ANNADROIT LMD - DROIT ADMINISTRATIF GÉNÉRAL - 16ÈME ÉDITION 2297039816, 9782297039819


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French Pages 144 [149] Year 2014

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Table of contents :
Présentation de l’éditeur
Sommaire
1 - Dissertation
Sujet : « Le rôle du préfet »
Corrigé proposé par les auteurs
2 - Questionnaire à choix multiples
Questions
Corrigé proposé par les auteurs
3 - Questions à réponses courtes
Questions
Corrigé proposé par les auteurs
4 - Cas pratique
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
5 - Dissertation
Sujet : Les différents procédés de gestion du service public.
Corrigé proposé par les auteurs
6 - Cas pratique
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
7 - Dissertation
Sujet : La police administrative et la police judiciaire
Corrigé proposé par les auteurs
8 - Commentaire d’arrêt
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
9 - Dissertation
Sujet : "La question prioritaire de constitutionnalité devant la juridiction administrative"
Corrigé proposé par les auteurs
10 - Cas pratique
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
11 - Questions réponses ouvertes courtes
Questions
Corrigé proposé par les auteurs
12 - Cas pratique
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
13 - Questions réponses ouvertes courtes
Questions
Corrigé proposé par les auteurs
14 - Dissertation
Sujet : "Le juge judiciaire est-il exclu du contrôle des actes des personnes publiques ?"
Corrigé proposé par les auteurs
15 - Commentaire d'arrêt dirigé
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
16 - Commentaire d'arrêt
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
17 - Dissertation
Sujet : "L’effectivité des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir"
Corrigé proposé par les auteurs
18 - Commentaire d'arrêt dirigé
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
19 - Cas pratique
Énoncé
Corrigé proposé par les auteurs
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ANNADROIT LMD - DROIT ADMINISTRATIF GÉNÉRAL - 16ÈME ÉDITION
 2297039816, 9782297039819

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Un ensemble construit, cohérent et complet en matière d’annales corrigées : • les sujets ont été choisis parmi ceux récemment posés dans la plupart des facultés de droit de France ; • tous les corrigés ont été rédigés par l’équipe pédagogique qui anime chaque livre ; ils vous donnent ce que doit contenir une excellente copie le jour de l’examen ; • des sujets d’actualité, composés spécialement par les auteurs, sont ajoutés pour tenir compte de « ce qui bouge » et de ce qui est « nouveau » ; • l’ensemble du programme de la matière est couvert ; • tous les types d’épreuves qui peuvent vous être posés le jour de l’examen sont traités.

Pour bien préparer vos travaux dirigés et réussir vos examens de fin de 1er et 2e semestres en L 1 et L 2

Licence • Master • Doctorat

Prix : 15,50 € ISBN 978-2-297-03981-9

www.lextenso-editions.fr

ANNADROIT LMD

2015

Le contenu du livre

2015

Annales corrigées

19

sujets d’annales et d’actualité avec conseils et corrigés pour vous préparer aux épreuves

droit administratif général

Annales corrigées

Frédéric Colin Nicolas Font

ANNADROIT lmd

droit administratif général

Fac • UNIVERSITÉS

ANNADROIT lmd

Annales corrigées 2015

droit administratif général Frédéric Colin • Nicolas Font Licence de droit 2 e année

Fac • UNIVERSITÉS

ANNADROIT lmd

Annales corrigées 2015

droit administratif général Frédéric COLIN • Nicolas FONT Licence de droit 2 e année

Frédéric COLIN est Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université.

Nicolas FONT est Maître de conférences à l’Université de Nîmes et Directeur du département « Droit, Économie et Gestion ». 

Retrouvez l’actualité

Gualino éditeur sur Facebook

© Gualino éditeur, Lextenso éditions 2014 70, rue du Gouverneur Général Éboué 92131 Issy-les-Moulineaux cedex ISBN 978 - 2 - 297 - 03981 - 9 ISSN 1624-981X

AnnaDroit2015 présentation de l’éditeur La collection « AnnaDroit LMD » est composée de 4 titres consacrés aux matières principales de la licence en droit (L1 et L2). Son objectif : vous préparer efficacement aux épreuves 2015 de vos examens. Pour cela, il fallait vous rendre plus facilement accessible un outil de travail qui constitue un ensemble construit, cohérent et complet en matière de sujets d’examen avec leurs corrigés. C’est ce qui a été réalisé en conservant les caractéristiques qui ont fait le succès des éditions précédentes et en y ajoutant de nouvelles ; ainsi : - les sujets ont été choisis parmi ceux récemment posés dans la plupart des facultés de droit de France ; - tous les corrigés ont été rédigés par les mêmes auteurs dans l’esprit de vous donner ce que doit contenir une excellente copie le jour de l’examen ; - des sujets d’actualité, composés spécialement par les auteurs, ont été ajoutés pour tenir compte de  ce qui « bouge » et de ce qui est « nouveau » ; - l’ensemble du programme de la matière est couvert ; - tous les types d’épreuves qui peuvent vous être posés le jour de l’examen sont traités ; - avec de nombreux conseils, généraux en début de livre, plus spécifiques tout au long des corrigés ; - le nouveau format est plus compact, le nouveau prix est plus accessible, la publication est avancée pour être disponible dès le jour de la rentrée… Rendue ainsi plus accessible, l’édition 2015 des « AnnaDroit LMD » va être votre compagnon de route tout au long l’année universitaire ; chaque livre vous aidera à bien préparer vos travaux dirigés et à réussir vos examens de fin des 1er et 2e semestres.

AnnaDroit2015 sommaire 1 – L’organisation administrative Sujet 1. Dissertation : « Le rôle du préfet » Sujet 2. Questionnaire à choix multiples : « Organisation de l’administration » Sujet 3. Questions à réponses courtes : « Institutions administratives »

9 17 33

2 – Le service public Sujet 4. Cas pratique : « La Société «Bien chez moi » Sujet 5. Dissertation : « Les différents procédés de gestion du service public »

37 41

3 – La police administrative Sujet 6. Cas pratique : « Le pouvoir de police du Premier ministre » Sujet 7. Dissertation : « La police administrative et la police judiciaire »

47 51

4 – Les sources du droit administratif Sujet 8. Commentaire d’arrêt : « CE, 10 octobre 2013, Fédération française de gymnastique » 57 Sujet 9. Dissertation : « La question prioritaire de constitutionnalité devant la juridiction administrative » 67

AnnaDroit2015 5

sommaire

5 – L’acte administratif unilatéral Sujet 10. Cas pratique : « Du tracas pour mademoiselle Apél » Sujet 11. Questions à réponses courtes : « Nature et régime de l’acte administratif »

73 79

6 – Le contrat administratif Sujet 12. Cas pratique : « À la commune de Bellefontaine » Sujet 13. Questions réponses ouvertes courtes : « Nature et régime du contrat administratif »

82 91

7 – La compétence de la juridiction administrative Sujet 14. Dissertation : « Le juge judiciaire est-il exclu du contrôle des actes des personnes publiques » 97 Sujet 15. Commentaire d’arrêt dirigé : « T. confl., 9 juin 1986, Préfet du Bas-Rhin » 105 8 – Les recours contentieux Sujet 16. Commentaire d’arrêt : « CE, Ass., 23 décembre 2011, Danthony et autres » Sujet 17. Dissertation : « L’effectivité des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir »

113 123

9 – La responsabilité administrative Sujet 18. Commentaire d’arrêt dirigé : « CAA Bordeaux, 1er avril 2008, Consorts Thiault, Roger et Sabiron » Sujet 19. Cas pratique : « Les règles d’engagement de la responsabilité »

131 141

Annales corrigées pour la préparation des examens

2015

1

dissertation

Sujet : « Le rôle du préfet » Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

corrigé proposé par les auteurs Le préfet a été créé par Napoléon Bonaparte juste après la Révolution française, en 1800, dans le but d’organiser et de diriger un « ordre civil » dédié à l’exécution des directives de l’administration centrale, essentiellement en matière de prévention des troubles à l’ordre public. Avant la décentralisation, le préfet cumulait la fonction de direction de l’administration déconcentrée de l’État, et d’exécutif local. La Décentralisation, appelée à être mise en œuvre par la Constitution de 1958, dont l’article 72, al. 3 dispose que « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences », va entraîner une reconfiguration profonde du rôle du préfet, recentré sur une fonction de collaboration avec des collectivités territoriales bénéficiant de transferts de compétence de la part de l’État.

DROIT administratif

2015AnnaDroit 10

Le préfet est le seul fonctionnaire dont les missions sont définies dans la Constitution, même si c’est de façon succincte. Ainsi, l’article 72, al. 6 de la Constitution dispose que « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Cette formulation résume bien la dichotomie du rôle du préfet, à la fois représentant de l’État, déconcentré, et aussi l’incarnation, désormais, d’une République décentralisée.

1. Le préfet, pivot de la déconcentration L’institution préfectorale a été créée par Bonaparte, par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), les préfets étant alors « seuls chargés de l’administration » de l’État dans le département. Leur rattachement au pouvoir exécutif en a fait le symbole de la déconcentration.

A) Le préfet, représentant du gouvernement La proximité du préfet avec le pouvoir exécutif est évidente, et peut se rattacher directement à l’article 13 de la Constitution, en vertu duquel le président de la République nomme en conseil des ministres les préfets, sur proposition du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur. L’emploi est donc dit « à la décision du gouvernement », révocable à tout moment. C’est donc un haut fonctionnaire, géré par les services du ministère de l’Intérieur. Il est le « dépositaire de l’autorité de l’État dans le département ». Ceci implique des limitations importantes dans les droits statutaires. Ainsi, les préfets n’ont ni le droit syndical (mais bénéficient du droit d’association), ni le droit de grève. Leurs attributions sont développées par la loi du 2 mars 1982, par le décret du 29 avril 2004, et la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales. Le préfet est responsable de l’ordre public : il détient des pouvoirs de police administrative générale pour la préservation du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité, et de la salubrité publique dans le département (quand le champ d’application de la mesure excède le territoire d’une seule commune, ou en cas de carence d’un maire après mise en demeure lorsqu’une seule commune est en cause). Dans les communes qui ont un commissariat de police nationale, le préfet est seul compétent pour réprimer les atteintes à la tranquillité publique et a la charge du bon ordre pour les grands rassemblements occasionnels. Il dispose aussi de nombreuses polices spéciales (fermeture temporaire des débits de boisson à titre de sanction ; suspension du permis de conduire…).

AnnaDroit2015 11

sujet n°1 • dissertation

Il peut disposer de pouvoirs exceptionnels limitant l’exercice des libertés publiques (interdiction de circuler, de se rassembler, de séjourner, assignation à résidence, fermeture des lieux publics…) lors de périodes d’état d’urgence. Il est responsable, dans les conditions fixées par les lois et règlements relatifs à l’organisation de la défense, de la préparation et de l’exécution des mesures de défense qui n’ont pas un caractère militaire. Il est le représentant direct du Premier ministre et de chaque ministre dans le département. Il met en œuvre les politiques gouvernementales de développement et d’aménagement du territoire à l’échelle du département (art. 72, al. 6, Const.). À ce titre, il a comme responsabilité, notamment, la prévention et la lutte contre la délinquance, et la protection des populations, par exemple contre les catastrophes naturelles et les risques technologiques. Il doit se rendre disponible en permanence, ne pouvant quitter son département que sur autorisation du ministère. Il gère les investissements publics de l’État dans le département, négocie et conclut au nom de l’État des contrats, et représente l’État en justice. Il dispose du pouvoir de prendre des décisions administratives individuelles (p. ex. en matière de droit des étrangers). Ses missions administratives sont très nombreuses (plus d’un millier de compétences juridiques). Ainsi, il assure la direction d’interventions liées à la réalisation de risques (dispositif ORSEC) ; il met en œuvre les politiques nationales et communautaires, notamment pour le développement et l’aménagement du territoire. Il a aussi pour rôle d’expliquer la politique gouvernementale tant à la population qu’aux élus locaux (fonction de « relations publiques du gouvernement »). Symétriquement, il informe le gouvernement des réactions que provoque sa politique sur le terrain.

B) Le préfet, chef de l’administration locale de l’État Pour mener à bien ses missions, le préfet peut mobiliser tous les services civils de l’État dans sa circonscription. Au sein de la préfecture, pour l’aider, il dispose d’un « état major », le cabinet, dirigé par un directeur de cabinet, qui assiste le préfet pour le maintien de l’ordre public, coordonne l’action de la Préfecture et des services d’urgence dans le cadre de la gestion des crises, et est chargé des relations publiques. Il est aussi assisté par un ou plusieurs chargés de mission, et surtout par un secrétariat général, dirigé par un secrétaire général de préfecture, à la tête des services de la préfecture, et qui peut bénéficier de délégations « en toutes matières ». Le Secrétaire Général assure la

DROIT administratif

2015AnnaDroit 12

gestion interne de la Préfecture (personnel, finances) ; l’intérim en cas d’absence du préfet ; la coordination des politiques économiques et interministérielles ; la gestion des relations avec les élus notamment dans le cadre du contrôle de la légalité des actes réglementaires des collectivités territoriales ; la délivrance des titres nécessaires à la libre circulation des personnes. La préfecture est par ailleurs divisée en directions, dont l’organisation a subi un profond renouvellement, dans le cadre d’un regroupement opéré en 2010. Au niveau départemental, les services administratifs s’organiseront autour de trois grandes « directions départementales interministérielles » : la direction départementale de la protection de la population (DDPP : p. ex. protection des achats et de la sécurité des consommateurs) ; celle de la cohésion sociale (DDCS : cohésion sociale, de la jeunesse, des sports, de la vie associative et de l’éducation populaire.) (directions qui ont vocation à fusionner dans les départements de moins de 400 000 habitants) ; et la direction départementale des territoires (DDT ; et de la Mer pour les départements ayant un littoral). Les directions sont elles-mêmes divisées en bureaux (état civil, étrangers…). Enfin, le préfet est assisté dans chaque arrondissement par un sous-préfet, qui a vocation à recevoir délégation de signature du préfet pour toutes les matières intéressant son arrondissement. Les remarques évoquées ci-dessus concernaient essentiellement le préfet de département. Il faut noter, pour conclure, qu’il existe aussi des préfets de régions. Le préfet de région est le préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région. Il est donc simultanément préfet d’un département et préfet de la région (« dédoublement fonctionnel »). Il est devenu le supérieur des préfets de département, via la consécration d’un « pouvoir d’évocation ». Il dirige les services déconcentrés des administrations civiles de l’État dans la région. Son rôle consiste à coordonner la politique de l’État dans la région en matière d’aménagement du territoire et de développement économique, de développement rural, d’environnement et de développement durable, de culture, d’emploi, de logement, de rénovation urbaine, de santé publique sous réserve des compétences de l’agence régionale de l’hospitalisation.

2. Le préfet, garant de la décentralisation La mise en place de la décentralisation a profondément modifié la place du préfet dans les institutions, en faisant de lui le premier collaborateur juridique des collectivités territoriales.

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sujet n°1 • dissertation

A) La mission de contrôle des actes des collectivités territoriales Le préfet exerçait auparavant un contrôle dit « a priori » sur les actes administratifs des collectivités territoriales, qui a été supprimé par la loi de décentralisation du 2 mars 1982. Désormais, il exerce un contrôle dit « a posteriori », c’est-à-dire des actes déjà pris par les collectivités territoriales, et transmis à la préfecture pour contrôle. La libre administration des collectivités territoriales (art. 34 et 72, Const.) n’autorise ces dernières (sauf exception) qu’à émettre des actes administratifs, dans le respect du pouvoir réglementaire général du Premier ministre (même si une réforme est en discussion pour octroyer un certain pouvoir réglementaire aux régions). Ce n’est donc pas un « libre gouvernement » donnant un pouvoir législatif aux collectivités territoriales, et cela ne remet pas en cause l’unité de la République. Les collectivités territoriales, en principe toutes dotées par la loi de compétences spécifiques et de structures similaires (assemblée délibérante / exécutif), sont soumises au contrôle administratif de la légalité de leurs actes administratifs, exercé par le préfet, représentant local du pouvoir central, qui peut, si le différend ne se règle pas suite aux échanges avec la collectivité territoriale, « déférer » ces actes au juge administratif (art. 72, al. 6, Const.). Ce contrôle est, on l’a dit, a posteriori, c’est-à-dire qu’il n’intervient qu’une fois que les actes administratifs ont été pris par les autorités décentralisées, et il ne porte que sur la légalité de l’acte administratif contesté, non sur son opportunité. Ce contrôle sur les actes s’est substitué avec les lois de décentralisation à partir de 1982 au contrôle de tutelle, pratiqué dans un système de déconcentration, qui est dit a priori, c’est-à-dire qui peut intervenir avant que l’acte soit pris, et porter sur l’opportunité de l’acte : c’est le système impliqué par le pouvoir hiérarchique. Afin de garantir la réalité de ce contrôle, la loi a prévu que les actes administratifs des collectivités territoriales sont exécutoires de plein droit (c’est-à-dire opposables aux tiers) dès leur publicité régulière (publication, notification régulière ou affichage), et, pour les plus importants, leur transmission et leur réception par le représentant de l’État (loi du 22 juillet 1982). Les actes sont à transmettre au bureau du contrôle de la légalité de la préfecture (par un système de télétransmission en principe). Ce sont notamment : les délibérations des assemblées locales, les actes de police du maire ou de président du conseil général à l’exclusion de celles relatives à la circulation et au stationnement, les actes réglementaires des autorités locales dans tous les autres domaines de compétence, les conventions relatives aux marchés et aux emprunts,

DROIT administratif

2015AnnaDroit 14

les décisions individuelles relatives à la nomination, à l’avancement de grade, aux sanctions et au licenciement des agents publics locaux (au total, plus de 5 millions d’actes transmis par an). Si le préfet estime l’acte illégal, il en informe l’autorité décentralisée au moyen d’une lettre d’observation. La collectivité territoriale peut alors maintenir son acte, le retirer (suppression rétroactive), ou le modifier conformément à la préconisation du préfet. Si elle maintient sa position, le préfet peut (faculté) saisir le tribunal administratif, dans le délai de deux mois, pour demander l’annulation de l’acte (c’est le « déféré préfectoral »), comme contraire à la légalité. Environ un millier de jugements sont rendus par an en la matière.

B) La mission de contrôle des personnes Il existe aussi un contrôle sur les personnes : on prendra uniquement l’hypothèse de la commune (des principes similaires s’appliquent pour les autres collectivités territoriales). Les conseillers municipaux peuvent à titre individuel être démis d’office de leur mandat s’ils se trouvent, après leur élection, dans une situation d’incompatibilité ou d’inéligibilité : la démission d’office est décidée par le préfet (art. L. 231, C. élect., sur la question, n’a pas été jugé inconstitutionnel : Cons. const., déc. n° 2013-326 QPC du 5 juillet 2013, M. Jean-Louis M.) De façon collective, la dissolution d’un conseil municipal peut être décidée par décret du Président de la République pris en Conseil des ministres ; décret qui doit être motivé et publié au Journal Officiel. S’ensuit la désignation d’une délégation spéciale, dotée de pouvoirs limités aux actes d’administration conservatoire, dans l’attente d’une nouvelle élection du conseil municipal. Le préfet peut aussi convoquer le conseil municipal, sur demande motivée, lorsque le maire en tant qu’agent de l’État refuserait ou négligerait de faire un des actes prescrits par la loi. Le préfet peut y procéder d’office lui-même ou par un délégué spécial. Enfin, le préfet peut suspendre le conseil municipal, en cas d’urgence, pour une durée qui ne peut être supérieure à un mois. Le préfet n’est pas le seul à développer un contrôle sur les collectivités territoriales. On peut aussi mentionner le fait qu’il existe un contrôle financier, mis en œuvre par les chambres régionales et territoriales des comptes (CRC), mais notamment suite à intervention du préfet. Ainsi, chaque collectivité territoriale doit établir et adopter un budget annuel équilibré. Si le budget n’est pas voté avant le 15 avril de l’exercice, le préfet saisit la CRC qui formule alors des propositions de règlement pour que le préfet règle le budget et le rende exécutoire.

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sujet n°1 • dissertation

Si le budget n’est pas voté en équilibre réel, ou si le compte administratif fait apparaître pour l’exercice précédent, un déficit dépassant un certain pourcentage des recettes de fonctionnement, ou si une dépense obligatoire n’a pas été inscrite ou l’a été de manière insuffisante, le préfet peut encore saisir la CRC. Cette dernière lui fait alors des propositions, pour rétablir l’équilibre, si la collectivité ne rectifie pas la situation, ainsi qu’à la collectivité territoriale.

2

Questionnaire à choix multiples (QCM)

Questions à choix multiples : répondre aux questions posées en cochant la ou les bonnes réponses (rem. : il est possible qu’aucune réponse ne soit correcte), ou en rayant la mention « vrai » ou « faux » inadéquate. Durée de l’épreuve: 1 heure 30 Pas de document autorisé

Question n° 1 : Quel texte précise que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus » ? a) L’article 34 de la Constitution b) L’article 72 de la Constitution c) L’article L. 1111-1 du Code Général des Collectivités Territoriales Question n° 2 : La « grande loi communale » sous la IIIe République date du : a) 10 août 1871 b) 24 mai 1872 c) 5 avril 1884

DROIT administratif

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Question n° 3 : La région a été érigée en collectivité territoriale à statut constitutionnel en : a) 1958 b) 1982 c) 2003 d) 2004 Question n° 4 : La décentralisation a spécialisé la commune dans : a) L’intervention économique b) La solidarité c) L’urbanisme Question n° 5 : Choisir dans la liste suivante les actes dont la transmission au préfet pour contrôle de légalité est obligatoire : a) les délibérations des assemblées locales, b) les actes de police du maire, à l’exclusion de ceux relatifs à la circulation et au stationnement c) les actes réglementaires des autorités locales dans tous les autres domaines de compétence que la police d) les conventions relatives aux marchés e) les conventions relatives à l’affermage des services publics administratifs f) les décisions de nomination des agents locaux g) les autorisations d’occupation du sol délivrées par le maire au nom de la commune Question n° 6 : Le préfet a l’obligation de saisir le juge administratif s’il a connaissance de l’illégalité d’un acte administratif d’une collectivité territoriale : a) Vrai b) Faux Question n° 7 : Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est de type : a) Proportionnel b) Majoritaire à 1 tour c) Majoritaire à 2 tours Question n° 8 : Dans les communes de 1 000 habitants et plus, seules peuvent se présenter au second tour les listes qui ont obtenu : a) Au moins 5 % des voix au premier tour b) Au moins 10 % des voix au premier tour c) Au moins 15 % des voix au premier tour

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sujet n°2 • QCM

Question n° 9 : Un ressortissant de l’Union européenne peut être désigné : a) maire b) conseiller municipal c) adjoint au maire Question n° 10 : Une commune de 4 000 habitants compte : a) 19 conseillers municipaux b) 23 conseillers municipaux c) 27 conseillers municipaux Question n° 11 : Les adjoints au maire disposent-ils de pouvoirs propres ? a) Oui b) Non Question n° 12 : Le nombre de vice-présidents de la commission permanente d’un conseil général est limité à : a) 10 % de l’effectif du conseil b) 20 % de l’effectif du conseil c) 30 % de l’effectif du conseil Question n° 13 : Qu’est ce qui caractérise les autorités publiques indépendantes : a) L’absence de personnalité juridique b) L’octroi de la personnalité juridique c) L’autonomie financière d) L’absence de pouvoir de décision Question n° 14 : Quel est l’avis le plus contraignant pour l’administration ? a) L’avis conforme b) L’avis obligatoire c) L’avis facultatif Question n° 15 : Combien de membres compte le Conseil Économique Social et Environnemental ? a) 163 b) 211 c) 233 Question n° 16 : Combien de sections compte le Conseil d’État ? a) 6 b) 7 c) 10

DROIT administratif

2015AnnaDroit 20

Question n° 17 : La consultation du Conseil d’État sur les projets de loi est : a) Facultative b) Obligatoire Question n° 18 : Lorsque la mention « le Conseil d’État entendu » figure dans les visas d’un décret, cela signifie qu’il s’agit d’une consultation : a) Facultative b) Obligatoire Question n° 19 : Quelle est la circonscription de droit commun de la déconcentration ? a) L’arrondissement b) Le département c) La région Question n° 20 : La déconcentration garantit : a) L’unité de la République b) L’égalité c) La diversité des territoires Question n° 21 : L’institution préfectorale a été créée par : a) La Constitution de l’an I b) La Constitution de l’an VIII c) La loi du 28 pluviôse de l’an VIII Question n° 22 : Les missions du préfet figurent dans : a) Le décret du 29 juillet 1964 b) Le décret du 29 avril 2004 c) La loi du 13 août 2004 Question n° 23 : Le préfet de département est chargé du contrôle administratif de la légalité des actes administratifs : a) Des communes du département b) Du département c) De la région Question n° 24 : Le préfet représente chacun des ministres au plan local : a) Vrai b) Faux

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sujet n°2 • QCM

Question n° 25 : De 1972 à 1982, l’exécutif de la Région est : a) Le préfet de département b) Le préfet de région c) Le président du conseil régional Question n° 26 : Un établissement public de coopération intercommunale est un établissement public : a) Administratif b) Industriel et commercial Question n° 27 : Le syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre : a) Vrai b) Faux Question n° 28 : Une communauté d’agglomération a : a) 2 blocs de compétence obligatoire b) 4 blocs de compétence obligatoire c) 6 blocs de compétence obligatoire Question n° 29 : Un service en régie dispose de la personnalité juridique a) Vrai b) Faux Question n° 30 : Un établissement public industriel et commercial est une personne morale de droit privé a) Vrai b) Faux Question n° 31 : Quels sont les « services à compétence nationale » dans la liste suivante ? a) La préfecture du Gard b) Le service central d’état civil c) Les Archives nationales d) Le ministère du travail Question n° 32 : La dissolution d’un conseil municipal peut être prononcée par : a) arrêté du préfet b) décret du Premier ministre c) décret en conseil des ministres

DROIT administratif

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Question n° 33 : Le président peut refuser de signer les ordonnances de l’article 38 de la Constitution qui lui sont présentées : a) Vrai b) Faux Question n° 34 : Le pouvoir réglementaire de droit commun est détenu par : a) Le président de la République b) Le premier ministre c) Chaque ministre d) Le maire Question n° 35 : Le secrétariat général du gouvernement : a) assure la continuité administrative du travail du gouvernement b) veille au respect de la légalité par le gouvernement c) coordonne le processus de décisionnel gouvernemental d) assure la gestion des services rattachés au Premier ministre Question n° 36 : La délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar) : a) Participe à l’élaboration des stratégies nationales d’attractivité économique et de compétitivité des territoires b) Participe à l’élaboration des stratégies nationales et politiques de cohésion et de développement durable des territoires c) Soutient les territoires confrontés aux mutations économiques et aux restructurations de Défense d) Prépare les programmes destinés à promouvoir un aménagement équilibré et durable des territoires Question n° 37 : Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) est rattaché : a) au Premier ministre b) au ministre de l’Économie c) au ministre du Budget Question n° 38 : Quel est le titre générique des directions fonctionnelles des préfectures ? a) Directions départementales ministérielles b) Directions départementales interministérielles c) Directions départementales déconcentrées

AnnaDroit2015 23

sujet n°2 • QCM

Question n° 39 : Le comité de l’administration régionale peut être consulté sur : a) les modalités de mise en œuvre territoriale des programmes prévus par la loi organique relative aux lois de finances b) les conditions d’organisation et de fonctionnement des services de l’État dans la région c) la préparation et l’exécution des conventions relevant du niveau régional d) la préparation et l’exécution des conventions d’application des contrats liant l’État et la région Question n° 40 : Le sous-préfet : a) veille au respect des lois et règlements b) concourt au maintien de l’ordre public et à la sécurité des populations c) anime et coordonne l’action, dans l’arrondissement, des services de l’État d) participe à l’exercice du contrôle administratif des collectivités territoriales

corrigé proposé par les auteurs Question n° 1 : Quel texte précise que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus » ? Bonnes réponses : b) L’article 72 de la Constitution et c) L’article L. 1111-1 du Code Général des Collectivités Territoriales L’article 34 de la Constitution dispose quant à lui que « La loi détermine les principes fondamentaux : (…) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; (…) ». L’article L 1111-1 du Code Général des Collectivités Territoriales dispose que « Les communes, les départements et les régions s’administrent librement par des conseils élus. » Question n° 2 : La « grande loi communale » sous la IIIe République date du : Bonne réponse : c) 5 avril 1884 La loi communale du 5 avril 1884 crée un régime uniforme pour les communes, et retient une organisation toujours en place : une assemblée délibérante, le conseil

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municipal, élu au suffrage universel, et un maire doté de compétences exercées à la fois au nom de la commune et au nom de l’État. La loi du 10 août 1871 est relative aux conseils généraux ; elle organise l’élection au suffrage universel du conseil général avec un conseiller général par canton élu pour six ans, et un renouvellement par moitié tous les trois ans. La loi du 24 mai 1872 consacre le passage de la justice retenue à la justice déléguée. Question n° 3 : La région a été érigée en collectivité territoriale à statut constitutionnel en : Bonne réponse : c) 2003 En 1958, la Constitution ne fait référence que de façon générique aux collectivités territoriales. En 1982, l’acte I de la décentralisation est de valeur législative, et intègre les régions. C’est la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République qui fait de la région une collectivité territoriale à statut constitutionnel en l’intégrant à l’article 72 de la Constitution. L’acte II de la décentralisation, en 2004, approfondit au niveau législatif les compétences de la région. Question n° 4 : La décentralisation a spécialisé la commune dans : Bonne réponse : c) L’urbanisme La commune a compétence pour élaborer et mettre en œuvre des documents réglementaires d’urbanisme (plans locaux d’urbanisme (PLU) ; zones d’aménagement concerté - ZAC…), les maires ayant compétence pour délivrer les autorisations individuelles d’urbanisme (p. ex. permis de construire). L’intervention économique est de la compétence de principe de la région, même si les communes peuvent y participer. La solidarité est essentiellement une compétence du département. Question n° 5 : Choisir dans la liste suivante les actes dont la transmission au préfet pour contrôle de légalité est obligatoire : Bonnes réponses : toutes les propositions sont exactes La liste des actes à transmettre a été modifiée à plusieurs reprises, dans le sens de la simplification du travail des préfectures. Elle figure dans les articles L. 2131-1 s. du Code général des collectivités territoriales (v. aussi la circulaire du 7 février 2011).

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sujet n°2 • QCM

Question n° 6 : Le préfet a l’obligation de saisir le juge administratif s’il a connaissance de l’illégalité d’un acte administratif d’une collectivité territoriale : Bonne réponse : b) Faux La loi prévoit que le représentant de l’État dans le département défère au tribunal administratif les actes qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Ce n’est pas une obligation mais une faculté. Mais la carence fautive d’un préfet à s’obstiner à ne pas déférer plusieurs actes illégaux peut entraîner la responsabilité de l’État pour faute lourde (CE, 6 octobre 2000, Commune de SaintFlorent). Une circulaire du 25 janvier 2012 du ministre de l’Intérieur est relative à la définition nationale des actes prioritaires en matière de contrôle de légalité. Question n° 7 : Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin est de type : Bonne réponse : b) Majoritaire à 1 tour L’article L. 252 du code électoral instaure un scrutin majoritaire, plurinominal de liste, à deux tours. Les électeurs peuvent modifier les listes, panacher, ajouter ou supprimer des candidats. Les listes incomplètes et les candidatures individuelles sont autorisées. Une candidature au seul second tour, et dans plusieurs communes, est possible. Au premier tour sont élus les candidats ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et au moins un quart des suffrages des électeurs inscrits. Les suffrages sont décomptés individuellement (par candidat et non par liste). Pour les sièges non pourvus, un second tour est organisé (majorité relative requise). Question n° 8 : Dans les communes de 1 000 habitants et plus seules peuvent se présenter au second tour les listes qui ont obtenu : Bonne réponse : b) Au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour Les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour sont seules autorisées à se maintenir. Elles peuvent fusionner avec d’autres listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. La loi du 17 mai 2013 vient rénover le scrutin aux élections municipales. Question n° 9 : Un ressortissant de l’Union européenne peut être désigné : Bonne réponse : b) conseiller municipal Les ressortissants de l’Union européenne peuvent être électeurs en France (art. 88-3 de la Constitution ; art. LO227-1 s., C. élect.). Ils sont aussi éligibles. Mais l’article LO 2122-4-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « le conseiller municipal qui n’a pas la nationalité française ne peut être élu maire ou adjoint, ni en exercer même temporairement les fonctions ».

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Question n° 10 : Une commune de 4 000 habitants compte : Bonne réponse : c) 27 conseillers municipaux L’article L. 2121-2 du Code général des collectivités territoriales décrit dans un tableau le nombre des membres du conseil municipal des communes en fonction de la population ; pour la tranche de 3 500 à 4 999 habitants, il s’agit de 27 conseillers municipaux. Question n° 11 : Les adjoints au maire disposent-ils de pouvoirs propres ? Bonne réponse : b) Non Les adjoints au maire ne disposent de pouvoirs que par délégation du maire (art. L. 2122-18, CGCT : « Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints »). Question n° 12 : Le nombre de vice-présidents de la commission permanente d’un conseil général est limité à : Bonne réponse : c) 30 % de l’effectif du conseil La commission permanente est composée du président du conseil général, de quatre à quinze vice-présidents, sous réserve que le nombre de ceux-ci ne soit pas supérieur à 30 % de l’effectif du conseil, et éventuellement d’un ou plusieurs autres membres (art. L. 3122-4, CGCT). Question n° 13 : Qu’est ce qui caractérise les autorités publiques indépendantes : Bonne réponse : a) L’absence de personnalité juridique L’absence de personnalité juridique est un critère d’identification des autorités administratives indépendantes. L’octroi de la personnalité juridique ouvre la qualification d’autorité publique indépendante, de même que l’autonomie financière. L’absence de pouvoir de décision est un critère discuté, puisque certaines autorités administratives indépendantes ont un pouvoir de décision. Question n° 14 : Quel est l’avis le plus contraignant pour l’administration ? Bonne réponse : a) L’avis conforme L’avis conforme oblige l’autorité administrative à prendre sa décision dans le même sens que l’avis de l’organisme consulté, sauf à être annulée. L’avis obligatoire oblige à consulter l’organisme qui donne l’avis. Dans le cas d’un avis facultatif, l’administration peut ne pas consulter l’organe consultatif, et n’est pas liée par son avis ; mais elle

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sujet n°2 • QCM

doit procéder à la consultation dans des conditions régulières (CE, Ass., 22 juin 1963, Albert). Question n° 15 : Combien de membres compte le Conseil Économique Social et Environnemental ? Bonne réponse : c) 233 Le Conseil économique, social et environnemental comprend 233 membres, représentants de la société civile, désignés pour un mandat de 5 ans. Question n° 16 : Combien de sections compte le Conseil d’État ? Bonne réponse : b) 7 Il comprend 5 sections administratives : de l’intérieur, des travaux publics, de l’administration, des finances, sociale. Il comprend aussi une section du rapport et des études, et la section du contentieux.

Question n° 17 : La consultation du Conseil d’État sur les projets de loi est : Bonne réponse : b) Obligatoire En vertu de l’article 39, al. 2 de la Constitution, les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées. Question n° 18 : Lorsque la mention « le Conseil d’État entendu » figure dans les visas d’un décret, cela signifie qu’il s’agit d’une consultation : Bonne réponse : b) Obligatoire Les décrets « en Conseil d’État » correspondent aux cas dans lesquels le gouvernement doit recueillir l’avis du Conseil d’État ; à défaut, le texte est illégal. Il s’agit des cas prévus par l’art. 37 de la Constitution, ou si une loi prévoit la consultation. D’autres cas sont envisageables : si un autre décret le prévoit, ou sur volonté du gouvernement. Question n° 19 : Quelle est la circonscription de droit commun de la déconcentration ? Bonne réponse : b) Le département Le département, dirigé par le préfet, a toujours été le cadre privilégié de la déconcentration, cadre d’action de proximité de l’État. L’arrondissement est le cadre d’action de la sous-préfecture. La région a bénéficié d’un rehaussement depuis 2004, puisque le préfet de région est devenu le supérieur des préfets de département. Question n° 20 : La déconcentration garantit : Bonnes réponses : a) L’unité de la République et b) L’égalité

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L’unité de la République sort renforcée d’un cadre déconcentré puisque les services de l’État sont tous identiques sur le territoire. L’égalité est garantie par un fonctionnement uniformisé grâce à des circulaires émanant du ministère de l’intérieur aux préfets. La diversité des territoires quant à elle est incarnée dans la décentralisation. Question n° 21 : L’institution préfectorale a été créée par : Bonne réponse : c) La loi du 28 pluviôse de l’an VIII La loi du 28 pluviôse de l’an VIII (17 février 1800) porte création du corps préfectoral. Son art. 3 disposait que « Le préfet sera chargé seul de l’administration ». Question n° 22 : Les missions du préfet figurent dans : Bonnes réponses : b) Le décret du 29 avril 2004 et c) La loi du 13 août 2004 Le décret du 29 juillet 1964 fixe les dispositions réglementaires applicables aux carrières des préfets. Le décret du 29 avril 2004 est relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements. La loi de décentralisation du 13 août 2004, bien que relative aux libertés et responsabilités locales, décrit les nouvelles responsabilités du préfet de région. Question n° 23 : Le préfet de département est chargé du contrôle administratif de la légalité des actes administratifs : Bonnes réponses : a) Des communes du département et b) Du département Le préfet de département ne peut contrôler une collectivité dont le territoire excède celui de sa propre compétence… Question n° 24 : Le préfet représente chacun des ministres au plan local : Bonne réponse : a) Vrai Cf. art. 72, al. 6 de la Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement (…). » Question n° 25 : De 1972 à 1982, l’exécutif de la Région est : Bonne réponse : b) Le préfet de région La région reste un établissement public de 1972 à 1982, son exécutif est donc le préfet de région. Question n° 26 : Un établissement public de coopération intercommunale est un établissement public : Bonne réponse : a) Administratif Leur action est en effet de type social, non marchand ; avec des ressources de type fiscal et non des redevances pour service rendu.

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sujet n°2 • QCM

Question n° 27 : Le syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre : Bonne réponse : b) Faux Le syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale associant des communes en vue d’œuvres ou de services d’intérêt intercommunal. C’est chaque commune qui supporte obligatoirement, dans les conditions fixées par la décision d’institution, les dépenses correspondant aux compétences qu’elle a transférées au syndicat. Question n° 28 : Une communauté d’agglomération a : Bonne réponse : b) 4 blocs de compétence obligatoire Une communauté d’agglomération exerce 4 blocs de compétence obligatoire au niveau communautaire : le développement économique ; l’aménagement de l’espace communautaire ; l’équilibre social de l’habitat ; la politique de la ville dans la communauté. Question n° 29 : Un service en régie dispose de la personnalité juridique Bonne réponse : b) Faux La régie simple se définit en principe justement par l’absence de la personnalité juridique, en tant que mode de gestion directe du service public. La personne publique assure dans ce cas la gestion du service avec son personnel, et ses biens, sur son budget. Question n° 30 : Un établissement public industriel et commercial est une personne morale de droit privé Bonne réponse : b) Faux Même si les conditions d’accomplissement du service répondent à un régime de droit privé (p. ex. relatons professionnelles avec les agents ; relations commerciales avec les usagers), un établissement public industriel et commercial constitue toujours une personne publique. Question n° 31 : Quels sont les services à compétence nationale dans la liste suivante ? Bonnes réponses : b) Le service central d’état civil, c) Les Archives nationales Les services à compétence nationale ont été créés par le décret du 9 mai 1997. Ils ont des missions de conception, d’animation et d’évaluation des politiques publiques, des fonctions de gestion, d’études techniques, des activités de production de biens ou de prestations de services. Ils s’intercalent entre administrations centrales et services déconcentrés.

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Question n° 32 : La dissolution d’un conseil municipal peut être prononcée par : Bonne réponse : c) décret en conseil des ministres En vertu de l’art. L. 2121-6 du CGCT, un conseil municipal ne peut être dissous que par décret motivé rendu en conseil des ministres et publié au Journal officiel. S’il y a urgence, il peut être provisoirement suspendu par arrêté motivé du représentant de l’État dans le département. La durée de la suspension ne peut excéder un mois. Question n° 33 : Le président peut refuser de signer les ordonnances de l’article 38 de la Constitution qui lui sont présentées : Bonne réponse : a) Vrai En vertu de l’art. 13 de la Constitution, « le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres ». Mais contrairement à ce que pourrait laisser penser l’utilisation du présent de l’indicatif dans l’article, le président n’a pas compétence liée. C’est d’ailleurs ce que l’on a connu comme circonstances en 1986 lorsque le président Mitterrand refusa de signer des ordonnances de privatisation présentées par J. Chirac. Question n° 34 : Le pouvoir réglementaire de droit commun est détenu par : Bonne réponse : b) Le Premier ministre Le président de la République dispose simplement d’un pouvoir réglementaire d’exception dans le cadre de l’art. 13 de la Constitution (et éventuellement en période d’application de l’art. 16). Le premier ministre dispose effectivement du pouvoir réglementaire de droit commun en vertu de l’article 21 de la Constitution, qui dispose qu’il « assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires ». Chaque ministre dispose d’une part de pouvoir réglementaire, via la procédure du contreseing, et en qualité de chef de service (CE, sect., 7 février 1936, Jamart). Le maire ne dispose quant à lui que d’un pouvoir réglementaire résiduel, précisé par les textes relatifs à sa fonction. Question n° 35 : Le secrétariat général du gouvernement Bonnes réponses : a) assure la continuité administrative du travail du gouvernement, b) veille au respect de la légalité par le gouvernement, c) coordonne le processus de décisionnel gouvernemental et d) assure la gestion des services rattachés au Premier ministre. Le secrétariat général du gouvernement est un organe administratif chargé d’assurer le bon fonctionnement et la régularité de l’action du gouvernement.

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sujet n°2 • QCM

Question n° 36 : La délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar) : Bonnes réponses : toutes les propositions sont correctes La Datar est une « administration de mission », service du Premier ministre. Créée le 14 janvier 1963, elle est chargée de préparer, impulser et coordonner les politiques d’aménagement du territoire menées par l’État. Question n° 37 : Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) est rattaché : Bonne réponse : a) au Premier ministre Le centre d’analyse stratégique est un organe d’expertise et d’aide à la décision placée auprès du Premier ministre, qui a pour mission d’éclairer le Gouvernement dans la définition et la mise en œuvre de ses orientations stratégiques en matière économique, sociale, environnementale ou technologique. Le CGSP remplace, en vertu du Décret n° 2013-333 du 22 avril 2013, le centre d’analyse stratégique. Question n° 38 : Quel est le titre générique des directions fonctionnelles des préfectures ? Bonne réponse : b) Directions départementales interministérielles Les « Directions départementales interministérielles », organisées par le décret du 3 décembre 2009, sont des services déconcentrés de l’État relevant du Premier ministre, sous l’autorité directe des préfets, qui disposent désormais de seulement deux ou trois DDI : la direction départementale des territoires (et de la mer, sur le littoral) ; la direction départementale de la cohésion sociale ; la direction départementale de la protection des populations. Question n° 39 : Le comité de l’administration régionale peut être consulté sur : Bonnes réponses : toutes les propositions sont correctes Le comité de l’administration régionale (CAR) réunit mensuellement les préfets de département et les chefs de services déconcentrés régionaux de l’État. Le préfet de région le consulte avant d’arrêter les grands axes de sa politique régionale. Le CAR et s’assure de leur application. Il examine les moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques de l’État. Question n° 40 : Le sous-préfet : Bonnes réponses : toutes les propositions sont correctes Les sous-préfectures rendent des services de proximité aux citoyens et constituent des « maisons de l’État » dans l’arrondissement. Elles ont un rôle de conseil auprès des élus locaux, des particuliers, des dirigeants, des associations et des entreprises. Elles sont le lieu de démarches administratives essentielles (immatriculation, passeport, permis de conduire…).

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Questions à réponses courtes

Répondez de façon brève mais circonstanciée aux questions suivantes : 1) Définir l’établissement public 2) Définir le groupement d’intérêt public 3) Comment garantir l’indépendance d’une autorité administrative indépendante ? 4) Citer trois autorités administratives indépendantes 5) Préciser la notion de personne publique « sui generis » 6) Définir la déconcentration 7) Quel est le pouvoir du préfet sur le conseil municipal et ses conseillers ? 8) Quelles sont les fonctions du préfet ? 9) Quelles sont les règles de fonctionnement du Conseil municipal ? 10) Quelles sont les compétences d’attribution de la région ? Durée de l’épreuve : 1 heure

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corrigé proposé par les auteurs

Question n° 1 : Définir l’établissement public Un établissement public est un organisme de droit public doté de la personnalité juridique soumis à un principe de spécialité strict en relation avec l’activité de service public qui lui est confiée, et rattaché à une collectivité publique de tutelle. Question n° 2 : Définir le groupement d’intérêt public Le groupement d’intérêt public (GIP) est une personne morale de droit public, qui regroupe plusieurs autres personnes morales, de droit public et de droit privé, pour gérer de manière concertée une activité de service public, ou gérer des équipements et moyens d’intérêt commun. Ils sont dotés de l’autonomie financière, créés par une convention, pour une durée en principe déterminée. Question n° 3 : Comment garantir l’indépendance d’une autorité administrative indépendante ? On peut garantir l’indépendance d’une autorité administrative indépendante par différents moyens : l’absence de contrôle hiérarchique du Premier ministre ou des ministres de rattachement ; une création par le législateur et non par le pouvoir réglementaire ; une composition collégiale, qui comprend des hauts fonctionnaires, des parlementaires, des personnalités qualifiées, dont le mandat est inamovible. Question n° 4 : Citer trois autorités administratives indépendantes - la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) - la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) - l’Autorité de la concurrence

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sujet n°3 • questions à réponses courtes

Question n° 5 : Préciser la notion de personne publique « sui generis » Il existe plusieurs personnes publiques uniques en leur genre, dites « sui generis », non classables parmi les autres catégories existantes, en raison de leur organisation ou de leurs compétences spécifiques. Il en est ainsi de la Banque de France, de l’Institut universitaire de France et des cinq « Académies » (française, des inscriptions et belleslettres, des sciences, des beaux-arts, et des sciences morales et politiques). Question n° 6 : Définir la déconcentration Il s’agit d’un correctif à la centralisation, qui consiste à répartir le pouvoir de décision administrative, dans le cadre d’une même personne publique, entre l’administration centrale et des représentants locaux de l’État central nommés, soumis à l’exercice du pouvoir hiérarchique et répartis sur l’ensemble du territoire national au sein de circonscriptions administratives. Question n° 7 : Quel est le pouvoir du préfet sur le conseil municipal et ses conseillers ? Les conseillers municipaux peuvent à titre individuel être démis d’office de leur mandat par le préfet s’ils se trouvent, après leur élection, dans une situation d’incompatibilité ou d’inéligibilité. Le préfet peut suspendre le conseil municipal en cas d’urgence, pour une durée qui ne peut être supérieure à un mois. Question n° 8 : Quelles sont les fonctions du préfet ? On peut les résumer par la référence à l’article 72, al. 6 de la Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Il s’agit donc de l’autorité pivot de la déconcentration, dépositaire de l’autorité de l’État. Question n° 9 : Quelles sont les règles de fonctionnement du Conseil municipal ? Le conseil municipal se réunit au minimum une fois par trimestre, en principe à la mairie, ou chaque fois que le maire le juge utile. La convocation mentionne l’ordre du jour et doit être adressée au moins trois jours francs avant la réunion (5 jours pour les communes de 3 500 habitants et plus). Les délibérations du conseil peuvent être préparées par des commissions. Les séances du conseil municipal sont présidées

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par le maire ; elles sont publiques ; cependant, à la demande du maire ou de trois conseillers, le conseil peut décider de se réunir à huis clos. Question n° 10 : Quelles sont les compétences d’attribution de la région ? La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles confirme la clause générale de compétence des régions (art. L. 4433-1, CGCT). La décentralisation a renforcé les pouvoirs de la région, et l’a habilitée dans les domaines suivants : le développement économique, social et culturel de son territoire ; la politique de formation des travailleurs sociaux ; la cohérence des politiques locales de l’habitat ; la « planification » (passation des contrats de plan État/régions - CPER) ; l’enseignement et la recherche (la formation professionnelle, l’apprentissage) ; l’éducation (construction, équipement et dépenses d’entretien des lycées) ; l’environnement (réserve naturelle régionale) ; le développement économique (la région peut accorder des aides aux entreprises) ; les transports (transport ferroviaire de voyageurs - les « TER »).

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cas pratique

La Société « Bien chez moi » veut contester la décision l’arrêté du préfet portant déclaration d’utilité publique l’acquisition d’un l’immeuble de la ville de Paradimmeaux, qui avait passé un contrat avec la SEMAP (Société d’Économie Mixte d’Aménagement de Paradimmeaux) pour « assurer, notamment par des interventions foncières et la conduite d’opérations de réhabilitation lourde, le traitement de secteurs dominés par l’insalubrité «, en demandant notamment la mise en œuvre de procédures d’expropriation auprès de l’autorité compétente. 1) Quelle est la nature juridique de la SEMAP ? 2) Quelles missions peuvent être octroyées à la SEMAP, en vertu de la réglementation ? 3) Quelle est la nature juridique de la mission dont est chargée la SEMAP ? 4) À quelle catégorie de service public rattacher l’activité de la SEMAP ? 5) À quelles conditions la SEMAP et la commune sont-elles soumises lorsqu’elles agissent ? Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

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corrigé proposé par les auteurs

Question n° 1 : Quelle est la nature juridique de la SEMAP ? En tant que Société d’Économie Mixte, la SEMAP constitue une société anonyme de droit privé, dont le capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques (l’État éventuellement ; ou un établissement public, mais vraisemblablement ici une Collectivité territoriale, la commune). La participation publique, majoritaire, est plafonnée à 85 % du capital en vertu de la loi du 2 janvier 2002. Au moins une personne privée doit participer au capital. Le régime des SEM est organisé par les articles L. 1521-1 suivants du Code général des collectivités territoriales. Question n° 2 : Quelles missions peuvent être octroyées à la SEMAP, en vertu de la réglementation ? En vertu du code général des collectivités territoriales, les SEM locales peuvent être créées pour réaliser des opérations d’aménagement, de construction, pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial, ou pour toute autre activité d’intérêt général. Lorsque l’objet de sociétés d’économie mixte locales inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La commune actionnaire d’une SEML dont l’objet social s’inscrit dans le cadre d’une compétence qu’elle a intégralement transférée à un établissement public de coopération intercommunale peut continuer à participer au capital de cette société à condition qu’elle cède à l’établissement public de coopération intercommunale plus des deux tiers des actions qu’elle détenait antérieurement au transfert de compétences. Le capital social doit être au moins égal à 225 000 euros pour les sociétés ayant dans leur objet la construction d’immeubles à usage d’habitation, de bureaux ou de locaux industriels, destinés à la vente ou à la location, et à 150 000 euros pour celles ayant dans leur objet l’aménagement. On peut enfin noter que la loi du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales offre une nouvelle possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements, qui peuvent désormais créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales (SPL), dont ils détiennent la totalité du capital, compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement

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sujet n°4 • cas pratique

d’urbanisme, des opérations de construction, ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général. Question n° 3 : Quelle est la nature juridique de la mission dont est chargée la SEMAP ? La qualification de la gestion d’opérations d’urbanisme peut s’opérer relativement aisément. Il s’agit de vérifier s’il s’agit bien d’un service public, c’est-à-dire d’une activité d’intérêt général ou non. Le service public se définit de façon générale comme un instrument de cohésion sociale (L. Duguit, Traité de droit constitutionnel). Aucun texte de loi en France ne s’est donné pour but de l’identifier de façon générique. C’est donc la juridiction administrative qui l’a défini, de façon empirique, et pour partie subjective : il y a « mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’Administration a entendu lui confier une telle mission » (CE, 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés – APREI ; CE, 6 avr. 2007, Commune d’Aix-enProvence ; application au droit des délégations de service public notamment par : CE, sect., 3 décembre 2010, Ville Paris, Assoc. Paris Jean Bouin, Sté Paris Tennis). En ce qui concerne les opérations d’urbanisme envisagées par la SEMAP, il semble facile de qualifier l’activité, d’intérêt général, évident pour la commune de Paradimmeaux, de service public. D’autant, en l’espèce, qu’il est implicite que l’activité est de la compétence de la commune, qui délègue l’activité en cause : on a la réunion des critères organique et matériel du service public. Question n° 4 : À quelle catégorie de service public rattacher l’activité de la SEMAP ? Il s’agit ici de faire la distinction entre service public administratif et service public industriel et commercial, dont la dichotomie a été consacrée par la décision du Tribunal des conflits du 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain. Dans la période contemporaine, le SPIC a été identifié plus précisément par le juge administratif de façon « négative » : que si, par son objet, par l’origine de ses ressources et par ses modalités de fonctionnement, il ressemble à une entreprise privée (CE, ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques). Le juge exige que ces trois critères soient impérativement et cumulativement remplis pour qu’il y ait SPIC (T. confl., 13 décembre 2010, M. A., n° C3748). En l’occurrence, il suffit de se

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rapporter, malgré le statut de droit privé de la SEMAP, au contenu de la mission qui lui est dévolue pour conclure qu’elle gère un SPA, car les opérations d’aménagement et d’urbanisme liées à la requalification de quartiers en difficulté, sont typiquement celles que l’on peut identifier comme à caractère administratif. D’autant qu’il ne s’agira pas de faire de bénéfices à cette occasion. Question n° 5 : À quelles conditions la SEMAP et la commune sont-elles soumises lorsqu’elles agissent ? En tout état de cause, les collectivités publiques peuvent intervenir dans la sphère économique (CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du Commerce en détail de Nevers), y compris à travers des sociétés délégataires. Mais elles doivent le faire dans le respect des règles de mise en concurrence : « si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l’industrie que du droit de la concurrence ; à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l’initiative privée » ; une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu’en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci (CE, avis, 8 novembre 2000, Sté Jean Louis Bernard Consultants ; CE, ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris). Le Conseil d’État l’a bien précisé lorsqu’il a appliqué le droit des ententes et des abus de position dominante aux personnes publiques (p. ex., CE, 3 févr. 2012, Commune de Veyrier-du-Lac, Communauté d’agglomération d’Annecy). Le Conseil d’État a considérablement assoupli les conditions d’intervention des collectivités territoriales via leur SEM, en précisant que les sociétés d’économie mixte locales peuvent légalement exercer, outre des activités d’aménagement, de construction ou de gestion de services publics, toute activité économique sur un marché concurrentiel pourvu qu’elle réponde à un intérêt général. Si un tel intérêt général peut résulter de la carence ou de l’insuffisance de l’initiative des entreprises détenues majoritairement ou exclusivement par des personnes privées, une telle carence ou une telle insuffisance ne saurait être regardée comme une condition nécessaire de l’intervention d’une société d’économie mixte (SEM) sur un marché. Il y a seulement lieu de rechercher si les activités en cause présentent un intérêt public suffisant (CE, 5 juillet 2010, Syndicat national des agences de voyage).

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dissertation

Sujet : Les différents procédés de gestion du service public. Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

corrigé proposé par les auteurs Les services publics doivent aujourd’hui être gérés de manière optimale, afin de garantir une utilisation efficace des deniers publics. Le choix d’un mode juridique adapté s’avère essentiel. Il y a service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’Administration a entendu mettre en oeuvre une telle mission. La distinction entre service public industriel et commercial et service public administratif ne correspond pas au sujet, qui transcende la nature juridique du service public pour s’intéresser à la technique que peut retenir la personne gérant le service (qu’elle soit publique ou privée).

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Le principe consacré par la jurisprudence est celui de liberté de choix du mode de gestion : le choix d’une gestion directe ou déléguée est une question d’opportunité, non contrôlée par le juge. La diversification des services publics s’est accompagnée d’un accroissement des possibilités de gestion. Le service public est désormais géré aussi bien par des personnes publiques, ce qui est le principe que par des personnes privées, ce qui offre des opportunités de souplesse de gestion, mais nécessite un contrôle strict.

1. La gestion par une personne publique Il faut rappeler dans une petite transition que ces personnes publiques sont essentiellement : l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, les groupements publics.

A) Le principe de la gestion directe : la régie La régie est utilisée en principe pour les actions de souveraineté, ou les services publics obligatoires.

a) La régie directe (ou simple) Trois critères principaux caractérisent les services en régie simple : ils n’ont pas de personnalité juridique propre, ils dépendent directement de la collectivité publique, et enfin, ils n’ont aucune autonomie au plan financier. La régie directe présente l’avantage majeur de permettre une bonne maîtrise des décisions au niveau local, et de conserver une grande simplicité des structures administratives. Ainsi, c’est la solution juridique de principe utilisée par la plupart des services publics administratifs (SPA), c’est-à-dire la voirie, l’aide sociale, la police municipale, l’état civil, ou encore, pour l’État, les actions gérées par les ministères. Les services publics industriels et commerciaux (SPIC), eux, sont a priori contraires à ce mode de gestion, et utilisent souvent la gestion déléguée.

b) La régie « autonome » C’est le cas prévu par le Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour les services publics locaux (SPIC) qui, quel que soit leur mode de gestion, doivent rester équilibrés en dépenses et en recettes L’autonomie de la régie se traduit d’une part

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sujet n°5 • dissertation

par l’existence d’un conseil d’exploitation, d’un directeur et d’autre part, par l’adoption d’un budget autonome. La régie autonome ne bénéficie toujours pas de la personnalité morale. La création d’une régie autonome est décidée par délibération du conseil municipal, qui désigne les membres du conseil d’exploitation sur proposition du maire. Le directeur est nommé par le maire. Le maire reste le représentant légal de la régie. Pour les SPA locaux, les collectivités territoriales peuvent (mais cela reste une faculté) individualiser la gestion d’un SPA relevant de leur compétence par la création d’une régie autonome.

c) La régie « personnalisée » Aux termes de l’article L. 1412-1 du CGCT, les collectivités territoriales, leurs EPCI ou les syndicats mixtes, pour l’exploitation directe d’un SPIC relevant de leur compétence, doivent constituer une régie dotée, soit de la seule autonomie financière, soit de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il s’agit d’une personne morale de droit public dotée d’organes de gestion propres, créée par délibération du conseil municipal. Elle est administrée par un conseil d’administration désigné par le conseil municipal sur proposition du maire. Elle possède en outre un patrimoine distinct de la collectivité et a un budget propre. Le conseil municipal fixe les statuts et le montant de la dotation initiale de la régie. Le conseil d’administration élit son président en son sein. La régie chargée de l’exploitation d’un SPIC, a un directeur qui est son représentant légal et son ordonnateur.

B) Le principe de liberté Cette liberté est reconnue par le juge, et formulée clairement dans un arrêt de principe : « Lorsqu’elles sont responsables d’un service public, des collectivités publiques peuvent donc décider d’en assurer directement la gestion ; elles peuvent, à cette fin, le gérer en simple régie, ou encore, s’il s’agit de collectivités territoriales, dans le cadre d’une régie à laquelle elles ont conféré une autonomie financière et, le cas échéant, une personnalité juridique propre ; elles doivent aussi être regardées comme gérant directement le service public si elles créent à cette fin un organisme dont l’objet statutaire exclusif est, sous réserve d’une diversification purement accessoire, de gérer ce service et si elles exercent sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu’elles exercent sur leurs propres services leur donnant notamment les moyens

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de s’assurer du strict respect de son objet statutaire, cet organisme devant en effet être regardé, alors, comme n’étant pas un opérateur auquel les collectivités publiques ne pourraient faire appel qu’en concluant un contrat de délégation de service public ou un marché public de service ; un tel organisme peut notamment être mis en place lorsque plusieurs collectivités publiques décident de créer et de gérer ensemble un service public » (CE, sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence).

2. Les modes alternatifs : la gestion du service public par une personne privée Cette solution est-elle l’exception ? En effet, on a pu, depuis longtemps, évoquer une crise « organique » du service public (dans le célèbre arrêt CE, 13 mai 1938, Caisse Primaire Aide et protection).

A) La logique de flexibilité a) Des motifs de délégation variés La délégation de service public est une solution ancienne, utilisée fréquemment par les pouvoirs publics, dans différentes optiques. Il s’agit ainsi d’associer les intéressés à la gestion du service les concernant. Les Caisses de Sécurité sociale en sont un exemple caractéristique. L’administration peut aussi chercher à être plus proche des administrés. Ou elle peut souhaiter la recherche d’une plus grande efficacité, en brisant le cloisonnement administratif. Elle peut encore avoir la volonté de créer des organismes ad hoc pour remédier à certaines lenteurs administratives. La délégation, via le recours au droit privé, peut par ailleurs permettre de s’affranchir d’un certain nombre de règles administratives jugées trop contraignantes, comme l’application du statut de la fonction publique, ou de la comptabilité publique. On peut citer deux structures juridiques créées spécialement dans cette optique de faire gérer des activités de service public dans le cadre du droit privé. La société d’économie mixte (SEM) est l’exemple le plus emblématique : il s’agit d’une personne morale de droit privé, qui associe capitaux privés et publics, pour accomplir une mission de service public. Plus récemment, la formule a été modernisée, dans une logique de concordance avec les exigences du droit de l’Union européenne, avec la création de la Société publique locale. Ainsi, la loi du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales donne la possibilité aux collectivités territoriales

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sujet n°5 • dissertation

et leurs groupements de créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des SPL, dont ils détiennent la totalité du capital.

b) Un régime juridique assoupli Le droit applicable est le droit privé en raison de la présence d’une personne privée. Mais inéluctablement, (critique de cette complexité), le droit administratif réapparaît en raison de la finalité de service public. Ainsi, des actes juridiques unilatéraux peuvent être pris dans le cadre de la mission de service public de l’opérateur privé (CE, 13 janvier 1961, Magnier ; CE, 22 novembre 1974, Fédération des industries françaises d’articles de sport ; CE, 12 avril 2013, Fédération Force ouvrière Énergie et Mines et autres). Seuls les contrats dans lesquels l’un des cocontractants au moins est une personne publique peuvent avoir la qualité de contrat administratif. Les contrats conclus par les personnes privées investies d’une mission de service public avec d’autres personnes privées ne peuvent donc être que des contrats de droit privé (CE, 20 avril 1956, Époux Bertin). Le personnel de l’établissement est soumis au droit privé. Enfin, la responsabilité encourue par l’opérateur délégataire privé de service public est sauf exception (défaut de contrôle de la collectivité publique) endossée par l’organisme privé chargé du service public : seul ce dernier peut être poursuivi devant les juridictions judiciaires. Une appréciation mitigée peut être donnée de certaines formules de délégation de service public. En effet, certaines formes juridiques sont factices, les activités étant, en réalité, purement administratives (cas des associations dites « transparentes », complètement sous l’influence de la personne publique). Certaines incertitudes juridiques sont consécutives à ce choix, lorsque le législateur crée des organes sans indiquer leur nature juridique (T. confl., 20 novembre 1961, Centre régional de lutte contre le cancer, Eugène Marquis).

B) Des techniques de délégation de service public variables L’impératif d’ordre public impose de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public (CE, 7 mai 2013, Société auxiliaire de parcs de la région parisienne).

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a) La dévolution unilatérale de service public Le service public peut être conféré par un acte unilatéral : c’est l’hypothèse d’une autorisation donnée à un particulier. C’est le cas, par exemple, des concessions de places dans les halles ou marchés. En principe la dévolution est explicite. Mais elle peut être également implicite, comme le cas de l’autorisation domaniale. Ainsi, une personne publique peut octroyer une autorisation d’occupation du domaine public par des transports en commun (CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois).

b) La délégation contractuelle de service public La délégation de service public (DSP) constitue désormais un cadre privilégié d’action administrative. Elle constitue une catégorie essentielle de contrats, englobant toute une série de contrats : (concession, affermage, régie intéressée). La définition de la délégation de service public est donnée à l’article L. 1411-1 du CGCT qui précise qu’il s’agit d’« un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ». Le cocontractant assume les risques économiques de l’exploitation, critère essentiel de la qualification de DSP. Notons cependant qu’il existe une multitude de contrats administratifs ; même hors délégation de service public. P. ex contrats de partenariat, marchés publics. Possibilité d’ouverture sur la question de l’efficacité, de la performance du service public : avec le remplacement de la Révision Générale des Politiques Publiques du gouvernement précédent par une politique de « Modernisation de l’Action Publique ». On peut enfin évoquer les difficultés liées à la contractualisation de l’action publique.

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cas pratique

Par décret du 1er août 2012, le Premier ministre insère dans le code de la route les articles R. 421-10 et R. 422-5, aux termes desquels « le fait d’exercer l’activité de dépannage sur une autoroute concédée » ou un ouvrage d’art concédé du réseau routier national, « ses dépendances domaniales ou ses installations annexes sans être titulaire d’un agrément délivré à cette fin par le préfet dans les conditions prévues par le contrat de concession est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe ». 1) Quelle est la nature juridique de l’acte pris par le Premier ministre ? 2) À quel titre le Premier ministre intervient-il ? 3) Le Premier ministre peut-il intervenir de façon régulière, directement par décret en la matière, alors que l’on peut considérer que la question est relative aux libertés publiques (préciser la ou lesquelles en l’occurrence) ? 4) Rappeler les règles de répartition normative des compétences en matière de sanctions à caractère pénal, là encore en rapprochant avec l’action du Premier ministre, et en indiquant si à votre sens son intervention est légale sur ce point 5) La procédure d’agrément évoquée dans le décret vous paraît-elle conforme aux règles constitutionnelles ? Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

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corrigé proposé par les auteurs

Question n° 1 : Quelle est la nature juridique de l’acte pris par le Premier ministre ? Le décret pris par le Premier ministre constitue un acte administratif unilatéral à caractère réglementaire. En effet, il s’agit d’un acte qui, du fait que son auteur est une institution administrative, est présumé à caractère administratif ; il n’entre pas non plus dans la catégorie des actes de gouvernement. Par ailleurs, le décret a en l’occurrence un caractère général et impersonnel, ce qui lui confère la qualité d’acte réglementaire (par opposition aux actes individuels, qui identifient nommément leur destinataire). Il modifie l’état du droit, ce qui permet de le ranger dans la catégorie des actes à caractère décisoire, qui bénéficient dès lors du caractère « exécutoire » des décisions administratives, qui constitue « la règle fondamentale du droit public » (CE, ass., 2 juillet 1982, Huglo, Lepage et autres). Question n° 2 : À quel titre le Premier ministre intervient-il ? Le Premier ministre intervient directement en qualité d’autorité de police administrative générale. En principe, en droit public, un texte est nécessaire afin d’habiliter toute autorité à intervenir dans un domaine quelconque d’activité. Mais en ce qui concerne particulièrement le point évoqué dans le cas pratique, il en est un peu différemment depuis l’arrêt « Labonne » du Conseil d’État, qui avait précisé que l’autorité titulaire du pouvoir réglementaire général disposait, même en l’absence de toute habilitation législative, d’une compétence pour édicter des mesures de police à caractère général s’appliquant sur l’ensemble du territoire (CE, 8 août 1919, Labonne ; v. aussi CE, 5 juillet 2013, Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs). La position du Conseil d’État n’a pas changé depuis lors, même sous l’empire de la Constitution de 1958, qui instaure des domaines délimités pour la loi et le pouvoir réglementaire. Ainsi, il a eu l’occasion récemment d’indiquer qu’en « donnant compétence au législateur pour fixer « les règles concernant (...) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », l’article 34 de la Constitution n’a pas retiré au chef

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sujet n°6 • cas pratique

du gouvernement les attributions de police générale qu’il exerçait antérieurement ; qu’à ce titre, il appartient au Premier ministre d’adopter par voie réglementaire les mesures propres à assurer la sécurité des personnes sur les autoroutes et les ouvrages d’art concédés du réseau routier national » (CE, 25 septembre 2013, Société Rapidépannage 62). Question n° 3 : Le Premier ministre peut-il intervenir de façon régulière, directement par décret en la matière, alors que l’on peut considérer que la question est relative aux libertés publiques (préciser la ou lesquelles en l’occurrence) ? Le Premier ministre a apporté en l’espèce une restriction au libre exercice de l’activité de service public de dépannage des véhicules en panne ou accidentés sur l’ensemble du domaine concédé. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de s’interroger sur la question (CE, 25 septembre 2013, Société Rapidépannage 62, préc.). Il a considéré à cette occasion que la restriction apportée qui, en l’occurrence, se limite à l’obtention préalable d’un agrément délivré par le préfet dans les conditions prévues par les contrats de concession, « a principalement pour objet de s’assurer que les entreprises sélectionnées seront en mesure de remplir leurs missions dans l’ensemble du périmètre de la concession, et répond aux objectifs de la sécurité routière sur des voies où les conditions de circulation conjuguent vitesse élevée et importance du trafic ». En conséquence, en réglementant l’exercice de l’activité de dépannage sur les autoroutes ou les ouvrages d’art concédés du réseau routier national, le décret ne peut pas être considéré comme étant intervenu dans une matière qui relève du domaine de la loi et comme ayant porté une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre des entreprises de dépannage. Question n° 4 : Rappeler les règles de répartition normative des compétences en matière de sanctions à caractère pénal, là encore en rapprochant avec l’action du Premier ministre, et en indiquant si à votre sens son intervention est légale sur ce point C’est ici la question de la pratique du pouvoir réglementaire autonome et de ses limitations qui est en jeu. En vertu de l’article 37 de la Constitution : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». Par ailleurs, l’article 34 réserve à la loi la fixation des règles « concernant (...) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Mais cet article ne mentionne pas les règles concernant la détermination des infractions punies de peines contraventionnelles. Comme l’a jugé le Conseil d’État,

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« au nombre de celles-ci figure, en vertu de l’article 131-12 du Code pénal, s’agissant des personnes physiques, et de l’article 131-40 du même code, s’agissant des personnes morales, l’amende ». En conclusion, le décret visé dans le cas pratique a pu légalement punir de l’amende prévue pour les contraventions de 4e classe toute infraction aux dispositions qu’il édicte. Ce positionnement jurisprudentiel est aussi intéressant du fait qu’il implique que les règlements « autonomes » de l’article 37 restent néanmoins soumis au contrôle juridictionnel du Conseil d’État (p. ex. CE, sect, 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs conseils). Question n° 5 : La procédure d’agrément évoquée dans le décret vous paraît-elle conforme aux règles constitutionnelles ? Le décret du Premier ministre renvoie en effet aux stipulations des contrats de concession, approuvées par d’autres dispositions réglementaires, pour la détermination de la procédure d’attribution des agréments à laquelle l’activité de dépannage sur autoroutes est soumise ; avec notamment l’intervention du préfet. On pourrait à cette occasion envisager de contester le décret car l’intervention économique de la puissance publique, via la réglementation des activités économiques, impacte en l’occurrence la liberté du commerce et de l’industrie, lorsqu’elle met en place un agrément. Or, comme déjà évoqué, il s’agit d’une activité de service public qui est en cause, de dépannage des véhicules en panne ou accidentés sur les autoroutes et les ouvrages d’art concédés du réseau routier national (en ce sens, CE, 22 mars 2000, Époux Lasaulce). Le Premier ministre peut donc légalement subordonner l’exercice de cette activité à l’obtention préalable d’un agrément délivré par le préfet. La jurisprudence contemporaine autorise des limitations à la liberté du commerce et de l’industrie (instituée par l’article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 (« décret » d’Allarde), ou d’entreprendre, au nom de l’intérêt général, et au titre de mesures de police administrative (CE, 31 août 2009, Commune de Cregols). C’est donc un compromis qu’il faut trouver entre cette liberté, à valeur de principe général du droit pour le Conseil d’État (CE, ass. 22 juin 1951, Daudignac), et les nécessités de l’ordre public. On notera enfin que pour le Conseil constitutionnel, la liberté du commerce et de l’industrie a une valeur constitutionnelle qui semble implicite (Cons. const., 30 octobre 1981, « monopole de la radiodiffusion »), ou dérivée de la liberté d’entreprendre (Cons. const., 16 janvier 1982, « loi de nationalisation »).

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dissertation

Sujet : La police administrative et la police judiciaire Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

corrigé proposé par les auteurs La distinction entre police administrative et police judiciaire est consubstantielle à la séparation des autorités administrative et judiciaire énoncée par la loi des 16 et 24 août 1790. La première concerne l’ordre public qu’elle vise à protéger ; elle peut donc rester soumise à l’application du droit administratif. La seconde, puisqu’elle peut aboutir à une privation de liberté, est de la compétence judiciaire. La police administrative est d’ordre préventif : elle a pour but de prévenir les atteintes à l’ordre public. Au « contraire », la police judiciaire est d’ordre répressif. Alors que la police judiciaire tend à rechercher et arrêter les délinquants, les auteurs d’infraction, pour les remettre à la justice, la police administrative consiste à prendre les mesures de contrôle et de prévention de tout trouble à l’ordre public. La distinction des deux polices réside donc essentiellement dans leur but, d’essence différente. Cette différence fondamentale va bien entendu entraîner des régimes distincts dans l’accomplissement de ces fonctions.

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Les fins différentes de ces deux polices justifient-elles des différences systématiques de régime juridique ? La distinction entre les deux polices répond à un critère finaliste, fondé sur le but poursuivi par l’auteur de la mesure. Cette distinction entraîne une dichotomie des régimes juridiques applicables.

1. Une distinction finaliste Le respect de la séparation des pouvoirs exige que seul le juge judiciaire soit compétent pour juger des actes de police judiciaire, et le juge administratif des actes de police administrative. La réalité n’est malheureusement pas aussi simple. La distinction n’étant pas organique, la distinction des polices en fonction des personnels qui interviennent n’est pas fondée.

A) Des caractéristiques apparemment exclusives « La mission des services de police, au titre de leur activité de police administrative, consiste à assurer la sécurité des personnes et des biens et la préservation de l’ordre public » (T. confl, 12 décembre 2005, Préfet de la Région Champagne Ardennes c/ Cour d’appel de Reims). La police administrative cherche à protéger un ordre public « matériel et extérieur », constitué de composantes connues : sécurité, tranquillité, salubrité, sauvegarde de la dignité de la personne humaine (CE, ass., 27 octobre 1995, 2 esp., Commune de Morsang-sur-Orge ; Ville d’Aix-en-Provence). La police judiciaire est, au contraire, répressive : selon l’article 14 du Code de procédure pénale, la police judiciaire est chargée de « constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte. Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations du juge d’instruction et défère à ses réquisitions ». L’agent agit en matière de police judiciaire s’il poursuit l’auteur d’une infraction déterminée, et non s’il applique un règlement général de police administrative. La distinction entre les deux semble donc pouvoir être formulée de manière objective, rationnelle, sur la base de buts qui sont bien distincts, même s’ils concourent tous deux à la préservation de l’ordre social dans son ensemble.

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sujet n°7 • dissertation

B) Une frontière en réalité largement subjective La dichotomie prévention / répression ne fonctionne pas dans tous les cas. En effet, une mesure de police peut comprendre pour partie un but de répression : ainsi, l’article L. 2212-2 du CGCT qui donne compétence au maire en matière de police administrative englobe le soin de « réprimer les atteintes à la tranquillité publique » (2°). Et inversement, une mesure de police judiciaire peut être justifiée par une volonté de mettre fin à des troubles (suite logique du fait de se saisir d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale). De plus, l’infraction peut très bien n’être pas encore commise ; ce qui peut être le cas lorsque l’agent de police commet une erreur quant à l’interprétation de l’acte qu’il soupçonne (T. confl., 15 juillet 1968, Consorts Tayeb). La jurisprudence concernant les contrôles d’identité reflète cette difficulté d’identification. Ainsi, le juge a pu relever à l’occasion d’un litige faisant suite à une patrouille de fonctionnaires de police qui ont voulu vérifier l’identité de personnes dans un véhicule en stationnement, que, « dans les conditions où elle a eu lieu, cette vérification d’identité ne ressortissait pas à l’activité de la police judiciaire » (T. confl., 28 avril 1980, Waroquier).

2. Un régime juridique hétérogène La police administrative est par essence rattaché au droit administratif, et la police judiciaire au droit privé. Les droits et garanties associés sont variables. Ainsi, les documents relevant de mesures de police administrative sont en principe soumis à la loi du 17 juillet 1978 prévoyant la liberté d’accès aux documents administratifs, ce qui n’est pas le cas des rapports de police judiciaire.

A) Une compétence juridictionnelle ambiguë Seul le juge administratif est compétent pour les opérations de police administrative qui sont soumises à un régime de droit administratif (T. confl., 7 juin 1951, Dame Noualek). Le contentieux de la police judiciaire appartient à la juridiction judiciaire. La distinction entre les deux polices s’avère parfois délicate à mettre en œuvre, car plusieurs autorités sont à la fois autorité de police administrative et de police judiciaire (cf. maires). Dans ce cas, c’est le juge qui a dû dans le cas de doute sur l’action menée, dégager un critère d’identification. Le juge prend en considération la

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nature de l’activité (CE, sect., 11 mai 1951, Consorts Baud ; T. confl, 7 juin 1951, Dame Noualek) et l’intention véritable de l’agent qui agit. Ce critère n’est pas évident à manier ; il faut apprécier en quelle qualité l’agent a entendu agir. Il conduit par ailleurs à la possibilité de transformation d’opérations de police. Ainsi, une opération de police administrative peut se transformer en opération de police judiciaire ; et l’inverse est aussi envisageable. Ainsi, un agent de police exerce une mission de police administrative quand il règle la circulation, une mission de police judiciaire lorsqu’il dresse procès-verbal. Le Tribunal des conflits a tenté d’apporter une réponse pragmatique à la question, en s’intéressant à la qualification originaire de l’opération et en n’admettant sa mutation que si un faisceau d’indices était constitué (T. confl., 16 décembre 1977, Dlle Motsch c/ Agent judiciaire du Trésor : dans le sens police administrative vers police judiciaire, compte tenu d’une accumulation d’infractions suite à une opération initiale de police administrative). Puis le juge s’est orienté vers la notion de « cause essentielle du dommage » pour consacrer un bloc de compétence au juge judiciaire si des infractions judiciaires étaient à l’origine du dommage subi par la victime (T. confl., 12 juin 1978, Société Le Profil ; conf. T. confl., 26 septembre 2005, Chauvel c/ Min. int.). À l’inverse, une opération de police judiciaire peut se transformer en opération de police administrative. Enfin, on rappellera que si le juge administratif peut s’immiscer dans le contrôle de l’organisation du service public judiciaire, il ne le fait pas en matière de décisions de police judiciaire (p. ex., CE, 12 février 1954, Dame Marolles).

B) Une responsabilité « atomisée » L’identification de la personne publique responsable en matière de police administrative peut s’avérer délicate, puisqu’une multitude d’agents est susceptible de recevoir compétence, au nom de leur personne publique de rattachement : président de la République, Premier ministre (CE, 8 août 1919, Labonne ; CE, 25 juillet 1975, Chaigneau : État ; CE, 5 juillet 2013, Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs), préfet (décret du 29 avril 2004 : État), maire (art. L. 2212-1, CGCT : commune), ministre (polices spéciales), président du conseil général (département), le président d’établissement public de coopération intercommunale. Ceci étant, il s’agit, comme nous venons de le voir, toujours d’une personne publique (CE, ass.,

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sujet n°7 • dissertation

24 juin 1949, Consorts Lecomte), puisque l’activité de police administrative n’est pas délégable au privé. La responsabilité en matière de police administrative est souvent cantonnée à la preuve d’une faute lourde, en tout cas pour les activités sur le terrain (CE, 20 décembre 1972, Marabout). On peut aussi mentionner le fait que l’autorité judiciaire est seule compétente pour statuer sur l’ensemble des conséquences dommageables d’une mesure d’hospitalisation à la demande d’un tiers, qui pourtant implique l’administration par l’intermédiaire de la police administrative (CE, 20 décembre 2013, Mme A.D.B., n° 352747). Mais il faut noter qu’une seule et unique personne morale de droit public est responsable quant aux opérations de police judiciaire : c’est l’État. Enfin, la possibilité pour une autorité d’exercer les deux types de police ne signifie pas qu’elle peut choisir librement l’une ou l’autre, ce qui peut donner lieu à une voie de fait si la liberté individuelle ou le droit de propriété est en cause (T. confl., 17 juin 2013, Bergoend c/ Sté ERDF Annecy Léman). La mesure de police administrative ne doit pas être considérée comme une sanction, mais comme une mesure préventive destinée à empêcher de commettre des atteintes à l’ordre public (CE, 3 nov. 1989, Blanquie). Elle échappe en principe à la protection de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ce qui n’est pas le cas des mesures de police judiciaire. Pour information, on indiquera que des textes techniques visent notamment à coordonner les deux polices (cf. Ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement) ; v. Circulaire du 19 juillet 2013 Relative à la mise en œuvre des polices administratives et pénales en matière d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement.

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commentaire d’arrêt

Sujet : Commentaire de l’arrêt du Conseil d’État, 10 octobre 2013, Fédération française de gymnastique, n° 359219 (extraits) ; publié au Recueil Lebon 1. Considérant que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que, toutefois, cette autorité ne saurait être tenue d’accueillir une telle demande dans le cas où l’illégalité du règlement a cessé, en raison d’un changement de circonstances, à la date à laquelle elle se prononce ; 2. Considérant qu’aux termes du III de l’article 16 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, codifié à l’article L. 131-8 du code du sport par l’effet de l’ordonnance du 23 mai 2006 relative à la partie législative de ce code : « Un agrément peut être délivré par le ministre chargé des sports aux fédérations qui, en vue de participer à l’exécution d’une mission de service public, ont adopté des statuts comportant certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement type. / Les dispositions obligatoires des statuts et le règlement disciplinaire type sont définis par décret en Conseil d’État pris après avis du Comité national olympique et sportif français « ; que le décret du 7 janvier 2004, pris pour l’application

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de ces dispositions a défini, en application de cet article, les dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives agréées ; qu’au nombre des dispositions obligatoires issues de ce décret figurent celles du point 2.2.2.2.1. des statuts types des fédérations sportives agréées, désormais codifiées au point 2.2.2.2.1. de l’annexe I-5 du code du sport, en vertu desquelles ces statuts doivent préciser « que la représentation des femmes est garantie au sein de la ou des instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion du nombre de licenciées éligibles « ; 3. Considérant que la Fédération française de gymnastique a demandé au ministre des sports l’abrogation des dispositions du point 2.2.2.2.1. de l’annexe I-5 du code du sport, issues du décret du 7 janvier 2004 ; qu’elle a saisi le Conseil d’État d’un recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle il a été refusé de faire droit à sa demande d’abrogation ; 4. Considérant que l’article 1er de la Déclaration de 1789 proclame : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » ; que l’alinéa 3 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 précise que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » ; qu’en vertu de l’article 1er de la Constitution : « La France (libres et égaux en droits) assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » ; que si, aux termes du cinquième alinéa de l’article 3 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », ces dispositions ne s’appliquaient qu’à des mandats et des fonctions politiques ; que toutefois, l’article 1er de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a abrogé cet alinéa et ajouté à l’article 1er de la Constitution un second alinéa aux termes duquel : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ; qu’il résulte de ces dernières dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, que

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leur objet est de combiner le principe constitutionnel d’égalité, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision n° 2006533 DC du 16 mars 2006, et l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ; 5. Considérant que si le principe constitutionnel d’égalité ne fait pas obstacle à la recherche d’un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités, il interdit, réserve faite de dispositions constitutionnelles particulières, de faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l’utilité commune ; qu’ainsi, avant l’adoption de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le principe constitutionnel d’égalité excluait que la composition des organes dirigeants des personnes morales de droit privé, comme les fédérations sportives, soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes appelées à y siéger ; que si, ainsi qu’il a été dit, le second alinéa désormais ajouté à l’article 1er de la Constitution a pour objet de combiner ce principe et l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, il résulte également de ces dispositions que le législateur est seul compétent, tant dans les matières définies notamment par l’article 34 de la Constitution que dans celles relevant du pouvoir réglementaire en application de l’article 37, pour adopter les règles destinées à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats, fonctions et responsabilités mentionnés à l’article 1er de la Constitution ; qu’il appartient seulement au Premier ministre, en vertu de l’article 21 de la Constitution et sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par son article 13, de prendre les dispositions d’application de ces mesures législatives ; 6. Considérant, d’une part, que les dispositions contestées du point 2.2.2.2.1. des statuts types des fédérations sportives agréées, issues du décret du 7 janvier 2004, ne se bornent pas à fixer un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des instances dirigeantes des fédérations agréées, mais imposent le respect d’une proportion déterminée entre les hommes et les femmes au sein de ces instances, précisément fixée

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en proportion du nombre de licenciés de chaque sexe ; que ces dispositions étaient ainsi contraires au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, à la date à laquelle elles ont été édictées ; 7. Considérant, d’autre part, qu’en l’absence de toute disposition législative applicable aux fédérations sportives agréées, fixant les règles destinées à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux instances dirigeantes de ces fédérations, les dispositions du second alinéa de l’article 1er de la Constitution dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 ne peuvent, par elles-mêmes, avoir eu pour effet de rendre légales les dispositions du point 2.2.2.2.1. des statuts types des fédérations sportives agréées, figurant à l’annexe I-5 du code du sport ; 8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la Fédération française de gymnastique est fondée à soutenir que les dispositions du point 2.2.2.2.1. de l’annexe I-5 du code du sport sont entachées d’illégalité et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite refusant de les abroger ; que cette annulation implique nécessairement l’abrogation des dispositions réglementaires dont l’illégalité a été constatée ; qu’il y a lieu pour le Conseil d’État d’ordonner cette mesure dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte ; (…) Décide : Article 1er : La décision implicite refusant l’abrogation du point 2.2.2.2.1. de l’annexe I-5 du code du sport est annulée. Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre d’abroger le point 2.2.2.2.1. de l’annexe I 5 du code du sport dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

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corrigé proposé par les auteurs Le régime juridique des actes administratifs unilatéraux nécessite souvent de mettre en œuvre des compromis, recherchés en jurisprudence, entre la nécessaire marge d’action à laisser à l’administration dans sa mission d’application de la loi, et les garanties dont les administrés doivent bénéficier. Parmi celles-ci figure notamment l’obligation faite à l’administration de modifier ses propres actes pour les adapter à une législation changeante. C’est cet aspect des relations administration/administrés que l’arrêt ici commenté nous amène à examiner, via le régime de l’abrogation. L’affaire qui oppose la Fédération française de gymnastique (FFG) au gouvernement est, brièvement résumé (cf. considérant n° 2 ci-dessus), la suivante : l’article L. 131-8 du code du sport donne la possibilité au ministre des sports de délivrer un agrément aux fédérations qui, en vue de participer à l’exécution d’une mission de service public, ont adopté des statuts comportant certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement type, qui font l’objet d’une définition par décret en Conseil d’État. Or, le décret du 7 janvier 2004 a défini ces dispositions obligatoires, au nombre desquelles figurent celles codifiées au point 2.2.2.2.1. de l’annexe I-5 du code du sport, en vertu desquelles ces statuts doivent préciser « que la représentation des femmes est garantie au sein de la ou des instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion du nombre de licenciées éligibles ». La FFG demande au ministre des sports l’abrogation de ces dispositions. Par décision implicite, le ministre a été refusé de faire droit à cette demande d’abrogation ; la FFG présente donc un recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de ce refus, qui va aboutir favorablement, sur le fondement d’une incompétence du Premier ministre car la question doit être réglée par la loi.

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1. La demande d’abrogation comme moyen d’obliger l’administration à respecter la hiérarchie des normes A) La notion d’abrogation L’abrogation consiste à mettre fin, pour l’avenir, à l’application d’un acte administratif unilatéral, sans remettre en cause les effets juridiques qu’il a produits dans le passé. Plusieurs étapes ont jalonné l’évolution du régime de l’abrogation, qui met en confrontation le principe d’intangibilité des effets individuels des actes administratifs et le principe d’adaptation de l’action administrative aux nécessités de l’intérêt général. Codifiant la jurisprudence de principe antérieure (CE, ass., 3 févr. 1989, Compagnie Alitalia) par le biais de la création d’un article 16-1 dans la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (modifié par la loi du 17 mai 2011), la loi précise désormais que « l’autorité compétente est tenue, d’office ou à la demande d’une personne intéressée, d’abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ». En matière d’abrogation, il faut distinguer le cas des actes réglementaires de celui des actes individuels.

B) Une adaptation de la réglementation sur initiative de l’administré Pour rappel, bien qu’il ne s’agisse pas de la catégorie d’acte concernée par l’arrêt, pour les actes administratifs individuels, deux cas se présentent : ceux illégaux non créateurs de droits (p. ex. refus, actes préparatoires, actes inexistants, actes obtenus par fraude…) peuvent (faculté) être abrogés à tout moment, et doivent même l’être à la demande d’un administré (CE, Sect., 30 novembre 1990, Association « Les Verts ») ; alors que ceux créateurs de droits (p. ex. une nomination dans la fonction publique, une décision accordant des avantages pécuniaires (CE, Sect., 6 novembre 2002, Soulier), une décoration…) ne peuvent être abrogés que tant qu’ils ne sont pas devenus définitifs, c’est-à-dire dans le délai du recours contentieux, et par un « acte contraire ». Les actes réglementaires, eux, même légaux, peuvent toujours faire l’objet d’une abrogation par un acte contraire (sous condition de respecter le parallélisme des formes). C’est sur cette catégorie d’actes que l’arrêt applique la jurisprudence

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traditionnelle en la matière. En effet, les administrés n’ont aucun droit acquis du maintien d’un règlement (CE, 27 janvier 1961, Sieur Vannier). Les règlements doivent par ailleurs être abrogés, comme l’évoque l’arrêt, d’office ou même sur demande d’un administré, s’ils sont illégaux, que le règlement ait été illégal dès l’origine ou qu’il le soit devenu suite à un changement des circonstances légales ou de fait l’ayant privé de son fondement légal. L’abrogation doit là encore être le fait d’un « acte contraire » respectant le parallélisme des formes. Le conseil d’État rappelle en l’espèce son considérant de principe en indiquant « que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que, toutefois, cette autorité ne saurait être tenue d’accueillir une telle demande dans le cas où l’illégalité du règlement a cessé, en raison d’un changement de circonstances, à la date à laquelle elle se prononce ». Cette formulation nouvelle constitue la raison expliquant la publication de l’arrêt au recueil Lebon, puisque le Conseil d’État, dans la deuxième partie du considérant cité, ajoute à l’arrêt de principe Alitalia, en limitant le bénéfice de l’abrogation si l’illégalité a cessé. La tournure utilisée laisse à penser que le Conseil d’État va faire bénéficier le gouvernement de cette nouvelle limitation apportée à l’obligation d’abroger, mais il n’en est rien, et comme le juge administratif le fait assez souvent, il ne va pas appliquer sa modification de jurisprudence à l’espèce jugée.

2. Le « bloc de légalité » en matière d’égalité des sexes Le Conseil d’État est donc amené à réexaminer par quelles dispositions normatives il est principe d’égalité des sexes.

A) Le monopole légal imposé par la Constitution Plusieurs dispositions à valeur constitutionnelles sont invocables au contentieux jugé ici : l’article 1er de la Déclaration de 1789 proclame que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » ; l’alinéa 3 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 précise que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » ; l’article 1er second alinéa de la Constitution tel qu’issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 dispose par ailleurs que « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

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Ce sont ces dernières dispositions qui vont faire l’intérêt du contentieux, renforçant les exigences liées à l’égalité des sexes. Le Conseil d’État considère en effet qu’il résulte de ces dernières dispositions, « éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, que leur objet est de combiner le principe constitutionnel d’égalité, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006, et l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales », que « si le principe constitutionnel d’égalité ne fait pas obstacle à la recherche d’un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités, il interdit, réserve faite de dispositions constitutionnelles particulières, de faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l’utilité commune ; qu’ainsi, avant l’adoption de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le principe constitutionnel d’égalité excluait que la composition des organes dirigeants des personnes morales de droit privé, comme les fédérations sportives, soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes appelées à y siéger ». Si le second alinéa de l’article 1er de la Constitution a pour objet de combiner ce principe et l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, « il résulte également de ces dispositions que le législateur est seul compétent, tant dans les matières définies notamment par l’article 34 de la Constitution que dans celles relevant du pouvoir réglementaire en application de l’article 37, pour adopter les règles destinées à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats, fonctions et responsabilités mentionnés à l’article 1er de la Constitution ». Dès lors, « il appartient seulement au Premier ministre, en vertu de l’article 21 de la Constitution et sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par son article 13, de prendre les dispositions d’application de ces mesures législatives ». Cette compétence exclusive du pouvoir législatif en matière d’égalité hommes / femmes a déjà fait l’objet d’un arrêt de principe précurseur du Conseil d’État, exactement dans le même sens (CE, ass., 7 mai 2013, Fédération CFTC de l’agriculture ; Rappr. CE, ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy). Ce faisant, le Conseil d’État emboîte le pas du Conseil constitutionnel, qui avait déjà indiqué clairement (comme le rappelle d’ailleurs le Conseil d’État dans sa décision) dans sa décision sur la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes (susvisée), que la Constitution n’impliquait, au regard des travaux parlementaires, l’égalité des sexes, avant la révision constitutionnelle de 2008, qu’aux élections à des mandats et fonctions politiques. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel avait indiqué qu’en l’état

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de la Constitution d’alors, « si la recherche d’un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités autres que les fonctions politiques électives n’est pas contraire aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus, elle ne saurait, sans les méconnaître, faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l’utilité commune ; que, dès lors, la Constitution ne permet pas que la composition des organes dirigeants ou consultatifs des personnes morales de droit public ou privé soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes ». A contrario, on peut en déduire que si le constituant est intervenu pour modifier la disposition en cause, c’est justement pour imposer l’égalité dans des domaines plus vastes, à un rang plus élevé dans la hiérarchie des normes. En l’espèce, les dispositions contestées, issues du décret du 7 janvier 2004, ne se bornent pas à fixer un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des instances dirigeantes des fédérations agréées, mais imposent le respect d’une proportion déterminée entre les hommes et les femmes au sein de ces instances ; ces dispositions étaient ainsi contraires au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, à la date à laquelle elles ont été édictées.

B) L’obligation implicite de légiférer Le Conseil en déduit que les dispositions contestées sont entachées d’illégalité, et que la FFG est fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite refusant de les abroger. Par ailleurs, il considère que cette annulation implique nécessairement l’abrogation des dispositions réglementaires dont l’illégalité a été constatée ; qu’il ordonne dans un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision, sans assortir cette injonction d’une astreinte. On voit ici la puissante efficacité du recours pour excès de pouvoir qui conduit non seulement à l’annulation d’un acte administratif du gouvernement, mais à l’obligation juridique qui lui est faite de prendre un nouveau règlement d’application. Ce qui va nécessiter de formuler le principe d’égalité via un projet de loi, pour consacrer des dispositions permettant de mettre en œuvre la parité conformément à la répartition des compétences loi/ règlement nouvellement mise en place par la Constitution. C’est d’ailleurs ce qui est actuellement en cours, puisque la loi relative à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, impose la parité dans les instances des fédérations sportives, ce qui règle la question, en modifiant en effet l’article L. 131-8 du Code du sport. Finalement, l’effet obtenu peut sembler similaire à celui obtenu grâce à la question prioritaire de constitutionnalité.

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Conclusion Cet arrêt est pour le Conseil d’État l’occasion de faire évoluer sa jurisprudence sur l’abrogation. L’arrêt du Conseil d’État se lit aussi comme un appel à l’intervention du législateur, censuré indirectement pour incompétence négative par le Conseil d’État, sur la mise en œuvre de la parité. Notons enfin que dans d’autres domaines, alors que la formulation retenue par le constituant paraissait pourtant claire, exigeant l’intervention du législateur (Préambule de la Constitution de 1946, al. 7 : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent »), le Conseil d’État a pourtant fait le choix inverse, autorisant l’intervention du pouvoir réglementaire, voire du simple chef de service : il en est ainsi de la réglementation du droit de grève des agents publics (CE, ass., 7 juillet 1950, Dehaene). Ce positionnement à géométrie variable peut sembler déroutant, surtout en matière de contrôle de compétence des organes de droit public, domaine privilégié du contrôle juridictionnel sur l’administration.

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Sujet : La question prioritaire de constitutionnalité devant la juridiction administrative Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

corrigé proposé par les auteurs La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) révolutionne la hiérarchie des normes française en offrant l’opportunité au justiciable d’obtenir du juge qu’une loi qui lui est appliquée soit écartée du litige. Elle introduit un contrôle de constitutionnalité a posteriori. La QPC est issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui insère un article 61-1 nouveau dans la Constitution, qui dispose que « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». En vertu de l’article 62, al. 2 de la Constitution, « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision

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du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ». La réforme est entrée en vigueur le 1er mars 2010 ; elle est désormais entrée dans les mœurs des acteurs du contentieux administratif. La QPC renverse l’interdiction antérieure qui était faite au justiciable de contester la conformité à la Constitution d’une loi déjà entrée en vigueur et ouvre de nouvelles perspectives juridiques dans les contentieux en cours. La QPC remet-elle en cause la place de la juridiction administrative ? La QPC constitue une avancée pour le justiciable, qui doit pouvoir bénéficier d’un accès nouveau au sommet de la hiérarchie des normes, mais sous conditions interprétées par la juridiction administrative, qui en sort renforcée.

1. Une procédure juridictionnelle novatrice La procédure instituée par la révision constitutionnelle de 2008, et la loi organique du 10 décembre 2009 (qui modifie l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel), renouvelle le rôle du juge administratif, et en fait un acteur du contrôle de constitutionnalité, via une procédure stricte.

A) Un double filtrage garant de la pertinence de la question La QPC peut être posée au cours de toute instance devant toute juridiction administrative relevant du Conseil d’État. Elle peut donc être posée aussi bien en première instance, qu’en appel ou en cassation. Devant les juridictions du fond, il est procédé à la transmission si les conditions suivantes sont remplies : la disposition contestée est applicable au litige (CE, 14 mai 2010, Rujovic) ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, une disposition qui s’applique aux seuls étrangers mariés et non à ceux qui sont liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité, soulève une question présentant un caractère sérieux (CE, 4 octobre 2013, M. A. B., n° 369971). Et La circonstance que la QPC soulevée porte sur une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 de la Constitution après sa promulgation confère à celle-ci un caractère nouveau (CE, 25 juillet 2013, Sociétés Allianz I.A.R.D. et Allianz Vie).

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sujet n°9 • dissertation

La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d’État dans les huit jours de son prononcé. Elle n’est susceptible d’aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le Conseil a ainsi confirmé qu’il lui incombe de sursoir à statuer tant que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur une QPC, même transmise par la Cour de cassation, si ladite question porte sur le même texte dont il est saisi au contentieux (CE, 20 décembre 2013, Association Cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie). Devant le Conseil d’État, dans un délai de trois mois à compter de la transmission, le Conseil d’État se prononce sur le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions suivantes sont réunies : la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution ; et la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. Le Conseil d’Etat continue actuellement à tracer les contours de la QPC, précisant par exemple qu’est inopérant le moyen tiré de ce qu’une l’ordonnance ratifiée aurait outrepassé les limites de la loi d’habilitation, à l’égard d’une loi de ratification (CE, 5 février 2014, n° 373258). Il y a enfin lieu de noter que la QPC n’est pas « la » solution miracle au contentieux, et que l’essentiel des QPC ne fait pas l’objet de transmission.

B) Le renouvellement des critères d’identification de la loi En faisant référence à la condition tenant à ce que la disposition contestée soit une « disposition législative », le Constituant a nécessairement habilité le juge administratif à participer à la définition de la loi. Celle-ci est toutefois appréciée de façon spécifique à la QPC. Il s’agit d’un texte adopté, au moment de l’adoption, par une autorité qui détenait le pouvoir législatif (Parlement bien sûr, mais aussi le Roi sous l’Ancien Régime p. ex.). Il s’agit encore d’un texte qui doit avoir valeur de loi : loi ordinaire, loi organique (mais CE, 29 juin 2011, Président de l’Assemblée de la Polynésie française), mais aussi ordonnance ratifiée par le Parlement, loi du pays de Nouvelle-Calédonie. Les actes administratifs (p. ex. décret, ordonnance non ratifiée)

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ne peuvent pas faire l’objet d’une QPC, mais restent de la compétence de la juridiction administrative. Contre toute attente donc, la notion de loi est à nouveau l’objet de précisions. Ainsi, une disposition a été regardée comme applicable au litige même si une autre interprétation de la disposition législative contestée aurait été possible (CE, 14 avril 2010, Union des familles en Europe). Le juge administratif développe donc une conception large des dispositions susceptibles d’être transmises. La QPC met donc la juridiction administrative (comme le juge judiciaire) au cœur du système normatif de contrôle des droits et garanties.

2. Un rehaussement de la juridiction administrative Les actes administratifs pris en application d’une loi ne peuvent être attaqués par voie d’action en invoquant directement l’inconstitutionnalité de cette loi : « ce moyen n’est pas de nature à être discuté devant le Conseil d’État statuant au contentieux » (CE, 6 novembre 1936, Arrighi ; CE, sect., 29 octobre 2004, Sueur et autres). Mais la QPC permet d’introduire un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception qui ouvre de nouvelles perspectives. Le justiciable doit encore établir qu’il a intérêt à agir. Ainsi, une disposition législative ne peut être utilement contestée par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en tant qu’elle exclut de son bénéfice une catégorie de personnes que si, dans le litige principal, le requérant est effectivement victime de la discrimination qu’il dénonce (CE, 13 janvier 2014, M. C...B..., n° 372804).

A) La participation à la redéfinition des droits et libertés La juridiction administrative se trouve habilitée à appliquer, mais donc aussi à découvrir, dans le « bloc de constitutionnalité » et pas seulement dans les articles de la Constitution du 4 octobre 1958, les « droits et libertés que la Constitution garantit ». Le juge administratif va donc participer à la « redécouverte » de la vocation « matérielle » de la Constitution. Les droits et libertés invocables sont en effet désormais nombreux, et on peut les trouver aussi bien dans le texte même de la Constitution de 1958 (p. ex. autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle – art. 66 ; principe de laïcité : CE, 19 décembre 2012, Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité ; principe de libre administration des collectivités territoriales : p. ex., CE, 30 janvier 2013, Commune de Puyravault), la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (p. ex. droit de propriété : CE, 1er juillet 2011, M. et Mme Lignon

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sujet n°9 • dissertation

et autres ; ou l’art. 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : CE, 16 mai 2012, SIMAVELEC), le Préambule de la Constitution de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le Préambule de la Constitution de 1946 (p. ex. liberté d’association ; liberté d’enseignement) ; la Charte de l’environnement de 2004, les objectifs de valeur constitutionnelle (p. ex. le pluralisme des courants d’opinion : CE, 2 février 2012, Mme Marine Le Pen). Le fait que le justiciable ne puisse pas saisir directement le Conseil constitutionnel d’une QPC participe à l’intégration de la juridiction administrative dans la rénovation du bloc de constitutionnalité ; sachant que le refus de transmission de la part du Conseil d’État ne peut pas faire (à la différence de la décision du juge du fond) l’objet d’un recours.

B) Un caractère prioritaire qui recentre la juridiction administrative La QPC voit sa « priorité » confirmée dans la loi organique du 10 décembre 2009. Cela implique que lorsque la QPC est posée devant un juge du fond, elle doit être examinée sans délai. Par ailleurs, lorsque la QPC s’imbrique avec d’autres questions mettant en jeu des traités internationaux (exception d’inconventionnalité), la juridiction française est censée examiner en premier lieu la QPC. Sur la question, le Conseil d’État a indiqué que les dispositions internes relatives à la procédure de QPC ne font pas obstacle à ce que le juge administratif, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, en assure l’effectivité, soit en l’absence de question prioritaire de constitutionnalité, soit au terme de la procédure d’examen d’une telle question, soit à tout moment de cette procédure, lorsque l’urgence le commande, pour faire cesser immédiatement tout effet éventuel de la loi contraire au droit de l’Union ; et que le juge administratif dispose de la possibilité de poser à tout instant, dès qu’il y a lieu de procéder à un tel renvoi une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CE, 14 mai 2010, Rujovic). La QPC a pour but de faire décider par le Conseil constitutionnel, à l’issue d’un délai maximum de trois mois, que la disposition législative contestée, est inconstitutionnelle, et donc de son abrogation : elle disparaît de l’ordre juridique. La QPC est en train de reconfigurer le paysage juridictionnel administratif.

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cas pratique

Du tracas pour mademoiselle Apél Par une décision du 15 juin 2013, la caisse d’allocation familiale - organisme de droit privé gérant une mission de service public à caractère administratif qui est financé, depuis une ordonnance de 1945, par les cotisations familiales obligatoires versées par les employeurs - a retiré à mademoiselle Apél le bénéfice de l’allocation de parent isolé qui lui avait été accordée par une lettre du 10 janvier 2013. Du fait que mademoiselle Apél n’a jamais eu d’enfant (contrairement à ses déclarations), la caisse lui demande le remboursement de l’ensemble des sommes déjà perçues. De plus, mademoiselle Apél a été informée par le maire de sa commune qu’elle ne pouvait pas commencer les travaux de construction de sa future maison sans attendre la réponse favorable lui octroyant son permis de construire. Or, la malheureuse avait commencé les travaux en désespoir de cause face au silence du maire sur une demande remontant à plus d’un an. 1) Quelle est la nature juridique précise de la lettre du 10 janvier 2013 ? (7 points) 2) Que pensez-vous de la régularité de la décision du 15 juin 2013 ? (7 points) 3) Si Melle Apél avait eu un enfant, que pensez-vous alors de la régularité de la décision du 15 juin 2013 ? (3 points) 4) Que pensez-vous de la position du maire ? (3 points) Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

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DROIT administratif

corrigé proposé par les auteurs Question n° 1 : Quelle est la nature juridique de la lettre du 10 janvier 2013 ? La lettre du 10 janvier 2013 constitue une décision de la Caisse d’allocation familiale (CAF) octroyant à mademoiselle Apél l’allocation de parent isolé. Cette décision provient d’un organisme de droit privé, il s’agit de prime abord d’un acte de droit privé. Toutefois, selon une décision « Magnier » du Conseil d’État du 13 janvier 1961, les actes des organismes de droit privé pris dans le cadre de la gestion d’une mission de service public administratif ont une nature administrative dès lors que le législateur leur a confié des prérogatives de puissance publique. En l’espèce, la CAF est définie comme un organisme de droit privé gérant un service public à caractère administratif. Son système de financement qui rend obligatoire la participation des employeurs au financement des allocations versées par les CAF constitue une prérogative de puissance publique de nature à entraîner la qualification d’acte administratif aux décisions de la CAF dès lors qu’elles relèvent de la gestion de la mission de service public confiée par la loi (la gestion des allocations liées à la famille). La lettre du 10 janvier 2013 octroyant l’allocation de parent isolé à mademoiselle Apél constitue donc un acte administratif dont le contentieux relève de la compétence du juge administratif. Les décisions unilatérales de l’administration constituent des actes exécutoires (ou décisoires), dès lors qu’elles font grief, c’est-à-dire qu’elles modifient l’ordonnancement juridique des administrés ou au contraire qu’elles le maintiennent en l’état malgré une demande pour les modifier. Cette définition renvoie à des situations précises. Ainsi, il y a modification de l’ordonnancement juridique lorsque l’administration agit par voie d’addition (ex : création d’un droit ou d’une obligation nouvelle, sanction adressée à un individu, etc.) mais aussi par voie de suppression d’une norme (créatrice de droit ou imposant une obligation). Il y a maintien en l’état de l’ordonnancement juridique dès lors que l’administration rejette une demande.

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sujet n°10 • cas pratique

La lettre du 10 janvier 2013 a pour effet de créer un nouveau droit, une allocation de parent isolé, c’est-à-dire le versement d’une somme d’argent. La lettre du 10 janvier 2013 forme ainsi une décision faisant grief. Elle peut être contestée devant le juge administratif, elle est opposable aux administrés et invocable par mademoiselle Apél. Les décisions administratives peuvent prendre différentes formes. La décision peut être explicite, en ce sens que l’autorité administrative exprime sa volonté par un écrit, une parole ou un geste. À l’inverse, la décision peut être implicite. Dans ce dernier cas, l’autorité administrative ne répond pas explicitement à une demande, elle garde le silence. Depuis la loi du 12 avril 2000, le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut par principe rejet de la demande (décision implicite de rejet). En sa qualité d’acte écrit, la lettre du 10 janvier 2013 constitue la manifestation explicite de la volonté de la CAF. Enfin, les décisions administratives peuvent avoir deux caractères : soit il s’agit d’une décision réglementaire, soit d’une décision individuelle. Les décisions réglementaires ont une portée générale et s’imposent à des catégories abstraites d’administrés. Au contraire, les décisions individuelles ont une portée spéciale, elle s’applique à des personnes nominativement désignées. La lettre du 10 janvier 2013 s’adressant exclusivement à mademoiselle Apél remplit les conditions d’une décision individuelle. En conclusion, la lettre du 10 janvier 2013 constitue une décision administrative individuelle explicite faisant grief. Question n° 2 : Que pensez-vous de la régularité de la décision du 15 juin 2013 ? La décision du 15 juin 2013 a pour effet de supprimer la décision du 10 janvier 2013 puisqu’elle met fin à l’attribution de l’allocation. L’autorité administrative dispose de deux procédés pour supprimer une décision administrative. Elle peut soit abroger la décision, c’est-à-dire supprimer cette décision pour l’avenir, soit procéder au retrait de la décision en prononçant sa suppression rétroactive. Ce procédé qui se rapproche de l’annulation du juge administratif a été admis par une jurisprudence « Dame Cachet » du Conseil d’État (3 novembre 1922) dès lors que la décision créatrice de droits est irrégulière.

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En prévoyant le remboursement des sommes perçues, la décision du 15 juin 2013 revient sur les effets produits par la lettre du 10 janvier. Elle forme donc une décision de retrait de la lettre du 10 janvier 2013. Toutefois, le retrait instaure une dérogation particulièrement importante au droit acquis des administrés. La jurisprudence administrative, depuis la décision « Dame cachet », encadre l’utilisation du retrait en distinguant tout d’abord selon que les décisions retirées soient créatrices de droits ou non. S’agissant des décisions non créatrices de droits, à l’instar des actes réglementaires n’ayant fait l’objet d’aucun commencement d’exécution (CE, Ass. 21 octobre 1966, « Société Graciet et autres »), le retrait est possible à tout moment (CE, 15 janvier 1943, « Thomet »). Cependant, comme il a été déjà remarqué (cf. réponse question 1), la lettre du 10 janvier 2013 est une décision administrative individuelle. Le fait qu’elle accorde à mademoiselle Apél une allocation de parent isolé semble lui conférer de prime abord un caractère créateur de droits. Or, le retrait des décisions créatrices de droit est conditionné à l’irrégularité de la décision et à des conditions de délai. À l’origine, la décision « Dame Cachet » prévoyait que le retrait était possible dans les deux mois à compter de la publication de la décision ou durant l’instance si un recours avait été déposé à son encontre. Cette jurisprudence était fondée sur le principe d’un alignement avec le délai de recours contentieux devant le juge administratif. Toutefois, cette position du Conseil d’État était critiquée puisqu’elle permettait à l’administration, pourtant à l’origine de la décision, de disposer d’une capacité de suppression rétroactive similaire à celle du juge administratif. De ce fait, la jurisprudence a modulé les délais encadrant le retrait. Depuis une décision « Ternon » du 26 octobre 2001, le Conseil d’État autorise le retrait d’une décision explicite créatrice de droits irrégulière dans les quatre mois qui suivent la prise de décision. En l’espèce, mademoiselle Apél ne pouvait bénéficier de l’allocation de parent isolé dans la mesure où elle n’a pas la qualité de parents. La décision du 10 janvier 2013 est donc irrégulière. Au regard de son caractère créateur de droit et de sa nature explicite qui a déjà été démontré, le retrait était possible dans les quatre mois suivant la prise de décision. Or, le retrait intervient le 15 juin, soit plus de 5 mois après. La décision de retrait intervient en dehors du délai fixé par la jurisprudence. Mais, sur les bases de l’adage « fraus omnia corrompit » (la fraude corrompt tout), le Conseil d’État a précisé que les décisions acquises par fraude sont considérées comme non créatrices de droits et peuvent donc être retirées à tout moment

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sujet n°10 • cas pratique

(CE, 15 janvier 1943,« Thomet »). Or, en l’espèce, mademoiselle Apél a obtenu l’allocation de parent isolé sur la base d’une fausse déclaration. Cette situation frauduleuse la prive du bénéfice de la jurisprudence encadrant les modalités du retrait des décisions administratives. La CAF en prononçant la suppression de l’allocation et le remboursement des sommes indûment perçues a légalement retiré la décision du 10 janvier 2013, même plus de 5 mois après que celle-ci ait été prise. Question n° 3 : Si mademoiselle Apél avait eu un enfant, que pensez-vous alors de la régularité de la décision du 15 juin 2013 ? La légalité de la décision du 15 juin 2013 était fondée sur la fraude de mademoiselle Apél et l’irrégularité qu’elle avait produite en octroyant indûment un droit à cette dernière. Or, si mademoiselle Apél avait eu un enfant, non seulement la fraude disparaissait mais elle avait aussi pour effet de supprimer le caractère irrégulier de la décision du 10 janvier 2013. La jurisprudence administrative prévoit que le retrait des décisions non réglementaire créatrice de droits est proscrit sauf si la loi l’a prévu (CE, 21 novembre 1947, « Demoiselle Ingrand ») ou s’il est demandé par le bénéficiaire à condition d’obtenir un régime plus favorable (CE, 23 juillet 1974, « Ministre de l’intérieur contre Gay »). En conséquence, la décision du 15 juin 2013 aurait été irrégulière puisqu’elle n’est pas fondée sur une demande de mademoiselle Apél et qu’elle n’est pas justifiée par l’application d’une loi. Question n° 4 : Que pensez-vous de la position du maire ? Mademoiselle Apél a déposé une demande de permis de construire qui est resté sans réponse du maire de sa commune. Après plus d’un an, ce dernier lui reproche d’avoir commencé les travaux sans avoir obtenu une réponse explicite à sa demande. En vertu de la loi du 12 avril 2000, le silence gardé par l’administration au bout de deux mois vaut rejet de la demande. Cette règle de principe fixe un statut au silence de l’autorité administrative prévoyant que les décisions implicites constituent par principe des décisions de rejet. Toutefois, le Code de l’urbanisme prévoit que par exception, le silence gardé par l’autorité à une demande de permis de construire vaut dans les deux mois acceptation du permis.

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Mademoiselle Apél a déposé une demande de permis de construire plus d’un an après le début des travaux. Le maire, en lui faisant le reproche de les avoir entamés sans autorisation explicite, implique qu’il n’a pas répondu à la demande de permis. Par voie de conséquence, mademoiselle Apél avait acquis l’autorisation de bâtir deux mois après la date de dépôt du permis. Le maire ne peut donc empêcher mademoiselle Apél de réaliser des travaux qu’il avait implicitement acceptés. La loi du 12 novembre 2013 renverse le principe précédent en créant dans la loi DCRA du 12 avril 2000 (art. 21) un régime de décision implicite d’acceptation à compter du 12 novembre 2014 (Etat) ou 2015 (collectivités territoriales). Ce nouveau régime fait lui-même l’objet de nombreuses exceptions. La sécurité sociale doit faire l’objet d’un décret précisant les choses.

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Questions réponses ouvertes courtes

Répondez de façon brève mais circonstanciée aux questions suivantes : 1) Quelle est la nature du pouvoir réglementaire des ministres ? 2) Définir la circulaire administrative. 3) Définir la directive administrative. 4) Définir l’acte de gouvernement. 5) Quels sont les caractères classiques des décisions administratives ? 6) Qu’implique le silence gardé par l’administration à une demande ? 7) Qu’est-ce qui distingue un acte unilatéral d’un contrat administratif ? 8) À quelle condition un organisme de droit privé, gestionnaire d’un service public de nature industrielle et commerciale, peut prendre des décisions administratives ? 9) Qu’est-ce que le « privilège du préalable » ? 10) Existe-t-il une obligation d’abrogation des décisions réglementaires ? Durée de l’épreuve : 1 heure

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DROIT administratif

corrigé proposé par les auteurs Question n° 1 : Quelle est la nature du pouvoir réglementaire des ministres ? Contrairement au président de la République et au Premier ministre, les ministres ne disposent pas du pouvoir réglementaire général au niveau national. Leur capacité à prendre des mesures réglementaires se limitent à deux situations. D’une part, les ministres peuvent recevoir une délégation leur permettant d’intervenir dans un domaine précis. Cette délégation peut provenir soit du législateur, soit du Premier ministre. D’autre part, en qualité de chef de service, les ministres disposent de la capacité de prendre des mesures générales pour assurer le fonctionnement des services publics dont ils ont la charge (CE, Sect., 7 février 1936, Jamart ; CE, 27 novembre 2013, Syndicat SUD travail affaires sociales). Question n° 2 : Définir la circulaire administrative La circulaire administrative constitue une décision prise par un supérieur hiérarchique à l’intention de ses subordonnés afin d’interpréter une disposition législative ou réglementaire. Par nature, les circulaires ne sont pas contestables devant le juge administratif. Toutefois, les supérieurs hiérarchiques peuvent par l’intermédiaire de la circulaire déborder du cadre de l’interprétation pour imposer de nouvelles règles. Pour cette raison, le Conseil d’État a distingué tout d’abord les circulaires interprétatives (incontestables) des circulaires réglementaires pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CE, Ass., 29 janvier 1954, « Institution Notre Dame du Kreisker »). En 2002, le Conseil d’État s’est concentré davantage sur les effets produits par les circulaires en distinguant les circulaires ayant un caractère impératif de celles qui en sont dépourvues (CE, sect., 18 décembre 2002, « Madame Duvignières »). Question n° 3 : Définir la directive administrative À l’instar de la circulaire, la directive administrative est une mesure prise par le supérieur hiérarchique à l’intention de ses subordonnés.Toutefois,la directive a pour objet d’harmoniser la prise de décision. Elle fixe une règle de conduite générale des agents. Le Conseil d’État estime que les directives ne sont pas contestable par voie d’action mais peuvent l’être par voie d’exception (CE, Sect., 11 décembre 1970, « Crédit foncier de France »).

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sujet n°11 • questions réponses ouvertes courtes

Question n° 4 : Définir l’acte de gouvernement Depuis une jurisprudence « Prince Napoléon » (CE, 19 février 1875), l’acte de gouvernement est une décision politique, insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, prise par le gouvernement, soit dans ses rapports avec le Parlement (par exemple : le décret de dissolution de l’Assemblée nationale – CE, 20 février 1989, « Allain »), soit au cours de la négociation ou de l’exécution des accords internationaux (par exemple : la décision de reprendre les essais nucléaires – CE, Ass., 29 septembre 1995, « Association Greenpeace France »). Question n° 5 : Quels sont les caractères classiques des décisions administratives ? Par principe, les décisions administratives sont invocables par les particuliers, opposables aux particuliers et contestables devant le juge administratif. Certaines catégories d’actes administratifs sont dépourvues de ces trois caractères : les actes préparatoires, les actes recognitifs, ou les mesures d’ordre intérieur. Question n° 6 : Qu’implique le silence gardé par l’administration à une demande ? Le silence gardé par l’administration à une demande forme au bout de l’écoulement d’un certain délai une décision administrative. Par principe, la loi du 12 avril 2000 prévoyait que le silence gardé pendant deux mois valait rejet de la demande. Toutefois, la loi du 12 novembre 2013 prévoit à l’inverse que le silence gardé vaut décision implicite d’acceptation au bout de deux mois. Question n° 7 : Qu’est-ce qui distingue un acte unilatéral d’un contrat administratif ? La distinction entre l’acte unilatéral et le contrat ne dépend pas du nombre des rédacteurs de l’acte. Il peut arriver qu’un acte unilatéral ait plusieurs auteurs (par exemple, l’arrêté interministériel). La distinction se fonde davantage sur les effets. L’acte unilatéral s’impose à ses destinataires (les administrés) sans rechercher leur consentement, il régit le comportement de tiers à son édiction, alors que le contrat vise à régir les relations réciproques des parties.

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Question n° 8 : À quelle condition un organisme de droit privé, gestionnaire d’un service public de nature industrielle et commerciale, peut prendre des décisions administratives ? Par principe, les décisions prises par des organismes de droit privé relèvent du droit privé. Cette situation est renforcée dans le cadre des services publics industriels et commerciaux puisque, depuis la jurisprudence « Bac d’Eloka », la gestion est soumise à l’application du droit commun. Toutefois, dans une affaire où la réglementation applicable au personnel d’Air France prévoyait que le mariage d’une hôtesse de l’air constituait une cause de rupture du contrat, le Tribunal des conflits a estimé que les mesures prises par l’organisme dans le cadre de l’organisation d’ensemble du service avaient une nature administrative dès lors que cet organisme avait reçu une habilitation à prendre de telles mesures et qu’il disposait de prérogatives de puissance publique (T. confl., 15 janvier 1968, « Époux Barbier contre Air France »). Question n° 9 : Qu’est-ce que le « privilège du préalable » ? La formule du « privilège du préalable » provient de Maurice Hauriou dans sa note sous la jurisprudence « Préfet de l’Eure » du Conseil d’État de 1912. Le « privilège du préalable » permet à l’administration d’imposer des obligations, de délivrer des autorisations, de conférer des droits sans avoir besoin du consentement des destinataires et sans disposer d’un titre juridictionnel l’y autorisant. Le Conseil d’État désigne cette prérogative comme « la règle fondamentale du droit public » (CE, Ass., 2 juillet 1982, « Huglo »). Question n° 10 : Existe-t-il une obligation d’abrogation des décisions réglementaires ? L’abrogation constitue le procédé classique de disparition des actes administratifs unilatéraux consistant pour l’autorité compétente à les supprimer pour l’avenir. Le Conseil d’État reconnaît l’existence d’un principe général du droit imposant l’abrogation d’un règlement illégal soit dès son origine, soit par suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait qui justifiaient légalement son édiction (CE, 3 février 1989, « Compagnie Alitalia », arrêt codifié dans la loi du 12 avril 2000, art. 16-1).

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cas pratique

À la commune de Bellefontaine À la suite des révélations de mademoiselle de la Bigotte dans le journal « le pivert libéré », l’association chargée de la gestion des activités sportives, culturelles et de loisir de la commune de Bellefontaine a été dissoute. Statut de l’association à l’appui, mademoiselle de la Bigotte a dénoncé le fait que le président de l’association était le maire et que le conseil d’administration de cette association était composé à 75 % de conseillers municipaux. Cette situation conduisait selon elle à un maniement douteux des deniers publics puisque l’association n’était financée que par une subvention généreuse de la commune. La nouvelle n’a pas été apprise avec bonheur par tous. L’entreprise « Nettoie tout » qui avait été chargée par l’association de l’entretien de l’ensemble des installations sportives de la commune n’a pas été payée pour l’ensemble de ses prestations durant les deux mois qui ont précédé la dissolution de l’association. Le personnel de l’association est également en colère. Les contrats de travail ont été repris par la collectivité publique comme le prévoit la loi, mais les agents ont remarqué que leur intégration dans le personnel communal au service de la cantine scolaire leur faisait perdre le droit aux tickets restaurant. Saisi de la réclamation, le maire a simplement rappelé que le personnel communal ne bénéficiait pas des tickets restaurant et qu’il ne pouvait les maintenir pour les uns sans les accorder aux autres. Enfin, la commune a confié la gestion de ces activités à la société « A’tout sport ». L’opération était intéressante pour la collectivité puisque la société

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assumait l’ensemble des charges liées aux installations et s’était engagée à présenter de nombreuses animations pour promouvoir le sport dans la commune, sur la seule contrepartie du bénéfice de la perception des droits d’entrée des usagers. Toutefois, en moins de deux mois, l’autorité municipale a constaté une dégradation des installations. La fréquentation des installations a également chuté en raison du non-respect des horaires prévus, d’une augmentation exponentielle des tarifs contractuellement prévus et de l’absence des animations. Questions : 1) L’entreprise « Nettoie-tout » peut-elle obtenir le paiement des prestations non rémunérées auprès de la commune de Bellefontaine ? (7 points) 2) Quel juge doit saisir l’ancien personnel de l’association pour contester sa situation ? (7 points) 3) Dans le silence du contrat, le maire peut-il rompre unilatéralement le contrat le liant à la société « A’tout sport » ? (6 points) Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

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sujet n°12 • CAS PRATIQUE

corrigé proposé par les auteurs

Question n° 1 : L’entreprise « Nettoie-tout » peut-elle obtenir le paiement des prestations non rémunérées auprès de la commune de Bellefontaine ? Bien qu’engagée contractuellement avec une association, la société « Nettoie-tout » souhaite former une demande de paiement directement à la commune. Le principe de l’effet relatif des contrats exclut qu’un tiers soit redevable des carences de l’une des parties. Toutefois, la situation est particulière : l’association avait des liens étroits avec la collectivité. D’ailleurs, la commune est à l’origine de la dissolution de l’association. Ainsi, afin d’évaluer les chances de l’entreprise « Nettoie-tout » d’être rémunérée par la commune, il faut au préalable s’interroger si la commune ne peut pas être considérée comme le véritable cocontractant de l’entreprise, ce qui conduit à s’interroger sur la nature du contrat. Les contrats administratifs sont déterminés soit sur la base de définitions légales, soit sur la base de critères jurisprudentiels. Au titre de la loi, les deux principaux contrats administratifs sont le contrat de marché public et le contrat de délégation de service public. En vertu de l’article 1er du Code des marchés publics, le marché public est un contrat conclu à titre onéreux avec des opérateurs économiques publics ou privés par des personnes morales de droit public en vue de satisfaire les besoins de ces dernières en matière de travaux, de services ou de fournitures. Au titre de la loi MURCEF du 11 décembre 2001, une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. Ces deux types de contrat ont pour commun d’impliquer que l’une des parties est une personne morale de droit public. Or, contractuellement, la société « Nettoie-tout » était liée à une association personne morale de droit privé. Il s’agissait donc d’un contrat entre personnes privées qui exclut la qualification de contrat administratif.

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Néanmoins, la jurisprudence a admis à plusieurs occasions qu’un contrat entre personnes privées puisse être considéré comme un contrat administratif dans la mesure où une personne publique pouvait se substituer à l’une des parties. Il existe trois situations. La première situation prend en compte le fait que l’une des parties agit au nom et pour le compte d’une personne publique. Le mandat, ainsi conclu, peut être prévu selon les conditions et les formes prévues par le Code civil (CE, Sect. 2 juin 1961, Leduc), soit apparaître implicitement sur la base de la concordance de plusieurs indices (CE, Sect., 30 mai 1975, Société d’équipement de la région montpelliéraine). La seconde situation s’attache à la nature de certains travaux qui appartiennent par nature à l’État (T. confl., 8 juillet 1963, Société des entreprises Peyrot). Cette jurisprudence a un effet limité puisqu’elle a été reconnue essentiellement pour les travaux autoroutiers. La troisième situation, plus récente, prend en compte le caractère fictif d’un organisme de droit privé et admet que les contrats conclus par ces organismes fictifs sont en réalité conclus dès l’origine par une personne publique (CE, 21 mars 2007, commune de Boulogne-Billancourt). Cette jurisprudence dite « des associations transparentes » s’appuie sur la technique du faisceau d’indices. Ainsi, le juge administratif prend en compte les conditions de formation de l’organisme (création à l’initiative de la personne publique), ses modalités d’organisation (instances dirigeantes composées d’élus locaux, mise à disposition de personnel de la personne publique, installation dans les locaux de la personne publique, etc.) ou ses modalités de financement (les recettes de l’organisme étant constituées essentiellement d’une contribution de la personne publique, l’inscription du budget de l’organisme dans celui de la collectivité publique, etc.). Cette dernière situation correspond aux révélations de mademoiselle de la Bigotte. En effet, les indices de la transparence de l’association tiennent au fait que l’association a été créée par la commune, que son président est le maire et que le conseil d’administration était composé à 75 % de conseillers municipaux de la commune. En conséquence, la commune est la véritable partie au contrat conclu avec la société « Nettoie-tout ». Il s’agit donc d’un contrat entre personne publique et personne privée qui peut prendre la forme d’un marché public ou d’une délégation de service public. Ainsi, au regard du mode de rémunération, c’est-à-dire le paiement intégral assumé par l’association transparente, on peut conclure au caractère onéreux du contrat, ce

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sujet n°12 • CAS PRATIQUE

qui exclut la qualification de contrat de délégation de service public. De plus, l’entretien de locaux peut être considéré comme une prestation de services. De ce fait, le contrat étant conclu à titre onéreux entre une société privée (la société Nettoie-tout) et une personne publique (la commune) pour satisfaire les besoins de services de cette dernière (l’entretien des installations sportives), il s’agit donc d’un contrat de marché public de service. Le contrat de marché public ayant été conclu sans respecter les formes prévues par le Code des marchés publics est nul. La violation à l’ordre public est ici importante puisque le juge peut la soulever d’office. La société « Nettoie-tout » ne peut donc se prévaloir de l’exécution d’un contrat illégal. Toutefois, selon une jurisprudence constante (un bon exemple dans CE, 2007, Commune de Boulogne-Billancourt), le cocontractant de l’administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer le remboursement des dépenses qui ont été utiles à la collectivité ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat, sauf si le remboursement des dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procuré. En l’espèce, la société « Nettoie-tout » peut donc obtenir au titre des dépenses utiles le remboursement des charges afférentes à ses prestations. De plus, dans la mesure où la nullité est imputable entièrement à la collectivité publique, la création par cette dernière de l’association a empêché que les formalités ne soient remplies, la société « Nettoie-tout » peut donc demander la réparation de son préjudice résultant de la perte du bénéfice escompté. En conclusion, la société « Nettoie-tout » peut à bon droit réclamer à la commune le paiement des prestations non rémunérées par l’association Question n° 2 : Quel juge doit saisir l’ancien personnel de l’association pour contester sa situation ? En vertu de la jurisprudence « Berkani », « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi » (T. confl., 25 mars 1996, « Berkani contre CROUS de Lyon-Saint-Etienne »).

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Ainsi, la personne engagée par une personne publique (première condition) pour concourir à une mission de service public à caractère administratif (deuxième condition) conclut un contrat administratif. S’agissant de l’engagement par une personne morale de droit public, il faut noter que la reprise des contrats par la collectivité a conduit à une transformation de la situation juridique des agents. Engagés par une personne morale de droit privé, l’association, ils avaient la qualité de salarié soumis au droit privé (droit du travail). Depuis leur reprise, la modification de la nature de l’employeur entraîne une modification de la nature du contrat : contrat administratif soumis au droit administratif. Toutefois, cette transformation de la nature du contrat n’est complète que si les agents travaillent pour le compte d’un service public à caractère administratif. En effet, une jurisprudence constante et ancienne prévoit que les agents travaillant pour le compte d’un service public de nature industrielle et commerciale sont des contractuels de droit privé à l’exception du directeur de l’ensemble du service et du chef-comptable lorsqu’il a la qualité de comptable public (CE, 26 janvier 1923, « De Robert Lafreygère »). Il est donc nécessaire de revenir sur la distinction des deux formes de service public. Les critères permettant de différencier les services publics administratifs des services publics industriels et commerciaux ont été déterminés par une jurisprudence USIA du Conseil d’État de 1956 (CE, Ass., 16 novembre 1956, « Union syndicale des industries aéronautiques du Rhône »). Par principe, les services publics sont présumés avoir un caractère administratif sauf si par son objet, ses modalités de financement et de fonctionnement, le service se comporte de manière analogue à une entreprise privée. Dans ce cas, le service a alors une nature industrielle et commerciale. Les agents ont été affectés à la cantine scolaire. Ce service est classiquement considéré comme un service public à caractère administratif. Le prix des repas est fixé pour permettre au plus grand nombre d’accéder au service et ce service est généralement financé par une contribution de la collectivité publique. En conclusion, le personnel de l’association devra saisir le juge administratif pour porter sa réclamation puisque, depuis la reprise, il a conclu un contrat de droit public.

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sujet n°12 • CAS PRATIQUE

Question n° 3 : Dans le silence du contrat, le maire peut-il rompre unilatéralement le contrat le liant à la société « A’tout sport » ? L’administration contractante dispose de pouvoirs exorbitants à l’égard de son cocontractant dans le cadre de l’exécution des contrats administratifs. Il convient donc au préalable de déterminer la nature du contrat liant la commune à la société « A’tout sport ». Les contrats administratifs sont déterminés soit sur la base de définitions légales, soit sur la base de critères jurisprudentiels. Au titre de la loi, les deux principaux contrats administratifs sont le contrat de marché public et le contrat de délégation de service public. En vertu de l’article 1er du Code des marchés publics, le marché public est un contrat conclu à titre onéreux avec des opérateurs économiques publics ou privés par des personnes morales de droit public en vue de satisfaire les besoins de ces dernières en matière de travaux, de services ou de fournitures. Au titre de la loi MURCEF de 2000, une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. Le mode de rémunération de la société « A’tout sport » exclut que le contrat puisse être un marché public. En effet, la société n’est pas rémunérée directement par la collectivité mais par des redevances perçues sur les usagers (les droits d’entrée des installations). Ce mode de rémunération semble intégrer le contrat dans la catégorie des contrats de délégation de service public puisque la rémunération de la société « A’tout sport » est liée aux résultats de l’exploitation du service, c’est-à-dire de la fréquentation des usagers. Cette qualification en contrat de délégation de service public se confirme par le fait que la société « A’tout sport » ne doit pas assurer l’entretien des installations mais la gestion et l’animation des activités sportives sur le territoire de la commune en lieu et place de celles-ci. Cette dernière a donc confié à la société « A’tout sport » un service public dont elle a la responsabilité. La nature administrative du contrat ne fait donc aucun doute. Les contrats administratifs sont soumis à un régime particulier d’exécution. La personne publique, partie au contrat, dispose de prérogatives exorbitantes dont elle peut faire usage dans le silence du contrat. Ainsi, même si le contrat ne le prévoit pas,

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l’administration dispose de la capacité de contrôler son cocontractant, de le sanctionner, de modifier ou de résilier unilatéralement le contrat. Ce pouvoir de résiliation unilatérale peut s’exercer pour sanctionner une faute de l’autre partie (on parle de sanction résolutoire) ou, au contraire, s’exercer dans l’intérêt du service sans que l’autorité publique ne puisse reprocher une faute de son cocontractant (CE, Ass., 2 mai 1958, « Distillerie de Magnac-Laval »). En l’espèce, la commune reproche à la société « A’tout sport » de ne pas respecter les termes du contrat : les installations se détériorent, les prix fixés par le contrat ont augmenté et les animations ne sont pas réalisées. La résiliation peut donc être prononcée par la commune sur la base d’un comportement fautif (car ne respectant pas les termes du contrat) de la société. Néanmoins, il convient de noter pour conclure que la jurisprudence impose que la sanction soit prise dans le respect des droits de la défense, la société « A’tout sport » devant être mise en mesure de présenter ses justifications (CE, 21 mars 1986, « Mayrignac »).

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Questions réponses ouvertes courtes Répondez de façon brève mais circonstanciée aux questions suivantes : 1) Peut-on envisager qu’un contrat conclu entre personnes privées puisse avoir une nature administrative ? 2) Quelle est la portée de la jurisprudence « Société des granits porphyroïdes des Vosges » ? 3) L’autorité administrative peut-elle engager sa responsabilité contractuelle pour des faits commis dans une autre qualité que celle de partie au contrat ? 4) Quelle est la différence entre imprévision et force majeure ? 5) Les tiers sont-ils fondés à demander la nullité d’un contrat administratif ? 6) Les tiers sont-ils fondés à demander que les parties à un contrat administratif exécutent correctement leurs engagements ? 7) Citer deux exemples de contrat administratif par détermination légale. 8) Quelle est la nature des contrats d’engagement du personnel des services publics gérés par des personnes morales de droit public ? 9) L’autorité administrative peut-elle sanctionner pécuniairement son cocontractant en dehors de toute prévision contractuelle ? 10) Quelles sont les limites du pouvoir de résiliation unilatérale sans faute de l’administration ? Durée de l’épreuve : 1 heure Pas de document

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corrigé proposé par les auteurs Question n° 1 : Peut-on envisager qu’un contrat conclu entre personnes privées puisse avoir une nature administrative ? Les contrats administratifs doivent répondre à un critère organique : il faut au moins que l’une des parties ait la qualité de personne morale de droit public. Ainsi, les contrats conclus entre personnes privées ne peuvent avoir par principe une nature administrative. Toutefois, la jurisprudence a aménagé plusieurs situations où des contrats entre personnes privées peuvent être considérés, sous réserve de la satisfaction du critère matériel, comme des contrats administratifs. En premier lieu, l’une des parties peut agir au nom et pour le compte d’une personne publique, c’est-à-dire avoir la qualité de mandataire d’une personne publique. La jurisprudence admet que le mandat puisse être expresse (CE, sect. 2 juin 1961, Leduc) ou implicite (CE sect., 30 mai 1975, Société d’équipement de la région montpelliéraine). En second lieu, le contrat peut porter sur des travaux qui appartiennent par nature à l’État (T. confl., 8 juillet 1963, Société des entreprises Peyrot). La troisième situation, plus récente, prend en compte le caractère fictif d’un organisme de droit privé et admet que les contrats conclus par ces organismes fictifs sont en réalité conclus dès l’origine par une personne publique (CE, 21 mars 2007, commune de Boulogne-Billancourt). En dernier lieu, le contrat peut s’inscrire dans un régime exorbitant du droit commun qui implique que la qualité des parties est secondaire pour qualifier le contrat (CE, 1973, société d’exploitation de la rivière du Sant).

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sujet n°13 • QUESTIONS RÉPONSES OUVERTES COURTES

Question n° 2 : Quelle est la portée de la jurisprudence « Société des granits porphyroïdes des Vosges » ? Dès lors qu’un contrat conclu par une personne publique contient une clause exorbitante de droit commun, il acquiert un caractère administratif (CE, 31 juillet 1912, « Société des granits porphyroïdes des Vosges »). La notion de clause exorbitante de droit commun se définit comme la clause qui confère aux parties des droits ou qui met à leur charge des obligations « étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales » (CE, sect., 20 octobre 1950, « Stein »). Question n° 3 : Définir le « fait du prince » La situation dénommée, selon une expression de Maurice Hauriou, le « fait du prince », correspond à la situation où l’équilibre financier du contrat est remis en cause par une mesure prise par la personne publique contractante agissant en une autre qualité que celle de partie au contrat. Autrement dit, la personne publique modifie les conditions d’exécution du contrat en usant non de ses pouvoirs contractuels mais de ses pouvoirs généraux (par exemple, en prenant une mesure de police ou une mesure fiscale). Cette situation permet l’indemnisation du cocontractant pour rétablir l’équilibre financier lorsque la mesure frappe spécialement le cocontractant. Question n° 4 : Dans quelle mesure est prise en compte l’imprévision dans les contrats administratifs ? La reconnaissance de l’imprévision est une particularité du régime des contrats administratifs (par rapport au contrat de droit privé). L’imprévision est un événement extérieur aux parties, imprévisible lors de la passation du contrat qui provoque un bouleversement de l’économie générale du contrat, d’une ampleur rendant provisoirement impossible pour le cocontractant de poursuivre économiquement l’exécution du contrat (CE, 30 mars 1916, « Compagnie d’éclairage de Bordeaux »). Lorsqu’elle se manifeste, l’imprévision ouvre un droit à indemnisation du cocontractant afin de compenser en partie ses conséquences (l’indemnité ne couvre pas la totalité du surcoût, généralement 10 % sont laissés à la charge du cocontractant). De plus, la personne publique doit chercher à rétablir l’équilibre financier avec l’accord de l’autre partie pour mettre fin à l’imprévision. A contrario, la force majeure constitue un événement extérieur aux parties, également imprévisible mais qui est irrésistible dans ses effets.

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Ainsi, la force majeure provoque la fin définitive de la relation contractuelle alors que l’imprévision constitue une situation qui permet la poursuite du contrat. Toutefois, si la dégradation paraît définitive, l’imprévision se mute en force majeure et il appartient à la personne publique de mettre fin au contrat (CE, 9 décembre 1932, « Compagnie des tramways de Cherbourg »). Question n° 5 : Les tiers sont-ils fondés à demander la nullité d’un contrat administratif ? Selon le principe de l’effet relatif du contrat (règle essentielle du droit des contrats publics et privés), seules les parties à un contrat disposent de la faculté de pouvoir solliciter la nullité du contrat. Par principe, les tiers ne sont pas recevables. Néanmoins, la jurisprudence administrative a admis au fur et à mesure que des tiers puissent contester la légalité d’un contrat administratif. En premier lieu, cela a été permis pour toute personne qui dispose d’un intérêt à agir contre un contrat d’engagement d’un agent public (CE, sect., 30 octobre 1998, « Ville de Lisieux »). Ensuite, cette possibilité a été offerte aux concurrents évincés d’une procédure de passation d’un contrat administratif (CE, Ass., 16 juillet 2007, « Société Tropic travaux signalisations »). Enfin, le Conseil d’État a ouvert une brèche plus large. Désormais, toute personne qui peut justifier d’un intérêt à agir suffisamment direct et certain peut contester la légalité d’un contrat administratif dès lors que celui-ci comporte des illégalités particulièrement graves en rapport direct avec l’intérêt lésé (CE, Ass., 4 avril 2014, « Département du Tarn et Garonne »). Une clause réglementaire au contrat constitue une stipulation qui est l’expression de la seule volonté de l’administration ayant pour objet de fixer les conditions dans lesquelles le cocontractant doit s’acquitter de sa mission (CE, 21 décembre 1906, « Syndicat du quartier Croix de Seguey-Tivoli »). Par exemple, on peut citer les clauses qui renvoient à un cahier des charges fixé par l’administration, celles qui déterminent les conditions d’exécution d’un service public, ou celles qui indiquent les modalités des relations entre le cocontractant et les usagers. La clause réglementaire se distingue de la clause contractuelle par le fait qu’elle peut faire l’objet, comme les actes réglementaires, d’un recours pour excès de pouvoir tendant à son annulation (CE, Ass., 10 juillet 1996, Cayzeele »).

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sujet n°13 • QUESTIONS RÉPONSES OUVERTES COURTES

Question n° 6 : Les tiers sont-ils fondés à demander que les parties à un contrat administratif exécutent correctement leurs engagements ? Par principe, les tiers ne sont pas recevables à demander l’exécution par les parties de leurs engagements (principe de l’effet relatif des contrats). Toutefois, en raison de la nature particulière des contrats administratifs qui peut entraîner la participation du cocontractant à l’exécution d’une mission de service public, le juge administratif a développé une jurisprudence distinguant au sein des contrats administratifs les clauses réglementaires des clauses contractuelles. Une clause réglementaire au contrat constitue une stipulation qui est l’expression de la seule volonté de l’administration ayant pour objet de fixer les conditions dans lesquelles le cocontractant doit s’acquitter de sa mission. Par exemple, on peut citer les clauses qui renvoient à un cahier des charges fixé par l’administration, celles qui déterminent les conditions d’exécution d’un service public, ou celles qui indiquent les modalités des relations entre le cocontractant et les usagers. Le non-respect de ces clauses peut être soulevé par des tiers devant les juridictions administratives (CE, 21 décembre 1906, « Syndicat du quartier Croix de Seguey-Tivoli »). Question n° 7 : Citez deux exemples de contrat administratif par détermination légale - les contrats de marché public. - les contrats portant occupation du domaine public. Question n° 8 : Quelle est la nature des contrats d’engagement du personnel des services publics gérés par des personnes morales de droit public ? La nature des contrats d’engagement du personnel dépend de la nature du service public. En vertu de la jurisprudence « Berkani », « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi » (T. confl., 25 mars 1996, « Berkani contre CROUS de Lyon-Saint-Etienne »). A contrario, les agents travaillant pour le compte d’un service public de nature industrielle et commerciale sont des contractuels de droit privé à l’exception du directeur de l’ensemble du service et du chef-comptable lorsqu’il a la qualité de comptable public (CE, 26 janvier 1923, « De Robert Lafrégeyre »).

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Question n° 9 : L’autorité administrative peut-elle sanctionner pécuniairement son cocontractant en dehors de toute prévision contractuelle ? L’originalité des contrats administratifs tient à l’existence de pouvoir appartenant à l’administration contractante dans le silence du contrat. À ce titre, l’autorité publique contractante dispose de la capacité de sanctionner son cocontractant défaillant en dehors de toute clause le prévoyant. Ainsi, le Conseil d’État a admis que ces sanctions pouvaient avoir une nature pécuniaire (CE, 31 mai 1907, « Deplanque »), une nature coercitive et même entraîner la résolution du contrat. Question n° 10 : Quelles sont les limites du pouvoir de modification unilatérale de l’administration ? En vue d’assurer la mutabilité du service public, la personne publique dispose légalement de la capacité de résilier unilatéralement (c’est-à-dire sans avoir l’accord de l’autre partie) un contrat sans avoir de faute à reprocher à son cocontractant (CE, Ass., 2 mai 1958, « Distillerie de Magnac-Laval »). Ce pouvoir connaît des limites : la résiliation doit être fondée sur un motif d’intérêt général sous peine d’être considéré comme abusive, et elle doit entraîner l’indemnisation du préjudice intégral subi par le cocontractant.

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dissertation

Sujet : Le juge judiciaire est-il exclu du contrôle des actes des personnes publiques ? Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

corrigé proposé par les auteurs Les juridictions administratives correspondent à un ordre juridictionnel complet et indépendant de l’ordre judiciaire qui est composé des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et, à son sommet, du Conseil d’État. L’ensemble de ces juridictions forment des autorités souveraines chargées de dire le droit au nom du peuple français. La principale compétence des juridictions administratives porte sur le contrôle des décisions administratives qu’elles soient unilatérales ou qu’elles prennent la forme d’un contrat. D’ailleurs, le recours pour excès de pouvoir qui est le recours le plus emblématique du juge administratif constitue un contentieux de l’annulation des actes administratifs.

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Toutefois, cette compétence confiée au juge administratif pour contrôler les actes des personnes publiques (l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics) exclut-elle la compétence des juridictions judiciaires ? Est-ce la réalité du droit positif ? Le juge administratif n’est-il pas concurrencé par la compétence d’autres juridictions ? Le Conseil constitutionnel en proclamant que le principe d’indépendance des juridictions administratives implique de réserver au juge administratif le contentieux de la réformation et de l’annulation des décisions de la puissance publique (Cons. const., 23 janvier 1987, « Conseil de la concurrence ») consacre l’exclusion de la compétence des juridictions judiciaires en ce domaine (1). Toutefois, comme tout principe, la réserve de compétence accordée par le juge constitutionnel au juge administratif ne forme pas une exclusion absolue de la compétence des juridictions judiciaires mais une affirmation relative (2).

1. Une exclusion de principe La décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 a renforcé l’exclusion de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire (B) qu’un processus historique avait forgé (A).

A. Une exclusion historique Depuis la célèbre loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, le juge judicaire n’a plus le droit de connaître des actes des autorités administratives, de même qu’il ne peut plus régler les causes qui lui sont présentées par voie de dispositions générales (prohibition des arrêts de règlement). Cette séparation de l’autorité judiciaire et de l’autorité administrative qui provient de la Révolution française trouve son origine bien avant les évènements de 1789. Rappelons que Louis XVI indiquait dans sa lettre portant réunion des États Généraux qu’outre la nécessité de lever de nouveaux impôts pour faire face à la crise économique, les prérogatives des parlements (tribunaux judiciaires de l’Ancien Régime) en matière de contrôle des édits royaux devaient être abolies pour faire cesser les abus. De cette période, on a conservé l’idée que les juridictions judiciaires étaient exclues des litiges relatifs aux actes des personnes publiques. Toutefois, l’exclusion des juridictions judiciaires ne s’est pas faite immédiatement en ayant une autorité jurictionnelle qui en constitue le pendant. Dans un premier temps le contrôle des actes administratifs a été placé sous le contrôle de l’administration

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elle-même. Ainsi, selon la théorie du « Ministre-juge », seule les autorités administratives étaient compétentes pour régler les litiges avec les administrés. D’une certaine manière, juger l’administration, c’était encore administrer. La création du Conseil d’État par la Constitution du 22 frimaire an VIII n’a pas véritablement bouleversé l’esprit de l’époque. Envisagé non pas comme un juge statuant souverainement mais comme une autorité consultative, le Conseil d’État est intégré dans les structures administratives. Il en connaît les difficultés et perçoit les enjeux politiques des décisions. Sa fonction consultative, aussi bien en amont lors de l’examen des projets qu’en aval lors des contentieux, est marquée par ce rapprochement avec l’administration dite active. Malgré cela, le Conseil d’État a peu à peu acquis son autonomie et a effacé le spectre du retour vers le droit commun et la compétence des juridictions judiciaires. Tout d’abord, il a acquis une autonomie de fait. Intégré dans un système de justice retenue, le Conseil d’État devait soumettre des avis au chef de l’État qui statuait sur les contentieux publics (il en était de même pour les conseils de préfecture, ex-tribunaux administratifs, avec le préfet). Or, à une exception près, le Conseil d’État ne sera jamais contredit par le chef de l’État, tant et si bien que les avis du Conseil d’État valaient dans la pratique jugement des affaires. Ensuite, le Conseil d’État a acquis une autonomie de droit. La loi du 24 mai 1872 bouleverse le champ des possibles en prévoyant que le Conseil d’État statue souverainement au nom du peuple français. Le Conseil d’État devient une véritable juridiction. Ce caractère juridictionnel est renforcé par le législateur par la création du Tribunal des conflits. Non seulement les conseillers d’État composent le Tribunal des conflits à part égale avec les magistrats de la Cour de la cassation, mais l’existence de cette juridiction chargée de régler les problèmes de compétences entre les deux ordres bâtira un puissant bouclier de protection de la compétence du Conseil d’État.

B) Une exclusion renforcée L’exclusion des juridictions judiciaires du contrôle des actes administratifs a pour corollaire le renforcement de la compétence des juridictions administratives. Or ceci fut le fruit d’un cheminement jurisprudentiel. En premier lieu, le Conseil d’État a conforté la compétence des juridictions administratives en élargissant son contrôle à l’ensemble des personnes publiques. Ainsi, le Conseil d’État a unifié le contentieux des collectivités territoriales avec celui

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de l’État en étendant son contrôle, d’abord, aux actes unilatéraux (arrêt « Cadot ») et ensuite aux contrats (CE, 6 février 1903, « Terrier »). Une démarche identique a fondé le contrôle des actes des établissements publics. En second lieu, le Conseil d’État a conforté également la compétence des juridictions administratives en excluant la possibilité pour les pouvoirs publics de prévoir qu’une décision administrative puisse être soustraite de tout recours. À l’exception des actes de gouvernement et des mesures d’ordre intérieur, l’ensemble des décisions administratives peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Cette prescription limitant les prérogatives des pouvoirs publics constitue selon la jurisprudence un principe général du droit qui a pour effet d’assurer le respect de la légalité (CE, Ass., 17 février 1950, « Ministre de l’agriculture contre Dame Lamotte »). Ainsi, par principe, l’ensemble des décisions administratives des personnes publiques sont soumises à la compétence des juridictions administratives. Toutefois, malgré la volonté jurisprudentielle d’étendre le champ du contrôle de légalité, la compétence des juridictions administratives a longtemps souffert du statut purement législatif du juge administratif. En effet, à l’inverse de l’autorité judiciaire, les différentes Constitutions, dont notamment la Constitution du 4 octobre 1958, n’ont pas prévu de dispositions particulières pour les juridictions administratives. Il a fallu attendre deux décisions du Conseil constitutionnel pour que la juridiction administrative acquière un statut constitutionnel. Tout d’abord, par une décision « validation des actes administratifs » du 22 janvier 1980, le Conseil constitutionnel dégage de la loi du 24 mai 1872 un principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance de la justice administrative. Ensuite, dans la décision « Conseil de la concurrence » du 23 janvier 1987, le Conseil constitutionnel parachève l’édifice en affirmant que « conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ». Autrement dit, le Conseil constitutionnel attribue l’exclusivité de la compétence de l’annulation et de la réformation des actes administratifs au juge administratif.

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Toutefois, cette exclusivité est relative car le Conseil constitutionnel limite cette exclusivité aux « décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique » et au respect « des matières réservées par nature au juge judiciaire ».

2. Une exclusion relative La jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnait que la compétence de principe en matière de contrôle des actes de la puissance publique réservée au juge administratif est limitée par les matières réservées par nature au juge judiciaire. Autrement dit, la compétence de principe des juridictions administratives est limitée par les compétences particulières confiées au juge administratif. Ainsi, la loi, comme la jurisprudence, aménage un retour vers la compétence du juge judiciaire qui s’établit selon deux procédés : par la mise en place de blocs de compétence au profit du juge judiciaire (A) et par l’admission de limites au champ de compétence du juge administratif dans le contrôle des actes administratifs (B).

A) Le retour à la compétence du juge judiciaire par la théorie des blocs de compétence En matière de contrôle des actes des personnes publiques, le juge judiciaire peut intervenir sur la base de deux fondements. D’une part, la loi peut confier un bloc de compétences au juge judiciaire. Cette situation intervient essentiellement en matière de responsabilité de la puissance publique, comme par exemple pour la réparation des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur même administratif (loi du 31 décembre 1957) ou lors d’un « accident scolaire » (art. L.911-4, C. éduc.). Néanmoins, le juge judiciaire peut être amené à contrôler des actes des autorités publiques. Tel est le cas de l’ensemble des actes liés à l’état des personnes (actes d’état civil, inscription sur les listes électorales, etc.). D’autre part, la compétence des juridictions judiciaires provient de l’application de la Constitution. En application de l’article 66, le juge judiciaire est le gardien de la propriété privée et de la liberté individuelle. Outre la prise en compte de ce principe dans un certain nombre de lois (par exemple, en matière d’expropriation, de rétention des étrangers, d’hospitalisation d’office…), le juge judiciaire bénéficie essentiellement de la jurisprudence relative à la voie de fait.

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La voie de fait constitue une situation où l’autorité administrative a outrepassé ce que l’on peut communément accepter de la puissance publique. Elle correspond plus exactement soit à une situation où l’administration a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit à une situation où l’administration a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative (T. confl., 17 juin 2013, « Bergoend c/. société ERDF Annecy Léman »). La voie de fait forme une illégalité telle que le juge judiciaire peut intervenir dans la plénitude de ses compétences.

B) Le retour à la compétence des juridictions judiciaires par la limitation des compétences des juridictions administratives La jurisprudence du Conseil d’Etat constitue une œuvre qui peut s’appréhender comme la manifestation de la volonté de conforter la place des juridictions administratives dans l’élaboration du droit administratif et la mise en place du contrôle des autorités publiques. La Haute autorité s’est donc montrée très vigilante sur le respect de ses compétences et a, dans les premières années, cherché sans cesse à les renforcer. Cela ne signifie pas néanmoins que l’entreprise s’est faite par une accumulation de compétences. Pour conforter son office, le juge administratif a admis que sa compétence ne soit pas totale dans le contrôle des actes des autorités publiques. Deux mouvements jurisprudentiels qui ont conduit à reconnaitre la compétence des juridictions judiciaires, l’un ancien, l’autre récent, l’illustre parfaitement En premier lieu, souvenons-nous que la décision « Blanco » de 1873, souvent présenté comme la pierre angulaire du droit administratif, faisait peser la compétence des juridictions administratives à la notion de service public. Or, le développement des interventions économiques et sociales des personnes publiques ont conduit peu à peu la jurisprudence à admettre que le contrôle des actes des personnes publiques n’impliquait pas nécessairement l’application d’un droit dérogatoire et la compétence des juridictions administratives. Après plusieurs hésitations où le juge administratif a recherché le critère permettant de délimiter sa compétence en matière de contrôle de légalité, le Conseil d’État a abandonné la distinction entre les actes d’autorité et les actes de gestion pour s’intéresser à la nature de l’activité de l’autorité. Cette distinction, qui avait été initiée par le commissaire du gouvernement Romieu dans ses conclusions sur l’arrêt

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« Terrier », sépare les actes relevant de la gestion privée du service public et les actes relevant de sa gestion publique. Plus concrètement, cette distinction est à l’origine de la création des services publics à caractère industriel et commercial et par voie de conséquence ceux ayant un caractère administratif (T. confl., 1921, « Société commerciale de l’Ouest africain » - jurisprudence Bac d’Eloka). Ainsi, la création des services publics industriels et commerciaux relève d’une philosophie forte : lorsqu’une personne publique se comporte de manière analogue à une personne morale de droit privé, c’est-à-dire qu’elle poursuit le même type d’activité, qu’elle utilise les mêmes règles de gestion et qu’elle recherche un financement identique à celui d’une entreprise privée, il n’y aucune raison que, par principe, les personnes morales de droit public échappe à l’application du droit commun. Dans la mesure où la compétence suit le fond, l’exclusion du droit administratif entraîne par principe la compétence des juridictions judiciaires pour contrôler les actes des personnes publiques, gestionnaire d’un service public industriel et commercial. En second lieu, selon l’arrêt Septfonds du Tribunal des conflits (16 juin 1923), le juge judiciaire ne peut contrôler la légalité des actes administratifs lors des instances qui lui sont soumises. Celui-ci lorsqu’il rencontre une difficulté doit surseoir à statuer et renvoyer la question de la légalité au juge administratif par voie préjudicielle. Cette jurisprudence a longtemps fondé l’idée que le contrôle de légalité des actes administratifs était réservé au juge administratif (soit par voie d’action, par voie préjudicielle). Toutefois, on a admis rapidement que le législateur pouvait prévoir la compétence des juridictions judiciaires dans certaines situations. Par exemple, l’article 111-5 du Code pénal a autorisé l’intervention des juridictions pénales pour contrôler la légalité des actes administratifs lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. Jusqu’à une évolution récente, les juridictions civiles étaient quant à elle dans l’incapacité de procéder à ce type de contrôle et devait sans remettre à l’autorité du juge administratif. Toutefois, le Tribunal des conflits dans une jurisprudence « SCEA du Chéneau » (17 octobre 2011) a reconnu que les juridictions civiles pouvaient procéder à l’examen de la légalité des décisions réglementaires dans trois cas. Ainsi, conformément à l’exigence d’une bonne administration de la justice et au respect d’un délai raisonnable, le juge judiciaire peut écarter une contestation non sérieuse concernant la légalité d’un acte administratif. Il peut également, saisi au principal, écarter la contestation de l’acte administratif lorsqu’il existe une jurisprudence bien établie en ce sens. Enfin, afin d’assurer la mise en œuvre effective du principe

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d’effectivité du droit de l’Union européenne (CJCE, 9 mars 1978, « Simmenthal »), le juge judiciaire doit apprécier la légalité d’un acte administratif au regard du droit de l’Union en interrogeant lui-même la CJUE ou écarter de lui-même un texte réglementaire contesté le méconnaissant. En conclusion, le juge administratif bénéficie d’une exclusivité relative en matière de contrôle des actes des personnes publiques. Toutefois, cela ne signifie pas que les différentes situations permettant l’intervention des juridictions judiciaires affaiblissent la compétence des juridictions administratives. Au contraire, elles traduisent l’idée que le juge administratif est le juge de droit commun des actes des personnes publiques alors que le juge judiciaire n’exerce en la matière que des compétences d’attribution.

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cOMMENTAIRE D’ARRÊT DIRIGé

Tribunal des conflits, 9 juin 1986, « Préfet du Bas-Rhin » Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; la loi du 24 mai 1872 l’ordonnance du 1er juin 1828, modifiée par les décrets du 5 décembre 1952 et du 25 juillet 1960 ; le décret du 26 octobre 1849, modifié par le décret du 25 juillet 1960 ; le préambule de la Constitution et son article 55 ; Considérant que le trésorier payeur général du Bas-Rhin a fait diffuser une demande de retrait de passeport à l’encontre de M. X…, débiteur de la somme de 3 216 590 F au titre d’arriérés d’impôt sur le revenu des personnes physiques des années 1977 à 1981 et que, sur instruction du ministre de l’intérieur, la police de l’air et des frontières a procédé à ce retrait le 5 mars 1985 à l’aéroport de Paris ; qu’estimant que cette mesure était constitutive d’une voie de fait, M. X… a assigné le trésorier payeur général en restitution de son passeport devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg qui a fait droit à cette demande ; que saisie par le trésorier payeur, la cour d’appel de Colmar, devant qui le préfet avait déposé un déclinatoire de compétence, l’a rejeté et a confirmé l’ordonnance de référé par un seul et même arrêt ; Considérant que, malgré la méconnaissance des dispositions des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er juin 1828, cette irrégularité n’affecte pas l’arrêté de conflit qu’il convient d’examiner ;

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Considérant que la liberté fondamentale d’aller et venir n’est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’il est confirmé tant par l’article 2-2°, du quatrième protocole additionnel à la convention européenne des sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales, publiée par le décret n° 74-360 du 3 mai 1974, que par l’article 12-2° du pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques, publié par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 qu’il ne peut être restreint que par la loi ; Considérant que l’ordre de retirer son passeport à M. X..., au motif qu’il était redevable de lourdes impositions et n’offrait pas de garanties de solvabilité, ne découle ni de poursuites pénales, ni de la mise à exécution d’une contrainte par corps ; qu’une telle mesure, qui porte atteinte à la liberté cidessus définie, est manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir conféré par la loi à l’administration pour assurer le recouvrement d’impôts directs ; qu’elle constitue donc une voie de fait ; que, dès lors, le conflit a été à tort élevé : Répondez aux questions suivantes : 1) Sur quel fondement le Tribunal des conflits est-il saisi en l’espèce ? 2) Quelles sont les raisons qui amènent le Tribunal des conflits à reconnaître la compétence des juridictions judiciaires ? 3) Quel est l’autre cas où le juge judiciaire peut être compétent pour connaître des litiges de l’administration sans que cette attribution dépende de la loi ? Quelles sont les distinctions avec le motif retenu par le Tribunal des conflits ? Durée de l’épreuve : 1 heure 30 Pas de document

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sujet n°15 • COMMENTAIRE D’ARRÊT DIRIGÉ

corrigé proposé par les auteurs

Question n° 1 : Sur quel fondement le Tribunal des conflits est-il saisi en l’espèce ? Le Tribunal des conflits est une instance créée par la loi du 24 mai 1872 qui vise à régler les problèmes de compétences entre les deux ordres de juridictions. Le Tribunal des conflits peut être saisi essentiellement dans deux situations. La première situation est celle du conflit positif d’attribution. L’autorité judiciaire peut être saisie par un particulier en méconnaissance de la compétence des juridictions administratives. L’opposition de l’administration se manifeste alors par la voie du préfet du département selon une procédure en deux étapes. En premier lieu, le préfet adresse au représentant du Ministère public de la juridiction concernée un déclinatoire de compétence qui peut porter sur tout ou partie du litige en instance. Le déclinatoire doit être motivé et mentionner les textes sur le fondement desquels le préfet conteste la compétence judiciaire. La juridiction doit se prononcer par un jugement qui porte spécialement sur la question de compétence. Par ce jugement, la juridiction peut soit reconnaître l’incompétence de la juridiction judiciaire, soit rejeter le déclinatoire. Elle doit par la suite surseoir à statuer pendant un délai de quinze jours pendant lequel le préfet apprécie les suites à donner. En second lieu, le préfet peut persister en « élevant le conflit » devant le Tribunal des conflits. Le préfet prend un arrêté de conflit qu’il adresse au Ministère public près de la juridiction concernée. Cette transmission a pour effet pour le Ministère public de requérir à la juridiction de continuer de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du Tribunal des conflits et de renvoyer l’arrêté de conflit au garde des Sceaux pour qu’il saisisse le Tribunal des conflits. Dans ce cas, le contrôle du Tribunal des conflits est double. D’une part, le Tribunal des conflits peut annuler l’arrêté de conflit sans se prononcer sur la compétence s’il

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estime celui-ci irrégulier. D’autre part, le tribunal des conflits va statuer sur son bien fondé si l’arrêté est régulier. Il peut alors : - annuler l’arrêté de conflit, - le confirmer totalement, - le confirmer partiellement. La seconde situation est celle du conflit négatif d’attribution. Il y a conflit négatif lorsque les deux ordres de juridictions saisies de la même affaire se sont déclarés incompétentes pour régler le litige. C’est la deuxième juridiction concernée qui doit élever le conflit. Le Tribunal des conflits annulera alors l’un ou l’autre des jugements d’incompétence. En l’espèce, le Tribunal des conflits a été saisi sur la base d’un déclinatoire de compétence déposé devant une cour d’appel statuant sur une ordonnance de référé. Il s’agit donc d’un cas de conflit positif.

Question n° 2 : Quelles sont les raisons qui amènent le Tribunal des conflits à reconnaître la compétence des juridictions judiciaires ? L’article 66 de la Constitution prévoit que l’autorité judiciaire est la gardienne de la propriété privée et de la liberté individuelle. Malgré la compétence constitutionnelle des juridictions administratives pour connaître des recours en annulation ou en réformation des décisions administratives, le juge judiciaire demeure la juridiction compétente chargée de la protection des libertés fondamentales. Cela ressort d’un certain nombre de textes législatifs qui pour garantir les libertés fondamentales et se conformer à l’article 66 de la Constitution prévoient la compétence judiciaire. On peut citer, par exemple, la compétence du juge judiciaire pour ordonner le transfert de propriété et définir le montant de l’indemnisation des propriétaires évincés lors d’une procédure d’expropriation. Il en est de même pour les étrangers qui font l’objet d’un placement dans un centre de rétention administrative dans l’attente de leur reconduite à la frontière qui peuvent faire l’objet d’une prolongation de rétention par le juge judiciaire de la liberté et de la détention. À côté de ses compétences législatives qui visent à assurer la compétence du juge judiciaire pour assurer la garantie des droits, la jurisprudence judiciaire a dégagé des possibilités d’intervention du juge judiciaire en cas de voie de fait.

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sujet n°15 • COMMENTAIRE D’ARRÊT DIRIGÉ

La théorie de la voie de fait permet au juge judiciaire de connaître des situations où les autorités administratives ont porté une atteinte grave et manifestement illégale à la propriété privée ou aux libertés fondamentales soit qui est insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration, soit qui constitue une exécution forcée d’une décision légale en dehors du cadre permettant à recourir à une telle exécution (T. confl., 8 avril 1935, « Action française »). En l’espèce, le Tribunal des conflits retient la compétence du juge judiciaire en raison d’une voie de fait de l’administration fiscale. En effet, la confiscation du passeport d’un contribuable qui faisait l’objet de lourdes sanctions fiscales n’était pas justifiée par le risque d’évasion du contribuable en l’absence de mesures de contrainte ordonnées par le juge pénal et portait une atteinte grave à la liberté d’aller et de venir insusceptible d’être rattaché à un pouvoir de l’administration fiscale. Le juge des conflits rappelle au demeurant que la liberté d’aller et de venir autorise un contribuable à quitter le territoire national et que cette garantie provient de l’application de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que de l’application de diverses conventions internationales.

Question n° 3 : Quel est l’autre cas où le juge judiciaire peut être compétent pour connaître des litiges de l’administration sans que cette attribution dépende de la loi ? Quelles sont les distinctions avec le motif retenu par le Tribunal des conflits ? L’autre situation permettant au juge judiciaire d’intervenir dans la sphère administrative en dehors d’une compétence légale est la situation d’emprise irrégulière. La dépossession ou l’occupation forcée de la propriété privée immobilière par l’administration n’est pas proscrite par principe. En conséquence, il existe des situations d’emprise régulière qui sont conditionnées par le respect d’une procédure et d’un titre légal. On peut penser en particulier ici à l’expropriation mais aussi à l’ensemble des servitudes administratives. Toutefois, l’emprise devient irrégulière lorsque l’autorité administrative occupe ou dépossède la propriété immobilière d’un particulier sans justifier d’un titre légal. Le particulier qui souhaite contester cette situation doit alors saisir le juge judiciaire. Les différences entre l’emprise irrégulière et la voie de fait sont notables.

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Tout d’abord, l’objet de l’emprise irrégulière est plus restreint que celui de la voie de fait. Il s’agit de protéger la propriété immobilière alors que la voie de fait vise la protection de la propriété privée, qu’elle soit mobilière ou immobilière, mais aussi le respect des droits fondamentaux. Ensuite, le degré d’illégalité nécessaire pour autoriser l’intervention du juge judiciaire est divergent. Dans l’emprise irrégulière, une illégalité simple justifie l’intervention du juge judiciaire. Dans la voie de fait, l’intervention est justifiée par une illégalité manifeste. Enfin, les pouvoirs du juge judiciaire sont différents. Le contentieux de l’emprise irrégulière est un contentieux de la responsabilité de la puissance publique, le juge judiciaire ne peut donc que condamner l’autorité administrative à payer des dommages et intérêts en raison des préjudices subis. Il ne peut pas ordonner des mesures de nature à mettre fin à la situation d’emprise. En revanche, en matière de voie de fait, le juge judiciaire retrouve la plénitude de ses pouvoirs : il peut condamner à indemniser la victime, mais aussi enjoindre à l’administration de mettre fin à la voie de fait et à annuler la décision de l’autorité administrative qui est à l’origine de la voie de fait. Le juge judiciaire peut intervenir sur le fond mais aussi en référé (comme c’est le cas en l’espèce).

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cOMMENTAIRE D’ARRÊT

Sujet : commentez la décision suivante en vous intéressant uniquement à l’office du juge. CE, Ass., 23 décembre 2011, « Danthony et autres » Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée par M. D., M. T., M. T. ; M. D. et autres demandent au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1533 du 10 décembre 2009 portant création de l’École normale supérieure de Lyon ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les notes en délibéré, enregistrées le 12 et 19 décembre 2011, présentées par M. D. et autres ; Vu la Constitution, notamment son préambule ; Vu le code civil ; Vu le code de l’éducation ; Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; Vu la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 ; Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ; Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ; Vu le décret n° 87-695 du 26 août 1987 ;

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Vu le décret n° 94-360 du 6 mai 1994 ; Vu le décret n° 2008-618 du 27 juin 2008 ; Vu le code de justice administrative ; Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche : Considérant que la qualité de membres du conseil d’administration et du comité technique paritaire de l’un des établissements publics regroupés par le décret attaqué de trois des requérants leur confère un intérêt pour demander l’annulation de ce dernier dans toutes ses dispositions ; Sur les conclusions aux fins d’annulation : Considérant qu’aux termes de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, les écoles normales supérieures, qui sont des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel : « [...] peuvent demander, par délibération statutaire du conseil d’administration prise à la majorité absolue des membres en exercice, le regroupement au sein d’un nouvel établissement ou d’un établissement déjà constitué. Le regroupement est approuvé par décret. [...] » ; qu’en vertu de ces dispositions, le décret attaqué, qui a approuvé le regroupement de l’École normale supérieure de Lyon et de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, et défini les statuts de la nouvelle école, devait faire l’objet d’une demande préalable formulée par chacun des conseils d’administration de chaque établissement, statuant séparément ; qu’une telle demande préalable devait elle-même, en vertu des dispositions combinées de l’article 15 de la loi du 11 janvier 1984 et de l’article 12 du décret du 28 mai 1982, être précédée d’un avis du comité technique paritaire attaché à l’établissement ; que, si les délibérations par lesquelles les conseils d’administration de l’École normale supérieure de Lyon et de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud ont, le 13 mai 2009, donné mandat à leurs directeurs de « mener à bien le projet de création d’une École normale supérieure à Lyon au 1er janvier 2010 », doivent être regardées comme des demandes de regroupement au sens de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, il ressort des pièces du dossier,

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sujet n°16 • commentaire d’arrêt

d’une part, que ces délibérations n’ont pas été prises après avis préalable des comités techniques paritaires, qui n’ont été consultés que postérieurement à ces délibérations, sur le projet de statuts, d’autre part, que les conseils d’administration n’ont pas délibéré séparément sur la demande de regroupement mais à l’occasion d’une réunion commune ; Considérant que l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 dispose que : « Lorsque l’autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d’un organisme, seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l’avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l’encontre de la décision » ; Considérant que ces dispositions énoncent, s’agissant des irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme, une règle qui s’inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ; En ce qui concerne l’irrégularité tenant à ce que les conseils d’administration ont délibéré sans l’avis préalable des comités techniques paritaires : Considérant que la consultation obligatoire de chaque comité technique paritaire préalablement à l’adoption par le conseil d’administration de chaque établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de la demande de regroupement prévue par les dispositions précitées de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, qui a pour objet d’éclairer chacun de ces conseils sur la position des représentants du personnel de l’établissement concerné, constitue pour ces derniers une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions

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de travail consacré par le huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ; qu’il ressort des pièces du dossier que, si les comités techniques paritaires des deux écoles ont été consultés sur le projet de statuts de la nouvelle École normale supérieure, ils ne l’ont été que lors d’une réunion commune tenue le 9 juillet 2009, soit postérieurement aux délibérations des conseils d’administration formulant la demande de regroupement ; qu’une telle omission de consultation préalable de chaque comité sur le principe de la fusion, qui a privé les représentants du personnel d’une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité du décret attaqué ; En ce qui concerne les modalités des délibérations des conseils d’administration : Considérant que lorsque des établissements demandent leur regroupement, une délibération exprimant la volonté propre du conseil d’administration de chacune des personnes morales concernées doit être prise en ce sens ; qu’une telle nécessité fait obstacle, eu égard à l’objet même de la délibération, à ce qu’un conseil d’administration puisse délibérer en présence de membres des conseils d’administration des établissements avec lesquels le regroupement est envisagé ; qu’il ressort des pièces du dossier que les délibérations par lesquelles les conseils d’administration des deux écoles normales supérieures ont pris parti sur le principe de la fusion avec l’autre établissement ont été émises lors d’une réunion organisée en commun, sous la présidence unique du président du conseil d’administration de l’un des deux établissements, y compris pendant le débat et le scrutin ; qu’eu égard au nombre et à la qualité des personnes irrégulièrement présentes, et en dépit du fait que les administrateurs étaient informés depuis plusieurs mois du projet de regroupement, de telles modalités de délibération ne peuvent être regardées comme dépourvues d’incidence sur le sens des votes, même si ceux-ci ont été émis de façon distincte ; que l’expression du point de vue autonome de chaque établissement a ainsi été altérée ; que ce vice dans le déroulement de la procédure a donc été susceptible d’exercer une influence sur le sens des délibérations et, par suite, sur le sens du décret attaqué

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sujet n°16 • commentaire d’arrêt

approuvant la demande de regroupement ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction pour tenir compte de la question prioritaire de constitutionnalité formulée dans la note en délibéré présentée par M. D. et autres, que M. D. et autres sont fondés à soutenir que le décret attaqué a été pris au terme d’une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l’annulation ; (…) Décide : Article 1er : Le décret du 10 décembre 2009 est annulé à compter du 30 juin 2012. Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

corrigé proposé par les auteurs L’office du juge correspond aux pouvoirs du juge à déterminer à la fois les modalités de son contrôle et les effets de ses décisions. L’arrêt « Danthony » constitue une des évolutions les plus importantes qui est marquée le contentieux administratif ces dernières années.

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L’École normale supérieure de Lyon a réuni depuis le 1er janvier 2010 deux écoles : l’École normale supérieure de Lyon, d’une part, dont elle a repris le nom, et l’École normale supérieure dite de Fontenay-Saint-Cloud d’autre part, qui est en réalité située à Lyon depuis 2000. Cette fusion a été opérée par le décret du 10 décembre 2009. C’est d’ailleurs pour contester la légalité de celui-ci que M. Danthony et trois autres requérants saisissent le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir. Ces derniers reprochent que le décret a été pris à la suite de deux irrégularités formelles. Tout d’abord, l’article L. 711-1 du Code de l’éducation impose que la demande de regroupement devait émaner de délibération séparée des conseils d’administrations des établissements concernés. Or, les requérants soulèvent que les deux conseils d’administration ont délibéré lors d’une réunion commune. Ensuite, l’article 15 de la loi du 11 janvier 1984 et l’article 12 du décret du 28 mai 1982 prévoient qu’en cas de regroupement, le comité technique paritaire (comité technique aujourd’hui) de chacun des établissements devait formuler un avis préalable pour éclairer la décision des conseils d’administration. Or, dans les faits, les comités techniques paritaires ont été réunis après la délibération des conseils d’administration. L’ensemble des irrégularités sont-elles de nature à entraîner la nullité d’un acte administratif ? Le droit administratif forme un ensemble juridique dont la particularité où les aspects procéduraux sont essentiels. Ainsi, le contrôle de l’administration s’opère par le contrôle du respect de la loi largement entendue (loi, PGD, Constitution, normes internationales) mais aussi du respect des formalités. Le vice de forme ou de procédure constitue donc un moyen classique d’annulation des décisions administratives. Simplement la jurisprudence « Danthony » n’innove pas en inventant un nouveau moyen de légalité (1) mais elle en a renouvelé la définition (2).

1. Le vice de forme ou de procédure : un moyen classique de légalité Les moyens qui peuvent être soulevés devant le juge administratifs sont divisés dans deux grandes catégories (CE, Sect., 20 février 1953, « Société Intercopie ») : les moyens de légalité externe et les moyens de légalité interne. Le vice de forme ou de procédure constitue classiquement un moyen de légalité externe (A). Toutefois, pour éviter de tomber dans un formalisme excessif, le juge administratif en a limité la portée (B).

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sujet n°16 • commentaire d’arrêt

A) Le vice de forme ou de procédure : un moyen de légalité externe Les moyens de légalité interne comportent le détournement de pouvoir et la violation de la loi. Les moyens de légalité externe comprennent l’incompétence de l’auteur de la décision et le vice de forme ou de procédure. La distinction entre les deux fondements juridiques s’appuie sur des objets différents de contestation. Dans la légalité interne, la contestation porte sur ce qui a été décidé. On peut ainsi reprocher à une autorité d’avoir user d’un pouvoir dans une autre fin pour laquelle celui-ci lui avait été confié (le détournement de pouvoir), comme on peut critiquer l’autorité en estimant qu’elle a appliqué de manière erronée un texte (erreur de droit) ou qu’elle a mal appréhendé les faits à l’origine de sa décision (erreur de fait). Dans la légalité externe, la contestation porte sur la façon dont on a décidé. En ce sens, le vice de forme ou de procédure est constitué par la méconnaissance d’une règle organisant la procédure d’élaboration des décisions. Ces règles sont diverses. Il peut s’agir comme dans l’arrêt « Danthony » de l’obligation pour l’autorité d’être tenu à saisir préalablement un organisme consultatif ou de procéder à l’adoption d’une décision en respectant certaines formalités (en l’espèce, l’obligation de délibérer séparément). On retrouve également l’obligation de respecter un certain délai, d’atteindre un quorum particulier, de faire apparaître une signature ou des contreseings, de statuer après une enquête publique, de motiver, etc. La distinction entre les deux fondements juridiques dispose néanmoins d’effet contentieux. En effet, en vertu de la jurisprudence « Société Intercopie », il est impossible d’invoquer un moyen nouveau tiré d’une nouvelle cause à l’expiration du délai de recours contentieux.

B) Le vice de forme ou de procédure : un moyen à portée limitée Pour ne pas s’enfermer dans un formalisme excessif, le Conseil d’État a toujours considéré que l’ensemble des irrégularités formelles ou de procédure n’était pas de nature à entraîner l’annulation d’une décision administrative. Cette jurisprudence était guidée par le fait que la reconnaissance du vice de forme ou de procédure empêchait certes l’autorité à régulariser la situation en accomplissant a posteriori les procédures ou les formes omises mais ne pouvait éviter que l’autorité puisse prendre une

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nouvelle décision, équivalente à celle annulée, en respectant les formalités omises. Autrement dit, l’annulation pour cause de vice de forme ou de procédure n’exclut pas, en principe, la possibilité pour l’autorité administrative de reprendre la même décision en veillant à ne pas l’entacher à nouveau du vice qui avait provoqué son annulation. Ainsi, le Conseil d’État distinguait les formalités substantielles des formalités non substantielles. S’agissant de ces dernières, le juge estimait que l’ensemble des prescriptions qui ne sont pas susceptibles d’infléchir le sens de la décision n’entache pas d’illégalité la décision dans la mesure où leur omission est sans incidence. Il pouvait s’agir d’un délai purement indicatif ou d’une obligation de simple information relative aux étapes du déroulement d’une procédure. En revanche, les formalités substantielles provoquaient l’illégalité de la décision. Leur méconnaissance était de nature à justifier l’annulation des décisions concernées dans la mesure où elle marquait un manquement grave à une formalité envisagée comme étant essentielle, ou elle avait dans les circonstances de l’espèce eu une influence sur le sens de la décision ou le respect des droits des intéressés. Cette distinction entre les différents types de formalité marque la volonté de limiter la portée du vice de forme ou de procédure, de ne pas en faire un moyen automatique de nullité (comme le sont les autres moyens de légalité). La décision « Danthony » s’inscrit dans cette philosophie. Toutefois, ce qui démarque cette jurisprudence de la position antérieure des juridictions administratives tient à l’ambition du juge de clarifier la notion.

2. Le vice de forme ou de procédure : une nouvelle définition La nécessité pour le Conseil d’État de revenir sur la définition du vice de forme ou de procédure se justifie par la volonté d’abandonner la distinction entre formalités substantielles et non substantielles qui était source de confusions (A) et de rendre plus effectif et concret le vice de forme ou de procédure (B).

A) Une volonté de clarification du vice de forme ou de procédure Dans l’arrêt « Danthony », le Conseil d’État abandonne la distinction entre les formalités substantielles et les formalités non substantielles, en tout cas concernant la procédure consultative. Cette distinction laissait planer une certaine confusion sur leurs champs respectifs. Est-ce que le caractère substantiel dépendait de la nature de la formalité en cause ou, au contraire, est-ce que le caractère substantiel devait être éclairé par

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sujet n°16 • commentaire d’arrêt

les circonstances de l’espèce en fonction des incidences de la méconnaissance d’une règle formelle ou procédurale ? La jurisprudence n’était pas clairement établie car le juge administratif pouvait retenir le caractère substantiel en s’attardant à l’un ou l’autre de ses aspects : la nature de la formalité ou les effets de la méconnaissance dans les circonstances de l’espèce. Cela se ressentait particulièrement en matière de consultation préalable. Pour cette raison, le Conseil d’État décide de revenir sur la notion de vice de forme ou de procédure de nature à provoquer l’illégalité de l’acte. Ainsi, dans l’arrêt « Danthony », le Conseil d’État dispose que « s’agissant des irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme, une règle qui s’inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ». Ainsi, ce sont les effets de la méconnaissance de la formalité qui prime puisque l’illégalité dépend uniquement maintenant du fait que l’omission a exercé une influence sur le sens de la décision prise ou a privé les intéressés d’une garantie.

B) L’ambition de renforcer l’effectivité du vice de forme ou de procédure L’application du considérant de principe démontre l’ambition de la jurisprudence « Danthony » de conférer une efficacité renforcée au vice de forme ou de procédure à deux égards. En premier lieu, il s’agit d’une jurisprudence qui s’applique à l’ensemble des vices de forme ou de procédure. En l’espèce, le Conseil d’État ne fait pas qu’appliquer l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 disposant que : « Lorsque l’autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d’un organisme, seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l’avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l’encontre de la décision ». En effet, la loi ne prévoyait que le cas des obligations de consultation alors que le juge évoque la procédure consultative dans un sens plus large.

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En second lieu, le Conseil d’État procède à une application positive des deux motifs justifiant qu’un vice de forme ou de procédure soit de nature à entacher une décision administrative d’illégalité. Ainsi, le Conseil d’État estime que l’omission de consultation du comité technique paritaire dans les conditions légales prive les représentants du personnel de leurs droits. En effet, le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui fonde le principe de participation des travailleurs est garanti dans la fonction publique par la création de commissions consultatives du personnel dont le comité technique fait partie. En ne consultant pas préalablement l’organisme concerné, l’autorité a méconnu le droit des agents à participer à une décision importante de l’établissement et à manifester le cas échéant son opposition. En outre, le Conseil d’État considère que le fait que les conseils d’administration aient délibéré lors d’une réunion commune a pu avoir une influence sur le sens de la décision. En ce sens, la Haute juridiction relève que la réunion était non seulement commune mais elle était de surcroît dirigé par un seul des présidents des conseils d’administrations concernés aussi bien pendant le débat que le scrutin. En conséquence, le nombre des personnes étrangères et les modalités de cette délibération étaient de nature à influencer le sens de la décision dans la mesure où il ressort implicitement de la décision que la parole des administrateurs n’était pas totalement libre.

La jurisprudence « Danthony » constitue une volonté de précision louable de la jurisprudence. Pour autant, celle-ci n’est pas absolue. Le fait de conditionner le vice de forme ou de procédure à son influence possible sur le sens de la décision laisse une certaine marge d’appréciation au juge et donc de doute pour le justiciable… comme sous l’empire des formalités substantielles.

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dissertation

Sujet : L’effectivité des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

corrigé proposé par les auteurs Il est du rôle du juge de ne pas s’enfermer dans une tour d’ivoire afin d’élaborer des solutions savantes et complexes en droit dans lesquelles la question de l’exécution serait totalement étrangère. Par définition, l’effectivité c’est ce qui est effectif, c’est-à-dire ce qui produit des effets. Dire d’une décision de justice qu’elle est effective est quasiment un truisme. L’article L. 11 du Code de justice administrative prévoit que les jugements sont exécutoires, c’est-à-dire qu’ils sont frappés de l’autorité de chose jugée. Toutefois, l’effectivité ne s’arrête pas aux portes de l’autorité de chose jugée. Pour produire des effets, une décision doit donc être tout d’abord exécutable, applicable. Cela implique que matériellement elle puisse l’être ou que ses conséquences ne soient pas manifestement excessives. Mais une décision de justice pour être effective, doit aussi être adaptée. Cette adaptabilité des décisions du juge administratif peut doublement s’envisager. Tout d’abord,

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l’adaptabilité s’inscrit dans un souci d’équilibre qui constitue une double préoccupation pour le juge administratif. Il doit non seulement trouver un équilibre entre les prérogatives exorbitantes de la puissance publique et les droits des particuliers, de la même manière il doit contrôler l’administration sans se substituer à elle. Le nom du plus célèbre de ces recours démontre largement cette difficulté du juge : le recours pour excès de pouvoir. On ne sanctionne pas l’usage du pouvoir, mais son excès. Cela place le juge administratif devant une mission délicate : contrôler le pouvoir sans l’annihiler, ne pas gêner la puissance publique tout en la rendant acceptable. Ensuite, il y a un deuxième aspect à l’adaptabilité. Rendre une décision adaptée, c’est rendre une décision qui vide le contentieux. Si une décision de justice appelle un futur contentieux, c’est qu’elle n’est pas adaptée. Classiquement, le juge administratif de l’excès de pouvoir est doté d’une arme principale qu’est le pouvoir d’annulation. Or, l’annulation est un procédé quelque peu brutal, parfois un peu illusoire sur son caractère rétroactif qui n’implique pas nécessairement qu’il soit satisfaisant pour celui qui la demande et qui n’implique pas non plus que la décision administrative soit d’une illégalité définitive. Prenons l’exemple de l’étranger qui sollicite l’annulation de son refus de titre de séjour. Sa volonté est d’obtenir ledit titre. Or l’annulation ne lui confère pas. Ainsi, l’autorité préfectorale pourra après réexamen du dossier prononcer un refus qui cette fois sera conforme à la loi. C’est parce que le pouvoir d’annulation ne permet pas d’être pleinement satisfaisant que l’on peut s’interroger sur la nécessité de doter le juge de l’excès de pouvoir d’autres prérogatives que l’annulation. Ainsi, ces dernières années d’autres pouvoirs sont venus pourvoir l’arsenal du juge de l’excès de pouvoir qui le rapproche de plus en plus du juge du plein contentieux (1). Cette démarche d’extension de ses prérogatives, qui est essentiellement jurisprudentielle, fait naître un certain nombre de critiques (2).

1. Un renforcement notable des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir au service de l’effectivité de ses décisions Le juge administratif a toujours fait évoluer son office pour censurer l’arbitraire administratif : la théorie du bilan, la qualification juridique des faits et l’erreur manifeste, la soumission aux principes généraux du droit, le sursis à exécution, le bloc de constitutionnalité, etc.

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L’ensemble de ces solutions s’inscrivait dans le cadre de son pouvoir d’annulation. Pendant longtemps, le juge administratif s’est refusé à accompagner ses décisions par d’autres mesures, comme par exemple des mesures d’injonction. Depuis une vingtaine d’années, l’office du juge s’est particulièrement renforcé. On distingue des pouvoirs qui accompagnent le pouvoir d’annulation et d’autres qui se présentent comme des alternatives à l’annulation.

A) La reconnaissance de pouvoirs d’accompagnement de l’annulation Il faut noter trois pouvoirs qui visent à accompagner l’annulation des décisions administratives

1) Le pouvoir d’injonction Jean Rivero écrivait dans un article célèbre : « Étrangère au pouvoir du juge, pourquoi l’injonction le serait-elle ? ». On était en 1974 et le juge n’a jamais passé le pas. Il a fallu attendre une intervention du législateur et la loi du 8 février 1995 qui a confié surtout au juge administratif la faculté à titre préventif d’ordonner à l’administration de prendre une mesure dans un sens déterminé ou une décision suite à une nouvelle instruction. Cette loi n’a pas constitué un changement radical pour l’administration en matière d’exécution des décisions de justice, puisque les autorités administratives étaient pour une très grande partie assez rigoureuses dans l’exécution de celles-ci. Le pouvoir d’injonction a permis surtout d’améliorer l’effectivité des décisions de justice dans le sens où le pouvoir d’injonction permet au juge administratif de faire de la pédagogie. L’étranger sait que l’annulation de son refus de titre n’entraînera qu’un réexamen de son dossier ; que l’annulation d’un acte détachable ou d’une clause réglementaire d’un contrat administratif sera suivie de l’obligation pour l’administration contractante de saisir le juge du contrat… La loi du 8 février 1995 a fait sauté un verrou psychologique : le juge de l’excès de pouvoir se fait une tout autre idée de ses fonctions car il veille à ce que l’administration tire toutes les conséquences juridiques des annulations qu’il prononce.

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2) Le pouvoir de modulation C’est la nouvelle voie que va suivre le juge administratif à compter de la jurisprudence « Association AC ! » (CE, Ass., 20 mai 2004) avec la mise en place du pouvoir de modulation. Tout d’abord, la modulation a été permise pour contenir les effets de l’annulation. Lorsque les intérêts le commandent (l’intérêt général mais aussi les intérêts des particuliers), le juge peut prévoir que les effets d’un acte antérieurs à son annulation soient regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine. En somme, le juge administratif peut procéder à la modulation des effets temporels de l’annulation en retirant à l’annulation son caractère rétroactif ou effectuer la modulation temporelle des effets de l’annulation en différant dans le temps le moment de son effectivité. Ensuite, le juge a élargi dans les mêmes conditions le champ de la modulation en prévoyant la modulation des effets de l’annulation des décisions juridictionnelles (CE, Avis, 27 octobre 2006, « Société Techna » : décision de différer l’application d’un acte réglementaire légale qui avait été suspendue en référé) et la modulation des effets de l’entrée en vigueur d’une jurisprudence (CE, Ass., 16 juillet 2007, « Sté tropic travaux signalisations »).

3) Le pouvoir de suspension Par nature, les recours n’ont pas de caractère suspensif (art. L4, C. just. adm. : une des dix règles du décalogue). Mais la possibilité de suspension avait été ouverte avec la procédure du sursis à exécution et aujourd’hui, elle est largement utilisée avec les procédures de référés de la loi du 30 juin 2000, dont les plus célèbres sont le référé injonction et le référé liberté. Là aussi, on peut y voir une nouvelle facette de l’effectivité puisque le juge peut suspendre provisoirement un acte dont la légalité est douteuse. Donc injonction, modulation et suspension sont les trois nouvelles armes dont dispose le juge administratif pour accompagner l’annulation.

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B) La reconnaissance de pouvoirs alternatifs à l’annulation Il s’agit de pouvoirs de réfection de l’acte administratif qui est frappée d’une illégalité. Mais au lieu d’annuler le juge va retenir la légalité de l’acte en se basant sur le constat que si l’acte est illégal, son sens n’est pas contraire à la loi. En résumé, avec les pouvoirs alternatifs à l’annulation, le juge administratif n’entend pas mettre fin à un litige, mais à une situation litigieuse dans laquelle l’acte annulé sera suivi d’un acte de même portée autrement formulée. D’une certaine manière, le juge fait l’économie d’un contentieux futur.

1) Le pouvoir de substitution Il existe deux procédés. Le premier est ancien, il s’agit de la substitution de base légale. Lorsque la base légale retenue ne peut servir de fondement à l’acte administratif, le juge, au lieu de prononcer l’annulation, est à même de corriger l’irrégularité en cause, en procédant à une substitution de base légale. Selon les principes posés par l’arrêt du 8 mars 1957 « Rozé » et reprécisées dans l’arrêt de section du 3 décembre 2003, « Préfet de la Seine Maritime c/ El Bahi », le juge administratif peut, sans y être obligé, procéder, même d’office, à cette substitution, au vu des pièces du dossier lorsqu’il apparaît qu’une base juridique était, elle, susceptible de fonder la mesure prise. Le second procédé est plus récent : la substitution de motifs. La substitution de motifs consiste pour le juge à substituer à l’appréhension de la situation de fait par l’autorité administrative un motif de droit ou de fait qu’elle n’avait pas invoqué initialement et qu’elle ne « découvre » qu’en cours d’instance. Cette possibilité existait préalablement mais elle était limitée qu’à la situation où l’autorité administrative était en situation de compétence liée (CE, Sect., 23 juillet 1976, « Min. du travail c/ URSSAFF du Jura »). Depuis l’arrêt de section du 6 février 2004, « Mme Hallal », le juge administratif accepte, désormais, que la substitution de motif puisse être revendiquée dans le cadre des situations où l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire.

2) Le pouvoir de régularisation Il ne s’agit pas à proprement parler d’un pouvoir de régularisation mais plutôt d’une nouvelle tendance de la jurisprudence de laisser la possibilité à l’administration de corriger son acte.

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Un exemple récent manifeste cette tendance. Dans un arrêt « Commune de Divonne les Bains » du 23 décembre 2011, le Conseil d’État autorise la régularisation d’un acte détachable au contrat. En effet, à la suite de l’annulation, par le juge de l’excès de pouvoir, de l’acte détachable autorisant la passation d’un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l’illégalité affectant cet acte. S’il s’agit notamment d’un vice de forme ou de procédure propre à l’acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l’annulation sur le contrat luimême. La personne publique peut ainsi, eu égard au motif d’annulation, adopter un nouvel acte d’approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l’acte annulé.

2. Un renforcement critiqué des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir Malgré la bonne volonté du juge de renforcer l’effectivité (A) de ses décisions, le renforcement des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir souffre de deux écueils (B).

A) Une bonne volonté insuffisante L’ensemble des pouvoirs reconnus sont commandés par la volonté d’applicabilité et d’adaptabilité, et donc d’effectivité des décisions du juge administratif. On peut comprendre que tarir une solution litigieuse est plus satisfaisant que de tarir un litige. Il n’y a pas plus mauvaise justice qu’un jugement qui appellera dans l’avenir à revenir auprès du juge. Tel est le cas lorsque l’autorité corrigeant un vice de forme ou de procédure reprend une décision identique à la première qui a été annulée. En outre, l’ensemble de ces procédés est toujours circonscrit au fait que leur usage ne doit pas priver le requérant de ses garanties. La condition est souvent posée comme dans la substitution de base légale ou de motifs ou le pouvoir de modulation. Ainsi, la décision du juge vise à assurer l’effectivité de ses décisions sans porter atteinte aux intérêts du requérant. Toutefois, il faut reconnaître que ces nouveaux procédés renforcent le dialogue du juge avec l’administration active. Le requérant est un peu effacé dans l’ensemble de ces

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rapports. Il est rarement à l’origine comme c’est le cas pour l’injonction. Il en subit davantage les effets. Cela a fait naître deux écueils.

B) Des écueils évidents C’est certainement à cause de l’effacement progressif du requérant particulier dans une période de juridiciarisation de la société que le juge administratif est placé devant deux critiques. On reproche tout d’abord au juge administratif sa transformation en administrateur. Or, le juge administratif est vigilant à ne pas s’immiscer dans la sphère de l’administration. Toutefois, le juge statue de plus en plus sans que les parties ne l’aient sollicité. Que doit-on penser des injonctions prononcées sans demande des parties (injonctions dites prétoriennes) même si en toute logique, le juge ne fait que tirer les conséquences de l’autorité de chose jugée de ses décisions ? De la même manière, comment justifier une substitution de base légale, prononcée d’office, à la surprise du requérant mais aussi de l’administration ? On reproche ensuite au juge administratif de se mettre au service de l’administration. Il s’agit d’une image bien évidemment fausse tant on sait que le juge administratif est au service de la légalité et de l’intérêt général. Mais ce que les avertis savent sans nul doute possible, échappe au grand public. C’est éternel mais il existe une suspicion de promiscuité entre le juge administratif et l’administration. Le juge ne peut pas vraiment s’en défendre mais il est certain que ses nouveaux pouvoirs contribuent à relancer le débat. En conclusion, on peut se demander si le juge administratif est allé trop loin sur la voie de l’effectivité. Rappelons-nous ce que le président Raymond Odent dans son cours de contentieux administratif écrivait à propos de la substitution de motif et qui peut être largement transposable à de nombreux autres cas : « si le juge de l’excès de pouvoir avait, par principe, la faculté d’opérer des substitutions de motif, il se substituerait, en réalité, à l’administration active […]. Dès lors que l’administration, ayant le choix entre plusieurs solutions, s’est décidée, par erreur, dans un sens plutôt que dans un autre, toute personne y ayant intérêt a le droit d’obtenir une annulation ».

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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1er avril 2008, « Consorts Thiault, Roger et Sabiron » Considérant que, le 27 août 2003, vers 20 heures 30, Alexandre Thiault, âgé de 21 ans, qui s’était rendu sur la « plate-forme d’observation » de l’éruption alors en cours du Piton Kapor, dans le massif du Piton de la Fournaise, a chuté dans un trou, d’une profondeur d’environ quatre mètres, résultant de la fracture des flancs d’un hornito situé au-delà du périmètre de la zone ainsi délimitée et qu’il avait entrepris de gravir afin de jouir d’une meilleure vue sur l’éruption ; qu’en dépit des efforts des personnes présentes sur les lieux pour tenter de le sauver, il a péri quelques minutes plus tard, succombant à la chaleur, supérieure à 200 degrés, qui régnait dans cette cavité ; que les consorts Thiault, Roger et Sabiron relèvent appel du jugement n° 0401046, en date du 22 juillet 2005, par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire de l’État et de l’Office national des forêts, ainsi que, le cas échéant, au titre de l’exercice des pouvoirs de police, des communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose, à leur verser des indemnités en réparation du préjudice moral résultant pour eux du décès de leur parent ;

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Sur la recevabilité des demandes de première instance, en tant qu’elles étaient fondées sur la faute dans l’exercice des pouvoirs de police administrative : Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision [...] » ; qu’il est constant que les demandes présentées au tribunal administratif de SaintDenis par les consorts Thiault, Roger et Sabiron n’ont fait l’objet d’aucune réclamation préalable auprès du préfet de la Réunion et des communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose ; que, le préfet de la Réunion et l’Office national des forêts ayant opposé aux intéressés, à titre principal, une fin de non-recevoir et les trois communes susmentionnées s’étant pour leur part abstenues de produire un mémoire en défense, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Saint-Denis a jugé que lesdites demandes, assujetties aux dispositions précitées du code de justice administrative en tant qu’elles visaient des carences dans l’exercice des pouvoirs de police administrative, étaient irrecevables pour défaut de liaison du contentieux ; Sur la responsabilité de l’État et de l’Office national des forêts au titre du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public : Considérant que, par arrêté du 25 août 2003, prenant effet le 26 août à 6 heures du matin, le préfet de la Réunion, qui avait quelques jours plus tôt interdit l’accès du public dans l’enclos du Piton de la Fournaise, en raison de l’activité éruptive du Piton Kapor, qui venait de se déclencher, a levé cette interdiction, l’éruption paraissant stabilisée ; qu’il a dans le même temps chargé l’Office national des forêts de définir, en concertation avec les spécialistes de l’observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise, dépendant de l’Institut de physique du globe de Paris, l’emplacement d’une « plate-forme d’observation » pouvant accueillir les spectateurs dans de bonnes conditions de sécurité ; que la délimitation de cette aire d’observation et de son itinéraire d’accès depuis le Pas de Bellecombe, situés sur le domaine privé « placé sous la main de l’administration des eaux et forêts »

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en vertu de l’arrêté interministériel du 30 juin 1948 pris pour l’application du décret n° 47-2222 du 6 novembre 1947 relatif à l’attribution de l’ancien domaine colonial, s’est ainsi inscrite dans une opération de police administrative, justifiant en tout état de cause la compétence de la juridiction administrative, sans que les aménagements réalisés, consistant seulement en la mise en place d’un balisage rudimentaire au moyen de peinture et de rubans de chantier, ainsi que de panneaux rappelant aux visiteurs les consignes de sécurité, qui n’ont pas modifié l’état naturel du site, aient pu lui conférer, dans les circonstances de l’espèce, le caractère d’un ouvrage public ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les consorts Thiault, Roger et Sabiron ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leurs demandes ; Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’État, l’Office national des forêts ou les communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à M. et Mme Gérard Thiault la somme qu’ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées, sur le même fondement, par la commune de Saint-Philippe ; Décide : Art. 1er : La requête des consorts Thiault, Roger et Sabiron est rejetée. Art. 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Philippe tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. QUESTIONS : 1) Décrivez les faits et la procédure (4 points). 2) Quelle est la nature du préjudice soulevé par les requérants ? (3 points)

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3) Expliquez la raison pour laquelle la responsabilité pour faute des communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose dans l’exercice des pouvoirs de police administrative n’est pas retenue (3 points) 4) Quels sont les motifs invoqués par la cour pour rejeter les conclusions portant sur la responsabilité de l’État et de l’Office national des forêts au titre du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public ? Cette solution vous paraît-elle contestable au regard du considérant ci-dessous ? (5 points) « Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X a fait une chute alors qu’elle empruntait une voie d’accès constituée par une masse rocheuse aménagée (passage creusé vulgairement dans la roche) pour permettre le passage du public, menant à la plage publique « La Badine » ; que cette voie d’accès, qui serait à l’origine de la chute, était accessible à partir du sentier littoral, dont il n’est pas contesté qu’il est partiellement aménagé et ouvert au public ; qu’ainsi, la masse rocheuse aménagée accessible par le sentier littoral, constitue un ouvrage public » (CAA Marseille, 17 décembre 2007, « Valentini ») 5) Si le défaut d’entretien normal d’un ouvrage public avait pu être retenu, l’administration aurait-elle pu s’exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité ? À ce titre que pensez-vous particulièrement du comportement de la victime ? (5 points) Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

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corrigé proposé par les auteurs

Question n° 1 : Décrivez les faits et la procédure (4 points) Dans la soirée du 27 août 2003, Alexandre Thiault, âgé de 21 ans, a succombé après avoir chuté dans une cavité d’une profondeur de quatre mètres dans laquelle la température était supérieure à 200 degrés. Afin de jouir d’une meilleure vue, la malheureuse victime s’était écartée de la plate-forme d’observation qui avait été aménagée par l’Office national des forêts pour permettre aux spectateurs d’assister à l’éruption du Piton Kapor. Les consorts Thiault, Roger et Sabiron estiment que les autorités publiques sont responsables de l’accident. Ils engagent devant le tribunal administratif de Saint-Denis une action en réparation du préjudice moral de la perte de leur parent contre, d’une part, l’État et l’Office national des forêts en invoquant le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public et, d’autre part, les communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose en raison d’une défaillance dans l’exercice de leur pouvoir de police. Par un jugement du 22 juillet 2005, le tribunal administratif de Saint-Denis rejette l’ensemble des demandes des consorts Thiault, Roger et Sabiron en opposant une irrecevabilité aux moyens dirigés contre les communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose due à l’absence de décision préalable liant le contentieux et en écartant sur le fond la responsabilité solidaire de l’État et de l’Office national des forêts. Les requérants contestent le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis en interjetant appel devant la cour administrative d’appel de Bordeaux. Outre l’annulation de ce jugement, les requérants renouvellent leur demande sur le fond.

Question n° 2 : Dans quelle mesure les consorts Thiault, Roger et Sabiron peuvent invoquer la réparation d’un préjudice alors qu’ils ne sont pas les victimes de l’accident ? (3 points) La réparation de la douleur morale a longtemps exclu des préjudices indemnisables devant le juge administratif. En effet, le Conseil d’État considérait que la douleur

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morale ne pouvait être évaluée pécuniairement et que, dans la mesure où « les larmes ne se monnayent point », il est immoral de profiter d’une atteinte à un sentiment d’affection. Cette position de principe qui a marqué la jurisprudence de la Haute juridiction n’a été abandonnée qu’en 1961 à l’occasion de l’affaire « Letisserand » (CE, Ass., 24 novembre 1961). Les consorts Thiault, Roger et Sabiron invoquent en l’espèce un préjudice moral lié au décès de leur parent. Bien qu’il ne soit pas les victimes « immédiates » du fait dommageable, les requérants bénéficient aussi de la jurisprudence sur la réparation des dommages occasionnés aux victimes « par ricochet ». En effet, les préjudices par ricochet (appelés également « préjudices réfléchis ») sont ceux qui atteignent les individus qui, en raison du décès ou de l’infirmité de la victime immédiate, subissent un trouble dans leurs conditions matérielles d’existence (par exemple : la perte des revenus qui étaient apportés par la victime immédiate) ou éprouvent une douleur morale à la suite de la perte d’un être cher (CE, Ass., 3 mars 1978, « Veuve Muesser »). C’est donc en raison d’un lien les unissant avec la victime (un lien de parenté) que les consorts Thiault, Roger et Sabiron sont admis à solliciter la réparation de leur préjudice moral à la suite du décès de leur parent.

Question n° 3 : Expliquez la raison pour laquelle la responsabilité pour faute des communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose dans l’exercice des pouvoirs de police administrative n’est pas retenue (3 points) Les recours devant le juge administratif sont dirigés contre des décisions administratives. Cette règle, qui ne pose guère de difficultés dans le cadre du recours en annulation des actes administratifs, impose en matière de responsabilité que les victimes déposent préalablement une demande en réparation devant l’autorité administrative concernée. L’objectif de cette procédure est double. Tout d’abord, elle permet potentiellement de faire l’économie d’un contentieux puisque l’administration en faisant droit à la demande ou en faisant une proposition acceptable d’indemnisation pour la victime supprime toute nécessité d’avoir recours au juge pour tarir le litige. Ensuite, la décision de rejet total ou partiel de la demande a

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pour objet de lier le contentieux. La victime sollicite la réparation de ses préjudices en contestant la décision administrative qui refuse l’indemnisation. Par exception, la réparation des préjudices liés à une opération de travaux publics est soustraite de la règle de la décision préalable (application de la loi du 28 pluviôse de l’an 8). Les victimes peuvent directement saisir le juge administratif sans avoir à susciter une décision administrative préalable. En l’espèce, la cour administrative d’appel rappelle à bon droit que la responsabilité des communes de Saint-Philippe, du Tampon et de Sainte-Rose était engagée en raison d’une défaillance dans l’exercice de leur pouvoir de police. Les requérants en ayant omis de leur adresser une demande d’indemnisation ont méconnu la règle de la décision préalable. Leurs demandes dirigées contre les communes concernées sont donc irrecevables.

Question n° 4 : Quels sont les motifs invoqués par la cour pour rejeter les conclusions portant sur la responsabilité de l’État et de l’Office national des forêts au titre du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public ? Cette solution vous paraît-elle contestable au regard du considérant ci-dessous ? (5 points) « Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X a fait une chute alors qu’elle empruntait une voie d’accès constituée par une masse rocheuse aménagée (passage creusé vulgairement dans la roche) pour permettre le passage du public, menant à la plage publique « La Badine » ; que cette voie d’accès, qui serait à l’origine de la chute, était accessible à partir du sentier littoral, dont il n’est pas contesté qu’il est partiellement aménagé et ouvert au public ; qu’ainsi, la masse rocheuse aménagée accessible par le sentier littoral, constitue un ouvrage public » (CAA Marseille, 17 décembre 2007, « Valentini ») La responsabilité des dommages occasionnés aux usagers des travaux ou ouvrages publics constitue un régime spécial. En raison du risque que fait peser les travaux et ouvrages publics sur les particuliers, la réparation des dommages occasionnés aux usagers est fondée sur une présomption de faute de l’autorité administrative, celle du défaut d’entretien normal. Dans cette situation, il revient non plus à la victime de prouver la faute mais à l’autorité administrative de justifier qu’elle n’a pas commis de

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faute. D’un point de vue contentieux, on considère que la charge de la preuve s’est renversée passant du demandeur (la victime) au défendeur (l’autorité administrative). Toutefois, l’application de ce régime suppose que la source du dommage soit liée à un défaut provenant d’une opération de travaux publics ou d’un ouvrage public. En l’espèce, la cour administrative d’appel de Bordeaux estime que l’aménagement de la plate-forme d’observation ne constitue pas un ouvrage public. Cette solution semble s’appuyer sur la définition même de l’ouvrage public : bien immeuble qui a fait l’objet d’un aménagement particulier et qui est affecté à une mission de service public (pendant longtemps, la jurisprudence a fait référence à une destination d’intérêt général). La cour administrative d’appel de Bordeaux retient que les aménagements en cause − la mise en place d’un balisage rudimentaire au moyen de peinture et de rubans de chantier, des panneaux rappelant aux visiteurs les consignes de sécurité – ne sont pas suffisants pour leur conférer le caractère d’ouvrage public. La juridiction appuie en ce sens son argumentation en relevant que ces aménagements n’avaient pas modifié « l’état naturel du site ». C’est ce dernier point qui distingue les faits de l’espèce avec ceux de l’arrêt « Valentini » de la cour administrative d’appel de Marseille. On peut certes relever que les aménagements étaient assez légers puisque le passage à l’origine de la chute avait été vulgairement creusé dans la roche mais ils avaient eu pour effet d’altérer l’état naturel du site. En effet, le balisage et les panneaux étaient appelés à disparaître à l’issue de l’éruption volcanique alors que le passage creusé dans la roche avait vocation à demeurer dans le temps. En conséquence, l’Office national des forêts et l’État n’étaient pas intervenus dans les circonstances de l’espèce en tant que gestionnaire d’un ouvrage public mais en tant qu’autorité de police visant à assurer la sécurité des visiteurs qui venait assister à un événement naturel exceptionnel.

Question n° 5 : Si le défaut d’entretien normal d’un ouvrage public avait pu être retenu, l’administration aurait-elle pu s’exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité ? À ce titre que pensez-vous particulièrement du comportement de la victime ? (5 points) En matière de responsabilité, l’autorité peut s’exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité dans quatre situations : la force majeure, la faute de la victime, le

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sujet n°18 • COMMENTAIRE D’ARRÊT DIRIGÉ

fait du tiers ou le cas fortuit. Or, lorsque la responsabilité n’est pas conditionnée par une faute, l’administration ne peut invoquer une cause exonératoire qui a pour objet d’établir son absence de faute ou d’atténuer l’importance de sa faute. Ainsi, en matière de responsabilité sans faute, l’administration ne peut invoquer ni le cas fortuit, ni le fait du tiers. En effet, le cas fortuit se traduit par la survenance d’un événement qui n’est pas étranger au responsable mais dont la cause inconnue neutralise la faute de l’autorité (voir en ce sens l’affaire du barrage de Malpasset où l’ouvrage n’était affecté ni d’un vice de conception ou de construction, ni d’un défaut d’entretien, qui soit de nature à expliquer qu’il ait subitement cédé sous la pression de l’eau : CE, 22 octobre 1971, « Ville de Fréjus »). Le fait du tiers dispose, quant à lui, d’une incidence plus forte puisque l’intervention du tiers (individu qui n’est ni la victime, ni l’administration) aura pour effet d’atténuer la faute de l’administration si le tiers a contribué à la réalisation du dommage ou d’exclure la faute de l’administration lorsque le fait du tiers constitue la cause unique du dommage. La responsabilité des dommages occasionnés aux usagers des ouvrages publics a une nature particulière. Il ne s’agit pas pleinement d’une responsabilité pour faute dans la mesure où elle est fondée sur une présomption de faute, sans pour autant être une responsabilité sans faute puisque l’administration peut apporter la preuve qu’elle a entretenu normalement l’ouvrage. Nonobstant le débat qui peut entourer la nature de la responsabilité des dommages occasionnés aux usagers des travaux ou ouvrages publics, la jurisprudence considère que le fait du tiers ou le cas fortuit est sans conséquence sur la responsabilité de l’autorité (CE, Sect, 26 avril 1968, « Ville de Cannes »). De ce fait, dans la perspective où la responsabilité aurait été retenue pour défaut d’entretien normal, l’État et l’Office national des forêts n’auraient pu s’exonérer que sur la base de la force majeure ou de la faute de la victime. S’agissant de la force majeure, cette cause exonératoire se caractérise classiquement par la réunion de trois conditions : la force majeure constitue un événement extérieur au défendeur, imprévisible dans sa survenance et irrésistible dans ses effets. Cette définition doit faire l’objet d’une appréciation limitative puisque la jurisprudence estime que les événements naturels présentent les caractères d’une force majeure lorsqu’ils sont d’une violence exceptionnelle et pratiquement sans précédent. Pour illustrer cette approche restrictive de la force majeure, le Conseil d’État a par exemple considéré qu’une avalanche, « malgré sa violence exceptionnelle », ne constituait pas

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un cas de force majeure en raison de la répétition régulière aux mêmes lieux des avalanches (CE, 14 mars 1986, « Commune de Val d’Isère »). En l’espèce, l’éruption volcanique qui est à l’origine de la création de la cavité et de la forte température ne peut être de nature à justifier une exonération de l’administration. Outre le fait que cette éruption soit survenue sur un volcan qui est encore en activité et dont les manifestations éruptives sont fréquentes, l’événement ne semble pas présenter une violence exceptionnelle, les autorités ayant d’ailleurs estimé que l’accès était ouvert à des visiteurs afin de venir l’admirer. S’agissant de la faute de la victime, l’exonération totale ou partielle de l’administration provient du comportement de la victime qui a contribué à la réalisation de son préjudice. Dans les faits de l’espèce, la victime a méconnu pendant une éruption volcanique le balisage et les consignes de sécurité. Il s’est écarté de la plate-forme prévue pour disposer d’une meilleure vue. Son imprudence malheureuse peut limiter, voire exonérer totalement, la responsabilité de l’État et de l’Office national des forêts.

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cas pratique

Paul Isson, projetant de passer ses vacances à Tahiti, est en plein préparatifs. Prévoyant par nature, il s’est fait vacciner contre les hypothétiques maladies présentes sur l’île. Quelques heures après l’injection, il a tout simplement doublé de volume. En état de détresse, il appelle les services d’urgence qui tardent à arriver en raison du fait que les membres de l’équipage, venant en renfort pour une courte durée sur le secteur, ne connaissent pas très bien les rues de la ville. Arrivé à l’hôpital, Paul Isson apprend que son état de santé, en raison de son arrivée tardive aux urgences, nécessite une hospitalisation de plusieurs jours. Paul Isson est effondré car il devait rencontrer le lendemain, dans le cadre de son activité de vendeur représentant placier (VRP), un important client britannique présent une seule fois par an en France, pour finaliser un important contrat de vente de matériels informatiques. Son absence risque de fortement compromettre la réalisation de ce contrat. La voisine de chambre de Paul Isson a connu également de nombreuses mésaventures. Alors qu’elle faisait ses courses au supermarché « Mégaprice », France Dembat a été prise en otage avec une dizaine de clients par Agathe Zeblouse qui souhaitait que le directeur du magasin la rembourse de l’achat de produits de beauté supposés lui redonner l’éclat de sa jeunesse. Passant par là, deux agents de police ont décidé d’intervenir pour maîtriser la forcenée armée. L’un d’entre eux a procédé à un tir de sommation dirigé vers le sol qui par ricochet a touché malheureusement France Dembat au pied. Transportée d’urgence à l’hôpital, France Dembat a fait l’objet d’une opération qui a révélé que sa blessure devrait entraîner une longue et douloureuse rééducation. Les malheurs de France Dembat ne s’arrêtent pas là. En effet, son mari avait stationné son véhicule sur la chaussée en contrebas du parking de l’hôpital. Or, un arbre s’est déraciné du parking et a détruit le véhicule des Dembat dans lequel était entreposé l’ensemble du matériel Hi-Fi nécessaire au mari de France Dembat pour exercer sa profession de Disc-jockey. Un passant, Pat Petitprofid, a profité de l’occasion pour se rouler par terre en

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prétextant qu’il était en état de choc, l’arbre étant tombé à proximité de lui sur le trottoir. Paul Isson, les époux Dembat et Pat Petitprofid ont sollicité une indemnisation auprès des différentes administrations. Leurs démarches n’ont pas abouti : - les services de secours ont indiqué à Paul Isson qu’ils n’étaient pas responsables du comportement d’ambulanciers dépourvus de sens de l’orientation ; - les Époux Dembat ont reçu une fin de non-recevoir du préfet au motif que les agents de police n’avaient pas commis de faute devant cette situation d’urgence. Ils ont également été déboutés de leur demande d’indemnisation par le directeur de l’hôpital qui estime que les époux Dembat n’apportent pas la preuve de l’existence d’une faute dans l’entretien de l’arbre ; - pour la même raison, le directeur de l’hôpital a rejeté la demande indemnitaire de Pat Petitprofid en l’accusant de surcroît d’être un vulgaire fraudeur. Réputé pour vos connaissances en droit administratif, Paul Isson, les époux Dembat et Pat Petitprofid viennent vous consulter pour connaître les chances de succès des actions en réparation qu’ils veulent entreprendre devant le juge administratif. Pour cela, chacun d’entre-eux souhaitent en plus que vous les éclairiez sur les points suivants : - Paul Isson peut-il solliciter une indemnisation de l’autorité administrative pour réparer les préjudices qui ont été commis par le retard des ambulanciers ? Doit-il au contraire se contenter d’évoquer la responsabilité personnelle des agents ? - France Dembat désire savoir si l’absence de faute peut lui être opposée pour réparer les préjudices liés à sa blessure au pied. - Les époux Dembat et Pat Petitprofid souhaitent savoir dans quelle mesure il leur revient de prouver les défaillances fautives de l’entretien de l’arbre. Durée de l’épreuve : 3 heures Pas de document

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sujet n°19 • CAS PRATIQUE

corrigé proposé par les auteurs 1) S’agissant de la réparation des dommages de Paul Isson

À la suite d’une vaccination, Paul Isson a subi une réaction allergique dont les conséquences se sont aggravées par la prise en charge tardive du personnel des services d’urgence. Sa demande d’indemnisation a été rejetée au motif que l’administration n’était pas responsable de l’incompétence des agents. - Paul Isson peut-il solliciter une indemnisation de l’autorité administrative pour réparer les préjudices qui ont été commis par le retard des ambulanciers ? Doit-il au contraire se contenter d’évoquer la responsabilité personnelle des agents ? Comme les particuliers, l’administration est tenue d’indemniser les dommages dont elle est responsable par sa faute. Toutefois, les autorités publiques étant des personnes morales, elles sont mises en mouvement par des agents qui sont obligatoirement les véritables auteurs des actes dommageables. La jurisprudence distingue à ce titre les fautes personnelles des fautes de service pour imputer la responsabilité soit à l’agent, soit à l’administration (T. confl., 30 juillet 1873, « Pelletier »). La faute de service se définit comme la faute impersonnelle, qui révèle un administrateur dont l’erreur provient essentiellement d’une mauvaise organisation du service. En revanche, la faute personnelle est celle qui dévoile, selon Laferrière, un individu « avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ». Cette distinction dispose d’une importance capitale puisque la faute de service engage la responsabilité de l’autorité administrative devant le juge administratif selon les règles du droit administratif et la faute personnelle entraîne la responsabilité de l’agent devant le juge judiciaire sur les bases du droit commun. En l’espèce, le retard des agents est dû à leur méconnaissance de la ville. Cette situation provient essentiellement d’une mauvaise organisation du service puisque l’équipage était composé par des agents qui étaient en renfort et qui ignoraient le secteur. L’autorité administrative ne peut donc se retrancher derrière une faute personnelle des agents. Paul Isson peut donc solliciter une indemnisation de l’autorité administrative mais il ne peut pas engager la responsabilité personnelle des agents. - Les chances de succès Depuis la jurisprudence « Blanco », l’administration a connu un profond bouleversement. À l’origine, les autorités publiques étaient irresponsables de leurs actes. Elles n’étaient pas tenues de réparer les dommages qu’elles provoquaient. La prise en compte de la responsabilité administrative s’est aménagée pour sauvegarder l’intérêt général autour de la reconnaissance de deux types de fautes : la faute simple et la faute lourde.

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La faute lourde est une faute d’une particulière gravité. Elle est nécessaire pour engager la responsabilité des services qui rencontrent des difficultés particulières dans l’exercice de leurs missions. La faute simple est une faute non caractérisée qui se limite à la simple méconnaissance d’une obligation. L’exigence de la faute lourde a permis d’assurer la transition d’un régime d’irresponsabilité à un régime de responsabilité administrative. Depuis une trentaine d’années, on assiste à un recul de l’exigence de la faute lourde. Ainsi, les services de secours aux personnes engagent depuis une décision « Theux » du Conseil d’État du 20 juin 1997 leur responsabilité pour faute simple. En conséquence, une arrivée tardive qui ne se justifie pas sur la base de motifs exceptionnels constitue un défaut d’organisation fautif de nature à engager la responsabilité des services de secours. Toutefois, l’existence d’une faute n’est pas suffisante pour reconnaître la responsabilité de l’autorité. Il faut que la victime puisse justifier d’un dommage et d’un lien de causalité. S’agissant du préjudice, Paul Isson ne peut reprocher la réaction allergique provoquée par la vaccination au service de secours. Son préjudice prend sa source dans l’aggravation de son état ayant nécessité une hospitalisation de plusieurs jours et surtout lui ayant fait perdre l’opportunité de conclure un contrat important. En effet, le préjudice indemnisable doit être certain. Cela exclut les préjudices dont la réalisation n’est qu’éventuelle. La reconnaissance de la perte d’une chance ouvre un droit à réparation dès lors que du fait d’une décision (ou d’une absence de décision), d’un retard ou d’un accident provoqué par l’autorité, la victime a perdu une chance sérieuse de réussir un examen ou un concours, de bénéficier d’une promotion, d’obtenir un emploi ou de conclure un contrat. Il s’agit d’un préjudice certain. En l’espèce, Paul Isson n’a pas pu rencontrer un important client en raison de son hospitalisation. Ce dernier de nationalité étrangère est rarement présent sur le territoire français. Paul Isson a donc perdu une opportunité sérieuse qui peut être réparée sur la base de l’indemnisation de la perte d’une chance. S’agissant du lien de causalité, il faut que la faute soit la cause directe du préjudice, c’est-à-dire que la faute doit avoir clairement provoqué le dommage. En l’espèce, les services de secours n’ont pas provoqué la réaction allergique. Mais il ressort des faits que la prise en charge tardive est à l’origine de l’hospitalisation. Or, c’est le prolongement de cette hospitalisation qui est à l’origine de la perte pour Paul Isson de la chance sérieuse de conclure le contrat avec son client britannique. Dans la mesure où l’ensemble des conditions de la responsabilité sont satisfaites, Paul Isson dispose de chances de succès importantes devant le juge administratif.

2) S’agissant de la réparation des dommages de France Dembat

France Dembat a été blessée au pied lors d’une opération de police au cours de laquelle un agent a effectué un tir de sommation au sol.

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sujet n°19 • CAS PRATIQUE

- France Dembat désire savoir si l’absence de faute peut lui être opposée pour réparer les préjudices liés à sa blessure au pied. Traditionnellement, les services de police engagent leur responsabilité pour faute lourde (CE, 10 février 1905, « Tomaso Grecco »). Toutefois, on estime que l’utilisation d’armes à feu fait peser un risque sur les particuliers. Afin de garantir l’indemnisation des victimes d’armes à feu utilisées par les services de police, l’État engage sa responsabilité sans faute en raison de l’utilisation d’une chose dangereuse (CE, Ass., 24 juin 1949, « consorts Lecomte »). Ce régime de responsabilité suppose néanmoins que la victime ne soit pas visée par l’opération de police (CE, Sect., 27 juillet 1951, « Dames Aubergé et Dumont »). Dans les faits, France Dembat était prise en otage avec plusieurs clients d’un supermarché par Agathe Zeblouse. Les agents de police visaient donc à appréhender cette dernière et non France Dembat. En conséquence, France Dembat a été blessée par une arme à feu lors d’une opération de police qui ne la visait pas. Elle n’a nullement besoin de prouver la faute de l’agent, comme l’autorité ne peut s’exonérer par l’absence de faute. - Les chances de succès de France Dembat À l’instar de Paul Isson, France Dembat doit justifier d’un préjudice et d’un lien de causalité entre l’utilisation de l’arme à feu et son dommage. Quant au préjudice, France Dembat souffre d’une blessure qui va nécessiter une longue et douloureuse rééducation. Elle peut donc invoquer un préjudice matériel, lié aux pertes de revenus ou le montant des frais non pris en charge par les assurances sociales. Mais surtout, elle peut invoquer deux catégories de préjudices moraux : les souffrances physiques éprouvées (le « pretium doloris » : CE, Sect., 6 juin 1958, « Commune de Grigny ») et le trouble dans les conditions d’existence de vie qui est constitué par l’ensemble des désagréments comme le fait de s’abstenir de certaines activités, de renoncer à certains projets, de modifier ses habitudes ou son mode de vie pour suivre une longue rééducation. Le lien de causalité direct est en l’espèce certain.En conclusion, les chances de succès de France Dembat sont importantes.

3) S’agissant de la réparation du dommage subi par les époux Dembat et par Pat Petitprofid Le véhicule des époux Dembat, stationné sur la chaussée, a été détruit par la chute d’un arbre provenant du parking de l’hôpital situé plus haut. Ils ont perdu à cette occasion l’ensemble du matériel nécessaire à l’activité professionnelle de monsieur Dembat. Pat Petitprofid invoque quant à lui une énorme frayeur, l’arbre étant tombé à proximité de lui. - Les époux Dembat et Pat Petitprofid souhaitent savoir dans quelle mesure il leur revient de prouver les défaillances fautives de l’entretien de l’arbre. Les accidents se produisant sur la chaussée sont régis par le régime de responsabilité des ouvrages et travaux publics. Par définition, un ouvrage public est un bien immobilier qui a fait l’objet d’un aménagement particulier et qui est affecté à une mission de service public.

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DROIT ADMINISTRATIF

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L’arbre constituait un élément du parking de l’hôpital. Le parking de l’hôpital est un bien immeuble par nature qui a été spécialement aménagé pour accueillir les visiteurs des patients du service public de la santé publique. Il s’agit donc d’un ouvrage public. Le régime des dommages des travaux ou ouvrages publics est triple et dépend de la qualité des victimes. En effet, les participants à des travaux publics ou à la gestion d’un ouvrage public sont protégés par un régime de responsabilité pour faute, les usagers des ouvrages publics par un régime de responsabilité pour faute présumée et les tiers par un régime de responsabilité sans faute. Le participant est celui qui concourt à la réalisation des travaux publics ou à la gestion de l’ouvrage. L’usager est celui qui fait une utilisation effective de l’ouvrage et le tiers se définit négativement comme celui qui n’est ni participant, ni usager. Les époux Dembat, comme Pat Petitprofid, n’utilisaient pas le parking de l’hôpital. Le véhicule était stationné sur la chaussée en contrebas, et Pat Petitprofid circulait sur le trottoir qui est un élément de la chaussée et non du parking. De ce fait, les époux Dembat et Pat Petitprofid n’ont ni la qualité de participant, ni celle d’usager. Ils sont tiers par rapport au parking de l’hôpital. La responsabilité de l’établissement public hospitalier est fondée sur un régime de responsabilité sans faute. Les victimes n’ont pas à établir de défaillances fautives concernant l’entretien de l’arbre. - Les chances de succès des époux Dembat Le préjudice des époux Dembat est exclusivement matériel : destruction du véhicule et de matériel Hi-Fi. Ils peuvent le cas échéant invoquer la perte des revenus liés aux contrats de monsieur Dembat qu’il n’a pas pu honorer dans l’attente de remplacer son matériel ou, au contraire, les coûts de location de matériel qu’il a dû engager pour pouvoir les honorer. Le lien de causalité directe entre les préjudices et la chute de l’arbre sont évidents. En conséquence, les époux Dembat disposent de chances de succès importantes devant le juge administratif. - Les chances de succès de Pat Petitprofid L’accident n’a provoqué aucun préjudice matériel ou corporel à Pat Petitprofid. En effet, celui n’a pas été blessé par la chute de l’arbre. Il a simplement eu une grosse frayeur. On peut douter ici que Pat Petitprofid puisse invoquer un préjudice moral. La jurisprudence administrative est sur ce point assez stricte. La simple crainte ne peut faire l’objet d’une indemnisation, il faut que le préjudice puisse s’appuyer sur une véritable souffrance (atteinte à l’honneur ou la réputation, souffrance physique, troubles dans les conditions d’existence, atteinte à l’intégrité ou à l’harmonie corporelle, douleur de la perte de l’être cher ou liée à l’anxiété et désarroi d’une personne à la suite de la révélation erronée d’une maladie incurable). En l’absence de préjudice, les démarches de Pat Petitprofid n’ont pas vocation à aboutir à une indemnisation. Imprimé en France - JOUVE, 1, rue du Docteur Sauvé, 53100 MAYENNE N° 2166196S - Dépôt légal : août 2014

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Frédéric Colin Nicolas Font

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droit administratif général Frédéric Colin • Nicolas Font Licence de droit 2 e année