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French Pages 685 [682] Year 2013
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Bioaccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre Un outil pour la biosurveillance des écosystèmes
Annette de Vaufleury et Frédéric Gimbert avec la collaboration de Lucien Gomot
ADEME et Laboratoire Chrono-environnement UMR 6249 CNRS Université de Franche-Comté UsC INRA : conventions 98 93 021 - 01 75 037 et 0775C0041
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Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0724-6 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2013
Livre_BioccumulationTDM.fm Page III Lundi, 23. septembre 2013 8:41 08
Sommaire
Préface
VII
Avant-propos
1
Remerciements
5
Introduction
7
Chapitre 1 • Quelques définitions et rappels
9
1.1 Biodisponibilité
9
1.2 Voies d’absorption et méthodes d’évaluation du devenir et des transferts des contaminants
25
1.3 Établissement de relations quantitatives entre structure des composés et activité biologique
27
Table des matières
III
Livre_BioccumulationTDM.fm Page IV Lundi, 23. septembre 2013 8:41 08
1.4 Bioconcentration, bioaccumulation 1.5 Bioamplification 1.6 Bioévaluation – biosurveillance 1.7 Conclusion
27 32 36 37
Chapitre 2 • Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
41
2.1 Nématodes 2.2 Annélides oligochètes (vers de terre et enchytréides) 2.3 Mollusques gastéropodes pulmonés 2.4 Arthropodes 2.5 Apports et perspectives de l'étude de la bioaccumulation des contaminants chez les invertébrés dans l'évaluation des risques environnementaux
207
Chapitre 3 • Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
217
3.1 Reptiles 3.2 Oiseaux 3.3 Mammifères
218 222 329
Chapitre 4 • Bioaccumulation - évaluation du risque écologique ERE (ERA : Ecological Risk Assessment) via les chaînes alimentaires
425
4.1 Intérêt de l’approche par les chaînes alimentaires et calcul des FBAs 4.2 Exemples d’analyse de transfert de contaminants 4.3 Relations entre bioaccumulation-bioamplification et effets nocifs (au niveau des espèces) 4.4 Incidence des transferts de contaminants sur la structure des chaînes alimentaires et limite de l'application de l'écologie des chaînes trophiques aux recherches en écotoxicologie 4.5 Discussion – conclusion
IV
44 46 101 161
425 429 447
454 456
Chapitre 5 • Discussion – conclusion
459
5.1 Intérêt de l’étude de la faune terrestre 5.2 La bioaccumulation : point final (« end point »), biomarqueur et paramètre de l'évaluation du risque écologique 5.3 Perspectives
459
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
461 466
Livre_BioccumulationTDM.fm Page V Lundi, 23. septembre 2013 8:41 08
Chapitre 6 • Résumé et perspectives
473
6.1 Situation du sujet 6.2 Les apports de la mesure de la concentration et de la bioaccumulation des contaminants dans les organismes terrestres 6.3 Perspectives
474
Bibliographie
495
Glossaire
623
Index taxonomique
637
476 490
Table des matières
V
Livre_BioccumulationTDM.fm Page VI Jeudi, 11. juillet 2013 3:33 15
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Preface.fm Page VII Jeudi, 11. juillet 2013 3:31 15
Préface
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) participe à la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement durable. L’agence met ses capacités d’expertise et de conseil à disposition des entreprises, des collectivités locales, des pouvoirs publics et du grand public dans cinq domaines que sont la gestion des déchets, la préservation des sols, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, la qualité de l’air et la lutte contre le bruit. Dans ce cadre, elle doit apporter notamment des réponses sur l’état de la contamination des milieux et les effets des contaminants sur l’Homme et les écosystèmes. Souhaitant disposer d’informations sur la contamination des milieux terrestres et sur les moyens de sa surveillance, l’ADEME, à l’initiative de Denis Savanne (alors au Service de la Recherche Impacts Milieux), a démarré il y a une dizaine d’années sa collaboration avec Annette de Vaufleury et Lucien Gomot, tant sur des programmes de recherche que sur l’encadrement de thèses dont celle récente de Frédéric Gimbert. L’ADEME a donc demandé à cette équipe de l’Université de Besançon de réaliser une synthèse des connaissances sur le devenir et les effets des contaminants dans les écosystèmes terrestres. En effet, contrairement au milieu aquatique, aucun document synthétique de ce type n’existe à l’heure actuelle. Le résultat de ce gigantesque travail, fruit d’une veille scientifique sur 10 ans, est à la hauteur des espérances de l’ADEME. En effet, cet ouvrage permet de faire le point sur les connaissances disponibles concernant la dissémination des contaminants organiques et inorganiques
Préface
VII
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dans les écosystèmes terrestres et leurs effets sur les vertébrés et les invertébrés. Il présente également les outils et les modèles potentiellement utilisables dans le cadre des évaluations environnementales. Par ailleurs, les auteurs de cet ouvrage proposent également des pistes de recherche et des travaux complémentaires à réaliser pour compléter le panel des outils utilisables lors de la caractérisation des milieux. Ils formulent enfin des recommandations sur la mise en place de réseaux de biosurveillance terrestre (comme cela se pratique dans le milieu aquatique) et mettent en avant certains organismes potentiellement utilisables comme des animaux sentinelles, certains étant actuellement testés dans le cadre du programme national de recherche ADEME sur la définition de bio-indicateurs de qualité des sols. Nous souhaitons bien évidemment féliciter chaleureusement les auteurs qui se sont investis dans ce monumental travail avec enthousiasme et ténacité. Nous remercions également tous ceux qui y ont collaboré, et tout particulièrement François Ramade et Jean Louis Rivière qui ont pris le temps de relire méticuleusement et d’annoter cet ouvrage afin de l’enrichir. Cet ouvrage s’adresse bien évidemment à la communauté scientifique travaillant sur le devenir et les effets des contaminants en milieu terrestre mais également aux organismes publics impliqués dans les évaluations environnementales, aux bureaux d’études spécialisés en environnement et aux laboratoires d’analyse. Nul doute qu’il trouvera un large public dans un monde en demande d’information sur les effets des contaminants dans notre environnement. Antonio BISPO – Ingénieur Sols et Environnement ADEME- Direction Productions et Énergies Durables - Service Agriculture et Forêt Isabelle FEIX – Expert national Sols ADEME- Direction Productions et Énergies Durables
VIII
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Avant-propos.fm Page 1 Vendredi, 17. mai 2013 10:53 10
Avant-propos
Notre participation aux séances de travail « Écotoxicologie des sols » de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la la maîtrise de l’énergie) avec des spécialistes de différents horizons scientifiques et techniques, mais aussi des responsables de la surveillance de l’environnement, nous avait convaincus de l’intérêt que représente la prise en considération de la biologie des divers organismes vivants terrestres (microorganismes, mousses, lichens, plantes et animaux) dans l’analyse des impacts de substances naturelles ou synthétiques libérées dans la nature sur leur physiologie et sur le fonctionnement des écosystèmes terrestres. Au cours de nos recherches sur les effets des contaminants chez des invertébrés du sol, nous avons fait le constat que si de nombreux travaux avaient montré que plusieurs espèces d’invertébrés étaient de véritables « macroconcentrateurs » d’éléments traces métalliques (ETMs) et que des vertébrés d’extrémité de chaînes alimentaires pouvaient « amplifier » dans leurs organes la concentration des pesticides contenus dans leurs proies, il n’existait pas de synthèse rassemblant ces données. Ainsi dans les années 2000, la bioaccumulation n’était que rarement considérée dans l’évaluation des risques pour les écosystèmes (de Vaufleury, 2005). Aussi la proposition de l’ADEME, nous invitant à réaliser une revue des connaissances sur la bioaccumulation des contaminants de l’environnement chez les animaux terrestres, nous a à la fois séduits et honorés. Très rapidement, nous nous sommes rendus compte de l’ampleur et des difficultés de la tâche, déjà au niveau des définitions nombreuses et controversées de la biodisponibilité et de bien d’autres termes dont les équivalences ou différences ne sont pas évidentes.
Avant-propos
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Avant-propos.fm Page 2 Vendredi, 17. mai 2013 10:53 10
Le monde animal terrestre étant très vaste et très divers, nous avons procédé d’une part au recueil du plus grand nombre possible de travaux publiés sur le sujet, et d’autre part à un regroupement des données par centres d’intérêt dans chaque grand groupe zoologique. Cette présentation analytique ne donne pas une image synthétique de ce qui caractérise les écosystèmes terrestres, mais nous considérons cette « compilation organisée » comme un état des lieux et un outil à l’usage de personnes qui s’intéressent à l’écotoxicologie, aussi bien dans le domaine de la recherche que dans ses applications à la biosurveillance de l’environnement terrestre. Nous avons opté pour une présentation des groupes systématiques d’animaux par ordre de complexité anatomique croissante car elle est unanimement acceptée (avec quelques modifications au fur et à mesure du développement des connaissances, nous avons laissé les collemboles parmi les insectes bien que des données nouvelles les rapprochent des crustacés). Les analogies anatomiques étant généralement assorties de processus physiologiques voisins et de modes de développement analogues, cette présentation permet parfois d’expliquer les mécanismes d’action des contaminants chez des espèces proches. De plus, les espèces citées n’étant pas présentes dans toutes les parties du monde, cela peut inciter à des recherches sur des espèces voisines sur d’autres sites qui pourraient fournir des renseignements comparables. L’un de nos objectifs était aussi de savoir si l’on pouvait retenir non seulement des « espèces » bioaccumulatrices, mais aussi peut-être des genres ou des classes d’espèces bioaccumulatrices. Les niveaux de connaissances ne sont pas identiques pour tous les animaux, mais il paraît indispensable de s’appliquer à analyser le phénomène de bioaccumulation à l’échelle de la biodiversité, qui est menacée dans de nombreux secteurs terrestres de la biosphère, indépendamment des nationalités car les contaminants n’ont pas de frontières. Or, à l’analyse des ouvrages et des publications, on constate que de grandes parties du monde sont peu étudiées et ne disposent pas des moyens ou de la culture nécessaires pour le faire. Dans les pays dits « développés » (parfois très proches les uns des autres…), il apparaît aussi que la surveillance ou la biosurveillance tiennent une place plus ou moins importante, ce qui a des incidences sur l’évaluation objective des risques environnementaux. Le rassemblement des connaissances sur le devenir (transferts et transformations) et les effets des contaminants déversés dans l’environnement et pouvant présenter des risques, par classes ou embranchements d’animaux, nous a conduits parfois à des répétitions. Celles-là ont été maintenues afin de permettre aux lecteurs qui seraient principalement intéressés par un seul groupe d’animaux de disposer d’informations générales permettant l’interprétation des données. Dans la mesure du possible, nous avons essayé de situer les investigations sur la biodiversité et la bioaccumulation dans leurs contextes écologiques. Cependant, il s’avère que des expérimentations en laboratoire et sur le terrain sont indispensables pour analyser et comprendre les mécanismes de ces phénomènes. En même temps que la présentation des différents aspects de la bioaccumulation et de la bioamplification, nous nous sommes intéressés aux relations éventuelles entre bioaccumulation et effets physiologiques pouvant être utilisées dans l’évaluation du risque écologique (ERE), qui correspond à une démarche utile et nécessaire pour organiser les étapes d’actions appropriées afin de protéger ou restaurer les fonctions écologiques perturbées. Toutefois, la bioaccumulation est seulement l’une des facettes de l’écotoxicologie dont les bases fondamentales et les applications font l’objet de traités qui présentent les multiples branches de cette discipline en pleine évolution.
2
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Avant-propos.fm Page 3 Vendredi, 17. mai 2013 10:53 10
Dans notre revue, nous nous sommes efforcés de faire référence aux articles concernant l’Europe et les pays autres que ceux d’Amérique du Nord car la diffusion des connaissances des différents pays européens est handicapée par la pluralité des langages et les traités de synthèse anglophones résument principalement les travaux de langue anglaise. L’absence d’édition de revues internationales d’écotoxicologie en français est préjudiciable au transfert dans notre pays des connaissances entre les centres de recherche nationaux ou internationaux et les organismes d’application, ainsi qu’à l’information du public pour l’évaluation objective des risques environnementaux et leur prévention. Dans certains cas, l’information par les médias se résume à des cas d’accidents exceptionnels ou à des controverses trop largement médiatisées. Nous espérons dans ce travail, ni simple compilation, ni synthèse explicative, ne pas avoir trahi ou déformé les résultats des auteurs ainsi que leurs interprétations ; si tel était le cas, nous nous en excusons et nous sommes prêts à apporter les rectificatifs nécessaires. Pour certaines études et conclusions, nous avons émis des critiques et des suggestions qui nous semblent justifiées, en particulier pour les extrapolations de modèles de bioaccumulation des contaminants en milieu aquatique à ceux du milieu terrestre. En effet, il y a actuellement un certain nombre de modèles originaux révélant que la bioaccumulation et la bioamplification (lorsqu’elle existe), obéissent à des mécanismes physiologiques caractéristiques des milieux terrestre et aérien, qui sont fondamentalement différents de ceux qui régissent la biologie des organismes aquatiques. Nous n’avons pas la prétention de proposer de solutions miracles permettant de construire une approche parfaitement définie de l’étude et de la surveillance des sols contaminés et de l’environnement terrestre, comme le souhaiterait Suter (2003) dans sa critique du livre édité par Lanno (2003) résumant les actes du Pellston Workshop (septembre 1998). Cependant, le manque d’imagination (« a lack of vision ») des scientifiques qui s’occupent du sol évoqué par Suter (2003) est sans doute exagéré mais, comme ce dernier le reconnaît, le retard des connaissances en milieu terrestre par rapport au milieu aquatique (« soil scientists and assessors are attempting to catch up with their aquatic counterparts, but instead are falling behind ») est probablement dû pour une grande part à la complexité des sols et au moindre intérêt et soutien du public et des agences environnementales sur les effets écologiques des contaminations du sol. Nous pensons que dans le règne animal terrestre, il existe suffisamment d’espèces (invertébrés et vertébrés) représentatives de la biodiversité des principaux écosystèmes, qui possèdent des capacités de bioaccumulation (voir de bioamplification) aptes à être utilisées dans la biosurveillance des milieux en complément des tests classiques d’effets (létaux, sublétaux, action sur les biomarqueurs…). Nous souhaitons que le panorama des très nombreuses recherches présentées aide au choix des animaux bioindicateurs d’accumulation les plus pertinents et suscite de nouvelles recherches (harmonisées) et collaborations entre centres de recherches, groupes industriels, agriculteurs, organismes législateurs et associations de sauvegarde de l'environnement, afin d’exploiter au mieux les connaissances acquises dans le domaine de la bioaccumulation des polluants à des fins de biosurveillance efficace.
Avant-propos
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Avant-propos.fm Page 4 Vendredi, 17. mai 2013 10:53 10
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Remer.fm Page 5 Vendredi, 17. mai 2013 12:07 12
Remerciements
Nous n’avons pas fait de liste exhaustive de remerciements par crainte de faire des oublis, mais nous avons bénéficié de l’envoi de documents (publications, illustrations…) de très nombreux collègues et instituts que nous remercions chaleureusement. Notre représentation de l’ADEME à l’AFNOR (Commission T90B Biosurveillance de l'environnement – T95E Écotoxicologie) et à l’ISO (International Standardisation Organisation ; ISO/TC190 – Qualité des sols – SC4 : Méthodes biologiques, WG2 : Faune du sol – et SC7 : Évaluation des sols et des sites, WG8 : Biodisponibilité) nous a permis de bénéficier des avis de spécialistes internationaux et de prendre la mesure de l’ampleur des tâches à accomplir pour l’évaluation des risques écologiques et la préservation de l’environnement terrestre à l’échelle de la biosphère. Le plan général de la synthèse a été élaboré en collaboration avec L. Gomot et D. Savanne, initiateur de l’ouvrage, puis au fur et à mesure de l’avancement du travail, nous avons bénéficié des conseils d’I. Feix et d’A. Bispo de l’ADEME que nous remercions chaleureusement pour leur soutien dans ce travail de longue haleine. J.L. Rivière a bien voulu nous assurer de son bienveillant soutien en examinant les versions successives de la synthèse et en nous suggérant des améliorations du manuscrit ; son expérience, sa compétence et son autorité en écotoxicologie ont été de précieux encouragements et nous lui sommes vivement reconnaissants pour sa collaboration et son aide spontanée.
Remerciements
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Remer.fm Page 6 Vendredi, 17. mai 2013 12:07 12
À F. Ramade qui, malgré la lourde tâche que lui imposent les nouvelles éditions de ses nombreux ouvrages, a accepté de relire notre volumineuse compilation et l'a aimablement critiquée en l'amendant de ses connaissances encyclopédiques en écotoxicologie, nous témoignons notre admiration pour son œuvre et le remercions pour ses encouragements. Enfin, la pluridisciplinarité de notre environnement universitaire régional, largement impliqué dans l’étude des effets de toutes sortes de stress environnementaux sur la biologie et l’écologie des organismes vivants, a constitué un milieu favorable à notre entreprise. Les divers échanges et collaborations internationaux établis au cours de la recherche des documents ont contribué à confirmer l'importance de la connaissance des charges en contaminants des animaux dans la mise en place de la biosurveillance de l'environnement terrestre. Merci à V Bruyant pour son aide dans la réalisation des tableaux et le relevé d'une partie de la bibliographie.
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Intro.fm Page 7 Vendredi, 17. mai 2013 12:06 12
Introduction
Les polluants (métalliques, organiques, organométalliques) doivent être considérés comme des intrants susceptibles d’agir sur le fonctionnement et la structure des écosystèmes. Si la nature et les propriétés intrinsèques des polluants conditionnent leur devenir dans l’environnement, de nombreux facteurs chimiques, physiques et biologiques vont moduler leur transfert. En particulier, une variable importante à prendre en considération pour évaluer les flux de polluants dans les écosystèmes est la biodisponibilité, concept complexe sur lequel les scientifiques débattent depuis trois décennies. Ainsi, biodisponibilité, bioconcentration, bioaccumulation et bioamplification sont des notions clés de l’écotoxicologie, science pluridisciplinaire qui étudie le devenir et les effets des polluants dans les écosystèmes (Ramade, 2007). L'évaluation de ces processus permet d'obtenir des informations fondamentales sur le transfert des polluants dans les différents compartiments des écosystèmes terrestres. Notre objectif est de réaliser une revue des cas les plus typiques de bioconcentration, de bioaccumulation et de bioamplification mis en évidence tant pour les éléments traces métalliques que pour les composés organiques dans le milieu terrestre. Cette synthèse vise tout d’abord à rassembler les données existantes afin de proposer des axes de recherches, si possible concertées et coordonnées dans différents groupes animaux pour : – préciser les connaissances sur les modes d’absorption, de transfert et de bioaccumulation des contaminants au sein des chaînes alimentaires ;
Introduction
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Intro.fm Page 8 Vendredi, 17. mai 2013 12:06 12
– établir dans quels cas existe une correspondance entre bioaccumulation des polluants et effets toxiques ; – déterminer les espèces, écologiquement significatives, les plus aptes à fournir des informations sur la pollution de l’environnement (macroconcentrateurs) pour évaluer les dangers et les risques (biosurveillance). Si ces informations revêtent un intérêt fondamental indéniable, leur utilisation à des fins appliquées s’avère également d’actualité comme en témoigne l’adoption de règlementations de plus en plus strictes visant à lutter contre les pollutions, à évaluer et prévenir les dangers potentiels des substances chimiques pour l’Homme et l’environnement. Ainsi la directive REACH (en anglais : Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals), adoptée le 18 décembre 2006 et entrée en application le 1er juin 2007, implique une connaissance approfondie des risques pour l’environnement associés à l’usage de toutes les substances chimiques, produites ou importées, existantes ou nouvelles, à partir d'un volume annuel supérieur à une tonne. Ce sont ainsi quelques 30 000 substances chimiques qui devront être (ré)évaluées d’ici 2018 vis-à-vis de leur impact sur la santé publique et les écosystèmes. Ce travail colossal génère par conséquent des besoins accrus de recherche pour le développement d’outils de contrôle et de surveillance des polluants dans l’environnement et de leurs impacts potentiels. Dans un souci de simplification et après avoir défini quelques notions essentielles relatives aux transferts des contaminants dans les écosystèmes terrestres, nous proposons un récapitulatif des recherches concernant la bioaccumulation et la bioamplification dans le règne animal, mais aussi en prenant des exemples dans le règne végétal qui représente le niveau des producteurs primaires dans les chaînes trophiques. Dans chacun des cas, nous recensons les principaux essais de biosurveillance utilisant des indicateurs biologiques d'accumulation. En discussion-conclusion, nous dégagerons les réflexions essentielles inspirées par l'état actuel des connaissances dans ces domaines et nous suggérerons quelques pistes de recherches coordonnées en harmonie avec les programmes déjà engagés par l'ADEME sur ces sujets.
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Chap1.fm Page 9 Jeudi, 19. septembre 2013 11:06 11
Quelques définitions et rappels
Ce chapitre vise à définir les termes utilisés dans cet ouvrage. Les différents concepts traités n’étant pas tous stabilisés, ce chapitre ne cherche pas obligatoirement à imposer une définition, mais fait état des principales discussions en cours dans la communauté scientifique.
1.1 Biodisponibilité Il existe une grande diversité de définitions de la biodisponibilité et même pour l’environnement aquatique, relativement plus homogène que le milieu terrestre, les spécialistes ne réussissent pas à donner une définition consensuelle (Dickson et al., 1994) du concept proposé par Pavlou et al. (1977). Les définitions varient en fonction des disciplines et de leurs perspectives ; en particulier, il se pose de nombreuses questions suivant que l’on considère l’approche chimique (McMillen et al., 2003 ; Peijnenburg et al., 2007) ou biologique (Alexander et al., 2003) de la biodisponibilité et qu’on la définisse en valeur absolue ou en valeur relative. Encore aujourd’hui, chimistes, biologistes animaux ou végétaux et écotoxicologistes tentent, au niveau national et international, d’unifier et de définir la biodisponibilité des contaminants (de Vaufleury et al., 2011 ; Harmsen, 2007 ; ISO/FDIS 17042, 2007), ce qui témoigne de la nécessité de préciser les aspects conceptuels et opérationnels de la biodisponibilité retenus ici.
Quelques définitions et rappels
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Chap1.fm Page 10 Lundi, 20. mai 2013 9:22 09
Dans notre texte, la biodisponibilité est définie comme la portion de la concentration totale d'une substance ou d'un élément présent dans un compartiment de l’environnement qui, dans un laps de temps donné, est disponible (ou rendue disponible) pour être assimilée par un organisme spécifique à partir de son environnement (Peijnenburg & Jager, 2003 ; Semple et al., 2004 ; IPCS, 2004). Après avoir traversé les membranes biologiques, le contaminant pourra être transporté, distribué, accumulé et métabolisé au sein de l'organisme (Kördel et al., 1997), en excluant le contenu du tube digestif (Belfroid et al., 1996). La biodisponibilité est une fonction complexe d’interactions des substances chimiques avec leur environnement physique, chimique et biologique, qui peut changer en fonction à la fois de l’espace et du temps. C’est pourquoi la biodisponibilité doit être abordée comme un concept comportant trois types de processus distincts (Landrum et al., 1994 ; Lanno, 2003) : – la disponibilité environnementale, qui décrit les processus physico-chimiques régissant la partition de la substance étudiée entre la phase solide et la phase liquide du sol ; – la disponibilité biologique, ou biodisponibilité environnementale, qui considère les processus physiologiques spécifiques à l’espèce considérée régissant l'absorption et l’assimilation de la substance ; – la biodisponibilité toxicologique (ou pharmacologique), qui correspond à la redistribution de la substance dans l'organisme et à ses effets toxiques. Ces trois composants ont fait l’objet d’un modèle conceptuel chez les organismes aquatiques (Dickson et al., 1994), dont la terminologie a été reprise et discutée par Peijnenburg et al. (1997) chez des invertébrés de la faune du sol (vers de terre et arthropodes) et nous proposons de l’utiliser pour l’ensemble des organismes terrestres (Figure 1).
Figure 1 Illustration des interactions entre les composantes de l'environnement biotique et abiotique d'un milieu
terrestre et des principaux aspects de la biodisponibilité. Dans les deux espèces d'invertébrés représentées, des tissus ou des organes cibles atteints par les contaminants ont été mis en évidence : cœlomocytes (Cœ) et tissu chloragogène (t.c.) chez les vers de terre ; hépatopancréas (Hp), rein (R) et poumon (P) chez les escargots.
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Chap1.fm Page 11 Vendredi, 17. mai 2013 9:48 09
Cette définition met en avant la nécessité d'appréhender la biodisponibilité dans sa dimension dynamique. En effet, la biodisponibilité est susceptible de varier significativement au cours du temps en raison de l'évolution des phénomènes physico-chimiques au niveau du sol et des stades de développement des organismes. De plus, la biodisponibilité est spécifique d’un contaminant donné pour un organisme donné. L'extrapolation des résultats obtenus pour une espèce à d'autres espèces, même taxonomiquement proches, s’avère donc délicate et souligne la nécessité d’étudier des cibles biologiques variées représentant différents niveaux trophiques (Peijnenburg, 2002 ; Van Straalen et al., 2005 ; Van Gestel, 2008). La connaissance de la biodisponibilité est indispensable pour prévoir les effets à terme des polluants : elle donne lieu à différents modèles cinétiques qui tentent de prendre en compte les aspects dynamiques du processus. Jusqu’à présent, ces modèles ont surtout été développés pour le milieu aquatique (Hamelink et al., 1994), mais des modèles sont également proposés pour le milieu terrestre (Peijnenburg et al., 1997 ; McGeer et al., 2004 ; Van Straalen et al., 2005) tenant compte d’une part des différentes phases (solide et liquide) du sol, et d’autre part de la différence de nature des polluants (éléments traces métalliques [ETMs] et substances organiques). Les éléments et substances chimiques de l'environnement, qui peuvent présenter des risques et des dangers pour les êtres vivants, ont fait l'objet de mises au point exhaustives auxquelles le lecteur peut se reporter (Eisler, 2000a, b, c ; Ramade, 2000, 2007 ; Merian et al., 2004 ; Walker et al., 2006). Quelques caractéristiques de la disponibilité des ETMs et des substances organiques sont évoquées ci-après.
1.1.1 Éléments traces métalliques (ETMs) Bien que certains métaux soient essentiels pour la vie (implications dans les réactions métaboliques) et doivent être incorporés dans la nutrition des organismes, la très large majorité d’entre eux présente, à partir de certaines concentrations, un danger pour l’environnement et peuvent avoir des effets toxiques variables suivant les organismes et les doses (Merian, 1991 ; Parametrix, 1995 ; Nordberg et al., 2007). Dans les sols, les ETMs sont présents à des concentrations variables dans le monde (KabataPendias & Pendias, 1992) en fonction de la nature du sol et du sous-sol, de la proximité de sources de pollution, des transports par les courants atmosphériques ou des dépôts alluvionnaires, ainsi que par les épandages divers (fertilisants, boues, déchets, composts, fumures…). En France, les premiers recensements des sites et sols pollués réalisés par la DPPR (Direction de la prévention des pollutions et des pisques) du ministère de l'Environnement faisaient état, en 1996, de 765 sites industriels pollués. La nature, la distribution (et, dans la mesure du possible, l'origine potentielle) des principaux types de polluants des sols rapportées par Robert & Juste (1998) font apparaître que sur les 765 sites, les pourcentages de pollution par les ETMs sont, par ordre décroissant : Pb = 20 % ; Cr et Zn = 15 % chacun ; Cu = 11 % ; As = 10 % ; Ni = 8 % ; Cd = 7 % et Hg = 6 %. Depuis cette date, la concentration des ETMs, leur origine et leur devenir dans les sols et les plantes ont fait l'objet de deux ouvrages importants en langue française : Contamination des sols par les éléments en traces : les risques et leur gestion (Bourrelier & Berthelin, 1998) et Les éléments traces métalliques dans les sols : approches fonctionnelles et spatiales (Baize & Tercé, coord., 2002). Ces données ont été actualisées et font
Quelques définitions et rappels
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l'objet d'une synthèse très complète sur l'état des sols français avec un chapitre dédié aux teneurs en onze éléments (arsenic, cadmium, chrome, cobalt, cuivre, mercure, molybdene, nickel, plomb, thallium, zinc) dans les horizons de surface de sols de France (GIS Sol, 2011), Ces livres sont composés de chapitres distincts rédigés par des spécialistes qui traitent des différents aspects des méthodes d'études, rapportent des cas concrets d'analyses des fonds pédogéochimiques naturels et des apports volontaires ou involontaires de métaux par les procédés agronomiques ou industriels. La spéciation et la mobilité des ETMs dans les écosystèmes (flux de contaminants, phytodisponibilité, différents types de tranferts…) sont envisagés, de même que les risques écotoxicologiques et les impacts sur la santé humaine. Les perspectives d'amélioration des outils de diagnostic et des procédés de réhabilitation des sites contaminés sont également évoquées. Le recensement des sites et sols pollués de 2013 fait état de 4 561 sites, avec leur répartition par région et présente l'occurrence des principaux polluants recensés (http:basol.environnement.gouv.fr). Des informations supplémentaires sur les ETMs dans les sols de France peuvent être obtenues sur les sites Internet suivants : http:// etm.orleans.inra.fr et www.gissol.fr.
1.1.1.1 Facteurs influençant la disponibilité environnementale des ETMs du sol La mobilité et la biodisponibilité des ETMs, donc leurs possibilités de transfert, de bioaccumulation et de toxicité pour les organismes, dépendent des propriétés physico-chimiques des formes présentes et de la nature des sols. La forme chimique des métaux ou des composés métalliques (spéciation1) peut être modifiée par des actions physiques, chimiques ou biologiques (Sauvé, 2002). Généralement, on considère : – que les formes solubles dans l'eau, complexées ou non adsorbables sur les particules du sol, vont migrer à partir du sol vers les nappes phréatiques et les eaux de surface ; – que les formes ionisées solubles dans l'eau, les dérivés hydroxylés et certains dérivés organiques sont plus biodisponibles et donc potentiellement plus toxiques que les formes complexées, insolubles ou adsorbées sur des particules. La concentration en ETMs dans la solution du sol est régulée par des phénomènes d’adsorption/solubilité contrôlés par les conditions environnementales. L’un des principaux facteurs influençant la spéciation des ETMs est l’acidité (pH) du sol. Une augmentation du pH modifie la partition phase solide-phase liquide des cations vers la phase solide, entraînant généralement une diminution de leur mobilité et de leur disponibilité (Alloway, 1995). Un autre facteur de contrôle est la quantité disponible de sites de sorption, associée à la matière organique, aux argiles et à la capacité d’échange cationique (CEC) d’un sol ( Lock et al., 2000 ; Lock & Janssen, 2001a) mais aussi la quantité de cations susceptible, d’entrer en compétition pour les sites de complexation sur la phase solide du sol (Weltje, 1998). La partition des ETMs entre les différentes phases de sorption est supposée à l’équilibre. Cependant, l’appauvrissement de l’une des formes métalliques peut se produire, le plus souvent les ions libres car ils reflètent la réactivité chimique du métal et sont généralement rapidement absorbés 1. Le terme de spéciation désigne l’ensemble des caractéristiques de phases ou de formes sous lesquelles se présentent les éléments métalliques. La spéciation définit l’état de valence d’un élément ou son association avec les constituant du sol (voir exemples pour l'antimoine (Sb: Sb(III) ou Sb(V) plus toxique), Denys et al.2009, ou pour le plomb (PbCO3; Pb-BaSO4, Pb-SO4...), Caboche et al., 2010).
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par les organismes (Vijver et al., 2005). La vitesse à laquelle une nouvelle situation d’équilibre se met en place dépend des concentrations totales en ETMs dissous, de la concentration et de la nature des ligands présents dans la solution. La libération d’ions libres, désorbés des ligands inorganiques en solution, nécessite seulement quelques minutes, alors que la libération des ETMs depuis la phase solide vers la solution du sol peut prendre de quelques heures à plusieurs jours. Ainsi, l’âge de la contamination (aging) d'un sol peut influencer la biodisponibilité des ETMs. McLaughlin et al. (2000) estiment que la mobilité et la biodisponibilité des ETMs dans les sols diminuent au cours du temps. Parmi les processus impliqués, on peut citer par exemple l’incorporation progressive des ETM dans les couches cristallines, la diffusion dans des micropores du sol ou la formation de précipités métalliques à la surface des minéraux du sol (Wendling et al., 2009). Ce phénomène est particulièrement important pour extrapoler des résultats de toxicité obtenus avec des substrats fraîchement contaminés à des sols contaminés de long terme. Une étude de Spurgeon et al. (1994) montre que les tests de toxicité réalisés en laboratoire sur matrice ISO fraîchement contaminée surestiment la toxicité des ETMs en général. Les auteurs invoquent une plus grande biodisponibilité des ETMs dans la matrice fraîchement contaminée par rapport aux sols pollués de long terme. La toxicité du Cu pour Eisenia fetida est supérieure lorsque les animaux sont exposés à un sol fraîchement contaminé par rapport au même sol prélevé sur un site pollué depuis plusieurs années (Scott-Fordsmand et al., 2000). Les mêmes effets ont été démontrés pour les collemboles. Des sols fraîchement contaminés par du Cu sont beaucoup plus toxiques (en terme de reproduction) pour F. fimetaria que le même sol prélevé sur un site pollué depuis plusieurs dizaines d'années (Bruus Pedersen & Van Gestel, 2001). L'accumulation du Cu dans les tissus de F. fimetaria et F. candida est inférieure chez les animaux exposés à des sols contaminés à long terme (Bruus Pedersen et al., 2000). Des résultats similaires ont été observés avec le Zn, la biodisponibilité de ce métal pour le trèfle (Trifolium pratense) et le ver Eisenia fetida diminuant avec l’âge de la contamination (Lock & Janssen, 2003). Avec la structure et la composition physico-chimique des sols, les biocénoses peuvent également jouer un rôle capital en intervenant sur le devenir des différentes formes des éléments traces. Ainsi, la mobilité et la biodisponibilité du Pb et du Zn s’avèrent positivement ou négativement impactées par l’inoculation de différentes souches bactériennes dans un sol minier (Wu et al., 2006). Les bactéries peuvent également avoir des impacts différents sur la mobilité et la biodisponibilité, comme cela a été montré pour le Ni avec une plante hyperaccumulatrice (Aboudrar et al., 2013). D’autres exemples chez les invertébrés du sol montrent que l’activité des vers de terre augmente la mobilité et la biodisponibilité des ETMs (Wen et al., 2004 ; Cœurdassier et al., 2007 ; Udovic et Lestan, 2007). Il est cependant difficile de généraliser ces résultats, les processus physico-chimiques et biologiques impliqués étant fortement dépendants de l’ETM, de l’espèce, du type de sol et de la durée d’exposition considérés (Liu et al., 2005 ; Gimbert et al., 2008a). Dans l'ouvrage d'Allen (2002), les cas particuliers des microbes (McGrath, 2002), des plantes (McLaughlin, 2002) et des invertébrés du sol (Peijnenburg, 2002) sont considérés séparément. Dans leurs recommandations, Allen et al. (2002) notent que la compréhension des facteurs qui régulent la biodisponibilité des métaux pour les organismes est incomplète, que tous les pools de métaux du sol n'ont pas la même disponibilité, que la biodisponibilité change avec le temps et que cela doit être considéré dans l'évaluation du risque. En conséquence de quoi, de nouvelles méthodes prenant en considération les mesures de métaux totaux, de métaux extractibles, de pH, de contenu en matière organique, de matière organique
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dissoute, de Ca… doivent être incorporées dans l'évaluation de la biodisponibilité. L'ouvrage d'Allen (2002) renseigne particulièrement sur la question de la distribution (partitioning) des métaux entre les phases solide-liquide du sol. Des exemples concrets d'évaluation de la biodisponibilité des ETMs, pour les principales classes d'animaux terrestres, sont rapportés ici dans les parties consacrées à chacune d'elles. Quant aux risques pour les écosystèmes et la santé humaine qui découlent des contaminations des sols par les ETMs, le lecteur peut se reporter à différents ouvrages (Aubertin & Cabridenc, 1998 ; Philp, 2001 ; Nordberg et al., 2007).
1.1.1.2 Estimation de la biodisponibilité : mesures chimiques, biologiques et modélisation Tandis que de très nombreux modèles ont été établis pour les milieux aquatiques, la disponibilité et la biodisponibilité des contaminants des sols restent des processus complexes à analyser. Parce que l'utilisation des concentrations totales, sans tenir compte des variations d'adsorption et de spéciation des métaux, peut conduire à des critères de qualité du sol qui ne sont pas exacts pour la prédiction des effets (Peijnenburg et al., 1999b), d’autres méthodes chimiques ont été développées pour simuler les pools métalliques (bio)disponibles dans les sols (Harmsen, 2007 ; Peijnenburg et al., 2007). Ainsi, la disponibilité chimique peut être déterminée par des extractions simples avec des sels neutres comme le CaCl2 0,01 M (Houba et al., 1996, 2000 ; Degryse et al., 2003), le NaNO3 0,1 M ou le NH4NO3 1 M (Lebourg et al., 1998 ; Pueyo et al., 2004) ; des acides dilués comme le HCl (Impellitteri et al., 2003) ou le HNO3 (Tipping et al., 2003) ou des extractants organiques comme le DTPA ou l’EDTA (Manouchehri, 2006). Dans la même optique, des extractions séquentielles sont aussi utilisées (Basta et Gradwohl, 2000 ; Abollino et al., 2005). Les concepts chimiques sous-jacents à la biodisponibilité sont également décrits par les relations (fonctions multivariées) décrivant l’impact des propriétés du sol sur la partition des ETMs entre les phases du sol (Lee et al., 1996 ; Janssen et al., 1997a ; Sauvé et al., 2000 ; Impellitteri et al., 2002, 2003 ; Carlon et al., 2004). Les logiciels de spéciation comme WHAM (Tipping, 1994) ou WinHumicV (Gustafsson, 1999) font également partie de la panoplie d’outils utilisables pour estimer et prédire la disponibilité chimique des ETMs dans les sols. L’évaluation de la biodisponibilité environnementale, en tant que fraction réellement prélevée par les organismes, peut être simplement mesurée en analysant le contenu en ETMs d’un organisme après exposition à un environnement contaminé durant une période donnée. Le rapport de la concentration interne sur la concentration dans le milieu (substrat ou nourriture) permet de calculer un facteur de bioaccumulation (FBA), reflet des potentiels d’accumulation des ETMs dans les organismes. Différentes méthodes ont aussi été développées pour prédire l’absorption des ETMs dans les organismes. La première, connue sous le nom de Free Ion Activity Model (FIAM, Morel, 1983), est basée sur les mécanismes chimiques sous-jacents aux processus d’absorption (Van Leeuwen, 1999 ; Lofts et al., 2005). Si le FIAM ne s’intéresse qu’aux formes métalliques libres en solution, la pore water hypothesis considère tous les ETMs en solution, incluant les formes dissoutes et complexées à des ligands organiques ou inorganiques. Ce type d’approche apparaît comme un outil pragmatique présentant des capacités prédictives de la bioaccumulation chez plusieurs organismes du sol (Van Gestel, 1997 ; Peijnenburg et al., 1999a, b). La prédiction des effets toxiques des ETMs est basée sur ces concepts. Ainsi, de nombreuses études ont tenté de trouver des corrélations
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entre les modifications de la solubilité et de la spéciation des ETMs dans les sols et leur toxicité pour les organismes, certaines avec succès (Van Gestel et Koolhas, 2004 ; Spurgeon et al., 2006), d’autres avec plus de difficultés (Crommentuijn et al., 1997 ; Oste et al., 2001b). D’autres techniques dites biomimétiques, semblent prometteuses pour l’évaluation de la biodisponibilité et de la bioaccumulation des ETMs. C’est le cas, par exemple, du gradient de diffusion en gels fins (diffusive gradients in thin films, DGT) qui simule l’absorption par les organismes (Zhang & Davison, 2000 ; Nowack et al., 2004 ; Kovaríková et al., 2005). Cependant, l’ensemble de ces procédures ne considère pas les aspects cinétiques et dynamiques de la bioaccumulation. C’est pourquoi, suivant les recommandations d’Alexander et al. (2003), d’autres approches combinant physico-chimie du sol et physiologie de l’organisme cible sont développées. Ainsi, la méthode des cinétiques d'échanges isotopiques a permis d'estimer, en fonction du temps, les pools phytodisponibles de Cd du sol (Gérard et al., 2001), de montrer que l’escargot (Helix aspersa) peut avoir accès au pool de Cd du sol considéré comme non labile (Scheifler et al., 2003b) et qu’à l’inverse, le ver Eisenia fetida et la laitue (Lactuca sativa) ont accès à la même fraction de Zn du sol, i.e. les pools échangeables (Scott-Fordsmand et al., 2004a). Enfin, renforçant les suggestions de Peijnenburg et al. (1997) et McMillen et al. (2003) selon lesquelles les mesures biologiques cinétiques de la bioaccumulation pourraient améliorer les procédures d’évaluation des risques liés à la contamination des sols, Van Straalen et al. (2005) suggèrent que les flux d’absorption (a), plutôt que les concentrations internes, sont, en relation avec l’analyse des effets, de meilleurs indicateurs de la biodisponibilité des ETMs. L’utilisation de modèles toxicocinétiques à compartiments permettant d’estimer les paramètres cinétiques de l’accumulation (absorption, assimilation et excrétion) (Janssen et al., 1991) a permis de confirmer cette hypothèse chez le ver (Lumbricus rubellus, Vijver et al., 2005), l’isopode (Porcellio scaber, Vijver et al., 2006b) et l’escargot (H. aspersa, Gimbert et al., 2006, 2008b ; Pauget et al., 2011, 2012). La biodisponibilité des polluants diffère selon que l'on considère des microorganismes qui peuvent seulement accéder aux polluants dans la phase aqueuse des sols ou que l'on s'adresse à des métazoaires qui peuvent accéder aux contaminants par la phase aqueuse et la matrice solide, par contact ou par ingestion et parfois par les deux voies. Les vers de terre illustrent la dernière possibilité et l'ingestion des phases solides du sol affecte les phénomènes de désorption des contaminants pendant leur passage dans le tube digestif ; de plus, la présence des vers dans un sol retarde la formation de résidus liés (Gevao et al., 2001). Pour mimer ce qui se passe dans l'intestin des vers de terre dont le pH, proche de la neutralité, est remarquablement stable, les techniques d'extraction douces semblent appropriées, tandis que chez les mammifères, dont l'Homme, les procédés d'extraction utilisés pour évaluer la biodisponibilité des contaminants miment les conditions de l'estomac. La comparaison de l'évaluation de la contamination de sols par le Pb à l'aide d'une méthode de lixiviation à pH voisin de 5 avec celle d'un test simple basé sur la chimie de l'estomac (concentration Cl–, pH 2, T = 37 °C) simulant l'ingestion de sol contaminé par de jeunes enfants (gastric juice simulation test = GJST) montre que la GJST donne une meilleure estimation de la bioaccessibilité du Pb dans le tractus gastro-intestinal (oral bioavailability) (Mercier et al., 2002). Cependant, cette technique ne donne pas d'information sur le passage du tube digestif vers le sang, dont la concentration en métal est considérée comme la biodisponibilité absolue (absolute bioavailability). Les notions et méthodes d'évaluation de la biodisponibilité et de la bioaccessibilité des polluants des sols sont importantes non seulement pour appréhender les risques liés aux transferts de contaminants dans les écosystèmes mais aussi pour l’optimisation de l’évaluation
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du risque sanitaire. La biodisponibilité orale pour l’organisme humain est définie par Denys et al. (2009) comme la fraction de polluant qui est mise en solution par les fluides digestifs au niveau du système salivaire et du tractus gastro-intestinal. Des modèles plus complexes sont proposés pour mesurer in vivo la biodisponibilité du Pb de déchets miniers contaminés dans l'estomac du lapin (Ruby et al., 1993) ; ces auteurs développent aussi un test in vitro simulant le jus gastrique. Des perfectionnements (Ruby et al., 1999) confirment que les ions H+ et Cl– contrôlent la dissolution du Pb dans l'estomac et que les enzymes (pepsine en particulier) et les acides organiques (acétique, citrique, malique et lactique) sont nécessaires pour maintenir le Pb sous forme soluble lorsqu'il entre dans l'intestin grêle. Ce test est complexe pour être utilisé en routine, aussi ses auteurs cherchent à développer un test économique plus simple. Une autre méthode in vitro (in vitro gastrointestinal method = IVG) en deux phases séquentielles, une phase gastrique avec pH bas ajusté avec HCl suivie par une phase intestinale à pH élevé par ajustement avec NaHCO3, a également été expérimentée pour estimer la biodisponibilité de l'arsenic de sites contaminés (Rodriguez et al., 1999). La tendance d'évaluation chimique de la biodisponibilité des contaminants se développe chez les mammifères car les estimations in vivo sont coûteuses et, déontologiquement, ne peuvent pas être expérimentées chez l'Homme. Ces analyses ont un intérêt indéniable pour la compréhension des mécanismes physico-chimiques et physiologiques interférant lors de l'absorption des contaminants du sol, qui représente un risque important pour la santé humaine, tout particulièrement pour les jeunes enfants qui ingèrent des sols contaminés en quantité non négligeable (Bjerre et al., 1993 ; Dock, 1998). De nombreux travaux, et notamment ceux du " BioAccessibility Research Group of Europe (BARGE), ont conduit à la proposition d’un test d'évaluation in vitro de la bioaccessibilité, test dénommé Unified BARGE Method (UBM)(Denys et al., 2012). Pour l'As, le Cd et le Pb, ce test montre une bonne corrélation entre la bioaccessibilité déterminée in vitro et la biodisponibilté évaluée par mesure des concentrations internes de divers tissus (Denys et al, 2012).Si le développement de méthodes mimant in vitro la fraction des métaux solubilisée par les fluides digestifs est envisageable pour quelques modèles de vertébrés dont l’homme, cela n’est pas réalisable pour la grande diversité de récepteurs écologiques des écosystèmes. Pour ces derniers, il est donc nécessaire de disposer de nombreuses données sur leur capacité de bioaccumulation, pour à terme disposer de valeurs de référence et ainsi pouvoir interpréter la biodisponibilité des métaux pour tel ou tel récepteur dans divers contextes environnementaux (Van Straalen et al., 2005). Des bilans d'information sur les flux annuels et la dynamique des ETMs dans les sols et leurs transferts vers les eaux souterraines et les plantes montrent que la qualité de l'alimentation et de l'environnement des animaux et de l'Homme peut être modifiée par les ETMs accumulés dans les différents maillons des chaînes alimentaires et se traduire à long terme par des dommages écologiques (Morel, 1998 ; Paasivirta, 2000). Des éléments de la diversité des aspects et des problèmes que pose la biodisponibilité des ETMs dans les sols sont également résumés dans l'ouvrage édité par Iskandar & Kirkham (2001). Plusieurs spécialistes présentent des cas particuliers, comme le sort des ETMs dans les sols amendés avec des déchets et des boues (Han et al., 2001 ; Vance & Pierzynski, 2001), mais aussi des phénomènes généraux, comme la mobilité et les transferts des ETMs du sol aux plantes, qui peuvent aboutir à de l'hyperaccumulation (Anderson et al., 2001; Podlesakova et al., 2001). Dans le cadre d’une réflexion menée par l’ADEME sur « Quels outils pour l’Évaluation des Risques pour les Écosystèmes terrestres liés à des terrains contaminés ? » (http://
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www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=10143), une synthèse a été rédigée pour présenter les méthodologies les plus abouties et aider les utilisateurs dans le choix des approches mathématiques, chimiques et biologiques d’évaluation de la biodisponibilité (de Vaufleury et al, 2011). Il ressort de cette analyse que les méthodes chimiques doivent être validées par des essais sur organismes variés car on ne peut extrapoler les résultats obtenus avec un extractant à tous les contaminants, toutes les matrices d’exposition, toutes les espèces. Les méthodes biologiques d’évaluation de la biodisponibilité (par analyse des concentrations internes en contaminants dans les organismes et/ou par analyse des effets) intègrent les transferts de tous les contaminants, les interactions possibles entre eux. Elles fournissent des données fiables pour renseigner les modèles de transfert. Les méthodes biologiques reflètent la diversité des mécanismes mis en jeu à l’interface sol-organisme qui régulent la biodisponibilité des contaminants. Parmi les limites souvent évoquées pour ces approches biologiques, figure leur mise en œuvre qui peut être plus longue et peut impliquer un coût plus élevé que des méthodes physico-chimiques. Lorsqu’on s’intéresse à la bioaccumulation, il faut analyser les concentrations dans les tissus. Les données ne sont pas extrapolables à tous les organismes, tous les contaminants mais cela est également le cas pour les extractants chimiques.
1.1.2 Composés organiques Les sols reçoivent une grande variété de contaminants organiques qui sont absorbés par des organismes via deux voies principales, qui sont d’une part le transport à travers les membranes biologiques exposées aux phases aqueuse ou gazeuse et, d’autre part, l’ingestion directe de particules alimentaires contaminées. La répartition des contaminants organiques entre les différentes phases fait intervenir des phénomènes de partage, de transformations chimiques et de transport dont Calvet (1995) a présenté les principaux aspects dans l'analyse du devenir et de la biodisponibilité des pesticides dans le sol. Comme nous l'avons indiqué au début de ce chapitre, la biodisponibilité est une notion complexe qui ne peut se définir que pour un ensemble (par exemple : milieu - pesticide - organisme) dans un intervalle de temps donné (Calvet, 1988). Parmi les phénomènes qui jouent un rôle important dans le devenir des pesticides et dans leurs effets biologiques, il faut souligner l'influence de l'adsorption (de même que celle de la désorption) sur la quantité de produit biodisponible (Calvet, 1989 ; Druart et al., 2012). Les interactions entre les familles chimiques de pesticides et les composants du sol (par exemple entre le coefficient d'adsorption Kd et la teneur en carbone organique qui joue un rôle fondamental dans la couche superficielle du sol) ont conduit à l'établissement statistique de relations linéaires qui ne sont approximativement valables que pour une famille chimique, voire une molécule (Calvet, 1995). En effet, il est fréquent d'observer pour un pesticide donné des quantités adsorbées très différentes avec des sols qui ont une même teneur en carbone organique. Pour un couple sol/pesticide, la meilleure façon d'évaluer les quantités adsorbées est encore de les mesurer ou d'utiliser les isothermes correspondantes (Barriuso & Calvet, 1992). La biodisponibilité des composés organiques des sols peut être affectée par le carbone organique dissous (COD) et le carbone organique particulaire (COP) comme dans les milieux aquatiques. Cependant dans les sols, d'autres facteurs (temps de contact entre les contaminants et le sol, nature du CO, comportement des organismes, biotransformation aérobie…) peuvent
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modifier la biodisponibilité et ainsi conduire à une bioconcentration apparente plus basse (Sijm & Hermens, 2000). Concernant les facteurs qui agissent sur la biodisponibilité des composés organiques dans l'eau et leur influence sur la bioconcentration, la bioaccumulation et la bioamplification chez les organismes aquatiques, la revue de Geyer et al. (2000) mérite d'être consultée car elle contient un très grand nombre d'informations sur les caractéristiques chimiques et moléculaires des POPs et des substances modificatrices des systèmes endocriniens qui affectent les chaînes trophiques aquatiques, dont certaines se terminent par des organismes terrestres (oiseaux, mammifères dont l'Homme).
1.1.2.1 Les grandes familles de polluants Dans le vaste ensemble des composés organiques naturels et de synthèse, on distingue de nombreuses classes de substances répertoriées soit par catégorie chimique, soit en fonction de leur utilisation par l’Homme, soit en composés ioniques ou non ioniques. Parmi les catégories chimiques fréquemment à l’origine de pollutions dangereuses, on trouve : – les hydrocarbures • naturels : isoprène, terpènes, • anthropogènes (majoritaires) : produits du raffinage du pétrole, solvants industriels ; – les composés organiques volatils (COV) ; – les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) provenant de la combustion des produits fossiles et du bois. La plupart sont peu hydrosolubles et leur toxicité et leur mobilité dans l’environnement dépend de leur poids moléculaire : • faible poids moléculaire (2 ou 3 cycles aromatiques), ex. : naphtalène, fluorène, • poids moléculaire plus élevé (4 à 7 cycles aromatiques), ex. : benzopyrène, coronène ; – les composés organohalogénés provenant des industries (électronique, peintures, matières plastiques, synthèse d'insecticides ou d'herbicides) ou du milieu naturel : – organochlorés (hydrocarbures chlorés)° • insecticides (DDT, endosulfan, aldrine…) ; herbicides (2,4-D : acide 2,4-dichlorophénoxyacétique ; 2,4-MCPA : acide 2,4-méthyl-chloro-phénoxyacétique…), • biphényles polychlorés (BPCs) ou polychlorobiphényls (PCBs), • dioxines : (PCDDs) polychloro-dibenzodioxines et congénères dont la plus toxique est la TCDD : tétrachloro-dibenzodioxine ; (TCDFs) : tétrachloro-dibenzofurans et congénères ; • chlorofluocarbones, • solvants : di-, tri-, tétrachloréthylène, tétrachlorure de carbone, • hexachlorobenzène (HCB), • les chlorophénols utilisés en industrie du bois et du papier, industrie chimique (désinfectants, herbicides), ex. : pentachlorophénol (PCP) et son sel soluble dans l'eau : pentachlorophénate de sodium (PCP-Na) ; – Organofluorés (hydrocarbures fluorés) : fréons ou foranes… – les composés organophosphorés : insecticides (diméthoate, parathion…),
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– les carbamates : carbaryl, carbofuran, – les composés organomercuriels : méthyl mercure, acétate de phényl mercure…, – les polluants organiques persistants (POPs) dans lesquels, bien qu’ils ne correspondent pas à une famille chimique, il devient d'usage de réunir les composés organochlorés stables (insecticides organochlorés, PCB, PCT, PCDD, PCDF), les HAPs et certains composés organofluorés. Les composés organiques sont également souvent répertoriés en fonction de leur utilisation par l’Homme (insecticides, acaricides, nématicides, molluscicides, rodenticides, herbicides, fongicides, bactéricides). Les répertoires analytiques des produits phytosanitaires homologués ou autorisés figurent entre autres dans l’index phytosanitaire de l’ACTA (2007), qui contient des informations sur leur composition, leur toxicité et leur utilisation. Les mises à jour annuelles sont à consulter régulièrement car certains produits ne sont plus autorisés. Cependant, la persistance de l'imprégnation des sols par les contaminants interdits nécessite leur prise en considération lors des études écotoxicologiques. En France, le ministère chargé de l'Agriculture a proposé un plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides (PIRRP 2006-2009) destiné à réduire la quantité de pesticides employés et à améliorer les pratiques agricoles (500 substances ont été interdites en 2002). Pour en savoir plus, consulter les sites des ministères concernés (http://www.pollutionsindustrielles.ecologie.gouv.fr/ IREP/index.php, http://agriculture.gouv.fr et http://observatoire-pesticides.gouv.fr). Une classification des pesticides en composés ioniques et non ioniques a été proposée par Gevao et al. (2000) car ces propriétés peuvent expliquer parfois leur comportement dans le sol, ainsi que certaines de leurs propriétés biologiques. Nous donnons ci-après (Tableau 1) la classification de ces auteurs, qui font une revue sur la formation et la signification biologique et environnementale des résidus liés (bound residues) dans les sols. Outre la définition critique des termes, l'examen des types d'interactions sols-pesticides (dont l'adsorption est sans doute le plus important) et de la nature des forces de liaison qui interviennent, met l'accent sur la complexité des phénomènes. Il faut noter également l'impact que vont avoir dans l'avenir, à côté des techniques d'extraction classiques, les nouvelles techniques de spectroscopie (par exemple, la résonance magnétique nucléaire, RMN, ou l’infrarouge, IR) pour lesquelles la libération de la matrice du sol n'est plus une nécessité pour l'identification et la caractérisation des substances (Dec & Bollag, 1997 ; Dec et al., 1997).
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Classification des pesticides en composés ioniques et non ioniques selon Gevao et al. (2000). Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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1.1.2.2 Notions de dégradabilité, biodégradation, biotransformation Parmi les substances organiques, dont certaines sont produites à raison de plusieurs milliers de tonnes par an, il en est qui ont une stabilité considérable, de sorte qu’elles polluent les biotopes terrestres et aquatiques pendant des décennies sans subir de dégradation conséquente (exemple : insecticide DDT). La dégradation des substances organiques en composés fondamentaux (carbone, hydrogène, oxygène, chlore) se fait suivant des processus variés, en passant par la genèse de produits intermédiaires dont l’activité biologique n'est pas toujours connue. La dégradation dans le sol de la plupart des produits organiques résulte de transformations biologiques (oxydations, hydrolyses, synthèses…) (Semple et al., 2007) et la vitesse de dégradation dépend de la biodégradabilité des molécules et des caractéristiques physicochimiques des sols (Alexander, 1981 ; Bollag & Liu, 1990 ; Scheunert, 1992 ; Calvet, 1995 ; Lacayo-Romero et al., 2006). Le taux de dégradation, en général estimé par la demi-vie de la substance, peut être de l’ordre de la journée (insecticides pyréthrinoïdes) ou de la dizaine d’années (substances non biodégradables). Il existe aussi des transformations non biologiques (non enzymatiques) qui sont des réactions d'hydrolyse et d'oxydo-réduction. Ces réactions se produisent dans la solution du sol, mais aussi au niveau des molécules adsorbées à la surface des constituants solides (Scheunert, 1992 ; Calvet, 1995).
1.1.2.3 Devenir des polluants organiques dans les sols En plus des réactions de transformations chimiques décrites précédemment, il a été confirmé que la biodisponibilité des substances chimiques du sol change au cours du temps (Alexander, 2000). Cela est particulièrement net, par exemple, pour des composés organiques hautement persistants comme le DDT et la dieldrine, dont la biodisponibilité pour les vers de terre (Eisenia fetida) a diminué respectivement de 50 à 85 % dans un sol traité 49 ans auparavant (Morrison et al., 2000). Il est également observé que les fractions encore biodisponibles de ces insecticides conservent leur toxicité. Des études en champ et en laboratoire montrent que le comportement et la toxicité des composés « âgés » diffèrent de ceux fraîchement ajoutés aux sols. L'extractibilité des contaminants change avec le temps et les composés âgés deviennent résistants aux extractions douces par les solvants (Hatzinger & Alexander, 1995 ; Kelsey et al., 1997 ; Gevao et al., 2001 ; Smit et al., 2002). Les cinétiques d'absorption et de désorption suggèrent que les molécules organiques subissent une séquestration dans des microsites inaccessibles de la matrice du sol : micropores de matière organique et argiles (Alexander, 1995) ou vides structuraux et intérieurs hydrophobes d'agrégats de micelles humiques (Pignatello & Xing, 1996). Les conséquences de ce phénomène de vieillissement sont importantes car les composés présents dans le sol pendant de longues périodes deviennent moins toxiques pour les animaux que les mêmes produits testés en l'absence de sol. Ainsi, la biodisponibilité des contaminants organiques du sol a tendance à diminuer dans le temps, tout en restant dépendante de la composition des sols. En effet, Umbreit et al. (1986) ont noté une faible biodisponibilité de la dioxine (2,3,7,8-tetrachlorodibenzo-p-dioxine, TCDD) du sol fortement contaminé d'une manufacture d'herbicides du New Jersey, administré par gavage à des cobayes. Dans ce cas, la détermination de la concentration en TCDD du sol nécessite une extraction au Soxhlet, tandis qu'une extraction par solvant est suffisante pour connaître la concentration d'un sol contaminé du Missouri ; la biodisponibilité du TCDD de ces deux sols est corrélée à l'extractibilité du TCDD.
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D'autres études montrent que les quantités de phénanthrène, d'atrazine et de naphtalène assimilées par les vers de terre (E. fetida) déclinent avec le temps dans un sol stérilisé ; les concentrations déterminées à l'aide d'extractants puissants, utilisées dans l'évaluation des risques, surestiment l'exposition et ainsi les risques des composés organiques persistants dans le sol (Kelsey & Alexander, 1997). Toutefois, la séquestration du phénanthrène diffère suivant la teneur en matière organique et en argile de sept sols stérilisés de New York (White et al., 1997). Pour mieux comprendre ces phénomènes, des investigations se développent sur les mécanismes de séquestration et de vieillissement des contaminants dans les sols. Le rôle des substances humiques (formées à partir de la décomposition biochimique des restes végétaux et animaux au cours du temps) dans la biodisponibilité des produits organiques persistants, tels que les composés halogénés, fait l'objet de résultats intéressants sur les acides humique et fulvique. Ces macromolécules polyélectrolytes, qui contrôlent la réactivité des sols (dont la fertilité), interviennent également dans la liaison et la dispersion de métaux toxiques, ainsi que dans la dissolution de composés organiques aromatiques tels que les pesticides organochlorés, ubiquistes dans notre environnement, mais dont certains présentent des dangers considérables (Willes et al., 1993 ; Casey, 2002). En dépit de leur importance manifeste, les acides humique et fulvique sont peu connus ; ils n'ont pas de structure ou de stœchiométrie fixée et ne peuvent pas être cristallisés. Cependant, les changements de structure macromoléculaire des substances humiques en solution aqueuse observés expérimentalement par Myneni et al. (1999), sous l'influence du pH et de cations complexants, interviennent vraisemblablement dans la solubilité et la biotransformation des contaminants dans le sol. Les travaux de Myneni (2002), réalisés en combinant l'utilisation des rayons X, des méthodes d'imagerie in situ et de résonance magnétique nucléaire, permettent d'élucider leur interaction avec le chlore et, en particulier, de décrire les changements d'état chimique du chlore dans les substances humiques et les litières de feuilles du sol au cours de l'année. Myneni (2002) confirme que les composés organochlorés, dont la diversité et l'importance ont été signalées par Gribble (1996), sont communs dans le sol et qu'il existe un transfert net de chlore d'une forme inorganique à une forme organique au cours de l'altération des roches. Ces résultats ont des implications scientifiques et sociales importantes ; ils constituent un réel progrès grâce à l'application d'une méthode non destructive, simple et élégante pour suivre les réactions du chlore dans les débris organiques et les sols. Appliquée à des litières de feuilles, cette méthode met en évidence une évolution de l'ion chlore inorganique (Cl–), qui domine dans les feuilles fraîches, vers des hydrocarbures chlorés et des produits aromatiques dans des matériaux décomposés (humifiés) dans les sols. Mais il existe des différences de concentration suivant les espèces de plantes, la partie des plantes (tige, feuilles, écorce…), la flore et la faune du site et l'étendue de l'humification. La compréhension de ces réactions, qui doivent encore être mieux précisées dans le temps, est importante car plusieurs composés organochlorés sont fortement toxiques et cancérigènes. Aussi, la biodisponibilité des composés produits par l'Homme, comme ceux résultant de processus biotiques ou abiotiques, méritent des recherches complémentaires sur leur rôle dans les réactions biogéochimiques du cycle du chlore dans l'environnement. Au cours des processus qui conduisent à la transformation graduelle (disparition ou immobilisation) des xénobiotiques dans le sol, une partie importante de ces substances ou de leurs produits de transformation persiste sous forme libre ou liée ; mais la connaissance des interactions de liaison des xénobiotiques aux constituants du sol est loin d'être complète et
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dépend en particulier de l'avancement des connaissances de l'humus (Dec & Bollag, 1997). Ainsi, il a été démontré que les substances humiques peuvent intervenir et modifier les processus de déshalogénation des chlorophénols et des anilines (Park et al., 1999, 2000a) avec une action plus marquée sur les chlorophénols que sur les chloroanilines (Park et al., 2000b). Le rôle des substances humiques et de la matière organique du sol dans le vieillissement éventuel d'autres contaminants organiques a été abordé par des expériences concernant soit des microorganismes, soit des invertébrés. Ainsi, Nam & Kim (2002), après avoir analysé la diminution de la biodisponibilité du phénanthrène pour les bactéries au cours du vieillissement, suggèrent que les principaux sites de séquestration du phénanthrène résident dans la fraction humique minérale, tandis que les acides humique et fulvique agissent seulement comme une barrière physico-chimique à la dégradation bactérienne. L'effet du vieillissement (du début de la contamination à 10 mois) est également très net sur la biodisponibilité et la bioaccumulation d'un insecticide relativement persistant : le lindane (γ-hexachlorocyclohexane : γ-HCH) chez les enchytrées (Enchytraeus albidus) dans deux types de sol (un sol agricole naturel alluvial du Portugal et le sol artificiel préconisé par l'OCDE (1984) composé de 70 % de sable, 20 % de kaolin, 10 % de tourbe et de carbonate de calcium pour obtenir un pH de 6,0). Cela a été démontré par Amorim et al. (2002) en plaçant des enchytrés pendant 10 jours dans les deux types de sol contaminés par du 14C γHCH depuis des durées variables : 0; 1; 2; 4; 6; et 10 mois, puis en les transférant 10 jours dans des sols non contaminés pour étudier la dépuration. Dans les deux sols et leurs extraits aqueux, la concentration en lindane diminue au cours des 10 mois. Dans le sol OCDE, la diminution se fait sur le mode monophasique avec une décroissance rapide étalée sur les quatre premiers mois. Dans le sol naturel, la concentration en lindane suit un mode biphasique avec une diminution beaucoup plus rapide pendant le premier mois (–70%), ce qui semble être la conséquence de la teneur en matière organique (sol naturel : 3 % ; sol OCDE : 8 %). Chez les enchytrées, il y a une diminution importante de l'absorption du lindane avec le vieillissement de la contamination du sol. Dans le sol OCDE, il existe une corrélation nette entre la concentration du sol et celle du corps des enchytrés, qui n'existe pas avec le sol naturel. La concentration en lindane des enchytrés du sol naturel, est toujours beaucoup plus élevée (taux d'assimilation multiplié par 1,7 à 7,9) que chez ceux du sol OCDE. Toutefois, les cinétiques restent comparables : absorption très rapide les deux premiers jours aboutissant à un état d'équilibre (entre 3 et 10 jours), puis élimination rapide du lindane du 10e au 20e jour après arrêt de la contamination. Ainsi, la biodisponibilité du lindane pour les enchytrées diminue avec son temps de séjour dans le sol, comme chez les vers de terre (Belfroid et al., 1996) et elle est plus faible dans le sol OCDE qui a la plus forte teneur en matière organique. Dans du sol agricole danois et dans des conditions de vieillissement non stériles pour mieux représenter ce qui se passe en champ, Sverdrup et al. (2002) notent que les HAPs (pyrène et phénanthrène) sont dégradés au cours du temps (de 0 à 120 jours à 20 °C) avec une diminution beaucoup plus importante des concentrations du phénanthrène. La toxicité du sol contaminé, à différents stades de vieillissement, a été éprouvée par Sverdrup et al. (2002) sur des collemboles (Folsomia fimetaria). Le calcul des effets des deux HAPs sur la base des concentrations mesurées des composés d'origine ne révèle pas de modification de leur toxicité. Cette différence importante avec les observations de White et al. (1997) est probablement due aux conditions stériles du vieillissement imposées par ces derniers auteurs, mais aussi à la différence de nature du sol danois (à faible contenu en matière organique : 1,6 %),
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ainsi qu'aux beaucoup plus fortes concentrations (25 à 400 mg.kg–1 de phénanthrène) utilisées par Sverdrup et al. (2002) par rapport à celle (1 mg.kg–1) employée par White et al. (1997). L'ensemble de ces résultats, parfois divergents, témoigne de l'interférence de nombreux paramètres dans l'appréciation des phénomènes de vieillissement des contaminants dans des conditions expérimentales déterminées. L'impact réel du vieillissement en milieu naturel, plus ou moins pluricontaminé et soumis à des fluctuations climatiques journalières et saisonnières, demeure un problème ardu qui nécessite la mise au point de protocoles simples et rigoureux, permettant de comparer les résultats des expérimentations en laboratoire et en champ.
1.1.2.4 Méthodes d’évaluation de la biodisponibilité des polluants organiques La concentration totale en contaminant organique dans un sol est traditionnellement déterminée par extraction exhaustive utilisant un solvant organique puissant (de type Soxhlet, Reid et al., 2000). Cependant, comme pour les ETMs, la concentration totale en contaminants organiques ne reflète très souvent pas la fraction réellement biodisponible pour les organismes. Ainsi, on s'oriente vers la mise au point de procédés d'extractions sélectives, qui miment la biodisponibilité, plutôt que d'extraire le plus fort pourcentage du composé du sol par des procédés puissants (ces derniers sont toutefois nécessaires pour s'assurer que le contaminant est encore présent dans le sol). Différentes méthodes (chimiques et biologiques) existent, chacune ayant un intérêt particulier et fournissant des informations variées sur la réactivité, la mobilité et la biodisponibilité des contaminants organiques (Dean & Scott, 2004 ; Stokes et al., 2006). Parmi les différents travaux existant dans la littérature, ceux de Sayles et al. (1999) constituent un bon exemple de l’utilisation de bioessais dans l’évaluation de la biodisponibilité des contaminants organiques. Ces auteurs ont en effet évalué le succès de remédiation de sols contaminés par des HAPs à l’aide de plusieurs bioessais utilisant des bactéries (test de Ames, Microtox), des plantes (test d’aberration mitotique chez Allium, test de germination et de croissance racinaire) et des animaux (test de survie des vers de terre). L’emploi d’extractions non exhautives utilisant des solvants doux, appropriés à différentes variétés de sols et de mélanges de composés chimiques, est en expansion afin d'établir des corrélations entre les quantités extraites et les réponses des espèces tests. Des essais d'extractions douces de HAPs par le n-butanol, l'acétate d'éthyle ou le propanol dans des sols contaminés après des durées de vieillissement de 0 à 140 jours et l'introduction de vers de fumier (E. fetida) en présence ou non de microorganismes et de blé en croissance suggèrent à Tang & Alexander (1999) qu'une extraction douce avec des solvants organiques est utilisable pour prédire la biodisponibilité des HAPs dans le sol pour les vers. Plus récemment, une autre méthode, l’extraction par fluide supercritique (supercritical fluid extraction, SFE), développée par Hallgren et al. (2006), offre des résultas prometteurs en permettant d’extraire en moyenne 93 % des PCBs biodisponibles pour le ver E. fetida. Enfin, un certain nombre de modèles ont également été développés, avec peu de succès, pour prédire le devenir des contaminants organiques dans un sol en considérant uniquement les propriétés intrinsèques de la substance (solubilité, pression de vapeur, coefficient de partage octanol-eau Kow) (Kottler & Alexander, 2001). La difficulté est de concevoir des méthodes qui extraient ou prédisent les quantités de substances chimiques supposées disponibles pour les espèces considérées (Kelsey et al., 1997), tout en sachant que la généralisation du taux et de l'étendue de la séquestration
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n'est pas encore possible à cause des différences qui existent entre les sols (Chung & Alexander, 1998), en particulier dans leur teneur en matière organique (Nam et al., 1998), mais aussi parce que la concentration en contaminant du sol intervient (Chung & Alexander, 1999). Si les procédures présentées précédemment sont principalement basées sur la théorie de la partition à l’équilibre (Di Toro et al., 1991), la contribution de la phase solide du sol ne doit pas être négligée, en particulier dans l’évaluation de l’exposition et du risque des polluants organiques persistants vis-à-vis des enfants, susceptibles d’ingérer des quantités de sol non négligeables. Ainsi, de plus en plus de méthodologies d’évaluation de la bioaccessibilité et de la biodisponibilité des contaminants organiques pour l’Homme sont développées (Dean & Ma, 2007). Les procédures d’extraction gastro-intestinales in vitro sont généralement des extractions séquentielles mimant d’abord une extraction buccale (facultative), puis gastrique et enfin intestinale. Dean & Scott (2004) présentent différentes procédures d’extraction gastro-intestinales in vitro pour évaluer la bioaccessibilité de polluants organiques persistants. Dans leur étude sur des pesticides (lindane, endosulfan I et II, endrin, DDE et DDT), des phénols (cresol, 2,4,6-trichlorophenol et pentachlorophenol) et d’autres composés (hexachloroéthane, acénaphthène, dibenzofuran, fluorène et hexachlorobenzène) dans des sols, la biodisponibilité gastrique variait de 0,8 à 8,3 % alors que la biodisponibilité intestinale variait de 5,5 à 13,5 % (Scott & Dean, 2005). Ainsi, la majorité des polluants organiques persistants (plus de 75 %) ne seraient pas assimilés par le tractus intestinal et seraient excrétés s’ils étaient consommés par l’Homme. Un aspect important dans le développement de modèles gastro-intestinaux in vitro, pour l’évaluation du risque environnemental, posés par les polluants organiques persistants pour l’Homme est le potentiel de dégradation microbienne dans l’intestin (Semple et al., 2007). Cet aspect particulier met en évidence l’une des différences majeures dans le développement de modèles gastro-intestinaux in vitro pour les polluants organiques et pour les métaux (Dean & Ma, 2007).
1.2 Voies d’absorption et méthodes d’évaluation du devenir et des transferts des contaminants C’est principalement dans l’environnement aquatique et pour l’absorption des produits organiques que des modèles ont tout d’abord été établis. Ainsi, Mackay & Hughes (1984) proposent une équation à trois paramètres décrivant cette absorption chez les poissons. Plus tard, Mackay (1994) réalise une approche comparative quantitative des cinétiques d’absorption des contaminants pendant leur migration dans l’environnement et les organismes. Cet auteur relève de nombreuses complications pouvant affecter les modèles proposés et souligne la nécessité de prendre en considération la transformation des contaminants, leur pluralité, le volume du corps des organismes cibles, leur physiologie, leur stade biologique, ainsi que le temps requis pour atteindre l’état d'équilibre. Pour le milieu terrestre, on dispose de données concernant les cinétiques et les processus d’équilibre des contaminants avec la matière organique des sols (Karickhoff, 1981 ; Chiou et al., 1983 ; Brusseau & Rao, 1991 ; Rutherford et al., 1992). Bien que les conditions d’environnement soient très différentes entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, certains processus déterminant le sort des substances chimiques sont comparables. Des modèles cinétiques d’absorption et d’élimination des substances chimiques ont été établis, parmi lesquels ceux de partage à l’équilibre (PE) (en anglais EP pour equilibrium partitioning) sont fréquem-
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ment employés. Certains sont simples et présument, par exemple, que la concentration d’une substance organique hydrophobe dans l’organisme est seulement déterminée par la concentration dans la phase liquide du milieu et le contenu lipidique de l’espèce. En tenant compte de la structure chimique des composés (Sabljic, 1987) et du contenu lipidique de l’organisme, on peut caractériser l’absorption par le coefficient Kow (coefficient de partage octanol/eau). D’autres modèles ont été proposés à partir de l’estimation de la biodisponibilité des polluants organiques des sédiments pour les espèces benthiques (Swartz et al., 1990 ; Di Toro et al., 1991) et sont basés sur le principe que l’absorption des contaminants organiques se fait par diffusion passive de la phase dissoute dans l’eau interstitielle. Leur application peut aboutir à des conclusions opposées suivant les substances et les modes d’exposition considérés, ce qui donne des résultats approximatifs pour l’évaluation des risques (Rivière, 1998). L’absorption des métaux, dont certains (As, Hg, Pb…) sont trouvés dans l’environnement sous forme organique, a également fait l’objet de modèles tenant compte de facteurs du sol (pH, solubilité, concentration des métaux…) mais aussi des cinétiques d’absorption et d’élimination dans les organismes au cours de l’estimation de la concentration d’équilibre (Janssen et al., 1991 ; Peijnenburg et al., 1999a, b ; Gimbert et al., 2008c ; Pauget et al., 2011, 2012). Le concept PE a également été appliqué par Janssen et al. (1997a, b) pour la détermination du facteur de partition (Kp) des métaux lourds entre la phase solide et la phase liquide de 20 sols des Pays-Bas, en vue de la prédiction de l’accumulation des métaux chez les vers de terre (E. andrei). Les différences de biodisponibilité des métaux pour les organismes vivant sur ou dans le sol sont évoquées par Peijnenburg et al. (2001), qui présentent un modèle théorique indiquant une prédominance de l'absorption des métaux chez les vers de terre par l'intermédiaire de l'eau interstitielle à partir de 19 sols hollandais (voir partie Oligochètes). Au fur et à mesure que se développent les recherches en milieu terrestre, les différents composants du milieu physico-chimique du sol et les caractéristiques des organismes sont mieux pris en considération. Ainsi, Belfroid et al. (1995b) ont montré que la non-prise en compte de l’absorption des particules du sol par les vers de terre pouvait conduire à une sous-estimation de 10 à 50 % des niveaux de contaminants organiques dans les vers. La généralisation du modèle PE n’est pas réalisable chez des espèces comme les isopodes, qui vivent dans les litières à la surface du sol (Van Brummelen et al., 1996b). D'autres facteurs comme le contenu en carbone organique (Koc), la dimension des particules du sol, ainsi que la teneur et la composition en matière organique (MO) (Rutherford et al., 1992 ; Kördel et al., 1997) jouent un rôle important dans l’adsorption des contaminants par le sol, leur mobilité et leur absorption par les organismes. Les rôles respectifs de certains facteurs ont été discutés en même temps que l’influence du comportement des animaux (évitement des sites contaminés, fouissage…) par Belfroid et al. (1996) dans une revue où ils comparent les voies d’absorption et les cinétiques des composés aromatiques hydrophobes chez des invertébrés benthiques et terrestres. La comparaison est instructive car elle permet de souligner les différences entre les relations : organismes aquatiques et eau d’une part, et les relations plus complexes des espèces benthiques et terrestres avec l’eau interstitielle et le compartiment solide d’autre part. Elle fait apparaître aussi le très petit nombre d’espèces terrestres pour lesquelles on dispose de données expérimentales sur le rôle des différents facteurs contrôlant la mobilisation et l’absorption des composés organiques. Il est donc nécessaire d’étudier ces processus chez d’autres espèces animales terrestres ayant des modes de vie et des caractéristiques anatomiques et physiologiques plus variés.
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1.3 Établissement de relations quantitatives entre structure des composés et activité biologique Pour apprécier quantitativement les phénomènes de biodisponibilité, de bioconcentration ou bioaccumulation des contaminants, de nombreux modèles ont été développés, éprouvés et souvent abandonnés… Certains ont été conçus pour prédire le devenir et les effets de produits chimiques dispersés dans l’environnement sur la base de leurs propriétés physicochimiques. Les relations structure-activité quantitatives (QSARs : quantitative structure-sctivity relationships) servent à prédire l’activité biologique (bioaccumulation, toxicité, biodégradation) des produits organiques, aussi bien chez les espèces aquatiques (Deneer, 1988) que chez les espèces terrestres (Van Gestel & Ma, 1993), en tenant compte pour ces dernières de voies de contamination différentes (Calamari & Vighi, 1988) ; Les différences qui peuvent exister entre les concentrations modélisées ou mesurées dans l’eau interstitielle peuvent également fausser l’estimation de la biodisponibilité toxicologique par le QSAR comme l’ont montré Giesen & van Gestel (2013) chez des collemboles exposés à des chloroanilines présentant divers degrés de chloration. Ces auteurs concluent qu’il est encore nécessaire d’améliorer les méthodes chimiques d’évaluation de la disponibilité environnementale pour pouvoir valider l’usage des QSARs.). Cependant, il s’avère que l’on ne peut pas déduire le mode d’action de ces toxiques de leur seule structure, il faut également tenir compte des caractéristiques des organismes cibles (notamment de leurs effets sur le milieu) et des grandes différences de sensibilité des espèces. Les relations statistiques des QSARs, utiles lorsqu’elles ont été développées pour un type d’organisme et une même famille de molécules, ne peuvent cependant pas remplacer les mesures directes d’évaluation de la bioaccumulation et/ou de la toxicité. Les QSARs sont toutefois encore largement utilisés par exemple pour l'évaluation du potentiel de bioaccumulation des substances chimiques (ECHA, 2012).
1.4 Bioconcentration, bioaccumulation Les termes de bioconcentration et bioaccumulation font tous deux référence à l’augmentation de la concentration interne d’un contaminant dans un organisme exposé à un environnement contaminé. Néanmoins, et même si certains auteurs considèrent les deux termes comme synonymes (Blandin, 1986), il existe presque autant de définitions que d’auteurs. Ainsi, la bioaccumulation peut se définir comme l’accumulation nette d’une substance par un organisme résultant de son assimilation, à partir de toutes les sources environnementales (eau, sol, air et nourriture) et de son élimination (EPA, 2000). Cette capacité conduit dans les organismes exposés à des concentrations internes supérieures à celles d’organismes non exposés, mais pas forcément supérieures à celles du milieu. Un FBA, rapport de la concentration interne de la substance étudiée sur sa concentration dans le milieu (substrat ou nourriture), peut être calculé. Selon la valeur de ce rapport, et donc du potentiel d’accumulation de la substance étudiée, on peut définir des organismes : macroconcentrateurs (rapport > 2), microconcentrateurs (1 < rapport < 2) ou déconcentrateurs (rapport < 1) (Bohac & Pospisil, 1989 ; Dallinger, 1993). Les définitions les plus récentes distinguent la bioconcentration de la bioaccumulation sur la base : (1) de l’intensité du transfert et du niveau atteint par les concentrations internes et (2) des sources et voies de contamination. Ainsi, Ramade (2007) définit la bioconcentration comme le processus qui conduit à une concentration interne d’une espèce chimique supérieure
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à celle du milieu (eau et/ou air et/ou sol). Selon cette définition, la bioconcentration correspondrait à un cas particulier de bioaccumulation. En effet, si le facteur de bioconcentration (FBC), rapport entre concentration interne et concentration dans le milieu (Phillips, 1993), est inférieur à 1, on parle de bioaccumulation, et s’il est supérieur à 1, on utilise le terme de bioconcentration. Sur la base des sources et voies de contamination, l’OCDE définit la bioconcentration comme l’accumulation d’un contaminant dans un organisme résultant de l’absorption directe depuis la phase liquide uniquement, comme par exemple à travers les membranes branchiales ou d’autres surfaces externes (OECD, 1996). Egeler et al. (2007) utilisent le terme bioconcentration pour définir l’augmentation de la concentration en contaminant dans ou sur un organisme résultant exclusivement de l’absorption à travers les surfaces externes, relativement à la concentration du contaminant dans le milieu environnant. Pour Gobas et al. (2009), FBC et FBA sont utilisés seulement pour un organisme à respiration aquatique (rapport de la concentration dans l'organisme Cb et de la concentration de l'eau Cw dans un essai de laboratoire pour le FBC ou de l'eau prélevée in situ pour le FBA ). Pour les organismes à respiration aérienne, un facteur de biomagnification (égal à Cb/ concentration dans la nourriture Cd) est déterminé (Gobas et al., 2009). Face à ses définitions, et comme le soulignaient déjà les auteurs d’un document préparé par Parametrix Inc. (1995), la bioaccumulation (et les FBA) semble être un paramètre mieux adapté pour les organismes terrestres, qui ont accès, souvent simultanément, à différents compartiments. Néanmoins, certains organismes du sol, comme les vers de terre (voir partie Oligochètes), ont accès aux contaminants du sol en très large majorité (en particulier pour les ETMs) via la phase liquide du sol (eau interstitielle). Le terme de bioconcentration peut donc être utilisé en milieu terrestre, mais se restreindra, en accord avec les définitions les plus récentes et les plus utilisées, en particulier dans les instances normatives (ISO 17402, 2008 ; Egeler et al., 2007), à décrire l’accumulation de substances uniquement via la solution du sol. Les interactions principales entre l’environnement et les processus d’absorption, de bioconcentration, de bioaccumulation, de stockage (séquestration) et d’excrétion sont résumées dans la figure 2. Les mécanismes qui conduisent à la concentration d'une substance dans un organisme sont très divers (dépôts, filtration, absorptions alimentaires ou tégumentaires…). Certaines accumulations correspondent à des fonctions vitales, comme les minéralisations calcaires ou siliceuses qui assurent la rigidité des tissus de soutien, d'autres à des immobilisations d'éléments dangereux, dont un aperçu des localisations cellulaires variées a été résumé par Martoja Martoja (1984) chez des animaux vivant dans un environnement normal ou pollué (Figure 3). Le sort des composés chimiques organiques dans l'environnement dépend de leur concentration, mais aussi de leur comportement dans les différents compartiments abiotiques et biotiques des écosystèmes. Au cours des recherches concernant l'absorption des substances chimiques par les organismes, leur distribution, leur transformation, leur accumulation et leurs effets adverses, il a souvent été noté que leur comportement dépend d'une part de leurs coefficients de partage (partition) dans les différents compartiments, et d'autre part de critères d'équilibre qui peuvent varier au cours du temps. La modélisation de la bioaccumulation dans les chaînes alimentaires (principalement aquatiques) a été l'objet du développement de méthodologies originales, dont l'une est basée sur le concept de fugacité2 proposé 2. Fugacité : propension d'une substance chimique à quitter le compartiment où elle se trouve pour un autre compartiment (Mackay et al., 1985).
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exemple)
Figure 2 Interactions principales entre l’environnement et les processus d’absorption, de bioconcentration, de
bioaccumulation et d’excrétion.
par Mackay en 1979, puis développée progressivement sous forme de modèles de complexité croissante (Mackay et al., 1985 ; Campfens & Mackay, 1997 ; Mackay & Fraser, 2000 ; Mackay, 2001, 2004), les plus récents s'appliquant à des organismes terrestres dont l'homme. Pour faciliter la solution des équations traduisant les relations quantitatives des concentrations dans les différents compartiments, la fugacité (f, en Pa) peut être substituée à la concentration (C, en mol.m-3) en utilisant la constante de proportionnalité (Z, en mol m–3 Pa–1), considérée comme une sorte de solubilité ou capacité d'une phase à absorber la ou les substances concernées. On aboutit à la relation suivante : C f = --- . Z En général, les substances chimiques tendent à migrer dans les phases avec des Z élevées, par exemple dans les lipides des poissons pour le DDT dissous ou dans les particules d'aérosols pour le benzo [a] pyrène gazeux. Il existe des procédés de calcul et des recettes pour estimer les valeurs de Z en utilisant les coefficients de partage et d'autres propriétés physicochimiques (Mackay, 2001).
Quelques définitions et rappels
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Les processus de transport et de transformation étant exprimés en D (en termes de fugacité Df en mol.h–1.Pa–1), des modèles utilisant f, Z et D permettent de mesurer le devenir des substances chimiques dans une vaste variété de situations, allant du passage à travers une membrane cellulaire à l'estimation de la distribution globale de produits chimiques du commerce en se servant d'unités mondiales (Mackay, 2004). Le concept d'unités mondiales (unit worlds) pour évaluer le sort des substances organiques dans l'environnement s'est révélé précieux dans l'application de modèles de fugacité, aussi bien dans des milieux aquatiques définis comme les Grands Lacs d'Amérique (Mackay et al., 1994) qu'à l'échelle du monde (Scheringer & Berg, 1994 ; Wania et al., 1999 ; Toose et al., 2004). Plus récemment, Harvey et al. (2007) ont élargi le concept d’unités mondiales pour évaluer le danger des ions métalliques (Cu, Ni, Pb et Zn). Le modèle développé présente l’avantage de donner une expression globale du danger sous la forme d’une charge critique (equilibrium criterion metal, EQCMetal) considérant à la fois la persistance, la bioaccumulation et la toxicité pour une large variété des contaminants. Les calculs d'unités mondiales démontrent que le sort des substances dépend de leurs propriétés physicochimiques et permettent d'envisager une juridiction de l'emploi des produits chimiques pouvant être transportés à des milliers de kilomètres, où ils polluent l'environnement de populations de poissons ou de mammifères de régions telles que l'Arctique. L'importance des phénomènes de partage des substances organiques dans les processus de bioaccumulation ou de bioamplification a été particulièrement bien illustrée dans les chaînes alimentaires aquatiques par Gobas et al. (1999), qui ont démontré expérimentalement que la fugacité (f ) augmente dans le tube digestif des poissons à la suite de la digestion des lipides (solvant) de la nourriture, qui provoque une diminution de la valeur Z responsable du passage des contaminants dans les tissus du corps où ils atteignent des concentrations élevées. Les modèles de fugacité sont proposés pour suivre la migration des POPs dans les chaînes alimentaires comportant aussi bien des végétaux que des animaux (Mackay & Fraser, 2000 ; Sharpe & Mackay, 2000). Dans les chaînes alimentaires terrestres, le modèle conçu par Kelly & Gobas (2003) lors de l'étude de la séquence lichens - caribous - loups permet de prédire la bioaccumulation et la bioamplification de POPs chez les mammifères de la région Arctique (voir 4.2.1.1.4). Une revue de l'état des connaissances (Kelly et al., 2004), concernant les mécanismes et les modèles d'absorption intestinale des composés organiques dans les organismes des chaînes alimentaires aquatiques et terrestres (faune sauvage et Homme), fait le point des apports par l'approche en termes de fugacité pour explorer les voies de la bioaccumulation avec une illustration de modèles conceptuels à deux compartiments, qui mettent en évidence les différences importantes de fugacité entre les poissons et les vertébrés terrestres (oiseaux et mammifères). Ces constats montrent la nécessité de concevoir de meilleurs modèles car les critères de Kow ne permettent pas d'identifier la bioaccumulation de certaines substances chez les animaux à respiration aérienne. La validation des méthodes prédictives est également impérative et nécessite de disposer de données mesurées à moyen et long terme, comme cela a été le cas en Allemagne et en Suède (McLachlan, 1996, 1997 ; Czub & McLachlan, 2004a, b) où le devenir des contaminants polychlorés a pu être contrôlé grâce à l'existence de données importantes, aussi bien dans les aliments que dans les tissus humains au cours du temps. D'autres modèles EUSES (European Union System for the Evaluation of Substances) de l'Union européenne (Vermeire et al., 1997) présentent un degré de validation plus restreint à cause de la rareté de données des niveaux de contamination de l'environnement et des tissus des populations locales (IPHE, 2002). Cependant, à partir de
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Figure 3 Principaux sites de bioaccumulation de métaux et de métalloïdes dans une cellule ayant des échanges
avec le milieu extérieur (en haut) et dans une cellule n'ayant de contact qu'avec le milieu intérieur (en bas). Les éléments les plus importants figurant dans des accumulations complexes ont été mis en gras. Les numéros renvoient aux groupes zoologiques suivants : 1. spongiaires - 2. cnidaires - 3. annélides - 4. mollusques - 5. crustacés - 6. arachnides - 7. insectes - 8. tuniciers - 9. vertébrés.
Quelques définitions et rappels
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données collectées en Westphalie (Allemagne), Matthies et al. (2004) ont tenté une évaluation probabiliste de l'incertitude des concentrations régionales, prédites avec le modèle EUSES, par la méthode de Monte-Carlo qui met en évidence l'influence des propriétés des substances et des paramètres de l'environnement. Aucun modèle n'est donc entièrement satisfaisant et il est nécessaire d'obtenir le maximum de données de base résultant de mesures précises des charges en contaminants des organismes en fonction des concentrations d'exposition. Dans le milieu aquatique, l'ouvrage de Jarvinen & Ankley (1999) répertorie les données concernant 21 classes de produits chimiques (organiques et métalliques) dans les tissus d'invertébrés et de poissons d'eau douce et dans leur environnement. C'est l'un des objectifs que nous nous proposons d'atteindre pour le milieu terrestre.
1.5 Bioamplification De la bioaccumulation peut résulter un phénomène de transfert et d'amplification biologique de la pollution à l'intérieur des biocénoses contaminées dénommé bioamplification (ou biomagnification). Dans ce processus, la concentration des polluants persistants dans la biomasse s’accroît dans les maillons trophiques au fur et à mesure que l'on remonte les divers niveaux des pyramides écologiques. La biomagnification a été modélisée en milieu aquatique par l'utilisation d'un facteur de transfert entre niveaux trophiques (Thomann, 1989). C'est surtout pour les composés organiques lipophiles que l'on dispose de données. Cependant, si l'on connaît des exemples typiques de biomagnification, il convient de valider les relations entre les facteurs de bioconcentration et les niveaux trophiques par de nouvelles données, en utilisant des organismes représentant une variété de niveaux trophiques et des composés de lipophilies différentes (Leblanc, 1995 ; Weisbrod et al., 2009). Les réseaux trophiques aquatiques, par rapport aux résea ux terrestres, présentent en général, pour une même substance, les facteurs de concentration les plus élevés car leurs chaînes sont souvent plus longues. Ainsi, dans l'affaire de la baie de Minamata, au Japon, le facteur de concentration du méthylmercure dans les chaînes trophiques marines atteignait 500 000, c'est-à- dire que la concentration de ce composé dans les animaux marins consommés par les pêcheurs locaux était 500 000 fois supérieure à celle des eaux de la baie (Ui, 1971). En milieu terrestre, la contamination des rizières japonaises par le Cd (au voisinage des mines de Pb et de Zn ou par utilisation d’engrais ou de boues d’épandage dans les champs) se traduit par la présence de ce métal dans les grains de riz. Au Japon, le riz était, dans les années 1980, la principale cause de la maladie Itai-Itai provoquée par l’exposition alimentaire chronique des hommes au Cd (Ikeda et al., 1988). On voit ainsi comment, par le jeu des chaînes alimentaires, l'Homme, qui est situé au sommet de multiples pyramides écologiques, peut être exposé à des concentrations importantes de contaminants, surtout lorsque son alimentation est peu variée (cas des Japonais dans les années 1970–1980). Il est donc illusoire de compter sur la dilution pour qu'un polluant se disperse de façon homogène dans les sols, les eaux et l'atmosphère (Ramade, 1992). La bioamplification, qui peut être définie comme la séquence de processus conduisant à de plus fortes concentrations d’une substance dans un organisme que dans sa nourriture (Duffus, 1993 ; Gobas et al., 2004; Weisbrod et al., 2009), semble un phénomène plus rare en milieu
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terrestre qu’en milieu aquatique. Les facteurs de bioconcentration seraient plus petits dans les chaînes alimentaires terrestres que dans les chaînes aquatiques (Romijn et al., 1994). L’analyse des chaînes alimentaires est une approche écotoxicologique pertinente d’évaluation des risques, qui doit permettre de prévoir le transport, la transformation et l’accumulation des substances toxiques, ainsi que leurs effets sur les écosystèmes. Un essai de modélisation de la bioamplification dans les chaînes alimentaires terrestres a été réalisé dans le cas du cadmium (Gorree et al., 1995). Pour l’évaluation des risques basée sur l’empoisonnement secondaire de prédateurs de sommet de chaîne (oiseaux de proie ou mammifères), un modèle probabiliste a été décrit (Jongbloed et al., 1994 ; Traas et al., 1996) et appliqué au calcul des MPC (maximum permissible concentrations) dans le sol pour le DDT et le cadmium (Jongbloed et al., 1996). Cependant, étant donnée la complexité des chaînes alimentaires terrestres et le peu de modèles connus, on ne peut pas extrapoler les quelques exemples analysés aux multiples chaînes existantes (Van den Berg et al., 1998a). Dans tout essai de modélisation, il est nécessaire de tenir compte des multiples interactions qui se produisent dans un écosystème (de Ruiter et al., 1995). En l'état actuel des connaissances, il faut garder en mémoire les effets de la bioamplification des pesticides chez les oiseaux prédateurs, dont une illustration est donnée par Ramade (1977) dans le cas d’un insecticide non biodégradable (Figure 4) et retenir les trois modes théoriques qui peuvent se présenter selon la valeur du facteur de transfert (Figure 5). Il faut toutefois se garder de généraliser le phénomène à tous les niveaux trophiques élevés des chaînes alimentaires terrestres car, pour les métaux lourds, des espèces non prédatrices sont capables d’accumuler des quantités importantes de Cd, métal le plus fréquemment analysé (Beyer, 1986). Pour le même métal (Cd), Janssen et al. (1993) constatent qu’il n’est pas aisé de prédire les concentrations dans les différentes espèces à partir de leur niveau trophique et ils proposent plusieurs stratégies pour tenter de déterminer les relations entre les toxiques dans l’alimentation et les toxiques dans l’animal.
Figure 4 La pyramide des concentrations en DDT présente une forme inversée par rapport à celle des biomasses.
Le DDT contaminant le sol présente une concentration de plus en plus élevée dans les niveaux successifs de la chaîne alimentaire. Les concentrations sont exprimées en unités logarithmes. (D'après Ramade, 1977).
Quelques définitions et rappels
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Figure 5 Principaux types de pyramides des concentrations selon la valeur du facteur de transfert dans les réseaux
trophiques. La pyramide des biomasses est comparée avec celle des concentrations selon la valeur du facteur de transfert (A : Ft > 1, B : Ft = 1, C : Ft < 1). (D'après Ramade, 1977). Le transfert d’un polluant dans un réseau trophique peut s’effectuer selon trois modes distincts en fonction de la valeur de transfert moyen. Si Ft < 1, il y aura une décroissance de la concentration du polluant dans les chaînes alimentaires. Si Ft = 1, on observera un simple transfert sans augmentation de concentration, laquelle sera sensiblement identique de la base au sommet de la pyramide écologique. Si Ft > 1, il y aura bioamplification.
Notamment en ce qui concerne les substances organiques, il faut tenir compte des propriétés de plus ou moins grande transformation et dégradabilité. Pour les POPs, la mise en évidence du rôle de l'absorption alimentaire et de la bioamplification des contaminants organiques hydrophobes, non seulement dans les écosystèmes aquatiques (Arnot & Gobas, 2004 ; Gobas et al., 2009) mais aussi dans les chaînes alimentaires terrestres dont les sommets sont des vertébrés (Czub & McLachlan, 2004a, b; Kelly et al., 2004) est d'un grand intérêt. En effet, les substances bioaccumulées peuvent atteindre des concentrations toxiques dans les organes des espèces prédatrices d'oiseaux et de mammifères (dont l'Homme) (Paterson & Mackay, 1989 ; Czub & McLachlan, 2004a). Les mesures de bioaccumulation et de bioamplification peuvent être obtenues à partir de mesures empiriques (préférables et les seules reconnues valables par certains auteurs comme Sexton et al., 1995). Cependant, les nombreux modèles (voir 4.2.1.1.) qui se sont développés depuis les travaux de Hamelink (1994), qui nous ont servi à distinguer les principales phases de la biodisponibilité, sont utiles et informatifs, en particulier lorsque l’on dispose de peu (ou pas) de mesures empiriques ou que celles-ci ne peuvent pas être faites pour des raisons techniques ou économiques. Il faut toutefois considérer que tout modèle de prédiction comporte des degrés d'incertitude ou d'erreur et qu'il est nécessaire d'appliquer des méthodes permettant de déterminer la sensibilité du modèle (simulations de Monte-Carlo) ou d'évaluer la performance du modèle en comparant les résultats prédits avec les données observées. Un exemple d'évolution des modèles de prédiction de transfert et de bioaccumulation des contaminants organiques hydrophobes (COHs = HOCs : hydrophobic organic contaminants) dans les chaînes alimentaires aquatiques, qui aboutissent à l'Homme lorsqu'il consomme des poissons ou des produits de la mer, est décrit par Arnot & Gobas (2004), qui expliquent comment ils évaluent la performance du modèle. Un deuxième exemple de transfert de PCBs dans une chaîne
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alimentaire agricole aboutissant à l'Homme concerne la bioamplification du PCB 153 dans le lait humain en Suède (Czub & McLachlan, 2004a, b). Au cours de la dernière décade, des améliorations techniques analytiques, comme l'utilisation des isotopes naturels stables (carbone et azote en particulier), ont permis de mieux comprendre les relations écologiques entre les espèces et leur environnement (Kelly, 2000). De plus, des investigations dans des zones éloignées de la civilisation, comme l'Arctique dont l'écosystème possède des caractéristiques uniques (saisons très marquées, températures et photopériodes extrêmes…) ayant des répercussions sur la bioaccumulation des substances qui ont les propriétés de persistance, bioaccumulation et toxicité (PBT = persistence, bioaccumulation and toxicity) et qui ont un potentiel de transport à de grandes distances (LRT = chemical's potential for long-range transport) (Webster et al., 2004), ont permis de mettre en évidence l'influence de particularités biologiques des espèces adaptées à cet environnement (richesse en lipides, taille, sexe, rythmes biologiques, position trophique…). Un résumé des connaissances acquises dans ces territoires et de la portée des modèles utilisés a été réalisé par Borga et al. (2004), qui discutent de l'intérêt potentiel de l'utilisation des TMFs (trophic magnification factors ou FWMFs = food webs magnification factors), qui représentent l'augmentation moyenne des concentrations en OCs dans les chaînes alimentaires, par rapport aux FBMs qui sont variables selon les espèces et les composés chimiques. À ce sujet, les auteurs rappellent l'intérêt de l'utilisation des isotopes naturels stables (principalement de l'azote) qui permettent de mieux déterminer la position trophique des espèces dans les chaînes alimentaires et les transferts trophiques de POPs (voir 4.3.1. et Rolff et al., 1993 ; Kelly, 2000 ; Fisk et al., 2001). Il faut aussi noter que dans les modèles de transfert des contaminants basés sur la fugacité (Mackay, 2001), le potentiel de bioamplification des composés organiques dans les chaînes trophiques consiste en une augmentation de la concentration des substances sur la base du poids de lipides et non sur celle du poids frais. Cependant, dans une étude de la bioamplification de 15 PCBs et 27 pesticides dans la chaîne alimentaire arctique constituée par la prédation des phoques du Groenland (Phoca groendlandica) sur les morues polaires (Boreogadus saida) et les crustacés pélagiques (Themisto libellula), Fraser et al. (2002) suggèrent que l'on peut définir et calculer deux sortes de facteurs de bioamplification ou rapports de concentrations en contaminants prédateur/proie. Le plus simple et le plus direct : FBM (C) est obtenu avec les concentrations par rapport au poids frais. L'autre FBM (F), basé sur un modèle de fugacité, est le résultat du rapport des concentrations dans les lipides (ou rapport des fugacités). Pour les auteurs, le FBM (C) est plus facile à interpréter et évite les variations dues aux fluctuations en contenu lipidique qui peuvent être importantes, suivant les saisons par exemple, dans le cas des phoques. Le FBM (F) est une expression plus thermodynamique, lorsque le contenu en lipides est relativement constant. Dans l'exemple considéré, le FBM (F) des phoques est voisin de 23 alors que le FBM (C) est proche de 100, c'est-à-dire 4 fois le FBM (F) à cause du contenu élevé en lipides des phoques par rapport à leur nourriture. Pour l'avenir, Fraser et al. (2002) pensent que les modèles de bioamplification utilisant les données des FBM (F) pourront permettre de déduire les taux d'absorption et d'élimination des contaminants par les organismes et de déterminer en particulier la demi-vie métabolique des substances en fonction de leu structure moléculaire et des caractéristiques physiologiques des espèces prédatrices. Il deviendrait alors possible de calculer, suivant leur degré de persistance, les facteurs maximum de bioamplification (Q) des substances qui ne provoquent pas d'effet nocif.
Quelques définitions et rappels
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Que ce soit pour les métaux ou les composés organiques, il est nécessaire de considérer que toutes les proies et autres items alimentaires n’ont pas les mêmes concentrations en polluants et que ces derniers ne sont pas répartis uniformément dans les tissus et les organes où ils sont présents sous des formes plus ou moins stables et assimilables par les prédateurs. L'influence de la forme du contaminant ingéré sur sa biodisponibilité trophique a par exemple été démontrée pour le Cd chez des cloportes nourris avec des plantes présentant des proportions variables de métal lié à des protéines thermostables ou thermolabiles (Monteiro et al., 2008) ou ingérant des aliments contaminés par diverses formes du Cd (nitrate ou cystéinate de Cd)(Calhoa et al., 2011). La forme du métal ingérée influence également la distribution interne du Cd assimilé comme cela a été démontré chez des rats ingérant du Cd principalement associé à des métallothionéines dans des tissus d’escargots ou de l’aliment contaminé par du CdCl2 (Hispard et al., 2008b, c).
1.6 Bioévaluation – biosurveillance L'élaboration de principes de gestion écologique des espaces naturels est une tâche ardue car les connaissances sur les mécanismes de la stabilisation et les capacités d'adaptation des systèmes écologiques sont encore modestes (Blandin, 1986). Le diagnostic écologique d'un écocomplexe est une opération lourde, qui comporte d'une part des mesures physiques et chimiques permettant de caractériser les conditions dans lesquelles fonctionnent les systèmes écologiques, et d'autre part des méthodes de bioévaluation prenant en compte les organismes vivants (Blandin, 1986). Les procédures de bioévaluation sont diverses et nécessitent de nombreuses analyses qualitatives et quantitatives qui peuvent conduire à des outils de biosurveillance. Parmi ces outils, on peut distinguer d'une part les essais biologiques réalisés au laboratoire dans des conditions d’exposition contrôlées, et d'autre part la biosurveillance réalisée in situ dans des conditions réelles d’exposition des organismes aux polluants. – Les tests biologiques, utilisant des organismes terrestres, sont développés pour évaluer l’écotoxicité des polluants (Léon & Van Gestel, 1994 ; Løkke & Van Gestel, 1998 ; Thompson et al., 2005). Dans notre revue, nous nous occuperons de l'intérêt et des possibilités de développer des tests permettant d'évaluer la bioaccumulation chez des groupes d’animaux écologiquement représentatifs des chaînes trophiques. – La biosurveillance in situ (biomonitoring) consiste à suivre dans le temps et l'espace l'exposition ou les effets des polluants sur des organismes collectés directement dans l'environnement (biosurveillance passive) ou sur des animaux « sentinelles » transférés dans des sites à surveiller (biosurveillance active). Le danger de ne pas assurer ce type de surveillance a été démontré par des incidents tels que celui de la baie de Minamata évoqué ci-dessus, où la consommation par l’Homme de poissons contaminés ont des conséquences tragiques (Tubaki & Irukayama, 1977). La biosurveillance présente un intérêt majeur pour détecter et évaluer les pollutions, dans les écosystèmes terrestres notamment, car elle permet de mesurer dans des organismes des quantités de contaminants qui sont souvent présents à l'état de traces dans le milieu environnant. Elle peut fournir des informations importantes sur la dispersion des polluants dans l'environnement, sur l'ampleur et la variabilité de la contamination environnementale et sur les effets biologiques des polluants (Green, 1979 ; Hertz, 1991). Toutefois, la mise en place de programmes de biosurveillance des pollutions est complexe en raison du nombre des contaminants et, de plus,
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l'interprétation au niveau des populations et des communautés nécessite beaucoup de précautions (Forbes & Forbes, 1997 ; Clements & Newman, 2002). Enfin, récemment, un nombre croissant de travaux souligne la nécessité de considérer l'hétérogénéité spatiale des contaminations et l'influence du paysage sur la présence et l'exposition des organismes (Fritsch, 2010; Fritsch et al., 2010a, b ; Fritsch & Renoux, 2011 ; Fritsch et al., 2011). Quatre approches principales sont développées pour la biosurveillance in situ (Hopkin, 1993) : – surveillance des effets des polluants sur les communautés d’organismes, – suivi de la bioaccumulation des polluants, – mesures de biomarqueurs d’exposition ou d’effet, – étude de l'évolution génétique des organismes. Seule la bioaccumulation en terme de biosurveillance en relation avec les effets sera abordée ici. L’analyse des teneurs des organismes en polluants a été développée en premier pour les organismes aquatiques afin de compléter les analyses d'eau et de sédiments. L'idée principale de ce type d'approche est d'utiliser la charge de l'organisme en polluants comme un indicateur d'exposition au polluant mesuré. Selon différents auteurs, les avantages sont les suivants : la concentration en éléments traces peut être décelée à des doses mesurables chez les êtres vivants, alors que très souvent ces mêmes éléments ne sont pas détectables dans le milieu environnant. De plus, seule la fraction biodisponible est mesurée, soit dans l’organisme entier, soit dans ses tissus ou organes.
1.7 Conclusion Des programmes d'évaluation et de surveillance de la bioaccumulation de polluants se développent dans plusieurs pays. Ils visent principalement à détecter, suivre et cartographier les pollutions. Ils concernent le plus souvent soit des études localisées autour de sources de pollution clairement identifiées, soit un suivi de la pollution de fond à plus grande échelle spatiale. Les végétaux, principalement les hyperaccumulateurs, sont des indicateurs représentatifs du niveau des producteurs primaires (Morel, 1997 ; Brooks, 1998). Dans l’avenir, des programmes utilisant des animaux – consommateurs primaires, secondaires…, décomposeurs… – viendront compléter les tests d’écotoxicité basés sur les effets toxiques et il sera pertinent de rechercher les rapports existants entre les différentes manifestations de stress environnementaux. Parmi ceux-là, les relations entre bioaccumulation et effets toxiques sont à approfondir et il faut également envisager une étape de modélisation à des fins prédictives.
1.7.1 Relations entre bioaccumulation et toxicité Parfois, en plus de l’estimation de la biodisponibilité des polluants par mesure de leur concentration dans le corps d’organismes terrestres, les concentrations létales (LBCs : lethal body concentrations) ou sublétales de substances toxiques sont déterminées (Van Straalen, 1996). Cependant, les espèces contenant les plus fortes quantités de résidus ne sont pas nécessairement celles qui manifestent le plus d’effets (Fritsch et al., 2010b). En effet, une
Quelques définitions et rappels
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grande quantité de résidus peut être le résultat d’un fort taux d’assimilation ou d’un faible taux d’excrétion ou des deux à la fois (Dallinger, 1993) et plusieurs études récentes suggèrent que certains aspects de la toxicité des ETMs, en particulier les effets chroniques et sublétaux, dépendent plus de la vitesse d’assimilation des ETMs que de leurs concentrations internes dans les organismes aquatiques (Rainbow, 2002, 2007) ou terrestres (Van Straalen et al., 2005). Pour le cadmium, il est ainsi possible de classer (5 groupes) les principaux invertébrés du sol sur la base des taux d’absorption et d’élimination de ce métal (Van Straalen, 1996). Pour établir la relation entre résidus chimiques du corps (CBR : critical body residue) et leurs modes d’action toxique, préconisée et modélisée en milieu aquatique par McCarty & Mackay (1993), il convient de réaliser des expériences d’écotoxicité en laboratoire et en champ dans lesquelles on mesure d’une part les taux d’absorption et d’élimination, et d’autre part les effets adverses. En milieu terrestre, il a ainsi été possible d’écrire des équations théoriques qui donnent la concentration interne Q du contaminant et la DL50 en fonction du temps (Van Straalen, 1996).
1.7.2 Analyse des mécanismes régulateurs de la bioaccumulation et études prédictives Par delà les études empiriques par l’observation et l’expérimentation (actuellement les plus nombreuses), qui permettent de prédire le devenir et les effets des contaminants chimiques pour estimer les risques environnementaux, il faut envisager, pour le milieu terrestre, comme cela a été évoqué pour le milieu aquatique (Hamelink et al., 1994), de chercher à comprendre les mécanismes des interactions physiques, chimiques et biologiques qui contrôlent la biodisponibilité des contaminants. L’objectif étant de pouvoir prédire par extrapolation le sort ou les effets d’une substance à d’autres substances de structure comparable et d’extrapoler les effets observés sur un organisme à un autre organisme ou à des communautés d’organismes. Les simulations et les modèles existants, les plus fréquemment utilisés (avec leurs objectifs et leurs limites), ont été répertoriés par Kördel et al. (1997), qui soulignent l’urgente nécessité de réaliser de nouvelles recherches dans ce domaine. À titre indicatif, on peut établir une correspondance entre les étapes du cheminement des polluants, les mécanismes biologiques impliqués et les principales méthodes ou techniques d’approche (Tableau 2). Cet aperçu montre la complexité et l’intrication des phénomènes qui nécessitent de nombreuses études pluridisciplinaires.
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TABLEAU 2
Principales étapes du cheminement des polluants dans les écosystèmes et moyens d’étude des processus impliqués.
Cheminement dans les compartiments de l’écosphère Contaminants de l’environnement (air – eau – sol – sous-sol)
Mécanismes impliqués
Moyens d’investigation
Entraînement par les fluides
Méthodes physico-chimiques : marquages, extractions, dosages Identifications Caractérisations
Transformations physico-chimiques (dissociation, fragmentation, spéciation, agrégats…, interactions)
Diffusion et transfert dans les composants des biocénoses Absorption, perméabilité membranaire, pinocytose…, appétence, répulsion… Incorporation dans les cycles biologiques (biodisponibilité) [voies digestive, cutanée, respiratoire]
Métabolisme
Digestion, absorptions sélectives, excrétion, détoxification, biosynthèses, différenciation cellulaire… Bioaccumulation tissulaire ou biotransformation Inhibitions Stimulations
Passage et transformation dans différents niveaux trophiques
Analyses biologiques et physiologiques adéquates : extractions, dosages dans les tissus, les organes, les excréments… Études cytologiques, histochimiques, moléculaires
Mesures de paramètres biologiques : croissance, reproduction, comportement… Tests biologiques Analyses biochimiques et moléculaires
Producteurs
Consommateurs Iaires
Relations interspécifiques
Étude des modifications des populations et des biocénoses
Bioamplification ?
Répercussions sur la structure et la composition de l’environnement
Consommateurs IIaires
Prédateurs
Décomposeurs
Produits de dégradation biologique et chimique
Quelques définitions et rappels
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TABLEAU 3
Différences de « stratégies » de concentration des métaux chez quelques espèces d’invertébrés terrestres (D’après Dallinger, 1993.)
Classification des espèces
Oligochètes Lumbricus rubellus Lumbricus terrestris Allolobophora caliginosa
FBC > 2 Macroconcentrateurs
1 < FBC < 2 Microconcentrateurs
FBC < 1 Déconcentrateurs
Métal
Métal
Métal
FBC
FBC
Cd Cu Cd
5 11,4 12
Pb
1,3
Cd Cu Zn
6–10 10 1–9
Pb
1,3
Helix aspersa
Cd Cu
3–8 1,5–10
Zn
0,3–2
Cepaea nemoralis
Cd
18–33
Arianta arbustorum
Cd Cu Zn
20 17,2 7,3
Pb
1,6
Cd
6
Zn
0,6–2
Cd Cu
7 3
Gastéropodes pulmonés Helix pomatia
Crustacés isopodes Porcellio scaber Oniscus asellus
Insectes Orchesella cincta (collembole) Formica sanguinea (hyménoptère) Arachnides (acariens) Plathynothrus peltifer
FBC
Cu
0,01–0,6
Pb
0,43
Pb Zn
0,23 0,2–0,7
Cd
Cd
3
Cd
1
concentration dans l ′ organisme - . FBC = facteur de bioconcentration = -----------------------------------------------------------------------------concentration dans l ′ environnement
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5 suggérée par Belfroid et al. (1996). Plus récemment, Kreitinger et al. (2007) ont étudié la biodisponibilité et la bioaccumulation de 16 HAPs chez des vers de terre provenant de sols contaminés d’un ancien site pétrochimique. Les FBA observés pour les différents HAPs accumulés chez Aporrectodea tuberculata étaient jusqu’à 50 fois plus faibles que les FBAs prédits suivant la théorie du partage à l'équilibre. En revanche, l’extraction par fluide supercritique (SFE) s’est avérée la méthode chimique la plus efficace dans la prédiction de la bioaccumulation et de la toxicité des HAPs chez A. tuberculata. Les auteurs invoquent l’origine du carbone organique des sols (et en particulier son caractère anthropogénique) pour expliquer les variations observées (Kreitinger et al., 2007). Bien que l'influence de la teneur en matière organique du sol soit importante, l'accumulation des HAPs dépend également de l'activité des vers, chez qui le stress de la faim augmente les taux d'absorption des HAPs (Ma et al., 1995), ainsi que du type d'alimentation (Van Brummelen et al., 1996b). De plus, il est nécessaire de tenir compte du temps de résidence des HAPs dans le sol, de même que de la durée d'exposition des animaux sinon on risque d'établir des corrélations qui ne correspondent pas à la réalité des processus de contamination qui évoluent dans le temps. Une approche toxicocinétique de quatre HAPs (phénanthrène, pyrène, fluoranthène et benzo[a]pyrène) a été réalisée en laboratoire chez Eisenia andrei dans du sol artificiel contaminé 3 à 7 jours (ou 21 jours pour le benzo[a]pyrène) avant l'exposition des vers (Jager et al., 2000). La cinétique d'accumulation des HAPs a été suivie pendant 21 jours et la cinétique d'élimination en sol non contaminé pendant 7 jours. Pour les quatre HAPs étudiés, les concentrations dans les vers atteignent leur maximum entre le 3e et le 7e jour d'exposition. Ensuite, les FBAs (BSAFs = biota-soil accumulation factors des auteurs) diminuent plus ou moins rapidement suivant la nature du HAP : de 8 à 0,5 pour le phénanthrène du 3e au 21e jours ; de 1,8 à 0,7 pour le BaP du 5e au 21e jours) et en fonction de la concentration dans le sol. Les BSAFs diminuent du 5e au 21e jours pour les faibles contaminations du sol en pyrène (81 et 177 mg.kg–1 de poids sec), tandis qu'ils sont constants pour les fortes contaminations (836 et 1 824 mg.kg–1). Jager et al. (2000) considèrent que les pics de résidus observés sont vraisemblablement causés par la diminution de la concentration des HAPs dans l'eau interstitielle, qui représenterait la principale phase biodisponible pour les vers. Des travaux antérieurs (White et al., 1997) avaient montré que le vieillissement de la contamination affecte l'absorption des HAPs du sol (diminution d'un facteur 2 à 5 pour le phénanthrène) chez les vers sur une période de 6 mois. Dans le cas des observations de Jager et al. (2000), la diminution beaucoup plus rapide des résidus de phénanthrène (presque 2 ordres d'amplitude
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en 2 semaines) est considérée comme la conséquence de la biodégradation des HAPs dans l'eau interstitielle, combinée avec un faible transfert provenant de la phase solide. L'élimination des HAPs observée par Jager et al. (2000) présente une seule phase avec des différences selon les substances et leurs concentrations dans le sol, alors qu'en principe, l'élimination d'autres produits organiques est biphasique en présence de sol, avec le début de la seconde phase (lente) retardé lorsque Kow augmente (Belfroid & Sijm, 1998). Jager et al. (2000) notent des divergences, non expliquées, entre les cinétiques d'élimination suivant la nature des HAPs et leurs concentrations dans le sol. Ils suggèrent que les fortes concentrations, qui inhibent l'activité des vers, réduisent le contact entre les animaux et le sol, ainsi que l'élimination des composés du corps. Malgré les divergences constatées, ils considèrent que le taux d'élimination décroît avec Kow, ce qui n'a pas été observé lors de l'exposition aux HAPs d'une autre espèce (L. rubellus) en milieu aqueux (Ma et al., 1998). Dans leur conclusion, Jager et al. (2000) estiment que la dynamique des FBAs concorde avec la théorie de partage à l'équilibre entre l'eau du sol et les phases aqueuse et lipidique de l'organisme, bien que l'application d'une approche mécanistique de l'estimation de la bioconcentration des composés organiques (en général) chez les vers de terre conduise à une surestimation moyenne d'un facteur 5,6 (Jager, 1998). Jager et al. (2000) reconnaissent cependant que des études sont encore nécessaires pour optimiser la méthode de contamination et déterminer les durées pour atteindre l'état d'équilibre entre la matière organique et les HAPs. Des expérimentations complémentaires sont donc à concevoir à partir de sols naturels, dans lesquels sont également impliqués des microorganismes (Volkering et al., 1992) qui entrent probablement en compétition avec les vers de terre dans le métabolisme des HAPs de l'eau interstitielle ou liés à la matière organique. Ainsi, des bioessais, basés sur la modélisation des cinétiques d’accumulation et d’élimination de 11 composés organiques (télodrine, dieldrine, hexachlorobenzène et 8 PCBs) chez des vers de terre (E. andrei et A. caliginosa) exposés à des sols contaminés prélevés in situ, ont été plus récemment développés (Jager et al., 2005). Selon les auteurs, l’aspect des courbes d’accumulation et d’élimination permet théoriquement d’identifier des signes de modification de la biodisponibilité en liaison avec des phénomènes d’épuisement, de limitation de la désorption ou de dégradation/séquestration des contaminants dans les sols (Figure 7).
Évolutions théoriques des concentrations internes en contaminant en fonction du temps selon différents scenarios. (D’après Jager et al. (2005).) A : l’organisme épuise la fraction biodisponible, B : l’absorption est limitée par une faible désorption du contaminant, C : l’absorption est limitée par une rapide dégradation ou séquestration du contaminant. Trois phases sont présentées : accumulation, élimination et accumulation en réutilisant le sol avec de nouveaux organismes. Figure 7
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La comparaison des facteurs de concentration de différents composés hydrophobes chez les vers de terre montre que la bioconcentration des HAPs (0,10) est du même ordre de grandeur que celle des composés chlorés monoaromatiques (chlorobenzènes et chlorophénols), mais plus faible que celle des PCBs (0,75) des mêmes sols (Hendriks et al., 1995). Cette différence suggère que les HAPs seraient moins résistants à la biotransformation que les PCBs, cela reste à vérifier cependant. Dans leur étude du devenir des HAPs de sédiments tourbeux de dragage de polders contaminés (classe 2 hollandaise : HAPs de 1 à 10 mg.kg–1 de poids sec), Eijsackers et al. (2001) ont constaté que ces composés subissent une biodégradation lorsqu'ils restent déposés sur le sol en conditions aérobies pendant plusieurs années. En champ, ils ont constatés que ces sédiments n'ont pas d'impact négatif sur la colonisation et les activités des vers de terre (Aporrectodea caliginosa et L. rubellus). Expérimentalement, après contamination de sol artificiel par deux HAPs (phénanthrène et fluoranthène) à 10 mg.kg–1 ps, la concentration des HAPs diminue progressivement et leur dégradation est accélérée par la présence de vers de terre (Eisenia fetida), celle du phénanthrène étant la plus rapide et la plus complète. L'influence de la teneur en matière organique (MO = 10 % ou 40 %) du sol sur la dégradation des HAPs a également été étudiée. Après 40 jours d'exposition, Eijsacker et al. (2001) n'observent pas de différence dans les deux types de sol et les deux HAPs sont presque complètement dégradés en présence de vers de terre, dont les concentrations en HAPs ne sont pas mesurables dans leurs tissus. Les HAPs restant dans le sol sont principalement adsorbés dans la partie tourbe/kaolin (80 à 90 %) des sols exposés et les auteurs concluent que le dragage des sédiments peu contaminés par les HAPs constitue un danger limité pour l'environnement, car leur dépôt sur le sol favorise la biodégradation des HAPs en partie par les vers de terre. Les approches cinétiques réalisées par Amorim et al. (2011) pour étudier la toxicité du phénanthrène chez Enchytraeus albidus, ont permis de déterminer un FBAcinétique (= taux d’absorption k1/ taux d’excrétion k2) de l’ordre de 20 kg de sol/kg poids frais d’animal, un état d’équilibre étant atteint après 2 semaines d’exposition à un sol contaminé par 6,5 mg/ kg de phénanthrène. Les fortes concentrations internes en phénanthrène (de l’ordre de 100 mg/kg de poids frais) atteintes après 14 jours d’exposition sont progressivement éliminées dans les 14 jours suivants quand les enchytrés sont placés sur un sol non contaminé. Ces résultats et ceux d’un essai circulaire conduit en 2010 (OECD 2010a, c) ont abouti à la publication d ’une ligne directrice pour l’évaluation de la bioaccumulation chez les oligochètes terrestres (OECD, 2010b). L'influence du contenu en matière organique (MO) du sol sur l'élimination de composés hydrophobes a été comme les chlorobenzènes (dont l'accumulation, signalée par Beyer en 1996), a été confirmée par Belfroid & Sijm (1998). Pour cela, ces auteurs ont fait varier la teneur en MO (3 %, 10 % et 20 %) de sol non contaminé OCDE, dans lequel on place des vers de terre contaminés pendant 7 jours par exposition en sol artificiel OCDE (10 % MO) avec du pentachlorobenzène (10,9 mg.kg–1) ou de l'hexachlorobenzène (10,7 mg.kg–1). En théorie, l'élimination des composés organiques hydrophobes par les organismes aquatiques consiste en un processus de partition déterminé par le taux constant d'élimination et la concentration du composé dans l'organisme ; ce qui se traduit par une courbe d'élimination monophasique. Cependant, en présence de sol ou de sédiment, on observe fréquemment une élimination biphasique. C'est ce qui se passe chez les vers E. andrei « chargés » en chlorobenzènes, avec des différences suivant la teneur en MO du sol. La plus grande partie de la « charge » en chlorobenzène, du corps d'Eisenia est éliminée dans la première phase (rapide)
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dans les sols qui contiennent le plus de MO, tandis que dans le sol pauvre en MO les charges des vers de terre restent fortes pendant toute la période d'élimination. L'explication de ce type d'élimination biphasique n'est pas complètement connue. Plusieurs hypothèses sont envisagées et celle qui suppose que la persistance de l'élimination rapide dans le sol contenant 20 % de MO est due à la plus grande capacité d'absorption du sol, pour les composés hydrophobes à proximité des organismes, nous semble plausible et illustre bien l'un des rôles fondamentaux de la matrice des sols, qui n'est pas pris en compte par les modèles établis pour les milieux aquatiques. Un dernier exemple illustrant l’importance de la matrice dans le devenir et l’impact des contaminants organiques est donné par Sun et al. (2005). Ces derniers ont en effet déterminé des CL50 en avermectine B1a, chez E. fetida, de 24,1 et 17,1 mg.kg–1 après respectivement 7 et 14 jours d’exposition au sol artificiel contaminé alors que, lors d’une exposition sur papier filtre (2 jours), la toxicité est considérablement augmentée avec une valeur de CL50 égale à 4,63 µg.cm–2.
2.2.1.3 Métabolisme et influence du mode d'exposition S'il existe de nombreux travaux relatant la toxicité aiguë de produits chimiques chez les vers de terre (Roberts & Dorough, 1984 ; Neuhauser et al., 1986 ; Edwards & Bohlen, 1992), on connaît beaucoup moins bien la biotransformation des xénobiotiques chez ces invertébrés que chez les vertébrés (Stenersen, 1984, 1992). À ce sujet, il faut souligner l'intérêt du modèle compartimental proposé par Stenersen (1992), décrivant la distribution et les voies d'élimination des pesticides dans le système vers de terre - sol (Figure 8). En effet, alors que dans beaucoup de recherches sur les vers de terre, la disponibilité des contaminants est étudiée par rapport à l'eau interstitielle du sol, Stenersen (1992) prend en considération l'absorption par la voie digestive et commente l'importance des systèmes enzymatiques (estérases, cytochrome-P 450s, gluthation-transférases, enzymes de conjugaison, hydrolases), qui interviennent dans la biotransformation des pesticides. Depuis les travaux analysés par Stenersen (1992), Honeycutt & Roberts (1994) ont montré le rôle des vers de terre dans la biotransformation de l'aldrine en exposant des vers adultes (Eisenia fetida) à l'insecticide, soit au contact de papier filtre contaminé, soit par exposition à un sol artificiel (OCDE). Après exposition courte sur papier filtre (1 µg aldrine.cm–2 pendant 4 heures), les vers de terre ont accumulé 5,6 µg d'aldrine, dont 93 % ont été convertis en dieldrine au cours des 48 heures qui ont suivi l'exposition. La dieldrine ne semble pas être métabolisée ni excrétée. Dans le sol artificiel sans vers de terre, seulement 12 % de l'aldrine est convertie en dieldrine. En présence des vers de terre, 25 % de l'aldrine du sol a été convertie en dieldrine, ce qui démontre le rôle des vers de terre dans la conversion des substances organiques dans le sol. Pendant le même temps (8 semaines), en présence de vers de terre, l'aldrine à la concentration de 0,3 ou 3,3 µg.g–1 de poids sec dans le sol se retrouve accumulée sous forme d'aldrine et de dieldrine dans les vers de terre aux concentrations correspondantes de 0,41 et 2,33 µg.g–1 de poids frais. Ces deux méthodes d'exposition (papier filtre et sol) sont complémentaires et l'exposition sur papier filtre est particulièrement utile pour étudier l'importance de la voie de pénétration cutanée pendant une période d'exposition courte (4 h), qui suffit pour l'accumulation d'aldrine et permet l'étude de son métabolisme. Dans ce cas, l'exposition sur papier élimine l'interférence du métabolisme de l'aldrine qui se produit dans le sol. Ces données suggèrent
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aux auteurs l'utilisation possible des vers de terre comme « outils » pour la remédiation de sols contaminés.
K−1
K−3
Figure 8
K−2
Absorption, métabolisme et excrétion de xénobiotiques dans un système sol - vers de terre. (D'après Stenersen, 1992). K1 : diffusion des substances dans les tissus des lombriciens à partir de la solution du sol. K2 : fixation par le complexe argilo-humique du sol. K3 : absorption des substances par l’estomac. K-3: métabolisme, excrétion.
2.2.1.4 Séquestration dans le sol et diminution de la biodisponibilité avec le temps Le problème de la persistance de certains polluants organiques dans le sol est important pour estimer correctement l’exposition des populations et le risque encouru par celles-là. Des tests avec deux sols argileux américains : Mont Pleasant (pH 6,2 ; 80 % de matière organique) et Niagara (pH 6,6 ; 1,1 %, matière organique) et des composés d’hydrophobicité différente : atrazine, phénanthrène et naphtalène (log Kow respectifs : 2,75 ; 4,46 et 3,37) ont été réalisés par Kelsey & Alexander (1997). Ces auteurs montrent que la biodisponibilité de ces trois composés pour E. fetida diminue lorsque ces sols, préalablement stérilisés aux rayons X, ont été incubés pendant 0,43 ou 107 jours pour le sol du Mont Pleasant ou pendant 0,88 ou 155 jours pour le sol Niagara. Pour le premier sol, les animaux assimilent 9,9 % d’atrazine lorsque celle-là vient d’être ajoutée au sol, tandis qu’ils en assimilent seulement 2,4 et 1,5 % respectivement après 43 et 107 jours. Pour le deuxième sol (Niagara), le pourcentage d’absorption du phénanthrène passe de 8,8 % (Jour 0) à 5,7 % (88 jour) et 3,3 (155 jour). Pourtant, l’extraction avec les mélanges méthanol-eau (9:1), acétonitrile-eau (9:1) et méthanol acidifié pH 1,0 montre que tout le composé est présent dans le sol à 43 jours. Ces résultats prouvent que les composés persistants subissent une séquestration dans le sol, peut-être par partition lente dans la matière organique, qui diminue la quantité des produits disponibles pour les vers de terre. Plus récemment, Kelsey et al. (2005) ont une nouvelle fois démontré l’importance du temps de résidence en étudiant l’accumulation de 2,2-bis(p-chlorophenyl)-1,1-dichloroethylene (p,p’-DDE) chez trois espèces de vers de terre exposés à des
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sols âgés ou fraîchement contaminés. Ces auteurs ont également mis en évidence l’importance de la concentration d’exposition (les FBAs diminuant avec la contamination du sol) ainsi que des différences interspécifiques de bioaccumulation (E. fetida > L. terrestris = A. caliginosa). Dans le cas du lindane, insecticide relativement persistant encore largement utilisé dans le monde, Amorim et al. (2002) ont montré que la biodisponibilité dans le sol de ce pesticide diminue avec le temps (de 1 à 10 mois) au cours d'expériences présentées en 1.1.2.3. Il est également important de noter que les techniques d’extraction utilisées peuvent sousestimer la quantité de composés biodisponibles et qu’il est nécessaire de disposer de techniques analytiques appropriées à l’évaluation des produits toxiques. Après avoir montré expérimentalement que la biodisponibilité, pour Eisenia fetida, d'insecticides très persistants (DDT, DDE, DDD et dieldrine), répandus sur un sol en 1949, avait diminué respectivement de 68, 87, 63 et 78 % (% calculé = {[vers exposés au sol fraîchement contaminé]– [vers exposés au sol contaminé depuis 49 ans]} / [vers exposés au sol fraîchement contaminé]) par rapport à la biodisponibilité des mêmes pesticides dans du sol fraîchement contaminé, Morrison et al. (2000) ont fait des essais d'extraction en phase solide sur résine Tenax TA. Les résultats montrent une corrélation nette entre l'assimilation dans les vers de terre et la rétention sur la résine du DDD (substance minoritaire dans le sol). En revanche, avec le DDT, substance majoritaire dans le mélange de pesticides du sol, la corrélation existe pour les pourcentages d'assimilation faibles et élevés, mais pas pour les niveaux intermédiaires d'assimilation. Pour la dieldrine, il n'existe pas de corrélation entre sa concentration dans les vers et celle extraite avec la résine. À côté des extractions en phase solide, de plus en plus d’études s’attachent à développer l’utilisation de solvants organiques. Yu et al. (2005) ont testé l’efficacité de six méthodes chimiques (méthanol, méthanol-eau (9:1), méthanol-eau (1:1), acétone-eau (5:3), éther de prétrole et eau) à prédire la biodisponibilité du butachlor et du myclobutanil pour E. fetida et A. caliginosa. Bien que des différences interspécifiques aient été observées (E. fetida > A. caliginosa), les résultats montrent que, en relation avec l’effet de l’âge de la contamination, la quantité de composés extraits par l’eau est fortement corrélée avec les quantités absorbées par les organismes (Yu et al., 2005). Enfin, Sun & Li (2005) ont évalué l’influence des propriétés du sol sur la disponibilité (évaluée par extraction au butanol et SFE) et la biodisponibilité du pyrène pour le ver E. fetida. Dans les sols âgés (120 jours), les pourcentages de pyrène accumulés par les vers, extraits par le butanol et par la SFE, étaient respectivement de 0,9–3,6 %, 18,7–27,6 % et 12,9–28,2 %. Les auteurs concluent que l’âge de la contamination et les taux de matière organique et d’argile des sols sont les principaux paramètres influençant la disponibilité du pyrène et que la SFE s’avère être une meilleure approche pour la prédiction de la biodisponibilité des composés organiques dans des sols naturels (Sun & Li, 2005).
2.2.1.5 Importance de la quantité de contaminants du corps (Relation entre charge critique du corps et toxicité : utilisation des « CBR = critical body residues ».) Depuis les travaux de Van Gestel & Ma (1988) et de Haimi et al. (1992), qui qualifient la bioaccumulation en l’exprimant par les FBCs, l’étude des relations entre les « résidus » de toxiques organiques dans le corps des vers de terre et les effets chroniques ou aigus a fait
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l’objet de recherches, qui mettent de plus en plus l’accent sur l’importance de la cinétique des contaminants et de leur quantité (charge) dans l'organisme où s'exerce leur action toxique, entraînant parfois la mort (charge critique du corps = critical body residues = CBR, d'après Mc Carty, 1991). De plus, les valeurs de CL50 obtenues à partir des bioessais de toxicité peuvent être interprétées à l'aide d'un modèle (ICFOK = one compartment, first order kinetics) permettant l'estimation d'un seuil de létalité (Incipient lethal level = ILL), qui est la concentration d'un contaminant à laquelle la moitié de la population exposée peut survivre pendant une période indéfinie. Ces recherches s'inspirent des méthodes utilisées pour mesurer la toxicité des polluants dans les systèmes aquatiques (Sprague, 1970 ; Mc Carty & Mackay, 1993). L'examen des relations entre les charges critiques du corps et les seuils de létalité a montré à Fitzgerald et al. (1996) que les charges critiques en résidus de PCP du corps d'Eisenia fetida ne présentent pas, à 24 °C, de différences significatives (0,51 à 1,59 mmol.kg–1) quelque soit le degré de contamination d'un sol naturel, tandis que dans le sol artificiel OCDE, la charge critique devient significativement différente et maximale (2,65 mmol.kg–1 en poids sec) (Tableau 5). La comparaison des seuils de létalité du PCP pour trois espèces de vers de terre de poids moyens très différents (facteur 10) montre que ceux de Lumbricus terrestris et Eudrilus eugenia sont similaires et significativement plus élevés que celui d'E. fetida (Tableau 5). Les courbes de toxicité établies par ces auteurs pendant 14 et 28 jours (temps nécessaire pour atteindre l'état de stabilité) indiquent des différences suivant les espèces et le sol malgré des charges critiques en PCP du même ordre de grandeur. Chez E. fetida, le seuil de toxicité, déterminé en faisant « le pool » des données de toxicité de trois réplicats, est de 0,137 mmol PCP.kg–1 de poids frais pour les contaminations du sol OCDE comprises entre 0,12 et 6,75 mmol.kg–1 (Fitzgerald et al., 1997). Des courbes de toxicité ont également été établies par Lanno et al. (1997) à l'aide du modèle de régression non linéaire « ICFOK », permettant de déduire le seuil de létalité en fonction du temps à partir de tests de toxicité effectués avec Lumbricus terrestris exposés au PCP ou au diazinon dans trois sols différents (Tableau 5). Dans ces expériences, la toxicité est nettement influencée par le type de sol mais l'estimation des résidus de diazinon dans le corps des vers n'a pas été réalisée, ce qui limite la portée générale de la relation évoquée par les auteurs entre charge critique du corps et seuil de toxicité après contamination par le PCP. Dans leurs travaux sur la bioaccumulation de différents HAPs chez E. fetida, Kreitinger et al. (2007) ont montré que la toxicité observée chez les vers n’était pas reliée aux concentrations totales en HAPs dans le sol ou les organismes. Aucune mortalité n’a été observée chez les organismes exposés aux sols fortement contaminés (42 000 mg.kg–1), alors que la mortalité peut atteindre 100 % chez les vers exposés à des sols pourtant moins contaminés (1 520 mg.kg–1). Pour les auteurs, la toxicité doit être mise en relation avec la vitesse de désorption des HAPs dans les sols (et donc avec la vitesse d’entrée du contaminant dans l’organisme), elle-même sous la dépendance des taux de carbone organique. Dans cette situation, la SFE semble la méthode la plus appropriée pour prédire la bioaccumulation et la toxicité des HAPs chez E. fetida (Kreitinger et al., 2007). L'utilisation de la notion de charge critique du corps des vers de terre a fait l'objet de comparaisons avec des organismes du milieu aquatique (crustacés amphipodes et poissons) par Lanno & MacCarty (1997), qui constatent (Tableau 5) que les charges critiques du corps en PCP d'E. fetida sont du même ordre de grandeur que celles de l'amphipode Pontoporeia hovi
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et de la truite Oncorhynchus mykiss. Cependant, les seuils de toxicité sont très différents pour les trois espèces considérées. Aussi, on peut être d'accord avec les auteurs lorsqu'ils considèrent que la concentration des organismes exposés à une contamination est un paramètre important à considérer car elle permet de déterminer la fraction de contaminant du sol biodisponible. En revanche, l'influence des résidus corporels sur les résultats des tests de toxicité n'est pas évidente car les sensibilités spécifiques sont très variables. De plus, chez certains animaux terrestres, les modes d'exposition (par la nourriture ou par contact) ont des conséquences souvent plus différenciées que chez les animaux aquatiques. La considération d'une charge globale critique du corps en contaminant peut aussi estomper divers types de liaisons du contaminant ou de ses dérivés avec des récepteurs spécifiques de tissus ou d'organes, au niveau desquels ils peuvent induire ou inhiber des processus physiologiques ou pathologiques variables selon l'organisme et les conditions d'environnement. Aussi, nous souscrivons aux réserves apportées par Barron et al. (2002) et Landrum & Meador (2002), qui soulignent le manque de définition cohérente du terme « CBR » et contestent son utilité dans l'évaluation des effets toxiques en milieu aquatique. Avec Landrum & Meador (2002), nous pensons que si l'on tient compte du facteur temps, des conditions d'environnement (pH, T°…), des récepteurs spécifiques et des transformations des contaminants, on peut se servir de l'approche « résidus du corps » comme base d'évaluation des données de la bioaccumulation, sans que cela se traduise en terme de stress pour les organismes. Par exemple, dans le cas des polluants organiques persistants hydrophobes qui s'accumulent dans les réserves lipidiques, la toxicité se manifeste lorsque l'organisme remobilise ses réserves lipidiques. Il est donc nécessaire de procéder à des investigations complémentaires sur la localisation des résidus et sur le turnover des contaminants absorbés, pour préciser quelles fractions des concentrations internes se lient aux récepteurs responsables des réponses biologiques en tenant compte des métabolismes particuliers des organismes terrestres.
2.2.1.6 Conclusion L'examen des données de bioaccumulation des substances chimiques organiques montre qu'il existe des différences importantes suivant la nature des substances et leur stabilité (Parrish et al., 2006), les espèces de vers de terre (Kelsey et al., 2005) et la composition des sols (Sun & Li, 2005). S'inspirant des résultats acquis dans le milieu aquatique, de nombreux auteurs ont tendance à considérer que la principale voie de contamination des vers de terre se fait à partir de la solution du sol à travers le tégument et que la concentration de l'eau interstitielle constitue le principal déterminant de la biodisponibilité (voir revue Belfroid et al., 1996). Considérant les données expérimentales de la littérature, Jager (1998) propose une approche mécanistique de l'accumulation des substances chimiques organiques chez les vers de terre, en distinguant les processus d'adsorption du sol d'une part et l'absorption par les vers de terre d'autre part. Dans un système en équilibre thermodynamique, son modèle prend en considération les affinités chimiques de chaque phase de l'organisme avec le milieu environnant. Dans sa forme la plus simple un modèle mécanistique de calcul des FBCs dépend, en milieu aquatique, de la fraction lipidique de l'organisme (Flipides) et du Kow du composé chimique (Mackay, 1982). Le coefficient de partage entre vers et solution du sol dans un état d'équilibre (Kvers-eau), dérivant de la proposition de Connell & Markwell (1990) (Éq. 1), a été complété par la prise en
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TABLEAU 5
Comparaison de paramètres d’accumulation et de toxicité de contaminants organiques chez les vers de terre.
Espèces E. fetida L. rubellus
A. caliginosa (A.c) L.rubellus (L.r)
Concentration dans les sols ou les milieux
Concentration dans l’organisme
Chlorophénols 0 ; 0,1 ; FBCs : 0,4–16 (par rapport au sol) et 1 ; 10 ; 100 ; 1000 7– 996 (par rapport à la -1 mg.kg (sol sec) solution du sol)
2,3,4,6-tétrachlorophénol
Contamination par eau, sol, nourriture, papier filtre 1,2,3-trichlorobenzène E. fetida Pentachlorobenzène
PCP (28 jours) : 10 concentrations en série logarithmique : 0,038 à 6,75 mmol.kg–1 (10 à 1 800 mg.kg-1)
PCP 10 concentrations, E. fetida
0,038 à 6,75 mmol.kg-1 sol OCDE (28 jours)
L. terrestris
Vers de terre (diverses espèces) + comparaisons avec poissons et crustacés aquatiques
CL50
Van Gestel Ma (1988)
Haimi et al. (1992)
LBB –1
0,44 à 2,1 mmol.kg
Mortalité
Belfroid et al. (1993a)
Mortalité
Belfroid et al., 1993 b
p.f.
1,29 à 2,34 mmol.kg–1
CL50 à ILL
CBRs en sol artificiel
en mmol.kg–1 0,33 à 2,65 mmol.kg p.f. ou Fitzgerald et al., E.f : 0,10 à 0,14 (a) sol argileux naturel 0,51 à (1996) E.e : 0,63 (b) 1,59 mmol.kg–1 L.t : 0,72 (b) –1
CBRs (vers morts) poids frais – pour les sols de 0,038 à 3,75 mmol.kg –1 CBRs = 0,33–0,80 – pour le sol à 6,75 mmol.kg–1 CBR = 2,65
CL50 à ILL = 0,137 mmol.kg–1 p.f. pour les expositions Fitzgerald et al., de 0,12 à (1997) 6,75 mmol.kg–1 (32 à 1 800 mg.kg–1) ILL : détermination de la durée du test par comparaison des courbes de toxicité (2 à 21 jours)
Lanno et al. (1997)
ILLs PCP très différents CBRs du PCP (en mmol.kg + estimation cinép.f.) similaires dans différents tique de toxicité (état types d’organismes stable = demi vie de la toxicité)
Lanno & Mc Carty (1997)
7 à 8 concentrations Diazinon, PCP dans trois sols naturels
Diazinon PCP Chlorophénols…
Références
FBCs : – au labo, le même = 30, – sur site contaminé ≤ 10 A.c accumule 4 à 5 fois plus que L.r
Expériences dans l’eau LBB similaire à celle d’un petit 1,2,3-trichlorobenzène poisson 0,5 à 2 mmol.kg–1 Pentachlorobenzène poids frais E. fetida (E.f) Eudrilus eugenia (E.e) L. terrestris (L.t)
Toxicité
–1
FBCs : facteurs de bioconcentration, CBRs : critical body residues = charges critiques du corps, ILL : incipient lethal level = seuil de toxicité, LBB : lethal body burden = charge létale du corps, p.f. : poids frais. a, b : les valeurs avec une lettre commune dans la colonne ne sont pas significativement différentes (p > 0,05).
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compte de la phase aqueuse (Feau) de l'organisme que l'on peut supposer atteindre la même concentration que l'eau externe ; ce qui donne l'équation (Éq. 2) de Jager (1998). (Éq. 1)
[ vers ] mg/L - = F lipides × Kow (L/L) K vers-eau = -----------------------------------------[ solution_sol ] mg/L
K vers-eau = F eau + F lipides × Kow (L/L) Dans sa modélisation, Jager (1998) compare en détail les prédictions du modèle théorique aux données de la littérature en considérant les différents modes d'exposition (eau, sol en laboratoire et en champ) ; il discute les résultats suivant la nature des composés organiques (PCBs, chlorobenzènes, dioxines…) et de leurs propriétés physico-chimiques (hydrophobicité, stabilité…), mais aussi en fonction des groupes de vers (mangeurs de litière, mangeurs d'humus). (Éq. 2)
Dans l'application du modèle, le contenu en matière organique du sol doit être spécifié, en particulier celui du carbone organique dissous (COD), fortement lié aux composés organiques qui sont ainsi non disponibles pour l'absorption par diffusion. En effet, la représentation graphique théorique du modèle de bioconcentration (Log FBC / Log Kow) est seulement linéaire pour les teneurs en matière organique de 1 à 30 % (ce qui correspond à la majorité des cas). En définitive, le modèle présenté semble capable de prédire avec précision les FBCs des expériences dans l'eau, mais les FBCs dans le sol sont surestimés (en moyenne d'un facteur 5,6). Cela peut être dû à l'absence des conditions d'un véritable équilibre dans le système sol - eau interstitielle - vers de terre, mais aussi au fait que l'on ne tienne pas compte de l'influence de la phase protéique alors que celle-là est 10 fois plus importante que la phase lipidique chez les invertébrés terrestres. L'application de ce modèle à des invertébrés épigés vivant en milieu sec n'est guère concevable. Bien que les vers de terre soient capables d'absorber des composés chimiques organiques avec la nourriture, comme cela a été décrit par Belfroid et al. (1994), Jager (1998) ne pense pas que cette voie conduise à augmenter les charges du corps. Toutefois, il reconnaît qu'il est possible que les produits chimiques liés au COD, qui ne peuvent pas traverser la peau, soient remobilisés pendant leur passage dans le tube digestif quand la matière organique est digérée. Les tableaux récapitulatifs des données de la littérature, les diverses représentations graphiques des FBCs et les discussions de Jager (1998) donnent un aperçu des aspects de la modélisation de la bioconcentration des produits organiques chez les vers de terre. Il n'en demeure pas moins vrai que la modélisation de la biaccumulation a ses limites, lorsque l'on considère les différents aspects de la disponibilité des substances organiques au cours du temps avec les interactions entre microorganismes et vers de terre (ou autres invertébrés) et les phénomènes de minéralisation ou de transformation des substances (Gevao et al., 2001). Depuis les expériences de Belfroid et al. (1994), qui ont évalué l'absorption par la nourriture (fumier de vache contaminé) d'hydrocarbures aromatiques halogénés chez Eisenia andrei, Wågman et al. (2001) ont analysé l'absorption de 20 PCBs et de l'hexachlorobenzène chez E. fetida placés dans du sol artificiel et nourris pendant 31 jours avec de la poudre de larves de moustiques contaminées comportant 4,7 % de lipides. Alors que Belfroid et al. (1994) observent des coefficients d'absorption des PCBs compris entre 8,5 et 22 % et de 2,5 à 6,5 % pour le tétrachlorobenzène et l'octachloronaphtalène, Wågman et al. (2001) notent des taux d'absorption des PCBs et de l'hexachlorobenzène qui varient de 10 à 68 %. La comparaison des résultats est difficile car la nourriture donnée par Wågman et al. (2001) est riche en
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matière organique et en lipides, et la concentration en PCBs est beaucoup plus faible (d'un facteur 50 à 100) que celle de la nourriture des expériences de Belfroid et al. (1994, 1995a). Cependant, dans les deux espèces d'Eisenia considérées, l'absorption par la voie digestive est conséquente, même si on ne peut pas complètement éliminer la voie cutanée lorsque les vers viennent au contact du dépôt de nourriture ou des produits excrétés dans le sol. Chez E. andrei et E. fetida, les facteurs d'accumulation sont inférieurs à 1, que ce soit par rapport au contenu en lipides ou sur la base du poids frais. Chez E. fetida, Wågman et al. (2001) observent une élimination rapide pour les congénères PCBs les plus polaires à petit nombre d'atomes de chlore (4), tel que PCB45, et plus lente pour les PCBs non polaires avec 6 ou 7 atomes de chlore, tels que les PCBs non-ortho-substitués ; les demi-vies d'élimination varient de 6 à 25 jours. L'analyse des cocons d'E. fetida révèle l'existence d'un transfert direct de PCBs coplanaires dans la progéniture avec une répartition des congénères différente de celle des adultes (plus forte charge en non-ortho-PCB). Ce phénomène d'élimination différentielle par les vers via la descendance peut être comparé à ce qui se produit dans les œufs chez les oiseaux pour divers contaminants organiques (Choi et al., 1999 ; Bargar et al., 2001 ; Berny et al., 2002). Du point de vue des applications, les vers de terre peuvent être utilisés pour déterminer la biodisponibilité des pesticides organiques (DDT, chlordane, dieldrine, chlorobenzènes, PCBs, dioxines…) de sols contaminés, de composts d'ordures ménagères ou de sols recevant des boues d'épuration (Belfroid et al., 1995b ; Hendriks et al., 1995 ; Wågman et al., 1999 ; Matscheko et al., 2002 ; Jager et al., 2005). En effet, ces contaminants persistent longtemps dans les vers de terre (Beyer & Krynitsky, 1989). Dans ces conditions, l'absorption se fait à la fois par le tégument et par la voie digestive. Le calcul des FBAs sert à estimer les quantités de polluants spécifiques auxquels les organismes sont exposés. Les FBAs sont variables selon les espèces trouvées dans les milieux naturels ou introduites dans les enceintes contenant le sol ou les composts. Dans le cadre de l’évaluation du potentiel de bioaccumulation de nombreuses substances chimiques dynamisée par la directive REACH, et sans doute grâce à la proposition d’une ligne directrice pour l’évaluation de la bioaccumulation chez les oligochètes (OECD, 2010b), l’éventail des molécules organiques étudiées s’élargit. Divers travaux rapportent les capacités des vers (Eisenia fetida essentiellement) à accumuler des molécules d’origine anthropogénique. Ainsi Kinney et al., (2008, 2010, 2012) ont recherchés plus de 77 de ces molécules dans des boues ou des fumiers (traceurs de contamination comme produits pharmaceutiques, stérols, désinfectants, etc…) et ont déterminé des BAF supérieurs à 100 par exemple pour le bisphénol, le salicylate de méthyle. Parmi les résidus d’explosif, Sarrazin et al. (2009) ont montré qu’Eisenia andrei présentait des BAF du RDX (ou cyclotriméthylènetrinitramine) allant de 6,7 à 0,1 dans des sols contaminé par 1 à 10 000 mg/kg, ce qui conduit à des concentrations internes en polynitramine supérieure à 1000 mg/kg de poids sec ! La résistance de cette espèce à de telles concentrations fait qu’il peut survivre dans des sols très contaminés mais on observe toutefois une diminution du nombre de juvéniles produits à des concentrations du sol rencontrées sur sites contaminés. Enfin parmi les produits d’hygiène, le triclosan (TCS) et le triclocarban (TCC) qui sont utilisés dans les produits cosmétiques ou comme désinfectant, ont aussi un potentiel de bioaccumulation non négligeable, conduisant à des concentrations internes de 25 à 133 ng TCC/g poids frais chez E. fetida après 28 jours dans des sols amendés en boues à des taux agronomiques (Higgins et al., 2011). Pour le TCS, Pannu et al. (2012) rapportent des BAF de 6,5 à 12 chez E fetida
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exposé en laboratoire tandis que les vers récoltés in situ sur sols ayant reçus le même type de boues contaminées au TCS, le BAF est inférieur, et de l’ordre de 4,3. Ainsi en Suède, Wågman et al. (1999) ont décelé des pesticides dans des composts ménagers réalisés à l'intérieur d'un bâtiment. De tous les pesticides analysés, les DDT et les chlorobenzènes présentent les plus fortes concentrations. Aucun des déchets alimentaires contenant du DDT ne provenait de Suède, les sources de contamination peuvent être des dépôts aériens ou des fruits et légumes importés (bananes, aneth odorant, persil). Des différences de concentration en pesticides ont été constatées entre un compost (C2) de déchets de légumes biologiques et celui (C3) contenant des bananes, des déchets de légumes et de fruits et des journaux. Les niveaux de PCBs totaux des composts allaient de 32 à 440 ng.g-1 poids sec et de 23 à 290 ng.g-1 poids frais dans E. fetida. Les types de congénères PCBs trouvés sont ceux des mélanges techniques du commerce (dominés par des PCBs tétrachlorés), au contraire des données rapportées dans les composts extérieurs qui contiennent en plus des pesticides transportés par les pluies. Les FBAs calculés en divisant les concentrations en PCBs des vers (par raports au poids frais) par les concentrations dans les composts (par rapport au poids sec) sont inférieurs ou légèrement supérieurs à 1. Ces composés hydrophobes tendent à s'accumuler dans les lipides des vers et à s'adsorber à la matière organique du compost. Les FBAs calculés en divisant les concentrations en PCBs des lipides des vers par celles de la matière organique des composts sont en moyenne de 23 (FBAs compris entre 8 et 24 pour les congénères 52, 101, 118, 138, 153 et 180). Ces FBAs sont plus élevés que ceux rapportés par Belfroid et al. (1995b), chez E. andrei après 100 jours dans un sol de champ contaminé (FBAs de 5,3 à 7,4 pour les PCBs 101, 118, 138 et 153) et ceux mesurés par Hendriks et al. (1995) chez Lumbricus rubellus des sols du delta du Rhin (FBAs de 0,4 à 0,7 pour les PCBs 101, 118, 138 et 153 ou 0,10 à 3,5 pour l'ensemble des PCBs et de 0,87 à 8,8 pour les autres organochlorés). Wågman et al. (1999) expliquent ces différences par l'origine plus récente de la matière organique (épluchures de fruits et de légumes) et une plus grande activité biologique dans les composts. Des différences interspécifiques d'absorption peuvent également être en cause. Plus récemment, Peters et al. (2007) invoquent également l’impact de la qualité et de l’âge du carbone organique sur ses capacités de séquestration des polluants hydrophobes pour expliquer les différences de bioaccumulation du p,p’-DDE chez E. fetida et L. terrestris exposés à des sols ou du compost contaminés. En Suède également, Matscheko et al. (2002) ont collecté les vers de terre dans des sols agricoles qui ont reçu en amendement des boues d'épuration, et dans le sol d'un champ inondable au voisinage d'une usine de textile pour analyser leurs concentrations en contaminants organiques hydrophobes. En effet, si les concentrations en PCDDs et PCDFs ont une tendance générale à diminuer (Rappe et al., 1997 ; Eljarrat et al., 1999), celles en PBDEs (diphényl éthers polybromés), pour lesquels on dispose de peu de données (Hale et al., 2001), seraient en augmentation au voisinage de sites industriels et de zones fortement peuplées. Les analyses ont porté sur L. terrestris, Lumbricus sp. Aporrectodea caliginosa, A. rosea et Allolobophora chlorotica. Les FBAs diminuent selon l'ordre suivant : ortho-PBCs ? PBDEs > non-ortho-PCBs > 2, 3, 7, 8-PCDD/Fs. La moyenne des FBAs pour les ortho-PCBs est de 5 (matière organique du sol / lipides des vers) et les FBAs les plus faibles (0,1 à 0,8) concernent l'OCDD (octachloro dibenzo-p-dioxine). L'application de grandes quantités de boues (25 tonnes.ha–1) pendant 4 ans sur le sol d'une ferme se reflète par de fortes concentrations de PBDEs et d'OCDD dans le sol. L'accumulation des PBDEs semble décrite pour la première fois chez les vers de terre. Des résultats similaires ont été trouvés par Sellström et al. (2005). En effet,
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sur les trois stations de recherche suédoises étudiées, l’application de boues a entraîné une augmentation (2 à 13 fois) de tous les congénères PBDE dans les sols et, en particulier, du BDE-209. L’augmentation de la contamination des sols est corrélée à l’augmentation des concentrations internes en PBDE (ng.g-1 lipides) dans les vers de terre prélevés sur les sites. Les auteurs ont également observé une diminution linéaire des FBAs (calculés sur la base du contenu lipidique des vers), avec l’augmentation du log Kow qu’ils attribuent à une diminution de l’absorption avec l’augmentation de la taille moléculaire et de l’hydrophobicité des composés chimiques et/ou une diminution de leur biodisponibilité dans les sols (Sellström et al., 2005). Les résultats impliquent que les composés bromés ont le même potentiel d'accumulation que les composés chlorés chez les vers de terre. De plus si l'absorption à travers la peau de molécules dont la section dépasse 9,5 Å (PBDE 99) est limitée (comme chez les poissons, Burreau et al., 1997), cela signifie que le tube digestif constitue une voie importante des contaminants. Comme cela a été démontré expérimentalement (Wågman et al., 2001), les congénères non polaires, fortement adsorbés aux constituants du sol, sont moins accumulés que les ortho-PCBs et sont probablement moins biodisponibles que ces derniers. Matscheko et al. (2002) ont calculé les équivalents toxiques (EQTs WHO) pour l'Homme (Van den Berg et al., 1998b) des divers sols et ont noté que ceux-là sont seulement augmentés significativement dans le champ inondable et le sol de ferme ayant reçu beaucoup de boues. Ils ont constaté que les vers de terre sont capables de survivre dans le sol avec de hautes concentrations en PBDEs, sans établir si une telle exposition avait des effets nocifs pour eux. Il serait intéressant de calculer les FETs (facteurs d'équivalence toxique) des contaminants organiques hydrophobes chez les invertébrés et de savoir s'il existe chez eux un « médiateur de réponse » commun à plusieurs embranchements, comparable ou non au récepteur aryl (Ah) des vertébrés (Van den Berg et al., 1998b), ce qui favoriserait les comparaisons de toxicité dans le règne animal.
2.2.2 Éléments traces métalliques La bioaccumulation des métaux chez les vers de terre dépend beaucoup de l'espèce et des caractéristiques de leur milieu de vie, notamment de la composition du sol et de son pH (Van Gestel & Ma, 1988 ; Morgan & Morgan, 1991 ; Morgan & Morgan, 1999). Le concept général de mesure des concentrations en métaux dans des espèces sélectionnées pour obtenir des informations concernant les fractions de pollution biodisponibles d'un habitat donné est théoriquement attractif. Cependant, il est riche en difficultés pratiques du fait que les données de biodisponibilité sont propres à chaque espèce. Cela est bien illustré par les exemples de différences de concentrations en métaux dans les tissus d'espèces de vers de terre écophysiologiquement différentes décrites par Morgan et al. (1993), qui soulignent dans leur revue l'importance de facteurs déterminants interactifs, souvent biotiques, qui interviennent dans l'accumulation des métaux. Malgré la difficulté d'établir des relations statistiques simples entre les concentrations des métaux des organismes et celles des composants abiotiques de l'environnement (le lecteur peut se référer à la revue récente et détaillée de Nahmani et al., 2007), il est intéressant de dégager les principales directions dans lesquelles s'inscrivent les recherches actuelles afin d'aboutir à une meilleure connaissance des facteurs qui contrôlent la bioaccumulation des métaux chez les vers de terre.
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Les objectifs de la biosurveillance (biomonitoring) sont de déterminer les réponses de différentes espèces en termes de bioaccumulation et d'effets toxiques en fonction de la contamination du milieu (nature des métaux, influence de leur concentration). Ces deux considérations sont abordées soit séparément, soit en même temps.
2.2.2.1 Rôle de l’espèce De nombreuses différences de bioaccumulation ont été signalées entre des espèces de vers de terre écophysiologiquement distinctes (Morgan et al., 1986 ; Beyer et al., 1987 ; Morgan & Morgan, 1992, 1999 ; Morgan et al., 1993, 1999 ; Van Vliet et al., 2005 ; Kamitani & Kaneko, 2007). Par exemple, les populations en champ de l’espèce endogée Aporrectodea caliginosa accumulent en général de plus fortes concentrations de Pb, de Cd et de Cu que celles de l'espèce épigée Lumbricus rubellus, alors que c'est l'inverse pour le Ca. Cependant, on ne peut pas établir de règle générale car il existe des différences entre les deux vers épigés L. rubellus, et Dendrodrilus rubidus (Morgan & Morgan, 1991). L'espèce la plus petite, D. rubidus, accumulant de plus fortes concentrations de Pb et de Cd, mais de plus faibles concentrations de Zn et de Ca que L. rubellus. Les différences de concentration en métaux (Cd, Pb et Zn) des ingestats de deux espèces du même site s'accompagnent de différences concomitantes dans la charge en métaux des tissus. Cette constatation suggère que les différences de concentration en métaux des espèces sont le reflet de différences de sélection de la nourriture et/ou de la séparation des « niches » des espèces (Morgan & Morgan, 1992, 1999). Ernt & Frey (2007) ont tenté d’éclaircir ce point en étudiant la bioaccumulation du Hg chez deux espèces de vers de terre contrastées (une anécique, L. terrestris, et une endogée, Octolaseon cyaneum) exposées à différentes sources de nourriture contaminée (sol, litière de feuilles et litière de racines). Leurs résultats montrent que quelque soit l’espèce considérée, l’accumulation depuis le sol était supérieure à celle depuis les litières de feuilles ou de racines. Plus précisément, L. terrestris accumule le Hg depuis toutes les sources de nourriture alors que O. cyaneum se contamine préférentiellement depuis les particules de sol. L’ensemble de ces résultats suggère donc que, en plus des différences physiologiques, le comportement alimentaire peut également expliquer les différences d’accumulation interspécifiques des métaux chez les vers de terre. Van Vliet et al. (2006) utilisent également ces arguments pour expliquer les différences d’accumulation de différents métaux du sol chez trois espèces d’enchytrées prélevées in situ au Pays-Bas : Fridericia ulrikae accumule plus de Cd et de Pb que Enchytraeus buchholzi et Henlea perpusilla, alors que pour l’As et le Zn, les plus fortes concentrations ont été mesurées chez H. perpusilla. La mesure des charges en Cd, Cu, Pb et Zn des vers de terre A. caliginosa et L. rubellus, prélevés par Dai et al. (2004) dans des sols contaminés par les fonderies de Pb et de Zn d'un site industriel du Nord de la France, confirme et précise les résultats de Beyer et al. (1987) et de Morgan & Morgan (1999) selon lesquels la bioaccumulation des métaux reflète les différences écologiques de ces espèces. Alors que les concentrations totales des sols ont des valeurs comprises entre 2,7 et 5,2 mg Cd.kg–1, 165,7 et 1 231,7 mg Zn.kg–1, 45,8 et 465,5 mg Pb.kg–1, 30,0 et 107,5 mg Cu.kg–1, les contenus en métaux chez A. caliginosa s'étalent de 11,6 à 102,9 mg Cd.kg–1, 556 à 3 381 mg Zn.kg–1, 1,9 à 182,8 mg Pb.kg–1 et sont plus élevés que ceux de L. rubellus qui vont de 7,7 à 26,3 mg Cd.kg–1, 667 à 2 645 mg Zn.kg–1, 0,5 à 37,9 mg Pb.kg–1, sauf pour le Cu dont les concentrations sont comparables : respectivement 17,9 à 35,9 et 16,0 à 37,9 mg.kg–1. Dai et al. (2004) ont réalisé en même temps l'analyse du
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contenu total en métaux des sols et celle des fractions extractibles par le DTPA (acide pentaacétique diéthylène triamine) et ils notent que les concentrations en métaux de ces dernières sont significativement corrélées à celles des vers de terre, sauf pour le Cd chez L. rubellus et le Cu chez A. caliginosa. Ces auteurs suggèrent que le procédé d'analyse des fractions extractibles du sol par le DTPA, moins onéreux que la détermination de la concentration totale, pourrait servir pour prédire les bioconcentrations des métaux chez les vers de terre, en notant toutefois que dans certains cas les relations entre concentrations totales et concentrations en métaux après extraction au DTPA sont faibles (McLaughlin et al., 2000). À partir des mêmes sols contaminés du Nord de la France que ceux analysés par Dai et al. (2004), Becquer et al. (2005) ont réalisé des extractions séquentielles sélectives (ESS) de Cd, Pb et Zn qu'ils ont comparées avec les concentrations totales des vers A. caliginosa et L. rubellus et ils ont constaté que les formes les plus labiles des métaux (extractibles à l'eau) sont faiblement corrélées à la bioaccumulation dans les vers, sauf pour le Cd, tandis que les formes modérément disponibles (acido-solubles, liées aux oxydes de fer et à la matière organique) sont corrélées au mode d'accumulation par les vers. Ces auteurs pensent que cela résulte d'une absorption chimique par la peau pour les éléments solubles (Cd par exemple), alors que les éléments insolubles sont absorbés par la voie digestive comme cela a été décrit dans d'autres travaux (Marinussen et al., 1997 ; Weltje, 1998 ; Lanno et al., 2004). Cependant, il arrive que des espèces concentrent un métal d'une façon tout à fait exceptionnelle, même dans des sites naturels non contaminés, comme c'est le cas des espèces Eisenoïdes (E. loennbergi et E. carolinensis), dont la deuxième atteint une concentration en Pb de 2 100 mg.kg–1, alors que le sol a seulement une concentration de 9 mg.kg–1 (Beyer & Cromartie, 1987). De plus, dans chacun des trois groupes écologiques des vers de terre (épigés, endogés et anéciques), il existe des différences de comportement qui influencent la distribution et la disponibilité des métaux. Ainsi, dans le groupe hétérogène des endogés, Zorn et al. (2005) montrent expérimentalement que A. caliginosa transporte le sol pollué vers la surface (principalement dans ses déjections) et diminue la disponibilité du Zn du sol, tandis que Allolobophora chlorotica mélange la pollution dans tout le sol car peu de ses déjections sont émises à la surface. Les différences de bioconcentration des métaux suivant les espèces dépendent des caractéristiques des sols (pH, teneur en matière organique, en argile, Ca, Mg, N, P dont nous allons analyser par la suite les principaux effets), mais aussi des mélanges de contaminants. En effet, sur un site métallurgique (Kosogorsky en Russie) contaminé par plusieurs métaux : Fe, Mn, Zn, Cu, Ni, Pb et relativement peu de Cd – Van Straalen et al. (2001) observent des différences suivant les espèces, surtout marquées pour Fe, Pb et Cd. Sur le site le plus contaminé, c'est Aporrectodea rosea qui a les plus fortes concentrations moyennes en Pb et Cd (respectivement 126 et 27 µg.g–1 ps), tandis que celles d'A. caliginosa sont nettement plus faibles (1,4 et 11,1 µg.g–1 ps) et que celles de L. rubellus sont identiques pour les deux métaux (8,18 et 8,04 µg.g–1 ps). L. terrestris a des concentrations du même ordre de grandeur pour Pb et Cd (12,5 et 6,2 µg.g-1 ps) avec des concentrations en Fe très variables (3 309 ± 4 291 µg.g–1 ps), mais 4 à 9 fois plus élevées que celles des autres espèces. La plupart des études portant sur la bioaccumulation et les effets des métaux concernent les espèces des pays tempérés, cependant quelques travaux concernent des pays tropicaux. Ainsi en Afrique du Sud, Reinecke et al. (1997a) ont étudié l'absorption et la toxicité du cuivre et du Zn chez Eudrilus eugeniae. Des chercheurs de la même équipe signalent aussi le fait que suivant les modes d’élevage et d’expérimentation, des espèces différentes comme E. fetida et
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Perionyx excavatus (espèce épigée asiatique très prolifique en régions tropicales) peuvent présenter une accumulation de Pb du même ordre de grandeur (Reinecke et al., 1997b ; Maboeta et al., 1999). En Inde, dans des sols latéritiques de texture terre grasse sablonneuse, Panda et al. (1999) ont montré qu'après 30 jours d'élevage de Drawida willsi (espèce dominante dans les champs cultivés), les vers témoins contenaient 70 mg Zn.kg–1 (FBC = 2,33). Pendant la même durée, les vers de terre exposés à une contamination par le Zn ont des concentrations en Zn atteignant 84,5 ; 115,7 et 125 mg.kg–1 (poids sec) pour les sols contenant respectivement 50, 200 et 400 mg.kg–1 de Zn. Les FBCs montrent une diminution fonction de la dose de 1,69 à 50 mg.kg–1 et de 0,58-0,31 à 200–400 mg.kg–1 de sols traités par le Zn. Les différences de concentration entre les accumulations de Zn ne sont pas significatives entre les vers élevés dans les sols traités par 200 et 400 mg Zn.kg–1 ; ce qui indique que ces vers sont également capables de réguler leur concentration en Zn entre 116 et 125 mg.kg–1. Cela qui correspond sensiblement à la capacité de régulation du Zn observée par Van Gestel et al. (1993) pour Eisenia andrei. Pour les concentrations de 200 et 400 mg.kg–1, la reproduction de D. willsi est significativement réduite. En Algérie, dans le Constantinois, l'étude de l'accumulation du Cd, du Cu et du Zn chez trois espèces d'oligochètes – Lumbricus terrestris (L.t.), Allolobophora chlorotica (A.c.) et Dendrobaena pygmea (D.p.) – a montré à Rouabah & Descamps (2001a) que L.t. est l'espèce qui accumule le plus de Cd et de Zn dans le sol témoin à faible charge polymétallique. Les FBCs pour ces deux métaux sont supérieurs à 1 (FBCs Cd = 1,6 pour L.t. 1,2 pour A.c., 1,1 pour D.p. ; FBCs Zn = 1,74 pour L.t., 1,57 pour A.c., 1,16 pour D.p.). Le Cu présente des FBCs inférieurs à 1 chez les trois espèces (FBCs Cu = 0,80 pour A.c. ; 0,76 pour L.t. ; 0,54 pour D.p.). Pour le Cd et le Cu, l'accumulation préférentielle se trouve dans la fraction soluble après homogénéisation et centrifugation à 100 000 g. Après intoxication expérimentale par apport exogène de Cd au sol (100 µg.g–1 en plus), la concentration en Cd est toujours plus élevée dans la fraction soluble (FS) que dans la fraction insoluble (FI), et dans le même ordre de classement des espèces qu'en sol non enrichi en Cd. Les concentrations respectives (en µg.g–1 de poids sec) sont : L.t. (FS = 30 ; FI = 13,4), A.c. (FS = 21,7 ; FI = 11,3) et D.p. (FS = 20,4 ; FI = 6,1). Avec l'addition de Cd au sol, les FBCs de ce métal sont devenus inférieurs à 1 et respectivement : L.t. = 0,39 ; A.c. = 0,30 ; D.p. = 0,26. L'intoxication par le Cd entraîne une diminution importante de la concentration en Zn (environ 1/3 en moins) chez les trois espèces et du Cu (surtout chez L.t. et A.c.), aussi bien dans la FS que dans la FI. Les auteurs suggèrent que l'augmentation du Cd dans le sol se traduit par une compétition des métaux au niveau des sites cellulaires de stockage, qui déplacerait le Cu et le Zn stockés et serait suivie de leur excrétion vers le milieu extérieur. L'augmentation expérimentale progressive de la teneur du sol en Cd (sous forme de CdCl2) a permis à Rouabah & Descamps (2001b) de montrer qu'à 25 °C, c'est A. chlorotica qui est l'espèce la plus sensible au Cd (CL50 15 jours : 150 µg.g–1 et arrêt de croissance : 20 µg.g–1), suivie par D. pygmea (CL50 15 jours : 160 µg.g–1 et arrêt de croissance : 30 µg.g–1) et L. terrestris est la plus résistante (CL50 15 jours : 250 µg.g–1 et arrêt de croissance : 45 µg.g–1). Les valeurs de CL50 sont inférieures à celles observées chez E. fetida ou E. andrei par Neuhauser et al. (1985), Van Gestel et al. (1991) ou Spurgeon et al. (1994), mais il est difficile de comparer les sensibilités déterminées par ces auteurs à celles obtenues par Rouabah & Descamps (2001b), car les températures qu'ils ont utilisées sont différentes (25 °C au lieu de 20 °C), ainsi que les pH du sol. Au Japon enfin, Kamitani & Kaneko (2007) ont étudié l’abondance et la biomasse en vers de terre d’un ancien site minier modérément contaminé par des métaux (Cu, Zn, Cd et Pb).
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Six espèces de vers de terre appartenant à trois familles différentes ont été prélevées : megascolecidés (Amynthas corticis, A. hupeiensis et A. micronarius), moniligastridés (Drawida japonica et Drawina sp.) et lumbricidés (Eisenia japonica). Même si la structure de la communauté s’avère plus affectée par les propriétés du sol (en particulier le pH et le taux d’argile) que par sa contamination, le degré d’accumulation des ETMs dans les vers a permis aux auteurs de réaliser le classement suivant : moniligastridés > megascolecidés ≈ lumbricidés. Les concentrations internes étaient corrélées aux concentrations extractibles au DTPA, mais pas au CaCl2, ce qui suggère que les variations interspécifiques de bioaccumulation observées reflètent (au moins partiellement) des différences de biodisponibilité digestive (Kamitani & Kaneko, 2007). Le fait constant qui caractérise les travaux analysés, est que l'on trouve généralement des concentrations plus importantes de métaux dans les vers de terre proches des zones polluées, mais avec des différences d'absorption très variables selon les espèces. Le choix des espèces pour les tests écotoxicologiques mérite donc une attention particulière et une identification soigneuse des individus. Les conditions d'environnement et la nature du sol constituent également des facteurs qui agissent aussi bien sur la bioaccumulation que sur la toxicité. Les comparaisons expérimentales de bioaccumulation, de même que celles des sensibilités des différentes espèces nécessitent de respecter des conditions de température et de pH du sol identiques, ce qui n'est pas toujours le cas jusqu'à présent (Nahmani et al., 2007).
2.2.2.2 Influence de la concentration en métaux du milieu sur leur accumulation dans les vers Les vers de terre de diverses espèces qui vivent dans des sols pollués par des métaux en raison de la proximité d’autoroutes (Gish & Christensen, 1973) ou d’exploitations minières (Ireland, 1975 ; Dai et al., 2004) ou d’épandage de déchets (Helmke et al., 1979) ont des teneurs en métaux lourds, et notamment en Cd et Zn, beaucoup plus élevées que ceux qui se développent en zones non polluées. Pour ces deux métaux, les coefficients de concentration dans les vers de terre par rapport au milieu sont supérieurs à 1, valeur considérée comme représentative d’une accumulation par Hartenstein et al. (1980). Lorsque la contamination cesse, les indices d’accumulation du Zn et du Pb diminuent fortement, par rejet du métal dans les fèces ou élimination par la paroi du corps, dont l’ultrastructure des cellules est fortement modifiée par le Pb par exemple (Wielgus-Serafinska, 1979 ; Wielgus-Serafinska & Strzelec, 1983). L’accumulation de métaux a aussi été constatée chez Eisenia fetida andrei, élevé sur des ordures ménagères fraîches, qui contiennent une charge non négligeable en métaux lourds (Cd, Cr, Ni, Pb, Zn). Linères et al. (1985) notent une accumulation de Pb et de Zn dans les vers élevés sur les ordures, tandis que Cd, Cr et Ni ne sont pas plus concentrés que chez les vers élevés sur un compost témoin (lui-même pollué). Ces résultats sont comparables à ceux de Mori & Kurihara (1979), qui observent des indices de concentration de 2 à 7,5 pour le Zn, et surtout le Cd, dans E. fetida se développant dans certains composts. L’élimination du contenu digestif par un séjour de 24 h sur papier filtre entraîne une baisse importante des teneurs en Cr, Pb, Ni et Zn d’E. fetida andrei élevés dans les ordures ménagères, mais est sans action sur la teneur en Cd, qui est très fortement liée aux tissus des vers (Linères et al., 1985). Dans la vallée de l'Arc (Maurienne, Savoie), où trois usines d'aluminium rejettent des composés fluorés dans l'atmosphère, les teneurs en fluor du sol (total ou libre) sont les plus
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importantes aux alentours des sources de pollution (Garrec & Plebin, 1984). Dans les vers de terre (Lumbricus sp. et Allolobophora sp.) prélevés dans cette vallée, il existe une corrélation significative entre la teneur en fluor total des sols et l'accumulation de fluor dans les vers (facteur de concentration = 0,4). En revanche, à partir de l'analyse de six métaux (Pb, Cu, Zn, Cd, Cr et Se) et d'un métalloïde (As) dans les vers de terre et les sols de 20 sites divers du Maryland, de Pennsylvanie et de Virginie, Beyer & Cromartie (1987) ont constaté que les concentrations dans les vers de terre étaient faiblement corrélées à celles des sols. Les coefficients de corrélation entre les deux sont bas (–0,20 < r < + 0,57 avec Cu : + 0,57 ; As : + 0,45 ; Cd : + 0,42 ; Zn : + 0,01 ; Pb : –0,14 ; Cr : –0,20). Les auteurs suggèrent que les raisons de ces faibles corrélations tiennent d'une part au fait que les vers de terre consomment des éléments qu'ils choisissent et qui ne contiennent pas forcément les mêmes quantités de métaux que le sol (racines ou litières de plantes…), d'autre part aux capacités de régulation des concentrations de certains éléments comme les métaux essentiels (Cu, Zn et Se). Par exemple, le contenu en Zn du sol sous une tour (B) galvanisée (270 mg.kg–1) est 10 fois celui du sol situé à 20 m (28 mg.kg–1) tandis que la concentration dans les vers de terre est seulement deux fois plus grande (690 mg.kg–1 contre 380 mg.kg–1). Une faible biodisponibilité du Cr, du Cu et du Ni pour E. andrei exposé 28 jours en laboratoire à des sols pollués est également observée par Jubileus et al. (2013). Les BAF des métaux sont inférieurs à 0,01 cependant une diminution du nombre d’éclos par cocon est observée, en relation probablement avec des effets synergiques entre métaux sur la fertilisation ou le développement embryonnaire des œufs. En 1990, Beyer a réalisé une compilation qui comporte des données détaillées, aussi bien sur les concentrations des contaminants dans les sols de différents pays du monde que les titres et les résumés d'articles sur l'accumulation des contaminants dans les vers de terre, qui constituent un relais entre le sol et de nombreuses espèces sauvages. En ce qui concerne les métaux, l'auteur remarque que, dans l'ensemble des articles sur le cadmium, ce métal est fortement concentré dans les vers de terre par rapport au sol. Par exemple, dans des sols contenant seulement quelques mg.kg–1 de Cd, le facteur de concentration dans les vers de terre est de 21, tandis que pour le Pb le facteur de concentration est de 0,66 (Beyer et al., 1982). Concernant le Pb, les concentrations déterminées par Terhivuo et al. (1994) chez les trois espèces de vers de terre : Aporrectodea caliginosa, Lumbricus rubellus et L. castaneus, prélevées au voisinage d'une fonderie, font apparaître des différences de concentrations significativement très importantes chez A. caliginosa entre les deux sites (témoin et contaminé), ce qui n'est pas le cas pour les deux autres espèces (Tableau 6). L'étude des relations entre les concentrations de cinq métaux lourds (Cd, Cu, Ni, Pb et Zn) du sol et des vers de terre de 60 sites du Sud-Est de la France, réalisée par Abdul Rida & Bouché (1994, 1995), met en évidence des différences de concentrations de ces métaux entre les groupes écologiques auxquels appartiennent les 15 espèces de vers de terre étudiées. Ce sont les espèces du genre Scherotheca, les plus sensibles aux fortes teneurs des sols en Cd, Cu, Pb et Zn qui concentrent le plus le Cd et le Zn, tandis que les autres concentrent davantage le Pb. Ces auteurs montrent qu’un modèle linéaire traduit une relation générale positive pour le Pb (p < 0,001) et le Cd (p < 0,01), mais pas pour le Ni. Ces corrélations ne permettent pas de prédire la concentration des organismes car par exemple, pour le Cd, avec une concentration de 1,2 mg.kg–1 dans le sol, les concentrations dans les vers de terre varient de 7 à 164 mg.kg–1. Tout en soulignant l’intérêt des vers de terre comme bioindicateurs physiologiques
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TABLEAU 6
Comparaison des concentrations en Plomb de trois espèces de vers de terre d’un sol fortement pollué au voisinage d’une fonderie de Finlande (Tikkurila) et d’un site témoin (Pornainen). Les différences d’accumulation sont significatives (S) entre les espèces dans chacun des sites ; en revanche, seule l’espèce endogée A. caliginosa présente une différence significative entre les deux sites, les deux autres espèces n’ont pas de différence significative (NS). D’après Terhivuo et al. (1994).
Concentration en Pb dans les vers Espèces (µg g–1 de poids sec) Tikkurila Pornainen Aporrectodea caliginosa 1 058 ± 480 61,7 ± 42,7 Lumbricus rubellus 133,6 ± 116,5 56,2 ± 36,7 Lumbricus castaneus 75,6 ± 109,4 88,3 ± 59,8 Comparaison entre espèces S S
Comparaison entre sites S NS NS
Coefficient d’augmentation de la concentration 17
Pour plus de détails sur l'écologie des diverses espèces d'annélides du sol, consulter l'Atlas européen de la biodiversité des sols (Jeffery et al., 2010) et le site de l'Observatoire Participatif des Vers de Terre, OPVT: http://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/OPVT_accueil.php)
et bioaccumulateurs dans les chaînes alimentaires, Abdul Rida & Bouché (1995) font remarquer la grande variabilité des quantités de métaux ainsi que les faibles corrélations entre le sol et les vers de terre pour les métaux, autres que le Cd et le Pb. Ces données sont en faveur de l'utilisation des vers de terre pour évaluer la biodiponiblité des métaux et les risques de transfert. Ces transferts ne peuvent être caractérisés uniquement sur la base des concentrations totales dans les sols qui, bien que dépendantes des propriétés des sols, ne reflètent pas les interactions avec le vivant (de Vaufleury et al., 2011; Grand et al., 2012). Pour évaluer l’impact du déversement pendant 5 ans de boues municipales fortement contaminées en métaux, Neuhauser et al. (1995) ont déterminé le contenu en métaux des vers de terre et des sols d’un site contaminé et du site adjacent non contaminé. Deux espèces de vers de terre : Lumbricus rubellus et Allolobophora tuberculata, étaient présentes sur les sites, mais l’étude a porté sur cette dernière espèce qui était la plus abondante. Pour les cinq métaux étudiés (Cd, Cu, Ni, Pb et Zn), la relation entre les concentrations en métal des vers et du sol répond au modèle log Cw = log Cs + c, où Cw est la concentration du métal dans les vers, Cs la concentration du métal dans le sol et c une constante. Les équations de régression du Cd et du Zn sont similaires et ces deux métaux sont bioconcentrés. Pour ces deux métaux, la bioconcentration est la plus forte lorsque les concentrations du sol sont faibles, ceci pourrait signifier qu’aux fortes concentrations, les taux d’élimination de ces métaux augmenteraient ou que ces fortes concentrations du sol entraînent des effets toxiques qui limitent la bioaccumulation. Les trois autres métaux ne sont pas bioconcentrés. La comparaison des résultats de ces auteurs avec ceux d’autres chercheurs montre une similitude des relations sauf pour le Ni. Neuhauser et al. (1995) suggèrent que les différences peuvent être dues au temps de « vidage » du tube digestif des vers de terre, qui varie avec les expérimentateurs. Le temps de « vidage » apparaît comme une variable importante dans la mesure des concentrations de métaux des vers de terre, car les mesures sont souvent faites sur le complexe vers - sol (c’està-dire les tissus mous des vers et le sol du tube digestif). En plus de l’étude des concentrations des métaux des vers prélevés sur les deux sites considérés en état d’équilibre stable, Neuhauser et al. (1995) ont étudié en laboratoire (incubateur à 20 °C), dans des plateaux contenant chacun 20 kg de terre, la biocinétique des métaux dans un état non stable en transférant des vers (A. tuberculata) d’un sol non contaminé dans un
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sol contaminé (étude de l’absorption) et d’un sol contaminé dans un sol non contaminé (études d’élimination) pendant des durées croissantes de 6 à 112 jours. Pour le Cd et le Zn, il y a augmentation progressive des concentrations dans les vers témoins transférés dans un sol contaminé, et l’inverse pour le passage d’un sol contaminé dans un sol non contaminé faisant ressortir la nécessité d’un temps relativement long pour atteindre un état d’équilibre. Les trois autres métaux montrent des profils de cinétiques complexes et inattendus (parfois à plusieurs phases). Après une augmentation rapide pendant les premiers jours pour l’absorption, il y a ensuite diminution, tandis que pour l’élimination, on constate une diminution rapide entre 0 et 7 jours, puis un plateau ou une légère augmentation, ce qui suggère un mécanisme homéostatique inexpliqué et révèle avec quelle prudence il faut interpréter les variations de bioconcentration chez les vers de terre. Chez les vers de terre, l'accumulation du mercure a fait l'objet de peu d'études. Cependant, Cocking et al. (1991) ont observé que la concentration en Hg dans un pool de deux espèces (Lumbricus terrestris et L. rubellus) dépend du niveau de contamination en Hg du sol de la plaine inondable de « South river » (Waynesboro, États-Unis), dont la partie aval est contaminée par une usine de sulfate mercurique. Pour les contaminations élevées du sol, il existe une relation linéaire directe entre les concentrations en Hg du sol (15 et 30 µg.g–1 p.s.) et celles des tissus des vers (en moyenne 9 et 16 µg.g–1 p.s. respectivement). Pour ces concentrations, les FBAs moyens sont de 0,6 tandis que dans les sols témoins (≈ 0,2 µg.g–1 p.s.), les concentrations dans les vers vont de 0,4 à 0,8 µg.g–1 p.s. et les FBAs de 5 à 8. Cette diminution des FBAs avec l’augmentation des concentrations en Hg dans les sols a également été confirmée par Burton et al. (2006) en exposant des vers E. fetida à des sols de contamination croissante prélevés au voisinage d’un ancien site industriel. Des expériences de culture de vers du commerce (L. terrestris), réalisées en laboratoire par Cocking et al. (1994) dans du sol collecté sur le site contaminé (≈ 21 µg.g–1 p.s.), montrent que les concentrations en Hg des vers augmentent au cours des deux premières semaines, mais qu'elles sont 5 fois moins élevées que celles des vers recueillis en champ dans le même sol, puis elles diminuent. Lorsque le pH du sol de culture est légèrement acidifié (pH de 5,9 à 6), l'accumulation de Hg par L. terrestris est significativement augmentée par rapport à ceux qui sont en milieu neutre. Ces expériences confirment l'accumulation rapide du Hg du sol par les vers de terre observée par Bull et al. (1977), mais la différence de bioaccumulation entre les vers du commerce élevés en laboratoire et ceux prélevés dans la nature soulève plusieurs questions. L'une concerne l'influence éventuelle d'une sélection génétique des populations des zones contaminées, qui seraient plus tolérantes au Hg et auraient acquis des mécanismes physiologiques de séquestration du Hg. Il peut s'agir aussi d'une différence due au fait que les cultures portent uniquement sur des adultes, tandis que, dans la nature, tous les stades du développement sont présents. La réalisation des cultures au laboratoire (dans de petits récipients : 17 cm de haut, 15 cm de diamètre) introduit égalements d'autres facteurs de variabilité, tels que celui du contenu en matière organique et en matériel humique, qui jouent un role important dans l'adsorption et le transport du Hg (Lodenius, 1994). Il en est de même pour l'évolution de la forme sous laquelle se trouve le Hg (entre 8 et 13 % de forme méthylée selon Bull et al., 1977) car Beyer et al. (1985a) ont trouvé des concentrations élevées de MeHg chez E. fetida (85 ppm dans les vers pour une concentration du sol de 5 ppm) avec une toxicité du MeHg qui semble plus élevée. Plus récemment, Burton et al. (2006) ont confirmé ces résultats en mesurant des FBAs variant de 0,6 à 3,3 pour le Hg total et de 175 à 249 pour le MeHg chez E. fetida exposé au laboratoire à des sols contaminés. L'incidence d'une acidification modeste
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sur l'augmentation des concentrations en Hg des vers de terre est un point important à considérer dans le cycle du Hg, en interaction avec les pluies acides lors de l'étude du Hg dans les environnements terrestres et dans les impacts sur la biodisponibilité des différentes formes au cours des transferts dans les chaînes alimentaires de consommateurs de vers de terre (arthropodes, oiseaux, mammifères). En étudiant l’impact d’apport de boues de station d’épuration dans un système permettant l’exposition simultanée de plusieurs types d’organismes (« mutli-species soil system : MS-3), à savoir 2 plantes et le vers E. fetida, Carbonel et al. (2009) ont observé après 28 jours d’exposition que les concentrations internes des vers en Cr, Cu, Ni et Pb n’augmentent pas de façon significative quel que ce soit le taux d’apport de boues testé (30-60 et 120 t/ha) alors que celles de Cd et Hg diminuent en présence de boues. Par contre, l’apport de matière organique des boues stimule la croissance des vers ce qui au final aboutit à l’augmentation des quantités de métal par ver qui passent de 35 à 168 mg/kg pour le Cr, de 66 à 156 mg pour le Ni, de 36 à 108 mg de Pb et de 1930 à 4550 mg pour le Zn. Au-delà de la caractérisation du risque écotoxique des apports de boues, Carbonel et al. (2009) soulignent l’intérêt du MS-3 pour fournir des données sur les risques d’empoisonnement secondaire et l’exposition des consommateurs.
2.2.2.3 Cinétiques d'absorption et d'élimination des métaux Les tests écophysiologiques utilisant les vers de terre sont de durée relativement courte et de l'ordre de quelques jours (OCDE, 1984b), bien que l’état d’équilibre entre les concentrations du milieu et des tissus ne soit pas atteint. La ligne directrice de l'OECD (2010) pour l'évaluation de la bioaccumulation chez les oligochètes terrestres recommande des expositions de 14 et 21 jours respectivement pour Enchytraeus albidus et de 21 jours pour E. fetida /E.andrei. La période de dépuration (vers sur sols non contaminés) post exposition est également de 14 et 21 jours respectivement pour les 2 types de vers. Les analyses effectuées sur des animaux prélevés dans la nature donnent des renseignements sur des situations sans doute plus proches de l’état d’équilibre, étant donné que les vers de terre ont passé leur vie dans le milieu considéré. Selon Sheppard et al. (1997), il serait préférable que les tests de standardisation soient réalisés en état stable, car, avant cet état, les concentrations peuvent changer rapidement et avoir des effets sur la santé des vers. Dans cette optique, Sheppard et al. (1997) ont effectué une étude de la cinétique de l’absorption et de la dépuration d’éléments importants de l’industrie nucléaire (I et Cs) et d’autres industries (Mn, Zn, Cd), en exposant des vers de terre (Lumbricus terrestris) à des litières contaminées par des radiotraceurs (125I, 134Cs, 54Mn, 65Zn, 109Cd). La dépuration a été suivie pendant 120 jours et l’absorption pendant 20 jours dans les deux expériences distinctes. Les deux processus comportent deux phases, qui sont traduites par des modèles statistiques de premier ordre. La dépuration comporte une première phase rapide correspondant à la clearance du tube digestif, dont la moyenne du demi-temps est de 1,4 jour, tandis que la moyenne du demi-temps de dépuration physiologique décroît de : I (210 jours) > Cd (150 jours) > Zn (69 jours) > Mn (40 jours) > Cs (24 jours). Ces processus de dépuration sont relativement lents car par exemple pour le Cs qui a la plus courte demi-durée de perte dans les tissus, 20 % du Cs sont encore présents dans les tissus après 80 jours. L’absorption est un processus beaucoup plus rapide, principalement pour l’iode et le manganèse, mais c’est ensuite un phénomène à long terme qui contrôle les concentrations tissulaires dans l’état d’équilibre. Les taux de concentration (vers / litière en
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poids sec) observés le 20e jour vont de 2 à 12,6 dans l’ordre progressif suivant : Mn ≤ Cs ≤ I < Zn < Cd. Ces rapports de concentration sont uniquement valables pour les isotopes stables à une concentration déterminée ; ils sont en accord avec les données publiées par d’autres auteurs pour le Cd qui a un fort potentiel d’accumulation chez les vers de terre. L’une des études les plus citées dans le domaine des cinétiques d’accumulation et d’élimination des métaux est celle de Spurgeon & Hopkin (1999). Ces auteurs ont évalué l’accumulation (42 jours) et l’élimination (100 jours) de deux ETMs essentiels (Cu et Zn) et deux ETMs non essentiels (Cd et Pb) chez le ver E. fetida exposé au laboratoire à des sols naturels ou artificiels. Des comportements contrastés ont été observés entre les quatre ETMs, au sein d’un même type de sol, en liaison avec la physiologie de l’organisme et les stratégies de détoxification mises en œuvre : des cinétiques linéaires, sans excrétion, pour le Cd et le Pb, alors que les forts taux d’excrétion du Cu et du Zn font tendre leurs cinétiques vers un état d’équilibre. Enfin, les différences observées entre les deux types de sols (naturels, prélevés in situ et artificiels, préparés selon OCDE, 1984) ont été attribuées à une biodisponibilité des ETMs plus importante dans le sol artificiel, en liaison avec une plus faible capacité de liaison et un temps d’équilibration (durée séparant l’addition des ETMs dans le sol et l’exposition des organismes) plus court dans le sol artificiel (Spurgeon & Hopkin, 1999). Avec une autre espèce, Lumbricus rubellus, Vijver et al. (2005) ont effectué une étude des cinétiques d'absorption et d'élimination du Cd et du Zn à l'aide de radioisotopes, qui permettent des mesures non destructives de flux d'éléments sous contrôle homéostatique. Ces expériences montrent que l'absorption ne peut pas être déduite uniquement à partir des concentrations de l'eau interstitielle, car les vers absorbent davantage de métaux en 14 jours que la charge totale de l'eau (accumulation au moins deux fois plus grande dans les vers). Les concentrations de l'eau interstitielle sont restaurées par les métaux qui subissent une désorption des phases solides (phénomène de réapprovisionnement = replenishment). Dans les vers de terre, Vijver et al. (2005) identifient deux compartiments avec des affinités différentes pour le Cd et le Zn. Le premier représenterait le pool des métaux faiblement liés (dont le Zn), tandis que le second représenterait une fraction de stockage fortement lié (Cd). L'estimation de la bioaccumulation doit donc être basée sur les flux des éléments, en prenant en considération la physiologie des métaux internalisés. Pendant la phase d'exposition aux métaux, l'accumulation du Cd augmente de façon linéaire pendant 14 jours, tandis que celle du Zn est très rapide (1er jour). Après transfert dans le sol non marqué, on assiste à une élimination biphasique se traduisant par une diminution rapide de la concentration en Cd et en Zn (turnover très rapide du Zn en quelques heures), mais après 18 jours d'élimination, les animaux contiennent encore 46 % de la quantité maximale de Cd accumulé tandis que la concentration en Zn est seulement de 7,5 %. Ces résultats montrent que la biodisponibilité des métaux ne correspond pas seulement à un état d'équilibre entre phase solide et phase liquide, et qu'il faut tenir compte d'une part du « réapprovisionnement » des phases solubles par les phases solides en affinant les cinétiques des métaux des phases du sol, et d'autre part de l'existense des compartiments internes de distribution des éléments dans les vers. Enfin, si de nombreux travaux concernent les quatre principaux ETMs retrouvés dans l’environnement (Cd, Cu, Pb et Zn), très peu d’informations sont disponibles sur d’autres éléments dont la toxicité a pourtant été établie. Ainsi, seuls Burton et al. (2006) ont étudié les cinétiques d’accumulation (28 jours) et d’élimination (14 jours) du Hg, à la fois sous ses formes inorganique (THg) et organique (méthylmercure, MeHg) chez E. fetida exposé à quatre sols naturels de contamination croissante. Alors que pour le THg, les concentrations
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internes atteignent un état d’équilibre après 36 à 42 jours d’exposition, les concentrations en MeHg augmentent de manière linéaire sur toute la durée d’exposition. Les FBAs varient de 0,6 à 3,3 pour le THg et de 175 à 249 pour le MeHg. Les auteurs expliquent ces différences, résultant de la combinaison d’un fort taux d’absorption et d’une faible excrétion du MeHg, par la lipophilie du MeHg (log Kow = 1,6 à pH = 4) et la méthylation du Hg2+ dans le tube digestif des vers par des bactéries. Si l'intérêt des études cinétiques de l'accumulation et de l'élimination des métaux est généralement reconnu, il n'y a pas de consensus sur les durées d'exposition adaptées: de 14 jours (OECD, 2010b) à 56 jours (Brulle et al., 2011) voir 224 jours (Yu & lanno, 2010) voir plus, le choix de la durée doit être fait selon la question posée (potentiel d'accumulation ? distribution interne et toxicité ? screening rapide du potentiel de transfert de multiples sols contaminés ?...) et permettre un compromis entre compréhension fine des mécanismes de transferts et contraintes temporelles et budgétaires.
2.2.2.4 Localisation et séquestration tissulaire et cellulaire des métaux – Phénomène de tolérance Les vers de terre qui vivent dans des sols contaminés par les métaux, principalement de source anthropogène, accumulent de fortes concentrations de métaux lourds dans leurs tissus (Ireland, 1983 ; Morgan & Morgan, 1988 ; Dai et al., 2004). La répartition des métaux (Cd, Pb, Zn) n’est pas identique dans tous les tissus des vers de terre, qu’il s’agisse de Lumbricus rubellus (Morgan & Morgan, 1990) ou d’Aporrectodea caliginosa (Morgan & Morgan, 1998). Chez L. rubellus, les proportions les plus fortes des charges métalliques accumulées dans le corps sont localisées dans les tissus (épithélium intestinal et tissu chloragogène) du tube digestif postérieur (Pb : 87,7 % ; Zn : 78,8 % ; Cd : 72,8 % ; Cu : 57,3 %) (Morgan & Morgan, 1990). Les études réalisées sur la répartition du Pb et de l'U dans les tissus d'E. fetida par Labrot et al. (1999) révèlent qu'après 4 et 11 jours d'exposition, ces métaux présentent une concentration importante dans l'intestin et les vésicules séminales (26 et 28 µg U.g–1 p.f. à 11 jours et 26 et 30 µg Pb.g–1). Physiologiquement, le Pb pourrait interférer avec les fonctions cellulaires en perturbant l'homéostasie du Ca et inhiber les enzymes de synthèse de l'hème de l'hémoglobine, qui est le pigment respiratoire des vers de terre (Morgan et al., 1993). En milieu forestier contaminé principalement par Zn et Cu, Bengtsson et al. (1983) trouvent des concentrations de Cu élevées dans les vésicules séminales et les ganglions cérébroïdes de Allolobophora caliginosa juvéniles et de Dendrobaena octaedra adultes. Chez les deux espèces, la concentration en Cu diminue avec l’éloignement de la source d'émission. D. octaedra, espèce la plus abondante du biotope forestier, a disparu dans un rayon de 1 km autour de la source polluante. Des concentrations importantes en Pb sont trouvées dans le pharynx, les vésicules séminales et les ganglions cérébroïdes (plus élevées chez les juvéniles que chez les adultes), mais sans relation avec la distance de la source de contamination. La toxicité du Cu et du Pb au niveau des ganglions cérébroïdes (réduction du comportement fouisseur) et des vésicules séminales est évoquée pour expliquer en partie la réduction de la densité des vers de terre au voisinage du complexe minier, mais le rationnement de la nourriture des vers ne peut pas être exclu. Chez une autre espèce de Dendrobaena (D. veneta), l'exposition des vers à des sols contaminés par du Cd à 10 et 50 mg.kg–1 pendant 10 à 20 jours induit une accumulation importante
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de Cd dans les ganglions supra- et sous-œsophagiens (Siekierska, 2003). Cette accumulation est proportionnelle à la concentration en Cd du sol et à la durée d'exposition. Alors que la concentration en Cd n'est pas mesurable dans les ganglions nerveux des témoins, chez les traités après 10 et 20 jours d'exposition, elle est respectivement de 8,6 et 78,3 µg.g–1 ps chez les vers de terre exposés à 10 mg.kg–1 et de 84,5 et 265,4 µg.g–1 ps chez ceux exposés à 50 mg.kg–1. Dans les cellules neurosécrétrices des ganglions, la plus forte exposition (50 mg.kg–1) réduit la neurosécrétion et son écoulement au neuropile et elle provoque la dégénérescence de ces cellules. L'action toxique du Cd pourrait ainsi être à la fois directe sur les tissus dans lesquels il est principalement accumulé (tissu chloragogène, intestin postérieur, néphridies…), mais également par une action indirecte par l'intermédiaire des fonctions régulées par la neurosécrétion (osmorégulation, ovogenèse…). Il est possible que cette accumulation du Cd dans les cellules neurosécrétrices perturbe aussi la sécrétion d'annetocine (neuropeptide de la superfamille ocytocine/vasopressine) impliquée dans le comportement de ponte des vers de terre, comme cela a été observé par Ricketts et al. (2004), qui ont montré que l'expression du gène de cette hormone est affectée par les fortes concentrations de deux autres ETMs (le Pb et le Zn). Les localisations cellulaires et subcellulaires réalisées sur coupes, par Morgan & Morgan (1989) et Morgan et al. (1999), à l’aide de sondes aux RX, indiquent que le Pb et le Zn sont associés aux granules riches en phosphate de Ca (chloragosomes) des cellules chloragogènes, tandis que le Cd est localisé avec le S dans un compartiment cellulaire distinct (cadmosomes) des cellules chloragogènes et des cellules épithéliales intestinales. Les vers de terre (L. rubellus) qui survivent dans le sol du site métallifère de Rudry, South Wales (G.B.) sont exposés à des concentrations exceptionnelles de Pb (2 337 µg.g–1 poids sec), de Zn (5 902 µg.g–1 poids sec) et de Cd (604 µg.g–1 poids sec). Leurs tissus contiennent des quantités substantielles des trois métaux (Cd : 1 212 µg.g–1 poids sec, FBC : 2,01 ; Zn : 2 470 µg.g–1 poids sec, FBC : 0,42 ; Pb : 892 µg.g–1 poids sec, FBC : 0,38) (Morgan et al., 1999). Après homogénéisation des vers (L. rubellus) de ce site contaminé, la centrifugation permet de localiser le Pb dans le surnageant cytosolique et le culot insoluble (respectivement 46 et 48 %), tandis que 71 % du Zn est retenu dans le culot et 87 % du Cd est associé au surnageant. Chez Aporrectodea caliginosa, la répartition des métaux dans les fractions subcellulaires de vers de sols contaminés ou non, étudiée par Vijver et al. (2006b), montre que le Pb, le Fe et le Ni se retrouvent dans la fraction granulaire, tandis que le Cd est en grande partie dans la fraction cytosolique. Ces auteurs pensent que la répartition des métaux dans les compartiments subcellulaires et leurs variations pourraient permettre une estimation plus précise des effets que la charge totale du corps. Afin de préciser la fraction de Cd responsable de la toxicité chez Eisenia fetida, Condor et al. (2002) ont étudié la compartimentation cellulaire du métal en réalisant la centrifugation à 10 000 × g de vers exposés pendant 14 jours à un sol artificiel très fortement contaminé (14 mmol.kg–1 = 1 575 mg.kg–1). Dans ces conditions, le culot contenant les granules riches en métaux (MRG = metal rich granules) et les débris cellulaires atteint une concentration moyenne stable (1,2 mmol.kg–1) en 5 jours, tandis que la concentration en Cd du surnageant (cytosol) augmente linéairement pendant les 14 jours de l'exposition (de 0 à 3,59 mmol.kg– 1). D'après les auteurs, ceci montre que les capacités de stockage des MRG sont limitées dans le temps et qu'ensuite les fractions du surnageant de plus en plus concentrées en Cd sont à l'origine de la toxicité. Pour étudier l’impact de l’acclimatation d’E. andrei au Cd (acclimatation réalisée via une pré-exposition de 28 jours à un sol contenant 20 mgCd/kg) sur la cinétique
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d’accumulation du Cd dans un sol contaminé à 20 ou 100 mgCd/kg, Yu & Lanno (2010) ont suivi pendant 224 jours l’accumulation de ce métal. Les vers acclimatés accumulent plus de Cd et mettent plus longtemps à atteindre l’équilibre des concentrations internes que les vers non acclimatés avant exposition. L’induction et la synthèse préalable de métallothionéines (MT), protéines de détoxication du Cd, chez les vers acclimatés seraient responsables de l’accumulation plus marquée du Cd (129 vs 270 mgCd/kg poids sec chez E andrei non acclimatés ou acclimatés exposés à 20 mg.kg dans le sol et 267 vs 490 mg/kg poids sec pour ceux exposés au sol à 100 mg/kg). Cette étude cinétique a été couplée à celle des formes du Cd dans les tissus : l’accumulation du Cd se fait principalement sous forme de métallothionéines (MT) qui augmentent linéairement tout au long de l’exposition, tandis que le Cd sous forme de granules ou dans la fraction débris cellulaires (fraction considérée comme potentiellement toxique) atteint plus rapidement l’état d’équilibre. Yu & Lanno (2010) recommandent donc des durées d’exposition longues, voir supérieures à 224 jours pour une compréhension fine des cinétiques d’accumulation ; en effet E. andrei a une durée de vie moyenne de 4,25 ans et l’état d’équilibre de concentrations internes pourrait donc être atteint au delà de 224 jours. L’analyse de la distribution du métal dans les tissus est également nécessaire à la compréhension des effets : Yu & Lanno n’ont pas observé d’effets toxiques probablement en raison de la faible proportion de Cd dans les débris cellulaires, qui de plus se stabilise plus rapidement que les MTs. Ces auteurs soulignent que la toxicité ne peut être prédite seulement par examen des concentrations internes car la signification biologique des concentrations en métal dépend de la forme spécifique de ce métal dans les tissus. À partir de vers de terre de l'espèce Dendrodrilus rubidus d'un site témoin et de trois sites métallifères de mines abandonnées de Pb et de Zn (Wales, G.B.), dont les proportions en métaux et la nature des sols sont très variables, Morgan et al. (2002) ont mesuré les concentrations en Cd, Pb et Zn des vers et observé les modifications cytologiques induites. Les facteurs de concentration sont très différents : de 3,4 à 1 112 pour le Cd, de 0,07 à 9,2 pour le Pb et de 0,1 à 2,9 pour le Zn. Ces auteurs notent que le volume du tissu chloragogène n'est pas modifié par la pollution, mais une analyse morphométrique en microscopie électronique révèle des changements de structure des constituants intracellulaires. Les charges métalliques élevées réduisent le volume des granules (chloragosomes) et augmentent le volume des dérivés autophagiques (débris vésiculaires). Sans présumer de l'origine exacte, encore controversée, des structures cellulaires observées (lysosomes ?), l'importance des altérations cellulaires mesurées est plus étroitement corrélée aux charges métalliques intégrées (somme des concentrations molaires des trois métaux considérés) des tissus qu'aux charges métalliques intégrées des sols. Ainsi, les analyses morphométriques de cellules cibles intervenant dans la séquestration des métaux peut permettre de déterminer la biodisponibilité métallique et constituer un biomarqueur d'exposition valable (mais encore coûteux car nécessitant du matériel microscopique automatisé et des sondes moléculaires spécifiques des organites cellulaires). L'utilisation d'indices intégrés des charges métalliques des sols et des tissus et de leur toxicité potentielle constitue une approche à discuter et à approfondir, car elle consiste à additionner indifféremment les concentrations molaires de métaux essentiels comme le Zn avec celles de métaux non essentiels comme le Pb et le Cd. Si elle se révélait exacte et généralisable, cette intégration des charges métalliques dans les tissus permettrait d'établir des comparaisons entre les biodisponibilités des métaux de sites présentant des multicontaminations différentes. Au niveau biochimique, les protéines de liaison induites par exposition au cadmium (1 700 fois plus que chez les témoins) ont été isolées ; ce sont des métallothionéines dont
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deux isoformes ont été séquencées chez L. rubellus (Stürzenbaum et al., 1998a, b). Ces deux isoformes pourraient être impliquées dans la localisation subcellulaire différente des métaux, cependant leur rôle dans la séquestration des métaux lourds ou dans la protection du cytosol contre la toxicité potentielle des ions métalliques libres reste encore à préciser. Les métallothionéines, qui sont des protéines de faible poids moléculaire riches en cystéine, interviennent dans la détoxification des métaux et l’homéostasie. Après extraction de l’ARNm du tube digestif postérieur de L. rubellus (témoins ou soumis à une contamination par le Cd), prélevés dans la couche superficielle de sols d’anciennes mines de Zn et de Pb (Rudry, South Glamorgan, Wales, G.B.), Stürzenbaum et al. (1998a, b) ont pu obtenir la synthèse de séquences d’ADNc. Après amplification par PCR, ils ont identifié des fragments d’ADN spécifiques de la réponse induite par le Cd. Il est possible que l’expression différentielle des gènes correspondants soit responsable de la tolérance aux métaux des populations naturelles de L. rubellus capables de survivre dans un environnement fortement contaminé, dont les concentrations en métaux lourds dépassent significativement celles qui induisent normalement les effets létaux. L'induction de protéines de liaison au Cd a également été obtenue par exposition de vers de fumier Eisenia fetida à un substrat de sol contaminé (314 µg.g–1 de poids sec) pendant 6 semaines (Gruber et al., 2000). La présence d'une concentration élevée de Cd dans le substrat se traduit par une accumulation de Cd dans les vers (135 µg.g–1 de poids sec) et par la synthèse de plusieurs composants se liant au Cd. Par des techniques de biologie moléculaire comparables à celles employées chez L. rubellus, les auteurs ont obtenu deux fractions correspondant à deux masses moléculaires (15 et 7 kDa), dont les séquences en acides aminés se révèlent les variants dimérique et monomérique d'une métallothionéine. Malgré une étroite homologie entre les ADNc des MT des annélides isolées à ce jour, Gruber et al. (2000) notent que le peptide d'E. fetida diffère de celui des autres oligochètes par la présence d'un triple motif Cys (à la place d'une alanine) ; ils suggèrent que le résidu Cys supplémentaire (par rapport à L. rubellus, L. castaneus et L. terrestris) résulte d'une mutation. L'observation stœchiométrique de quatre ions Cd2+ pour 12 résidus Cys de la chaîne holo-MT d'E. fetida évoque une configuration spatiale similaire à celle du domaine formé par le groupe de quatre ions métalliques des autres MT (configuration adamantane), tandis que la seconde moitié posséderait neuf résidus Cys et correspondrait au domaine d'un groupe de trois ions métalliques. Au-delà de la compréhension de la détoxication de certains métaux, l’analyse de l’induction et de l’expression des gènes de MT présente un grand potentiel en tant que biomarqueur d’exposition chez divers groupes d’invertébrés comme les nématodes, les annélides et les collemboles (Brulle et al., 2010). Bernard et al. (2010) ont montré que l’expression des gènes de Cd-MT chez E. fetida exposé en laboratoire ou de L rubellus prélevé in situ est un marqueur fiable de la biodisponibilité des métaux. Ce biomarqueur spécifique peut être légèrement induit par d’autres paramètres, comme pH ou teneur en matière organique (Bernard et al., 2010). Cependant ce phénomène ne masque pas l’augmentation nette du nombre de transcripts du gène de Cd-MT observés chez L. r. rubellus et L. terrestris pp prélevés in situ sur des sols contaminés (Pérès et al., 2011). Chez un autre oligochète, abondant dans les sols forestiers et cultivés, Enchytraeus buchholzi, la tolérance à des concentrations du sol élevées en Cd fait intervenir une protéine (CRP : reactive protein) riche en cystéine, non métallothionéine, de 25 kDa, dont le gène crp s’exprime de novo lorsque les vers commencent à accumuler le Cd (Willuhn et al., 1994). L’expression d’un autre gène Ebaldh, codant pour une aldéhyde déshydrogénase, fortement augmentée par l’exposition des vers au Cd a été mise en évidence par Willuhn et al. (1996), qui ont déterminé
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la séquence complète de l’ADNc de Ebaldh, ainsi que la séquence d’acides aminés correspondante (de masse moléculaire 54 kDa). La spécificité de réponse de ce gène au Cd suggère que la détoxification du Cd dans E. buchholzi requiert de faibles concentrations intracellulaires d’aldéhydes. Les différents résultats obtenus chez les oligochètes terrestres suggèrent que la liaison des métaux toxiques tel que le Cd ne s'explique pas seulement par l'induction de métallothionéines, mais que d'autres protéines peuvent intervenir, comme cela avait été proposé par Suzuki et al. (1980). De plus les cinétiques d'absorption et de compartimentation cellulaire dépendent des concentrations et des durées d'exposition.
2.2.2.5 Bioaccumulation et toxicité Van Gestel et al. (1993) ont réalisé des expériences pour déterminer les effets de la bioaccumulation des métaux (Cd, Cr et Zn) sur la croissance et la reproduction d'Eisenia andrei par contamination d'un sol artificiel (Tableau 7). Les valeurs de NOEC sont les suivantes : Cd 10, Cr = 32 et Zn = 320 mg.kg–1 de sol sec. Les vers de terre sont capables de réguler leur concentration en Zn jusqu'à 560 mg.kg–1, tandis que le Cd et le Cr ne sont pas régulés. Il n'y a pas forcément de relation directe entre la bioaccumulation et les effets (Tableau 7). Ainsi, on ne peut pas prédire les effets toxiques du Cd en fonction de sa concentration dans les vers de terre, car les résidus de Cd restent fortement liés aux tissus des vers (probablement grâce à des métallothionéines), sans effet toxique sur la reproduction (Tableau 7). Les grandes capacités de résistance au Cd et la bioaccumulation de ce métal chez les vers de terre sont confirmées chez Eisenia fetida par Reinecke et al. (1999). Ces auteurs ont comparé la survie, la croissance, la reproduction et les concentrations en Cd de vers de terre témoins (vers abs) et de vers préalablement exposés à des concentrations sublétales de Cd (336 µg.g–1 de poids sec de sol OCDE) pendant 10 générations (environ 3 ans). Ces auteurs notent des différences importantes entre les deux groupes de vers, indiquant que les vers Cd ont développé une résistance au Cd. Au cours de tests de 14 jours, la CL50 des vers Cd est plus élevée (4 000 µg.g–1) que celle des vers abs (3 500 µg.g–1). En ce qui concerne la croissance et la reproduction suivies dans des substrats avec 600 et 1 200 µg.g–1 de Cd, les vers Cd ont un meilleur taux de croissance que les vers abs, mais c'est l'inverse pour la production des cocons et l'éclosion des œufs. L'analyse de la concentration en Cd des vers confirme le long temps de rétention du Cd observé par Van Gestel et al. (1993), puis Sheppard et al. (1997). Dans les expériences de Reinecke et al. (1999), après 35 jours en substrat non contaminé, les vers Cd ont encore une charge en Cd de 1 598 µg.g–1 (poids sec), alors que les vers abs n'en contiennent pas. Dans les vers placés 35 jours dans des sols contaminés par 600 et 1 200 µg.g–1, les concentrations en Cd des vers abs sont respectivement de 916 ± 528 et de 1 383 ± 259 µg.g–1, tandis que celles des vers Cd correspondantes sont de 1 724 ± 1 044 et 3 094 ± 1 151 µg.g–1 (poids sec). Ces expériences mettent en évidence l'existence de mécanismes de tolérance physiologique d'Eisenia fetida et le développement d'une résistance ou adaptation à de très fortes doses de Cd qui méritent attention. Les données obtenues par Yu & Lanno (2010) sur la distribution du métal accumulé par E. andrei dans diverses fractions (Cd-MT, granules ou débris cellulaire), de même que la caractérisation des flux d'assimilation (correspondant à la "vitesse d'entrée") constituent des éléments pour comprendre la tolérance observée chez ces vers ou d'autres invertébrés du sol comme les escargots (Gimbert et al., 2008d).
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Influence des métaux (Cd, Cr, Zn) sur la croissance, la reproduction et leur accumulation (FBC) chez Eisenia andrei en fonction de la concentration ([]) des métaux dans le sol artificiel pendant une exposition de 3 semaines suivies d’une période d’élimination (en sol non contaminé) de 3 semaines. (D’après Van Gestel et al., 1993.)
Métal [Sol] [Vers] après 3 semaines de contamination FBCs = [vers]/[sol] Cadmium
Effets
Concentration en mg.kg-1 de poids sec 0,1 10 18
32
56
100
3,1
115
175
250
325
31
10
[Sol] [Vers] après 3 semaines de contamination FBCs = [vers]/[sol] Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
Chrome
Zinc
73
Effets
85
100
130
190
Croissance et reproduction complètement redevenues normales, bien que la concentration dans les vers reste encore significativement élevée.
6,3
10
32
100
320
1 000
0,3
0,8
1,2
4,7
5
18
0,048
0,031
0,037
0,047
0,016
0,019
Apparition de la toxicité, augmentation du Cr dans Eisenia en fonction de la dose. Diminution Diminution reproduction. reproduction et croissance.
Pas d’effet.
Effets [vers] après 3 semaines post-contamination Effets [Sol] [Vers] après 3 semaines de contamination FBCs = [vers]/[sol]
3,5
Croissance non significativement affectée, mais tendance à augmentation avec la dose. Reproduction – significativement réduite à partir de 115 –150 mg.kg 1.
[Vers] après 3 semaines post-contamination Effets
150
Chrome complètement éliminé. Reproduction redevenue normale, mais croissance favorisée par la plus forte dose de Cr.
1,4
100
180
320
100
115
120
130
72
1,4
560
1000
150
231
0,21–0,24
Stimulation de la croissance avec augmentation de la dose, cocons mal formés aux deux plus fortes doses.
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TABLEAU 7
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Pour le Cu, Svendsen & Weeks (1997a, b), qui ont noté une augmentation des concentrations du métal dans le corps d'E. andrei lorsque celles du sol s'élèvent (avec une diminution progressive du facteur de bioconcentration), observent l'apparition d'effets adverses. En laboratoire, les effets adverses sur la survie, la croissance et la production de cocons au niveau des individus et de la population apparaissent seulement à des expositions supérieures à 80 mg.kg–1 (surtout significativement à 320 mg.kg–1 de Cu), ce qui est également constaté (bien que nettement moins) dans les études en mésocosme. La sensibilité (survie et croissance) au Cu observée par Svendsen & Weeks (1997a, b) chez E. andrei correspond à celle rapportée par Ma (1984) pour Lumbricus rubellus dans un sol sablonneux similaire, tandis qu’elle diffère de celle déterminée par Van Gestel et al. (1991) chez E. andrei (EC50 croissance > 100 mg.kg–1 de Cu) dans un sol artificiel (type OCDE). L'accumulation du Cu a également été mesurée chez E. fetida par Helling et al. (2000) lors de l'étude de la toxicité de l'oxychlorure de cuivre, fongicide utilisé pour le traitement des vignes et des vergers. Pour ce faire, de jeunes E. fetida ont été exposés pendant 56 jours à 25 °C à des concentrations en Cu de 4,02 (témoins) ; 8,92 ; 15,92 ; 39,47 ; 108,72 et 346,85 mg.kg–1 dans du substrat constitué de fumier sans urine de bétail. L'augmentation de la concentration de Cu dans le substrat est corrélée avec une augmentation des concentrations dans les vers, sauf pour ceux qui sont dans le substrat avec une concentration en cuivre de 8,92 mg.kg–1. Une corrélation entre les concentrations en Cu dans les vers de terre et leur environnement a également été signalée par Ma et al. (1983), ainsi que par Morgan & Morgan (1988). Les concentrations en Cu des vers trouvées par Helling et al. (2000) sont faibles par rapport à celles du substrat, les FBCs correspondant aux six concentrations du substrat sont de 0,28 (témoins) ; 0,34 ; 0,15 ; 0,11 ; 0,13 et 0,07. Les charges en Cu du corps d'E. fetida observées par Helling et al. (2000) sont un peu plus faibles que celles rapportées par Svensen & Weeks (1997a), ce qui pourrait être dû à la différence des substrats utilisés (teneur en matière organique et pH plus élevés dans le fumier). Comme cela a été suggéré par Morgan & Morgan (1990), les vers de terre semblent maîtriser leur concentration en Cu par régulation plutôt que par une détoxification par accumulation. Dans les expériences de Helling et al. (2000), la survie des vers de terre est seulement affectée par la concentration la plus élevée (346 mg.kg–1), tandis que la croissance est réduite à des concentrations plus faibles que celles décrites par Svendsen & Weeks (1997a) ou Van Gestel et al. (1991) chez E. andrei. En effet, à partir de 8,92 mg.kg–1, la croissance et la production de cocons sont significativement affectées, tandis que la reproduction est la meilleure à cette concentration. À partir de 15,92 mg.kg–1, l'impact de l'oxychlorure de Cu est fortement négatif, ce qui peut expliquer la faible abondance des vers de terre dans les vergers ou les vignes qui ont reçu des traitements par les fongicides à base de Cu pendant de nombreuses années, et où des concentrations très élevées en Cu ont été mesurées dans les sols. Afin de comparer les renseignements écotoxicologiques fournis par des espèces bioindicatrices dans différents milieux, Labrot et al. (1999) ont étudié la toxicité (CL50 96 h) ainsi que la cinétique et la répartition du Pb et de l'U dans les tissus d'Eisenia fetida exposés sur papier filtre selon la ligne directrice 207 (OCDE, 1984) à 2 µg.cm2 de Pb ou d'U. Ces auteurs ont comparé le devenir de ces métaux chez les vers de terre et des animaux aquatiques d'eau douce (le mollusque bivalve Corbicula fluminea et le poisson Brachydanio rerio). Les trois espèces considérées sont capables d'accumuler le Pb et l'U avec des taux dépendant de l'espèce et du métal. Les cinétiques d'absorption et de dépuration de ces métaux, ainsi que les effets induits présentent des analogies, mais aussi des particularités liées à l'espèce et aux
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milieux. Dans les milieux contaminés par le Pb, l'accumulation est très rapide chez Brachydanio, avec un maximum après 1 jour et un FBC (par rapport au poids frais) supérieur à 1 (2,58), alors que chez Corbicula et Eisenia, la concentration maximum est seulement atteinte après 21 et 28 jours respectivement avec des FBCs très faibles (34 × 10–3 chez Corbicula et 33 × 10–3 chez Eisenia). Pour l'U, c'est l'inverse, le maximum est atteint au 28e jour chez Brachydanio, au 19e jour chez Corbicula et au 5ee jour chez Eisenia avec des FBCs (par rapport au poids frais) faibles et respectivement de 8,8 × 10–3 ; 55,6 × 10–3 et 882 × 10–3. Après 28 jours d'exposition, lorsque les animaux sont remis en milieu non contaminé, les concentrations en Pb et U du poisson et du mollusque diminuent progressivement au cours des 30 jours qui suivent. En revanche, il n'y a pas de dépuration du Pb chez les vers de terre ; au contraire, les concentrations en Pb continuent à augmenter lentement pendant 20 jours. Inversement, l'U est presque complètement épuré par les vers de terre à partir du 8e jour de la période d'exposition. Ainsi au premier abord, on constate que si les cinétiques du Pb et de l'U présentent quelque ressemblance chez les deux espèces aquatiques, celles des vers de terre sont vraiment très dissemblables et paraissent atypiques : poursuite de l'accumulation du Pb après la fin de l'exposition et épuration complète de l'U quelques jours après le début de l'exposition. Ce dernier phénomène, interprété par les auteurs comme un mécanisme d'adaptation, nous paraît bien rapide et pose un problème dont nous ne connaissons pas d'autre exemple. Pb et U sont très toxiques pour E. fetida (CL50 : 47 µg.Pb/cm–2 et 13,48 µg.U/cm–2), relativement non toxiques pour Corbicula (1 023 mg Pb.L–1et 1 872 mg U.L–1). Pour Brachydanio, l'U est très toxique (CL50 : 474 mg Pb.L–1et 3 mg U.L–1). Il existe donc des différences de bioaccumulation des métaux et de biosensibilité à ceux-ci entre espèces de la même classe (annélides oligochètes par exemple), mais également entre espèces d'embranchements différents. Dans ce cas, on peut difficilement établir une relation entre bioaccumulation et effets toxiques car les concentrations d'exposition utilisées pour l'étude de l'accumulation sont très inférieures à celles de toxicité aiguë (1/20e). De plus, la méthode d'exposition d'Eisenia via du papier filtre contaminé (sans nourriture et sans sol) rend délicate la comparaison de ces données avec celles obtenues dans du sol. On retrouve là le principal problème, signalé par la plupart des auteurs utilisant les vers de terre, de l’influence des caractéristiques des sols, d’une part sur les différences de biodisponibilité (Spurgeon & Hopkin, 1995) et d’autre part de l’incidence des méthodes d’application des substances sur les résultats d’expériences apparemment comparables. Si bien que des auteurs ont pu suggérer que, pour les organismes du sol à corps mou comme les vers de terre et les enchytrés, c’est l’exposition à l’eau interstitielle qui est la plus importante et que l’on pourrait réaliser des tests sur ces animaux dans des solutions aqueuses de la substance à éprouver (Van Gestel & Van Straalen, 1994). Ce type d'expérimentation poserait cependant d'autres problèmes concernant la survie des animaux et la caractérisation de l'exposition serait beaucoup plus difficile en cas d'évaluation du risque. De plus, l'importance de l'ingurgitation des particules solides du sol étant maintenant démontrée, entre autres par Vijver et al. (2003), dans le transfert des contaminants chez les vers de terre, l'exposition artificielle en milieu aqueux peut seulement apporter des résultats partiels.
2.2.2.6 Influence du mode d'exposition Comme cela avait été réalisé avec un xénobiotique (l'aldrine) par Honeycutt & Roberts (1994) chez Eisenia fetida, des expériences ont été faites dans le même laboratoire par Honeycutt
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et al. (1995) pour étudier l'absorption et l'élimination d'un métal (le cadmium) après exposition soit par contact avec du papier filtre imprégné par une solution stock de cadmium, soit dans un sol artificiel contaminé. Les taux d'absorption et d'élimination ont été estimés à 0,030 39 et 0,008 95 h–1 respectivement pour 1,25 µg Cd.cm–2 d'exposition sur papier filtre, et à 0,005 12 et 0,000 29 h–1 respectivement pour l'exposition au sol artificiel contenant 10 µg.g–1 de Cd. Le Cd est tout d'abord principalement localisé dans la paroi du corps des vers exposés sur papier filtre, ensuite le Cd migre dans le liquide cœlomique, puis dans le tube digestif. Chez les vers de terre exposés dans le sol artificiel, la plus grande partie du Cd (> 60 %) est localisée dans le tube digestif et le reste dans la paroi du corps. En ce qui concerne la répartition du Cd au niveau cellulaire, elle est comparable dans les deux modes d'exposition et les plus grandes quantités de Cd se retrouvent dans les fractions cytosoliques. L'exposition sur papier filtre n'est pas un test approprié à l'étude de la létalité ; en revanche, elle représente un moyen rapide d'application de lixiviats aqueux de sols ou de sédiments pour analyser leurs effets histologiques ou biochimiques dans les heures qui suivent l'exposition. Ce test de laboratoire démontre l'importance de la voie de pénétration cutanée du Cd chez ces animaux.
2.2.2.7 Influence de diverses caractéristiques du milieu 2.2.2.7.1 Action des saisons et des conditions climatiques
Parmi les facteurs qui agissent sur la bioaccumulation des métaux, Morgan et al. (1993) rapportent l'influence des saisons et des conditions climatiques locales. Par exemple, les périodes de sécheresse d'été en zone tempérée induisent un état de repos chez Aporrectodea caliginosa, mais pas chez Lumbricus rubellus. Pendant cette période de diapause, les concentrations internes en Cd et en Zn chez A. caliginosa sont significativement plus basses que pendant les périodes d'activité, tandis que les concentrations en Pb augmentent significativement. Peu d’études considèrent l’inondation (flooding) ou l’ennoyage des sols en tant que facteur environnemental susceptible de modifier le transfert de contaminants. Pourtant, les densités de populations d’A. chlorotica ne semblent pas affectées, alors que les populations de L. rubellus présentent une diminution significative en nombre et en biomasse après l’inondation des sols (Ma et al., 2004 ; Zorn et al., 2005). Dans les travaux de Van Vliet et al. (2005), l’incorporation d’un facteur d’inondation (Fl) dans leurs modèles de régression (expliquant les variations de bioaccumulation du Cd, Cu, Pb et Zn chez A. caliginosa, A. chlorotica et L. rubellus en fonction de la contamination des sols) multiplie la part de variance expliquée (coefficient de détermination ajusté, R²aj.) par 18 et 5 pour le Cd et le Zn respectivement. Les variations saisonnières peuvent avoir des effets sur l'utilisation des diverses espèces de vers de terre dans la biosurveillance des pollutions. Pour éviter l'incidence de l'exposition préalable des animaux (sélection, adaptation…) aux polluants d'une part et l'interférence avec des rythmes biologiques antérieurs d'autre part, plusieurs chercheurs ont utilisé des vers de terre d'élevage dont l’on connaît le passé biologique pour étudier l'influence du milieu (laboratoire, champ, mésocosme). L’étude de la réponse d’Eisenia andrei à la concentration du cuivre et à la saison a été conduite en laboratoire et en mésocosme par Svendsen & Weeks (1997a, b). La bioaccumulation du cuivre chez des vers issus de vermiculture a été étudiée par exposition d’E. andrei à
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des concentrations croissantes de cuivre (témoin = 4 mg Cu.kg–1 ; 20 ; 40 ; 80 ; 160 ; 320 mg Cu.kg–1) dans un sol forestier du Norfolk (G.B.) composé de 96 % de sable, 4 % d’argiles, < 1 % de matière organique et à pH 5,6. Dans une expérience en laboratoire, les vers de terre ont été exposés au sol contaminé pendant 28 jours à 15 °C sous une photopériode de 12 h L-12 h O dans des containers transparents de 15 × 8 × 6 cm (Svendsen & Weeks, 1997a). Cette étude a été complétée en conditions semi-naturelles dans des mésocosmes pendant 17, 40, 70 et 110 jours (Svendsen & Weeks, 1997b). Elle avait pour objectif d'élucider les interférences des facteurs naturels avec les réponses des vers à la présence du cuivre afin d’envisager une extrapolation réaliste de leur méthode. Le principe des études en mésocosme est intéressant et, jusqu’à présent, c’est surtout dans le domaine aquatique (Ramade, 2000) qu’il a été appliqué. Dans le domaine terrestre, il serait nécessaire d’élaborer quelques protocoles communs aux différents expérimentateurs de façon à éviter une trop grande dispersion des modèles. Ceux de Svendsen & Weeks (1997c), prévus pour les vers de terre, consistent en tubes de polyéthylène moyenne densité de 25 cm de diamètre et de 30 cm de haut enfoncés dans des trous réalisés dans le sol et espacés de 1 m. Dans l’expérience décrite d’août à décembre 1994, la nourriture est apportée sous forme de fumier de cheval placé à la surface de chaque unité. Pendant l’expérience, la température du sol a été relevée régulièrement à plusieurs niveaux et à la fin de l’expérience, les plantes qui ont poussé naturellement sont également récoltées pour analyse de leur teneur en Cu, en même temps que celles des vers, mais les résultats ne sont pas donnés pour les végétaux. En fait, les concentrations en Cu des vers de terre mesurées dans l’expérience de 28 jours en laboratoire (Svendsen & Weeks, 1997a) et en mésocosme sur le même type de sol (Svendsen & Weeks, 1997b) sont du même ordre de grandeur, avec une légère augmentation à la fin des périodes d’exposition les plus longues, et il n’apparaît pas d’influence des saisons. L’augmentation des concentrations en cuivre des corps des vers est corrélée, tout en lui étant légérement supérieure, à celles des concentrations en cuivre du sol, jusqu’à 40 mg Cu.kg–1 (Tableau 8). Au-dessus de 40 mg.kg–1 de Cu, la concentration de Cu dans les vers est maintenue à des niveaux significativement inférieurs à ceux du sol et les facteurs de concentration pour le Cu (BCF = concentration du corps / concentration du sol) sont notamment réduits dans les traitements par 160 et 320 mg.kg–1 de Cu (Tableau 8). TABLEAU 8
Comparaison des concentrations de cuivre dans le sol du mésocosme et dans les corps des vers de terre, et valeurs extrêmes des FBCs entre le 17e et le 110e jour de l’expérience. (D’après Svendsen & Weeks (1997b).)
Paramètres
Concentration effective de Cu dans le sol après 100 jours (mg de Cu.kg–1) Concentration de Cu dans le corps des vers (µg de Cu.kg–1) FBCs
Traitements du sol (mg de Cu kg-1) Témoins
20
40
80
160
3
18–33
41–46
72–84 149–157 213-250
10
25–35
35–45
60–73
77–86
320
82-118
Régulation physiologique 2,9–4,1 0,9–1,3 0,8–1,1 0,8–1
0,5–0,7
0,4-0,5
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Ces observations montrent qu’à partir de la concentration de 80 mg.kg–1 de Cu dans le sol, les vers sont capables d’une régulation physiologique de leur teneur en Cu. La diminution des FBCs de 1 à 0,3 avec l’augmentation des concentrations du sol est en accord avec les observations d’Abdul Rida & Bouché (1994). Parallèlement à ces dosages du Cu, Svendsen & Weeks (1997a, b) ont mis au point une technique de biomarquage de la membrane des cœlomocytes, obtenus par la ponction du liquide cœlomique, qui permet de mesurer la stabilité de la membrane lysosomale sous des stress induits par la pollution. La stabilité de cette membrane est évaluée par le temps de réduction du rouge neutre de la moitié des cœlomocytes d’une préparation observée au microscope. Dans le cas du Cu, il existe une relation nette entre la concentration du Cu corporel et la diminution du temps de rétention du rouge neutre. Cette méthode simple et peu coûteuse permet d’identifier le degré d’exposition des vers de terre au Cu et donne une indication sur l’ordre de grandeur des concentrations du métal. En fonction du résultat, on peut prendre les mesures qui s’imposent (vérification plus fine par dosages, traitement des sols...). La méthode, telle qu’elle est présentée, est seulement valable pour le Cu. Qu’adviendrait-il si l’on avait à faire à un mélange de métaux par exemple ? 2.2.2.7.2 Effet de la température
Des tests ont également été conduits avec le sol OCDE par Spurgeon et al. (1997) pour étudier l’effet de la température sur la bioaccumulation et la toxicité du Zn chez E. fetida, à l’aide d’une analyse de variance à deux facteurs utilisant la concentration du Zn et la température (p < 0,001). L’augmentation de la charge en Zn avec la température (par exemple, pour une concentration en Zn du sol de 1 200 µg.g–1, les vers contiennent 169 µg Zn.g–1 à 25 °C, 159 µg Zn.g–1 à 20 °C et 119 µg Zn.g–1 à 15 °C) se traduit par une plus grande toxicité. D’autres résultats suggèrent que l’effet de la température sur l’absorption des contaminants peut être considérable et spécifique des espèces employées par action sur les processus biologiques. Ainsi, l’absorption de 134Cs augmente avec la température (10, 15 et 20 °C) chez les deux espèces, Lumbricus rubellus et Eisenia andrei placées en pots contenant du sol sableux de Kalmthout (Belgique) contaminé par une solution de 134Cs (Janssen et al., 1996b). Après 14 jours, les concentrations en 134Cs sont de 11,7 ; 13,3 et 18,5 Bq.g–1 de poids sec chez E. andrei et 13,8 ; 20,4 et 28,4 Bq.g–1 de poids sec chez L. rubellus respectivement à 10, 15 et 20 °C. L’augmentation de température de 10 à 20 °C se traduit par une augmentation de concentration de 134Cs de 1,6 chez E. andrei et de 2,1 chez L. rubellus, tandis qu’en milieu liquide, les concentrations en 134Cs chez E. fetida et L. rubellus augmentent d’un facteur 2,1 et 1,4 entre 10 et 20 °C (Janssen et al., 1996a). Les facteurs de concentration sont de 0,23 ; 0,26 et 0,37 pour E. andrei et de 0,30 ; 0,37 et 0,41 pour L. rubellus à 10, 15 et 20 °C (Janssen et al.,1996b). Les demi-vies biologiques diminuent avec l’augmentation de température, de 223 à 69 h chez L. rubellus et de 274 à 84 h chez E. andrei. L’augmentation de la concentration du 134Cs dans les vers de terre s’explique par une augmentation du métabolisme, qui se traduit également par une élévation des concentrations en 134Cs dans les solutions des sols contenant des vers de terre, alors que ce n’est pas le cas dans les pots sans vers de terre. Cet exemple illustre l’importance de la composante biotique dans l’évolution des métaux dans les sols.
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2.2.2.7.3 Effet du pH Effet du pH sur l'accumulation du cuivre en champ et en laboratoire
Pour comparer l’accumulation du cuivre chez Lumbricus rubellus en laboratoire et au champ, Marinussen et al. (1997) ont introduit des vers de terre d’élevage (vermiculture) dans des sols agricoles (proches de Wageningen, Pays-Bas) artificiellement contaminés en Cu (0, 250, 500 et 750 kg Cu.ha–1 sous forme de CuSO4). En laboratoire, les sols ont été homogénéisés et l’expérience s'est déroulée pendant 56 jours en phytotron à 15 °C. En champ, 500 vers d’élevage ont été introduits dans quatre placettes adjacentes de 6 m sur 11 pendant 10 semaines sous une photopériode de 12 h L-12 h O. Dans les deux cas, les contenus en cuivre du sol affectent significativement la concentration en cuivre des vers. L’influence sur la mortalité est la même dans les deux cas, elle est la plus importante lorsque le pH est faible (4,0 et 4,1) et dans ces conditions, elle correspond aux plus fortes concentrations en Cu de la solution d’extraction du sol par le CaCl2 0,01 M (Cus = 0,47 et 0,73 mg.kg–1, alors que la concentration totale du sol est respectivement de 87,5 et 113 mg.kg–1). Lorsque le pH est de 8,0, la Cus est de 0,088 seulement, bien que la concentration du sol soit de 112 mg.kg–1, dans ces conditions les vers survivent. Les expériences en laboratoire peuvent donc donner de bonnes informations sur la mortalité induite par le sol, mais l’accumulation du Cu peut différer car les expériences en champ sont considérablement affectées d’une part par les variations de température du sol, et d’autre part par la variabilité spatiale des concentrations en Cu. En effet, il est possible que les vers s’éloignent des zones les plus riches en cuivre, surtout en milieu humide. Effet du pH sur la bioaccumulation du plomb, du cadmium et du zinc
Pour le Pb, Beyer et al. (1987) ont observé que la concentration varie du simple au double (de 5 mg.kg–1 à 12 mg.kg–1) chez Apporectodea tubulata dans une gamme de pH comprise entre 7,1 et 4,9. L'accumulation du Zn et du Cd dans le corps des vers de terre est variable selon les espèces, la nature du sol, la durée des expériences, les moyens utilisés pour faire varier le pH et si le sol est contaminé par un seul ou plusieurs métaux. Souvent, l'accumulation du Cd est étudiée en même temps que celle du Zn et, en général, dans les contaminations expérimentales, le Zn subit une régulation interne, alors que la concentration en Cd des vers augmente avec celle du sol. Des compétitions ou des interactions avec d'autres métaux (Cu, Ca, Pb, Zn…) ont été signalées chez plusieurs espèces (Kiewiet & Ma, 1991 ; Marinussen et al., 1997 ; Weltge, 1998 ; Oste et al., 2001a). Bien que le Zn fasse l'objet de phénomènes de régulation dans diverses conditions, Posthuma et al. (1998) ont observé que les coefficients de partition solide / liquide (Kp) du Zn déterminés à 20 °C dans 20 sols modérément contaminés de Hollande chez deux oligochètes, E. andrei (pendant 21 jours) et Enchytraeus crypticus (pendant 35 jours) étaient principalement conditionnés par l'acidité du sol. Chez Eisenia, les concentrations en Zn du corps varient de 1,45 à 5,57 mmol.kg–1 de poids sec ; l'augmentation de pH est significativement associée par une équation de régression robuste, à l'augmentation de Kp et à la diminution de l'absorption du Zn par les vers.
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Étudiant l'influence d'amendements (chaux et berengite) qui augmentent le pH et immobilisent les métaux de sols contaminés en réduisant la concentration de métaux dans la solution du sol, Oste et al. (2001a) observent que la disponibilité des métaux (déterminée par extraction au CaCl2 0,01 M) et l'absorption du Cd et du Zn sont fortement diminuées dans les plantes (poirée : Beta vulgaris) cultivées sur les sols contaminés traités par la chaux ou la berengite, ce qui est en accord avec le fait que la disponibilité des métaux pour les plantes est principalement déterminée par les ions libres de la solution du sol (Parker et al., 1995). En revanche, chez Eisenia veneta et Lumbricus rubellus, Oste et al. (2001a) n'observent pas de modification de l'accumulation du Zn et seulement une légère diminution de celle du Cd (surtout entre 4 et 8 semaines) dans les sols traités. Par comparaison de leurs résultats avec ceux d'autres auteurs, il apparaît que pour le Zn (comme pour le Cu), la régulation est peu modifiée par le pH (Spurgeon & Hopkin, 1996a ; Marinussen et al., 1997) et que la détoxification se fait par l'excrétion (Spurgeon & Hopkin, 1999). En ce qui concerne le Cd, les effets du pH sur la bioaccumulation sont variables, probablement à cause des différences expérimentales, des durées d'exposition et des espèces. Par exemple, le pH ne modifiait pas l'accumulation du Cd chez Dendrobaena rubida (Bengtsson et al., 1986), tandis que Perämäki et al. (1992) trouvent un effet net du pH sur l'accumulation du Cd chez Aporrectodea caliginosa dans des expériences courtes (35 jours), alors qu'après 230 jours, ils ne l'observent plus. Lorsque des adultes de l'espèce Lumbricus rubellus récoltés dans la nature sont placés dans des sols contaminés par les fonderies de Cd, Pb et Zn d'Avonmouth (G.B.) et amendés de façon à faire varier le pH, Spurgeon et al. (2006) constatent que la solubilité des métaux et leur spéciation sont fortement dépendantes du pH et que l'accumulation dans les vers est influencée par leur concentration dans le sol et, dans le cas du Cd, par le pH. Parmi les causes pouvant expliquer les effets limités du changement de pH sur la concentration des tissus des vers, Oste et al. (2001a) suggèrent d'une part un effet du pH sur l'absorption par la peau, et d'autre part l'influence des particules de sol ingérées. L'importance de la voie digestive a été analysée dans une autre série d'expériences avec Eisenia andrei par Oste et al. (2001b), qui modifient le pH du sol en ajoutant soit Ca(OH)2, qui augmente le pH, soit MnO2 qui possède une forte capacité de liaison au métal, à un sol sableux de la région de Wageningen (Hollande) contaminé expérimentalement (9,9 mg Cd.kg–1). Dans ces conditions, ils constatent que les concentrations en Cd de l'eau interstitielle ne sont pas bien corrélées aux concentrations en Cd du corps d'E. andrei. En effet, l'addition de chaux (0,135 % P/P) ou d'oxyde de manganèse (1 % P/P) diminue la concentration du cadmium dans l'eau interstitielle d'un facteur 25, alors que la concentration en cadmium dans les vers est seulement réduite d'un facteur 1,3 lorsque le sol est traité par la chaux, et d'un facteur 2,5 pour les sols traités par MnO2. Ces résultats peuvent s'expliquer par l'importance de l'absorption des contaminants liés aux particules du sol via la voie digestive, qui serait beaucoup moins affectée que la contamination transcutanée par les changements de pH du milieu. En effet, le pH neutre du tube digestif est remarquablement stable et la digestion d'une partie importante de la matière organique diminue le nombre de sites de liaison aux métaux, tandis que ces derniers sont séquestrés principalement dans les cellules de la région postérieure de l'intestin (Morgan et al., 1999). Ainsi, dans l'optique de remédiation des sols, les amendements alcalins peuvent diminuer l’absorption de métaux par les plantes et les herbivores, mais ils influencent peu l'accumulation du Cd et du Cu chez les vers de terre et ne réduisent pas les risques d'empoisonnement des prédateurs de vers.
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Effet du pH et de la matière organique sur la bioaccumulation du cuivre, du plomb et du zinc
L'influence de la teneur en matière organique et du pH sur la biodisponibilité, la bioaccumulation et la toxicité du Zn a été étudiée par Spurgeon & Hopkin (1996a) par réalisation de neuf tests avec E. fetida. Dans ces tests, l'incidence de trois teneurs en matière organique (5 %, 10 % et 15 %) de sols artificiels OCDE est analysée à trois pH différents (6,0 ; 5,0 et 4,0) sur les concentrations en Zn du sol et des vers. Les concentrations de la fraction de Zn du sol extraite par l'eau (utilisée pour évaluer les concentrations biodisponibles) augmentent avec la quantité de métal ajoutée au sol, ainsi qu'avec la diminution du pH et de la proportion de matière organique. La comparaison, à l'aide d'un modèle linéaire, des logarithmes des concentrations en Zn des vers de terre avec celles du sol met en évidence une corrélation positive significative, mais les pentes des courbes représentatives sont faibles, ce qui signifie que le zinc subit une régulation de son assimilation chez E. fetida. Les effets toxiques du zinc (réduction de la survie et de la production de cocons) sont en relation plus étroite avec la concentration soluble qu'avec la concentration totale en zinc du sol artificiel, dans lequel la toxicité du zinc avait été signalée 10 fois plus élevée que dans les sols d'un site naturel contaminé (Spurgeon & Hopkin, 1995), ce qui serait dû à une plus grande biodisponibilité dans le sol OCDE. La faible biodisponibilité de métaux (Cu, Pb et Zn) d'un sol contaminé à pH alcalin, ainsi que l'absence d'effets toxiques ont été confirmées expérimentalement chez Lumbricus terrestris dans des sols urbains peu riches en éléments nutritifs de Montréal (Kennette et al., 2002). 2.2.2.7.4 Action de différents facteurs édaphiques modulant l’absorption d'un métal ou d'un mélange de métaux
La nature du sol a une importance primordiale dans la bioaccumulation et la toxicité des métaux chez les vers de terre (Van Gestel, 1992) et les résultats des expériences faites en laboratoire sont difficiles à extrapoler à ce qui se passe dans les sols, dont la composition est très variable d'un lieu à un autre et, pour un même lieu, d'une couche à l'autre. Les exemples qui suivent montrent la difficulté d'extrapolation des résultats obtenus par les expérimentateurs. Après contamination par le Cd et le Pb d'un sol artificiel (support de culture NFU 44-551) mimant celui du voisinage d'usines métallurgiques du Nord de la France, Scaps et al. (1997) ont étudié la concentration de ces métaux chez Eisenia fetida après exposition pendant 56 jours à des concentrations de Cd (8 ou 80 mg.kg–1) ou de Pb (89 ou 2 259 mg.kg–1) correspondant à celles du site industriel. En laboratoire (lumière naturelle, température de la salle), il se produit une accumulation régulière de Cd dans les vers pour la plus forte concentration (80 mg.kg–1) ; celle-là aboutit en fin d'exposition à une accumulation dans les tissus comprise entre 2 et 3 fois la concentration dans le sol. En revanche, pour la plus faible exposition (8 mg.kg–1), la concentration augmente régulièrement dans les tissus, mais elle reste toujours inférieure à celle du sol. La cinétique d'accumulation du Cd observée avec ce compost commercial est nettement différente de celle observée pour la même espèce par Honeycutt et al. (1995) dans le sol artificiel OCDE à des concentrations similaires (10 et 100 mg.kg–1). En effet, dans leurs expériences, Honeycutt et al. (1995) obtiennent la plus forte accumulation de Cd après 6 jours d'exposition et ensuite celle-là reste stable. D'après Scaps et al. (1997), cette différence pourrait être due aux différences de biodisponibilité entre les deux milieux, le compost utilisé, étant plus riche en matière organique, présenterait une interaction plus forte avec les métaux lourds. Pour le Pb, ces auteurs observent seulement une augmentation de la concentration dans les vers de terre exposés à la plus forte contamination
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(2 000 mg.kg–1), l'accumulation de Pb est proportionnelle au temps d'exposition, mais la concentration dans les vers reste très inférieure à celle du milieu. La contamination du compost par le Cd ou le Pb n'inhibe pas l'activité des cholinestérases, contrairement à ce qui a été observé par Labrot et al. (1996) chez l'espèce voisine Eisenia fetida andrei après exposition au Pb et à l'U sur papier filtre humide. Ainsi, contrairement à ce qui a été observé pour certains pesticides, l'activité cholinestérasique ne peut pas servir de biomarqueur des pollutions métalliques chez l'espèce E. fetida typica, alors qu'elle pourrait l'être avec E. andrei. Cependant, il faut remarquer que les modes d'exposition sont très différents. Pour se rapprocher davantage de ce qui se passe dans la nature, Grelle & Descamps (1998) ont étudié en laboratoire l'influence d'échantillons de la couche superficielle (10 cm) du sol de cinq sites contaminés (prélevés à des distances variables de mines de Zn et de Pb du Nord de la France) sur la bioaccumulation du Zn, du Pb et du Cd chez E. fetida, ainsi que les effets sur les activités glutathion-S-transférases (GST). Après essai de différentes techniques d'extraction, c'est le contenu total en métaux du sol qui semble le plus intéressant à comparer à la charge en métaux des vers. Comme cela est généralement observé chez les vers de terre, le Cd est plus concentré dans les vers que dans le sol pour l'exposition à 4 sols sur 5, avec des facteurs d'accumulation de 2,6 à 3,2 après 31 jours d'exposition. Pour le sol le plus fortement contaminé (89 µg.g–1), le facteur d'accumulation est inférieur à 1 (0,67), mais c'est aussi le sol qui est le plus riche en matière organique, ce qui fait que plusieurs facteurs peuvent interférer au niveau de l'action de ce sol. Pour le Pb, il y a une accumulation du métal dans les tissus des vers exposés aux deux plus fortes concentrations du sol, mais les facteurs d'accumulation sont toujours inférieurs à 1 (0,12 à 0,22). Concernant le Zn, les vers régulent leur concentration à des valeurs comprises entre 117 µg.g–1 et 303 µg.g–1, alors que la contamination des sols s'étale entre 463 et 5 581 µg.g–1. Les activités glutathion-S-transférases d'E. fetida mesurées après 6 semaines ne sont pas affectées par la bioaccumulation des métaux, comme était également le cas pour l'activité des cholinestérases dans un compost support de culture (Scaps et al., 1997). L'action de facteurs édaphiques a aussi été étudiée chez Lumbricus terrestris par Meharg et al. (1998) en exposant des vers de terre à diverses concentrations d'arseniate de soude (0, 50, 100, 200, 300 et 600 µg.g–1) dans différentes couches d'un sol forestier pendant 4 jours. Les sols utilisés auraient un pH allant de 3,6 à 5,1 et un pourcentage de matière organique de 11,5 à 0,8 lorsque l'on passe de la surface à 70 cm de profondeur. Pour cette courte durée d'exposition, une analyse de variance des données révèle qu'il existe une relation significative entre la concentration d'arseniate, la profondeur du sol (de 0 à 70 cm) et les résidus d'arsenic dans les vers de terre. Pour les vers vivants, il y a une légère relation positive entre les résidus dans les vers, la profondeur du sol et sa concentration en arseniate à 50 µg.g–1, alors qu'à 100 et 200 µg.g–1, la relation est négative et la toxicité augmente. Pour les vers morts, il y a une relation positive nette entre l’augmentation de la profondeur du sol et les résidus dans les vers de terre jusqu’à la plus forte dose (600 µg.g–1) où elle devient négative. Cette différence entre les vers vivants et les vers morts est due au fait que les premiers régulent leur concentration en As par homéostasie à des concentrations inférieures ou égales à 10 µg.g–1 de poids sec et que cette régulation disparaît à la mort des animaux. Après la mort, l’équilibre s’établit avec les concentrations du sol par accumulation dans les tissus des vers selon des processus non éclaircis.
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Dans des expériences à plus long terme (23 jours) des vers de terre dépurés sur papier filtre humide pendant 24 h ou non dépurés sont placés dans des microcosmes avec du sol de la couche superficielle (70 mm) contenant une concentration sublétale unique de 40 µg.g–1 d’arseniate. Dans ces conditions, la concentration en As augmente nettement dans les vers dépurés ou non pendant toute l’expérience. Au 12e jour, la concentration dans les vers est équivalente à celle du sol. Après le 12e jour, la bioconcentration se poursuit dans les vers dépurés jusqu’à une concentration 3 fois plus forte que celle du sol au 23e jour, alors qu’elle augmente peu chez les vers non dépurés qui montrent de grandes variations. Une technique de mise en évidence de la répartition de l'arsenic dans les tissus de vers de terre habitant des sols arsénieux a été décrite par Morgan et al. (1994) et les capacités d'accumulation et d'élimination de l'As, ainsi que du Hg et du Se, avaient été estimées chez Eisenia fetida par Fischer & Koszorus (1992) qui avaient observé les effets sublétaux de ces contaminants pour cette espèce. L'interprétation des résidus d'arsenic dans les vers de terre en terme de biodisponibilité est compliquée, aussi on peut suggérer que des études complémentaires pour étudier le devenir de l'arsenic dans les compartiments biotiques et abiotiques du sol soient entreprises avec différentes espèces de vers et un sol standard sans influence d'un fond géochimique. L'influence des facteurs du sol qui modulent l'absorption et l'élimination de plusieurs métaux a été analysée chez les oligochètes Enchytraeus crypticus, par Peijnenburg et al. (1999b) et Eisenia andrei par Peijnenburg et al. (1999a). Chez E. crypticus, l'absorption des quatre métaux les plus couramment étudiés (Cd, Cu, Pb et Zn) a été quantifiée en laboratoire, à 17 °C, en fonction du temps (de 1 à 35 jours) dans les échantillons de 20 sols hollandais qui ont servi à Janssen et al. (1997a, b) pour mesurer les facteurs d'accumulation des mêmes métaux chez E. andrei au cours d'une période d'exposition fixe (21 jours). L'analyse dynamique en laboratoire réalisée chez E. crypticus par Peijnenburg et al. (1999b) révèle que les concentrations internes des métaux varient beaucoup moins que les concentrations externes (dans l'eau interstitielle et surtout dans la phase solide). Pour le Cu en particulier, qui inhibe la reproduction (Posthuma et al., 1997), E. crypticus est capable de réguler la concentration interne de ce métal essentiel à un niveau non significativement différent de celui des organismes au début de l’expérience dans tous les sols étudiés (Peijnenburg et al., 1999b). En revanche, pour les autres métaux (principalement Cd et Pb), les cinétiques d’accumulation varient beaucoup au cours du temps suivant la nature des sols. Par exemple, pour le Cd, les concentrations internes d’équilibre sont seulement atteintes dans 9 sols sur 20 après 35 jours. Chez Eisenia andrei, Peijnenburg et al. (1999a) ont quantifié l'absorption de six métaux (Cd, Cr, Cu, Ni, Pb et Zn) et de l'As dans les mêmes 20 sols et le sol OCDE en fonction du temps (0 à 63 jours à 20 °C). Chez cette espèce aussi, les concentrations internes des métaux varient moins que les concentrations externes. L'état d'équilibre est atteint rapidement avec Cr, Cu, Ni et Zn et la concentration de l'As, du Cd et du Pb augmente linéairement avec celle du milieu. Pour les deux espèces, E. crypticus et E. andrei, le paramètre le plus important du sol est le pH. L’acidité est ainsi considérée comme le déterminant majeur de la partition des métaux entre phases liquide et solide des sols et de leur absorption. Des calculs semi-mécanistiques suggèrent que l'absorption du Cd et du Pb se fait par l'intermédiaire de l'eau interstitielle avec modulation par la compétition entre les ions H+ et les ions métalliques au niveau des
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sites actifs des membranes. Pour le Cr, le Cu, le Ni et le Zn, les caractéristiques du sol ont un faible impact sur l'absorption du métal chez E. andrei, tandis que ces caractéristiques sont importantes chez E. crypticus (Posthuma et al., 1998 ; Peijnenburg et al., 1999b). Réalisant des tests pour étudier les cinétiques d'absorption et d'élimination du Cd et du Zn chez deux espèces voisines d'oligochètes (Eisenia fetida – Ef – et Enchytraeus albidus – Ea) dans un seul sol (OCDE) pour Ea et dans trois sols (OCDE, sableux et argileux) pour Ef, Lock & Janssen (2001b) observent une augmentation comparable du Cd chez Ef en même temps que celle des sols. Pourtant, ceux-là diffèrent à la fois par leur pH (4,5–6,3), leur CEC (7,8–14,1) et leur pourcentage en matière organique (1,5–10). Chez les deux espèces, les concentrations internes en Cd augmentent avec le temps, mais n'atteignent pas l'équilibre après 28 jours d'exposition à 20 °C dans le sol artificiel (OCDE) contaminé respectivement par 560 µg et 100 µg (poids sec) pour Ef et Ea. L'élimination du Cd, suivie 14 jours chez Ef et 28 jours chez Ea, est lente chez Ef et non précisée chez Ea… à des photopériodes différentes pour les deux espèces (24 h L pour Ef et 16 h L–8 h O pour Ea) sans justification de la différence ! En ce qui concerne le Zn, Ef régule sa concentration interne à un niveau constant situé entre 100 et 200 mg.kg–1 pour des expositions à 56 et 560 mg.kg–1 de poids sec de sol. En revanche, Ea ne régule pas aussi bien sa concentration en Zn et lorsque la concentration du sol atteint 100 mg.kg–1, celle du corps atteint environ 300 mg.kg–1 à partir de 25 jours d'exposition. L'élimination du Zn est plus rapide chez Ea que chez Ef. Chez les deux espèces, les FBAs du Zn et du Cd diminuent lorsque les concentrations du sol augmentent, ce qui est conforme aux observations de la plupart des auteurs (Ma et al., 1983 ; Van Gestel et al., 1993 ; Neuhauser et al., 1995 ; Sample et al., 1999). Plus récemment, Lock & Janssen (2001a) ont effectué des expériences avec Enchytraeus albidus, qui montrent que la toxicité du Cd et du Zn dépend de la nature de l'argile utilisée (kaolinite, illite et montmorillonite) et de la matière organique (feuilles tombées de divers arbres ou tiges mortes d'orties ou de roseaux). Des mesures simultanées de la capacité d'échange de cations leur suggèrent que ce paramètre du sol est un meilleur indicateur de la biodisponibilité du Cd et du Zn car il prend en compte le type d'argile et de matière organique. La grande diversité des paramètres qui caractérisent les sols rend difficile la tâche de mettre au point des tests universels d'évaluation de leur qualité et des risques encourus à la suite de leur contamination. Le foisonnement d’expériences non concertées constitue sans doute une approche pluraliste du problème. Cependant, si l'on considère les expériences que nous venons de rapporter, faites dans deux pays européens limitrophes à l'aide d'espèces ou sousespèces voisines (E. fetida et E. andrei, E.albidus et E. crypticus), les résultats, dont Lock & Janssen (2001c) reconnaissent la grande variabilité, sont difficiles à comparer car les conditions sont différentes. Au niveau d'un continent comme l'Europe, qui dispose de commissions scientifiques supra-nationales, on pourrait espérer mieux dans la cohérence des recherches. Pour notre part, nous ne souscrivons pas à la conclusion de Lock & Janssen (2001b), selon laquelle les FBAs sont de faibles indicateurs du risque environnemental et qu'ils sont inutilisables pour évaluer l'influence des caractéristiques des sols sur la biodisponibilité des métaux dans les champs contaminés. Certes, les FBAs ne sont pas suffisants, cependant leur calcul peut aider à comprendre la cinétique des métaux dont on suit en même temps la concentration dans les sols et les animaux au cours du temps, tout en tenant compte de la nature de la matière organique et de l'argile, mais aussi de l'ancienneté de la contamination comme le préconisent les auteurs.
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2.2.2.8 Rôle des vers de terre dans l'accumulation et le transfert des radionucléides ou de leurs homologues non radioactifs Constituant une biomasse importante dans la plupart des sols, les vers de terre, avec leurs différences d'écophysiologie, sont exposés aux sources de contaminants d'origine atmosphérique déposés sur les sols ou les litières, et en particulier aux contaminants radioactifs qui résultent d'essais ou d'accidents nucléaires. L'influence potentielle de l'activité des vers de terre sur la mobilité des radionucléides dans les sols et la disponibilité pour les plantes qui en dérive, ainsi que le transfert aux niveaux trophiques supérieurs a été résumée par Brown & Bell (1995), qui ont étudié en laboratoire, à 10–12 °C, l'accumulation du radiocésium (134Cs pour la contamination du sol et 137Cs pour la contamination de la matière organique) chez Aporrectodea longa. L'assimilation du césium de feuilles de pommier est plus importante que celle de sol contaminé avant vidage du tube digestif. Cependant les facteurs de transfert basés sur le poids sec de vers dont le tube digestif est vide (concentration dans les tissus des vers / concentration du substrat) sont similaires pour les deux substrats (0,04 pour le sol radioactif et 0,03–0,05 pour les vers nourris de feuilles de pommier) avec des demi-vies de perte du Cs assimilé différentes (15–26 jours pour le sol et 18–54 jours pour les feuilles). Les faibles facteurs de transfert du Cs suggèrent aux auteurs que les vers de terre n'ont pas d'effet substantiel sur la disponibilité du Cs ; toutefois, le mélange de litière de feuilles contaminées par le 137Cs avec du sol contaminé par du 134Cs réduit significativement la fraction extractible de 134Cs du sol, ce qui indique qu'une complexation par la matière organique peut se produire dans certains sols après une contamination initiale. Plus récemment, Fritsch et al. (2008) ont étudié l’influence d’A. tuberculata sur le transfert de 137Cs depuis un sol forestier contaminé (130 Bq.kg–1) vers la laitue (Lactuca sativa) et l’escargot H. aspersa. Dans la chaîne trophique sol-ver-plante-escargot, le facteur de transfert atteint 0,8 entre le sol et la laitue, et seulement 0,1 entre le sol et l’escargot. Les résultats montrent que la présence de vers de terre dans le sol n’affecte pas le transfert de 137Cs vers L. sativa, cependant elle augmente faiblement mais significativement le transfert à H. aspersa. L'absorption du 134Cs a également été étudiée par Janssen et al. (1996a) chez deux autres espèces, Lumbricus rubellus et Eisenia fetida, dans un milieu liquide ressemblant à l'eau interstitielle du sol, pendant 2 semaines à trois températures (10, 15 et 20 °C). Dans ces conditions, l'absorption du 134Cs est beaucoup plus élevée chez E. fetida que chez L. rubellus tandis que l'élimination est semblable chez les deux espèces. Les concentrations d'équilibre sont de 367 à 963 Bq.g–1 chez L. rubellus et de 920 à 1 893 Bq.g–1 chez E. fetida. La température affecte la concentration de 134Cs d'un facteur 1,4 à 2,1 entre 10 et 20 °C suivant l'espèce. Les plus hautes températures augmentent la demi-vie biologique, toutefois les demi vies du césium sont relativement courtes chez les espèces de vers de terre étudiées par rapport à celles d'autres invertébrés terrestres comme les isopodes : 500 h environ (Yates & Crossley, 1981) et les centipèdes : 800 h environ (Reichle, 1967). Toujours en milieu liquide, à 15 °C, Janssen et al. (1997) ont étudié pendant 2 semaines l'effet de la concentration en potassium, en césium stable ou en ammonium, ainsi que l'influence du pH sur l'absorption du 134Cs par les vers de terre E. fetida et L. rubellus. Seule la concentration en potassium affecte la concentration en 134Cs des vers (réduction de 50 % de l'absorption de 134Cs par addition de 1 µmol.mL–1 K à un milieu sans K). Cette réduction pourrait s'expliquer par une compétition au niveau des sites d'absorption et par une excrétion importante du K aux concentrations élevées en K ; elle montre l'intérêt des amendements à base de potassium pour agir
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sur l'absorption du césium. Le pH (4–8) n'a pas d'action sur l'absorption du 134Cs chez les deux espèces de vers. Des expériences en sol sableux de la région de Kalmthout (Belgique), contaminé par du Cs, ont été réalisées avec L. rubellus et E. andrei par Janssen et al. (1996b). Elles montrent que l'absorption du 134Cs augmente avec la température (10, 15 et 20 °C) dans les deux espèces, probablement à cause d'une augmentation du métabolisme et/ou de l'activité de prise alimentaire (voir 2.2.2.7.2). La présence de vers de terre dans les pots s'accompagne d'une augmentation importante de la concentration en 134Cs dans l'eau interstitielle pendant les 7 premiers jours pour les deux espèces aux trois températures. Ensuite, elle reste stable en présence d'E. andrei jusqu'à la fin de l'expérience (15 jours), tandis qu'elle diminue en présence de L. rubellus du 7e au 20e jour à 15 et 20 °C. Dans les pots sans vers de terre, la concentration en 134Cs reste stable au cours de l'expérience et toujours inférieure à celle des pots avec vers. Les facteurs de concentration calculés pour E. andrei à partir des concentrations de la solution du sol sont voisins de ceux de l'espèce voisine E. fetida obtenus en milieu liquide par Janssen et al. (1996a), tandis que pour L. rubellus le facteur de concentration est beaucoup plus élevé (× 28) dans les expériences avec le sol qu'en milieu liquide (× 6). Les résultats obtenus avec L. rubellus indiquent que l'absorption du 134Cs dans le sol est plus importante qu'en milieu liquide ou que l'absorption de 134Cs lié à la nourriture (matrice du sol) conduit à des concentrations plus élevées ; ce qui correspond à une observation comparable de Piearce (1972) au sujet du 45Ca, principalement absorbé par ingestion chez L. rubellus. 134
En ce qui concerne le strontium (Sr), Krivolutsky et al. (1998) rapportent que la concentration en 90Sr dans les vers de terre est nettement plus élevée que celle d'autres radionucléides de longue vie (239Np, neptunium ; 239Pu, plutonium et 241Am, americium). La biocinétique des éléments stables et des éléments radioactifs étant la même (Brown & Bell, 1995), Marinò et al. (1998), puis Morgan et al. (2001) ont étudié l'accumulation de strontium stable et de calcium dans quatre espèces de vers de terre d'écophysiologie différente, vivant dans des sols naturels riches en célestine (Sr SO4) au Nord de Bristol (GB). L'intérêt de l'étude du Sr est rehaussé par le fait que la libération accidentelle de radiostrontium présente un danger conséquent pour l'Homme et les écosystèmes à cause de sa demi-vie relativement longue et de son facteur de transfert sol-plante plus important que celui du radiocésium (Brown & Bell, 1995 ; Entry et al., 1999). Les analyses de Morgan et al. (2001) montrent que l'augmentation de la concentration en strontium du sol s'accompagne d'une augmentation de celle des tissus des vers, tandis qu'aucune relation entre les concentrations en Ca du sol et des tissus n'apparaît. Cela indique que le Ca (cation essentiel) est fortement régulé dans les tissus des vers, alors que les charges en Sr (non essentiel) ne sont pas régulées. En général, les concentrations en Sr sont les plus élevées chez l'espèce épigée L. rubellus (0,16 < FC < 1,19), qui est celle des quatre espèces étudiées ayant le turnover de calcium le plus rapide. Les différences de concentration en Sr entre l'espèce anécique Aporrectodea longa et les deux espèces endogées Aporrectodea caliginosa et Allolobophora chlorotica ne sont pas significatives. Les vers de terre sont donc des agents potentiellement importants dans le cycle du Sr dans les sols, d'une part à cause de leur capacité à accumuler ce métal dans leurs tissus et, d'autre part, parce qu'ils contribuent à l'augmentation du contenu en Sr des tissus des racines et des pousses de certaines plantes (Brown & Bell, 1995). Ainsi, les vers de terre contribuent au transfert du Sr vers les niveaux trophiques des consommateurs primaires et secondaires.
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2.2.2.9 Modélisation de la biodisponibilité Plusieurs essais de modélisation de la biodisponibilité ont été réalisés. Au cours d'expériences en laboratoire, Janssen et al. (1997a) ont exposé pendant 21 jours des vers de terre (Eisenia andrei) obtenus en culture de masse à 20 sols de Hollande prélevés en différentes localités, plus ou moins contaminées en métaux lourds. L'équilibre entre sols et animaux semble atteint après 3 semaines d'exposition et des analyses statistiques multivariées suggèrent que les facteurs de bioconcentration (FBCs) de six métaux (Cd, Cu, Cr, Ni, Pb et Zn) sont influencés par les mêmes caractéristiques que celles qui déterminent les coefficients d'équilibre de partage des métaux entre la phase solide du sol et l'eau interstitielle (Kp = concentration du métal dans la phase solide / concentration du métal dans l'eau interstitielle) (Janssen et al., 1997b). Pour ces auteurs, la principale voie d'absorption des métaux se fait par l'eau interstitielle du sol. Cette hypothèse évoquée dans plusieurs circonstances pour plusieurs métaux ne fait pas l'unanimité. Cependant, pour le Zn, des expériences d'évaluation de la biodisponibilité de ce métal pour Eisenia andrei à partir d'un sol de prairie contaminé artificiellement par la technique de dilution isotopique avec du 65Zn montrent à Scott-Fordsmand et al. (2004) que les vers de terre ont accès à 55–65 % du Zn total du sol. Le pool labile de Zn pour les vers de terre étant sensiblement similaire à celui de la laitue Lactuca sativa, ces auteurs considèrent que les vers de terre et la plante accèdent à la même fraction du Zn de la solution du sol et aux pools rapidement échangeables, plutôt que par dissolution du Zn lié aux particules du sol ou de la matière organique. La moindre importance de la voie alimentaire dans l'absorption du Zn considérée par Scott-Fordsmand et al. (2004) concorde avec la faible absorption de 65Zn par la nourriture observée par Sheppard et al. (1997) chez Lumbricus terrestris et à la mesure de l'absorption de plusieurs métaux (Cd, Cu, Pb et Zn) après obturation de la bouche de Lumbricus rubellus avec une glu médicale histoacrylique (Vijver et al., 2003b). Dans ces conditions expérimentales, Vijver et al. (2003b) ont constaté que les concentrations du corps en Cu et en Pb pouvaient être complètement attribuées à la voie dermique ; cependant, les concentrations internes en Cd, et surtout en Zn, dérivent en partie de l'ingestion (respectivement 0 à 17 % et 21 à 30 %). La comparaison des multiples formules de régression, représentant, d'une part le coefficient de partage (Kp) et d'autre part les FBCs, conduit Janssen et al. (1997a) à constater que c'est le pH puis le contenu en fer amorphe qui sont les plus importants pour déterminer les coefficients de partage, tandis que c'est l'argile et la matière organique qui jouent le rôle prédominant pour les FBCs. Ce modèle a été appliqué à la prédiction de la biodisponibilité en métaux des mêmes sols pour une autre espèce d’oligochètes, Enchytraeus crypticus, par Peijnenburg et al. (1999b), qui utilisent des expressions multivariées pour déterminer les constantes d'absorption et les facteurs de bioaccumulation en fonction des caractéristiques du sol. L'intérêt de leur approche dynamique de la biodisponibilité au cours du temps est indéniable ; toutefois, leur modélisation pose encore des problèmes car, si leurs formules sont similaires à celles de partage des métaux entre les phases liquide et solide des sols, il reste à expliquer, par exemple, les différences de relations entre les concentrations internes des métaux et la toxicité. En effet, les concentrations internes en Cu, Zn ou Pb des enchytrées calculées suivant la formule (3) d'estimation des concentrations d'état stable après 14 jours, dépassent les valeurs de EC10, EC25 et EC50 pour la reproduction évaluées antérieurement pour le Cu et le Zn (Posthuma et al., 1997), alors qu'aucun effet adverse sur la reproduction des enchytrés n'est observé dans les 20 sols considérés (Peijnenburg et al., 1999b).
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Ces expériences ont initié l’intérêt des approches mathématiques dans l'étude des phénomènes de bioaccumulation (Nahmani et al., 2007). Plus récemment, Veltman et al. (2007a) ont validé, avec des données de terrain, l’utilisation du modèle OMEGA (Optimal Modeling for Ecotoxicological Applications) pour prédire l’accumulation d’ETMs chez L. rubellus. Leurs résultats montrent que le modèle prédit avec précision les concentrations internes en Cd (et dans une moindre mesure en Cu) chez les organismes prélevés in situ, mais que son application s’avère plus difficile pour le Pb et le Zn. Néanmoins, basé sur la relation existante entre les concentrations internes en ETMs (et particulièrement le Cd) et leurs concentrations totales dans le sol et l’eau interstitielle, le modèle proposé par Veltman et al. (2007a) présente l’avantage de faciliter l’extrapolation à des sols d’origine variée, avec différentes propriétés physico-chimiques, et à d’autres espèces d’invertébrés avec une physiologie et des mécanismes de détoxification similaires à ceux des vers de terre. Parallèlement à la théorie de partage à l'équilibre et à la prépondérance de l'absorption par l'eau interstitielle, de nombreux chercheurs ont remarqué que des amendements divers du sol, modifiant en particulier le pH et la teneur en matière organique, affectent l'accumulation des métaux par les vers de terre (Beyer et al., 1982 ; Ireland, 1983 ; Beyer et al., 1987 ; Brewer & Barrett, 1995 ; Neuhauser et al., 1995 ; Pearson et al., 2000 ; Oste et al., 2001a). Afin de savoir si l'absorption par la voie digestive ne devrait pas être prise en compte, plusieurs expériences ont été réalisées. Ainsi, Morgan & Morgan (1999) ont mesuré les concentrations en métaux du matériel ingéré (contenu du jabot) et des fèces (égestats) de deux espèces de vers de terre : une épigée (Lumbricus rubellus) et une endogée (Aporrectodea caliginosa) du site minier abandonné de Llantrisant (S Wales, GB). Les analyses de ces chercheurs suggèrent que les espèces considérées ingèrent sélectivement les particules de la matrice du sol et révèlent que les concentrations en Cd, Cu et Ca des « ingestats » des deux espèces sont en général de 2 à 15 fois plus grandes que les concentrations totales du sol dans son ensemble, et ces concentrations sont significativement plus grandes que celles des « égestats ». Les différences entre les concentrations de Cd, Pb et Zn des ingestats des deux espèces de vers sont significatives (A. caliginosa > L. rubellus) et s'accompagnent de différences concomitantes des charges tissulaires de ces métaux. Ce constat suggère aux auteurs que les concentrations en métaux des ingestats sont des déterminants importants des charges en métaux accumulés et qu'il faut les prendre en considération bien qu'aucune corrélation significative ne soit trouvée entre les concentrations en métaux des tissus et des ingestats. Après une discussion détaillée de leurs résultats en les comparant à ceux de la littérature, Morgan & Morgan (1999) incitent à une utilisation prudente des divers types de facteurs de concentration car ces indices peuvent conduire à des conclusions erronées en ce qui concerne les études toxicologiques de xénobiotiques sur les vers de terre, dont le choix des espèces doit être effectué soigneusement en fonction de leur écophysiologie et de leur sensibilité aux contaminants.
2.2.2.10 Méthodes de substitution pour déterminer la biodisponibilité des métaux Les tests de laboratoire dans lesquels les vers de terre sont exposés aux sols contaminés pour évaluer la biodisponibilité et la toxicité prennent du temps et sont souvent difficiles à interpréter à cause de l'influence de divers facteurs comme le pH, le contenu en matière organique ou en argile (Lanno & McCarty, 1997). Conder & Lanno (2000) considèrent que l'on doit
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abandonner l'utilisation des concentrations totales en métaux pour l'analyse de la biodisponibilité. Ils proposent comme méthode de substitution des extractions par un électrolyte faible (0,1 M Ca(NO3)2). Des essais d'extraction de sol artificiel contaminé par un seul métal (Cd, Pb ou Zn) ou par un mélange des trois métaux montrent que les concentrations en métaux des extraits correspondent généralement aux réponses toxiques obtenues avec E. fetida dans les tests classiques. Les cinétiques de toxicité des trois métaux en mélange ne diffèrent pas, qu’elles soient exprimées en terme de concentration totale en métaux ou de métaux extraits par Ca(NO3)2. Lorsque les cinétiques de toxicité sont réalisées après contamination du sol par un seul métal, c'est Zn qui apparaît le plus toxique pour les vers, suivi par Cd et Pb sur la base de la concentration totale. En revanche, si la toxicité est exprimée par rapport au métal extrait par Ca(NO3)2, Pb est le plus toxique, suivi par Zn et Cd. Si Conder & Lanno (2000) estiment que l'extraction des métaux par Ca(NO3)2 constitue une meilleure approximation de la biodisponibilité que les concentrations totales, ils reconnaissent qu'il est encore nécessaire d'établir les corrélations avec les résidus de métaux dans les organismes et de valider la méthode avec des sols de sites contaminés. Les essais d'extraction par échange d'ions sur membrane recouverte d'un chélateur métallique donnent des résultats variables, qui ne sont pas corrélés avec la toxicité. D'autres essais d'extractions ont été réalisés sur des sols contaminés par un seul ou plusieurs métaux. Après contamination expérimentale par du Pb(NO3)2 d'un sol amendé ou non par de la farine d'os, Davies et al. (2002) ont effectué deux sortes d'extractions : l'une avec de l'eau et l'autre avec un chélateur d'ions métalliques (DTPA : acide penta-acétique diéthylènetriamine). Les deux solvants extraient davantage de Pb à partir du sol sans amendement que du sol amendé. Les quantités de Pb extraites présentent de bonnes corrélations avec la charge en Pb des vers de terre (Eisenia fetida) placés dans le sol, qu'il soit amendé ou non. L'addition au sol de phosphore sous forme de poudre d'os (Ca(PO4)3OH) par Davies et al. (2002) plutôt que sous une forme rapidement soluble (K2HPO4) comme l'ont fait Pearson et al. (2000) ou sous forme de phosphate de calcium (roche naturelle) par Conder et al. (2001), diminue significativement la toxicité du Pb en même temps que la charge en Pb du corps des vers de terre. Les mécanismes possibles de réduction de la biodisponibilité du Pb (formation de phosphate de Pb, adsorption du Pb à la farine d'os, précipitation du Pb à la suite du changement de pH) sont évoqués par Davies et al. (2002), qui pensent que les extractions pratiquées peuvent aider à la prédiction de la biodisponibilité du Pb. L'analyse du contenu en métaux (Cd, Cu, Pb et Zn) des fractions extractibles par le DTPA d'un sol contaminé a révélé à Dai et al. (2004) que ce procédé, moins onéreux que la détermination des concentrations totales, permet de prédire la bioconcentration de certains métaux (Cu, Pb et Zn), mais pas celle du Cd chez Lumbricus terrestris et Aporrectodea caliginosa. Plus récemment, Hobbelen et al. (2006) ont montré que les variations de concentrations internes en Cd et en Cu chez L. rubellus, ainsi que les concentrations internes en Cu chez A. caliginosa étaient mieux expliquées par les concentrations totales en ETMs dans le sol, alors que la variation des concentrations internes en Cd chez A. caliginosa était mieux expliquée par les concentrations dans l’eau interstitielle. Les concentrations en Zn chez les deux espèces de vers de terre n’étaient corrélées à aucune des méthodes chimiques d’estimation de la disponibilité environnementale. Les auteurs ont ainsi conclu que, malgré la faible disponibilité des ETMs dans les sols de plaine inondable étudiés, les vers de terre contenaient des concentrations élevées en Cu et Cd, suggérant que l’ingestion d’ETMs liés aux particules de sol et de
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matière organique ne doit pas être négligée en tant que source de contamination des vers de terre (Hobbelen et al., 2007). Des extractions de sols hollandais, avec de l'eau déionisée non tamponnée ou à des pH ajustés avec HCl ou NaOH, ont été pratiquées par Saxe et al. (2001), qui ont utilisé les concentrations en métaux des extraits obtenus, d'une part au pH du sol pour l'exposition dermique et, d'autre part, à un pH neutre pour l'exposition digestive pour déterminer la charge en métaux du corps des vers à l'aide d'une nouvelle équation dérivée du modèle de Janssen et al. (1997b). Le modèle de Saxe et al. (2001) tient compte du carbone organique soluble des extraits de sols, mais il n'a pas pu être validé pour tous les métaux trouvés dans les 17 sols considérés. Tous ces essais d'extraction représentent des simplifications techniques importantes, puisque la biodisponibilité des métaux pourrait être évaluée sans analyser les tissus des vers. Cependant, ces techniques ne sont pas validées pour tous les éléments traces. Il reste à démontrer, si cela est possible, que l'une ou plusieurs de ces méthodes peuvent être améliorées et appliquées sans restriction à des sols de sites contaminés par plusieurs métaux et aux espèces qui les peuplent, car la plupart des essais rapportés concernent Eisenia fetida ou E. andrei, qui ne sont pas les vers de terre les plus représentatifs du point de vue écologique.
2.2.3 Conclusions Eijsackers (1997) propose plusieurs étapes d'analyse des contaminants, dont les voies d'exposition, la prédiction de leur concentration dans l'eau interstitielle des sols, la proportion de métaux disponibles par la voie nutritive, et enfin la constitution de bases de données concernant les effets biologiques suivant les voies d'exposition. Cette dernière préoccupation – établir des relations, par exemple, entre la concentration des métaux (absorption et élimination) dans le corps des vers de terre et les effets sur la croissance et la reproduction de ces animaux – correspond à l'objectif des recherches de Van Gestel et al. (1993). Ces modes d'expérimentation méritent d'être développés et doivent permettre de comparer les taux d'accumulation de divers métaux, comme cela a été fait pour le cuivre en laboratoire et dans les conditions naturelles en champ (Marinussen et al., 1997) ou en mésocosme (Svendsen & Weeks, 1997a, b), tout en étudiant les effets sublétaux du métal ou de divers mélanges de contaminants. Pour améliorer la compréhension de la toxicité des contaminants des sols, Lanno & Mc Carty (1997), proposent l'adaptation de certaines pratiques et concepts utilisés en milieu aquatique. Pour eux, l'utilisation des cinétiques des toxiques et des CBRs (critical body residues), en relation avec les points finaux de toxicité (toxicity endpoints) peut fournir une estimation plus valable de la dose toxique que les concentrations en contaminants des sols, particulièrement pour les composés organiques hydrophobes. Ces auteurs préconisent également l'utilisation du concept de toxicité aquatique ILL (incipient lethal level) de Sprague (1969), qui augmenterait la précision de l'estimation de la toxicité. L'essai de normalisation générale de la réponse des organismes aquatiques ou terrestres aux produits chimiques en fonction de la variation des facteurs qui modifient la toxicité, proposé par Lanno & Mc Carty (1997) est louable et constitue une base de réflexion à approfondir. Cependant, comme ils le reconnaissent dans leur conclusion, c'est en estimant à la fois les
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concentrations en contaminants dans le sol et dans les organismes que les différences de biodisponibilité, sous l'influence des facteurs modificateurs, peuvent être réellement identifiées et étudiées, en tenant compte des mécanismes d'interaction sols - substances chimiques lombriciens, dont un modèle a été présenté par Stenersen (1992). Dans ce modèle (Figure 8), Stenersen fait apparaître les principales constantes de vitesse (K1, K2, K3) qui influencent les quantités de produits absorbés par les vers de terre, par diffusion de la solution du sol dans les tissus des lombriciens (K1) ou par absorption dans l'estomac (K3), alors que des réactions compétitives (K2) influent sur le degré d'absorption par fixation sur le complexe argilohumique du sol ou par évaporation ou lessivage. En tout état de cause, il semble difficile de généraliser ce qui a été observé avec quelques espèces à d'autres (ou à toutes les) espèces car il peut se produire une bioaccumulation très importante sans effet toxique apparent. Inversement, la bioaccumulation peut être accompagnée de la disparition d'une espèce qui est particulièrement sensible, comme c'est le cas pour Scherotheca dans les sols légèrement pollués par le Pb et le Cu du Sud de la France (Abdul Rida & Bouché, 1995). Face à une terminologie variable avec les auteurs et des schémas d'évaluation du risque qui prennent uniquement en compte l'estimation de la CEE (concentration estimée dans l’environnement) ou de la CL50 (Kokta & Rothert, 1992) ou les CBRs (Mc Carty & Mackay, 1993), il faudrait se mettre d'accord et définir, peut-être par types de contaminants, les points finaux (end points) retenus : CL50, CL50 T, LBB, CBR, EEC, ILL… (voir liste des abréviations en annexe), leurs modes d'obtention et leur validité. Nous rappelons ici pour mémoire les réserves émises par Landrum & Meador (2002) au sujet de la définition et de la validité des CBRs et autres termes pour établir des relations entre la charge critique du corps et la toxicité (voir 2.5.). Aussi, il est nécessaire d'obtenir des données de base plus nombreuses et de bonne qualité sur ces concepts nouveaux. Comme il peut y avoir bioaccumulation sans effet chronique ou aigu, nous proposons de prendre en compte la bioaccumulation comme un facteur d'information (end point), à considérer aussi bien dans les essais d'écotoxicologie en laboratoire qu'en champ dans l'évaluation des risques comme le fait Bouché (1992). En effet, ce facteur peut permettre de caractériser par lui-même et d'expliquer parfois certains effets des pratiques culturales sur les peuplements de vers de terre, qui représentent une donnée majeure de l'écologie des sols (Chabert, 1996 ; Lavelle & Spain, 2001). De plus, la bioaccumulation est un élément de base pour l'évaluation des risques de nombreux prédateurs dans les chaînes alimentaires (Bouché, 1992 ; Abdul-Rida & Bouché, 1994), ainsi que dans l'étude des interrelations vers - sols autres organismes. Pratiquement, il apparaît que la plupart des études réalisées sur le transfert des contaminants du sol aux vers de terre se rapportent à des lieux biens déterminés et la validation de modèles d'estimation du risque écologique (ERA : Ecological Risk Assessment) n'a pas été encore réalisée, bien que des tentatives intéressantes soient en cours. Ainsi, Sample et al. (1998b, 1999) ont développé des modèles de régression à partir des données bibliographiques de bioconcentration de contaminants métalliques ou organiques chez les vers de terre, car ils pensent que ces modèles fournissent la meilleure estimation des charges en contaminants du corps des vers. Pour cela, ils utilisent l'expression facteurs d'absorption (UFs : uptake factors) pour désigner les rapports des concentrations de contaminants dans les vers de terre à celles du sol, que d'autres auteurs appellent généralement
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facteurs de concentration ou facteurs d'accumulation. Ce mode d'estimation se traduit par une relation linéaire dans le cas des xénobiotiques stables peu métabolisés comme les PCBs (polychlorobiphényles). En revanche, lorsque les substances chimiques sont régulées par l'organisme, soit parce qu'il s'agit d'un nutriment essentiel, soit parce que la substance est plus ou moins métabolisée ou excrétée, l'estimation de la concentration en contaminants dans les vers nécessite l'utilisation de modèles de régression. Ces modèles sont soit linéaires simples, soit log linéaires. À partir des UFs de 25 études répertoriées dans la littérature, Sample et al., (1998b, 1999) obtiennent les meilleures estimations des concentrations en produits chimiques dans les vers de terre à l'aide de modèles de régression log-log pour les métaux suivants : As, Cd, Cu, Hg, Mn, Pb, Zn et pour les PCBs. La prise en compte du Ca du sol améliore les ajustements du modèle pour le Cd et le Pb, mais aucune méthode ne permet d'estimer exactement le Cr ou le Ni chez les vers de terre. Enfin, bien que quelques modèles de régressions multiples, tenant compte du pH donnent de meilleures estimations pour quelques substances, en général l'incorporation de données environnementales est d'une utilité prédictive marginale. Les UFs et les modèles établis à partir de ces 25 études par Sample et al. (1999) ont été ensuite appliqués aux données de six études supplémentaires. Ceci constitue une approche synthétique générale à partir de diverses espèces de vers, à différentes saisons, dans plusieurs types de sols, mais il en résulte une incertitude des données estimées qui peut être grande pour une localité donnée. Les auteurs estiment que cette incertitude peut être réduite si l’on développe de nouveaux modèles en incorporant les sources de variation telles que : 1) la pluricontamination avec différentes interférences (Cd-Zn observée par Beyer et al., 1982, ou Cu-Ca décrite par Beyer et al., 1987) ; 2) l'influence des saisons (Bengtsson & Rundgren, 1992 ; Braunschweiler, 1996) et 3) l'état physiologique des vers (Morgan & Morgan, 1993). Dans leurs recommandations, Sample et al. (1999) reconnaissent toutefois que dans un contexte d'évaluation du risque, les meilleures données à utiliser pour estimer la bioaccumulation des contaminants du sol par les vers de terre sont toujours celles qui sont spécifiques du site. En l'absence de ces dernières, les UFs et les modèles peuvent être utilisés. Les données actuelles indiquant que la bioaccumulation par les vers de terre est non linéaire et qu'elle décroît lorsque la concentration du sol augmente, l'utilisation de modèles de régression log linéaires est préconisée. Face aux incertitudes des essais de modélisation, rappelons qu’Eisenia fetida fait l'objet de tests normalisés : OCDE, 1984 et ISO (ISO-DIS 11 268-1, 2012 concerne la détermination de la toxicité aiguë à l'aide d'un sol artificiel, tandis que ISO-DIS 11 268-2, 2012 permet de déterminer les effets de polluants sur la reproduction. Enfin, l'utilisation des vers de terre en milieu naturel pour évaluer les effets des polluants fait l’objet d’une ligne directrice (ISO 11268-3, 1999). L'existence de ces tests, de la ligne directrice de l'OCDE (2010) et des nombreuses données citées dans notre revue, devrait permettre de promouvoir l'utilisation de tests de bioaccumulation chez ces animaux dans des conditions bien déterminées (nature du sol, durée de sa contamination, conditions d'environnement, stades physiologiques des animaux), comme cela se pratique pour les tests d'effets. Les résultats obtenus dans des conditions plus homogènes seraient certainement mieux adaptés pour permettre leur modélisation.
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L'ensemble des recherches effectuées pour comprendre les mécanismes de l'accumulation des contaminants chez les oligochètes terrestres est finalement très hétérogène ; il peut difficilement être résumé par quelques modèles généraux simples. En l'état actuel des données, on peut cependant proposer quelques lignes directrices à prendre en considération pour aboutir à des comparaisons fiables des résultats. Parmi tous les paramètres considérés pour évaluer les risques environnementaux – cinétiques d'absorption et d'élimination, concentrations dans le sol et les organismes, facteurs de concentration et de bioaccumulation, charges totales ou par organes, effets létaux ou sublétaux… –, aucun ne peut permettre à lui seul de servir de base pour fixer une réglementation de préservation de l'environnement. En revanche, à condition de déterminer des paramètres communs aux expérimentations, chacun de ces critères peut apporter des données informatives pour apprécier la qualité de l'environnement et déceler les risques. Parmi les données essentielles à acquérir, viennent d'abord la concentration en contaminants des sols et des organismes, en déterminant les cinétiques correspondantes pendant un temps suffisant pour atteindre l'état d'équilibre. En effet, pour évaluer la biodisponibilité des contaminants, le facteur temps est très important et la détermination de l'état de stabilité, variable suivant les espèces et les substances est souhaitable pour l'interprétation des résultats (Peijnenburg et al., 1999a, b). En laboratoire, cela nécessitera le respect de conditions d'environnement fixées conventionnellement pour éviter la dispersion observée actuellement dans les publications des divers auteurs et parfois dans la même publication ! Dans ce but, Egeler et al. (2007) ont proposé à normalisation une directive pour l’évaluation de la bioaccumulation des contaminants du sol chez les oligochètes (vers et enchytrés) ; cette proposition a conduit à un essai circulaire (auquel la France n'a pas participé ; OECD, 2010a, c) et à la publication en 2010 d'une ligne directrice (OECD, 2010b). Basé sur la directive déjà existante en milieu aquatique (OCDE, 1996), le test consiste à déterminer les cinétiques d’accumulation et d’élimination du contaminant et estimer, par la modélisation, les taux d’absorption (k1) et d’excrétion (k2) qui permettront de dériver les FBA et les concentrations internes à l’équilibre, reflets des potentiels d’accumulation des contaminants. Dérivant des concentrations des contaminants, on peut calculer les FBCs ou les FBAs sans que cela puisse être considéré comme un indice de risque environnemental, comme le font remarquer Lock & Janssen (2001a, b). Cependant, ces facteurs sont intéressants car ils permettent de mettre en évidence les différentes « stratégies » de réponse des organismes dans un environnement contaminé (macroconcentrateurs, microconcentrateurs, déconcentrateurs). De plus la comparaison des FBAs fait nettement apparaître que ceux-là diminuent lorsque les concentrations dans le sol augmentent (Lock & Janssen, 2001a, b ; Morgan et al., 2001). De même, les relations entre accumulation et toxicité varient suivant qu'il s'agit d'une part de métaux essentiels ou non essentiels, et d'autre part de produits organiques ou de leurs dérivés. Des recherches sont encore nécessaires pour estimer les quantités de contaminants de toute nature qui agissent au niveau des récepteurs impliqués dans les réponses biologiques, aussi bien en milieu aquatique (Landrum & Meador, 2002) qu'en milieu terrestre. Des méthodes de substitution aux dosages totaux des contaminants des sols et des vers de terre sont expérimentées afin de simplifier les analyses et réduire leur coût, en considérant que la biodisponibilité des contaminants peut être évaluée à partir d'extractions des sols. Nous avons indiqué les résultats de quelques-unes de ces techniques (voir 2.2.2.10.) : extractions
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aqueuses simples ou avec divers électrolytes, utilisation de membranes échangeuses d'ions… pour les métaux (Conder & Lanno, 2000 ; Conder et al., 2001 ; Saxe et al., 2001 ; Davies et al., 2002 ; Dai et al., 2004 ; Becquer et al., 2005) ainsi que pour les produits organiques (extractions sélectives avec divers solvants organiques : Kelsey & Alexander, 1997 ; Tang & Alexander, 1999 ou extraction sur billes de résine : Morrison et al., 2000) dont la biodisponibilité évolue avec le vieillissement (voir 1.1.2.3.). Toutefois, ces techniques ne sont pas encore en mesure de remplacer complètement les analyses de corrélations entre les teneurs en résidus des diverses espèces de vers de terre et les contaminants des différents types de sol. Toutefois, la recherche de techniques de substitution (moins chronophages et moins coûteuses), qui permettent de comprendre et de préciser les interactions environnement – organismes, correspond à une nécessité pour aider à la détermination des flux d'échanges physico-chimiques et biologiques dans les écosystèmes. Pour une vue d'ensemble des différentes approches récentes de l'écotoxicologie des vers de terre par des spécialistes, on peut consulter le n° 57 de la revue Ecotoxicology and Environmental Safety (2004) consacrée au rapport des travaux du 3e International Workshop on Earthworm Ecotoxicology, qui s'est tenu à Aarhus, au Danemark, en août 2001. L'éditorial (ScottFordsmand et al., 2004) résume le programme des quatre sessions, tandis que Van Gestel & Weeks (2004) présentent les recommandations résultant des discussions générales, dont l'un des thèmes concerne la biodisponibilité des contaminants organiques et inorganiques chez les vers de terre. À ce sujet, les différents aspects de la biodisponibilité sont passés en revue et accompagnés de recommandations pratiques pertinentes, ainsi que de suggestions de directions de recherche complémentaires. Citons également la revue de Nahmani et al. (2007) dans laquelle le lecteur pourra trouver des réponses aux questions suivantes : quelle espèce de ver doit être utilisée et dans quels buts ; quels types de sols et formes d’ETMs doivent être utilisés dans les études de bioaccumulation ; combien de temps doit durer l’exposition des vers dans ces études ; quelle doit être la durée de jeûne des vers avant leur analyse et quels paramètres du sol doivent être pris en compte pour prédire l’accumulation d’ETMs dans les vers de terre ? La diversité des problématiques auxquelles la mesure de la bioaccumulation chez les oligochètes peut répondre est très large. Citons par exemple l'évaluation de l'efficacité de traitement visant à stabiliser les métaux dans les sols contaminés: Grumiaux et al. (2010) ont ainsi démontré que l'ajout de cendres de combustion dans des sols sur un ancien site minier réduisait la biodisponibilité tant environnementale (en particulier du Cu et du Zn) que toxicologique de ces sols pour E andrei. Cependant, bien que l’on dispose de nombreuses de données sur les oligochètes terrestres qui font l’objet de plusieurs tests normalisés d’effets, nous partageons tout à fait l’opinion de Van Gestel & Van Straalen (1994) selon laquelle, plutôt que de se concentrer uniquement sur ces invertébrés, il faut probablement mieux couvrir un éventail plus large d’espèces terrestres en élargissant le champ taxonomique, ce qui augmenterait la probabilité de trouver des groupes dont la connaissance des réactions aux contaminants apporterait des renseignements complémentaires sur la qualité de l'environnement. Le besoin de nouveaux tests avec des espèces d'invertébrés terrestres vivant à la surface du sol a également été évoqué par le groupe de travail de la SETAC sur Hazard Assessment of Metal in Soils (Fairbrother et al., 1999). Dans ce contexte, les embranchements des mollusques et des arthropodes possèdent aussi des espèces terrestres très intéressantes pour l’étude de la bioaccumulation des contaminants dans des organismes d’un degré d’organisation anatomique plus complexe que les annélides.
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2.3 Mollusques gastéropodes pulmonés C’est il y a une trentaine d’années environ que les capacités d’accumulation importantes de métaux lourds ont été découvertes dans plusieurs classes d’invertébrés terrestres, comme les oligochètes (Ireland & Richards, 1977), les gastéropodes pulmonés (Coughtrey & Martin, 1976) et les crustacés isopodes (Hopkin & Martin, 1982a, b). Les fortes concentrations de métau qui ont été détectées dans les tissus de plusieurs espèces, l’ont été aussi bien chez des animaux récoltés dans des sites pollués qu’après contamination expérimentale en laboratoire. Les recherches portant sur les gastéropodes pulmonés terrestres ont fait l’objet de résumés auxquels on se reportera utilement pour le détail des travaux pionniers (Hopkin, 1989 ; Dallinger, 1993), qui ont démontré en particulier que les capacités de bioaccumulation des contaminants varient suivant les espèces, leur état physiologique et selon la nature des polluants. Sans faire un relevé exhaustif des données acquises, nous présenterons tout d'abord quelques exemples des capacités de bioaccumulation chez les limaces et les escargots les plus communs (Photographies 4 et 5), en distinguant celles repérées dans la nature de celles obtenues en laboratoire. Nous dirons quelles applications on peut en faire (indices et cartographies de pollutions), soit à partir d’animaux sauvages, soit à partir d’animaux standards d’élevage utilisés comme animaux sentinelles en cages d’exposition sur le modèle du mussel watch employé en milieu aquatique. Enfin nous proposerons des voies d’investigations futures pour l’analyse des transferts de polluants dans les réseaux trophiques (relations sol - air - eau - végétaux - consommateurs).
2.3.1 Éléments trace métalliques L'accumulation des contaminants métalliques chez les gastéropodes terrestres a servi d'une part à obtenir des informations de bioindication passive à partir d'animaux ramassés dans la nature et, d'autre part, à suivre et analyser l'accumulation des métaux dans des animaux soumis à des contaminations variées, soit expérimentales en laboratoire, soit en « sentinelles » dans des sites dont l’on veut évaluer la pollution (bioindication active). Les principales données actuelles ont fait l'objet de tableaux récapitulatifs concernant les différences de bioaccumulation suivant les sites, les métaux et les espèces avec, dans certains cas, les effets biologiques et les tissus de stockage (Cœurdassier, 2001). À partir d'exemples, nous présentons les principaux axes de recherches et leurs apports dans la bioévaluation et la biosurveillance des contaminations par les métaux.
2.3.1.1 Capacités de bioaccumulation globales des escargots et des limaces récoltés dans la nature (Bioindication passive) L'examen des analyses rassemblées dans les tableaux 9 (a et b), portant sur quatre espèces d’escargots et six espèces de limaces, montre que pour un même lieu, par exemple une mine de Pb et de Zn désaffectée de Llantrisant (South Wales, GB), la « charge métallique » des limaces est différente suivant l’espèce. Ainsi, A. subfuscus est l’« accumulateur » de métaux le plus efficace dans l’environnement métallifère considéré (concentrations métalliques du sol : Cu = 179 mg.kg–1 ; Zn = 1377 mg.kg–1 ; Cd = 13 mg.kg–1 ; Pb = 4 809 mg.kg–1), tandis
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qu’A. hortensis l'est beaucoup moins (Greville et Morgan, 1989). Avec des animaux d'une même espèce on peut distinguer des zones plus ou moins contaminées. D'après des analyses d'un ou plusieurs métaux et sur un plus grand nombre d’espèces (sept d’escargots et neuf de limaces) dans d’autres sites, Berger & Dallinger (1993) proposent trois classes de sites plus ou moins contaminés (Tableau 10). En Palestine, Swaileh et al. (2001a) ont également observé des différences d'accumulation de métaux (Cu, Cd, Pb et Zn) chez trois autres espèces d'escargots – Helix engaddensis, Levantina hierosylima et L. caesariana – le long de la route principale Nablus-Ramallah. Les concentrations en Cu des trois espèces ne diffèrent pas significativement entre les animaux ramassés à 20 m du bord de la route et les escargots d'une zone témoin. En revanche, pour le Cd, le Pb et le Zn, les concentrations sont nettement plus élevées chez les escargots proches de la route, avec les plus fortes concentrations moyennes (en µg.g–1 p.s.) chez H. engaddensis (Cd = 27,8 ± 2,8 ; Pb = 24,3 ± 2,4 ; Zn = 69,1 ± 9) ; ce qui, d'après le tableau 10, situe la bordure de cette route, parmi les sites de classe 2 pour le Pb et de classe 3 pour le Cd. Les concentrations en Cd du sol et des plantes étant inférieures à 1 µg.g–1 (ps), les auteurs notent une biomagnification de ce métal comprise entre 30 et 50 fois. Pour le Pb, la concentration des escargots est d’environ 10 fois celle des plantes (< 2 µg.g–1), mais elle est beaucoup plus faible que celle des sols (150 µg.g–1). Swaileh et al. (2001b) ont aussi étudié des contaminations métalliques urbaines en comparant les concentrations des mêmes métaux (Cu, Zn, Cd et Pb) chez Levantina hierosylima (adultes dont le diamètre de la coquille est compris entre 30 et 40 mm) de quatre localités de Palestine (Jérusalem, Abu-Dies, Qarawa et Taibeh). Des différences, probablement dues aux retombées atmosphériques du trafic routier et aux activités industrielles, ont été relevées entre les villes. Pour le Cd, les concentrations diminuent dans l'ordre suivant : Abu-Dies (28 ppm, classe 3) > Taibeh (20 ppm, classe 2) > Qarawa (16,1 ppm, classe 2) > Jérusalem (13,3, classe 1), tandis que pour le Pb : Qarawa (26,2 ppm) > Taileh (21,8 ppm) = Abu-Dies (21,3 ppm) > Jérusalem (11,3 ppm). Pour le Cu, les concentrations diffèrent peu chez les escargots d'Abu-Dies, Jérusalem et Qarawa (126 à 146 ppm), alors que celle des escargots de Taibeh est nettement plus faible (92 ppm). Pour le Zn, c'est l'inverse, ceux de Taibeh ont une concentration moyenne de 57 ppm, tandis que dans les autres villes, elles sont comprises entre 30 et 40 ppm. Cette espèce, commune dans la zone située de Jérusalem à Ramallah, peut être considérée comme un bioindicateur d'accumulation potentiel des métaux dans son aire de distribution, en déterminant les concentrations métalliques soit par rapport au poids des escargots, soit par rapport au diamètre de la coquille. Des analogies et des différences dans les capacités d'accumulation des métaux (Cu, Fe, Zn, Mn, Mn, Pb et Cd) entre deux espèces d'escargots (H. aspersa et H pomatia) et une espèce de limace (Arion rufus) récoltées, dans une zone partiellement cultivée située à 200 m d'une route nationale du Nord de l'Italie, ont été observées par Menta & Parisi (2001). Dans les deux parties du corps, les concentrations en Cu trouvées par ces auteurs sont comparables pour les trois espèces de pulmonés (35 à 55 ppm). Dans la glande digestive, les concentrations en Zn sont comparables, tandis que celles de Mn, Pb et Cd sont plus faibles (entre 1/ 4 et 1/2) chez la limace. Le pied de la limace possède les plus fortes concentrations en Mn, ce qui confirme la capacité d'accumulation de cet élément, signalée par Cavalloro & Ravera (1966), qui avaient observé que la concentration de Mn dans la limace était 4 fois plus grande que celle des végétaux consommés.
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TABLEAU 9
Concentration des métaux dans l’ensemble des tissus mous des escargots (a) et des limaces (b) (µg.g–1 de poids sec), en fonction des espèces et de la distance des sources de pollution.
Espèce
Helix aspersa
Cepaea nemoralis
Zone non ou moyennement contaminée
Zone contaminée
Cu
30–46
68–86 (1)
Zn
85–167
400–413 (1)
644–714 (3) (4)
Cd
6–11
32,2–62,4 (1)
Pb
10,6–27,5
27,6–39 (1) 41,8 (2)
Métal
Référence
Cepaea hortensis
Arianta arbustorum
5
Site I Site II
Site III
Site IV
Site V
100
410 **
185 *
275 **
185 **/I
490
130
206 **
230 *
150 ns
301 **/I
32,2–68,2 (3)
11,7
6,5
12,5 **
10,5 **
14,46 **
8 ns/I
365 (3)
55
4,8
16,5 **
13,7 **
22,8 **
15,7 **/I
Williamson (1980)
Martin & Coughtrey (1982)
Berger & Dallinger (1993)
(1) : 3,2 km d’une fonderie, (2) : jardin urbain, (3) : 2 km d’une fonderie, (4) : vieille mine de Zn, (5) : 1 m de bord de route suburbaine (10–12 000 véhicules.jour–1) Durham City, Nord-Est de l’Angleterre, (6) : bord de route à grande circulation British Colombia (Canada), (6a) : 0–40 m, (6b) : 40–80 m, (6c) : 3,5 km ; sites I–V : sites de prélèvement d’A. arbustorum à Innsbruck (Autriche), I : bois (référence), II : jardin urbain, III : aire industrielle, IV : rue principale, V : route à grande circulation. *, **, ns : niveau de signification des différences des sites II, III, IV, V par rapport à I (p ≤ 0,05 ; p ≤ 0,01 ; p ≥ 0,05) (Tableau 9a). * différences significatives (p = 0,05) pour trois métaux en fonction de la localisation (6a , 6b, 6c) Arion ater (Tableau 9b). ** concentrations significativement différentes (p = 0,05) pour quatre métaux entre A. hortensis et A. ater (Tableau 9b).
(b) Espèce
Arion Milax Deroceras Arion Deroceras Arion hortensis budapestensis reticulatum < ater < caruanae < subfuscus <
2), microconcentrateurs (FC de 1 à 2) et déconcentrateurs (FC < 1) tableau 3. Les informations apportées par les analyses des concentrations métalliques de l’ensemble des tissus mous des gastéropodes pulmonés terrestres donnent des indications sur la biodisponibilité des différents métaux suivant les sites et les espèces. Cependant, l’utilisation de ces animaux, récoltés dans la nature, comme bioindicateurs des pollutions nécessite des précautions. En effet, l’importance de la « charge métallique » peut dépendre de la saison (Berger & Dallinger, 1993) et plusieurs auteurs, qui avaient noté que la concentration en métal du corps était proportionnelle au poids des escargots (Coughtrey & Martin, 1977 ; Williamson, 1979a, b, 1980), font remarquer que cette relation ne représente pas un critère fiable à cause des variations géographiques du taux de croissance et des différences d’âge que peuvent avoir des animaux de poids identique. Pour ces auteurs, il est encore nécessaire de préciser expérimentalement la dynamique de l’absorption et du stockage des métaux pour interpréter convenablement la contamination de l’environnement à partir de la concentration en métaux des tissus du corps.
2.3.1.2 Différences de bioaccumulations tissulaires Parallèlement aux dosages des métaux dans la totalité des tissus mous, des analyses dans les organes séparés montrent que certains métaux sont accumulés sélectivement dans les organes des escargots et des limaces. Ainsi, Coughtrey & Martin (1976) rapportent, chez Helix aspersa, que c’est la glande digestive qui accumule le plus fortement Zn, Cd et Pb, alors que le Cu est généralement réparti dans tous les tissus du corps. Le stockage prédominant du Cd et du Zn (95 %) dans la glande digestive d'H. aspersa est également constaté par Cooke et al. (1979),
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qui suggèrent qu'il se produit in vivo une différence de spéciation du Cd et du Zn, traduite par des rapports Cd/Zn dissemblables de l'extrait soluble de la glande digestive d'escargots d'une zone contaminée (Avonmouth, GB) et d'une zone non contaminée (Pembrokeshire, GB). Par chromatographie (gel perméation), Cooke et al. (1979) montrent la présence d'une protéine de liaison (M2) au Zn et au Cd qui s'apparenterait aux métallothionéines (MT). Le complexe cadmium-protéine est concentré dans la glande digestive sous une forme qui peut être extraite par l'eau (bien que difficilement), tandis que le Zn est complexé sous une forme insoluble. Chez des escargots H. aspersa exposés durant 15 jours à de la nourriture contaminée par du Cd, Hispard et al. (2008a) ont observé la distribution subcellulaire du Cd dans trois fractions (homogénat total, fractions cytosoliques soluble (surnageant) et insoluble (culot)) de la glande digestive obtenues par centrifugations différentielles : 85 % du Cd a été retrouvé dans la fraction soluble contenant les MT, alors que 80 % du Zn et 67–77 % du Cu étaient stockés dans la fraction insoluble sous forme granulaire. Ces résultats, obtenus avec des escargots exposés à une nourriture contaminée, sont confirmés et complétés par ceux obtenus en exposant des H. aspersa pendant 2 semaines à un sol industriellement contaminé : la majorité du Cd est trouvée dans la fraction cytosolique (c'est-à-dire soluble et contenant les Cd-MT), tandis que le Pb est localisé essentiellement dans la fraction insoluble contenant surtout le métal sous forme de granules. Le Zn, métal essentiel, présente un comportement intermédiaire et une répartition plus homogène entre fraction cytosolique, granulaire et débris cellulaires (Gimbert et al., 2008d). La comparaison par Hopkin (1989) des concentrations en métaux des principaux organes d’H. aspersa récoltés sur des sites contaminés ou non (Tableau 11) confirme les résultats de Coughtrey & Martin (1976). Cependant, si l’on calcule le coefficient d’augmentation de la concentration métallique des escargots ramassés sur le site contaminé (Sc) par rapport à celle Sc d’un site non contaminé (Snc), en considérant soit l’hépatopancréas -------- hp , soit Snc Sc Sc l’ensemble du corps -------- tot , on constate (Tableau 11) que le rapport -------- hp est seulement Snc Snc Sc supérieur à -------- tot pour le cadmium (13,4 contre 10). Donc l’information apportée par la Snc concentration métallique de l’ensemble des tissus mous donne bien une idée de l’ordre de grandeur de la biodisponibilité des métaux de l’environnement. La concentration en métaux est exprimée en µg.g–1 de poids sec. Le coefficient d’augmentation de la concentration des métaux dans les tissus des animaux ramassés en zone contaminée est obtenu en effectuant le rapport : Sc concentration en métal des tissus en site contaminé -------- = --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Snc concentration en métal des tissus en site non contaminé Sc Sc On a calculé -------- hp pour l’hépatopancréas et -------- tot pour l’ensemble des tissus mous. Snc Snc Bigliardi et al. (1988-1989) ont également noté que le Cd et le Pb sont plus concentrés dans l’hépatopancréas que dans les muscles d’H. pomatia récoltés dans le Val Gesso (Italie) pendant leur hibernation, et que la concentration en métaux est positivement corrélée à la taille
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TABLEAU 11
Espèce
Helix aspersa (n = 6)
Helix aspersa (n = 6)
Comparaison des contaminations en métaux (Cu, Zn, Cd et Pb) d’Helix aspersa sur le site non contaminé (Kynance Cove, Cornwall) et le site contaminé d’Avonmouth en Grande-Bretagne. Site non contaminé (Snc) – Kynance Cove, Cornwall, Grande-Bretagne Organe Cu Zn Cd Pb Référence Hépato118 ± 41 429 ± 71 20,2 ± 5,2 31,8 ± 4,8 pancréas Intestin 94,8 ± 33,1 67,4 ± 9,6 9,51 ± 4,16 5,56 ± 0,89 Hopkin (1989) Appareil 55,8 ± 15,9 51,5 ± 4,5 5,52 ± 4,23 0,75 ± 1,04 génital Reste 138 ± 36 49,2 ± 2,1 1,12 ± 0,16 0,63 ± 0,66 Total 104 ± 28 103 ± 14 4,88 ± 0,62 5,79 ± 1,06 Site contaminé (Sc) – 1 km des fonderies d’Avonmouth, Grande-Bretagne Hépato186 ± 38 1 780 ± 300 271 ± 17 490 ± 96 pancréas Intestin 181 ± 39 204 ± 17 30,1 ± 14,1 143 ± 46 Hopkin (1989) Appareil 135 ± 27 58,2 ± 3,6 7,46 ± 1,81 16,4 ± 3,3 génital Reste 347 ± 60 95,6 ± 21,7 16,5 ± 2,5 18,0 ± 6,4 Total 228 ± 43 418 ± 71 49,6 ± 10,7 121 ± 24 Sc- ------ Snc hp
186 --------- = 1,5 118
1-----------780= 4,1 429
271--------= 13,4 20,2
490--------= 15,4 31,8
Sc- ------tot Snc
228 --------- = 2,2 104
418 --------- = 4 103
4,88 ---------- = 10,1 4,88
121--------= 21,8 4,79
Rapports
des animaux (Photographie 6). Dans la province italienne de Mantoue, Campanini et al. (1992) ont constaté que les concentrations (par rapport au poids frais) du Cu et du Zn étaient plus importantes dans le pied chez H. lucorum que chez H. aspersa ramassés en été en bordure des champs et des canaux (389 µg.g–1 contre 70,9 µg.g–1 pour Cu et 30,66 µg.g–1 contre 14,25 µg.g–1 pour Zn). Dans les mêmes espèces et la même province, Campanini et al. (1996) observent des concentrations respectives de 8,6 et 9,4 µg.g–1 en Cd et de 1,2 et 2,6 µg.g–1 en Pb dans l’hépatopancréas, tandis que la teneur en Zn du même organe présente une différence beaucoup plus grande (177,9 et 52 µg.g–1 respectivement chez H. lucorum et H. aspersa). En Autriche, au voisinage d’une fonderie (Arnoldstein), Rabitsch (1996) a mis en évidence des différences de concentration de quatre métaux (Cu, Zn, Pb et Cd) dans les organes (hépatopancréas, rein et pied) de quatre espèces de pulmonés terrestres (H. pomatia, Arianta arbustorum, Aegonis verticillus et Bradybaena fructicum). En fonction de la distance de la fonderie, il observe des différences de bioaccumulation des métaux (exprimée par rapport au poids sec) suivant l’espèce et constate que c’est l’hépatopancréas de B. fructicum qui accumule le plus de Zn (11 800 µg.g–1), de Pb (460 µg.g–1) et de Cd (300 µg.g–1) tandis que c’est le rein d’A. arbustorum qui accumule le plus de Cu (600 µg.g–1). Ainsi, dans plusieurs pays, on dispose de données concernant la bioaccumulation d'ETMs dans les tissus de différentes espèces de pulmonés et il deviendra possible de comparer les
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TABLEAU 12 Classe I II III IV Classe I II III IV
Grilles de facteurs de contamination des viscères par les métaux (en mg.kg–1 poids sec). (D’après Pihan et al., 1995.) Cu Cu ≤ 130 130 < Cu ≤ 200 200 < Cu ≤ 300 Cu > 300 Cd Cd ≤ 5 5 < Cd ≤ 10 10 < Cd ≤ 50 Cd > 50
Fe Fe ≤ 100 100 < Fe ≤ 200 200 < Fe ≤ 600 Fe > 600 Cr Cr ≤ 0,6 0,6 < Cr ≤ 1,8 1,8 < Cr ≤ 5,4 Cr > 5,4
Mn Mn ≤ 100 100 < Mn ≤ 200 200 < Mn ≤ 400 Mn > 400 Ni Ni ≤ 3 3 < Ni ≤ 6 6 < Ni ≤ 12 Ni > 12
Zn Zn ≤ 150 150 < Zn ≤ 300 300 < Zn ≤ 600 Zn > 600 Pb Pb ≤ 5 5 < Pb ≤ 10 10 < Pb ≤ 50 Pb > 50
niveaux de contamination entre pays et régions (en prenant la précaution d'utiliser les mêmes méthodes d'extraction et de mesure avec des échantillons de référence). Sachant que ce sont les organes des viscères (glande digestive, intestin, rein…) qui accumulent le plus les ETMs, Pihan et al. (1994, 1995) proposent une grille de contamination des escargots par les métaux en se basant sur les concentrations de huit métaux dans les viscères d’escargots d’élevages ou récoltés dans des sites contaminés ou non (Tableau 12). L’intérêt principal de l’analyse de la concentration des métaux dans les organes réside dans le fait que l’on peut établir une relation entre l’accumulation des toxiques dans certains tissus (de l’appareil digestif par exemple) et des réponses pharmacologiques ou physiologiques qui permettent aux gastéropodes, comme à d’autres invertébrés terrestres, d’inactiver et de retenir des éléments traces en quantité excessive par compartimentation intracellulaire (Dallinger, 1993). Les mécanismes de séquestration des ETMs dans différents types d’inclusions intracellulaire appelées « granules » ou « vésicules » et dérivées en majeure partie du système lysosomial, ont été décrits en détail et comparés entre eux chez plusieurs espèces d’invertébrés (Hopkin, 1989). Ces granules interviennent dans les processus cellulaires de stockage et de détoxification des métaux, communs à tous les animaux, avec un succès adaptatif particulièrement développé chez les invertébrés terrestres, dont certaines espèces présentent au niveau moléculaire un système de MT cytosoliques et/ou de protéines de liaison aux métaux qui rendent les processus d’accumulation très complexes. Chez les gastéropodes terrestres, l'existence de protéines cytosoliques ayant les caractéristiques des MT a été mise en évidence dans la glande digestive d'H. pomatia, A. arbustorum, Cepaea nemoralis et Arion lusitanicus (Berger & Dallinger, 1993 ; Dallinger et al., 1993a, b). Par la suite, Berger et al. (1995) ont purifié et séquencé des isoformes de MT qui se lient au Cd chez A. arbustorum. En comparant les séquences d'acides aminés des MT des escargots (A. arbustorum et H. pomatia) avec celles d'autres invertébrés (Caenorhabditis elegans et Drosophila melanogaster), Dallinger (1996) a noté des analogies, mais aussi des différences qui témoignent d'une évolution indépendante de ces phylums. Ensuite, Dallinger et al. (1997) ont séquencé deux isoformes distinctes de MT, l'une intervenant dans la détoxification du Cd (Cd-MT), l'autre régulant le métabolisme du Cu (Cu-MT). Ces deux isoformes de MT sont spécifiques d'organes et de métaux. L'isoforme du Cd (PM : 6 620 K) existe dans la glande digestive d'A. arbustorum et d'H. pomatia ; sa fonction est la détoxification du Cd en se liant à 85–95 % du Cd total accumulé dans les tissus mous des escargots. La concentration
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de cette isoforme spécifique du Cd dans la glande digestive répond uniquement à l'exposition à ce métal et constitue ainsi un biomarqueur spécifique des intoxications aiguës ou chroniques par le Cd (Berger et al., 1995). Au contraire, l'isoforme isolée à partir du manteau d'H. pomatia (Dallinger et al., 1997) a une masse moléculaire différente (6 247 K) ; elle ne répond pas à des charges modérées de Cd ou de Cu et sa concentration augmente seulement aux fortes intoxications par le Cu. Ces résultats suggèrent que l'isoforme de MT du manteau assure la régulation du Cu, probablement en relation avec la synthèse de l'hémocyanine (riche en Cu), qui est le pigment respiratoire. L'analyse par spectrométrie révèle un rapport stœchiométrique de 6 Cd2+ équivalents/mol–1 de Cd-MT (Dallinger et al., 2001b) et de 12 Cu2+ de Cu-MT (Gehrig et al., 2000). Chabicovsky et al. (2003a, b) ont quantifié les ARNm des deux isoformes dans les organes d'escargots (H. pomatia) exposés ou non au Cd ou au Cu, et à l'aide de sondes spécifiques des ARNm, l'hybridation in situ leur a révélé que l'expression des gènes Cd-MT est localisée dans les cellules épithéliales de l'hépatopancréas, de l'intestin et du rein, où se réalise vraisemblablement la détoxification du Cd. L'expression des gènes Cu-MT est restreinte à un seul type cellulaire : les rhogocytes (pore cells = cellules à sillons), principalement dans le manteau, et cette isoforme doit réguler la disponibilité du Cu au cours de la synthèse de l'hémocyanine. Les deux isoformes de métallothionéines caractérisées, localisées respectivement dans la glande digestive et dans le manteau d' H. pomatia, constituent des candidats potentiels de biomarqueurs : l'isoforme Cd-MT étant spécifique de l'exposition au Cd, tandis que l'isoforme Cu-MT décroît suite à l'exposition à des stress physiques comme le froid et les rayons X (Dallinger et al., 2004a, b). Dans leurs travaux sur H. aspersa, Hispard et al. (2008a) ont séparé trois isoformes de MT dans le pool cytosolique de la glande digestive des animaux exposés au Cd par voie digestive : la première, présente également chez les témoins, est spécifique du Cu et les deux autres ne sont induites que chez les individus exposés. Parmi celles-là, une s’avère spécifique du Cd et de structure proche de celle déterminée chez d’autres espèces d’escargots comme H. pomatia (Dallinger et al., 1997) ou A. arbustorum (Berger et al., 1995), avec des pourcentages d’homologie de 94 et 87 % respectivement, correspondant à des variations de seulement 4 et 8 acides aminés. L’autre isoforme présente une structure originale jamais décrite jusqu’à présent chez les mollusques gastéropodes et a la particularité de pouvoir s’associer à la fois au Cd et au Cu (Hispard et al., 2008a). Ainsi, si de nombreuses similitudes existent au sein des mollusques gastéropodes terrestres, des spécificités liées à l’espèce, par exemple dans les mécanismes intracellulaires de détoxification du Cd, ont pu être mises en évidence. Des études quantitatives, couplées avec des analyses en HPLC et spectrométrie de masse, révèlent à Dallinger et al. (2005) que, chez les escargots H. pomatia exposés pendant 15 jours à une nourriture enrichie en Cu (feuilles de laitue trempées dans une solution à 10 mg Cu.L–1), une partie du Cu se lie à une isoforme de métallothionéine (Cu-MT) dont la localisation cellulaire (démontrée par hybridation in situ) se trouve exclusivement dans des cellules à sillons (pore cells = rhogocytes) de la plupart des organes, avec une dominante dans les tissus du manteau en association avec le réseau dense de vaisseaux sanguins. La concentration de cette isoforme de Cu-MT est constante dans les organes, que les escargots soient exposés à des concentrations physiologiques ou élevées de Cu. Le nombre de cellules à sillons qui présentent une réaction à l'ARNm de Cu-MT n'est pas affecté par une exposition au Cu. En revanche, en cas de contamination par le Cu, le métal pénètre rapidement dans les tissus où il est stocké sous forme granulaire dans les rhogocytes et leur nombre augmente fortement avec des précipitations granulaires de Cu. L'examen de coupes sériées montre qu'il n'y a pas
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de colocalisation des ARNm de Cu-MT et des dépôts granulaires de Cu. Ainsi chez H. pomatia, le Cu est régulé par un seul type cellulaire, les cellules à sillons qui constituent deux populations distinctes : l'une caractérisée par l'expression de Cu-MT représente un pool stable de Cu impliqué dans les fonctions essentielles de respiration (synthèse d'hémocyanine) ; l'autre est reconnaissable par ses dépôts granulaires de Cu en cas d'exposition supra-physiologique à ce métal. Ces découvertes constituent une étape importante dans l'étude des mécanismes de régulation et de détoxification du Cu chez les pulmonés, qui peuvent servir de modèle cellulaire chez les invertébrés pour de futures recherches. Les réponses aux métaux sont donc de plusieurs types (accumulation dans les différents tissus, synthèse de MT spécifiques, effets toxiques). L'existence de MT spécifiques, inductibles par l'exposition à certains métaux, constitue selon Dallinger et al. (2000) un biomarqueur potentiel pour détecter les risques liés aux pollutions métalliques dans les écosystèmes terrestres. Cependant, les différences interspécifiques de bioaccumulation peuvent dépendre soit de différences de régime alimentaire (Mourier et al., 2011), soit d'adaptations métaboliques (absorption, stockage, excrétion) dont l'étude de la dynamique a été abordée expérimentalement chez quelques espèces. Dans les paragraphes suivants, nous relatons quelques expériences réalisées pour évaluer les capacités de bioaccumulation.
2.3.1.3 Bioaccumulation après contamination expérimentale Diverses expériences de contamination ont été réalisées avec un ou plusieurs métaux chez plusieurs espèces dans des conditions variées (Tableau 13). Un panorama général en est donné afin d’en dégager les conséquences importantes et proposer si possible des programmes complémentaires concertés. 2.3.1.3.1 Relation entre concentration dans l’alimentation et les tissus. Contamination par le cuivre
Chez H. pomatia (récoltés en été), lors d’expériences à court terme (10 jours) avec de la laitue contenant trois concentrations de Cu (30 ± 10 µg.g–1 = non traitée ; 230 ± 80 µg.g–1 ; 1390 ± 420 µg.g–1) l’assimilation du Cu est respectivement de 82,5 ; 88,5 et 97 %, tandis que la quantité excrétée dans les fèces reste la même. Au début de l’expérience, la concentration en Cu augmente rapidement dans le tube digestif antérieur, puis elle augmente principalement dans l’intestin et la glande digestive (Moser & Wieser, 1979). Aux plus fortes concentrations en Cu, la consommation de salade diminue de 40 à 50 % et les escargots tendent à devenir moribonds. Chez les escargots placés en jours courts à 5 °C (hiver) et nourris avec de la nourriture contaminée pendant 4 mois, la concentration en Cu est multipliée par 9 dans le pied, par 13 dans la glande digestive et par 40 dans l'intestin par rapport à celle des escargots non traités, tandis qu'en été, ces coefficients sont de 1, de 6 et de 2. Seule la glande à albumen présente une concentration stable quelque soit le traitement et la saison. Cela souligne l'importance des conditions environnementales et des différences de métabolisme suivant les organes. Helix aspersa a été choisi comme espèce sentinelle par Snyman et al. (2000), parce qu'il est commun dans les vignes et les vergers sud africains, pour évaluer l'influence, sur la faune non cible, de l'oxychlorure de cuivre [Cu2Cl(OH)3], fongicide communément employé sur diverses variétés de fruits et de légumes. Ces auteurs ont étudié la toxicité du fongicide en
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analysant l'absorption du Cu et les changements correspondants dans les lysosomes des hémocytes par mesure du temps de rétention du rouge neutre (RRN) dans ces cellules, qui est préconisé, comme biomarqueur d'exposition au Cu chez les vers de terre (Weeks & Svenden, 1996 ; Harreus et al., 1997 ; Reinecke & Reinecke, 1999). Les expériences de Snyman et al. (2000) portent sur des escargots adultes d'élevage maintenus à 16–18 °C, 70 ± 2 % d'humidité, photopériode constante (14 h L–10 h O) et nourris avec un mélange d'agar, d'eau distillée et d'un mélange de jus de fruits et légumes du commerce. Trois groupes d'escargots sont constitués, un témoin et deux dont la nourriture est contaminée par des concentrations sublétales d'oxychlorure de Cu : 80 µg.g–1 et 240 µg.g–1 correspondant respectivement à 40,11 ± 4,03 et 129,0 ± 15,64 µg.g–1 de Cu. Après 6 semaines d'exposition, les concentrations en Cu du corps des escargots sont significativement différentes et respectivement de 67 ± 31, 201 ± 53 et 272 ± 67 µg.g–1 de poids sec pour les témoins et ceux exposés à 80 et 240 µg.g–1 de Cu2Cl(OH)3. L'augmentation de la concentration en Cu se fait progressivement au cours des 6 semaines : 105, 118, 130, 150 160 et 200 µg.g–1 pour l'exposition à 80 µg.g–1 et : 120, 140, 155, 165, 220 et 272 pour la contamination de la nourriture à 240 µg.g–1. Snyman et al. (2000) notent de fortes corrélations négatives entre les concentrations totales en Cu et les temps de RNN des hémocytes pour toute la durée de l'expérience. Leurs résultats indiquent que la régulation du Cu cesse au cours de la 2e semaine d'exposition et que la réponse des lysosomes traduite par le temps de RNN peut constituer un biomarqueur cellulaire de stress résultant de l'exposition des escargots à ce fongicide, pour des concentrations de Cu dans la nourriture inférieures à celle sans effet (NOEC = 500 µg.g–1) sur la croissance d'H. aspersa et de l'ordre de celle (100 µg.g–1) qui la stimule légèrement (Gomot de Vaufleury, 2000). Contamination par le cadium , le chrome ou l'argent
Dans les années 1981-1982, l’accumulation du cadmium a été étudiée, d’une part dans l’ensemble des tissus mous d’H. aspersa (Russell et al., 1981) et d’autre part, dans les organes d’Arion ater (Ireland, 1981et 1982) (Tableau 13). On remarque que l’accumulation du Cd dans les tissus d’H. aspersa augmente avec la dose de 10 à 300 µg.g–1 dans l’aliment et que la concentration observée chez les animaux sauvages ramassés par Martin & Coughtrey (1982) dans une zone contaminée correspond à celle d’escargots soumis à une alimentation contaminée de l’ordre de 50 µg.g–1 pendant 30 jours (Russell et al., 1981). En exposant des escargots (Helix aspersa) juvéniles pendant 4 semaines à des feuilles de colza (Brassica napus), contaminées en surface (pour simuler un dépôt atmosphérique) par des concentrations croissantes en Cd, Scheifler et al. (2002b) ont montré que les concentrations dans les tissus des escargots augmentent avec celles de leur nourriture (Tableau 14). Les facteurs de bioaccumulation (FBAs) vont de 4,8 pour le groupe témoin à 2,4 pour le groupe exposé à la plus forte concentration, ce qui montre qu'une bioamplification survient dans cette chaîne alimentaire simplifiée. La croissance des groupes d'escargots exposés est réduite de 17, 24 et 43 %, respectivement, par rapport aux témoins. La comparaison de ces résultats avec ceux obtenus chez des escargots exposés à une farine végétale contaminée à des concentrations similaires (Tableau 15) montre que la bioaccumulation et les effets sont similaires dans les deux conditions, ce qui indique que la biodisponibilité du Cd dans les deux types d'aliment (feuilles et farines végétales) est comparable. D'autre part, l'augmentation des concentrations internes en Cd a pu être corrélée à l'inhibition de croissance (Tableau 16) (Cœurdassier et al., 2002b).
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TABLEAU 13
Espèce
Étude expérimentale de l'accumulation des métaux chez les gastéropodes pulmonés terrestres.
Origine
Élevage Helix aspersa
Alimentation + contamination expérimentale T : aliment rongeurs + CO3Ca 10 %
Concentration des métaux (µg.g–1 poids sec)
Organes analysés
Durée
30 jours Ensemble des tissus mous
25
33,3
50
38,9
100
N.D.
300
137
1000 Arion ater
T : aliment lapins
21 jours Glande digestive Cd T : (juil.) Tr :
Tr : aliment lapins + Cd 20 mg.kg–1
Pied
T: Tr :
21 jours Glande digestive T : (sept.) Tr : Pied
Arion ater
Campus universitaire
Campus universi-taire
Élevage Achatina fulica
T : aliment lapins humidifié Tr : aliment + solution argent à 5 µg.mL–1 (25 mL sol Ag + 5 g alim. + 1,3 g CO3Ca)
Arion ater
0,3 5,6
Cd 0,015 0,765 0,558
Ca 35,7 36,1 28,2
Intestin T: Tr1 : Tr2 :
N.D. 0,289 0,290
61,3 19,8 16,6
Pied T: Tr1 : Tr2 :
N.D. 0,066 0,064
32,3 25,6 12,8
A. ater (Tr) Glande dig. T.D. Pied
Ag 43,2 44,3 18,7
A. fulica (Tr) Glande dig. T.D. pied
Ag 409,2 45,0 7,6
21 jours Glande digestive T: Tr1 : Tr1 : Cd 10 mg.kg–1 dans Tr2 : aliment + milieu Tr2 : Cd 10 mg.kg–1 seulement dans aliment
10 Tr : aliment + solution semaines argent à 5 µg.mL–1 (25 mL solution Ag + 5 g aliment + 1,3 g CO3Ca)
98 3,3 – croissance normale Ireland 454,9 – accumulation (1981) forte Cd dans gl. 0,5 digestive 2,9 – différence saisonnière 5,2 167,5
T: Tr :
T: aliment lapins
Référence
Cd Cd Réduction alimenta- Russell Aliment tissus tion + inhibition (1981) croissance aux fortes 0 < 0,5 doses 10 8,4
Tr : + Cd = 10, 25, 50 100, 300, 1 000 mg.kg–1
Campus universitaire
Effets
– Accumulation Ireland Cd # dans Tr1 et Tr2 (1982) – diminution Ca dans intestin (Tr1 et Tr2)
– Croissance normale Ireland – Ag associé aux gra- (1988) nules de Ca de la glande digestive
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
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Tableau 13 : Suite. Espèce
Origine
Achatina Élevage fulica
Alimentation + contamination expérimentale
T : aliment lapins humidi- 16 semaines fié (alim.) Zn : 129 µg.g–1 Cu : 16 µg.g–1 Ca : 7,45 mg.g–1 Tr : alim. + CO3Ca 0,1 (Tr1) ; 1 (Tr2) ; 1,5 g (Tr3) CO3Ca 5g–1 aliment 25 mL
–1
Organes analysés
Durée
Glande digestive T: Tr1 : Tr2 : Tr3 : Pied T: Tr1 : Tr2 : Tr3 :
Concentration des métaux (µg.g–1 poids sec)
Effets
Référence
Cu Zn Mg – Fortes concentrations Ca alimentaire 21,9 178 3,7 – modifications mor34,1 221 4,1 phologie et histochimie des tubules 10 271 3,2 digestifs 9,8
Ireland & Marigomez (1992)
262 2,9
20,7 44
4,2
21,9 41,8 4,8
H2O
13,5 33,4 4,9 17,9 41,7 5,9 Helix pomatia
Helix aspersa
Nature
Commerce
T : laitue non contaminée J0 Zn : 205 µg.g–1, Cu : 28 µg.g–1, Cd : 4,5 µg.g–1, Pb : 3,1 µg.g–1 32 jours Tr1 : laitue contaminée Zn : 261, Cu : 534, Cd : 160, Pb : 936 µg.g–1 70-80 Tr2 = Tr1 (32 jours) + T jours (40-50 jours)
T : farine orge Al : 15 µg.g–1 Fe : 20 µg.g–1 Exp1 : + Al 510 Exp3 : + Fe 550 Exp4 : Al 610 + Fe 570
1 à 30 jours
Glande digestive T: Tr1 : Tr2 : Pied T: Tr1 : Tr2 :
Cu
Zn
Cd
Pb
96
585
78
50
174
1 285 192
1 540
90
1 274 212
1 473
96
99
8
13,5
150
99
5,8
9,6
82
72
6,2
15,4
Dallinger & Wieser (1984a)
Exp1 (Al) Ensemble des tis- Exp3 (Fe) sus mous 48 h Al × 3 (40 µg.g–1) 48 h Fe × 3 Glande digestive 48 h Al × 5 48 h Fe × 5 Rein
Brooks (1992)
48 h Al × 5 48 h Fe × 5
T = témoins ; Tr = traité, T.D. = tube digestif ; N.D. = non déterminé.
Chez Arion ater (Photographie 7), une contamination de la nourriture par 20 mg.kg–1 de Cd pendant 21 jours n’a pas d’effet sur la croissance, mais elle se traduit par une accumulation très forte de Cd dans la glande digestive, surtout pendant l'été (Ireland, 1981). Le même auteur (Ireland, 1982) démontre que l’accumulation du Cd dans les organes est aussi importante après le contact avec le milieu contaminé que par voie alimentaire (Tableau 13). Par la suite, Ireland (1988) comparant l’accumulation de l’Ag chez A. ater et Achatina fulica, montre l’importance de l’espèce en observant, à une dose qui ne perturbe pas la croissance, une accumulation 10 fois plus importante d’Ag dans la glande digestive d’A. fulica que dans celle d’A. ater, et en revanche, une accumulation 2,5 fois plus faible dans le pied. Chez l’achatine, l’accumulation des métaux d’un aliment normal pour lapins dépend de la teneur de la nourriture en CaCO3 qui, à forte dose, provoque un stress cellulaire au niveau des tubules digestifs et une diminution du Cu dans la glande digestive (Ireland & Marigomez, 1992) (Tableau 13).
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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L'accumulation du chrome VI et l’inhibition de la croissance que ce métal induit (CE50 d'environ 320 µg.g–1) ont été étudiées chez de jeunes H. aspersa exposés durant 28 jours par voie digestive (Cœurdassier et al., 2000). L'accumulation de ce métal est dose-dépendante dans le pied et les viscères. Dans les viscères, la concentration en Cr est de 0,79 µg.g–1 de poids sec chez les témoins, tandis qu'elle atteint 3 067 µg.g–1 chez les animaux ingérant un aliment contaminé à 1 250 µg.g–1 (Figure 9a). Les FBAs sont toujours inférieurs à 1 dans le pied des animaux, tandis qu'ils sont toujours supérieurs à 2 dans les viscères. Dans cette partie du corps, les FBAs augmentent jusqu'à une concentration de Cr dans la nourriture de 250 µg.g–1, puis se stabilisent aux environs de 2 (Figure 9b).
Figure 9
(a) Concentration en Cr (µg.g–1) et (b) facteurs de bioaccumulation du pied et des viscères d'H. aspersa ayant ingéré pendant 4 semaines des concentrations croissantes de Cr. (D’après Cœurdassier et al., 2000.) Toutes les valeurs correspondant aux escargots contaminés sont significativement différentes de celles des témoins (test de Kruskal-Wallis, p < 0,01) ; y, y1, y2 : pied ; y', y'1, y'2 : viscères.
Pluricontamination métallique
Parallèlement aux expériences avec un seul métal, les dynamiques d'accumulation et d’excrétion de plusieurs métaux (Cu, Zn, Cd et Pb) ont été suivies dans les organes d’Helix pomatia par Dallinger & Wieser (1984a, b). Des escargots adultes récoltés dans la nature ont été nourris 32 jours avec de la laitue contaminée par trempage une heure dans des solutions de métaux, puis alimentés pendant 40 à 50 jours avec de la salade non contaminée. Les concentrations en métaux de neuf organes, du sang et des fèces ont été déterminées. Ces expériences
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
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TABLEAU 14 Concentrations en Cd (µg.mL–1 ou µg.g–1, poids sec, moyenne ± écart-type) dans les solutions utilisées pour contaminer les feuilles de colza par trempage, la nourriture (feuilles de colza) et les tissus (pied, viscères et corps entier) d'H. aspersa aspersa nourris pendant 4 semaines avec des feuilles de colza, et facteurs de bioaccumulation (Scheifler et al. 2002b.) Lot
Solution de Feuilles de colza trempage
Pied
FBA
Viscères
FBA
0,98 ± 0,01
7,00
Corps entier FBA (sans la coquille)
Témoin
0
0,14 ± 0,02
0,20 ± 0,03
1,43
S10
10
38,40 ± 17,57
59,38 ± 11,69
1,55
S50
50
93,12 ± 38,30 156,61 ± 56,38 1,68 486,32 ± 112,86 5,22 359,96 ± 70,47 3,87
S100
100
177,24 ± 55,33 222,26 ± 49,18 1,25 589,74 ± 136,78 3,33 434,75 ± 75,07 2,45
TABLEAU 15
0,67 ± 0,03
4,79
222,74 ± 41,83 5,80 155,03 ± 38,54 4,04
Concentrations en Cd (µg.g–1, poids sec, moyenne ± écart-type) de la nourriture et des tissus mous (pied, viscères et corps entier) d'H. aspersa aspersa nourris avec de l'aliment Helixal® pendant 4 semaines, et facteurs de bioaccumulation (Scheifler et al., 2002a.)
Nourriture
Pied
FBA
Viscères
FBA
Corps entier
Témoin
0,85 ± 0,33
–
2,80 ± 0,48
–
1,9 ± 0,4
50
35,20 ± 15,75
0,70
341,24 ± 50,95
6,82
198,1 ± 20,4
FBA 3,96
100
67,57 ± 19,11
0,68
495,55 ± 125,47
4,96
292,0 ± 88,8
2,92
200
179,50 ± 34,77
0,90
679,87 ± 94,38
3,40
443,2 ± 38,4
2,22
TABLEAU 16
Corrélation entre la concentration interne moyenne de Cd (X) et l'inhibition de croissance (Y) chez H. aspersa exposé à des concentrations croissantes de Cd dans la nourriture durant 4 semaines (Cœurdassier et al., 2002b).
[Cd] dans l'aliment (µg.g–1)
[Cd] dans le corps entier (µg.g–1 ps)
Inhibition de croissance (%)
0
1,9 ± 0,4
–
50
198,1 ± 20,4
10,5
100
292,0 ± 88,8
36,9
200
443,2 ± 38,4
74,0
400
576,1 (pool)
86,8 Y = 0,17 X – 8,59 r² = 0,94, p < 0,01
confirment que l’hépatopancréas est l’organe d’accumulation principal pour Zn, Cd et Pb, tandis que le Cu est réparti dans tous les tissus (Tableau 13). L’examen des variations dans le temps des concentrations en métaux de l’hépatopancréas montre que le pourcentage de Cu de cet organe par rapport au contenu total en Cu des escargots reste sensiblement le même pendant toute l’expérience (15 %), tandis que pour le Zn, le Cd et le Pb, il passe respectivement de 54,7 ; 53,5 et 38 % à 72 ; 73,8 et 92,1 % après 32 jours de nourriture contaminée, puis à 71,9 ; 60,2 et 89,7 % après reprise d’une nourriture normale. Ces résultats démontrent que le stockage du Zn, Pb et Cd dans l’hépatopancréas reste important longtemps après l’arrêt de la contamination de cette espèce. Cette observation montre que la
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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mesure de la concentration en métaux des organes d’escargots sauvages ne permet pas de savoir si la contamination est présente ou passée, tandis que le séjour pendant un temps limité d’escargots « sentinelles » fournit une information datée. Autres contaminations : aluminium et fer, zinc et cuivre
L'étude expérimentale de l’accumulation de l’aluminium, dont la biodisponibilité augmente dans les sols avec les changements de pratiques culturales et les pluies acides, a été réalisée par Brooks et al. (1992) chez H. aspersa en même temps que celle du fer, car l’Al interagit souvent avec les systèmes biologiques de stockage du Fe. Les escargots reçoivent de la nourriture (farine d’orge) contaminée ou non par du Fe ou de l’Al pendant 24 h au début de l’expérience et les auteurs constatent (Tableau 13) que les concentrations totales de Fe et d’Al des tissus atteignent 3 fois celles des témoins, mais que la contamination par le fer est plus rapide et plus élevée (76 µg.j-1 par rapport à 15 µg.j-1 pour Al). L’accumulation se fait principalement dans le rein et la glande digestive, qui est l’organe dans lequel les concentrations d’Al et de Fe les plus élevées persistent le plus longtemps (8 et 12 jours). En présence de Fe, l’Al est accumulé de façon plus importante, surtout dans la glande digestive, cela pouvant être dû à l’induction de ferritine par le Fe. Dans ce cas, on constate que les deux métaux sont éliminés plus rapidement, ce qui pourrait s’expliquer si les deux métaux sont liés à la même protéine : la ferritine. Les auteurs soulignent l’intérêt qu’il y aurait à réaliser des investigations après des expositions des escargots à plus long terme, en particulier pour savoir si H. aspersa est capable de réguler l’Al (White et al., 1994). Pendant une exposition durant 33 jours à une nourriture contenant 510 µg.g–1 d’Al, l’examen en microscopie optique ou électronique permet à Brooks & White (1995) de localiser l’Al dans les granules des cellules excrétrices de la glande digestive. La microanalyse aux rayons X montre que les granules excréteurs des escargots exposés contiennent davantage d’Al que les témoins, et que les teneurs en Al se maintiennent jusqu’à la fin de l’expérience ; cette technique d'analyse confirme que l’Al ne pénètre pas dans les granules à calcium. Des expériences d’élevage de deux sous-espèces voisines d’escargots H. aspersa aspersa (Haa) et H. aspersa maxima (Ham) avec les mêmes aliments, dont l’on fait varier d’une part la composition en protéines, lipides, cendres et Ca, et d’autre part les teneurs en cuivre et en zinc, montrent que Haa a une plus grande capacité de bioaccumulation que Ham, principalement dans le pied pour Cu et dans les viscères pour Zn (Gomot & Pihan, 1997). Les différences importantes de facteurs de bioaccumulation correspondent bien à des spécificités métaboliques et ne peuvent pas être la conséquence de choix alimentaires, comme le suggéraient Gréville & Morgan (1989) chez des espèces récoltées au voisinage d’une mine désaffectée de Pb et de Zn. Ces résultats soulignent l’importance de la composition des aliments et de la nature de leurs constituants, aussi bien pour les escargots destinés à la consommation, dont les facteurs de contamination doivent être faibles, que pour les animaux sentinelles pour évaluer la contamination environnementale. 2.3.1.3.2 Application à l'évaluation de la qualité des sols et de leurs lixiviats par mesure de la bioaccumulation des métaux après ingestion de la matrice solide du sol ou après contact avec des lixiviats
Bien que ce soit celle qui est le plus souvent considérée chez les vers de terre, la seule prise en compte de l'absorption des contaminants de la phase liquide des sols peut conduire à une
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sous-estimation importante des niveaux de contamination (Belfroid et al., 1995b). Aussi avons, nous conçu une méthode expérimentale d'analyse de la qualité des deux composantes majeures du sol – matrice solide et lixiviat • en utilisant deux propriétés biologiques des escargots qui se prêtent bien à cette évaluation. Les escargots qui consomment naturellement du sol (Crowell, 1973 ; Gomot et al., 1989) servent à mesurer l'impact par ingestion de la matrice solide du sol (accumulation des métaux dans les tissus et effets toxiques), tandis que le contact étroit de leur large sole pédieuse avec le milieu humide sur lequel ils rampent est mis à profit pour mesurer la pénétration transcutanée des contaminants des lixiviats aqueux et leurs effets. Description de la méthode
Le modèle escargot est employé dans deux types d’expériences. – Le premier consiste à placer les animaux dans une enceinte humide (boîtes à souris IFFA CREDO, 24×10×8 cm) et à les nourrir avec un mélange d'aliment pour escargot (Helixal®) avec du sol contaminé ou non en proportions variables (Figure 10) : c'est la contamination par ingestion de la matrice solide.
de Petri
Séché au four à 40 °C
boîte de Petri
Figure 10 Méthode expérimentale pour l'évaluation de la qualité d'un sol (ferme expérimentale de La Bouzule,
Nancy, France). S1: sol contaminé par métaux • S2 : sol contaminé par des substances organiques.
– Le second consiste à mettre les escargots dans le même type d'enceinte et à asperger les parois et les escargots avec du lixiviat de sol contaminé ou non ; les animaux reçoivent dans ce cas de l'aliment non contaminé : c'est la contamination par contact. Celle-là n'exclut pas complètement l'absorption de gouttelettes de lixiviat par la voie orale ; cependant, cette voie semble négligeable car Ireland (1979, 1982) a montré chez A. ater que l'absorption d'eau se faisait essentiellement à travers la peau. Les animaux utilisés sont de jeunes escargots de deux sous-espèces Helix aspersa aspersa (Haa) et Helix aspersa maxima (Ham) de 1 mois (poids moyen : 1 ± 0,2 g) (Photographie 8).
116
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Le sol naturel qui a été utilisé est un sol agricole (Luvisol) de la ferme expérimentale de La Bouzule, à Nancy. La contamination du sol est réalisée avec quatre métaux fréquemment rencontrés dans les sites pollués (Cd, Cr, Pb et Zn) à des concentrations comprises dans les gammes de pollution décrites dans les sols (Kabata-Pendias & Pendias, 1992). Le mode de contamination du sol et la préparation des lixiviats sont décrits dans le rapport ADEME : « Écotoxicité des sols et des déchets ; extraction des polluants » (Jauzein et al., 1999) et résumés dans la publication concernant les effets inhibiteurs de la contamination du sol sur la croissance des escargots (Gomot de Vaufleury & Bispo, 2000). Les concentrations théoriques et mesurées des métaux dans les sols et les lixiviats sont reportées dans le tableau 17. Les concentrations du sol S0 en Cu, Fe et Mn sont respectivement de 24,5 ; 64 400 et 1 740 mg.kg–1 ps. Les concentrations en métaux auxquelles sont exposés les animaux des différents lots figurent dans le tableau 18. TABLEAU 17
Concentrations en métaux des sols (témoin S0 et pluricontaminé S1) et de leurs lixiviats. Métaux (mg.kg–1 de poids sec pour les sols ; mg.L–1 pour les lixiviats) Cd CT
Sol
S0 S1
Lixiviats
Cr
CM
CT
CM
800
826 ± 21
0,38 ± 0,01 20
10 ± 4,1
Pb
Zn
CT
CM
800
840 ± 54
88,6
CT
CM
2 000
2 109 ± 115
49,5
131
S0
< 0,01
< 0,01
< 0,01
0,01
S1
0,31
34,8
0,02
46,7
CT : concentration théorique ; CM : concentration mesurée.
TABLEAU 18
Constitution des lots expérimentaux, composition des mélanges alimentaires et concentration en métaux de la nourriture de chaque lot.
Lot
Témoin
Nourriture
Concentration de métaux dans les mélanges de nourriture (µg.g–1 de poids sec)
Sol (%)
Helixal® (%)
Cd
Cr
Pb
Zn
0
100
0,16
9,3
0,94
137
S0 50 %
50
50
0,26
48,9
25,22
134
S0 75 %
75
25
0,32
68,7
37,59
132,5
S0 85 %
85
15
0,34
76,7
42,87
131,9
S1 50 %
50
50
5,08
417,6
420,47
1 123
S1 75 %
75
25
7,58
621,8
630,23
1 615
S1 85 %
85
15
8,58
703
714,14
1 813
Les analyses des métaux des tissus d'escargots ont été effectuées individuellement sur cinq individus pour chaque lot après 4 semaines d'expérience. Après un jeûne de 48 h afin que le tube digestif se vide, les escargots sont congelés et conservés à • 70 °C. Après décongélation, on extirpe l'animal de sa coquille et le corps est coupé en deux parties, appelées respectivement
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pied et viscères (Figure 11) car ce sont les organes des viscères (glande digestive, rein…) qui accumulent le plus la plupart des métaux (Coughtrey & Martin, 1976 ; Dallinger & Wieser, 1984a ; Hopkin, 1989 ; Rabitsch, 1996 ; Gomot & Pihan, 1997). Après séchage à poids constant à 60 °C, les tissus sont minéralisés à chaud par HNO3 à 50 %, puis les métaux sont dosés par spectrophotométrie d'absorption atomique en flamme ou en four (Gomot & Pihan, 1997). Les métaux employés pour la contamination du sol ont été dosés, ainsi que d'autres métaux qui existent naturellement dans le sol (Cu, Fe, Mn et Ni) pour savoir si leur métabolisme était modifié par la contamination plurimétallique effectuée. Les concentrations sont exprimées en µg.g–1 de poids sec de tissu (moyenne ± écart-type) et les charges en métaux en µg par escargot ou partie d'escargot (pied ou viscère).
Figure 11 Vue du côté droit du corps de l'escargot dépourvu de sa coquille et représentation de la ligne de section
(ls) entre les deux parties, pied (P) et viscères (V). A : anus, b : bouche, bm : bord du manteau, c : cœur, ga : glande à albumen, gd : glande digestive, o : ovotestis, og : orifice génital, p : poumon, pn : pneumostome, r : rein, sm : sole musculaire, ta : tentacule antérieur, to : tentacule oculaire.
Résultats
Les escargots se sont adaptés sans mortalité aux deux modalités d'exposition, ce qui a permis d'analyser les effets sublétaux sur la croissance d'une part (Gomot de Vaufleury & Bispo, 2000) et sur la bioaccumulation des métaux (Gomot de Vaufleury & Pihan, 2002), dans les tissus d'autre part, dont nous donnons ci-dessous les principaux résultats. Concentrations des métaux dans les tissus et calcul des facteurs de bioaccumulation (FBAs) après absorption par voie digestive de la matrice de sol pendant 4 semaines
Les concentrations en métaux des tissus des différents lots pour les deux sous-espèces sont présentées dans les figures 12a et 12b pour Cd, Cr, Pb et Zn, et dans les figures 13a et 13b pour Cu, Fe, Mn et Ni. L'examen des figures montre l'intérêt et la sensibilité du modèle biologique pour l'étude de la qualité des sols.
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Lorsque l’on ajoute du sol naturel S0 à la nourriture des escargots, on n’observe pas de différence significative dans la concentration en métaux dans le pied. En revanche dans les viscères on note une augmentation de la concentration très nette pour le Mn et le Ni chez les deux sous-espèces (avec un maximum chez Ham où elle est proportionnelle à la quantité de sol dans la nourriture), alors que celle du Fe augmente seulement chez Ham et que celle du Cu est plus nette chez Haa. Pour les autres métaux (Cd, Cr, Zn et Pb), il n'y a pas de différences significatives avec les témoins Hélixal® (Figure 12).
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
Figure 12 Concentrations en Cd, Cr, Pb et Zn dans les tissus (pied et viscères) des escargots (a : Helix aspersa
aspersa et b : Helix aspersa maxima) des différents lots.
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µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
µg.g−1 ps
Figure 13 Répercussions de la contamination du sol de leur nourriture par plusieurs métaux (Cd, Cr, Pb et Zn)
sur les concentrations en Cu, Fe, Mn et Ni des tissus (pied et viscères) d'escargots (a : Helix aspersa aspersa et b : Helix aspersa maxima).
La contamination du sol (S1) a une répercussion sensible sur la concentration du Cd, du Cr et du Pb dans le pied, mais c'est surtout dans les viscères que l'on note une très forte concentration des quatre métaux (Cd, Cr, Pb et Zn) avec des différences significatives par rapport aux animaux qui ont reçu du sol SO aux trois pourcentages de sol testés dans la nourriture
120
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(50, 75 et 85 %). La bioaccumulation est directement proportionnelle au pourcentage de sol dans l'alimentation pour le Pb (chez Haa et Ham) et pour le Zn (Ham). Pour Cd et Cr, elle est proportionnelle à 50 et 75 % de sol, puis elle diminue légèrement à 85 %. Les relations entre les teneurs en métaux contaminants dans la nourriture et dans les viscères (mais aussi dans le pied) sont traduites par des équations et des droites de régression avec un fort coefficient de corrélation (Figure 14 dans le pied ; Figure 15 dans les viscères).
Figure 14 Relation entre concentrations en Cr, Cd, Pb et Zn de la nourriture et du pied d’Helix aspersa aspersa
(a) et d’Helix aspersa maxima (b).
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Figure 15 Relation entre concentrations en Cr, Cd, Pb et Zn de la nourriture et des viscères d’Helix aspersa aspersa
(a) et d’Helix aspersa maxima (b).
Les FBAs de ces métaux, calculés à partir de leurs concentrations dans les différents « compartiments » considérés (Tableaux 19a et 19b) montrent que ce sont les viscères qui donnent les informations les plus nettes, avec des valeurs supérieures à 2 (escargots macroconcentrateurs)
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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pour le Cd (3,5 à 22,6) et le Zn (1,7 à 4,4). Pour le Cr et le Pb, les FBAs sont inférieurs à 1 (sauf pour Ham avec S1 à 75 et 85 % pour le Cr). Pour les autres métaux (Figure 13), on note une diminution de la concentration du Cu (surtout chez Haa) chez les animaux ingérant du sol S1 ; cela résulte sans doute d'une perturbation du métabolisme respiratoire des escargots et de la synthèse d'hémocyanine par la pluricontamination du sol. Pour le Fe, il n'y a pas de modifications chez Haa, en revanche chez Ham, comme pour le Mn, la bioaccumulation est moins importante chez les escargots qui ont consommé du sol S1. Concentrations des métaux dans les tissus des escargots contaminés par contact
Pour les animaux en contact avec le lixiviat du sol S0, les concentrations des tissus sont du même ordre que celles des témoins (Figures 12 et 13, Tableau 20). En revanche, quand les animaux sont aspergés avec du lixiviat du sol S1, les concentrations moyennes des métaux de la contamination dans le pied et les viscères sont toujours plus élevées qu'avec le lixiviat de S0, mais elles sont seulement statistiquement significatives chez les deux sous-espèces pour le Cr. En effet, la concentration du Cr dans le pied des escargots en contact avec le lixiviat de S1 (9 fois plus élevée que chez ceux en contact avec le lixiviat de S0) est comparable à celle des escargots dont la nourriture contenait 50 % de sol S1 (Tableau 19), alors que la concentration en Cr de la nourriture (417 µg.g–1) était 11 fois celle du lixiviat de S1 (34,8 mg.L–1). Dans les viscères, après l'exposition au lixiviat de S1, la concentration est encore plus grande (× 21) qu'après exposition au lixiviat de S0, mais reste inférieure à celle provoquée par l'ingestion de 50 % de sol S1. Ces observations indiquent qu'il existe des organes cibles préférentiels pour le Cr suivant les voies de contamination ; par contact, c'est le pied qui stocke principalement ce métal, tandis qu'après ingestion, l'accumulation se fait surtout dans les viscères et il ne se produit pas d'uniformisation par la circulation (pour la durée considérée : 4 semaines). Estimation de la « charge métallique » des escargots en fonction de la contamination du sol
Les charges moyennes en métaux de chaque partie du corps ou du corps entier des escargots (par exemple des petits-gris Haa) sont portées dans le tableau 21 et sont la conséquence d'une contamination qui a duré 4 semaines. Les charges métalliques les plus importantes sont observées chez les escargots qui ont ingéré du sol S1 à la proportion de 50 % dans leur nourriture. Dans ces conditions, la croissance des animaux n'est pas affectée, ce qui signifie que les concentrations en métaux du mélange S1 50 % (Tableau 18) peuvent être assimilées au seuil de concentration externe (ETC : External Threshold Concentration, Van Wensem et al., 1994). La concentration en métaux des tissus des escargots nourris avec ce mélange peut alors être comparée au seuil de concentration interne sans effet (ITC : Internal Threshold Concentration ou internal analog of the no-effect concentration, Van Wensem et al., 1994 ; Van Straalen, 1996). Pour l'exposition au lixiviat de S1, on note principalement une augmentation de la charge en Cr qui, après 4 semaines, atteint des niveaux dans le pied et les viscères comparables à ceux des escargots qui ont consommé un mélange contenant 85 % de sol S1 (qui contient 703 mg.kg–1 de Cr), c'est-à-dire une concentration 20 fois plus importante que celle du lixiviat (34 mg.L–1, Tableaux 17, 18 et 21).
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
123
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Concentrations (Cs) des métaux (en µg.g–1 de poids sec) dans la nourriture (nour.) et les tissus (pied et viscères) des escargots (Helix aspersa aspersa et Helix aspersa maxima) des différents lots et calcul des facteurs de bioaccumulation (FBAs) correspondants.
(a) Helix aspersa aspersa Métaux Lots
Cd Nour.
Pied
Viscères
Cs
Cs
FBAs
Cs
Témoins
0,16
0,48
3,00
S0 50 %
0,26
0,87 ± 0,17
3,3
0,32
1,66 ± 0,34
1,84 ± 0,70 5,08 4,32 ± 0,82 (b)
S0 75 %
FBAs
Pb Pied
0,57 ± 0,1 1,97 ± 0,3
3,5
9,3
1,02
7,6
48,9
1,27 0,02 ± 0,78
5,30 0,6 ± 0,8 2,06 0,04 ± 0,8
5,2
4,33 ± 0,6
13,5
68,7
1,34 0,02 ± 0,95
4,09 ± 1,4
0,06
37,6
5,4
76,7
2,35 0,03 ± 2,18 12,9 0,03 ± 3,3
3,30 0,04 ± 2,45 173,5 0,4 ± 20,6 (a)
42,8
0,8
5,68 16,7 ± 0,47 93,3 18,3 ±5 (a)
7,58 10,95 1,4 ± 4,28 (a)
171,7 22,6 ± 45,9 (a)
621
41,1 0,07 ± 18,2 (a)
432,9 0,7 ± 91,6 (a)
630
8,58
101,9 ± 0,39
703
43,6 ± 6,38 (a)
412,8 0,6 ± 147,6 (a)
714 2,84 0,004 ± 1,68 (b)
0,11
Cs
Nour.
Cs
417
FBAs
Viscères
Cs
0,34
S1 75 %
Cr Pied
FBAs
S0 85 % S1 50 %
Nour.
Viscères
Nour.
Zn Pied
Viscères
Cs
Cs
FBAs
Cs
FBAs
Cs
Cs
FBAs
Cs
FBAs
0,94
1,56
1,7
2,45 ± 0,9
2,6
137
75,63
0,55
241,5 ± 0,8
1,7
0,59 0,02 ± 0,24
134
64,26 ± 8,7
0,5
232,7 1,7 ± 19,2
0,96 0,025 ± 0,84
1,89 ± 0,9
0,05
132
83,76 ± 29,2
0,6
365,3 ± 26
1,12 0,026 ± 0,6 2,25 0,005 ± 0,37 (b)
2,67 0,06 ± 1,9 29,2 0,07 ± 7,9 (c)
131
2,91 ± 1,64 (b)
65,6 0,1 ± 13,5 (b)
1 615 41,46 ± 21,6
0,025
5 295 ± 745 (a)
1 813 115,6 ± 80,5 (b)
0,06
5 028 2,8 ± 808,5 (a)
25,22 0,16 ± 0,1
420
0,006
0,005
56,54 0,4 ± 5,2 1 123 42,81 0,04 ± 14,3
2,7
426,9 3,2 ± 41,8 2 012 1,8 ± 576 (a) 3,3
S1 85 % 4,14 ± 0,74
0,5
11,9
0,06
154,4 ± 68 (a)
0,21
Pour chaque métal, les lettres a, b ou c indiquent les différences significatives de concentration entre S1 et S0 au même pourcentage dans la nourriture (S0 50/S1 50 ; S0 75/S1 75 ; S0 85/S1 85). a : test de Scheffé p < 0,01 ; b : test de Fisher p < 0,01 et c : test de Fisher p < 0,05.
Chap2.fm Page 124 Vendredi, 17. mai 2013 1:44 13
124
TABLEAU 19
Métaux Lots
Cs
Témoins
0,16
S0 50 %
0,26
S0 75 %
Cd Pied
Nour.
0,32
S0 85 %
Cs 0,16 ± 0,09 0,40 ± 0,13 0,68 ± 0,16
0,34
S1 50 %
1,01 ± 0,19 5,08 3,51 ± 1,95
FBAs
Cs
0,63 ± 0,03 1,63 ± 0,27
3,5
9,3
6,3
48,9
2,1
3,53 ± 0,77
11
3
6,26 ± 0,77 103,4 ± 7,96 (a) (a)
1 1,5
0,7
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
7,58
12,76 ± 2,1
1,7
8,58
18,56 2,2 ± 5,05 (a)
Cs
Nour.
FBAs
(a)
S1 75 %
Viscères
205 ± 19,8
Cs
Cr Pied FBAs
Viscères
Pb Pied
Nour.
Cs
FBAs
Cs
1,24 0,13 ± 0,37 1,43 0,03 ± 0,88
3,75 ± 0,94 4,28 ± 3,16
0,40
0,94
68,7
1,98 0,03 ± 1,44
11,5 ± 6,8
18,4
76,7
20,4
417
Cs
FBAs
Viscères Cs
FBAs
0,34 0,36 ± 0,23 25,22 0,16 0,006 ± 0,06
0,47 0,50 ± 0,3 3,27 0,13 ± 1,07
0,16
37,59
0,84 0,022 ± 0,62
4 ± 2,7
3,18 0,04 ± 1,42 23,4 0,05 ± 4,5 (b)
8,1 0,10 ± 1,68 373,5 0,89 ± 25,8 (a)
42,87
621
50,38 0,08 ±5 (a)
753 ± 142 (a)
1,21
703
70,47 0,10 ± 24 (a)
729 ± 103 (a)
1,04
27
0,09
0,11
Nour. Cs
Cs
Zn Pied FBAs
Viscères Cs
FBAs 2,07
137 46,78 ±3
0,34
283,8 ± 63,5
134
0,54
259,1 1,93 ± 51,35
72,3 ± 12,7
132 38,83 0,30 ± 16,1
289,7 ± 129
0,70 0,016 2,82 0,06 ± 0,41 ± 1,72 5,16 0,012 64,44 0,15 ± 1,49 ± 11,6 (a) (b)
131 42,21 0,32 ± 6,71 1 123 63,2 0,06 ± 23,7
311 2,36 ± 70 4 128 3,67 ± 2 482 (a)
630
6,3 0,010 ± 1,6 (a)
130,5 0,20 ± 43 (a)
1 615 90,19 ± 17,5 (b)
0,06
714
7,85 0,011 ± 3,46 (a)
167,3 0,23 ± 39,3 (a)
1 813 75,98 ± 58,5
0,04
420
5 564 ± 1 179 (a)
2,18
3,44
S1 85 % 192,6 22,4 ± 41,4 (a)
8 072 ± 1 254 (a)
4,45
Pour chaque métal, les lettres a, b ou c indiquent les différences significatives de concentration entre S1 et S0 au même pourcentage dans la nourriture (S0 50/S1 50 ; S0 75/S1 75 ; S0 85/S1 85). a : test de Scheffé p < 0,01 ; b : test de Fisher p < 0,01 et c : test de Fisher p < 0,05.
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(b) Helix aspersa maxima
125
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Concentrations en métaux (µg.g–1 de poids sec) du pied et des viscères d’escargots en contact avec un lixiviat de sol contaminé ou non. Les animaux sont tous nourris avec de l'aliment Helixal®, non contaminé ; certains ne sont pas aspergés de lixiviat (témoins), ceux des lots lixiviat S0 sont aspergés avec le lixiviat du sol non contaminé (S0) et ceux des lots lixiviat S1 sont aspergés avec le lixiviat du sol contaminé de métaux (S1).
Helix aspersa maxima Pied Viscères (µg.g -1 poids sec + (µg.g -1 poids sec + écart- type) écart-type)
Helix aspersa aspersa Pied Viscères (µg.g -1 poids sec + (µg.g -1 poids sec + écart- type) écart- type)
Cd Témoins Lixiviat S0 Lixiviat S1
0,16 ± 0,09 0,20 ± 0,07 0,46 ± 0,35
0,63 ± 0,03 0,69 ± 0,11 2,44 ± 0,46*
0,48 0,39 ± 0,10 0,93 ± 0,61*
0,57 ± 0,10 0,70 ± 0,05 2,26 ± 0,39
Témoins Lixiviat S0 Lixiviat S1
1,24 ± 0,37 1,66 ± 0,61 15,92 ± 2,65
3,75 ± 0,94 3,96 ± 0,85 83,78 ± 32,39*
1,02 1,47 ± 0,51 13,24 ± 4,67*
5,34 ± 0,80 2,56 ± 0,59 56,27 ± 8,63*
Témoins Lixiviat S0 Lixiviat S1
0,34 ± 0,23 0,23 ± 0,17 0,32 ± 0,19
0,47 ± 0,30 0,38 ± 0,07 1,72 ± 0,90*
1,56 0,27 ± 0,17 0,32 ± 0,22
2,45 ± 0,90 0,34 ± 0,11 1,55 ± 0,29
Témoins Lixiviat S0 Lixiviat S1
46,78 ± 3,01 51,85 ± 9,07 52,58 ± 6,45
283,85 ± 63,53 208,08 ± 55,31 408,71 ± 122,16*
75,63 64,30 ± 2,60 73,99 ± 17,70
241,50 ± 55,10 222,45 ± 77,30 305,08 ± 48,10
Cr
Pb
Zn
* Différences significatives entre les concentrations dans les tissus des escargots aspergés avec le lixiviat S0 et le lixiviat S1 (p < 0,05).
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126
TABLEAU 20
de sol) ou par aspersion avec des lixiviats aqueux. (Visc. : viscères ; M : moyenne ; ET : écart-type).
Lots
Charges en métaux (µg)
Tissus des escargots (poids frais (g)) Pied
M ET
Visc.
Total
M ET M ET
Cd Pied
M
Cr
Pb
Zn
Visc.
Total
Pied
Visc.
Total
Pied
Visc.
Total
Pied
Visc.
Total
ET
M ET
M ET
M ET
M ET
M ET
M ET
M ET
M ET
M ET
M ET
M ET
S0 50
2,7 0,4 2,8 0,8
0,3 0,02
0,8 0,1
1,1 0,1
0,4 0,2
0,8 0,3
1,2 0,3
0,05 0,03
0,25 0,1
0,3 0,1
19 3,4
96 17
115 19
S0 75
1,7 0,2 1,9 0,5 3,6 0,6 0,3 0,01
0,9 0,1
1,2 0,1
0,2 0,2
0,8 0,2
1,0 0,3
0,20 0,10
0,40 0,2
0,6 0,2
12 1,9
78 19
90 17
S0 85
1,1 0,2 0,9 0,2 2,0 0,3 0,2 0,07
5,5 1,2
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
0,6 0,1
0,8 0,1
0,3 0,2
0,4 0,3
0,7 0,4
0,12 0,06
0,30 0,2
0,4 0,2
6 1,1
48 6
54 6
3,1 0,9 6,1 1,3
01 0,02
0,3 0,1
0,4 0,1
0,5 0,2
1,2 0,3
1,7 0,4
0,10 0,04
0,20 0,1
0,3 0,1
20 3,9
104 35
124 36
S1 50
2,7 0,5 2,4 0,5 5,1 0,9
1,3 0,2
37,4 5,1
38,7 5,1
3,9 1,2 69,7 12,8 73,6 13,2 0,70 0,10
S1 75
1,1 0,2 0,9 0,2 2,0 0,4
1,1 0,6
22,8 10,3 23,9 10,7 4,2 2,3
S1 85
0,6 0,1 0,5 0,2 1,1 0,2
0,2 0,1
5,4 3,8
0,3 0,3
0,9 0,1
Lixiviat S0 3,0 0,6
Lixiviat S1 2,5 0,3
2,4 0,5 4,9 0,7
55 12,9
59,2 15
12 4,5
12,7 4,5 14 6,3 810 274 824 274
0,30 0,20
8,20 1,3
8,5 1,4
5 2,9
675 136 680 137
5,6 3,8
2,1 0,9 22,2 16,0 24,3 16,8 0,13 0,10
9,30 3,5
1,2 0,3
4,1 1,3 22,6 5,8 26,7 6,2 0,10 0,10
0,60 0,2
9,4 3,6
5 4,3
273 129 278 130
0,7 0,3
24 9,6
121 26
145 28
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TABLEAU 21 « Charge » en métaux des tissus mous d’escargots Helix aspersa aspersa après 4 semaines de contamination par voie digestive (avec différentes proportions
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2.3.1.3.3 « Budget » des métaux (balance : absorption, assimilation et excrétion)
Sachant que les métaux lourds, comme eCd et eZn, sont stockés dans la glande digestive en grande partie grâce à des métallothionéines, qui sont les principales composantes du système de stockage/détoxification des escargots, Beeby (1985) chez Helix aspersa, Berger & Dallinger (1989) chez Arianta arbustorum et Berger et al. (1993) chez Helix pomatia ont réalisé des expériences pour étudier la balance entre l’absorption, l’accumulation et l’excrétion de métaux au cours du transit de nourriture enrichie en métaux. Pour ce faire, l’absorption de nourriture (à base de gel d’agar) et l'élimination de métaux dans les excréments sont quantifiées. La quantité assimilée est obtenue par différence entre la quantité de métal absorbée et celle excrétée, ce qui permet d’établir un bilan en tenant compte de la quantité de métal présente dans les tissus au début de l’expérience (Beeby, 1985). Ces expériences ont montré que l’assimilation de la nourriture artificielle est similaire à celle des escargots recevant de la nourriture naturelle. Elles ont confirmé que les concentrations en métaux augmentent dans les tissus avec l’augmentation de la contamination de la nourriture, que ce soit pour le Pb chez H. aspersa (Beeby, 1985) ou le Cd chez Arianta arbustorum (Berger & Dallinger, 1989) et H. pomatia (Berger et al., 1993). En ce qui concerne les bilans des métaux consommés, ils sont variables suivant les espèces et illustrés par quelques données (Tableau 22). La « balance » n’est pas toujours facile à établir car il faut tenir compte, par exemple, de la quantité de Pb déjà présente dans les escargots, surtout lorsqu’ils ont été ramassés dans un parking de Londres (Beeby, 1985). Des expériences à court terme (2 jours) de cet auteur chez H. aspersa, il apparaît qu’environ 50 % du Pb consommé est retenu dans les tissus, le reste étant éliminé avec les excréments (Tableau 22). Cependant, il demeure des observations difficiles à expliquer, par exemple pour H. aspersa, chez qui le poids des fèces augmente avec la dose de Pb (témoin, poids moyen : 7,13 mg ; avec nourriture contaminée par 500 µg.g–1 de Pb : 11,94 mg). Les expériences réalisées avec le Cd révèlent des différences spectaculaires entre H. pomatia et A. arbustorum (Berger et al., 1993). En effet, chez H. pomatia, pour une contamination théorique de 100 µg.g–1, l’assimilation du Cd est de l’ordre de 95 %, l’élimination étant seulement de 5 % (Tableau 22). Ainsi, chez H. pomatia, on assiste à l’assimilation presque totale du Cd dont 75 % dans la glande digestive, tandis que chez A. arbustorum l’assimilation du Cd dans les tissus diminue de 90 %, au début de l’expérience, à 55 % après 20 jours, alors que la concentration des excréments atteint 300 % de celle de la nourriture (Berger et al., 1993). Chez A. arbustorum, il semble donc qu’il y ait changement de stratégie de régulation/ élimination après 5 jours d’une forte absorption de Cd, tandis que celle-là se maintient pendant 30 jours chez H. pomatia. Chez H. pomatia, le mode d’assimilation et d’accumulation du Zn est similaire à celui du Cd et la concentration peut dépasser 1 000 µg.g–1. D’autre part, l’exposition au Cd n’interfère pas avec celle du Zn (Dallinger et al., 1993a), contrairement à ce qui est observé chez les vertébrés, car les propriétés des métallothionéines sont différentes et il existe, en plus, différentes protéines cytosoliques de liaison aux métaux chez ces mollusques qui méritent des investigations complémentaires. Chez les escargots, comme chez de nombreux autres invertébrés, les métaux concentrés dans les tissus reflètent quantitativement la concentration en métal du substrat dans lequel (ou sur lequel) les individus vivent. Dans des conditions idéales, cette relation quantitative peut se traduire par l’équation linéaire y = ax + b, où y est la concentration en métal dans le corps de l’animal, x la concentration dans le substrat et a est le facteur de concentration biologique
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(Dallinger, 1994). Pour l’utilisation des invertébrés comme bioindicateurs dans les opérations de biosurveillance des concentrations métalliques dans l’environnement, il est important de vérifier que le facteur (a) reste constant dans un large éventail de concentrations du métal, et de tenir compte des facteurs qui peuvent interférer avec les relations mises en évidence expérimentalement ; par exemple : l’espèce animale, l’âge des individus, les actions synergiques ou antagonistes de divers éléments du substrat qui conditionnent la biodisponibilité des métaux. Ces expériences de « budgétisation » sont intéressantes pour aborder l'étude du transfert de ces substances dans les différents niveaux trophiques et ainsi, par exemple, connaître les quantités de métal que peuvent absorber d'une part les prédateurs (métaux bioaccumulés), et d’autre part les détritivores (métaux des excréments) (Beeby, 1985). Des analyses systématiques des concentrations des quatre métaux les plus couramment étudiés (Cu, Zn, Cd et Pb) ont été réalisées dans les tissus mous, mais aussi dans les coquilles et les excréments d’H. aspersa par Laskowski & Hopkin (1996). Ces auteurs ont montré que l’accumulation (120 jours) des quatre métaux, ajoutés séparément ou en mélange à la nourriture à base d’agar, est fonction des concentrations dans l’alimentation. Ces auteurs suggèrent que les escargots pourraient constituer une voie de contamination pour leurs prédateurs (insectes carabides ou musaraignes pour les tissus mous et oiseaux pour les tissus mous et la coquille) plus efficace pour le Cu et le Cd que pour le Zn et le Pb, car les deux premiers métaux sont en concentration plus forte dans les escargots que dans leur nourriture. C’est le Pb qui est le métal régulé le plus efficacement, sa concentration dans les tissus est toujours plus basse que celle de la nourriture (43 % du métal ingéré) (Tableau 22). Les concentrations observées (tissus mous : 224 µg.g–1 ; fèces : 832 µg.g–1 ; coquille : 12 µg.g–1) par Laskowski & Hopkin (1996) chez H. aspersa sont comparables à celles déterminées par Beeby (1985) pour la concentration de 500 µg.g–1 d'aliment (tissus mous : 331 µg.g–1, fèces : 898 µg.g–1), cependant aux faibles concentrations (5 à 50 µg.g–1 dans la nourriture), les concentrations obtenues par Beeby (1985) sont beaucoup plus importantes mais les durées d'expériences sont très différentes (2 jours et 120 jours). Dans les deux cas, la concentration en Pb des fèces est plus élevée que celle des tissus mous. Chez H. aspersa, de petites quantités de métaux sont déposées dans leur coquille, mais à des concentrations relativement faibles (de l’ordre de 5 % de celles des tissus mous), tout du moins chez les escargots adultes étudiés et pendant les durées de l’expérience. Chez Cepaea nemoralis, Jordaens et al. (2006) notent que les concentrations en Zn et en Cd sont plus importantes dans les coquilles des escargots adultes provenant de zones polluées que dans celles des zones non polluées, mais ne mettent pas en évidence d'accumulation de Pb malgré la contamination du site, ce qui contraste avec les accumulations de Pb observées par Beeby et al. (2002) dans la coquille d'H. aspersa. Les différences d'accumulation de métaux observées dans les coquilles chez les adultes peuvent provenir de caractéristiques d'espèces (H. aspersa ou C. nemoralis), mais aussi du mode d'exposition. Aussi, il serait interessant d'analyser la cinétique des métaux dans la coquille des escargots pendant leur croissance et à différents stades de leur histoire de vie. Si la nourriture est une source de contamination importante (voir 2.3.1.4), la contribution du substrat, sur lequel les escargots évoluent et dans lequel ils puisent un certain nombre d’éléments essentiels à leur développement (Gomot et al., 1989), ne doit pas être négligée. À notre connaissance, seuls Gimbert et al. (2006, 2008d) ont étudié l’absorption, l’assimilation et l’excrétion d’ETMs chez H. aspersa exposé uniquement à du sol contaminé. Ces auteurs ont
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pour cela utilisé la modélisation (modèle à un compartiment) des cinétiques d’accumulation (84 jours) et d’élimination (84 jours) du Cd, du Pb et du Zn chez des H. aspersa juvéniles. Synthétiquement, les résultats soulignent que l’élimination (sensu largo, i.e. excrétion, k2 et dilution par la croissance, kg) est responsable de l’obtention d’un état d’équilibre et que la concentration interne à l’équilibre s’avère modulée par le taux d’assimilation (a), lui-même sous la dépendance de la contamination du sol et du type de sol considéré (Gimbert et al., 2006). Les auteurs ont ensuite tenté d’expliquer les allures des cinétiques d’accumulation et d’élimination en identifiant le fractionnement subcellulaire des trois ETMs dans différents organes d’H. aspersa (Gimbert et al., 2008d). Les résultats montrent que l’accumulation linéaire observée pour le Cd et l’absence d’excrétion sont dues à la séquestration de ce métal dans la fraction cytosolique, dont les protéines de liaison qu’elle contient (MT) ne sont pas, sur la durée d’exposition considérée, excrétées. Le Pb atteint quant à lui un état d’équilibre (32 µg) après environ 42 jours d’exposition au sol contaminé, pour ensuite diminuer de 60 % dans les viscères lors de la phase de dépuration. L’aptitude des escargots à excréter les granules dans lesquels 55 % du Pb est séquestré est à l’origine de ces cinétiques non linéaires. Enfin, le Zn présente un comportement intermédiaire avec une cinétique d’accumulation sublinéaire et une très faible excrétion. La régulation active de ce métal, essentiel à la fois dans les fractions cytosolique et granulaire, permet encore d’expliquer le devenir de cet ETM chez H. aspersa.
2.3.1.4 Autres sources et modes de contamination La plupart des expériences réalisées pour étudier l’accumulation des métaux lourds chez les gastéropodes terrestres a consisté en contaminations de la nourriture. Or, ces animaux vivent en contact étroit avec la surface du sol par leur sole pédieuse et leur tégument, qui sont constamment humides et représentent des voies de pénétration importantes de substances de leur environnement. La figure 16 représente la diversité des voies et sources d'exposition des gastéropodes aux contaminants.
Figure 16 Voies et sources d'exposition des mollusques gastéropodes aux polluants (Scheifler, 2002). Sources
d’exposition : noir – atmosphérique ; bleu – phase liquide du sol ; brun – phase solide du sol ; vert – plantes.
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Essais d'établissement du « budget » du Pb chez H. aspersa, et du Cd chez H. pomatia et A. arbustorum entre la prise dans la nourriture, l'assimilation dans les tissus mous et les rejets dans les excréments. D'après Beeby (1985) et Laskowski & Hopkin (1996) chez H. aspersa et Berger et al. (1993) chez H. pomatia et A. arbustorum.
Espèce
Origine
Helix aspersa
Juvénile
Arianta arbustorum
Nature
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
Helix pomaCommerce tia Helix aspersa
Élevage
Nourriture (gel agar) + métal Pb (PbSO4)
Durée
Consommation nourriture
Quantités métal absorbées
Assimilation tissus mous
Excrétions fèces
Référence
4,41 µg Pb (?≈ 50 %) par escargot
4,30 µg par escargot
Beeby (1985)
2 jours
200 mg nourriture 10 µg Pb par escarpar escargot juvénile got
Cd 166 µg.g–1 poids sec
20 jours
8 mg par jour poids sec
1,3 µg par jour et par escargot
55 %
280 µg.g–1 à 600 µg.g-1
Berger & et al. (1993)
Cd 93 µg.g–1 poids sec
21 jours
31 mg par jour poids sec
3,2 µg par jour et par escargot
99 %
2–5 µg.g–1
Berger et al. (1993)
Aliments + Cu + Zn + Cd + Pb (500 µg.g–1)
120 jours
Pb : 224 µg.g–1
Pb : 832 µg.g–1
Laskowski & Hopkin (1996)
50 µg.g–1
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TABLEAU 22
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L’estimation des différents modes de contamination de ces animaux à l’interface sol - eau air - végétation mérite une attention particulière pour l’évaluation des risques environnementaux. Jusqu’à présent, peu d’études ont été réalisées en ce sens, mais la nécessité de disposer de moyens pour évaluer l'impact des polluants sur la faune du sol a conduit plusieurs équipes à mettre au point des méthodes permettant de mimer et d'analyser la contamination du milieu et des organismes vivants. 2.3.1.4.1 Essais de contamination du sol et de la nourriture
Gräff et al. (1997) ont réalisé des recherches sur plusieurs espèces d’invertébrés terrestres adultes phytophages et saprophages – arthropodes et gastéropodes – parmi ces derniers, chez les limaces Deroceras reticulatum. Ils ont comparé les modes de bioaccumulation de trois métaux : Pb, Cd et Zn après contamination du sol et de la nourriture par trempage avec des solutions aqueuses à concentrations croissantes de métaux. Ces expériences montrent que le trempage augmente beaucoup plus la concentration dans la nourriture (feuilles de laitue et tranches de carottes) que dans le substrat de sol (de × 4 à × 14 pour le Pb ; de × 42 à × 53 pour le Cd et de × 13 à × 106 pour le Zn). Les limaces montrent une accumulation dosedépendante dans leurs tissus pour les trois métaux, avec une diminution des facteurs de concentration (FC) lorsque la quantité de métal du substrat, augmente sauf pour le Pb où le FC augmente avec la concentration dans le substrat et la nourriture jusqu’à 0,31. Cependant, ces expériences ne permettent pas de déterminer les parts relatives de contamination par la voie alimentaire et par le contact, même si l’on sait que le pied des limaces absorbe le Cu (Ryder et Bowen, 1977) et que l’épiderme des mollusques, comme H. aspersa, est perméable à des molécules d’un poids moléculaire de 68 000 Da (Simkiss & Wilbur, 1977) ou à des molluscicides (Young & Wilkins, 1989), comme le sulfate de cuivre qui a une toxicité chez Deroceras reticulatum plus importante par contact (DL50 = 124,1 µg.g–1) que par voie orale (287 µg.g–1) selon Henderson (1969). Ce type d’expérimentation mérite donc d’être repris en comparant séparément les effets de chaque voie de contamination aux effets de la double contamination effectuée par Gräff et al. (1997). Cette approche devrait permettre de compléter l’étude des phénomènes de surface qui sont à l’origine de la concentration de substances toxiques dans les systèmes biologiques. En effet, l’importance de la « toxicité de surface » a été soulignée par Simkiss (1990) chez les animaux aquatiques et terrestres, et cet auteur indique l’intérêt de l’utilisation des radio-isotopes comme outils pour suivre les isotopes ou leurs produits de fission dans les différents constituants des organismes. Plus récemment, Simkiss (1996) rappelle les principales voies de pénétration intracellulaire des substances toxiques et discute de leur incidence sur les divers processus impliqués (canaux ioniques, endocytose, voie lipidique, voie aqueuse…). 2.3.1.4.2 Contamination par le substrat Évaluation de la biodisponibilité du Cd du sol pour l'escargot H. aspersa par les techniques de dilution isotopique
Scheifler et al. (2003b) ont montré que le cadmium « non disponible » d'un sol est biodisponible pour les escargots (Figure 17). Ils ont pour cela utilisé les techniques de dilution isotopique, techniques qui ont été initialement utilisées pour évaluer la phytodisponibilité des éléments traces métalliques (ETMs) présents dans les sols et qui ont été adaptées pour la première fois pour estimer la zoodisponibilité du cadmium. Pour ce faire, Helix aspersa a été
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exposé pendant 14 jours à un sol pollué et marqué au 109Cd. La composition isotopique des tissus des escargots a ensuite été déterminée, permettant de calculer la valeur L qui reflète le pool biodisponible pour H. aspersa dans les conditions expérimentales. Il a ainsi été démontré que le pool biodisponible pour H. aspersa représente 58,0 % du Cd total du sol. La valeur E, qui caractérise le pool labile du Cd dans le sol, a été estimée grâce à des expériences de cinétique d'échanges isotopiques de court terme et à un modèle décrivant l'échange isotopique en fonction du temps. La valeur E(14 jours) indique que le pool labile de Cd dans le sol représente 49,6 % du Cd total du sol. La valeur L, significativement supérieure à la valeur E, démontre que les escargots ont accès au pool non-labile du Cd dans le sol, pourtant généralement considéré non biodisponible. Le pool non labile contribue pour 16 % au Cd total accumulé dans les tissus de l'escargot. Ces résultats montrent que l'absorption de Cd nonlabile du sol par un organisme terrestre n'est pas négligeable et devrait être considérée dans les procédures d'évaluation du risque de sites pollués par les ETMs.
Figure 17 Représentation théorique des pools de Cd dans un sol : Cd total, pools labile et non labile du Cd et
pool biodisponible pour H. aspersa après 14 jours d'exposition. Les compositions isotopiques (CI) du pool labile et des tissus d'escargots sont exprimées en 106 Bq.µg–1. Les pourcentages représentent la contribution du pool labile et du pool non-labile dans le pool biodisponible pour l'escargot. (Scheifler et al,. 2003b; Scheifler, 2002.) Étude de la part relative des voies d'absorption du cadnium, cutanée et digestive, à partir d'un substrat contaminé
En utilisant les modalités d'exposition présentées dans la figure 18, Cœurdassier et al. (2002b) ont montré que le transfert cutané du Cd est une voie non négligeable de transfert, puisque les animaux exposés par contact et par voie digestive ont des concentrations internes en Cd deux fois plus importantes que celles des animaux exposés principalement par voie digestive (Figure 19). Une étude cinétique menée sur 6 mois montre pour la première fois l’évolution temporelle des concentrations internes de l’escargot Helix aspersa exposé au cadmium à des substrats contaminés (Gimbert et al., 2006). Des escargots juvéniles ont été exposés pendant 3 mois à des concentrations croissantes en Cd (ISO-0, ISO-20 et ISO-100 mg Cd.kg–1) dans un sol artificiel « ISO ». Une autre modalité a permis d’exposer des escargots à un sol « naturel »
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(prélevé in situ) et contaminé à 20 mg Cd.kg–1 (sol ME4). Les animaux ont ensuite été transférés sur sol sain (ISO-0) pendant 3 mois pour suivre la cinétique d’élimination du Cd. La croissance et la reproduction ont été perturbées chez les escargots exposés aux substrats ISO contaminés, mais pas chez ceux exposés au sol ME4. L’équilibre des concentrations internes en Cd a été atteint dans les viscères après 2 semaines d’exposition, quels que soient la concentration d’exposition et le type de sol. Ces concentrations ont atteint dans les viscères 0,7 (± 0,1), 11,3 (± 2,4), 73,3 (± 4,8) et 6,3 (± 1,3) mg Cd.kg–1 pour ISO-0, ISO-20, ISO-100 et ME4, respectivement. Durant la phase d’élimination, les concentrations internes ont diminué mais sans retrouver leur niveau initial : entre 0 à 52 % des quantités de Cd accumulées dans les viscères ont été éliminées. La validation des modèles toxico-cinétiques employés permet d’envisager leur utilisation à des fins prédictives pour le développement d’une annexe à la directive bioaccumulation (OECD, 2010b) en milieu terrestre (Gimbert et al., 2006). Cette annexe dédiée aux escargots complèterait la gamme de modèles biologiques utilisables en milieux terrestres.
Figure 18 Modalités d’exposition utilisées pour distinguer les deux voies de transfert du Cd du sol vers l’escargot
(Cœurdassier et al., 2002b). La croissance est évaluée par pesée hebdomadaire de la masse fraîche des escargots. Après 4 semaines, les animaux sont mis à jeûner et les concentrations en Cd sont déterminées en SAA dans le pied et les viscères d’H. aspersa.
Figure 19 Concentration en Cd dans les tissus mous, les pieds et les viscères des escargots exposés 4 semaines
au substrat (sans séparation par une plaque (SSP) et ou avec séparation par une plaque (P)) en fonction de la contamination du substrat . (Cœurdassier et al., 2002b). Les facteurs de bioaccumulation sont indiqués entre parenthèses (BAFs) ; concentrations en µg.g–1 ps.
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En utilisant un protocole expérimental simple similaire à celui utilisé par Gimbert et al., (2006, 2008a, d), Pauget et al., (2011) ont tout d’abord démontré qu’une augmentation expérimentale du pH et de la matière organique du sol diminuait la biodisponibilité du Cd et du Pb pour H aspersa. Ensuite, dans une étude visant à déterminer la capacité des méthodes chimiques à évaluer et à prédire la biodisponibilité environnementale du cadmium (Cd), du plomb (Pb) et du zinc (Zn) pour les escargots, Pauget et al., (2012) ont exposés H aspersa en conditions contrôlées pendant 28 jours à 17 sols provenant d’une ancienne fonderie (Douay et al., 2009). L'influence des propriétés du sol sur la disponibilité environnementale (estimée à l'aide diverses méthodes chimiques : HF-HClO4, EDTA, CaCl2, NH4NO3, NaNO3, l'activité ionique et la concentration totale de métal dissous dans la solution du sol) et sur la biodisponibilité environnementale (modélisée grâce aux cinétiques d'accumulation) a été identifiée. Seules une extraction à l'EDTA et la concentration totale du sol peuvent être utilisées pour évaluer la biodisponibilité environnementale du Cd et du Pb pour l’escargot dans les conditions expérimentales testées (r²adj = 0,67 et 0,77, respectivement). Pour le Zn, aucune des méthodes chimiques n’est utilisable. La prise en compte de l'influence des caractéristiques du sol (pH et CEC) permet une meilleure prédiction de la biodisponibilité environnementale du Cd et du Pb (r²adj = 0,82 et 0,83, respectivement). L'ajout du pH, des oxydes de fer et d'aluminium permet d’améliorer la prédiction des flux d’assimilation du Zn. Ainsi, les auteurs concluent qu’à l’heure actuelle, il n'existe pas de méthode chimique universelle pour prédire la biodisponibilité des métaux de l'environnement pour les escargots, et que les facteurs du sol ayant le plus d’influence sur la biodisponibilité varient en fonction du métal considéré (Pauget et al., 2012). 2.3.1.4.3 Transferts sols-plantes-escargots
Aux Pays-Bas, dans une chaîne alimentaire naturelle sol-plante (Urtica dioica)-escargot (Cepaea nemoralis), Notten et al. (2005) ont étudié et comparé les concentrations en Cd, Cu, Pb et Zn des maillons de cette chaîne dans quatre localités polluées des plaines inondables du parc national Biesbosch et dans deux sites témoins non pollués. Les concentrations totales en métaux des sols des zones polluées sont de 4 à 20 fois plus élevées que celles des zones témoins. Il y a seulement une corrélation positive entre les concentrations du sol en Zn et celles des feuilles d'ortie qui restent faibles. En revanche, il existe des corrélations positives entre les concentrations de tous les métaux dans les feuilles d'orties, et celles des escargots et les concentrations en Cd, Cu et Zn dans les escargots sont plus élevées que celles des feuilles. Les corrélations entre les concentrations en métaux du sol et celles des escargots, sont également positives, sauf pour le Cu. Ainsi, le transfert des métaux chez C. nemoralis se fait à la fois par le sol et les feuilles d'ortie, mais de façon variable selon le métal ; le transfert par les feuilles polluées est plus important que celui par le sol. Les concentrations en métaux chez C. nemoralis de l'une des zones polluées sont du même ordre que celles trouvées chez Arianta arbustorum de la même localité. Chez C. nemoralis, l'étude expérimentale du transfert du Cd d'un sol faiblement contaminé dans les orties, puis dans les escargots qui consomment leurs feuilles, dont les concentrations sont comprises entre 0 et 2,6 µg.g–1 (ps), montre à Notten et al. (2006) que les escargots des différents lots consomment les mêmes quantités de feuilles et qu'il n'existe pas de corrélation positive entre la quantité de Cd absorbée et les concentrations des tissus des escargots. Ces auteurs suggèrent que C. nemoralis est capable de réguler les concentrations internes de Cd
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pour les faibles contaminations en Cd de la nourriture, et cela par excrétion via les fèces, mais aussi probablement via le mucus. Toutefois, dans le cas de pluricontaminations importantes par les ETMs (Cd, Cu, Pb et Zn), les métaux peuvent avoir des effets toxiques en réduisant la prise de nourriture. Ainsi, des escargots (C. nemoralis) nourris avec des feuilles d'orties des localités fortement polluées par ces métaux consomment moins de nourriture que ceux recevant des feuilles d'orties des localités témoins (Notten, 2005). Dans ces conditions, les escargots provenant d'une localité fortement polluée ne pondent pas d'œufs, ce qui témoigne de l'impact fortement négatif des métaux du sol et des orties sur la reproduction de C. nemoralis. Expérimentalement, le transfert d'éléments traces métalliques (Cd, Cu, Ni, Pb et Zn) dans une chaîne alimentaire sol – plante (laitue Lactuca sativa) – invertébré (escargot Helix aspersa) reconstituée en microcosme a été étudié en laboratoire (Scheifler, 2002 ; Scheifler et al., 2006). Des microcosmes cylindriques en acier inoxydable (Figure 20) ont été développés (diamètre : 25 cm ; hauteur : 25 cm). Ils contiennent deux sols agricoles, un non pollué et un contaminé, dans lesquels de la laitue a été cultivée pendant 8 semaines. Les escargots ont ensuite été introduits dans les microcosmes (escargots M) et exposés pendant les 8 semaines suivantes. Pour évaluer la part relative du sol et de la laitue dans l'accumulation des métaux chez les escargots, certains ont été élevés en containers plastiques (escargots C) ne contenant pas de sol et ont été nourris avec de la laitue prélevée dans les microcosmes contenant le sol pollué ou non pollué. Aucun effet des ETMs sur la croissance des escargots n'a été mis en évidence. Après 4 semaines d'exposition, les concentrations dans les tissus des escargots exposés dans les systèmes pollués sont beaucoup plus élevées que celles mesurées dans les escargots exposés dans les systèmes non pollués, sauf pour le Cu et le Ni. Les concentrations en Cd (Figure 21) et en Zn dans les escargots exposés aux systèmes pollués montrent une augmentation régulière
Figure 20 Microcosmes utilisés en laboratoire pour l'étude du transfert des métaux du sol et/ou de la plante vers
l'escargot (Scheifler, 2002 ; Scheifler et al., 2006).
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Figure 21 Cinétique d'accumulation du Cd et du Pb chez des escargots exposés en microcosme (sol + plante
contaminés) ou nourris de salade contaminée (2, 4 et 8 semaines) (Scheifler, 2002 ; Scheifler et al., 2006).
au cours du temps. Les concentrations en Pb (Figure 21) augmentent rapidement les 2 premières semaines, puis restent stables ; les concentrations en Cu restent stables pendant toute l'expérience, et les concentrations en Ni diminuent rapidement les premières semaines, puis restent faibles jusqu'à la fin de l'expérience. La comparaison des concentrations entre les escargots M et C a permis d'estimer la contribution relative du sol et de la plante dans l'accumulation totale en ETMs. La contribution du sol dépasse 80 % dans le cas du Pb et elle est d'environ 30 % dans le cas du Zn pour toutes les durées d'exposition. La contribution du sol dans l'accumulation du Cd n'a pas été régulière au cours du temps (de 40 % après 2 semaines d'exposition, elle chute à 2 % après 4 semaines). Les microcosmes utilisés dans cette étude, simples, d'un coût modéré et efficaces, fournissent un outil recommandable dans les procédures d'évaluation du risque en milieu terrestre. Leur surface, leur forme cylindrique et leurs dimensions (25 cm de diamètre et 25 cm de haut) sont inspirées de celles des mésocosmes conçus par Svendsen & Weeks (1997c) et voisines de celles des cylindres de Baker et al. (1996) ou de Booth et al. (2000) pour étudier la contamination des vers de terre. Cela permet une harmonisation des dimensions des instruments d'étude des invertébrés du sol ; ils sont cependant constitués d’une base en acier inoxydable pour éviter l'adsorption des contaminants du sol sur leur paroi. Ils sont utilisables aussi bien en laboratoire avec du sol reconstitué et adjonction d'un étage grillagé (Figure 20) (Scheifler, 2002) qu'en milieu forestier pour étudier les effets des boues de station d'épuration (Scheifler et al., 2003a) ou en champ sur des cultures (Photographies 9 et 10). Ils peuvent être plus ou moins enfoncés dans le sol et rehaussés suivant la couche du sol explorée et la nature de la végétation.
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2.3.1.5 Intérêt et applications possibles de l'analyse de la bioaccumulation des métaux chez les escargots et les limaces. Perspective. 2.3.1.5.1 Évaluation de la biodisponibilité des métaux de l'environnement
Les résultats obtenus avec les escargots permettent de proposer un modèle biologique simple à mettre en œuvre, qui constitue un intermédiaire entre des tests classiques pour mesurer la toxicité de substances chimiques pures et des tests « en champ » soumis à de nombreuses variations de l'environnement, qui rendent difficile l'interprétation des données recueillies (Gomot 1997a, b). En effet, en laboratoire, les escargots se comportent comme une « usine biologique » capable d'analyser les propriétés globales intrinsèques d'un sol (par ingestion ou par contact), en fournissant d'une part une réponse physiologique facilement mesurable (la croissance) et d'autre part une réponse biochimique quantifiable (la bioaccumulation). Dans les deux cas, la réponse est fonction de la quantité de sol incorporée dans la nourriture (voie digestive) et du degré de contamination du sol (ingestion et contact). Premier cas : ingestion de sol contaminé
Cette méthode s'inspire de celle employée pour évaluer la biodisponibilité des métaux de sols contaminés pour l'Homme, en faisant consommer des mélanges de sol contaminé et de nourriture à des mammifères de laboratoire (souris, rats, porcs, lapins) et en analysant la toxicité des mélanges et la concentration du métal considéré (Cd, As ou Pb) dans les organes des animaux (Casteel et al., 1997 ; Schilderman et al., 1997b ; Dock, 1998). Le modèle escargot est écologiquement pertinent pour ce type d'analyse car il représente le niveau des consommateurs primaires dans les chaînes trophiques terrestres. De plus, il permet d'évaluer une contamination avec plusieurs métaux et de mesurer les interactions entre les métaux constitutifs du sol (Gomot de Vaufleury & Pihan, 1999). Ces modèles d'exposition mettent bien en évidence le rôle de la matrice solide du sol, qui réduit d'une part les effets toxiques et d'autre part la biodisponibilité des métaux adsorbés aux particules de sol. En effet, si l'on considère, par exemple, le cas du Cr dans la pluricontamination du sol (Gomot de Vaufleury & Pihan, 2002) et que l'on compare la bioconcentration de ce métal dans les viscères des escargots qui ont consommé le mélange sol contaminé-aliment Hlixal®, avec la concentration du même métal dans les viscères d'escargots nourris avec de l'aliment contaminé directement et uniquement par du Cr (Cœurdassier et al., 2000), on constate que pour une concentration identique (par exemple 600 µg.g–1), la concentration des viscères des escargots est de 1 543 µg.g–1 lorsqu'ils n'ingèrent pas de sol et de 432 µg.g–1 pour un mélange à 75 % de sol S1 dans la nourriture (Tableau 23). De même, la toxicité s'en trouve réduite car la EC50 (croissance) à 4 semaines est de 298-354 µg.g–1 avec le Cr mélangé directement à l'aliment (Cœurdassier et al., 2000), alors qu'elle est de 621 µg.g–1 dans un mélange avec 75 % de sol S1 (Gomot de Vaufleury & Bispo, 2000). Ces résultats sont en accord avec ceux de Schilderman et al. (1997b), qui notent que l'absorption de produits chimiques purs (Cd) dans le tube gastro-intestinal de rat est réduite si elle est administrée dans une matrice de sol. Par ce mode d'exposition, la toxicité de la substance apparaît moindre et sous-estime le risque pour la santé ; cependant, il est plus représentatif de ce qui se passe réellement. Ce ne sont donc pas des tests alarmistes et, en cas
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de réponse positive, le risque doit être pris au sérieux et confirmé par des analyses complémentaires. Enfin, ces tests peuvent être appliqués à plusieurs types de sols pour connaître l'influence de leur composition sur le comportement des toxiques. Gimbert et al. (2006) ont exposé des escargots H. aspersa juvéniles pendant 3 mois à deux types de sols : un sol artificiel contaminé au Cd à des concentrations croissantes (ISO-0, ISO-20 et ISO-100 mg Cd.kg–1) et un sol « naturel » (prélevé in situ) industriellement contaminé à 20 mg Cd.kg–1 (sol ME4). Pour chaque modalité d’exposition, les cinétiques d’accumulation ont été déterminées et les paramètres de l’accumulation (taux d’assimilation, a et d’excrétion, k2) modélisés. Les auteurs ont ainsi montré que l’assimilation du Cd par H. aspersa est dépendante de la concentration d’exposition, mais également du type de sol. Ces variations étant corrélées aux estimations de la disponibilité environnementale (extractions au CaCl2 0,01 M), les auteurs ont, dans le prolongement des travaux de Van Straalen et al. (2005), conclu sur la validité des taux d’assimilation comme indicateurs de la biodisponibilité du Cd pour l’escargot H. aspersa. Les mêmes auteurs ont par la suite utilisé un protocole similaire pour évaluer l’influence des paramètres physico-chimiques des sols sur la biodisponibilité du Cd pour H. aspersa (Gimbert et al., 2008c). Ainsi, sur la base des premiers essais réalisés avec des annélides (Peijnenburg et al., 1999a, b), la variation des taux d’assimilation, entre neuf sols aux pH, taux d’argile et taux de matière organique artificiellement modifiés, a été exprimée comme une fonction multivariée des principales caractéristiques physicochimiques des sols. Cette approche, bien que préliminaire, a néanmoins permis de mettre en évidence le caractère prometteur de la méthodologie employée, ainsi que l’importance du pH et de la matière organique dans la modulation de la biodisponibilité et du transfert du Cd à l’escargot H. aspersa (Gimbert et al., 2008c). Second cas : test du lixiviat
La méthode employée pour l'exposition des escargots aux lixiviats de sol est originale et constitue un moyen d'étude de leur toxicité et de la biodisponibilité des métaux qu'ils contiennent. Cette méthode peut être appliquée aux eaux de surface, de ruissellement et aux lixiviats de décharges pour lesquels on dispose actuellement seulement de modèles aquatiques ou microbiologiques. En effet, étant donné la complexité des lixiviats de décharge et en vue de prendre en considération le réalisme écologique de ces contaminations, des batteries de bioessais ont été proposées avec des « espèces test » appartenant à trois niveaux trophiques des chaînes alimentaires aquatiques : producteurs, consommateurs et décomposeurs (Clément et al., 1996, 1997), mais les effets sur les chaînes alimentaires terrestres ne sont pas pris en compte. Aussi, les résultats présentés avec les escargots (Tableaux 20 et 21) permettent d'apporter des informations complémentaires à celles fournies par les nombreux tests d'écotoxicité aquatique et les quelques tests d'écotoxicité terrestre. Les diverses modalités d'exposition expérimentées ont également permis de normaliser les méthodes d'exposition via la nourriture ou via le substrat (AFNOR 2001 : NF X 31-255-1 et NF X 31-255-2 ; ISO 2006 : 15 952) pour évaluer les effets toxiques de substances, préparations, sols ou déchets contaminés sur la croissance d'H. aspersa juvéniles. Ces méthodologies constituent une base pour élargir la gamme des organismes faisant l'objet de lignes directrices destinées à l'étude du potentiel de bioaccumulation des contaminants en milieu terrestre, lignes directrices actuellement limitées aux annélides oligochètes (OECD, 2010b).
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TABLEAU 23
Comparaison de l’effet du Cr sur la croissance et la bioaccumulation chez Helix aspersa ingérant le métal soit directement incorporé dans l’aliment Hlixal®, soit dans un mélange aliment escargot Hlixal + sols contaminés (pluricontamination : Cd, Cr, Zn et Pb).
Aliment Hlixal® + Cr (d’après Cœurdassier et al., 2000) Concentration en Cr (µg.g–1 de poids sec)
Aliment
Viscères
100
208 ± 80
Mélange Hlixal® + sol S1 contaminé (d’après Gomot de Vaufleury & Bispo, 2000)
EC50 croissance Mélange FBA 4 semaines n. g–1 (µg Cr aliment sec)
2 298–354
Concentration EC50 croissance en Cr 4 semaines (µg.g–1 de (µg.g–1) FBA poids sec) Nourriture
viscères
85 % S0
76
3,3
0,04
500
1 699 ± 314
3,4
50 % S1
417
173
0,4
600
1 543 ± 328
2,6
75 % S1
621
432
0,7
750
1 723 ± 360
2,3
85 % S1
703
412
0,6
621
2.3.1.5.2 Étude des relations bioaccumulation-effets toxiques
Il est plausible de rechercher des relations entre la bioaccumulation des métaux (surtout de ceux qui ne sont pas essentiels) dans les organes et les perturbations de leurs fonctions correspondant à la « biodisponibilité toxicologique » (selon Hamelink et al., 1994). Des essais de détermination de critères objectifs ont été réalisés pour appréhender correctement la qualité des sols. Parmi ceux-là, on peut retenir comme hypothèses de travail les recherches de Van Wensem et al. (1994) et de Van Straalen (1996) pour estimer les « concentrations létales » (LBC : lethal body concentration) ou sublétales (CBC : critical body concentration), avec la distinction entre ETC et ITC (external threshold concentration et internal threshold concentration) qui mettent l'accent sur la nécessité de considérer ce qui pénètre effectivement dans le corps des animaux. Comme nous l'avons annoncé en introduction générale, outre la concentration des contaminants, la quantité (charge du corps) est également importante et un rapprochement avec les modèles de Mc Carty & MacKay (1993) utilisant les CBRs (critical body residues) dans le milieu aquatique doit être tenté en milieu terrestre, en tenant compte des réserves émises par Landrum & Meador (2002) et déjà évoquées dans le chapitre relatif aux oligochètes. Un effort de simplification et d'harmonisation des appelations des « charges critiques » est nécessaire (car elles varient selon les pays : critical loads, MPCs : maximum permissible concentrations) pour définir les objectifs internationaux de qualité de l'environnement (de Vries & Bakker, 1996). Cependant, ces méthodes présentent encore de nombreuses incertitudes (de Vries & Baker, 1996 ; Landrum & Meador, 2002) et il faut être prudent dans l'interprétation des effets toxiques car ceux-là peuvent être directs ou indirects ou les deux à la fois. Directs, par exemple, par destruction de types cellulaires de la glande digestive ou de l'intestin, comme cela a été constaté chez les limaces Arion ater sous l'action du Hg (Marigomez et al., 1996) ou Deroceras reticulatus après traitement par le mélange Cd, Zn et Pb (Triebskorn & Köhler, 1996) ou chez l'escargot Helix pomatia (Chabicovsky et al., 2003a).
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Indirects, dans le cas des effets sur le système neuroendocrine qui régule la gamétogenèse et la reproduction des escargots (Gomot de Vaufleury & Kerhoas, 2000). De plus, avec l'existence d'un système de métallothionéines (MTs) très efficace chez les escargots, des métaux très dangereux pour certaines espèces peuvent être rendus plus ou moins inoffensifs pour ces animaux et, comme cela a été constaté pour les vers de terre (Van Gestel, 1993), il n'y a pas forcément de rapport direct entre la bioaccumulation et les effets toxiques. L’hypothèse proposée par Cœurdassier (2001) d’une augmentation de la toxicité du Cd en relation avec l’augmentation du métal, sous forme non liée à des MTs dans les tissus, est confortée par des résultats récents. En effet, Chabicovsky et al. (2003a, b) ont montré que lorsque les capacités de liaison du Cd avec les métallothionéines (Cd-MT) sont dépassées, on observe une augmentation du Cd non lié (Cd2+) qui affecte le taux de survie d'H. pomatia. À une concentration de Cd de 450 µg.g–1 ps dans l’hépatopancréas, Chabocovski et al. (2003a, b) indiquent que les Cd-MT sont saturées par le Cd et qu’au-delà de cette concentration, les effets toxiques augmentent en relation avec la proportion de Cd2+. Ces résultats sont en accord avec ceux de Cœurdassier et al. (2002b) obtenus chez H. aspersa exposé au Cd, pour lesquel, on observe une bonne corrélation entre l’inhibition de croissance et les concentrations internes en Cd. Il est cependant important de noter que l’efficacité des stratégies de détoxification (MTs ou granules) dépend de la vitesse d’entrée du contaminant dans l’organisme, qu’il soit aquatique (Rainbow, 2002, 2007) ou terrestre (Van Straalen et al., 2005). Après assimilation, l’ETM sera d’abord disponible pour le métabolisme, puis si l’exposition et l’absorption se poursuivent, le métal excédant les besoins métaboliques devra être détoxiqué, soit via son excrétion à l’extérieur de l’organisme, soit via son stockage sous une forme soluble ou insoluble, pour prévenir sa diffusion aux tissus où il pourrait interférer avec des réactions biochimiques. La distinction de deux états des ETMs accumulés (métaboliquement disponibles ou détoxiqués) a des implications dans l’induction d’effets toxiques dans un organisme. Tant que le flux d’assimilation d’un ETM (intégrant les différentes sources d’exposition) est inférieur à la combinaison des taux de détoxication et d’excrétion, il ne s’accumule pas dans le pool disponible pour le métabolisme et aucune toxicité n’est induite. En revanche, si la vitesse d’assimilation est plus rapide que les vitesses cumulées de détoxication et d’excrétion du métal, alors la concentration interne en ETM métaboliquement disponible excédera un seuil et le métal pourra interférer avec les fonctions biologiques. Cette approche conceptuelle peut expliquer les réponses physiologiques observées chez H. aspersa lors d’une exposition de long terme à des sols artificiels contaminés (ISO-20 et ISO-100 mg Cd.kg–1) durant 3 mois (Gimbert et al., 2008e). Ces auteurs ont en effet observé une augmentation de l’intensité et de la précocité de l’inhibition de croissance, ainsi qu’un décalage de 4 semaines dans le cycle de ponte en relation avec une augmentation des flux d’assimilation. Ces différences dans les effets ont été mises en relation avec des différences dans la biodisponibilité du Cd liées aux interactions avec le calcium du sol. Aussi, il faut considérer la bioaccumulation comme un « point final » à part entière, au même titre et en complément des analyses physico-chimiques, des essais de toxicité et, en ce qui concerne les escargots et les métaux, de la synthèse des MTs, marqueurs biologiques donnant des informations sur la partie « séquestrée » des métaux absorbés par l'espèce considérée. Des relations linéaires hautement significatives ont été mises en évidence entre les concentrations internes de Cr dans les viscères ou l'ensemble des tissus mous (pied et viscères) et l'inhibition de croissance des escargots juvéniles (Cœurdassier, 2001) (Figure 22).
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Figure 22 Relations linéaires significatives entre l'inhibition de croissance (y) et les concentrations internes dans les viscères (X1) (a) et l’ensemble des tissus mous (i2) (b) chez H. aspersa. (● : test 1 ; ○ : test 2.)
Les résultats obtenus pour le Cr et pour le Cd (Tableau 16) permettent d'envisager l'utilisation des concentrations internes d'un élément métallique dans une espèce de gastéropode terrestre pour évaluer sa toxicité. La validation de ces relations dans des conditions expérimentales différentes (autres matrices et voies d'exposition), et surtout sur des populations naturelles de H. aspersa de différentes origines est une étape complémentaire indispensable pour développer l'utilisation des concentrations internes en métaux des escargots comme outil de biosurveillance (Cœurdassier, 2001). En perspectives immédiates, il paraît utile de mener des expérimentations complémentaires sur les espèces de gastéropodes terrestres les plus représentatives (bien que toutes soient intéressantes au titre de la biodiversité) pour disposer d'un éventail de données concernant la bioaccumulation chez ces animaux et approfondir les relations avec les « charges critiques », qui sont importantes non seulement pour les individus de chaque espèce, mais aussi pour les prédateurs et les décomposeurs. Ces travaux devraient prendre en compte la cinétique d'accumulation et de détoxification de divers métaux. On dispose déjà de données sur plusieurs espèces d'escargots (H. pomatia, H. aspersa, H. engaddensis, A. arbustorum, C. nemoralis), ainsi que chez des limaces (A. ater, Deroceras reticulatus…) et c'est vers une standardisation des méthodes expérimentales et une analyse systématique de l'influence de la nature des sols qu'il faut avancer.
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Les études devront aussi prendre en considération les capacités d'adaptation des gastéropodes exposés durant de longues périodes aux polluants. En effet, Beeby & Richmond (1987) ont montré que des populations d'H. aspersa exposées depuis longtemps au Pb avaient des capacités de bioaccumulation moins importantes que celles provenant de milieux non contaminés. L'utilisation d'escargots « standards » issus de l'élevage peut permettre de s'affranchir de cette possible adaptation, qui peut fausser l'interprétation de données de biosurveillance passive.
2.3.1.6 Influence des micro-organismes sur la bioaccumulation (interactions bactéries-escargots) Les micro-organismes sont des éléments vitaux fondamentaux des écosystèmes et les bactéries sont connues pour être de bons concentrateurs des métaux lourds de l’environnement, ceux-là pouvant exercer des effets néfastes sur la physiologie des bactéries. Les bactéries du sol, entraînées avec les quantités importantes de sol que les escargots ingèrent pendant leur nutrition, peuvent ainsi affecter la biodisponibilité des métaux, comme cela a été décrit par Silver (1983) chez les animaux et les plantes qui présentent des symbioses avec les bactéries. Chez Helix aspersa, Simkiss & Watkins (1990) ont réalisé des expériences pour étudier l’influence d’une nourriture artificielle contaminée par des bactéries. Ils ont observé que les escargots nourris pendant 2 semaines avec les aliments contaminés de bactéries absorbaient en un repas davantage de 65Zn dans leur glande digestive que ceux élevés sur papier stérile (2,36 n moles Zn.g–1 de poids sec de glande digestive au lieu de 1,55 n moles.g–1, p < 0,001). Simkiss & Watkins (1991) ont aussi constaté que les sites pollués contenaient moins de bactéries et que celles-là étaient plus résistantes aux métaux et aux antibiotiques que celles des sites non contaminés. Ces différences se traduisent par une modification du nombre et des types de bactéries trouvées dans le tube digestif des escargots. Les altérations des relations escargots-microorganismes affectent la bioaccumulation des métaux dans leurs tissus. En conséquence, on doit tenir compte des bactéries dans l’interprétation des mesures effectuées pour évaluer la qualité de l’environnement. La mise en évidence de ces interactions montre également les implications considérables que peut avoir, d'une part, l’utilisation intensive d’antibiotiques et, d'autre part, l’augmentation des concentrations en métaux par des traitements fertilisants sur la sélection de bactéries résistantes à ces substances dans le flux énergétique des écosystèmes. D'après Watkins & Simkiss (1990), il ne semble pas y avoir de différences génétiques entre les escargots des sites normaux ou pollués par les métaux, car après 1 mois de jeûne, les escargots des deux types d’habitats nourris avec une nourriture artificielle présentent le même nombre de bactéries dans leur tube digestif. Les résultats de Simkiss & Watkins (1991) montrent que la microflore influence la disponibilité du Zn pour les escargots. L’incidence quantitative de cette interaction des bactéries avec la disponibilité des métaux mérite donc d'être analysée de façon plus approfondie. 2.3.1.7 Application à l’établissement de cartographies de pollutions et de facteurs de contamination 2.3.1.7.1 Biosurveillance passive
Le fait que la bioaccumulation des métaux chez les escargots (comme chez les vers de terre) soit corrélée avec la concentration de ceux-là dans leur environnement (Coughtrey & Martin, 1977 ; Beeby & Eaves, 1983) a été mis à profit par Dallinger & Berger (1992) pour établir
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la cartographie urbaine des pollutions par le Pb et le Cd de deux villes d’Autriche : Enns et Innsbruck. La représentation en 3 dimensions des concentrations en Pb et Cd dans les escargots Arianta arbustorum ramassés en 108 points de la ville d’Enns (Figures 23a et 23b) fait apparaître un pic de pollution près d’une usine de produits chimiques et une légère augmentation de la concentration en Pb au voisinage d’une zone de trafic automobile plus important. Dans leur conclusion, Dallinger & Berger (1992) soulignent l’intérêt de l’utilisation des escargots, mais aussi des isopodes pour la biosurveillance des sites pollués et rappellent les dangers du Cd (même à faible concentration) sur la faune du sol, et du Pb dont les concentrations dans le lait des femmes de la région d’Innsbruck peuvent être 7 fois plus élevées que chez les femmes des zones témoins avec peu de trafic. Les faibles déplacements des escargots permettent une représentation relativement fine des différences de pollution en ville, mais aussi hors des villes. Ainsi en Italie, en tenant compte de l'état physiologique et de la taille des animaux, Bigliardi et al. (1988, 1989) ont noté des différences de concentration en Cd et en Pb suivant la taille chez Helix pomatia en hibernation tandis que Campanini et al. (1992, 1996) ont comparé les concentrations en Cu, Zn, Pb et Cd des organes d'H. aspersa et H. lucorum récoltés dans 10 communes de la province de Mantoue. Pour les éléments non essentiels (Cd et Pb), les concentrations sont sensiblement équivalentes dans l'hépatopancréas et les muscles des deux espèces. En revanche, pour les métaux essentiels, il existe des différences très importantes. La teneur en Cu, très variable, est du même ordre de grandeur dans l'hépatopancréas et les muscles chez H. lucorum (374 et 390 µg.g–1 de poids frais) tandis qu'elle est beaucoup plus faible chez H. aspersa (27 et 71 µg.g–1 pf). La concentration en Zn est également plus élevèe dans les organes d'H. lucorum (177,9 et 30,6 µg.g–1 pf) que chez H. aspersa (52 et 14,3 µg.g–1 pf) respectivement pour l'hépatopancréas et les muscles. Ces analyses montrent que deux espèces prélevées dans les mêmes territoires donnent des informations comparables pour le Pb et le Cd, mais qu'elles ont un métabolisme très différent pour le Cu et le Zn, comme cela a été constaté pour deux sous-espèces d'H. aspersa (Gomot de Vaufleury & Pihan, 1997). H. pomatia faisant l’objet d’un marché important d’importation et d’exportation, Pihan et al. (1996) ont dosé le Pb dans 16 lots d’escargots provenant de différentes régions d’Europe. Ces analyses révèlent que les animaux ramassés près d’autoroutes (A31 et A36) présentent une contamination du pied (partie comestible) de l’ordre de 2,5 et 1 µg.g–1 de poids sec, résultant probablement d’une contamination par contact. Ceux qui ont été récoltés sur la couverture d’un centre d’enfouissement technique ont accumulé du Pb, aussi bien dans leur pied (2,2 µg.g–1) que dans leurs viscères (100 µg.g–1 de poids sec), ce qui les place dans la classe IV proposée par ces auteurs (Tableau 12). Par comparaison, des lots d’escargots H. aspersa, dont la plupart proviennent d’élevages, ont des niveaux de contamination par le Pb moins importants que ceux d’H. pomatia. Afin de disposer d’informations environnementales et sanitaires, l'échantillonnage dans la nature devrait être étendu aux différentes espèces comestibles (H. lucorum, H. aperta, Eobania …) qui font l’objet d’une cueillette et d’élevages sur des sites divers (plus ou moins contaminés) à des fins gastronomiques, ainsi qu'à des espèces fréquemment rencontrées dans divers biotopes (Cepaea hortensis, C. nemoralis, Arianta arbustorum, Theba pisana, Helix engaddensis, Levantina sp…). C'est chose faite par Dallinger et al. (2004) pour l'échantillonnage de Cepaea hortensis au voisinage du site minier d'Avonmouth (G.B) sur lequel Cooke et al. (1979) avaient constaté
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Figure 23 Représentation en 3 dimensions des concentrations (µg.g–1 de poids sec) en Pb (a) et en Cd (b) d'Arianta
arbustorum collectés dans la zone étudiée d'Enns (Autriche). (Dallinger & Berger, 1992.)
l'accumulation de Cd et de Zn dans la glande digestive d'Helix aspersa. Vingt-cinq ans plus tard Dallinger et al. (2004) constatent un gradient de contamination de l'environnement de ce site par le Cd. À 7 700 m de la mine, pour une concentration du sol en Cd de l'ordre de 2 n mol.g–1 (ps), la concentration en Cd est de 1 000 n mol.g–1 (ps) dans l'hépatopancréas de C. hortensis. Lorsque l'on se rapproche de la mine, les concentrations en Cd augmentent progressivement et à 1 400 m, alors que la concentration du sol atteint 51 n mol.g–1 (ps), celle de l'hépatopancréas de C. hortensis est de 4 000 n mol.g–1 (ps), ce qui correspond à un FBA de 80. Au cours de leur étude, Dallinger et al. (2004) mettent en évidence une augmentation de la concentration en Cd de l'hépatopancréas, parfaitement corrélée à celle de CdMT dont l'induction est très rapide (2 jours). Ces résultats confirment l'intérêt du dosage des métallothionéines comme biomarqueurs d'exposition aux ETMs des escargots et d'autres invertébrés (Dallinger et al., 2000).
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2.3.1.7.2 Biosurveillance active. Utilisation des escargots comme animaux sentinelles (« caging », enclos, microcosmes, mésocosmes)
La biosurveillance passive permet d’obtenir immédiatement des valeurs indicatives du degré de contamination du milieu, mais les études antérieures ont montré qu’il peut y avoir des variations suivant la saison, la taille et l’âge des animaux. Dans certains cas, il peut également exister des écotypes d’escargots adaptés génétiquement à une nourriture riche en Pb, par exemple dans les parkings de voitures (Beeby & Eaves, 1983 ; Beeby & Richmond, 1987). Ces différences génétiques peuvent également se traduire par des différences de dépots du Pb dans la coquille (Mulvey et al., 1996). Maintenant que l’élevage de plusieurs espèces d’escargots est maîtrisé (Gomot & Deray, 1987 ; Gomot, 1994), on peut utiliser des escargots d’élevage de stade connu et choisis comme « sentinelles de l’environnement », au même titre que les moules (« mussel watch ») ou les bars en milieu aquatique (Rivière, 1993 ; Lafaurie, 1998), en les plaçant dans des enclos pendant un temps déterminé. Ces enclos sont des cages carrées sans fond en PVC alimentaire (0,5 m de côté × 0,2 m de haut) couvertes par un grillage plastique dans lesquelles on introduit 20 à 30 escargots élevés en laboratoire et âgés de 2 mois (Gomot de Vaufleury & Pihan, 2000). Ces enclos sont placés d’une part sur un site témoin (forêt ou prairie naturelles), et d’autre part sur des sites dont l’on veut évaluer la contamination (Photographies 11). La nourriture se compose de végétaux et du sol de l’enclos. Jusqu’à présent, la mesure de la croissance et le dosage des contaminants ont été faits après un séjour de 4 semaines sur les sites. Mais les résultats montrent que dans les cas de pollutions importantes, on peut raccourcir la durée d’exposition. Les transferts d’escargots d'élevage sur deux zones d’un centre d’enfouissement technique (CET) et au bord d’un carrefour urbain, où la circulation automobile est intense, montrent que la croissance globale des escargots et le poids des viscères sont significativement réduits par rapport à ceux des témoins (Gomot, 1997b ; Gomot de Vaufleury & Pihan, 2000). Le dosage des métaux dans les pieds et les viscères révèle une accumulation de Pb et Zn dans les escargots transférés sur le CET et le carrefour urbain de Besançon (Figure 24). Dans le cas du carrefour urbain, l’enclos des escargots sentinelles était situé à quelques mètres de l’appareil de mesure du Pb, qui a enregistré pendant le mois d’exposition (juin) une teneur de 0,09 µg.m–3 (moyenne annuelle : 0,11 µg.m–3 de Pb). Les viscères des escargots placés en sentinelles pendant 4 semaines contenaient 74 µg.g–1 de poids sec de Pb, tandis que celles des témoins avaient une concentration de 12 µg.g–1 et celles des animaux conservés au laboratoire 4 µg.g–1. D'autres travaux (Pihan et al., 1999) montrent que des séjours de 1 semaine sont suffisants pour évaluer le degré de contamination par le Pb au bord des autoroutes, où est mis en évidence un gradient décroissant de la bioaccumulation en fonction de la distance de l’axe autoroutier, du régime des vents et de la topographie du terrain (Eurêka, n° 29, mars 1998). Cette technique de bioindication a aussi été utilisée avec succès (Pihan & Gomot de Vaufleury, 2000) pour évaluer l'efficacité de la remédiation d'un CET. Les escargots H. aspersa juvéniles (et des H. pomatia autochtones) ont montré que la remédiation du CET (situé en classe 3 avant remédiation selon la classification de Berger & Dallinger 1993, Tableau 10) avait permis, après un an et demi, de passer Zn, Cd et Pb en classe 2. Deux ans et demi après remédiation, Cd et Pb se situaient en classe 1, le Cu restait en classe 2, tandis que le Zn passait en classe 3. Cela souligne l'importance de la qualité du matériel utilisé pour recouvrir le site : dans ce cas, il s'agissait du sol d'une ancienne pépinière qui contenait probablement des résidus
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Figure 24 Concentrations en ETMs du pied (P) et des viscères (V) d’escargots d’élevage maintenus au laboratoire
(Lab) ou transplantés en milieu naturel (Trans). Lab 2, 3 : escargots d’élevage âgés de 2 mois (âge lors de la transplantation sur le terrain) et de 3 mois (maintenus entre le 2 e et le 3e mois en activité au laboratoire) ; Trans Gy : escargots transplantés en forêt ; Trans Lecl : carrefour urbain ; Trans CET a, b : centre d’enfouissement de déchets.
issus de son utilisation antérieure à des fins horticoles, ce qui a occasionné une nouvelle contamination démontrée pour Zn et Cu. L'installation d'enclos à proximité des autoroutes, avec des dispositifs permettant le maintien en activité des escargots, offre le moyen de disposer de systèmes qui intègrent la contamination du sol et la bioaccumulation des métaux (Cd, Pb et Zn) dans les graminées et les escargots (Viard et al., 2004). Des travaux de bioindication active ont également été menés par Scheifler et al. (2003a) pour étudier in situ le transfert d’ETMs depuis des sols forestiers amendés par des boues de station d'épuration vers l'escargot Helix aspersa. Des escargots juvéniles exposés en microcosmes in situ ont été utilisés pour évaluer le transfert de Cd, Cu, Ni, Pb et Zn de sols forestiers amendés par des boues de station d'épuration liquides ou compostées. Les microcosmes utilisés
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Figure 25 Concentration en Cd et en Zn d'H. aspersa exposés (1 et 5 semaines pour BL et 3 et 7 semaines pour
BC) in situ à des sols forestiers amendés en boues compostées (BC) ou en boues liquides (BL). (Scheifler et al., 2003a.) * Différences significatives avec les témoins.
sont les mêmes que ceux conçus par Scheifler (2002) pour l’étude du tansfert des ETMs dans un système sol - plante - escargot en laboratoire (Figure 21). Les concentrations et les quantités de Zn dans les tissus des escargots exposés aux boues liquides et compostées sont significativement supérieures à celles des témoins, après 5 et 7 semaines d'exposition, respectivement (Figure 25). Aucune tendance nette n'a été observée pour les autres éléments traces métalliques (ETMs). Ces résultats montrent que le Zn, parmi un « cocktail » d'ETMs provenant d'amendements, représente la principale préoccupation en terme de risque de transferts dans les chaînes alimentaires et d'empoisonnement secondaire. Les microcosmes utilisés dans cette expérience se sont révélés bien adaptés à des études de bioindication de relativement long terme (environ 2 mois) avec des escargots H. aspersa comme bioindicateurs. Ces derniers ont rapidement reflété la différence de concentration en ETMs dans leur environnement immédiat, ce qui montre que la méthode mise au point constitue un outil simple et efficace permettant d'évaluer la biodisponibilité et le transfert des ETMs. La mise en œuvre rationnelle des escargots en biosurveillance active de l’environnement nécessite de connaître l’influence d’un certain nombre de variables environnementales sur les transferts de contaminants. Ainsi, Gimbert et al. (2008b) ont exposé en microcosmes des H. aspersa sur des parcelles contaminées à 0, 20 et 40 mg Cd.kg–1 de sol sec. Le pH théorique des sols dans l’horizon de surface des parcelles présente deux modalités, i.e. pH = 5,5 et 7. Trois microcosmes, contenant chacun 15 escargots calibrés (âgés de 2 mois et pesant 1 g), ont été disposés sur chacune des six parcelles. Après 1, 2, 3, 5 et 8 semaines, deux individus ont été échantillonnés dans chaque microcosme. Deux campagnes d’exposition ont été réalisées : au printemps et en automne 2004. La modélisation des cinétiques d’accumulation du Cd dans les animaux a permis aux auteurs de démontrer, via l’estimation et la comparaison des flux d’assimilation, que la biodisponibilité et le transfert du Cd sont faiblement influencés par la variation de une unité de pH et indirectement modifiés par la saison qui semble agir plus sur l’activité des organismes que sur le comportement du Cd dans le sol. Cette expérimentation a également permis de valider l’utilisation de modèles toxicocinétiques et des flux d’assimilation dans l’évaluation de la
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biodisponibilité des ETMs in situ en permettant, à la différence de concentrations internes ponctuelles, de distinguer des niveaux de contamination du sol même modérés (Gimbert et al., 2008b). Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour l'utilisation des gastéropodes en bioindication active et méritent d'être complétés par des analyses en milieux variés avec divers types de contamination des sols, notamment pour déterminer la biodisponibilité des polluants organiques persistants pour ces gastéropodes. L'utilisation d'H. aspersa comme « sentinelle » a fait des émules en Italie, où Regoli et al. (2006) ont placé des escargots adultes dans des cages sans contact avec le sol pendant 4 semaines pour évaluer les effets écotoxicologiques des pollutions atmosphériques urbaines de la ville d'Ancône. Leurs analyses révèlent à la fois une accumulation marquée de métaux (Cr, Cu, Fe, Mn, Ni, Pb et Zn) et de HAPs dans les sites les plus pollués, ainsi que des altérations de biomarqueurs d'exposition (MTs, catalase…). La validation de l’intérêt du biomonitoring actif avec H aspersa et C nemoralis a été entreprise notamment par Fristch et al. (2011) qui ont comparé l’accumulation sur des zones diversement contaminées du site minier Metaleurope du Cd, Pb et Zn chez des subadultes issus de parents provenant de sites sains ou contaminés. Les résultats de bioaccumulation ne révèlent pas d’adaptation. Grâce à des expositions en microcosmes d’ H aspersa sur 10 sites français représentant plus de 40 modalités différentes, des valeurs de référence ont pu être déterminées dans les viscères (CIRef escargot) pour As, Cd, Co, Cr, Cu, Hg, Mo, Ni, Pb, Tl, Zn (respectivement de 0,307 - 2,27 - 4,68 - 2,01 - 184,7 - 0,19 - 4,40 - 5,17 - 12,9 0,25 et 1490 mg.kg-1 MS (de Vaufleury 2012; Pauget, 2012; Pauget et al., 2013). Ces valeurs de référence peuvent être utilisées pour calculer un quotient d’accumulation pour chaque métal (QA : rapport de la concentration dans les viscères sur la zone étudiée / concentration de référence). La somme des QA des divers métaux permet ensuite de calculer la somme des excès de transfert caractérisant la biodisponiblité des métaux du site étudié. Cette démarche permet d’établir un classement des zones le plus à risques et donc prioritaires en terme de gestion (Pauget et al., 2013). La large gamme de modalités étudiées in situ par Pauget (2010), Pauget et al. (2013) a permis de montrer pour la première fois in situ l’influence du pH, de la teneur en matière organique et des oxydes de fer sur la biodisponibilité environnementale du Cd, du Cr, du Pb et du Zn pour l’escargot H. aspersa (syn Cantareus aspersus). Des équations mono et mulitvariées reliant concentrations internes dans les viscères d’escargots et concentrations du sol et/ou paramètres du sol ont été proposées : pour la plupart des métaux étudiés (sauf pour l’As) la prise en compte des facteurs du sol améliore la significativité des relations entre concentrations internes et caractéristiques du sol. Ces équations doivent toutefois être considérées avec prudence et ne peuvent servir à modéliser les transferts dans toutes les situations ; en effet certains paramètres, comme la spéciation des métaux du sol, elle-même dépendante de la source, de l’âge de la contamination, de la nature du sol récepteur, l’apport de contaminants via les végétaux ingérés, les aléas climatiques, sont autant de paramètres non considérés explicitement dans ces équations (Pauget, 2010).
2.3.1.8 Modèles d’étude de transfert dans les chaînes alimentaires La bioaccumulation très importante de métaux (Cd, Pb et Zn) observée par Williamson (1980) chez Cepaea hortensis au voisinage d’une route suburbaine importante de Durham (Nord-Est de l’Angleterre) a incité cet auteur à considérer les implications de cette contamination sur les prédateurs d’escargots en fonction des saisons et de leurs modes de vie. C’est
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la grive Turdus ericetorum (Photographie 12) qui est la plus exposée car elle se nourrit principalement de Cepaea au début de l’été lorsqu’elle élève ses petits. D’autres prédateurs peuvent être exposés à ces teneurs importantes en métaux dans leurs proies comme les merles, les musaraignes, les hérissons, les grenouilles et les crapauds, qui consomment surtout les jeunes escargots. Le rôle possible d'Helix aspersa dans le transfert du Pb dans un écosystème pollué a été étudié par Beeby (1985), qui a estimé la part disponible de ce métal pour les prédateurs et les détritivores en comparant la quantité de Pb totale des tissus d'escargots par extraction des cendres avec HNO3 à 50 % à celle extraite par l'acide acétique à 10 %. Le pourcentage de Pb disponible dans les escargots par rapport au Pb total a été estimé entre 38,78 à 82,83 % selon le niveau de contamination de la nourriture des escargots. En analysant également les feces de cette façon, Beeby (1985) évalue le Pb disponible dans les fèces entre 33,5 et 53,04 % du Pb total qu'ils contiennent. En tenant compte du métal déjà présent dans l'escargot, Beeby (1985) calcule que l'ingestion de 10 µg de Pb par l'escargot conduit à 9,42 µg de Pb disponible pour le prédateur et à 2,07 µg de Pb disponible dans les fèces pour les détritivores. Ces données reposent sur l'estimation du Pb disponible par extraction à l'acide acétique, mais n'ont pas été validées dans une chaîne trophique réelle. Laskowski & Hopkin (1996) soulignent l'importance de ces invertébrés tolérants à de fortes doses de contamination de leur nourriture dans le transfert des métaux le long des chaînes trophiques, et ils mettent en évidence l'intérêt de l'étude des mécanismes de stockage et de leur écophysiologie (possibilité de dormance en cas de fortes pollutions) pour évaluer à terme l'incidence des pollutions sur le devenir des populations d'escargots. En se basant sur les conséquences de contaminations expérimentales de la nourriture par un mélange de métaux (Zn, Cu, Pb et Cd), qui prolonge l'estivation d'H. aspersa et empêche les animaux de grandir, Laskowski établit quatre scénarios probables de la dynamique des populations d'escargots. À l'aide d'un modèle réalisé à partir du théorème de Cohen (1979), il montre que la valeur du taux de croissance des populations diminue lorsque le taux de contamination par les métaux augmente. Ainsi, Laskowski (1997) prévoit, par exemple, que la perte de une année de reproduction chez ces invertébrés itéropares (vivants normalement 6 à 7 ans) peut conduire à une extinction rapide des populations (10 à 50 ans). Laskowski & Hopkin (1996) insistent également sur les risques de contamination secondaire résultant du métabolisme des métaux chez les escargots, dont certains accumulent les métaux dans leurs tissus (95 % du Cd absorbé chez H. pomatia d’après Berger et al., 1993), tandis que d’autres, comme Arianta arbustorum excrètent la plus grande partie des métaux (Berger et al., 1993). Ces différences ont des implications dans les transferts des contaminants dans les chaînes alimentaires, que ce soit pour les prédateurs ou pour les espèces saprophages qui vivent d'excréments et de détritus. Dans les deux cas, le risque de bioamplification peut exister. Cependant, si les phénomènes de bioamplification sont relativement bien caractérisés dans les chaînes alimentaires du milieu aquatique avec des coefficients d'amplification parfois très élevés, il demeure encore des imprécisions et des controverses dans les chaînes trophiques terrestres. L'une des difficultés réside dans l'évaluation des régimes alimentaires des prédateurs dont la nourriture peut être variée et variable. Ainsi, Seifert et al. (1999) ont observé des concentrations moyennes en Cd de 7,6 µg.g–1 (ps) chez H. pomatia et des concentrations de 6,3 µg.g–1 (ps) chez les musaraignes (Sorex araneus) du même site pollué, ce qui peut représenter un risque pour cette espèce, mais dans ce cas une partie du Cd peut aussi provenir des vers de terre qui accumulent également les métaux.
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À la suite de l'analyse de l'accumulation de métaux chez Helix aspersa ingérant un mélange aliment-sol contaminé par des métaux (cf. Gastéropodes 2.3.1.3.2.), Gomot de Vaufleury & Pihan (2002) ont calculé la quantité de métaux contenue par escargot suivant la proportion de sol contaminé (S1) ou non (S0) de son alimentation ou après aspersion avec les lixiviats correspondants (Figure 26). Connaissant le poids des escargots (Figure 27), on peut évaluer la quantité de métaux absorbée par les prédateurs. Par exemple, pour une grive qui mange deux escargots de 5 g ayant été en contact avec un lixiviat de sol S0 ou dont la nourriture consiste en 50 % de sol S0, la quantité de métaux ingérée est très faible (Tableau 24 : 0,751,8 µg Cd ; 2,2-2,7 µg Cr ; 0,4-0,5 µg Pb ; 206-209 µg Zn). Si la grive mange le même poids d’escargots (10 g) contaminés par le sol S1, elle absorbera des quantités variables de métaux suivant la proportion de sol consommée par les escargots (Tableau 24). C’est dans le cas de consommation d’escargots du groupe S1 75 % que l’oiseau prédateur absorbera la plus forte charge en métaux (125 µg Cd ; 311 µg Cr ; 3 579 µg Zn) sauf pour le Pb dont le maximum (85 µg) se trouve dans les escargots S1 85 %. Lorsque les prédateurs consomment uniquement les viscères (lérot par exemple), la quantité de métal ingérée par l’animal (Tableau 25) est environ 2 fois plus élevée (253 µg Cd ; 611 µg Cr ; 7 511 µg Zn pour S1 75 % et 171 µg Pb pour S1 85 %). Ce sont les escargots les plus petits qui ont les concentrations en métaux les plus élevées et représentent le plus grand danger pour les prédateurs, d'une part parce qu'ils sont consommés par une plus grande diversité d’espèces de toutes tailles, et d’autre part parce que pour un même poids de proies les prédateurs absorbent davantage de métaux. TABLEAU 24
Nombre d’escargots et quantité de métaux absorbés par des prédateurs consommant l’ensemble des tissus mous des escargots (calcul pour une ingestion de 10 g de tissus frais).
Lots
Nombre d’escargots pour 10 g
Cd (µg)
Cr (µg)
Pb (µg)
Zn (µg)
S0 50 % S0 75 % S0 85 % Lixiviat S0
2 2,7 5 1,6
1,8 3,2 4,2 0,75
2,2 2,7 3,5 2,75
0,5 1,5 2 0,4
209 250 270 206
S1 50 % S1 75 % S0 85 % Lixiviat S1
2 5 9 2
76 125 51 2,5
144 311 220 55
25 45 85 1,5
1 613 3 579 2 527 296
TABLEAU 25
Nombre de viscères d’escargots et quantité de métaux absorbés par les prédateurs qui mangent uniquement la glande digestive (exemple : lérot). Calcul pour une ingestion de 10 g de tissus frais.
Lot
Nombre de viscères pour 10 g
Cd (µg)
Cr (µg)
Pb (µg)
Zn (µg)
S0 50 % S0 75 % S0 85 % Lixiviat S0
3,5 5,3 11,5 3,3
2,8 4,8 7,5 1,1
3 4,5 4,7 4
0,9 2,1 3,2 0,6
343 414 554 347
4 11,5 18 4,25
152 253 100 3,8
284 611 409 96
49 91 171 2,7
3 305 7 511 5 055 515
S1 50 % S1 75 % S1 85 % Lixiviat S1
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Figure 26 Quantité de métal (en µg) par escargot (tissus mous) suivant le type de contamination. (Les figurés
des histogrammes sont les même que ceux de la figure 27).
Figure 27 Poids moyen (tissus mous et coquille) correspondant des escargots de la figure 26 après 4 semaines
d’élevage.
Les impacts de la contamination sur les prédateurs sont de deux types. Le premier est représenté par l’intoxication directe que peuvent produire les métaux, à court terme, par exemple, sur les jeunes oiseaux nourris avec de « petits » escargots fortement chargés en métaux, ou à moyen terme sur des adultes avec effets sur leur survie et leur reproduction. Le deuxième est un effet écologique plus indirect : les escargots subissent une inhibition de la croissance et de la reproduction, ce qui peut entraîner la diminution ou la disparition des escargots à plus ou moins long terme (Laskowski & Hopkin, 1996), et par voie de conséquence la raréfaction d’espèces d’oiseaux dont les escargots constituent une partie du régime alimentaire (Graveland et al., 1994).
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Si le transfert et le risque, pour les prédateurs, que représentent les fortes capacités de bioaccumulation des métaux par les escargots ont souvent été évoqués, peu d'études les ont évalués effectivement. Les escargots font partie du régime alimentaire de quelques prédateurs mammifères (lérot, musaraigne, hérisson…). Le transfert escargot - rat du Cd a été étudié expérimentalement chez des rats nourris avec deux types de nourriture contaminée : soit le Cd était présent sous forme de sel (CdCl2) dans l'aliment donné au rat, soit il était associé à une molécule organique (métallothionéine : Cd-MT) tel qu’il se trouve majoritairement stocké dans l’hépatopancréas des escargots contaminés par du Cd. Les deux formes de Cd (inorganique et organique) sont apparues comme biodisponibles pour le rat, avec des taux de transfert de l'ordre de 1 % du Cd ingéré, quelles que soient la forme chimique ou la teneur du Cd dans l'aliment. En revanche, la distribution du Cd varie entre les organes du rat selon sa forme chimique dans l'aliment. Lorsque le rat est nourri avec un aliment supplémenté en Cd-MT (forme organique), les teneurs en Cd des organes-cibles (foie, rein) sont plus élevées que lorsque le rat est nourri avec l'aliment supplémenté en CdCl2 (Hispard et al., 2008b). Les taux de transfert et les FBAs de l’escargot vers le rat observés par Hispard et al. (2008b) (1 % et 0,023) sont 10 fois plus importants que ceux observés entre l’escargot et un coléoptère prédateur (0,1 % et 0,023) (Scheifler et al., 2002), mais n’induisent pas de mortalité. Cependant, les auteurs reportent une diminution dans la consommation de nourriture et la croissance des rats à la plus forte concentration en Cd inorganique (100 µg.g–1). Les mêmes auteurs ont ensuite poussé plus loin leurs investigations en évaluant les effets des formes de Cd organique et inorganique sur un set de biomarqueurs dans différents tissus du rat (Hispard et al., 2008c). Les résultats montrent qu’à faible contamination de la nourriture (2,5 µg Cd.g–1), la concentration en MT dans le rein s’avère être le biomarqueur d’exposition le plus sensible, quelle que soit la forme de Cd ingérée. Pour des concentrations élevées (100 µg Cd inorganique.g–1), l’induction de MT ainsi que la diminution des activités de la glutathione peroxidase (GSH-Px) et de l’alanine aminotransférase (ALAT) sont des réponses pertinentes pour l’évaluation des effets liés à l’exposition au Cd. Le transfert du Cd accumulé dans de jeunes Helix aspersa à des insectes prédateurs spécifiques (larves de carabes : Chrysocarabus splendens, Photographie 13) a été mesuré par Scheifler et al. (2000, 2002a). Cette étude réalisée en laboratoire a montré que le transfert de Cd de la proie au prédateur est très faible (0,627 µg.g–1 en poids sec dans les larves contre 260 µg.g–1 dans les escargots). Cependant, si ces résultats mettent en évidence l’absence de bioamplification du Cd (Figure 28) dans cette chaîne alimentaire expérimentale, la concentration dans le prédateur augmente avec le niveau de contamination de ses proies et s'accompagne d'effets physiologiques chez les larves, tels que augmentation de la durée des mues, perturbation de la métamorphose, diminution du poids. De plus, la transformation de la nymphe en imago (= adulte) se traduit par une perte importante du contenu en Cd (Figure 28). Ainsi, même si la bioamplification n'est pas de règle, il convient de ne pas négliger les effets sublétaux que peut occasionner un transfert, même faible, entre les maillons des chaînes trophiques. L'analyse du transfert potentiel des métaux accumulés par les escargots dans les chaînes alimentaires est un domaine où il conviendrait de développer des études expérimentales avec divers prédateurs (insectes, oiseaux, mammifères) et des détritivores (vers de terre, isopodes…) dans
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Figure 28 Quantité de Cd dans les larves et les adultes de Chrysocarabus splendens nourris avec des escargots
contaminés par des concentrations croissantes de Cd. (D'après Scheifler, 2002 ; Scheifler et al., 2002a.) Des escargots juvéniles sont nourris avec un aliment contaminé par du Cd (0, 10, 50, 100 µg.g–1) pour servir de proies à des larves de carabes (témoins, C10, C50, C100). Les dosages de Cd ont été faits sur les larves à la fin du stade larvaire (environ 25 jours) et sur des adultes juste après leur émergence. * Différence significative (p < 0,05) entre les larves contaminées et les témoins.
des mésocosmes reproduisant des systèmes simplifiés de biodiversité, comparables à ceux utilisés pour évaluer la productivité de divers types de biodiversité (Naeem et al., 1994).
2.3.2 Substances organiques Si les données sur l'accumulation des métaux sont abondantes chez les mollusques, les travaux concernant les contaminants organiques sont peu nombreux. Comme le souligne Cœurdassier (2001), ces études concernent principalement le devenir des molluscicides organiques (métaldéhydes et carbamates) dans les espèces de gastéropodes cibles. Concernant les nombreux pesticides organiques mis sur le marché depuis la connaissance des effets désastreux du DDT, jusqu'à présent on dispose de peu de données sur leur bioaccumulation chez les mollusques terrestres. Chez ceux-là, la plupart des connaissances ont trait aux effets des composés molluscicides, spécialement chez les limaces qui constituent des nuisances pour l'agriculture (Getzin & Cole, 1964 ; Crowell, 1967a, b ; Judge, 1969 ; Triebskorn & Ebert, 1989 ; Triebskorn et al., 1998), mais aussi chez H. aspersa (Rorke et al., 1974).
2.3.2.1 Accumulation et effets de pesticides et de divers polluants (HAPs, PCBs, anticoagulants …) Après la description du phénomène d'amincissement de la coquille des œufs des oiseaux de proie par Ratcliffe (1967) et son hypothèse selon laquelle les insecticides organochlorés (dont le DDT) en sont responsables, des travaux expérimentaux ont été réalisés pour étudier l'influence de polluants (organochlorés, insecticides organophosphorés, biphényls polychlorés)
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sur l'amincissement de la coquille des œufs des oiseaux (revue dans Cooke, 1973). Les effets des composés du groupe du DDT s'étant montrés les plus importants sur l'épaisseur de la coquille, des expériences ont été faites par Cooke & Pollard (1973) pour étudier les effets du DDT sur le métabolisme du Ca et la formation de la coquille chez H. pomatia. Pendant 29 semaines, ces auteurs ont étudié l'influence de trois concentrations de DDT sur la croissance et la formation de la coquille et de l'opercule de jeunes escargots éclos au laboratoire et nourris avec de la salade contaminée à partir de la 2e semaine. Au début de l'expérience, les quantités (théoriques) de DDT ingérées par chaque escargot par semaine étaient de 0,36 µg (faible dose), 14 µg (dose moyenne) et 570 µg (forte dose). En fin d'expérience, la concentration des résidus (pp'-DDT + pp'-TDE) dans l'ensemble du corps des escargots était d'autant plus forte que les concentrations des solutions de contamination de la salade étaient élevées : 0,26 µg.g–1 (par rapport au poids frais) pour les témoins ; 7,2 µg.g–1 (faibles doses) ; 101 µg.g–1 (doses moyennes) ; 160 µg.g–1 (fortes doses). Cependant, alors que les concentrations relatives auxquelles sont exposés les escargots sont approximativement de 1:40:1 600, les résidus totaux correspondants chez les escargots après hibernation sont de 1:14:22, ce qui signifie, d'après les auteurs, que plus l'exposition est sévère, plus l'absorption est réduite, ou alors que la perte par les tissus est grande, ou les deux. Les effets diffèrent suivant la dose d'exposition ; aux faibles doses, le DDT réduit le poids de la coquille et de l'opercule (métabolisme du Ca perturbé) tandis qu'à forte dose, c'est la croissance générale des animaux qui est inhibée. Expérimentalement, l'accumulation et l'excrétion du 36Cl-DDT a été étudiée chez Cepaea hortensis par Dindal & Wurzinger (1971). Après une ingestion unique de 60 µg de 36ClDDT déposé sur des fragments de laitue, la radioactivité a été mesurée dans 23 tissus différents après 3 à 192 h. Chez quelques escargots, plus de la moitié de l'insecticide est excrétée. Après 4 jours, le niveau de radioactivité dans l'animal entier (sans sa coquille) semblait atteindre un équilibre à 11 ppm (poids frais), avec la plus forte radioactivité dans l'hépatopancréas (91 ppm) et la gonade (27 ppm). Cet insecticide étant très rémanent, il serait intéressant de connaître les effets sur la reproduction des escargots, par exemple, et également sur les décomposeurs exposés via les fèces et les prédateurs. En Grande-Bretagne, dans la nature (vergers et champs de culture), des niveaux de DDT et de ses métabolites dépassant 10 µg.g–1 et même dans un cas 70 µg.g–1 ont été trouvés dans les limaces Agriolimax reticulatus (Davis, 1968 ; Davis & French, 1969). Aux États-Unis, dans deux sites agricoles, Gish (1970) signale que des escargots (espèce non identifiée) contiennent 3,5 µg.g–1 de résidus de DDT, tandis que les limaces en contiennent jusqu'à 200 µg.g–1 et les vers de terre de 50 à 100 µg.g–1. Cette observation est confirmée par Dindal & Wurzinger (1971), qui présentent un tableau récapitulatif des données d'accumulation chez des gastéropodes terrestres et calculent des BAFs par rapport au sol de 2,3 à 17,9 pour les limaces et de 0,1 à 1 pour les escargots (sans identifier les espèces). Ainsi, en fonction des effets décrits par Cooke & Pollard (1973), les escargots des sites agricoles américains ont vraisemblablement subi une réduction de croissance de leur coquille. Chez les escargots (H. pomatia) comme chez A. reticulatus, le pp'-TDE est le principal métabolite soluble dans les graisses qui a été trouvé dans les tissus. Schuytema et al. (1994) ont étudié les effets (stress, croissance et mortalité) de 12 pesticides utilisés dans les traitements forestiers d'Amérique du Nord. Ils ont montré que les concentrations de deux substances (atrazine et azinphosméthyl) dans les tissus d'H. aspersa, après 2 semaines d'exposition au laboratoire par voie alimentaire, ne révèlent pas de bioaccumulation.
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Au cours de ces essais, c'est l'azinphosméthyl (insecticide organophosphoré) qui a été le plus toxique (CL50 à 10 jours : 188 µg.g–1). Zaldibar et al. (2007) ont montré que l’exposition digestive de la limace Arion ater à une mixture de Cd + kérosène durant 27 jours entraînait un transfert significatif de chaque contaminant (904 µg Cd.g–1 et 415 µg kérosène.g–1 après 18 jours d’exposition), une réduction de la consommation et de la croissance. Des biomarqueurs d’exposition ont également été affectés : augmentation des dépôts argentiques (VVBSD, exposition au Cd) et de l’activité acyl-CoA oxydase (AOX, exposition au kérosène). Les auteurs reportent également des variations dans le nombre et la composition des cellules de la glande digestive : moins de cellules et, en particulier, moins de cellules digestives. Durant les 7 jours de la phase de détoxification (nourriture non contaminée) qui a suivi l’exposition, Zaldibar et al. (2007) observent un retour à la normale de l’ensemble des paramètres suivis. Afin de savoir si les escargots, qui sont d'excellents bioindicateurs d'accumulation pour les métaux, pourraient être utilisés également comme indicateurs quantitatifs des pesticides utilisés par l'Homme, notre laboratoire a entrepris des expériences pour suivre le devenir d'un insecticide organophosphoré : le diméthoate, qui est utilisé comme substance de référence pour des tests en cours d'essai dans le programme européen SECOFASE. Cœurdassier et al. (2001) ont montré que cet organophosphoré a des concentrations, dans les escargots, qui augmentent avec celles de la nourriture, bien que le facteur de concentration soit faible (< 5 ×10–3). De plus, ces auteurs ne retrouvent pas de diméthoate dans les fèces, ce qui signifie qu'il est très rapidement métabolisé par les escargots. Malgré cela, les effets sur le comportement d'Helix aspersa, résultant probablement de l'inhibition de l'activité des acétylcholinestérases, sont importants aux doses moyennes ; tandis qu'aux fortes doses, c'est la croissance qui est perturbée (CE50 croissance de la coquille / 28 jours : 657 à 678 µg de diméthoate.g–1 d'aliment). Pour ce toxique, qui provoque la léthargie et le gonflement du corps des animaux, le poids frais total est un paramètre moins sensible (CE50 / 28 jours : 782 et 1 165 µg.g–1 d'aliment). Cœurdassier et al., (2002a) ont également étudié les effets d'une exposition à un substrat (sol artificiel contaminé par du diméthoate). Dans ce cas, les escargots se contaminent par voie « mixte » c'est-à-dire cutanée, lors de leur contact avec le sol, et digestive par le sol qu'ils ingèrent (Gomot et al., 1989). Les résultats montrent que la toxicité du diméthoate est plus importante par voie mixte que par voie digestive. Pour les composés organiques, comme cela est souvent considéré, il faut tenir compte non seulement de la bioaccumulation de la substance elle-même, mais aussi des métabolites produits. Chez les mollusques terrestres, l'incidence écologique des traitements chimiques ou des modifications du milieu aboutissent à des perturbations considérables des populations animales. Par exemple, l'accumulation importante du DDT chez les limaces est compatible avec leur survie, probablement parce que la perturbation du métabolisme du Ca décrite chez les escargots est moins importante pour elles (absence de coquille). Le Ca est un élément qui influence la répartition des escargots (Gärdenfors, 1992) et qui est important pour le maintien de leurs populations. Le résultat est que, sous l'influence conjuguée du DDT et des pluies acides (qui réduisent aussi le métabolisme du Ca), les populations d'escargots et d'oiseaux diminuent (Graveland et al., 1994) alors que les limaces prolifèrent, ce qu’est manifestement contraire aux objectifs d'une gestion écologique raisonnée et raisonnable ! Ces constats soulèvent à nouveau l'urgence qu'il y a à étudier les effets des pesticides et de leurs dérivés ou métabolites sur les organismes non cibles qui vivent sur le sol ou dans la terre, et dont la biodiversité et les interactions sont si importantes pour le fonctionnement des écosystèmes (Hooper et al., 2000).
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Il est en particulier étonnant que les herbicides, qui représentent le plus fort tonnage de pesticides utilisés, n'aient pas fait l'objet de recherches sur les mollusques gastéropodes, dont la plupart sont herbivores ou détritivores et dont la diversité est significativement corrélée à la diversité floristique en milieu forestier (Barker & Mayhill, 1999). Les surfaces de grandes cultures ne sont pas les milieux les plus favorables au développement des escargots, mais ceuxlà fréquentent volontiers les lisières des prés et des champs, ainsi que les bords des chemins et des voies de communication (routes, voies de chemin de fer) au cours de leur recherche de nourriture et de lieux de ponte. Les traitements par les désherbants de ces espaces sont à l'origine de la réduction d'espèces commestibles comme l'escargot de Bourgogne. Parmi les rares études portant sur les résidus de pesticides dans les invertébrés du sol, celle de Druart et al. (2011a) réalisée dans une vigne en Alsace révèle que des escargots exposés en bioindication active aux divers traitements fongicides et herbicides, présentent des concentrations non négligables, en tout cas non attendues d’après les caractéristiques des substances actives. Si peu d’effets ont été démontrés sur la survie et la croissance d’escargots juvéniles placés en microcosmes et soumis aux différents traitements de pesticides, l’accumulation du glyphosate (4 mg/kg de poids sec) et sa métabolisation en AMPA dans les tissus (4 mg/kg de poids sec) a été démontrée. Par ailleurs, le transfert de 2 fongicides, la pyraclostrobine et le tébuconazole (0,7 et 0,8 mg/kg poids sec) a également été mis en évidence à de faibles concentrations, mais pourtant supérieures aux limites maximales de résidus fixées pour les produits d’origine animale ((http://ec.europa.eu/sanco_pesticides/public/index.cfm?event=substance.selection). La présence de résidus de glyphosate ayant également été retrouvée après des expositions prolongée en laboratoire au glyphosate par voie digestive (Druart et al., 2011b ; Druart, 2011), les efforts analytiques pour améliorer la recherche de résidus de divers pesticides dans les tissus animaux demandent à être soutenus et poursuivis. Au cours des dernières années, les capacités de concentration et de métabolisation de divers contaminants organiques de gastéropodes pulmonés terrestres ont été étudiées, car plusieurs espèces sont des sentinelles d'utilisation pratique, aussi bien sur le terrain qu'en laboratoire, pour analyser le transfert des polluants et pour observer les effets toxiques directs ou indirects (chez leurs prédateurs). Ainsi, l'exposition d'escargots (Helix aspersa) à des composés aromatiques polycycliques, comme le naphtalène, s'accompagne de faibles concentrations internes qui peuvent résulter de la métabolisation de cette substance, induisant des modifications du cytochrome P450 (Ismert et al., 2002). Le mode d'utilisation des escargots (Helix aspersa) comme animaux sentinelles pour évaluer les contaminations en ETMs de l'environnement (Gomot de Vaufleury & Pihan, 2000) a été adapté à l'étude des effets de la pollution atmosphérique urbaine en Italie par Regoli et al. (2006), qui ont mis en évidence la capacité de bioaccumulation de HAPs (en particulier de fluorène et de naphtalène) par des adultes de cette espèce après une exposition de 4 semaines. Les études réalisées avec Helix aspersa avaient jusqu'à présent porté sur des animaux à différents stades physiologiques (jeunes ou adultes de provenances diverses), ce qui compliquait les interprétations des observations. Actuellement, on peut utiliser un test AFNOR (2001a ; b) ou ISO 15952 pour analyser en même temps les effets des contaminants et leur bioconcentration chez des animaux d'élevage en cours de croissance. Dans une étude sur la sensibilité d'escargots juvéniles à sept composés aromatiques polycycliques (PACs), Sverdrup et al. (2006), ont constaté que les concentrations internes en carbazole, dibenzothiophène et acridine augmentaient
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avec leur concentration dans le sol agricole contaminé utilisé, mais les concentrations restent inférieures à celles du sol (BSAFs respectifs de 0,1 ; 0,01 et 0,002, indépendants de la concentration d'exposition). Parmi ces PACs, seul le dibenzothiophène inhibe la croissance (EC10 = 1 600 mg.kg–1). D'autres espèces de gastéropodes, qui sont des proies de vertébrés, peuvent concentrer des contaminants organiques. Aux îles Hawaii, Johnston et al. (2005) ont observé que les limaces et les escargots, qui ingèrent des appâts imprégnés d'anticoagulant rodenticide (diphacinone), concentrent cette substance dans leurs tissus en quantité variable selon les espèces. Après une exposition en laboratoire pendant 7 jours, la limace Deroceras leave contient les concentrations les plus élevées (1,63–5,01 ppm) et Limax maximus les plus faibles (limites de détection – 2,26), tandis que les escargots Oxychilus sp. ont une concentration intermédiaire (1,06–2,9). L'anticoagulant est peu excrété et sa teneur ne diminue pas au cours des 7 jours d'exposition. Dans les mêmes espèces exposées en champ, les concentrations sont inférieures et dans l'ordre inverse : 0,69 ppm pour Oxychilus ; 0,61 pour L. maximus et 0,23 pour D. leave. Johnston et al. (2005) n'ont pas noté de toxicité aiguë pour les limaces et les escargots qui se sont nourris d'appâts de diphacinone, mais ils ont développé trois modèles probabilistes de caractérisation du risque de mortalité et de coagulopathie subaiguë chez une espèce d'oiseau (Melamprosops phaesoma) en danger, en se basant sur les doses toxiques déterminées pour des canards et des cailles qui sont moins sensibles aux anticoagulants. Ils ont calculé que les populations de M. phaesoma, dont la nourriture est composée d’environ 60 % d'escargots, peut subir une mortalité augmentée de 3 % pour les adultes et de 8 % pour les populations. Aux Pays-Bas, dans des zones de plaines inondables polluées par des ETMs et des contaminants organiques, Hamers et al. (2006) ont analysé les expositions des escargots et des vers de terre en mesurant les potentialités d'activation du récepteur AhR des extraits de glande digestive de Cepaea nemoralis et d'homogénats de vers de terre en utilisant le bioessai DRCALUX (induction de luciférase dans les cellules transfectées H4IIE d'hépatome de rat). L'expression des réponses aux extraits d'escargots ou de vers de terre est exprimée en concentrations équivalentes de BaP (BEQ) et de TCDD (TEQ) exprimées en µg BEQ ou TEQ par g de poids sec de glande digestive d'escargot. Parmi les petits mammifères des territoires contaminés les carnivores (musaraigne : Sorex araneus) apparaissent plus à risques que les herbivores (campagnol roussâtre : Clethrionomys glareolus), étant donné les niveaux plus élevés d'exposition par les proies consommées (C. nemoralis et Lumbricus rubellus).
2.3.2.2 Étude du transfert d'un herbicide, l'isoproturon, et de ses métabolites chez H. aspersa À notre connaissance, l’une des rares études concernant l'analyse d'un herbicide et de ses métabolites chez les gastéropodes a été menée par Scheifler (2002). La biodisponibilité, le transfert et la dégradation de l'isoproturon (herbicide phénylurée) marqué au 14C dans une chaîne alimentaire « sol–plante–invertébré » ont été étudiés en microcosme dans une chaîne alimentaire constituée de trois compartiments: sol–plante (Zea mays)–escargot (Helix aspersa). Trois modalités expérimentales sont mises en œuvre : l'isoproturon est appliqué (1) à la surface du sol, (2) sur le sol et la plante, et (3) sur la plante uniquement. Les escargots, introduits dans les microcosmes juste après l'application de l'isoproturon marqué, sont exposés pendant 4 semaines. À la fin de l'expérience, le premier centimètre du sol, les plantes et
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les escargots sont prélevés séparément et l'activité totale en 14C est mesurée dans chaque composante du système. L'isoproturon et ses métabolites sont identifiés par HPLC. Dans les échantillons de sol, les résidus non extractibles représentent 40 % de l'activité totale. Les résidus extractibles sont constitués de 70 % d'isoproturon natif, de 11 % de monodéméthyl-isoproturon et de métabolites, identifiés ou non, en plus faibles proportions. Après les 4 semaines, l'activité en 14C qui subsiste dans les plantes est très faible. Les analyses HPLC suggèrent que les résidus extractibles dans les échantillons de plante sont constitués de 20 à 45 % d'isoproturon natif et de métabolites non identifiés.
Figure 29 (a) Mesure du transfert de l’isoproturon du sol et/ou de la plante vers l’escargot, par analyse de la
radioactivité dans les viscères (n=3 ou 4 pools des viscères de 5 escargots) d’H. aspersa exposés à cet herbicide marqué au 14C. (b) Proportion des différentes formes de radioactivité dans les viscères selon les modalités d’exposition. Les escargots sont exposés en microcosmes dans lesquels l'isoproturon est appliqué soit à la surface du sol (modalité 1), soit sur le sol et la plante (2), soit sur la plante uniquement (3). Non-extractible : radioactivité non extraite par ASE (Accelerated Solvent Extraction) ; E1 : fraction de la radioactivité contenue dans la partie non retenue en SPE (Solid Phase Extraction) de la fraction extractible en ASE ; E2 : radioactivité de la fraction éluée en SPE.
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L'activité en 14C dans les escargots exposés au sol et à la plante contaminés est la plus forte (Figures 29a et 29b). Elle est proche de celle mesurée dans les escargots exposés au sol contaminé et est 8 fois supérieure à celle mesurée dans les escargots exposés à la plante contaminée. La nature et/ou la proportion des résidus extractibles dans les échantillons d'escargots varient en fonction de la modalité d'exposition, mais l’on observe également des différences qui restent à expliquer entre répliquats d'une même modalité. Dans les escargots, une part importante des résidus marqués est constituée par des métabolites non identifiés, qui diffèrent de ceux retrouvés dans le sol (Scheifler, 2002) et qui résultent sans doute des transformations métaboliques de l'herbicide. La proportion des résidus extractibles E1 est plus importante pour les animaux exposés à l’isoproturon via le maïs (48 %) que via le sol (25 %) ou via le sol et le maïs (26 %) (Figures 29a et 29b) ; ces résidus pourraient en partie correspondrent à des conjugués de l’isoproturon. Les microcosmes utilisés pour cette expérience ont permis de démontrer le transfert et la dégradation de l'isoproturon dans cette chaîne alimentaire à trois compartiments ; ils devraient permettre de suivre le transfert et les modifications d'autres polluants organiques dans divers types de cultures et de milieux naturels ou transformés.
2.3.3 Conclusions Au terme de la présentation des recherches réalisées sur la bioaccumulation des contaminants chez les mollusques gastéropodes terrestres, on constate un déséquilibre entre les travaux concernant d'une part le devenir et les effets des ETMs, et d'autre part l'absorption et le métabolisme des composés organiques. Les causes sont sans doute multiples. Certaines peuvent être attribuées à des caractéristiques biologiques et écologiques des mollusques, tandis que d'autres dépendent de la nature des contaminants. En effet, même si les métaux subissent des modifications au cours du temps dans le sol ou dans les organismes (spéciation, adsorption liée au vieillissement…), les techniques chimiques et physiques d'extraction et de dosage sont bien codifiées et permettent de suivre les éléments métalliques dans les compartiments abiotiques et biotiques des écosystèmes. Dans ce domaine, l'adaptation de la technique de dilution isotopique à l'évaluation de la biodisponibilité du Cd pour les escargots par Scheifler et al. (2003b) a montré que des invertébrés terrestres (escargots) peuvent prélever une quantité mesurable de métal lié à la matrice du sol, et que la théorie généralement admise chez les vers de terre d'une absorption des métaux provenant uniquement de l'eau interstitielle sous-estime la contamination des organismes qui ingurgitent du sol. Les nombreuses recherches réalisées depuis 50 ans sur la bioaccumulation des métaux chez les gastéropodes font que quelques espèces à vaste répartition mondiale constituent des auxiliaires précieux de détection des contaminations, que ce soit par bioindication passive ou bioindication active. Le petit nombre de recherches consacrées au devenir des contaminants organiques chez les mollusques terrestres est probablement la conséquence des difficultés d'extraction et de dosage de ces substances, mais les mêmes problèmes se posent dans le cas d'autres organismes comme les vers de terre, chez lesquels les travaux sont pourtant beaucoup plus nombreux. Cette différence est probablement imputable aux caractéristiques biologiques et écologiques des gastéropodes terrestres. En effet, les vers de terre sont considérés comme l'une des composantes biologiques essentielles des sols, même si d'autres groupes comme les nématodes, les crustacés isopodes, les acariens et les mollusques participent largement aux cycles de la matière du sol et de son environnement (Dallinger et al., 2001a). Les mollusques gastéropodes souffrent du fait que certains d'entre eux sont considérés comme des espèces nuisibles et que
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les produits (molluscicides) utilisés pour détruire les limaces, par exemple, affectent d'avantage les escargots (qui s'enfouissent moins) que les limaces. De plus, les hommes font souvent peu de cas des autres auxiliaires obscurs que sont les organismes « non cibles » qui peuvent être affectés par les pesticides, même si certains d'entre eux, comme les escargots ou les abeilles, contribuent, pour partie, à leur alimentation. Parmi les perspectives concernant les mollusques terrestres, toutes les conditions de connaissances sont réunies pour que les escargots, qui font l'objet de deux tests normalisés d'effets (AFNOR, 2001a, b ; ISO 15952), soient utilisés pour élargir la gamme d'espèces terrestres utilisables pour l'évaluation du potentiel de bioaccumulation des métaux, limitée actuellement aux oligochètes (OECD, 2010b). Que ce soit via des bioessais monospécifiques (de Vaufleury et al., 2006; Gimbert et al., 2008; Druart et al., 2011a, 2011b ; 2012), des chaînes expérimentales simplifiées (Hispard et al., 2008; de Vaufleury et al., 2009; 2011) ou par des mesures de bioindication active (Pauget et al., 2013) ou passive (Mazzia et al., 2011 ; Mourier et al., 2011), on dispose à présent de méthodes pour pouvoir intégrer les escargots dans l'évaluation du risque écologique en milieu terrestre notamment pour caractériser la biodisponibilité environnementale et/ou toxicologique des contaminants (de Vaufleury et al., 2006; 2012 ; Grand et al., 2012). Dans le cas des contaminants organiques, des efforts doivent être réalisés pour analyser leur absorption et leur métabolisme chez les espèces végétales et animales, et considérer les transferts entre compartiments abiotiques et biotiques dans leur ensemble, et non seulement chez les espèces cibles ! Les résultats de transferts entre niveaux trophiques par utilisation de microcosmes appropriés en champs (Scheifler et al., 2003 ; Gimbert et al., 2008 ; Pauget et al., 2013) et en laboratoire (Scheifler et al., 2006 ; Fritsch et al., 2008) ouvrent la voie à la connaissance des mécanismes complexes qui se produisent dans les échanges au niveau des écosystèmes. Dès à présent, d'un point de vue pratique, plusieurs espèces d'escargots sont utilisées comme animaux sentinelles pour évaluer les contaminations, aussi bien métalliques qu'organiques des sols, des végétaux et de l'atmosphère car leur manipulation est simple, facile et peu onéreuse.
2.4 Arthropodes Les communautés d'arthropodes terrestres comprennent une grande variété de modes de vie et représentent de bons modèles pour analyser les conséquences écologiques de l'exposition aux toxiques en relation avec les capacités d'accumulation des espèces. De nombreuses études d'écotoxicologie ont été réalisées chez les arthropodes pour analyser les conséquences à différents niveaux biologiques des substances toxiques. Ces travaux portent parfois sur l'action d'une substance sur plusieurs espèces, parfois sur l'action de plusieurs substances sur une ou plusieurs espèces de la même classe ou de classes différentes. La présentation générale de cette revue étant basée sur la classification des animaux, nous examinerons séparément les principales classes d'arthropodes, tout en sachant que plusieurs travaux consistent en comparaisons d'actions de plusieurs substances sur différentes espèces. Ces comparaisons sont résumées sous forme de tableaux placés dans l’une ou l’autre des classes d’arthropodes concernées ou dans la conclusion.
2.4.1 Crustacés isopodes À cause de leurs caractéristiques écologiques et du rôle clé qu'ils tiennent dans les phases initiales de la décomposition de la matière organique des litières, les isopodes (Photographie 14) sont de bons candidats pour les recherches en écotoxicologie terrestre (Drobne, 1997 ; Godet et al., 2011, 2012). Les travaux les plus nombreux concernent l'accumulation des métaux.
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Cependant, ces dernières années, le devenir et l'action de quelques composés organiques (HAPs et insecticides) ont été abordés et il est souhaitable que des investigations soient poursuivies sur le métabolisme et l'action des pesticides organiques dans ces espèces « non cibles », qui ont un rôle majeur dans la dégradation des litières et la nutrition des végétaux.
2.4.1.1 Éléments traces métalliques 2.4.1.1.1 Études sur le terrain
Dans la nature, l'extraordinaire capacité d'accumulation des métaux dans les isopodes a tout d'abord été mise en évidence par l'analyse de cloportes collectés dans divers sites contaminés par des métaux. Dès 1961, Wieser & Makart signalent des teneurs de plus de 1,5 % en Cu du poids sec d'individus de Porcellio scaber récoltés sur les pentes des déblais d'une mine désaffectée de Cornouailles, en Angleterre. L'utilisation du cloporte Oniscus asellus, comme bioindicateur de la contamination de sols forestiers par le Cd, a été proposée par Coughtrey et al. (1977). La capacité de concentrer plusieurs métaux (Cd, Pb, Zn) a été notée par Williamson (1979b) chez les deux espèces de cloportes (Oniscus asellus et Philoscia muscorum) et chez un escargot (Cepaea hortensis) récoltés sur les bords de routes suburbaines (Nord du Yorkshire, GB). Pour chacune des deux espèces de cloportes, les facteurs de concentration sont très variables et dépendent de facteurs d'environnement saisonniers, mais aussi de la taille des individus–il n'existe pas de différence suivant le sexe. Par la suite, Porcellio scaber a été proposé, comme indicateur de pollution par le Zn, le Pb et le Cd (Hopkin et al., 1986). Par dosage du Cd dans l'hépatopancréas de Porcellio d'un territoire de 40 km de côté en Angleterre, ces auteurs ont dressé une représentation en trois dimensions des concentrations en Cd, qui met bien en relief les fortes contaminations à Hallenwood (797 µg.g–1), près des fonderies d'Avonmouth, et à Sipham (699 µg.g–1), près de mines désaffectées de Zn fortement contaminées par le Cd. Les concentrations au-dessus de la normale s'étendent jusqu'à 25 km à l'est des fonderies. L'utilisation de l'espèce Oniscus asellus comme bioindicateur de sites pollués a été confirmée par Hopkin & Martin (1982a, b) et Hopkin (1989) car les différences de concentration des métaux dans ses tissus (principalement hépatopancréas) sont très importantes, suivant le fait que les sites soient contaminés ou non (Tableau 26). Sur des sites très contaminés, O. asellus peut présenter des concentrations en Zn, Cd, Pb et Cu dans sa glande digestive excédant respectivement 1,2 %, 0,4 %, 2,5 % et 3,4 % de son poids sec sans effet nocif apparent (Hopkin & Martin, 1982a). Cependant, lorsque la concentration en Zn et Cd dépasse respectivement 1,5 % et 0,5 % les cloportes deviennent moribonds (Hopkin & Martin, 1984a). Les deux espèces d'isopodes, Porcellio scaber et Oniscus asellus (Photographies 14 et 15), ont été utilisées par Hopkin et al. (1989) pour étudier la répartition de la pollution par le Zn dans la région de Reading (Sud-Est de l'Angleterre). Ces auteurs ont noté que les concentrations du Zn dans le corps de P. scaber sont environ 2 fois celles d'O. asellus, ce qui met en évidence l'importance de l'identification précise des espèces dans les études de bioindication. Les différences de bioaccumulation des métaux chez ces deux espèces ont été observées pour d'autres métaux sur différents sites. Ainsi, Gál et al. (2008), en mesurant la bioaccumulation de six ETMs chez P. scaber et O. asellus prélevés sur 13 espaces publics de la région urbaine de Renfrewshire (Royaune-Uni), ont classé les potentiels de bioaccumulation (FBC, rapport des concentrations dans les isopodes sur les concentrations dans le sol) de la façon suivante : Cu > Cd > Pb > Cr > Zn > Fe pour O. asellus et
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Cu > Zn > Cd > Cr > Fe pour P. scaber. Les concentrations internes mesurées sont en général peu corrélées avec les différentes fractions disponibles dans les sols (échangeable, réductible, oxydable et résiduelle obtenues par extractions séquentielles), mais largement influencées par des facteurs du sols (en particulier le pH et le taux de matière organique) et des différences écologiques et physiologiques entre les deux espèces. Hopkin (1993) signale que les concentrations de Cd chez P. scaber des régions minières du Sud-Ouest de l'Angleterre peuvent être prédites avec plus de précisions à partir des concentrations en Cd chez O. asellus qu'à partir de celles du sol, d'où l'intérêt d'évaluer et de comparer la bioaccumulation dans plusieurs espèces de la faune du sol. C'est ce qu'ont fait Dallinger & Berger (1992) en effectuant une cartographie détaillée en trois dimensions des pollutions par le Cd et le Pb de deux villes autrichiennes (Enns et Innsbrück), par mesure de la bioaccumulation de ces deux métaux chez des isopodes (P. scaber) et des escargots (Arianta arbustorum), après avoir réalisé une cartographie détaillée de la pollution urbaine par le Cd et le Pb à Innsbrück (Autriche) avec P. scaber (Dallinger et al., 1992). Les capacités de bioaccumlulation des isopodes ont également été utilisées en région subtropicale pour évaluer les variations saisonnières des concentrations internes en Cd, Pb, Cu et Zn chez P. laevis prélevés sur quatre sites non contaminés (Hussein et al., 2006). Le calcul des FBAs (rapport des concentrations dans les isopodes sur les concentrations dans la litière) et des FBCs (rapport des concentrations dans les isopodes sur les concentrations dans le sol) montre des variations marquées au cours de l’année, avec une augmentation des FBAs au printemps et en été, alors que les FBCs étaient les plus élevés en été et en automne. Selon les auteurs, la température pourrait être le principal facteur responsable de ces variations saisonnières (Hussein et al., 2006). TABLEAU 26
Oniscus asellus
n= 6
n= 6
Concentrations en métaux des tissus d’Oniscus asellus d’un site non contaminé et d’un site contaminé d’Angleterre. À comparer avec le tableau 11 donnant les concentrations des mêmes métaux dans H. aspersa récoltés sur les mêmes lieux. Site non contaminé (Snc) – Kynance Cove, Cornwall, Angleterre Organes Hépato pancréas Intestin Reste Total Hépato pancréas Intestin Reste Total Rapports Sc -------- Hep Snc Sc------Tot Snc
Cu
Zn
Cd
Pb
1 050 200
652 120
94,2 11,1
31,5 6,3
62 17,4 256 83 0,71 0,12 14,3 5,8 51,5 9,2 62,3 6,6 0,09 0,04 1,72 0,44 115 42 108 25 5,93 1,01 4,15 0,91 Site contaminé (Sc) – 1 km des fonderies d’Avonmouth, Angleterre 8 090 2 260 6 600 1 570
2 280 580
3 100 1 080
138 25 54,3 4,0 567 138
375 113 60,6 5,6 488 103
64,0 17,2 5,98 1,37 152 37
585 232 46,0 13,1 413 150
8-----------090= 7,7 1 050
6-----------600= 10,1 652
2280 ------------ = 24 94
3-----------100= 98,4 31,5
567 --------- = 4,9 115
488 --------- = 4,5 108
152--------= 25 5,93
413--------= 99,5 4,15
Auteur
Hopkin (1989)
Hopkin (1989)
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
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La concentration en métaux est exprimée en µg.g–1 de poids sec. Le coefficient d’augmentation de la concentration des métaux dans les tissus des animaux ramassés en zone contaminée est obtenu en effectuant le rapport : Sc concentration en métal des tissus en site contaminé -------- = --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- · Snc concentration en métal des tissus en site non contaminé Sc Sc On a calculé -------- Hep pour l’hépatopancréas et -------- Tot pour l’ensemble du corps. Snc Snc Les isopodes (P. scaber) peuvent accumuler de fortes concentrations en métaux sans que cela ne se traduise par une augmentation de l'asymétrie fluctuante comme l'ont montré Godet et al. (2012) sur des populations d’isopodes prélevés sur 8 sites du Nord de la France diversement contaminés. Si des relations positives ont été trouvées entre concentrations dans l’environnement et dans les isopodes, cela n’a pas entraîné de modifications des paramètres mesurés (9 mesures de diverses parties des antennes et des péréiopodes) pour évaluer l’asymétrie fluctuante, marqueur de la stabilité du développement. 2.4.1.1.2 Études en laboratoire
Les modalités de l'absorption et de l'excrétion des métaux ont été étudiées expérimentalement en laboratoire par contamination de la nourriture d'isopodes prélevés dans la nature ou élevés en conditions contrôlées. L’absorption et l’accumulation du Cu et du Ni ont été analysées chez O. asellus (Alikhan & Storch, 1989), tandis que la régulation du Mg et du Mn a été suivie chez Porcellio spinicornis (Bercovitz & Alikhan, 1989). À partir de cloportes (O. asellus et P. scaber) prélevés dans deux forêts caduques anglaises (Wetmoor Wood : non contaminée et Haw Wood : contaminée) et nourris pendant 20 semaines avec des feuilles provenant des deux sites, Hopkin (1990) a déterminé les concentrations en Cd, Pb, Zn, Cu et Fe de l'hépatopancréas, de l'intestin et du reste du corps des deux espèces. Il note des différences considérables d'accumulation ou de perte du Zn, du Cd et du Pb. Cd et Pb sont accumulés en plus grande quantité chez O. asellus que chez P. scaber. À la fin de l'expérience (20 semaines), les concentrations moyennes en Cd et en Pb de l'hépatopancréas sont 5 fois plus élevées chez O. asellus que chez P. scaber avec les deux types de nourriture. En revanche lorsque la nourriture n'est plus contaminée, le Zn disparaît rapidement de l'hépatopancréas d'O. asellus, tandis qu'il est retenu dans celui de P. scaber. Les concentrations en Fe augmentent dans les deux espèces, mais le métal est stocké de façon prédominante dans l'intestin et non dans l'hépatopancréas. Le Cu est accumulé dans l'hépatopancréas des deux espèces. Les comparaisons des teneurs en métaux dans les tissus des isopodes en bonne santé et moribonds suggèrent que la mort des individus est provoquée par le Zn. Les concentrations critiques en Zn de l'hépatopancréas (en fonction du poids sec) sont de l'ordre de 15 000 µg.g–1 chez O. asellus et de 25 000 µg.g–1 chez P. scaber. Les différences d'assimilation et de perte du Cd et du Zn chez ces deux espèces ont été précisées par utilisation de 109Cd et de 65Zn (Hames & Hopkin, 1991). Chez P.scaber des corrélations négatives, ont été trouvées les concentrations (totales et extractibles au CaCl2) de Cd, Pb et Zn de 4 litières de feuilles prélevées sur site le long d'un gradient de contamination et la croissance (Godet et al., 2012). Lors de l'évaluation des effets du Cd sur la reproduction et la croissance de quatre espèces d'arthropodes terrestres : Porcellio scaber (isopode), Folsomia candida, Orchesella cincta
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(collemboles) et Platynothrus peltifer (oribatide), Crommentuijn et al. (1995) ont mis en évidence des relations linéaires entre la concentration en Cd dans les animaux et celle de la nourriture. Les plus fortes concentrations en Cd, en fonction de celles de la nourriture (après 68 et 308 jours) sont trouvées chez P. scaber (avec un fort potentiel d'accumulation dans l'hépatopancréas déjà signalé par Hopkin, 1989, 1990) et les plus faibles chez F. candida. Des comparaisons quantitatives des capacités de bioaccumulation de métaux (Cd, Pb, Zn) de quatre espèces d'invertébrés saprophages ou phytophages (3 arthropodes et 1 gastéropode) nourris 3 semaines avec de la nourriture contaminée (litière de feuilles partiellement décomposées arrosées avec une solution aqueuse de chaque métal séparément) ont montré à Gräff et al. (1997) qu'en général, les concentrations dans les animaux sont dose-dépendantes et augmentent avec la concentration des métaux dans la nourriture, mais avec des particularités spécifiques (Tableau 27). Parmi ces espèces, c'est l'isopode P. scaber qui montre la plus grande capacité de bioaccumulation du Cd, tandis que pour le Pb et le Zn, les ordres de grandeur sont comparables à ceux du collembole Tetrodontophora bialanensis et du diplopode Julus scandivianus, mais avec des réponses à la dose beaucoup plus nettes chez P. scaber (principalement pour le Pb). Dans tous les cas, les FBCs diminuent avec l'augmentation du contenu en métaux lourds du substrat, excepté chez les limaces Deroceras reticulatum (pour le Pb). Dans le cas du Zn (Bibic et al., 1997), la relation entre la quantité de métal de P. scaber et celle de la nourriture permet de calculer un facteur de concentration, qui diminue lorsque les concentrations en Zn radioactif augmentent dans les feuilles dont se nourrit l’animal. TABLEAU 27
Métal Cd
Pb
Zn
Comparaison des concentrations en Cd, Pb et Zn des solutions de contamination de la nourriture (litière de feuilles contaminée par trempage) et du corps du collembole T. bielanensis et de l’isopode P. scaber (moyennes ± écart-type). (D’après Gräff et al., 1997.) Solution de trempage (mg.L–1 )
Litière (mg.kg–1.poids sec)
T. bielanensis (collembole) (mg.kg–1.poids sec)
P. scaber (isopode) (mg kg–1.poids sec)
0
0,4
0,8 ± 0,4
5,1 ± 3,7
10
57,3
2,9 ± 2,0
107,9 ± 89,2
50
222,2
5,5 ± 1,5***
214,9 ± 42,3**
100
418,6
17,8 ± 5,2
195,4 ± 76,6**
0
7,1
34,1 ± 12,8
2,9 ± 2,3
100
517,1
29,6 ± 22,2
73,5 ± 26,4**
500
2 777,5
143,3 ± 57,2*
211,0 ± 67,2***
1 000
7 675,0
215,9 ± 209,5
263,7 ± 68,2***
0
4,0
365,0 ± 174,4
170,7 ± 59,4
500
1 975,6
387,3 ± 84,1
252,9 ± 89,4
1 000
5 729,7
459,4 ± 175,1
221,3 ± 104,6
5 000
22 052,3
620,3 ± 377,3
302,4 ± 18,3**
Différences significatives des concentrations en métaux des animaux contaminés par rapport aux témoins (test t de Student) : * peu significatif (0,01 < p < 0,05) ; ** significatif (0,001 < p < 0,01) ; *** très significatif (p < 0,001).
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Chez les isopodes et en particulier chez P. scaber, les relations entre le taux d'absorption du Zn, la charge du corps en Zn et la toxicité sont compliquées car la mortalité, estimée par Hopkin (1990), apparaît à partir de la concentration en Zn de 25 000 µg.g–1 ps dans l'hépatopancréas, ce qui correspond à une valeur critique de 1 600 µg.g–1 ps de l'ensemble du corps, tandis que l'inhibition de la croissance est déterminée par le taux d'accumulation du Zn, qui est absorbé avec la nourriture par l'organisme, et dont la valeur critique est estimée à 53 µg.g–1 par semaine (Van Straalen et al., 2005). Pour ces auteurs, les effets sublétaux et chroniques dépendent plutôt du flux auquel une substance toxique pénètre dans l'organisme que de sa concentration dans l'organisme, et ils supposent, comme Vijver et al. (2004), que les charges en métaux du corps peuvent consister en deux ou plusieurs pools métaboliques avec des cinétiques distinctes et des significations toxicologiques différentes. Il s'ensuit que la biodisponibilité pour chaque espèce devrait être exprimée par rapport à une « cible » définie (tissu, organe…) ou de préférence à une série de « cibles » définies. Porcellio scaber se révèle également une espèce d'isopode permettant d'évaluer expérimentalement, à partir d'une nourriture de feuilles de noisetier contaminées par du 203Hg2+, les niveaux d'absorption, de rétention et d'excrétion du mercure, qui subit dans son tube digestif des transformations (méthylation, déméthylation et volatilisation) variables selon la date d'exposition et dont une partie s'accumule dans la glande digestive ou l'intestin (Jereb et al., 2003). La dynamique de l'accumulation et de l'élimination du Cd et du Pb (à trois concentrations différentes dans la nourriture) a été étudiée par Witzel (1998) au cours de la croissance (pendant 6 mois) de jeunes Porcellio scaber élevés en laboratoire, à partir d'animaux récoltés dans un site non contaminé à Niedersachsen (Allemagne) et nourris avec des feuilles de charme (Carpinus betulus). L'accumulation du Cd et du Pb dans P. scaber présente deux phases. Jusqu'à l'âge de 2–3 mois, l'assimilation dépasse le taux de croissance et conduit à des concentrations augmentant rapidement. Après 3 mois, le taux d'accumulation est proportionnel au taux de croissance ; les concentrations en métaux restent donc stables tandis que les charges totales en métaux par animal augmentent, ce qui constitue un paramètre plus approprié pour apprécier l'impact chez les prédateurs. La décontamination, suivie pendant 2 mois avec de la nourriture non contaminée, montre que P. scaber est capable d'éliminer environ 40 % du Pb assimilé en 2 semaines, alors qu'il n'y a pas d'élimination de Cd pendant 7 semaines (contrairement à ce qui avait été décrit par Hames & Hopkin, 1991). La contamination des feuilles par trempage 3 heures dans une solution des deux métaux se traduit par une réduction significative de la croissance des cloportes ; cette inhibition augmente avec les concentrations. Les jeunes P. scaber constituent donc de bons bioindicateurs d'effets (sur la croissance) et d'accumulation des métaux dans leurs tissus. Les différences de décontamination décrites par les auteurs résultent probablement de l'influence de facteurs de l'environnement (conditions de culture, saison…) ou d'état physiologique des animaux (âge, taille…) dont l'importance avait déjà été mise en évidence avec différentes espèces d'isopodes collectées dans 14 sites du Tyrol (Autriche) pour la concentration du Cu (Wieser et al., 1977). Mais la différence peut également résulter d'interactions entre les métaux car Witzel (2000), utilisant à nouveau de jeunes P. scaber d’élevage, montre que l'accumulation et l'excrétion de Cd et de Pb sont modifiées par la présence de Zn. En particulier, alors qu'il n'y a pas d'élimination du Cd au cours des 7 semaines de décontamination qui suivent la phase de contamination mixte Cd-Pb, P. scaber devient capable d'excréter du Cd, mais aussi du Zn après contamination mixte Cd-Zn à forte concentration. Selon l'auteur, cela signifierait que le Zn
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inhibe la translocation complète du Cd et du Zn dans l'hépatopancréas et que la fraction de ces métaux, qui reste dans l'hémolymphe et les autres tissus, peut être excrétée. Le rôle du Pb dans les différences d'accumulation du Zn reste à préciser et l'étude d'autres interactions métalliques sera utile pour interpréter les contaminations complexes qui se produisent dans la nature. Les cinétiques d'accumulation et d'élimination du Cd et du Zn ont été déterminées chez P. scaber par exposition à du sol et/ou de la nourriture contaminés en utilisant des isotopes radioactifs (109Cd et 65Zn), ce qui a permis à Vijver (2005) de constater que le taux d'absorption du Zn et du Cd par le sol était équivalent à celui de l'absorption par la nourriture (feuilles de peuplier). La localisation tissulaire, cellulaire et subcellulaire des ETMs a été décrite dans l'hépatopancréas et l'intestin de plusieurs espèces et, en particulier, dans les granules auxquels se lient les métaux chez O. asellus (Clifford & Witkus, 1971), dans les lysosomes de P. scaber (Dallinger & Prosi, 1988) et une revue des connaissances de l'époque a été faite par Hopkin (1989). Prosi et al. (1983) ont donné une description des petites cellules des glandes digestives des isopodes terrestres, où s'accumulent les métaux, et Hames & Hopkin (1991) ont trouvé des différences d'abondance relative de deux types de cellules (grandes et petites) entre P. scaber et O. asellus, cette dernière espèce étant capable d'éliminer journellement le Zn dans la lumière de l'hépatopancréas par les grosses cellules, alors que P. scaber ne l'est pas. Les interactions des métaux dans les tissus mous ainsi que leurs régulations ont été examinées par Beeby (1991), qui insiste sur l'importance des interactions entre métaux dans les tissus des invertébrés terrestres exposés aux pollutions métalliques. Une illustration de ces interactions concerne l'absorption du Pb par P. scaber (Beeby, 1978), en relation avec l'assimilation du calcium. Ainsi, la charge en Pb de la mère réduit la quantité de Ca qu'elle fournit aux jeunes en développement dans la poche incubatrice (Beeby, 1980). Les plus fortes concentrations en Pb et en Cd de l'hépatopancréas d'Oniscus d'un même site contaminé que Porcellio seraient la conséquence d'une plus forte proportion de ces métaux retenue dans l'exosquelette davantage calcifié de Porcellio (Hopkin et al., 1985a). D'autres interactions ont été décrites entre le Mn et l'assimilation du Ca et du Mg chez P. spinicornis (Bercovitz & Alikhan, 1989). L'exposition de P. scaber pendant 2 semaines à du sol et/ou de la nourriture contaminés avec des métaux marqués (109Cd et 65Zn) et la réalisation de coupes transversales observées par autoradiographie montrent que le Cd et le Zn sont principalement absorbés par la voie digestive et qu'ils sont stockés dans l'hépatopancréas, tandis que les quantités de Cd et de Zn adsorbées par le tégument et l'exosquelette sont négligeables (Vijver, 2005). L'adsorption de ces métaux au niveau de la paroi du corps ne semble donc pas un facteur limitant à leur absorption pendant des périodes plus longues ; des recherches complémentaires sont nécessaires pour préciser la cinétique des métaux dans le tégument des cloportes. La relation entre l'accumulation des métaux et leurs effets mérite d'être approfondie expérimentalement chez différentes espèces, en considérant les principales phases biologiques de ces animaux. Chez des P. scaber juvéniles, en présence de Pb, le Cd à la plus forte concentration (30 mg.kg–1) présente un facteur de concentration de 3 à 1 mois ; de 10 de 2 à 3 mois et de 17 de 5 à 6 mois (Witzel, 1998). À cette concentration, la croissance est réduite significativement. Sur une durée beaucoup plus courte, des tests de toxicité aiguë et de comportement ont été réalisés par Odendaal & Reinecke (1999) avec P. laevis récoltés dans les jardins botaniques
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de l'université de Stellenbosch (Afrique du Sud) et exposés à des feuilles de chêne dont la contamination par du sulfate de cadmium s'étale de 10 000 à 40 000 mg.kg–1 en poids sec. La CL50 de 26 700 mg.kg–1 après 14 jours d'exposition indique une tolérance élevée à la contamination par le Cd. Cette résistance est peut-être due à la capacité de ces cloportes à distinguer et éviter les feuilles contaminées par les plus fortes concentrations. Cependant, ils mangent encore une certaine quantité de nourriture contaminée et leur corps contient des concentrations en Cd (de 616 mg.kg–1 à 1 115 mg.kg–1) qui augmentent en fonction de la concentration de la nourriture, mais de façon non significative, contrairement à ce qui a été observé par Witzel (1998) chez les jeunes P. scaber exposés à de bien plus faibles concentrations (0,3 ; 3 et 30 mg.kg–1). Cela est probablement la conséquence de deux phénomènes : d'une part, la répulsion de la nourriture fortement contaminée et d'autre part, l'action toxique de ces concentrations qui limite la détoxification par accumulation ou perturbe les capacités d'excrétion, qui sont souvent considérées comme le facteur principal des différences spécifiques des stratégies d'accumulation (Hopkin, 1990). L'influence de la réduction du taux d'alimentation comme mécanisme de régulation d'absorption de métaux par les isopodes, observé par Dallinger (1977) pour le Cu, a été confirmée expérimentalement pour le Cu, ainsi que pour Cd et Zn, avec des individus pré-adultes de P. scaber élevés en laboratoire (3e génération) (Zidar et al., 2003). 2.4.1.1.3 Tolérance aux métaux
Des cas de tolérance et d'acclimatation au Zn ont été signalés chez P. scaber (Joosse et al., 1981), qui accumule 4 fois plus de Zn dans son hépatopancréas qu'Oniscus provenant du même site (Hopkin et al., 1985a). Il a été suggéré que l'augmentation de l'accumulation de Cd et de Zn chez Porcellio d'un site pollué serait due à l'augmentation de production d'une protéine de liaison spécifique (Van Capelleveen, 1985). Cependant, ce type de protéine n'a pas été détecté dans l'hépatopancréas de Porcellio examiné par Dallinger & Prosi (1988) et la seule production d'une protéine de liaison aux métaux ne peut pas expliquer les différences de sensibilité entre les populations d'isopodes de sites pollués et non pollués (Donker et al., 1996). De nouvelles recherches sont nécessaires pour confirmer ou infirmer la présence de protéines de liaison aux métaux chez les isopodes, et leur relation avec la tolérance et son éventuelle héritabilité. En effet, expérimentalement, en exposant en laboratoire pendant 3 semaines de jeunes P. scaber de 1re génération issus d'animaux provenant de 3 sites (1 non contaminé, 2 contaminés), Donker & Bogert (1991) ont démontré l'existence d'une tolérance héréditaire au Cd car les jeunes issus des sites contaminés sont moins sensibles ou indifférents à la contamination par le Cd. 2.4.1.1.4 Intérêt des isopodes pour l'étude de la biodisponibilité des métaux
Étant donné leurs caractéristiques écologiques, leur vaste répartition dans presque tous les types d'écosystèmes, la facilité de leur capture et leur robustesse en élevage (Carefoot, 1993), des tests létaux ou sublétaux ont été réalisés, principalement avec P. scaber (Hornung et al., 1998) ; cette espèce semble l'une des plus appropriées à l'évaluation de la biodisponibilité des métaux dans les écosystèmes terrestres (Hopkin et al., 1993). D'autres espèces, comme P. muscorum et O. asellus, du milieu forestier européen (Mocquard et al., 1987) ou Porcellionides pruinosus d'Indonésie (Vink et al., 1995), mais aussi Armadillidium vulgare (Hassall & Dangerfield, 1997) très largement répandu, de même que Porcellio dilatatus représentatif de l'Europe du sud (Mocquard et al., 1976 ; Caseiro et al., 2000 ; Calhôa
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et al., 2006), ainsi que P. laevis d'Afrique du Sud (Odendaal & Reinecke, 1999 ; Hussein et al., 2006) peuvent aussi être utilisées comme bioindicateurs des sols contaminés en combinant l'observation des effets nocifs avec l'analyse de la bioaccumulation des contaminants. Des tentatives d'interprétation des relations entre bioaccumulation et effets peuvent être faites à l'aide des modèles décrits par Kooijman (1981), considérant qu'un effet se produit dès que la concentration seuil interne est atteinte. Pour les métaux, on considère en général que cela peut arriver lorsque la capacité à séquestrer ou inactiver les ions métalliques est dépassée. Cependant, il est encore nécessaire d'élucider les mécanismes physiologiques responsables des différences de bioaccumulation entre les espèces, alors que l'anatomie des organes est très ressemblante.
2.4.1.2 Les substances organiques Les mécanismes de pénétration, d'accumulation et de détoxification diffèrent de ceux des métaux car, tout au moins pour les pesticides actuellement produits (qui devraient être rapidement biodégradables…), la transformation dans le sol ou les organismes rend nécessaire la détermination non seulement de la concentration du produit d'origine, mais aussi de ses dérivés au cours du temps. Cela est indispensable pour tenter d'interpréter les effets toxiques (survie, croissance, activités enzymatiques…) décrits chez des espèces comme Porcellionides pruinosus (isopode tropical), pour qui les CL50 sont 25 fois plus fortes par exposition alimentaire pour trois pesticides (benomyl : 31 000 µg.g–1; carbofuran : 485 µg.g–1 et diazinon : 74,15 µg.g–1) que par contact avec le substrat contaminé (Vink et al., 1995). À des contaminations plus faibles et pour la même durée d'exposition (5 semaines), une inhibition de croissance a été observée par voie digestive avec le benomyl (NOEC : 1 000 µg.g–1) et le diazinon (NOEC ≤ 8,71 µg.g–1). Aucun effet n'a en revanche été constaté après exposition via le substrat, bien que les réserves énergétiques (en particulier le contenu en glycogène, mais surtout en protéines) soient plus fortement réduites chez les isopodes exposés par contact avec le substrat contenant du diazinon (même à faible dose : 0,51 à 1,1 µg.g–1) que par la nourriture à plus fortes concentrations (18,73 à 186 µg.g–1). Il est donc important de connaître la concentration des pesticides utilisés ou de leurs produits de dégradation (carbendazim et butylisocyanide pour le bénomyl par exemple) au cours du temps dans les organes, suivant la voie de pénétration dans l'organisme. Aux Pays-Bas, dans les régions fortement industrialisées, les dépôts sur le sol des émissions atmosphériques de HAPs (hydrocarbures aromatiques polycycliques) sont à l'origine de fortes pollutions des couches superficielles des sols forestiers (Van Brummelen et al., 1996a). L'examen des concentrations en HAPs dans les espèces d'invertébrés (isopodes et vers de terre) vivant dans le sol montre que celles-là diminuent avec l'augmentation de la distance des hauts-fourneaux (Van Brummelen et al., 1996b). Des différences de concentrations des HAPs dans les animaux sont observées entre les espèces : P. scaber contient les huit HAPs du sol ; O. asellus contient fluoranthène et pyrène, et Philoscia muscorum : phénanthrène, fluoranthène, pyrène et chrysène ; ce qui correspond peut-être à des différences de régime alimentaire (feuilles fraîches ou en décomposition). Les facteurs d'accumulation diffèrent entre les espèces et sont corrélés négativement avec le coefficient de partage eau-octanol (Kow). Ce sont les isopodes qui ont le contenu en lipides le plus bas qui contiennent les plus fortes concentrations en HAPs. Ainsi, les données de bioaccumulation chez les isopodes ne correspondent pas à la théorie du partage à l'équilibre.
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Les causes de ce phénomène pourraient résider dans le fait que les cloportes vivant dans la couche superficielle du sol ne sont pas en contact direct avec l'eau interstitielle ou qu'ils ont un potentiel métabolique faible pour les HAPs. Chez ces isopodes, les HAPs de faible poids moléculaire sont plus abondants que ceux à haut poids moléculaire, ce qui pourrait être dû à une faible biodisponibilité de ces composés ou à un taux élevé d'élimination (Van Brummelen & Van Straalen, 1996). Aussi, ces auteurs ont essayé d'éclaircir ce problème en réalisant des expériences de cinétique pour déterminer les taux d'absorption et d'élimination du benzo[a]pyrène (B[a]P) chez P. scaber au cours de 7 semaines d'exposition à une nourriture contaminée par 100 µg de B[a]P par g (en poids sec), suivies de 4 semaines avec une nourriture non contaminée. Au cours de l'exposition, les concentrations en B[a]P des animaux atteignent rapidement (en 3 à 4 jours) une constante d'équilibre de 2,5 µg de B[a]P (poids sec) correspondant à un taux d'assimilation de 20 à 40 % du B[a]P ingéré. Après 49 jours, la répartition dans les organes donne en moyenne 14 % de B[a]P dans la tête, 22 % dans l'hépatopancréas, 25 % dans l'intestin et 39 % dans les autres tissus, ainsi que des traces dans l'hémolymphe, démontrant l'absorption et le transport interne de ce composé chez l'isopode. Après 49 jours, lorsque les animaux sont alimentés avec une nourriture non traitée, les concentrations en B[a]P diminuent immédiatement. La mesure du B[a]P non métabolisé révèle une demi-vie (0,6 jour) remarquablement faible par rapport à ce qui se produit chez les isopodes aquatiques (6,9 jours). Le taux relativement élevé d'élimination du B[a]P semble représenter une adaptation à la vie terrestre. Les mécanismes exacts du métabolisme du B[a]P chez les isopodes terrestres ne sont pas complètement compris, bien que l'on suppose que le système enzymatique MFO1* (mixed function oxygenase) soit responsable de la métabolisation initiale des HAPs. Cependant, l'induction d'enzymes chez les isopodes terrestres paraît limitée et ne semble pas constituer un biomarqueur utilisable pour caractériser une exposition aux HAPs (De Knecht et al., 2001). En revanche, les capacités considérables de métabolisation des HAPs par les isopodes peuvent être très utiles pour la biosurveillance des contaminations des écosystèmes terrestres par les HAPs (Stroomberg et al., 1999 ; De Knecht et al., 2001). En effet, les techniques d'échantillonnage et d'analyse des nombreux HAPs contaminant l'environnement (hauts-fourneaux de production d'acier ou d'aluminium, combustion incomplète de combustibles fossiles) étant relativement longues et onéreuses, il a été jugé préférable de considérer le pyrène, qui est toujours présent dans les mélanges de HAPs et l'un des plus abondants (Levin, 1995 ; Jongeneelen, 2001). Chez les Hommes et les mammifères de laboratoire qui métabolisent rapidement les HAPs, la mesure des métabolites du pyrène dans les urines et les fèces constitue un bon outil d'évaluation de l'exposition (biodisponibilité et biotransformation) aux HAPs. Dans les écosystèmes terrestres, l'utilisation d'espèces de vertébrés est moins courante qu'en milieu aquatique et pour le niveau de la surface du sol, les isopodes Porcellio scaber et Oniscus asellus peuvent être des espèces utiles pour évaluer le risque environnemental de l'exposition aux HAPs. Stroomberg (2002) et Stroomberg et al. (2003) ont mis en évidence expérimentalement une relation linéaire entre les concentrations en métabolites du pyrène dans l'hépatopancréas de P. scaber et les concentrations (de 0,07 à 67 µg.g–1 ou 1,1 à 333 nmol.g–1 ps) de la nourriture contaminée par du pyrène. Sur les sites étudiés antérieurement par Van Brummelen et al. (1996a, b), Stroomberg et al. (2003) ont observé également une corrélation entre le gradient de dépôts atmosphériques de HAPs, causé par la 1. Le système MFO est localisé dans le réticulum endoplasmique lisse et contient le cytochrome P-450 et la NADPH-cytochrome P-450 réductase.
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proximité de hauts-fourneaux, et les métabolites du pyrène dans l'hépatopancréas de P. scaber et O. asellus. Les plus fortes concentrations (exprimées sur la base du poids total) de conjugués 1-hydroxypyrène dans l'hépatopancréas sont celles du pyrène-1-glucoside (3,8 pmol.g–1 pf) et du pyrène-1-sulfate (2,8 pmol.g–1 pf ). De plus, alors que les niveaux de HAPs dans les isopodes ramassés à 2 km des hauts-fourneaux ne différaient pas de ceux de témoins provenant de sites plus éloignés (Van Brummelen et al., 1996b), ceux des métabolites sont nettement plus élevés que ceux du site de référence (Stroomberg et al., 2003). Ainsi, l'analyse des métabolites du pyrène dans l'hépatopancréas des isopodes fournit un outil sensible pour la biosurveillance des contaminations des écosystèmes terrestres par les HAPs. Les isopodes ne vivent pas seulement dans les forêts et dans les vergers et les zones agricoles, ils sont soumis aux traitements par les insecticides qui devraient normalement les préserver. Cependant, en Hongrie, les expériences de Fischer et al. (1997) montrent que le diméthoate (insecticide organophosphoré) possède une action létale sur P. scaber, qui dépend de la voie d'exposition (sol ou nourriture) et du type de sol (OCDE ou LUFA 2.2). La CL50 de l'insecticide mêlé au sol est inférieure à 50 % de celle obtenue par contamination de la nourriture (> 75 mg.kg–1 matière sèche) et elle est plus importante dans le sol LUFA 2.2 que dans le sol artificiel OCDE. Malgré la relative faible toxicité par voie orale, des doses de 17,5 mg.kg–1 (poids sec) provoquent une réduction de la croissance de 50 % par l'intermédiaire de la contamination du sol LUFA 2.2. Ainsi, chez les isopodes, la contamination de l'habitat par l'insecticide est plus dangereuse que celle de la nourriture. Au Portugal, des différences de sensibilité (mortalité) à deux insecticides couramment employés (parathion et endosulfan) ont été signalées chez Porcellio dilatatus (Ribeiro et al., 1999) après contamination de leur nourriture pendant 21 jours (concentrations de 0,1 à 500 µg.g–1). En plus des différences de mortalité, les auteurs décrivent des modifications d'activités enzymatiques, comme l'acétylcholinestérase (AChE) ou la lactate dehydrogénase (LDH), qui sont mesurées après 21 jours de contamination de leur nourriture (feuilles aspergées de solutions d'insecticides). Dans la plupart des expériences réalisées chez les isopodes saprophages pour évaluer les effets des substances chimiques, les animaux sont exposés à des nourritures contaminées (feuilles ou litières). Cependant, ces animaux étant en contact direct avec le sol, il est opportun de prendre en considération à la fois l'absorption des contaminants par ingestion et celle qui résulte du contact de la surface du corps avec le milieu environnant (Franke et al., 1994). De plus, la biodisponibilité des contaminants organiques dépend de la nature du sol et des capacités d'assimilation, de métabolisation et d'élimination des substances par les organismes. Aussi, l'étude de la cinétique de ces substances est recommandée pour prédire la répartition des contaminants dans l'environnement (Moriarty & Walker, 1987). Une expérience d'évaluation de l'importance des modes d'exposition sur la cinétique d'un insecticide hydrophobe relativement persistant, le lindane, a été réalisé, chez Porcellionides pruinosus par Sousa et al. (2000). La nourriture consiste en des feuilles d'aulne non contaminées ou dont la contamination est de 0,2 µg.g–1 de poids sec. Pour l'exposition par contact, deux types de sols : le sol artificiel OCDE et un sol agricole alluvial (également utilisés pour l'analyse de la cinétique du lindane chez les enchytrés par de Barros Amorim, 2002) ont été contaminés à la concentration de 0,1 µg.g–1 de poids sec. Dans les deux expériences, la phase d'absorption dure 21 jours et celle d'élimination 19 jours. Les résultats de bioaccumulation de 14C-γHCH montrent que les isopodes ont des charges en lindane beaucoup plus fortes lorsque les animaux
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sont incubés dans les sols contaminés avec une nourriture non contaminée (1 360 pg par animal en sol OCDE et 1 085 pg par animal en sol naturel) que lorsqu'ils sont exposés à de la nourriture contaminée (43 pg par animal). L'application de modèles cinétiques révèle des taux respectifs d'assimilation et d'élimination beaucoup plus faibles dans les expériences de nourriture (20 pg et 0,10 pg par jour) que dans les expériences avec les sols contaminés (sol OCDE : 238 pg.j–1 et 0,19 pg.j–1 ; sol naturel : 350 et 0,32 pg.j–1). Ainsi, les charges maximales en lindane sont 30 et 25 fois plus importantes chez P. pruinosus en contact avec le sol contaminé que chez les individus qui consomment des feuilles contaminées. Ces résultats sont en accord avec ceux de Vink et al. (1995) chez la même espèce pour trois pesticides. Sousa et al. (2000) considèrent que cette différence de bioaccumulation est en accord avec la théorie de partage à l'équilibre car l'espèce P. pruinosus, vivant dans le sol, est en contact plus étroit avec l'eau interstitielle que les espèces Porcellio scaber, Oniscus asellus et Philoscia muscorum, vivant à la surface du sol et chez qui Van Brummelen et al. (1996b) avaient constaté que la théorie de partage à l'équilibre ne s'applique pas. Les cinétiques d'accumulation et d'élimination établies par Sousa et al. (2000) ressemblent à celles présentées pour le même insecticide chez l'enchytré, E.albidus dans les mêmes sols par de Barros Amorim et al. (2002). Cependant, l'accumulation du lindane chez l'isopode, moins rapide les premiers jours, atteint des concentrations plus élevées à l'état stable que chez E. albidus. Toutefois, les taux d'assimilation du lindane de l'isopode sont inférieurs à ceux des oligochètes tubificidés en étroit contact avec le milieu aquatique (Egeler et al., 1997). Pour que les différents résultats décrits puissent être comparés et utilisés pour évaluer les contaminations de l'environnement, il convient qu'il y ait une harmonisation minimale des conditions expérimentales des tests (température, photopériode, nourriture, sols…) car ces paramètres sont presque tous différents dans les publications analysées. Ainsi, bien que les taux d'absorption et d'élimination des polluants dépendent tout d'abord des espèces considérées (Hopkin, 1990), ils peuvent être influencés par des facteurs comme la température et la nourriture dont l'importance a été soulignée également chez d'autres arthropodes terrestres (Janssen & Bergema, 1991 ; Janssen & Hogervorst, 1993) ou d'une façon plus générale lors de l'élaboration de modèles prédictifs d'accumulation des polluants (Barron, 1990 ; Walker, 1990), qui sont l'un des objectifs de l'écotoxicologie. Toutefois, la comparaison des concentrations en HAPs de trois espèces d'isopodes (P. scaber, O. Asellus et Philoscia muscorum) et du ver de terre L. rubellus de 10 sites entourant un haut-fourneau et de données de la littérature permet à Van Brummelen et al. (1996b) de distinguer trois profils de HAPs, l'un qui est typique des HAPs atmosphériques, un autre correspondant aux vers de terre, à l'humus et au sol minéral, et le troisième concernant les litières et les isopodes.
2.4.2 Insectes 2.4.2.1 Éléments traces métalliques 2.4.2.1.1 Généralités
Chez les insectes, il semble que les capacités d’accumulation des métaux soient moindres que celles des crustacés isopodes terrestres, des vers de terre ou des mollusques gastéropodes.
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D’après les travaux de Hunter et al. (1987), qui ont déterminé les concentrations (en poids sec) de cuivre et de cadmium des arthropodes piégés dans des trappes proches d’une raffinerie de cuivre de Liverpool (GB), ce sont : – les collemboles qui accumulent le plus de Cu (2 370 ± 510 µg.g–1) et de Cd (51,7 ± 9,7 µg.g–1 ), – puis les fourmis (731 ± 166 µg.g–1 Cu ; 37,7 ± 5,5 µg.g–1 Cd, soit environ 25 fois plus que chez les témoins de zones non contaminées), – les larves de diptères (210 ± 26 µg.g–1 Cu ; 24,8 ± 3,9 µg.g–1 Cd), – les larves de lépidoptères (160 ± 22 µg.g–1 Cu ; 22,3 ± 4,3 µg.g–1 Cd) – et les larves de coléoptères (prédateurs) : 298 ± 34 µg.g–1 Cu ; 20,9 ± 1,2 µg.g–1 Cd, soit environ 10 fois plus que chez les témoins. Au même endroit, les crustacés isopodes contiennent 2 390 ± 270 µg.g–1 Cu et 231 ± 131 µg.g–1 Cd. Les effets des métaux sur la biologie des insectes et leurs capacités de bioaccumulation sont rapportés en détail jusqu’en 1989 par Hopkin (1989). Dans l’ensemble des 25 ordres d’insectes, cet auteur signale des études sur les métaux dans neuf ordres seulement et, en général, les insectes n’offrent pas des capacités de bioaccumulation très importantes. En effet, dans la classification des invertébrés terrestres sélectionnés par Dallinger (1993) en fonction des facteurs de concentration (FC) en métaux dans les animaux (Tableau 3) par rapport aux concentrations des sols, définis par Boháč et Pospíšil (1989), on retrouve seulement deux espèces de fourmis parmi les macroconcentrateurs (FC > 2) dans des forêts non contaminées de Suisse (Knutti et al., 1988) et deux coléoptères pour le Zn et le Cu. Parmi les microconcentrateurs (1 < FC < 2), Dallinger (1993) cite trois coléoptères pour Cd, Pb et Cu ; dans la catégorie des déconcentrateurs (FC < 1), il relève un collembole (Orchesella) et trois coléoptères pour le Cd et un coléoptère pour le Pb. La complexité de l’analyse des capacités de bioaccumulation chez les insectes, à cause de l'existence de mues et parfois de métamorphoses, est illustrée par une étude originale réalisée par incorporation de quatre métaux (Cu, Pb, Cd et Zn) à la nourriture artificielle de larves d’insectes Lymantria dispar (Ortel et al., 1993). La détermination des concentrations des métaux du corps, faite à tous les stades du cycle vital de ce lépidoptère, montre des variations suivant le stade et le métal considéré. De plus, les endoparasitoïdes (Glyptapanteles liparidis, hyménoptère) éclos dans leur hôte contaminé ont des concentrations en métaux plus élevées que celles du témoin. Depuis les revues de Hopkin (1989) et Dallinger (1993), d’autres expériences ont été réalisées pour étudier les modes d’accumulation ou de régulation des métaux absorbés avec la nourriture chez les insectes, et pour comprendre l’absorption, le stockage et le transfert des métaux chez ces invertébrés de grande importance écologique et de très grande diversité. 2.4.2.1.2 La bioaccumulation des métaux suivant le niveau de transfert
Étant donné la très grande diversité des capacités d’accumulation des métaux chez les insectes, il nous paraît opportun de considérer séparément l’absorption et la bioaccumulation des métaux suivant les niveaux de transfert (herbivores, détritivores, carnivores) dans les chaînes alimentaires des écosystèmes terrestres, car les mécanismes physiologiques liés à la digestion, à l’assimilation et à l’excrétion dans ces modes de subsistance sont très différents.
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2.4.2.1.2.1. Insectes herbivores
Chez les insectes herbivores, Lindqvist (1992) a étudié l’accumulation du Cd, du Cu et du Zn chez cinq espèces phytophages (quatre monophages : Diprion pini et Empria baltica, hyménoptères ; Aglais urticae et Tortrix viridana, lépidoptères et un oligophage : Dolerus nigratus, hyménoptère). En général, les concentrations des métaux essentiels (Cu et Zn) ont tendance à être les plus basses dans les plantes, intermédiaires dans les larves et les plus hautes chez les insectes adultes. Pour le Cd (métal non essentiel), les concentrations sont plus fortes dans les larves que dans les végétaux consommés, mais dans des proportions moindres que pour le Zn, et elles diminuent toujours après la métamorphose en adulte. En revanche, le Cd se concentre dans les fèces des larves, sauf pour E. baltica. L’influence de la croissance sur l’accumulation des métaux a été précisée chez Aglais urticae (Lindqvist, 1994). Pendant la période d’élevage, les concentrations en Cd, Fe et Pb restent plus faibles dans les chenilles que dans leur nourriture (feuilles d’orties), alors que le Zn est 4 fois plus concentré que dans les plantes. Les différences de concentration au cours du développement larvaire concernent le Fe qui diminue et le Cu qui augmente. Cependant, les quantités totales (charges métalliques) des métaux augmentent dans les larves au cours de la croissance, mais celles de Cd et de Pb augmentent moins que celle des métaux essentiels. En plus des stades de développement, la concentration des métaux dans la nourriture exerce également une influence sur l’absorption et l’accumulation des métaux. Cela a été démontré chez les larves de Dolerus sp. qui consomment de grandes quantités de graminées (Lindqvist, 1995). Chez ces espèces, le Cd est le seul métal étudié pour lequel la concentration et la quantité augmentent avec la concentration dans la nourriture (absence de régulation). Pour le Zn, il existe une régulation nette, car les concentrations dans les larves ne sont pas affectées par celles de la nourriture, tandis que la concentration du Fe diminue et que celle du Cu augmente pour les fortes concentrations. Ainsi, chez ces insectes phytophages, les concentrations en Cu et en Cd des plantes influencent davantage l’accumulation dans les larves que celles du Fe et du Zn. Bien que dans plusieurs cas les concentrations du Cd, du Cu et du Zn soient plus fortes dans les insectes phytophages que dans leurs plantes hôtes comme l’avaient noté Joosse & Van Vliet (1982) et Heliövaara & Väisanen (1990), il n’est pas possible de généraliser complètement cette observation à tous les stades du développement des insectes phytophages. Chez le papillon Lymantria dispar (Photographie 16), la charge métallique augmente continuellement pendant le développement larvaire avec les plus fortes valeurs trouvées généralement dans les chrysalides. Les contenus en métaux de tous les stades sont très positivement corrélés au poids du corps et au niveau des contaminations de la nourriture, sauf pour le Pb chez les témoins et les larves du stade 4. Ces observations ont été obtenues par Gintenreiter et al. (1993a) en élevant les chenilles de ce ravageur de forêt sur une nourriture artificielle d'agar et de germe de blé contaminée indépendamment par quatre métaux (Cd, Cu, Pb et Zn) à deux concentrations différentes en µg.g–1 de poids sec (2 et 10 pour Cd ; 10 et 50 pour Cu ; 4 et 20 pour Pb ; 100 et 500 pour Zn). Les FBAs dépendent de la concentration du métal dans la nourriture et du stade larvaire ; les plus forts FBAs sont de 3,5 (Zn), 4 (Cd) et 5 (Cu). Le Pb est peu assimilé par les larves (FBA < 0,4), ce qui est confirmé par des concentrations des fèces en Pb identiques à celles de la nourriture. Les exuvies des larves contiennent relativement peu de métaux (sauf pour le Cu), tandis que celles des chrysalides ont de fortes concentrations en Cu et en Cd (985 et 28 µg.g–1 respectivement). Néammoins, les larves du 1er stade larvaire de la génération F1 issue de parents, contaminés contiennent des charges en métaux
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corrélées avec la contamination des parents ce qui peut affecter le développement de la nouvelle génération. En effet, Gintenreiter et al. (1993b) ont observé que des larves nourries avec de la nourriture contaminée par ces métaux présentent des retards de croissance pour le Cd et le Pb. Le Cu affecte la reproduction des adultes issus des larves contaminées. Ce sont les larves de 1er stade qui sont les plus sensibles, et les retards de développement se traduisent généralement par des stades larvaires supplémentaires. Si le nombre de stades larvaires atteint 9 et 10, leur transformation en chrysalides, qui a lieu normalement au stade 5 pour les femelles et au stade 6 pour les mâles, échoue. La macroconcentration des métaux observée chez les larves, et surtout chez les chrysalides et les adultes de Lymantria dispar peut constituer une source de transfert chez leurs prédateurs (insectes coléoptères carabides comme Calosoma sycophante ou oiseaux comme le coucou Cuculus canorus, qui chasse particulièrement les chenilles délaissées par les autres oiseaux). Dans des champs de blé, en Angleterre, Winder et al. (1999) ont montré qu'une faible augmentation de la concentration en Zn du sol due à l'épandage de boues municipales se répercute dans la concentration des pousses et des épis de blé (FBC sol/plante de l'ordre de 1 à 1,5). Ensuite, il se produit une bioaccumulation notable du Zn chez les pucerons des céréales (Sitobion avenae) avec des facteurs de transfert (macroconcentration plante/herbivore) variant de 2,5 à 4. Des résultats similaires ont été plus récemment obtenus par Green et al. (2006), qui ont noté une accumulation marquée du Zn dans les feuilles et les racines de plants d’orge cultivés sur un sol amendé par des boues de station d’épuration et des facteurs de transfert (feuille/S. avenae) compris entre 1,4 et 2,5. Pour le Cd, aucune accumulation significative n’a été mise en évidence. Pour ces deux métaux, aucune bioamplification n’a été mise en évidence chez les larves de Chrysoperla carnae se nourrissant des pucerons, mais leurs concentrations internes dépassaient toujours celles du sol (Green et al., 2006). 2.4.2.1.2.2. Insectes butineurs
Des renseignements sur la pollution des végétaux (en particulier des fleurs et des miellats), de l’air, mais aussi de l'eau peuvent être obtenus par l’analyse des métaux (ainsi que d’autres contaminants) dans le corps ou les organes des abeilles, ainsi que dans les constituants des ruches (cire, pollen, miel). La meilleure utilisation possible des potentialités des abeilles comme indicateurs de pollution fait l’objet de larges débats et de controverses ; la plupart des travaux portent sur les impacts délétères plutôt que sur les données chimiques. Toutefois, l’analyse du miel et du pollen provenant de différentes localités révèle parfois des concentrations en métaux différentes, principalement dans les zones polluées (Free et al., 1983 ; Jones, 1987 ; Accorti et al., 1991). Ainsi, la concentration en Hg des miels tchèques semble traduire la contamination de l'environnement par ce métal (Toporcak et al., 1992) tandis que, dans le même pays, Bohacenko et al. (1994) indiquent que les concentrations en Cd, Pb, Cu et Zn du pollen et du miel ne correspondent pas à la pollution de l'environnement. Lors des analyses, il paraît opportun de distinguer la nature et l'origine des miels car Celechovska & Vorlova (2001) observent des différences significatives (p < 0,01) de concentrations en Cd, Hg et Cu entre trois groupes de miels tchèques (fleurs, mélanges et miellée) avec les concentrations les plus élevées (plus de 2 fois) dans les miels de miellée et les plus faibles dans les miels de fleurs. Les contenus en Pb et en Zn ne diffèrent pas significativement entre les groupes de miels. Dans tous les cas, les concentrations en éléments métalliques à risque (Cd : 0,5-77,4 µg.kg–1, Hg : 0,67-2,93 µg.kg–1, Pb : 18,4-1 000,3 µg.kg–1 , Cu : 0,06-1,55 mg.kg–1, Zn : 0,2-22,9 mg.kg–1)
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sont largement en dessous des limites fixées par la réglementation tchèque et comparables à celles de miels de Turquie (Yilmaz & Yavuz, 1999), d'Italie (Caroli et al., 1999) et de Slovénie (Kump et al., 1996). C’est surtout dans l’analyse des tissus des abeilles que des concentrations élevées en métaux ont été décelées. Ainsi, dans la région de Puget Sound (Washington, État-Unis), la collecte d’abeilles dans 72 sites répartis sur 7 500 km2 a permis à Bromenshenk et al. (1985) de réaliser la cartographie (courbes de même concentration dans les abeilles) des pollutions en arsenic, cadmium et fluor dans cette vaste aire comportant 130 sources répertoriées de pollutions. Les plus fortes teneurs des tissus d’abeilles en arsenic (12,5 ppm) et en fluor (182 ppm) ont été mesurées près de Commencement Bay, tandis que les plus fortes valeurs en Pb étaient associées aux routes à grande circulation. Récemment, des chimistes de l'université de Moscou (Pour la science, N° 276, 2000, p. 26) ont constaté que les abeilles (Photographie 17), en butinant les fleurs, accumulent les métaux lourds contenus dans celles-là. En fin de vie (environ 32 jours), les abeilles ont en moyenne accumulé 24 mg de métaux par kg de masse corporelle. La quantité de Hg accumulée par les abeilles du centre de Moscou est 7 fois supérieure à celle des abeilles de la périphérie. Le miel, lui, n'est pas contaminé. En France, le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (CNEVA) de SophiaAntipolis a réalisé en 1987 une enquête qui a permis de distinguer différentes zones géographiques par les taux de produits phytopharmaceutiques retrouvés dans les pollens, les miels et les abeilles (Fléché & Faucon, 1990). Concernant les métaux lourds disséminés en grande partie dans l'atmosphère, du Pb et du Cd ont été retrouvés dans environ 50 % des échantillons de pollen analysés, et du Hg dans 7,5 % des analyses. Des recherches de métaux lourds dans les pollens, les gelées royales et la propolis effectuées par le CNEVA de 1986 à 1996 ont montré que la propolis et le pollen contiennent assez souvent (58 % et 76 % des analyses) du Pb avec des taux moyens respectifs de 23 et 72 mg.kg–1, et parfois du Cd (27 et 29 % des analyses) avec des taux moyens de 2,32 et 0,29 mg.kg–1, tandis que la gelée royale n'en contient pas (Fléché et al., 1997). Quant aux miels, sur 122 échantillons français analysés, aucun ne présentait de Pb et 3 % contenaient du Cd (0,07 mg.kg–1), tandis que sur 28 miels étrangers, aucun n'était positif pour le Cd, mais 43 % contenaient du Pb (taux moyen : 3,8 mg.kg–1). Ainsi, pour les produits les plus couramment consommés par l'Homme (miel et gelée royale), l'abeille semble jouer un rôle de « filtre » vis-à-vis des polluants métalliques, mais accumule des éléments traces dans ses tissus lorsque son environnement est contaminé. L’utilisation des abeilles comme sentinelles de l'environnement (Bromenshenk et al., 1995 ; Fléché et al., 1995) représente un moyen d’obtenir des informations intégrant différents modes de pollution sur de vastes aires géographiques, car le territoire de butinage par les abeilles est relativement étendu (plusieurs kilomètres autour de la ruche). Pour des données plus précises dans l’espace, il est nécessaire de compléter les investigations par l’analyse d’autres organismes à déplacements plus restreints. 2.4.2.1.2.3. Insectes des sols à serpentine
Parmi les insectes, le cas de ceux qui vivent sur des sols à serpentine riches en nickel (10 %) et en chrome (0,6 %), sur lesquels poussent des plantes hyperaccumulatrices de métaux, est intéressant, car au Zimbabwe, Wild (1975) a rapporté des concentrations (par rapport au poids sec) de 7 700 µg.g–1 de Ni chez un coléoptère ténébrionide, et de 5 000 µg.g–1 de Ni
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et 1 500 µg.g–1 de Cr dans les ouvriers de termites qui se nourrissent directement de végétaux et de sol. En revanche, chez les soldats et les reines de termites qui sont nourris avec la salive des ouvriers, on note des quantités beaucoup plus faibles de métaux pour le Ni (100 µg.g–1 chez les soldats et 20 µg.g–1 chez les reines) et pour le Cr (300 µg.g–1 chez les soldats et 20 µg.g–1 chez les reines). Cette adaptation particulière des insectes constitue une convergence remarquable avec ce qui se produit chez les plantes hyperaccumulatrices de métaux adaptées à ces sols, et il serait intéressant de comparer les mécanismes cellulaires de stockage ou d’élimination du Ni et du Cr. 2.4.2.1.2.4. Insectes détritivores
Chez les insectes détritivores et tout particulièrement chez les collemboles, plusieurs études expérimentales ou mesures de l'accumulation des métaux chez les espèces récoltées sur des sites contaminés révèlent des différences de stratégies d'accumulation considérables et les résultats contradictoires rapportés par les auteurs sont difficilement interprétables. Ainsi, pour la même espèce Orchesella cincta, alors que Janssen et al. (1990) observent les plus fortes concentrations saisonnières du Cd en hiver (janvier), Rabitsch (1995a) décrit l’inverse (diminution des concentrations du Cd en hiver). Les différences peuvent peut-être s’expliquer par l’interférence avec les concentrations des autres métaux lourds (forte contamination par le Pb du sol étudié par Rabitsch : fonderie de Pb à Arnoldstein, Autriche), mais aussi par des changements évolutifs d’adaptation et de tolérance dans les populations de collemboles (Posthuma, 1990 ; Posthuma et al., 1993 ; Tranvik et al., 1993). Les capacités d’accumulation varient également suivant les lieux de prélèvement et les auteurs. Alors que Van Straalen et Van Wensem (1986) indiquaient que les collemboles étaient les animaux présentant les plus basses concentrations en métaux dans leur corps, Roth (1993) puis Rabitsch (1995a) observent les plus fortes concentrations en Pb chez ces insectes (Orchesella cincta : 4 745 µg.g–1 Pb en hiver ; 13 020 µg.g–1 Pb en été). Face à cette diversité d’observations, dans des conditions d’environnement variables, les capacités relatives d’accumulation entre groupes d’arthropodes ont été évaluées expérimentalement dans les mêmes conditions pour quelques espèces. Chez les collemboles (Photographie 18) Folsomia candida et Orchesella cincta, Crommentjuin et al. (1995) montrent que la concentration des animaux en Cd augmente en même temps que celle de la nourriture, mais elle est moins forte que chez l’isopode Porcellio scaber chez qui les plus grandes quantités de Cd sont retrouvées dans l’hépatopancréas. Une constatation comparable a été faite par Gräff et al. (1997) entre le collembole Tetrodontophora bielanensis et l’isopode Porcellio scaber pour le Cd, mais l’inverse est observé pour l’accumulation du Zn (Tableau 27). Les propriétés du sol et les conditions d’environnement exercent une influence considérable sur la biodisponibilité et la toxicité des métaux vis-à-vis des nombreuses espèces de collemboles ; cet ensemble de facteurs qui interfèrent entre eux complique l’extrapolation des résultats de laboratoire aux situations de terrain. Afin de préciser l’incidence des fluctuations des conditions d’environnement sur la biodisponibilité et la toxicité du Cd chez F. candida, Van Gestel & Van Diepen (1997) ont étudié l’influence de l’humidité du sol en utilisant le sol artificiel du test normalisé avec les collemboles (ISO, 1994). Dans des conditions écologiquement convenables (sol contenant de 25 à 55 % d’eau), les concentrations internes en Cd des collemboles ne sont pas affectées par les différences d’humidité du sol. Au cours de leurs expériences, ces auteurs observent une
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augmentation des concentrations internes en Cd des animaux en même temps que celles du sol avec un plateau aux environs de 300–400 µg.g–1 de poids sec du corps. Pour l’étude de l’influence des caractéristiques du sol, Smit & Van Gestel (1998) ont réalisé quatre tests afin de comparer la bioaccumulation et la toxicité du Zn chez F. candida en présence de sol artificiel (ISO, 1994) ou d’un sol naturel hollandais « PANH » prélevé à Panheel après contamination par des solutions de ZnCl2. Les expériences réalisées révèlent que les constantes de bioaccumulation estimées dans le sol naturel PANH (2,10) ou après divers traitements (percolation aqueuse : PANH-Perc = 9,13 ; PANH-aged : 12,4) sont plus élevées que celles obtenues avec le sol ISO (1,39). Les effets toxiques du Zn ne sont pas complètement expliqués par la bioaccumulation. La toxicité du Zn est fonction du contenu du sol en matière organique et en argiles ; les effets sont surestimés (× 5 à × 8) dans les sols fraîchement contaminés. Pour éviter cette surestimation de la toxicité, Smit & Van Gestel (1998) recommandent de pratiquer une percolation aqueuse des sols et d’inclure une période d’équilibration pour créer une situation d’exposition plus réaliste. En revanche, avec la même espèce, F. candida, l’accumulation du Cu est modifiée par l’humidité et le pH d’un sol sableux contaminé par le Cu (Bruus-Pedersen et al., 1997). D’autres facteurs comme la température (Smit & Van Gestel, 1997), la nourriture (Smit et al., 1998), l’interaction entre les métaux Cd et Zn (Van Gestel & Hensbergen, 1997) modifient la biodisponibilité des métaux. Dans la nature, l’hétérogénéité des sols qui présentent des concentrations et des disponibilités différentes de métaux lourds affecte l’accumulation du Zn chez F. candida (Smit & Van Gestel, 1998). D’une façon plus générale, pour les collemboles, il faut tenir compte des comportements très différents des espèces vis-à-vis des métaux et de leurs sensibilités et tolérances. Une étude expérimentale du comportement de recolonisation d'un sol agricole, contaminé ou non par le Cu, par six espèces de collemboles (Filser et al., 2000) montre que la structure des communautés de collemboles dans les sols contaminés par le Cu dépend de trois types de réponses, qui permettent de distinguer des espèces cuprophiles, des espèces cuprophobes et des espèces indifférentes. L’analyse des stratégies de comportement d’autres espèces doit être poursuivie car celles-là conditionnent en grande partie l’absorption des métaux par la nourriture, mais aussi par la surface du corps (Hopkin, 1997). Chez les collemboles et en particulier chez F. candida, l’accumulation des métaux du sol dans le corps de ces insectes ne répond pas à l'hypothèse du transfert par l'eau interstitielle, car l'absorption des métaux est principalement corrélée aux concentrations totales des métaux du sol (Vijver et al., 2001). Jusqu’à présent, aucun corrélation n’a pu être établie entre la bioaccumulation de métaux dans le corps de ces arthropodes et les effets létaux et sublétaux, car les valeurs de CL50 et de CE50 calculées varient énormément selon les auteurs (Crommentjuin et al., 1995), les conditions expérimentales et les paramètres (croissance ou reproduction) considérés (Van Gestel & Hensbergen, 1997). La grande variabilité génétique et physiologique des collemboles, en relation avec leur capacité d'adaptation aux pollutions métalliques (Posthuma, 1990 ; Posthuma et al., 1992, 1993), constitue un handicap pour l’utilisation des collemboles dans des essais d’écotoxicologie, que ce soit pour la bioaccumulation ou les effets toxiques (mortalité ou effets sur la reproduction ou la croissance). Cependant, il existe un test standardisé (ISO, 1999) basé sur l'inhibition de la reproduction de l'espèce Folsomia candida par les polluants du sol car ces insectes constituent une catégorie importante de la faune du sol. Un exemple de la difficulté à évaluer la toxicité d'une contamination métallique du sol sur la croissance et la reproduction
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des collemboles est fourni par les expériences de Van Gestel & Koolhaas (2004), qui ont constaté que les EC50s provoquant la réduction de la croissance et de la reproduction chez F. candida varient d'un facteur 4,5 à 20 lorsqu'elles sont basées sur la concentration totales du sol, et qu'elles augmentent en même temps que le pH. Au contraire, lorsque les EC50s sont basées sur les concentrations en Cd ou Cd2+ de l'eau interstitielle ou après extraction aqueuse du sol, les EC50s décroissent lorsque le pH augmente, mais les différences entre les sols varient encore d'un facteur 4,5 à 32. Van Gestel & Koolhaas (2004) trouvent que les EC50s sont moins variables (facteur inférieur à 2,2) lorsqu'elles sont basées sur la concentration en Cd du corps des animaux survivants (ce qui montre l'intérêt de ce paramètre). Lorsque les EC50s (croissance et reproduction) sont calculées à partir de la concentration interne en Cd des survivants, en tenant compte de la constante de sorption de Langmuir et du pH, le facteur de variabilité entre les sols est inférieur à 2. Pour le Cd et les collemboles, ces résultats incitent les auteurs à suggérer que l'on pourrait appliquer le principe du modèle BLM (Biotic Ligand Model), développé chez les poissons, pour décrire la toxicité des métaux résultant du contact direct de l'environnement aquatique avec les sites d'action (branchies). Ce modèle ne peut pas s'appliquer à tous les insectes détritivores du sol car Vijver et al. (2003a) ont observé que chez les larves de Tenebrio molitor (coléoptère ténébrionide), l'absorption des métaux (Cd, Cu, Pb et Zn) de sols arables ou de mélanges de sols et de sédiments est corrélée à la concentration totale de la phase solide des sols ou des mélanges. En utilisant le modèle de Vijver et al. (2003a), Peijnenburg et al. (2005) ont comparé l'absorption de quatre métaux par les larves de vers de farine (T. molitor) exposées à des mélanges sols sédiments à l'absorption des mêmes métaux chez des larves exposées dans les sols utilisés par Vijver et al. (2003a). Ils ont constaté que les charges internes du corps des larves en Cu et en Zn sont régulées au même niveau dans les mélanges que dans les sols arables, et que l'accumulation du Cd et du Pb est fonction du contenu total en métaux de la phase solide dans les mélanges comme dans les sols. Ainsi, pour les invertébrés fouisseurs du sol comme les vers de terre et les enchytrés, la plupart des modèles utilisent les concentrations en métaux de l'eau interstitielle pour déterminer la fraction biodisponible, mais pour des organismes comme les larves de T. molitor, l'absorption des contaminants est mieux décrite sur la base de la concentration totale en métaux du substrat. Cette différence tient vraisemblablement d'une part, à la nature du tégument des deux catégories d'invertébrés (corps mou pour les uns et cuticule épaisse pour les autres) et d'autre part, à la biologie des larves de vers de farine, qui sont particulièrement adaptées aux milieux secs. 2.4.2.1.2.5. Insectes prédateurs
Chez les insectes prédateurs, contrairement à l’idée souvent avancée de l’existence d’une amplification des concentrations de polluants dans les chaînes alimentaires, il semble qu’au cours des transferts de polluants métalliques le long des chaînes trophiques, les insectes carnivores possèdent des capacités de décontamination importantes. Jusqu’à présent, on connaît peu d’exemples de « bioamplification » véritable des métaux chez les insectes. En effet, la comparaison des concentrations en Cu, Cd, Pb et Zn des insectes carnivores (staphylinidae et carabidae) avec celles des autres espèces de la faune épigée de forêts polonaises ne fait pas apparaître de différences suivant les niveaux trophiques (Laskowski & Maryański, 1993).
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Expérimentalement, des investigations ont été réalisées avec des coléoptères prédateurs (de 1er ou de 2nd ordre) pour étudier l’accumulation et la décontamination de métaux comme le Zn, le Cd et le Hg, qui ont des propriétés biologiques très différentes. Avec le mercure, Nuorteva & Nuorteva (1982) ont réalisé une chaîne alimentaire expérimentale simplifiée, elle-même constituée par des larves de mouches contaminées par une nourriture à base de chair de poisson contaminée par du Hg et servant de proies pour un coléoptère staphilinidae prédateur. Les larves de mouches à viande nourries avec de la chair de poisson de plus en plus contaminée montrent des FBCs respectifs de 2,86 ; 2,33 et 1,93, puis les coléoptères présentent à leur tour une amplification des concentrations en Hg avec des FBCs de 3,45 ; 2,76 et 2,51. C’est l’un des rares cas où les coléoptères prédateurs sont le siège d’une bioamplification du métal, qui passe par exemple de 2,7 µg de Hg par g de poids net dans le poisson à 6,3 µg.g–1 dans les asticots et à 17,4 µg.g–1 (poids net) chez les coléoptères. L'analyse expérimentale du transfert de Zn du niveau herbivore/prédateur, réalisée par Winder et al. (1999) en nourrissant pendant 9 jours des carabes (Bembidion lampros) avec des pucerons (Sitobion avenae) récoltés sur du blé, se traduit par une légère bioamplification du Zn chez les carabes ; celle-là est proportionnelle au poids de pucerons mangés et à la quantité de boues municipales répandues sur les parcelles de culture du blé. En ce qui concerne le cadmium, alors que les proies des carabes concentrent le Cd dans leurs tissus, qu'il s'agisse de larves de mouches (Musca domestica) pour nourrir le carabe Poecilus cupreus (Kramarz, 1999a) ou d’escargots Helix aspersa pour nourrir le carabe Chrysocarabus splendens (Scheifler et al., 2002a), on constate (Tableau 28) que les carabes prédateurs de proies contaminées par le Cd montrent une légère accumulation de Cd dans leurs tissus (7,18 µg.g–1 chez P. cupreus après 90 jours au lieu de 0,17 µg.g–1chez les témoins, et 0,25 µg.g–1 chez C. splendens après 47 jours au lieu de 0,13 chez les témoins). Par rapport à leurs proies, les carabes se comportent comme des « déconcentrateurs » au sens de Bohác et Pospíšil (1989). Chez les carabes, il n’y a donc pas « bioamplification » du Cd dans la chaîne trophique. Ces espèces prédatrices présentent un faible taux d’accumulation du Cd et une forte capacité d’excrétion et de décontamination pour ce métal. Cela est en accord avec d’autres analyses réalisées chez d’autres carabes comme Notiophilus biguttatus (Janssen M.P.M. et al., 1991) et Pterostichus niger (Lindqvist et al., 1995), qui éliminent rapidement l’excès de Cd après retour à une alimentation non contaminée. Cependant, il existe des modes d’absorption et d’élimination des métaux très variables selon les métaux et les espèces. Ainsi chez P. niger, Lindqvist et al. (1995) notent également une élimination rapide du Hg inorganique ; après 15 jours, le contenu du corps en Cd et Hg n’est plus que de 1 % de la quantité ingérée, tandis qu’après 30 jours, le contenu en Zn retenu dans le corps est encore de 20 % et celui en méthyl-Hg de 60 %. Pour ce dernier métal, le marquage autoradiographique révèle une distribution du méthyl-Hg dans tous les tissus du corps, alors que le marquage le plus intense des autres métaux se situe dans le tube digestif. Pour le Zn, Kramarz (1999a) n’a pas observé d’accumulation dans les tissus des carabes P. cupreus qui éliminent efficacement et rapidement l’excès de ce métal contenu dans leurs proies, si bien que la concentration en Zn est maintenue à un niveau constant. En cas de contamination double (Cd + Zn) il n’y a pas d’interaction entre Zn et Cd chez C. cupreus (Kramarz, 1999a), ce qui est également le cas chez le collembole F. candida (Van Gestel & Hensbergen, 1997). Concernant les analyses faites sur des carabidés récoltés dans la nature, Jelaska et al. (2007) ont observé des différences interspécifiques d’accumulation du Cd (Abax sp. < Cychrus sp. < Carabus sp.) dans une communauté de carabidés prélevés dans une forêt en Croatie. Ces différences ont
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TABLEAU 28
Concentrations en Cd (µg.g–1 de poids sec) dans la nourriture des proies, dans les proies (asticots ou escargots) et les carabes prédateurs de deux espèces.
Nourriture des proies
Proies
FBC
N
P
P/N
56,58 ± 3,94
Larves de mouches Musca domestica 154,6 ± 2,19
54,76 ± 18,14
Escargots juvéniles Helix aspersa 174,61
2,7
3,18
Carabes prédateurs
FBC
Pr
Pr/P
Poecilus cupreus JO : 0,15 J50 : 5 J90 : 7,18 Chrysocarabus splendens Larves 47 jours : 0,25 ± 0,11 Adultes 47 jours : 0,21 ± 0,10
Référence
Kramarz (1999a) 0,046
0,002 0,001
Scheifler et al. (2002a)
été attribuées à des variations dans les stratégies alimentaires et l’âge des organismes (saison de reproduction et émergence des jeunes adultes). Ces mêmes auteurs rapportent également des différences d’accumulation entre mâles et femelles, particulièrement importantes pour le Mn. Auparavant, Rabitsch (1995a) avait aussi noté des différences saisonnières d’accumulation des métaux chez Aptinus bombarda et Abax parallelipipedus, provenant de sites de l’ancienne fonderie d’Arnoldstein en Autriche, et mis en évidence une accumulation liée au sexe, car les femelles de ces deux espèces accumulaient davantage de Pb et de Cd, tandis que les mâles présentaient des taux élevés en Cu. Sur l’un des sites du complexe minier étudié par Rabitsch (1995a), les auteurs ont observé un cas typique de déconcentration des métaux (Cd, Cu, Pb et Zn) chez le staphylinidae myrmécophage Zyras humeralis, qui habite les nids des fourmis Lasius fuliginosus dont il est prédateur. Alors que les fournis présentent une très forte accumulation des métaux chez les ouvrières (Rabitsch, 1995b), les facteurs de concentration chez Z. humeralis sont tous inférieurs à 1 (Pb = 0,17–0,61 ; Cd = 0,17–0,09 ; Cu = 0,57– 0,54 ; Zn = 0,44–0,09). Gongalsky (2006) a échantillonné cinq espèces d’insectes de quatre groupes trophiques différents (phytophages, Angaracris barabensis ; prédateurs, Poecilius gebleri et P. fortipes ; saprophages, Blaps rugosa et nécrophages, Nicrophorus investigator) afin d’étudier l’accumulation et le transfert de différents ETMs sur un site de production d’uranium. Globalement, l’auteur a observé une dissipation de la contamination dans cette chaîne trophique hypothétique, avec des concentrations internes décroissantes et des facteurs de concentration inférieurs à 1 entre les différents maillons. Migliorini et al. (2004) ont étudié les effets de la contamination en Pb et antimoine (Sb) d’un champ de tir sur une communauté d’arthropodes. En plus de l’augmentation de l’abondance de certains groupes (comme les collemboles) ou de la disparition de certains autres (symphyles), les auteurs ont montré qu’une fraction significative du Pb contenu dans les cartouches et retombé au sol est bioaccumulée par le saprophage Armadillidium sordidum (isopode) et le prédateur Ocypus olens (coléoptère), mais sans bioamplification, avec des facteurs de concentration pour le Pb passant de 0,76 dans les parcelles témoins à 0,12 dans la zone la moins contaminée et à 0,08 dans la zone la plus contaminée. Ainsi, on peut noter une convergence entre les cas de déconcentration de métaux signalés chez les insectes prédateurs de sites contaminés complexes (multicontamination), dans le cas typique de coléoptères monophages comme Z. humeralis, et les exemples de déconcentration
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d’un seul métal (Cd) analysés en laboratoire, où la macroconcentration du métal chez la proie (larves de mouches ou escargots) est suivie d’une déconcentration chez le prédateur (P. cupreus ou C. spendens). Ces exemples montrent que les transferts de métaux dans les chaînes alimentaires impliquant des invertébrés terrestres s’accompagnent rarement de cas d’amplification ; cela implique des mécanismes physiologiques liés à la digestion et à l’excrétion adaptés à l’élimination ou à la biotransformation des métaux ou de leurs formes de stockage. Dans un site métallurgique (Russie) contaminé (Fe, Mn, Cu, Zn, Ni, Pb), Van Straalen et al. (2001) ont étudié les concentrations en métaux de sept groupes d'invertébrés. Ils ont observé que les plus fortes concentrations de métaux non régulés (Pb et Cd) sont trouvées chez les carabides, les acariens oribatides et les vers de terre. Les carabides constituent le groupe qui présente les plus fortes concentrations en Pb par rapport au poids sec, avec une grande variabilité individuelle (Agonum assimile : 59,6 ± 45,8 µg.g–1 ; A. obscurum : 35,2 ± 48 µg.g–1 ; Pterostichus niger : 12,4 ± ± 4,5 µg.g–1 ; P. oblongopunctatus : 41,2 ± 32,9 µg.g–1). Les concentrations en Cd de ces espèces vont de 2,3 à 9,16 µg.g–1 ps et sont de l'ordre de celles trouvées chez Lumbricus terrestris et L. rubellus. Dans le site témoin, ce sont les espèces zoophages (Agonum assimile et A. obscurum) qui dominent largement, avec des variations suivant les années ; l'impact de l'usine métallurgique diminue la diversité spécifique ainsi que la proportion d'espèces zoophages sans doute à cause d'une diminution de leur nourriture. Cependant, les communautés de carabides (plus de 25 espèces) s'adaptent bien aux conditions de stress des sites contaminés (Gongalsky & Butovsky, 1999). 2.4.2.1.3 Les localisations dans les organes, les tissus et les cellules
Chez les invertébrés, la répartition des métaux dans les organes et les organites cellulaires a été examinée d'une façon générale par Hopkin (1989) et Taylor (1995). Chez les insectes, les sites d’accumulation des métaux dans les divers organes ont été déterminés à l’aide d'observations cytologiques, auto radiographiques ou par détermination de la concentration en métaux (marqués ou non) chez des animaux alimentés avec de la nourriture contaminée ou prélevés dans des sites contaminés. Bien qu’il existe des différences suivant les espèces d’insectes révélant de nombreux modes d’accumulation spécifiques, les organes les plus fréquemment impliqués chez les insectes accumulateurs de métaux sont l’intestin moyen, les tubules de Malpighi et parfois l’intestin postérieur. Les études cytologiques montrent que les métaux lourds peuvent être stockés dans les organes qui sont impliqués dans les processus de régulation minérale (Ballan-Dufrançais,1972 ; Jeantet et al., 1977 ; Ballan-Dufrançais et al., 1979a). L’utilisation de microsondes électroniques a permis par exemple d’étudier le processus d’entrée et de stockage du mercure dans les cellules de l’iléum de la blatte (Blatella germanica L.), après intoxication par le méthyl-mercure. Chez cette espèce de dictyoptère, l’exposition expérimentale par ingestion de méthyl-mercure ou de chlorure mercurique (20 µg.g–1) a permis à Ballan-Dufrançais et al. (1980) et à Jeantet et al. (1980) de mettre au point une méthode de microanalyse électronique quantitative du mercure dans les lysosomes de l’iléum (organe excréteur), où le stockage du métal est similaire quelque soit la forme du métal ingéré. Lors de l'exposition au Hg, le métal est détectable après 6 heures sous forme de microgranules dans les vésicules du réticulum endoplasmique et de groupements de microgranules dans de nombreux lysosomes qui augmentent de volume. Ce processus de détoxification du mercure, qui évite les processus de nécrose cellulaire, est supposé faire intervenir des protéines de type métallothionéines liées au Zn et au
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Cu chez les témoins. Après exposition au Hg, une partie du Zn est déplacée et précipitée dans les sphérocristaux (qui ne contiennent pas de Hg) des cellules de l’iléum où il constitue des strates épaisses. Chez les fourmis qui possèdent de très fortes capacités d’accumulation des métaux, Rabitsch (1997) a constaté des différences de concentration des métaux chez trois espèces récoltées sur le site minier d’Arnoldstein (Autriche). C’est l’espèce Formica pratensis qui possède les plus fortes concentrations de Pb, Cd et Zn, mais dans les trois espèces les plus fortes concentrations en métaux sont trouvées dans les mêmes organes (intestin moyen et tubules de Malpighi). Dans ces organes de stockage, les métaux constituent divers types de granules intracellulaires (Taylor, 1995). Outre ces organes, l’étude de l’accumulation et de l’excrétion du Zn et du Cd chez un insecte hémimétabole, l’orthoptère, Omocestus viridulus (Photographie 20) a montré à Lindqvist & Block (1994) que l’exuvie de cet acridien contient une proportion importante du 109Cd conservé dans les tissus de l’insecte, ce qui n’est pas le cas pour le Zn. La perte de l’exuvie chez cette sauterelle a relativement moins d’effet sur la concentration en Cd et en Zn que la métamorphose des holométaboles2, chez qui la mue finale entraîne une diminution des concentrations en Cd (Timmermans & Walker, 1989 ; Lindqvist, 1992 ; Lindqvist & Block, 1995). Chez le coléoptère carnivore Pterostichus niger nourri avec des larves de Tenebrio molitor contaminées séparément par quatre métaux (Cd, Hg, méthyl-Hg et Zn), l’autoradiographie a montré un marquage important pour tous les métaux dans l’intestin, mais seul le Cd a été localisé dans le tégument (Lindqvist et al., 1995), ce qui a été observé pour plusieurs autres espèces et montre le métabolisme particulier de ce métal non essentiel. D’autres localisations particulières ont aussi été décrites, comme celle du Zn dans les mandibules (Hillerton & Vincent, 1982 ; Rabitsch, 1997) et celle du Cd, du Pb et du Zn dans le corps gras de Formica pratensis (Rabitsch, 1997). En plus des localisations dans les granules ou l’exosquelette, des quantités importantes de métaux (et en particulier du Cd) ont été signalées dans la fraction cytosolique des cellules en liaison avec des métallothionéines (MTs), dont la caractérisation biochimique et moléculaire a été faite chez les mouches : Sarcophaga peregrina (Aoki et al., 1984) et Drosophila (Lastowski-Perry et al., 1985 ; Mokdad et al., 1987), mais aussi chez le dictyoptère: Blatella germanica (Bouquegneau et al., 1985). Ces métalloprotéines, relativement peu étudiées chez les invertébrés terrestres (Dallinger, 1996), interviennent vraisemblablement chez les fourmis F. pratensis (Rabitsch, 1997), mais aussi chez les collemboles. Récemment, après une exposition à une nourriture contaminée par le Cd (60 µg Cd.g–1 de poids sec d’algues), Hensbergen et al. (1999) ont isolé deux peptides riches en cystéine de l’homogénat du corps entier du collembole de sol forestier Orchesella cincta. La séquence d’acides aminés du peptide de 2 989 Da est typique d’une MT. Cette métallothionéine induite par le Cd ne l'est pas par le Zn (Sterenborg et al., 2003) et une partie du Cd lié à la MT peut être transférée dans les vésicules des lysosomes tandis qu'une autre partie est fixée dans les granules (MRG 2. On distingue chez les insectes trois types de développement : amétabole, hétérométabole et holométabole. Les insectes amétaboles ont des larves morphologiquement très semblables aux adultes. Chez les insectes hétérométaboles, les larves sont différentes des adultes, ces derniers possédant des gonades et des ailes fonctionnelles. Les insectes holométaboles sont caractérisés par l'existence d'un stade intermédiaire entre la larve et l’adulte : le stade nymphal (exemple chez les papillons, entre la chenille et l'adulte, la nymphe est enfermée dans une chrysalide).
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= Metal Rich Granules) de l'épithélium intestinal. Ces granules jouent un rôle dans la séquestration du Cd, mais contribuent également à son excrétion lors du renouvellement de l'épithélium intestinal. La MT d'O. cincta présente une faible similitude de séquence avec celles des MTs de Drosophila (Lastowski-Perry et al., 1985 ; Mokdad et al., 1987), ce qui reflète l’importante distance phylogénétique entre les collemboles (aptérygotes) et les drosophiles (diptères), mais aussi la grande diversité de structure des MTs. Il est probable que le rôle des MTs dans la régulation intracellulaire des ions métalliques (essentiels ou non), déjà démontré (Roesijadi, 1996), sera encore précisé dans les cas d’adaptation des insectes (drosophiles, collemboles…) aux métaux lourds (Lauverjat et al., 1989 ; Posthuma, 1990 ; Maroni et al., 1995). En plus des MTs induites par certains métaux, il existe des glycoprotéines qui ont été isolées chez Pteronarcys californica (Clubb et al., 1975) et Locusta migratoria (Photographie 20) (Martoja et al., 1983). On constate donc une grande variabilité dans les capacités d’accumulation des métaux chez les différentes espèces d’insectes et, comme l’avaient remarqué Van Straalen & Van Wensem (1986), les concentrations en métaux des insectes dépendent beaucoup de leur mode de vie et de leur physiologie. Souvent, ceux qui se nourrissent de végétaux ou de litière du sol ont une concentration plus élevée en métaux que celle de leur nourriture ou de leur substrat. En revanche, les prédateurs sont très souvent des déconcentrateurs qui se sont adaptés à une nourriture riche en métaux grâce à des capacités d’excrétion rapide de ces éléments traces.
2.4.2.2 Produits organiques La plupart des travaux sur la bioaccumulation chez les insectes porte sur les métaux lourds. Cependant parmi les recherches en écotoxicologie réalisées par les entomologistes, qui examinent les potentialités des pesticides à produire des effets non désirés sur l’environnement, il faut se souvenir que les premiers exemples de persistance chimique et de transfert dans les écosystèmes avec des effets sur des organismes non cibles viennent d’études sur les pesticides insecticides, comme le DDT et l’aldrine dont des exemples de concentration dans les chaînes trophiques terrestres sont cités par Ramade (1992) en parallèle avec des exemples en milieu aquatique. À la suite des observations des effets néfastes des pesticides non biodégradables, des efforts ont été effectués pour promouvoir la synthèse de pesticides plus sélectifs et biodégradables (Metcalf, 1971), en utilisant des modèles d’écosystèmes comme outils d’évaluation de la biodégradabilité et de la bioamplification écologique des pesticides (Metcalf et al., 1971). L’utilisation d’insectes comme substituts d’autres espèces animales est intéressante car ils sont très nombreux et largement distribués géographiquement. De plus, la physiologie et la génétique des espèces les plus communément utilisées en laboratoire sont bien connues. Avec la mise sur le marché de pesticides biodégradables plus ou moins rapidement, plutôt que l’analyse onéreuse de résidus dans les tissus, ce sont des tests de sensibilité qui ont été effectués chez les insectes avec les pesticides organiques, ainsi que l’étude de leurs transformations enzymatiques au cours du temps. Ainsi, chez les grillons Acheta domesticus et Gryllus rubens, Walton (1989) démontre l’existence d’un stade sensible au cours du développement juste avant la formation de la bandelette germinative de l’embryon. En ce qui concerne la transformation du [3H] benzo(a)pyrène [3H-B(a)P], elle n’est pas réalisée dans les 48 heures par les œufs pondus depuis moins de 20 heure lorsqu’ils sont traités (1 ng B(a)P/œuf) ; en revanche, au 8e jour
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d’incubation, juste avant l’éclosion, l’application de B(a)P tritié à la 36e heure d’incubation est accompagnée du métabolisme de 90 % du B(a)P en 7,8-dihydro-7,8-dihydroxybenzo(a)pyrène. Ce métabolisme rapide du B(a)P par les embryons de grillons rend difficile l’utilisation du paramètre « bioaccumulation » du pesticide. Il montre, d’une part, combien il faut être vigilant sur les effets et le devenir des métabolites des pesticides dont les effets peuvent rapidement se substituer à ceux du produit d’origine et, d’autre part, le rôle des organismes vivants dans la transformation et la métabolisation des contaminants dans les écosystèmes, même lorsqu’il n’y a pas de quantités importantes de résidus dans leur corps. Acheta domesticus (grillon domestique) et une autre espèce de grillons des champs (Gryllus pennsylvanicus) ont été utilisés pour étudier la bioaccumulation et la toxicité de PCBs en laboratoire et sur un site contaminé de l’Illinois (États-Unis) par Paine et al. (1993). Au cours d’un bioessai de 14 jours en laboratoire avec des grillons de maison (A. domesticus) exposés à des sols contenant 100, 250, 500, 1 000 et 2 000 µg.g–1 d’Aroclor 1 254, les concentrations du corps des grillons sont respectivement de 11, 48, 92, 149 et 144 µg.g–1. La CL50 est de 1 200 µg.g–1 et la concentration de 150 µg.g–1 dans le corps paraît être le seuil au-dessus duquel on observe de la mortalité aiguë. La concentration observée dans le corps des grillons est du même ordre de grandeur que celles (100 à 300 µg.g–1) associées à la mortalité des sauterelles (Chorthippus brunneus) exposées à 200 µg de PCBs (Moriarty, 1969). Des grillons de maison placés dans des cages sans contact direct avec le sol (suspendues à 1 cm de la surface) d’une zone dont le sol est fortement contaminé (1 150 µg.g–1) accumulent 1,6 µg.g–1 de PCBs dans leur corps en 3 jours d’exposition, ce qui suggère une contamination par l’air. Concernant l’espèce de grillon des champs G. pennsylvanicus, son abondance n’est pas altérée dans les sites contaminés, mais les auteurs n’ont pas évalué leur teneur en PCBs, ni leur sensibilité spécifique à ces produits (Paine et al., 1993). La toxicité des herbicides dérivés des acides chlorophénoxyacétiques pour les insectes (en particulier pour les abeilles et les coccinelles) a été signalée par Ramade (1992), qui rapporte la diminution des populations de diverses familles d'insectes observée par Rands (1985) dans les champs de céréales uniquement traités aux herbicides, ainsi que les conséquences sur la survie des poussins de perdrix grises. Parmi les herbicides fréquemment utilisés, le devenir et les effets 2,4-D ont été analysés chez les chenilles du papillon américain Eupackardia calleta nourries avec des feuilles de Ligustrum vulgare aspergées par du U46D (herbicide contenant du 2,4-D et des substances apparentées). Les principaux composés (2,4-D ; 2,4-DCP : 2,4-dichlorophénol et PA : acide phénoxyacétique) se retrouvent dans tous les compartiments des larves, mais aussi dans les tissus des imagos, ce qui implique un transfert pendant la métamorphose. Les plus fortes concentrations en 2,4-D, en PA et en phénol se trouvent dans les fèces, et celles de 2,4-DCP dans les sécrétions des glandes tégumentaires. La concentration en 2,4-D dans l'intestin moyen, le corps gras, l'hémolymphe et la sécrétion des glandes tégumentaires exocrines correspond environ à 20 % de celle des fèces. Les variations de quantité de 2,4-D dans les tissus et la présence de phénol et d'autres dérivés des composants de l'herbicide exclusivement dans les échantillons animaux s'expliqueraient par une biodégradation chez ces insectes. La croissance et la transformation des chenilles en chrysalides ne sont pas affectées par l'herbicide ; cependant, l'émergence des adultes se fait 6 à 9 semaines plus tôt chez les traités que chez les témoins (chez ces derniers, elle s'effectue après 35 semaines), ce qui permet de supposer une action de l'herbicide sur le système endocrine de l'insecte (Deml & Dettner, 2001).
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Les produits organiques polluants peuvent ne pas être stockés dans le corps des insectes, mais dans les substances qu’ils transportent ou qu’ils synthétisent. C’est ce qui se passe chez les abeilles, qui peuvent servir de bioindicateurs d’accumulation dans leur corps et plus facilement vérifiable dans les produits de la ruche (pollen, miel…), dont la contamination résulte du transfert des pesticides de traitement des plantes dans la ruche, où les abeilles sont soumises à une exposition à long terme (Villa et al., 2000). En France, au cours de plans de surveillance concernant surtout les pollutions par les pesticides, des analyses ont été réalisées en routine par le CNEVA (Sophia-Antipolis). Celles-là ont permis de déterminer les taux des résidus de pesticides dans le pollen et dans les abeilles (Fléché et al., 1995). Au cours d’enquêtes systématiques réalisées en 1987–1988, des résidus de pesticides ont été mis en évidence dans 90 % des échantillons de pollen, avec des quantités variables selon les régions. Les résidus de pesticides introduits dans la colonie par l’intermédiaire du pollen varient de 158,6 µg en garrigue (mont Aigoual) à 6 365 µg en zone de cultures industrielles. Dans les abeilles, certains taux moyens (en mg.kg–1) de résidus de pesticides : (lindane 3,62 ; parathion éthyl 64,6 ; parathion méthyl 32,6 ; folpel 6,2 ; captane 5 ; prochloraze 1,3 ; deltaméthrine 0,7 ; fénitrothion) 0,46 atteignent des concentrations pouvant provoquer l’intoxication des abeilles (Fléché et al., 1995, 1997). À la suite des affaiblissements de colonies d'abeilles en zones de cultures industrielles (Poitou-Charentes par exemple), des travaux en cours de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), (Fléché, 2000, communication personnelle) mettent en évidence la pollution de 17 à 80 % des échantillons de pollen avec une dominante des herbicides (50 % des résidus) suivis par les fongicides (40 %) et les insecticides (10 %). La moitié des prélèvements positifs contiennent des associations de deux à cinq molécules différentes. Chez les abeilles, la fréquence des résidus de produits phytosanitaires est plus faible (9,6 % des abeilles vivantes et 14,9 % des abeilles mortes ou mourantes). Cependant, certaines molécules utilisées en agriculture (lufénuron) n'ont pas été recherchées et, d'autre part, la toxicité de molécules très utilisées (fongicides et herbicides) n'est pas évaluée lors de leur homologation. Cela oblige à de nombreux essais de toxicité sur les abeilles avec les molécules les plus utilisées (seules ou en association avec d'autres substances qui augmentent la toxicité. Des essais d'exposition à long terme dans des cages adaptées ont permis récemment de démontrer la toxicité chronique induite chez les abeilles par deux insecticides : l'imidaclopride et la deltaméthrine (Dechaume Montcharmont et al., 2003). En Allemagne, l’analyse des HAPs dans les miels de la région de Rositz près d’Altenburg/ Thuringie (au voisinage d’une fabrique de bitume) révèle une augmentation sensible de 13 HAPs dans les miels par rapport à des miels de la région de Iéna (Hentschel, 1997). Parmi ces HAPs, trois seulement (naphtalène : 2,280 µg.kg–1 au lieu de 0,770 ; acénaphthène : 0,390 µg.kg–1 au lieu de 0,130 ; benzo(a)anthracène: 0,160 µg.kg–1 au lieu de 0,060) présentent des différences statistiquement significatives. Cependant, la concentration totale en HAPs est de 16 900 ± 17,2 µg.kg–1 de miel dans la région de Rositz, tandis qu’elle est de 7 300 ± 4,5 pour le miel de la région témoin. Même si ces concentrations ne sont pas jugées dangereuses pour les consommateurs de miel (Hentschel, 1997), ces analyses concrétisent la complexité des phénomènes de bioaccumulation sélective dans les abeilles, ou les produits de la ruche, et l’intérêt de leur suivi au cours du temps et de l’évolution des traitements phytosanitaires ou de l’implantation d’industries (OEPP, 1993 ; Cluzeau, 2002). En général, les abeilles se révèlent être des « filtres » efficaces pour le miel et la gelée royale et, si elles transportent les contaminants de l'atmosphère ou déposés sur les plantes qu'elles
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visitent, elles n'apparaissent pas comme des bioconcentrateurs macroaccumulateurs de pesticides. Cependant, leurs analyses montrent encore régulièrement des pesticides, comme le lindane ou le diméthoate, dont l'usage est restreint. Il est donc nécessaire de s'intéresser aux transferts par les sols et aux remontées des contaminants par les plantes (effets systémiques), de même qu'aux incidences de la mise en culture de plantes transgéniques capables de produire des substances insecticides ou antibiotiques. Comme pour les métaux, par la production de cire et la récolte des pollens, les abeilles constituent de bonnes sentinelles de l'environnement pour les pesticides (Fléché et al., 1997), puisque ce sont les deux constituants de la ruche les plus contaminés qui peuvent avoir des incidences sur la santé et le comportement des abeilles qui travaillent à leur contact. L'absorption et la répartition des HAPs dans l'organisme a été observée après ingestion expérimentale chez trois espèces de criquets : Gomphocerus sibiricus, G. rufus et Euchorthippus pulvinatus (Bouchard, 1999). La détection des HAPs est faite dans les tissus et organes par examen de la fluorescence de ces substances sous éclairage UV. L'absorption du 3-méthylcholanthrène et du benzo(a)pyrène se fait au niveau de l'intestin moyen, ensuite ces hydrocarbures diffusent dans la plupart des organes et s'accumulent, ainsi que leurs dérivés, dans les muscles, les gonades et surtout le système nerveux. L'excrétion d'hydrocarbures intacts ou de leurs dérivés semble se faire essentiellement grâce aux tubes de Malpighi. Cette méthode d'observation peut se faire rapidement après dissection des organes ou après des coupes à congélation. Les changements de couleur de la fluorescence indiquent les transformations des hydrocarbures. Les deux HAPs étudiés, cancérigènes pour les mammifères, sont très toxiques pour les criquets. Cette méthode d'observation est intéressante, mais il reste encore beaucoup à faire pour obtenir des données quantitatives sur le transfert et la biotransformation des milliers de nouveaux produits de synthèse mis sur le marché.
2.4.3 Myriapodes Bien que les myriapodes (Photog raphie 21) jouent un rôle important dans le maintien des processus écophysiologiques des sols naturels non pollués, Hopkin note, dans son ouvrage de 1989, qu’il est surprenant que peu de travaux concernent le rôle des métaux dans leur biologie. Depuis cette date, les connaissances ont évolué pour ce qui a trait au métabolisme et à l’accumulation d’ions métalliques, mais il persiste un grand manque sur les capacités de biotransformation et d’accumulation des contaminants organiques dans cette classe, bien que des études préliminaires aient été faites sur les concentrations en HAPs de trois espèces d’une forêt contaminée des Pays-Bas (Van Straalen et al., 1993) (voir comparaison des teneurs en HAPs avec d’autres invertébrés en 2.4.5.). Les travaux antérieurs à 1993 concernaient principalement les stratégies de survie de ces animaux dans les zones fortement contaminées par les métaux lourds, où les espèces de myriapodes étaient fortement réduites (Hopkin et al., 1985b).
2.4.3.1 Bioaccumulation chez les animaux de zones contaminées L’étude de l’assimilation des métaux lourds chez les myriapodes récoltés dans les zones contaminées a révélé des différences qui semblaient tenir : – soit du régime alimentaire (saprophage pour les diplopodes ou carnivore pour les chilopodes), – soit de la taille des animaux.
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Ainsi, chez les chilopodes (voir Index taxonomique), Hopkin & Martin (1983) notaient des capacités de régulation du Zn dans les tissus sous – cuticulaires et du Cu dans l’intestin moyen de Lithobius variegatus, qui n’assimilerait pas le Pb et le Cd (Hopkin & Martin, 1984b), alors que ces deux derniers métaux sont fortement assimilés par le diplopode Glomeris marginata (Hopkin et al., 1985b). Cependant, il est difficile de généraliser les observations faites sur une ou deux espèces car, chez les diplopodes par exemple, différents modes d’accumulation des métaux ont été décrits en fonction de l’espèce et du métal, aussi bien dans les zones polluées (Beyer et al., 1985b ; Hopkin et al., 1985b) que dans les territoires non contaminés (Knutti et al., 1988). Pourtant, en comparant les résidus en métaux d’arthropodes de zones contaminées, certains auteurs (Price et al., 1974 ; Roberts & Johnson, 1978) trouvaient qu’il y avait bioconcentration du Pb et du Cd chez les prédateurs. Mais l’analyse des métaux (Pb, Zn et Cd) de 13 espèces d’arthropodes (dont 2 chilopodes) d’un sol forestier hollandais pollué par les émissions d’une usine de Zn montre que les concentrations en Zn et en Cd (Tableau 29) ne dépendent ni du niveau trophique, ni de la taille des individus (Van Straalen & Van Wensem, 1986). Récemment, au cours d’une étude sur l’accumulation du Cd, Cu, Pb et Zn dans le sol, les plantes et les arthropodes qui vivent au voisinage de la manufacture de Pb et de Zn d’Arnoldstein (Autriche du Sud), Rabitsch (1995a) a constaté, dans la plupart des espèces, des accumulations de métaux qui augmentent avec la contamination du site. Comme cela a déjà été observé (Hopkin, 1990 ; Dallinger 1993), les stratégies écophysiologiques des espèces sont très variables dans les environnements pollués. Chez les myriapodes, Rabitsch (1995a) note des différences correspondant à celles décrites chez d’autres arthropodes, prédateurs. Les myriapodes carnivores (chilopodes) contiennent des niveaux de métaux plus faibles que les diplopodes, qui sont des décomposeurs de litières digérant jusqu’à 50 % des hyphes de champignons et des bactéries fortement chargés en métaux. Dans les sites étudiés par Rabitsch (1995a), les diplopodes (à l’exception de Polydesmus complanatus) ont des concentrations en Cd, Cu, Pb et Zn beaucoup plus fortes que celles des chilopodes, mais, parmi les diplopodes, seuls Mastigona mutabilis et Ochogonia pusilla présentent des différences significatives entre les sites, respectivement pour le Pb pour la 1re espèce et pour le Cd, le Cu et le Zn pour la 2e espèce. Comme l’avaient noté Van Straalen et Van Wensem (1986), il n’y a donc pas bioamplification dans les chaînes trophiques qui aboutissent aux chilopodes considérés comme des intermédiaires entre les macroconcentrateurs et les déconcentrateurs (Kramarz, 1999b). Chez deux autres espèces de diplopodes (Leptoiulus belgicus et Glomeris marginata) collectées dans un site de fonderie de Pb et d’Ag contaminé depuis longtemps à Braubach (près de Coblence) en Allemagne, Köhler et al. (1995) ont observé de fortes concentrations de Pb et de Cd dans l’intestin des deux espèces, tandis que le reste du corps contenait principalement du Zn. Des deux espèces, c’est G. marginata qui présente les plus fortes concentrations des trois métaux dans les différents tissus c’est-à-dire pour l’intestin par exemple : 2 665 mg.kg–1 Pb, 156 mg.kg–1 Zn et 320 mg.kg–1 Cd chez G. marginata, et 1553 mg.kg–1 Pb ; 35 mg.kg–1 Zn et 23 mg.kg–1 Cd chez L. belgicus. La capacité importante d’assimilation du Cd par G. marginata correspond à l’efficacité d’assimilation (8,2 à 40,6 %) notée par Hopkin et al. (1985b) chez cette espèce nourrie de feuilles d’érable, alors que le pourcentage d’assimilation du Cd du chilopode carnivore (L. variegatus) nourri d’hépatopancréas d’isopode est seulement de 0,0 à 7,2 % (Hopkin & Martin, 1984). Ces différences d’efficacité d’assimilation du Cd ne reflètent donc pas systématiquement les différences de niveau trophique et doivent
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résulter de particularités physiologiques nutritionnelles ou de besoins spécifiques en éléments traces (Posthuma & Van Straalen, 1993).
2.4.3.2 Études expérimentales L’absorption et l’accumulation des métaux lourds dans les deux sous-classes de myriapodes ont été précisées expérimentalement chez diverses espèces après contamination artificielle des litières ou des proies. Chez les diplopodes de quatre espèces (1 glomeridae : Glomeris conspersa et 3 julidae : Julus scandinavius, Allaiulus nitidus et Tachypodoiulus niger, l’absorption et l’excrétion des métaux des litières de deux sites (un contaminé et un non contaminé) et de Pb résultant d’une contamination artificielle (solution de Pb (NO3)2 à 1 000 mg.kg–1) ont été mesurées pendant 30 jours dans des conditions de laboratoire (15 °C ; 12 h L–12 h O) par Köhler et al. (1995). Chez ces diplopodes, que les animaux proviennent d’un site contaminé ou non, une petite partie seulement du Cd et du Pb ingérés est absorbée dans l’intestin moyen. En revanche, 33,8 à 37,5 % du Zn de la nourriture restent dans les diplopodes, mais seulement lorsque les animaux proviennent de sites non contaminés ; lorsqu’ils proviennent de sites contaminés, ils excrètent sensiblement la même quantité de Zn que celle ingérée avec la nourriture. Le Zn est principalement localisé dans ou près de la cuticule, mais également dans les sphérites des cellules épithéliales de résorption de l’intestin moyen. Si l’on compare les capacités d’accumulation des métaux des diplopodes à celles d’autres invertébrés saprophages ou phytophages du sol (isopodes, collemboles, gastéropodes) exposés pendant 3 semaines à de la nourriture et du substrat contaminés par du Pb, du Cd ou du Zn (Gräff et al., 1997), le diplopode Julus scandinavius présente un mode d’accumulation comparable à celui de l’isopode Porcellio scaber. Chez ces deux espèces, la concentration ne dépasse pas un niveau de constante de saturation, même pour les plus fortes concentrations dans la nourriture, tandis que chez le collembole Tetrodontophora bielanensis et la limace Deroceras reticulatum, les plus fortes accumulations correspondent aux plus hautes concentrations des métaux dans la nourriture. La différence pourrait s’expliquer par la réduction de la prise de nourriture chez les isopodes et les diplopodes. Pour une solution de contamination de 50 mg Cd.L–1, c’est le cloporte (P. scaber) qui présente la plus forte concentration dans son corps (215 mg.kg–1), puis la limace (D. reticulatum) : 122 mg.kg–1 ; le diplopode (J. scandinavius) : 28 mg.kg–1 et le collembole (T. bielanensis) : 5,5 mg.kg–1. Concernant le Pb, le plus faible contenu est celui du diplopode (92 mg.kg–1) après la plus forte exposition qui se traduit par une concentration de 260 mg.kg–1 chez l’isopode et de 1 168 mg.kg–1 chez la limace ; cela est probablement dû à une réduction de la consommation de nourriture. Le Zn atteint sa concentration maximale chez la limace (4 252 mg.kg–1), puis chez le diplopode (650 mg.kg–1) et ensuite chez l’isopode (263 mg.kg–1) et le collembole (216 mg.kg–1). Aux concentrations appliquées, seul le zinc aux plus fortes concentrations entraîne une mortalité chez D. reticulatum et J. scandinavius, et les charges extrêmes en Zn induisent des altérations cellulaires pathologiques dans l’intestin de ces espèces (Berkus et al., 1994 ; Köhler et al., 1996 ; Triebskorn et Köhler, 1996). La cinétique de la contamination métallique du corps des chilopodes a été suivie en nourrissant deux espèces de Lithobius avec des proies contaminées (Descamps et al., 1996 ; Kramarz, 1999b). Des adultes matures de l’espèce Lithobius forficatus (Photographie 21) récoltés dans des sites industriels pollués du Nord de la France (Mortagne du Nord : 6 à 76 mg Cd.kg–1 ;
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Pb : 90 à 3 900 mg.kg–1) ou sur des sols agricoles non pollués (0,32 mg kg–1 Cd) et nourris avec des larves de Chironomus contaminées par du Cd ou du Pb présentent une contamination rapide du corps en 2 semaines (Descamps et al., 1996). La concentration en Cd peut atteindre 80 mg.kg–1 (poids sec) au lieu de 5 à 30 mg.kg–1 chez ceux récoltés à Mortagne ou 4,2 mg.kg–1 dans les sites non pollués. Après une augmentation de la concentration des métaux, les auteurs observent une stabilisation et même une diminution des concentrations, qui traduit un processus de régulation et de détoxification de ces métaux. Au contraire, avec une espèce plus petite (L. mutabilis) d’une forêt de pins de Pologne, Kramarz (1999b) note une augmentation progressive continue de la concentration en Cd avec le temps au cours d’une période d’accumulation de 90 jours, lorsque les chilopodes sont nourris à 20 °C (photopériode de 16 h L–8 h 0) avec des larves de mouches élevées sur un milieu contaminé par le Cd seulement (milieu artificiel avec 50 mg.kg–1). Pendant le même temps, il n’y a pas d’excrétion de Cd. Lorsque les larves de mouches sont élevées sur un mélange contenant 50 mg Cd.kg–1 et 500 mg Zn.kg–1, la concentration du corps en Cd est significativement plus faible qu’après traitement par le Cd seul. D’autre part, la décontamination est plus lente (30 jours au lieu de 2 semaines après contamination mixte par le Zn et le Cd). Au cours de la contamination par le Zn (Zn seul ou Zn + Cd), la concentration du Zn augmente lentement, mais un équilibre de concentration est atteint en 50 jours dans les deux cas. Les différences de résultats concernant la cinétique de l’assimilation du Cd et de sa décontamination chez ces deux espèces (L. forficatus et L. mutabilis) peuvent correspondre à des différences interspécifiques, mais elles peuvent aussi être la conséquence des conditions expérimentales qui ne sont pas identiques. En particulier, Descamps et al. (1996) utilisent des animaux provenant de sites pollués par le Cd (sans préciser la température et la photopériode de l’élevage expérimental), ce qui peut influer sur la cinétique d’accumulation de ce métal, car Hopkin et Martin (1984b) ont montré que les chilopodes de sites pollués par le Cd ont des taux d’assimilation du Cd plus bas que ceux de sites non pollués. De plus, Kramarz (1999b) observe que lors de la double contamination (Zn + Cd), les deux métaux exercent une influence sur la cinétique respective des métaux pris séparément, ce qui est sans doute la conséquence d’interactions de ces deux métaux dans l’induction et la liaison de ceux-là avec des métallothionéines (dont il conviendrait de démontrer l’existence et la nature). Les études sur la contamination des chilopodes sont intéressantes car dans beaucoup d’écosystèmes forestiers, ils comptent parmi les groupes d’arthropodes carnivores terrestres les plus importants. Selon Albert (1983), à elles seules, deux espèces, Lithobius mutabilis et L. curtipes, représentent 17–27 % de l’assimilation totale réalisée par les arthropodes prédateurs des forêts de hêtres allemandes. Étant donné leur densité, forte et constante tout au long de l’année, et le large spectre de leurs proies, Wignarajah et Phillipson (1977) suggèrent que les chilopodes sont relativement plus importants que les autres invertébrés forestiers en tant que prédateurs. L’intérêt de l’étude de l’impact des pollutions sur ces invertébrés itéropares actifs toute l’année, et dont le cycle biologique s’étend sur plusieurs années, est souligné par Laskowski (1997), qui en rappelle les paramètres biologiques (survie, fertilité) les plus importants à prendre en considération pour établir les scénarios possibles de dynamique des populations résultant des divers stress de pollution. Cette approche mérite d’être développée car si l’hypothèse de la bioamplification ne s’applique pas à leur cas, d’autres effets de « chaîne alimentaire » sont possibles. En effet, Kramarz et Laskowski (1999) ont testé expérimentalement la toxicité du Cu et de deux produits chimiques biodégradables : un insecticide (diméthoate)
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et un détergent (LAS : linear alkylbenzene sulfonate) sur un chilopode carnivore des litières forestières (Lithobius mutabilis) et sa proie (larves de Musca domestica) en présence de sol OCDE. Les larves de mouches sont significativement davantage affectées (CL50) que leurs prédateurs par les trois produits. Cela suggère aux auteurs que dans les zones contaminées, en plus de la toxicité directe, un manque de nourriture peut constituer un facteur important de la réduction des populations de chilopodes. Les proies des chilopodes, étant détritivores et vivant en contact direct avec le milieu contaminé, sont davantage exposées aux toxiques que les espèces épigées telles que les chilopodes. Ces expériences conduisent à la conclusion, qu’au moins dans les écosystèmes terrestres, des effets autres que l’intoxication directe par bioamplification peuvent intervenir. Il est important de prendre en considération les interactions entre espèces et de mettre au point des méthodes d’évaluation des risques en laboratoire, qui ne soient pas uniquement des tests de toxicité directe portant sur une seule espèce mais, qui prennent en compte des groupes d’espèces de différents niveaux trophiques, comme cela a été réalisé par Parmelee et al. (1993), Duffield et al. (1996) ou Kramarz & Laskowski (1999). Il est donc souhaitable que les dosages des résidus des toxiques (de toute nature et pas seulement des métaux) soient réalisés dans l’environnement, les proies et les chilopodes prédateurs, dont la biomasse est comparable à celle des arachnides et des insectes carabides carnivores (Albert, 1976).
2.4.3.3 Conclusion Actuellement, il n’existe pas de test normalisé utilisant les myriapodes, bien que ceux-là soient composés de deux groupes qui jouent des rôles importants et complémentaires (diplopodes : saprophages et chilopodes : prédateurs) dans la biologie des sols. Mais les protocoles développés dans le projet SECOFASE (Development, Improvement and Standardization of Test Systems for Assessing Sublethal Effects of Chemical On Fauna in the Soil Ecosystem, 1993– 1996), sous les auspices de l’Union européenne (UE), fournissent des lignes directrices de méthodologies pour aborder l’évaluation des effets écologiques de produits chimiques dans l’environnement terrestre. Dans l’ouvrage de Løkke et Van Gestel (1998) qui rassemble les méthodes utilisant les invertébrés du sol, deux chapitres concernent les myriapodes. Un chapitre de ce livre concerne les chilopodes qui, à cause de leur long cycle vital (plusieurs années), de leur faible taux de reproduction et de leur comportement de prédateurs, sont représentatifs de la communauté vivante du sol (Laskowski et al., 1998a). Ces auteurs proposent un système de tests qui simule les conditions naturelles avec Lithobius mutabilis, l’un des plus importants prédateurs itéropares représentatifs du sous-système forestier sol-litière. Étant donné les difficultés et la longueur de l’élevage, Laskowski et al. (1998a) utilisent des animaux adultes nourris avec des pupes congelées de mouches (Musca domestica), ce qui permet aux expérimentateurs d’évaluer le transfert des contaminants par la chaîne alimentaire en élevant les asticots sur un milieu contaminé. Cette méthode a permis de développer des tests de toxicité avec le Cu, le diméthoate et un détergent (LAS) (Kramarz & Laskowski, 1999), mais aussi de montrer que la contamination des Lithobius par le Cu se fait essentiellement par la nourriture contaminée et non par le sol (Laskowski et al., 1998a). Les recommandations de ces auteurs constituent un guide détaillé pour l’utilisation des chilopodes adultes sauvages, aussi bien dans l’analyse de l’accumulation des polluants (qui peut se faire sur de longues périodes, à cause de la longévité de ces animaux) que pour les tests de toxicité, en attendant de disposer de populations de laboratoire, et de savoir comment les utiliser pour des diagnostics écotoxicologiques. L’étude de chilopodes prédateurs de diverses espèces (vers
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de terre, cloportes, diplopodes, collemboles…) constitue un centre d’intérêt d’autant plus pertinent que ces animaux sont eux-mêmes, à leur tour, des proies pour les oiseaux et les petits mammifères. L’autre groupe de myriapodes, que constituent les diplopodes rassemble des décomposeurs de matière organique morte, qui jouent un rôle écophysiologique important en stimulant l’activité microbienne du sol. Ils ne sont pas non plus l’objet de tests normalisés à cause de leur cycle vital qui est généralement long (2 ou 3 ans) et de la difficulté de leur élevage. Cependant, dans ce groupe, la famille des polydesmidae est caractérisée par un cycle de vie annuel et Tajovsky (1998) propose l’espèce Brachydesmus superus (Polydesmus superus), qui est répartie dans la plus grande partie de l’Europe, comme espèce test (eurythmie active de 2 à 26 °C avec un optimum entre 18 et 24 °C), avec une nourriture de litière de feuilles en décomposition, par exemple de Populus nigra en présence d’un sol OCDE ou LUFA 2-2. Le protocole détaillé peut être adapté à d’autres espèces, comme P. inconstans ou P. denticulatus, pour réaliser des tests toxicologiques d’effets (survie, comportement, développement, reproduction…), mais à notre avis, ce test peut également être utilisé pour analyser la bioaccumulation et la biodégradation des polluants organiques et métalliques, car les diplopodes sont des bioaccumulateurs importants de métaux (Hopkin et al., 1985a ; Köhler et al., 1995) et les contaminants des litières affectent leur survie. En fonction des résultats analysés, des essais de standardisation devraient être réalisés avec Glomeris marginata et Julus scandinavius, qui présentent des capacités de bioaccumulation importantes des métaux et sont des espèces communes.
2.4.4 Arachnides Cette classe (Photographie 22) comporte des représentants de tailles très diverses et de détermination systématique délicate, ce qui est sans doute à l’origine de la disparité des connaissances sur la bioaccumulation des contaminants dans ces organismes terrestres, dont l’importance est comparable à celle des myriapodes et des isopodes. L’accumulation de métaux, comme le Pb et le Zn, dans le sol et la végétation qui bordent les routes à circulation automobile intense est connue depuis les années 1970. Cette accumulation augmente avec l’intensité du trafic et elle diminue avec la distance de la route (Zimdhal & Arvik, 1973 ; Smith, 1976). L’incidence de cette contamination « routière » sur les invertébrés vivant à la surface du sol a été étudiée par Wade et al. (1980), qui ont mesuré la concentration en Pb et en Zn d’arthropodes (arachnides, carabidés, homoptères) piégés vivants dans des trappes installées parallèlement à la route, suivant des transects choisis entre 0 et 150 m. Les analyses n’ont pas mis en évidence d’augmentation des teneurs en Zn dans les invertébrés piégés à proximité de la route. En revanche, pour le Pb, le gradient de contamination des invertébrés, comparable à celui du sol et de la végétation, se traduit par une diminution de 64 % lorsque l’on s’éloigne de 2 à 150 m. Parmi les invertébrés piégés, Wade et al. (1980) notent que les arachnides prédateurs (sans précision des espèces), araignées et faucheux, présentent une plus grande augmentation des concentrations en Pb que les insectes herbivores ; ce qui suggère aux auteurs l’existence d’une concentration biologique du métal suivant le niveau trophique, mais les différences ne sont pas significatives. Le principal résultat concerne les différences entre les arachnides (araignées et faucheux) et les insectes carabidés. Pour les arachnides, les concentrations en Pb chutent de 71 % lorsque l’on
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s’éloigne de 150 m (52,7 µg.g–1 à 15,4 µg.g–1), alors qu’elles diminuent de 50 % chez les carabidés (15,7 à 7,8 µg.g–1). Schipper et al. (2008) ont étudié la contamination et l’abondance de 17 espèces d’arthropodes dans une plaine inondable des Pays-Bas (Ewijkse Plaat) présentant un gradient de contamination en ETMs. Les auteurs ont observé l’existence de relations significatives entre la contamination des sites et les concentrations en Cd, Cu, Pb et Zn des organismes. Les arachnides (aranéides) présentent des concentrations internes systématiquement plus importantes que les coléoptères, probablement en relation avec des différences écologiques (régime alimentaire) et physiologiques (taux d’assimilation plus importants). Ces analyses par familles zoologiques ont le mérite d’attirer l’attention sur l’intérêt de la recherche des métaux chez les arachnides, à cause de l’intensité de leur contamination à proximité des sources de pollution, mais le problème de l'origine des concentrations importantes reste posé (origine alimentaire ou dépôt sur la surface de leur tégument, qui est souvent pubescent chez les araignées). Par la suite, d’autres analyses ont été faites sur les arachnides pour comparer les résidus en métaux lourds dans des catégories d’arthropodes de différents niveaux trophiques dans les zones contaminées, et en choisissant des espèces de façon à couvrir à la fois une gamme de poids du corps, une variété d’habitats et une diversité de groupes taxonomiques dans une forêt de pins Hollandaise sur sol sableux (Van Straalen & Van Wensem, 1986). Comme cela a été constaté chez les insectes carabidés et les myriapodes chilopodes, les concentrations des métaux des arachnides ne dépendent ni de la taille du corps ni du niveau trophique, mais résultent de caractéristiques physiologiques de chaque espèce. Pour l’araignée Centromerus sylvaticus et le pseudoscorpion Neobisium muscorum, qui sont des carnivores dont le poids sec des individus est comparable (Tableau 29) et environ 10 fois plus petit que celui du chilopode Lithobius forticatus, la concentration en Cd, respectivement de 177 nmol.g–1 et 155 nmol.g–1 est sensiblement 8 fois plus grande que celle de L. forficatus (20 nmol.g–1). Ces deux arachnides sont manifestement des macroconcentrateurs de Cd dans un sol forestier dont la teneur en Cd est de 98 nmol.g–1. En revanche, les concentrations en Pb et en Zn de C. sylvaticus et N. muscorum (Tableau 29) sont très inférieures à ce qu’elles sont dans le sol. Chez un oribatide, Chamobates cuspidatus (acarien non carnivore) dont le poids sec est environ 100 fois plus faible, le Pb n’est pas détectable, la concentration en Cd est faible, mais celle du Zn est légèrement plus forte que celle de l’araignée C. sylvaticus et du pseudoscorpion N. muscorum, et nettement inférieure à celle du sol (Tableau 29). L’explication des différences d’accumulation observées n’est pas connue et dépend sans doute d’adaptations particulières à chaque espèce concernant le métabolisme des métaux, car deux arthropodes, un carabidé (Notiophilus biguttatus) et une araignée (Centromerus sylvaticus) qui sont spécialisés dans la prédation de collemboles (Ernsting & Joosse, 1974 ; Schaeffer, 1976), ont des concentrations en Cd qui diffèrent d’un rang d’amplitude. Van Straalen & Van Wensem (1986) avancent que cette différence peut être rapportée au fait que les araignées sucent leurs proies et produisent peu d’excréments, tandis que les carabidés avalent leurs proies entières et émettent davantage d’excréments entraînant les métaux. Cependant, une autre araignée Dysdera crocata (Photographie 22) prédatrice de cloportes, assimile peu le Cd et le Pb (Hopkin & Martin, 1985). Dans un essai de modélisation de la toxicocinétique du Cd, des expériences d’exposition chronique en laboratoire ont été réalisées par Janssen et al. (1991), à partir d’espèces d’arthropodes provenant comme précédemment d’une litière de forêt de pins hollandaise et comportant deux espèces d’arachnides – le pseudoscorpion Neobisium muscorum et l’acarien
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oribatide Platynothrus peltifer – un insecte collembole – Orchesella cincta et un insecte carabidé – Notiophilus biguttatus. Cinq modèles différents ont été considérés et adaptés aux données de l’expérience correspondant à l’assimilation du Cd, à son excrétion et aux concentrations d’équilibre. Plutôt que d’utiliser la charge du corps en métal recommandée par Moriarty (1983), Janssen M.P.M et al. (1991) utilisent la concentration en Cd de façon à corriger les différences de poids entre espèces, en faisant des comparaisons plus valables au cours d’une période d’accumulation suivie d’une période d’élimination. Pendant la période d’accumulation de 30 jours, les concentrations les plus importantes sont atteintes chez les arachnides, N. muscorum et P. peltifer, par rapport à celles d’O. cincta et de N. biguttatus (Tableau 29). L’efficacité d’assimilation du Cd est la plus grande chez N. muscorum (60 % du Cd ingéré), la plus faibls est trouvées chez P. peltifer et O. cincta, et elle est intermédiaires chez N. biguttatus (36 %). Au cours de la période d’élimination (environ 30 jours), l’excrétion du Cd est rapide avec retour au niveau initial en 5 jours chez N. biguttatus, elle est plus lente mais complète en 30 jours chez O. cincta. En revanche, chez P. peltifer, le taux d'élimination est lent (encore 175 pmol.mg–1 après 30 jours) et chez N. muscorum, il ne se produit aucune excrétion en 100 jours. Les concentrations d’équilibre (Céq) de chaque espèce ont été calculées à l’aide d’un modèle à un compartiment par l’équation : C eq = C 0 + a-k avec C0 : concentration à t = 0, en pmol a : taux d’assimilation (pmol. jour–1) k : constante d’excrétion (jour–1). Les concentrations d’équilibre du Cd sont respectivement de 713, 52 et 33 pmol.mg–1 pour P. peltifer, O. cincta et N. biguttatus. Pour la dernière espèce, elle est atteinte en 10 jours ; pour les autres, elle ne l’est pas encore en 30 jours. On ne peut pas calculer de concentration d’équilibre pour N. muscorum, qui n’excrète pas de Cd. Les constantes d’excrétion du Cd mesurées ou relevées dans la bibliographie par Janssen M.P.M et al. (1991) semblent être liées à la position taxonomique des espèces d’invertébrés du sol : les valeurs faibles sont trouvées chez les escargots, les isopodes, les arachnides et un insecte primitif (Campodea staphylinus), tandis que les valeurs élevées sont observées chez les autres espèces d’insectes (collemboles, criquets, carabes). Les différents modèles à un ou deux compartiments internes (l’un à élimination rapide, l’autre à élimination lente) de Janssen M.P.M et al. (1991) constituent une approche intéressante, qui permet de considérer plusieurs voies dans le métabolisme des différentes parties du métal pouvant passer directement du tube digestif aux fèces ou être assimilées dans les organes. Le modèle à deux compartiments donne une bonne description de l’absorption et de l’excrétion du Cd chez les deux arachnides et le carabidé (prédateurs), avec une somme des moindres carrés plus faible qu’avec les modèles à un compartiment, mais il ne s’applique pas à la cinétique du Cd chez le collembole O. cincta. Les concentrations d’équilibre calculées d’après le modèle de Janssen M.P.M et al. (1991) sont plus grandes que celles des mêmes espèces dans le site pollué de référence (Janssen M.P.M, 1988), mais les rapports sont comparables, ce qui indique que les processus qui déterminent les concentrations dans les animaux de la nature sont les mêmes que ceux analysés
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dans les expériences en laboratoire. Cependant dans la nature, il peut exister des interactions entre métaux pouvant être à l’origine de variations comme celle décrite par Van Straalen et al. (1989) chez P. peltifer, où l’accumulation de Cd diminue le contenu en Zn. Étudiant en laboratoire la sensibilité sublétale (croissance et reproduction) ou létale au Cd d’arthropodes du sol – Platynothrus peltifer (acarien oribatide), Orchesella cincta, Folsomia candida (collemboles) et Porcellio scaber (isopode) – Crommentuijn et al. (1995) observent, après exposition pendant 63 jours à de la nourriture contaminée, des concentrations en Cd chez P. peltifer et O. cincta qui sont comparables à celles notées par Janssen et al. (1991) (Tableau 29). La comparaison des effets toxiques du Cd chez ces espèces montre qu’après 63 jours, c’est l’acarien P. peltifer qui est le plus sensible pour la reproduction (CE50 = 310 µg.g–1), tandis que pour la survie c’est O. cincta qui est l’espèce la plus sensible (CL50 = 177 µg.g–1), suivie par P. peltifer (233 µg.g–1 à 63 jours). D’après les auteurs, cette contradiction entre les paramètres d’effets résulterait des différences entre les écarts de concentrations auxquelles se produisent les effets létaux et sublétaux pour des espèces différentes. Le rapport entre la concentration létale et la concentration sublétale est appelé index de sensibilité sublétale (SSI : sublethal sensitivity index). Cet index est proposé comme paramètre pour exprimer le maintien de fonctions sublétales pendant un stress toxique. Cet index pourrait être un paramètre valable pour évaluer la probabilité d’effets sur les populations de stress toxiques affectant la reproduction à des valeurs relativement basses comparées à la CL50. Cela est le cas pour P. peltifer exposé au Cd et semble confirmé par les différences de densité de populations des acariens oribatides observées par Strojan (1978) près d’une mine de Zn, alors que les populations de collemboles ne sont pas affectées. Il faut toutefois signaler que Crommentuijn et al. (1995) notent d’importantes différences de concentrations chez P. peltifer et P. scaber par rapport à des données antérieures (Crommentuijn et al., 1994) et il est nécessaire de rechercher les causes de cette différence de biodisponibilité du métal (variabilité génétique, mode d’exposition, âge, histoire des animaux…) avant d’utiliser ces animaux pour des tests d’évaluation des pollutions. Après avoir analysé la contamination, par les métaux, du sol, des végétaux et de diverses espèces d’invertébrés (insectes, isopodes, myriapodes) au voisinage du complexe minier d’Arnoldstein en Autriche (Rabitsch, 1995a, b), Rabitsch (1995c) a étudié les modes d’accumulation du Cd, du Pb, du Cu et du Zn chez les opilions et les araignées de ces mines fermées en 1992. En effet, les arachnides sont abondants, aussi bien dans les écosystèmes naturels que dans les milieux perturbés, et la plupart sont des prédateurs non sélectifs qui peuvent fournir des renseignements sur les transferts de contaminants. Les résultats sont divers suivant les ordres et les espèces. Parmi les six espèces d’opilions (faucheux) récoltées, Paranemastoma 4-punctatum montre clairement un mode d’accumulation dépendant du site (Tableau 29) car la charge des quatre métaux reflète la contamination du site (concentrations les plus élevées proches de la source de contamination). Pour les autres espèces d’opilions, il y a de grandes variations selon le métal et le site : les plus fortes concentrations en Pb (101 µg.g–1) et Cu (103 µg.g–1) sont mesurées chez Nelima semproni (juvéniles) sur le site 5 (le plus éloigné de l’émission) alors que les plus fortes concentrations en Cd (63,9 µg.g–1) et en Zn (1 242 µg.g–1) se trouvent chez Oligolophus tridens (femelles) sur le site n°1. Les mâles de cette espèce, sur le même site, ont une concentration en Zn nettement plus faible (588 µg.g–1).
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Chez les araignées, les dosages ont été effectués chez 16 espèces appartenant à neuf familles. Un fait commun à la plupart des espèces est l’augmentation des concentrations en Pb au site 2 qui correspond à celui dont les couches superficielles du sol ont les plus fortes contaminations en Pb (93 768 à 19 277 µg.g–1) lorsque l’on passe de 1 cm à 10 cm (Rabitsch, 1995a). Cependant, il existe de grandes variations selon les espèces (Tableau 29). Les plus fortes concentrations en Pb sont observées chez Phrurolithus festivus (femelles du site 2) avec 1 221 µg.g–1, puis Centromerus sylvaticus avec une différence d’accumulation liée au sexe (♀ : 1 100 µg.g–1, ♂ : 500 µg.g–1). Pour cette espèce, on note une grande différence avec les valeurs trouvées par Van Straalen & Van Wensem (1986) sur le site d’une mine de Zn (Tableau 29). Dans la même famille des linyphiidae qui, sont les arachnides les plus abondants et les plus divers des habitats tempérés, l’espèce Lepthyphantes cristatus accumule nettement moins de Pb (20 à 80 µg.g–1) mais concentre plus fortement le Cd (16 à 55 µg.g–1) (Tableau 29). Chez les lycoses, le groupe de quatre espèces de Pardosa lugubris (sl.) présente des concentrations en métaux élevées près de la source de pollution et, en général, les mâles accumulent davantage de métaux que les femelles (Tableau 29). Une observation comparable est réalisée pour le Cd et le Zn chez Trochosa terricola. Le Cu présente des écarts moins importants (Tableau 29) et semble sous contrôle homéostatique. Dans un autre site métallurgique contaminé par des métaux (Kosogorsky en Russie), Tanasevitch (1999) a observé des corrélations entre les concentrations des métaux du sol et des litières et celles de l'araignée lycoside Pardosa amentata (Photographie 22), qui diminuent suivant la séquence : Fe > Zn > Cu > Cd > Mn / Pb. Les concentrations en Cu et en Zn des araignées des sites 1 et 2, respectivement à 400 m et 4 km des usines, sont sensiblement identiques et ne dépendent pas des concentrations dans le sol et les litières. En revanche, les concentrations en Fe, Cd, Mn et Pb sont plus élevées chez les araignées du site 1 que chez celles du site 2 avec des différences liées au sexe : Cd (3 fois plus chez les mâles), Fe (2,1 à 2,4 fois plus chez les femelles) (Tableau 29). Les plus grandes densités et diversités d'araignées trouvées lorsque l'on passe du site 1 au site 2 (× 1,8) sont probablement dues en partie à l'augmentation de la biodiversité des invertébrés, qui sont des proies potentielles pour les araignées. Si l’on compare les concentrations en métaux de Pardosa lugubris à Arnoldstein avec celles de P. amentata à Kosogorsky (Tableau 29), on constate dans les deux cas une plus forte accumulation de Cd et de Pb chez les mâles que chez les femelles des deux sites contaminés, mais avec des rapports différents. Pour le Zn et le Cu Tanasevitch (1999) signale peu de différences chez P. amentata à Kosogorsky, tandis qu'il en existe chez P. lugubris à Arnoldstein. Aux différences physiologiques spécifiques s'ajoutent les conditions de pluricontamination des deux sites ; ce qui illustre la complexité des analyses qui doivent être interprétées cas par cas en fonction du contexte écophysiologique local. En conclusion de la comparaison des analyses de métaux effectuées chez les arthropodes de plusieurs classes, Rabitsch (1995c) trouve que l’expression de la spécificité de site d’accumulation du Cd, du Cu et du Zn n’est pas aussi nette chez les arachnides que chez les autres classes (insectes, myriapodes, crustacés isopodes). De plus chez ces prédateurs, il n’a pas été observé de phénomène de bioamplification, bien que certaines araignées comme Zodarion rubidum se nourrissent de fourmis qui concentrent fortement les métaux (Rabitsch, 1995b), ce qui laisse supposer l’existence de mécanismes d’élimination et de régulation. Des phénomènes comparables doivent intervenir chez les araignées qui se nourrissent de collemboles. Cependant, comme ce sont des prédateurs non sélectifs, l’étude de la cinétique du transfert des métaux n’est pas possible à partir des animaux récoltés dans la nature, d’autant que non
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seulement les proies sont plus ou moins contaminées, mais le sol, les végétaux et l’air le sont également avec des variations très importantes suivant la profondeur du sol, la nature des litières et l’orientation des vents dominants (Rabitsch, 1995a). Les mécanismes d’absorption et d’élimination doivent donc être précisés chez ces prédateurs qui sont eux-mêmes des proies pour d’autres arthropodes (insectes hyménoptères) et des vertébrés (crapauds, lézards, oiseaux). Étant donné la variété des facteurs qui peuvent agir sur la charge en métaux du corps des arachnides capturés dans la nature, Rabitsch (1995c) ne recommande pas l’utilisation des araignées et des opilions dans la bioindication des pollutions métalliques des écosystèmes terrestres. Pourtant, en attendant de réaliser des chaînes alimentaires expérimentales comparables à celles qui existent dans la nature, par exemple : végétaux Æ fourmis ou autres insectes Æ arachnides (à réponse ± spécifique) Æ prédateurs secondaires, les mesures faites sur les animaux prélevés sur le terrain (Van Straalen & Van Wensem, 1986 ; Rabitsch, 1995c ; Tanasevitch, 1999) permettent de repérer les espèces possédant des capacités de bioaccumulation des métaux qui reflètent le plus fidèlement les niveaux de contamination des sites (Tableau 29). Pour obtenir des informations plus précises, il sera nécessaire de disposer d’animaux sentinelles dont les caractéristiques biologiques sont bien connues et, si possible, de maîtriser l’élevage des espèces les plus adéquates à remplir la fonction de bioindicateur d’accumulation (cependant, le cannibalisme étant fréquent chez ces invertébrés, l'élevage pose des problèmes techniques importants). Dès à présent, parmi les nombreux ordres d’arachnides, deux espèces ont donné lieu à des expériences en laboratoire qui permettent d’envisager des tests d’effets sur la croissance et la reproduction en même temps que l’analyse de la bioaccumulation des métaux. Il s’agit du pseudoscorpion Neobisium muscorum et de l’acarien oribatide Platynothrus peltifer (Janssen et al., 1991 ; Crommentuijn et al., 1995). Pour P. peltifer, le développement d’un test d’écotoxicité est en cours avec le Cu comme métal de référence (Van Gestel et al., 1995) dans le programme SECOFASE de l’Union européenne. Avec des adultes recueillis dans une litière relativement non polluée de forêts de conifères et de chênes, des tests ont été réalisés afin d’évaluer l’influence de l’exposition au Cu par le sol ou la nourriture. Dans un sol artificiel, avec une nourriture non contaminée d’algues vertes (1 %) à 20 °C, les concentrations internes en Cu de P. peltifer adultes augmentent avec les concentrations du sol et les plateaux de concentration sont atteints après 4 semaines. La CL50 stabilisée après 6 semaines pour la concentration de 320 µg Cu par g de sol sec se traduit par une concentration de 250 µg Cu par g de poids sec du corps. Lorsque des adultes de P. peltifer sont placés sur du plâtre de Paris à 20 °C et nourris avec des algues vertes contaminées par du Cu, la CL50 à 12 semaines est de 1 600 µg Cu par g de nourriture sèche et la concentration du corps des animaux est estimée à 300 µg Cu par g de poids sec. Ainsi, indépendamment de la voie d’exposition (sol artificiel ou plâtre + nourriture contaminée), P. peltifer meurt lorsque la concentration interne en Cu atteint 250 à 300 µg g–1 de poids sec du corps. On remarque aussi qu’il faut ajouter beaucoup plus de Cu à la nourriture qu’au sol pour obtenir la concentration interne létale. Cela signifierait que la biodisponibilité du métal (Cu) du sol artificiel est plus grande que celle de la nourriture, mais cela peut aussi suggérer que l’eau interstitielle constitue une voie efficace de l’absorption chez les arthropodes du sol. Comme les acariens constituent l’un des groupes les plus abondants (comparable aux collemboles) du système sol - litière, ces arthropodes sont sélectionnés comme espèces pouvant
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être retenues dans une batterie d’espèces tests d’écotoxicité terrestre (Laskowski et al., 1998b) avec un herbivore (P. peltifer) et un prédateur (Hypoaspis aculeifer). Pour P. peltifer, commun dans les sols des forêts et des prairies, Van Gestel & Doornekamp (1998) donnent les indications biologiques et techniques permettant d’extraire du sol des quantités importantes d’adultes à l’aide d’un équipement de type Tullgren et de les maintenir en laboratoire pendant longtemps en les nourrissant d’algues vertes. Le protocole de tests de toxicité par exposition à du sol artificiel OCDE contaminé ou à de la nourriture contaminée est donné en détail par ces auteurs. Ces tests, réalisés à 15 °C sous une photopériode de : 12 h L–12 h O, permettent de noter la survie, le nombre d’œufs pondus et peuvent servir à analyser la bioconcentration des contaminants dans le corps des acariens. Si P. peltifer, espèce modèle dans divers laboratoires, peut être utilisée pour des tests de toxicité des sols (Van Gestel & Doornekamp, 1998), d'autres espèces d'oribatides ont servi à déterminer les concentrations en métaux dans diverses communautés d'acariens d'écosystèmes réels. Ainsi, dans la région de Moscou (Butovsky et al., 1998) et dans l'environnement de l'ensemble métallurgique de Kosogorsky (Russie) qui présente un gradient de contamination par des métaux : Fe, Cu, Zn, Pb et Cd (Van Straalen et al., 2001), l'accumulation de métaux a été décrite avec des concentrations variables selon les familles et les métaux (Zaitsev, 1999 ; Zaitsev & Van Straalen, 2001). En particulier, les concentrations en Zn sont plus élevées chez les microphytophages (se nourrissant de champignons) que chez les macrophytophages. Cependant, en dépit du gradient de concentrations des métaux dans le sol, aucune différence significative n'a été observée (p = 0,05) entre les sites 1 à 4, sauf pour le Fe chez Hermanniella granulata (site 1 : 4 700 µg.g–1 ps ; sites 2, 3, 4 : environ 1 000 µg.g–1 ps). Les communautés d'acariens oribatides tolèrent bien la contamination métallique. Sur le site 1, le plus pollué, quelques espèces typiques des sols riches en nutriments se développent abondamment (P. peltifer et H. granulata), mais la structure des communautés et la diversité des espèces ne sont pas sérieusement affectées (Zaitsev & Van Straalen, 2001). À titre de comparaison, pour donner une idée de la variabilité spécifique de la bioaccumulation des métaux non essentiels, Cd et Pb, les concentrations moyennes sur 10 espèces sont : Cd = 3,75 ± 0,77 µg.g–1 ps et Pb = 185 ± 120 µg.g–1 ps tandis que espèce par espèce les concentrations (µg.g–1 ps) sont les suivantes: Platynothrus peltifer, Cd = 2,10 ; Pb = 770 ± 277 (max.) ; Phthiracarus nitens, Cd = 8,71 ± 2,41 (max) ; Pb = 38,9 ± 7 ; Hermanniella granulata, Cd = 1,16 ± 0,4 (min.) ; Pb = 22,9 ± 6,3. Ces différences spécifiques d'accumulation des métaux traduisent des stratégies divergentes de nutrition minérale et illustrent le large potentiel de bioindication des nombreux oribatides du sol, et en particulier de P. peltifer, aussi bien en champ qu'en laboratoire. Pour Hypoaspis aculeifer (acarien polyphage qui se nourrit de nématodes, d’enchytrés, de collemboles et d’autres acariens), un système de tests proie (collemboles : Folsomia fimeteria)– prédateur (acarien : H. aculeifer) a été décrit et commenté par Krogh & Axelsen (1998), qui estiment la survie, la croissance et la reproduction du prédateur H. aculeifer sur sol ISOOCDE ou sol LUFA 2-2 après contamination par une substance de référence (diméthoate). On peut également envisager l’emploi de ce test pour étudier la bioaccumulation des contaminants chez la proie et le prédateur. Les microcosmes utilisés permettent une simulation de ce qui se passe dans la nature en réalisant une exposition directe à la fois de la proie et du prédateur. Des efforts doivent encore être faits pour limiter les sources de variations dans un système de tests écotoxicologiques simulant les interactions prédateur - proie, car un certain
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Concentrations en métaux de quelques espèces d’arachnides prélevés dans la nature ou après contamination expérimentale en laboratoire (comparaison avec d’autres arthropodes).
Origine des animaux Espèces 1. Forêt de pins Pays-Bas Région de Budel (1 km usine Zn)
2. Forêt de pins Pays-Bas Litière sol non contaminé
Contamination Poids sec (mg)
• Araignée Centromerus sylvaticus 0,456 • Pseudoscorpion Neobisium muscorum 0,401 • Acarien oribatide Chamobates cuspidatus 0,003 4 • Myriapode chilopode Lithobius forficatus 5,08 • Insecte carabide Notiophilus biguttatus 2,966
Nature
Concentrations en métaux : animaux Expérimentale (Cd)
Sol forestier
Cd, Pb, Zn Nourriture Collemboles
• Pseudoscorpion (prédateur) Neobisium muscorum • Insecte carabide (prédateur) Notiophilus biguttatus
200 pmol.mg−1 Cd 233 pmol.mg−1 Cd
Cd
98 177
3 200 5,0
25 500 4 370
155
ND
4 880
27
ND
5 580
20
32
2 850
18
5,3
1 250
Bioaccumulation chez les invertébrés terrestres
3. Pays-Bas Zones non contaminées
• Acarien oribatide Platynothrus peltifer • Insecte collembole Orchesella cincta • Isopode
Porcellio scaber
Van Straalen & Van Wensem (1986)
Concentration des animaux en Cd (pmol.mg−1) Post-contaménation Accumulation 30 jours. (élimination) 180 32
130 jours : 180 (10 jours)
5
Algues vertes • Acarien oribatide (saprophage) Platynothrus peltifer • Insecte collembole (saprophage) Orchesella cincta
Référence
Pb Zn (en nmol.g−1 de poids sec)
Janssen et al., (1991)
149 pmol.mg−1 Cd 260
(30 jours) 175
149 pmol.mg−1 Cd 50 Nourriture + Cd Algues vertes 83 µg.g −1 46 µg.g
−1
Mélange feuilles + aliment chien 96 µg.g −1
(30 jours)
10
Concentration animaux après 63 jours (µg.g −1) 130
FBC > 1
20
FBC < 1
600
FBC > 2
Crommentuijn et al., (1995)
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TABLEAU 29
199
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200 Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Tableau 29 : Suite Sol, plantes, proies
4. Autriche
• Opilion (faucheux) Paranemastoma 4-punctatum
Cd
Site 1 (f) Site 5 (f)
30,9 16,5*
Pb Zn (en µg.g −1 de poids sec) 62 28,5*
422 287*
Complexe minier (Pb-Zn) Arnoldstein
• Araignées : famille des linyphiidae Centromerus sylvaticus
Site 2 (f) 2 (m) Site 5 (f) 5 (m)
39 23 33 25
cinq sites de 0,5 km (1) à 2,5 km (5) de l’émission
• Lepthyphantes cristatus
Site 1 (f) 1 (m) Site 5 (f) 5 (m)
55 51 13* 16*
83 80 23* 21*
600 500 375* 350 *
• Araignées : famille des lycosidae Pardosa lugubris s.l. (complexe de quatre espèces)
Site 3 (f) 3 (m) Site 5 (f) 5 (m)
80 120 38* 42*
110 125 8* 10*
925 1500 775 650*
5. Russie Complexe métallurgique Kosogorsky
de
Site 1 : 400 m des usines Site 2 : 4 km des usines
• Araignées : famille des lycosidae Pardosa amentata
Sols et litières avec communautés de plantes similaires : Salix, Carpinus, Urtica Rapport des concentrations en métaux site 1 / site 2: Sol Litière Cd 1,5 Fe 2 14 Pb 2 13,2 Cu 2,6 1,9 Zn 3,2 1,6 Mn 7 4
* Différences significatives entre sites différents ; f = femelle ; m = mâle ; ND = non détectable.
1 100 500 55* 50*
Cd
Pb
Cu
41,3 23,6*
1 340 930 410* 310*
Fe
108 63 32* 29*
Rabitsch (1995c)
62 86 76 69 155 235 95* 70* Mn
(en µg.g −1 de poids sec) Site 1 (m)
24
103
429
82
Site 1 (f)
7,5
ND
1 023
432
Site 2 (m)
9,2
ND
350
58
Site 2 (f)
ND
ND
724
48
Tanasevitch (1999)
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nombre de modifications sont dues au fait que le test se fait dans un espace restreint (quantité et propriétés du sol, pression de prédation, état physiologique des animaux…). En ce qui concerne la localisation tissulaire et cellulaire des métaux, des granules de structure concentrique ont été observés dans l'épithélium digestif de l’opilion Phalangium opilio (Becker & Peters, 1985), mais c’est surtout chez les araignées que différents types de granules ont été décrits. Chez Coelotes terrestris, l’appareil digestif intervient dans le stockage et la détoxification des métaux en formant dans l'hépatopancréas des « sphérites » qui correspondent à des granules de type A contenant du Pb (Ludwig & Alberti, 1988). Chez les araignées Dysdera crocata, prédatrices de cloportes, Hopkin et Martin (1985) ont tout d’abord étudié l’assimilation du Zn, Cd, Pb, Cu et Fe puis, à partir d’individus collectés dans des localités urbaines, Hopkin (1989) a observé et montré l’aspect en microscopie électronique de nombreux granules de type A (structure concentrique) et de type B dans la même cellule de l’hépatopancréas. Les granules de type A contiennent du calcium, du phosphore, du zinc et du plomb, et les granules de type B des sulfures, du cuivre et du cadmium. Les cellules qui contiennent ces granules éclatent à la fin de chaque cycle de repas journalier et libèrent les granules contenant les métaux et les autres déchets qui sont rejetés avec les fèces. La possibilité d’élimination des métaux déposés dans l’exosquelette au moment des mues a aussi été évoquée par Janssen & Bedaux (1989) et Janssen et al. (1990). Il faut aussi se souvenir qu’une proportion importante de métaux peut être constituée par des dépôts sur le tégument (plus ou moins pubescent) des araignées, comme cela a été mesuré pour le Pb par Clausen (1984). Cet auteur a noté également que les araignées pouvaient fournir des indications sur la pollution atmosphérique car les métaux dispersés dans l’air peuvent être piégés par les toiles qui sont consommées chaque jour. Chez les acariens, des granules à structure concentrique ont été observés dans l’intestin moyen d’Anystis sp. (Wright & Newell, 1964) et l’accumulation de Cd et de Pb décrite dans les cellules de l’intestin de deux espèces (Ludwig et al., 1991). Des phénomènes d’adaptation des arachnides aux polluants métalliques ont été relevés dans la littérature par Posthuma & Van Straalen (1993), en particulier chez les tiques résistants à des pesticides contenant de l’arsenic, comme Boophilus decoloratus (Thompson & Johnston, 1958 ; Harington, 1959 ; Matthewson & Baker, 1975), mais aussi probablement chez des acariens dans des sites pollués par le Pb. La relation entre adaptation et bioaccumulation de ces substances mérite d’être analysée car chez les escargots, l’adaptation au Pb se traduit par une capacité moindre de bioaccumulation du métal (Beeby & Richmond, 1987 ; Gomot de Vaufleury & Pihan, 2000). Aussi, dans la mesure où les tests actuels utilisent des acariens récoltés dans la nature, il faut s’assurer que les variations observées dans les analyses de concentration de métaux constatées par différents auteurs ne résultent pas de phénomènes d’adaptation de ces animaux. D’où l’intérêt de poursuivre l’amélioration des méthodes d’élevage afin de disposer de souches génétiquement connues.
2.4.5 Conclusions Dans l’embranchement des arthropodes, qui représente l’ensemble évolutif comportant le plus grand nombre d’espèces du règne animal avec des adaptations anatomiques et physiologiques permettant leur survie et leur développement dans tous les milieux même les plus extrêmes, les mesures de concentration des contaminants dans les animaux terrestres de différentes tailles et de différentes familles ou ordres montrent que les capacités de bioaccumulation
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sont très diverses et ne peuvent pas être systématiquement rattachées à des groupes taxonomiques (classes, ordres, familles, genres). En revanche, les résultats des analyses soulignent la valeur des données obtenues au niveau des espèces à condition de préciser les caractéristiques de leur environnement (nature du sol, température, saison…). De l’ensemble des résultats actuels, il faut retenir qu’il n’existe pas de relation directe entre taille et bioconcentration et que les cas de bioamplification sont rares dans les chaînes alimentaires terrestres constituées d’invertébrés. La plupart des arthropodes prédateurs se comportent comme des déconcentrateurs, ce qui limite beaucoup les phénomènes d’amplification des concentrations dans les niveaux supérieurs des chaînes alimentaires. Bien que l’embranchement des arthropodes soit numériquement dominé par la classe des insectes, dont certains sont de précieux auxiliaires de l’Homme, mais d’autres au contraire sont considérés comme des nuisances contre lesquelles de multiples substances sont synthétisées pour les combattre, les résultats portant sur la bioaccumulation des métaux sont généralement plus nombreux que ceux concernant les produits organiques. Cependant, dans le cas des abeilles, on possède de nombreuses informations sur les quantités de contaminants de toutes sortes qui peuvent être transportés ou accumulés, sur et dans leur corps, ou déposés dans les produits de la ruche (pollen, propolis, cire, miel). Ainsi, les abeilles sont des indicatrices et des sentinelles pour lesquelles Bromenshenk et al. (1995) ont donné un tableau des concentrations en métaux et en substances organiques les concernant, ainsi que des symptômes pathologiques qui peuvent les affecter. Leur utilisation comme sentinelles de l'environnement au sens large (et non seulement de la bioaccumulation) fait l'objet d'un modèle informatique (PC BEEPOP) (Bromenshenk et al., 1991) qui peut être communiqué par les auteurs ou consulté sur le site http://gears.tucson.ars.ag.gov/beepop/beepopg.asp. Le fait de disposer actuellement de moyens techniques permettant de repérer les abeilles dans leurs déplacements et même de leur apprendre à détecter certaines substances nous incite les considérer comme des auxiliaires efficaces dans la biosurveillance qualitative et quantitative de l'environnement. Pour les autres arthropodes, selon la nature des contaminants, on peut résumer quelques données caractéristiques des capacités d’accumulation d’espèces à large répartition dont le rôle dans les écosystèmes terrestres est reconnu et dont la détermination systématique ne pose pas trop de problèmes.
2.4.5.1 Métaux Dans la nature, comme chez les autres invertébrés, les concentrations en métaux des arthropodes peuvent être fonction de la distance des sources de contamination et généralement diminuent au fur et à mesure que l'on s'éloigne de celles-là. Cependant, il existe de grandes variations suivant les espèces et les métaux. Par exemple, sur un site forestier proche d'une mine et d'une fonderie de Suède, Bengtsson et al. (1983) avaient observé une diminution de la concentration en Cu des vésicules séminales et des ganglions cérébroïdes de l'espèce de vers de terre Dendrobaena octaedra lorsque la distance de la source augmente, mais l'inverse dans les vésicules séminales de Lumbricus rubellus et Allolobophora caliginosa. Sur le même site, Bengtsson & Rundgren (1984) ont constaté que les quelques arthropodes (insectes, araignées, opilions) piégés à proximité de la fonderie de Cu avaient les concentrations les plus élevées en Cu et en Pb, avec également des différences selon les espèces et le métal. Les araignées (Trochosa terricola) et les fourmis (Formica polyctena) montraient les plus fortes concentrations en Cu (proches de 1 pour 1 000 chez T. terricola sur le site I le plus proche
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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de la source de contamination : 0 à 175 m). Les plus grosses espèces de coléoptères carabidés (Pterostichus melanarius et P. niger) avaient des concentrations plus faibles, avec une légère augmentation sur le site I. Les concentrations en Cu et Pb de fourmis mycophages (Myrmica ruginodes) n’étaient pas différentes de celles des espèces prédatrices. Pour le Cu, leur concentration passait progressivement de 285 µg.g–1 (ps) au site I à 34 µg.g–1 (ps) au site IV distant de 7 800 m, tandis que leur concentration en Pb diminuait de 80 à 7 µg.g–1 (ps). Les auteurs indiquaient que la variabilité des concentrations observée chez les espèces les plus mobiles et migratrices pouvait être due au fait que celles-là peuvent se nourrir dans des zones moins contaminées. En conséquence, les groupes les plus sédentaires comme les fourmis conviendraient mieux à la surveillance des pollutions métalliques que les espèces mobiles comme les carabes. Dans un rayon de 650 m autour de l’usine où les concentrations de Cu atteignaient 2 500 ppm et celles de Zn 3 600 ppm, le nombre d’espèces et le nombre d’individus par espèce étaient très réduits. Dans de telles conditions, quand les métaux même essentiels comme Cu et Zn sont en très fortes concentrations, seuls les organismes capables d’exclure une grande partie de ces métaux subsistent (par exemple les fourmis et les araignées) et la connaissance des concentrations en métaux du sol suffit pour savoir qu’une remédiation est nécessaire afin qu’une diversité d’organismes puisse le repeupler. En effet, la diversité des espèces réapparaissait quand les litières avaient des concentrations en Cu et Zn respectivement de 600 et 1 300 ppm (Bengtsson & Rundgren, 1984). Les arthropodes (insectes et araignées) peuvent également servir à étudier l'incidence de l'apport de boues de déchets et de fertilisants sur la bioaccumulation des ETMs et leur transfert dans des champs cultivés. L'analyse de la concentration en métaux (Cd, Cu, Pb et Zn) des araignées tisseuses de toiles (araneidae) et des araignées vivant sur le sol (lycosidae), ainsi que celle du sol d'un ancien champ de blé de l'Ohio (États-Unis), dont certaines parcelles ont été traitées pendant 11 ans (1975–1988) soit avec des apports de boues municipales soit avec des fertilisants (N-P-K : 34-11-0), de façon à ce que les parcelles traitées reçoivent un apport équivalent en N-P-K, révèle à Larsen et al. (1994) que les araignées capturées en 1991 et 1992 accumulent le Cd, le Cu et le Zn à des concentrations supérieures à celles du sol, mais n'accumulent pas le Pb. Les araignées qui chassent à la surface du sol (lycoses) contiennent des quantités plus grandes de Cd et de Cu que celles qui se nourrissent de proies aériennes capturées dans leurs toiles (Argiope aurantia). Au contraire, ces dernières présentent des niveaux en Pb plus élevés que les lycoses. Les deux catégories d'araignées ne montrent pas entre elles de différence d'accumulation apparente de Zn. Il apparaît donc que l'enrichissement à long terme d'anciens écosystèmes cultivés a un impact significatif sur la contamination de certains prédateurs de la chaîne alimentaire, même plusieurs années après le traitement. En revanche, dans les mêmes parcelles, Larsen et al. (1996) constatent que parmi les espèces les plus abondantes de coléoptères carabidés, Harpalus pensylvanicus et Poecilus lucublandus accumulent bien du Cd, du Pb et du Zn mais à des concentrations plus faibles que celles du sol. L'abondance et la diversité des espèces des communautés de carabidés sont significativement plus grandes dans les parcelles ayant reçu des boues (n=18, avec une dominante de 42 % de H. pensylvanicus) et des fertilisants (n=17) que dans les parcelles témoins (n=11). Ainsi, les carabidés apparaissent comme de bons bioindicateurs de la perturbation de l'habitat (enrichissement en nutriments et effets sur la croissance des plantes), tandis que les araignées se comportent comme des bioindicateurs d'accumulation des ETMs contenus dans les apports de boues ou d'engrais. Les contaminants organiques (insecticides et PCBs) présents dans les boues n'ont pas été étudiés.
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L'amendement de sols agricoles avec des boues municipales peut également affecter le transfert d'ETMs (Zn et Cd) dans les niveaux trophiques successifs de chaînes alimentaires : solplante-herbivore. Merrington et al. (1997) ont ainsi mis en évidence la biodisponibilité de ces métaux pour le blé (Triticum aestivum) et les pucerons de céréales (Sitobion avenae), avec des bioaccumulations de Cd et de Zn dans les pucerons pouvant atteindre respectivement 8 et 10 fois la concentration des épis de blé sur lesquels ils sont nourris. Lorsque le transfert du Zn est étudié dans une chaîne alimentaire comportant, en plus de la précédente, un prédateur de pucerons (le carabe Bembidion lampros), Winder et al. (1999) constatent que l'épandage des boues sur des sols agricoles du Sud de l'Angleterre se traduit par une augmentation significative du C total, du P total et du Zn dans les sols amendés. La concentration du Zn passe de 25 µg.g–1 ps dans les sols témoins à 31 µg.g–1 ps dans ceux qui ont reçu deux applications annuelles de boues, à raison de 10 et 15 t.ha–1 ps. La concentration plus élevée du Zn des sols amendés entraîne une légère élévation de la teneur en Zn, aussi bien dans les pousses de blé (18 à 27 µg.g–1 ps au lieu de 10 à 14 µg.g–1 ps chez les témoins) que dans les épis (25 à 31 µg.g–1 ps au lieu de 19 à 23 µg.g–1 ps) mais le facteur de transfert sol/plante reste de l'ordre de 1,5. En revanche, dans le transfert plante (T. aestivum)/herbivore (pucerons S. avenae), la concentration atteint en moyenne 68 et 116 µg.g–1 ps dans les pucerons de deux récoltes différentes sur les sols amendés, mais elle ne diffère pas significativement de celle des pucerons des parcelles témoins (61 µg.g–1 ps). Les facteurs de transferts respectifs (que l'on peut considérer comme des FBAs) varient de 2,5 à 4 suivant la récolte et les parcelles. Lorsque les pucerons collectés sur le blé servent de nourriture à des carabes prédateurs (Bembidium lampros) pendant une expérience de 9 jours, il se produit une légère amplification de la concentration en Zn des carabes ; celle-là est proportionnelle au poids de pucerons consommés et à la quantité de boue épandue (bien qu'avec des variations importantes). Ainsi, l'augmentation de Zn de l'agrosystème s'étend jusqu'au niveau trophique des consommateurs secondaires (carabes) et il est possible que dans la nature celle-là se répercute aux niveaux supérieurs des oiseaux de ferme et sauvages. Il y a donc bien lieu de se préoccuper de l'accumulation des éléments potentiellement toxiques (EPTs) des boues et de leurs effets (survie, croissance et reproduction) sur les espèces des chaînes alimentaires des agrosystèmes, dont certains « maillons » sont consommés par la faune sauvage et par les Hommes et/ou les animaux domestiques. Dans l’ensemble des arthropodes, il existe aussi bien des « déconcentrateurs » que des « macroconcentrateurs » (Dallinger, 1993). Parmi ces derniers, on peut retenir l’intérêt des informations apportées par des crustacés isopodes (Oniscus asellus et Porcellio scaber), qui concentrent fortement les métaux des litières dans lesquelles ils sont sédentaires. Chez les insectes, certaines fourmis accumulent des métaux dans l’intestin moyen et l’hépatopancréas. Dans ces deux groupes, bien que les animaux soient de relativement petite taille (30 à 35 mg pour O. asellus par exemple), on peut encore séparer les principaux organes pour localiser les sites de stockage des métaux et envisager l’étude des effets physiologiques qu’ils y exercent. Cependant chez les collemboles, leur taille très petite oblige à des analyses sur les individus entiers et les localisations tissulaires nécessitent des investigations cytochimiques quantitatives. De plus, les résultats de bioaccumulation chez les collemboles présentent de grandes variations dont l’on ne connaît pas l’origine. Parmi les arachnides, quelques espèces d’araignées (Centromerus sylvaticus, Pardosa lugubris et P. amentata) et l’acarien Platynothrus peltifer présentent des concentrations en métaux qui reflètent celles du milieu.
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L’étude comparée des transferts de métaux chez les arthropodes prédateurs (insectes carabidés, myriapodes chilopodes et arachnides carnivores) révèle que dans la plupart des cas, il y a « déconcentration » plutôt que « bioamplification » dans les maillons des chaînes alimentaires impliquant ces invertébrés, qui jouent certainement un rôle régulateur important en milieu terrestre.
2.4.5.2 Produits organiques Pour les substances organiques, la bioaccumulation est difficile à évaluer à cause de la biotransformation et de la métabolisation plus ou moins rapide des pesticides biodégradables utilisés et des polluants de l'environnement. Des substances aussi toxiques que le B(a)P peuvent être métabolisées en quelques jours par des embryons de grillons, suivant le stade d’application du produit en laboratoire (Walton, 1989). Dans la nature, l’analyse des HAPs du sol (podsol) et des invertébrés d’une forêt de pins située au nord d’un haut-fourneau à Ijmuiden (PaysBas) montre que les plus fortes concentrations de ces substances se trouvent dans les horizons organiques (0 à 10 cm) (Van Straalen et al., 1993) et que la concentration des HAPs diminue dans les animaux lorsque l’on s’éloigne du haut-fourneau (Van Brummelen et al., 1996a). Sur un profil de 10 HAPs détectés chez des invertébrés récoltés à 2 km de l’émission, Van Straalen et al. (1993) observent que le contenu de la faune est dominé par le fluorène (140 ng.g–1) et que comparées aux concentrations du sol, les concentrations dans les invertébrés sont inférieures de deux ordres d’amplitude. Par rapport à la couche de fermentation du sol (2 à 8 cm), les facteurs de bioconcentration sont de 0,01 à 0,02 pour le benzo(b)fluoranthène, le benzo(k)fluoranthène et le benzo(a)pyrène, dont les concentrations respectives sont de 613 ng.g–1, 250 ng.g–1 et 418 ng.g–1. Dans les 14 espèces d’invertébrés du sol collectées par Van Straalen et al. (1993), les plus fortes concentrations totales en HAPs sont observées chez les arthropodes des classes des insectes (collemboles), des myriapodes (chilopodes) et des arachnides (acariens), avec de grandes variations d’amplitude suivant les espèces. Le tableau 30 indique trois espèces dont la concentration atteint 700 ng.g–1. Apparemment, chez les invertébrés du sol, comme pour les métaux (Van Straalen & Van Wensem, 1986), il n’existe pas de relation allométrique entre la concentration des HAPs dans le corps et la taille (Tableau 30). De plus, il n’apparaît pas d’augmentation de concentration chez les prédateurs, ce qui signifie que l’hypothèse d’une bioamplification de ces substances n’est pas davantage validée pour les HAPs et les biocénoses forestières que pour les pesticides et les agrosystèmes viticoles (Paoleti et al., 1988 ; Paoletti & Bressan, 1996). L’absence de bioamplification a également été constatée dans une chaîne alimentaire expérimentale de trois niveaux trophiques – levures, collemboles et carabes par Gruttke et al. (1988)– avec du pentachlorophénol marqué au 14C. Avec une nourriture dont la concentration en pentachlorophénol est de 870 mg.kg–1, les collemboles Folsomia candida présentent une concentration de 380 mg.kg–1 après 8 jours et la concentration des carabes nourris avec ces collemboles ne dépasse pas 5 mg.kg–1 à cause de l’excrétion rapide des résidus de pentachlorophénol. Le fait que des substances chimiques qui viennent contaminer l’environnement et s’accumuler dans les couches superficielles du sol ne se concentrent pas dans les chaînes alimentaires est sans doute dû aux capacités importantes de biotransformation des invertébrés. Les systèmes métaboliques efficaces, que présentent en particulier les animaux saprophages des niveaux trophiques de base, réduisent leurs concentrations internes. Cependant, les études entreprises sur les voies de biotransformation se révèlent très complexes et de nouvelles recherches comparatives sur les modes possibles de biotransformation des xénobiotiques sont nécessaires pour
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TABLEAU 30
Concentration en HAP de 14 espèces d’invertébrés (dont 12 arthropodes) du sol d’une forêt de pins hollandaise située à 2 km d’un haut-fourneau. (D’après Van Straalen et al., 1993.)
Classe et espèce Insectes Collemboles Orchesella villosa Orchesella cincta Carabes Philonthus politus Fourmis Myrmica ruginodis
Régime alimentaire
Poids sec moyen (en mg)
Concentration en HAP (en ng.g–1)
Microbivore Microbivore
0,219 0,110
740 390
Carnivore
7,85
560
Nécrophage
1,60
210
Carnivore Carnivore
2,59 7,81
710 210
Saprophage
14,8
250
Carnivore
3,28
490
Carnivore Carnivore
1,17 3,86
190 150
Saprophage
0,033 4
700
Crustacés Isopodes Philoscia muscorum
Saprophage
2,09
410
Mollusques Gastéropodes pulmonés Arion subfuscus
Saprophage
51,8
210
Annélides Oligochètes Lumbricus rubellus
Saprophage
40,0
290
Myriapodes Chilopodes Schendyla nemorensis Lithobius forficatus Diplopodes Cylindroiulus punctatus Arachnides Opilions Oligolophus agrestis Araignées Neon reticulatus Textrix denticulata Acariens Platynothrus peltifer
comprendre et expliquer la biodiversité des réponses écotoxicologiques qui dépendent des adaptations acquises par les espèces au cours de leur évolution (Van Straalen, 1994). Actuellement, il est difficile de généraliser les réponses observées sur quelques espèces (surtout au niveau des populations). En effet, le nombre des espèces vivant dans le sol ou en interaction avec lui, est tellement grand qu’il est encore nécessaire de poursuivre l’identification et l’analyse des multiples chaînes alimentaires du sol, en étant conscient des difficultés nombreuses qui existent, tant au niveau de l’expertise taxonomique que dans la connaissance des préférences alimentaires, de la biologie de la reproduction et du comportement (Paoletti & Bressan, 1996).
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2.5 Apports et perspectives de l'étude de la bioaccumulation des contaminants chez les invertébrés dans l'évaluation des risques environnementaux Dans leur bilan de l'état de développement des tests d'écotoxicologie utilisant les invertébrés terrestres, Van Gestel & Van Straalen (1994) soulignaient le petit nombre de méthodes standardisées malgré la très grande diversité de ces animaux et de leurs « histoires de vie ». Ils rappelaient les critères essentiels de sélection d'une « batterie » d'espèces tests qui restent toujours valables : i) analyse des réponses toxicologiques de diverses espèces afin de couvrir un large éventail taxonomique (pour « augmenter la probabilité de trouver le groupe le plus sensible ») ; ii) couverture des différentes fonctions écologiques des invertébrés terrestres (décomposeurs, saprophages, herbivores, prédateurs…) ; iii) nécessité d’inclure des espèces et des méthodes d'exposition qui permettent de prendre en compte les différentes voies de contamination pour évaluer la biodisponibilité des contaminants ; iv) raisons pratiques : choix d'espèces communes à large répartition et dont l'élevage en laboratoire soit réalisable afin de disposer des mêmes stades biologiques toute l'année ; Les tests qui dominaient à cette époque étaient des tests de létalité et Van Gestel & Van Straalen (1994) conseillaient, comme d'autres auteurs, de s'orienter vers des tests d'effets sublétaux (croissance, reproduction…) qui sont tout aussi importants que la mortalité pour évaluer les effets des pollutions sur les populations. Actuellement, on peut dire que certaines de ces recommandations ont été entendues car on assiste à un foisonnement de publications concernant diverses espèces des principaux embranchements d'invertébrés avec des résultats autres que les CL ou DL50. Cependant, leur souhait de voir utiliser, au moins dans un premier temps pour « calibrer » et comparer les méthodes, des substrats communs pour toutes les espèces n'est que partiellement suivi, de même que l'harmonisation des conditions d'expérimentation qui varient très souvent (parfois dans le même travail !). Les modes d'expression des effets par rapport aux concentrations des contaminants sont également variables et compliquent, parfois même rendent impossibles, des comparaisons objectives. Dans l'évaluation du risque environnemental, l'examen des concentrations en contaminants des sols constitue une étape importante et un certain nombre de seuils et niveaux d'effets toxiques des contaminants sur les organismes terrestres ont été établis à partir d'expériences en champ et surtout en laboratoire. Pour les plantes, un catalogue de niveaux d'effets toxiques a été présenté par Efroymson et al. (1997a) en même temps qu'une révision de l'état des données concernant les effets des contaminants sur les invertébrés et les microorganismes du sol (Efroymson et al., 1997b). Le volumineux rapport de ces auteurs concerne les produits trouvés sur les sites du département de l'énergie des États-Unis (United States Department of Energy). La plupart des concentrations en métaux des sols proviennent d'extractions acides et, pour les produits organiques, d'extractions par des solvants puissants, de façon à obtenir dans les deux cas les concentrations totales. Le niveau d'effet inhibiteur significatif retenu est de 20 % de la croissance, de la reproduction ou de l'activité des organismes. Les niveaux de toxicité des contaminants du sol présentés pour les invertébrés
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(Table I des auteurs) concernent uniquement les vers de terre pour 9 métaux et 26 produits organiques. Après discussion des méthodes comparées, le rapport d'Efroymson et al. (1997b) présente une revue de la littérature sur les effets toxiques chez les vers de terre (Section 3 + Table A1) et les autres invertébrés (Section 5 + Table C1). Ce rapport constitue une base de références utiles (bien que datant de 1997) pour ce qui est des effets des contaminants. Depuis cette date, on assiste au développement de recherches sur diverses manifestations biologiques résultant de contaminations, qui ne se traduisent pas forcément par des pathologies visibles. Parmi celles-llà, on peut citer la recherche de biomarqueurs (Kammenga et al., 2000) ainsi que l'estimation de la charge en contaminants des organismes, qui est l’un des moyens d'évaluation de la biodisponibilité des polluants via la mesure des quantités de contaminants absorbées, accumulées et excrétées. La biodisponibilité et le devenir des contaminants dans le milieu constituent une préoccupation constante dans l'évaluation des risques. Aussi, on assiste au développement de l'analyse expérimentale des effets du « vieillissement » des métaux et des composés organiques dans les sols. Jusqu'à présent, l'influence du vieillissement sur la biodisponibilité des contaminants a été surtout étudiée chez les oligochètes (lombricidés et enchytréidés : Belfroid et al., 1996 ; Alexander, 2000 ; Morrison et al., 2000 ; Amorim et al., 2002), mais elle fait également l'objet de recherches chez les insectes (collemboles : Smit & Van Gestel, 1998 ; Sverdrup et al., 2002). Ces travaux méritent d'être développés car ils permettent de mieux connaître les concentrations auxquelles sont effectivement exposées les espèces dans différents types de sols au cours du temps, ce qui est important pour la validation des résultats des tests d'effets ou de bioaccumulation. De plus, cela permet de démontrer parfois l'incidence des organismes dans la transformation des substances, par exemple de l'aldrine en dieldrine par les vers de terre (Honeycutt & Roberts, 1994). La mesure des concentrations en contaminants des organismes (voire des organes et des tissus), où ils exercent effectivement leur action sur les processus biologiques, constitue l'un des éléments d'interprétation des effets de ces substances. La connaissance des concentrations internes permet le calcul des FBAs (concentration dans l'organisme / concentration dans le sol) qui renseignent sur les dynamiques respectives des contaminants dans les systèmes sols organismes. Transposant des résultats obtenus en milieu aquatique avec des contaminants organiques, McCarty & Mackay (1993) considèrent même que la concentration interne constitue une donnée suffisante et meilleure que la concentration du milieu pour déterminer les charges critiques en résidus (CBRs = critical body residues), qui permettraient selon eux une évaluation du risque écologique par estimation des LBCs (lethal body concentrations). Cette approche, assez séduisante au premier abord, a des limites (Van Straalen, 1996 ; Landrum & Meador, 2002) pour son application chez les invertébrés terrestres et elle mérite une clarification d'une part, de sa définition et, d'autre part, des conditions de son application (nature et stabilité des contaminants, influence du facteur temps…). Des recherches complémentaires doivent donc porter sur un éventail d'exemples plus divers, en particulier dans le milieu terrestre, pour étayer la validité des concepts CBR et LBC et les étendre à des seuils de concentrations internes sublétales (croissance, reproduction, activité). L'inventaire et les résumés des travaux que nous avons rapportés montre que le nombre de publications concernant la bioaccumulation dans les embranchements des annélides, des mollusques et des arthropodes est conséquent. La question qui se pose du point de vue de la
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surveillance (monitoring) de l'environnement est de savoir comment utiliser au mieux ces résultats ? La notion d'espèce étant fondamentale dans tous les tests, on doit pouvoir actuellement repérer dans chaque embranchement d'invertébrés des espèces indicatrices appartenant à différents niveaux trophiques. De même, dans l'environnement, des sols de composition bien caractérisée (artificiel OCDE ou naturels) correspondant aux types pédologiques les plus fréquents (voir propositions de Lokke et al., 2002 ; Römbke & Amorim, 2004) doivent pouvoir être utilisés pour étudier la bioaccumulation des contaminants chimiques. Cependant, étant donné le temps nécessaire pour réaliser des tests biologiques et leurs coûts (surtout pour l'analyse de l'accumulation des composés organiques et de leurs dérivés), il est difficile d'envisager une multitude d'essais. Aussi, des tentatives de modélisation visant à évaluer le risque d'accumulation de polluants dans les organismes (ou les écosystèmes) à partir de critères simples (% de matière organique du sol, Kow du polluant…) ont été faites avec les connaissances disponibles. Parmi les essais de modélisation de la bioaccumulation chez les invertébrés, Sample et al. (1999) ont utilisé les données de la littérature pour traduire le transfert de contaminants du sol (2 produits organiques et 9 inorganiques) aux vers de terre. Les données de base et les résumés des méthodes employées figurent dans un rapport complémentaire (Sample et al., 1998b). Leurs modèles de bioaccumulation ont été développés à partir des facteurs d'absorption (UFs = uptake factors) de 26 études dans lesquelles les vers de terre ont subi une dépuration pour éviter le biais apporté par le contenu du tube digestif. Après divers essais de régressions simples ou multiples, les auteurs ont obtenu les meilleures estimations des concentrations en contaminants des vers de terre à partir de régressions log (ln concentration dans les vers)-log (ln concentration dans le sol) pour sept métaux et les PCB (voir Oligochètes en 2.2.2.9.). Sample et al. (1999) concluent qu'en général l'intégration de données environnementales (pH, teneur en Ca du sol) n'améliore que de façon très marginale la fiabilité du modèle, même si celui qu'ils retiennent n'est pas validé pour tous les métaux (Cr et Ni par exemple). Chez les vers de terre, un modèle a été proposé par Saxe et al. (2001) pour obtenir les concentrations (EBCs : earthworm body concentrations) en Cd, Cu, Pb et Zn d'Eisenia andrei en fonction du pH, des métaux, du carbone organique soluble dans les extraits aqueux (ED = eau déionisée non tamponnée ou ED à pH ajusté) de 17 sols hollandais modérément contaminés. Ce modèle prend en compte le carbone organique soluble, l’absorption par voie dermique (via les métaux solubles au pH du sol) et par voie digestive (via les métaux solubles dans une solution à un pH proche de la neutralité pour mimer le pH intestinal). Par calcul d'une constante de proportionnalité des voies d'exposition (k : exposure-route proportionality constant), Saxe et al. (2001) observent que les EBCs du Cd, du Cu et du Pb proviennent presque exclusivement (96 %) de la contamination cutanée et que seulement 18 % du Zn vient de l'exposition digestive. Le modèle qu'ils développent fonctionne de façon variable selon le métal dont l’on souhaite prévoir la bioaccumulation et les auteurs concluent que des recherches supplémentaires doivent être effectuées pour connaître, entre autres, les concentrations internes à l'état d'équilibre. En effet, la validité de leur modèle est considérablement améliorée, par exemple pour le Pb, en éliminant les données de bioaccumulation linéaires. Ce modèle prometteur (établi avec une espèce) n'a pas été pris en compte par Davies et al. (2002) pour analyser les effets d'un apport de farine d'os sur la toxicité et la biodisponibilité du Pb dans un sol. Dans ce travail ce sont les extractions aqueuses ou avec du
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DTPA (acide diéthylènetriamine pentaacétique) qui montrent une bonne corrélation avec les charges en Pb d'E. fetida. Des travaux concertés sont donc encore nécessaires pour qu'un consensus puisse enfin se dégager, au moins dans un premier temps pour le groupe d'invertébrés le plus étudié, c'est-à-dire les vers de terre. Il est également indispensable de les élargir à d'autres groupes d'invertébrés et à d'autres contaminants. Pour les métaux (Cd, Cu, Pb et Zn) dont l'accumulation a été la plus étudiée dans les différents embranchements d'invertébrés, Heikens et al. (2001) ont proposé un essai de classement des groupes taxonomiques suivant le niveau d'accumulation. À partir de données de la littérature entre 1993 et 1998 et focalisées uniquement sur les lombricidés et les arthropodes, ces auteurs trouvent des concentrations internes qui augmentent avec celle du sol dans l'ordre Pb > Cd > Cu, tandis que celle du Zn est constante pour une gamme de concentrations du sol. Pour ces auteurs, d'une façon générale, les concentrations en métaux sont élevées chez les isopodes, faibles chez les coléoptères et intermédiaires chez les lombricidés et les différences peuvent être attribuées à des capacités de régulation spécifiques, mais également à des voies d'exposition différentes. On ne peut qu'être d'accord avec ces hypothèses ; de plus?4 il semble évident que les facteurs de concentrations des invertébrés terrestres pris dans la nature sont difficiles à calculer car les pourcentages de sol, de litière et de végétaux ingurgités varient selon les espèces et les saisons considérées. Cependant, pour étoffer leurs résultats, il est étonnant que Heikens et al. (2001) n'aient pas utilisé des résultats antérieurs, concernant par exemple les isopodes et les gastéropodes (pour lesquels ces auteurs écrivent qu'ils n'ont pas trouvé de résultats utilisables chez les mollusques, escargots et limaces !), mais aussi d'autres arthropodes cités dans les revues de Martin & Coughtrey (1982), Hopkin (1989) et Dallinger (1993). Par exemple, dans des régions contaminées du Royaume-Uni, Little & Martin (1974) décrivent des concentrations élevées de Cd, Pb et Zn dans les litières (72, 2 419 et 6 399 µg.g–1 de poids sec respectivement), qui sont reflétées par les concentrations chez les invertébrés terrestres. Dans son traité d'écophysiologie, Hopkin (1989) résume ces analyses en soulignant que les concentrations en Cd, Cu, Pb et Zn sont beaucoup plus prononcées chez les isopodes (Hopkin et al., 1986), les escargots (Coughtrey & Martin, 1976) et les limaces (Martin & Coughtrey, 1982) que chez les chilopodes (Hopkin & Martin, 1983) et les diplopodes (Read, 1988). Depuis, d'autres travaux ont confirmé et précisé le mode d'accumulation des métaux chez les escargots en laboratoire et sur des sites extérieurs (Rabitsch, 1996 ; Laskowski et Hopkin, 1996 ; Gomot-de Vaufleury & Pihan, 2000 ; Dallinger et al., 2001 ; Scheifler et al., 2003a, b), ainsi que dans les autres groupes taxonomiques. La confrontation des conclusions de Heikens et al. (2001) avec des données antérieures montre qu'effectivement les observations de Butovski (1998) et de Gongsalskii & Butovski (1998), par exemple, confirment le fait que les isopodes concentrent fortement les métaux, ce qui n'est pas le cas chez les coléoptères. Pour ce qui concerne les lombriciens, classés en position intermédiaire par Heikens et al. (2001), il reste à valider que les données qu'ils ont utilisées, et qui proviennent le plus souvent d'expériences de laboratoire, peuvent être valablement comparées à celles d'autres groupes dérivées d'études en champs. Étant donné la grande diversité que l'on constate dans les modes d'accumulation des métaux chez les espèces d'invertébrés, plutôt que de définir un « comportement type » d'accumulation par groupe taxonomique, nous préférons nous inspirer de tableaux de comparaison des capacités de macro, et microconcentration ou de déconcentration des métaux (Dallinger 1993, Tableau 3) ou de concentration en composés organiques (HAPs par exemple, de Van Straalen et al., 1993 ; Tableau 30) qui font apparaître la diversité des stratégies des espèces
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pour les contaminants, ainsi que leur régime alimentaire et leur masse corporelle entre autres facteurs. Ces récapitulatifs, qui considèrent des espèces bien définies, doivent permettre la mise en évidence des espèces qui se prêtent le mieux à la conception d'une batterie d'organismes représentatifs des différents niveaux trophiques, en tenant compte du fait que dans le même groupe taxonomique (qui traduit des parentés anatomiques et physiologiques certaines) il existe des espèces dont les sensibilités et les capacités d'accumulation sont très variées (voir le chapitre sur les oligochètes). Dans la conclusion finale, nous dirons, en fonction des connaissances actuelles et des possibilités techniques, quelles espèces, si possible de divers groupes taxonomiques et trophiques, nous paraissent le mieux à même de constituer un système intégré pour l'évaluation du potentiel d'accumulation des polluants en milieu terrestre. Bien entendu, il serait pratique et intellectuellement satisfaisant de disposer d'un ou plusieurs modèles intégrant toutes les données obtenues avec les espèces animales (et encore mieux celles de tous les organismes) terrestres, afin de pouvoir se dispenser de la mise en œuvre d'essais biologiques contraignants. Dans ce domaine, des modèles complexes ont été proposés pour l'ensemble du règne animal (invertébrés et vertébrés) afin de déterminer les cinétiques des substances inorganiques en fonction des concentrations d'exposition, de la masse des espèces et de leur niveau trophique (Hendriks & Heikens, 2001), ou pour représenter les cinétiques d'accumulation des substances organiques en fonction du coefficient de partition eau-octanol (kow), du poids, du contenu en lipides et du niveau trophique des espèces (Hendriks et al., 2001). Les modèles de ces auteurs permettent des comparaisons intéressantes entre les constantes d'absorption et d'élimination, des espèces aquatiques et terrestres et mettent en évidence l'influence de la masse des organismes et de leur niveau trophique. Cependant, les espèces d'invertébrés terrestres considérées sont uniquement les vers de terre. Ces tentatives de généralisation méritent d'être considérées (bibliographie abondante, utilisation de nombreux paramètres…), mais ignorer tous les autres groupes d'invertébrés terrestres n'est pas une approche très écologique ! Pour l'heure, afin de pouvoir utiliser valablement les nombreuses informations complémentaires qui apparaissent dans l'exposé des résultats concernant chaque classe d'invertébrés, il est nécessaire d'élaborer des protocoles communs afin de pouvoir comparer les résultats obtenus. L'utilisation plus généralisée d'un sol de référence (sol artificiel) en même temps qu'un ou plusieurs sols naturels (Lokke et al., 2002 ; Römbke & Amorim, 2004) constitue une étape indispensable pour établir et comparer les cinétiques d'absorption et d'élimination des contaminants. Une concertation entre chercheurs et organismes nationaux et internationaux chargés de la surveillance de l'environnement pourrait aider au choix des contaminants à étudier et des substances de référence pour les tests. Cette étape est nécessaire pour pouvoir prédire avec des critères simples et communs les modes d'accumulation des polluants chez les invertébrés et leur signification. Quelques exemples pris dans les travaux résumés illustrent l'importance d'une concertation et de l'intérêt de certaines orientations. La bioaccumulation des contaminants chez les vers de terre est l'objet de nombreuses publications et le rôle de la matrice solide du sol semble maintenant reconnu en plus de celui de l'eau interstitielle. Les enchytrés, surtout utilisés pour des tests d'effets (norme ISO en cours d'élaboration, Römbke & Moser, 2002 ; Weyers et al., 2002) révèlent des capacités de bioconcentration importantes de composés organiques relativement persistants comme le lindane (2.2.1.1.). Cependant, la comparaison des FBAs du lindane chez les enchytrés et chez les vers de terre nécessite une harmonisation car, en général, les analyses des contaminants chez les vers de terre sont effectuées sur des animaux à jeun (1, 2 ou 3 jours) pour le vidage
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du tube digestif. Au contraire chez les enchytrés, Egeler et al. (1999) dosent le lindane sans période de jeûne et justifient ce choix en précisant qu'il permet d'obtenir des valeurs plus proches de celles consommées par leurs prédateurs. Le motif est valable mais les FBAs calculés sont sans doute surévalués par rapport à ceux des vers de terre à jeun. Dans la pratique des tests, il est généralement conseillé de mesurer les concentrations chez les animaux à jeun ou de faire les deux si cela est nécessaire pour un objectif particulier. En effet, l'évaluation des quantités de contaminants transférées aux prédateurs (invertébrés et vertébrés) constitue un paramètre essentiel pour établir des bilans de transfert (Toal et al., 2002). Parmi les résultats obtenus chez les mollusques gastéropodes et les crustacés isopodes, qui sont souvent des macroconcentrateurs de contaminants, l'importance relative des contaminations par la nourriture d'une part et par le contact d'autre part, peut maintenant être évaluée grâce à des méthodes d'exposition adaptées à la biologie de ces saprophages et végétariens. Ces organismes accumulateurs sont potentiellement à la base des transferts de contaminants dans les chaînes alimentaires, et des efforts doivent être faits pour élargir les recherches à des animaux prédateurs (souvent plus difficiles à élever). Les études de cinétique des contaminants dans les sols et les invertébrés, ainsi que l'effet du vieillissement sur la disponibilité des substances sont à poursuivre. Les résultats récents avec des contaminants relativement persistants (lindane par exemple) présentent des analogies de cinétiques chez les oligochètes enchytrleés (Bruns et al., 2001 ; Amorim et al., 2002) et les isopodes (Sousa et al., 2000), avec des différences selon l'intensité de l'exposition. La phase d'accumulation, qui caractérise cette cinétique, est bien visible, même à des concentrations très faibles (plusieurs centaines de fois inférieures aux doses létales). Ainsi, la bioaccumulation peut constituer un signal mesurable rapide de contaminations à des seuils beaucoup plus bas que ceux qui induisent des effets délétères, parfois à long terme. De plus, c'est lorsque les concentrations en contaminants sont les plus faibles que les FBAs sont les plus élevés, donc informatifs d'un risque potentiel. Pour les contaminants non persistants (biodégradables), bien qu'en théorie ils doivent causer moins de nuisances que les persistants, la toxicité et le devenir de ces composés et de leurs métabolites constituent un challenge ardu à relever à cause de la multiplicité des dérivés et de la difficulté d'établir la cinétique d'apparition et de disparition des métabolites. Ces aspects pourront bénéficier du développement de panoplies de biomarqueurs signalant l'exposition à des contaminants et/ou les effets qui en résultent. L'intérêt de la prise en compte des invertébrés et de leurs capacités d'accumulation, de métabolisation et d'excrétion, ainsi que de leurs sensibilités spécifiques conduit à insister sur la nécessité de concevoir et utiliser des modèles d'écosystèmes terrestres (Morgan & Knacker, 1994 ; Römbke et al., 1996) contenant plusieurs éléments de chaînes alimentaires intégrées (plantes, herbivores, prédateurs). Ces dispositifs peuvent être développés sur la base des écotrons utilisés pour évaluer les interrelations entre les espèces animales et les communautés végétales (Thompson et al., 1993) et les effets de la biodiversité (Naeem et al., 1994), et en s'inspirant d'expériences d'évaluation du transfert du 14C-PCP-Na (pentachlorophénate de sodium) dans le sol superficiel et la litière végétale (Haque et al., 1988). Des essais en microcosmes et en lysimètres avec des pesticides dégradables (isoproturon par exemple, Scheifler, 2002) ouvrent également la voie aux études de métabolisation et de transfert sol – plantes animaux (Scheifler, 2002 ; Scheifler et al., 2000, 2002a, b, 2003a b).
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La grande variété des expériences présentées chez les invertébrés, leurs apports et les critiques qu'elles peuvent suggérer doit permettre un regain et une amélioration des recherches souhaitables et possibles dans le vivier extraordinaire d'espèces du milieu terrestre, dont la diversité caractérise la santé des écosystèmes. En même temps que les analyses expérimentales, l'impact des toxiques sur les populations des écosystèmes réels doit également être considéré. Les écosystèmes réels (naturels ou modifiés) sont tellement divers qu'il est difficile d'envisager une méthode standard commune pour tous les types de milieux. Il faut donc se reporter aux notions classiques d'écologie des systèmes pour adapter une approche écotoxicologique cohérente des risques liés à la bioaccumulation des contaminants dans les organismes des principaux types d'écosystèmes, voir de biotopes particuliers. Certains auteurs considèrent que le sol lui-même n'est pas un écosystème unique, mais un système hiérarchisé de plusieurs écosystèmes (Pokarzhevskii, 1996) avec trois niveaux spatio-temporels (Pokarzhevskii et al., 1999). Pour illustrer la complexité des problèmes dans les écosystèmes réels, on peut considérer deux situations fréquentes, l'une au voisinage de complexes industriels, l'autre en milieu agricole. i) Dans l'environnement industriel des mines, fonderies, usines métallurgiques, dépôts de déchets, les sols et les végétaux sont généralement enrichis en métaux, dont la concentration diminue au fur et à mesure que l'on s'éloigne des sources d'émission. Plusieurs études ont montré qu'il existe alors des gradients décroissants d'accumulation et d'effets toxiques chez les invertébrés d'écosystèmes réels (Joosse & Van Vliet, 1982 ; Bengtsson & Rundgren, 1984 ; Spurgeon & Hopkin, 1996b ; Butovsky & Van Straalen, 1998). Ces études nécessitent la collaboration de spécialistes de nombreux groupes taxonomiques car il existe une grande diversité d'espèces terrestres dont les communautés fournissent « an excellent opportunity to test ecological theories about the relationship between biodiversity and structure of food-webs » (Butovsky & Van Straalen, 1999). Dans certains cas, les populations d'invertébrés peuvent être modifiées dans les zones de fortes concentrations et les facteurs de bioaccumulation dans les espèces survivantes peuvent indiquer le niveau de contamination de l'environnement. Ces études nécessitent des périodes d'observations et d'analyses relativement longues (plusieurs cycles annuels) pour tenir compte des variations climatiques. Ainsi, la biodisponibilité des métaux pour les communautés d'invertébrés (vers de terre et arthropodes) dans des gradients de pollution industrielle a été étudiée dans un programme de coopération, commencé en 1992, entre l'Institut de recherche sur la conservation de la nature de la Russie et l'Université libre d'Amsterdam (Pays-Bas). La comparaison des concentrations en métaux de plusieurs groupes de communautés d'invertébrés de deux sites métallurgiques (Kosogorsky à Kosaya Gora en Russie et Hoogovens à Ijmuiden en PaysBas), qui émettent des quantités importantes de métaux (surtout fer et zinc) et des HAPs, a permis à Butovsky & Van Straalen (1998) de mettre en évidence plusieurs types de redistribution des résidus métalliques dans les chaînes alimentaires. L'importance des propriétés du sol comme « modulateur » de la biodisponibilité des métaux a été examinée et les résultats suggèrent que la structure des communautés d'invertébrés du sol (vers de terre et arthropodes) est sensible aux contaminations (Butovsky & Van Straalen, 1999). En particulier, les concentrations en métaux des invertébrés considérés présentent des variations considérables entre espèces : les plus fortes se trouvent chez les vers de terre, les
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acariens oribatides et les coléoptères carabidés ; les plus basses chez les collemboles, les chilopodes et les araignées. Il n'apparaît pas de relation entre la position trophique d'une espèce et sa capacité d'accumulation des métaux (Van Straalen et al., 2001). D'après ces auteurs, les chaînes alimentaires d'invertébrés doivent être étudiées au niveau des espèces plutôt que des groupes fonctionnels pour leur utilisation comme indicateurs de la contamination des sols. Comme indiqué au chapitre Vers de terre (2.2.), les différences de bioaccumulation entre espèces sont considérables sur le site le plus pollué au voisinage des usines de Kosogorsky (Aporrectodea rosea: Pb =126 ± 72, Cd = 26,9 ± 13,6 µg.g–1 ps ; Lumbricus terrestris : Pb = 12,5 ± 4, Cd = 6,2 ± 2,8 µg.g–1 ps). Il en est de même chez les acariens oribatides, qui tolèrent bien la contamination métallique de Kosogorsky en Russie (Zaitsev & Van Straalen, 2001). Les carabidés présentent également des concentrations importantes en Pb et en Zn (Agonum assimile : Pb = 59,6 ± 45,8, Cd = 9,16 ± 5,11 ; Pterostichus oblongopunctatus : Pb = 41,2 ± 32,9, Cd = 7,37 ± 3,19). La seule espèce d'isopode étudiée (Hyloniscus riparius) a des concentrations en Pb = 2,50 ± 2,34 et en Cd = 1,55 ± 0,52 µg.g–1 ps, relativement modérées, mais c'est l'espèce qui possède les concentrations relatives les plus importantes de tous les groupes entre le site le moins pollué et le plus pollué (pour le Cd : × 3,17 ; pour le Pb : × 2,37 et pour le Fe : × 3,56) (Van Straalen et al., 2001). Ce qui fait que les isopodes, qui sont généralement considérés comme des macroconcentrateurs (Hopkin, 1989 ; Dallinger, 1993) dans d'autres sites contaminés par le Cd, peuvent être considérés également comme de bons bioindicateurs. Dans l'étude réalisée chez sept groupes d'invertébrés (vers et arthropodes) près du site métallurgique de Kosogorsky, il n'a pas été trouvé de bioamplification des métaux lourds dans les chaînes trophiques (Butovsky et al., 1999). Aucune donnée n'est fournie sur les mollusques gastéropodes pulmonés, qui pourtant doivent être présents dans les faciès humides de la vallée de la rivière Voronka (où se trouve le complexe industriel de Kosogorsky), dont les aspects variés de la végétation (orties, bouleaux, saules…) doivent être favorables à la biologie des limaces et des escargots, généralement bioaccumulateurs d'éléments traces. ii) Lorsque les sources de contamination sont plus diffuses (retombées atmosphériques) ou résultent d'apports volontaires dans les sols (boues, engrais) et sur les végétaux (pesticides), les investigations ne peuvent pas être programmées en fonction de gradients d'éloignement de la source. Dans le domaine agricole, par exemple, les « points finaux » (biodiversité, indices d'abondance des populations, bioaccumulation…) vont être évalués suivant les conditions d'application des produits. À ce sujet, les résultats d'études réalisées en Suisse sur une période de 21 ans dans des systèmes d'agriculture organique montrent qu'en réduisant de 97 % l'emploi de pesticides et en diminuant l'apport d'engrais (dont certains contiennent des métaux), l'augmentation de l'abondance des vers de terre est de l'ordre de × 1,3 à 3,2 et celle des arthropodes épigés indicateurs de fertilité des sols d'un facteur × 2 (Mader et al., 2002). Les mesures réalisées dans les mêmes conditions avec du matériel végétal marqué au 14C démontrent également une plus grande activité des microorganismes, des mycorhizes et de la diversité végétale dans l'utilisation des ressources en nitrates et phosphore pour une productivité quasi égale (80 %) à celle de l'agriculture conventionnelle. Les observations de Mader et al. (2002) confirment les études américaines de Matson et al. (1997) relatant les effets de l'intensification de l'agriculture par emploi de fertilisants et de pesticides (5 millions de tonnes de pesticides appliquées annuellement sur les récoltes dans le monde). Cette expansion a certes contribué à augmenter la production de nourriture mais elle a altéré la composition des communautés d'invertébrés et
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les interactions biotiques dont dépendent la structure des sols et les cycles des nutriments. De plus, l'augmentation d'apports de fertilisants (80 millions de tonnes d'azote produites par l'industrie en 1990) favorise les émissions de gaz qui jouent des rôles critiques dans la chimie troposphérique et stratosphérique, ainsi que dans la pollution de l'air avec des conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes terrestres et aquatiques par les retombées solubles ou non. D'autres expériences d'agriculture organique réduisant les apports chimiques existent en Europe et aux États-Unis (Sansavini, 1997 ; Reganold et al., 2001) et indiquent que le système organique est le plus favorable à un développement économique et environnemental durable. Dans cette orientation alternative des pratiques agricoles, en Europe (8 % des surfaces agricoles ; EEC, n° 2092/91) et en Amérique du Nord, la reconnaissance de l'importance des espèces d'invertébrés non cibles met en évidence la nécessité et l'urgence de mesurer l'impact des pesticides et autres contaminants qui peuvent être contenus dans les fertilisants et intrants organiques (fumiers, composts, déchets ménagers et industriels, boues…) sur les communautés biotiques qui régulent la fertilité des sols. Les méthodes d'évaluation de la biodisponibilité des contaminants devraient donc s'orienter vers des mesures concernant des espèces indicatrices des principaux niveaux trophiques (décomposeurs, saprophages, herbivores, prédateurs, parasites…) des communautés d'invertébrés terrestres dans les divers types d'écosystèmes. En effet, la composition et l'abondance des communautés du sol des systèmes agricoles sont significativement différentes de celles des systèmes naturels dont elles dérivent (Lavelle et al., 1994). Quel que soit le type d'écosystème considéré, il est important de connaître les voies de migration et de transformation des contaminants dans les sols, les microorganismes, les plantes et les animaux. Cela est nécessaire à la description de l'accumulation aux différents niveaux trophiques. Pour ce faire, les analyses réalisées en champ sur la distribution des métaux dans les communautés d'invertébrés doivent être combinées avec des analyses dans des modèles d'écosystèmes terrestres (METs) adaptés (Butovsky et al., 1999). Par exemple, en s'inspirant de celui réalisé en milieu urbain (dépôt de déchets) dans des lysimètres extérieurs, qui ont permis à Haque et al. (1988) de prévoir le devenir du PCP-Na dans les espèces d'une chaîne alimentaire et dans le sol. Ces auteurs ont ainsi noté des différences d'absorption suivant les espèces pendant les 6 à 19 premiers jours de l'expérience qui a duré plusieurs mois. Pour Porcellio scaber, elles s'étalent de 5,6 à 8,8 µg.g–1 de poids frais ; pour Folsomia candida, de 14,6 à 105 ; pour Pardosa prativage, de 13,1 à 11,4 ; pour Opiliones sp, de 31 à 77 et pour Cepaea nemoralis de 3 à 0,6 µg.g–1 (pf). Ce genre de données, ainsi que les différents types de corrélations observées par Zaitsev (1999) entre la concentration en métaux dans les acariens oribatides et la densité de leurs populations sur un site métallurgique en Russie, constituent des éléments d'appréciation des impacts anthropogéniques. De même, les indices d'abondance des espèces d'arthropodes (insectes et araignées) dans les sols de différentes sortes d'agriculture évalués par Mader et al. (2002) doivent permettre un meilleur choix des pesticides (et de leurs concentrations) à utiliser si cela s'avère indispensable. Ainsi, on pourra envisager une utilisation rationnelle à minima de ces substances pour limiter leur absorption et leur bioaccumulation éventuelle chez les invertébrés terrestres, dont la plupart constituent des sources de nourriture pour les vertébrés que nous considérons dans le chapitre suivant.
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Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
Les espèces de vertébrés terrestres (amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères) représentent également des bioindicateurs d'accumulation intéressants. Cependant, de nombreuses espèces sauvages, parmi les plus sensibles aux contaminants et aux modifications des écosystèmes, devenues rares ou très rares, sont protégées et ne peuvent faire l'objet de prélèvements d'animaux pour analyse. Des méthodes de substitution doivent donc être mises au point pour se servir d'animaux d'élevage d'espèces voisines pour étudier (de manière approchée seulement) les modes d'action des contaminants. La tendance actuelle de limitation des expériences utilisant des animaux justifie la recherche d'autres types d'investigation, parmi lesquels l'analyse des phanères (écailles, plumes, poils), des pelotes de régurgitation et des excréments, apporte des informations utiles. Chez les vertébrés, c'est surtout chez les oiseaux et les mammifères que l'on dispose de données écotoxicologiques et plusieurs ouvrages sont consacrés aux répercussions des contaminations sur l'une ou l'autre de ces classes ou de familles particulières. Nous recommandons la lecture de ces synthèses réalisées par des spécialistes. De notre côté, nous présentons des exemples de recherches illustrant la diversité des phénomènes de bioaccumulation et les tendances actuelles des investigations entreprises chez les vertébrés terrestres, afin de mieux connaître l'incidence des contaminants sur ces animaux et prévenir ou limiter les risques que ces derniers encourent.
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3.1 Reptiles Chez les reptiles terrestres (lézards et serpents) qui sont souvent situés au sommet des pyramides trophiques, on possède relativement peu de connaissances sur leurs contaminations. Les raisons généralement invoquées pour expliquer le faible nombre de travaux en écotoxicologie de ces animaux, qui jouent pourtant des rôles écologiques importants, sont d'une part leur manque de valeur économique directe et d'autre part leur tendance à être discrets, à se dissimuler et à ne pas attirer autant l'attention que les oiseaux et les mammifères. De plus, les reptiles terrestres sont généralement difficiles à élever en captivité et la plupart des espèces, dont les populations sont en régression, sont protégées. Dans ces conditions, les lézards et les serpents n'ont pas pu faire l'objet d'expérimentations permettant de connaître la signification toxique des concentrations déterminées dans les tissus des animaux récoltés dans la nature, sauf dans les cas d'élevages réussis ou dans quelques cas d'essais de toxicité aiguë pour réduire le nombre de serpents jugés indésirables. L'état des connaissances en écotoxicologie des reptiles et des amphibiens a fait l'objet d'un ouvrage publié par la Society of Environmental Toxiology and Chemistry (Sparling et al., 2000) car les voies d'exposition aux contaminants sont communes pour un certain nombre d'espèces de ces deux groupes. On y trouve aussi bien des données caractéristiques de la physiologie et de l'écologie de ces animaux que l'état des connaissances en écotoxicologie des différents ordres. Nous limitons donc nos exemples à quelques cas qui montrent la tendance actuelle des recherches chez les lézards et les serpents. L'intérêt des lézards et des serpents comme bioindicateurs de contamination et d'évaluation du risque écologique est variable suivant les espèces et les types de contaminants (Lambert, 1999 ; Campbell & Campbell, 2000, 2001, 2002). En présence de contaminations métalliques, par exemple chez les lézards vivipares (Lacerta vivipara), capturés au voisinage de trois sites anglais contaminés par des métaux lourds (Cd, Cu, Pb et Zn) à des degrés différents, Avery et al. (1983) ont noté que les concentrations en métaux des animaux étaient plus basses que celles des invertébrés (cloportes, escargots, sauterelles) des mêmes sites et qu'il n'existait pas de différences entre les concentrations en Cu, Zn et Cd dans les lézards des trois sites. Seule la concentration en Pb était plus élevée chez les lézards d'un ancien site minier de Zn et de Pb. Pour les auteurs, L. vivipara n'accumule pas les métaux lourds comme sa position dans la chaîne alimentaire pouvait le suggérer et ces lézards, qui peuvent tolérer de très hauts niveaux de contamination par le Pb (pendant 1 500 ans), ne constituent pas de bioindicateurs convenables des contaminations par les ETMs. Pourtant, la même espèce de lézard, ainsi que des lézards des murailles et des orvets, ont montré des différences de concentration en Pb et Cd entre les populations non urbaines et urbaines de Sarrebrück (Allemagne), avec des concentrations plus grandes chez les mâles que chez les femelles de même taille (Schmidt, 1980). Dans ces deux études, bien qu'il existe des différences, il n'y a pas de bioamplification des métaux comme on aurait pu s'y attendre (Linder & Grillitsch, 2000). Dans le cas de contaminations par des POPs, des lézards (Mabuya striata wahlbergi) se sont révélés être des bioindicateurs utiles (surtout en zone boisée) lors d'épandages de DDT pour lutter contre les mouches tsé-tsé dans le Nord-Ouest du Zimbabwe (Lambert, 1993). Ces prédateurs de mouches ont présenté des concentrations maximale de DDT de 15,38 µg.g–1 de poids sec du corps entier et leurs capacités réduites de migration et de dispersion ont fait
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que leur vulnérabilité a été représentative de la contamination des habitats terrestres traités. Des accumulations beaucoup plus grandes de DDT (125 µg.g–1), mais aussi de dieldrine (80,4 µg.g–1), ont été constatées à la suite de la destruction par bombardement d'un stock de pesticides prés d'Hargesia, en Somalie, dans des pools de deux espèces de lézards récoltés par Lambert (1997), dans des sites situés entre 4 et 9 km de l'émission. Il s'avère que les lézards ont surtout été utilisés comme bioindicateurs de pollutions par les pesticides dans les zones chaudes tropicales et subtropicales (Lambert, 1999). Pour les pesticides, tels que les appâts d'anticoagulants, les organophosphorés et les insecticides pyréthrinoïdes, des analyses de résidus de ces composés ont été effectuées dans les œufs et des tissus de reptiles et les résutats ont été groupés dans des tableaux par Pauli & Money (2000). Ces auteurs rapportent des cas de sensibilité des lézards à certains organophosphorés (comparable à celle des oiseaux), ainsi que la toxicité d'insecticides, mais ils notent qu'il y a peu de connaissances sur les effets des herbicides et des fongicides. Actuellement, la plupart des espèces de lézards et de serpents étant protégées, on ne peut pas prévoir de prélèvements importants dans la nature et les suggestions d'études portent d'une part sur le développement de méthodes alternatives non destructrices (analyses d'écailles, de griffes, de mues et d'extrémité de la queue…) qui peuvent fournir des renseignements sur certains types de contamination (Hopkins et al., 2001), et d'autre part sur des essais d'élevage ou des captures autorisées d'espèces non natives car celles-là peuvent perturber le maintien d'espèces autochtones voisines (Hopkins, 2000). Concernant les essais d'élevage, des études montrent que deux espèces de lézards des palissades (Sceloporus undulatus et S. occidentalis), capturés dans l'Arkansas (États-Unis) et acclimatés en laboratoire, pourraient constituer un modèle de vertébré terrestre d'évaluation de la biodisponibilité en Cd, en même temps que d'observation des effets de ce métal sur le développement embryonnaire et la fonction thyroïdienne (Talent et al., 2002 ; Brasfield et al., 2004). Les œufs de ces lézards peuvent se développer dans presque tous les types de sols et le contact avec le sol de ces animaux à tous les stades de leur vie peut fournir des informations, aussi bien sur les expositions par contact avec le sol que par ingestion de leurs proies. Au cours du développement embryonnaire, l'exposition des œufs au Cd dans un substrat de perlite se solde par une accumulation de Cd significative chez les embryons et la mortalité est corrélée à l'accumulation dans les embryons. Les FBAs (sol / embryons) sont inférieurs à 1 (de 0,04 à 0,92) ; ils augmentent entre les concentrations de 148 à 1 480 µg Cd.g–1 de perlite, ensuite ils diminuent aux plus fortes concentrations (14 800 µg.g–1), qui sont extrêmement toxiques (100 % de mortalité). Le modèle permet d'examiner le transfert de contaminants du sol aux embryons et d'autres investigations sont nécessaires pour connaître les effets d'autres contaminants métalliques et organiques pendant l'incubation et au cours de la croissance. Ce modèle a un certain nombre de limitations, dont le petit nombre d'œufs par ponte, le pourcentage relativement élevé de mortalité chez les témoins et la moindre sensibilité au Cd des embryons par rapport à celle proposée par l'US EPA (2000) pour l'identification des potentiels de toxicité des sols contaminés (EcoSSL = ecological soil screening level), dérivée de valeurs bibliographiques sélectionnées chez les plantes, les invertébrés du sol et la faune sauvage. En effet, l'EcoSSL du Cd pour les invertébrés du sol est de 110 µg Cd.g–1 de sol (poids sec), alors que les effets adverses apparaissent seulement pour la perlite contaminée à des concentrations supérieures à 180 µg.g–1 chez les embryons de lézards, la comparaison ne peut pas être faite avec d'autres vertébrés terrestres car il n'existe pas d'EcoSSL Cd pour la faune sauvage.
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Avec l'espèce de lézard Sceloporus occidentalis, Hopkins et al. (2005) ont réalisé une chaîne alimentaire simplifiée de laboratoire pour étudier le transfert, l'accumulation et les effets du sélénium. Des grillons domestiques (Acheta domestica), recevant pendant 5 à 7 jours une nourriture contaminée avec de la séléno-D,L-méthionine (30 µg.g–1 ps), présentent une concentration en Se de 15 µg.g–1 de poids sec (la concentration à l'état d'équilibre du Se est atteinte à partir du 3e jour). Les lézards qui sont nourris pendant 98 jours avec des grillons contaminés accumulent des concentrations identiques en Se de l'ensemble de leur corps, quelque soit le sexe (10,5 µg.g–1 ps), alors qu'elles sont inférieures à 1 µg.g–1 chez les témoins nourris avec des grillons non contaminés. Il n'y a donc pas de bioamplification globale du Se, mais l'accumulation du Se diffère suivant les tissus. Dans les carcasses, les concentrations sont voisines et respectivement de 9 et 10,5 µg.g–1 (ps) chez les femelles et les mâles. En revanche, dans les ovaires elles sont nettement plus élevées (14,1 µg.g–1 ps qui représentent 31 à 34 % de la charge totale du corps) que dans les testicules (10,5 µg.g–1 ps correspondant à seulement 1 % de la charge totale du corps en Se). Les concentrations mesurées dans les gonades approchent les seuils les plus élevés de la toxicité de la reproduction des vertébrés ovipares. Cependant, les auteurs n'ont pas observé d'effet notoire sur les paramètres sublétaux et la survie des lézards contaminés. Cette chaîne alimentaire simplifiée, considérée par les auteurs comme une méthode écologiquement convenable constitue la base de futures études sur le transfert maternel du Se et ses effets tératogènes. Les différences de concentration en Se observées entre les lézards témoins et les lézards contaminés se répercutent dans les tissus de la queue, qui peuvent être utilisés pour prédire de façon non destructive les concentrations du Se dans les autres tissus des lézards. Avec les reptiles dont la capture est autorisée, comme c'est le cas pour une espèce non native de Floride aux États-Unis, Burger et al. (2004) ont examiné les différences de concentrations en métaux (As, Cd, Hg, Mn, Pb et Se) d'Anolis sagrei adultes de six localités du Sud de la Floride, où ils ont été introduits dans les années 1940. Ces lacertiliens, qui ont des comportements alimentaires similaires à ceux des espèces natives (Anolis carolinensis), peuvent être utilisés comme indicateurs des pollutions par les ETMs. Les mâles d'Anolis sagrei sont plus grands que les femelles, et la bioaccumulation des métaux dépend du sexe et de l'âge de ces lézards. Chez les femelles, la taille est corrélée significativement aux concentrations du Cd, du Pb et du Hg, tandis que chez les mâles la taille est significativement corrélée aux niveau de concentration de l'As, du Cr et du Mn. Dans l'ensemble, les femelles ont des niveaux de contamination plus élevés que les mâles en Cd, Cr, Mn, Hg et Se. Ces différences pourraient être la conséquence de préférences de microhabitats et de comportement alimentaire car les femelles passent plus de temps à la surface du sol (proies = araignées, fourmis, forficules, isopodes…) alors que les mâles se tiennent davantage sur les troncs et les branches des arbres et arbustes, et consomment surtout des arthropodes sauteurs et volants. Les potentiels différents d'accumulation entre les mâles et les femelles peuvent aussi provenir de particularités physiologiques liées au sexe. Chez un autre lacertidé, Podarcis carbonelli prélevé dans des dunes du Nord du Portugal, Mann et al. (2006, 2007) ont étudié l’impact de la forme du Cd (biologique ou inorganique) sur son assimilation par P. carbonelli. Les lézards ont ainsi été nourris pendant 21 semaines avec du Cd biologiquement incorporé dans des criquets (nourris avec de la laitue contaminée) ou superficiellement ajouté sur les criquets (Cd(NO3)2). Les auteurs ont mesuré des concentrations en Cd croissantes dans le tube digestif, le foie, le rein et la carcasse, mais aucune différence significative entre les deux formes de traitement (Mann et al., 2006). De plus, aucun des biomarqueurs d’exposition ou
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d’effet mesurés (indices morphologiques, activités cholinestérases dans le cerveau et le plasma, et concentrations en MT dans le tube digestif et le foie) n’a permis d’établir des différences entre les lézards témoins et ceux exposés aux deux formes de Cd (Mann et al., 2007). En remarque générale sur les contaminations des reptiles par les métaux, Linder & Grillitsch (2000) soulignent que l'importance des facteurs abiotiques sur les concentrations des tissus n'a pas été prise en considération malgré l'importance des facteurs d'environnement chez ces hétérothermes : « For reptiles, there is no study available that directly addresses the variation of metal toxicokinetics with abiotic factors such as temperature, humidity, salinity and pH values ». Or, nous avons vu que ces facteurs intervenaient régulièrement dans les capacités de bioaccumulation des invertébrés, chez qui la température est également un facteur important. Comme première étape pour comprendre la signification écotoxicologique de la bioaccumulation des métaux chez les reptiles, Linder & Grillitsch (2000) ont fait un inventaire des données sur les concentrations en métaux sous forme de tableau et les ont comparées aux niveaux de base des mammifères en notant que « for most metals, the majority of the tissue concentrations observed in reptiles seem to be within the order of magnitude considered normal in mammals and below the typical abiotic environmental background levels ». Pour les pesticides, les études portent surtout sur les lézards des pays chauds (Lambert, 1999), plus facilement observables que les serpents, chez lesquels on possède surtout des données dans le Sud des Étas-Unis, où ceux-là sont abondants et l'usage des pesticides est intense (Portelli & Bishop, 2000). Les données rapportées concernent en majorité les serpents d'eau et ces auteurs pensent qu'étant donné les pertes d'habitat et les persécutions subies par les reptiles, les recherches futures doivent porter sur l'état des populations des aires contaminées, ou dont les habitats ont été modifiés, pour déterminer si les populations sont stables et en bonne santé et si la diversité est affectée. En l'état de la situation des reptiles terrestres dans le monde, les recommandations que l'on peut formuler sont tout d'abord d'essayer d'arrêter la régression des espèces et ensuite de suivre les recommandations générales formulées par Linder & Grillitsch (2000) (p. 406–408 de leur synthèse), qui s'appliquent à tous les groupes animaux : pauvreté et hétérogénéité des données, défauts et insuffisances techniques et méthodologiques… En France, les lézards et les serpents (en plus des destructions de ces derniers) font partie des organismes non-cibles de tous les traitements chimiques et des modifications outrancières des milieux naturels et des paysages. Nous n'avons pas trouvé de référence bibliographique d'écotoxicologie française les concernant, pourtant l’on dispose de connaissances scientifiques sur ces espèces qui permettraient des investigations originales. Des tables du développement embryonnaire de plusieurs espèces de reptiles ont été établies, ce qui constitue des bases solides pour apprécier les effets des contaminants pendant l'ontogenèse et les études de physiologie des serpents menées, en particulier au Centre d'étude des animaux sauvages de Chizé, représentent des connaissances qui pourraient servir à des investigations écotoxicologiques et écologiques sur ces groupes de reptiles terrestres menacés (Gibbons et al., 2000). Bien entendu, cela suppose également que l'on puisse suivre l'état des populations actuelles d'une façon régulière, afin d'être en mesure d'apprécier leur évolution dans le temps et l'espace.
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3.2 Oiseaux 3.2.1 Intérêt de la connaissance de la concentration en contaminants chez les oiseaux et de sa relation avec des signes d'intoxication Les effets des polluants chez les oiseaux ont toujours intéressé le public, d'une part parce que leur observation et leurs chants constituent en général un élément agréable de l'environnement de l'Homme, et d'autre part parce que certaines grandes espèces, subsistant en un petit nombre d'individus, constituent des « reliques » vivantes de l'évolution animale. Chez les oiseaux, c'est sans doute l'effet des pesticides synthétisés par l'Homme (insecticides, fongicides, herbicides…) et en particulier les organochlorés persistants comme le DDT ou la dieldrine, qui ont provoqué l'amincissement de la coquille des œufs de rapaces et l'échec de l'éclosion, produisent les effets les plus spectaculaires car les populations de ces prédateurs ont régressé rapidement dans les années 1950 et 1960 (Ratcliffe, 1967 ; Cooke, 1973). Mais, la mort d'oiseaux de bien d'autres espèces peut être provoquée par l'action toxique d'insecticides organophosphorés ou de carbamates, ainsi que d'autres contaminants. Les cris d'alarme lancés par R. Carson (1962) – « Silent Spring » – et le spécialiste français des oiseaux J. Dorst (1965) – « Avant que Nature meure » – ont été à l'origine d'une prise de conscience générale des effets néfastes des pollutions résultant des activités humaines. Les oiseaux présentent un intérêt dans l'évaluation du risque des produits chimiques car ils sont adaptés aux milieux les plus divers à travers le monde, et de tous les vertébrés ce sont eux qui résistent le mieux aux conditions extrêmes. De plus, ils peuvent servir à la réalisation de tests sur les espèces domestiques ou sauvages dont l’on sait réaliser l'élevage. La tendance actuelle étant à limiter l'utilisation d'animaux vivants à des fins expérimentales, des études de suivi des contaminations peuvent être effectuées sans inconvénient majeur pour les individus sur les plumes, les fèces, les pelotes de régurgitation et éventuellement le sang. Leurs œufs constituent des productions (réserves + coquille) dans lesquelles peuvent être transférés certains contaminants ou leurs dérivés, et leur développement embryonnaire représente un moyen d'investigation extraordinaire pour déceler les impacts tératologiques induits par les substances chimiques depuis le travail de Wolff (1936), adapté et appliqué avec succès à l'évaluation des effets des pesticides sur le développement embryonnaire et la différenciation sexuelle de plusieurs espèces d'oiseaux par Lutz-Ostertag & Lutz (1971) et Lutz & LutzOstertag (1973). La législation concernant les références écotoxicologiques, demandées chez les oiseaux dans la directive des produits chimiques dangereux (EEC, 1992), précise que les études de toxicité sont seulement exigées lorsque la production du produit dépasse 1 000 tonnes par an et lorsqu'un facteur d'accumulation dépasse 100. Mais, la législation des pesticides pour les tests de toxicité chez les oiseaux varie suivant les pays et comporte des tests de létalité, des tests biochimiques (biomarqueurs), ainsi que des analyses de résidus de contaminants. Comme chez d'autres vertébrés, la concentration des contaminants est rarement réalisée sur l'animal entier et l'accumulation des substances est le plus souvent mesurée dans les tissus et les organes où elles sont séquestrées plus ou moins longtemps. Cette pratique rend difficile la comparaison des FBAs, calculés par rapport au poids total chez beaucoup d'invertébrés, à ceux calculés par rapport au poids d'un organe chez les vertébrés, mais cela est justifié à cause,
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d'une part, de leur poids et, d'autre part, de l'anatomie et de la physiologie des organes qui sont mieux connues que celles d'un certain nombre d'invertébrés. Bien que la plupart des contaminations qui se produisent dans la nature concernent à la fois des métaux et des composés organiques, nous examinerons séparément, comme pour les autres animaux, les deux types de contaminants, en gardant présente à l'esprit la nécessité de combiner les deux approches dans des méthodes à imaginer car, en dépit de nombreuses publications, il n'existe pas de test standard pour mesurer la bioaccumulation en milieu terrestre (Phillips, 1993).
3.2.2 Éléments trace métalliques 3.2.2.1 Principales analyses réalisées : organes internes, plumes, œufs, fèces, pelotes de régurgitation. Parmi tous les métaux, ce sont ceux de la classe B, d'après Nieboer & Richardson (1980), qui sont le plus fréquemment étudiés, et en particulier le Pb, le Cd, le Hg, l’As, le Cu et le Zn, mais les sites d'extraction et de traitement d'autres métaux, ainsi que leurs utilisations, peuvent être à l'origine de contaminations. Dans l'ensemble des travaux publiés sur la concentration des métaux chez les oiseaux, certains s'attachent à savoir s'il existe des corrélations entre les concentrations en métaux de l'environnement et celles du corps ou d'organes, afin d'utiliser des espèces indicatrices pour évaluer les niveaux de contamination des écosystèmes auxquels elles appartiennent. D'autres relatent les résultats d'expériences menées pour analyser et comprendre les mécanismes qui président à l'accumulation des métaux chez des espèces que l'on sait élever ou maintenir en captivité, de façon à interpréter et utiliser au mieux les données recueillies chez les oiseaux sauvages de la nature. Les données recueillies apparaissent parfois disparates car elles ont été obtenues avec des méthodes différentes et des protocoles très divers. Cependant, les progrès des techniques de dosages et les recommandations faites par les auteurs de plusieurs revues permettent de dégager les apports essentiels des recherches faites pendant les 40 dernières années. Les synthèses récentes concernent les métaux qui posent le plus de problèmes de santé de l'environnement, par exemple le cadmium pour toutes les catégories d'oiseaux (Furness, 1996) ou le plomb pour les oiseaux d'eau (Pain, 1996) et les autres oiseaux (Franson, 1996). Pour le mercure, qui est un métal très toxique, on trouve des documents sur la bioaccumulation et la toxicité qui concernent la contamination de l'ensemble de la faune sauvage et les chaînes alimentaires (Heinz, 1996b ; Boudou & Ribeyre, 1997 ; Wiener et al., 2003). Des tableaux récapitulatifs avec les concentrations en contaminants de l'environnement, ainsi que de la flore et de la faune sauvages, répertoriées par groupes taxonomiques se trouvent dans les Publications in the Patuxent Wildlife Research Center Contaminant Hazard Reviews (CHR) Series, dont les rapports 1 à 33 (de 1985 à 1998) concernent chacun un métal ou un contaminant organique. Ces rapports son regroupés en un CD par l'U.S. Department of the Interior, U.S. Geological Survey (Washington, DC, 20 240). Dans ces rapports, on trouve des renseignements très utiles sur les concentrations des contaminants dans les organismes, mais aussi sur l'origine et les effets de ces substances, de même que des recommandations pertinentes.
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Outre les revues générales par contaminant (rappelées dans le texte consacré à chaque métal), il existe des publications et des synthèses concernant l'accumulation d'un ou de plusieurs métaux dans les organes des oiseaux, afin de déterminer les sites de métabolisme et d'accumulation en fonction des espèces, de leurs lieux et modes de vie. Parmi les organes internes impliqués dans la détoxification et l'excrétion, les dosages de métaux sont souvent réalisés dans le foie et les reins, mais aussi dans des organes comme le cerveau, siège de centres neuroendocrines importants et de centres nerveux régissant le comportement. L'examen et l'analyse de ces organes peut se faire sur des animaux trouvés morts, mais la qualité des données recueillies est aléatoire et le plus souvent ces investigations nécessitent le sacrifice d'individus, ce qui est seulement possible pour des espèces considérées comme nuisibles à populations abondantes ou pour les espèces domestiques (ou par des prélèvements contrôlés sur des animaux provenant de la chasse). Il existe aussi la possibilité (à développer) de faire des analyses sur les plumes, de mue par exemple, ou d'individus conservés dans des musées, ou de prélever quelques plumes sans handicaper le vol des oiseaux. Les plumes constituent un site de séquestration des métaux lourds car ceux-là présentent une affinité pour la molécule de kératine riche en groupes sulfydriles (Goede & de Bruin, 1984 ; Furness et al., 1986). En effet, pendant leur formation, les plumes ont une irrigation sanguine très intense et il existe une étroite corrélation entre les concentrations en métaux des plumes et des tissus internes (Burger, 1993). Ainsi, les plumes peuvent être utilisées comme indicatrices de l'exposition interne à condition de prendre des précautions de préparation avant les dosages car elles peuvent être aussi l'objet de contaminations externes, surtout sur la partie non implantée dans la peau (Goede & de Bruin, 1984). Le calamus (hampe) est témoin de contaminations internes, tandis que le vexillum (partie externe constituée de barbes et barbules ; voir figure 33b) peut être contaminé par voie interne lors de sa formation, mais aussi par les particules de l'air et du sol déposées sur et entre les barbules ; d'où la nécessité de procéder à des dosages avec ou sans lavage (attention, les liquides de lavage varient suivant les auteurs !). Goede & de Bruin (1984) ont trouvé que les concentrations en Hg de la hampe et du vexillum reflètent seulement les dépôts internes, tandis que pour l'As, le Pb et le Se, les concentrations de la hampe reflètent les dépôts internes, et celles du vexillum reflètent aussi les dépôts externes. Cependant, il est difficile d'éliminer les petites particules des barbes et barbules car l'examen au microscope électronique révèle que des particules externes de Zn, Pb et Cd de l'ordre du µm ne sont pas complètement enlevées par lavage dans un bain à 1 % de triton X-100 et propanone soumis aux ultrasons pendant 3 heures (Weyers et al., 1988). De nombreux de travaux concernent les oiseaux qui vivent à proximité de l'eau, comme les sternes et les goélands dont les populations très nombreuses permettent des prélèvements pour analyse sans menacer l'existence de l'espèce. Plutôt que de rapporter exhaustivement les synthèses citées, auxquelles le lecteur peut se référer utilement, nous citerons des exemples de travaux concernant un éventail d'espèces de tailles très différentes, réparties dans le monde entier (sans tenir compte rigoureusement de la séparation oiseaux d'eau et autres, qui nous semble artificielle pour bien des espèces car tous ont une respiration aérienne et beaucoup une nourriture variée). Étant donné la diversité des recherches qui concernent tantôt un seul métal, tantôt plusieurs métaux, mais aussi des contaminations mixtes (métaux - produits organiques), nous présentons successivement les travaux portant sur un seul métal, puis les pluricontaminations métalliques.
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3.2.2.2 Examen de contaminations métal par métal 3.2.2.2.1 Plomb
Comme le rappelle Pain (1996) dans sa synthèse sur le Pb chez les oiseaux d'eau, ce métal très toxique agit comme un poison non spécifique affectant tous les systèmes du corps. On ne connaît pas de besoin biologique en Pb. L'absorption de très faibles concentrations peut produire un très large éventail d'effets sublétaux chez les animaux, tandis que les concentrations élevées peuvent aboutir à la mort (Demayo et al., 1982). À la suite de l'extraction et de l'utilisation par l'Homme du Pb pour de multiples usages, ce métal se trouve dans tous les milieux (air, eau, sol), aussi bien dans les environnements urbains que ruraux, à des concentrations beaucoup plus élevées que celles de l'époque préindustrielle. Concentrations dans les organes internes
De nombreux cas d'empoisonnement d'oiseaux par le Pb ont été décrits. L'interprétation des relations qui peuvent être établies entre les « résidus » en Pb des tissus des différentes espèces et les observations pathologiques « subcliniques », toxiques ou létales, a été abordée dans deux revues, qui donnent une image des connaissances dans ce domaine en 1996, en ce qui concerne les informations apportées par les concentrations en Pb dans le sang, le foie, les reins et les os (Franson, 1996 ; Pain, 1996). Ces deux revues d'un même ouvrage se complètent et constituent une base intéressante car les auteurs suggèrent des gammes de concentrations tissulaires indicatrices des manifestations biologiques induites par le Pb chez différentes espèces et donnent des conseils pratiques argumentés sur l'utilisation de ces analyses (Tableau 31). Parmi les espèces sauvages non aquatiques, Franson (1996) souligne que c'est chez les Falconiformes que le plus grand nombre de données concernant les résidus de Pb a été décrit, chez des rapaces morts d'empoisonnement par ce métal. Les concentrations en Pb dans le foie et les reins de ces oiseaux sont variables, mais sont souvent comprises entre 5 et 40 ppm de poids frais, tandis que les signes cliniques de toxicité sont visibles lorsque la concentration en Pb du sang atteint environ 5 ppm (lorsque la concentration en Pb du sang est donnée sur une base volumétrique, elle est convertie en ppm selon la formule µg.dL–1 divisée par 100 = estimation en ppm). Outre les signes cliniques classiques de l'empoisonnement par le Pb (anémie, diarrhée verte, anorexie, perte de poids…), le premier changement biochimique mesurable consiste en l'inhibition de l'activité enzymatique ALAD (acide delta-aminolévulinique déhydratase) nécessaire à la synthèse de l'hème dans les érythrocytes. L'importance de cette inhibition, observée aussi bien chez les oiseaux d'eau que les autres, est en relation avec les concentrations de Pb dans le sang et peut atteindre 75 % dans les cas d'anémie. L'inhibition de l'activité ALAD se produit également dans les autres tissus du corps et Pain (1996), qui analyse en détail la cinétique du Pb dans les tissus d'oiseau et l'utilisation de l'activité ALAD comme indicateur de l'exposition au Pb, relate des expériences très démonstratives de la toxicité d'un seul plomb de chasse chez des canards (Dieter & Finley, 1979 ; Pain & Rattner, 1988). Ainsi, 1 mois après l'administration de doses d'un plomb de chasse à des canards colvert, Dieter & Finley (1979) notent des réductions respectives de l'activité ALAD de 75 % dans les érythrocytes (Pb dans le sang = 98 µg.dL–1), 42 % dans le foie
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(2,24 ppm Pb, pf), 50 % dans le cérébellum et 35 % dans les hémisphères cérébraux (0,43 ppm Pb, pf dans le cerveau). L'activité ALAD est ainsi corrélée à la concentration du Pb dans tous les tissus, mais elle est plus sensible dans le cerveau que dans le foie. L'examen des effets du Pb sur le système nerveux central des oiseaux semble avoir été négligé et mérite que l'on s'y intéresse étant donné l'importance de ce centre intégrateur dans toutes les fonctions. Dans l'abondante littérature qu'il cite, Franson (1996), a relevé, par exemple, le cas de 36 pygargues à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) morts d'empoisonnement par le Pb, avec des résidus dans le foie de 5 à 61 ppm (pf) et deux cas de reins avec 5 et 12 ppm. L'ordre de grandeur des concentrations en Pb, qui entraînent la mort chez la même espèce de pygargue, a été confirmé par une étude expérimentale d'empoisonnement par des plombs de chasse de quatre aigles dont les moyennes en résidus de Pb étaient respectivement de 17 ppm (pf), 6 ppm (pf), 1,4 ppm (pf) et 10 ppm (pf) dans le foie, les reins, le cerveau et les os. Franson (1996) rapporte également des concentrations importantes de Pb dans le foie, les reins et le sang de nombreux autres falconiformes comme l'épervier (Accipiter nisus), le faucon pèlerin (Falco peregrinus), la buse variable (Buteo buteo) et le faucon crécerelle américain (Falco sparverius). Chez les busards des roseaux (Circus aeruginosus), dont la contamination par le Pb a été étudiée en France (Charente-Maritime et Camargue) par Pain et al. (1993, 1997) et en Espagne (delta de l'Ebre) par Mateo et al. (1999), les concentrations sanguines en Pb sont les plus élevées pendant l'hiver, comme conséquence de la période de chasse car les canards ou les autres oiseaux d'eau consommés par les busards ont absorbé davantage de plomb dans leur nourriture ou ont reçu des plombs entraînant des blessures ou la mort, sans être retrouvés par les chasseurs. Pour la même espèce de busard, les pourcentages de concentrations plus ou moins élevées de Pb dans le sang varient suivant les régions : concentrations > 300 ng.mL–1 : Camargue, 26 % ; Charente-Maritime, 35 % ; delta de l'Ebre, 40 % ; concentrations > 600 ng.mL–1 (considérées comme source d'empoisonnement par Redig, 1991) : delta de l'Ebre, 7,5 % ; Camargue, 14 % ; Charente-Maritime, 17 % ; concentrations > 1 000 ng.mL–1 : Camargue, 2,3 % ; delta de l'Ebre, 2,5 % ; Charente-Maritime 11,3 % ; ce qui est probablement dû à des différences quantitatives de proies (oiseaux, petits mammifères) consommées par les busards dans leurs territoires de chasse. La contamination par les plombs de chasse est également vérifiée par l'examen des pelotes de régurgitation de deux espèces de rapaces du parc national Donana (Espagne), où Mateo et al. (2001) ont confirmé qu'une espèce en danger, l'aigle impérial espagnol (Aquila heliaca adalberti) et le milan royal (Milvus milvus), qui se nourrissent partiellement d'oiseaux d'eau, ingèrent des plombs de chasse d'oiseaux tirés à l'extérieur du parc national. Dans les deux cas, le pourcentage de pelotes qui contiennent des plombs est nettement plus élevé entre octobre et février (14,3 %) qu'entre mars et septembre (4,5 %), et la plupart de ces pelotes contiennent des plumes d'anatidés. Les grains de Pb des pelotes montrant des signes d'érosion constituent donc un danger pour les aigles. Chez les colombiformes (Tableau 31), les concentrations rapportées par Franson (1996) ont tendance à être plus élevées dans les reins que dans le foie. Par exemple, chez le pigeon bizet (Columba livia), des signes cliniques d'empoisonnement et d'inhibition de l'activité ALAD ont été observés chez des animaux avec 14 à 22 ppm (ps) de Pb dans le foie, 189 à 321 ppm dans les reins, 12 à 20 ppm dans le cerveau et 245 à 669 ppm dans les os. Les concentrations
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en Pb dans le sang associées à la mort des colombiformes peuvent être extrêmement élevées et atteindre 250 à 400 µg.dL–1 dans des pigeons traités avec de l'acétate de Pb qui manifestent de l'anémie. Les galliformes intoxiqués par le Pb tendent aussi à avoir de fortes concentrations de Pb dans leurs tissus (Tableau 31). Une perdrix grise (Perdix perdix) morte d'intoxication présentait 40 ppm (pf) de Pb dans le foie et 100 ppm (pf) dans les reins. Des colins de Virginie (Colinus virginianus), nourris avec de la nourriture contaminée par des concentrations croissantes d'acétate de Pb jusqu'à ce que la moitié d'entre eux meure, ont des concentrations respectives de 21 à 277 et 85 à 500 ppm (pf) dans le foie et les reins. Des expériences réalisées avec la caille japonaise (Coturnix coturnix japonica) et des poulets recevant de l'acétate de Pb dans leur nourriture confirment l'inhibition de l'activité ALAD, la perte de poids et l'anémie avec des concentrations de Pb dans le sang de 322 à 832 µg.dL–1 chez les poulets. Chez les passériformes comme le moineau (Passer domesticus), l'étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), le merle américain (Turdus migratorius), la concentration maximum en Pb du foie est de 10 à 16 ppm (ps) et de 14 à 98 ppm (ps) dans les reins. Chez plusieurs espèces américaines, le merle aux ailes rouges (Agelaius phoeniceus) et le moluthre garde-bœufs (Moluthrus ater) recevant de la nourriture contaminée par de l'acétate de Pb jusqu'à ce que 50 % des animaux meurent, les concentrations moyennes en Pb du foie vont de 20 à 50 ppm (pf) et celles des reins de 22 à 160 ppm (Beyer et al., 1988) (Tableau 31). Quelques exemples sont également donnés dans d'autres groupes d'oiseaux par Franson (1996), qui dresse un tableau récapitulatif d'interprétation des concentrations tissulaires en rapport avec les manifestations subtoxiques et toxiques (Tableau 31b), comparable à celui de Pain (1996) (Tableau 31a) pour les oiseaux d'eau. Ces tableaux permettent de noter la sensibilité relative des oiseaux de proie terrestres (falconiformes). Cependant, des facteurs nocifs autres, que le Pb peuvent aussi intervenir parmi lesquels, la consommation par les falconiformes de proies contaminées par des pesticides organiques ou d'autres métaux. Le type de nourriture des oiseaux interfère également avec la concentration du Pb dans le foie, comme cela a été démontré par Koranda et al. (1979) chez des canards colvert (Tableau 32). TABLEAU 31
Interprétations des concentrations tissulaires en Pb chez (a) des oiseaux d'eau (d'après Friend, 1985 ; Pain, 1996 ; Beyer et al., 1998b) et (b) d’autres oiseaux (d’après Beyer et al., 1988 ; Burger & Gochfeld, 1990 ; Burger, 1993 ; Franson, 1996).
(a) Référence : – bonne santé apparente – environnement normal
Empoisonnement subclinique
µg.mL–1
< 0,20
0,20–0,50
0,50–1
> 1,00
ppm*
< 0,2
0,2–0,5
0,5–1
>1
ppm poids frais
15 (ii)
Tissus
Sang Foie Os
< 10
10–20
Signes Intoxication sévère cliniques compatible avec d'intoxication mort
> 20
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(b) Ordre Empoisonnement Référence Tissus subclinique Falconiformes Sang (ppm) 0,2–1,5 Foie (ppm pf ) 2–4 Rein (ppm pf ) 2–5 Colombiformes Sang (ppm) 0,2–2 Foie (ppm pf ) 2–6 Rein (ppm pf ) 2–20 Galliformes Sang (ppm) 0,2–3 Foie (ppm pf ) 2–6 Rein (ppm pf ) 2–20 Colin de Virginie (Colinus virginianus) Foie (ppm pf ) Rein (ppm pf ) Passériformes Foie (ppm pf ) Rein (ppm pf ) Charadriiformes Foie (ppm pf ) Larus argentatus
Signes cliniques d'intoxication
Intoxication sévère compatible avec mort
>1 >3 >3
>5 >5 >5
>2 >6 > 15
> 10 > 20 > 40
>5 >6
> 10 > 15 > 50 (selon esp. DL50 : 22 à 190)
> 15
Intoxication par le nitrate de Pb dans la nourriture (DL50) (Beyer et al., 1988) au seuil de toxicité : 100 µg.g–1)
* Foie
Larison et al. (2000)
–1
De 1 à 32 µg.g
}
(corrélée avec des concentrations de 20 à
165 µg.g–1 dans les reins) ps : poids sec. (i) Accumulation du Cd au taux de 0,5 µg par jour, qui conduit à une cytopathologie. (ii) Pour les concentrations > 100 µg.g–1 dans les reins, la concentration en Ca des os est diminuée de 8 à 10 %, ce qui les fragilise, surtout chez les femelles en fin d'hivernage qui ont des besoins importants en Ca pour la ponte ; la mortalité des femelles adultes (3 ans et plus) est donc plus importante (58 %). (iii) Altération cytologique des tubes rénaux chez 57 % des oiseaux des populations fortement contaminées (> 100 µg.g–1).
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TABLEAU 34
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minière a diminué aux États-Unis par exemple, d'autres sources anthropogéniques se sont développées. Les taux de dépôts atmosphériques majoritairement inorganiques semblent en augmentation et subissent dans les écosystèmes un cycle complexe de processus biogéochimiques, parmi lesquels réduction, oxydation et méthylation sont les plus importants (le cycle biogéochimique simplifié du Hg est figuré dans les revues de Boudou & Ribeyre, 1997 et de Wiener et al., 2003). Globalement, le mercure déposé et séquestré dans les sols excède celui des compartiments atmosphérique et aquatique. Il est cependant difficile de distinguer l'origine du mercure naturel ou anthropogénique du fait des transformations, spéciations et remobilisations des différents pools du métal (Kim et al., 1997; Ebinghaus et al., 1999 ; Wiener et al., 2003) et de nouvelles investigations sont en cours avec utilisation d'isotopes stables de Hg (Hintelmann & Evans, 1997) pour évaluer les transformations, la bioaccumulation et les transferts du Hg dans les chaînes trophiques (Renner, 2001). L'une des preuves de l'augmentation globale du méthylmercure dans l'environnement au cours des 150 dernières années dans l'océan Atlantique nord est apportée par Monteiro & Furness (1997) grâce à l'analyse des plumes d'oiseaux marins échantillonnées sur des specimens de musées. Entre 1885 et 1994, la concentration moyenne en méthylmercure est passée progressivement de 1,8 à 5,5 µg.g–1 pf (× 1,9 % par an) chez le puffin Calonectris diomedea borealis et de 4 à 22 µg.g–1 pf (× 4,8 % par an) chez le pétrel de Bulwer Bulweria bulwerii. Les méthodes d'analyse du Hg et du MeHg dans les matrices qui intéressent les toxicologues de la faune sauvage sont résumées dans la revue de Wolfe et al. (1998). En outre, les auteurs résument dans un tableau les concentrations en mercure des œufs et des tissus de quelques espèces d'oiseaux, ainsi que les effets correspondants. D'après eux, les biocinétiques et la toxicologie des organomercuriels (en particulier du MeHg) ont été davantage étudiées que celles du Hg sous forme inorganique à cause de la plus grande toxicité et bioaccumulation de la forme méthylée. Les concentrations en mercure des organes internes (reins, foie, cerveau) et externes (plumes), de même que les effets toxiques varient suivant les espèces, les modes de contamination, la durée des expositions et l'âge des oiseaux. Selon Wolfe et al. (1998), chez la majorité des oiseaux sauvages, les concentrations en mercure du foie sont supérieures à celles des reins ; cependant, dans les cas d'empoisonnement les concentrations de mercure dans les reins atteignent presque celles du foie (Tableau 35, Finley et al., 1979). Ces différences dépendent sans doute des espèces car Thompson (1996), dans sa revue, déduit des études qu'il cite que les concentrations en mercure des reins sont plus élevées que celles du foie et que les concentrations en mercure du foie et des reins qui dépassent 20 à 30 mg.kg–1 de poids frais sont nocives pour une série d'espèces d'oiseaux de proie (Tableau 35). L'alimentation d'oiseaux avec de la nourriture contaminée par différentes formes de MeHg à des concentrations de 10 mg.kg–1 de poids frais est létale pour les oiseaux de proie, les passereaux et les faisans. Les concentrations inférieures (approximativement 3 mg.kg–1 de poids sec) ont peu d'incidence sur la reproduction des faisans (Fimreite, 1971), mais augmentent le nombre d'œufs sans coquille et l'infertilité des œufs (Tableau 35). Les canards Anas platyrhynchos nourris avec un aliment contaminé par le MeHg à la même concentration sont apparemment en bonne santé, mais leurs œufs ont des concentrations plus élevées en mercure (Tableau 35) et leur éclosion est réduite (Heinz, 1974). Les canetons qui en éclosent présentent des lésions du cerveau (Heinz & Locke, 1976). Pour des contaminations plus
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faibles de la nourriture, les concentrations en mercure des œufs sont réduites (Tableau 35, Heinz, 1979), mais donnent peu de canetons et ceux-là sont hypersensibles aux stimuli de la peur. Les transferts de mercure de l'alimentation dans les œufs semblent être dose-dépendants et le mercure s'accumule principalement dans les protéines du blanc d'œuf (Wolfe et al., 1998). Le fait que le mercure soit déposé dans l'albumine expliquerait la plus grande variabilité du contenu en mercure des œufs d'une ponte que celle des contaminants préférentiellement distribués dans le jaune (vitellus). Concernant les passereaux, Finley et al. (1979) ont observé chez quatre espèces (dont l'étourneau européen) que ceux qui ont été exposés à des concentrations en Hg, qui entraînent la mort du tiers des sujets, ont des concentrations en mercure dans le foie comprises entre 50 et 150 µg.g–1 (Tableau 35), et Scheuhammer (1988) rapporte que l'exposition létale pour 25 % de Poephila guttata se traduit par des résidus en mercure dans le cerveau de 20 µg.g–1 (Tableau 35). Cette concentration importante du mercure dans le cerveau a vraisemblablement un rapport avec les lésions cérébrales et les altérations du comportement fréquemment décrites chez les oiseaux contaminés par ce métal. Si la concentration en mercure des organes internes constitue un élément d'appréciation de sa toxicité, sa connaissance nécessite le sacrifice des oiseaux ou bien elle s'effectue chez des animaux morts dont les tissus peuvent s'être altérés. En revanche, le contenu en mercure des plumes constitue un outil potentiel d'évaluation de la pollution peu contraignant pour l'animal. Les plumes qui tombent au moment de la mue représentent une voie d'excrétion (et non un organe cible) ; elles peuvent être récoltées et analysées sans perturbation des oiseaux. Cependant, les concentrations en mercure des plumes doivent être considérées avec prudence (Wolfe et al., 1998) car le contenu en mercure varie avec le type de plumes, le temps écoulé depuis la dernière mue, l'âge des individus et les espèces d'oiseaux (Burger, 1993 ; Monteiro et al., 1995). Beaucoup de travaux portent sur les oiseaux d'eau et de grandes variations existent dans les relations entre les concentrations en mercure des plumes et les effets adverses observés, suivant les espèces et les lieux de contamination. Parmi les travaux relatifs à l'étude des plumes, Scheuhammer & Bond (1991) suggèrent que les concentrations en mercure des plumes supérieur à 20 µg.g–1 peuvent résulter de nourritures contenant des concentrations en mercure supérieur à 1 µg.g–1 et que ces concentrations peuvent être considérées comme indicatrices de zones humides, présentant un risque du mercure pour les oiseaux. Bowerman et al. (1994) trouvent des concentrations moyennes en mercure de 13 à 21 µg.g–1 dans les plumes des pygargues à tête blanche de la région des Grands Lacs, mais n'observent pas de relation avec la reproduction de ces oiseaux bien, que les concentrations soient supérieures à la concentration normale du mercure dans les plumes de rapaces (1 à 5 µg.g–1) estimée par Scheuhammer (1991). En plus des contaminations importantes par le mercure résultant des industries et de la combustion de forêts ou de combustibles fossiles, l'emploi de fongicides organomercuriels (alkylmercure, éthyl et méthylmercure) dans le traitement des semences à partir de 1940 a provoqué une élévation subite de la teneur en mercure de nombreuses espèces animales (Eisler, 1987). Celà a été particulièrement net chez les oiseaux en comparant les concentrations des plumes recueillies après 1943 à celles de plumes d'espèces conservées dans plusieurs musées de Suède (Berg et al., 1966). À partir des travaux de ces auteurs, Ramade (1977) résume dans
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TABLEAU 35
Concentrations en Hg des tissus et des œufs d'oiseaux et effets correspondants.
Lieu
Organe
Concentration µg.g–1
Foie Œufs
2 0,5 à 1,5
Pas de mortalité Diminution des éclosions
Œufs
3,65
27 % éclosions
Fimreite (1974)
>5 (moy. 7,18 et 5,46)
Réduction de la reproduction
Heinz (1974)
Œufs
Espèce Faisan : Phasianus colchicus Adultes nourris 12 semaines avec 2 à 3 mg.kg–1 MeHg Lac Ball ( Ontario Canada ) Sterne Pierregarin : Sterna hirundo Canard mallard : Anas platyrhynchos Nourriture parents contaminée pendant 2 ans 3 mg.kg–1 MeHg Nourriture parents 3 générations 0,5 mg,kg–1 MeHg Étourneau européen : Sturnus vulgaris Passereau : Poephila guttata Oiseaux de proie non marins
Suède Faucon pèlerin : Falco peregrinus
Suède Hibou grand-duc : Bubo bubo Lagopède des saules : Lagopus lagopus Finlande Épervier d'Europe : Accipiter nisus
Mésange des saules : Parus montanus Geai des chênes : Garrulus glandarius Merle noir : Turdus merula Grands Lacs d’Amérique Pygargue : Haliaeetus leucocephalus
Pologne Coqs faisans : Phasianus colchicus
États-Unis, Caroline du Sud, Géorgie, 1997–1999 Cigogne des bois américaine : Mycteria americana Antarctique–Syowa, 1981 Manchot Adélie : Pygoscelis adelia Subantarctique Iles Crozet Manchot royal : Aptenodytes patagonia
Effets
Référence
Fimreite (1971)
Canetons Œufs
Sang juvéniles (3 à 6 semaines) Plumes adultes Plumes juvéniles Plumes rémiges Plumes poitrine Muscles
pf
Lésions du cerveau Femelles pondent peu d'œufs
0,5 à 1,0 moy. 0,86
Foie 103,6 Reins 86,4 Cerveau 20 Foie > 20 Reins > 30 Œufs 0,5 à 2,0 Plumes 1934–1940 2,58 ± 1,65 1943 52,50 ± 4,95 1964–1966 37,90 ± 14,30 1967–1970 15,20 ± 6,83 1971–1977 7,78 ± 3,53 Plumes 1829–1933 2,5 1964–1965 21,94 1847–1950 0,22 Plumes 1940–1949 3,3 1970–1979 7,8 1980–1982 5,9 1980–1982 2,2 1980–1982 1,5 1980–1982 1,2 Plumes 13 à 21 Sang adultes
Amérique du Nord (5 régions) Grand plongeon : Gavia immer 1991–1996
ps ou pf
DL33
pf
Finley et al. (1979) 25 % mortalité Scheuhammer (1988) Effets toxiques et enfin mort Thompson (1996) Altération survie embryons et éclosion Diminution des populations
ps
Solonen & Lodenius (1984)
ps
pf
Berg et al. (1966) Lindberg & Odsjo (1983)
Berg et al. (1966)
ps
0,12 à 7,8 moy. : 1,72 0,03 à 0,78 moy. : 0,16
Heinz & Locke (1976) Heinz (1979)
Pas d'altération de la reproduction Concentration plus élevée chez les mâles que chez les femelles
Bowerman et al. (1994) Evers et al. (1998)
pf
2,8 à 36,7 moy. : 11,1 moy. : 3,8 0,05 à 0,240 0,03 à 0,115
Swiergosz (1998) ps
0,01 à 0,026
Sang Duvet Plumes Plumes
0,10 à 0,53 1,16 à 5,13 1,23 à 5,67 0,28
ps
pf
Plumes
1970 : 2,66 2001 : 1,98
ps ps
ps
Effets à déterminer
Gariboldi et al. (2001) Honda et al. ( 1986a) Scheifler et al. (2004)
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une figure très évocatrice la différence de la teneur moyenne en mercure des plumes du grand-duc et du faucon pèlerin entre 1830 et 1965. Ainsi, chez le faucon pèlerin (Falco peregrinus), Berg et al. (1966) et Lindberg & Odsjo (1983) ont constaté qu'en Suède, la concentration en mercure des plumes passait d'une moyenne de 2,6 µg.g–1 entre 1934 et 1940 à 52,5 µg.g–1 en 1943 puis diminuait après l'interdiction de l'utilisation de l'alkylmercure en février 1966 (Tableau 35). Chez cette espèce, Lindberg & Odsjo (1983) ont noté que les concentrations en mercure des plumes des adultes étaient de 2,1 à 3,6 fois supérieures à celles des oisillons. Toutefois, Burger (1993) recommande de rester prudent sur la relation entre les sources de pollution et les concentrations en mercure des plumes, car en Finlande, des variations de la teneur en mercure des plumes ont été observées chez Falco tinninculus (Lodenius & Kuusela, 1985) et Accipiter nisus (Solonen & Lodenius, 1990) avec des augmentations exceptionnelles en 1970 et 1980 chez la dernière espèce (Tableau 35), ce qui suggère que l'alkylmercure n'est pas la seule source de mercure en Finlande. Les comparaisons des concentrations en mercure des plumes ont permis à Ramade, dès 1977, de relever la corrélation très nette qui existe entre la teneur en mercure des plumes et le niveau trophique des espèces. Alors que la concentration en mercure est en moyenne de 6 µg.g–1 chez les faisans et les perdrix à régime granivore tués en 1960, elle atteint 40 µg.g–1 chez le grand-duc, 55 µg.g–1 chez le faucon pèlerin et 60 µg.g–1 chez le pygargue, qui sont des carnivores stricts. En revanche, des oiseaux, comme le lagopède des saules en Suède, qui se nourrissent de bourgeons dans des zones non cultivées, présentaient des concentrations faibles en mercure dans leurs plumes (Tableau 35, Berg et al., 1966), tandis que d'autres espèces comme les merles, les geais et des mésanges avaient des concentrations de l'ordre de 1 à 2 µg.g–1 en Finlande dans les années 1980 (Tableau 35 ; Solonen & Lodenius, 1984). Les analyses réalisées plus récemment confirment ces tendances, avec des concentrations qui dépendent des espèces et des lieux où les investigations ont été entreprises pour estimer l'état de santé des oiseaux et parfois rechercher les causes de la diminution des populations. En Pologne, par exemple, où l'utilisation des pesticides paraît moindre que dans des pays plus développés, Swiergosz (1998) a noté des différences de concentration du mercure dans les plumes et les muscles de coqs faisans adultes suivant les localités de prélèvement des oiseaux, mais les concentrations ne sont pas élevées (Tableau 35) et ne semblent pas présenter de risques pour les populations. Au contraire, chez des oiseaux de proies comme les grands plongeons, qui ont une longue vie (jusqu'à 30 ans) et présentent un niveau trophique élevé, le risque de bioaccumulation et de bioamplification est important. En effet, ces oiseaux se nourrissent de poissons dont la contamination augmente avec celle des émissions mondiales de Hg dans l'environnement, bien que la concentration du Hg atmosphérique, qui a augmenté dans les années 1970 à 1980 (Slemr & Langer, 1992), ait diminué puis se soit stabilisée dans les années 1990 (Slemr et al., 2003). L'analyse du Hg dans les plumes et le sang de ces oiseaux par Evers et al. (1998) dans cinq régions du Nord de l'Amérique révèle une augmentation significative des concentrations dans leur sang de l'ouest vers l'est du continent. Les concentrations en Hg du sang et des plumes (Tableau 35) des mêmes individus (capturés plusieurs fois) sont fortement corrélées. Les concentrations chez les mâles sont significativement plus grandes que chez les femelles, de chaque région. Ces différences selon le sexe peuvent être dues en partie au transfert maternel de Hg dans les œufs, mais aussi au dimorphisme sexuel (les mâles, 21 % plus lourds que les femelles, se nourrissent de poissons plus gros dont le contenu en Hg augmente avec l'âge et la taille). Les concentrations en Hg des plumes sont au moins deux fois plus
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grandes chez les adultes que chez les juvéniles, dont la concentration est elle-même 10 fois plus grande que celle du sang (Tableau 35). La concentration en Hg des plumes augmente significativement de 1 à 4 ans. Il existe donc une bioamplification du Hg dans le sang et les plumes des grands plongeons par rapport à la concentration en Hg des poissons fourrage (> à 0,3 µg.g–1 de poids frais). Dans les populations, plus de 27 % des concentrations en Hg des plumes des mâles dépassent 15 µg.g–1 (pf) (3 fois celles des femelles) et 9 % excèdent 20 µg.g–1. Si l'on se réfère à la suggestion de Eisler (1987) de considérer 5 µg.g–1 (pf) dans les plumes comme critère de protection des oiseaux et aux conclusions de Scheuhammer & Bond (1991) qui considèrent que les concentrations des plumes supérieures à 20 µg.g–1 constituent des risques d'effets toxiques, la santé, la survie et la reproduction des grands plongeons (surtout des mâles) de certaines localités d'Amérique du Nord risquent d'être affectées. En Californie, la comparaison des concentrations en Hg du foie, des reins, des muscles pectoraux et du cerveau de grèbes vivant à proximité du site d'une mine abandonnée (Clear Lake) avec celles de grèbes de deux autres sites (Eagle Lake et Tule Lake) montre à Elbert & Anderson (1998) que les concentrations en Hg des reins, des muscles et du cerveau sont corrélées pour l'ensemble des oiseaux. Celles du foie ne sont corrélées à aucune autre et ne se différencient pas significativement d'un site à l'autre (1,2 à 4,3 ppm). En revanche, les grèbes de Clear Lake ont des concentrations en Hg 2 fois plus grandes dans les reins (2,06 ppm pf), les muscles (1,06 ppm pf) et le cerveau (0,28 ppm pf) que chez ceux des deux autres sites. Les niveaux de Hg dans les reins sont corrélés négativement avec le pourcentage d'éosinophiles dans le sang, suggérant que la contamination par le Hg pourrait affecter la fonction immunologique. La reproduction des grèbes de Clear Lake est moins bonne que celle des grèbes des deux autres lacs, mais d'autres facteurs que le Hg peuvent intervenir (canotiers, skieurs). Chez une autre espèce américaine, Mycteria americana, Gariboldi et al. (2001) ont observé des corrélations significatives entre les concentrations en Hg du sang, du duvet et des plumes (Tableau 35). Dans la plupart des cas, les concentrations en Hg sont plus élevées dans tous les tissus des cigognes des colonies vivant à l'intérieur des terres par rapport à celles des cigognes des régions côtières. Ainsi, on peut déduire les concentrations en Hg internes (du sang) à partir de celles, faciles à obtenir, des plumes ou du duvet. Les analyses de Gariboldi et al. (2001) portant sur trois années (1997 et 1999 sèches, 1998 humide) ont montré que l'année humide, qui a fourni des conditions idéales de nourriture dans les habitats humides d'eau douce, s'est traduite par une concentration plus élevée en Hg chez les jeunes de la zone côtière. En effet, les proies (poissons) des eaux douces ont des concentrations en Hg comprises entre le niveau de détection et 2,36 µg.g–1 (ps) tandis que celles d'eau salée des côtes ont des concentrations en Hg supérieures à 0,43 µg.g–1 (ps) (Gariboldi et al., 1998). Les concentrations en Hg des proies et des cigognes des bois américaines suggèrent que le Hg représente un risque d'effets sublétaux pour cette espèce dont les populations déclinent dans le Sud-Est des États-Unis (USFWS, 1996) car les concentrations des plumes, par exemple, sont de l'ordre de grandeur de celles qui altèrent la reproduction de ces oiseaux en Floride (Burger et al., 1993) et chez les oiseaux en général (Eisler, 1987). Du Hg en faible concentration a également été trouvé dans les plumes des manchots Adélie (Tableau 35) avec d'autres métaux (Honda et al., 1986a). Dans le subantarctique (ïles Crozet), l'analyse comparée de Hg dans les plumes de manchots royaux (Aptenodytes patagonicus) prélevées chez des oiseaux naturalisés des années 1970 et sur des oiseaux vivants au moment de la mue (novembre 2001) a permis à Scheifler et al. (2004) de mettre en évidence une diminution significative de Hg (–34 %) entre les deux périodes (Tableau 35). Ce phénomène
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pourrait s'expliquer en partie par la diminution du Hg atmosphérique entre 1980 et 1996 (de l'ordre de 15 % dans l'hémisphère sud d'après Slemr et al., 2003), mais aussi par l'évolution de leur régime alimentaire (influence de la pêche sur les populations de poissons fourrages). À cause de sa toxicité au niveau du système nerveux, même à faible dose, le Hg a fait l'objet du plus grand nombre d'études chez les oiseaux, suivi par le Pb et le Cd (Burger, 1993). Chez les oiseaux, Hg est surtout présent sous forme de méthylmercure (MeHg), qui est la forme la plus toxique. Cependant, Thompson et al. (1991) rapportent que, bien que le MeHg constitue 100 % du Hg total des muscles, il représente seulement 50 % de celui du foie et des reins. Ainsi, principalement chez les oiseaux de mer qui vivent longtemps et dont les mues sont lentes, le Hg peut être stocké dans le foie sous une forme inorganique moins toxique (Thompson & Furness, 1989 ; Honda et al., 1990). Ces observations suggèrent que les oiseaux peuvent déméthyler le MeHg et éviter les effets toxiques de l'accumulation de quantités importantes de MeHg dont les opportunités d'excrétion du corps sont limitées. Dans les plumes, le Hg est incorporé presque à 100 % sous forme de MeHg pendant la croissance de la plume et pour interpréter sa signification écologique, il est nécessaire de savoir où était l'oiseau pendant la mue, ainsi que la périodicité de la mue. Globalement, il y a eu augmentation des charges en Hg dans les plumes des oiseaux, indiquant une augmentation du Hg dans l'environnement des années 1900 à 1960 et 1970. Ensuite, les niveaux de Hg ont décrû dans certains endroits et continué à augmenter dans d'autres (Burger, 1993). Rimmer et al. (2005) ont étudié les concentrations en Hg et MeHg chez quatre espèces de passereaux insectivores des écosystèmes forestiers d’Amérique du Nord. L’accumulation de MeHg s’avère importante chez la grive de Bicknell (Catharus bicknelli) et la paruline à croupion jaune (Dendroica coronata), mais plus faible chez la paruline rayée (Dendroica striata) et le bruand à gorge blanche (Zonotrichia albicollis). De plus, des différences d’accumulation ont été observées en liaison avec le site de prélèvement (contamination plus importante sur le site d’hivernage que sur le site de reproduction), l’âge des individus (concentrations en Hg plus importantes dans les plumes des adultes que des jeunes) et du sexe avec des concentrations en Hg plus faibles chez les femelles. Bien que la bioaccumulation du Hg chez les oiseaux soit largement étudiée, ses conséquences ne sont pas encore toutes élucidées car, d'une part, il existe de très nombreuses variations de concentrations et de sensibilités des espèces et, d'autre part, les sources de contaminations sont abondantes avec des interférences avec d'autres métaux et des pesticides. Comme le signalent Boudou & Ribeyre (1997), les concentrations en Hg sont plus élevées chez les oiseaux prédateurs que chez les herbivores. On note aussi bien des cas de bioamplification du Hg dans les organes où il s'accumule, que ce soit chez des espèces prédatrices de chaînes alimentaires purement terrestres (hibou grand-duc, épervier, faucon) que dans les chaînes trophiques en relation avec les environnements aquatiques (plongeons, cigognes…). Dans les deux cas, les concentrations dans les plumes sont en général du même ordre de grandeur (Tableau 35). Cependant, elles peuvent atteindre des niveaux élevés chez des oiseaux de mer à cause des charges en Hg plus élevées de certains écosystèmes marins (Burger, 1993 ; Thompson, 1996). La toxicité du Hg paraît très différente chez les herbivores ou granivores (5 µg.g–1 pf dans les plumes des espèces sensibles selon Eisler, 1987) et les prédateurs (> 20 µg.g–1 pf de plumes d'après Bowerman et al., 1994). Selon Thompson (1996), les oiseaux de mer sont vraisemblablement capables de tolérer des concentrations en Hg plus fortes avant que les effets toxiques deviennent apparents. L'une des particularités des oiseaux est de transférer une
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grande partie du Hg dans leur plumage (jusqu'à 90 % de la charge du corps selon Braune & Gaskin, 1987) et le Hg déposé dans les plumes est presque uniquement du MeHg (Thomson & Furness, 1989 ; Hahn et al., 1993). Les plumes constituent un excellent indicateur de l'exposition au Hg pendant la période de leur formation et elles sont aussi une voie d'élimination du métal lors des mues. Les œufs donnent également des indications sur la contamination des parents, mais avec des variations beaucoup plus grandes que dans les plumes. Cependant, tandis que l'accumulation du Hg dans les plumes représente une voie importante d'élimination du métal, le transfert dans les œufs peut constituer un handicap pour le développement embryonnaire et les générations suivantes (par exemple chez les canards, Heinz, 1979). Dans d'autres espèces, sans doute moins sensibles, des concentrations de 1,31 à 4,16 µg.g–1 de poids sec (0,33 à 2,25 µg.g–1 de poids frais) observées dans les œufs du pygargue Haliaeetus albicilla ne paraissent pas associées à des changements dans le succès de la reproduction de cette espèce en Finlande (Koivusaari et al., 1980). Les œufs d'oiseaux peuvent constituer un matériel pratique pour la biosurveillance du mercure à partir des espèces qui nichent dans des cavités et fréquentent des nichoirs. Ainsi, Kennamer et al. (2005) ont analysé la répartition du Hg dans 138 œufs (13 pontes complètes) de canards carolins (Aix sponsa) récoltés dans des nichoirs d'un site contaminé (US Department of Energy) de Caroline du Sud (États-Unis). Le Hg est surtout contenu dans l'albumine (86,1 %, à la concentration de 0,22 ppm du poids frais), mais il y en a aussi dans le jaune (11,2 % avec 0,04 ppm) et dans la coquille (2,7 % avec 0,03 ppm). L'ordre de ponte des œufs affecte les concentrations en Hg de l'albumine et de la coquille, mais pas celle du jaune. La diminution du Hg dans l'albumine au cours de la ponte est plus prononcée dans les pontes qui contiennent les plus fortes concentrations en Hg. Il est donc préférable de recueillir les premiers œufs pondus pour évaluer les expositions maximales auxquelles sont soumis les embryons. Pour éviter un impact négatif sur la population, on peut en première approche utiliser les coquilles vides après éclosion car il existe une corrélation positive entre les concentrations en Hg de l'albumine et de la coquille. Pour la validité des données, il est nécessaire de connaître l'ordre d'éclosion et pour cela, on marque les œufs au cours de la ponte. Le transfert du Hg par les œufs peut aussi être un danger pour les consommateurs, comme cela a été le cas pour les hommes qui ont mangé des œufs de poules nourries accidentellement ou frauduleusement avec des céréales traitées par un fongicide mercuriel (Ramade, 1977). L'évaluation des pollutions mercurielles à l'aide des oiseaux constitue un élément important de la stratégie de biosurveillance des populations et des écosystèmes car ces animaux sont présents dans tous les milieux. En fonction des données actuelles, il importe dans l'avenir de préciser sous quelles formes se trouve le mercure dans l'environnement et dans les organes car beaucoup de publications font état du Hg total, alors que la toxicité est surtout liée aux formes organiques. Il est également nécessaire de s'intéresser à la présence éventuelle d'éléments qui peuvent modifier la toxicité et/ou la bioaccumulation du MeHg, en particulier du sélénium (Se) qui protège généralement les vertébrés contre l'action toxique du MeHg, bien que l'accumulation de ce dernier puisse être augmentée par le Se (Cuvin-Aralar & Furness, 1991). La complexité de l'interaction Se-MeHg est illustrée par une expérience de Heinz & Hoffman (1998) chez les canards, décrite dans la partie consacrée au Se. La dynamique des contaminations par les différentes formes du Hg, de même que celles des biotransformations et des interactions avec d'autres contaminants doivent faire l'objet d'études d'une part chez les espèces domestiques, dont les paramètres d'élevage sont bien maîtrisés, et d'autre part chez des espèces sauvages, dont l’on connaît les mœurs et les cycles
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biologiques. Les voies d'exposition méritent d'être précisées, de même que les transferts internes complexes et les localisations tissulaires, qui dépendent en particulier du fait que le MeHg est soluble dans les lipides tandis que le Hg inorganique ne l'est pas. Pour une discussion détaillée des concentrations en Hg et autres métaux dans les divers types de plumes (rémiges primaires, tectrices, rectrices…) au cours de leur formation et de la mue ainsi que de leurs corrélations avec les concentrations des organes internes, il est recommandé de se reporter à la revue de Burger (1993). 3.2.2.2.4 Sélénium
Le Se est un élément trace semi-métallique dont les oiseaux ont besoin en petites quantités pour rester en bonne santé. Lorsque les concentrations du milieu ou de la nourriture sont élevées, des cas d'empoisonnement d'oiseaux sauvages ont été décrits dans des régions où les sols ont une forte teneur naturelle en Se, mais aussi au voisinage d'aires contaminées par des boues ou des émissions d'incinérateurs et de mines dont les déchets sont riches en Se. Heinz (1996a) a consacré une revue à la description de nombreux cas d'accumulation du Se dans les œufs et les tissus (foie, reins, muscles et sang) d'oiseaux. Les conséquences pathologiques qui résultent d'une exposition anormale des oiseaux au Se, ainsi que les interactions diverses des principales formes chimiques de cet élément avec d'autres contaminants sont résumées dans la revue de Heinz (1996b), mais aussi dans des chapitres d'ouvrages consacrés au risque environnemental (Ohlendorf, 1989 ; O'Toole & Raisbeck, 1998 ; Skorupa, 1998 ; Eisler, 2000d). Le plus grand nombre de travaux sur les espèces sauvages porte sur les oiseaux d'eau. En laboratoire, on dispose de données sur l'accumulation du Se chez des espèces domestiques (canards, poules, cailles), qui ont permis de montrer les différences de concentration et de toxicité des principales formes de Se (sélénométhionine, sélénites, sélénates) et de constater que l'une des particularités du Se est de s'accumuler rapidement dans les œufs (Heinz, 1996b). Les expériences de cet auteur lui permettent de conclure que les concentrations de 3 µg.g–1 (pf) dans les œufs et le foie des femelles en ponte peuvent être associées à des perturbations de la reproduction et du développement embryonnaire. D'après Heinz (1996b), ce sont les œufs puis le foie qui permettent le mieux de prévoir le danger d'une contamination par le Se car l'accumulation dans le foie est dose-dépendante avec un risque d'effets sublétaux importants à partir de 10 µg.g–1 (pf). La relation entre les concentrations dans les tissus et les effets toxiques peut varier selon l'endroit où les oiseaux sont capturés. En effet, les différentes formes de Se n'ont pas la même toxicité et leurs proportions devraient être examinées de plus près dans les analyses. Le Se peut aussi s'accumuler dans les plumes et Burger et ses collaborateurs (voir revue de Burger, 1993) ont décrit plusieurs cas avec des moyennes de 6 µg.g–1 (ps). Ces chercheurs n'ont pas observé de différence liée au sexe, mais ils ont noté des concentrations plus élevées en Se chez les adultes que chez les jeunes (respectivement : 0,85 et 0,31µg.g–1 (ps) chez le héron garde bœufs (Bubulcus ibis) × 2,8 ; 3,43 et 1,49 µg.g–1 (ps) chez la cigogne américaine (Mycteria americana) × 2,3 ; 2 et 8,59 µg.g–1 (ps) chez le sterne pierregarrin (Sterna hirundo) × 2,3). Une partie du Se des plumes peut provenir de la glande uropygienne lors du lissage du plumage (celle-là reflète la contamination interne). Les plumes peuvent donc être utilisées comme indicateur des concentrations internes des oiseaux, mais des études complémentaires
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sont nécessaires pour établir les corrélations entre les concentrations dans les différents organes. Jusqu'à présent, des analyses rapportées par Heinz (1996a, b) montrent que la concentration en Se des reins est sensiblement équivalente à celle du foie. Il en est de même dans les muscles, mais alors que la concentration maximale est atteinte en 1 semaine dans le foie, elle l'est seulement après 81 jours dans les muscles pectoraux ; d'où l'intérêt de connaître la dynamique de la contamination dans les différents organes pour atteindre un équilibre. Les dosages de Se peuvent aussi être pratiqués dans le sang. Par exemple, chez les oies empereur (Chen canagica), dont la population de l'Ouest de l'Alaska (États-Unis) a diminué de 60 % entre 1964 et 1994, des investigations menées pour identifier les causes de ce déclin ont montré que les concentrations en Hg du sang étaient basses (moyenne= 0,05 ppm pf), que le Pb était seulement détecté dans 18 % des échantillons, mais que les femelles avaient des concentrations sanguines en Se élevées (moyenne = 5,6 ppm pf) pendant la période d'incubation (Franson et al., 1999). Cela a été confirmé par Franson et al. (2002a), qui ont de plus mis en évidence une relation entre les concentrations en Se du sang et les enzymes en rapport avec le métabolisme du glutathion. Chez les oies adultes couvant leurs œufs (mijuin), la concentration en Se du sang (moyenne = 4,98 ppm pf) est plus grande que celle des oies adultes (moyenne = 1,60 ppm pf) ou des oisons (0,03 ppm pf) en période de mue des rémiges (fin juillet, début août). L'activité glutathion péroxydase est corrélée positivement à la concentration sanguine en Se des oies et peut constituer un biomarqueur précoce des effets induits par le Se sur le stress oxydatif. La glutathion réductase est apparemment moins sensible à l'exposition au Se ; son activité est plus grande chez les oisons et les adultes en mue que chez les femelles qui couvent, mais elle n'est pas corrélée significativement à la concentration sanguine du Se. La contamination des oies par le sélénium pourrait provenir d'une exposition plus importante pendant leur séjour dans les territoires d'hibernage et elle diminue pendant la période de couvaison. Cette hypothèse est identique à celle suggérée par Grand et al. (2002) pour les eiders à lunettes Somateria fischeri dont les populations de l'Ouest de l'Alaska qui nichent sur les côtes de la mer de Bering déclinent ces dernières années. Dans les deux cas, des investigations supplémentaires sont nécessaires pour savoir si les oiseaux marins possèdent des adaptations leur permettant de tolérer de fortes concentrations en Se et connaître les sources des éléments traces au cours de leurs périples annuels. Parmi les contaminations d'oiseaux terrestres, l'étude des merles et des alouettes d'un milieu prairial américain réalisée par Ramirez & Rogers (2002) montre l'importance du transfert : eaux de lavage du minerai d'uranium, irrigation de la prairie, végétaux (graminées), consommateurs primaires (sauterelles) et consommateurs secondaires (oiseaux) (Tableau 36). Les auteurs démontrent ainsi comment le sélénium est mobilisé dans une chaîne alimentaire conduisant de l'eau et du sol aux oiseaux nicheurs d'une zone, dont l'herbe et les insectes sont des intermédiaires amplifiant la concentration du contaminant jusqu'à un niveau supérieur à celui qui perturbe le développement normal des embryons du merle aux ailes rouges (Skorupa, 1998 ; Tableau 36). La comparaison de la concentration en Se du jabot des oiseaux et du foie montre qu'une partie importante du sélénium ingurgité avec les proies est excrétée. Dans la nature, l'interprétation de la toxicité du Se présent dans les tissus des oiseaux est compliquée, non seulement par la forme chimique sous laquelle il se présente, mais aussi par les nombreuses interactions qu'il peut présenter avec d'autres polluants. Parmi les formes chimiques du Se, il semble que ce soit la sélénométhionine qui soit la plus courante dans les grains de céréales, mais la sélénocystine peut aussi se trouver dans la nature. Des expériences réalisées chez des canards (Anas platyrhynchos) nourris avec une alimentation supplémentée
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en Se, sous l'une ou l'autre des formes citées, ont montré à Heintz et al. (1989) que les canes recevant 8 ppm de Se sous forme de sélénométhionine produisaient seulement la moitié de canetons (survivant à 6 jours) que les canes témoins et que celles qui en recevaient 16 ppm n'avaient aucun caneton survivant (les œufs de celles-là présentant 68 % de malformations des embryons). La sélénocystine n'affecte pas la reproduction des canards et provoque très peu d'accumulation de Se dans les œufs et le foie. Lorsque les canards reçoivent 16 ppm de sélénométhionine, les concentrations en Se dans les œufs sont de 17 ppm (pf) et dans le foie, de 7,3 ppm pf (chez les femelles) et de 28 ppm pf chez les mâles. Pour la même concentration en sélénocystine (16 ppm) dans la nourriture, la concentration en Se est seulement de 0,57 ppm pf dans les œufs, de 1,6 ppm pf dans le foie des femelles et de 6,9 ppm pf dans le foie des mâles. Dans les œufs, la concentration en Se est plus grande dans le blanc que dans le vitellus (jaune). Concernant les interactions avec d'autres contaminants, la plus étudiée est celle avec le mercure qui est normalement antagoniste (chacun des contaminants diminuant la toxicité de l'autre) (Cuvin-Aralar & Furness, 1991) ; cependant, des cas de synergie ont été signalés et les auteurs concluent que les interactions entre les composés de Hg et de Se sont extrêmement complexes et mal comprises. Afin de préciser ces interactions, Heintz & Hoffman (1998) ont combiné les deux formes chimiques les plus toxiques de ces éléments (méthylmercure et sélénométhionine) que l'on trouve le plus fréquemment dans l'environnement. Après contamination de la nourriture (Purina), ils ont mesuré la concentration en Se et en Hg dans les organes de canards (A. platyrhynchos) en même temps qu'ils ont décrit les effets de l'interaction entre mercure et sélénium sur la santé et la reproduction de ces oiseaux. Quatre lots de canards ont reçu respectivement une nourriture témoin, une nourriture avec 10 ppm de Hg (chlorure de méthyl mercure), une nourriture avec 10 ppm de Se (séléno-DLméthionine) ou une nourriture avec 10 ppm de Se plus 10 ppm de Hg. Après 73 jours de traitement, la présence de méthyl mercure dans la nourriture augmente le stockage de Se dans les tissus des canards : les foies des mâles nourris avec 10 ppm de Se avaient une concentration moyenne de 9,6 ppm de Se (pf), tandis que celle des canards dont la nourriture contenait 10 ppm de Se + 10 ppm de Hg était de 114 ppm de Se (pf). Les femelles ne présentent pas de différence significative de concentration en Se dans le foie (6,0 et 9,2 ppm). Chez les deux sexes, le Se ne favorise pas l'accumulation du Hg (71 et 65 ppm chez les mâles, et 16 et 17 ppm chez les femelles). Lorsque Heinz & Hoffman (1998) examinent les effets de ces différentes nourritures après 73 jours, sur les 12 mâles adultes recevant 10 ppm de Hg, 1 est mort et 8 souffrent de paralysie des pattes. Dans le lot avec 10 ppm de Hg + 10 ppm de Se, aucun des mâles n'est malade. Ainsi, le Se exerce un effet protecteur contre l'empoisonnement par le Hg (action antagoniste). Au contraire, Se + Hg sont plus nocifs que le Se ou le Hg seuls pour la reproduction (réduction de l'éclosion et de la survie des canetons (effet synergique du Se et du Hg chez les jeunes). Heinz et Hoffman (1998) citent d'autres expériences chez des cailles ou des poules avec d'autres formes de sélénium qui seraient moins toxiques, avec des modifications de la concentration en Hg variables selon les organes (foie, muscles, cerveau). La compréhension de ces différences d'interactions constitue un important objectif des études futures sur le Hg et le Se. D'autres interactions ont aussi été mises en évidence. La toxicité du Se peut être diminuée par des niveaux élevés de Pb (Donaldson & Mc Gowan, 1989) et être modifiée par le Cd, le Cu, l'Ag et l'As. C'est donc vers une approche d'évaluation de pluricontaminations qu'il convient de s'orienter, avec des méthodes qui permettent de mesurer en même temps un
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TABLEAU 36
Concentrations en sélénium (Se) chez les oiseaux.
Lieu Espèce
Concentration
Référence
Organe États-Unis : Wyoming + Texas Mines d'uranium dont les eaux de lavage contaminées par le sélénium irriguent une prairie
Prairie d'irrigation (Converse County Wyoming)
Site de référence
Moyenne Eau d'irrigation (ei)
–1
285 µg.L
Comparaison
Moyenne
= 0,285 µg.g
–1
15 µg.L–1
Sol (s)
(ps) 3,1 µg.g–1=[ei] × 11
(ps) 0,63 µg.g–1
Graminées (gr)
(ps) 12,7 µg.g–1=[s] × 4
(ps) 0,43 µg.g–1
×30
µg.g–1
×18
Sauterelles (Acrididae)
(ps) 12,8
µg.g–1
(ps) 0,73
Turdinae : merle aux ailes rouges Agelaius phoeniceus Contenu gésier
(ps) 47,5 µg.g–1
(ps) 0,7 µg.g–1
Foie
(ps) 46,8 µg.g–1*
(ps) 6,8 µg.g–1
Œufs
–1
(ps) 17,4 µg.g *
(ps) 3 µg.g
–1
×7
Ramirez & Rogers (2002)
×5,8
Alouettes : alouette des prés Sturnella neglecta Œufs (2 nids)
(ps) 18 et 28 µg.g–1*
Calamospiza melanocorys Foie Turdinae : Agelaius phoeniceus Oeufs
(ps) 7,8 à 8,8 µg.g–1* Réservoir Martin (Texas)
Skorupa (1998)
–1
(ps) 11,1 µg.g *
* Concentrations en Se supérieures au seuil de toxicité de la reproduction (3 µg.g–1 pf # 10 à 15 µg.g–1 ps) déterminé en laboratoire).
Heinz (1996b)
nombre important de substances ; ce qui permet d'une part de réduire les coûts et d'autre part d'orienter l'interprétation des relations de cause à effet des contaminations décelées, suivant qu'il s'agit d'une monocontamination ou d'un mélange de contaminants avec des types d'interactions neutres, synergiques ou antagonistes. 3.2.2.2.5 Nickel
Bien qu'élément essentiel comme micronutriment pour maintenir la croissance des oiseaux (au moins 50 µg.kg–1 d'aliment chez les poulets), le nickel est classé sur les listes des substances dangereuses et cancérigènes de nombreux pays ou organisations internationales, et l’on trouve des renseignements très détaillés sur l'origine et l'impact de ce métal chez les organismes animaux et les plantes dans la revue de Eisler (1998b). En résumé, comme beaucoup de métaux, le nickel résulte de très nombreuses activités anthropogéniques (mines, fonderies, combustion de pétrole fossile et incinération de déchets, peintures et activités industrielles de plaquage…). Ce métal, qui interagit avec de nombreux composés organiques ou inorganiques, a des effets toxiques, tératogéniques et cancérigènes importants et les voies de pénétration dans les organismes sont aussi bien l'ingestion que l'inhalation ou l'absorption à travers la peau.
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Les concentrations dans les organes des oiseaux sauvages d'écosystèmes non pollués sont généralement comprises entre 0,1 et 2,0 µg.g–1 (ps), tandis qu'elles sont nettement plus élevées dans les zones contaminées (Outridge & Scheuhammer, 1993). L'examen du tableau 37 montre l'influence de facteurs comme la distance de la source de pollution, de la saison par l'intermédiaire de la nutrition et celle du sexe des animaux. Au moment de la reproduction, dans les écosystèmes contaminés par le nickel, les femelles éliminent du nickel dans la coquille de l'œuf, comme l'a observé Kraus (1989) chez les hirondelles des arbres qui concentrent également le Ni dans le foie et le cerveau (Tableau 37). Chez une espèce végétarienne, Bonasa umbrellus, qui se nourrit de végétaux dont la concentration en nickel est élevée au voisinage d'une fonderie de l'Ontario, Rose et Parker (1983) constatent qu'il n'y a pas bioamplification du métal chez cette gelinotte consommatrice de bourgeons et de feuilles de peuplier, car les concentrations en Ni des tissus des gelinottes huppées sont plus de 10 fois inférieures à celles de la nourriture végétale de cette région, tandis que celles des fientes, très élevées, correspondent sensiblement au tiers de celles des feuilles ( Chau & Kulikovsky-Cordeiro, 1995 ; Tableau 37). On observe aussi une concentration en Ni inférieure à celle de la nourriture dans le foie des cailles du Japon, tout en remarquant l'incidence de l'amendement du sol par des boues sur la teneur en Ni du froment puis du foie des oiseaux avec une différence selon le sexe (peutêtre par élimination de nickel dans la coquille des œufs) (Stoewsand et al., 1984 ; Tableau 37). Le pourcentage de charge en Ni des plumes par rapport à celle du corps est en général plus élevé chez les adultes que chez les jeunes de l'année (respectivement 44 % et 24 % chez la grande aigrette en Corée d'après Honda et al., 1986b). Les oiseaux, comme la plupart des animaux, sont capables de réguler le contenu en Ni de leurs tissus et de l'excréter. Cependant, des intoxications (inhibition de croissance, mortalité) peuvent être provoquées par des concentrations de leur alimentation supérieures à 200 mg.kg–1 chez les jeunes et 500 à 800 mg.kg–1 chez les adultes (Stoewsand et al., 1984 ; Outridge & Scheuhammer, 1993). D'après Outridge & Scheuhammer (1993), du point de vue de la surveillance des oiseaux, l'analyse des reins, des os et des plumes est plus susceptible de révéler des expositions à une contamination par le Ni que celle du foie et de la rate, qui souvent ne reflètent pas une exposition élevée. Les concentrations des plumes exposées (rémiges primaires ou rectrices dorsales des oiseaux de zones contaminées (canards, hiboux, gelinottes : Tableau 37) sont nettement plus élevées que celles des lieux de référence et paraissent pouvoir servir de bioindicateurs sans qu'il soit nécessaire de porter atteinte à l'intégrité des animaux. 3.2.2.2.6 Cuivre
Le cuivre est un élément essentiel qui peut devenir un contaminant au voisinage de fonderies, d'aires de traitement des bois par les chromates ou arséniates de Cu, de dépôts de déchets ou de vergers et de vignes traités par un fongicide à base de sulfate de Cu (bouillie bordelaise). Dans la revue concernant les métaux dans les plumes, Burger (1993) relève peu de travaux se rapportant au Cu et il en est de même dans celle de Eisler (1998a) pour les autres tissus (foie, reins, sang…). Les concentrations en cuivre d'organes d'oiseaux sauvages sont peu connues. Toutefois, la comparaison de la concentration en Cu des plumes de deux espèces de canards confirme l'importance de l'espèce dans les caractéristiques de bioaccumulation
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TABLEAU 37
Concentrations en nickel (Ni) chez les oiseaux.
Lieu Espèce Organe Canada, (Ontario), 1975, fonderie Cu-Ni de Sudbury
Concentration (mg.kg–1) Influence de la distance du centre de pollution
pf ou ps ps
Référence
Canard : Anas platyrhynchos Plumes aile 20–30 km 50–60 km 85 km Site référence Canada (Ontario) fonderie Cu-Ni de Sudbury/aire référence Tétraonidé : Bonasa umbellus : Gelinotte huppée Mai Plumes aile (primaires) Rein Foie Muscle Fiente Septembre Plumes aile (primaires) Rein Foie Muscle Fiente Contenu du jabot de Bonasa (feuilles peuplier : Populus tremula), Sudbury, Ontario Mai Septembre New-Jersey, États Unis, zone contaminée Hirondelle des arbres : Tachycineta bicolor Coquille de l'œuf Embryon (entier) Cerveau (oisillon) Plumes Gésier Foie Muscle Allemagne Hibou (espèce non identifiée) Plumes de la queue Plumes dorsales Plumes ventrales Contamination expérimentale : nourriture Caille japonaise : Coturnix japonica Deux générations nourries avec froment Triticum aestivum – Poussé sur sol témoin concentration dans le froment : 0,40 mg.kg–1 Ni (ps) concentration totale dans l'aliment : 0,48 mg.kg–1 Ni (ps) Foie témoin mâle Foie témoin femelle – poussé sur sol amendé avec boues concentration dans le froment : 0,98 mg.kg–1 Ni (ps) concentration totale dans l'aliment : 0,71 mg.kg–1 Ni (ps) Foie contaminé mâle Foie contaminé femelle
Ranta et al. (1978)
2,0–12,5 (max. 36,7 ) 0,2–3,8 0,2–1,5 0,0–0,4 influence de la saison 7,3/2,3 2,8/1,7 1,0/0,9 1,4/< 0,5 19,4/< 0,5 4,8/0,8 2,1/ Cu > Zn (Eens et al., 1999). Les excréments des oisillons de ces deux espèces de mésanges peuvent aussi être utilisés pour détecter les pollutions par les ETMs (Pb, Cd, As, Cu), tandis que les plumes ont seulement révélé la pollution par le Pb d'un site proche d'une usine métallurgique en Belgique (Dawe et al., 2000). Les données de l'analyse des plumes des deux espèces de mésanges précédentes reflètent les niveaux de contaminations locales de ces oiseaux, avec des variations dans les plumes, suivant l'espèce, qui ne se retrouvent pas dans le foie, dans lequel Hogstad (2001) n'observe pas de différence entre les trois espèces de mésanges : P. major, P. caeruleus et P. palustris, capturées en hiver dans une forêt mixte du centre de la Norvège. En revanche, les analyses de cet auteur montrent que pendant l'hiver (6 années consécutives), les concentrations moyennes en Cd, Cu et Zn du foie sont significativement supérieures chez les mâles par rapport aux femelles. Les différentes espèces de mésanges peuvent certainement être des bioindicateurs de bioaccumulation pertinents des métaux, mais il est nécessaire d'affiner les corrélations entre les concentrations dans les organes internes et les plumes au cours des saisons et suivant le sexe.
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Pour utiliser les oiseaux à bon escient dans la biosurveillance de l'environnement, il faut tenir compte du fait que les concentrations en métaux des tissus varient suivant leur état physiologique. La mue, en particulier, représente pour eux un événement important en ce qui concerne les métabolismes liés à la chute des plumes et à leur remplacement. De nombreux travaux montrent que les plumes peuvent servir d'indicateurs de pollution par les métaux, à condition de prendre certaines précautions (lavages, choix des types de plumes) et de noter la période à laquelle elles sont recueillies (Burger, 1993). Les plumes récoltées au moment de la mue ne nécessitent pas d'intervention sur les oiseaux, cependant elles présentent quelques inconvénients (difficulté d'identifier le donneur, son âge, parfois son sexe, contamination externe plus ou moins importante). Pour évaluer l'impact physiologique des contaminations mises en évidence par l'analyse des plumes, il faut savoir s'il existe des corrélations (et lesquelles) entre les concentrations trouvées dans les plumes et celles des organes internes. Cette préoccupation fondamentale paraît essentielle (voir les corrélations multiples mises en évidence chez les flamants par Cosson et Métayer, 1993), mais elle présente de nombreux aléas du fait de la diversité des espèces et de leurs cycles physiologiques, ainsi que des multiples combinaisons de contaminations qui affectent l'environnement. Certains troubles du comportement, comme la couvaison dans des nids sans œufs de mésanges charbonnières (P. major), à proximité d'une fonderie de cuivre dans une ville du Sud-Ouest. de la Finlande ne peuvent pas être systématiquement reliés à des concentrations anormales en métaux lourds dans les tissus des femelles qui présentent cette anomalie (Eeva et al., 2000). Ces auteurs notent tout de même un gradient décroissant du Cu, du Pb et du Cd dans les plumes et les os des femelles couvant dans des nids vides, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la source de pollution. Ces femelles, qui perdent de façon irréversible leur capacité de ponte et possèdent des réserves graisseuses plus importantes que les autres, l’ont probablement l'objet d'un dérèglement hormonal au niveau des relations entre les centres neuroendocrines cérébraux (hypothalamus-hypophyse) et les ovaires, ou bien elles ont subi une dégénérescence du cortex ovarien à la suite d'une inhibition de la synthèse des œstrogènes. D'autres substances (perturbateurs endocriniens) ou d'autres facteurs inconnus que les métaux lourds ou en combinaison avec ceux-là peuvent être responsables de ces dysfonctions. Des concentrations anormales d'éléments essentiels témoignant de dysfonctionnements métaboliques peuvent également être observés chez les oiseaux. Cela est le cas chez le moineau friquet Passer montanus, chez qui Kaminski (1995a, 1998) a noté des concentrations de Cu, Mn et Co plus importantes dans les organes d'oisillons de zones polluées (route à grande circulation) que dans ceux de zones urbaines non polluées. En effet, dans les zones polluées, plusieurs contaminants ont pu être appliqués sur le sol et les végétaux, et affecter l'absorption et le métabolisme de macroéléments de la nourriture (Kaminski, 1995b, 1998). Dans une monographie, complète et argumentée, consacrée aux moineaux friquets suivis pendant plusieurs années et avec trois nichées par an, Kaminski (1998) examine les différentes voies de contamination des oiseaux à partir du sol, des plantes et des invertébrés des territoires de reproduction de ces oiseaux (150 à 200 m autour du nid). Après une présentation des concentrations du Ca et des métaux lourds dans les composantes de leur environnement, Kaminski (1998) a évalué la concentration de ces éléments dans la nourriture portée par les parents aux oisillons et déterminé les concentrations correspondantes dans les organes de ceux-là (Tableaux 43a et 43b). Sans entrer dans le détail de toutes les comparaisons effectuées par l'auteur, qui a calculé les coefficients de corrélation entre l'âge des oisillons et les
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Bioaccumulation des métaux (Al, As, Cd, Cu, Pb et Zn) dans les plumes et les œufs de mésanges. a) Dans les plumes
Lieu
Métal
Espèce
Site de référence
Site pollué
Lande de Kalmthout Campus université Anvers (réserve naturelle) Concentrations (µg.g–1 poids sec)
Belgique, Flandre Paridae : passereaux largement distribués en Europe Plumes superficielles de la queue (lavées eau + acétone : Burger et al., 1992) Parus major (20 g) : mésange charbonnière (régime mixte en été : invertébrés ; graines en hiver)
Différence
Al
90,6 ± 9,7
88,3 ± 8,1
ns
Cd Cu Pb Zn
0,8 ± 0,06 6,1 ± 0,3 12,5 ± 2,8 178,5 ± 11,5
2,5 ± 1 13,8 ± 3,3 16,3 ± 1,8 172 ± 14,7
s (×3 zone polluée) s (×2 zone polluée) ns ns
Tenerife, Espagne
Campus université Anvers
315 ± 40,5 0,69 ± 0,1 8,44 ± 1,6 3,68 ± 1,46 403,7 ± 87,4
81,2 ± 13,1 2,9 ± 1* 24 ± 5 64 ± 15,2 * 252,6 ± 25,8
Parus caeruleus (12 g) : mésange bleue (plutôt insectivore) Al Cd Cu Pb Zn
Référence
Significatives (s) ou non (ns)
Eens et al. (1999)
s s (×4 zone polluée) s (×3 zone polluée) s (×17 zone polluée) s
b) Dans les œufs Belgique, Flandre
Deux sites de niveau de contamination différent
Paridae Contenu de l'œuf Parus major
Pb
Parus caeruleus
Pb
Site référence campus Site métallurgique Hoboken 4km université Anvers (Belgique) Concentration (µg.g–1 poids sec) 0,13 ± 0,05 2,0 ± 0,4 As, Cd, Cu, Zn 2,2 ± 0,6 As, Cd, Cu, Pb, Zn (pas de diff. sign avec Pm)
s (×15) ns ns
Coquilles Parus major
Pb As Cd Cu et Zn
0,37 ± 0,16 1,2 ± 0,6 0,08 ± 0,02
15 ± 4 4,2 ± 0,8 0,31 ± 0,08
Pb As Cd Cu Zn * Les concentrations en Pb et Cd chez Pcaeruleus sont proches des plus fortes concentrations rapportées par Burger (1993) chez les oiseaux.
7,4 ± 1,1 3,7 ±1,2 0,15 ± 0,02 2,8 ± 1,1 32 ± 8
Parus caeruleus
s (×40) s (×4) s (×4) ns
Dauwe et al. (1999)
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TABLEAU 42
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concentrations en métaux de la plupart des organes (ceux du tableau 43 + reins, poumons, muscles, rate et cerveau), on peut retenir : i) qu'il n'existe pas de différences significatives de concentrations dans les organes des nichées successives de chaque zone ; ii) que des changements significatifs se produisent avec l'âge des oisillons sauf pour le Zn entre les deux zones étudiées. Dans les deux zones (polluée : P et non polluée : NP) les concentrations en Mg, Fe et Mn augmentent dans le foie, le cœur, les os et les plumes avec l'âge des oisillons. Il en est de même pour le Ca dans les os et les plumes, alors qu'il diminue dans le cœur. Les concentrations en Cd et en Pb augmentent avec l'âge dans tous les organes dans les deux zones. Lorsque l'on compare les concentrations des oisillons des deux zones, on remarque que les concentrations moyennes en Ca, Mg et Fe dans le foie, le cœur, les os et les plumes sont significativement plus élevées chez ceux de la zone NP que chez ceux de la zone P. Au contraire, Cu, Mn, Co, Cd et Pb sont significativement moins concentrés chez les petits de la zone NP dans tous les organes examinés. Pour le Zn, les moyennes ne sont pas différentes dans les organes internes, alors qu'elles sont les plus faibles dans les plumes de la zone NP (Tableau 43). Outre ces observations de l'influence de l'environnement sur la concentration des métaux dans les tissus des jeunes au cours de leur croissance dans le nid, Kaminski (1998) a analysé les concentrations des éléments traces dans les femelles et leurs œufs. Celà l'a conduit à observer que les plus petites couvées (3 à 4 oisillons au lieu de 4, 5 ou 6 par nichée) étaient associées aux plus fortes concentrations en Cu, Mn, Cd et Pb des femelles qui pondent des œufs ayant les plus fortes concentrations en Cd et en Pb. Ainsi, la contamination des jeunes se fait à la fois par la transmission de métaux toxiques (Cd et Pb) par les œufs et par la nourriture apportée par les parents. La comparaison des concentrations en métaux toxiques Cd et Pb de la nourriture et celles des organes montre qu'une partie importante du Cd n'est pas retenue dans les organes, tandis que le Pb est stocké de façon importante dans les os et les plumes. Si l'on considère les concentrations des métaux toxiques dans les végétaux et dans les invertébrés de la chaîne alimentaire (Tableau 43a), il semble que les concentrations élevées en Cd et en Pb des invertébrés soient contrebalancées en partie par celles des végétaux dans la nourriture recueillie dans le jabot des petits. Des mécanismes d'adaptation des moineaux de la zone polluée sont évoqués par l'auteur pour expliquer le maintien des populations de moineaux friquets dans la zone polluée. Ce qui, en définitive, constitue un argument supplémentaire pour considérer ces moineaux comme de bons indicateurs de bioconcentration des métaux dans les milieux d'Europe centrale, où ils sont abondants. À la suite de ces recherches sur P. montanus, Kaminski et al. (1999, 2000) ont effectué un suivi des dynamiques de concentration de six éléments traces (Cd, Co, Cu, Mn, Pb et Zn) chez le moineau domestique Passer domesticus (dont l'aire de répartition est plus occidentale que P. montanus) dans une ferme d'élevage proche de Sofia (Bulgarie). Les analyses ont porté sur 214 moineaux, en tenant compte de leur âge et de leur sexe (adultes : 45 mâles et 43 femelles ; juvéniles : 45 mâles et 28 femelles). Les concentrations (en ppm de poids sec) des éléments traces ont été déterminées dans les plumes de la queue, les os des pattes et le reste du corps (carcasse sans plumes) à chacun des quatre stades suivants de la mue et de la croissance des rémiges et des rectrices (début, moyen, fin et complètement terminé). Au cours de la mue, pour les éléments essentiels, le Cu diminue dans les plumes de tous les groupes (de 15 ppm à 10 ppm en moyenne) et augmente dans les carcasses des jeunes mâles (de 12 à 17 ppm). Au contraire, la concentration du Zn diminue dans les plumes des mâles adultes (15 à 10 ppm) et augmente dans les carcasses des
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Tableau 43: Concentrations en Ca, Mg et en métaux (Fe, Zn, Cu, Mn, Co, Cd et Pb) de l'environnement et de la nourriture d'oisillons de Passer montanus provenant d'une zone polluée (P) et d'une zone non polluée (NP). (D'après Kaminski 1998.) a) Moyenne géométrique de concentrations (µg.g–1 ps) de l'environnement et de la nourriture d'oisillons de P. montanus. Élément
Compartiment Couche supérieure du sol Sol entre 20–40 cm Plantes (47 espèces) Invertébrés (annélides et arthropodes, 49 familles) Nourriture (dans le jabot)
NP P NP P NP P NP P NP P
Ca
Mg
Fe
Zn
Cu
Mn
Co
Cd
Pb
2 060 4 002 2 515 5 024 1 743 3 030 3 421 2 182 3 109 1 641
1 702 3 336 1 939 4 458 1 037 1 428 1 952 1 529 1 447 1 079
836 1 723 991 2 608 558 978 1 728 3 233 1 427 2 642
124 298 163 260 129 265 188 401 170 329
15,5 35,5 24 39 17,7 36 43,6 118 27,6 55,7
445 1 693 855 1 956 142 300 90 271 129 226
4,7 11,7 9,2 20,3 0,7 1,7 14,4 29,2 5,6 12,5
2 5,1 1,8 3,9 1,7 7,3 6,9 27,2 4,9 20,8
14,6 62,4 8,1 50 4,4 31,4 28,7 109 6,9 49
Cd
Pb
b) Concentrations moyennes (µg.g–1 ps) sur trois couvées successives des organes d'oisillons de P. montanus. Élément Compartiment
Ca
Mg
Fe
Zn
Cu
Mn
Co
NP 626 694 975 107a 27 5,1 0,4 0,58 1,2 P 520 376 688 107a 37 17,3 0,8 1,7 2,8 NP 384 594 763 103a 18 9,5 1,2 0,57 0,8 Cœur P 218 330 451 104a 39 20,4 1,9 1,3 2 NP 49 843 1 801 421 71b 9,5 12,4 0,4 1 6,4 Os P 37 052 1 074 218 77b 22 29,2 1,02 2,6 11 NP 4 443 1 305 1 231 70 13,1 46,3 0,8 0,8 9,8 Plumes P 2 316 805 1 067 80 26,6 81 1,9 3 23 Pour tous les organes et tous les éléments analysés, les concentrations sont significativement différentes entre les zones NP et P, sauf pour le Zn où seule la concentration dans les plumes diffère. Foie
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TABLEAU 43
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jeunes femelles (100 à 160 ppm). Des différences existent aussi pour le Mn, surtout chez les adultes chez qui il passe de 120 à 20 ppm dans les plumes et de 13 à 7 ppm dans les os et dans les carcasses. Pour les deux métaux non essentiels, deux tendances inverses sont notées. Les concentrations moyennes en Cd des plumes et des os des femelles adultes et des jeunes mâles augmentent (0,4 à 1,6 ppm), tandis que pour le Pb les concentrations moyennes diminuent, principalement chez les femelles, dans les plumes (0,6 à 0,2 ppm) et dans les os (1,7 à 0,4 ppm). Les nombreuses données résultant des analyses de ces auteurs dans une population de moineaux domestiques vivant autour d'une ferme bulgare révèlent qu'il existe des différences de concentrations des éléments essentiels et non essentiels suivant le stade de la mue de ces oiseaux. Pour la biosurveillance de l'environnement à l'aide des oiseaux, ils préconisent de réaliser les prélèvements après la mue, ce qui est également proposé par d'autres chercheurs, en particulier pour les plumes qui, à ce stade de leur formation, ne sont pas encore contaminées par les dépôts externes. L'ensemble des données obtenues, aussi bien chez Passer montanus que chez P. domesticus, permet d'envisager l'utilisation de ces deux espèces sociales communes de passereaux comme biomoniteurs de l'environnement. L'installation de catalyseurs dans les pots d'échappement des véhicules motorisés, introduite aux États-Unis et au Japon en 1975–1976, s'est faite en Suède de 1986 à 1989 et dans l'Union européenne depuis 1993, ce qui a conduit à évaluer les éléments du groupe platine dans les écosystèmes. Ces catalyseurs, destinés à réduire la pollution résultant de la combustion de l'essence dans les moteurs, sont à l'origine de la dispersion dans l'environnement de particules métalliques de trois éléments du groupe platine (EGP = PGE : platinum group elements), le platine (Pt), le palladium (Pd) et le rhodium (Rh), ainsi que de cérium, qui résultent de l'abrasion de la surface de catalyse. Ces éléments émis sous forme de fines particules subissent des transformations dans l'environnement qui les rendent plus réactives. Ainsi, ces éléments, naturellement en très faible concentration, posent des problèmes de toxicité pour l'Homme et l'environnement avec leur augmentation, surtout lorsque les catalyseurs sont âgés (le taux d'émission du Pt peut passer de 6–8 ng.km–1 à 105–108 ng.km–1) (Palacios et al., 2000). Il y a donc un besoin de mieux connaître les transformations, les voies de transport et de transfert, ainsi que les potentiels d'accumulation de ces métaux dans les organismes. Pour ce faire, en Suède, Jensen et al. (2002) ont déterminé les concentrations des trois éléments utilisés dans les catalyseurs pour véhicules diesel dans les plumes d'oiseaux rapaces et de leurs proies. Après un exposé bibliographique qui situe l'importance du sujet et précise les conditions techniques d'analyse des éléments traces ainsi que la collecte et la préparation des plumes, ces auteurs constatent une augmentation des concentrations du groupe EGP dans les plumes du faucon pèlerin et de l'épervier de 1917 à 1999 (Tableau 44). Cette augmentation est particulièrement nette chez ces deux espèces de prédateurs après 1989. Les concentrations en Pt et Pd sont significativement plus élevées dans les hampes des plumes de moineaux que dans celles des éperviers, tandis que les concentrations en Rh sont plus élevées chez les éperviers. Les fortes concentrations en Pt et Pd des moineaux sont probablement dues à leur mode de vie proche du trafic et du sol, par exemple lorsqu'ils prennent des bains de poussière et mangent des graines contaminées par les poussières de la route. Ce sont les moineaux qui sont les plus exposés aux fortes concentrations en EGP, avec la possibilité de contaminations internes et externes. Les lagopèdes et leur prédateur, le gerfaut, qui vivent dans des régions moins citadines ont des concentrations sensiblement équivalentes et inférieures à celles des éperviers (Tableau 44).
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L'utilisation de la technique récente d'blation laser combinée à l'analyse ICP-MS (Laser Ablation-Inductively Coupled Plasma-Mass Spectrometry) a montré que la distribution des EGPs sur la hampe des plumes est hétérogène, avec approximativement 85 % des pics représentant un seul EGP dont les particules ont une taille de 5–15 nm. Ce sont les éperviers qui ont le plus grand nombre de pics, dont certains indiquent également une contamination externe des plumes par le cérium (constituant majeur des catalyseurs), mais aussi la présence de plomb. Une preuve complémentaire de la contamination externe est apportée par les concentrations plus élevées en Pt et en Pd (le plus mobile) dans le vexillum (barbes et barbules) que dans la hampe des plumes. La plus grande mobilité du Pd serait à l'origine d'un gradient de biodisponibilité Pd > Rh > Pt, comme cela est également observé dans les transferts de sols contaminés aux plantes ou chez des macroinvertébrés aquatiques (crustacés), suggérant qu'il n'existe pas de différence entre une chaîne alimentaire aquatique et une chaîne terrestre pour ces éléments. Pour faire suite à ces résultats, nous pensons qu'il est important, d'une part, de déterminer les sites d'accumulation dans les organes internes des organismes des biocénoses exposées et les effets qui en résultent et, d'autre part, de s'assurer de l'efficacité discutée des pots catalytiques montés sur les voitures à moteur diesel, car les conditions oxydantes nécessaires pour éliminer les particules émises par ce type de moteurs compromettent la réduction ultérieure par le pot catalytique des oxydes d'azote en azote (or ce problème ne semble toujours pas résolu). TABLEAU 44
Bioaccumulation des éléments du groupe platine (EGP), catalyseurs automobiles introduits en Suède en 1986.
Suède
Concentration en métaux (ng.g–1 ps)
Plumes de mue : calamus (hampe) des rémiges primaires et des rectrices
Pt Proie :
moineau (après 1986) :
Prédateur :
épervier :
Passer domesticus
Pd
22,16 ± 11,06 7,02 ± 1,66
Rh 0,19 ± 0,13
Accipiter nisus* 1919–1986 urbain 1988–1996
0,5
0,6
0,3
1,75 ± 0,81
2,12 ± 0,87
0,6 ± 0,17
faucon pèlerin :
Falcon peregrinus* (1917–1982)
0,3
0,5
0,1
captivité :
(1999)
1,1
2,1
0,45
Nord Suède (1997–1998)
0,25
0,9
0,35
Sud Suède (1989–1999)
0,45
1,4
0,3
Falco rusticolus (1999)
0,7
0,9
Prédateur : sauvage : Prédateur :
gerfaut :
Proie :
lagopède des saules : se nourrit en hiver de pousses de saule nain (Salix) qui forment 94 % du régime alimentaire dans les toundras arctiques
Écorce terrestre
ng.g–1
Poussière de route
< 63 µm
Lagopus lagopus (1999)
}
63–250 µm
ng.g–1
–3
Particules aériennes PM10 (pg.m )
0,65
0,7
0,4
0,4
0,06
341 ± 300
73 ± 66
112 ± 101
99 ± 52
30 ± 25
28 ± 16
14 ± 3
5±3
3±1
* Les concentrations moyennes chez ces deux espèces ont tendance à augmenter de 1917 à 1999 (surtout le Rh).
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
}
0,3
Jensen et al. (2002)
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3.2.2.4 Importance du calcium dans la bioaccumulation des métaux chez les oiseaux Comme nous l'avons déjà vu dans de nombreux cas, la nature de l'alimentation a une grande incidence sur l'accumulation des métaux, dont il faut tenir compte dans l'interprétation des résultats. Par exemple, lors des dosages de métaux tels que le Cd et le Pb dans les organes, une diminution (déficience) en Ca disponible, due par exemple à l'acidification du milieu (pluies acides qui réduisent la disponibilité du Ca par réduction des populations d'escargots, Graveland et al., 1994), augmente la disponibilité des métaux toxiques pour les oiseaux et les mammifères sauvages (Scheuhammer, 1991). Le rôle du Ca apparaît nettement dans les analyses d'éléments réalisées par Kaminski (1995a, b, 1998) chez les moineaux et il a été démontré expérimentalement par Scheuhammer (1996) chez deux autres espèces d'oiseaux (Poephila guttata et Streptopelia risoria). Chez P. guttata, une nourriture pauvre en Ca (0,3 %) augmente approximativement l'accumulation du Pb de 325-375 % dans les reins et le foie et celle du Cd d'environ 150-200 %, par comparaison avec les concentrations de ces métaux chez les oiseaux nourris avec une nourriture riche en Ca (3 %) et la même contamination en Pb (CH3COO)2 et CdCl2 pendant 51 jours. Un phénomène analogue se produit chez les tourterelles rieuses domestiques (S. risoria) recevant une nourriture pauvre en Ca (0,4 %) pendant deux cycles de reproduction avec exacerbation de l'accumulation du Pb et du Cd dans les reins et le foie et du Pb dans les os des femelles. L'accumulation de Pb et de Cd s'accompagne en même temps d'une réponse marquée des « protéines biomarqueurs » (inhibition de l'activité ALAD pour le Pb et synthèse de MT pour le Cd). Dans le rein, par exemple, chez les femelles dont le régime est pauvre en Ca (0,4 %), l'addition de métaux (Cd + Pb) provoque une augmentation de concentration en Cd de 65 % (500 µg.g–1 ps au lieu de 300 µg.g–1) et de 30 % des MTs se liant au Cd (1 500 µg.g–1 ps au lieu de 1 150) par rapport aux femelles recevant 2 % de Ca. Lorsque le taux de Ca de la nourriture est restreint, les femelles présentent de plus grandes accumulations de Pb et de Cd et de réponses des biomarqueurs correspondants (ALAD et MTs) que les mâles car elles ont un « turnover » plus rapide du Ca, qui est mobilisé dans la moelle osseuse lors de la formation de la coquille des œufs (Krementz & Ankney, 1995). Dans le cas d'intoxication expérimentale réalisée par Scheuhammer (1996), la concentration en Cd de la nourriture (20 µg.g–1) n'a aucun effet sur la production des œufs, mais chez des espèces qui pondent davantage d'œufs, le Cd (à des doses 2 à 10 fois plus élevées) peut réduire le nombre d'œufs.
3.2.3 Substances organiques Comme pour les autres animaux, les méthodes utilisées pour isoler et doser les pesticides dans les organes, la graisse, les œufs et la nourriture des oiseaux sont difficiles à mettre en œuvre, surtout dans les cas de pluricontaminations. Ces derniers sont particulièrement fréquents chez ces vertébrés, qui généralement ne sont pas des organismes « cible s» des pesticides. Les techniques d'analyse sont lourdes et onéreuses, ce qui limite la connaissance de la contamination par ces produits à certains biotopes particulièrement sensibles et dans des pays qui ont les moyens de les effectuer. Les problèmes de détection des contaminants organiques sont devenus tellement complexes que, face aux milliers de produits de synthèse (et de leurs métabolites), il n'est plus matériellement possible de suivre leurs cheminements et leurs effets individuels dans les organismes et que l'on doit se limiter pour les plus dangereux à l'évaluation d'équivalents toxiques.
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Un historique de la recherche de résidus de contaminants dans la faune sauvage (Keith, 1996) donne un aperçu de la complexité des investigations et rappelle, à cette date, l'évolution des connaissances et des techniques depuis la synthèse du premier insecticide organique (le DDT : dichlorodiphényltrichloroéthane) en 1945. La revue historique de Keith (1996) montre que la classe des oiseaux a été sans doute celle qui a fait l'objet du plus grand nombre de publications et cela principalement sur le continent américain. L'exemple de la persistance, pendant plus de 20 ans, dans les vers de terre de résidus du DDT, de dieldrine et d'heptachlore (Beyer & Krynitsky, 1989) et des transferts d'organochlorés dans les chaînes alimentaires : macroinvertébrés du sol - oiseaux terrestres décrits par Davis (1966), Boykins (1967) et Jefferies & Davis (1968) sont toujours cités dans les livres d'écotoxicologie, ainsi que leurs incidences passées et actuelles sur la biologie des espèces étudiées. L'objectif de notre revue n'étant pas d'être une traduction des synthèses sur le sujet, nous recommandons leur lecture car elles fournissent une bibliographie abondante. De notre côté, nous ajouterons des résultats montrant l'évolution des connaissances sur les principales substances et indiquerons en conclusion l'intérêt scientifique et économique que représentent les oiseaux et leur préservation.
3.2.3.1 Organochlorés (OCs) Les OCs sont des molécules produites en quantités considérables et les recherches concernant leurs effets biologiques constituent de nombreux ouvrages. Ces composés, dont certains sont synthétisés pour des usages précis (insecticides, herbicides, PCBs) et d'autres sont des produits résultant d'activités industrielles ou d'incinération de déchets (dioxines), peuvent persister, tels quels ou sous forme de métabolites, pendant longtemps dans les sols, les végétaux ou les graisses animales. Du fait des risques que représentent leur persistance et leur bioaccumulation, certains produits, dont l'utilisation s'est révélée dangereuse à court ou moyen terme, sont interdits dans de nombreux pays. Cependant, de multiples OCs sont encore fabriqués et commercialisés ou sont toujours émis par des activités anthropogéniques. Il existe également de nombreuses sources naturelles d'OCs dont l'influence sur la santé environnementale n'est pas bien comprise. Pour certains auteurs (Willes et al., 1993), elle a conduit les espèces à évoluer grâce à leurs capacités métaboliques, leur permettant de s'accommoder à de faibles concentrations de ces substances. Willes et al. (1993), en s'appuyant sur une abondante bibliographie, ont élaboré un rapport où ils présentent les principes qui, selon eux, doivent être appliqués pour évaluer les effets adverses potentiels des OCs et, en particulier, de ceux qui ont des capacités élevées d'accumulation. Leur analyse scientifique repose sur l'analyse de la relation structure-activité de la molécule, la recherche d'un effet dose-dépendant et le fait que les organismes peuvent s'adapter à de faibles concentrations d'OCs. On peut cependant avoir un avis réservé et une attitude très critique sur la position de Willes et al. (1993) car certains OCs ont des propriétés redoutables à de très faibles concentrations (œstrogénomimétiques perturbateurs endocriniens par exemple). Nous examinerons ici successivement quelques cas typiques d'accumulation d'insecticides et du grand ensemble des biphényls polychlorés (PCBs ou polychlorinated biphenyls) et des dibenzodioxines polychlorés (PCDDs : polychlorinated dibenzodioxins) en nous inspirant des revues traitant de ces familles de molécules dans l'ouvrage Environmental Contaminants in Wildlife :Interpreting Tissue Concentrations édité par Beyer et al. (1996). Dans ce document, 28 spécialistes internationaux (dont 11 Européens et aucun Français) font le point sur
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les liens entre les concentrations en contaminants (métalliques et organiques) de la faune sauvage et leurs effets. Nous compléterons ces données par d'autres résultats parus depuis cette publication spéciale de la SETAC (Society of Environmental Toxicology and Chemistry). 3.2.3.1.1 Insecticides 3.2.3.1.1.1. DDT (1,1,1-trichloro-2,2-bis (p-chlorophényl)éthane), DDD (1,1-dichloro-2,2-bis (p-chlorophényl)éthane) et DDE (1,1-dichloro-2,2-bis (p-chlorophényl)éthylène)
Ce sous-titre correspond à celui de Blus (1996) DDT, DDD and DDE in birds qui résume les relations entre les concentrations de ces pesticides dans les organes (cerveau, foie, autres tissus) et les œufs, ainsi que leurs effets toxiques les plus spectaculaires. L'incidence du perfectionnement des techniques analytiques apparaît nettement avec la possibilité de doser séparément les résidus du DDT et de ses métabolites principaux DDD et DDE. Les résultats obtenus après intoxication expérimentale par ces trois composés montrent que leurs quantités diffèrent dans le cerveau et dans le foie, et que ce sont celles du cerveau qui permettent le diagnostic le plus fiable en ce qui concerne la létalité ; ce qui correspond aux conclusions faites par Barker en 1958 à partir des analyses des organes de merles américains (Turdus migratorius) morts à la suite du traitement des ormes américains (Ulmus americana) du campus de l'université d'Urbana (Illinois, États-Unis) par une émulsion de DDT pour contrôler les insectes vecteurs de l'agent de la nécrose de ces arbres. La majorité des merles morts ou mourants avait des concentrations en DDT du cerveau comprises entre 50 et 70 µg.g–1 de poids frais. Les vers de terre semblent être à l'origine de l'empoisonnement des merles car des espèces comme Lumbricus terrestris concentrent le DDT dans leur tube digestif (157 à 403 µg.g–1 de poids frais) en se nourrissant des litières de feuilles tombées des arbres traités. Dans le cas des analyses effectuées sur des animaux provenant de la nature, Stickel et al. (1970) ont développé le concept de DDT équivalent dans lequel 1 µg.g–1 de DDT = 5 µg.g–1 de DDD ou 15 µg.g–1 de DDE. À partir de ce système, Stickel et al. (1970) considèrent que 10 DDT équivalents dans le cerveau constituent approximativement la limite inférieure de létalité. Cependant, de nombreux exemples montrent des différences de sensibilité des espèces (Barker, 1958 ; Stickel et al., 1966). Parmi les moins sensibles, on peut citer les poules domestiques dont la reproduction n'est pas affectée par une nourriture contenant 300 µg.g–1 de DDT technique (Waibel et al., 1972). À cause de la lipophilie et de la bioaccumulation de ces composés mises en évidence dans les tissus des prédateurs, les effets les plus prononcés sont observés chez les espèces de niveaux trophiques les plus élevés. Cependant, les comparaisons des concentrations toxiques chez les adultes sont très difficiles à cause de la multiplicité des méthodes de dosages et de contamination employées, ainsi que des sensibilités spécifiques. L'un des effets les plus notoires et les plus documentés de l'utilisation du DDT est celui de l'amincissement de la coquille des œufs décrit par Ratcliffe (1967a) chez le faucon pèlerin (Falco peregrinus) en Grande-Bretagne. C'est le déclin spectaculaire de cette espèce, qui ne produisait plus de jeunes dans les années 1960 dans le Nord de l'Amérique et en GrandeBretagne, qui a mis fin au « miracle of DDT » et aidé au lancement du mouvement environnemental (Woodwell, 1984). Cependant, le taux d'amincissement des coquilles (cause de fragilité des œufs et d'échec du développement embryonnaire) est variable selon les espèces
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et l'interprétation des conséquences sur l'éclosabilité des jeunes sujette à controverses. Ce sont les concentrations en DDE qui présentent les relations les plus directes avec l'amincissement de la coquille chez les rapaces et les oiseaux se nourrissant de poissons, chez qui Hickey & Anderson (1968) ont établi un lien avec le déclin des populations. C'est également avec le DDE que la plupart des expériences de contamination de la nourriture ont été réalisées pour étudier l'accumulation des résidus dans les œufs et les effets sur la coquille. Les résultats diffèrent selon les espèces, mais aussi selon les expérimentateurs. Les concentrations en DDE dans les œufs, qui seraient sans effet sur l'épaisseur de la coquille, sont comprises entre 0,1 µg.g–1 chez le pélican brun considéré comme une espèce très sensible (Blus, 1984) et 2 µg.g–1 pour le faucon pèlerin (Cade et al., 1971). La plus faible concentration en DDE correspondante dans la nourriture entraînant un amincissement de la coquille et une diminution de la reproduction du faucon pèlerin (Falco peregrinus) des Montagnes Rocheuses a été estimée à 1 µg.g–1 (Enderson et al., 1982). Pour le pélican brun (Pelecanus occidentalis), plus sensible, Blus et al. (1977) estiment le seuil alimentaire critique de DDE à environ 0,1 µg.g–1. L'amincissement de la coquille semble corrélé avec l'inhibition par le DDE de l'activité calcium ATPase de la glande coquillière de l'oviducte (Kojala & Hinton, 1979 ; Lundblom, 1982). Le DDT et ses métabolites ne sont pas les seuls insecticides qui affectent la reproduction et la survie des oiseaux. Les effets d'autres insecticides organochlorés persistants (lindane, dieldrine, aldrine, chlordane) ont également été démontrés. L'utilisation de la plupart de ces substances a été interdite aux États-Unis et d'autres pays d'Europe à partir des années 1970. Cependant, des pesticides comme le DDT continuent à être utilisés en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, principalement dans les zones où sévit la malaria pour détruire les insectes vecteurs. Bien que la concentration en DDT et métabolites tende à diminuer dans des espèces dont les populations ont tendance à se reconstituer, la surveillance des concentrations de ces OCs est justifiée. En effet, des concentrations importantes sont encore observées chez les pygargues Haliaeetus pelagicus et Haliaeetus albicilla (de 68 à 15 000 pg.g–1 pf de muscles pectoraux dont 83 à 98 % de DDE) capturés en 1998–1999 au Japon et qui effectuent des migrations en Sibérie (Sakamoto et al., 2002). De même en Pologne, Fabczab et al. (2001) notent des concentrations moyennes en DDT de 4,9 mg.kg–1 de graisses du foie de cormorans noirs (Phalacrocorax carbo) qui restent stables de 1993 à 1996. Dans ces deux exemples de persistance du DDT dans les organes prélevés (muscles et foie), d'autres OCs ont été détectés (en particulier HCH et PCB) mais à des concentrations plus faibles. Chez les oiseaux de l'estuaire Red River (Nord Vietnam), Minh et al. (2002) ont analysé les organochlorés (OCs) d'homogénats du corps entier (sauf les plumes). Ils ont constaté l'accumulation de plus grandes quantités de DDTs (somme p,p'-DDT + p,p'-DDD + p,p'DDE) chez les oiseaux sédentaires (7 espèces avec des moyennes en DDTs de 140 à 3 100 ng.g–1 pf) que chez les migrateurs (17 espèces avec des moyennes de 110 à 630 ng.g–1 pf). Inversement, les résidus en HCHs (isomères d'hexachlorocyclohexane) sont plus importants chez les migrateurs (moyennes de 3,7 à 180 ng.g–1 pf) que chez les sédentaires (moyennes de 1,8 à 27 ng.g–1 pf). Les concentrations en DDT des oiseaux du Nord du Vietnam sont comparables ou supérieures à celles rapportées récemment dans des contrées des États-Unis ou d'Europe qui ont produit et utilisé du DDT pendant longtemps (Klemens et al., 2000 ; Thyen et al., 2000). La comparaison des résidus en OCs dans les oiseaux du Pacifique et de l'Asie (Tanabe et al., 1998 ; Senthilkumar et al., 2001 ; Minh et al., 2002) révèle que les résidus en DDT des oiseaux sédentaires du Nord du Vietnam atteignent les niveaux les plus élevés
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des régions considérées, ce qui indique un usage récent du DDT dans ce pays. Les concentrations en résidus de la plupart des oiseaux (sédentaires et migrateurs) se trouvent dans l'ordre : DDTs > PCBs > HCHs > CHLs > HCB (Minh et al., 2002). Parmi les différents contaminants retrouvés dans les sols des plaines inondables des Pays-Bas, Van den Brink et al. (2003a) ont identifié les PCBs comme facteurs principaux des risques pour la chouette chevêche (Athene noctua vidalli). Si les concentrations en PCBs dans les sols ne semblent pas affecter l’occurrence des principaux items alimentaires de ce prédateur (vers de terre et coléoptères), les concentrations en PCBs dans l’huile de la glande uropygiale (servant à imperméabiliser le plumage) de la chouette s’avèrent plus importantes dans les habitats de plaine inondable (entre 0,8 et 6,2 µg.g–1 de graisse) que dans le site de référence (entre 0,2 et 0,8 µg.g–1 graisse) et parfois (60 % des oiseaux échantillonnés) supérieures au seuil de toxicité (EC50 = 3,1 µg.g–1 de graisse). Ainsi, dans la zone contaminée, les auteurs ont observé une induction de l’activité cytochrome P450 résultant de l’exposition aux PCBs et susceptible de perturber les populations de chouettes chevêches dans les habitats de plaine inondable. 3.2.3.1.1.2. Pesticides cyclodiènes chlorés : pesticides dérivés chlorés du cyclopentadiène (aldrine, dieldrine, endrine et isodrine)
Les relations entre les concentrations en résidus de ces pesticides et leurs effets biologiques ont fait l'objet d'une revue par Peakall (1996). L'aldrine, qui a été la plus utilisée, est en général convertie en dieldrine et c'est donc cette dernière molécule qui est souvent à l'origine des effets constatés. Peakall (1996) rappelle que l'introductin de l'aldrine et de la dieldrine dans le traitement des semences au Royaume-Uni en 1956 provoqua une mortalité considérable de pigeons et de faisans. Des cas d'empoisonnement de faucons pèlerins et d'aigles ont également été signalés dans la nature, mais les effets de la dieldrine sur la mortalité et l'amincissement de la coquille est difficile à évaluer car ces oiseaux contenaient aussi du DDT (ce qui sera souvent le cas pour l'étude des « générations » successives de pesticides synthétisées après les épandages de DDT). Les données sur la concentration de ces pesticides dans les organes (cerveau, foie, muscles) et quelquefois dans le corps entier résultent pour la plupart d'études expérimentales. Des références citées par Peakall (1996), nous avons retenues celles qui permettent d'établir une relation entre l'alimentation, la concentration et les effets (Tableau 45). TABLEAU 45
Accumulation de la dieldrine et effets sublétaux sur la reproduction des canards (A. platyrhynchos).
Nourriture
Concentration (ppm* pf ) Foie (a) Œufs (jaune) 2,29 16,8 4,23 37,4 11,18 54,6
4 ppm 10 ppm 30 ppm
Effets (b) Fertilité –17 % –26 %
Référence Mortalité canetons +29 % +37 % +62 %
Winn (1973) (a) Sharma et al., (1976)
* ppm = partie pour million = µg.g–1 = mg.kg–1. Pf = poids frais. (b) Sharma et al. (1976) observent en outre une inhibition dose-dépendante des amines biogènes du cerveau et une augmentation des enzymes microsomiales du foie des canards exposés à la dieldrine.
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TABLEAU 46
Doses létales de l'aldrine, de la dieldrine et de l'endrine par contamination de la nourriture. DL50 µg.g–1 pf )
Espèce
Aldrine
Dieldrine
Endrine
Canard : A. platyrhynchos
520
381
5,6
Colin de Virginie : Colinus virginianus
6,6
Caille japonaise : Coturnix coturnix
62
Référence
Hudson et al. (1984)
60
17
Hill & Camardese (1986)
Des différences de sensibilité des espèces à ces insecticides ont été mises en évidence chez des canards, des colins et des cailles (Tableau 46). Après la mort expérimentale provoquée par de la nourriture contaminée par de la dieldrine, les concentrations déterminées (par poids frais) dans le cerveau sont de 17 µg.g–1 chez la caille japonaise (Robinson et al., 1967), de 5,8 µg.g–1 chez le faisan (Linder et al., 1970) et de 20 µg.g–1 chez les pigeons (Columba livia), tandis qu'elle est de 45 µg.g–1 dans le foie de cette espèce (Robinson et al., 1967). Ce sont les concentrations dans le cerveau qui sont considérées comme le meilleur diagnostic de contamination. Les valeurs de 10 µg.g–1 sont associées à la létalité chez les oiseaux (5 µg.g–1 chez les mammifères). Dans la nature, les concentrations en dieldrine dans le foie d'oiseaux trouvés morts citées par Peakall (1996) sont respectivement de 15 à 24 µg.g–1, 5 à 21 µg.g–1, 6 à 30 µg.g–1 de poids frais chez les pigeons, chez Accipiter nisus et chez Falco tinnunculus. Chez deux faucons pèlerins (Falco peregrinus), les concentrations dans le foie sont de 17,3 et de 53,9 µg.g–1 (pf) et dans le cerveau de 6,8 et 16,4 µg.g–1 (pf). Des cas d'empoisonnement d'aigles ont aussi été signalés, ainsi que des cas d'amincissement de la coquille. Cependant, les effets de la dieldrine sur la coquille sont difficiles à évaluer car ces oiseaux contenaient aussi du DDT. Expérimentalement, la LOAEL (lowest observed adverse effect level) à 24 jours de la dieldrine sur la survie, la croissance et le comportement de canetons a été évaluée à 7 µg.g–1 (pf) pour le foie et à 2,5 µg.g–1 (pf) pour le cerveau (Nebeker et al., 1992). Les valeurs pour la NOAEL (no observed adverse effect level) seraient inférieures à 1 µg.g–1 dans les deux organes. 3.2.3.1.1.3. Autres pesticides organochlorés (insecticides, fongicides herbicides)
Outre les deux catégories de pesticides examinées ci-dessus, un grand nombre de pesticides OCs ont été introduits dans l'environnement à partir des années 1940. Malgré leur utilisation plus ou moins large selon les pays, leur lipophilie, leur persistance et leur bioamplification dans certains cas, les données de bioaccumulation sont pourtant moins fréquentes que pour le DDT et ses métabolites ou les cyclodiènes chlorés. La plupart des connaissances ont été obtenues expérimentalement après contamination de la nourriture ou exposition des œufs (par pulvérisation ou injection). Des informations sur les résidus dans les tissus et les œufs en relation avec la létalité ou l'inhibition de la reproduction ont été rassemblées par Wiemeyer (1996) pour une série de 10 produits (heptachlore, chlordane, endosulfan, mirex, chlordécone, hexachlorocyclohexane, hexachlorobenzène, dicofol, méthoxychlore et toxaphène). Des renseignements sur la
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concentration du mirex, du toxaphène et du chlordane sur l'ensemble de la faune font l'objet de revues respectivement par Eisler (1985a, 1990) et Eisler & Jacknow (1985). Parmi ces produits, certains font partie des plus dangereux, qui sont interdits aux États-Unis et en France. À partir de juillet 2003, d'autres seront retirés du commerce car ils ne sont plus en conformité avec la législation européenne. Cependant, étant donné leur persistance et les « stocks » existants chez les particuliers, on les retrouvera encore dans les sols et les organismes pendant longtemps. Nous donnons quelques indications sur ceux qui ont été ou sont encore les plus utilisés. • L'endosulfan1, insecticide et acaricide à large spectre encore commercialisé (444 tonnes en France en 1996) agit par ingestion et par contact. C'est un poison du système nerveux central. Il est très dangereux pour le gibier. On sait depuis les travaux de Lutz-Ostertag & Kantelip (1971) que l'endosulfan exerce une action stérilisante in vivo et in vitro sur les gonades embryonnaires de caille et de poulet dont les œufs ont été exposés au produit aux doses préconisées par le fabricant. Le produit paraît peu tératogène, le taux d’éclosion est peu diminué, mais les jeunes sont plus petits et présentent des gonades rudimentaires. En culture d’organes in vitro, les gonades d’embryons de caille et de poulet, en présence d’endosulfan ont des cellules germinales multinuclées et en dégénérescence dans les deux sexes, le cortex des ovaires ne différencie pas de cordons de Pflüger (Lutz-Ostertag & Lutz, 1974). Les cultures d’organes in vitro constituent un excellent moyen pour mettre en évidence les effets directs des contaminants sur la différenciation des tissus et des organes à différents stades du développement. Elles ont permis aux mêmes auteurs de décrire les effets d’autres pesticides (DDT ; 2,4-D…) sur la différenciation sexuelle des oiseaux (poule, caille, perdrix). L’expérimentation sur les œufs est un moyen peu onéreux et sensible pour détecter l’accumulation des contaminants et leurs effets chez les oiseaux. Chez les oiseaux adultes, la toxicité de l’endosulfan est élevée dans les conditions du laboratoire, mais peu signalée dans l’environnement naturel. Il n’a pas été observé de diminution du nombre d’oiseaux ni de diversité des espèces après les épandages aériens d’endosulfan dans le delta d’Okavango (Botswana) pour contrôler les mouches tsé-tsé (Douthwaite, 1980). Chez les oiseaux (et les crocodiles) prédateurs de poissons de cette zone, Matthiesen et al. (1982) notent des résidus d’endosulfan similaires à ceux de leurs proies. Chez les oiseaux insectivores, les niveaux de résidus sont bas, ce qui suggère une dégradation rapide et peu d’accumulation (Naqvi & Vaishnavi, 1993). D’après la revue de ces auteurs, la bioaccumulation de l’endosulfan se produit surtout chez les invertébrés aquatiques et la toxicité a principalement été décrite chez les poissons et les mammifères. • Le lindane : γ-HCH (isomère gamma de l’hexachlorocyclohexane), est l’un des insecticides les plus puissants (5 à 20 fois plus toxique que le DDT pour les insectes). En France, cet insecticide, maintenant interdit, était l’un de ceux dont le tonnage utilisé était le plus important (1 122 tonnes en 1996 ; lindane et endosulfan : 135 tonnes en 2001). Il serait rapidement métabolisé et excrété chez les oiseaux et peu accumulé dans les tissus (Blus et al., 1984). Chez les tourterelles Columba livia recevant des doses journalières de lindane de 72 mg.kg–1 pendant 5 jours, le foie présente des concentrations de 19 à 67 mg.kg–1 (pf) ; 15 jours après l’exposition, la concentration hépatique est encore de 4 1. Les tonnages de pesticides commercialisés en France proviennent de l’IUPP : Union des industries de la protection des plantes-Boulogne-Billancourt, France ([email protected]/www.uipp.org).
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à 37 mg.kg–1(pf). Hormis les cas d’exposition excessive, peu d’implications de cette substance sont signalées dans la reproduction des oiseaux. Quoique interdit depuis 1998, le lindane semble toujours utilisé de façon illicite en Camargue, dans les rizières, contre la tordeuse du riz (Ramade, communication personnelle). • Hexachlorobenzène (HCB). Ce fongicide autrefois utilisé pour le traitement des semences est aussi un déchet industriel de production de solvants chlorés et un contaminant de l’herbicide chlozthal. C’est une substance persistante dans l’environnement qui est retrouvée en concentration élevée dans le foie, le cerveau et les œufs des oiseaux (caille japonaise et faucon crécerelle) dont la nourriture a été contaminée par le HCB. Les effets sur l’éclosion des œufs de caille sont variables selon les auteurs. • L’heptachlore, insecticide dont certaines utilisations ont été interdites aux États-Unis en 1983, semble rapidement métabolisé en heptachlore époxyde chez les vertébrés. Des effets inhibiteurs de la reproduction chez diverses espèces d’oiseaux ont été signalés, par exemple chez les oies du Canada (Branta canadensis) ou chez les éperviers américains (Falco sparverius), lorsque les œufs contenaient des concentrations respectivement supérieures à 10 et 1,5 mg.kg–1. En France, Havet (1973) a constaté que la survie des perdrix grises (Perdix perdix) et de la perdrix rouge (Alectoris rufa) est réduite lorsque les œufs contiennent 3 à 7 ppm de pf d’heptachlore. Chez la caille japonaise C. coturnix, l’éclosabilité n’est pas affectée mais la survie des poussins est diminuée de moitié lorsque les œufs contiennent de 14 à 17 ppm pf d’heptachlore. • Le mirex, autre insecticide organochloré, signalé dans la revue de Wiemeyer (1996), se concentre dans le cerveau des oiseaux ; c'est l’un des plus stables et persistants des organochlorés connus. Ses produits de dégradation incluent l’hexachlorobenzène et le chlordécone (képone), dont l’accumulation dans le foie a été démontrée respectivement chez la caille japonaise et les oiseaux se nourrissant de poissons. • Herbicides (acides phénoxy-alcanoïques) Le 2,4,5 T est un défoliant puissant dérivé de l’acide phénoxyacétique. Le 2,4-D a été très largement utilisé en agriculture contre de nombreuses dicotylédones. Il a des effets nocifs surtout décrits chez la faune aquatique (insectes et poissons). Les herbicides de cette famille sont censés se dégrader rapidement, mais ce sujet donne cours à des controverses car des dérivés auraient une persistance importante. Il est étonnant que l’on ne dispose pas de plus de données sur le devenir et la bioconcentration animale de ces pesticides qui représentent un tonnage commercialisé important en France2 (4 806 sur 36 052 tonnes d'herbicides en 1996 ; 2 527 sur 32 122 tonnes d'herbicides en 2001). On connaît pourtant les effets toxiques et tératogènes de ces substances sur le développement embryonnaire des oiseaux. Après traitement des œufs de faisans, de perdrix (rouges et grises) par le 2,4-D, les tubules testiculaires des embryons sont entièrement dépourvus de gonocytes et les ovaires sont dépourvus de cordons de Pflüger (Lutz-Ostertag & Lutz, 1971). Le canal de Müller gauche des embryons mâles ne régresse pas et se développe comme chez une femelle. Chez les embryons femelles, la gonade droite ne régresse pas et présente soit une structure ovarienne, soit une structure testiculaire. Chez des cailles japonaises dont les œufs ont été pulvérisés au stade non incubé ou incubés de 3 à 7 jours avec du 2,4-D commercial aux doses prescrites par le fabricant (1 100 g à l’hectare), le taux d’éclosion est réduit (50 % environ) (Lutz-Ostertag & Lutz, 1974). Parmi les 2. IUPP : Union des industries de la protection des plantes, France ([email protected]/www.uipp.org).
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survivants, ceux qui atteignent l’état adulte (avec les anomalies génitales décrites précédemment) se reproduisent et pondent des œufs ; les embryons de cette 2e génération possèdent les mêmes anomalies du tractus génital que leurs parents. Les auteurs émettent l’hypothèse que des résidus de pesticides sont stockés dans les ovaires des parents comme l’avaient supposé Baxter et al. (1969) et Jefferies (1971) pour des insecticides organochlorés (dieldrine et DDT respectivement) chez les faisans et des passereaux. Ces hypothèses mériteraient d’être précisées par des mesures de concentration des métabolites du 2,4-D et des insecticides dans les organes des oiseaux de 2e génération. Le 2,4 D vient d'être réévalué dans le cadre de la Directive g1/414 et aucun effet in vivo n'aurait été observé sur la reproduction des oiseaux (Rivière, communication personnelle). HPCs : hydrocarbures polychlorés (= PCH : polychlorinated hydrocarbons) 3.2.3.1.2.1. Sites d’action, facteurs d’équivalence toxique (FETs) et équivalents toxiques (EQTs) des principaux groupes (PCB, DDPC et DFPCs)
De nombreux HPCs synthétiques sont très largement répandus dans l’environnement depuis le développement des industries des matières plastiques (agents de transferts de chaleur, lubrifiants), l’incinération des déchets, le blanchiment du papier kraft avec des produits chlorés et la production d’herbicides (2,4,5-T) contenant des impuretés (Eisler, 1986a ; Eisler & Belisle 1996). Certains HPCs sont très persistants et peuvent être bioconcentrés et biomagnifiés. Parmi eux, quelques classes causent des effets adverses à très faibles concentrations dans les biotopes (Safe, 1990). Les trois groupes qui présentent le plus de problèmes sont : – les PCBs (biphényles polychlorés = polychlorinated biphenyls = PCBs), – les DDPCs (dibenzo-p-dioxines polychlorés ou polychlorinated dibenzo-p-dioxins = PCDDs). – Et les DFPCs (dibenzofuran polychlorés ou polychlorinated dibenzofurans = PCDFs). L’ensemble constitue 419 produits congénères (209 PCBs, 75 DDPCs et 135 DFPCs). Les HPCs sont très souvent des mélanges complexes dont la toxicité aiguë peut varier de plusieurs ordres d’amplitude, les plus toxiques étant les 2,3,7,8 dioxines chlorés et les congénères planaires pPCBs ou coplanaires PCBs3. Généralement, les HPCs ne provoquent pas de toxicité aiguë mais induisent des réponses chroniques et peuvent s’accumuler dans les prédateurs de « sommet » de chaîne trophique. C’est ainsi, par exemple, que les oiseaux vivant en colonies et se nourrissant de poissons de l’écosystème des Grands Lacs en Amérique ont été utilisés comme bioindicateurs des contaminations par les HPCs (Giesy et al., 1994a). En effet, les poissons de ces lacs contiennent des HPCs dangereux qui sont bioconcentrés et bioamplifiés chez les prédateurs terrestres comme les oiseaux (aigles, pygargues, sternes…) et les mammifères (visons). 3. Les congénères PCBs sont identifiés par des numéros assignés par l’IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry) et les formules commercialisées sont vendues sous une variété de noms, par exemple Aroclors (aux États-Unis). Les Aroclors sont des mélanges de PCBs dont le numéro indique le pourcentage de contenu en chlore. Exemple : Aroclor 1 254 contient 54 % de son poids en chlore.
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La similarité de structure et de conformation moléculaire des p-HPCs est responsable d’effets toxiques communs par l’intermédiaire des récepteurs protéiques cytosoliques spécifiques (rAh = AhR : récepteurs hydrocarbure aryl ou aryl hydrocarbon receptor). La potentialité relative d’induction d’effets biochimiques ou toxiques par des congénères p-HPCs ou des mélanges complexes, qui ont une grande affinité pour les récepteurs Ah et induisent les enzymes microsomiales MFO (multifunction oxydase) incluant les activités AHH (aryl hydrocarbon hydroxylase) et EROD (7,ethoxyresorufin-O-deethylase), peut être exprimée en équivalents par rapport au plus toxique, le 2,3,7,8-TCDD. On calcule les équivalences toxiques (EQTs = équivalent TCDD ou en anglais TEQs = TCDD equivalents ou toxic equivalent) d'un mélange de HPCs à partir des facteurs d'équivalence toxique (FETs), en multipliant la concentration de chaque congénère par son FET et en faisant la somme des produits. Les concentrations EQTs dans les échantillons (sols, sédiments, tissus animaux) sont calculées en utilisant l'équation suivante, objet d'un consensus sous l'égide de l'OMS (WHO : World Health Organization, 1998 ; Van den Berg et al., 1998b). EQT-OMS = TEQ-WHO = Σ Ci × FETi où Ci : concentration de chaque congénère, FETi : FET de chaque congénère ; soit : EQT-OMS = Σn1 [PCDDi × FETi ] + Σn2 [PCDFi × FETi ] + Σn3 [PCBi × FETi ]. Depuis 1993, k des données ont été obtenues sur les toxicités relatives de composés « dioxinelike » qui ont permis d'établir des FETs reconnus par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les Hommes, les mammifères, les poissons et les oiseaux (Van den Berg et al., 1998b). À titre d'exemple, nous présentons les FETs de quatre congénères parmi l'ensemble de ceux dont la toxicité relative a été établie (Tableau 47). TABLEAU 47
Exemples de FETs de congénères HPCs. Facteurs d'équivalence toxique (FETs)* (WHO, 1998 ; Van den Berg et al., 1998b) Congénères HPCs
Hommes/mammifères
Poissons
Oiseaux
2,3,7,8,-TCDD 2,3,7,8,-TCDF 1,2,3,7,8,9-Hx CDD 3,3',4,4',5,5'-Hx CB (PCB 169)
1 0,1 0,1 0,01
1 0,05 0,01 0,000 05
1 1 0,1 0,001
* Les FETs sont basés sur la dose administrée chez les mammifères, tandis que chez les poissons et les oiseaux, ils sont établis à partir de l'analyse des résidus (concentrations dans les tissus ou dose injectée dans les œufs).
Les facteurs d’équivalence toxique (FETs) permettent de comparer les profils d’accumulation des congénères PCDD, PCDF et dioxine-like non- et mono-ortho PCBs chez les oiseaux suivant leurs lieux d’alimentation et leur écologie. Pour les quatre congénères choisis, nous avons relevé les équivalences toxiques (EQTs) mesurées dans les œufs de faucon crécerelle américain (Falco sparverius), par Coady et al. (2001) (données partielles) (Tableau 48).
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TABLEAU 48
Exemple de calcul des EQTs (équivalent TCDD) à partir des concentrations en congénères d'HPCs et des FETs (facteurs d'équivalence toxique). Site de référence
Congénères HPCs
FETs
Site Arsenal des Montagnes Rocheuses
[Concentration (en pg.g–1 poids frais) × FET] 2,3,7,8,-TCDD 2,3,7,8,-TCDF 1,2,3,7,8,9-Hx CDD 3,3',4,4',5,5'-Hx CB (PCB 169) Total partiel EQTs (pg EQT.g–1 poids frais œuf )
1 1 0,1 0,001
1,02 × 1 = 1,02 4,12 × 1 = 4,12 1,17 × 0,1 = 0,117 39,6 × 0,001 = 0,039 6
1,06 × 1 = 1,06 0,73 × 1 = 0,73 2,65 × 0,1 = 0,265 7,8 × 0,001 = 0,007 8
5,296 6
2,062 8
Il existe toutefois quelques inconvénients associés à la détermination des EQ-TCDDs dans les mélanges complexes car les analyses du grand nombre de p-HPCs trouvés dans les échantillons nécessitent des analyses chimiques longues et coûteuses (Ankley et al., 1993). De plus, l’existence d’interactions (synergiques ou antagonistes par exemple) de produits congénères peut compliquer l’interprétation des analyses. Enfin, les FETs dépendent des espèces animales et des points finaux considérés (Giesy et al., 1994a, b). Le concept de FET a été réexaminé au cours d’une réunion internationale organisée par l'OMS (= WHO) à Stockholm en 1997 avec révision des FETs de quelques mammifères (applicables aux espèces sauvages et à l’Homme) et établissement des FETs pour les poissons et les oiseaux. Le manque de données n’a pas permis de proposer de FETs pour les amphibiens et les reptiles. De même, à cette date, le développement de FET chez les invertébrés n’a pas été recommandé à cause du peu de certitude de l’activation du récepteur Ah ou d’une toxicité TCDD-like chez ces organismes (Van den Berg et al., 1998b). Plusieurs tableaux font état des connaissances concernant les FETs de différents congénères de dioxines et de PCBs pour les vertébrés. L’ensemble des données qui ont servi à la compilation aboutissant à des valeurs spécifiques de FETs peut être obtenu à l’European Centre for Environment and Health, WHO, Bilthoven aux Pays-Bas. Une harmonisation complète n’a pas été possible car il existe plusieurs ordres de différence d’amplitude entre les FETs de certaines espèces et de quelques composés. Malgré ces imperfections, le concept de FET est encore l’approche qui semble la plus plausible et la plus réalisable pour évaluer le risque représenté par les hydrocarbures halogénés aromatiques aux propriétés dioxine-like. Pour contourner la difficulté des analyses chimiques qui sont à la base de la détermination des EQTs, des méthodes alternatives de détermination des EQ-TCDDs de mélanges complexes de p-HPCs ont été développées en utilisant des systèmes cellulaires in vitro fonctionnant comme des détecteurs chimiques. Parmi ceux-là, les cellules H4IIE d’hépatome de rat ont été utilisées pour évaluer la toxicité potentielle d’hydrocarbures halogénés chez les oiseaux. En effet, ces substances induisent une activité enzymatique spécifique monooxygénase (MO) de type cytochrome P450 par l’intermédiaire du récepteur Ah (Tillitt et al., 1991a, b). Les avantages et les inconvénients des différents bioessais de cultures cellulaires (H4IIE) ont été examinés par Giesy et al. (1994a) en prenant des exemples dans les analyses des tissus d’oiseaux se nourrissant de poissons. Leur comparaison des données obtenues par les analyses
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chimiques d’une part et les bioessais d’autre part montrent des corrélations positives entre les deux sortes d’évaluations avec sous-estimation des EQ-TCDDs mesurées. Ces auteurs décrivent les méthodes utilisées à cette époque pour obtenir les EQ-TCDDs et donnent un tableau des composés qui peuvent agir sur les récepteurs Ah. Ils font le point sur l’état des connaissances concernant la distribution de ces composés dans l’environnement en relevant le fait que pour certains, comme les PCDTs (dibenzothiophènes polychlorés), formés pendant l’incinération de composés organiques contenant du soufre et du chlore, on connaît peu leur persistance, leur bioconcentration et leurs propriétés biologiques. Les bioessais in vitro avec les cellules H4IIE ont été perfectionnés par transfection stable dans cette lignée cellulaire du gène de la luciférase sous le contrôle du récepteur Ah. Dans le bioessai H4IIE-luc, la luciférase produite par le gène clive la luciférine du substrat ajouté et produit de la luminescence d'une manière dose-dépendante (Sanderson et al., 1996). Les cellules H4IIE ont aussi été modifiées par recombinaison avec des gènes vecteurs d'expression, inductibles par les PCB/PCDD/PCDF qui permettent d'augmenter la sensibilité des bioessais (Garrison et al., 1996). Des cultures primaires de cellules d’oiseaux (hépatocytes et cellules de thymus) ont également été mises au point pour un certain nombre d’espèces (poules et oies domestiques, dindes, faisans, cormorans, goélands, faucons crécerelles américains). Ces cultures révèlent l’existence de différences d’affinité de liaison des TCDDs au récepteur Ah entre les espèces (Sanderson & Bellward, 1995 ; Kennedy et al., 1996 ; Giesy & Kannan,1998 ; Sanderson et al., 1998 ; Van den Berg et al., 1998b). Ces observations justifient les précautions à prendre dans l’interprétation des propriétés de liaison du récepteur Ah suivant les espèces, bien que ce récepteur ait été bien conservé au cours de l’évolution. Cela indique qu’il exerce des fonctions physiologiques importantes et qu’en conséquence le concept FET peut être utilisé pour les différents taxons. 3.2.3.1.2.2. Exemples d’analyses de bioaccumulation d’HPCs et comparaison avec les seuils de toxicité (NOAEL et LOAEL) Région des Grands Lacs d'Amérique du Nord
En examinant les relations entre les composés halogénés synthétiques de la région des Grands Lacs et leurs effets chez les vertébrés terrestres, Giesy et al. (1994a), dans leur synthèse consacrée aux oiseaux d'eau, ont constaté que la mortalité dans l’œuf et les malformations des poussins des oiseaux sauvages sont corrélées avec les concentrations de plusieurs composés. De plus, les types de conséquences observés sont les mêmes que ceux qui sont provoqués par ces composés chez des animaux « modèles » en laboratoire (poulet, caille, faisans…) pour des concentrations comparables. À partir des années 1990, des analyses de bioaccumulation d’HPCs ont été réalisées dans diverses espèces d’oiseaux en différents biotopes avec des résultats que l’on peut comparer aux valeurs toxiques seuils (NOAEL et LOAEL) établies expérimentalement pour quelques espèces. Une « échelle » des seuils de toxicité de 2,3,7,8-TCDD et des TCDD-EQs couramment trouvés dans les œufs des espèces des Grands Lacs figure dans la synthèse de Giesy et al. (1994a) (fig. 1, p. 251).
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Dans le Wisconsin (États-Unis), Jones et al. (1993) ont déterminé les équivalents TCDDEQs dans les tissus et les œufs d’oiseaux terrestres et aquatiques de Green Bay. Pour cela, ils ont utilisé les bioessais H411E selon Tillitt et al. (1991b) et les valeurs de FETs de Tillitt et al. (1991b), ainsi que celles de Safe (1990) qui existaient à l’époque. Les concentrations de TCDD-EQ s’échelonnaient de 0,52 à 440 ng.kg–1 de poids frais. Les plus fortes concentrations se trouvaient chez les oiseaux se nourrissant de poissons (sternes : Sterna hirundo et S. forsteri) avec une prédominance des PCBs nonortho-substitués et peu de PCDD/DF. Chez les oiseaux terrestres (hirondelles des arbres : Tachycineta bicolor et le merle aux ailes rouges : Agelaius phoeniceus), au contraire, la proportion des PCDD/DFs des TCDD-EQs était plus grande. Ce qui montre que les concentrations des divers congénères HPCs diffèrent suivant le niveau trophique et le type de chaîne alimentaire. Toujours dans la région des Grands Lacs, qui présente un ensemble remarquable de milieux humides au voisinage de complexes industriels imposants, quatre espèces d’oiseaux sauvages qui se nourrissent de poissons contaminés, Larus argentatus (goéland), Haliaeetus leucocephalus (pygargue à tête blanche), Sterna caspia et Phalocrocorax auritus (cormoran) ont été étudiées (Giesy et al., 1994a). Parmi celles-là, les cormorans (P. auritus) sont les espèces les plus sensibles. Leurs œufs ont des concentrations en PCBs (0,9–7,3 mg.kg–1 pf) plus grandes que leurs NOAEL (0,35 mg.kg–1 pf) et des concentrations en TCDD-EQs de 3,5 à 337 ng.kg–1 pf suivant les localités, avec des pourcentages de mortalité de 8 à 37 %. À partir de ces données et des concentrations en contaminants des catégories de poissons consommées par chacune des espèces d’oiseaux, le calcul des facteurs de bioconcentration et de bioamplification permet de prédire la concentration en HPCs de l’eau (critère de qualité de l’eau) qui correspondrait à la dose de référence (NOAEL) dans les œufs. Celle-là ne devrait pas être dépassée pour protéger les oiseaux sauvages. Il existe cependant un degré d’incertitude dans l’accumulation des TCDDs à partir de l’eau car la concentration EQTCDD des « poissons fourrage » du lac Huron est approximativement de 10 pg.g–1 pf.EQTCDD, tandis que celle des grosses truites du lac est de l’ordre de 350 pg.g–1pf. L'influence du régime alimentaire sur la concentration en dioxines et congénères PCBs des œufs d'oiseaux a été confirmée par Custer et al. (2002) chez trois espèces de la vallée de la rivière Wisconsin (États-Unis) en aval des rejets d'une usine de blanchiment de pâte à papier. Les œufs de harle couronné (Lophodytes cucullatus) piscivore ont les plus fortes concentrations (7 pg.g–1 pf TCDD et 0,92 µg.g–1 pf PCBs), ceux du canard (Aix sponsa) omnivore ont les concentrations les plus faibles ( 90 %) des EQsTCDD des œufs de cormorans et de sternes des Grands Lacs est constituée de p-PCBs (Jones et al., 1993) et principalement de congénères non-ortho-chlorés : 126, 77 et 169 et de congénères mono-ortho-chlorés 105 et 118. Au contraire, chez les oiseaux de proie terrestres des Montagnes Rocheuses (États-Unis), les proportions moyennes des concentrations EQTOMS en PCBs varient de 24 à 39 % dans le foie des grands-ducs et celles des œufs de faucon crécerelle de 21 à 57 % selon les échantillons et les méthodes de calcul (Coady et al., 2001). Au Japon et dans le reste du monde
Au Japon, l’accumulation des congénères PCDDs, PCDFs et dioxine-like PCBs a été mesurée par Senthilkumar et al. (2002a) dans le foie de 17 espèces d’oiseaux réparties en quatre groupes suivant leur type d’alimentation : granivores, piscivores, omnivores et prédateurs (Tableau 50). L’examen du tableau 50 montre que les concentrations en PCDDs, PCDFs et dioxine-like PCBs trouvées par Senthilkumar et al. (2002a) varient selon les espèces et que les proportions de chacune des classes de composés diffèrent suivant le régime alimentaire. Les rapports (R) = concentrations en PCDD/PCDF sont intéressants à considérer. Ils renseignent sur les types de contamination auxquels sont soumis les oiseaux suivant leur nourriture et leur habitat. Ainsi, chez les granivores (faisans) : R= 0,5, chez les piscivores (aigrettes) R = 1 : et chez les omnivores (mouettes rieuses) : R = 0,4. En revanche, chez les prédateurs, on distingue deux extrêmes, avec d’une part le faucon crécerelle (Falco tinnunculus : R = 1,7) mais qui présente les concentration les plus faibles (total PCDD/DFs = 940 ng.g–1 et total dioxine-like BCPs = 32 ng.g–1 poids de lipides du foie), et d’autre part l’aigle des montagnes (Spizaetus nipalensis) (R= 0,6) avec les plus fortes concentrations (total PCDD/DFs = 490 000 ng.g–1 ; total dioxine-like BCPs = 55 000 ng.g–1 poids de lipides du foie). Les analyses ont permis de doser séparément 17 congénères PCDD/Fs, 4 non-ortho-PCBs et 8 mono-ortho-PCBs. Les principaux congénères sont 2,3,4,7,8-PeCDF (pentachlorodibenzofurane), 2,3,7,8-TCDD/TCDF et les congénères PCBs : IUPAC 126 et 77. Les concentrations en PCDD/Fs (totaux) se classent par ordre croissant : granivores < omnivores < piscivores < prédateurs et pour les PCBs-dioxine-like : granivores < prédateurs (sans l’aigle des montagnes) < piscivores < omnivores (sur la base du poids de lipides du foie). Des résultats similaires ont été observés, toujours au Japon, par Kang et al. (2002) qui ont mesuré la biomagnification de 25 PCDDs/DFs chez le fuligule morillon (Aythya fuligula) et le grand cormoran (Phalacrocorax carbo). Les concentrations en PCDDs/DFs totaux étaient supérieures dans les tissus musculaires des cormorans (PCDDs/DFs-EQT = 28,5 pg.g–1 ps) par rapport aux valeurs mesurées dans les canards (PCDDs/DFs-TEQ = 9,62 pg.g–1 ps). Bien que l’un des congénères les plus toxiques (1,2,3,7,8-PeCDD) ait un facteur de bioamplification supérieur à 1, les auteurs concluent qu’il n’y a pas de bioamplification marquée des PCDDs/DFs dans la chaîne trophique étudiée et que la bioamplification diminue avec l’augmentation du degré de chloration des congénères. Si l’on considère plus particulièrement les granivores qui sont typiquement terrestres, on constate que les concentrations en PCDD/DFs chez les poules domestiques (Gallus gallus), élevées dans plusieurs pays, sont du même ordre de grandeur. En Belgique, Covaci et al.
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(2000) trouvent 3 à 119 pg.g–1 de lipides ; en Inde, Senthilkumar et al. (2001) indiquent 11 pg.g–1 de lipides et au Japon, Senthilkumar et al. (2002a) mesurent 80 µg.g–1 de lipides. Ces derniers auteurs ont trouvé chez les pigeons bisets (Columbia livia) une concentration en PCDD/DFs de 660 pg.g–1 (lipides), plus élevée que celle des poules, mais une concentration identique en PCB-dioxine-like (35 ng.g–1 et 32 ng.g–1 de lipides). Les faisans ont des concentrations en PCDD/DFs de 480 pg.g–1 et en PCB dioxine-like de 83 ng.g–1 de lipides, qui sont toutes les deux supérieures à celles des poules, ce qui d’après Senthilkumar et al. (2002a) pourrait être dû au fait que la nourriture des faisans comporte des vers et des insectes. En utilisant les FETs-OMS pour les oiseaux (Van den Berg et al., 1998b), Senthilkumar et al. (2002a) ont ensuite calculé les EQTs totaux : ils vont (en pg.g–1 de lipides du foie), de 53 (poules) à 480 (faisans) pour les granivores, de 520 (Anas poecilorhyncha) à 28 000 (Ardea cinerea) pour les oiseaux aquatiques, de 560 à 83 000 chez les omnivores, de 430 (Falco tinnunculus) à 5 800 (Accipiter gentilis) pour six des prédateurs et enfin atteignent 450 000 chez l’aigle des montagnes (Spizaetus nipalensis). Par la suite, Watanabe et al. (2005) ont analysé les contenus en PCDDs, PCDFs et PCBs dans le tissu musculaire (poitrine) de deux espèces de corbeau (le corbeau familier, Corvus splendens et le corbeau à gros bec, Corvus macrorhynchos) vivant à proximité d’une décharge à ciel ouvert dans le Sud de l’Inde. Les EQTs étaient supérieurs dans les corbeaux de la décharge (60 pg.g–1 lipides) par rapport à ceux des individus du site de référence (26 pg.g–1 lipides), en particulier pour certains congénères que l’on trouve dans le commerce comme les CB-77 et 105. Les auteurs ont également mis en évidence d’une part des corrélations positives entre les FBCs (corbeaux/sol) des PCDDs/DFs et les FBC calculés à partir des coefficients de partage particule/eau et lipide/ eau ; et d’autre part, des corrélations négatives entre les FBCs et le poids moléculaire des PCDDs/DFs. L’ensemble des résultats suggère que les congénères dioxine-like dans le sol se transfèrent directement aux corbeaux via l’ingestion de déchets contaminés par le sol plutôt que par la voie trophique dans l’écosystème. Le travail considérable mené au Japon sur 17 espèces d’oiseaux montre l’influence du régime alimentaire et de l’habitat sur les concentrations en hydrocarbures polychlorés du foie. Parmi ceux-là, les concentrations en PCDDs et PCDFs sont plus élevées que celles signalées jusqu’à présent (Tableau 50). Les concentrations en PCBs-dioxine-like sont aussi plus grandes que celles décrites en Inde (Senthilkumar et al., 2001), aux États-Unis (Jones et al., 1996), au Canada (Elliott et al., 1996b ; Elliott & Norstrom, 1998), en Suisse (Zimmermann et al., 1997). Elles sont cependant similaires à celles trouvées en Pologne pour le pygargue Haliaeetus albicilla (Falandysz et al., 1994) et au Japon chez les cormorans communs (Iseki et al., 2000) ; toutefois, les valeurs sont inférieures à celles des cormorans de l’île japonaise d’Odaiba (Guruge et al., 2000). Les concentrations en HPCs déterminées représentent des données importantes pour savoir si les efforts entrepris pour réduire les émissions de dioxine au Japon dans les années 1990 vont se répercuter dans la contamination des oiseaux. En ce qui concerne les potentialités toxiques des concentrations élevées dans le foie, on constate que les équivalences toxiques (EQTs-OMS) sont pour la plupart inférieures à 25 ng.g–1 (poids de lipides du foie), déterminée par Bosveld et al. (2000) comme LOAEL pour l’induction de CYP1A et la réduction du taux de tyrosine plasmatique chez les poussins de sterne pierregarin (Sterna hirundo). Les hérons, les mouettes rieuses et surtout l’aigle des montagnes ont des EQTs-OMS nettement plus élevées, mais l’on manque de valeurs toxiques seuils (NOAEL et LOAEL) dans le foie pour la plupart des espèces. On ne peut
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donc pas comparer les concentrations suggérées par Elliott et al. (1996a) dans les œufs d’Haliaeetus leucocephalus avec celles déterminées dans le foie. Il est donc nécessaire de réaliser des analyses sur le même organe (foie, par exemple, à cause de son rôle dans le métabolisme des xénobiotiques) et d’établir si possible des correspondances avec les concentrations dans les œufs à cause des malformations embryonnaires induites par ces substances. TABLEAU 50
Comparaison des concentrations en PCDDs, PCDFs et dioxine-like PCBs dans les tissus d’espèces d’oiseaux réparties dans le monde.
Pays région
Oiseaux
Tissus
2,3,7,8-PCDD/DFs (somme ) (pg.g–1 pf )
Dioxine-like BPCs (pg.g–1 pf )
Référence
Mer Baltique
Haliaeetus albicilla Pygargue à queue blanche
Muscle
265
3 490 à 30 310
Koistinen et al. (1997)
Canada
H. leucocephalus Pygargue à tête blanche
Foie
44 à 6 550
98 à 7 898c
Elliott et al. ( 1996b)
Plasma
1à9
10 à 65
Elliott & Norstrom (1998) Senthilkumar et al. (2001a)
Inde
Jeune hibou
2 321 à 3 288 moyenne 2 646
34 083 à 109 274 moyenne 62 967a
Japon
Cormoran commun
5 800 à 70 000 moyenne 41 000
6 600 à 300 000 moyenne 67 000b
Iseki et al. (2000)
Cormoran
55 à 9 741 ND
Van den Berg et al. (1987)
Hollande Héron
Foie
455 à 957
Japon
Granivores (3 espèces)
80 à 660
32 à 83b
Japon
Piscivores (8 espèces)
33 à 16 000
61 à 12 000b
Japon
Omnivores (3 espèces)
2 300 à 8 000
1 800 à 67 000
Japon
Prédateurs (7 espèces)
480 à 490 000
32 à 55 000b
Suisse
Oiseaux d'eau (32)
Muscle
ND
1 493 à 31 759b
Zimmermann et al. (1997)
Océan Pacifique Nord (Midway Atoll)
Albatros
Foie
40 à 57a
63 à 89c
Jones et al. (1996)
a
b
Senthilkumar et al. (2002a)
pg.g–1 poids lipide ; b : ng.g–1 poids lipide; c : ng.g–1 poids net ; ND : non déterminé.
Ainsi, les proportions relatives des PCBs dans les mélanges d’hydrocarbures aromatiques halogénés varient avec les lieux d’exposition, mais aussi avec le temps et avec les espèces et leur niveau trophique. L’évaluation du risque des PCBs pour la faune sauvage et l’Homme a été principalement basée soit sur les concentrations totales en PCBs, soit sur les équivalents en TCDD-dioxine (EQTs) en utilisant les facteurs d’équivalence toxique (FETs). Cette estimation du risque peut être sous-estimée car certains PCBs peuvent avoir des effets non dioxine-like, dont la compréhension des mécanismes et leurs manifestations biologiques font l’objet de développements présentés par Giesy & Kannan (1998). Ce sont surtout les congénères ortho-substitués, n’interagissant pas avec le récepteur Ah, qui induisent des altérations neurologiques (principalement étudiées chez les mammifères car certains PCBs
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s’accumulent dans le cerveau). Aussi, d’autres recherches sont nécessaires pour analyser l’action des congénères PCBs ortho-substitués sur la faune sauvage. 3.2.3.1.2.3. Application à l’établissement de critères de charges pour l'épandage de boues contenant de la dioxine ou des composés « dioxine-like »
Étant donné la toxicité des dioxines et des organochlorés dioxine-like et leur demi-vie dans les sols (10 à 12 ans selon Young, 1983 ou plus selon Yanders et al., 1989), les épandages de boues contenant des dioxines (boues de l’industrie du papier par exemple) ont fait l’objet de critères (US EPA, 1991) qui ne tiennent pas compte du fait que ces boues ne sont pas enfouies dans le sol, mais constituent une mince pellicule superficielle. Pour mettre au point une méthode qui protège la faune sauvage, Thiel et al. (1995) proposent de prendre en compte d’une part la charge totale en TCDD et composés TCDD-like déversée sur le sol (plantations), et d’autre part le facteur de bioaccumulation chez l’espèce d’oiseau du site d’épandage qui présente les plus grands facteurs de bioaccumulation. Les embryons d’oiseaux étant parmi les organismes terrestres les plus sensibles, les restrictions d’exposition aux dioxines compatibles avec la sauvegarde des œufs d’espèces sensibles à ces substances doivent protéger les autres animaux. À partir des données expérimentales ayant permis à Nosek et al. (1992) d’estimer chez les faisans (Phasianus colchicus) un taux de transfert de 1,1 % de dioxine de l’adulte aux œufs et de définir la NOAEL pour la mortalité embryonnaire de cette espèce à 100 µg.g–1 d’œuf (Nosek et al., 1993), le Département des ressources naturelles du Wisconsin (États-Unis) propose que la somme de la masse de TCDD plus 0,001 3 fois la masse de TCDF n’excède pas 1,3 mg par hectare (Thiel et al., 1995). Cette proposition intègre un coefficient de sensibilité de 0,1 par rapport aux données toxicologiques d’autres espèces plus sensibles comme les colins de Virginie (Allred & Strange, 1977) ou les poules (Nosek et al., 1992) qui peuvent pondre des œufs avec des concentrations en TCDD/DF sensiblement identiques à celles du sol après un séjour de 30 jours sur un sol contaminé (Petreas et al., 1991). En conclusion, les auteurs donnent des conseils pratiques de collecte des œufs qui diffèrent selon la pratique culturale concernée : en sylviculture, ils recommandent de sélectionner des espèces d’oiseaux se nourrissant de vers de terre et d’insectes qui accumulent déjà les dioxines. Pour les zones de cultures, ils préconisent d'analyser la contamination des espèces granivores qui sont susceptibles d’ingérer des boues avec les graines. Dans les deux cas, ils conseillent de mesurer les concentrations dans les œufs, qui constituent un indicateur sensible.
3.2.3.2 Rodenticides Les rodenticides incluent des ingrédients actifs, qui sont pour la plupart des anticoagulants : brodifacoum, bromadiolone, chlorophacinone, diphacinone et son sel de sodium, et pival et son sel de sodium. La brométhaline agit comme neurotoxique. L'emploi de ce groupe de pesticides très actifs sur les mammifères présente des risques pour l'environnement et la santé humaine. Des évaluations périodiques des conditions d'emploi et des données sur l'action et le devenir dans l'environnement des ingrédients actifs sont réalisées sous le contrôle d'organismes de la qualité de l'alimentation (FQPA, 1996, Food Quality Protection Act aux ÉtatsUnis, public law 104-170) et de protection de l'environnement tels que l'US EPA (1998a) (738-R-98-007). Dans ce dernier document, on trouve un état détaillé des données concernant
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la composition chimique, la toxicité, les risques écologiques connus et le réexamen des conditions d'emploi et de décisions d'homologation des différents rodenticides anticoagulants aux États-Unis. En France, le réseau SAGIR de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, chargé de la surveillance de l'état sanitaire de la faune sauvage, fait régulièrement le bilan des mortalités anormales d'animaux sauvages lors des luttes collectives par appâts empoisonnés contre les campagnols. Parallèlement, l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) a rendu un avis (AFSSA 2001, saisine n° SA-0051) relatif à « l'évaluation des effets sanitaires induits chez l'Homme par l'usage de bromadiolone pour la destruction des campagnols ». Cet avis prend en compte les données toxicologiques de la bromadiolone (BR) chez l'animal de laboratoire (le rat étant considéré comme l'espèce la plus sensible) pour évaluer la toxicité de la BR chez l'Homme. Considérant les transferts dans l'eau, les végétaux et les organismes animaux, elle émet des recommandations sur la consommation de tissus (principalement le foie) de certains gibiers. Enfin, elle admet que « la connaissance du devenir dans l'environnement de la BR mériterait d'être complétée par des études plus approfondies (étude de la biodégradabilité dans les sols…) ». Jusqu'à présent, les données les plus détaillées concernent principalement les toxicités aiguës ou subaiguës pour les mammifères. Cependant, le document de l'EPA (1998a) contient une série de huit tableaux consacrés à la toxicité aiguë et subaiguë pour les oiseaux tests (canard colvert : Anas platyrhynchos et colin de Virginie : Colinus virginianus) pour lesquels le brodifacoum (BF) est très fortement toxique, de même que la bromadiolone (BR) pour les effets sublétaux. La présomption des risques de toxicité aiguë est évoquée pour les oiseaux granivores. Le risque d'empoisonnement secondaire avec la chlorophacinone (CH) nécessite des tests secondaires en laboratoire car l'impact dans la nature est difficile à suivre lorsque les oiseaux, qui se nourrissent de proies empoisonnées, font des déplacements importants. La toxicité secondaire est signalée avec la diphacinone dans le cas d'empoisonnements de rapaces comme le grand duc Bubo virginianus, après empoisonnement de Peromyscus maniculatus avec des appâts contenant 0,01 % de matière active. Aux États-Unis, seules la chlorophacinone et la diphacinone sont utilisées en champ et aucune donnée de toxicité chronique sur la reproduction n'est fournie. Les effets sur la faune terrestre non-cible sont peu décrits et méritent d'être complétés par des recherches qui tiennent compte des caractéristiques physico-chimiques de ces substances. Par exemple, le BF se dégrade dans un sol limoneux sableux avec une demi-vie de 157 jours. La BR est relativement immobile dans les sols, sauf lorsque ceux-là sont pauvres en matière organique ou en argile. 97 % de la radioactivité de substance marquée (BR) restent dans la couche superficielle du sol. La demi-vie est annoncée tantôt de 50 jours, tantôt de 14 jours, mais les deux composés majeurs de dégradation de la BR sont persistants et leur mobilité et toxicité ne sont pas connues. La bioaccumulation de la BR est très élevée chez les poissons, avec des FBCs de 160 pour les tissus consommables et de 1 658 pour les tissus non consommables du crapet arlequin (Lepomis macrochirus) ; 35,8 et 16 % des résidus de bromadiolone sont encore respectivement retenus dans les tissus consommables et non consommables après 14 jours de dépuration. Dans les écosystèmes terrestres, il reste encore bien des inconnues sur le devenir et le transfert des anticoagulants (ACs), dont l'utilisation de la plupart est interdite en champs aux États-Unis (EPA, 1998a) ; l'usage principal étant réservé à la lutte contre les rats vecteurs de maladies
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en milieu urbain. En effet, les ACs présentent une persistance physiologique significative (Huckle et al., 1988). Étant donné la forte toxicité de ces produits, ce sont surtout les cas de mortalité qui sont les plus connus, car ils peuvent être spectaculaires aussi bien pour les espèces de rongeurs cibles que pour les espèces non-cibles, et en particulier les oiseaux qui se nourrissent soit directement des appâts (blé empoisonné par exemple), soit des cadavres de rongeurs intoxiqués. Les exemples qui ont fait l'objet de publications scientifiques citées par l'US EPA (1998a) concernent surtout le brodifacoum en Nouvelle-Zélande (Eason & Spurr, 1995) et des cas fréquents suivis de mort chez le grand duc (Bubo virginianus) et chez la buse (Buteo jamaicensis). Récemment, dans l'état de New York aux États-Unis, ce rodenticide a entraîné la mort d'animaux sauvages non-cibles (Stone et al., 1999). Dans New York, la mortalité de plusieurs espèces de rapaces et de vautours a augmenté depuis les années 1990, et de janvier 1998 à juin 2001, des ACs ont été détectés dans le foie (où se réalise la synthèse des facteurs de coagulation contrôlés par la vitamine K) de 49 % de 265 rapaces représentant 12 espèces (Stone et al., 2003). Les cas les plus fréquents suivis de mort sont relevés chez le grand duc (Bubo virginianus), également cité dans US EPA (1998a) et chez la buse (Buteo jamaicensis). La détection d'anticoagulants est aussi fréquente chez Accipiter cooperii et le hibou moyen duc Otus asio. Le BF a été détecté dans 84 % des cas positifs et la BR dans 22 % des cas. Ces deux anticoagulants ont été trouvés ensemble dans 15 oiseaux. Dans les cas positifs avec mortalité la concentration moyenne dans le foie est de 0,36 µg.g–1 pf (0,03–1,28) pour le BF et de 0,31 µg.g–1 pf (0,03–1,08) pour la BR. D'après Stone et al. (1999), ce serait le BF qui aurait le plus grand potentiel de mortalité dans les organismes sauvages non-cibles car il possède une grande persistance physiologique. En Grande-Bretagne, Newton et al. (1999) ont détecté, de 1983 à 1996, des ACs dans 26 % de 717 chouettes effraies (Tyto alba). Neuf cas de mortalité, dont huit avec hémorragie fatale, présentaient différentes concentrations (en µg.g–1) d'ACs dans le foie : BF (0,42 et 0,44), BR (0,33 et 1,07), difénacoun (0,11 et 0,17), BF + BR (0,07 + 1,72), BF + BR (0,25 + 0,14), BF + BR + flocoumafen (0,002 + 0,05 + 0,003). Les ACs peuvent également provoquer la vacuolisation et la nécrose des hépatocytes, comme cela a été observé chez les rats traités avec une dose de BR de 1,25 mg.kg–1 (Kumar & Saxena, 1993), ce qui incite ces auteurs à recommander des examens histopathologiques à des doses plus faibles chez d'autres espèces et avec d'autres ACs. En France, des traitements par les anticoagulants ont été pratiqués dans le centre et dans l'Est du pays. Dans le département du Doubs, par exemple, plusieurs campagnes de luttes collectives par appâts empoisonnés contre les campagnols terrestres (Arvicola terrestris) ont entraîné la mort de nombreux animaux sauvages (mammifères et oiseaux). Les bilans des différentes campagnes ont été réalisés par le réseau SAGIR (Ordinaire, 1997/1998 avec rappel des traitements antérieurs ; Ordinaire, 2001, pour les campagnes 1999 et 2000). Pour les différents traitements, nous rappelons les données pour lesquelles les effets secondaires ont été relevés à la suite d'utilisation d'appâts frais (carottes à 100 ppm de BR : 1991 à 1993), puis d'appâts secs (blé à 50 ppm de BR) après 1994. L'utilisation d'appâts secs réduit la quantité de BR répandue dans les prairies (20 kg.ha–1 au lieu de 40 kg.ha–1 avec les carottes), mais le nombre d'espèces non-cibles sujettes à empoisonnement direct augmente et affecte des oiseaux granivores (pigeons, perdrix…), les empoisonnements secondaires restant très importants (Tableau 51).
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Effets des traitements anticoagulants (ACs) contre les campagnols dans le département du Doubs sur deux espèces d'oiseaux protégées. Données du réseau SAGIR sur lesquelles des analyses du laboratoire de toxicologie de l'École nationale vétérinaire de Lyon ont confirmé l'empoisonnement par ACs. Les relevés d'oiseaux morts des associations de protection de la nature sont beaucoup plus importants.
TABLEAU 51
Espèce
Appâts : carottes 100 ppm BR Année
Buse variable : Buteo buteo Milan royal : Milvus milvus
1991
1993
58
13
1
5
Appâts : blé 50 ppm 1997/1998 88 6
Total
1998/1999 134 25
293 37
Lors de la campagne 1998/1999 (appâts de blé, 50 ppm) ont également été trouvés empoisonnés : chouette effraie (2), faucon crécerelle (2), grand corbeau (3), grand-duc (1), corneille noire (1), étourneau (1), héron (1), grive (1), merle noir (1) et perdrix rouge (1). Après analyse du foie, les concentrations diffusées par le réseau SAGIR (Ordinaire, 2001) montrent que pour les buses variables et les milans royaux, le principal AC responsable est la BR (90 % des cas), tandis que la CH (officiellement utilisée pour le campagnol des champs : Microtus arvalis) est reconnue dans 10 % des cas. Sur 125 analyses d'intoxications confirmées chez la buse, la concentration moyenne en BR dans le foie est de 3,6 µg.g–1 (pf), avec des variations importantes (0,2 à 20 µg.g–1) dont 28 au-dessus de 5 µg.g–1 ; la concentration moyenne en CH est de 3,5 µg.g–1 (1,7 à 7 µg.g–1). Chez le milan royal, la concentration moyenne en BR dans le foie est de 2 µg.g–1 (pf) (0,2 à 5,6 µg.g–1) et pour la CH, on note un cas avec 5,2 µg.g–1. Chez la chouette effraie, les concentrations sont du même ordre (BR, deux cas : 6,0 et 7,0 µg.g–1 et CH, un cas : 6,0 µg.g–1). Le grand corbeau semble plus sensible avec trois cas : BR = 0,9–1,5 et 1,8 µg.g–1. Les concentrations moyennes en BR dans le foie, déterminées dans la série de buses empoisonnées par le blé (3,6 µg.g–1), sont plus élevées que celles signalées antérieurement (0,4 µg.g–1) après empoisonnement des campagnols avec des appâts de carottes (Berny et al., 1997), alors qu'elles sont voisines de celles observées chez les canards Anas platyrhynchos (BR = 2,3 µg.g–1) et les pigeons Columba livia (CH 3,4 µg.g–1). Les concentrations en BR dans le foie des buses empoisonnées à la suite de la consommation de campagnols dans la nature sont plus faibles que celles du foie de buses nourries avec des campagnols intoxiqués en laboratoire (Grolleau et al., 1989) ; ce qui avait conduit ces auteurs à conclure que les risques d'empoisonnement secondaire étaient faibles (2 cas sur 10) (Grolleau & Lorgue, 1984 ; Grolleau et al., 1989). Cela est probablement dû à une plus forte incidence physiopathologique de la BR (hémorragies mêmes faibles, nécrose des hépatocytes…) chez les buses dans la nature à cause d'efforts plus importants et d'un métabolisme plus intense dans des conditions défavorables (fin de l'automne) et de vigilance de tous les instants, qui les rendent plus vulnérables. De plus, chez les oiseaux trouvés morts, on ne connaît pas toujours les délais post-ingurgitation des campagnols empoisonnés et une partie de la BR ou de CH du foie a pu être métabolisée ou excrétée. On a maintenant la preuve que l'impact d'empoisonnements secondaires d'oiseaux auxiliaires de l'agriculture peut être très important dans des délais relativement courts, sans connaître les conséquences à moyen et long terme chez les survivants. Dans le cas du milan royal, on estime que la population du département du Doubs, sous surveillance à cause du nombre limité de couples, a diminué de 70 % à la suite
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des campagnes de traitements par les ACs. Quant aux effets à moyen et long terme sur les chaînes alimentaires partant de la faune du sol (vers de terre, gastéropodes, insectes nécrophages et autres arthropodes…), aucune étude ne les a prises en considération. Pour le court terme, Trémolières (2003) a suivi la cinétique d'intoxication d'Arvicola terrestris pour évaluer, pendant 8, 10 et 21 jours, la quantité de BR des campagnols, disponible pour les prédateurs qui fréquentent les endroits traités. Les analyses ont été effectuées sur une parcelle de prairie permanente de 8,5 ha traitée avec du blé dosé à 50 ppm de BR. La concentration en BR diminue rapidement dans le blé enfoui dans le sol au cours des 5 premiers jours, mais ensuite elle se maintient entre 30 et 50 % du titre initial jusqu'à 21 jours (fin des analyses) ; ce qui prouve que l'intoxication peut se prolonger, surtout lorsque le grain est stocké par les campagnols dans des réserves plus en profondeur. Chez les campagnols terrestres, les concentrations en BR mesurées par Trémolières (2003) sont très variables, mais en moyenne c'est le foie qui présente les plus fortes (5 µg.g–1 de pf), puis le tube digestif (2,16 µg.g–1 de pf) et le reste du corps (0,68 µg.g–1 de pf). Dans son travail, Trémolières (2003) montre qu'il existe des corrélations entre les concentrations en BR du foie, du reste du corps et du tube digestif et qu'il n'y a pas de différence d'accumulation suivant l'âge ou le sexe des campagnols. De plus, à partir du 3e jour après le traitement, les concentrations en BR ne diffèrent pas que les campagnols soient ramassés en surface ou piégés en profondeur dans leurs galeries. Les concentrations en BR des organes des campagnols capturés dans les galeries ne présentent pas de variations significatives entre le 1er et le 10e jour après le traitement de la parcelle. Le calcul des quantités de BR dans le corps d'un campagnol de 80 g donne les valeurs moyennes de 20,46 µg dans le foie, 36 µg dans le tube digestif et de 31,45 µg dans le reste du corps. Pour un campagnol intoxiqué, la quantité moyenne de BR disponible pour un ou des prédateur(s) est de 87,91 µg. Ces résultats prouvent que les concentrations en BR du foie des campagnols intoxiqués dans la nature (par du blé à 50 ppm) sont beaucoup plus faibles (moyenne 6,51 ppm à 3 jours) qu'en laboratoire (33,81 ppm à 3 jours d'après Grolleau, 1998). Dans les deux cas pris en exemple, les campagnols avaient un choix de nourriture. En ce qui concerne le transfert chez les oiseaux qui mangent les campagnols, les essais en laboratoire indiquent des variations de sensibilité individuelle et un risque d'empoisonnement faible des buses (Grolleau & Lorgue, 1984 ; Grolleau et al., 1989). Dans la nature, les choses sont beaucoup plus complexes et la seule connaissance de la concentration en BR du foie des oiseaux n'est pas suffisante pour déterminer le coefficient de transfert dans le corps. L'estimation d'un risque toxique chez la buse par extrapolation de la DL50 du chien, comme le tente Trémolières (2003), n'est pas adaptée car les oiseaux sont généralement plus sensibles que les mammifères. Mineau et al. (1996) ont en effet montré, à partir de données de la littérature concernant la détermination de la DL50 de pesticides variés (100 inhibiteurs de cholinestérases sur 48 espèces d'oiseaux, plus 87 autres pesticides : insecticides, herbicides, rodenticides… sur 113 espèces), que les facteurs d'échelle dérivés d'expériences d'extrapolation chez les mammifères ne devaient pas être utilisés chez les oiseaux car ils conduisent à une sévère « sous-protection » (surtout des petites espèces) dans l'évaluation des risques. Chez les oiseaux, les facteurs spécifiques de produits chimiques doivent être déterminés de novo de préférence avec plusieurs espèces. En l'absence de données empiriques pour un produit donné, Mineau et al. (1996) recommandent d'utiliser un facteur de 1,15 (voir de 1,5). Les empoisonnements secondaires d'oiseaux non-cibles par les ACs continuent à être signalés dans le monde entier. Au Canada, les appâts empoisonnés avec du brodifacoum
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(BF) ont été utilisés pour l'éradication des rats (Rattus norvegicus), qui perturbaient la reproduction des nombreux oiseaux de mer de l'île Langara au nord-ouest de l'archipel Queen Charlotte de la Colombie britannique. L'étude du risque d'empoisonnement secondaire d'espèces d'oiseaux charognards (Howald et al., 1999) a montré que les corbeaux (Corvus corax), les corneilles noires (Corvus caurinus) et les pygargues (Haliaeetus leucocephalus) photographiés près des carcasses de rats empoisonnés pouvaient éventuellement consommer les rats morts. Des corbeaux ont effectivement été trouvés empoisonnés à la fois par la consommation directe d'appâts et la prédation de rats empoisonnés. Les concentrations moyennes en BF des rats trouvés morts ont été analysées dans le foie, le tractus gastro-intestinal (et son contenu) et le reste de la carcasse ; les moyennes respectives (en mg.kg–1 de pf) chez les mâles adultes (24,8 – 20,03 – 3,60), chez les femelles adultes (35,0 – 9,94 – 1,57) et les jeunes mâles (35,30 – 55,34 – 2,53) ont permis de calculer la charge du corps de ces animaux en BF. Elle est en moyenne de 1,47 mg (0,90 à 1,80) chez les mâles adultes, de 1,33 mg (0,87 à 1,70) chez les femelles adultes et de 0,21 mg (0,10 à 0,38) chez les mâles juvéniles. Chez les corbeaux, les analyses du foie ont confirmé que 13 corbeaux ont été exposés au BF et la concentration moyenne est de 1,35 mg.kg–1 de pf (0,98 à 2,52 mg.kg–1). Les calculs de la quantité de BF et du nombre de rats correspondant qui présentent un risque de mortalité de 50 % (DL50) pour un corbeau de 1,3 kg, sont de 0,56 mg.kg–1, c'est-à-dire de 0,5 rat. L'autopsie révèle que 69 % des corbeaux sont morts d'une hémorragie pulmonaire sévère. Chez les pygargues, du BF a été détecté dans le plasma de 3 individus sur 20 capturés, à la concentration maximum de 1,74 mg.L–1. Les auteurs pensent que cette concentration élevée dans le plasma de l'aigle, par rapport à celle qui a été déterminée expérimentalement chez la caille (Coturnix japonica), peut provenir de la consommation d'un cadavre de corbeau (empoisonnement tertiaire). Aucun effet adverse n'a été observé chez les aigles qui ont des possibilités alternatives de nourriture en mer. À partir des données publiées par d'autres auteurs et les leurs, Howald et al. (1999) ont calculé les DL50 qui offrent une protection de 95 % de neuf espèces d'oiseaux avec des limites de sécurité de 95 % et 50 % pour le BF. Ces calculs font apparaître de grandes différences de sensibilité (< 0,75 à > 20,0 mg.kg–1) des espèces par exposition orale et constituent une base d'évaluation du risque que représentent les anticoagulants pour les oiseaux. De plus, Howald et al. (1999) notent que des insectes carabides nécrophages peuvent enterrer des carcasses de rats morts à proximité desquelles des bruants chanteurs (Melospiza melodia) ont été photographiés. Ainsi, des possibilités de transferts multiples de BF peuvent exister et méritent d'être précisés. Récemment, Eason et al. (2002) ont dressé un panorama des effets adverses des ACs de 2e génération, dont l'utilisation doit être l'objet d'une évaluation rigoureuse des bénéfices et des risques pour la faune sauvage afin de réduire les risques de bioaccumulation et de toxicité pour les espèces non-cibles. En Nouvelle-Zélande, lors de l'éradication des rats sur l'île Lady Alice par dispersion aérienne d'appâts de céréales contenant du BF à 20 ppm (12 kg.ha–1), des analyses ont été réalisées dans le sol, des invertébrés et des oiseaux (Ogilvie et al., 1997). Les blattes ramassées ne contenaient pas de BF, de même que les orthoptères nocturnes omnivores de l'espèce Hemideina thoracica (tree weta) qui vivent sur les arbres ou les carabides noirs trouvés sur les appâts. En revanche, du BF a été détecté chez un autre orthoptère (cave weta) trouvé sur les appâts avec une concentration de 4,3 µg.g–1. Chez les oiseaux morts 23 jours après traitement : 1 petite chouette (Ninox novaeseelandiae) et 33 jours après traitement : 1 perruche (Cyanoramphus novaezelandiae), les concentrations du foie en BF sont respectivement de 3,4 µg.g–1 et de 0,03 µg.g–1. Des observations complémentaires chez les
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oiseaux sont prévues avant et après les traitements ultérieurs. Comme Howald et al. (1999) l'avaient remarqué pour neuf espèces, la toxicité aiguë du BF pour les espèces d'oiseaux de Nouvelle-Zélande s'étend de < 1 mg.kg–1 chez le porphyrion pukeko (Porphyrio p. melanotus) à > 20 mg.kg–1 chez le tadorne paradis (Tadorna variegata) (Eason et al., 2002). Comme les autres anticoagulants de 2e génération, le BF persiste apparemment pendant au moins 6 mois dans les organes (foie, reins et pancréas) contenant l'enzyme époxyde réductase de la vitamine K fortement liée aux ACs. En plus des deux espèces d'oiseaux étudiées par Ogilvie et al. (1997), quatre autres espèces natives de Nouvelle-Zélande ont été victimes d'empoisonnement secondaire ou de contaminations sublétales : le busard (Circus approximans), le râle (Gallirallus australis), le goéland (Larus dominicanus) et le kiwi (Apteryx sp.). Mais Eason et al. (2002) donnent une liste plus complète d'oiseaux de 16 espèces natives de NouvelleZélande et de 10 espèces introduites, dont des individus ont été trouvés morts, tandis que 12 espèces natives et 7 introduites sont considérées à risque de mortalité après traitement par le DF. Eason et al. (2002) tentent une comparaison entre les effets d'empoisonnement secondaire des chouettes effraies par les ACs de 2e génération (BF et BR) et les ACs de 1re génération (warfarin, diphacinone...) qui présenteraient un risque plus faible (1 ordre d'amplitude) pour les oiseaux prédateurs ; toutefois les données de la littérature ne sont pas concordantes. Des recherches sont suggérées pour savoir dans quelle mesure les ACs de 1re génération peuvent remplacer certains de 2e génération, si cela peut éviter les empoisonnements secondaires. Le cas d'empoisonnements secondaires par des espèces non-cibles d'invertébrés est évoqué par Eason et al. (2002), en prenant l'exemple d'oiseaux insectivores morts en captivité après nourrissage avec des fourmis et des blattes qui ont mangé des appâts avec du BF (Godfrey, 1985). Aux îles Hawaii, l'ingestion d'appâts imprégnés de rodenticides (diphacinone) par les gastéropodes terrestres s'accompagne de la concentration de l'anticoagulant chez les limaces et les escargots (voir 2.3.2.1.) et Johnston et al. (2005) ont calculé, à l'aide de modèles probabilistes, que le risque d'augmentation de la mortalité d'une espèce d'oiseau en danger (Melamprosops phaesoma = Po’ouli) est de 3 % pour les adultes et de 8 % pour les populations car leur nourriture comporte environ 60 % d'escargots. Les invertébrés du sol peuvent également être contaminés par les fèces des mammifères ou des oiseaux empoisonnés et servir de « transporteurs » d'anticoagulants (Huckle et al., 1989). De l'ensemble des travaux examinés sur le sujet important de la régulation des populations de rongeurs qui causent des dégâts ou véhiculent des maladies, il apparaît qu'il est nécessaire de bien « peser » les conséquences positives et négatives de l'emploi des rodenticides anticoagulants (surtout de 2e génération). Une réglementation sévère doit régir l'utilisation des plus persistants comme le brodifacoum et la bromadiolone ; la conception de produits moins persistants, dont l'utilisation serait soigneusement préparée et limitée, doit être encouragée, de même que les méthodes de piégage et les pratiques culturales limitant la prolifération des campagnols.
3.2.3.3 Composés organophosphorés, carbamates, pyréthrinoïdes, herbicides, HAPs Les données relatives à l'impact de ces pesticides sur la vie des oiseaux concernent davantage la mortalité que la bioaccumulation, car la demi-vie de ces substances est variable selon leur nature, le type d'exposition et le milieu où elles se trouvent. Il est regrettable que l'on dispose seulement d'études d'effets (DL50, souvent après de courtes durées) car on a des preuves de toxicité à beaucoup plus long terme (produits appliqués sur la peau des bovins pour lutter
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contre certains diptères agents de myases tel le varon, Hypoderma bovis, par exemple). Nous citerons quelques cas pour montrer l'intérêt et la complexité de l'étude de ces substances aux conséquences non négligeables sur la vie des oiseaux. Les insecticides organophosphorés sont responsables de nombreuses intoxications aiguës d'oiseaux lors des traitements aériens d'écosystèmes comme les prairies et les forêts. L'avifaune forestière d'Amérique du Nord (États-Unis et Canada) a ainsi été affectée dans les années 1970 par les traitements contre la chenille tordeuse des conifères. De même, l'usage du diméthoate a été la cause d'une forte mortalité dans l'Idaho de tétras centrocerques (Centrocercus urophasianus) se nourissant dans les cultures de luzerne (Blus et al., 1989). On sait aussi depuis longtemps que les insecticides organophosphorés, parathion et azinphos, appliqués sur les œufs de cailles japonaises, faisans et perdrix (rouge et grise), provoquent une mortalité embryonnaire d'autant plus importante que le stade d'incubation est avancé ; les embryons survivants sont atteints de lordose (vertèbres cervicales soudées) et de paralysie des pattes (Lutz & Lutz-Ostertag, 1973). La toxicité et la tératogenèse (malformations du squelette axial) induites par les organophosphorés avec un gradient décroissant : malathion, diméthoate, diazinon et acéphate, ont été résumées par Hoffman (1990) en même temps que celles des carbamates, des HAPs (hydrocarbures aromatiques polycycliques), des herbicides (paraquat, promeron…) et des fongicides (maneb…). À notre connaissance, la concentration de ces pesticides n'a pas été analysée au cours de l'organogenèse des embryons pour savoir comment elle évolue (métabolisation rapide ou non) au cours du développement. Il est probable que les pesticides ou leurs métabolites sont encore actifs à un stade avancé car le parathion induit une déplétion du glycogène hépatique et une diminution des catécholamines dans les surrénales de l'embryon de poulet (Meiniel et al., 1971). Les faits saillants de la toxicité aiguë du carbofuran (carbamate), qui inhibe les enzymes cholinestérasiques et perturbe le transfert de l'influx nerveux tant chez les vertébrés que chez les invertébrés, ont fait l'objet d'un rapport technique par Mineau (1993) au Service canadien de la faune. Ce rapport, qui présente les DL50 d'un certain nombre d'espèces (des plus sensibles : canards colvert aux moins sensibles : colins de Virginie et étourneaux sansonnets), montre que le carbofuran est l'un des insecticides les plus toxiques parmi ceux homologués au Canada. Toutes les formes (granulés ou liquides) sont particulièrement dangereuses. L'absorption d'un seul granulé ou d'un seul ver de terre d'un champ de maïs traité à la plus faible dose d'emploi peut entraîner la mort d'un oiseau chanteur (alouette ou merle). De plus, l'empoisonnement secondaire de buses et de pygargues, qui se nourrissent de cadavres d'espèces empoisonnées dans les champs, a été confirmé ; il en est de même pour les oiseaux chanteurs qui se nourrissent de sauterelles ou autres invertébrés contaminés. Chez les oiseaux chanteurs de zones traitées, des concentrations en résidus de 2 ppm ont été mesurées dans le tube digestif (concentrations similaires à celles de souris sylvestres), mais on ne connaît pas la concentration dans les autres tissus car il est plus facile de mesurer l'activité de la cholinestérase dans le cerveau (le degré d'inhibition de la cholinestérase étant corrélé aux possibilités d'intoxication fatale). Parfois, la concentration de la proie est connue : Mineau (1993) cite le cas d'un busard Saint-Martin paralysé se nourrissant d'une carcasse de lapin contenant 0,1 ppm de carbofuran. Les résultats de traitements par des insecticides censés être moins toxiques pour les oiseaux sont variables et difficiles à interpréter. Ainsi, dans l'Alberta (Canada), où de très grandes surfaces de prairies (plusieurs centaines de milliers d'hectares) sont traitées par aspersion aérienne, Martin et al. (1996) ont noté des signes d'intoxication sévère de jeunes faisans
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vivant sur des prairies traitées par le carbofuran. Cet insecticide étant directement toxique pour les oiseaux, Martin et al. (1998) ont étudié l'effet de la réduction des populations de sauterelles par un insecticide pyréthrinoïde (decis 5F, ingrédient actif : la deltamédrine considérée comme moins dangereuse pour les oiseaux) sur la réussite des nidations de bruants (Calcarius ornatus). Ils ont constaté que la réduction de 93 % des sauterelles n'affectait pas le nombre de jeunes oiseaux, ni leur poids car la nourriture des jeunes est compensée par d'autres arthropodes. Toutefois, une réduction du pourcentage d'éclosion est constatée en zones traitées (67 %) par rapport aux parcelles témoins (87 %). Pour les auteurs, cette diminution des éclosions serait ensuite compensée par une prédation plus faible dans les parcelles traitées, sans autre précision sur celle-la. Il nous paraît étonnant de ne pas envisager l'effet direct possible du dépôt de l'insecticide sur les œufs. En effet, des mesures de pesticides ayant été effectuées sur des plaques recouvertes d'un gel de silice pour controlés les quantités qui atteignent la végétation, on pouvait vérifier si à cette concentration l'insecticide pénétrait dans l'œuf et en quelle quantité. Par la suite, Martin et al. (2000) ont comparé les effets respectifs du furadan et du decis 5F sur des parcelles de prairies témoins (3 de 56 ha) et des parcelles traitées (2 fois 3 parcelles de 56 ha) par voie aérienne. Les deux insecticides réduisent les populations de sauterelles de plus de 90 %, néanmoins la biomasse d'arthropodes (pesée et déterminée après ligature temporaire de l'œsophage) portée aux jeunes bruants (C. ornatus) ne diminue pas dans les parcelles traitées avec les deux pesticides. Le nombre de larves de noctuelles et de scarabées adultes compense la diminution des sauterelles. Le nombre d'œufs et de petits n'est pas modifié, de même que leur poids. Côté parents, ceux des parcelles traitées par le decis 5F vont chercher leur nourriture deux fois plus loin pendant 2 semaines. Les bruants des parcelles aspergées de furadan présentent une diminution significative de l'activité cholinestérasique dans le cerveau, qui ne compromet pas la réussite de leurs couvées. Pendant la même expérience, Martin et al. (2000) ont surveillé une espèce de moineau plus rare et à sauvegarder (Ammodramus bairdii), dont le succès de reproduction a significativement diminué dans les parcelles traitées par le furadan et le nombre de territoires abandonnés a augmenté. Cela montre que cette espèce est plus sensible au carbamate que les bruants. Les résultats observés en milieu prairial diffèrent de ceux notés par Pascual & Peris (1992) en milieu forestier, où un traitement (à concentration élevée) par un autre pyréthrinoïde de synthèse, la cyperméthrine, réduit le nombre de lépidoptères de la nourriture et la survie des jeunes mésanges bleues (Parus caeruleus), dont le poids à l'envol est diminué de 1 à 2 g. À une concentration plus faible, les insectes cibles sont moins affectés et le poids des jeunes mésanges n'est pas altéré. Ces expériences, ainsi que d'autres citées par les auteurs, confirment l'existence de différences de sensibilité des espèces aux traitements par des pesticides divers, suivant qu'elles peuvent s'adapter et trouver une nourriture de substitution pour nourrir leur progéniture, mais nous pensons qu'il est difficile de faire abstraction d'actions directes de ces substances, soit sur les œufs en incubation, soit par l'intermédiaire de dépôts sur la nourriture. Chez les rapaces, les cas d'empoisonnement par les pesticides inhibiteurs de cholinestérase (organophosphorés et carbamates) sont nombreux. Mineau et al. (1999) ont constaté la sensibilité de ces oiseaux en faisant le recensement des mortalités de rapaces au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis ; ils ont en particulier observé l'importance de la contamination par contact. Ainsi, un moineau domestique, dont les pattes ont été en contact avec du fenthion, subit une paralysie progressive qui le rend 16 fois plus vulnérable à la capture par l'épervier Falco sparverius (Hunt et al., 1992). D'autres exemples de contamination
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directe ou indirecte sont décrits, montrant le danger de ces pesticides (par exemple, la mort des pies qui ingèrent des poils de bétail, dont la peau a été badigeonnée de famphur pour contrôler le développement des larves de mouches parasites, Henny et al., 1985). Mineau et al. (1999) regrettent l'absence d'analyse de la concentration de ces pesticides dans le tube digestif des carcasses des oiseaux morts, afin d'établir des diagnoses plus précises sur la toxicité et la persistance de ces substances. Dans le cas du famphur (OP), par exemple, il a été démontré que les résidus du produit persistaient pendant plus de 100 jours sur les poils de vache. Encore récemment, six insecticides inhibiteurs de cholinestérase (carbofuran, fensulfothion, parathion, phorate, terbufos et fonofos) ont été impliqués dans l'empoisonnement d'oiseaux d'eau et de rapaces dans la basse vallée de la rivière Fraser au Canada (Wilson et al., 2002). Dans cette zone agricole très productive de la Colombie britannique (légumes et pommes de terre), après un traitement par les insecticides en juin, les contrôles périodiques ont permis de suivre la diminution de ces produits et de mesurer leur demi-vie dans deux types de sols acides : un sol argilo-limoneux et un sol de fumure organique. C'est le carbofuran qui a la demi-vie la plus longue : 129 ou 97 jours suivant le sol, mais dès que les granulés se délitent, la concentration dans le sol diminue très vite. Le terbufos est celui qui a la plus courte demi-vie : 21 ou 40 jours. Le fonofos et le furate ont des demi-vies respectives de 80 ou 70 jours et de 58 ou 82 jours, mais la diminution dans le sol est très progressive et les faibles concentrations de ces deux produits persistent dans les sols de décembre à avril de l'année suivante, lorsque les oiseaux d'eau viennent hiverner dans les champs inondés et ingérer les granules en fouillant le sol. Les rapaces sont empoisonnés à leur tour par leurs proies contaminées ou les carcasses des oiseaux morts. Ainsi, malgré les conseils et la réglementation de l'utilisation des pesticides, même s'ils sont moins persistants que les organochlorés, on déplore toujours des taux de mortalité importants dans les populations d’oiseaux. Les empoisonnements directs et indirects, ainsi que les modifications des écosystèmes, font que l'on assiste à des changements dans les peuplements d'oiseaux, qui méritent que l'on y prête attention. En France, par exemple, l'état des populations d'oiseaux établi sur plus de 10 ans par le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN, 2002) révèle des diminutions d'effectifs importantes et significatives pour beaucoup d'espèces (hirondelles, mésanges, pies, huppes…) et relativement peu d'augmentations (rouge-gorge, héron, grive musicienne…). La France est le premier utilisateur européen de pesticides et le numéro trois mondial, derrière les États-Unis et le Japon. D'après les données de l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP, Boulogne-Billancourt, France), la quantité d'insecticides organochlorés a diminué au cours des dernières années (année 1996 : lindane, 1 122 t ; endosulfan, 444 t ; année 2001 : lindane + endosulfan : 135 t). La commercialisation de pesticides en France est passée de 103 000 tonnes en 2000 à 120 000 en 2002 et à 75 000 tonnes en 2003. Des efforts de diminution d'utilisation des pesticides sont préconisés et des produits de substitution moins dangereux, dont le métabolisme et la toxicocinétique sont documentés chez quelques espèces seulement, sont proposés, mais les résidus sont tels dans les écosystèmes que les risques sont encore importants. Face à cette évolution, les efforts de législation des pesticides « modernes » (en principe non bioaccumulables…), qui présentent des risques pour les oiseaux, s'orientent dans certains pays vers le développement de modèles prédictifs de toxicité létale incorporant d'une part les données de toxicité de la littérature, les rapports non publiés des gouvernements, et d'autre part les études réalisées par les fabricants en vue de l'homologation des produits. Au Service canadien de la faune sauvage, Mineau (2002) propose un modèle utilisant une
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régression logistique concernant l'impact des pesticides inhibiteurs de cholinestérase (organophosphorés et carbamates) et prenant en considérations quatre variables indépendantes qui sont : i) la toxicité aiguë orale et le taux d'application des pesticides, ii) la toxicité relative orale/dermique, iii) la constante de la loi de Henry (pour tenir compte de la volatilité du produit et de l'exposition potentielle par inhalation), iv) la possibilité d'évitement de la nourriture contaminée (the hazard factor = HF). Toutes les variables sauf HF influencent significativement le modèle de prédiction. D'après l'analyse de 181 données portant sur 35 pesticides inhibiteurs de cholinestérase avec 1 à 14 investigations par pesticide, c'est la toxicité relative entre l'exposition orale et l'exposition dermique (DTI = dermal toxicity index = log (oral LD50 / dermal LD50 × 1 000) qui a l'influence majeure dans les traitements en champ. Ce facteur doit être incorporé dans l'évaluation du risque pour les oiseaux. En tenant compte d'une échelle de toxicité liée au poids du corps des oiseaux (20 à 1 000 g) établie par Mineau et al. (1996) d'une part, et d'autre part de facteurs d'extrapolation dépendant des espèces, la probabilité de mortalité des oiseaux peut être calculée en utilisant les valeurs de référence des pesticides (DL50) de Mineau et al. (2001). Le modèle présenté permet de déterminer les taux d'application d'un pesticide en fonction de son indice de toxicité dermique. La représentation en trois dimensions des modèles de régression logistique pour les trois milieux (pâtures et champs de céréales, forêts, vergers) montre par exemple que l'exposition dermique est plus importante en forêt qu'en pâture et que pour des HD5 équivalents au m2, les cas de mortalité sont plus élevés en forêt qu'en champ ou prairie. Cependant, le nombre de données est encore relativement faible et doit être complété par de nouvelles mesures. De plus, la proportion importante de solvants, d'adjuvants, d'émulsifiants peut avoir un impact sur l'absorption et sur la toxicité relative orale/cutanée. La conception de molécules nouvelles, moins persistantes que les OCs et les mélanges de molécules actives et d'adjuvants qui viennent interférer avec les pesticides persistants et les métaux lourds déjà dans l'environnement, posent des problèmes d'interférences (d'accumulation et de toxicité) des contaminants et de leur suivi, qui deviennent de plus en plus difficiles à résoudre. Ce qui engendre des controverses vigoureuses dans les cas où les effets toxiques sur la vie des animaux (abeilles et oiseaux de gibier par exemple) et des hommes sont graves. Dès à présent, la nécessité de réduire et d'utiliser à meilleur escient ces substances paraît inéluctable, non seulement pour les oiseaux, qui sont de bons bioindicateurs, mais aussi pour les hommes. Certains types d'agriculture ouvrent la voie à d'autres pratiques avec des conséquences économiques valables pour une meilleure qualité des produits. En Europe, l'examen au Danemark de 31 paires de fermes conventionnelles et « écologiques » indique que les capacités des fermes conventionnelles à accueillir des oiseaux sont seulement de 37 à 51 % de celles des fermes «écologiques» ; avec l'augmentation de l'utilisation des pesticides, 15 des 35 espèces d'oiseaux communes présentent des signes de déclin, tandis qu'une seule montre l'effet inverse (Braae et al., 1988 d'après McLaughlin & Mineau, 1995). Nous ne nous reviendrons pas sur la polémique concernant l'arrêt de l'utilisation du DDT et autres pesticides redoutables aux plans toxicologiques et écotoxicologiques ; cependant, plusieurs mésaventures tragiques liées aux dangers sous-estimés ou ignorés volontairement devraient conduire à réfléchir et à agir en conséquence (Ramade, 2000 ; Fairbrother, 2002) afin de
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réduire de façon drastique le nombre de substances homologuées et les quantités prescrites. Les Pays-Bas ont divisé par deux leur consommation de phytosanitaires dans la période 1980–2000, sans pour autant que leur production agricole diminue.
3.2.3.4 Pluricontaminations de produits organiques Dans les faits, ce sont probablement les plus nombreuses, mais lorsqu'une contamination domine nettement, c'est cette dernière qui est généralement considérée. Pourtant, à cause des interférences possibles entre contaminants, la démarche qui consiste à envisager la possibilité de contaminations multiples est à conseiller, même si elle complique le travail. Dans la bibliographie, on dispose de nombreuses données sur les oiseaux de la zone des Grands Lacs en Amérique du Nord, où la reproduction de plusieurs espèces a été fortement perturbée par l'utilisation massive de composés organiques dans les années 1970 et par la production de polluants issus des multiples et diverses industries de cette région. De très hautes concentrations en TCDD et autres organochlorés (PCBs et DDT) ont été décrites dans les œufs d'oiseaux (pygargue : H. leucocephalus, goéland argenté : Larus argentatus), mais aussi dans le cerveau. Bowerman et al. (1995) rapportent des coefficients de bioamplification de 50 à 100 de TCDD-EQ dans les œufs d'oiseaux se nourrissant de petits poissons. Un panorama des analyses réalisées sur plusieurs espèces d'oiseaux provenant de la nature a été réalisé par Hoffman et al. (1996), qui donnent un tableau éloquent (tableau 6 p 194 de ces auteurs) des facteurs de bioamplification entre l'alimentation des goélands argentés du lac Ontario (censés être à l'état d'équilibre et représentatifs du site car ils s'éloignent peu des colonies de reproduction) et les œufs d'après les données de Braune & Norstrom (1989). Parmi les 20 organochlorés des œufs de goélands cités par Hoffman et al. (1996), les FBMs les plus courants vont de 0,8 à 60 dont : 2,3,7,8-TCDD (× 21) ; 1,2,3,7,8-PeCDD (× 10) ; 1,2,3,6,7,8-HxCDD (× 16) ; OCDD (> 8) ; 2,2',3,4,4',5-HxCB (× 42) ; hexachlorobenzène (× 20) ; DDE (× 34) ; mirex (× 30) ; DDT (× 2) ; dieldrine (× 7). Hoffman et al. (1996) soulignent l'intérêt de la détermination des FBMs, qui permettent d'estimer les concentrations dans les œufs à partir des concentrations dans la nourriture, bien qu'il puisse exister des différences suivant les espèces et les sites. Cette approche a été utilisée pour évaluer les concentrations qui présentent des risques pour l'environnement (Bowerman et al., 1995) car le développement embryonnaire des oiseaux apparaît comme le « point final » le plus sensible à la toxicité des contaminants organochlorés, tandis que les résidus dans le cerveau constituent le meilleur diagnostic de la létalité chez les adultes (Hoffman et al., 1996). Des transferts de PCBs et de DDT ont également été décrits chez d'autres espèces d'oiseaux d'eau comme les albatros (Auman et al., 1997), ainsi que chez Sterna paradisaea et Larus argentatus (Lemmetyinen et al., 1982). Chez ces deux dernières espèces, les œufs recevraient approximativement 10 % de la charge maternelle en DDT et environ 22 % (S. paradisaea) et 8 % (L. argentatus) des charges maternelles en PCBs totaux, d'après des concentrations basées sur l'analyse des muscles pectoraux. Les analyses précédentes ne font pas état des interactions possibles entre les contaminants au cours de leur transfert dans les œufs. Cette question a été abordée expérimentalement chez la poule domestique (Gallus domesticus) par Bargar et al. (2001), qui ont pratiqué des injections sous-cutanées (tous les 4 jours pendant 21 jours) de 100 µL de trois congénères PCBs et d'endosulfan technique (isomères α et β au rapport 3:1). Les produits sont injectés soit séparément, soit en mélange à trois concentrations. En ce qui concerne les PCBs, le transfert maternel est inversement proportionnel au degré de
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chloration des congénères et le pourcentage de passage dans les œufs est de 0,42 % pour PCB 189, 0,54 % pour PCB 156 et 0,61 % pour PCB 105. L'endosulfan est beaucoup moins excrété dans les œufs (0,03 % α-endosulfan, 0,1 % β-endosulfan) ; le plus grand pourcentage de β-endosulfan dans les œufs témoigne du métabolisme de l'endosulfan chez la poule. Lorsque le mélange des quatre produits est injecté, l'excrétion dans l'œuf de PCB 189 augmente (0,51 %) et celle de l'α-endosulfan diminue (0,03 %). Les différences importantes entre les pourcentages de transfert dans les œufs de poule et de sterne, par exemple, peuvent provenir du fait que les poules pondent en moyenne 0,8 œuf par jour, tandis que les sternes et les goélands pondent seulement 2 à 3 œufs, beaucoup plus gros, par couvée. D'après ces résultats, en principe on pourrait prédire les concentrations maternelles en divisant les concentrations dans l'œuf par le rapport des concentrations œuf / adulte. Mais pour appliquer ce principe, il est nécessaire de connaître les rapports œuf / adulte pour de multiples substances et diverses espèces car les pourcentages de transferts semblent beaucoup plus élevés chez les oiseaux d'eau que chez les espèces terrestres. Les comparaisons devront également se faire sur des bases communes car les données actuelles portent tantôt sur les muscles pectoraux, tantôt sur la graisse sous-cutanée ou le corps entier. Bien qu'il existe des différences interspécifiques à préciser, ce travail prouve l'existence d'interactions entre les contaminants dans leur métabolisme et leur transfert dans les œufs. En France, la recherche des pesticides chez les oiseaux typiquement terrestres, comme les perdrix grises (Perdix perdix), a été effectuée dans le cadre du réseau SAGIR par Berny (2001) dans le Bassin Parisien et le Nord du pays. À la suite d'un usage considéré comme normal des produits phytosanitaires, les deux principaux toxiques trouvés sont : les inhibiteurs de cholinestérase (38,5 %) et l'imidaclopride (25,5 %) devant les anticoagulants (14,9 %), le chloralose (10,6 %) et le lindane (10,6 %). Ces produits peuvent provenir des graines de céréales consommées par les perdrix ou du sol et des végétaux traités. Dans ces cas de pluricontaminations, la singularité des perdrix, dont les populations sont en régression, est l'intoxication par l'imidaclopride (Gaucho) car cette espèce est l'une des plus sensibles à ce composé, utilisé aussi bien en traitement des semences que du sol et du feuillage (DL50 = 15 à 30 mg.kg–1) et estimation de HD550 % à 8,43 mg.kg–1 d'après Mineau et al. (2001). Pour ces analyses, Berny et al., (1999) ont mis au point une méthode d'analyse originale permettant la détermination des valeurs seuils dans les tissus et les organes pour confirmer une intoxication (par exemple de 1 mg.kg–1 dans le foie). Ces études ont mis en évidence deux périodes d'intoxication : au début du printemps et à l'automne où se conjuguent les effets des semis, des traitements contre les rongeurs, de la chasse et de la rareté relative des ressources alimentaires. Dans le Sud de la France, l'impact des contaminants organochlorés et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) a été étudié par Berny et al. (2002) dans les œufs de petite aigrette (Egretta garzetta), qui représentent un niveau élevé dans une chaîne trophique de Camargue. Les biphényles polychlorés (PCBs) sont les contaminants majeurs (0,14 à 12 µg.g–1 pf) détectés dans les œufs récoltés en mai 1996, avec 81 % et 11 % des œufs contenant une concentration respectivement supérieure à 1 ou 5 µg.g–1. Ce sont les congénères PCB 138, PCB 153, et PCB 180 qui présentent les plus forts pourcentages des congénères prédominants dans les œufs. Les concentrations plus élevées observées chez les aigrettes correspondent aux concentrations moyennes déterminées par Custer et al. (1997) dans les œufs du grand héron bleu (Ardea herodias), dans lesquels les auteurs observent une induction significative de cytochrome P450. Du lindane et des métabolites du DDT ont également été
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détectés par Berny et al. (2002) dans tous les œufs d'aigrettes (lindane : de 0,008 à 0,681 µg.g–1 pf ; DDE : 0,013 à 2,02 µg.g–1 pf), ainsi que des HAPs (0,007 à 0,462 µg.g–1 pf), avec une grande diversité de concentrations (les plus hautes concernant le benzo[a]pyrène). Les concentrations en DDE sont plus faibles que celles des œufs d'aigrettes d'autres régions du pourtour méditerranéen et semblent avoir diminué depuis l'interdiction du DDT en France (1972), mais une partie des métabolites du DDT peut provenir de DDT absorbé en Afrique lors de migrations occasionnelles (ou d'utilisation clandestine de DDT). Berny et al. (2002) n'ont pas observé de différences de concentrations en lindane et HAPs dans les œufs groupés par âge, mais les concentrations en PCBs sont significativement plus élevées dans les œufs fraîchement pondus. Ils ont également noté des différences de concentrations en DDE et PCB suivant les sites et constaté que les plus fortes concentrations de ces composés se trouvaient sur le site « Palissade » proche du complexe industriel de Fos-sur-Mer, comme cela a été noté à proximité d'autres sites industriels (Eisler & Belisle, 1996), tandis que les fortes concentrations en lindane se trouvent dans les colonies proches des champs de riz traités avec du lindane. Les concentrations en PCBs étant de l'ordre de celles qui ont des effets tératogènes chez d'autres espèces d'oiseaux et quelques cas de malformations du bec et des pattes ayant été observés sur le site « Palissade », ces observations justifient une biosurveillance particulière de cette colonie. Ces résultats sont à rapprocher de ceux de Cosson & Métayer (1993), qui ont étudié les métaux chez les oiseaux de Camargue pour tenter un bilan plus global des pluricontaminations dans cette réserve située à proximité d'activités agricoles et industrielles importantes. Au Japon, les carcasses de pygargues (Haliaeetus pelagicus et H. albicilla), dont les populations déclinent dans la plupart de leurs habitats (espèces en danger : IUCN 2000, Red list of threatened species), ont été collectées dans l'Est d'Hokkaido pendant 2 ans (1998-1999). Au cours de l'analyse des muscles pectoraux, Sakamoto et al. (2002) ont trouvé à la fois des congénères coplanaires PCBs et des pesticides organochlorés (isomères d'hexachlorocyclohexane, composés de type chlordane et hexachlorobenzène). Les PCBs et DDTs sont les composés les plus abondants, avec des concentrations de 1 à 2 ordres d'amplitude plus élevées que les autres, c'est-à-dire de 120 à 39 000 et de 68 à 15 000 ng.g–1 pf, respectivement. Les congénères coplanaires PCBs, non-ortho (IUPAC 77, 126 et 169) et mono-ortho (IUPAC 105, 118 et 156) correspondent à un total de 9,2 à 740 pg.g–1 EQ-TCDD selon Van den Berg et al. (1998b). Les concentrations en PCBs et DDTs atmosphériques des villes de Khabarovsk et Magadan de l'est de la Sibérie sont beaucoup plus élevées que celles d'Hokkaido et du Pacifique Nord. Aussi, les auteurs supposent que les pygargues se contaminent dans ces zones de reproduction où ils demeurent la plus grande partie de l'année sauf l'hiver. Les auteurs notent que les concentrations en hydrocarbures chlorés de ces grands rapaces, qui se nourrissent principalement de gros poissons, sont de 1 à 2 ordres d'amplitude plus élevées que celles des autres rapaces terrestres du Japon (faucon pèlerin, éperviers…) représentant une chaîne alimentaire terrestre. Les pygargues adultes accumulent davantage de PCBs et de DDTs que les jeunes et les congénères de PCBs changent avec l'âge. Les adultes ont de plus grandes proportions de PCBs à fort degré de chloration que les juvéniles, qui ont de plus grandes proportions de PCBs faiblement chlorés. Parmi les métabolites du DDT, 83 à 98 % sont du p,p'-DDE, dont la concentration dans les muscles pectoraux est plus élevée que les concentrations NOAEL (3,5 µg.g–1) proposées pour les pygargues par Wiemeyer et al. (1984) et Bowerman et al. (1995). Des études complémentaires sont nécessaires sur les œufs
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(épaisseur de la coquille…) et les jeunes dans leurs aires de reproduction pour évaluer plus précisément les effets sur les populations de ces grands rapaces.
3.2.4 Contaminations multiples organiques et métalliques Dans de nombreux endroits, on assiste à des contaminations multiples qui sont souvent étudiées séparément suivant la spécialisation des équipes de recherche. Parfois, cependant, les deux catégories de contaminants sont analysées en même temps, ce qui donne une idée plus réaliste de la complexité des phénomènes de pollution et permet quelquefois de mieux cerner les causes des effets néfastes. Aux États-Unis, les différents types de contaminants ont été systématiquement recherchés chez plusieurs espèces d'oiseaux dans différentes régions, même lorsque les concentrations sont en dessous des niveaux toxiques, comme c'est le cas en Louisiane pour Aythya americana (Michot et al., 1994). Dans l'Ouest des États-Unis, les éléments traces métalliques se trouvent aussi bien dans les sédiments, dans les invertébrés que dans les œufs des oiseaux, en même temps que des PCBs et des organochlorés. Le sélénium des eaux de drainages agricoles s'accumule à des niveaux suffisamment élevés dans les plantes et les animaux pour causer la mort et inhiber la reproduction des oiseaux d'eau de plusieurs zones (Ohlendorf, 1989). Dans la partie supérieure de la vallée du Mississippi, les œufs de hérons (Ardea herodias) ont des concentrations en mercure (moyenne 0,8 µg.g–1 ps) et en sélénium (moyenne 3,1 µg.g–1 ps) qui sont à la limite des concentrations inhibant la reproduction (Custer et al., 1997). Les concentrations en DDE de 8 % des œufs de hérons dépassent la valeur de 10 µg.g–1 pf, qui affecte la reproduction des autres espèces de hérons. Les concentrations en PCBs ont baissé de 14,1 µg.g–1 pf en 1978 à 3 µg.g–1 pf en 1993 et les concentrations en TCDD sont basses (moyenne 11 pg.g–1 pf). Des concentrations comparables à celles-là ont été mesurées dans des œufs de la même espèce de hérons, avec des niveaux un peu plus élevés en PCBs, dans le Nord-Ouest de l'Indiana au voisinage d'incinérateurs et de décharges municipales (Custer et al., 1998b). Toujours en Indiana (États-Unis) et dans les mêmes années (1993-1994), Custer et al. (2000) ont analysé les contaminants des tissus de fuligule (Aythya affinis) dans le canal Indiana Harbor situé à l'est de Chicago et fortement pollué. La concentration en Pb du foie (moyenne 1,0 à 3,9 µg.g–1 ps) est inférieure au seuil de toxicité, tandis que celles en Hg (3,3 à 33 µg.g–1 ps) et surtout en Cd (44 % des oiseaux ont des concentrations supérieures à 3 µg.g–1 ps) et en Se (50 % de cas supérieure à 33 µg.g–1 ps) sont au-dessus du seuil de toxicité. Pour les PCBs, les concentrations dans les carcasses des fuligules, qui sont activement chassés aux États-Unis et au Canada, dépassent la concentration de 3,0 µg.g–1 de lipides (pf) pour laquelle la consommation de la volaille est dangereuse. Dans les fuligules, les concentrations en DDE et dieldrine sont inférieures à celles qui réduisent la survie et la reproduction. L'analyse détaillée des PCDDs et PCDFs a été réalisée et les FETs calculés sur la base OMS (Van den Berg, 1998b ; WHO, 1998) vont de 55,0 à 83,3 µg.g–1 pf de carcasse. En plus de tout cela, ces oiseaux subissent une exposition chronique aux hydrocarbures de pétrole indiquée par une concentration relativement élevée en HAPs (moyenne 0,12 à 0,16 µg.g–1 pf de carcasse) et un rapport pristane / n-heptane > 1,0 dans 47 % des fuligules analysés. L'accumulation de ces contaminants est probablement due à la consommation de leur nourriture qui, dans cette région, est principalement constituée de vers oligochètes
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(g. Limnodrilus) pendant l'hiver. Leur exposition au cours de la saison de reproduction est difficile à évaluer car leur habitat s'étend alors de l'Alaska au Manitoba. En revanche, dans d'autres secteurs du sud des Grands Lacs (États-Unis) la contamination des fuligules (Aythya affinis) et d'autres oiseaux d'eau pourrait se faire par l'intermédiaire des moules du genre Dressena, qui envahissent le lac Érié et ont des concentrations en PCBs et en sélénium importantes pouvant expliquer le déclin continu des populations de fuligules (Custer & Custer, 2000). Également aux États-Unis, sur le site d’un refuge national de la faune sauvage en Illinois (CONWR : Crab Orchard National Wildlife Refuge) siège d’activités industrielles antérieures (1946–1967) avec des décharges de déchets dangereux, des études ont été réalisées pour évaluer les effets adverses potentiels de concentrations variées en PCBs (surtout Aroclor : AR 1254) et en métaux lourds (Cd, Cr, Pb et Hg) pour les oiseaux. Pour ce faire, Arenal & Halbrook (1997) ont utilisé les étourneaux européens (Sturnus vulgaris) comme modèle biologique pour obtenir des données sur leur exposition aux contaminants et déterminer si les actions de remédiation proposées sont adaptées. Pour cela, 12 nichoirs ont été construits sur des sites contaminés soit par les PCBs (PCB1 et PCB2), soit par des ETMs. Les nichoirs construits sur le site PCBs ont été très peu occupés (1/11). Les concentrations en AR 1254 et en congénères de PCBs sont les plus élevées chez les jeunes étourneaux récupérés sur les sites pollués par les PCBs, avec des différences selon le lieu. La concentration moyenne en AR 1254 dans la carcasse de poussins d’étourneaux de 15 jours est de 52 ppm (pf) sur le site PCB2, de 12 ppm sur le site PCB1 et de l’ordre de 1 ppm sur le site MET et un site de référence. Les concentrations en AR 1254 et la somme des congénères de PCBs des œufs ne diffèrent pas entre les sites. Pour les métaux, seules les concentrations moyennes en Cd sont plus importantes sur le site MET (0,083 ppm pf) et respectivement de 0,031 et 0,002 8 ppm pf pour les sites PCB et de référence. Dans les plumes, les concentrations en Cd, Cr et Pb étaient inférieures aux limites de détection, sauf dans celles des poussins du site MET qui contenaient 0,598 ± 0,049 ppm de Cd. La bioaccumulation du Cd dans les jeunes étourneaux du site MET ne semble pas produire d’effet toxique. En revanche, bien que la concentration de 52 ppm en AR du site PCB2 soit inférieure aux concentrations létales de femelles immatures d’étourneau (72–1 120 ppm pf corps entier ; Stickel et al., 1984), le pourcentage de jeunes survivants à 15 jours (20 %) est réduit sur les sites PCB par rapport aux sites de référence (79 %). Il en est de même pour le nombre de fois où les parents apportent de la nourriture aux poussins (6,2 fois par heure au lieu de 12,8). À la suite des observations d’Arenal & Halbrook (1997), Arena et al. (1999) ont analysé le contenu stomacal d’oisillons d’étourneaux de 15 jours prélevés dans des nichoirs de sites de référence et de sites contaminés par les PCBs du même refuge de faune sauvage (CONWR). Ils ont séparé les matières minérales, végétales et animales et mesuré la teneur en PCBs (Aroclor : AR 1254) de la matière animale, qui constitue en moyenne 76 % du contenu stomacal et ne diffère pas significativement selon les localités. Les résultats de cette étude montrent que les étourneaux adultes nourrissent leurs oisillons avec des invertébrés contaminés par les PCBs du sol et que les PCBs sont bioaccumulés avec amplification de la concentration dans les jeunes étourneaux. Pour deux oisillons du même nid, dans une zone dont le sol a des concentrations en AR 1254 de 25 mg.kg–1 (ps), la concentration moyenne du contenu stomacal animal est de 2,22 mg.kg–1 (pf) et celle de leurs carcasses sont de 49 et 53 mg.kg–1(pf). Dans les zones de référence le contenu stomacal animal a des concentrations supérieures à 0,24 mg.kg–1 (pf). Le log (base 10) des concentrations en AR1254 des échantillons
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de matière animale des estomacs (X) est étroitement corrélé (r = 0,91 ; p < 0,005) avec le log de la concentration moyenne des carcasses des oisillons (Y), suivant l’équation de régression : Y = 6,19 × X1398. La matière animale était composée de 90 % d’insectes (89 % de coléoptères et 1 % orthoptères), d’escargots (8 %) et de vers de terre (2 %). Le reste du contenu stomacal est constitué de végétaux (12 %) et de petits cailloux (12 %). Ces données confirment l’importance des invertébrés et en particulier des insectes dans la nourriture des étourneaux et soulignent l’intérêt de l’étude de la bioaccumulation des contaminants dans les chaînes alimentaires conduisant aux oiseaux dans l’évaluation du risque, comme l’ont remarqué antérieurement Morse et al. (1987), Ankley et al. (1993), Nichols et al. (1995) et Custer et al. (1998a, b). Arena et al. (1999) suggèrent que l’analyse des échantillons de nourriture des oiseaux est un moyen de déterminer les problèmes éventuels de santé des écosystèmes, permettant en même temps de réduire le nombre de vertébrés à prélever. De plus, les insectes, par exemple, sont très abondants et il faut moins de temps pour la préparation des échantillons à analyser, ce qui réduit le coût des évaluations. En conclusion, les étourneaux conviennent bien aux études de bioaccumulation des contaminants entrant dans la chaîne alimentaire partant du sol (Feare, 1984). De plus, ils s’adaptent rapidement à des boîtes nichoirs, au voisinage desquelles ils recherchent leur nourriture, ils tolèrent les manipulations (Kendall et al., 1989) et constituent ainsi un modèle d’oiseau permettant de déterminer les voies d’exposition aux contaminants par analyse des composants spécifiques de leur nourriture. Leur taille permet d’obtenir des concentrations de la carcasse entière, ce qui facilite le calcul de FBCs à partir de leur nourriture. Ces oiseaux à large répartition et populations nombreuses peuvent être retenus pour le suivi des bioaccumulations de métaux et de produits organiques. En Europe, le nombre de couples d'eiders communs (Somateria mollissima) des aires de nidification de l'archipel Finnois au bord de la mer Baltique ayant diminué de 50 % depuis les années 1980, des analyses ont été réalisées pour évaluer les concentrations des éléments traces métalliques des tissus de ces oiseaux (Hollmén et al., 1998 ; Franson et al., 2000a). En même temps que l'analyse des métaux, 17 composés organochlorés ont été recherchés dans le sang et les œufs de femelles en couvaison (Franson et al., 2000b). Concernant les éléments traces métalliques, mis à part le cas de deux femelles adultes trouvées mortes dont les concentrations en Pb des reins et du foie étaient très élevées (34–695 ppm ps), les concentrations des autres éléments (Cd, Cu, Fe, Mg, Mn, Mo, Se et Zn) dans les tissus ne semblent pas assez élevées pour causer la mort indépendamment. L'examen des échantillons de sang de femelles en couvaison dans cinq localités montre qu'il existe une contamination plus importante en Pb dans les sites situés à l'est de l'archipel que dans ceux de l'ouest (Tableau 52). Dans le sang, une corrélation négative existe entre la concentration en Pb et l'activité ALAD, tandis que la concentration en Pb du sang est corrélée positivement avec le stade d'incubation. Le fait que les concentrations sanguines en Pb aient diminué de 1997 à 1998 suggère une réduction de l'exposition au Pb (Pb interdit dans la chasse aux oiseaux d'eau en Finlande en 1996 ou diminution d'autres sources anthropogéniques, surtout à l'ouest). Parmi les 17 organochlorés analysés, seuls les résidus en p,p'-DDE ont pu être dosés dans les 21 œufs étudiés (Tableau 52) ; les quantités de p,p'-DDE trouvées sont inférieures à celles qui affectent les espèces d'oiseaux les plus sensibles (Blus, 1996), mais il existe aussi un gradient d'exposition augmentant de l'ouest vers l'est. En résumé, les auteurs retiennent surtout la corrélation négative de l'activité ALAD, avec les concentrations sanguines en Pb comme preuve d'un effet physiologique adverse sur la population finnoise d'eiders.
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Bioaccumulation des métaux après contamination plurimétallique (As, Hg, Pb et Se) + 17 OCs (organochlorés) chez les eiders à duvet.
Lieu
Espèce
Concentration en contaminant
Référence
Organe Finlande Anatidae
Σ eider à duvet
Somateria mollissima
Femelle
Trouvées mortes à Söderskär (archipel finnois)
Pb
Se
Foie Femelle
p,p'-DDE Hollmén et al. (1998)
38,5 ppm (ps)
119 ppm (ps)b
0,11 à 0,63 ppm (pf )
3,39 ppm (pf )
En couvaison Sang (poids frais) 1997 (C1) 1998 (C2) Œufs (ppm poids frais)
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a
As
En couvaison (5) Sang
Femelle
Hg
0,02 à 1,56 ppm 5 % à 26, 0,20 ppma d'ouest en est de l'archipel
moyenne de 1,41 à 2,86 ppm
0,01 à 0,54 ppm (0 à 13 %) > 0,20 ppma d'ouest en est
moyenne 1,26 à 1,88
Pas de données
moyenne 0,55 (0,42–0,94)c
Détecté dans 95/203 Non détecté Échantillons dans le sang Maximum 0,31 ppm
(C3)
Franson et al. (2000b)
(C3) Moyenne 0,10 (0,04–0,46)
Non détecté
13,1–29,6 ppb (pf )
(C4)
0,2 ppm de Pb = seuil de toxicité du Pb chez les oiseaux d'eau (Pain, 1996). 20 ppm (poids frais c’est-à-dire environ 60 ppm ps) de sélénium dans le foie des oiseaux met en péril leur survie (Heinz, 1996b). c le sélénium peut induire également des malformations et la mort des embryons d'oiseaux (Ohlendorf, 1996). C1Corrélation positive de [Pb] dans le sang avec le stade d'incubation des œufs (à cause de la libération du Pb dans le sang au fur et à mesure de l'utilisation des réserves minérales des os). C2 La diminution de la [Pb] dans le sang pourrait être due à l'interdiction du Pb pour la chasse aux oiseaux d'eau en Finlande à partir de 1996. C3 [Se] et [Hg] dans les œufs significativement corrélées avec les concentrations dans le sang. C4 [p,p'-DDE] (p,p'-dichlorodiphényl-dichloroéthylène) est beaucoup plus faible que celles qui affectent le développement des espèces d'oiseaux les plus sensibles (Blus, 1996). b
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TABLEAU 52
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Aux États-Unis, chez les femelles adultes et les poussins d'eiders des espèces Somateria spectabilis et S. fischeri du Nord de l'Alaska, Wilson et al. (2004) ont détecté la présence de Hg et de concentrations élevées en Pb, ce qui leur suggère que ces contaminants sont disponibles sur les aires de reproduction de ces oiseaux. Aux Pays-Bas, Stäb et al. (1996) ont mis en évidence des concentrations importantes de composés organo-étains (OTs) dans la chaîne alimentaire d'un lac d'eau douce peu profond (moules, anguilles, perches, brochets) se terminant par des oiseaux piscivores (cormorans). À l'aide d'une étude analytique approfondie, ils ont détecté une contamination élevée des espèces étudiées par neuf composés de tributyles étain (TBT), de triphényles étain (TPT) et de leurs produits de dégradation. Dans les niveaux trophiques de base, les espèces benthiques ont les concentrations en TPT les plus élevées, alors que les espèces pélagiques ont les concentrations les plus grandes en TBT. Dans les niveaux trophiques supérieurs (poissons carnassiers et oiseaux piscivores), la bioaccumulation des TPTs dans le foie est plus grande que celle des TBTs, plus facilement métabolisés que les TPTs. Par rapport aux concentrations létales des poissons relevées dans la littérature, les OTs des poissons de ce lac sont préoccupantes. Chez les cormorans, les plus fortes concentrations d'OTs se trouvent dans le foie et les reins et non dans la graisse sous-cutanée, contrairement aux autres composés lipophiles, ce qui confirme que les OTs s'accumulent suivant des mécanismes différents. Étant donné leurs propriétés de perturbateurs endocriniens, leurs concentrations dans la chaîne alimentaire sont alarmantes à chacun des niveaux. En France, rappelons que les concentrations en éléments traces métalliques, détectées par Cosson & Métayer (1993), et celles de pesticides organiques, mises en évidence par Berny et al. (2002) à des moments différents chez les flamants ou les aigrettes de la réserve de Camargue, justifient une surveillance des populations de ces oiseaux exposées à la fois à des pollutions d'origine industrielle et agricole. À cause de leur vulnérabilité à une grande variété de contaminants, les oiseaux de proies ont été largement utilisés comme « biomoniteurs » de la qualité de leur environnement (Berg et al., 1966 ; Lindberg & Odsjö, 1983 ; Manosa et al., 2003). Les travaux les plus nombreux portent sur l'accumulation des pesticides organochlorés, PCBs et Hg chez les oiseaux au sommet de chaînes alimentaires aquatiques (aigles marins, pygargues) dont la reproduction a été affectée par l'augmentation des pollutions (Helander et al., 1982 ; Wiemeyer et al., 1984). En Europe, pour les espèces qui se nourrissent de proies appartenant à des chaînes alimentaires terrestres, le déclin de populations anglaises d'éperviers d'Europe (Accipiter nisus) résultant de contaminations mixtes (organochlorés et mercure) à long terme a été confirmé par Newton et al. (1993). Dans le Nord de l'Espagne, divers composés organochlorés persistants ont été trouvés dans les œufs d'autours des palombes (Accipiter gentilis) et de buses (Buteo buteo) collectés par Manosa et al. (2003) entre 1988 et 1999. Pendant les premières années de leur étude, ces auteurs notent des niveaux de concentration similaires et relativement bas dans les œufs des deux espèces qui se nourrissent principalement de lapins (Oryctolagus cuniculus). En revanche, après 1989, à la suite d'une sévère réduction des populations de lapins (épidémie hémorragique), les autours ont consommé davantage de passériformes (environ 2 fois plus), qui accumulent des niveaux d'organochlorés plus élevés que ceux des lapins. En conséquence, bien que l'utilisation du DDT soit bannie, les concentrations en p,p'-DDE des œufs ont augmenté et les indices d'épaisseur de leur coquille ont diminué. Cependant, seulement trois échantillons d'œufs d'autour dépassent le seuil de 1 000 ng.g–1 de poids frais de p,p'-DDE qui affecte l'éclosion ou la reproduction des oiseaux (Hoffman
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et al., 1996 ; Wiemeyer, 1996). Les analyses de Manosa et al. (2003) sur une période de 10 ans indiquent qu'il faut se préoccuper et tenir compte des changements qui se produisent dans la chaîne alimentaire des oiseaux de proie utilisés dans des programmes de biosurveillance de l'environnement. Cette nécessité est confirmée par les observations de Palma et al. (2005), qui ont mis en évidence des variations du niveau de contamination par le mercure des plumes de mue post-nuptiale des aigles de Bonelli (Hieraaetus fasciatus) dont les populations européennes diminuent. Ces aigles, qui se nourrissent principalement de mammifères et d'oiseaux terrestres, ont des niveaux de contamination qui varient suivant leur territoire de reproduction et la contamination de leurs proies mesurée dans les restes ramassés sur l'aire de nidation. En effet, les concentrations en Hg les plus élevées dans les aigles et leurs proies ont été observées dans les territoires de l'Ouest du Portugal situés sous le vent d'un complexe industriel utilisant la combustion de charbon. Les plus fortes concentrations de Hg avec bioamplification dans les plumes d'aigles sont uniquement trouvées chez les couples dont la nourriture consiste principalement en geais (Garrulus glandarius), avec une forte corrélation positive. Les concentrations les plus faibles se rencontrent chez les aigles qui se nourrissent d'herbivores (lapins, pigeons, perdrix). Dans l'étude de Palma et al. (2005), deux couples seulement sur 21 (9,5 %) ont des concentrations en Hg dans leurs plumes qui dépassent le seuil de 4,3–5,4 µg.g–1 correspondant à une concentration de Hg de 1,0 µg.g–1 (poids frais) dans les œufs qui est associée à des malformations embryonnaires chez des œufs de canard (Heinz & Hoffman, 2003). Ces différents travaux montrent que les contaminations des oiseaux de proie se situent à des niveaux où elles sont susceptibles d'induire des perturbations de la reproduction et qu'il est nécessaire d'effectuer des analyses détaillées et suivies dans le temps, de la nature et des proportions de leurs proies.
3.2.5 Discussion – conclusion La recherche et l’analyse des résidus de contaminants (organiques ou métalliques) a tout d’abord été un moyen de déterminer la cause d’empoisonnement d’Hommes ou d’animaux. Puis, avec l’augmentation dans l’environnement de substances polluantes résultant des activités industrielles et la production de produits destinés à éliminer des organismes jugés inopportuns ou concurrents de l’Homme, des effets délétères non prévus ont affecté, de façon plus ou moins importante, les fonctions biologiques de base des organismes non cibles. Parmi les animaux sauvages, les études réalisées depuis les années 1940 ont montré que les oiseaux ont subi des épisodes de grande mortalité et d’effets sublétaux (malformations embryonnaires, perturbations endocriniennes…). Les effets spectaculaires de l’épandage d’insecticides organochlorés persistants, éliminant des populations entières d’oiseaux, ont permis une prise de conscience par l’ensemble du public des dangers que représentent les pesticides (Woodwell, 1984 ; Beyer et Heinz, 2000) car les résultats sont beaucoup plus visibles que les conséquences de ces produits sur la faune du sol, par exemple. En ce sens, les oiseaux sont de très bons bioindicateurs. Malheureusement, ils payent un lourd tribu à leur rôle de sentinelles de l’environnement car ils subissent des effets létaux et sublétaux rapidement perceptibles après l’utilisation de substances aussi diverses que les « enrobages » de semences par des organomercuriels, les anticoagulants d’appâts pour les rongeurs qu’ils consomment ou les effets à plus long terme des organochlorés persistants.
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Les analyses des « résidus » de contaminants dans les organes des oiseaux et les relations qui ont pu être établies entre les concentrations dans les organes (et les œufs) et les effets létaux ou sublétaux observés constituent une avancée remarquable, due en particulier à la collaboration des biologistes et des chimistes. La possibilité d’établir des relations de cause à effets entre les concentrations de substances de mélanges complexes et les effets adverses permet d’envisager l’étape de prédiction du sort (devenir) et des effets de ces produits dans les écosystèmes, grâce au travail d’équipes pluridisciplinaires. L’importance de la détermination de la « charge en résidus » des organismes pour comprendre les effets des contaminants et prédire les « charges critiques » (critical body residues), au-delà desquelles des effets adverses peuvent apparaître, a été mise en relief ces dernières années, en particulier dans le milieu aquatique (McCarthy & Mackay, 1993), mais aussi comme possibilité d’évaluer la biodisponibilité des polluants du sol à partir de la concentration dans les organismes terrestres (critical body concentrations, Van Straalen, 1996). Cependant, comme le remarque ce dernier auteur : « The species containing the highest residues are not necessarily the ones most at risk. » Que ce soit en milieu aquatique ou en milieu terrestre, la détermination des concentrations critiques (létales ou sublétales) nécessite des expérimentations en laboratoire et des estimations sur le terrain pendant des durées suffisantes pour établir les cinétiques d’accumulation et analyser les potentialités toxiques éventuelles, parallèlement aux effets métaboliques. La validité des concepts «critical body burden » (CBB) ou «critical body residue » (CBR) applicable au corps entier ou «critical tissue burden » (CTB) applicable à un tissu particulier ou à un organe, ou en général à une dose interne (Mackay et al., 2001) peut être discutée et sa généralisation mérite des amendements (Landrum & Meador, 2002) que nous avons évoqués dans la partie relative aux invertébrés. Pourtant, la prise en considération de la concentration interne ou de la charge en contaminant de l’organisme ou d’organes plutôt que la concentration externe permet une meilleure prise en considération de la persistance et de la bioaccumulation des substances chimiques dans l’évaluation de la toxicité. Tandis que les « charges » du corps entier sont analytiquement plus appropriées aux petits organismes tests, les « charges critiques des tissus » sont mieux adaptées aux organismes plus gros, tels que les rongeurs utilisés dans les tests de toxicité chez les mammifères (Mackay et al., 2001). Chez les oiseaux, l’accumulation des contaminants a principalement été étudiée dans les organes ; on dispose d'un nombre restreint de données sur les animaux entiers. Cela rend difficile la comparaison des facteurs de bioaccumulation, et éventuellement de bioamplification établis chez les invertébrés en considérant le corps entier, avec ceux calculés dans les organes d’oiseaux (de même que chez la plupart des mammifères). Les oiseaux apportent des informations locales dont la précision dépend de l’étendue de leur territoire, mais ils peuvent aussi intégrer les pollutions de plusieurs sites (parfois très éloignés) lors de leurs migrations (par exemple, les pygargues japonais, lors de leur séjour en Sibérie dans une zone de production intensive d’organochlorés, ou ceux d’Europe centrale qui migrent en Afrique où le DDT est encore utilisé). Les oiseaux peuvent aussi accumuler et transporter des contaminants variés du milieu aquatique vers le milieu terrestre, comme c’est le cas pour les fulmars (Fulmarus glacialis), migrateurs de l’Arctique canadien. Ils véhiculent sur des distances de 250 à 400 km les contaminants de l’océan contenus dans leur nourriture (zooplancton, poissons, calmars…), puis les relarguent avec leurs fientes (guano) dans les régions (Devon Island) où il se reproduisent en colonies. Là, les concentrations en contaminants
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des sédiments de surface sont plus élevées que dans les alentours (DDT : × 60 ; Hg : × 25 ; HCB : × 10), ce qui représente un exemple de bioamplification et de transport non atmosphérique posant un problème pour la santé des écosystèmes terrestres arctiques éloignés (Blais et al., 2005). Avec le temps, les techniques d’analyse des tissus d’une part et les protocoles expérimentaux d’autre part sont devenus de plus en plus spécifiques, réfléchis et spécialisés. Si bien que « The classical approach to establish the hazard of toxic chemicals to wildlife is to determine the amount of a chemical present and then compare that value with those found to do harm in experimental animals » (Peakall, 1992 in Keith, 1996). En première approche, l’accumulation des contaminants est souvent cherchée dans le foie et les reins, qui interviennent dans le métabolisme général, la détoxification et l’excrétion. Ensuite, les investigations portent sur les organes qui contrôlent les fonctions plus ou moins perturbées par les contaminations ou le sang qui sert de « relais » entre les tissus ou les plumes. Les connaissances acquises diffèrent selon qu’il s’agit de contaminations par les éléments traces métalliques ou par des produits organiques. Pour les métaux, les techniques d’analyse sont relativement bien standardisées avec des échantillons de référence internationaux. Les diagnostics de contamination concernent souvent le foie et les reins, mais aussi le cerveau et les muscles pour les organes internes, ainsi que les plumes pour certains éléments traces (Pb, Hg…), dont une partie est ainsi éliminée lors des mues. Des concentrations critiques de toxicité ont été proposées pour les principales catégories de métaux et de familles d’oiseaux. L’utilisation des capacités de bioaccumulation de quelques espèces d’oiseaux communs comme bioindicateurs de pollutions métalliques peut être envisagée dans les écosystèmes terrestres. Des résultats que nous avons rapportés, on peut raisonnablement considérer qu'en Europe, les mésanges et les moineaux, mais aussi les merles peuvent renseigner sur les contaminations métalliques les plus fréquentes des milieux habités par l’Homme dans un rayon de l’ordre de quelques centaines de mètres. Les pies ont un territoire un peu plus grand (environ 50 ha), mais, elles peuvent également donner des indications sur les biotopes qu’elles fréquentent. Les étourneaux qui effectuent des navettes journalières entre la campagne où ils se nourrissent et les villes qui leur servent de dortoirs peuvent fournir des renseignements utiles sur la contamination de leur nourriture (par analyse de leurs plumes et de leurs fientes). L’analyse des plumes et des œufs ne nécessitant pas le sacrifice des individus est à encourager, de même que l’emploi des techniques permettant l’analyse simultanée de plusieurs éléments. En Amérique, de nombreuses espèces ont été utilisées pour évaluer les contaminations de l'environnement. Burger & Gochfeld (2004) donnent en exemple deux espèces d'oiseaux choisis parmi d'autres vertébrés pour leurs propriétés de bioindicateurs de la santé humaine et écologique. L'une est la tourterelle Zenaida macroura car c'est une espèce très commune dans une grande variété d'habitats ; située à la base de la chaîne alimentaire (consommation de sol et de graines), elle est mangée par de nombreux prédateurs dont l'Homme (chasse intensive) et l'analyse des muscles indique le niveau d'exposition des organismes qui peuvent les consommer, tandis que celle du foie informe sur les effets toxiques pour les tourterelles. L'autre est le goéland argenté Larus argentatus car on dispose de nombreuses données sur l'analyse de ses plumes et les goélands sont des indicateurs d'exposition des niveaux trophiques élevés.
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Les espèces domestiques (poules, canards, dindons) et les espèces gibiers que l’on sait élever (cailles, faisans, pigeons, perdrix, colins) peuvent aussi servir de sentinelles de l’environnement dans des lieux précis pendant des durées déterminées, permettant d’établir des cinétiques d’accumulation et d’élimination, voire de transmission entre générations. Un effort doit être fait pour que les résultats soient donnés par rapport au poids sec d’organe car, actuellement, peu de comparaisons peuvent être faites avec les données par rapport au poids frais, le pourcentage d’eau variant dans les organes et suivant les modes de prélèvement. Les oiseaux, au sommet, de chaînes alimentaires sont souvent cités comme des bioindicateurs d'accumulation des métaux. Cependant, les cas de bioamplification sont peu nombreux et ne caractérisent pas obligatoirement les chaînes longues. Les cas de bioamplification de métaux peuvent être l'apanage d'oiseaux végétariens non migrateurs à régime alimentaire peu varié (lagopède des saules). En revanche, les rapaces terrestres ne sont pas nécessairement des bioamplificateurs de métaux car ils peuvent avoir des régimes alimentaires variés (et variables selon les circonstances), résultant d'une part de la complexité des chaînes alimentaires et d'autre part des capacités d'adaptation des consommateurs (à l'origine d'une certaine flexibilité de la structure des chaînes alimentaires et de leur stabilité, Kondoh, 2003). Chez les oiseaux d'eau dont la nourriture est constituée essentiellement de poissons, eux-mêmes extrémités de longues chaînes alimentaires et exposés à un milieu aquatique pollué par les métaux, les concentrations métalliques peuvent être amplifiées dans des organes comme le foie et les reins. Pour l'ensemble des oiseaux, les plumes méritent une attention particulière car l'analyse de leurs résidus en métaux peut donner des informations, sans sacrifice des animaux. À condition de prendre des précautions techniques (signalées dans le texte), les plumes ont été utilisées dans de nombreux cas (voir revue de Burger, 1993). En Europe, Hahn et al. (1993) s'en sont servi comme « biomoniteurs » intégrant les pollutions en Cd, Pb et Hg de l'environnement de l'Allemagne (German Environmental Specimen Bank) en sélectionnant des espèces d'écologies différentes. Ils ont observé dans l'étendard de la plume une distribution homogène du Hg sous la forme méthylée (écotoxique), qui dépend de l'alimentation et de la physiologie de l'oiseau. Au contraire, Cd et Pb de l'étendard présentent des gradients importants de concentration entre la partie exposée à l'influence atmosphérique et les parties recouvertes. Pour ces auteurs, la concentration en Cd et en Pb des plumes indique la pollution atmosphérique, tandis que le contenu en Hg dépend de l'accumulation dans les chaînes alimentaires, avec les plus fortes concentrations chez les espèces en sommet de chaînes. Il faut cependant se méfier d'une généralisation de ce schéma car les tableaux récapitulatifs des concentrations en métaux montrent que tous les oiseaux prédateurs ne sont pas des bioamplificateurs. Enfin, les stades de développement des plumes doivent être précisés car pour le Hg, par exemple, Hahn et al. (1993) signalent une distribution homogène dans la plume, alors que Burger & Gochfeld (1992) trouvent que la concentration en Hg augmente de la base à l'extrémité. Ces différences dépendent probablement des espèces car dans leur étude des variations des concentrations en ETMs des plumes de l'aile (rémiges 1 à 10) et des plumes extérieures de la queue d'oiseaux de proie, Dawe et al. (2003) observent que les concentrations en Hg des rémiges dépendent ou non de l'ordre de mue des plumes suivant l'espèce. Ils notent des différences de contamination par les ETMs (Cd, Co et Ni) de l'extrémité à la base des plumes de la queue entre Accipiter nisus et Strix aluco. Il est donc absolument nécessaire de préciser le type de plume utilisé et sa situation. La 3e rémige primaire analysée par Ellenberg et al. (1985) ou la 5e rémige occupant une position moyenne entre 1 et
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10, étudiées par Dawe et al. (2003), nous semblent un choix convenable car cela ne devrait pas perturber le vol de l'oiseau après prélèvement. Pour les espèces les plus représentatives et les plus couramment utilisées, il serait judicieux de pouvoir établir des relations types entre les concentrations en métaux des plumes, des organes internes (Cosson & Metayer, 1993) et les concentrations totales des oiseaux données quelques fois, afin de disposer de canevas de référence permettant de comparer les résultats de différentes sources. Pour les composés organiques, les choses sont plus compliquées et en pleine évolution. D’une part, les méthodes d’analyses sont plus délicates et onéreuses, d’autre part « l’explosion » de la synthèse de nouveaux produits au cours du XXe siècle constitue un challenge difficile à tenir pour surveiller correctement le devenir de multiples substances techniques plus ou moins pures et dont la composition est parfois tenue secrète dans certains pays (confidentialité des brevets). Le perfectionnement des techniques permet toutefois de séparer et de doser de très faibles quantités dans les tissus et dans les organes. Aussi, avec l’augmentation des cas de mortalité et les manifestations sublétales qui ont frappé des populations d’oiseaux de zones traitées intensivement par des pesticides ou situées à proximité de sources de pollutions, les analyses de résidus se multiplient et s'affinent, mais les effets des nombreux contaminants organiques de l'environnement sont difficiles à évaluer expérimentalement en laboratoire, et surtout dans la nature dans les cas d'expositions à de faibles concentrations à plus ou moins long terme, qui peuvent avoir une action directe (sur l'organisme) ou indirecte (par transfert dans les œufs ou les prédateurs). Les corrélations qui ont été découvertes entre les concentrations d’organochlorés (DDE, DDD) dans les tissus (cerveau, foie, réserves graisseuses) et la mortalité des oiseaux ont été à l’origine d’un enchaînement d’informations toxicologiques, mais aussi de connaissances sur l’écologie de l’alimentation et les transferts énergétiques dans différentes chaînes alimentaires (voir Keith, 1996, pour l’historique du développement de l’analyse des résidus de pesticides chez les vertébrés sauvages). Les développements récents sont basés sur l’établissement de relations de causes à effets de contaminations organiques caractérisées. La concentration dans les tissus devient un facteur d’appréciation de la toxicité, mais comme les multiples contaminants n’ont pas la même toxicité, il a été développé, par exemple pour les composés chlorés polycycliques, une approche par les facteurs d’équivalence toxique (FETs), qui prennent en considération le mécanisme d’action de chaque congénère d’un mélange toxique et l’expriment par rapport à la toxicité du plus dangereux (actif) des composés halogénés (2,3,7,8-TCDD). Le potentiel toxique du mélange peut ensuite être exprimé par un paramètre d’intégration : l’équivalence toxique (EQT). Certes, cette démarche a demandé un travail de base considérable et elle présente encore des imperfections, mais elle a été adoptée par plusieurs agences internationales. Pour les PCBs et les dioxines, des FETs existent pour les poissons, les oiseaux et les mammifères. Cela permet dans un premier temps de comparer les sensibilités de trois classes de vertébrés (il n’existe pas suffisamment de données chez les reptiles et les amphibiens) pour établir des FETs. Les principales tables de facteurs d’équivalence figurent dans le compte rendu de la réunion d’experts tenue à Stockholm en 1997 (Van den Berg et al., 1998b). Une harmonisation complète
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n’a pas été possible chez les vertébrés à cause de différences de plusieurs ordres d’amplitude entre les FETs de quelques composés chez des espèces différentes. C’est chez les oiseaux que les FETs présentent les différences interspécifiques les plus importantes pour les congénères de composés cycliques organochlorés. Les oiseaux sont donc d’un grand intérêt car on peut en même temps évaluer les cinétiques d’accumulation des pesticides et observer leurs effets, aussi bien sur le développement embryonnaire des œufs que sur les cultures de tissus ou d’organes. Le calcul des équivalences toxiques est à l’origine de progrès conceptuels et techniques, qui conduisent à des méthodes de substitution « in vitro » permettant de comprendre et de prédire les risques environnementaux des contaminants organiques. En effet, une fois établies les relations entre les données des dosages chimiques (nécessaires au départ mais très consommateurs de temps et de matériel coûteux) et leurs effets au niveau cellulaire et moléculaire, la démarche inverse peut être effectuée pour évaluer l’importance de la contamination. Chez les oiseaux, les réponses cellulaires (induction de mono-oxygénases) mises en évidence in vivo chez la caille (Buyan & Page, 1978) et la perdrix grise (Abiola et al., 1989) ont été observées in vitro chez la caille et le busard (Rivière et al., 1985). Les cultures cellulaires d’hépatocytes d’oiseaux et de mammifères permettent l’expression et l’induction de plusieurs enzymes P450 (ECOD : éthoxycoumarine et EROD : éthoxyresorufin-O-dééthylase) qui peuvent être identifiées par « immunoblotting » et « Northern blotting » et mesurées. Ainsi, Dubois et al. (1996) ont observé que les hépatocytes d’embryon de caille, de fœtus de rat et d’hépatome humain expriment des familles différentes de CYP sous l’action du même PCB (respectivement CYP 2B1/2, CYP 1A1 et CYP 3A1) ; ce qui confirme in vitro les différences d’inductibilité des CYP450 entre espèces lors de leur bioactivation par les xénobiotiques et la détoxification. Les effets au niveau des membranes intracellulaires ont été visualisés par l'examen en microscopie électronique d’hépatocytes de caille cultivés en présence de plusieurs xénobiotiques (9 organochlorés, 2 PCBs, 4 herbicides et 3 insecticides divers) (Hugla et al., 1996). Cet ensemble de substances provoque des modifications communes : diminution du glycogène, modifications du réticulum endoplasmique rugueux, figures myéliniques, qui démontrent que cette technique peut être utilisée pour détecter in vitro les effets de polluants organiques variés, dont la spécificité doit être complétée par d’autres examens. L’emploi de ces méthodes est prometteur pour l’ensemble des vertébrés terrestres, avec des adaptations et des précisions suivant les espèces. En effet, pour l’utilisation des cultures d’hépatocytes de poulet, il est nécessaire de préciser à quel stade du développement ils sont prélevés car l’induction de l’activité EROD par les hydrocarbures halogénés dépend de l’âge des embryons (Bosveld et al., 1997). D’autres perfectionnement, sont également nécessaires (voir revues critiques de Giesy & Kannan, 1998 et de Van den Berg et al., 1998b) pour tenir compte des différences de sensibilité des espèces. La protection de certaines espèces ne permettant pas de prélever des œufs, on doit expérimenter sur des espèces plus communes et en particulier sur celles que l’on sait élever. Parmi celles-là, les poules, qui ont fait l’objet de nombreuses expériences de tératogenèse expérimentale, semblaient toutes indiquées. Cependant, on s’est aperçu qu’elles étaient particulièrement sensibles aux réponses dépendant du récepteur Ah (aussi bien pour la mortalité embryonnaire que pour l’induction in vitro de l’activité EROD des hépatocytes). Leur utilisation pourrait conduire à une surévaluation de la toxicité des xénobiotiques (dans ce cas, le coefficient de sécurité de 1/10 ne serait pas nécessaire ?).
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Il y a donc nécessité de comparer la sensibilité des espèces sauvages pour évaluer le risque qu’elles encourent. Par exemple, pour les congénères PCBs, l’ordre de sensibilité déterminé avec l’induction in vitro de l’activité EROD est : poulet domestique > faisan > dinde > cormoran = héron = canard = sterne pierregarin > sterne de Forster. On s’aperçoit ainsi que les oiseaux d’eau semblent moins sensibles que les oiseaux terrestres aux p-PCBs, alors qu’ils ont des capacités d’accumulation importantes, qui dépendent en partie de leur régime alimentaire, mais aussi sans doute de l’adaptation de leur métabolisme à ces substances. À ce stade de la discussion de l’évolution des méthodes et techniques d’évaluation de l’accumulation des substances organiques chez les oiseaux (valable également pour les mammifères), on constate que l’on ne peut pas généraliser le principe de bioamplification mis en évidence avec le DDT, bien que cette idée soit couramment acceptée, tellement les conséquences ont été désastreuses pour les oiseaux. À ce sujet, il convient d’être prudent et il n’est pas question d’ignorer les cas de bioaccumulation et de bioamplification du DDT (ou métabolites) et d’autres organochlorés (dieldrine) que l’on trouve encore dans les sols, les eaux, les sédiments et les organismes. Ces pesticides persistants se mêlent à d’autres composés synthétisés plus récemment et compliquent l’évaluation de leur bioaccumulation et de leurs effets car tous n’ont pas les mêmes propriétés (physico-chimiques ou biologiques) et leurs interactions sont difficiles à analyser. De ce fait, plusieurs notions doivent être discutées : • l’idée que le degré de bioaccumulation dépend uniquement des propriétés physicochimiques des composés, et en particulier des coefficients de partage entre l’eau et le noctanol (Kow) qui est souvent avancée, ne peut pas être retenue car une partie importante des composés lipophiles peut être métabolisée et excrétée. L’utilisation du Kow peut seulement donner des indications préliminaires car il ne tient pas compte des différences importantes entre espèces ; • l’idée que les concentrations augmentent avec les niveaux trophiques successifs et que la masse de polluants passant dans la chaîne alimentaire étant conservée, les concentrations augmentent. Ces deux idées ont été discutées par Moriarty (1999) dans son ouvrage Ecotoxicology (p. 180–194), en prenant l’exemple de la rétention et de la concentration de la dieldrine dans les grives (Turdus ericetorum) nourries par Jefferies & Davis (1968) pendant 6 semaines avec des vers de terre contaminés par le sol. Dans ce cas, il est évident qu’une partie importante du polluant a été excrétée et/ou métabolisée et qu’une petite proportion seulement du contaminant persistant a été retenue dans le corps. Les comparaisons de concentrations peuvent seulement être valables lorsqu’elles sont faites entre organes ou tissus similaires. En ce sens, les comparaisons entre les concentrations d’organes (foie, reins, cerveau) d’oiseaux (et éventuellement d’autres vertébrés terrestres) sont justifiées, mais les comparaisons des concentrations dans le corps entier d’invertébrés avec celles de tissus de vertébrés n’ont pas de réelle signification. De plus, et cela est un écueil que nous avons souvent rencontré et signalé, les résultats des analyses sont très difficiles à comparer car les dosages portent sur une diversité de tissus (foie, cerveau, rein, muscles, œufs entiers ou parties, plasma sanguin…) et les quantités sont rapportées tantôt par rapport au poids sec, tantôt au poids frais et quelque fois par rapport au poids de lipides (de tissus ou d’animal). Moriarty (1999) considère que le poids frais de l’animal entier semble la mesure la plus appropriée. Pour notre part, le poids sec nous
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semble sujet à moins de variations suivant le mode de manipulation des échantillons et la nature des organes plus ou moins riches en eau (bien que les fonctions vitales s’effectuent dans les tissus hydratés). Finalement, comme le suggère Moriarty (1999) : « for prediction, the question of increase in concentration along the food chain is of secondary importance, and is far from an invariable rule. It is more important to attempt to predict a pollutant’s pathways: which species, in what circumstances, are likely to be exposed to a potential pollutant ». En prenant l’exemple du faucon pèlerin (Falco peregrinus) disparu du Sud de la GrandeBretagne à la fin des années 1950, à la suite de la consommation de pigeons contaminés par la dieldrine (Jefferies & Prestt, 1966), Moriarty (1999) conclut : « the more important point about food chains in general is that species at the ends of them are often K-species, and are relatively slow to recover when their populations have been reduced ». Les résidus en contaminants de toutes sortes (insecticides organochlorés, biphényls polychlorés, métaux lourds, dioxines, rodenticides, composés organostanniques et autres contaminants) continuent à être utilisés pour évaluer les problèmes qui affectent les potentialités de reproduction et de maintien des populations des vertébrés sauvages. Dans la revue de Keith (1996), les études concernant les problèmes liés à l’analyse des résidus font l’objet d’un tableau se rapportant aux rapaces, un autre aux oiseaux d’eau dans le monde, tandis que deux autres concernent des mammifères et d’autres vertébrés. De toutes les études citées, une seule concerne la France (Mendola & Risebrough, 1977, pour les résidus organochlorés dans l’avifaune camarguaise). Et pourtant l’avifaune française continue à payer un lourd tribu aux pollutions et modifications des milieux naturels. Comme le fait remarquer l’enquête du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN, 2002), les populations d’oiseaux continuent à diminuer. Non seulement les espèces gibiers, dont certaines ont presque disparu des paysages à l’état sauvage (cailles, perdrix, faisans), mais aussi les passereaux. Les populations de moineaux eux-mêmes, dont nous préconisions l’utilisation comme bioindicateurs, ont diminué en France et beaucoup plus encore en Grande-Bretagne. Les pies sont en déclin de 59 %, de même que deux espèces de mésanges. L’état de santé des populations d’oiseaux nicheurs en France de 1989 à 2001 peut être consulté sur : http://www.mnhn.fr/mnhn/meo/crbpo/. Récemment, Thomas et al. (2004) viennent également de signaler pour les 20 à 40 dernières années une diminution du nombre d'oiseaux de 54 % des espèces natives en Grande-Bretagne en même temps que celles du nombre de plantes et de papillons. Or, les oiseaux peuvent être de précieux auxiliaires de l’agriculture. Beaucoup d’oiseaux consomment de grandes quantités d’invertébrés, en particuliers d’arthropodes, mais aussi des mammifères (surtout rongeurs), d’autres oiseaux et des plantes qui constituent des pestes biologiques. Notre objectif n’est pas de traiter de façon exhaustive du rôle des oiseaux dans la nature. Cependant, l’examen de la bioaccumulation des contaminants chez ces vertébrés amène à réfléchir au comment et aux conséquences de ce phénomène. Avant la synthèse et l’utilisation massive des pesticides organiques par exemple, le problème de leur accumulation ne se posait donc pas et le rôle des oiseaux dans le contrôle des insectes pestes (sauterelles, carpocapses, chenilles défoliatrices…) était reconnu aussi bien dans les cultures que dans les vergers et les forêts.
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La synthèse d’insecticides organochlorés persistants a permis la destruction de beaucoup d’insectes, mais a eu aussi des conséquences néfastes sur de nombreux organismes non cibles, dont certaines espèces d’oiseaux (prédateurs en particulier). Sont venus ensuite les insecticides organophosphorés et de nombreux herbicides, avec des conséquences sur le destin des oiseaux granivores (perdrix grises...), si bien que certains auteurs ont cru en l’arrivée d’un second printemps silencieux (Greenwod, 1995 ; Krebs et al., 1999). Les problèmes de santé globale liés aux phénomènes de pollution ont conduit à la prise en considération de l’intérêt de préservation de la biodiversité et d’un développement durable (sustainable). Dans cette mouvance, l’intérêt des oiseaux comme prédateurs de nuisances biologiques animales et végétales fait l’objet d’un regain dans de nombreux pays et en particulier en Amérique (surtout du Nord). On trouve dans la revue de Kirk et al. (1996) un historique documenté du développement et du déclin de l’ornithologie économique et des raisons qui justifient la préservation des oiseaux dans les agrosystèmes. En effet, même si certaines espèces d’oiseaux migratrices (10 sur 215 en Amérique du Nord) et quelques-unes en Europe (par exemple les grues) causent des dégâts localisés dans les semences agricoles, la grande majorité des espèces sont des prédateurs d’insectes. De nombreux exemples spectaculaires pris dans le monde entier sont rappelés par Kirk et al. (1996), qui envisagent l’intérêt de plus favoriser (en Amérique du Nord) les espèces d’oiseaux bénéfiques dans les agrosystèmes, avec une perspective de conservation. Ces auteurs examinent les facteurs intrinsèques et extrinsèques qui déterminent l’impact de la prédation sur les invertébrés et, à titre d'exemple pour les cultures, ils formulent un modèle métabolique basé sur la consommation potentielle des sauterelles par les oiseaux chanteurs des prairies. Au moment de définir les orientations de l’agriculture du XXIe siècle (directives habitats, conservation des espèces et de la biodiversité), la démarche de Kirk et al. (1996), proposant d’évaluer les bénéfices insectes pestes/prédateurs sur le même principe que celui qui est examiné sur la base coût/bénéfice ou risque/bénéfice pour l’autorisation des nouveaux pesticides, nous semble pertinente. Les méthodes de mesures de l’impact de la prédation des oiseaux chanteurs sur la biomasse des insectes proies sont variées et donnent lieu à des controverses. Pourtant, les observations et les mesures réalisées en Amérique, dans le cas de la prédation des sauterelles dans les prairies et des pucerons, des charançons et des noctuelles dans les céréales par les oiseaux, montrent que celle-là constitue un gain substantiel pour les fermiers (Tremblay et al., 2001). En Europe, dans les jardins et surtout les vergers, le rôle des oiseaux dans la prédation des chenilles de papillons est particulièrement important pour les carpocapses (lépidoptères) et d’autres espèces. Les données quantitatives de la prédation par les mésanges (Parus major et P. caeruleus) fournies par Solomon et al. (1976) et Solomon & Glen (1979) montrent que les mésanges peuvent être un facteur essentiel de la réduction des populations de larves de carpocapse (Cydia = Laspeyresia pomonella) parasitant les pommiers (une mésange serait capable de protéger 40 arbres fruitiers contre les insectes ravageurs des cultures). En France, la synthèse nationale des fluctuations temporelles de l’abondance des populations d’oiseaux nicheurs réalisée par le Muséum nationale d’histoire naturelle à Paris (MNHN, 2002) révèle que 3 espèces de mésanges sur 6 sont en déclin significatif et que les 3 autres, dont P. major et P. caeruleus, ont tendance à diminuer. Quelques espèces, dont le rougegorge (Erithacus rubecula), sont heureusement en progression (+ 68 %) et sont également des auxiliaires efficaces dans les vergers et les jardins (Photographie 35). En Grande-Bretagne, le traitement d’automne des céréales est probablement responsable du déclin de plusieurs espèces d’oiseaux chanteurs des fermes comme la linotte mélodieuse
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(Carduelis cannabina) (Fuller et al., 1995). Les causes de diminution des populations d’oiseaux sont certainement multiples et l’incidence des pratiques agricoles (monocultures sur de grands espaces), qui diminuent les types d’habitats et la diversité des paysages en favorisant la prédation, est constatée en France pour plusieurs espèces dont les perdrix (Bro et al., 2001). L’influence directe et indirecte des pesticides sur le « couvert » et l’abondance de la nourriture a également été démontrée. Par exemple, pour la même espèce, Perdix perdix, Potts (1986) et ses collègues ont mis en évidence expérimentalement en Grande-Bretagne l’impact négatif des insecticides et herbicides sur l’abondance de nourriture en invertébrés et le succès d’élevage des jeunes. En France, l'intoxication des perdrix grises par les inhibiteurs de chlolinestérase et l'imidaclopride (gaucho) a été observée dans le Nord et le Bassin Parisien par Berny (2001) (voir 3.2.3.4.). De plus, des études ont montré que dans les fermes biologiques, les densités d’oiseaux étaient plus élevées que dans les fermes conventionnelles. La réduction de l’utilisation des pesticides pour augmenter les populations d’oiseaux dans les agrosystèmes correspond aux recommandations de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement (1987) et de nombreux organismes scientifiques (Mc Laughlin & Mineau, 1995 ; Kirk et al., 1996). Cependant, si la réglementation plus stricte de l'emploi des pesticides s'accompagne effectivement d'une diminution des épandages de ces substances, des contaminants comme les dioxines, les ignifugeants et autres organobromés, dont la présence et les effets avaient surtout été étudiés chez les mammifères, se trouvent aussi dans les œufs d'oiseaux. L'analyse de 62 œufs non éclos de six espèces d'oiseaux de proie récoltés en Norvège en fin de période d'incubation montre que parmi les PBDE, PBB et TBBP A analysés, ce sont les BDE 47, 99 et 153 qui sont les congénères dominants, avec des variations suivant les espèces (Herzke et al., 2005). La plus forte concentration en PBDE (somme de neuf congénères) a été trouvée dans les œufs du pygargue à queue blanche Haliaeetus albicilla (800 ng.g–1 de poids frais avec une moyenne de 184 ng.g–1) suivie par celles des œufs de faucon pèlerin (Falco peregrinus) et de l'aigle pêcheur (Pandion haliaetus), avec des moyennes respectives de 155 et 105 ng.g–1. L'aigle royal (Aquila chrysaetos) qui se nourrit principalement de grouses, lagopèdes et de lièvres, présente les concentrations en PBDE les plus faibles (moyenne de 3 ng.g–1). Des composés halogénés naturels ont également été détectés dans les œufs de quelques espèces, mais des analyses complémentaires sont nécessaires pour préciser les modes d'accumulation des organobromés dans les différentes chaînes alimentaires, ainsi que les voies d'excrétion et de biodégradation de ces substances dont l'augmentation est inquiétante. Il en est de même pour les dioxines, qui peuvent contaminer les œufs de poule élevées sur des sols pollués, par exemple dans le Nord de la Suisse (Schuler et al., 1997). En France, des concentrations de 1,9 à 43 pg.g–1 de matière grasse ont été trouvées dans des œufs de poule provenant d'élevages familiaux (alors que la teneur maximale devrait être de 3 pg.g–1) (Viel, 2006, communication personnelle). Ces élevages étaient situés respectivement dans des secteurs peu exposés ou au contraire couverts par le panache de fumée de l'incinérateur d'ordures ménagères de Besançon (France), dont les retombées se traduisent par des concentrations de PCDD/F dans le sol de 0,25 à 28,06 pg WHO-TEQ.g–1 de matière sèche suivant la topographie et les conditions météorologiques du site (Floret et al., 2006). Ainsi, les dioxines et les retardateurs de flamme qui sont présents dans de nombreux appareils ménagers et sont émis lors de la combustion de divers déchets peuvent se retrouver dans les œufs et être à l'origine d'effets toxiques sur les embryons, mais aussi sur les consommateurs d'œufs.
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Alors que la plupart des ouvrages concernant les oiseaux en tant qu'auxiliaires de l'agriculture étaient anglo-saxons, un livre en langue française vient de paraître fort à propos grâce au concours d'auteurs français et suisses sous l'égide du Ctifl (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes), (Jay, 2000). Après un rappel de quelques généralités en dynamique des populations et de l'analyse des relations prédateur – proies, un ensemble de fiches synthétiques présente plus de 50 espèces d'oiseaux (26) et de mammifères auxiliaires des cultures « avec des actions possibles permettant d'encourager la présence de chaque espèce et de préserver son habitat ». Espérons que « ce livre, plaidoyer pour une réflexion à l'égard de la faune, de son environnement et de son rôle », favorise « une prise de conscience collective, dans l'intérêt bien compris d'une agriculture durable au service de la société et d'une agriculture rentable qui préserve l'économie des exploitations » comme l'indique P. Delattre en préface de cet ouvrage. Ces considérations pourraient poser pour des digressions par rapport au sujet de la bioaccumulation. Cependant, l’utilisation d’insecticides tels que le carbofuran, les composés organophosphorés et les herbicides a eu et a encore de tels effets létaux d’une part sur les oiseaux chanteurs des zones cultivées et des forêts, et d’autre part sur les rapaces, que l'on devrait s'intéresser à la dynamique des transferts de ces pesticdes et surtout de leurs métabolites (car leur transformation est plus rapide que celle des organochlorés), ainsi qu'à la toxicité secondaire des produits les plus toxiques. En l’état actuel des choses, les efforts des principaux organismes de recherche ont porté sur l’évaluation de la toxicité des pesticides et sur la détermination d’espèces qui pourraient être utilisées pour la prédiction des risques lors des traitements. La toxicité aiguë par voie alimentaire préconisée par l'essai 205 (OCDE, 1984) porte sur six espèces d'oiseaux (caille, canard, colin, faisan, perdrix et pigeon). Les données relatives à la toxicité aiguë des pesticides (DL50 et CL50) et les problèmes inhérents à la comparaison des effets de ces substances, ainsi que la difficulté de prédire les risques pour différentes espèces ont été présentés et discutés par Mineau et al. (2001). Ces auteurs analysent la possibilité d’utiliser des valeurs de références « basées » sur des facteurs d’extrapolation communs à plusieurs espèces et de pesticides qui ont un mode d’action spécifique (par exemple, les pesticides inhibiteurs de cholinestérases et les autres pesticides). Ces auteurs donnent des tableaux détaillés des valeurs de DL50 pour ces deux catégories de pesticides ainsi que les valeurs correspondant à un niveau de protection de 95 % des espèces et un risque pour 5 % (HD5 : hazardous dose %). Les discussions de ces auteurs soulignent la différence de sensibilité des espèces (déjà remarquée dans l’exposé des résultats) et la difficulté qui en résulte dans le choix des espèces tests (déjà révélée dans la mise au point d’un test sublétal chronique sur la reproduction). Ce test introduit en 1975, précisé par la suite (essai 206 ; OECD, 1984) et recommandé par l’ASTM (1990) a été conçu principalement pour détecter l’amincissement de la coquille et autres impacts de la bioaccumulation des hydrocarbures chlorés. Dix-neuf des 69 pesticides testés causent des anomalies du développement à des doses inférieures à celles qui causent des effets détectables chez les parents (Mineau et al., 1994). Le peu de similarités entre les effets des pesticides sur les deux espèces utilisées (colin de Virginie : Colinus virginianus et canard colvert : Anas platyrhynchos) du protocole recommandé aux États-Unis crée des difficultés d’extension des résultats aux autres espèces potentiellement affectées. La version OECD préconise la caille japonaise (Coturnix c. japonica) d’élevage. Les conditions d’acclimatation et les durées d’exposition (10 semaines) et de ponte
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(8–10 semaines) font que le test est assez long, mais les résultats obtenus avec un grand nombre (69) de pesticides variés (insecticides, herbicides, fongicides) dans 134 études sont intéressants et permettent de comparer les effets des mêmes composés chez les mammifères (rats). Il a ainsi été démontré que non seulement les organochlorés avaient des effets sur les populations d’oiseaux (Burgat-Sacaze et al., 1990), mais également que d’autres pesticides agissaient sur la qualité de la coquille. Des recherches complémentaires, portant non seulement sur les pesticides mais aussi sur les contaminants organiques dangereux qui sont de plus en plus répandus (dioxines, retardateurs de flamme, phtalates…), doivent être programmées dans les œufs et les organes des oiseaux tests. De plus, il est souhaitable que le nombre actuel (2) des espèces d'oiseaux tests imposé par la réglementation pour les pesticides soit augmenté pour tenir compte de la grande diversité de sensibilité des espèces. Les tests actuels prennent uniquement en considération les contaminations de l’alimentation. Aussi, il convient de prévoir l’étude du transfert des contaminants par contact (par exemple des pattes avec les granulés de pesticides répandus dans les champs). Enfin, étant donné l’importance de la reproduction dans la régulation des populations animales, on peut agréer le point de vue de Mineau et al. (1994) selon lequel les études sur la reproduction des oiseaux devraient être des « moyens d’identifier les mécanismes des actions toxiques ». En particulier, des analyses histologiques pourraient être conduites sur les gonades et être complétées par des observations immunocytochimiques des cellules endocrines et neuroendocrines du système hypothalamo-hypophyso-gonadique intervenant dans la différenciation sexuelle et la reproduction. En effet, certains pesticides et contaminants organiques exercent des actions hormonomimétiques qui peuvent perturber la différenciation de l’appareil génital et du système nerveux. L’azinphos, par exemple, provoque l’atrophie des testicules et inhibe la régression des canaux de Müller chez les embryons mâles (Lutz-Ostertag & Lutz, 1974) (Photographie 36). Un panorama des effets œstrogènes mimétiques de polluants (pesticides, métaux lourds, polluants industriels) a été dressé par Fry (1995). Ces substances, plus ou moins accumulées dans les œufs, peuvent à la fois exercer, suivant leurs concentrations, des actions tératogènes létales ou sublétales, en particulier sur l’organogenèse génitale. Récemment, McGary et al. (2001) ont constaté que la vinclozoline (VIN), fongicide appliqué sur les semences de céréales et les plantes ornementales, agit comme perturbateur endocrinien en altérant le contenu hypothalamique en GnRH-I (Gonadotropin releasing hormone I), ainsi que la concentration plasmatique en stéroïdes des cailles mâles et adultes après traitement des œufs au 4e jour d’incubation. Le comportement d’accouplement des mâles est réduit. Les auteurs prévoient l’analyse des résidus dans des populations d’oiseaux sauvages pour déterminer leur exposition exacte dans la nature. Ainsi, on aboutit à la conjonction pluridisciplinaire d’analyses écotoxicologiques, toxicologiques, de dosages d’hormones naturelles et de perturbateurs endocriniens, en même temps que d’observations de biologie du développement, du comportement et de biologie des populations, qui doivent être développées et intégrées dans les démarches d'évaluation du risque reposant à la fois sur des essais de toxicité et des scénarios d'exposition. J.L. Rivière (remarque personnelle) insiste sur la nécessaire complémentarité des essais de toxicité « in vivo » (avec des paramètres écologiquement pertinents) et des études « in vivo » à condition de s'assurer que les effets sont (a) spécifiques du produit, (b) extrapolables à l'organisme entier et (c) peuvent amener à conclure à un risque dans les conditions naturelles d'exposition au produit. Pour cela, une approche éco-épidémiologique sur le modèle de celle de
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Gilberston et al. (1991) est recommandée car leur analyse des données toxicologiques et des données de terrain permet, d'une manière scientifiquement rigoureuse, de déterminer la causalité d'un phénomène observé en nature et d'en attribuer la cause à une pollution chimique. Les résultats de l'ensemble de ces investigations devraient être pris en considération lors des processus d'homologation des substances chimiques.
3.3 Mammifères 3.3.1 Introduction Les mammifères sont généralement considérés comme un groupe animal dont les adaptations ont connu un grand succès. Cependant, l’évolution de leur diversité naturelle est loin d’être assurée. Se référant à la publication (Red List of Threatened Animals) de l’IUCN (Baillie & Groombridge, 1996), Amori & Novak (2001) notent que le nombre d’espèces de mammifères qui sont en danger à différents degrés est plus proche de la moitié que du quart dans l’ensemble du monde. Les pesticides et les polluants sont souvent cités comme l’une des menaces possibles, aussi bien pour les espèces rares que pour les communes. Dans l’ouvrage de Shore & Rattner (2001), on trouve une revue des effets des xénobiotiques dans huit ordres de mammifères. Suivant les caractéristiques physiologiques et écologiques qui les rendent plus ou moins sensibles, les mammifères, comme les autres animaux, intègrent de façon spécifique les contaminants auxquels ils sont exposés dans les milieux où ils vivent. Les travaux concernant ces vertébrés peuvent être répertoriés sous plusieurs rubriques basées : • soit sur la nature des contaminants (ETMs, produits organiques…) et leur devenir chez les différentes espèces, • soit sur les caractéristiques des animaux (taille, mode de vie…), • soit sur la taxonomie. Dans tous les cas, il s’agit d’obtenir et de rassembler les connaissances scientifiques nécessaires à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques écotoxicologiques utilisables par les organismes de surveillance de l’environnement. Succinctement, nous présentons dans cette introduction quelques indications générales permettant de savoir où l’on peut trouver des informations concernant la bioconcentration et la bioaccumulation des contaminants chez les mammifères.
3.3.1.1 Ouvrages de synthèse consacrés aux différents types de contaminants et mises au point d’écotoxicologie sur leur bioconcentration On peut naturellement obtenir des données dans les ouvrages généraux d’écotoxicologie, qui fournissent des exemples concernant les différentes espèces d’organismes de la biosphère. Parmi les ouvrages en langue française, on peut citer ceux de Ramade (1992), Forbes & Forbes (1997), Rivière (1998) et en langue anglaise ceux de Suter (1993), Calow (1998), Schüürmann & Markert (1998), Moriarty (1999), Eisler (2000a, b, c), Hoffman et al. (2003). Un ouvrage par Beyer et al. (1996) est consacré aux concentrations en contaminants
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des tissus de la faune sauvage (dont un certain nombre de mammifères), tandis que Shore & Rattner (2001) ont édité un livre sur l’écotoxicologie des mammifères sauvages. De nombreuses synthèses concernent les ETMs, parmi lesquelles on peut citer : pour le Hg (Eisler, 1987 ; Lodenius, 1994 ; Boudou & Ribeyre, 1997 ; Wolfe et al., 1999) ; pour l’Ag (Eisler, 1996b ; Ratte, 1999) ; pour le Cd (Eisler, 1985b) ; pour le Pb (Eisler, 1988) ; pour le Zn (Eisler, 1993) ; pour le Cu (Eisler, 1998a). Pour l’ensemble des métaux et des métalloïdes, un nombre conséquent de données est rassemblé dans le traité édité par Merian (1991) et dans les ouvrages de Eisler (2000a, c) en relation avec les effets sur la santé des hommes, des animaux et des plantes. Pour les produits organiques, de nombreux documents sont résumés et rapportés dans les Contaminant Hazard Reviews Reports de Eisler (mirex, 1985a ; dioxines, 1986a ; biphényls polychlorés, 1986b ; pentachlorophénols, 1989a ; atrazine, 1989b ; chlordane, 1990 ; famphur, 1994 ; BPCs planaires, 1996a ; ainsi que dans le livre de synthèse consacré aux contaminants organiques, 2000b). Pour le groupe des BPCs, PCDDs et PCDFs, nous avons déjà présenté chez les oiseaux (3.2.3.1.2.1.) le concept de facteurs d’équivalence toxique (FETs) des nombreux congénères de ces produits persistants dans l’environnement, que l’on retrouve en mélange dans les tissus adipeux des animaux et des hommes. Attention : la notion de facteurs d’équivalence de toxicité (FET) utilisée depuis 1976 permet le calcul d’équivalents toxiques (EQTs), qui s’obtiennent en multipliant la quantité présente d’un composé par un FET défini par rapport à la dioxine la plus toxique TCDD. Mais il existe deux définitions des FETs : * dans la nomenclature OTAN établie en 1988 (NATO-CCMS, 1988), les FETsOTAN = FETs-I (I = internationaux) prennent uniquement en compte les dioxines et les furanes ; * dans la nomenclature établie par l’OMS (Van den Berg et al., 1998b ; WHO, 1998), les FETs-OMS englobent les divers congénères de dioxine et furane ainsi que les BPCs « dioxine-like » (Safe, 1990).
Les FETs-OMS, très utilisés chez les oiseaux, ont été également utilisés chez des mammifères, principalement chez les rongeurs et les visons, mais également chez de grands mammifères (Van den Berg et al., 1998b). Les FETs-I ont été utilisés par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour évaluer le niveau d’exposition aux dioxines et furanes (PCDD et PCDF), par voie alimentaire, de la population française en général (Afssa, 2000). Des observations sur le transfert, l’accumulation et l’éventuelle bioamplification de ces contaminants sont aussi relatées dans le chapitre consacré aux chaînes alimentaires.
3.3.1.2 Catégories de mammifères (en plus des groupes taxonomiques : ordres, familles, genres…) pouvant être utilisées comme sentinelles de l’environnement Si l’on se base sur les modes de vie des mammifères et leurs relations avec l’Homme, on peut distinguer : • des mammifères familiers (chiens, chats…) dont l'habitat est souvent commun ou proche de celui de l’Homme et qui peuvent servir d’indicateurs d’exposition pour celui-là. • des mammifères domestiques (lapins, vaches, cochons…) ; de taille variable, ces animaux sont inféodés à la présence humaine et consomment parfois des aliments communs
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avec l’Homme avant de servir de nourriture à celui-là. Certains facteurs d’environnement sont les mêmes que ceux de l’Homme et leur contamination est contrôlée au niveau des produits de consommation (viande, lait) ou d’utilisation (phanères) ; • des mammifères sauvages de toutes tailles qui renseignent sur la qualité des biotopes naturels ou modifiés plus ou moins vastes et plus ou moins dégradés. Leurs caractéristiques (âge, sexe…) ne sont pas toujours faciles à déterminer. De plus, le nombre d’individus parfois restreint de certaines espèces et leur capture pour des investigations de routine ne sont pas forcément compatibles avec le respect de leur conservation. Néanmoins, ces animaux apportent des renseignements précieux sur des milieux peu fréquentés par l’Homme et des méthodes conservatrices permettent d’obtenir des indications sur la contamination d’animaux vivant en complète liberté ; • se superposant à ces catégories, on groupe sous le vocable de petits mammifères de nombreuses espèces de petite taille, que l’on peut observer dans la plupart des milieux et chez qui les concentrations en contaminants sont destinées à évaluer leur capacité à servir de sentinelles pour la présence, l’accumulation et les effets des contaminants et établir leur importance relative dans les chaînes trophiques. Enfin, l’Homme fait l’objet d’observations sur la présence des contaminants dans le sang, les urines, le lait et les tissus qui peuvent être prélevés et analysés sans porter atteinte à son intégrité. L’étude de la bioaccumulation chez l’Homme est fortement couplée avec celle des répercussions des contaminants sur sa santé ; aussi pour cette partie, il est recommandé de se reporter d’une part aux traités de toxicologie, et d’autre part aux enquêtes et analyses épidémiologiques. L'analyse de biomarqueurs est également un moyen d'obtenir des informations sur le niveau de certaines contaminations. L’expérimentation chez l’Homme n’étant pas envisageable par déontologie, une démarche prometteuse consiste à établir un lien entre la recherche sur la santé environnementale basée sur les animaux et celle basée sur l’Homme en utilisant des espèces sentinelles pertinentes. À ce sujet, O’Brien et al. (1993) ont réalisé une large revue de l’utilisation des mammifères comme sentinelles de l’environnement (119 références). Après avoir proposé un système de définitions des termes indicateur (permet de révéler la présence ou l’absence de conditions d’environnement particulières), moniteur (permet d’évaluer et de quantifier le degré de contaminations environnementales particulières) et sentinelle (permet l’évaluation et la quantification de la contamination de l’environnement en relation avec la santé humaine), ils ont établi deux tableaux de recherches sur les mammifères considérés respectivement comme indicateurs et moniteurs, afin de constituer une base de données pour la sélection d’espèces sentinelles dans les efforts de recherches futures. Ces tableaux rapportent les concentrations en métaux et en contaminants organiques des organes cibles principaux d’un grand nombre d’espèces de mammifères (domestiques ou sauvages, petites ou grandes) dans des localités du monde entier (mais aucune de France…). Pour ces chercheurs américains (université médicale du Michigan), la complexité et la subtilité des facteurs interagissant entre un organisme et son environnement exige de fournir une définition bien focalisée de ce que l’on désire évaluer à partir d’une espèce sentinelle et pour quel aspect de la santé humaine. En cela, les préoccupations de ces auteurs sont restrictives dans leur définition d’espèce sentinelle, qui doit répondre à des critères physiologiques mais aussi de taille et de chaîne alimentaire (omnivore), ce qui réduit le nombre de publications de leur revue (< 20) traitant simultanément de l’évaluation du risque des contaminations environnementales chez l’Homme et les sentinelles. Malgré cette restriction qui est motivée par des préoccupations
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directes de médecins face à la complexité des contaminations de l’environnement, la base de données rassemblées par ces auteurs et leurs points de vue méritent une attention approfondie car ils se réfèrent à des cas concrets de risques environnementaux subis à la fois par les hommes et les animaux (contamination tragique d’animaux et d’hommes par le mercure à Minamata et Niigata au Japon, ou explosion d’un réacteur de l’usine ICMESA à Seveso en Italie qui laisse échapper un nuage chimique contenant de la dioxine…). Les souhaits et les propositions de O’Brien et al. (1993) mettent l’accent sur la nécessité impérieuse d’établir des liens étroits entre les recherches écotoxicologiques générales et les effets potentiels de la contamination environnementale toxique pour la santé humaine. La revue de ces auteurs montre le caractère relativement arbitraire de la distinction de différentes catégories de mammifères, dont le principal intérêt est de faciliter la présentation des résultats et leur discussion, en faisant référence d’une part à des espèces bien connues du public (animaux familiers et d’élevage), et d’autre part à des espèces plus difficiles à observer ou à déterminer (petits mammifères et espèces sauvages). Scientifiquement, il apparaît que la classification taxonomique des espèces basée sur les parentés anatomiques et physiologiques permet de mettre en évidence des caractéristiques fondamentales des principaux types d’organisation en relation avec la bioconcentration des polluants, d’où le choix de présentation des données sous la forme de tableaux combinant les catégories d’appellations coutumières et celles de la taxonomie.
3.3.1.3 Intérêt de la connaissance des concentrations internes des contaminants et de l’analyse de la sensibilité des espèces (indices de sensibilité et de sélectivité On se préoccupe de plus en plus, non seulement de l’étude des effets des contaminants sur les organismes, mais aussi de leurs transferts directs (contacts, alimentation…) et indirects par de multiples sortes d’interactions interspécifiques (autres que celles des chaînes alimentaires) et des répercussions à l’échelle des écosystèmes. Bien que la plupart des exemples proviennent de l’écotoxicologie aquatique, certaines recommandations tirées de la revue critique d’Escher & Hermens (2002) pour les recherches et développements futurs peuvent également être utiles pour analyser les systèmes terrestres et sédimentaires. Ces auteurs insistent sur le rôle crucial des sites cibles cellulaires et les effets des concentrations internes, de même que sur les paramètres de toxicité des mélanges. Ces notions relativement classiques pour l’étude des effets sur la structure et la fonction des organes (rein, foie, cerveau…) doivent être précisées par les interactions qui se produisent au niveau des membranes, des protéines et du matériel génétique. Cela a conduit Escher & Hermens (2002) à une classification des composés chimiques en 10 modes d’action, chaque substance pouvant être impliquée dans un ou plusieurs modes. Ils soulignent l’intérêt de développer des essais in vitro pour aborder les problèmes de biodisponibilité et déterminer les paramètres de toxicité, ainsi que les effets critiques de mélanges au niveau des sites cibles. Ce type d’approche nous paraît judicieux chez les mammifères car il permettrait de comparer ce qui se passe au niveau des sites cellulaires d’animaux de laboratoire et des sites correspondants chez l’Homme. Ces méthodes permettraient peut-être de réduire les divergences importantes qui existent entre les modèles largement développés en milieu aquatique chez les poissons avec beaucoup d’approximations, signalées par Landrum & Meador (2002) ainsi que par Escher & Hermens (2002) qui utilisent le terme IEC (internal effect concentration), moins
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ambigu que ceux de CBR, LBR, ILC de McCarty & MacKay (1993) présentés dans la partie consacrée aux invertébrés (vers de terre). Les différences de sensibilité des espèces aux toxiques représentent un axe de recherche dont les incidences écotoxicologiques et écologiques sont importantes. En milieu aquatique, Barron et al. (2002), utilisant la compilation de données de Jarvinen & Ankley (1999), observent de très grandes variations (cinq ordres d’amplitude) des IECs des toxiques de base affectant la survie. Ils en déduisent que ces différences sont dues à l’influence de la sensibilité des espèces, de leurs stades de vie et des paramètres de biotransformation, mais aussi aux paramètres physico-chimiques de l’environnement. Ils rappellent l’importance des cinétiques de bioaccumulation et de la nécessité d’atteindre un réel état d’équilibre, recommandant des tests d’exposition de plus de 4 jours (bien que l'on puissse modéliser une cinétique de bioaccumulation sans nécessairement atteindre un plateau d'équilibre). En Europe, l’OCDE (1988, 1996) a publié plusieurs variantes de protocoles d’exposition dans une ligne directrice pour les poissons, qui a montré que les tests de courte durée ne sont pas appropriés pour définir la bioaccumulation, qui peut être un processus long pour certains contaminants. La même constatation a été faite aux États-Unis par l’ASTM (1985) pour identifier la bioconcentration chez les poissons et les mollusques marins. Dans les deux cas, les durées d’exposition prévues pour atteindre un état d’équilibre apparent sont de 28 jours (Phillips, 1993). Les données recueillies dans notre mémoire montrent que dans le milieu terrestre, les délais pour atteindre l’état d’équilibre peuvent être encore plus longs (Yu & lanno, 2010; Brulle et al., 2011) et que l’élaboration d’une ou plusieurs lignes directrices (comme celle de l'OECD, 2010b, préconisant des expositions de 2 à 4 semaines pour enchytrés et vers de terre) doit permettre d'obtenir des résultats fiables et comparables. Les apports de l’écotoxicologie, à l’étude par exemple de la biodiversité et du développement durable et vice versa, constituent des éléments d’explication à certaines observations à l’échelle des populations. Dans l’examen des caractéristiques de bioconcentration et de bioaccumulation des organismes animaux, nous avons constaté que les réponses sont principalement liées à l’espèce et difficilement transposables. De même, il apparaît important de connaître et de distinguer leurs sensibilités, afin de mieux comprendre la sélectivité qui peut se produire dans la nature sous l'influence de polluants. L’identification des espèces à risques chez les mammifères a été illustrée par Smith (1998), en prenant l’exemple de l’écotoxicologie d’un rodenticide, dont l’action et le transfert sont étudiés à l’aide d’un modèle qui permet de prédire les résidus du pesticide dans l’animal « peste » (le rat brun) et les effets sur les mammifères non-cibles (Cox & Smith, 1990). L’importance de l’identification des espèces à risque est capitale lors des traitements par les pesticides (Hardy, 1990) car ceux-là peuvent atteindre des espèces non-cibles et affecter leurs populations (Kjolholt, 1990). Dans la biosurveillance de l’environnement, il est difficile d’établir un classement rigoureux de vulnérabilité des espèces aux contaminants car celle-là dépend de multiples facteurs (classes de contaminants, espèces, biocénoses, nature et étendue des sites…). Cependant, il est possible de s’inspirer de l’exemple qui a fait l’objet d’une revue par Golden & Rattner (2003) à propos de la biosurveillance des estuaires et des zones humides de la côte atlantique des États-Unis dans le cadre du programme BEST (Biomonitoring of Environmental Status and Trends) de l’EPA (1998). Ces auteurs ont classé 25 espèces de vertébrés communs de ces habitats pour leur utilité comme biomoniteurs des contaminations, en classant leurs vulnérabilités aux polluants de la région (POP : polluants organiques persistants ; pesticides inhibiteurs de cholinestérases ; pétrole brut ; mercure et plombs de chasse). Aucune espèce seule,
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ou classe de vertébrés, ne constitue de sentinelle idéale pour tous les groupes de contaminants. Dans cette étude, bien que les oiseaux aient été très largement étudiés (21 espèces, pour 2 espèces de reptiles et 2 de mammifères), le vison (Mustela vison) ainsi que la tortue (Chelydra serpentina) se sont révélés d’excellentes sentinelles à cause de leur nature non migratrice et de leurs habitudes alimentaires. Les auteurs ont toutefois noté que la vulnérabilité de ces espèces côtières varie considérablement suivant le groupe de contaminants. Néanmoins, les indices d’utilité et de vulnérabilité peuvent être expérimentés dans beaucoup d’autres types d’habitats et constituer l’un des moyens de réaliser l’évaluation des qualités environnementales de sites locaux, régionaux et nationaux. Bien qu’il soit difficile de jauger et de comparer les études (très complémentaires) portant sur les différentes catégories de mammifères, il nous semble que le plus grand nombre d’études en champ se rapporte aux petits mammifères, qui sont facilement piégés dans les opérations de surveillance de l’environnement. Les petits mammifères méritent une mention particulière car leur taille et leur biologie permettent de réaliser des études en enclos de taille raisonnable adaptée aux variations de nature des milieux. Ils ont été utilisés comme bioindicateurs (Hunter et al., 1989) et ils peuvent servir d’organismes tests sur des sites de référence et sur les sites à évaluer, comme cela se pratique pour des invertébrés et des plantes. On peut ainsi réduire les incertitudes liées à l’exposition car sa durée et le site choisis sont connus (bien que les effets de stress ou de modification du comportement occasionnés par les dispositifs ne soient pas négligeables). Aussi, c’est par eux que nous commençons l’examen des principales tendances de recherches.
3.3.2 Petits mammifères 3.3.2.1 Revues générales de contaminations métalliques et organiques À partir des données concernant ces animaux, Talmage & Walton (1991) ont réalisé une revue de publications ayant trait à l’absorption des métaux, des radionucléides et de quelques composés organiques. Leur objectif est d’évaluer les espèces qui possèdent les capacités pour servir de « moniteurs » de l’environnement, en tenant compte de leur « histoire de vie », de leur habitat et de leur régime alimentaire. Ils ont également noté les facteurs de concentration spécifiques d’organes afin de repérer ou confirmer les tissus cibles des contaminants. Cependant, cette revue analyse uniquement des publications en langue anglaise, qui se rapportent principalement à des résultats obtenus sur le continent américain, et en Grande-Bretagne. Pour le reste de l’Europe, les auteurs signalent la concentration de dioxine dans les animaux de la région de Seveso en Italie et l’accumulation de métaux dans quelques espèces des PaysBas. Les informations basées sur 35 espèces de sept familles de petits mammifères leur permettent de signaler les trois espèces les plus fréquemment piégées en Amérique du Nord (Peromyscus leucopus, Blarina brevicauda et Microtus pennsylvanicus), chez lesquelles il y a une relation entre les concentrations des contaminants dans le sol ou la nourriture et les concentrations dans les organes cibles des animaux. Le rein apparaît comme le meilleur tissu pour les analyses des résidus métalliques, ainsi que les os pour le plomb et le fluor, tandis que pour les contaminants organiques, suivant les produits, c’est l’analyse du foie et celle du corps entier en complément avec des études enzymatiques ou histologiques qui sont utilisées avec succès.
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L’évaluation de la performance de chaque espèce comme espèce sentinelle fait l’objet de tableaux récapitulatifs pour chacun des métaux suivants : As, Cd, Cr, Co, Cu, F, Pb, Mn, Hg, Ni, Zn ; pour les radionucléides : 137Cs, 90Sr, 60Co, 226radium, 106ruthénium ; et pour les composés organiques : benzo[a]pyrène, DDT et ses métabolites, dieldrine, kepone, pesticides organophosphorés, biphényles polychlorés, mirex, 2,3,7,8-tétra-chlorodibenzo-pdioxine et mélanges complexes. En conclusion de leur revue, Talmage & Walton (1991) dégagent une relation entre le type de contaminant et le niveau trophique. Les insectivores (musaraignes) présentent les plus hauts niveaux de contaminants, suivis par les omnivores (souris cricétidés) avec des niveaux intermédiaires et les herbivores (campagnols) pour les niveaux les plus bas. La base de données de Talmage & Walton (1991), concernant les concentrations de contaminants dans les tissus de petits mammifères, constitue une source d’informations utiles pour les travaux antérieurs à 1990. Par la suite, Shore (1995) a utilisé les données de la littérature pour proposer des modèles afin de prédire les concentrations en Cd et en Pb du foie et des reins de petits mammifères à partir des concentrations du sol. Ces extrapolations d’espèce à espèce sont intéressantes car l’identification de relations linéaires entre les concentrations en Cd et Pb dans le foie et les reins et celles du sol permet de réaliser des études prédictives. Cependant, elles ne permettent pas d’estimer le potentiel d’exposition des prédateurs des petits mammifères, qui en général consomment leur proie en entier (et pas seulement le foie et les reins). Pour remédier à cet écueil, Sample et al. (1998a) ont rassemblé les données de 20 publications rapportant les concentrations en contaminants du corps entier ou des carcasses de petits mammifères résidant dans l’endroit étudié, dont les charges sont ainsi présumées à l’équilibre avec les concentrations du sol. Sur les 20 publications, 18 ont servi à établir des modèles et 2 à valider en partie ceux-là. Dans ce document, la majorité des données provient encore des États-Unis (12 publications dans 8 états) ou de Grande-Bretagne (8 publications) ; les deux autres proviennent du Canada (1) et d’Italie (1). À partir des données, Sample et al. (1998a) calculent les facteurs d’absorption FAs (UFs = uptake factors), qui peuvent être utilisés par des agences de réglementation, et ils développent des modèles de bioaccumulation par régressions logarithmiques (log-log), qui permettent une meilleure estimation de l’exposition aux contaminants des prédateurs de la faune sauvage du parc d’Oak Ridge (Tennessee) et d’autres sites contaminés. Leur document concerne 14 substances inorganiques : As, Ba, Cd, Co, Cr, Cu, F, Fe, Hg, Ni, Pb, Se, Tl et Zn ainsi que deux produits organiques : TCDD = tétradichlorodibenzo-p-dioxine et TCDF = tétrachlorodibenzo-furan. Comme l’absorption des contaminants varie suivant les préférences alimentaires des petits mammifères, les données de base de leur travail proviennent de 21 espèces appartenant aux trois groupes trophiques : insectivores (6 espèces), herbivores (8 espèces) et omnivores (7 espèces). Les données ne sont pas suffisantes pour établir des modèles de régression significatifs pour tous les contaminants. Cependant, des différences significatives entre les modèles de groupes trophiques sont observées pour chaque analyse, sauf le Ni. Les modèles de régression de ces auteurs indiquent que la bioaccumulation de beaucoup de substances chimiques varie suivant le niveau trophique, l’accumulation basée sur la concentration des sols étant la plus grande chez les insectivores et la plus faible chez les herbivores. Talmage & Walton (1991), qui avaient déjà observé ce phénomène, attribuaient la plus grande accumulation des insectivores à un effet additionnel dans la chaîne alimentaire (consommation d’invertébrés herbivores
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et prédateurs). Cependant, la forte accumulation observée chez quelques insectivores pourrait être aussi la conséquence d’une plus grande ingestion de sol car Talmage & Walton (1993) ont noté une consommation de sol équivalent à 13 % de sa nourriture chez la musaraigne à queue courte Blarina brevicauda, tandis que la consommation de sol de la souris aux pieds blancs Peromyscus leucopus (omnivore) est seulement de 1 %. Sample et al. (1998a) n’ont pas pris en considération le volume de sol consommé (car il est souvent faible), ni les paramètres du sol (pH, [Ca]…), ni les facteurs liés à l’âge ou au sexe des animaux ; aussi, ils suggèrent que l’inclusion de ces paramètres dans les analyses futures pourrait réduire l’incertitude liée à leurs modèles, qui peuvent être biaisés également par des différences de préparation des spécimens (lavage ou non, contenu stomacal ou non, écorchage ou non…), bien qu’ils aient retenu uniquement les données résultant d’extractions par les acides forts. En vue de l’application de leurs analyses à des fins de conservation telles que l’évaluation du risque écologique (ERE), Sample et al. (1998a) recommandent l’utilisation d’une limite de prédiction supérieure à 95 % (95 % UPL = the upper 95 % prediction limit) des modèles de régression des groupes trophiques, dont ils donnent le mode de calcul en appendice. Si des modèles de groupes trophiques ne peuvent être obtenus, ils conseillent l’utilisation des modèles généraux basés sur toutes les espèces, ce qui donne des ensembles de données plus robustes. Enfin, si aucun modèle de régression significatif n’est obtenu, ils proposent l’utilisation du 90e percentile des facteurs d’absorption (FAs) déterminés, comparés statistiquement et représentés graphiquement en annexe de leur document. Les valeurs des FAs médians, qu’ils ont calculés pour toutes les substances analysées et les groupes trophiques, sont supérieurs à 1, exceptés le FA général du TCDD, le FA des insectivores pour le Cd et le Hg, et le FA des herbivores pour le TCDD. En appendice, Sample et al. (1998a) donnent un résumé standard des données essentielles des publications qu’ils ont utilisées : référence, analytes considérés, espèces, localité géographique, durée d’exposition, type de tissu analysé, type de milieu, ressource utilisée, méthode analytique, méthode d’extraction du sol, caractéristiques du sol, objectif du travail, notes complémentaires. Il nous semble que ce modèle de fiche signalétique, simple et succinct, pourrait être demandé aux auteurs de publications en écotoxicologie afin de faciliter les comparaisons et les généralisations. Les revues de Talmage & Walton (1991), de Sample et al. (1998a) ainsi que, pour partie, celle d’O’Brien et al. (1993) constituent des documents de référence conséquents concernant la contamination des petits mammifères, aussi bien pour les métaux que quelques contaminants organiques. Ils sont donc à consulter afin de s’inspirer de certaines de leurs recommandations. Dans notre synthèse, nous considérons d’autres exemples en rappelant que les espèces bioindicatrices les plus adaptées doivent satisfaire aux critères généraux annoncés en introduction, c’est-à-dire avoir des déplacements limités, une population suffisamment abondante et une durée de vie permettant l’estimation de l’accumulation et de ses effets sur la santé (Wren, 1986a, b ; Flickinger & Nicols, 1990). Parmi ces espèces bioindicatrices, certaines pourraient, avec des critères supplémentaires, être considérées comme des espèces sentinelles pour l’exposition humaine aux contaminants toxiques de l’environnement (O’Brien et al., 1993).
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3.3.2.2 Éléments traces métalliques : cas particuliers Parmi les espèces qui vivent dans des galeries du sol, les taupes (Talpa europaea) semblent satisfaire aux critères d'espèce bioindicatrice, car relativement sédentaires, leur nourriture principale étant constituée de vers de terre, elles représentent a priori un modèle favorable à l’étude de la bioamplification des métaux. En effet, certaines espèces de vers de terre sont des macroconcentrateurs de métaux fournissant déjà des informations sur la contamination des sols. Deux séries d’analyses ont été effectuées en Europe avec des résultats relativement variés qui montrent la complexité des phénomènes. Aux Pays-Bas, Ma (1987) a analysé les concentrations en Cd, Pb, Zn et Cu de taupes (T. europaea) de landes et de prairies de la région contaminée de Budel et de la région non contaminée de Arnhem (Tableau 53). La concentration des métaux dont la contamination de l’environnement par les fonderies est la plus importante a été mesurée dans le rein et le foie, qui sont des organes fréquemment endommagés par les intoxications métalliques. Pour le Cd, Ma (1987) note une macroconcentration du métal chez les vers de terre, avec des FBAs d’autant plus élevés que la concentration du sol est basse. Ensuite, lors du passage vers de terre-taupe, on assiste à une bioamplification du Cd avec des FBMs respectifs pour le rein de 2 et 7 dans la zone contaminée et de 3 pour la zone non contaminée. Dans le foie, les FBMs sont un peu moins élevés. Pour le Pb, il se produit une déconcentration entre le sol et les vers de terre (Tableau 30), sauf pour ceux (valeur calculée) du site des landes (Budel n° 4). Dans les taupes, Ma (1987) observe que toutes celles de ce site (n° 4) ont des concentrations en Pb dans les reins inférieures à celles des vers de terre (déconcentration), mais toutes sont encore supérieures à 200 mg.g–1. La très forte charge en Pb du rein des taupes de ce site serait la conséquence de la forte concentration en Pb des vers. On peut supposer que cette concentration résulte de la faible teneur en MO du sol sur laquelle s’adsorbe normalement le Pb, ainsi que du pH acide qui agit sur la disponibilité des métaux (Scheuhammer, 1991). Cependant, on se demande comment les taupes peuvent survivre avec des charges pareilles de Cd et de Pb dans les reins car des études de laboratoire ont montré que des concentrations rénales de 110 à 260 µg.g–1 de Cd (Nicholson et al., 1983) et de 120 µg.g–1 de Pb (Goyer et al., 1970) causent des lésions néphrotoxiques, et qu’expérimentalement les concentrations critiques entraînant un empoisonnement par le Pb sont de 25 mg.kg–1 pour les reins et de 70 mg.kg–1 pour le foie chez les mammifères et les oiseaux (Ma, 1989 ; Scheuhammer, 1991). Pour les métaux essentiels, Cu et Zn, il y a peu de modifications des concentrations en Cu chez les vers de terre et les taupes ; En revanche, pour le Zn, il y a macroconcentration chez les vers de terre (voir chapitre Oligochètes) et déconcentration chez les taupes, avec une concentration un peu plus élevée dans le rein et le foie des taupes des zones contaminées. De son étude, Ma (1987) conclut que l’accumulation du Cd, du Pb et du Zn chez les taupes reflète la biodisponibilité de ces métaux pour les vers de terre et que les niveaux d’accumulation chez les vers et les taupes ne reflètent pas véritablement le niveau de contamination métallique présent dans le sol. En Autriche, de nouvelles analyses sur l’accumulation des métaux lourds (Cd, Pb, Cu et Zn) ont été réalisées dans les populations de taupes de trois prairies plus ou moins polluées, le long du canal du Danube dans la ville de Vienne, par Komarnicki (2000). La mesure de la concentration des métaux dans 10 organes (foie, rein, poumons, rate, gonades, pancréas, cœur, fémur, peau et estomac) montre des répartitions très différentes selon les métaux et parfois selon les organes et les lieux de capture des taupes (Tableau 53). Pour le Cd, le rein
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est l’organe qui présente les concentrations les plus fortes (28 µg.g–1 à 39 µg.g–1) ; ensuite c’est le foie avec des concentrations environ 2 fois plus faibles (13 à 17 µg.g–1). Ces concentrations sont nettement inférieures à celles mesurées par Ma (1987) et en dessous de celles que Shore & Douben (1994) considèrent en laboratoire comme les plus faibles dans le rein (105 µg.g–1) pour produire un effet adverse. Les différences significatives de concentration en Cd des sols ne se traduisent pas par des différences significatives dans les 10 organes analysés. Dans le rein, le FBA sol / taupe varie de 38 à 128. Les concentrations du Cd dans les vers de terre : Lumbricus terrestris et Allolobophora caliginosa ne sont pas données, et ne permettent ni d’évaluer les FBMs correspondant à ces espèces, ni de savoir s’il y a effectivement bioamplification. Pour le Pb, les concentrations les plus élevées sont observées dans les os (fémur), puis dans le foie et les reins (Tableau 53) ; dans ces trois organes, les plus fortes concentrations sont notées dans le site avec la plus faible contamination par le Pb, qui ne serait pas transféré dans les chaînes alimentaires à cause de son immobilisation dans les structures squelettiques (Andrews et al., 1989). Pour le Zn, les différences significatives sont seulement observées dans le fémur (218 à 267 µg.g–1), tandis que pour le Cu, la concentration maximale est signalée dans l’estomac (31 à 37 µg.g–1) et il existe des différences significatives dans le pancréas (4,3 à 7,4 µg.g–1), correspondant à celles du sol (24 à 113 µg.g–1) et de la végétation (8,2 à 12,4 µg.g–1). L’analyse détaillée des concentrations des métaux dans les organes en fonction de l’âge (déterminé par examen des sections de dents) fait apparaître une augmentation significative des concentrations en Cd avec l’âge (maximum dans les reins : 11,8 µg.g–1.an–1 et le foie : 4,70 µg.g–1.an–1). Il existe également une différence liée au sexe : les femelles montrent des concentrations plus fortes en Cd dans le fémur et l’estomac, de Zn dans les gonades, la rate et la peau, tandis que les mâles ont des concentrations plus élevées en Cu dans les reins. Pour estimer la contamination des chaînes alimentaires par les métaux en analysant les concentrations des tissus de taupe, il est donc nécessaire de tenir compte de leur âge et de leur sexe, mais également des espèces de vers de terre consommées car les capacités de bioaccumulation de ces dernières varient selon l’espèce et les propriétés physico-chimiques des sols. Dans les deux analyses (Ma, 1987 ; Komarnicki, 2000), il n’est pas tenu compte de la variété de proies (vers de terre, larves d’insectes et insectes, crustacés isopodes, arachnides) que peuvent consommer les taupes. Du fait de sa répartition géographique (Amérique du Nord et Centrale), le gaufre gris (Thomomys talpoides) est moins étudié que les taupes. Néanmoins, une étude récente souligne ses aptitudes en biosurveillance de l’environnement et en particulier ses capacités de bioindication de la contamination en As, Cd et Pb (Reynolds et al., 2006). Les auteurs ont en effet mis en évidence des corrélations significatives entre les concentrations en As, Cd et Pb du sol et les concentrations dans le foie et la carcasse de T. talpoides. Chez les espèces qui vivent sur le sol ou dans des galeries superficielles, des informations sur la biodisponibilité des métaux essentiels ou non sont obtenues en mesurant d’une part la consommation de nourriture contaminée, et d’autre part les « charges » totales du corps en métaux ou les quantités de « résidus » accumulés dans les organes. Comme le font remarquer Talmage & Walton (1991), c’est surtout pour les expositions au Cd, au Pb, au F et au Hg que les petits mammifères sont utilisés pour la surveillance des contaminations métalliques car il existe en général une correspondance entre les niveaux d’exposition des animaux et les concentrations dans les tissus.
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Pour le mercure, en Grande-Bretagne, Bull et al. (1977) ont observé des concentrations significativement plus élevées dans les tissus de Clethrionomyx glareolus (campagnol roussâtre) et Apodemus sylvaticus (mulot sylvestre) capturés dans un périmètre inférieur à 0,5 km autour d’une usine de chlore que dans ceux provenant de territoires situés entre 10 et 30 km. Chez C. glareolus, les différences de concentrations dans les deux sites sont les plus significatives entre les poils (0,91 contre 0,18 µg.g–1 de pf) et le cerveau (0,13 contre 0,05 µg.g–1 de pf) ; il en est de même chez A. sylvaticus pour les poils (0,78 contre 0,12 µg.g–1 de pf), pour le cerveau (0,55 contre 0,06 µg.g–1 de pf), mais aussi pour les reins (0,52 contre 0,12 µg.g–1 de pf) et le foie (0,23 contre 0,04 µg.g–1 de pf). Les concentrations en méthyl-mercure sont inférieures à 10 % du Hg total mais elles tendent à être plus élevées chez les animaux proches de l’usine, surtout dans les reins et les muscles. Les différences de concentrations entre les petits mammifères des deux territoires correspondent à des différences de contamination des sols, d’une graminée et des vers de terre, mais sans corrélations établies entre elles. Aux Pays-Bas, Ma et al. (1991) ont comparé les charges métalliques des organes de deux espèces de régime alimentaire différent capturées dans deux réserves naturelles (Budel et Arnhem) polluées par les dépôts aériens de Cd et de Pb d’une fonderie et d’une industrie urbaine. Le campagnol agreste, Microtus agrestis, herbivore, ingurgite entre 0,1 et 0,4 µg.g–1.j–1 de Cd et entre 2 et 10 µg.g–1 de poids du corps, j–1 de Pb, tandis que la musaraigne carrelet, Sorex araneus, insectivore, qui se nourrit principalement de vers de terre (28 à 36 % suivant la saison) et d’arthropodes (cloportes, insectes et araignées) absorbe entre 3 et 16 µg.g–1.j–1 de Cd et 19 à 53 µg.g–1.j–1 de Pb. L’accumulation du Cd et du Pb dans les organes des deux espèces diffère très nettement (Tableau 53). Les concentrations en Cd des reins et du foie de Sorex sont de deux ordres de grandeur plus grandes que celles de Microtus, avec des variations suivant les saisons et avec des concentrations en Cd plus fortes chez les musaraignes de Budel que chez celles d’Arnhem. Pour le Pb, la différence est d’un ordre de grandeur de plus chez Sorex que chez Microtus. D’après Ma et al. (1991), la grande différence interspécifique de charge métallique des organes reflète le poids moyen beaucoup plus important de métaux absorbés avec leur nourriture par les musaraignes que par les campagnols. La principale source de métaux des musaraignes provient de vers de terre, comme cela avait été observé chez les taupes (Ma, 1987). L’intoxication par le Cd aboutissant à des symptômes cliniques chez les petits mammifères est de 30 µg.g–1 de poids frais du rein (Chmielnicka et al., 1989), ce qui correspond à une concentration en poids sec de 119 µg.g–1 (Ma et al., 1991). Cela signifie que les musaraignes de Budel ont une charge en Cd au dessus du niveau critique, principalement pendant les mois de février et mars, et que les musaraignes des deux sites ont des concentrations supérieures au niveau critique pour le Pb (25 µg.g–1 de poids sec) déterminé par Ma (1989). En revanche, dans les deux sites, les campagnols agrestes restent au-dessous des niveaux critiques pour les deux métaux, ce qui les expose à des risques moins importants que les musaraignes. Les faibles capacités d’accumulation de Cd et de Pb notées chez M. agrestis par Ma et al. (1991) correspondent à celles observées pour la même espèce par Beardsley et al. (1978) pour six métaux (Cd, Pb, Zn, Cu, Mn, et Cr) dans le foie, les reins, le cerveau, le fémur et le reste de la carcasse ; elles sont en accord avec les observations relevées dans la littérature par Talmage & Walton (1991), puis Sample et al. (1998) concernant les petits mammifères herbivores.
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La confirmation des observations de Ma et al. (1991) que les petits mammifères insectivores bioaccumulent davantage de Cd dans les reins que les herbivores a été faite lors d'analyses réalisées par Hamers et al. (2002) au voisinage d'une route à grande circulation des Pays-Bas. Les concentrations en Cd des reins sont 4 fois plus élevées chez Sorex araneus que chez Clethrionomyx glareolus. Cependant, les niveaux de Pb sont similaires chez les deux espèces et les concentrations dans les reins sont faibles (de l'ordre de 1 à 2 mg.kg–1 ps, comme conséquence de l'interdiction du Pb dans l'essence en 1996. Toujours aux Pays-Bas, Wijnhoven et al. (2007) ont échantillonné et analysé les concentrations en Cd, Cu, Pb et Zn chez sept espèces différentes de petits mammifères (campagnols, souris et musaraignes) vivant dans une plaine inondable contaminée. Comme dans les travaux précédents, les plus fortes concentrations en ETMs ont été trouvées chez la musaraigne carnivore et insectivore (S. araneus), mais des différences significatives avec l’autre espèce de musaraigne (Crocidura russula), les souris (A. sylvaticus et Micromys minutus) et les campagnols (Microtus arvalis, M. agrestis et C. glareolus) ont seulement été établies pour le Cd. Pour le Cu, C. glareolus présentait des concentrations internes significativement supérieures aux autres espèces. Ces différences interspécifiques d’accumulation ont alors été mises en relation avec différentes variables environnementales (extractabilité des ETMs, inondations) et physiologiques (âge, sexe et masse des individus). Les auteurs font ressortir (régressions multivariées) l’importance de la durée d’exposition, de l’âge des organismes et des modifications des comportements alimentaires en période d’inondation (Wijnhoven et al., 2007). Des résultats similaires ont été observés par Sánchez-Chardi & Nadal (2007) et Sánchez-Chardi et al. (2007) dans leurs études sur la bioaccumulation et les effets des ETMs chez C. russula et A. sylvaticus échantillonnés sur un site d’ensevelissement de déchets de la région de Barcelone (Espagne). Les musaraignes accumulent des quantités plus importantes d’ETMs, et en particulier les éléments non essentiels, dans leurs tissus (foie et rein) que les souris, ces dernières apparaissant moins tolérantes à la contamination du site. En Europe, le campagnol roussâtre (Clethrionomys glareolus), l’une des espèces de petits mammifères la plus largement distribuée et dominante dans les écosystèmes forestiers, a été fréquemment utilisée pour évaluer la pollution métallique en Europe de l’Est. SawickaKapusta et al. (1990) ont analysé les concentrations en Cd, Pb, Zn, Cu et Fe de tissus d’animaux prélevés en 1980 et 1985 (Tableau 54). Selon ces auteurs, les résultats traduisent une augmentation de la pollution des forêts étudiées, particulièrement par le Cd et le Pb. L’exposition expérimentale chronique au Cd réalisée chez la même espèce par Swiergoz et al. (1998) (Tableau 54) a permis de mettre en relation les concentrations internes et les effets pathologiques. Les auteurs concluent que des altérations similaires pourraient exister dans les animaux prélevés en écosystèmes contaminés. Dans sa revue sur la distribution du Cd et sa toxicité chez les petits rongeurs, Swiergoz-Kowalewska (2001) souligne que la plupart des résultats ont été obtenus avec des animaux de laboratoire et qu’il existe un manque de données chez les espèces sauvages. Elle recommande le développement de travaux tant en laboratoire que sur le terrain afin de mieux connaître les facteurs importants (voies et durée d’exposition, sexe, âge, espèce, paramètres de l’environnement…) à prendre en compte lors de l’extrapolation des résultats des animaux élevés aux animaux sauvages. Après avoir passé en revue les principaux travaux concernant les sites d’accumulation tissulaires les plus importants (reins et foie) et discuté du rôle des métallothionéines et du glutathion dans les processus de détoxification, Swiergoz-Kowalewska (2001) insiste sur le manque de renseignements sur les localisations du Cd dans les différents tissus des animaux sauvages (ce qui
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Concentrations des métaux dans les sols, les vers de terre et les organes de petits mammifères vivant sous terre (taupes) ou à la surface du sol (campagnols et musaraignes) de sites contaminés ou non.
TABLEAU 53
Site
Vers de terre (µg.g–1 ps)
Sols
Pays
pH Espèce % MO KCl
Petits mammifères (µg.g–1 ps ) Référance
Métaux (µg.g–1 ps) Cd Cd Pb
Zn
Pb
Zn
Cu
Cd
Talpa europaea
Pays-Bas
Budel n°4 (lande)
Arnhem n°5 (pâture)
Zn
Lumbricus rubellus
Cu
Talpa europaea R
Budel n°3 (pâture + chaux)
Pb
Cu
+++
10,2
6,5
9,2 135 1 015 40
114 25- FBA × 12
2,0
4,1
0,3 149
25++ FBA × 83
+
Fo ++
++
R
Fo
R
Fo
R
Fo
18–
8–
373–
232–
32=
37=
–
–
=
=
28-
221 FBM2
172 × 1,5
1 437+++ 28= × 24
186++ FBM7
145++ 388– ×6
34
59+ FBM3
30+ × 1,5
22+ ×2
9–
R
Fo
R
36+ × 128
13+
4,9– 5,2– 42=
1 789 × 1,7
Ma (1987)
5,7
4,0
0,1 24
60
35
27
7
Talpa europaea
590+ +
x4
19++ 12– FBA × 190
730++ × 20
20+ ×3
Lumbricus terrestris Allolobophora caliginosa
–
242
189
131–
115–
27
26
25=
23=
Talpa europaea Fo
Fe
R
Fo
Fe
R
Fo
P
142+ 86= 229++ ×2
11–
15–
4,3–
3,1- 25- 155= 81- 267++
12-
17-
6,5-
Vienne : bord canal du Danube
DOB
0,28 48
Autriche
67
24
2 300 m
Komarnicki (2000)
Pas de données ROS 2 800 m
5,0 à 6,4
7,12 à 7,57 145
45
39+ × 83
16+
2,7-
0,73 107 337
113
28+ × 38
17+
2,7– 2,9– 22– 131- 79–
R
Fo
0,48 68
ROT
Lumbricus rubellus + Dendrodrilus rubidus
Budel
Arnhem
6
5,7
5,5 130
62++ à 109 108 = FBA : à × 10 à × 18 160
8,8
3
1,2 177
= 13+ à 38 144 à FBA × 10 à × 30 295+
Pays-Bas
218–
12- - 18- - 7,4- - -
Sorex araneus (carnivore)
80+ 127+ à à 200 268 FBM × 2 14 = + à 51
10 = + à 45
R
Fo
23– 2- à à 5,4 58 39– 4,2-à à 4,7 60 Microtus agrestis (herbivore)
R Budel
Arnhem
6
5,7
5,5 130
8,8
3
1,2 177
1- à 2,7
Fo
R
Ma et al. (1991)
Fo
0,19- - 2,6- 0,6-à à à 1,5 0,57 5,9
Végétaux (Pas de données) 0,09– 2,4- 0,100,8-à à à 0,13 à 1,5 0,28 5,2
DOB, ROS, ROT : trois sites herbacés le long d’une route principale parallèle au canal. FBA : facteur de bioaccumulation ; FBM : facteur de biomagnification ; Fe : fémur ; Fo : foie ; MO : matière organique ; R : rein ; +++, ++, + : degré d'augmentation ou de diminution ( - -, - ) de concentration d'un niveau trophique à un autre; (=) même concentration d'un niveau à un autre.
est également vrai pour les espèces de vertébrés autres que les petits mammifères). La détermination du contenu en métaux lourds des dents de C. glareolus, par exemple, a pu également servir de marqueur d’exposition à la pollution de l’environnement par les métaux en Pologne (Appleton et al., 2000). L’isolation et la caractérisation par Savva et al. (2002) chez
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C. glareolus de deux sondes d’ADN doit permettre d’analyser l’expression des gènes de deux métallothionéines, MT-I et MT-II, dont la taille des introns est similaire à celle d’autres rongeurs. Ces sondes d’ADN peuvent faciliter l’étude de l’amplification de ces gènes chez les campagnols roussâtres utilisés comme bioindicateurs de pollutions métalliques et servir de biomarqueurs pour déceler les effets nocifs sur les populations de ces rongeurs. TABLEAU 54
Concentrations en ETMs (µg.g–1 ps) de campagnols roussâtres (Clethrionomys glareolus) prélevés en milieux naturels ou après contamination digestive en laboratoire.
Référence Poids des animaux / âge Durée d’exposition [Cd] nourriture
ETM (µg.g–1 ps) Foie Reins Os Fourrure Carcasse Testicules Mortalité Effets Histologie
Forêts contaminées (Pologne) Sawicka-Kapusta et al. (1990) 17 à 20 g Âge non déterminé
Contamination expérimentale Swiergosz et al. (1998) 5 mois 6 mois 15 ou 40 µg Cd.g–1 ps (grains de blé trempés dans des solutions de CdCl22H2O)
Cd
Pb
Zn
Cd
0,9 à 12,8 3,2 à 29,6 0,2 à 0,9 0,24 à 2,63 0,25 à 2,11
3,7 à 11,5 9,5 à 35,3 16,5 à 40 2,5 à 10,8 1,7 à 11,3
140 à 203 Moyenne : 12 et 37,1 selon la dose 202 à 309 Moyenne : 37 et 117,6 selon la dose 222 à 343 201 à 256 137 à 181 > 0,9 et > 3 selon la dose Témoins : 14 % ; traités 54 et 40 % respectivement pour 15 ou 40 µg Cd.g–1 ps dans la nourriture. Lésions testiculaires et rénales sévères ; dégénérescence hépatique modérée
Des campagnols roussâtres (C. glareolus) ont aussi servi à l’évaluation de la pollution métallique en Suède, où Leffler & Nyholm (1996) ont observé une réduction de la densité des populations de campagnols des zones polluées et noté des altérations rénales pour des concentrations relativement faibles de Cd. Dans des sites fortement contaminés par l’arsenic (ancienne mine du Sud-Ouest de la Grande-Bretagne), les campagnols roussâtres (C. glareolus) et les mulots sylvestres (A. sylvaticus) reflètent, dans les concentrations en As de leur contenu stomacal et de leurs organes (foie et reins), les différences de contamination du sol et des litières des sites d’où ils proviennent et dont les concentrations en As sont respectivement de 3 et de 2 ordres d’amplitude plus élevées que les concentrations de sites témoins (Erry et al., 2000). Dans un même endroit, les adultes et les jeunes ont des concentrations comparables en As dans le contenu de leur estomac et des résidus accumulés identiques dans le foie, les reins et le corps entier. Le FBA (rapport entre la concentration dans le corps entier et celle de la nourriture) est le même (0,69) chez les deux espèces, ce qui indique que l’As n’est pas bioconcentré chez ces deux espèces. Alors que les concentrations en As du contenu stomacal des sites les plus contaminés sont 100 fois plus grandes que celles des sites témoins, l’augmentation des concentrations
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dans le foie et les reins est seulement de 10 fois. Les auteurs supposent que cela est dû à un taux d’élimination accentué chez les animaux fortement exposés et/ou à la saturation de l’absorption de l’As (peut-être insoluble) dans le tube digestif. Les oiseaux prédateurs (Falco tinnunculus) de ces espèces de rongeurs ont des concentrations en As de leur foie et de leurs reins plus élevées (Erry et al., 1999) dans les zones contaminées que dans les sites témoins. Les auteurs suggèrent que « the hazards associated with exposure to arsenic may be greater for small mammals than their predators » ; ce qui n’est pas démontré, de même que les effets de l’As absorbé ne sont pas précisés. Dans l’Ouest du Pays de Galles (Grande-Bretagne), sur le site de la mine de Pb abandonnée de Frongoch, Milton et al. (2003) ont piégé des campagnols roussâtres (C. glareolus) dont les quantités de Pb, Zn et Cd ingérées journellement étaient de 6 à 10 fois plus élevées que sur le site témoin. Les résidus en métaux des tissus reflètent la contamination du milieu avec des particularités pour les trois métaux analysés. Les concentrations en Pb sont significativement plus élevées dans tous les tissus des animaux du site minier. Le Cd est seulement plus concentré dans les reins et l’accumulation augmente avec l’âge dans le foie et les reins, ce qui confirme les observations de Milton & Johnson (1999). Au contraire, la concentration en Zn est plus faible dans les tissus des campagnols du site minier par comparaison avec celle des animaux témoins. Sur la base des concentrations tissulaires critiques, le risque écotoxicologique de la population sauvage de C. glareolus associé à la concentration totale du substrat de 1 µg.g–1 ps de Cd et 700 µg.g–1 ps de Zn est faible, tandis que celui associé à 4 000 µg.g–1 ps de Pb est significatif car les concentrations totales moyennes du corps atteignent 25,3 ± 2,6 µg.g–1 ps sur le site de Frongoch, alors que celle des animaux du site de référence est de 0,03 µg.g–1 ps. C. glareolus ainsi que deux autres petits mammifères (Photographies 39 et 40), Apodemus sylvaticus (mulot sylvestre) et Sorex araneus (musaraigne carrelet), et les végétaux ont été employés comme bio-indicateurs de pollution de trois sites humides, sur lesquels ont été déposés des matériaux de dragage de rivières de l’Ouest de l’Europe, contaminés par le Zn et le Cd (Mertens et al., 2001). Les comparaisons des concentrations dans les sols, les feuilles de saules, les petits mammifères et leur foie montrent que les différences entre les sites sont les plus grandes et les plus significatives en utilisant l’analyse des feuilles. Bien que les caractéristiques des trois sols (pH, MO, concentrations en Cd et en Zn) soient différentes, pour chaque espèce de petit mammifère les différences de concentrations des métaux ne sont pas significatives entre les sites. Les concentrations en Zn sont plutôt basses pour les trois espèces, tandis que les concentrations en Cd sont relativement élevées (surtout chez la musaraigne carrelet). Les concentrations en Cd du corps entier de la musaraigne du site 2, par exemple, sont du même ordre de grandeur (moyenne 3,5 mg.kg–1 de pf) que celle des feuilles de saule, alors que celle du sol est de 1 mg.kg–1 et celles du corps entier de C. glareolus et de A. sylvaticus sont de l’ordre de 0,5 mg.kg–1 de pf. Les concentrations en Cd trouvées par Mertens et al. (2001) sont élevées par rapport à celles de la littérature (Hunter et al., 1987 ; Talmage & Walton, 1991). Ces résultats confirment que ces trois espèces peuvent être utilisées valablement comme biomoniteurs, les deux espèces principalement herbivores ayant les concentrations en Cd les plus basses, tandis que les musaraignes qui se nourrissent surtout d’invertébrés (vers, insectes, mollusques…) ont les plus fortes. Dans le cas de la musaraigne, il existe une corrélation nette entre la concentration en Cd du sol et les résidus dans le foie ; en effet l’application de la régression de Shore (1995) prédit une concentration de 66,3 mg.kg–1 de pf, qui est très voisine de la concentration mesurée (68,3 mg.kg–1 de pf). Les trois espèces ne
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montrent pas d’accumulation du Zn, probablement à cause de la régulation de cet élément essentiel. Bien que ces petits mammifères accumulent du Cd, le calcul des concentrations de ce métal dans les reins de deux de leurs prédateurs (Strix aluco et Mustela nivalis), en appliquant le modèle BIOMAG de Gorree et al. (1995) donne 4,55 mg.kg–1 de ps dans les reins de S. aluco et 6,37 mg.kg–1 de ps dans ceux de M. nivalis. Ces concentrations sont très inférieures à celle d’environ 150 mg.kg–1 de ps considérée comme sans effet dans le rein des prédateurs par Gorree et al. (1995). Cependant, Mertens et al. (2001) concluent que les concentrations élevées en Cd et Zn dans les feuilles de saules et de Cd dans les petits mammifères des sites étudiés indiquent que le développement de l’écosystème doit être considéré avec circonspection. Étudiant la localisation tissulaire des métaux et leurs interactions chez les musaraignes (Sorex araneus et S. minutus) de territoires polonais contaminés par le Cu et le Zn, Swiergosz-Kowaleswka et al. (2005) ont confirmé que les musaraignes accumulent des quantités de Cd et de Pb dans le foie et les reins plus importantes que les campagnols roussâtres (C. glareolus) et ces auteurs ont trouvé quelques corrélations significatives entre les concentrations tissulaires de métaux essentiels et de métaux non essentiels (par exemple entre Cd et Zn et entre Pb et Fe) chez les musaraignes. Dans une vaste étude menée sur l’ancien site métallurgique de Métaleurop-Nord, Fritsch (2010) a cherché à savoir comment les facteurs liés aux récepteurs (espèce, âge, sexe) modulaient les concentrations internes en ETMs (Cd, Pb, Zn et Cu), les niveaux en métallothionéines (MTs) et leur relations chez 7 espèces sympatriques de micromammifères (Apodemus sylvaticus : mulot sylvestre, Myodes glareolus : campagnol roussâtre, Sorex araneus, Sorex minutus : musaraigne carrelet et musaraigne pygmée, Microtus subterraneus, Crocidura russula : crossidure musette et Microtus agrestis : campagnol agreste; les caractéristiques majeures et des photographies des espèces étudiées sont présentées dans la thèse de Fristch, 2010, p120 ) le long d’un gradient de pollution. Les concentrations hépatiques et rénales en Cd augmentent avec l’âge chez toutes les espèces. Des concentrations extrêmement élevées ont été trouvées dans le foie des musaraignes (jusqu’à 751 µg/g de poids sec pour le Cd et jusqu’à 141 µg/g de poids sec pour le Pb) L’influence de l’âge sur les autres métaux et les teneurs en MTs diffère entre les espèces. Le sexe n’influence pas les niveaux en ETMs et MTs excepté pour le campagnol roussâtre. Trois patrons liant les concentrations internes en ETMs et les niveaux de MTs sont observés le long du gradient : une faible accumulation des ETMs avec un (i) niveau élevé (mulot sylvestre) ou (ii) faible (campagnol roussâtre) accompagnée par une légère ou pas d’augmentation des MTs avec l’accumulation du Cd ; (iii) une forte accumulation des ETMs accompagnée d’une intense augmentation des MTs (musaraignes carrelet et pygmée). Dans des perspectives d’évaluation du risque et de suivi biologique, Fristch et al. (2010b) concluent que les mesures des niveaux d’ETMs et de MTs doivent être associées car elles ne peuvent être interprétées convenablement lorsqu’elles sont considérées séparément. En Afrique du Sud, dans une chaîne alimentaire qui comporte des vers de terre, Reinecke et al. (2000) ont décrit une concentration exceptionnellement forte de Pb dans les organes de musaraignes (Myosorex varius) communes dans les jardins et les buissons proches de la ville de Stellenbosch et d’une voie de grand trafic automobile. Dans les trois espèces de vers de terre récoltés sur les sites de capture des musaraignes, les concentrations moyennes (en µg.g–1 de poids frais) en Pb respectives de 45,6 ; 21,4 et 25,4 chez Eisenia rosea (la plus superficielle), Amynthas sp. et Aporrectodea caliginosa sont plus élevées que celles des autres proies éventuelles (coléoptères : 8,2 µg.g–1 pf ; sauterelles : 6,2 µg.g–1 pf) et que celle du sol
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(25,8 µg.g–1 de poids sec). La concentration du Pb dans les vers de terre se trouve amplifiée avec des variations individuelles importantes (11 à 172 µg.g–1 pf pour une moyenne de 85 µg.g–1 pf) dans les reins de M. varius. Les concentrations du Pb (en µg.g–1 de pf) sont moins élevées dans les muscles (7 à 105, moyenne 42,9) et le foie (de 1,3 à 63, moyenne 26,4). En revanche, elles sont plus grandes dans le cerveau (9,5 à 213, moyenne 107,6) et les os (18,6 à 302, moyenne 186) et très élevées dans le crâne (77 à 1 299, moyenne 622). Ces données originales montrent l’intérêt de réaliser l’analyse de la plupart des organes et, en particulier, des reins et du cerveau. Dans les reins de M. varius, la concentration moyenne (297 µg.g–1 de poids sec) est du même ordre de grandeur que celle décrite par Ma (1989) chez Sorex araneus, mais elle est beaucoup plus grande que celles de 20 à 60 µg.g–1 ps observées chez la même espèce dans d’autres sites hollandais par Ma et al. (1991), où la concentration en Pb était pourtant plus élevée (Tableau 53). La concentration en Pb des reins de M. varius dépasse nettement la moyenne de 25 µg.g –1 de ps associée par Ma (1989) à l’apparition d’atteintes pathologiques chez les petits mammifères. Aucune explication vraisemblable ne permet pour l’instant d’expliquer comment M. varius est capable de survivre dans de telles concentrations en Pb dans des organes comme les reins et le cerveau, qui sont des cibles généralement très sensibles à ce métal. Il se pourrait cependant que les musaraignes M. varius sauvages de l’environnement de Stellenbosch présentant ce niveau de contamination encourent certains risques, qui restent à préciser ainsi que l’origine de la pollution par le Pb (activités industrielles, essence avec Pb…). Des expériences d’alimentation de M. varius pendant 12 à 17 jours avec une partie de leur nourriture constituée de vers de terre (Eisenia fetida) contaminés par du Pb et dont la concentration est de 96 µg.g–1 de poids frais, s’est traduite par une augmentation significative de la concentration dans les reins (moyenne : 264 µg.g–1 pf) et le foie (moyenne : 111 µg.g–1 pf) par rapport à celle des témoins nourris avec des vers non contaminés. Bien que portant sur un petit nombre d’individus, les musaraignes nourries avec des vers de terre contaminés pendant 12 jours ont perdu du poids et ont été victimes d’une mortalité « précoce » (entre 65 et 97 jours post-capture) par rapport aux témoins (survie de 127 jours). Ces observations mettent en évidence plusieurs choses : i) les musaraignes d’Afrique du Sud Myosorex varius répondent bien aux critères d’espèce indicatrice d’accumulation pour la surveillance de la contamination de l’environnement par le Pb ; ii) les populations de musaraignes des sites explorés sont soumises à des contaminations qui présentent un risque si l’on se réfère aux « concentrations maximum permissibles » dans les reins d’autres petits mammifères, iii) les concentrations très élevées trouvées dans le cerveau posent un double problème d’interprétation : d’une part, le Pb a-t-il un impact physiologique « actuel » (sur le comportement, la durée de vie, la reproduction…), d’autre part, cette tolérance peut-elle résulter d’une adaptation des musaraignes locales à la pollution des sites étudiés ? Les prolongements évoqués dans cette étude prévoyant d’étendre ces investigations à des musaraignes de sites moins pollués doivent être pleins d’enseignements, à la fois du domaine de l’écotoxicologie mais aussi de l’adaptation et de l’évolution des espèces de petits mammifères. D’autres espèces comme les rats (Rattus norvegicus) et les souris (Mus musculus) (omnivores) peuvent être des bioindicateurs intéressants car ils fréquentent des lieux proches de l’Homme et l’expérimentation sur des souches de laboratoire ou des animaux capturés dans la nature permet l’étude des cinétiques d’accumulation en même temps que les effets induits. Les rats (R. norvegicus) ont été proposés par Way & Schroder (1982) comme des « moniteurs » appropriés de contaminations métalliques aux États-Unis. L’analyse des
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concentrations en Cd et en Pb des tissus de rats des environs de Houston (Texas) a révélé que les rats « urbains » ont davantage de Pb dans les muscles, les os, le foie et les reins, ainsi que plus de Cd dans leur foie que les rats des populations rurales. Les concentrations en Pb des tissus des rats « ruraux » sont les mêmes chez les mâles et les femelles tandis que les femelles, urbaines ont davantage de Pb dans leurs poumons que les mâles et la charge en Pb du foie, des reins, des poumons et des fèces augmente avec l’âge dans les deux sexes des rats urbains. Les concentrations moyennes en Pb des os et des fèces des rats urbains (respectivement de 125 et 75,16 µg.g–1 de pf) sont 17 et 9 fois plus grandes que celles des ruraux (7,8 et 8,4 µg.g–1 de pf) et celles des reins 3 fois plus élevées (8,64 et 2,76 µg.g–1 de pf). Pour le Cd, les rats urbains ont des concentrations moyennes significativement plus grandes dans leur foie (0,09 contre 0,05 µg.g–1 de pf) et dans leurs fèces (1,33 contre 1,15 µg.g–1 de pf), mais les concentrations en Cd des muscles et des reins sont comparables. Dans les deux catégories de rats, les femelles ont des contenus en Cd plus élevés que les mâles dans les reins et le foie. Freeman et al. (1992) ont utilisés des rats Sprague-Dawley mâles et femelles pour étudier la biodisponibilité du Pb dans les déchets miniers du Montana (États-Unis) mélangés à leur nourriture. Dans un autre travail, Freeman et al. (1996) ont exposé des rats mâles Fisher 344 via l’ingestion de nourriture mélangée à un sol contaminé par du Pb, du nitrate ou de l’acétate de Pb. Les expériences montrent que l’absorption de Pb dépend de la forme (nitrate ou acétate) et de la matrice de sol. L’augmentation des concentrations en Pb dans les tissus est dose-dépendante et la présence de sol diminue la biodisponibilité du Pb par rapport à celle des sels de Pb. Ces auteurs notent que les pourcentages moyens relatifs de biodisponibilité sont variables selon les tissus (sang, 20 % ; os, 9 % ; foie, 8 %). Les résultats montrent que les rats (en particulier au stade sevrage) peuvent constituer un modèle approprié à l’estimation rapide et économique de la biodisponibilité du Pb de matrices complexes telles que les sols. En plus de la répercussion des contaminations par le Pb sur les organes internes et les fèces, Hac & Krechniak (1996) ont montré expérimentalement que des rats dont l’eau de boisson est contaminée par de l’acétate de Pb (41,7 ou 83,3 ou 166,6 mg.L–1) présentent une accumulation dose-dépendante de Pb dans leurs os et leurs poils et qu’il existe une corrélation positive entre les concentrations des os et celles des poils. Une exposition à de l’eau contenant 83,3 mg.L–1 d’acétate de Pb pendant 12 semaines conduit à des concentrations respectives des os et des poils de 14,3 et 8,7 µg.g–1 de ps. Après arrêt du traitement, le Pb est éliminé des poils en 5,3 semaines, tandis que la concentration des os est encore de 10 µg.g–1 de ps (64 %) au bout de 9,2 semaines. L’analyse des poils peut être extrapolée à celle des os, uniquement dans le cas des expositions continues ; cependant, comme l’augmentation de la concentration en Pb dans les poils est rapide (4 semaines), l’examen des poils et des crottes peut fournir des indications sur la contamination en Pb de l’environnement des rats. Les relations entre les concentrations des organes en Pb et en Cd et leurs effets chez les rats ont fait l’objet de nombreuses publications, dont l’extrapolation chez l’Homme est très délicate car les effets de ces métaux très toxiques sont complexes et variables selon les espèces. Néanmoins, il apparaît que l’ingestion et l’inhalation de Pb peuvent agir à différents niveaux : croissance, reproduction et fertilité des rats (Pinon-Lataillade et al., 1993 ; Kempinas et al., 1994 ; Thoreux-Manlay et al., 1995 ; Ronis et al., 1996). Le Cd peut avoir des effets à différents niveaux, tels que l’augmentation de l’excrétion de métabolites lipidiques urinaires et des délétions de l’ADN nucléaire hépatique (Bagchi et al., 1996). Il agit aussi sur l’absorption intestinale du fer dont la déficience se répercute sur l’érythropoïèse (Schümann et al., 1996).
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Le Cd peut perturber le contrôle endocrine de l’ovulation des rates (Paksy et al., 1996) et exercer des effets directs et indirects sur l’embryologie des rats (Fein et al., 1997). Les nombreux effets toxiques du Cd, qui s’accumule principalement dans le foie et les reins, sont rappelés chez les hommes et les animaux par Andersson et al. (1997), qui insistent sur les expositions aux faibles doses se traduisant par des altérations du comportement des enfants et des animaux de laboratoire (rats, souris…). Ces auteurs ont étudié le transfert du Cd de la mère aux petits, ainsi que la contamination des jeunes par l’eau de boisson. Les examens biochimiques, cytologiques et immuno-histochimiques, réalisés par Andersson et al., (1997) révèlent que les petits rats, indirectement exposés au Cd par le lait maternel, ont des concentrations en Cd dans le cerveau non détectables, mais présentent une perturbation sérotoninergique qui peut être responsable des altérations du comportement. Aussi, bien que la descendance des mammifères (rat) soit protégée par l’accumulation du Cd dans le placenta et le tissu mammaire, le système nerveux des petits est altéré soit directement par de très faibles quantités de Cd, soit indirectement par la modification de la composition du lait. Depuis plusieurs années, on se préoccupe aussi beaucoup de la forme sous laquelle le Cd est absorbé et en particulier du devenir et du mode d’action des complexes Cd- métallothionéines (Cd-MT) par comparaison aux formes inorganiques du Cd (Cherian, 1983 ; Groten et al., 1990, 1991; Choudhuri et al., 1996 ; Liu et al., 1996). Il s’agit là d’un domaine d’avenir, aussi bien à l’échelle de la physiologie des individus (au cours de leur ontogenèse) que des transferts dans les chaînes trophiques (Hispard, 2008) car la détermination de la structure de familles de gènes spécifiques codant pour des métallothionéines différentes selon les organes et les espèces animales peut laisser présager l’existence de modalités multiples. Pour des renseignements complémentaires concernant l’accumulation et les effets des métaux chez les vertébrés, on peut se reporter aux ouvrages de Eisler (2000a), Hoffman et al. (2003), Wright & Welbourn (2002). Les souris (M. musculus), qui sont les petits mammifères les plus abondants d’une zone humide saisonnière (partiellement inondée de la fin de l’automne au début de l’été) correspondant à l’ancien chantier naval (arrêté en 1996) de Mare Island, Vallejo, en Californie (États-Unis) ont servi à évaluer la contamination métallique de ce site. À partir d’animaux piégés de juillet à décembre 1997, Torres & Johnson (2001a) ont mesuré les concentrations d’As, Cd, Cu, Pb et Ni dans les tissus de souris et dans les principaux composants de leur nourriture. Les concentrations totales des cinq métaux sont très élevées dans les sols et les sédiments de ce territoire, qui a reçu beaucoup de contaminants de toutes sortes (métalliques et organiques), mais les fractions extractibles par le DTPA (diethylene triamine pentaacetic acid), comprises entre 4,5 % et 24,3 % des concentrations totales respectives du Ni et du Cu, suggèrent aux auteurs une faible biodisponibilité des métaux. La nourriture des souris est composée de 74 % de graines de joncs des marais (Scirpus robustus) + 17 % d’autres plantes + 8 % d’arthropodes (isopodes et arachnides). Torres & Johnson (2001a) observent une relation linéaire significative entre les concentrations en Pb et en Ni des sols et celles des racines de S. robustus. Chez Armadillidium vulgare, ils notent des FBAs par rapport au sol supérieurs à 1, pour le Cu (5,6) et pour le Cd (2,7) et chez Araneus sp. pour le Cd (2,2). Pour les autres métaux, les FBAs sont supérieurs à 1 chez ces deux groupes d’arthropodes. Dans les carcasses de souris, le Cu s’accumule fortement ; sur la base du poids sec, le Cu a une concentration égale à 53 % de celle du sol (moyenne Cu dans le sol = 236 ± 94 mg.kg–1 de ps), alors que dans le foie le FBA du Cu est seulement de 0,08 % par rapport au sol. Les FBAs des autres métaux n’ont pas été quantifiés car leurs résidus n’ont pas été détectés dans le foie. Concernant
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les transferts des métaux dans les carcasses des souris, il n’existe pas de relation significative avec les concentrations totales ou extraites du sol, ni avec les concentrations des graines de S. robustus. Il n’existe pas non plus de relation entre les concentrations en métaux des carcasses et le poids final ou l’âge des souris. Dans le foie, seule la concentration du Cu a pu être modélisée et il n’existe pas de relation entre les niveaux du Cu dans le foie et ceux des sols (concentrations totales ou extractibles). Cependant, les concentrations du foie en Cu varient significativement avec les concentrations dans les graines de S. robustus, suggérant qu’il se produit un transfert trophique du Cu de ces graines aux souris. Des essais d’estimation des charges du corps de M. musculus des mêmes métaux (As, Cd, Cu, Pb et Ni) ont été réalisés par Torres & Johnson (2001b) à l’aide de deux modèles. Le 1er modèle utilise des équations de régression de la bioaccumulation entre les concentrations des sols et les charges du corps des petits mammifères (développées par Sample et al., 1998a). Le 2nd modèle, basé sur les doses ingérées est similaire aux modèles mécanistiques d’exposition employés dans l’évaluation du risque (Pascoe et al., 1994 ; Pastorok et al., 1996). Aucun des deux modèles ne donne des résultats correspondant exactement aux valeurs mesurées (Torres & Johnson, 2001a). Le modèle de Sample et al. (1998a) donne une estimation convenable des charges du corps des souris pour l’As et le Pb, mais ne prédit pas convenablement les charges en Cu et Ni. Le second modèle, dans lequel Torres & Johnson (2001b) prennent en considération l’assimilation des métaux ingérés avec la nourriture et les sols au cours de la vie des souris ainsi qu’un facteur d’absorption-élimination gastro-intestinal, prédit des niveaux surévalués en Pb chez les souris (en général de moins d’un ordre de grandeur d’amplitude), mais il produit des surestimations très grandes des concentrations en As, Cu et Ni. Les auteurs pensent qu’une meilleure estimation de l’absorption et de l’élimination des métaux ingérés et la connaissance des espèces d’arthropodes proies permettrait sans doute d’améliorer la précision du modèle d’ingestion. À ce sujet, il convient d’indiquer que bien que dans la plupart des travaux publiés on considère que l’ingestion et l’inhalation sont les principales voies d’absorption des ETMs par les mammifères, l’absorption à travers la peau ne doit pas être négligée. En effet, dans certaines conditions favorisant la dissolution des métaux (zones humides, condensation de l’eau sur les parois d’enceintes d’élevage, urine des litières…), le contact direct avec la peau peut favoriser leur pénétration dans l’organisme. Cela été démontré expérimentalement et mesuré par Lansdown & Sampson (1996) chez des rats et des souris qui ont reçu des applications dorsales (2 cm × 2 cm) de solutions de CdCl2 dans l’eau (0,01 ; 0,1 et 1 %, poids/volume). L’application de la solution à 1 % (1 fois par jour, pendant 10 jours) provoque une augmentation significative du Cd dans la peau (6 000 ng.g–1 pf contre < 3 ng.g–1 chez les témoins), mais aussi dans le sang (11,65 µg.L–1 contre < 0,10) et une accumulation dans le foie (526 ng.g–1 pf contre < 5) et dans les reins (216 ng g–1 pf contre < 5 ng.g–1 pf). Les résultats publiés par Torres & Johnston (2001a, b) chez les souris diffèrent de ceux de Shore (1995), qui trouve des corrélations spécifiques entre les concentrations en Cd du sol et celles du foie et des reins d’autres espèces de petits mammifères : Apodemus sylvaticus (mulot sylvestre) et Sorex araneus (musaraigne carrelet), avec les concentrations les plus élevées dans cette dernière espèce. Il en est de même entre les concentrations en Pb du sol et celles du foie et des reins chez A. sylvaticus et Microtus agrestis (campagnol agreste), mais pas entre le sol et les organes de S. araneus car les données sont insuffisantes. À partir des données
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bibliographiques, Shore ne note pas de corrélation entre les concentrations en F du sol et les résidus de ce métal dans le corps des trois espèces. Cependant, les résidus en Cd et en F de chacun des trois petits mammifères considérés peuvent être prédits d’après les résidus correspondants chez les autres espèces, et il existe des relations significatives entre espèces pour les résidus dans le foie et les reins pour le Cd ou les os pour le fluor. Dans la comparaison des données réalisée par Shore (1995), les relations entre les résidus en Cd et en Pb dans le sol et ceux des petits mammifères sont les plus évidentes dans les représentations semi-logarithmiques, tandis que les relations entre espèces sont le mieux représentées sous la forme loglog. Les différences entre les résultats de Shore (1995) et ceux de Torres & Johnson (2001a, b) peuvent être dues à des différences physiologiques entre M. musculus et les trois espèces considérées par Shore (1995), mais elles peuvent peut être aussi s’expliquer par l’hétérogénéité de distribution des contaminants sur le site de l’ancien chantier naval, ainsi que par l’absence de connaissance de l’impact éventuel des concentrations métalliques observées sur la survie des petits mammifères. Les différents auteurs concluent que l’identification et la quantification des relations interspécifiques dans l’accumulation des contaminants mérite de nouvelles études. On peut y ajouter qu’il en est de même pour les interactions entre les sortes de contaminants des sites étudiés, ainsi que pour les possibilités d’absorption à travers la peau (surtout pour les espèces vivant dans les lieux humides ou inondables). En complément d’exemples d’analyse des concentrations en ETMs chez les petits mammifères, nous indiquons quelques données concernant les chauves-souris (ordre des chiroptères) car la taille de la plupart des espèces est comparable à celle des insectivores et leur nourriture est souvent composée d’insectes. Les chauves-souris, dont les populations ont tendance à régresser, ont fait l’objet de quelques études de leurs concentrations en métaux afin de savoir si leur contamination ne représente pas l’une des causes de leur régression. En Styrie (Autriche), Lüftl et al. (2003) ont mesuré les concentrations de cinq métaux (Cd, Cu, Hg, Pb et Zn) dans les reins de 150 chauves-souris de 16 espèces sur des animaux trouvés morts ou moribonds. Les auteurs n’ont pas observé de différence de concentrations en métaux entre les sexes alors qu’il en existe suivant l’âge et l’espèce. Les concentrations moyennes dans les reins de l’ensemble des chauves-souris sont (en µg.g–1 pf): Pb = 1,26 (0,13 à 15,8) ; Cd = 0,53 (nd à 6,05) ; Hg = 0,58 (nd à 5,30) ; Cu = 10,01 (2,3 à 118,5) ; Zn = 104 (13 à 821). Pour les trois métaux non essentiels les concentrations les plus élevées se rencontrent chez Myotis mystacinus (26 individus) puis chez Pipistrellus pipistrellus (43 individus). Chez M. mystacinus, les concentrations en Cd des reins sont 10 fois plus élevées chez les adultes que chez les jeunes, tandis que pour le Pb les juvéniles ont une concentration double de celle des adultes. Pour les populations de chauves-souris de cette région de l’Europe, seule la concentration en Pb semble constituer un problème potentiel. En Amérique, une comparaison des concentrations en Pb des chauves-souris et des petits mammifères au voisinage d’une voie à grande circulation a été effectuée par Clark (1979) et les résidus en métaux de colonies de chauves-souris de Floride ont été évalués par Clark et al. (1986). Une synthèse récente (Carravieri et Scheifler, 2013) actualise les données disponibles sur les effets et l'accumulation des substances chimiques sur les chiroptères et propose quelques préconisations pour évaluer leur exposition environnementales, notamment avec des mesures non destructives (analyse du guano par exemple). L’état de populations de certaines espèces de chauves-souris ne permet pas de les utiliser comme des bioindicateurs ; cependant, dans la mesure où l’on peut faire des analyses de contaminants sur des individus morts sans déranger les populations, les données obtenues peuvent renseigner sur les dangers encourus par ces animaux à cause de contaminations de leur environnement.
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En définitive, chez les petits mammifères, les prédateurs comme les musaraignes (Sorex aranea en Europe et Blarina brevicauda aux États-Unis et au Canada) peuvent effectivement être le siège d’une bioamplification de la concentration en ETMs. Cela est net pour le Cd dans les reins et le foie, mais il n’existe de règle générale ni par métal, ni par espèce, ni par site. Dans un même site (Budel aux Pays-Bas), les concentrations en Cd des reins et du foie des musaraignes et des taupes sont comparables, alors que celles du Pb présentent des écarts moins importants chez les musaraignes que chez les taupes. Les musaraignes, qui ont une faible longévité (environ 1 an et demi), représentent des bioindicateurs d’accumulation des métaux plus précis que les taupes, dont la longévité (5 à 6 ans) rend nécessaire la détermination de l’âge (Komarnicki, 2000) pour évaluer l’importance de la pollution. Dans le cas des musaraignes, une partie importante de la nourriture est sans doute constituée par les vers de terre, mais elles sont aussi très friandes de cloportes qu’elles capturent dans les litières et qui sont des macroconcentrateurs de métaux ; les proportions variables de ces proies peuvent être à l’origine des accumulations différentes chez les prédateurs. L’influence des caractéristiques du récepteur (sexe, âge, régime alimentaire…) sur l’accumulation et la séquestration des ETMs a été étudiée chez plusieurs micromammifères sympatriques (Mulot sylvestre Apodemus sylvaticus, Campagnol roussâtre, Musaraigne carrelet Sorex araneus et Musaraigne pygmée Sorex minutus). L’âge plus que le sexe, et l’espèce plus que le niveau trophique, influencent les niveaux d’ETMs et de métallothionéines (MTs) et leurs relations. Trois patrons de relations entre capacité d’accumulation des ETMs et production de MTs ont été identifiés. Des mesures de santé individuelle suggèrent que la sensibilité des récepteurs aux ETMs (musaraigne < campagnol < mulot) décroît quand leur capacité de production de MTs augmente. La mesure des MTs seule ne constitue pas un biomarqueur d’exposition pertinent, mais elle est nécessaire pour interpréter la probabilité d’occurrence d’effets délétères (Fritsch, 2010 ; Fritsch et al., 2010b). Les relations entre les concentrations en ETMs des animaux et des sols ont été étudiées chez 2 espèces d’escargots (Cepaea sp et Oxychilus draparnaudi) et 2 espèces de micromammifères (Crocidure musette Crocidura russula et Campagnol roussâtre Myodes glareolus) sympatriques ayant des régimes alimentaires contrastés. Les concentrations internes augmentent avec la contamination des sols et sont toujours mieux expliquées par les concentrations totales qu’extractibles, sauf pour Cepaea sp. Le paysage influence les niveaux d’ETMs accumulés et leur augmentation le long du gradient de pollution. L’échelle spatiale à laquelle la corrélation entre les concentrations en ETMs dans les animaux et les sols est la meilleure varie entre espèces et entre paysages. Les facteurs physiologiques et écologiques, tels que le régime alimentaire mais aussi la préférence et l’exploitation d’habitat, modulent la bioaccumulation des ETMs (Fritsch et al., 2011). À leur tour, ces petits mammifères constituent des proies vivantes pour les oiseaux (chouettes et hiboux) et d’autres mammifères, chez qui il faut tenir compte de l’incidence des accumulations de métaux dans les reins et le foie de leurs proies mais aussi, autant que possible, dans le corps tout entier pour pouvoir calculer les véritables FAs (Sample et al., 1998a). Dans le cas de l’étude des concentrations en Cd et en Zn de trois espèces de petits mammifères de zones humides recevant des boues de dragage, Mertens et al. (2001) (voir ci-dessus) ont calculé des concentrations rénales en Cd très inférieures aux concentrations toxiques prévues par Gorree et al. (1995) chez les prédateurs éventuels (S. aluco et M. nivalis) de ces petits mammifères, mais aucune mesure ne valide ces prédictions. Récemment, Toal et al. (2002) ont développé un modèle à deux compartiments des dynamiques du Cd dans le tube digestif et les tissus du mulot sylvestre (A. sylvaticus), afin de proposer une méthodologie nouvelle plus précise d’estimation des doses de contaminant absorbées par
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des prédateurs qui consomment la proie entière (par exemple Tyto alba et Falco tinnunculus). La comparaison des résultats obtenus par les calculs conventionnels, qui tiennent compte uniquement des contaminants des tissus des proies, avec ceux de la nouvelle méthodologie montre que la méthode conventionnelle sous-estime la dose de Cd pour le prédateur d’un facteur 1,2 à 10 selon l’âge et le comportement du prédateur. Cela est surtout vrai pour les faibles niveaux de contamination de la nourriture du petit mammifère car, dans ces conditions, l’absorption du Cd à travers la paroi du tube digestif est réduite (Walker et al., 2002). Le modèle de Toal et al. (2002) est dérivé de celui de Goldstein & Elwood (1971) avec deux scénarios, l’un supposant que toutes les proies ont le même âge et l’autre que les proies ont des âges correspondant à ceux d’une population sauvage de petits mammifères au printemps et à l’automne. Bien que leur étude concerne seulement un polluant particulier (le Cd), les auteurs pensent qu’il peut être appliqué à d’autres métaux toxiques et aux radionucléides qui sont faiblement absorbés à travers le tube digestif (Copplestone et al., 2000 ; Sheffield et al., 2001). Comme pour la plupart des modèles proposés à partir d’expérimentations ou d’hypothèses, il reste le challenge majeur de valider les résultats du modèle par des mesures empiriques faites sur des animaux trouvés morts ou tués lors d’opérations de contrôle de populations de vertébrés (Toal et al., 2002). Remarques générales concernant la variabilité des analyses et les interactions entre contaminants Dans toutes les mesures de concentration des métaux, on note souvent de grandes variations dans les niveaux de contamination des individus capturés. Cela est particulièrement illustré par les mesures de césium 137 dans des populations de deux espèces de petits mammifères (Clethrionomyx glareolus et Sorex araneus, photographies 38 et 40) d’une forêt de conifères suédoise par Mascanzoni et al. (1990). Dans quatre sites soumis aux retombées radioactives de césium 137 de l’accident nucléaire de chernobyl, Mascanzoni et al. (1990) relèvent des doses de 2 à 12 520 Bq.kg–1 donnant une moyenne de 2 580 Bq.kg–1 chez S. araneus. Celà conduit les auteurs à préconiser l’analyse par individu plutôt que par « pools » d’échantillons, afin de pouvoir calculer l’écart-type par rapport à la moyenne, et celà pour chacune des espèces considérées afin de tenir compte des différences de bioaccumulation des espèces qui peuvent être importantes malgré leur ressemblance morphologique.
Aux États-Unis, afin d’obtenir d’avantage d’informations sur la biodisponibilité des métaux dans les habitats terrestres contaminés, Pascoe et al. (1994) ont comparé le contenu mesuré et estimé des charges métalliques du corps de petits herbivores (Peromyscus maniculatus et Microtus pennsylvanicus) collectés dans des marécages du Montana contaminés par des déchets miniers. Pour ce faire, les auteurs utilisent un modèle de chaîne alimentaire linéaire qui leur permet d’estimer la charge du corps en métaux. Leurs analyses indiquent que les biodisponibilités de l’arsenic, du cadmium, du cuivre, du plomb et du zinc sont faibles. Par la suite, un modèle de chaîne alimentaire linéaire multimédia leur a montré que les absorptions journalières de métaux étaient inférieures ou égales aux valeurs NOAELs ou LOAELs (Pascoe et al., 1996). Au contraire, Laurinolli & Bendell-Young (1996) notent, dans l’étude de Peromyscus maniculatus d’une mine de cuivre abandonnée de l’île de Vancouver (Canada), une forte concentration de cuivre dans le foie ainsi qu’une augmentation des concentrations de Cd et Zn, alors que pour ces deux derniers métaux les concentrations des sites miniers et témoin sont identiques. Ces auteurs mettent en évidence l’importance des différentes formes des métaux de la surface des sols ainsi que celle de la localisation des échantillons. Ils formulent l’hypothèse d’une possible
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interaction entre métaux dont l’étude devrait être approfondie, de même que les conséquences chez les oiseaux de proie qui consomment les souris contaminées. L’hypothèse d’interactions entre métaux dans les sites contaminés est parfaitement légitime et ce phénomène est certainement à l’origine de nombreuses difficultés d’interprétation des analyses de bioaccumulation dans les organismes, d’autant qu’elles dépendent aussi de la nature des substrats et des conditions d’environnement. Des études expérimentales peuvent aider à comprendre ces interactions. C’est le cas, par exemple, des travaux de Schümann et al. (1996) chez des rats d’âges différents exposés aux mêmes concentrations de cadmium, mais ayant été nourris soit avec une alimentation adéquate en fer (180 mg.kg–1) soit avec une alimentation déficiente en fer (6 mg.kg–1). Ces auteurs confirment les observations de Friberg et al. (1986), à savoir que le cadmium est principalement accumulé dans le foie et le rein mais, de plus, ils constatent que l’accumulation du cadmium ainsi que son action sur l’érythropoïèse sont aggravées dans le cas d’une déficience en fer ; ces effets peuvent être annulés par la fourniture d’une alimentation adéquate en fer. En plus des interactions entre métaux des sites pollués, il existe des interactions beaucoup plus complexes entre toutes sortes de contaminants, qui rendent très difficile l’évaluation de l’impact de chacun des produits présents. De nombreux exemples d’associations de contaminants figurent dans la revue de Talmage & Walton (1991) et on peut rappeler le cas des plaines humides du Rhin avec des contaminations modérées en métaux et en organochlorés (Hendriks et al., 1995), ou celui d’anciens chantiers navals de Mare Island (CA, États-Unis) où ont été rejetés des métaux lourds, des HAPs, des BPCs, des hydrocarbures… (Torres & Johnson, 2001a) parmi beaucoup d’autres sites dont la complexité des contaminations n’est pas toujours connue ou indiquée.
3.3.2.3 Polluants organiques Dans leur revue, Talmage & Walton (1991) donnent des tableaux des concentrations en composés organiques persistants (DDT et métabolites, dieldrine…) chez Blarina brevicauda, Microtus pennsylvanicus, Peromyscus sp., Sorex cinereus, ainsi que chez des espèces européennes, immédiatement après le traitement et au cours des années qui suivent. Il en est de même pour les concentrations et les effets des BPCs, aussi bien en milieux forestiers qu’en champs cultivés ou sur des sites de dépôts de déchets. Des exemples de contamination et d’accumulation d’insecticides, d’herbicides ou de dioxines sont rapportés par ces auteurs avec des cas d’hyperaccumulation importants, ainsi que d’effets toxiques qui se répercutent chez les prédateurs (oiseaux ou autres mammifères) de différents continents dont des exemples sont décrits dans la partie concernant les chaînes alimentaires (partie 3). Un exemple parmi ceux évoqués par Talmage et Walton (1991) illustre la complexité des contaminations organiques. Aux États-Unis, à la suite de piégeages de campagnols des champs (Microtus pennsylvanicus) effectués dans trois zones (I : voisinage immédiat, II : extrémité de la zone de dépôt et III : zone témoin à 1 km) du site d’enfouissement de déchets chimiques de « Love Canal » (Niagara Falls, NY), Rowley et al. (1983) constatent que la faune sauvage peut être utilisée pour mettre en évidence la migration de produits chimiques à partir des 22 000 T enfouies et comportant 6 900 t de lindane, 2 000 t de chlorobenzènes, 2 400 T de benzyl-chlorures et 200 t de trichlorophénol contaminées de quantités indéterminées de dioxine (TCDD). À partir d’un pool de graisse prélevée dans l’épididyme des mâles et des glandes mammaires des femelles, l’analyse par HPLC et spectrographie de masse
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a permis à Rowley et al. (1983) de détecter de l’hexachlorocyclohexane et d’autres hydrocarbures chlorés dans le tissu adipeux des animaux des sites I et II et non dans ceux du site III. Les déterminations exactes des produits n’ont pas été faites, ni leur quantification. Les densités de population sont nettement plus faibles en zone I et II, de même que les durées de vie des animaux. Les poids des glandes surrénales et du foie des femelles, ainsi que les poids des vésicules séminales des mâles sont significativement réduits chez les campagnols de la zone I par rapport à ceux de la zone III. Cela montre que ces petits mammifères présentent des changements significatifs (mortalité, poids d’organes) qui peuvent être corrélés avec la présence de polluants organiques enfouis dans leur environnement. Mais de là à déterminer la nature, la concentration et les interactions des substances d’un tel cocktail et de leurs dérivés dans les tissus des animaux, il y a encore à faire ! Aux États-Unis et au Canada, Peromyscus leucopus (souris à pieds blancs) est l’une des espèces de rongeurs les plus utilisées dans les laboratoires et en champs comme sentinelles de l’environnement. Elle a été employée par Smith et al. (2002) pour étudier la contamination des rongeurs en BPCs et en métaux dans l’environnement d’une installation d’enrichissement d’uranium (PGDP = Paducah Gaseous Diffusion Plant) dans le Kentucky (États-Unis). La contamination de P. leucopus a été comparée à celle d’une espèce sympatrique, le rat des rizières (Oryzomys palustris), afin de savoir si cette espèce pouvait également être utilisée pour des études de biosurveillance. Des différences de concentrations en BPCs et en ETMs ont été observées entre les deux espèces. Alors que 42 % des rats de rizière capturés avaient des concentrations en BPCs quantifiables, cela était seulement le cas chez 8 % des souris à pieds blancs. Parmi les 11 rats à contamination en BPCs mesurable, 64 % avaient des concentrations en BPCs qui ont pu être mesurées dans leur foie. En conséquence, Smith et al. (2002) considèrent que les rats des rizières sont de meilleures sentinelles de la contamination par les BPCs. Du point de vue de la bioaccumulation, les BPCs 153 et 180 sont présents chez les animaux contaminés (8 rats et 2 souris). Les concentrations mesurées dans les foies des rats de rizière vont de 0,029 à 0,072 µg.g–1 de pf (BPC 153) et de 0,031 à 0,197 µg.g–1 pf (BPC 180). Dans le foie des deux souris la concentration en BPC 153 est de 0,089 (mâle) et de 0,343 µg.g–1 pf (femelle) et celle en BPC 180 de 0,165 (mâle) et de 1,145 µg.g–1 pf (femelle). Inversement, les souris à pieds blancs ont de plus grandes concentrations en baryum, chrome, cuivre, plomb et aluminium que les rats de rizière. Les différences de bioaccumulation des BPCs et des ETMs observées sont attribuées par les auteurs à des différences de stratégies d’alimentation, les souris étant typiquement herbivores, tandis que les rats se nourrissent de végétaux mais aussi d’insectes, de crustacés, de poissons et d’œufs d’oiseaux. Toutefois, la nourriture des deux espèces varie beaucoup suivant les saisons si bien que d’autres caractéristiques de l’histoire de vie de ces deux espèces interviennent probablement. Parmi celles-là, le mode de vie semi-aquatique des rats de rizière expose sans doute ceux-là à des expositions dermiques plus importantes. Le petit nombre de données n’autorise pas de comparaisons statistiques des concentrations en BPCs des deux espèces, tout au plus ces résultats confirment le fait qu’il n’est pas opportun d’extrapoler les résultats obtenus avec une espèce à d’autres espèces, même si elles fréquentent des biotopes communs car leurs modes de vie et la physiologie de leurs organes peuvent différer. Comme nous l’avons fait observer pour les contaminations par les ETMs, il faut aussi tenir compte des contaminations par contact pour l’absorption des contaminants organiques. La démonstration en a été faite avec des rats (Fouchécourt et al., 1998). Des rats mâles maintenus pendant 3 jours sur un sol pluricontaminé : Aroclor 1254 (207 mg.kg–1), HAPs
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(2,7 mg.kg–1), Pb (1 200 mg.kg–1) et Zn (2 270 mg.kg–1), ont des concentrations respectives d’Aroclor 1 254 de 1 845 µg.kg–1 et de 241 µg.kg–1 dans le foie et les poumons et une activité EROD induite dans les deux tissus. Il est important de noter que la dilution de la contamination du sol par addition de sol non contaminé se traduit par une relation dose-réponse entre la concentration en BPC de la litière et l’activité EROD des tissus. Ainsi, l’activité EROD des tissus et leur concentration en BPC peut être utilisée pour déterminer la biodisponibilité de ces contaminants. Dans ce cas particulier, il se peut qu’il y ait interaction entre les contaminants. Aussi, en complément des analyses de résidus dans les tissus de rats, il faut rappeler l’intérêt (présenté dans la partie relative aux oiseaux) de l’utilisation de bioessais en cultures de cellules (H 4IIE) d’hépatome de rat, dont l’activité catalytique du cytochrome P-450 I A1 en réponse aux hydrocarbures halogénés a été calibrée de façon précise par rapport à leurs réponses à la dioxine 2,3,7,8-TCDD (Tillitt et al., 1991a). Cette technique a permis ensuite, entre autres, de montrer qu’un congénère (BPC 126) qui augmente l’activité EROD de façon dose-dépendante, a son action amplifiée par une coexposition à de faibles concentrations de tributyl étain non cytotoxiques (Kannan et al., 1998). Ces expériences confirment la difficulté de l’interprétation des analyses de résidus dans les tissus et l’établissement de corrélations avec les réponses toxiques. Ces observations doivent motiver la conception d’expositions expérimentales à des combinaisons de contaminants de diverses natures, comparables à celles de l’environnement étudié. De plus, dans ses recommandations pour mieux comprendre les processus d’action de ces composés, Eisler (2000b) suggère la nécessité d’employer des techniques d’analyses plus fines spécifiques des différents congénères (et de leurs métabolites), ainsi que l’application de méthodes statistiques complexes (analyses en composantes principales). Ainsi, Van den Brink & Bosveld (2005) ont évalué le risque d’exposition de deux espèces de musaraignes (Crocidura russula et Sorex araneus) à des PCBs ajoutés seuls à de la nourriture (C. russula) ou en combinaison avec deux inducteurs différents : phénobarbital et/ou β-naphthoflavone (S. araneus). Une expérimentation de terrain a enfin été également réalisée pour valider les résultats des expositions de laboratoire. Pour chacune des expérimentations, des relations dose-réponse ont été établies entre les concentrations en PCBs dans les musaraignes et, d’une part, les activités AROD (alkoxyresorufin-O-dééthylase) et, d’autre part, les modifications des « patterns » de PCBs. Les résultats montrent que l’induction des biomarqueurs AROD est spécifique de l’inducteur étudié et qu’il existe un métabolisme spécifique des congénères de PCBs. Autrement dit, l’analyse spécifique des différents congénères peut révéler les activités des biomarqueurs AROD. Les auteurs concluent (i) que les biomarqueurs AROD permettent d’évaluer l’exposition des musaraignes à des composés organochlorés spécifiques et (ii) que les modifications des « patterns » en PCBs peuvent être utilisées comme alternative aux activités AROD (Van den Brink & Bosveld, 2005). En Europe, afin d’étudier la bioaccumulation des BPCs, trois espèces de petits rongeurs (musaraigne, campagnol et mulot) ont été prélevées dans le nord Cheshire (GrandeBretagne), sur une décharge contaminée par les PCBs et sur deux sites témoins (Johnson et al., 1996). Les taux les plus élevés d’Aroclor 1242-1254-1260 (1:1:1) sont retrouvés chez la musaraigne Sorex araneus (4 264 µg.kg–1), en relation avec son régime prédateur d’invertébrés (taux 10 fois plus élevé que chez le campagnol agreste Microtus agrestis, photographie 41, luimême avec un taux un peu supérieur à celui du mulot sylvestre Apodemus sylvaticus, photographie 39).
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Chez la musaraigne, ces taux pourraient, par comparaison avec les résultats des essais toxicologiques sur souris, entraîner des impacts sur la santé (reproduction) des animaux. Les proportions des différents congénères de BPCs étaient également différentes d’une espèce à l’autre, avec une prédominance des composés fortement chlorés, ceux-là étant moins métabolisés. D’une façon générale, lors de l’utilisation de petits mammifères comme bioindicateurs de pollutions par des composés organiques tels que les BPCs, il nous semble qu’il serait judicieux d’analyser non seulement leurs concentrations dans la carcasse et le foie, mais également dans le plasma sanguin, le cerveau et les organes endocrines. En effet, il a été montré, en particulier chez les rats, que l’accumulation de congénères persistants comme le BPC 153 ou d’autres métabolites (Ness et al., 1994) peut altérer la différenciation du cerveau, ainsi que le métabolisme des hormones thyroïdiennes et des œstrogènes (Jansen et al., 1993 ; Morse et al., 1996). Des concentrations relativement faibles de composés organiques, dont la structure mime celle des hormones, peuvent s’accompagner de troubles physiologiques importants, aussi il est pertinent de les déceler car ils peuvent avoir des incidences, non seulement chez les individus mais aussi sur la structure des populations sauvages dans lesquelles on effectue les prélèvements. En conclusion, parmi les petits mammifères sauvages, les musaraignes (insectivores) pourraient être de bonnes espèces sentinelles vis-à-vis des polluants organiques organochlorés et métalliques dans les décharges et les sols pollués car ce sont les espèces qui présentent les FBAs les plus grands. Cependant, Talmage et Walton (1991) considèrent que le fait que les musaraignes sont en général moins abondantes que les autres espèces de petits mammifères et qu’elles sont difficiles à élever en laboratoire limite leur utilisation dans les tests d’écotoxicologie par rapport aux espèces de cricétidés, de microtidés et de muridés chez lesquels il est nécessaire de préciser expérimentalement les relations entre les concentrations en contaminants dans les tissus ou organes et les effets délétères. À ce propos, les rats de laboratoire représentent une espèce de substitution permettant l'étude expérimentale de contaminations dans diverses conditions (voir Laurent et al., 2004) et de mettre, par exemple, en évidence les effets de la matrice contaminée ingérée sur la répartition tissulaire du phénanthrène ou de calculer les FBCs des différents congénères de PCDD/F dans le foie et le tissu adipeux, qui diminuent quand le degré de chloration des congénères augmente.
3.3.3 Mammifères familiers Parmi les mammifères familiers, les chats et surtout les chiens accumulent des quantités importantes de métaux lourds dans leurs tissus. Ui (1971) signalait que les chats des pêcheurs de Minamata, contaminés par le méthylmercure contenu dans les poissons dont ils étaient nourris, présentaient des troubles neurologiques et devenus fous se suicidaient en se jetant à l'eau. Diverses expériences avec des chats ont permis de mettre en évidence les différences de toxicité entre le Hg inorganique et le MeHg, et d’observer les modifications du comportement, ainsi que les altérations du système nerveux qui accompagnent l’accumulation du MeHg dans leurs organes. Par exemple, les chats nourris avec de la chair de brochets de lacs suédois contaminés par le MeHg absorbent quotidiennement environ 0,45 mg Hg par kg de leur poids et présentent des changements de comportement au bout de 60 jours, de même que des signes pathologiques dans leur système
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nerveux central et périphérique (Albanus et al., 1972). Plus de 90 % du mercure est absorbé, dont 20 % sont incorporés dans les poils ; les concentrations mesurées dans le cerveau et le foie sont respectivement de 18 mg.kg–1 et de 39 mg.kg–1. Les analyses de contaminants dans le sang permettent de repérer relativement facilement les contaminations de l’environnement. Ainsi, les concentrations sanguines en plomb chez les chiens sont significativement affectées par leur environnement (Koh & Babidge, 1986). L’intérêt de ces études chez les mammifères est notamment de permettre une prévention des pathologies humaines car, dans certains cas, les chiens sont plus sensibles que les enfants et des concentrations élevées de plomb dans les chiens pourraient être utilisées comme indicateurs précoces d’exposition des enfants (Koh & Babidge, 1986). Ces observations sur l’étroite relation entre le contenu en Pb du sang humain et du sang des chiens ont été confirmées par Monkiewicz et al. (1998), qui ont précisé que le contenu en Pb du sang des chiens de petite taille est nettement plus élevé que celui des chiens de grande taille. Des constatations analogues ont été faites avec les BPCs (biphényles polychlorés) dans des sites où le sol était contaminé par les BPCs (Schilling et al., 1988) ; dans ces zones, les hommes présentaient dans leur sérum sanguin des BPCs à des concentrations supérieures à celles des chiens « sentinelles ». Quelques autres exemples de contaminations chez des chiens et des chats sont donnés dans le tableau 55, dans lequel figurent également les conclusions principales des auteurs, qui montrent tout l’intérêt des analyses de contaminants dans le sang et les poils de ces compagnons de l’Homme.
3.3.4 Mammifères domestiques Les mammifères domestiques constituent des vecteurs importants, via la chaîne alimentaire, des contaminants depuis les sols vers l’Homme. Leur inféodation aux agrosystèmes, qu’ils soient contaminés par des activités industrielle ou agricoles, en fait un groupe à part dont nous traiterons brièvement, en recommandant aux lecteurs de se référer à des ouvrages plus spécifiques. Si l’utilisation de mammifères domestiques pour évaluer la qualité de l’environnement n’est pas récente (voir les revues de Buck, 1979 et Wren, 1986b), les efforts se portent aujourd’hui sur le transfert trophique des contaminants organiques et des ETMs les plus dangereux dans les chaînes alimentaires (sol - végétaux - animaux domestiques) et directement en rapport avec l’alimentation humaine. Dans ce domaine, on dispose actuellement d’un ouvrage de synthèse des connaissances et de la réglementation des niveaux de contamination des aliments d'origine animale avec l'estimation des transferts des polluants du sol vers les animaux d'élevage et la présentation des principaux modèles prévisionnels utilisés (Laurent et al., 2005). L’établissement de relations entre les concentrations de contaminants dans les tissus et les organes des animaux domestiques dans les élevages et les effets sur leur santé sont du domaine vétérinaire. Les intoxications aiguës sont déterminées à l’aide de diagnostics basés sur la toxicologie expérimentale. L’évaluation des effets négatifs de contaminants diffus, en plus ou moins grande concentration dans l’environnement, qui relève de l’écotoxicologie, est beaucoup plus difficile et nécessite, d’une part, des études approfondies de l’environnement
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Concentrations de contaminants dans l’environnement et chez des mammifères familiers (carnivores).
Ordre Espèce
Localité
Contaminant
O.Fissipèdes Canidés : Chiens
États-Unis (CO) Fort Collins State university
Habitat
Échantillons de l’environnement ou de la nourriture et des tissus ou des liquides biologiques
Herbicide 2,4-D (acide 2,4-dichlorophénoxyacétique) Urine
Concentration
N Moyenne
+ 2 jours après application sur gazon 21,3 mg.L–1 + 10,9 jours après application 33 chiens : [2,4-D] > 10 µg.L–1 (75 %) 17 chiens : [2,4-D] > 50 µg.L–1 (39 %) + plus de 42 jours sans application 1 chien [2,4-D] > 50 µg.L–1 4 chiens [2,4-D] détecté (27 %)
Reynolds et al. (1994)
}
44 Reif (1999)
}
15
L’exposition des chiens de compagnie aux herbicides de traitement des pelouses, permet d’évaluer l’absorption de ces produits. Ces animaux peuvent constituer des modèles pour évaluer les effets de ces substances dans l’induction : 1) de cancers de la vessie (histologiquement comparables à ceux des Hommes), 2) de cancers testiculaires observés chez les « chiens militaires » au Vietnam, 3) de lymphomes malins. Pb
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
O: fissipèdes Canidés et félidés Chiens et chats Canis familiaris Felis catus
(États-Unis) Granite City Illinois Voisinage d’une fonderie de Pb (80 ans d’activité, fermée depuis 1982) (évaluation en 1991)
Poussières Sol
Sang
{
Référence
Étendue
Hayes et al. (1990, 1991)
100 à 25 000 ppm 100 à 4 400 ppm Hommes (propriétaires des animaux) Chiens Chats
0 à 13µg.dL–1
}
0 à 28 µg.dL–1
Les auteurs trouvent : 1) une forte corrélation entre les concentrations du Pb du sol et des poussières, 2) aucune corrélation entre la concentration en Pb du sol et de l’air chez les personnes de plus de 14 ans, propriétaires des chiens et chats, 3) une forte corrélation entre les concentrations en Pb du sol et de l’air et celles du sang des enfants de 6 ans et surtout de 2 ans. Conclusion : les chiens et les chats sont de bons bioindicateurs pour évaluer et prévenir l’exposition au Pb des enfants.
180 personnes (dans 77 habitations) chiens : 81 chats : 25
Berny et al. (1994)
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TABLEAU 55
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et, d’autre part, des examens physiologiques, anatomiques et biochimiques approfondis qui n’aboutissent pas toujours à la détermination des causes des effets observés (dépérissement d’animaux dans certaines pâtures…). Inversement, des cas de bioaccumulation de contaminants dans certains tissus ne s’accompagnent pas d’effets apparents (surtout chez les animaux domestiques qui vivent en milieu relativement protégé et dont la durée d’élevage est parfois courte). En ce qui concerne les risques alimentaires d’origine chimique, il est conseillé de se reporter aux mises au point respectives de Narbonne (2004) pour les dioxines et les BPCs, de Rico (2004) pour les pesticides, de Schlumberger (2004) pour les radionucléides et de Sanders (2004) pour les résidus d’antibiotiques rassemblées avec d’autres conférences dans un dossier scientifique de l’Institut français pour la nutrition. Étant donnée l'importance des protéines et des lipides d'origine animale dans l'alimentation humaine, le transfert des polluants organiques et métalliques du sol et de l’environnement vers les animaux d'élevage représente un domaine important dans l'évaluation du risque alimentaire pour les Hommes. Il faut souligner ici l’importance de mettre en place un plan de suivi efficace des contaminations chimiques du lait et de la viande au niveau national. En effet, encore en mai 2008, il a fallu plus de deux mois pour localiser une expoitation laitière de la Meuse (France), dont le lait était contaminé par des PCBs à un taux de 107 pg.g–1 (alors que le seuil maximum est de 6 pg.g–1), et faire séquestrer le lait et la viande des animaux de cet élevage.
3.3.5 Mammifères sauvages L’importance de la mesure des résidus de contaminants dans les tissus et organes de la faune sauvage (terrestre et aquatique) et de l’interprétation de leur action sur la santé de ces animaux est illustrée dans l’ouvrage édité par Beyer et al. (1996). Dans ce livre, Keith (1996) décrit l’histoire de l’interprétation des contaminants de l’environnement dans les tissus animaux et des spécialistes font le point sur les connaissances acquises dans plusieurs classes (mollusques, poissons, oiseaux, mammifères). Chez les mammifères terrestres, des renseignements sont donnés par Peakall (1996) sur les résidus en dieldrine et cyclodiènes par comparaison avec d’autres vertébrés, tandis que des chapitres particuliers sont réservés aux BPCs (Kamrin & Ringer, 1996), au Pb (Ma, 1996), au Cd et au F chez les petits mammifères (respectivement Cooke & Johnson, 1996 ; Cooke et al., 1996) et au Hg chez les oiseaux et les mammifères terrestres (Thompson, 1996). La signification des résidus chez les vertébrés sauvages et les Hommes n’est pas toujours évidente car des résidus peuvent être présents dans des individus en bonne santé apparente. Des limites de tolérance (quantité maximum de résidus acceptables dans les aliments pour les animaux domestiques et les Hommes) ont été établies à partir d’expériences et font l’objet de réglementations et de lois pour protéger l’Homme. La protection des animaux sauvages est beaucoup plus complexe que celle des animaux domestiques et de l’Homme. Cependant, l’idée qui semble faire l’objet d’un certain consensus est que, dans la mesure où l’on réussirait à protéger les animaux d’expositions nocives, on protégerait aussi l’Homme. Cela conduit à des mesures générales de limitation des pesticides, en particulier de ceux qui persistent le plus longtemps dans l’environnement et pour lesquels on dispose du plus grand nombre de publications scientifiques. Il ne faut pas pour autant négliger la surveillance des pesticides dits « non persistants » (PNP) et leurs mélanges qui deviennent fort préoccupants car ils sont très souvent mis sur le marché avant d’avoir une homologation rationnelle (exemple : gaucho/
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imidaclopride et régent/fipronyl utilisés dans l’enrobage de semences). Une concertation internationale et l’application de règles communes est absolument nécessaire car la dissémination de ces substances et de leurs métabolites ne connaît pas de frontières. L’analyse des chaînes alimentaires ne doit pas être négligée car elle est l’un des outils permettant d’évaluer les risques encourus par les mammifères sauvages ; Linder & Joermann (2001) ont fait le point sur l’intérêt de l’étude des processus de bioaccumulation et de bioamplification et de l’utilisation de modèles (voir Chapitre 4). Ils rappellent l’importance du facteur temps et la nécessité (difficile à vérifier dans la nature) de mesurer les FBAs et FBMs dans des conditions d’équilibre quand le taux d’absorption est équivalent au taux d’excrétion (ASTM, 1998). Parmi les mammifères sauvages, nous distinguons ceux qui se nourrissent principalement de végétaux, les insectivores et enfin les carnivores, en insistant autant que possible sur l’intérêt de l’analyse des résidus chez des espèces européennes car les ouvrages en langue anglaise prennent beaucoup d’exemples en Amérique ou au Royaume-Uni. Il est vrai que l’US EPA, très active dans le domaine de l’évaluation des risques dus aux pollutions, émet de nombreux documents techniques et rapports spécialisés, dont Norton et al. (2003) donnent un aperçu de la variété des problèmes examinés et des décisions dans le domaine de l’évaluation du risque écologique (ERE), qui fait l’objet des lignes directrices de l’US EPA / 630 / R - 95 / 002. À titre d’exemple, aux États-Unis, une base de données (CEE-TV) concernant l’exposition aux contaminants et leurs effets sur l’ensemble des vertébrés terrestres sauvages résidant dans les estuaires et les zones côtières de l’Atlantique, du Pacifique et de l’Alaska a été réalisée par Rattner et al. (2001) et peut être consultée sur le site web http:// www.pwrc.usgs.gov/contaminants-online/pages/CEETV/CEETVintro.htm. À partir de cet ensemble de données, Cohen et al. (2003) se sont consacrés à montrer le manque d’informations précises récentes sur le territoire plus restreint des estuaires du golfe de Floride et la nécessité de faire des efforts d’analyses et de récolte de données, aussi bien sur les pesticides persistants, les produits industriels et les composés à courte durée de vie afin de sélectionner les matrices à analyser et les espèces sentinelles. Des efforts d’établissement de plans d’actions concertés dans les différents continents avec des inventaires de sites particulièrement sensibles permettraient de sauvegarder la diversité de la faune sauvage, qui n’a pas la possibilité de faire confisquer et détruire les aliments dont elle se nourrit et dont la contamination dépasse les normes ! Actuellement, à l’échelle d’un pays comme la France, des surfaces importantes de plusieurs régions produisent des plantes cultivées et sauvages impropres à la consommation (voisinage de sites métallurgiques, sites miniers en activité ou désaffectés, centres de traitement des déchets…), tandis que d’autres sont traitées de façon à ce qu’une seule espèce cultivée puisse se développer ; dans ces conditions, que peuvent devenir les animaux sauvages gibiers ou non ? Successivement, nous rapportons quelques données sur la concentration de contaminants chez les espèces les plus étudiées, mais il y a encore beaucoup à faire pour obtenir un panorama non limité aux espèces gibiers qui ont pourtant leur importance dans la vie des écosystèmes.
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3.3.5.1 Ongulés (artiodactyles et périssodactyles) Ces deux ordres de mammifères ont été groupés car leurs régimes alimentaires et leurs modes de vie font que ces animaux de taille moyenne à grande sont affectés par des voies similaires par les contaminants. Les principales données écotoxicologiques concernent surtout les artiodactyles dont le nombre d’espèces actuelles (221 réparties en 10 familles) est beaucoup plus grand que celui des périssodactyles (17 pour 3 familles). Comme le remarquent Froslie et al. (2001) dans leur synthèse sur l’écotoxicologie des ongulés sauvages, les plus grandes menaces concernant ces animaux sont la destruction de leurs habitats (déforestation et intérêts agronomiques), particulièrement dans les biomes sensibles, mais aussi les expositions chroniques aux polluants (métaux, pesticides, radioisotopes…) qui sont amplement dispersés sur de vastes territoires géographiques à travers le monde. Les artiodactyles occupent presque tous les habitats terrestres, certaines espèces étant bien adaptées aux forêts tempérées ou tropicales, aux montagnes, aux déserts, aux prairies, aux savanes ou à la toundra et aux broussailles. La plupart des espèces sont strictement végétariennes et consomment toutes sortes de fourrages, mais les porcs et les pécaris mangent aussi des invertébrés et de petits vertébrés. Les femelles mettent bas tout au long de l’année sous les tropiques et au printemps dans les autres régions. La gestation dure de 3 à 10 mois, la maturité sexuelle est atteinte entre 1 et 7 ans et la longévité peut atteindre 40 ans. 3.3.5.1.1 Éléments traces, métaux toxiques, métalloïdes
Les métaux et les métalloïdes peuvent induire des effets néfastes, soit par empoisonnement soit par des déficiences nutritionnelles, qui ont été étudiés chez les espèces domestiques (Radostits et al., 1994a, b). Les études de concentration des métaux et métalloïdes dans les tissus d’ongulés sont appropriées à la biosurveillance écotoxicologique car elles renseignent aussi bien sur des pollutions locales avec des gradients d’intensité selon la distance des émissions que sur les pollutions chroniques au long cours. Froslie et al. (2001) ont montré que pour la plupart des métaux, les reins et le foie sont les organes les plus appropriés pour l’analyse des contaminations, bien que le fluor et le plomb puissent être bioaccumulés dans les os et le mercure dans les poils. Pour trois métaux volatils très toxiques largement distribués dans le monde (Cd, Pb et Hg), Froslie et al. (2001) ont dressé un tableau très documenté des moyennes et des intervalles des concentrations dans le foie et les reins d’espèces du monde entier, avec un grand nombre d’exemples européens. Face à la diversité des données de la littérature (concentrations par rapport au poids sec ou au poids frais), ces auteurs ont pris le parti de transformer toutes les concentrations par rapport au poids frais afin de faciliter les comparaisons entre espèces. Bien qu’il existe des différences spécifiques de la teneur en eau des organes, ils ont utilisé le rapport 2,76 (environ 36 % de matière sèche) pour poids frais de foie / poids sec) et le rapport 3,66 (environ 27 % de matière sèche) pour poids frais de rein / poids sec. En plus du tableau détaillé rassemblant les nombreuses données concernant ces trois métaux, Froslie et al. (2001) ont examiné cas par cas les éléments suivants : Al, As, Cd, Cu, F, Hg, Ni, Pb et Se. De leur revue, ils ont dégagé un certain nombre d’indications générales utiles pour la mise en œuvre de la biosurveillance de l’environnement.
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Pour notre part, nous avons rassemblé, dans le tableau 56, les résultats d’analyses réalisées chez différentes espèces d’artiodactyles sauvages d’Europe, en citant des données sous la forme publiée par les auteurs avec leurs interprétations principales. En Autriche, dans le Tyrol, Tataruch (1993) a analysé les concentrations en Pb, Cd, et Hg des plantes consommées par les chevreuils, les cerfs et les chamois du même secteur, ainsi que des échantillons de foie, rein, poils, côtes et contenu stomacal de 490 animaux. Les contaminations par le Hg et le Pb se sont avérées faibles (bien qu’une augmentation de la contamination par le Pb ait été constatée entre les deux campagnes de prélèvement : 1982–1985 et 1989–1991). En revanche, pour le Cd, outre une augmentation significative des concentrations dans les reins en fonction de l’âge, la contamination la plus élevée fut observée chez les chevreuils (Capreolus capreolus). Des influences anthropogènes de la charge en Pb, Hg et Cd ont également été mises en évidence par échantillonnage d’organes de 504 bouquetins du canton suisse de Graubünden abattus entre 1983 et 1991 (Tataruch & Onderscheka, 1995). L’influence de l’âge sur l’accumulation du Cd est également très significative dans les reins des bouquetins, où il existe des différences saisonnières des concentrations en Pb et en Hg. En Finlande, les concentrations en métaux des organes de rennes ont permis de montrer des différences de contamination entre les animaux du Nord et du Sud de la Laponie (Rintala et al., 1995 ; Tableau 56). En Slovénie, des concentrations en métaux des organes internes (reins, foie et viande), du même ordre de grandeur, ont été mesurées chez quatre espèces d’ongulés gibiers (Doganoc & Gacnik, 1995 ; tableau 56). Cependant, en Autriche, des différences de concentrations entre les organes des chevreuils et des chamois ont été constatées par Gufler et al. (1997) sur des territoires de chasse du sud du Tyrol : chez les chamois, les teneurs en Pb (en mg.kg–1 pf) sont plus élevées (reins = 0,143 ; foie = 0,120 ; muscles = 0,112) que chez les chevreuils (reins = 0,100 ; foie = 0,082 ; muscles = 0,050) tandis que c’est l’inverse pour le Cd : chez les chevreuils (reins = 2,254 ; foie = 0,207 ; muscles = 0,005) et chez les chamois (reins = 1,333, foie = 0,120, muscles = 0,006). En Allemagne, l’analyse des métaux chez les cerfs, les chevreuils et les sangliers, à proximité d’une autoroute du Schleswig-Holstein, à deux périodes différentes, prouve que l’utilisation d’essence sans plomb se traduit par une diminution de la charge en Pb chez les jeunes (Wilke et al., 2000 ; Tableau 56). Généralement les chevreuils, dont les populations relativement sédentaires, sont importantes dans la plupart des régions, sont considérés comme de bons bioindicateurs des pollutions métalliques. Les concentrations en métaux (surtout Cd et Pb) varient suivant les territoires. En ce qui concerne le Cd, qui est le plus souvent bioconcentré, il se confirme nettement que l’accumulation de ce métal augmente avec l’âge dans le foie et les reins. Parfois, des différences significatives en Pb ont été constatées dans les reins de chevreuils adultes, par exemple en Allemagne entre ceux du Harz = H (présence d’industries) et ceux de Mecklembourg-Poméranie = MP (témoins). Chez les chevreuils étudiés, Frölich et al. (2001) ont trouvé de faibles concentrations en organochlorés et n’ont pas relevé d’influence de la charge accrue en Cd sur les réponses immunologiques de ces animaux vis-à-vis de différents agents pathogènes viraux. En revanche, les charges parasitaires en vers (helminthes) de la caillette sont plus importantes chez les chevreuils des zones non polluées. Des lésions du cortex rénal
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(infiltration interstitielle, glomérulopathie) ont été signalées dans près de la moitié des animaux des différentes classes d’âge (Wisser et al., 2001), sans qu’une corrélation précise puisse être établie entre la charge en Cd (H : 1,76 à 5,4 mg.kg–1 pf ; MP : 0,44 à 1,88 mg.kg–1 pf) et les altérations histologiques. De nouvelles études histopathologiques réalisées en Autriche par Beiglböck et al. (2002), sur un grand nombre de chevreuils, révèlent l’existence d’une corrélation entre les altérations microscopiques du cortex rénal (tubules rénaux proximaux et glomérules) et les concentrations en Cd (Tableau 56). Il existe une relation significative entre la fréquence des dégénérescences vacuolaires, des noyaux pycnotiques, de la caryolyse et de la nécrose dans les reins des chevreuils et l’augmentation des concentrations en Cd avec l’âge. Des figures de caryolyse et de nécrose des cellules tubulaires proximales sont observées chez tous les chevreuils dont les concentrations dans les reins dépassent respectivement, 12 ppm et 14 ppm. Ainsi, des altérations histopathologiques sont visibles chez des chevreuils à des concentrations inférieures à la concentration critique par organe (200 ppm pf chez les Hommes) de l’OMS. Beiglbock et al. (2002), se référant à différentes études de toxicité chez plusieurs espèces de mammifères (dont l’Homme), pensent que les concentrations seuils de l’OMS sous-estiment la toxicité du Cd, même à faible dose (Järup et al., 2000). Il reste cependant à établir si l’exposition au Cd est la seule cause des altérations cytologiques des reins dans l’Est de l’Autriche car celles-là existent parfois chez les animaux à faible charge en Cd. Les analyses statistiques des données incitent Beiglbock et al. (2002) à considérer le Cd au moins comme un « cofacteur » des mécanismes pathogènes intervenant dans l’altération des reins. L’extrapolation de résultats obtenus chez des animaux sauvages, soumis à différentes contraintes de l’environnement, est toujours délicate, cependant le rôle éventuel du Cd comme « cofacteur » de néphropathies endémiques chez les Hommes a été évoqué par Wedeen (1991) dans des régions de Serbie, de Roumanie et de Bulgarie. De nouvelles recherches en cours devraient permettre de préciser les effets du Cd et d’autres polluants sur les organes des mammifères. En effet, non seulement les reins, mais aussi les organes génitaux (et leurs systèmes de contrôle), peuvent être affectés. Ainsi l’influence du Cd sur la prolifération testiculaire des cellules germinales des chevreuils pendant la période du rut et celle qui le précède a été démontrée en Allemagne par Blottner et al. (1999), en mesurant un marqueur spécifique de la multiplication cellulaire des tissus de ruminants (Blottner & Roelants, 1998). Dans les régions fortement polluées par le Cd (Bitterfeld & Dessau, ainsi que montagnes du Harz), les concentrations en Cd des reins des chevreuils (0,38 à 9,22 mg.kg–1 pf) sont plus élevées que celles des chevreuils (0,20 à 5,08 mg.kg–1 pf) de zones moins polluées (Mecklemboug et Nord du Friesland). L’accumulation du Cd dans les reins est corrélée au poids des testicules et les fortes expositions au Cd semblent retarder la prolifération spermatogénique pendant la période qui précède le rut, ce qui se traduit par une légère diminution du nombre de spermatozoïdes dans les testicules. En Slovaquie, Toman & Massanyi (1996) ont observé des concentrations élevées de Cd dans les reins chez des daims, des moutons, des lièvres et des lapins, mais de très faibles concentrations dans les organes reproducteurs.
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Concentration de contaminants chez des mammifères ongulés sauvages.
Ordre – espèce
Localité – habitat
Contaminant Échantillons de l’environnement ou de la nourriture et des tissus
Ordre : artiodactyles Cervidés : chevreuils Capreolus capreolus
Concentration Moyenne Étendue
Sol (suivant le site) Plantes (suivant le site et les espèces) Allemagne Land de Sarre Environs Sarrebruck
Cd
Reins (en forêt)
Forêts proches de sites industriels et champs Reins (en champs)
1 an 4 ans ♂ 8 ans ♂ 10 ans ♂ 5-6 ans Schmels Mimbach
N
Référence
0,45 à 0,97 mg.kg–1 ps 0,1 à 1,3 mg.kg–1 ps 0,8 à 1,4 mg.kg–1 pf pf 4 7,03 mg.kg–1 pf 7,20 mg.kg–1 pf mg.kg–1
Müller (1985)
1,05 à 1,91 mg.kg–1 pf 0,43 mg.kg–1 pf
La concentration en Cd est la plus élevée dans les reins (voir fig. 1 Müller, 1985) ; elle augmente avec l’âge et dépend de la contamination des plantes broutées. Ordre : artiodactyles
Slovénie Koroška (région industrielle)
Ongulés gibiers : chevreuils, cerfs, sangliers, chamois 1985–1988
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
Ilirska (région non industrielle)
Pb
Reins Foie Viande
mg.kg–1 poids frais 1,31 0,05 à 8,55 0,96 0,05 à 7,85 0,31 0,05 à 7,76
Cd
Reins Foie Viande
3,118 1,275 0,029
0,205 à 9,145 0,027 à 7,198 0,003 à 0,373
Pb
Reins Foie Cœur
1,62 0,44 0,66
0,06 à 31,12 0,05 à 3,28 0,05 à 16,46
Cd
Reins Foie Cœur
2,429 0,232 0,008
0,359 à 9,114 0,033 à 0,854 0,003 à 0,084
60 64 65 60 64 65
Dogance & Gačnik, (1995)
38 38 38 38 38 38
Les concentrations en métaux des organes des quatre espèces différant peu, les résultats sont donnés pour l’ensemble des espèces de chaque région. Les reins et les foies du gibier de Koroška sont impropres à la consommation car les concentrations en Cd de 70 % des reins et de 60 % des foies dépassent les tolérances officielles du pays (1,0 mg.kg–1 pour les reins et 0,5 mg.kg–1 pour le foie). Les résidus en Cd des reins augmentent avec l’âge. Pour le Pb dans la viande, les valeurs maximales sont très hautes et plus de 30 % dépassent les limites autorisées ; une partie du Pb proviendrait des projectiles de chasse. Les analyses des résidus en Cd et en Pb montrent que les concentrations diminuent dans les tissus du gibier de Slovénie de 1989 à 1992, mais elles posent encore un problème pour la consommation.
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TABLEAU 56
363
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Période d’abattage Automne 1990–1991 1991–1992
Cd Finlande Laponie Comparaison de concentration des métaux dans les organes d’animaux du Nord (N), du Sud (S), de l’Est (E) et de l’Ouest (O) de la Laponie
Adultes Sud (S) Ouest (O)
En mg.kg–1 pf 1,72 4,62
± 1,55 ± 4,41
30 30
Foie
S O
0,40 0,76
± 0,35 ± 0,48
30 30
Muscles
S O
0,002 0,003
± 0,001 ± 0,004
14 15
Reins
Veaux Reins Foie Muscles Pb (très peu)
Adultes Reins Foie Muscles
Cr
Muscles et reins
Ni
Muscles et reins
Hg
Muscles
Cu
Surtout dans le foie : adultes veaux
0,525 (S) à 0,903 (O) 0,190 (S) à 0,233 (O) 0,001 (S et O) à 0,002 (E et N) 0,27 (S) à 0,34 (E) 0,16 (S) à 0,37 (E) 5 ans (F) et (R) 1982–1989 1990–1994
0,08 (F) ; 0,109 (R) 0,045 (F) ; 0,121 (R)
30 et 31 17
0,153 0,162 1,317 1,524
0,030 à 0,396 0,095 à 0,232 0,283 à 2,712 0,137 à 3,465
32 20 32 20
0,071 0,082
0,010 à 0,523 0,017 à 0,434
32 15
0,552 0,990
0,131 à 1,230 0,214 à 5,538
32 15
0,162 0,146
0,023 à 0,523 0,077 à 0,286
31 18
1,290 0,912
0,138 à 6,635 0,357 à 2,391
30 18
0,771 0,912 4,264 5,560
0,086 à 1,918 0,264 à 2,509 0,189 à 10,840 3,079 à 9,367
31 17 31 17
Sanglier ≤ 1 an Foie 1982–1989 1990–1994 Reins 1982–1989 1990–1994 Cerfs ≤ 1 an Foie 1982–1989 1990–1994
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
Reins 1982–89 1990–94 Chevreuils ≤1 an Foie 1982–1989 1990–1994 Reins 1982–1989 1990–1994 Chevreuils >5 ans Foie 1982–1989 1990–1994 Reins 1982–1989 1990–1994
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Pb
Ordre : artiodactyles
Wilke et al. (2000)
La diminution de la teneur en Pb (de 27 à 50 %) entre les deux périodes considérées chez les jeunes (≤ 1 an) des trois espèces peut être liée au passage à l’utilisation d’essence sans plomb. La concentration en Cd du foie des jeunes animaux est relativement stable et voisine dans les trois espèces ; en revanche, celle des reins est plus variable selon l’espèce. Chez les chevreuils, l’accumulation du Cd augmente nettement avec l’âge (×5 dans le foie ; × 4,5 dans les reins), de même que chez les rennes (Rintala et al., 1995).
365
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Autriche (Est)
ppm pf Cd
Cervidés : chevreuils Capreolus capreolus
Reins < 1 an 1 à 2 ans 3 à 4 ans > 4 ans
0,562 1,494 2,628 6,037
0,010 à 2,855 0,032 à 11,451 0,389 à 8,085 0,548 à 22,076
94 62 27 41
Beiglböck et al. (2002)
Les concentrations en Cd des reins sont relativement élevées et augmentent avec l’âge. Les femelles âgées de 1 à 2 ans ont des concentrations rénales en Cd plus élevées que celles des mâles du même âge. Il n’existe pas de différence significative entre les concentrations en Cd des reins des chevreuils provenant de la région de Vienne (très peuplée et industrialisée) et celles des chevreuils d’une zone rurale (district de Melk, Basse Autriche). Une corrélation existe entre les concentrations en Cd des reins et des altérations cytopathologiques (voir texte). Ordre : artiodactyles
Allemagne (Ouest)
Cervidés : chevreuils Capreolus capreolus Bois de ♂ abattus à la chasse
Région Rhin-Nord - Wesphalie Environs industriels de Siegen
Bois (cendre d’os)
mg.kg–1 cendre d’os
1948 à 2000
1 811 à 374
1960 à 1969 1970 à 1979 1980 à 1989 1990 à 2000
2 250 1 354 729 374
5 428–118 738–4324 468–2142 154–1 600 118–981
116 21 22 28 26
Kierdorf & Kierdorf (2003)
La diminution des concentrations du fluor dans les bois de chevreuils au cours des dernières décades suggère un déclin du fluor dans l’environnement et un meilleur contrôle des sources d’émission. Ces mesures constituent une méthode d’étude peu onéreuse des changements des niveaux de fluor dans l’environnement. Les chevreuils, très répandus en Europe, peuvent donc servir de bioindicateurs du milieu rural et forestier. Ordre : artiodactyles Cervidés Cerf à queue blanche Odocoilus virginianus
États-Unis Oklahoma District minier de Picher - Zone 232 : proche de la fonderie de Pb-Zn
1996
– Zone 230 : témoin > 50 km
Mâchoire inférieure
mg.kg–1 ps
Cd Zn Pb
< limite de détection 77,1 (6,20) 1,43 (1,25)
Cd Zn Pb
< limite de détection 66,5 (6,70)
20 19
Conder & Lanno (1999)
8 8
0,170 (0,054) Les différences de concentrations moyennes en Zn ne sont ni significatives entre les zones, ni en fonction de l’âge. L’augmentation importante de la concentration en Pb dans les mâchoires inférieures des cerfs de la zone entourant la fonderie montre que l’analyse de cette pièce du squelette, facilement prélevable sur les cerfs tués à la chasse, permet de détecter la contamination par le Pb.
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366 Ordre : artiodactyles
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Les chevreuils et les cervidés sédentaires, dont les végétaux consommés au cours de l’année peuvent être déterminés et analysés, sont considérés comme de bons bioindicateurs d’accumulation des métaux. Les analyses classiques dans le foie et les reins permettent d’évaluer le niveau de contamination de l’environnement et d’étudier l’impact de l’accumulation des contaminants sur la structure cytologique et la fonction de ces organes, ce qui peut aider à la prévision des répercussions éventuelles sur la santé des animaux. Elles peuvent être complétées par des recherches de contaminants dans d’autres organes. En effet, les dosages de métaux dans les poils et les bois des cervidés donnent des indications sur l’intensité des pollutions des zones où ils vivent au moment de la formation de ces tissus. C’est ainsi que Mankovska (1980a) a observé des augmentations significatives des concentrations (en µg.g–1 ps) de l’As (2,5–25,2), du Cd (0,05–0,67), du Pb (5,6–118), du Zn (292–6887) et du F (139–294) dans les poils du corps de chevreuils de 11 localités polluées par des usines d’aluminium et de production d’énergie par comparaison avec des zones non polluées de la République tchèque. Le même auteur (Mankovska, 1980b) a également rapporté des concentrations importantes de ces métaux dans les dents de chevreuils au voisinage d’une usine d’aluminium : la charge en F peut atteindre 3 910 µg.g–1 ps (13 fois les valeurs des témoins) et celles en As et Cd respectivement 17,2 et 5,8 µg.g–1, tandis que les contenus en Pb ne diffèrent pas significativement ; ces valeurs correspondent aux contenus en F, As, Pb et Cd de la végétation. Une corrélation étroite entre le contenu en métaux (Cd, Pb, Cu, Ni, Zn et Fe) des bois de chevreuils et celui de leur nourriture a été établie par Sawicka-Kapusta et al. (1981) dans les forêts très polluées de Silésie en Pologne. Il existe de très grandes différences entre les contenus en métaux des brindilles d’arbres ou arbustes de la forêt de Dulowa (par exemple, en µg.g–1 ps : Cd = 16,9 dans le peuplier tremble ; 0,4 dans l’aune et le chêne rouvre ; Pb = 8,5 dans le peuplier tremble ; 32,3 dans l’aune et 82,2 dans le fusain). Ce sont les herbes broutées qui ont les plus fortes teneurs en Zn (1 482,5 µg.g–1 ps), en Fe (1 370), en Pb (86,1) et en Ni (6,66). Pendant l’hiver (environ 100 jours), l’absorption des métaux par un chevreuil, dans la forêt polluée de Dulowa, est estimée (en g) à 0,2 g Cd 3g Pb 0,6 g Cu 0,2 g Ni 45 g Zn 37 g Fe (c’est-à-dire. 6 fois la quantité absorbée dans une forêt non polluée) dont 65 % sont excrétés dans les fèces. La concentration dans les bois des mâles atteint 150 ppm de Zn et de Fe, et environ 15 ppm de Pb et de Ni. La quantité de métaux déposée dans les bois dépend du poids de l’animal et varie de 0,02 à 0,2 g (Sawicka-Kapusta, 1979) ; il ne semble pas que leur chute annuelle intervienne beaucoup dans les processus de détoxification, mais c’est un organe utilisable dans la surveillance de l’environnement. Les bois des chevreuils, régulièrement conservés comme trophées par les chasseurs, constituent une source d’échantillons dont on peut suivre la contamination au cours des années et leur analyse fournit des indications sur la pollution de l’environnement pendant la période où ils repoussent. La concentration de métaux a été déterminée dans des séries de bois de chevreuils en Suède de 1968 à 1983 (Kardell & Kallman, 1986) et en Allemagne par Kierdorf & Kierdorf (2000), qui ont suivi l’évolution de la pollution par le Pb et le F dans une forêt, puis constaté des différences régionales des contaminations par le F en Allemagne de l’Ouest (Kierdorf & Kierdorf, 2002). La diminution des concentrations en F des bois pendant les décades récentes (Tableau 56) suggère à Kierdorf & Kierdorf (2001, 2003) qu’il y a eu une réduction notable de la pollution industrielle par le fluor dans la région de Siegen. Des os, comme ceux de la mâchoire, ont aussi été analysés par Conder & Lanno (1999) pour connaître les contaminants de l’environnement des chevreuils américains Odocoileus virginianus (Tableau 56). En Europe, les bois des cerfs (Cervus elaphus) ont également été analysés
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pour étudier la contamination de l’environnement par le Pb (Tataruch, 1995) et le fluor (Kierdorf et al., 1997). Cependant, les territoires des grands cervidés couvrent de plus grandes étendues que ceux des chevreuils et donnent des renseignements moins précis. En outre, les chevreuils sont particulièrement nombreux et ils fréquentent la plupart des habitats, y compris ceux qui sont proches des activités humaines. De l’ensemble des travaux portant sur les artiodactyles, il n’est pas possible de dégager un classement des espèces qui sont les plus aptes à servir de bioindicateur d’accumulation pour tous les métaux. Cependant, pour chaque grand type d’écosystème et pour chacun des métaux qui posent des risques environnementaux, il est parfois possible d’établir des différences entre les espèces. Ainsi chez les cervidés, Craste & Burgat-Sacaze (1995), comparant les capacités d’accumulation du Cd d’après les données qu’ils ont pu recueillir, notent qu’en Norvège les concentrations en Cd augmentent dans l’ordre : cerf < chevreuil = élan < renne. Les différences pourraient s’expliquer en partie par des différences de régimes alimentaires. Mais d’autres facteurs interviennent également, comme l’âge (en particulier chez le chevreuil, voir Tableau 56), parfois le sexe, ainsi que les variations saisonnières. Quant aux relations entre bioaccumulation des métaux et répercussion sur l’état de santé des animaux sauvages, on dispose de peu de données car l’extrapolation des connaissances toxicologiques chez les ongulés domestiques est hasardeuse, alors que l’on ne dispose pas de résultats expérimentaux chez les espèces sauvages et qu’un suivi sanitaire régulier et approfondi des populations naturelles n’est pas réalisé de façon systématique. On peut remarquer comme l’ont fait Craste & Burgat-Sacaze (1995), que quelques pays d’Europe ont réalisé un suivi dans le temps et dans des territoires géographiques bien définis de l’évolution des contaminations métalliques, mais en France on ne possède aucune donnée et il n’existe pas de programme de surveillance des métaux lourds, comme au Canada par exemple. Conséquence des concentrations élevées de métaux dans le foie et les reins des artiodactyles sauvages, la consommation des abats par les Hommes est déconseillée dans plusieurs pays. Dans les cas où l’alimentation de populations autochtones (Inuits et Amérindiens au Canada et Lapons en Norvège) provient en grande partie de la chasse, des risques sérieux de contamination par le Cd, le Hg et le Pb (d’origine atmosphérique ou des munitions) peuvent exister pour les consommateurs (Hommes ou prédateurs animaux).
3.3.5.1.2 Contaminants organiques
L’accumulation d’insecticides, d’herbicides et de BPCs dans les tissus d’ongulés sauvages a fait l’objet de deux tableaux récapitulatifs dans la synthèse de Froslie et al. (2001). Ces auteurs rapportent les concentrations létales d’insecticides (organochlorés, carbamates et organophosphates) chez le cerf-mulet (Odocoileus hemionus) aux États-Unis, ainsi que les risques de toxicité que représentent ces pesticides pour les espèces gibiers américaines. En Europe, la surveillance à long terme des résidus d’insecticides organochlorés chez les espèces gibiers (sangliers, cerfs nobles et chevreuils) et les espèces domestiques (porcs et bovins) a révélé une persistance de faibles niveaux d’exposition de 1960 à 1988 (Falandysz & Kannan, 1992). Cependant, ces auteurs notent des résidus en DDT en plus grande quantité dans le bétail que chez les ongulés sauvages, ce qui serait dû à l’importation d’aliments contaminés d’autres régions. Comme en Amérique, les saisons ont une profonde influence
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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sur les concentrations en pesticides des graisses des cervidés tels que les chevreuils. En Allemagne, dans les chevreuils de trois districts forestiers de Basse Saxe, des analyses pratiquées pendant une période de 5 ans ont permis à Holm (1993) d’établir une relation entre les saisons, les réserves lipidiques et les concentrations en pesticides ; les résidus de pesticides diminuent pendant la lipogénèse, tandis qu’ils augmentent pendant la mobilisation des graisses. Holm (1993) a également constaté que les concentrations en BPCs sont les plus fortes en été lorsque les réserves lipidiques des chevreuils sont les plus faibles. Parmi les organes analysés (foie, reins, graisse rénale, cerveau), le foie apparaît comme un bon organe d’accumulation. Des différences de bioaccumulation existent aussi entre espèces, par exemple en Pologne (année 1988), les concentrations moyennes en BPCs des graisses les plus élevées sont trouvées chez les sangliers (39 mg.kg–1 pf), tandis que celles des chevreuils et des cerfs sont respectivement de 32 et 23 mg.kg–1 pf (Falandysz & Kannan, 1992). En 1993, Zasadowski (1994), dans le même pays, a trouvé des concentrations un peu moins élevées dans les graisses des sangliers (22 mg.kg–1 pf), qui demeurent supérieures à celles des chevreuils (10 mg.kg–1 pf). En revanche, en Espagne, Hernandez et al. (1985) n’ont pas observé de différences majeures de concentrations en BPCs dans le foie des sangliers et des cerfs (respectivement 103 et 137 µg.kg–1 pf), ni dans leurs muscles (respectivement 92 et 101 µg.kg–1 pf). Les différences de concentrations constatées peuvent être dues en partie à des différences de régimes alimentaires (sangliers omnivores ; cervidés herbivores et broutant des feuilles et des tiges) et à des différences de teneurs en lipides des espèces (sangliers > cervidés). Dans le cas d’une pollution importante de l’environnement par l’émission d’un taux de dioxines dépassant 700 fois la norme européenne (75 ng.m–3 au lieu de 0,1 ng.m–3) dans les fumées de l’usine d’incinération d’ordures ménagères de Gilly-sur-Isère (région d’Albertville) en Savoie (France), les analyses de lait de bovin (qui sert de sentinelle pour la détection de la pollution) ont montré des valeurs de 37 pg EQT.g–1 de matière grasse (MG), alors que la valeur maximale (norme européenne de juillet 2002) est de 3 pg EQT.g–1 MG. Ce constat a été suivi de la fermeture immédiate de l’usine, ordonnée par la préfecture de Savoie (25/ 10/2001). Cela a entraîné la destruction de la production laitière non conforme (> 5 pg.g–1 de MG), soit 2 230 tonnes, et l’abattage total ou partiel des troupeaux de bovins (7 050 animaux sur un effectif de 8 000 répartis sur 365 élevages). Le déstockage et le remplacement des fourrages contaminés a porté sur 9 200 tonnes. Un réseau d’épidémio-surveillance a été mis en place chez l’Homme et une étude d’impact de la pollution par les dioxines a été entreprise l’année suivante sur les chamois du versant Isère de la Réserve nationale de chasse et faune sauvage des Bauges (RNCFS) dans un rayon de 10 km autour de l’usine (Gibert, 2002, 2003). L’analyse de 17 congénères reconnus toxiques dans les muscles de l’encolure de trois chamois mâles abattus en septembre et octobre 2002 (1 an après la fermeture de l’usine) donne des EQTs de l’ordre de 1 pg.g–1 de MG (Tableau 56). Étant donné la direction des vents et la pluviosité fréquente, la pollution atmosphérique au moment des tirs, d’une part, et l’élimination naturelle des dioxines par les animaux d’autre part, font que la teneur en dioxines des muscles est faible et leur consommation a pu se faire sans risque. On ne possède pas de preuves précises des répercussions des phénomènes de bioaccumulation de contaminants organiques sur l’état de santé des ongulés sauvages. Cependant, dans l’Ouest des États-Unis des anomalies de la reproduction (23 % d’atrophies testiculaires dans une population) de cerfs-mulets pourraient provenir d’expositions à des pesticides (Tiller
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et al., 1997) ; toutefois les propriétés de perturbateurs endocriniens de la plupart des composés ne sont pas connues chez les ongulés. 3.3.5.1.3 Pluricontaminations mixtes
Le plus grand nombre de données sur la concentration des contaminants chez les ongulés se rapporte soit aux métaux, soit aux composés organiques. Or dans les faits, les animaux sont la plupart du temps exposés à des pluricontaminations diverses et une biosurveillance rationnelle devrait comporter l’analyse de l’ensemble des substances polluantes auxquelles sont soumises les espèces des zones à risques. Cela exige bien entendu des moyens techniques importants, qui existent en partie dans les centres chargés d’analyser la qualité des eaux. Il s’agit donc d’une question d’organisation et d’une volonté politique de se doter des moyens de surveillance des biotopes terrestres et de mettre au point des protocoles standardisés permettant de suivre l’évolution dans le temps du devenir des contaminants dans les organismes animaux terrestres. En ce qui concerne les ongulés, deux exemples peuvent servir de base à l’établissement de canevas d’exploration de la biodisponibilité des contaminants chez des espèces pour lesquelles on possède des données qui justifient leur qualité de bioindicateur d’accumulation. Pour les zones tempérées d’Europe et d’Asie, les chevreuils, qui ont fait l’objet de nombreuses analyses de toutes sortes de contaminants, semblent aptes à être considérés comme une espèce qui remplit les conditions d’un bioindicateur d’accumulation, aussi bien pour sa large distribution que pour l’abondance de ses populations dans les habitats forestiers et agricoles et sa relative sédentarité. En 1993, Holm a recommandé l’utilisation de prélèvements d’une série de tissus : foie, reins, graisse des reins et cerveau pour la biosurveillance de l’environnement. Ces tissus peuvent servir, d’une part, à l’analyse des métaux et composés organiques dont les BPCs et, d’autre part, ils peuvent être collectés et conservés pour des analyses futures pour évaluer l’évolution des contaminations ou pour être soumis à des investigations supplémentaires à l’aide de nouvelles techniques. Holm (1993) préconise des prélèvements chez des animaux de moins de 18 mois, sans doute pour obtenir des données plus précises dans le temps, mais on peut probablement compléter ces données de base par des analyses sur des sujets plus âgés afin d’affiner nos connaissances sur les relations entre bioaccumulation et effets physiologiques, étant donné que l’on sait déjà que la concentration des métaux dans le foie et les reins augmente avec l’âge (Tableau 56). Les chevreuils, dont les prélèvements de tissus sont faciles à programmer dans le temps en fonction des plans de chasse et dont on connaît bien les mœurs et la biologie, paraissent un bon modèle d’artiodactyle sauvage pour progresser vers une analyse fine des processus de bioaccumulation. La faisabilité de la proposition a été éprouvée par Holm après la détermination des résidus de 15 constituants inorganiques et 20 composés organiques, faisant ressortir que le foie est l’un des tissus qui convient le mieux. Cependant, cette initiative judicieuse et pertinente ne semble pas avoir fait beaucoup d’émules en Europe et mérite d’être encouragée, même si elle nécessite des moyens pour analyser les différentes sortes de contaminants. En complément et à des fins de recherche, nous suggérons que des investigations histochimiques, cytophysiologiques et biochimiques soient entreprises sur d’autres organes internes (cerveau, glandes endocrines…) pour des interprétations plus précises des effets perturbateurs endocriniens qui sont de plus en plus d’actualité. Déjà, Müller (1985) (Tableau 56) avait mis en évidence des différences de concentrations métalliques dans les principaux organes de chevreuils. Il serait
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actuellement opportun de connaître, d’une part, sous quelles formes les contaminants sont stockés et éventuellement métabolisés au cours du temps et, d’autre part, de rechercher quel type d’action ils y exercent, en s’intéressant d’avantage au devenir et à l’impact des contaminants organiques et des mélanges. Pour les régions arctiques qui reçoivent des contaminations atmosphériques au long cours des régions tempérées et tropicales, Thomas et al. (1992) ont fait un bilan des publications sur les sources de contamination et de leur importance pour la faune sauvage. Au Canada, les caribous (Rangifer tarandus), dont les lichens (eux-mêmes bioaccumulateurs de contaminants) constituent une partie importante de leur nourriture (en hiver), sont des consommateurs primaires, dont les concentrations en contaminants reflètent celles de leur environnement. Ainsi, Elkin & Bethke (1995) ont observé des variations significatives en résidus de BPCs d’une harde de caribous à une autre, avec une grande variété de congénères, dont BPC 153 et BPC 138 sont les plus dominants des 43 congénères analysés. Les concentrations en BPCs dans la graisse des caribous vont de 6,24 ng.g–1 dans la région d’Arviat à 31,68 ng.g–1 chez les animaux du Cape Dorset. Il existe aussi des résidus d’HCB (respectivement de 32,83 à 129,41 ng.g–1 dans la graisse des caribous de Bathurst et du lac Harbour) et des résidus d’α-HCH (de 8,11 ng.g–1 à Bathurst à 37,9 ng.g–1 au Cape Dorset). Les concentrations en métaux sont faibles ou moyennes, à l’exception du Cd dont les concentrations sont de l’ordre de 10 µg.g–1 ps dans les reins des caribous de Bathurst et Cape Dorset, et de l’ordre de 30 µg.g–1 dans ceux des caribous d’Arviat et du lac Harbour. Les concentrations en Hg vont de 0,52 µg.g–1 pf dans les reins, de caribous de Bathurst à 2,93 µg.g–1 pf à Arviat. Les concentrations en Cd et en Hg sont plus faibles dans le foie que dans les reins ; suivant les localités les concentrations en Cd du foie sont comprises entre 1,96 et 4,39 µg.g–1 ps et celles de Hg entre 0,16 et 0,92 µg.g–1 pf. Elkin & Bethke (1995) ont également mesuré les radionucléides et trouvé que le 137Cs est celui qui prédomine, principalement chez les caribous du lac Harbour (184,10 Bq.kg–1 de poids frais de muscle), alors que l’activité des muscles de caribous des hardes de Bathurst est seulement de 34,86 Bq.kg–1. Le 40K est présent dans tous les échantillons et l’activité varie de 115,70 Bq.kg–1 pf de muscles chez les caribous de Cape Dorset à 123,80 Bq.kg–1 au Lac Harbour. Les activités en 134Cs, 232Th, 235U et 226 Ra sont très faibles. Au Canada, dans les territoires du nord ouest et du Yukon, Hebert et al. (1996) ont confirmé l’intérêt des analyses dans les tissus de caribous, qui contiennent des quantités appréciables de dibenzo-p-dioxines, dibenzofurans et BPCs, ainsi que de non-ortho-substitués. Ces composés très toxiques sont détectés en partie par trillion dans les muscles, la graisse et le foie des caribous ; il n’a pas été observé d’influence de l’âge ni du sexe. L’intérêt de la mesure des contaminants chez les consommateurs primaires que sont les caribous est encore rehaussé par le modèle de chaîne alimentaire conçu par Kelly & Gobas (2003), qui permet d’évaluer les charges en contaminants organiques des caribous et de leurs prédateurs (loups) à partir des concentrations du milieu environnant de l’Arctique et de calculer les FBMs correspondants (voir 3.3.5.4.2. et Chapitre 4).
3.3.5.2 Lagomorphes Parmi les herbivores, les espèces de petit gibier comme les lièvres et les lapins peuvent aider à la biosurveillance de l’environnement. Les lapins de garenne ayant été décimés dans de nombreux biotopes par l’introduction du virus de la myxomatose dans les années 1953, on
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dispose principalement de données chez les lièvres. Pourtant, dans les localités où il persiste, le lapin sauvage (Oryctolagus cuniculus) peut être un bioindicateur d’accumulation très utile à cause de ses mœurs sédentaires, de sa facilité de capture et de sa place dans les chaînes alimentaires terrestres (Hernandez et al., 1985 ; Tableau 57). En Europe, deux espèces de lièvres, Lepus timidus et Lepus europaeus (Photographie 42) fournissent des renseignements dans leurs biotopes respectifs. Dans le Tableau 57, les analyses réalisées chez le lièvre variable (L. timidus) par Pulliainen et al. (1984) et Kalas et al. (2000), respectivement en Finlande du Nord et en Norvège, révèlent des différences importantes de contamination du foie suivant les habitats. Pour le Pb, il existe une corrélation intéressante entre la contamination atmosphérique, la concentration dans les mousses et celle du foie des oiseaux (grouses) et des lièvres (Kalas et al., 2000). En Allemagne, où les populations de lièvres d’Europe (L. europaeus) et de chevreuils (C. capreolus) sont abondantes, des analyses comparées ont été faites chez des animaux des deux espèces vivant dans les mêmes régions. En Rhénanie-Wesphalie, dans cinq territoires se distinguant par leur degré de pollution par le Pb et le Cd, Lutz (1985) a procédé à l’analyse de la teneur en ETMs (Cd, Pb, Hg et Th) et en organochlorés (isomères HCH, HCB et BPCs) des foies et des reins. Les résultats montrent qu’il y a une relation entre la contamination du sol et la teneur en polluants des organes des lièvres et des chevreuils. Dans un même habitat, les teneurs en Pb sont plus élevées chez les lièvres (reins et foie) que chez les chevreuils, et les foies des lièvres sont plus chargés en Pb que les reins. Pour le Cd, l’augmentation de la charge des reins avec l’âge est confirmée pour les deux espèces. Comparés au Pb et au Cd, le Th et le Hg ont des concentrations nettement plus faibles. Parmi les organochlorés, ce sont les plus stables (BPCs) qui sont le plus bioaccumulés. Par exemple, dans la région forestière de Paderborn, la concentration moyenne en BPCs (en mg.kg–1 de lipides) est de 0,230 (0,029 à 1,020) dans les reins des chevreuils (25 animaux) et de 0,108 (0,012 à 0,33) chez les lièvres (23 animaux). Les concentrations en α-HCH et en Σ-DDT sont également plus grandes dans les reins des chevreuils que dans ceux des lièvres tandis que celles en HCB sont équivalentes (0,014 et 0,012 mg.kg–1 de lipides). Les comparaisons des charges en métaux dans les reins et le foie des deux espèces ont été poursuivies au cours du temps de 1983 à 1992 (Lutz, 1991, 1994) dans les cinq régions considérées (Paderborn, Borken, Unna-Bergkamen, Düsseldorf et Stolberg). Ces analyses révèlent des variations annuelles pour le Cd et le Pb. Cependant, il existe une tendance à la diminution du Pb dans les organes des deux espèces à partir de 1990–1991 (les moyennes de 0,16 à 0,65 mg.kg–1 de pf dans le foie des chevreuils en 1983–1984 sont descendues à 0,0-0,10 en 1991–1992 et celles du foie des lièvres de 0,95–3,99 (1983–1984) à 0,52–1,43 mg.kg–1 pf (1989–1990). En revanche, de 1983 à 1992, la contamination par le Cd existe toujours à un niveau élevé (Tableau 57, Lutz, 1994) dans les reins des lièvres de la région minière et industrielle de Stolberg, ainsi que dans les régions forestières (Paderborn), agricoles (Borken), de fumées (Unna-Bergkamen) et de trafic automobile intense (Düsseldorf). Par comparaison, les concentrations en Cd des reins des chevreuils sont moins grandes que celles des lièvres de 1983 à 1990 (Lutz,1991). Ainsi, l’accumulation du Cd et du Pb est une caractéristique spécifique des deux herbivores sauvages considérés pour chacune des cinq régions allemandes étudiées. En outre, pour les deux espèces, les reins des animaux de la région de Stolberg possèdent les plus fortes charges en Cd, ce qui met en évidence la prépondérance de la contamination par le Cd de cette partie de Rhénanie-Wesphalie.
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Comparant par la suite (de 1990 à 1994) les concentrations moyennes en Cd et Pb des organes des lièvres d’Allemagne et de Slovaquie (Tableau 57), Lutz et Slamecka (1997) notent une plus forte charge en Pb et Cd du foie et des reins des lièvres allemands que des lièvres slovaques. Au cours de la période de 5 ans, une diminution de concentration du Pb et du Cd dans les reins se manifeste en Allemagne. Pour le Pb : de 0,75 en 1990 à 0,28 µg.g–1 pf en 1994 et pour le Cd : de 7,63 à 4,31 µg.g–1 pf. En Slovaquie, les deux métaux ont augmenté jusqu’en 1992, puis ils ont diminué. Une augmentation significative de la concentration en Cd avec l’âge est enregistrée dans le foie et les reins des lièvres slovaques. Dans les deux pays, les hases adultes ont tendance à avoir de plus fortes concentrations en Cd, qui s’expliqueraient par un déficit éventuel en Ca lié à la gravidité et à la lactation. La comparaison des concentrations moyennes des reins et du foie de l’ensemble des lièvres de plusieurs régions d’Allemagne (Lutz & Slamecka, 1997), dans lesquelles Lutz (1994) avait observé des différences importantes (en particulier de Cd), estompe les variations locales qui, à notre avis, étaient celles qui étaient les plus informatives dans l’évaluation du risque écotoxicologique. Il nous semble souhaitable, dans la mesure du possible, de considérer des unités de surface qui tiennent compte de l’étendue du territoire des espèces d’une part, et des gradients de distance des sources de pollution d'autre part. Les résultats des analyses des métaux dans les organes des lièvres traduisent bien les niveaux de contamination de leur environnement, mais les interprétations des causes peuvent varier d’un pays à l’autre et suivant les auteurs. Pour le Pb par exemple, alors que Lutz (1991) attribue la baisse de concentration dans le foie des lièvres et des chevreuils à l’utilisation d’essence sans Pb en Allemagne, Tataruch (1993) pense que la diminution du Pb dans l’essence ne compense pas l’augmentation du trafic routier en Autriche car elle a observé une élévation des concentrations tissulaires en Pb chez les lièvres entre 1988 et 1991. Les pratiques culturales peuvent aussi intervenir dans l’accumulation des métaux chez les lièvres. Ainsi, le Cd a des concentrations tissulaires plus importantes dans les régions d’agriculture intensive (Tataruch & Onderscheka, 1981), tandis que l’interdiction des traitements de semences de céréales par les fongicides mercuriels s’est soldée par la disparition de la contamination des lièvres par le Hg (Tataruch, 1986 ; Tableau 57). En France, dans son étude préliminaire de terrain sur la contamination des lièvres, Choquel Leroux (2000) constate qu’alors que l’analyse du Pb et du Cd chez les animaux sauvages a fait l’objet de nombreuses études en Europe, on ne dispose d’aucun dosage en France. Le modèle biologique (Lepus europaeus) étudié par cet auteur est intéressant car il a pour objectif de confronter les données épidémiologiques recueillies par l’Office national de la chasse (ONC) et le réseau SAGIR avec les concentrations en polluants (BPCs, Cd et Pb) dosés dans les organes des lièvres de plusieurs régions. Après élaboration d’un protocole de prélèvements et d’analyses des organes (foie et reins), Choquel Leroux (2000) a réalisé les analyses de Cd, Pb et BPCs sur deux groupes de 14 lièvres. Le premier est constitué par des animaux morts de l’une des trois principales pathologies du lièvre et le deuxième (groupe témoin) par des animaux morts de traumatisme. Les résultats ne montrent pas de différences significatives entre les contaminations en Cd, Pb et BPCs dans les reins des deux groupes de lièvres. Pour le Cd, les concentrations s’étendent de 0,06 à 0,82 ppm de pf avec une valeur extrême de 5,57 ppm, il existe toutefois une différence de distribution des concentrations dans les deux échantillons. Les concentrations en Pb sont relativement faibles et vont de 0,13 à 0,65 ppm pf, et sont de l’ordre de grandeur de celles observées par Tataruch (1985) en Autriche. La concentration moyenne en BPCs est
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
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de 5,42 ppb de pf, avec des valeurs allant de 0,2 à 37,07 ppb de pf. Les congénères les plus souvent mis en évidence sont le n° 52 (25 lièvres/28) et le n° 153 (19 lièvres/28). Les concentrations, variables selon les provenances et l’état de santé des lièvres même si elles sont relativement faibles, montrent la persistance de ces substances plus de 10 ans après leur interdiction. Dans une étude comparative ciblée sur deux départements proches l’un de l’autre, l’Isère (Is) et le Rhône (Rh), et concernant le Cd et le Pb, Choquel Leroux (2000) a mesuré des concentrations moyennes plus élevées des deux métaux dans les reins des lièvres du département du Rhône, qui est le plus industrialisé et le plus urbanisé : Pb : Is moyenne = 0,25 (0,13 à 0,65 ppm pf), Rh : moy. = 0,43 (0,23 à 1,34 ppm pf) ; Cd : Is moyenne = 0,39 (0,09 à 0,82 ppm pf), Rh : moy. = 1,8 (0,56 à 3,70 ppm pf) mais seules les différences concernant le Cd sont significatives car le nombre d’analyses (9 et 10) est limité. En conclusion de son état des lieux de la contamination des lièvres, qui représentent un mammifère sauvage herbivore présent sur l’ensemble du territoire français et de l’Europe mais dont les effectifs montrent une tendance nette à la baisse (de 1960 à 1990), aussi bien en France (Peroux, 1995) qu’en Europe de l’Ouest (Marboutin & Peroux, 1995), Choquel Leroux (2000) propose des améliorations au protocole des études qu’elle a réalisées et qui méritent d’être poursuivies à une plus grande échelle. Les résultats obtenus sur quelques territoires montrent l’intérêt et les difficultés de collaborations interdisciplinaires entre le réseau de surveillance SAGIR, l’ONC et des recherches fondamentales et appliquées des domaines de la toxicologie et de l’épidémiologie. Les renseignements obtenus, qui nécessitent des moyens et une coordination complexe à l’échelle du territoire français, serviraient à l’établissement d’un inventaire des sites pollués et permettraient d’évaluer l’influence réelle des contaminants de l’environnement sur la santé des animaux sauvages, la viabilité de leurs populations et les répercussions chez l’Homme. Des efforts doivent être poursuivis pour l’établissement de programmes concertés cohérents concernant l’étude de ces herbivores sauvages (lapins et lièvres), autrefois relativement familiers de l’Homme, dont les populations baissent (surtout celles du lièvre, avec des fluctuations souvent inexpliquées car celles des lapins sauvages sont irrégulières et ceux-là sont parfois classés parmi les « nuisibles » dans certaines communes). En plus des études sur les concentrations des contaminants dans les organes internes, on peut suggérer que l’on s’intéresse aussi aux dosages des contaminants dans les poils, qui ont été utilisés par Paukert (1985–1987 ; Tableau 57) car les problèmes de transport et de conservation sont plus simples que pour les tissus mous. L’examen des crottes, faciles à recueillir sur les places fréquentées par ces animaux, peut également servir à établir des relations entre la nourriture, les sols et les individus, qui peuvent être identifiés par les méthodes modernes de biologie moléculaire (comme cela a été réalisé par Van den Brink et al., 2003b, avec les épreintes de loutres) et suivis au cours des cycles saisonniers d’une façon beaucoup moins aléatoire que par le ramassage des cadavres ou la chasse. L'analyse des crottes des lapins et des lièvres constitue effectivement une méthode « non invasive » qui respecte le comportement naturel de ces animaux en évitant les situations de stress susceptibles d’influencer les résultats. Ainsi, pour déterminer l'exposition de lapins et de lièvres aux métabolites solubles dans l'eau du parathion (O,O-diethylphosphate = DEP et
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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O,O diéthylthiophosphate = DETP), Schenke (2000) a mis au point une analyse des crottes en chromatographie gazeuse HP. Avec cette technique, Schenke & Gemmeke (2004) ont évalué expérimentalement la contamination, en laboratoire pendant 5 jours, de lapins dont la nourriture contient du parathion à 10 et 25 mg.kg–1. Les crottes des lapins prélevées chaque jour ont des concentrations moyennes respectives en métabolites (DEP + DETP) de 3 et 5 mg.kg–1 ; le parathion est excrété en très petites quantités (0,17–0,25 %). Deux à trois jours après l'arrêt de la contamination, les concentrations en métabolites sont quasiment nulles. Dans la nature, les lièvres exposés par leur nourriture, mais aussi par contact avec la peau et les pattes dans les cultures intensives traitées par le parathion (E 605) aux doses de 300 mL.ha–1 pour le colza d'hiver et 210 mL.ha–1 pour les betteraves sucrières ont des crottes fraîches dont la concentration moyenne de la somme (parathion = DEP + DETP) varie selon la nature de la culture et la pluviométrie : 0,3 mg.kg–1 en champ de betteraves et 3 mg.kg–1 en champ de colza par temps sec. Après de fortes pluies, la diminution des métabolites est rapide (2 à 4 jours) dans un champ de colza. Contrairement à ce qui a été observé en laboratoire chez les lapins, 50 à 100 % des résidus trouvés dans les fèces de lièvre en champ sont du parathion. Les analyses effectuées pour le suivi d'un insecticide organophosphoré comme le parathion méritent d'être élargies à d'autres contaminants métalliques et organiques car le ramassage des crottes est facile et permet de distinguer les jeunes des adultes et le sexe de ces derniers (chez les lièvres). Toutefois, il doit être fait régulièrement car la pluie peut diminuer la concentration des produits.
3.3.5.3 Insectivores Au sein de l’ordre des insectivores, les hérissons (famille des érinacidés) font l’objet d’un intérêt croissant pour l’évaluation de l’exposition et des risques des composés métalliques et organiques présents dans l’environnement (Alleva et al., 2006). En Europe, les espèces du genre Erinaceus sont protégées, ce qui explique que peu de données aient été acquises chez ces animaux. Néanmoins, des études récentes ont permis la mise au point de méthodes non destructives d’évaluation de l’exposition de ces organismes. Dans leurs différents travaux, D’Havé et al. (voir ci-dessous) ont étudié les capacités bioindicatives du hérisson en analysant les concentrations en différents types de contaminants dans divers organes de carcasses d’E. europaeus prélevées en bordure de route et dans un centre de réhabilitation de la faune en Belgique. Ainsi, pour les contaminants organiques, D’Havé et al. (2005a, 2006a) ont montré que les poils d’E. europaeus sont de bons indicateurs de la contamination des organismes. En effet, ces auteurs ont mis en évidence des corrélations positives entre les concentrations dans les poils et dans les tissus internes pour les retardateurs de flamme bromés (BFRs pour brominated flame retardants) et divers composés organochlorés (chlordanes CHLs, hexachlorobenzène HCB, hexachlorocyclohexanes HCHs, PCBs et DDTs). De plus, l’utilisation des poils comme méthode non destructive s’avère d’autant plus intéressante que des quantités mesurables des contaminants les moins persistants (et donc rapidement éliminés des tissus internes) ont pu être retrouvées dans les poils. Plus récemment, D’Havé et al. (2007) ont même démontré, par l’absence de relations entre les concentrations en contaminants dans le sol de différents sites et les poils d’E. europaeus, que les poils sont de meilleurs indicateurs d’exposition et de risque pour les PCBs et des pesticides organochlorés (HCHs, HCB, DDEs, DDDs et DDTs) que le sol lui-même.
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Concentrations de contaminants chez les mammifères lagomorphes.
Ordre–espèce
Localité
Contaminant
Échantillons analysés
Concentration
N
Référence
Moyenne Étendue Ordre des lagomorphes Lièvre variable Lepus timidus
Finlande du Nord Campus universitaire de Oulu (zone subrurale) (I) 1981 (II) 1982
mg.kg–1 pf Foie
(I) 0,87 (II) 0,84
0,55 à 1,15 0,74 à 1,18
5 5
Muscles
(I) 1,2 (II) 0,3
0,91 à 1,76 0,20 à 0,70
5 5
Foie
(I) 0,15 (II) 0,3
0,08 à 0,26 0,24 à 0,37
5 5
Muscles
(I) 0,012 (II) 0,15
0,01 à 0,015 0,05 à 0,18
5 5
Foie
(III) 0,45
0,39 à 0,54
2
Muscles
(III) 0,3
< 0,10 à 0,51
2
(III)0,45
0,40 à 0,52
2
(III) 0,3
< 0,06 à 0,54
2
(IV) 0,3
0,1 à 0,38
3
(IV) 0,25
0,1 à 0,57
3
(IV) 0,23
0,18 à 0,26
3
(IV) 0,2
0,06 à 0,45
Pb
Tués à la chasse 1981–1982 Cd Forêts de Laponie (III) Pb
Pulliainen et al. (1984)
Foie Cd Muscles Lapin domestique Oryctolagus cuniculus
Laboratoire (IV) Foie Pb Muscles Foie Cd Muscles
3 –1
Les concentrations en Pb et Cd des lièvres présentent des variations interindividuelles. Celles du Pb dans le foie des lièvres de Oulu (environ 1 mg.kg pf ) sont le double de celles du foie de Väriötunturi, tandis que c’est l’inverse pour le Cd. Les concentrations en Cd des muscles sont comparables à celles du foie, mais légèrement inférieures, tandis que les concentrations en Pb des muscles des lièvres de Oulu présentent une énorme variation entre 1981 (1,2 mg.kg–1 pf ) et 1982 (0,3 mg.kg–1 pf ).
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TABLEAU 57
(pris dans les pièges) 1982-1983
Espagne (sud sud-ouest) Parc national de Donana (dune de sable stabilisée)
Cd
Foie Muscles
ppm poids frais 0,19 0,07
0,16 à 0,22 0,04 à 0,11
Pb
Foie Muscles
1,34 0,78
1,25 à 1,43 0,50 à 2,46
BPCs
Foie Muscles
0,111 0,059
0,07 à 0,17 0,04 à 0,08
DDE
Foie Muscles
0,073 0,037
0,05 à 0,11 0,02 à 0,07
DDT
Foie Muscles
0,023 0,007
0,02 à 0,03 Non détecté à 0,01
Hernandez et al. (1985)
Les lapins sont proposés comme espèce de contrôle des études sur la pollution du Parc national de Donana, dans lequel la communauté de mammifères comporte 27 espèces avec trois des principaux niveaux trophiques. La comparaison des facteurs de concentration des polluants organochlorés dans le foie des consommateurs primaires, secondaires et tertiaires montre qu’il y a biomagnification des BPCs et du DDT ; celle-là peut atteindre un maximum de 44,6 dans le foie des consommateurs tertiaires (prédateurs). Ordre des lagomorphes Lièvre variable Lepus timidus 1990–1992 (provenant de la chasse entre le 10 septembre et le 28 février)
Norvège
Pb
En µg.g–1 ps
Foie Adultes > 14 mois
1,15±1,50
Jeunes de 2 à 8 mois
0,55 ± 0,74
77 localités du nord au sud
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
Feuilles des plantes consommées dans les zones affectées par le Pb atmosphérique
0,15 à 7,07 0,15 à 4,20
49 71
Kålås et al. (2000)
0,55 à 1,43
Les concentrations en Pb chez les adultes des régions du Sud de la Norvège sont de 5 à 10 fois plus grandes que celles des régions du Centre et du Nord (comme chez les lagopèdes et les tétras. (Voir 2.2.1.2.2.1). Il existe une corrélation nette entre le Pb du transport atmosphérique au long cours et les concentrations du Pb dans le foie des lièvres et des grouses (tétras + lagopèdes). Pour les zones les plus contaminées, le dépôt atmosphérique annuel humide de 5 000 µg.m2 (de 1990–1993) correspond à une concentration de 50 µg.g–1 ps dans la mousse Hylocomium splendens et résulte d’environ 5 µg.g–1 ps Pb dans le foie des lièvres et des grouses adultes. Cette étude montre que les petites espèces herbivores peuvent accumuler des niveaux significatifs de Pb via l’absorption continue de relativement faibles doses apportées par la pollution de l’air. Ces concentrations sont plus élevées que celles observées dans les mêmes zones dans le foie des cervidés (Alces alces, Capreolus capreolus). Ces différences sont supposées provenir de différences de l’appareil digestif et du plus faible métabolisme de grands ongulés par rapport aux lièvres et aux grouses. Ordre des lagomorphes Lièvre européen Lepus europaeus
Autriche
Fongicides mercuriels (Hg)
Foie et reins (variations saisonnières)
En µg.g–1 (pf ) Mars Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc.
Foie
1,1
Reins
0,24 0,22 0,04 0,1
Tataruch (1986)
0,15 0,55 0,8 0,04 0,08 0,22
En été, les lièvres mangent principalement des herbes, tandis qu’en automne et en hiver, ils consomment davantage de céréales traitées par les fongicides, dont une partie du Hg passe dans les jeunes pousses. Depuis 1992, les lièvres tués à la chasse en hiver ont des niveaux de Hg très bas (com pers. de l’auteur), à la suite de l’arrêt de l’utilisation de ces produits mercuriels.
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Lapin sauvage Oryctolagus cuniculus
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Lièvre tués à la chasse 1972–1978
Tchécoslovaquie, le long de l’autoroute Prague-Brno sur une largeur de 500 m (région de Pruhonia) (plaine)
Pb
Poils (trois pincées prises sur le dos)
Années (N)
En µg.g–1 ps 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 (91) (67) (36) (107) (56) (52) (31) 3,9 7,7 5,5 9,2 8,9 5,3 4,8
Localité témoin
(45) (31) (35) 0 (50) 3,0 3,0 3,3 0 3,0 pluv. années sèches pluv.
Bord autoroute, région de Zbraslav (sud-est Prague) (moins de trafic mais pente importante)
(33 lièvres)
Paukert (19851987)
Moyenne : 32,0 µg.g–1 (31 lièvres)
Moyenne : 11,0 µg.g–1
Zone témoin
Pendant les années pluvieuses, les précipitations semblent réduire la contamination par les plantes (lavage). La pente du terrain favoriserait l’accumulation du Pb chez les lièvres. Le lièvre et ses poils permettent d’analyser la dynamique de l’accumulation du Pb en fonction de l’intensité de la circulation et de la topographie du terrain (lessivage et accumulation dans les parties basses). Cd Reins Ordre des Lagomorphes Allemagne Concentrations moyennes en mg.kg–1 pf 1983/1984 1986/1987 1988/1989 1990/1991 1991/1992 Lepus europeus Paderborn 0,37 4,57 3,61 3,82 3,60 (forêt) 1983/1984 à 1991/1992 Borken 1,82 2,39 2,04 2,51 4,04 (agriculture) Lutz (1994) Unna + Bergkamen 2,27 3,41 2,87 6,88 1,88 (fumées) Düsseldorf (trafic automobile)
2,14
3,88
4,84
6,35
4,05
Stolberg (mines, industrie)
10,45
13,01
13,13
16,00
7,60
Ordre des lagomorphes Lièvre d’Europe Lepus europeus
Concentrations moyennes en Allemagne (D)
Pb
F = 0,666 D
Slovaquie (SK) Foie (F) ; reins (R)
1990 à 1994 Cd
mg.kg–1
F = 0,337 SK
R = 0,508
R = 0,2
F = 0,66
F = 0,303
D
SK R = 5,59
R = 0,2
pf
D = 233 SK = 193 D = 240 SK = 193 D = 243 SK = 196 D = 243 SK = 192
Lutz & Slamečka (1997)
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378 Lepus europaeus
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En ce qui concerne les ETMs, la même équipe de chercheurs a également démontré que les poils et les piquants d’E. europaeus sont des matrices biologiques utilisables pour évaluer, de manière non destructive, la contamination des hérissons par différents ETMs. Ainsi, pour l’As et certains autres métaux (en particulier des éléments non essentiels comme l’Ag, le Cd et le Pb), D’Havé et al. (2005b, 2006b) ont mis en évidence des corrélations positives entre les concentrations internes (foie, rein et muscles) et les concentrations mesurées dans les poils et les piquants, ainsi que des relations (régressions monovariées) entre ces dernières et la contamination du milieu. Les auteurs ont également souligné la potentialité toxique des concentrations accumulées qui, sur la base des Éco-SSLs, suggèrent que les hérissons étaient à risque pour le Cd et le Pb dans tous les sites étudiés. L’ensemble de ces données permet donc de proposer le hérisson (E. europaeus) comme un organisme prometteur pour l’évaluation des risques liés à l’exposition à de nombreux polluants organiques ou métalliques de l’environnement terrestre. Dans cette perspective, l’utilisation d’échantillons biologiques (poils et piquants) s’avère une alternative non destructive d’intérêt pour l’étude de la bioaccumulation chez des populations protégées.
3.3.5.4 Carnivores Le régime alimentaire des carnivores varie suivant les espèces et suivant les biotopes dans lesquels ils vivent. Certains sont typiquement des prédateurs soit de grands mammifères terrestres (lions), soit de petits mammifères (belettes) ; d’autres sont plutôt charognards (hyènes, chacals) ou omnivores (blaireaux), tandis que quelques-uns sont également frugivores ou végétariens (pandas). Ces régimes alimentaires peuvent être très stricts, c’est-à-dire que l’espèce considérée se nourrit uniquement d’une espèce proie, ce qui est le cas par exemple des loups (Canis lupus) prédateurs exclusifs de caribous (Rangifer tarandus) dans la toundra arctique (Kelly & Gobas, 2003). Dans de nombreux cas, les carnivores sont très opportunistes et se nourrissent de ce qui est disponible à chaque saison, ce qui fait que leur nourriture peut être très variée ; le renard (Vulpes vulpes) en est un exemple car s’il capture de nombreux petits mammifères et des oiseaux, il mange également des invertébrés, des fruits et des déchets alimentaires humains. Parmi les carnivores, ceux qui sont au sommet d’une chaîne alimentaire et dont la vie est relativement longue sont susceptibles d’être le siège de la bioamplification des contaminants, dont la concentration augmente d’un niveau trophique au suivant et avec l’âge. C’est en général le cas des mammifères qui sont à l’extrémité de chaînes alimentaires aquatiques longues, par exemple les visons, les loutres et les ours polaires. Les prédateurs de durée de vie limitée, dont les proies sont principalement des petits mammifères à vie également courte, constituent des chaînes alimentaires dans lesquelles la bioamplification est limitée. Lorsqu'une proportion de la nourriture des carnivores consiste en rongeurs considérés comme des « pestes », ils courent le risque d’empoisonnement secondaire par les rodenticides (Mason & Wren, 2001). L’accumulation des contaminants chez les carnivores est affectée par des facteurs biotiques (sexe, âge, nourriture, métabolisme…) et abiotiques (saisons, température, habitat…) (Wren, 1986b). Les relations entre la bioaccumulation et les effets de l’exposition aux contaminants sont difficiles à établir car ces animaux vivent souvent en populations de faible densité ; en général, ils sont très discrets, difficiles à observer et de plus ils peuvent parcourir de vastes espaces.
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Les carnivores les plus vulnérables semblent être les espèces qui sont au sommet des chaînes alimentaires aquatiques (par exemple les visons, les loutres et les ours polaires) car dans plusieurs cas, les impacts directs ou indirects des contaminants sur les populations de ces animaux ont été constatés. Mason & Wren (2001) ont réalisé une revue détaillée des nombreux travaux réalisés sur la bioaccumulation et les effets de polluants (principalement organochlorés et métaux), mais aussi mazout, déchets radioactifs, dépôts acides) chez les carnivores les plus étudiés. Les visons américains (Mustela vison), qui sont très largement répandus en Amérique du Nord et font l’objet d’élevages pour leur fourrure en Europe, sont considérés comme une espèce importante pour les programmes de biosurveillance des contaminants de l’environnement. Les visons (Mustela vison) ont en particulier servi de modèle pour évaluer les effets toxiques des BPCs « dioxine-like » (congénères BPCs planaires non-ortho-substitués) sur les vertébrés sauvages en utilisant les facteurs d’équivalence toxique (Giesy & Kannan, 1998). Les loutres européennes (Lutra lutra), qui sont considérées comme aussi sensibles aux BPCs que les visons, ont également fait l’objet de nombreuses observations dans différents pays d’Europe et le fait que cette espèce soit légalement protégée a conduit à utiliser ses excréments (épreintes) pour analyser et interpréter le métabolisme et le transfert des contaminants de leurs proies (Mason & Wren, 2001). Les études réalisées chez les ours polaires sont tout à fait spectaculaires et confirment l’intérêt que représentent les chaînes trophiques alimentaires aquatiques dont le sommet de chaîne est un vertébré terrestre capable de fréquenter le milieu aquatique. Il n’en demeure pas moins vrai que les carnivores typiquement terrestres (loup, renard, putois, martre…), dont certaines espèces se raréfient, non seulement à cause des contaminants, mais parce qu’elles sont classées comme « nuisibles », peuvent être des bioindicateurs d’accumulation pertinents et même si les recherches les concernant sont moins nombreuses que celles des chaînes aquatiques, elles renseignent sur des aspects très diversifiés des milieux terrestres. Pour chacune des catégories de mammifères carnivores sauvages, nous présentons quelques exemples de données de la littérature extraites de publications ou de revues concernant soit une espèce particulière, soit des chaînes trophiques, puisque ces animaux sont presque tous des prédateurs à des degrés différents. 3.3.5.4.1 Mustélidés
Chez les visons, de nombreuses expériences ont montré que les BPCs s’accumulent dans leurs tissus et que cette bioaccumulation s’accompagne de modifications physiologiques variables suivant les congénères ou mélanges commerciaux utilisés. Les concentrations en BPCs des organes des visons exposés à des intoxications létales ou sublétales ont été déterminées à la suite de contaminations de leur nourriture (Tableau 58, Ringer et al., 1972 ; Aulerich et al., 1973 ; Kamrin & Ringer, 1996). Des expériences avec divers congénères, à des doses variables dans la nourriture et pendant des périodes d’exposition plus ou moins longues, montrent que les BPCs sont non seulement accumulés, mais qu’ils peuvent être également métabolisés (Jönsson et al., 1993) et éliminés (Bergman et al., 1992). Les congénères les moins chlorés étant rapidement métabolisés, tandis que les congénères fortement chlorés et les plus toxiques sont plus résistants. Ce sont surtout les effets sur la reproduction (survie des embryons et nombre de petits) qui ont été considérés pour calculer les concentrations critiques des tissus chez les visons (Tableau 58, Leonards et al., 1995). À l’aide des équivalents toxiques (EQTs), ces auteurs ont développé un modèle de bioaccumulation permettant
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d’établir une relation concentration effet entre, d’une part, les concentrations du corps en BPCs des femelles et, d’autre part, la survie des embryons et le nombre de petits. Le seuil d’effets de 0,2 µg EQT par kg de tissu frais, correspondant à 4 à 13 µg EQT par kg de lipides pour la survie des embryons et le nombre de petits d’une portée est identique dans les travaux de l’équipe hollandaise (Leonards et al., 1995) et de l’équipe américaine (Heaton et al., 1995 ; Tillitt et al., 1996). Mais, les seuils d’effets sur la survie des embryons calculés d’après les concentrations de la nourriture en BPCs diffèrent notablement entre les deux études : 96 ng.kg–1 de nourriture d’après Leonards et al. (1995) ; 21 ng.kg–1 de nourriture d’après Tillitt et al. (1996). Les effets des BPCs, mis en évidence expérimentalement, sont très vraisemblablement à l’origine du déclin des populations de visons de l’Amérique du Nord dans plusieurs localités de la région des Grands Lacs, où ces animaux sont exposés à des quantités de BPCs dans les poissons qui inhibent leur reproduction (Giesy et al., 1994 ; Heaton et al., 1995 ; Tillitt et al., 1996). Les expériences d’intoxication en laboratoire et les analyses des différents congénères de BPCs réalisées chez les visons (prédateurs) ont servi de modèles pour démontrer la bioamplification de congénères BPCs contenus dans les poissons (proies) et montrer que les risques potentiels des BPCs « dioxine-like » sont plus grands que ceux des BPCs non dioxine-like (voir revue de Giesy & Kannan, 1998, qui font état des apports de l’utilisation des FETs chez les vertébrés sauvages et les Hommes). Ces auteurs font cependant remarquer qu’il est encore nécessaire d’étudier les effets des ortho-BPCs chez les embryons de visons et d’autres mammifères car les organismes en développement sont plus sensibles que les adultes aux effets neurotoxiques des ortho-BPCs et on ne possède pas de données chez les visons. Des concentrations plus basses ont été décrites chez les visons en Illinois (Halbrook et al., 1996) et au Canada dans les territoires du nord-ouest avec un gradient décroissant (Poole et al., 1995, 1998). D’autres contaminants organiques comme l’hexachlorobenzène peuvent être accumulés en quantité suffisante pour altérer la reproduction des visons (Moore et al., 1997 ; Tableau 58). En Europe, le vison européen (Mustela lutreola) est l’espèce de petit carnivore d’Europe la plus en danger, sans que les causes soient clairement établies. En effet, les concentrations en BPCs des tissus de quatre visons du Nord de l’Espagne (Tableau 58) déterminées par LopezMartin et al. (1994) sont nettement inférieures à celles qui diminuent la reproduction des visons américains. Cependant, on ne dispose pas de renseignements expérimentaux sur la sensibilité de cette espèce et d’autres causes peuvent interférer. Les mesures de sauvegarde des couples du Sud-Ouest de la France sont à renforcer. Parmi les divers contaminants qui peuvent affecter les visons, les métaux sont très souvent présents dans les effluents industriels rejetés dans les cours d’eau. Or, la présence de métaux dans la nourriture des visons peut induire des symptômes d’empoisonnement. C’est le cas par exemple du MeHg, dont les concentrations supérieures à 25 mg.kg–1 de poids frais dans le foie et les reins, et 10 mg.kg–1 dans le cerveau ou les muscles sont associées à une intoxication (Tableau 59, Wren, 1986a ; Wren et al., 1987). Les concentrations d’autres métaux comme le Pb, le Cd, le Hg, le Zn et le Cu ont également été rapportées chez des visons de différentes localités (Tableau 59), avec des concentrations importantes dans le foie et les reins (Wren et al., 1987 ; Harding et al., 1998). Les interactions de contaminants de différentes natures sont fréquentes (Wren, 1986a, b ; Halbrook et al., 1996 ; Poole et al., 1998) et difficiles à interpréter car elles ne sont pas toujours constantes et les phénomènes de synergie, d’addition ou d’antagonisme peuvent interférer suivant les proportions des contaminants et l’état physiologique des animaux.
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TABLEAU 58
Concentrations de contaminants organiques chez les mammifères sauvages mustélidés (visons).
Ordre – espèces
Ordre des fissipèdes Famille des mustelidés Vison américain
Localité – Habitat
Amérique Intoxication expérimentale par l’alimentation
Contaminants
1) Mélange de BPCs industriels
Mustela vison Stade létal 2) Poissons des Grands Lacs contaminés par BPCs
BPCs Action sur la reproduction
Mustela vison Femelles en reproduction
Mustela vison Sommet de chaîne aquatique
Foie Reins Cerveau Rate Poumons Muscles Cœur
4,18 ppm pf 4,47 11 4,79 4,78 4,88 3,26
Foie Reins Cerveau Rate Poumons Muscles Cœur
4,2 4,5 11 4,8 4,8 4,9 3,3
Foie
> 4 ppm pf associées à la létalité
Tissus du corps
HBC Hexachloro benzène
N
Références
Ringer et al. (1972)
Aulerich et al. (1973)
> 10 ppm /dans lipides/pf altération de la reproduction
Kamrim & Ringer (1996) (d’après données de la bibliographie)
1,2 mg.kg–1 pf = EC50, nombre de petits par portée
Leonards et al. (1995)
Absorption journalière (en ng.kg–1 poids corps/jour) (en tenant compte de la concentration de l’air, de l’eau et de la nourriture : poissons, crustacés…)
Moore et al. (1997)
Graisse
Pays-Bas Etude en laboraBPCs toire des relations : BPCs du corps effets sur la concentration en reproduction
Canada Région des Grands Lacs
Concentrations Echantillons Etendue (environnement, Moyennes nourriture, tissus…)
Rivière St-Clair
38 797
5 062 à 37 2469
Lac Ontario
5 167
455 à 52 846
D’après les données de toxicité de visons recevant de la nourriture contaminée par HCB (Bleavins et al. 1984), des essais de simulation Monte-Carlo indiquent qu’il y a une probabilité de 20,75 % que les visons de la rivière St Clair (< 35 km) puissent subir 20 % de déclin en reproduction, tandis que les visons du lac Ontario ont une faible probabilité (< 15 %) de subir un déclin de fécondité (> 5 %). Les concentrations en HBC ne sont pas données dans les organes des visons.
Vison européen
Espagne du Nord
BPCs totaux Foie
Mustela lutreola Muscles
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4 Lopez-Martin mg.kg–1 lipides 10,9 à 184,2 (3♀ + et al. (1994) 1♂) 5,4 à 186,2
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Chez les mustélidés, on possède aussi beaucoup de données chez les loutres, dont les populations européennes ont sérieusement décliné depuis les années 1960 (Mason, 1995). Quelques exemples de concentrations en contaminants dans les tissus des loutres figurent dans les tableaux 59, 60 et 61. En 2001, Mason & Wren ont fait une revue des connaissances acquises chez ces animaux. Concernant les BPCs, qui contaminent fréquemment les milieux aquatiques qu’elles fréquentent et leurs proies, les loutres peuvent métaboliser certains congénères et retenir sélectivement les congénères (126 et 169) les plus toxiques (Leonards et al., 1997), auxquelles elles sont aussi sensibles que les visons (Leonards et al., 1998). De plus, chez les adultes, les concentrations en BPCs sont 2,5 fois plus grandes chez les mâles que chez les femelles car ces dernières transfèrent probablement une partie de leur charge en BPCs à leur progéniture par le placenta, puis par le lait (Leonards et al., 1997). Un facteur de bioamplification de 14 entre les poissons et les loutres a été calculé par Leonards et al. (1997) sur la base de la somme des congénères, mais ce facteur passe à 41 lorsque l’on considère les facteurs d’équivalence toxique (FETs) car c’est surtout le congénère toxique 126 qui augmente. Les loutres européennes étant protégées, on dispose de relativement peu de carcasses pour les analyses (animaux trouvés morts et victimes d’accidents). Aussi, l’analyse des épreintes s’est révélée une méthode alternative intéressante car celles-là sont faciles à collecter et même si elles sont imprégnées des sécrétions des glandes anales qui ont des concentrations en contaminants directement corrélées à celles des tissus (Larsson et al., 1990), ce sont les contaminants dérivés de la nourriture qui sont les plus importants (Mason & O’Sullivan, 1993). Mason & Macdonald (1993a) ont ainsi mis en évidence une corrélation directe entre les concentrations moyennes en BPCs des tissus de poissons de sites de la rivière Welsh (Grande-Bretagne) et les concentrations des épreintes de loutres des mêmes sites (Tableau 60). Les concentrations en BPCs des épreintes ont permis à Mason & Macdonald (1993b) d’établir un index de population des loutres ; cet index augmente lorsque les concentrations en BPCs des crottes diminuent. Gutleb et al. (1998) ont suggéré que le modèle utilisant les concentrations en BPCs des épreintes pour prédire celles des tissus sous-estime les concentrations effectives des loutres d’Europe centrale ; ce qui signifie que les risques des populations sont plus grands que les prévisions du modèle. Des différences régionales de contaminations en BPCs ont été décrites dans différents pays d’Europe. D’une façon générale, les concentrations augmentent dans les loutres de l’amont vers l’aval des rivières et de l’ouest vers l’est en Écosse et en Angleterre (Mason & Macdonald, 1993a, b). En France, des concentrations importantes en BPCs les épreintes des loutres ont été signalées à l’ouest des pays de la Loire (Mason & Lodé, 1992). Les causes du déclin des populations de loutres constaté en France, comme dans la plupart des pays européens, depuis les années 1950 (Rosoux et al.,1995) ne sont pas uniquement dues aux pollutions chimiques. Des recherches dans différentes voies ont montré que dans l’Ouest de la France, la principale cause apparente de mortalité (71 %) est imputable au trafic routier (Rosoux & Tournebize, 1995). Dans les zones humides du même secteur, des pesticides OCs et des BPCs ont été identifiés dans les tissus de loutres victimes de la circulation automobile et dans le corps de leurs proies principales, les anguilles (Tans et al., 1995 ; Tableau 60). Les concentrations les plus élevées de pesticides dans les muscles, le foie et la graisse des loutres sont celles des métabolites du DDT, la dieldrine, le lindane et l’hexachlorobenzène. La comparaison des concentrations en OCs des tissus de loutres avec celles des anguilles montre une tendance à l’amplification progressive des concentrations en OCs du contenu du tube digestif des
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TABLEAU 59
Concentrations en métaux de tissus de mustélidés sauvages (visons et loutres) d’Amérique du Nord.
Ordre–espèce
Localité - habitat
Mustela vison
Amérique Région des Grands Lacs
Intoxication expérimentale 1) Effets sublétaux dans nourriture (1 ppm) pendant 6 mois
Contaminant Échantillons Concentration (environnement, Moyenne Étendue nourriture, tissus…)
MeHgCl2
19 métaux + Se
Mustela vison (Mv) Vison sauvage
Pb
Lontra canadensis (Lc) Loutre canadienne (Animaux capturés en hiver par des trappeurs, de 1990 à 1996)
Cd
Foie et Reins
Concentrations en µg.g–1 ps
Foie
Mv Lc
Reins
Mv
0,18 à 0,36 0,2 à 0,3 (en amont fonderies) 5,66 et 7,2 (en aval fonderies) Riv. Kootenay : 1,13 > Riv. Fraser : 0,59
Foie
Mv Lc Mv
< 0,01 à 1,35 0,07 à 0,66 Kootenay : 3,6 > Fraser : 0,73
Mv Lc Mv
1,52 à 10,85 1,44 à 6,67 Kootenay : 3,37 ; Fraser : 3,13 Maximum : 6,68
Mv Lc Mv
9,2 à 14,2 9,5 à 113,9 Kootenay : 67 ; Fraser : 65
Reins Foie Reins
Hg Foie Reins
Référence
Wren et al. (1987)
15,3 ppm pf 44,1 ppm pf 55,6 ppm pf
Cerveau Foie Rein
Mustélidés
Amérique du Nord Systèmes des rivières Fraser et Columbia Colombie britanique (Canada) et Washington (États-Unis)
8,6 ppm pf 30,1 ppm pf 36,2 ppm pf
Cerveau Foie Rein
2) Effets létaux (♀ seulement)
N
3
Harding et al. (1998)
Zn Les analyses réalisées chez les mustélidés des systèmes des rivières Fraser et Colombia suggèrent que ces populations ne présentent pas de risque important dû aux décharges de métaux des fonderies, sauf pour le Pb en aval de la fonderie de Cominco et pour le Hg, bien que les concentrations de ce dernier soient inférieures à celle de 58 µg.g–1 (pf ) trouvée par Wren (1985) dans le rein d’une loutre sauvage empoisonnée. Les auteurs ne notent pas de différences de concentrations en métaux lourds dans le foie des deux espèces pour les Cd, les Pb et Hg, mais des différences spécifiques pour Ca, Cu, Mn, Na et Zn. Le Cd aurait tendance à s’accumuler avec l’âge. Les valeurs mesurées sont considérées comme une base de concentrations de référence (témoins) pour les métaux chez les visons sauvages et les loutres de rivière américaines. Loutre canadienne Lutra canadensis
Canada Ontario
Hg total
Poils (pattes) Foie Cerveau
mg.kg–1 (ps) 13,8 ± 7,0 6,7 ± 4,1 2,0 ± 1,1
128
Mierle et al. (2000)
La très forte corrélation (0,836) entre le Hg dans les poils et dans le cerveau, ainsi qu’entre les poils et le foie (0,835) démontre que la concentration du Hg dans les poils constitue un moyen très efficace de surveillance du stress mercuriel chez les loutres (les effets délétères du Hg se traduisent par un impact sur le système nerveux (Wolfe et al. 1998)). La concentration du Hg varie avec l’âge, elle augmente pendant les 2 à 3 premières années, reste stable les 2 à 3 années suivantes, puis diminue ensuite. Il est possible que la survie des individus les plus contaminés soit affectée, ce qui expliquerait le bas niveau de Hg dans la population des animaux les plus vieux. L’âge moyen des loutres des communes (200 à 300 km2) avec de très fortes concentrations de Hg est environ la moitié de celui des loutres avec un faible niveau de Hg. Les variations de concentration du Hg dans les poils des pattes des loutres (4,7 à 24 mg.kg–1 (ps)) semble dépendre de la concentration du Hg dans les poissons des lacs où elles se nourrissent.
anguilles au corps de celle-là et aux tissus des loutres (Tableau 60). L’analyse des empreintes chromatographiques montre que certains congénères de BPCs, mis en évidence dans les anguilles, essentiellement les plus chlorés (6 Cl ou plus), sont bioaccumulés par les loutres alors que les congénères moins chlorés semblent éliminés. Les niveaux de contamination (par rapport
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aux poids de lipides) de trois tissus (muscles, foie et graisse péricaudale) pour les principaux contaminants révèlent des phénomènes de bioaccumulation variables selon les tissus (Tableau 60 ; Tans et al., 1996). Il serait intéressant de préciser les coefficients de ces contaminations dans cette chaîne trophique et d’examiner les répercussions éventuelles sur les cycles de reproduction des loutres car, bien que les auteurs supposent que les concentrations semblent insuffisantes pour réduire les populations de loutres, cinq individus sur une trentaine avaient tout de même des concentrations en BPCs supérieur à 50 mg.kg–1 de ps de lipides. Dans le Massif Central, la protection légale de la loutre en France et l’attention portée à la sauvegarde de l’espèce s’accompagnent d’un mouvement de recolonisation sensible de la périphérie du massif. La biosurveillance, exercée sur les individus autochtones par analyse des épreintes, révèle à Michelot et al. (1998) que la concentration des épreintes de loutres en BPCs totaux est 2 fois plus grande en aval de Langogne (9 048 µg.kg–1 de lipides) qu’en amont de cette ville sur l’Allier (4 190 µg.kg–1 de lipides). Ces recherches mettent en évidence l’influence de la pollution de la rivière par une agglomération urbaine et l’intérêt de l’étude des épreintes de loutres, qui permet d’identifier les polluants se concentrant dans les poissons dont elles se nourissent (mais dont certains sont également consommés par les pêcheurs). On peut souhaiter que les recherches se poursuivent en France, afin de préciser les chaînes trophiques des loutres des différentes régions où elles vivent et de déterminer autant que possible les FBAs. La récolte des épreintes permettant l’identification des individus par les techniques de biologie moléculaire est fortement conseillée. D’après Mason (1998), la comparaison des données recueillies au cours du temps montrerait que la diminution des OCs dans l’environnement se traduit par des concentrations plus faibles dans les tissus des loutres. Cependant, comme le soulignent Smit et al. (1998) dans leur revue sur les BPCs chez les loutres d’Eurasie, les données sur les concentrations en BPCs des tissus de ces mustélidés diffèrent qualitativement selon les auteurs : « Variations may be found in the organs used for analysis, the analytical method, and format of reported data (lipid weight vs. fresh weight, total PCB vs. congener-specific), which complicates a comparison of all data ». Étant donné les grandes variations des résultats publiés, le rôle des BPCs dans le déclin des loutres donne lieu à des interprétations différentes sans preuves confirmées (Smit et al., 1998). Néanmoins, ces derniers auteurs notent que, généralement, les niveaux moyens de BPCs dans les loutres sont les plus élevés dans les zones où les loutres sont en déclin (moyennes de 50 à 180 mg.kg–1 de lipides) et que les populations qui prospèrent ont des concentrations plus faibles en BPCs dans leurs tissus (moyennes supérieures à 30 mg.kg–1 de lipides). Il est donc nécessaire d’obtenir des informations complémentaires sur les concentrations des différents congénères dans les tissus car leur métabolisation et leur toxicité sont très variables suivant leur structure chimique (nombre d’atomes de chlore, position ortho, méta ou para des atomes H, congénères non- et mono-ortho-BPCs), mais aussi suivant l’espèce de mustélidés considérée, comme cela ressort de l’étude comparée, réalisée par Leonards et al. (1998) sur les différences d’accumulation et de biotransformation des BPCs entre mustélidés terrestres (belettes, putois, hermines) et loutres (voir pages suivantes). L’accumulation sélective de congénères BPCs chez des loutres dont la nourriture est contaminée a permis à Leonards et al. (1997) de proposer des modèles de bioaccumulation des BPCs des sédiments dans les lipides de plusieurs espèces de poissons et de déterminer les FBMs des poissons aux loutres. À partir de ces données, un modèle d’évaluation du risque a été élaboré par Traas et al. (2001) en utilisant les FETs des principaux congénères BPCs pour calculer les EQTs par rapport à la 2,3,7,8-TCDD. Les effets des BPCs accumulés par les
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loutres néerlandaises ont été prédits dans plusieurs lacs plus ou moins contaminés afin d’évaluer la qualité de leurs sédiments. Des calculs ont été réalisés pour estimer au bout de combien de temps les concentrations en BPCs seraient compatibles avec l’EC50 de la reproduction des loutres et l’EC90 du métabolisme de la vitamine A (biomarqueur) après déchloration microbienne anaérobie des sédiments. En supposant qu’il n’y ait pas de nouveaux apports de BPCs par le Rhin et la Meuse, la réduction des EQTs des sédiments du lac Biesbosch (10–1 ng TCDD éq.g–1 carbone organique CO) prendrait environ 50 ans pour approcher l’EQT du lac Het Bil (le moins contaminé actuellement : 10-3 ng TCDD éq.g–1 CO). Les critères de qualité des sédiments compatibles avec la présence de loutres calculés s’étalent de 1 à 12 pg EQT.g–1 CO suivant le critère d’effet choisi. L’incertitude de ces évaluations est grande car les demi-vies des BPCs ne sont pas connues avec certitude et peuvent varier de 3 à 200 ans suivant les sites et les congénères. Les FBMs des poissons (gardons, anguilles) aux loutres sont plus grands chez les mâles que chez les femelles. Les temps de « récupération » moyens, pour que les effets soient diminués de moitié, sont de 20 à 30 ans pour les lacs les plus propres et de 50 à 80 ans pour les plus pollués (Biesbosch). Pour les femelles de ce dernier lac, dont la réduction du nombre de petits était de 100 % en 1996, le modèle suggère qu’une période de 40 ans est nécessaire pour que la réduction des effets soit de 50 %. Dans ces conditions, la réintroduction des loutres pose des problèmes à moyen et long terme, sauf pour les lacs les moins pollués, et cela surtout pour les très jeunes et les vieux mâles. Bien que le degré d’incertitude des évaluations réalisées soit grand, le modèle utilisé par Traas et al. (2001) constitue une démarche logique intéressante, qui peut éviter des échecs dans les projets de réintroduction de loutres dans des biotopes d’où elles ont disparu. En France, comme dans la plupart des autres pays d’Europe, les causes de la régression des populations de loutres dépendent de plusieurs facteurs tels que destruction d’habitats, accidents, pollutions… (Rosoux & Tournebize, 1995). L’impact de chacun de ces facteurs est très difficile à déterminer. Le facteur pollution par les BPCs ne peut pas être écarté car des concentrations en BPCs totaux (dans les épreintes et les tissus) proches des niveaux considérés comme susceptibles d’affecter la biologie des loutres (Mason, 1989 ; Mason et al., 1992) ont été signalés dans l’Ouest de la France (Mason & Lodé, 1992 ; Tans et al., 1996 ; Tableau 60). Cependant, les concentrations en BPCs ne sont pas les seules causes à considérer car dans le Massif Central, les populations de loutres qui fréquentent la rivière Allier semblent stables et même en légère augmentation, bien que des concentrations en BPCs totaux de 9,048 mg.kg–1 de lipides aient été observées dans des lots d’épreintes récoltées en aval de Langogne (Michelot et al., 1998). Or, pour Mason et al. (1992), les concentrations en BPCs totaux de lipides d’épreintes de 9 mg.kg–1 correspondraient à des baisses de capacité de reproduction des loutres. Il faut toutefois tenir compte des possibilité de déplacement de loutres de zones peu polluées, jouant le rôle de viviers, vers des zones plus polluées (moins peuplées) car, dans le cas de l’Allier, les épreintes prélevées en amont de Langogne avaient des concentrations en BPCs totaux de 4,19 mg.kg–1 de lipides, considérées comme sans effet par Mason et al. (1992). Dans l’optique d’une réintroduction ou d’un renforcement de population des loutres en région Rhône-Alpes, Michelot et al. (1998) ont pratiqué l’analyse en BPCs et en métaux de cinq espèces de poissons des cours d’eau de cette région, susceptibles de faire l’objet de programmes de réintroduction de la loutre. Les métaux lourds ne semblent pas constituer un facteur limitant dans le bassin du Rhône ; en revanche, la contamination en BPCs des poissons du cours aval du Rhône, du Drac et de l’Isère est trop forte pour permettre la présence de la loutre. Seuls la Drôme et le Buëch présentent une situation
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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TABLEAU 60
Concentrations en contaminants organiques dans les tissus de loutres européennes. Localité – habitat
Contaminant
Ordre – espèce
Loutre Lutra lutra Lutra lutra
Grande-Bretagne
Grande-Bretagne Rivière Welsh 5 stations (S1 à S5) de l’amont vers l’aval
OC : dieldrine BPCs
Échantillons (environnement, nourriture, tissus) Muscles et foie Muscles et foie
Concentration Moyenne Étendue ppm/poids lipides > 5 ppm Maximum 66,4 ppm Maximim 300 ppm S1
S2
S3
S4
N
Référence
9/23
Mason et al. (1986)
S5
BPCs –1
Broyat poisson entier
mg.kg poids frais × 10–3 7 22 38 50 53
Épreintes de loutres
mg.kg–1 lipides 1 2,2 3,4
13
Mason & Macdonald, (1993a)
14
Dans cette rivière, les concentrations en BPCs augmentent de l’amont vers l’aval, à la fois dans les poissons et les épreintes de loutres. L’analyse des épreintes a aussi été utilisée sur une base régionale pour identifier les populations à risque pour les BPCs dans plusieurs régions d’Europe (Mason & Wren, 2001).
Loutre Lutra lutra Victimes de la circulation automobile
France Marais Poitevin
Tissus de loutres
µg.kg–1 poids frais (ppb)
Σ DDTs
Muscles Foie Graisse
35,4 305,2 1 068
32 23 32
Dieldrine
Muscles Foie Graisse
8 47 99
32 23 32
Σ HCHs
Muscles Foie Graisse
4,2 5 123
32 23 32
HCB
Muscles Foie Graisse
1,17 11,7 56,5
32 23 32
BPCs totaux
Muscles Foie Graisse
380 1 370 9 830
32 23 32
Corps Contenu tube digestif (TD)
16,9 7,5
27 12
Corps Contenu TD
0,5 à 71 1,86
27 12
Corps Contenu TD
0,58 0,54
27 12
Tans et al. (1995)
Anguilles Σ DDTs Σ HCHs HCB BPCs totaux
Corps Contenu TD
27 95 12 13 Les loutres ont des concentrations en OCs plus élevées que celles des anguilles, qui sont leurs proies principales. Il semble donc qu’il existe une bioamplification de ces contaminants dans cette chaîne trophique.
Loutre Lutra lutra 1987 à 1994 (suite à des accidents de la route)
OCs : France dieldrine (a) Marais de la bordure pp- DDE (b) ouest atlantique entre la pp-DDD (c) Loire et la Gironde BPCs totaux (18 congénères)
mg.kg–1 poids de lipides Muscles Foie
32 23
Graisse péricaudale
a : 0,75 ± 1,45 ; b : 2,17 ± 2,22 a : 1,57 ± 2,56 ; b : 3,63 ± 3,4 c : 5,71 ± 6,0 a : 0,12 ± 0,18 ; b : 1,23 ± 1,27
Muscles Foie Graisse péricaudale
26,19 ± 21,74 37,85 ± 32,91 12,45 ± 8,94
32 23 32
32
Tans et al., (1996)
L’analyse des congénères BPCs montre une grande variabilité et une contamination importante par les congénères les plus chlorés (6 à 8 atomes Cl) et faible par les moins chlorés (1 à 5 atomes). Les congénères dont la concentration est la plus élevée varient suivant les organes : dans les muscles et la graisse caudale, les plus abondants sont : 153 > 138 > 180 > 118 > 70 tandis que dans le foie : 138 > 153 > 187 > 180 > 118. Les concentrations en BPCs de cinq individus sont supérieures à 50 mg.kg–1 BPCs totaux de poids de lipides, considérées par Jensen et al. (1977) comme suffisantes pour réduire la reproduction des visons américains et réduire les populations de loutres (Mason, 1989). Cependant, la toxicité réelle des BPCs n’est pas connue pour les loutres. La contamination des anguilles et la raréfaction des civelles par les barrages peuvent constituer un danger pour les loutres de ces marais.
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
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favorable. Si les études complémentaires envisagées pour préciser la contamination des poissons dominants au cours du cycle annuel sont engagées, il serait souhaitable de déterminer les EQTs correspondants aux différents congénères BPCs, comme cela a été réalisé pour la loutre et trois autres mustélidés terrestres par Leonards et al. (1998), car la concentration totale en BPCs ne donne pas une indication réelle de la toxicité. Il paraît également opportun de s’inspirer des recommandations prodiguées par Smit et al. (1998) dans leur revue. Plus récemment, Van den Brink & Jansman (2006) ont utilisé les épreintes pour évaluer les niveaux de contamination en PCBs chez la loutre L. lutra. Leurs résultats montrent que les épreintes, qui contiennent des concentrations relativement élevées en congénères non métabolisables (PCB 138 et 153), reflètent les concentrations internes en PCBs chez la loutre qui a produit l’épreinte. Sur la base des relations existantes entre la contamination des épreintes et de l’organisme, les auteurs ont également proposé un seuil de toxicité entre 1,0 et 2,3 µg.g–1 de lipides. De plus, appliquée en combinaison avec des techniques de marquage moléculaire permettant d’identifier la loutre à l’origine de l’épreinte (Jansman et al., 2001), ce type de méthode représente un progrès considérable pour le suivi (parfaitement discret) des individus de populations à effectif réduit. L’analyse des hormones stéroïdes des fèces donne en outre le moyen de connaître le stade du cycle de reproduction des loutres et peut-être de mettre en évidence certaines perturbations endocrines (Van den Brink et al., 2003b). Comme chez les visons, les expositions des loutres à des contaminations métalliques ou mixtes sont fréquentes, ce qui est révélé par des analyses effectuées sur des animaux récoltés dans différentes régions d’Amérique du Nord (Tableau 59). Les concentrations de certains métaux (Cd, Pb et Hg) peuvent être du même ordre de grandeur chez les visons et les loutres de mêmes sites, tandis que d’autres (Zn, Cu et Mn) présentent des différences spécifiques (Harding et al., 1998 ; Tableau 59). Chez les loutres, la concentration du Hg dans les poils est étroitement corrélée à celle dans leur foie et leur cerveau, et elle semble dépendre de la concentration en Hg des poissons qu’elles consomment (Mierle et al., 2000 ; Tableau 59). En Europe, les concentrations en métaux du foie et des reins des loutres ont été étudiées dans plusieurs pays (Tableau 61). Il faut aussi signaler la possibilité de doser plusieurs métaux (Hg, Pb et Cd) dans les poils des loutres (Madsen & Mason, 1987). En Europe centrale, Gutleb et al. (1998) ont réalisé une importante analyse des métaux (Cd, Hg, Pb, Cu et Zn) dans le foie et les reins (Tableau 62) ; au cours de leurs investigations, ils ont observé quelques concentrations en Hg et Cd susceptibles d’avoir des effets toxiques sur les loutres en République tchèque. Néanmoins, les populations de loutres des régions concernées sont en augmentation. Comparant les concentrations du foie de loutres de Grande-Bretagne, d’Irlande et du Danemark, Mason & Stephenson (2001) notent que les concentrations de la plupart des métaux sont les plus grandes en Grande-Bretagne, dans les zones de drainage de sites miniers (Tableau 61). Comme pour les dosages de contaminants organiques, les épreintes de loutres ont été utilisées pour évaluer les contaminations radioactives. La mesure de la radioactivité totale des épreintes de loutres en Grande-Bretagne, après le passage du nuage radioactif de Tchernobyl, a montré un accroissement très important de la contamination des loutres (par les poissons consommés) du Sud-Est de l'Écosse (province de Galloway) par rapport à celles du Pays de Galles (Mason, 1996 ; Ramade, 2000).
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Concentrations en métaux de tissus de loutres dans plusieurs pays européens.
Ordre – espèce
Localité – habitat
Loutre Lutra lutra
Europe centrale Autriche : A Hongrie : H République tchèque : T
Métal
Échantillons de tissus
Concentration
Foie et reins
µg.g–1 ps : Cd, Pb, Zn, Cu µg.g–1 pf : Hg
Cu
Foie Reins
A : 38,7 ; H : 17,1 ; T : 23,1 A : 14,2 ; H : 11,4 ; T : 17,6*
Zn
Foie Reins
A : 92,6 ; H : 96,2 ; T : 162,4 A : 138,2 ; H : 55,6 ; T : 107,2*
Cd
Foie Reins
A : 0,36 ; H : 0,31 ; T : 1,51 (0,16–5,42) A : 0,91 ; H : 0,51 ; T : 0,32
Pb
Foie Reins
A : 0,37 ; H : 0,83 ; T : 0,39 A : 0,69 ; H : 1,12 ; T : 0,23*
Hg
Foie Reins
A : 1,01 ; H : 0,65 ; T : 14,43 (0,01–55,61) A : 0,68 ; H : 0,44 ; T : 0,32*
N
Référence
15 7 5 * n=2 Gutleb et al. (1998)
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
Les concentrations moyennes en Cd, Pb, Zn et Cu dans le foie et les reins des loutres étudiées sont inférieures aux concentrations considérées comme toxiques pour ces animaux et sont du même ordre que celles trouvées dans d’autres régions d’Europe (Masson, 1988 ; Lafontaine et al., 1990 ; Kruuk & Conroy, 1991 ; Skarën, 1992). Pour le Hg, les concentrations sont faibles chez les loutres d’Autriche et de Hongrie, mais deux individus de la République Tchèque ont des concentrations (15,2 et 55,6 µg.g–1 pf ) dans le foie qui sont de l’ordre de celles observées chez les loutres en liberté ou contaminées expérimentalement, qui présentent des troubles du comportement ou meurent. Le fait que les populations de loutres des régions étudiées augmentent indique qu’elles ne sont pas affectées par la contamination de leur nourriture, bien que quelques cas de contamination par le Cd et le Hg existent en République tchèque. Loutre Lutra lutra
Europe Grande-Bretagne : GB Irelande : I Danemark : D
Foie Mn Cr Zn Cu Ni Co
mg.kg–1 ps GB : 7,37 ; I : 4,91 ; D : 3,53 ; p < 0,01 GB : 0,270 ; I : 0,024 ; D : 0,081 ; p < 0,001 GB : 111,67 ; I : 83,80 ; D : 92,13 ; p < 001 GB : 28,27 ; I : 23,77 ; D : 21,20 ; p < 0,05 GB : 0,540 ; I : 0,035 ; D : 0,0457 ; p < 0,001 GB : 0,030 ; I : 0,015 ; D : 0,018 ; ns
51 39 65
Mason & Stephenson (2001)
Les concentrations des métaux, sauf le Co, sont les plus élevées en Grande-Bretagne. Cela s’explique par le fait que la plupart des animaux de GB proviennent de zones de drainage de terrains miniers riches en métaux. Les loutres, au sommet de chaînes alimentaires à dominante aquatique, constituent des indicateurs de contaminations métalliques (Mason & Wren, 2001).
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TABLEAU 61
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Les mustélidés typiquement terrestres comme le putois (Mustela putorius), la martre (Martes martes), la fouine (Martes foina), l’hermine (Mustela erminea), la belette (Mustela nivalis) et le blaireau (Meles meles) peuvent être des bioindicateurs pertinents de pollution des milieux qu'ils fréquentent. Les putois, dont les populations diminuent dans de nombreuses régions d’Europe, peuvent accumuler des quantités importantes de BPCs dans les reins et le foie (Tableau 62). En Suisse, Mason & Weber (1990) ont mesuré des concentrations moyennes en BPCs de 13,5 mg.kg–1 de lipides (1 à 121 mg.kg–1) dans les reins de 48 mâles et 31 femelles avec le maximum de 121 mg.kg–1 près de Zurich. Aus Pays-Bas, les concentrations en BPCs totaux (2 à 114 mg.kg–1 de lipides) des reins de sept putois trouvées par Leonards et al. (1994) sont comparables à celles de l’étude suisse et les concentrations du foie sont plus grandes (3 à 360 mg.kg–1 de lipides). Par la suite, Leonards et al. (1998) ont comparé l’accumulation des BPCs chez trois espèces de mustélidés terrestres (belettes, hermines et putois) à celle d’une espèce aquatique (loutres) du nord des Pays-Bas. Pour calculer les facteurs de bioamplification (FBMs) des BPCs, les auteurs ont mesuré les concentrations de ces composés, d’une part, dans les lipides du foie des mustélidés et, d’autre part, dans les lipides du corps (tissus mous) de leurs proies. Les proies des 3 espèces de mustélidés terrestres sont principalement de petits mammifères (campagnols : Clethrionomys glareolus et Microtus arvalis ; des souris : Apodemus sylvaticus ; des musaraignes : Sorex araneus ; des lièvres communs : Lepus europaeus) et des amphibiens (grenouilles : Rana temporaria, Rana esculenta et des crapauds : Bufo bufo et Bufo calamita) de la même région. L’étude comparée détaillée de Leonards et al. (1998) met en évidence plusieurs particularités parmi lesquelles nous relevons : i) que les BPCs totaux dans les proies sont du même ordre d’amplitude pour les trois espèces terrestres (belettes, hermines et putois), tandis qu’elles sont de 16 à 36 fois plus grandes chez l’espèce aquatique (loutres) (Tableau 62). Pour chaque espèce de mustélidé, la figure 34 montre les pourcentages de contribution de chaque espèce proie, d’une part à la quantité de nourriture et d’autre part à la somme des BPCs ingurgités. Cette figure souligne l’intérêt de la connaissance des régimes alimentaires des animaux (pour des réintroductions éventuelles d’espèces) et révèle que certaines proies (minoritaires en poids) peuvent représenter une contribution majeure à la somme des BPCs absorbés. Ainsi, les amphibiens, qui constituent seulement 30 % de la nourriture des putois, contribuent à 49 % des BPCs totaux ; inversement, les lièvres, qui constituent 50 % de leur nourriture, apportent seulement 10 % des BPCs. Pour les trois espèces terrestres, A. sylvaticus est toujours une proie apportant une proportion conséquente de BPCs ; ii) pour tous les mustélidés sauf le putois, les FBMs sont significativement plus élevés sur la base des Σ EQTs que sur celle des Σ BPCs. Cela indique un enrichissement relatif de la chaîne alimentaire en BPCs toxiques. Les FBMs les plus grands de tous les congénères sont trouvés pour les BPCs non-ortho 126 et 169 (sauf pour le putois), ce qui indique que ces congénères sont retenus électivement dans le foie de trois espèces, alors qu’ils sont métabolisés par les putois, de même que les autres congénères dont les atomes H composés aux sont en position ortho et meta, ce qui expliquerait leur moindre sensibilité aux effets toxiques comparés aux autres mustélidés (Leonards et al., 1998). Les hermines et les loutres sont seulement capables de métaboliser les congénères de moins de cinq atomes
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de chlore. Toutefois, les concentrations en BPCs observées dépassent celles qui réduisent la reproduction (Leonards et al., 1994) et des effets sublétaux sont possibles. Selon Leonards et al. (1998), la plus faible capacité à métaboliser les BPCs des groupes métaboliques II et III par les belettes, les hermines et les loutres que par les putois suggère une plus grande activité du système d’isoenzymes cytochrome P-450 1A chez les putois. Cette capacité particulière pourrait être en rapport avec l’existence probable d’isoenzymes P-450 1A intervenant dans la détoxification des poisons des glandes cutanées de la peau des amphibiens mangés par les putois, qui font des « provisions » de grenouilles et de crapauds (de 40 à 120), surtout en hiver lorsque les rongeurs sont rares.
Figure 34 Contribution (en %) de chacune des espèces de proies et de la concentration totale (somme des BPCs)
de la nourriture de belettes, hermines, putois et loutres aux Pays-Bas. (D’après Leonards et al., 1998.)
Les putois, ainsi que d’autres carnivores, encourent également un risque lorsqu’ils mangent des rats qui ont été empoisonnés par des rodenticides anticoagulants de 2e génération (difénacoum et bromadiolone), comme cela a été observé par Shore et al. (2003) en GrandeBretagne de 1992 à 1999 (Tableau 63). Environ 30 à 40 % des animaux analysés contenaient des résidus en rodenticides susceptibles d’avoir des effets sublétaux. Comme les putois, les martres et les blaireaux peuvent accumuler des quantités notables de congénères BPCs, dont le BPC 126 qui contribue à la partie la plus importante des EQTs (Behnisch et al., 1997), comme c’est le cas chez les loutres (Traas et al., 2001). Les martres, qui sont des mustélidés forestiers se nourrissant uniquement de proies terrestres, semblent accumuler des quantités de polluants organochlorés plus petites que les autres carnivores. Larsson et al. (1990) trouvent une concentration moyenne en BPCs de 2,8 µg.g–1
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
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de lipides dans les muscles de martres suédoises, alors que celles des muscles de loutres vont de 4,9 à 99,1 µg.g–1 de lipides, celle de muscles de visons étant de 9,9 µg.g–1 et celle de putois de 6,9 µg.g–1 de lipides. Dans une étude plus récente portant sur 79 martres de Suède, Bremle et al. (1997) ont mesuré des concentrations en BPCs totaux dans les muscles de 38 ng.g–1 de poids frais soit 1,3 µg.g–1 de graisse (Tableau 63). Les POPs sont dominés par quelques congénères BPCs fortement chlorés, les congénères 132/153/105, 180, 170/190, 194 et 160/138/158 constituent 66 % des BPCs totaux. La dominance 180 >153 correspond à celle observée chez le renard arctique (Alopex lagopus) de Salvard, chez qui les congénères 153 et 180 constituent 65 % des BPCs (Wang-Andersen et al., 1993). Contrastant avec les mammifères prédateurs aquatiques, il n’a pas été observé de différences entre les sexes, ni entre les âges chez les martres suédoises, dont la plupart ont été capturées en hiver. Les blaireaux, qui ont une nourriture opportuniste et vivent dans des terriers, sont considérés comme des éboueurs écologistes dont les populations sont souvent en diminution pour plusieurs raisons (destruction des terriers, chasse, trafic automobile, pollutions…). Aux PaysBas, une étude exhaustive réalisée par Van den Brink et Ma (1998) montre que les concentrations en Cd et en Zn dans les reins sont grandes au voisinage de la rivière Meuse (Tableau 63). L’accumulation du Cd est vraisemblablement responsable de l’altération de la reproduction des femelles âgées, qui sont dominantes dans les familles de blaireaux et empêchent les plus jeunes de se reproduire. Une réduction de 50 % de mise bas de petits par famille est atteinte pour des concentrations de 125 µg.g–1 de ps de Cd et 150 µg.g–1 ps de Zn. Dans quelques endroits, les concentrations en BPCs, qui augmentent aussi avec l’âge, peuvent être responsables de mauvaises conditions physiologiques (Tableau 63). Les facteurs qui influent sur l’absorption et la concentration des POPs chez ces mammifères terrestres prédateurs son évoqués dans la présentation des chaînes alimentaires (voir 4.1.). TABLEAU 62
Moyennes des concentrations en PCBs du foie de mustélidés et de leur nourriture. Σ BPCs (ng.g–1 poids lipides) Moyenne
Belette Nourriture FBM
880A 124 7A*
Hermine Nourriture FBM
3 350AB 72
Putois Nourriture FBM
18 730BC 164
Loutre Nourriture FBM
46B*
114B 34 750C 2 560 14AB
Étendue (532-2 366) (4–19)
Σ EQTs (pg.g–1 poids lipides) Moyenne A
415 20
21A*
Étendue (178–1538) (9–77)
(1 093–16 510)
1040A 7
(292–4 065)
(15–229)
125B*
(42–580)
(4 815–260 116)
600A 16
(200–2 731)
(42–1 586)
37AB
(13–171)
(4 432–222 182)
7 460B
(1 006–35 362)
(2–87)
41AB*
(5–193)
FMB : facteur de biomagnification entre nourriture et espèce considérées. Les concentrations totales Σ BPCs et les Σ EQTs sont exprimés sur la base du poids de lipides, les valeurs avec lettres distinctes en exposant sont significativement différentes par rapport aux autres espèces (p < 0,05). Les astérisques indiquent que les FBMs basés sur les Σ BPCs sont significativement différents des FBMs basés sur les Σ EQTs (d’après Leonards et al., 1998).
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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TABLEAU 63 Ordre - espèce
Putois Mustela putorius
Concentrations en contaminants de tissus de mustélidés terrestres sauvages. Localité - habitat
Contaminant
Échantillons de tissus
Concentration Moyenne mg.kg–1 lipides 13,5
Suisse
BPCs
Reins
Pays-Bas
BPCs
Reins Foie
Grande-Bretagne Pays de Galles et zones recolonisées de l’est et du sudest
Foie Rodenticides (2e génération)
1 à 121
mg.kg–1 lipides 2 à 114 3 à 360
µg.g–1
Référence
31 ♀ 48 ♂
Mason & Weber (1990)
7 7
Leonards et al. (1994)
Total : 50
poids frais
Non détectable 0,052 et 0,070 0,034 ; 0,094 ; 0,095 ; 0,178 ; 0,186 0,030 à 0,917
Flocoumafen Brodifacoum Bromadiolone Difénacoum
N Étendue
2 5 14
Shore et al. 2003
Environ 40 % des putois recueillis ont été exposés aux rodenticides de 2e génération. Les deux anticoagulants les plus fréquents dans le foie sont le difénacoum et la bromadiolone (respectivement 28 et 10 % des putois). Les moyennes des résidus en difénacoum (0,35 µg.g–1 pf ) et de bromadiolone (0,15 µg.g–1 pf ) du foie des putois du Pays de Galles sont environ 2 fois plus élevées que celles des putois qui ont recolonisé le centre et le Sud-Est de la Grande-Bretagne. Les résidus en bromadiolone du foie de quelques putois sont proches de ceux du foie (0,23 µg.g–1) d’une hermine morte après consommation de campagnols empoisonnés (Grolleau et al., 1989) ou de la concentration en difénacoum (1,4 µg.g–1) trouvée dans un putois mort d’hémorragie dans une grange (Birks, 1998).
Martre Martes martes
Suède
Muscles BPCs
Suède Carcasses fournies par les trappeurs de 1989 à 1992 (surtout en hiver)
25
2,8 µg.g–1 lipides Muscles
1,3 µg.g–1 lipides 38 ng.g–1 pf
Larsson et al. (1990)
79 (35 ♀ et Bremle 44 ♂) et al. 11 à 100 ng.g–1 pf (1997)
0,19 à 11,5
Les auteurs n’observent pas de différences de concentrations en BPCs entre les ♂ et les ♀, ni entre les âges des animaux. Blaireau européen Pays-Bas Meles meles
4 ETMs et BPCs Cd Zn
(Animaux trouvés morts par accidents de la route ou noyade de 1983 à 1992)
Reins
En µg.g–1 ps Moyenne Augmente avec l’âge Cd
83 en tout
Zn
♀ 1 à 3 ans 4 à 5 ans
4,9 à 16,1 119,5 à 203,3
98,5 à 114,3 145 à 157
25 12
♂ 1 à 3 ans 4 à 5 ans
18,6 à 43,4 59,1 à 70,7
96,7 à 137,5 142,5 à 156,4
13 18
Pb
Moyenne : 1,4 à 3,7 (de 1 à 11) (concentrations faibles sans rapport avec le sexe et l’âge) Moyenne : 18,5 à 39,9 (de 13 à 56)
Cu BPCs
2 à 405 79 à 330
68 68
Graisse En µg.g–1 poids graisse de 0,2 à 0,35µg.g–1 mésentérique Concentration augmente avec l’âge
22
2 ans 3 ans 4 ans 5 ans
5 4 7 4
0,63 1,33 2,04 5,36
0,21 à 1,8 0,54 à 3,0 0,30 à 48,0 1,30 à 35,0
Van den Brink & Ma (1998)
L’accumulation âge-dépendante du Cd, du Zn et des BPCs chez les blaireaux est conforme à ce qui a été observé chez d’autres espèces de mammifères sauvages (Beyer et al., 1996), chez qui le Cd affecte la reproduction. Les concentrations les plus élevées en Cd et en Zn sont trouvées dans les blaireaux vivant près des rives de la Meuse.
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
393
Chap3.fm Page 394 Vendredi, 17. mai 2013 2:38 14
3.3.5.4.2 Canidés
Chez les canidés, les concentrations en BPCs du foie des renards arctiques (Alopex lagopus) de Svalbard entre 1983 et 1984 sont en moyenne de 9,7 mg.kg–1 dans les graisses (WangAndersen et al., 1993) et, comme chez les martres de Suède, ce sont les BPCs 153 et 180 qui dominent. Des pics de concentration à 41 mg.kg–1 dans les graisses peuvent avoir des effets toxiques chez quelques individus de la population. En Allemagne, les renards roux (Vulpes vulpes) ont été utilisés par Georgii et al. (1994) pour évaluer les contaminations totales en BPCs d’étendues importantes au cours du temps (1983 à 1991). Ces auteurs ont noté une diminution de la contamination par les congénères fortement chlorés et une augmentation de la contamination par les congénères faiblement chlorés entre 1983 et 1991 ; ils ont également constaté qu’il existe des variations de concentrations pouvant atteindre 2 ordres d’amplitude suivant les populations, comme c’est le cas pour les renards arctiques (Wang-Andersen et al., 1993) ou les martres américaines (Martes americana) chez qui Steeves et al. (1991) ont noté des concentrations de 40 ng.g–1 pf chez les mâles (n = 67) et 25 ng.g–1 pf chez les femelles (n = 58). Les différences de concentrations des contaminants pourraient être dues aux variations de la teneur en lipides des tissus au cours des saisons et des années (de 1,7 % à 3,3 % dans les muscles de renard en Allemagne, Georgii et al., 1994). Les résultats des analyses des contaminants organiques sont difficilement comparables entre eux car ils sont tantôt exprimés par rapport au poids frais d’organe, tantôt par rapport au poids sec, ou encore par rapport au poids de lipides. En Allemagne, Flätchen & Müller (1996) ont aussi observé que les BPCs faiblement chlorés n° 28 et 52 sont présents en faibles quantités chez les renards, tandis que les congénères les plus fortement chlorés sont plus abondants dans le foie (les moyennes déterminées à partir de 124 renards sont respectivement de 0,017 ppm de ps, 0,018 ppm ps et 0,044 ppm ps pour les BPCs n° 138, 153 et 180). Chez les renards arctiques islandais (Klobes et al., 1998), les hydrocarbures chlorés ont leurs plus fortes concentrations dans une population prenant principalement une nourriture d'origine marine par rapport à une population se nourrissant sur terre. Chez les renards et les chiens japonais, le BPC 180 est le congénère dominant (Hoshi et al., 1998). Des résidus d'anticoagulants (bromadiolone) utilisés pour réduire les pullulations de campagnols ont été retrouvés par Berny et al. (1997) lors de l'analyse des cadavres de prédateurs (renards et buses) et une diminution importante et durable des effectifs de populations de renards a été observée en Franche-Comté (France) dans les zones traitées (Delattre & Giraudoux, 2005). Chez les renards de Suède (Vulpes vulpes), du cadmium a été trouvé dans les reins et le foie avec les concentrations les plus importantes dans les reins (Tableau 64 ; Frank, 1986). Les loups (Canis lupus) ont fait l’objet de recherches dans deux domaines principaux : d’une part, afin d’évaluer les risques éventuels de leurs populations dus à des contaminations et, d’autre part, comme modèles de sommet de chaînes alimentaires afin d’étudier leur impact sur les différents niveaux trophiques et pour prédire les transferts de contaminants. En Espagne, l’état de contamination par les OCs d’une population de loups relativement restreinte de Galicie a été déterminé par Carril Gonzalez-Barros et al. (2000). Les concentrations moyennes les plus élevées des substances analysées sont trouvées dans les reins (Tableau 64), mais les concentrations sont très variables suivant les individus et la population
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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doit être surveillée car trois individus présentaient des concentrations en p,p’-DDE supérieures à 10 mg.kg–1 ps. Des différences de concentrations ont été observées entre les sexes (mâles > femelles) et en fonction de l’âge (Tableau 64). En Russie, des organochlorés ont été détectés par Shore et al. (2001) dans le foie de loups des régions de Tver et Smoliensk (Tableau 64). Comme chez les loups de Galicie, les concentrations sont plus élevées chez les adultes que chez les jeunes, mais il n’est pas signalé de différences entre les sexes. La présence de métaux (Hg et Pb) est également trouvée dans le foie des loups, avec trois cas de concentration en Pb supérieure à la concentration critique. Les contaminations mixtes (métaux + organochlorés) ne sont pas faciles à interpréter en termes d’effets et les concentrations données par rapport au poids frais (Shore et al., 2001) ou au poids sec (Carril Gonzales et al., 2000) ne facilitent pas la comparaison entre les analyses réalisées chez les loups des deux régions. Sommets de chaînes alimentaires terrestres différentes suivant leur localisation, les loups représentent un modèle de chaîne typiquement terrestre : végétation – herbivores - carnivores impliquant de grands mammifères. Lorsque l’alimentation des herbivores et des carnivores est principalement constituée d’une seule espèce, les investigations réalisées sur ces chaînes ont mis en évidence, en 1988, la bioamplification du 137Cs chez 12 loups de la région arctique car leur contamination moyenne (640 Bq.kg–1) correspondait à plusieurs fois celle des caribous, qui sont leurs proies (Thomas et al., 1992). Dans un autre cadre (Parc national de l’Île Royale, Lac Supérieur, Michigan), les investigations de McLaren & Peterson (1994) sur les interactions entre les loups (C. lupus), les élans (Alces alces) et la nourriture principale de ces derniers (le sapin baumier : Abies balsamea) ont montré que ce système est dominé par un contrôle « top down ». Dans la toundra arctique et le Canada Central, une chaîne alimentaire du même type impliquant les lichens (Cladina rangiferina et Cetraria nivalis), les caribous (Rangifer tarandus) et les loups (C. lupus) vient de servir à Kelly & Gobas (2003) pour établir un modèle de bioaccumulation et bioamplification des polluants organiques persistants (POPs). Ce modèle met en relation les concentrations des contaminants dans le milieu ambiant (en fonction des saisons) et les concentrations de ces contaminants dans la végétation arctique, les herbivores et les prédateurs carnivores. Les caractéristiques du modèle à deux compartiments sont présentées avec les chaînes alimentaires en 4.2.1.1.4. Dans le tableau 64, à titre d’exemple, figurent les concentrations du congénère BPC 153 dans les lichens, les caribous mâles et les loups mâles, qui sont à l’origine des FBMs de 18,1 ; 63,9 et 157,9 chez les loups mâles, âgés respectivement de 1,5 ; 2,25 et 13 ans. Les FBMs du BPC 206 sont du même ordre de grandeur pour les mêmes âges (18,9 ; 64,9 et 165,5). Ceux des autres POPs sont moins élevés et dépendent du Koa (coefficient de partage octanol-air) et des Kaw (coefficient de partage air-eau), qui sont différents dans le monde végétal et les mammifères chez qui ils sont corrigés pour tenir compte de la température du corps (37 °C.). La prévision des FBMs chez les loups mâles montre qu’ils augmentent avec l’augmentation du log Koa entre 5 et 10 ; les FBMs varient alors de 3 à 19 suivant le composé chez les loups de 1,5 an, et de 5 à 165 chez les loups de 13 ans (Tableau 64). Pour les POPs avec un Koa < 5, l’exhalation est une voie d’élimination importante, aussi bien chez les caribous que chez les loups et les FBMs sont en général supérieurs à 1.
Bioaccumulation chez les vertébrés terrestres
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TABLEAU 64
Concentrations en contaminants d’organes de mammifères canidés sauvages carnivores.
Ordre–espèce Ordre des Fissipèdes Famille des canidé Renard européen Vulpes vulpes
Localité - habitat
Contaminant
Échantillons de tissus
Concentration Moyenne Étendue
Suède
Cd
Reins Foie
0,43 ppm 0,16
Famille des canidés Loup Canis lupus
N
0,16 à 5,6 0,04 à 1,5
4
0,18 à 215
2
Référence
Frank (1986)
mg.kg–1 ps
Espagne Sommet de chaîne alimentaire Galicie terrestre : nourriture (chevreuils, oiseaux, petits fruits) Âge : 6 mois à 3 ans Population en danger (environ 800 animaux = 40 % population de l’Ouest de l’Europe)
Σ7 OCs
Viscères
10,9
ΣOCs
Reins Foie Rate Surrénales Muscles
25,9 13,9 7,2 5,1 2,3
Dieldrine
Reins Foie
2,67 0,006
ΣDDT-DDE
Reins
4,34
p,p’-DDE
Reins Foie
1,32 0,35
12 (8 ♂ et4 ♀) Carril Gonzáles – Barros et al. (2000)
Très grande variabilité des concentrations, mais la présence de trois cas de [p,p’-DDE] > 10 mg.kg–1 ps peut affecter la reproduction. ΣOCs est environ 3 fois plus élevée chez les adultes que chez les jeunes. ΣOCs est environ 7 fois plus faible chez les ♀ que chez les ♂. Loup Canis lupus
Russie (Nord-Ouest) Régions de Tver et Smoliensk
3 ETMs Cd Hg Pb
Foie
Non détectable < 0,25 µg.g–1 pf > 5 µg.g–1 ps chez 3 loups (5 µg.g–1 = concentration critique)
7 OCs Foie Σ BPCs (BPCs 153, 170 et 180 = 41 %ΣBPCs)
58 Shore et al. (2001)
< 0,1 µg.g–1 pf < 1 µg.g–1 pf
Les concentrations en contaminants du foie sont généralement inférieures aux niveaux associés à des effets adverses, sauf pour le Pb chez trois animaux. Les concentrations en dieldrine, BPCs et Hg ne diffèrent pas entre mâles et femelles. Les concentrations en BPCs sont en moyenne 5 fois plus élevées chez les adultes que chez les jeunes. Loup Canis lupus Sommet de chaîne alimentaire terrestre : lichens – caribous – loups
Toundra arctique + Canada Central 25 POPs (prédominance dépôts aériens) Exemple : BPC 153
Lichens Caribous ♂
1 à 2 ng.g–1 ps 0,5 à 4 ng.g–1 lipides
Loups ♂ : ● jusqu’à 2 ans ● De 2 à 13 ans
β-endosulfan β-HCH 1,2,4,5-TCB HCB BPC 153 BPC 206
396
Log Kow Koa 3,7 3,8 4,6 5,5 6,9 8,1
10 à 100 ng.g–1 lipides 20 à 200 ng.g–1 lipides Âge des loups 1,5 2,25
13,1
FBMs (air-loups) 5,3 17,9 9,1 28,8 3,2 4,1 5,4 18,6 18,1 63,9 18,9 64,9
39,8 108,5 4,9 41,1 157,9 165,5
Log 7,2 8,1 5,8 7,1 9,8 11,2
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Kelly & Gobas (2001, 2003)
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3.3.5.4.3 Ursidés
Dans les régions arctiques, beaucoup de composés organiques transportés dans la haute atmosphère sous forme d’aérosols, depuis les zones tropicales et tempérées, se condensent aux températures inférieures à 0 °C et atteignent le sol avec la pluie et la neige. Au moment de la fonte des neiges, ces contaminants sont libérés lorsque la productivité biologique est intense. Les ours polaires (Ursus maritimus), qui sont de grands mammifères carnivores se nourrissant principalement de phoques (Phoca hispida), se situent au sommet d’une chaîne alimentaire aquatique marine de région polaire, dont les deux dernières espèces (phoques et ours) peuvent contenir un taux de lipides important dans leur corps, ce qui les prédispose à une forte accumulation des composés organochlorés. Effectivement, les analyses réalisées par Norstrom et al. (1988) dans la graisse d’ours polaires de quatre régions de l’Arctique canadien ont révélé des concentrations en BPCs totaux de 4,25 à 8,25 mg.kg–1 de poids frais de lipides et des moyennes de chlordanes de 1,81 à 3,81 mg.kg–1 pf de graisse. Dix ans plus tard, les concentrations en chlordane et en DDE ont diminué de 35 à 44 % et la dieldrine de 90 %, mais il y a peu de changement dans les BPCs (Norstrom et al., 1998). Pour comprendre l’influence des longues périodes de jeûne des ours polaires sur la toxicocinétique des organochlorés stockés dans les graisses sous-cutanées pendant la brève période d’hyperphagie au cours de laquelle ils se nourrissent (principalement de phoques avec une préférence pour leur lard), Polischuk et al. (2002) ont déterminé la charge du corps et les concentrations en OCs d’ours polaires avant et après une période de jeûne naturel de 56 jours. En effet, chaque année, pendant la période où ils restent à terre (3 à 4 mois à partir de la fonte de la mer glacée en juillet-août jusqu’à ce que l’océan regèle), les ours de certaines populations n’ont plus de nourriture et leur poids total peut diminuer de 2/3 avec une réduction du tissu adipeux à moins de 10 % du poids du corps (au lieu de 50 %). Les mesures ont été pratiquées dans le tissu adipeux prélevé après anesthésie sur des animaux libres identifiés d’âge et de sexe connus. Cette méthode d’observation montre qu’il existe dans la nature de grandes variations individuelles. Malgré cela, il se dégage plusieurs tendances significatives. Pour la plupart des ours, pendant la période de jeûne, les concentrations du tissu adipeux ont tendance à augmenter pour les chlorobenzènes, les chlordanes et les BPCs, tandis que celles des HCHs restent les mêmes ou décroissent et que celles de DDTs diminuent. L’évolution des charges totales du corps en OCs diffère suivant les composés et la catégorie d’animaux (Tableau 65). Ainsi, en 3-4 mois de jeûne, en majorité les ours polaires sont capables de « débarrasser » significativement leur tissu adipeux des DDTs et HCHs, tandis que les ClBzs et les BPCs restent constants pour toutes les classes d’âge. Dans le lait, le fait que la mère jeune entraîne le doublement de la concentration en CHLORs et en BPCs, ce qui a pour conséquence d’augmenter les concentrations en OCs des oursons de l’année (Tableau 65). Cette dynamique de changements saisonniers en lipides et en OCs pendant la période de jeûne qui correspond à la gestation des femelles et au début de la lactation, peut les rendre plus vulnérables aux effets toxiques des organochlorés (Norstrom & Muir, 1994). Dans les régions comme l’archipel norvégien du Spizberg, où les concentrations moyennes en BPCs de 11,2 à 21,7 mg.kg–1 de graisse sous-cutanée sont plusieurs fois celles des ours du Nord de l’Amérique (Bernhoft et al., 1997), il a été suggéré que les effets œstrogéniques des OCs pendant le développement embryonnaire pourraient être à l’origine des cas de pseudohermaphrodisme de femelles du Spizberg (Wiig et al., 1998). Les observations de Polischuk et al. (2002) sont en accord avec celles de Letcher et al. (1998) qui, lors de l’étude des OCs dans les ours de 12 régions arctiques
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ou sub-arctiques ont constaté que le facteur de bioamplification du DDE est seulement égal à 1,2 % du FBM du congénère 153, l’un des BPCs les moins métabolisés par les ours polaires. Parmi les BPCs, les congénères méthyl-sulfone possèdent un grand potentiel de bioamplification dans les chaînes alimentaires ; 15 d’entre eux proviennent des phoques consommés, tandis que sept autres sont partiellement formés dans les ours (Letcher et al., 1998). Alors que dans leurs analyses des dioxines et des dibenzofuranes chez les mammifères marins de l’Arctique canadien, Norstrom et al. (1990) avaient trouvé de faibles concentrations de ces composés dans le tissu graisseux des ours polaires de 15 localités, Senthilkumar et al. (2002b) ont mesuré les concentrations en PCDDs, PCDFs et dioxine-like BPCs d’une part dans le foie d’ours polaires de l’Alaska arctique, et d’autre part dans le foie du phoque de Weddell de l’Antarctique et dans les œufs de plusieurs espèces d’oiseaux. Les ours polaires de l’Alaska contiennent des concentrations notables de PCDDs/DFs avec une prédominance du congénère 2,3,4,7,8-PeCDD, mais la majeure partie des EQTs provient des mono-ortho BPCs et ils sont proches des valeurs qui induisent des effets toxiques (Tableau 65). Parmi les multiples molécules contaminant recherchés dans l’environnement, les alkyls perfluorés (PFA) constituent une vaste classe chimique qui compte plus de 800 substances, dont la totalité est d’origine anthropogénique. Ils sont synthétisés depuis la fin des années 40 et sont utilisés par exemple pour l’imperméabilisation de textiles, comme mousses anti-incendie, la synthèse de polymères fluorés. Parmi les alkyls perfluorés, deux sous-familles, les carboxylates (PFCA) et les sulfonates (PFAS) ont été retrouvées dans de nombreux compartiments de l’environnement (biote, sédiments, sols, atmosphère, précipitations, eaux) (ANSES, 2011). Ces molécules sont également retrouvées dans les tissus animaux. L’analyse des PFA dans 19 cerveaux d’ours polaires par Greaves et al. (2013) révèle des concentrations en sulfonate de perfluorooctane (PFOS) de 47 à 58 ng/g de poids frais. Cela démontre que des molécules à longue chaîne (C10-C15) comme PFCA et PFAS peuvent traverser la barrière hémato-céphalique chez les ours polaires et se comportent plutôt comme des acides gras libres. Les concentrations en métaux ont également été étudiées chez les ours polaires. Les concentrations en Hg dans les poils sont variables suivant les régions (Tableau 65). Eaton & Farant (1982) ont trouvé des moyennes de 18,5 mg.kg–1 dans les poils des ours de l’Ouest de l’Arctique, tandis que celles des autres régions de l’Arctique étaient supérieurs à 8 mg.kg–1. Renzoni & Norstrom (1990) ont mesuré des concentrations de Hg dans les poils d’ours polaires (141 individus) du même ordre de grandeur, s’étalant de 1 à 15 mg.kg–1. Les concentrations en Hg ont également été mesurées dans le foie d’ours polaires et des différences régionales très importantes ont été mises en évidence entre les concentrations (de 20 à 50 mg.kg–1) des ours de l’Arctique canadien (Norstrom et al., 1986) et celles des ours de l’Arctique norvégien (de 0,5 à 21 mg.kg–1) rapportées par Norheim et al. (1992). Dans les deux cas, il existe une corrélation positive étroite entre les concentrations en Hg et en Se, et les concentrations sont plus grandes chez les adultes que chez les jeunes. Les concentrations en Pb sont identiques dans le foie et les reins, tandis que celles du Cd sont plus élevées dans les reins que dans le foie. C’est l’inverse pour le Cu et le Zn, plus concentrés dans le foie que dans les reins des ours polaires de Norvège (Tableau 65 ; Norheim et al., 1992). 3.3.5.4.4 Procyonidés et félidés
Parmi les carnivores, Mason et Wren (2001) signalent l’intérêt de l’étude des contaminants métalliques chez les procyonidés (ratons laveurs) et les félidés (lynx et chats).
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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TABLEAU 65
Concentrations en contaminants chez des mammifères carnivores sauvages ursidés.
Ordre – espèce
Localités – Habitat
Ordre des fissipèdes Famille des ursidés
Ours polaire Ursus maritimus
OCs
Canada Σ DDTs (baie d’Hudson)
1992–1995 Carnivores sommet de chaîne alimentaire marine arctique se nourrissant de phoques (Phoca hispida) pendant la période d’hyperphagie, puis jeûnant à terre en été pendant 3 à 4 mois. Leurs réserves graisseuses passent alors de 50 % à 10 % de leur poids.
(1) (2) (3) (4)
Contaminant Échantillons de tissus
Tissu adipeux Oursons de l’année (1) Oursons yearlings (2)
Pendant le jeûne (56 j) (charge du corps en mg)
Ours adultes ♂
(3)
Ì de 26 ± 25 à 12 ± 6 mg
Ours adultes ♀
(4)
Ì de 15 ± 9 à 8 ± 3 mg
(3)
Ì de 25 ± 32 à 10 ± 7 mg
(4)
Ì de 10 ± 4 à 8 ± 3 mg
(3)
Ì de 371 ± 323 à 124 ± 58 mg
(4)
charge reste constante #125 mg
(1) (3) (4)
62 à 71 mg 277 à 247 mg 150 à 152 mg
Σ HCHs Σ CHLOR (chlordanes)
Σ BPCs
Catégories d’ours (âge et sexe)
Σ CHLOR Σ BPCs Σ DDT
Prélèvements après anesthésie : - tissu adipeux par biopsie sous-cutanée à la base de la queue - lait après stimulation par ocytocine et palpation du tétin.
[ ] OCs
[ ] OCs
Concentrations Moyenne Étendue
Constants
Lait [♀ avec (1)]
(concentration en µg.kg–1 de poids de lipides)
× 2 pendant jeûne
2 607 ± 500 → 4 547 ± 1 737
× 2 pendant jeûne
1 960 ± 380 → 3575 ± 1 053
Constant
141 ± 32 → 143 ± 115
dans le corps Plasma sanguin
(1)
N
Références
47
Polischuk et al. (2002)
Augmente pendant le jeûne Stable
La diminution des concentrations et des charges du corps en composés Σ DDT du tissu adipeux pendant la période de jeûne indique que les ours polaires sont capables de métaboliser ces composés plus facilement que la plupart des OCs. Les ours apparaissent comme les seuls animaux capables de métaboliser le p,p’-DDE. Pendant le jeûne de la mère, les oursons reçoivent peu de lait avec de fortes charges d’OCs dont les effets œstrogéniques risquent de perturber la différenciation génitale. Ours polaire États-Unis Foie 1993–2000 Alaska 14 dioxine-like Foies prélevés par les chasseurs (Nord et Ouest) BPCs locaux sur les ours tués pour leur subsistance PCDD/DFs
TEQs (2,3,7,8TCDD)
ng.g–1 poids lipides 2 230 ng.g–1
26 pg.g–1
Senthilkumar (10) 5 ♂ et al. (2002) Adultes 1 ♂ Subadultes 8 à 66 pg.g–1 3 ♀ Adultes 1 ourson poids lipides
1 080 à 3 930
69-192 pg.g–1 poids lipides
120
Les TEQs sont proches de ceux qui ont des effets néfastes sur la santé. La majeure partie des TEQs est constituée de mono-ortho BPCs. Les concentrations en PCDDs/DFs et BPCs sont plus élevées chez les adultes que chez les jeunes (pas de différence significative entre ♀ et ♂). Ours polaire Ursus maritimus
mg.kg–1 ps
Arctique canadien Hg Arctique Ouest Autres régions
Poils
Arctique canadien Hg
Foie
Arctique norvégien
Hg
Foie
2,6
Cd
Foie Reins
< 1,5 8,1
Pb
Foie Reins
0,5 0,5
Cu
Foie Reins
42 8,3
4 à 89 3,8 à 14
Zn
Foie Reins
62 36
3 à 100 20 à 48
1,1 à 44,3 18,5 5 et le log Kow >2 ont un potentiel de bioaccumulation très significatif dans les chaînes alimentaires terrestres arctiques, ce qui se traduit chez les loups par une bioamplification de substances comme le béta-endosulfan, le bétaHCH, l’HCB et les PCBs 153 et 206 (voir tableau 64 dans 3.3.5.4.2.). Les potentiels de bioamplification peuvent être diminués par la dégradation de contaminants par photolyse et également par le métabolisme de certains composés. Les facteurs de bioamplification sont modulés par les facteurs physiques de l’environnement (température, saisons) et par les caractéristiques physiologiques des animaux (âge et sexe). Ce sont ces derniers qui sont les plus importants dans la détermination de l’amplitude des concentrations en POPs chez les caribous et les loups. En effet, alors que les augmentations de concentration dans les lichens sont de l’ordre de ×10 à ×100 au printemps à la suite de la fonte des neiges, il se produit seulement une légère élévation de concentration dans les tissus des nouveau-nés des caribous et des loups car le taux de croissance rapide des jeunes a un effet de dilution pendant ce stade sensible de la vie.
Bioaccumulation - évaluation du risque écologique ERE...
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Cet effet se poursuit pendant l’été et l’automne avec la croissance et l’augmentation du contenu en lipides des tissus. Ensuite, la résorption des graisses à la fin de l’hiver et au printemps se traduit par une augmentation de la concentration des POPs dans les tissus animaux. Par exemple, chez les mâles caribous, la concentration en BPC 153 augmente de 7 fois pendant ces deux saisons, avec une amplitude de 0,5 à 4 ng.g–1 de lipides. Chez les loups mâles, elle atteint 10 à 100 ng.g–1, lipides au cours des 2 premières années de leur vie et elle augmente avec l’âge (jusqu’à 200 ng.g–1, lipides environ) à 13 ans. Ces concentrations se traduisent par des FBMs de BPC 153 de 18,1 ; 63,9 et 157,9 pour les loups mâles âgés respectivement de 1,5 ; 2,25 et 13,1 ans. Les FBMs prédits par le modèle et ceux mesurés par Kelly & Gobas (2001) sont du même ordre de grandeur pour les loups de 1,5 et 2,25 ans. Les auteurs n’ont pas de données pour les loups au-delà de 4 ans donc les FBMs pour les loups de 13 ans résultent de l’application du modèle. Les femelles de caribous ont des concentrations beaucoup plus faibles (environ 50 %) que les mâles ; il en est de même pour les louves, à cause du transfert des contaminants aux fœtus et de l’élimination par le lait. Les études de Kelly & Gobas (2003) montrent nettement que la législation des substances toxiques basée sur les observations en milieu aquatique ne permet pas d’identifier correctement le potentiel de bioaccumulation des composés organiques chez les mammifères terrestres, et sans doute les Hommes et autres animaux respirant l’air. Ces auteurs proposent que les réglementations actuelles soient modifiées en tenant compte des différences fondamentales des mécanismes de bioaccumulation entre les organismes qui respirent de l’air (airbreathing) et ceux qui « ventilent » de l’eau (water-ventilating). Ce qui peut être fait en incluant Koa comme facteur de prédiction de l’accumulation en plus du Kow. Le modèle proposé (Figure 38) prend en considération les variations saisonnières de composition de la nourriture, du stade de vie, du poids du corps, du contenu en lipides au cours de la vie des animaux ; il illustre les effets de l’âge, du sexe et de la température sur la bioaccumulation des POPs et permet d’évaluer les FBMs en tenant compte du coefficient de partage air-octanol Koa entre 105 et 1011. Pour les composés dont Koa >1012, les dépôts de particules liées deviennent un facteur plus significatif affectant le transfert air-végétation et les FBAs qui en résultent. Bien qu’il soit établi dans un contexte favorable particulier – contamination aérienne dominante, nombre réduit d’espèces végétales (lichens et feuilles de saule), une seule espèce consommatrice primaire (caribous : 70 % adultes, 20 % veaux, 10 % yearlings) et une seule espèce prédatrice (loups) - ce modèle montre l’importance de la respiration aérienne et des caractéristiques physiologiques des mammifères. Les analyses de la dynamique des contaminants organiques dans la chaîne lichens - caribous - loups présentent un intérêt pour la santé humaine car les caribous constituent une source de nourriture majeure pour de nombreuses communautés arctiques. De plus, cette chaîne alimentaire arctique est comparable à la chaîne pâtures - vaches - hommes des régions tempérées. Ce modèle conceptuel à deux compartiments de l'absorption, de la bioaccumulation et de l'élimination de composés organiques chez les animaux à respiration aérienne ou aquatique a été développé par une approche de la fugacité qui a conduit à formuler plusieurs modèles mécanistes de l'absorption par la nourriture, de la bioaccumulation et de la biomagnification de ces substances. Dans leur revue des niveaux de connaissances des mécanismes impliqués, Kelly et al. (2004) font état des limites de ces modèles chez les animaux. Bien que l'estimation du risque écologique basée sur ces modèles ne soit pas parfaite et prête à discussion (Fordham et al., 1999 ; Wickstrom & Cameron, 2003), il faut reconnaître l'intérêt des prédictions qu'ils
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permettent car ils constituent des outils pratiques pour donner une image des changements à long terme des POPs dans l'environnement et dans les chaînes alimentaires, et tout particulièrement dans celles qui aboutissent à l'Homme. Sur la base des travaux de Kelly & Gobas (2003) et afin de compléter les approches qui y ont été développées, Powell et al. (2009) ont très récemment proposé d’introduire un nouveau modèle pour quantifier les phénomènes de bioaccumulation en utilisant les temps caractéristiques (« characteristic times »). Ce modèle vise à interpréter les flux absolus et relatifs de contaminants dans les organismes terrestres et aquatiques en explicitant leur représentation temporelle. Ainsi, des processus rapides (avec des flux élevés) ont des temps caractéristiques courts et inversement, si le flux est nul, le temps caractéristique est infini. Les auteurs soulignent que, bien que les formulations utilisant la concentration, la fugacité ou les temps caractéristiques pour décrire la bioaccumulation sont mathématiquement équivalentes et interchangeables, l’utilisation des temps caractéristiques apporte une vision additionelle plus explicite des interactions entre les processus variés modulant la bioaccumulation en fonction de variables chimiques (coefficients de partage…), environnementales (concentrations d’exposition…) et physiologiques (masse, croissance, contenu lipidique…) (http://www.trentu.ca/academic/aminss/envmodel/models/TAOv100.html). 4.2.1.1.5 Adaptation de modèles à l'analyse de chaînes alimentaires (de l'agriculture et du milieu marin) aboutissant à l'Homme
Pour les êtres humains, les études de la chaîne alimentaire dérivée des productions agricoles démontrent l'intérêt de l'analyse de l'accumulation des organochlorés (PCBs, dibenzo-pdioxines et dibenzofuranes = PCDD/Fs) en Europe et en Amérique du Nord, car les produits laitiers et la viande de bœuf représentent une source d'exposition moyenne à ces substances d'environ 50 % de l'absorption par personne. Plusieurs modèles ont été élaborés successivement pour étudier la bioaccumulation des OCs dans la chaîne air-sol / nourriture des bovins / lait, viande de bœuf / Homme. En Allemagne, dans le Nord-Est de la Bavière (autour de Bayreuth), McLachlan (1997) a présenté un modèle simple qui permet de prédire les concentrations en PCDD/Fs dans le lait et la viande de bovins, en prenant en compte la nature des congénères polychlorés, les conditions d'environnement, le mode de nutrition des animaux et l'absorption de sol (variable selon le mode de récolte du fourrage, manuel ou à l'aide de machines). Les valeurs prédites correspondaient bien aux concentrations mesurées au cours des opérations de biosurveillance dans cette région. L'application du concept de fugacité pour examiner la bioaccumulation dans cette chaîne alimentaire terrestre révèle à McLachlan (1996) que les contaminants hydrophobes sont effectivement bioconcentrés dans les plantes et qu'il se produit une bioamplification modérée chez les vaches (à cause d'une « biodilution » importante due à la croissance rapide des bovins sur une période de vie courte : 1,5 an), tandis qu'une bioamplification importante se produit dans le dernier maillon entre le lait de vache et le lait humain car les êtres humains ont une capacité limitée d'excrétion des contaminants hydrophobes persistants. Par la suite, Moser & McLachlan (2002) se sont préoccupés de modéliser l'absorption et la désorption des polluants organiques lipophiles persistants dans le tractus gastro-intestinal humain car ce sont les composés chimiques absorbés atteignant les tissus cibles sensibles qui induisent les effets nocifs. Les paramètres du modèle mathématique défini par Moser & McLachlan (2002) pour le transport des substances chimiques à travers la paroi du tube digestif de l'Homme ont été élaborés et testés à partir de ~800 mesures
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d'absorption/excrétion de dibenzo-p-dioxines, dibenzofuranes et PCBs faites chez 14 volontaires humains. L'application du modèle a montré une bonne corrélation entre les concentrations en octochlorodibenzo-p-dioxine dans le sang de personnes d'âges différents (augmentation supérieure à un facteur 2 entre 10 et 70 ans) et les valeurs prédites par le modèle. Ces modèles, développés en Allemagne, ont été complétés en Suède à partir des mesures issues de la biosurveillance des polluants organiques lipophiles persistants (POLPs), en associant à l'étude des chaînes alimentaires agricoles celle des chaînes alimentaires marines qui aboutissent à l'Homme (modèle ACC-HUMAN). Ce modèle mécaniste, basé sur la fugacité, fait nettement apparaître la bioamplification de PCBs stables comme le PCB 153 dans les chaînes alimentaires (marines et agricoles) qui aboutissent à l'Homme (lait maternel), dans un pays (la Suède) qui a régulièrement effectué des mesures entre 1960 et 2000 (Czub & McLachlan, 2004a). Les caractéristiques de ce modèle, illustrées par la figure 40, mettent bien en évidence l'importance du transfert des contaminants du sol à l'atmosphère et celle de l'augmentation de température des produits marins lors de leur consommation par l'Homme (Czub & McLachlan, 2004a, b). Des efforts doivent encore être réalisés pour que ces modèles puissent être appliqués à une plus grande variété de contaminants. Quoi qu'il en soit, leur mise en œuvre et leur validation nécessite des mesures régulières et fiables des contaminants dans les principaux compartiments de l'environnement (abiotiques et biotiques) afin de disposer de données de base caractéristiques de la nature des écosystèmes et de la physiologie des espèces considérées. Le recueil de ces données ne devrait pas être limité par les frontières des pays.
4.2.1.2 Comparaisons de transferts dans les milieux aquatiques et terrestres Une famille de modèles a été développée pour calculer l’accumulation des contaminants dans les écosystèmes (CATs : contaminants in aquatic and terrestrial ecosystems). Pourtant, Van Wensem (1997) reconnaît que la validation des modèles est souvent limitée dans la prédiction du risque écologique. En effet, les comparaisons de transfert dans les milieux aquatiques et terrestres sont difficiles car les échanges entre les animaux et leur environnement diffèrent profondément. En 4.1, nous avons noté qu’en moyenne les chaînes alimentaires terrestres étaient plus courtes que celles des milieux aquatiques et que cela pourrait expliquer les différences de bioaccumulation ou de bioamplification observées dans les deux types de milieux. Cependant, cette règle ne s’applique pas à tous les contaminants et à toutes les chaînes. Par exemple, pour les PCBs, Braune & Norstrom (1989) trouvent des FBM (C) de 93 chez les goélands du lac Ontario, tandis que les FBMs sont généralement de 3 à 5 chez les poissons. Cette tendance à l'augmentation des FBMs chez les oiseaux et les mammifères proviendrait d'une part des besoins énergétiques plus élevés (× 27) des oiseaux prédateurs de poissons, et d'autre part d'une efficacité moindre d'élimination par diffusion des contaminants dans les organismes respirant l'air que chez ceux qui respirent de l'eau. Autre exemple, au Groenland, le programme Arctic Monitoring and Assessment Programme (AMAP, 1993) a fourni l'opportunité à Dietz et al. (2000) de comparer les concentrations et l'accumulation de divers contaminants (ETMs, POPs ou radioactivité) dans les différents niveaux trophiques des écosystèmes marins, d'eau douce et terrestres d'une même région pendant la même période. Dans une série de figures (une par contaminant), Dietz et al.
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(2000) résument les concentrations moyennes déterminées dans les compartiments des écosystèmes : échantillons de sols, sédiments, humus, lichens ; parties molles des moules et foie pour les espèces de vertébrés, à l'exception des POPs chez les phoques et les Hommes qui ont été analysés dans le tissu adipeux. Des 9 composés analysés, 7 (Cd, Hg, Se, BPCs, DDTs, HCHs et HCB) augmentent en concentration en allant vers les niveaux trophiques les plus élevés. Pour ces contaminants les concentrations dans le sol et les sédiments aquatiques sont du même ordre de grandeur tandis que les concentrations dans les animaux marins sont plus élevées que celles trouvées dans les écosystèmes terrestres ou d'eau douce, probablement à cause de la présence de chaînes alimentaires plus longues (concentration en Cd dans le foie, 50 fois plus faible chez les rennes que chez les phoques qui sont des consommateurs de 4e ou 5e niveau trophique). L'inverse est observé pour le Pb et le 137Cs, avec des concentrations maximales en milieu terrestre. Les rennes ont des concentrations en Pb et 137Cs identiques ou inférieures à celles des lichens. Les populations humaines d'Inuits contiennent dans leur tissu adipeux les plus hauts niveaux de PCBs (15,8 µg.g–1 pf), de DDTs (4,45 µg.g–1 pf) et de HCB, mais beaucoup moins de Hg que les consommateurs marins de sommet de chaîne en Arctique. Les concentrations en Hg du sang des hommes dépendent de la proportion des mammifères marins dans leur nourriture. Les études réalisées dans la population inuite du Groenland confirment que l'alimentation locale constitue la plus importante source de POPs et de Hg en Arctique et dans le monde (Mulvad et al., 1996).
4.2.2 Études expérimentales Étant donné la complexité des chaînes trophiques, pour disposer d’informations crédibles, précises et vérifiables par répétition, il est nécessaire d’avoir recours à des analyses faites dans des conditions expérimentales dont l’on connaît les paramètres essentiels et que l'on puisse mesurer les taux d'assimilation et les taux d'élimination. Moriarty (1985) a rapporté quelques-unes des premières études expérimentales faites pour mesurer la rétention des polluants par des espèces terrestres nourries avec d'autres animaux préalablement exposés à des contaminants. Des bécasses américaines (Philohela minor) nourries pendant 60 jours, par Stickel et al. (1965), avec des vers de terre (Lumbricus terrestris) exposés à l'heptachlore ont une concentration en résidus 3 fois plus importante que celle des vers de terre. Les bécasses consomment, par jour, en moyenne un poids de nourriture équivalent à environ 80 % de leur poids et après 60 jours elles retiennent environ 7,9 % des résidus d'heptachlore ingéré. Des expériences comparables ont été réalisées par Jefferies & Davis (1968) en nourrissant des grives (Turdus ericetorum) pendant 42 jours avec un mélange de vers de terre (L. terrestris) contaminés ou non par de la dieldrine à diverses concentrations. Les FBCs sont inférieurs à 1 ; ils augmentent de 0,13 à 0,71 pour les concentrations de dieldrine de la nourriture allant de 0,15 à 5,69 ppm de poids frais de vers ; pour la concentration en dieldrine des vers la plus élevée (12,38 ppm), le FBC diminue (0,34). Les grives consomment environ 40 % de leur poids en vers de terre et retiennent de 0,8 à 4,4 % de la dieldrine ingérée pour les concentrations des vers comprises entre 0,15 et 5,69 ppm. Chez la bécasse américaine (Philohela minor), des expériences d’alimentation avec des vers de terre élevés dans une boue municipale pluricontaminée, contenant des concentrations élevées en Cd, Cr, Cu, Zn et Ni, révèlent que le Cd est accumulé à une concentration 2 fois
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plus forte chez les bécasses nourries avec les vers contaminés que chez les oiseaux témoins (Woodyard & Haufler, 1991). En revanche, les bécasses contaminées n’accumulent pas significativement les quatre autres métaux (Cr, Cu, Zn et Ni) par rapport aux témoins. Dans une autre chaîne alimentaire courte partant du niveau des producteurs (végétaux) cultivés sur les mêmes boues contaminées, le petit mammifère Peromyscus leucopus, nourri de granulés fabriqués avec du raygrass qui a poussé sur les boues, ne présente pas d’accumulation significative des cinq métaux par rapport aux témoins (Woodyard & Haufler, 1991). L'élevage expérimental de mulots (Apodemus sylvaticus) avec de la nourriture contaminée par du CdCl2 a permis à Walker et al. (2002) de suivre pendant 1 an la dynamique des concentrations en Cd des tissus et du tube digestif de ces petits mammifères. Ces expériences ont démontré qu'une partie importante du Cd (50 à 100 %) est localisée dans le tube digestif et son contenu, ce qui a permis à Toal et al. (2002) de réduire la sous-estimation de la dose effectivement absorbée par des prédateurs, comme la chouette effraie ou le faucon crécerelle (voir 4.2.1.1.3.). Chez les invertébrés, on peut rappeler deux exemples de chaînes alimentaires expérimentales correspondant à deux cas de figure opposés : l'un illustrant un cas de bioamplification (mouches élevées sur chair de poisson contaminée, Nuorteva & Nuorteva, 1982), l'autre montrant un cas de déconcentration (carabes nourris avec des escargots contaminés par du Cd, Scheifler et al., 2002a). Les analyses expérimentales, susceptibles de fournir des mesures de transfert précises de la bioaccumulation vers la bioamplification, sont relativement rares en milieu terrestre par rapport au milieu aquatique car les transferts d'énergie sont plus rapides et importants dans les chaînes aquatiques que dans les chaînes terrestres. Cela est surtout vrai pour les premiers niveaux : production primaire planctonique de masse importante en grande partie consommée et assimilée par les herbivores car, pour les consommateurs de sommet de chaîne, les phénomènes de bioamplification conduisant aux plus hauts niveaux de contamination sont trouvés dans les espèces terrestres qui se nourrissent de proies aquatiques ou de prédateurs de proies aquatiques (Figure 37), par exemple pour le Hg chez les oiseaux et les mammifères piscivores (Wolfe et al., 1998). Chez ces animaux, ce sont surtout des organes comme le foie, les reins ou le cerveau qui contiennent les plus fortes concentrations en mercure ; chez les oiseaux, les plumes sont également le siège d’accumulation de métaux (Burger, 1993 ; Hahn et al., 1993). Mais on peut aussi observer l’inverse, par exemple pour les PCBs pour lesquels les mammifères prédateurs aquatiques présentent de plus fortes concentrations que les prédateurs terrestres comme la martre (Martes martes) (Larsson et al., 1990 ; Bremle et al., 1997). Les tentatives de modélisation réalisées pour évaluer les FBAs à partir de l’analyse, d’une part des régimes alimentaires des espèces, et d’autre part des concentrations en contaminants du sol, des organismes prélevés dans des zones plus ou moins contaminées sont louables et méritent d’être poursuivies. Cependant, il reste encore des incertitudes qui devraient être réduites par une connaissance plus approfondie des mécanismes physiologiques et biochimiques intervenant lors des transferts d’énergie et de contaminants. Pour cela, des études expérimentales doivent être réalisées dans des conditions d'environnement proches de celles de la nature en utilisant entre autres les isotopes stables (13C et 15N), comme cela est couramment appliqué en milieu aquatique.
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4.3 Relations entre bioaccumulation-bioamplification et effets nocifs (au niveau des espèces) La qualité environnementale des sols est souvent évaluée à l’aide de critères physicochimiques et d’un nombre restreint de tests écotoxicologiques portant principalement sur les végétaux et quelques espèces d’invertébrés, comme les vers de terre et les collemboles (Keddy et al., 1994). L’extrapolation des résultats des tests portant sur une seule espèce est donc hasardeuse, d’autant que ces tests concernent des espèces de niveaux trophiques de base et ne peuvent porter, pour des raisons de conservation des espèces, sur la plupart des vertébrés prédateurs (reptiles, oiseaux et mammifères). Pour remédier à ces difficultés, des expériences de toxicologie ont été réalisées sur des vertébrés domestiques pour déterminer les FBAs de produits chimiques et surtout les doses qui entraînent des conséquences néfastes. Le travail est fait beaucoup plus rarement sur des prédateurs (naturels ou expérimentaux). La plupart des revues concernant la bioaccumulation et la bioamplification dans les organismes ou les organes font état des signes de toxicité observés : DL50 ; CE20 ou 50 reproduction ou croissance, histo- ou cytopathologie…) (Wren, 1986a, b ; Eisler, 1985 à 2000 ; Mc Bee & Bickham, 1990 ; Talmage & Walton, 1991 ; Pastorok et al., 1996 ; Traas et al., 1996, 2001 ; Wolfe et al.,1998). L’établissement de corrélations entre la concentration des contaminants dans les organismes et les effets néfastes a été réalisé expérimentalement dans un certain nombre d'espèces pour différents contaminants considérés séparément ou en mélange (voir partie 2). En revanche, les relations entre les concentrations en polluants des animaux récoltés dans la nature et la qualité de l’environnement sont souvent établies de façon empirique et donnent des informations difficiles à généraliser, aussi bien pour la gestion des milieux que pour le maintien des espèces et des populations. Aussi, divers autres essais de modélisation de l’accumulation des métaux ou des produits organiques dans les sols et des maillons de chaînes alimentaires particulières ont été tentés pour évaluer les risques écologiques, ERE (ERA - Ecological Risk Assessment), qui peuvent en dériver. Nous en citerons quelques exemples pour montrer leur diversité d’approche et la difficulté de comparer leurs résultats.
4.3.1 Exemples dans différents pays Aux États-Unis, les concentrations en DDT (ou métabolites) mesurées ou estimées par modélisation chez les oiseaux ou les mammifères et leur nourriture, constituée de proies animales (vers de terre ou autres invertébrés) ou de baies, sur le site de la fonderie de Baird et Mc Guire (Massachussetts) montrent à Menzie et al. (1992) qu'il existe une grande variabilité des résultats obtenus pour évaluer le risque suivant les scénarios d'exposition retenus (par exemple : poucentages variables de chaque type de nourriture résumés par Rivière, 1998, p. 190). Dans les faits, les analyses pratiquées chez les oiseaux donnaient des valeurs mesurées médianes, correspondant aux valeurs estimées à partir d'une nourriture peu polluée. À partir d'un échantillonnage de quelques petits mammifères (rongeurs) de plusieurs espèces, les concentrations mesurées étaient un peu plus élevées que les valeurs calculées, mais ces analyses méritent d'être précisées. Aux Pays-Bas, Hendriks et al. (1995) ont mesuré les concentrations de polluants persistants (métaux et organochlorés) dans deux niveaux trophiques (vers de terre et musaraignes) de
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deux plaines inondables du delta du Rhin. Ces mesures ont été faites pour identifier les risques dus aux pollutions, d’une part en comparant les coefficients de bioamplification des contaminants chez les musaraignes avec ceux de rongeurs de laboratoire, et d’autre part en examinant les concentrations en polluants des musaraignes et en les comparant avec les réponses induites par ces concentrations chez des animaux de laboratoire. À l’exception du Cd, les résidus des contaminants dans les vers de terre et les musaraignes étaient inférieurs aux standards alimentaires considérés sans danger pour les oiseaux et les mammifères sauvages. Également aux Pays-Bas, d’autres modèles d’évaluation des risques à partir de la bioaccumulation dans les chaînes alimentaires ont été proposés pour calculer les concentrations maximales permissibles : CMPs (MPCs : maximum permissible concentrations = no observed effect concentration / bioconcentration factor = NOEC/BCF). D’après le « Health Council » de Hollande (1993) ces modèles présentent un certain nombre d’approximations qui doivent être reconsidérées. Pour calculer les CMPs (MPCs), Traas et al. (1996) et Jongbloed et al. (1996) partent des données de base de bioaccumulation dans différentes espèces servant de nourriture aux prédateurs de sommet de chaîne trophique et proposent un modèle probabiliste qu'ils appliquent à un vaste ensemble de FBAs de la littérature. Les auteurs reconnaissent qu'il subsiste des incertitudes non négligeables dans les méthodes d’extrapolation proposées. Parmi celles-là, les mesures d’efficacité d’absorption en fonction de l’espèce, de son état physiologique et de la nature des composés concernés constituent un problème capital qui fait l’objet de discussions dans les chaînes aquatiques (Penry, 1998 ; Landrum et al., 1999) et mérite donc d’être approfondi dans les chaînes trophiques terrestres. Ainsi, dans les travaux de Van Wezel et al. (2000), la variabilité des données (contenus lipidiques, FBCs, FBAs et FBMs) récoltées sur le devenir environnemental des PCBs a été prise en compte et incorporée dans un modèle en utilisant des techniques probabilistes (distributions de probabilité). Cette méthode a ainsi permis aux auteurs de transformer, à partir des FBCs, FBAs et FBMs, les données de toxicité pour des organismes aquatiques, des mammifères et des oiseaux vivant dans les plaines inondables des Pays-Bas en équivalents toxiques dans le carbone organique des sols ou des sédiments. Cela a alors permis de comparer facilement des données provenant de différentes études et de les intégrer au sein d’une unique limite de risque environnemental (LRE) (en anglais ERL pour Environmental risk limit). Ainsi, une LRE pour une mixture de non- et mono-ortho- PCBs (congénères 77, 105, 118, 126, 156, 157 et 169) a été exprimée sur la base du PCB 118 et établie à 5 µg.kg–1 carbone organique. En deçà de cette concentration, les écosystèmes néerlandais sont considérés comme protégés des effets des congénères planaires PCBs (Van Wezel et al., 2000). Aux cours de l’examen des méthodologies développées pour identifier et évaluer les risques écologiques (ERE = Évaluation du risque écologique = ecological risk assessment : ERA) dus aux produits chimiques, les Communautés européennes ont fait le point sur les méthodes et les procédés destinés à estimer les effets adverses des substances (Van Leeuwen et al., 1996). Dans l’analyse des effets adverses des contaminations de l’environnement terrestre, une mention particulière est faite à l’évaluation des empoisonnements secondaires (secondary poisoning), qui se rapporte aux effets toxiques dans les membres les plus élevés des chaînes alimentaires par ingestion d’organismes de différents niveaux trophiques. La stratégie d’analyse des empoisonnements secondaires proposée dans ce document prend en compte les facteurs de bioconcentration (BCF) et le rapport PEC/PNEC (predicted effect concentration/ predicted no effect concentration) qui est utilisé par la plupart des instances internationales pour exprimer
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le risque. Le modèle d’étude de la bioamplification dans les chaînes terrestres considérées (Romijn et al., 1994) est un algorithme comparable à celui des chaînes aquatiques, mais celui-là se révèle inadapté dans le cas de pluricontaminations métalliques de sols riches en matière organique et à pH neutre (Spurgeon & Hopkin, 1996a et voir 4.2.). Aux États-Unis, un autre mode d’évaluation des risques écologiques par extrapolation des informations obtenues à partir de concentrations estimées de contaminants et l’établissement de corrélations entre les concentrations dans les tissus et les concentrations d’exposition dans différentes zones pour obtenir les FBAs dans les organismes constituant la nourriture d’organismes récepteurs clés (oiseaux et mammifères) a été proposé par Banton et al. (1996) pour savoir si le dépôt de déchets très hétérogènes de l’US Army au Colorado (RMA : Rocky Mountain Arsenal) présente des risques après arrêt de ses activités et peut devenir un refuge national pour la vie sauvage. Pour ce faire, les auteurs procèdent à l’extrapolation des concentrations des contaminants dans les sols (ESC = estimated soil concentration) à partir d’échantillons connus (Technique du polygone de Thiessen), puis les concentrations estimées (ESC) sont utilisées pour caractériser les concentrations des tissus (TC = tissue concentrations) dans les types de nourriture (proies) selon la formule TC = BAF × ESC. Par un procédé non paramétrique de « bootstrap », ils déterminent ensuite l’intervalle de confiance à 95 % du BAF moyen de chaque récepteur concerné, par exemple pour prédire les distributions de concentration de la dieldrine chez les plantes, les vers de terre, les insectes, des oiseaux et des mammifères sur le site RMA et repérer les zones à risques. Aux États-Unis et au Canada, Lanno & McCarty (1997) et Lanno et al. (1998) proposent d’adapter les concepts et les pratiques employés dans les tests de toxicité aquatique aux tests de toxicité terrestre et de déterminer les charges critiques du corps en résidus (CCCRs) (CBR = critical body residues) pour évaluer la biodisponibilité toxicologique des contaminants. Lanno et al. (1998) étayent leur raisonnement à partir d'analyses faites chez les vers de terre contaminés expérimentalement par le PCP (pentachlorophénol) ou le Cd dans un sol artificiel ou un sol argileux de Brookston. Pour ces auteurs, la prise en compte de la cinétique des contaminants et des concentrations dans le corps des organismes exposés (CCCRs), en relation avec les « points finaux » de toxicité, peut fournir une estimation plus valable de la dose toxique que les concentrations du sol en contaminants. Ce concept a été appliqué à l’analyse de la biodisponibilité des métaux pour les vers de terre de 20 sols hollandais (Peijnenburg et al., 1999b) étudiés précédemment chez Eisenia (Peijnenburg et al.,1997) et Enchytraeus (Peijnenburg et al., 1999a). Effectivement, chez ces deux espèces, les concentrations internes en métaux varient moins que les concentrations externes correspondantes et l’absorption des métaux ainsi que leur élimination sont à la fois métal et espèce dépendantes. À l'examen des résultats obtenus, il nous semble tout de même logique et important de prendre en considération à la fois la concentration externe des polluants et la concentration interne pour établir la dynamique de l'absorption des substances dans les organismes en fonction de la nature de l'environnement (sol, végétation, température, pH, humidité…). Des progrès ont été fait en ce sens depuis une vingtaine d’années : en 1996, la Commission européenne (Van Leeuwen et al., 1996) soulignait qu’il n’existait aucune ligne directrice pour la bioaccumulation en milieu terrestre permettant de déterminer le potentiel de bioconcentration de substances dans un animal terrestre alors qu’en milieu aquatique il en existait une (n° 305) pour les poissons de plusieurs espèces (OCDE, 1996). La publication en 2010 d’une ligne directrice pour l'évaluation de la bioaccumulation chez les oligochètes terrestres (OECD, 2010b) traduit une évolution de la prise en compte de l’accumulation des
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substances chimiques dans les organismes mais il est encore nécessaire d’élaborer d’autres protocoles standardisés pour une large gamme d’animaux terrestres représentatifs d’autres milieux de vie et/ou niveaux trophiques et impliqués dans divers réseaux trophiques comme les isopodes (Godet et al., 2011, 2012), les escargots (Pauget et al., 2011, 2012, 2013), les nématodes (Burns et al., 2010) par exemple. Le développement de méthodes non létales devrait également permettre d’intégrer des vertébrés comme les oiseaux (Coeurdassier et al., 2012 ; Fristch et al., 2012 ; McKay & Maher, 2012 ; Bichet et al., 2013) dans ces approches multispécifiques des transferts de contaminants. En ce qui concerne la notion de CBR, cellelà doit être définie avec plus de précisions comme cela a été souligné par Landrum & Meador (2002) et indiqué dans le chapitre 2 consacré aux invertébrés. C’est ce qui est en cours, comme en témoigne une synthèse des principaux concepts et intérêts de l’étude des relations entre concentrations internes et toxicité (« tissue residue-effects approach » (TRA)) et des recommandations pour améliorer leur compréhension et promouvoir leur utilisation pour l’évaluation et la gestion des produits chimiques dans l’environnement rédigée en 2010 par un groupe internationaux d’experts (Meador et al., 2011). En l'état actuel des connaissances, concrètement et schématiquement on peut distinguer le cas des chaînes courtes avec des consommateurs ou des prédateurs dont la nourriture est peu variée et le cas des chaînes longues avec des niveaux intermédiaires complexes. Dans les chaînes courtes, les effets sur les organismes sont parfois directement imputables à l'accumulation des contaminants au cours du temps. C'est le cas chez le lagopède (Lagopus leucurus), où l'on constate que l'accumulation du Cd dans les saules (nourriture principale) est amplifiée dans le foie et les reins des oiseaux. L'accumulation augmente progressivement avec l'âge et entraîne la mort des femelles de plus de 3 ans (Larison et al., 2000). Dans les chaînes longues, la relation de cause à effet est plus difficile à établir, surtout lorsque les niveaux intermédiaires ont des modes d'alimentation variés et variables et que les contaminants sont divers, comme c'est le cas dans la plupart des écosystèmes. Lorsqu'il s'agit de chaînes longues exposées à des contaminants persistants (ETMs, DDTs...), la concentration de ceux-là est surtout mesurée dans les « sommets » de chaîne, où les effets sont en général les plus marqués. Les écosystèmes insulaires éloignés des activités humaines constituent a priori des zones favorables à des investigations sur des contaminations peu compliquées. Ainsi, pour rechercher les causes de la diminution des populations des pygargues (Haliaeetus leucocephalus), Anthony et al. (1999) ont entrepris d'étudier les populations des îles Aléoutiennes de la péninsule de l'Alaska (États-Unis), où il n'existe pas de sources locales de pollutions industrielle ou agricole (à l'exception d'activités militaires intensives sur certaines îles). Pour cela, ils ont comparé dans les différentes îles le succès de reproduction (poucentage de couples qui réussissent à élever un jeune) et la productivité (nombre de jeunes emplumés produit par le nombre de couples en reproduction). Parallèlement, ils ont déterminé les nourritures en identifiant les restes des proies collectés dans les nids et mesuré les contaminants dans les œufs non éclos et un jeune mort dans le nid. La productivité des trois îles, Adac, Tanaga et Amchitka, va de 0,88 à 1,24 jeune par site occupé, tandis que sur l'île Kiska elle est seulement de 0,67 par site occupé. Des concentrations élevées en PCBs, DDE, mirex, oxychlordane, trans-nonachlore, dieldrine, hexachlorobenzène et Hg ont été trouvées dans les œufs des quatre îles. Mais les concentrations en DDE et Hg sont particulièrement hautes dans les œufs de l'île Kiska et ont été associées à la faible productivité des couples en reproduction. Les auteurs ont été surpris de trouver de pareilles concentrations en contaminants
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de toutes sortes dans cet archipel et insistent sur la nécessité de contrôles internationaux des contaminants persistants dont « transport and effects […] know no political or continental bounds ». Les plus fortes contaminations en DDE et Hg des œufs de pygargues des îles Kiska et Amchitka seraient dues à la plus grande proportion d'oiseaux de mer piscivores (60 %) de leur nourriture (le reste étant des mammifères : 30 % et des poissons : 10 %), ce qui constitue un plus grand potentiel de bioamplification qu'une nourriture à dominante de poissons. Les pygargues des autres îles ont une nourriture comportant 56 % de poissons, 25 % d'oiseaux et 19 % de mammifères. Lorsque les polluants sont susceptibles d'être métabolisés ou sont présents sous de multiples formes (isomères PCBs, PCDD/Fs), leur concentration peut être augmentée de plusieurs ordres d'amplitude lorsque l'on passe des producteurs primaires aux prédateurs de sommet de chaîne. Le taux et les effets de la bioaccumulation et de la bioamplification éventuelle sont difficiles à estimer car les temps de « résidence » dans le milieu ou les organismes peut être long. En général, les polluants qui ont un potentiel de bioamplification ont été identifiés par la manifestation de leurs effets toxiques chez les prédateurs de sommet de chaîne. La corrélation entre les concentrations en polluants des organismes et leur position dans les chaînes trophiques est la plupart du temps très difficile à établir car peu d'organismes consomment exclusivement un seul type de nourriture. Aussi, les niveaux de contamination intermédiaires des chaînes alimentaires peuvent être seulement calculés en réalisant des analyses stomacales, ce qui est lent et parfois impossible à faire. Pourtant, l'interprétation des changements d'abondance relative des isotopes naturels stables permet d'étudier les interactions trophiques entre organismes. Ce sont particulièrement les compositions isotopiques de carbone et d'azote des organismes qui peuvent être des indicateurs de position trophique (Peterson & Fry, 1987). Les processus métaboliques des organismes tendent à accumuler les isotopes les plus lourds (13C et 15N) dans leurs tissus. L'excrétion moindre des isotopes lourds par rapport à celle des légers se traduit par un enrichissement graduel des isotopes lourds pendant la vie d'un organisme et à chaque échange de niveau trophique. Dans les études écologiques, la composition isotopique est exprimée en valeurs δ calculées par différences (en parties par mille) avec un standard. La valeur δ mesurée permet d'estimer la position trophique de l'organisme étudié dans une chaîne trophique donnée. Cela peut être utilisé pour étudier la bioamplification, en effectuant la différence entre les valeurs δ de deux organismes. Dans un grand nombre de cas, les différences moyennes entre les δ d'un consommateur et sa nourriture sont de l'ordre de 3 à 5 pour mille pour l'azote et de 0 à 1 pour mille pour le carbone. Ainsi, l'azote tend à être un indicateur plus sensible du niveau trophique (Peterson & Fry, 1987). Des approches théoriques ont été proposées pour tenir compte de l'importance de la métabolisation des contaminants et de la complexité des chaînes alimentaires. L'utilisation des isotopes stables dans les études trophiques et d'estimation de la bioamplification a principalement été pratiquée dans le milieu aquatique et devrait être plus répandue dans le milieu terrestre. Les cas de bioamplification des PCDD/Fs dans deux chaînes aquatiques, une pélagique et une littorale, dont la dernière se termine par un oiseau (phytoplancton - seston des sédiments - moules - eider juvénile : Somateria mollissima), illustrent l'intérêt de cette méthode (Rolff et al., 1993). Le calcul des δ15N montre que celui-là augmente avec le niveau trophique dans les deux chaînes étudiées ; par exemple, dans la chaîne littorale, les δ15N sont les suivants : phytoplancton 1 à 3 - seston 4,2 - moule 5,8 et eider 8,6. Les analyses montrent que les isomères OCDDs (à faible FETs) constituent 70 % des concentrations totales des
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isomères dans les organismes de base et moins de 10 % dans ceux de sommet de chaîne. La contribution des OCDDs à la somme des EQTs est dans tous les cas inférieure à 7 %. Les isomères qui sont bioamplifiés sont les plus toxiques : 2,3,7,8-TCDD, 2,3,4,7,8-PnCDF et 1,2,3,7,8-PnCDD, avec des FETs supérieurs ou égaux à 0,5 et 1. En base de chaîne, la somme de ceux-là est inférieure à 10 %, tandis que chez les prédateurs de sommet, leur contribution est supérieure à 70 % et ils représentent 93 % de la somme des EQTs. Ainsi, les OCDDs tendent à diminuer rapidement (de 2 ordres d'amplitude) dans les niveaux trophiques successifs, alors que les isomères hautement toxiques (2,3,7,8-TCDD, 2,3,4,7,8PnCDF et 1,2,3,7,8-PnCDD) subissent une bioamplification (1/2 ordre d'amplitude). Les effets chez les eiders n'ont pas été décrits par Rolff et al. (1993). L'avantage du recours au δ15N a été confirmé par Ramade (2003, p. 388-390) pour quantifier la position trophique réelle des organismes dominants de la réserve naturelle de Camargue afin de pouvoir modéliser le comportement des POPs (OCs et HAP) dans ce réseau trophique.
4.3.2 ERE, bioaccumulation et analyse quantitative d'incertitude L'évaluation des risques dus à la bioaccumulation des contaminants dans les chaînes alimentaires selon les principes des guides EPA (US EPA, 1992-1998b) comporte une analyse quantitative d'incertitude. Cette analyse utilise les simulations de Monte-Carlo (US EPA, 1997) pour estimer les probabilités de risque individuel pour un niveau d'exposition donné. Cela peut être utilisé pour déterminer les risques de différentes espèces d'un écosystème pour des « points finaux » sélectionnés, de même que pour choisir les options de remédiation les mieux adaptées à la réduction désirée du risque. Plusieurs modèles conceptuels ont été formulés pour rechercher comment les contaminants affectent les composantes d'un écosystème donné et la santé des espèces considérées. Ainsi, un modèle considérant uniquement l'exposition alimentaire a été utilisé par Meyn et al. (1997) pour estimer les expositions des oiseaux et des mammifères au TCDD provenant de l'épandage de boues de blanchiment de pâte à papier. Le transfert dans les œufs d'oiseaux et l'exposition des embryons a fait l’objet d’un modèle pharmacocinétique. Les risques pour les espèces de la faune sauvage ont été estimés par la méthode de calcul des quotients de risque (QRs) selon l'équation : Dose QR = ----------VTR où : Dose = dose journalière estimée, VTR = valeur de référence toxique (ng.kg–1.j–1), obtenue en divisant les NOAELs choisis par un facteur d'incertitude (UF : uncertainty factor). Le facteur d'incertitude de 10 a été retenu car c'est celui qui est utilisé pour tenir compte de la variabilité interspécifique dans les évaluations de risque pour la santé humaine (Dourson & Stara, 1983). Les analyses de Monte-Carlo fournissent une estimation des probabilités de niveaux de risques significatifs pour plusieurs espèces de mammifères et d'oiseaux. Ce sont les espèces qui consomment de grandes quantités de nourriture ayant bioconcentré ou bioaccumulé le TCDD qui ont le plus de risques. Par exemple, les musaraignes, qui mangent de grandes quantités d'insectes, de vers de terre et autres invertébrés, ont des QRs beaucoup plus élevés
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(de 300 à 600 selon les biotopes) que les ratons laveurs (0,8 à 2), qui se nourrissent de végétaux et de poissons mais qui ont des territoires d'alimentation beaucoup plus grands. Chez les oiseaux rapaces étudiés (Accipiter cooperii et Buteo jamaicensis), les QRs varient de 2 à 5 chez les adultes et de 6 à 20 chez les embryons des deux espèces, ce qui peut être expliqué par le long délai d'élimination du TCDD chez ces oiseaux et son accumulation chez les femelles. Pour estimer les risques dus à l'exposition au Hg et aux PCBs de vertébrés (vison : Mustela vison et martin-pêcheur : Ceryle alcyon), Moore et al. (1999a) ont mesuré les teneurs en contaminants des tissus des proies directement consommées par ces animaux. Ils ont utilisé l'équation du Wildlife Exposure Factors Handbook (US EPA, 1993) pour calculer l'absorption journalière du Hg (sous forme de méthyl mercure MeHg) et de PCBs chez les animaux sauvages de EFPC (East Fork Poplar Creek, Tennessee, États-Unis). Les simulations de Monte-Carlo réalisées sur les estimations de doses journalières de chaque type de contaminant par chacune des espèces et les distributions qui en résultent sont intégrées dans les courbes dose-réponse respectives des espèces pour estimer les risques. Les résultats de cette analyse probabiliste prédictive indiquent que le MeHg représente un risque modéré pour les femelles vison (probabilité de 24 % d'au moins 15 % de mortalité) et un risque sérieux pour les martins-pêcheurs (probabilité de 5 % d'au moins 12-28 % de diminution de la fécondité selon le site de EFPC). Les PCBs posent un très sérieux risque pour les visons (probabilité d'au moins 50 % de réduction de la fécondité) car cette espèce est très sensible aux OCs, mais peu de risques pour les martins-pêcheurs (car ceux ci consomment principalement des poissons et pas du tout de petits mammifères ni d'oiseaux). Étant donné les risques posés par ces contaminants provenant de déchets du Département de l'énergie (US DOE), une étude a été réalisée sur le même principe pour déterminer les options de remédiation des eaux de surface du site EFPC afin de réduire les risques d'exposition et estimer ensuite les risques post-remédiation (Moore et al., 1999b). Une étude probabiliste de l'évaluation du niveau de risque du Hg a également été entreprise pour trois espèces de vertébrés sauvages de sommet de chaînes aquatiques dans différents endroits des Everglades (Floride, États-Unis) par Duvall & Barron (2000). Des simulations de Monte-Carlo (US EPA, 1997) des concentrations en Hg ont été réalisées pour estimer les distributions de probabilité de risque pour des prédateurs piscivores (l'alligator américain : Alligator mississippiensis ; la grande aigrette : Egretta alba et le raton laveur : Procyon lotor varius) dans deux zones. Dans cette étude, la caractérisation du risque a été réalisée en calculant les quotients de risques (QRs) pour chaque espèce dans les deux zones considérées et en effectuant les simulations de Monte-Carlo pour estimer le pourcentage de risque qui excède un QR de 1. Les simulations montrent que les probabilités de risque sont les plus élevées dans les régions (centre et sud) où les proies sont fortement contaminées. Dans les zones les plus polluées, ce sont les alligators qui ont les plus grands facteurs de risque avec 100 % de QR supérieurs à 1 (Tableau 66) car ils mangent surtout de gros poissons fortement contaminés. Les alligators ont donc les risques les plus élevés parmi les trois espèces considérées, et ce même dans la zone la moins polluée. Les aigrettes, qui se nourrissent également de gros poissons, ont aussi des risques plus élevés que les ratons laveurs, qui sont des prédateurs omnivores (petits poissons, plantes diverses et proies terrestres). Les alligators, les aigrettes et les ratons laveurs de la zone la plus polluée ont des concentrations élevées en Hg (comprises entre 1 et 40 ppm) dans le foie (Roelke et al., 1991). Si les ratons laveurs encourent le moins de risques, ils constituent cependant une voie importante
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TABLEAU 66
Quotients de risques (QRs) et pourcentage de QRs dépassant le seuil de risques de 1 chez trois espèces de vertébrés exposés à une contamination chronique par le Hg dans deux zones des Everglades.
Everglades, Floride, États-Unis
Zone peu polluée (nord)
Zone fortement polluée (Centre et sud)
QRs*
% de QR > à 1
QRs
% de QR > à 1
0,2 à 3,3
34
1,2 à 35
100
Aigrette
0,1 à 1,9
10
1 à 1,3
90
Raton laveur
0,2 à 1,9
6
0,5 à 9,5
86
Alligator
* QRs : quotients de risques (hazard quotients : HQs = [Hg in diet] / [TRV]. TRV = toxicity reference values.
de passage du Hg entre les chaînes aquatiques et terrestres des Everglades car ils consomment principalement de petits poissons et ils sont des proies pour les panthères (couguar = puma) de Floride (Felis congolor coryi) (Roelke et al., 1991). En effet, les pumas qui consomment le plus de ratons laveurs et d'alligators ont des concentrations sanguines de Hg plus élevées et un succès reproducteur plus bas que les panthères qui se nourrissent surtout de daims. Les concentrations en Hg de certaines carcasses de puma de Floride peuvent dépasser les niveaux qui sont associés à la toxicité du Hg d’autres espèces de félins (Charbonneau et al., 1976). Dans cette évaluation probabiliste, il subsiste encore des incertitudes liées entre autres à la sélection des proies, à l'absence d'informations sur la toxicité de MeHg chez les alligators et les autres espèces sauvages. Plusieurs simulations de Monte-Carlo ont été effectuées pour estimer l'influence de ces facteurs, de même que celle des formes moins toxiques du Hg dans les proies, qui peuvent varier de 50 à 100 % selon qu'il s'agit d'invertébrés ou de poissons. En attendant des évaluations plus précises de ces facteurs, un examen des risques à l'aide de simulations a permis d'identifier les incertitudes que doivent résoudre les recherches futures pour entreprendre la restauration de la qualité de l'environnement des Everglades. La méthode des simulations aléatoires de Monte Carlo (qui peut s'appliquer à l'aide de logiciels comme @RISK, Palisade Corporation) représente toutefois une première approche et un outil utile pour l'évaluation des probabilités de risques liés aux contaminations.
4.4 Incidence des transferts de contaminants sur la structure des chaînes alimentaires et limite de l'application de l'écologie des chaînes trophiques aux recherches en écotoxicologie L'application limitée des études écotoxicologiques aux chaînes alimentaires est partiellement due à la difficulté et à l'incertitude de la construction des chaînes alimentaires. L'utilisation d'analyses d'isotopes stables (C et N) et des modèles écologiques de bioénergétique devrait permettre de mieux comprendre la réduction du nombre d'espèces ou de niveaux trophiques qui se produisent dans les sites contaminés et qui peuvent avoir des effets en cascade sur les
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niveaux trophiques inférieurs (perturbation des systèmes de contrôle « top-down ») ou supérieurs (« bottom-up ») qui opèrent généralement simultanément dans les milieux terrestres. La prédiction des effets des contaminants sur les chaînes alimentaires est compliquée car ceux-là peuvent avoir des effets directs ou indirects. Dans certains cas extrêmes, l'application de pesticides (rodenticides par exemple) peut entraîner l'empoisonnement direct rapide d'un grand nombre de prédateurs (oiseaux et mammifères) (Ordinaire, 1997, 1998, 2001), mais les effets indirects sur la biodiversité et l'évolution des relations interspécifiques des écosystèmes concernés, au cours du temps, n'ont pas été décrits et leur évaluation représente un travail considérable. Dans d'autres cas, l'élimination ou la réduction de proies amène les prédateurs à se nourrir d'espèces alternatives et l'application d'insecticides peut avoir peu de conséquences apparentes tout au moins chez les oiseaux insectivores (Adams et al., 1994 ; Howe et al., 1996). En général, les effets de réduction des proies sont plus grands chez les prédateurs spécialisés que chez les prédateurs généralistes. Les altérations des structures trophiques observées dans les systèmes contaminés dépendent des caractéristiques des chaînes et en particulier de leur longueur, mais cela a surtout été étudié dans les systèmes aquatiques qui font l'objet de chapitres spécifiques d’ouvrages d'écotoxicologie (Barron, 2003 par exemple). En ce qui concerne la faune du sol et spécialement la mésofaune et la microfaune, la difficulté réside dans l'identification des espèces. Dans certains cas, cette limitation peut être partiellement levée en répartissant les organismes par groupes fonctionnels d'alimentation (bactérivores, fungivores, herbivores, omnivores, prédateurs). Ainsi Parmelee et al. (1993, 1997) ont observé des différences considérables de sensibilité des groupes trophiques aux contaminants (Cu par exemple) et, en particulier, que la réduction des prédateurs entraîne l'abondance des herbivores, mais le cheminement des contaminants et leurs concentrations dans les groupes n'ont pas été précisés. Or, Van Straalen et al. (2001), dans l'analyse des contaminants métalliques des chaînes trophiques de sols contaminés, ont confirmé la règle, très générale, que les FBAs sont typiquement une caractéristique des espèces et non des groupes fonctionnels. Cela rend particulièrement difficile l'élaboration de corrélations entre la bioaccumulation, voire la bioamplification dans les espèces et les effets au niveau des chaînes trophiques des écosystèmes. Les corrélations les plus évidentes sont principalement établies avec quelque certitude dans les chaînes simples et courtes. Par exemple, dans le cas des rapaces prédateurs d'oiseaux granivores qui ont consommé des semences traitées par des dérivés du Hg ou contaminés par les polluants atmosphériques de grandes villes. La bioamplification peut aussi se produire à la base d'une chaîne alimentaire du type sol - végétation - oiseau comme celle décrite par Larison et al. (2000) chez le lagopède à queue blanche des Montagnes Rocheuses aux États-Unis. Dans cet exemple, la répercussion de la mort prématurée des femelles à cause de l'accumulation du Cd dans le foie et les reins sur les populations et les communautés de lagopèdes est complexe par la pression de chasse (contrôle « top-down » par l'Homme) qui interfère avec celle des polluants. L'utilisation des vertébrés terrestres (principalement oiseaux et mammifères) comme « indicateurs » de la qualité des sols et de l'environnement terrestre nécessite la prise en considération d'un ensemble de critères scientifiques, éthiques, écologiques et pratiques, qui doivent être discutés lors de l'élaboration de protocoles de mesures des effets (directs et indirects) des contaminants (Van den Brink, 2004) de même que la prise en compte de l'influence de la variation spatiale de la contamination, du mode d'usage des sols et donc de l'exposition des organisme (Van den Brink, 2007; Fritsch, 2010). Tannenbaum (2005)
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suggère, avec des exemples à l'appui, qu'il est nécessaire de revoir sérieusement les processus d'évaluation du risque écologique (ERA) car les concepts fondamentaux concernant les récepteurs écologiques et les types d'exposition sont souvent mal appliqués. Par exemple, les valeurs de référence toxique pour les animaux sauvages (renard) sont souvent dérivées d'études sur des lignées de rongeurs de laboratoire, avec une forme de produit chimique différente de celle de la nourriture de l'animal considéré. De plus, presque tous les tests de toxicologie sont du genre dose administrée et les données toxicologiques de base permettent rarement d'établir des relations entre charge du corps et effets [bien que dans un nombre limité de cas, on commence à relier les deux phénomènes dans certaines espèces aquatiques (USACE/USEPA, 2004)]. Pour Tannenbaum (2005), l'état de santé d'une espèce (surtout chez les mammifères) se manifeste souvent au niveau de ses performances de reproduction, dont le rôle est évident dans le maintient des populations. Pour cela, elle suggère que ce critère soit sélectionné en priorité dans les ERAs. Les remarques critiques de Tannenbaum sont certes pertinentes, mais elles ne remettent pas en cause l'intérêt de la mesure des contaminants et de leurs dérivés dans les tissus des spécimens collectés dans différents sites, à condition de ne pas négliger l'impact de produits « of interest » de courte durée de vie dans le corps, qui peuvent causer des effets toxiques « of concern » !
4.5 Discussion – conclusion L'exposition aux contaminants des organismes, dans les écosystèmes réels, loin d'être stable et constante, est souvent fluctuante ou intermittente, ce qui complique l'évaluation de la bioaccumulation, qui varie avec les facteurs de l'environnement mais aussi avec des paramètres individuels (âge, taille, sexe...). Ainsi il semble que l'accumulation de certains contaminants augmente avec l'âge des animaux qui vivent longtemps et que les gros prédateurs ont plus rarement des FBCs supérieurs à 1 que les petits prédateurs (Moriarty, 1985 ; Clements & Newman, 2002). Ces généralités doivent être confirmées sur la base d'expérimentations conçues dans des systèmes comportant une biodiversité minimum permettant de caractériser et mesurer les interactions entre les espèces et avec le milieu. En effet, comme pour les autres disciplines scientifiques, le recours aux méthodes expérimentales est nécessaire pour disposer de réplicats permettant d'utiliser les méthodes statistiques. Il est également indispensable de combiner l'approche expérimentale avec les données obtenues dans la nature afin de pouvoir aborder les aspects prédictifs. L'extrapolation des résultats de tests de toxicité réalisés en laboratoire sur des espèces isolées aux espèces rencontrées dans les écosystèmes pour déterminer les CMPs dans le sol ou l'eau (HC5 = hazardous concentration for 5% of the species) retenus par les réglementations (Van Leeuwen, 1990), afin de protéger la structure et la fonction des écosystèmes, est jugée imparfaite (Forbes & Forbes, 1993 ; Forbes et al., 2001 ; Forbes & Calow, 2002a, b). Ces auteurs appellent à la prudence dans les interprétations du nombre d'espèces impliquées dans la succession des niveaux trophiques et leur incidence sur les coefficients de risque d'une part, et sur l'intérêt de la détermination des distributions de sensibilité des espèces (SSDs : species sensitivity distributions) dans les communautés. Bien que les exemples concernant les SSDs soient pris surtout dans le milieu aquatique, cette approche (recommandée pour l'évaluation du risque des pesticides dans ECOFRAM, 1999) est présentée comme un moyen de réduire
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l'incertitude des processus d'évaluation du risque lorsque les espèces cibles sont sélectionnées, de façon à refléter la variabilité et la diversité des espèces d'un type d'écosystème ou d'une communauté sur un site spécifique. Le problème de l'évaluation des risques écologiques (ERE) est l'objet de nombreuses discussions sur l'échelle spatiale et temporelle appropriée. Pour certains auteurs, le risque au niveau des individus est à prendre en considération (Beyer & Audet, 2002), tandis que pour d'autres (McLaughin & Landis, 2000 ; Landis, 2002a, b), c'est à l'échelle de la population que l'on peut évaluer et prévoir l'effet des contaminants sur la dynamique et la distribution d'une espèce. Cette diversité de points de vue montre les différentes facettes de l'ERE, dont une approche intégrée avec l'évaluation du risque pour la santé humaine (HHRA : human health risk assessment) doit faciliter le choix des types de remédiation des milieux et la collaboration des différents spécialistes en écotoxicologie et en santé humaine (Sorell, 2002). L'inclusion des facteurs écologiques dans les modèles de transport des contaminants constitue une amélioration dans la compréhension de la distribution des polluants dans les systèmes écologiques (Fritsch, 2010; Fritsch et al., 2010, 2012). Il faut également envisager, non seulement d'établir des relations entre la concentration dans les tissus des espèces et les effets sur la biologie de celles-là, mais aussi évaluer leurs conséquences sur la structure des chaînes trophiques (comportant d'une part les relations alimentaires, mais aussi d'autres transferts, par contact par exemple, dont des exemples ont été évoqués dans la partie 2). À ce sujet, il faut signaler l'intérêt du modèle 8 de Hope (1995) pour la faune terrestre, qui permet de calculer les surfaces corporelles des zones de contact avec le sol et la fraction absorbée par la peau, ainsi que des modèles (9 et 10) du même auteur concernant l'inhalation de vapeurs ou de matières en suspension. Pour l'étude des transferts réels, l'utilisation des radioisotopes stables ou marqués devrait être plus fréquente pour déterminer les préférences alimentaires et caractériser les relations trophiques entre niveaux, de même que pour connaître sous quelle forme sont transmis les contaminants ou leurs dérivés. Comme le remarquent Clements & Newman (2002) en conclusion de leur livre : « the most important research limitation in food web ecotoxicology has been the inability to relate concentrations of contaminants measured in different trophic levels with biologically important effects ». D'après ces auteurs, l'approche bioénergétique (surtout développée en milieu aquatique) peut fournir la trame conceptuelle pour quantifier les réponses biologiques associées à l'absorption des contaminants. La bioaccumulation et la bioamplification des contaminants dans les chaînes trophiques dépendent de nombreux facteurs (écologiques, chimiques, biologiques), qui conditionnent aussi les transferts d'énergie pris en compte dans les tentatives de calcul de FTMs (facteurs trophiques de bioamplification = food web magnification factors = FWMFs), correspondant par exemple à l'augmentation moyenne de la concentration en OCs (par rapport au poids de lipides et non par rapport au poids frais) dans les chaînes alimentaires longues et complexes (mais simplifiées…) de l'Arctique (Borga et al., 2004). La comparaison des résultats ne révèle pas de différence dans les FTMs de chaînes trophiques d'écosystèmes très différents, probablement à cause des simplifications effectuées dans la sélection des processus d'une part, et d'autre part des équations des modèles utilisés qui doivent être amendées à l'aide d'un plus grand nombre de données.
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Pour Clements & Newman (2002), les écotoxicologistes doivent procéder à une meilleure appréciation de l'importance des interactions entre espèces et des effets indirects des contaminants au niveau des communautés (intermédiaires entre les populations et les écosystèmes) car « the endpoints evaluated in community-level assessments are generally sensitive, ecologically significant, and socially relevant, communities are an appropriate focus for ecotoxicological investigations ».
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Discussion – conclusion
5.1 Intérêt de l’étude de la faune terrestre La faune terrestre représentée par des milliers d’espèces est très diverse, aussi bien en types d’organisations anatomiques qu’en adaptations écophysiologiques. Dans l’objectif de notre réflexion concernant son utilisation pour une meilleure connaissance de la biodisponibilité des contaminants du milieu terrestre, le panorama des travaux que nous avons recensés montre que les centres d’intérêt varient suivant les groupes taxonomiques, les contaminants, la spécialité des chercheurs et les besoins des organismes chargés de la surveillance de l'environnement. Du point de vue de l’écotoxicologie et de la biosurveillance, il existe à notre avis, d’une part un besoin d'harmonisation des méthodes d’investigation (pour comparer valablement les résultats et formuler des recommandations), et d’autre part une nécessité « d’équilibrage » des recherches concernant les contaminants organiques, qui sont moins étudiés que les métaux (sauf chez les vers de terre). Les problèmes de surveillance des écosystèmes terrestres doivent également être abordés avec un état d’esprit original qui ne soit pas une simple extrapolation de ce qui a été démontré en milieu aquatique. L’étude de la contamination des sols ne peut pas être réduite à celle de leur eau interstitielle, comme cela est encore souvent le cas dans certains modèles ; il faut considérer le milieu terrestre dans la complexité de ses différents compartiments (atmosphère, sol, flore, faune…) en interactions continues. « En France, tout particulièrement, il s'impose de
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développer effectivement un système de surveillance écotoxicologique permanente qui intégrerait les écosystèmes terrestres tant il est vrai que la très grande majorité des recherches jusqu'à présent effectuées, en dépit de lacunes notoires, concernent les écosystèmes aquatiques continentaux » (Ramade, remarque personnelle). S’il n’est pas possible matériellement d’étudier tous les représentants des biocénoses terrestres, nous suggérons que dans un premier temps : – on focalise les applications sur des espèces qui répondent aux critères de bons bioindicateurs d’effets (tests de toxicité) et d’accumulation en « ciblant » soit des organismes entiers (s’ils sont de petite taille), soit des organes d’espèces écologiquement représentatives (et en particulier des invertébrés qui jouent un rôle important dans la genèse et la vie des sols) ; – en fonction des connaissances actuelles sur les peuplements animaux terrestres, leur répartition géographique, leur facilité d’identification et d’élevage, leur place dans les réseaux trophiques, nous proposons de considérer en priorité les éléments courants d’un écosystème simplifié (Figure 41). Celui-là comporte une matrice de sol (voir les principaux types de sol répertoriés internationalement et les conseils pour le choix des sols les plus répandus : Fairbrothers et al., 1999 ; Römbke & Amorim, 2004), des végétaux sauvages (orties…) ou cultivés (salade, colza, maïs…), des litières en décomposition et des animaux communs représentatifs des strates du sol ou de sa surface (atmosphère) et des principaux niveaux trophiques. Dans l'ensemble représenté par la figure 41, la bioconcentration et la bioaccumulation peuvent être évaluées dans des espèces végétales et des espèces animales (exemple : n° 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 13). La bioamplification a été mise en évidence chez des oiseaux (11 et 12), chez des mollusques (4 et 5) et des mammifères (13 et 14). - Parmi les animaux, les vers de terre constituent un maillon important à considérer (mais le choix des espèces et leur détermination doivent dépendre de leur intérêt écologique). Les cloportes et les escargots méritent une attention et une utilisation plus régulière comme espèces sentinelles (en particulier pour les contaminants organiques qui devraient les préserver). Le monde des insectes ne peut pas être ignoré, mais étant donné sa grande diversité il semble opportun de choisir des espèces faciles à reconnaître, les unes sédentaires (par exemple des larves d'insectes pestes comme les chenilles défoliatrices) pour des renseignements locaux, d'autres espèces permettant d’explorer des territoires plus vastes (abeilles). Les prédateurs invertébrés devraient être plus systématiquement examinés car ils assurent une régulation des populations des espèces « proies » et comme les cas de bioamplification semblent rares chez ces carnivores (exemple : carabides), qui sont plutôt « déconcentrateurs », leur adaptation particulière est probablement à l’origine de la régulation de la bioaccumulation dans les chaînes alimentaires terrestres, où la biomagnification est plus rare qu’en milieu aquatique. - Pour les niveaux trophiques ultimes (reptiles, oiseaux, mammifères), on est limité par le « statut » de certaines espèces sauvages dont les populations sont protégées du fait de leur raréfaction. Cependant, il existe des espèces comme les rats, les campagnols, les étourneaux, les corneilles, qui pourraient être utilisées, ainsi que les espèces gibiers très peu étudiées en France. De plus, dans les chaînes expérimentales on peut envisager l’étude du transfert des polluants dans des espèces de différents niveaux trophiques qui font l’objet d’élevages ; chez les oiseaux : perdrix, cailles, faisans, oiseaux de proie blessés ou élevés pour la fauconnerie
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Figure 41
Schéma d'un écosystème terrestre simplifié avec des représentants du règne végétal. (a : tiges et feuilles ; b : mycorhizes = symbioses champignons-racines des plantes ; c : litière de feuilles) et du règne animal (1. nématodes ; 2. enchytraeides ; 3. oligochètes: vers de terre ; 4 et 5. gastéropodes pulmonés : escargots et limaces ; 6. crustacés isopodes : Oniscus ; 7. insectes collemboles : Orchesella ; 8. Insectes : fourmi ; 9. Myriapodes : Glomeris ; 10. acariens ; 11. Oiseaux : grive ; 12. Oiseaux : buse ; 13. Mammifères : rat ; 14. Mammifères : taupe). Remarque : les croquis figuratifs ne sont pas à la même échelle : 1 appartient à la microfaune (< à 0,02 mm) ; 2, 7 et 10 appartiennent à la mésofaune (0,02 à 4 mm) ; 3, 4, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 13 et 14 à la macrofaune.
avec analyse de leurs plumes comme organes d’accumulation pour éviter le sacrifice et de leurs fientes ; chez les mammifères : rats, lérots, lapins et lièvres, visons, renards, chevreuils, cerfs, en privilégiant les prélèvements non traumatisants.
5.2 La bioaccumulation : point final (« end point »), biomarqueur et paramètre de l'évaluation du risque écologique Face au peu de données précises concernant les transferts de contaminants se traduisant par une bioamplification effective, il est opportun d’envisager la réalisation expérimentale de modèles de chaînes alimentaires simplifiées à partir de bioaccumulateurs de niveau 1 ou 2 et représentatifs de la biodiversité (voir modèles de Naeem et al., 1994 en Ecotron). On peut ainsi évaluer d’abord la bioaccumulation de contaminants à partir du sol chez des végétaux et suivre le devenir de cette « accumulation » primaire dans les maillons suivants, représentés par des consommateurs et des prédateurs spécifiques des espèces des premiers niveaux de la chaîne. Pour cela, des producteurs tels que des végétaux accumulateurs (saule…) ou hyperaccumulateurs (bien que quelques auteurs considèrent avec un certain finalisme, cette propriété des végétaux comme un moyen de défense contre les animaux : limaces, chenilles…),
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des consommateurs détritivores ou herbivores (vers de terre, cloportes, escargots, lagopèdes…), dont certaines espèces macroconcentratrices constitueraient des proies pour des prédateurs invertébrés ou vertébrés. L’insecte carabidé Chrysocarabus splendens, prédateur d'escargots, est un exemple de prédateur spécifique, tandis que les merles ou les éperviers ont une nourriture, relativement variée. Les relations entre bioaccumulation, bioamplification et toxicité méritent davantage d’investigations adaptées au milieu terrestre (Tarazona, 1999) (et non seulement extrapolées du milieu aquatique). Les modes de « stockage » ou de transformation et d’excrétion différent de ceux qui se produisent dans l’eau. En milieu terrestre, le rôle des métallothionéines, par exemple, présente des adaptations particulières chez les gastéropodes, les isopodes et les vers de terre par rapport à ce qui se produit dans le rein des mammifères, où la liaison de métaux toxiques comme le Cd avec les MTs peut s'accompagner de pathologies graves (toxicologie rénale, cancers : IARC, 1993 ; Nordberg, 1996), alors que chez certains invertébrés (escargots) des quantités importantes de Cd sont séquestrées dans l'intestin et la glande digestive, sans effet apparent, jusqu'à une concentration seuil correspondant à la saturation des MTs induites (Chabicovsky et al., 2003a, b ; Dallinger et al., 2004a ; Höckner et al., 2011). De plus, les phénomènes de tolérance, d’accoutumance et d’adaptation décrits chez les invertébrés (collemboles, escargots…) doivent aussi être pris en considération dans les relations très diverses entre bioaccumulation, et bioamplification, dont la complexité est à analyser aussi bien au niveau des effets directs, par l’intermédiaire des proies, qu’indirects par l’intermédiaire des fèces, des cadavres et des modifications du milieu. La bioaccumulation = « point final » : les auteurs de l’étude « Parametrix » (1995) concluent que si un produit chimique subit une bioamplification dans une chaîne alimentaire et que l’on n’observe pas d’effets délétères dans les organismes récepteurs, la bioamplification n’est pas un paramètre environnemental préoccupant (of concern !). Ce n’est pas notre avis, car la bioaccumulation et mieux encore la bioamplification (au niveau de l’organisme ou dans un ou plusieurs organes) constituent un « signal » de modification du métabolisme (avec parfois seulement des perturbations visibles) dans les transferts des substances toxiques. Ce signal peut être utilisé comme « biomarqueur » de contamination, à condition d’en instruire autant que possible la cinétique au cours du temps et pour une espèce donnée car des espèces voisines peuvent posséder des FBAs très différents dans les mêmes conditions d’environnement (Gomot & Pihan, 1997). Ce type de biomarqueur peut être suivi au niveau moléculaire et génétique par les répercussions qu’il produit, par exemple en réaction à des stress (protéines de choc thermique ou protéines de stress ; Köhler et al., 1996a, b) ou en induisant la synthèse de métallothionéines organes ou métal spécifiques (Dallinger & Berger, 1993 ; Berger et al., 1997 ; Klassen et al., 1999 ; Dallinger et al., 2000, 20004a, b ; Stürzenbaum et al., 2001 ; Vasconcelos et al., 2002 ; Brulle et al.2010; Bernard et al., 2010). L'analyse de la bioaccumulation devrait conduire à l'identification d'espèces sentinelles bioaccumulatrices. Ces espèces, utilisées pour mesurer les quantités de polluants biologiquement disponibles, facilitent la mise en œuvre des méthodes analytiques, qui sont parfois limitées par des concentrations non mesurables chez les espèces non accumulatrices. L'intérêt des espèces sentinelles, est souligné par Beeby (2001) qui insiste sur l'importance de la validation des espèces sentinelles nécessitant la connaissance des échelles spatiale et temporelle où la sentinelle intègre la pollution. Les sentinelles doivent être calibrées avec des sources de pollution de concentrations connues afin d'établir, pour une espèce donnée, une
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relation valable entre la gamme d'expositions à laquelle elle est soumise et la concentration de ses tissus. Les conditions à remplir pour une espèce sentinelle sont rappelées par Beeby (2001), qui fait quelques recommandations utiles et discute de l'intérêt des espèces avec des temps d'intégration rapides (atteinte de l'état d'équilibre), ainsi que du pouvoir de résolution des sentinelles. Beeby illustre son propos avec les vers de terre de deux espèces dans un gradient bien défini de pollution par le Pb au bord d'une route et met en garde contre les dangers d'une interprétation rapide si l'espèce n'est pas validée et si on ne tient pas compte des conditions du milieu (par exemple du pH). L'utilisation d'espèces transplantées et leurs avantages et inconvénients sont également évoqués par Beeby (2001). Cependant, contrairement à cet auteur, nous ne limitons pas l'utilisation des animaux sentinelles à ceux qui accumulent un polluant dans leurs tissus « sans effet nocif significatif » et cela pour deux raisons. La première parce que ce critère est trop subjectif et dépendant de nos facultés d'appréciation de ce qui est un effet adverse : une concentration de polluant peut être non létale, non inhibitrice de la croissance ou de la reproduction et avoir un effet sur un marqueur enzymatique ou sur le comportement des individus que nous ne savons pas encore apprécier ; de même, au niveau moléculaire et génétique les effets de tolérance ne sont pas immédiatement perceptibles chez les individus et pourtant, ils ont des effets sur l'évolution des populations. La deuxième raison tient au fait que, dans de nombreux cas, la bioaccumulation de contaminants au-delà de certains seuils s'accompagne d'effets délétères qui peuvent être dose-dépendants et que la connaissance de la charge des tissus ou des organismes peut servir à évaluer, à prévoir et éventuellement à prévenir les conséquences et les risques écologiques de contaminations de l'environnement. Au sujet de l'évaluation du risque écologique (ERE = ERA = ecological risk assessment), les FBAs constituent l'un des paramètres pris en compte par l'US EPA pour déterminer les EcoSSLs (Ecological soil screening levels) : « EcoSSLs […] are concentrations of contaminants in soil that are protective of ecological receptors that commonly come into contact with soil or ingest biota that live in or on soil » (US EPA, 2003). Parmi les outils généraux et spécifiques dont dispose l'EPA au cours des étapes du processus d'évaluation du risque (http://www.epa.gov/ecotox/ecossl/), on trouve la mise à jour : Guidance for developing Ecological soil screening levels (Eco-SSL) and Eco-SSLs for nine contaminants (US EPA, 2003, OSWER 9285.7-55). Dans ce mémorandum, il est décrit comment les concentrations de neuf contaminants fréquemment trouvés dans le sol de sites pollués sont obtenues (bibliographie, données nouvelles) et comment elles peuvent être utilisées pour détecter les risques écologiques en utilisant les modèles d'exposition et les valeurs de référence de toxicité (TRVs : toxicity reference values) telles que, NOAELs (no observed adverse effect levels), qui sont spécifiques de chaque organisme récepteur et d'une substance chimique (Sample & Lyon, 1999). Les valeurs des EcoSSLs et les données qui ont servi à les obtenir font l'objet de documents particuliers pour neuf contaminants (OSWER Nos : 9285.7-60 = aluminium ; 7-61 = antimoine ; 7-63 = baryum ; 7-64 = béryllium ; 7-65 = cadmium ; 7-67 = cobalt ; 7-69 = fer ; 770 = plomb ; 7-56 = dieldrine). Le travail se poursuit actuellement pour une liste de 24 contaminants. L'annexe « Attachement 4-1 » de l'US EPA (2003) est accompagnée d'une part de la comparaison des avantages et des limites des deux approches (déterministe et probabiliste) qui peuvent être utilisées pour déduire les EcoSSLs à partir du modèle de Sample
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& Lyon (1999), et d'autre part d'un appendice décrivant les méthodes probabilistes d'estimation des EcoSSLs et des FBAs. Les concentrations EcoSSLs en contaminants du sol dépendent de nombreux paramètres (type de nourriture, taux d'ingestion de la nourriture, proportion de sol ingéré, FBAs (sols organismes), HQ, TRV…) pris en compte dans l'équation de Sample & Lyon (1999), alors que certains (volume de sol ingéré, pH du sol, sexe et âge des animaux) ne l'étaient pas dans les modèles proposés par Sample et al. (1998a) qui utilisaient l'appellation UF (uptake factor = whole body concentration / soil concentration) au lieu de FBA. Concernant les FBAs, deux tableaux de l'annexe US EPA (2003) (Attachment 4-1 : Exposure factors and bioaccumulation models for derivation of wildlife Eco-SSLs) résument respectivement les BAFs (sol - organisme des vers de terre) et (nourriture - organisme des petits mammifères) : – pour les métaux, le document de l'EPA présente un résumé des modèles développés par Sample et al. (1998a, 1998b) ; – pour les produits organiques, les bases de calcul reposent sur deux sortes de détermination des concentrations : + celles des vers de terre sont considérées comme une fonction du coefficient de partage entre l'eau du sol et les tissus des vers (Kbw = biota / soil water partitioning coefficient) d'après Connell & Markwell, 1990 ; Sample et al., 1998b ; Jager, 1998) ; + celles des petits mammifères qui partent des données de Travis & Arms (1988) et de données plus récentes qui ont conduit au développement d'un nouveau modèle de calcul de BAFs basé sur le Kow. Mais les résultats des analyses indiquent que les FABs (nourriture - mammifères) ne peuvent pas être estimés avec précision en se basant seulement sur Kow des petits mammifères). Ce constat est logique car nous avons rapporté plusieurs exemples de travaux, aussi bien chez les invertébrés que chez les vertébrés, qui démontrent que les paramètres Kbw et Kow dérivés de modèles aquatiques ne sont pas satisfaisants pour les organismes terrestres. En effet, chez les vers de terre comme chez les escargots, certaines fractions de contaminants fortement liés aux particules du sol deviennent biodisponibles lors du passage dans le tube digestif (Scheifler et al., 2003b), mais inversement, la biodisponibilité des contaminants peut être réduite lorsque ceux-là sont ingurgités avec du sol plutôt qu'avec des aliments adaptés à la nourriture, qu'il s'agisse d'escargots ou d'espèces d'oiseaux ou de mammifères. Les cartographies de la pollution des sols d'un ancien site minier par Cd, Pb et Zn et du risque pour les micromammifères du site selon les EcoSSLs semblent surestimer les effets chez ces vertébrés, notamment parce que les EcoSSLs ne considèrent pas les capacités variables de détoxication des organismes (Douay et al., 2009; Fritsch et al., 2010a, b). Les calculs d'EcoSSLs doivent donc être repris et complétés en utilisant des modèles conçus pour les organismes terrestres et prenant en considération les particularités physiologiques et écologiques de ceux-ci (respiration aérienne, contaminations distinctes par l'alimentation et par les contacts avec divers éléments…). Le fait de calculer les EcoSSRs avec des paramètres comme Kbw et Kow est probablement à l'origine d'une surestimation des EcoSSRs, tout au moins pour les invertébrés. En effet, par exemple pour le cadmium, la directive OSWER 9285.7-65 (US EPA, 2003) donne des
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valeurs qui vont de 0,38 mg.kg-1 de poids sec du sol pour les mammifères sauvages à 140 mg.kg-1 de poids sec du sol pour les invertébrés (EcoSSL is the geometric mean of the MATC or EC10 values for three test species under six different test conditions (pH) and is equal 140 mg/kg dw). Or l'examen des données récentes (voir tableaux de notre synthèse) fait apparaître des effets néfastes pour des concentrations beaucoup plus faibles sur des « end points » comme la croissance (EC10 ou EC50) ou la reproduction de plusieurs espèces d'invertébrés (enchytrés, vers de terre, gastéropodes…). La surestimation probable de la SSR des invertébrés pour le Cd peut également provenir du fait qu'elle a été calculée à partir de 10 travaux dont 7 portent sur Folsomia candida (avec quatre valeurs de toxicité égales à 600 mg.kg-1 de sol, 1 à 108 et 1 à 200 mg.kg-1), ce qui correspond à la variabilité de réponse inexpliquée chez cette espèce) et deux valeurs seulement chez les vers de terre et une seule pour les nématodes. Les collemboles n'étant pas les seuls invertébrés importants, la fiabilité des calculs de SSR pour les invertébrés peut être améliorée en intégrant d'autres groupes. Enfin, il n'apparaît pas d'explication au fait que l'EcoSSL du Cd soit passé de 110 mg.kg-1 de poids sec en 2000 (US EPA, 2000) à 140 mg.kg-1 ps en 2003. Cela est important dans la mesure où les valeurs d'EcoSSLs peuvent être utilisées pour identifier les contaminants dont les concentrations pourraient être potentiellement dangereuses dans les sols. Ainsi, aux ÉtatsUnis, à l'exception des valeurs pour les mammifères, les concentrations EcoSSLs du Cd des sols sont plus élevées que le 50e percentile des concentrations de fond des sols de l'Est et de l'ouest des États-Unis (respectivement 0,23 et 0,40 mg.kg-1 de ps) ; il n'y aurait donc pas ou très peu de risques pour les invertébrés aux États-Unis ? Toutefois, la démarche en cours de l'US EPA (2003) développée en Amérique du Nord, qui consiste à étudier les distributions des paramètres tels que : – poids du corps, – taux d'ingestion de nourriture (FIR = food ingestion rate) estimé à l'aide des relations allométriques entre poids du corps et taux de métabolisme (FMR = field metabolic rate) de Nagy et al. (1999), – taux d'ingestion de nourriture selon le modèle de Beyer et al. (1994), pour six espèces de la faune sauvage qui peuvent servir de bioindicateurs : trois mammifères (campagnol, musaraigne et belette à longue queue) et trois oiseaux (colombe, faucon et bécasse américaine) paraît judicieuse et à encourager. On devrait s'en inspirer pour procéder à des démarches comparables dans les différents continents avec des espèces caractéristiques des écosystèmes des pays concernés. En Europe, on dispose déjà de données dans plusieurs pays et, tout en laissant un certain degré de liberté de choix de leurs orientations aux organismes de recherche (source d'originalité !), on devrait promouvoir des moyens incitatifs permettant de réaliser des analyses coordonnées, réparties sur l'ensemble des pays, afin de disposer des données essentielles à l'évaluation des risques écologiques locaux et généraux. Le modèle de fiche signalétique proposé par Sample et al. (1998a) pour les données à fournir et leur présentation constitue un premier pas obligé dans une démarche qui permette de comparer les résultats obtenus. En l'état actuel de nos connaissances, des efforts de recherche et de suivi doivent également être faits dans les écosystèmes terrestres pour identifier les substances PBT (persistantes, bioaccumulatives et toxiques) et vPvB (very persistent and very bioaccumulative) autres que les POPs identifiés (CEC, 2001). Les relations entre les concentrations mesurées et les effets doivent être analysées en s'intéressant aux interférences qui se produisent entre contaminants
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et qui peuvent amplifier les effets toxiques (synergies). Des modèles doivent être conçus pour déterminer le taux de « turnover » dans les organismes accumulateurs, ainsi que les transferts dans les chaînes alimentaires afin d'évaluer les bioamplifications éventuelles. Un certain nombre d'essais a été effectué pour établir et utiliser des critères de bioaccumulation ayant pour but d'aider à la mise en place de politiques de surveillance de l'environnement (Environnement Canada, 1995 ; UNECE, 1996 ; Chapman et al., 1996). Jusqu'à présent, il n'existe pas de méthodes satisfaisantes pour prédire le potentiel de bioamplification des POPs dans les niveaux supérieurs des chaînes alimentaires et on doit utiliser les mesures de bioaccumulation dans les animaux (ou dans leurs tissus) à cause des différences de capacité des espèces à métaboliser les contaminants. Alors que l'on dispose de preuves flagrantes de la perte de biodiversité sous l'influence des activités humaines (Barbault, 1997, 2001) et au moment où des estimations comparatives et prédictives des populations de végétaux, d'insectes, d'oiseaux et de mammifères réalisées au niveau mondial (Sala et al., 2000 ; Ceballos & Eherlich, 2002) et d'une façon très détaillée au Royaume Uni (Thomas et al., 2004 avec la participation de plus de 20 000 volontaires !) semblent annoncer l'amorce d'une sixième vague d'extinction d'espèces, il est urgent de se préoccuper de la part de chacune des causes invoquées et, pour le sujet qui nous intéresse, de connaître la dynamique et l'influence des polluants libérés par les activités humaines pendant le siècle qui vient de s'écouler. Pour les pays qui ne l'ont pas fait, il faut mettre en place des observations quantitatives à moyen et long terme pour suivre et comparer les niveaux de contamination des organismes vivants au cours du temps, comme cela a été réalisé dans plusieurs pays pour les dérivés mercuriques, qui ont été employés dans l'enrobage des semences, ou la pollution par le plomb des carburants automobiles, ainsi que la limitation de l'emploi de chlore dans le blanchiment du papier et la réduction de la production de PCBs et de PBDEs. De telles données évolutives permettent aux pays qui les mesurent de prendre des dispositions pour limiter l'emploi des substances incriminées. C'est ainsi qu'en Europe, par exemple, les pays qui ont suivi la contamination du lait humain par les ignifugeants (présents dans de très nombreux appareils familiaux) ont prévu l'interdiction de l'utilisation des éthers polybromés pour certains usages, tandis que d'autres ne s'en inquiètent pas encore ! Il en est de même pour l'utilisation des amalgames d'obturation dentaire contenant du mercure qui sont interdits en Suède et non en France, bien que la contamination soit parfaitement démontrée. À l'heure où la synthèse de produits chimiques de toutes sortes ne fait qu'augmenter, le temps est venu de se donner les moyens d'une biosurveillance efficace car des outils existent.
5.3 Perspectives • Dans les tests d'écotoxicologie terrestre homologués (AFNOR, ISO, OCDE…) qui, pour le règne animal, concernent essentiellement les invertébrés (vers de terre, enchytréides, escargots, collemboles, larves de cétoine…), il paraît nécessaire de prévoir l’étude de la cinétique des concentrations des contaminants dans les organismes. Cela permettrait d’une part de savoir lorsque l’état d’équilibre est atteint, et d’autre part de connaître dans quelle mesure on peut établir ou suggérer des relations de cause à effet entre les charges en « résidus » de polluants des organismes tests et les effets toxiques observés.
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• En même temps que l’on met au point de nouveaux tests d’effets sublétaux (sur la croissance, éventuellement sur la reproduction) chez les invertébrés qui jouent un grand rôle dans la biologie des sols, il faut promouvoir le couplage de ces tests avec la mesure de la bioaccumulation et pas seulement pour les annélides oligochètes ciblés dans la directive OCDE, 2010b. Parmi les invertébrés terrestres macroconcentrateurs, certaines espèces d'oligochètes, de gastéropodes et de cloportes sont susceptibles de servir de modèle. Ainsi, Egeler et al. (2007), de l’Agence fédérale Environmentale d’Allemagne (Umweltbundesamt, UBA), ont proposé à l’OCDE une première version d’une ligne directrice pour l’évaluation de la bioaccumulation des contaminants (organiques et métalliques) en utilisant des oligochètes (annélides et enchytrées). Sur la base de tests déjà standardisés (OECD, 1996 ; ASTM, 2004), ce document propose de caractériser la bioaccumulation d’une substance à partir de paramètres dynamiques (FBA, taux d’absorption et d’élimination) obtenus en modélisant (modèle non linéaire à un compartiment) les cinétiques d’accumulation et d’élimination de la substance dans l’organisme choisi. D’autres organismes, comme les isopodes, les nématodes, les escargots, consommateurs primaires ubiquistes, faciles à élever, bien documentés et explorant le compartiment sol différemment des vers de terre (interface sol – plante - atmosphere), pourraient venir compléter ce dispositif. • Le choix d'un modèle d'accumulation parmi les vertébrés terrestres doit être à nouveau considéré en reprenant et complétant par exemple le projet oiseau (caille et colin de Virginie) et en étudiant un modèle mammifère (par exemple avec des rats sauvages ou de laboratoire, dont la toxicologie est classique et des petits mammifères sauvages comme les campagnols). • Les voies de contamination étant très diverses en milieu terrestre (atmosphère, sol, végétation, eau interstitielle ou de ruissellement…), des méthodes de mesure doivent être conçues pour quantifier les différents modes de pénétration des substances dans les organismes (par exemple chez les gastéropodes terrestres : séparation du substrat de sol contaminé de l'atmosphère par une plaque de plexiglas percée de petits trous empêchant le contact de la sole pédieuse avec le sol, mais permettant l’absorption par la bouche (Cœurdassier et al., 2002b) ; escargots placés dans une cage grillagée sans contact avec le sol pour étudier la pollution de l’air (Ismert et al., 2002 ; Regoli et al., 2006)). Chez les vertébrés, il est nécessaire de concevoir des modes d'expositions expérimentales en s'inspirant de modèles comme ceux de Romijn et al. (1994) pour les transferts, sol - vers de terre - oiseaux ou mammifères prédateurs, mais aussi de modèles permettant de distinguer les proportions de contamination par contact avec le sol ou les objets manipulés, des contaminations par voie alimentaire, ainsi que par voie respiratoire (Kelly & Gobas, 2003). • Les investigations in vitro permettant de différencier les quantités de contaminants absorbés oralement (bioaccessibilité) des quantités qui passent effectivement dans les tissus (biodisponibilité) doivent être poursuivies en même temps que l'analyse de l'influence des propriétés du sol sur la disponibilité des contaminants. • L'amplification de l'utilisation de microcosmes, de mésocosmes « in situ » ou d'« Ecotrons » est souhaitable pour étudier l’influence de contaminations par le sol, les végétaux et l’air, en réalisant des modèles d’écosystèmes à plusieurs niveaux trophiques comparables à ceux conçus par Naeem et al. (1994) pour mesurer l’influence de la biodiversité sur la performance des écosystèmes avec des communautés de complexité croissante (9, puis 15 et 31 espèces). En effet, des expériences réalisées dans l’Ecotron mis au point par Lawton et al. (1993) ont montré qu’il existe des interactions entre les vers de terre, les escargots et les
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dynamiques de communautés végétales (Thomson et al., 1993). Récemment, des analyses de la concentration en Cd de vers de terre et d'escargots qui vivent dans un microcosme commun dont le sol est contaminé confirment l'existence d'interactions entre les espèces au niveau de la bioaccumulation du métal dans chacune d'elles (Cœurdassier et al., 2004). De telles expériences doivent permettre d’analyser et d’évaluer en même temps l’influence des interactions entre organismes, l’importance des niveaux de biodiversité et les répercussions induites par les contaminations. Dans cette démarche, il est souhaitable d'utiliser autant que possible d'une part des espèces qui se sont révélées de bons indicateurs des changements de l'environnement, et d'autre part celles qui pourraient servir d'indicateurs de la biodiversité (Lawton & Gaston, 1998 ; Büchs, 2003 ; Duelli & Obrist, 2003), bien que certaines études jettent des doutes sur l'utilité d'espèces indicatrices pour prédire les modifications d'abondance des espèces - surtout celles de petite taille qui nécessitent un travail d'inventaire considérable (Lawton et al., 1998). • En pratique, divers systèmes de microcosmes ou mésocosmes ont été adaptés au milieu terrestre pour suivre le devenir des contaminants dans des écosystèmes simplifiés et analyser les interactions entre les organismes et leur environnement. Ces systèmes, parfois appelés METs (modèles d'écosystèmes terrestres = TEMs : terrestrial model ecosystems) ou "multi-species soil system" (MS-3) de Carbonel et al. (2009), correspondent à plusieurs types d'investigations et à divers usages potentiels. Un MET en conditions d'environnement contrôlées avec des « carottes » de sol de 17 cm de diamètre a été utilisé pendant 3 ans par quatre partenaires européens pour établir une méthode standardisée permettant l'étude de l'influence d'un fongicide (Carbendazim = méthyl-benzimidazole-2-ylcarbamate) sur les micro-organismes et quelques invertébrés (enchytréides, vers de terre) du sol (Knacker et al., 2004). Dans un microcosme de diamètre réduit (7,5 cm), implanté dans le sol (integrated soil microcosm = ISM), Burrows & Edwards (2004) ont décrit les effets du Carbendazim sur la croissance, les populations de nématodes et les vers de terre. La masse de vers de terre constitue le paramètre le plus sensible. Les concentrations en résidus de Carbendazim dans le corps augmentent avec celles du sol et la concentration ne change pas significativement au cours du temps car les vers de terre absorbent rapidement le contaminant (en 7 jours d'exposition). Ce type de calibration interlaboratoire (ring-test) entre des laboratoires de différents pays doit être développé, à condition qu'une concertation permette de définir pour le moins des dimensions communes de microcosmes, METs ou ISMs et la nature de leur constitution. En effet, plusieurs modèles ont déjà été utilisés (voir partie concernant les invertébrés) avec des tailles variables et des matériaux différents (acier inox, matières plastiques…) qui ne facilitent pas les comparaisons des résultats. Enfin, si théoriquement les microcosmes et les mésocosmes présentent des avantages (imitation de la complexité des écosystèmes), ils peuvent présenter des inconvénients, qui ont été révélés dans des études de l'action des pesticides dans le milieu aquatique où les coefficients de variation (CVs) sont importants (Sanderson, 2002), au point qu'en 1992 l'US EPA a décidé de ne pas continuer l'utilisation des mésocosmes dans les processus d'enregistrement des pesticides (US EPA, 1992). • Pour le milieu aquatique, l'état de l'art réalisé par Sanderson (2002) rappelle quelques fondements écologiques (« écosystems have emergent properties such that the whole system is greater than the sum of its parts ») et quelques constats dont il faudra tenir compte en milieu terrestre comme l'importance de la réplicabilité et l'intérêt d'utiliser des méthodes d'analyses statistiques précises ; il indique aussi les étapes qui permettent l'amélioration de la mise en œuvre et de l'interprétation des résultats obtenus dans les processus d'homologation des pesticides,
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dont on peut s'inspirer en milieu terrestre, où ces outils peuvent aider à mettre en évidence des interactions et des transferts entre organismes dans un milieu donné. Dans les études de transfert des contaminants dans les chaînes trophiques, il est important de considérer et de tenir compte du nombre d'individus et du nombre d'espèces (avec des sensibilités différentes) de chaque niveau trophique (Forbes & Calow, 2002a, b), mais aussi des interactions entre espèces de chaque niveau car on a rarement des chaînes linéaires simples et courtes (comme celle de Kelly & Gobas, 2003) avec des diminutions du nombre d'individus à chaque niveau. La complexité des transferts des substances chimiques dans les écosystèmes, l'augmentation considérable de la production chimique mondiale et le manque de connaissances de l'impact de beaucoup de produits sur la santé humaine et l'environnement est une cause de préoccupation. Le « White paper » : Strategy for a future chemical policy (CEC, 2001) fait un constat lucide du manque général de connaissance des propriétés et de l'utilisation des produits existants et de la lourdeur des procédures de mise en œuvre de tests appropriés. Les objectifs politiques proposés sont pleins de bonnes intentions face à un état des lieux préoccupant (« Burden of the past : The 30,000 “existing” chemicals estimated to be on the EU market, for which little or not information is available, in particular about their long-term effects on human health or the environment »). En ce qui concerne la surveillance de l'environnement dans l'Union européenne (EU), qui est la partie du monde produisant la plus grande quantité de produits chimiques (CEFIC, 2002), le rapport n° 10 de l'Agence européenne de l'environnement (EEA, 2003) fournit des listes d'exemples de polluants organiques persistants et de métaux toxiques qui peuvent subir une bioaccumulation dans la faune sauvage et les Hommes. Il est noté qu'au cours de la dernière décade, les émissions en ETMs et POPs ont diminué en Europe à la suite de l'introduction de réglementations plus strictes et du développement de techniques plus propres. Cependant, les concentrations en mercure posent encore des problèmes en Arctique et les concentrations en dioxines, ignifugeants et phtalates, très diversement évaluées dans les différents pays, constituent des dangers importants pour les organismes vivants. Les nombreuses contaminations des sols, diffuses ou localisées (sites militaires, industries, déchets, agriculture…) sont incomplètement répertoriées. Des réglementations adaptées sont nécessaires pour éviter de nouvelles contaminations du sol et les efforts de remédiation seront considérables sur les sites les plus dangereux. La mesure des impacts des contaminations et l'évaluation des risques sur la faune sauvage a fourni quelques connaissances sur les espèces de vertébrés en danger (ETC / NPB, 2002 ; EEA, 2003), mais pour les invertébrés (mis à part quelques groupes comme les papillons ou les carabes), le niveau de connaissance est insuffisant malgré leurs rôles essentiels dans la vie des sols et des écosystèmes. Les données illustrées de tableaux et de figures du rapport de l'EEA (2003) font apparaître le manque de données intégrant le cycle des produits chimiques et les voies directes ou indirectes d'exposition, principalement pour les groupes sensibles. D'une façon générale, en Europe (et plus encore dans le monde), on manque d'indicateurs de santé de l'environnement : « Data systems on environment and health are spread among different agencies and the link between environmental impacts and health effects are not sufficiently considered. It is also difficult to compare the environmental health situation across Europe since the methods of data collection, reporting, analysis and communication are not harmonised » (EEA, 2003). Les analyses systématiques à long terme des concentrations en substances
Discussion – conclusion
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toxiques dans les écosystèmes sont rares dans les pays européens, elles ne sont pas coordonnées et on ne dispose pas de données écotoxicologiques pour 50–75 % des 2500 produits chimiques dont la production dépasse 1 000 tonnes par an (HPVCs = high production volumes chemicals). Parmi les principaux challenges envisagés pour le futur en Europe (EEA, 2003), ceux qui nous semblent prioritaires sont : – la détermination coordonnée d'indicateurs (de pollution, de bioaccumulation, de biodiversité…), – le développement de l'utilisation de groupes de bioindicateurs complémentaires (de différents niveaux trophiques) et de biomarqueurs qualitatifs et quantitatifs, – la mise en place de programmes à long terme harmonisés d'études d'impact de polluants présents à faibles concentrations (perturbateurs endocriniens, alkylphénols, phtalates, retardateurs de flamme bromés, organo-étains, pollutions multiples…). On peut également souscrire unanimement aux objectifs principaux de la CEC (2001) : – – – – – –
protection of human health and the environment increased transparency integration with international efforts promotion of non-animal testing development of alternative methods a new system of chemical control (REACH) pour les nouvelles substances.
Il n'en reste pas moins que les États membres seront responsables de l'application des nouvelles réglementations sur leur territoire (« Member States will be responsible for the enforcement of the new legislation in their territories »). Il est également nécessaire d'améliorer les logiciels dédiés à l'évaluation des risques pour les écosystèmes (éré). Ces logiciels utilisent des données de bioaccumulation issues de la bibliographie et peuvent permettre de modéliser les risques de transfert sur le site étudié ; ils peuvent aussi utiliser des mesures spécifiques du site à étudier pour affiner le diagnostique. La modélisation est un outil complémentaire à l’acquisition des données de terrain. Elle permet de répondre aux besoins de calcul de l’exposition des organismes aux polluants (Fritsch & Renoux, 2011). Ces outils sont indispensables pour démocratiser et élargir le champ des utilisateurs de données notamment de bioaccumulation à des fins d'évaluation des risques pour les écosystèmes. Parmi les logiciels actuellement disponibles, on peut citer BERISP et TERRASYS dédiés à l’évaluation du risque écotoxicologique des sites contaminés, à travers la modélisation de l’exposition des organismes. Ces 2 logiciels sont donc basés entre autres sur l’évaluation du transfert dans les réseaux trophiques. Ils présentent 2 approches différentes et complémentaires. BERISP (http://www.berisp.org/) permet d'identifier les zones les plus à risque sur lesquelles focaliser la gestion. Il est basé sur une évaluation spatialement explicite, tenant compte de nombreuses caractéristiques écologiques des espèces cibles et permettant de comparer des alternatives de gestion, mais ce pour un nombre restreint d’espèces. TERRASYS (http://sanexen.com/terrasys/quest-ce-que-terrasys/ )permet d'identifier des espèces cibles les plus à risque. TERRASYS permet une évaluation pour de nombreux organismes cibles constituant les réseaux trophiques, mais cette évaluation n’est pas destinée à évaluer
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l’aménagement du territoire. Des améliorations peuvent être apportées notamment en distinguant plusieurs groupes parmi les invertébrés du sol (Fritsch & Renoux, 2011). De telles perspectives supposent un développement considérable de l'écotoxicologie dans le monde et en France en particulier (premier pays européen utilisateur de pesticides), avec des méthodes novatrices pour l'Homme, son environnement et les espèces sauvages dont il semble urgent de se préoccuper, aussi bien au niveau de leurs systèmes endocriniens (forts sensibles à certains ETMs et à des composés organiques comme les PCBs, les dioxines et les pesticides) que de la préservation de leurs habitats. Dans l'ensemble de notre compilation, il existe suffisamment d'exemples d'actions bien menées dans plusieurs pays ou régions dont l’on peut s'inspirer pour les adapter à la biosurveillance de la plupart des continents et, en particulier, pour évaluer la biodisponibilité des contaminants dangereux et prendre les mesures pour y remédier.
Discussion – conclusion
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Résumé et perspectives
Dans le contexte de l'évaluation des risques pour les écosystèmes (ERE) terrestres, la bioaccumulation des contaminants (absorption et stockage dans les organismes) et leur bioamplification (augmentation des concentrations dans les chaînes trophiques) chez les animaux sont deux processus qui permettent de suivre le cheminement des contaminants persistants et bioaccumulatifs, et de caractériser leur biodisponibilité lors de l'exposition des organismes. Les intérêts de l'analyse de la bioaccumulation en milieu terrestre sont multiples et un résumé de l'utilisation de ce paramètre (à partir des données de cette synthèse) a été présenté dans le cadre d'une journée d'information et d'échange organisée par l'ADEME (17 Mars 2005) consacrée à l'« Évaluation des risques pour les écosystèmes : expériences françaises et québécoises sur la mise en œuvre des méthodes et des outils ». La consultation du recueil correspondant, publié par l'ADEME (2005) est recommandée car ce document montre la complémentarité des méthodes d'évaluation des risques des écosystèmes et renseigne sur les outils en développement. Dans cette partie, nous resituons brièvement le sujet et résumons les principaux apports des études de la bioaccumulation et des transferts des contaminants chez les animaux terrestres.
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6.1 Situation du sujet Les tests toxicologiques et écotoxicologiques sont devenus des compléments indispensables des analyses chimiques pour l'évaluation des effets adverses des contaminants de l'environnement. Cependant, les tests de toxicité terrestres sont peu développés par rapport aux tests aquatiques (Keddy et al., 1994, 1995) et concernent principalement les plantes. Au Canada par exemple, des batteries de tests de plantes natives de ce pays et économiquement importantes (mono et dicotylédones) ont été sélectionnées (Stephenson et al., 1997 ; Environnement Canada, 1998) au cours d'un programme de 5 ans élaboré par Environnement Canada et la CAPP (Canadian Association of Petroleum Producers). Les plantes sont, certes, des organismes représentatifs des écosystèmes terrestres, mais comme le souligne fort justement Bargagli (1998) dans son ouvrage principalement consacré aux végétaux : « our knowledge of metal fluxes and the bioaccumulation potential of terrestrial animals is minimal ». On ne peut pas concevoir l'existence et l'étude des écosystèmes et des biocénoses terrestres actuels sans y associer la trilogie : sols - plantes - animaux. Or, c'est justement chez les animaux qu'il existe peu de tests d'écotoxicité pour déterminer, en particulier, la qualité des sols. Les tests terrestres actuellement homologués portent principalement sur des invertébrés qui, pour la plupart, appartiennent au même niveau trophique des décomposeurs (vers de terre, enchytréides, collemboles, larves de cétoines) ou consommateurs primaires (escargots). Chez les vertébrés, il existe un test de toxicité aiguë (OCDE, 1984a) et un test d’inhibition de la reproduction chez les oiseaux (OECD, 1984 ; ASTM, 1990). Ce dernier utilise deux espèces aux États-Unis, canard colvert et colin de Virginie ou caille japonaise (version OCDE), qui font de bons modèles, mais les résultats ne sont pas extrapolables car leurs sensibilités sont très différentes. Cette anomalie est régulièrement signalée à tous les congrès ou colloques internationaux, toutefois la nécessité de coupler des compétences scientifiques solides et des moyens techniques appropriés pendant des périodes relativement longues pour repérer et étudier les bons modèles, les valider et les étalonner n'est pas évidente à réaliser dans les structures actuelles. Pourtant à l'échelle européenne, le programme SECOFASE (Sublethal Effects of Chemicals On Fauna Soil Ecosystem), qui a associé plusieurs pays sauf la France, a eu le mérite, d'une part, de permettre l'étude de plusieurs tests originaux sur des groupes d'invertébrés terrestres (insectes, arachnides, myriapodes, crustacés isopodes) écologiquement importants et, d'autre part, de faire collaborer des laboratoires de plusieurs pays. Les résultats appréciables avec les invertébrés cités sont intéressants et ont été publiés dans un ouvrage diffusé en langue anglaise (Lokke & Van Gestel, 1998). Jusqu'à présent, il s'agit uniquement de tests d'effets toxiques, mais c'est une étape utile qui a, entre autre, permis de présenter plusieurs méthodes d'élevage d'animaux tests. Les essais de validation de modèles d'écosystèmes terrestres (METs) à l'aide de mésocosmes réalisés entre plusieurs pays du Nord de l'Europe témoignent d'une volonté de progresser dans la mise au point d'outils communs d'évaluation des effets des contaminants (Knacker et al., 2004). Il faut espérer que ces tentatives, ainsi que celles menées en France qui montrent l'intérêt de l'accumulation des contaminants chez les animaux dans la biosurveillance de l'environnement, sauront impulser une approche intégrée de l'impact des contaminations des écosystèmes terrestres. Dans le milieu aquatique, le devenir des contaminants n'est certes pas complètement connu, cependant de nombreux travaux et ouvrages ont établi des relations entre les concentrations d'exposition, les « charges » en polluants des organismes et les effets toxiques au cours du
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temps et de l'espace (McCarty & Mackay, 1993 ; Hamelink et al., 1994 ; Jarvinen & Ankley, 1999). De plus, il existe depuis quelques années une ligne directrice de l'OCDE (n° 305 du 14-06-1996) qui évolue avec les années et constitue un guide de l'utilisation de la capacité de bioaccumulation chez les poissons (une dizaine d'espèces sont utilisables pour réaliser le test). Dans le milieu terrestre, il paraît aussi de nombreuses publications rapportant des analyses des concentrations en polluants du milieu et des organismes animaux, mais l'hétérogénéité des sols et des conditions d'environnement (et parfois des méthodes d'extraction) n'a pas permis jusqu'à présent de dégager de modèle général satisfaisant, représentant les relations entre les paramètres physico-chimiques du milieu et les concentrations biologiquement actives dans les organismes. Actuellement, on peut schématiquement distinguer deux tendances : – l'une propose d'extrapoler les modèles aquatiques au milieu terrestre (Belfroid et al., 1996 ; Lanno & McCarty, 1997 ; ECHA, 2012, p83). Ces modèles sont surtout appliqués aux vers de terre qui sont en contact avec l'eau interstitielle du sol, mais il a été démontré que la matrice du sol joue également un rôle important, ce qui n'est pas surprenant étant donné la complexité de sa composition et des échanges entre ses composants au cours du temps (biodisponibilité des résidus liés de pesticides par exemple et vieillissement) ; – l'autre est celle des modélisations. Cette démarche intellectuelle est motivante et sans doute nécessaire car elle permet d'utiliser et d'associer les effets de nombreux paramètres qui contrôlent la biodisponibilité et l'accumulation des contaminants (influence de la nourriture, de l'âge, du sexe, de la température, du pH…). Cependant, même des modèles complexes (voir Chapitre 4 de notre synthèse, ainsi que Sample et al., 1998a, b ; Sample & Lyon, 1999 ; US EPA, 2003), lorsqu'ils sont appliqués à des animaux sauvages recueillis dans la nature, donnent rarement des résultats correspondant aux dosages effectifs. D'où la nécessité d'être prudent et de valider convenablement leur pertinence et leur fiabilité. Les modèles des chaînes alimentaires en particulier devront faire l'objet d'études approfondies et la notion de bioamplification dans les écosystèmes terrestres, trop souvent prise pour une propriété générale des chaînes trophiques, doit être considérée avec esprit critique (Laskowski, 1991 ; Janssen et al., 1993), principalement dans le cas des chaînes trophiques de groupes d’invertébrés du sol (Butovsky et al., 1999). Les modèles typiquement terrestres, par exemple de Hope (1995) et de Kelly & Gobas (2003), constituent des trames qui méritent d’être appliquées à d’autres chaînes en prenant en compte, autant que possible, l'existence fréquente de stress multiples, dans l'évaluation du risque écologique (Hope, 2005). Jusqu'en 2004, aucun test standardisé ne permettait l'évaluation de la bioaccumulation chez les animaux terrestres, bien que cela soit préconisé dans les stratégies d'évaluation de la qualité des sols (Römbke et al., 1996). C'est seulement depuis la publication par l’ASTM (2004) puis par l'OCDE (2010b) d'une ligne directrice pour les annélides oligochètes, que l'on dispose d'une méthodologie validée au niveau international pour intégrer des organismes d'un niveau trophique (décomposeurs, détritivores) dans l'évaluation du potentiel de bioaccumulation des substances chimiques. Ces essais de laboratoire, doivent être associés à des mesures de terrain, car il est souvent constaté des différences d'accumulation et/ou d'effets entre ces deux types d'environnement. Dans un numéro spécial de la revue Integrated Environmental Assessment and Management, Weisbrod et al., 2009, confrontent les apports
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et les limites de méthodes de laboratoire et de terrain pour l'évaluation du potentiel de bioaccumulation des polluants organiques persistants et recommandent d'utiliser les données issues tant du laboratoire (BCF, BAF par exemple) que du milieu naturel (TMF: trophic magnification factor par exemple, mesuré à partir des concentrations dans des organismes de plusieurs niveaux trophiques). Malgré ces avancées, on constate que pour le milieu terrestre, la prise en compte de la bioaccumulation ne semble pas être une priorité notamment pour l’évaluation des substances chimiques (ECHA, 2012). En effet les données sur la bioaccumulation ne sont demandées que pour les substances commercialisées à un tonnage supérieur à 1000 t/an et seulement si l’évaluation de la sécurité chimique met en évidence le besoin d’autres informations sur la bioaccumulation terrestre (ECHA, 2012). La stratégie retenue repose en première intention sur l’usage du Kow pour modéliser le potentiel de bioaccumulation ; le recours à des mesures expérimentales n’est évoqué que dans le cas où on ne peut modéliser un BCF (par exemple quand le Kow est élevé) et les mesures en milieu naturel ne sont évoquées que dans des cas particuliers, par exemple pour les molécules très hydrophobes (ECHA, 2012). C’est toujours le modèle de Jager (1998), qui est recommandé pour une première approche de la bioaccumulation pour les vers de terre ; ce modèle ne nécessite que la valeur du Kow de la substance à évaluer et est applicable pour les Kow compris entre 1-8. La ligne directrice OCDE 2010 n’est pas listée dans les méthodes et c’est l’essai de bioaccumulation publié par l’ASTM (2004) qui figure dans les procédures de l’ECHA (2012). Des efforts sont donc encore nécessaires pour proposer une stratégie claire basée sur l’utilisation de méthodes faisant l’objet de lignes directrices standardisées, conditions nécessaires pour pouvoir faire figurer les données de bioaccumulation dans les recommandations de l’ECHA.
6.2 Les apports de la mesure de la concentration et de la bioaccumulation des contaminants dans les organismes terrestres La mesure des concentrations des contaminants dans le corps et/ou les organes des animaux permet de calculer les « charges en résidus » de ces substances ou de leurs dérivés et : – de révéler des contaminations non décelables dans les milieux, – d'étudier les effets de ces charges pour les organismes, – d'estimer la part des contaminants transférés dans les réseaux trophiques. L'évaluation de la bioaccumulation dans les organismes permet de déterminer la biodisponibilité des substances chimiques du milieu pour les différentes espèces des biocénoses. Elle constitue un complément (ou même pour certains auteurs, comme Lanno et al., 1998, une alternative) à la mesure des concentrations, parfois très faibles, des milieux. L'estimation de la concentration dans la totalité du corps donne une indication de l'absorption par l'organisme (biodisponibilité générale). La répartition des contaminants dans des compartiments spécifiques de l'organisme n'étant pas homogène, il peut être intéressant d'analyser séparément la concentration ou la « charge » d'organes accumulateurs (glande digestive et intestin pour les invertébrés, par exemple, ou rein, foie, poumon et cerveau chez les vertébrés) parce que cela met plus nettement en évidence la relation entre la contamination du milieu et les cibles spécifiques des organismes de l'écosystème. Couplée à d'autres
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moyens d'investigations (histologiques, biochimiques, tests de toxicité…), l'analyse de la concentration des contaminants des différents tissus est utile pour distinguer les fractions séquestrées et inactivées de celles qui vont effectivement agir sur les « récepteurs » (cellules, tissus, organes) responsables des effets.
6.2.1 Quelques faits essentiels 6.2.1.1 Concentration maximale des contaminants dans les organismes des zones contaminées L'examen des travaux publiés fait apparaître qu'en règle générale, les concentrations en métaux des animaux d'une même espèce sont plus importantes chez ceux prélevés dans des zones contaminées (mines, usines, routes…) que chez ceux provenant de zones non contaminées. Il en est de même pour les produits organiques persistants (POPs), tandis que pour de nombreux produits organiques plus ou moins dégradables, il faut à la fois analyser leur concentration et celle de leurs produits de dégradation ou de transformation. Parfois, il existe des gradients de bioconcentration correspondant à des gradients de contamination du milieu à partir des « sources » de pollution, mais le phénomène est variable selon les espèces et les contaminants. La plupart des travaux réalisés en milieu naturel concerne la bioindication passive, c'est-àdire l'analyse des contaminants chez des animaux autochtones prélevés sur le site étudié. Dans ce type d'étude, il est souvent difficile de dater « in situ » une contamination car on ne connaît pas la durée d'exposition des animaux ; de plus, il faut tenir compte de leurs possibilités de déplacement. Cette approche est toutefois d’un intérêt indéniable à moyen et à long terme, surtout lorsqu’elle porte sur l’ensemble des populations animales des sites étudiés, car elle permet d’évaluer les effets perturbateurs des sources de contamination sur les populations des organismes dans des écosystèmes réels (Joosse & Van Vliet, 1982 ; Bengtsson & Rundgren, 1984 ; Van Straalen & Ernst, 1991 ; Spurgeon & Hopkin, 1996c ; Van Straalen & Butovsky, 1999 ; Van Straalen & Timmermans, 2002). En effet, les contaminants toxiques peuvent induire des modifications des paramètres des populations dans plusieurs ou toutes les espèces et déclencher une séquence d’événements conduisant à un changement des paramètres des écosystèmes tels que la structure des chaînes alimentaires, la diversité des espèces, le turnover des nutriments et la structure des ressources (Pokarzhevskii et al., 1999). Ainsi, les données obtenues par Van Straalen et al. (2001) sur un site métallurgique illustrent les relations extrêmement compliquées entre les « résidus » en métaux des invertébrés et les concentrations de ces métaux (Fe, Cu, Zn, Cd et Pb) dans le sol. Pour la plupart des arthropodes saprophages et prédateurs, les concentrations totales ou échangeables (eau ; 0,01 M CaCl2) du sol ne sont pas de bons « prédicteurs » ; les principaux déterminants semblent les mécanismes spécifiques d’alimentation et de physiologie des métaux. Pour les métaux essentiels, l’absorption et l’excrétion sont soumises à des mécanismes de régulation qui tendent à maintenir les concentrations internes dans des limites plus ou moins étroites. Pour les métaux non essentiels comme le Cd et le Pb, les concentrations varient considérablement entre les espèces. Cependant, il existe des tendances générales : les plus fortes concentrations
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sont trouvées chez les vers de terre, les coléoptères carabidés et les acariens oribatides, tandis qu’elles sont basses chez les collemboles, les chilopodes et les araignées. Des essais de bioindication active ont été réalisés (vers de terre, escargots). Cette tendance actuelle, que nous trouvons très pertinente, consiste à placer, durant des périodes déterminées, des animaux provenant d'un élevage contrôlé sur le site à étudier dans des modèles d'écosystèmes terrestres (METs) ou TME (terrestrial model ecosystem), qui peuvent être des mésocosmes, des microcosmes ou des cages. Les METs sont définis comme des systèmes reproductibles contrôlés qui tentent de simuler les processus et interactions des composantes biotiques et abiotiques d'une portion d'environnement terrestre (Morgan & Knacker, 1994 ; Knacker et al., 2004). L'appellation TME est préférée à celle de microcosme par Römbke et al. (1996) car la première est acceptée aux États-Unis pour tester les produits chimiques (ASTM, 1987 ; EPA, 1987). Quelque soit le terme retenu, de tels systèmes sont à développer car ils sont des outils très utiles pour l'évaluation des risques des substances potentiellement dangereuses, que ce soit par l'intermédiaire de la mesure des effets toxiques (aigus ou subaigus) ou par l'analyse de la bioaccumulation ou parfois de la bioamplification de substances. La réalisation de telles analyses, que ce soit au laboratoire ou in situ (bioindication active) avec des animaux d'élevage, permet entres autres d'éviter l'écueil des animaux préalablement exposés qui ont pu subir une adaptation aux contaminants mise en évidence dans certains cas. Ces essais sont prometteurs. Ils doivent être encouragés et multipliés avec des espèces représentatives (voir 6.2.2.). Ils devront être complétés par des études expérimentales destinées à déterminer d'une part l'action des principaux facteurs influençant le transfert des polluants du milieu vers les organismes, et d'autre part l'action des organismes sur le milieu.
6.2.1.2 Dynamique des contaminations, état d'équilibre et FBA La dynamique des contaminations et l'analyse des principaux facteurs influençant le transfert des polluants du milieu vers les organismes sont, dans la plupart des cas, analysés expérimentalement en laboratoire à l'aide d'animaux d'origine connue placés dans un environnement que l'on contamine de différentes façons (sol naturel ou artificiel, un ou plusieurs contaminants à des concentrations variables…). C'est ainsi que les capacités de bioaccumulation et de décontamination de différentes espèces peuvent être évaluées au cours du temps. Ces expériences permettent de calculer des FBCs ou FBAs, qui sont les rapports entre la concentration des contaminants (ou des résidus) dans le corps (ou les organes) et la concentration du milieu (phases solide ou liquide) et/ou de la nourriture. Les données d’accumulation dans des organismes du milieu terrestre restent inconnues pour un grand nombre de substances (voir par exemple les « Fiches de données toxicologiques et environnementales » proposées par l’Ineris sur http://www.ineris.fr/recherches/fiches/fiches.htm) et elles doivent être établies pour une meilleure évaluation des risques environnementaux ; cela représente un gros travail de base absolument indispensable. Les temps d'acquisition de l'état d'équilibre doivent être déterminés pour différents modes et niveaux d'exposition, de même que ceux de la dépuration lorsqu'elle se produit. Un effort d'intégration des conditions d’exposition (nature et concentration des agents chimiques, caractéristiques de l'environnement), des facteurs d’accumulation et des effets biologiques et écologiques doit être poursuivi afin de mieux évaluer les risques et développer
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des stratégies de protection de l’environnement scientifiquement justifiées pour améliorer la santé publique. Pour l'évaluation des risques écologiques, les comparaisons entre les résultats obtenus en milieu aquatique et en milieu terrestre sont nécessaires et instructives car elles font apparaître des convergences et des divergences entre les modes d'accumulation des contaminants et leurs effets suivant le type d'environnement et les espèces. Quelque soit le milieu, la mesure de la bioaccumulation apparaît comme une information clé pour apprécier la biodisponibilité des métaux et métalloïdes (Chapman et al., 2003 ; Vijver et al., 2004) ou des composés organiques (McCarty & Mackay, 1993 ; Lanno & McCarty, 1997 ; Lanno et al., 1998), d'une part, pour prédire les concentrations de l'environnement sans effet pour une espèce donnée et d'autre part, pour suivre les transferts dans les chaînes alimentaires. Cependant, on note encore une tendance trop grande à l'extrapolation aux animaux terrestres de modèles aquatiques dont, d'après Paquin et al. (2003), aucun ne permet jusqu'à présent d'évaluer convenablement la bioaccumulation et la toxicité d'un composé chimique pour les organismes cibles. En effet, ces modèles ne prennent pas en considération des adaptations anatomiques et physiologiques fondamentales de nombreux animaux terrestres (respiration aérienne, régulation de l'eau, excrétion...). Aussi, même si le manque d'imagination (« a lack of vision ») attribué par Suter (2003) aux écotoxicologues du sol est sévère à propos de l'ouvrage pluri-auteurs publié par Lanno (2003), il devient urgent et indispensable de disposer de données plus nombreuses et comparables chez des espèces variées et représentatives des écosystèmes terrestres. Cela est nécessaire pour établir des modèles originaux fondés sur les caractéristiques physicochimiques de l'environnement d'une part, et les spécificités biologiques des animaux terrestres d'autre part (voir modèles de Kelly & Gobas, 2003 et Czub & McLachlan, 2003a, par exemple). Si les connaissances physiologiques de base permettant une approche écotoxicologique solide sont importantes chez les vertébrés (oiseaux et mammifères), chez qui la localisation des contaminants est généralement faite au niveau des organes les plus sensibles aux substances toxiques, il n'en est pas de même chez les invertébrés terrestres. Des investigations doivent être entreprises pour déterminer les facteurs de régulation des principales fonctions de nombreuses espèces d'invertébrés afin de pouvoir comprendre les mécanismes d'action des contaminants au niveau des tissus et organes, et suivant leur métabolisme et leurs modes de séquestration (inclusions cellulaires, liaisons protéiques ou lipidiques…). Les études de transferts, de compartimentation et de flux de contaminants en cours chez les vers de terre et les isopodes (Vijver, 2005) et les escargots (Gomot de Vaufleury & Pihan, 2002 ; Scheifler et al., 2002b, 2003a, b ; Dallinger et al., 2004 ; Gimbert et al., 2006, 2008d) montrent que les facteurs de transfert et de bioaccumulation des contaminants ne peuvent plus être basés uniquement sur les coefficients de partage Kp (eau/sol) et Kow (eau/ octanol). Ces travaux, couplés à des études d'effets toxiques en laboratoire et en champs, doivent permettre de disposer, à relativement court terme, de tests de bioaccumulation complémentaires du très petit nombre de tests de toxicité homologués.
6.2.2 Les principales espèces animales susceptibles d'être utilisées dans des tests de bioaccumulation Nous les présentons en fonction de la classification zoologique et de leur place dans les chaînes alimentaires ou dans les cycles biologiques. Pour certains groupes, le classement est
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TABLEAU 67
Espèces animales terrestres susceptibles de servir de bioindicateurs d’accumulation. Classe
Consommateurs I. décomposeurs, saprophages, phytophages
Annélides
Oligochètes
Vers de terre, enchytrées
Mollusques
Gastéropodes
Escargots et limaces
Crustacés
Cloportes
Myriapodes
Diplopodes
Chilopodes
Insectes
Collemboles Abeilles, criquets, grillons, fourmis, chenilles
Staphylins Carabes
Arachnides
Acariens, araignées, opilions
Acariens, araignées, opilions, pseudoscorpions
Arthropodes
Hétérothermes
Embranchement
Reptiles
Vertébrés
Homéothermes
Oiseaux
Mammifères
Consommateurs II, III…. prédateurs
Lézards Herbivores : tétras, lagopèdes Bécasses, hirondelles, Granivores : moineaux, chouettes, hiboux, pigeons éperviers, faucons, pies, Oiseaux gibiers (cailles, aigles perdrix, faisans) Polyphages : • sauvages : grives, merles, étourneaux, mésanges • domestiques : poules, canards, oies • Petits mammifères : mulots, campagnols, rats, souris • Lagomorphes : lapins, lièvres… • Artiodactyles ruminants : + sauvages : cerfs, chevreuils + domestiques : vaches, moutons, chèvres
Musaraigne, taupe Vison, loutre Blaireau Renard, loup Ours arctique
- Omnivores domestiques : porcs, chiens, chats - Polyphages sauvages : lérots, sangliers…
simple. Pour un embranchement comme celui des arthropodes, qui comporte différents niveaux de consommateurs, la présentation est plus complexe. Le tableau 67 récapitule les principaux groupes actuellement retenus pour l'étude de la bioaccumulation à des fins de bioindication et de biosurveillance. Le tableau 67 montre que les principales classes d'animaux terrestres peuvent apporter des indications sur le mode de bioaccumulation des contaminants dans leur organisme. Nous avons fait figurer les reptiles car les représentants terrestres de cette classe sont particulièrement concernés par les pollutions et les modifications de leur environnement. Cependant, les populations de la plupart des espèces étant en régression, celles-ci sont protégées et les prélèvements d'individus sauvages sont réglementés. Toutefois, les recherches « non destructives » réalisées avec les écailles, les mues, les griffes et l'extrémité de la queue, peuvent fournir
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des renseignements intéressants aussi bien chez les serpents que chez les lézards (Hopkins, 2000 ; Hopkins et al., 2001), surtout s'il s'agit d'espèces non natives que l'on peut capturer. Dans ces conditions, ces vertébrés poïkilothermes jouent un rôle de « bioindicateur idéal » car sommet de chaîne trophique, avec de faibles déplacements, comme c'est le cas des anolis bruns (iguanidés) introduits en Floride (Burger et al., 2004). Les œufs de lézards peuvent également servir de modèle pour évaluer la bioaccumulation du Cd (après passage à travers leur coquille parcheminée) et les effets sur le développement embryonnaire (Brasfield et al., 2004). Pour des données plus générales sur l'écotoxicologie des reptiles et des amphibiens, il est conseillé de consulter l'ouvrage de Sparling et al. (2000). Pour les espèces protégées, on respectera les législations en cours des pays. Dans tous les cas, on privilégiera les méthodes non destructives et chez les vertébrés, on utilisera les phanères (poils, bois, plumes, écailles…) et les excréments (épreintes, fientes, crottes…). L'examen d'un panorama général des deux grands ensembles, invertébrés et vertébrés, permet de distinguer les apports respectifs de chacun d'eux.
6.2.2.1 Invertébrés À la base des chaînes alimentaires, on trouve des espèces des classes des oligochètes, des gastéropodes pulmonés et des isopodes (organismes fragmenteurs, décomposeurs de matière organique, saprophages et phytophages). + Les travaux les plus nombreux concernant les décomposeurs se rapportent aux vers de terre et aux enchytrées, qui servent couramment à analyser les propriétés toxiques des substances chimiques (trois tests normalisés ISO avec Eisenia fetida et un avec Enchytraeus). Ces oligochètes peuvent également accumuler des contaminants. E. f. fetida et E. f. andrei sont régulièrement utilisés expérimentalement pour étudier l'impact des différents facteurs physico-chimiques (pH, matière organique, température…) sur l'accumulation des métaux et des produits organiques. Cependant, ces espèces épigées vivent à la surface du sol dans des déchets riches en matières organiques (vers du fumier) et ne sont pas les plus caractéristiques du point de vue écologique (fonctionnement des sols et transport de matières entre les horizons) par exemple : Il faut encourager l'utilisation d'autres espèces que l'on sait maintenant élever. En particulier, chez les anéciques, Lumbricus terrestris présente des FBAs pour les métaux compris entre 2 et 12,6 avec la progression Mn ≤ Cs ≤ I ≤ Zn ≤ Cd, tandis que Lumbricus rubellus a des capacités de bioconcentration des chlorophénols avec des FBAs allant de 20 à 996 suivant la lipophilie des produits et le pourcentage de matière organique du sol (Tableau 68). L. rubellus concentre modérément les HAP (290 ng.g-1 de poids sec). Chez les différentes espèces de vers de terre (tableau 68), ce sont surtout le Cd et le Zn qui subissent les bioaccumulations les plus importantes ; toutefois, des FBCs de 17 ont aussi été notés chez l'espèce endogée Allolobophora caliginosa pour le Pb en site contaminé. + Parmi les consommateurs primaires (phytophages et saprophages), les escargots et les limaces sont également des indicateurs de pollution intéressants car, en général, ils bioconcentrent les métaux du sol et des végétaux. Ce sont les espèces les plus ubiquistes (Cepaea nemoralis et C. hortensis dans les jardins et au bord des routes, ainsi qu'Helix aspersa et Arianta arbustorum dans les villes et les vergers) qui montrent les accumulations (en µg.g-1 de poids sec) les plus élevées dans les zones contaminées (Tableau 69).
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Différences de bioaccumulation des polluants suivant les espèces de vers de terre, qui ont une diversité fonctionnelle illustrée par la photographie 47.
TABLEAU 68
Annélides oligochètes
ETM Cu
MPO
Pb
Zn
Cd
Chlorophénols
E. fetida
=
–
++
++
+++ (20 < FBC < 634)
L. rubellus
=
=
+
+
++++ 20 < FBC < 996
++
++
Cyperméthrine +
+
Cyperméthrine ++
++
++
L. terrestris A. caliginosa
+++
A. tuberculata
=
=
* ETMs : éléments traces métalliques ; MPOs : micropolluants organiques. Les signes + indiquent les capacités de concentration (FBA supérieur à 1) ; les signes = indiquent que les concentrations dans l'organisme restent stables (régulation) ; les signes – indiquent les capacités de déconcentration (FBA inférieur à 1). TABLEAU 69
Caractéristiques de bioaccumulation de métaux chez des gastéropodes.
Gastéropodes pulmonés
Cu
Cepaea nemoralis Arianta arbustorum Helix aspersa Agriolimax reticulatus
+++ (180–400) ++ (70–200) = (60)
Pb
Zn
Cd
++++ (365 )
+++ (300)
+++ (60 )
+
(15–20)
+++ (40–120) ++
(150)
++
(200–300)
DDT
+ (10–15)
+++ (400)
+++ (30–60)
++ (900)
++ (70)
++
Avec H aspersa (deux sous-espèces H. a. aspersa et H. a. maxima), qui s'élève facilement, on peut évaluer quantitativement la biodisponibilité des contaminants métalliques de sols de diverses provenances, en réalisant des tests de laboratoires ou en plaçant des escargots en sentinelles dans des cages disposées sur les terrains dont l’on veut connaître le niveau de contamination. Des essais de laboratoire avec un sol naturel contaminé artificiellement avec Cd, Zn, Cr et Pb ont montré que la bioaccumulation est proportionnelle à la contamination de la nourriture et ont permis de calculer des FBAs dans les viscères d'H. aspersa de 12 à 22 pour le Cd ; de 1,8 à 3,3 pour Zn ; de 0,4 à 0,7 pour le Cr et de 0,07 à 0,21 pour le Pb. Pour les métaux pour lesquels le FBA est inférieur à 1, la concentration est toujours plus importante chez les animaux contaminés que chez les témoins (pour le Cr, avec un FBA de 0,4 la concentration est de 173 µg.Cr.g-1 de poids sec au lieu de 2 µg.Cr.g-1 chez les témoins ; pour le Pb, avec un FBA de 0,1 la concentration est de 65 µg.g-1 Pb au lieu de 2 µg.g-1 Pb). D'autres espèces telles H. lucorum (Europe orientale) ou H. pomatia (Europe centrale) sont également macroconcentratrices de métaux comme le Zn et le Cd. Chez H. pomatia, la concentration en MT-Cd peut servir de biomarqueur quantitatif de la contamination par le cadmium. Des espèces abondantes localement (Helix engaddensis et Levantina hierosylima) bioaccumulent le Pb et le Cd (bioamplification) et se sont révélées de bons bioindicateurs de
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pollution en Palestine. Des espèces abondantes localement comme Helix engaddensis et Levantina hierosylima ou encoreTheba pisana, Eobania vermiculata se sont révélées de bons bioindicateurs de pollution dans divers pays (Palestine, Grèce, Egypte; Swaileh et al., 2001; Itziou & Dimitriadis, 2011; Radwan et al., 2010). Parmi les limaces, Arion subfuscus et Agriolimax reticulatus sont des macroconcentrateurs du Cd et du Zn. Leur élevage est actuellement moins bien maîtrisé que celui des escargots. Chez les escargots et les limaces, les données concernant les polluants organiques sont encore peu nombreuses et demandent à être développées. Leurs capacités d'accumulation vis-à-vis de ces substances semblent non négligeables, puisque l'on a signalé aux États-Unis des concentrations de pp'-TDE (principal métabolite du DDT) chez H. pomatia et Agriolimax reticulatus deux fois plus importantes que chez les vers de terre du même site. Chez Arion rufus, les concentrations en HAP des individus d'une zone contaminée sont du même ordre que celles du ver de terre L. rubellus (290 ng.g-1). Les escargots peuvent être utilisés comme bioindicateurs « sentinelles » dans différents écosystèmes (Gomot & Pihan, 2000 ; Scheifler et al., 2003a ; Viard et al., 2004 ; Regoli et al., 2006 ; Gimbert et al., 2008b ; Fritsch et al., 2011). On dispose également de valeurs de référence pour l'espèce très ubiquiste, H aspersa (Pauget, 2012; Pauget et al., 2013) ce qui facilite l'interprétation des données mesurées sur divers sites. + Parmi les saprophages et les phytophages, les crustacés isopodes (cloportes) qui fragmentent les litières comportent deux espèces fortement bioaccumulatrices de métaux : Oniscus asellus avec des concentrations multipliées par 5 pour le Cu et le Zn, par 25 pour le Cd et par 100 pour le Pb entre un site non contaminé et un site contaminé de fonderie. Porcellio scaber et une espèce voisine de cloporte également bioaccumulatrice de métaux, mais avec des concentrations moyennes plus faibles pour le Cd et le Pb dans leur glande digestive, organe principal de stockage des métaux. En revanche, les toxiques organiques comme les HAPs, surtout ceux de faible poids moléculaire, se concentrent davantage chez P. scaber que chez O. asellus et de nouvelles analyses des contaminants organiques sont à réaliser avec ces espèces, qui jouent un rôle très important dans la désagrégation des feuilles à l'interface air-sol. Les cloportes méritent d'être davantage utilisés car parmi les invertébrés, ce sont eux qui présentent les plus forts FBAs des métaux (Godet et al., 2011; 2012). De plus, leur élevage est maîtrisé pour plusieurs espèces et leur génétique est bien étudiée en France (université de Poitiers). + Parmi les arthropodes, le monde des insectes est incontournable dans l'étude des écosystèmes, mais la petite taille de nombreuses espèces ne facilite pas les dosages des contaminants et les capacités de bioaccumulation sont très variables. De plus, les cas de macroconcentration sont rares (fourmis). - Chez les insectes phytophages, les métaux essentiels (Cu et Zn) ont tendance à être un peu plus concentrés chez les larves (chenilles de Vanesse de l'ortie) que chez les végétaux et en plus grandes quantité chez l'adulte (papillon). Pour le Cd, on observe des concentrations plus importantes chez les larves et une diminution de la concentration à la métamorphose. Les abeilles sont de bons bioindicateurs « au long cours » car si le miel n'est généralement pas contaminé, les métaux lourds sont fréquents dans les pollens (en France, 50 % ont du Pb et du Cd et 7,5 % du Hg). La présence de pesticides dans les pollens (France) et de HAPs dans le miel (Allemagne) pose problème et mérite que l'on se préoccupe de l'avenir de ces insectes qui visitent de nombreux sites et fournissent des informations, aussi bien par la composition de leur corps que par celles de leurs productions (pollen, cire, miel). L'Organisation européenne de protection des plantes a établi les lignes directrices d'un test pour évaluer les risques des pesticides
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pour les abeilles (OEPP, 1993). La plupart des tests consacrés à l'étude des effets des traitements des plantes sur les abeilles portent sur la détermination de la DL50 pendant de courtes durées (Cluzeau, 2002 ; Devillers, 2002). Les effets chroniques sont plus difficiles à estimer et sont étudiés soit au niveau de l'impact sur les colonies (Villa et al., 2000), soit à l'aide d'expériences en cages permettant une survie à long terme lors d'expositions chroniques à des doses sublétales (Dechaume Moncharmot et al., 2003). Ce type d'expérimentation, assorti d'un modèle d'analyse statistique semi-paramétrique prenant en compte de multiples covariables, a permis à Dechaume Moncharmot et al. (2003) de démontrer la toxicité chronique induite par deux pesticides (imidaclopride et deltamétrine). La concentration de pesticides (organochlorés par exemple) dans les chenilles défoliatrices est à l'origine de leur présence en concentration importante dans les œufs d'oiseaux qui se nourrissent de ces chenilles et de malformations embryonnaires ou d'absence d'éclosion (Parus major, mésange charbonnière). Leur traitement doit faire l'objet d'une biosurveillance active. - Chez les insectes détritivores, les collemboles sont très nombreux et font l'objet d'un test normalisé ISO pour l'inhibition de la reproduction. Orchesella cincta est cité comme espèce bioconcentratrice du Cd en hiver et du Pb en été, avec des variations suivant les auteurs. Expérimentalement, O. cincta et Folsomia candida présentent un FBC supérieur à 2 pour le Cd de leur nourriture, avec des variations importantes selon les souches et les auteurs. Les concentrations élevées en Cd des collemboles sont à l'origine d'une probable surestimation des EcoSSLs (140 mg.kg-1 de poids sec du sol) des invertébrés terrestres par l'US EPA (2003). - En revanche, les insectes prédateurs, contrairement à une idée souvent avancée, possèdent des capacités de décontamination et d'excrétion importantes. En effet, chez les coléoptères prédateurs (de 1er ou de 2e ordre), on connaît un seul cas de bioamplification avec le Hg chez des carabes nourris avec des mouches à viande élevées sur de la chair de poisson de plus en plus contaminée, avec des FBCs de 1,9 à 2,9. Dans les expérimentations réalisées chez d'autres coléoptères carnivores, le Cd est rapidement excrété par les prédateurs. Ce sont des modèles à exploiter pour étudier les mécanismes biologiques de la « déconcentration » et le « coût biologique » de celle-là. Le groupe des carabidés comporte des espèces communes courantes (Agonum dorsale…), qui jouent un rôle important dans la régulation de leurs proies et chez lesquelles on a des données de bioaccumulation. Les deux autres classes d'arthropodes, myriapodes et arachnides, sont également intéressantes et doivent dans le futur faire l'objet d'expérimentations plus poussées, entre autres pour maîtriser l'élevage afin de disposer d'espèces sentinelles variées. En effet, les myriapodes ont un double rôle écophysiologique dans les sols, avec la présence d'espèces phytophages (diplopodes) et d'espèces carnivores (chilopodes). - Comme chez les insectes, ce sont les espèces phytophages des genres Iulus et Glomeris qui accumulent fortement les métaux comme le Cu et le Cd dans les zones polluées. - L'étude de la contamination des chilopodes carnivores les plus courants comme Lithobius forficatus ou L. mutabilis est à prendre en considération à cause de leur large répartition, mais il n'a pas été démontré de bioamplification. Ils interviennent donc dans la régulation des métaux des chaînes alimentaires et l'étude des effets toxiques associés à cette détoxification est à aborder pour l'analyse de la pérennité des espèces. Parmi les arachnides (Tableau 70), certaines araignées et des opilions fournissent des informations, mais il existe une grande variabilité suivant les espèces et parfois suivant le sexe.
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Aussi, les auteurs qui les ont étudiés ne conseillent pas leur utilisation. Chez les espèces carnivores, il n'y a pas bioamplification. La détermination systématique reste difficile. En revanche, les résultats obtenus avec les pseudoscorpions et les acariens sont concordants et leur utilisation pour mettre en évidence la bioaccumulation est conseillée. TABLEAU 70
Caractéristiques de bioaccumulation de métaux chez quelques arachnides. Arachnides
Cu
Pb
Zn
Cd
Opilion : Paranemastema 4- punctatum (prédateur non sélectif ) ++ (×2) ++ (×2)
++ (×2)
++ (×2)
Araignée (lynyphiidae) : Centromerus sylvaticus - femelle - mâle (valeurs en µg.g-1 d'animaux récoltés dans des sites contaminés)
110
2 400
1 400
40
65
500
900
25
+++
+++
++
++++
Pseudoscorpion : Neobisium muscorum Acarien oribatide : Platynothrus peltifer
+++
Le signe × indique le rapport entre les concentrations d'animaux d'une zone contaminée et celles d'animaux d'une zone non contaminée.
De notre prospection, il ressort que trois classes d’invertébrés, qui comportent des espèces appartenant aux catégories de « base » des chaînes alimentaires (fragmenteurs et décomposeurs de matière organique, saprophages et phytophages) – annélides oligochètes, mollusques gastéropodes pulmonés et crustacés isopodes – peuvent, grâce à leurs capacités de bioaccumulation, fournir des données précieuses pour l’évaluation quantitative de la biodisponibilité des contaminants. Trois autres classes d'invertébrés parmi les arthropodes (insectes, myriapodes et arachnides) ont d'une part des espèces phytophages et d'autre part des espèces prédatrices, qui permettent de comparer l'influence du régime alimentaire sur la bioaccumulation des contaminants et de discuter de la portée limitée, semble-t-il, des phénomènes de bioamplification dans les maillons intermédiaires (prédateurs primaires) des chaînes alimentaires terrestres.
6.2.2.2 Vertébrés Les classes des amphibiens et des reptiles, dont la plupart des espèces sauvages sont protégées, ne peuvent guère servir de bioindicateurs d’accumulation, sauf dans les cas de ramassage d’animaux morts et d'analyses de leurs excréments ou de leurs mues (chez les reptiles). Cependant, quelques espèces terrestres (Tableau 67), comme le lézard des palissades (Sceloporus undulatus) que l’on sait faire reproduire en terrarium, peuvent servir de modèle pour étudier la biodisponibilité du Cd qui s’accumule dans leurs œufs et leurs embryons (Brasfield et al., 2004). Pour les classes des oiseaux et des mammifères protégées (Tableau 67), la biosurveillance de l’accumulation des contaminants doit se faire en priorité sur leurs phanères (plumes et poils, McLean et al., 2009; Fritsch et al., 2012; Coeurdassier et al., 2012) et sur leurs excréments. Pour les espèces non protégées, foie, reins et organes endocrines peuvent également être pris en compte. Le prélèvement des phanères doit se faire avec le minimum de stress au cours de captures bien préparées. L'utilisation de filets et la pose de nichoirs (pour les oiseaux) peut aider à la mise en œuvre de méthodes non destructives (plumes, excréments, œufs...). L'étude du
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transfert des contaminants et/ou de leurs métabolites des oiseaux dans leurs œufs et leurs embryons est un moyen qui a fait ses preuves et qui n'est pas onéreux pour réaliser des tests de bioaccumulation, comme pour mettre en évidence les effets tératogènes, ou de perturbations endocriniennes, ainsi que de différenciation sexuelle. Des analyses régulières devraient être prévues sur des espèces gibiers relativement plus sédentaires (faisans, lapins, chevreuils...) et sur des espèces pestes (étourneaux, campagnols) au cours de piégeages. L’utilisation de modèles d'écosystèmes terrestres (microcosmes ou mésocosmes) avec des petits mammifères (Tableau 71) provenant de zones non contaminées ou d’élevage doit être développée. TABLEAU 71 Utilisation de petits mammifères en METs. Continent Europe
Espèces
Habitat, régime alimentaire
Campagnol roussâtre Clethrionomyx Campagnol des champs Microtus arvalis Campagnol agreste Microtus agrestis Campagnol terrestre Arvicola terrestris Mulot Apodemus sylvaticus
Milieu forestier
}
Musaraigne Sorex araneus (musaraigne carrelet)
Amérique
Souris à grands yeux Peromyscus maniculatus Campagnol des champs Microtus pennsylvanicus Musaraignes Sorex cinereus Sorex longirostris
Herbivores, prés et champs
Insectivore
Herbivore (élevage réalisé) Herbivore Insectivores
6.2.3 Proposition de « batteries » de tests d'accumulation et de chaînes alimentaires simplifiées à mettre au point 6.2.3.1 Batteries d'invertébrés bioaccumulateurs Dès à présent, on peut suggérer la mise au point d'une batterie de tests de bioaccumulation avec vers de terre, escargots, cloportes, millipèdes, insectes coléoptères carabidés. Les principales
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espèces couramment rencontrées en France et en Europe figurent dans le tableau 72 et leurs capacités de bioaccumulation du Cd, du Pb et du Zn sont illustrées par les concentrations de ces éléments dans quelques espèces récoltées sur un site de mines de Pb et de Zn (Figure 42).
Figure 42
Concentrations en Cd, Pb et Zn de la litière et des macroinvertébrés d'un site minier de Pb et Zn désaffecté. (D'après Bargagli, 1998, à partir de données de Morgan et al., 1986.) Outre l'intérêt des espèces représentées, il faut également considérer les diplopodes, qui ont en général des capacités de bioaccumulation plus importantes que les chilopodes (en anglais = centipedes). On notera également l'importance de la détermination de l'espèce pour interpréter les résultats de dosages de métaux chez les vers de terre, qui ont des capacités de bioaccumulation spécifiques très différentes.
On sait actuellement élever certaines de ces espèces et quelques expériences ont montré qu'elles peuvent cohabiter dans les mêmes METs (microcosmes ou mésocosmes) ou des écotrons. Dans un second temps, on pourrait introduire un ou deux prédateurs (chilopode ou coléoptère ou araignée ou pseudoscorpion) pour simuler des modèles « METs » plus « réels ». L'association de producteurs primaires (végétaux) est possible dans un modèle d’« Ecotron » conçu pour étudier l'influence de la biodiversité sur la productivité des écosystèmes ou dans des METs ou microcosmes avec des végétaux. Le travail bibliographique réalisé sur la bioaccumulation chez les invertébrés montre qu'elle reflète bien la contamination du milieu pour les métaux et les produits organiques persistants peu transformés ; pour les produits organiques peu persistants et/ou rapidement métabolisés par les organismes, la détermination et le dosage des métabolites sont des opérations lourdes, complexes et onéreuses. Dans ces cas, la recherche de biomarqueurs d'exposition peut représenter un moyen complémentaire pour refléter la contamination du milieu.
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Une recherche particulière devrait être envisagée pour savoir s’il est possible d’établir des facteurs d’équivalence toxiques (FETs) des hydrocarbures halogénés chez les invertébrés, comparables ou non à ceux qui ont été calculés pour les principales classes de vertébrés (poissons, oiseaux et mammifères qui possèdent le récepteur aryl Ah) (Giesy & Kannan, 1998; Van den Berg et al., 1998b). TABLEAU 72
Espèces d'invertébrés proposées pour une batterie de tests de bioaccumulation. Espèces Épigés
Vers de terre
Lumbricus rubellus Eisenia f. fetida E. f. andrei
Anéciques
Lumbricus terrestris
Endogés
Allolobophora caliginosa
Élevage
Oui
Helix aspersa Escargots
Arianta arbustorum Oniscus asellus
Cloportes
Oui
Porcellio scaber Armadillidium vulgare
Diplopodes
Iulus, Glomeris
Insectes coléoptères carabidés
Chrysocarabus splendens
Arachnides : acariens oribatides
Platynothrus peltifer
Oui
6.2.3.2 Chaînes alimentaires simplifiées ou non En ce qui concerne les vertébrés, surtout ceux qui sont en sommet de chaîne alimentaire, l'étude de la bioaccumulation en relation avec les effets néfastes (directs ou indirects) est un point essentiel à approfondir étant donné l'impact que les contaminants ont eu (ou ont encore) sur de nombreuses espèces d'oiseaux et de mammifères. Il est important de préciser si la bioamplification, rarement observée en début de chaîne trophique chez les invertébrés, est fréquente chez les vertébrés et chez quelles espèces. À ce sujet, il faut réfléchir à l'utilisation des termes « bioaccumulation » ou « bioamplification », suivant que l'on se réfère à l'ensemble du corps de l'animal (comme c'est souvent le cas chez les invertébrés) ou à un organe donné (ou tissu ou cellule) dans le ou lesquels se trouvent concentrés les contaminants (ce qui est souvent le cas chez les vertébrés, dont les organes sont plus faciles à disséquer mais qui représentent une faible proportion du poids total ; exemple : reins, foie, glandes endocrines…). L'utilisation de vertébrés comme « sentinelles d'accumulation » ou sujets d'expérience pose des problèmes parce que, d'une part, on ne peut pas travailler avec des espèces protégées ou en danger et que, d'autre part, avec des modèles de laboratoire (souris, rat, lapin…) ou des animaux domestiques ou même des espèces « pestes » qui prolifèrent (corneilles, étourneaux, campagnols…), il n'est pas certain que l'on obtienne des résultats extrapolables aux espèces
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en danger les plus vulnérables, dont les mœurs alimentaires sont souvent tributaires des variations des conditions écologiques. Les techniques utilisant les isotopes stables pour déterminer la structure des chaînes alimentaires terrestres couplées avec l’analyse des transferts bioénergétiques doivent être employées pour mieux connaître le fonctionnement des écosystèmes terrestres et évaluer les perturbations induites par les contaminants. Du point de vue pratique, il semble indispensable, dans un premier temps, de valider expérimentalement dans des METs quelques chaînes courtes telles que celles considérées comme classiques : – producteur primaire (plante) / consommateur primaire (animal) : exemple : un végétal herbacé / un petit mammifère ; un végétal arbustif (saule par exemple) / un oiseau (lagopède) ; exemple : une plante sauvage commune (ortie) et (ou) une plante cultivée (salade, colza…) / un gastéropode (escargot) ; exemple : graines (céréales…) / oiseau granivore ; – saprophage / prédateur : • avec des animaux sauvages : exemple : vers de terre / musaraigne ; exemple : vers de terre / taupe ou vers de terre / bécasse ; merle / vers de terre + escargots ; • avec des animaux domestiques ou d’élevage ; – chaînes à trois maillons ou plus : exemple : feuilles / chenilles / oiseaux… ; exemple : sol - plantes - escargots – oiseaux ; exemple : sol - plantes - vers de terre - escargots + 1 prédateur. Ces chaînes pourraient être testées avec quelques contaminants types (métaux, pesticides POP, pesticides biologiques) qui posent des problèmes de risques ou dont l’on veut connaître l'impact avant la mise sur le marché. La mise au point de ces modèles simplifiés devrait permettre une analyse plus appropriée des risques de transfert de contaminants dans les chaînes alimentaires et contribuer à intégrer la « food-web analysis » dans la réglementation, ce qui n'est actuellement pas le cas comme le regrette Van Straalen (2003). Des études complémentaires sont également nécessaires pour préciser l'influence du milieu, des régimes alimentaires, en cherchant à connaître comment les contaminants agissent d'une part sur le comportement des animaux et d'autre part sur les mécanismes endocrines ou neuroendocrines qui régissent leurs fonctions essentielles (homéostasie, croissance, reproduction). Les observations et les analyses doivent être poursuivies dans les écosystèmes en standardisant les protocoles d'échantillonnage et d’analyse de façon à disposer d’un champ de données suffisamment important pour utiliser les méthodes de traitement de données. Enfin, on doit confronter et comparer régulièrement les données expérimentales et les données sur le terrain afin de parvenir à une intégration des deux.
6.2.4 Conclusion Parallèlement à la mise en place de ces batteries de bioindicateurs, il faut développer aussi l'étude des mécanismes impliqués dans les interactions permanentes d’une part entre le
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milieu environnant et les organismes, et d’autre part entre les organismes (c’est le point faible des études écologiques et écotoxicologiques). En effet, l'accumulation des métaux et des contaminants organiques, ainsi que leur transport ou leur transformation imposent des coûts métaboliques et énergétiques qui peuvent réduire la croissance somatique ou la reproduction, modifier le comportement et parfois entraîner la mort. Cela a été observé par exemple chez les vers de terre, où le Cd induit la synthèse de métallothionéines (MTs), ce qui détourne de l'énergie utilisée pour la détoxification du Cd. De plus, les fractions non liées aux MTs peuvent causer des dommages par inhibition compétitive de métalloenzymes et de facteurs de transcription métallo-dépendants (Morgan et al., 1999). La mise en évidence de l'expression des MTs et de leurs fonctions dans différents types ou compartiments cellulaires chez les invertébrés (vers de terre : Stürzenbaum et al., 1998a, b ; escargots : Dallinger et al., 1997 ; Dallinger et al., 2004a, b), ainsi que chez les vertébrés (Vallee, 1995) où les MTs exercent des fonctions physiologiques normales importantes, par exemple comme facteurs de transcription se liant à l'ADN, nécessite encore des études pour préciser les modes de compartimentation et d'action des contaminants au cours des phénomènes de détoxification des métaux accompagnés ou non de manifestations toxiques. L'évaluation de la concentration ou de la charge en contaminants d'organismes terrestres bioindicateurs écologiquement représentatifs constitue une démarche complémentaire, voir une alternative pour évaluer la biodisponibilité des substances chimiques plus adaptée que l'estimation de la concentration (parfois très faible) de l'environnement. Cependant, cette concentration, de même que la charge totale en résidus du corps, ne correspond pas forcément à la part de contaminant(s) (ou de ses dérivés) qui va interférer avec les voies métaboliques ou hormonales perturbées. Il convient donc d'essayer, dans la mesure du possible, de suivre le cheminement des résidus absorbés dans les différents compartiments des organismes. En conséquence, il faut développer des modèles biologiques, étalonnés et validés, représentatifs des concentrations et charges critiques de différents niveaux trophiques (décomposeurs, consommateurs primaires et secondaires, prédateurs) de la faune d'invertébrés (généralement discrète) tels que des vers de terre, des cloportes, des gastéropodes pulmonés, des myriapodes et des insectes, ainsi que de représentants de vertébrés (oiseaux et mammifères) dont l'observation d'espèces remarquables est plus évidente. Dans le même temps, il est indispensable de poursuivre les études physiologiques, moléculaires et comportementales qui fournissent des informations concernant les relations de cause à effet entre l'accumulation des contaminants et les répercussions écologiques qu'elle peut avoir à plus ou moins long terme.
6.3 Perspectives Elles sont présentées à la fin du texte de la synthèse (5.3.) et les points essentiels sont en italique dans ce résumé. On peut cependant insister sur l'intérêt : – de développer les collaborations entre spécialistes scientifiques de pédologie (connaissance et répertoire des principaux sols à étudier en priorité : agricoles, forestiers, loisirs...), de biologie et écologie végétale (connaissance des producteurs primaires dont certains sont des hyperaccumulateurs…), de biologie et écologie animale (détermination des espèces de la faune terrestre...), de physiologie générale et de biologie et physiologie humaine (répercussions sur la santé des Hommes…) ;
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– d'établir ou d'amplifier un dialogue suivi avec les partenaires professionnels, associatifs administratifs, sociaux, à tous les niveaux : régionaux, nationaux, continentaux. Parmi les perspectives prometteuses pour valoriser les mesures de bioaccumulation chez les organismes, en plus d’une analyse fiable du potentiel de bioaccumulation des substances chimiques, on peut penser que la vérification de l'efficacité des méthodes de remédiation diverses à l'aide des approches biologiques constituera un moteur certain. Ainsi la mesure de la réduction de la biodisponiblité tant environnementale que toxicologique des contaminants de matrices avant et après traitement, avec un végétal et un gastéropode (Coeurdassier et al., 2010), comme cela a été fait par exemple pour des sols pollués à l'As puis traités avec divers apports (limaille de fer, cendres) apportera une information précieuse sur l’innocuité des matrices traitées. – Il paraît aussi important de développer et soutenir les relations entre chercheurs et développeurs. Ainsi l’intégration des données issues de la recherche dans des logiciels d’évaluation des risques (comme Terrasys ou Berisp, cf. 5.3.) mis au point par des organismes publics ou privés doit contribuer non seulement à démocratiser la prise en compte de la bioaccumulation et des transferts trophiques en évaluation des risques pour les écosystèmes mais aussi à valoriser les données de plus en plus nombreuses acquises dans diverses contextes de laboratoire ou de terrain. – de continuer à soutenir les recherches à l'interface chimie-biologie, notamment pour obtenir des données sur les résidus de pesticides et de divers contaminants organiques dans les tissus animaux. La prise en compte des interactions entre contaminants mérite également d'être approfondie. Perspectives, souhaits, recommandations sont délicats à formuler car dépendent des objectifs fixés. Le nôtre était de faire un état des lieux des connaissances concernant la biodisponibilité et la bioaccumulation des contaminants chez les animaux terrestres et de savoir dans quelle mesure ces données peuvent être appliquées et servir à la biosurveillance de l'environnement. Sans ambiguïté, on peut répondre par l'affirmative car dans les faits, et surtout dans les épisodes de bioaccumulation d'ETMs ou de substances organiques (naturels ou d'origine anthropogène) accompagnés de conséquences désastreuses à plus ou moins long terme, il est apparu que ce phénomène biologique méritait d'être connu et contrôlé. À cet effet, dans l'impossibilité matérielle de suivre la bioconcentration de toutes les substances chimiques dans toutes les espèces, les recherches effectuées jusqu'à présent révèlent que les animaux terrestres possèdent des capacités d'accumulation, de régulation ou d'élimination différentes et sont plus ou moins sensibles aux contaminants. Les Hommes se sont servis et se servent encore d'espèces animales sentinelles plus sensibles qu'eux pour les « prévenir » d'un risque ou d'un danger. Depuis le serin descendu dans les mines comme « sentinelles » d'un risque d'asphyxie après un coup de grisou (les serins sont 20 fois plus sensibles que les Hommes au monoxyde de carbone), des tests d'effets de substances chimiques ont été mis au point et standardisés pour détecter la toxicité aiguë (DL50 sur quelques jours) ou la toxicité sublétale, notamment sur la reproduction ou la croissance (CE10, CE20, CE50… pendant des périodes de 1 à 6 ou 8 semaines), qui se traduisent par des altérations physiologiques visibles et mesurables. Or, certains contaminants, présents à de très faibles concentrations dans l'environnement, n'engendrent pas forcément d'effets délétères dans les délais de plusieurs mois ou plusieurs années (selon la durée de vie des organismes et la demi-vie des substances chimiques). Ces contaminations chroniques à faible dose sont difficilement décelables par les analyses physico-chimiques du milieu de vie. En revanche,
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comme l'indique Rivière (1998) pour le milieu aquatique : « l'alternative consiste à analyser les polluants dans les organismes aquatiques, où ils se bio-accumulent à des concentrations parfois très élevées ». Rivière souligne les avantages de l'étude des processus de bioaccumulation et de dépuration de l'organisme au cours du temps (élimination des variations instantanées) et rappelle l'intérêt du « Mussel watch » mis au point aux États-Unis (Goldberg, 1986), qui consiste à prélever régulièrement des moules sur un ensemble de sites à surveiller pendant de longues périodes et à mesurer les concentrations en polluants dans ces animaux. En France, le Réseau national d'observation (RNO) de l'IFREMER utilise également des moules pour surveiller 110 stations et les moules d'eau douce sont aussi employées par plusieurs laboratoires pour suivre la qualité des eaux des rivières. Mais on ne dispose toujours pas de dispositif équivalent homologué pour les écosystèmes terrestres, bien que plusieurs espèces d'invertébrés (vers de terre, escargots, cloportes) aient montré des capacités de bioconcentration de contaminants au voisinage de sources de pollution et que l'utilisation de cages disposées sur le terrain avec des escargots fournissent des renseignements précis sur la nature et le niveau de contamination du sol, de la végétation et de l'air (Gomot de Vaufleury & Pihan, 2000 ; Ismert et al., 2002 ; Scheifler et al., 2003a ; Viard et al., 2004 ; Regoli et al., 2006). Dans ces conditions, les perspectives et recommandations que l'on peut formuler sont de plusieurs types et peuvent consister en compléments et aménagements de ce qui existe ou en innovations. Dans la première catégorie, on peut suggérer : – de compléter les tests d'écotoxicologie terrestres fondés sur les effets létaux et sublétaux par des tests de bioaccumulation des contaminants en choisissant : + une ou deux espèce(s) d'invertébrés qui se sont révélées macroconcentratrices de contaminants (vers de terre, escargots ou cloportes), + une ou deux espèce(s) de vertébré parmi les oiseaux et les mammifères (on restera attentifs au transfert des contaminants dans les chaînes alimentaires, mais aussi aux transferts intergénérations : bien connus chez les oiseaux par les œufs, mais beaucoup moins chez les mammifères suivant les types très différents de placentas qui excluent les extrapolations) ; – de standardiser un modèle de sentinelle terrestre permettant de la biosurveillance passive (récolte d'animaux autochtones sur les sites) et active (dans des cages avec des animaux d'élevage de la même espèce). Pourquoi pas un « snail watch » qui a fait ses preuves en forêt, en prairie, en ville, sur des décharges de déchets urbains et industriels et des sites métallurgiques remédiés ? Dans la catégorie des innovations : – promouvoir l'utilisation de la directive pour la mesure de la bioaccumulation chez les oligochètes terrestres (OECD, 2010b) et élargir cette directive à d'autres modèles biologiques, en insistant sur l'étude de la cinétique des concentrations des contaminants dans les organismes. Il est en effet nécessaire de savoir quand l'état d'équilibre est atteint et dans quelle mesure les phénomènes de bioaccumulation sont réversibles ou non, de façon à pouvoir étudier les relations de cause à effet entre les charges en résidus des organismes ou des organes et les effets sublétaux ou létaux observés ; – prendre en considération les modes d'exposition propres au milieu terrestre : nourriture, contact, respiration ;
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– innover en matière de METs (microcosmes, mésocosmes, cages…) avec plusieurs espèces de chaque niveau trophique pour évaluer les interactions autres que trophiques entre espèces ; – Les recherches récentes menées en écotoxicologie du paysage montrent que l’analyse de la réponse d’un organisme à la pollution doit s’appuyer sur la mesure de plusieurs paramètres (bioaccumulation, biomarqueur, indice de santé, population…), et que l’interprétation d’une mesure nécessite sa mise en perspective dans son contexte global en changeant de niveaux de perception (niveau d’organisation biologique, contextes temporel et spatial). Dans le cadre de l’évaluation du risque environnemental et de la biosurveillance, Fritsch (2010) souligne la nécessité des suivis à long terme, et de la mise en place de procédures sur des étendues pertinentes par rapport aux processus écologiques qui participent aux réponses observées et tenant compte du paysage. – insister sur la rigueur des méthodologies utilisées : + en respectant les règles de bonnes pratiques de laboratoire dans les protocoles expérimentaux, + en suivant un canevas rigoureux d'échantillonnage et de présentation des données : concentrations par rapport au poids sec, par rapport au poids de lipides (voir modèle de fiche signalétique de Sample et al. (1998a)), employer des méthodes statistiques appropriées… Trop de travaux ne définissent pas les variables, n'identifient pas les populations étudiées ; un gros effort doit être fait dans ce sens et il demande l'adhésion à la fois des scientifiques et des utilisateurs de tests. Autrement, même si les travaux publiés peuvent satisfaire aux exigences des « referees » de revues d'écotoxicologie, ils ne sont pas utilisables pour établir des normes ; ainsi pour la détermination des EcoSSLs du Cd, l'US EPA (2003) a identifié 1 953 publications avec des données de toxicité pour les oiseaux et les mammifères, dont 1 766 ont été rejetées et seulement 35 ont été jugées éligibles pour les espèces d'oiseaux. Dans notre synthèse, nous n'avons pas effectué de tri, car nous nous sommes efforcés de donner un panorama des connaissances, afin que les lecteurs puissent juger par eux-mêmes des orientations les mieux adaptées aux besoins de l'écotoxicologie des milieux terrestres. Plus particulièrement, il est souhaitable qu'en France tout au moins, en Europe si possible, un programme concerté d'espèces tests de bioaccumulation soit mis en place pour développer un système de biosurveillance efficace de l'environnement terrestre (le retard est considérable par rapport au milieu aquatique d'une part, et par rapport à d'autres pays, d’autre part !). Ce programme devrait aussi bien concerner les écosystèmes dans leur état actuel, mais aussi être appliqué aux nouvelles substances mises en circulation pour lesquelles on dispose seulement des données de toxicité des fabricants. Cela suppose des moyens et surtout une volonté politique de sauvegarde de l'environnement. Un courant de pensée qui se développe en Amérique du Nord, et dans le monde, selon lequel la biosurveillance des êtres vivants et la mise en application de mesures qui protègent les espèces sauvages, dont certaines sont plus sensibles aux contaminations que les Hommes, laisse espérer que l'espèce humaine fera en sorte que les nombreuses prévisions alarmistes sur son devenir, fondées sur des signes de risques majeurs affectant sa santé (cancers, diminution de la fertilité, perturbation du développement...), ne se confirment au cours du siècle qui débute. Les études de biodisponibilité et de bioaccumulation chez des espèces de notre environnement, choisies en fonction des résultats déjà connus et à développer, peuvent compléter utilement les tests de toxicologie et éviter des extrapolations hasardeuses.
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
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Glossaire
AHH : aryl hydrocarbon hydroxylase AhR : aryl hydrocarbon receptor ASTM : American Society for Testing and Materials BFRs : brominated flame retardants BPBs : biphényles polybromés BPCs : biphényles polychlorés (PCBs : polychlorobiphenyles) BSAFs : biota-to-soil accumulation factors CATs : contaminants in aquatic and terrestrial ecosystems CBR : critical body residue CCCR : charge critique du corps en résidus (CBR : critical body residues) CE : constante d’équilibre CE50 (ou CEx) : concentration efficace estimée d’une substance induisant une inhibition de 50 % (ou x %) d’un paramètre biologique non létal (croissance, reproduction, comportement…). CEC : capacité d’échange cationique
Glossaire
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CEE : concentration estimée dans l’environnement (EEC : estimated environmental concentration) CEFIC : European Chemical Industry Council CES : concentration estimée du sol (ESC : estimated soil concentration) CHLORs : chlordanes CL50 : concentration létale 50, concentration d’une substance provoquant 50 % de mortalité dans une population. Remarque : on utilise plutôt le terme DL50 pour les expériences de toxicité aiguë où l’on administre directement la substance aux organismes (nourriture, injection…) et le terme CL50 lorsque les organismes sont placés dans un environnement (sol, air…) dont la concentration en produit chimique induit une toxicité aiguë. La DL50 ou la CL50 peuvent être atteintes après des durées variables qui sont précisées : DL50T ou CL50T. T est exprimée en heures (DL50 24 h) ou en jours suivant l’objectif du test (CL50 14 jours). ClBzs : chlorobenzènes CLC : charge létale du corps (LBB : lethal body burden) CMP : concentration maximum acceptable (MPC : maximum permissible = NOEC/BCF) COD : carbone organique dissous CoLC : concentration létale du corps (LBC : lethal body concentration) COP : carbone organique particulaire COV : composés organiques volatils CQE : coefficient de qualité de l’eau (WQC : water quality criteria, Giesy et al., 1994c) CSE : concentration sans effet (NOEC : no observed effect concentration) CT : concentration tissulaire (TC : tissue concentration) CV : coefficient de variation DDD : 1,1-dichloro-2,2-bis(p-dichlorophényl)-éthane DDE : dichloro-diphényl-trichloroéthylène = 1,1-dichloro-2,2bis(p-chlorophényl)-éthylène DDT : dichloro-diphényl-trichloroéthane = 1,1,1-trichloro-2,2-bis(p-chlorophényl)-éthane DHTP : dose hebdomadaire tolérable provisoire DJA : dose journalière admissible DJT : dose journalière tolérable DL50 : dose létale 50, dose d’une substance provoquant 50 % de mortalité dans une DMTP : dose mensuelle tolérable provisoire EBC : earthworm body concentration Eco SSL : ecological soil screening level EDPB : éthers de diphényles polybromés (PBDEs : polybrominated diphenyl ethers) EP : equilibrium partitioning (PE : partage à l'équilibre)
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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EQT : équivalence toxique (TEQ : toxic equivalent) ER : récepteurs d'œstrogènes ERE : évaluation du risque écologique (ERA : Ecological Risk Assessment) ERO : 7-ethoxiresorufin-0-deethylase ESC : estimated soil concentration ETMs : éléments trace métalliques EU : European Union FA : facteur d’absorption (UF : uptake factor) FAO : Food and Agricultural Organization FBA : facteur de bioaccumulation (BAF : bioaccumulation factor) FBC : facteur de bioconcentration (BCF : bioconcentration factor) FBM : facteur de bioamplification (biomagnification) FBM (C) : facteur de bioamplification prédateur/proie avec les concentrations en contaminant par rapport au poids frais des organismes FBM (F) : facteur de bioamplification prédateur/proie avec les concentrations en contaminant dans les lipides FC : facteur de concentration (CF : concentration factor) FET : facteur d’équivalence toxique (TEF : toxic equivalency factor) FIR : food ingestion rate FMR : field metabolic rate FRP : flame resistant products FT : facteur de transfert (TF : transfer factor) FWMFs : food webs magnification factors GJST : gastric juice simulation test HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques HBC : hexachlorobenzène HC5 : hazardous concentration for 5% of the species HD 5 (50 %) : median estimated hazardous dose 5% = arbitrarily fixed protection level at the 5th percentile of the species distribution calculated with a 50% probability of overestimation HHRA : human health risk assessment HPVCs : high production volumes chemicals HQ : hazard quotient IEC : internal effect concentration ILC : internal lethal concentration ISM : integrated soil microcosm
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ISO : International Organization for Standardization ISS : index de sensibilité sublétale (SSI : sublethal sensitivity index) ITC : internal threshold concentration IUPAC : International Union of Pure and Applied Chemistry IVG : In vitro gastro intestinal method Kaw : coefficient de partage air-eau Kbw : biota/soil water partitioning coefficient Kco : teneur en carbone organique du sol (Koc : organic carbon coefficient) Kd : coefficient d’adsorption Koa : coefficient de partage octanol-air Kow : n-octanol water partitioning coefficient (coefficient de partage octanol-eau) Kp : coefficient de partage des métaux entre phase liquide et phase solide du sol LBC : lethal body concentration LOAEL : low observed adverse effect level LBR : lethal body residues Log Poe : le logarithme de Poe donne une indication du « potentiel de bioconcentration » d'un produit chimique dans les organismes aquatiques (log Poe = log Kow) LRT : long range transport MATC : maximum acceptable toxicant concentration MET : modèle d’écosystème terrestre (TEM : terrestrial model ecosystem) MFO : mixed function oxygenase (= multifonction oxydase), systèmes enzymatiques du groupe cytochrome oxydases, le cytochrome P450 permet d’évaluer l’effet potentiel d’une concentration déterminée de BPC ou DDT et autres composés organochlorés. Le cytochrome P448 est activé par organophosphorés. MG : matière grasse MO : matière organique MPC : maximum permissible concentration NOAEL : no observed adverse effect level NOEC/BCF : no observed effect concentration / bioconcentration factor NRRT : neutral red retention time (temps de rétention du rouge neutre) OCDE : Organisation de coopération pour le développement économique OCs : organochlorés OECD : Organization for Economic Cooperation and Development PBCAEO : plus basse concentration avec effet observé (LOEC : lowest observed effect concentration PBDE : éthers de BPBs (polybrominated diphenyl ethers)
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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PBT : persistent, bioaccumulative and toxic (persistant, bioaccumulatif et toxique) PBBs : polybrominated biphenyls PC : poids corporel PCB : polychlorobiphényle PCBs-DL : polychlorobiphényles dioxine-like PCDDs : dibenzo dioxines polychlorées : 2,3,7,8-TCDD = 2,3,7,8-tétrachlorodibenzopara-dioxine – 1,2,3,7,8-PeCDD = 1,2,3,7,8-pentaCDD – 1,2,3,6,7,8-HxCDD = 1,2,3,6,7,8-hexaCDD – OCDD = octa CDD PCDF : dibenzofuranes polychlorés. 2,3,7,8-TCDF = tetrachlorodibenzofuran PCP : pentachlorophénol PE : partage à l’équilibre (EP : equilibrium partitioning) PEC : predicted environmental concentration pf : poids frais PLOPs : persistent lipophilic organic pollutants PNEC : predicted no effect concentration PNP : pesticides non persistants Poe ou Koe : coefficient de partage n-octanol/eau (Kow : n-octanol water partitioning coefficient). Poe est le rapport entre la solubilité d’un produit chimique dans le n-octanol et dans l’eau à l’équilibre (lignes directrices 107 et 117 de l’OCDE)
POPs : polluants organiques persistants (persistent organic polluants) ps : poids sec QR : coefficient de risque = quotient de risque QSARs : modèles quantitatifs de relations structure-activité (quantitative structure- activity relationships) REACH : Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals (voir CEC, 2001) RfD : reference dose RMN : résonance magnétique nucléaire SCE : seuil concentration externe (ETC : external threshold concentration) SCIS : seuil concentration interne sans effet (CBC : critical body concentration SETAC : Society of Environmental toxicology and Chemistry SIL : seuil interne de létalité (ILL : incipient lethal level) SSDs : species sensitivity distributions TBBP A : tétrabromobisphenol A TC : tissue concentration TC50 : ½ temps de “clearance” TDE : tétrachloro-diphényl-éthane (encore dénommé DDD)
Glossaire
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TDI : tolerable daily dose TEM : terrestrial model ecosystem TMFs : trophic magnification factors TRV : toxicity reference value TSR : tissue to soil ratio UF : uncertainty factor USEPA : United States Environmental Protection Agency VPBT : very persistent and very bioaccumulative toxic VPVB : very persistent and very bioaccumulative (substances) VTR : valeur toxique de référence
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Tableaux index taxonomique
Tableaux index taxonomique
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Embranchement Classe Sous-classe
Ordre
Espèce
Famille Nom latin
Némathelminthes
Rhabditidés Plectidés
Caractéristiques Nom commun
Caenorhabditis elegans Plectus acuminatus
Nématodes Enchytraeidés
Annélides Oligochètes
Lumbricidés
Enchytraeus albidus Enchytraeus crypticus Enchytraeus buchholzi Cognettia sphagnetorum
Enchytrées
Épigés : Eisenia fetida fetida rouge violacé zébré, L : 50–120 mm
Vers de fumier
Eisenia fetida andrei rouge vineux uniforme, L : 50–90 mm Lumbricus rubellus rouge brun, L : 25–220 mm
- L’un des phylums les plus grands du règne animal - Nématodes libres, bactérivores - Corps cylindrique mince, translucide, effilé aux deux extrémités, 1 à 2 mm de long - Objet de plusieurs tests de toxicité - Vermiformes, minces, blancs, 1 à 50 mm de long - Vivent dans les 5 cm superficiels du sol - Jusqu’à 300 000/m2 sur matériel végétal en décomposition ; nourriture : mycélium des champignons, spores, algues vertes - Un test de toxicité reproduction (en cours ISO) - Vermiformes avec un renflement : clitellum ou selle - Ingurgitent le sol - Décomposeurs primaires communs dans les sols : 200 à 2 600/m - Trois catégories suivant le niveau du sol où ils vivent : • épigés : vivent à la surface du sol dans les accumulations organiques, ils sont fortement consommés par les prédateurs. Deux tests ISO (toxicité) avec E. fetida + une ligne directrice ISO
L. castaneus Dendrodrilus rubidus Anéciques :
Lombrics
Lumbricus terrestris vert brun, L : 100–300 mm Scherotheca Nicodrilus Endogés : Allolobophora caliginosa = Aporrectodea caliginosa vert rosé, L : 40–90 mm Allolobophora chlorotica vert clair ou pâle, L : 30–70 mm
ou
• anéciques : gros vers pigmentés à galeries subverticales Entraînent les débris organiques en profondeur. 80 % des lombrics
vers de terre • endogés : vers peu pigmentés à terriers horizontaux
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Index taxonomique des principales expèces animales utilisées en écotoxicologie terrestre avec quelques indices de leur importance biologique et écologique
Mollusques Gastéropodes Sous-classe des Pulmonés
Achatinidés
Achatina fulica Achatina achatina
Escargot géant africain
Hélicidés
Helix aspersa aspersa Helix aspersa maxima Helix lucorum Helix pomatia Arianta arbustorum Cepaea hortensis Cepaea nemoralis
Escargot petit-gris Escargot gros-gris Escargot turc Escargot de Bourgogne Escargot des arbres Escargot des jardins Escargot des murailles
Diam coquille 30–35 mm 12–15 g Tous les continents Diam-coquille environ 40mm Algérie 25-40 g Diam-coquille 40–55 mm Eurasiatique (Sud-Est Europe) 30–50 g Diam-coquille 40–50 mm centre et Sud de l’Europe 25–50 g Diam-coquille 16–22 mm Ouest et centre Europe Diam-coquille 22–25 mm centre et Ouest Europe Diam-coquille 17–22 mm Ouest Europe
Arionidés
Arion ater, A. rufus Arion subfuscus
Limaces
- « Limaces » coquille réduite ou absente 10–15 cm couleur rouge, brune ou noire 5–7 cm couleur rouge à brun sombre
Limacidés
Deroceras reticulatum Limax maximus Neobisium muscorum Neobisium simoni (2 à 6 mm)
Petite limace grise Grande limace grise
2–4 cm carène caudale médiodorsale, européenne 12–15 cm - Présence d’une paire de chélicères à fonction préhensile (caractère général) - Vivent sous les feuilles, les pierres, la mousse, les écorces - Prédateurs de petits arthropodes (collemboles, acariens)
Aranéides
Centromerus sylvaticus Pardosa lugubris Dysdera crocata Coelotes terrestris Zodarion rubidum
Araignées
-
Opilions (Phalangides)
Phalangium opilio Paranemastoma 4-punctatum Oligolophus agrestis Oligolophus tridens
Faucheurs ou faucheux
- Corps 5 à 10 mm + très longues pattes grêles (plusieurs cm) (quatre paires) - Carnivores (débris d’insectes et de myriapodes)
Pseudoscorpions
Arthropodes Chélicérates Arachnides Chélicères (pas d’antennes)
- Respiration pulmonaire (1 pneumostome + 1 poumon) - deux paires de tentacules dont la plus grande porte un œil à son extrémité - « Escargots » Afrique – Extrême-Orient (jusqu’à 1 kg) Coquille enroulée en colimaçon
Tableaux index taxonomique
Acariens Oribatidés Gamasidés Ixodes
- Formes très variées, en général taille < 1 mm sauf les tiques 2 - Herbivore 200 à 5 000 individus/m - Prédateur polyphage (nématodes + microarthropodes) 3 2 5 à 10 x 10 /m
Platynothrus peltifer Hypoaspis aculeifer
Boophilus decoloratus
Tissent souvent une toile en fil de soie 0,5 à 90 mm Carnivores (insectes, cloportes) Quatre paires de pattes
Tiques
- Suceur de sang
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Stylommatophores
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Trois classes (myriapodes, crustacés et insectes) er - Appendices du 1 segment du corps transformés en forcipules - Grand nombre de pattes - Carnivores - Lucifuges, 2 à 6 cm
Chilopodes
Lithobius forficatus Lithobius variegatus Lithobius mutabilis
Diplopodes
Iulus scandinavius Leptoiulus belgicus
Segments du corps doubles avec deux paires d’appendices Végétariens. Saprophages, 1 à 8 cm Corps gris noir, peuvent s’enrouler en spirale
Glomeris marginata
Corps noir brillant peuvent se mettre en boule comme certains cloportes, 10 mm
Scolopendres et mille-pattes
Polydesmus superus = Brachydesmus superus Mastigona 2. Crustacés (deux paires d’antennes)
3. Insectes (une paire d’antennes)
Isopodes
Oniscus asellus Porcellio scaber Philoscia muscorum Porcellio dilatatus Porcellio laevis Armadillidium vulgare
Collemboles
Cloportes
Peut se rouler en boule (diam. 8 mm) Souvent utilisé pour des tests de laboratoire avec O. asellus, et P. scaber
Folsomia candida Folsomia fimeteria Isotoma viridis Orchesella cincta
Podurelles
Dictyoptères Blattidés
Blattela germanica Blatta orientalis Periplaneta americana
Blatte germanique Blatte orientale Blatte américaine
Isoptères
Reticulitermes lucifugus Calotermes
Termites
Orthoptères Gryllidés
Corps ovalaire aplati – 5–40 mm Végétariens – macrodécomposeurs, lieux humides, homochromie avec le milieu – activité nocturne
Gryllus domesticus Gryllus campestris
Grillons
Tettigonidés
Tettigonia viridissima
Sauterelles
Acrididés
Locusta migratoria Schistocerca gregaria Omocestus viridulus
Criquets
Hexapodes (trois paires de pattes chez les adultes, 4/5 des espèces animales connues – formes très diverses) Insectes aptérygotes (sans ailes). Très petits 0,5 à 5 mm En général, un furca (4e segment abdominal) servant au saut 2 Très nombreux : 10 000 à 50 000/m Peuvent être élevés au laboratoire mais grande variabilité génétique ; un test ISO : inhibition reproduction Insectes pterygotes (avec deux paires ou une paire d’ailes) Corps aplati, omnivores nocturnes, endroits humides 2 à 5 cm Insectes sociaux, xylophages (bois, humus, débris végétaux) polymorphisme important Insectes diurnes avec grand développement des pattes postérieures (sauteurs) 5 000 espèces Vivent à terre souvent dans un terrier – phytophages Antennes longues + un oviscape (ponte des œufs) long chez les femelles Vivent dans les herbes, buissons, arbres Antennes courtes, ailes très développées – endroits secs et chauds, végétariens
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632 Antennates 1. Myriapodes (une paire d’antennes)
Carabidés
Chrysocarabus splendens Poecilus cupreus Notiophilus biguttatus Aptinus bombarda Abax parallelipipedus
Carabes
Staphylinidés
Philonthus cognatus Lathrobium fulvipenne Tachyporus hypnorum Zyras humeralis
Staphylins
Scarabéidés
Melolontha melolontha
Hanneton
Cetonia aurata Oxythyrea funesta
Cétoines
Geotrupes Ateuchus
Bousiers
Tableaux index taxonomique
Piéridés
Pieris brassicae, P. rapae
Nymphalidés
Aglais urticae
Lymantriidés
Lymantria dispar (Europe Amérique) Lymantria monacha
Pyralidés
Ostrinia nubilalis Ephestia kuhniella Galleria mellonella
Phytophages ou carnivores – élytres très courtes Prédateur de pucerons
Grosses larves « vers blancs » qui rongent les racines des plantes ou vivent dans les déjections des bovidés Un test de toxicité létale avec larves Oxythyrea (AFNOR)
Papillons
Lépidoptères
deux ailes antérieures transformées en élytres coriaces (1 mm à 150 mm) Surtout prédateurs et détritivores – quelques polyphages et phytophages En général carnivores
Corps et ailes plus ou moins recouverts d’écailles pigmentées Pièces buccales des adultes transformées en trompe (grains de pollen) Larves phytophages, environ 140 000 espèces
Piérides du chou, du colza…, Macrolépidoptères diurnes papillons blancs Papillons dont les larves mangent les feuilles de crucifères La petite tortue (vanesse de l’ortie) Ailes sombres (très commun) Zigzag
Pyrale du maïs Mite de la farine Mite des ruches
Papillons nocturnes – défoliateurs des forêts feuillues ou de conifères
Microlépidoptères : beaucoup sont nuisibles, corps couvert de poils
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Coléoptères
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Nématocères
Chironomus
Brachycères
Drosophila melanogaster Musca domestica Calliphora erythrocephala
Chironomes Mouche des vendanges Mouche domestique Mouche bleue de la viande
Hyménoptères
Antennes courtes Larves = asticots, polyphages
Plus de 106 espèces –0,1 à 50 mm « Ailes en membranes », deux paires d’ailes membraneuses, ordre le plus riche du règne animal
Apides
Apis mellifera
Vespoides
Vespa germanica
Formicoïdes
Une seule paire d’ailes (ailes postérieures = balanciers) Longues antennes Larves aquatiques (ver de vase) avec hémoglobine
Formica rufa, F. fusca Formica pratensis Lasius fuliginosus Dolerus nigratus Empria baltica
Abeilles domestiques Guêpes Fourmi rousse, fourn fauve Fourmis
Les abeilles existent sous toutes les latitudes Formes solitaires + formes sociales Aculéates = « porte aiguillon » = aiguillon venimeux à la place de la tarière des femelles
Fourmis = insectes sociaux avec deux catégories d’individus ou castes
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634 Diptères
Ordre
Nom latin Amphibiens
Anoures
Urodèles
Reptiles
Sauriens
Ophidiens
Classe des oiseaux Aptérygiformes Sous-classe des ratites
Tableaux index taxonomique
Sous-classe carinates
Ordre des sphénéciformes (Impennes)
Caractéristiques
Espèce
-Famille
Nom commun
Rana esculenta Rana temporaria Bufo bufo Alytes obstetricans
Grenouille verte Grenouille rousse Crapaud vulgaire Crapaud accoucheur
Amphibiens qui perdent leur queue à la métamorphose
Triturus cristatus Triturus alpestris Triturus palmatus Salamandra salamandra
Triton crêté Triton alpestre Triton palmé Salamandre commune
Amphibiens qui conservent leur queue à la métamorphose
Lacerta viridis Lacerta muralis Lacerta vivipara Anguis fragilis
Lézard vert Lézard des murailles Lézard vivipare Orvet
Sceloporus undulatus Sceloporus occidentalis
Lézard des palissades
Anolis carolinensis Anolis sagrei
Anolis vert Anolis brun
Natrix natrix Vipera berus Vipera aspis
Couleuvre à collier Vipère péliade Vipère aspic
Apteryx australis
Kiwis (trois espèces)
Aptenodytes patagonica Aptenodites forsteri Spheniscus demersus
M.de Patagonie (M. royal) M. empereur M. du Cap
Manchots (M.)
Reptiles européens avec pattes (sauf orvet)
Lézard des Etats-Unis – insectivores – ressemblent aux lézards d’Europe Iguanidés = caméléons d’Amérique Reptiles sans pattes
Nouvelle-Zélande Ailes réduites à des moignons (« coureurs »), mœurs nocturnes, taille d’une poule Plumes du corps longues et étroites, ni rémiges ni rectrices Se nourrissent de vers et d’insectes dans les broussailles Oiseaux à ailes atrophiées (ailerons servant de rames) « Plantigrades », se nourrissent de poissons, crustacés, mollusques céphalopodes. Muent à terre une fois par an
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Embranchement Classe Sous-classe
635
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Oiseaux à ailes développées Piscivores + vers, mollusques, crustacés, batraciens
Ordre des gaviformes Genre Gavia
Genre Podiceps Ordre des porcellariiformes Genre Diomedea Genre Porcellaria Ordre des pélécaniformes
Genre Puffimus
Plongeons Grèbes
Albatros Petrels Puffins Grand cormoran Pélicans
Phalacrocorax carbo Ordre des ciconiiformes
Genre Pelecanus
Genre Ardea
Hérons Aigrettes Cigogne blanche (Alsace) Cigogne américaine
Genre Egretta
Ordre des phoenicoptériformes
Ordre des onsériformes Famille des anatidés Sous-famille des ansérinés
Sous-famille anatinés
Nichent à terre au bord des eaux douces, passent l’hiver dans les mers de la zone tempérée Cosmopolites oiseaux d’eau douce Oiseaux marins, se nourrissent d’animaux planctoniques, méduses, mollusques céphalopodes Les plus grands oiseaux de mer (jusqu’à 3,50 m d’envergure)
Vivent sur les rivages marins ou des lacs et rivières, se nourrissent de poissons Échassiers – lieux humides Se nourrissent de poissons, de batraciens, d’insectes et même de rongeurs Nourriture variée, espèces migratrices
Ciconia ciconia Mycteria americana
Flamants Flamant rose (Europe)
Échassiers Filtrent l’eau avec leur bec et se nourrissent d’animacules (crustacés, mollusques) et de diatomées
Genre Phoenicopterus P. ruber
(Anciens palmipèdes)
Oiseaux d’eau – poussins nidifuges, régime alimentaire varié
Oies Genre Anser Genre Branta Genre Chen
Anas platyrhynchos
Cairina moschata Genre Fuligula = Aythya Genre Somateria
Canards de surface Canard colvert (canard mallard) Canard de Barbarie Canards plongeurs (Fuligules) Eiders
Cygnes, oies – pas de dimorphisme sexuel Se nourrissent surtout d’herbes qu’elles broutent La plupart sont migratrices Dimorphisme sexuel ; tadornes, canards, sarcelles Nourriture variée, herbes, plantes aquatiques, graines, crustacés, insectes, mollusques…
« Gros canards marins », se nourrissent de coquillages capturés en plongée (hémisphère nord)
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636 Oiseaux (suite)
Rapaces diurnes – se nourrissent de proies capturées vivantes (sauf les vautours) Les débris indigestes sont rejetés sous forme de pelotes-bec crochu, doigts avec griffes (serres) développées
Ordre des falconiformes Aigle de Bonelli Aigle royal Pygargues Pygargue à tête blanche Pygargue à queue blanche Buses vulgaires Épervier d’Europe Autour des palombes Milan royal Busards Condors Faucons Gerfaut Faucon pèlerin Faucon crécerelle
Se nourrit de lapins, pigeons, perdrix, geais, grives
Bubo bubo Tyto alba Asio otus Athene noctua Strix aluco
Hibou grand-duc Chouette effraie Hibou moyen-duc Chouette chevêche Chouette hulotte
Rapaces nocturnes (affinités avec falconiformes). Pas de jabot Prédateur de petits mammifères
Genre Sterna Genre Larus L. argentatus L. ridibundus
Hirondelles de mer Mouettes ou goélands Goéland argenté Mouette rieuse
Genre Scolopax S. rusticola Philohela minor
Bécasses Bécasses des bois (Europe) Bécasse américaine
Genre Vanellus
Vanneaux
Limicoles
Genre Grus Grus grus
Grues Grue cendrée européenne
Anciens échassiers coureurs terrestres Régime alimentaire très varié : insectes, mollusques, petits vertébrés. Vivent en groupes importants, migrations saisonnières
Rallus aquaticus Gallinula chloropus Genre Fulica
Râles Râle d’eau Poule d’eau Foulques
Hieraaetus fasciatus Aquila chrysaëtos Genre Haliaeetus H. leucocephalus H. albicilla Buteo buteo Accipiter nisus Accipiter gentilis Milvus milvus Genre Circus Genre Vultur Ordre des strigiformes Genre Falco Falco rusticolus Falco peregrinus Falco tinnunculus Ordre des Lariformes
Ordre des charadriiformes
Ordre des ralliformes (Gruiformes)
Bords des cours d’eau, lacs et mer (pêchent poissons et animaux aquatiques échoués) Se nourrissent de rongeurs, reptiles, oiseaux terrestres
Nourriture : Insectes, rongeurs, lézards, petits oiseaux Se nourrissent de charognes Oiseaux capturés en vol, rongeurs, insectes, passereaux Prédateur de petits mammifères (87 % Microtus arvalis)
Prédateur de petits mammifères + invertébrés (vers + insectes) Nombreux oiseaux de mer, palmipèdes, ailes bien développées Piscivores, mangeurs de déchets alimentaires, ne s’éloignent jamais beaucoup de la terre
Ordre cosmopolite, peuple toutes les régions de la terre Lieux marécageux – grandes migrations saisonnières, long bec, se nourrissent de vers, de larves et d’autres organismes terrestres
Tableaux index taxonomique
Lieux humides, marécages, cosmopolites Se nourrissent d’éléments végétaux et animaux
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Oiseaux (suite)
637
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Grand nombre d’espèces terrestres coureurs ou percheurs Très ubiquistes – oiseaux domestiques + oiseaux gibiers
Oiseaux (suite)
Famille des tétraonidés
Ordre des columbiformes
Gallus gallus Genre phasianus Phasianus colchicus Perdix perdix Alectoris rufa Genre coturnix Genre colinus Meleagris gallopavo
Lagopus lagopus L. mutus Tetrastes bonasia
Coq sauvage Faisans Faisan de Colchide Perdrix grise Perdrix rouge Cailles Colins d’Amérique Dindon
Lagopède des saules Lagopède alpin Gelinotte des bois Pigeons et palombes
Ordre des passériformes
Columba palumbus Columba livia Streptopelia turtur
Pigeon ramier = Palombe Pigeon biset Tourterelle des bois
Famille des turdidés Turdus merula
Famille des paridés
Famille des hirundinidés Famille des fringillidés Famille des ploécidés
T. migratorius T. viscivorus T. philomelos Genre des parus Parus major P. coeruleus P. palustris Hirundo rustica Genre des fringilla Genre des carduelis Genre des emberiza Genre des passer P. domesticus P. montanus
Merles, grives Merle noir d’Europe Merle américain Grive draine Genre musicienne Mésanges Mésange charbonnière Mésange bleue Mésange nonnette Hirondelles Hirondelle de cheminée Pinsons Chardonnerets Bruants
Ancêtre de nos volailles
Tétras, grouses – très sédentaires, adaptés aux climats les plus froids Lagopède d’Écosse – tourbières, landes Haute montagne – plumage d’hiver : blanc ; plumage d’été : brun ou gris Forêts et taillis mixtes Souvent percheurs – poussins nidicoles nourris avec le « lait » sécrété par le jabot des parents Migrateur mais parfois sédentaire À l’origine des pigeons domestiques
plus de 12 000 espèces (plus que tous les autres ordres réunis) Oiseaux percheurs (subdivision en familles difficile) Nourriture très variée : vers, insectes, mollusques, fruits, baies… (Parcs, jardins...) Migratrice partielle Migratrice partielle Plusieurs genres dans le monde entier sauf l’Amérique du Sud
Se nourrissent d’insectes capturés au vol Migratrices
Tableaux-Taxonomique.fm Page 638 Lundi, 20. mai 2013 9:52 09
638 Ordre des galliformes
Famille des alaudidés
Alauda arvensis
Famille des sturnidés Sturnus vulgaris
Famille des corvidés
Garrulus glandarius Pica pica
Moineaux Moineau domestique Moineau friquet
Nids fermés – bec court et épais Maisons, édifices et cultures de céréales voisines Plus campagnard que le moineau domestique
Alouettes Alouette des champs
Champs, landes, marais, pâturages
Étourneau sansonnet
Régions cultivées, lisières de bois, villes, villages. Pâture et dort en troupes parfois énormes, dortoirs dans bois, villes, roseaux
Corvus corone corone Corvus corax
Geai des chênes Pie bavarde Corneille noire Grand corbeau
Classe des mammifères Monotrèmes (protothériens)
Ornithorhynchus anatinus Genre tachyglossus Genre zaglossus
Marsupiaux (métathériens) Euthériens
Genre didelphys Genre macropus Ordre des fissipèdes Famille des canidés
Ornithorynque Échidnés Opossum ou sarigues Grands kangourous
Bois de feuillus et de conifères Régions cultivées avec haies et arbres espacés – gros nid avec dôme dans un grand arbre Régions cultivées et habitées, niche en général dans les arbres Sédentaires omnivores Australie et Tasmanie – nourriture : vers, mollusques, végétaux Pond 2 à 3 œufs dans un terrier Australie, Tasmanie,Nouvelle-Guinée Insectivores Nouvelle-Guinée Amérique tropicale-omnivores Herbivores – Tasmanie, Australie, Nouvelle-Guinée Carnivores Chiens domestiques et sauvages + loups + renards
Tableaux index taxonomique
Genre canis Canis familiaris Canis lupus Vulpes vulpes Alopex lagopus Vulpes macrotis vulpes
Chien domestique Loup Renard roux Renard polaire Petit renard San Joaquin
Famille des félidés
Felis catus Felis sylvestris Felis concolor coryi
Chat domestique Chat sauvage d’Europe Puma, cougar
Famille des mustélidés
Mustela vison Mustela lutreola Lutra lutra L. canadensis Mustela herminea Mustela nivalis Mustela putorius Martes martes Martes foina Meles meles
Vison américain Vison d’Europe Loutre d’Europe Loutre d’Amérique Hermine Belette Putois Martre Fouine Blaireau
Vit dans des terriers où il se reproduit – omnivore
Ursus maritimus U. arctos
Ours blanc polaire Ours brun
Carnivore, prédateur de phoques et piscivore, n’hiberne pas Le plus répandu, Europe, Asie, Amérique du Nord (grizzly)
Famille des ursidés
Canidés sociaux Creusent des terriers – Europe, Asie, Amérique du Nord Amérique
Panthère de Floride, Amérique (le plus grand des félidés) Espèce élevée dans différents pays pour sa fourrure Piscivores
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Oiseaux (suite)
639
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Raton laveur
Omnivore – Amérique du Nord et Centrale
Ordre des pinnipèdes Famille des phocidés
Phoca hispida
Phoque marbré
Leptonychotes weddelli
Phoque de Weddell
Carnivore, se nourrit de poissons, crustacés (régions arctiques et tempérées nord) Vit sur la glace permanente (Antarctique)
Genre Sus (Sus scrofa)
Porcs domestiques, sangliers Non ruminants, omnivores Bœufs Moutons Chèvres Chamois Ruminants (rumination avec mastication différée) Cerfs Cerf noble Cerf à queue blanche Ubiquiste, montagnes d’Amérique du Nord Cerf mulet Chevreuils Eurasie Rennes Caribous (Canada) Élans
Ordre des artiodactyles Famille des suidés Mammifères (suite)
Famille des bovidés Famille des ovidés Famille des caprins Famille des cervidés
Ordres des périssodactyles Famille des équidés Ordre des lagomorphes
Ordre des rongeurs Famille des sciuridés
Genre bos Genre ovis Genre capra Genre rupicapra Genre cervus Cervus elaphus Odocoileus virginianus Odocoileus hemionus Genre capreolus Genre rangifer Alces alces Genre equus Genre asinus
Lepus timidus Lepus europaeus Oryctolagus cuniculus
Sciurus vulgaris Spermophilus beecheyi Glis glis Eliomys quercinus
Famille des gliroïdés Famille des cricétidés
Famille des microtidés
Genre peromyscus Genre cricetus Genre oryzomys
Clethrionomys glareolus Microtus arvalis Microtus agrestis Arvicola terrestris
Chevaux Ânes Lièvre polaire Lièvre européen Lapins
Écureuil d’Europe Spermophile Loir d’Europe Lérot Hamsters
Campagnol roussâtre Campagnol des champs Campagnol agreste Campagnol terrestre
Végétariens Montagnes de l’Arctique Europe Les lapins sauvages creusent des terriers où ils élèvent leurs petits Très grand nombre d’espèces qui occupent tous les milieux Écureuils terrestres et arboricoles et marmottes Écureuil arboricole (végétarien : fruits, noix, noisettes) Écureuil terrestre de Californie – creuse des terriers, hiberne plusieurs mois Frugivore, parfois carnivore Frugivore, parfois carnivore Aspect de souris – Amérique du Nord et du centre (plus de 50 espèces) Peuplent des milieux très variés (de l’Europe orientale à la Chine) Vie amphibie (rizières américaines) Campagnols, herbivores (surtout graminées) Très vaste répartition, buissons, arbustes. Centre et Nord de l’Eurasie. Pullulent souvent en Europe et en Asie Rat taupier, fourrure hirsute, creuse des galeries, prairie, vergers, bords des eaux
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640 Famille des procyonidés Procyon lotor
Genre erinaceus Genre sorex, genre blarina ; Ordre des insectivores genre Crocidura Famille des éricanoïdés Genre suncus Famille des soricidés Sorex araneus Crocidura russula
Famille des talpidés
Surmulot (rat d’égout) Rat noir Souris Rat des moissons Mulot sylvestre
Hérisson Musaraigne carrelet Musaraigne musette (à dents blanches) Taupe européenne
Talpa europaea
Ordre des chiroptères Vespertilion à moustaches Sous-ordre des microchiroptères Famille des vespertilionidés
Myotis mystacinus Genre pipistrellus P. pipistrellus Genre rhinolophus R. hipposideros
Tableaux index taxonomique
Famille des rhinolophidés Macaca mulatta Macaca fascicularis Ordre des primates Homo sapiens
Rats et souris
Très répandu en France Hérissons, musaraignes et taupes Omnivore, hiberne à T° < 15 °C Musaraignes. Vie courte, se nourrissent d’insectes, de vers de terre et de fruits Fréquente en France (prédateur principal : la chouette effraie, Tyto alba) Vivent sous terre dans des galeries ; nourriture – vers de terre + larves insectes Chauves-souris – régimes insectivore, frugivore, piscivore, nectarivore Vaste répartition – insectivores
La pipistrelle
Dans le monde entier sauf Amérique du Sud Chiroptère le plus familier ; volette au-dessus des toits et jardins avant même la tombée de la nuit
Petit rhinolophe à fer à cheval
Entomophage. Chauve-souris « fer à cheval » de l’Ancien Monde Espèce européenne jusqu’à l’Himalaya
Macaque rhésus Macaque mangeur de crabes Inde – arboricole grimpeur Homme
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Famille des muridés
Rattus norvegicus Rattus rattus Mus musculus Microtus minutus Apodemus sylvaticus
641
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
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Photo 1 Nématodes du sol : Ce : Caenorhabditis elegans (0,5 mm) et Xi: Xiphinema index femelle (2 à 3 mm)
vecteur du virus court noué de la vigne.
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1
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E.sp.
Photo 2 Enchytraeide (E.sp.), 1 à 5 cm de long.
1 cm Photo 3 Spécimens des trois catégories principales de vers de terre.
2
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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1 cm
1 cm
Photo 4 Escargots du genre Helix.
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3
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2 cm
Photo 5 Achatines Af (Achatina fulica) provenant de Nouméa (Orstom). Escargot des jardins Ch (Cepaea
hortensis) et escargot des murailles Cn (Cepaea nemoralis) communs en Europe.
4
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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2 cm
Photo 6 Escargots d’Europe centrale et du sud. Hp: Helix pomatia ; Hl : Helix lucorum.
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5
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1 cm
1 cm
1 cm Photo 7 Limaces fréquemment rencontrées : Dr (Deroceras reticulatum = limace grise) ; As (Arion subfuscus =
limace rousse) ; et Aa (Arion ater = limace noire).
6
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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1 cm
1 cm Photo 8 Haa = Helix aspersa aspersa = escargot Petit Gris ; Ham = Helix aspersa maxima = escargot Gros
Gris d’Algérie.
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7
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Photo 9 Utilisation in situ de microcosmes pour étudier les effets du sol et de différentes plantes sur la croissance
des escargots et le transfert d’ETM essentiels ou non.
8
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Photo 10 Utilisation des microcosmes pour des études de transfert d’ETM dans un jardin.
Cahier Quadri
9
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Photo 11 Cages utilisées pour exposer des escargots sentinelles dans différents milieux.
10
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Photo 12 Grive musicienne (Turdus philomelos = ericetorum) qui mange un escargot (H. aspersa) après avoir
cassé sa coquille.
Photo 13 Jeunes escargots Helix aspersa âgés de 1 mois (environ 1g) attaqués par les carabes (Chrysocarabus
splendens) qui consomment la totalité des tissus mous et abandonnent les coquilles vides.
Cahier Quadri
11
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2 mm
1 mm
2 mm
1 mm
Photo 14 Isopodes. Av : Armadillidium vulgare ; Ps : Porcellio scaber ; Oa :Oniscus asellus.
12
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Cahier-Quadri.fm Page 13 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
5 mm Photo 15 Vue dorsale de Oniscus asellus (O) et de Porcellio scaber (P) sur des feuilles qu’ils sont en train de
fragmenter et de manger.
Photo 16 Lymantria dispar , papillon ravageur de forêt
Cahier Quadri
13
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2 cm Photo 17 Apis mellifera, abeilles sur la planche d’envol de leur ruche.
14
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Photo 18 Insectes collemboles. Folsomia, Orchesella, Isotoma.
Cahier Quadri
15
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Photo 19 Le carabe, Chrysocarabus splendens adulte et sa larve au 1er stade larvaire (L), prédateur d’escargots.
16
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Photo 20 Insectes. Criquet (Omocestus viridulus) ; criquet migrateur (Locusta migratoria) ; papillon (Aglais
urticae) ; fourmi (Lasius sp.) ; drosophile (Drosophila melanogaster).
Cahier Quadri
17
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Photo 21 Myriapodes: Chilopodes: Lithobius. Diplopodes (chilognathes): Glomeris, Julus, Polydesmus.
18
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Photo 22 Arachnides: deux opilions (faucheux ou faucheurs) ; deux araignées (Dysdera crocata et ¨Pardosa
amentata) ; un pseudoscorpion ou chernète (Neobisium sp.).
Cahier Quadri
19
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Photo 23 Lagopus leucurus, Colorado, USA.
Photo 24 Canard (Anas platyrhynchos).
20
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Photo 25 Pie (Pica pica).
Photo 26 Mésanges (Parus).
Cahier Quadri
21
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,m
Photo 27 Moineau (Passer domesticus).
Photo 28 Cormoran : Phalacrocorax auritus.
22
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
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Photo 29 Sterne caspienne : Sterna caspia.
Photo 30 Pygargue à tête blanche : Haliaeetus leucocephalus.
Cahier Quadri
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Photo 31 Goeland : Larus argentatus.
Photo 32 Coq doré : Gallus gallus.
24
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Cahier-Quadri.fm Page 25 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
Photo 33 Faucon crécerelle : Falco tinnunculus.
Photo 34 Faucon pèlerin : Falco peregrinus.
Cahier Quadri
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Photo 35 Rouge gorge (Erithacus rubecula) apportant des chenilles à ses petits dans le nid.
Photo 36 ♂ : tractus urogénital d’un embryon mâle de perdrix rouge de 21 jours traité par l’azinphos. Testicules (Td, Tg) minces et aplatis, canaux de Müller (CM) non régressés. ♀ : tractus urogénital d’un embryon
de poulet traité au paraquat. Persistance de l’oviducte droit (CMd) et d’une gonade droite (Gd) rudimentaire. O : ovaire gauche.
26
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Cahier-Quadri.fm Page 27 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
Photo 37 Taupe (Talpa europaea). Ordre des insectivores ; mâle: 147 mm, femelle: 135 mm.
Photo 38 Campagnol roussâtre : Clethrionomys glaerolus. Ordre des rongeurs.
Cahier Quadri
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Cahier-Quadri.fm Page 28 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
Photo 39 Mulot sylvestre : Apodemus sylvaticus. Ordre des rongeurs ; corps + queue = 10 cm.
Photo 40 Musaraigne carrelet. Sorex araneus. Ordre des insectivores ; corps + queue = 7 cm.
28
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Cahier-Quadri.fm Page 29 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
Photo 41 Campagnol agreste Microtus agrestis (tête + queue environ 13 cm).
Photo 42 Lièvre commun d'Europe (Lepus europaeus).
Cahier Quadri
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Cahier-Quadri.fm Page 30 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
Photo 43 Martre (Martes martes).
Photo 44 Loutre (Lutra lutra).
30
Photo 45 Putois (Mustela putorius).
Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...
Cahier-Quadri.fm Page 31 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
Photo 46 Renard vulgaire Vulpes vulpes. Famille des canidés, Ordre des carnivores.
Cahier Quadri
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Cahier-Quadri.fm Page 32 Jeudi, 14. juin 2012 9:34 09
Photo 47 Diversité fonctionnelle et rôle écologique des vers de terre.
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Bioccumulation, bioamplification des polluants dans la faune terrestre...