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"TENDENDA VELA'' Excursions littéraires et digressions philosophiques à travers le Moyen Âge
INSTRVMENTA PATRISTICA ET MEDIAEVALIA Research on the Inheritance of Early and Medieval Christianity
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ÉDOUARD JEAUNEAU
"TENDENDA VELA" ,
EXCURSIONS LITTERAIRES ET DIGRESSIONS PHILOSOPHIQUES '
A
A TRAVERS LE MOYEN AGE
BREPOLS 2007
INSTRVMENTA PATRISTICA ET MEDIAEVALIA Research on the Inheritance of Barly and Medieval Christianity
Founded by Dom Eligius Dekkers
(t 1998)
Editorial Board Rita BEYERS
Georges DECLERCQ
Albert DEROLEZ
Jeroen DEPLOIGE
Willy EvENEPOEL
Mathijs LAMBERIGTS
Paul-Augustin DEPROOST
Jean GoossENS
Gert PARTOENS
Marc VAN UYTFANGHE
Guy GuLDENTOPS
Paul TOMBEUR
Wim VERBAAL
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©
2007 BREPOLS '2l'i PUBLISHERS (Turnhout - Belgium) Printed in Belgium D/2007 /0095/21 ISBN 978-2-503-51918-0
À la chère mémoire de MAURICE PATRONNIER DE GANDILLAC
(1906 - 2006)
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
La philosophie médiévale, Collection "Que sais-je?", n° 1044, Paris (PUF), 1963, 1967, 1975. Traductions: arabe (Éditions arabes, Lyon, 1975), espagnole (Universitaria, Buenos Aires, 1965), japonaise (Hakusuisha, Tokyo, 1965), portugaises (Editorial Verbo, Lisbonne, 1968 et Ediçoes 70, Lisbonne, 1980), turque (Ileti~im Y ayinlari, Istanbul, 1998, 2003, 2006).
"Lectio philosophorum". Recherches sur l' École de Chartres, Amsterdam (Adolphe M. Hakkert), 1973, xvi-396 pages, 14 planches.
Études érigéniennes, Paris (Études Augustiniennes), 1987, 749 pages. Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences morales et politiques (Prix Victor Cousin 1990).
AVANT-PROPOS -ré!:> ocm:[pC!> m:Àiiye:~ -r&v Àoylwv -roü 7tve:uµcx-roç e:Ù-r6vwç 8~CXV'1J)(6µe:voç 1 Tendenda Vela! Le titre que j'ai donné à ce recueil est emprunté à Jean Scot Érigène. Au début du livre IV du Periphyseon nous lisons en effet: "Il faut hisser la voile, il faut naviguer. La raison est là qui se hâte: elle a l'expérience de la haute mer, 2 elle ne craint aucune menace, elle ne redoute ni les sinuosités du parcours, ni les syrtes ni les brisants, et elle éprouve plus de plaisir à exercer son pouvoir dans les mystérieux détroits de l'Océan divin qu'à se reposer, oisive, en des eaux étales et sans obstacle, où elle ne peut donner la pleine mesure de ses forces". 3 Dès mes premiers pas sur le terrain des études érigéniennes ce texte avait retenu mon attention. Dans un opuscule de vulgarisation paru en 1963, je le commentai ainsi: "Voilà bien Jean Scot peint au vif par lui-même: il a le goût du risque. D'autres penseurs chrétiens, au Moyen Âge et en d'autres temps, concevront la philosophie comme une magnifique cathédrale, solidement enracinée dans le sol, où le peuple fidèle trouve un refuge assuré contre les intempéries du dehors. Pour l'Érigène, philosopher c'est naviguer en haute mer, c'est risquer sa pensée sur des cimes vertigineuses d'où l'on découvre soudain l'abîme à ses pieds". 4
t MAXIME LE CONFESSEUR, Quaestiones ad Thalassium, Préface; PG 90, 245B; CCSG 7, p. 19, 20-22. Jean Scot a traduit: "in infinito pelago eloquiorum spiritus strenue nauigans" (CCSG 7, p. 18, 25-26). 2 La haute mer (pontus) désigne ici la Sainte Écriture. Cf. Iohannis Scotti Eriugenae Periphyseon. Liber quartus, edited by Édouard A. Jeauneau with the assistance of Mark Zier, Dublin, 1995, p. 280. Cf. É. JEAUNEAU, Études érigéniennes, Paris, 1987, pp. 287-296. 3 JEAN ScoT, Periphyseon, IV, 744A; CCCM 164, p. 5. 4 É. JEAUNEAU, La philosophie médiévale, Collection "Que sais-je?", n° 1044, Paris, 1963 et 1967, pp. 36-37; 3• édition, Paris, 1975, pp. 34-35. La rédaction de cet opuscule me fut confiée par Pierre-Maxime Schuhl, dont j'ai eu le privilège de suivre le séminaire à la Sorbonne. Je lui en demeure profondément reconnaissant, car ce modeste Que sais-je? m'a valu de nombreux témoignages de sympathie.
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L'image de la navigation peut se recommander de !'Écriture, car Pierre est d'abord un nautonier, auquel le Christ a donné l'ordre de naviguer en haute mer: Duc in altum. 5 La cathédrale, il est vrai, est aussi une nef, mais c'est une nef au repos, dont la carène est tournée vers le ciel. Ce qui peut étonner - ce qui m'étonne moimême - c'est que j'aie choisi la nef en mouvement plutôt que la nef au repos. Car je suis un terrien, né sur un sol que labouraient naguère encore de graves chevaux percherons: je n'ai pas du tout le pied marin. J'ai grandi à l'ombre d'une cathédrale, qui est à mes yenx la plus belle du monde et qui, aux yeux des maîtres qui m'ont formé, à Chartres comme à Rome, était l'image même des grandes synthèses scolastiques du xrn• siècle, cathédrales du savoir. Si j'ai préféré l'image marine à l'image terrienne, ce fut peut-être par besoin de compensation. Je laisse anx psychologues, voire aux psychanalystes le soin d'en décider. Tendenda uela nauigandumque ! Il fallait hisser la voile, il fallait naviguer. J'ai donc navigué, mais toujours dans les mêmes eaux. Mes ports d'attache ont été Jean Scot Érigène et !'École de Chartres. En d'autres termes, j'ai navigué entre deux périodes que l'on a appelé des renaissances: la renaissance carolingienne à son apogée (sous Charles le Chauve), la renaissance du x11e siècle à ses débuts et sur un tout petit territoire (une école cathédrale). Y avait-il, entre les deux centres qui se disputèrent mon intérêt et stimulèrent mes recherches, un point commun? Il faut certainement exclure l'hypothèse d'une influence significative de Jean Scot et de sa traduction des œuvres de Denys l'Aréopagite sur les Chartrains avant la seconde moitié du x11e siècle. 6 Aussi bien n'est-ce pas de cela que je veux parler ici. La question que je pose - que je me pose - est la suivante: pourquoi me suis-je intéressé à la fois aux Chartrains et à Jean Scot? Fut-ce par pur hasard que je passai de l'école capitulaire de Chartres à l'école du palais de Charles le Chauve? Ou bien avais-je décelé entre les deux une secrète connivence, même si ancnne filiation historique ne pent être invoquée pour l'expliquer? Je ne prétends pas avoir trouvé une réponse décisive à cette question. En ce domaine, comme dit Platon, il faut savoir se contenter du vraisemblable. 7 Cela étant, il me semble que Jean 5 6
7
Luc, 5, 4. Voir plus loin, pp. 127-129. Platon, Timée, 29cd.
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Scot (deuxième moitié du IXe siècle) et certains maîtres de l'École de Chartres (première moitié du x11e siècle) convergent en un point: ceux-ci, comme celui-là, font confiance à la raison humaine. Selon Jean Scot, en effet, deux livres s'offrent à notre étude et à nos investigations, le livre de !'Écriture et le livre de la Nature. 8 Certes, en bon Irlandais, il a une très haute révérence pour le premier, mais il est persuadé que ce ne serait point rendre hommage au Créateur que de négliger le second. 9 Pour explorer l'un et l'autre il fait appel à la raison. Celle-ci, on vient de le voir, est le pilote qui nous guide sur !'Océan divin des Écritures; elle est aussi notre mentor pour explorer l'univers. À ceux qui invoquent la Bible pour décourager la recherche scientifique, il rétorque: "Je ne saurais admettre que ce monde-ci soit inaccessible à l'entendement de la nature douée de raison, puisque c'est pour cette nature qu'il a été créé". 10 Jean Scot a une très haute estime pour la raison: "Rien n'est plus suave à écouter que la raison vraie, rien n'est plus délectable à explorer pour qui cherche, rien n'est plus beau à contempler pour qui trouve." 11 Une telle attitude sera aussi celle de Thierry de Chartres et de Guillaume de Conches. Ce dernier s'en prend à ceux qui lui contestent le droit d'expliquer la formation de l'univers et celle de l'homme par les lois de la physique, esprits paresseux qui se contentent d'affirmer que les choses sont ce qu'elles sont parce que Dieu l'a ainsi voulu. Voilà ce que Guillaume de Conches pense d'eux: "Parce qu'ils ne connaissent pas les propriétés de la nature, et afin de nous associer à leur ignorance, ils nous dénient le droit à la recherche, ils veulent que nous croyions comme des rustauds et que nous ne cherchions pas la raison des choses ... Quant à nous, nous disons qu'il faut, en toute chose, chercher la raison''. 12 Thierry, chancelier des écoles chartraines de 1142 à 1150 environ, n'est pas d'un autre avis. Dans son petit traité De l'œuvre des six jours, il se propose d'exposer le récit biblique de la création du
8 "C'est d'une double manière que la lumière éternelle se fait connaître au
monde: par l'Écriture et par les créatures." (Homélie sur le Prologue de Jean, XI, 13-14; SC 151, p. 254; PL 122, 289C). ' JEAN ScOT, Periphyseon, III, 723D-724A; CCCM 163, p. 149. 10 JEAN ScoT, Periphyseon, III, 723B; CCCM 163, p. 148, Marginale 33. 11 JEAN ScoT, Periphyseon, I, 512B; CCCM 161, p. 97. 12 Gu1LLAUME DE CONCHES, Philosophia, 1, 23; PL 172, 56BC.
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monde "selon la physique", 13 "selon la raison des physiciens". 14 L'originalité de l'entreprisee n'avait pas échappé à Étienne Gilson, qui voyait dans ce traité un essai de "justification expérimentale de la Genèse". 15 Quelles qu'aient été les raisons qui me firent naviguer entre Jean Scot Érigène et l'École de Chartres, il est certain que j'ai navigué, et cela pendant plus d'un demi-siècle. De ces voyages incessants je n'ai point rapporté de trésor, je veux dire que mes recherches n'ont produit aucune œuvre importante, aucun livre dont on puisse parler, seulement des articles parus dans des revues diverses. Certains de ces articles ont déjà été réunis: ils forment deux volumes, l'un entièrement consacré à Jean Scot, 16 l'autre entièrement à l'École de Chartres. 17 Le présent volume, le troisième, traite à la fois du premier sujet et du second. Concernant Érigène et l'érigénisme, il contient les travaux que j'ai publiés depuis 1987. Concernant !'École de Chartres, il rassemble non seulement les articles publiés depuis cette date, mais encore ceux qui furent publiés entre 1973 et 1987 et qui n'avaient pas trouvé place dans le deuxième volume, exclusivement consacré aux études érigéniennes. Le présent recueil est divisé en six parties. La première traite du transfert de la culture, un thème qu'Étienne Gilson avait brillamment développé et qu'après lui - longo sed proximns interuallo" j'ai essayé d'exposer dans une conférence donnée à Toronto en 1995. Cette conférence m'a fourni l'occasion de dire comment, dès 1952, j'entrai en contact avec le Pontifical Institute of Mediaeval Sludies de Toronto. L'intermédiaire fut Thierry de Chartres, auquel je m'intéressais alors. Le fameux Heptateuque du chancelier chartrain (manuscrits 497 et 498 de la bibliothèque municipale de Chartres) ayant été détruit le 26 mai 1944 par un bombardement allié, il n'était plus possible d'accéder à cette "Bible des sept arts libéraux". 13 "Secundum phisicam et ad litteram" (THIERRY DE CHARTRES, Tractatus de sex dierum operibus, 1 ; éd. N. M. HA.RING, Commentaries on Boet.hius by Thierry of Chartres and HU. School, Toronto, 1971, p. 555, 2). 14 "Secundum rationem phisicorum" (Op. cit., 18; éd. cit., p. 562, 24-26). 15 É. GILSON, "La cosmogonie de Bernard.us Silvestris", dans Archives d'histoire doctrinale et. littéraire du Moyen Âge, 3 (1928), p. 23, n. 1. 16 Études érigéniennes, Études augustiniennes, Paris, 1987, 749 pages. 17 "Lectio philosophorum". Recherches sur l'École de Chartres, Éditions Adolf M. Hakkert, Amsterdam, 1973, xvi-395 pages. 18 VIRGILE, Énéide, V, 320
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Heureusement le Pontifical Institute of Mediaeval Studies avait, avant la guerre, fait exécuter un microfilm des manuscrits qui en conservaient le texte. Grâce à ce microfilm je pus donc consulter, à Chartres même, !' H eptateuque de Thierry de Chartres. À un moment donné, le cheminement de la culture (lranslatio studiz) est donc passé par Toronto 1 En appendice à cette conférence, j'ai publié un extrait du De tribus sensibus sacrae scripturae de Thomas d'Irlande, traité inéclit, dans lequel l'auteur, socius domus Sorbonae (1295), parle du transfert de la culture "vu de Paris". La deuxième partie est consacrée aux sources bibliques. Elle s'ouvre (chapitre 1) par une très belle prière de Jean Scot "pour obtenir l'intelligence des Écritures". Dans le chapitre 2, j'ai essayé de définir l'attitude de ce dernier par rapport au texte sacré. Ce faisant, j'ai montré qu'Érigène qualifie !'Écriture d'artifex et non d'artificiosa. Cette dernière leçon n'est pas une correction d'auteur, mais une "amélioration" introduite par le premier éditeur du Periphyseon - éditeur et manipulateur - que j'ai appelé Nisifortinus. 19 Il faut évidemment restaurer la leçon authentique. 20 Le propos du chapitre 3 était d'examiner l'usage du mot sensus dans l'exégèse biblique du haut Moyen Âge; en fait Érigène a pris la part du lion. En revanche, le chapitre 4 est entièrement consacré au De tribus sensibus sacrae scriplurae de Thomas d'Irlande dont il est question dans la première partie du présent recueil. Dans la troisième partie, qui traite des sources patristiques, une place de choix est faite aux Pères grecs que Jean Scot a traduits: Denys l'Aréopagite, Grégoire de Nysse et Maxime le Confesseur. C'est donc Jean Scot, une fois de plus, qui occupe le devant de la scène (chapitres 1, 2, 3, 6, 9). Cependant, les chapitres 4 et 5 sont consacrés à deux maîtres qui appartiennent au x11e siècle, Abélard et Guillaume de Lucques: j'ai essayé de les situer par rapport au courant clionysien. Le chapitre 8, "Grandeur et misère du métier de traducteur", examine les mérites et les déficiences des traductions érigéniennes. Il met aussi en évidence que dans le manuscrit 561 de la Mazarine, qui contient la version érigénienne des Ambigua ad Iohannem de Maxime le Confesseur et dans lequel on trouve un autographe de Nisifortinus, le texte prinritif, souvent correct, a été
19
Voir plus loin, pp. 585-603.
20 JEAN ScoT, Periphyseon, !, 512A; CCCM 161, pp. 96, 410-412.
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plusieurs fois détérioré par des mains non identüiées. 21 Un seul Père latin est pris en considération, saint Ambroise, qu'Érigène tenait en
très haute estime, précisément parce qu'à son avis il suit plus fidèlement que les autres Latins la trace des Pères grecs.
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Le chapitre
qui lui est consacré (7) est plus philologique que doctrinal: j'y forme le souhait qu'un futur éditeur des œuvres d'Ambroise tienne compte de certaines leçons trouvées dans les extraits du De paradiso qu'Érigène a recopiés en son Periphyseon. Enfin, le chapitre 10 est un essai de rétroversion de prières grecques à la Vierge Marie (6eo't'o> actenus in terra Syrida." The text printed in PL 106: 926c (in terra Syriae) must be corrected. I owe this precision to the kindness of Dr Michael Idomir Allen, whose critical edition of Frechulf's Historiae is due to appear in CCCM (Turnhout). Dr Allen also informs me that Syrida is the reading in the best manuscripts of Hrabanus Maurus' commentary on Genesis.
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only as a movement, beginning in the East and ending in the West, but also as a development. Modems not only inherited from the Ancients, but also improved what they received from them. Otto bases his belief on Priscian, who states that some modern Greek grammarians, such as Herodian of Alexandria and Apollodorus of Athens, are superior to the ancients, (quanta iuniores, tanto perspicaciores), a statement which gave rise to the famous dictum of Bernard of Chartres: we, modems, are like dwarfs, who, seated on the shoulders of giants {the ancients), can see further than the ancients. 42 For Otto of Freising, then, the translatio studii develops in the linear time of the Judaeo-Christian tradition. This transmission of learning implies progress, yes, but progress cannot be indefi.nite. Otto observes that learning in his time has reached Gaul and Spain. How could it go further? The Columns of Hercules mark the outer edge of the world. How could learning continue its journey? How could Nature produce men who would surpass in learning and in wisdom master Berengar, master Manegold, and master Anselm? Consequently, Otto believes that the end of the world is near: he thinks that he hears the last sighs of a dying universe. 43 It is noteworthy, however, that Otto, a German who stated clearly that the temporal power (imperium) was in the hands of the Germans, never said that learning (studium) had been transferred to Germany, but rather to Gaul and Spain. And this is precisely what Geoffrey of Viterbo repeats in his chronicle, the Memoria saeculorum of 1185. 44 42. Priscian, Imtitutiones grammaticae, ed Hertz in Grammatici latini, ed H. Keil, 1: 1.6-7; cited by Otto of Freising, Historia de duabus ciuitatibus 5.prol., ed Hofmeister, p. 226.14-16. See also E. Jeauneau, "Nani gigantium humeris insidentes," Vivarium 5 (1967), 79-99; repr. in Jeauneau, Lectio philosophorum, pp. 53-73. 43. Otto of Freising, Historia de duabus ciuitatibus 5.prol.: "Et sicut supra dixi, omnis humana potentia uel sapientia ab oriente ordiens in occidente terminari cepit .... Nos iam deficientem et tanquam ultimi senii extremum spiritum trahentem cernimus" (ed Hofmeister, pp. 227-228). 44. Geoffrey of Viterbo, Memoria saeculorum: "Ad haec Abraham artibus et scientia Caldeorum inbutus non solum suos, set etiam Egiptios,
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In the last quarter of the twelfth century the French writer Chrétien de Troyes daims unambiguously, right at the beginning of his Cligès (written around 1176), that learning (clergie) has been transferred to France: Ce nos ont nostre livre apris Qu'an Grece ot de chevalerie Le premier los et de clergie. Puis vint chevalerie a Rome Et de clergie la some, Qui or est an France venue. Dex doint qu' ele i soit maintenue Et que li leus li abelisse Tant que ja mes de France n'isse L'enors qui s'i est arestee. Dex l'avait as altres prestee: Car des Grezois ne des Romains Ne dit an mes ne plus ne mains, D'ax est la parole remese Et estainte la vive brese. In other words: Our books have taught us how Greece ranked first in chivalry and learning; then chivalry passed to Rome along with the fond of transcendent learning that has now corne to France. God grant it may be kept here and find such a pleasing home that the honour now arrived may never depart from France! The others had received it from God on loan; for no longer do people speak at all of the Greeks and Romans - there is no more talk of them, and their glowing embers are dead. 45
cumin Egypto peregrinabatur, legitur omnes artes docuisse. Vnde prima sapientia ab Egiptiis ad Grecos, a Grecis ad Romanos, a Romanis ad Gallos et Yspanos legitur transmeasse" (ed G. Waitz, MGH· Scriptores 22: 95). 45. Chrétien de Troyes, Cligès 28-42, ed Alexandre Micha (Paris, 1970), p. 2; trans. with an introduction and notes by D.D.R. Owen in Arthurian Romances(London, 1987), p. 93. See M.A. Freeman, "Translatio
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IV In the thirteenth century the mythical theme of the translatio studii is widely accepted. The term studium is a complex one: it means learning, knowledge, culture, but implies also, in the present context, a scholarly organization. In other words, studium applies bath to the learning and to the institution through which learning is attained. Now, it is generally accepted that France, and more precisely Paris, is the place where the studium, coming from Athens through Rome, has been transferred. Such a belief is expressed in numerous texts, written bath in Latin and in the vernacular. The chroniclers all repeat the same tale. We find it in Hélinand of Froidmont (who died after 1229),46 Vincent of Beauvais (died 1264),47 Martin of Troppau (writing c 1290),48 in Les grandes chroniques
studii and Romance Composition: The Example and Sorne Ramifications of Chrétien de Troyes' Cligès" (PhD thesis, Princeton University, 1976) and The Poetics of 'Translatio studii' and 'Conjointure~· Chrétien de Troyes's 'Cligès' (Lexington, 1979). 46. "Alcuinus sapientiae studium de Roma Parisius transtulit, quod illuc quondam a Graecis translatum fuerat a Romanis, fueruntque Parisius fundatores eius studii quatuor monachi Bedae discipuli, scilicet Rabanus et Alcuinus, Claudius et loannes Scottus" (quoted by H. Grundmann, "Sacerdotium-Regnum-Studium," Archiv für Kulturgeschichte 34.1 [1951], 14, n19). 47. Vincent of Beauvais, Speculum historiale 18.173: "Alchuinus scientia uitaque praeclarus, qui et sapientiae studium de Roma Parisius transtulit, quod illuc quondam e Graecia translatum fuerat a Romanis." For other chroniclers depending on Vincent of Beauvais, see Gilson, Les idées et les lettres (1932; 2nd ed., Paris, 1955), pp. 185, nl. 48. Martin of Troppau, Chronicon pontificum et imperatorum: "Hoc tempore floruit Albinus, qui et Alcuinus, Karoli eruditor. Hic genere Anglicus, clarus ingenio in philosophia excellentissimus, non tantum in sciencia sed eciam in morum honestate praeclarus. Et ab ipso Karolus didicit omnes artes liberales. Qui et studium de Vrbe Parisius transtulit, quod de Graecia illuc translatum fuerat a Romanis" (ed L. Weiland, MGH· Scriptores 22: 426).
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de France, 49 and in the Compendium of Robert Goulet (1517). 50 All say that, at the time of Charlemagne four learned men transferred the studium from Rome to Paris: Alcuin of York, Hrabanus Maurus, Claude of Turin and John the Scot. It is also what we find in the encyclopaedias. The vernacular versions of these works sometimes refer to their Latin sources, as does Jean Corbechon, who, speaking of Charlemagne, writes: Et pour l'amour quil auoit a sapience et pour loneur et le prouffit du roiaume de france il fist transporter et translater lestude de Rome a paris. Et auoit un maistre que on appelloit Alquin duquel il apprist logique rethorique et astrologie en laquelle astrologie il proufita moult grandement et y fist moult de bonnes choses selon ce que dit Vincent ou XVII• liure de sa compilacion.51 Bartholomaeus Anglicus, describing the different countries of the world in his Liber de proprietatibus rerum, praises Paris for being the new Athens: Though France has many noble cities, and of great renown, nevertheless Paris is the principal one, and rightly so. For, exactly as of old, the city of Athens in Greece, being the mother of Arts and of Letters, the nurse of the philosophers and the source of all the sciences, adorned Greece, so in our time, in matter of knowledge and of good manners, Paris has raised to a high level not only
49. "Tant multiplia et fructifia sa doctrine [ie, Alcuin's teaching] à Paris et par tout le roiaume de France, que, Dieu merci! la fontaine de doctrine et de sapience est à Paris, ausi corne ele fu jadis à Athenes et à Rome" (Les grandes chroniques de France, ed Jules Viard, 10 vols [Paris, 1920-1953], 3: 157-158). 50. R. Goulet, Compendium recenter editum de multiplici parisiensis uniuersitatis magnificentia dignitate et excellentia ... (Paris, 1517), trans. Robert Belle Bourke as Compendium on the Magnificence, Dignity, and Ex· cellence of the University of Paris in the Year of Grace 1517 (Philadelphia, 1928), pp. 29-37. On Goulet see J. Farge, Biographical Register of Paris Doctors ofTheology, 1500-1536 (Toronto, 1980), pp. 201-202. 51. MS Paris, Bibl. nat.: Fr. 16993, f. lvb.
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France but the whole of Europe. For Paris, being mother of wisdom, receives those who corne to her from all parts of the world, provides for the needs of all, guides all of them peacefully, and being minister of truth, shows herself to be "under obligation both to the wise and to the foolish [Rom 1:14]."52 The Liber de proprietatibus rerum, written in Latin, had a wide circulation and was translated into several languages: Italian (before 1309), French (1372), Langue d'Oc (1391), English (1398) and Spanish (fifteenth-century). Of another thirteenth-century encyclopaedia, L'image du monde by Gossuin of Metz, we have three versions in verse, written between 1246 and 1248, as well as a prose recension that was translated into English, Hebrew and Yiddish.53 Gossuin says that Paris is a New Athens. He says also that the society is divided into three orders: "clergie" (scholars), "chevalerie" (knights) and "ovres de terre" Qabourers). We recognize here the famous division, dear to Georges Dumézil: oratores, bellatores, and laboratores. The studium is entrusted to the first order, that of "clergie." Charlemagne, who loved philosophy, made great efforts to invite good scholars to his kingdom. And this profited his successors. Thanks to Charlemagne, the studium (clergie) resides now in Paris. Paris is the fountain from which one can draw science more than in any other place. Gossuin, however, insists on one point, namely, that military skill (chevalerie) goes hand in hand with learning (clergie) and that,
52. Bartholomaeus Anglicus, Liber de proprietatibus rerum 15.57, ed G. Barthold Pontanus of Braitenberg (Frankfurt, 1601), p. 652. 53. The first version of L'image du monde (dated 1246) has 6600 verses; the second (posterior to 1248) 10,600 verses; the third is found in MS London, Brit. Lib.: Harley 4333. The English translation was made by Caxton (1480): see Caxton's Mirrour of the World, ed Oliver H. Prior (London, 1913). On Gossuin of Metz, see F. Fery-Hue in Dictionnaire des lettres françaises: Le Moyen Age, ed G. Hasenohr and M. Zink (Paris, 1992), pp. 555-556, and Ch.-V. Langlois, La connaissance de la nature et du monde au Moyen Age (Paris, 1911), pp. 49-113.
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if one of the two disappears, the other will also disappear. Let us hear him expressing these ideas first in verse, then in prose: Clergie regne ore a paris Ensi corn ele fist iadis Athenes qui set en grece Une cite de grant noblesse Li philosophe qui la furent Qui les altres enseigner durent Ne poserent solon lor sens Fors que III maneres de genz Cler[gie], cheval[erie], oures de terre. Chevalerie en suit clergie Partot ou plus est auancie Dont li rois de france poet est Liez et joianz, quant il poet naist. 54 Here is the version in prose, with Caxton's English translation: Car se clergie s'en aloit de France, chevalerie s'en iroit après, comme ele a toz jours fet. Car touz jours se tient près de lui. Si la retiengne li rois de France pour son preu. Car il porroit bien perdre son riaume, se clergie se departoit de France. Ffor yf the studye wente out of Ffraunce, knyghthode wold go after, as it hath alway don; ffor contynuelly that one is by that other. Therfor late the kynge of Ffraunce for his weel reteyne it yf he may; ffor he may wel lose his Royamme, yf clergye departe out of Ffraunce.55 Gossuin goes on to praise the mendicant orders who "in our time" he says, "came to France." These holy men, entirely dedicated to God' s service, attracted to their ranks the best 54. "Li liure de clergie quest apele lymage del mond translate de latin en romanz. contient par tot XL chapitres e. xxviii figures ... ," (MS London, Brit. Lib.: Arundel 52, ff. 79v-80r). 55. Gossuin of Metz, L'image du monde, ed O.H. Prior (LausanneParis, 1913), p. 79; Caxton's Mirrour of the World, ed O.H. Prior (London, 1913), p. 32.
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scholars (toute la fleur de clergie). This is a great honour done us by God, and we must thank Him for such an honour. Here, once again, is the prose version, followed by Caxton's translation: Si resont en France unes autres gens qui en nostre tens i sont venu. Ce sont freres meneur et jacobins qui se sont mis en religion pour l'amour de Dieu pour aprendre et pour entendre a Dieu servir. Dont Diex nous en a fet si grant honnour que il retiennent toute la fleur de clergie en leur ordre pour adrecier et pour essaucier sainte crestienté par leur estuide et par leur travail. Also ther ben in Ffraunce an other peple whiche ben late corne; and they ben ffreris mynours and iacobyns, whiche haue take on them relygion for the loue of Gad for to lerne and entende to serve Gad; of whom Our Lord hath don to vs so grete honour and Reuerence that they reteyne alle the flour of cllergye in their ordres for tadresse and enhaunce our moder holy chirche by their estudye and trauaylle. 56 Nevertheless, the mendicant orders were not the only amenities Paris had to offer. Besicles the Dominicans and the Franciscans, Paris presented many other advantages, on which Bartholomaeus Anglicus is pleased to insist: he praises Paris for its wealth, the abundance of its merchandise, healthy air, a good river, its fields, meadows, mountains and plains of great beauty, which refresh the sight and the mind of the students when they are tired from study. 57
56. Gossuin of Metz, L'image du monde, ed Prior, p. 79; Caxton's Mirrour of the World, ed Prior, p. 32. 57. Bartholomaeus Anglicus, Liber de proprietatibus rerum 15.57, ed Barthold Pontanus, pp. 653-654. Here is the translation of Jean Corbechon: "Paris est une cite tres puissant en richesces et en marchandies, paisible et en bon air et sur bonne riuiere pour les clercs, et qui a champs et pres et montaignes, plaines de moult grant beaute pour recreer la veue des escoliers quant ilz sont lassez et traveilliez de studier et les rues et les
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William the Breton (Guillelmus Brito), a historian of King Philip Augustus also praises the physical advantages given by Nature to Paris, but he points out the political advantages granted by his royal patron: In those days [year 1210] the studium of letters was flourishing in Paris. I have never read that the students were as numerous in Athens, in Egypt or in any other part of the universe as those who were gathered in the aforesaid city for the purpose of studying. This fact is the result not only of the admirable pleasantness of the place and of the superabundant profusion of all kind of goods, but also of the privileges of freedom and special protection which King Philippe [Auguste] and his father before him had granted to the scholars. 58 With a few exceptions, to which we will return, the legendary history of the University of Paris as the "New Athens" is universally accepted in the thirteenth century. One of the arguments put forward to establish that theory is the fact that the k.ingdom of France possessed the tomb of Saint Dionysius the Areopagite, "philosopher and martyr." Close to Paris there was a famous abbey dedicated to a saint Dionysius and to his companions Rusticus and Eleutherius, martyrs. In the first half of the ninth century, the opinion of Hilduin, abbot of SaintDenis, prevailed: Dionysius, the patron saint of his Abbey, was none other than the Areopagite converted by Saint Paul in the year 51.
maisons de paris sont moult propres pour escaliers. Et pour ce ne laisse elle pas a receuoir toutes autres manieres souflisamment et en ce en moult d'autres choses paris surmonte toutes les autres citez" (MS Paris, Bibl. nat.: Fr. 16993, f. 208va-208vb). The healthy air of Paris was praised by Hilduin in his Passio sanctissimi Dionysii, cap. 20 (PL 106: 40b). 58. Guillaume Le Breton, Gesta Philippi Augusti 152, in Oeuvres de Ri· gord et de Guillaume le Breton, ed H.F. Delaborde, 2 vols (Paris, 18821885), 1: 230.
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Now, the monastery of Saint-Denis had been chosen by three dynasties of kings - Merovingians, Carolingians, Capetians - as their burial place (in old days the Royal Abbey of Saint-Denis was for the kings of France what Westminster Abbey is today for the monarchs of England, but richer, grander, holier). Little wonder, then, that the glory of the Royal Abbey bursts forth again on Paris, capital of the kingdom. And since the works attributed to Dionysius the Areopagite were highly philosophical, it was natural to think that, coming from the Areopagus, Dionysius had transferred the whole School of Athens to Paris. This view is expressed by William of Nangis, a monk of Saint-Denis, in his Life of Saint Louis. William seems not to have been aware that this new version of the translatio studii appears to short-circuit Rome: he states first that the study of letters and philosophy came from Athens to Rome and from Rome to Gaul, and then, a few lines later, that the treasure of wisdom came directly from Greece to Paris in the luggage of Dionysius the Areopagite. lt is true, though, that, according to the ninth-century legend, Dionysius, had made a detour on his way to Paris in Rome, where he met Pope Clement. According to William of Nangis, Dionysius brought with him from Athens three treasures: faith, wisdom and military glory (cum militiae titulo). These three precious gifts are represented by the three leaves of the fleur-de-lis in the coat of arms of the kings of France. 59 59. Recueil des historiens des Gaules et de la France, ed P. C.F. Daunou and
J. Naudet, 24 vols (Paris, 1840-1904), 20: 318-320. On the fleur-de-lis see A. Piaget, "Un poème inédit de Guillaume de Digulleville, le Roman de la Fleur de lis," Romania 62 (1936), 317-358; E. Faral, "Le Roman de la Fleur de lis de Guillaume de Digulleville," in Mélanges ... offerts à Ernest Hoepjfner (Paris, 1949), pp. 327-338, and his Guillaume de Digulleville moine de Chaalis, in the Benedictine Histoire littéraire de la France, 41 vols (Paris, 1835-1981), 39.1 [1952]: 1-132; R. Bossuat, "Poème latin sur l'origine des Fleurs de lis," Bibliothèque de !'École des chartes 101 (1940), 80-101; F. Ch~tillon, "Lilia crescunt: Remarques sur la substitution de la Fleur de lis aux croissants et sur quelques questions connexes," Revue du Moyen Age latin 11 (1955 [1959], 87-200. For these references I am indebted to André Vernet, whom I thank warmly.
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V The views of William of Nangis are shared by Thomas the Irishman (Thomas Hibernicus) at the beginning of the fourteenth century. Thomas was not a Dominican, as it was once believed, but a secular cleric, a fellow of the Sorbonne (socius domus Sorbonae). 60 In one of his works, the De tribus sensibus sacrae scripturae, still unpublished, 61 Thomas comments on the famous verse from Proverbs 9:1, Sapientia aedificauit sibi domum (Wisdom has built her house), a verse which, according to him, applies to the transmission of learning: The Wisdom of God the Father has built her house, ie the School of Paris. Formerly, it was the city of Athens who was the mother of studies. lt was divided into three main sections, namely that of Mercury, that of Mars and that of the Sun, for the citizens used to designate the various districts by the names of the gods they used to worship. The district of the city inhabited by the merchants and the common people was dedicated to Mercury, who is called the god of the merchants ... . The part where the princes and the nobles resided was dedicated to Mars, the god of war. The section where the philosophers and the schools of the students were located was dedicated to the Sun, who is the god of wisdom. For, just as the Sun surpasses all the stars, so wisdom prevails over all the arts and all the virtues. 60. B. Hauréau, "Thomas d'Irlande," in the Benedictine Histoire litté· raire de la France 30: 398-408; P. Glorieux, La Faculté des arts et ses maîtres au XII! siècle {Paris, 1971), pp. 371-372 at n448. Although the exact date of Thornas's death is unknown, one surrnises that "he died before 1338, because the books of his bequest are described in the 1338 catalogue of the parua libraria of the Sorbonne" (R.H. Rouse and M.A. Rouse, Preachers, Florilegia and Sermons: Studies in the 'Manipulus florum' of Thomas of lreland [Toronto, 1979), p. 96). 61. The De tribus sensibus sacrae scripturae is contained in the following rnanuscripts: Paris, Bibl. nat. MSS Lat. 16397, ff. 11-17v and Lat. 15966, ff. 6-10.
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Blessed Dionysius, the greatest philosopher of Athens, after he saw a miraculous eclipse the day of the passion of Christ [Mt 27:45, Mc 15:33, Le 23:44], became converted.62 ... Blessed Dionysius was converted by the apostle Paul. He brought with him to the kingdom of France two flowers from Greece, namely that of philosophy and that of military skill, to which he himself added a third, the flower of Christian faith. This threefold flower is represented by the fleur-de-lis, which the king of France bears on his coat of arms, and which is composed of three petals. The right one designates philosophy and wisdom, the left designates military skill, and the third which soars between these two designates the flower of Christian faith, which has God as its object and which is supported, sustained and defended by the two others .... Blessed Dionysius came to Paris in order to make this city the mother of studies after the manner of Athens. The city of Paris is, like Athens, divided into three parts: one, that of the merchants, working men and common people, is called the Great Town (Magna uilla); the other, that of the noble men, where the royal court and the cathedra! are, is called the City; the third, that of the students and the colleges is called the University. Studies were transferred from Greece to Rome, then from Rome to Paris at the time of Charlemagne, around the year 800. The School of Paris had four founders, namely Hrabanus [Maurus], Claudius [of Turin], Alcuin the master of Charlemagne, and John, who is named the Scot, but was Irish by birth - Ireland (Hibernia) is called Greater Scotland (Maior Scotia) - and was the fourth commentator of the works of blessed Dionysius. For there were four commentators of the works of blessed Dionysius, namely John the Scot, John the Saracen, Maximus [the Confessor] and Hugh of St Victor. 63 62. Dionysius Areopagita, Epistulae 7.2, in Corpus Dionysiacum, ed G. Heil and A.M. Ritter, Patristische Texte und Studien 36 (Berlin-New York, 1991), p. 169 (PG 3: 1081a-b; PL 122: 1180c-d). 63. Paris, Bibl. nat, MS Lat. 16397, f. 13r-13v.
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The theme of Paris as a "New Athens" is more fully developed here than in previous examples. Thomas remarks that Athens was divided into three parts, according to the three orders of society. We found this theme earlier in Gossuin of Metz. The case of Thomas Hibernicus, however, is interesting. First, Thomas seems to have had some idea of the Platonic model: the topography of a city must reflect the threefold division of its society.64 Second, he tries to adapt this model to Paris, in order to show that, even at the level of town-planning, Paris deserves to be called the New Athens. During the entire fourteenth century the legendary history of the University of Paris is asserted so often that it is impossible to take into account all the texts in which it is mentioned: this mythological version of the birth of the University of Paris may be considered a commonplace in academic literature. In 1367, Ancel Choquart, ambassador of the king of France to the papal Court in Avignon, declares to Pope Urban V that the studium has been transferred from Rome to Paris by blessed Charlemagne, in fact, according to Choquart, much earlier: It is evident to everybody that the studium has been trans-
ferred from Rome to Paris by blessed Charlemagne. This glorious institution of the Romans has been transferred to the French in Paris. And this had been prefigured long before Gaul received the Christian faith. For in the books of Julius Caesar we read: "A great number of young men gather about the Druids for the sake of instruction and hold them in great honour. It is believed that learning was transferred to Gaul, and today those who would study it more accurately used generally to journey there to learn it." 65 64. P.E. Dutton, "Illustre ciuitatis et populi exemplum: Plato 's Timaeus and the Transmission from Calcidius to the End of the Twelfth Century of a Tripartite Scheme of Society," Mediaeval Studies 45 (1983), 79-119. Among the texts available to the Latin Middle Ages, Dutton singles out Timaeus 24a-b, and Calcidius, Commentarius 233 (ed J.H. Waszink [Leiden-London, 1962], p. 247). 65. "Cuicunque patet quod Studium translatum fuit à Roma per B. Carolum Magnum; et hœc Gloria Romanorum Parisius in Gallos est
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Reading Ancel Choquart one might suppose that Caesar spoke of a transfer of learning (translata disciplina) from Rome to Gaul and said that, because of this transfer, those who in his time were eager to study generally used to journey there - that is, to Gaul. But if we examine the text of The Gallic War itself, we get a quite different view. Speaking of the Druids, Caesar says: "It is believed that learning was discovered in Britain and transferred thence to Gaul" (Disciplina in Britannia reperta atque inde in Galliam translata esse existimatur). Cho quart, willingly or not, dropped the words in Britannia reperta atque inde. This very tiny venial sin - a sin by omission! - allowed the French ambassador to the papal Court to antedate the translatio studii and to trace it back to the Druids. It would have been more difficult for him to daim that the place where the Druids used to teach the "great number of young men gathered about them for the sake of instruction" was Paris, for the text of Caesar points to the territory of the Carnutes rather than that of the Parisii. 66 However, what we consider myth or legend was held by the most serious authors of the time an unquestionable historical fact. We have an example of this belief in a law suit which arose in 1384 between the Dean of the Chapter of Notre-Dame of Paris and the Dean of the Faculty of Law. The Dean of the Chapter was a doctor in Law, and he wanted to lecture in the cloister of Notre-Dame. The Dean of the Faculty translata, quod etiam diutius ante fidem susceptam erat prœfiguratum. Nam in lib. Iulij Cresaris legitur sic. Ad hos Druides magnus adolescentum numerus disciplinre causa concurrit, magnoque hi sunt apud eos honore. Disciplina autem in Gallia translata esse existimatur. Et nunc qui diligentius eam rem cognoscere uolunt, plerunque illà discendi causâ proficiscuntur" (C.E. Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, 6 vols [Paris, 1665-1673], 4: 408). 66. Caesar, De hello gallico 6.13. For the discussion occasioned by this passage, see C. Julii Caesaris commentarii rerum in Gallia gestarum, ed T. Ri ce Holmes (Oxford, 1914), p. 241. I am grateful to my colleague Zenon Kaluza, who drew my attention to the role played by the Druids in some variants of the theme of translatio studii.
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of Law opposed such pretension. For him, the Dean of the Chapter had to follow the common rules of the Faculty of Law, and teach in the Clos Brunel. Let us hear first the arguments of the Dean of the Faculty of Law: Those of the Faculty [of Law] say that in the studies of the University of Paris, which used to be at Rome and have now been transferred to Paris, there are four Faculties: Theology, Law, Medicine and Arts, and these Faculties have been there, ever since there was a University of Paris, and it is the best known and the most ancient in the world, because it is the University that once was at Athens, and went from Athens to Rome, and from Rome was transferred to Paris. 67 "Avery impressive argument," says Gilson, "but there was an answer." Let us now hear the response of the Chapter of Notre-Dame: The said Dean and the Chapter reply and say that the studies and the University that now are in Paris existed indeed before the Incarnation of our Lord as to the faculties of arts and medicine, but not as to Canon Law and Theology; for at Athens, where studies were first established, there was neither Canon Law nor Theology. So those of the Chapter have been founded before there ever was a science of Law. And before such a science existed, they were reading in the cloisters whatever sciences there then were. So, they say, they are in possession. 68 The parliament decided in favour of the Faculty of Law, but Pope Clement VII decided in favour of the Chapter. 69 However, as Gilson judiciously remarks, "the only point of interest 67. Chartularium Universitatis Parisiensis, ed H. Denifle, 4 vols (Paris, 1891-1899), 3: 320. I use Gilson's handwritten text in "The NinthCentury Transmission of Learning," unpublished Lectures on Humanism VIII, p. 14. 68. Chartularium Universitatis Parisiensis 3: 322; Gilson, "NinthCentury Transmission," unpublished Lectures on Humanism VIII, pp. 14-15. 69. Chartularium Universitatis Parisiensis 3: 329-330.
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for us in this story, besides its picturesqueness, is the fact that it occurs to nobody's mind to question the myth of the transferring of learning from Athens to Rome, then from Rome to Paris."70 It is true that the 'Parisian' myth of the translatio studii, with a few remarkable exceptions (of which 1 will soon speak), was held generally in the fourteenth and in the fifteenth centuries. Pierre d'Ailly (1351-1420), for instance, in a treatise against Jean Blanchart (1385), coined a sort of personification in which the University of Paris, speaking as a noble Lady, gives her genealogy: I am the first born of the studies [Sir 24:5], to whom the Egyptians gave birth with so great a zeal. I am the one whom the Greeks with labor marvellously nourished and cherished. I am the one whom the Roman Empire embellished with so great favor; the one at last whom the invincible and most christian king of the Franks Charlemagne with so great efforts brought and introduced into Paris. 71 A disciple and friend of Pierre d' Ailly, Jean Gerson (13631429), chancellor of the University of Paris, solemnly stated the antiquity of his university: first in 1389, in his Latin treatise against Juan de Monzon, 72 second in his discourse Viuat Rex (7 November 1405). Gerson outbids his master, for he puts the origins of the University of Paris in the Garden of Eden itself, a rather risky proposai, which his predecessors judiciously avoided. For it does not seem that the eating from the fruit of the tree of knowlege had been of advantage either to Adam and 70. Gilson, "Ninth-Century Transmission," unpublished Lectures on Humanism VIII, p. 15. 71. Chartularium Universitatis Parisiensis 3: 1519 (p. 399), quoted by G. Ouy, "La plus ancienne oeuvre retrouvée de Jean Gerson: Le brouillon inachevé d'un traité contre Juan de Monzon (1389-90)," Romania 83 {1962), 433-492, at p. 448. Cf Kaluza, "Translatio studii: Kryzys Uniwersytetu Paryskiego ... , "p. 89. 72. Ouy, "La plus ancienne oeuvre retrouvée," p. 474; Jean Gerson, Oeuvres complètes, ed. P. Glorieux, 10 vols (Paris, 1960-1973), 10: 9.
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Eve or to their progeny. According to Gerson, however, the studies passed from the first man to the Hebrews, then - here Gerson quotes Josephus - from the Hebrews to Egypt through Abraham, from Egypt to Athens, from Athens to Rome, from Rome to Paris. 73 Nicolas de Clamanges (c 1363-1437), a fellow-student of Gerson, holds the same views in a Latin eclogue. In this poem the University of Parisis compared with a spring, from which, like the four rivers of the earthly paradise, the four faculties of theology, law, medicine and arts flow. In ancient times, this source was sacred to the Athenians and the Romans. Now it is revered in France, but its waters irrigate distant countries and make them fertile. 74 And so, at the end of the fourteenth century the Masters of Paris had seized the mythological theme of the translatio studii to the exclusive possession of their university. No wonder that these pretensions should also prove provocative. VI I have already alluded to some discordant voices making themselves heard in the choral concert that had, for several centuries, sung the praises of Paris as the New Athens. Let us mention, first, an author who, without dethroning Paris from its elevated position, daims a share for England in the translatio studii. Hugh Ripelin of Strasbourg, a Dominican (d 1268), states that learning has reached both France and England: The mutability of the universe appears in this, that the two things about which we care principally, namely wisdom and power, began in the East and passed through all the inhabited regions of the earth as far as the West to show that all things move towards their downfall. For the study of wisdom began in Egypt, went to Greece, after 73. Jean Gerson, Oeuvres complètes 7: 1138. 74. D. Cechetti, "Un egloga inedita di Nicolas de Clamanges," in Mis· cellanea di studi e ricerche sui quattrocento francese, ed F. Simone (Turin, 1966), pp. 55-57.
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that to Rome and finally to France and to England. Similarly, the kingdoms were first in the East, then in Greece, later in Rome; now the power resides in Germany. 75 In the same way, when in 1480 Caxton publishes an English translation of Gossuin's L'image du monde, he is careful to associate Cambridge and Oxford with Paris in the translatio studii. It is interesting to compare the two versions. Here, first, is the original text in French: Car, par leur avoir, la clergie faut; si qu'a pou que ele n'est perie. Et ce qui orendroit en est seü vient et nest de la cité de Paris plus que de nule autre cité. ... Et queroient une cité au monde ou ils peüssent miex estre et demourer pour enquerre l' estre de clergie, et pour eus meïsmes adrecier, et pour ansaingner les autres. Dont Athenes fu jadis une; et la avaient leur commune et leur assamblée, et la regna premièrement chevalerie avec la clergie. Et puis s'en vint a Romme qui orendroit est de grant regnon. Et chevalerie revint après, qui adès se tenait près de li. Et puis s'en renvint en France, ou chevalerie a grant pouoir, plus qu'en nul lieu du monde. Et ainsi habunde li uns en l'autre. Car chevalerie suit touz jourz clergie la ou ele va adès. Dont li rois de France doit estre joians et liez, quant de son roiaume puet nestre tel seigneurie comme est science de clergie, ou chascuns puis sens humains, ne pour ce mains n'en iremist il pas. Car c'est ausi comme la fontainne qui touz jours sort, et plus loing court et plus est saine. Et que plus court li ruisiaus de la fontaine loing, tant y a il plus d'yaue et tant en puet l'en plus prendre a son besoing. Tout autresi vous puis je dire que Paris est la fontainne ou l'en peut plus puisier science que en autre lieu, qui avoir i peut demourance. And here is an English translation by Caxton of the same text: 75. Hugh of Strasbourg, Compendium theologicae ueritatis 2.cap.10, in Sancti Alberti Magni Opera, ed S.C.A. Borgnet, vol. 34 (Paris, 1895), pp. 47-48.
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For by their auarice and cheuaunce the sciences corne to nought, so that almost they be perisshyd; and that whiche now is knowen cometh and groweth of the vnyuersitees of Parys, Oxenford and Cambrige and other, etc. ... And sought a cyte in the world, where they myght best be and dwelle for tenquere thestate of the clergye. And thus the better for tadresse them and to teche othher, they chees the cyte of Athenes whiche was noble and somtyme one where they had their comyn residence and assemblee. And there regned first chyualrye with clergye. And after fro thens it wente to Rome whiche now is of grete Renommee; and there cheualrye contynued long. And frothens after it remeuid in to Ffraunce, where chyualrye hath more power than ony other place in the world. And thus haboundeth there that one and that other, ffor cheualrye sieweth alway clergye where she goth. Thenne the kynge of Ffraunce and of Englonde may be ioyous that there is in his Royammes suche seignourye as is science of clergye where euery man may drawe out wytte and connyng humayn, and ther abydeth neuer the lasse; ffor it is as a fontayn that contynuelly sourdeth and spryngeth, and the more it renneth and the ferther, the more it is bolsom; and how more the sprynge of the fontayn renneth and ferther, somoche is the more of the water and the more may be taken fro it for nede. In lyke wyse may 1 saye to yow that Parys, Oxenford and Cambryge ben the fontayns where men may drrawe out most science, and more in Parys than in other places.76 For sure, the Caxton's version pleads in favour of the English universities, but it shows no aggressiveness against the French. lt daims a share for Oxford and Cambridge in the translatio studii, but it does not try to dethrone the venerable University of Paris. The fierce diatribe we find in an another work is quite different. Its author, Richard de Bury (12871345), bishop of Durham and for a time chancellor of England, 76. Gossuin of Metz, L'imagedu monde, ed Prior, pp. 77-78; Caxtons Mirrour of the World, ed Prior, pp. 29-31.
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is famous for his love for books, a love he displayed at length in his Philobiblon, completed on 28 January 1345, a month before his death.77 We learn in this book that Minerva has recently deserted Paris just as, in olden days, she had deserted Rome. Now, in order to show that she is no less "indebted to the Barbarians than to the Greeks [Rom 1:14]" the goddess has corne to England. The Palladium [the University] of Paris has been carried off in these sad times of ours, wherein the zeal of that noble university, whose rays once shed light into every corner of the world, has grown lukewarm, nay, is all but frozen. There the pen of every scribe is now at rest, generations of books no longer succeed each other, and there is nobody "who begins to be considered a new author" [Disticha catonis 1.12]. They wrap up their doctrines in unskilled discourse, and are losing all rules of logic, except that our English subtleties, which they denounce in public, are the subject of their clandestine vigils. Admirable Minerva seems to be making the rounds of all the nations of the earth, and reaches from end to end mightily [Wis 8:1], that she may reveal herself to all mankind. We see that she has already visited the Indians, the Babylonians, the Egyptians and the Greeks, the Arabs and the Latins. She has already deserted Athens; she has already withdrawn from Rome; she has already passed by Paris; and now she has happily landed in Britain, the noblest of islands, in fact rather a microcosm, so that she may show herself indebted bath to the Greeks and to the 77. For Richard's career see J. de Ghellinck, "Un évêque bibliophile au XIVe siècle: Richard Aungerville de Bury," Revue d'histoire ecclésias· tique 18 (1922), 271-312, 482-508; 19 (1923), 157-200. The authorship of the Philobiblon has been questioned by some scholars, who think that this work should be anributed to Robert Holcot, OP, a contemporary Oxford theologian and a member of Richard de Bury' s circle. Others think that this new attribution is unproved: "I regard as entirely i,mproved the assertion of a MS that the work was written by Robert Holcot in Richard's name" (E.H.R. Tatham, Francesco Petrarca, the First Modem Man of Let-
ters: His Life and Correspondence: A Study of the Early Fourteenth Century {1304-1347}, 2 vols [London, 1925-1926], 1: 303, n3).
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Barbarians [Rom 1:14]. At which wondrous sight it is conceived by most men, that as philosophy is now lukewarm in France, so her army is completely unmanned and languishing. 78 Among all those who speak of the translatio studii, Richard is one of the few who mention the Arabs: this is noteworthy. It is noteworthy also that, in Richard' s opinion, it is not only Minerva that has deserted France, but also Mars. Richard, however, does not lament such a situation. On the contrary: after all, it is he who was sent in embassy by Edward ID to France to bring the declaration of a war that was to last a hundred years (1337-1453). We cannot expect him to shed tears over the miserable military condition of the enemies of his king. Richard de Bury met Petrarch (1304-1374) at the papal Court in Avignon. They say that Petrarch found him "knowledgeable about literature."79 No doubt Petrarch shared some of Richard's ideas concerning the University of Paris. When in 1360/1361 he visited Paris for a second time, he was struck with the desolation the Hundred Years' War had brought to the city and its university: I recognized hardly anything, seeing a once opulent kingdom turned to ashes .... Where now is that Paris that was once so great? Where are the throngs of students? ... One hears now not the voices of disputation but the din of warfare; one sees piles not of books but of weapons; the sound of syllogisms and of lectures has given way to that of soldiers on guard and of battering rams. 80 78. Richard de Bury, Philobiblon cap.9; 1 have adapted the translation printed in Philobiblon [byj Richard de Bury: The Text and Translation of E.C. Thomas ... , ed with a foreword by Michael Maclagan (Oxford, 1960), pp. 104-107. See also Richard de Bury, Philobiblion, ed Hippolyte Cocheris (Paris, 1856), pp. 100-101 and 248-249. 79. J. de Ghellinck, "Un évêque bibliophile," p. 284; J. Howe, "Richard de Bury," in Dictionary of the Middle Ages, ed Joseph R. Strayer, 13 vols (New York, 1982-1989), 10: 386. 80. Quoted by Ernest Hatch Wilkins, Life ofPetrarch (Chicago, 1961), p. 174.
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Contrary to Richard de Bury, Petrarch does not rejoice in the pitiable situation of the kingdom of France. Still, he had never agreed with the theory of the translatio studii as coined by the Masters of Paris. He strongly opposed Ancel Choquart on this point. His firm conviction is that Rome is not only the centre of Christianity, but also the main see of culture, particularly of the humaniores litterae: "There is no point looking either for orators or for poets outside of Italy." 81 As a matter of fact, the University of Balogna, for instance, claimed to have been founded by Charlemagne, but without any detour through Paris, the intinerary being: Rome, Ravenna, Balogna. 82 T o say the least, even if it were historically proved that learning was transferred from Athens to Rome, and from Rome to Paris, why could it not pursue its journey to other places? Indeed, the great Italian scholar Ludovico Antonio Muratori (1672-1750) made this judicious remark: "The sciences, like the empires, change their place and travel to various provinces with various success." 83 Opposition to the Parisian version of the translatio studii came not only from Italy, but also from Spain. The pretensiousness of the University of Paris was intolerable to scholars in the Iberian Peninsula. There, another myth sprang up to 81. Petrarch, Letter to Urban V, Sen. 9.1: "Oratores et poetae extra ltaliam non quaerantur" (Opera [Basle, 1554], f. 847; quoted by Franco Simone, Il Rinascimento /rancese [Turin, 1961], p. 47, n4). 82. On the translatio in Balogna, the following passage is especially pertinent: "Studium fuit primo Romae, postea propter bella quae fuerunt in Marchia destructum fuit studium. Tune in ltalia secundum locum obtinebat Pentapolis, quae dicta Rauenna postea, unde Karolus fixit pedes suos, et ibi est testamentum eius; unde ibi cepit esse studium .... Post mortem Karoli ciuitas illa collapsa est; postmodum fuit translatum studium ad ciuitatem Bononiae" (quoted by Gina Fasoli, "Carlo Magno nelle tradizioni storico-leggendarie italiane," in Karl der Grosse: Lebenswerk und Nachleben, ed W. Braunfels et al, 4 vols [Dusseldorf, 1965-1967], 4: 348363, at p. 357). 83. "Le scienze, a guisa degli imperi, vanno girando e si trapiantano per varie province con varia fortuna" (L.A. Muratori, Ai generosi letterati d'Italia, in Epistolario, ed M. Campori [Modena, 1901], p. 792; quoted in Simone, Il Rinascimento francese, p. 321).
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counteract the pride of the Parisian Masters. It is the myth according to which Aristotle was a Spaniard. We find this statement in the Chronicon mundi (1236) of Lucas de Tuy and in the De praeconiis Hispaniae (1288) of Gil de Zamora. 84 If it is true that the two camps - the Spanish and the Italian - could agree in their opposition to the pretensions of the French, they could not agree on anything else: Petrarch opposed the thesis of an Aristotle "Spanish by birth" almost as strongly as he had opposed the thesis of a translatio studii beyond the Alps. If we turn now to Great Britain, we will have no difficulty in understanding why, in the fourteenth and fifteenth centuries, English scholars could not possibly admit that the University of Paris enjoyed sole right to be considered as a New Athens. The universities of Cambridge and Oxford were famous enough to lay daim to an antiquity as venerable as that of the University of Paris. And so they did, with as good intentions and as bad reasons as the University of Paris had clone. Abbot Astrik L. Gabriel rightly observes: "Our great and historically oldest universities - Paris, Bologna, Oxford and Cambridge without exception, are all guilty of conspiracy committed by their earliest historians sweating ink to prove the antiquity of their foundation." 85 As late as the seventeenth century the University of Oxford claimed to have been founded during the reign of King Alfred (871-899). At least, it is what we read in the works of Antony à Wood, author of Athenae Oxonienses, and of The History and Antiquities of the University of Oxford. 86 In this last book, 84. F. Rico, "AristotelesHispanus: En tomo a Gilde Zamora, Petrarca y Juan de Mena," !tafia medioevale e umanistica 10 (1967), 143-164, repr. with revisions in his Texto y contextos: Estudios sobre la poesia espafiola del siglo XV(Barcelona, 1990), pp. 55-94 For this reference, 1 am indebted to Professor Lola Badia. 85. Gabriel, "Translatio studii," in Falschungen im Mittelalter 1: 604. 86. Anthony à Wood, Athenae Oxonienses: An exact history ofal! the writers and bishops who have had their education in the most ancient Uni· versity of Oxford ... (London, 1691-1692). See B. Neveu, "Oxford ou le passé en avance," Commentaire 10 (1980), 286-303.
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Antony à Wood conceived of a mutual exchange linking the two universities (Oxford and Paris), right from their origin: But the King's [ie, Alfred the Great's] desire of arts and learning being very abzealous, rested not at home as to the men of his own country only, but extended itself by messages and embassies beyond the seas. First he sent for one Grymbald out of France, that by his great learning and method in reading, his scholars of Oxford might be to the best advantage taught. 87 Grymbald, born in Flanders, was a monk of the Abbey of St Bertin. King Alfred had met him on the occasion of a trip to Rome. Impressed by his distinction, he invited him to Oxford. The year when he arrived is uncertain: some say an. 883, when Neote retired, and the University was confirmed by the Pope. Others, particularly the author of his life, not 'till an. 885. But however it was, certain it is, that he read Divinity at Oxford, and became famous among many for his piety and learning, and for his gravity and prudence, Governor or Chancellor of the University. So that as before Alcuinus or Albinus, an Englishman, and sometime an Oxford scholar, had the honour by the permission of Charles the Great, to be one of the first Promotors and Founders of literature at Paris, so now Grymbald, a Frenchman, and a Doctor of Paris, hath the honour by the favour of Great King Alfred to be one of his first Readers of his restored University of Oxford, verifying thereby that which a certain note (which 1 have seen) delivereth of the motion of literature, viz. that it moved from Britain to France (particularly in the time of the
87. See The History and Antiquities of the University of Oxford in Two Books by Antony à Wood, MA., of Merton College, now first published in English from the original MS in the Bodleian Library by John Gutch, vol. 1 (Oxford, 1792), pp. 37-38. For the Latin text see Historia et antiquitates Uniuersitatis Oxoniensis (Oxford, 1674), p. 14b.
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Druids) and from then again to Britain, when it was overspread almost with barbarism. 88 By "the motion of literature" (de progressu literarum) Antony à Wood means, very likely, what we call translatio studii. lt is worth noting that he has heard of the Druids. Unlike Ancel Choquart, however, he does not forget that the learning of the Druids originated in England. He conceives the transmission of learning as a movement to and fro. Starting from Britain, "the motion of literature" reaches Gaul at the time of the Druids. In the ninth century, it returns to the Continent and reaches Paris, thanks to Alcuin and Charlemagne. Soon after, it crosses the Channel and reaches Oxford, thanks to Grymbald and King Alfred about the year 885. We are far away from the bitterness and aggressiveness of Richard de Bury. By Anthony à Wood's time (1632-1695), Oxford had no reason to envy Paris any longer. lts mythical foundation secured for her an antiquity almost as venerable as that of the University of Paris - even more venerable, if we take into account the role played by the Druids in the translatio studii. Of course, the University of Cambridge could not be left behind. ln an anonymous pamphlet published in 1651, we read: The learned in Antiquities have diversly written about the time of the foundation of the University of Cambridge: some afiirming that it was founded by Cantaber a Prince of Spain .... Others say, that Cassivilanus Prince of the Troynobantes, King Octavius, Arthur King of Great Britaine, and Ethelbert King of Kent, were each of them founders and restorers of the same. But the chiefest conclude and agree that Sigebert King of the East Angles was the principal! Founder thereof, about the years 630 and 636, who assigned
88. Anthony à Wood, The History and A ntiquities of the University of Oxford 1: 38; Latin text in Historia. et antiquitates Uniuersitatis Oxoniensis, pp. 14b-15a. See also: The Foundation of the Universitie of Oxford, with a Catalogue of the Principall Founders and Speciall Benefactors of ail the Colleges ... (London, 1651).
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divers Hostles and Houses for students to inhabit in, giving them large priviledges and charters, whereof some are yet extant; procuring also great immunities from Pope Honorius the first, which Sergius the first confirmed. 89 And so, Cambridge is over two hundred years older than Oxford or Paris! In contrast with England, the Germanie countries do not seem to have objected to the privileged role attributed to Paris in the translatio studii. The reason for this may well be that, after all, studium was a relatively minor privilege in comparison with another, of which the Germans could legitimately boast, imperium. A little treatise written in 1281 by a canon of Cologne, Alexander of Roes, may support such an interpretation?0 Examining the three major institutions of the European civilization, namely, Priesthood (sacerdotium), Empire (imperium) and Learning (studium), Alexander of Roes finds that they have been wisely distributed: Priesthood (Papacy) to the Romans, Empire to the Germans, and Learning (University) to the French. It was Charlemagne himself who, with the agreement and the mandate of the sovereign pontiff, decided that Empire should be attributed by election and that the great electors should be German: three archbishops (Trier, Cologne, Mainz) and the Count Palatine. Charlemagne, however, was not only an emperor, but also a king, the king of the Franks (rex Francorum). Now, it would 89. The Foundation of the Universitie of Cambridge, with a Catalogue ofthe Principal! Founders and Speciall Benefactors ofall the Colleges ... (London, 1651), p. 1. 1 owe this reference to the kindness of my colleague, Professor Jocelyn Hillgarth. 90. Alexander of Roes, Memoriale de praerogatiua romani imperii, ed H. Grundmann and H. Heimpel (Weimar, 1949), pp. 46-48, and De translatione imperii, ed H. Grundmann, in Alexander von Roes: 'De translatione
imperii,' und ]ordanus von Osnabrück: 'De prerogatiua romani imperii,' Veroffentlichungen der Forschungsinstitut an der Universitat Leipzig, Quellen zur Geistesgeschichte des Mittelalters und der Renaissance, ed Walter Goetz, vol 2 (Leipzig-Berlin, 1930), pp. 26-27.
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have been an offence against bath piety and decency if he had deprived his heirs of a kingdom, which he himself had inherited by law of succession. Charlemagne therefore decided that the French (Francigenae) would possess a portion of the Frankish kingdom. And so, the king of France, being of royal lineage, is the successor of Charlemagne by birth, while the Roman emperor is his successor by election. The king of France, however, was given only a small portion of the Frankish kingdom, since the major part was reserved for the emperor. As compensation for this territorial disadvantage, Charlemagne gave to the king of France, his heir, a spiritual heritage, a heritage that he himself had the merit to acquire and to transfer from Rome to Paris, namely, the study of philosophy and of the liberal arts. According to Alexander of Roes, this distribution of roles was fair and sensible. Priesthood (Papacy) is rightly attributed to the Romans who, because they are descended from Aeneas, are the elders (tamquam seniores) among European nations. Empire is given to the Germans because they are younger (tamquam iuniores). Learning (University) is the apanage of the French, because of their perspicacity (tamquam perspicatiores). Then, Alexander explains why, while Papacy and University have each a unique see - Rome for the former, Paris for the latter - the case of Empire is different. Alexander of Roes sees Christendom - nowadays one would say "the European House" - as a huge building (or church), composed of three parts: foundation, walls and roof. Now, in every building we find one foundation and one roof only, but four walls. Therefore, Papacy (foundation) has a unique see, Rome; University (roo~ has a unique capital, Paris. To the contrary, the Empire (walls) has four principal places, namely, Aix-la-Chapelle, Arles, Milan and Rome. The foundations of the European House are entrusted to the steadfastness (constantia) of the Romans; its walls are protected by the courage (magnanimitas) of the Germans; its roof is a marvellous place where the French may display their argumentative and rhetorical skill (argutia et facundia).
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The main purpose of Alexander is to establish, against the ambitions of the French, especially Charles of Anjou, that the imperial title is the prerogative of the Germans. Nevertheless, the canon of Cologne has no difficulty in admitting the privileged position of the University of Paris. I would not daim that this has been the case for all German-speaking people during the whole Middle Ages and after. In 1381, when a schism 1ÀE Ttµ6eEE [... ] xal Tèxç alaefiaELÇ ànoÀEmE, xal Tèxç voEpèxç ÈVÉpyELaç, xal miVTa a[a9TJTèx xal VOTJTU, xal navTa oùx 5vm xal 5vTa, xal npàç Tfiv Ëvwcrtv, èq>tXTov, àyvwaTwç àvaTa9T)n rnù ùnÈp nàaav oùalav xal yvwcrtv (I, 1 ; PG 3, 997B). Érigène cite ce passage en Periphyseon IV, '159 C. 6. Mystica Theologia 5 ; PG 3, 1048 A. 7. Diu. Nom. I, 6; PG 3, 596 C; éd. B.R. Suchla, p. 119, 9. 8. Diu. Nom. V, 4; PG 3, 817 D; éd. B.R. Suchla, p. 183, 7-8. 9. Diu. Nom. V, 8; éd. B.R Suchla, p. 186, 15-16. La leçon xal oùx aùrnç TOÙ EÎvm (PG 3, 824 A2) est erronée. 10. Maxime le Confesseur, Ambigua ad /ohannem VI, 1447; CCSG 18, p. 94; PG 91, 1180 D. Cf. Érigène, Periphyseon I, 482 A-B. 11. Periphyseon III, 680 C-D. 12. « Illud nihil quod per excellentiam naturae [ ... ] et dicitur et cogitatur » (Periphyseon V, 825 Cl3-15). 13. To yèxp EÎvm naVTwv ÈaTlv Ti ûnÈp To dvm 9EoTTJÇ (Cael. Hier. IV, 1 ; PG 3, 177 D; PL 122, 1046 B-C). 14. Periphyseon I, 443 B, 516 C; III, 644 B; V, 903 C. Vox spiritualis X, 36-37; SC 151, p. 252.
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était parfaitement étrangère à Platon, car le démiurge du Timée fait passer le monde du désordre à l'ordre - EÎÇ Taf;tv aÙTO i]yayEv be , et cela, note Ferruccio Gastaldelli, « avec une admiration évidente et un dissentiment respectueux »20 • Bien souvent Jean Scot est cité de façon anonyme, comme un simple quidam 21 • On peut voir dans cette sympathie marquée pour un auteur que les siècles précédents avaient négligé un « symptôme porrétain •· En effet, bien que Gilbert de la Porrée ne cite pas Érigène, !'École porrétaine s'y réfère, discrètement certes, mais sans ambiguïté ni restriction. Le Dialogus Ratii d'Evrard (ou Eberhard) d'Ypres rapporte une étymolgie du Nom de Dieu, dont la source, directe ou indirecte, est certainement à chercher dans le Periphyseon 22 , bien qu'Evrard se contente - ce que fait parfois Guillaume
gia Christiana, IV, 2476 (CCCM 12, p. 343; PL 178, 1312C), Gu1LLAUME DE CONCHES, Glosae super Platonem, 168 (ed. JEAUNEAu, Paris, 1965, p. 278), THIERRY DE CHARTRES (ed. N. M. Hâring, Commentaries on Boethius by Thierry of Chartres and His School, Toronto, 1971, pp. 174, 271, 448, 502, 547), ALAIN DE LILLE, Regulae 9 (PL 210, 628A), etc. 17 A. DONDAINE, Écrits de la 'Petite École' porrétaine, Montréal - Paris, 1962, p. 21. 18 EOTOKIA GRECS CONSERVÉS EN VERSION LATINE
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du manuscrit latin 10307 de la Bibliothèque nationale, un texte de 24 lignes - Magnificamus te, dei genitrix uirgo ... saluare animas nostras - que précèdent les trois hexamètres suivants: Si uis OYPANIAC sursum uolitare per auras EMilYPIOCque polos mentis sulcare meatu, OMMATE glauciuido lustrabis templa sophiae.
Ces vers sont le début d'un poème écrit par Jean Scot9 • On comprend aisément que John Contreni ait été tenté d'attribuer les vingt-quatre lignes qui les suivent sinon à Jean Scot lui-même, du moins à un auteur influencé par lui. Il crut discerner dans ces mêmes lignes un «caractère fort personnel», qui lui rappelait la langue et la philosqphie du Periphyseon10. Cependant, il remarquait fort justement que ce morceau de prose «aurait pu constituer une source importante pour les études qu'a faites Henri Barré sur les prières mariales» 11 . Cette dernière remarque allait dans la bonne direction. Revenant plus tard sur le manuscrit latin 10307 dans son magistral ouvrage sur l'École de Laon, John Contreni devait reconnaître que les vingt-quatre lignes de prose qui se trouvent dans une marge du folio 95v du manuscrit latin 10307 de la Bibliothèque nationale sont «la traduction d'une hymne byzantine» 12 • Il s'agit, en fait, de prières mariales d'origine grecque (0eowKia). En réalité, ces 0sowKia n'ont aucun rapport direct avec les trois hexamètres qui les précèdent. Si certaines formules de ces prières mariales peuvent rappeler le vocabulaire érigénien, c'est que ce vocabulaire a été lui-même fortement influencé par les Pères grecs, notamment Maxime le Confesseur. Tout cela pour dire que nous sommes grandement redevables à John Contreni de cette belle découverte, qui enrichit notre connaissance des relations liturgiques entre le monde grec et le monde latin. Exploitant 9 Carmina Il, viii, 1-3; éd. L. TRAUBE, MGH, Poetae Latini Aevi Carolini III, p. 537. En dehors du Reginensis Latinus 1587, qui nous a conservé le poème entier, et du manuscrit latin 10307 de la Bibliothèque nationale qui nous en a transmis les trois premiers vers, on rencontre les vers 1 et 3 dans les manuscrits suivants: Paris, Bibl. nat. Lat. 12949, f. 23bis (recto); Saint-Pétersbourg, Bibl. publ. F. v. VI. N 3, f. 41v. Cf. Pour le dossier d'Israël Scot, Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age 52 (1985), p. 63-64; repr. dans Études érigéniennes, Paris 1987, p. 697-698. 10 J.J. CoNTRENI, A propos de quelques manuscrits de /'École de Laon ... , p. 33-34. 11 J.J. CONTRENI, A propos de quelques manuscrits de !'École de Laon ... , p. 33. 12 « When 1 published this text, which is preceded by an excerpt from a poem by John Scottus, 1 thought that it was an original composition by someone - perhaps Remigius of Auxerre - influenced by John Scottus ... A reading of Gilles G. MEERSSEMAN, O.P., Der Hymnos Akathistos im Abendland... convinces me that the text is a translation of a Byzantine hymn.» (J.J. CONTRENI, The Cathedra! School of Laon from 850 to 930. lts Manuscripts and Masters, Munich 1978, p. 70 n. 21).
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cette découverte, je voudrais offrir au professeur Carl Laga un petit travail qui lui rappelle les années pendant lesquelles, hôte généreux, il m'a accueilli à Louvain pour me permettre de travailler plus commodément à l'édition de la version érigénienne des Ambigua ad Iohannem de Maxime le Confesseur. Le Professeur Laga est lui-même éditeur de Maxime. Peut-être reconnaîtra-t-il, dans l'une ou l'autre des prières reproduites ci-dessous, des sources que je n'ai pas su identifier. Voici le texte de ces 8eornKia. Dans la colonne de gauche est reproduite la version latine du manuscrit de la Bibliothèque nationale, Latin 10307, folio 95v. Dans la colonne de droite une rétroversion grecque est proposée. 1. Magnificamus te, dei genitrix uirgo. Ex te enim incarnatus est omnium creator assumptione carnis intellectualem animam habentis, et non conuersione deitatis, unus atque idem dei filius unigenitus persona et in duabus naturis substantia ratione et modo differentiae. Tanta enim ipsa conueniunt et transmutationem non recipiunt, quoniam et arcana unitate facta et creatum mansit creatum, et non creatum similiter inconuersum, etenim qualitate naturalis differentia. Vnitatem in propriis duxit et confusionem negauit, in diuisionem non admisit. Sic intelligentes et sic credentes, gloriosa, custodire nos pete filium tuum et deum nostrum.
1. Mi;yaMvoµÉv cm, 8wi-6KE nap8ÉvE. 'EK croù yàp foapKffi8rt ô ôrtµtoupyoç i-&v &mivnov n:pocrÀ:rpJfEt crapKOÇ VOEpàv 'JfU:XÎ]V È:JCOUcrriç, Kai où 1:ponij 1:Î)Ç 8E61:rtrnÇ, dç µèv KUi ô UÙ't"OÇ 8EOÙ utàç µovoyi;vljç 'l:éi) npocrromp, Èv ôucri ôè cpucrrni oùcriQ., ').,.,6y{J} Kai 1:p6n{J} ôtacpEpoucrmç. Tocraùrn yàp aùi-à cruvÉp:xonm Kai µi;i-al3oÂTjv où M:xov'l:m c'i>cr'l:E, 1:Î)Ç à:ppiJrnu Évrocri;mç yi;voµÉvriç, Kai 'l:o Knmov µÉvEtv K'l:tO"'l:OV Kai i-à ÜK'l:tcr't"OV rocrUU'l:ffiÇ U1:pE7trnV, KUt yàp 7tot6'l:Tt1:t EOTOKIA GRECS CONSERVÉS EN VERSION LATINE
rum nemo piorum in unam naturam conscripsit. Sic credentes et sic glorificantes, dei genitrix incontaminata, postula saluari animas nostras.
y0vvi]CJEffiV xai 1&v µlj cal'n&v oüm&v oüocic; 1&v 0ÜCJ00&v de; µiav CfJUCJtV CJuvi':ypa\j/EV. ÜDîffi ntCJTEUOVTEÇ Kai ODîffi ooÇaÇovTEÇ, 8rnTÔ1Œ axpaVTE, UlTT]CJat CJW8i'jvat TÙÇ \j/UXÙÇ fiµ&v.
3. Aue, ignem diuinitatis inextinguibilem in tuo utero accipiens. Mater incontaminata, inextinguibili igne libera.
3. Xaîp0, fi 10 ùxi]pawv rrùp 1i'jc; 8061î]1oc; sv yaCJ1pi CJou 6rro00Çaµi':vî]. Mii10p ÜXPUVTE, wù ùCJ0fo1ou rrupoc; j)ùCJm.
4. Aue spes nostra, dei genitrix incontaminata. Aue quae aue per angelum accepisti. Aue concipiens patris splendorem, benedicta. Aue pudica, sanctissima uirgo, sola innupta. Te glorificat omnis creatura matrem luminis.
4. Xaîp0, fi Hrric; fiµ&v, 8w16n axpavrn. XaîpE, Ti TO xaîpE ôt' ùyyi:Aou fü;Çaµi':vî]. Xaîpë, Ti CJUÀÀa0oùCJa rrmpoc; 10 ùrrauyaCJµa, 0ÜÀ0YT]µi:vî]. Xaîp0 CJEµvi], rravayia rrap8i':v0, µ6vî] ùrr01p6yaµ0. LÈ ooÇaÇEt ITÙCJU KîtCJtÇ îÎ]V µî]Ti': pa TOÙ CfJffiîÔÇ.
5. Quis non glorificabit te, sanctissima uirgo? Quis non laudabit tuum inaestimabilem partum? Summus enim, tamquam ex patre elucens, filius unigenitus ipse ex te, sancta, natus est, et ineffabiliter incamatus natura deus subsistens et natura factus homo propter nos, non in duas personas diuisus, sed in duabus naturis inconfuse gloriosus. Ipsum obsecra, pudica et beatissima, saluare animas nostras.
5. Tic; µÎ] ooÇaCJEt CJE, rravayia rrap8i':v0; Tic; µTj ùvuµvtjCJEt CJOU TOV ÙÀÔXEUTOV îÔKOV; 0 yàp UXPÔVffiÇ SK ITUîpOÇ ÈKÀUµ\j/UÇ UtOÇ µovoy0vi]c;, o aü1oc; ÈK CJoù 1i'jc; ayvi'jc; sy0vviJ8ll xai acppaCJ1mc; ÈCJapxru8î], CfJDCJEt 80oc; urrapxwv Kai CfJDCJEt y0v6µ0voç av8pmrroç ot' fiµàc;, ouK de; Mo rrpôCJmrra 10µv6µ0voc;, ÙÀÀ' sv ouCJi 1Àooo Ouidii De amatoria arte», éd.
HUYGENS, p. 33, 1. 8-10. 53. CALCIDIUS, Commentarius, 6; Plato Latinus, IV. Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus, in societatem operis coniuncto P.J. JENSEN, edidit J.H. WASZINK, Londonii: Warburg Institute/Leidae: Brill, 1962, (2e éd. 1975), pp. 59-60 (Corpus Platonicum Medii Aevi).
>
54. GUILLAUME DE CONCHES, Glosae super Placonem, Ill, éd. E. JEAUNEAU, Paris, Vrin, 1965, p. 59 (Textes philosophiques du Moyen Âge, XIII). 55. GUILLAUME DE CONCHES, Commentaire sur la «Consolation de Philosophie», mss Troyes, Bibl. mun. 1101, fol. lr et 1381, fol. 34v. 56.
GUILLAUME DE CONCHES,
Glosae super Plaronem, IV, VI, éd. JEAUNEAU, pp. 60,
62. 57.
ANONYME, «Guide de l'étudiant», éd. LAFLEUR-CARRIER, §126: «Dicendurn quod duplex est iustitia: naturalis scilicet positiua [ ...]». Cf. GUILLAUME DE CONCHES, Glosae super Platonem, III, éd. JEAUNEAU, p. 59.
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des rapports encre la prescience divine et la liberté humaine sont discutés. Toutefois, le langage utilisé n'est guère boécien. À ma connaissance, Boèce n'a pas l'habitude de désigner Dieu par le terme Primum, ni de parler de «sa très noble vie» («nobilissima eius uita»). En revanche, Dieu est appelé Primus dans les traductions latines d'Avicenne et d'AlGhazâJî:Ô8, et Primum dans la Summa de Bono de Philippe le Chancelier59. Que cette terminologie ait été attribuée à Boèce ne doit pas nous surprendre ourre mesure. C'est ainsi qu'Alexandre de Halès écrit: «Boethius, libro De Trinitate: "In omni eo quod est citra Primum, differt 'quod est' et 'quo est' ",,60. Alors que la disùnction entre le « quod est» et le «quo est» est incontestablement boécienne, la formule par laquelle Alexandre de Halès l'inrroduit - «In omni eo quod est ci rra Primum" ne l'est point6l. La première objection (§ 132) se présente comme suit. Le «Premier» ne peut comprendre ni Je passé ni le futur, puisque ni l'un ni l'autre n'existent actuellement. Si le «Premier» les comprenait, Il comprendrait le non-êrre. Or comprendre, c'est connaître; et tout ce que le «Premier» connaît existe. On aboutit donc à une contradiction. Voici la solution «facile» proposée par notre «Guide». Dire que le «Premier» comprend Je passé et le futur signifie qu'Il comprend que le passé a été et que le futur sera, et non que le passé ou le futur existent. En effet, le «Premier» comprend les choses selon leur mode d'être. Cette explication est confortée par une «Citation» de saint Augustin: «Primum est speculum etemitatis, in quo omnia relucent». Augustin est-il l'auteur de cette sentence? J'en doute fort, non seulement à cause de l'appellation de «Premier» appliquée à Dieu, mais à cause du «miroir de l'éternité». Nous avons deux bonnes raisons de soupçonner ici un Pseudo-Augustin. La première est que, si l'on consulte Je CLCLT (Cetedoc Library of Christian Latin AVICENNE, Liber de philosophia prima sive scientia divina l·X. Lexiques par S. V AN RIET, Louvain-la-Neuve: Peeters/Leiden: Brill. 1983, t. Ill, p. 292 (Avicenna Latinus, Il, 3). Algazel's Meraphysics, A Mediaeval Translation, éd. J.T. MUCI de ce volume au mot speculum, 64. Peut-être faut-il comprendre 5eu? 65. W.H. PJlU'llCIPE, Quaesciones concernin.g Christ /rom the First Hal/ of the Thirteenth Cerirury: Quaesriones /rom Douai MS. 4.34: Christ's Knowledge, dans Mediaeval Studies 50 (1988), p. 30, 1. 34-35. Guillaume d'Auxerre parle à la fois du speculum aeternitatis et du speculum essenriale: Magistri GVl/J. El.MI ALTISSIODORENSfS Sum~ ma aurea, lib. Il, cap. 2, qu. 1 et 2, éd. J. RlBA!LLJER, Paris: CNRS/Grottaferrata (Roma): Editiones Callegii S. Bonaventurae ad Claras Aquas, l982, pp. 130-134 (Spicilegium Bonaventurianum, XVll). Je remercie Ie P. Walter Principe C.S.B. 1 de qui je tiens la plupart des références concernant le speculum aerernitatis. 66. ANONYME, «Guide de l'étudiant», éd. LAFLEUR·CARRJER, §§ 10, 438, 1252 («[ ... )
Aristotiles in libro De causis (... ]})).
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mais je n'ai pas de texte vraiment convaincant à présente~ 7 . Une autre source possible serait Avicenne, dont G. Verbeke résume la pensée en ces termes: «En se connaissant lui-même, Dieu connaît donc tous les êtres dont il est la cause créatrice» 68. Mais là encore, si la pensée coïncide, sa formulation diffère trop pour qu'on puisse conclure que ce passage du «Guide de l'étudiant» dépend d'Avicenne69. De toute façon, cette doctrine sera celle de saint Thomas d'Aquin'O. 3. PRIMO QUERJTUR Le recueil Primo queritur (éd. LAFLEUR-CARRIER, infra, §§ 104-124) ressemble beaucoup, en ce qui concerne Boèce et Platon, au «Guide de l'étudiant». Je ne m'y attarderai donc pas. Remarquons simplement que Timée et Consolation de Philosophie, au lieu d'être traités séparément comme c'était le cas dans le «Guide de l'étudiant», sont joints. On distingue aisément trois parties: dans chacune d'elles, il est question d'abord du Timée, ensuite de la Consolation. Le plan est le suivant: I. Accessus rudimentaires: l. au Timée (§ 105); 2. à la Consolation (§ 106); II. Questions relatives: !. au Timée (questions 1-5; §§ 107-111); 2. à la Consolation (questions 6-9; §§ 112-115); ID. Solutions des questions dans l'ordre où elles ont été posées (§§ 116-
124). 67. «Ümnis întelHgentia intelligil essentiam suam [...]. Et, quando scit essentiam suam, scit reliquas res quae sunt sub ea, quoniam sunt ex ea»: Pseudo-ARISTOTE, Liber de causis, XII (XIII), §§ 109-112; A. PATIIN, Le liber de causis. Édition établie à l'aide de 90 manuscrits avec introduction et notes, dans Tijdschrift voor Fi/osojie 28 (1966), p. 74, I. 91 - p. 75, l. 99 (également édité séparément, Louvain, s.d.). «Omnis intelligentia scit quod est supra se et quod est sub se. Verumtamen scit quod est sub se quoniam est causa ei [... ]»:Ibid., Vil (VIII), § 72, éd. PATTIN, p. 64, 1. 6-8. 68. AVICENNE, Liber de philosophia prima siue scienlia diuina, V-X. Édilion critique de la traduction latine médiévale par S. VAN RIET. Introduction doctrinale par G. VERBEKE, Louvain: Peeters/Leiden: Brill, 1980, t. II, p. 47"' (Avkenna Latinus, 11,
2). AVICENNE, liber de philosophia prima VIII, 6, éd. V AN RIET, !. Il, p. 417, 1. 69-70: «Sed quia ipse est principium omnis esse. tune intelligit ex seipso id cui est principium» (Avicenna Latinus, II, 2). 70. THOMAS D'AQUIN, Summa theologiae P, qu. 89, art. 4, corp.; Sancli Thomae Aqui-
69.
rtitatis, Doc caris Ange/ici, Opera omnia iussu impensaque Leonis XI// P. M. edita, t. V, Pars Prima Summae Theologiae a quaescione Lad quaestionem CXJX [ ... ],cura
et studio Fratrom Ordinis Praedicatorum, Romae, Typographia Polyglotta, 1889, p. 378a (cf. éd. de l'Institut d'études médiévales d'Ottawa, Ottawa, Garden City Press, 1941, t. l, p. 553b, 1. 33-37): EQTEN (au lieu de 8ë6t11m), KAPIN (au lieu de xagw). Serait-ce qu'Heiric commet des fautes contre la grammaire grecque chaque fois que, privé du secours de son maître Jean Scot, il s'efforce de voler de ses propres ailes ? La dépendance d'Heiric par rapport à Jean Scot est plus manifeste encore si l'on considère, non plus chaque mot pris isolément, mais les associations de mots ou d'idées. C'est ainsi que l'ensemble NOEPOC AOfOCTE, au vers 44 de l'!nuocatio, vient en droite ligne d'une pièce de vers érigénienne, dont le début - Si uis OYPANIAC sursum uolitare per auras - a été souvent recopié dans les manuscrits du haut Moyen Age 44 • Quant aux triades OYCIA, ~ YNAMIC, ENEPfEIA et NOYC, AOfOC, ~IANOIA, que l'on trouve aux vers 61 et 65 de la préface au livre VI, elles ne peuvent venir en définitive que d'une source érigénienne. Ici une question vient spontanément à l'esprit. Heiric connaissait-il vraiment le grec, ou se contentait-il de recopier les mots grecs véhiculés par des auteurs latins, un peu comme un Français qui ignorerait le latin pourrait agrémenter son discours de citations latines empruntées aux pages roses du petit Larousse ? Avec toutes les précautions oratoires qui sont d'usage en pareille circonstance, et en dépit de l'immense estime que j'ai pour Heiric, je suis tenté de classer le maître auxerrois dans la seconde catégorie. Il me semble que rien, dans la Vita sancti Germani, ne permet de supposer que l'auteur avait dépassé le stade élémentaire qui pouvait être celui d'un clerc doué, glanant intelligemment les mots grecs contenu~ dans les sources latines, et les intégrant habilement dans ses écrits. A ce point de vue, la culture hellénique d'Heiric me semble inférieure, non seulement à celle de Jean Scot, mais à celle de Martin de Laon. La façon dont le grec est traité dans la Vita sancti Germani nous invite à nous demander si Heiric
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maîtrisait bien les déclinaisons grecques. Donnons un exemple, celui du substantif fü:6tl]Ç. Heiric, qui l'utilise à l'accusatif singulier, écrit : Vnam colligimus in his (les trois personnes divines) 6EQTEN 45 • Heiric traite donc 8E6tl']Ç comme il traiterait des mots latins d'origine grecque tels que hoplites, idiotes, qui forment leurs accusatifs en hopliten, idioten. Il ne peut en aller ainsi pour 8E6tl]Ç, dont le génitif et l'accusatif sont respectivement 8E6tl]tOÇ et 8E6tl]ta. Heiric prend les mêmes libertés avec la morphologie grecque, quand il écrit MONA~EN, ~YA~EN, TPIA~EN ... OKTA~EN (!), ~EKA~EN 46 , au lieu de µovaôa, ôuaôa, tQlaôa ... àyôoaôa, ôrnaôa. Ignorance des déclinaisons, ou licence poétique ? En résumé, si Heiric a suivi les leçons de Jean Scot, il ne semble pas, en fait de grec, avoir atteint le niveau de son maître. Cette conclusion vaut pour la Vita sancti Germani. Or, lorsqu'il acheva cette œuvre, le moine auxerrois n'avait que trente-deux ans 47 • Eut-il le temps de perfectionner ses connaissances ? Cela dépend de la date à laquelle les historiens le font mourir 48 • Les perfectionna-t-il ? Seule une enquête sur l'ensemble de son œuvre permettrait de répondre à la question.
Il est probablement plus important de savoir ce qu'Heiric a pu retenir de l'enseignement philosophique et théologique de Jean Scot. Sur ce point nous sommes bien renseignés. Les trois passages de la Vita sancti Germani mentionnés ci-dessus contiennent une dose suffisante d'érigénisme pour que nous soyons autorisés à affirmer qu' Heiric avait compris et assimilé l'enseignement de l'Erigène. Soulignons d'abord un trait caractéristique de la méthode du maître auxerrois. Il ne copie pas servilement : il recompose. Cela est vrai de ses homélies; cela l'est plus encore de la Vita sancti Germani, dans laquelle la versification et les lois de la quantité l'obligent à changer l'ordre des mots, voire les mots eux-mêmes. C'est précisément cela qui nous permet d'apprécier la qualité de sa culture érigénienne. En effet, s'il est aisé de recopier un texte philosophique, même sans le comprendre, il est impossible de le recomposer, en vers ou en prose, si on ne l'a pas compris. Or, lorsqu'il change les mots pour des raisons de métrique, Heiric se montre soucieux de pas altérer le contenu dogmatique du message qu'il transmet. Il s'applique à faire passer dans ses vers, sans en laisser perdre la moindre parcelle, tout ce qui est contenu dans ses modèles. Un seul exemple le fera comprendre. Soit ce texte scriptu-
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raire : Et lucem inhabitat inaccessibilem lécien suivant :
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Heiric en a tiré le vers pha-
Non accessibilem colitque lucem
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Pas un des mots qui se trouvent dans le modèle ne manque dans la copie: la conjonction et est devenue l'enclitique -que, lucem est demeuré inchangé, inhabitat est devenu colit, inaccessibilem est devenu non accessibilem. La même rigueur, le même souci d'exactitude se manifestent quand il s'agit de transposer en vers la prose érigénienne. Il est facile de le constater en comparant les vers d'Heiric avec les passages du Periphyseon qu'il a fait transcrire en marge de son poème. Quelques unes des thèses les plus audacieuses de l'Erigène sont contenues dans la première pièce de vers de la Vita sancti Germani, appelée lnuocatio, qui est une prière à la sainte Trinité. Heiric en prend prétexte pour faire remarquer - remarque un peu pédante dans le contexte oratoire d'une prière - que la terminologie des Pères grecs diffère de celle des Pères latins. Ceux-ci appellent substantia ( 6n:6a·mau;) ce que ceux-là nomment oùma (essentia); et les Latins parlent de personae (n:g6awn:a) là où les Grecs parlent de substantiae (ùn:oa'tUCTELÇ). C'est de Jean Scot, évidemment, qu'il tient ce renseignement 51 • Suit une double étymologie du nom de Dieu (8E6ç), puisée à la même source 52 • E>e6ç vient soit du verbe 8ECDQOO, qui veut dire voir, soit du verbe 8Éw, qui veut dire courir. La première étymologie se trouve chez le pseudo-Denys 53 ; la seconde était connue de Grégoire de Nazianze 54 • Les deux étymologies conjointes sont rapportées par Macrobe 55 • Cette double étymologie, familière à Jean Scot, eut un certain succès auprès de ses disciples immédiats. On la rencontre dans le recueil de Martin de Laon parmi les Graeca collecta ex Prisciano 56 , dans des gloses sur les Categoriae decem publiées par Marenbon 57, et aussi dans des gloses sur le De dialectica de saint Augustin, contenues dans le manuscrit déjà cité, Paris, B.N ., lat.12949, fol.12v 58 • Dire que Dieu voit toutes choses n'implique pas que son regard porte sur autre chose que lui-même : Ipse enim omnia quae sunt in se ipso uidet. 59 De même, dire que Dieu court dans l'univers n'implique pas qu'il sorte de lui-même. On doit affirmer de lui qu'il est à la fois motus stabilis et status mobilis 60 • Il y a là un thème néoplatonicien dont Jean Scot trouvait des traces chez l'Aréopagite 61 • C'est à Jean Scot évidemment qu'Heiric a emprunté ce thème. Il le développe dans les vers 19-24 de l'lnuocatio :
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Édouard Jeauneau Seu quod sic potius per omnia currat Vt nusquam tamen extra se feratur, Cum sit motus et idem ipse status Et motus stabilis, ut olim aiunt, Status mobilis atque: sic priores Dixisse inuenio et peritiores.
Les vers 25-27 de l'Inuocatio énumèrent quelques attributs divins: QN substantificum, TOIIOCque rerum, Per se ipsum bonitas, L1EA mundi, Per se ipsum sapiens, ANAPXOC idem.
L'expression QN substantificum dérive du pseudo-Denys 62 , avec une confusion sur le genre, qui vient peut-être du fait qu'Heiric n'a pas su ponctuer correctement la version latine du texte dionysien, que Jean Scot cite ainsi au troisième livre du Peripbyseon: Age, inquit, Optimum (Tocya06v) ut uere et existentium omnium substantificum lauâemus. QN - sic enim ipse Dionysius uocat deum - totius esse ... est substituens causa 63 •
Heiric semble avoir lu : Age, optimum ut uere et existentium omnium substantificum laudemus QN. Que Dieu soit le lieu de toutes choses (t6Jtoç rerum) est aussi un thème érigénien. Le passage du Periphyseon dans lequel ce thème est abordé n'a été cité ni par Heiric dans ses scholies, ni par Traube dans ses notes. Le voici : Omni loco caret diuina natura quamuis intra se ipsam omnia quae ab ea sunt collocet; ideoque omnium locus dicitur 64 •
Quant aux expressions perse ipsum bonitas, per se ipsum sapiens, elles sont commentées par la scholie suivante : quia perse ipsum participat summum bonum. Cetera enim bona non per se ipsa summum bonum participant, sed per eam bonitatem quae est per se ipsam summi boni prima participatio. 65
Cette scholie - une des rares que Traube n'a pas réussi à identifier - est empruntée au livre III du Periphyseon 66 • Les mots perse ipsum
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bonitas, perse ipsum sapiens désignent généralement, chez Jean Scot, non la première division de la Nature (Nature incréée créatrice), mais la deuxième, à savoir la Nature créée créatrice, autrement dit les causes primordiales 67 • Ces formules dérivent de l'aùtoaya86tî]Ç et de l'aùtoaocpfa du pseudo-Denys 68 , lui-même tributaire de Proclus ou de son école 69 • Le substantif L:iEA est attribué par Jean Scot à la deuxième personne de la sainte Trinité, le Verbe (Aôyoç). Ayant fait remarquer qu'une des traductions possibles du mot grec Myoç est ratio, l'Erigène poursuit : Ratio uero, quoniam ipse est omnium uisibilium et inuisibilium principale exemplar, ideoque a Graecis L~EA, id est species uel forma dicitur 70 •
On retrouve dans ce texte érigénien les éléments de la scholie annexée par Heiric au vers 26 de son Inuocatio: I~EA] species uel exemplar. Le sixième des attributs divins mentionnés dans les vers 25-27 de l'Inuocatio est ANAPXOC. Heiric a expliqué ce mot par la scholie suivante, que Traube a oublié de reproduire : ANAPXOCJ carens principio. Cette scholie n'a évidemment rien d'original, et maint passage de l'œuvre érigénienne pourrait se vanter de l'avoir inspirée. Contentons-nous d'en mentionner deux: ANAPXOC, hoc est sine principio 71 - ANAPXOC est, hoc est omni caret principio 72 • Les vers 28-30 sont un magnifique condensé de théologie négative: Non est, nam superest et esse praestat, Hoc non est nec hoc est, sed exstat omne, Non hic, non ibi, sed per omne totus.
Le vers 28 exprime une doctrine typiquement dionysienne 73 , à laquelle Jean Scot fait de fréquentes allusions 74 • Mais le modèle immédiat d'Heiric pourrait bien être cet hexamètre érigénien : Est, non est, superest, qui praestitit omnibus esse
75 •
Quant aux deux vers suivants, ils s'inspirent incontestablement d'un passage des Noms divins 76 , que Jean Scot a cité dans son Periphyseon 77 :
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Édouard Jeauneau Etenim neque quidem est hoc, hoc autem non est; neque ibi quidem est, ibi autem non est ; sed omnia est ut causalis omnium.
Heiric a lui-même reconnu sa dette envers ce texte dionysien en citant dans ses scholies le passage du Periphyseon qui s'y réfère. On a montré plus haut comment le maître auxerrois s'efforce de ne rien laisser perdre du texte qu'il paraphrase, et on a illustré sa méthode en citant le vers 54 de l'Inuocatio, qui rend très exactement le verset paulinien: Et lucem inhabitat inaccessibilem. Le même phénomène s'observe ici: Heiric traite le texte dionysien avec le même respect que le verset paulinien cité ci-dessus. Rien d'étonnant à cela : Denys l'Aréopagite, disciple de saint Paul, jouit à ses yeux d'une autorité quasi apostolique.
On ne peut passer au peigne fin tous les vers de l'Inuocatio. Contentons-no us de relever ceux où l'influence érigénienne apparaît avec le plus de force et de clarté. Les vers 41-42 sont incontestablement du nombre : Ipsum IIPQTOTYIIO N 78, eundem ipsum Affirmant nichilum, plus ut stupescas.
Que Dieu soit le prototype (principale exemplar) de l'homme est le corollaire de la proposition suivante : « Dieu créa l'homme à son image» 79 • Jean Scot expose cette doctrine au livre II du Periphyseon, en se réclamant de l'autorité de Grégoire de Nysse 80 • Il y attache une grande importance : au livre IV du même ouvrage, il renvoie à ce qu'il a dit dans le livre II 81 • Mais le vers 42 est plus étonnant encore : plus ut stupescas ! Ce Dieu, qu'au vers 37 de l'Inuocatio on a appelé« Principe, Milieu et Fin de toutes choses», voilà maintenant qu'on l'appelle «Néant». Une scholie explique, à l'aide de citations du Periphyseon 82 , comment il faut entendre cette proposition. Le Néant divin n'est pas une indigence, mais une surabondance. Dieu est non-être, non point parce qu'il serait en-deçà, mais parce qu'il est au-delà de l'être. Ce nonêtre échappe à notre saisie: notre domaine est celui de l'être, autrement dit, dans la perspective érigénienne, celui du paraître. Quand Dieu se manifeste à nous, il le fait par l'intermédiaire des théophanies, apparitions créées de !'Incréé, manifestations visibles de !'Invisible.
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C'est précisément quand il commence à apparaître, que le Néant divin arrive à l'être. Cette doctrine érigénienne est habilement exprimée dans les vers 45-48 de l'Inuocatio: Qui dum non capitur, Nichil uocatur; Apparet quoties in theophaniis 83, In quiddam ex nichilo uenire fertur. Scribunt hoc Nichilo creata cuncta 84 •
La création tout entière est une théophanie, par laquelle Dieu qui, en soi, est non-être, commence à être - c'est-à-dire à apparaître - en quelque chose. Quand nous lisons dans !'Ecriture 85 que Dieu a tout créé à partir du néant (ex nihilo), le néant dont nous parlons n'est autre que Dieu même : Quid est quod de eo praedicatur - credimus enim ipsum de nihilo omnia fecisse - nisi forte illud Nihil ipse est qui, quoniam super omnia essentialis extollitur et super omne quod dicitur et intelligitur glorificatur, non irrationabiliter per excellentiam Nihil esse dicitur, quoniam in numero omnium quae sunt nullo modo collocatur ? 86
C'est Jean Scot qui s'exprime ainsi. Et nul doute que c'est à lui que pense Heiric lorsqu'au vers 48 de son lnuocatio il utilise le verbe impersonnel Scribunt. C'est à lui aussi qu'il emprunte le thème de la « ténèbre divine» développé dans les vers 49-54 87 • Après cet exposé de théologie négative, la conclusion s'impose : on ne peut connaître l'essence divine. On ne peut dire de Dieu ni ce qu'il est, ni combien grand il est, ni qui il est : Qualis, quantus, item quis esse possit 88 •
Là encore Heiric se fait l'écho d'une doctrine que Jean Scot avait élaborée à partir de ses lectures d'Augustin, de Grégoire de Nysse, du pseudo-Denys et de Maxime le Confesseur: on peut connaître de Dieu, non ce qu'il est, mais seulement qu'il est 89 • Le rappel de cette doctrine fournit à Heiric l'occasion d'une habile transition. Puisque l'effort de notre intellect est impuissant, recourons à la prière (vers 61-66). Les trois strophes qui suivent (vers 67-84) sont une très belle prière, si belle, si imprégnée de «latin mystique», qu'on serait tenté
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d'y voir une création personnelle d'Heiric, surgie spontanément de sa méditation dans le cloître de Saint-Germain d'Auxerre. En réalité, ces strophes sont une habile marqueterie dont tous les éléments, sans aucune exception, ont été empruntés à Jean Scot. Heiric a puisé à deux sources. L'une, identifiée par Traube, est le poème érigénien Si uis OYPANIAC 90 • L'autre, non identifiée, bien qu'étant la plus importante quantitativement et qualitativement, est une prière en prose poétique (Kunstprosa), qui se lit au livre III du Periphyseon 91 • Il ne s'ensuit pas que les vers d'Heiric manquent de sincérité. Le ton, au contraire, est celui d'une piété émue. Examinons successivement chacune des strophes, et d'abord la première (vers 67-72) : Lux et nostra salus redemptioque, Largitor YCEQC KAPINque praesta Lumen glauciuidas agens in umbras, Caecis EMIIYPIOC reclude caelos: Quondam BECMOOPON Moysea tecum EIC I'NOON Sinay sic indidisti.
Cette strophe est une adaptation versifiée du début de la prière du
Periphyseon : Deus nostra salus atque redemptio, qui dedisti naturam largire et gratiam, praetende lumen tuum in umbris ignorantiae palpitantibus quaerentibusque te. Reuoca nos ab erroribus 92 •
Les vers 67-68 paraphrasent assez fidèlement le Periphyseon, les vers 69-72 en suivent la trame, mais de façon plus libre, et en brodant sur cette trame des motifs précieux - mots grecs, adjectif rare (glauciuidas) - empruntés aux vers 1-8 du poème érigénien Si uis OYPANIAC, qui évoquent la nuée obscure dans laquelle pénétra Moïse 93 • Les deux strophes suivantes (vers 73-84) continuent à implorer le secours divin : Quaerentes ualida iuuato dextra, Quando non potis est adire tete Cuiquam, des nisi tu uenire per te. Ostendas faciem decet tamen te His qui nil aliud petunt nisi te. Nam nec hoc poterunt, nisi sit ex te.
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Nubes rumpe malasque fantasias, Quis mentis acies reuerberata 94 Pure non sinitur Deum tueri, Ceu se inuisibilem uidere praestat His qui lucifluum sitire fontem Nouerunt, requiem suumque finem.
Ces vers développent le thème exprimé dans la prière en prose du Periphyseon. Continuons-en la lecture, que nous avons interrompue pour citer les vers 73-84 de l'Inuocatio: Porrige dexteram tuam infirmis, non ualentibus te sine peruenire ad te. Ostende te ipsum his qui ni! petunt praeter te. Rumpe nubes uanarum fantasiarum quae mentis aciem non sinunt intueri te eo modo quo te inuisibilem uideri permittis desiderantibus uidere faciem tuam, quietem suam, finem suum 95 •
Ces trois strophes de l'Inuocatio sont particulièrement intéressantes pour notre propos. Elles illustrent un procédé que j'avais mis en évidence lorsque j'étudiais la deuxième homélie d'Heiric sur le prologue de Jean : le maître auxerrois est capable de combiner intelligemment et élégamment des textes empruntés à des œuvres différentes de l'Erigène. Dans son homélie il combine le Periphyseon et la Vox spiritualis. Dans sa Vita sancti Germani il combine le Periphyseon et le poème Si uis OYPANIAC. Seul un érigénien confirmé pouvait réussir ce tour de force.
NOTES 1. Préface aux Collectanea, vers 11-14 (M.G.H., Poetae III, p. 427). 2. Texte cité par L. TRAUBE dans M.G.H., Poetae III, p. 422, n. 2. 3. QUADRI, éd. d'HEIRIC, Collectanea, p. 15-25. 4. Vita sancti Germani, Inuocatio, 42 (M.G.H., Poetae, III, p. 434). 5. Op. cit., Inuocatio, 22 (M.G.H., Poetae, III, p. 433). 6. Homiliarium, i, 11, 23; éd. E. JEAUNEAU, Etudes érigéniennes, p. 554. 7. Vita, lnuocatio, 48 (M.G.H., Poetae, III, p. 434). 8. Vita, lnuocatio, 23-24 (M.G.H., Poetae, III, p. 433). 9. Homiliarium, i, 11, 156-157; éd. cit., p. 550. 10. J. MABIILON, Nouveau traité de diplomatique, III, p. 519, cité par V. COUSIN, Ouvrages inédits d'Abélard, Paris 1836, p. 618, réédité dans Fragments philosophiques du Moyen Age, nouvelle édition, Paris 1855, p. 252-253.
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11. V. COUSIN, Ouvrages inédits, p. 621 ; Fragments, p. 257. 12. B. HAURÉAU, Histoire de la philosophie scolastique, l" partie, Paris 1872, p. 185. 13. B. HAURÉAU, op. cit., p. 193. 14. B. HAURÉAU, op. cit., p. 196. 15. J. }OLIVET, Histoire de la philosophie médiévale, dans Encyclopédie de la Pléiade. Histoire de la Philosophie, l, Paris 1969, p. 1261. 16. « There is hardly any evidence, in the standard glosses to the Categoriae decem or elsewhere, of the nominalism which Hauréau and Barach claimed was to be found » U- MARENBON, From the Circle, p. 138). 17. Je dois cette précision à l'obligeance de M. Jean VEZIN. 18. On consultera la communication de G. LOBRICHON, dans ce volume, p. 59-69. 19. J. MARENBON, From the Circle ... , p. 122. On consultera aussi la communication de C. }EUDY, dans ce volume, p. 373-397. 20. J. MARENBON, From the Circle ... , p. 122-123. 21. «The glosses in M (Mi/ana, Ambrosiana, B 71 sup.) seem to be the work of an imaginative thinker who bas read the Periphyseon; they lack the logical thrust of John's own work and bis characteristic traits of expression» U. MARENBON, op. cit., p. 123). 22. Une opinion différente est exprimée par J. MARENBON, op. cit., p. 115. 23. Etudes érigéniennes, p. 524-557. 24. B. HAURÉAU, Histoire de la philosophie scolastique (cit. n. 12), !"partie, p. 181-184. 25. «Vitae Germani exstat eximius codex, olim S. Germani Pratensis 1048, nunc Parisinus 13757; quem baud scio an ipse Heiricus scripserit uel curauerit scribendum » (M.G.H., Poetae, III, p. 425). 26. G. BrLLANOVICH, « Dall'antica Ravenna aile biblioteche umanistiche '» dans Annuario dell'Università cattolica del Sacro Cuore. Anni accademici 1955/56-1956/57, p. 73-107. 27. M. l'abbé B. MERLETTE a eu l'obligeance de me communiquer ce qui suit. Le manuscrit latin 13757 est, selon lui, le manuscrit de l'auteur: il représente la mise au net de son autographe. Les gloses, légèrement postérieures, lui paraissent être de quatre mains : aucune d'elles ne lui semble pouvoir être identifiée avec certitude avec celle d'Heiric. 28. ESTIENNE, Inventaire sommaire des Archives départementales de l'Aisne. Série G, Supplément, p. 130. 29. J.-J. CONTRENI, The Cathedra/ School, p. 149-150. On trouve, dans le ms. Laon, B.M. 469, deux gloses intéressantes, copiées par deux mains différentes: l'une sur le vers 1 du livre 1, l'autre (érigénienne) sur le vers 45 de 1'Inuocatio. Je dois ces précisions à la généreuse collaboration de M. B. MERLETTE. 30. Yperusios] scripsi, yperusies cod. 31. Memento] scripsi, momento cod. 32. Les citations du Periphyseon renvoient à l'édition d'I.-P. SHELDON-WILLIAMS (Scriptores Latini Hibemiae, 7, 9, 11) pour les trois premiers livres; à celle de H.-J. FLOSS (P.L. 122) pour les livres 4 et 5. 33. L'abbé MERLETTE pense que les manuscrits latins 6400B et 17302 dépendent, directement ou indirectement, de l'exemplaire royal offert à Charles le Chauve. Il croit pouvoir affirmer que la main qui a transcrit les scholies dans le ms. latin 17302 est précisément celle qui a transcrit la scholie sur le vers 45 de 1'lnuocatio dans le manuscrit 469 de Laon. 34. E. DüMMLER, «Die handschriftliche Ueberlieferung der lateinischen Dichtungen aus der Zeit der Karolinger », dans Neues Archiv 4 (1879), p. 528-530. 35. Comme me l'a fait remarquer le professeur P. Ch. JACOBSEN, TRAUBE n'a pas collationné luimême l'ensemble du manuscrit qui servait de base à son édition:« Hune contulit Harster » (M.G.H., Poetae III, p. 425). 36. Les lectures fautives se trouvent dans les scholies relatives aux vers suivants : 26 (lire: participat, participatio, et non particip[i]at, participalis), 30 (lire: localis, et non locatis/tus), 62 (lire: allegabis, et non ablegabis), 79 (lire: imaginationes, et non imagines). Deux scholies sont entièrement omises: ANAPXOC] carens principio (27) et 8EO µ~ 0ɵtç àmm:eî:v. 7 One can easily imagine that a conflict between the two Churches was inevitable. After Constantine's victory at Milvian Bridge (312) and after the so-called Edict of Milan (313), Christianity, long persecuted, began to enjoy tolerance and then imperial protection. It does not follow that the ancient beliefs disappeared all of a sudden. In the rural districts many peasants remained faithful to the ancient gods, to whom they had been taught to pray in order to obtain sunshine or rain. In Rome itself, particularly among members of the aristocracy, a pagan coterie existed that was able, towards the end of the fourth century, to produce what has been called 4. M. Cappuyns, Jean Scot Erigène, sa vie, son oeuvre, sa pensée, LouvainParis 1933. J.J. O'Meara, Eriugena, Oxford 1988. 5. MGH, Epistulae VII, p. 430, 18-21. 6. L. Brisson, "Proclus et l'orphisme", in J. Pépin - H.D. Saffrey, Proclus, lecteur et interprète des Anciens, Paris 1987, pp. 43-104. 7. Proclus, ln Timaeum III, ed. Diehl, p. 63,24. 514
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"a pagan revival". 8 However, the most durable opposition to the new faith came probably from philosophical circles. In Athens, particularly, the Platonic school continued to be a living centre of learning until the sixth century. Its last masters were conscious of being the lawful heirs and defenders of the old Greek culture. This is clearly indicated in the life of Proclus. Marinos, the author of this life, relates that Proclus (d.485) once had a dream, in which a beautiful woman appeared to him and said: "Our Lady of Athens wishes to dwell in your house". 9 Proclus understood that PallasAthena, the holy Virgin, Patroness of Athens and Goddess of wisdom, having been expelled from her Temple, had decided to take refuge in his abode. Historians agree generally that such a vision happened at the time when the most venerable statue of Athena, masterpiece of Phidias, was removed from Athens and brought to Constantinople. 10 From his house, south of the Acropolis, where he used to pray and to teach, Proclus could still contemplate the sacred hill topped by the white marble columns of the Parthenon, but he knew that the Temple was empty. His consolation was to think that the Goddess of wisdom - consequently Greek wisdom itself - was abiding under his roof. Alas! this place of refuge itself was not secure, for in 529 an edict of emperor Justinian ordered the closing of the Platonic school in Athens. In 531/532 seven of its masters chose to exile themselves and took refuge at the court of Chosroes I, King of Persia. 11 It might be thought that Neoplatonism was definitely dead. Surprisingly enough, at the same time, it burst into Christian thought, thanks to a forgery. Forgery is probably inappropriate to describe a literary fiction, by which a disciple of Proclus (or of Damascius) attributed his works, in which Christian dogmas and Neoplatonic philosophy were fused together, to Dionysius, the Areopagite converted by St. Paul in Athens in 51 A.D. Under cover of this prestigious name an unprecedented bulk of pagan philosophy entered freely the temple of Christian wisdom. Modern scholarship, as we know, has established that the attribution of these works to the Areopagite is untenable. The PseudoAreopagite (or Pseudo-Dionysius), as we call their author, cannot 8. J. Flamant, Macrobe et le néo-platonisme latin à la fin du IV" siècle, Leiden 1977, pp. 49-54. 9. 'H yàp Kupia 'A811vaîç, Ecj>11, n:apà ooi µÉvELv È8ÉÀ.Et (Marinas, Vita Procli, 3). Cf. J. Pépin - H.D. Saffrey, Proclus lecteur et interprète des Anciens, Paris 1987. 10. Marino di Neapoli, Vita di Proclo. Testa critico, introduzione, traduzione e commentario a cura di Rita Masullo, Naples 1985, pp. 145-146. 11. G. Reale, A History of Ancient Philosophy. IV. The Schools of the Imperia/ Age, State University of New York 1990, pp. 447-449.
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have written before the end of the Vth century A.D. 12 Certainly, Pseudo-Dionysius was not the first to conflate Christian revelation and Greek wisdom. As soon as they began to defend their faith against opponents, the Christians realized that they needed philosophical concepts. Now, these philosophical concepts were available mainly through pagan authors. In their opinion - at least in the opinion of the more openminded of them - to borrow philosophical concepts from pagan authors was justified by the precept of the Apostle: "Test everything; hold fast what is good". 13 Again, to borrow from pagan authors was to enrich Christian thought, and follow the command given by God himself to despoil the Egyptians in order to enrich the Hebrews. 14 Fathers of the Church, both Greek and Latin did not hesitate to despoil the Egyptians or - to use another Biblical image - to bring to their house the beautiful captive woman, part of a battle's booty. 15 Although Stoicism could - and eventually did - provide them with important philosophical concepts and an elevated ideal of life, the main source from which they drew was the Platonic one (Middle Platonism, Neoplatonism). Think of Origen, Gregory of Nyssa, Nemesius of Emesa, Marius Victorinus, Ambrose, Augustine, to quote only the best known of them. 16 It is because of these important borrowings from the Middle and Neo Platonists, made by the Church Fathers during the four first centuries of our era, that Pascal could write: "Platon, pour disposer au christianisme" .17 Still, the most astonishing borrowing from Greek philosophy was probably that made by Pseudo-Dionysius towards the end of the Vth or the beginning of the Vlth century A.D.
12. J. Stiglmayr, "Der Neuplatoniker Proclus als Vorlage des sogenannten Dionysius Areopagita in der Lehre vom Uebel", Historisches Jahrbuch 16(1895), pp. 253-273 and 721-748. H. Koch, "Pseudo-Dionysius Areopagita in seinen Beziehungen zum Neuplatonismus und Mysterienwesen", Forschungen zur Christlichen Litteratur-und Dogmengeschichte 1, fasc. 2-3, Mainz 1900. H.D. Saffrey, "Un lien objectif entre le Pseudo-Denys et Proclus", Studia Patristica IX (=TU 94), Berlin 1966, pp. 98-105; "Nouveaux liens objectifs entre le Pseudo-Denys et Proclus", Revue des sciences philosophiques et théologiques 63 (1979), pp. 3-16. 13. I Thess. 5,21. 14. Exod. 3, 22; 12,35-36. 15. Deuter. 21,10-13. 16. R. Amou, "Platonisme des Pères", Dictionnaire de Théologie catholique xii, 2258-2392. W. Beierwaltes, Platonismus in der Philosophie des Mittelalters, Darmstadt 1969, D.J. O'Meara, Neoplatonism and Christian Thought, State University of New York Press 1982. J.M. Rist, Platonism and Its Christian Heritage, Variorum Reprints, London 1985. 17. Pascal Pensées 219 (Brunschvicg). 516
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Now, if Pseudo-Dionysius exerted a considerable influence over Western thought, it is owing precisely to the lrishman Eriugena. 18 How this man became acquainted with the works of the Areopagite is worth noting. Since Merovingian times there was, near Paris, a famous abbey, which the kings had chosen for their burialplace. The abbey had been well endowed and its abbots were influential. Nevertheless, of the life of its patron saint - a martyr named Denis (Dionysius) - very little was known. It is not before the ninth century (between 817 and 825) that an anonymous hagiographer had the idea to identify him with Dionysius the Areopagite (Dionysius Areopagita). Hilduin, abbot of SaintDenis (814-840) popularized this legend, from which both the reputation and the income of the abbey could only benefit. The pilgrims were told that the founder of the Royal Abbey, at the tomb of whom they were kneeling, was none other than the Areopagite, disciple of the Apostle Paul. As a matter of fact, the abbey of Saint-Denis possessed not one of the works written by its patron saint. Hilduin must have deplored this absence, for Dionysius the Areopagite, supposedly repository of the secret teachings of his master Paul, had to enjoy an authority second only to that of the holy Apostles. Hilduin, however, was also chaplain of Louis the Pious. He was in a good position to obtain a Greek copy of the works of Saint Dionysius the Areopagite. Actually, such a copy was brought from Constantinople by ambassadors of Michael the Stammerer, and presented to Louis the Pious, in Compiègne in 827; but the home to which the Greek exemplar of Dionysius the Areopagite was destined was the Abbey of Saint-Denis. The imperial gift was solemnly transferred to the Royal Abbey on the 8th of October, that is to say, on the eve of the feast of Saint Denis. Soon after its arrivai the book was translated into Latin; but for one reason or another, the translation provided by Hilduin had no influence. It was the merit of Eriugena to produce the translation through which, for centuries, the Latin world had access to the works of Dionysius the Areopagite. The task of translating - a very difficult one - played a decisive role in the intellectual development of Eriugena' s thought. In the preface of his translation of Dionysius, John adrnitted that Latin texts would have sent him to sleep, had not king Charles the Bald awakened him and urged him to consider "the pure and abundant Greek sources". 19 It is true that Eriugena found in the very act of translating a new impulse for his thought. Before he translated Dionysius, his main source of Neoplatonic doctrines was the works of Saint Augustine. With 18. S. Gersh, From lamblichus to Eriugena, An Investigation of the Prehistory and Evolution of the Pseudo-Dionysian Tradition, Leiden 1978. 19. MGH, Epistulae VI, 158-159; PL 122, 1031 C. 517
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Dionysius he discovered yet another form of Neoplatonism. While Augustine was indebted to the older form of Neoplatonism, that represented by Plotinus and Prophyry, Dionysius is indebted to a later form, represented by Proclus. For the first time in the history of human thought the two Neoplatonic streams converged. And they converged in a mind widely open, qualified to combine them harmoniously. An able student of both Plotinus and Proclus, Jean Trouillard, did not hesitate to declare that, in his view, Eriugena was the only true Neoplatonist whom the Latin world could boast of, not excluding Augustine. 20 Needless to say my purpose is not to draw up an inventary of all the Neoplatonic elements which Eriugena could cull from the works of Pseudo-Dionysius. As 1 have said before, 1 shall concentrate on two themes, those of Processio (Procession) and Reditus (Return), and examine how - successfully or not - these Neoplatonic themes have been integrated into the Eriugenian synthesis. In fact, when 1 speak of two themes, 1 mutilate what, in the Neoplatonic view, is a Triad (i:ptaç, trinity), that is to say, a group of three terms. Neoplatonists were very fond of triads, the most famous of which is: One (Ëv), Mind (voue;,), and Soul (1JJuxÎJ). 21 Among the many triads, coined by Neoplatonists to explain the universe, i.e., to show how this universe is a Kooµoç, a reality arranged in order (i:â~tc:;), the key-stone triad is probably the one which consists in the three following members: µovÎj (immanence in the cause, rest) rrp6oôoç (procession from the cause) Èmcnpoc)>Îj (return to the cause, conversion) Although it< is possible to find this triad in Plotinus, 22 it is Proclus who clearly set it forth in proposition 35 of his Elements of Theology: "Every effect remains in its cause, proceeds from it, and reverts upon it". 23
J. Trouillard, La mystagogie de Proclus, Paris 1982, p. 16. 21. Plotinus, Enneads V.2.1. The English version of Plotinus' Enneads quoted in this paper is that of Plotinus with an English translation by A.H. Armstrong ... in seven volumes, "Loeb Classical Library". 22. "Molto interessante sarebbe studiare la terminologia con cui vengono indicati i tre momenti. Si avrebbe la sorpresa di trovare in Plotino ... largamente anticipato Proclo" (G. Reale, "I fondamenti della metafisica di Plotino", in Graceful Reason. Essays in Ancient and Medieval Philosophy Presented to Joseph Owens, CSSR, ed. Lloyd P. Gerson, Toronto 1983, p. 167). aùi;ou aM~ mi npôwJLv àit' aù1lji; 23. Tiâv 10 at1w1àv Kaî µÉvEL f:v KaÎ ÈmcnpÉEL itpàç mhtjv (Proclus, The Elements of Theology, 35 (Dodds, p. 38). Cf. Proclus, Théologie platonicienne III, 14, ed. H.D. Saffrey, Paris 1978, pp. 50-51. 20.
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We have here the three members of our triad: immanence (the effect remains), procession (it proceeds), and return (it reverts). Pseudo-Dionysius was too happy to take up this triad, and to apply it to divine love: "The divine Eros", he said, "is like an everlasting circle, moving by an unwandering whirl through the Good (füà Tàya06v), out of the Good (ÈK Tàya0ou), in the Good (Èv Tàya0tj)), into the Good (Eiç Tàya06v), always proceeding (:npoi:cûv), and abiding (µÉvwv), and returning (à:noKa0Lmâµi::voç)". 24 Again, we recognize here the three members of our triad. The universe of Pseudo-Dionysius, like the universe of Proclus, is built according to a triadic structure. While for Proclus, such a structure applies to the gods, 25 for Pseudo-Dionysius, it applies to the angels and to the Church. 26 The world of pure spirits is distributed according to hierarchies, the nine choirs of angels, i.e., the perfect triad (9: square number of 3). The Ecclesiastical Hierarchy echoes the threefold triadic model of the Celestial Hierarchy. Of course, Eriugena knew this triadic model, since he commented on the Celestial Hierarchy of Pseudo-Dionysius. 27 Nevertheless, my intention here, as I said before, is to examine only two of the members of the aforesaid triad, namely procession and return (Processio and Reditus). 28 In fact, these two notions constitute the leitmotiv of Eriugena's major work, the Periphyseon. 29 According to him, they are also among the most important themes
24. 'O 8Eioç Èpwc; ÈVÔELKvu-rm füaEp6v-rwc; wan:Ep 'tLÇ >, dans Cah1ersArchèolog1q11es, 23, 1974, p. 61-72. 21. Au folio 6r du Codex Aureus deux figures allégoriques accompagnent l'Adoration de I1Agneau, celles de l'Océan et de la Terre-mère. Les vers font dairement référence à œs représentations figurées: « praesens tellus - maris haecfacies ».
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l'ordre vénérable des Prophètes et le collège des Apôtres 22 , saisissant leurs célestes couronnes 23 , t'adressent d'un coeur dévot la louange, l'adoration et l'amour. De son côté, le roi Charles, les yeux grand ouverts, contemple la scène : il prie pour que, chargé d'années, il puisse te rejoindre et vivre avec toi dans les siècles sans fin 24 .
On ne peut douter que Charles ait voulu être représenté dans cette attitude : il contemple ici la scène que son grand-père avait devaµt les yeux lorsque, de son trône, dans la chapelle d'Aix, il regardait la mosaïque de la coupole25 . Erigène pouvait-il désapprouver cette représentation de l'au-delà dans un livre que son royal protecteur avait commandité, à l'élaboration duquel il avait très vraisemblablement prêté son concours ? C'est peu vraisemblable. L' Adoration de l 'Agneau n'est d'ailleurs pas la seule représentation de l'au-delà que contient le Codex Aure us. Au verso du folio 6 on trouve une autre vision céleste : le Christ en majesté, placé dans une mandorle qui le situe audelà du monde sensible, est entouré des quatre grands prophètes et des quatre évangélistes. Deux vers inscrits sur le pourtour de la mandorle, proclament que le Christ, vie des hommes et gloire des habitants du ciel, assure l'équilibre du monde. Voici ces vers: Christus, uita hominum, caelorum gloria summa Librat tetragonum miro discrimine mundum 26 •
Or ce distique ressemble étrangement à deux vers d'un poème authentiquement érigénien, Aulae sidereae: Vita, salus hominum, caelorum gloria summa Regnat tetragonum pulcro discrimine mundum
Dans Je poème Aulae sidereae, ces deux vers ne se suivent pas, le premier se trouvant à la ligne 77 et le second à la ligne 627 . Par ailleurs, si le vers 77 s'applique bien,au Christ, le vers 6 s'applique au soleil. Le rapprochement n'en est que plus significatif. En effet, Erigène avait appris de Maxime le Confesseur, qui lui-même le tenait de Grégoire de Nazianze, qye le Verbe de Dieu s'est rendu palpable de deux façons : dans la création visible et dans la sainte Ecriture. Le monde visible est un livre dans lequel les créatures sont comme autant d~ mots, de syllabes et de lettres par lesquels le Verbe de Dieu s'exprime. Parallèlement la sainte Ecriture est un monde. L'univers matériel, sur lequel règne le soleil visible, est dit « tétragonal », parce qu'il est composé des quatre éléments et qu'il obéit au rythme des quatre saisons. Semblablement, le monde spirituel sur lequel règne le Christ, soleil de justice, obéjt à la loi du quaternaire. Cet aspect semble bien illustré par la peinture du folio 6v : le monde de ! 'Ecriture, que régit le Chris,t, est fondé sur les quatre grands prophètes et les quatre évangélistes. C'est aussi l'enseignement d 'Erigène dans son Homélie sur le Prologue de Jean : «La sainte Ecriture est un monde intelligible, composé de quatre parties, qui sont, pour ainsi dire, ses quatres éléments »28 • Les vers inscrits sur la mandorle du Christ en majesté du Codex 22. Il est traditionnel de voir dans les vingt-quatre vieillards de !'Apocalypse (4,4) le rassemblement des douze prophètes et des douze apôtres: Victorin de Pettau, In Apocalypsim, IV, 3 (CSEL 49, p. 50-51). J\mbroise Autpert, lnApocalypsm, IV, 4 (CCCM 27, p. 211, 23-39). 23. « sertis cacles.1ibus instans » . Il n'est guère douteux que les serta caelestia désignent les courormes d'or que portent les vieillards de !'Apocalypse (4,4) : cf Cyprien de Carthage, Ep1stulae, 37, 2 (CSEL 3,2, p. 577, 17). Le participe « instans » , en revanche, est difficile a interpréter. Ma traduction a été influencée, je l'avoue, par la scène peinte au folio 6r : l'artiste semhle avoir voulu fixer, comme en un instantané, le moment où les vingt-quatre vieillards, ayant ôté leurs couronnes, s'apprêtent à les jeter devant le trône (Apoc. 4, l 0). 24. P. DlITTON - É. JEAUNEAU, «The Verses of the Codex Aureus ... », cit., p. 93 (réédition, p. 611). 25. Selon une thèse avancée par H. SCHNITZLER, c1est l'Agneau et non une représentation anthropomorphe du Christ qu'adoraient les vieillards dans la mosaïque d'Aix-la-Chapelle: C. HEITZ, «L'image du Christ entre 780 et 810. Une éclipse?», dans Nicée Il, cit., p. 241-244 [229-246]. 26. P. DlITTON - É. JEAUNEAU, «The Verses of the Codex Aureus ... »,p. 94 [réédition, p. 612]. 27. MGH, PAC Ill, p. 550 et p. 552. 28. Jean Scot, Homélie sur le Prologue de Jean XIV, 5-7 (SC 151, p. 270).
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Aure us expriment de,s thèmes si typiquement érigéniens qu'il paraît difficile de penser que, d'une façon ou de l'autre, Erigène ne les ait pas inspirés.
Par ailleurs, il est certain qu'Érigène a pu voir et admirer d'autres représentations de la Maiestas Domini. Dans une pièce de vers il loue Charles le Chauve d'avoir doté le sanctuaire de Saint-Denis de précieux ornements (magnalia) 29 . Parmi ces magnalia se trouvaient l'antependium d'or de l'autel majeur et le Codex Aure us. Sur l'un comme sur l'autre figurait le Christ en majesté. L'antependium a disparu dans la tourmente révolutionnaire, mais nous pouvons nous en faire une idée assez précise grâce à un tableau de la National Gallery à Londres, et grâce aux descriptions des inventaires 30 . Le Codex Aureus, ayant quitté Saint-Denis peu après la mort de Charles Chauve, a survécu : il est conservé à Munich dans la Bibliothèque nationale de Bavière, sous le numéro 14000. On peut toujours admirer sa splendide couverture d'or, où de larges pierres précieuses, flanquées de tourelles, elles-mêmes serties de perles fines, évoquent les murailles de la Jérusalem céleste31 . C'est, en tout cas, ce qu'y voyait, au xre siècle, l'auteur de la Translat~o sancti Dionysii32 . C'est, à n'en pas douter, ce qu'y voyait Charles le Chauve. Ainsi donc, Erigène a loué son souverain d'avoir fait exécuter ces splendides représentations de l'au-delà pour orner les églises 33 . Ce faisant, l'homme de cour reniait-il les principes que le philosophe avait proclamés haut et fort, à savoir qu'il ne faut pas se figurer que le Christ ressuscité, assis à la droite du Père, possède un corps fait de chair et d'os ? Je ne le pense pas. Autre chose est de dire que le ciel ,véritable ne ressemble en rien à l'image que l'on s'en fait, et autre chose de condamner les images. Erigène s'est moqué de ceux qui croient et enseignent que les réalités de l'au-delà ressemblent en tout point aux images par lesquels les artistes les représentent. Il ne s'ensuit pas pour autant qu'il ait condamné images et artistes. Platon bannissait lits poètes de sa République. Cela ne l'empêchait pas d'être lui-même un merveilleux poète. Erigène, comme théologien, répudiait les images de l'au-delà ; comme poète il les a utilisées abondamment. Il a célébré en termes épiques la défaite de Satan et le triomphe du Christ 34 , il a décrit le vol des séraphins autour du Principe unique de l 'univers 35 . Les thèmes philosophiques les plus ardus lui ont inspiré des vers, qu'il s'agisse de la procession des créatures à partir des causes primordiales36 ou du retour de ces mêmes créatures à leurs causes primordiales. La contemplation des réalités éternelles n'a point tari pour lui la veine poétique, au contraire. En effet, c'est par les créatures et les images sensibles que se révèle à nous Celui qui habite une lumière inaccessible. Chaque créature est une lumière descendant du Père des lumières 37 : « Ainsi, pour emprunter un exemple aux orçlres les plus humbles de la nature, telle pierre, tel morceau de bois sont pour moi lumière »38 • Si Erigène pouvait penser cela d'une pierre quelconque, à combien plus forte raison ne devait-il pas le penser des pierres précieuses qui ornaient l'antependium d'or de Saint-Denis! Les oeuvres du Créatel!r, comme les réalisations artistiques du génie humain, possèdent une fonction anagogique qu 'Erigène, à la suite de l'Aréopagite, s'est plu à souligner. Le monde sensible, en effet, n'est pas privé de toute communication avec l'autre monde, celui des causes primordiales et des purs esprits. Entre)es deux un pont existe. Ce pont, c'est le symbole (symbolum). La notion de symbole a, chez Erigène, une grande importance et des applications 29. Carmina IV. ii (MGII, Poetae III, p. 545). 30. B. DE MüNTESQlITOU-FEZENSAC et D. GABORIT-CHOPIN,Le trésor de Saint-Denis, Paris, 1973-1977. 31. Apocalypse, 21, 18-21. 32. Translatw S. D10nys11 Areopagitae, 36, éd. R. KOEPKE, MGH, Scriptores, XI, Hanovre, 1854, p. 370. 33. P. DUTTON, « Eriugena, The Royal Poe!», dans Jean Scot écrivain, éd. G. ALLARD, Montréal-Paris, 1986, p. 51-80. 34. Cam11na, II, vi (MGH, PAC III, p. 536). 35. Carmma. II. viii. 9-13 (MGH, PAC III, p. 538). 36. Carmina, II. iii, 1-20 (MGH, PAC III, p. 531-532). 37 . .Tac. l, 17 38. Expositwnes m Hierarchwm caelestem, L 107-108 (CCCM 31, p. 4).
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mul!iples 39 • Elle joue un rôle en exégèse biblique, où le terme symbolum désigne un type d 'allégorie qu'Erigène appelle allegoria dicti et nonfacti et qu'il oppose à l'allegoriafacti et dicti. Alors que dans cette dernière le sens spirituel s'appuie sur un fait historique, dans la première, le sens spirituel ne se trouve étayé par aucun fait historique. Ainsi, lorsque nous lisons dans les psaumes que « les montagnes ont sauté comme des béliers et les collines comme des agneaux » (Ps. 113, 4), il serait ridicule de penser qu'à un moment donné de l'histoire du peuple hébreu les montagnes ont réellement sauté comme des béliers40 . Nous sommes ici au royaume des symboles. Il faut en dire autant des paraboles évangéliques : ni le pauvre Lazare dans le sein d'Abraham ni le riche dans sa fournaise ne sont des personnages historiques41 . Cela est vrai aussi des descriptions imagées çle l'au-delà que l'on trouve dans le Livre inspiré, qu'il s'agisse des visions d'Isaïe, de celles d'Ezéchiel ou de celles que rapporte !'Apocalypse de Jean. De même qu'il serait ridicule de prendre à la lettre le verset de psaume cité plus haut, il serait insensé de croire qu'il existe dans le ciel des roues de feu, des trônes faits de matièrç corporelle où reposerait la divinité, des chevaux de diverses couleurs, etc42 . En tout cela la Sainte Ecriture se comporte en poétesse : « Theologia ueluti quaedam poetria »43. L'Ancien Testament était rempli de symbolçs : le Tabernacle, l'Arche d'alliance et les deux Chérubins qui la surmontaient. C'est ce qu'Erigène appelle les Legalia symbola44. A la fin des temps, les symboles s'effaceront pour laisser place à la pure contemplation de la vérité. Entre le sacerdoce de 1'Ancien Testament, où règnait le symbole, et le sacerdoce de la cité céleste, où il n'aura plus place, se situe précisément le sacerdoce du Nouveau testament, celui de ! 'Eglise. Comme le faisait le sacerdoce lévitique, l'Eglise utilise les symboles45 , mais elle incite ses fidèles à en rechercher la signification spirituelle : son regard est tourné vers le sacerdoce futur, celui de la cité céleste. Le Nouveau Testament n'a point aboli les symboles, car de nos jours encore, et jusqu'à la fin des temps, Notre Seigneur Jésus-Christ s'en sert pour nous instruire46 . Les symboles sont donc une voie qui nous achemine vers l'intelligence des divins mystères, voie non seulement légitime, mais nécessaire. Tant que nous pérégrinons sur terre, nous ne pouvons nous passer de symboles. Nous ne pouvons pas nous en passer, mais il nous faut les dépasser. La méthode pour ce faire est la même, qu'il s'agisse de la Sainte Ecriture ou des oeuvres de l'art. Dans ! 'un comme dans l'autre cas il faut aller de la lettre à l'esprit, du sens littéral au sens spirituel 47 • S'arrêter aux images sensibles, autrement dit, croire que les réalités invisibles sont en tout point sell!blables à leurs représentations visibles, c'est s'en tenir à la lettre, c'est être « charnel » comme dit Erigène48 . Ceux qui croient que le jugement dernier, le ciel ou l'enfer ressemblent aux images que nous en ont données les sculpteurs et les peintres, commettent la même erreur que ceux qui lisent la Bible en s'en tenant à son sens littéral49 . En revanche, quiconque fait bon usage des images peut, à travers elles, s'approcher des réalités de 1'au-delà. En se référant à la structure du Temple de 1érusalem on dira que les symboles sont le Saint, tandis que les mystères évoqués par les symboles sont le Saint des Saints 50 . Les symboles introduisent aux divins mystères ; ils remplissent une fonction 39. Pour la notion de symbole Érigène est redevable à Denys l'Aréopagite. Cf« Sources chrétiennes», vol. 180, p. 397-402. 40. Jean Scot, Commentaire sur l'évangile de Jean VI, v, 50-60 (SC 180, Paris, 1972, p. 352-354). 41. Jean Scot, Commentaire sur l'évangile de Jean VI, v, 60-71 (SC 180, p. 354-356). 42. Hxposltzones, Il, 64-123 (CCCM 31, p. 21-23). 43. Exposztiones, Il, 142-151 (CCCM 31, p. 24). Cf. P. DRONKE, « Theologia ueluti quaedam poetria: quelques observations sur la fonction des images poétiques chez Jean Scot», dans Jean Scot Érigène et l'histoire de la philosophie, éd. R. RU(.,!l_jbS, Paris, 1977, p. 243-252 44. Expositiones, I, 412 (CCCM 31, p. 12). Vox sp1ntualis, XXIII, 44 (SC 151, p. 316). 45. « omnia utriusque legis symbola » (Periphyseon IV, 829 C 13). 46. Exposit10nes, VIII, 549-551(CCCM31, p. 133). 47. H.L. KESSLER, «Facies Bibliothecae reuelata. Carolingian Art as Spiritual Seeing >>, dans Testa e Jmmagine, « Settimane di studio del Centra italiano sull'Alto Mcdioevo », 41, Spolète, 1994, p. 533-594. 48. « qui carnaliter diuina accipiunt symbola » (Exposztzones II, 1250 ; CCCM 3 1, p. 54 ). 49. F:xpositiones, II, 163-178 (CCCM 31, p. 24). Periphyseon IV, 841C: V, 973C. 986D-987A. 50. Exposzt1ones, Il, 1119-1122 (CCCM 31, p. 50).
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Planche IV
Charles le Chauve comtemplant l'Adoration de l'Agneau
Planche V
!'Adoration de l'Agneau
Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 14000, f. 6r
DE L'ART COMME MYSTAGOGIE
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mystagogique51 . C'est par des symboles visibles que Moïse au Mont Horeb et les Apôtres sur la montagne de la Transfiguration furent introduits aux mystères diyins52 • C'est par des symboles aussi que Charles le Chauve est introduit aux mystères chrétiens. Erigène le loue d'avoir décoré les églises d'ornements magnifiques. Or, ces ornements sont les symboles de la patrie céleste : Qui sanctus aedes dedicans ornatibus amglis Caelestis patriae symbola sacra uidet.
Ainsi Érigène assigne à l'art une fonction mystagogique. En vérité, on ne saurait lui en assigner de plus haute. Son maître Denys pensait que, pour remplir çette fonction, l'art devait privilégier les représentations « dissemblables '" voire monstrueuses54 . Erigène ne le contredit pas sur ce point. Cependant, toute son oeuvre est traversée par un souffle poétique. En plus d'un endroit on y perçoit une émotion esthétique prête à vibrer devant la beauté des formes, le chatoiement des couleurs55 et l'harmonie des sons. Qu'aurait pensé le Maître carolingien des magnifiques compositions sculpturales de la période gothique? Personne, sans doute, ne peut répondre à cette question. Je serais surpris qu'il les ait condamnées. Il n'aurait pu le faire qu'en se condamnant lui-même, puisqu'il a évoqué en termes poétiques, sinon le jugement dernier, du moins la résurrection universelle. Il décrit celle-ci dans le poème Aulae sidereae, composé, pense-t-on généralement, en l'honneur de Sainte-Marie de Compiègne56 . L'église décrite en ce poème ayant été construite, ou devant être construite sur un glan octogonal, le poème entier est dominé par le thème de l'octave. Le nombre huit, nous dit Erigène, est caractéristique des opérations divines 57 • Il est celui de la fin des temps et de la résurrection universelle5 8 : Alors le genre humain, renaissant de la mère commune59 , échangera le limon de la terre pour revêtir des corps célestes : lourde moisson qui, dans un ordre admirable, couvrira les sillons verdoyants. Ainsi sera vraiment renouvelée la face de la terre60 , et toutes choses seront absorbées dans leurs causes primordiales.
Ce qui est remarquable dans cette description, c'est la combinaison des images poétiques (les sillons verdoyants) et des thèmes philosophiques les plus ardus (le retour des créatures à leurs causes
51. Érigène traduit les mots grecs µucrmycoyia, µucrw.ywyôç tantôt par in mysteria introductio (-tor) tantôt par mysteriorum introductio (-tor) : Maxime le Confesseur, Ambigua ad Iohannem, LXIII, 72 ; CCSG 18, p. 248, (Apparat critique). On trouve aussi sous sa plume : mysteriorum doctrina, mysteriorum scientia. Cf. ID., Op. cit., Ill, 62-63. VI, 1069. XV, 7. LXVII, 23-24 (CCSG 18, p. 23. 80. 130. 255). 52. Periphyseon, Ill, 689D-690A 53. Carmina. Il, iv, 35-36 (MGH, PAC III, p. 534). 54. R. ROQUES, Lzbres sentiers vers l'érigénisme, Rome, 1975, p. 13-43. 55. Periphyseon, IV, 749C. 56. M. FOUSSARD,« Aulae sidereae. Vers de Jean Scot au roi Charles», dans Cahiers Archéologiques, 21 (1971), p. 79-88. Y. CHRISTE, « Sainte-Marie de Compiègne et le temple d'Hézéchiel », dans Jean Scot Érigène et l'histoire de la philosophie, éd. R. ROQUES, Paris, 1977, p. 477-481. 57. Carmzna, IX, 33 (MGH, PAC 111, p. 551). 58. Carmzna IX, 37-44 (MGH, PAC Ill, p. 551). 59. « geous humanum geoerali matre renatum » (Carmina, IX, 40; MGH, PAC Ill, p. 551). Comme l'a bien vu Michel Foussard (article cité, p. 86), cette generalis mater est évidemment la Terre, représeotée sous les traits d'une mère féconde dans les manuscrits carolingiens. Il ne peut s'agir de la Vierge Marie, comme on l'a prétendu : Iohannis Scotti Eriugenae Carmina, éd. M. HERREN, Dublin, 1993, p. 155. Au vers 36 du même poème, les mots signacula Veteris Legis ne désignent pas la passion du Christ (éd. cit., p. 155), mais sa circoncision. Par ailleurs, quelques erreurs se sont glissées dans la transcription du texte latin (empnmté à l'édition de Ludwig Traube) qui accompagne la traduction susdite : on corrigera caelestis (vers 41) en caelestia, et theoremeta (vers 17) en theoremata. Cette dernière erreur se trouve aussi dans la transcription de la pièce de vers qui accompagne la version érigénienne desAmbigua (éd. cit., p. 112, 14): cf. CCSG 18, p. 13. 60. Allusion biblique : Psaume 103, 30. Signalons une autre erreur d'interprétation dans l'édition mentionnée à la note précédente : les mots « reuocabitur actu » (vers 43) ne veulent pas dire« will be recalled from movemeot » (p. 119).
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primordiales). Heureuse rencontre d'un génie philosophique, que personne, ou à peu près, ne conteste, et d'un talent littéraire auquel on n'a peut-être pas rendu jusqu'ici suftisante justice.
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!!influence des traductions érigéniennes sur le vocabulaire philosophique du Moyen Âge: simples remarques
L'élaboration du vocabulaire philosophique au Moyen Âge. Actes du colloque international de Louvain-la-Neuve et Leuven, 12-14 septembre 1998, organisé
par la Société Internationale pour l'Étude de la Philosophie Médiévale, édités par Jacqueline Hamesse et Carlos Steel (Rencontres de Philosophie Médiévale 8), Turnhout (Brepols), 2000,pp. 157-169.
L'INFLUENCE DES TRADUCTIONS ÉRIGÉNIENNES SUR LE VOCABULAIRE PHILOSOPHIQUE DU MOYEN ÂGE : SIMPLES REMARQUES
Que les traductions érigéniennes de Denys l'Aréopagite et de Maxime le Confesseur aient pu influencer le vocabulaire philosophicothéologique du Moyen Âge latin, tout le monde, je pense, est disposé à l'admettre. Quant à jauger cette influence, dire précisément dans quelle mesure et avec quel succès les néologismes créés par Érigène au neuvième siècle pour le besoin de ses traductions sont entrés dans le langage philosophique des siècles suivants, c'est là une entreprise qui demanderait un long examen. Disons tout de suite que je n'ai eu ni le temps ni la force de m'y livrer. Dans ces conditions, il me faut confesser que, ne pouvant traiter à fond le sujet que je m' étais imprudemment proposé, je me limiterai à quelques remarques, que je distribuerai en deux catégories, suivant qu'Érigène, pour ses traductions, a dû recourir à des néologismes ou qu'il s'est contenté d'adapter, en leur insufflant un sens nouveau, des mots latins qui existaient déjà. Commençons par la partie la plus visible de l'iceberg, les néologismes 1.
1 Les éditions utilisées sont les suivantes. Pour Denys l'Aréopagite : éd. B. SucHLA (De diuinis nominibus) et G. HEIL - A.M. RITIER ( Caelestis Hierarchia, Ecclesiastica Hierarchia, Mystica Theologia, Epistulae), in Patristische Texte und Studien, Bd. 33 et 36, mais aussi PG, 3. Pour Maxime le Confesseur : éd. C. LAGA C. STEEL (Quaestiones ad Thalassium ; CCSG, 7 et 22) et É. JEAUNEAU (Ambigua ad Iohannem; CCSG, 18), mais aussi PG, 90 et 91. Pour la traduction érigénienne de Denys on fera appel tantôt au texte continu (édition non critique) de PL, 122, 10291194, tantôt aux extraits contenus dans le Periphyseon. Pour cette dernière œuvre, on a mentionné les colonnes del' édition de Floss (PL, 122), qui permettent au lecteur de se reporter aux nouvelles éditions: CCCM, 161, 162, 163.
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A. LES NÉOLOGISMES
Le vocabulaire philosophique des deux auteurs grecs qui ont influencé le plus profondément Érigène, à savoir Denys l'Aréopagite et Maxime le Confesseur, se distingue par une tendance à forger des néologismes en amalgamant deux termes (ou plus) en une seule entité verbale. Érigène fut bien conscient de la difficulté - voire de l'impossibilité en certains cas - de traduire ces mots composés par un seul mot latin. Rencontrant chez Denys l'adjectif ôuvaµow'>nç et l'adverbe ôuvaµoô(nwç 2 , il reconnaît que l'adjectif, qu'il a traduit par uirtuti similem, pourrait à la rigueur être rendu par le néologisme uirtutiformem. En revanche, il n'a pas cru possible de traduire l'adverbe autrement que par uirtutis datricem3. Parmi les créations les plus remarquables du vocabulaire philosophique néoplatonicien on compte un bon nombre de mots composés, par exemple, ceux qui ont pour préfixes ng6, 'ÔJtÉQ ou aùt6ç, voire simultanément aùt6ç et 'ÔJtÉQ.
1.
Mots ayant :ltQO pour préfixe
Les mots grecs composés ayant pour préfixe ng6 ont généralement été rendus par un seul mot latin, mais le préfixe latin choisi pour traduire le préfixe grec varie : tantôt ante, tantôt prae, tantôt pro. Voici quelques exemples de ces différentes traductions, tous empruntés aux textes grecs cités dans le Periphyseon. Dans les exemples suivants c'est ante qui a été choisi : ngomwv(wç (PG, 3, 817D10) / anteaeternaliter (Ill, 682B10); ngoouvElf...ncpcv (PG, 3, 869B2) / antecoambiuit (V, 925C6) ; ngoucprntnx6ta (PG, 3, 869B 13) / antesubstituta (V, 925D2); ngoucpÉotl]Xf (PG, 3, 820D4) I antesubsistit (Il, 618A) ; ngo6vtoç (PG, 3, 820A2) / anteexistente (III, 682C); ngowv (PG, 3, 820A4) / anteQN
2 Hiérarchie céleste, VIII, 1 (éd. HEIL-RITrER, p. 33, 14-16; PG, 3, 240A6-8). 3 Expositiones in Hierarchiam caelestem, éd. J. BARBET, CCCM, 31, pp. 120, 109 - 121, 116.
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(ID, 682B)4. Ailleurs, c'est le préfixe latin prae qui a eu la préférence du traducteur: JtQOetÀ.îlcpEv (PG, 3, 869B6) I praeambit (V, 925C10); JtQOELÀ.'Y]cpcbç (PG, 3, 869A9) I praeambiens (V, 925 Bl4); JtQOÉXEL (PG, 3, 869B2) I praefert (V, 925C6)5.
Dans l'exemple suivant :rtQ6 est traduit par pro: :rtQOELOL (PG, 3, 820D6) prouenit (Il, 618A13).
2.
Mots ayant 'Ô3tÉQ pour préfixe
Dans les mots ayant 'Ô:rtÉQ pour préfixe il est aisé de reconnaître une origine dionysienne. Qu'on pense à la solennelle prière qui ouvre la Théologie mystique : TQLàç 'Ô:rcEQOUoLE x.a\, 'Ô:ri:ÉQ0EE x.at 'Ô:rtEQ. PL 143, 1289 A. 6. E. de Lépinois-L. Merlet, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, III, Chartres, 1865, p. 225. Cf. R. Merlet-A. Clerval, Un manuscrit chartrain du XI' siècle, Chartres, 1893, p. 18.1.
7. A. Clerval, Les écoles de Chartres au Afoyen Age, Paris, 1895, p. 147.
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LES MAÎTRES CHARTRAINS
et mention d'un homme dont la réputation embaume comme un paifum très suave, je veùx parler de Geoffroi, évêque de Chartres, qui conduisit diligemment à ses propres frais une légation en Aquitaine, et cela pendant plusieurs années. Je parle de ce que j'ai vu. J'étais avec lui en cette province lorsqu'un prêtre lui fit présent d'un poisson nommé vulgairement esturgeon. Le légat s'enquit du prix et dit : «Je n'accepte qu'à une condition : te le payer. » Et malgré les protestations et la confusion de son interlocuteur, il lui donna cinq sous. 8
Plus important pour notre propos, Geoffroi semble avoir protégé et encouragé les études, de nos jours nous dirions la recherche. En 1121, au concile de Soissons, il prit ouvertement et courageusement la défense d'Abélard, sans réussir toutefois à lui épargner la condamnation. Quand il comprit que la cause était perdue, le bon évêque alla trouver Abélard, lui conseillant de ne point se révolter, mais d'attendre que la tempête passe: «C'est ainsi, dit Abélard, que pleurant lui-même avec moi, il s'efforça de me consoler. » 9 Toutefois, saint Bernard n'aimait guère Abélard. Geoffroi continua-t-il jusqu'au bout d'accorder son appui au maître parisien, frère par l'esprit des maîtres chartrains? C'est bien possible, mais on ne saurait l'affirmer. Quoi qu'il en soit, on peut conclure avec Clerval que « sans avoir beaucoup écrit, sans avoir enseigné lui-même », Geoffroi de Lèves maintint « aux écoles l'élan que saint Ive leur avait imprimé. Son épiscopat est assurément la plus belle époque des écoles de Chartres, la plus féconde en écrits, la plus riche en écolâtres fameux pendant le XII' siècle» 10 • Le temps est venu d'en fournir les preuves. Nous ne pourrons faire, bien sûr, qu'un rapide survol. 11 Voici comment je voudrais procéder : - Présenter brièvement les maîtres chartrains les plus éminents. - Décrire sommairement le programme des études. - Tenter de dire en quoi consiste !' « esprit chartrain ».
Présentation des maîtres chartrains Nous nous limiterons aux trois chanceliers qui illustrèrent !'Ecole de Chartres en la première moitié du XII' siècle : Bernard de Chartres, Gilbert de la Porrée et Thierry de Chartres 12 • Comme vous le savez, le chancelier du chapitre cathédrale avait dans ses attributions la charge des écoles. Aux trois noms que je viens de citer je joindrai celui d'un maître remarquable qui - telle est du moins l'opinion assez 8. Bernard de Clairvaux, De consùkralione, IV, V, 14; PL 182, 783 AB. 9. Abélard, Historia calamitatum, 866-867; éd.J. Monfrin, Paris, 1959, p. 87. 10. A. Clerval, Les Ecoles de Chartres au M'!)len Age, p. 155. 11. Je n'entrerai pas ici dans la controverse soulevée par Sir Richard Southern: Medieval Humanism and other studies, Oxford, 1970, p. 61-85. Cf. P. Dronke, « New Approaches to the School of Chartres » dans Anuario de Estudios Medievales 6 (1969), p. 117-140. R. Giacone, « Masters, Books and Library at Chartres according to the Cartularies of Notre-Dame and Saint-Père», dans Vivarium, 12 (1974), pp. 30-5!. N. Haring, «Chartres and Paris revisited »,dans Essoys in honour ef Anton Chari.es Pegis, Toronto, 1974, p. 268-329. R. Southern, «The Schools of Paris and the School of Chartres», dans Renaissance and Renewal in the Twe!fth Century, éd. R. L. Benson et G. Constable, Cambridge MA, 1982, p. 113-137. 12. P. Dronke, A History ef Twe!fth-Century Western Philosophy, Cambridge, 1988, p. 308-385. Dict.Wnnaire des LCttresftantaises. I.e M'!J'en Age, éd. G. Hasenohr et M. Zink, Paris, 1992, p. 150-151, 255-257, 307-308, 535-536, 610-612, 848-850, 1426-1428.
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couramment admise - après avoir suivi les leçons du chancelier Bernard, enseigna lui-même à Chartres, à savoir Guillaume de Conches. Bernard est l'ancêtre des maîtres qui ont fait la gloire de l'Ecole de Chartres. Sa carrière d'enseignant commence vers l l l 4, à la fin de l'épiscopat de saint Ive de Chartres. Il devient chancelier vers l l 19 et meurt le 2 juin 1124. Il était seulement sous-diacre. Bernard de Chartres est surtout connu comme étant l'auteur d'une comparaison fameuse, celle des nains assis à califourchon sur les épaules des géants. Voici commentjean de Salisbury a formulé cette comparaison, par laquelle le maître chartrain définissait la position des Modernes par rapport aux Anciens : Bernard de Chartres disait que nous (les Modernes) sommes comme des nains juchés sur les épaules de géants (ks Anciens), de telle sorte que nous puissions voir plus de choses et de plus éloignées que n'en voyaient ces derniers. Et cela, non point parce que notre vue serait puissante ou notre taille avantageuse, mais parce que nous sommes portés et exhaussés par la haute stature des géants 13 •
La comparaison des nains et des géants a rencontré un grand succès tant auprès des littéraires qu'auprès des scientifiques 14• Mais, jusqu'à preuve du contraire, c'est à Chartres, et plus précisément dans l'école du chancelier Bernard, qu'elle a vu le jour. Un des plus brillants élèves de Bernard de Chartres fut Guillaume de Conches. Bien qu'aucune date précise ne puisse être avancée avec certitude, on a de bonnes raisons de penser que Guillaume commença à enseigner aux environs de 1120 et acheva sa carrière vers ~ 154 15 . Dans ses gloses sur Priscien, Guillaume fait allusion au « chœur de Notre-Dame », ce qui semble indiquer qu'il enseigne près d'une église consacrée à la Vierge. Mais s'agit-il de Notre-Dame de Chartres ou de Notre-Dame de Paris ? La balance semble pencher en faveur de Chartres 16 • Dans le même ouvrage, en effet, Guillaume donne la ville de Chartres comme exemple de nom de lieu 17, et il compare la prononciation chartraine et la prononciation normande de certains mots latins 18• En résumé, Guillaume de Conches a enseigné dans une école située près d'une église consacrée à la Vierge. Cette église est probablement Notre-Dame de Chartres. Après un temps passé dans cette école, Guillaume se brouilla avec l'évêque du lieu. On perçoit un écho de cette brouille dans les plaintes qu'il formule au début du Dragmaticon contre les prélats de son temps. Analysant les causes de la détérioration de l'enseignement - thème éternel! Guillaume met en cause les évêques. La critique s'adresse aux évêques en général. Mais le ton d'amertume et d'amour-propre blessé sur lequel elle est formulée laisse entendre que l'auteur a fait personnellement l'expérience de la situation qu'il décrit: 13. Jean de Salisbury, Metawgi,con, III, 4; éd. Webb, p. 136, 23-27. 14. R. K. Merton, On the Shoulders ef Giants, New York, 1965. E. Jeauneau, «Nains et géants», dans Entretiens sur la Renaissance du XII' sièck, éd. M. de Gandillac, Paris, 1968, p. 21-38; « Nani gigantium humeris insidentes. Essai d'interprétation de Bernard de Chartres», dans Vivarium, 5 (1967), p. 79-99, reproduit dans Lecho phiwsophorum, Amsterdam, 1973, p. 53-73. 15. Le livre de base pour une étude de la pensée de Guillaume de Conches est le suivant: T. Gregory, Anima mundi. La filosefia di Guglielmo di Conches e la scuola di Chartres, F1orence, 1955. 16. O. Weijers, «The Chronology of John of Salsibury's Studies in France (Metalogi,con, II.JO)», dans The World qf]ohn ef Salisbury, éd. M. Wilks, Oxford, 1984, p. 109-116. 17. E. Jeauneau, Leclio philosophorum, 1973, p. 355. 18. K. M. Fredborg, « Sorne Notes on the Grammar of William of Conches », dans Universit,é de Copenhague. Cahiers de /'institut du Moyen Age grec et latin, 37, Copenhague, 1981, p. 23-24 (p. 21-41).
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La plupart de nos prélats recherchent dans le monde entier des tailleurs ou des cuisiniers habiles à composer poivrades et autres mets pour exciter la gourmandise. Dès qu'ils les ont trouvés, ils ne reculent devant aucun prix pour se les attacher. Quant aux philosophes 19 , ils les fuient comme des lépreux. Mais pour déguiser leur propre vilenie, ils les accusent d'orgueil, de médisance ou de tout autre crime. 20
Tout se passe comme si Guillaume, après avoir enseigné dans une école épiscopale, avait dû la quitter, déçu par un évêque qui n'avait pas su reconnaître ses mérites. Il est vrai qu'on a peine à croire que l'évêque de Chartres, ce Geoffroi de Lèves dont saint Bernard vantait la rigueur et l'intégrité, ait pu méritet les critiques formulées par le philosophe de Conches. Quoi qu'il en soit, ce dernier se vit contraint d'aller chercher refuge ailleurs. Or ce refuge, il le trouva non point dans une autre école épiscopale, mais dans une cour princière, celle de Geoffroi le Bel (ou Plantagenêt), comte d'Anjou et duc de Normandie. Geoffroi le Bel, né en 1113 de Foulques V, comte d'Anjou et roi de Jérusalem, épousa en 1127 Mathilde, fille de Henri le' d'Angleterre et veuve sans enfants de Henri V empereur d'Occident. Il mourut en 1151, âgé de trente-huit ans, dans son château du Loir. Auprès du fondateur de la dynastie Plantagenêt, Guillaume a trouvé le havre favorable qui le console de ses espoirs déçus. Geoffroi, nous dit la Chronique des comtes d'Anjou, était très lettré, parfaitement à l'aise pour discuter tant avec les clercs qu'avec les laïcs 21 . Son épouse, l'impératrice Mathilde, semble avoir, elle aussi, protégé et encouragé les gens de lettres qui, tels Hugues de F1eury 22 et Clarembaud d'Arras 23 , lui faisaient volontiers hommage de leurs écrits. Les maîtres chartrains trouvèrent donc appui non seulement auprès des évêques, mais encore auprès de seigneurs laïcs et de nobles Dames telles que la comtesse Adèle et l'impératrice Mathilde. Jean de Salisbury, qui fut l'élève de Guillaume de Conches, dit que son maître était « grammairien » (grammaticus), et même le meilleur « grammairien » depuis Bernard de Chartres 24 • Guillaume lui-même se dit physicus, terme qui s'applique alors aussi bien au médecin qu'au physicien. Guillaume fut l'un et l'autre : dans ses œuvres, les considérations de science naturelle (cosmologie, anatomie et physiologie) se mêlent aux préoccupations grammaticales. Revenons aux chanceliers du chapitre cathédral. Après Bernard, le poste fut occupé par Gilbert de la Porrée. Né vers 1075, Gilbert fit ses premières études à Poitiers, fréquenta par la suite les écoles de Chartres, où il suivit les leçons de maître Bernard, puis celles de Laon, où ses maîtres furent Anselme et Raoul 25 . Anselme et Raoul de Laon, deux frères particulièrement appliqués aux sciences bibliques, ont joué un rôle important dans l'élaboration de ce commentaire continu des Saintes 19. 20. 21. 22. 23.
Littéralement: «ceux qui s'appliquent à la sagesse» (studentes sapientiae). Guillaume de Conches, Dragmaticon, V., éd. G. Gratarolo, p. 157. L. Halphen-R. Poupardin, Chroniques des comtes d'Arifou et des seigneurs d'Amboise, Paris, 1913, p. 71. PL 163, 873 A. N. M. Haring, Life and Workr efC/arembald
ef Arras,
Toronto, 1965, p. 20, n. 90.
24. Jean de Salisbury, Metalogi.con, I, 5 ; éd. Webb, p. 16-17. Le grammaticus est beaucoup plus qu'un « grammairien » dans le sens courant de ce terme. Il correspond plutôt à ce que nous appelons de nos
jours un philologue. 25. Othon de Freising, Gesta Friderici I imperatoris, I, 52; 3' édition G. Waitz, Hanovre et Leipzig, 1912, p. 74.
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Ecritures que l'on cite couramment sous le nom de Glossa Ordinaria 26 • Clerval suppose que de Laon Gilbert revint à Poitiers, où il aurait pu enseigner quelque temps. On le trouve à Chartres en 1124, parmi les chanoines de la cathédrale. Après la mort de son maître Bernard, il lui succède comme chancelier, et exerce cette charge de 1126 à 1140. En 1141, il figure parmi les maîtres parisiens. En 1142 il est élu évêque de Poitiers 27 • Là il est bientôt dénoncé au pape par deux de ses archidiacres, Arnaud et Calon 28 , comme professant des idées erronées sur la Trinité. Gilbert doit se défendre au concile de Reims (1148), et faire front à un procureur redoutable : saint Bernard. En dépit de ce dernier, il réussit à éviter la condamnation. Il meurt à Poitiers en 1154. Ses œuvres authentiques sont des commentaires sur les Psaumes, sur les Epîtres de saint Paul, sur les Traités théologiques de Boèce 29 • Le successeur de Gilbert comme chancelier du chapitre cathédral fut Thierry de Chartres. Il occupa cette charge de 1142 à 1150 environ, et la cumula un certain temps avec celle d'archidiacre de Dreux. Il semble avoir terminé sa vie dans un monastère 30. A sa mort, cependant, c'est au chapitre de la cathédrale que «maître Thierry, chancelier et archidiacre de Notre-Dame» légua une «Bible des sept Arts libéraux (il s'agit de l'Hepwteuque dont nous parlerons dans un instant) ainsi que des livres de Droit romain (les Institutes, les NoveUes et le Digeste de Justinien), et, en plus de cela, quarante-cinq volumes » 31 • Qu'il ait été chancelier de la cathédrale de Chartres est prouvé par les chartes où son nom et son titre apparaissent. Qu'il ait été un maître fameux, ses disciples l'attestent. Clarembaud d'Arras voit en lui le plus important philosophe de toute l'Europe 32 • Le poète tourangeau Bernard Silvestre inscrit son nom au seuil de sa Cosmographia : «Au très fameux docteur Thierry, Bernard Silvestre dédie son œuvre. » 33 Et pour qu'on ne se trompe pas sur le destinataire, l'un des manuscrits de la Cosmographia précise qu'il s'agit« du très grand lettré et ami des philosophes, maître Thierry, chancelier et archidiacre de l'Eglise de Chartres » 34 . L'épitaphe découverte et publiée par André Vernet atteste à la fois la réputation de savoir de Thierry et les hautes fonctions occupées par lui à Chartres : «Tel est celui que Chartres eut comme docteur, comme protolévite (archidiacre) et comme logothète (chancelier) ; difficilement elle retrouvera le pareil. » 35
26. B. Smalley, The Study efthe Bible in the Middle Ages, Notre-Dame, 1964, p. 60-62. 27. A. Clerval, Les Ecoles de Chartres ... p. 163-165. 28. S. Gammersbach, Gi,[bert von Poitiers und seine Prozesse im Urteil der ,()itgenossen, Cologne, 1959. 29. Les commentaires bibliques sont inédits. Pour les commentaires des Opuscula sacra nous possédons une bonne édition : N. M. Haring, ~ Commentaries on Boethius by Gilbert ef Poitiers, Toronto, 1966. 30. A. Vernet, «Une épitaphe inédite de Thierry de Chartres'" dans Recueil de travaux effert à M. Cùivis Brunel, 2 (Paris, 1955), p. 660-670; reproduit dans A. Vernet, Etudes médiévales, Paris, 1981, p. 160-170. 31. E. de Lépinois-L. Merlet, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, III, p. 206. 32. «Magister Theodoricus, meus doctor ... totius Europae philosophorum praecipuus » (N. M. Haring, Life and Works ef Claremba/,d ef Arras, Toronto, 1965, p. 225-226. 33. Bernard Silvestre, Cosmographia, éd. P. Dronke, Leyde, 1978, p. 96. 34. Londres, Brit. Libr., Royal 15 A. XXXII, fol. 3. Le texte est cité par A. Vernet, « Une épitaphe inédite ... », p. 663, n. 2, réédition p. 163. 35. A. Vernet, «Une épitaphe inédite ... », p. 670; réédition p. 170.
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Le programme des études Disons, pour simplifier, que le programme des études au Moyen Age comprend deux grandes sections : la science des choses humaines (studia humanitatis) et la science des choses divines (studia diuinitatis). A Chartres on a pratiqué l'une et l'autre. La science des choses humaines est véhiculée par les sept arts libéraux. Les Arts libéraux eux-mêmes sont répartis en deux sections : le trivium, qui traite du langage, et le quadrivium, qui traite des réalités. Les trois disciplines qui composent le trivium sont la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Les quatre disciplines qui composent le quadrivium sont l'arithmétique, la musique, la géométrie et l'astronomie. A Chartres, en d'autres centres aussi évidemment, on insiste sur la nécessaire complémentarité du trivium et du quadriuium. La formation du clerc conjugue harmonieusement la science des mots et la science des choses. C'est le vieil idéal cicéronien que traduisait Martianus Capella, un auteur africain du IV' siècle de notre ère, dans un ouvrage qui, de la renaissance carolingienne à celle du XII' voire au-delà, fut le manuel classique pour l'étude des arts libéraux, les Noces de lvlercure et de Philologie. Mercure est le dieu de l'éloquence, Philologie (Amour de la raison) est la nymphe de la sagesse. De l'union du dieu de l'éloquence et de la nymphe de la sagesse naît l'homme cultivé. Tel était l'idéal des maîtres chartrains, que Thierry exprime parfaitement dans le prologue de son Heptateuque: «Nous avons conjoint comme par une alliance matrimoniale t?iuium el quadtivium pour l'accroissement de la noble nation des philosophes. » % .J'ai parlé de l' Heptateuque. C'est là un de ces titres grecs que, par une espèce de coquetterie, les hommes du Moyen Age aimaient donner parfois à leurs écrits : qu'on pense au lvlonologion et au Proslogion de saint Anselme, au ivietalogicon de Jean de Salisbury, etc. En réalité, « Heptateuque » est formé sur le modèle de « Pentateuque», nom que les Grecs ont donné aux cinq livres de la Thora. Remplaçons pente (cinq) par hepta (sept), et nous aurons l'Heptateuque, ou, pour l'appeler par le nom que lui donne le nécrologe du chapitre, la «Bible des sept arts libéraux». En fait, le terme était connu des biblistes, qui désignaient ainsi les sept premiers livres de l'Ancien Testament (le Pentateuque, plus Josué et les Juges) 37 • Un tel rapprochement entre la culture profane et le livre sacré faisait rejaillir sur la première une part du lustre qui était attaché au second. L' Heptateuque de Thierry est un énorme recueil en deux volumes (manuscrits 497 et 498 de la Bibliothèque municipale de Chartres) totalisant plus de 1100 pages, et rassemblant les textes fondamentaux utilisés pour l'enseignement des disciplines libérales. Disons en peu de mots quels étaient ces textes. Pour la grammaire : Donat et Priscien. Pour la rhétorique : Cicéron et le livre V de Martianus Capella. Pour la dialectique : les traductions boétiennes des œuvres logiques de Porphyre et d'Aristote. Pour l'arithmétique : le De arithmetica de Boèce et le livre VII de Martianus Capella. Pour la musique : le De musica de Boèce. La géométrie est représentée par les Eléments d'Euclide théorèmes seuls, les démonstrations manquent - dans la version latine d'Adélard de Bath, faite sur l'arabe, avec des interpolations empruntées à une vieille traduction 36. E. Jeauneau, Lectio philosophorum, p. 38. 37. C. H. Haskins, Studies in the History efMedUieval Science, New York, 1960, p. 375.
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faite sur le grec. Les textes utilisés pour l'astronomie sont le Poeticon astronornicon d'Hygin, les Canons (Praecepturn Canonis) de Ptolémée et les Tables astronomiques (le Zi;) d'al-Khwârizmî, traduites par Adélard de Bath 38 • Cardons-nous de penser que l'Heptateuque contient la liste complète des ceuvres qui étaient utilisés à Chartres pour l'enseignement des sciences humaines. On n'y trouve aucun des textes philosophiques que commentaient les maîtres chartrains : le Timée de Platon, le Commentaire du Songe de Scipion de Macrobe, la Consolation de Philosophu de Boèce. On n'y trouve point les poètes, dont Jean de Salisbury nous dit qu'ils sont le berceau de la philosophie 39 . On n'y trouve point les traités médicaux dont nous savons, par d'autres manuscrits chartrains, qu'ils étaient connus à Chartres. Gardons-nous aussi de penser que les arts libéraux reflètent le programme scolaire réel et qu'il fallait gravir, l'un après l'autre, ces sept degrés comme on gravit une échelle. Le haut Moyen Age en général et !'Ecole de Chartres en particulier sont restés fidèles à la tradition des sept arts libéraux qui leur avait été léguée par les écoles romaines de l' Antiquité tardive. Mais ils ont su dépasser ce cadre relativement étroit pour s'ouvrir à d'autres disciplines. Guillaume de Conches, par exemple, propose une division de la philosophie en deux branches. L'une est la philosophie pratique ou philosophie morale avec ses trois ramifications : t'-thique individuelle, domestique, civique. L'autre branche est la philosophie théorique, comprenant trois ramifications : la Théologie, la :vlathématique (ou quadriviurn) et la Physique. Dans un remaniement de la Philosophia - il n'est pas certain que Guillaume de Conches soit l'auteur de ce remaniement - une place est faite, à côté des arts libéraux, aux arts mécaniques. De même qu'il y a sept arts libéraux, il y a sept espèces d'arts mécaniques. Comme les arts libéraux encore, ces arts mécaniques se répartissent en trivium (tissage, armement, navigation) et quadrivium (agriculture, chasse, médecine et théâtre) 40 • Au sommet du savoir se trouve la science des choses divines, cette science que l'on appellera bientôt «théologie», mais qu'en la première moitié du XII' siècle on appelle plus couramment divina pagina, sacra pagina, caelestis pagina. lei, comme dans les arts libéraux, l'enseignement est à base de lecture commentée. Mais ici, l'auteur est Dieu lui-même, inspirateur du texte sacré. On lit donc la Bible avec ferveur et on la commente. Gilbert de la Porrée, ainsi qu'on l'a dit, composa un commentaire sur les Psaumes et un autre sur les Epîtres de saint Paul. Au même moment, en d'autres centres d'études, on élabore d'autres techniques pour l'étude de la théologie. Ce sont les recueils de Sentences, comme on en compose à Laon et à Saint-Victor. Les Sentences de Pierre Lombard en sont l'exemple le plus fameux. De son côté, Abélard crée un nouveau type d'enseignement théologique : le traité systémalique où la méthode dialectique est mise au service du dogme 41 • Il ne semble pas qu'à Chartres on ait créé rien de tel. On y pratique la lecture commentée. JVfais on ne 38. C. Burnett, «The Contents and Affiliation of the Scicntific Manuscripts \Vrittcn at or Brought to Chartres in the Time of John of Salisbury», dans The World of John of Salùbwy, éd. M. Wilks, Oxford, 1984, 127-160. R. Mercier, « Astronomical Tables in the Twelfth Century », dans Adelard of Bath. An an Arabis! of the Ear91 Tweljih Century, Londres, 1987, p. 87-115. 39. Jean de Salisbury, Metalogicon, !, 22, éd. Webb, p. '12, 1O. 40. C. Ottaviano, Un bumo inediw della 'Philosophia' di Guglielmo di Conches, Naples, 1935, p. 32-35. 41. G. Paré, A. Brunet, P. Tremblay) Ltz renaissance du XII' siècle. Les écoles et Femeignement. Paris-Ottawa, 1933, p. 240-312.
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se limite pas à la Bible. Gilbert de la Porrée et Thierry de Chartres commentent aussi les Opuscules théologiques de Boèce, et cette lecture leur permet d'émettre des opinions nouvelles, parfois hardies. Naturellement, l'œuvre encyclopédique de Guillaume de Conches, la Philosophia, contient, au début, une section théologique très sommaire, suffisante cependant pour attirer des ennuis à son auteur.
L'esprit des maîtres chartrains Il est difficile, ou plutôt impossible, de condenser en une ou plusieurs formules l'enseignement de !'Ecole de Chartres. Chacun des maîtres dont nous venons d'énumérer les noms, avait sa personnalité propre, et par conséquent, sa manière personnelle de voir le monde, sa manière originale d'enseigner. On croit même pressentir entre eux - par exemple entre Thierry de Chartres et son prédécesseur des divergences, voire des tensions. Le contraire nous étonnerait. Ces réserves faites, on peut essayer de définir quelques lignes directrices, quelques traits caractéristiques de leur méthode et de leur esprit. Pour simplifier, je distinguerai quatre aspects : La méthode d'enseignement pratiquée par les maîtres chartrains était la lecture commentée. Les Chartrains étaient des maîtres exigeants. Tout en reconnaissant le primat de la science sacrée, les maîtres chartrains étaient soucieux de garantir l'autonomie de la raison. Les maîtres chartrains firent preuve d'audace et de curiosité intellectuelles.
Ln méthode d'enseignement: lecture commentée des nuteurs La méthode d'enseignement pratiquée par Bernard de Chartres a été décrite par Jean de Salisbury, qui fut élève à Chartres avant d'y revenir comme évêque de 1176 à 1180. Bien que Jean n'ait pas suivi les leçons de maître Bernard, il a été formé par des maîtres qui les avaient suivies et qui enseignaient eux-mêmes selon la méthode de ce maître fameux. Nous pouvons lui faire confiance. Entrons donc avec lui dans la salle de classe où Bernard enseignait : Il est certain que, en fonction de la capacité de l'élève, en fonction aussi du zèle et de la diligence du maîtff la lecture des auteurs porte ses fruits. Telle est la méthode que suivait Bernard de Chartres, ce puits de science, l'homme le plus lettré qui füt dans les temps modernes. Quand il lisait et commentait les auteurs, il montrait ce qui était simple et conforme à la règle ... li mettait en évidence le rapport du passage étudié avec les autres disciplines. Il prenait garde, cependant, de ne pas enseigner tout à propos de tout, mais considérant la capacité de ses auditeurs, il leur dispensait en temps opportun la mesure de savoir qu'ils pouvaient porter 42 ... Et parce que l'exercice fortifie la mémoire et aiguise l'intelligence, il pressait les uns par des exhortations, les autres par des châtiments, d'imiter ce qu'ils entendaient. Chaque élève
42. Réminiscence biblique: Luc 12, 42.
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était obligé de rendre compte le lendemain d'une partie de ce qu'il avait appris la veille, qui plus, qui moins ; pour eux chaque jour était le disciple du jour précédent. L'exercice du soir, qui s'appelait « déclinaison », était rempli d'une telle abondance de «grammaire», qu'en le suivant pendant une année entière, on pouvait, si l'on n'était pas trop stupide, y acquérir la dextérité dans l'art de parler et d'écrire, et connaître la signification de tous les mots communément employés. Et comme il n'est pas convenable que la religion soit absente de l'école ne füt-ce qu'un seul jour, il proposait un sujet propre à édifier la foi et les mœurs, et qui, telle une conférence spirituelle 43 , pût encourager les auditeurs au bien. La dernière partie de cette « déclinaison », ou plutôt de cette conférence philosophique, portait l'empreinte de la piété. Bernard recommandait les âmes des défunts par une pieuse offrande à son Rédempteur, la récitation du sixième psaume de la pénitence 44 et de !'Oraison dominicale. 45
Voilà un beau programme. Et qui ne manque pas d'actualité. Certains des principes pédagogiques de Bernard restent valables pour notre temps : ne point enseigner tout à propos de tout, mesurer l'enseignement à la capacité des élèves, exiger un effort soutenu, récompenser et punir. Et que dire de cette admirable formule : chaque jour était le disciple du jour précédent ? 46
Les maîtres chartrains étaient exigeants Les maîtres chartrains étaient exigeants. Ils ne cherchaient point le nombre, mais la qualité. Gilbert de la Porrée n'hésitait pas à décourager ceux qu'il estimait impropres aux études. Voici ce que nous rapporte encore Jean de Salisbury: Maître Gilbert, qui était alors chancelier de Chartres et qui devint par la suite vénérable évêque de Poitiers - je ne sais s'il plaisantait ou déplorait la folie de son temps - avait coutume, quand il voyait des gens se précipiter vers les études dont j'ai parlé, de leur conseiller l'art de boulange. Dans son pays, disait-il, c'était le seul qui acceptât couramment ceux qui étaient dépourvus de travail ou de métier. Car cet art s'apprend très facilement, et il est le soutien des autres, surtout pour ceux qui s'intéressent plus au profit qu'au métier. 47
Faites-vous plutôt boulangers! Le mot n'est pas gentil pour ces valeureux artisans, qui passent blanche une partie de la nuit, afin de nous procurer, chaque matin, du pain frais et des croissants. Gilbert avait la dent dure. Sa remarque évoque naturellement le trait acéré de Boileau : Soiez plûtost Mâçon, si c'est vostre talent, Ouvrier estimé dans un art necessaire, Qu'Ecrivain du commun et Poëte vulgaire. 48
Pour contraindre les élèves paresseux ou négligents, voire simplement étourdis, Gilbert n'hésitait pas à recourir aux châtiments corporels. En voici un exemple : 43. «Quasi collatione quadam » (Metalogi.con, I, 24; éd. Webb, p. 56, 5). Allusion probable à la collatio monastique, ainsi nommée parce que à l'origine on y lisait les CollatWnes de Cassien. 44. Il s'agit du De prefùndis (Psaume 129, selon la Vulgate). 45. Jean de Salisbury, Metalogicon, I, 24; éd. Webb, p. 55,9-p. 56,10. J'ai utilisé en la modifiant ici ou là la traduction proposée par A Clerval, Les Ecoles de Chartres au Moyen Age, p. 225-226. 46. Il s'agit d'un proverbe de Publilius Syrus qui, au XII'' siècle, était attribué à Sénèque : Jean de Salisbury, Meta/,ogi.con, III, 6; éd. Webb, p. 143, 11-13.
47. Jean de Salisbury, Metalogicon, I, 5; éd. Webb, p. 16. 48. Boileau, Art poétique, Chant IV, 26-32.
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Un jour maître Garnier, maître Aubri et beaucoup d'autres étant entrés dans la classe de maître Gilbert de la Porrée, maître Garnier dit au maître : Magister Gilleberte Porreta, mponde. Le professeur s'en indigna: «Garçon, ne sais-tu pas que les adjectifs doivent se mettre avant les substantifs ? Tu aurais donc dû dire : Porreta Gilleberte. Puisque tu as mal parlé, tu le paieras. » et il le fit fouetter copieusement. 49
Jean Villette a eu raison de faire allusion à cette anecdote pour commenter une des sculptures qui, à la baie de droite du Portail royal de Chartres, représentent les Arts libéraux, à savoir celle de la grammaire. C'est bien là la matrone au visage et à la mise austères dont parle Thierry de Chartres dans le prologue de son Heptateuque 50 • De la main droite elle brandit un faisceau de verges, dont elle s'apprête à frapper l'un des deux disciples assis à ses pieds 51 •
Primat de la science sacrée et autonomie de la raison Les maîtres chartrains reconnaissent à la fois le primat de la science sacrée et l'autonomie de la raison. La science sacrée est le couronnement de tout l'édifice du savoir. Cc qui veut dire qu'avant d'y accéder, il faut avoir parcouru le cycle des sciences humaines. Voici comment Guillaume de Conches décrit le cours normal des études: Il nous faut commencer par la Grammaire, passer ensuite à la Dialectique, puis à la Rhétorique. Ainsi formés et, pour ainsi dire, armés, nous devons aborder la philosophie. L'ordre à y observer est le suivant: d'abord le quadrivium (arithmétique, musique, géométrie, astronomie), ensuite la science sacrée, car c'est par la connaissance des créatures que !'on accède à la connaissance du Créateur. 52
Jean de Salisbury nous atteste que telle était aussi l'opinion de Gilbert de la Porrée: En chaque discipline Gilbert avait recours, dans la mesure où le sujet traité le réclamait, à l'aide de toutes les autres, conscient qu'il était qu'une chose ne subsiste que par le concours mutuel de toutes les autres. Il estimait que toutes les sciences sont liées entre elles ; il les mettait au service de la théologie. 53
On voit qu'en ce temps-là la théologie faisait partie de la philosophie : point de divorce donc entre science profane et science sacrée. Cette manière de voir est parfaitement illustrée par la baie de droite du Portail royal. Au tympan la Vierge .'vfarie présente son Fils, Sagesse éternelle faite chair. Dans les voussures les Arts libéraux composent pour !'Enfant et sa Mère une auréole de gloire, ou plutôt, Marie, Trône de la Sagesse 54 , préside à ce que Thierry de Chartres appelle le 49. R. W. Hunt, « Studies in Priscian in the Twelfth Century, II : The School of Ralph of Beauvais », dans Medùuval and Renaissance Studies, 2 (1950), p. 42. 50. « Matrona uultuque habituque seuero » (éd. E. Jeauneau «Note sur l'Ecole de Chartres» dans Studi Medievali, 3' série, 5 (1964), p. 34; reproduit dans Lectio philosophornm, Amsterdam, 1973, p. 38). 1
51.
J.
Villette, Le Guide de Chartres, Lyon, 1988, p. 101.
52. Guillaume de Conches, Philosophia, IV, 41; PL 172, lOOD; éd. Gregor Maurach, Pretoria, 1980, p. 115-116. 53. Jean de Salisbury, Historia Pontificalis, 12, éd. M. Chibnall, Oxford, 1956, p. 27.
54. A. Katzcncllcnbogen, The Sculptural Program> of Chartres Cathedra!, ch. II, 3, Norton Library, 1964, p. l!i.
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«synode des Arts libéraux». 55 En cela les maîtres chartrains étaient fidèles à ce qui avait été l'idéal d' Alcuin et de la Renaissance carolingienne : l'étude des Arts libéraux est indispensable pour former non seulement l'homme cultivé, mais aussi le théologien. Colonnes du temple de la Sagesse 56 , Filles de la Sagesse 57 , les sept disciplines libérales étaient encore comparées à des ruisseaux confluant vers le même fleuve, celui de la contemplation théologique 58 . Mais l'harmonie n'est point seulement entre science des choses humaines et science des choses divines. Elle règne aussi entre les diflerentes branches du savoir humain, en particulier entre le triviurn (science des mots) et le quadriviurn (science des choses). Point d'opposition donc, en principe du moins, entre les littéraires et les scientifiques. Sur cc point, Gilbert de la Porrée était l'héritier d'une tradition antique dont il trouvait l'écho chez Cicéron. 59 En même temps qu'ils professaient le primat de la science sacrée, les maîtres chartrains revendiquaient l'autonomie de la raison, en particulier dans le domaine des sciences physiques. C'est ce que dit Guillaume de Conches : Dans les questions relatives à la foi catholique et à la morale, il n'est pas permis de contredire Bède ni aucun autre des saints Pères ... Mais si, en matière de philosophie, ils commettent quelque erreur, il esl permis de soutenir une opinion différente. Car, s'ils sont plus grands que nous, c'étaient néanmoins des hommes. 60
Guillaume de Conches s'efforce d'expliquer le monde en physicien. De même Thierry expose le récit biblique de la création en physicien. Méfions-nous des anachronismes: il ne s'agit pas d'une révolte de la raison contre la foi. C'est au nom de la foi elle-même que les Chartrains revendiquent l'autonomie de la raison. Guillaume de Conches, en effet, pense que ce n'est point honorer le Créateur que de le faire intervenir directement à tout moment. Il est trop facile de déclarer que les choses sont ainsi, parce que Dieu a voulu qu'elles fussent ainsi. Attitude paresseuse qui ne fait en rien honneur au Créateur : comment une telle démission de la raison pourrait-elle être agréable à Celui qui nous a donné la raison ? Aussi bien, après avoir exposé la création du monde, celle des animaux et de l'homme, par les lois de la physique - celle qui était à sa portée, bien sûr, et qui est différente de la nôtre - il soulève une objection, qu'il résout aussitôt : On dira que c'est porter atteinte à la puissance divine que de dire que l'homme a été fait ainsi. A quoi je réponds : Au contraire, c'est la magnifier, puisque nous lui attribuons à la fois d'avoir donné une telle nature aux choses, et grâce à l'opération de cette nature, d'avoir créé ainsi le corps humain. 61
55. Thierry , cit. p. 128-130 et 139-140. 69. E. Jeauneau, «Jean de Salisbury et la lecture des philosophes», dans Revue des études augustiniennes, 29 (1983), p. 162-173. 70. Platon, Phèdre, 27 5 e.
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ments avec plus d'abondance et de clarté. Vous l'eussiez voulu toujours agité (par des questions) afin que le feu de son esprit vigoureux tout à la fois vous éclaire et vous embrase. 71
Quel plus bel éloge pourrait-on faire d'un professeur ? Gageons qu'à Chartres, en la première moitié du XII' siècle, Gilbert ne fut pas le seul à le mériter.
71. Jean de Salisbury, Historia Pontificalis, 12, éd. M. Chibnall, p. 27.
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Les Sirènes dans le chœur des Vieillards
Religjon, Text, and Society in Medieval Spain and Northern Europe: Essays in Ho-
nor off N Hillgarth. Edited by Thomas E. Burman, Mark D. Meyerson, and Lea Shopkow, Toronto (PIMS), 2002, pp. 319-334.
Les sirènes dans le choeur des vieillards The Majestas Domini above the central door of the Royal Portal at Chartres offers a vision from the Apocalypse, complete with twenty-four eiders bearing twelfth-century musical instruments. The outermost eiders on either sicle have mythical beings crouched at their feet, on one sicle, a siren in the form of a bird with a woman's head and a winged monster, and on the other, a siren and a bearded, hooded, and winged figure with claws, perhaps also a siren. In antiquity and the middle ages, sirens were often emblems of allurement leading to destruction. However, the sirens in the Chartres portal cannot be assimilated to this moralizing interpretation. Indeed, Plato himself says that each of the moveable spheres has a siren to sound its note, and Cicero also alludes to this motif in the Dream of Scipio. In his commentary, Macrobius notes that the siren is a "singing goddess," and associates sirens with the muses. Macrobius was glossed by scholars of the school of Chartres, particularly William of Conches, who linked this music of the spheres with the celestial music that sounds through the Apocalypse.
Tous ceux qui ont visité la cathédrale de Chartres connaissent la grandiose représentation de la Maiestas Domini au tympan de la porte centrale du Portail Royal: théophanie de pierre, qui évoque les visions rapportées par Jean le Théologien en son Apocalypse. Pour le visiteur qui contemple ce tympan, comme pour le Visionnaire de Patmos, "une porte est ouverte dans le ciel" (Apoc. 4, 1). À travers cette porte, il lui est donné d'entrevoir les splendeurs de la liturgie céleste. La figure du Christ assis, noble et majestueux, si humain pourtant, s'impose d'abord au regard. Autour de lui, les quatre Vivants ailés qui hantaient déjà les visions d'Ézéchiel: "Le premier Vivant est comme un lion; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau; le troisième Vivant a comme un visage d'homme; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol" (Apoc. 4, 7). Sous le Christ, les douze apôtres "jugent les douze tribus d'Israël" (Matth. 19, 28). Ils sont accompagnés de deux personnages del' Ancien Testament, réputés pour avoir quitté ce monde sans passer par la mort, Énoch et Élie. Enfin, dans les cordons des
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voussures, douze anges et vingt-quatre vieillards. Les douze anges sont peut-être ceux qui gardent les douze portes de la Jérusalem céleste (Apoc. 21, 12). Quant aux vingt-quatre Vieillards, ils sont bien ceux que décrit saint Jean le Théologien: "Voici qu'un trône était dressé dans le ciel, et, siégeant sur le trône, Quelqu'un ... Celui qui siège est comme une vision de jaspe vert ou de cornaline; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d'émeraude. Vingt-quatre sièges entourent le trône, sur lesquels sont assis vingt-quatre Vieillards vêtus de robes blanches, avec des couronnes d'or sur leurs têtes" (Apoc. 4, 2-4). En dépit de la majesté de la scène, ces personnages ne sont pas momifiés. Ces Vieillards sont bien vivants. Tous ont des attitudes différentes. Tous ont des intruments de musique différents. C'est qu'ils ont un rôle à jouer dans le déroulement de cette liturgie céleste, très précisément celui que décrit Jean le Théologien en son Apocalypse. Au chapitre 4, ils se prosternent devant "Celui qui siège sur le trône", et lancent leurs couronnes en disant: "Tu es digne, Ô notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l'honneur et la puissance" (Apoc. 4, 10-11). Au chapitre suivant, ils se prosternent encore, et tandis qu'ils tiennent "chacun une harpe et des coupes d'or pleines de parfums Oes prières des saints), ils chantent un cantique nouveau" (Apoc. 5, 8-10). Nous retrouvons les vingt-quatre Vieillards au chapitre 14: "Et j'entendis - c'est l'auteur de !'Apocalypse qui parle - un bruit venant du ciel, comme le mugissement des grandes eaux ou le grondement d'un orage violent, et ce bruit me faisait penser à des joueurs de harpes touchant leurs instruments" (Apoc. 14, 2-3). Au tympan du Portail Royal de Chartres, les Vieillards tiennent en mains non seulement des coupes d'or et des harpes, mais toute une variété d'instruments: vièles, rebecs, cithares. Et ces instruments sont reproduits avec un souci d'exactitude qui fait l'admiration des spécialistes. Le génial artiste qui a conçu le tympan du Portail Royal a voulu glorifier le Christ, certes, mais il a voulu aussi, me semble-t-il, honorer la musique et les musiciens. Et non point seulement la musique théorique, science hautement abstraite élaborée par les Grecs et transmise aux Latins par Boèce. Cette musique-là est représentée parmi les sept arts libéraux dans les voussures de la porte de droite. Aux voussures de la porte centrale, c'est une autre musique qui est glorifiée. Le choeur des Vieillards chante "un cantique nouveau", un cantique que seuls les bien-
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heureux peuvent entendre et que nulle oreille humaine, ici-bas, ne saurait percevoir. Pour le chanter, cependant, ils s'accompagnent d'instruments tout à fait semblables à ceux qui étaient utilisés au douzième siècle. 1 Ce n'est point faire injure au caractère sacré de la vision apocalyptique évoquée au Portail Royal que de supposer que l'artiste, dont l'intention première était évidemment d'exalter "Celui qui était, qui est et qui vient" (Apoc. 4,8), a aussi voulu honorer ceux qui, sur terre, charment nos oreilles, calment nos peines et accompagnent nos joies, les musiciens. Au tympan de la porte de droite, siège la Vierge en majesté, mais autour d'elle, dans les voussures, les arts libéraux sont exaltés. Au tympan de la porte de gauche, c'est le thème de !'Ascension (avec son corollaire, l'annonce du retour du Seigneur) qui est mis en valeur, mais dans les voussures les signes du zodiaque et les travaux des mois sont à l'honneur. De la même façon, bien que le thème majeur du tympan de la porte centrale soit le triomphe du Christ, il n'est pas interdit de penser que la musique, dont le rôle est si important en ce triomphe, est elle-même honorée. La musique instrumentale, certes, mais aussi une musique inaudible ici-bas, une musique dont on parlait plus souvent au Moyen Âge que de nos jours, la musique cosmique, engendrée par le mouvement des sphères. Émile Mâle pensait avoir trouvé une allusion à cette musique dans les chapiteaux de Cluny. 2 Pourquoi ne trouverions-nous pas une allusion semblable au Portail Royal de Chartres? Disons tout d'abord que cela n'a rien d'impossible, ni même d'invraisemblable. Écoutons un auteur du douzième siècle, dont l'orientation culturelle cofucide en plus d'un point avec celle des maîtres de !'École de Chartres, Pierre Abélard. Voici ce qu'il écrit: "C'est à juste titre que les philosophes, ou plutôt, le Seigneur s'exprimant par eux, à leur insu peutêtre, attribuent à l'Âme du monde ainsi qu'aux parties supérieures du firmament une musique harmonieuse d'une extrême suavité". Pour
1. Jean Villette, Les portails de la cathédrale de Chartres (Chartres: J .M. Garnier, 1994), p. 35. Pour une description des instruments de musique du portail royal, cf. André Bonjour, Les traces de la musique dans la cathédrale de Chartres (Chartres: Société archéologique d'Eure-et-Loir, 1996). 2. Émile Mâle, L'art religieux du douzième siècle en France (Paris: Librairie Armand Colin, 1928), p. 321.
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Abélard, cette harmonie, "qui résonne sans relâche dans les parties supérieures du firmament", évoque le chant des séraphins dont parle Isaïe. 3 Un théologien du douzième siècle pouvait donc, à propos du chant des séraphins (Isaïe 6, 1-3), penser à l'harmonie des sphères célestes. Or, le même chant se fait entendre dans la vision apocalyptique (Apoc. 4, 8) sculptée au tympan et aux voussures de la porte centrale du Portail Royal. Il n'y aurait donc rien d'étonnant que l'artiste qui a conçu ce tympan et ces voussures ait voulu évoquer à la fois le cantique nouveau dont parle l' Apocalypse et l'harmonie des sphères. L'a-t-il fait? Avant de répondre - ou de tenter de répondre - à cette question, il nous faut compléter la description des voussures de la porte centrale du Portail Royal. Un détail, dont on n'a point parlé encore, mérite de retenir notre attention. Regardons attentivement deux des vingt-quatre Vieillards, ceux qui se tiennent debout à la naissance et à l'aboutissement du cordon extérieur des voussures, l'un à droite, l'autre à gauche. Sous leurs pieds, nous remarquons quatre figurines, dont l'identification n'est peut-être pas sans conséquence pour l'interprétation de l'ensemble. Malheureusement, vues du sol, ces figurines ne se laissent pas aisément identifier. Je désespérais de pouvoir m'en faire une idée précise, lorsque, grâce au dévouement inépuisable de mon ami Pierre Bizeau, secondé par un heureux concours de circonstances, j'ai enfin pu obtenir des clichés photographiques répondant parfaitement à mon attente. Ils sont l' oeuvre d'un artiste-photographe chartrain, M. Hubert Salmont, que je remercie chaleureusement. Examinons d'abord les deux figurines sur lesquelles reposent les pieds du Vieillard-musicien de droite, le joueur de harpe. Sous le pied gauche est blottie une sirène: le corps est celui d'un oiseau, la tête celle d'une jeune femme aux cheveux bouclés, retenus par un fin bandeau. Sous le pied droit du joueur de harpe on remarque un animal monstrueux, dont la signification m' échappe. Cet animal est ailé; ses pattes se terminent par des griffes. De sa large gueule, pourvue de crocs acérés, il saisit la patte droite de la petite sirène: celle-ci semble se laisser faire sans protester. 4 3. Abélard, Theologia "Scholarium petitioni," I, 141 (CCCM 13:377; PL 178: 1017D-1018A). 4. Sur quelques points de détail, ma description diffère de celle qu'a donnée M. Jean Villette dans son magistral ouvrage Les portails de la cathédrale de Chartres, p.
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Cathédrale de Chartres, Portail royal Voussures de la baie centrale, cordon extérieur de droite Vieillard-musicien avec sa harpe: sous son pied gauche se trouve une sirène (d'après un dessin de l'Abécédaireou rudiment d'archéologie, Architecture religieuse d' Arcisse de Caumont, Se édition, Paris, 1867, p. 246).
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Venons-en au Vieillard-musicien de gauche. Lui aussi pose ses pieds sur deux êtres imaginaires. Le pied gauche s'appuie sur une sirène-oiseau: le visage est féminin, les longs cheveux sont encerclés par une fine couronne. Seule une des pattes de la sirène est visible: l'extrémité en est palmée et munie de griffes. Le pied droit du Vieillard-musicien repose sur un personnage dont le visage jeune, discrètement barbu, émerge d'un capuce. Ce personnage est ailé (une seule aile est visible): ses deux pattes, palmées et munies de griffes, s'allongent démesurément pour enserrer affectueusement la tête de la sirène féminine. 5 En dépit du capuce monastique, ce personnage ailé et barbu pourrait bien être, lui aussi, une sirène. En effet, on rencontre assez fréquemment des sirènes barbues dans les sculptures du douzième siècle, par exemple dans les chapiteaux de l'église de Cunault. 6 À Chartres même, toujours au Portail Royal, on remarque une sirène barbue à l'ébrasement de droite de la porte de gauche. Elle se trouve sur l'une des colonnettes qui jouxtent la statue-colonne de Moïse tenant les tables de la Loi.7 Elle est située au niveau du visage de Moïse. Au-dessous d'elle est un centaure. 8 Enfin, on sait que, dans la sculpture romane, les sirènes se présentent parfois en couples: homme-oiseau barbu et femme-oiseau. 9 C'est probablement un tel couple que nous trouvons sous les pieds du Vieillardmusicien de gauche.
35. On trouve un dessin assez fidèle des deux figurines placées sous les pieds du joueur de harpe dans Arcisse de Caumont, Abécédaire ou rudiment d'archéologie. Architecture religieuse, 5e édition (Paris: E. Derache, 1867), p. 246. 5. Voici la description de M. Jean Villette (Les portails, p. 35): "Le musicien placé en pendant du c8té gauche est debout lui aussi sur deux êtres imaginaires encapuchonnés de façon amusante et qui se font face; l'un est une sirène-oiseau et l'autre, semblablement ailé, a un visage de vieil homme barbu". 6. Marie-Thérèse Brincard, Cunault, ses chapiteaux du XIIe siècle (Paris: A. Picard, 1937), pp. 60-61 et planches LIV, LV, LVI. 7. É. Houvet, Cathédrale de Chartres. Portail occidental ou royal {Chartres: C. Chambrin, sans date), planche 8. 8. Le centaure est souvent associé à la sirène dans la sculpture romane: Brincard, Cunault, ses chapiteaux ... , planches XLIII (figures 1 et 2) et LVI (figure 1). 9. Brincard, Cunault, ses chapiteaux ... p. 60; planches LIV {figures 1, 3, 4, 5) et LV (figure 2).
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Des sirènes-oiseaux? La chose ne surprendra que ceux pour qui la sirène-type est la "Petite Sirène de Copenhague" ou l'une de ses innombrables répliques. En réalité, les sirènes ont une longue histoire, qui commence avec Homère: elles apparaissent au livre XII (vers 39-54; 154200) de l'Odyssée. Le poète ne dit point que les sirènes sont des femmesoiseaux; il dit seulement que, par la douceur de leurs chants, elles attiraient les marins dans leur île. Ceux-ci n'en sonaient pas vivants: le sol de la prairie des sirènes était jonché d'ossements humains. L'iconographie devait bientôt suppléer au silence d'Homère. Les Grecs prirent l'habitude de représenter les sirènes comme des femmes-oiseaux. 10 Le Moyen Âge latin n'a pas ignoré cette tradition. On signale des sirènes-oiseaux dans les églises suivantes: Pons (Hérault), Saint-Aignan (Loir-et-Cher), Saint-Benoît-surLoire, Saint-Ferme (Gironde), Saint-Loup-de-Naud, Til-Chatel (Côte d'Or). 11 À Paris même, nous trouvons des sirènes-oiseaux à Saint-Germain-des-Prés et à Saint-Julien-le-Pauvre. 12 Dans le domaine de la peinture, on peut citer l' Hortus deliciarum de l'abbesse Herrade. Les sirènes de ce luxueux manuscrit du douzième siècle, malheureusement détruit, sont de jeunes femmes ailées, vêtues de longues robes qui laissent seulement paraître leurs pieds d'oiseaux rapaces. 13 À Chartres, deux des sirènes du Portail Royal sont des femmes-oiseaux. Rien d'étonnant à cela. Les lettrés du Moyen Âge étaient moins ignorants de la mythologie grecque qu'on ne le pense, moins ignorants, en tout cas, que la plupart d'entre nous. Ils disposaient de "manuels de mythologie", tels que les Mythologies de Fulgence, 14 les recueils con10. Cf. Article Odysseus, dans Lexicon lconographicum Mythologiae Classicae, VI, 1 (Zürich-Munich: Artemis, 1992), pp. 946-947, 962-964, 975-976. Je remercie mon collègue Fred Unwalla du Pontifical lnstitute of Mediaeval Studies de Toronto, qui m'a aimablement pr~té son concours en cene recherche. 11. Mâle, L'art religieux du douzième siècle en France, pp. 334-337; Louis Réau, Iconographie de l'art chrétien, t. 1 (Paris: Presses Universitaires de France, 1955), pp. 121-124. 12. Je remercie mon ami Maurice Rousseau, excellent connaisseur de SaintJulien-le-Pauvre, d'avoir attiré mon attention sur les sirènes-oiseaux qui se trouvent sur un chapiteau Qe deuxième à droite dans le choeur) de cette belle église romane. 13. Herrade de Hohenbourg, Hortus deliciarum, éd. Rosalie Green et al. (Londres: Warburg lnstitute, 1979), "Reconstruction," pp. 365-367; "Commentary," p. 202. 14. Fabii Planciadis Fulgentii opera, éd. Rudolf Helm (Leipzig: Teubner, 1898), pp. 48-49.
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nus sous le nom de Mythographes du Vatican, 15 les Étymologies d'Isidore de Séville, 16 pour ne citer que les plus fameux. En ces traités, tributaires du commentaire que Servius avait donné d'un vers de Virgile (Énéide VI, 864), le lecteur médiéval apprenait que les sirènes, au nombre de trois, avaient une tête de femme, un corps d'oiseau et des ergots. Il y apprenait encore qu'elles étaient les filles du fleuve Acheloos et de la nymphe Calliope, et qu'elles cherchaient à attirer les marins par les charmes de leur musique, utilisant pour cela, l'une sa voix, l'autre une flûte, la troisième une lyre. Pour le haut Moyen Âge, la sirène est donc une femme-oiseau, comme le fait observer Émile Mâle: "La sirène est représentée, non comme une femme-poisson, mais comme une femmeoiseau: or, telle fut longtemps la tradition des Bestiaires. Le Pbysiologus grec ne connaît que la sirène-oiseau. Le vieux Bestiaire latin de la Bibliothèque de Bruxelles, qui remonte probablement au Xe siècle, nous montre, lui aussi, des sirènes moitié femme et moitié oiseau. C'est la pure tradition antique, car les Grecs n'ont jamais représenté autrement les sirènes ... C'est seulement dans les Bestiaires français du XIIe et du XIIIe siècle que la sirène est représentée comme une femme-poisson". 17 En effet, à côté de la sirène "femme-oiseau", héritée de la mythologie gréco-romaine, le Moyen Âge a connu aussi la "femme-poisson", laquelle relève d'une autre tradition, celle de la Mermaid ou "fille de la mer". 18 Les deux traditions ont pu se chevaucher, voire s'amalgamer. C'est ainsi que /'Ovide moralisé (poème du commencement du quatorzième siècle) parle de trois sirènes: deux sont des femmes-oiseaux, la troisième est une femme-poisson: ... Et encore ont formes humaines: Cestes apele lon Seraines Fausses, plaines de decevances. Trois sont, de diverses samblances. Deceüz ont mainz damoisiaus.
15. Mythographi Vaticani, I, 42 et II, 123 (CCL 91C:20 et 189-190). 16. Isidore de Séville, Etymologiae, XI, 3, 30-31. 17. Mâle, L'art religieux du douzième siècle en France, p. 335. 18. Cf. Y.P. Castel - J.P. Blaise, «Le chant des sirènes d'Armorique», dans Ar Men 87 (août 1997): 52-57.
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Forme humaine et forme d' oisiaus Ont les deus, l'autre de poisson, Si chantent en toute saison Toutes trois acordablement Et moult melodieusement, L'une en harpe, l'autre en buisine Et la tierce en vois femeline. Par lor douces vois en chantant Vont les notoniers enchantant. 19 Les sirènes enchantent, c'est-à-dire ensorcellent les nautoniers. Quiconque se laisse attirer par ce concert, fait naufrage. Ce sont donc des êtres maléfiques, dont il faut s'écarter. Cet aspect négatif de la sirène n'est pas une invention du Moyen Âge. En effet, les traités de mythologie de Fulgence, des Mythographes du Vatican et d'Isidore de Séville étaient tributaires des mythologues antiques, non seulement pour le récit fabuleux, mais pour son exégèse. Or, les Grecs avaient donné du mythe, tantôt une interprétation "historicisante", tantôt une interprétation moralisatrice. Selon l'interprétation "historicisante", les sirènes auraient été des prostituées, qui, attirant les passants, les dépouillaient de leurs biens. C'est en ce sens figuré qu'elles causaient leur naufrage. 20 Selon l'interprétation moralisatrice, les sirènes symbolisent les diverses tentations qui guettent le sage, représenté par Œysse. 21 Cette exégèse moralisatrice du mythe homérique avait été développée par les Pères de l'Église. 22 Les prédicateurs du Moyen Âge ne se privèrent pas de l'exploiter. Dans un sermon pour le dimanche de la Septuagésime, Honorius Augustodunensis {XIIe s.) expose ainsi le mythe des sirènes. La mer symbolise le siècle présent, continuellement agité par les tem-
19. Ovide moralisé, V, 3466-3479 (éd. C. De Boer, t. 1 [Amsterdam: J. Müller, 1915), p. 261). 20. Félix Buffière, Les mythes d'Homère et la pensée grecque (Paris: Les Belles Lenres, 1956), p. 236. 21. Buffière, Les mythes d'Homère et la pensée grecque, pp. 380-386. 22. J. Pépin, "The Platonic and Christian Ulysses", dans Neoplatonism and Christian 1bought, ed. Dominic J. O'Meara {Norfolk: International Society for Neoplatonic Studies, 1982), pp. 3-18.
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pêtes. L'île des sirènes, c'est la joie de ce monde, aussi fréquemment interrompue par la douleur que le rivage est battu par les flots. Les trois sirènes qui endorment les marins par la douceur de leurs chants, ce sont les trois catégories de plaisirs qui amollissent le coeur des hommes pour les conduire au sommeil de la mort. La sirène qui utilise la voix humaine symbolise l'avarice; celle qui joue de la flûte, la vantardise; celle qui joue de la lyre, la luxure. Si les sirènes ont un visage féminin, c'est que rien ne détourne autant de Dieu l'esprit des hommes que l'amour des femmes. Leurs ailes symbolisent l'instabilité du désir, quand il se porte vers les réalités de ce monde. Leurs ergots indiquent qu'après avoir attiré les hommes au péché, elles les emportent vers les supplices infernaux. Le sage Ulysse est la figure du peuple chrétien qui, s'étant embarqué dans le navire de l'Église, traverse sans subir aucun dommage la mer de ce monde. Avec les liens de la crainte de Dieu il s'attache luimême au mât du navire, c'est-à-dire à la croix du Christ. Il scelle les oreilles de ses compagnons avec de la cire (symbole du mystère de l'incarnation), afin que, détournant leurs coeurs des vices et des mauvais penchants, ils ne désirent plus que les biens célestes. 23 Cette exégèse moralisatrice est fréquente au Moyen Âge: c'est celle que l'Hortus Deliciarum a adoptée. Est-ce bien celle qui convient pour interpréter les sirènes du Portail Royal de Chartres? Je ne le pense pas. Pourquoi, en cette grandiose scène apocalyptique, grâce à laquelle, comme par "une porte ouverte dans le ciel" (Apoc. 4,1), nous assistons à la céleste liturgie, l'artiste aurait-il éprouvé le besoin de nous prévenir contre les dangers de la luxure ou de l'hérésie? Pourquoi les sirènes, qui se sont discrètement glissées dans le choeur des Vieillards, devraient-elles être considérées comme des êtres dangereux ou maléfiques? Est-ce là la seule interprétation possible du mythe des sirènes? Les sirènes, comme beaucoup d'autres êtres fabuleux sortis de l'imagination d'Homère, ont connu maintes métamorphoses. 24 Sans entrer dans le détail, il nous faut en signaler une, celle dont l'initiative revient
23. PL 172:855C-857A. 24. Siegfried de Rachewiltz, "De sirenibus: An Inquiry into Sirens from Homer to Shakespeare" (PhD diss., Harvard University, 1983); publiée aussi comme De sirenibus: An lnquiry into Sirensfrom Homer to Shakespeare (New York: Garland, 1987).
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à Platon. Au livre X de la République, Platon donne une description poétique de l'univers, qu'il imagine comme un fuseau. La fileuse, sur les genoux de laquelle tourne ce fuseau, est la Nécessité. Le fuseau tout entier tournait sur lui-même d'un mouvement uniforme; mais dans la rotation de l'ensemble, les sept cercles intérieurs tournaient lentement dans un sens contraire à tout le reste ... Le fuseau lui-même tournait sur les genoux de la Nécessité. Sur le haut de chaque cercle se tenait une sirène qui tournait avec lui et qui faisait entendre sa note à elle, son ton à elle, en sorte que ces voix réunies, au nombre de huit, composaient un accord unique. D'autres femmes assises en cercle à intervalles égaux, au nombre de trois, chacune sur un trône, les filles de la Nécessité, les Moires, vêtues de blanc, la tête couronnée de bandelettes, Lachésis, Clotho et Atropos, chantaient, d'accord avec les sirènes, Lachésis le passé, Clotho le présent, Atropos l'avenir. 25 Les sept cercles intérieurs sont ceux des astres errants - Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne - qui tournent dans le sens inverse du huitième cercle, celui des étoiles fixes. À chacun de ces cercles préside une sirène. Chaque sirène fait entendre sa note propre. De l'ensemble, comme des huit notes d'une gamme, résulte ce qu'on appelle l'harmonie cosmique, ou musique des sphères. À Chartres, au douzième siècle, on ne pouvait lire la République de Platon, ni en latin, ni en grec, mais on pouvait connaître et, de fait, on connaissait le thème des sirènes présidant à l'harmonie cosmique. Et cela, grâce à Macrobe, auteur latin du Ne siècle, païen convaincu, commentateur d'un texte célèbre dont l'auteur était Cicéron, le Songe de Scipion. Cicéron, comme Platon, avait écrit une République, presque entièrement perdue, à l'exception d'un court fragment, intitulé le Songe de Scipion. Dans ce fragment, Cicéron, imitant Platon, avait donné une description de l' Au-delà. Toutefois, l'orateur romain s'était bien gardé de copier servilement le philosophe grec. Au lieu de faire décrire l' Au25. Platon, République, X, 617ac; traduction Émile Chambry (1932-1934), dans Platon, Oeuvres complètes, Collection "Guillaume Budé," 14 vols. (Paris: Les Belles Lettres, 1920-1964).
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delà par un soldat mort et ressuscité (Er le Pamphilien) comme l'avait fait Platon, il avait préféré recourir au rêve. Il imagina donc que Scipion le Jeune, étant tombé dans un profond sommeil au cours d'un voyage en Afrique, avait été transporté en rêve dans l'autre monde. Là, il avait rencontré son grand-père adoptif, Scipion l'Ancien, qui, répondant volontiers à ses questions, lui avait servi de guide. Car tout est matière à étonnement pour le jeune Scipion, non seulement ce qu'il voit, mais aussi ce qu'il entend. Or, ce qu'il entend - et qu'il n'a jamais entendu, parce qu'il s'agit de sons inaudibles aux oreilles mortelles - n'est autre que la musique des sphères. Macrobe, dans son Commentaire sur le Songe de Scipion, commente le passage dans lequel Cicéron parle de l'harmonie cosmique. À cette occasion, il évoque les sirènes platoniciennes. Lorsque Platon, dans sa République, parle des révolutions des sphères célestes, il dit que sur chacune de ces sphères une sirène est assise. Il signifie par là que le mouvement des sphères produit un chant en l'honneur des dieux. Car sirène, en grec, veut dire "déesse qui chante" (dea canens). De leur côté, les "théologiens"26 affirment que les neuf muses sont les chants mélodieux produits par les huit sphères, auxquels s'ajoute l'harmonie universelle, résultat de l'ensemble. 27 Les sirènes étant ainsi identifiées aux neuf muses, leur chef, Apollon le Musagète, est identifié au soleil "guide, prince et modérateur des autres astres, intellect et régulateur du cosmos". 28 Macrobe poursuit: Que les muses soient le chant du cosmos, les Étrusques le savaient bien, qui les appelaient Camenae, du verbe canere (chanter). C'est pourquoi les "théologiens", ayant reconnu que le ciel chantait, firent usage de la musique dans leurs sacrifices: les uns utilisaient la lyre ou la cithare, d'autres se servaient de flûtes ou autres instruments de musique. Dans les hymnes aux 26. Macrobe appelle theologi "les exégètes allégorisants des poèmes d'Homère, ou encore les philosophes qui expliquent théologiquement les phénomènes du cosmos" (Note de A.J. Festugière, dans Proclus, Commentaire sur la République, traduction et notes par A.J. Festugière, vol. 1 [Paris: J. Vrin, 1970], p. 146 n. 3). 27. Macrobe, Commentarii in Somnium Scipionis, 2, 3, 1. 28. Macrobe, Commentarii in Somnium Scipionis, 2, 3, 3.
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dieux également, on faisait usage de la mesure, les vers étant chantés par strophe et antistrophe. La strophe symbolisait le mouvement régulier de la sphère des étoiles fixes, l'antistrophe le mouvement inverse des planètes: de ce double mouvement est né dans la nature l'hymne primordial dédié à la divinité. Même les morts doivent être accompagnés de chants pour leur sépulture: c'est ce qu'ont décrété les institutions de nombreux peuples et pays, dans la conviction qu'après avoir quitté le corps les âmes font retour à la source de toute musique, le ciel. C'est pour cela qu'en cette vie toute âme est sensible aux sons de la musique, à tel point que non seulement les nations civilisées, mais l'ensemble des nations barbares elles-mêmes, pratiquent le chant, tantôt pour s'exciter à l'ardeur belliqueuse, tantôt pour s'abandonner à la mollesse de la volupté. En effet, en venant dans le corps, l'âme y a apporté le souvenir de la musique qu'elle a connue dans le ciel: elle est tellement captivée par le charme de ces chants qu'il n'est point de coeur, aussi rude et aussi fruste soit-il, qui ne succombe à son enchantement. 29 Ce texte de Macrobe était connu, admiré et glosé au douzième siècle. Parmi ceux qui l'ont glosé, on trouve un maitre fameux, qui fut un disciple de Bernard de Chartres, et qui a peut-être enseigné lui-même à Chartres dans la première moitié du douzième siècle, Guillaume de Conches. Les gloses de Guillaume de Conches sur Macrobe sont encore inédites. Je crois bon d'en citer quelques lignes, celles précisément dans lesquelles le maître normand commente le passage consacré aux sirènes. PLATON DIT QUE SUR CHACUNE DES SPHÈRES UNE SIRÈNE EST ASSISE.
Lorsqu'il traite du mouvement des sphères célestes, Platon dit que sur chacune d'elles une sirène est assise. n veut signifier par là que chacune des sphères, par son mouvement, produit un son propre. CAR SIRÈNE, EN GREC, VEUT DIRE "DÉESSE QUI CHANTE". Le mot "sirène", cependant, a un autre sens. Selon cet autre sens, dérivé du verbe "tirer", les sirènes sont des monstres marins qui, par la
29. Macrobe, Commentarii in Somnium Scipionis, 2, 3, 4-7.
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douceur de leur chant, séduisent les hommes et les attirent à elles pour les faire périr. C'est pourquoi Ulysse fit boucher ses oreilles, afin de ne point succomber à la douceur de leur chant. Ce n'est pas selon ce dernier sens, dérivé de "tirer", qu'il faut entendre ici le mot "sirène" ... mais selon qu'il signifie "déesse qui chante". Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un même nom soit interprété de différentes façons. 30 Guillaume connaît donc deux sens du mot sirène. Il écarte l'un, celui qui fait dériver "sirène" du verbe grec a6pw (tirer), 31 et retient l'autre, celui qui définit la sirène comme "déesse qui chante". Le premier sens est écarté, parce qu'il ne convient pas pour exposer le texte de Macrobe. Et pourtant, c'est ce premier sens qu'adopta Guillaume, lorsqu'il commenta la Consolation de Philosophie de Boèce. 32 "Rien d'étonnant à cela", comme il le dit lui-même: pour l'exégète médiéval un même mot peut avoir plusieurs étymologies, donc plusieurs sens. Selon le contexte, on adoptera tel sens de préférence à tel autre. Retenons la leçon. Car la règle ne s'applique pas seulement aux textes; elle s'applique aussi à l'iconographie. En sculpture comme en peinture, une sirène ne signifie pas nécessairement la même chose ici et là. Dans tel ensemble, pictural ou sculptural, elle peut symboliser la tentation, dans tel autre la musique des sphères. Mais poursuivons la lecture des Gloses de Guillaume de Conches sur Macrobe. Nous avons lu plus haut le passage dans lequel Macrobe identifie les sirènes, qui selon Platon chevauchent les sphères célestes, avec les muses. Les muses-sirènes personnifient l'harmonie cosmique. Pour étayer sa thèse, Macro be tirait argument des rites observés dans les sacrifices aux dieux et dans les cortèges funèbres, où la musique jouait un
30. Guillaume de Conches, Glosae super Macrobium, 2, 3, 1; Bamberg, Staatsbibliothek, Class 40 [HJ.IV.21], f. 2lvb. Je remercie Madame Helen Lemay-Rodnite, qui m'a aimablement communiqué sa transcription des Glosae super Macrobium de Guillaume de Conches. Mme Lemay-Rodnite prépare l'édition de cette oeuvre pour la Collection CCCM. 31. "Quidam hoc nomen (Siren} a uùpw (traho) deducunt et per y scribunt. Male" (Robert Estienne, Thesaurus Linguae Latinae [Bâle, 1743], s. u. Siren). 32. "Metaphorice ergo poeticae Musae dicuntur sirenes, quia metro alliciunt" (Guillaume de Conches, Glosae super Boetium, Consol. I, prosa 1, 537-538 (ed. L. Nauta, CCCM 158: 48).
732
Les sirènes dans le choeur des vieillards
333
rôle important. Il ajoutait que les chants exécutés en ces circonstances s'accompagnaient d'instruments musicaux tels que la lyre, la cithare ou la flûte. Voici comment Guillaume commente ces derniers mots: LES UNS UTII.lSA.IENr LA LYRE ou LA CITHARE. Car il y a des chants semblables dans le ciel. C'est pourquoi les chants des "citharèdes citharisant", qu'entendit Jean en !'Apocalypse (14, 2), ne furent pas autre chose que les sons de la musique (céleste).33
Il est clair que, pour Guillaume de Conches, le chant des Vieillards, qu'entendit Jean en son Apocalypse, et celui des sirènes, qu'entendit Scipion en son rêve, ne sont qu'un seul et même chant, celui de l'harmonie céleste. Plus loin (2, 4, 15), Macrobe commente le passage du Songe, dans lequel Cicéron fait dire au jeune Scipion: "Quel est donc le son, si fort et si doux, qui emplit mes oreilles?". Après avoir expliqué pourquoi, sur terre, nous ne pouvons percevoir la musique céleste, Macrobe conclut ainsi son exposé. Ce n'est pas sans raison que Scipion a dit: Quel est donc le son, si fort et si doux, qui remplit mes oreilles? Il a voulu par là faire comprendre que si les oreilles de celui qui a mérité de prendre part aux secrets célestes ont été remplies par l'ampleur du son, la faculté auditive du reste des hommes ne peut percevoir l'harmonie cosmique. 34 Celui qui a mérité de prendre part aux secrets célestes: ces mots désignent évidemment, chez Macrobe, Scipion le Jeune. Or, sans hésiter, Guillaume de Conches les applique à l'auteur de l' Apocalypse. CELUI QUI A MÉRITÉ DE PRENDRE pART AUX SECRETS CÉLESTES, comme saint Jean, qui a entendu les chants des citharèdes citharisant. 35
33. "Qui apud alios lyra uel cithara ... Quia similes camus sunt in caelo. Vnde camus citharedorum citharizamium, quos audiuit Iohannes in Apocalypsi, non fuerum aliud quam musici soni." (Guillaume de Conches, Glosae super Macrobium, II, 3, 4; Ms. Bamberg, Staatsbibliothek, Class 40 [HJ.IV.21], f. 22ra). 34. Macrobe, Commentarii in Somnium Scipionis, 2, 4, 15. 35. "Qui caelestibus , ut sanctus Iohannes, qui audiuit camus citharedorum citharizamium." (Bamberg, Class. 40 [HJ.IV.21), f. 22vb).
733
334
ÉDOUARD JEAUNEAU
On ne saurait être plus clair. Saint Jean et Scipion ont, l'un comme l'autre, entendu une harmonie que personne, sur terre, ne peut entendre, l'harmonie cosmique. Cette harmonie est symbolisée dans l' Apocalypse par vingt-quatre Vieillards jouant de leurs instruments, dans le Songe de Scipion par des sirènes chevauchant les sphères célestes. En lisant le Commentaire de Macrobe sur le Songe de Scipion, Guillaume de Conches pensait à !'Apocalypse. En plaçant des sirènes couronnées sous les pieds des Vieillards de !'Apocalypse, le génial artiste, qui conçut le Portail Royal de Chartres, aurait-il pensé au Songe de Scipion?
734
ADDENDA ET CORRIGENDA
1. ADDENDA Avant-propos, note 25 La liste d'André VERNET a été enrichie par Paul-Edward DuTTON: The Mystery of the Missing Heresy Trial of William of Conches, The Étienne Gilson Series, 28, Toronto, 2006, pp. 37-39. Le professeur DuTTON prépare une nouvelle édition de la Philosophia, à paraître dans la série Guillelmi de Conchis Opera omnia (CCCM).
Page 122, note 33 L'étude d'A. LouTH a paru dans Denys l'Aréopagite et sa postérité en Orient et en Occident, éd. Y. DE ANDIA, Paris, 1997, pp. 329-339.
Page 123, note 37 L'étude de J. IRIGOIN a paru dans Denys l'Aréopagite et sa postérité en Orient et en Occident, éd. Y. DE ANDIA, Paris, 1997, pp. 19-29.
Page 161, note 52 L'étude de D. LuscoMBE a paru dans Monde médiéval et société chartraine. Actes du colloque tenu à Chartres, 8-10 septembre 1994, éd. J. R. ARMOGATHE, Paris, 1997, pp. 113-122.
Page 162, note 60 L'étude de W. BEIERWALTES a paru dans Denys l'Aréopagite et sa postérité en Orient et en Occident, éd. Y. DE ANmA, Paris, 1997, pp. 489-501.
Pages 333-345 Cf. GUILLAUME DE CONCHES, Glosae super Platonem, CCCM 203, pp. 325-326 et P. E. DuTTON, The Glosae super Platonem of Bernard of Chartres, Toronto, 1991, p. 278.
Page 379, note 102 Cf. GUILLAUME DE CONCHES, Glosae super Platonem, CCCM 203, p. XCVII et p. 3.
Page 441, lignes 20-24 Le poème Depressus usquequaque a été édité par Gabriel S1LAGI: "Theoderich von Trier, Phisica", dans Aevum. Rassegna di scienze storiche, linguistiche e filologiche, 79 (2005), pp. 293-351.
ADDENDA ET CORRIGENDA
Planche 1 Pour une description de cette planche, voir É.
JEAUNEAU, L'Âge d'or des écoles de Chartres, 2• édition, Chartres, 2000, verso de la couverture.
Planche II Pour une description de cette planche, voir CCCM 163, pp. xx1x-xL.
Planches III, IV, V Pour une description de ces planches, voir P. E. DuTTON - É. JEAUNEAU, "The Verses of the Codex Aureus of Saint-Emmeram", dans Studi
medievali, 3• Serie, 24 (1983), pp. 75-10; reproduit dans É. Éludes érigéniennes, Paris, 1987, pp. 591-638.
JEAUNEAU,
Il. CORRIGENDA
page
au lieu de
49, ligne 15 79, ligne 8 81, n. 20 81, n. 33 81, n. 37 87, n. 2 95, n. 61 95, n. 63 118, n. 24 140, n. 12 165, n. 72 222, ligne 32 253, n. 34 267, n. 55 448, ligne 13 464, n. 17 466, n. 35 469, ligne 10 473, n. 90 474, n. 103 474, n. 106 477, n. 127 496, n. 37 498, n. 82 647
Anthony
Antony
par exitus pp !, 116. 6-7
par exitus ou par transitus pp Il, 116. 6-7
Oralio 44 ... PG 35 Il, 16
II, iii, 16
lire
Oralio 45 .. . PG 36
Periphyseon V, Periphyseon V, X 840B-841A)
p. 120 364). 366). Confessiones, VII, ix, 13-14; Periphyseon IV, Periphyseon IV, X (840B-841A)
Maxime P.G. 94, lOlA ff. 37v-42v Sap. 11, 22 PL 122, 351B-D C'est que Periphyseon III, 256.27 Periphyseon, !, 112.1-2 Periphyseon, V Aduersus arithmeticos, 2. Carnaudet V (P.L. 122, 825C12-15). (859D-826D)
Marsile P.G. 94, lOOlA ff. 37v-42r Sap. 11, 21 PL 122, 651B-D C'est ce que Periphyseon, Ill, 720D Periphyseon, !, 475A Periphyseon, III Aduersus ariUuneticos, 2). Carnandet IV (P.L. 122, 825C12-15). (859D-862D)
p. 128 364. 366. Confessiones, VII, ix;
736
ADDENDA ET CORRIGENDA
665, n. 5 703, ligne 29 705, ligne 1
Coaches chapitre cathédrale tailleurs
Conches chapitre cathédral charcutiers 1
1 Il faut lire farlores (fabricants de mets farcis) et non sarlores (tailleurs): Guillaume de Conches, Dragmaticon, V, i, 12 (CCCM 152, p. 132). Cf. CCCM 203, p. XXV.
737
TABLES
1. 2. 3.
TABLE
LISTE
TABLE DES
4.
DES
DES
ABRÉVIATIONS
CITATIONS
CITATIONS TABLE
AUTRES
DES
QUE
MANUSCRITS
par
Andrew
BIBLIQUES
HICKS
BIBLIQUES
LISTE DES ABRÉVIATIONS AHDLMA
Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge
AL
Aristoteles Latinus
CAG
Commentaria in Aristotelem Graeca, Berlin
CCCM
Corpus Christianorum. Continuatio Mediaeualis, Turnhout
CCSG
Corpus Christianorum. Series Graeca, Turnhout
CCSL
Corpus Christianorum. Series Latina, Turnhout
CSEL
Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, Vienne
GCS
Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten J ahrhunderte, Leipzig-Berlin
MGH
Monumenta Germaniae historica
PG
Patrologiae cursus completus. Series graeca
PL
Patrologiae cursus completus. Series latina
PLAC
Poetae Latini Aeui Carolini
RTAM
Recherches de théologie ancienne et médiévale, Louvain
SC
Sources chrétiennes, Paris
TABLE DES CITATIONS BIBLIQUES Genèse 1, 3 1, 4 1, 10 1, 26-27 1, 27 1, 31 2, 2-3 2, 7 2, 9 2, 10 2, 18 3, 8 3, 17 3, 19 3, 21-22 3, 22-24 11, 31 14, 17-20 14, 18 22, 14
II Rois 525, 528 528 527 204, 205, 555 96, 497 474 474 373 83 83 470 227 535, 652 77, 96, 593-594 646 647 22 248 252 527
Exode 3, 6 3, 14 3, 22 5, 22-23 12, 35 12, 35-36 13, 4-10 20, 21
228 132, 139, 196 23, 272, 464, 516 228 464 23, 516 177 498
Deutèronome 4, 24 9, 3 19, 15 21, 10-13 28, 58
144, 164, 273, 524 144 177 119, 464, 516 278
Josuè 19, 50
272
1 Rois 7, 1-2 22, 14
102 278
6, 20 6, 22
278 278
III Rois 2, 20 19, 4
268 177
IV Rois 4, 3
268
Job 14, 13 19, 17
680 268
Psaumes 1, 1-3 1, 3 1, 4 1, 5 2, 8 2, 9 2, 12 17, 34 18, 6 19, 5 20, 5 21, 16 26, 4 28, 6 32, 9 36, 6 36, 7 39, 7 43, 12 44, 2 48, 13. 21 57, 8 61, 4 77, 16 77, 18 77, 52 77, 65 78, 3 83, 5
82, 83 77, 279 279 652 267, 272 279 305 279 279 506 267 279 267 279 525 279 268 267 279 507, 630 207 279 279 279 267 279 279 279 106
TABLES
86, 3 89, 4 89, 10 103, 30 103, 34-35 104, 40 106, 33. 35 109, 4 ll3, 4 ll8, 136 129 131, 14 143, 14
278 279 177 567 652 267 83 248 566 83 710 53 83
Proverbes
8, 15 9, 1
35, 55, 81, 82, 102,
24, 13 28, 6
103 95 56
1, 18 4, 1 6, 1-3 7, 9 7, li 14, 29 43, 4 64, 8
3, 15
5, 4 8, 1 li, 16 li, 21 7, 21 12, 24 12, 25 14, 2 15, 5
295 457 463 55
18, 6
6 21 14 5 13
143, 523
Ézéchiel
1 1, 20 2, 9 28, 13 37, 1-14 47, 1-2
101 106 94 163 106 106
Daniel
15 15
3, 26 3, 45 7, 10
88 278 88 44 88 464, 467 81 88 88 81 88
278 278 207, 563
Joël
3, 12
562
I Macchabées
2, 64
278
II Macchabées
6, 19 7, 28 li, 13 15, 34
Sirach (Ecch)
li, 21, 22, 24, 27,
228 90 722 267, 503 268 713 278 143, 523
Jérémie
Sagesse
3, 12
88 278 88 278 278
Isaïe
Cantique des cantiques
4, 16 5, 1
1 3 8 1 6
15, 58
Ecclésiaste
1, 17 2, 14 7, 26 li, 6
34, 40, 42, 44, 48,
278 88 88 40 88
278 141, 498, 525 88 272
Matthieu
3, 12 6, 17 li, 3
742
274 457 681
TABLE DES CITATIONS BIBLIQUES
13, 14, 15, 18, 19, 20, 25, 25, 26, 27,
31 13-21 32-39 16 28 11 1 41 27 45
275 465 465 177 719 275 275 651, 652 275 36, 56
Actes des Apôtres
17, 17, 17, 17, 17,
1, 7 1, 14 1, 20 1, 21-32 4, 17 8, 6 8, 14 8, 35 9, 20-21 11, 34 14, 15
274 648 36, 56
Luc
1, 8 2, 9 3, 17 5, 4 7, 19 8, 10 8, 46 12, 37 12, 42 15 18, 19 20, 35-36 23, 44 23, 46
115, 149 150 536 475, 648 149
Romains
Marc
9, 42-44 13, 31 15, 33
22-24 24 30-32 32 32-34
277 624 274 VIII 681 294 599, 635 64 709 470 527 207 36, 56 629
176 30, 44, 45 458, 624, 682 314 526 252 533 252 143, 523 87 87
I Corinthiens
1, 17-25 1, 23 2, 14-15 2, 16 4, 5 7, 33-34 13, 12 15, 26 15, 28
118 149 532 557 563 252 682 537, 653 141, 198, 525
II Corinthiens
Jean 1, 1 1, 1-14 1, 6 1, 14 1, 18 1, 23 1, 51 5, 22 10, 30 li, 25 14, 2 14, 6 14, 26 15, 26 16, 7 16, 13 18, 36
504, 118 508 504 144 526 503 562 625 648 106 599, 599, 599, 599, 635 253
3, 6 7, 11 12, 4 13, 1
557
106 272 264 177
Gala tes
2, 3, 3, 4, 4, 635 635 635 635
11 1 28 6 24
669 88 596 599, 635 93
Ephésiens
5, 27
278
Philippiens
2, 6-7
743
270
TABLES
4, 5 4, 7
669 87
1, 17
1, 4 1, 19 2, 9
252
1 Thessaloniciens
5, 21
516
1 Timothée
2, 4 6, 16
535, 651 135, 497
Hébreux
6, 20 - 7, 28 7, 1 7, 3 9, 11-12 12, 29
164, 534, 565
1 Pierre
Colossiens
3, 5
Jacques
248 252 252 531 144, 164, 273, 524
272 272 250
Apocalypse
4, 1 4, 2-4 4, 4 4, 7 4, 8 4, 10-11 5, 8-10 14, 2 14, 2-3 17, 9 20, 12 21, 12 21, 18-21
744
563, 719, 728 720 564 719 721, 722 720 720 XVI, 733 720 87 563 720 565
TABLE DES CITATIONS AUTRES QUE BIBLIQUES ABÉLARD, cf. PIERRE ABÉLARD ADELMAN DE LIÈGE
Lettre à Bérenger de Tours (CCCM 171/PL143) 1289A 702
Quaestio de prophetia (éd. A. Fries, W. Kübel, et H. Anzulewicz) art. 2, 1 429 In Sententias lib. Il, d. 9, a. 2
Super Dionysium de diuinis nominibus (éd. P. Simon) 131, 194, 197-198
AGATHIAS
Historiae (éd. R. Keydell) Il, 30-32
114
Super Dionysii Mysticam Theologiam et Epistulas (éd. P. Simon) 131
ALAIN DE LILLE
Anticlaudianus (éd. R. Bossuat) III, 115-116 Distinction es (PL 210) s.v. theophania
411
ALCUIN
455
Commentaria in Sancti Iohannis Euangelium (PL 100) 743D-749D 506
Expositio prosae de angelis (éd. M.-Th. d'Alverny) 455
Epistulae (PL 100) 121 170
14, 55 15
455
De grammatica (PL 101) 853BC
82, 712
188
Interrogationes et responsiones in Genesim (PL 100) 42 464
Hierarchia Aluni (éd. M.-Th. d'Alverny) Regulae (PL 210) 9
456
Somme «Quoniam homines» (éd P. Glorieux) 456 §2 456 § 5a 456 §9 456 § 15 456 § 21 455 § 144 § 145 455 ALBERT LE GRAND
Commentarii in opera Beati Dionysii Areopagitae (éd. A. Borgnet) 131
V.
Versus de patribus, regibus et sanctis Euboricensis ecclesiae (MGH, PLAC, 1) 1547 416
ALEXANDRE D'APHRODISE
In Librum de sensu (CAG III, 1) p. 13, 19
292
In Sophisticos Elenchos (CAG Il, 3) p. 153, 2
292
TABLES ALEXANDRE DE HALÈS
p. 156, 33 - p. 157, 1
Glossa in quatuor libros Sententiarum Petri Lombardi (édition de Quaracchi) !, d. 3, 46b 428 II, 3, 7a 428
ANASTASE LE BIBLIOTHÉCAIRE
Epistolae (MGH, Epislolae, VII) 154, 514 ANNALES
ALEXANDRE DE RoEs
Annales Bertiniani (éd. G. Waitz /éd. F. Grat, J. Vieillard et S. Clémencet ) 155, 614 Annales Fuldenses (éd. G.H. Pertz / éd F. Kurze) 155, 614 Annales regni francorum qui dicuntur Annales Laurissenses maiores el. Einhardi (éd. F. Kurze) 613
Mem.oriale de praerogatiua romani imperii (éd. H. Grundmann et H. Heimpel) 50-52 AMBROISE AUTPERT
Expositio in Apocalypsim (CCCM 27-27A) 1, 2, 7b.3-15 83 III, 4, 4 564 V, prologue, 147-155 83 X, 22, 1.26-36 83
ANNE COMNÈNE
Homelia de transfiguratione Domini (CCCM 27B) 12, 25-29 83
Alexiade (éd. B. Leib) V,v, 1 XIII, v, 2
AMBROISE DE MILAN
Explanatio psalmorum XII (CSEL 64) Psalmus 1, cap. 33, 4 83 Psalmus 1, cap. 35, 15-21 82
Accessus ad Auctores (éd. R.B.C. Huygens) Accessus Bodii 420 Accessus Ouidii de Amatoria Arte 427 Accessus Ouidii Epislularum 685
321
De incarnationis Dominicae sacramento (CSEL 79) IX, 100 321 De paradiso (CSEL 32) III, 13
331 331
ANONYMES
Expositio psalmi CXV II (CSEL 62) Littera Phe, 36 83 De {ide (CSEL 78) III, XV, 127
292
Accessus philosophorum VII artium liberalium (éd. Cl. Lafleur) 419-426 Ars Ambrosiana, Comm.entwn anonymum in Donati partes maiores (CCSL 133C) De aduerbio 90
219-229 83
Ars Laureshamensis, Exposilio in Donatum maiorem. (CCCM40A) pars 3, De caderis uitiis 90
AMONNIUS
In De interpretatione (CAGIV, 5)
Asdepius (éd. A.D. Nock et A.J. Festugière)
746
TABLE DES CITATIONS AUTRES QUE BIBLIQUES
3
ln uitam ac certamen sancti Patris nostri ac Con(essoris M aximi (PG 90) 67-110 251 69A 252 116BC 252 117BD 252
90
Codex Aureus (MGH, PLAC, III) 155, 157, 170, 472, 563 Planches III, IV, V
ANSELME DE LAON
Commentum in Asclepium (éd. P. Lucentini) cap. 64 90
Explanalio in Psalmos (PL 116)
Commentum in Boethii Opuscula sacra (éd. E.K. Rand) p.49 617 p. 49-50 502-503 Commentum in Ouidii Epistolas Heroidum 683-687
Hymnes homériques 277
Ovide moralisé (éd. C. De Boer) V, 3466-:!479
APULÉE
De deo Socratis (éd. P. Thomas) 13
726 726
727
Parui flores (Audoritates Aristotelis el aliorum philosophorum) (éd. J. Hamesse) 385-:!92, 396-:!97, 400 Primo quaeritur (éd. Cl. Lafleur et J. Carrier) 419, 430433
II, 1, 89b24-25 II, 3, 91al
431 327-328, 411 579 198
De anima III, 425b24-25
432
Éthique à Nicomaque I, 6, 1098a18
330
Métaphysique A, 2, 994b9-10 Z, 5, 1031a12
580 554
Meleorologica I, 3, 340b22
144
Physique IV, 212a20-21 IV, 219b5-9
581 466
Topiques I, 2, 101a26-28 I, 5, 101b39 V, 4, 134a3-4
317 554 326-327
ARISTOTE (PSEUDO-)
Liber de causis (éd. A. Pattin) VII (VIII), § 72 XII (XIII),§§ 109-112
747
396
ARISTOTE
Analytica posteriora I, 2, 71b25-26 I, 22, 83a32-33
«Guide de l'étudiant» (éd. Cl. Lafleur et J. Carrier) §§ 125-126 427 §§ 125-130 419 426, 427, § 131 431 426, 427, § 132 428-429 § 133 426, 427, 429-430
Mythographi Vaticani (CCSL 91C) I, 42 Il, 123
291
429-430 429-430
TABLES
ARN DE SALZBOURG
Libellus de processione Spiritus San di (MGH, Concilia, II, Suppl. 2 / PL 101) pp. 251-283 635 pp. 259-260 599
VI, x, 17 VIII, i VIII, V, 9
529 591 83
De Genesi ad litteram imperfectus liber (CSEL 28, 1) par.2 94 De libero arbitrio (CCSL 29) III, xxi, 59
634
Demusica (PL 32) II, vii, 14 VI, iv, 7 VI, xiü, 40
82 463 107
De ordine (CCSL 29) II, xvi, 44
324, 553
309 314 23,315 551 534
De quantitate animae (PL 32) xxxii, 75
497
Confessiones (CCSL 27) 1, xviii, 28 Ill, iv, 7 VII, ix VIII, ii, 3 X, x.ii, 19 XIII, ü, 12
Sermones (PL 38-39) 166,4
534
107 318, 410 118 119 466 126
Tradatus in Iohannem (CCSL 36) Praefatio incerti auctoris
506
Contra M aximinum (PL 42) Il, 13
278
De doctrina christiana (CCSL 32) Il, vi, 8 II, xxviii, 43
210 23
V, viü-ix, 10 V,xi V, 14 VI, vi, 16 VII, vi, 12 VIII, ii, 3 IX IX, iv, 4 X,x, 14 X, xi, 17-19 XII, x.iv XIII, i XV, iü, 5 XV, xxvi, 1-18
464 599, 635-