D E LA LANGUE
LITTÉRAIRE
151
12.2.1.3 Les cas L'article du génitif -ei, des substantifs en -a, -câ, -ca, -gâ (popeei, Lucâei, limbiei) commence à s'agglutiner à la terminaison des substantifs (popei, Lucâi, fetei), plus tard -ii (fetii) etc. Avec valeur de génitif, des formations avec de: Mitropolitul de Tara Moldovei. Constructions avec la pour exprimer le datif: la multi tineri \igani plâcusâ (BUDAI— DELEANU).
12.2.1.3.1 L'accusatif L'accusatif des noms de personne, des pronoms personnels accentués et du pronom relatif, ne sont pas construits avec pre, en règle générale, dans les textes traduits, influencés par la construction de l'original. Jusqu'au début du 19E siècle, emploi normal du vocatif archaïque: învâtâtoare, oame, preote etc. Mais aussi emploi des formes nouvelles: omule. 12.2.1.4 Le numéral Forme ancienne du numéral ordinal: al doile, al treile, al noâle. La forme plus récente al doilea etc., est signalée aussi; al patru an, a a patrai cârti ( D O S O F T E I ; chroniqueurs de Valachie) sont isolés. 12.2.1.5 Le pronom La forme inaccentuée du pronom personnel, au datif, est employée à l'enclise, aussi avec valeur de pronom possessif: spinii pâcateloru-mi. Cette construction est employée surtout dans la poésie du début du 1 9 E siècle (Iancu VACÂRESCU, Costache CONACHI). Le pronom relatif care est employé avec article au nominatifaccusatif: carele, carea, carii etc.
152
L'ÉVOLUTION D E LA LANGUE LITTÉRAIRE
12.2.1.6 L'adjectif Mare est invariable jusqu'à la fin du 18e siècle. L'adjectif pronominal employé aussi en fonction de pronom démonstratif et d'article adjectival, pour le féminin singulier génitif-datif, est cei et acei (aujourd'hui celei, acelei): preofiei cei vecnice, preofii acei vremi. L'adjectif démonstratif qui précède le mot déterminé, comporte souvent la particule: -a: acesta împârat. L'adjectif possessif sâu etc. est employé, d'habitude, pour exprimer la pluralité des possesseurs (avec valeur de lor de la langue actuelle): în casele sale; Tiganii lesne vor cunoaste pre strâmosii sâi. La construction qui s'est imposée par la suite est aussi employée: în casele lor. 12.2.2 La flexion verbale 12.2.2.1
Vindicatif
12.2.2.1.1 Présent Certains verbes conservent des formes anciennes. Le paradigme de a fi, dans les textes du 16e siècle, se présente de la manière suivante: sînt, esti, este, sem (ensuite sîntem), sefi (ensuite sîntefi), sînt. Le verbe a sti, à la 3e personne, a la forme sti, mais aussi la nouvelle, stie. Dans la conjugaison du verbe a vrea, à côté de vrern, vrefi, vreau on trouve aussi vont (vâm), vefi, vor. 12.2.2.1.2 Le futur Au 17e et au 18e siècle, les formes de la langue parlée, avec l'auxiliaire oi, ei, a, orn etc. pénètrent dans la langue littéraire, à côté des formes anciennes voi, vei, va etc. 12.2.2.1.3 L'imparfait Au 16e et au 17e siècle on trouve encore la forme ancienne sans -m, à la l r e personne du singulier, et la forme sans -u
L'ÉVOLUTION D E LA LANGUE LITTÉRAIRE
153
à la 3e personne du pluriel: eu era; ei era. Dans la deuxième moitié du 17e siècle, on trouve employées l'ancienne et la nouvelle forme: 1 sg. eu pricepea et asteptam; 3 pl. era et erau. 12.2.2.1.4 Le parfait simple A l'époque ancienne, emploi de formes archaïques: feciu, fecesi, fece etc.; 1 sg. dzîs (dzis, zis), dediu, scris, pus, intins ; 3 sg. deade, învise, coapse; 1 pl. fum, sedzum, plînsâm, vâ(d)zum, scoasem ; 2 pl. auzit, puset, esit ; 3 pl. dederâ, venerâ (vinerâ) etc. Les formes nouvelles: fâœui, fâcusi etc.; zisei, dâdui etc. s'imposent dans la deuxième moitié du 18e siècle et au début du 19e siècle. 12.2.2.1.5 Le parfait composé A la 3e personne du singulier, formes avec l'auxiliaire au (el au fost), venues de la 3e personne du pluriel. 12.2.2.1.6 Le plus-que-parfait A côté des formes anciennes (eu adunase, tu adunasesi), on trouve aussi des formes périphrastiques du type au fost gonit, au fost lâcuind. 12.2.2.2 Le subjonctif.
Présent
Forme archaïque de la LRE personne: sa aiub (VARLAAM), devenue sa aib (IVIREANUL); sa am est la forme nouvelle. 12.2.2.3
L'optatif
Auxiliaire, 3 sg.: are et ara (are putea, ara fi). Au 17e siècle, ara > ar en Valachie. Les deux formes coexistent: are fi fàcut et mi-ar fi ajutat (Bible, 1688). Dans les formes inverses, emploi de l'infinitif long: vreareare (Simion ÇTEFAN).
154
L'ÉVOLUTION DE LA LANGUE LITTÉRAIRE
12.2.2.4 Formes périphrastiques As vrea face, vrea vedea etc. 12.2.2.5
L'impératif
12.2.2.5.1 L'impératif
affirmatif,
au 16e et au 17e siècle
3 sg. stâ, pasâ, 1 pl. blâm, 2 pl. pâsati ; 1 pl. blem, 2. pl. blemafi. Blem devient une interjection, chez NECULCE, et dans des textes postérieurs. 12.2.2.5.2 L'impératif prohibitif 2 pl.: nu-i uitareti, nu facereÇ, nu judecarâti. 12.2.2.6
L'infinitif
Les formes de l'infinitif long et court alternent, aux 16E et 17E siècles; l'infinitif long, par la suite, est peu employé.
12.3 SYNTAXE Présence de constructions archaïques, qui disparaîtront au cours de l'évolution de la langue littéraire, jusqu'au 19e siècle. Construction des propositions copulatives et adversatives avec e: demâneafa . . . înflori-va si trece-va, e seara code (Ps. ÇCHEIANÂ); propositions conditionnelles avec sa: sa as grâi (DOSOFTEI); propositions causales avec câci câ: noi vrem tinea de câtrâ domnia voastrâ . . . câci câ ne set priiatini (lettre, Moldovita). Au 18E siècle (NECULCE): n-au cutezat sa margâ drept la pod . . . câci câ avea oaste putinà ; emploi des conjonctions disjonctives sâva . . . sâva : Sâ o ceteascâ sâva preut, sâva diac (Texte mâhâcène, 16E siècle). Construction avec le complément du nom au datif: domn Târii Moldovei ; avec l'apposition au cas oblique, accordée avec le substantif qu'elle détermine: cheltuiala lui Serban vodâ, domnului muntenesc (NECULCE); omission de la négation nu, lorsque le prédicat est précédé par nici :
L'ÉVOLUTION DE LA LANGUE LITTÉRAIRE
155
nice câdea stol peste stol (COSTIN).
12.3.1 Influence savante Des constructions syntaxiques anormales apparaissent au 16E siècle, dans les textes traduits et ensuite chez des écrivains comme DOSOFTEI, Miron COSTIN et surtout Dimitrie CANTEMIR: elles y sont dues ou bien à l'imitation des constructions des originaux slaves ou magyars, ou bien à l'imitation de modèles classiques. 0 . DENSUSIANU a pu parler, dans ces cas, de "dualisme svntactique" des textes (DENSUSIANU 1902—38
2.3:
372).
A côté de cette tendance "savante", on peut relever chez u n n o m b r e d ' a u t e u r s (NECULCE, POPESCU,
BUDAI-DELEANU)
des constructions d'origine populaire, ainsi: des phrases construites par coordination, spécialement celles introduites par si, iar(â), des phrases conditionnelles avec de, mélange du discours direct et indirect, etc. Au cours du 19E siècle, l'influence de la langue parlée s'accentuera par les directives de la "Dacia literarà", et la construction de la phrase se modifiera sous l'influence de la syntaxe du français. 12.4 VOCABULAIRE L e " L e x i c o n " de Mardarie COZIANUL (1649) donne une série de termes slavons avec leur traduction roumaine. Les dictionnaires d u 19 E
siècle
(MAIOR 1 8 2 5 ,
GOLESCU
1834-43)
con-
stituent de bons instruments pour la connaissance du vocabulaire. 12.4.1 Influence de la langue parlée Jusqu'au 18E siècle, le lexique des livres religieux et juridiques est rempli d'éléments slavons, qui ne circulaient que dans une très faible mesure dans la langue parlée. La chose est
156
L ' É V O L U T I O N D E LA L A N G U E
LITTÉRAIRE
évidente lorsque l'on compare des textes traduits à d'autres, non-traduits. D'autre part, les textes ecclésiastiques emploient des mots que l'on ne retrouve plus aujourd'hui que dans certains parlers. La langue des oeuvres de Varlaam et Dosoftei contient un grand nombre de formations propres, construites avec des éléments de la langue parlée. La préoccupation de former des mots nouveaux est caractéristique pour D. CANT E M I R et Ion B U D A I - D E L E A N U . La nécessité d'emprunter des mots nouveaux est clairement indiquée dans la préface du Nouveau Testament de 1648. Les écrivains du 19e siècle inscriront cette préoccupation parmi les principales de leur programme de réalisations; on la trouve déjà chez D O S O F T E I (éléments latins et grecs), Miron C O S T I N (éléments latins), Dimitrie C A N T E M I R (éléments turcs, slaves, persans, hébraïques, grecs, latins et italiens) et chez B U D A I - D E L E A N U . Les premiers grammairiens ont eu à leur disposition une terminologie inadéquate au roumain; aussi bien, ils se sont adressés aux langues romanes et au néo-grec, pour parer à cet inconvénient. A partir du 18e siècle les éléments slavons sont remplacés par les éléments néo-grecs: chez Antim I V I R E A N U L , des mots grecs et des phrases courtes sont insérés dans le texte roumain. La traduction des livres religieux et juridiques grecs coïncide avec la parution de textes grecs imprimés dans les pays roumains. Le Divan ( 1 6 9 8 ) de C A N T E M I R est traduit du grec. La Cazania ( 1 6 4 3 ) de V A R L A A M et le Nouveau Testament de Bâlgrad ( 1 6 4 8 ) contiennent des termes néo-grecs. A l'époque phanariote ( 1 7 1 1 — 1 8 2 1 ) , un grand nombre d'éléments néogrecs font leur entrée dans le vocabulaire roumain. On en trouve même en Transylvanie, chez B U D A I - D E L E A N U . Le vocabulaire des textes populaires ne diffère pas de celui des livres religieux: on y trouve des éléments slavons, serbes, turcs et quelques archaïsmes. Les éléments slavons se retrouvent aussi chez les chroniqueurs moldaves ( U R E C H E ) et valaques ( P O P E S C U , le stolnic C A N T A C U Z È N E ) ; C O S T I N est préoccupé par le renouvellement
L'ÉVOLUTION D E LA LANGUE
LITTÉRAIRE
157
du vocabulaire. Le vocabulaire de la chronique de X E C U L C E contient un grand nombre d'éléments turcs. Les mots turcs qui commencent à être employés au 16e siècle, pénétrent en masse dans la langue littéraire à l'époque des princes phanariotes (1711—1821). La langue de la littérature de cérémonial est remplie d'éléments turcs et néogrecs. Les éléments français pénètrent dans la langue littéraire à la fin du 18e et au cours du 19e siècle. Au début du 19e siècle, un grand nombre de mots français, par l'intermédiaire du russe, sont entrés dans la langue. Les éléments de la langue parlée sont mis en valeur par des écrivains comme VARLAAM, DOSOFTEI (spécialement dans son Psautier en vers), I V I R E A N U L , Chesarie de la RÎMNIC, les chroniqueurs moldaves, CANTEMIR, B U D A I - D E L E A N U , les poètes VACARESCU et GOLESCU. Le vocabulaire des divers styles de la langue littéraire peuvent être caractérisés de la manière suivante: fonds de base, mots latins communs à tous les styles: (a) livres religieux: éléments magyars, slavons (16e siècle), slavonismes (17e siècle et suivant), éléments néo-grecs (17e et 18e siècles); (b) livres juridiques: slavonismes, quelques éléments latins savants ; (c) livres techniques: néologismes du français, de l'italien, de l'allemand; terminologie grammaticale: éléments slavons, latins, italiens et néo-grecs. L"'école transylvaine" vient avec une conception nouvelle, d'une grande importance pour les destinées de la langue littéraire, d'enrichir la langue et de la moderniser. Ce procès concerne en premier lieu le vocabulaire de la langue littéraire. Les représentants de 1'" école transylvaine" ont montré que le problème des termes nouveaux doit être résolu par l'introduction de néologismes pris aux langues romanes. Le "Lexi-
158
L ' É V O L U T I O N D E LA L A N G U E
LITTÉRAIRE-
con" de Bude contient un grand nombre de termes nouveaux, qui ont prouvé leur viabilité. L " 'école transylvanie" introduit par conséquent une préoccupation essentiellement moderne, de cultiver la langue et de lui appliquer certaines normes, ce qui équivaut à ouvrir une perspective nouvelle dans le développement de la langue littéraire ( R O S E T T I — C A Z A C U 1961: 500 et s.).
12.5
CONCLUSIONS
Une vue d'ensemble sur la configuration de la langue littéraire nous apprend que les différences régionales sont plus apparentes dans le domaine de la phonétique (surtout du vocalisme) et du vocabulaire. Mais ces faits ne constituent pas des différences essentielles: elles sont peu nombreuses et placées à la périphérie du système de la langue. On constate dès le 16e siècle une tendance à unifier les normes de la langue littéraire: des phénomènes régionaux pénètrent dans les zones voisines; le procès s'accentue dans les siècles suivants. Au 19e siècle, l'application d'une norme générale à la langue littéraire devient une préoccupation des gens cultivés; nous constatons dans ce siècle une modernisation du lexique et l'imposition progressive d'une norme phonétique unique (procès qui n'est pas encore entièrement accompli de nos jours) et d'une norme grammaticale à caractère stable. En ce qui concerne la syntaxe, les traits de la langue parlée alternent, selon les auteurs, avec les traits "savants". L'influence de la langue parlée gagne du terrain, au 19e siècle, par la contribution des écrivains dits "traditionnalistes". 55 65
La formation de la terminologie scientifique du roumain littéraire, aux 18e et 19e siècles, est exposée d'une manière compétente par N.A. UESTJ (UKSU 1962). L'ouvrage est consacré à l'examen de la terminologie des sciences mathématiques, techniques et de la nature. Jusqu'en 1830, les termes sont empruntés au néo-grec et au russe
L'ÉVOLUTION D E LA L A N G U E LITTÉRAIRE
159
12.6 TÉMOIGNAGE D E S T E X T E S
On en jugera par le fragment qui suit, emprunté à la préface de la Grammaire roumaine de I. Heliade R A D U L E S C U (1828), "imitée" de CONDILLAC. (La préface commence par un "dialogue" entre l'auteur, qui applique la nouvelle orthographe, et un interlocuteur, qui défend l'ancienne.) E i ! dar ce fel de carte e asta? ! ! ! uite-te minune ! ! ! aci lipsesc o gràmadâ de solve ! âstia vor sâ ne lase sâraci ! Aci fâlosul f i purtâtorul de ortografie H lipseste; mâretul si îngîmfatul co, de asemenea; oy cel bogat în loc nu se mai vede ! în loc de t, unde si unde se vede ea, în loc de w, iv; vai de mine, ce grosime si mojîcie ! ! ! ia te uitâ, câ âstia si pe delicatul f i plinul de duleeatâ 0 1-au soos ! n u zâu, âstia sînt R u m à n i grosi bâdârani de la tarâ, nu vor sâ aibâ cît de putinâ evghenie p â dînfii ! Dar ce vâz ! ei în loc de f, pun KC ; în loc de y>, rte ! Sînt vrednici de rîs întru adevàr ! Vedeti lucruri copilâresti ! Vedeti eresuri ! Vedeti nesocotinti ! Toatà lumea se sileçte din ce mai are sâ adaoge f i sâ se mai îmbogâteascâ, dar ei ! ia uitati-vâ câ si din ce mai avem vor sâ mai lepede ! Ait ! s-a stricat ! s-aaa duuus acum si limba ! ei au lepâdat fi ocsiile ! fi psilii ! si ! si dasia ! ! ! o drâgutele, ca de ele de nimic nu-mi pare asa de râu, câ parcâ era niste floricele ! Oamenilor fârâ gust, fàrâ leac de ortografie ! D a r cine v-a pus pe voi sâ vâ a r â t a t i mai iscusiti decît atîtia întelepti bâtrîni? Voi v-ati gâsit sâ stricati aceea ce au gâsit eu cale atîtia infi, fi nu ca voi, ci altfel de învâtati? ! si apoi nu stiti voi câ obiceiul este bâtrîn f i câ trebuie sâ p u r t a t i cinste fi sfialâ câtre dînsul? Traduction (ELIADE 1898: 353—4): Mais dites donc, quelle espèce de livre est celui-ci ? Regardez-moi cela ! Mais ici il m a n q u e quantité de lettres ! Le fier H, ce porte-enseigne de l'orthographe cyrillienne n'y figure pas; le majestueux et l'orgueilleux a> est dans le même cas; oy, le riche, a disparu. A la place de t, on voit de temps à autre ea ! à la place de w, iu ! Mon Dieu, quel esprit roturier et quelle mauvaise éducation ! Mais regardez encore, il nous est enlevé jusqu'à notre cher 6, si délicat, si plein de douceur ! J e vous le dis, ce ne peuvent être que des Roumains mal appris, des h a b i t a n t s des campagnes,
(Valachie et Moldavie), et au latin, à l'allemand et à l'italien (en Transylvanie). A p a r t i r de 1830, on constate des emprunts massifs au latin et au français.
160
L'ÉVOLUTION DE LA LANGUE LITTÉRAIRE
ils n'ont pas cela de noblesse en eux ! Mais que vois-je ? A la place de f , ils m e t t e n t KC; à la place de y>, ne ! Mais ils sont tout à fait grotesques ! Voyez-moi ces enfantillages ! Voyez-moi ces hérésies ! Voyez-moi ces imprudences ! T o u t le monde s'efforce d'augmenter son avoir, eux seuls songent à nous appauvrir ! I l n'y a plus d'espoir ! L a langue est gâtée, la langue est perdue ! . . . I l s ont aussi supprimé nos accents et nos " e s p r i t s " . . . Les pauvres mignons, j e ne regrette rien autant qu'eux . . . on eût dit de petites fleurettes au-dessus des autres lettres . . . Gens sans goût, gens sans aucun tempérament orthographique ! Mais qui vous a donc chargés de vous montrer plus habiles et plus sages que les vieux ! E t a i t - c e à vous à rejeter ce que t a n t d'autres têtes, plus instruites que les vôtres, avaient trouvé nécessaire, a v a n t que vous n'arrivassiez? Mais ne savez-vous pas que l'habitude est une vieille personne, et que vous devez vous présenter devant elle avec respect et timidité?
Voici encore un fragment du discours d'Alexandre F I L I PESCTJ, adressé aux parents et élèves au début de l'année scolaire 1832—33, à Bucarest: Bucurati-và, tinerilor, cà v-ati nàscut într-o epoeà în care vedeti câ toate vi se pregâtesc pentru o vietuire fericità, o cârare noua spre slavâ vi se deschide, pe care pârintii nostri n-au pàsit încà . . . Siliti-và, dar, fiti fârà pregetare la osteneli; drumul va este deschis; la mîna fiestecâruia tînâr este acum a se vedea încoronat de cea mai mare cinste. Astàzi vi se a r a t à învederat sprijinirea oblâduirii. Traduction (FOTINO 1928: 66): Vos parents ont été privés de pareils avantages, félicitez-vous d'être nés sous de meilleurs auspices et tâchez de vous rendre dignes d'une destinée si belle. Soyez infatigables dans vos études, irréprochables dans votre conduite, le chemin vous est ouvert; il ne tient qu'à vous de cueillir les palmes que la P a t r i e vous prépare. Aujourd'hui, la protection du gouvernement vous est garantie.
Au 19E siècle, la langue littéraire atteint à la perfection dans les oeuvres des classiques V. ALECSANDRI, N. BALCESCU, A.I. ODOBESCU, Mihail EMINESCU, Ion CREANGA et I.L. CARAGIALE, et au 20e siècle dans celles de Mihail SADOVEANIT, Tudor ARGHEZI, G . BACOVIA, Lucian BLAGA et Ion B A R B U (ROSETTI -
CAZACU 1 9 6 9
2).
13 TENDANCES DE LA LANGUE ACTUELLE
Ce sont des faits de phonétique et de vocabulaire qui caractérisent l'évolution de la langue actuelle.
13.1 F A I T S P H O N É T I Q U E S
NON-LITTÉRAIRES
Une série de particularités de la langue parlée sont évitées dans la langue littéraire. Voici un tableau comparatif des faits phonétiques régionaux, dont l'usage caractérise parfois la langue littéraire. Moldavie a: spalai â: pànà â a p r è s ?/j/s/p: ?âd,jàli, fas -i: bini, di, pi
Transylvanie
e: fed, jeli, semn, â: spàlat î: pînà tes -e: bine, de, pe (et da, pâ) i: si -ea: bea bine, piept, fie, vie
sàmn,
î: sì •è:' bè palatalisation des occlusives labiales et des fricatives labio-dentales: gine, k'ept, hie, yie
suppression de l'i de la dipht o n g u e ie : ferbe, mercuri, pept, à côté des formes k'ept etc. enregistrées ci-dessus ( < fierbe, miercuri, piept) sk : schimba, desc.hide
Valachie
q : dçua, plçuâ
nçuâ,
o: doua, noua, piova, e, après j/f : plaje, fase
sk' > Sk' : schimba, deschide.
162
TENDANCES DE LA LANGUE ACTUELLE
13.1.1 Adoption de mots nouveaux L'adoption des mots nouveaux s'est faite par étapes. Ainsi, fr. accessoire, contraire, laboratoire, séminaire, service, ont été adoptés sous la forme accesoriu, contrariu, laboratoriu, seminariu, serviciu, pour évoluer, ensuite, par abandon de la finale: accesor, contrar, laborator, seminar. Seul serviciu n'a pas changé. D'autres mots en -u n'ont pas modifié leur finale: aluminiu, craniu, domiciliu, geniu, gimnaziu, prejuditiu, teritoriu etc. La vieille forme coragiu ( < i t . corragio) est devenue curaj. Les mots en -egiu ont conservé leur forme: cortegiu, privilegiu, sacrilegiu. La langue parlée a transformé la diphtongue ie en e: on entend fere (= fiere), meu ( = mieu), etc. -i, faiblement articulé, parfois n'est pas noté: cârti ( = càrfii). 13.1.2 Flottements Nombreux cas de passage de e à i, au pluriel, tendance que nous avons déjà signalée dans les parlers moldaves (cf. p. 102): aripe — aripi ; boale — boli ; cane — câni ; minune — minuni ; rane — râni. Il existe aussi des cas contraires, où la prononciation avec -e est littéraire: banife — bâniti ; stîne — stîni etc. La tendance actuelle est de développer l'emploi de la désinence -e (GRAUR 1968: 124).
Le pluriel neutre en -e remplace celui en -ure: bagaje, bilete etc. Tendance, de la langue parlée de fermer e en i, par exemple fetile (pour fetele). 13.1.3
Abrègements
L'abrègement, dans jumate - aramà, soarte > soartâ etc. Enrichissement des substantifs neutres avec diphtongue finale contenant -u: noms français: voleu, birou, crochiu. La langue tend à éliminer l'alternance o — oa, entre les formes du singulier et du pluriel: buton — butoane et aussi butoni, sfori etc. 13.4.2 Singulier et pluriel L'alternance a — â entre les formes du singulier et du pluriel est normale: barca — bârci ; flacàrâ — flàcâri ; mâtanie — màtânii etc. La tendance de la langue est ici de différencier le singulier d u pluriel d u n o m (GRAUR 1968: 153).
13.4.3 Le génitif Dans les cas obliques, la difficulté réside dans l'emploi au singulier: unei foame génitif; cf. le nom de lieu Oradea — Orâzii génitif avec article. Pour les noms féminins en -ca, -ga : Rodicâi, Olgâi, ou Rodichii, Olghii (voyez ci-dessus, pp. 94 et 151).
166
T E N D A N C E S D E LA L A N G U E
ACTUELLE
13.4.4 Le vocatif Développement du vocatif en -ule: domnule, bâiatule. Mais amice, doctore, avec la désinence -e. L'appel se fait d'habitude sans désinence: sofer. Le vocatif féminin en -o, par exemple soro, Mario, n'est pas employé dans des cas comme mamâ. D'autre part on l'emploie avec des noms propres masculins: Tomo (< Toma). 13.4.5 L'article Pour les noms de personne masculins on emploie l'article proclytique: lui Radu; de même au féminin, même pour les noms communs: lui Mimi, lui mama. L'article qui détermine le mot suivant est agglutiné au nom précédent: legea de accelerarea judecâtilor (au lieu de de accelerare a judecâtilor). 13.4.6 Le pronom Le pronom de politesse (2. pers.) est dumneavoastrâ ; dumneata est familier (et mata). Le pronom démonstratif acestajaceasta caractérise le style châtié; âsta, astâ, âla et aia appartiennent à la langue parlée. Le pronom relatif care est devenu invariable; ce est vieilli, mais cependant employé pour varier le style. 13.4.7 Le verbe Emploi du parfait simple, qui a subsisté, à côté du parfait composé. La forme courte de l'infinitif (lovi, à côté de la forme longue lovire) pourrait s'expliquer par analogie avec le bulgare: bg. lovi (3 sg.aor.) — loviti et lovi (inf.); roum. fugi (3 sg. parf.) — fugire et fugi (infinitif; G R A U R 1 9 6 8 : 2 0 0 ) . Passage des verbes de la 2e conjugaison à la 3 e :
TENDANCES DE LA LANGUE ACTUELLE
167
a râmînea, a tinea >- a ramine, a fine; et de la 4 e conjugaison à la l è r e : aiura, curâfa, îndatora etc. E n ce qui concerne les désinences verbales -ez et -esc, on trouve beaucoup plus de formes sans -esc que sans -ez. -râ-, au parfait composé (3e pers. pl.) s'introduit dans la langue parlée à la fin de la forme du participe, pour marquer le pluriel: au lâudatârâ. Dans la langue écrite, on l'évite parfois au parfait simple: ei fâcuse ( G . CALINESCU).
13.5 SYNTAXE Emploi du nominatif dans les noms de rues : strada Dionisie Lupu. D'après le modèle français gare de l'Est, on dit gara de nord. Le datif est remplacé, dans la langue parlée, par l'accusatif avec la: dau apâ la cai. Cependant, l'emploi du datif prend consistance: este oprit conducâtorului (inscription dans les tramways). Constructions avec le substantif au génitif et l'adjectif au nominatif: unei persoane considerata sfîntâ. L'emploi de l'article possessif donne lieu à des constructions fautives: celei de-a doua pârfi aie programului (au lieu de: a programului). A propos de l'emploi de la préposition pe, la tendance de la langue actuelle est de supprimer pe, sauf là où l'accusatif pourrait être confondu avec le nominatif. (GRAUR 1 9 6 8 : 305)
Tendance de supprimer l'article: Arges, izvor de energie; delegatul roman, academician X; Aurélia si-a intors ochii spre marna ( = marna sa) ; sa învâtâm sah. 13.6 VOCABULAIRE 13.6.1 Formations des mots Emploi de préfixes: in-, des-, ne- ; une série de préfixes internationaux: a- (apolitic) ; ardi-; dia- (diacronie) ; dis-; prò-; sin- (sincronie) etc.
168
TENDANCES DE LA LANGUE
13.6.2
Eléments
du
ACTUELLE
vocabulaire
L e s e m p r u n t s au français occupent, d a n s la l a n g u e actuelle la troisième partie d u vocabulaire
(les é l é m e n t s s l a v e s
représentent q u e 6,6 % du vocabulaire). E n p r e n a n t
ne
comme
m a t é r i a u x les m o t s e n r e g i s t r é s d a n s le D i c t i o n n a i r e d e I . - A . CANDREA,
29 %
sont
d'origine
française.
Parmi
d ' o r i g i n e f r a n ç a i s e d ' u s a g e c o u r a n t : aer, banca, direct,
electric,
fabricà,
general,
militar,
motor,
ora, plan,
politic,
radio,
raporta,
sâpun,
servi,
rafie, social,
grad, popor,
rege,
régula,
special,
sport
liber,
Unie,
propriu,
respect,
les
clasâ, public,
revolufie,
(CANDREA
mots comun, mecanic, punct, rezervâ,
1931).
Voici un texte tiré d'un quotidien, qui donnera une idée sur l'emploi des m o t s d e ce f o n d s : L a H a g a , p i a t a comunâ a încheiat o etapâ, dar nu çi-a depâçit dificultâ^ile. I n cursul serii de marti, d u p a dezbateri aprinse çi prelungite, la H a g a , au luat sfîrçit lucràrile Conferintei la nivel înalt a celor çase tari membre ale Pietei Comune. "Întîlnirea la nivel înalt a a v u t loc sub semnul adîncirii de ultim moment a divergen^elor dintre parteneri" — se sublinia într-un comentariu transmis marti de agentia de presà olandezâ A . N . P . Surse competente mentioneazà eà redactarea comunicatului final a comportât serioase dificultàfi, datorità vederilor diferite ale participantilor în ce priveçte problema reglementàrii Pietei comune agricole si aceea a începerii negocierilor cu statele candidate la C. E . E . (le quotidien Scìntela, du 3 novembre 1969): Traduction : A la H a y e , le Marché Commun a franchi une étape, mais n ' a p a s surmonté les difficultés. A u cours de la soirée de mardi, après de vifs et de longs débats, ont pris fin à la H a y e les travaux de la conférence à niveau élevé des six p a y s membres du Marché Commun. " L a rencontre à niveau élevé a eu lieu sous le signe du renforcement, a u dernier moment, des divergences entre partenaires" — était-il souligné dans un commentaire transmis mardi p a r l'agence hollandaise de presse A . N . P. D e s sources compétentes transmettent que la rédaction du communiqué final a comporté de sérieuses difficultés dues a u x vues différentes des participants en ce qui concerne le problème de la réglementation du Marché commun agricole et de l'ouverture des négociations avec les E t a t s candidats au C. E . E .
14 LES DIALECTES DU
ROUMAIN
14.1 LA FORMATION D E S DIALECTES
Selon PHLLIPPIDE (1923-27 2: 225-30), la séparation des dialectes de type dacoroumain de ceux du type aroumain aurait eu lieu au 6e siècle. Ensuite, les populations roumaines de la Péninsule Balkanique auraient suivi deux directions: vers le nord et vers le sud. Au nord, les émigrants auraient occupé la Transylvanie, y compris le Banat, sauf le sud de la Transylvanie et l'Olténie. Une vague d'émigrants, après avoir occupé la Bucovine et le nord de la Transylvanie, serait passée en Moldavie, où ils se sont fixés. Cette théorie ne correspond pas aux faits, tels que nous les connaissons aujourd'hui. La séparation entre le groupe roumain du nord et du sud s'est produite entre le 10e et le 12e siècle (ROSETTI 1968a: 353). Le traitement ts ( o S -fc, sp 1*3 • r y C ' Ô —\ œ 53 bD