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French Pages 463 [471] Year 2007
BILINGUISMEET TERMINOLOGIE GRAMMATICALEGRÉCO-LATINE
ORBJS/ SUPPLEMENTA MONOGRAPHIES PUBLIÉES PAR LE CENTRE INTERNATIONAL DE DIALECTOLOGIE GÉNÉRALE (LOUVAIN) MONOGRAPHS PUBLISHED BY TIIE INTERNATIONAL CENTER OF GENERAL DIALECTOLOGY (LOUVAIN)
TOME 27
BILINGUISME ET TERMINOLOGIE GRAMMATICALE GRÉCO-LATINE
Édité par Louis BASSET, Frédérique BIVILLE, Bernard COLOMBAT, Pierre SWIGGERS et Alfons WOUTERS
PEETERS LEUVEN
- PARIS - DUDLEY.
2007
MA
A CIP record for this book is available from the Library of Congress
© Peeters, Bondgenotenlaan 153, B - 3000 Leuven, 2007
ISBN ISBN
978-90-429-1907-5 (Peeters Leuven) 978-287723-973-8 (Peeters France) D. 2007/0602/50
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos ............
.
Pierre SWIGGERS -Alfons WOUTERS, Vivien Law ( 1954-2002) ln Memoriam
1-6
7-15
Section I: Bilinguismeet terminologiegrammaticale:aspects méthodologiques,philologiqueset linguistiquesd'une problématique Pierre SWIGGERS -Alfons WoUTERS, Transferts, contacts, symbiose: l'élaboration de terminologies grammaticales en contact bi/plurilingue . . . . . . .
19-36
Louis HoLTZ, Transcription et déformations de la terminologie grammaticale grecque dans la tradition manuscrite latine . . . . .
37-56
Louis BASSET, La dérivation adjectivale dans la terminologie grammaticale gréco-latine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
57-69
JeanLALLOT, Vessies et lanternes dans l'histoire du vocabulaire grammatical grec .......................... .
71-91
Section II: Le phénomène des transferts terminologiques Isabelle BOEHM, Métaphore médicale ou spécialisation dans le vocabulaire grammatical gréco-latin: héritage et création . . . . . . Anneli
95-118
LUHTALA,
Terms Related to Ambiguity in Ancient Grammar, Rhetoric and Philosophy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
119-133
VI
TABLE DES MATIÈRES
Carmen CoooNER, El léxico ordinario de referencia a la /engua en lat(n tardfo
135-160
Section Ill: Le fonctionnement de la terminologie grammaticale en contexte bilingue JeanSCHNEIDER, Le llepi 'Op8oypaçvi>I;,tiµtpa, 0tivatoç, Çrori(G.G. I l, 35. 4). "Le [nom] ayant quasi une relation à quelque chose est, par ex., nuit, jour, mort, vie".
TRANSFERTS, CONTACTS, SYMBIOSE
27
Dans les commentaires des scholiastes on trouve une définition plus explicite: "Le 1tp6ç tt (fxov), quand il survient, rend présent aussi l'autre concept corrélatif, et quand il est annulé, il évacue aussi son corrélatif. Quand 'le père' est mentionné, 'le fils' est également présenté à l'esprit. Quand 'le père' disparaît, alors 'le fils' disparaît aussi, car quand 'le père' n'existe pas, nécessairement 'le fils' n'existe pas [ ... ]. Le d>ç1tp6ç tt (fxov), quand il survient, détruit la notion opposée et quand il est annulé, il établit [la notion opposée], comme 'nuit' le fait avec 'jour"' (Scho/. Dion. Thr. 235. 13-18) 13•
Cette opposition entre deux types de noms corrélatifs repose sur un amalgame de notions philosophiques. D'une part, la terminologie rappelle la classification stoïcienne en quatre catégories ontiques 14 : tô ô1toKetµ&vov ('le sujet'), tô 1to16v ('le qualifié'), tè>1troçl!xov ('ce qui est en quelque manière') et tè> 1tp6ç n 1troçl!xov ('ce qui est en quelque manière par rapport à quelque chose'). Cette dernière catégorie aurait été illustrée, selon le témoignage de Varron (De lingua Latina X 59), par Chrysippe (vers 280-206 av. J.-C.) à l'aide des paires conceptuelles "père - fils", "droit - gauche"; mais il n'est pas clair si Chrysippe avait en vue ici la théorie de la relativité sémantique. D'autre part, la conceptualisation doit être rattachée à la philosophie de la vieille Académie. En effet, c'est chez Platon et Aristote 15 qu'on trouve les bases de la dichotomie entre (1) termes absolus et termes relatifs, et (2) dans le cas des termes relatifs, entre relationnels proprement dits et contraires. Ainsi, selon une description chez Simplicius (VIe siècle ap. J.-C.) 16, renvoyant à l'enseignement d'Hermodorus, disciple et biographe de Platon, il y a une distinction entre tà Ka0' aôta. (ou tà Katà fümpopa.v) et tà 1tpè>çlh&pa. Les tà 1tpôç ftepa sont distingués en tà 1tp6ç n, ou relatifs simples, comme "droit", "gauche", "au-dessus", et tà êvavtia, ou relatifs par lien de contrariété, comme "santé" et "maladie", "vie" et "mort". Cette doctrine, qui concerne des prédicats, a été reprise par les Stoïciens, mais sans se confondre avec la théorie stoïcienne des catégories
13
Atmptpet tè> 1tp6ç tl toii t:bç1tp6ç tl llxovtoç. Ôtl tè> µev 1tp6ç tl llxov m>Vlvivi JCai napetv u\6v, JCai 1taÀ.tvdvaipo6µevoç ô natt)p m,vavaipei Kai tè>v u\6v. µt) yàp ôvtoç toii natpè>ç dvayJCfl Kai tè>v u\ov µt) dvm. ôµoicoç JCai è1ti trov a.À.À.rov.To 6i: tvavtiov m>Vmtaµevov dvaipei, dvmpo6µevov ôi: cruvicrtrimv, t:bçvù/; tt)v fiµtpav. 14 Pour un commentaire sur ces catégories stoïciennes, voir Schubert (1994: 198-243). 15 Voir les références dans Swiggers - Wouters (1995: 155). 16 Cf. ln Aristot. Phys. 248. 2-4 Diels = Hermodorus, fr. 7 [lsnardi-Parente].
28
P. SWJGGERS - A. WOUTERS
ontiques. Ce qui pourrait prêter à confusion, toutefois, c'est la récurrence dans les deux théories stoïciennes du terme xpoç n [JtmÇ]fxov. Dans son commentaire sur les Catégories d' Aristote 17, Simplicius nous présente un résumé particulièrement intéressant de la doctrine stoïcienne: "Les Stoïciens ont au lieu d'un seul, deux types de relatifs: ils rangent l'un dans tà 1tpoç n et l'autre dans tà npoç ti nroç fxovra. Ils opposent tà npoç n aux Ka8' abta, et tà np6ç ri nroç fxovra aux tà Katà fümpopciv. Ils disent que "le doux" et "l'amer" et autres choses analogues, qui sont "disposées" de telle façon, sont np6ç n, alors que "(à) droite", "père" et termes semblables sont appelées npoç ti nroç f xovra. Ils appellent Katà 6tacpopav les choses qui sont caractérisées par une certaine forme. Tout comme le concept de tà Ka8' aôta diffère du concept de tà Katà füacpopciv, de même tà np6ç t\ sont différents de tà np6ç ti nroç fxovra. La séquence de ces rapports est opposée de façon converse. Car tà Katà 6tacpopcivsont présupposés, en sous-jacence, avec tà Ka8' aôta, puisque les choses qui sont Ka8' aûta manifestent certaines différences, comme le blanc et le noir, mais ce n'est pas le cas que tà Ka8' aôta sont présupposés, en sous-jacence, avec tà 1Catà 6tacpopciv,puisque le doux et l'amer ont des différences par lesquelles ils sont caractérisés, et pourtant de telles notions ne sont pas Ka8' aûta, mais sont np6ç n. Tà npoç ti nroç fxovra, qui sont opposés à tà Katà 6tacpopciv,sont pleinement np6ç n. Car "(à) droite" et "père" sont, outre qu'ils sont npoç ti nroç fxovra, également npoç n. Le doux et l'amer, étant 1tp6ç n, sont Katà 6tacpopav, alors que tà 1tp6ç ti nroç fxovra sont contraires à tà Katà 6tacpopciv.Car il est impossible que tà np6ç ti nroç fxovra sont Ka8' aôta ou Katà ôtacpopav, puisqu'ils dépendent seulement de leur relation à l'égard d'autre chose. D'autre part, tà 1tp6ç n ne sont pas Ka8' aôta, puisqu'ils ne sont pas absolus, mais qu'ils sont entièrement Katà 6tacpopciv,étant conçus d'après une certaine caractéristique".
Dans ce passage, les termes relatifs sont subdivisés en deux types: les termes conçus (et désignés) en fonction d'une propriété qui leur est interne et les termes conçus en fonction d'une propriété qui leur échoit à partir d'un relatum. Doux et amer sont des exemples du premier type; père [de -1, à droite [de -1 illustrent le second type. Si l'on essaie de reformuler la distinction en termes plus systématiques, on peut dire que les termes tà xp6ç îl impliquent une "relativité" (ou "relationnalité") générale, et non spécifique. Leur relativité est une relativité "ouverte", n'impliquant qu'un foncteur logiquement nécessaire: doux (pour quelqu'un),possession (de quelque chose) 18• Leur relativité est donc "interne", et cela explique pourquoi ils sont dits Kat à Ôl(l(popav (par différenciation). 17
ln Aristot. Cat. 165. 32-166. 32 Kalbfleisch. Simplicius (166. 15-27) donne comme exemples du type tà 1tp6ç n des tennes comme fl;lç ('possession'), tmcttriµTJ('connaissance'), alaOr\avouant par là sa vraie prononciation). Le remplacement de q>par le f labiodental, très tôt consommé dans la prononciation, s'introduit donc dans la graphie. L'évolution dans la prononciation n'a pas tout de suite eu sa répercussion dans l'écriture et ce décalage que nous constatons dans le cas du q>prononcé fa dû concerner d'autres phonèmes. Pourquoi ce retard de la graphie? Parce que les maîtres qui manient cette terminologie et les copistes antiques eux-mêmes qui ne sont pas ignares, restent attachés aux conventions de translittération dans la mesure où étant eux-mêmes bilingues, ils discernent toujours, sous la forme en écriture latine, le mot grec écrit selon l'alphabet grec. En tout cas, dans les traités de grammaire, qui contiennent avant tout la définition des notions linguistiques, la translittération dans l'alphabet latin des termes empruntés au grec est de mise depuis longtemps. Elle semble réalisée depuis le 1ersiècle, si l'on interprète bien les manuscrits de Quintilien, les fragments du Dubius sermo de Pline 21 et ceux de Remmius Palémon 22 • Elle était sans doute en marche du temps de Varron, si ce n'est que les sources manuscrites des auteurs républicains et du HautEmpire sont séparées des traités de l 'Antiquité tardive par tant de siècles que l'on ne peut garantir que les termes techniques n'aient pas été peu à peu latinisés de copie en copie. Mais mieux encore, nous trouvons chez Lucilius le mot cacosyntheton intégré dans un vers latin 23 • La graphie des termes grecs dans les commentaires
Mais tournons-nous maintenant vers la partie exégétique de l'enseignement du grammairien, la plus pédagogique, la plus vivante, en fait la 20
21 22
23
Cf. Lejeune (1972: 145, §143, début). Cf. Della Casa (1969). Mazzarino (1955: 68-102, cf. fr. 3, 5* etc.). Lucilius, v. IX, 19 (Charpin) = 377 Marx.
TRANSCRIPTION ET DÉFORMATION
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partie essentielle. Tout est bien différent: ici la terminologie d'emprunt reste en majorité une terminologie grecque en grec au sein de la phrase latine. Les termes techniques d'emprunt sont pensés et écrits en grec alors qu'ils sont appelés à s'insérer dans la syntaxe d'une autre langue. Nous disposons en effet, grâce aux commentaires d'auteurs classiques qui nous sont parvenus, de précieux témoignages sur le bilinguisme des grammatici latins de l' Antiquité tardive. Certes, nous n'avons plus de manuscrits des commentaires de Donat, de Servius etc. datant de cette époque. Mais le témoignage des manuscrits carolingiens, c'est-à-dire des plus anciens témoins de ces textes, même s'il demande à être interprété, est fort clair: chaque fois qu'un manuscrit carolingien présente un terme technique écrit en onciales grecques, même si ce terme est déformé, méconnaissable ou illisible, il y a présomption que l'ancêtre antique dont il dépend écrivait le même terme en recourant à l'alphabet grec, ce qui revient à dire que l'éditeur est fondé à restituer des mots grecs dans le latin de l'auteur, comme c'est évidemment le cas aussi, dans tous les plus anciens manuscrits de Priscien, pour les nombreuses citations grecques du livre 18 des Institutions grammaticales. Les copistes carolingiens ne connaissent pas le grec, sauf exception, et quand ils rencontrent du grec en scriptio continua dans leur modèle, ils le recopient sans comprendre, sans même pouvoir lire cette onciale grecque dont ils confondent et déforment les caractères, incapables de distinguer le G du T, le L de l' A, l' 0 du Q, l' U du Y, l'H du N, sans être même en mesure de découper le texte en unités sémantiques. On sait que dans nombre de manuscrits des Institutions grammaticales, le copiste, découragé, renonce à copier les citations grecques, se contentant à leur place de tracer les deux lettres GR (ce qui raccourcit considérablement le livre 18). Ouvrons le plus ancien manuscrit du commentaire térentien24 de Donat: sans cesse, nous le constatons, à même l'explication de texte, le grammairien glisse des mots grecs qui dans le manuscrit sont écrits en grec, mais qui n'entrent pas moins dans la syntaxe de la phrase latine, exactement de la façon dont nous voyons, dans la correspondance de Cicéron, des expressions grecques de toute nature s'imbriquer dans la pensée de l'auteur et dans la trame du texte latin. Ce fait, confirmé par tous les manuscrits du commentaire térentien, remonte donc à l'archétype de la tradition (Cf. pl. 111).
24
Paris BnF lat. 7920, du XI• siècle.
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L. HOLTZ
L'abondance de tennes grecs non translittérés, leur inclusion dans la syntaxe de la phrase latine sont des faits qui prouvent non seulement que le grammairien est bilingue, mais aussi que c'est le cas de son auditoire. Notez par exemple comment pour désigner des termes avec précision, le grammairien n'hésite pas à recourir parfois à l'article grec25,comment aussi il n'hésite pas à donner à un terme grec un ablatif latin hybriœ26 comme d~tcoµa-re, ou à affubler un comparatif grec d'un complément 1 • introduit par quam2 La restitution de ce grec à travers les manuscrits latins pose de nombreux problèmes. Ainsi il arrive que le grec soit à ce point déformé, qu'il devient impossible de restituer la bonne leçon 28, ce qui caractérise de nombreux textes grammaticaux ou métriques. D'autre part cette restitution pose des cas de conscience: pourquoi penser que le grammairien a été systématique dans son usage? Ainsi pour le vers 120 de l'Andrienne, tous les manuscrits de Donat portent la formule ellipsis Terentiana en caractères latins. L'éditeur a donc tort de restituer fÂ.Â.tt\jllÇ en caractères grecs. En revanche, au vers 128, le sujet du verbe imposita est étant implicite, le commentateur qualifie la tournure d'elliptique et les meilleurs manuscrits portent en caractères grecs fÂ.Â.tl\jllÇ. Ainsi, grande était la liberté du commentateur, il passait, pour le même terme, d'un alphabet ou d'une langue à l'autre indifféremment, à quelques lignes de distance. Ailleurs, un procédé est qualifié par deux termes grecs (MIMHCIC per prosopopeiam, v. 286) et, au témoignage des meilleurs manuscrits, le premier est écrit selon l'alphabet grec et le second selon l'alphabet latin. Mais rien ne distingue mieux la différence d'usage entre
is Donat, Andr. v. 404, (ms. A): REVISO QVJD AGANT AVT QVID CAYfElvT CONS/li poeto 'quid agant' auribus est opus, IlPOl:80 'quid captent' prutkntia et sagacitate. La fonne barbare poeto représente ce qui reste de 1tpoç tè>,qui fait couple avec le second 1tpoç tè>mal orthographié: tè>quid agant = «par rapport à la formule quid agant.,.. 26 Donat, Andr. v. 45 (ms. A) QVJN 1V VNO VERBO DIC uno uerbo uno dçtci>µote nam dçicoµo sententia. 'l7 Donat, Andr., v. 96, (ms. A) CVM ID MIHI PLACEBAT 1VM VNO ORE OMNES OMNIAIBONA DICERE ET LAUDARE FORTUNAS MEAS QVI NA1VM HABEREM TAU TIKON TEPON fortunas quam fortunam (restituer tµq,aJNGEN/O PRAED/1VM ENcl>A tucci>t&pov). 28 Donat, Andr., v. 301 (ms. A) Has personas Terentius addiditfabulae-nam non sunt apud Menandrum - NEOill8EA TON fieret Philumenam spretam relinquere sine sponso, Pamphilo aliam ducente. La plupart des mss omettent l'adjectif grec attribut nécessaire pour construire la phrase. Le ms. A donne NEOill8EATON et M ne f1ti8&tov.Henri Estienne conjecturait tpoyucci>t&pov,ce qui convient pour l'idée mais il est difficile de le faire sortir des lettres grecques subsistantes. Wessner propose avec plus de bonheur 1ta8r)tucôv. Le copiste de A a pris la conjonction latine ne pour une partie du mot grec.
TRANSCRIPTIONET DÉFORMATION
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traités de grammaire et commentaires de texte que la façon dont Donat traite le v. 218 de l'Andrienne. Il s'agit d'un vers de Térence devenu célèbre par le jeu de mot qu'il implique: Nam inceptio est amentium, non amantium ( «Car c'est là une initiative de déments et non d'amants»). Dans l 'Ars maior ce vers illustre la paronomase: paronomasia (le mot est en latin) est veluti quaedam denominatio ( «la paronomase est une sorte de décalque d'un nom»). Dans le commentaire le grammairien en profite pour établir une différence entre paronomase et 1tap11oµoeov [sic] et il écrit les deux mots en grec. Nous sommes alors à Rome sous l'empereur Constant ou sous le règne de son frère Constance, autour de l'année 350. Le cas du commentaire de Servius composé à Rome vers les années 420, est assez différent. Nous trouvons beaucoup moins de termes grecs, au moins dans le Servius authentique. Mais dans le commentaire composite dit Servius Danielis, les termes grecs abondent, spécialement dans les excursus mythologiques, c'est-à-dire dans la partie non servienne, dans laquelle on s'accorde aujourd'hui à voir des passages rajoutés plus tard par compilation provenant du commentaire perdu de Donat, que Servius avait déjà utilisé comme source de son propre commentaire. Une évolution s'est sans doute produite: Donat resterait fidèle au bilinguisme du Haut-Empire, alors que Servius s'en écarterait déjà. Certes, il n'est pas sOr qu'il soit légitime de comparer le commentaire d'une épopée au commentaire d'une œuvre théâtrale, mais la méthode entre les deux commentateurs semble très différente: Servius emploie en général très peu les figures pour rendre compte du texte qu'il commente, alors que ce recours aux figures est abondant chez Donat, comme on peut s'en rendre compte par simple consultation de l'index commun (Mountford - Schultz 1930) au commentaire térentien de Donat et virgilien de Servius. Cas de déformation terminologique par ignorance du grec
Cependant peu à peu le bilinguisme s'est éteint en Occident. On sait d'autre part que dans les écoles du Haut Moyen Âge les traités de grammaire issus de l'école antique ont pris une importance primordiale par rapport aux commentaires d'auteurs: en effet, on enseignait toujours la théorie grammaticale, mais on ne s'occupait plus guère des auteurs classiques qu'on ne copiait même plus. Aucune œuvre classique ne nous est parvenue dont nous puissions citer un seul manuscrit copié entre la fin du vie siècle et les dernières décades du VIIIe. Autrement dit, de la littérature issue de l'école de grammaire antique les traités théoriques
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L. HOLTZ
continuaient seuls à être utilisés comme textes vivants et donc étaient seuls soumis aux aléas de la vie. À une époque où l'on ne connaissait plus le grec en Occident, la terminologie grecque latinisée a donc souffert et a commencé à se déformer. Les copistes ne comprennent plus le sens des termes techniques qu'ils écrivent, mais savent pourtant que sous le latin c'est du grec et que les mots grecs sont bardés d'h et d'y. Donc ils en placent à tort et à travers, guidés par de fausses étymologies (cf. pl. IV). Certaines graphies attestent un effort malencontreux pour comprendre de quoi il s'agit. Dans le radical homœo- certains croient reconnaître le mot latin homo, catachresis est rattaché à crisis, dans synecdoche on croit reconnaître la préposition sine. Parmi les mots les plus déformés, il y a ekthlipsis (élision violente), substantif dérivé de è1C8ï..ifko dont le consonantisme est complètement étranger au latin. Donc très tôt le phonétisme propre à la langue a réagi: amuïssement de la dentale entre la gutturale et la liquide, assimilation régressive, et on arrive à eclipsis puis à ellipsis29.Malheureusement la place est déjà prise par ellipsis (de tï..ï..timo), l'ellipse, terme souvent orthographié ec/ipsis, par souci (pseudo-)étymologique. Dans cette terminologie héritée mais désormais incomprise, un cas particulièrement intéressant est représenté par le genre épicène (EPIKOINON), latinisé epicœnon avec un c à la place du kappa, puisque le k en latin ne trouve à s'employer que devant le a, selon l'enseignement même de nos grammairiens. Ici les mru"tresirlandais du Haut Moyen Âge, qui se disaient forts en grec, ont trouvé à s'illustrer. Au VIIe ou au vme siècle, epicœnon a été latinisé une seconde fois, sans doute à partir d'une graphie hybride mêlant les deux alphabets, du type *EPICOINON: le P a été lu rho, le C interprété comme un sigma de forme occidentale, et la courbe du O comme celle d'un second sigma: on aboutit à erissinon, forme qui mettra du temps à disparaître et que l'on trouve encore dans certains manuscrits carolingiens. Mais ces formes sont exactement circonscrites dans une aire géographique et chronologique. Plus extraordinaire encore, le terme bannita qui apparaît chez certains grammairiens insulaires pour désigner la syllabe ou la lettre. Bischoff (1976) a démonté le mécanisme par lequel a été forgé de toutes pièces ce pseudo-mot grec. On sait que les grammairiens aiment bien recourir à l'étymologie. Ils nous disent par exemple, à propos du mot latin ars, «ars AilO TlŒ APETlŒ», nullement gênés de donner comme étymologie 29
Cf. par ex. pour Donat 662, 11 le ms. Bern, Burgerbibl. 207 (fin VIII• s.) f" 17 porte elipsis.
TRANSCRIPfION ET DÉFORMATION
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à un mot latin un mot grec. Pareillement ils explicitent l'étymologie de syllaba en écrivant syllaba AilO TOY I:Y AAAMBANEIN TA rPAMMATA, c'est-à-dire «syllabe vient de "rassembler les lettres"» 30• Imaginons un accident malencontreux (trou, déchirure, tache) dans un parchemin faisant disparaître de cette formule grecque toute simple le début AilO TOY I:Y AAAM, en sorte qu'il reste uniquement 31 BANNl(N)T A rPAMMATA, interprétable comme un mot BANNI + TA glosé bannita: gram.mata. Et voilà un monstre, qui devait faire les délices de ceux pour qui le comble du beau style était l'emploi de mots rares, mais que les grammairiens carolingiens ont été pourtant capables de retrancher de la tradition grammaticale. Mais eux non plus, à part quelques brillantes exceptions comme Jean Scot et Sédulius Scottus, ne connaissent pas le grec; et Alcuin, qui en avait pourtant quelques notions, supprime quasiment tout ce qui est grec des deux livres d'extraits qu'il tire des Institutions grammaticales de Priscien (cf. Holtz 2000: 304sv.). Plus tard, de nouvelles déformations surgiront, et même foisonneront dans l'enseignement fondé sur des œuvres qui ont été pendant plusieurs siècles les manuels quotidiens, tel le Doctrinale d'Alexandre de Villedieu ou le Grécisme, au titre si paradoxal, d'Éberhard de Béthune. Et malgré ces inévitables déformations, malgré aussi tant de recours à des étymologies fantaisistes pour rendre compte de cette terminologie d'emprunt, la conscience de la dette de la grammaire à ses créateurs grecs ne disparaîtra jamais de la conscience des maîtres. RÉFÉRENCES
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30
Par ex. Sergius, G L. IV, 10. représente e,iotacisé et la nasale a pu tomber du fait de l'oubli d'un tilde au-dessus du i. 31 /
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L. HOLTZ
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TRANSCRIPTIONBT DÉFORMATION
Pl. l: Ms. Napoli BN lat. 2, f" 12P.
53
54
L. HOL1Z
Pl. 11:Ms. Napoli BN lat. 2 (Vindobonensis 16), f' 142v(Ve siècle) Grammaire de }'Anonyme de Bobbio (sur le septimus casus, à distinguer de l'ablatif)= éd. De Nonno p. 4, 5-8.
uu ducentedeaelapsusestaeneasincusanteciceronecatilinauictus eststudentesacerdotedifferentiainuentaestr)yEµovEuouCTJC TTJC0EaCEçwÀl.c0EVaLVLac1Ji) laudis : Parnphilusexemplum continentiae ! v. 102 (71,9) PLACVIT: CTNTOMIA (= awroµ(a). v. 118 (75,4) VNAM ASPICIOADVLESCENTVLAMex consuetudinedixit unam... tolle unam et ita flet, ut sensui nihil desit, sed consuetudoadmirantisnon erit expressa. "Vnam" ergo TOI AOTICMO ( = T). v. 127 (77, 8) FVNVS INTERIM PA.C.î.8.H. TON ( = daiw&Tov). v. 149 (82,7) NON TV IBI GNATVM AllOCIOilCl;C UELEMI1111 C (= à1TOOlW1TT}lv). v. 218 (97,5) NAM INCEPTIOEST AMENTIVMHAUT AMANTIVM... et quidem si in uerbis sunt para mo ea (= 1Tap6µ0la)dicuntur, in nominibus IlAPONOMACIAL (= 1TapovoµaalŒl). v. 228 (98,22) AVDIVI ARCHYLISIAMDVDVMhaec sunt inuentionispoeticae, ut ad iKONOMIAN (= olKovoµlav)facetiae aliquid addant. v. 261 (107,12) .AMOR a necessario,MISERICORDIA AllOTOTOTCIOî (=à1To Toû oolou). v. 278 (112,9) IGNAVVM et INGRATVM AYEIŒII:est ( =aÔ~lS). v. 285 (114, 7) ACCESSI. VOS SEMOTAE NOS SOLI figurae proprie Terentianae, et ACIN9ETOC ET EMEI'l'LC (= àcruv&TOv et lAArn/slS)'uos semotae", deest estis, "nos soli" deest "remansimus". v. 286 ( 114,18) MI PAMPHILE MIM HCI6 ( = µlµ11ms) per prosopopoeiamet principium a blandimento. v. 312 (121,13) Per anOCfPOcl>EN (= à1TOOTpaaw)habet. v. 396 (142, 8) INVENIET INOPEM îll04>0PAEl!IEl!ICTIKOC (= Ù'!Toq>opà El)aToxos Steph.). (= KaTà d1Ahmoq>opàv) dici putant v. 396 (142, 10) sunt qui KaTaaNTI ITOOITaN "inuenietinopem potius quam te corrumpi sinat". v. 447 (154,3) SVBTRISTISVISVS EST ESSE ALIQVANTVMMIHI Mire seruatum est in adulescentelibero TONITPEITON(= TO 1Tpl1Tov) et in amatoreTOITTEnon(= To 1Tl8av6v). v. 481 (163,13)ADHVC ARCHYLISet haec sunt praeter OIKONOMIAN(= olKovoµlav ) quae dicuntur ElPNMaTa (• EUpT)µaTa). V.
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L. HOLTl
Quelques défonnations dans les manuscrits du Haut Moyen Âge 1) Quelques graphies des mss carolingiens de l'Ars maior de Donat Parhomoeon: paronomoeon, parameon, paremoon, paromhoeon Zeugma: zeuma (passim) Homoeoptoton: omoeoptoton (passim), omoepteton,omoptoton Homoeoteleuton: omoeoteleuton (passim), homo e the leuton, omoeotheleuton, omoeuteleuton, omoeotleoton, homo eotleoton,omoeotoleuton,omoteliton Synecdoche: sine doche, sinecdoce, Catachresis: catacresis (passim), catacrisis, cathacrisis, catacrysis, catacressis, Hyphen: yfen (passim), yphen, yphaen, hyphin, iphyn, ifin, iffen, ypen, Ecthlipsis: ethlipsis, ectelipsis, ectelypsis, ecthlimpsis, eclypsis, eclipsis, elypsis, elipsis, ellipsis, heclipsis, eblisis, hecodipsis, elimsis, ecliptosis, ectilipsis, eglipsis
2) Epicoenonlerissinonlerisenon: Anonymus Bobiensis De Nonno 3, l (= G.L. I, p. 534,7): Sunt et promiscua nomina, quae Graeci È"trlK01.va uocant... Clédonius, G.L. V, 11, 7 & 39, 16: epicoenum (a. corr.), epicoenon (p. c.) Ps. Augustini regulae, G.L. V, 506,12, ed. princeps: epicenum. Consentius G.L. V, 344,24: epicena B (Bernensis 432), herisena L (Leiden, Voss. 37,8, d'ascendance insulaire). Aspérius [s. VINII, grammaire monastique, d'origine continentale ou irlandaise, mais de ttadirion entièrement irlandaise] G.L. VIII, 40,14: opoecenon (A, s. VIIIex.), erisenon (B, s. VIII\ Ars ambrosiana [vers l'an 700, Bobbio, auteur irlandais] CCSL 133 C, 41,91 app. cr.: eripinon. Anon. ad Cuimnanum [début du VIIIe siècle, Bobbio, tradition irlandaise, ms unique Northumbrien] CCSL 133 D: HPICCINON, p. 47, 88; erissinun ibid., p. 47, 95. Ars anonyma Bernensis [s. vni2Bobbio, influence irlandaise] G.L. VIII, 83,23: erisenon Donatus Ortigrafus [un peu avant 800, maître irlandais sur le continent], CCCM XL D, p. 93, 779 app. cr.: erisenon V erissinon PB. Murethach CCCM XL, 81, 2 [maître irlandais, vers 840, Metz, Auxerre]: epichenon .
LA DÉRIVATIONADJECTIVALE DANS LA TERMINOLOGIEGRAMMATICALE GRÉCO-LATINE Louis BASSET (Université LumièreLyon 2)
1. Importance de la dérivation adjectivale Ce qui frappe en premier lieu quand on examine le vocabulaire grammatical gréco-latin est l'importance de la dérivation adjectivale dans la constitution de ce vocabulaire. Ceci s'explique à la lumière de l'analyse qu'a faite Holtz (1981: 49-50) de la «structure pyramidale» canonique des traités de grammaire dans l 'Antiquité, telle qu •elle apparaît déjà dans la Tekhnê grammatikê de Denys le Thrace. À partir d'un inventaire restreint d'éléments phonétiques et de «parties du discours», dont sont distinguées diverses variétés ou «catégories» (tà EÏÔ'l), le traité se développe selon un inventaire systématique, pour chaque partie, de ses «accidents» (tà 1tapE1t6µEva).Chacun de ces accidents donne lieu ensuite à une énumération des déterminations qui permettent d'en distinguer les modalités. Les variétés des parties et de leurs accidents sont exprimées par des adjectifs déterminatifs s'ajoutant au nom de la partie ou de l'accident. C'est seulement dans un deuxième temps que ces adjectifs peuvent devenir des substantifs, grâce à l'ellipse systématique du nom de la partie du discours ou de l'accident:
- tè>1tpo011yopucovôvoµa > tè>1tpo011yopuc6v. - fi ôvoµaO"ttK1)1ttC001.Ç > fi ôvoµaattKll. Pour étudier la dérivation adjectivale dans la terminologie grammaticale gréco-latine, je me suis donc surtout appuyé sur la Tekhnê de Denys et les Ttxvm ou Artes qui adoptent la même structure pyramidale, en particulier le texte bilingue de Dosithée qui fournit une abondante série de correspondances entre grec et latin. Je me suis aussi intéressé, mais de façon non systématique, aux formes que fournissent des traités plus spécialisés, comme ceux d' Apollonios Dyscole. Le but de ma recherche n'était pas un inventaire exhaustif, mais d'essayer de définir les grandes tendances de la dérivation adjectivale dans le vocabulaire terminologique, Bilinguis-
et rerminoloxie grammaticale. Orbis/Supplementa. 27. Louvain: Peeters, 2007.
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L. BASSET
en relevant les exceptions les plus notoires. Le Dictionnaire de la terminologie grammaticale grecque de Bécares Botas ( 1985), qui donne souvent une liste d'équivalents latins des termes grecs, m'a parfois permis d'enrichir les données dont je disposais. 2. Tendances générales Assez rares sont dans le vocabulaire grammatical les adjectifs non dérivés, ou dont la motivation dérivationnelle n'est pas immédiatement perceptible. Ils correspondent le plus souvent à un fonds ancien de la terminologie grammaticale, et viennent de la langue courante avec parfois une assez forte modification sémantique. Parmi les dérivés, certains suffixes sont rares. Ils correspondent à des termes qui ou bien viennent eux aussi de la langue courante, ou bien se rattachent à des séries sémantiques appartenant à la langue courante (c'est le cas surtout en latin). La catégorie des adjectifs verbaux (participes et adjectifs grecs en -to-) est un peu plus nombreuse. Ces dernières formations, de type plus grammatical que lexical, correspondent aussi le plus souvent à une spécialisation dans un emploi technique d'une forme appartenant à la langue courante. Dans les cas précédents, quand il y a motivation dérivationnelle, la tendance générale est à un certain isomorphisme entre grec et latin (calques morphologiques). Il n'en est pas de même pour toute une série d'adjectifs composés, surtout les composés possessifs. Ceux-ci sont assez nombreux en grec, alors que le latin les évite, en ayant recours à divers procédés. Mais la plupart des adjectifs du vocabulaire grammatical gréco-latin sont dérivés au moyen de suffixes qui se sont développés dans les langues techniques. Ils reposent en grec sur le suffixe -(1)1e6ç. Mais en latin, outre quelques cas particuliers, ce sont deux suffixes différents qui lui correspondent: -iuus, qui est «déverbatif » et actif, et -alis/-aris, qui est «dénominal » (c'est d'ailleurs à cette opposition que répond ici l'opposition des termes «déverbat-if » et «dénomin-al», voir ci-dessous sous 7).
3. Les adjectifs non dérivés Les adjectifs non dérivés apparaissent en grec surtout dans la première et prépartie des traités, celle qui s'occupe de ce qui relève de la O'O'llCfl8eropia, 1:11O'ICÉ'VTt Kat to tpyo tou Kopari. Athènes, Ktvtpo Neoû.Â.TtVtKcov epwvcov E.I.E., 1984: 70-82. Selon Fragkiskos, en 1796, la grammaire de Koraïs était encore à l'état manuscrit, et une lettre que Fragkiskos date au plus tôt de 1800 nous montre Koraïs en quête d'argent pour publier son ouvrage ... 5
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J. LALLOT
7. Babiniotis (1998), s.v. a1to0etuc6ç (dans la notice sur l'histoire du mot) H ovoµacria àno8&nKùpqpata6, nop ô69mce an6 tou~ aÀ.E~avôptvou~ :ypqLJ,µa.tucou~. ovôvoµcitrov icai ~11µcitrovµtya fi611tt tcaÀ.Ôvicai ÔÂ.ov (Jl)(J"t'T!O'OµEv, Çci>ov) nous nous mettrons à constituer un grand et bel ensemble, comme tout à l'heure l'être vivant reproduit par la peinture"(Platon, Cratyle, 424e-425a).
Les philosophes et les grammairiens de l 'Antiquité, dans leurs travaux sur le langage, ont tous sous les yeux, de près ou de loin, la métaphore du corps dont un des exemples les plus célèbres se trouve dans le texte du Craty/e rappelé en exergue. Plutôt que d'essayer de faire un inventaire des termes qui pourraient être empruntés par métaphore à la terminologie médicale, j'ai choisi de centrer cet exposé sur quelques éléments du vocabulaire qui peuvent être représentatifs de processus terminologiques. Ce choix a été en fait dicté par les faits eux-mêmes. En effet, comme nous le verrons, on est rarement sfir d'un emprunt par métaphore à la langue médicale, et un examen attentif s'impose toujours. 1. La métaphore médicale ( 1): autour de lip0pov Le terme lip0pov, latin articulus, articu/are pronomen, fait partie des catégories du discours. Il forme un chapitre (le chapitre 16) de la Tekhnê grammatikê de Denys le Thrace, qui le décrit de la manière suivante: U&pilip8pou µtpoç Àoyou1ttrotuc6v,1tpotacrcr6µ&vov Kai û1totacrcr6•Apapov tO'"'Ci µ&vovtitç KÂ.icr&roç trov ôvoµatrov, Kai fO'"'C\ 1tpotaKnKov µèv o,û1totaKnKôv ôè oç(Denys le Thrace, Tekhnê grammatikê, éd. et trad. de J. Lallot 1989: 16). Bilinguismeet terminologie grammaticale, Orbis/Supplementa. 27. Louvain: Peeters, 2007.
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I. BOEHM
"L'article est une partie de phrase préposée [ou postposée] à la flexion des noms: il y a le prépositif ho et le postpositif hos".
Denys le Thrace précise ensuite que l'article a trois accidents: genre, nombre, cas. Bécares Botas comprend que cette catégorie regroupe les elementos conectivos "éléments connectifs" (nous dirions "ligateurs") en général, panni lesquels l'article-relatif. L'usage grammatical du terme est peut-être dû à Aristote, comme le rappelle Lallot 1, et de son côté Bécares Botas, dans son dictionnaire. Bécares Botas, comme Lallot (dans la longue note consacrée au passage, Aristote, Poétiqut?) ne manquent pas de souligner le problème que pose cette possible première apparition - et définition - du terme chez Aristote, dans la mesure où le texte d'Aristote donne un nombre de parties du discours qui s'oppose à la tradition postérieure, qui en propose seulement trois3, sans compter que le texte a été très mutilé ici4 • Il énonce en effet huit parties de l'expression au début du chapitre 20 (éd. et trad. Lallot Dupont-Roc), dont èip9pov: Tfiç ÔÈ Â.Éç&roç{utCIO'flÇ'taô' to-'ti 'tà µÉpfl, O''tOlX&ÏOVO'UÂ.AaPit crovôeo-µoç ôvoµa pfJµa lip8pov 1t'tromç Â.oyoc;(Poétique, c. 20 [1456b] Lallot - Dupont-Roc). "Quant à l'expression dans son ensemble, voici quelles en sont les parties: l'élément, la syllabe, la conjonction, le nom, le verbe, l'articulation, le cas, l'énoncé". lip8pov ô'to-'ti q>rovitliO'flµoç fi Â.oyou dpxitv i\ 'tÉÂ.oç i\ ôtop1.o-µôv ÔflÂ.OÏolov 'tÔ dµq>i Kai 'tÔ nepi Kai tà liÂ.Â.a(Aristote, Poétique, c. 20 [1457a6], Lallot - Dupont-Roc). "L'articulation est une voix non signifiante qui indique un début, une fin, ou une division, par exemple dµq>i, nepi, etc." (trad. Dupont-Roc Lallot).
Bécares Botas 5, dans son dictionnaire, rappelle que le terme est emprunté au vocabulaire médical (pour être plus précis, il vaudrait mieux dire anatomique) et désigne l'article ou bien en tant qu'il est associé au
1
Lallot (1989: 189-190, n. l au chap. 16). Dupont-Roc - Lallot (1980: 322-328). 3 Denys d'Halicarnasse, De comp. verb., 2, Quintilien, I, 4, 18. 19, et également la tradition arabe, toutes références que rappelle Bécares Botas, s. v. 4 Voir le commentaire le plus récent de Swiggers - Wouters (2002: 108-112). 5 Bécares Botas, s. v.: "término tomado de la anatomfa para designar al artfculo gramatical por declinarse junto con el nombre e ir articulado con él. 0 bien de su valor distinctivo: lo mismo que las articulaciones distinguen partes del cuerpo, también el art{culo 'articula', es decir, distingue el género, numero y caso del nombre". 2
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nombre, ou bien pour sa valeur distinctive (les articulations faisant la distinction entre les parties du corps). De plus, l'article permet une autre distinction, dans le domaine du genre, du nombre, du cas 6• Lallot donne des précisions supplémentaires dans son édition de la Tekhnê grammatikê de Denys le Thrace: "À l'origine, lip8pov, 'articulation', comme ai>v5eCJµoç,'ligament', renvoie à une métaphore anatomique", souligne Lallot, dans sa note 7 au chapitre lip8pov de la grammaire de Denys le Thrace, et il rappelle l'étymologie proposée par les grammairiens eux-mêmes: - cip8poùv, "articuler", verbe lui-même dérivé du substantif, - cip'tâcr8at, auv-ap'tâcr8at "s'associer étroitement avec". Bécares Botas (qui part du sens du substantif), puis Jean Lallot (qui part, lui, directement du sens du verbe cip8poùv, "articuler") précisent quelles sont les métaphores sémantiques possibles entre le sens médical et le sens grammatical: - soit l'article "articule" les noms selon le genre, le nombre et le cas (comme l'explique une scholie d'Héliodore 8), c'est-à-dire, ajoute Lailot dans un souci de clarté, "que sa forme permet de reconnaître ces trois accidents dans le nom qu'il accompagne"; - soit l'article "articule selon l'anaphore notre connaissance préexistante" (Scho/. Dion. Thr. 74. 7). Lallot explicite la scholie de la façon suivante: "l'article signale que le nom réfère à du déjà connu"; - si l'on rattache lip8pov à auvap'tâa8at, "s'associer étroitement avec", et non à cip8poùv, on pourra comprendre, comme Apollonius Dyscole dans sa Syntaxe 9 , que l'article est associé étroitement à un casuel: Oox cbçfwxe ôè 11::ai fi toù lip8pou ta~1ç 1tpoo-eppiroveîv µtv oùK ôp0&ç fxet q>ô11t6 t& tci>vµ11prov1eai1CV11µcÏ>v ,cai tô 1t&pit11vtci>vlo-xic.ov q,i>mvta ôo-tà,cai tà tcÏ>vmixerov,teai ooaalla fiµci>v î& 7ttpi tà tcÏ>vPPŒXlOVO)V 17
s. v. = dypaµµa-roç opp. l!vapOpoç(cprovt)).
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MÉTAPHORE MÉDICALE OU SPÉCIALISATION
livap8pa. ooatt: tvtôç ôatci fü. ÔÀ.l'YÔTTl'tŒ 'l'\>X.TIÇ tv µueÂ.cpIŒVQ tCJ't\V cppovitcreroç,'taÜ'ta navta cruµntnÀ.T)protaicra~iv (Platon. Timée,75a); "Ainsi les os des cuisses, des jambes et de la région des hanches, les os du bras et ceux de l'avant-bras et tous les autres os qui sont sans articulation, tous ceux qui, à l'intérieur du corps, en raison du peu d'âme contenue dans leur moëlle, sont vides de pensée, toutes ces zones-là sont complètement recouvertes de chair",
ou de la langue dramatique, comme dans l'Oreste d'Euripide, au moment où Oreste se réveille, et loue le Sommeil bienfaisant pour le malade. Électre aide son frère à se lever, mais il est encore trop faible: rl.iv6v µ' tç EÔVT)V a~8iç· Ô'tav dvftt v6croç µavtac;, livap8p6ç dµt icd0'8evro µÉÀ.11(Euripide, Oreste,
V.
228).
"Recouche-moi sur mon lit; lorsque ma maladie, la folie, me quitte, je n'ai plus d'articulations et je suis sans force dans les membres".
On trouve un emploi analogue dans les Trachiniennes de Sophocle, où Héraclès exprime sa souffrance: Nüv ô' «f>ô• livap8poc; icai ICŒ'ttppaicroµtvoc; wcpÀ.ftçfut' li't'llÇticneno~µm 'taÀ.aÇ(Sophocle, Trachiniennes, v. l l03-
l 104). .. Aujourd'hui me voici sans articulations, en lambeaux, je suis ravagé par un mal aveugle, hélas! "
Ces attestations répondent exactement à ce que l'on trouve dans les traités du Corpus Hippocratique, par exemple dans le traité des Airs. eaux, lieux: tvtaù8a icai ol liv8pronot crapiccooe1çdm icai livap8po1 icai oypoi icai d'taMii1tropo1 icai tiiv 'lfUXTIV icaicoi d>çtni tô noÀ.u (Hippocrate, Airs. eaux, lieux, 24,9). "Dans ces lieux-là [là où la terre est grasse et molle, riche en eau, où les eaux sont chaudes en été et froides en hiver] les habitants sont charnus, n'ont pas d'articulations visibles, sont humides, inactifs et ont l'âme lâche, en règle générale".
La traduction de Jouanna ( 1996) pour livap0pot se justifie par le contexte, et la suite du texte en particulier est tout à fait éclairante. En effet ce type d'homme s'oppose à celui des individus qui vivent dans des régions sèches: ceux-là sont de corps dur et maigre, sont "tendus et velus" et 6t11p0pc.oµtvouç, "ont des articulations visibles". On observe le même type d'emploi chez Galien, par exemple dans le traité du De Temperamentis:
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1. BOEHM
d 6' à1t' àP:X.llÇ &if)\fffi:X.POÇ 1eaiçT)poç, fi µèv fçtç "tou crc.oµa"toç "tOU"tq> À.&U1CT11Cai µaÀ.a1CT11CŒi 'lflÂ.11 "tpt:x.rov, licpl&Poç6è 1eailivap8poç (Galien, De Temperamentis, li, 6 [K. 1, p. 643, l. 71). S'il est à l'origine froid et sec, le corps se trouve blanc, mou, chauve, sans veine et sans articulation (c'est-à-dire sans circulation du sang dans les veines et sans force dans les articulations).
L'antonyme, fvap0poç, est employé, mais peu, par les grammairiens (on le trouve chez Eustathe, 827.5), et dans le domaine phonétique (fvap0poç q>(l)VT)), où il désigne un son articulé. On trouve cet emploi dans le traité galénique De placitis Hippocratis et Platonis, II, chap. 5, section 9, où Galien cite Diogène: Tè>vaÙ"tov611"tOU"tOV À.oyovÔlOîÉVT)Ç où lCŒ"tà "tllVŒÔ"tllV tpco"ti;À.ÉÇlV, àll' 6&· n00&v è1C1téµ1t&"tŒl fi q>o>vti, 1Caifi fvap0poç, OÔlCOUV 1Caifi o>Vll t1e&i8&v,"tOU"tO 6è À.6-yoç.1eai À.oyoçlipa (Galien, De placitis Hippocratis et t1e&i8&v t1e1téµ1t&"tm ô0&v1eaifi q>o>vti Platonis, li, chap. 5, section 9 [K. 5, p. 241]). "Diogène pose la même question, mais dans des termes qui ne sont pas identiques, de la façon suivante: 'D'où vient le son, et l'articulation, vient aussi le son articulé, ce qui est là le discours. Le discours aussi vient donc d'où vient le son"'.
Cet adjectif est attesté, quoique rarement, dans la langue médicale. On ne le rencontre pas dans les traités du Corpus Hippocratique, mais chez Galien, à côté du substantif dérivé tvétp0procnç, "articulation" (d'un type particulier), et du verbe tvap0p6oµat, "être articulé". Cette articulation est en effet caractérisée par un emboîtement en profondeur d'un élément sur l'autre 18• Elle est définie dans le traité galénique du De ossibus ad tirones, où la définition de tvétp0pcocrtç est faite par rapport à celle de dp0pcoôia: tvétp0poxnç µèv oiv tcrnv, Ô"tav fi {mo6&:x,oµévT) lCOlÀO"tT)Ç Pét0oç l1eavè>v f:x,n,1eaifi t11Ca"taPoivoooa1C&q>al11 1tpoµft1CT)Ç ô1tétp:x.n (Galien, De ossibus ad tirones, K. 2, p. 736). "Il y a 'articulation' lorsque la partie creuse du dessous a une profondeur conséquente et que la tête qui s'y loge est allongée".
Qu'en est-il du latin articulus? Il semble l'exact correspondant du terme grec. Les grammairiens latins l'utilisent comme tel. Mais les sens du mot présentent un écart avec le grec. En effet, en tant que terme grammatical, articulus désigne, chez Varron, l'article. Après avoir, au livre 18
Durling (l 993 ), s.v.
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VIII du De lingua Latina, distingué les catégories appellandi (la dénomination), dicendi, pour l'action, iungendi pour les coordonnants, adminicu/andi pour les adverbes, il précise ce que regroupe la catégorie des appel/andi: Appellandi partes sunt quattuor, e quis dicta a quibusdam prouocabula, quae sunt ut quis, quae; uocabula ut scutum, ut gladium; nomina ut Romulus, Remus; pronomina ut hic, haec. Duo media dicuntur nominatus, prima et extrema articuli. Primum genus est infinitum, secundum ut infinitum, tertium ut efftnitum, quartum finitum (Varron, de lingua Latina, vm, 45). "Il y a quatre parties dans la dénomination, parmi lesquelles ce que l'on appelle les 'pro-noms communs', du type quelque(s), les noms communs, comme bouclier ou épée, les noms propres comme Romulus, Rémus, les 'pro-noms propres' comme celui-ci, celle-ci. Les deux catégories intermédiaires sont appelées 'nominations', la première et la dernière 'articles'. Le premier type est l'indéfini, le second une sorte d'indéfini, le troisième effinitus, le dernier défini".
Varron fait souvent l'analogie, sur le plan casuel, entre l'article et le nom. Par exemple, au livre X, c. 20 (19): Ut in articulis duae partes, finitae et infinitae, sic in vocabulis duae, vocabulum et nomen (Varron, de lingua Latina, X, 20). "Comme pour la catégorie de l'article, où il y a deux types, le défini et l'indéfini, pour la catégorie du nom, il y en a deux aussi, le nom commun et le nom propre".
Le terme articu/us est un terme d'anatomie en latin comme en grec, et Varron lui-même, dans les Res rusticae, en fait usage, à propos de la description des chiens par exemple: Capitibus et auriculis magnis ac flaccis, crassis cervicibus ac collo, internodis articulorum longis (Varron, Res rusticae, 11,9.4). "La tête et les oreilles longues et pendantes, le cou et la nuque épais, les jointures des articulations allongées".
Quintilien de son côté n'hésite pas à reprendre la métaphore connue entre le corps et le discours: Deinde proxima subnectens struxerit orationem, ut pars hominis est manus, eius digiti, illorum quoque articuli (Quintilien, Institution oratoire, VII, 10. 7). "I] convient d'enchaîner ce qui suit pour donner au discours une structure, tout comme la main est une partie du corps humain, les doigts une partie de la main et les phalanges une partie des doigts".
La métaphore, on le constate, fonctionne aussi bien qu'en grec, ce qui rend donc le calque plus aisé encore entre les deux langues. Tous
104
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les emplois de articulus en dehors du domaine grammatical en effet sont uniformes, comme en grec: le terme est utilisé en anatomie pour désigner l' "articulation". Pline l'Ancien, par exemple, définit le terme articulus de la manière suivante, au livre XI de son Histoire Naturelle: Nodos corporum, qui vocantur articuli (Pline, Histoire Naturelle, XI, 88).
"Les liens du corps, qui sont appelés articulations".
Je citerai simplement pour mémoire l'un ou l'autre exemple de cet emploi chez Celse, qui parle par exemple de "tête d'articulation", capita articulorum (De Medicina, VIII, 10, sect. Id, 1. 6), ou bien: Sed videndum est, pus supra articulum an infra nascatur (Celse, De Medi-
cina, V, 26, sect. 28a, 1. 5). "Il faut observer si du pus se forme en-deça ou au-delà de l'articulation".
Articulus correspond bien à la jointure entre deux parties du corps. C'est donc une zone fragile, soumise aux chocs et aux blessures qui sont délicates: In manibus pedibusque articulorum vitia frequentiora longiora sunt (Celse, De Medicina, IV, 31, sect. 1, 1. 1). "Aux mains et aux pieds les infirmités des articulations sont plus fréquentes et plus durables".
Mais le latin fait un usage élargi du mot: par extension de sens, et toujours dans le domaine anatomique, il peut désigner une partie du corps, en particulier le doigt 19 et, par conséquent, dans le domaine de la rhétorique (plutôt que dans le domaine proprement grammatical), un membre de phrase, par exemple chez Cicéron 20 • Chez Pline, articu/us peut désigner la phalange, comme chez Quintilien. La terre, dont on extrait les pierres précieuses, souffre, note-t-il: Viscera eius extrahimus, ut digito gestetur gemma, quo petitur. Quot manus atteruntur, ut unus niteat articulus! (Pline, Histoire Naturelle, Il, sect. 158). "Nous lui arrachons les viscères, pour porter une pierre au doigt qui va la chercher. Combien de mains s'usent pour que brille une seule phalange!"
19
Proverbe cité par Quintilien, XI, 2. 70: molli articulo tractart' aliquem: ··toucher quelqu'un d'une main légère". 20 Par exemple Cicéron, De Oratore, 3. 96; Rhétorique à Herennius, 4. 26.
MÉTAPHORE MÉDICALEOU SPÉCIALISATION
105
Cicéron, qui ne manque pas d'user de la métaphore du corps, peut permettre de comprendre comment articulus peut à la fois désigner l'articulation et certains mots: Sed uerborum memoria, quae minus est nobis necessaria, maiore imaginum uarietate distinguitur; multa enim sunt uerba, quae quasi articuli conectunt membra orationis, quae formari similitudine nulla possunt (Cicéron, De Oratore, II, sect. 359, 88). "Mais la mémoire des mots, qui nous est moins nécessaire, se distingue par une plus grande variété d'images; il y a beaucoup de mots, en effet, qui, comme des articulations, lient les membres du discours, et qui ne peuvent prendre corps à l'aide d'aucune similitude".
2. La métaphore médicale (2): m'>v6eo-µoç I6v6eo-µoç est distinct, chez les grammairiens grecs, de lip8pov: c'est la "conjonction", par opposition à l' "article". Il désigne la catégorie des mots qui "lient". Il semble qu'à l'origine prépositions et conjonctions sont confondues dans cette catégorie du m'>v6eo-µoç. C'est ce que l'on constate en tout cas chez Aristote qui, rappelons-le, connaît d'une part trois parties du discours, nom, verbe et conjonction, et énonce huit "parties de l'expression" 21 dans la Poétique, comme nous l'avons vu Ge donne seulement la première partie de la définition, qui nous intéresse ici):
t6vôeaµoç ôé tcrnv q,c.ovitli011µoçfi 00-Ce1ecoï..6e1 oGte xotei q,c.ovitv µiav 011µavn1e11v t1e1tï..e16vcov q,c.ovrov 1t&cpu1euiav v· ôv tp61tov -yàp tà fiµÉt&pa acoµata 1eatà tàç vô&o-µoç,qu'il ne s'agit pas de métaphore médicale mais d'une dénomination fonctionnelle: les trois termes sont des noms d'action en -tio, rattachés donc aux trois verbes correspondants. Les deux premiers ont tous deux des emplois non spécialisés largement attestés à côté d'emplois proprement grammaticaux, chez Cicéron (De Oratore, 135) et Quintilien (9, 3. 50). Copulatio a un sens large, même chez Quintilien: il désigne toute forme
33
Comme vraisemblablement aussi dans De septimestri partu (Dufœtus de huit mois,
3. 2). 34
J. Jouanna, Hippocrate (Paris, 1992), 552.
MÉTAPHORE MÉDICALE OU SPÉCIALISATION
111
"d'enchaînement". Le troisième terme, conuinctio, est le seul à être vraisemblablement une création propre au domaine grammatical, et que l'on trouve chez Quintilien, I, 4. 18: Veteres enim, quorum fuerunt Aristoteles quoque atque Theodectes, uerba modo et nomina et conuinctiones tradiderunt, uidelicet quod in uerbis uim sermonis, in nominibus materiarn (quia alterum est quod loquimur, alterum de quo loquimur), in conuinctionibus autem complexus eorum esse iudicauerunt; quas "coniunctiones" a plerisque dici scio, sed haec uidetur e cruvotaµcp magis propria translatio (Quintilien, Institution oratoire, l, 4. 18).
"Les anciens maîtres en effet, parmi lesquels Aristote même et Théodecte, n'ont parlé que des verbes, des noms et des liaisons (conuinctio), sans doute parce que les verbes constituent la part active du discours et les noms la matière, l'un indiquant ce qui se dit, l'autre ce dont on le dit, les liaisons ayant pour rôle d'établir leurs connexions; le dernier élément est, je le sais, appelé généralement 'conjonction' (coniunctio), mais ma traduction me semble une traduction plus mot à mot de m>VOErovov (cruµq>rova Vindobonensis phil. gr. 240) Àrryoucra fxe1 tT)v éçt1Ç d1tè>cruµq>ci>voudpxoµtvriv, olov liptoç liv0oç dYKCOV opxoç ôpµoç ôp1eoç. Par exception, Priscien considère que, à cause de la composition, il faut répartir "ab-eo", "ad-eo", "pereo", donc que la deuxième syllabe commence par une voyelle alors que la première s'achève par une consonne. À ce point de l'exposé, Priscien rappelle (45. 6-9) qu'au contraire Hérodien, dans le De orthographia, "ostendit, rationabilius esse sonoriusque quantum ad ipsam uocis prolationem, in compositis quoque simplicium regulam in ordinandis syllaborum literis seruare". Timothéos, suivant la doctrine que Priscien attribue à Hérodien, coupe en effet 1tp6-croôoç, f-çoôoç, Ei-croôoç, ôu-crroôriç (239. 15-22). En revanche, il répartit, tenant compte de la composition, t1e-Àùcra1 (240. 17-23), t1e-teivro (242. 8-11), tlcr-q>tpro, 1tpocr-q>opa, ôucr-tUX'lÇ (240. 33-241. 5 et 241. 11-14), alors que les groupes muette + immuable, 'VtÀ6v + 'VtÀ6v et cr + muette sont normalement en cruÂ.ÀT'l'VtÇ. Il est remarquable que ces exceptions soient introduites par la formule "il faut ajouter" (240. 17; 240. 33; 241. 11; 242. 8), tandis que pour le cas d'une consonne unique entre deux voyelles la seule clause additionnelle concerne l'élision (239. 32-33), qui autorise à joindre la
168
J. SCHNEIDER
consonne devenue finale à la voyelle initiale du mot suivant 14• Ne peuton penser que Timothéos, contemporain de Priscien, a voulu corriger les règles d'Hérodien de manièreà tenir compte, du moins pour les séquences consonantiques, de certains faits de composition? Dans le texte de Priscien, l'expression "plus sonore quant à l'émission même de la voix" introduit un contresens, et l'on retrouvera plus loin la même expression ("euphonia et ratio supra dicta de literis secundum Graecos", 51. 5) pour un problème étranger à la syntaxe et plus généralement à la langue grecque, l'impossibilité du groupe xs 15• Priscien rapporte ensuite une objection, anonyme, à la doctrine d'Hérodien: dans les composés "obliquus", "oblatus", "obruo", "abrado", si le b était rattaché à la deuxième syllabe, la première syllabe pourrait être considérée comme brève dans la versification (45. 9-12). De fait, les composés où tK- est suivi d'une liquide, chez les poètes tragiques, ont normalement une syllabe initiale métriquement longue, et il se peut que Timothéos songe à ce problème quand il dit qu'il faut excepter les composés en tJC-de la loi qui régit les groupesmuette+ immuable (crull11'1'\Ç:240. 17-23), prescrivant la 6u'tatamç pour tJCÂ.Ùvo1ç Vaticanus, omisit Vindobonensis), olov 1tpoaq,tpco &laô6vco tKPOi..TJô6aµopq,oç, tàv µtvtot t1t1q,tpT)ta1 cpmvft&v, ouva1ttoumv, &la&i..8civ tçd.8civ 1tp6aoôoç ôoocip&atoç. D'ailleurs, le copiste du Vindobonensis phi/. gr. 240 a coupé 1tpoooôoç en deux: 1tp6 (fin de la ligne 14 du fO 4v.) et aoôoç (début de la ligne 15). Remarquons que, même sans composition, tx:Poi..TJserait en ô1aq>, SKÇUÀ.Ô>, SKoeiro, SK'lfUXro) dont le latin n'offre pas d'équivalent. En revanche, une séquence muette + muette peut être en croÀ.À.T)'lftÇ (Timothéos, 242. 3-8: groupes homogènes de deux 'lftÀ.a, de deux µtoa ou de deux SaoÉa) ou en füao'taotç (242. 11-20: groupes hétérogènes), ce que Priscien semble ignorer, mais le latin n'a rien qui corresponde aux groupes 'lftÀ.ov+ Sacro (242. 11-14) ou au gamma des mots dyKc.ovet fyxoç (242. 14-20). Priscien rappelle (46. 27-47. 2) que la composition peut faire qu'une syllabe se termine par b sans qu'il y ait gémination, donc empêcher la croÀ.À.T)'lftÇ dans un mot comme "ab-do", "sub-latus", "ab-nego", ce qui correspond à l'exception prévue par Timothéos pour le préfixe SK- (240. 17-23 et 242. 8-11). Pour/ (49. 2-4) et r (50. 1-5), Priscien dit qu'ils peuvent terminer une syllabe devant n'importe quelle consonne, et de fait une immuable, suivie d'une muette
17 Nous remarquons qu'on trouve la coupe cro-À.À.a~ri dans le Vindobonensis phi/. gr.
240 (t'° 5v., lignes 12-13, t'° 6r., lignes 2-3), et cette coupe est assez fréquente. La règle qui prescrit la ôuivtaçtç (ni d'ailleurs xotO't'lÇ), alors qu'il fait à cette spécialité des emprunts manifestes, se bornant à transcrire le titre global "de orthographia", suggère qu'il n'a pas compris, ou pas voulu approfondir, le sens de ce mot technique, le x&pi auvtaç&roç lui paraissant fournir seulement un complément utile aux paragraphes consacrés par Denys à la syllabe 28 • La même impression se dégage du fait que, tout en désignant clairement la (liKpq>0 Pl P2 P3, liKpo M) TTJÇ yÀ.rocrO'T)Ç (crcrPl P3, TTMO P2) À.Éyoµsv,èv tep OÛV(tep OÛV0 Pl P2 P3, yoùv tro M) liµ1tsÀoçoù cruvEKq>rovEÎtm, to yàp liµ1tsÀ.oç toîç x,siÀEcrtµ6votç À.Éyoµsv,01tsp ècrtiv loiroµa toù µ,Kai où tep liKpcpTTJÇ yÀrocrcrT)ç (crcrPl P3, Tt MO P2) côçto "Ex,s oüv Kav6va, ontà TOÎÇX,ElÀEO'\ (X,EtÀEO'\ M 0(?) Pl P2, x,iÀEO'\ P3) µ6votç Àsy6µsva to cruyysvèç èmÇT)tEÎ1tpo (1tpo M O Pl P2, 1tpoç P3) tautrov dvm Kai to 1tvsùµa Kai to crtmx,Eiov. 'Exsi oüv q>1t µ 'I' (q>1t µ 'I' Pl, (13 debuerunt) i q>Kai µ 0 P2 P3, tà i Kai q>Kai µ M) toîç x,EiÀscrt (x,EiÀscrtMO Pl P2, x,iÀscrtP3) µ6vmç Àéystm (to cruyysvèç addidit M) è1ttÇT)tEÎ1tpo tautrov dvat TOµ.Ka-rà TOVaùtov Àoyov
v
v.
v
v
I:uÀ.À.ll'lflÇ et 6uimacrtç ne figurent pas dans les paragraphes consacrés par Sextus Empiricus à l'orthographe, ni dans les ,u:pi Ol)vtlll;&coç de Charax et du supplément 18, mais ils apparaissent dans les scholies de la Tekhnê grammatikê et il est très probable que Timothéos, qui ne croit pas utile de les définir (même s'il use aussi d'expressions moins techniques: ôµou, x,ropiç),les a trouvés chez Hérodien. 30 Egenolff (1887: 14) le rattache au vingtième livre de la Ka80À.t1C11: "Vorbemerkungen, die das Original offenbar sehr verkürzt wiedergeben, aber auch so noch sich ais acht Herodianisch erweisen". 31 Nous avons consulté à l'I.R.H.T. les microfilms des manuscrits de Moscou et d'Oxford. 29
HÉRODIEN LU PAR PRISCIEN
175
1eaità èv tq>1tu8µtvt tfiç yÀCJUyyevtçè1t1Ç11teiô1tep èati y,toù yàp i tè>yèati µ6vov (µ6vov M Pl, µ6vcpP2, µ6vro O P3) yvroptaµa 1eaitoù i tè>ç,tè>oôv ainov 1ea.tro8evÂ.Éyetat, 1eai où1e è1e toù li.1epoutfiç yÂ.roaa11ç (yÂ.OOCJTlÇ O Pl P2 P3, yÂ.rottllÇM). Toùto (tOÙtOMO Pl P2, toùtro P3) Kai è1ti tei>vaÂ.Â.roV eôp11ae1ç.Ka8o yàp ôyui>çÂ.aÂ.oܵev, oütro Kai ypaq>0µev.Oîov fyxoç èv tfl È.K(IXOVllCJet oô6aµci>çfxe1 tè>V,Kai ft ypaqn'l oôv cpe6ye1tè>v.To fü; µ 1eaip 1eaitè>i el 1eaiµ11è1etoù O Pl P3, tt M P2) Â.Éyetat,dÂ.Â.'èl; ÜÂ.Â.ou, li.1epoutfiç yÀ O P2 P3) aampci>i fxe1 1tpè>'tOÙCj)Kai où Cj)Kai 't0 ~KXOÇK fxe1 1tpè>'tOÙX Kai où X 1eai't0 liv8oç v fxe1 1tpè>'tOÙ8 1eaioô 8 (1ta.Â.1v 6t oô6eµia Â.Éçtçft èl; 1tp68ea1ç - èl; ©Keavoù transposuit M). Kai oô 8 post 1tétÂ.1v µtv é1toIlétÂ.tv6t (6t M, omiserunt reliqui) ft tl; 1tp68emç CJUµcprovou µtvou 'tpÉ1te1't0 ç elç i olov è1e proµ11çè1e t6pou è1e a16ci>voç, (IXOVllEV'tOÇ 6t é1toµÉvou'tpÉ1te1't0 i elç ç olov èl; {i6ou èl; ltaÂ.iaç èl; dcpp11efiç èl; ii 'I' ii µ ypacpttat v à.ÂÂ.ൠolov iaµ~oç liµxeÂ.oçliµcptovÂ.aµ'lfaKoçdµµrov1oç. y olov liyytIlaÂ.tVoù6É1tO'tE 1tpè>'tOÙy ii i ii i ii ç ypacpe'tmvà.Â.Â.à Â.OÇ fyxoç liy1eupaacpiyl;(acpiyl;Pl, acp6yl;o P2 P3). IlaÂ.tv 1tpo 'toù Xoù ypa.cpe'tmvà.Â.Â.à X olov CJUÂ.Â.aP11 CJUÂ.Â.oyoç xaÂ.Â.tÂ.oyia (1taÂ.1Â.Â.oyiadebuerunt). Kai 1taÂ.1v 1tpè>'tOÙp oô ypacpt'tm và.Â.Â.à p olov
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J. SCHNEIDER
cruppota 1taÂ.1pp68tov(1taÂ.1pp681ov O Pl P2, 1taÂ.Â.1pp681ov P3) 1eai cruppa7ttEtv.00ÔÉ7tOtE7tpÔtCOV ô6o pp Eüp11ta1ôiq,80-yyoç(ôiq,80-y'YOÇPl P2 P3, ôiv 6t tan -rè>f0vouç 611ÀrottK6v,viixcov il dm, tcÏ>V(j){l)VcÏ>V, rovdp18µè>v1tévts· a
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«Il y a cinq voyelles ... »
Le chiffre de cinq signes, décrivant la situation latine du passage traduit, est conservé dans une version grecque qui propose . . . sept unités graphiques - les six lettres a E Tlt o ro et le digramme ou! La présence des paires E et Tl, o et ro, supposées restituer l'opposition de quantité latine, et celle d'un digramme à valeur phonétique unique [u] montrent que ce qui est pris en compte, c'est la transcription de l'écrit selon les normes classiques 3, auxquelles ne correspond pas la prononciation de l'époque de Dosithée. On n'imagine pas une différence si importante privée de l'explication destinée à dissiper la perplexité née de la «traduction» grecque. 3
Ce qui, par ailleurs, constitue pour nous un gage d'authenticité du texte grec, les copistes médiévaux ignorant très certainement ces conventions.
198
G.BONNET
4. Le grec dans le texte latin Plus qu'une simple traduction donc, la version grecque est une sorte de glose qui jalonne les étapes d'un commentaire oral. Revenons, pour finir notre examen du grec chez Dosithée, à son usage dans le texte latin lui-même. Nous avons signalé que ce texte latin est, dans la source, parsemé de termes grecs. Si nous excluons ceux que la comparaison avec les textes de Charisius, Diomède et !'Anonyme de Bobbio permettent d'attribuer à leur source commune, il en reste quelques-uns dont l'examen est intéressant. Nous voyons ainsi Dosithée pratiquer avec naturel le codeswitching à son profit dans un passage sur l'exactitude du classement de h (385, 6/6 K = 10, 11-13 Bo), où il ajoute au texte originel, documenté pour nous par Charisius (7, 19-20 B): ut nos dicimus KU'tUXPTJO-t'tKCOÇ [«comme nous disons par approximation»]. Plus loin, évoquant les pronoms à genres distincts, il utilisera le terme trigena (402, 21 K = §29, 1 Bo; en caractères latins), terme proprement grec, et non mobilia, terme qui renvoie à une catégorie nominale qu'il n'a pas reconnue. Le recours au grec pour introduire de nouveaux termes techniques ne s'explique pas seulement par le prestige de cette langue dans la littérature «scientifique»; elle doit aussi refléter l'usage spontané de l'auteur, et finalement sa langue maternelle. De fait, le grec sert aussi de support à l'expression d'une pensée propre sur la concession (418, 21-22 K = 53, 23-24 Bo), que nous avons étudiée ailleurs (Bonnet 1999; cf. aussi 420, 22 K = 58, 6-7 Bo). Plus discrètement, enfin, nous conduit à cette même conclusion le calque de tours proprement grecs dans l'expression latine (cf. 408, 16 K = 38, 21-22 Bo). Pour finir, il faut évoquer le curieux développement sur les pronoms «mésoptotes» (405, 15-23 K = §33 Bo), proprement «qui se déclinent par le milieu», où l'on doit comprendre les pronoms complexes à deuxième élément indéclinable, comme quidam ou quisque. Le passage est authentifié comme d'inspiration véritablement grecque par le lapsus consistant à présenter les pronoms indéfinis comme des 6v6µa'ta (33, 1 Bo), ce qui correspond à l'usage traditionnel grec (cf. Denys le Thrace, 12, 55-56 Lallot), mais non à celui de la grammaire latine! Par ailleurs, dans aucun des manuscrits l'on ne trouve de trace d'un texte latin: sauf bien sûr les exemples, tout est donc rédigé, mais aussi pensé en grec. Doit-on s'en étonner, après ce que nous venons de noter? Le grec, ici, se substitue complètement au latin, et encore une fois dans l'expression d'une nouveauté théorique. C'est, croyons-nous, une rare attestation d'une réflexion grecque sur la langue latine rédigée en grec.
LA VERSION GRECQUE DE L'ARS DE DOSITHÉE
199
Au terme de cet examen, rassemblons nos constatations. La version grecque de Dosithée n'est pas une banale traduction, dont on comprendrait mal la situation. Appuyée sur un «hypotexte» qui est la Tekhnê de Denys ou un texte normatif très proche, elle est investie d'une fonction d'élucidation qui l'apparente finalement à une glose. Fragment d'un commentaire oral, elle nous incite à voir dans cette ars moins une grammaire scolaire qu'une exposition raisonnée du discours grammatical latin. L'absence de certains développements que, malgré l'étroitesse de son cadre, Dosithée aurait fort bien pu retenir, confirme cette interprétation: si nous comparons cette grammaire brève à l'Ars Maior de Donat, nous constatons que Dosithée n'a pas de chapitre de pedibus (Mai. I, 15) et de uirtutibus et uitiis orationis (= Mai. III). Autrement dit, Dosithée se dispense d'exposer des sujets dont le traitement latin est semblable jusque dans la nomenclature technique avec les catégories dégagées pour le grec. On retiendra enfin que le grec y apparaît la langue normale du discours technique: c'est à elle que recourt l'auteur, qui maîtrise pourtant assez le latin pour en adapter le discours grammatical à l'occasion, quand il avance une analyse originale d'un phénomène proprement latin. Ce constat reflète assez bien, croyons-nous, le cadre socioculturel dans lequel il convient d'apprécier le bilinguisme de la Pars Orientis de l'Empire: on enseigne, on étudie, on pratique sans doute le latin professionnellement (armée, administration, barreau), mais la société est hellénophone au quotidien.
RÉFÉRENCES
BONNET,Guillaume. 1999. «Traces d'une théorie de la concession chez le grammairien Dosithée». Revue de Philologie 73/1. 15-26. KASTER, Robert A. 1988. The Guardians of Language: The Grammarians and Society in Late Antiquity. Berkeley: University of Califomia Press. LALLOT,Jean. 1989. La grammaire de Denys le Thrace. Traduite et annotée. Paris: Éd. du C.N.R.S. LENOBLE,Muriel - SWIGGERS,Pierre - WOUTERS,Alfons. 2000. «L'enseignement grammatical entre grec et latin: le manuel de Dosithée». In: Piet DESMET- Lieve JOOK.EN - Peter SCHMITTER - Pierre SWIGGERS (edd.), The
History of Linguistic and Grammatical Praxis. Proceedings of the X/th International Colloquium of the Studienkreis «Geschichte der Sprachwissenschaft» (Leuven, 2nd - 4th July, 1998), 3-22. Leuven - Paris - Sterling: Peeters. REICHMANN,Victor. 1943. Romische Literatur
in griechischer Übersetzung. Leip-
zig: Dieterich. TOLKIEHN, Johannes. 1913. Dosithei Ars Grammatica. Leipzig: Dieterich.
LA TERMINOLOGIE
GRAMMATICALE EN CONTEXTE BILINGUE: MACROBEET L'ANALYSE DE LA DIATHÈSE VERBALE
K. STOPPIE-P. SWIGGERS -A. WotrrERs (K.U. Leuven- F.W.O. Vlaanderen, CRL.)
O. Introduction
La présente étude porte sur un texte-témoin qui s'inscrit au cœur même de la problématique d'une terminologie grammaticale élaborée en contexte bilingue. Le texte en question est celui d'un auteur se situant dans le vaste mouvement culturel et philosophique marquant la transition de l'Antiquité au Moyen Âge. Ce contexte est celui d'une époque de transition culturelle, mais aussi de confluence de la pensée grecque et de la pensée latine ainsi que de prolongement de la rencontre entre deux grandes langues de civilisation. Cette multiplicité de rencontres est en effet exemplairement illustrée par l'œuvre d'Ambrosius Macrobius Theodosius ("Macrobe", c. 420430)1, qui est surtout connu comme philosophe et savant jetant un pont entre le monde grec et le monde latin 2• Son ouvrage le plus connu est son commentaire sur le Songe de Scipion, qui reflète l'influence du courant néoplatonicien tardif. Le texte qui sera analysé ici est un petit traité sans prétention philosophique, mais particulièrement intéressant pour notre propos. Il s'agit d'un ouvrage, conservé sous forme fragmentaire et indirecte, qui est consacré aux divergences et convergences (ou: "différences et similarités") entre le grec et le latin. On est justifié à considérer ce texte comme la première (et la seule) grammaire (à intention) comparative du grec et du latin; vu l'optique différenciatrice, on a pu qualifier l'ouvrage aussi de grammaire "contrastive" (cf. Hovdhaugen 1984: 88). Dans ce qui suit, nous présentons d'abord le texte et la démarche générale de l'auteur (1.), pour nous pencher ensuite (2.) sur la terminologie grammaticale relative aux genera verborum (= la diathèse verbale); cet
• Avec nos remerciements à Jean Lallot pour ses suggestions très utiles. 1
2
Voir Desbordes (1998). Voir Courcelle (1943) et Flamant (1977). BilingllinM et terminologie grammoticale. Orbis/Supplemcnta, 27. Louvain: Peeters. 2007.
202
K. STOPPIE - P. SWIGGERS - A. WOUTERS
examen nous permettra de formuler quelques conclusions de portée générale (3.).
1. Le texte de Macrobe, sa transmission et ses objectifs
Le traité de Macrobe, désigné généralement par le titre De verborum Graeci et La.tini differentiis vel societatibus excerpta (titre abrégé, souvent utilisé: de differentiis), est connu par deux (ou trois) voies indirectes, qui nous ont livré le texte sous forme fragmentaire. On a: (1) d'une part, les extraits qui ont été rassemblés aux vneNmesiècles, dans le scriptorium de Bobbio, et qui ont été insérés sous le titre Excerpta Bobiensia, dans le volume V [631-633] des Grammatici Latini; ces extraits sont conservés dans le manuscrit Neap. La.t. 2; (2) d'autre part, une sélection de passages, faite au IXe siècle par Jean Scot Erigène. On peut lire cette sélection dans le manuscrit Par. La.t. 7186; l'édition qui figure dans le volume V des G.L. [593-630] est maintenant remplacée par celle de De Paolis ( 1990). Jean Scot Erigène déclare expressément avoir travaillé sur une copie du texte original, en suivant littéralement le texte et l'organisation du traité. La sélection opérée par Jean Scot Erigène est très proche d'un texte (conservé dans le manuscrit Neap. La.t. 1, ff.14-16 et 1-8: fin du vue siècle) imprimé dans le même vol. V [634-654] des G.L. (et réédité par Passalacqua 1984 3); ce texte, intitulé De verbo, ne doit pas être considéré comme un traité autonome (pace Cameron 1967), même s'il présente une organisation plus systématique que la sélection de Scot Erigène et même si le De verbo présente un aspect plus "symbiotique"4, impliquant de la part de son utilisateur une (bonne) connaissance du grec. La concordance presque totale du contenu et de la formulation nous autorise à y reconnaître le même texte; ainsi nous pouvons adopter la conclusion de Flamant (1977: 239) que "nous avons, en substance, sous trois formes différentes, la matière du traité de Macrobe". Dans le cas du De verbo et de la sélection faite par Jean Scot Erigène, il s'agit même de témoins très proches l'un de l'autre; on
3
Le texte est repris par De Paolis (l 990) sur les pages faisant face au texte édité des passages sélectionnés par Jean Scot Erigène. 4 Cf. l'organisation de passages commençant par êxi 'tOÙou dm'>'tOÙ.Voir par ex. De Paolis (1990: 19. 9-12): [ ... ] id est non ipsa composita, sed ex compositis facta nominibus, ut lf:poc:ruÀ.ronon àm>tOUc:ruÀ.ro, sed à1totOUlf:p6c:ruÀ.OÇ, et dnµro non à1totOU nµro, sed à1totOUlhiµoç, et êµm:ip& non à1totOUm:ipro, sed à1totOUfµm:ipoç.
MACROBE ET L'ANALYSE DE LA DIA TIIÈSE
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pourrait éventuellement voir dans le De verbo une forme systématisée du texte original tel que l'avait conçu Macrobe. Dans ce qui suit, nous nous fonderons à la fois sur la sélection de Jean Scot Erigène et sur le De verbo. Afin de cerner la démarche de Macrobe, nous distinguons trois aspects: (a) le but visé; (b) l'approche adoptée; (c) l'arrière-fond linguistique et culturel. En ce qui concerne le but visé par l'auteur, il est énoncé dès le préambule de l'ouvrage: il s'agit de montrer - dans "un esprit de science désintéressée" selon Desbordes (2000: 470)- les similarités et les divergences entre le grec et le latin. Ces deux langues sont liées par une cognatio naturelle, qui se reflète dans la très large concordance de structures grammaticales, de figures et de constructions. Toutefois, chacune a ses caractéristiques propres ou "idiomatiques" et le but du traité est de mettre en évidence ce qui est commun aux deux langues et ce qui est spécifique de chacune d'elles. Par cette quête des spécificités, le traité de Macrobe se rattache au genre des idiomata (comme l'auteur le signale explicitement)5 et à l'étude du "génie" (individuel) d'une langue (tÂ.Â.T)Vtcrµ6ç; latinitas). Par la recherche de societates, le traité prend une allure novatrice: auteur bien informé en matière de grammaire, Macrobe entreprend une comparaison (en synchronie) du grec et du latin, qui dégage les proprietates et qui fonde en même temps une description "ambivalente" au sens positif du terme-, vu que l'auteur envisage une grammaire compréhensive, simultanée, comme l'indique la phrase "qui utramvis artem didicerit, ambas noverit": Graecae latinaeque linguae coniunctissimam cognationem natura dedit. nam et isdem orationis partibus absque articulo, quem Graecia sola sortita est, isdem paene observationibus figuris constructionibus uterque sermo distinguitur, ut propemodum qui utramvis artem didicerit ambas noverit. in multis
5
Le genre des idiomata a été défini par Charisius comme la description des particularités (structurelles) propres à une langue [= le latin chez Charisius], en contraste avec une autre langue [en l'occurrence, le grec]: "idiomata quae sunt nostri sennonis, innumerabilia quidem debent esse. Ea enim sunt omnia, quae pro nostro more efferimus et non secundum Graecos" (GL. I, 291. 2-9 = Barwick 379. 3-13). En principe, le terme a été appliqué aux descriptions qui relèvent les différences du latin par rapport au grec (cf. Baratin (1989: 343); Schôpsdau (1992: 116-117) et Kramer (2001: 13-15)); il est intéressant d'observer que Macrobe signale les déviations dans les deux directions.
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tamen differunt et quasdam proprietates habent, quae graece idiomata vocantur (G.L. V, 599. 1-6)6.
"La nature a donné aux langues grecque et latine une parenté très étroite. En effet, les deux langues sont caractérisées par les mêmes parties du discours, à l'exception de l'article, dont seul le grec est pourvu, et par presque les mêmes règles, figures et constructions; de sorte que celui qui a appris la grammaire de l'une des deux langues connaîtra pratiquement la grammaire des deux. Pourtant les deux langues diffèrent entre elles sur plusieurs points et ont certaines particularités, qu'en grec on appelle idiomata".
Il est intéressant de relever la terminologie qui sous-tend cette entreprise de grammaire comparée et "caractérisante": Macrobe utilise un terme global, celui de cognatio, justifiant - de façon génétique - le traitement commun des deux langues, et des termes plus descriptifs, differentia (ou dissensio) et societas. Ces deux termes désignent donc respectivement des "discordances" et "concordances" structurelles entre les deux langues mises en parallèle. Enfin, il y a le terme proprietas, qui sert à désigner ce qui relève de la structure particulière à une seule langue; ce terme a à la fois une composante descriptive et une valeur normative, puisqu'il sert non seulement à caractériser l' idiomaticité de telle ou telle structure, mais aussi à rejeter des formes ou des constructions reçues dans l'une des deux langues, mais irrecevables dans l'autre (cf. l'emploi de la formule non est latinum 7). L'approche de Macrobe peut être définie comme une approche caractérisante, visant à préciser ou à circonscrire, en les mettant en parallèle, les similitudes et les singularités du grec et du latin. Le plan selon lequel cette approche est articulée est celui des grammaires scolaires. Macrobe adopte une présentation par partie du discours et, à l'intérieur de celleci, une organisation par accident. L'approche comparative est bien orientée du latin vers le grec; trois arguments permettent d'étayer cette affirmation:
6
Cf. De Paolis (1990: 5-7, app.). Voir la traduction anglaise dans Hovdhaugen (1984 2 : 98): "Nature bas established the most closely connected relationship [cognatio "kindred"] of the Greek and the Latin languages [/ingua]. For both languages [sermo] are characterized both by the same elements of speech [orationis partes], except for the article which only is allotted to Greek, and by almost the same rules [observatio], figures [figura], and constructions [constructio] so one who bas leamed the art of one of them will almost know the art of both. But they differ on many points and have certain peculiarities, which in Greek are called idiomata". 7 Voir par ex. De Paolis (1990: 157. 10-11): 'Ad declamandum' vero cum dico, non possum adicere 'ilium', quia 'declamor' Latinum non est.
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(a) l'auteur renvoie, catégoriquement. à la latinitas: il en appelle donc au sentiment (ou au réflexe) linguistique spécifique du latinophone; (b) on ne trouve des références qu'à des textes littéraires latins; cela implique que cette dernière langue est la mieux connue; (c) dans la description détaillée des structures grammaticales, le point d'ancrage (à partir duquel les differentiae et les societates se laissent cerner) est le latin; dans notre analyse de la section sur les genera verborum on verra comment Macrobe en arrive à critiquer, à partir de la classification de la grammaire latine, certains concepts qui sont à la base de la classification grecque des genera verborum. Quant à l'arrière-fond linguistique et culturel du traité, il est clair8 que la reconnaissance de la "parenté naturelle" entre grec et latin soutient l'entreprise de Macrobe; le traité présuppose aussi de la part de son auteur et de ses utilisateurs un vif intérêt pour le grec, et il s'inscrit ainsi dans une longue tradition latine marquée par le respect et l'admiration pour la langue et la culture grecque, ainsi que par la conscience de l'utilité pratique de la maîtrise de cette langue. Signalons à ce propos que, chez Macrobe,on glisse souvent du niveau de la langue au plan de la communauté linguistique, de l'ensemble des locuteurs: il est souvent question des Latini et des Graeci / Graecia 9 dans des passages qui, au fond, concernent des caractéristiques (communes ou propres) de leurs langues. 2. Le traitement des genera verborum 2.1. Le texte de Macrobe n'a guère fait l'objet de recherches Iinguistico-historiographiques. On dispose en effet de très peu d'études analytiques et seulement de quelques appréciations globales; l'excellent Forschungsbericht de De Paolis ( 1986-88) à propos des études sur Macrobe publiées entre 1934 et 1988 ne contient pas de titres qui concernent spécifiquement la contribution grammaticale de l'auteur, et - à notre connaissance - depuis 1988 la situation n'a pas changé 10•
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Cf. le pœarnbule de l'ouvrage. déjà cité. Voir par ex. De Paolis (1990: 23. 20-25. 1): Apud Latinos. quorum nullum verbum in finalem syllabant admittit accentum, cessant differentiae quas apud Graeçoscircumflexus gravisve fecerunt, quorum alterum in verbis ultimae, alterum paenultimae GrK: !:.iam diximus deputasse. 10 Seules les études de Rijksbaron (1986: 437-438} et de Schôpsdau (1992) prêtent attention à Macrobe. 9
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Il nous a semblé pourtant que le De dijferentiis méritait un réexamen, voire une (nouvelle) analyse d'ensemble, comme Flobert (1991: 81) 11 l'a déjà signalé. D'abord parce que Macrobe est au courant de la tradition grammaticale grecque et latine; ses sources - pour autant qu'on puisse les reconstituer - incluaient certainement les Noctes Atticae d' AuluGelle (Ile siècle de notre ère), le Rhêmatikon (perdu) 12 et la Syntaxe d'Apollonius Dyscole et, vraisemblablement, une grammaire latine de la "Charisius-Gruppe" 13• Cette dernière filière est particulièrement pertinente pour l'aspect de "bilinguisme". De plus, si l'originalité du traité est dans l'ensemble réduite 14 ( et en fait déjà contrainte, voire étouffée dans l 'œuf par l'optique même de l' ouvrage), nous espérons montrer qu'il contient ici et là des données très intéressantes pour l'histoire des termes et des concepts grammaticaux et offre même des remarques ou des critiques originales en matière de terminologie. Notre analyse portera - comme nous l'avons déjà indiqué - sur le passage consacré aux genera verborum. Ce passage est intéressant à plusieurs égards: (a) d'abord, il s'agit d'un secteur de la langue (ou de la grammaire) pour lequel on relève des différences terminologiques importantes entre le latin et le grec; (b) en outre, l'étude de ce passage permet de compléter l'analyse historiographique que Hovdhaugen ( 1987) a consacrée aux genera verborum, ainsi que le travail d'Andersen (1994: 172-179) sur la diathèse; (c) enfin, ce passage permet de mener une analyse sur l'évolution sémantique de certains termes. Mais, avant tout, l'analyse du passage peut servir à donner une idée assez exacte de la démarche et même de l'originalité, trop souvent méconnue, de Macrobe. 11 "On attend maintenant, car il manque malheureusement, un commentaire grammatical interne". 12 Mais on peut en reconstituer la doctrine dans ses grandes lignes grâce à la tradition indirecte; cf. G.G. II 3, 72-121. 13 Barwick (1922) a identifié ce groupe (Charisius, Diomède, Dosithée, Anonymus Bobiensis) de grammaires latines du IV•-v• siècle, qui ont été utilisées dans un contexte bilingue (gréco-latin). 14 On ne trouve que peu de commentaires positifs. Voir toutefois Courcelle (1943: 33): "initiateur dans le domaine de la grammaire"; Flamant (1977: 252): "la notion de différence [ ... ] l'amenait à des aperçus originaux sur le système du verbe", et Luhtala (l 990: 35).
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Le passage sur les genera verborum concerne un des accidents les plus spécifiques de la classe du verbe, en latin et en grec. Les termes hiérarchiquement premiers, c'est-à-dire hyperonymiques, sont ceux de füa0e'tT1c;;, tvtpyeta µtv oiov 'tU1t'tco, 1ta8oc;;oiov 't61ttoµm, µecr6tT1c;; ôt ft 1tO'ttµtv tvtpyetav, nott Ôf:1ta8oc;; 1tap\CJ"tÙCJ'a, ofov 1té1tT1'YŒ Ôlé1trov CJTlµavtuc6v, ôte 1eai tàç tllÇ vux11ç ôta8écretç ÔTIÀOÏ[G.G. IV 2, 3. 22-25]. "Le verbe est une partie de phrase non casuelle dont la motphologie indique la diversité des temps, ainsi que l'actif, le passif ou ni l'un ni l'autre et qui exprime les personnes lorsqu'il marque aussi les diathèses de l'âme" [traduction légèrement modifiée de Lallot 1998: 162]34 •
Dans son commentaire Choeroboscus précise: tô ôè "oôôetépou" 1tp6CJ1Cettatôtà tTtV d1epif3eiav, è1tetô11 elcri ttva J')11µataµ11te èvépyetav µftte na8oç CJllµaivovta, d>çè1ti toi> Çéi> nÂ.outéi> ô1tapxro ôytaivro (G.G. IV 2, 4. 7-9). "Le "ni l'un ni l'autre" (ou "neutre") est ajouté, parce qu'il y a des verbes qui expriment ni une activité, ni une passivité, comme par exemple Çéi>("je vis"), 1tÂ.outéi> ("je suis riche"), ônapxro ("j'existe"), ôytaivro ("je suis en bonne santé")".
Mais on voit réapparaître une argumentation syntaxique chez le grammairien byzantin Michel le Syncelle (760-846 ap. J.-C.), chez qui on retrouve d'ailleurs la mise en équivalence oôôén:pa = d1toÂ.tÂ.uµÉva. 82 'Ev toiç KUpiroçoootv èvepy11n1eoiç J')11µamv,ri µèv eô8eia èvepyei, ri ôè alnan1e11 nacrxei, olov ",Mrov t61ttet E>érova". èv ôè toiç KUpiroç 1ta811n1eoiç J')11µamvri µèv yevi1e11èvepyei, ri ôè eô8eia nacrxei olov "E>érov ô1tô toi> ,Mrovoç t61ttetat". Tà ôè oôôétepa J')11µata, olov tô dptcrtéi>, ôemvéi>, nepmatéi>, èvépyetav cr11µaivoucrtv, oô1e fxoum ôè cr6vta~tv 1tpôç 1tÂ.ayiav o(he 1tpôç yevi1e11voüte 1tpôç ôott1e11voüte npôç alnan1e11v, ô8ev oô1e fxoucrtv 1ta811n1ea, olov tô Çéi>,f3iote6ro, 1tÂ.outéi>,l1t1te6ro, aôtotéÂ.etav 1ea8' éautà Àey6µeva cr11µaivoumv, oô1eén ôe6µeva nÂ.ayiaç 1ttci>creroçnpè>ç dnapttcrµôv aôtoteÂ.ooç ôtavoiaç d>ç1eai.tà Vtatti\ç trov 1tÀa-y1rov O'l>VtClÇ80>Ç. d>O'aotroç Kai tà ô1tap1Ctt1CC1, to dplO'tOO, Ô811tVO), 1t8pl1tatro,tvép-y8taV 011µaiVOl>O'lV, OÔIC fXOl>O'lV ôè o0t8 npoç 6on1e11vo0t8 0"0Vt«ç1vnpoç nÀ«-yiavo0t8 npoç -y8v11e11v npoç alt1an1e11v,ô88v oô1efxol>O'ln:a9'rtn1ea. "Si je dis: Çro,1tÀOutro, je ne dois pas nécessairementajouter un cas oblique, comme quand je dis: je frappe; dans ce dernier cas, si l'on n'ajoute pas d'accusatif, il n'y aura pas de sens complet[ ... ]. Il faut savoir que ces verbes neutres sont appelés également absolus parce qu'ils sont libres de tout lien avec la construction des cas obliques. Ainsi en est-il des verbes marquant une manière d'être 35, tels que: je déjeune.je dfne,je me promène: ils expriment une action mais ne se construisent pas avec un cas oblique, ni le génitif, ni le datif, ni l'accusatif: d'où ils n'ont pas de passif" [traduction de Donnet 1982: 245-246, li. 595-606].
2.4. Ayant relevé l'existence de verbes pourvus de l'indice morphologique d'activité, mais n'exprimant pas de transfert d'activité et ne présentant pas les caractéristiques syntaxiques de verbes actifs ou passifs, Macrobe signale aussi le cas presque inverse: l'existence de verbes à indice morphologique passif et à signification active. Sed sicut aliqua apud Graecos in coexeuntia significantpassionem,ita multa reperies in µm desinentia et activam tantum habent significationem,ut 1e116oµaiO"ou,q,dôoµai O"ou,tmµéÀoµai O"ou,tn:naÇoµai O"ou,µaxoµai 36 , O"ou,ÔlaÀé-yoµaiO"ou,ôcopoüµai O"ou,xapiÇoµai O"ou,80Xoµai O"ou li-yaµai0'8, 1t8ptPÀé1toµai0'8 (163. 14-20). "Mais tout comme certains verbes en grec qui se terminent en -cosignifient la passivité, de même tu trouveras des verbes qui se terminent en -µm et qui ont seulement une signification active, comme 1e116oµaicrou ['je prends soin de toi'), q,dôoµai O'Ol> ['je t'épargne'], tmµéÂ.oµai crou ['je m'occupe de toi'], \1t1taÇoµaiO'Ol> ['je conduis un cheval'], µaxoµai crou ['je te combats'], ÔlaÂ.é-yoµaicrou ['je m'entretiens avec toi'], ôcopoùµai crou ['je te 37 fais un présent'], xapiÇoµai O"ou['je te fais plaisir'], 80xoµai O"ou ['je
35
Michel le Syncelle donne(§ 80) comme exemples de pitµata ô1tap1m1ea ("verbes d'existence"): ô1tapx,co ("j'existe"), &lµi ("je suis"), 1tÉq>u1ea("je suis de nature"), 1ea8ÉO"tT11Ca ("je me situe"), royx,avco ("je me trouve"), tous des verbes sans tvtpy&1a. Dans ce contexte, le tenne Pitµata ô1tap1en1earevêt un contenu existentiel ou situationnel. 36 De \1t1taÇoµa1 à &Gx,oµa1:lire cro1 au lieu de crou. 37 De \1t1taÇoµa1 à &Gx,oµai: lire cro1 au lieu de crou.
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t'adresse une prière'], èiyaµai cre ['je t'admire'], 1teptf3Â.é1toµaicre ['je te regarde avec admiration']" (163. 14-20).
L'auteur n'approfondit pas ce phénomène, mais passe directement à un autre type de diathèse, celui des verba communia. Donat avait défini ces communia dans les termes suivants: Communia sunt quae r littera terminantur et in duas formas cadunt, patientis et agentis, ut scrutor, criminor, dicimus enim scrutor te et scrutor a te, criminor te et criminor a te (Holtz 1981: 636. 3-5). "Les verbes communs sont ceux qui se terminent en r et qui prennent deux formes casuelles, celles du patient et de l'agent, comme scrutor, criminor, car nous disons scrutor te ("je te fouille"] et scrutor a te ["je suis fouillé par toi"], criminor te ["je t'accuse"] et criminor a te ["je suis accusé par toi")".
C'est à partir d'une classification à base latine que Macrobe essaie d'identifier des correspondants grecs: Sunt apud Graecos communia, quae ab illis µécra vocantur, quae, dum in µm desinant, et actum et passionem una eademque forma designant 38 , ut f3u1Çoµai cre icai. f3u1Çoµm ô1tô croù, àv6pa1to6iÇoµai cre icai. àv6pa1to6iÇoµm ô1tô croù (163. 20-24). "Il y a en grec des verbes communs appelés µécra dans cette langue, qui tout en se terminant en µm, signifient par la même forme et l'actif et le passif, tel que f3uiÇoµai cre ("je te maltraite"] et f3uiÇoµm ô1tô croù ("je suis maltraité par toi"], àv6pa1to6iÇoµai cre ["je te fais esclave"] et àv6pa1to6iÇoµm ô1tô croù ["je suis fait esclave par toi"]".
Les communia sont donc (en premier lieu) des formes à morphologie passive (ou: non active) et pouvant se construire activement ou passivement. L'appellation grecque correspondante est µta-a; elle ne correspond pas littéralement au latin communis, mais Macrobe lui donne le même contenu: "le fait de signifier (en commun) et l'activité et la passivité", catégorie opposée à celle des oÙÔÉtEpa.Héliodore (VIe s. ?), un des scholiastes de la Tekhnê, confirme l'emploi du terme µtcr11avec ce sens: µécrll 6è icaÂ.eîtm 6ui0ecriç, otav ti aôt'll q>œv11xropeî icai. elç èvépyeiav icai. mi0oç, ofov èàv ei1tro f3uiÇoµai cre icai f3u1Çoµm ô1tô croù (Schol. Dion. Thr. 401. 20-23). "Une diathèse est appelée moyenne, quand la même forme (verbale) est employée aussi bien pour une activité que pour une passivité, par exemple quand je dis f3u1Çoµaicre ["je te maltraite"] et f3u1Çoµmô1tô croù ["je suis maltraité par toi"]".
38
De Paolis imprime designfil: il doit s'agir d'une erreur typographique.
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Toutefois Macrobe ne s'en tient pas à l'établissement de cette correspondance terminologique: il signale que le terme µtau s'applique aussi en grec à deux types diathétiques qui ne répondent pas au contenu qu'il vient de préciser: ["je me suis enduit d'huile"], (a) les sola passiva comme 'flÂ.Et'lfaµ11v ficraµ11v["je me suis réjoui"] et ti..oucraµ11v["je me suis lavé"], qui ont un sens uniquement passif: Sola quoque passiva hoc nomine, id est µÉCJa,vocantur, ut 'fiÂ.El'f'ClµT}v, fiCJaµ11vet tÂ.ouCJaµ11v. Haec enim licet tfiç µÉCJ'T}Ç 6ta0ÉCJeroçdicant, nihil tamen aliud significant nisi na0oç: nam hoc est 'ftÂ.Et'f'«µ11v quod 'fiÀt:iaµTJV t66µTJVµÉCJaappellant, cum nihil significant39 praeter actum. Hoc est enim typa'f'«µTJVquod fypa'f'a, nec umquam dicitur ôn:ôCJOÙ typa'f'«µTJV,et hoc tq>aµTJV quod fitµan tun:roµ6vov n:a8oç x:ai 'tq)aôtq> t>itµan tun:roµ6vov tvtpyEtaV, d>çô Elç µTJVtun:oç. µÉCJOÇ yap tCJn µ6vrov n:a8TJttKrov x:ai n:aÂ.tvµ6vrov tvt:prTJnx:rov.x:ai êvt:prTJnx:rovµèv µ6vrov typa'f'«µTJVt ['délibérer']) 40 , Macrobe discute 41 un cas problématique, pour lequel il semble s'être directement4 2 inspiré de la Syntaxe d' Apollonius Dyscole. Il s'agit des formes homériques 7tE7tÀ1lîO>Ç, 1ee1eo1tci>ç et 1te1tÀTt'Yl>ia. Les trois passages homériques en question sont mentionnés aussi chez Apollonius Dyscole, De la syntaxe, 30 (G.G. II 2, 297):
r
'Oµ6Â.oyov ol>v tô dµq,otépco 1C&1Co1troç (N 60)
il
1t&1tÂ.'1îCOÇ dyopft8tv (B 264)
p«l}ôq)
il
1t&1tÂ.lrYUÎa(1C238)
ôn f,a 8vf1cncovtaç ôpàto (A 56) tà toôtoiç ôµoia, d>çfüà tôv 1tpo&ip11µtvov Â.6-yovtftç µ&x muta (-ae) b cd g k p q t li.-cprov-ov (-a)
Cinq signes posent, en latin, des problèmes de catégorisation: H, qui n'est pas unanimement reconnu comme littera, mais est donné comme une nota aspirationis (ou aspiratio); X, qualifié comme Z de consonans duplex; I et V, traités comme des voyelles pouvant jouer le rôle de consonnes. Terentius Scaurus oppose le uerum u, vocalique (G.L. VII, 16. 7), au u consonantis uice (12. 15). Nous allons rapidement passer en revue les différentes catégories et la terminologie qui s'y rapporte.
= uocales 4.2. Les voyelles: q>IDVT)EV't'a
Dictae uocales quod perse uocem impleant (Isid., Et. 1, 4. 3), «les voyelles doivent leur nom au fait qu'elles sont par elles-mêmes faites de voix». Au terme usuel uocalis peuvent venir se substituer le neutre uocale, le diminutif uoc-ula (Ter. Maur., G.L. VI, 329. 116, variatio métrique), uox (par métonymie, ibid. 142), ou encore son-antes (Diom., G.L. I, 422. 9), calque du grec q>roVT)-Evta.La terminologie propre aux
LES NOMS DES SONS
239
voyelles est conditionnée par l'opposition entre longues et brèves, et par l'existence de diphtongues. 4.2.1. Oppositions quantitatives brèves
diehrones
µmcpa (Tl, co)
Ppaxta(&, o)
6i-xpov-o (l, u), 6i- fÀu&v ô 0acrioç, tè> 'ôiôoµ&v 6t oi &ixoç à:ptcr8ai' (Hom.,//. XX 297) 1eai 'to µtv ou tcata1t68&tm ôµ~pcp• (Hom., Il. XXIlI 327) tà 6t ôimpÉcr&t, ofov [ ... ]. Hipias, al parecer, habrfa sustituido en el primer caso 6iôoµ&v por ôiôoµ&v y en el segundo, 06 por o(i: cf Hardy (1985: 88). 18 En Roma el ai'io 30 a.C. 19 De comp. verborum, XIX IO: aôtrov ôt trov tcroÀ.O}v to µtv ~pax6t&pov ft,tè> 6t µatcp6t&pov tcai to µtv aôtoupy6t&pov [to ôt ~pa66t&pov), tè> ôt à:tcpi~Écrt&pov, ~u9µoi t& liÀÂ.ot&liÀÂ.ot tcai crxTJµata 1tavtoia tcai tacr&tç q,rovijç a\ tcaÂ.o6µ&vm 1tpocrcpôim ôiaq,opoi KÀÉ1ttoucrmtfi 1toitciÀi,;ttov tc6pov. fx&i ÔÉ [ ... ]. Otro tanto en XI 16 o en XXV 41, donde ademas denomina "prosodias" exclusivamente a los acentos de palabra, distinguiéndolos asf de otros fen6menos que luego tenninaron siendo considerados tarnbién como pros6dicos.
ACCEN1US: T.ÉRMINO AMBIGUO
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En los escolios a Hes(odo, cuando se habla de "las tres prosodias", se alude evidentemente a los acentos de palabra" 20 • En la Suda también encontramos en alguna ocasi6n 1tpoocpôia identificado sin mas con el acento de palabra: "A1tpoucov: tfi 1tpoocpôi9 vôp8è>vt6vov ("De acuerdo con la prosodia[ ... ], esto es, de acuerdo con el acento [ ... ] de acuerdo con la correcta acentuaci6n"): Schol. Dion. Thr., G.G. l 3, 172. lOs.). 24 Este acento se entiende ademas como la modulaci6n tonal que caracteriza a cada sfiaba dentro del âmbito de la unidad articulatoria inmediatamente superior en que se
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J. LUQUE MORENO
2. En efecto, los romanos entendieron perfectamente el sentido del término griego y con absoluta precisi6n lo tradujeron por accentus (ad cantus) 25, interpretandolo, por supuesto, siempre en relaci6n con otros, como tenor, tonus, que hacfan igualmente referencia al componente tonal del lenguaje. Varr6n, por ejemplo, que, como enseguida veremos, ponia en relaci6n la altura tonal (altitudo) del sonido vocalico con su duraci6n (longitudo) y con su "grosor" (crassitudo), como tres dimensiones de un solo cuerpo (fr. 76, p. 210. 10 G.-Sch.) y que, por loque sabemos a través de la Explanatio in Donatum, pasaba a hablar de la cantidad (longitudo: fr. 84, p. 217. 20 G.-Sch.) una vez expuesta la doctrina de los acentos, parece que consideraba el acento como lo esencial de la prosodia, que identificaba acento y prosodia, que reducia a la acentuaci6n el ambito semantico del término prosodia:
integra, la palabra. Cada sflaba es asf una eombinaci6n de letras, una unidad de artieulaci6n de fonemas, pero a la vez es una unidad pros6diea, lo eual supone, ante todo y sobre todo, que es una unidad tonal, acentual; aunque también se la reeonozca eomo unidad temporal o duracional, es decir, euantitativa: Mart. Cap. m 264: Syllaba[ ... ] cuius, ut di.xi, Ires partes esse non dubium est: de iunctura, de fastigio aul de longitudinibus; e incluso eomo una unidad de "espiritu", es decir, eomo unidad en que se realiza la aspiraci6n: Prise., GL. II, 44. 2-5: Syllaba est comprehensio litterarum consequens sub uno accentu el uno spiritu prolata; abusive tamen etiam singularum vocalium sonos syllabas nominamus. possumus tamen et sic dejinire syllabam: syllaba est vox lilleralis, quae sub uno accentu el uno spiritu indistanter profertur [... ] ; G.L. II, 51. 21 : accidit unicuique syllabae tenor, spiritus, tempus, numerus litterarum. Ahora bien, la entidad tonal o aeentual de eada sflaba no se entiende mas que referida a las otras sflabas de la palabra en que se integra; el aeento, en efecto, se realiza en eada sflaba, pero su âmbito de refereneia es la palabra: Prise., GL. II, 51. 15-23: Distal syllaba a dictione et sensu et accentu; nisi enim sciamus, quomodo posita sil syllaba in dictione, incertum est, quo accentu eam pronuntiemus: syllaba enim perse, nisi cum sit dictio, sensum habere non potest. invenitur tamen et pie na oratio in una dictione, ut in verbis imperativis, •eurre ', •lege', et similiter pie na dictio in una syllaba, ut 'ars', 'do', 'die', 'i'. Accidit unicuique syllabae tenor, spiritus, tempus, numerus literarum. Tenor acutus vel gravis vel circumflexus. in dictione tenor certus, absque ea incertus, non potest tamen sine eo esse. Prise. G.L. II, 53. 13-26: Dijfert autem dictio a syllaba, non so/um quod syllaba pars est dictionis, sed etiam quod dictio dicendum, hoc est intellegendum, aliquid habet. syllaba autem non omni modo aliquid significat perse: ergo monosyllabae dictiones possunt quodammodo esse et syllabae, non tamen sincere, quia numquam syllaba perse potest aliquid significare: hoc enim proprium est dictionis. unde si dicam 'a', perse scio esse syllabam, nec tempora tamen eius nec tenorem nec spiritum nec significationem agnosco, donec cognovero dictionem, in qua ponitur. nam in 'ara' deorum 'a' paenultima producitur et circumjlectitur in nominativo nec habet aspirationem, cum autem significat stabulum pecorum, eadem syllaba paenultima corripitur et acuitur et habet aspirationem; haec eadem 'a', quando est praepositio, gravatur et producitur et est sine aspiratione. vides ergo perse ipsam syllabam deficere praedictorum ratione nec aliter posse examussim tractari, nisi posita sit in dictione. 25 Un tecnicismo que no se documenta antes de Quintiliano ni fuera de eontextos técnieos: cf Sehoell (1876); MeLemore (1917); Klotz en Thl.L, s.v. y Lepsehy (1968: 200).
ACCENTUS: TÉRMINO AMBIGUO
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"En el acento se hallan comprendidos todo lo breve posible la materia, el lugar y la naturaleza de la prosodia. En efecto, la materia esta claro que es la voz, y en concreto aquella en virtud de la cual las palabras pueden sonar, es decir, la escribible; el lugar, a su vez, la sflaba, ya que propiamente es ésta la parte de la palabra que recibe el acento; la naturaleza, en cambio, de la prosodia esta en aquello de que es o hacia arriba o hacia abajo: se contempla, en ef ecto, abiertamente en la altura de la voz, hasta el punto de que, si todas las sflabas se enunciaran con la misma cumbre de voz, no habria prosodia alguna" 26 •
Son las mismas ideas que subyacen en estos pasajes de Quintiliano y Diomedes: "los tenores (que, por cierto, tengo comprobado que los antiguos les decian tonores, como se ve, con un término transformado a partir de los griegos, que dicen t6vouç) o acentos, que los griegos llaman 1tpoo-q>ôiaç"27• "Acento (accentus) se le ha llamado por lo de entonar (ab accinendo), porque hay como un cierto canto de cada sOaba. Entre los griegos también por ello se le dice 1tpoo-cpoia,porque se les da un tono a las sflabas (quia 1tpoo-28 (tottm taiç O'UÀ.Àal}a.iç)" [ ••• ] El tenor, al que los griegos llaman tasin o prosodia, hay que mantenerlo en las inflexiones del sonido vocal; en efecto, ciertas partes reclaman ser enunciadas con un tenor agudo, otras con circunflejo, la mayoria con grave" 29 •
Esta relaci6n etimol6gica de accentus con lo tonal y con la entonaci6n se mantuvo viva durante mucho tiempo y se sigui6 entendiendo el término como sin6nimo de tonus (Donato: De tonis) y de tenor: Tonos alii accentus, alii tenores nominant 30 (Don., G.L. IV, 371. 2 [= 609. 5 Holtz]):
26
De semi. Lat. fr. 83, p. 213. 3 G.-Sch.: in accentu materia locus et natura prosodiae brevissime conprehensa sunt. nam materia esse ostenditur vox, et ea quidem quae verba possunt sonare, id est scriptilis; locus autem syllaba, quoniam proprie haec verbi pars est quae recipit accentum, natura vero prosodiae in eo est quod sursum aut deorsum: nam in vocis a/titudine omnino spectatur, adeo ut, si omnes sy/labae pari fastigio vocis enuntientur, prosodia sil nul/a (apud Exp/an., G.L. IV, 525. 18ss.). 27 Quint. 1, 5. 22: tenores (quos quidem ab antiquis dictos tonores comperi, uide/icet declinato a Graecis uerbo, qui rovovç dicunt) ue/ adcentus, quas Graeci 1tpoaq,oiaç uocant. 28 Diom., G.L. 1, 431. 1-3: Accentus est dictus ab accinendo, quod sit quasi quidam cuiusque syllabae cantus. apud Graecos quoque ideo 1tpoafüa a estas distinciones de cantidad y de aspiraci6n no se refleja, como ya dije, en la Ttxv11 de Dionisio Tracio, pero, con toda probabilidad, era ya algo plenamente consolidado en época de Herodiano (s. Il p. C.). Fueron probablemente él y Sexto Empirico los primeros en hacer uso del término 1tpocrq>6ia en este nuevo sentido ampliada35 ; aunque mas que de una innovaci6n personal 36 se trata de una evoluci6n lenta, en la que ademas no hay que olvidar37 el doble sentido que, segun vimos, tuvo desde el principio el término 1tpocrq>ôiaen el terreno de la expresi6n oral hablada: entonaci6n del habla en un sentido general y altura tonal de cada sflaba dentro
Arist. Soph. el. 177b3: oô ya.p tan ôtttov to ,rapà t1)v 61aip&mv· où yàp o aôtoç Â.Oyoçyivum, 61mpouµ&voç.&t1t&pµTl c;>11:aito 'ôpoç', (11:ai]'ôpoç' tfl ,rpoocpôiÇtÀ.&x8tv,011µaiv&1ft&pov. à.U.' tv µtv toi'i_y&ypaµµtvo1ç to aôto ôvoµa, ôtav t11:tvaùtvo-to1x&i(l)vy&ypaµµtvov fi 11:aidio'autcoç(11:à.11:&i ô'ftôTt 1tapà011µa 1to1oùvtat), tà ôt q,8&yy6µ&vaoô taôta.. â'Kn'oô 61ttov to ,rapà ôtaip&ow. q,av&povôt 11:aiôn où ,ravt&Ço\ fÀ.&-yxo1 ,rapà to 61tt6v, 11:a8a.1t&p nvtç q,amv [... ]. 34 Uhlig (1883: 171); cf. también Hanschke (1814: 109, n. 2) y Laum (1928: 21s.) 3s Sext. Emp., Adv. math. I 113: t7t&ioù ôuo µ6vov ô1t&lÀ.f1q>amv &lva1,rpocrcpôiaç ypaµµan11:v ,raiô&ç, tflV t& µa11:pàv11:ai~pax&iav, à.À.À.à11:aiôç&iav ~p&iav 1t&p10'1tcoµtVT1V ôacr&iav'lflÀ.flV, f11:ao-tovtvonoô&ô&tyµtvrovcpcovatvtcovfxov nvà toutcov 11:at'lôiav ,rpoocpôiav y&Vflcrt011drov); las siete prosodias, en cambio, toman nacimiento de las letras: la ôl;&ia y la JJapeia a partir de la letra A; la xepumroµtvri y la µaKpét y la ~pax&ia, a partir de la 8; la 6aoeia y la 'lfl"-T\, a partir de la H. Cf. también Schol. Vat., G.G. I 3, 141. 20; 152. 16; Schol. Dion. Thr., G.G. l 3, 292. 23; 295. 14. 43 Corno se recordara, era en el terreno de la escritura donde Querobosco y los escolios vaticanos ampliaban el ambito del término xpooq>Sia, previamente identificado s6lo con el acento. Recuérdese también que una de las denominaciones con que, segun Gelio, los antiguos latinos se referfan a la 1tpoocpôia era la de notae vocum, es decir, "signos de los sonidos"; signos que, por descontado, siempre se distinguiran expresamente de las letras, litterae.
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Asf, pues, aunque la 1tpoacpôia propiamente dicha era el acento, el fen6meno de la entonaci6n de las silabas, sin embargo, tal como ocurre boy entre nosotros, también se denomin6 "acento", es decir, 1tpompôia, al signo grafico con el que se lo representaba: "Prosodia es un signo de las palabras que acompafia a las vocales" 44 • t1iµeiov autem veteres x,p6vov. id est tempus, non absurde dixerunt ex eo quod signa quaedam accentuum, quae Graeci 1tpocnpôiaç vocant, syllabis ad declaranda temporum spatia superponuntur, unde tempora signa Graeci dixerunt (Aphth. 43. 25; apud Thacomestum).
De suyo, también con el ténnino ypaµµa / littera ocurri6 algo parecido, aunque en sentido contrario: de designar originariamente un trazo grâfico pas6 a ser utilizado para referirse al sonido que dicho trazo representaba, haciéndose asi sin6nimo de atoixtiov / elementum. De la misma manera 1tpom:pôia, que, en principio, apuntaba exclusivamente al fen6meno pros6dico en si, a la inflexi6n tonal del acento de palabra, pas6 también a designar el signo grafico (aTJµtîov / nota) con que se decidi6 representar en la escritura dicha inflexi6n. Probablemente por este camino 1tpoacpôia, con el sentido de signo grâfico que indica un fen6meno no recogido por la escritura alfabética, pas6 a aplicarse también a otros signos que indicaban otros fen6menos tampoco recogidos en el alfabeto, aunque estos otros fen6menos no fueran ya tonales; y luego, avanzando por este mismo camino, termin6 designando también incluso estos otros fen6menos en si mismos. El proceso podriamos imaginarlo asi: 1. 1tpoacpôia = acento de palabra 2. 1tpoacpôia = signo grâfico del acento de palabra
44
Schol. Dion. Thr., G.G. 13,474. 27: Ilpompoia âcrciCJ11µ&iov À.éçecov-roiçq,coviJecnv bt6µevov. Ya en Arist6teles se puede comprobar esta vinculaci6n entre la prosodia y el signo grafico que la representa: Soph. el. 165b: Tp61tot ô'ekri -roü µèv SÀ.tyxeiv ôoo· o\ µèv yap &lcn11:apà-rt1vÀ.Éçtv,o\ ô' f!;coti\ç À.tçecoç.fcrct ôè -rà µèv 11:apà'tllV À.Éçtvâµ11:oioüv-ra 'tllV q>av-raoiavfi; -rov àpt9µ6v· -raü-raô' âcrriv ôµcowµia, àµq,tÀ.Éç&coç. Asique 166b: Ilapà ôè 'tllV l30À.ia,ouv0eo-tç, ôiaipecnç, 11:pompôia,o-xi\µa 1tpoo-cpôiavâv µèv -roiç aveu ypaq,i\ç ÔtaÀ.&1Cn1Coiç où f,(tôtov 1toti\ôi~. Â.tyov-r&çto 'ou' ô!;,6-repov.JCai-ro 11:epi-ro âv61tvtov toü 'Ayaµéµvovoç, ôn OÔIC aÙ't0Çô Zeùç &Î7t&V 'ôiôoµ&vôt o\ eoxoç dp&o-9at',à.À.À.à'tQ) âvu1tviq>âv&tÉÂ.À.&'to ôtôovm. -rà µèv oov totaiha 11:apà'tllV1tpoo-cpôiavâcrriv. Otro tanto se observa en los comentaristasposteriores a este pasaje.
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3. 1tpoacpôia = otros signos graficos parecidos, en cuanto que ajenos al alfabeto, pero ajenos ya al campo de lo tonal: la cantidad, la aspiraci6n. 4. 1tpoacpôia = cantidad, aspiraci6n. 3.3. Siete prosodias Asi, pues, por este u otros caminos, el hecho es que las "prosodias" pasaron a ser siete: los tres acentos de palabra [agudo (ôçeia 1tpocrqwia), grave (flapeia) y circunflejo (1teptCJ"1tcoµéV11)], las dos cantidades [larga (µmcpa) y breve (Ppax,Eia)] y las dos posibilidades en cuanto al "espiritu" ["con aspiraci6n" (6acrda) y sin aspiraci6n ('lftÀft)]. Este ambito ampliado de la prosodia, que veiamos ya prefigurado en la Poética de Arist6teles, se refleja asimismo en Quintiliano y precisamente a prop6sito de los problemas que acarrea el desajuste entre el lenguaje escrito y el lenguaje oral. Me refiero a su exposici6n sobre los barbarismos y a la clasificaci6n que establece al respecto (1 5. 6). Tenemos alli los mismos tres grupos de prosodias, relativos al acento, a la cantidad y a la aspiraci6n, no s6lo enumerados uno tras otro o en estrecha vecindad como en Arist6teles\ sino también puestos en relaci6n y concebidos desde un mismo angulo: el de los desajustes y limitaciones de la escritura alfabética y la necesidad de complementarla con unas marcas que recojan otros fen6menos lingüisticos distintos de los segmentales representados por las letras. El mismo denominador comun que terminaria luego casi identificando a los tres fen6menos y reconociéndoles a los tres la categoria de 1tpocrcpôim. Quintiliano, sin embargo, reserva el término 1tpocrcpôia exclusivamente para el acento. Los mismos tres tipos de fen6menos los vemos agrupados en Prisciano45 como rasgos definidores de la silaba junto con los fonemas o letras que la integran. Herodiano probablemente extenderia a todos estos fen6menos la denominaci6n de 1tpocrcpôia. Es la doctrina que vemos luego consagrada en los epitomadores posteriores, como, por ejemplo, Querobosco, segun recogen los escolios vaticanos: "En las prosodias hay tres especies (dort): el acento (t6voç), la cantidad (:x,p6voç),el espfritu (1tvtùµa). Y los acentos son tres: agudo (ô~uç), grave (l3ap6ç),circunflejo (1tEp1am:i>µevoç); las cantidades, dos: larga (µmcp6ç) y breve (Ppa:x,6ç);los espfritus, dos: con aspiraci6n (ôa(Jl)) y sin aspiraci6n (1111Â.6v). Siete son, pues las prosodias [ ... ] Algunos afiaden [ ... ]" 46 • 45
Prise.,GL. II, 44. 1. Schol. Dion. Thr., G.G. I 3, 124. 33ss. Una explicaci6n similar, por ejemplo, en Porfirio, loc. cit. 46
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Otro tanto se puede leer en los Schol. Dion. Thr., G.G. I 3,292. 18ss.: "lCuantas son las prosodias? [ ... ] propiarnente siete: aguda, grave. circunfleja. larga. breve, aspirada y sin aspiraci6n ",
o, ya en territorio latino, en Dosfteo: accentus in graeca lingua sunt VII (Dosith., GL. VII, 377. 7-8).
3.4. Los gramaticos latinos tardios recogen toda esta doctrina de las nuevas prosodias griegas, a las que, 16gicamente, denominan accentus, incurriendo asi en cierta ambigüedad terminol6gica, toda vez que entre ellos, salvo excepciones, como Donato, que emplea el término tonus, accentus designa, ante todo y sobre todo, al igual que entre nosotros, el acento de palabra. Se ven asf a veces los gramaticos forzados a hacer aclaraciones como ésta de Sergio, cuando, tras definir los tenores o accentus en el sentido estricto del término, pasa a hablar de las ocho marcas pros6dicas empleadas en latin, a las que tambien denomina accentus e inmediatamente después de haberlas descrito aiiade: his ita se habentibus sciendum est quod acutus et gravis et circumflexus soli sunt qui, ut superius diximus, naturalem unius cuiusque sermonis in vocem nostrae elationis servent tenorem. nam ipsi arsin thesinque moderantur. quamquam sciendum est quo in usu non sit hodierno gravis accentus (Serg., G.L. IV, 482. 14-18).
Corno ya dije, es a este accentus (acento) a loque, ante todo y sobre todo, se atiende en los capitulos De accentibus. S61o al final de dichos capitulos hablan los gramaticos de todas las demas prosodias (accentus) y entre ellas, por supuesto, de las de la cantidad y la aspiraci6n47 • Varias peculiaridades merecen ser puestas de relieve en dicha exposici6n. 3.4.1. Ante todo que, como enseguida veremos, esta otra descripci6n gJneral de los accentus esta hecha siempre desde la 6ptica de su representaci6n grafica, de modo que accentus entonces no se entiende tanto como "prosodia" cuanto como "signo pros6dico"; signos para marcar la prosodia de la palabra cuyo estudio precede asi a la exposici6n sobre los signos de puntuaci6n (es decir. de la prosodia de la frase) que suele ocupar el capitulo siguiente: De posituris, De distinctione.
47 Esta distinci6n queda aun mas patente en San Isidoro, que dedica un capitulo (1 18 De accentibus) al acento de palabra (accentus) y otro (1 19 De figuris accentuum) a las marcas graficas de las prosodias (accentus).
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3.4.2. En segundo lugar, que cuando definen los signos de la cantidad (accentus Longus, accentus brevis) se preocupan los gramaticos de dejar bien claro que se trata de un fen6meno diferente del del acento de palabra: suelen advertir que dichos signos representan algo completamente distinto de los de los acentos, que acaban de ser descritos inmediatamente antes: aquéllos representan parametros de "sonido" (sonos), es decir, de tono o de intensidad; éstos otros, en cambio, lo que representan son aspectos duracionales (tempora): sed in illis sonos, in his tempora dinosci videmus. horum autem officio sic utimur, ne productionis vel correptionis ratio confundatur (Diom., G.L. I, 434. 6-7)48 •
3.4.3. En tercer lugar me parece oportuno llamar la atenci6n sobre el tratamiento que suelen dar estos gramaticos latinos a la otra pareja de "prosodias", la daseia y la psilé. Los gramaticos griegos hablan de ellas inmediatamente después de referirse a las dos relativas a la cantidad y, en todo caso, siempre antes de pasar a hablar de los mi011,ultimos fen6menos aiiadidos al grupo. Es éste el orden que sigue, por ejemplo, Dosfteo: forma acuti accentus [... ]gravis[ ... ] longum [ ... ] brevem [ ... ] aspirationem H adscripta praestabit; si adscripta non erit, siccitatem. his adiciunt hyphen [ ... ] (Dosith., G.L. VII, 379. 8-13).
En cambio, los gramâticos latinos, salvo excepciones, no hablan de esta pareja inmediatamente después de la de los accentus de la cantidad, tal como correspondfa, sino que introducen con frecuencia en su lugar la exposici6n sobre los denominados mi011,de los que enseguida paso a ocuparme, y dejan la daseia y la psilé para el final; asf ocurre, por ejemplo, en las exposiciones de Diomedes, de Donato y sus seguidores, como Pompeyo, o de Prisciano. Accentus acuti nota[ ... ) gravis[ ... ] circumflexi [... )fongus[ .. .) brevis [ ... ] (Diom., GL. I, 434. 1-5); his adiciunt hyphen [... )diastole[ ... ] apostrophos [ ... ]. ceterum ôao-eîav et \jltÂ.flvapud nos h vocali addita vel detracta demonstrat, id est scripta adspirationem, non scripta levigationem significat (Diom., G.L. I, 434. 36-435. 21). Acutus accentus est nota[ ... ] gravis[ ... ] circumflexus [... )fongus[ ... ] brevis [ ... ] hyphen [ ... ] diastole [ ... ] apostrophos [ ... ) ceterum ôao-eiav et \jltÂ.flvapud Latinos h littera vocali addita vel detracta significat (Don., G.L. IV, 371. 31-372. 13 [= 610. 16-611. 9 Holtz]).
48
Cf también Audax, G.l. VII, 330. 3 (= Ps.Vict., G.l. VI, 193. 24); Comm. Eins.
229. 26.
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Podria esto ser sintoma de que estos gramaticos tardfos no distinguen ya entre prosodias auténticas y espurias, pero mas bien parece obedecer a que las cuestiones de la aspiraci6n y de su representacion grafica, que en griego, al igual que ocurria con otras prosodias, se habia establecido ante todo para distinguir entre palabras homografas (tv/tv), tienen en latin una entidad diferente; aquf se reducen a la cuestion de la H, cuya problematica (incluida la posibilidad de que establezca diferencias de significado) se plantea por lo comun en ottos contextos4 9 • Asi lo dan a entender Sergio (GL. IV, 482. 5s.), que ni siquiera menciona entre los accentus latinos estos dos, o Cledonio, que hace la siguiente precision:
Amn:ia 'f'\À.11: ôacrnia adspiratio, 'f'lÀ.11 siccitas. haec signa apud Graecos (Cled., GL. V, 33. 33-34) 50 •
y asi lo demuestran, ante todo, Dositeo, cuando explicitamente reduce en latin a cinco los siete acentos de la lengua griega: accentus in graeca lingua sunt VII, in latina V, acutus gravis circumflexus longus brevis (Dosith., GL. VII, 377. 7),
y mas adelante el Pseudo Victorino y Audax, quienes sencillamente prescinden de ambas prosodias griegas, por considerarlas ajenas al latin: Quare dasian et psi/en, quibus Graeci utuntur, [et] nos praetermittimus? Quoniam adspirationem nobis adposita H littera, quae in duas partes dividitur, repraesentat, et si adposita non erit ([Ps.]Vict., GL. VI, 193. 25-27). nam dasia et psile Graeci utuntur, nos eas praetermittimus, quoniam aspirationem nobis adposita littera H, quae in duas partes dividitur, repraesentat, et si adposita non erit (Audax, G L. VII, 331. 3-6).
3.4.4. Por ultimo, en cuanto a la representacion grafica de las diferencias de cantidad, la situacion del latin era también distinta de la del griego: mientras en el alfabeto griego se llegaron a establecer distinciotipo de diferennes al respecto ( e/11 y la o/ro), en latin no se fijo ningun ciacion alfabética de las vocales por su cantidad, sino que se utiliz6 un solo grafema para cada una, fuera breve o fuera larga; por ello los gramaticos consideran y denominan siempre las vocales latinas "dicronas" (dichronae) o "comunes" (Kotvai, communes) o "ambiguas" (ancipites) o "biformes" (biformes). De ahi los diferentes intentos de marcar en la grafia estas diferencias cuantitativas, como, por ejemplo, la duplicaci6n
49
Tratados de ortograffa, capftulos de litteris o de syl/abis dentro del ars grammatica, etc. 50 0 Pompeyo, GL. V, 132. 27 o San Isidoro, I, 19. 11.
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del signo vocalico, o el empleo del apex ode la denominada "l longa". Es, pues, en este contexto donde hay que considerar las referencias a los signos de larga: - y de breve: en este capftulo de los accentus o npocrc:pôiat. V
4. Por la misma vfa por la que se incorporaron al terreno de la prosodia las diferencias de cantidad ode aspiraci6n, es decir, por el camino de eliminar ambigüedades de la escritura, debieron de irse asimilando a las npocnpôiat también otros fen6menos, en principio, ya mas alejados del sentido etimol6gico del término, pero, en cierto modo vinculados también a su ambito; se trataba de fen6menos relativos a la articulaci6n de las palabras en la cadena hablada y a su identificaci6n como unidades a base de dejar bien claros sus limites, al abrigo de cualquier tipo de ambigüedad. Para dar cuenta de tales fen6menos se consagraron otros tantos signos con los que marcar los textos de escritura continua: la ôôia pasarfa a designar ya no s6lo unos rasgos "pros6dicos" caracterizadores de las palabras o, mas exactamente, de las sflabas de las palabras (el acento, la cantidad, la aspiraci6n), sino también otros fen6menos relativos a los limites y a la juntura de dichas palabras. Tienen también estos fen6menos, en cierto modo, una entidad pros6dica, en cuanto que pueden afectar a la prosodia de las palabras en cuesti6n; van, en efecto, directamente referidos a la articulaci6n de las palabras, a su identificaci6n como tales eslabones de la cadena hablada. Se trataba de dejar claros los limites de palabra, de delimitar dichas palabras como unidades 16gico-semanticas y también f6nico-pros6dicas. Y en dicha funci6n demarcativa entraban directamente en relaci6n con las verdaderas prosodias, sobre todo, con el acento, cuya esencia consiste en articular f6nico-pros6dicamente dichas palabras a base de marcar una de sus sflabas (funci6n culminativa) y, en consecuencia, sefialar sus limites. No en vano los gramaticos antiguos
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insisten en que cada palabra (cada palabra sintagmatica) tiene un acento y no mas de uno 51• En consecuencia, en el habla no es, por ejemplo, lo mismo pronunciar dos palabras bajo un mismo acento que pronunciarlas cada una con el suyo. Ese es, pues, el valor pros6dico de estos fen6menos o signos, implicados en la delimitaci6n de las palabras o mas exactamente en los accique pueden sufrir dichas dentes o afecciones (de ahi el nombre de 1t6.8T1) palabras al engarzarse con otras en la cadena hablada 52 • Asf lo entendi6 el escoliasta vaticano cuando escribi6: "Corno las voces se entonan de acuerdo con estas afecciones, por eso se las llam6 prosodias" 53 •
Bien es verdad que no hay que olvidar tampoco el hecho de que esta ampliaci6n del ambito semantico de xpoc:npôia hasta territorios que, de entrada, resultan casi ajenos ya a su campo propiamente dicho se produce de la mano del establecimiento de unos signos que dieran cuenta de todos estos fen6menos en la escritura de unos textos que cada vez presentaban mas dudas y ambigüedades. De ahf que xpocnpôia pase también a designar no ya cualquiera de estos rasgos pros6dicos, sino también cada uno de los signos escritos que los representan, significado que debi6 de afianzarse a medida que se fue extendiendo el habito de emplear algunos de estos signos escritos (los del acento o los de la aspiraci6n) en todas las palabras y no ya solo en los casos en que era necesario para deshacer alguna ambigüedad 54 • Asf, pues, con esta nueva ampliaci6n de sus lfmites el término xpocrcpôia pasa a designar todo lo que, habiendo de ser tenido en cuenta al pronunciar correctamente las palabras, no esta recogido por las letras: los tonos, las cantidades (en griego solo las de determinadas vocales), la aspiraci6n de las vocales, la conjunci6n o disyunci6n de determinadas palabras o la sinalefa entre dos palabras por pérdida de la vocal final de la primera de ellas. Se llegaba asf a denominar xpocrcpôim practicamente a todos los signos no alfabéticos; solo quedaban fuera los signos de puntuaci6n, es decir, los relativos a la prosodia de la frase. Estos otros formaban un grupo aparte ya desde el tratado xepi crnyµTlç de Nicanor (s. II p. C.).
51
Cie., Or. 58; Dosith., G.L. VII, 377. 8; Mart. Cap. III 269. Cf sobre estas cuestiones Lugue (2001). 53 Scho/. Dion. Thr., G.G. I 3, 136. 4: èm;i youv xpoç tà xa:8ri {iôovtat a\ cprovai, fJyou.v Katà tà miOri, ôtà toi>to KaÀ.ouvtat 1tpocrcpôiat. 54 Scho/. Dion. Thr., G.G. I 3, 474. 27: Ilpocrcpôia ècrn crriµEiov À.Éçsrov toiç cprovt)scrivé1t6µsvov. 52
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Esta segunda ampliaci6n de las prosodias parece que sigui6 a la primera relativamentepronto. En un papll'Ode comienzos del siglo IV se enumeran ya como 1tpocrQ)Oiat los diez fen6menos, si bien estableciendoentre ellos distincionesque vemos luego mantenidas por la tradici6n gramatical tanto griega como latina. Ante todo, se distingue entre las siete prosodias propiamente dichas (1rupiroçÂ.ey6µtvat) y las tres nuevas, los tres 1tét8Tt, que s6lo son prosodias en un sentido abusivo del térrnino (1CO'tOXPT1CTtt1CÔlç); es lo mismo que luego veremos repetido en los escolios a Dionisio Tracio. Y es que, como indica el propio nombre (1tét8T1) con que se los design6, estos tres ultimos fen6menos que terminaron incorporados al dominio de la prosodia, extendiéndolo incluso mas alla de sus limites razonables, fueron considerados por los propios gramaticos antiguos mas bien como afecciones, accidentes de la articulaci6n de las palabras, que como auténticas prosodias. El léxico de Hesiquio (s.VNI), por ejemplo, define la Ôç55 •
Otro tanto podemos leer, por ejemplo, en Querobosco, dentro de los mismos escolios vaticanos: "En las prosodias hay tres especies (Eiôri): el acento (t6voç), la cantidad (xpovoç), el espfritu (nvtüµa) [ ... ] Algunos afiaden a las prosodias las denominadas "afecciones" (na9ri), que son d1t6crtpoq>oç,ôq,év, ônoôtacrtoÀ11[...] Estos no se denominan prosodias con propiedad, pues las prosodias piden ser colocadas en tomo a las vocales 56 [ ••• ] el ap6strofo, en cambio, y la hyphén y la hypodiastolé también se colocan sobre las consonantes [... ] por esto precisamente no se llaman prosodias" 57 ;
o en los Scholia Marciana: "l Cuantas son las prosodias? Impropiamente diez: aguda, grave, circunfleja, larga, breve, aspirada, sin aspiraci6n, ap6strofo, hyphén y hypodiastolé; propiamente siete: aguda, grave, circunfleja, larga, breve, aspirada y sin aspiraci6n " 58 •
55
Schol. Dion. Thr., /oc. cit. y G.G. 1 3, 135. 13. Asf ocurre, en efecto, con los signos de acentuaci6n o de cantidad. En cuanto a los de aspiraci6n, la unica excepci6n la constituye la p/ p, tal como lo reconoce el propio escoliasta. 51 Schol. Dion. Thr., G.G. l 3, 124. 33ss. Una explicaci6n similar, por ejemplo, en Porfirio, /oc. cit. 58 Schol. Dion. Thr., G.G. 13,292. 18ss. 56
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Pero esta distinci6n entre prosodias propias e impropias termin6 también difuminandose; hacia el afio 392 se fecha el tratado 1tspi µéi-pcov de Epifanio, en el que se enumeran ya, sin mas, los diez 1eai CJ"ta8µ&v signos pros6dicos: 'EîtstÔTlôè nvsç x:atà xpoo-cpôi.avfcn:tçav tàç ypacpuçx:ai.xspi. trov xpoo-cpôtrov taôs· ôçEia ôao-sia flapEia 'ljltÂ.fl 1tEpto-1troµtVT1 d1tootpoc:poçµax:pa oc:ptvppaxsia ô1toôtao-toÂ.f1. Se los considera, como se ve, de igual a igual y no se establece prioridad alguna entre ellos; incluso se los mezcla indiscriminadamente, sin agruparlos segun la entidad tonal, cuantitativa, etc. de cada uno. En el nspi 1tpoacpôt&vque Uhlig edit6 como suplemento de la Ttxv11 de Dionisio (Suppl. l, G.G. I 1, 105-117)59 también se enumeran las diez prosodias con sus correspondientes signos graficos: Ilpoo-cpôi.mdo-i. ôtx:a· ôçEia ·, papEia ', 1tEpto-1troµtvT1 -, µax:pa -, PpaxEia v, ôao-sia ►, 'ljltÂ.fl ◄• 'A1t6o-tpoc:poç ', ôc:ptvv, ôxoôtao-toÂ.fl, [... ] Atmpoùvtm ôè a\ xpoo-cpôi.mslç tto-o-apa· dç t6vouç, dç xpovouç, dç xvs6µata, dç 1t«8T1.T6vot µèv ol>vdm tpEiç ôç6ç ', pap6ç ', 1tspto-1troµsvoç - [... ] (G.G. I 1, 105. 2-107. 3). Aquf, en cambio, sf aparecen organizadas en grupos, una clasificaci6n que, en parte, ya se hallaba en el papiro de comienzos del siglo IV a que me acabo de referir; allf, en efecto, dentro de las siete prosodias propiamente dichas se establecfan tres grupos: las tres referidas al acento (i-ovt1eai),las dos relativas a la cantidad (xpovt1eai)y las dos correspondientes a la aspiraci6n o espfritu (1tvsuµan1eai); una distinci6n ésta de la que también se hacen eco otros escritos griegos y latinos. 5. Pues bien, toda esta doctrina la encontramos difundida también en territorio latino, en especial cuando se habla no ya de los prosodemas sino de los grafemas que los representan, grafemas que incluso llegan a ser designados también con el término accentus. 5.1. Suelen los artfgrafos latinos, como ya be dicho, concluir el capftulo sobre el acento con la descripci6n general de todos los signos pros6dicos (accentus): forma acuti accentus I obliqua in partem dexteram scandens, gravis accentusforma I obliqua in partem dexteram descendens.circumflexumdesignat 59
Y que muchos estudiosos modemos consideran coetaneo de la misma Tekhnê grammatikê, es decir, tardfo como ella y no de época de Dionisio Tracio.
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accentum C deorsum spectans. longum accentum transversal littera notant, brevem C sursum spectante. sed in illis sonos, in his tempora dinoscimus. aspirationem H adscripta praestabit; si adscripta non erit, siccitatem. his adiciunt hyphen, cum duo verba quasi in unum pronuntiatione colligimus, et /ormam eius hanc /aciunt: utriusque verbi proximas syllabas inflexa subter virgula iungunt, ut est 'Turnus ut ante_volans' (Virg., Aen. IX 47) • (diastole) item apostrophon, cum vocalem ultimam subtrahimus. hanc sic notant: ad caput eius consonantis, cui vocalis subtracta est, inflexam virgulam, quae ad eam spectat, apponunt, ut 'tanton' me crimine dignum' (Virg., Aen. X 668) (Dosith., GL. Vll, 379. 8-380. 5).
Dosfteo, como se ve, habla de los mi&rtcomo de los demas accentus, distinguiendo entre el fen6meno en si y el signo grafico que lo representa. Diomedes, en cambio, se refiere a los 1ta9Ttdirectamente como fen6menos graficos; lo hace al final del capftulo De accentibus, tras haber descrito la representaci6n grafica de los acentos de palabra y las cantidades y antes de referirse a los signos relativos a la aspiraci6n. En esto seguia una tradici6n a la que, al parecer, ya se atenfa el propio Varron, que, como ya vimos, segun da a entender la Exp/anatio, conclufa su exposici6n de los acentos hablando de los signos graficos con los que se representaban. Varr6n se limitaba a los signos de los tres acentos, agudo, grave y circunflejo6().Diomedes también empieza describiendo los signos que indican la acentuaci6n y la cantidad y distingue ademas, al igual que Varr6n, segun vimos también, entre los fen6menos en sf y los signos que los representan. Accentus acuti nota [ ... ] gravis [ ... ] circumflexi [ ... ] Longus [ ... ] brevis [ ... ] (Diom., GL. I, 434. 1-5).
Es entonces cuando pasa a hablar de los 1ta8ri,a los que se refiere ya directamente como marcas graficas. Los introduce ademas con la habituai expresi6n, que acabamos de ver en Dosfteo, his adiciunt, que da a entender que se los reconoce como algo afiadido a las verdaderas "prosodias" o "acentos" : his adiciunt hyphen, cuius forma est virgula sursum sensim curvata subiacens versui et inflexa ad superiorem partem. hac nota subter posita utriusque verbi proximas litteras in una pronuntiatione colligimus [ ... ] huic contraria est diastole, dextera pars circuli ad imam litteram adposita. hac nota male cohaerentia discernuntur [ ... ] apostrophos item circuli pars dextera, sed ad summam litteram consonantem adposita cui vocalis subtracta est, et hac nota desse ostendimus parti orationis ultimam vocalem, cuius consonons remanet (Diom., GL. I, 434. 36-435. 18). 60
Del "medio" no es probable que presentara signo alguno.
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Y termina refiriéndose a las cuestiones de la aspiraci6n: GL. I, 435. 20: ceterum oacn:iav et 'l'tÀitv. El gramatico, que, como vengo diciendo, distingue, al igual que Varr6n, entre las prosodias (accentus) y los signos que las representan en los denomina directala escritura (notae ), cuando habla de estos 1ta811 mente notas. Una distinci6n parecida establecia, segun vimos, el escoliasta a Dionisio Tracio, cuando decia que, mientras los signos de las verdaderas prosodias se derivan de detenninadas letras, los de los 1t6.811, que no son auténticas prosodias, no tenfan ese origen. Donato, que, segun qued6 dicho, a los acentos de palabra los Hama 1 tonz"6 , tras haber hablado de los tres can6nicos, agudo, grave y circunflejo, termina también el capftulo describiendo los signos graficos de las diez prosodias, a las que ahora denomina con el nombre genérico de accentus. Se habla asf, como ya dije, de estas marcas pros6dicas inmediatamente antes de tratar en el capftulo De posituris sobre los signos de puntuaci6n, que, a fin de cuentas, no son otra cosa que signos para marcar la prosodia de la frase: Acutus accentus est nota per obliquum ascendens in dexterampartem /, gravis nota a summo in dexterampartem descendens\ circumjlexusnota de acuto et graviJacta /\ Longuslinea a sinistra in dexterampartem aequaliter ducta -, brevis virgula similiter iacens, sed panda et contractior hyphen virgula subiecta versui [... ] diastole, dextera pars circuli ad imam litteram adposita [... ] apostrophositem circulipars dextera, sed ad summam litteramadposita [... ] ceterum&meiavet 1/flnJVapud Latinos h littera vocaliaddita vel detracta significat(Don., GL. IV, 371. 31-372. 13 (= 610. 16-611. 9 Holtz). V.
Sergio en el De accentibus ignora, en principio, las cuestiones relativas a la aspiraci6n, con loque, segun él, en latfn las prosodias (accentus Latini) se reducen a ocho (GL. IV, 482. 9); s6lo para cerrar el capftulo, hace la siguiente escueta refedespués de haber hablado de los tres m10T1, rencia: scire etiam debemus Graecorum ôacrniav et 'ljl\Àftv ~ ~ notam adspirationis modo positam modo sublatam simulare (Serg., G.L. IV, 484. 19).
En la misma lfnea se manifiesta Cledonio (GL. V, 33. 31) y otro tanto se puede encontrar en Pompeyo (G.L. V, 132. 1)62 , exactamente en el mismo contexto que el maestro; él habla ademas de distinguere (marcar
61
Don., G.L. IV, 371. 2 (= 609. 5 Holtz) Toni igitur tres sunt, acutus, gravis, circum-
flexus. 62
Cf también Comm. Eins. "De figuris accentuum", 229. 18.
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un escrito ), empleando el mismo ténnino con el que habitualmente se hace referencia a los signos de puntuaci6n (distinctiones). El Ps.Victorino (G.L. VI, 193. 21) y Audax (G.L. Vll, 330. 20), después de haber hablado de los signos de los tres acentos y de las dos cantidades y tras hacer la observaci6n de que en latin huelga hablar de los dos "espiritus", pasan a describir los tres 1tci011(y lo hacen precisamente con la expresi6n his adiciunt et ... ), lo cual supone que la exposici6n que recogen estos dos textos se balla mas pr6xima a la originaria que la otra que aparece mas difundida entre los gramaticos latinos. Corno es habituai, ambos textos hablan de forma y figura de los accentus, es decir, centran su atenci6n, como hacen los demas, en la representaci6n grafica de estos fen6menos pros6dicos o pseudopros6dicos, representaci6n que agui se describe en otros ténninos. La gramatica de Marciano Capela que, como ya qued6 dicho, s6lo entiende como "prosodias" los tres acentos, agudo, grave y circunflejo, cerraba la exposici6n sobre estos ultimos con la descripci6n de sus tres correspondientes signos graficos: acutus accentus notatur virgula a sinistra parte in dexteram ascendente, gravis autem a sinistra parte ad dexteram descendens, inflexi signum est sigma super ipsas litteras devexum (Mart. Cap. m. 273).
Prisciano (G.L. III, 520. 3), inmediatamente después de haber definido el acento y sus tres variedades, agudo, grave y circunflejo, enumera y describe las diez prosodias bajo la denominaci6n general de accentus. Pero ahora estos accentus los entiende ya simplemente como signos graficos. Lo mismo ocurre en textos posteriores como el Commentum Einsidlense o las Etimologfas de San Isidoro, donde, tras el capitulo consagrado a los acentos de palabra (1. 18 De accentibus) y antes de pasar a los dedicados a los signos de puntuaci6n (1. 20 De posituris) y a otros signos graficos (1. 21 De notis sententiarum; 22 De notis vulgaribus, etc.), se dedica el capitulo 19 a los signos pros6dicos: De figuris accentuum. Estos ultimos, dice, se emplean pro verborum distinctionibus. 5.2. La tradici6n griega que clasificaba las diez prosodias en cuatro grupos distintos (tres de ellos considerados, en ocasiones explicitamente, como auténticas prosodias y el cuarto s61o en un sentido amplio o abusivo), que dentro de las prosodias propiamente dichas distingufa tres referidas al acento (t6vo1· 6ç6ç, ~apuç, 1ttptcrm:i>µtvoç),dos, a la cantidad (xpovot ôuo· µmcp6ç, ~paxuç) y dos, a la aspiraci6n (1tvt6µata ôuo· ôacr6, \jftÀ.ov)y que a todas ellas tenninaba afiadiendo los tres 1tci011 (à.1t6crtpoq>oç,ôq>tv, ô1toôtacrtOÀ.Tt)tuvo también amplio eco entre los
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artigrafos latinos. Asi lo demuestran Donato en el capitulo De tonis, o Diomedes, Victorino y Audax en sus correspondientes De accentibus. Todos ellos dedican estos capitulos casi exclusivamente a hablar del acento de palabra. sus tipos63, su colocaci6n, sus reglas, etc.; s6lo al final afiaden la doctrina de las diez prosodias o "acentos", pero, como acabamos de ver, ya con el sentido de grafemas, de signos de articulaci6n pros6dica de la cadena hablada: Tonos alii accentus, alii tenores nominant[ ... ] acutus cum [ ... ] circumjlexus autem [ ... ] gravis in [ ... ] monosyllaba [ ... ] uno accentu pronuntiabis [ ... ] in disyllabis [ ... ] in trisyllabis et tetrasyllabis et deinceps [ ... ] accentua in integris dictionibus observantur, interiectionibus et in peregrinis verbis et in barbaris nominibus nu/li certi sunt. accentuum /egem vel distinguendi vel pronuntiandi ratio vel discernendae ambiguitatis necessitas saepe conturbat. sane Graeca verba graecis accentibuaejferimus. in IAtinis neque acutus accentus in ultima syllaba poni potest nisi discritionis causa, ut[ ... ] (Don., GL. IV, 371. lss. [= 609. 4ss. Holtz]). Acutus accentus est nota per [ ... ] (Don., GL. IV, 371. 31). Accentuaest acutus vel gravis vel inflexa e/atio [ ... ] sunt vero tres, acutus gravis et qui ex duobus constat circumjlexus. ex his acutus in [ ... ] gravis autem [ ... ] acutus [ ... ] duo tantum loca tenet [ ... ] vox monosyllaba [ ... ] omnis vox disyllaba [ ... ] in trisyl/abis autem et tetrasyl/abis et deinceps [ ... ] exponendum [ ... ] qui pedes acuto tenore aut circumflexo [ ... ] Graeca verba Graecis accentibus efferimus [ ... ] in IAtinis [ ... ] in conpositis dictionibus unus accentusest[ ... ] accentus in integris dictionibus observantur, in peregrinis autem verbis et in barbaris nominibus, maxime in interiectionibus nu/li certi sunt. in his maxime accentuum/ex certa esse non potest, cum sit absurdum a turbato tenoris exigere rationem. accentuum /egem vel distinguendi vel pronuntiandi ratio vel discernendae ambiguitatis necessitas saepe conturbat (Diom., G L. 1,430. 28ss.). Accentus acuti nota[ ... ] (Diom., GL. I, 434. 1). Accentus [... ] hi sunt, acutus, gravis, circunflexus. in omni parte orationis [ ... ] aut acutum aut circumjlexus poni necesse est, nec amplius quam unum [ ... ] acutus [ ... ] tantum duobus locis poni potest [ ... ] monosyl/aba [ ... ] ln disyllabis [ ... ] Quid in trisyllabis aut quae p/ures syllabas habebunt [ ... ] Quid graeca nomina? [ ... ] ((Ps.)Vict., GL. VI, 192. 15ss.). De formis accentuum. Acuti accentus [ ... ] ((Ps.)Vict., GL. VI, 193. 21).
63
Lo normal, salvo raras excepciones, es que los gramaticos latinos, incluyan en su relaci6n las prosodias que incluyan, lo hagan atendiendo mas a la tradici6n o rutina escolar que a los dictados de la propia observaci6n sobre la lengua: de ahi, por ejemplo, que se siga generalmente hablando de acentos agudo, grave y circunflejo.
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Accentus [... ] hi sunt, acutus, gravis, circunjlexus. in omni parte orationis [ ... ] accentum poni necesse est, nec amplius quam unum [ ... ] acutus [ ... ] duobus tantum locis poni potest [ ... ] monosyllabae [ ... ] ln disyllabis [ ... ] Quid in trisyllabis aut tetrasyllabis aut quae plures habebunt syllabas [ ... ] Quid graeca nomina?[ ... ] (Audax, GL. VII, 329. 13ss.). Quae est figura acuti accentus? (Audax, G .L. VII, 330. 20)
Asi, pues, todos estos textos muestran que en territorio latino el ténnino accentus no dej6 de usarse con el sentido restringido que probablemente tuvo en un principio y que, desde luego, tennin6 teniendo, es decir, con el significado que tiene entre nosotros la palabra "acento"; no es, pues, extrafio que, a pesar de que en estos capitulos se incluya al final la serie completa de los accentus o prosodias, se considere de un modo u otro, de forma maso menos explicita, como verdaderos accentus, toni o tenores los acentos de palabra. Tonosalii accentus,alii tenons nominant. toni igitur Ires sunt, acutus gravis circunflexus (Don., GL. IV, 371. lss. [= 609. 4ss. Holtz]). Accentus est acutus vel gravis vel inflexa elatio orationis vocisve inttntio vel inclinatio acuto aut inflexo sono regens verba. nam ut nul/a vox sine vocali est, ita sine accentu nul/a est; et est accentus, ut quidam recte putaverunt, velut anima vocis. accentus est dictus ab accinendo quod sit quasi quidam cuiusque syllabae cantus. apud Graecos quoque ideo npocrcpôia dicitur, quia npocr(t6nm taiç O'UÂ.Àaf3o.iç. accentus quidamfastigia vocaverunt, quod in capitibus litterarum ponerentur; alii tenons vel sonos appellant; nonulli cacumina retinere maluerunt. sunt vero Ires[ ... ] (Diom., GL. I, 430. 28ss.). Accentus, qui graece rcpoa(pbiw dicuntur, hi sunt, acutus, gravis, circunflexus ((Ps.)Vict., GL. VI, 192. 15ss.).
Accentus, qui graece prosodiae dicuntur, hi sunt, acutus, gravis, circunflexus (Audax, GL. VII, 329. 13ss.). 6. En la tabla que sigue resumo las distintas posturas al respecto. Las diez prosodias de los autores griegos se representan con las siguientes letras: A =ôçEîa, B = j3apEîa,C =1tEptcrnroµtvri,D =µmcpa, E = PpaxEîa, F = ôacJEîa,G = 'l'lÂTJ,X= d1t6atpoche partecipa di tutti e due gli estremi, sia nel senso di ciè>che non partecipa né dell'uno né dell'altro. In sede grammaticale questo principio è enunciato esplicitamente solo in epoca tarda, da Cherobosco (G.G. IV 2, 100. 6-12), che propone q>at6ç ("grigio") corne esempio di "medio che partecipa di entrambi" (µécrov b::œtépou µetéx,ov, i.e. sia del bianco sia del nero), ma è chiaramente molto più antico, corne suggeriscono non solo la nota dipendenza di Cherobosco da fonti autorevoli, tra le quali spiccano ancora Apollonio ed Erodiano, oppure indizi formali corne la glossa µuïvoç a spiegare q>at6ç (che è evidentemente il termine usato dalla fonte, ma ormai desueto e bisognoso di spiegazione), bensi in primo luogo proprio l'uso di q>at6ç corne esempio di µécroç nel senso di "sia l'uno sia l'altro", che rimanda direttamente ad enunciazioni della filosofia aristotelica e prima ancora platonica, dove q>at6ç è l 'esempio standard del grado intermedio tra due estremi costituito da una mescolanza dei due (Rep. 584e-585a, Tim. 68c), esempio ripreso in più occasioni da Aristotele (Metaph. 1O1lb3O; Phys. 224b35, 229b19). Particolarmente interessanti ai nostri fini le riflessioni di Cat. 12a5 ss., in cui Aristotele distingue tra coppie di contrari che hanno un grado intermedio esprimibile con una parola, corne appunto q>at6ç che è 'medio' tra bianco e nero, e aitre coppie che hanno un grado intermedio senza perè>che esista una parola che lo esprima, corne tra (persona) perbene (cr1touôaioç) e dappoco (q>aÙÀ.oç),il cui termine medio è esprimibile solo con una perifrasi del tipo oihe àya0ov oüte 1Ca1C6v, "né buono né cattivo": già in questi esempi il senso di µécrov appare articolato nelle due fattispecie dell'oùôétepov ("né l'uno né l'altro") e dell'tKa.tepov ("sia l'uno sia l'altro, tutt'e due insieme"). Altrettanto interessante, a livello di riflessione concettuale sulle definizioni di qualità, il problema posto da Aristotele in Topica 15Oal ss., se chi abbia in sé virtù e vizi debba essere qualificato corne buono e cattivo
10 In tale ambito, un uso tecnico di µtcroç sembra già attribuibile ai maestri di Platone sulla base di Phil. 18c, ove le lettere dell'alfabeto sono divise in liqxova ("mute": le consonanti occlusive), qxovriEv.a ("vocali") e µtcra ("medie": semivocali e altri fonemi).
ADIECTJUUMED EPITHETON
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insieme oppure né buono né cattivo, cioè in altre parole se il µécmv tra virtù e vizio, tra bene e male, vada inteso nel senso di t1eatepov o nel senso di oô6étepov. Accanto ad Aristotele non si puè>non dedicare almeno un cenno al pensiero degli stoici, cosl influente sugli studi linguistici 11, e alla loro suddivisione etica tra bene, male e d6tacpopa, cose o azioni "indifferenti" che di per sé non sono né buone né cattive e, stando "a metà" (µEtaçu, in medio) tra bene e male, vengono a coincidere con i µéaa della tradizione platonico-aristotelica. La riflessione stoica non sembra perè>risolvere definitivamente il problema del valore di questa 'medietà' o 'indifferenza' o 'neutralità', con la quale si indica ora ciè>che, sopravvenendo altre circostanze, puè>diventare buono o cattivo, lodevole o biasimevole (Chrysip. SVF III, 743 ss.; Gell. 2, 7. 18), ora ciè>che resta assolutamente estraneo ad dpEtll e 1ea1Cia,virtù e vizio, bene e male, e non partecipa in alcun modo di essi: ricchezza o povertà, salute o malattia, bellezza o bruttezza, forza o debolezza, ecc. (Chrysip. SVF III, 117; cfr. Arr. Epict. 2, 19. 13); o ancora, si opera un'ulteriore distinzione tra ciè>che, stando a mezzo tra virtù e vizio, di per sé non è né positivo né negativo, e gli "assolutamente indifferenti" (1ea8a1taç d6uicpopa), estranei a ogni qualificazione in positivo o in negativo 12• Analoghe riflessioni riecheggiano, più tardi, nella trattazione grammaticale della medietà di aggettivi corne 'ricco', 'povero', 'sano', 'malato' (Schol. Dion. Thrax, G.G. I 3, 233. 29-33; 386. 30 ss.; 552. 31-553. 2), e di verbi corne 'lavarsi', 'passeggiare', 'pranzare' (Choerob., G.G. IV 2, 100. 6ss.). Evidentemente, il dibattito sui significato da attribuire a µéaoç nel1'ambito delle definizioni di qualità era già profondamente impostato a livello filosofico ben prima che i grammatici ellenistico-imperiali elaborassero le loro definizioni di è1ti0Etov, ed è senz' altro plausibile che, all'atto di individuare una terza categoria di epitheta (i µéaa) accanto a quelli di elogio o biasimo, il problema della natura di questi µéaa si sia loro riproposto nei termini aristotelici, lasciati di fatto immutati dalla riflessione stoica: oô6étepa o t1eatepa, "né di elogio né di biasimo" oppure "sia di elogio sia di biasimo"? A giudicare dalle testimonianze superstiti, in ambito greco, accanto a una tradizione che scelse la prima via, seguita dagli scoliasti a Dionisio Trace e da Cherobosco, ve ne fu
11
Su cui ampiamente Barwick (1957). Chrysip. SVF 111,118: e.g. è 'assolutamente indifferente' se il numero delle stelle o dei propri capelli sia pari o dispari. 12
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un' altra che preferl. la seconda, attestata da Prisciano e presumibilmente identificabile in Apollonio 13• Se quest'ipotesi è giusta, Apollonio potrebbe aver attribuito agli ê1ti0tta la facoltà di esprimere elogio, o biasimo, o nessuno dei due, o entrambi, definendo µÉo-a questi ultimi e riunendo invece tutte le qualificazioni estranee a una valutazione di elogio o biasimo sotto un termine che potremmo azzardare fosse ê1ttcruµf3tf3T11C6ta ("sopraggiunti, accidentali"), usato da Apollonio in riferimento ad aggettivi corne 'bianco' e 'nero' 14, che corrisponderebbe bene al latino accidens di Prisciano, anch'esso esemplificato, tra l'altro, dall'aggettivo 'nero'. Tra gli esempi di µÉcru ê1ti0tta addotti da Apollonio è verisimile vi fosse µÉyuç, che compare in Prisciano corne in tutta la tradizione latina - e infatti in greco si dice µÉyuç f3ucrtÂtuç ("gran re") corne µÉyaç à.MlÇrov ("gran furfante"), ma non escluderei che vi fosse anche lcrxup6ç, il fortis delle fonti latine, che in greco vale sia "forte" sia "violento" (e.g. di passioni, odio, malattie). La presenza di lcrxup6ç tra gli esempi greci di epitheta di valore medio offrirebbe infatti una plausibile giustificazione della presenza, tra gli esempi latini, di fortis, che è invece, in maniera pressoché univoca, connotato in positivo; l'assenza difortis tra gli esempi di aggettivi di valore medio in Prisciano non costituirebbe un ostacolo, anzi potrebbe deporre indirettamente a favore di quest'ipotesi, dal momento che Prisciano si propone non di tradurre la dottrina greca in latino, bensi di impiegarla adeguandola alla lingua latina, e in quest'ottica si impone la rinuncia ad esempi validi in greco, ma inutilizzabili in latino, corne appunto lcrxup6ç. La trasposizione in ambito latino della definizione greca dei µÉcru ê1ti8ttu poteva quindi generare ambiguità ed equivoci, sia per l 'ambivalenza connaturata nel termine tecnico µÉcroç, sia per l' assunzione di esempi che in latino risultavano solo parzialmente pertinenti. Un ulteriore motivo di ambiguità poteva sorgere dalla concezione latina del1'epitheton corne nome che non puo stare a sé, ma dev'essere sempre riferito a un altro - diversamente non di epitheton si tratta, bensi di antonomasia 15: una concezione peculiarmente latina, strettamente
13
Dell'esistenza di una simile tradizione, che definiva medî i termini capaci di esprimere tanto elogio quanto biasimo, forniscono ulteriore conferma autori dalle buone fonti corne Festo ed Eustazio, l'uno per insignis ("notevole", p. 99 [Lindsay)), l'altro per il verbo è0tÂ.EtV ("volere") e i suoi derivati (Comm. Il. 884. 20). 14 Synt. 2. 24 = Lallot (1997: I, 153). 15 Su cui v. Holtz (1981: 210-2ll), e sotto, punto 3.
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connessa ail' assunzione dell 'epitheton fra i tropi, mentre nella grammatica greca esiste almeno una categoria di epitheta che possono stare a sé, quella degli apolloniani l6i~ teta-yµtva ("[epiteti] posti in proprio", G.G. Il 1, 120. 24-25) corne l'epiteto di Poseidone 'Evvocrl-yatoç, "scuotitor della terra" (cfr. in Prisciano, G.L. II, 60. 12 l'identico esempio Ennosigaeus Neptunus). Da questo punto di vista, è da notare che una dottrina greca che definisse 'medî' aggettivi corne µt-yaç o laxup6ç li avrebbe con ciè>stesso posti in una condizione di totale dipendenza dal nome cui vengono riferiti, perché è solo in base a quest'ultimo che il loro significato diventa interpretabile, in senso di volta in volta positivo o negativo. Questa dipendenza degli aggettivi 'medî' dal nome cui sono riferiti potrebbe pertanto essere stata recepita, o sviluppata, dai grammatici latini in forma accentuata ed estensiva, identificandovi quell 'assoluta dipendenza dell 'epitheton da un altro nome a cui riferirlo da essi rigorosamente sancita per distinguere l 'epitheton dall 'antonomasia. In tal modo troverebbero spiegazione non solo affermazioni corne quelle di Carisio e Diomede, secondo i quali nomina mediae potestatis significationem a coniunctis sumunt, ut magnus fortis, "i nomi di valore medio, corne magnus e fortis, prendono il loro significato dalle parole cui sono uniti ", e per se nullum habent intel/ectum, "di per sé non hanno alcun significato", ma anche quelle di Donato e Consenzio, che identificano i nomina mediae significationis con gli epitheta in quanto adiecta nominibus, "aggiunti ad altri nomi". Di conseguenza, la divisione di questi nomina media dagli epitheta propriamente detti teorizzata da Carisio e Diomede sembrerebbe dipendere più direttamente da dottrina greca, dove la definizione di µtaa è attribuita sempre solo a una parte degli epitheta, corne da dottrina greca è ripresa la loro definizione degli epitheta nella consueta forma di termini esprimenti laus o uituperatio. L'identificazione donatiana di nomina mediae significationis ed epitheta potrebbe invece corrispondere a un'evoluzione più propriamente latina, volta in primo luogo, io credo, a risolvere la problematica esclusione di aggettivi corne magnus e fortis dal novero degli epitheta, e forse influenzata anche dalla consapevolezza del)' esistenza di altri cospicui gruppi di nomina di tipo aggettivale parimenti media e utilizzabili utroqueversum ("nell'uno e nell'altro senso"), la cui ambivalenza si esplica perè>secondo la bipolarità attivo/passivo e non secondo quella elogio/biasimo, raccolti da Gellio (9. 12) ma già individuati e studiati almeno dalla prima metà del I sec. a.C. (e.g. da Nigidio Figulo: Gell. 9, 12. 6).
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Individuando quindi in senso estensivo le ragioni della media significatio attribuita per antica tradizione a magnus e fortis non più nella loro flessibilità a indicare, o meglio a intensificare, qualità positive e negative, bensl nella loro più generale natura di 'aggiunte' ad altri nomi, dai quali viene necessariamente a dipendere la piena e precisa interpretazione del loro significato, diventa possibile attribuire questa caratteristica all'intera classe dei nomina adiectiua, riportando cosl nel loro alveo originario, sia pure per tutt'altra via, i µtcra ê1ti0eta della tradizione greca. 2. Un secondo punto in cui le trattazioni dei grammatici latini sull 'epitheton presentano, almeno a un primo sguardo, numerose divergenze, riguarda le giustificazioni da loro proposte, sui piano stilistico, per il ricorso a questa classe particolare di nomi16 • Benché esse siano sempre articolate secondo uno schema tripartito, i termini di tali tripartizioni variano di volta in volta, e accanto aile note categorie di laus e uituperatio, agevolmente riconducibili a quelle dionisiane di f1tatvoç e woyoç ("elogio" e "biasimo"), se ne aggiungono aitre, che non è sempre agevole interpretare, e che spesso riprendono, perè>rielaborandoli, concetti e termini tecnici greci. Nel proporre qui qualche tentativo di puntualizzazione del loro significato, vorrei avanzare l'ipotesi che esista la possibilità di ricondurre tutte queste tripartizioni a due modelli fondamentali, l'uno più legato alla prassi retorico-letteraria e quindi alla sezione 'esegetica' della grammatica, l'altro pertinente piuttosto all'ambito della grammatica 'oristica'. A questo secondo modello, individuabile con maggiore facilità, afferirebbero le affermazioni di Sacerdote, di Donato nell'Ars, del Seruius auctus e di Carisio, mentre al primo risalirebbero quelle di Donato nel commento terenziano e di Servio, nelle parole dei quali sarebbero attestati, a mio avviso, due differenti sviluppi di una medesima questione. Al di là delle differenze nei verbi impiegati, le triadi orno - demonstro - uitupero (Sac.); laudo - demonstro - uitupero (Seru. auctus);
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V. Holtz (1981: 211). Cfr. Sac., G.L. VI, 463. 8-10 ( [ ... ] uel demonstrandi uel ornandi uel uituperandi , ut larissaeus Achilles, pius Aeneas.fallax Ulixes); Don. Ars mai. 3. 6 = Holtz (1981: 669. 10: uel uituperamus aliquem uel ostendimus uel ornamus); Eun. 325 (discretionis, proprietatis, ornatus); Charis., G.L. I, 273. 24-274. 3 ([ ... ] ornandi aut destruendi aut indicandi causa. Ornat epitheton, sicut 'diuus Vlixes'; destruit, ut 'scelerumque inuentor Vlixes'; indicat, ut 'larissaeus Achilles'); Seru. Aen. 1. 178 (aut ad augmentum, aut ad diminutionem, aut ad discretionem); Seru. auct. Aen. 1. 323 ( [... ] aut laudandi aut demonstrandi aut uituperandi).
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orno - ostendo-
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uitupero (Don. Ars); orno - indico - destruo (Cha-
ris.) vengono a esprimere esattamente gli stessi concetti, riconducibili ancora a quella bipolarità elogio/biasimo che abbiamo già visto essere tipica delle antiche definizioni dell 'epitheton. In tal senso, va segnalato in particolare corne orno debba essere inteso, in queste tripartizioni, nel significato di •attribuire qualità positive', non in quello di •abbellire il discorso senza contribuire realmente al suo significato' che è pure ben attestato 17• A favore di questa conclusione depongono infatti vari elementi: in primo luogo, la contrapposizione di orno a uitupero, se non addirittura a destruo corne in Carisio; in secondo luogo, il tenore dell'espressione donatiana, dove oggetto dell 'ornare non è orationem ("il discorso ") o qualcosa di simile bensl aliquem ("qualcuno"), cioè la persona espressa dal nome proprio a cui l 'epitheton corne tropo viene necessariamente preposto, corne risulta chiaro dal contesto immediatamente precedente; in terzo luogo, l'uso, in greco, di tcocrµéro(= latino orno: "omare, abbellire") corne sinonimo di txaivéro ("elogiare, lodare"), e in opposizione a \jléyro("biasirnare"), in riferirnento appunto all'uso di epitheta 18• Anche gli esernpi addotti da Sacerdote e Carisio confennano quest 'interpretazione: nel caso di Sacerdote, pius Aeneas ("il pio Enea") efallax Vlixes ("il fraudolento Ulisse") apparterrebbero entrambi alla categoria degli epiteti esomativi, rnentre qui sono contrapposti in quanto pius "elogia",fallax invece "biasima" il personaggio cui sono riferiti; in Carisio, la contrapposizione tra epitheton ornans e destruens è resa ancora più evidente dalla scelta dello stesso termine di riferimento, Ulisse, ora elogiato corne diuus ("divino"), ora biasimato corne sce/erum inuentor ("ideatore di scelleratezze"). La terza categoria, quella espressa da demonstro - ostendo - indico ("indicare, rnostrare"), potrebbe trarre origine, a mio parere, da un'evoluzione del rnodello bipartito (aristotelico-)dionisiano di elogio e biasimo la quale, corne ho sopra cercato di rnostrare, trova ampia espressione negli scoliasti a Dionisio e in Prisciano, ed è già presente ad Apollonio: vi sono infatti epitheta che risultano estranei a una polarità elogio/biasimo, corne appunto quelli che esprirnono •accidenti della sorte', epitheta cioè che definirei 'purarnente descrittivi' e che svolgono la funzione di demonstrare - ostendere - indicare qualcuno o qualcosa senza irnplicare un giudizio di rnerito. Quest'interpretazione è confennata dall'esernpio cornune a Sacerdote e Carisio, per cui epitheton
17
Quint. 8, 6. 40; v. anche, sotto, l'ornatus citato da Donato Eun. 325. Un uso già aristotelico (Rhet. l405al4) e poi diffuso, e.g., nell'esegesi greca di Omero (Sch. Hom. li. [Ariston.] 2. 45a (A); (ex.) 3. 121 (b), a/.). 18
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che demonstrat o indicat è Achille Larissaeus ("di Larissa"), oltre che da uno scolio veronese a Virgilio (Aen. 2. 173) che include tra gli epitheta demonstratiua quelli 'naturali' corne salsus nell 'espressione salsus sud.or ("sudore salato"). Il secondo caso, rappresentato dalle giustificazioni offerte nei commenti di Ser,vio e Donato, è invece più complesso e ha presumibilmente aile sue spalle un dibattito che, pur avendo origini greche, conosce in ambito romano un'evoluzione autonoma. L'unico tratto letterale che accomuna le definizioni di Servio e Donato è la discretio, che com'è noto corrisponde all'dvn6tacrtoÂft o 6tax:punç ("distinzione", per contrapposizione o discriminazione) dei greci: si tratta cioè di un epitheton che viene aggiunto a un nome per eliminare le ambiguità che potrebbero scaturire da un' omonimia. Alla discretio si aggiungono in Donato la proprietas e l'ornatus, due concetti già riconoscibili nella trattazione quintilianea dell 'epitheton: l 'epitheton puo svolgere una funzione puramente esomativa (8, 6. 40: non significandi gratia sed ad ornandam [ ... ] orationem, "non per esprimere significato ma per abbellire il discorso"), essenzialmente in poesia, dove non è necessario che con l'aggettivo aliquid efficitur, "si ottenga un effetto" sui significato della frase, ma basta una generalissima appropriatezza, direi quasi 'attribuibilità' (conuenientia), al termine cui vengono riferiti. L' effetto dell' epitheton sui significato della frase era invece stato esemplificato da Quintiliano poco prima (8, 2. 9-10) sotto la categoria del proprie dictum, cioè di epitheta cosl appropriati, cosl indovinati da essere pregnanti al massimo grado (che si tratti anche qui di epitheta si deduce agevolmente dagli esempi addotti: sobrium, deductum, acrem, dirum). Nel proprie dictum quintilianeo sarà allora da ravvisare, credo, l'aggettivo che secondo Donato si pone proprietatis causa, cioè per esprimere una qualunque qualificazione realmente significativa per il contesto, contrapposto quindi ail' epitheton privo di rilievo semantico, dotato di funzione puramente esomativa e spesso stereotipato corne dentes albi o dulce mustum ("denti bianchi", "dolce mosto"; Quint. 8, 2. 10) o alma Venus ("alma Venere"; Don. Eun. I.e.). Ma proprio su questo punto si innesta in Quintiliano una serie di distinguo da cui traspare, con sufficiente evidenza, un dibattito relativo alla valutazione dell 'uso degli epitheta in poesia che al suo tempo doveva essere ancora sentito, e che concerne proprio le categorie della proprietas e dell 'ornatus: Quintiliano, infatti, non solo appare perfettamente consapevole di quanto sia delicato e soggettivo il compito di individuare il discrimine tra l' epitheton che 'abbellisce' soltanto e quello che
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•significa' 19, ma cita anche esplicitamente, pur senza aderirvi, l 'opinione di "alcuni" (quidam) che fanno rientrare nel proprie dictum, ovvero nell 'epitheton proprietatis causa di Donato, anche quel tipo particolare di proprium espresso dagli aggettivi come '(denti) bianchi', vale a dire quegli epitheta altrove classificati da Quintiliano come di puro omamento. V'erano dunque dei grammatici che, nell'esegesi dei poeti, non ammettevano l 'esistenza di epitheta a scopo esclusivamente esomativo, ritenendo che anche espressioni come 'denti bianchi' contribuissero a dare significato al discorso? La risposta che possiamo dare è sicuramente affermativa, grazie alla complementare testimonianza dello scoliaste veronese e del Seruius auctus a Virgilio Aen. 2. 173, che ci presentano come protagonisti di un dibattito di questo tenore da un lato Probo, grammatico d 'età flavia, che disapprovava l 'espressione virgiliana sa/sus sudor ("sudore salato") perché l'aggettivo era superfluo, cioè semanticamente irrilevante, e, dall'altro lato, dei non meglio precisati critici ("grammatici, esegeti "), secondo i quali aggettivi in apparenza superflui come quelli naturali, quelli per intenderci dei già citati casi di •dolce mosto' o 'denti bianchi', hanno invece sempre una giustificazione semantica (una posizione, quindi, assai affine a quella dei quidam di Quintiliano 8, 2. 10). Seguendo il metro di giudizio stilistico esemplificato da Donato, un epitheton giudicato superuacuum, "superfluo" rispetto al significato della frase, dovrebbe rientrare per cosl dire automaticamente nella categoria dell 'ornatus, una posizione che rispecchia la dottrina greca sugli epitheta 1tep1aaao 1taptÂ.1eovta("superflui, sovrabbondanti ") tipici di Omero, di cui v'è abbondanza di esempi nei nostri scolî 20 • Invece, nel caso di sa/sus sudor, non solo l'aggettivo sentito come superfluo non viene giustificato come esomativo, ma anzi tanto Probo quanto i critici sembrano escludere dal proprio orizzonte esegetico la categoria dell 'epitheton ornans; Probo infatti non esita a formulare un giudizio negativo sull 'epitheton impiegato dal poeta senza reale bisogno, privando implicitamente di valore la categoria donatiana dell'ornatus: se un aggettivo non ha significato proprio (proprietas), non ha ragion d'essere. Dai canto
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Cfr. 8, 3. 20, ove Quintiliano mostra corne nell'espressione exiguus mus ("topo piccolino") di Virgilio Aen. 8. 641, exiguus, che potrebbe sembrare un epitheton puramente esomativo (tutti i topi sono piccoli!), sia invece quanto mai aptum e proprium ("adatto" e "appropriato"), cioè significativo per il contesto. 20 V. Sch. Hom. li. (ex.) 10. 220b (ex.) 23. 581c al. ecc. Cfr. inoltre luoghi serviani corne Aen. 8. 84, per cui cio che è superfluo tantum ad ornatum pertinet, "pertiene soltanto ail' ornatus". Sulla dipendenza di Servio dall 'esegesi greca di Omero, v. Negri (2001), passim.
(n.
m.
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loro, i critici si sforzano di dimostrare non già la validità artistica dell 'epitheton ornans, bensl, di fatto, la sua inesistenza, perché tutti gli epitheta sarebbero portatori di significato, anche quelli all'apparenza superflui. Lo stesso intendimento è senz' altro seguito da Servio, che nel commento ad Aen. 2. 173 non fa parola della discussione in cui era coinvolto Probo e difende una posizione esattamente opposta, mettendo in rilievo l'opportunità e la pregnanza dell'aggettivo. Se la nostra argomentazione è corretta, dovremo desumeme che, accanto aile giustificazioni dell' epitheton attestate da Donato, discretio, proprietas e ornatus, tutt'e tre di origine greca e supportate dall'autorità di Quintiliano, vi fosse una diffusa tradizione grammaticale latina, risalente almeno a età flavia e connessa a quanto pare soprattutto ail' esegesi virgiliana, che rifiutava la categoria degli epitheta di ornatus e li riconduceva comunque alla proprietas, cioè all'espressione di un proprio significato, ricorrendo soprattutto alla distinzione tra epitheton perpetuum, ossia ·sempre valido', ed epitheton ad tempus o ad negotium, cioè •vatido per una specifica circostanza del contesto'. La ragione, o una delle ragioni, di questo rifiuto dell 'ornatus potrebbe riconoscersi, a mio parere, nell'attitudine stessa degli antichi grammatici nei confronti degli autori, e in primis dei poeti, a cui dedicano le proprie cure: il commentatore spiega testi che sono adoperati per l'insegnamento in quanto stilisticamente esemplari, dei quali ci si propone pertanto di illustrare al massimo grado le virtù letterarie. ln questo contesto culturale e didattico, giustificare un epitheton corne puramente esomativo recherebbe implicitamente in sé un •rimprovero' di ridondanza e scarsa efficacia espressiva nei confronti del poeta, il che poteva mettere a disagio più d'un commentatore. Il rifiuto dell 'ornatus e I 'accresciuta importanza e frequenza della proprietatis causa avrebbero allora indotto (alcun)i grammatici latini a formulare il principio esegetico che ci è noto da Servio Aen. 1. 178: epitheta numquam uacant, sed aut ad augmentum, aut ad diminutionem, aut ad discretionem poni solent21• Escluso senza mezzi termini il puro ornatus di epitheta semanticamente irrilevanti (e infatti nel suo commento virgiliano Servio non fa mai ricorso alla categoria dell'epitheton di ornatus), la parte del leone tocca alla proprietas, il cui sdoppiamento nelle funzioni di amplificazione-rafforzamento e attenuazione-diminuzione ripropone a sua volta categorie già quintilianee (cfr. 8, 3. 21) e potrebbe anche riecheggiare, in termini retoricamente raffinati, la ben nota polarità elogio 21
"Gli epitheta non sono mai superflui. bensl vengono impiegati per accrescere, per sminuire o per distinguere".
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/ biasimo tipica delle definizioni grammaticali. Che augmentum e diminutio siano appunto gli effetti degli epitheta proprietatis causa è suggerito sia dall 'opposizione quintilianea di augmentum a ornatus (8, 6. 40), sia dall'esempio di epitheton proprietatis causa offerto qui (Eun. 325) dallo stesso Donato, terribili saeta (Verg. Aen. 1. 667), il terrificante pelame della pelle leonina di Ercole, cioè un caso in cui l'aggettivo concorre ail' augmentum del tenore del discorso. 3. Da ultimo, vorrei proporre qualche osservazione sui rapporto tra epitheton e antonomasia nelle fonti latine e greche, per concludere con due rilievi relativi alla definizione dell 'epitheton nella Tekhnê dionisiana. Come s 'è già detto, I'assunzione dell'epithetonfra i ttopi costituisce un' evoluzionepropriadella riflessionegrammaticalelatina, che avvenne non senza resistem.e,corne ci attesta Quintiliano 8, 6. 43: v'era infatti chi negava all'epitheton la natura di ttopo perché esso agisce corne tale solo quando sta a sé, ma in tal caso il ttopo coinvolto è l'antonomasia(cfr. anche Quintiliano 8, 6. 29, che parla appunto, in questo caso, di antonomasiaper epitheton).Questa non ebbe pero posizione, che corrisponde alla dottrina greca 1ttpi tp61tO>v, moita fortuna, e a imporsi fu una netta distinzione tra i tropi dell'epithetone dell'antonomasiache comporto definizioni teoriche dell' epithetonestremamente specifiche, e talora poco coerenti con la prassi: il caso più significativo è forse quello di Donato, che nella sua trattazionede tropis(3. 6 = Holtz 1981: 669. 7-8) lo limita a vocaboli non più genericamente adiecta, "aggiunti" ai nomi, bensl ad essi "preposti", e non a nomi qualsivoglia, bensl esclusivamentea nomi propri.Questa restrizione,se trova giustificazionenella necessità di discemere tra epithetone antonomasia,è pero fonte di incongruem.eper altri versi, perché è innegabileche l 'epithetonpuo riferirsi anche a nomi comuni. A quest'incongruenza di fondo non si sottraggononé Sacerdote (GL. VI, 463. 8-20), che circoscriveil tropo dell'epithetonai nomi propri ma net suo sforzo di distinguerlo dall' antonomasia ricorre a esempi corne candidalilia ("gigli candidi"), né Donato, che nel commento terenziano non manca di segnalare epithetacorne bonaefelicitates (Eun. 325: "buone fortune") o dolo malo (Eun. 515: "con perfido inganno"), cioè riferiti a nomi comuni e, net secondo caso, addirittura posposti al nome; d'altro canto, enunciazioni più coerenti con la prassi esegetica corne quella di Servio Aen. 1. 2322, chiariscono bene l 'antonomasiarispetto ail' epitheton,ma non offrono una definizione dell'epithetonin quanto tale. 22 Saturnia: antonomasia est, non epitheton; quae fit quotiens pro proprio nomine ponitur quod potest esse cum proprio nomine et epitheton dici. "Saturnia non è epiteto ma
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Una delle ragioni di questa persistente difficoltà a definire l 'epitheton sta probabilmente nella mancata trasposizione in latino di quella particolare categoria di nomi percepiti corne gruppo ora intemo, ora estemo a quello degli epitheta propriamente detti, e definiti ê1tc.owµa da Dionisio, lfüµcoç,espunto con buona ragione dalle edizioni moderne perché non compare né nei testimoni papiracei né nelle traduzioni in anneno e siriaco della Tekhnê, ma saldamente attestato nella tradizione diretta dello scritto dionisiano (Lallot 1989: 150). Io vorrei qui avanzare la supposizione che il termine sia stato aggiunto alla definizione dell 'epitheton per distinguerlo immediatamente e nettamente dall'êm.ovuµov, che segue a una certa distanza, e vada interpretato in senso grammaticale sulla base della successiva defmizione dionisiana dell'bµrovuµov: corne l' homonymon è uno stesso nome che puo indicare cose o persone diverse, cosl l' epitheton propriamente detto è quello che puo qualificare cose o persone diverse, mentre gli epitheta che corne µcoç,col senso di "al modo dell 'omonimo", sarebbe percio l 'aggiunta posteriore di un commentatore o editore che introdusse nella definizione dionisiana una precisazione a suo avviso necessaria (forse per difendere la distinzione dionisiana tra êmi>vuµov e ê1ti0ttov, che non era accolta da Apollonio e, corne suggeriscono gli ampi scolî ad essa dedicati, era fonte di difficoltà), attingendola, con apprezzabile coerenza (benché non con altrettanta chiarezza), dalla stessa dottrina dionisiana del nome. Da ultimo, vorrei accennare brevemente a due elementi che potrebbero deporre a favore di una datazione assai antica delle definizioni dionisiane dell'epitheton e dell'eponymon, e quindi, sia pure indirettamente, a favore della loro genuinità. lnnanzi tutto, ricollegandomi in particolare al punto trattato per primo, è evidente dalle fonti antiche che uno dei capisaldi della definizione grammaticale dell 'epitheton è la sua suddivisione in epitheta di elogio o di biasimo, secondo la bipolarità (aristotelico-)dionisiana. Questa suddivisione di base conosce poi numerosi arricchimenti e sviluppi, che nell'opera di Apollonio raggiungono il loro grado più raffinato: sembra percio quanto meno plausibile ritenere che la bipartizione dionisiana rappresentasse un principio autorevole e antico, che ail' epoca di Apollonio già da lungo tempo era oggetto di discussione e approfondimento. A una datazione addirittura anteriore al I sec. a.C. potrebbe portare la testimonianza di Diodoro Siculo (4, 5. 2), che nell'esporre gli epiteti caratteristici del dio Dioniso distingue, in forma purtroppo non del tutto perspicua, tra èmovuµa (Bakcheios, Lenaios, Bromios, Thriambos, tutti epiteti di esclusiva pertinenza del dio) e 1tpoo-r1ropiat èm9ttucai ("appellativi aggettivali") che parrebbero indicare aitre qualità
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mitico-cultuali corne oiµopq>oç ("di duplice aspetto"): Diodoro sembrerebbe qui applicare con notevole precisione la distinzione dionisiana tra eponyma riferibili a un solo nome, del quale possono anche fungere da sostituti, ed epitheta attribuibili a più nomi. Tenendo conto che l' akmé di Diodoro è correntemente fissata alla metà del I sec. a.C., e che, se sta qui ricorrendo a terminologia grammaticale, sarà quella da lui appresa nei suoi anni di scuola, si potrebbe ipotizzare che la distinzione dionisiana tra eponyma ed epitheta fosse materia d'insegnamento all'incirca alla fine del primo quarto del I secolo a.C., e che pertanto, considerato il tempo necessario al recepimento scolastico, tale dottrina risalisse almeno alla fine del II sec. a.C.: una datazione che ci porterebbe davvero assai vicini alla figura storica di Dionisio Trace. RIFERIMENTI BIBLIOGRAACI
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Section V: Analogie et proportion: la terminologie au carrefour des traditions grammaticales et philosophiques
ANCORASULL'ORIGINEMATEMATICA DELLA DEFINIZIONEDI COMPARATIVONEI GRAMMATICI GRECI Pierangiolo BERRETIONI (Universitàdi Pisa)
1. In una serie di articoli pubblicati recentemente ho avanzato l'ipotesi che la definizione di comparativo data da Dionisio Trace:
"Il comparativoè il nome [Dionisio non distingue tra nomi e aggettivi] che introduce una comparazione (Ol)yKplc;1tpè>c; fva) dello stesso genere (ôµo10-yevij),corne 'Achille è più coraggiosodi Aiace', o di un oggetto con più oggetti di genere differente (ttepo-yeveic;), corne 'Achille è più coraggioso dei Troiani"' (G.G. I 1, 27. 3-6)
sia stata fonnulata sui modello della definizione geometrica di "rapporto" (logos), quale la conosciamo attraverso la definizione di Euclide, Elementi, V def. 3:
A6-yoç d1tè>µovaè>oç µeyé0et aôtf\ç. La monade, a sua volta, è il principio delimitante del molteplice (1tepaivouo-a 1too-6t11ç), prosegue Teone riprendendo anche in questo caso una definizione pitagorica presente anche in Giamblico (11. 3) e nel brano di Moderato che abbiamo ricordato: una volta che il molteplice sia diminuito per divisione fino alla privazione di ogni numero, la monade riceve quiete e stasi (µovitv te 1eai O'tao-tv), dal momento che la divisione non puè>procedere oltre. Le due definizioni pitagoriche di numero e di monade sono riprese nella manualistica matematica e rielaborate in una prospettiva platonica attraverso la mediazione del Filebo, in cui il genere dell'Illimitato, esemplificato, si noti, per mezzo di comparativi, viene opposto a quello del Limite in quanto caratterizzato dalla presenza del più e del meno: "considera se puoi pensare un limite per il più caldo e il più freddo, oppure se il più e il meno che sono connaturati in essi, in quanto appunto sono presenti, impediscono il sorgere di un limite: infatti, sorto il limite, è la fine per loro" (24A-B, trad. Migliori 1993: 147). L'Illimitato, quindi, si caratterizza corne suscettibile di una graduazione nei termini del "più" e del "meno" (24E: µéiÀ.À.ovte 1eai ~ttov ytyv6µeva), particolarmente chiara nell 'uso del comparativo che, non a caso, Platone utilizza per esemplificare il campo d'intervento dell'Illimitato, corne nell'esempio visto precedentemente; questa caratterizzazione è innanzi tutto ontologica, in quanto qualità corne il (più/meno) caldo-freddo, veloce-lento, seccoumido e cosi via sono disposte lungo una scala di valori continuamente inferiori ai successivi e superiori ai precedenti, corne nel caso del famoso paradosso platonico (esposto ad esempio nel Parmenide 141C) in base al quale "ciè> che diviene più vecchio di se stesso risulta divenire al contempo più giovane di se stesso"; proprio pensando a questa problematica del Filebo Aristotele potrà obiettare ai negatori del principio di non
DEFINIZIONE Dl COMPARATIVO
309
contraddizione che una visione coerentemente relativista è resa impossibile dall'esistenza del più e del meno nelle cose della natura (t6 ye µàÀÀov 1eai ~ttov fvecntv tv tfi q>OOEt:Metaph. 1008b32). Al contempo, pero, il "più" e il "meno" hanno una funzione logica di predicati, che risulta dall'altra espressione usata da Platone per caratterizzare l'Illimitato corne il campo di cio che "ammette" il più e il "meno" (25C: tftç tô µàÀÀ6v tE 1eai ~ttov 6exoµ&VT}Ç q>OOE(J)Ç); questa formulazione diverrà in Aristotele il µàÀÀ6v tE 1eai ~ttov À&yEtat di Cat. 10b27, decisamente caratterizzato in senso logico-predicativo ed esemplificato, non a caso, con un aggettivo corne "bianco'', suscettibile di una flessione al comparativo. Un'altra caratteristica dell'Illimitato è la mancanza di un punto finale, tÉÀOÇ, sicchè un ente, fintanto che è caratterizzato dalla graduazione verso il più e il meno, non puo essere considerato corne "completo, perfetto", dato che l'intervento di un punto finale della progressione (yevoµ&VT}Ç tEÀEutftç) comporterebbe proprio la fine del più e del meno (24B): si ricorderà a questo proposito la restrizione apportata dai grammatici in base alla quale il comparativo non è ammesso nel caso di concetti pensabili corne completi, quale il Pittcop degli Scholia Marciana, (G.G. I 3,371. 17), che non ammette il comparativo, perché significa già di per sé tôv t&ÀEtov Pittopa. lnfine, l'altra caratteristica del campo dell 'Illimitato è la progressione continua, in base alla quale i concetti illimitati corne i comparativi (ad esempio "più caldo" e "più freddo") progrediscono sempre (1tpoxcopEi) e non permangono (où µtvet), laddove l'introduzione di una qualità definita implica un arresto (fç !;uvimaa8at tpitou xropiç oo 6uvut6v·
6eoµè>vyàp tv µtoq> 6Ei ttvà àµq,oiv !;uvuyroyôvyiyv&o0ot. 6&oµœv6&KalllCJtOÇ ôç üv ai>tè>vKai tà !;uvoouµ&vaô n µétÀtota fv 1t0lfr toùto 6è 1ttcpu1C&v àVUÀ.Oyia
ANAAOTIA.
ANALOGIA, PROPORT/0, RATIO
323
Cicero. Tim. XIII. 11-14: [... ) id optime adsequitur. quae Graece dvaï..or{a, Latine (audendum est enirn. quoniam haec primum a nobis novantur) conparatio proportiove dici potest. "Therefore it follows straightforwardly that the Greek dvw.oyia can be translated into Latin (we must dare to say. since we are coining these terms for the first time) as comparison or proportion...
The same concept recurs in Vitruvius. but here it is more oriented towards the geometrical field: Vitruvius. De Arch. III. 1: Aedium compositio constat ex symmetria. cuius rationem diligentissime architecti tenere debent. ea autem paritur a proportione. quae graece analogia dicitur. proportio est ratae partis membrorum in omni opere totiusque commodulatio. ex qua ratio efficitur symmetriarum. namque non potest aedis ulla sine symmetria atque proportione rationem habere compositionis. nisi uti ad hominis bene figurati membrorum habuerit exactam rationem. "The planning of temples depends upon symmetry: and the method of this architects must diligently apprehend. lt arises from proportion (which in Greek is called analogia). Proportion consists in taking a fixed module, in each case. both for the parts of a building and for the whole, by which the method of symmetry is put into practice. For without symmetry and proportion no temple can have a regular plan; that is. it must have an exact proportion worked out after the fashion of the members of a finely-shaped human body .. (Oranger 1931: 159).
Both Cicero and Vitruvius refer to the mathematical dvaÂoyia. the proportion. Cicero uses also the term comparatio, which is nothing but the description of what one does when dealing with a proportion. More interestingly, both Cicero and Vitruvius do not use the Greek term, dvaÀoyia, but a Latin word, the semantic calque proportio. One could ask whether this is a precise translation or not. Strictly speaking it is not, as the Greek word derives from Â.6-yoçplus the preposition dva. In Latin the same concept would be expressed not by a compound but by a syntagm like secundum rationem. Proportio. nevertheless, is a good substitute for it. I now tum to Latin grammar. As is well known, we have lost most of the grammatical works before Varro. However, we can obtain some
icaÂ.Â.u:rta d1totti..tiv. "But it is not possible that two things alone should be conjoined without a third; for there must be some intermediary bond to connect the two. And the fairest of bonds is that which most perfectly unîtes into one both itself and the things which it binds together; and to effect this in the fairest manner is the natural property of proportion" (Bury I 961 : 59). Tuen Plato goes into a long explanation of the different kinds of mathematical proportions.
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F. SCHIRONI
information from later sources. Priscian (GL. II, 385. 1) quotes a treatise De proportione written by a certain Staberius Eros 5• Staberius lived in the age of Sulla and was the teacher of Brutus and Cassius. He is definitely the first known Latin analogist. We do not have any fragments of his work, apart from this title. However, it is very interesting that for the title of his work on the basic principle of Hellenistic grammar Staberius did not use the Greek word, but adopted the Latin translation proportio. This choice is consistent with the normal Latin approach to the tÉXVTJ ypaµµattKft, as Latin grammarians tend to translate Greek grammatical terms into Latin. As seen before, proportio was the right translation, keeping also its mathematical sense. What happens later? Varro is the first author to speak of analogy whose work has survived. He dedicates three books (VIII, IX and X) of his de Lingua La.tina to the question of analogy. When he first introduces the concept, Varro adopts the Greek term dvaÀ.oyia: Varro, De Ling. Lat. vm. 23: [ ... ] quod utraque declinatione alia fiunt similia, alia dissimilia, de eo Graeci Latinique libros fecerunt multos, partim cum alii putarent in loquendo ea uerba sequi oportere, quae ab similibus similiter essent declinata, quas appellarunt àvaÂ.oyiaç, alii cum id neglegendum puterent ac potius sequendam similitudinem, quae in consuetudine est, quam uocarunt à..oyia, and proportion, which in Greek is àva>..oyia". 16 GL. 1, 456. 5: regula sermonis. quam Graeci ana/ogian uocant, quidam ex nostri proportionem. "Rule of speech, which the Greeks call analogy, some of us, proportion". Cf. also Diomedes, GL. 1, 384. 15. 17 G.L. IV, 435. 15: analogia dicitur ratio declinationis nominum inter se omni parte similium; Latine proportio uocatur. "Analogy is the relationship in declension of nouns which are similar in every respect; in Latin it is called proportion". 18 G.L. V, 197. 22: quae est ana/ogia? conparatio similium, Latine proportio dicitur: ana/ogia Graece, Latine proportio. sed ita illam definit, 'analogia est conparatio ·. "What is analogy? A comparison of similar things; in Latin it is called proportion; in Greek analogy. In Latin, proportion, and he (i.e. Donatus) defines it: 'analogy is comparison'". 19 G.L. V, 353. 19: analogia est quam nos proportionem dicimus. "Analogy is what we call proportion". 20 Isid., Etym. 1. 28: Analogia Graece. Latine similium conparatio sive proportio nominatur. "Analogy in Greek, in Latin it is called comparison of similar forms or proportion". According to Fontaine (1983: 45) Isidorus depends on Pompeius. 21 Cf. Diomedes in G.L. I, 307. 22; 375. 18; 377. 22; 378. 14; 384. 21; 387. 4; and Martianus Capella, De Nupt., 83. 4; 88. 22; 91. 3; 103. 14; 269. 11 and 15 Willis. 22 On the influence of Greek grammar on Latin grammarians, cf. Lindsay ( 1916: 39-41 ).
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F. SCHIRONI
loanword analogia in most of the passages. Typical of his technical vocabulary is the expression "secundum ana/ogiam" 23• Priscian also uses the Latin expression "secundum proportionem", but far less frequently (fifty-five occurrences of "secundum ana/ogiam" against seven occurrences of "secundum proportionem") 24• In the same line, Charisius uses the loanword analogia almost exclusively25; only in one passage he speaks of proportio (236. 8 B.= GL. I, 182. 32). It is worthwhile to note that the term proportio, which, as said, occurs only once, is used by Charisius without any explanation. On the other hand the later grammarians, such as Probus, Cledonius, Ps.Palaemon and Donatianus only use the Latin loanword ana/ogia and never the proper translation proportio. With ail this evidence we can notice a tendency to use the Latin translation proportio less and less, especially among later grammarians from the 4th century onwards. We can try to find a reason for this. If Latin grammarians had been using the Latin proportio, the mathematical meaning of the term would have corne out clearly, as we have seen that proportio was also a technical term used in mathematics and geometry. On the contrary, with the loanword analogia this implication was not so evident. For us it is the same; proportion is something strictly rèlated to mathematics, while, when we speak of analogy, we do not feel the mathematical meaning underlying this word as primary, but we take it as referring to generic similarities. I think that the approach of Latin grammarians, at least the later ones, was quite similar.
3. Analogy as similitudo This can perhaps be confirmed when we turn to the analysis of the definition of analogy in Latin grammatical works. Charisius (149. 22-26 B.
23
Cf. GL. II, 67. 17; 95. 15; 97. 4; 99. 15 and passim; GL. III, 2. 29; 7. 6 and 20; 10. 12; 77. 13 and passim. The term ana/ogia alone recurs also in GL. II, 43. 16; 166. 8; 264. 14; 511. 4; III, 408. 7. 24 Cf. GL. II, 457. 5; 487. 15; 510. 15; 523. Il; 527. 10; 543. 2; III, 9. 6. Cf. also GL. II, 290. l; 371. 18; 502. 4. In a strictly mathematical sense proportio recurs in Prise., G L. III, 410. 14, 17 and 21; on the contrary, in a less technical sense ana/ogia is found in GL. II, 2. 16. 25 Cf. Charisius l. 9 B.(= GL. I, 7); 62. 10, 15, 20, 22 and 24 B.(= GL. I, 50. 22 and 25; 51. 3, 5 and 6); 63. 15 B.(= GL. I, 51. 17); 67. 5 B.(= GL. I, 53. 28); 70. 23 B.(= GL. I, 56. 16); 71. 8 (= GL. I, 57. 5); 74. 10 B. (= GL. 1, 60. l); 135. 5 B. (= GL. I,
ANAAOI'IA, ANALOGIA,PROPOK/10, RATIO
329
= GL. I, 116. 30-117. 1) and Donatianus (GL. VI, 275. 16-276. 5) adopt
'A.6ycov the Greek definition according to which analogy is a cruµ1tM>ICTI d11::o'A.068cov26, a combination of ratios in regular succession or, as Blank has suggested, a consequent syntactic construction 27 • Both Charisius and Donatianus explicitly say that this is the definition Greeks give to analogy. This was perhaps felt as the most technical definition, and therefore was given in Greek, as a tribute to the 1tpV11V, selon Schol. Dion. Thr., G.G. I 3, 527. 25), c'est-à-dire des rapselon ports de dérivation, puis de l'espèce selon le sens (Katà CJ11µacriav, Schol. Dion. Thr., G.G. I 3, 527. 25s.), c'est-à-dire de la distinction entre nom propre et appellatif, qui, comme nous l'avons vu, demeure dans toute la tradition latine sous le terme de qualitas. Selon le témoignage des scholies (Schol. Dion. Thr., G.G. I 3,524.21) ainsi que de Chœroboscos (G.G. IV 1, 107. 2s.), l'ordre ytvoç d6oç aurait été inversé en d6oç ytvoç par Apollonius. L'argument ne perd pas sa valeur, même si l'on ne croit pas à l'authenticité de la Tekhnê grammatikê de Denys le Thrace: en fait le même Chœroboscos atteste que jusqu'à l'époque d'Apollonius la séquence ytvoç d6oç demeurait commune. De même, les papyrus grammaticaux attestant l'ordre d6oç ytvoç (P.S./. inv. 505 = 7 Wouters 1979, de la fin du 1er/débutdu neet P. Heid. Siegmann 198 = 12 Wouters 1979, du Ille siècle) datent au moins des premières années du nesiècle après J.-C., même s'ils indiquent peut-être qu'Apollonius n'a pas été un innovateur. Dans la tradition latine, le terme accidentia constitue un calque de cruµPeP111e6ta. La séquence caractéristique des accidents chez les artigraphes tardifs maintient le deuxième ordre ( «apollonien») d6oç ytvoç/qualitas genus 11• Le fait que même la liste de Pompée s'ouvre avec la qualitas, à laquelle succède le genus, montre que l'attribution à César est illégitime, puisqu'elle se heurte aux données chronologiques concernant la succession des accidents. Par ailleurs, dans le prétendu inventaire de César, on retrouve la conparatio, que les grammairiens grecs et certains grammairiens latins (cf. par ex. Diomède, G.l. I, 324. 14-325. 24) assignent à la catégorie de l'dôoç/qualitas 12• De plus, dans la terminologie technique de l'époque de
11
Dans ses lnstitutiones, Priscien emploie deux principes taxinomiques: formel, avec les accidents species (= primitif/dérivé). genus, numerus.figura, casus (GL. II. 57. 8) et sémantique, avec qualitas comme distinction entre nom propre et nom commun (GL. II, 57. 1). Dans ses Partitiones, où qualitas et species sont parfois identifiées ou confondues (cf. GL. III, 464. 34 et 475. 13), il emprunte à Donat la liste des accidents du noms, avec qualitas comme distinction entre nom propre et nom commun. En même temps, il remplace la conparatio donatienne avec la species (primitiua/duiuatiua), en parvenant à la liste: qualitas, species, genus, numerus.figura, casus (cf. GL. III, 478. 26s. et 481. 4s.). Cf. Glück (1967: 135, n. 3 et 156s). La seule exception à l'ordre species, genus, numerus, figura, casus est représentée par Diomède (GL. I, 320. 27s.): nomini accidunt obseruationes hae, genus numerus figura casus qualitas. 12 Dans le livre II de l'ars de Olarisius. la conparatio est située dans la partie finale hétérogène du chapitre de nomine: cf. G.L. I. 156. 20-157. 22 = Barwick 98. 22-200. 7.
352
A.GARCEA
César, conparatio signifie «comparaison» et ne désigne pas les degrés m>Y1Cpltuc6v et Ô7tEp8Etuc6v, que Varron traduit par genus augendi (par ex. ling. 8. 52) ou par contentio (ling. 8. 75: seul exemple en latin selon ThlL 4, 676. 66-68). Sur la base des données du ThlL 3, 2008. 28-33, nous pouvons observer que les premières attestations de conparatio « i. q. gradus comparatiuus» remontent à Quintilien, lnst. l, 5. 45 et à Charisius, G L. l, 187. 9s. = Barwick 242. 4-6. À ces considérations, qui ont amené les philologues et historiens modernes (Schlitte 1865: 22 et Woldt 1911: 32 note 1; contra Dahlmann 1935: 269) à mettre en question le témoignage de Pompée, nous voudrions ajouter un argument, à nos yeux décisif, montrant que l'inclusion de la conparatio ne peut en aucun cas remonter à César. Celle-ci est présente, comme dans l'inventaire de Pompée, dans les listes parallèles de Servius, Clédonius et Isidore parce qu'elle avait été insérée par Donat parmi les catégories grammaticales du nom. Cette innovation constitue un des éléments de divergence entre le «Donatus-Gruppe» (qualitas, conparatio, genus, numerus, figura, casus) 13 et les autres composantes de la tradition grammaticale latine (qualitas, genus, numerus.figura, casus)1'•. Parmi les grammairiens qui n'entrent pas dans le «Donatus-Gruppe», la conparatio est citée seulement par le pseudo-Probus, qui, par ailleurs, inclut aussi dans sa liste ordo et accentus 15: dans tous les autres cas, le comparatif et le superlatif sont discutés dans le cadre de la qualitas. Les commentateurs de Donat, même s'ils acceptent cette innovation, en contestent l'opportunité. Leur embarras est exposé de façon exemplaire par Pompée, quand il observe que qualitas, genus, numerus.figura, casus représentent des accidentia qui intéressent nécessairement le nom; en revanche, la conparatio s'applique seulement à deux des vingt-sept classes des noms communs répertoriées par Donat sur la base de critères morphologiques et sémantico-référentiels:
13
=
=
Cf. Donat, min. (GL. IV, 355. 6s. Holtz 585. 8s.); mai. (GL. IV. 373. 4 Holtz 614. 3s.): explanationes (GL. IV, 490. 36): Pompœ (GL. V, 138. 12s.): Coosentius (GL. V. 338. 16s.); Asper (GL. VIII, 39. 4s.); [Cassiodore inst.] 1154a Garet = p. XXXVI n. Mynors; Julien de Tolède 12. 82-88 Maestre Yenes. 14 Cf. Charisius (GL. I, 153. 6 = Barwick 94. 4); excerpta Bobiensia (GL. l, 533. 31534. l); Dosithée (GL. VII. 391. 5 = Tolkiehn 29. 8s.). Sur le refus de Priscien de considérer la conparatio comme un accident du nom et de l'adverbe (par ex. GL. III. 481. 5 comparatio generale accidens non est), cf. Glück (1967: 156). 15 [Probus] inst. an. (GL. IV. 51. 21s.): nomini accidunt qualitas, genus,figura, conpa· ratio, ordo, numerus, casus, accentus. Cf. Jeep (1893: 125).
ŒSAR: LES PARAMèTREs DE L'ANALOOIE
353
«Donat a inclus la comparaisonà l'intmeur de cette 6nwœration, mais il sont 6nwœn'aurait pas dO le faire. Pourquoi? Les cinq autres ~gories ~s avec raison, du moment qu'elles affectent toujours le nom: qualité, genre, nombre, figure, cas. En fait, aucun nom ne peut etredépourvu de qualité, de genre, de cas, de figure, de nombre. Ces cinq catégories sont toujours liées au nom. En revanche, l'on trouve des noms dépourvus de comparaison: doctus devient doctior, mais Hector n'est pas susceptible de comparaison; deviendrait-il Hectorior? Au contraire, même si les espkes des noms communs sont au nombre de vingt-sept, il n'y en a que deux qui sont susceptibles de comparaison: les noms qui indiquent qualité et quantité. D est donc possible de constater que sur ce point il a commis une erreur, en incluant la comparaison, catégorie qui parfois affecte le nom, panni les catégories qui l'affectent toujours. Voici les catégories qui l'affectent toujours: qualité, genre, nombre, figure, cas; celle-là l'affecte parfoiu (Pompée GL. V, 139. 4-15).
En conclusion, la documentation disponible nous suggère l'hypothèse que Pompée a contaminé deux données indépendantes dans ses sources, c'est-à-dire qu'il a superposé au catalogue des rationes analogiae, dont Servius, Clédonius et Isidore conservent des rédactions parallèles, l •information que déjà César avait connaissance d'une série de paramètres pour évaluer la similitudo des noms. Il ne nous est pas possible de préciser ni le nombre ni la nature exacte de ces paramètres. Moins vraisemblable paraît l'opinion de Schlitte ( 1865: 22), selon qui Pompée aurait attribué les critères élaborés ou transmis par l'école de Donat à César, en reconnaissant en lui le représentant le plus prestigieux de la doctrine analogiste à Rome. En fait, une des sources de Pompée connaissait bien, plus ou moins directement, le De analogia, comme le prouve le fait que le même grammairien nous transmet, outre le texte sur les rationes analogiae, aussi les fragments suivants: frg. 4 Funaioli (1907: 148) = 5 Klotz (1927: 173) (GL. V, 108. 7-14), sur le nombre des graphèmes primitifs; frg. 12 Funaioli (1907: 151) = 14 Klotz (1927: 181) (GL. V, 144. 17-31) sur les formes Albani et Albenses; frg. 14 Funaioli (1907: 152) = 16 Klotz (1927: 182) (G.L. V, 199. 10-19) sur la forme lac.
3.2. Un seul inventaire commun? À quelques différences près entre les inventaires grecs et latins, les conditions attribuées par Pompée à César ressemblent dans une large mesure à celles d'Hérodien. En fait, qualitas correspond à dôoç, genus à ytvoç, numerus à dp1.0µ6ç,figura à o-xfiµa, casus à 1t'têi>µ(j)(;)VO\J ~~--~~--
La raison pour laquelle la plupart des interprètes n •émettent pas de doutes sur cette reconstruction, ainsi que sur l'attribution à César des rationes analogiae gardées par Pompée, se laisse comprendre aisément. On veut établir une corrélation entre les inventaires rédigés en Grèce par Parménisque, qui selon Varron connaît huit paramètres (cf. supra, §3. 1), par Hérodien. qui en connaît onze (réduits à huit), et l'inventaire rédigé à Rome par César. même si huit conditions sont énoncées par Servius, Clédonius et Isidore, qui ne le citent pas (cf. supra, §2). et neuf par Pompée, qui le mentionne (cf. supra, § 1). Il nous semble incontestable qu'il existe un rapport étroit entre tous ces catalogues, mais il est tout autant évident que les grammairiens grecs diversifiaient le nombre des critères. Cette variation n •est pas enregistrée par nos sources latines, qui - à l'exception de Varron - sont homogènes à cause de leur dépendance commune de Donat. Cependant, si nous admettons que, du texte de Pompée, on peut déduire seulement l 'énonciation par César de conditions de similitudo des noms (non spécifiées en
CÉSAR: LES PARAMÈTRES DE
L'ANALOGIE
355
tant que nombre et typologie), même dans le cadre latin, nous pouvons envisager une gradation dans l'élaboration des paramètres: César reconnai"tcertains critères, Varron ling. 10. 21 en énonce quatre (genus, species, casus, exitus), les grammairiens qui dépendent de Donat présentent un inventaire de huit ou neuf critères. RÉFÉRENCES
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Section VI: L'héritage terminologique: synthèse et refonte
L'APPORT DE CASSIODOREÀ LA TERMINOLOGIE GRAMMATICALE.LA QUESTION DES SOURCES Anne GRONDEUX (CNRS- lfl'L)
Dans le traitement des figures, les grammairiens du Moyen Âge central ont adopté une attitude radicalement nouvelle, caractérisée par quelques traits marquants, comme l'établissement d'une distinction majeure entre figures de construction et figures de locution (cf. Rosier 1988), l'effacement de la distinction vice/figure, la frénésie de collecte lexicographique, la fascination pour une terminologie savante (cf. Grondeux 2001). Dans cette perspective, on s'intéressera ici à la source essentielle qu'a constituée pourbeaucoup de grammairiens médiévaux, en particulier à partir du XIIesiècle, le commentaire du Psautier par Cassiodore. Évrard de Béthune et Alexandre de Villedieu, puis à leur suite Conrad de Mures et Jean de Gênes puisèrent à pleines mains dans cette terminologie exotique et foisonnante. On tentera en particulier ici de cerner les provenances de ce matériau inépuisable, formé d'un mélange de figures «de grammaire» et de figures «de rhétorique». Traditionnellement à Rome, grammairiens et rhéteurs sont «en concurrence pour l'enseignement des figures», pour reprendre l'expression de Holtz (1979: 207), par le chevauchement de leurs domaines voisins et parfois complémentaires. Le grammairien, qui prépare aux études de rhétorique, fonde son enseignement sur la lecture de textes, dont les auteurs reconnus viennent légitimer sa doctrine; quand ils paraissent toutefois la contredire par une entorse manifeste aux règles de la grammaire, le grammairien sait dépasser cette aporie et caractériser cet écart à la norme par le nom d'une figure, le faisant ainsi rentrer dans le cadre des phénomènes langagiers dont il est apte à rendre compte. 11sait de plus justifier l'écart en retrouvant ce qui l'a motivé, contrainte métrique ou volonté d'ornement, et faire ainsi valoir le supplément de sens qui a fondé l'écart. Ce décodage du grammairien est donc l'inverse de l'encodage que le mat"'tre de rhétorique enseignera à ses disciples, et le premier est évidemment né du second: quantité de figures dites «de rhétorique» ont ainsi été absorbées par les grammairiens, si bien qu 'asyndeton, polysyndeton, homoiote/euton font depuis longtemps partie de la terminologie grammaticale BilingllistMtt terminologiegrammaticale.Orbis/Supplementa.27. Louvain: Peeters, 2007.
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standard, figures fondues dans les listes qui sont venues constituer la troisième partie des artes romaines. D'autres figures, décrites par les rhéteurs mais absentes des listes des grammairiens, n'en sont pourtant plus très loin, car on les voit utilisées régulièrement par les grammairiens dans les commentaires de Virgile ou Térence 1, ce qui laisse penser qu'elles faisaient autant partie de leur enseignement que les figures répertoriées dans les listes canoniques, mais à un titre différent. Si le maître de grammaire se borne officiellement à enseigner les figures de langage, il ne s'interdit pas de relever dans ses commentaires de Virgile ou Térence les figures de pensée. On se souvient que, du côté des rhéteurs, Quintilien fait preuve de la même incertitude quand il déclare, comme transition entre son livre VIII des tropes et son livre IX des figures, ne pas réussir à déterminer la frontière entre figures et tropes, entre figures de langage et figures de pensée2• Si les grammairiens n'incorporent pas officiellement à leurs listes tous les schemata dianeos, ils ne se privent donc pas d'en faire en réalité usage dans leurs commentaires des auteurs. Ce que fait Cassiodore dans son commentaire du Psautier s'inscrit donc dans la continuité de ces procédés: on assiste ici à une nouvelle vague de détournement herméneutique appliqué à des figures connues des rhéteurs et employées ici à l'interprétation d'un texte. La nouveauté réside simplement dans le fait que le texte expliqué n'est pas un texte profane mais un texte sacré, et que son auteur n'est pas un poète ordinaire mais David, directement inspiré par la divinité, ce dont Cassiodore s'explique dans son introduction 3• Cassiodore casse donc un premier parallélisme, artificiel, entre les figures de grammaire, employées pour lire les poètes, et les figures de
1 C'est par exemple l'auxesis (Don. Ter. Andr. 236, Eun. 857, Serv. Aen. 7. 702, cf. ThIL II, 1613. 50-53), la brachylogia (Don. Ter. Phorm., cf. ThIL II, 2161. 72), le cacozelon (Don. Ter. Eun. 192. 248, cf. ThIL III, IO. 8), l'emphasis (Don. Ter. Andr. 145, cf. ThIL V 2,527. 23-25; Serv. Aen. 3,201, cf. ThIL ibid. l. 39-41), l'enargia (Don. Ter. Eun. 973, ThIL V 2, 549. 33-35), etc. Voir à ce sujet Holtz (1981: 199). 2 Cum sir proximo libro de tropis dictum, sequitur pertinens ad figuras (quae schemata Graece vocantur) locus ipsa rei natura coniunctus superiori. Nam plerique has tropos esse existimaverunt, quia, sive ex hoc duxerint nomen, quod sint formati quodam modo, sive ex eo, quod vertant orationem, unde et motus dicuntur, fatendum erit esse utrumque eorum etiam infiguris. Usus quoque idem est: nam et vim rebus adiciunt et gratiam prestant. Nec desunt qui tropis figurarum nomen imponant, quorum est C. Artorius Proculus. Quin adeo similitudo manifesta est ut ea discernere non sit in promptu (Quintilien, /nst. Or. 9, l. 1-2-3). 3 Expositio Psalmorum (désormais EP) praef. 15, p. 18sq.
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rhétorique, employées pour parler: toutes ces tournures sont indifféremment mises au service de l'intelligence de l'Écriture (Counès 1964: 367). Il s'attaque aussi à un second parallélisme de façade, celui que les grammairiens tracent entre vices et figures: pour Cassiodore, que la terminologie donatienne met mal à l'aise comme il le dit lui-même, il ne saurait y avoir de vices dans l'Écriture sainte, et tout s'appellera donc indifféremment du nom de schemd'. On voit ainsi comment Cassiodore en vient à dépasser, par le biais de l'exégèse, le cadre séculaire fixé par les grammairiens et les rhéteurs romains: si les figures de Donat ne suffisent pas à rendre compte de la Parole divine, elles doivent être complétées. La nature du matériau qui viendra compléter ce point de départ terminologique amène donc évidemment à la question des sources de Cassiodore qui fera l'objet de cet exposé. Avant d'aborder cette question, il semble toutefois utile de faire un bref excursus et d'examiner comment s'insèrent les figures dans I'Expositio Psa/morum. Cassiodore quitte le pouvoir un peu avant 540, et part pour Constantinople où il reste au moins jusqu'en 550-551. C'est là qu'il compose son commentaire du Psautier, qui avait été commencé à Ravenne entre 538 et 540 et qui connaîtra sa version définitive vers 580, à la fin de la vie de son auteur (Cappuyns 1949: 1369-71). Cette élaboration en plusieurs phases est évidemment capitale pour la question des sources du texte: Cassiodore a-t-il recueilli lors de son séjour à Constantinople des éléments de terminologie grecque, ce qui impliquerait que le recours massif aux figures était prévu dès l'origine, ou a-t-il complété ensuite son premier jet par des éléments adventices insérés au gré de dépouillements faits au Vivarium? La sbllcture des notices invite plutôt à privilégier la seconde hypothèse. En effet, si l'on examine la façon dont s'insèrent les mentions des figures dans le cours de l'explication du texte, on s'aperçoit que ces mentions soit arrivent à la fin d'un paragraphe consacré à un verset, soit paraissent avoir été rajoutées au milieu d'une période qui possédait une cohérence propre. Si l'on considère par exemple l'application de la figure d'aetiologia au Ps. 94:
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Schemata sunt transformationes sermonum ve/ sententiarum, ornatus causa polira, quae ab artigrapho nomine Sacerdote collectafiunt numero nonaginta et octo; ita tamen ut quae a Donata inter vitia posita sunt, in ipso numero claudantur. Quod et mihi quoque durum videtur, ritia dicere, quae auctorum exemplis et maxime legis divinae auctoritate firmantur. Haec grammaticis oratoribusque communia sunt, quae tamen in utraque parte probabiliter reperiuntur aptata (Cassiodore, lnst. li, 1. 2).
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«Hinc etiam per tres versus causae referuntur quare debeat domino iubilari. {Quae figura dicitur aetiologia, id est causae redditio}. Dicendo enim «quoniam deus magnus dominus», ostendit nullum esse potiorem. Magnus quippe non dicitur, nisi qui summae potestatis arcem tenere monstratur [ ... ]» (94.65),
on a bien l'impression ici que le enim renvoie, non à la phrase qui précède, celle qui signale la figure présente dans le verset du psaume commenté, mais à la présentation globale du verset 5• Les figures semblent donc plutôt faire partie d'une vague d'additions raisonnée, faite a posteriori6 et de manière assez habile. 1. L'Anonymus Ecksteinii et l'hypothèse de Schindel Quelles sont alors les sources théoriques de ces additions? La question des sources grammaticales et rhétoriques mises en œuvre par Cassiodore dans l'Expositio Psalmorum a été abordée récemment par Schindel dans trois publications (1974, 1975, 1987). Ces travaux ont attiré l'attention sur le lien qui existe entre l' Expositio Psa/morum et certaines parties d'un petit texte qui a été successivement appelé Anecdoton Ecksteinii puis Anonymus Ecksteinii. Rappelons tout d'abord l'analyse qu'en fait son dernier éditeur, Schindel (1987: 111-23): ce traité anonyme est formé de la réunion de trois éléments, qui seront désormais appelés AE l, II et III; toujours selon Schindel, AE l, le plus ancien, a été complété, après avoir été endommagé, par l'addition d'AE II, formé d'extraits de Quintilien, et à ces deux éléments réunis s'est ensuite ajouté AE m, constitué d'extraits d'Isidore de Séville. Le tout est aujourd'hui conservé dans deux mss célèbres, le Parisinus lat. 7530 (cf. Holtz 1975) et le ms. Rome, Casanatense 1086. Ces témoins apparaissent comme deux copies indépendantes, réalisées au Mont-Cassin entre 779 et 796 pour P, à Bénévent au début du IXe siècle pour C, d'un ancêtre commun disparu appelé n, que Schindel fait venir, plus ou moins directement, du Vivarium. n serait donc une source directe de l'Expositio Psa/morum, et en 1974, Schindel esquissait
s Voir encore l'application de cette même figure au Psaume 95: Hic dicit quare miracula eius debeant et gloria praedicari, quoniam magnus est dominus. {Quae figura dicitur aetiologia, id est causae redditio}. Magnus ad potestatem pertinet, quia super cuncta potentior est. Laudabilis ad pietatem, quoniam dum essemus captivi, pretioso sanguine nos redemit (EP 95. 83). 6 Cette opinion est partagée par Schindel (l 987) qui date implicitement. en rattachant 1t au Vivarium, l'emploi des figures de la période vivarienne de la rédaction.
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même la possibilité que la premim partie, AE I, soit une adaptation latine d'un traité perdu (Peri schematon) du grand rhéteur sicilien Caecilius de Calé Acté (1974: 99, Holtz 1975: 121 n. 96); en 1987, cette hypothèse n'apparaît pas dans l'introduction qu •il donne en tête de la réédition de l'Anonymus Ecksteinii1, mais Schindel maintient l'existence d'un lien entre ce texte et le commentaire des Psaumes par Cassiodore (Schindel 1987: 123; Knappe 1996: 61 et note ibid.); on notera d'ailleurs que l'on ne rencontre rien d'approchant dans les fragments de Caecilius édités par Ofenloch ( 1907).
Ce rapprochement ttès important des deux textes laisse pourtant dans l'ombre quelques points. Premièrement, il ne rend pascompte d'un certain nombre de tennes exclusivement cassiodoriens, comme le metriasmos (EP 30. 253; 34. 252; 54. 217; 68. 614). la mythopoeia (EP 4. 30; 5. 32), ou la proanaphonesis I prosphonesis (EP 54. 287; 58. 388; 66. 75; 103. 37; 114. 85); trois de ces vocables sont même des hapax, l'antiprosopon (EP 78. 161), l'antistathmesis (EP 125. 110) et la somatopoeia (EP 84. 171). Mais il est vrai que selon l'hypothèse de Schindel, l'AE I a été abîmé par le temps, la preuve en étant pour lui qu'il ne possède plus ni début ni fin propres. On notera cependant que l'inverse se vérifie également: une quinzaine de tennes sont en effet présents dansl'AE 1-11mais absents de l'Expositio Psa/morum8. Mais il est vrai qu'il est encore une fois difficile de fonder une conclusion sur un argument a si/entio. D'autre part, certains des tennes communs à Cassiodore et à l 'Anonymus sont en fait situés dans la troisième partie du texte, celle qui dérive d'Isidore et ne peut donc avoir été utilisée par Cassiodore: c'est le cas du climax (EP 3. 76; 93. 86; 105. 510; 143. 291; AE m.284), duparadoxon, que Cassiodore tire de Quintilien (lnst. Or. 9, 2. 23) et non de l'AE III, 370 qui emprunte aux Étymologies d'Isidore (Il, 21. 29), ou encore de la peusis. On voit qu'il ne faut pas conclure trop hâtivement de la présence d •éléments communs aux deux listes. Enfin, nombre de figures présentent des définitions radicalement différentes dans l'EP et chez l'AE. La diaporesis est par exemple une
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Ce petit texte a fait l'objet de plusieurs éditions, dont celle de Halm dans les RLM (1863). 8 Amphidiorthosis (AE l. 20), amplificatio (AE II, 261-79), anoeconometon (AE II, 200), anthypophora (AE l, 76), ascematiston (AE li, 200), cacosyntheton (AE li, 202), diasyrmos (AE I, l 10), epitheton (AE II, 180), interrogatio (AE II, 231-32), paralipsis (AE I, 100), periergia (AE Il, 191), prodiorthosis (AE 1, 9), pysma (AE I, 132), synchoresis (AE I, 79), topographia (AE l, 46), topothesis (AE l, 48).
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A.GRONDEUX
figure de l'interrogation assez rare, et elle est commune aux deux listes, EP et AE 1. Pour autant il est clair que les définitions cassiodoriennes ne doivent rien à celle de I'AE l: AE 1, 106 Diaporesis addubitatio, aliquarum difficultatum, dum nos volumus videri dubitare. Cicero (Cluent. 4) 'quo me vertam nescio '.
EP 129, 98
EP 138, 150
Quae figura graece dicitur diaporesis, latine dubitatio, cum habemus ambiguum, si possit inveniri quod quaeritur.
Sed hoc dictum est per schema quod dicitur diaporesis, cum quaerimus quod potissimum facere debeamus.
La définition de I'Anecdoton est en effet empruntée à Aquila, exemple compris (rhet. 10), alors que Cassiodore varie ses formules, empruntant en particulier à Quintilien (lnst. Or. 9, 2. 19) des éléments extraits de sa définition de la dubitatio: «Adfert aliquam fidem veritatis et dubitatio, cum simulamus quaerere nos unde incipiendum, ubi desinendum, quid potissimum dicendum, an omnino dicendum sit». Si l'on s'essaie à mettre en doute le fait que I'AE soit une source de Cassiodore, il n'en reste en effet pas moins que les deux textes sont indubitablement liés d'une façon ou d'une autre. L'exemple de l'antisagoge est particulièrement significatif: la définition commune de cette figure par Cassiodore (EP 11. 1()0) et l'AE I (74) est proche de celle de Martianus Capella (5. 524), mais nos deux textes partagent la même mélecture, dans le rendu de la figure par contradictio pour contraria inductio. Il en va encore de même dans le cas de la brachylogia: la définition commune de Cassiodore (EP 49. 208; 86. 153) et de l'AE Il (205) découle cette fois de Quintilien (lnst. Or. 8, 3. 82, «cwn plura paucis complectimur» ), mais nos deux textes partagent la même variante amplectimur; on notera toutefois que l 'AE ne donne pas l'équivalence brevis locutio, que propose l'Expositio Psalmorum, sans que l'on puisse décider s'il s'agit d'une addition de Cassiodore ou d'une omission den. Malgré ces rapprochements indubitables, il convient de serrer au maximum les points communs réels, car le rapprochement très éclairant proposé par Schindel ne doit pas conduire à occulter plusieurs éléments que l'on tentera ici de mettre en évidence.
2. La bibliothèque du Vivarium et son exploitation par Cassiodore
Le premier de ces éléments est la capacité de Cassiodore à extraire de sa bibliothèque jusqu'à la dernière bribe d'information disponible, que ces sources soient de nature grammaticale, rhétorique, logique ou exégétique.
CASSIODOREET LA TERMINOLOGIEGRAMMATICALE
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2.1. Sources grammaticales et rhétoriques présentes au Vivarium On connaît par les Institutions, programme de lecture rédigé par Cassiodore à l'intention de ses moines, le contenu presque exact de la bibliothèque, et même les corpus propres à telle ou telle discipline. On sait ainsi que la grammaire est couverte par l'Ars Donati, la partie de la grammaire de Sacerdos consacrée aux figures, et des traités d'orthographe et d'étymologie 9 ; la rhétorique s'apprend par la lecture du De lnventione de Cicéron (avec le commentaire de Marius Victorinus), l'Institution oratoire de Quintilien et la Rhétorique de Fortunatien (Courcelle 1944: 228). Ce ne sont pas là pour autant les seules sources dont disposait Cassiodore: on sait ainsi qu'il avait réuni à l'usage de ses moines des extraits du rhéteur Julius Severianus (éd. RLM353-70, cf. Cappuyns 1949: 1379), et qu'il possédait des extraits anonymes du De nuptiis de Martianus Capella (Cappuyns 1949: 1392), sur lequel il désespérait pourtant encore à la fin de sa vie de pouvoir mettre la main. Avait-il ou non, comme le suppose Schindel, l 'Anonymus Ecksteinii? Cassiodore ne mentionne en fait nulle part une compilation qui pourrait s'apparenter à ce texte, mais il est vrai qu'on ne saurait inférer de cet argument a silentio qu'il ne l'avait pas à sa disposition: Cassiodore peut choisir de taire volontairement un anonyme qu' «il ne sait comment nommer», comme le suggère Schindel lui-même (1987: 123). Pourtant, à partir d'un matériel apparemment modeste, Cassiodore pouvait commenter le Psautier avec un luxe de figures impressionnant, pourvues de définitions relativement variées et neuves. Arrêtons-nous par exemple sur la figure de characterismos, qui consiste à «caractériser» une personne, c'est-à-dire à la décrire uniquement par son apparence ou ses actions. Le terme revient à dix reprises dans l'Expositio Psalmorum, accompagné d'une première définition analytique au Ps. 9 (EP 9. 440, «quae figura dicitur characterismos, quando aliquis aut per formam describitur aut per actus proprios indicatur» ), d'une autre définition analytique au Ps. 20 (EP 20. 74, «quod schema dicitur characterismos, id est informatio vel descriptio, quae sive rem absentem sive personam spiritalibus oculis subministrat») précédée cette fois d'une équivalence par «informatio vel descriptio», et ce sont ces équivalents qui seront ensuite simplement repris dans les huit dernières occurrences du
9 Codicem in quo artes Donati cum commentis suis et lihrum de etymo/ogia et alium librum Sacerdotis de schematibus, Domino praestante, collel(i. Cf. Courcelle ( 1944: 326), Cappuyns (1949: 1374), Holtz (1981: 252).
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tenne 10• L'AE (1, 44) définit brièvement cette figure dansles mêmes termes que Cassiodore: «characterismus est quod latine informatio vel descriptio appellatur». Hors de ces deux textes liés, la première occurrence du terme en domaine latin se lit chez Sénèque, et il apparaîtchez certains grammairiens comme équivalent d'icon (ainsi chez Diomède, GL. I, 463. 13). Cependant, les définitions cassiodoriennes ne se lisant pas avant lui, on peut supposer qu'elles ont été soit forgées par Cassiodore, soit empruntées à telle ou telle de ses sources. Les deux définitions analytiques peuvent vraisemblablement être attribuées à Cassiodore, vu leur unicité, tandis que les équivalents pourraient bien être empruntés à l 'AE. On peut cependant se demander pourquoi Cassiodore n'introduit pas ces équivalents «informatio vel descriptio» dès la première occurrence du terme, s'il a l'AE à sa disposition. On voit bien en revanche pourquoi il se limite au bref rappel des équivalents: si les figures ont bien été ajoutées dans un second temps, ses marges n'étant pas extensibles à l'infini, plus les additions étaient courtes, plus la mise en page était respectée et facilitée la mise au propre du texte. On rencontre le même phénomène à propos de l 'epimone: Cassiodore recourt à sept reprises à cette figure, mais l'équivalence par «repetitio crebra sententiae», celle de l'AE, n'arrive qu'aux Psaumes 71 et 95, soit dansles quatrième et cinquième occurrences, et elle est ensuite simplement abrégée en «repetitio» à la dernière: les définitions précédentes sont analytiques ou présentent des variantes de cette formule, comme «repetitio crebra sermonis» au Psaume 28. Là encore, si Cassiodore a l 'AE à sa disposition, pourquoi ne plaquet-il pas sa formule dès le début? Le cas de l'ethopoeia est un peu différent, mais peut-être encore plus parlant: dans aucune de ses six occurrences, et contrairement à son habitude, Cassiodore n'en donne d'équivalence latine; il se contente de définitions approchées, comme «quoties datur locutio certae personae» (EP 15. 35) ou «quoties aliquem introducimus ad loquendum» (80. 162). Une fois de plus, s'il dispose de l'AE et de sa formule rationnelle «data locutio certae personae», pourquoi n'en fait-il pas usage? Cette situation est celle de nombre de figures communes à I 'EP et à l'AE: Cassiodore tâtonne, éprouve plusieurs formules avant de trouver une définition ramassée et satisfaisante, qui est souvent reprise lors des autres apparitions du terme ainsi défini, et c'est toujours cette définition
° Cf. EP 20. 160; 36. 554; 44. 287; 68. 66; 88. 347: 94. 139; 96. 60;
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121. 180.
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de ce ~nomène qui coïncide avec celle de l'AE. Et en fait, la ~tion pourrait à la limite laisser penser que c •est unedes définitions cassiodoriennes, la plus syntMtique, qui a pu, mais de façon non systématique, être utilisée a posteriori. Mais Cassiodore avait-il de quoi connaiùe le tenne, characterismos pour reprendrenotre exemple premier, et en forger cette définition? En fait, characterismos appanu"t chez Quintilien (lnst. Or. 9, 3. 99). dans l'énumération des figures traitées par Rutilius, auquel Quintilien déclare renvoyer sans rien y ajouter. On sait donc d'ores et déjà que Cassiodore avait accès au tenne, mais sans qu'une définition y soit accolée, puisque le mot n'appanu'"t chez Quintilien que dans le cours d'une énumération. En fait, l'équivalence par « informatio vel descriptio » est un emprunt à Aquila, qui explique la figure de diatyposis dans les termes suivants: «diatyposis est descriptio vel defonnatio, cum rebus personisque subiectis et formas ipsas et habitus exprimimus» (rhet. 13). Par contrecoup, Cassiodore modifie la définition de la diatyposis lorsqu'il a également recours à ce terme dans son commentaire du psaume 30, car il en a déjà utilisé les équivalents latins: c'est ce qui motive le forgement de l'équivalence plus ou moins réussie «expressio habitus», suggérée par la fin de la définition d' Aquila. Mais il est vrai que ces manipulations peuvent aussi bien être le fait de l'AE lui-même, qui donne la même définition tronquée que Cassiodore, à ceci près qu'il n'y a pas l'équivalent maladroit «expressio habitus». Parallèlement, il est clair que des figures sont prises ailleurs que dans l'AE, ainsi chez Sacerdos, que Cassiodore mentionne dans ses Institutions. Pour ces figures, comme l 'aposiopesis, la définition de Cassiodore reprend littéralement celle de Sacerdos 11• De même, le cacozelon, tel qu'il est traité par Cassiodore, peut aussi bien résulter du résumé de Quintilien (lnst. Or. 8, 3. 56), que de celui d'AE II, 193 qui en est simplement la reprise littérale; même chose encore pour l' epexergasia: Cassiodore (EP 36. 356) peut aussi bien adapter Quintilien (lnst. Or. 8, 3. 88) que l'AE (1 230). 2.2. Sources exégétiques La mise en évidence de l'Anonymus Ecksteinii ne doit pas non plus occulter le fait que l'éventail de sources disponibles est en réalité
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Cf. EP 17. 653: Aposiopesis, id est dictio cuiusfinis reticetur, ut aut terreatur aut ad desiderium provocetur auditor; Sacerdos, gramm. 1, 179 (G.L. VI, 468. 12-13): Aposiopesis, id est dictio cuius finis reticetur, ut aut terreatur auditor aut ad desiderium intendatur auditus; AE I, 103: Aposiopesis est, in qua supprimimus ea, quae dicturi videmur, ad aliud properantes.
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beaucoup plus étendu qu'il n'y paraît. Hors du domaine de la grammaire et de la rhétorique, Cassiodore a accès à quantité de sources patristiques et exégétiques. Il pouvait ainsi relever: • chez Augustin l'aetiologia, avec une définition proche de celle qu'il donne lui-même au terme (Augustin, De Genesi ad litteram 2. 461: «Aetiologia, cum causae dictorum factorumque redduntur»; id., De utilitate credendi 3. 5 p. 8: «Secundum aetiologiam, cum ostenditur, quid qua de causa vel factum vel dictum sit»; et passim); • chez Augustin encore l' anacephaleosis (Augustin, Quaestiones in heptateuchum 7, 10. 159: «Proinde aut hic per anacephaleosin dicitur aut illic per prolepsin dictum est, id est aut hic recapitulando aut illic praeoccupando», cf. EP 113. 272: «anacephaleosis, id est recapitulatio» ); • toujours chez Augustin le climax et son équivalent latin la gradatio (Augustin, De doctrina christiana 4, 7. 11: «Figura [ ... ] climax graece, latine vero a quibusdam [ ... ] appellata gradatio» ). On se rappelle, à propos de ce texte, que Cassiodore en a constitué pour ses moines un florilège des passages utiles pour les arts libéraux (Cappuyns 1949: 1379). 2.3. Sources logiques Cassiodore met aussi à contribution des sources logico-philosophiques, comme le De definitionibus de Marius Victorinus, également présent au Vivarium. C'est ce qui explique la présence, entre autres, de la concessio ou de l'enthymème. Ce rapprochement évoque d'ailleurs a contrario la critique de ce procédé par Quintilien: «je passe sous silence ceux des auteurs qui ne s'arrêtent jamais dans la recherche de dénominations, allant jusqu'à inscrire dans les listes de figures des noms d'arguments 12 ». La recherche forcenée (exquirendis) de nouveaux termes exotiques apparat) déjà comme systématique à l'époque de Quintilien qui y met volontairement des bornes: n'ont pas à entrer dans la catégorie «figures» les noms d'arguments. Il s'agit apparemment d'un passage auquel Cassiodore n'a pas pris garde ou qu'il a volontairement ignoré dans sa quête d'une terminologie adaptée au texte à commenter, mais il est vrai qu'il n'en était plus à une transgression près.
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Nam eos quidem auctores qui nullum prope finem fecerunt exquirendis nominibus praeteribo, qui etiam quae sunt argumentorumfiguris adscripserunt (Quintilien, /nst. Or. 9, 3. 99).
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3. Les néologismes Le dernier point que le rapprochement avec l 'AE ne doit pas faire sousestimer est l'inventivité propre de Cassiodore. On a déjà vu cette créativité se manifester dans la multiplicité des définitions données aux figures, mais elle se manifeste aussi dans le forgement de néologismes. Ces nouveautés sont au total assez nombreuses pour un seul et même texte: on a déjà parlé de I' antiprosopon, de I' antistathmesis, du metriasmos, de la mythopoeia, de la proanaphonesis / prosphonesis, de la somatopoeia, appellations qui ne sont attestées que chez Cassiodore, mais il faudrait être sOrque cette liste ne devrait pasêtre également complétée avec les termes qui n'apparaissent à date ancienne que dans l'EP et l'AE, à savoir la diaphoresis, l'epanodos 13.l'epembasis, l'exetasmos, l'hyperthesis, et laparaprosdocia14. Derrière ces termes rarissimes. il faut chercher des sources d'une nature un peu différente 15 : un exemple du travail de Cassiodore à partir du matériel qu'il possède est ainsi fourni par la diaphoresis, qui pouvait être forgée à partir du De definitionibus de Marius Victorinus (Cassiodore emploie d'ailleurs l'expression cala diaphoran dans ses Institutions, dans un passage inspiré de ce même Marius Victorinus [2, 3. 14]) et du terme diaphoresis fourni par des textes médicaux (Caelius Aurelianus, Dioscorides, cf. ThLL V 1,953. 20-28), présents au Vivarium (Courcelle 1944: 382-85). Il est donc permis de se demander qui était le plus à même de récupérer le terme de diaphoresis, qui n'est pas attesté pour désigner une figure de rhétorique en domaine grec, mais fait partie de la terminologie médicale: Cassiodore avec les sources très variées dont il dispose au Vivarium, ou l'AE qui est censé n'avoir que des modèles rhétoriques? De plus, la comparaison des définitions de EP et AE fait apparaître une certaine différence de tonalité: l'EP dit en effet «per figuram diaphoresis,
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L'epanodos est aussi présent, mais plus tardivement, chez Isidore de Séville, dont Lehmann (1959) a montré la dépendance par rapport à Cassiodore. 14 On notera que cette figure est également présente chez Eugraphius, commentateur de Térence contemporain de Cassiodore. 15 Les sources exégétiques semblent en effet ici plus lointaines: il serait ainsi tentant de rapprocher l'antepro.wpon de Cassiodore de l'antiprosopa d'Ambroise (De Abraham, éd. C. Schenkl, CSEL 32/1, 2. 8, 58 p.611), mais le Vivarium ne semble pas avoir jamais possédé ce traité (cf. Cappuyns 1949: 1394). Le terme n'a d'ailleurs pas exactement le même sens chez Ambroise, qui l'emploie pour traduire le fait que les membres d'un corps, ici celui de l'homme intérieur, ne sont pas exactement jumeaux et identiques, mais en opposition, donc symétriques.
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per quam fit differentia personarum 16 ». Cassiodore ne donne pas d'équivalent brut du tenne de diaphoresismais emploie au contraire la fonnule plus nuancée «per quam fit differentia personarum», et c'est au contraire l'AE qui impose cette fois l'équivalence entre «diaphoresis» et «differentia personarum». Il n'est pas interdit d'imaginer, vu la proximité des tennes, qu'il puisse le faire à partir de l'EP. Pourquoi ces créations et tout d'abord sont-elles vraisemblables? On se souvient en effet que selon Schindel, nous n'avons qu'un état très corrompu de l'AE, et rien n'interdirait de supposer que les hapax cassiodoriens s'y trouvaient dans un état antérieur. Mais en réalité ces créations sont tout bonnement annoncées par Cassiodore lui-même dans la préface de son Expositio Psalmorum: «Augustin s'est exprimé dans le troisième livre de la Doctrine chrétienne dans les termes suivants: Les lettrés doivent savoir que nos auteurs ont utilisé tous les moyens d'expression que les grammairiens appellent du nom grec de tropes. Et un peu plus loin: Ceux qui connaissent ces tropes (c'està-dire ces moyens d'expression) les reconnaissent dans les lettres sacrées et sont quelque peu aidés par cette science à leur compréhension [Doctr. christ. m 29 (40)]. Il en parle très clairement aussi dans d'autres ouvrages. Dans des livres consacrés aux moyens d'expression, il a prouvé que différentes figures des lettres profanes se retrouvent dans les lettres sacrées; il a par ailleurs clairement montré qu'il y a dans les paroles divines des moyens (d'expression) particuliers. que ni les grammairiens ni les rhéteurs n'ont en aucune façon approchés. D'autres pères très savants nous ont enseigné la même chose, à savoir Jérôme, Ambroise, Hilaire, ce qui fait de moi non un présomptueux, mais un continuateur» 17•
Abrité derrière l'autorité de prédécesseurs incontestables, Cassiodore nous livre ici la clef de sa méthode exégétique, en une progression subtile
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Et considera quoniam per figuram diaphoresis, per quam fit differentia personarum, inter iustum et impium contrariam sibi distantiamfacit. [ ... ) Sicut superius per figuram diaphoresim, peccatorum et iustorum voluntatem divisit, ita et nunc per eandem figuram, eorum retributiones et praemia segregavit, ne confusum relinqueret quod nu/la sibi vicinitate congrueret (EP 36. 391 et 396). 17 Nam et pater Augustinus in libro tertio de doctrina christiana ita professus est: Sciant autem litterati modis omnium /ocutionum, quos grammatici graeco nomine tropos vocant, auctores nostros usos fuisse. Et pau/o post sequitur: Quos tamen tropos (id est modos locutionum) qui noverunt, agnoscunt in litteris sanctis, eorumque scientia ad eas inte/legendas aliquantulum adiuvantur. Cui us rei et in aliis codicibus suis fecit evidentissimam mentionem. ln libris quippe quos appe/lavit de modis /ocutionum diversa schemata saecularium litterarum inveniri probal'it in litteris sacris; alios autem proprio.'i modos in divinis eloquiis esse dec/aravit, quos grammatici sive rhetores nullatenus attigerunt. Diterunt hoc apud nos et alii doctissimi patres. id est Hieronymus, Ambrosius, Hilarius, ut nequaquam praesumptores huius rei, sed pedissequi esse videamur (EP praef. 15. 77 sq.).
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qui va aboutir à justifier son inventivité personnelle. Premier point: la Bible contient des tropes, dit Augustin; second point: discerner les tropes favorise une compréhension supérieure du texte, dit encore Augustin; troisième point: Augustin ne s'est pas contenté de dire en passant que la Bible contenait des tropes, il l'a établi à plusieurs reprises; quatrième point, Augustin a même montré par sa méthode d'interprétation personnelle que le texte sacré contenait des figures insoupçonnées des grammairiens et des rhéteurs; cinquième et dernier point, Jérôme, Ambroise et Hilaire en ont fait tout autant. Si la dette que se reconnaît Cassiodore envers Augustin, Jérôme et Ambroise n'a rien à voir avec la lettre du texte, puisque le commentaire cassiodorien est différent de ses modèles, elle a tout à voir au contraire avec la méthode employée, celle qui consiste à utiliser les figures à tour de bras. Craignant qu'on lui reproche même d'en avoir fait trop comme il le dit plus loin (EP praef. 15. 92-94), il s'abrite derrière l'autorité de ses incontestables devanciers. On voit que non seulement Cassiodore emprunte à Augustin les figures qu'il a mises au jour, mais il considère que la voie est désormais légitimement ouverte pour qui veut reconnaître de nouvelles figures. Après cette argumentation imparable en faveur de son droit à l'innovation terminologique, il serait étonnant de voir Cassiodore puiser à un recueil comme l'Anonymus Ecksteinii. On est cependant en droit de se demander ce que peuvent être des figures qui n'ont pas reçu la validation de spécialistes de la langue, grammairiens ou rhéteurs ... C'est que face aux professionnels de la langue profane, Cassiodore se place en professionnel d'une autre langue, la langue divine. L'explication du texte sacré autorise une nouvelle transgression, celle qui consiste à forger des termes nouveaux pour rendre compte de réalités nouvelles, qui ne pouvaient se rencontrer dans des textes profanes. L'explication réside aussi dans l'antériorité du langage divin, celui qui s'exprime dans les Psaumes, par rapport au langage humain (cf. EP 6. 94): le langage divin étant antérieur au langage humain, les figures relevées dans les textes profanes ne peuvent être que les reflets partiels d'une éloquence beaucoup plus étendue (Courtès 1964: 365-66). Parce que la Bible est le lieu de la parole divine (divinis e/oquiis), les distinctions profanes cessent de s'appliquer: on ne sépare plus vice et figure (pléonasme et tapinosis reviennent fréquemment dans le commentaire), on ne sépare plus grammaire et rhétorique, on ne sépare plus davantage figure de langage et figure de pensée (ce qui n'est pas après tout anormal dans un texte sacré où le Verbe parle directement), on mêle noms de figures et noms d'argument, on ne
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distingue même plus le créé de l'incréé, si bien que de nouvelles dénominations fleurissent sans avoir été certifiées par des spécialistes du langage.
4. Conclusion La richesse et le foisonnement de la terminologie, son côté volontairement savant, son aspect à la fois novateur et simplificateur, dans la mesure où s •effacent les anciennes distinctions complexes de la grammaire antique, avaient tout pour séduire le Moyen Âge. Il faut se rendre compte que l'Expositio Psalmorum est en réalité l'Université chrétienne dont rêvait Cassiodore: c'est parce qu'il a dû renoncer, sous la pression des circonstances politiques, à fonder à Rome l'équivalent de l'École de Nisibe, qu'il utilise le Psautier, le texte le plus lu des textes sacrés, comme support d'une masse de connaissances profanes. C'est ce que montrent les séries de notae, ajoutées lors de l'ultime révision du texte: ces notae sont un système de signes marginaux imaginé par Cassiodore, et elles permettent de repérer les différentes connaissances issues des arts libéraux qui ont été mises en œuvre dans le commentaire du Psautier (Courtès 1964: 362-63). Le commentaire de Cassiodore a été lu et exploité dans cette optique, celle d'un creuset de toutes les connaissances profanes. La copieuse terminologie cassiodorienne a en effet été prise en charge par des relais, au premier rang desquels il faut peut-être compter le manuscrit rcde l'Anonymus Ecksteinii. On voit ensuite fleurir des recueils aux formes variables: des index, des listes, des glossaires. Ainsi le glossaire de Leyde, copié à Saint-Gall vers 800, dérive de glossae collectae réunies à Cantorbéry entre 650 et 700 (Knappe 1996: 220), et il est apparenté aux gloses bibliques de Milan (première moitié du XIe siècle), qui reflètent l'enseignement de Théodore et Hadrien à l'école de Cantorbéry (Lapidge 1986). On connaît également le fragment de Darmstadt, analysé par Jeudy ( 1994), qui est un autre inventaire des figures cassiodoriennes, accompagnées à titre d'exemples par les versets du Psautier dont elles rendent compte. La terminologie introduite par Cassiodore dans un cadre où on ne l'attendrait pas a donc suscité un intérêt non négligeable chez les théoriciens des arts libéraux des époques suivantes: les recensions de Leyde et de Darmstadt paraissent en effet indépendantes l'une de l'autre, et rien n'interdit de penser que la liste de ces dérivés pourrait encore s'allonger.
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La liste des figures de Cassiodore que l'on retrouve, définitions comprises, dans la tradition grammaticale médiolatine est en effet impressionnante: aetiologia, brachylogia, climax, diaphoresis, emphasis, epembasis, epexegesis, epidiorthosis, epimone, erotema (erotesis), ethopoeia, exallage, hypallage, prosopopoeia, prosphonesis, somatopoeia, synathroismos, syndiasmos, soit un total d'une bonne vingtaine de figures. Mais Cassiodore a peut-être apporté plus encore que toute cette terminologie exotique: la nécessité de la faire entrer dans le cadre prédéfini que constituait l'ars romaine a en effet conduit les grammairiens à s 'interroger sur la pertinence de ce cadre, et il est clair par exemple que ce n'est plus qu'un fossile dans le Graecismus d'Évrard de Béthune. L'héritage cassiodorien pose cependant encore beaucoup de questions non résolues. La première d'entre elles concerne les modalités de sa transmission: les grammairiens des xne-XIne siècles recourent-ils directement à Cassiodore ou au contraire à des intermédiaires? Si intermédiaires il y a, quelle est leur nature? S'agit-il de relais comme ceux qui ont été évoqués, ces relevés et ces glossaires mis en évidence par Jeudy et Knappe?Ou de sources exégétiques qui auraient pu être exploitées à leur tour dans cette perspective? La postérité de la terminologie cassiodorienne est en effet tout aussi importante dans ce domaine, et les exégètes médiévaux recourent comme lui aux figures de grammaire, aux vices, aux dénominations d'arguments rhétoriques, pour rendre compte de l'Écriture. Pourquoi tant de termes cassiodoriens se sont-ils au total perdus en cours de route? Sur quelles bases, grammaticales ou exégétiques, s'est opéré le tri? Autant de problèmes dont la solution apporterait un nouvel éclairage sur le devenir de l'héritage grec en Occident. RÉFÉRENCES
Éditions ALExANDER DE VILLADEI, Doctrinale, ed. D. REICHUNG, Berlin, 1893. AQUILA RoMANUs, De figuris sententiarum et e/ocutionis. ln: Rhetores Latini Minores, ed. C. VON HALM, Frankfurt, 1863 (pp. 22-37). CAECn.D CALACTINI fragmenta, ed. E. ÛFENLOCH, Leipzig, 1907. EBFJUfARDUS BETHUNIENSIS, Graecismus, ed. J. WROBEL, Vratislaviae, 1887. FLAVIUS MAGNUS AURELIUS CASSIOOORUS SENATOR, Expositio Psa/morum, ed. M. ADRIAEN, Turnhout: Brepols, 1958 (CCCM 97-98). (= EP) FLAVIUS MAGNUS AURELIUS CASSIOOORUS SENATOR, lnstitutiones, ed. R.A.B. MYNORS, Oxford, 1937. M. FABIUS QUINTILIANUS, lnstitutio oratoria, ed. M. WINTERBOITOM, Oxford, 1970.
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BILINGUISMEEXPLICITE ET BILINGUISMEIMPLICITE DANSLES NOMS DES DIVISIONSDE LA GRAMMAIRE SELONISIDOREDE SÉVILLE(ISID.ET. 1) Christian
NICOLAS
(Université Stendhal,Grenoble Ill)
Le livre Ides Étymologies d'Isidore de Séville s'intitule De grammatica; le pédagogue s'y emploie, en bonne méthode, à définir et à illustrer toute la terminologie grammaticale, ordonnée en sous-systèmes qui se développent selon un plan qui a été indiqué d'emblée. La terminologie commentée, qui, sans être exhaustive, est assez bien organisée, n'est pas originale: Isidore est un compilateur doué et il présente dans cette section des Étymologies, comme pour d'autres secteurs du savoir, une vulgate cohérente, dont la matière est, en l'occurrence, nous dit-il, surtout empruntée à Donat (cf. par exemple I, 6. 1 pour le nombre et le nom des parties du discours). La section 5 du livre I s'intitule elle aussi De grammatica: il y est question de l'étymologie du terme grammatica et de l'annonce d'un plan, très traditionnel, en trente fiches, certaines très brèves: les huit premières pour les parties du discours'; suivent la «voix articulée» (mais il n'en parlera en réalité qu'en même temps que des lettres chez les grammairiens, en I. 15, dans un passage très court et sans doute interpolé 2), les lettres (15), les syllabes (16), les pieds (17), l'accent (18 et 19), les signes de ponctuation (20), les signes diacritiques divers (21-26), l'orthograph(i)e (27), l'analogie (28), l'étymologie (29), les gloses (30), les differentiae (31), les barbarismes (32), les solécismes (33), les erreurs (34), les métaplasmes (35), les figures de discours (36), les figures de pensée (37), la prose (38), les mètres (39), les fables (40) et l'histoire (41). Toutes ces divisions, et leurs subdivisions, intéressent donc la grammatica, premier des sept arts libéraux, tous évoqués au seuil de l'ouvrage (1. 2) et qui feront, dans le même ordre, l'objet des deux livres suivants
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En fait, neuf: le chapitre 6 De partibus orationis est une introduction dans laquelle est annoncé le plan suivi pour la description et l'ordre des huit parties du discours, développées une par une, dans l'ordre indiqué, des chapitres 7 à 14 inclus. 2 Et. 1. 4 avait déjà été réservé à l'énumération et à l'explication des lettres. Bilinguismt' el lerminologie grammalicale, Orbis/Supplementa, 27. Louvain: Peeters. 2007.
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de l'encyclopédie d'Isidore, par groupements cohérents (rhétorique et dialectique: livre II; arithmétique, géométrie, musique, astronomie: livre III). On voit donc que la grammaire, matière d'un livre entier à elle toute seule, a droit à un traitement de faveur et que le plan annoncé et suivi dans le livre I, qui concerne la discipline littéraire dans son entier, prétend donner toute la méthodologie et toute la terminologie utiles à l'interprétation des textes et dépasse de ce fait la matière traditionnelle des artes. Je ne prendrai en compte dans cette étude que les termes participant de la nomenclature grammaticale technique; l'objet est d'examiner, dans cette terminologie latine, la part du grec, présent presque partout, les plus manifestes de ces hellénismes étant bien sûr les emprunts purs et simples. 1. Emprunts lexicaux Il y a dans la terminologie d'Isidore, continuateur de la vulgate grammaticale latine, de nombreux emprunts lexicaux au grec. Sans prétendre à l'exhaustivité, en voici quelques exemples. Sur les noms des trente divisions annoncées de la grammaire (1, 5. 4), douze sont des emprunts grecs, tous bien implantés voire complètement intégrés: syllaba, orthographia, analogia, etymologia, glossae, barbarismi, solœcismi, metaplasmi, schemata, tropi, metra, historiae; dans les noms des subdivisions du nom, on trouve synonyma (1, 7. 14), homonyma (1, 7. 15), patronymica (1, 7. 20), ctetica (1, 7. 21), epitheta (1, 7. 22); en outre, dans les subdivisions du genre, accident du nom, epicœnon (1, 7. 29), etc. Or, parmi ces emprunts, certains sont des hyper-emprunts (comme on parle d'hyper-correction): inventés en grec par des auteurs latins, ils sont destinés à illustrer des catégories spécifiquement latines. Ainsi pour le nom de certains hybrides morphologiques à déclinaison gréco-latine. Dans la typologie des substantifs d'origine grecque, Isidore distingue les tota Graeca (1, 7. 11), comme Callisto, dont la déclinaison est entièrement celle du grec (au fait, et pour l'ablatif?), les tota Latina, qui sont entièrement latinisés comme Vlixes pour Odysseus (1, 7. 12), et les media, mi-grecs mi-latins (1, 7. 13). Ces hybrides, qui latinisent leurs syllabes finales en conservant leur grécité radicale, sont également appelés notha, d'un terme grec qui signifie à peu près «bâtard par la mère»: ainsi les mots grecs Alexandros et Menandros devenant en latin Alexander et Menander (ibid.). Cet usage, entériné chez les grammatici3, n'est 3
Cf. par exemple Donat, G.L. IV, 373. 20; Servius, G.L. IV, 429. 31; Sergius, G.L. IV, 538. 6.
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pas grec: bien évidemment, les grammairiens grecs ne se sont pas préoccupés des hybrides gréco-latins ou latino-grecs. Mais ce qui est remarquable, c'est que les Latins, pour désigner cette catégorie qui leur est propre, ont choisi un terme grec métaphorique emprunté à la langue juridique: dicta autem notha, quemadmodum nothus dicitur quisquis de dispari genere nascitur (ibid.), «on les appelle notha, comme on dit nothus pour une personne de naissance illégitime». Certes, les Latins nous disent qu'ils n'ont pas, dans leur langue, lexicalisé cette notion d' «enfant d'une mère illégitime»4. mais il leur était loisible, en revanche, de choisir une autre métaphore proprement autochtone, comme par exemple spurius, qui signifie «enfant de père inconnu» 5, ou degener, qui désigne «l'enfant illégitime», mais aussi I' «hybride» animal et même, dans une métaphore linguistique, la langue «mixte» 6 • Notha est donc bien un emprunt au grec, mais ce n'est pas un terme grammatical au départ. De même, il y a chez Isidore, qui l'emprunte à d'autres grammatici, des termes grammaticaux entièrement grecs d'apparence, mais qui sont créés de toutes pièces par les Latins à l'usage du latin. Ainsi, pour classer les noms selon le nombre de formes casuelles distinctes qu'ils manifestent dans leur déclinaison au singulier, Isidore utilise la série dégressive pentaptota, tetraptota, triptota, diptota et monoptota. On connaît ces termes en grec7• Mais unus, qui a six formes distinctes au singulier, fait partie de ce fait des hexaptota nomina (1, 7. 33): le terme hexaptota, formé par analogie pour compléter une série cohérente, est tout aussi grec d'apparence que pentaptota, mais il ne saurait être adapté au grec qui ignore le sixième cas ... 8
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Cf. Quintilien 3, 6. 97: nothum, qui non sir legitimus, Graeci uocant; wtinum rei nomen (.. .) non habemus («les Grecs appellent nothos l'enfant illégitime. Nous n'avons pas de mot latin pour ceue notion»); Servius, ad Aen. 7. 283: nothus est nomen Graecum, nam latine quemadmodum dicatur non est ( «nothus est un mot grec, car il n'y a pas de moyen de le dire en latin»); Isidore Et. 9, 5. 23: nothus dicitur qui de paire nobili et de marre ignobili gignitur, sieur ex concubina. Est autem hoc nomen Graecum et in Latinitale deficit ( «on appelle nothus celui qui est né de l'union d'un père de bonne naissance et d'une mère de basse extraction, par exemple une concubine. C'est un mot grec qui manque en latin»). s Cf. Isidore 9, 5. 24: Item spurius paire incerto, marre uidua genitus ( «Spurius désigne l'enfant né d'un père inconnu et d'une mère veuve»). 6 Degener m·a été suggéré, lors de la communication orale, par Frédérique Biville. 7 Cf. par exemple Schol. Dion. Thr., G.G. I 3, 230. 37sq: tCÏ>v ôt ôvoµémov tà µi:v µov61mota, tà ôt ôitttrota, tà ôi: tpintrota, tà ôi: t&tpémtrota, tà ôt 1t&vta1ttrota («parmi les noms, certains sont à un seul cas, d'autres à deux cas, d'autres à trois, d'autres à quatre, les autres à cinq»). On connaît en outre litttrota (G.G. I 3,359.29). 8 Même série, mais dans un ordre progressif, chez Donat, G.l. IV. 377. 23. Probus préfère latiniser ces termes: cf. GL. IV, 121. 9: sunt nomina senaria, ut puta unus: sunt
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Le grec est donc à ce point sous-jacent au raisonnement linguistique latin qu'il sert, sous couleur d'emprunts de forme, à créer des termes grammaticaux désignant des notions spécifiquement latines qui ne concernent en rien le grec.
2. Adaptations latines Outre les emprunts purs au grec (et les hyper-emprunts décrits ci-dessus), le latin grammatical utilise des termes d'allure latine qui sont adaptés du grec. Isidore offre la particularité de présenter, avec une fréquence plus grande que d'autres auteurs d'artes, en regard d'un emprunt lexical technique, un correspondant latin posé comme équivalent. Un stéréotype de ces équivalences bilingues est donné par cet énoncé: I, 7. 22 Epitheta, quae Latine adiectiua uel superposita appellantur. Le système d'équivalences est très clair: comme le terme grec, qui, le plus souvent, a été créé par la vulgate grammaticale grecque pour une désignation technique spécifique, se trouve avoir une motivation forte, le terme latin se contente le plus souvent de décalquer la structure interne de son modèle. D'où parfois, plusieurs possibilités, à cause de la polysémie inhérente aux lexèmes choisis: epi- vaut-il plutôt ad- ou super-? -theton est-il bien traduit par -iectiuum? La meilleure équivalence ne serait-elle pas, au fond, appositum, compromis entre les deux options proposées ? 9 Les binômes de ce genre sont assez nombreux chez Isidore: ainsi en I, 7. 21-22 Ctetica, id est possessiua [... ] propose une équation sémantique entre Kta.oµm et possideo, une équivalence suffixale entre -tKOÇet -iuus et une règle dérivationnelle. De même avec I, 17. 21 ... arsis et thesis, id est eleuatio et positio; I, 19. 3 Ileptcmroµtvri id est circumjlexus; I, 20. 1 Has Graeci 0écrntç uocant, Latini posituras, etc. Si le plus souvent le décalque latin mis en balance à côté d'un terme grec est bien construit, on peut voir qu 'occasionnellement Isidore propose une
nomina quinaria, ut puta doctus; sunt nomina quaternaria, ut puta niger; sunt nomina ternaria, ut puta statare; sunt nomina binaria, ut puta se; sunt nomina monaria, ut puta cornu («il y a des noms 'sénaires' comme unus, d'autres 'quinaires', comme doctus, des 'quaternaires', comme niger, des 'ternaires', comme statare, des 'binaires' comme se(?), des 'monaires' comme cornu(?)»). On notera que la formation de monaria est franchement défectueuse et trahit l'influence inconsciente du modèle µov61t't0>'tŒ. 9 Pour une autre application possible d'appositum en grammaire, cf. Colombat (1999: 84-85). Sur les rapports entre les termes adiectiuum, appositum, epitheton, cf. Colombat (1992a: 7 et 1992b: l04sq.).
BILINGUISMEEXPLICITEET IMPLICITE
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équivalence latine plutôt mal formée. Ainsi avec I, 7. 15 homonyma,hoc est uninomia: uni- n'est pas un parèdre parfait de ôµo-, -nomia est mal dérivé de nomen (on attendrait une finale adjectivale en -nominus ou en -nominalis).Pire encore avec le correspondantexplicite qu'Isidore donne de cruvcovuµa:I, 7. 14 Synonyma,hoc est plurinomia. Le terme latin plurinomia, qui semble être une création isidorienne, offre le même défaut qu'uninomia dans sa finale; mais surtout, ce n'est pas cruvcovuµaqui est décalqué, mais xoÀ\)(l)VUµa, les deux termes étant réputés équivalents10• De même, on lit chez Isidore, comme subdivisiondu nom, uerbialia(désignant les substantifs déverbaux, comme lector: cf. Et. I, 7. 25); mais on préfèreraitle uerbaliaque Charisius (GL. I, 154. 21) met explicitementen relation avec sa sourcegrecque priµanJCa.(qu'on trouve par exemple chez Denys le Thrace, G.G. I 1, 29. 3), dont il est le décalque absolu. Honnis ces bévues, Isidore utilise en général des calques morphologiques efficaces et bien formés. Ce procédé de reproduction de la structure interne du terme modèle ressemble à ces définitions analytiques de termes grecs très motivés,comme celles que donne Donat de la plupart des schemata dansGL. IV, 397. l lsq. (= Ars III, 5 De schematibus),et dans lesquelles un ou plusieurs termes latins du definiens ont vocation à représenter la forme interne du definiendum:Prolepsis est praesumptio rerum ordine secutarum[... ]. Zeugma est unius uerbi conclusiodiuersisclausulis apte coniuncta [... ]. Hypouuxis estfigura superioricontraria,ubi diuersa uerba singulis clausulis subiunguntur [... ]. Syllepsis est dissimiliumclausularumper unum uerbumconglutinataconceptio etc. Mais chez Isidore, avec une densité plus grande que dans ces définitions, l'élément latin du binôme paraît fonctionner comme un terme à part entière, susceptible de remplacer l'hellénisme. On s'aperçoit en réalité qu'Isidore, après avoir proposé ces binômes bilingues, peut n'utiliser dans la suite de l'exposé que le terme grec, entériné par la vulgate; le terme latin n'est donc malgré les apparences qu'un moyen métalinguistique de focaliser sur la forme interne du technicisme grec, dans un propos encyclopédique dont la vocation première est, bien sOr,étymologique. Adiectiuum ou superpositumservent à éclairer le sens parallèle d' epitheton, que son sens fonctionnel a fini par opacifier•1•
•°
Cf. Lallot (2001 b) et la source probable d'Isidore, Donat (G.l. 1, 373. 22): sunt alia synonyma uel polyonyma ... Isidore a fait un raccourci malencontreux, à moins qu'il ne s'agisse d'un problème de transmission du texte. 11 Sens parallèle/sens fonctionne/: tcnninologie de Fruyt (1994. 19%).
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Il arrive à Isidore de s'expliquer avec quelque ingénuité sur cette méthodologie du doublon bilingue étymologique. Ainsi pour le nom de la syllabe, en I, 16. 1: Syllaba Graece, Latine conceptio siue conplexio tà ypaµµata, id dicitur. Nam syllaba dicta est àxo toù 01.>À.À.aµJxtvetv est a conceptione litterarum. l:uÀ.À.aµJxtve\v enim dicitur concipere 12 ( «Syllaba est un mot grec, qui peut se dire en latin c:onceptio ou conplexio. Car syllaba vient de 01.>À.À.aµfxtvt\V tà ypétµµata, c'est-àdire concipere litteras ('rassembler des lettres'). De fait, 01.>À.À.aµfxtvt\V se dit concipere» ). Ou pour le nom de l'accent en I, 18. 1: Accentus, qui Graece prosodia dicitur {ex Graeco nomen accepit}. Nam Graece xpoç, Latine 'ad', cPoft Graece, Latine 'cantus' est. Hoc enim nomen de uerbo ad uerbum expressum est 13• Cette dernière remarque souligne le caractère volontariste du décalque morphème par morphème: l'expression de uerbo ad uerbum est une variante du tour cicéronien uerbum ex uerbo, à partir duquel j'ai créé le terme de «verbumexverbalité» (abrégé en VV) pour désigner une méthodologie de calcul chiffré de la ressemblance morpho-sémantique affichée entre les deux termes d'un binôme bilingue 14• De ces indications isidoriennes, on peut inférer que, lorsque le modèle grec (si modèle il y a) reste implicite, le technicisme latin correspondant a chance d'avoir sinon une VV maximum par rapport au terme souche, du moins un certain taux de connivence morpho-sémantique. La reconstitution du modèle implicite est donc a priori facile. C'est clairement le cas pour les noms des parties du discours. On sait que sur les huit catégories de la vulgate latine, seul le nom de l 'interiectio est authentiquement latin: le latin, dépourvu de l'article, et soucieux d'avoir le même nombre de parties du discours que dans la vulgate grecque, a dégagé l'interjection de la catégorie de l'adverbe où le grec l'avait cantonnée. Denys le Thrace présente des sous-catégories d'adverbes, classés selon des critères sémantiques. Parmi ceux qui expriment des sentiments ou des mouvements psychologiques, on trouve les CJIEtÀ.tacrnKa (G.G. I 1, 77. 1), que Lallot (1989: 63) traduit «les adverbes de plainte», les EÙXT)Ç071µavt\Ka (G.G. I 1, 76. 4), «les adverbes qui signifient un souhait» (Lallot 1989, ibid.), les 0auµacrt\KŒ (G.G. I 1, 80. 1),
12
Le texte cité est à peu près celui de Servius, G.l. IV, 423. 11: Syllaba dicta est ex tà ypc'.tµµata, id est a conceptione litterarum. Graeco uocabulo, dm'>toù 01>ÀÂ.aµfxtv&lV n «Accentus. qui se dit prosodia en grec, tire son nom du grec. Car np6ç en grec correspond à ad en latin, Q)ÔTJ à cantus. C'est un néologisme par décalque fonnel». 14 Cf. Nicolas (2000).
BILINGUISME EXPLICITE H IMPLICITE
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«adverbesd'étonnemenb (ibid.), les itapaKEÀ.EUO'tO>Ç (G.G. 1 1, 82. l),
«adverbes d'exhortation» (ibid.) el les 0c1aaµoù (G.G. 1 1, 86. 1), «adverbes de possession divine» (ibid.), qu'Apollonios Dyscole (G.G. Il l, l [Adv.). 121. 21) appelle tùao-ttKél. Ce sont ces adverbes qui deviendront les interiectiones des Lalins el ce qui était typologique en grec devient panic intégrante de la définition laline: d'où l'abondance, chez les Grammatici, d'occurrences de verbes comme do/ere (pour l'équiva15 ), hortari (itapatctÀ.tUO'tO>Ç), optare (cùxftç lence avec atoç (littéralement «qui n'exprime rien en plus»: Lallot 1989) et sa forme interne est réellement une entrave au décalque! Il en résulte une absence de biunivocité entre les nomenclatures des deux langues:
21 Sur le nom des modes, le problème du statut de l'infinitif et de l'indicatif, cf. Lallot (1989: 163-4) et lldefonse (1997: 372sq.). 22 Ainsi pour le nom de l'horizon: cf. Cicéron, Div. 2. 92 illi orbes [... ]qui a Graecis opiÇovn:ç nominantur, a nobis finientes rectissume nominari possunt ( «ces cercles qui ont le nom d'horizon chez les Grecs pourraient régulièrement chez nous être désignés du nom de finiens» ). En outre, OpHJµ6ç désigne, de façon un peu générale, la définition. Sur le rapport entre optoµ6ç et la famille de finis, cf. Nicolas (1996: 243-244).
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)nom piaµtvoç
mode OptO'tUCTt (fylCÂtç tt (fxovta) par ad aliquid nomina, «noms en rapport», et de d>ç 1tp6ç tt (fxovta) par des expressions comme ad aliquid qualiter se habentia ou équivalents. On juge facilement du caractère très incommode de ces termes, surtout dans une langue sans article où il est difficile de manier une structure telle que ad aliquid comme un authentique substantif. Du coup, très souvent, on garde à côté du décalque latin l'original grec, avec son article (dans des binômes comme Dosithée G.L. VII, 397. l0sq. haec is Mais aussi Probus ou Donat: cf. G.l. 1, 82. 31; 120. 4; 355. 18; 408.8; 493. 37; 538. 20 ... 26 «Le genre commun s'appelle ainsi parce qu'un même nom est en rapport avec les deux genres: exemple canis, masculin ou féminin. Son contraire est !'épicène, parce qu'il désigne l'un et l'autre sexe sous un seul et même genre: exemple piscis, masculin». 27 Cf. LaJlot (1989: 151, n. 29); Swiggers - Wouters (1999); Garcfa-Hernandez (1999).
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a Graecis -rcov1tp6ç n appellantur, id est ad aliquid: cf. références et textes dans Swiggers - Wouters 1999). Mais on peut aussi tenter de créer un substantif latin de meilleure facture. C'est ce que fait l'Ars Anonyma Bernensis (G.L. VIII, 73. 5-10), qui propose en regard d'ad aliquid le synonyme relatiua «qui est en rapport», beaucoup plus maniable: Sunt alia ad aliquid dicta, quae ad aliam personam referuntur, quae relatiua dicuntur (où l'on retrouve la méthode de l'explication tautologique relatiuus/referuntur, comme accusatiuus/accuso ). Quant à Isidore, il opte pour une solution mixte: I, 7. 16-17 Relatiua dicta eo quod ad aliam referantur personam ( ... ). Ilia autem quae dicuntur ad aliquid qualiter se habentia etc. 28 Mieux valait proposer un binôme relatiua/quasi relatiua (cf. la traduction de Lallot [1989: 53]) des catégories dionysiennes: «relatifs»/«quasi-relatifs» ). Mais en même temps, le choix de re-lat-iuus est un peu trompeur, car, fortement motivé, il induit un modèle grec qui aurait la forme civa.-Â.11,µtta0tcnç, 1tp60"0tcnç, t1ttv8&cnç, 1tapayo:ry11,autant de termes pour lesquels il propose un calque latin (v. infra). De fait, les noms, traditionnellement grecs, des figures sont tantôt cités en grec. tantôt transcrits en latin. Ainsi 6uicrtacnç et cn'>atacnç sont-ils une ou deux fois transcrits en latin (p. 66 pour le premier; p. 89 pour les deux). On a, transcrits en latin, synalœphe et metaphora ( 100-101 ), de même que, au livre 12 consacré à la figure, proiepsis (338), mais dans le chapitre précédent, les composés du zeugma (1tp6-, µ&06-, û1t6Çtuyµa) sont donnés en grec, alors que le terme simple
4
Cf. Lardet (1988: 311): Scaliger est l'auteur «d'un traité 'contre les grammairiens' et notamment 'contre Linacre'». 5 Hexaptota autem etiam 1tavtti1t1:rota nominauimus, quoniam omnes casus complecterentur (157).
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est transcrit en latin (337). Il faut attendre le livre 13 (342), pour que le terme ana/ogia - régulièrement cité sous sa forme latine, puis remplacé par proportio - soit transcrit en grec. Examinons de plus près cette liste. On éprouvera d'abord quelque difficulté à délimiter ce qui ressort proprement du métalangage et ce qui n'en ressort pas. Certains termes relèvent plus de la démonstration proprement dite que de la terminologie grammaticale. Quand Scaliger évoque, à propos de la 'figure' dite à tort decomposita, l'accroissement de la quantité sans changement de la figure (162), il utilise une comparaison empruntée à la géométrie, et c'est dans ce cadre que se fait le recours au terme yvc.oµrov, glosant norma (équerre), et assorti d'un schéma en marge du texte. Mais parfois le terme grec est employé sans transcription: ainsi d1t6ôetl;tç utilisé, sans plus de commentaire, pour annoncer une démonstration: «Ilia uero etiam d1t6ôetl;tç est inuicta: ... » (157), comme si le terme avait échappé à Scaliger dans le feu de la discussion. De même on trouve «per ô1t68emv» (324) dans un développement sur la nature des causes. Certains termes ont un rapport a priori un peu lointain avec la grammaire: l'dvtiôoo-tç ( «échange de bien» [167]) est là pour nous faire comprendre ce que sont les noms dvaÂ.oya, que les Latins appellent proportionalia, to Ü1tttov (la partie ventrale [294]) est là à propos de l'interprétation à donner à supinum. Galien (n'oublions pas que Scaliger est médecin) est cité sans transcription et sans traduction dans cette phrase lapidaire: «Galien dit également que fi xpeia («l'usage») précède fJtvepyEia («l'action»)» (sic enim Ga/enus quoque titv xpEiav priorem tfl tvepyeit;;t dicit [29]). Un Galien invoqué juste avant (28) pour les termes proprement médicaux pÂ.atO'O'OÇ et pmp6ç, qui désignent des déformations des jambes torses, le premier étant réutilisé, sous les formes blœsi et blœsitas, pour qualifier un défaut de la bouche, Scaliger égratignant au passage Érasme sur l'utilisation qu'il en fait; un Galien qu'on retrouve pour l'évocation des causes 1tp0Kataptucai, «initiales», en latin primitiuae, et de l'antécédent, 1tporiyouµevov, en latin antecedens (289). À un registre similaire appartient le terme lxropeç ( «sérosités» [281]) qui sert à expliquer par un détour assez complexe - que le pronom, qui tient lieu du nom, et qui est donc un substitut, comme le sont les txropeç, doit être traité avant le participe, simple composé de nom et de verbe. On trouvera aussi dans cette liste ce qu'on pourrait appeler des métatermes en fonctionnement, au premier rang desquels figurent:
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1) l'article neutre, t'O, qui joue notamment le rôle d'indicateur de
nominalisation, devant des infinitifs (èv t'Qlyivecr0m, èv t'QlèKpeiv, t'Ô fxeiv, t'Ô û1tapxeiv èvavt'iov), des participes (t'ô èxoµevov, t'Ô 1teptex6µevov), des adjectifs substantivés (t'Ô ü1tnov), un pronom indéfini (t'Ô t't), des adverbes (t'Ô 1tou), des prépositions (t'Ô cruv), des conjonctions (t'Qlôion, t'Qlon): il est expressément présenté pour illustrer cette fonction devant la préposition ôta: t'Ô ôta, le mot ôta «à cause de» (218); 2) la préposition 1tapa, souvent associée à t'Ô, et constamment utilisée comme indicateur de dérivation. Quelques exemples: [7a] ypétµµa-m 1tapà •TlV ypaµµT}v. - grammata (lettres) d'après hê grammê ( «la ligne, le trait»). (6) [7b] TITVLVS, 1tapà "tî}V nµT}v: unde & -ristv. - ainsi titulus («titre») d'après hê timê («l'estime»), d'où également tiein («estimer»). (35) [7c] FENESTRA, 1tapà -ro q>aivscr8m, aut mutata, aut abscissa, sa/tem ab Ëq>avov.-fenestra («fenêtre») d'après phainesthai ( «se montrer»), suite ou à une conversion, ou alors à une soustraction à partir de ephanon. (50) [7d] [ ... ] propterea quod nostrum tenere inde duxissemus, sci/icet 1tapà -ro -rsivsiv. - [ ... ] étant donné que c'est de là que nous aurions tiré notre tenere («tenir»), à savoir d'après teinein («tendre»). (96) [7e] & Regem, diuitem quempiam, 1tapà -ro ËXEtv. - et «lorsqu'on qualifie» de «roi» quelqu'un de riche d'après l'ekhein («l'avoir»). (166) [7f] unde orta sunt -rà 1tapc.ovuµa,quae 1tapà &-rspovderiuarentur. - D'où l'origine des parônuma («paronymes»), ces noms dérivés à partir d'un autre (para heteron). (168) [7g] utrunque dictum est ab amando, 1tapà -ro q>tÂ.dv,d1to -roùq>tÂ.dv.L'un et l'autre s'est dit à partir de amare («aimer») [cit. de Cie. Lael., 100], d'après philein, à partir de philein. (292)
Ilapa est utilisé pour traduire une étymologie interne au grec: [7a] ypaµµat'a 1tapà t'î)V ypaµµitv, avec la dérivation parallèle de litera à partir de linea; [7f] 1taprovuµa/1tapà. Ët'epov, mais le plus souvent du grec au latin ([7b], [7c]), sans que cette dernière exclue la première: ainsi, si tenere est présenté comme dérivé de t'eivetv ([7d]), Scaliger rapproche aussi de ce dernier t'6vot («accents») et t'ÉVOVt'EÇ ( «muscles» ou «tendons»). À noter l'ex. [7e], qui est en quelque sorte l'intrus dans la liste, puisque 1tapa n'y est pas indicateur de dérivation, mais élément introducteur du terme plus général fxetv, souvent employé par Scaliger (v. infra 4.2.2), alors qu'en [7g], napà t'O et ô.1tôt'OUont aussi un statut particulier, car ils servent simplement à gloser ab + gérondif à l'ablatif.
LE GREC DANS LA TERMINOLOOIE DE J.-C. SCALIGER
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Xap1v «à cause de» sert de correspondant à caussa (jugé nécessaire pour introduire nec belli patrandi 6 [218]), à ui ou à opera (253). C'est donc un terme de la langue qui sert de métaterme, pour introduire certains génitifs difficiles. De même, la préposition Kata ( «quant à») sert à introduire un accusatif de la partie se rattachant à un nom (Katà toùç ôo6vtaç), pour gloser Elephas curuus dentes (339), mais elle sert aussi à introduire un terme proprement métalinguistique (cruy1eo1tT1):«Veho, uexo ('je transporte, je secoue'), vexum, vexulum, vexillum ('étendard') et, Katà cruy1C01tT1V ('par syncope'), uelum ('voile')» (57). En apparence, appartient à la langue plus qu'à la métalangue, le terme àÀÀT1ÀOUÇ, alius alium, «l'un l'autre», jugé «moins heureux» (non tam feliciter [272]) que le inter se latin, mais ce sont en même temps des indicateurs d'un phénomène décrit dans la tradition latine sous le terme de reciprocatio ( «réflexivité» et/ou «réciprocation» ). À côté de ces métatermes en fonctionnement, se trouvent des méta-
termes descriptifs: naturellement beaucoup de substantifs, d'-adjectifs, des participes, des verbes à l'infinitif, la plupart précédés de l'article, qui sert aussi, on l'a dit, à substantiver des indéclinables. Le plus souvent, ces termes sont isolés, mais on trouve quelques séquences de termes: par ex. CJuvt1eq,rovT)o1ç tcov À.Éçtc.ov,t6 (mapxttv tvavtiov, la plus longue semblant être àvtava1eÀ.aCJtoç 1tpOCJT)yopia,siue àvttCJtpÉq,ouCJa, «appellatif réfléchi, ou répondant symétriquement» (285). Comment sont répartis ces métatermes grecs dans l'ouvrage? De façon très variable. Le plus souvent ils sont donnés isolément, rarement en listes7 , parfois «en grappes» (ainsi en l, 14, en 2, 61, en 4, 101, p. 204205, en 5, 110, p. 225-226), parfois plus disséminés (en 5, chap. 213 et 214). Leur présence est parfois attendue, parfois moins attendue. Ainsi dans le très court chap. 61 (à peine un tiers de page) du livre 2, consacré précisément à l 'arsis et la thésis, on ne s'étonne pas de trouver quatre termes grecs: lipCJtÇ,9ÉCJlÇ,Katét9tCJlÇ, ôµotovtiç. Dans le chapitre
6 À propos de Salluste, Jugurtha, 88, 4: «'Quae postquam gloriosa modo, nec belli patrandi cognouit'. Subticuit enim CAVSSA, Graeco more toù xou:iv: subticent xapw». Le texte du De cousis a, vraisemblablement par erreur, toùto au lieu de toù devant 1tottiv. 1 Accidens igitur Jiue significet cr6µ1ttroµa, siue cruµ~t~T)KCÔÇ, siue tvoqoµtvov, genus e.ît comprehenden_çLaudem, & Vituperationem ... (179). At mutae nomen penitus uocem tollit, Graecorum _çanè imitatione, qui füprova. non o6crcpcova dixere: non KUKOCj)(l)VU, non µtKpocprova. quoniam nul/am _çibiretinerent uocem. (29)
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liminaire (76) du long livre 4, consacré à la détermination de l'essence du nom, on n'est pas plus surpris de trouver sept termes ou syntagmes qui relèvent pour la plupart du vocabulaire de la philosophie: ovoµa, ô1tofxsiv, -co 1toù, cmµ~s~riJC6-ca, Kotva, iôta. Mais on est 1ceiµsvov, -co plus surpris de voir que le terme Â.oyoç, spécialement attendu dans une grammaire «philosophique», n'apparaît que dans le dernier livre, à l'occasion d'un commentaire sur sa signification: il est à prendre au sens de «raison» et non de «parole» (342). De fait, on trouve au nombre des chapitres qui comprennent le plus de métatermes grecs les suivants: 1, 14: défauts phoniques (10 termes); 2, 53: inventaire des accents (5 termes); 2, 57 (intitulé: «Trois caractères se voient exclure des traits prosodiques»): 5 termes: Ôq>Év,ôtao--coÂ.it, d1t60--cpoq>oç, d1tompoq>it, 1t6.8ri;4, 91 (les espèces de noms): 9 termes; 4, 101 (comparativement très long [203-214]: «Natures, cause et usage des comparatifs et des superlatifs»): 8 termes; 5, 113 (les temps du verbe): 9 termes; 5, 114 (les modes du verbe): 8 termes. Le record étant détenu par le chapitre liminaire ( 110) du même livre 5: il comprend à lui seul 25 termes, ayant trait à l'expression du procès exprimé par le verbe (mi0oç, 1ta8siv, êvspysiv, ôto.0so-tç), ou aux espèces de verbes classées en fonction de ces procès (v. infra, 4.4.). Le court livre 10, consacré à l'interjection, n'en contient aucun, ce dont on ne s'étonnera pas, puisque les Grecs ne la reconnaissent pas comme partie du discours et qu'elle prête peu à une étude des accidents. En revanche, on pourrait s'attendre à trouver dans le livre 11, consacré à la conjonction, beaucoup de termes grecs, les catégories sémantiques de conjonctions étant reprises par Priscien à Apollonius Dyscole; or on ne trouve que êmÂ.sJCnKai ( «électives» [328]) et êÂ.anconJCai ( «diminutives» [328]), deux termes qu'on rencontre aussi chez Linacre (1524: f. 34r-v),le premier en caractères grecs, le second translittéré. Mais Priscien lui-même donnait peu de termes grecs dans son livre 16 consacré à la conjonction. 3. À propos de l'index errorum
L'index errorum, qui récapitule, chapitre après chapitre (si bien qu'il constitue une sorte de table des matières), quelque 632 erreurs répertoriées par Scaliger chez ses prédécesseurs, permet une première approche de l'utilisation que fait ce dernier de la métaterminologie grecque, avec les réserves qui s'imposent. En effet, cet index n'est certainement pas de
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la main de Scaliger, pas plus qu'il n'a pu être corrigé sur «épreuves» par lui. Néanmoins, il a très certainement été élaboré selon le souhait de ce dernier, qui l'évoque dans sa préface, et même s'il y a une certaine marge d'interprétation chez le compilateur, on peut lui faire globalement confiance. Parmi ces «erreurs» présentées sous une forme très brève, le plus souvent sous une forme négative ou dépréciative (Non [et nul/us], non est, non rectè, non bene, ma/è, stultè, error, errarunt, omisere, malè omisere,falsus,Jalso, contra rationem, sine ratione, etc.), plus rarement sous une forme positive (melius ... quam, potius ... quam), beaucoup portent sur le métalangage, spécialement le métalangage grec et l'on peut tenter d'en dresser une typologie à partir des exemples suivants. [8] Index errorum (f. bb 3 sq.) MAUVAISETERMINOLOOIE GRECQUE
tsg&. Accentus tertius non rectè 1t&p1crnµ&voç. - Le troisième trait prosodique n'a pas été correctement nommé perisp6menos ( «circonflexe»)9.
199. I:uvap1tayft uox aspera. - Sunarpagê («saisie groupée») un terme rude. 261. E1ti1eo1vovgenus ma/è appellatum. - L'appellation de «genre epikoinon (épicène)» est mauvaise. 402. Non rectè Graeci ô1t&p8&t1K6v. -Les Grecs n'ont pas eu raison de parler d' huperthetikon (superlatif [litt. «hyperthétique»]). 426. Malè Graecis na8oç. - Les Grecs ont mal fait de parler de pathos (affection [litt. «passion»], [ou] passif). -On ne fait pas bien de parler d'holoe430. Non rectè ÔÂ.o&v&py11n1ea. nergetika ( «tout actifs»). non potest esse neutri species. - L'holoenergeti431. ÜÂ.o&v&py11n1e6v kon ( «tout actif») ne peut être une espèce du neutre. 432. Non rectè aôtotv&py11n1e6v.- On ne fait pas bien de parler d'autoenergêtikon ( «autoactif»). 433. Non rectè aôto1ta811n1e6v.- On ne fait pas bien de parler d'autopathêtikon ( «autopassif»). 434. Aôtoou6ét&pov est idem cum oô6ét&pov («neutre»). - L'autooudeteron est la même chose que I' oudeteron («neutre»). 442. À Graecis male, 1tapa1e&iµevoç.- Les Grecs ont eu tort de parler de parakeimenos ( «parfait» [litt. «adjacent»]). 522. 'AvtavaKÂ.acrtoç de reciproco durior uox. - Antanaklastos ( «réfléchi») à propos du réciproque: le mot fait passablement difficulté. 8
La numérotation, que nous avons ajoutée dans notre édition en préparation, correspondà l'ordre des erreurs dans la table. 9 Et (ro(J1tcoµ&voçaurait été meilleur.
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'fERMINOLOOIE GRECQUE AMÉLIORABLE, OU PLUS EXACTEMENT QUI AURAIT PU ÊTRE AMÉLIORÉE
206. Melius Ka-ra8scnç quàm 8scnç. - Katathesis (litt. «déposition») eût été mieux que thesis (litt. «position»). 303. Melius µovrovuµa quàm ôµrovuµa. - Monônuma (litt. «mononymes») eût été mieux qu 'homônuma («homonymes»). COMPARAISON GREC/ LATIN, À L'AVANTAGE DU LATIN A) DANS LA LANGUE
527. Graecum dÀ.À.TtÀ.Ouç minus felix, quàm nostrum inter se. - Le grec allêlous ( «l'un l'autre») moins heureux que notre inter se ( «entre eux»). B) DANS LA MÉTALANGUE
196. Melius nos collisionem, quàm Graeci O'UVaÀ.oupitv. - collisio («élision»), nous avons fait mieux que les Grecs sunaloiphê ( «synalèphe» ) 10• CONFUSION DES TERMES ET DES PHÉNOMÈNES DÉCRITS ENTRE LATIN ET GREC
68. Non est tpauÀ.tcrµ6ç titubantia. -La titubantia n'est pas le traulismos [Attaque d'Érasme, pour qui «traulisme» et «titubation» ne font qu'un.] 192. Non est aspirons ft ôacrda. -Hê daseia ( «la valeur rude») n'est pas aspirons. 195. Non est accentus Ôtriç,cum alias consonantes aspirant, aut crassius edunt «quand on aspire les autres consonnes ou qu'on les épaissit», ex. crates pour grates, bibo, fifo ou pipo pour uiuo. [9b) laxv6triç, contraire du précédent, cum dejectupeccamus «quand nous péchons par manque», ex. sic, E & o, exiliternimispronunciantquidam Germani,cùm tamenl, uersusE, deuoluant.«Ainsi certains Allemands prononcentils le E et le o avec trop d'étroitesse tout en entraînant le I en direction du E».
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[9c] cruptyµ6ç, quod uitium est cùm ipsum s, crassissimum, ac penè sibilantes edimus, «défaut qui consiste à faire s très épais, et presque en sifflant»; pour l'éviter, Espagnols et Gascons ajoutent un E devant uns si ce dernier se trouve être en conjonction (si coniunctum sit): escribere, esperare, estare. [9d] tcoÂ6Jkoo-tç,id est, mutilatio, cùm aliquid omittimus, «c'est-à-dire 'mutilation', quand nous omettons quelque chose». [9e] iixemç ou fixt0'µ6ç, nommés ainsi d'après Écho: redoublement à l'initiale (popons pour pons) ou à la finale (paulala, pour paula). [9f] tpaoÂ6tflÇ ou tpaoÂto-µ6ç, confondu à tort par Érasme avec la titubantia: cum cous, non quimus rectè ejfe"e, «quand on ne peut pas émettre correctement le cet les». [9g] tcotÂOITToµia/ tcotÂ6ITToµot:e palato loquuntur, aut è naribus, «ils parlent du palais ou du nez». [9h] l3Âat0'0'6Çet {>atl36ç:uitia crurum distortorum, ualgiorum & uacciorum, «défauts des jambes torses, tournées vers le dehors ou le dedans», et de ce fait inapplicables à un défaut de prononciation, contrairement à l'opinion d'Érasme qui appelle blaesi les balbi (bègues) atteints de tpaoÂ6triç ou de tpaoÂt0'µ6ç.
L'utilisation de ces termes n'est pas gratuite: Scaliger s'engage ici dans une discussion technique avec l 'Érasme du De recta pronuntiatione et s'attache à redéfinir et à reclasser les termes. S'il ne les transcrit pas, pour la plupart, c'est sans doute parce que, conscient des problèmes très techniques posés par ces termes - ce qui n'exclut pas que ces problèmes soient toujours actuels et importants pour ses contemporains (v. les allusions aux langues vernaculaires)-, il ne juge pas utile de leur trouver un correspondant exact en latin, se contentant par ex. d'un générique balbi (et non blaesi), enfermant notamment les personnes atteintes de «traulisme». À l'inverse, dans le traitement des altérations affectant le signifiant (v. traditionnellement les figures du métaplasme: 35-36) et, pour les altérations de la syllabe (93 sv.), Scaliger latinise les termes, en refusant leur simple translittération, pourtant admise depuis longtemps, et crée systématiquement un calque, selon le tableau (simplifié [v. Jensen 1990: 124]) suivant: [ 1O] Changement affectant A. la substance a. changement par élimination (abolitio [générique]) (1, 19) aphaeresis remplacé par: ablatio syncope concisio
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apocope b. changement metabole c. changement prosthesis epenthesis paragoge
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abscissio (v. 2, 51) par transformation mutatio [générique] (1, 20 à 34) par ajout remplacé par: appositio ou praepositio ajout au début remplacé par: interpositio ajout au milieu remplacé par: productio ou appositio ajout à la fin
B. le lieu: changement par déplacement metalhesis remplacé par: translatio (l, 17), transpositio ( J, 17, 18; 2, 51)
Scaliger ne commente pas explicitement ce souci de création, ou de réactivation 11 d'une terminologie proprement latine. Pour l'élaboration de cette dernière, Jensen (1990: 125) évoque, avec réserve, l'influence possible de l'lsagwge (1531) de Sylvius (Jacques Dubois), qui double aussi les termes grecs de traductions latines. En fait, l'exacte correspondance des termes employés par Sylvius et Scaliger plaide pour un emprunt pur et simple: prothesis, id est praepositio; epenthesis, id est interpositio; paragwge, id est productio; aphaereis, id est ablatio; syncope, id est concisio; apocope, id est abscissio; metathesis, id est transpositio (lsagwge 1531: 54-56). L'effet produit est pourtant différent: l'emploi du terme latin unique, auquel Scaliger se tient dans plusieurs chapitres, comme par une sorte de militantisme terminologique, devait apparaître au lecteur du XVIe siècle aussi original qu'il nous le semble encore, puisque ce sont les termes grecs transcrits qui l'ont définitivement emporté sur les calques. Ce souci de latinisation est assez constant: on le retrouve au livre 2 (100) dans la correspondance établie entre üq,tv et coniunctio, ÔtaO'tOÂ.T} et disiunctio, d1t6cnpoq,oç et auersio, deux des termes latins (conldisiunctio) étant déjà utilisés par les grammatici latini, le dernier (auersio) étant une création de Scaliger, ainsi qu'au livre 12 (v. infra 4.5). 4.2. Parties du discours, notions et catégories 4.2.1. Les parties du discours Pour cinq des huit parties du discours, Scaliger donne le correspondant grec du terme latin: - le nom: il ne faut pas le faire remonter à ovoµa, qui serait luimême rattaché à vtµEtv, au sens de «distribuer», qui a produit v6µoç, la «loi» dont la fonction est de distribuer à chacun son dû, mais Scaliger
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La plupan de ces tennes (à l'exception de transpositio) figurent déjà chez les Rrammatici latini, comme gloses des tennes grecs translittérés, ou dans un usage un peu différent.
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profite de l'occasion pour expliquer le terme grec: ovoµa lui-même remonte à *ôvéoµa: [11] Valent beaucoup moins d'être écoutés ceux qui ont fait dériver du grec ovoµa («nom»), à savoir de véµEtv, tout comme v6µoç («loi»), étant donné que le nom restitue à chaque chose son image à la façon dont la loi a distribué son dO à chacun. Or ce n'est pas une bonne dérivation, comme tu peux le voir à la voyelle qu'ils suppriment à la légère. L'ovoµa d'une chose, c'est bien plutôt comme une étiquette, d'après le fait qu'il «aide»: un *ôvéoµa (secours) pour ainsi dire, dont l'usage pOt te permettre de reconmu"trela chose. Voilà pour l'origine du mot. (134-135)
- le pronom: à pronomen correspond dvtrovuµia, «terme un peu excessif» (paulo licentior uox), car il s'applique plus à l'opération de substitution qu'à l'élément substitué: [12] Les Grecs ont exprimé tout à fait la même chose, mais en recourant à un terme quelque peu excessif. Effectivement, l'ô:vrcovuµia n'est pas cela même que l'on met pour un nom, mais la sorte d'action qui fait que nous mettons un nom pour un autre. (256)
- en ce qui concerne le participe (125), alors que le terme grec µetoxit a un sens actif, comme è1toxitqui, chez les astrologues, représente la partie du ciel qui contient (continere) les astres, participium a un sens passif, puisqu'il est formé co~e manicipium, «ce qui est pris avec la main». - aduerbium, l'adverbe (313), porte mal son nom, tout comme è1tippflµa, à l'imitation duquel il a été fait, car «ce n'est pas un régulateur du seul verbe: il l'est aussi du nom» (Verbi temparamentum est, sed Nominis quoque). - pour la conjonction (323), sont évoquées les traductions latines du terme cruvôecrµoç: conuinctio est plus fidèle, mais moins harmonieux que le terme usuel, coniunctio: «en effet, iungere nous est plus doux à dire que uincere», Festus proposant par ailleurs colligatio. Pour des termes aussi établis que les noms des parties du discours, il ne peut s'agir de les réformer, Scaliger se contentant d'évaluer comparativement les deux terminologies - sont donc mauvais les termes aussi bien aduerbium que è1tippflµa, alors qu'dvtrovuµia n'est pas très adapté non plus - ou l'adaptation au latin (bonne traduction de crovôecrµoç), voire de rectifier une étymologie (à la fois pour nomen et onoma). 4.2.2. Notions et catégories Le grec sert aussi à la désignation de notions ou catégories, déjà évoquées à propos de l'utilisation de l'article neutre t6: tCÎ)ôion «en donnant le pourquoi», tCÎ)on «en invoquant le fait», èv tCÎ)yivecr0m «en devenir», èv tCÎ)èKpdv «dans l'écoulement», to cruv (le «avec»), to
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xoù (le «où»). On a également la fxt1v, 200), ou encore directement par xapa (v. supra [7e)), ou pas sub (200, 202). On touche avec elle une catégorie très difficile, que Scaliger, une fois n'est pas coutume, est prêt de concéder aux philosophes: [15) Centenarius, Binarius, Ternarius (au nombre de cent, de deux, de trois), que nous avons également ramenés sous l'fxe1v (quae etiam sub fxe1v reduximus), signifient par leur terminaison une quantité discrète. Cette catégorie, en effet, ne connote pas seulement le nombre, mais également une disposition (habitus) de poids, d'âge ou de rang. Ce sont là des choses très complexes et qui ne peuvent être réellement élucidées que par des philosophes. (202)
Autre terme grec souvent cité, lfüov, «le propre» (6 occurrences), mais pour lequel Scaliger n'a aucune peine à trouver un équivalent latin: proprium, comme le montre [16a):
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[16a] Quand nous disons «est un accident» (Hoc quod dicimus accidere), il s'agit ou bien de ce que les Grecs nomment «le propre» (quod Graeci proprium uocant), ou bien encore, si l'on veut, de la différence qui distingue dans l'univers naturel des espèces déterminées. (88)
Dans les autres exemples, c'est le terme grec qui est utilisé, sans référence à son équivalent latin: [16b] at inter se habent proportionem affectionis, id est potestatis, quam Graeci i-o iotov uocant. - >ont entre elles un rapport d'attribut, c'est-à-dire de valeur phonique, que les Grecs nomment to idion (le propre). (78) [16c] neque id, quod i6tov Graeci uocant, mutabile est, ab essentia enim fluit. - n'est pas non plus modifiable ce que les Grecs nomment idion (propre), car il découle de l'essence. (108) [16d] [à propos de la longueur des voyelles:] Haec est ipsarum substantia: à qua, naturafluit certa quantitatis, quae natura est i-o iôtov, neque unquam fa/lit. -C'est là leur substance, de laquelle découle une nature quantitative déterminée: cette nature, c'est to idion (le propre), et elle n'est jamais trompeuse. (111) [16e] Nominis affectus etiam accidentia appellauere, quoniam Graeci cruµf3sf3rpc6i-a.Verum ita intelligas, non tcotva., sed iôta, quae Quintilianus rectè propria uocat. - Les attributs des noms, ils les ont nommés «accidents» étant donné que les Grecs parlaient de sumbebêkota (accidents). Au vrai, tu peux les entendre comme n'étant pas koina (communs), mais idia (propres), et Quintilien a raison de les appeler «propres». (135) [16t] Fuit & tertia uox, iôtov, quam adderent uni speciei, quae uocarent lôto1ta8rinKa.: ut Ferueo: non sanè inepte: significarunt enim passionem intus manere. - Il y a eu encore un troisième terme: idion (propre), qu'on n'ajoutait qu'à une seule espèce: ceux qu'on appelait idiopathêtika ( « idiopassifs»), ex.ferueo ( «je suis brûlant»), ce qui n'est pas sot du tout, car ils ont signifié que la passion restait interne. (226) [16g] Ajfectiones autem non uariant modorum substantiam: sed eorum i6ta, ut Graeci uocant, quaedam sunt. - Les attributs ne font pas varier la substance des modes, mais sont des idia («propriétés»), comme disent les Grecs. (239)
Toiôtov,
c'est proprium, terme latin que Scaliger utilise sans cesse, notamment dans l'expression de début de phrase Proprium est «C'est une propriété de ... », tout soucieux qu'il est de définir les éléments de la langue, non d'après ce qui les affecte de façon contingente, ce que les autres grammairiens appellent leur accidents, mais d'après leurs propriétés intrinsèques [16e]. Il peut paraître normal que son équivalent grec lui échappe quelquefois, mais en fait c'est plus que cela: ce dernier lui sert à insister sur la notion, à «enfoncer le clou», grâce à la
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caution des Grecs, manifeste dans l'expression Graeci uocant [ 16b] [ 16c] [ 16g]. Seul emploi spécifique, [ l 6f] où le terme est évoqué pour son utilisation, jugée tout à fait légitime, en composition avec -1ta811tuc6ç. 4.3. Les métatermes grecs dans la catégorie du nom (livre 4) 4.3.1. Composés en -vuµov Dans les chap. 4, 91 ( «Enquête sur les espèces des noms d'après les bases de la philosophie» ( 165-168]) et 4, 92 (nature et attributs des noms propres (174-176)), outre un certain nombre de termes touchant de près ou de loin à la philosophie (napà tè>fxew, tè>cruv, litoµa, oùai.a), Scaliger évoque un certain nombre de composés en -vuµov, -a: - un même mot pour plusieurs choses: bµci>wµa est meilleur que aequiuoca, qui est pourtant un aptissimum uocabulum, car bµ&ç signifie «simultanément». et cela autoriserait l'équivalent latin *unonima (165166). - univocum est le terme qui répartit également un même genre entre tous les êtres concernés, ex. animal (être animé); un excellent correspondant grec pour «univoque» est 01>vci>vuµa,dont la traduction exacte serait cognomina: ( l 7a) Vnittoca atttem à Graecis cruvrovuµaprudentissimè: cum nomine enim rem communicabant: non enim tô ouv,coniungit ea sub nomine: sed nomen & nominis rationem. latinè Cognomina rectissimè dicas. «Quant aux univoques, les Grecs les nomment sunônuma («synonymes»), et fort judicieusement s'agissant de termes qui transmettent la chose «avec le nom» : en effet la liaison qu'opère to sun (le «avec») n •est pas celle des êtres en question sous un nom, mais celle du nom et de la raison du nom. En latin, tu peux parler exactement de cognomina». (167)
- plusieurs mots (ex. ensis, spatha, g/adius) pour une même chose: ce sont les contraires des équivoques: [ 17b) Graeci haec noÂ.ürovuµa:quidam è nostris cruvrovuµafalso. Fortasse autem exp/icatius essent /ocuti Graeci, si µovrovuµa appellassent, quae solo nomine extarent indicantia res diuersas.
«, les Grecs les appelaient poluônuma, certains des nôtres sunônuma, à tort. Mais peut-être les Grecs se seraient-ils exprimés plus clairement en appelant *monônuma ceux qui, sous un seul nom, se seraient trouvés désigner des réalités (res) différentes». (168)
Au chap. 92, Scaliger juge que napci>vuµa reçoit une bonne traduction par denominatiua, alors que ènci>vuµov (et èmovuµia) correspond à
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cognomen et EMAmÈRE. Paris: Champion, 1998)
Lillérature secondaire
BARATIN, Marc. 1989. La naissance de la syntaxe à Rome. Paris: Minuit. COLOMBAT, Bernard. 1989a. « Le livre XII du De cousis linguae Latinae (1540): Jules-César Scaliger et la syntaxe figurée ,._ ln: K. D. Dt.rrZ(ed.), Specu/um historiographiae linguisticae, 77-94. Münster: Nodus. -. 1989b. «Le vocabulaire des figures de construction à la Renaissance». In: Rhétorique et discours critiques, échanges entre langue et métalangues, 41-58. Paris: PENS. 1993. Les figures de construction dans la syntaxe latine (1500-1780). Louvain: Peeters. -. 1999. La grammaire latine en France à la Renaissance et à /'Âge classique: théorie.'ïet pédagogie. Grenoble: Ellug. FLOBERT, Pierre. 1975. Les verbes déponents latins des origines à Charlemagne. Paris: Les Belles Lettres. JENSEN,Kristian. 1990. Rhetorical Philosophy and Philosophical Grammar: Julius Caesar Scaliger's Theory of Language. München: Fink. LARDET, Pierre. 1986a. «Jules-César Scaliger analyste des 'parties du discours': la notion de dictio». ln: J. CUBELIER DEBEYNAC-M.MAGNIEN (edd.), Acta Scaligeriana, 181-206. Agen: Société Académique. 1986b. «L'aristotélisme 'pérégrin' de Jules-César Scaliger». Les Études philosophiques 3. 349-369. -. 1988. «Scaliger lecteur de Linacre». In: 1.ROSIER (ed.), L'héritage des grammairiens latins, de /'Antiquité aux Lumières, 303-323. Louvain: Peeters. 1990. «Grammaire et philosophie chez Jules-César Scaliger,-.. In: H.-J. (edd.), History and Historiography of Linguistics, NIEDEREHE - K. KOERNER vol. 1, 261-273. Amsterdam: Benjamins. -. 2005. «Langues de savoir et savoirs de la langue: la refondation du latin dans le De cousis linguae Latinae de Jules-César Scaliger (1540),-.. In: E. BURY(ed.), 'Tous vos gens à latin'. Le latin, langue savante, langue mondaine (X/V,.-XVII,.siècles), 69-112. Genève: Droz. STÉFANINI, Jean. 1994. Histoire de la grammaire. Textes réunis par V. XATARD. Paris: CNRS.
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ANNEXE I: VOCABULAIREMÉTALINGUISTIQUEGREC DU DE CAUSIS19 Sommaire de l'ouvrage (éd. de 1540, 13 livres et 193 chapitres): Livre 1 [la lettre], chap. 1-47, p. 1-86; livre 2 [la syllabe], chap. 48-65, p. 87-112; livre 3 [le mot, dictio],chap. 66-75, p. 113-133; livre 4 [le nom], chap. 76-109, p. 134-218; livre 5 [le verbe], chap. 110..126, p. 219-254; livre 6 [le pronom], chap. 127-139, p. 255-283; livre 7 [le participe], chap. 140-150, p. 284-298; livre 8 [la préposition], chap. 151-157, p. 299-311; livre 9 [l'adverbe], chap. 158-161, p. 312-318; livre 10 [l'interjection], chap. 162-164, p. 319-322; livre 11 [la conjonction], chap. 165-175, p. 323-331; livre 12 [la figure], chap. 176184, p. 332-340; livre 13 [étymologie et analogie], chap. 185-193, p. 341-352. aio-8ri01.ç (sensibilité): 197 alo-8rinK6v (sensible): 197 alnanK11 (accusatif [litt. «causatif»]): 151 dKpo8&nK6v ( «acrothétique» ): 205 dÀÂ.ftÂ.ooç(les uns les autres [rapport réciproque]), v. inter se: 272 dÀÂ.oi.comç (altération), v. alteratio:215 dva6i1tÂ.'YIC pt tl KOV
4.3.2 2,3 2 2 3, 4.2.1 4.3.2, 4.4 2,3 2, 3, 4.1 3 2, 4.1 2 4.1 2,4.4 2,3,4.1 4.3.1 2 2 2 4.2.1 4.3.1 4.3.1 4.3.2, 4.4 2 2 4.2.1 4.3.2 2, 3, 4.3.1 2, 4.2.1 (*ôvfoµa) 2 2, 4.3.1 3, 4.3.1
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2 4.2.2
2 4.3.2
LE GREC DANS LA TERMINOLOGIEDE J.-C. SCALIGER
Ol>µl3&l3111emc; [sic] cruvÔ&VCOWJ10V tpaUÂ.tOVOÇ 1tapÉÂ.KOV/ JtEJ)lCJCJ'OV (t1ti8EtOV)297 1tapév8ecr1ç79 (n. 9) 1tape1t6µeva57 - toû ôv6µatoç 349-350 1tap6µ01ov44 1tapoçuvecr8m249 1tapvuµoç 64, 120 1tapq>x'lµévoç- xpovoç 1tatprovuµ11c:6ç - 5voµa 1ttvta1ttcotoç - 5voµa 1tt1tOt'1µévoç- 5voµa 249 1tEJ)l0'1tàcr8m 1ttp1cr1tci>µevoç 380 - 1tpocrq>ôia, t6voç 1tEJ)lCJCJ'OV, voir 1tapéÂ.KOV 1tÂ.a-y1oç - Jttromç 66 1tÂ.'19Uvtl1COÇ JtVEÛµa116 - ÔaCJ'\.l 257, 267 - 'fllÂ.OV 257, 267 1tVEUµatuc:6ç - JtJ)OCJq>Ôiat JtO\Ot'lÇ74, 163, 172-173, 177-178. 286
noÂ.uci>vuµoç 120-121. 123-124, 130132 - 5voµa
1tOCJ'OtT)Ç 163, 166, 178 - cruÂ.Â.apijç 344-345 (n. 6), 354 npà-yµa 23 1tpoaip&mç388 1tp69tmç 384 1tpoK&Â.eooµan1c:6ç 45 1tJ)OÂ.'l'fllÇ381, 386, 388
1tpo1tofücrµ6ç308 1tpOO'T)-yopia - tm9EtlKTl301 1tpOO'T)-yop11c:6ç - tlôoç, 6voµa 1tp6çn (fxov) 311-312 - 6voµa 1tp6ç ti nroç fxov - 6voµa 1tpocrcpôia245-270, 382, 384 - papeia 253-255, 257 - Ppaxeia 59, 257 - ôacr&ia 234, 253-255, 257, 259260, 266
-µaKpa 257 - ôçEia 59, 253-255, 257 -1t&ptcr1tcoµéVT) 60, 253-255, 257 - 'fl\Â.11 253-255, 257, 259-260, 266 7tJ)OCJq>Ôlat
- 1tveuµanx:ai 264 - tOVl1CQl 264
- xpov1x:ai264 1tpota1Ctl1COÇ - lip9pov npotacrcr6µevoç - lip9pov npci>t'l8émç 196 1tprot6tu1toç306 - 5voµa Jttromç 37, 344-345 (n. 6), 350, 353354
- alnatlKTl 385 - 'Y&Vl1CT) 67,
385
- &Ô8Eia59 - lôtOt11Cll 385 - 1CÂ.T1n1c:11 385 - ôvoµacrtlKll 57, 67, 385 - ôp9ti 59 - nï..a-ytoç59 - 7ttCOtl1COÇ 271 (>iiµa383-384 - à1to8tt11C6v75-78 - ànoÂ.eÂ.uµévov212-214, 217 - èVEP'Y'ltl1COV 212 - µécrov 218-220 - oùôét&pov 212-214, 217 - 1ta8'1t11C6v 212 - u1tap1Cîl1COV 74, 217
434
L. BASSET - F. BIVILLE - B. COLOMBAT- P. SWIGGERS - A. WOUTERS
O'llvcowµoc;64, 119-132 - ôvoµa crxe-rÀ.iacrnK6c; - tnippriµa crxftµa 232, 344-345 (n. 6), 350, 353354 - 'AAKµav1K6v 41 -À.oyou 41 - 0"6v0ewv 61 crroµa 108 crroµanK6c;65 'tClO'lÇ 246-248 'tUll'tO'tTIÇ 7tÀ.BlOVO>V À.oyrov333 -raô-rcowµoc;120 'tBÀ.BÎOÇ 59 - è1tl't'UO'\Ç -reÀ.eu-raioc; - O'l>À.À.aP11 'tBÀ.lKOc;/-Kroç 86-88 'tÉÀ.OÇ 86-88, 309 -re-rayµtvov - loii;i 293, 300 -re-rpan-rro-roc; - ôvoµa 'tÉXVTI37 - ypaµµanKT) 192-199,324, 336 wv1K6c; - npocrq,oim -r6voc;344-345 (n. 6), 354 390 -aopoc; 249 - J3paxeïa59 -Ka0apa 59 - J3ap6c; 264 - µaKpa 59 - lcrxvoc;249 - napa-rÉÀ.eu-roc;344-345 (n. 6), - µtcroc; 249 353-354 - 61;6c;264 - 'tBÀ.Bt>'taia 59 -6p06c; 249 O'UÀ.À.Tl'l'lÇ 163-165,167-168,170-174, - 1tep1crncoµevoc; 264 381,386 'tl)U'YlKOÇ 48 O'llµJ3ePriK6ç 349-351 'tj)l'YBVT)Ç 198 cruµnÀ.oK~ À.oyrov ô.KoÀ.o60rov329 -rpin-rro-roc; - ôvoµa (n. 27) -rp61toc;299 0"6µ0'\Ç 209 ô1t6Çw!;1c;381 O'l>VBO"taÀ.µÉvoc; -