Vers une théorie des aspects: Les systèmes du français et de l'anglais 9783111584560, 9783111211275


219 100 9MB

French Pages 399 [400] Year 1979

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Table of contents :
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION Problèmes méthodologiques et théoriques posés par une étude de l’aspect
CHAPITRE I. De la surface aux concepts théoriques
1. Etude des paradigmes verbaux
1.1. Les “formes simples non conjuguees”
1.2. Les “formes simples conjuguées”
1.3. Les “formes composées”
2. Etude des emplois de ces paradigmes de formes
2.1. Les “formes non conjuguées” (relevant du non actualise)
2.2. Les “formes conjuguées” relevant du désactualise
2.3. Les “formes conjuguées” relevant de l’actualisé
3. Vers une interprétation
3.1. Interprétation des “temps morphologiques” en termes d’operations d’énonciation et de prédication
3.2. Compositions d’operations
CHAPITRE II. Les repérages énonciatifs I
1. Enoncé et énonciation
1.1. Les plans d’énonciation
1.2. Repérages et situations métalinguistiques
2. Les repérages des sujets
2.1. Le sujet asserteur
2.2. Le sujet origine du point de vue
2.3. Les “personnes” de l’énoncé
2.4. Problèmes posés par le plan constatif
3. Les repérages aspectuo-temporels
3.1. Le plan descriptif
3.2. Le plan constatif
4. Situation et propriété
4.1. Ensemble de procès
4.2. Classe de procès
4.3. Valeurs aspectuelles, quantification et négation
CHAPITRE III. Les repérages énonciatifs II
1. Les repérages inter-énoncés
1.1. A propos des “formes libres” et des “formes non-libres”
1.2. Quand et when comme indicateurs d’un repérage dissymétrique ou d’un repérage anaphorique
1.3. Repérage dissymétrique avec repère aoristique ou non-aoristique
1.4. Repère aoristique dans le cas d’une situation unique ou d’un ensemble de situations
1.5. Quelques autres relateurs
2. Les degres d’actualisation
2.1. Désactualisation et réactualisation simulée
2.2. L’hypothétique et la visée
2.3. Visée et modalités inter-sujets
3. A propos de quelques adverbes
CHAPITRE IV. Les opérations prédicatives
1. La relation primitive
2. De la relation primitive au schéma prédicatif
2.1. La thématisation
2.2. La diathèse
2.3. Le calcul des valeurs du schéma prédicatif
3. Du schéma prédicatif au schéma d’énoncé
3.1. Le calcul du moment associé à chaque expression
3.2. Le calcul du sujet thématisé associé à chaque expression
3.3. Les traces de l’opération spécifique à chaque situation
4. Du schéma d’enoncé aux systèmes de formes
4.1. En français
4.2. En anglais
4.3. Etude comparée des deux langues
CHAPITRE V. Les types de procès
1. Les procès de type état
2. Les procès de type processus
3. Les processus extrinsèques
3.1. Les changements de localisation
3.2. Les changements de localisation-appartenance
4. Les processus intrinsèques
4.1. Les inchoatifs
4.2. Les duratifs
5. Bornage et intervalles aspectuels
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES NOMS PROPRES
INDEX DES MATIÈRES
INDEX DES LANGUES CITÉES
TABLE DES TABLEAUX
Recommend Papers

Vers une théorie des aspects: Les systèmes du français et de l'anglais
 9783111584560, 9783111211275

  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

Vers une théorie des aspects

ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

Connaissance et langage 6

MOUTON ÉDITEUR · PARIS · LA HAYE · NEW YORK ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES • PARIS

CATHERINE FUCHS / ANNE-MARIE LÉONARD

Vers une théorie des aspects Les systèmes du français et de l'anglais

MOUTON ÉDITEUR PARIS • LA HAYE NEW YORK ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES · PARIS

© 1979 École des Hautes Études en Sciences Sociales and Mouton ISBN: 90-279-7787-9 (Mouton, La Haye) 2-7193-0452-2 (Mouton, Paris) 2-7132-0075-X (École des Hautes Études en Sciences Sociales)

Couverture de Jurriaan Schrofer Printed in the

Netherlands

Avant - propos

Le p r é s e n t ouvrage c o n s t i t u e l ' a b o u t i s s e m e n t d ' u n t r a v a i l de synthèse e t d'approfondissement à l a f o i s empirique e t t h é o r i q u e , à p a r t i r de nos e ι » · deux t h è s e s de 3

cycle : c e l l e de C. Fuchs , soutenue en j a n v i e r 1971 ,

où, pour l ' é t u d e systématique du fonctionnement a s p e c t u e l des t r o i s adverbes f r a n ç a i s encore,

déjà e t toujours,

é t a i t proposé un premier e n -

semble de concepts v i s a n t à rendre compte de l ' a s p e c t en termes d ' o p é r a t i o n s d ' é n o n c i a t i o n - p r ê d i c a t i o n e t de types de p r o c è s , dans l ' o p t i q u e t h é o r i q u e de A. C u l i o l i , e t c e l l e de A.M. Léonard 2 , soutenue en juin 1973, q u i , p a r t a n t de ces concepts t h é o r i q u e s , l e s développait e t l e s p r é c i s a i t pour l ' é t u d e de l ' a s p e c t e t des processus en a n g l a i s . Ces deux t h è s e s nous ont s e r v i de p o i n t de départ à p a r t i r duquel nous avons t e n t é , dans l e cadre d ' u n modèle p a r t i c u l i e r du langage, d ' é l a b o r e r de façon systématique un c a l c u l de l ' a s p e c t s u r l a base d'un minimum conceptuel ( p o i n t s d ' a n c r a g e é n o n c i a t i f s , o p é r a t e u r s , r e l a t i o n s et p r o p r i é t é s p r i m i t i v e s ) , de j u s t i f i e r l e s hypothèses e t concepts t h é o r i ques proposés en f a i s a n t r é f é r e n c e à des fonctionnements a s p e c t u e l s de d i v e r s e s langues ( r u s s e , a r a b e , mandarin, bambara, gbaya . . . ) e t de déc r i r e e t comparer l e s deux systèmes a s p e c t u e l s du f r a n ç a i s e t de l ' a n glais. Le but p o u r s u i v i e s t de montrer que l ' a s p e c t c o n s t i t u e , du p o i n t de vue de l a l i n g u i s t i q u e g é n é r a l e , une c a t é g o r i e fondamentale que l ' o n re-

1. C. Fuchs (1971), Contribution préliminaire à la construction d'une grammaire de reconnais sance du français, t h è s e de 3 e c y c l e , ronéo. U n i v e r s i t é de P a r i s V I I . 2. A.M. Léonard (1973), Etude de certains phénomènes aspectuels de l'anglais : Aspects et processus, t h è s e de 3 e c y c l e , ronéo. Univers i t é de P a r i s V I I .

6 Avant-^pvopos

trouve, sous des formes variées, dans le système de toute langue, et qu'il est en relation étroite avec d'autres catégories, comme par exemple la modalité, la diathèse, la détermination. Nous nous sommes efforcées de développer une approche théorique du problème de l'aspect qui soit la plus exhaustive possible. On ne trouvera néanmoins pas ici de comparaison avec la façon dont le problème est posé par les générativistes. Une telle comparaison serait intéressante, mais elle nous aurait entraînées dans une discussion qui supposerait un autre volume. La démarche que nous avons adoptée risque certes de paraître déroutante aux familiers de la grammaire générative. Nous ne pensons cependant pas que quiconque puisse s'y perdre, ne seraitce que par l'abondance des références que nous y faisons aux

thèses

désormais classiques d'E. Benveniste. Cette étude s'inscrit explicitement dans la perspective théorique de A. Culioli, que l'on pourrait caractériser schématiquement ainsi : le refus d'une étude taxinomique et uniquement de surface,ou d'une dualité

entre surface et profondeur (comme celle de Chomsky) et de sépa-

rations arbitraires comme : morphologie, syntaxe, sémantique, lexique, au profit d'une conception du langage comme activité de production-reconnaissance interprétative par des sujets ; la volonté de se donner un modèle de l'activité de langage qui permette des calculs effectifs

et

qui distingue le niveau de l'asserté de celui du Pré-asserté; le souci de concilier la diversité et la multiplicité des observations empiriques avec un appareil conceptuel restreint 5 enfin, une conception du langage comme système ouvert, ce qui implique d'une part que soient théorisées à l'intérieur même du système les possibilités d'erreurs et de ratés (ambivalences, ambiguïtés, lapsus, jeux de mots, métaphores, communication non-univoque, ...) et

d'autre part que ce système soit arti-

culé sur l'extra-linguistique (entre autres sur le domaine socio-culturel et sur celui de la psycho-linguistique génétique). C'est dire combien notre étude est redevable à A. Culioli, non seulement pour la conception générale du langage et la démarche théorique dans l'organisation du modèle en niveaux, mais aussi et plus spécifique-

Avant-propos

7

ment , pour la nature des concepts introduits à propos de l'aspect. Nous tenons également à remercier F. Bresson pour l'intérêt qu'il a toujours manifesté à l'égard de notre recherche et pour l'aide que nous ont apportées les discussions que nous avons pu avoir avec lui, notamment sur les rapports entre la construction d'un modèle linguistique et les problèmes d'acquisition du langage. Sans lui cet ouvrage n'aurait pu être publié. Enfin il nous paraît essentiel d'insister sur le fait que nous ne pouvons concevoir notre recherche que dans l'optique d'un travail collectif et pluri-disciplinaire. Cette recherche n'a été en effet possible que grâce à de multiples discussions et aux études déjà réalisées ou en cours de réalisation (de linguistes travaillant sur des descriptions de langues particulières et des élaborations théoriques, de psycho-linguistes, d'équipes de recherche travaillant sur l'application à l'enseignement d'une langue, ...) : ni dans sa conception ni dans ses éventuels prolongements, ce travail ne nous apparaît

comme une

pro-

priété privée.

Cet ouvrage est susceptible à nos yeux de deux

lectures complémen-

taires. Il est entffetpossible (en partie du moins : ceci semble difficile en ce qui concerne le chapitre IV) de négliger dans un temps les formules et les calculs et de suivre néanmoins les grandes lignes de la démarche. On aura ainsi une idée des concepts de base utilisés et de l'approche théorique développée. La seconde lecture, qui prend en coopte formules et calculs, ne peut être à proprement parler qu'une recomposition de ces calculs par le lecteur. Nous espérons a.voir donné toutes les précisions nécessaires à cet effet. Par ailleurs, il ne nous semble pas inutile de prévenir d'emblée le lecteur que la démarche adoptée ici vise à restituer, à propos du problème des aspects, les étapes mêmes de la construction du modèle du langage auquel il vient d'être fait référence. En conséquence, c'est volontairement que nous ne donnons pas, dès le début de l'ouvrage, une présentation globale de ce modèle.

Introduction : Problèmes méthodologiques et théoriques posés par une étude de l'aspect

Tous l e s ouvrages de grammaire ou de l i n g u i s t i q u e s ' a c c o r d e n t à r e c o n n a î t r e que l e r u s s e e s t une "langue à a s p e c t s " . Par c o n t r e ,

lorsqu'il

s ' a g i t d'une langue comme l e f r a n ç a i s ou l ' a n g l a i s , l e s a v i s s o n t p a r t a g é s : on peut d i r e a u s s i b i e n que l e f r a n ç a i s n ' e s t pas une langue à a s p e c t s ( c ' e s t l a p o s i t i o n de l a grammaire t r a d i t i o n n e l l e , qui ne p a r l e que de "temps"), ou que l e f r a n ç a i s possède des moyens de marquer

des

1

d i f f é r e n c e s a s p e c t u e l l e s . D'oü v i e n t un t e l f l o t t e m e n t ? Pour qui s ' i n t é r e s s e à ce problème, l a première r é a c t i o n c o n s i s t e à chercher une d é f i n i t i o n de ce que l ' o n entend p a r " a s p e c t " . Mais l a recherche d'une t e l l e d é f i n i t i o n s ' a v è r e décevante, e t l ' o n comprend v i t e l a r a i s o n des divergences de vues : l e s f l o t t e m e n t s t e r m i n o l o g i ques que l ' o n c o n s t a t e dans l ' e m p l o i des termes l i é s à l ' a s p e c t ,

et

qui rendent s i d i f f i c i l e l ' é t u d e de ce problème, sont l e s i n d i c e s de p o s i t i o n s t h é o r i q u e s ( l a p l u p a r t du temps, h é l a s , i m p l i c i t e s )

hétéro-

gènes, v o i r e i n c o n c i l i a b l e s . Dès l o r s , avant même de chercher à d é c r i re

l e comportement p a r t i c u l i e r de t e l l e ou t e l l e langue, s'impose un

e f f o r t de c l a r i f i c a t i o n t h é o r i q u e sur l a n o t i o n d ' a s p e c t . P e u t - ê t r e n ' e s t - i l pas s u p e r f l u de r a p p e l e r t o u t d ' a b o r d , e t c e l a malgré l e s développements t h é o r i q u e s auxquels a donné l i e u l a concept i o n saussurienne du signe l i n g u i s t i q u e , l e glissement terminologique f r é q u e n t par l e q u e l un même terme e s t u t i l i s é p a r l e s l i n g u i s t e s pour d é s i g n e r t a n t ô t un système de formes, t a n t ô t un ensemble de s i g n i f i c a t i o n s . Ainsi en e s t - i l par exemple, de l a n o t i o n d e ' b a s " q u i , au plan

1. Notons qu'une c i r c u l a i r e r é c e n t e (BOEN n° 75-250, 22 j u i l l e t 1975) i n t r o d u i t pour l a première f o i s dans l'enseignement de l a grammaire f r a n ç a i s e pour l e second degré des termes qui r e n v o i e n t e x p l i c i t e ment au problème de l ' a s p e c t .

1o

Introduction

des formes, renvoie à certains paradigmes de désinences morphologiques ("nominatif, accusatif, ..."), et, par l'intermédiaire de fonctions tout à la fois syntaxiques et notionnelles ("sujet", "objet", ...), en est venue, au plan des significations, à être interprétée en termes sémantiques ("agent1, "patient",.·.)· En règle générale, un tel glissement terminologique s'effectue sur la base d'un double mouvement : le premier mouvement, dit sémasiologique, a pour point de départ la création d'un terme pour désigner un système clos d'oppositions morphologiques observé dans une langue particulière. Dépassant ensuite ce niveau d'observation des marques visibles, on cherche à l'interpréter, c'est-àdire à établir un domaine de signifiés qui serait spécifiquement lié au système de marques décrit. Puis à son tour, ce domaine de signifiés, désigné souvent par le même terme que le système de formes de surface à partir duquel il a été élaboré, sert de point de départ à un

second

mouvement, dit onomasiologique : on étend le champ des réalisations possibles (signifiants) des signifiés, soit à d'autres formes de

la

même langue, par le biais de signifiés voisins, soit à des formes d'autres langues, qui sont censées exprimer par des moyens différents

la

même réalité signifiée. Ce double mouvement se retrouve à propos des aspects. Le terme aspect gne

est

consacré

dans l'étude

des

langues

slaves

et

dési-

l'opposition entre deux séries de formes verbales (par exemple

en russe, l'opposition entre : pit complètement").

' ("boive")

et : vypit'

("boire

A ces formes qualifiées respectivement d'"imperfectif"

et de "perfectif", on a associé une opposition au niveau d'une interprétation sémantique (d'ailleurs implicitement déjà présente dans le choix même des termes) : l'aspect imperfectif de surface désigne "l'aspect inaccompli, l'action non terminée, non déterminée", tandis que l'aspect perfectif désigne "l'aspect accompli, l'action achevée, parfaite, déterminée". A ce niveau des signifiés l'aspect est donc interprété comme "la façon de voir l'action désignée par le verbe". C'est alors qu'une double généralisation du terme s'opère. D'une part, pour la description même des langues slaves, une extension du champ originel des signifiés à des notions voisines : "Le

Introduction

11

concept d'aspect ainsi d é f i n i a t t i r a i t l ' a t t e n t i o n sur d'autres manières d'envisager l ' a c t i o n , qui devenaient donc, onomasiologiquement, des aspects : l'instantané (ou ponctuel, ou momentané) et l e duratif; l'inchoatif

(ou i n g r e s s i f ) , et l e terminatif (ou é g r e s s i f , ou e f f e c -

t i f , ou f i n a l ) ; l e sémelfactif et l ' i t é r a t i f

; l'intensif,

..."

(G. Mounin, 1968, pp. 317-318). Par la suite, pour é v i t e r la confusion, on a parfois désigné ces phénomènes sous l e terme d'"ordres du procès" (terme allemand :

Aktionsarten).

D'autre part, une extension de la notion d'aspect à des langues ne présentant pas de systèmes d'oppositions comparables à ceux

des

langues slaves. C'est dans cette perspective que certains cherchent à repérer, par exemple, par quels moyens d'expression (formes, s i g n i f i a n t s ) l e français peut traduire les s i g n i f i é s "aspect inaccompli" et "aspect accompli". Une t e l l e démarche repose sur un postulat d'universalite du plan des s i g n i f i é s , face à la d i v e r s i t é des formes d'expression. C'est un t e l postulat qui sous-tend aussi bien en traduction automatique

la

recherche d'un "langage~pivot", qui se veut uniquement sémantique, c'est-à-dire, dans cette perspective, universel, car dégagé de toute s p é c i f i c i t é morpho-syntaxique particulière à une langue donnée, que l'élaboration des "structures profondes" en grammaire générative. Selon cette conception, i l s ' a g i r a i t de retrouver une sorte de "pureté sémantique", non entachée d'une matérialité accidentelle, un

"pur

contenu", qui traduirait les structures (Logiques) universelles

de

l ' e s p r i t humain. C'est l à , selon nous, mal poser le problème des processus constitutifs de la s i g n i f i c a t i o n , et se ramener de façon simp l i s t e à la donnée d'une relation arbitraire entre tin contenu universel nécessaire ( l a substance s i g n i f i é e ) et des formes particulières d'expression, contingentes ( l e s signifiants), toutes les langues"exprimant, chacune à sa façon, les mêmes s i g n i f i é s " .

Que les s i g n i f i é s

de l'aspect soient appréhendés à l ' a i d e de gloses plus ou moins subj e c t i v e s et variables selon les auteurs, ou q u ' i l s soient décrits en termes d'une catégorisation taxinomique (simple décalque des marqueurs de surface), les études f a i t e s dans cette perspective sont à peu

près

12 Introduction

inutilisables : elles ne présentent pas de résultats opératoires,

et

ne permettent pas d'expliquer et de prévoir les fonctionnements linguistiques inter-reliés. Pour sortir de cette problématique viciée à la base (signifié universel/signifiants variables) , il nous paraît indispensable

de for-

muler tout d'abord un certain nombre de postulats théoriques de nature différente, sur la base desquels nous nous proposons de travailler. Il n'existe pas, a priori, de signifiés universels. Ce qui peut être dégagé, c'est, non pas des signifiés, mais des systèmes d'opérations ; ces opérations ne peuvent Être repérées, pour une langue donnée, que dans un mouvement dialectique entre observation des fonctionnements systématiques de cette langue et élaboration théorique. Il est par conséquent illusoire de chercher à réimporter pour une langue des "signifiés" élaborés à partir d'une autre. Aucune langue ne constitue le modèle d'autres langues : le russe ne livrera pas "la clé" des aspects en français ou en anglais1. Un premier travail consiste à inventorier les formes d'une langue et leurs combinaisons possibles et impossibles. Mais en soi de tels relevés sont insuffisants |i l'on ne peut les référer à un cadre théorique explicatif. Au niveau des formes, une critique s'impose de la terminologie traditionnelle et de catégories comme

: le "temps", le "mode", la

"voix", ... Ces catégories présentent en effet deux inconvénients : d'une part elles ne se situent pas à un niveau homogène d'analyse et constituent déjà des interprétations sémantiques subreptices; d'autre part, elles ne permettent pas d'expliquer certaines identités de formes : par exemple la présence d'un même élément -r- dans "l'indicatif futur" ([mangerai) et dans le "conditionnel présent" (mangerais), ou encore celle des mêmes morphèmes être +'participe passé" dans le"passé composé" (il est venu), et dans le "passif présent" (il est mangé).

1. En ce sens, il nous paraît peu judicieux, par exemple, de parler de perfectif et d'imperfectif en français, ainsi que le fait la circulaire ministérielle déjà mentionnée.

Introduction

13

Pour la grammaire traditionnelle, ceg identités de formes ne peuvent être qu'accidentelles au niveau synchronique (même si on les explique diachroniquement) : les formes ne sont en e f f e t jamais étudiées pour elles-mêmes, dans l'optique d'une systématicitê de fonctionnement^ e l l e s sont au contraire "éclatées" pour intégrer des catégories i r r é médiablement étrangères les unes aux autres. Prenons un autre exemple: celui du paradigme des désinences verbales du français traditionnellement appelé "imparfait". Comment une explication strictement temporell e ( " l ' i m p a r f a i t , c ' e s t du passé ; exemple : Hiev, il pleuvait")

, peut-

e l l e rendre compte de l ' u t i l i s a t i o n de t e l l e s formes pour renvoyer

à

du présent ou même à du futur, dans des emplois hypothétiques (Si en ce moment/demain, il pleuvait . . . ) , ou rapportés ( J ' a i dit d'hui j'étais

en grève ; il a dit qu'aujourd'hui

qu'aujour-

il était en grève) ?

Faut-il conclure q u ' i l s ' a g i t là d'emplois "aberrants,

arbitraires",

par rapport au " s i g n i f i é passé" ? Ne s e r a i t - i l pas à la f o i s plus économique

et plus e x p l i c a t i f de dire que tout emploi de 1'"imparfait"

est l i é à l'introduction d'une distance, d'un décalage, par rapport au "présent" conçu conine " l ' a c t u a l i s a t i o n maximale", cette dernière pouvant être glosée par : 'J'affirme/je moment ...'.

dis en ae moment que3 en ce

Cette distance se traduit, au niveau des gloses, par la

non-coïncidence eure au moins un des termes de la glose du "présent" et un des termes de c e l l e de 1'"imparfait" 1 .Ainsi i l y a non-coïncidence entre les moments respectifs des procès,lorsque l'on a : 'J'affirme en ce moment que hier ...'(par opposition à : 'que en ce moment...'). I l y a non-coïncidence entre l e s modalités respectives lorsque l ' o n a i'Je pose l'hypothèse (par opposition à : ' J ' a f f i r m e ) en ce moment que

1. Les gloses ne sont i c i données qu'à t i t r e i l l u s t r a t i f , a f i n de f a i r e comprendre l e type de démarche que nous proposons. Elles ne constituent en rien un quelconque "objet profond" auquel nove prétendrions aboutir. Une glose n'a en e f f e t en elle-même aucune valeur explicative ; seuls des opérateurs dont les règles de fonctionnement et de composition sont clairement définies peuvent être considérée comme des objets théoriques. Cette remarque vaut pour l'ensemble des gloses que nous donnons tout au cours de l ' o u vrage.

14

Introduction

Enfin i l y a non-coïncidence entre les sujets respectifs de l'assertion lorsque l ' o n a : 'il

dit

que ...

'(par opposition à : 'Je dis que

...').

Ainsi l ' o n pourrait expliquer que trois emplois d i f f é r e n t s soient f a i t s d'une tóme forme. Resterait à j u s t i f i e r pourquoi l e premier de ces trois emplois (celui que l ' o n trouve dans l'énoncé simple : Hier il

pleuvait)

est senti intuitivement comme central, et les deux autres comme marginaux ; la grammaire traditionnelle marquait à sa manière cette i n t u i tion, en conférant au premier (celui qui correspond au décalage dans le moment du procès) l e statut de " s i g n i f i é spécifique" ("temps passé") de 1' "imparfait". Les emplois des formes doivent être expliqués à l ' a i d e d'opérations élémentaires (comme par exemple les identités et les non-coïncidences que nous évoquions plus haut), et non pas décrits en termes de substance. Ces opérations élémentaires peuvent se composer entre e l l e s

(c'est

le cas par exemple des opérations de modalités, d'aspects, . . . ) .

Un

calcul doit donc être possible. Ce n ' e s t que sur la base de t e l s réseavK d'opérations que l ' o n peut expliquer l'apparente contradiction

(cf.

A. C u l i o l i , 1973, p. 87), selon laquelle l e plan des formes apparaît à la f o l s plus pauvre et plus riche que celui des s i g n i f i c a t i o n s . D'une part en e f f e t une même forme peut, selon l e contexte, correspondre

à

une m u l t i p l i c i t é d'emplois (par exemple : en arabe classique, la marque de l'accompli, outre son emploi pour désigner l'aspect "action vue dans sa complétude", peut renvoyer à une action où le sujet s'implique et s'engage, comme dans un contrat de mariage : "Je t'épouse", une action hypothétique : "Le généreux,

s'il

promet,

ou encore à

est fidèle"1.

D'air-

1 . Cette m u l t i p l i c i t é d'emplois peut même sembler se manifester de manière contradictoire d'une langue à l ' a u t r e , puisque là où l'arabe u t i l i s e , comme on l e v o i t dans ces exemples, une forme de l'accompli pour renvoyer à un événement où l e sujet s'implique, l ' a n g l a i s u t i l i s e la forme de l'inacconçli, comme on l e voit dans un exemple comme: I'm forgetting all about the matter, and I don't want to hear about it again. De t e l s exemples i l l u s t r e n t bien l ' i m p o s s i b i l i t é de dégager, à partir des formes d'une langue, des " s i g n i f i é s " postulés universels.

Introduction

15

tre part une même valeur 1 d'opération peut se trouver réalisée par tout un ensemble de formes (par exemple, en français, une valeur aspectuelle peut être exprimée par les désinences verbales, mais aussi dans les déterminants du nom, les groupes prépositionnels, les adverbes, ...)· Le problème difficile de l'universalisme en linguistique doit

être

abordé avec beaucoup de prudence, sur la base de la comparaison entre les divers réseaux de valeurs dégagés à partir de nombreuses langues. Peut-être apparaîtra-t-il alors non pas des contenus identiques mais des systèmes d'opérations similaires, tels que l'on puisse parler de conditions communes de fonctionnement. C'est dans le cadre de l'énonciation que nous tenterons de construire une théorie des aspects qui, tout à la fois, rende compte de la spécificité propre à chacune des deuxlangues anglaise et française, et de la parenté des représentations aspectuelles auxquelles elles renvoient à travers leur diversité. Il nous semble en effet que l'énonciation est le cadre théorique qui permet de référer les systèmes d'opérations dégagés au langage conçu comme une double activité de production et de reconnaissance interprétative par des sujets.

1. Le terme Valeur sera défini plus loin. Indiquons dès maintenant que les identités et non-coïncidences évoquées plus haut constituent en ce sens des valeurs d'opérations.

CHAPITRE I

De la surface aux concepts théoriques

Conformément à ce que nous avons annoncé dans l ' I n t r o d u c t i o n , nous t e n t e r o n s t o u t d ' a b o r d (§1 du p r é s e n t c h a p i t r e ) de d é g a g e r , à un

niveau

d ' o b s e r v a t i o n de s u r f a c e , l e s d i f f é r e n t s paradigmes de formes v e r b a l e s q u i a p p a r a i s s e n t en f r a n ç a i s e t en a n g l a i s . Dans c e t t e démarche nous nous e f f o r c e r o n s de n ' e f f e c t u e r dans un p r e m i e r temps aucune c l a s s i f i c a t i o n r e p o s a n t a p r i o r i s u r des c r i t è r e s de s e n s ; c ' e s t p o u r q u o i nous é v i t e r o n s , e n t r e a u t r e s , l a t e r m i n o l o g i e t r a d i t i o n n e l l e . De ce p o i n t de v u e , n o t r e e x i g e n c e est donc t o u t à f a i t comparable à c e l l e de l ' a n a l y s e distributionnelle

: d é f i n i r s e l o n des c r i t è r e s r i g o u r e u x de forme un ctr

j e t e m p i r i q u e de d é p a r t , e t r e d é c o u v r i r "avec des yeux n e u f s " c e r t a i n s f o n c t i o n n e m e n t s de s u r f a c e que des s i è c l e s d ' e n s e i g n e m e n t de grammaire c l a s s i q u e ont p a r f o i s c o n t r i b u é à b r o u i l l e r * s ' a g i s s a n t de l a n g u e s comme l e f r a n ç a i s ou l ' a n g l a i s ,

a v e c · l e s q u e l l e s nous ne sommes, h é l a s , que

t r o p f a m i l i e r s . P o u r t a n t , i l nous f a u t

dès l ' a b o r d , p r é c i s e r n o t r e p o -

s i t i o n par r a p p o r t à l ' a n a l y s e d i s t r i b u t i o n n e l l e

: d ' u n e p a r t , s i nous

en s u i v o n s l ' e s p r i t , nous sommes c o n s c i e n t e s de ne pas l ' a p p l i q u e r à l a l e t t r e , d ' a u t r e p a r t nous l a t e n o n s pour une é t a p e n é c e s s a i r e dans

l'é-

t u d e d ' u n phénomène l i n g u i s t i q u e , mais une é t a p e l i m i t é e e t a p p e l a n t un dépassement

théorique.

Concernant l e p r e m i e r p o i n t de l a c a r a c t é r i s a t i o n de l a méthode que nous u t i l i s o n s ,

i l nous a p a r u t r o p c o û t e u x , s u r t o u t pour des

langues

que l ' o n c o n n a î t , de p r o c é d e r "en a v e u g l e " à des découpages en morphèmes : en f r a n ç a i s , en p a r t i c u l i e r , en r a i s o n de l a d i v e r s i t é des

radi-

c a u x , s u f f i x e s e t d é s i n e n c e s , de t e l s découpages c o n s t i t u e n t , du p o i n t de vue q u i e s t i c i l e n ô t r e , un d é t o u r i n u t i l e

; c a r en t o u t é t a t de

c a u s e , on f i n i t p a r a b o u t i r à l a c o n s t i t u t i o n de paradigmes de "formes s i m p l e s " , qui s o n t l e s "temps s i m p l e s " de l a grammaire

traditionnelle.

Ces "temps s i m p l e s " c o r r e s p o n d e n t b e l e t b i e n à une r é a l i t é

empirique

18

Vers une théorie

des

aspects

observable, e t i c i l e t o r t des grammaires t r a d i t i o n n e l l e s réside s e u l e ment dans l e type de dénominations et d ' i n t e r p r é t a t i o n s q u ' e l l e s ont aff e c t é à ces paradigmes. Pour notre p a r t , voulant échapper à toute c a t é g o r i s a t i o n des paradigmes en "temps", "modes" e t " v o i x " ,

nous

nous

contenterons de leur donner un i n d i c e . A ces "formes simples", nous opposerons des "formes composées" q u i , e l l e s ,

seront d é f i n i e s formellement,

par des r è g l e s de composition, e t ne se superposeront pas

aux "temps

composés" t r a d i t i o n n e l s : ce s e r a i t plutôt une étude de surface d'une p a r t i e des phénomènes d ' a u x i l i a t i o n . Nous ne nous sommes donc pas imposé jusque dans leurs conséquences extrêmes l e s contraintes de l ' a n a l y s e distributionnelle

; nous pensons néanmoins ê t r e restées f i d è l e s à 1 ' e x i -

gence de base : c a r a c t é r i s e r des systèmes de formes, avant de chercher à les

interpréter.

Quant au second point des l i m i t e s de l ' a n a l y s e

distributionnelle,

nous pensons que l e passage de l ' o b s e r v a t i o n des marques de surface à une conceptualisation théorique nécessite une i n t e r p r é t a t i o n , d i r e un saut q u a l i t a t i f . En c e c i , nous prenons p a r t i contre

c'est-àceux

des

l i n g u i s t e s qui considèrent la démarche d i s t r i b u t i o n n e l l e comme la seule procédure scientifiquement fondée en l i n g u i s t i q u e

; nous pensons q u ' i l

s ' a g i t là d'une confusion indue entre "forme de s u r f a c e " et

"matériali-

t é " . Si nous reconnaissons l e s b i e n f a i t s d'une étude des formes exclusive de toute introduction subreptice d'un sens mal d é f i n i , nous e s t i mons par contre que c e l a ne d o i t pas conduire à un

refus de toute é l a -

boration théorique visant à dépasser l e niveau de la surface. La persp e c t i v e dans l a q u e l l e , pour notre part, nous nous inscrivons, peut ê t r e c a r a c t é r i s é e comme une recherche de description f o r m e l l e 1 e t de concept u a l i s a t i o n de la m a t é r i a l i t é de certains processus c o n s t i t u t i f s de l a s i g n i f i c a t i o n , à travers l ' o b s e r v a t i o n de comportements morpho-syntaxiques, e t dans l e cadre d'une théorie de l ' ë n o n c i a t i o n - p r é d i c a t i o n .

1. Non pas au sens de description de formes, mais en ce qu'une t e l l e procédure met en oeuvre des opérations e x p l i c i t e s e t univoques, dont l e statut pourrait ê t r e développé en termes d'une théorie formalisée, ce qui n ' e s t pas notre propos i c i .

Oe la surface

aux concepts

théoriques

19

Nous verrons au § 2 qu'une f o i s dégagés les paradigmes f l e x i o n n e l s verbaux, l'étude de l'emploi de ces formes sur la base de compatibilités et d'incompatibilités contextuelles ne peut l i v r e r de résultats i n téressants et opératoires que s i l ' o n se risque à formuler un certain nombre d'hypothèses théoriques. Nous tenterons alors de préciser la nature de t e l l e s hypothèses au § 3. Un dernier mot sur la raison pour l a q u e l l e nous avons choisi de part i r des paradigmes verbaux : nous sommes tout à f a i t conscientes que lœ formes verbales ne constituent les traces, ni de la t o t a l i t é des phénomènes aspectuels ( l e s déterminants, adverbes, c i r c o n s t a n t s , . . . , en sont aussi des t r a c e s ) , ni des seuls phénomènes aspectuels ("temps",

"voix"

et modalités y sont aussi exprimés) ; néanmoins nous considérons que l e verbe constitue, du moins en français

et en anglais, un point d ' i n c i -

dence p r i v i l é g i é des phénomènes aspectuels, en sa qualité de centre syntaxique de l'énoncé, et aussi en raison de ses propriétés sémantiques. I l nous paraît donc possible de commencer par une étude du verbe, débouchant sur une élaboration théorique des concepts qui semblent nécessaires à une étude des aspects, et ensuite d ' é l a r g i r le champ d ' i n v e s t i g a tion à d'autres points d'incidence sur la chaîne.

1. ETUDE DES PARADIGMES VERBAUX I l est possible d ' e f f e c t u e r , au niveau des "formes simples", une première d i s t i n c t i o n entre d'une part les formes marquant des oppositions de personne ( l e s "formes conjuguées") et d'autre part les formes ne marquant pas la personne ("formes non conjuguées "

q u ' e l l e s marquent seulement l e

genre et l e nombre, en accord avec l e sujet ou l ' o b j e t syntaxique,

ou

q u ' e l l e s soient i n v a r i a b l e s ) . En ce qui concerne l ' a n g l a i s , on classera parmi les "formes conjuguées" certaines formes qui, bien qu'invariables, s'apparentent à c e l l e s - c i dans la mesure ou e l l e s sont inséparables de l'expression de la personne et commutent avec d'autres "formes conjuguées" qui, e l l e s , marquent la personne (ex.

: I

(yous he ...)

opened the

door1). 1. I l y a bien entendu à ce choix d'autres raisons, qui relèvent cette

20

Vers une théorie

1.1. Les "formes

des

simples

aspects

non

conjuguées"

Nous conviendrons d'appeler " r a d i c a l " l e Cou l e s ) morphème(s)

constanti)

qui se r e t r o u v e ( n t ) dans tout m paradigme, s u i v i ( s ) de morphèmes " d é sinences" v a r i a b l e s . En f r a n ç a i s l e " r a d i c a l " peut ê t r e s o i t la ne" ( e x . : regard"), fin-iss~)}

"raci-

s o i t l a racine s u i v i e d'un morphème " s u f f i x e "

s o i t une forme construite ( e x . : regarder-,

(ex.:

En an-

finir-).

g l a i s , l e r a d i c a l se ramène toujours àia racine ( e x . : Wash-),

avec

éventuellement des m o d i f i c a t i o n s de c e l l e - c i pour l e s verbes d i t s

"irré-

guliers". Nous appellerons " v e r b e " l ' u n i t é ( a b s t r a i t e ) qui donne naissance à toutes l e s formes que nous décrivons i c i

. I l n'y

a

raison a p r i o r i de c h o i s i r t e l l e ou t e l l e des formes

en

e f f e t aucune

auxquelles

elle

donne naissance pour désigner c e t t e unité ; conventionnellement,

les

dictionnaires l a désignent par sa forme " i n f i n i t i v e " : on parlera alors du "verbe regarder",

du "verbe finir",

etc.

Hais cela mène

contradiction selon l a q u e l l e à p a r t i r du "verbe regarder"

â la

on construit

l'ensemble des formes qui l u i sont associées, y compris l a forme " i n f i n i t i f regarder"

; i l a r r i v e que c e t t e contradiction mène à des ambi-

guïtés qui b r o u i l l e n t

l'analyse.

(Suite note 1) f o i s de l ' i n t e r p r é t a t i o n , puisqu'on peut a s s o c i e r , en anglais comme en f r a n ç a i s , l ' a p p a r i t i o n de "formes conjuguées" avec l e f a i t que l e verbe supporte une assertion, s i bien que l ' o n ne se trouve pas au niveau d ' a c t u a l i s a t i o n c a r a c t é r i s t i q u e des "formes non conjuguées" ( c f . i n f r a , § 2 . 1 ) . 1. Si l ' o n admet l a d é f i n i t i o n que nous proposons i c i du verbe comme étant ce qui " c o i f f e " l'ensemble des paradigmes de formes, i l en découle que l e verbe ainsi d é f i n i ne peut ê t r e qu'une unité abstraite qui ne se confond avec aucune des formes q u ' e l l e engendre, pas même avec l a racine. Considérons en e f f e t ce que la t r a d i t i o n appell e l e "verbe aller" : t r o i s racines l u i correspondent : al-, ir-, V- ; nous nous refusons pour notre part à c h o i s i r l ' u n e des t r o i s , a i n s i que l e f a i t la grammaire t r a d i t i o n n e l l e , comme "représentat i v e " du verbe en question. Quand nous aurons besoin de nommer une t e l l e unité a b s t r a i t e , nous serons amenées à c h o i s i r 1'unequelconque de ces racines. Ce choix est purement a r b i t r a i r e , et n'implique aucune h i é r a r c h i s a t i o n des racines.

De la surface aux concepts théoriques

21

Nous désignerons par convention l'ensemble des "formes non conjuguées" par F, et nous utiliserons la notation F^ pour chacune de ces formes. Pour éviter toute tentation d'établir systématiquement une correspondance forme à forme entre les deux langues, nous indiquerons en chiffres arabes la série des formes du français et en chiffres romains celle de l'anglais. Trois formes non conjuguées se construisent en postposant un morphème spécifique au morphème "radical" ; nous noterons ces formes respectivement : F| (ex.: regard-er, fin-ir) (appelée traditionnellement "infinitif préprésent") F2 (ex.: regard-ant, fin-iss-ant) Appelée traditionnellement "participe présent") F^ (ex.: regard-ê, fin-i) (appelée traditionnellement "participe passé") Fj (ex.: wash-0) (traditionnellement "infinitif simple") Fj.jÇex.: Wash-ing) (traditionnellement "participe présent") F^'ex.: wash—ed ) (traditionnellement "participe passé") Il va de soi que nous ne reprenons pas à notre compte la terminologie traditionnelle, ne serait-ce que parce que la distinction entre 'présent!' et "passé", présentée comme temporelle est en réalité d'ordre aspectiEl, et est aussi liée à la diathèse1. Contrairement à la position

tradi-

tionnelle sur l'anglais, nous nous refusons à considérer que F^. se forme à la fois par postposition du morphème 0 et par antéposition d'un morphème to, car l'apparition de ce dernier est liée à des phénomènes syntaxico-sémantiques qui n'ont pas à entrer en ligne de compte ici. On peut considérer en effet que l'on a aussi bien une forme F^

dans :

I

saio him open the window ("Je l'ai vu ouvrir la fenêtre"), qui commute avec FJJ dans : I eau him opening the window ("Je l'ai vu qui ouvrait la fenêtre"), que dans : I want him to open the window ("Je veux qu'il ouvre la fenêtre"). Ne nous intéressant pas ici aux problèmes techniques de découpage soulevés par une analyse distributionnelle, nous ne cher-

1. Pour des raisons qui apparaîtront plus loin, nous préférons ce terme à celui de "voix".

22

Vers une théorie des aspects

cherons pas à caractériser exhaustivement tous les morphemes qui peuvent apparaître dans les diverses formes étudiées ; par souci de simplicité, nous n'envisagerons qu'un verbe du "premier" groupe (regarder) et un verbe du "feecond" groupe (.finir), c'est-à-dire ceux qui présentent des dérivations régulières en français. Pour l'anglais, nous nous en tiendrons, dans les exemples considérés ici, aux dérivations régulières représentées par le verbe wash, "laver". 1

·2. "Les formes simples conjuguées"

Comme nous l'avions annoncé plus haut, nous désignons ainsi des paradigmes de formes établis selon des critères de fonctionnement syntaxique et qui correspondent aux "temps simples" traditionnels. Le terme "temps", dans cette acception, est entendu au sens anglais de "tense" et non de "time" ; c'est entre autres pour éviter cette ambiguïté, à laquelle les grammaires traditionnelles n'échappent pas, que nous abandonnons cette terminologie. Aussi ne ferons-nous pas appel

aux

notions de "temps" et de "mode" ; nous utiliserons conventionnellement la notation C^ (C signifiant : "ensemble de formes conjuguées")

pour

désigner chacun de ces paradigmes. On obtient pour le français la série suivante : Cj = regard- / fin— (ou fin-iss- selon les personnes) + e, es, e (ou is, is, it), ons, ez, ent (Indicatif présent") C2 = regard- / fin-iss + ais, ais, ait, ions, iez, aient ("indicatif imparfait") Cg = regard- / fin- + ai, as, a, âmes, âtes, èvent (ou : is, is, it, tmes, ttes, irent) ("indicatif passé simple") C^ = regarder- / finir- + ai, as, a, ons, ez, ont ("indicatif futur") C,. = regarder- / finir- + ais, ais, ait, ions, iez, aient ("conditionnel présent") Cg = regard- /

fin-iss + e, es, e, ions, iez, ent ("subjonctif pré-

sent") Cy = regard-ass- ("ou -â-) / fin-iss- (ou -Î-) + e, es, t, ions, iez, ent ("subjonctif imparfait").

De la surface aux concepts théoriques

23

La série des C^ de l'anglais est beaucoup plus réduite que celle du français, à la fois parce qu'on a en anglais un plus grand nombre de "formes conjuguées" qui sont perçues comme "composées" et parce qu'on ne peut plus retrouver là la symétrie entre les deux langues que l'on a pu observer pour les "formes simples non conjuguées". On voit là l'intérêt qu'il y a à employer pour chacune une notation légèrement différente qui interdit d'imaginer qu'un C^ constituerait une sorte d'entité abstraite qui se "traduirait" de façon semblable ou différente selon les cas dans chacune des deux langues. On a pour l'anglais la série : C

= wash- + 0, 0, s y 0, 0, 0 ("indicatif présent")

C^

= wash- + ed, ed, ed, ed, ed, ed ("indicatif prétérit")

C

= wash- + 0, 0, 0, 0, 0, 0 ("subjonctif present")

Cjy

= wash- + ed, ed, ed, ed, ed, ed ("subjonctif passé", ou "prétérit?', ou "prétérit modal"). Ces deux séries de paradigmes Cj... C^ et C^. ... C^^ appellent plu-

sieurs remarques. Tout d'abord, il peut sembler parfaitement arbitraire de se donner

ce quatrième paradigme C ^ que rien ne distingue formel-

lement de CJJ. Mais c'est là un argument difficilement utilisable, si l'on songe qu'il peut conduire à remettre en cause l'opposition entre Cj. et

CJJJ.

pour toutes les personnes autres que la troisième personne

du singulier. La seule existence d'un paradigme dont les formes sont distinctes à la fois de celles de C^., de C^j et de C^^. pour le verbe be justifie que l'on pose un paradigme C ^ au niveau

du système

des formes. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le rôle particulier de ce paradigme est reconnu malgré eux par ceux des grammairiens qui distinguent entre les emplois d'un "prétérit modal" et ceux

d'un

"prétérit" qui n'est pas dit "modal" pour les verbes autres que be, et continuent à parler de "subjonctif passé" ou "subjonctif prétérit" pour ce dernier. Nous n'avons pas pris en compte 1' "impératif", considérant qu'il ne constitue pas une forme de base et qu'il peut être dérivé, pour le français, à partir de Cj avec une règle d'effacement du -s pour la seconde personne du singulier.En anglais, où il n'y a de forme simple qu'à

24

Vers une théorie des aspects

la deuxième personne, on peut poser goit qu'il peut être dérivé à partir de Cj, soit qu'il peut être dérivé à partir de C ^ j . Cette dernière solution semble préférable puisque, dans le cas du verbe be dont la racine est be en

c'est cette dernière que l'on a. Certains au-

teurs (c'est le cas de H. Joos, 1964, p. 37) préfèrent n'y voir qu'une "forme non conjuguée" de type F^. C'est là une solution qu'il ne

nous

semble pas possible de retenir, pour des raisons qui tiennent à

l'in-

terprétation que l'on peut en donner, puisque 1' "impératif" s'accompagne d'une assertion, ce qui n'est pas le cas des F „ La raison pour laquelle nous avons "sauté" l'étape d'une étude purement morphologique apparaît clairement : on constate en effet qu'en français, chacun des paradigmes présentés ici se compose de formes différemment constituées du point de vue morphématique selon les personnes et le type de verbe ; or l'histoire plus ou moins accidentelle de la constitution morphématique de ces formes est hors de notre propos. Il est pourtant deux séries du français qui présentent des régularités formelles intéressantes : il s'agit de C^ et de C^ qui ont la particularité d'avoir pour radical la forme Fj du verbe. Il est historiquement attesté que les désinences de C,. ("conditionnel présent") proviennent de celles de l'auxiliaire avoir à la forme C^ ("indicatif imparfait") : je chanterai provient de : cantare habebam. On est donc en droit de poser que C^ (V) = Fj (V) + C^ {avoir), où le radical

de

avoir est tombé. De même on sait qu'historiquement les désinences de C^ ("indicatif futur") proviennent de celles de avoir à la forme Cj ("indicatif présent") : je chanterai provient de : cantare habeo. On peut donc poser C^ (V) = Fj (V) + Cj {avoir) où le radical de avoir est tombé1· Ce point d'histoire ne nous semble pas avoir une importance seulement anecdotique. Il permet en effet de comprendre sur ce cas précis les ressemblances et différences entre le français et l'anglais : le

1. Nous sommes conscientes du fait que cette présentation trop schématique de l'origine du "futur" français tombe sous le coup de la critique que formule E. Benveniste (1974, pp. 131-133) à l'encontre des

De la surface aux concepts théoriques 25

français forme C^ et C,. par postposition du Cj ou C^ de avoir à un radical de forme Fj et la disparition du radical de avoir fait que la forme résultante est alors ressentie comme "simple" et que l'on oublie l'histoire de la composition. L'anglais a au contraire une construction par antéposition d'un auxiliaire shall ou will à la forme C^. ou C^^ ; cet auxiliaire, qui n'a certainement pas les mêmes propriétés sémantiques que avoir, conserve son indépendance et l'on obtient une forme considérée comme "composée". Ainsi l'on peut conclure de cette comparaison que le français forme C^ et C,. par composition d'un auxiliaire sur la base de F| (V), mais que la nature de cette composition diffère de celle que l'on a en anglais. Ceci illustre au passage la difficulté qu'il y a

à

établir une frontière tranchée entre "formes simples" et "formes composées". Dès lors en effet

que l'on considère C^ et C^ comme résultant

d'une composition plus ou moins fortement intégrée à V selon les langues, ainsi que nous venons de le faire, le problème se pose immédiatement d'autres compositions verbales attestées. C'est ce problème

que

nous allons examiner à présent.

1.3. Les "formes composées "

Nous commencerons par les formes qui se composent en français à partir d'un F^. Nous poserons qu'il existe une première règle qui, à partir du F. (V), et par antéposition de l'auxiliaire être, construit un nou-

(Suite note 1) manuels traditionnels. Rappelons donc brièvement les étapes de ce processus : la forme apparaît tout d'abord en bas latin avec habere à l'imparfait, suivi de l'infinitif passif, et uniquement dans les subordonnées ; elle ne fait pas concurrence au "futur latin classique" : la première indique la prédestination, alors que le second marque l'intention. Peu à peu, cette nouvelle forme prendra la place du futur latin. La distinction entre "prédestination" et "intention" (les termes sont de Benveniste) nous paraît capitale; comme on le verra, nous tenterons plus loin une reformulation de cette opposition en termes de modalités.

26 Vers une théorie

des aspects

veau verbe V . Ce V' peut prendre toutes les formes conjuguées et

non

conjuguées que nous avons décrites à propos de V ; au lieu d'être simr ples, les formes correspondantes sur V1 seront composées, puisqu'elles opèrent sur la base d'un V

composé. C'est l ' a u x i l i a i r e qui prend les

désinences caractéristiques de chaque forme 1 . Pour prendre quelques exemples (E symbolise être) Fj ( V ) = Fj (E) + F 3 (V) ; ex. : être

:

regardé

F 2 ( V ' ) = F 2 (E) + F 3 (V) ; ex. : étant regardé F 3 ( V · ) = F 3 (E) + F 3 (V) ; ex. : [été

regardé]

(nous notons entre crochets les formes qui n'apparaissent jamais comme t e l l e s , mais entrent dans des compositions ultérieures). Cj ( V ' ) = Cj (E) + F 3 (V) ; ex. : suis,

es, ...

C5 ( V ' ) = C5 (E) + F 3 (V) ; ex. : serais,

...

regardé regardé

etc. Nous poserons une deuxièras règle qui, à partir du F 3 (V), et par antëposition de l ' a u x i l i a i r e avoir,

construit un nouveau verbe V ' , qui peut

lui aussi prendre toutes les formes conjuguées et non conjuguées. Ainsi par exemple (A symbolise avoir)

:

Fj ( V ' ) = Fj (A) + F 3 (V) ; ex. : avoir

regardé.

Cette règle peut s'appliquer à nouveau : - sur le F 3 du V' qui est égal à E + F 3 (V) ; d'où par exemple, aux fermes non conjuguées du nouveau verbe ainsi obtenu : avoir/ayant/[eui+

été + regardé

- sur l e F 3 du V qui est égal à A + F3 (V) : d\>Ù un nouveau verbe ayant pour F^ : avoir/ayant/ * eu + eu + regardé - sur le F 3 du V' qui est égal à A + F3 (E) + F3 (V) ; d'où pour les formes non conjuguées du nouveau V

ainsi obtenu :

avoir/ayant/ * eu + eu + éts + regardé.

I l eat à remarquer que seule la

1. Cf. la remarque de L. Tesnière (1939, p. 160) : "Lors du dédoublemert d'un temps simple en temps composé, les caractéristiques grammaticales passent dans l ' a u x i l i a i r e , la racine verbale dans l ' a u x i l i é " . 2. Le symbole * est u t i l i s é pour désigner les impossibilités. I c i , i l correspond à l'impossibilité de construire la forme : * eu eu regardé avec F, (A).

De la surface

seconde r è g l e (avec avoir)

aux concepts

théoriques

peut s ' a p p l i q u e r p l u s i e u r s f o i s . Les

27

rela-

t i o n s entre ces d i f f é r e n t s verbes (simple e t composés) peuvent ê t r e schématisées dans un tableau (tableau I ) , où l ' o n se gardera de confondre l e s f l è c h e s , qui désignent l ' a p p l i c a t i o n d'une r è g l e , e t l e s t r a i t s p l e i n s , qui désignent des r e l a t i o n s que l ' o n peut é t a b l i r entre formes (par exemple : avoir F2 de avoir

regardé,

équivalent à avoir

eu regardé

s ' o b t i e n t par antéposition de avoir

c ' e s t - à - d i r e [eu regardé] regardé,

à être

; avoir

au

été regardé

est

près ), e t où l e s numéros de niveaux

indiquent l e degré de complexité des formes (ex. : au niveau 3,

les

deux V' sont chacun composés de t r o i s formes). Le tableau montre que toute forme en être

correspondant (par un

t r a i t p l e i n oblique) à une forme de niveau i , se trouve à un niveau i+1. Cette

dissymétrie a été notée, entre a u t r e s , par E. Benveniste (1974>

p. 186): " l e s deux a u x i l i a t i o n s (de diathèse e n " ê t r e " e t de temporalité en " a v o i r " ) ne se r é a l i s e n t pas au même niveau du paradigme f l e x i o n n e l . Leur r e l a t i o n e s t dissymétrique". Si l ' o n cherche maintenant

à

d r e s s e r l a combinatoire maximale, on obtient l e tableau I I . Le symbole 0 e s t u t i l i s é dans l e tableau I I pour désigner une place r e s t é e vide dans l a combinatoire ; bien entendu, au niveau

des

mar-

queurs, i l n ' a p p a r a î t p a s . D'où l a numérotation en niveaux de complexité des formes a t t e s t é e s ( c ' e s t - à - d i r e des marqueurs e x p l i c i t e s ) .

Mais

ce décompte n ' e s t qu'une i l l u s i o n , dans l a mesure où précisément i l ne t i e n t pas compte de 0 ; comme on

l e verra dans

l e chapitre

IV,

nous serons amenées à poser que chacune des cases de ce tableau c o r r e s pond à l'emplacement d'une opération e t que l e symbole 0 désigne

en

f a i t , non pas l ' a b s e n c e d'une opération, mais l ' a b s e n c e de marqueur correspondant, au niveau des formes, à une opération. On a donc i c i

la

place de t r o i s cpérations, respectivement, de gauche à d r o i t e : une opér a t i o n d ' a s p e c t (qui peut ê t r e simple ou composée), e t deux opérations de thématisation-diathèse ( c f . chapitre IV). Le tableau I I appelle un c e r t a i n nombre de commentaires. Tout d ' a bord, l ' a b s e n c e de F^ pour l e s s é r i e s aooireu

regardé3

avoir

eu

été r e g a r d é e s t certainement à r e l i e r au f a i t q u ' e l l e s ne donnent pas à leur tour naissance à de nouveaux V*.

maximale

s—\ > ·-—'

&

Λ

fe

en fe

en fe

δ

*—\

combinatoire

ν '

>

.—s > ^—1

en fe

tn fe

m fe

r s

Ö • s

—&

fe

e

•—s u '

en fe

en fe

—ν 6


0 =>

soit celui qui est défini par un déplacement hors du T2 champ des sujets repères noté S ω , déplacements qui correspondent J-2 l'un comme l'autre à un même repérage de S

par rapport au sujet énon-

ciateur dans le descriptif indirect. On peut, à partir du schéma suivait: je je 'il dit à

tu

à propos de

tu X

y énumérer les possibilités de repérages secondaires :

(8) (a) 'Il dit à je à propos de je : "tu" ' ι

ι

(b) 'Il dit à tu à propos de je : "il" '

'Il dit à χ à propos de je : "il" '

(9) (a) 'Il dit à tu à propos de tu : "tu" '

98

Vers une théorie des aspects

(b) 'Il dit à je à propos de tu : "il" '

'Il dit à χ à propos de tu : "il" '

(10) (a) 'Il dit à χ à propos de χ : "tu" '

(b) 'Il dit à j'e à propos de χ : "il" '

Il dit à tu à propos de χ : "il"

Il dit à je à propos de y : "il"

Il dit à tu à propos de y : "il"

Il dit à χ à propos de y : "il"

On voit que l'on a deux cas, selon que l'on a le pronom de deuxième personne, qui traduit une identité entre celui dont qui

it'o parle et celui à

ifo parle, ce dernier jouant à ce niveau le rôle d'un à" par rap-

port à un

, ou le pronom de troisième personne, qui exclut cette i-

dentité. Si l'on néglige ces repérages secondaires, les cas restants peuvent se résumer ainsi :

(8) Cas où S 0 est déplacé à la fois par rapport à S

Í2

et à

¿f1 , et

est identifié à tf° :

cfo

fi

So +

(a) S„

ν*·

Il dit (de moi à moi} "tu"

fo

¿fl

S0

im

S ο ω if0 ST ω i m f ° - S T = Τ2 i2 Il dit que je

fo

Les repérages énonaiatifs I

So ω if 0

(b) S„ S

99

S

T2

II dit (de moi à autre que moi)

= i m ìP°=

Κτ 2

Il dit que je

"il"

(9) C a s où So

est d é p l a c é à la fois p a r r a p p o r t à

est identifié

à

ίο

j"

îfo

tfi

o

ίο

S0

¿ inuf 0 =» S

Il dit que tu

(b) So

S0

Il dit (de toi à autre que toi) "il"

¡•2

1

So

ST

Í2

¿imtf0=*ST i2

Il dit que tu

(10) C a s où So e s t d é p l a c é à la fois p a r r a p p o r t à n'est identifiable ni à un

¡f n i à u n

•fo

if 0

«fi

2

So +

Jo (a) S 0

S0

T2

"

Λ

S

ω ω imïP°=> S

Il dit (de X à X) "tu"

Il dit qu'il

(b) S 0

So ω tf

S

T2

ω a)á()

IZ. dit (de X (ou Y) à autre que X (ou Y)) "il"

ST J-2

ω

et à

if1,

et

:

¿fo

+

S

T2

if 0

ω

ST I2

ufe

i

et où S^

ω

ST 12

Il dit (de toi à toi) "tu"

S

iP1

So Ψ

+ if o

ST

et à

I

(uf®

ST2

0

:

tfi

(a) S„

^

0

imí0=>S_ i2

II dit qu'il

T2

100

Vers une théorie des aspects

Cette fois, le fait que l'on a deux fois un déplacement hors du champ des sujets énonciateurs fait qu'un repérage supplémentaire, toujours nécessaire dans le descriptif direct pour distinguer (10) de (8) et de (9), le devient aussi dans le descriptif indirect pour lever l'ambiguïté entre (10) et (7), ce dernier recouvrant les trois cas : Il dit à je à propos de il : "je" ι I Il dit â tu à propos de il : "je" 1 II dit à χ à propos de il : "je" 1 On voit ainsi dans le fait que l'ambiguïté des énoncés de ce type, loin d'être accidentelle, est liée à la nature même des repérages des sujets, une illustration de ce qu'A. Culioli appelle 1' "ambiguïté fondamentale" du langage (A. Culioli,1973, p. 84). Tout le problème réside en

effet

dans l'analyse que l'on fait de cette ambiguïté. Si on la considère ccmme un accident, un "raté", on s'efforce de la résoudre dans le cadre d' un modèle linguistique qui intègre, à un niveau sémantique, les problèmes de référence. C'est ce que tente la sémantique génërative lorsqu' elle donne autant de structures profondes que de solutions référentielles possibles. Si on y voit au contraire un aspect essentiel et ductible du langage, les possibilités d'ambiguïté liées aux

irré-

problèmes

référentiels se multiplient les unes par les autres à l'infini.

Elles ne

peuvent alors trouver de solution ni en droit ni en fait dans un modèle linguistique. Le calcul de So et S

2

dans le plan descriptif peut se résumer dans „

les tableaux suivants (tableaux VI et VII), où iP , puisqu'il devient inutile d'y distinguer

sera simplement noté de

¿f1 .

Tableau VI. Calcul de SQ et S γ dans le plan descriptif direct. 2

S iT = 2

tfo

(Je dis)

(1)

s

STz Φ

tfo

STa ω f o

§

tfo

"tu

(3)

(Je dis)

"il

tfo

S

S

(Tu dis)

(5)

"tu sT°



(7)

S T )! ί ο T2

(8a, 9a,

tfo

(8b, 9b,

T2

10a)

riZ dit) I ir s ° (Il dit)

"je I ir S T2 "tu S

10b)

ir ° (Il dit) S

ST ω Γ2

1

cru ¿ ¿ s ;

(6)

STz = $ 0

T?

f n ¿ S„ ω d* Í2 i2

(6)

T2

Tu d i s