Siger de Brabant d'après ses oeuvres inédites : Premier volume : Les oeuvres inédites


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Siger de Brabant d'après ses oeuvres inédites : Premier volume : Les oeuvres inédites

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Les

Philosophes

Textes

Belges

Études

et

Collection publiée par l'Institut supérieur de Philosophie de l'Université de Louvain sous la direction de Maurice De Wulf

TOME

SIGER

D'APRÈS

XII

DE

SES

BRABANT

ŒUVRES

INÉDITES

PAR

FERNAND VAN STEENBERGHEN DOCTEUR EN PHILOSOPHIE AGRÉGÉ A L'ÉCOLE SAINT THOMAS D'AQUIN BACHELIER EN THÉOLOGIE

PREMIER

LES

VOLUME

ŒUVRES

INÉDITES

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LOUVAIN ÉDITIONS DE L'INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE 2 , PLACE CARDINAL MERCIER , 2 1931

OUVRAGE PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS

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DE LA FONDATION UNIVERSITAIRE DE BELGIQUE

LES

PHILOSOPHES

BELGES

Les

Philosophes

Textes

et

Belges

Études

Collection publiée par l'Institut supérieur de Philosophie de l'Université de Louvain sous la direction de Maurice De Wulf

TOME

SIGER

D'APRÈS

XII

DE

SES

BRABANT

ŒUVRES

INÉDITES

PAR

FERNAND VAN STEENBERGHEN

DOCTEUR EN PHILOSOPHIE AGRÉGÉ A L'ÉCOLE SAINT THOMAS D'AQUIN BACHELIER EN THÉOLOGIE

PREMIER

LES

VOLUME

ŒUVRES

INÉDITES

LOUVAIN ÉDITIONS

DE L'INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE 2, PLACE CARDINAL MERCIER , 2 1931

PRÉFACE

La recherche scientifique est toujours , dans une large mesure , une œuvre de collaboration : nous en avons le sentiment très vif au moment de publier ce volume . En rappelant ici ce que nous devons à tous ceux qui ont contribué à sa réalisation , il nous a paru que nous donnerions au lecteur des renseigne ments utiles, tout en remplissant un devoir de gratitude et d'équité. Notre premier contact avec Siger de Brabant remonte à l'année 1921 : au cours de nos études à l'Institut supérieur de Philosophie , nous avions entre pris, sous la direction de M. Balthasar, professeur de métaphysique, une dis sertation sur l'Opuscule de saint Thomas d'Aquin « De unitate intellectus contra averroistas parisienses » . Ce travail, commencé en collaboration avec M. Tusquets, aujourd'hui professeur de philosophie à Barcelone , fut jugé avec bienveillance par M. De Wulf, à qui nous devions notre première ini tiation à l'histoire de la philosophie . M. De Wulf eut l'amabilité de reprendre , dans la cinquième édition de son Histoire de la philosophie médiévale , quel ques-unes des conclusions auxquelles nous nous étions arrêté à ce moment. Remaniée et développée en vue du Concours universitaire de 1923-1925, notre étude prit corps en un mémoire intitulé : Le conflit doctrinal entre Siger de Brabant et saint Thomas d'Aquin . Cependant Mgr Grabmann avait découvert en 1923

une quantité considérable de textes inédits de Siger : un subside

de la Fondation universitaire nous permit de poursuivre nos recherches dans les bibliothèques étrangères . A Rome d'abord, nous eûmes le privilège de passer plusieurs mois dans un commerce quotidien avec Mgr Pelzer, dont la compétence et le dévoûment ont été appréciés par tant de chercheurs : Mgr Pelzer nous fit poursuivre l'apprentissage des travaux d'érudition et de critique, commencé à Louvain sous la direction de nos maîtres de la Faculté de Théo logie . A Munich ensuite , nous cûmes l'avantage de rencontrer souvent Mgr Grabmann et de recevoir ses encouragements et ses conseils ; nous avons tou jours trouvé, soit à l'Université, soit à la Staatsbibliothek, un accueil aimable

VI

SIGER DE BRABANT

et complaisant . Il en fut de même dans les bibliothèques d'Oxford, spéciale ment à Merton College et à la Bodleian Library . Attaché, depuis, à l'Institut supérieur de Philosophie comme aspirant du Fonds national de la recherche scientifique, nous avons pu remettre notre travail sur le métier, dans un cadre plus vaste et avec des perspectives très élargies ; maintes fois encore, il nous fut donné de recourir aux conseils des professeurs de l'Institut : aux noms déjà cités, nous devons joindre ici celui de Mgr Noël, président de l'Institut, et de M. Mansion. Nous présentons à nos maîtres de l'Université de Louvain , ainsi qu'à Mgr Pelzer et à Mgr Grabmann , l'hommage de notre vive gratitude . La Fon dation universitaire et le Fonds national de la recherche scientifique ont droit, également, à notre profonde reconnaissance et nous saisissons très volontiers l'occasion qui s'offre à nous de souligner les multiples services rendus aux tra vailleurs intellectuels par ces deux institutions nationales . Nous remercions aussi M. De Wulf pour l'hospitalité qu'il nous a offerte dans la collection Les Philosophes Belges . M. Dopp a bien voulu partager avec nous la tâche de la correction des épreuves ; tâche facilitée , nous aimons à le dire , par l'habileté de notre imprimeur et de son personnel.

La découverte des écrits inédits de Siger nous obligeait à mettre à la base de notre construction historique et doctrinale une enquête minutieuse à travers ces sources nouvelles . La lecture et l'interprétation des textes, la collation des manuscrits entre eux et avec les documents grecs, arabes et latins qu'ils citent, enfin l'édition d'un spécimen des œuvres découvertes et la description de toutes les autres, devaient absorber un temps considérable et donner un déve loppement inattendu à notre travail . Nous avons pris le parti de le publier en deux volumes . Si l'on considère le plan général de l'ouvrage, la coupure éta blie de ce fait est artificielle ; mais elle a permis de grouper dans le premier volume toute la partie documentaire : le texte inédit des Quaestiones de Anima ; ensuite, la description paléographique et le résumé des autres pièces inédites .

Louvain, le 2 février 1931.

TABLE

DES

MATIÈRES

DU PREMIER VOLUME

Préface

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V VII

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: :

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:

:.

Table des matières du premier volume

INTRODUCTION I. L'œuvre du P. Mandonnet

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···

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1

Premières recherches sur Siger (p . 1 ) ; le livre du P. Mandonnet

(p. 2) ; accueil réservé de cet ouvrage (p . 3) . II. La découverte des œuvres principales de Siger

···

···

...

...



5

Textes mis à jour (p . 5) ; caractéristiques littéraires de ces textes ...

...

7

··



...

...

:

(p. 6) . ·· III . Objet du présent ouvrage IV . Méthode et indications pratiques

...

··

...

8

:

:

PREMIÈRE PARTIE

TEXTE

INÉDIT

DES

INTRODUCTION AU TEXTE ....

QUAESTIONES

...

...

...

DE

ANIMA

11

...

I. Les manuscrits (p . 11 ) . II. Les deux textes . Cas analogue du « De aeternitate mundi » (p . 13) ; état de la question (p . 15.) ; interprétation proposée (p . 17) . III. Principes et technique de l'édition (p . 18) . SIGERI DE BRABANTIA QUAESTIONES DE ANIMA ...

...

...

...

21

...

...

157

...

...

160

Liber primus (p . 22) . Liber secundus (p . 56) . Liber tertius (p . 122) TABLE DES QUESTIONS

...

...

••

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...

...

:.

...



:D

: TABLE DES NOMS DE PERSONNES

...

...

VIII

SIGER DE BRABANT

DEUXIÈME PARTIE

ÉTUDE

HISTORIQUE HISTORIQUE

ET

DOCTRINALE

CHAPITRE PREMIER. LES ÉCRITS INÉDITS ATTRIBUÉS A SIGER Questions sur le livre III du Traité de l'âme ... Questions sur la Physique ... ... ... ... ... Livre I (p . 177) . Livre II (p . 190) .

...

...

...

…….

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...

...

...

163

...

164

...

177

Livre III (p . 199) . Livre IV (p . 203). Livre VIII (p . 211 ) . Questions sur le Traité du sommeil et de la veille

···

223

:

Questions sur le Traité de météores ...

..

...

...

...

233

... :

Livre I (p. 233) . Livre II (p . 249) . Livre IV (p . 256) . Questions sur le Traité de la jeunesse et de la vieillesse, de la vie et de la mort ... ··· ... ... Questions sur le Traité de la génération et de la corruption ... Livre I (p . 268) .

263 268

Livre II (p . 285) . Le « Compendium magistri Sugeri super librum de generatione ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... et corruptione » ... ··· ··· Questions sur la Métaphysique ....

291

294

:

::

Introduction à la Métaphysique (p . 296) . Commentaire littéral du livre II (p . 298). Fragment relatif au livre VII (p . 299) . Suite des questions (p . 299) . Livre II (p. 301 ) .

Livre III (p. 306) . Livre IV (p . 317) . Livre V (p. 326) . Le «< Sophisma magistri Segeri de Brabantia »

...

...

...

333

...

350

:.D

...

Table des questions inédites

...

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...

...

Table des citations relevées dans les textes inédits Erratum

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……

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353 :

...

335

Bibliographie du premier volume

...

354

:

INTRODUCTION

Le nom de Siger de Brabant évoque celui du P. Mandonnet à qui le maître averroïste doit sa première biographie et l'édition d'une partie notable de ses œuvres . Paru pour la première fois en 1899, couronné par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris , développé et remanié dans la seconde édition (en deux volumes , 1908 et 1911 ) , le livre du P. Mandonnet , Siger de Brabant et l'averroïsme latin au XIIIe siècle , est la seule monographie complète qui ait été consacrée à Siger de Brabant et demeurera longtemps , sans doute , l'ouvrage fondamental en cette matière . La personnalité du maître que Dante avait immortalisé dans la Divine Comédie¹ n'était pas restée

totalement dans l'ombre jusqu'à l'aube

du

XXe siècle, mais les quelques lueurs dont Renan , Le Clerc , Delisle , Cipolla et d'autres avaient éclairé la figure de Siger, n'avaient point suffi à dissiper les mystérieuses ténèbres qui planaient autour de lui ; bien plus , les travaux de Le Clerc n'avaient servi qu'à embrouiller le problème , puisqu'ils tendaient à établir l'identité de Siger de Brabant et de son homonyme Siger de Courtrai. L'histoire détaillée de ces tâtonnements et de ces erreurs peut se lire dans l'ouvrage de Cl . Baeumker , Die Impossibilia des Siger von Brabant, paru en 1898. En éditant les Impossibilia, Baeumker ouvrait la voie qui, seule , pouvait mener à la connaissance du philosophe brabançon et de sa pensée : la publi cation de ses écrits . Le texte des Impossibilia était suivi d'un essai de biogra phie fort méritant ; par contre , le jugement porté par Baeumker sur la nature des Impossibilia viciait complètement son exposé des positions doctrinales de Siger : il attribuait précisément à Siger les sophismes que celui-ci s'efforçait de réfuter! Tous ces travaux antérieurs à celui du P. Mandonnet ont été utilisés et critiqués par lui ; nous ne devrons y revenir qu'occasionnellement. Nous ne

¹ Paradis, X, 133-138.

2

SIGER DE BRABANT 1

nous arrêterons pas non plus , pour le moment , aux quelques études

parues

entre la première et la seconde éditions de son livre .

Le Siger de Brabant du P. Mandonnet est fort connu et nous devrons , pour éviter des redites , y renvoyer souvent le lecteur . Il a paru nécessaire , toutefois , d'en rappeler ici les principales conclusions , car elles sont la base des exposés et des discussions ultérieures . Siger apparaît dans l'histoire vers le milieu de ce XIIIe siècle qui est un sommet dans le développement de la pensée européenne . Ce siècle avait reçu en héritage , dès son berceau , un patrimoine gigantesque où se trouvaient mêlés et presque confondus , les trésors intellectuels de la Grèce et de Rome , des Syriens , des Arabes et des Juifs . Cependant , Aristote domine au milieu de cette confusion et son action est prépondérante sur le mouvement intel lectuel médiéval et sur la formation des courants doctrinaux au XIIIe siècle : l'orientation que prennent les principaux de ces courants est déterminée par la position qu'ils adoptent vis-à- vis de la philosophie d'Aristote . A côté de l'école traditionnelle teintée d'augustinisme et de néoplatonisme , dominée par des préoccupations d'ordre théologique et illustrée surtout par saint Bonaven ture qui se pose en adversaire du néo - paganisme impliqué dans les idées aristotéliciennes, deux écoles nouvelles et , en un sens, rivales prennent nais sance dans la métropole universitaire qu'est Paris à cette époque . Favorables toutes deux au péripatétisme , elles s'opposent par là au groupe nombreux des théologiens conservateurs ; mais tandis qu'Albert le Grand et son disciple Thomas d'Aquin s'efforcent de créer un aristotélisme chrétien, compatible en tous points avec la doctrine catholique , quelques maîtres de la Faculté des Arts se font les champions d'un aristotélisme radical dont ils puisent la formule dans les œuvres du philosophe de Cordoue , l'Arabe Averroès , le Commenta teur authentique d'Aristote . Au sein de cette jeune et turbulente école , Siger de Brabant fait figure de chef et de meneur . Né vers 1235 dans le duché de Brabant , fief de l'Empire , Siger entra dans la cléricature et devint chanoine de Saint-Martin à Liége , mais ne parvint jamais au Sacerdoce . Il étudia à Paris et y enseigna comme maître à la Faculté des Arts . En 1266 , on le trouve mêlé aux troubles sur venus dans la Faculté et dus à la rivalité des Nations qui la composent . En 1270 éclate le conflit doctrinal qui met aux prises Siger (De Anima Intellectiva) et saint Thomas (De Unitate Intellectus) ; la controverse aboutit à la condam nation du 10 décembre 1270 : Etienne Tempier, évêque de Paris , déclare erronées et interdit d'enseigner ou de soutenir une série de treize propositions averroïstes . Cette mesure provoque une nouvelle scission dans la Faculté des Arts et inaugure une ère de désordres lamentables qui prend fin en 1275 , grâce

Picavet, Bruckmüller, Doncœur, etc. Il sera question de ces auteurs plus loin .

3

INTRODUCTION

à l'intervention du légat pontifical Simon de Brion . Mais le légat n'a pas sup primé la cause profonde des difficultés : elle gît dans l'enseignement même des maîtres . Bientôt les troubles reprennent et le 18 janvier 1277 , le pape Jean XXI ordonne une enquête sur les erreurs qui « pullulent » à nouveau au sein de l'Université : brûlant toutes les étapes, l'impétueux évêque de Paris répond par une nouvelle condamnation , promulguée le 7 mars 1277 ; elle atteint, dans les 219 propositions incriminées , toutes les formes de l'aris totélisme et de l'arabisme jugées suspectes , le thomisme y compris . Le 23 no 1 vembre ¹ 1277 , Siger et son collègue Bernier de Nivelles sont cités au tribunal de l'Inquisiteur de France , Simen du Val, mais les inculpés prennent la fuite ; il est probable qu'ils se présentèrent spontanément au tribunal , plus clément , de la Curie papale et que Siger y fut condamné à la peine de la détention perpétuelle , sous une forme d'ailleurs très débonnaire . Il mourut à Orviéto durant le séjour qu'y fit la Cour pontificale , de 1281 à 1284 , et fut assassiné par son clerc tombé en démence . Dante l'a placé dans son Paradis où il figure dans la couronne des douze théologiens-philosophes ; il lui a consacré six vers 2 énigmatiques qui ont fait l'objet de discussions prolongées entre dantologues . L'ouvrage du P. Mandonnet renferme , outre la biographie de Siger , l'examen de ses œuvres et un exposé succinct des doctrines caractéristiques du péripatétisme averroïste , ramenées à quatre chefs : négation de la Provi dence , éternité du monde , unicité de l'intelligence dans l'espèce humaine , sup pression de la liberté morale . Ces théories se retrouvent , avec des développe ments plus ou moins considérables , dans les ceuvres de Siger que le P. Man donnet a publiées dans la seconde partie de son livre : on y trouve , à côté d'autres documents relatifs à l'averroïsme latin au XII siècle , le texte complet de six petits traités dus à la plume de Siger de Brabant : tout ce que le savant. historien avait pu retrouver de l'héritage littéraire du maître averroïste .

Le bref résumé qu'on vient de lire ne peut évidemment livrer toute la richesse d'un livre qui est compté à juste titre parmi les chefs-d'œuvre de la littérature historique . Il a néanmoins ses lacunes, et la critique , généralement très flatteuse

pour

le

biographe

de

Siger ,

en

a

signalé

quelques- unes .

C. Baeumker a relevé de fâcheuses imperfections dans l'édition des textes et regretté

avec plusieurs autres critiques

que les citations de Siger

n'aient pas été identifiées ; en outre , il a formulé des réserves sur l'interpré 3 tation de l'attitude philosophique de Siger ³ . B. Nardi a contesté que la phi losophie de Dante fût d'inspiration thomiste et a cherché dans l'éclectisme du

¹ Et non pas octobre , comme le P. Mandonnet écrit par distraction à la p . 254 . " Paradis, X, 133-138. 3 Baeumker a eu l'occasion d'exprimer ces critiques au cours d'une polémique personnelle avec le P. Mandonnet : dans une note de la seconde édition de son Siger de Brabant, le P. Man

4

SIGER DE BRABANT

poète , l'explication de sa sympathie pour l'averroïste Siger de Brabant . En 1914, le P. M. Chossat remit en question , dans des articles remarquables de la Revue de Philosophie , quelques-unes des thèses du P. Mandonnet sur l'averroïsme de Siger et sur les épisodes de son conflit avec saint Thomas. Dès le début du premier article (p . 554) , il nous parle des contradicteurs du P. Mandonnet et nous apprend qu ' « il en est venu des quatre points cardi-.. naux >>> ; sans doute , il suffirait à la rigueur, pour que la proposition soit exacte , que ces contradicteurs fussent au nombre de quatre , ce qui n'est pas exagéré ; mais il est question , dès la ligne suivante , de « tous ces trouble-fête » et de « toute cette littérature abondante et quelquefois confuse ». Malheu reusement, le P. Chossat ne nous révèle que trois noms, que nous connaissions déjà : Doncœur, Bruckmüller et Baeumker. Le P. Chossat exagère également quand il écrit : « La priorité du De Anima de Siger est donc une des bases, sinon la pierre angulaire , de la construction historique , de la synthèse doctri nale , de l'exégèse de Siger et de saintThomas que le P. Mandonnet a données au public savant » (pp . 553-554) . Ces réserves faites , l'étude du P. Chossat .. mérite toute notre attention : elle s'appuie sur l'autorité de Gilles de Rome ,. Jean de Jandun et Jean Baconthorp et apporte, de ce fait, des pièces impor tantes au dossier de l'averroïsme et à celui de Siger . D'autres voix se sont levées pour mettre en doute quelques vues particulières du P. Mandonnet, et nous en parlerons en temps et lieu ; voix bien timides , il est vrai , à côté des protestations passionnées du P. Jules d'Albi , récemment décédé . Dans une brochure d'où la sérénité et la précision scien tifiques sont trop souvent absentes et dans laquelle les affirmations tendan cieuses tiennent souvent lieu de preuves, le zélé capucin réclama pour son dans les rangs des et la première M maître saint Bonaventure une place vainqueurs de l'averroïsme ; il esquissa la physionomie intellectuelle

du

XIIIe siècle en des traits qui n'ont vraiment plus grand'chose de commun avec le tableau dessiné par le P. Mandonnet 2 . En somme , on peut dire que , dans son ensemble , l'œuvre du P. Man

donnet a résisté à la critique impartiale . Il restait sans doute à la redresser ou à la compléter dans le détail , et tel ou tel menu détail commande parfois toute une construction historique . Il restait surtout à en tirer parti pour des recherches ultérieures, en particulier pour l'étude comparée du thomisme et de l'averroïsme . Notre intention était donc de reprendre et d'approfondir

donnet avait pris vivement à partie le regretté fondateur des Beiträge. Baeumker protesta et ce fut le signal d'un échange de notes dans le Philosophisches Jahrbuch et la Revue thomiste de 1911. Voyez la table bibliographique . Dans la Revue thomiste de 1911 (XIX) , p . 314, il faut..... lire Philosophisches Jahrbuch au lieu de Historisches Jahrbuch . ¹ B. NARDI, Sigieri di Brabante nella divina comedia ( 1912) . JULES D'ALBI, Saint Bonaventure et les luttes doctrinales de 1267-1277 ( 1923) .

I

INTRODUCTION

5

l'étude du conflit doctrinal qui mit aux prises Siger de Brabant et saint Thomas d'Aquin , mais au cours de notre travail un événement inespéré allait rajeunir singulièrement la question averroïste .

II

C'est le privilège de l'historien du moyen âge de connaître encore fré quemment la joie de la découverte . Une quantité très considérable de docu ments mal inventoriés dorment encore dans nos vieilles bibliothèques , grandes et petites , à tel point qu'on peut dire que l'étude historique de la pensée médiévale en est encore à ses débuts , puisque les œuvres principales d'un personnage de premier plan , chef d'école , contemporain et contradicteur de saint Thomas ,

et l'un des rares commentateurs d'Aristote au XIIIe siècle ,

viennent à peine de sortir de l'oubli ¹. En juillet 1923, Mgr Grabmann , occupé à des recherches sur la Faculté des Arts de l'Université de Paris , découvrit un recueil très important de Commentaires de Siger de Brabant sur les livres d'Aristote . Il fit part de son heureuse trouvaille dans une communication à l'Académie bavaroise des sciences, puis dans un article des Miscellanea Ehrle 2. On trouve dans la brochure de l'Académie , après un bon résumé des travaux consacrés à Siger jusqu'en 1924 , la description du manuscrit découvert et des remarques sur la nature et l'importance du document . L'article des Miscellanea reprend et déve loppe la description du manuscrit , dont il publie quelques extraits . D'après les calculs de Mgr Grabmann , les textes mis à jour constituent un matériel littéraire 12 à 15 fois plus considérable que l'ensemble des écrits de Siger édités par le P. Mandonnet . La description étendue du manuscrit de Munich qu'a faite Mgr Grab mann ³3 nous dispense de longs développements . Il suffira de reproduire ici la liste des commentaires .

Le manuscrit latin 9559 de Munich renferme des questions sur les ouvrages suivants d'Aristote : 1. Super libros 1 , 2 , 3, 4 et 8 Physicorum ; 2. Super librum de Somno et Vigilia ;

Et ce cas n'est pas isolé . Sur l'état des recherches dans le domaine de la pensée médié vale, voyez GRABMANN , Mittelalterliches Geistesleben , pp . 1-49 et les études qu'il cite, notam ment celles du cardinal F. EHRLE . 2 GRABMANN, Neuaufgefundene Werke des Siger von Brabant und Boetius von Dacien ( 1924) ; Neuaufgefundene « Quaestionen » Sigers von Brabant ( 1924) . 3 GRABMANN, Neuaufgefundene Werke des Siger von Brabant, pp . 8-23 ; Neuaufgefundene « Quaestionen » Sigers von Brabant, pp . 106-126.

6

SIGER DE BRABANT

3. Super libros 1 , 2 et 4 Meteororum ; 4. Super librum de Iuventute et Senectute ; 5. Super libros 1 et 2 de Anima ; 6. Super libros de Generatione et Corruptione ; 7. Super libros 1 ad 5 Metaphysicae . Le manuscrit 275 de Merton College à Oxford renferme des questions de Siger de Brabant super libros tres de Anima ; les livres 1 et 2 sont substan tiellement identiques à ceux de Munich (ci-dessus , numéro 5). Il faut ajouter à ces pièces les Quaestiones in librum III™ de Anima , iden tifiées depuis longtemps par Mgr Pelzer. Ces questions , contenues dans le codex 293 de Merton College à Oxford , sont attribuées à « maître Siger » par le manuscrit lui-même et cette attribution est reproduite dans le catalogue imprimé de Coxe , paru en 1852. Le P. Mandonnet ne semble pas avoir eu connaissance de cette notice , mais elle n'échappa point à l'attention de Mgr Pelzer, qui reconnut bientôt dans « maître Siger » le maître averroïste 1 brabançon ¹ . La Bibliothèque vaticane possède , dans un recueil de fragments signalé par Denifle 2 , un Sophisma inédit de Siger de Brabant, dont Mgr Pelzer a bien voulu nous communiquer la photographie. Enfin , c'est encore Mgr Pelzer qui a attiré l'attention sur le manuscrit 206 de la Bibliothèque monastique de Lilienfeld , en Autriche . Ce manuscrit du XIIIe siècle renferme , du fol . 139" au fol . 141 ' , des fragments (le début et la fin) d'un Compendium magistri Sugeri super librum de generatione et corruptione . Bien que ce Compendium soit différent des Quaestiones de generatione et cor ruptione qui se trouvent dans le codex 9559 de Munich , il est vraisemblable que magister Sugerus n'est autre que Siger de Brabant . Dès lors , nous range rons cet écrit , provisoirement du moins , parmi les œuvres qui lui sont attri buées ³ .

Les écrits de Siger de Brabant publiés par le P. Mandonnet sont tous des œuvres originales de l'auteur et non des commentaires . Si l'on excepte les Impossibilia, qui sont la rédaction d'exercices de sophistique , on peut rap procher ces écrits des Opuscules de saint Thomas et, dans une certaine mesure , des Questions disputées, qu'ils rappellent par leur structure littéraire , sans constituer pourtant des discussions scolaires proprement dites . La prédilection

' C'est par erreur que CHOSSAT (Rev. de Philosophie, 1914 , II , p . 34) affirme que le Com mentaire dont s'occupe Mgr Pelzer, se trouve à la Bibliothèque vaticane . Chossat est cité par GRABMANN (Neuaufgefundene Werke des Siger, p . 6 , et Neuaufgefundene « Quaestionen » Sigers, p . 105) . Même inexactitude dans UEBERWEG-GEYER (Grundriss, II , 1928, p . 450) . DENIFLE, Chartularium Universitatis Parisiensis , II , p . 65 . 3 Voyez à ce sujet GRABMANN, Neuaufgefundene « Quaestionen » Sigers, p . 123 , en note.

"

INTRODUCTION

de Siger pour la forme scolastique de la quaestio se manifeste partout

7

dans

les Quaestiones logicales et naturales , dans la Quaestio utrum haec sit vera : homo est animal, nullo homine existente , dans les Quaestiones de aeternitate 1 de anima intellectiva . Cette préférence se

mundi et jusque dans le Tractatus

comprend aisément si les œuvres de Siger sont , en général , le fruit et l'expres sion de son enseignement, comme le pense le P. Mandonnet 2 . Les documents retrouvés à Munich et à Oxford sont tous, au contraire , des commentaires aux livres d'Aristote . Ici encore, toutefois , la forme de la quaestio est préférée au procédé du 3 commentaire littéral , employé par saint Thomas à la suite d'Averroès ³. Le Compendium de generatione et corruptione de Lilienfeld appartient également à la catégorie des commentaires . Seul le Sophisma de la Bibliothèque vaticane est une composition d'un autre ordre et doit être rapproché des Impos sibilia publiés par Baeumker et réédités par le P. Mandonnet .

III

La découverte des Commentaires de Siger sur les œuvres d'Aristote bouleversait tous nos plans : avant toute autre chose , il fallait prendre con naissance de ces écrits . Grâce aux subsides de la Fondation Universitaire de Belgique , il nous fut possible d'étudier sur place , à Munich et à Oxford , les questions inédites de Siger. La publication de ces textes s'impose comme la tâche primordiale à exé cuter ; seule , elle répondra pleinement à l'attente des historiens du moyen âge . Nous avons dit déjà que le commentaire du manuscrit 293 a été identifié par Mgr Pelzer ; celui- ci prépare l'édition de ces textes , qui sont malheureuse ment fort corrompus dans l'unique copie que nous en avons . Mgr Grabmann travaille , de son côté , à la publication des Quaestiones in Metaphysicam qui constituent l'une des pièces les plus remarquables du manuscrit de Munich . Nous avons voulu contribuer, à notre tour , à l'édition des oeuvres de Siger, en publiant ici les Quaestiones in libros tres de Anima . Ce choix s'indiquait, en premier lieu en raison de l'importance exceptionnelle de ces questions : les doctrines psychologiques relatives à l'âme humaine ont toujours occupé une

Le mot est de Siger, dans son Prooemium. 2 MANDONNET, Siger de Brabant, I , pp . 113 sqq .; II , p . II . * Parfois Siger recourt au système du commentaire . C'est le cas notamment en deux endroits des Quaestiones de Anima contenues dans le manuscrit 275 de Merton College : à deux reprises , un Commentum s'insère dans la suite des questions . On en trouvera le texte plus loin.

8

SIGER DE BRABANT

place privilégiée chez les averroïstes , et leur fameuse thèse du monopsychismea été considérée , dès le XIII° siècle , comme leur principale hérésie et leur plus grave erreur . En outre , pour étudier l'évolution intellectuelle de Siger et l'influence de ses controverses avec saint Thomas ou d'autres adversaires de l'averroïsme, il est indispensable d'avoir sous les yeux, en même temps que le Tractatus de Anima intellectiva (édité par le P. Mandonnet) et les Quaestiones in librum tertium de Anima (qui seront publiées par Mgr Pelzer), le texte intégral des Quaestiones in libros tres de Anima . Enfin , une raison d'ordre méthodologique nous invitait à choisir ce commentaire de préférence aux autres on l'aura remarqué , c'est la seule pièce dont nous ayons partielle ment du moins deux copies , condition à peu près indispensable d'une reconstitution scientifique du texte primitif . Le texte inédit des Quaestiones in libros tres de Anima occupe la pre mière partie de ce volume . Fallait-il s'arrêter là et s'interdire de publier autre chose que des textes , jusqu'à ce que l'oeuvre tout entière de Siger ait vu le jour ? Nous ne l'avons pas pensé : en effet , on ne peut se dissimuler qu'il s'agit là d'une œuvre de longue haleine et qu'elle ne sera pas achevée avant plusieurs années . Il nous a donc paru qu'ayant pris connaissance de l'œuvre inédite de Siger , nous rendrions service en la faisant connaître à notre tour sans tarder, dans toute la mesure du possible . C'est le but de l'étude historique et doctrinale qui constitue la deuxième partie du volume.

IV

Le développement de ces deux parties relève de disciplines fort dispa rates aussi la méthode à suivre sera-t- elle déterminée et justifiée au début de chacune d'elles ; seules les indications pratiques d'ordre général figurent ici . Pour éviter de nombreuses redites sans nuire à la facilité des recherches ou du contrôle , les références bibliographiques ne sont données qu'une seule fois d'une façon complète , non pas à l'endroit où l'ouvrage ou l'article est cité pour la première fois , mais dans l'index bibliographique situé à la fin du volume . C'est là aussi , par conséquent , que sont indiquées les éditions aux quelles se réfèrent les citations d'auteurs anciens ou médiévaux . Sauf indication contraire , toutes les références au Siger de Brabant du P. Mandonnet visent la seconde édition de cet ouvrage ; elles sont indiquées . par les simples mots : MANDONNET, Siger, suivis de la mention du volume et.. de la page .

PREMIÈRE

TEXTE

PARTIE

INÉDIT

DES

QUAESTIONES

DE

IN

LIBROS

ANIMA

TRES

INTRODUCTION

AU

TEXTE

Le problème de l'authenticité des questions inédites de Siger a été exa miné par Mgr Grabmann dans son rapport à l'Académie de Munich et dans son article des Miscellanea Ehrle . Cet examen sera poursuivi dans la deuxième partie de ce volume , où toutes les questions de critique littéraire seront traitées en même temps . L'objet de cette introduction est donc limité aux renseignements qui relèvent de la critique textuelle .

I. — LES MANUSCRITS

Le texte des questions de Siger sur les livres du Traité de l'âme ne nous est connu , jusqu'à présent , que par deux manuscrits , dont l'un est fort incom plet comme on le verra plus loin .

1. Oxford, Merton College, cod . 275. Parchemin , 238 fol . , 28 x 20 cms. Ecritures diverses , XIV° siècle , en deux colonnes . Renferme une série de pièces sommairement indiquées par Coxe , dont la description est entachée de lacunes 1 et d'erreurs ¹ . Nous la résumons ici en la corrigeant et en la complétant. 1. Thomae Aquinatis Commentarius de Anima (fol . 4) . 2. Eiusdem de Sensu et Sensato (fol . 44) . 3. Eiusdem de Memoria et Reminiscentia (fol . 60") . 4. Anonymi quaestiones in Aristotelis libros de Anima (fol . 67) . Ce sont les questions de Siger de Brabant . Mgr Grabmann les a identifiées au moyen du manuscrit de Munich , par la comparaison des incipit . Coxe écrit à tort : « Inc. : In omnibus argumentis et doctrinis etc. » . Il n'a pas vu que le gu de l'abréviation argubus est exponctué ; la terminaison bus lui interdisait, en tous cas , de lire argumentis . Grabmann avait raison de soupçonner une faute de 2 en fait , l'incipit d'Oxford est identique à celui de Munich : « In

lecture

¹ COXE, Catalogus codicum des Collèges d'Oxford , vol . I , pp . 108-109 . GRABMANN, Neuaufgefundene Werke des Siger von Brabant, p . 13, note 1 .

12

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

omnibus artibus et doctrinis , etc. » Explicit : « Si est ibi violenter, et nullum violentum aeternum , ut vult Philosophus, ... » (fol . 84b) . Les questions s'arrêtent tout à coup , vers le premier quart de la colonne ; le reste du folio 84 et les deux folios suivants (84A et 84B) sont vides . La copie est d'une écriture anglaise , élégante et régulière . Les fautes du scribe sont relativement rares et le texte est généralement bien conservé. 5. Anonymi quaestiones in librum primum de Anima (fol . 85) . Cette pièce débute par une introduction développée (fol . 85-87 ) où l'auteur expose les grandes lignes du Traité de l'Ame ; Avicenne y est souvent cité . Puis viennent une série de questions relatives au premier livre d'Aristote . L'auteur enseigne que l'âme intellective est , elle aussi , « actus corporis » car , à la différence des substances séparées , elle est « unibilis corpori » . 6. Anonymi quaestiones aliae in librum primum de Anima (fol . 98) . Con trairement aux indications de Coxe , ces questions s'arrêtent au fol . 101 ", après l'examen de la question utrum magnes posset (possz) movere vel moveat ferrum (fol . 100') . 6a. Aegidii Romani tractatus de plurificatione possibilis intellectus (fol . 101¹) . Un blanc de deux lignes seulement sépare ce traité des questions pré cédentes , mais l'écriture est différente et une grande initiale rouge indique le début du traité . Coxe a été trompé par l'indication erronée des marges supérieures où l'on continue à lire : In I. de AIA (d'une main postérieure) . Le nom de Gilles de Rome ne figure pas dans le manuscrit, mais il est aisé de reconnaître son traité . Incipit : « Quoniam multi dubitant quomodo intel lectus numeratur numeratione corporum » . Explicit : « imponatur finis ipsi tractatui qui intitulatur de plurificatione possibilis intellectus » (fol . 107") . 7. Anonymi quaestiones in libros I et II de Anima (fol .

108) . C'est un

commentaire nettement averroïste du Traité de l'Ame . Nous y reviendrons ailleurs . Contrairement aux indications de Coxe , il s'arrête brusquement au cours du livre II , dans le chapitre de la lumière . Explicit : « cum autem in superficie frangitur, et in superficie videtur » (fol . 121 ' , col . a , premier tiers ; le reste du folio est blanc) . 7a. Thomae Aquinatis quaestiones disputatae de Anima (fol .

122) . Ici

encore, Coxe a été trompé par l'indication des marges supérieures : In III. de AIA, qui se lit jusqu'au fol . 204", mais qu'on a essayé d'effacer à partir du fol . 155. C'est ainsi qu'il n'a vu dans la pièce 7a que la continuation de 7 . 8. Thomae Aquinatis quaestiones disputatae de Virtutibus in Communi, de Caritate et Correptione fraterna, de Spe, de Virtutibus cardinalibus, de Unione (ms = innovatione) Verbi incarnati (fol . 154 ) . Ici , Coxe s'est fié à l'explicit incomplet du fol . 204 : « Expliciunt questiones de virtutibus anime in communi fratris Thome de Aquino . Amen » . Le numéro 8 n'est pas de la même main que le précédent. 9. Petri de Alvernia lectura in Aristotelis librum de Sensu et Sensato (fol . 205) .

13

INTRODUCTION AU TEXTE

10. Eiusdem in librum de Memoria et Reminiscentia (fol . 214) . 11. Eiusdem in librum de Somno et Vigilia (fol . 217) . 12. In librum primum de Motu animalium commentarius (fol . 220) . 13. Fragmentum commentarii in librum de Iuventute et Senectute , de Vita et Morte (fol. 233) .

2. Munich, Staatsbibliothek ( ancienne bibliothèque royale ) , cod . lat. (Clm ) 9559. Parchemin , 150 fol . , 25 x 18 cms ; les folios sont assez irrégu lièrement coupés . Le volume est presque tout entier de la même main , d'une écriture irrégulière , cursive et inélégante , qui contraste avec celle du manus crit d'Oxford ; les Quaestiones de Generatione et Corruptione sont d'une autre main , beaucoup plus calligraphique . Le manuscrit date de la fin du XIIIe ou du début du XIV siècle ; il est vraisemblablement d'origine anglaise , à en juger par l'écriture ; avant de passer à la bibliothèque de Munich, il appartenait au monastère de Oberaltaich . Mgr Grabmann a donné une description fort étendue du codex 9559 ² ; il n'y a pas lieu d'y revenir ici . Il faut rappeler toutefois la caractéristique curieuse qui a mis Mgr Grabmann sur la voie de sa découverte

en plusieurs

endroits , des passages plus ou moins considérables sont rendus illisibles au moyen de gros traits d'encre noire , larges de plusieurs millimètres et couvrant presque entièrement l'écriture . Le contexte révèle qu'il s'agit de passages où sont développées certaines thèses de l'averroïsme hétérodoxe . On n'est pas parvenu , jusqu'à présent, à arracher leur secret à ces barres inflexibles. Les questions sur les deux premiers livres du Traité de l'Ame occupent les folios 74" à 82 et constituent la neuvième pièce du volume . Incipit : < « < Bonorum et honorabilium notitiam opinantes (et non operantes 3 ) etc. In omnibus artibus et doctrinis necesse est considerare » . Explicit : « Et per hoc patet ad rationes : sumuntur enim ex dicto Aristotelis quod iam expositum est > (fol . 82 , col . a , début ; le dernier mot est suivi du signe de paragraphe ,. mais la suite fait défaut et le reste de la page est vide ) .

II .

LES DEUX TEXTES

I

Nous l'avons dit déjà , les questions d'Oxford sur les deux premiers livres

GRABMANN, Neuaufgefundene Werke des Siger, p . 8 . GRABMANN, Neuaufgefundene Werke des Siger, pp . 8-12 ; Neuaufgefundene « Quaestionen » Sigers, pp. 111-126 . * GRABMANN, Neuaufgefundene Werke des Siger, p . 12. 2

14

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

du Traité de l'Ame sont substantiellement identiques à celles de Munich . Mais l'identité n'est pas toujours littérale : de nombreuses variantes (additions , omissions et surtout substitutions), ne peuvent s'expliquer par des négligences ou des erreurs de copiste . Elles sont d'un autre ordre . Le cas est analogue à celui du De Aeternitate Mundi, que le P. Man donnet a publié sous deux formes différentes dans les deux éditions de son Siger de Brabant . L'édition de 1899 donnait le texte du manuscrit latin 16222 de la Bibliothèque Nationale de Paris , mais dans les Corrections et Additions , l'auteur annonçait la découverte d'un second exemplaire du De Aeternitate (cod . 16297 du même fonds) ; il voyait dans les nombreuses variantes rédac tionnelles du 16297 le fait d'un élève soucieux d'abréger les formules du maître afin de suivre plus facilement sa dictée ¹ . Dans l'édition de 1908 , c'est le texte du 12297 qui est préféré : il représenterait le texte définitif , revu par le maître sur la reportatio de sa leçon et débarrassé des redites et des déve loppements inutiles 2. Nous ne pouvons nous attarder ici à l'examen approfondi de ces deux textes, et les remarques que nous allons faire n'ont pas la prétention d'être décisives . Elles ont avant tout pour but d'introduire l'examen du problème qui se pose pour les Quaestiones de Anima, et de montrer combien il est 3 malaisé de prendre parti en ces matières ³ .• En premier lieu, il ne faudrait pas exagérer l'importance des divergences entre les deux leçons, A ( 16222) et B ( 16297) . Elles se réduisent aux deux points suivants : 1 ° substitution d'une division en quatre parties dans A, à la division tripartite de B ; pour opérer ce changement, il suffisait de transformer per hoc (p . 132) en secundo , puis le secundo primitif en tertio et le tertio en quarto ; 2° addition en A (ou suppression en B) de quelques formules d'intro duction ou de transition , et de quelques formules de prudente réserve qui accompagnent l'énoncé de doctrines hétérodoxes. Les autres variantes sont anodines . Ensuite , la supériorité de B sur A ne nous paraît pas établie . La division tripartite n'est pas plus rationnelle que l'autre . Les additions de A par rapport à B ne semblent pas superflues : en effet , l'absence des phrases d'introduction et de transition s'explique fort bien dans des notes d'étudiant, mais ces for mules sont à leur place dans une rédaction définitive destinée à la publicité . De même, les précautions littéraires impliquées dans les expressions secun dum viam Philosophi procedendo , secundum viam philosophiae, secundum

¹ MANDONNET, Siger, Ire éd . , pp . 118-120 . " MANDONNET, Siger, II , pp . III -IV . 3 Pour trancher la question , il faudrait reprendre l'examen des deux manuscrits de Paris et les collationner avec le manuscrit 17 de la Bibliothèque Santa Caterina à Pise : le P. PELSTER a signalé l'existence , dans ce codex (fol . 116-117") d'un exemplaire du De Aeternitate Mundi · dans la rédaction du cod . 16222 de Paris . Voyez les Xenia Thomistica , III , p . 276 .

*

INTRODUCTION AU TEXTE

15

philosophos ou a philosophis, secundum Aristotelem ou opinionem Philosophi recitando, s'imposaient beaucoup plus dans la rédaction écrite que dans l'exposé oral

on sait par les reproches de saint Thomas à la fin du De

Unitate Intellectus, et par le décret universitaire du 2 septembre 1276¹ , que les maîtres averroïstes se montraient plus libres devant leurs élèves que dans 2 leurs gestes publics ² ; la multiplication des formules de prudence s'explique. donc fort bien si A est la rédaction définitive : l'auteur a d'ailleurs pris soin d'en varier l'expression pour éviter la monotonie de répétitions matériellement identiques . Quant à l'incipit de A : « Proponit quandam racionem » , dans lequel le P. Mandonnet voit l'indice certain d'une reportatio³ , il faut avouer que la tournure est peu naturelle sous la plume d'un étudiant : imagine-t- on celui-ci écoutant l'exposé du maître et écrivant dans son cahier : « Il propose un certain argument , etc. » ; si des préoccupations littéraires l'avaient poussé à employer pareil exorde , il eût écrit pour le moins : « Proponit magister » . Mais le manuscrit de Pise donne une leçon beaucoup plus satisfaisante : « Propter quandam racionem » . C'est bien dans la manière de Siger ; c'est aussi plus conforme au contexte , où l'auteur parle à la première personne (intendimus, proponimus, dico , conamur, nostrum propositum, etc. ) . Dès lors, l'argument en faveur de la reportatio est inexistant.

II

Comment se pose le problème pour les Quaestiones de Anima ? En représentant par O le manuscrit d'Oxford et par M celui de Munich , voici quel est l'état de la question : 1 ) Les variantes sont beaucoup plus nombreuses et plus importantes que celles du De Aeternitate Mundi. 2) Les questions se répartissent comme suit :

¹ DENIFLE, Chartularium, I , p . 539. * Aussi ne pouvons- nous admettre ce qu'écrit le P. Mandonnet (Siger, II , pp . III -IV) : « On conçoit dès lors que dans une leçon orale... ils aient multiplié cette précaution . Mais le procédé devenait superflu, au moins dans une semblable mesure , dans une pièce écrite , d'ordinaire anonyme, et qui circulait plus ou moins sous le manteau » . Du fait que de nombreux docu bien au contraire ments nous sont parvenus sans nom d'auteur, il ne résulte pas que les auteurs aient été ignorés au moment de la mise en circulation de leurs écrits. Les averroïstes, en tout cas , se savaient surveillés et n'avaient pas la naïveté de croire que leurs écrits échappe raient à la vigilance des gardiens de l'orthodoxie . Il était donc fort sage d'abriter toutes leurs affirmations suspectes sous les formules que nous avons reproduites . 3 MANDONNET, Siger, I , p . 125, note 3. .1 Voyez les incipit des Impossibilia et des Quaestiones naturales ainsi que le Prologue du Tractatus de Anima Intellectiva .

16

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

Munich

Oxford Livre I.

Qu .

1 à 16

Qu .

1 à 16

Qu . 17

Qu . 18 à 21 Livre II .

Qu .

1 à 22

Qu . 23 à 45 Livre III . Qu .

Qu . 23 à 45

1 à 22

M, qui omet la question 17 du livre I , possède en revanche quatre ques tions supplémentaires au même livre ; il en comptait peut-être davantage primitivement, car le codex est mutilé et ne contient plus , ni la fin de la question 21 (livre I) ni le début de la question 23 (livre II) . Il est donc pro bable que l'absence de la fin du livre I et des 22 premières questions du livre II s'explique par la perte de quelques feuillets . M. R. von Heckel, professeur de paléographie à Munich , a bien voulu examiner le codex ; il estime qu'au moins un cahier de 4 folios a disparu . C'est un espace suffisant , semble-t-il , pour contenir les 22 premières questions du livre II , qui remplissent environ 11 pages (5 1/2 folios) du manuscrit d'Oxford . Par contre , on ne peut dire avec vraisemblance la raison de l'absence du livre III dans M. O, qui renferme le livre III , ne laisse aucune place à des questions supplé mentaires entre la question 17 du livre I et le début du livre II . 3) D'une façon très générale , O est plus long et plus disert que M ; il explique, donne des exemples, précise des citations ; M présente un texte sensiblement abrégé par rapport à O : il omet certains développements , sou vent les exemples , parfois les citations . Quelquefois cependant, c'est M qui ajoute une remarque , qu'on trouve deux ou trois fois en marge , mais écrite de la même main que le texte courant ; ou bien c'est O qui semble résumer M, supprimer une redite , une citation superflue ou trop générale .

4) Dans les phrases parallèles, le vocabulaire diffère souvent , tant pour les termes les plus communs que pour les expressions moins courantes ¹ . Assez généralement , dans ces cas , O est plutôt supérieur à M. 5) Paléographiquement, M et O diffèrent notablement aussi : d'une écri ture calligraphique qui trahit le professionnel de la copie, O contient plus de fautes (distractions classiques ou erreurs de lecture) que M , tout en présentant dans l'ensemble un texte soigné et correct . M fournit un texte en général très correct, dans une écriture rapide , serrée , irrégulière qui s'accommode de ratures et de nombreuses additions marginales .

1 Voyez les exemples dans le texte . Praeterea dans M est toujours Item dans O ; Contra dans M est toujours In oppositum dans O.

INTRODUCTION AU TEXTE

17

En résumé : si l'on fait abstraction de la légère infériorité paléographique de O, il faut dire que , dans l'ensemble , O est supérieur à M : il est plus complet , mieux rédigé , plus précis que M. Cependant , plusieurs additions de M font bonne figure , quelques substitutions paraissent favorables à M , quelques omissions ou réductions de M sont plutôt heureuses .

III

Les faits étant tels , comment les interpréter ? Faut-il songer à deux exposés successifs du Traité de l'Ame , à une ou plusieurs années d'intervalle ? Cette hypothèse expliquerait évidemment toutes les divergences , y compris celles que nous avons relevées dans le nombre des questions . Elle est pourtant invraisemblable en raison du parallélisme constant, et souvent très littéral , qui règne dans toutes les parties communes . L'autre hypothèse extrême consisterait à voir dans les deux textes synop tiques deux reportationes , issues directement d'un même enseignement oral . Elle explique les ressemblances et les omissions ; elle peut expliquer des substitutions anodines ; mais un certain nombre de variantes , qui atteignent parfois la doctrine et qui affectent plus d'une fois des phrases entières , suf fisent à exclure cette hypothèse. Il faut admettre , semble-t-il , un travail rédactionnel de remaniement qui a eu pour résultat le texte O : soit que ce travail ait été fait sur une reportatio (c'est un procédé courant au moyen âge) , soit qu'il ait été fait sur les notes au moyen desquelles le maître donnait son enseignement ' . M , au contraire , serait la reportatio d'un bon élève . Mgr Grabmann a exprimé l'avis que les questions de Siger contenues dans le manuscrit 9559 de Munich , sont l'écho de son enseignement : il en voit un indice dans le fait que ces questions sont souvent inachevées 2. Nous en verrions volontiers un autre dans les caractéristiques paléographiques du manuscrit . Ce codex remarquable devrait être étudié de près par un spécialiste de la paléographie : l'écriture cursive , irrégulière , serrée et peu soignée pourrait être celle d'un cahier d'étudiant ; les gros traits d'encre noire qui rendent illisibles les passages suspects , paraissent contemporains au texte lui-même, qui est , selon toute vraisemblance , du XIIIe siècle ; plusieurs ratures devraient aussi faire l'objet d'un examen attentif, de même que les notes marginales et les vides d'une ou deux lignes laissés parfois dans le texte. L'hypothèse proposée rend- elle compte des variantes (additions, omissions

¹ Les écrits que l'on considère comme des notes d'étudiants ( reportationes) offrent sou vent des textes bien ordonnés et divisés , munis de citations nombreuses et assez précises : on ..imagine difficilement que ce soit là le résultat d'une improvisation . 2 GRABMANN, Neuaufgefundene Werke des Siger, p . 16.

18

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

ou substitutions) , peu nombreuses , il est vrai , où le texte de M est supérieur à l'autre ? Oui , si l'on admet que la mise au point de O n'a pas été faite au moyen de M, mais au moyen d'une autre reportation ou des notes du maître : cette catégorie de variantes s'explique , alors , soit par la supériorité de M sur l'autre reportation en certains passages , soit par les divergences inévitables entre l'enseignement oral recueilli dans M et les notes préalables qui seraient à la base de O ; les quelques additions marginales de M pourraient aussi être des gloses de l'étudiant . · Enfin , l'absence des questions 18 à 21 du livre I dans O, celle de la ques tion 17 du livre I et celle du livre III tout entier dans M , peuvent être dues à des circonstances très diverses et s'expliquent plus facilement, en tout cas, si l'on admet que O ne dépend pas de M. Notons enfin , sans pouvoir en fournir la raison, que O lui-même est inachevé, puisqu'il s'arrête au milieu de la question 22 du livre III .

III.

,

PRINCIPES ET TECHNIQUE DE L'EDITION

I

Nous avons songé un instant à éditer intégralement les deux textes paral lèles , mais il nous a paru qu'un procédé plus simple donnerait un résultat à peu près équivalent . Nous éditons le texte de O qui , à quelques exceptions près, est le meilleur et le plus complet , et renferme d'ailleurs 40 questions de plus que M ; seul le texte des questions 18 à 21 du livre I est emprunté à M, étant donné que ces questions font défaut dans O. D'autre part , toutes les ´additions et substitutions de M qui ne sont pas purement anodines, sont don nées en note ; nous n'avons pas cru nécessaire d'indiquer les omissions conti nuelles de M : les plus importantes seules sont mentionnées . Enfin , pour achever de donner une idée précise des divergences entre O et M et pour justifier par un exemple ce que nous en avons dit , nous publions intégralement : les textes parallèles du Prooemium et de la première question .

II

Les questions ne sont pas numérotées dans les manuscrits . Nous leur don- nons des numéros d'ordre dans le but de faciliter les citations . L'orthographe moderne du latin a été adoptée dans le texte courant . L'orthographe médiévale , souvent flottante ou bizarre , en tout cas désuète , rend la lecture pénible ; cet inconvénient n'est pas compensé par des avan---

INTRODUCTION AU TEXTE

19

tages appréciables, car le contrôle de l'édition 1 et l'examen des caractéris tiques paléographiques du texte ne peuvent se faire — en toute hypothèse — sans recourir au manuscrit lui- même . D'ailleurs , l'orthographe du manuscrit est indiquée en note toutes les fois qu'elle présente un intérêt particulier : c'est le cas , par exemple , pour les noms propres . La ponctuation est modernisée , complétée et , au besoin , corrigée ; il en est de même pour la division en alinéas ou paragraphes . 2 La foliotation du manuscrit d'Oxford est indiquée entre crochets . La leçon de O est abandonnée pour le texte courant dans les seuls cas de faute évidente, corrigée , soit par la leçon du manuscrit de Munich , soit à l'aide du contexte ; mais la leçon de O est toujours signalée en note . Les variantes constituent la première série de notes : 1 ) Les additions sont indiquées par le signe + . M + etiam signifie que M ajoute etiam à l'endroit indiqué par le signe de référence .

2) Les omissions sont indiquées par le signe etiam signifie que M omet etiam . M W M

etiam etc. signifie que M omet etiam et tout ce qui suit jusqu'à l'indice de référence .

3) Les substitutions sont indiquées par le signe =. M - etiam signifie que le mot affecté du signe de référence est rem placé, dans M, par etiam. Depuis etiam, M

et hoc patet ulterius signifie que le mot etiam et

les suivants jusqu'à l'indice de référence sont remplacés, dans M , par et hoc patet ulterius. Dans la plupart des cas , les variantes sont tirées de M. Mais quand M cor rige une faute manifeste de O , c'est la leçon de O qui est indiquée en note . Quand le texte courant est rétabli à l'aide du contexte malgré la leçon des deux manuscrits, les leçons de O et de M sont mises en note . Enfin , quand cette reconstitution conjecturale doit se faire pour un texte qui existe dans un seul des deux manuscrits , la leçon fautive de ce manuscrit est rejetée en note sous le signe

ms . Il y a donc quatre types de variantes : M (par rapport à O) , O (par

rapport à M) , M et O et ms (par rapport à une reconstitution conjecturale cor rigeant une faute manifeste des deux manuscrits ou du seul qui renferme le passage) . Une seconde série de notes est réservée aux renseignements distincts des variantes et, principalement , à l'identification des citations . Les références sont faites aux éditions indiquées dans la table bibliographique qui termine le vo lume . Il est superflu de dire que nous ne voulons pas garantir l'exactitude de

¹ En particulier, le contrôle de la lecture proposée pour les innombrables abréviations . * Du manuscrit de Munich pour les questions 18 à 21 du livre I.

20

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

toutes les identifications proposées : les écrivains du moyen âge citent souvent très librement les anciens, et d'après des traductions que nous ne possédons pas toujours et qui diffèrent parfois notablement de nos éditions actuelles : il en résulte de grosses difficultés dans la recherche des loci citati . Ces diffi cultés se trouvent encore accrues par les fautes de copie et par le manque d'uniformité dans la manière de diviser les ouvrages anciens en livres et en chapitres. Il faut se rappeler , entre autres choses , que la division des œuvres d'Aristote en livres et en chapitres n'est pas uniforme . Il y a donc parfois divergence entre la citation qui se lit dans le texte et nos références aux éditions mentionnées dans l'index bibliographique : c'est ainsi qu'à la suite d'Averroès et contrairement à saint Thomas, Siger fait commencer le livre III du Traité de l'Ame au livre III , chapitre 4 de l'édition de Berlin ; pour la Métaphysique, il semble résulter des citations que Siger se sert d'une Méta physique en XIII livres : les livres I à X correspondent aux livres I à X de saint Thomas ; le livre XI de saint Thomas (X (K) de Bekker) manque ; les livres XII , XIII , XIV de saint Thomas deviennent XI , XII et XIII chez Siger comme chez Bekker . On ne s'étonnera donc point si des lacunes ou des imperfections particulièrement nombreuses subsistent dans cette partie de notre travail .

SIGERI

DE

QUAESTIONES

IN

BRABANTIA

LIBROS ARISTOTELIS

DE ANIMA

(Oxford, Merton College 275)

(Munich, Clm 9559)

[ fol. 67 ] Bonorum honorabilium , et caetera.

[ fol . 74 ] Bonorum et honorabi lium notitiam opinantes , etc.

In omnibus artibus et doctrinis

In omnibus artibus et doctrinis

necesse est primo considerare prin

necesse est considerare primo quae

cipia, et postea, quae sunt post prin cipia : principia enim non cognoscun

circa

tur nisi per posteriora ¹ ,

per

secundum

COMMENTATOREM De

Caelo et Mun 2 non cognos do ( 1 ) ; item posteriora

principia ,

principia

deinde

quae

post

priora enim significantur

posteriora

et

posteriora decla

rantur per priora " .

cuntur per priora nisi priora significent posteriora, secundum COMMENTATO REM (2). Anima autem est principium cor

Anima vero principium est cor

poris, quia est actus corporis . Item est

porum animatorum

principium corporis ut unde princi

et quod quid erat esse . Et est prin

pium motus augmentationis , diminu

cuius gratia : materia enim est univer

cipium efficiens corporis , ut nutritio nis corporis et motus et sensus . Iterum , est causa finalis corporis ,

saliter propter formam ; anima autem rationem actus et formae habet , cor

quoniam materia est propter formam et actum ; corpus autem est materia,

tionis , motus, etc. Item est causa sicut

¹ O = priora.

2O = postea .

sicut

3 M = posteriora.

( 1 ) Averroes , De Caelo II , 21 ( 109 B) . (2) AVER., ibidem. Cfr Physic. I , 4 (7 F) ; II , 89 (83 I) ; Metaph. II , 10 (33 F) .

substantia

22

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

pus autem sicut materia . Unde ex his

anima vero actus : ideo , etc. Propter

manifestum est quod debentem con

quod considerantem de corporibus necesse est facere considerationem

siderare de corporibus animatis ne cesse est facere considerationem de

de anima. Et etiam seorsum, quoniam

anima. Item hoc necesse est divisim

anima

facere , quia quandocumque aliquod commune est ad multa , seorsum opor tet determinare illud commune , ne

porum animatorum ; necessarium au tem debentem facere considerationem

frequenter resumatur, secundum ARIS

communi , seorsum facere de illo .

TOTELEM , libro de Animalibus ( 1 ) . Consideratio autem de animatis in

est

commune

omnium

cor

de aliquibus convenientibus in aliquo considerationem

Consideratio autem de corporibus

tres partes dividitur : perfectio¹enim

naturalibus in tres partes dividitur ;

uniuscuiusque consistit in cognitione substantiae eius et principiorum et

primo in considerationem substantiae eorum ; secundo in considerationem

propriarum passio

de passionibus communibus animae et

num , secundum COMMENTATOREM super principium De Anima (2) , et etiam hoc

corporis ; et tertio in considerationem quae est de anima sicut de communi,

habetur

seorsum et primo

causarum ;

item

libro

Posteriorum (3) .

Ideo

consideratio enim

secundum hoc dividitur consideratio

de anima primo debet fieri ante con

de anima. Unde , cum corpus anima

siderationem de corporibus animatis.

tum sit subiectum propriarum passio num , primo determinandum de ani matis , secundo de causis , tertio opor tet hoc facere de passionibus , secun dum ARISTOTELEM fine libri De Longi tudine et Brevitate vitae (4) .

LIBER

Et

dividitur

iste

liber

duas

ARISTOTELES ergo , dans conside

partes: capite secundo prosequitur ibi :

rationem de anima , praemittit prooe mium dicens : Bonorum et honorabi-

Principium autem, etc. (5) .

in

PRIMUS

lium, etc.

¹ Mieux : perfecta cognitio.

( 1 ) ARIST . , De Part. Animal . I , 1 (639 a 23) . (2) AVER. , De Anima I , 3 (2 B) . (3) AVER. , Poster. Anal. I , 43 ( 103 E sqq .) . (4) Arist. , De Longit. et Brev. vitae 6 (467 b 6-9) . (5) ARIST. , De Anima 1 , 2 (403 b 25) . C'est la division adoptée par saint Thomas (Comment. de Anima I , lect. 3 , initium) .

23

LIBER PRIMUS. QUAESTIO 1

QUAESTIO I UTRUM DE ANIMA POSSIT ESSE SCIENTIA ( 1 )

Quaeritur primo utrum de anima sit scientia ut de subiecto . Quod non, probo : nam de eo non potest esse

possit esse scientia . Videtur quod non :

scientia, quod non potest esse subiec tum alicuius accidentis : scientia enim

de eo non potest esse scientia , quod non potest esse subiectum alicuius ac

est alicuius generis subiecti cuius sunt

cidentis, quoniam scientia est generis

propriae passiones , secundum ARISTO

alicuius

Quaeritur primo circa librum pri mum utrum de anima sicut de subiecto

subiecti

cuius

sunt

aliquae

TELEM libro Posteriorum (2) ; sed anima non est subiectum aliquarum passio

propriae passiones ; anima est huius modi quae non est subiectum acciden num , tum quia non habet rationem tium , quoniam rationem subiecti non

subiecti, cum sit forma, tum quia subiectum accidentium est composi

habet. Iterum , forma simplex non pot est esse subiectum accidentis, ut dicit

tum, secundum quod vult BOETIUS (3) . 2. Item, scientia est eorum quae

BOETIUS ; ergo , etc. 2. Praeterea, scientia est eorum

sunt incorruptibilia et quae suae sub

quae sui substantiam sortiuntur incor

intransmutabilita

ruptibilem, ut dicit BOETIUS ; anima autem est corruptibilis : corrumpitur

stantiae

sortiuntur

tem ; sed anima corrumpitur corrupto corpore ; quare . Oppositum apparet per ARISTOTE

enim corrupto corpore ; ergo , etc. In oppositum est ARISTOTELES .

LEM (4) . Intelligendum quod , ad hoc quod

Intelligendum quod , ad hoc quod

de aliquo sit scientia ut de subiecto ,

de aliquo sit scientia ut de subiecto ,

primo requiritur quod sit ens secun dum rationem, quia de ente secun

requiritur primo quod sit ens secun dum rationem , et per consequens uni

dum rationem est scientia ; ens autem secundum rationem est universale ; et

quod huiusmodi non est corruptibile ,

versale . Et quia universale secundum

ideo oportet quod scientia fuerit de

ideo oportet quod illud de quo est

universalia sunt

quiritur quod id de quo est scientia

scientia non sit corruptibile . Iterum, illud de quo est scientia oportet quod habeat passiones : scientia enim est

sit incorruptibile . Item, tertio oportet quod habeat aliquas proprias passio

generis subiecti partes et passiones considerans : libro Posteriorum. Ulti

universali.

Et

quia

remanentia et non corruptibilia , re

(1) Le mot Quaestio se lit dans la marge latérale ; il manque rarement. Le titre Utrum etc. est écrit dans la marge inférieure, quelquefois d'une main plus récente ; il est parfois omis. (2) ARIST. , Poster. Anal. I , 7 (75 a 42 sqq .) . (3) BOÈCE, De Trinitate II (MIGNE, t. 64, col . 1250, D) . (4) ARIST., De Anima I , 1 (402 a 1 sqq .) .

24

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

nes.

Quarto

subiecti circa

exigitur

primo

naturam

quod

occurrat illam

cognitio

intellectui

et in

mo exigitur quod cognitio eius de quo est scientia, primo occurrat intellectui

scientia

in scientia illa , quoniam cognitio sub

illa , quia cognitio subiecti in scientia

iecti principium est cognitionis om nium aliorum : est enim principium

est principium omnium aliorum , quia principia fundantur in ratione subiecti ; item cognitio subiecti est principium cognitionis

propriae

passionis ,

cognitionis propriae passionis , ponitur in ratione eius .

quia

cum

subiectum ponatur in ratione eius : ideo subiectum debet esse tale quod eius cognitio primo occurrat intellectui in scientia illa.

Si igitur animae competunt illa

Si igitur animae competunt ista quatuor, tunc illius est scientia . Sed

quatuor ,

anima est aliquid universaliter dictum , quia aliud est anima et aliud haec

poterit esse scientia . Competunt au

anima . Item, anima secundum se non

manifestum

quod

de

illa

est enim universale et incorrup tibile ; item passiones habet quae sunt

tem

quas passiones, vel quae sunt propriae

eius secundum se , vel eius et corporis ; item partes et definitionem habet , ut

sibi , vel quae sunt communes . Item,

patet per ARISTOTELEM hic . Ideo , etc.

est corruptibilis . Item anima habet ali

eius intellectus primo occurrit intellec tui : unde ARISTOTELES in secundo (1 ) , primo accipit definitionem animae . Sed intelligendum quod non est

Intelligendum tamen quod non est

idem aliquid esse subiectum scientiae sicut dicimus subiectum accidentis et

idem aliquid esse subiectum scientiae ut dicimus subiectum accidentis , et

subiectum

in

scientia.

Subiectum

aliquid

esse

subiectum

in

scientia .

scientiae est id quod sustinet scien tiam , sicut subiectum sustinet acci dens , et sic est anima subiectum

Subiectum enim scientiae est quod sustinet scientiam sicut subiectum ac cidens , et hoc modo anima est sub

cuiuslibet [fol. 67 ] scientiae , quia in illa est omnis scientia . Subiectum

iectum primum cuiuslibet scientiae . Subiectum autem in scientia dicitur

obiectum

illud quod est obiectum in scientia ,

oc

autem in scientia

dicitur

currit intellectui, et mediante cogni

cuius cognitio agitur primo in intel lectu et mediante cognitione eius ,

tione eius, cognitio habetur aliorum sicut coloratum est obiectum visus ,

cognitio omnium aliorum, sicut dici mus corpus coloratum esse subiectum

quia agit visum in actu ; similiter est de obiecto scientiae .

visus.

scientiae ,

cuius

cognitio

primo

( 1 ) ARIST. , De Anima II , 1 (412 a 3 sqq .) .

25

LIBER PRIMUS . QUAESTIO I

Ad primum dicendum quod ali quis diceret quod maior vera est . Ad

Et per hoc patet solutio ad pri mum. Dicendum enim quod minor

minorem dicendum quod illa est falsa : 1 anima enim ¹ , vel secundum se , vel

falsa est : anima enim , vel secundum

cum corpore ,

aliqua

esse aliquarum passionum . Ad proba

rum passionum . Et cum dicitur : forma

tionem dicendum quod forma simplex. potest esse subiectum accidentium

est subiectum

simplex non est subiectum acciden tium, dico quod falsum est ; et verum est quod non est forma simplex su biectum accidentium quae consequun tur compositum per materiam , sed accidentium tamen est subiectum consequentium compositum per for mam : si enim sint accidentia conse quentia compositum per formam , si forma sit separata , potest esse subiec

se vel cum corpore , subiectum potest

quae licet

consequuntur non

ipsam

accidentium

formam ,

quae

conse

quuntur per se totum aggregatum ; accidentibus etiam quae consequun tur per materiam , anima non potest esse subiectum . Vel potest dici quod, licet forma simplex secundum se non possit esse subiectum accidentis , pot est tamen per comparationem ad ma

tum illorum accidentium . Item , licet

teriam quam perficit et cuius est actus

forma simplex non possit esse subiec

primo .

tum accidentium secundum se , tamen secundum

comparationem

ad

illud

cuius est forma , potest : similiter di cendum de anima secundum quod habet comparationem ad corpus. Ad aliud dicendum quod maior

Ad aliud dicendum quod scientia

vera est . Tamen scientia potest esse eorum quae secundum accidens cor-

est eorum quae secundum se non cor

rumpuntur, quia universalia secundum accidens corrumpuntur . Et ad mino rem diceret aliquis quod anima non est corruptibilis per se, quia non

rumpuntur . Tamen scientia potest esse eorum quae secundum accidens cor rumpuntur ; universalia enim corrum puntur per accidens , corruptis singu laribus . Et tunc ad minorem diceret

corrumpitur

aliquis quod anima secundum se non

per se . Item dicendum quod quae dam est anima quae totaliter est

corrumpitur. Iterum, universaliter non

aggregatum ,

est

quod

actus materiae , non habens aliquod esse secundum se ; et est alia pars animae quae , cum hoc quod est

corrumpitur anima , quoniam quaedam est pars animae quae totaliter est actus materiae , non habens esse aliquod per se ; est autem alia pars animae quae

aliquod esse

est actus materiae , habens esse per se ,

per se , quae non educitur de poten tia materiae : de qua dicit PHILO

quae non educitur [ fol . 74 ] de prin

actus

materiae , habet

¹ 0 = est .

cipiis materiae . Et loquendo de anima

: 26

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

SOPHUS (1 )

quod

intellectus

nullius

primo

modo ,

ipsa

corrumpitur

cor

partis corporis est actus . De anima

rupto corpore , non autem anima se

primo

cundo modo .

modo

dicta

concludit

ratio

quod talis est corruptibilis ; anima autem secundo modo dicta non cor

rumpitur.

QUAESTIO 2 UTRUM DE ANIMA SIT SCIENTIA NATURALIS

Utrum de anima sit scientia naturalis . Quod non, probo , quia de principio 1 secundum speciem , alterius scientiae est considerare : ad philosophum enim 2 3 hoc pertinet ² , ut dicitur fine Ii ³ Physicorum (2) ; sed talis est anima , quod est principium secundum speciem. 2. Item, quaecumque movent non mota , non amplius sunt physicae con siderationis : III° Physicorum (3) ; sed anima movet immobilis existens , secun dum ARISTOTELEM inferius (4); quare . Ad oppositum

eorum quae sunt ad aliquid , est scientia una : necesse

est enim in utrorumque rationibus utrisque uti ; sed materia dicitur ad aliquid , ut habetur II° Physicorum (5) , quia ad formam; et corpus est materia animae * ; quare , cum consideratio de corpore mobili pertinet ad naturalem , quare . Intelligendum quod unum ens secundum naturam potest pertinere ad considerationes diversarum scientiarum : intellectus enim considerat ens secun dum rationem (dico , in sciendo) ; quia igitur ens unum secundum naturam , diversas rationes habet secundum diversa apparentia de eo , ideo idem potest pertinere ad considerationes diversorum. Item, naturalis considerat ens mobile ut tale , et omnia illa quae referuntur ad motum; et quia ens mobile materiam habet sensitivam, ideo considerat de illo quod est non separatum a motu et a materia ; item considerat principia entis sensibilis . Philosophus autem primus considerat ens inquantum ens ; et omne ens quod refertur ad substantiam sensibilem est de consideratione physici . Dico tunc quod anima potest considerari ut est substantia quaedam et

2 1 Depuis ad philosophum, M = quoniam philosophiae primae. ¹ O = philosophi . M + ergo eorum erit consideratio una. 3 Au lieu de fine li , O écrit, à tort secundo.

(1) (2) (3) (4) (5)

ARIST . , Arist . , ARIST ., ARIST. , ARIST.,

De Anima I , 5 ( 411 b 18) ; II , 1 (413 a 5-7) ; III , 4 (429 a 24) . Physic . I , 9 ( 192 a 34-36) . Physic . III , 1 (201 a 23-27) . Plus littéralement : Physic. II , 7 ( 198 a 28) . De Anima I , 3 (405 b 31 sqq .) . Physic . II , 2 ( 194 b 8-9) .

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 2

27

actus secundum rationem : sic consideratio eius pertinet ad primum philo sophum ; et hoc intellexit ARISTOTELES 1° Physicorum (1 ) , cum dixit quod principium secundum speciem est alterius considerationis : unde actus 1 et potentia sunt differentiae entis absolute 2. Si autem consideratur anima ut est actus entis sensibilis, tunc eius consideratio pertinet ad physicum : unde COMMENTATOR [ fol . 67 ] VII Metaphysicae (2) dicit quod materia metaphy 3 considerationis est , secundum quod ens est vel substantia quaedam ; sicae secundum tamen quod est subiectum alicuius transmutationis, sic est physicae considerationis ; similiter est dicendum in proposito . Unde , ex ratione posita de anima , patet quod ARISTOTELES considerat animam ut est forma corporis sensibilis , cum dicit (3) quod est actus corporis , et huius corporis . Et istud est verum de anima sensitiva et vegetativa ; item de intellectiva , quia , quamvis 4 intellectiva non communicet corpori per se , communicat tamen illi quod per se communicat vel convenit corpori : communicat enim phantasiae vel imaginationi quae per se convenit corpori , ut patet 5. Unde patet quod ARIS TOTELES considerat de anima ut refertur ad materiam sensibilem , et omne tale est physicae considerationis . Propter hoc , si aliquis velit dicere quod anima , ut refertur ad materiam sensibilem, sit corpus animatum, non est inconve niens dicere quod ista scientia sit de corpore animato : tunc enim ista duo sunt idem . Ad rationem dicendum quod , secundum quod est principium secundum. speciem, est alterius considerationis , sicut dicit ARISTOTELES . Ad secundum dicendum quod , si maior propositio intelligitur absolute , naturalis enim non considerat tantum illud quod movetur, sed

non est vera

principia illius quod movetur et naturam quae est principium motus, et tamen non movetur per se . Sed verum est quod quaecumque movent non mota , nec etiam ad motum relata , neque ut principia motus nec etiam consequuntur corpus mobile , dico quod illa non sunt considerationis physicae ; sed tunc minor propositio falsa est ; aut dicendum quod non est physicae considera tionis , sicut ens naturale compositum ex materia et forma : nihilominus tamen potest esse principium motus vel consequens ad motum; anima autem est principium corporum motorum.

1 M: unde actus

actus enim . 2 M ajoute en marge : et ideo, cum primi philosophi secund ente de sit considerare um quod ens, pertinet etiam ad ipsum considerare de eo quod 3 ms 4 M = intellectus . mathematicae . M omet la phrase. est actus entis . 5 M + et sic, ut sic pertinet ad naturalem , et facit de eo considerationem in III huius. • En marge, mais partiellement coupé : [ N ] ota intellectum huius : quae movent et non moven M + non enim est habens naturam , et ideo, ut sic , non est de tur non sunt physicae . consideratione naturalis .

( 1 ) Arist. , Physic. I , 9 ( 192 a 34-36) . (2) AVER. , Metaph . VII , 9 ( 159 M) . (3) ARIST. , De Anima II , 1 (412 a 21 ) .

.28

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 3 UTRUM SCIENTIA SIT DE NUMERO BONORUM

Quaeritur primo utrum scientia sit de numero bonorum . Quod non , probo , quia, sicut voluntas ad intellectum, sic obiectum voluntatis se habet ad obiec tum intellectus ; sed voluntas de intellectu non praedicatur : quare obiectum voluntatis , quod est bonum, non est obiectum intellectus , sive non praedi catur de obiecto intellectus , quod est scientia vel verum. 2. Item, quod est causa mali non est bonum , quia bonum non est causa nisi boni ; scientia autem est causa mali , quia III" Ethicorum ( 1 ) habetur quod peccat aliquis voluntarius sciens . Ad oppositum : sciens secundum quod sciens , bonus est : quare scientia bona . Probatio primi , quia universaliter perfectum inquantum tale est bonum; sed sciens inquantum talis est perfectus ; quare . Probatio minoris , quia , si album est coloratum per se , tunc albedo est color. Intelligendum quod aliquid habet rationem boni quia natum est termi nare appetitum : unde definientes bonum, dicimus quod bonum est quod omnia appetunt : 1° Ethicorum (2) . Omne autem appetens , appetit perfec tionem eius , et ideo bonum rationem perfectionis habet , malum autem e converso . Ex quo apparet quod scientia rationem boni habet , quia homo appetit scientiam et omne quod appetitur, bonum est , cum scientia sit nata terminare appetitum hominis secundum intellectum. Item, omnis perfectio , boni rationem habet ; sed scientia est perfectio hominis ; quare . Item , intelligendum quod idem in natura sunt bonum et verum, diffe rentia secundum rationem . Primum patet, quia quodlibet ens bonum est et verum est ; sed differunt secundum rationem, quia dicitur bonum secundum quod natum terminare appetitum, verum autem inquantum adaequatur intel lectui vel intellectus ei : verum enim est adae- [ fol . 67 ] quatio rei et intel lectus . Et quia appetitus tendit in rem extra, et res ad intellectum comparatur et terminatur et est in intellectu , (unumquodque autem maxime dicitur esse ubi est secundum terminum eius), ideo dicit PHILOSOPHUS VI° Metaphysicae (3) quod bonum et malum sunt in rebus, falsum et verum sunt in anima ¹ . Ad rationem, concedo maiorem. Ad minorem dico quod voluntas , secun dum quod huiusmodi et per se, non dicitur de intellectu ; tamen in concre

¹ M + per comparationem tamen ad res.

(1) ARIST. , Ethic. Nic. III, 7 (1114 a 12) . (2) ARIST. , Ethic. Nic . I , 1 ( 1094 a 1 ) . (3) ARIST . , Metaph . V , 3 ( 1027 b 25) .

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 4

29

tione dicitur de ipso , quia volens est intelligens ; et concludi potest quod scientia non est bonitas , ita ut praedicetur obiectum de obiecto in abstracto , vel obiectum voluntatis de scientia in abstracto , dicendo : scientia est bonitas; 2 nihilominus tamen in concreto bene potest . Unde idem dicitur verum et ; secundum tamen quod refertur ad rem cuius est similitudo , sic dicitur verum ; secundum autem quod refertur ad intellectum sicut terminans appetitum eius, sic est bonum eius . bonum

Ad secundum dico quod illud quod est causa mali per se , non habet. rationem boni ; et dico quod scientia rationem mali habet secundum acci dens : eadem enim ars medicinae est sanitatis et infirmitatis , sed sanitatis per se et alterius per accidens . Quod autem dicit ARISTOTELES quod aliquis peccat voluntarius sciens , verum est e contrario utendo scientia ¹ .

QUAESTIO 4 UTRUM SCIENTIA SIT HONORABILIS

Utrum scientia sit honorabilis . Quod non , probo : quia scientes non sunt honorabiles : quare nec scientia honorabilis . 2. Item, nullum bonum quod ordinatur in aliud bonum , est bonum hono rabile : honor enim est exhibitio reverentiae in testimonium excellentiae "5 sed omnis scientia ordinatur ad aliud , ut actualem considerationem, cum sit habitus quidam vel potentia et omnis habitus seu potentia ordinatur ad actum. Ad oppositum : omne appetibile propter se , est honorabile ; sed scien tiam appetimus propter se : 1º Ethicorum ( 1 ) . Intelligendum quod laus est eorum quae ordinantur in aliud bonum : propter hoc laudatur aliquis equus, quod potest bene currere ; similiter , tem peratum laudamus in eo quod potest facere temperantiam . Honor autem est alicuius boni, non secundum quod ordinatur in aliud bonum. Unde quaedam sunt laudabilia tantum : quaedam enim sunt quae secun dum se non sunt bona et tamen ordinantur ad aliud bonum, sicut incisio membri propter sanitatem ; similiter proiectio mercium in mari propter salu tem navis ista sunt tantum laudabilia . Item, quaedam sunt honorabilia tantum , ut illa quae non ordinantur in alia et alia ordinantur in ipsa cuiusmodi est felicitas .

¹ O = ipsa. M = eo. 5 Depuis honor enim , M ut dicitur lo Ethicorum.

• M + sua. 3 M + intellectus . 2 M + habitus est qui. ei enim quod ordinatur in aliud non debetur honor, sed laus magis,

( 1) ARIST. , Ethic . Nic. I , 3 ( 1096 a 4 et 8) ; I , 4 ( 1096 b 16 sqq . ) .

30

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

Quaedam sunt bona eligibilia propter se et propter alia , ut virtutes , pulchritudo , etc : unde propter se , et etiam secundum quod ordinabilia sunt in felicitatem , eligimus ista : inquantum enim sunt eligibilia propter se , sunt honorabilia ; ex hoc quod propter aliud, sunt laudabilia . Tale autem est scientia : honorabilis autem est , quod secundum se eligitur ; item, omnis scien tia ordinatur ad aliud bonum, ut ad actualem considerationem ut speculativae , 1 et ad operationem ut practicae : et sic sunt laudabiles. Ad rationem dico quod sciens est honorabilis , quia solus bonus secundum 2 Aristotelem ( 1 ) est honorandus ² , malus autem inhonorandus . Si autem non honoratur, hoc est propter corruptionem habitus vel consuetudinis : unus quisque enim honorat id quod sibi videtur bonum : unde quia aliis videtur bonum secundum se divitiae vel huiusmodi , ideo huiusmodi honorant, cum tamen deberet esse e converso . Ad aliud dicendum quod omnis scientia ordinatur [ fol . 68a ] ad conside rationem et secundum hoc est laudabilis ; nihilominus tamen secundum aliud est honorabilis .

QUAESTIO 5 UTRUM SCIENTIA DE ANIMA EXCELLAT ALIAS SCIENTIAS

Utrum scientia de anima excellat alias scientias in nobilitate subiecti et certitudine demonstrationis . Quod non , probo , quia scientia partis non excellit scientiam totius ; sed scientia de anima est cognitio partis respectu cognitionis corporum animatorum, et cognitio animatorum est cognitio totius ; quare . 2. Item , illa scientia quae nobilissimum subiectum habet et certissima est, excellit alias ; sed talis est divina : habet enim nobilissimum subiectum ; item certissima est , quod apparet per suam descriptionem ; item hoc habetur 3 VI° Ethicorum ³ (2) . 4 In oppositum est ARISTOTELES ¹ (3) . Intelligendum quod nobilitas vel dignitas habitus est 5 ex nobilitate et

dignitate operationis , quia habitus rationem habet ex actu ; bonitas autem operationis causatur, vel ex ipso obiecto , vel ex modo ipsius actus et qualitate .

2 M + sciens autem secundum quod huiusmodi , bonus est. ¹ O — ad operationem ut. .3 Depuis + O — In ut dicitur 1° Metaphysicae et libro Ethicorum. quod apparet, M 50 — est. oppositum etc.

( 1) ARIST. , Ethic. Nic. I , 12 ( 1101 b 10 sqq . ) ; III , 7 ( 1113 b 12 sqq . ) ; Rhetor. I , 9 ( 1366 a-b) . (2) ARIST. , Ethic. Nic. VI , 7 ( 1141 a 16 sqq .) . (3) ARIST. , De Anima I , 1 (402 a 3-4) .

31

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 6

Ex obiecto, quia rationem habet ex obiecto : dicimus enim quod domificare 1 melius est quam stannizare ¹ , quia domus melior est stanno . Item , illud quod. fit nobilius dicimus esse nobilius propter perfectionem qualitatis secundum quam generatur. Nunc autem scientia habitus est, et ideo altero istorum modorum erit nobilior una scientia alia , aut propter obiectum , aut propter modum demonstrandi . Propter autem haec duo coniuncta , scientia de anima excellit omnes alias , praeter divinam . Quamvis enim geometria excellat istam secundum nobilitatem et certitudinem demonstrationis , non tamen quantum ad nobili tatem subiecti . Item, quamvis alia sit nobilior secundum subiectum, ut moralis. forte, tamen ista excellit illam certitudine demonstrationis . Sed scientia divina. habet subiectum nobilissimum; item habet certissimas demonstrationes , quia procedit per causas primas. Istud dicit COMMENTATOR super principium huius libri ( 1 ) , quod haec scientia , propter ista duo simul iuncta , excellit omnes alias praeter divinam. Ad rationem dicendum quod duplex est pars

secundum formam et

secundum materiam ; et iterum , unumquodque natum est cognosci per for mam , quia unumquodque natum est cognosci inquantum est ens in actu , et hoc est per formam ; materia autem de se non cognoscitur, secundum AVER ROEM II° Physicorum (2) : cognoscitur per formam , tunc forma magis : unde PHILOSOPHUS principio Metaphysicae (3) dicit quod forma maxime est sub stantia . Unde dico quod cognitio partis non excedit cognitionem totius : verum est de parte secundum materiam et non de parte secundum formam, quod unumquodque cognoscitur per formam , et ideo forma magis . Cognitio autem de anima est cognitio partis secundum formam, et non secundum materiam.. Secunda ratio concedenda est , quia scientia divina excellit istam , ut patet .

QUAESTIO 6 UTRUM COGNITIO DE ANIMA SIT UTILIS

Quaeritur utrum cognitio de anima sit utilis ad omnem veritatem. Quod non, probo , quia cognitio illius quod non habet habitudinem ad omnia , non valet ad veritatem omnium ; sed talis est anima , cum sit ens determinatum ; quare , etc.

¹ M = facere stannum .

(1) AVER. , De Anima I , I ( 1 D) . (2) AVER. , Physic . II , 30 (60 K) . (3) ARIST., Metaph . I , 3 (983 a 27 sqq . ) . Cfr Metaph. VI , passim.

32

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

2. Item, cuius cognitio est utilis ad omnem veritatem, debet cognosci ante omnem veritatem ; sed cognitio de anima non quaeritur ante omnem veritatem , sed post aliam veritatem

prius enim quaeritur cognitio de cor

pore mobili antequam de anima . Ad oppositum

illud quod est subiectum omnis veritatis , valet ad cogni

tionem omnis veritatis , quia per subiectum habent accidentia subiecti cognosci ; sed anima est subiectum cuiuslibet veritatis in actu , quia verum et falsum sunt in anima : VI° Metaphysicae ( 1 ) ; quare . Dicendum quod cognitio de anima valet ad omnem veritatem : valet enim 1 in III° 2

ad cognitionem veritatis primae , quia , ex his quae determinantur huius (2) ,

manifestum

est quod sunt aliquae substantiae

separatae ,

circa

[fol. 68 ] quas est intentio philosophi primi. Item, ad moralia iuvat , quia moralis considerat habitus virtutum et malitiarum et operationes quae sunt 4 3 secundum illas ; nunc autem anima est subiectum istarum ; quare . Item " valet ad cognitionem naturalium, quia anima est pars corporum naturalium 6 nobilissimorum : bene valet cognitio partis ad cognitionem totius . Item valet ad cognoscendum omnem veritatem secundum causam , quia est subiec tum omnis veritatis . Ad rationem dico quod anima habet habitudinem ad omnia secundum cognitionem : omnia enim cognoscit : sensibilia enim per sensum , intelligi bilia per intellectum . Item habitudinem habet ad omnem veritatem inquantum subiectum est illorum . Item habitudinem habet ad quaedam quae hic decla rantur et in prima philosophia considerantur . Ad aliud dicendum quod utile dicitur illud quod ordinatur ad finem. Ali quando autem aliquid est ita utile ad finem quod necessarium est ad finem , et in tali oportet praecognoscere ipsum ante finem. Sic autem non est utilis cognitio animae ad omnem veritatem ; et ideo non oportet quod, si cognitio de anima sit utilis ad omnem veritatem, quod ante omnem quaeratur, quia est ita utilis quod non necessaria.

1 ms = alias. i M + de intellectu . 2 O = Vo . M + passiones autem 5 M +. dicit THE facile ostenduntur si praecognita fuerint subiecta, ut dicit THEMISTIUS . • Peut-être : unde (bn ou un) . MISTIUS quod.

(1 ) ARIST. , Metaph . V, 3 ( 1027 b 25) . (2) ARIST . , De Anima III , 4-8 (429-432) .

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 7

33

QUAESTIO 7 UTRUM DIFFICILE SIT COGNOSCERE SUBSTANTIAM ANIMAE

Utrum difficile sit cognoscere substantiam animae . Quod non , probo , 5 quia illud quod manifestum est in natura , non difficile est cognoscere ; sed 1 anima est aliquid manifestum, quia est actus quidam ' , et unumquodque cognoscitur inquantum ens in actu .

2. Item, illud cuius passiones et operationes sunt manifestae , non est difficile ad cognoscendum ; sed manifestae sunt passiones animae , ut sentire et intelligere . Ad oppositum : ANTIQUI et MODERNI circa cognitionem substantiae ipsius animae errant 2 ; sed tale universaliter est difficile ; quare .

2. Item, illud circa quod multae et diversae accidunt quaestiones et pro blemata, est difficile ad cognoscendum ; sed tale est anima , quia circa ipsam multa sunt problemata quae nullus scivit solvere ante ARISTOTELEM , secun dum THEMISTIUM ( 1 ) ; quare . Dicendum quod cognoscere substantiam animae difficile est . Et in duobus , secundum COMMENTATOREM (2) . Uno modo, in via secundum quam cognosci habet substantia animae secundum ARISTOTELEM 3 ; item , difficultas est de cognitione substantiae in se . Via enim secundum quam oportet cognoscere quod quid est animae , est via per quam contingit devenire in definitionem animae ; et haec est difficilis , quia dubium est an sit divisio , an demonstratio , an via composita . Item, cognita via , adhuc difficultas est in cognitione prin cipiorum animae ¹ . Intelligendum tamen quod in illo quod consistit in habitudine ad aliud , potest esse defectus vel difficultas in cognoscendo ex parte utriusque : sicut in combustibilibus , vel ex parte ignis debilis , vel quia combustibilia non sunt bene combustibilia . Cognitio autem animae attenditur ex habitudine nostri intellectus ad cognitionem ipsius animae ; et potest esse difficultas in cognos cendo ipsam, aut ex parte sua , aut ex parte intellectus nostri . Sed ex parte 5 animae non accidit difficultas , quia est ens per se et forma ³ , et ideo multum est cognoscibilis : ideo ex parte substantiae suae non est difficultas in cogni tione substantiae eius , sicut dicit ARISTOTELES de substantiis separatis in

*

3 Depuis secundum , M = et hoc satis ms quidem . 2 M + ut patet Iº huius. A Depuis difficultas, O = difficile est de substantia animae . ARISTOTELES pertractat. = quoniam quod multum habet de natura entitatis, maxime cognoscibile Depuis quia, M est anima est huiusmodi .

( 1 ) THEMISTIUS, De Anima I , 1 ( 1 , 5 sqq . ) . (2) AVER . , De Anima 1 , 4 ( 2 E sqq .) .

34

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

11° Metaphysicae ( 1 ) . Ex parte tamen nostra est difficultas, quia in cognitio nem substantiae animae non devenimus nisi ex cognitione operationum et passionum ; anima autem multarum operationum est principium , propter 1 quarum diversitatem accidit difficultas : et ideo , etiam uti dicit , est 2 diffi cultas ex parte nostra in cognitione animae . Unde aliqui ANTIQUI secundum diversa apparentia de anima dicunt ipsam esse diversa

: quidam dicunt

quod est calor, quidam quod est motus , etc. , quia nullus attendebat [ fol . 68a ] ad omnia apparentia de ea : unde , propter multitudinem apparentium de ea , difficultas est ex parte nostra , non autem ex natura ipsius animae . Ad primam rationem dicendum quod concedi potest quod anima secun dum naturam suam facilis est ad cognoscendum , sicut etiam est de substantiis separatis ; difficile tamen est ipsam cognoscere ex parte nostra . Ad aliud dicendum quod est ut sic et ut non

illud enim cuius opera

tiones sunt manifestae , quia paucae sunt , illud non difficile est cognoscere : unde astrologia certior est quam geometria , ut dicitur I° Metaphysicae (2) ; sed dico quod multae et diversae sunt operationes animae , propter quod accidit difficultas in cognitione eius .

QUAESTIO 8 UTRUM UNIVERSALIA SINT IN INTELLECTU

Consequenter quaeritur circa illud : Animal universale aut nihil est aut posterius est (3) ,

utrum universalia sint in intellectu

vel in rebus . Quod

in intellectu probo , quia universale est unum et commune ; sed in rebus extra animam non reperitur aliquid quod sit commune multis , quia quidquid est in rebus , est particulare . Probatio maioris est : de ratione enim universalis est esse unum et multa . 2. Item, conceptus ipsius intellectus est in intellectu concipiente sicut dicit enim sensativa in sensu ; sed universalia conceptus quidem sunt THEMISTIUS (4) quod genus est conceptus sine hypostasi , quia ei nihil res pondet in re, ex tenui similitudine singularium collectus ; item COMMENTATOR 5 XI° Metaphysicae (5)

: universalia sunt in intellectu collecta ex singularibus,

ab anima faciente ea intentionem unam .

1 ms = quorum . 5 M + super principium . (1 ) (2) (3) (4) (5)

2 0 — est. 3 M + ut patet Iº huius . M + dicit enim quod apud AristoteLEM .

ARIST . , Metaph. I minor, 1 ARIST. , Metaph. I, 2 (982 a ARIST. , De Anima I , I (402 THEMISTIUS, De Anima I, I AVER. , Metaph . XII , 4 (292

(993 a 30-b 31 ) . 27-28) , mais astrologia ganda.com arithmetica. b 7) . (3, 32-33) . D) .

4 M + possibili.

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 8

35

Ad oppositum : quod quid est singularis est extra animam ; sed univer 1 sale dicit quod quid est singularis ¹ . 2. Item, quod praedicatur de aliquo praedicatione dicente hoc esse hoc , est in illo et non est separatum ab eo, secundum ARISTOTELEM VII° Metaphy sicae ( 1 ) ; sed universale praedicatur de re extra animam : dicimus enim quod homo est species , et animal genus , et genus et species sunt universalia in actu . 3. Item, COMMENTATOR II° Metaphysicae (2) : universalia sunt bonae mix tionis cum singularibus , et magis adhaerent eis quam accidentia subiectis ;

quare . Dicendum quod universalia secundum quod universalia in actu , non sunt in rebus sed in intellectu . Probatio huius prima , quia natura humana vel homo , ex hoc quod homo , non est universale nec particulare , quia de ratione uni versalis est unum et multa ; homo autem , ex hoc quod homo , non est unum et multa : si enim ex hoc quod homo , esset multa , non reperiretur natura humana in uno ; similiter, si de natura sua sit unum , non posset reperiri in mul tis . Est tunc universale per aliud , quod est accidens sibi . Homo enim habet esse in particularibus extra animam, et in anima ; aut igitur est universale secun dum esse quod habet in particularibus , quod non convenit quia illa natura in singularibus est divisa in actu , universale autem est unum ; et ideo necesse est quod sit universale secundum quod habet esse intellectum. Item , intellectus in actu et 、 intellectum in actu sunt unum in actu , sicut sensus in actu et sensibile in actu est perfectio intellectus ; sed universalia sunt actu intellecta secundum quod universalia ; quare . Item, id quo intellectus primo cognoscit rem est intellectum , quia format 2 de potentia intellecto , actu intellectum ; sed hoc est universale : universale 3 enim in anima est illud quo anima cognoscit naturam rei extra , quia uni

versale non est aliud quam intellectio rei . Unde dicit COMMENTATOR (3 ) quod apud ARISTOTELEM universalia sunt in anima , collecta ex singularibus ab anima faciente ea intentionem unam . Item, hic dicit COMMENTATOR (4) quod univer salium existentium apud animam non sunt definitiones . Et dico universalia in actu, quia illud quo aliquid, ut homo, est universale in actu, est in intel lectu ; et hoc est cognitio hominis , quae est in intellectu . Tamen , universale in potentia , ut natura [ fol . 68 ] humana , non est in intellectu , sed ratio per quam cognitio est in intellectu : et illa ratio est universale . :2 De ¹M + si enim quaeratur quid est Sors, convenienter respondetur quoniam homo. naturam rei , est in intellectu ; puis, en marge : quia intellectus non intelligit per puis rem , M M + generum et specierum. 30 = cognoscat. aliquid quod est extra se .

( 1 ) Nous ne pouvons dire à quel texte se réfère cette citation . Pour la doctrine , voyez par In exemple : Metaph . VI , 6 ( 1031 a 28 sqq . ) ; VI , 14 ( 1039 b 14 sqq .) . (2) AVER. , Metaph. I , 31 (20 H) . (3) AVER. , Metaph . XII , 4 (292 D) . (4) Aver. , De Anima I , 8 (4 B-C) .

35

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

Sed intelligendum quod eorum quae dicuntur ad aliquid , quaedam dicun tur ad aliquid per se , quorum utrumque ad aliud refertur per se , ut pater et filius ; et in talibus reperitur aliquid quo utrumque ad aliud refertur mutuo . Sunt alia quae referuntur ad alia per accidens, sicut scientia per se refertur ad scibile , scibile autem refertur ad scientiam per accidens , quia scientia refertur ad ipsum ; sic sensus refertur ad sensibile per se , et per hoc quod aliquid est in eo unum , vel per quod refertur unum , non autem e converso . Sic est de intellectu et intelligibili : intellectio enim vel intellectus per se refertur ad intelligibile , et e converso per accidens : propter quod , illud per quod intellectio est in actu , non est in intelligibili ; similiter intellectus intel ligens hominem refertur ad intelligibile , non autem e converso . Ad rationem dico quod illud quod dicit quod quid est particularis non est separatum ab eo , verum est . Et dico quod universale in potentia et secun dum naturam quam nominat universale , dicit quod quid est singularis , et non secundum quod nominat universale : unde homo secundum cognitionem eius non praedicatur de singulari . Ad aliud dicendum quod maior non est vera universaliter enim non oportet quod, si aliquid praedicatur de alio , quod sit in illo actu, secundum rationem illam secundum quam tale dicitur in actu : sicut color dicitur scibile . sensibile ¹ ; quantum tamen ad sensationem non est color sensibilis , nisi quia eius est sensus . Unde potest aliquid dici formaliter aliud per hoc quod ad ipsum aliud refertur . Et dico quod , cum dicitur : homo est species, dico quod species est aggregatum ex subiecto et intentione : unde quantum ad natu ram subiectam est species in homine , dicendo : homo est species, non tamen quantum ad illud quo est tale formaliter . Et ideo² videtur quod est satisfactum ad illud argumentum : quod praedi catur de alio dicendo : hoc est id, est in eo, etc. : quoniam dicitur ad mino rem quod species dicit duo , naturam et intentionem : quae intentio est intel lectio et cognitio rei , qua res per intellectum intelligitur ; et quantum ad naturam praedicatur de homine et sic est in eo, et non quantum ad inten tionem . Contra

per hoc sequitur quod species potest praedicari de singulari ,

dicendo : Sors est species , quia species quantum ad naturam tantum est in Sorte ; quare sequitur quod omne quod praedicatur de alio oportet esse in eo actu secundum rationem illam secundum quam ipsum est actu , quia aliter esset haec vera

Sors est species .

Item , nisi universale quantum ad intentionem praedicatur de re , quare… magis est haec vera homo est species , quam : Sors est species , ex quo 3 prima est vera propter naturam importatam in praedicato ³ , et eadem natura… importatur per Sortem et per hominem ? Ratio singulariter et ratio universa

2 Tout ce qui suit manque dans M, M + per illud quod potentia sensitivum est. s ms * parte . jusque : Ad aliud dicendum (p. 37) .

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 9

37

liter non potest hoc facere , quoniam tunc esset haec falsa : Sors est animal , quia rationes diversae . Dicendum est ad hoc quod, etsi species praedicatur de homine secun dum quod species dicit naturam veram et non secundum quod dicit inten tionem vel ipsam intellectionem, et ita , quantum ad naturam veram impor tatam, verificatur haec : Sors est species, non tamen oportet quod haec sit vera

Sors est species : quoniam aliquid dicitur esse aliud formaliter, per

hoc quod ad ipsum refertur aliud : verbi gratia : color dicitur sensibilis quia sensus per se refertur ad colorem ; sic homo dicitur species quia intellectio et intellectus speciei per se refertur ad hominem, mediante tamen natura vera ; sed dicendo : Sors est species, intellectus speciei per se non refertur ad Sortem ; etsi natura speciei posset, tantum

habeo quod intellectus speciei

per se non refertur ad rem singularem, cum singulare de se non intelligitur, sed per speciem suam. Ex hoc sequitur [ fol . 69ra ] quod omnis propositio est per accidens, in qua praedicatur universale de singulari , quoniam universale non refertur per se ad rem sub ratione singularis . Ad aliud dicendum quod COMMENTATOR loquitur de universali in potentia cum dicit quod universalia sunt bonae mixtionis : unde dicit ibidem quod prius inducuntur formae universales quam particulares ; universalia autem in potentia, quae non sunt aliud quam natura ipsius rei , sunt bonae mixtionis , quia sunt id idem quod particularia.

QUAESTIO 9 UTRUM UNIVERSALIA SINT POSTERIORA IN ESSE SINGULARIBUS

Quaeritur consequenter utrum universalia sint posteriora in esse particu laribus. Quod non , probo , quia prius illud a quo non convertitur conse quentia 2 ; sed tale

est universale respectu particularium,

quia sequitur :

Sors, ergo homo , et non convertitur ; quare , etc. 3 particularis, est prius parti 2. Item, illud quod est substantia et causa 1 culari ; sed tale est universale est enim substantia eius , quia praedicatur de eo in quid ; item , causa quaedam ipsius, quia dicit quod quid est ipsius. 3. Item, illud quod prius generatur ipso particulari, prius est quam parti culare ; talia sunt universalia , secundum ARISTOTELEM II° libro De Anima

libus ( 1 ) * , quod prius longo tempore est aliquid animal quam homo ; item

~~} M

¹ Peut-être faut-il lire tamen . De generatione animalium.

2M + in Praedicamentis.

1) ARIST. , De Gener . animal. II , 3 (736 b 2) .

³ O — et causa .

38

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

COMMENTATOR II° Metaphysicae ( 1 ) : prius inducuntur formae universales quam · particulares . Ad oppositum

dicit ARISTOTELES hic (2) : animal¹ universale aut nihil

est aut posterius est . 2. Item, illud quod collectum est ex particularibus , posterius est illis ; sed tale est universale , secundum COMMENTATOREM III° De anima (3) ; item dicit hic THEMISTIUS (4) quod genus est conceptus ex tenui similitudine singula rium collectus . Intelligendum quod aliquid dicitur universale in actu , aliquid autem in potentia . Universale autem in potentia est substantia ipsorum singularium quae , de se , neque est particularis nec universalis nec individuata , sed utrumque accidit sibi ; universale autem in actu dicitur ista natura secun dum quod intellecta est . Loquendo igitur de universali in actu , dico quod posterius est ipsis parti cularibus, quia illud quod sequitur esse et naturam particularium ex opera tione intellectus , posterius est ipsis particularibus et natura ipsorum ; sed universale est tale , quia universalia dicuntur quia sunt intellecta et ab intel lectu agente, sicut dicit hic COMMENTATOR (5) , quod intellectus agens est qui agit universalitatem in rebus ; universale autem in actu est quiddam aggre gatum ex natura rei et intentione , sicut homo albus et ideo , sicut homo albus est posterius homine , sic in proposito dicendum. Si autem loquamur de universali in potentia , cum prius sit illud quod propinquius est principio , ideo prius secundum naturam quod est propin quius naturae . Et principium vel natura duplex est : vel materia, vel forma ; et istae duae naturae non sunt unius rationis : materia enim est imperfectum aliquid et prius in generatione , et ideo illa quae imperfecta sunt et priora in generatione , sunt priora prioritate materiae ; forma autem est aliquid perfec 2 tum et terminus et dans esse : ideo quae sunt magis perfecta , sunt priora prioritate formae . Loquendo tunc de prioritate materiae ad formam , univer sale est prius singularibus , quia id quod habet rationem entis indeterminati et imperfecti et in potentia , rationem materiae habet . Loquendo autem de prioritate formae ad materiam , tunc particulare prius, quia ipsum est prius prioritate formae , quod est magis perfectum et determinatum , et tale est singulare respectu universalis in potentia . Unde hoc attendens ARISTOTELES , dicit quod animal universale aut nihil est aut posterius est . Rationes procedunt viis suis.

¹ (1 ) (2) (3) (4) (5)

— dicit etc.

20+ per.

AVER. , Metaph . II , 10 (33 F) . ARIST. , De Anima I , 1 (402 b 7) . AVER. , De Anima III , 9 sqq . (passim) . THEMISTIUS, De Anima I , 1 (3 , 32-33) . AVER . , De Anima I , 8 (4 C) .

39

LIBER PRIMUS. QUAESTIO 10

QUAESTIO 10 UTRUM INTELLECTUS AGENS AGAT UNIVERSALITATEM IN REBUS

Quaeritur utrum intellectus agens agat universalitatem in rebus . Quod non, probo, quia agens et patiens , et generans et generatum conveniunt specie et differunt numero , ut dicitur VII Metaphysicae ( 1 ) ; sed intellectus agens et universale non sunt eadem specie , differentia numero ; quare , etc. 2. Item, si materia fuerit aeterna et agens aeternum , tunc effectus aeternus erit ; sed materia quae est in potentia ad recipiendum intentionem univer salitatis, ut intellectus possibilis, semper est ; item , intellectus

[ fol .

69" ]

agens facit intellectum possibilem recipere universale : quare sequitur quod intellectus possibilis semper erit in actu, et intelliget semper universale ; quod est tamen falsum . 3. Item, si intellectus agens per se agat universale et intellectus possibilis semper recipit, cum ista duo sunt coniuncta et substantia una animae , et cum agens et patiens simul sunt, necessario est actio : tunc intellectus possibilis semper esset in actu , et semper in eo esset ratio universalis , et semper intel ligeret, quod est falsum . Oppositum dicit COMMENTATOR (2) dicendo quod intellectus agens est qui agit universalitatem in rebus . 2. Item, intellectus agens se habet ad possibilem ' sicut lux ad colorem 2;

lumen autem facit potentia colores actu colores ; quare intellectus agens est qui agit potentia intelligibilia actu intelligibilia , et talia sunt universalia ; quare , etc. Intelligendum quod in omni natura quae aliquando invenitur in actu , aliquando autem in potentia , de necessitate invenitur aliquid quo est in potentia ; et ideo , cum intellectus aliquando intelligat , aliquando non , tunc aliquid est in eo quo est potentia ad intelligendum . Ens autem in potentia de se non vadit ad actum quia nihil movet seipsum " ; sed vadit ad actum per aliquid movens ipsum : ergo intellectus possibilis determinatur ad intelligibilia per aliquod movens ipsum et reducens de potentia ad actum . Talia quae movent non sunt ipsa phantasmata , nec universalia existentia in rerum natura : quia omne quod movet et agit, secundum quod tale , est aliquod ens in actu ; particularia autem actu non sunt universalia ; item, in phantasmatibus, actu non est ratio universalis ; quare neutrum istorum potest facere intellectum possibilem in actu . Si autem universalia essent per se subsistentia , sicut dixit

1.M phantasmata . lectus agens, lumen est.

2 M + ut Aristoteles innuit III° huius : dicit enim quod intel 3 M + ut ARISTOTELES dicit.

(1 ) ARIST. , Metaph. VI , 8 ( 1033 b 30 sqq . ) . (2) Aver. , De Anima I , 8 (4 C) .

40

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

PLATO, tunc de se facerent intellectum possibilem in actu . Cum ergo intellectus possibilis de se non sit in actu , necesse est ergo aliquid esse quod sibi faciat praeter ista ; hoc autem est intellectus agens , sicut dicit hic COMMENTATOR , ut praedictum est . Operatio enim ista animae ad voluntatem nostram pertinet ; hoc non esset nisi esset aliquid ipsius animae illud quod per suam operationem educit intellectum de potentia in actum. Item , cum agens sit nobilius patiente , necesse est quod sit aliquis intellectus illud quod educit possibilem ad actum . Sed quomodo est istud , magis dubium est . Aliquando dicitur quod in phantasmatibus sensibilibus , quae se habent ad intellectum sicut sensibilia ad sensum, secundum PHILOSOPHUM III° huius ( 1 ) , est intentio universalitatis in potentia : phantasma enim est aliquid particulare , et ideo , quidquid est in eo actu , est particulare et individuatum per conditiones individuantes . Tunc intellectus agens circumscribens ' conditiones individuantes 2 , facit illud uni versale in actu, quod tunc movet intellectum possibilem : illud enim quod est proprium motivum ipsius intellectus , illud est universale : unde ,

antequam

moveat , oportet universale praeexistere : unde aliqui dixerunt universale prae existere ante operationem intellectus . Contra : id quod generatur per se non est forma , quia tunc forma esset aggregatum ; item , nec materia , quia tunc haberet aliam materiam ; sed totum aggregatum . Si ergo universale secundum intentionem universalitatis non est aggregatum, sed forma quaedam, tunc per se non generatur. Quare intel lectus agens per se non facit ipsum ita ut actu existat in re extra, antequam intelligatur, ut dicit praedicta positio . Item, si intellectus agens generet ipsum , ita quod postea moveat intel lectum , aut ergo est per se subsistens , et tunc intellectus agens facit aliquid subsistens , quod est falsum , aut subsistit in alio . Hoc non potest [ fol . 69va ] esse in intellectu possibili , quia movet intellectum possibilem : quare est ali quid aliud ab ipso : quare non generat ipsum subsistentem in intellectu pos sibili . Item nec subsistit in intellectu agente , quia tunc esset receptivus, quod est falsum quia est quo est omnia facere ; item sequeretur quod haberet rationem moventis et moti . Item nec est universale generatum in phantas mate , quia omne quod est in phantasmate est particulare . Quare non est possibile quod fiat universale ab intellectu agente et quod postea (per natu ram vel per tempus) moveat ipsum universale intellectum possibilem ³ . Ideo dicendum quod intellectus agens agit universale per accidens , quia 4 agit intellectum possibilem in actu , ita quod una actione fit intentio univer

¹ En toutes lettres dans M ; dans O : ci ; le reste du mot est tombé sous le couteau du 3 ms = principalem . ms = intentione . 2 M = principia individuantia . relieur.

(1 ) ARIST. , De Anima III , 7 (431 a 14-15) .

LIBER PRIMUS. QUAESTIO 10

41

salitatis et intellectus possibilis in actu ¹ . Sicut enim generans calidum generat , non partes per se , sed totum , et per accidens partes 2 , sic intellectus agens una actione facit intellectum possibilem in actu et universale in actu . Quo modo autem hoc contingit , dicendum quod universale in potentia existit in phantasmate , quod non potest movere intellectum ; item , nec in virtute intel lectus agentis possunt phantasmata facere intellectum possibilem in actu , quia, etsi recipiant virtutem intellectus agentis , sunt tamen ibi sub esse parti culari ; sed haec est natura intellectus agentis, quod ad praesentiam phan tasmatum facit intellectum possibilem esse in actu : non ita quod aliquid possit in phantasmatibus , post in intellectu , sed ad praesentiam phantasma tum agit aliquid proportionale in intellectu possibili . Item , intelligendum quod aliquando agit per medium ut per instrumen tum

agit enim intellectus agens in possibilem per principia prima ; unde

agit conclusiones in intellectu possibili per principia prima ; tamen prima principia agit in ipsum sine medio . Quia ergo intellectus refertur ad rem et naturam rei quae sunt multiplicata in particularibus , particularia autem refe runtur ad intellectum per accidens , quia natura illorum est intellecta per aliquid quod est in intellectu , ideo verum est dicere quod intellectus facit universalitatem in rebus : verbi gratia : scientia refertur ad scibile ; si autem aliquis generaret scientiam sub ratione scientiae , generaret scibile in actu : similiter dicendum in proposito .

Ad rationem dicendum quod propositio quae dicit : generans et genera tum conveniunt in specie et differunt in numero , non est vera in generatione accidentis ; item , nec in omni generatione substantiae , quia generatur mulus a non mulo formaliter ; sed oportet tale esse agens in virtute , quale est actu id quod generatur . Et dico quod intellectus agens natus est agere universale , et intellectus possibilis, cum est informatus intentione universalis , tale est in actu . Ideo non sequitur quod intellectus agens non agit universale . Ad aliud dico quod , si materia sit perpetua et agens , tunc et effectus ; et dico quod , si intellectus agens per seipsum esset sufficiens ad faciendum . universale , et tunc intellectus possibilis reciperet , tunc concluderet ratio ; sed intellectus agens non est sufficiens nisi praesentibus phantasmatibus ; ideo non semper agit nec intellectus possibilis semper recipit

aliquando

enim sunt phantasmata sub ratione sub qua potest intellectus agere , aliquando 3 non ³. Per idem apparet solutio ad sequentem rationem.

1 Depuis una actione, M matum intentione universali.

simul generat intellectum possibilem actu intelligentem, infor -2 Depuis non partes, M = non calidum absolute , sed cali 3 Depuis aliquando enim, dum hoc in hoc, quoniam aggregatum est quod generatur . M = quia phantasmata non semper sunt praesentia.

-42

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 11 UTRUM DEFINITIONES GENERUM ET SPECIERUM SINT RERUM EXISTENTIUM IN ANIMA

Utrum definitiones generum et specierum sint rerum existentium in anima , vel singularium , vel naturarum existentium in singularibus . Quod sint defini tiones conceptuum probo , quia definitio est alicuius communis , quia definitio de pluribus dicitur : ideo est aliquid commune . Sed extra animam non est aliquid commune ; quare . 2. Item, definitio est eius quod est intellectum ; sed particularia non sunt in

[fol . 69 ] tellecta . Probatio maioris, quia definitio est cognitio intellec

tualis ¹ . Probatio minoris : intellectus enim est universalis et non singularis . 3. Item, definitio aut est universalis, aut particularis, quia pluribus modis non invenitur natura rei ; sed definitiones non sunt particularium , ut habetur 2 VII° Metaphysicae ( 1 ) , tum quia sunt corruptibilia , tum quia , cum sint sin gularia, sunt infinita . Ad oppositum

dicit COMMENTATOR hic (2) quod definitiones non sunt

intentionum existentium apud animam ³ .

t Dicendum quod oportet definitiones generum et specierum

non sint

definitiones conceptuum, quia definitio debet esse illius quod praedicatur de particulari , quia definitio de particulari praedicatur : dicimus enim quod Sors est animal rationale . Sed conceptus non praedicatur de particularibus : non enim dicimus quod Sors sit conceptus, nec homo est conceptus hominis . Haec videtur esse ratio THEMISTII (3 ) . Item, definitiones rerum non sunt rerum secundum illud quod accidit rebus, quia definitio indicat quid est esse , quod quid autem dicit substantiam rei et non accidens . Sed rebus accidunt con ceptus earum : accidit enim ipsis quod intelligantur ; unde conceptus est accidens rebus , secundum COMMENTATOREM VII Metaphysicae (4) . Voluit tamen 5 PLATO quod universalium abstractorum essent definitiones ³ . Item, definitiones rerum non sunt particularium secundum quod particu laria sunt : quia particularium secundum quod talia, non est intellectus , et quod quid est vel definitio est obiectum intellectus , particularia non sunt obiectum intellectus ; quare . Item, istud probatur VII° Metaphysicae (5) .

Met THEMISTIUS idem videtur innuere. O = item . ¹ O = intelligibilis. O = cum . 40 5 M + quia posuit ea separata ; et hoc verum esset si essent separata a par ticularibus, per se entia : nunc autem non sunt : ideo ipsorum non est definitio. (1 ) (2) (3) (4) (5)

ARIST. , Metaph . VI , 10 ( 1036 a 2 sqq . ) ; VI , 11 ( 1036 a 28-29) . AVER. , De Anima I , 8 (4 C) . THEMISTIUS , De Anima I , 1 (3 , 16 sqq .) . AVER. , Metaph. VII , 46 ( 198 C-D) . ARIST. , Metaph . VI , 11 et passim.

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 12

43™

Ideo intelligendum quod natura ipsorum particularium, ut natura Sortis secundum quod est homo , non est universalis in actu , nec etiam de se est una numero et individuata , sed fit universalis per actionem intellectus ; item, 1 fit individuata per principia individuantia ¹ , ipsam concomitantia : unde ad ² 3 est defi utrumque istorum est ista natura in potentia ; istius autem naturae nitio . Ista autem natura secundum esse non separatur a particularibus . Item , ista natura una in actu et communis in actu , non est nisi in intellectu : non enim est communis plurium nisi secundum quod concepta est et intellecta ; cognitio autem eius est cognitio omnium particularium . Actu etiam est ista natura multiplicata , non secundum se , quia tunc particulares homines specie differunt, sed ista natura est multiplicata per accidens, quod est principium . 4 individuationis ". Ad rationes concedendum quod universalium non sunt definitiones. 5 Ad aliud dicendum quod verum est quod dicunt COMMENTATOR et THEMISTIUS : sicut rerum existentium apud animam ; sed non secundum quod existunt , quia singulariter existunt ; sed est definitio particularium : hoc est , secundum naturam , quae secundum se non est multiplicata , quamvis secun dum accidens sit multiplicata . Ad aliud dicendum per idem ( 1 ) .

QUAESTIO 12 UTRUM SIT UNA VIA DEVENIENDI IN QUOD QUID EST

Quaeritur consequenter utrum sit una via deveniendi in quod quid erat esse . Quod sic , probo , quia unius secundum quod unum est, una cognitio ; sed quod quid est unum. Haec ratio est scripta II° Posteriorum (2) . Quare . 7 2. Item , omnium propriorum accidentium est una cognitio ; ergo et ipsius

O = natura . M + quae secundum se ms = aliud (ad) . ¹ O = accidentium . non est universalis nec una numero et individuata. * Depuis quod est, M = ut per divi sionem materiae et quantitatis . Puis vient une conclusion qui résume toute la question . Ensuite : Ad rationem dicendum quod definitiones generum et specierum sunt rerum particularium , non secundum quod sunt particularia, quia eorum ut sic non est definitio ; sed definitio est ipsorum particularium secundum naturam, quae secundum se non est multiplicata in pluribus ; secun C'est-à-dire : Ad rationem in dum accidens tamen est, et sic intendit COMMENTATOR . 6 Depuis sicut rerum, le texte semble être corrompu . A l'aide de M (cfr note 4) oppositum . on pourrait lire : non sunt rerum existentium apud animam, sed rerum existentium extra ani mam ; sed non , etc. M + vel unus modus accipiendi .

(1) Ad aliud etc. doit avoir été ajouté par le copiste, qui a vu dans le précédent Ad aliud la réponse à la deuxième objection , alors qu'il s'agit de la ratio in oppositum . (2) ARIST. , Poster. Anal. II , 3 (90 b 20-21 ) .

44

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

quod quid erat esse

quantum enim differunt passiones propriae , tantum

differunt quod quid est a quo accipiuntur passiones propriae .

Probatio

minoris est, quia per demonstrationem cognoscuntur omnia accidentia . Ad oppositum : illius quod¹ non est in omnibus unius rationis , non est cognitio una ; sed quod quid est esse non est unius rationis in substantia et accidente, ut habetur VII° Metaphysicae ( 1 ) ; quare , etc. Intelligendum quod una via est et una cognitio 2 deveniendi in quod quid est uno modo , et non una secundum alium modum . Via enim deveniendi in quod quid est esse diversificatur [ fol . 69bis" ] secundum diversitatem illius quod quid erat secundum rationem , et est una sicut unum est vel una ratio quod erat esse in omnibus habentibus ipsum : quia via in quod quid erat esse se habet ad quod quid erat esse sicut motus ad terminum , et motus sumit rationem ex fine ; nunc autem omnium habentium quod quid erat 3 esse non est una ratio , quia alio modo est quod quid erat esse in acciden tibus et substantiis : sicut enim ens non dicitur de substantia et accidente secundum unam rationem , sic non est quod quid est unius rationis in hoc et in illo . Item, nec est quod quid est penitus aequivoce , quia est in acciden tibus per attributionem ad substantiam , sicut sunt entia per attributionem ad substantiam , ut habetur VII° Metaphysicae (2 ) : ideo est unius rationis per attributionem . Ideo via deveniendi in cognitionem quod quid erat esse est una per attributionem , non tamen una secundum rationem . Rationes procedunt viis suis : quod quid enim in omnibus non est unius rationis et simpliciter, et ideo non est una via simpliciter.

QUAESTIO 13 UTRUM VIA DEVENIENDI IN QUOD QUID EST < SIT > DIVISIO

Utrum via deveniendi in quod quid est sit divisio . Quod sic , probatur , quia illa via est via deveniendi in substantiam et quod quid est, per quam contingit devenire in omnia praedicata essentialia, nec superflue nec dimi nute ; sed talis est divisionis via , primo accipiendo genus, secundo dividendo genus per differentiam, usque accipiatur tota essentia rei . 2. Item, ARISTOTELES II° Posteriorum (3) docet venari quod quid est per viam divisionis .

¹ O + quid .

2M

unus modus .

* O : erat esse = quare .

(1 ) ARIST. , Metaph . VI , 4 ( 1030 a 18 sqq .; 1030 b 12-13) . (2) ARIST . , Metaph . VI , 4 ( 1030 a 21 sqq .) . (3) ARIST. , Poster. Anal. II , 3 sqq . (90 a 35 sqq . ) , spécialement II , 13 (96 a 20 sqq .) .

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 13

45

1 Oppositum dicit ARISTOTELES ¹ ( 1 ) . 2. Item, ex via deveniendi in quod quid est , debet apparere quomodo et quod ex partibus definitionis fit unum per se ; sed ex via divisiva non potest hoc haberi : via enim divisiva potest haberi quod homo est animal rationale , sed quod ista faciant unum per se , non potest haberi per divisionem. Dico quod , cum principia demonstrationis non est demonstratio , et quod 3 quid est est 2 principium demonstrationis , tunc non potest haberi per demon

strationem . Item, quod quid est est propositio immediata ; propositio autem immediata non potest demonstrari . Item , nec divisio per se est via , quia , secundum ARISTOTELEM I Prio 4 rum (2) , via illa per quam petitur illud quod est in principio , non est con veniens ad aliquid ostendendum ; sed hoc fit via divisiva , ut sic arguendo : homo est animal ; sed non est irrationale ; quare est rationale . Item, ex via investigandi quod quid est , oportet habere quomodo partes quod quid est sint unum essentialiter : hoc autem non fit per divisionem . Ideo dico quod via investigandi quod quid est , est composita " . Primo enim debemus accipere vel quaerere , id cuius quaeritur quod quid est esse sub genere aliquo, per syllogismum vel per operationem aliquam quae apparet de re ; deinde illud genus dividendum per differentias per se " , quia in ipsa definitione debent poni differentiae per se ; et tunc ostendendum est, per syllogismum vel per operationem , illud quod debet definiri esse sub altera 7 illarum differentiarum ; et tunc componenda est differentia cum genere ; 8 et quia illa est differentia generis per se , ex hoc sequitur quod ista duo 10 9 faciunt unum per se ; si autem hoc non sit definitio completa " , dividendum ut prius " . Unde dicit ARISTOTELES II° Posteriorum (3) quomodo oportet venari quod quid est , et ultra viam divisivam addit ipse viam compositionis. Ad rationem dicendum quod maior falsa est, quia per viam aliquam contingit accipere omnia praedicata essentialia , et tamen per illam non acci pitur quod ista faciunt unum per se ; sed cum sunt accepta praedicata essen tialia , componendum est differentiam [ fol . 69bish] cum genere . Item, verum est quod per divisionem sine superfluitate non accipiuntur omnia praedicata. essentialia rei , sicut dicit ARISTOTELES II° Posteriorum (4) .

3 M + via propria in quod ¹ M + II° Posteriorum et 1° Priorum . 20 — est. 5 M + ex via divisiva et via compositionis . quid est. * O : via illa = per illam viam. O altera illarum differentiarum = illa differentia . 6 M + ut dicitur VIII° Metaphysicae. '9 0 = compossibilis (9pol ') . ›8 Depuis illa est, M = genus per se fuit in potentia ad illam . est illud genus = comp ositum cum differentia , per alias 11 M : ut prius 10 O neged (?) . differentias , et alteram illarum componendum est cum genere et priori differentia . Et ita via divisiva non est completa ad venandum quod quid est, sed coadiuvat . (1) (2) (3) (4)

ARIST. , ARIST. , ARIST. , ARIST. ,

De Anima I , 1 (402 a 15) . Priora Anal. I , 31 (46 a 31 sqq .) . Poster. Anal. II 11 , 3 sqq . , spécialement II , 13 . Poster. Anal. II , 5 (91 b 23 sqq . ) .

46

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA 1 Ad aliud dicendum quod vult ARISTOTELES

quod divisio est via ad

investigandum quod quid est ; non tamen est sufficiens , sicut praedictum est.

QUAESTIO 14 UTRUM ACCIDENTIA SINT PRINCIPIA COGNOSCENDI QUOD QUID EST

Quaeritur consequenter utrum accidentia sint principia cognoscendi quod quid erat esse 2. Quod non , probo , quia eadem sunt principia cognoscendi et essendi ; sed accidentia non sunt principia essendi ; quare , etc. Probatio maioris : sicut enim unumquodque ad hoc quod sit, sic se habet ad cogni tionem 3. 2. Item, si sic , cum quod quid erat esse sit principium cognoscendi acci dens , tunc idem erit principium cognoscendi seipsum, et erit circulatio *, et erit idem prius et posterius , et notius et ignotius seipso ; quare , etc. In oppositum est ARISTOTELES ( 1 ) , dicendo quod non tantum quod quid 6 erat valet ad cognoscendum causas accidentium 5 , immo accidentia magnam partem conferunt ad cognoscendum quod quid erat esse . Dico quod non sunt eadem nobis magis nota et secundum naturam ; 7 sed magis nota secundum naturam sunt quae magis participant rationem ³ actus et formae ; magis nota nobis sunt quae sunt magis sensibilia , et illa non universaliter participant magis rationem entis . Item, intelligendum quod nos 10 non semper procedimus a notioribus simpliciter , sed a nobis notioribus : ideo non eadem sunt certiora naturae et nobis ¹¹ : sunt certissimae demonstra 12 ut in mathematicis ; in naturalibus autem est e converso . Quia igitur

tiones

accidentia, maxime in naturalibus , sunt nobis notiora quam substantiae , ideo nobis procedendum ibi a cognitione accidentis usque ad cognitionem subiecti et quod quid est eius. Tamen non videtur quod accidentia de quod quid erat esse subiecti faciant simpliciter cognitionem, quia illud non facit perfectam notitiam subiecti absolute , quod non declarat ipsum ex his ex quibus natum est declarari : natum enim declarari est secundum principia priora 13 : quod

3 M hoc quod sit verum sive cogni M + subiecti . ¹ M + II° Posteriorum. 5 ms entium . M : causas accidentium = ¹M circularis demonstratio . tum . 7 • M = sed e converso . Depuis sed magis, accidentia inhaerentia ipsi subiecto . O = sunt magis nota. 8 M + unumquodque enim cognoscitur inquantum est ens actu . 10 O = nôs. Le S a été ajouté et • M + quoniam omnis cognitio nostra incipit a sensu . 11 M + ut ARISTOTELES etiam dicit le copiste a oublié de supprimer le trait horizontal. 12 M + ubi sunt eadem notiora nobis et etiam secundum naturam . principio Physicorum . 13 M + simpliciter et notiora.

(1 ) ARIST. , De Anima I , 1 (402 b 17-22) .

47

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 15

non fit per ipsa accidentia . Et hoc est quod dicit THEMISTIUS ( 1 ) quod accidens 1 non facit cognitionem eius secundum demonstrationem ¹ . Item, omnis causa. nobilior est et excellentior in natura causato 2 , sicut probat PROCLUS (2) ; quare effectus non potest ducere in cognitionem substantiae absolute et secundum naturam suam .

Ad rationem dicendum quod eadem sunt principia essendi et cognos cendi essentialiter, non autem in cognoscendo accidentaliter ; aliquid autem cognoscitur aliquando ex prioribus et essentialiter , et aliquando accidenta liter ; et dico quod accidentia non sunt principia cognoscendi quod quid erat. 3 esse essentialiter . Vel peccat ratio in forma , arguendo a destructione ante cedentis . Ad aliud dicendum quod non est inconveniens idem esse principium . cognoscendi seipsum , et per consequens prius et posterius seipso , diversi subiectum enim est principium cognoscendi accidens simpliciter , mode accidens autem est principium cognoscendi substantiam accidentaliter, prius est secundum nos .

et

QUAESTIO 15 UTRUM PASSIONES ANIMAE SENSITIVAE VEL NUTRITIVAE SINT COMMUNES ANIMAE ET CORPORIS

Consequenter quaeritur de passionibus animae ‘ . 5 animae sensitivae vel nutritivae sint operationes eius

Utrum passiones

vel etiam communes animae et corporis . Quod sint ipsius animae probo , quia sic se habet anima sensitiva ad huiusmodi passiones , sicut materia ad suas 7 passiones ; sed materia recipit et patitur , ita quod eius sunt passiones ; quare etiam anima patitur et recipit passiones , et non totum coniunctum . 2. Item, anima est principium per se huiusmodi operationum : pars enim

1 ¹ Depuis non facit, M = non totaliter facit cognoscere ipsum quod quid est . Ideo ARISTO TELES dicit quod accidentia magnam partem conferunt, non autem dicit quod totum conferunt : 2M + non enim demonstrant ipsum quod quid est demonstratione simpliciter et a priori . non est enim aliquis effectus ita nobis notus quin et causa illius simpliciter fuerit notior et secundum se. 3 0 arguendo. 4 M: de passionibus animae * * * * circa partem illam : Dubitationem autem habent. 5 M + et operationes . • M : operationes eius dec animae secundum se. 7 M + proprias passiones ad quas est in potentia .

( 1 ) THEMISTIUS , De Anima I , 1 (5 , 7-9) . (2) PROCLUS, Institutio theologica cap . 7 (p . LIII) .

48

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

animae appetitiva¹ est principium irae etc .; animae et non coniuncti .

quare erunt propriae ipsius

Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) . 2. Item, illae passiones sunt communes animae et corporis in quibus anima 2 compatitur corpori ; sed in huiusmodi passionibus anima compatitur corpori. 3 3. Item, [ fol. 69bis ] omnes huiusmodi passiones sunt passiones sensus ³ ; sed sentire non est proprium animae absolutae , sed est actus totius . Et haec ratio ARISTOTELIS , libro De Sensu et Sensato (2) . + Dico quod passiones appetitivae et sensitivae sunt passiones communes , quia unumquodque operatur secundum quod est ens , et ideo illius cuius est ipsum esse , est ipsa operatio ; sed animae sensitivae vel appetitivae vel nutri tivae non est esse , sed magis ipsa sunt quo aliquid habet esse : haec enim est ratio formae materialis , quod est illud quo aliud habet esse , ut corpus animatum ;

et ideo huiusmodi corpus habet huiusmodi operationes " , per

animam tamen : sicut enim dicimus quod non est caliditas quod calefacit , quia caliditas non est , sic in proposito anima vel forma materialis non ope ratur , cum non sit quod est , sed quo aliud habet esse . De intellectu autem alia ratio est 6 . Item , cuius est potentia ordinata ad actum, eius est actus ille : in De Somno et. Vigilia (3) ; sed potentia operationis non est ipsius animae secundum se : virtus enim visiva non est ipsius animae secundum se , sed habentis ipsam , et sic in aliis ; ideo dicendum quod omnes huiusmodi passiones sunt communes, sicut hic probat ARISTOTELES . Ad rationem concedendum est maiorem. Et cum dicitur : materia recipit et patitur, dico quod materia non recipit nec patitur nisi secundum aequivo cationem : ita enim se habent recipere et pati ad materiam , sicut esse ad formam , et forma non est illud quod est sed quo est ; ideo non dicitur esse nisi secundum aequivocationem : sicut caliditas non calefacit nisi secundum 8 similiter dico : totum aggregatum est illud aliam rationem quam calidum quod recipit et patitur, per materiam tamen

et secundum istum modum

possemus dicere quod huiusmodi passiones sunt ipsius animae, quia sunt totius per animam .

ms = appetitive . 2 M + quae sunt odium , mansuetudo , confidentia, timor, etc. 3 Depuis et ideo, M = et ideo corpus animatum ¹ 0 — et. 3 M + vel per sensum. est quod nascitur, quod etiam dormit et vigilat. 。6 Depuis De intellectu , M = Et eodem modo dicendum est de intellectu , quod homo intelligit per animam ipsam, et intellectus vel ·7 Depuis anima intellectiva est id quo homo intelligit : est enim quo aliud habet esse. non est, O = non est ipsius visus visus (!) secundum se non habentis visum. › Depuis secundum, M = inquantum est illud quo aliud calefacit.

(1 ) ARIST. , De Anima I , 1 (403 a 3 sqq . ) . (2) ARIST. , De Sensu et Sensato | (436 b 1-8) . (3) ARIST. , De Somno et Vigilia 1 (454 a 8) .

49

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 16

Ad aliud dicendum quod passiones sunt animae ut principii ; ex hoc autem non sequitur quod anima sit illud cuius primo sint istae operationes .

QUAESTIO 16 UTRUM IN DEFINITIONE RERUM NATURALIUM PONATUR MATERIA SENSIBILIS

Quaeritur consequenter utrum in definitione rerum naturalium ponatur materia sensibilis . Quod non , probo , quia omne quod ponitur in definitione est principium cognoscendi ; quare . Maior patet , quia definitio datur causa 1 innotescendi, VI Topicorum ( 1 ) ¹ . Probatio minoris : illud enim quod secun et dum se est ignotum, cuiusmodi est materia , non est causa innotescendi hoc dicitur X° 2 Metaphysicae (2) , quod materia cognoscitur per privationem. 2. Item, omne quod ponitur in definitione naturalium est universale , quia definitio universalis est, et non singularis ; sed materia non est universalis , quia illud quo primo aliquid est individuum et singulare , non est universale , differunt in materia : et haec est materia , quia generans et genitus tantum 4 unde in VII° Metaphysicae (3 ) ¹ dicitur quod generans non generat aliud nisi propter materiam ; item , V° (4) : illud est unum numero cuius materia est una numero . In oppositum dicit enim ARISTOTELES (5) quod omnes passiones mate riales definiuntur per materiam sensibilem . Item, in hoc differunt naturalia a mathematicis et divinis .

Intelligendum quod naturalia proprie dicuntur habentia naturam , et illa sunt composita ex materia et forma : unde naturalia proprie sunt composita . Improprie autem naturalia dicuntur passiones vel accidentia quae sunt secun dum naturam ; item materiam et formam naturalia quaedam dicimus quia sunt principia naturae ; item improprie passiones naturalium solent appellari naturalia " . Et dico quod in definitionibus omnium istorum ponitur materia " . In defi 7 nitione compositi naturalis ponitur materia quia illud quod pertinet ad essen tiam compositi , ponitur in definitione eius ; sed ad quidditatem compositi

ms = O = IV°. Le 4 médiéval ressemble fort au X romain . ¹ M = Physicorum . magi licet s g A +O Metaphysicae. 5 Depuis item improprie, M plutôt cum (cû) . •6 M + sed proprie passiones et formae et operationes dicantur entia secundum naturam . secundum alium et alium modum . :0 permanet. =

(1 ) (2) (3) (4) ...(5)

Arist . , ARIST. , ARIST. , ARIST. , Arist . ,

Topic . VI , 1 Metaph . IX, Metaph . VI , Metaph . IV , De Anima I ,

( 139 b 14-15) . 8 ( 1058 a 23) . 8 ( 1033 b 16-1034 a 8) . 6 ( 1016 b 32-33) . 1 (403 a 24-b 19) .

50

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

naturalis pertinet materia : materia enim proportionalis formae pertinet ad definitionem compositi sicut pertinet ad substantiam illius , ut habetur VII° 2 Metaphysicae ( 1 ) . Item , in definitione passionis¹ ponitur materia ² , quia , sicut unumquodque se habet ad hoc quod sit , sic se habet ad definitionem ; et 3 et per cum forma vel passio non habet esse nisi per materiam sensibilem attributionem ad ipsam, quare definitionem habent per materiam [ fol . 69bis ] . 4 Sed non definiuntur per materiam sicut per aliquid pertinens ad rationem illarum : materia enim non pertinet ad rationem formae : immo prima diver sitas est in potentia ad actum " , et per consequens inter materiam et formam; item , Iº Physicorum (2) , materia et forma diversa sunt ratione et non secun dum esse ; et ideo ponitur materia in definitione illarum passionum vel for marum ut aliquid existens extra rationem illarum. Composita autem non defi niuntur per materiam ut per aliquid quod sit extra essentiam illorum : unde dicit ARISTOTELES hic quod passiones animae definiuntur rationabiliter cum quodam corpore , et omnes sunt hoc in hoc . Ad primum contra dico quod maior vera est . Cum dicitur : materia non est principium cognoscendi , et ideo mathematicus non considerat materiam 7 prout est sub qualitate et sensibilitate , sed de materia sub quantitate , et quantitas est prior quam qualitas , dico quod illud quod est principium cognos cendi alterum , oportet quod sit notum per se vel ex ratione cuiusdam alterius ; et dico quod materia non cognoscitur per se , cum sit ens potentia et tale non movet intellectum ; cognoscitur tamen per s formam per quam habet esse . Ulterius , etiam apparet quod tota cognitio substantiae naturalis est ex 10 forma : si enim compositum cognoscitur ex 1" materia et forma , et materia cognoscitur per formam, ideo tota cognitio est per formam : unde in VII° dicit ARISTOTELES (3) quod omne quod cognoscitur , est cognitum per formam, transmutatur autem per materiam. Ad aliud dico quod materia est universalis quia est intellecta , et omne intellectum secundum quod intellectum rationem universalis habet : unde materia cum sit intellecta per formam, per ipsam est universalis . Ad illud 11 contra ¹¹ , dico quod materia primo non est causa individuationis, quia materia pertinet ad speciem ; immo, illud est principium individuationis quo material indivisa est primo 12. Ad aliud 1

dico quod generans generat aliud , et non

3 M = determinatam. M + sed alio modo . formarum sensibilium . 'M 6M et non secundum esse. Mut COMMENTATOR dicit . 4 M = quidditatem . 7 ms = etsi. 9 M *** Ex quo . 10 M + principiis eius quae ›8 M + analogiam ad. sunt. 11 M : Ad illud contra = Et tu dicis quod materia est id quo aliquid est individuum. 13 M : Ad aliud Et cum probatur quod generans non... 12 M + et hoc est quantitas . generat aliud nisi propter materiam .

(1 ) ARIST. , Metaph . VI , 11 ( 1036 a 26-1037 b 8) . (2) ARIST. , Physic. I , 7 ( 190 b 23-24) ; cfr II , 1 ( 193 b 3-5) . (3) ARIST. , Metaph. VI , 15 ( 1039 b 20-30) .

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 17

51

1 propter materiam primo , sed propter aliquid adnexum materiae ¹ , et hoc est quantitas. Ad aliud 2 dicendum quod illa sunt unum numero , quorum est una materia numero , verum est ; sed materia secundum se non est una numero , sed secundum quod indivisa , et hoc est per quantitatem : et ideo ratio non concludit .

QUAESTIO 17 UTRUM EODEM MODO DEFINIANT NATURALIS ET LOGICUS (1 )

Quaeritur consequenter utrum eodem modo definiant naturalis et logicus. Quod sic, probo , quia logicus et naturalis definiunt per genus et differentiam , et quicumque definiunt per eadem principia , eodem modo definiunt ; quare . 2. Item, definitio indicat quod quid est, a quocumque detur , si fuerit recta . Arguo tunc sic : quicumque definiunt per eadem principia , eodem modo definiunt ; sed logicus et naturalis eodem modo definiunt, quia per principia quod quid erat esse ; quare , etc. Ad oppositum est ARISTOTELES (2) . 2. Item, logicus in definitione non accipit materiam sensibilem ; sed natu ralis hoc accipit ; quare ,

etc. Unde logicus definiens iram dicit quod est • appetitus recontristationis, et naturalis dicit quod est accensus sanguinis circa cor ; quare , etc. Intelligendum quod definitio est indicans quod quid est esse , et quod quid est primo est substantiarum et absolute , quia substantiae habent esse absolutum ; deinde est ipsorum accidentium per attributionem ad substan tiam ; et non secundum eamdem rationem omnino est quod quid est in istis et illis. Dico ergo quod quaestio potest quaerere de definitione substantiarum vel

accidentium. Si quaerat quaestio utrum eodem modo logicus definiat sub stantias naturales et naturalis, dico quod sic , quia uterque definit " per prin cipia quae ingrediuntur quod quid est substantiae naturalis : substantia enim non definitur per aliquid extra sua principia , nec logice nec aliquo modo . Item, principia substantiae sunt genus et differentia quae includunt materiam et formam : animal enim non solum dicit formam sed etiam materiam deter minatam . Unde naturalis definit per ista inquantum sunt principia entis natu ralis ; logicus autem definit per eadem principia inquantum sunt principia

¹ M + quo materia distinguitur et individuatur. 2 M : Ad aliud Et quod probatur 3 ms = definiat. ..aliter quoniam illa sunt unum numero, quorum materia est una. (1 ) La question 17 fait défaut dans M. Voyez à ce sujet l'introduction au texte, p . 16 . (2) ARIST. , De Anima I. 1 (403 a 29-30) .

52

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

intellectus ; definiunt autem per eadem principia secundum rem , differentia secundum rationem . 1 Si quaeratur de definitione accidentis , [ fol . 70ra ] dico quod non definiunt eodem modo logicus et naturalis , quia logicus definit accidentia et passiones per illa quae sunt de genere accidentium : unde logicus definit iram dicendo quod est appetitus recontristans , non curans de subiecto ; naturalis autem definit per materiam sensibilem determinatam , quia definit illa inquantum sunt entia , entia autem non sunt nisi per materiam determinatam quod est principium essendi : unde dicit convenienter ARISTOTELES quod horum, (hoc est passionum animae, ) differenter definiunt logicus et naturalis . Unde ex hoc apparet quare dicit ARISTOTELES : definitiones logicae vanae sunt ad demon strandum, quia talis definitio quae est conveniens ad demonstrandum debet dicere propter quid est, et definitio logica non accipit principia essendi . 2 Ad rationes dico quod quaecumque per eadem principia definiunt , eodem modo definiunt, verum est in illis quae non habent attributionem ad alia ; in illis autem quae dependent ad aliud quantum ad suum esse, non est verum et dico quod naturalis , ultra logicum, in accidentibus accipit. subiectum , quod non pertinet ad rationem accidentis .

[Clm 9559 fol . 77 ] (1 ) .

QUAESTIO 18 UTRUM SIT POSSIBILE PONERE CORPUS SPHAERICUM

Utrum sit possibile ponere corpus sphaericum . Videtur quod non

dicit

ARISTOTELES, III° Metaphysicae (2) quod nulla rerum naturalium est recta vel curva vel sphaerica ut mathematici dicunt . 2. Praeterea, quae sunt in continuo motu et transmutatione non est pos sibile manere eiusdem dispositionis ; omnia naturalia sunt huiusmodi ; ergo nulla naturalia manent eiusdem dispositionis ; ergo nec sphaerica erunt , quo niam si aliquid naturalium haberet figuram sphaericam, esset eiusdem dispo sitionis . Contra figura sphaerica est prima figurarum et superficierum, et in quocumque genere non contingit reperire primum , nec aliquod posteriorum ; si ergo in rebus naturalibus non est reperire figuram sphaericam , nec aliquam aliam figuram .

1 ms = differunt .

2 ms : plutôt : rationem .

(1) Les Questions 18 à 21 font défaut dans O. Voir à ce sujet l'introduction, p. 16. (2) ARIST. , Metaph. II , 2 (998 a 1 sqq .) .

53

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 19

Dicendum quod est possibile esse corpus aliquod sphaericum , et in rebus superioribus et aeternis , et in corporibus inferioribus . Et non solum est hoc possibile in corporibus superioribus , sed etiam necessarium, ut vult ARISTO TELES , libro Caeli et Mundi ( 1 ) : quoniam, si caelum non esset sphaericae figurae , sed esset una pars

elevata ,

alia depressa , relinqueretur aliquod

vacuum. Iterum in istis inferioribus est hoc possibile , quoniam materia prima de se est in potentia ad omnes formas substantiales et accidentales : est igitur in potentia ad figuram sphaericam, cum sit forma accidentalis ; iterum , cui libet potentiae passivae in materia prima , necesse est correspondere poten tiam activam in motore primo ; ergo materiae existenti in potentia passiva ad figuram sphaericam, necesse

est correspondere potentiam activam in

motore primo ; sed quando aliquis effectus possibilis est potentia passiva et activa, effectus ille possibilis est ; ergo , etc. Ad rationem dicendum quod ARISTOTELES non dicit hoc secundum opi nionem propriam , sed dicit hoc alium dixisse qui fuit eiusdem opinionis cum HERACLITO qui posuit omnia esse in continuo motu et non manere eiusdem dispositionis . Ad aliud dicendum quod , si illa ratio probet de corporibus superioribus , dicendum quod quae sunt in continuo motu , non manent eiusdem disposi tionis quantum ad id secundum quod transmutantur ; transmutantur autem corpora superiora secundum situm, non secundum figuram ; ideo , etc. Si autem

arguat de corporibus inferioribus, tunc dicendum

est concedendo

maiorem, et ad minorem , per interemptionem : verum est quod transmuta bilia sunt in aliquo tempore quantum ad ea quae sunt in eis actu , sed non continue transmutantur nec continue moventur .

QUAESTIO 19 UTRUM , SI CORPUS SIMPLICITER SPHAERICUM PONERETUR IN PLANO, TANGAT IPSUM IN PUNCTO

Utrum, si corpus simpliciter sphaericum poneretur in plano , tangat ipsum in puncto . Videtur quod non , quoniam corpora naturalia se tangentia tangunt se secundum ultima , quoniam tangentia sunt quorum ultima simul ; ultima autem corporum naturalium sunt superficies ; ergo , si ponatur corpus sphae ricum super planum , tanget ipsum secundum superficiem et non in puncto . In oppositum est ARISTOTELES hic (2) . Dicendum quod , si corpus simpliciter sphaericum ponatur super corpus ...simpliciter planum , tangit solum in puncto : quoniam , da quod tangat in

(1 ) ARIST. , De Caelo II , 4 (286-287) . (2) ARIST. , De Anima I , 1 (403 a 13-14) .

54

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

linea , de necessitate sequitur quod vel rectum incurvabitur , vel curvum diri getur : illa enim secundum quae aliqua tangunt se , applicantur ad invicem ; si igitur sphaericum tangat planum in linea , necesse est lineas utriusque cor poris applicari ad invicem ; sed linea corporis sphaerici curva est , corporis autem plani recta ; ideo , etc. Praeterea , in III° Geometriae ( 1 ) declaratum est quod , si protrahatur linea recta supra circumferentiam alicuius circuli , ita quod tangat eam , si a centro iterum trahatur linea adiens (?) circumferentiam ad locum contactus, linea cadens supra aliam constituit duos angulos rectos ; si ergo des quod sphae ricum tangat planum in linea, tunc protrahatur linea a centro ad utramque extremitatem lineae : quare , si ita esset , triangulus haberet plus quam duos rectos . Ad rationem in oppositum dicendum quod maior [ fol . 77b] vera est : et ideo per se sphaericum tangit planum in superficie ; sed tamen , quia ultimum superficiei linea est et ultimum lineae punctus , ideo per accidens tangit ipsum in puncto .

QUAESTIO 20 UTRUM, SI CORPUS SPHAERICUM PONATUR SUPER PLANUM , UTRUM POSSET MOVERI

Utrum , si corpus sphaericum ponatur super planum , utrum posset moveri . Videtur quod non , quoniam hoc dicimus moveri super spatium, quod in diversis partibus temporis est super diversas partes spatii ; sed , si corpus sphaericum transferatur super planum, solum punctus est in diversis partibus spatii ; quare solum punctus movetur, quod est contra Aristotelem qui dicit (2) quod indivisibile non movetur . 2. Praeterea, si ita esset, cum sphaericum tangat planum in puncto , iam actu signabit infinita puncta , quod est impossibile . Consequentia patet, quo niam signetur punctus quem tangit in principio motus , et etiam quem tangit in termino : ergo contingit signare puncta media in motu suo . Contra

corpus quod habet figuram aptissimam ad motum, movetur apud

praesentiam moventis ; corpus autem sphaericum positum super planum habet figuram aptissimam ad motum ; ideo movetur ad praesentiam moventis.

Et hoc est concedendum. Verum est quod , circumscripto quocumque extrinseco impellente , non moveretur per se , quoniam omne quod movetur, ab alio movetur. Tamen movetur, praesente aliquo movente , quoniam corpus

( 1) Euclide, Elementa III , propos. 18 (Vol . I , p . 214) . (2) ARIST. , Physic. VI , 4 (234 b 10) .

LIBER PRIMUS . QUAESTIO 21

sphaericum maxime est in potentia ad motum ;

55

cum autem movens est

praesens, iam activum approximatum est passivo ; agente autem praesente passivo , de necessitate est actio ; ideo , etc. Ad rationem dicendum quod , si per se adquirat partes diversas spatii , movetur per se , si per accidens , per accidens ; nunc autem punctus non acquirit diversas partes spatii per se , sed corpus sphaericum : non tamen ita quod applicetur corpus sphaericum secundum omnes sui partes plano , sed in translatione eius super planum, acquirit diversas partes spatii . Ad aliud dicendum quod , cum sphaericum movetur de uno termino ad alium , infinita puncta in potentia sunt in medio , non in actu . Et tu dicis quod tangit semper in puncto , ergo in quolibet puncto medio : dicendum, sicut Aristoteles ( 1 ) dicit , quod , cum sagitta movetur ab uno loco ad alium, actu non signat aliquem locum medium , quoniam tunc in illo quiesceret, sed solum signat locum primum et locum ultimum : eodem modo dicendum est de motu corporis super planum, quod ipsum in motu suo non signat aliquem punctum nisi primum et ultimum , quia tunc quiesceret in illo ; ideo , etc.

QUAESTIO 21 UTRUM ANIMA MOVEATUR LOCALITER

Utrum anima moveatur localiter . Videtur quod sic : dicit ARISTOTELES IV

Topicorum (2) : moventibus nobis , moventur et omnia quae in nobis

sunt ; cum igitur contingit animal localiter moveri , similiter et animam. 2. Praeterea , omne tale per participationem reducitur ad tale per essen tiam , ut ens per participationem reducitur ad ens per essentiam ; sed animalia moventur localiter per participationem ; ergo reducuntur ad motum per essen tiam : hoc non est nisi anima . Intelligendum quod anima per se non movetur localiter, quoniam omne quod per se movetur localiter, corpus est et divisibile tale enim partim est 1 in termino a quo et partim in termino ad quem ¹ : tale igitur partem et partem habet 2; sed huiusmodi est quantum et quantum est corpus ; ideo , etc. Tamen anima per accidens movetur, quoniam anima , quae est perfectio materiae , movetur motu illius cuius est perfectio : et ideo voluit ARISTOTELES quod , moventibus nobis , moventur omnia quae in nobis sunt .

Et patet ex dictis ad primam rationem . 3 Ad secundam intelligendum quod omne tale [ fin du fol . 77° ] ³ ..

1 ms : ad quem = a quo.

2 ms

habet.

( 1 ) ARIST. , Physic. VI , 9 (239 b 5 sqq . et 30 sqq .) . (2) ARIST. , Topic. IV, 1 ( 120 b 21-28) .

3 Le cahier suivant est perdu.

56

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

LIBER SECUNDUS (1 )

Haec quidem a prioribus tradita de anima dicta sunt, etc.

QUAESTIO I UTRUM SUBSTANTIA PER PRIUS DICATUR DE MATERIA

Circa istum secundum quaeritur utrum substantia prius dicatur de materia: vel de forma vel composito. Quod per prius de materia , probo , quia substantia dicitur a substando ;

sed ratio substandi primo invenitur in materia ; quare , etc. Materia enim substat accidentibus et formae substantiali . 2. Item, de illo quod est maxime substantia , prius dicitur substantia : quod enim maxime est tale , prius tale ; sed materia maxime est substantia , quia , remotis omnibus aliis , ut motibus, dimensionibus , passionibus , remanet materia, et ipsa remota , nihil remanet ; quare , etc. Quod de aggregato , probo , quia proprietas substantiae est subsistere ; }

de illo ergo dicitur substantia primo , in quo reperitur ratio subsistendi ; sed hoc est in composito ; quare , etc. 2. Item, nomen substantiae dicitur primo de illo quod primo notum est nobis, quia prius notis nobis , primo imponimus nomen ; sed aggregatum notius 1 est nobis ; quare , etc. Quod de forma, probo , quia in VII° dicit hoc ARISTOTELES (2). 2. Item, propter quod unumquodque tale , ipsum est magis tale ; sed materia est substantia per formam , et etiam aggregatum subsistit per for mam. 2 3. Item. COMMENTATOR VIII Metaphysicae (3) : nomen primo significat formam , secundo aggregatum ; quare . Intelligendum quod substantia dicitur de materia , forma et composito ; materia autem est potentia ad substantiam, et quo aliquid potest passive ,

dico potest esse substantia ; forma est illud quo aliquid primo est in actu ; compositum autem est aggregatum ex materia qua aliquid potest esse , et ex

1 ms : aggregatum notius

substantia notior.

ms

significatur.

(1 ) Les 22 premières questions du livre II font défaut dans M. Voyez l'introduction . (2) ARIST . , Metaph . VI, 3 ( 1029 a 30) et passim. (3) AVER . ,Metaph . VIII , 7 (215 K) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO I

57

forma qua

est aliquid actu , sicut hic dicit THEMISTIUS ( 1 ) : unde dicit quod materia est aptitudo ad substantiam , forma autem est illud quod terminat istam habitudinem . Nomen autem substantiae non dicitur de istis secundum unam rationem , quia unum istorum est ut potentia et aliud ut actus , et istis nulla est ratio communis , sicut nec enti , cum ista dividunt ens universalite . r Item, in his quae sunt penitus diversae rationis , unum non est principium intelligendi reliquum ; nunc autem forma est principium intelligendi mate riam , et ista sunt principia intelligendi compositum . Ex his patet quod non dicitur substantia de his secundum aequivocatio nem , sed secundum prius et posterius . Dico etiam quod non est idem aliquid esse simpliciter prius in natura et aliquid esse prius sub nomine , sicut apparet de nomine naturae : primo enim inter ea quae dicuntur natura , est forma ; deinde materia , et ultimo ipsa nativitas vel operatio ; et tamen natura prius imponitur ad significandum nativitatem, ut habetur in Vº (2) . Et causa huius est quod non est idem prius et notius secundum naturam, et prius et notius nobis , ut habetur I° Physico rum (3) ; sed illa [ fol . 70b ] quae plus participant de esse , priora sunt secun dum naturam ; illa autem quae sunt post illa et magis sensibilia , sunt nobis notiora . Quia ergo nomen in significando sequitur intellectum in intelligendo , ideo quae sunt priora in esse possunt esse posteriora sub nomine . Et dico quod forma prius est substantia secundum esse et naturam , quia omnia alia 2 habent rationem substantiae per formam : esse et subsistere < enim sunt "> in materia et composito per formam : materia enim subsistit per formam ; item compositum non habet esse nisi per formam < per quam 2 > participat istis : 2 primo substantia , in quo reperitur primo ratio esse et

s < i ergo hoc est

subsistendi , tunc hoc erit forma, et ita forma est prius substantia secundum naturam . Tamen illud dicitur primo substantia secundum nomen , quod primo cadit in cognitione nostra , et hoc est compositum. Unde nomen substantiae primo significat compositum, secundo formam, ultimo autem materiam ; in ordine naturae primum est forma , secundo compositum, tertio materia . Unde formam non dicimus substantiam nisi cum additione : quia est perfectio et 2 < actus "> ; similiter autem est in materia. Ad rationem dico quod substantia dicitur a subsistendo , et substantia aggregata est quae primo subsistit ; et dicam quod non dicitur substantia a substando ; subsistere autem est habere esse per se et separatum , quod repe ritur in composito . Item , dico quod materia non est illud quod primo substat ,

I mg quc . 2 Cette phrase se trouvant en marge , a été mutilée par le couteau du relieur . Nous suppléons d'après le contexte . ( 1 ) THEMISTIUS , De Anima III , 1 (39 , 5 sqq .) . (2) ARIST . , Metaph . IV, 4 ( 1014 b 16 sqq .) . (3) ARIST. , Physic. I , 1 ( 184 a 16-18) .

58

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

quia, sicut non dicimus quod forma primo agit , sed quod agit , agit per illam, sic ratio materiae est quod sit illud per quod aliquid substat : et hoc dico accipiendo rationem materiae ex ratione potentiae ; item, substare dicimus proprie stare sub alio , ut sub accidente ; tale autem non convenit materiae . Ad aliud dico quod non oportet quod illud quod primo est substantia , prius sit sub nomine . Et iterum dico quod materia non est maxime substantia : ·1 non enim ratio substantiae consistit in remanere aliis destructis , sed in hoc quod est habere esse , et istud remanet in alio in quo reperitur primo ratio esse . Rationes de aggregato sunt concedendae quia nomen substantiae prius convenit sibi . Rationes de forma sunt concedendae , quod forma prius est substantia naturaliter . Ad dictum COMMENTATORIS dicendum quod verum est in aliquibus : in his enim in quibus ex cognitione formae devenimus in cognitionem aggre gati, primo nomen significat formam ; in his autem in quibus ex cognitione aggregati devenimus in cognitionem formae , primo significat aggregatum. Unde hoc non habet COMMENTATOR ex intentione ARISTOTELIS , sed PLATONIS ponentis ideas, et etiam quod nomen primo habet huiusmodi formas signifi care . Sententiae tamen ARISTOTELIS magis videtur consentire

quod nomen

primo significat aggregatum.

QUAESTIO 2 UTRUM ANIMA SIT ACTUS

Quaeritur consequenter circa definitionem animae primo utrum sit actus . Quod non, probo , nam propria passio non est sine proprio subiecto ; sed propria passio materiae est pati ; cuicumque igitur convenit pati , illud habet rationem materiae ; sed animae convenit pati : patitur enim sensus a sensibi 2 libus et intellectus ab intellecto ; quare non habet rationem actus . Item, formae est agere , alterius autem principii est pati . 2. Item, omne receptivum rationem materiae habet , quia , sicut omnes potentiae activae reducuntur ad activum primum, sic omnes passivae ad passivum primum, secundum COMMENTATOREM IX° Metaphysicae ( 1 ) ; sed intel lectus est receptivus intelligibilium ; quare . Ad oppositum est ARISTOTELES (2) . 2. Item , si anima materia est , et non actus , tunc quaecumque habent unam materiam, habent unam rationem animae ; sed omnia generabilia et corrupti

1 ms = ex.

ms = intellectu .

( 1 ) AVER. ,Metaph. IX, 2 (227 C-D) . (2) ARIST . , De Anima II , 1 (412 a 21-22) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 2

59

bilia habent rationem materiae unam ; quare unam animam, quod falsum est . Haec est ratio THEMISTII hic ( 1 ) . Dicendum quod anima est substantia sicut actus , et huius declaratio est ex ipsa ratione formae vel actus : forma enim est qua aliquid < habet➤ esse et qua aliquid operatur ; illud igitur rationem formae habet in composito , quo ipsum compositum est in actu et quo operatur ; sed per animam est corpus in actu et per illam distinguitur ab aliis ; quare . Item, anima cum sit substantia , aut est substantia composita , quod non convenit quia tale est aliquid quantum et divisibile secundum se ; item , nec habet rationem materiae , quia materia non est aliquid in alio [ fol . 70 existens

] , per animam autem intelligimus aliquid in alio

quo vivimus enim et sentimus est aliquid in alio , et tale est anima ;

quare sequitur quod anima sit actus et perfectio corporis . Sed intelligendum propter dissolutionem rationis , quod receptio animae et materiae primae non sunt unius rationis receptiones , quia receptiones dif ferunt secundum diversitatem receptorum et secundum modum recipiendi . Primum patet , quia receptum est obiectum recipientis ; istud autem receptum , in anima et materia differt, quia materia recipit res et formas rerum, anima tantum cognitiones rerum ; item , materia recipit formas particulares tantum , anima autem universales . Item, ex modo recipiendi differunt, quia materia recipit per transmutationem, anima autem non , quia anima non transmutatur per receptionem intelligibilis, nec sensus a sensibilibus, secundum THEMISTIUM hic (2) ; item , non est pati in anima et in materia eiusdem rationis : est enim passibile per abiectionem alicuius , sicut contrarii , sic autem patitur materia ; alia est passio quae est quaedam perfectio , sic autem recipit anima. Ad rationem dico quod pati est proprium materiae , verum est loquendo de passione cum abiectione¹ alterius contrarii ; sic autem non patitur anima , sed tantum perficitur de potentia ad actum subito , et non removetur aliquid de anima, nisi privatio tantum . Ad aliud dicendum quod non omne receptivum rationem materiae habet . Est enim aliquid receptivum per motum localem, et illud tantum habet rationem materiae mobilis ad ubi . Item , aliquid recipit per cognitionem et de illo non est adhuc verum . Item receptivum primum non est materia : non enim materia prima est receptivum omnium, sed materia est receptiva formae tantum ; sed receptivum omnium est receptivum ipsius esse : quod probatur , quia passivum primum proportionaliter se habet ad activum , et illud quod est activum primum est activum esse .

1 ms = obiectione .

( 1 ) Themistius, De Anima III , 1 (39-40 , 31 sqq .) . (2) Cfr THEMISTIUS , De Anima III , 5 ( 54, 3 sqq .) ; V, 4 (93 , 32 sqq . ) ; VI , 7 ( 112 , 25 sqq .) .

60

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 3 UTRUM ANIMA SIT ACTUS PRIMUS

Utrum anima sit actus primus . Quod non , probo , quia id non est actus primus cui praeexistit alius actus ; sed animae praeexistit alius actus , quia anima est actus corporis physici praeexistentis secundum naturam , et tale habet aliquem actum priorem . 2. Item, quod est primum secundum viam generationis , est ultimum secun dum viam resolutionis ; ergo quod non est ultimum secundum viam resolu tionis , non est primum secundum viam generationis ; sed anima non est ultimum in resolutione , quia post illam manet corpus ; quare . Ad oppositum est ARISTOTELES ( 1 ) . 1 2. Item, actus ille qui existit corpori animato , inexistente

actu secundo

et non existente , est actus primus et non secundus ; sed anima inest corpori 2 animato , existente actu secundo , ut vigilare vel huiusmodi ; item, anima inexistit, non inexistente actu secundo ; quare , etc.

Dicendum quod anima est actus primus . Actus autem primus compara tionem habet ad duo , scilicet ad operationem quae est actus secundus , et ad potentiam priorem cuius est terminus ; et ex utroque istorum concludit ARIS TOTELES quod anima est actus primus . Ex ipsa operatione ostenditur hoc sic : quia illud quo habet esse primo et quo operatur primo corpus animatum, est actus primus eius , quia actus est principium operationis , et actus primus est principium operationis primae ; sed operatio prima . corporis viventis est esse et vivere ; sed si anima est illud quo primo scimus et quo primo vivimus, et vivere viventis est esse , quare haec est ratio ARISTOTELIS , et hanc dicit esse demonstrationem secundum 3 quod possibile est demonstrare quod quid erat esse . Item, illud quod terminat potentiam primam, est actus primus ; sed potentia prima est potentia ad esse , actus primus .

et istam terminat anima ; quare est

De in- [fol . 70 ] tellectu alias videbitur in III ° huius ; in generali tantum sufficiat. 1 Ad rationem dico quod maior est vera . Et cum assumitur quod animae in corpore animato praeexistit alius actus , dico quod falsum est , quia nec praeexistit corpus in actu, nec substantia in actu , nec corpus organicum : immo ista omnia rationem habent ex anima et causantur per animam : anima enim est qua substantiatur materia, et anima est illud quo figi possunt tres

ms = in existente . quaestionem .

ms = anime .

( 1) ARIST. , De Anima II , 1 (412 a 27) .

3 ms = demonstrationem .

ms =

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 4

61

dimensiones in materia ; item , anima est illud quo in corpore animato sunt passiones et motus ; item, organisatio corporis est ab anima : unde COMMEN TATOR 1° huius ( 1 ) dicit quod non differunt membra leonis a membris cervi nisi quia anima est diversa ab anima : unde , secundum quod anima dat alicui esse absolute , sic est substantia ; inquantum aliquid est illud quod figitur sub tribus dimensionibus , sic est corpus ; et ulterius , inquantum est principium motus et huiusmodi , sic est corpus physicum : unde non est ponere gradus formarum, sicut ponebant ANTIQUI . Ad rationem dico quod anima est ultimum in resolutione . Et dico quod resoluta ¹anima , non manet corpus eiusdem speciei , secundum ARISTOTELEM IV" Meteororum (2) : corruptio

enim unius est generatio alterius : unde ,

corrupto corpore animato , corrumpitur et corpus sub ratione priori , et generans est corrumpens primum.

QUAESTIO 4 UTRUM ANIMA SIT ACTUS CORPORIS VITAM HABENTIS IN POTENTIA

Utrum anima sit actus corporis vitam habentis in potentia . Quod non, probo , quia est actus corporis animati , et corpus animatum habet vitam in actu et non in potentia ; quare . 2. Item, anima est actus corporis habentis animam in actu , et anima et vita sunt idem ; quare .

Ad oppositum est ARISTOTELES (3) . Dicendum quod anima est sicut actus primus et ordinatur in actum secun dum sicut in finem . Contingit autem aliquando aliquid esse sub actu primo et non sub actu secundo : videmus enim quod materia aliquando est sub esse gravis et tamen non est deorsum in actu ; item, aliquando habitum conside randi et sciendi habet aliquis, et non considerat in actu propter aliquod impe diens . Similiter anima est actus primus ; actus secundus est sicut sentire vel intelligere in actu, et secundum huiusmodi operationes dicitur vita in homine vel alio . Unde attendens Aristoteles ad huiusmodi operationes in actu , dicit quod anima est actus corporis habentis vitam in potentia : unde dicit ARISTO TELES (4) quod haec potentia non abicit (5) animam

} ms = reseta.

(1) (2) (3) (4) (5)

ms

AVER. , De Anima I , 53 ARIST. , Meteor. IV , 12 ARIST. , De Anima II , 1 Arist. , De Anima II , 1 Pour abjicit.

corpus.

(28 F) . (389 b 31-390 a 2) . (412 a 27-28) . (412 b 25-26) .

aliquid enim potest esse

62

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

in potentia ad huiusmodi operationes et tamen habet principium huiusmodi operationum , ut animam. Ad rationem dicendum quod , aut tu accipis vivens pro eo quod habet principium vitae , aut pro eo quod operatur secundum animam . Si primo modo , sic dico quod anima est actus corporis viventis ; si secundo modo , sic dico quod anima non est actus corporis viventis , sumendo vivere pro actu secundo . Et dico quod corpus vivens primo modo est in potentia ad vitam secundo modo accipiendi ; sed non est in potentia ad vitam secundum quod sumitur pro principio vitae . Ad secundum dicendum quod maior vera est . Ad minorem dico quod vita dupliciter sumitur : aliquando sumitur pro principio vitae , et sic anima et vita sunt idem ; alio modo sumitur vivere pro operatione vivendi , secun dum quod vivere est secundum se movere , ut habetur inferius : sic non est vita idem cum anima .

QUAESTIO 5 UTRUM ANIMA IMMEDIATE UNIATUR CORPORI

1

Utrum anima immediate uniatur corpori . Quod non , probo , quia ex duobus quorum utrumque unum est in actu, non fit unum nisi per aliquod uniens ea sed corpus est aliquid actu et anima est actus eius ; quare requiritur quod sit aliquid uniens ea , quod sit medium. 2. Item, illud quod praeexigit in corpore aliquas dispositiones , non imme diate unitur ; sed hoc exigit anima ad hoc quod uniatur , ut quod sit corpus physicum organicum , et non quaecumque anima propria est cuiuscumque ra corporis [fol . 71 ™ª ] . Ad oppositum : propria perfectio cum perfectibili proprio unitur sine medio ; talis est anima respectu corporis . Dicendum quod anima comparatur ad corpus sicut eius perfectio ; item, sicut motor eius , quia anima dat esse substantiale et movet corpus . Secundum autem quod est actus substantialis , immediate unitur corpori , quia duorum quorum unum habet rationem actus , reliquum rationem materiae , ex his fit unum , nec est causa quaerenda , nisi agens transmutans ; quare ex materia et forma fit unum ; sed sic se habent corpus et anima ; unde non est dicendum quod anima uniatur corpori per operationem et secundum phantasmata , sicut dicit COMMENTATOR , et alii per speciem, sicut aliqui somniaverunt . Alio modo potest anima comparari ad corpus ut est motor eius , et sic unitur corpus cum anima per medium, quia movet per medium , quia movet unam partem corporis per virtutem existentem in alia , et sic usque ad illam quae est prima virtus motiva, scilicet virtus quae est in corde . Et quia aliqui antiquorum dixerunt

63:

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 6

quod tantum unitur anima intelligibilis ut motor , ideo dixerunt quod unitur per medium, et non invenerunt illud medium . Ad rationem dicendum quod maior vera est , quorum unum est actus et aliud potentia

sed tantum ex duobus

; et dico quod corpus non est

aliquid actu praeter animam , quia anima est actus primus corporis : unde , aliter sequeretur quod aliquid esset actu sine actu primo corporis . Nonne 2 ista habet corpus ab

corpus est naturale et physicum ? Dico quod omnia

anima secundum diversas rationes et operationes eius : unde considerando corpus praeter animam , non erit corpus in actu , sed solum in potentia ; item, nec substantia in actu sine anima , sed solum in potentia . Ad aliud dicendum quod actus primus immediate unitur materiae ; omnes dispositiones , sive " sint ipsius formae vel materiae , omnes sequuntur 4 unionem formae cum materia , sive ipsum aggregatum : unde anima non praeexigit corpus organicum , sed per animam est corpus organicum .

QUAESTIO 6 UTRUM SENSITIVUM ET VEGETATIVUM ET ALIAE POTENTIAE SINT DISTINCTAE IN CORPORE SECUNDUM SUBIECTUM

Consequenter circa partes animae . Et quidam posuerunt quod sunt formae distinctae loco et substantia : ideo primo quaeritur utrum sensitivum et vege tativum et aliae esse corpore ani mato .

QUAESTIO 13 UTRUM ANIMA SIT PRINCIPIUM MOTUS CORPORIS ANIMATI

Quaeritur consequenter utrum anima sit principium motus corporis ani mati . Quod non , probo , quia omne quod movetur est aliquid in actu praeter movens principium ; sed corpus animatum non est aliquid in actu praeter ani mam , quia est actu et substantia per animam . Maior patet , quia omne quod movetur, ab alio movetur de necessitate . 2. Item, nihil unum et idem habet rationem moventis primi et moti primi ; sed corpus animatum movetur secundum quod existit in actu ; quare corpus animatum secundum animam non est unde principium motus . 3. Item, anima se habet ad corpus sicut forma gravis ad grave ; sed grave non movetur a forma gravis , secundum ARISTOTELEM , VIII Physicorum ( 1 ) , sed a generante vel removente prohibens ; movetur ab anima .

quare corpus animatum non

Ad oppositum est ARISTOTELES (2) . 2. Item, omne quod movetur ex se, movetur ab anima : tale enim dici mus animam , quod est principium motus in motis ex se ; sed corpus anima tum movetur ex se , quia hoc dicimus animatum, quod movetur ex se . Intelligenda sunt duo . Primo , quod omne quod movetur , ab alio movetur,

( 1 ) ARIST. , Physic . VIII , 4 (255 a 1 sqq .; b 33 sqq .) . (2) ARIST. , De Anima II , 4 (415 b 21 sqq .) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 13

75

ut habetur VII° et VIII° Physicorum ( 1 ) : movens enim secundum quod movens , est aliquid in actu ; et motum inquantum tale , est aliquid in potentia ; et idem non est ens in actu et potentia ; quare . Item , illud secundum quod aliquid primo movetur, est de genere illius ad quod movetur : quia illud secundum quod aliquid movetur primo , rationem potentiae habet ; potentia autem et actus sunt de genere eodem. Dico tunc quod corpus animatum movetur ab anima , quia illa quae moventur [fol .

73 ] ex se ,

moventur ab anima ;

animam autem dicimus

principium motus activum, et animata moventur ex se ; quare . Sed intelli gendum quod corpus animatum non movetur ab anima proximo : quia per secundam propositionem habemus >quod illud secundum quod movetur aliquid primo , est de ratione illius ad quod movetur ; sed motus ipsius corporis animati terminatur ad aliquod accidens, ut ad esse visum vel intellectum ; quare illud secundum quod movetur est de genere accidentis , cuiusmodi est aliqua potentia animae . Unde anima primo movet per potentiam , ita quod potentia est proximo movens, et illa est de genere accidentis . Ita anima sic movet corpus , quod eadem pars quantitativa in qua est virtus quae movet primo, non est id quod movetur primo , quia nihil unum et idem respectu eiusdem habet rationem moventis et moti : si igitur una pars rationem mo ventis habet, non habet rationem moti . Item, movens agit in motum vel pas sum ; sed unum et idem continuum existens impassibile est primo . Quare , sic movet anima quod illud quod movet primo non est illud quod movetur : unde necesse est dicere quod una pars habet rationem moventis et alia rationem moti : sicut etiam patet in motu partium animalis , quod movetur una pars per virtutem existentem in alia , et illa alia usque ad primam, et tunc appetitus in actu est illud quod movet qualitates sensibiles, calidum, frigidum etc. Ad rationem dico quod illud quod movetur primo est aliquod ens in actu praeter ipsum movens primo . Et dico quod totum corpus animatum non est ens in actu praeter animam, et ideo circa totum corpus animatum non est illud quod primo movetur : immo , una pars movet aliam, et illa quae movet est aliquid in actu praeter illa quae moventur ; unde concludit quod tota anima primo non movet corpus . Ad secundum dicendum quod maior vera est . Ad secundam propositionem dicendum quod maior vera est , et concludi potest quod animatum corpus non est illud quod primo movetur, sed aliqua pars corporis , quae differt ab alia secundum virtutem. Et iterum potentia animae est primo movens . Ad aliud dicendum quod pro tanto est simile , quod , sicut forma gravis est illud quo grave est grave , sic anima est illud quo est corpus animatum . Sed in alio non est simile , quia grave est unius dispositionis per totum ; corpus autem

(1 ) ARIST. , Physic. VII -VIII , passim.

76

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

animatum non : immo potest una pars , secundum quod est actu aliquid , aliam movere quae est in potentia , saltem ad illud . Unde grave non potest se movere, nec una pars potest aliam movere , quia est unius dispositionis per totum ; nunc autem, secundum ARISTOTELEM Iº De Generatione ( 1 ) , ens unum et continuum, eiusdem dispositionis per totum, non potest seipsum movere , nec a seipso pati ; corpus autem non est unius dispositionis per totum.

QUAESTIO 14 UTRUM IGNIS COMBURAT IN INFINITUM , SI APPONATUR COMBUSTIBILE

Quaeritur consequenter, quia ARISTOTELES (2) dicit quod ignis vel calidum calefacit in infinitum , si apponitur combustibile , quaeritur utrum hoc sit verum . Quod non, videtur , quia quod habet virtutem determinatam operandi , habet determinatam operationem et determinatum aliquid operatur ; sed ignis deter minatam virtutem habet, ut formam ; quare calefacit usque ad terminum finitum. 2. Item, agens agit assimilando sibi : passum enim in fine assimilatum est agenti ; sed quando assimilatum est , non agit agens plus in ipsum, quia propter hoc agit in ipsum ; quare ignis non agit in combustibile cum fuerit assimilatum ; sed contingit combustibile esse assimilatum igni ; quare non amplius patitur, quia nihil patitur a sibi simili ¹ . Ad oppositum per intentionem ARISTOTELIS (2) dicentis quod ignis com bureret in infinitum si apponeretur combustibile. 2. Item, agens approximatum passo impossibile est non agere , et ignis est activum in combustibile ; quare quandocumque erit approximatum, erit com bustio ; [fol . 73rb ] sed si in infinitum apponatur , in infinitum erit approxima tum ; quare igniet in infinitum . Intelligendum quod quaestio potest duo quaerere

unum , utrum ignis

aliquod, unum combustibile sibi appositum igniat vel calefaciat in infinitum ; vel potest quaerere utrum ignis in infinitum calefaciat combustibilia succes 2 sive apposita ; et tertio potest quaeri utrum ignis infinitum aliquid calefaciat , si sibi approximatur . Ad primum dicendum quod non , quia ignis calefacit assimilando , et tamdiu calefacit quousque fuerit assimilatum ; cum autem fuerit sibi simile in calidi

tate et levitaté et raritate , non amplius agit in ipsum : non enim plus potest

1 ms = simile .

ms + in.

(1) ARIST. , De Gener. I , 7 (323 b 18-22) ; I , 9 (327 a 1 ) . (2) ARIST . , De Anima II , 4 (416 a 15-16) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 15

77

calefacere ignis quam secundum quod calidus est , nisi secundum accidens , propter aliquam dispositionem materiae . Sed intelligendum quod in igne est considerare rationem et substantiam ignis ; item , ipsum calidum . Quod autem ignis calefaciat usque ad determinatum terminum , non est hoc secundum naturam calidi , sed secundum quod calidum ignis : quia calidum eius agit in virtute formae substantialis , et ideo calefacit usque ad determinatum termi num , secundum exigentiam formae . Si autem quaerat quaestio utrum ignis comburat si apponantur combusti bilia in infinitum , dico quod comburet et non comburet, quia positio implicat impossibilia : scilicet , quod igni possit addi combustibile in infinitum : extra enim infinitum nihil est, et ideo , si ponitur combustibile in infinitum , non erit ignis et etiam erit ignis , cum tu ponis quod sit ignis cui apponitur combustibile . Si autem quaeratur utrum ignis comburat in infinitum , apponendo com bustibilia unum post aliud in infinitum , dico quod sic . Sed intelligendum quod ignis comburit in infinitum, non tamen unus numero manens , cum sit corrup tibilis : ideo ignis si comburat , appositis combustibilibus , hic non erit idem nisi secundum speciem. Item, intelligendum quod , si manens secundum spe ciem sic comburat , non est intelligendum quod semper maneat combustibile conversum in ignem : iamdiu enim converterentur omnia elementa in ignem ; sed ipsa natura ignis convertitur in alia elementa , secundum dispositionem aliarum et aliarum stellarum aliquando enim ex inferioribus generantur supe riora, aliquando autem e converso , secundum quod dicit ARISTOTELES ( 1 ) . Et quia ignis, secundum quod calidus , non comburit usque ad terminum deter minatum , et secundum hoc locutus est Aristoteles hic : ideo dicit quod com burit in infinitum . Sic etiam est in actione animae : calidum enim animae calefacit alimentum ; et quod usque ad determinatum terminum , hoc est 1 propter substantiam animae : unde dicit COMMENTATOR (2) quod actio ignis ¹ composita est ex calido et substantia eius .

Rationes procedunt viis suis .

QUAESTIO 15 UTRUM ALIMENTUM SIT CONTRARIUM ALENDO

Quaeritur utrum alimentum sit contrarium alendo . Quod sic , probo , quia activum et passivum sunt contraria, secundum ARISTOTELEM 1° De Genera tione (3) ; sed res alenda et ipsum alimentum sic se habent ; quare , etc. ¹ Plutôt : animae (nutritivae) . (1 ) Par exemple : Meteor. I , 3 (339 a 36 sqq . ) . (2) AVER. , De Anima II , 41 (71 D -F) . (3) ARIST., De Gener. I , 7 (324 a 11-12) .

78

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

2. Item, transmutatio omnis est ex contrario et in contrarium ; sed ex alimento fit transmutatio ad speciem membri , quia ARISTOTELES dicit quod alimentum ingrediens , generat speciem membri, secundum ARISTOTELEM libro De Generatione ( 1 ) . Ad oppositum : omne quod unitur alii in unitate speciei et formae , est simile sibi ; sed alimentum unitur membro in unitate speciei et formae , quia transmutatur in substantiam membri ; quare etc. Dicendum quod alimentum dupliciter dicitur : in potentia et in actu ; sicut sensibile dicitur sensibile in potentia et sensibile in actu . Sensibile in potentia , quod potest movere sensum et non movet , sensibile in actu , quod movet sensum in actu. Similiter alimentum in potentia [ fol . 73 ] dicitur quod potest transmutari in substantiam membri ; alimentum in actu, quod actu movet virtutem . Dico tunc quod alimentum in potentia est contrarium membro, quia illud est quod potest transmutari in membrum ; transmutatio autem est semper ex contrario : secundum hoc dicimus quod panis manens sub specie panis contrariatur membro . Alimentum in actu est simile , quia est illud quod trans mutatur in speciem membri . In medio , cum est in motu ad membrum, est compositum ex simili et dissimili . Similiter est de agente et patiente univer saliter. Unde dicit ARISTOTELES (2) quod differt quid vocetur alimentum : aut antequam decoctum , et si sic , tunc contrarium est ; si autem dicatur alimen tum postquam decoctum est , tunc est simile ; in medio autem est compositum.

QUAESTIO 16 UTRUM IDEM SIT OBIECTUM NUTRITIVAE , GENERATIVAE ET AUGMENTATIVAE

Utrum idem sit obiectum nutritivae , generativae et augmentativae . Quod non, probo , quia obiectum potentiae passivae comparatur ad virtutem sicut actus, obiectum autem potentiae activae sicut finis, ut domus est obiectum aedificationis ; sed alimentum non est activum generativae et aliarum ; item nec sicut terminus, quia illae virtutes non sunt ad alimentum sicut ad termi num

immo , magis e converso ; quare , etc.

2. Item, obiectum unum per se , non est nisi unius virtutis per se , quia ratio virtutis ex obiecto sumitur ; sed augmentativa , generativa et nutritiva non sunt una virtus ; quare , etc. Dico quod duplex est obiectum : quoddam passivae virtutis, quoddam autem potentiae activae . Passivae universaliter est activum eius , sicut intelli gibile intellectus et sensibile sensus . Obiectum activae dicitur dupliciter modo quia ex ipso , sicut ex materia, aliquid operatur ; alio modo

(1 ) ARIST. , De Gener. I , 5 (321 b 35 sqq .) . (2) ARIST. , De Anima II , 4 (416 b 3 sqq .) .

uno quia

79

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 17

ad ipsum terminatur virtus vel potentia . Primo modo dicimus quod obiectum artis aedificatoriae sunt ligna et lapides ; secundo modo dicimus quod domus, cum est composita , est obiectum aedificatoriae artis secundum hoc dicimus. quod virtus activa rationem sumit ex obiecto , quia sunt similia in specie . Dicendum tunc quod alimentum idem ' secundum substantiam aliud secun dum rationem est obiectum istarum trium virtutum. Istae enim tres virtutes activae , et alimentum est obiectum illarum , non sicut terminus , sed sicut illud ex quo vel in quo operantur, sicut ex materia ; ratio autem materiae est ratio potentiae , et ratio potentiae sumitur ex actu : ideo diversificatur secundum diversitatem finium . Dico tunc quod alimentum est illud : secundum quod est in virtute substantia membri , nutrit et est obiectum nutritivae ; secundum autem quod quantum, augmentativae ; secundum autem quod est in potentia simile , diversum in numero ,

est obiectum generativae ,

et materia eius ,

ex qua

operatur. Ad rationem dicendum quod non omne obiectum est vel in mini, vel actus passivae ,

ratione ter

sed omne obiectum vel est obiectum potentiae activae , vel

et activae diversificantur ut patet : unde insufficienter dividitur .

Ad aliud dicendum quod idem obiectum secundum substantiam, diversum secundum rationem , potest esse obiectum diversarum virtutum , et sic est in proposito , ut ostensum est .

QUAESTIO 17 UTRUM CALIDUM SIT INSTRUMENTUM PARTIS ANIMAE VEGETATIVAE

Quaeritur consequenter utrum calidum sit organum vel instrumentum partis animae vegetativae . Quod non , probo, quia illud cuius actio non est terminata , non est organum partis animae vegetativae ; sed actio calidi , inquantum tale , 3 non est terminata . Probatio maioris, quia organum vegetativae terminum habet ; quare . 2. Item, cuius est dissolvere et comburere , non est organum partis vege tativae pars enim vegetativa non dissolvit nec comburit alimentum , sed convertit in substantiam rei ; quare , etc. Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) , quod illud quo alitur est duplex ¹ , vel ipsa anima, vel calidum . 2. Item, id quo operatur [ fol . 73b] anima vegetativa in obiectum suum

proprium, est eius organum ; operatur autem in alimentum disgregando ipsum per calidum , secundum ARISTOTELEM (2) ; quare .

ms = aliud .

2 ms : vel in

in vel.

( 1 ) Arist . , De Anima II , 4 ( 416 b 25 sqq .) . (2) ARIST. , De Anima II , 4 (416 b 28-29) .

ms = quare .

4 ms = dupliciter .

80

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

Dicendum quod calidum aliquo modo est organum vegetativae : quia , quando aliqua actio attribuitur duobus , unum se habet in ratione formae agentis principalis , et aliud in ratione organi et materiae , secundum Commen TATOREM III huius (1 ) , sicut etiam dixit ARISTOTELES (2) cum declaravit quod anima est actus corporis : quia , duobus diversis existentibus non potest aeque principaliter actio una attribui . Sed nutrire , augmentare , generare attribuitur vegetativae et calido ; et manifestum est quod pars animae est agens princi pale , quia illud est agens principale quod imponit terminum actioni, et hoc est pars animae vegetativae et non ipsum calidum . Quare , etc. Item , vegetativum nutrit disgregando alimentum adveniens . Illud alimen tum in principio est contrarium, in fine autem, simile , secundum ARISTOTE LEM (3 ) ; contrarium autem non fit simile nisi per alterationem ; et ideo mani festum quod pars animae augmentat et nutrit per alterationem factam a calido : quare calidum est organum ; et hoc est quod dicit ARISTOTELES (4) quod quo alitur aliquid , dicitur dupliciter : secundum partem vegetativam vel secundum calidum . Sed intelligendum quod potest calidum considerari , vel secundum quod calidum, vel secundum quod calidum animati ; et diversae rationis est sic et sic . Si autem consideretur calidum absolute , non est organum animae , quia sic non agit per ipsum, sicut securis vel dolabra absolutae non sunt instru menta artis aedificatoriae absolute , sed ut regulata per artem. Sed calidum secundum quod calidum animati , est organum vegetativae, et tale calidum agit ad terminum determinatum ,

et tale calidum non incinerat ,

sed agit

secundum quod permittit et exigit substantia animae .

QUAESTIO 18 UTRUM SENSUS SIT VIRTUS ACTIVA VEL PASSIVA

Circa capitulum de sensu . Utrum sensus sit virtus activa vel passiva . Quod activa probo , quia nobi liori substantiae debetur potentia nobilior vel virtus , et virtus activa est nobilior quam passiva , et sensitiva nobilior quam vegetativa ; sed vegetativa quae est minus nobilis quam sensitiva , semper est activa ; quare . 2. Item , in actione intellectus et intelligibilis est ponere aliquam virtutem agentem ; et sicut intelligibilia ad intellectum, sic sensibilia ad sensum ; quare necesse erit ponere sensum agentem.

(1 ) (2) (3) (4)

AVER. , De ARIST. , De ARIST., De ARIST. , De

Anima Anima Anima Anima

III , II , II , II ,

36 ( 184 C) . 1 (412 a 6-b 17) . 4 (416 b 3 sqq .) . 4 (416 b 25 sqq .) .

LIBER SECUNDUS. QUAESTIO 18

81

3. Item, iudicare est agere ; sensus autem iudicat de suo obiecto et sua alteratione ; quare est virtus activa. Ad oppositum est ARISTOTELES ( 1 ) . 2. Item, per rationem AVICENNAE (2) et ARISTOTELIS (3) : AVICENNA dicit quod sensus est virtus vel potentia passiva , perfectibilis ab intentionibus sensibilium secundum quod huiusmodi ; quod autem tale est, est potentia passiva . 3. Item, omne receptivum specierum sine materia est passivum ; tale autem est sensus ; quare , etc. Dicendum quod sensus est virtus passiva et non activa . Probo ex duabus rationibus quae videntur elici ex rationibus ARISTOTELIS , et ex quadam alia . Primo, quia omne quod perficitur de potentia ad actum per aliud transmutans et alterans ipsum, potentia passiva est : quia haec est ratio potentiae passivae quod potentia passiva est principium transmutandi ab altero ; sed sensus talis est , quia sensus est receptivum specierum sine materia , sicut cera est recep tivum speciei sigilli sine aere ; item, sensus est potentia perfectibilis a sensi bilibus secundum quod huiusmodi . Et hanc videtur ARISTOTELES (4 ) ponere cum dicit quod sensus consistit in pati et alterari quodam modo. Item , proprio activo coniuncto cum proprio passivo , est necessario actio ; sed organa sensuum possunt pati ; quare , cum virtus sit coniuncta organo , si sit semper in [fol . 74 ] actu , vel si virtus eius sit virtus activa, semper sentiet in actu ; hoc est falsum immo , egreditur in actum ab extrinseco . Item, omne ens actu , secundum quod ens actu , natum est agere ; sensi bilia autem in rerum natura sunt entia in actu ; quare erunt activa rationis sensibilis . Si igitur idem respectu eiusdem non habet rationem activi et passivi , cum sensibilia sint¹activa ipsorum sensuum , tunc non erunt passiva ab illis : immo necessario erit sensus passivus ab ipsis : si enim sensibilia non compa rantur ad sensus sicut activa , cum sint obiecta secundum veritatem, vel essent 2 obiecta sicut finis quod non contingit, quia non sunt aliquid causatum ex ipso sensu ; item , nec sunt obiecta sicut materia, quia tale ab ipso cuius est obiectum transmutatur ab alia dispositione , sicut alimentum transmutatur ab anima vegetativa ; sed sensibile in actu non transmutatur per sensum , nisi solum de otio in actum ; quare patet quod erunt obiecta sicut activa , et sensus tunc erit virtus passiva . Ad rationem dicendum quod potentia activa non est nobilior quam pas

non sint.

คง

1 ms

ms + vel.

3 ms

transmutetur.

(1 ) ARIST., De Anima II , 5 (416 b 33) . (2) Référence générale , semble-t-il, à la doctrine d'Avicenne sur la puissance sensitive . Voyez son De Anima. (3) ARIST. , De Anima II , 5, passim. (4) ARIST. , De Anima II , 5 (416 b 33-35) .

82

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA --

siva , quia comparabilia sunt unius rationis et ista non sunt unius rationis ; immo una activa est nobilior alia . Unde potentia activa et passiva non habent rationem unam . Nec potest dici quod univocatur in ratione nobilitatis, quia ratio univocationis nobilitatis est ex unitate operationis , et istorum non est ratio vel operatio una . Similiter posset dici de substantia vegetativa et sensitiva . Ad aliud dico quod non est simile , quia intellectus movetur ab intelligi bilibus ; intelligibilia autem, secundum quod intelligibilia, non sunt entia in actu , ut universalia , sed in potentia tantum ; quare universalia secundum 1 quod sunt in rerum natura , non possunt agere intellectum possibilem ¹ in actu ; ideo , ut educatur de potentia ad actum , exigitur aliquid in actu , cuiusmodi est intellectus agens . Sensibilia autem existunt actu in rerum natura ; et quia unumquodque agit inquantum ens in actu , ideo non exigitur sensus agens . Ad aliud dico quod nescio quid tu vocas iudicare . Aut enim iudicare non est agere , aut iudicare non pertinet ad sensitivam partem. Si enim iudicium dicatur prima sensibilia alicuius conclusionis per resolutionem ad primas causas , dico quod ista pertinent ad intellectum agentem , quia istud est quaedam ratio cinatio : syllogizare enim et discurrere a priori in posterius, aliquo modo per tinet ad intellectum agentem, intelligere autem secundum AVICENNAM ( 1 ) per tinet ad possibilem . Si autem iudicium dicatur certa cognitio , sic potest ad sensum pertinere ; sed tamen tale iudicium consistit in quadam passione vir tutis sensitivae , sive in actione sensibilis in sensum , ita tamen quod sensus nihil agat . Si autem vocemus iudicare , dicere se sentire , hoc non pertinet ad sensum aliquem particularem, sed etiam ad sensum communem ; et etiam hoc adhuc passio quaedam est , et non actio : inquantum enim patitur sensus com munis secundum actum a sensu particulari , est iudicium istud .

QUAESTIO 19 UTRUM RATIONES INTELLECTUALES MANEANT IN INTELLECTU SINE ACTUALI CONSIDERATIONE

Quaeritur consequenter circa illam partem : Dicendum autem de potentia · et actu, ubi vult Aristoteles (2) quod aliquis potest habere habitum conside- randi , vel esse sciens in habitu , sine actuali consideratione . Duo quaerantur . Primum est utrum rationes intellectuales maneant in intel lectu sine actuali consideratione , [ fol . 74 ] sive cum intellectus non actualiter

1 ms = impossibilem .

( 1 ) Référence générale, sans doute, à la doctrine d'Avicenne sur l'intelligence . Voyez son De Anima. (2) ARIST. , De Anima II , 5 (417 a 21 sqq .) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 19

83

consideret. Quod non , probo per AVICENNAM , VI De Naturalibus ( 1 ) : quia quandocumque forma apprehensa manet in virtute apprehensiva , est actu apprehensio : sicut virtute visiva , auditiva , quando ratio sensibilis manet in virtute , tunc est in actu ; sed ratio intelligibilis est sicut. forma apprehensa in virtute ; quare , etc. 2. Item, posito per se principio et primo et proximo alicuius operationis , ponitur illa operatio ; sed ratio intelligibilis existens in intellectu est princi pium intelligendi , sicut albedo existens in corpore est illud quo corpus est formaliter album ; ergo quamdiu manet ratio intelligibilis , tunc est intellectus in actu ; si non , non . Ad oppositum est ARISTOTELES hic ( 2) et III ° huius (3 ) , dicendo quod aliter est aliquis in potentia ante addiscere et invenire , et existens in tali potentia , non exit in actum cum voluerit ; alio modo est in potentia post addiscere , et tunc exit in actum cum voluerit. 2. Item , in virtute sensitiva manent rationes sensibiles absque eo quod actu sentiat , ut in virtute memorativa , et fortior est actio intellectus respectu intelligibilis quam sensus et sensibilis ; quare . 3. Item, quaecumque attribuuntur virtuti inferiori, secundum excellentio rem modum attribuuntur superiori , secundum Boetium (4) ; sed conservare ima gines attribuitur virtuti inferiori, ut memorativae , secundum AVICENNAM , XVI° De Animalibus (5) ; quare et intellectivae . AVICENNA VIº De Naturalibus ( 1 ) respondit dicendum, cum homo secundum actum non considerat , in intellectu eius non manent rationes intelligibiles. Et hoc posuit propter primam rationem , quia forma apprehensa existens in vir tute est principium comprehensionis et intellectus

et ideo , si non est forma 1 actu comprehensa , non est intellectus , nec e converso . Item , adi ingebat ¹ , si non habens formam comprehensam consideret , necesse est hoc contingere in aliquo istorum trium modorum : aut quod forma comprehensa maneat in actu in virtute sensitiva, aut quod sint universalia separata , sicut posuit PLATO, aut quod sit intelligentia separata ad quam convertens intellectus, habet rationes omnium ab ipsa intelligentia . Primum est impossibile , quia forma existens in virtute sensitiva , est in potentia et non facit intellectum in actu ; item secun

ms = adinbat . Peut-être admbat ( = admittebat) .

(1 ) Avic. , De Anima ( = VI De Naturalibus) I , 2 , F-G (5¹) ; IV, 3 , A ( 19rb.19va) ; V, 2, F (23vb) ; surtout V , 6 , B-D ( 26ra_26va) . Dans l'édition de 1508 , le De Anima est intitulé : « Opus de Anima : qui sextus naturalium Avicenne dicitur » . (2) ARIST. , De Anima II , 5 (417 a 26 sqq .) . (3) ARIST. , De Anima III , 4 (429 b 5 sqq .) . (4) BOÈCE , De Consol. Philos. V, Prosa 4. MIGNE , t . 63 , col . 849 (337) . FORTESCUE, pp . 150 4151 . (5) La référence est inexacte . Il faudrait plutôt : De Anima IV , 1 C ( 17 ) ; IV, 3, A ( 19™) .

84

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

dum est impossibile , quia alibi declaratum est quod non sunt universalia in rerum natura existentia ; ideo concludit tertium , quod intellectus sit actu intel 1 ligens ex conversione ad intelligentiam ¹ agentem et datricem formarum intel ligibilium et naturalium , quam dixit motricem decimi orbis . Sed contra, si hoc oportet , tunc non est differentia accipere aliquid per doctrinam et ulterius considerare illud secundum actum post doctrinam , ita quod non est differentia de potentia essentiali et accidentali . Ipse dixit quod addiscere non est aliud quam converti ad intelligentiam agentem ; et quanto aliquis magis disponitur , tanto magis potest comprehen dere et intelligere : unde , ante addiscere fuit potentia nuda , post addiscere fuit potentia coaptata . Contra : istud non potest stare : unde ista opinio quae dicit quod rationes intelligibiles et actus intelligendi fiunt ex conversione ad intelligentiam , non differt aliquid opinione PLATONIS : posuit enim PLATO plures formas separa tas ; iste autem unam posuit omnium . Si tunc accidit inconveniens secundum opinionem PLATONIS , tunc et secundum istam. Si enim istud esset verum, tunc intellectus in intelligendo non indigeret sensu : cuius contrarium videmus , quia [fol . 74 ] deficiente sensu , deficit scientia . Item, si virtutes sensitivae solum disponunt et intelligentia est agens omnia , videtur quod ex conversione ad intelligentiam non reciperet magis unam rationem intelligendi quam aliam ; quia solum sensus disponit , et non est maior ratio quare intelligentia det unam formam magis quam aliam . Item, quod dicitur quod sensus solum disponit : contra : quanto magis aliquid removetur ab uno oppositorum , tanto magis accedit ad alterum ; sed immaterialia habent oppositionem ad materialia ; ergo quanto intellectus magis convertitur ad separata , tanto remotior est a sensibilibus ; ergo , quanto magis accedit ad sensibilia , secundum hoc non dicitur magis intelligens . Item ARISTOTELES III° huius, in principio ( 1 ) : cum intellectus acceperit rationes intelligibiles secundum actum, dicitur sciens , et nihilominus adhuc est in potentia ad ulteriorem considerationem ; quare patet quod intellectus aliquo modo est in actu et tamen non considerat ; hoc autem non esset nisi rationes intelligibiles manent . Et hoc est concedendum , quod rationes intelligendi manent , ipso intellectu non considerante actu . Istae autem rationes intelligendi sunt illud quo intel lectus considerat secundum actum, et se habent ad intellectum et ad conside rare secundum actum , sicut forma gravis ad ipsum grave et ad esse deorsum ; forma autem gravis est illud quo aliquid est grave, et etiam illud quo grave est deorsum , nisi aliquid prohibeat per violentiam . Ita est de ratione intelli gendi , quod intellectus habens rationem intelligendi , semper, quantum est de

ms = intellectum .

ms = naturalem .

(1 ) ARIST. , De Anima III , 4 (429 b 5 sqq .) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 20

85

se, considerat ; aliquando non considerat , immo prohibetur per aliquid extrin secum . Possibile enim est quod forma sit principium operationis et quod illa operatio non semper sit, propter aliquid impediens . Quod autem sit in propo sito impediens, dico quod intellectus potest esse intentus ad multa , quia con 1 tingit multa scire ; et cum considerat de uno , impeditur in alio . Item ¹ , quid quid considerat intellectus , hoc est in phantasmatibus sensibilibus : et ideo oportet quod phantasmata a quibus sumitur ratio considerandi , quod sint in organo phantasiae , et quod sint talia , quod ab ipsis possit intellectus rationem intelligendi accipere ; nunc autem, aliquando contingit quod phantasmata non sunt in intellectu ; item, aliquando contingit quod , quamvis ibi sint , non potest tamen intellectus sumere rationem intelligendi ab his, propter organum indis positum propter motum aliquem vel consimile 2 , sicut apparet in ebriis : unde illud quod removet ista , facit intellectum in actu . Unde illud facit intellectum , quod generat intellectum ; illud autem quod removet illud quod prohibebat, considerare facit intellectum in actu, omnino sicut esset dicendum < de gravi . Ad rationem dicendum> " quod maior vera est , nisi prohibeatur : sicut 4 esset * dicendum de gravi . Et dico quod ratio intelligendi existens in intellectu , est forma comprehensa , verum est ; ergo est ibi intellectus in actu : verum est, nisi prohibeatur : unde in separatis a materia, in quibus non contingit tale impedimentum, semper est intellectus in actu. Ad secundum dicendum quod , proprio principio existente in aliquo , semper est operatio, nisi sit aliquid prohibens ; in intellectu autem contingit 1 esse aliquid prohibens, ut manifestum est.

QUAESTIO 20 UTRUM HABENS HABITUM SCIENTIAE CONSIDERET CUM VOLUERIT

Utrum habens habitum scientiae consideret cum voluerit . Quod non, probo, quia nihil educit seipsum de potentia ad actum, quia omne motum ab alio movetur ; sed habens habitum sciendi est in potentia passiva ad considerationem ; quare , etc. 2. Item, voluntas non movetur nisi ab actu intelligibili ; si nunc aliquis intelligit quia vult, sequitur, cum non velit nisi quia intelligit, quid est illud quod facit intelligere illud ? Si dicas : quia vult , quaero de illo , et sic in infi nitum

et sic contingit procedere ad aliquem qui intelligit sine voluntate

praeexistente , vel quod sit intellectus sine voluntate ; secundum est impos sibile ; quare primum sequitur .

Faut-il lire : quid simile ? Le copiste a pu lire 9 pour q . ms + intellectus. 3 Omission classique , due à la répétition de dicendum . La reconstitution proposée ici n'est ms -évidemment qu'un minimum : elle ne préjuge pas l'importance réelle de l'omission . esse .

85

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

3. Item, multotiens aliquis laborat ut consideret secundum actum , et tamen non potest : quod non esset si aliquis volens, habens habitum considerandi , posset considerare .

In oppositum est ARISTOTELES ( 1 ) . 2. Item, dicit quod intelligimus cum volumus , non autem sentimus. 3. Item, illa operatio cuius principium activum et passivum reducitur ad voluntatem nostram , est in nobis cum volumus ; tale est intelligere , quia voluntas est principium intelligendi . Dicendum quod voluntas per se dependet ex intellectu . Voco volun tatem appetitum intelligibilem , quia voluntas in sua operatione per se , de pendet ex obiecto per se ; tale autem est bonum , non absolute , sed bonum intellectum : bonum enim intellectum movet voluntatem . Intellectus autem non dependet ex voluntate per se , sed accidentaliter : dependet enim per se ex intelligibili , et intelligibile per se non est bonum volitum ; sed dependet 1 saltem per accidens quantum ad exercitium actus : quod enim nunc aliquis intelligat hoc intelligibile , nunc vero aliud , hoc causatur ex voluntate : ideo , quantum ad exercitium actus , dependet intellectus ex voluntate , et una volun tas aliquando ex alia quantum ad exercitium . Ex quo manifestum est quod necesse est causari aliquem intellectum, non 2 praecedente voluntate , aut aliquem intellectum causari , non ex operatione voluntatis . Si enim operatio voluntatis dependet per se ex intellectu , aut erit procedere in infinitum , aut erit aliquod intelligibile quod non erit ex volun tate . Probo : tu vis intelligere hominem : hoc dependet ex aliquo volito ; si hoc , tunc illam voluntatem praecedit alius intellectus, et sic de illo , sicut de primo ; et sic oportet devenire ad aliquem intellectum causatum non ex praeexistente voluntate, aut in infinitum procedere . Dico tunc quod habens habitum scientiae est non considerans secundum actum per aliquid impediens ipsum : sicut grave , si non existat deorsum , impediens est . Illud ergo quod removet illud prohibens , facit intellectum in actu ³.Verbi gratia : cum enim intellectus fuerit intentus circa unum , tunc illa voluntas quae facit aliud intendere , facit quod aliud considerat , et tunc remo vet voluntas prohibens ; similiter, si non possit intellectus sumere rationem intelligendi ex phantasmatibus, removens istud facit intellectum , et hoc potest esse voluntas . Unde dico quod aliquando aliquis habitum scientiae habens , potest exire in actum cum voluerit ; in omnibus tamen est impossibile . Unde ARISTOTELES , capitulo De bona fortuna (2) , actionem voluntatis reducit in ali quem intellectum primo .

ms = autem.

2 ms = a.

3 ms : in actu = intellectum

(1 ) ARIST. , De Anima II , 5 (417 a 27-28) . (2) ARIST., Ethic. ad Eud. VII , 14 ( 1248 a 30 sqq .) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 21

87

Unde concedantur rationes ad hoc . Prima tamen sophistica est : cum → dicitur nihil educit seipsum de potentia ad actum, verum est secundum unum tantum : unde potest seipsum educere ad actum secundum aliud : unde 1 existens in potentia considerandi non educit seipsum ad hoc inquantum talis , sed inquantum est quidam alius, ut actu volens aliquid . Ad rationes in oppositum concedendum quod intelligimus cum volumus, ut in pluribus , non autem in omnibus ; et similiter ad secundum.

QUAESTIO 21 UTRUM SENSIBILIA COMMUNIA SINT SENSIBILIA PER SE

Quaeritur consequenter de sensibilibus . Primo , de sensibilibus communi bus, utrum sint sensibilia per se . Quod non , probo , quia illa sunt sensibilia per se , quae per se immutant sensum , quia sensibile immutat [ fol . 75ra ] sensum ; quare sensibile per se immutat sensum per se . Sed sensibilia communia non habent rationem immutantis vel alterantis, cum sint quantitates . 2. Item, circa sensibile per se non decipitur sensus ; sed hoc contingit circa sensibile commune . 3. Item, quae non sentiuntur nisi quia sunt coniuncta aliis , non sunt sen sibilia per se ; sed sensibilia communia dicuntur sensibilia quia sunt coniuncta sensibilibus per se , secundum COMMENTATOREM hic ( 1 ) . Oppositum dicit ARISTOTELES (2) , dicendo quod est sensibile per se , quod dam secundum accidens ; sensibilia per se quaedam sunt communia , quaedam propria. 2 per se, sicut dicit Dicendum quod sensibilia communia sunt sensibilia ARISTOTELES (3) . Et dat COMMENTATOR (4) huius duas causas . Una est : quam vis enim sensibilia communia sentiantur a pluribus sensibus, sunt tamen pro pria sensus communis. → Item, secundo , quia sunt inseparabilia a sensibilibus

per se ; sed Diari filius est separabile a sensibili per se, non autem sensibile commune . Sed neutrum istorum veritatem habet , quia sensus communis est unde derivatur virtus sensitiva in particularibus, et ad quod terminantur alterationes sensuum particularium ; et quia in ratione termini est , non habet aliquod obiectum proprium praeter obiecta sensuum particularium ; quia, si sic , tunc

ms

(1) (2) (3) (4)

existens .

ms = sensitiua .

AVER. , De Anima II , 65 (83 D) . ARIST. , De Anima II , 6 (418 a 7 sqq .) . Ibidem. AVER. , De Anima II , 65 (83 D) .

88

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

non universaliter et tantum esset terminativus alterationis sensuum particula rium . Item , si sensibilia communia sint sensibilia per se , quia sunt propria sensus communis, tunc magis deberet ARISTOTELES dicere ea secundum acci dens , quia quod sentitur ab aliqua virtute interiori , sentitur a virtute particu lari secundum accidens : sic enim sumit ARISTOTELES sensibile per accidens secundum sensus exteriores ; quare , si sensibilia communia sentiantur a par 2 ticularibus sensibus ¹ , per accidens ² , et non esset distinguendum. Item , secun dum non valet, quia sensibilia propria non separantur ab eis : quia tunc illa a quibus non separantur huiusmodi , dicerentur sensibilia per se, ut forma substantialis et subiectum accidentium, ut ignis secundum substantiam suam , quod tamen est falsum . Ideo dicendum quod sensus potentia passiva est, et ideo ratio eius sumitur ex eo quod recipit vel patitur ab alio . Ideo , omnia illa quae aliquam diversi tatem faciunt in alterando sensum , habent rationem sensibilis per se . Nunc autem, aliqua sensibilia possunt dupliciter facere diversitatem in alterando sensum

Quaedam in alterando causant diversitatem secundum speciem, et

exigunt diversa patientia secundum speciem : talia sunt sensibilia per se sen suum particularium ; ideo ad diversitatem istorum sequitur diversitas sen suum , et ideo dicuntur sensibilia propria . Alia sunt quae tantum faciunt diver sitatem in modo alterandi et non exigunt diversum patiens secundum rationem : talia dicuntur sensibilia per se , quia diversitatem faciunt in modo patiendi vel alterandi ; quia autem non sunt diversa agentia secundum speciem, nec exi gunt diversa passa , dicuntur communia. Talia sunt illa quae sunt in maiori quantitate et minori : ista enim in maiori quantitate fortius agunt, et ideo magnitudo dicitur sensibile commune . Item , aliqua mota et non mota diversi tatem faciunt . Item, figura sequitur magnitudinem. Item, quia eiusdem vir tutis est individuare opposita , ideo idem sensus particularis iudicat motum et quietem. Item, sensus iudicans magnitudinem , iudicat figuram quia sequitur magnitudinem : unde sensus iudicans suum sensibile iudicat alterationem eius , qui est quidam motus, et ideo simul motum et quietem. Item, quia alio modo alterat numeratum et non numeratum, ideo iudicat numerum . Item multa sunt alia sensibilia communia, ut longinquum , propinquum forte . Ad rationem dicendum quod verum est quod sensibile [fol . 75 ] per se, quod est proprium sensibile , est activum ipsius sensus

ad istud enim sensi

bile per se dicitur sensus et non ad sensibile commune , quia facit alterationem quodammodo in sensu. Ad aliud dicendum quod sensus non decipitur circa proprium sensibile ; nihilominus tamen sensibile commune est quod convenit pluribus sensibilibus , et circa illud potest sensus decipi .

1 ms sensibilibus. • Plutôt: iudicare.

2 La phrase devient intelligible si l'on sous-entend ici sentiuntur ... ms = logincum.

LIBER SECUNDUS. QUAESTIO 22

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Ad aliud dicendum quod illa quae sunt coniuncta sensibilibus per se, non sunt sensibilia per se

verum est, sicut sunt sensibilia per se quibus coniun

guntur ¹ , et sic concedatur conclusio quod non sunt sensibilia per se , sicut illa quae sunt sensibilia propria . Sed dicuntur sensibilia per se quia faciunt alterationem in sensu, ut praedictum est.

QUAESTIO 22 UTRUM SENSUS PARTICULARIS DECIPIATUR CIRCA SENSIBILE PROPRIUM

Utrum sensus particularis decipiatur circa sensibile proprium. Quod sic , probo , quia circa illud de quo aliter et aliter iudicat sensus idem in alio et alio tempore , vel in eodem sensus diversi , decipitur ; sed sensus aliter iudicat in alio et alio tempore , quia omne receptum in aliquo recipitur per modum recipientis ; contingit autem aliquando sensum esse infectum aliquo humore grosso, et tunc secundum naturam illius recipiet ; et aliquando contingit ipsum esse depuratum ; quare . 2. Item, nisi sensus aliter et aliter iudicaret , contingeret contradictoria simul esse vera : quia illud quod aliquando

est album, a remotis iudicatur nigrum ; si ergo sensus non decipitur , sequitur contraria simul esse vera , et

tunc contradictoria , quia ad alterum contrariorum sequitur alterum contradic toriorum .

Oppositum dicit ARISTOTELES (1 ) . Dico quod sensus particularis circa proprium sensibile per se non decipi tur : quia error in aliquo naturali non contingit nisi inquantum aliquis deviat ab illo ad quod natura ordinavit : sicut in moralibus est error ex hoc quod aliquis deviat a fine ordinato ; sed sensibilia sunt ad hoc ordinata ut agant in sensum per se , et sensus ut patiatur a sensibilibus per se ; quare in sensibi libus per se non contingit error . Per accidens tamen potest, propter indispositionem medii vel organi : natura enim non ordinat errorem . Probatio huiusmodi secundum quod recep tum recipitur in aliquo secundum modum recipientis : ideo , si sensus fuerit in aliqua mala dispositione , sicut contingit quod sit amarus humor in lingua res persus , tunc videtur quod illud quod est dulce est amarum . Item, propter acci dens medio vel propter indispositionem medii est error aliquando : oportet enim medium recipere alterationem sensibilis , et tunc immutat organum : et ideo , si habeat aliquam indispositionem, secundum illam recipiet alterationem : sicut

1 ms = coniungatur.

2 Faut-il lire : a propinquo?

(1) ARIST. , De Anima II , 6 (418 a 12) .

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

cum sunt aliqui vapores inter nos et solem, terrestres et combusti , tunc appa rebit sol subrubeus , et non sub colore proprio, sed sub colore mixto ex colore solis et colore vaporum. Item, propter distantiam potest esse deceptio , quia determinata est distantia in qua sensibile debet immutare sensum : si enim album iudicetur a propinquo , videtur album ; si autem a remotiori, apparet minus album , et minus alterat, et apparet magis nigrum, et sic semper unum nigrum 1 movet, propter defectum luminis : unde dicit hic THE sensus fuerit bene dispositus , et etiam medium, et < non sit distantia > nimia, non decipitur sensus. Ad .

QUAESTIO 23 UTRUM INTENTIONES INDIVIDUALES SINT SENSIBILIA PER SE

Quaeritur utrum intentiones indi- . Quod sic, probo , quia omne quod co- sensibile ; sed intentiones < individuales dignoscuntur a sensibus >, secundum omne THEMISTIUM (2) ; < ergo sunt sensibilia per se . Probatio maioris , quia cognitum, < cum debeat esse obiectum alicuius virtutis per > [ fol . 75 ] se , tunc est aut sensibile per se , aut intelligibile per se ; si autem per accidens , tunc reducitur ad cognitionem per se. Oppositum dicit PHILOSOPHUS (3) . 2. Item , illud non est sensibile per se , circa quod contingit decipi sensum 2 particularem frequenter ; sed circa intentiones individuales ² decipitur sensus ; quare , etc. 3 Dicendum quod , ad hoc quod aliquid sit sensibile per accidens , duo requiruntur : unum , quod accidat sensibili per se ; aliud , quod ab alia virtute comprehendatur. Probatio primi

aliter non cognosceretur per accidens " , nisi

Le folio 75 se composait primitivement de deux morceaux de parchemin, soigneusement collés l'un à l'autre ; le plus petit morceau, qui formait l'angle inférieur et extérieur du folio, n'existe plus aujourd'hui, et a entraîné dans sa perte environ 10 cm de texte au recto, et un peu moins au verso. Pour le verso, M peut nous éclairer ; pour le recto, nous sommes réduits ms = indivisibiles. 3 A partir d'ici , nous possé à une reconstitution conjecturale . 5 M == dons de nouveau le texte de M. Voyez l'introduction, p. 16 . ¹ O — quod . illud .

(1) THEMISTIUS, De Anima III , 6 (57, 18-19) . (2) THEMISTIUS, De Anima III , 6 (58 , 15) . Voyez le texte de l'édition latine : De Anima II, cap. 21 , num. 65 (fol. 88 ) . (3) ARIST. , De Anima II , 6 (418 a 20 sqq .) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 23

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accideret sensibili per se . Item, probatio secundi : aliter enim non cognosce 2 retur¹ quomodo ² istud cognoscibile esset cognoscibile secundum accidens 3 nisi cognosceretur ab aliqua virtute per se. -1 Sed Diari filius non comprehenditur ab intellectu per se , quia intellectus per se est universalium : ideo , si sit sensibile per accidens , oportet quod per se apprehendatur ab aliqua virtute sensitiva . Haec autem non est aliqua virtus exterior , quia illud quod sentitur ab aliqua virtute particulari per se , non con 5 tingit sentiri quocumque sensu ; sed intentiones individuales ab omnibus vel a pluribus sensibus particularibus cognoscuntur : unde attendens ARISTOTELES quod sunt sensibilia per accidens sensuum particularium , dixit quod sunt sen sibilia per accidens . Item , non sunt sensibilia sensus communis per se , quia sensus communis non habet aliud obiectum ab obiectis sensuum particularium . Item, nec sunt sensibilia per se virtutis imaginativae vel phantasticae , quia illa nihil apprehendit nisi sub qualitatibus sensibilibus , contingit autem appre 6 hendere huiusmodi intentiones individuales absque qualitatibus sensibilibus 7 . Et non est alia virtus cognoscitiva interior , nisi cogitativa : quare relinquitur 8 quod apprehenduntur a virtute cogitativa , et intentiones individuales " sunt 10 per se sensibilia illius quae suprema est inter sensitivas , secundum COMMEN~ TATOREM ( 1 ) ; et differt ab imaginativa , quia ista comprehendit intentiones indi viduales

sine qualitatibus sensibilibus, et agit istas intentiones individuales 5

in virtute conservativa . Unde , sicut intellectus comprehendit intentiones uni versales et ipsas ad invicem, sic virtus cogitativa apprehendit intentiones particulares et confert ipsas ad invicem , secundum COMMENTATOREM hic (2) . Sed differt cogitativa in brutis et in hominibus : quia in brutis non compre 12 ab ove henditur intentio individualis 11 , nisi per comparationem ad opus : ut cognoscitur herba , non inquantum herba , sed inquantum comestibilis ; nunc autem , virtus cogitativa in homine comprehendit intentiones individuales 13 in communi 14. Rationes procedunt viis suis.

2M 10 = cognoscetur. M = posset cognosci. 3 M: cognoscibile quod. 4 Depuis sed, M - Intentiones autem secundum accidens == accidens alicui sensibili. ·M + indivisibiles. "6 O = indivisibiles . M individuales. 50 indivisibiles. 0 = apprehenditur. SO ut Diari filius non comprehenditur secundum quod albus vel niger. 10 M = quae dicitur ratio particularis in hominibus, et. 11 M + 9" O = indivisibiles. non sensata . 12 M + ovis cognoscit hunc agnum secundum quod lactabile ab ea, et. 14 Depuis intentiones, 13 = indivisibiles. M = Sortem secundum quod Sors est.

(1 ) AVER. , De Anima II , 63 (82 F) . (2) AVER. , De Anima II , 63 (82 E-F) ; 65 (83 E) .

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 24 UTRUM OMNIA VISIBILIA SINT UNIUS RATIONIS

Circa capitulum de visibilibus. Utrum omnia visibilia sint unius rationis. Quod sic , probo , quia multipli cato uno relativorum, multiplicatur reliquum ; sed sensibile dicitur ad sensum relative ; quare , cum sit unus sensus visus , ergo etc. 2. Item , potentiae unius rationis passivae est unum activum ; sed visus est potentia passiva unius rationis . Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) , quod visus est cuius est visibile ; hoc quidem dicitur dupliciter

uno modo ut color , aliud quod non est nominatum.

2. Item, color est visibilis et lumen est visibile , et unum non reducitur ad alterum , nec ambo ad tertium : color enim non est visibilis quia lumen , nisi lumen sit de ratione¹ coloris , quod falsum est ; item, nec lumen visibile per rationem coloris , quia non ² habent aliquid commune . Dicendum quod illud quod est visibile per se et primo , est unius rationis , 3 quia sensus dicitur ad sensibile per se et ratio potentiae ³ ex ob iecto ; a quo autem unumquodque habet speciem, ab eodem sit unum secundum speciem : quare , si visibile sit unum , lux esset 4 tota substantia colorum, [fol . 75b] tunc lux esset visibilis primo . Sed hoc est falsum, quia lux 5 non potest esse essentia colorum : quia quorumcumque est essentia et forma una, ipsa sunt unius speciei et unius rationis , quia unitas rationis ex specie et forma sumitur : quare , si lux est essentia coloris , cum essentia et forma lucis est una, erunt omnes colores unius rationis , si lux sit essentia colorum , et 6 omnium tunc erit forma una , quare ratio una , quod falsum est " . Item, quae participant formam unam et essentiam , differentia secundum magis et minus, 7 differunt accidentaliter et non essentialiter ; sed, si lumen sit in essentia coloris, omnia colorata participabunt eandem naturam et differrent secundum plus et minus de lumine participato ; quare differunt tantum accidentaliter 8. Propter quod intelligendum quod lumen est propria dispositio ad colores .

2 M = est prius ; nec. ¹1 rationes . 3 Nous retombons dans le morceau perdu du 10:DO est . 5 M + tunc in ratione folio 75. La reconstitution est faite ici d'après M. 1 Ο = artificialiter. 8 M + coloris poneretur ipsum lumen : quia album ( ?) . " O quare album et nigrum non essent contraria.

(1 ) ARIST. , De Anima II , 7 (418 a 26 sqq .) .

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LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 25

1 Color enim causatur ex permixtione

luminis cum perspicuo

2 terminato per

opacum : unde non est aliud color quam passio causata in perspicuo termi nato per opacum 3 , ex permixtione luminis : unde , sicut dicimus quod sapor causatur ex humido et sicco , secundum tamen humidum a dominio , dicimus etiam quod est aliquo modo tangibilis , sic dicimus colorem causari ex per mixtione luminis in perspicuo cum opaco , ita quod lumen dominetur ; sed lumen tantum dominatur in extremitate : unde sic definitur color : quod est 5 essentia extremitas perspicui in corpore terminato : unde lumen non est de 6 coloris " , si album et nigrum sunt contraria . Unde dicendum quod lucidum est visibile aliquo modo inquantum coloratum est : non enim omne luminosum 7 8 videtur : aer enim non videtur nisi est aliquid oppositum : unde in aurora lumen est aliquo modo ut terminatum, et ideo ut coloratum ; similiter est de lumine in igne et lumine stellae , quod lumen semper videtur inquantum ter minatur. Unde color per se visibilis est : unde omnia visibilia per se sunt unius rationis . Sed quaedam sunt visibilia inquantum proprie colorata sunt , 10 quaedam autem inquantum sunt ut colorata ¹ ", inquantum lumen non est om nino terminatum . Ad rationem dico quod non intendit quod illud visibile quod est innomi inquantum

natum, sit visibile alterius rationis , sed quia non est visibile nisi lumen est omnino terminatum .

Ad aliud dico quod , cum lumen et color sint visibilia , unum reducitur ad alterum , ut ostensum est prius .

QUAESTIO 25 UTRUM COLOR SIT VISIBILIS PER SE

Quaeritur consequenter utrum color sit visibilis per se . Quod non , probo , quia omne visibile per se , ad alterum dicitur per se , quia visibile, ex hoc quod visibile , dicitur ad visum ; sed color non dicitur ad aliud, cum sit qualitas ; quare . 2. Item, illud quod videtur per alterum , non est per se visibile ; sed color videtur per lumen : color enim est motivus visus secundum actum lucidi . Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) .

2 O - in spicuo. = terminatione. ¹ 3 O: terminato per opacum ******* terminata 1 = tota. M 5 . • M + nec per consequens coloris M + in generatione in opaco . 7 ms esset. quod color sit visibilis quia lumen, sed potius lumen videtur quia coloratum. 9 et ideo illud quod per se visibile est, color est. & O = unum . Depuis unde, M 11 ms nisi. 10M + non secundum quod colorata simpliciter .

( 1 ) ARIST. , De Anima II , 7 (418 a 26 sqq .) .

'94

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

2. Item, illud quod comprehenditur per visum et non potest per alium sensum comprehendi , est visibile per se haec enim est ratio sensibilis per se et proprii , secundum ARISTOTELEM in littera ; tale autem est color . Dicendum quod color per se visibilis est . Quod patet ex ratione ARISTO TELIS ( 1 ) , quia illud quod per se motivum est visus in actu , ipsum est visibile per se ; sed color sic definitur , quod est motivus visus secundum medium actu illuminatum ; quare . Sed aliquid inest alii per se dupliciter : uno modo , quia praedicatum est ¹ in ratione subiecti , ut homo est animal vel rationale ; alio modo, quando subiectum ponitur in definitione praedicati et est aliqua causa eius , sicut numerus est par vel impar 2 ; et hoc contingit dupliciter : aut enim subiectum est causa materialis praedicati , et tunc secundus modus dicendi per se, aut causa activa vel efficiens , sic est quartus modus . Dico tunc quod color non est visibilis primo modo dicendi per se , ita quod visibile sit in ratione [fol . 76™ª ] coloris , quia color est aliquid absolutum , et visibile , relativum ; est tamen color visibilis per se secundo modo et quarto , quia est activa causa visibilis et etiam causa materialis . Ad rationem dicitur quod illud quod per se est visibile primo modo , ipsum dicitur ad aliud , cum visibile per se dicatur ad aliud ; quod autem est visibile secundo modo , non oportet quod dicatur ad aliud : sicut pater dicitur ad aliud , et tamen subiectum, ut homo , non . Ad aliud dicendum quod maior vera est . Et cum dicitur : color non est visibilis nisi per lumen , falsum est : dico enim quod lumen non exigitur ad necessitatem coloris , sed propter necessitatem medii .

QUAESTIO 26 UTRUM LUMEN EXIGATUR AD ACTIONEM VIDENDI , PROPTER NECESSITATEM COLORUM

Ideo quaeritur utrum lumen exigatur ad actionem videndi , propter neces sitatem colorum , vel medii , vel organi . Quod propter colores probo , quia , sicut intellectus agens se habet ad phantasmata , ita lumen ad colores, secundum PHILOSOPHUM, III ° huius (2) ; sed intellectus agens exigitur propter phantasmata , ut dans eis rationem per quam possunt actu movere intellectum ; quare . 2. Item , omne receptivum alterius debet esse privatum eo , quia nihil recipit seipsum , secundum COMMENTATOREM hic (3) ; sed medium et organum

¹M + causa subiecti et ponitur.

2 Depuis sicut, M = ut linea est recta vel curva.

(1 ) ARIST. , De Anima II , 7 (418 a 29 sqq . ) . (2) ARIST. , De Anima III , 5 ( 430 a 15 sqq .) . (3) AVER. , De Anima II , 67 (84 F) .

LIBER SECUNDUS. QUAESTIO 26

95

est receptivum luminis , quia est receptivum coloris , et lumen est essentia colorum, secundum quosdam ; quare medium et organum debent esse pri vata lumine ¹ ; et sic , si debeant immutari a colore , cum lumen sit essentia 2 propter necessitatem colorum .

coloris, exigitur

In oppositum est COMMENTATOR ( 1 ) . 2. Item, ARISTOTELES (2) dicit quod color est visibilis per se. 3. Item, omne ens in actu natum est facere suam formam in receptivo 3 illius ; sed corpus coloratum est aliquid in actu " , et medium et organum sunt receptiva illius ; quare per se potest facere illa in actu absque lumine . Dico quod lumen exigitur ad actionem videndi , sicut dicit Aristoteles (3) . Aut ergo propter colores , si colores non habent virtutem immutandi medium et organum ; aut propter necessitatem illorum , scilicet medii et organi . Avem 4 PACE (4) ¹ dixit propter colores , quia non habent virtutem movendi nisi propter lumen " , secundum ipsum, propter duo . Supponebat enim quod lux esset 6 essentia colorum ; nunc autem, nihil recipit seipsum ; cum igitur recipiat medium ipsos colores , debet esse privatum lumine, quod est essentia coloris ; et exponit AVEMPACE ARISTOTELEM (5) cum dicit : color est motivus visus secun dum actum lucidi : de hoc est quod color est motivus visus ad actum lucidi. 7 : color non est aliud quam lumen ligatum in perspicuo

Alia ratio eius est

terminato per opacum ; et ita color est in potentia " , et tale non exit 9 in actum nisi per aliquid movens, et tale erat lumen , secundum ipsum , quia color non poterat movere medium sine lumine . Istud est contra veritatem 10 : quia color est visibilis per se secundo modo , sicut homo risibilis secundo modo , et non est comparatio coloris ad visibile sicut comparatio hominis ad album. Item , lumen non est essentia colorum, quia si sic , et idem lumen maneret in omnibus coloratis , tunc omnia colorata 11 essent unius rationis , sicut dixit COMMENTATOR (6) , nomine tamen ALEXANDRI ¹¹ . Unde , sicut humidum est propria dispositio ad sapores, et sicut calidum 12 ad odores, sic lumen ad colores . Quare patet quod , si non posset movere

2 Depuis et ' M + ergo lumen non requiritur propter necessitatem medii vel organi . 3 M + secundum quod sic, M = et manifestum est quod lumen exigitur, ergo hoc erit. * Depuis nisi , M = nisi quod huiusmodi . 40 = Avenpenche. M Avempeche . M + tota . medium est illuminatum. M + secundum COMMENTATOREM , libro suo 9 0 = exigit. 8 Mut sic. De Sensu et Sensato. En marge : et plures alios. 10 M + supponamus cum Aristotele . 11 M + dicebat enim quod lumen et color in 12 ms: sicut calidum = calidum sicut. essentia differunt.

=

(1) (2) (3) (4) (5) (6)

AVER. , De Anima II , 67 (84 D sqq .) . ARIST. , De Anima II , 7 (418 a 29 sqq .) . ARIST. , De Anima II , 7 (418 b 2) . D'après AVERROÈS , De Anima II , 67 (84 D sqq .) . ARIST. , De Anima II , 7 (418 a 30 sqq .) . AVER. , De Anima II , 67 (84 F sqq .) .

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

medium et visum nisi per lumen , tunc esset visibilis per aliquid quod est extra essentiam coloris . Quare videtur quod color non est visibile per se , quod est contra ARISTOTELEM ; et tunc esset comparatio coloris ad visum , sicut hominis ad album . Propter quod dico quod requiritur lumen propter medium et organum , quae non sunt [ fol . 76 ] nata moveri sine lumine : quia eiusdem actus debet esse idem receptivum et eiusdem dispositionis : receptivum enim dicitur pas sivum vel subiectum respectu actus , et eiusdem subiecti est idem actus ; item , unius actus est una potentia . Sed ratio actus coloris recipitur in organo et corpore colorato et in medio . Ergo oportet quod sit una receptio , ut possibile est . Sed color recipitur in corpore colorato , et ad hoc est lumen dispositio necessaria . Quare , medium si sit receptivum coloris , oportet ipsum esse actu illuminatum , et similiter organum . Ideo dicit ARISTOTELES ( 1 ) quod color est motivus visus secundum actum lucidi : unde interius oculi oportet esse illu minatum , si debet recipere colorem, secundum ARISTOTELEM in De Sensu et Sensato (2) . Idem videmus in aliis , quod humidum est propria dispositio sapo rum, et videmus quod sapores non sentiuntur a gustu nisi inquantum est ali quid humidum : unde natura providit humidum salivale prope corpus quod est siccum , ut comprehendatur a gustu . Ad rationes AVEMPACE patet quod supponit lumen esse de essentia coloris , quod falsum est , nisi intelligatur quod lumen sit propria dispositio coloris . Adhuc dico quod, cum dicitur quod color non est aliquid , nisi ligatum in lumine , falsum est . Ad primum dicendum quod illud quod dicitur exemplariter non est acci piendum sicut dictum demonstrative , secundum COMMENTATOREM (3) ; illud autem simile est dictum exemplariter ; aliud, scilicet quod color est visibilis per se , est dictum demonstrative . In hoc autem est simile , quod sicut ad actionem intelligendi exigitur intellectus agens , sic ad visum exigitur lumen ; sed non exigitur lumen ad hoc quod faciat colorem in potentia , actu colorem ; sed intellectus agens facit phantasmata esse in actu intelligibilia , dando eis rationem per quam possunt movere intellectum ; sic autem procedit simile . Ad aliud dicendum quod medium et organum sunt receptiva coloris secundum quod actu diaphana sunt ¹ .

¹ La réponse ad aliud manque dans O.

(1 ) ARIST. , De Anima II , 7 (418 a 31 sqq .) . (2) ARIST. , De Sensu et Sensato 2 ( 438 b 5 sqq .) . (3) Aver . , De Anima II , 67 (85 C) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 27

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QUAESTIO 27 UTRUM IN INFERIORIBUS ET SUPERIORIBUS INVENIATUR PERSPICUUM PER UNAM NATURAM

Quaeritur consequenter utrum perspicuum in inferioribus et superioribus inveniatur per unam naturam. Quod sic , probo , quia dicit ARISTOTELES hic ( 1 ) 1 quod reperitur in inferioribus ut in aere et aqua, et in superiore corpore , non 2 secundum quod aer nec secundum quod aqua ; quare .

2. Item , quorum est actus unius rationis, et potentia unius rationis " ; sed perspicui in inferioribus et superioribus est unus actus , scilicet lumen , quod 4 videtur esse unius rationis ; quare et potentia , qua aliquid recipit istud lumen, est unius rationis et hoc est perspicuum. Ad oppositum : si subiectum aequivocum, et passio aequivoca ; sed cor pus quod est subiectum perspicui non reperitur unius rationis in inferioribus et superioribus secundum AVERROEM in De Substantia Orbis (2) . Dicendum quod perspicuitas , quod est idem quod transparentia , est in inferioribus et superioribus , et ista transparentia nihil aliud est quam illud 3 quod potest recipere lumen ab alio : unde lumen est actus perspicui secun dum quod perspicuum . In istis autem inferioribus et superioribus non est penitus unius rationis , quia perpetuum et corruptibile non sunt unius rationis , ut habetur in X° Metaphysicae (3) ; sed perspicuum in superioribus est incor ruptibile , in inferioribus corruptibile ; quare . Item, nec est penitus diversae rationis , quia perspicuum utrobique recipit lumen ut suum actum , et lumen non est alterius rationis et alterius penitus, quia eodem sensu iudicamus utrumque ; sed reperitur perspicuum in inferioribus secundum proportionem quamdam in superioribus . Unde per prius dicitur de perspicuo in superioribus, et per posterius in inferioribus . Unde , sicut ccr in habentibus ipsum et non habentibus , est diversae rationis, similiter in proposito . Unde perspicuum in inferioribus est aliquid proportionale [ fol . 76 ] in superioribus , sicut in non habentibus cor est aliquid loco cordis , sibi proportionale . Unde THEMISTIUS dicit hic (4) quod primo reperitur in superioribus , secundo in elementis, ut in aere et aqua, tertio in mixtis. Idem etiam dicit COMMENTATOR in De Substantia Orbis (5).

· 0 = ignis . ¹O: ut in aere = etiam igne. ...dicitur. + M + quoniam eius est sensus unus.

(1 ) (2) (3) (4) (5)

ARIST. , De Anima II , 7 (418 b 6 sqq .) . AVER . , De Substantia Orbis 2 (5 M sqq .) . ARIST. , Metaph. IX, 10 ( 1058 b 26 sqq .) . THEMISTIUS, De Anima IV, 7 (59 , 14-15) . AVER. , De Substantia Orbis 2 (7 I -L) .

* M + quoniam potentia ad actum = reperire . 5

98

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

Ad primum dicendum quod reperitur per unam naturam , quia per attri butionem ad unam naturam , vel secundum proportionem unam . Ad aliud¹ dico quod , sicut actus unus , sic est potentia una ; et dico quod lumen quod est actus perspicui non est penitus unius rationis in inferioribus et superioribus .

QUAESTIO 28 UTRUM LUX SIT CORPUS

Utrum lux sit corpus . Quod sic , probo , quia species ignis corpus est , et lux est species ignis , quia tres sunt species ignis : lux , flamma et carbo . 2. Item, cuius est refractio et intersecatio , est corpus ; sed hoc attribuimus luci ² ; quare . Ad oppositum

lumen est cuius tenebra est privatio ; sed tenebra non

est privatio corporis , sed cuiusdam habitus in corpore , ut luminis ; quare . Dico quod lumen nec est corpus , nec defluxus corporis : omne enim defluens a corpore est corpus : ideo , si non sit corpus, non est defluxus cor poris . Quod hoc sit verum quod non sit corpus , probo , quia duo corpora non stant simul ; sed lumen simul est cum corpore alio , ut cum aere vel aqua ; quare . Item , si lumen esset corpus , illuminatio quae est motus luminis , esset motus localis ; sed motus localis est successivus ; quare illuminatio esset suc cessiva : cuius oppositum videmus , quia aer subito illuminatur , cum non repe riat contrarium. Item, si lumen esset corpus, tunc esset defluxus a corpore luminoso , et omne corpus finitum a quo continue fluit aliquid , ablato finito , potest consumi ; quare corpus luminosum, ut sol, per continuam illuminatio nem esset diminutus vel totaliter consumptus. Item, cum lumen ingreditur ipsum visum vel organum, quod est corpus , et omne corpus ingrediens aliud infert sibi gravamen et violentiam , tunc laederet illud quod subintrat , quod tamen falsum est ; quare . Item , si esset corpus, motus eius " impediretur per 1 . Item , lumen non est forma substantialis corporis

flatum venti in oppositum

luminosi , quia forma substantialis non intenditur et remittitur sicut lux ; item, forma substantialis non est sensibilis per se , quod tamen convenit luci . Est tamen propria dispositio corporis luminosi , sicut calidum ignis. Ad primum dico quod illud dictum est secundum opinantes lumen esse corpus. Item, illa divisio non dividit ignem essentialiter , quia ignis in sphaera sua non lucet, nisi est ibi carbo , sed solum in materia aliena . Ad aliud dicendum quod refractio proprie reperitur in corporibus et etiam intersecatio : unde refractio dicitur quando idem corpus numero refrangitur ad aliud corpus . Transumptive autem dicuntur ista in passionibus, ut qua

1 ms : Ad aliud illuminantem .

Et.

2 O = loci.

3 O — motus eius.

¹ O : in oppositum

99

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 29

litas, quae generatur secundum rectum incessum, reflectitur cum non possit ulterius se facere , et tunc refrangitur , et non est eadem numero quae prius . Unde huiusmodi dicuntur refrangi quia reflectione generantur et accidit quod intersecent se , propter dispositionem corporum a quibus radii directe pro cedunt.

QUAESTIO 29 UTRUM SQUAMAE PISCIUM ET HUIUSMODI VIDEANTUR IN LUMINE

Quia dicit ARISTOTELES ( 1 ) quod visibile aliquando videtur in tenebris , ideo quaeritur utrum squamae piscium 1 et huiusmodi videantur in lumine . Quod 2 sic, probo , quia visibile est motivum visus secundum actum lucidi , et actus lucidi lumen est ; quare . 2. Item, actus activorum sunt in patiente ut in disposito ; ex quo apparet quod actus non recipitur in aliquo nisi mediantibus dispositionibus eius ; quare , cum visibile recipitur in medio et organo , requiritur dispositio isto rum , et hoc est lux, ut habitum est. Oppositum dicit ARISTOTELES (2) , dicendo quod non omnia visibilia viden

tur in [fol . 76b] lumine , sed proprius color uniuscuiusque . 3 Dico quod quaedam quae non sunt colorata, sed ut colorata

, videntur

sub aliquo lumine , non alieno , sed proprio " . Quamvis enim non sint simpli citer colorata, aliquo modo tamen sunt colorata , et ideo oportet eamdem esse. dispositionem illorum < ad hoc > quod videantur et coloratorum : quia unius actus debet esse una dispositio , et manifestum est quod dispositio quae dis ponit aliquid ad colorem est lumen ; ergo illud quod disponit ad hoc quod aliquid sit aliqualiter coloratum, est ipsum lumen ; si ergo in omni susceptivo , unus actus debet esse unius dispositionis , tunc non videntur ista nisi inquan tum medium et organum sunt illuminata , ita quod lumen istorum disponat ista ut recipiantur in istis : nisi enim medium et organum essent aliquo modo illu 6 minata , non viderentur a nobis " . Unde videntur in tenebris quae sunt privatio luminis alienae ; unde omne quod videtur , videtur sub aliquo lumine . Sed intelligendum quod de die videtur color illorum, in nocte autem videtur lumen illorum. THEMISTIUS (3) , auctoritate SOSIGENIS & dicit quod huius

3 Depuis quaedam, M = huiusmodi lucida IM + et capita . " M + omne per se. 5 M + ita quod lumine suo illuminant M + de necessitate . quae solum sunt . 6 M + Nihilominus tamen non videntur sub lumine alieno : lumen enim ipso medium . 7 M + rum obfuscatur a lumine maiori ; et ideo dicit ARISTOTELES quod videntur in tenebris. 8 0 c Sosignis . M = Sosgenis. ut diei vel alicuius alterius . (1 ) ARIST . , De Anima II , 7 (419 a 1 sqq .) . (2) ARIST . , De Anima II , 7 (419 a 1-2) . (3) THEMISTIUS, De Anima IV, 7 (61 , 21 sqq .) .

100

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

modi corpora habent naturam luminis ex natura ignis vel corporis superioris. 2 terminatum per opacum ter

Item, perspicuum ¹ habent , non tantum lumen

rae : ut cornua sunt aqua a dominio ; item, quercus non luceret de nocte nisi in ipsa esset humidum. Et quia lumen parvum in perspicuo multo , multum disgregatur et debilius efficitur , ideo lumen istorum multum debilitatur . Ideo de die lumen illorum effuscatur : excellens enim semper corrumpit illud quod parvum

est ,

luminis ,

videtur

sicut maior flamma minorem ; ideo ad praesentiam maioris 3 color ipsorum proprius . De nocte autem , quia habent

lumen , illuminant medium, sed non sufficienter disponunt medium ad reci piendum colores , sed ad recipiendum lumen illorum : ideo de nocte videtur lumen illorum : plus enim exigitur de lumine in medio ad recipiendum alte rationes a colore quam a lumine ; unde , si huiusmodi corpora de nocte ponantur in lumine alieno , videntur sub colore ; item, de die , si ponantur in loco tenebroso , videntur luminosa . Ad rationem

dico quod dicit ARISTOTELES ( 1 ) ,

quod non videntur in

lumine (hoc est , in lumine alieno) , sed proprio .

QUAESTIO 30 UTRUM ALIQUIS EXISTENS IN LUMINE POSSIT VIDERE ALIQUID EXISTENS IN TENEBRIS, SICUT E CONVERSO

.1 Quaeritur utrum aliquis existens in lumine possit videre aliquid existens 5 in tenebra , sicut e converso . Quod sic , probo , quia aliquis existens in tenebra videt illud quod est in lumine ; quare e converso in eadem distantia. Probatio similitudinis 6 : quoniam videt aliquis aliquid existens in tenebris , quia me dium est illuminatum et visus : quare , cum in lumine medium sit illuminatum S et visus magis, quare tunc magis videt illud quod est in lumine . Dicendum quod existens in tenebra aliquando in determinata distantia , 9 videt illud quod est in lumine , non autem e converso " •. Causa huius potest reddi ex parte visus existentis in tenebra vel lumine : quia tenebra est velut nigrum magnum, secundum ARISTOTELEM (2) : unde iudicantes tenebram, iudi camus nigrum . Nigrum autem congregativum est visus , et ideo similiter tenebra ; lumen autem est disgregativum visus : unde homines habentes ocu 10 los profundos et tenebrosos " " , fortius vident ; item , ex hoc contingit quod

2 M : tantum lumen = bene . 3 M + solum. M + multum. то * quia . O non 6 antec et = . . 5 0 edent is quid . 10 M ' — existens etc. quasi coopertos quodammodo .

O - propter 0 = videtur

****

(1 ) ARIST. , De Anima II , 7 (419 a 2). (2) Arist. , De Sensu et Sensato 3 (439 b 16 sqq . ) ; De Coloribus 1 (791 a 10 sqq . ) .

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LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 31

aliquando ' apponimus manum super oculum, ad impediendum disgregatio 2 nem visus ; item , ex hoc contingit quod existens in puteo videt stellas 3, existens in superficie non videt , quia tunc magis disgregatur visus . Item, ex parte visibilium, intelligendum quod ipsum visibile magis alterat partem sibi propinquam , et debilius partem remotam : et hoc commune est cuilibet agenti : propter hoc tandem, quia actio procedit diminuendo , totaliter potest consumi . Item, ratio agentis non recipitur in passo nisi cum dispositio 4 formae , quia actus activorum sunt in patiente et disposito : unde , cum

nibus

agat [ fol . 77ra ] magis in sibi propinquum , ideo ibi maior exigitur dispositio. Si tunc visibile agat in medium et organum, et fortius in parte propinqua , 5 exigitur ibi maior dispositio , et haec dispositio est ipsum lumen et ideo in parte propinqua exigitur magis de lumine . Dico tunc quod visus in tenebra est fortior, et in parte remota magis est medium illuminatum : tunc , per aliqualem illuminationem quae fit in tenebris , contingit quod existens in tenebris videt aliquid existens in lumine . E converso non contingit, quia visus in lumine est debilior, et tunc illud quod est in tenebra , quod est visibile , minus immutat partem propinquam, propter defec tum luminis in illa parte ; et opposita dispositio exigebatur ad hoc quod ali quid videretur, sicut prius dictum est .

QUAESTIO 31 UTRUM , SI ESSET VACUUM INTER NOS ET CAELUM , VIDEREMUS ALIQUID PARVUM IN CAELO

Quaeritur consequenter circa DEMOCRITI opinionem , dicentis ( 1 ) : si esset vacuum inter nos et caelum, videremus aliquid parvum in caelo , utrum hoc sit verum. Quod sic, probo , quia sensibile approximatum sensui movet sen sum ; sed , si esset vacuum, esset sensibile approximatum sensui , quia non esset tunc distantia , nec corpus medium inter illa : vacuum enim est privatio corporis et quanti . 2. Item, quod aliquid non videatur parvum existens , hoc non videtur esse nisi quia medium impedit actionem sensibilis ; sed , posito vacuo , non impe ditur actio sensibilis ; quare .

Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) .

1¹M + respicientes ad aliquod splendidum. 2 0 = congregationem. 5 0 = diffinitio. * M + illius. ...die, sicut AVICENNA dicit.

(1 ) Arist. , De Anima II , 7 (419 a 15 sqq .) .

³ M + de

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

1 Dicendum quod , posito vacuo inter nos et caelum ¹ , nihil penitus videtur ,. quia agens et passum necesse est esse approximata , secundum PHILOSOPHUM , 1º De Generatione ( 1 ) , vel mediate vel immediate . Et hoc patet : quia movens et motum proximum simul sunt, et nihil ipsorum medium : quia , si aliquid movet , aut tangit ipsum proximo , et sic propositum habetur ; si autem non tangit , sed est medium, tunc , aut illud tangit medium , aut non est ibi aliud . medium : et sic , vel erit procedere in infinitum , aut erit devenire ad hoc quod inter movens et motum non sit medium ; quare omne movens tangit mobile , vel mediate , vel immediate . Sed agens et patiens sunt movens et motum . Quare eadem ratio istorum . Sed , posito vacuo , non tangit caelum ista infe riora, nec per medium, nec immediate . Quare. Item, sensibile positum super sensum non sentitur 2 ; sed posito vacuo non est medium , sed immediate poneretur sensibile super sensum ; quare , etc. Ad rationem dico quod visibile approximatum visui movet approxima tum , verum est , si non apponatur immediate . Ad minorem dico quod vacuum non est privatio corporis , sed qui intelligit vacuum , intelligit quantum aliquod privatum corpore sensibili : unde omne vacuum dimensionatum est : unde quae distant per vacuum , distant per dimensiones : unde , posito vacuo , cae lum tantum distaret quantum nunc distat . Ad secundum dico quod, si visibile non agit in visum in magna distantia , hoc est , vel quia impeditur distantia , ut medium impedit actionem , vel quia penitus removetur . Sed cum dicitur : posito vacuo , removetur impediens , istud falsum est ; sed , hoc posito , dico quod removetur medium quod de- · beret recipere actionem .

QUAESTIO 32 UTRUM SENSIBILE POSITUM SUPRA SENSUM SENTIATUR

Quaeritur consequenter utrum sensibile " positum supra sensum 4 sentia 6 tur . Quod sic, videtur , quia activum et passivum approximata agunt ; sed sic sunt approximata ; quare , etc. 2. Item, si non, aut ergo aliquid prohibet , aut hoc est quia deficit aliquid ;

sed non videtur aliquid esse prohibens , cum non sit medium nec contrarium ; item , nec aliquid deficiens , quia sensibile natum est agere , et sensus pati ; quare . 2 M + quoniam ? M + non tantum non videretur formica existens in caelo, sed. ५ M= visibile agit in visum per medium actu luminatum, et similiter est in aliis sensibus. M + de necessitate . 5 M = faciat visum in actu . 4 M = visum . visibile .

(1 ) ARIST. , De Gener. I, 9 (327 a 1 sqq .) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 32

103

Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) , et in quolibet sensu hoc innuit esse verum . Intelligendum quod sensibile positum supra sensum non agit sensum , hoc est cognitionem in actu . [fol. 77 ] De quibusdam sensibilibus manifestum est , ut de visu : visibile enim non est motivum visus nisi cum sit medium illumi natum, ut habetur in De Sensu et Sensato (2) ; sed posito visibili supra visum , hic impeditur ¹ . Item , sonabile non immutat auditum nisi cum motu quodam tremoris ; motus autem iste impeditur per contactum corporis sonantis ad sensum ; quare . De aliis tribus manifesta non videtur ratio ARISTOTELIS ; 2 tamen dicit quod verum est in his sicut et in aliis ; et ideo videtur quod potest assignari una ratio communis in omnibus , quia sensus susceptivus est 3 specierum sine materia ; quod autem tale est , alterationem spiritualem habet : non enim recipit sensus formam agentis sub dispositione sub qua erat in sensibili extra . Item, rationes sentiendi non sunt contrariae in sensu , secundum THEMISTIUM (3) ; hoc autem non esset , nisi sensus alteraretur valde spiritualiter. Ab agente autem materiali sic spiritualiter non potest immutari : quod enim patitur a calido immediate , fortius et materialius alteratur ; quanto autem per plura media , tanto spiritualius : unde immediate ab agente mate riali non potest immutari . Sensibilia autem sunt materialia , et ideo oportet quod sensus alterentur per media ; et quanto per plura , tanto immaterialius : unde in omnibus sensibus qui alterantur per media extrinseca , requirunt etiam medium interius : unde superficies oculi non videt ; similiter de sensu audi tus , etc , et hoc dicit ARISTOTELES , libro De Sensu (4) . Ideo videtur quod propter hanc rationem sensibile positum supra sensum non sentitur ; sed per medium vel exterius vel interius, vel per utrumque . Unde ARISTOTELES (5 ) istud dicit quod omnia requirunt medium. Sed non est manifestum hoc in sensu tactus ", sicut ipse dicit (6) : et propter hoc removet quod dixerunt quidam , quod in 6 tactu caro est organum " , quia , posito aliquo tangibili super carnem , senti tur (7) . Item, intelligendum quod sensibile positum supra sensum agit aliquam actionem , ut calidum si apponatur sensui immediate ; sed non tamen agit sensum vel cognitionem.

2 organum non est illuminatum . 1 M : hoc impeditur Depuis De aliis tribus, M Hoc etiam apparet in olfactu : requiritur enim ibi medium in potentia calidum siccum. De M + nec virtus M + valde. sensu autem tactus et gustus non est ita manifestum . 6 M = medium (à tort) . auditiva in superficie auris . 5 Met gustus .

(1 ) (2) (3) (4) (5) (6) (7)

ARIST. , De Anima II , 7 (419 a 11 sqq .) . ARIST., De Sensu et Sensato 2 (438 b 2 sqq . ) ; 3 (440 a 17 sqq .) . THEMISTIUS , De Anima V , 2 (86 , 12 sqq .) . ARIST., De Sensu et Sensato 2 (438 b 5-27) . ARIST . , De Anima II , 7 (419 a 25-31 ) . Ibidem , 30-31 . ARIST . , De Anima II , 11 (422 b 34 sqq .) .

104

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

Ad rationem dico quod proprium activum sensus est medium , et non sensibile extra . Vel dicendum quod , quamvis sit activum proprium sensibile, non tamen est sub dispositione exacta : ad hoc enim est medium necessarium. Ad secundum dico quod aliquid deficit si ponatur immediate , et illud est medium : et ideo non agunt.

QUAESTIO 33 UTRUM CORPORA PERCUTIENTIA SE , SINT GENERATIVA SONI

Quaeritur consequenter circa capitulum de auditu et audibili . Primo de sono , utrum corpora percutientia se , sint generativa soni . Quod non, probo , quia generans habet speciem generati , quia omne quod fit, fit a sibi simili , conveniente nomine et specie , ut habetur VII° Metaphysicae ( 1 ) ; sed corpora percutientia non habent speciem soni ; quare. 2. Item , si sint generantia sonum inquantum percutientia , tunc omnia corpora percutientia se invicem, essent generantia sonum , cuius oppositum apparet in mollibus corporibus ; quare ex hoc quod sunt percutientia , non generant sonum . Oppositum dicit ARISTOTELES (2) . Dicendum quod corpora percutientia aliqua sunt generativa soni : quia , quod educit aliquid de potentia ad actum , generativum est illius ; sed corpora percutientia educunt sonum in potentia ad sonum in actu ; quare . Dico tamen quod hoc faciunt , non secundum quod corpora, nec secundum quod percu tientia ad invicem, sicut ostendit praedicta ratio ; sed oportet corpora hoc facientia esse solida , quia , si sonus generetur ex percussione corporis , hoc est propter repulsionem et extrusionem aeris vel corporis medii ; corpora ergo illa quorum unum est natum alteri resistere , sunt generativa soni ; hoc autem habent cum sint solida ; illa tamen quae in se sunt mollia, si reducuntur ad soliditatem, sunt soni generativa . Item, oportet illa corpora esse plana et lenia , quia oportet [ fol . 77 ] quod aer extrinsecus sit continuus et unus qui repellitur

corpus enim asperum dividit, planum autem aequaliter repellit et

ut unum . Item, oportet illa corpora esse lata , quia oportet aerem repelli mul tum ; hoc autem non fit nisi a corpore lato : unde ARISTOTELES hic (3) dicit . quod acus si opponatur acui non sonat , quia tunc repellitur aer quasi indivisibilis.

¹ C = subiectum (sbm) .

(1 ) ARIST . , Metaph . VI , 8 ( 1033 b 30 sqq .) . (2) ARIST. , De Anima II , 8 (419 b 9 sqq .) . (3) Arist . , De Anima II , 8 (420 a 24) .

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LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 34

Item , alia sunt quae faciunt ad bene esse soni , et unum illorum videtur facere ad esse , scilicet quod corpora sonantia habent aerem in sui composi tione : quia sonus causatur ex motu tremoris et motu quodam locali , et ideo illa corpora quae magis sunt disposita ad motum , magis sonant : unde illa metalla quae plus habent de aere , plus sonant , ut patet in argento ' ; item , eadem ratione plumbum minus sonat 2. Item , secundo , concavitas corporis facit ad bonitatem soni : quia , quando percutitur aer interior , cum non possit exire, tunc causatur multus sonus, quasi una parte aeris percussa , alia percu 3 tiente ". Ad rationem dico quod generans habet speciem generati, formaliter vel virtute . Item , quod fit , fit a simili : verum est in generatione substantiali , et non habet veritatem universaliter , quia generatur durum a non duro , secun dum Aristotelem , VII° Metaphysicae ( 1 ) . Et dico : corpora concussa habent 4 virtutem generandi sonum *. Secunda ratio procedit via sua : unde dicit ARISTOTELES (2 ) quod quae dam sunt corpora quae possunt facere sonum , quaedam

non .

QUAESTIO 34 UTRUM SONUS SIT IN CORPORIBUS PERCUTIENTIBUS UT IN SUBIECTO

Utrum

sonus sit secundum veritatem in corporibus percutientibus ut in

subiecto , vel in aere . Quod in corporibus , probo, quia sonus est in illo ut in subiecto , secundum cuius diversitatem diversificatur sonus ; hoc autem est corpus percussum : secundum diversitatem corporis duri et non duri , concavi et non concavi , ut patet , etc ; quare. 2. Item , ita est circa sonum , sicut circa sensibilia aliorum sensuum ; sed color est in aliquo secundum veritatem, praeterquam in medio ; quare simi liter est de sono . 3. Item, auditus semper iudicat sonum esse in corporibus sonantibus : aut igitur dices quod hoc sit verum , aut quod sensus decipiatur. Ad oppositum

idem respectu eiusdem non habet rationem agentis et

materiae ; sed corpora percutientia sunt generativa soni . 2. Item, hoc dicunt ARISTOTELES (3) et THEMISTIUS (4) .

M + quia multum habet de aqua . ¹ Met lignum et talia et aes < benc sonant >. * Depuis quia, M concava enim ex repercussione multa, multos faciunt ictus post primum , 4 Depuis Et dico , M *_ _ _ Et tunc dicendum quod corpora percu aeris non potentis . tientia, licet non habent speciem soni formaliter, tamen in virtute eorum est sonum generare . (1 ) (2) (3) (4)

ARIST. , Metaph . VI , 9 ( 1034 b 16 sqq .) . ARIST. , De Anima II , 8 (419 b 6 sqq .) . ARIST. , De Anima II , 8 (420 a 3 sqq . et passim) . THEMISTIUS, De Anima IV, 8 (64 , 15 sqq .) .

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA 1 Dico ¹ secundum intentionem ARISTOTELIS quod sonus secundum actum

est ipsius medii vel organi , et non in corporibus ut in subiecto ; et hoc dicit ARISTOTELES in littera ( 1 ) . Huius probatio est , primo, quia passio una in actu unum subiectum in actu habet ; sonus autem est una passio in actu ; quare ; si igitur corpora percutiens et percussum sint plura in actu, in illis non erit sonus in actu ut in subiecto . Item , sensus auditus iudicat sonum a quo immu tatur una actione audiendi , unum secundum actum 2 : aut igitur dicetur quod semper decipietur hoc iudicando , aut erit unus in actu , et tunc semper habet unum subiectum in actu ; nunc autem videtur inconveniens quod auditus semper decipiatur circa unitatem sensibilis , cum unum, sicut et numerus , sit de sensibilibus per se communibus. Item, id in quo est sonus oportet esse bene mobile , quia sonus non est nisi cum motu locali ; item , oportet ipsum esse bene figurabile ; sed manifestum est quod corpora percutientia , licet sint mobilia , non sunt bene figurabilia , propter sui soliditatem ; item , non sunt aeque mobilia sicut aqua vel aer ; ideo videtur quod sit in aere vel aqua sicut in subiecto , sicut dicit ARISTOTELES (2) . In generatione autem soni oportet esse percutiens et percussum et me dium in quo sit percussio . Istud medium oportet esse extrusum et repulsum, et in isto corpore retruso et repulso , est sonus in actu generatus ; ideo dicit ARISTOTELES (3) quod ipsum corpus extrusum , ut aerem, oportet esse unum et continuum , ut sit bene figurabile ; et iste aer , cum movetur, [ fol . 77 ] movet alium sibi continuum et ad intentionem soni , et sic ille alium, quamdiu durat virtus percutientis . Unde sonus est in corpore extruso , medio inter duo corpora percutientia ; et in parte remotiore a sensu et propinquiore corporibus percussis , est sonus sub esse fortiore , iuxta autem auditum , sub esse debiliore; in auditu autem est sub esse spirituali . Ad rationem 4 dico quod , si materia fuerit una et agens alius et alius, tunc

potest effectus diversificari : unde effectus diversificatur secundum diversita tem agentis et materiae . Unde , quamvis corpora diversificent sonum, hoc est quia rationem agentis habent . Ad aliud dico quod non est simile , quia alia sensibilia habent esse quod dam fixum praeter esse suum quod est in fieri ; sonus autem est solum cum est in fieri et in actu permixto potentiae : ideo non habet aliquod subiectum praeterquam illud in quo illud est sub fieri. Ad aliud dico quod auditus iudicat sonum esse in corporibus, non quia sit ibi in subiecto , sed quia est in aere contingente ipsa corpora percutientia.

¹ O + quod. 40 O := aliud .

² ○ — audiendi, unum secundum actum.

(1) ARIST . , De Anima II , 8 (420 a 3 sqq .) . (2) ARIST. , De Anima II , 8 (419 b 18 ; 420 a 7-12) . (3) ARIST. , De Anima II , 8 (419 b 34 sqq .) .

3 M + suscipiendam .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 35

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QUAESTIO 35 UTRUM SONUS RECTUS ET REFLEXUS SIT SONUS UNUS

Quaeritur de echo . Primo , utrum sonus rectus et reflexus sit sonus unus . Secundo, utrum lumen ab aere vel corpore perspicuo reflectatur . Tertio , utrum videamus undique . De primo , quod sic , probo , quia sonus qui est ab eodem generante essen tialiter, est unus ; sed sonus rectus et reflexus generatur a corpore percutiente essentialiter, et per accidens a reflectente ; quare . 2. Item, ille sonus qui est figuratus eodem modo et dearticulatus et eius dem significativus , est unus ; sed sic se habent sonus reflexus et directe gene ratus ; quare . Ad oppositum prius et posterius non sunt unum ; sed sic est in propo sito , quod , in sono hoc et illo , est prius et posterius ; quare . Dicendum quod istud oportet intelligere secundum generationem circuli in aqua per proiectionem lapidis : primo enim fit quaedam circulatio iuxta locum percussionis , et illa generat aliam , et sic deinceps ; et iuxta locum per cussionis sunt fortiores circulationes ; et quando obviant huiusmodi circula 2 1 tiones alicui resistenti , reflectuntur ad locum in quo primo fiebat motus . Similiter in proposito : sonus generatur ex percussione duorum extrudentium 3 aerem , et in eo generant intentionem soni , et ille aer in alio ¹ ; quando autem refrangitur aer ad aliquod obstaculum , reflectitur aer sub eodem sono ; et quanto illud ad quod reflectitur est propinquius, tanto fortius reflectitur ; et si corpus refrangens fuerit continuum et planum , tunc plus repellit et magis apparet echo ; item , cum fuerit concavum , potest aer repelli continuus . Et dico quod sonus secundo generatus , est unius rationis cum primo , quia 5 eiusdem figurationis et ab eodem generatur. Tamen secundum subiectum non sunt unus , sicut nec motus rectus et reflexus inter enim motum reflexum et rectum, est quies media ; et cum sonus consequatur motum illum sicut proprium subiectum , dico quod non est idem sonus secundum subiectum : sicut intentio coloris est una secundum rationem in medio et in corpore , sed 6 in subiecto est alia . Item , sicut generans grave est illud quod movet grave per se , et removens prohibens movet accidentaliter , ita generans primum sonum est generans secundum sonum per se ; secundum accidens autem, ipsum refrangens generat : quia corpora percutientia , sonum generant in aere extruso ; ille autem aer movet alium, generando sonum consimilem , et sic de 7 aliis ; cum tunc aliquid obviat , prohibens unam movere aliam secundum

4 M: 3 O = extendensium . 2 M == fit motus regitationis. 1M girationes. • M = nume in alio movet alium undique secundum circulum quemdam , et illo alium . ¡ Sous-entendu : partem . Mieux : secundum subiectum . rum .

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

rectum , movet priorem secundum partem oppositam , ita quod reflectens non dat isti motum nec subiectum, sed tantum dat ei quod , cum generatio deberet esse secundum rectum, [fol . 78a ] sit secundum reflexionem. 1 Rationes procedunt viis suis ¹.

QUAESTIO 36 UTRUM LUMEN SEMPER REFRANGATUR AB AERE VEL PERSPICUO

Utrum lumen semper refrangatur ab aere vel perspicuo . Quod non , probo , quia omne quod reflexione generatur, hoc modo generatur propter aliquid prohibens directam eius generationem ; sed in aere non est aliquid quod possit directam generationem luminis impedire , quia illud quod secundum se est in potentia ad lumen et actum eius , non impedit generationem eius ; 2 tale autem est aer ; quare . 2. Item, si lumen refrangeretur undique ab aere , sicut videtur ARISTO TELES ( 1 ) dicere , cum color immutet medium et visum secundum actum luminis, tunc videremus undique , sicut audimus undique , saltem per refractionem colo ris , quod tamen falsum est ; quare , etc. Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) ³ .• 2. Item, nihil videtur nisi secundum actum lucidi ; cum igitur extra radium procedentem a corpore luminoso secundum rectum incessum, contingat videre in corpus obiectum , ergo aer extra radium illum illuminatur : ideo refrangitur . 1 3. Item, secundum ARISTOTELEM , libro Meteororum (2) , color non refran gitur nisi cum refractione luminis ; sed accidit aliquando quod alicui apparet 5 facies et figura eius , sicut accidit Antiphonti : quod non fiebat nisi propter refractionem luminis ; quare . Intelligendum quod lumen ab aere refrangi potest , et considerandum est quomodo. Et intelligendum quod id universaliter est refrangens, quod pro hibet directum motum alicuius . Id autem quod videtur motum alicuius impe dire , est illud quod est sibi contrarium : sicut nos videmus quod frigidum obvians alterationi quae est a calido , refrangit ; et propter hoc contingit quod nubes cui circumstat aer calidus , magis condensetur et frigidior fit, et conden setur in maius frigus in aestate quam in hieme , et ideo fiunt tunc grandines ;

' M + primae enim rationes bene probant quod uterque sonus unus est secundum ratio 2M nem (ms numerum) ; tamen alius et alius est secundum numerum (ms == rationem). * M = tertio. 5M color . 6 M + + undique. " O - Oppositum etc. ante ipsum in aere .

(1 ) ARIST. , De Anima II , 8 (419 b 29 sqq .) . (2) ARIST. , Meteor . I , 5 (342 b 5 sqq .) ; III , 2 (372 a 16-b 10) ; III , 4 (373 a 32-b 10) .

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LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 36

item , propter hoc contingit quod fontes in aestate sunt frigidiores quam in 1 hieme ¹ , quia frigidum locorum frigidorum refrangitur a calido , et interiora fiunt frigidiora. Hoc autem non potest dici de lumine , quod sit ei aliquid contrarium, et quod impediatur propter contrarium ; sed privative oppositum habet, ut tenebram . Item , illud quod secundo videtur directam generationem alicuius impedire , est illud quod est contrarium per se subiecto illius . Verbi gratia : si calidum generaretur

ab istis inferioribus in superiora , tunc , cum

obviaret corporibus superioribus quae non sunt subiectum illius proprium , refrangeretur. Hoc videtur dici posse de lumine : quia proprium receptivum luminis est diaphanum vel perspicuum, cui contrariatur opacum

et ideo,

existens in perspicuo , impedit generationem luminis . Unde etiam in aqua, si inveniatur aliquid opacum , refrangitur lumen . Item, similiter est in aere , ut quando sunt vapores inter nos et solem, tunc refrangitur lumen solis ab ipsis 3. .t 5 et videtur nobis lumen solis alterius coloris quam si medium sit dispositum Item , quanto magis est de opaco , tanto magis refrangitur . Item , opacum non simpliciter hoc impedit , sed etiam id quod sibi propinquum est , et hoc est 6 densum et hoc potest dici in corporibus superioribus , quae pars densior " potest magis refrangere lumen : unde densum facit idem in superioribus, quod opacum in istis inferioribus, secundum COMMENTATOREM , in De Substantia Orbis (1). Dico tunc quod ab aere et aqua fit refractio luminis , si sit in eis opacum. Item, a corporibus in quibus est densitas , potest fieri refractio . Et hoc dicit ARISTOTELES in II° huius, hic (2) , quod lumen repercutitur sic, sicut ab aere vel ab aqua. Item, ubi est perspicuum omnino et nulla densitas, ibi non fit refrac tio

. Unde , propter istud dicebatur in libro Meteororum (3 ) quod galaxia fit

ex refractione luminis ad densiorem partem orbis et in orbe . Ad rationem dico quod generatio luminis in medio invenit aliquid impe diens . Et dico : [ fol . 78 ] quamvis non sit contrarium, est tamen aliquid quod est contrarium per se susceptioni luminis , sicut opacum vel densum. Et ulte rius dico quod , quamvis sit in potentia ad lumen ipse aer, tamen , propter aliam dispositionem, ut propter opacitatem immixtam , impeditur generatio luminis , et secundum hoc non est in potentia ad recipiendum lumen . Ad aliud dicendum quod color aliquando refrangitur in medio , sicut et 9 ipsum lumen º .

2 O = generatur. 3 O: ab ipsis == ad illud. M + ut dicitur libro Meteororum. 5 Ο arr' (?) . • Lire quod ? M + 4 M : alterius coloris = maioris quantitatis . A Mut a sphera ignis. " O — Ad aliud etc. ut partes stellatae .

(1 ) AVER . , De Substantia Orbis 2 (7 M) . (2) ARIST. , De Anima II , 8 (419 b 31 sqq .) . (3) ARIST . , Meteor . I , 8 (346 a 6 sqq .) .

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 37 UTRUM VISIBILE POSITUM NON IN DIRECTA DISTANTIA AD VISUM POSSIT COMPREHENDI A VISU

Propter solutionem secundi quaeritur consequenter utrum visibile posi tum non in directa distantia ad visum, sed a dextris vel retro , possit com prehendi a visu . Probo quod sic quia , sicut se habent alia sensibilia ad sensum suum , sic et color ; sed in aliquibus , ut in sono et odore , undique immutant sensum : auditur enim sonus undecumque , et similiter gustus et olfactus alterantur, posito sensibili non cum directa oppositione . 2. Item, alteratio visibilium sequitur alterationem luminis

color enim est

motivus visus secundum actum lucidi , etc .; et refractio colorum sequitur refractionem luminis ; sed lumen refrangitur undique ; quare et color ; quare , licet visibile sit a posteriore parte , cum possit refrangi ad partem priorem, potest videri .

In oppositum est sensus . Dicendum 2 accipiendo primo quod natura universaliter operatur breviore modo quo potest : non enim facit per plura quod potest per pauciora ; ita etiam nec per longiora quod potest per breviora . Linea autem recta brevissima est, et ideo natura semper operatur secundum lineam rectam , nisi aliquid 3 impediat . In aliis autem sensibus a visu , non potest natura operari linea 4 recta , quia omnia sensibilia alterant et immutant sensum cum quadam alte 5 6 ratione ³ medii : odor enim alterat cum quadam alteratione perfecta ® a calido , et sonus alterat cum motu locali : ideo , ista in medio se diffundunt et alterant ' medium non solum secundum rectam lineam . Visibilia autem non alterant 8 medium ³ cum quodam motu ; non inveniunt etiam contrarium in medio ; ideo non se diffundunt in medio, sed alterant secundum rectam lineam . Ideo con tingit quod pars illa visibilis, a qua protrahitur linea recta ad oculum, magis videtur, et aliae minus ; et quanto magis removentur partes ab illa linea , tanto minus videntur . 9 Secundo accipiendum quod sensibilia sunt in medio materialiter 10. Sonus enim materialiter est in organo ; odor autem se facit in medio cum fumali 11 evaporatione , et sic in aliis . Visibile autem debiliter ¹¹ et spiritualiter se facit in medio . Ideo diversi colores non se impediunt in medio , sed diversi soni non audiuntur distincte in medio uno . Propter quod contingit quod sensibilia sensus visus , si reflectantur ab aliquo obstaculo , minus possunt comprehendi ; alia autem sensibilia , magis .

O + quod. M + ' M + sed lumen sic refractum contingit percipi ab ipso visu . • M = medium, et materialiter. 5 M diffusione 3 M + penitus. quod biffé. 7 M = totaliter. S M + vel organum . 60 * * * * * praefecta. 9 M ipsorum in. 11 M → sub esse debili . 10 M = ut in subiecto . + omnia alia.

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 37

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Dico tunc quod visibilia non alterant nisi in directa oppositione , quia visibilia alterant medium et visum secundum lineam rectam , non diffundendo se ; quare visibilia a parte illa a qua non possunt protrahi lineae rectae ad visivum interius , non possunt videri ; et ab illa parte vel distantia a qua potest 3 linea protrahi per foramen oculi ' , possunt videri 2. Unde species visibiles per huiusmodi foramen ingrediuntur virtutem visivam : unde illi qui habent huiusmodi foramen minoris quantitatis , minus possunt videre . Alia autem sen sibilia agunt diffundendo se in medio , et non tantum secundum lineam rectam : et ideo possunt sentiri undique : unde , si posterius fuerit sonus , quia diffundit se secundum circulum, et alteratio talis potest contingere aurem , ideo undique. est auditus . Similiter est de aliis . Item , si visibilia refranguntur ad medium ab alia parte , aut simpliciter refranguntur, sicut contingit refrangi a corporibus specularibus habentibus opacum , non permittentibus transitum lumini ; et si sic , tunc in ipsa refrac tione a corpore refrangente , [fol . 78 ] alterant medium secundum lineam rectam, agendo intentionem suam ; et ideo , quando directe se multiplicant , non videntur nisi secundum directum ; ideo , etiam si videatur aliquid per refractionem simpliciter , non videtur nisi secundum directum ; ideo , si color fuerit a posteriori , et refrangitur ad anterius , non videtur illud inquantum refrangitur iori , nisi inquantum refrangitur a parte anteriori 5 secundum rectum . Si autem refrangantur immanifeste et secundum quid ³, tunc non apparent. Et aliquando contingit quod aliquid manifeste refrangitur uni et non alii , sicut dicit ARISTOTELES in III Meteororum ( 1 ) , quod Anti phonti procedenti apparebat sibi semper facies eius : et hoc erat propter dispositionem visus. Quia autem alia sensibilia sunt magis materialia , pos sunt magis apparere . Patet tunc quod non videtur aliquid nisi cum possit ab illo ? usque ad nigrum oculi protrahi per lineam rectam , ut dictum est . Ad rationem dico quod non est simile de colore et aliis sensibilibus , et ratio dicta est. Ad aliud dicendum quod , sicut refrangitur lumen , ita et intentio colorum ; sed magis spiritualiter sunt colores in medio : unde apparet plus de refrac tione luminis quam coloris . Et dico quod contingit refrangi colorem a parte posteriore, sed qui tunc videt illud quod posterius est , videt illud secundum quod est refractio in parte anteriore secundum lineam rectam. Iudicatur tamen per lineam reflexam quae est in parte anteriore " , illud quod est in parte poste riore , sicut per imaginem in speculo iudicamus illud cuius est imago : unde , si solus sensus visus esset in homine , tunc iudicaret formam apparentem in speculo esse illius. 3 M * enim . 2M + Dico autem : ad oculum , non ad visivum oculi . 10 = uve . Coupé par le couteau du relieur. 5 M + sicut contingit lumen refrangi ab aere et aqua . 8 O ‫ ܚܚܝ‬illis. Depuis per lineam , M = secundum quod 6 M + cum refranguntur. est ab anteriori .

(1 ) ARIST. , Meteor. III , 4 (373 b 2 sqq .) .

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PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 38 UTRUM VOX CAUSETUR 1¹ A VIRTUTE IMAGINATIVA

Utrum vox causetur¹ a virtute imaginativa . Quod non , probo , quia vox generatur in partibus illis , ubi est principium movens et impellens aerem ad formationem vocis : et hoc est in corde 2 , et imaginativa non est ibi ; quare , etc. 2. Item, si imaginativa est causa generationis vocis , tunc omnis vox esset significativa , quia , quod generatur ab imaginatione , videtur esse significati vum 3 • Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) , quod oportet verberans esse cum ima ginatione . Dicendum quod , sicut ad generationem soni exigitur verberans , et im pulsus ut medium , et illud quod impellitur, similiter ad generationem vocis. Illud autem ad quod impellitur est vocalis arteria ; illud autem quod impelli tur 4 est aer inspiratus : unde animalia non respirantia , non vocant ; illud autem quod verberat est aliquod movens aerem , quod sui dilatatione expellit aerem, et motu constrictionis attrahit : et hoc est pulmo . Primum autem prin cipium pulmonis est in corde , secundum ARISTOTELEM , libro De Inspiratione et Respiratione (2) : et ideo primum principium vocis est ibi. Item, oportet illud principium animatum esse , secundum Aristotelem (3) ; animatum autem motu locali non movet nisi animal : ideo oportet quod sit animatum anima animalis ,

et ideo illud quod movet est appetitus : unde

appetitus existens in parte illa , primo movet partem illam ad generationem 5 vocis . Sed contingit appetitum moveri a passione , sicut aliquis movetur a calido vel frigido , dolore vel gaudio : et tunc , illud quod a tali generatur, sonus erit et non vox , cum sit sine praeconceptione aliqua : sicut apparet 6 de vocibus infirmantium et gementium aliquibus, et huiusmodi significant aliquid naturaliter . Potest etiam appetitus moveri ab imaginatione aliqua praeconcepta, et tunc sonus qui causatur a tali appetitu est vox . Unde omnis vox est sonus significativus, secundum ARISTOTELEM (4) . Unde verberans pri mum in voce est aliquid imaginativum, et secundum diversitatem verberantis 7 primi et vocalis arteriae potest reddi causa grossitiae soni et diversitatis in voce 8. Ad rationem dico quod prima imaginativa [ fol . 78 ] est in partibus illis :

¹ 0 = causatur . 3 M + imaginati . 6 M → suspirantium . vitatis vocis. (1) (2) (3) (4)

ARIST. , ARIST., ARIST . , ARIST. ,

De De De De

2 Depuis in partibus, M = ab anima quae est iuxta ipsum cor. 5 M + hoc non sufficit. M + quod habet rationem medii . ms = grossicie. ›8 Depuis : grossitiae, M = acuitatis et gra

Anima II , 8 (420 b 31 sqq .) . Respiratione 8 (474 a 25-b 9) ; 16 (478 a 26 sqq .) . Anima II , 8 (420 b 5 sqq .) . Anima II , 8 (420 b 32-33) . .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 39

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1 videa -quamvis enim sensus communis secundum aliquam manifestationem tur esse in cerebro , tamen radicaliter et primo est in corde ; imaginatio autem sequitur sensum communem, secundum intentionem ARISTOTELIS in libro De Inspiratione et Exspiratione ( 1 ) .

QUAESTIO 39 UTRUM OMNIS VOX SIT SIGNIFICATIVA

Ad solutionem secundi quaeritur utrum omnis vox sit significativa . Quod non, probo , quia vox dividitur per significativum et non significativum. Ad oppositum dicit ARISTOTELES (2) quod oportet verberans esse. cum

imaginatione . Dicendum quod omnis vox sonus est cum imaginatione , quia vox cau 2 satur ab imaginatione et sequitur imaginationem, ita quod imaginatio est. 3 principium primum et causa vocis ; et quia omnis effectus est significativus suae causae quodammodo , ideo vox est significativa alicuius . Sed intelligendum quod aliquando ad formationem vocis praeimaginamur tantum rationem vocis formandae , quamvis ab alio moveamur ; aliquando autem praeaccipitur ratio vocis et aliquid aliud . Et quia ad formationem vocis accipitur imaginatio rationis ipsius vocis, et vox est significativa eius quod imaginatur, ideo omnis vox sui ipsius est significativa . Aliquando autem, praeter rationem vocis, praeconcipitur aliud , ad quod significandum impo nitur vox et aliquando contingit hoc infirmis ex dolore ; et talis vox est significativa sui et alicuius alterius ' , sive ex institutione , sive non. 5 Ad rationem dico quod debet intelligi quod omnis vox est significativa ex impositione vel non ex impositione, ut dicatur vox non significativa , quae aliquid significat ex impositione ; aliter non debet intelligi divisio .

QUAESTIO 40 UTRUM SENSUM OLFACTUS HABEAMUS PEIOREM

Circa capitulum de odore et odorabili . Primo , utrum sensum olfactus 6 .Quod non , probo , quia quod habet

habeamus peiorem inter omnia animalia

* M + naturaliter. ' M : al . manif . inchoationem . 2 0 — ab imaginatione . ¹ O : sui et alicuius alterius = alterius quam sui ipsius vel alterius . 5 Depuis dico, M &O credo quod dividens vocem per significativam et non significativam, intellexit. inter omnia animalia.

(1 ) ARIST. , De Iuventute et Senect. 3 (469 a 10 sqq .) . (Le De Iuventute et Senectute, le De Vita et Morte et le De Respiratione forment un tout chez Averroès) . (2) ARIST . , De Anima II , 8 (420 b 31-32) .

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PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

nobiliorem cognitionem, habet nobiliorem virtutem ; sed homo habet nobi lissimam cognitionem . 2. Item, sensitiva hominis est nobilior : quare virtutes eius erunt nobiliores ; et olfactus est virtus hominis 1 · sensitiva 2. Oppositum dicit ARISTOTELES hic ( 1 ) et in De Sensu (2) . Dico quod peiorem olfactum habemus quam multa aliorum animalium . Et hoc contingit virtuti olfactivae propter debilitatem in organo : quia sensitivum debet esse tale in potentia , qualia sunt ipsa sensibilia , et sensitivum in actu tale , quale est sensibile in actu ; odor autem et odorabile sunt calida et sicca³ : et ideo virtus olfactiva debet esse talis in potentia antequam sit in actu . In illis igitur in quibus hoc non contingit virtuti olfactivae , peior est olfactus. Sed virtus vel sensus olfactus hominis positus est iuxta cerebrum *, propter temperantiam cerebri ; cerebrum autem hominis est humidum et frigidum respectu aliorum animalium, et ideo humectat et infrigidat olfactum qui debet esse calidus et siccus ; item " , vapores ascendunt usque ad cere brum, et 6 ideo ingrossantur et descendunt ad inferius , iuxta sensum olfactus ,. et infrigidant ipsum : et ideo homo habet peiorem olfactum . Ad rationem dico : qui habet cognitionem nobiliorem, habet nobiliorem. 7 non habet nobi virtutem respectu illius cognitionis ; et dico quod homo liorem cognitionem olfactibilium. Ad aliud dicendum quod nobilioris substantiae oportet esse nobiliores virtutes aliquas vel aliquam : et propter hoc non sequitur quod hanc habeat nobiliorem , sed est fallacia consequentis . Vel dicendum quod , quamvis habeat nobiliorem virtutem per se , per accidens potest habere peiorem, et hoc est propter propinquitatem eius cum cerebro .

QUAESTIO 41 UTRUM SECUNDUM DISPOSITIONEM BONAM TACTUS SIT BONA DISPOSITIO ANIMAE VEL MENTIS

Quaeritur consequenter , quia dicit ARISTOTELES (3 ) quod molles carne

2 Depuis Item, M Praeterea , nobiliori substantiae debetur nobilior O + quare . 30 O = secta . virtus ; sed homo inter omnia animalia substantia nobilior est ; ergo , etc. 4 M + quod quidem in homine , secundum quantitatem sui corporis , maius est quam in aliquo M + ibi infrigidati . 5 M + ex cibo assumpto . aliorum animalium . (en marge) . M + nobiliorem cognitionem habet secundum intellectum et secundum quosdam alios sensus ⁹ M + non tamen omnes . a sensu olfactus .

(1 ) Arist. , De Anima II , 9 (421 a 9-10) . (2) ARIST. , De Sensu et Sensato 4 (440 b 31 sqq .) . (3) ARIST. , De Anima II , 9 (421 a 26) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 41

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aptos mente dicimus , ideo quaeritur utrum secundum dispositionem bonam tactus, sit bona dispositio animae vel mentis . Quod non, probo , quia bona dispositio mentis vel intellectus videtur attendi penes illud quod maxime facit nos cognoscere, et hoc est secundum visum , quia maxime facit nos cognos cere , et plures rerum differentias nobis ostendit , [ fol . 79ra ] secundum ARIS TOTELEM , 1° Metaphysicae ( 1 ) . 1 2. Item, mulieres peius iudicant, ut habetur in Politicis (2) , et tamen sunt molliores carne . 3. Item , videmus homines exercitatos in studio , habere carnes duras, et tamen bene sunt dispositi secundum mentem. In oppositum est ARISTOTELES (3) 2 . Dicendum quod , ad bonam dispositionem sensus tactus sequitur bona dis positio mentis, ita quod bene dispositi secundum tactum sunt bene dispositi ad opera intellectus . Et dico quod molles carne , ex complexione naturali et 3 non ex accidenti ³ , sunt apti secundum mentem ; duri vero secundum com plexionem , et non secundum accidens, inepti sunt mente . Cuius ratio est. quia organum sensus tactus, etsi primo invenitur in corde , diffunditur tamen in totum corpus : ideo , secundum omnem partem tangimus , et omnes alii sensus sunt fundati super tactum : unde propter hoc bonitas tactus ostendit 4 bonitatem omnium aliorum sensuum et operationum 5 sentiendi ; intellectus autem quidquid intelligit, sub phantasmate et ex sensibus intelligit : ideo , ad bonam dispositionem sensuum sequitur bona dispositio intellectus . Item, organum tactus non potest denudari a qualitatibus tangibilibus , et ideo con sistit in media proportione earum , et in hoc consistit bona complexio hominis 7 ; et talis bona complexio ostendit nobilitatem virtutum sensitiva rum 8 et operationum intellectus . Item , secundum THEMISTIUM (4) ,

caro mollis penetrabilis est , in qua

figurantur 10 impressiones " sensibilium secundum unumquemque sensum ; et etiam caro talis ostendit subtilitatem spirituum , et bene potest penetrari talis spiritus ; ad bonam autem dispositionem huiusmodi spirituum est consequens bona dispositio ad operationes sentiendi , et , per consequens , intelligendi ; per oppositum autem , duri carne habent spiritus per oppositum dispositos. 12 secun Si autem aliqui sint habentes molles carnes propter phlegma

•M = 3 O = incidenti. O - In oppositum etc. 20 M + universaliter. . = M . 6 = eorum 0 M per consequens virtutum . 5 organorum sentiendi . qualita 9 M + et bene divisi 8 — sensitivarum. animalis. · M tum primarum. 12 ms = flenma. 11 M formae. 10 M = sigillantur. bilis.

(1 ) (2) (3) • (4)

ARIST. , Metaph . I , 1 (980 a 22 sqq .) . Arist. , Polit. I , 13 ( 1260 a 13) . ARIST. , De Anima II , 9 (421 a 26) . THEMISTIUS, De Anima IV, 9 (68, 14 sqq .) .

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PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

1 dum complexionem lapsam, in quibus abundat humor phlegmaticus ¹ qui ingrossat spiritus , talis humor reddit homines minus bene dispositos secun dum intellectum 2. Item, dico secundum complexionem naturalem, quia aliqui qui sunt studiosi, si habeant molles carnes, efficiuntur durae propter laborem . Ad rationem dico quod verum est quod potest iudicari ex illo et ex alio ; et magis ex alio , quia bonitas visus non ostendit bonitatem in sen tiendo , nisi secundum quid , scilicet secundum visum ; bonitas autem tactus ostendit bonitatem in omni sensu : unde , ex eius bonitate debet iudicari bonitas sensitivae . Ad illud de mulieribus et studiosis solutum est : hoc enim habent ex. incidenti .

QUAESTIO 42 UTRUM ODOR RECIPIATUR IN MEDIO ET ORGANO CUM FUMALI EVAPORATIONE ,

Utrum odor recipiatur in medio et organo cum fumali evaporatione . Quod sic, probo , quia sensibile cuius alteratio impeditur in medio, recipitur materialiter in medio ; sed alteratio odorabilis impeditur in medio propter ventum ; quare , etc. 2. Item, quod recipitur in medio et sensu sub esse spirituali , non cor rumpit animal , sicut color ; sed odores corrumpunt animal . 3. Item, odores curant " rheumata , secundum ARISTOTELEM , libro De Sensu (1 ) , ubi dicit quod reducunt cerebrum ad temperantiam ; hoc autem non est nisi 5 secundum esse materiale , et illud non videtur esse nisi fumalis evaporatio . Ad oppositum : sensus est receptivus specierum sine materia ; sed fu

malis evaporatio est cum materia ; quare et eodem modo recipitur in sensu sicut in medio ; quare , etc. Intelligendum quod antiqui naturales crediderunt sensum fieri secundum 7 contactum sensus cum sensibili : unde dixerunt radium egredi ab oculo . 8 Item, dixerunt quod olfactibile non alterat sensum nisi secundum contactum ;

Depuis minus , M = ineptos ad sentien 1 O et M = Alenmaticus . Met grossus . = currant. O= Met infirmitates . 5 Depuis dum , quod contingit mulieribus . ms. hoc autem , M ***** intentio autem sola non videtur hoc facere : ergo recipitur in medio . 8 M + odoris sub esse materiali . 7 M = virtus visiva . = sensum .

(1 ) ARIST. , De Sensu et Sensato 5 (444 a 8-15) .

LIBER SECUNDUS . QUAESTIO 42

117

- sensibile autem , ut fumalis evaporatio , subiectum est primum odoris : ideo dixerunt quod fumalis evaporatio recipitur in sensu [ fol . 79 ] . Sed manifestum est quod sic non recipit sensus , quia , si sic , tunc grava retur in sentiendo . Item, est susceptivus specierum sine materia . Item, ani malia in aqua odorant , et non est fumalis evaporatio in aqua , propter con trarietatem in utraque qualitate : odor enim est calidus et siccus : probatio assumpti est quia animalia de longe veniunt ad escam. Item, dicit COMMEN TATOR ( 1 ) 1¹ quod tigrides venerunt a quingentis milliaribus ad cadavera, et fumalis evaporatio non posset se extendere ad tantum : determinata enim est raritas omnium naturalium . E converso " videmus quod corpora odora bilia diminuuntur propter fumalem evaporationem . Dico propter hoc quod odores recipiuntur in parte medii cum fumali 3 evaporatione " : subiectum enim primum odoris est calidum siccum, et ideo ,

in prima parte fumus est , et in illo erit odor ; et non evaporabit semper sic : quia, cum aer sit receptivus fumalis evaporationis , et sic multiplicat se odor ; cum autem non poterit se multiplicare cum fumali evaporatione , facit 5 sine fumali evaporatione , quia ens in actu potest agere suam speciem 6 suam speciem " , et ideo odor in aere receptus, agit suam intentionem in aere , sine evaporatione . Ad rationem dico quod impeditur aliquando , licet non sit cum fumali evaporatione, quia ista alteratio fit cum calido , et illud potest repelli per ventum. Item, ad aliquam distantiam fit alteratio cum fumali evaporatione . Ad aliud dicendum quod odores non propter fumum faciunt illa , scilicet quod non corrumpunt animal propter fumalem evaporationem , sed quia semper fit 7 illa alteratio cum calido et sicco , sicut infra patebit . Item 8 , dicendum quod odores per se non corrumpunt animal , sed excellentia sen sibilium, quod contingit in odore sine fumali evaporatione . Item propter excellentiam calidi et propter faeditatem possunt interficere animal , non propter fumalem evaporationem . Ad aliud dicendum quod quidam odores reducunt hyperbolen cerebri ad contemperantiam : et hoc non est propter fumalem evaporationem , sed quia 9 agunt cum quadam alteratione quae est a calido sicco º .

2 M + aliquando videntur odores esse in medio cum fumali eva ¹1 O = THEMISTIUS . Musque ad aliquam distantiam . poratione, quia aliquando hoc apparet ; et etiam . • Depuis quia, M = quoniam quod 5 M + sub esse spirituali . * O - evaporabilis. 8 ms = Ad ms = sit. est actu tale , alterat in potentia tale, si fuerit propinquum. 9 O ― Ad aliud, etc. aliud .

(1) AVER. , De Anima II , 97 ( 100 E) . Mais Siger confond ce qu'Averroès dit des tigres et ce qu'il dit des vautours.

118

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 43 UTRUM ODOR ALTERET MEDIUM SUBITO

Utrum odor alteret medium subito . Quod sic , videtur , quia subito est im medio : quare ¹ .

2. Item, successio est in motu propter contrarietatem ; sed agens odora bile in medio non invenit contrarium , cum ei nihil sit contrarium ; quare . Oppositum dicit ARISTOTELES ( 1 ) , dicendo quod odores et soni alterant primo medium quam sensum ; de lumine dicit alteram esse rationem. 2. Item, apparet quod , posito corpore odorabili a remotis , prius sentiet qui propinquius est. Intelligendum quod successio causatur ex terminis, qui sunt in motu : hoc enim quod aliquid non statim transitur, hoc est propter distantiam ter minorum sicut in motu locali , quia inter duos terminos cadit medium, ut magnitudo . Quia autem in illuminatione non est distantia inter terminos , ideo fit subito , quia non est ibi contrarietas , sed privatio sola . Unde medium est illud in quod prius transitur aliquid , quam in extrema veniat . Quando tunc inter terminos motus est aliquid medium, transitio illa erit successiva ; quando non, non . Ideo , quia corpus odorabile , quantum de se est, non invenit ali quid medium, subito alterat per se , cum nihil sit sibi contrarium ; per acci dens tamen , successive alterat . Sicut sonus , quantum est de se , subito se faceret, quia non habet contrarium ; sed quia fit cum motu locali , ideo facit se in medio successive . Similiter odor non facit se in medio nisi cum calido et sicco , quia corpus odorabile , ex hoc quod calidum et siccum, recipit . odorem , et ideo sic erit dispositum medium ad hoc ut alteret : ideo , si repe riret medium sic dispositum calido et sicco , subito ageret se ; quia tamen exigit in medio alterationem a calido et sicco , et ista alteratio fit aliquando successive , [fol . 79 ] ideo et odor successive . Unde , aliquando subito agit , ubi invenit medium dispositum ; ubi non , non . Rationes procedunt in parte . Ad primam dico quod odor impeditur a vento propter duas causas : quia , cum alterat, hoc fit cum fumali evaporatione , et hanc impedit ventus ; item , aliquando fit cum calido , quod quidem repellit frigidum existens in medio . Ad aliud dicendum quod odor per se non invenit contrarium, sed per accidens, inquantum invenit contrarium per se dispositioni illius in quo natus

1 Depuis quia, M - quod secundum intentionem < est> in medio , videtur subito alterare: 2 M + in aliqua parte medii . medium .

(1 ) ARIST. , De Anima II , 9 (421 b 8-9) ; De Sensu et Sensato 6 (446 a 20-b 28) .

LIBER SECUNDUS. QUAESTIO 44

119

est recipi : quia aliquando invenit medium frigidum, quod est contrarium suae dispositioni ad hoc quod immutet medium.

QUAESTIO 44 UTRUM GUSTUS SIT TACTUS

1 Quaeritur de gustu . Primo utrum gustus sit

tactus . Quod sic , probo ,

quia hoc dicit ARISTOTELES ( 1 ) ; item THEMISTIUS (2) et Averroes (3) . 2. Item, sicut gustabile ad tangibile , quae sunt obiecta , sic gustus ad tac 2 tangibile ; quare . tum ; sed gustabile est 4 Ad oppositum : species non distinguitur contra suum genus ; sed gustus distinguitur ab ARISTOTELE a tactu . 2. Item, sicut sapores se habent ad qualitates tangibiles, sic gustus ad tactum ; sed sapores non sunt qualitates tangibiles ; quare . Solutio . Dicendum quod potentiae distinguuntur per actus et actus per obiecta . Cum igitur obiectum gustus sit aliud ab obiecto tactus , quamvis gustabile causetur a qualitatibus tangibilibus commixtis secundum rectam proportionem, unde sapor non est qualitas tangibilis , nec e converso : quare sensus erit distinctus a sensu . Nihilominus tamen, sapores causantur ex commixtione qualitatum tangi bilium, in qua est humidum a dominio : movent enim sapores gustum secun dum humidum 6 a dominio, et humidum est qualitas tangibilis . Probatio $ assumpti : sicut enim odores sunt sicci a dominio , sic sapores humidi ' , et humidum est materia saporum " . Et ideo proportionaliter se habent sensus , ita quod gustus erit sensus tactus aliqualiter 10. Et secundum hanc rationem potest dici olfactus, sensus tactus : sic enim sequitur humidum gustabile a dominio , sicut odor sequitur calidum a dominio . Nihilominus tamen aliquid 11 est in sensu gustus , quod non est in olfactu ¹¹ . Sensus enim tactus immutatur tangendo ; similiter et gustus in eo quod tangimus aliquid, gustamus . Sic non est in olfactu : immo , prius movetur medium . Unde sensus olfactus comprehendit per medium extrinsecum, gustus autem et tactus, non ideo magis dicitur gustus quidam tactus quam olfactus . Unde , sicut gustabile est

³ M + quoniam gustabile est omne humidum, 2 M + quoddam . ¹ M + quidam. 5M + * M + quoniam species sub genere comprehenditur . et humidum est tangibile. 6 M = actum humidi . 7 M + quod quamvis ex qualitatibus tangibilibus causentur. 8S M = ita quod. 10 M = radica ⁹ M + aliquo modo . est tangibile materialiter. 11 O est in olfactu = tactus . liter.

(1 ) ARIST . , De Anima II , 10 (422 a 8) . (2) THEMISTIUS, De Anima IV , 10 (70 , 12) . (3) AVER. , De Anima II , 101 ( 103 B-C) .

120

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

tangibile , sic gustus est tactus

gustabile enim , secundum propriam rationem ,

non est tangibile , sed materialiter tantum .

QUAESTIO 45 UTRUM DULCE ET AMARUM SINT CONTRARII ET EXTREMI

Consequenter, quia dicit ARISTOTELES (1 ) quod dulce et amarum sunt ' contrarii et extremi , utrum hoc sit verum. Quod sic , videtur, quia simplices sapores sunt contrarii simpliciter ; sed isti sunt simplices , secundum Aristo TELEM ( 1 ) , et alii sunt omnes medii ; quare . Probatio maioris : qui enim non sunt extremi², sunt compositi " ex extremis ;

sed inter dulce et amarum

sunt omnes alii . 2. Item , istud apparet in De Sensu et Sensato (2) , ubi dicitur quod ista se habent in saporibus , sicut album et nigrum in coloribus, ex quibus omnes alii generantur . Ad oppositum : illi sapores sunt magis contrarii , qui magis contrarios habent effectus ; sed alii hoc habent , sicut amarum et acetosum vel ponti cum : amarus 4 sapor est natura calefactivus , alius autem frigefactivus ; sed dulce , calidum est temperate ; ergo illi erunt magis contrarii . 2. Item, illi sapores qui causantur a causis magis contrariis , sunt contrarii magis ; sed amarum causatur propter abundantiam caliditatis , acetosus autem sapor causatur propter abundantiam frigidi , dulcis autem propter calidum temperatum . Dicendum quod dulce et amarum non sunt simpliciter contrarii nec extremi sapores 5 , [ fol . 79 ] quia contraria sunt quae , sub eodem genere existentia , maxime distant 6 . Illi ergo qui magis distant , maxime sunt contrarii . Sed hoc non convenit de dulci et amaro : quod patet considerando ad causas gene rativas illorum . Generantur enim sapores ex commixtione humidi et sicci, cum actione calidi et frigidi . Calidum enim agens in tali commixto , com 7 humidum naturale , causat amarum et burens humidum superabundans saporem : unde amara videntur ' saepe incinerata 10. Salsus autem sapor generatur ex consumptione humidi in exsiccando 11 ipsum, cum calidum potest super ipsum ; a minore tamen calido quam amarum generatur. Acutus autem

M + enim. 5 M + 3 O = composita. 2 = extrema . ms = sint. M = non tantum "6 M + ut patet X° Metaphysicae. quod declaratur ex duobus. 10 M + ut patet in cineribus. 9 M = invenimus. 8 M = sed etiam . superfluum . . ?) ( exasco ?) ou ( 11 = excisco et putrefactis quibusdam .

(1 ) ARIST. , De Anima II , 10 (422 b 11-12). (2) ARIST. , De Sensu et Sensato 4 (442 a 12 sqq . ) .

LIBER SECUNDUS. QUAESTIO 45

121

3. quasi incipiendo comburere ipsum 2 ; quod autem ista 3 inveniuntur maioris efficientiae incalescendo , hoc non est quia a maiori calido 46 generantur , sed quia aliquando 5 generantur in humido subtiliore , 1

causatur a calido

penetrante . Dulcis autem sapor causatur ex calido agente super humidum et siccum temperate . Pinguis autem sapor causatur ex defectu calidi propter abundantiam humidi . Stypticus autem sapor causatur ex frigido excellente agente et in humido abundanti : cuiusmodi sapor est in piris et graminibus ' . Unde contingit devenire ad aliquem causatum propter defectum caliditatis et 9 S abundantiam frigiditatis et ita sunt alii causati a causis magis contrariis quam dulce et amarum . Item, ita videmus quod in sensibilibus secundum singulos sensus , quanto sensibilia sunt magis reducta ad medium inter extrema , tanto magis delecta bilia, et e converso . Colores enim albi et nigri non sunt maxime delectabiles , sed medii ; item in tactu , delectant calidum et frigidum reducta ad medium ; idem est etiam in sonis 10 : similiter ergo in saporibus . Item, per rationem "¹ : sensus consistunt in quadam media ratione , sicut tactus in media ratione qualitatum tangibilium : et propter hoc laeditur ab excellentia illorum. Unde , cum media ratio et proportio corrumpitur ab excellenti , patet quod illa quae sunt maxime sensum delectantia , habent rationem medii . Sed sapor dulcis inter omnes maxime delectabilis . Quare . ARISTOTELES tamen, cum dicit dulce et amarum esse extremos sapores , loquitur secundum proportionem 12 ad sensum, quia dulcis movet cum delec tatione , et alius 13 cum tristitia : ideo vocat dulce et amarum sapores extre mos . Unde , sicut vitium contrariatur vitio sicut extremum extremo , et tamen virtus 14 contrariatur duobus extremis inquantum habent rationem mali , simi liter amarum contrariatur acetoso sicut extremum extremo , et dulce contra riatur amaro sicut medium extremo , dico secundum rem et naturam . Rationes sumuntur ex dicto ARISTOTELIS , quod expositum est ( 1 ) : non enim loquitur ARISTOTELES de contrarietate secundum rem et naturam , sed ut dictum est prius vult enim quod sint extremi sapores, non secundum rem et naturam , sed secundum proportionem quam habent immutando sensum , scilicet magis delectabiliter vel cum maiore tristitia : dulce enim maxime delectat sensum gustus ; alii autem sapores immutant gustum cum tristitia vel cum minore delectatione .

huiusmodi corpora quae 3M 2 M ***** humidum. ' M + agente in commixtum. · M * in aliquo. * O = generatur . habent huiusmodi saporem sive tales sapores. 9 M + saporcs . humiditatis SM et. ms = graminis . &M radicantur. 10 M + nec gravis sonus excellenter, nec acutus excellenter delectant auditum, sed soni pro 12 M portionales et medii . " M : Item, per rationem Et probatio huius est quoniam . 13 ms alia . 14 M + inquantum habet rationem boni . comparationem.

(1 ) M s'arrête ici . Voyez l'introduction , p . 16 .

122

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

LIBER TERTIUS

QUAESTIO I UTRUM INTELLECTUS HUMANUS SIT CORRUPTIBILIS

Consequenter quaeritur utrum intellectus humanus sit corruptibilis . Et quod sic, quia forma quae est actus corruptibilis , ipsa corrumpitur corrup tione ipsius ; intellectus est forma corporis corruptibilis , tur, etc.

ut hominis ; igi

2. Item, omne quod est finitae virtutis , est etiam ( ?) finitae durationis ; intellectus est finitae virtutis ; ergo et finitae durationis GRAMMATICI (1 ) .

et est ratio JOANNIS

3. Item , quaecumque pertinent ad eandem substantiam , si unum [fol . 80a ] est corruptibile , et reliquum ; sed intellectivum , sensitivum et vegetativum pertinent ad eandem essentiam animae , ut visum est ; ergo , etc. Oppositum vult ARISTOTELES in II ° 1 huius (2) , quod intellectus separatur ab his tamquam perpetuum a corruptibili ; igitur , etc. 2. Item, hic (3) dicit quod intellectus est impassibilis . Dicendum quod intellectus incorruptibilis est , per se et per accidens : quia omne quod corrumpitur per se ,

est compositum materiale ,

ut pro

batur VII° Metaphysicae (4) ; et intellectus non est quid compositum. Item, non est corruptibilis per accidens , sicut forma materialis corrumpitur corrup tione compositi : cuius ratio est quia forma quae corrumpitur corruptione compositi , educitur de potentia materiae ; nunc intellectus non educitur de potentia materiae , ut visum est prius ; ergo , etc. Item, esse intellectus non dependet ex materia , sed habet esse ex se et per se . Ad primum dicendum quod forma potest esse actus compositi dupliciter. 2 Uno modo , quod sit totaliter immersa materiae , etiam constituta in esse per materiam, et etiam educta de potentia materiae : et sic omnes formae materiales aliae ab intellectu . Alio modo potest forma esse actus compositi , quod non sit materiae immersa , sed quod per se habeat esse , quod esse materiae communicet : et sic intellectus est actus et forma compositi. Ad secundum respondet COMMENTATOR in De Substantia Orbis (5) : dicit

1 ms = primo.

ms = constitute.

( 1 ) JEAN LE GRAMMAIRIEN ou JEAN PHILOPON. D'après AVER . , Metaph. XII , 41 (324 B-C) ; Physic. VIII, 79 (426 K-L) ; De Subst. Orbis 5 (11 A) ; De Caelo II , 71 ( 145 K) . (2) ARIST. , De Anima II , 2 (413 b 24-27) . (3) ARIST., De Anima III , 4 (429 a 15) . (4) ARIST., Metaph. VI , 15 ( 1039 b 20 sqq .) . (5) AVER. , De Substantia Orbis 3 (9 G sqq .) .

123

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 2

enim quod aliquid potest esse infinitae virtutis , vel secundum extensionem , vel secundum vigorem, vel secundum durationem . Unde dicit quod omnia entia causata , finitae virtutis sunt secundum extensionem et vigorem, quia sunt determinata magnitudine et virtute ; secundum durationem sunt aliqua infinitae virtutis, ut substantiae separatae , et hoc in modo recipiendi ; Pri mum autem infinitae virtutis est secundum durationem et vigorem ;

vult

tamen COMMENTATOR Iº Caeli et Mundi ( 1 ) quod non sit infinitae virtutis in vigore . Ad aliud dicendum quod maior non est universaliter vera : quia ad essentiam compositi pertinent materia et forma , et forma corruptibilis est , materia non ; sed de substantia simplici non est verum. Ideo dicendum quod vegetativum et sensitivum et intellectivum pertinent ad eandem substantiam animae , diversimode tamen : quia vegetativum et sensitivum non reducuntur in substantia animae sicut in subiecto , sicut intellectivum , sed magis in organis ipsis, et organa corrumpuntur.

QUAESTIO 2 UTRUM INTELLECTUS HUMANUS SIT COMPOSITUS EX MATERIA ET FORMA

Consequenter quaeritur utrum intellectus humanus sit compositus ex ma teria et forma . Et quod sic videtur : COMMENTATOR in De Substantia Orbis (2) probat quod substantia simplex non potest esse subiectum accidentium : cuius ratio est, ut dicitur 1° Physicorum (3) , forma cum materia est causa omnium accidentium in subiecto ; nunc , intellectus subiectum est accidentium ; ergo , etc. 2. Item, omne quod est in genere participat principia illius ; nunc , intel lectus est in genere substantiae ; ergo et participat principia substantiae : principia substantiae sunt materia et forma . Et hoc vult BOETIUS super Prae dicamenta (4) : dicit enim : relictis extremis , agit ARISTOTELES de medio , ut de composito . 3. Item, in intellectu humano est natura formae ; et quod natura mate riae sit in intellectu videtur , quia in ipso est potentia , quae est de natura materiae . Contrarium probat ARISTOTELES (5) , quod intellectus impassibilis et sim plex et incorruptibilis : ergo in eo non est natura materiae. Solebant quidam dicere ad hoc quod quaedam est materia subiecta sub stantialitati tantum , et sic materia est in substantiis superioribus ; alia est (1 ) (2) (3) (4) (5)

AVER. , De Caelo II , 38 ( 122 H) ; II , 39 ( 123 E-F) . AVER. , De Substantia Orbis 1 (4 B) . ARIST. , Physic. I , 7 ( 190 b 20) . BOÈCE, In Praedic . , cap. de Substantia. (MIGNE , t . 64, col. 184) . ARIST. , De Anima III , 4 (429, passim) .

124

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

materia subiecta substantialitati et corporeitati tantum , et haec reperitur in corporibus superioribus ; alia est materia subiecta substantialitati et corpo reitati et corruptibilitati , et haec invenitur dicunt, primo modo materiam habet anima .

in istis inferioribus . Unde , ut

Sed illud multa inconvenientia supponit : primo gradum in formis ; item , distinctio essentialis est per formam ; nunc² ex hoc sequitur quod eadem materia substantialiter sit in superioribus [ fol . 80 ] et in inferioribus . Ideo dicendum quod in

substantiis

simplicibus

non

est

materia ,

quamvis

de

caelo

sit

dubium . Et ideo dicendum quod anima non est composita ex materia et forma, quae quidem materia est principium corruptionis . Est tamen in anima humana aliquid materiale et aliquid formale : materiale , ut intellectus possi bilis quo est omnia fieri, quia anima per intellectum possibilem est in potentia ad omnes formas materiales ; formale in anima est intellectus agens quo est omnia facere . Materiale tamen quod debetur ipsi animae differt a materia prima , quia haec est principium corruptionis , alia autem non ; differunt ite rum in modo recipiendi, quoniam materia prima recipit formas individuales et has , intellectus vero recipit formas materiales universaliter : unde diffe runt quantum ad naturas recipientes et quantum ad modum recipiendi . Sed quomodo ponis quod in anima sit potentia qua potest diversa intel ligibilia intelligere , cum sit incorruptibilis , ut tu dicis ? Dicendum quod , quia videmus quod ex aere fit ignis , ideo dicimus quod in aere est potentia ad formam ignis . Similiter dicendum ex parte animae : quia experimur in nobis quod ipsa de non intelligente fit actu intelligens , ideo in ea dicimus potentiam esse qua potest intelligibilia comprehendere. Ad primum dicendum in contrarium quod quaedam sunt accidentia realia, ut album, nigrum et huiusmodi , et talium non potest substantia simplex esse subiectum . Alia sunt accidentia intentionalia , et talium bene potest substantia simplex esse subiectum. Ad aliud dicendum quod intellectus non est in genere substantiae sicut aliqua species substantiae est in genere substantiae , sed sicut principium substantiae , et hoc prout intellectus est forma corporis compositi . Vel aliter potest dici quod substantia quae est genus generalissimum , non est compo sita ex materia et forma , sed est substantia quae communis est ad substan tiam compositam et simplicem, quia primo in has dividitur, et ideo intellectus potest esse in genere substantiae . Et quando dicit BOETIUS super Praedica menta quod Aristoteles divisit substantiam, quae est genus , in materiam et formam et compositum, et relictis extremis egit de medio , videlicet de com posito, dicendum quod ARISTOTELES tunc primo tradidit doctrinam , et iuvenis erat et minus expertus , et forte erravit .

Ad aliud dicendum quod in anima est natura materiae , non tamen quae est principium corruptionis, ut dictum est ; quare , etc. ¹ Au-dessus de ni, on a ajouté, à tort, û ( = un) .

19

1

nc = nec, parfois nunc .

LIBER TERTIUS . COMMENTUM I

125.

COMMENTUM 1 ( 1 )

Quoniam in omni natura aliud est, etc. (2) . In parte ista determinat PHI LOSOPHUS de intellectu agente . Et est hoc advertendum quod ARISTOTELES vocat intellectum in actu intellectum aggregatum ex intellectu possibili et specie intelligibili quae perficit intellectum possibilem ; et istum intellectum . in actu vocat COMMENTATOR intellectum speculativum . ARISTOTELES autem ponit quatuor conditiones intellectus agentis : prima, quod est separatus ; secunda , immixtus ; tertia, impassibilis ; quarta est quod est per substantiam suam in actu . In tribus primis convenit cum intellectu possibili ; in ultima autem differt ab eo , quia intellectus possibilis non est per suam substantiam in actu secundum se.

QUAESTIO 3 UTRUM INTELLECTUS SIT VIRTUS PASSIVA

Consequenter quaeritur utrum intellectus sit virtus passiva . Et quod non, videtur : omnis passio abicit a substantia , ut dicitur 1° De Generatione (3) : ergo omne passivum corruptibile est ; intellectus possibilis impassibilis est ; ergo . 2. Item, universaliter activum nobilius est passivo ; nunc , vegetativa se cundum omnes suas potentias activa est : si igitur intellectus esset passivus, vegetativa esset nobilior intellectiva . um 3. Item, sicut vult COMMENTATOR super IX Metaphysicae (4), quod , sicut omnes potentiae activae reducuntur in potentiam activam primam , sic pas sivae in potentiam passivam primam ; sed omnes potentiae activae virtute sunt in activa prima : ergo similiter potentiae passivae in prima passiva 1 [fol . 80 ] quae est materia '. Oppositum vult ARISTOTELES (5) , quod , etsi sit impassibilis passione pro prie dicta , est tamen passibilis quia recipit species intelligibiles . Dicendum quod intellectus passibilis . Cuius ratio est

quantum aliquid

ms = materie .

(1) Nous avons signalé déjà (p . 7 , note 3) la présence de ces Commenta au milieu des questions. La chose serait moins surprenante si elle était plus régulière et si les Commenta s'inséraient à l'endroit requis : mais ce n'est le cas pour aucun des deux (2) ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 10) . (3) ARIST. , De Gener. I , 7 (324 a 12 sqq . ) ( ?) . (4) AVER. , Metaph . IX, 2 (227 C-D) . (5) ARIST. , De Anima III , 4 (429 a 15 sqq . ) .

126

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

participat de receptione alicuius formae , tantum participat de natura poten tiae passivae ; ergo , etc.

intellectus

possibilis

participat

natura receptionis formae ;

Advertendum quod THEMISTIUS ( 1 ) , quod in entibus reperitur : quadru plex natura invenitur potentiae passivae , quod determinat sic : quantum ali quid habet de natura receptibilitatis , quadrupliciter invenitur : quaedam enim recipiunt formas veras naturales , et hoc dupliciter aut formas naturales novas, aut non novas sive aeternaliter, ut corpora caelestia , receptione nova , ut materia prima ; quaedam autem recipiunt formarum verarum intentiones , et hoc dupliciter : aut novas intentiones, aut non novas ; isto ultimo modo intelligentiae recipiunt intentiones formarum, primo modo , intellectus possi bilis . Et sicut aliquid habet de natura receptionis , sic et potentiam passivam . Et ulterius , quantum aliquid accedit ad naturam potentiae passivae , tantum accedit ad naturam materiae . Ergo dicendum quod intellectus est virtus pas siva inquantum recipit intentiones formarum . Ad primum dicendum quod Aristoteles (2) solvit ipsum : quia quaedam est passio quae est cum abiectione , et sic intellectus non est passibilis ; alia est passio quae est salus et perfectio , et sic patitur. Ad aliud dicendum quod activum suo proprio passivo nobilius ; tamen activum unius potest esse ignobilius respectu alterius passivi . Ad aliud dicendum quod aliquid potest participare naturam alterius dupli citer : vel per essentiam, vel per imitationem . Isto secundo modo substantiae primae participant esse Primi, scilicet imitatione : unde potentiae activae participant activam potentiam imitatione , non autem formaliter ; et sic intel 1 potentia prima materiae imitatione , et omnis potentia pas

lectus participat siva .

QUAESTIO 4 UTRUM INTELLECTUS SIT VIRTUS IMMATERIALIS

Consequenter quaeritur utrum intellectus sit virtus immaterialis . Et quod materialis , videtur : virtus formae materialis et individuatae per materiam de necessitate est virtus materialis ; intellectus possibilis est huiusmodi , quia actus materialis individuatur per materiam ; ergo , etc. 2. Item, omnis forma immaterialis et actu abstracta , est actu intelligibilis

1 mg = participant.

( 1 ) Nous n'avons pu identifier cette référence. Voyez à ce sujet : AVER . , De Anima III , 14 (158 D) ; S. THOMAS, Sum. Theol . I , Q. 58 , III et Q. 79 , II . (2) ARIST. , De Anima III , 4 (429 a 29 sqq .) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 4

127

de necessitate , quia dixit ARISTOTELES superius ( 1 ) , quod actu abstractum est actu intelligens et intellectum ; si igitur intellectus esset immaterialis , actu intelligeret, quod est falsum. Contrarium vult ARISTOTELES in littera (2) . De intellectu possibili possumus loqui vel secundum quod est anima , vel potentia animae ; et isto ultimo modo intelligendo quaestionem, sic oportet ponere de intellectu possibili prout est virtus animae , sicut de anima . Intentio 1 COMMENTATORIS fuit quod intellectus non est coniunctus in esse corpori , et per consequens nec perfectio eius ; et fuit motus ex hoc , quia forma materialis est illud quo res habet esse in actu per essentiam suam , et est actus materiae , et manente essentia alicuius , manet et ipsum : unde , si intellectus esset forma materialis, manente ipsa essentia eius , non posset non esse perfectio mate riae ; quare , etc. Huius contrarium visum fuit in Iº huius (3) ; et ad rationem Commentatoris respondet THOMAS DE AQUINO (4) quod verum est quod inest alicui per essen tiam suam , non potest ei non inesse per aliquid quod est de essentia eius ; potest tamen per aliquid accidens ei , ut patet de gravi : per naturam suam natum est esse deorsum , tamen per accidens potest esse sursum. Sed illud non solvit , quia grave est sursum violenter, et nullum violentum aeternum , ut probatur libro Caeli et Mundi (5) ; similiter dicam de intellectu , 3 quod , si violenter separetur a materia " , hic erit violenter, etc. Sed dicendum de intellectu possibili sicut de anima ipsa , quod , sicut anima humana medium tenet inter formas penitus materiales et penitus immateriales [ fol . 80 ] , ut vult THEMISTIUS (6) et AVERROES (7) , ita quod partim est materialis et partim immaterialis, et per consequens partim educitur de potentia materiae , et par tim non, similiter dicendum de intellectu possibili . Et est notandum quod Aristoteles (8) vocavit intellectum immaterialem quia omne receptivum ali cuius est denudatum a natura recepti ; et cum intellectus non recipit mate riale sed universale et immateriale , ideo immaterialis est (9) .

I ms

coniuctus .

ms = essentiam .

ms = ab intellectu.

(1 ) ARIST. , De AnimalII , 4 (430 a 2 sqq .) . (2) ARIST., De Anima III , 4 (430 a 7-8) . (3) La référence semble inexacte : les passages du livre I où il est question de l'intellect sont plutôt averroïstes : voyez la qu . 2 , p . 27 ; la qu . 15 , p . 48. Seule la qu . 7 du livre II pour rait être visée par cette citation . (4) S. THOMAS , De Unitate Intellectus III , p . 317 a , 318 b , 319 a. Cfr Sum. theol. I , Q. 76, 1 , ad 6 . (5) ARIST. , De Caelo I , 2 (269 b 6 sqq .) . (6) Voyez THEMISTIUS , De Anima VI , 5 ( 100 , 35 sqq . ) et la suite du chapitre , spécialement : 106, 28 sqq .; 107 , 24 sqq . (7) AVER., Physic . II , 26 (59 C-D) . (8) ARIST., De Anima III , 4 ( 429 a 15 sqq .) . (9) L'auteur semble mêler ici deux principes : celui qu'il énonce (Omne etc) et l'adage bien

128

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

Ad primum patet ex dictis , quia intellectus est virtus materialis inquan tum est potentia formae perficientis materiam, ut dictum est. Ad aliud dicendum quod aliquid est abstractum a materia dupliciter : vel quia receptivum est formarum abstractarum a materia , vel quia est forma perficiens virtutem abstractam a materia . Unde primo modo intellectus possi bilis est abstractus a materia , secundo modo autem non .

COMMENTUM 2 ( 1 )

Idem autem est secundum actum et scientia , etc. (2) . In ista parte ARIS TOTELES dat tres conditiones intellectus in actu . Prima conditio est quod intel lectus in actu et intellectum in actu sunt idem, quia ipsorum idem est actus. Secunda conditio est quod intellectus in potentia in eodem numero , tempore praecedit intellectum in actu ; in diversis autem, intellectus in actu praecedit intellectum in potentia , sicut est de potentia passiva materiae et etiam de potentia activa . Tertia conditio intellectus in actu est quod actu semper intel ligit, et non quod quandoque , et quandoque non : et in hoc differt ab intel lectu agente , quia ipse quandoque actu intelligit et quandoque non , ut postea patebit . Et hoc est contra AVICENNAM (3) et quosdam modernos qui ponunt quod intellectus in actu potest quandoque non intelligere , manentibus spe ciebus intelligibilibus apud intellectum ; et exponunt illud quod ARISTOTELES dicit de intellectu in actu , de intellectu agente .

QUAESTIO 5 UTRUM OMNE RECEPTIVUM ALICUIUS DENUDETUR AB EO QUOD RECIPIT

Consequenter quaeritur de medio per quod probat intellectum esse imma et est quod omne receptivum alicuius denudetur ab eo quod reci

terialem

pit ; quod non videtur, quia virtus phantastica non denudatur a formis mate rialibus, et tamen recipit eas . 2. Item, organum sensus tactus recipit omnes qualitates tangibiles et tamen non est denudatum ab eis , cum sit corpus mixtum ex quatuor elementis. 3. Item, visum est quod aliud est receptivum primum ut materia , et aliud intellectus possibilis , quia materia recipit formas materiales, intellectus autem

connu : Quidquid recipitur, recipitur ad modum recipientis . Voyez aussi la fin du corpus de la qu. suivante. (1) Voyez la note 1 de la p . 125 . (2) ARIST. , De Anima III , 7 (431 a 1 ) . (3) Voyez à ce sujet le livre II , qu . 19 (p . 82) .

129

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 5

recipit intentiones formarum ; et etiam differunt in modo recipiendi , quia materia¹ recipit et non intelligit , intellectus recipit et intelligit . Ex hoc argui tur : conceditur quod omne receptivum , etc .; et quando dicitur quod intel lectus recipit formas materiales, dicendum quod non recipit essentias forma rum materialium, sed intentiones earum : quare non valet . Oppositum vult ARISTOTELES ( 1 ) . Dicendum quod medium ARISTOTELIS necessario concludit , scilicet quod omne receptivum etc .: quia omne receptivum alicuius denudatur ab eo quod recipit, secundum illum modum quem recipit . Et ratio huius est quia omne quod recipit aliquid receptione nova , est in potentia praecedente actum res pectu illius, quia si non , idem esset in potentia et actu respectu eiusdem, quod est inconveniens . Et vide quod intellectus nihil recipit nisi ex sensatis unde , quamvis intelligat formam substantialem, ipsam non recipit intellectus nisi e sensibus

et ideo intellectus non intelligit substantias separatas sicut

sunt. Et quia intellectus recipit formas materiales ut immixtae sunt materiae , 2 ex hoc tu potes probare quod est immaterialis, tamen ex hoc non potes 3 probare quod non sit forma immaterialis : et ideo nimis extendis demonstra tionem ARISTOTELIS . Ad primum dicendum quod virtus imaginativa non recipit formas mate riales omnes , quia illa quae recipit sensus in praesentia sensibilium, recipit e- [fol . 81 imaginatio in absentia eorum, et sensus non re

] cipit formas mate

riales nisi per accidens , et ideo non valet ratio . t Ad aliud dicendum sicut COMMENTATOR dicit (2) , quod receptivum alicuius denudatur a natura recepti eo gradu quo recipit . Et quando dicitur quod organum tactus non , etc. , dicendum quod immo , quia eo modo quo recipit , quia qualitates in organo sensus tactus sunt remisse . Unde dicit ARISTOTELES (3) quod recipit excellentias qualitatum sensibilium . Ad aliud dicendum quod materia et intellectus differunt in modo reci piendi . Et quando dicitur : ex hoc non concluditur quin sit forma materialis intellectus ipse, intelligendum quod « quod quid est » est illud quod intelli gitur, non tamen est in ipso intellectu, sed intelligitur per speciem suam. Item , virtus quae cognoscit aliquid , oportet quod privetur eo quod cognoscit : dato enim quod cognitum sit ei innatum , quod cognoscat iam illud , non posset cognoscere contrarium : si igitur intellectus cognoscat formas materiales , si in natura sua esset forma materialis , iam impediretur cognitio formarum mate rialium

et ideo , ut cognoscat omnes formas materiales , oportet ipsum pri vari omnibus formis materialibus .

ms = natura .

ms = extendit.

ARIST. , De Anima III , 4 (429 a 15-27) . AVER. , De Anima III , 4 ( 138 A-C) . ARIST. Arist. , De Anima II , 11 (424 a 2 sqq .) .

t

(1 ) (2) (3)

2 ms = potens.

ms = illud.

130

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

QUAESTIO 6 UTRUM FORMA IMMATERIALIS POSSIT NUMERALITER MULTIPLICARI IN SPECIE UNA

Consequenter quaeritur de fundamento COMMENTATORIS . Fundatus est super hoc quod nulla forma separata potest numerari et multiplicari ; et quaeritur utrum forma immaterialis possit numeraliter multiplicari in specie una . Quod sic, videtur, quia omnis forma immaterialis est actu universalis , quia actu intellecta ; et universale est unum in multis . 2. Item, forma immaterialis est species substantiae ; species est quod 1 praedicatur de pluribus differentibus numero in eo quod quid ; ergo , etc. 3. Item, arguitur ratione theologorum agens in cuius virtute non cadit diminutio neque imperfectio , potest facere plures formas separatas in specie . una ; agens primum est huiusmodi .

Oppositum vult ARISTOTELES XIII° Metaphysicae ( 1 ) , et omnes PERIPATE TICI . Verum est quod secundum fidem possunt esse plures formae numero sepa ratae in specie una ; tamen , secundum ARISTOTELEM et omnes philosophos hoc est impossibile . Ratio ad hoc est : forma secundum quod forma, non: multiplicatur, quia non est divisibilis , sed secundum quod recipitur in mate ria ; materia autem similiter non est divisibilis per se , sed per quantitatem : unde V° Metaphysicae (2) dicit ARISTOTELES quod quantum divisibile est primo in partes quae insunt ; et ideo forma ut separata est a materia , non est mul tiplicabilis . Unde dicit ARISTOTELES VII Metaphysicae (3) : generans non ge nerat aliud a se nisi propter materiam : unde similiter, 1º Caeli et Mundi (4) et alibi vult COMMENTATOR quod omnis multiplicatio est per materiam. In entibus igitur liberatis a materia , non est multiplicatio . Item forma, quamvis numeretur ut in materia est , tamen ut intellecta est, est una. Unde unus est intellectus omnium hominum, ut intelliguntur in specie .

Si igitur esse formarum separatarum est esse intellectum et intelligibile , mani festum est quod non possunt , etc. Item, forma quae reperitur in pluribus, potentia tantum est intelligibilis , quia, si esset actu intellecta , esset una et separata ; nunc forma separata a materia, actu est intellecta et intelligibilis , et talis forma una est de neces sitate .

1 Mieux : uno .

(1 ) (2) (3) (4)

ARIST. , Metaph. XIII, 1-2, passim. ARIST. , Metaph . IV , 13 ( 1020 a 7) . ARIST. , Metaph . VI , 8 ( 1034 a 4 sqq .) . Aver. , De Caelo I , 90 (59 C) ; I , 92 (61 C-62 C) .

LIBER TERTIUS. QUAESTIO 7

131

Et istae rationes sunt COMMENTATORIS ( 1 ) , quasi indissolubiles ; tamen oppo situm verum est per fidem . Ad primum dicendum concedendo maiorem. Et quando dicitur quod uni versale est, etc. , dicendum quod alia est ratio universalitatis in istis materia libus et in separatis : quia universale in inferioribus de se non determinatur ad hic et nunc , sed per aliud , ut per materiam ; universale autem in separatis est hic et nunc, nec determinatur ad hic et nunc per aliquid additum ei . Ad secundum dicendum similiter. Ad tertium dicendum quod verum est secundum fidem. Tamen COMMEN TATOR solvit libro Caeli et Mundi (2) : dicit enim quod non posse facere impos sibile non diminuit aliquid a potentia Primi : unde dicit COMMENTATOR quod facere plures substantias separatas in specie una , est impossibile , quia con tradictoria [fol . 81b ] esset hoc facere .

QUAESTIO 7 UTRUM INTELLECTUS SIT IDEM NUMERO IN OMNIBUS HOMINIBUS

Consequenter quaeritur utrum intellectus sit idem numero in omnibus hominibus. Quod sic , videtur : in formis immaterialibus impossibile est esse plures unius speciei , ut probatur superius ; intellectus autem est forma imma terialis , et impassibilis , et impermixtus ; igitur, etc. Item, ARISTOTELES in 1° Caeli et Mundi (3) vult quod si essent plures mundi , tunc essent plures motores numero differentes per materiam ; igitur etc. 2. Item, omnis virtus quae numeraliter multiplicatur, per materiam multi plicatur et numeratur ; si igitur intellectus esset plurificatus per homines , et quidquid recipitur in alio , recipitur per modum recipientis , tunc intellectus recipiens, materialiter et individualiter reciperet . 3. Item, ab eodem dependet esse alicuius et unitas ipsius , quia per quod aliquid est ens , et unum ; nunc , esse intellectus non dependet a corpore humano , quia suum esse est ab extra ; ergo nec unitas . 4. Item, si intellectus meus et tuus sint diversi in numero et idem in specie, si ergo ego intelligo lapidem et tu similiter, iste intellectus est diver sus in numero et idem in specie , et tunc ab isto intellectu contingit abstrahere alium intellectum differentem numero et convenientem specie , et de illo alium, ་ et sic in infinitum , quod est impossibile ; ergo , etc.

( 1 ) Aver . , De Anima III , 5 ( 146 F- 151 C) . (2) AVER. , De Caelo I , 90 (58 L-59 C) ( ?) . (3) ARIST. , De Caelo I , 8-9, passim, spécialement 8 (277 b 9 sqq .) avec le Commentaire W d'Averroès I , 90 (59 A-E) .

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

132

Oppositum arguitur : ad numerationem perfectibilium sequitur numeratio perfectionum ; nunc intellectus est perfectio substantialis hominis ; ergo , etc. 2. Item, quaecumque pertinent ad unam substantiam, si unum numeratur , et reliquum ; nunc vegetativum et sensitivum et intellectivum pertinent ad unam substantiam animae , ut visum est , et vegetativum et sensitivum nume 1 et intellectivum . rantur numeratione hominum ; ergo 3. Item, ponere intellectum esse unum numero in omnibus est tollere retributionem bonorum post mortem, et punitiones malorum , quod est inconveniens . Primo videnda est intentio COMMENTATORIS circa quaestionem istam . Et fuit quod intellectus possibilis non numeratur numeratione hominum . Unde

nomen intellectus potest nominare duo , vel quatuor, scilicet intellectum possibilem, et agentem , et speciem informantem intellectum, et etiam aggrega tum ex intellectu possibili et specie informante : et iste est intellectus in actu , secundum ARISTOTELEM ( 1 ),

et secundum

speculativus ; vel intellectum aggregatum intellectus

agentis ,

et istum vocat

COMMENTATOREM (2) est intellectus' ex intellectu possibili et lumine

COMMENTATOR (3)

intellectum

adeptum.

Intellectum autem in actu sive intellectum speculativum dicit COMMENTATOR (4) numerari numeratione hominum, et etiam corrumpi sicut phantastica ipsa ; intellectum autem possibilem dicit non numerari numeratione hominum : et ex hoc motus fuit, quia intellectus possibilis immaterialis est, et multiplicatio omnis est per materiam : unde dicit quod e contrario est de visu et intellectu : quia virtus visiva est in nobis, ideo visibilia uniuntur nobis ; e contrario est de intellectu . Sed arguatur quod intellectus speculativus non numeretur numeratione hominum , et etiam quod intellectus possibilis non sit unus numero in omni bus hominibus , per rationes quas ponit COMMENTATOR (5) contra seipsum. Quia , si substantia intellectus agentis qui movet intellectum possibilem, et etiam substantia intellectus possibilis qui movetur sit aeterna , ergo et intel lectum erit aeternum sive intellecta : sicut si motor est aeternus , et motus , et etiam motum erit aeternum ; sed intellecta non sunt aeterna , ut manifes tum est ; ergo , etc. 2. Item , scientia est perfectio postrema intellectus possibilis , et unius per fectibilis , una erit perfectio : ergo , si intellectus sit unus numero , non potest . pluribus scientiis perfici , quod est inconveniens .

1 ms

ergo.

( 1 ) ARIST. , De Anima III , 4 (429 b 29 sqq . ) ; III , 5 ( 430 a 19-20) ; III , 7 (431 a 1 sqq . ) . (2) (3) (4) (5)

AVER. , AVER. , Aver., AVER . ,

De De De De

Anima III , 5 ( 140 B) et passim . Anima III , 5 ( 152 C) ; III , 36, passim. Anima III , 5 ( 148 C sqq .) . Anima III , 5 ( 141 A-E ; 142 A-B ; 147 C- 148 C) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 7

133

3. Item, impossibile est uni motori simul et in uno tempore uti pluribus instrumentis ; nunc , intellectus est quasi motor virtutis phantasticae , et virtus ra phantastica quasi instrumentum ; nunc autem videmus diversos [ fol . 81 ™ª ] homines diversa intelligere ; igitur, etc. Ad istas rationes respondet COMMENTATOR ( 1 ) . Ad primam, cum dicitur quod si agens est aeternus, etc , verum est secundum COMMENTATOREM quod intellectus agens, et etiam possibilis, uterque est aeternus ; et dicit quod, quamvis intellectus possibilis denudetur a phantasmatibus istius hominis , non tamen denudatur a phantasmatibus simpliciter

et ratio huius est quod , ut

dicit COMMENTATOR (2) , nos invenimur intelligentes in potentia dupliciter... ' . Ad secundum dicit COMMENTATOR (3) quod , quia alia sunt phantasmata in me et in te , et intellectus unitur nobis per phantasmata , ideo alia est unio quae fit in me et in te lectu possibili .

et sic diversa intelliguntur , manente unitate in intel

Ad tertium dicit COMMENTATOR (4) quod, sicut intelligentiae primae corres pondet totum caelum ut unum instrumentum , sic intellectui possibili , quae est intelligentia infima, correspondet tota species humana ut unum instru mentum .

Quamvis via COMMENTATORIS probabilitatem habet , non tamen est vera . Et ducantur rationes contra eam , quia ex positione sua sequitur quod homo non intelligat, sed intelligatur magis . Et arguitur sic primo intellectus se habet ad phantasmata sicut visus ad colores : ergo intellectus non unitur nobis aliter quam colores sensui visus ; sed colores uniuntur visui ita quod videntur , et 2 et non vident ; ergo intellectus sic unitur phantasmatibus , quod intelligitur non intelligit. 2. Item, si dicas quod intellectus est substantia separata a nobis secundum substantiam, ergo intelligere quod est operatio intellectus , aut transit in mate 3 in substantia intelligente ; et si sit operatio riam exteriorem, aut manet transiens in materiam exteriorem, sequitur ut prius quod homo non intelligit sed quod magis intelligitur : quia non dicimus quod domus aedificat , sed 1 aedificatur : similiter substantia intelligente ; et cum ponitur quod sit sub stantia separata secundum esse , ergo et operatio . 3. Item, ab eadem virtute secundum numerum impossibile est procedere duas actiones numero differentes : si ergo Plato et Sortes intelligant unam

' On trouve ici un blanc de deux lignes et demie dans le manuscrit. 4 ms = sim . 3 ms manens . .homo .

(1 ) AVER., (2) AVER. , (3) AVER., -(4) AVER. ,

De De De De

Anima Anima Anima Anima

III , 5 ( 148 C sqq .) . III , 5 ( 148 E-F) . III , 5 ( 152 C-F) . III , 5 ( 149 F sqq . ) .

2 Sous-entendu :

134

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

rem penitus simul , sequitur quod intellectus Sortis et Platonis non sit una virtus . 4. Item , COMMENTATOR ( 1 ) ponit quod intellectus possibilis sit unus numero omnium et quod sit aeternus sicut species humana . Ex hoc arguitur quod nullus hominum nunc existentium possit intelligere : quia non intelligimus nisi ex hoc quod species quae sunt in phantasmatibus recipiuntur in intellectu possibili ; et sequitur hoc quod , quia est unus numero intellectus et recepit omnes species intelligibiles , erit plenus formis. 5. Item, operatio fecit scire formam, et transmutatio materiam, et actio propria formam propriam ; intelligere est propria operatio hominis , tum quia

in hoc distinguitur ab aliis , tum quia in eo consistit ultima felicitas hominis , ut vult ARISTOTELES X° Ethicorum (2) ; ergo ista arguit formam propriam quae est intellectus ; ergo , etc. 6. Item, species existentes in phantasmatibus nostris existunt sub condi tionibus individuantibus ; secundum quod actu sint intelligibiles , necesse est quod sint actu abstractae a phantasmatibus . Si sic , intellectus non potest nobis. uniri¹ per formam , videlicet per speciem intelligibilem quam vocat COMMEN- TATOR (3) formam intellectus speculativi . Igitur, etc. Quidam videntur evadere rationes istas , quasi concedentes conclusiones istas, et dicunt quod intellectus proprie intelligit et homo non intelligit : sicut sensus proprie sentit : unde dicit COMMENTATOR (4) quod intellectus sic unitur nobis sicut substantiae moventes orbes uniuntur suis orbibus . Sed sic sol ventes sibi contradicunt , et contra ipsos non est disputandum ; et iterum, non tenent viam COMMENTATORIS . Contradicunt , quia concedunt isti quod homines percipiant intelligentiam sibi esse unitam , et hoc non possunt nisi in intelligendo per intellectum. Item, contra istos non est disputandum , quia, [fol . 81 ] sicut dicit ARISTOTELES IV° Metaphysicae (5) , qui dicunt quod ter- · minus nihil significat, contra eos non est disputandum, similiter ex ista parte, qui non habent intellectum non intelligent et contra eos non est disputandum. Item , non tenent viam COMMENTATORIS , quia , quamvis COMMENTATOR ponat intellectum possibilem esse substantiam separatam secundum esse , non tamen ponit intellectum intelligere , sed homines per intellectum. Respondendum ad rationem primam COMMENTATORIS super quam erat sus tentatus . Fundamentum eius non potest negari secundum philosophiam , sed . ad hoc quod dicit quod intellectus est immaterialis , aliquid est immateriale

ms = unire .

(1 ) (2) (3) (4) (5)

AVER. , De Anima III , ARIST. , Ethic. Nic. X, AVER. , De Anima III , AVER. , De Anima III , ARIST. , Metaph . III , 4

5 ( 148 sqq . , passim) . 8 ( 1178 b 7 sqq .) . 5 ( 148 C-E) . 5 ( 147 F ; 151 E-F) ( ?) . ( 1006 a 13 sqq . et 21 sqq .) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 8

135

་ dupliciter : aut quia non habet materiam partem sui , aut quia non est actus materiae . Primo modo intellectus est immaterialis , secundo autem modo non est immaterialis . Nec est actus materialis sicut aliae formae materiales , quia viam mediam tenet inter substantias separatas et formas penitus materiales . Et similiter ARISTOTELES (1 ) dicit intellectum esse virtutem animae unde potest intellectus accipi pro anima vel virtute animae solvitur confirmatio rationis .

et per hoc etiam

Ad secundum dicendum , quod concludit quod intellectus est intelligibile in potentia, dicendum quod intellectus numeratur per materiam, sed intel lectus possibilis numeratur per essentiam animae immediate , cuius est virtus ; et verum est quod, si intellectus esset perfectio organi corporalis, tunc esset intelligibilis in potentia. Ad aliud dicendum quod verum est de unitate essentiali et non actuali . Et quando dicitur quod intellectus non dependet ex corpore , verum est , sed magis e converso : et ideo , quantum ad unitatem essentialem non dependet ex corpore quin dependeat ex unitate numerali , ut arguit. Ad aliud dicendum quod ratio non videtur concludere inconveniens , quia in actibus rationis non est inconveniens procedere in infinitum, quia intel lectus intelligit se intelligere, in infinitum ; tamen quod intelligitur est finitum .

QUAESTIO 8

UTRUM INTELLECTUS SIT ALIQUA SUBSTANTIA IN ACTU ANTEQUAM INTELLIGAT

Consequenter quaeritur utrum intellectus noster secundum se sit aliqua substantia in actu antequam intelligat . Et quod sic , videtur, quia dicit ARIS TOTELES (2) quod in anima nostra duplex invenitur potentia , ut intellectus agens et possibilis ; nunc autem, nihil agit nisi secundum quod in actu ; si igitur intellectus intelligit , est aliquid . 2. Item, illud quod est actus corporis antequam intelligat, est aliquid in actu ; sed intellectus noster est huiusmodi ; igitur , etc. 3. Item, prius intellectus in Sorte intelligit in potentia quam in actu et hoc vult ARISTOTELES (3) secundum quod in eodem numero ; cum igitur ens in potentia pura per se non existat, nisi per ens in actu , etc. 4. Item, scientia est perfectio intellectus nostri . Tunc arguitur : illud quod ✰ advenit enti in potentia , dat ei esse substantiale ; si intellectus noster est in potentia tantum , scientia erit eius forma , quod est falsum. (1 ) ARIST. , De Anima passim. (2) ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 10 sqq .) . (3) ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 20 sqq . ) ; III , 7 (431 a 2 sqq .) .

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

136

Oppositum vult ARISTOTELES ( 1 ) quod nihil est in actu ante addiscere . 2. Item, nihil agit nisi secundum quod in actu ; si intellectus noster ante quam intelligat esset substantia in actu , sequitur quod haberet de se speciem intelligibilem , quod non experimur . 3. Item, omne quod est substantia in actu , aut est in actu in genere intel lectualis naturae , aut sensualis naturae ; sed neutro istorum modorum est intellectus in actu , ut patet de se ; igitur , etc. Videtur esse dicendum continuando dictis quod intellectus potest nomi nare ipsam substantiam animae vel virtutem animae . Unde primo modo intellectus est substantia secundum se antequam intelligat, sicut et anima ipsa , cum sit causata a Primo . Secundo autem modo , non . Nec est in genere sensualis naturae in actu , sed in genere intellectualis naturae , non tamen ita quod actu intelligat sine phantasmatibus . Loquendo autem de intellectu secun· dum quod est virtus animae , isto modo non est aliquid in actu antequam informatur specie intelligibili , ut dicit ARISTOTELES : quia si sit actu , intelli geret de se et intelligeretur , quod non experimur in nobis . Sed diceret aliquis quod ARISTOTELES arguit intellectum possibilem esse nihil eorum, etc, ex sensu , et sensus nulla substantia est . Dicendum quod immo , quod sensus est de se substantia in actu , quia perficit [ fol . 82 " ] orga num in quo est ; est tamen virtus materialis . Ad primum in contrarium dicendum quod maior non esset contra COMMEN TATOREM . Dicendum tum continuando praedictis quod concluditur , quod de

anima quae est perfectio ; de intellectu autem qui est virtus animae non concluditur . Ad aliud dicendum similiter . Ad tertium dicendum concedendo maiorem . Et ad minorem, quando dicitur quod ens in potentia pura non existit per se , verum est ; et quando dicitur quod intellectus Sortis antequam intelligat est aliquid actu , COMMEN TATOR concederet, quia concederet quod , quamvis denudatur ab istis spe •

ciebus intelligibilibus , non tamen a speciebus simpliciter. Sed quo modo concludit contra dicta , dicendum quod intellectus non subsistit per se , sed in substantia animae , cum sit virtus eius . Ad illud quod magis est difficile dicendum . Posuit autem AVICENNA (2) quod scientia esset in genere substantiae : unde , si scientia det intellectui possibili esse in actu, cum hoc sit de ratione formae substantialis , sequitur quod scientia sit perfectio et forma intellectus possibilis . Et tamen secundum

ARISTOTELEM scientia est in genere qualitatis et etiam relationis : ideo non potest esse forma intellectus . Et quando dicitur : illud quo aliquid est in actu , est forma eius , dicendum quod scientia non est perfectio intellectus , quia

(1) ARIST. , De Anima III , 4 (429 b 8 sqq .; 429 a 24) . (2) Avicenne enseigne expressément le contraire : Metaph . III , 8 : De Scientia et quod est

accidens .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 9

137

intellectus est instrumentum ipsius animae , cum sit virtus eius ; et quia anima est substantia secundum se antequam intelligat , ideo scientia est accidens substantiae animae et advenit enti in actu ; et similiter , quamvis intellectus sit virtus in potentia , non tamen est substantia in potentia : et ideo non valet ratio . 1 Aliae rationes difficultatem non

habent , et solvatur dictum ARISTOTELIS

ut modo dictum est. Ad rationem dicendum quod , si ratio intelligitur de intellectu secundum quod est substantia animae , sic non concludit , quia sic ei debetur aliqua operatio antequam intelligat , ut perficere corpus . Si autem accipiatur intel lectus pro virtute , sic concludit ratio. Ad aliud dicendum quod intellectus secundum quod est animae virtus , nec est aliquid in genere intellectualis naturae , nec sensualis ; secundum tamen quod est anima, est in genere intellectualis naturae , et anima est aliquid quod est secundum se intelligibile, non tamen a nobis secundum species sensibiles.

QUAESTIO 9 UTRUM ILLUD QUOD PER SE INTELLIGITUR SIT SPECIES INTELLIGIBILIS

Consequenter quaeritur utrum illud quod per se intelligitur sit species intelligibilis recepta in intellectu possibili . Et quod sic , videtur , quia intellectus in actu et intellectum in actu sunt idem ; sed nihil in re est idem intellectui, nisi species intelligibilis ; ergo , etc. 2. Item, dicit COMMENTATOR ( 1 ) quod differunt receptivum primum et intel lectus possibilis, quia receptivum primum recipit formas et non cognoscit, et intellectus possibilis facit : igitur, etc. 3. Item, intellectus virtus passiva est : unde intellectus possibilis movetur ab ipso intelligibili ; nunc , movens et motum simul sunt ; sed nihil movet intellectum possibilem nisi species intelligibilis ; igitur, etc. 4. Item, illud quod per se intelligitur est illud quod per se significatur ; nunc , per vocem non significantur res extra animam , sed species rerum receptae in anima. Oppositum arguitur

ipsa species intelligibilis recepta in intellectu possi

bili ita se habet ad intellectum possibilem sicut species coloris ad visum ; nunc , species coloris non videtur , sed color per speciem. Dicendum quod illud quod per se cognoscitur ab intellectu possibili est

1 ms

non.

(1 ) AVER. , De Anima III , 5 ( 139 B) .

138

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

quod quid est rei , ut dicit ARISTOTELES in II° huius (1 ) , et hoc est substantia composita, subiecta qualitatibus sensibilibus : quia ipsa non cognoscitur per virtutem sensitivam nisi per accidens : ergo ab aliqua virtute superiore ut ab intellectu possibili . Et illud quod quid est, sive substantia ista, non est in intel lectu nisi per similitudinem suam . Ista autem species se habet ad intellectum possibilem sic videlicet sicut movens instrumentale , quia quod quid est extra est movens principale , et ipsum non est simul cum intellectu qui movetur, nisi per similitudinem . Et ideo ista species non est illud quod principaliter intelli gitur, sed est illud quo intelligitur quod quid est , cuius est species seu simili tudo . Et verum est quod ista similitudo ex consequenti potest intelligi , et hoc erit [ fol . 82 ] accessorie , ut dicit COMMENTATOR (2) . Ad primum dicendum quod illud quo aliquid intelligitur et intellectus sunt unum in actu immediate, et non illud quod intelligitur. Vel dicendum quod illud quod intelligitur, mediate est unum cum intellectu possibili . Ad aliud dicendum quod species intelligitur accessorie , ut dicit COMMEN & TATOR (2); quod quid est , per se . Ad aliud dicendum quod non oportet quod movens principale et motum sint simul , sed movens instrumentale , cuiusmodi est species rei . Ad aliud dicendum quod nomina primae impositionis non significant similitudines rerum, sed nomina secundarum intentionum , sive secundarum impositionum .

QUAESTIO 10 UTRUM SPECIES INTELLIGIBILIS SIT REI COGNITIO

Consequenter quaeritur utrum species rei intelligibilis , recepta in intellectu possibili , sit rei cognitio, vel sit id quo intellectus cognoscit . Et quod non sit rei cognitio videtur, quia, quamvis in Primo non differt operatio et prin cipium operationis , in entibus autem causatis differt operatio et principium operationis , quia principium operationis est forma ; nunc species intelligibilis est illud quo intelligitur res. 2. Item , species intelligibilis ita se habet ad intellectum possibilem, sicut species visibilis ad visum ; nunc species visibilis non videtur ; ergo nec spe cies intelligibilis est quod cognoscitur . 3. Item, secundum ARISTOTELEM IX° Metaphysicae (3) , eadem species est per quam intellectus intelligit habitum et privationem, nec est eadem cognitio tamen privationis et habitus ; igitur, etc.

( 1) ARIST . , De Anima II , 6 (418 a 20 sqq .) . (2) AVER., De Anima III , 8 ( 155 D-E) . (3) ARIST. , Metaph. VIII , 2 ( 1046 b 8 sqq . ) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 10

139

Oppositum vult ARISTOTELES VII° Metaphysicae ( 1 ) : ab arte sunt quorum cumque species in anima , et vocat speciem ipsam cognitionem , ut speciem domus, cognitionem eius. Verum est quod aliqui dicunt quod species intelligibilis quae recipitur in intellectu possibili non est cognitio intellectus , sed est principium operationis intellectus et illud quo intelligit ; et similiter dicunt de specie visibili . Tamen mihi ad praesens non videtur hoc, sed quod species intelligibilis sit rei cognitio, quia nihil aliud est in intellectu . ARISTOTELES autem in fine huius capituli (2) ostendit qualiter intellectus educitur de potentia ad actum, et dicit per speciem intelligibilem ; et ex hoc ostendo quod species intelligibilis est quod intelligitur, quia intellectus possibilis non recipit aliquid nisi id ad quod est in potentia . Item , intellectus possibilis non est in potentia nisi ad id quod est actus eius , et intellectus , cum sit in potentia , non reducitur nisi ad dupli cem actum 1 : ad habitum scientiae , qui est scientia , et ad actualiter consi derare

et uterque actus est quod intelligitur. Item, intellectus per se intelligit per se rei quidditatem , et etiam intelligit se intelligere , secundum ARISTOTELEM (3 ) Ex hoc arguitur : quidquid recipitur 2 in intellectu possibili , aliquo modo consequenter intelligitur ab eo , quia intelligere quoddam pati est ; et ab intellectu possibili non cognoscitur ali quid nisi quidditates et actus intelligendi , secundum ARISTOTELEM hic (3) , et quidditates non sunt in intellectu immediate ; ergo solum in intellectu repe ritur species intelligibilis sive ipsum intelligere . Tertio patet hoc ex libro De Sensu (4) : quia similitudo rei recipitur in oculo, ut patet sensibiliter ; et dicit ARISTOTELES ibi quod , quamvis oculus recipiat speciem rei visibilis, non hoc est inquantum cognoscens est, sed inquantum naturam perspicui habet : ergo, cum oculus non recipit nisi spe ciem visibilem, ergo nec intellectus , cum non sit virtus in organo .

Ad primum in contrarium dicendum quod quaedam sunt agentia quorum operationes transeunt in materiam exteriorem, et quaedam quae manent in substantia agente : unde primo modo alia est operatio et principium opera tionis , secundo autem modo non . Unde secundo modo est operatio intellectus, cuiusmodi est intelligere et amare , ut dicitur IX° Metaphysicae (5) . Ad secundum dicendum quod in oculo recipitur imago rei , et non inquan tum cognoscens est , sed inquantum naturam perspicui habet

; sed solum

3 Il y a probablement une lacune ici . On pourrait 29ter ou 9tur. ms = actu . suppléer comme suit : et similiter recipitur in medio ; sed in oculo solum , etc.

(1 ) (2) (3) (4) (5)

ARIST. , ARIST., Arist., ARIST. , Arist.,

Metaph . VI , 7 ( 1032 b 1 sqq .) . De Anima III , 4 (429 b 5 sqq .) . De Anima III , 4 (429 b 9 sqq .; 430 a 2 sqq .) . De Sensu et Sensato 2 (438 a 12 sqq .; 438 b 2 sqq .) . Metaph . VIII, 7 ( 1050 a 33 sqq .) .

140

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

species visibilis . Et ad probationem dico quod receptum est in recipiente per modum recipientis : unde species recepta in medio non cognoscitur, quia medium non cognoscit , oculus tamen cognoscit : quare non eodem modo recipitur in medio et oculo . Ad aliud dicendum quod , sicut species est una privationis et habitus , ita et cognitio privationis [ fol . 82 ] et habitus est una : non una formaliter , sed una ordinatione , quia una ordinatur ad aliam.

QUAESTIO II UTRUM SPECIES INTELLIGIBILES MANEANT APUD INTELLECTUM CUM ACTU NON CONSIDERAT

Consequenter quaeritur utrum species intelligibiles possint manere apud intellectum possibilem cum actu non consideret . Et quod non , videtur : quia activo praesente passivo , de necessitate fit actio ; tunc , cum species intelligi bilis sit praesentialiter¹ apud intellectum, fit intellectio . 2. Item , species intelligibilis est rei cognitio : ergo non potest manere apud intellectum, non intelligente intellectu . 3. Item, in virtutibus sensitivis non est eadem virtus recipiens species et conservans : igitur nec in virtutibus intellectualibus . Oppositum arguitur : quia , si non ita esset , sequitur quod intellectus esset in potentia sicut fuit ante addiscere vel invenire , quod est falsum. 2. Item, vult ARISTOTELES ( 1 ) quod habitus scientiae remanet apud intel lectum post actualem considerationem ; et scientia est actus aliquis , cum sit perfectio . De isto contradicebant ARISTOTELES et AVICENNA. Dixit autem AVICENNA (2) quod, cum intellectus non intelligat , non manent species intelligibiles : et ex hoc motus fuit quod , praesente activo passivo , necessario fit actio ; et posuit in sphaera activorum et passivorum intelligentiam motricem, ad quam con vertens se intellectus, intelligit ; et quando divertit se intellectus ab illa intel ligentia, non intelligit. Sed illud est contra ARISTOTELEM , et est idem cum positione PLATONIS . Iterum , si hoc est verum , tunc illi quorum intellectus magis remotus est a phantasmatibus sensibilibus , magis intelligerent : quod est falsum , intelligere nostrum est cum phantasmatibus .

quia

1 praesenter.

(1 ) Arist., De Anima III , 4 (429 b 5 sqq .) . (2) AVICENNE, De Anima, surtout V, 6 , B-D (26ra_26va) . Voyez ci-dessus, livre II , qu . 19.

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 12

141

Item , nihil recipitur in intellectu nisi quod recipitur in virtutibus sensi tivis ; et cum illa intelligentia quam ponit AVICENNA non sit animata et sen sata, non movebit sensum nostrum ; igitur, etc. Ideo dicendum quod species intelligibilis non est aliud nisi cognitio rei , ut dictum est . In intellectu autem duplex requiritur actus

recipere et intel ligere . Similiter in intellectu duplex est habitus , primus et secundus : primus est habitus scientiae , secundus autem est actualis consideratio . Unde species intelligibilis secundum esse habituale potest manere apud intellectum , quamvis actu non consideret . Et voco esse habituale inclinationem quam habet intel lectus ad speciem intellectualem . Ad primum ' dicendum similiter , et ad secundum 2 dicendum quod duplex est cognitio, scilicet habitualis et actualis , sicut et prius . 3 Ad tertium dicendum quod in virtutibus materialibus eadem virtus non potest esse bene receptiva et conservativa ; sed quia intellectus est virtus immaterialis, ideo potest esse bene receptiva et conservativa : quare non concludit ratio .

QUAESTIO 12 UTRUM IN REBUS MATERIALIBUS SIT IDEM QUOD QUID EST CUM EO CUIUS EST

Consequenter quaeritur circa capitulum secundum : Quoniam autem aliud est magnitudo, etc. ( 1 ) . Et quaeritur utrum in rebus materialibus sit idem quod quid est cum eo cuius est . Et quod sic , videtur secundum ARISTOTELEM, VII° Metaphysicae (2) : dicit quod in dictis secundum se , idem est quod quid est cum eo cuius est , in dictis autem secundum accidens , non ; nunc autem homo et magnitudo sunt entia dicta secundum se ; ergo , etc. 2. Item, definitio significat quod quid erat esse rei : ita nomen speciei signum est suae definitionis in materialibus , ut dicit ARISTOTELES (3 ) , nam ratio cuius nomen est signum, definitio est ; igitur in rebus materialibus idem est, etc. 3. Item, in VII° (4) dicit ARISTOTELES quod ad quod quid est speciei non pertinet aliud nisi materia et forma ; item, in VIII ° eiusdem (5) dicit quod ad definitionem pertinent materia et forma ; igitur, etc.

ms = secundum .

ms = tertium .

ms

quartum .

(1 ) ARIST. , De Anima III , 4 (429 b 10) . (2) ARIST. , Metaph . VI , 6 ( 1031 a 19 sqq . et 28 sqq .) . (3) ARIST. , Metaph. VI , 10 ( 1035 a 7 sqq . ) ; VI , 11 ( 1036 a 28-29) , etc. Cfr S. THOMAS , Comment. in Metaph. VIII , lect. 3 ( 1710 de l'édition du P. Cathala) . (4) ARIST., Metaph . VI , 10 ( 1035 a 1 sqq .; 1035 b 28 sqq . ) et passim. (5) ARIST., Metaph . VII , 3 ( 1043 a 29 sqq . , surtout b 29 sqq .) .

142

PREMIERE PARTIE. LES QUAESTIONES DE ANIMA

Oppositum dicit ARISTOTELES in littera ( 1 ) , quod aliud est magnitudo et magnitudinis esse . 2. Item, VIII° Metaphysicae (2) dicit ARISTOTELES quod idem est anima et animae esse , et non homo et hominis esse : igitur , etc. Intentio ARISTOTELIS est quod in materialibus quaedam sunt dicta secun dum se et quaedam secundum accidens . Et intelligo dicta secundum se , quae

non includunt aliqua duo quorum unum alteri accidit , ut homo ; sed cum dico : homo albus , dico duo quorum unum alteri accidit . Unde in illis quae dicuntur secundum se in materialibus , idem est quod quid est cum eo cuius est non

ut idem est homo et suum quid est . In dictis autem secundum accidens , ut homo albus et suum quod quid est . Per hoc patet ad [ fol . 82 ] quaestionem : quia in quibusdam materialibus

idem est quod quid est cum eo cuius est , ut in dictis secundum se ; in quibusdam autem non , ut in dictis secundum accidens . Dicta secundum accidens sunt ut homo albus , Sors et Plato , et singularia , quia singularia includunt quod quid est speciei et , cum hoc , principia individuantia . Et ideo idem est magnitudo et magnitudinis esse , et caro et carnis esse , absolute , non autem ut singu lariter accipitur. Sed in rebus immaterialibus separatis a materia secundum esse , sive dicantur singulariter , sive universaliter , idem est quod quid est cum eo cuius est ipsum quod quid est, quia in eis nihil accidens est . Et hoc vult ARISTOTELES hic, quamvis ponat exemplum in oppositum, de carne et carnis esse . Ad primum dicendum quod bene concludit , modo universali. Et similiter ad secundum. Et in VIII Metaphysicae intendit de rebus singulariter dictis , et innuit ARISTOTELES hic quod ad rationem singularium pertinent principia indivi duantia .

QUAESTIO 13 UTRUM INTELLECTUS POSSIT INTELLIGERE SINGULARE

Consequenter quaeritur utrum intellectus possit intelligere singulare sub ratione singularis . Et quod non , videtur , quia intellectus se habet ad univer sale sicut sensus ad singulare : ergo permutatim , etc.; sed sensus non com prehendit universale : ergo nec intellectus singulare . 2. Item, intellectus immaterialis est, et singulare , materiale ; et materiale

non agit in immateriale : igitur singulare non movebit intellectum. 3. Item, receptum est in recipiente per modum recipientis et non per

(1 ) Arist., De Anima III , 4 (429 b 10) . (2) Arist. , Metaph . VII , 3 ( 1043 b 2-3) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 14

143

modum recepti ; nunc , intellectus recipiens est abstractus a materia ; ergo et illud quod in eo recipitur ; sed singulare non est abstractum ; igitur , etc. Oppositum vult ARISTOTELES hic ( 1 ) , quod alia virtute intelligit homo car nem et carnis esse , aut eadem aliter se habente . Dicendum quod universale et singulare duplicem possunt habere cogni tionem in nobis : uno modo propriis rationibus et distinctis , alio modo non propriis rationibus, sed unum in comparatione ad aliud . Unde primo modo diversis virtutibus comprehenduntur, quia universale secundum quod huius modi differt ab ipso singulari , et e converso . Si autem intelligamus universale in comparatione ad singulare , intelligemus ea unica virtute : cuius ratio est quia omnis virtus cognoscens differentias aliquorum extremorum , de necessi tate cognoscit extrema illa ; nunc autem intellectu cognoscimus differentias inter singulare et universale ; ergo et extrema illa ; igitur, etc. Et hoc vult ARISTOTELES in II ° huius (2) : dicit enim quod una virtute cognoscimus album et dulce , ut sensu communi . Et quamvis intellectu cognoscimus universale sub ratione universali et singulare sub ratione singulari, hoc est intellectu aliter et aliter se habente , ut vult ARISTOTELES hic quia cognoscimus uni versale linea recta et singulare per lineam reflexam , quia intellectus directe fertur in quod quid est , quod est universale , indirecte autem et quasi incur vando in singulare fertur . Ad primum dicendum quod in virtutibus activis ordinatis secundum supe rius et inferius, quidquid potest inferius , et superius , et plus : ut patet de homine et sole respectu generationis Sortis . Similiter dicam de virtutibus pas sivis , ut de sensu et intellectu , cum sint ordinata . Et similiter tu non com mutas, quia in commutata proportione , primum debet comparari ad tertium , et secundum ad quartum, et tu comparas primum ad quartum, et sic male . Ad secundum dicendum quod materiale directe non agit in immateriale ; potest tamen indirecte , ut patet de abstractis a materia , ut substantiae sepa ratae : non agunt in intellectum nostrum directe , sed indirecte . Similiter dicam de singulari respectu intellectus . Ad aliud dicendum quod verum est , quod directe recipitur.

QUAESTIO 14 UTRUM RES MATHEMATICAE POSSINT INTELLIGI PRAETER MATERIAM SENSIBILEM

Consequenter quaeritur utrum res mathematicae possint intelligi praeter materiam sensibilem . Et quod non , videtur, quia , ut [ fol . 83ra ] dicit ARISTO

(1 ) ARIST., De Anima III , 4 (429 b 13) . (2) ARIST. , De Anima III , 1 (425 a 21 sqq .) .

144

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

TELES hic ( 1 ) quod , sicut res sunt separatae a materia , sic intelliguntur ; cum res mathematicae non sint separatae a materia , etc. 2. Item, quando intellectus intelligit aliter quam se habent res , falsus est ; cum igitur intellectus intelligat res mathematicas absolute , cum non sint , falsus erit . 3. Item, sicut extra essentiam mathematicae est materia sensibilis , sic et extra essentiam naturalium ; sed res naturales non intelliguntur praeter mate riam sensibilem ; ergo nec mathematicae . Oppositum vult ARISTOTELES II° Metaphysicae (2) et hic (3) . Dicendum quod res mathematicae possunt intelligi praeter materiam sen sibilem, res naturales non . Et ratio huius est quia materia sensibilis dicitur ex hoc quod subiecta est qualitatibus sensibilibus ; sed substantiam compositam immediatissime consequitur quantitas , ita quod quibusdam videbatur quod quantitas praecessisset substantiam ; et qualitates sensibiles insunt substantiae mediante quantitate : ita quod quantitas prior est qualitatibus sensibilibus , et prius potest absolvi a suo posteriore et prius intelligi ; et qualitates sensibiles non sunt sine materia sensibili . Res autem naturales non possunt intelligi sine materia sensibili , quia res naturales producuntur in esse per motum et transmutationem quae fit per qualitates sensibiles , quia generationem univer saliter praecedit alteratio , quae est circa subiectum sensatum in actu : et ideo res naturales non possunt intelligi sine materia sensibili . Ad primum dicendum quod ARISTOTELES vult quod , quanto res magis immateriales sunt , tanto magis intelligibiles sunt secundum se ; et quia mathe matica separata sunt a materia secundum essentiam, quamvis non secundum 1 neque sunt esse, ideo magis intelligibilia quam naturalia , quia naturalia separata secundum esse , neque secundum essentias : et ideo non similiter abstrahuntur mathematica et naturalia . Et quia mathematica coniuncta sunt materiae sensibili secundum esse et separata secundum essentias , ideo maxime proportionalia sunt intellectui nostro, et ideo in eis certissimae fiunt demon strationes, ut dicit COMMENTATOR (4) . Et quamvis naturalia non abstrahuntur a materia sensibili simpliciter, abstrahuntur tamen a materia sensibili individuali signata et hac . Ad secundum dicendum quod maior vera est de intellectu componente et dividente . Et ad minorem dicendum quod , quamvis mathematica non sint abstracta a materia sensibili secundum esse , sunt tamen secundum essentiam , et ideo non intelligit intellectus ea aliter quam sint .

ms = materialia . (1) ARIST., De Anima III , 4 (429 b 21-22) . (2) ARIST. , Metaph. I minor, 3 (995 a 14 sqq . ) . Cfr I , 8 (990 a 14 sqq .) ; VI , 11 ( 1036′ b 33 sqq . ) ; VI, 10 ( 1036 a 9 sqq . ) ; XII , 3 ( 1077 b 15-1078 b 9) . (3) ARIST. , De Anima III , 4 (429 b 18 sqq .) . (4) AVER. , Metaph. II, 16 (35 K-L) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 15

145

Ad tertium dicendum quod per materiam sensibilem possumus tria intel ligere , scilicet : materiam sensibilem individuatam et hanc ; vel aggregatum ex esse materiae et qualitatibus sensibilibus ; vel essentiam materiae ut subiecta est qualitatibus sensibilibus et transmutationibus . Unde , duobus pri mis modis accepta materia , extra essentiam est rerum naturalium , et sic ad earum 1 quod quid est non pertinet ; ultimo autem modo , pertinet.

QUAESTIO 15 UTRUM NECESSARIUM SIT PONERE INTELLECTUM AGENTEM

Consequenter quaeritur de intellectu agente . Et primo utrum necessarium - sit ponere intellectum agentem . Et quod non , videtur , quia non est necesse ponere sensum agentem : ergo nec intellectum agentem . 2. Item, ut dicit ARISTOTELES ( 1 ) , phantasmata se habent ad intellectum possibilem sicut sensibilia ad sensum ; sed sensibilia movent sensum sine agente activo ; ergo , etc. 3. Item , quod recipitur in alio , recipitur per modum recipientis ; phan tasmata recipiuntur in virtute phantastica et intellectu : ergo per modum eorum ; sed virtus phantastica materialis est et intellectus possibilis , imma terialis ; ergo per modum eorum reperitur in eis sine alio agente . 4. Item, quando aliqua duo obiecta aliquarum virtutum in esse sunt coniuncta , possibile est unam virtutem comprehendere alterum absque reli quo, ut patet de dulci et albo in lacte ; ipsum quod quid est coniunctum est principiis individualibus quae comprehenduntur sensu sine alio , et quod quid est, intellectu . Oppositum [fol . 83 ] ostendit ARISTOTELES (2) , quia in omni eo quod ali quando reperitur in actu et aliquando in potentia , necesse est ponere aliquid quo fit in actu , etc. Sed si dicas quod sic est de sensu , dicendum quod non ,

ut patebit . PLATONI non fuit necesse ponere intellectum agentem , quia posuit quod quid est rerum secundum esse abstractum et actu de se intelligibile . Sed illud satis reprobatum est , ut in VII° Metaphysicae (3) , quia substantia uniuscuiusque non est separata ab unoquoque , ut probatum est VII° Metaphysicae . AVEMPACE (4) posuit quod intellectus agens non est necessarius propter

1 ms - eorum .

(1) (2) (3) • (4)

Arist . , De Anima III , 7 (431 a 14-15) . ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 10 sqq .) . ARIST. , Metaph . VI , 8 , 13 , 14, 15 . Probablement d'après AVER . , De Anima III , 19 ( 162 C) et 36 ( 178 E-F et 180 E sqq .) .

146

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

obiectum intelligibile > ' , sed propter intellec

et hoc similiter

posuerunt et THEMISTIUS ( 1 ) et THEOPHRASTUS (2) . Dixerunt etiam quod spe cies intelligibilis de se non recipitur in intellectu possibili , et quod intellectus agens est substantia separata , sicut est intelligentia in superioribus ... 2. Sed illud est contra ARISTOTELEM (3) , quia , secundum ARISTOTELEM , in intellectu possibili recipiuntur species intelligibiles , et < dicit > quod ex eis fit unum in actu . Item , intellectus possibilis tantum est virtus passiva , et ipsum quod quid est existens in singularibus , tantum potentia est abstractum . Ideo , secundum ARISTOTELEM intellectus agens necessarius est propter obiectum et propter virtutem intellectivam

propter obiectum , propter rationem quae dicta est ;

item , propter intellectum possibilem, quia respectus intellectus agentis ad intellectum possibilem est sicut respectus lucis ad diaphanum ; sed diapha num non est actu illuminatum , nisi per lucem ; ergo nec intellectus nisi per intellectum agentem . Et hoc potest haberi ex verbis Aristotelis (4) : dicit quod intellectus agens se habet ad intellectum possibilem sicut ars ad mate riam ; sed ars dat formam materiae . Item , ut dicit COMMENTATOR (5) quod intellectus agens comparatur ad possibilem ut lumen, et hoc propter intel lectum possibilem . Ad rationem primam dicendum quod non est simile , quia sensibilia de se sunt actu sensibilia , obiectum intellectus non , quia intellectus abstractus est et ipsum quod quid est est coniunctum principiis individuantibus ; et ideo , etc. Ad aliud dicendum quod est ut sic et est ut non . Propter tantum est simile , quia sensus non sentit actu nisi cum sensibilia sint praesentia actu, nec intellectus intelligit nisi praesentibus intelligibilibus . Sed in tantum dissi mile est, quod sensibilia , actu sunt sensibilia , intelligibilia non . Ad tertium dicendum quod intellectus possibilis virtus passiva , et educitur de potentia ad actum ex per se obiecto suo , et phantasma [ quod ] est in virtute phantastica individualiter, et ideo non habet virtutem movendi intelCORE. lectum possibilem de se , cum intellectus sit virtus abstracta

et ideo indiget

alio movente ipsum : et ideo phantasma existens in virtute phantastica non movet intellectum possibilem, ut ibi existit . Et quando dicitur : quare non potest intellectus accipere ipsum quod quid est distincte a principiis individuantibus, sicut visus potest dulce ab albo ?

¹ Coupé par le couteau du relieur. le manuscrit.

2 On trouve ici un blanc d'une ligne et demie dans

( 1 ) Probablement d'après AVER. , De Anima III , 20 ( 163 A sqq . ) ; 36 ( 179 A sqq . ) . Cfr THE MISTIUS, De Anima VI , 5 (98-99) . (2) Voyez la note précédente . (3) ARIST. , De Anima III , 4 (430 a 4-5) ; III , 5 (430 a 19-20) . (4) Arist. , De Anima III , 5 (430 a 12-13) . (5) AVER. , De Anima III , 5 ( 146 D-E) ; III , 18 ( 161 D) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 16

147

Dicendum quod non est simile , quia album et dulce , sive coniuncta sint sive non, agunt particulariter , et non mutant modum agendi in visum ; sed non sic est de principiis individuantibus : quia , ut quod quid est coniunctum est principiis individuantibus, habet modum agendi individualiter ; ut separatum est ab eis , agit universaliter : et ideo non est simile de sensibili et intelligibili .

QUAESTIO 16 . UTRUM INTELLECTUS AGENS SIT HABITUS INTELLECTUS POSSIBILIS

Consequenter quaeritur utrum intellectus agens sit habitus intellectus pos sibilis. Et quod sic , videtur per intentionem ARISTOTELIS ( 1 ) : dicit enim quod intellectus agens est habitus ut lumen . Item, dicit quod se habet ad possibilem ut ars ad materiam ; sed ars est cognitio materiae ; igitur , etc. 2. Item, per rationem arguitur : omne quod fit , fit a sibi simili in specie ; sed omnes habitus intellectuales fiunt ab intellectu agente in intellectu possi bili ; ergo intellectus agens convenit cum ' habitibus intellectualibus . 3. Item , omne quod movetur ad aliquid, partim [ fol . 83 ] habet de eo ; sed intellectus possibilis movetur ad habitus intellectuales : ergo partim habet de eis ; sed non habet aliquid nisi de intellectu agente ; igitur, etc. Oppositum vult Aristoteles (2) quia intellectus possibilis est quo est omnia fieri et intellectus agens quo est omnia facere , etc. Aliqui dixerunt quod intellectus agens est habitus intellectus possibilis , et diversificati sunt : quidam enim dixerunt quod est habitus acquisitus et qui dam ut innatus . Sed neutri verum dixerunt : quia non potest esse habitus innatus , quia sic intellectus possibilis non esset sicut tabula nuda ; item, nec potest esse habitus acquisitus , quia omne quod recipitur in intellectu nostro , tantum est potentia intelligibile , et cum intellectus possibilis sit tantum in potentia, non vadit ad actum intelligendi de se . Aliqui ponebant intellectum agentem esse substantiam separatam, ut THEMISTIUS et THEOPHRASTUS et etiam AVICENNA . Sed hoc est contra ARISTO TELEM . Dico igitur quod intellectus agens est potentia quaedam animae nostrae , et non est substantia separata . Ad primum dicendum quod dicit ARISTOTELES , scilicet quod intellectus agens est, etc. : dicendum quod pro tanto dixit ARISTOTELES quod , sicut dia phanum actu non recipit colores nisi mediante lumine , sic intellectus possi bilis non recipit intelligibilia nisi cum actu illuminentur ab intellectu agente.

ms = cût.

(1 ) ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 15) . (2) ARIST., De Anima III , 5 (430 a 14-15) .

148

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

Et cum dicit quod intellectus agens se habet ad possibilem ut ars ad materiam , pro tanto vult quod ita sit , quia , sicut ars facit formam existentem in potentia in materia ipsa, actu formam, sic intellectus agens species intelligibiles exis tentes in virtute phantastica potentia intelligibiles , actu intelligibiles . Ad rationem dicendum quod non est necesse quod omne quod fit fiat a sibi convenienti formaliter universaliter , sed aliquando virtualiter, aliquando formaliter : formaliter , ut homo ex homine , virtualiter , ut calidum ex sole . Ad aliud dicendum quod omne quod movetur, cum actu motum est , partim habet de termino a quo et partim de termino ad quem ; sed ante moveri et motum esse , non est hoc verum.

QUAESTIO 17 UTRUM INTELLECTUS AGENS ET POSSIBILIS SINT POTENTIAE EIUSDEM SUBSTANTIAE ANIMAE

Consequenter quaeritur utrum intellectus agens et possibilis sint potentiae eiusdem substantiae animae . Quod non , videtur : ubi ARISTOTELES ( 1 ) deter minat de intellectu agente et possibili , dicit quod intellectus agens et possi bilis sunt impassibiles , et differunt in hoc quod intellectus agens est in actu secundum substantiam suam, intellectus possibilis non

ex hoc arguitur : nihil

unum et idem simul est in actu et potentia ; sed intellectus agens de se est in actu et intellectus possibilis in potentia ; igitur, etc. 2. Item, in substantia simplici non possunt activum et passivum esse , cum sint contraria ; sed anima est simplex ; ergo , etc. 3. Item , intellectus agens est in actu respectu intelligibilium , intellectus possibilis in potentia respectu intelligibilium ; sed impossibile est eandem substantiam simul esse in actu et in potentia . Oppositum vult ARISTOTELES hic (2) : vult quod in omni eo quod aliquando est in actu et aliquando in potentia , necessarium est esse quo est in potentia et quo in actu et hoc est intellectus agens et possibilis respectu animae. Aliqui ad hoc dixerunt quod intellectus agens et possibilis sunt eadem substantia animae , et habet rationem possibilis secundum quod unitur cor pori et rationem agentis habet secundum quod separatur . Sed hoc est contra ARISTOTELEM , quia , sicut intellectus agens est impassibilis et immixtus, sic et intellectus possibilis . Et ideo credo esse dicendum quod intellectus agens et intellectus possibilis sint diversae potentiae animae ; tamen sunt potentiae eiusdem substantiae animae . Quod patet , quia , secundum COMMENTATOREM (3) ,.

(1 ) ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 17 sqq .) . (2) ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 10 sqq . ) . (3) AVER. , De Anima III , 18 ( 161 D -E ) .

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 18

149

-duas operationes animae experimur in nobis, abstrahere intelligibilia et per 1 cipere intelligibilia , quae differunt inter se ; et etiam obiecta istorum diffe runt, quia obiectum virtutis abstrahentis est phantasma singulare , obiectum recipientis est phantasma abstractum : et ideo differunt istae potentiae . Et quod sint potentiae eiusdem substantiae animae patet , quamvis aliqui dicant quod Primum illuminat intellectum possibilem. Quod stare non potest, imme diate , quia [fol . 83b ] agentia universalia non determinantur ad operationem nisi per aliquid determinans . Primum est universale agens , et corpora supe riora similiter ; ergo, etc. Item , illud quo aliquid operatur , non potest esse separatum in esse ab eo ; sed experimur in nobis duas operationes , scilicet extrahere et recipere intelligibilia ; illa ergo quibus exercemus istas opera tiones non possunt esse a nobis separata : et sunt intellectus agens et possi bilis ; igitur, etc. Ad primum dicendum quod actus et potentia pertinent ad eandem sub stantiam : aliquando enim aliquid est in potentia ad aliquid et aliquando in actu .

Ad aliud dicendum quod quaedam sunt activa et passiva quae agunt et patiuntur in transmutando , communicantia in materia , et talia contraria sunt ; alia sunt activa quae agunt et patiuntur non transmutando , cuiusmodi est intellectus agens et possibilis . Et similiter in alio deficit , quia non sunt activa et passiva respectu eiusdem, quia agens activus est respectu intelligibilium. Ad aliud dicendum quod eadem substantia potest esse in potentia et in actu per diversas potentias ; et verum est quod una potentia non potest simul et semel esse in potentia et in actu . Item, intellectus agens est in actu ad intelligibilia ut singularia sunt et prout existunt in organo phantasiae ; intel lectus possibilis est in potentia respectu intelligibilium ut sunt universalia : et sic non sunt in potentia et actu respectu eiusdem .

QUAESTIO 18 UTRUM INTELLECTUS AGENS , IN ABSTRAHENDO PHANTASMATA, INTELLIGAT EA

Consequenter quaeritur utrum intellectus agens , in abstrahendo phantas · mata , intelligat ea . Et quod sic, videtur , quia dicit ARISTOTELES ( 1 ) quod non quandoque intelligit et quandoque non , sed semper. 2. Item, quando sunt moventia ordinata , omnia intermedia habent ratio nem moventis et moti ; in cognitione nostra, primum est sensibile , ultimum ..est intellectus possibilis , medium, intellectus agens . 3. Item, operatio proportionatur substantiae , ita quod , sicut operatio vir

(1 ) ARIST. , De Anima III , 5 (430 a 22) .

150

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

tutis sensitivae est sentire , sic operatio virtutis intellectivae , intelligere ; sed intellectus agens est virtus intellectiva ; ergo , etc. Oppositum vult ARISTOTELES ( 1 ) , quia intelligere in quodam pati consistit ; sed intellectus agens , secundum quod agens , non patitur ; ergo , etc. Dicendum quod operatio non est attribuenda virtuti , sed substantiae me diante virtute , sicut quod visus videat et intellectus intelligat : ergo nec dicen dum est quod intellectus agens abstrahat , sed quod anima intellectiva per intellectum agentem ; et etiam animae intellectivae attribuitur recipere intel ligibilia per intellectum possibilem. Et istae duae operationes, scilicet abstra here et recipere , faciunt unam operationem intelligendi , quia actio et passio sunt motus unus , et motus unus terminatur ad unum terminum . Et ideo non possumus attribuere operationem intelligendi intellectui agenti sicut recipienti ; sed si ei aliquo modo attribuatur, hoc erit agenti instrumentali et improprie . Ad primum dicendum quod expositores dicunt quod ARISTOTELES non intelligit hoc de intellectu agente , sed de intellectu in actu , qui compositus est ex intellectu possibili et specie intelligibili , et iste semper intelligit . Ad aliud dicendum concedendo maiorem . Et quando dicitur quod intel lectus possibilis est ultimum motum et sensibile primum et agens medium, dicendum quod intellectus agens non est medium inter sensibile et intellectum possibilem : quia virtutes inferiores semper sunt minus nobiles : ergo, si intel lectus agens esset medium , etc. , esset minus nobilis quam intellectus possi bilis ; cuius contrarium vult ARISTOTELES , quia activum nobilius est passivo . Ad aliud dicendum quod operatio intelligendi non potest attribui intel- 1 lectui agenti sicut recipienti ; potest tamen sicut dictum est ¹ .

QUAESTIO 19 UTRUM OMNIA INTELLIGIBILIA IN NOBIS SINT ACTU INTELLECTA PER INTELLECTUM AGENTEM

Consequenter quaeritur utrum omnia intelligibilia in nobis sint actu intel lecta per intellectum agentem. Et quod non, videtur, quia illa quorum cognitio nobis innata est , non fiunt intellecta a nobis ; sed quaedam sunt huiusmodi, [fol . 84ra ] ut prima principia, ut dicitur IV° Metaphysicae (2) ; ergo , etc. 2. Item, non fiunt aliqua intelligibilia in nobis per intellectum agentem ... 2.. nisi abstractione 2 phantasmatum a sensibilibus ; nunc , quaedam sunt quae

ms : dictum est = recipienti .

ms = abstractionem .

(1 ) ARIST ., De Anima III , 4 (429 a 14) . (2) ARIST. , Metaph . III , 3 ( 1005 b 13 sqq .) .

3 ms

aa.

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 20

151

intelliguntur a nobis , quae nullum phantasma habent ad sensum , ut materia et forma ; ergo , etc. 3. Item, quod de se est actu intelligibile , non fit a nobis intellectum per intellectum agentem , ut substantia separata . Oppositum vult ARISTOTELES in littera ( 1 ) : dicit quod , sicut est ponere quo est omnia fieri , sic et quo est omnia facere . Credo esse dicendum quod omnia intelligibilia sunt actu intellecta per intellectum agentem . Et ratio huius est quia omne nostrum intelligere est ex sensu : ergo omne quod intelligitur et recipitur in intellectu possibili , ortum habet ex sensu . Sed intellectus possibilis est virtus passiva , et non movet nisi quia movetur ; et etiam phantasmata quae recipit existentia in organo phan tasiae 1 sunt ibi in potentia . Ergo necessarium fuit ponere intellectum agentem. Ad rationem primam dicendum quod maior vera est et minor falsa . Et quando dicitur quod primum principium est quod naturaliter venit ad haben tem , et etiam COMMENTATOR (2) dicit quod prima principia speculabilia sunt nobis innata , dicendum quod principia respectu conclusionum et principia torum 2 sunt nobis innata ; non tamen simpliciter sunt innata . Et etiam hoc 3 dicit quia non fiunt nobis nota ex alio , sicut conclusiones . Ad aliud dicendum concedendo maiorem. Ad minorem dicendum , quae quaerit quomodo substantia facit phantasma , aliquis diceret , ut COMMENTATOR , quod operatio facit phantasma , quia operatio facit scire formam , et etiam per accidentia . Sed iste non est intellectus formalis rei , et ideo videtur aliter esse dicendum ; sed hoc alibi videri habet, ut III° Metaphysicae . Ad aliud dicendum quod substantiae separatae sunt actu intelligibiles et intellectae ex se , non tamen a nobis , et a nobis per operationes .

QUAESTIO 20 UTRUM ANIMA SEPARATA POSSIT INTELLIGERE

Consequenter quaeritur utrum anima separata possit intelligere . Et quod non : in Iº huius (3) dicit quod omnes operationes animae sunt totius coniuncti , et non animae tantum ; tunc arguitur : operationes totius coniuncti non pos sunt manere in altera parte separata . 2. Item, intelligere corrumpitur quodam alio corrupto , ut organo phan tasiae .

ms ‫ ܚ‬principatorum . ms phantasmata. ³ Dicit est précédé du signe de ..substitution qui renvoie au mot dato (en marge) ; à tort, semble-t-il.

(1 ) ARIST., De Anima III , 5 (430 a 10 sqq .) . (2) AVER., De Anima III , 36 ( 184 A) . (3) ARIST. , De Anima I , 1 (403 a 16 sqq .) .

152

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

3. Item, dicit in 1 ° 1 huius ( 1 ) quod intelligere aut est phantasma , aut non est sine phantasia : igitur , etc. 4. Item , arguitur per rationem : quia , si sic , aut intelligeret per species acquisitas, aut innatas. Non per acquisitas , quia illae acquiruntur ex phan

tasmatibus sensibilibus , et illa corrumpuntur corruptione organi . Nec ex inna tis, quia universaliter videmus quod materia est propter formam, et sic est disposita propter operationem formae , ut patet de serra ; cum igitur intel lectus sit forma corporis et intelligere operatio eius, ergo , si per species. innatas intelligeret intellectus, tunc nihil faceret operatio intellectus quae est. intelligere , et etiam dispositiones corporis humani nihil facerent ad intelli gendum, quod est falsum. Oppositum arguitur per intentionem ARISTOTELIS , prooemio huius primi (2) : dicit quod, si sit aliqua operatio animae in qua non communicat corpori , tunc ipsa erit separabilis . 2. Item, in natura nihil est frustra ; substantia autem sine operatione frustra est , quia operatio rei , finis eius est , et quod caret fine , frustra est ; operatio intellectus intelligere est ; igitur , etc. Opinio PLATONIS (3 ) fuit quod in intellectu nostro 2 est omnia species rerum ; ita quod per eas natus unionem suam cum corpore , mole corporis oppressus

concreatae sunt omnes intelligere ; tamen per 3 " , oblitus est earum , et

sensus habent homines ut reminiscentiam habeant praeteritorum . Et istud ponunt theologi ; quod tamen non videtur habere veritatem : quia ex isto videtur quod unio intellectus cum corpore esset violenta , quia illud [fol . 84rb ] quod impedit operationem naturalem est violentum, ut patet de detinenti grave sursum ; sed operatio naturalis intellectus est intelligere ; si ergo ista operatio impeditur per unionem, unio erit violenta. Ideo credo quod intellectus separatus non intelligat per species innatas . Tamen separatus necessario intelligit , cum non sit ponere substantiam otio sam ; et iterum, quod magis intelligat separatus quam coniunctus , cum magis conveniat cum substantiis separatis . Item, solum prima substantia intelligit per species innatas , et nulla substantia creata , cum ab ea recedant in sim plicitate . Sed de modo intelligendi intellectus separati magis dubium est . Credo ( esse sic dicendum quod substantia immediate causata a prima, influentiam

recipit a prima, et tertia a secunda , et sic de aliis ; et cum intellectus noster ultimum gradum teneat inter substantias separatas , ultimo recipiet influen-

1 ms

secundo .

ms

natum .

(1) ARIST. , De Anima I , 1 (403 a 8-9) . (2) ARIST. , De Anima I , 1 (403 a 10-11 ) . (3) Par exemple, dans le Meno, XXI (86) .

ms = = oppressa.

153

LIBER TERTIUS. QUAESTIO 21

tiam . Et potestne sic ut coniunctus est ? Videtur quod sic , vel quare non ? Dicendum quod, ut coniunctus est, intelligit mediantibus influentiis virtutum inferiorum formaliter , virtualiter a corporibus superioribus forte . Item , patet quod separatus intelligit , quia , quanto intellectus alicuius magis 1 et eius 2

elevatus est ab istis sensibilibus, tanto magis et verius intelligit

somnia et revelationes de divinis sunt veriores, ut dicit COMMENTATOR in De 3 Sensu ( 1 ) ; et etiam hoc dicitur de Joseph (2) ³. Auctoritates ARISTOTELIS procedunt de operatione animae ut nobis unita est , et ideo non valet . Ad rationem dicendum quod non intelligit per species innatas vel acqui sitas , sed per influentiam . Et quando dicitur quod intelligere est ex sensu , verum est , ut intellectus coniunctus est .

QUAESTIO 21 UTRUM INTELLECTUS NOSTER CONIUNCTUS CORPORI POSSIT INTELLIGERE SUBSTANTIAS SEPARATAS

Consequenter quaeritur utrum intellectus noster coniunctus corpori possit intelligere substantias separatas . Quod sic , videtur : intellectus noster se habet ad intelligibilia sicut visus ad visibilia , et sensus ad sensibilia universaliter ; sed sensus cognoscit sensibilia , et cum separata sint intelligibilia , intellectus ea intelliget . 2. Item, intellectus natus est cognoscere ea de quibus est scientia ; sed de substantiis separatis habemus scientiam, ut metaphysicam ; igitur . 3. Item, ratione THEMISTII , quam adducit super IIIum huius (3) : haec est : per se intellectus intelligit intelligibile : ergo magis intelligit magis intelligibile , et maxime intelligibile , maxime intelliget ; substantiae autem separatae maxime sunt intelligibiles . 4. Item , ratio COMMENTATORIS super IIum Metaphysicae (4) : si natura egisset aliquid intelligibile in natura , si a nullo intelligitur, natura egisset aliquid frustra : ergo ,

si substantiae separatae sint intelligibiles ,

videtur quod ab

intellectu nostro intelligantur . Oppositum arguitur : ARISTOTELES in hoc III° (5 ) dicit quod intellectus

ms = intelligunt .

(1) (2) (3) (4) (5)

2 ms = eorum .

3 ms = Josep .

AVER. , De Divinatione per Somnum (36 C-E) . AVER. , De Divin . per Somnum (36 D) . Cfr Genesis, XXXVII-XL . THEMISTIUS , De Anima VI , 7 ( 114 , 31 sqq .) . AVER. , Metaph . II , 1 (28 K) . ARIST. , De Anima III , 7 (431 a 16-17 ; b 2) .

154

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

noster quidquid intelligit in phantasmatibus intelligit ,

et cum substantiae

separatae non faciunt sensum in nobis , non intelliguntur. 2. Item, II° Metaphysicae ( 1 ) dicit ARISTOTELES quod intellectus noster se habet ad manifestissima in natura sicut oculus vespertilionis ad lucem solis , etc. 3. Item , universaliter intellectus ad intellectum oportet esse proportionem ; sed intellectus nostri ad substantias separatas nulla est proportio , cum sint infinitae et intellectus finitus ; ergo , etc. THEMISTIUS et AVEMPACE dixerunt , ut dicit COMMENTATOR (2) , quod intel lectus noster, ut coniunctus est , intelligit substantias separatas intellectu essen tiali

et THEMISTIUS hoc persuadebat ratione dicta , quod intellectus intelli

geret maxime intelligibile , etc. ; et ratio AVEMPACE fuit quod intellectus intel ligit quod quid est et abstractum de eo , et sic de aliis . COMMENTATOR (3 ) dicit quod intellectus possibilis intelligit intellectum agentem, quod est substantia separata : ergo et substantias separatas . Sed contrarium huius visum est , quia intellectus possibilis et agens sunt potentiae eiusdem [fol . 84a ] substantiae : quare , etc. Item , non sequitur quod , si intellectus possit intelligere intelli gentias infimas separatas , cuiusmodi est intellectus, quod propter hoc potest supremas . Intentio ARISTOTELIS est quod intellectus coniunctus corpori intelligit sub stantias separatas : quia , ut dicitur X° Ethicorum (4) , ultima felicitas hominis in hac vita consistit in cognitione substantiae primae . Sed quod . possimus habere cognitionem essentialem de eis, non credo quod sit de intentione ARISTOTELIS . Quis est modus per quem devenimus in cognitionem earum ¹ ? Credo quod iste : sicut dicit ARISTOTELES in hoc IIIº (5 ) , quidquid intelligimus, intelligimus mediante phantasmate , et substantiae separatae , cum sint elon gatae a sensu, non faciunt in nobis phantasiam ; sed faciunt in nobis phan tasiam ex suis effectibus , ut per moventia et mota , et sic faciunt in nobis cognitionem « quia » . Et quod non deveniamus in cognitionem earum essen tialem , patet sic

quia nullus effectus qui non exprimit totam essentiam suae

causae, potest inducere perfectam cognitionem suae causae ; sed nullus effectus hic inferior inducit cognitionem essentiae substantiae separatae primae : hinc est etiam quod cognitiones privativas habemus de eis. Ad primum patet : conceditur propositio prima, et quod sensus cognos 2 cat sensibilia omnia et intellectus similiter omnia intelligibilia ; non tamen eodem modo .

(1 ) (2) (3) (4) (5)

ca

1 ms = eorum .

ms = intelligat.

ARIST . , Metaph. I minor, 1 (993 b 9 sqq .) . AVER. , De Anima III , 36 ( 179 A sqq .; 180 D sqq .) . AVER. , De Anima III , 20 ( 164 E) . ARIST. , Ethic. Nic. X, 8 ( 1178 b 21 sqq .) . Arist. , De Anima III , 7 (431 a 16-17 ; b 2) .

155

LIBER TERTIUS . QUAESTIO 22

Et ad secundum dicendum quod intellectus intelligit substantias separatas per effectus. Ad rationem THEMISTII dicendum quod concludit falsum, et etiam ratio AVEMPACE quae est quod intellectus potest abstrahere ab habente¹ quiddi tatem usque ad substantiam primam. Verum enim est quod intellectus per se intelligit intelligibile , similiter et maxime , maxime ; sed huiusmodi non sunt substantiae separatae , quia non faciunt sensum in nobis . Et similiter ratio AVEMPACE verum concludit quod sic intellectus potest abstrahere ; sed ista abstractio erit ex sensibus . unn THOMAS DE AQUINO resistit rationi COMMENTATORIS super II Metaphy sicae 2 (2) : dicit quod otiosum est quod ordinatur in aliquem finem quem non

potest consequi ; et dicit quod intelligibile finis est intellectus eius : si ergo intelligibile aliquod non intelligitur ab intellectu , 3 bitur fine ; quare ³ , etc. Sed illud non valet , quia , in quocumque primus et secundus , manifestum est quod actus secundus est intellectus est actus primus et intelligere secundus ; igitur, etc.

et perfectio non priva differt actus finis : unde

Item , impedit rationem COMMENTATORIS aliunde : quia , ut dicit (2) , suf ficit quod substantiae separatae , a se sint intelligibiles, quia intelligunt per se, et a se intelliguntur . Sed illud non valet , quia operatio quae non transit in materiam exteriorem... *. Item , consequens »5 pro parte vera est et pro parte falsa . Ad primum patet ex dictis . Ad dictum ARISTOTELIS COMMENTATOR similiter solvit (3) , quia dicit quod illud non inducit necessitatem , sed difficultatem. Et ad ultimum similiter.

QUAESTIO 22 UTRUM INTELLECTUS SEPARATUS POSSIT PATI

Consequenter quaeritur utrum intellectus separatus potest pati . Quod non, videtur, quia passio est per materiam et intellectus non habet materiam . 2. Item, quamvis immateriale possit agere in materiale , ut substantia sepa rata in orbem, tamen materiale non potest agere in immateriale : quod patet ,

ms = habenti . ms = Physicorum . ms = quia. 5 ms = 9m (?). blanc de deux lignes dans le manuscrit.

( 1 ) S. THOMAS, In Metaph. II , lect . 1 (286 de l'édition du P. Cathala) . (2) Ibidem . (3) AVER. , Metaph. II , 1 (29 C) .

• On trouve ici un

156

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

quia agens est nobilius passo ; et cum intellectus sit immaterialis et ignis materialis , ergo, etc. 3. Item, omne quod patitur ab aliquo passione reali , vel patitur sicut subiectum, vel sicut contrarium ; anima non patitur sicut subiectum passionis, quia non est calida et sicca ; nec passione a contrario , cum sit simplex sub stantia , quae non habet contrarium . 4. Item, omnis passio magis facta abicit ( 1 ) a substantia : si ergo anima pateretur, abiceretur aliquid a substantia eius , et tandem esset corrupta : quod est falsum , cum sit aeterna . 5. Item , universaliter agens et patiens [ fol . 84 ] oportet habere commu nicationem aliquam ; sed anima separata nullam communicationem habet cum igne corporeo . Contrarium vult fides . 2. Item , rationabile est quod cuicumque culpae commissae respondeat aliqua paena . 3. Item, anima corpori unita corpori compatitur : possibile est animam separatam a corpore uniri igni ut locatum loco . Intentio ARISTOTELIS in fine II Caeli et Mundi (2) , ubi recitat opinionem PYTHAGORAE¹ : posuit PYTHAGORAS quod in medio mundi est ignis paenalis qui vocatur carcer Jovis : et ARISTOTELES reprobat istud , quia , aut est ignis alte rius naturae cum igne in sphaera sua , aut non . Si non sit eiusdem naturae cum igne in sphaera sua , aut est tunc ibi naturaliter, aut violenter : non natu raliter, quia terra tota est unius naturae et in parte , ut dicitur in De Caelo et Mundo (3) ; si est ibi violenter, et nullum violentum aeternum , ut vult PHILO .SOPHUS ,... (4) .

1 ms = pictagore.

(1) Pour abjicit. (2) Arist. ARIST.,, De Caelo II , 13 (293 a 20 sqq .; 293 b 1 sqq . ) . (3) ARIST. , De Caelo II , 14 (297 a 21 sqq .) . (4) ARIST. , De Caelo I , 2 (269 b 6 sqq .) . Le texte s'arrête brusquement ici . Voyez l'intro duction, p . 18.

TABLE

DES

QUESTIONS

LIBER PRIMUS

:

:

...

23

::

··

.. :.F

1. Utrum de anima possit esse scientia ... 2. Utrum de anima sit scientia naturalis ...

26

...

...

: 28

3. Utrum scientia sit de numero bonorum :

: 29 :

: ··

···

5. Utrum scientia de anima excellat alias scientias

:

4. Utrum scientia sit honorabilis

30

...

31

:

6. Utrum cognitio de anima sit utilis

··

7. Utrum difficile sit cognoscere substantiam animae ... 8. Utrum universalia sint in intellectu ... ... ..

...

...

···

33



34 37

9. Utrum universalia sint posteriora in esse singularibus... : 10. Utrum intellectus agens agat universalitatem in rebus ...

··

39

11. Utrum definitiones generum et specierum sint rerum existentium in anima ...

...

•••

42

...

...

··

43

13. Utrum via deveniendi in quod quid est sit divisio ... ... ... 14. Utrum accidentia sint principia cognoscendi quod quid est...

...

...

44

12. Utrum sit una via deveniendi in quod quid est

46

15. Utrum passiones animae sensitivae vel nutritivae sint communes ani ... ... ··· ... ... mae et corporis

47

16. Utrum in definitione rerum naturalium ponatur materia sensibilis

49

17. Utrum eodem modo definiant naturalis et logicus ...

51

18. Utrum sit possibile ponere corpus sphaericum...

52

19. Utrum, si corpus simpliciter sphaericum poneretur in plano , tangat .. ... ... ... .. ipsum in puncto •

53

20. Utrum, si corpus sphaericum ponatur super planum, utrum posset moveri .. ... ... .. ... ••• •• ...

54

21. Utrum anima moveatur localiter...

...

...

...

...

55 :

:

:

:

LIBER SECUNDUS

:

:

56

:

:



:

:

:

58 :

1. Utrum substantia per prius dicatur de materia... 2. Utrum anima sit actus • ... 3. Utrum anima sit actus primus

60

:

:

:

158

PREMIERE PARTIE . LES QUAESTIONES DE ANIMA

61 :

4. Utrum anima sit actus corporis vitam habentis in potentia ... ..

62

6. Utrum sensitivum et vegetativum et aliae potentiae sint distinctae in ··· .. ·· ... corpore secundum subiectum ...

63

7. Utrum vegetativum, sensitivum et intellectivum in eodem sint formae • ·· • diversae ... ...

64

..

5. Utrum anima immediate uxiatur corpori ...

...

...

...

67 :

··

...

69

:

9. Utrum potentiae animae distinguantur per obiecta •••

...

70

10. Utrum omnia appetant esse divinum...

11. Utrum naturalissimum sit omnibus viventibus generare tale alterum ••• .. ... ... quale ipsum est 12. Utrum anima sit corporis finis

··

...

...

72

73

...

... :

: 13. Utrum anima sit principium motus corporis animati

5

8. Utrum potentiae sint in substantia animae

74

...

: 14. Utrum ignis comburat in infinitum , si apponatur combustibile

76

.. : ..

77

16. Utrum idem sit obiectum nutritivae , generativae et augmentativae ... 17. Utrum calidum sit instrumentum partis animae vegetativae ...

78

18. Utrum sensus sit virtus activa vel passiva ...

80

15. Utrum alimentum sit contrarium alendo ...

79

19. Utrum rationes intellectuales maneant in intellectu sine actuali con ... ... .. ·· sideratione ... 20. Utrum habens habitum scientiae consideret cum voluerit 21. Utrum sensibilia communia sint sensibilia per se ...

25. Utrum color sit visibilis per se

...

...

87

...

...

89 90

... ::

22. Utrum sensus particularis decipiatur circa sensibile proprium ... 23. Utrum intentiones individuales sint sensibilia per se ... ... ... ... 24. Utrum omnia visibilia sint unius rationis ...

92 93

...

..

82 85

26. Utrum lumen exigatur ad actionem videndi , propter necessitatem ·· ... ·· .. colorum 27. Utrum in inferioribus et superioribus inveniatur perspicuum per unam .. ... ··· naturam ·· ... ... .. ... ... 28. Utrum lux sit corpus ... 29. Utrum squamae piscium et huiusmodi videantur in lumine

94

97 98 99

30. Utrum aliquis existens in lumine possit videre aliquid existens in tene ... bris, sicut e converso ... …… . um uum t videremus aliquid par , cael um, inter nos et si esse vac 31. Utr

100

...

101

··

104

..

105

vum in caelo ...

..

··

..

···

..

..

………

35. Utrum sonus rectus et reflexus sit sonus unus... 36. Utrum lumen semper refrangatur ab aere vel perspicuo

102

:::

.. 32. Utrum sensibile positum supra sensum sensiatur •• .. 33. Utrum corpora percutientia se sint generativa soni ... ... 34. Utrum sonus sit in corporibus percutientibus ut in subiecto ...

...

...

37. Utrum visibile positum non in directa distantia ad visum, possit com prehendi a visu ..

107

108

110

159

TABLE DES QUESTIONS

38. Utrum vox causetur a virtute imaginativa ...

112

.. :

39. Utrum omnis vox sit significativa.

...

..

113

..

...

40. Utrum sensum olfactus habeamus peiorem

113. :

41. Utrum secundum dispositionem bonam tactus sit bona dispositio ani mae vel mentis .. ··

114

42. Utrum odor recipiatur in medio et organo cum fumali evaporatione 43. Utrum odor alteret medium subito ·· ·· .. ·· ...

116 118

• 44. Utrum gustus sit tactus... et extremi... contrarii sint amarum 45. Utrum dulce et

119 ...

...

...

...

120

LIBER TERTIUS

1. Utrum intellectus humanus sit corruptibilis

122

...

123

2. Utrum intellectus humanus sit compositus ex materia et forma ... Commentum 1 ... ... .. .. ··· ... ...

125

…… .

..

128

•••

:

..

:

...

:

...

126

..

:

Commentum 2 ...

:

:

4. Utrum intellectus sit virtus immaterialis •••

125

... :

··

:

:

3. Utrum intellectus sit virtus passiva ...

5. Utrum omne receptivum alicuius denudetur ab eo quod recipit... ... 6. Utrum forma immaterialis possit numeraliter multiplicari in specie una 7. Utrum intellectus sit idem numero in omnibus hominibus ...

8. Utrum intellectus sit aliqua substantia in actu antequam intelligat. ... ·· 9. Utrum illud quod per se intelligitur sit species intelligibilis ... cognitio rei intelligibilis sit ……… 10. Utrum species . 11. Utrum species intelligibiles maneant apud intellectum cum actu non considerat ...

128

130 131 135 137

138

140

12. Utrum in rebus materialibus sit idem quod quid est cum eo cuius est 13. Utrum intellectus possit intelligere singulare ... ... ...

141

14. Utrum res mathematicae possint intelligi praeter materiam sensibilem ... 15. Utrum necessarium sit ponere intellectum agentem ...

143 145

16. Utrum intellectus agens sit habitus intellectus possibilis

147

...

17. Utrum intellectus agens et possibilis sint potentiae eiusdem substan tiae animae •• ... ... ... .. ..

18. Utrum intellectus agens , in abstrahendo phantasmata , intelligat ea ... 19. Utrum omnia intelligibilia in nobis sint actu intellecta per intellectum •• ... •• •• ... ... ... agentem ··

20. Utrum anima separata possit intelligere

142

...

148 149 150 151

21. Utrum intellectus noster coniunctus corpori possit intelligere substan tias separatas ... ... ... ... .. .. ... ...

153

22. Utrum intellectus separatus possit pati

155

:

:

...

TABLE

DES

NOMS

DE

PERSONNES

Avempace , 95, 96, 145 , 154, 155. Averroes (vel Commentator ) , passim .

Alexander (de Aphrodisia) , 95 .

Antiphon, 108 , 111 . Aristoteles (vel Philosophus) , passim. Priora Analytica , 45 . Posteriora Analytica, 23 , 43-46 . Topica, 49, 55 .

Posteriora Analytica , 22 . Physica, 31 , 127 ( ?) . De Caelo et Mundo , 21 , 130, 131 .

123 ,

Physica, 26, 27 , 46 , 50 , 54 , 55 , 57, 73-75 , 123.

De Anima, 22 , 31 , 35 , 38-40 , 42 ,

De Caelo et Mundo , 53 , 71 , 127 , 131 , 156 .

119, 125, 127, 129-134 , 136-138,

De Generatione et Corruptione ,

De Sensu et Sensato (cap . De

76-78, 102, 125. Meteorologica, 61 , 109, 111 .

61 , 77, 80, 87, 91 , 94-96 , 117,

146, 148 , 151 , 154 .

Divinatione per Somnum) , 153 .

77 ( ?) ,

108 ,

De Anima, passim. De Sensu et Sensato ,

48 ,

96 ,

100 (?) , 103 , 114 , 116, 120, 139 .

Metaphysica, 27 , 34 , 35 , 38 , 42 , 56, 58 , 125 , 144 , 153 , 155 . De Substantia 122, 123.

Orbis,

Avicenna , 63 , 65 , 81-83 ,

97 ,

109 ,

101 ,

128 ,

136, 140, 141 , 147.

De Somno et Vigilia , 48 . De Longitudine et Brevitate vi

Boetius, 23, 83, 123 , 124. Democritus, 101 .

tae, 22. De luventute et Senectute, 113 . De Respiratione, 112. De Partibus Animalium, 22.

[Euclides] , 54. Heraclitus, 53 . loannes 122.

De Animalium Motione, 63 .

Grammaticus (Philoponus) ,

De Generatione Animal. , 37 , 65 .

Ioseph (Patriarcha) , 153 .

De Coloribus, 100 ( ?) .

Peripatetici , 130 .

Metaphysica, 28 , 31 , 32, 34 , 35, 39 , 42 , 44 , 45 , 49 , 50 , 52 , 56 , 57 , 65, 97 , 104 , 105 , 115 , 120 ,

Plato , 40 , 42 , 58 , 64 , 66 , 83 , 84 , 140 ,

122, 130 , 134, 138 , 139 , 141 , 142, 144, 145, 150, 151 , 154. Ethica Nicomachea , 134, 154.

28-30 ,

Ethica ad Eudemum, 86.

70 ,

145, 152. Proclus , 47 , 71 .

Pythagoras, 156 . Sosigenes, 99. Themistius, 33 , 34 , 38 , 42 , 43 , 47, 57, 59 , 90 , 97 , 99, 103 , 105 , 115 , 117 , 119, 126, 127, 146, 147, 153-155.

Politica, 115.

Theophrastus , 146, 147 .

Rhetorica, 30 ( ?) .

Thomas de Aquino , 127 , 155 .

DEUXIÈME

PARTIE

ÉTUDE

HISTORIQUE

ET

DOCTRINALE

CHAPITRE

LES

PREMIER

ÉCRITS

INÉDITS

ATTRIBUÉS A

SIGER

DE

BRABANT

L'étude critique qui fait l'objet de la deuxième partie de cet ouvrage comporte, comme préliminaire indispensable, un chapitre documentaire . Le but de ce chapitre est de faire connaître les sources inédites relatives à Siger, grâce à une description qui supplée en quelque manière aux textes , en attendant leur publication intégrale , et qui prépare en même temps leur future édition en facilitant la découverte ou l'identification de nouveaux documents ou de nouvelles copies . Pour réaliser ce double dessein , nous nous sommes inspiré des avis , trop peu suivis jusqu'à présent , qu'a formulés le cardinal Ehrle dans son 1 article- programme de 1922 ¹ . La description de chaque question comporte les éléments suivants : 1. Nous transcrivons d'abord son titre dans la langue originale et nous indiquons la colonne du manuscrit où se lit ce titre et où commence , par conséquent , la question . 2. Pour fixer ensuite la pensée et les tendances doctrinales de l'auteur , nous résumons la solution qu'il donne au problème posé . Ce résumé est plus ou moins étendu , d'après l'importance de la matière . Il vise avant tout (faut- il le dire ? ) à la fidélité , et personne ne se rend compte mieux que nous des écueils de cette entreprise délicate . D'autre part , il semble bien que , dans la mesure où une pensée est cohérente , elle ne peut être réfractaire à une transposition intelligible en langage moderne . Chaque fois que cette transpo

¹ EHRLE, Nuove proposte per lo studio dei manoscritti della Scolastica mediœvale . (Dans Gregorianum , pp. 198-218) .

164

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

sition nous a paru impossible , ou tout au moins trompeuse , nous livrons le texte original lui-même à l'examen du lecteur ; nous le faisons d'ailleurs aussi pour les passages typiques qui révèlent la personnalité de l'auteur ou les circonstances historiques dans lesquelles l'écrit a vu le jour ; nous le faisons enfin quand le texte latin est suffisamment concis pour rendre inutile un résumé plus bref. Quand , au contraire , la concision du texte nuit à l'intelli gence de la pensée et nous oblige à quelque explicitation , ces développements , même légers , sont toujours mis entre parenthèses . 3. Nous indiquons sommairement les citations qui se lisent dans le texte. Ainsi, par exemple : « Aristote (I De Anima) » signifie que , dans la question décrite , Aristote est cité une ou plusieurs fois, et une fois au moins avec référence explicite au livre I du Traité de l'âme . Si la référence à un ouvrage déterminé est implicite , mais se reconnaît sans peine¹ grâce à la citation , l'indication de l'ouvrage est suivie du mot implicitement. 4. Enfin , notre Compendium est muni de notes paléographiques ou critiques relatives aux textes décrits .

QUESTIONS

SUR

DU TRAITÉ

LE

LIVRE

III

DE L'AME

Ces questions sont conservées dans le codex 293 de Merton College à Oxford (fol . 357-364") . Elles seront éditées par Mgr A. Pelzer. L'auteur s'écarte du commentaire littéral plus encore que dans ses autres questions sur le Traité de l'âme, puisqu'il introduit ici une division en chapitres qui est étrangère à l'œuvre d'Aristote et donne au présent écrit l'allure d'un petit traité sur l'intellect 2. En voici d'ailleurs le début : 1 De parte autem animae qua³ cognoscit et sapit etc. Circa istum tertium librum contingit quaerere de intellectu quattuor . Primum est de differentia intellectus ad alias partes animae , scilicet sensitivum et vegetativum . Secun .‫ت‬ dum est de intellectu in se, quid sit . Tertium est de intellectu per compara tionem ad corpora . Quartum est de virtutibus intellectus, scilicet de intellectu possibili et agente, qualiter differant inter se et quid sint (fol . 357 ) .

Car nous n'avons pu nous livrer aux recherches que requerrait l'identification de toutes les citations incomplètes . La structure de ce traité se prête assez mal à une numérotation des questions : aussi.. avons-nous mis les numéros entre parenthèses. ms S quam . -I ms : etc. Circa ‫ ܢ‬Et circa. ms = Tertium .

QUESTIONS SUR LE TRAITE DE L'AME

165

Le tertium a déjà une saveur averroïste : seul un partisan du monopsy chisme songe à accoupler le singulier intellectu et le pluriel corpora.

I.

L'INTELLECT ET LES AUTRES PARTIES DE L'AME

(Q. 1 ) Circa primum, de differentia intellectus ad alias partes animae con tingit quaerere duo . Primum, scilicet utrum intellectivum radicatur in eadem ¹1 animae substantia cum vegetativo et sensitivo (Ibidem) . SOLUTION. D'aucuns affirment que l'âme humaine tout entière « vient du dehors » , mais qu'elle a deux espèces de puissances d'opération au moyen des unes, elle ne peut agir que dans un organe corporel ; grâce à l'autre , c'est-à-dire à l'intelligence , elle agit de quelque manière indépendamment du corps . Cette doctrine présente de graves inconvénients et a contre elle l'autorité d'Aristote . Dès lors , il faut dire que l'intelligence et les autres puissances ont leur principe (radicantur) dans une seule et même âme , mais dans une âme composée : quand l'âme intellective (unique et éternelle) survient (pour prendre possession d'un individu humain) , elle s'unit à l'âme végétativo - sensitive et forme avec elle une âme composée . CITATIONS : Aristote (De Anima, XV De Animalibus) ; Averroès (De Anima) .

Secundum problema , scilicet utrum intellectivum differat a vegetativo et sensitivo , dimittitur hic usque ad tertium, scilicet de intellectu per compara A tionem ad corpus (fol . 358 ) .

II . — L'INTELLECT EN LUI-MEME

(Q. 2) Consequenter quaestio est de intellectu in se, et quaeritur primo utrum sit aeternus vel sit de novo creatus (ou causatus) (Ibidem) . SOLUTION . Nous parlons de notre intellect humain , qui n'est pas la Cause première celle-ci , en effet. est infinie en bonté, simplicité et perfection ; notre intellect , au contraire , est mêlé de puissance et a recours aux phan tasmes pour penser . Si l'on veut connaître la pensée d'Aristote , la réponse à faire à la ques tion posée est claire pour lui , l'intellect est causé immédiatement et , dès lors, éternellement par l'Agent premier ; et cet intellect est le moteur unique de l'espèce humaine . Tout effet temporel ou nouveau est le résultat d'une transformation : dès lors , si la Cause première produisait un effet nouveau , sa volonté et son action changeraient.

1 ms + parte .

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

166

Le raisonnement d'Aristote est « probable » : il n'est pas « nécessaire » .. En effet, le premier Agent agit par volonté , et pour savoir si l'intellect a été : produit éternel ou temporel , « oportet investigare formam voluntatis Primi ; sed quis erit qui eam investigabit ? » Nous en sommes donc réduits à consi que nous ne pouvons dérer le problème , non du côté de la volonté divine A connaître A mais du côté de la nature propre des choses et de ce point de vue , l'opinion d'Aristote est plus probable que celle d'Augustin pour qui « anima creando infunditur et infundendo creatur » . En effet , ce qui est causé immédiatement par l'Etre premier , a dans sa nature l'exigence d'une durée éternelle

car l'immortalité (de l'intellect , par exemple) dans le futur est

l'indice d'une puissance à être toujours , donc aussi dans le passé . Et la conclusion : « Si ergo credatur Aristoteli, planum est quod non est credendum Augustino ; si vero credatur Augustino , erit aequaliter » . CITATIONS : Aristote (I De Caelo et Mundo , VIII Physic .) et Augustin . Le recours à l'autorité de saint Augustin , fût-ce pour la rejeter partiellement , mérite d'être remarqué : Siger cite très rarement des autorités qui ne sont pas strictement philosophiques .

(Q. 3) Et quaeramus utrum intellectus factus fuerit in nunc temporis vel nunc aeternitatis, et sic quaeremus de modo factionis intellectus (fol . 358rb) . SOLUTION. On suppose admis , pour le moment , que l'intellect n'est pas éternel. Dans ce cas , sa production n'a lieu , ni dans le nunc temporis , ni dans le nunc aeternitatis, mais « in tempore non continuo, sed composito ex ipsis nunc » . En effet , le passage du non-être à l'être implique une succession d'instants ; et une succession non continue , puisque ce passage s 'effectue sans milieu , sans transition . Le temps dont parle Aristote est la mesure du mouvement continu : ce temps n'est pas composé d'instants . Mais ici nous parlons d'un temps qui mesure le mouvement successif discontinu , et ce temps-là est composé de ses instants . CITATIONS : Aristote (IV Physic . , implicitement) .

(Q. 4) Quamvis autem prius suppositum sit quod intellectus immediate educatur a Primo , tamen hoc potest habere dubitationem . Ideo quaeratur utrum intellectus sit generabilis (fol . 358 ) . SOLUTION . L'intellect ne peut être engendré car , ainsi que l'affirme Aris tote, il est «< impermixtus et immaterialis et separatus » , et par conséquent incorruptible ; or tout ce qui peut être engendré , peut aussi être corrompu . Examinons d'abord la démonstration que donne Aristote de l'immatéria lité de l'intellect : l'intellect doit être immatériel pour recevoir toutes les formes matérielles . C'est exact, car on ne peut recevoir que ce dont on est

¹ ms = supponit.

167

QUESTIONS SUR LE TRAITE DE L'AME

privé ; or l'intellect est capable de recevoir toutes les formes matérielles ; il en est donc privé par nature . Revenons à la question . De tous les commentateurs d'Aristote , Alexandre seul a considéré l'intellect comme le terme , d'ailleurs le plus élevé , d'une génération . Aristote dit manifestement le contraire , mais ne motive pas son affirmation . Quel put être le fondement de son opinion ? C'est par les actes que nous connaissons la substance ; or nous avons conscience de recevoir en nous des formes universelles , prédicables de tous les singuliers , même de ceux que nous ne connaissons pas par expérience : « scimus aliquando ali quid inesse omnibus , cum tamen non simus experti illud esse in omnibus triangulis particularibus ... » ; cette conscience ne peut être l'activité d'une forme matérielle ; nous avons donc en nous une forme immatérielle , et par conséquent inengendrée , qui est l'intellect . Sans doute , nous avons besoin des phantasmes pour acquérir les formes intelligibles , mais dans l'acte même de penser, l'intellect n'est pas tributaire d'un organe . Comment avons-nous conscience d'une opération qui est propre à l'in tellect agissant en nous ? Dans le composé de matière et de forme , le tout perçoit les opérations qui se font soit en raison de la matière , soit en raison de la forme . Il en est de même pour nous , grâce à l'union intime de l'intel lect et de la matière . Les difficultés soulevées contre l'ingénérabilité de l'intellect proviennent de ce qu'on l'assimile aux formes matérielles ; mais l'intellect n'est l'acte de la matière que dans son opération , non dans sa substance . CITATIONS : Alexandre ; Aristote (De Anima , implicitement ;

VII Meta

phys .) ; Averroès (III De Anima) . On remarquera que l'union de l'intellect à l'individu humain est seule

ment comparée à l'union de la forme à la matière , et que l'union substan tielle est expressément niée dans la réponse aux objections .

(Q. 5) Consequenter quaeritur utrum intellectus sit corruptibilis (fol . 359ra) . SOLUTION . L'intellect n'a pas en lui-même un principe de corruption , puisqu'il n'a pas de contraire . Mais il n'est pas non plus , de soi , éternel dans le futur : tiré du néant par la Cause première , il tient de cette même Cause sa perpétuité : non qu'il reçoive sans cesse quelque chose de nou veau , mais il a reçu la perennité dès son origine , de par la volonté de l'Etre premier. CITATIONS : Aristote (De Anima) ; Platon (Timaeus, implicitement) .

(Q. 6) Consequenter quaeritur utrum intellectus sit compositus ex materia et forma (fol . 359rb) . SOLUTION. Notre intellect n'est pas l'acte pur ; il y a en lui de la puis sance . D'ailleurs tout ce qui n'est pas l'Acte premier comporte une compo

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

168

sition. Quelle est cette puissance dans l'intellect ? D'aucuns distinguent une matière intelligible et une matière sensible , mais cette doctrine est contraire à celle d'Aristote pour qui la matière intelligible n'est qu'une abstraction de la matière sensible . D'autres parlent d'une matière , simple puissance substan tielle (la matière de l'intellect) , d'une matière qui est , en outre , principe de corporéité (la matière des corps célestes) , et d'une matière qui est aussi prin cipe de changement ; mais cette distinction n'affecte pas l'essence de la matière en elle-même : elle est due aux différentes formes que la matière est susceptible de recevoir. Il faut donc dire qu'il n'y a aucune puissance matérielle dans l'intellect , car la matérialité et l'intellectualité s'excluent : et , de fait, on ne trouve dans l'intelligence aucun des caractères de la matière , comme le changement , qui est en premier lieu mouvement local . Il y a com position, dans l'intellect, entre un élément matériel ou générique et un élé ment formel qui est la différence spécifique : donc entre deux déterminations formelles , mais dont l'une est matérielle par rapport à l'autre le genre et la différence , qui composent la définition . CITATIONS : Aristote (VII Metaphys .; III De Anima) ; Averroès (I Physic .) ; Boèce ; Denys (l'Aréopagite) .

III .

L'UNION DE L'INTELLECT AU CORPS

(Q. 7) Consequenter quaeritur de unione intellectus ad corpus . Et primo , utrum intellectus sit perfectio corporis quantum ad substantiam vel non quan tum ad substantiam, sed quantum ad suam potestatem (fol . 359a) . SOLUTION. L'intellect ne peut être la perfection substantielle du corps humain ; il ne le perfectionne que par son opération et lui est uni par l'ima gination . Si l'intellect était la perfection substantielle du corps , il n'en serait pas séparable ; il ne pourrait avoir d'opération propre ; son activité serait organique , car toute activité est proportionnelle à la substance. L'intellect a donc son esse propre , comme il a son essentia propre . On ne peut cependant le comparer aux moteurs des sphères célestes , car il nous est plus uni que les moteurs des « autres » sphères ne le sont à leur mobile . CITATIONS : Aristote (I, II De Anima); Averroès (II De Anima) .

(Q. 8) Consequenter quaeritur de modo essendi in corpore , et quaeritur utrum sit in qualibet parte (fol . 359™³) . SOLUTION . Pour ceux qui affirment l'union substantielle de l'intellect et du corps humain , l'intellect informe le corps entier per se et , dès lors , chacune

de ses parties per accidens . Et cette thèse se comprend assez bien . Mais si l'on dit que l'intellect est uni au corps par sa seule puissance et son opération (operans in corpore) , il faut alors distinguer deux activités de l'intellect

penser et mouvoir . Dans la première , il est uni au corps par

QUESTIONS SUR LE TRAITE DE L'AME

169

l'unique intermédiaire de l'imagination ; dans la seconde , il meut per se le corps entier et per accidens chacune de ses parties .

(Q. 9) Consequenter quaeritur qualiter intellectus nobis copulatur, utrum scilicet sit unus intellectus in omnibus (Ibidem) . SOLUTION . Pour résoudre ce problème , il faut considérer la nature de l'intellect en tant que séparé et sa nature en tant qu'il nous est uni . En lui-même d'abord , l'intellect n'a pas le principe d'une multiplicité numérique , ce principe étant la matière ; d'ailleurs une multiplicité numé rique serait vaine et superflue dans les substances séparées , la multiplication dans l'espèce n'ayant d'autre fin que de perpétuer celle- ci dans la succession des individus corruptibles . Mais, dit-on , la nature de l'intellect n'exige pas qu'il soit multiplié ; néanmoins , il est créé « sub habilitate perficiendi materiam » ; celle- ci étant multiple , l'intellect l'est aussi . A moins d'être forme substantielle mais ce qu'il faut exclure

ce qui rendrait la solution aisée

l'intellect ne peut en aucune façon être appro

prié (appropriari) à telle matière plutôt qu'à telle autre , car « in separatis a materia quae reperiuntur sub una specie , non reperitur vilius et melius , ut 1 dicit Aristoteles » ¹ . On ne peut dire davantage que l'intellect , unique dans sa substance , a de multiples puissances d'opération dans les individus humains , car une substance unique ne peut avoir qu'une puissance . C'est donc uniquement dans son opération que l'intellect est uni aux individus, et c'est l'intellection seule qui est multipliée et diversifiée . Il faut remarquer ici une différence profonde entre le sens et l'intelligence dans leurs rapports avec nous : c'est parce que le sens est en nous que les objets de sensation (sensata) sont nôtres ; au contraire , c'est parce que les objets de l'intellect (intellecta) sont en nous, que nous lui sommes unis , par l'inter médiaire de l'imagination , dont les déterminations (intentiones imaginativae} deviennent des intelligibles en acte (efficiuntur actu intellecta) . Dès lors , les objections tombent . La science n'est pas unique pour tous les hommes , puisque l'activité de l'intellect est conditionnée par la présence des phantasmes, et que ceux-ci diffèrent d'un individu à l'autre . De même , il n'est pas vrai de dire que les actes de l'intellect commun de l'humanité

Cette phrase et son contexte manquent de clarté. A première vue, l'auteur semble envi sager le cas d'une multiplicité purement numérique dans les formes séparées ; mais cette idée est en opposition radicale avec la doctrine exposée dans cette même question . On pourrait comprendre comme suit : Les idées abstraites (separata a materia) laissent de côté les particu larités individuelles qui distinguent entre eux les individus d'une même espèce et sont dues à la matière : Socrate abstrait n'est ni meilleur ni moins bon que Platon abstrait ; dès lors, même s'il y avait (si sit ita) une pluralité d'intellects de même espèce, on n'y trouverait pas encore la raison d'être uni à tel corps plutôt qu'à tel autre, tous ces intellects étant parfaitement égaux.

170

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

sont , eux aussi , communs : car nous sommes d'abord unis aux actes intel lectuels (que nous contribuons à produire) et conséquemment seulement , à l'intellect lui- même ; ces actes sont diversifiés sans que l'intellect cesse d'être unique . Enfin , s'il est vrai de dire qu'à plusieurs mobiles (les hommes) doivent répondre plusieurs moteurs (les intellects) , il faut ajouter que , dans la mesure où il nous meut , l'intellect est multiplié , de la manière qui a été exposée . CITATIONS : Aristote (VII Metaph.; III De Anima) ; Averroès (III De Anima , implicitement) ; Avicenne .

IV . — L'ACTIVITE DE L'INTELLECT

(Q. 10) Consequenter quaeritur de operibus intellectus prout est in cor pore, et quaero primo utrum intellectus sit passibilis (fol . 360rb) .

SOLUTION. Il y a deux espèces de passions . L'une se fait avec perte pour le patient, dans lequel elle suppose la matière , sujette à recevoir des déter minations opposées et exclusives l'une de l'autre ; cette passivité est étran gère à l'intellect . L'autre consiste uniquement dans la faculté de recevoir une détermination du dehors , et c'est dans ce sens que l'intellect est passif ou réceptif : ayant reçu un intelligible , il peut ultérieurement en recevoir d'autres sans perdre le premier. CITATIONS : Aristote (III De Anima) ; Averroès .

(Q.

11 ) Quaeritur consequenter de anima in statu separationis ,

et est

quaestio non multum philosophica , scilicet utrum anima separata pati possit 1 ab aliqua natura elementari , ut ab igne ¹ (Ibidem) . SOLUTION . On ne peut savoir ce qu'Aristote pensait de ce problème , car nous ne voyons pas qu'il ait traité de l'état de l'intellect séparé . A propos du «< carcer Jovis » , prison de feu que Pythagore avait imaginée au centre de la terre, Aristote dit bien qu'il n'y a pas de feu en cet endroit , mais il ne rejette pas, du moins expressément , la possibilité d'un feu qui détiendrait les condamnés de Jupiter. D'aucuns soutiennent que l'âme séparée peut souffrir par le feu , non pour

en être brûlée , mais parce qu'elle se voit environnée par cet élément destruc teur . Mais si ce feu ne lui nuit pas, pourquoi en souffre-t- elle ? Aussi d'autres ajoutent-ils que l'âme souffre parce qu'elle a l'illusion Vaine d'être brûlée , tout comme on souffre de maux imaginaires en rêvant! explication, car l'âme ne souffrirait pas du feu mais de sa représentation ; d'ailleurs , ce serait une erreur plus qu'une souffrance ; or Aristote enseigne

¹ Cette question constitue une digression amenée par la question précédente, relative à la passibilité de l'intellect . W 盡

QUESTIONS SUR LE TRAITE DE L'AME

171

que l'intellect n'est jamais dans l'erreur, dans la mesure où il est séparé de la matière . D'autres encore pensent que le feu a pouvoir sur l'âme , en tant qu'instru da Mais si vraiment l'âme pâtissait par le feu , ment de la vengeance divine . elle se consumerait . De plus , la Cause principale use d'un instrument adapté ; or le feu n'est pas du tout proportionné à l'âme ; pour qu'il serve d'instru ment au châtiment de l'âme , il faut que celle -ci lui soit unie en quelque façon comme elle est unie au corps durant cette vie . Comment l'âme sera-t- elle unie au feu ? Non pas , certes, comme la forme à la matière , mais « sicut locatum unitur loco , quia operatur in eo » ; l'âme sera détenue dans le feu , incapable d'agir ailleurs que dans ce feu , et ce sera la cause de sa tristesse . Peut-être Aristote répondrait-il autrement . Il dirait que l'âme séparée est peut-être ajouterait-il avec son Commentateur que l'intellect , les hommes , n'est jamais séparé de tous les individus . tous unique pour impassible ;

CITATIONS : Aristote (I et III De Anima; Ethic . Nic.; II De Caelo , implicite ment) ; Averroès ( V Metaph . , implicitement) ; Pythagore . (Q. 12) Inchoatum est prius dicere de operibus intellectus prout est in cor pore, et ad evidentiam huius visum est quod intellectus est in potentia ad intelligibilia . Nunc quaerendum est qualiter ista potentia vadat ad actum . Et ad evidentiam huius videndum est prius de duobus, quorum primum

est utrum intellectui sit innata cognitio aliquorum intelligibilium (fol . 360™ ) . SOLUTION. Aristote distingue trois principes de la connaissance intellec tuelle : l'intellect possible , l'intellect agent et les images . Ces principes suf fisent à expliquer l'activité de l'intelligence , sans qu'il faille recourir à des notions innées ; il n'y a pas non plus , d'ailleurs , de connaissance sensible innée. D'aucuns ont admis un certain innéisme et ont considéré l'intellect agent comme un habitus intellectif, inné à l'intellect possible ou matériel . P Mais il n'en est rien

l'intellect agent n'est pas un habitus , mais une puissance

active ; d'ailleurs, l'habitus confus que ces auteurs ont imaginé ne pourrait servir de principe à des connaissances distinctes . D'autres admettent la connaissance innée des premiers principes , et cette thèse semble être celle d'Albert ; ces notions innées seraient des instruments de l'intellect agent . Position intenable , car ce sont les images qui consti tuent les instruments de l'intellect agent . Je pense (dico et credo) que notre intellect n'a aucune connaissance innée . Quand il passe à l'acte au moyen des phantasmes , ce n'est pas sous l'influence de notions innées , mais parce qu'il tient de son Auteur (a suo factore) ou de sa nature propre , la puissance de connaître tous les intelligibles qui lui sont offerts par l'imagination . Et l'on peut illustrer cela par le processus parallèle de la connaissance sensible .

172

DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

Il faut remarquer toutefois que les premiers principes sont , pour le déve loppement ultérieur de la connaissance intellectuelle , ce qu'est la lumière pour la vision : de même que tout se voit dans la lumière et par elle , ainsi les choses sont comprises par l'intelligence à la lumière des premiers principes , connus immédiatement et avec peu de chances d'erreur . CITATIONS : Albert (le Grand) ; Aristote (II et IX Metaph.; I Poster. Analyt.; III De Anima) ; Averroès (II et IV Metaph .; III De Anima) ; Platon (Meno) .

(Q. 13) Quaeritur adhuc de modo intellectus prout noster est. Et quaeritur primo utrum intellectus possibilis agentem intelligat (fol . 361va) . SOLUTION. Notre intellect possible peut connaître l'intellect agent , mais il ne nous est pas uni dans cette opération . L'âme intellective est constituée de deux parties , l'intellect agent et l'intellect possible ; cette âme se connaît elle-même d'une double manière , « receptive per possibilem, active vero per agentem » , suivant qu'elle agit en nous ou séparée de nous. L'âme intellective connaît donc toujours , comme l'enseigne Averroès . La raison le démontre d'ailleurs suffisamment : toute substance séparée a en elle même le pouvoir de penser et , dès lors , de se penser . L'intellect possible ne nous est pas uni dans l'acte par lequel il connaît l'intellect agent, précisément parce que , dans l'opération qui nous unit à lui, il connaît au moyen des images , abstraites par l'intellect agent ; celui-ci ne pouvant être connu au moyen d'images, l'intellect possible ne le connaît pas dans son opération abstractive. Tout cela prouve bien que l'âme intellective n'est pas forme substantielle du corps , mais forme opérative (per suam operationem) : car , si elle était forme substantielle , aucun de ses actes ne nous serait étranger, comme il apparaît pour les sens . CITATIONS : Averroès (III De Anima , implicit . ) ; Alexandre et Themistius (d'après Averroès) ; De Causis (Liber) .

(Q. 14) Consequenter quaeritur quis est modus actionis secundum quam actionem intellectus nobis copulatur. Et quaeritur utrum ad hoc quod intel lectus

noster intelligat,

exigantur

species

receptae

in

intellectu possibili

(fol . 362 ) . SOLUTION. Nous avons conscience d'une double opération intellectuelle : la réception des intelligibles et leur abstraction : nous en concluons à l'exis tence d'une double puissance : l'intellect possible ou réceptif et l'intellect agent . Tous deux sont immatériels , et non seulement l'intellect agent , comme le croyait Alexandre . Outre les deux intellects , il nous faut encore , pour penser, des images

pour l'intellect en soi , la production et la réception des

intelligibles suffiraient ; mais pour son opération en nous, il faut encore que la production des intelligibles se fasse par l'abstraction qui , des images, fait > des objets de pensée.

QUESTIONS SUR LE TRAITE DE L'AME

173

Ici surgit une difficulté . Est-il possible que l'intellect agent produise (agat) une multiplicité d'intelligibles dans l'intellect possible , qui est une substance simple , immatérielle , inorganique ? D'aucuns assimilent l'intellect agent à la lumière : « imaginatas inten tiones existentes in intellectu possibili illustrando irradiat , et sic ipsas facit actu intelligibiles » . D'autres imaginent que l'intellect possible considère les phantasmes tels qu'ils sont dans l'organe de l'imagination , les reçoit et les connaît . Tout cela n'a aucun sens et est le fait de l'ignorance . Je dis que l'intellect agent ne reçoit rien , mais produit les intelligibles , abstraits et universels , dans l'intellect possible qui les reçoit . Nouvelles difficultés . Comment l'intellect est-il en nous, comment son. opération est- elle nôtre , s'il ne nous est uni que par les phantasmes ? En effet : 1º Il agit par sa substance , et par sa substance il est séparé de nous . 2º Les phantasmes ne sont que l'élément matériel de son opération ; par l'élément formel, par la pensée , l'intellect ne nous est pas uni . La réponse à ces arguments éclaircira le problème . 1° Bien qu'elle agisse par sa substance , l'âme intellective est dépendante du corps dans ses puissances , l'intellect agent et l'intellect possible , qui ont besoin de l'imagination . 2º Remarquons d'abord , à la suite d'Averroès , que l'union de l'intellect , unique et éternel , à l'espèce humaine éternelle , est plus essentielle que son union à tel ou tel individu . Cette dernière se fait par l'intermédiaire des phan tasmes, qui deviennent les intelligibles en acte ; mais déjà avant cette union. par les phantasmes , l'intellect nous était uni de quelque façon « eo quod intel lectui a sua naturali origine est quod sit in potentia ad intentiones imaginatas , ut sicut est in potentia ad illas , sic est similiter in potentia ad nos » . C'est parce qu'il est naturel à l'intellect de puiser la matière de sa connaissance dans nos phantasmes , que l'opération qui en résulte nous est consciente et devient nôtre. d'une certaine manière . CITATIONS : Alexandre (d'après Averroès , probablement) ; Aristote (III De Anima); Averroès (III De Anima) .

(Q. 15) Dubia ' de intellectu breviter recolligo ". I. Est dubium primo qualiter intellectus copulatur nobis (fol . 362 ) . En effet , si l'intellect nous est uni par sa partie matérielle , il devient une puissance organique ; il ne peut nous être uni par sa partie formelle ", car les intelligibles abstraits, en tant que tels, sont séparés de notre imagination : ils

ms plutôt dicta. ms = intelligo . Le sens paraît être le suivant : si l'intellect (unique et éternel) nous était uni par sa partie matérielle, c'est-à-dire en tant que sujet ou substance , en puissance de penser, il nous serait uni

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

174

n'y demeurent qu'à l'état d'images . La réponse serait aisée pour qui admet trait une union substantielle de l'intellect avec nous ; mais ce serait supposer l'impossible , car l'intellect n'aurait pas d'activité séparée s'il était substan tiellement uni à la matière . II. Est etiam aliud dubium qualiter possint diversa intelligi a diversis homi nibus (fol . 363a). Car cette diversité ne peut provenir d'une diversité d'intellects . Mais une intelligence peut-elle avoir plusieurs opérations ? Les intelligibles eux- mêmes ne semblent être multiples qu'à l'état d'images, donc d'intelligibles en puis

sance . III. Item quaeritur cur¹ ad actiones intelligendi requirantur intentiones imaginativae (Ibidem) . Est-ce uniquement pour que l'intellect nous soit uni , ou bien les images sont- elles exigées par la nature de l'intellect en soi ? SOLUTION DES TROIS « DUBIA » . I. Ad ista intelligendum, cum quaeritur qualiter intellectus nobiscum copu latur, dico quod intellectus nobis copulatur (Ibidem) . C'est un fait, puisque les choses abstraites nous sont conscientes . D'autre part, puisque l'intellect ne peut être forme du corps par sa substance , il est clair • qu'il ne nous est uni que par son opération . Et puisque l'activité intel lectuelle diffère d'un individu à l'autre , alors que l'intellect est unique , il est évident que cette diversité ne peut provenir que des images propres à chaque individu. Mais comment l'intellect nous est-il uni par nos phantasmes ? Il ne suffit pas que l'intellect connaisse les objets mêmes dont nous avons les images , pour que son intellection soit en nous . Il ne suffit pas non plus que l'intellect puise sa connaissance dans nos images elles-mêmes , car il ne les connaît qu'après les avoir abstraites , donc séparées de la matière . Enfin il ne peut suffire d'en appeler à la nature de l'intellect, car sa puissance naturelle à s'unir au corps n'explique pas comment se fait l'union en acte . Celle - ci ne peut s'expliquer que par les images , et la preuve en est , on l'a dit déjà , que seules les images expliquent la diversité de l'intellection dans les individus . Ces images nous sont unies , même en tant qu'elles sont pensées : non pas , certes , que l'intellection soit une opération du composé , mais parce que ces images pensées appartiennent à un intellect qui nous est uni . Et ceci va appa raître par un exemple : supposons qu'une forme substantielle matérielle ait quelques opérations propres, s'exerçant sans organe ces opérations appar tiendraient néanmoins au composé , en vertu de l'union substantielle . De

comme forme substantielle et sa puissance serait une puissance organique ; d'autre part, il ne peut nous être uni par sa partie formelle, c'est-à-dire par son opération ou son activité intel lectuelle, car, etc. 1 c surmonté d'un trait horizontal.

QUESTIONS SUR LE TRAITE DE L'AME

175

même pour les opérations de l'intellect : elles nous appartiennent parce qu'elles sont les opérations d'un intellect qui nous est uni , non comme forme à la matière , mais « per hoc quod intelligit ex intentionibus imaginatis » ¹ . II. Ad secundam quaestionem , cum quaeritur propter quid diversificetur intelligere in diversis hominibus, dico quod hoc est propter diversitatem intel lectorum (fol. 363 ) . Si l'intellect connaissait en lui- même et par lui-même , son activité serait unique et simple . Elle est diversifiée du fait de l'union de l'intellect aux images , sources de ses intelligibles .

III. Ad tertiam quaestionem dico quod intellectus agens non potest agere intellecta in possibili alia a se, nisi per species imaginatas (Ibidem) . Il est de la nature de notre intellect de s'unir à l'espèce humaine dans son opération et de puiser dans nos images le moyen de connaître les choses distinctes de lui , même les substances séparées . Remarquons encore , à ce propos , que l'intellect agent et l'intellect pos sible ne sont pas deux substances , mais deux puissances de la même substance , comme il résulte des textes d'Aristote . CITATIONS : Aristote (I et III De Anima) ; Averroès (III De Anima , implicit .) .

(Q. 16) Tunc quaereret aliquis modicum de substantiis separatis . 2 1. Et primo utrum substantia separata se possit intelligere (fol . 363 ) . (Siger expose les objections et la ratio in oppositum . Avant de répondre à la question, il en pose une seconde de la même manière) : 3 II. Consequenter quaeritur utrum una intelligentia sive substantia sepa rata aliam intelligat (Ibidem) . SOLUTION. I. Ad hoc est intelligendum quod substantiae sunt actu intelligibiles et ipsae sese possunt intelligere (Ibidem) . Seul le particulier matériel fait obstacle à l'intelligence ; le singulier imma tériel , au contraire , est intelligible de soi. II. Ad secundam quaestionem utrum una substantia separata intelligat et qualiter: utrum per suam substantiam vel qualiter aliter (fol . 363 ) . D'aucuns disent qu'étant de soi intelligible , une substance séparée est , Mais il ne suffit pas de soi, offerte (offertur) à l'intelligence des autres . qu'un objet soit intelligible pour qu'il soit connu d'une intelligence : il faut que cet objet lui soit uni et ne fasse qu'un avec elle . Une autre solution (positio) consiste à dire que les intelligences se con Vaine explication (sed hoc

naissent par des « species sibi concreatas » .

nihil est), car seules les formes matérielles peuvent être connues par des

On voit combien la réponse demeure peu satisfaisante . 2 Cette question et la suivante font figure de digressions ; elles sont amenées par les exposés qui précèdent . ms = plutôt intellectiva .

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

176

species distinctes d'elles- mêmes : aussi , quand nous connaissons les substances séparées, ce n'est pas par des species qui leur sont propres , mais par des species étrangères . Il faut dire que les intelligences connaissent tout ce qu'elles connaissent en connaissant leur propre substance : « per rationem intelligendi suam sub stantiam »; c'est ce qu'enseigne Aristote quand il dit que , dans les substances séparées, « idem est sciens et scitum » , et quand il affirme que la Cause pre mière ne connaît rien en dehors d'elle -même . Il n'y a donc que deux modes d'intelligence : l'intelligence par les phantasmes et l'intelligence par la sub stance . La substance séparée connaît donc les autres êtres uniquement «< secun dum habitudinem suae substantiae ad aliud, scilicet in hoc quod ipsa se habet in ratione causae ad aliud vel in ratione causati » . Dès lors , les substances séparées n'étant pas entre elles dans les rapports de cause à effet , elles ne se connaissent pas entre elles ; toutes sont dans le même rapport vis-à- vis de la Cause première qui est aussi leur cause , et qu'elles connaissent sans l'inter médiaire d'autres intelligences , tout comme notre intellect connaît la Cause première sans intermédiaires . CITATIONS : Aristote (III De Anima ; XI Metaph . ) ; Averroès ; Liber de causis.

(Q. 17) Adhuc de cognitione intellectus contingit dubitare , et quaeritur utrum intellectus noster cognoscat particulare particulariter, ita quod cogni tione intellectiva possit distinguere unum particulare ab alio (fol . 363b-364a) . SOLUTION . Il est certain que l'intelligence ne connaît pas le particulier « primo et per se » , car la détermination (forma) de l'intellect est immatérielle , abstraite , universelle , communicable à plusieurs . Mais l'intelligence peut- elle connaître le particulier « ex consequentia » ? Comment y parviendrait- elle ? Serait-ce par application de la forme universelle au particulier? - Mais cette application ne pourrait rendre cette forme particulière , et , dès lors , n'aiderait pas à faire connaître le particulier. D'ailleurs l'intellect ne peut comparer que les choses qu'il connaît déjà pour appliquer l'universel au particulier, il doit connaître préalablement celui- ci . Aussi je pense (Ideo credo et dico) que l'intellect ne connaît les singu liers « nec primo nec ex consequenti » . Il n'en résulte pas que le particulier n'est connu en aucune manière par l'intellect , car , à l'opposé de ce qu'ensei gnait Platon, je dis que l'universel s'identifie à son particulier : celui-ci est donc connu dans celui-là , mais seulement en tant qu'il participe de la forme universelle . Il est une autre manière d'expliquer la connaissance intellectuelle du

singulier, «< ex consequenti » : l'intellect saisirait le particulier dans l'universel parce que celui-ci est produit au moyen (causatur a) des images qui sont par

177

QUESTIONS SUR LA PHYSIQUE

ticulières : de même que le sens saisit l'objet à travers le sensible qui se trouve dans l'organe mais est produit par l'objet . — Il faut remarquer que le cas n'est pas identique : le sensible dans l'organe est particulier comme l'objet dont il provient et qu'il fait connaître ; l'intelligible , au contraire , est universel et , dès lors , ne fait pas connaître l'objet dans son être particulier . L'intelligence a donc une connaissance universelle du particulier. CITATIONS : Aristote (III De Anima; I Metaph . ) ; Boèce (De Consolatione ) ; Platon . Explicit. (En grands caractères , fol . 364™ ) . Puis : Incipiunt quaestiones super tertium de anima disputate a magistro Symone de fauerisham et prae cedentes sunt magistri Sigeri super eodem 3º.

QUESTIONS

SUR

LES DE

LIVRES

I,

II ,

III ,

IV

ET

VIII

LA PHYSIQUE

Les commentaires de Siger sur la Physique , et les suivants jusqu'aux questions sur la Métaphysique inclusivement, se trouvent dans le manuscrit latin 9559 de Munich , dont nous avons parlé déjà . Nous conserverons l'ordre de succession du manuscrit lui-même : peut-être répond- il à l'ordre chrono logique dans lequel les questions ont été exposées par l'auteur . Le début du codex 9559 est occupé par des commentaires sur la Phy sique et par le traité De Tempore, attribué à Alexandre d'Aphrodise . Au folio 18 commencent les questions de Siger sur la Physique .

LIVRE I (( Quoniam quidem intelligere et scire contingit » ¹ . Q. I. Utrum de rebus naturalibus sit scientia (fol . 18a) . SOLUTION . Il y a une science des choses naturelles , comme l'enseigne

Aristote contre Héraclite : non point qu'il existe des idées séparées comme le croyait Platon , mais l'abstraction aristotélicienne permet de considérer les objets particuliers et changeants sous leur aspect universel et immuable , et ainsi ils sont objet de science . CITATIONS : Aristote , Héraclite , Platon .

Q. 2. Utrum de omnibus naturalibus sit scientia una (fol . 18 ) . SOLUTION . Science unique suppose objet intelligible unique , définition

ARIST. , Physic . I , I ( 184 a 10) .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

unique ; or toutes les choses naturelles se définissent par la matière et par le mouvement ; elles font donc l'objet d'une science unique . CITATIONS : Aristote .

Q. 3. Utrum natura sit subiectum in scientia naturali (Ibidem) . SOLUTION. Non , car la natura n'est pas connue par elle-même , mais par le mouvement et par le sujet qui possède la natura . De plus , les passiones . étudiées en physique ne relèvent pas de la natura .

Q. 4. Quaeritur consequenter utrum corpus mobile sit subiectum in scientia naturali (Ibidem) . SOLUTION. Le corps mobile est le sujet de la science naturelle . En effet : c'est d'après ses divisions que se divise la science naturelle ; ce sont ses passiones et ses partes qui y sont étudiées ; enfin c'est le corps mobile qui est connu en premier lieu par le physicien . CITATIONS : Aristote (I De Caelo) .

Q. 5. Quaeritur circa primam propositionem quam ponit Aristoteles. Et primo utrum ad cognitionem completam de aliquo exigatur cognitio cuiuslibet causae illius (fol . 18 ) . SOLUTION . Oui , car ens et verum convertuntur ; or toutes les causes sont requises pour qu'une chose soit ; leur connaissance est donc indispensable pour que cette chose soit parfaitement connue . CITATIONS : Aristote (I Physic.; II Metaph .); Averroès.

Q. 6. Utrum illud quod est universalissimum, scilicet ens et unum, sit notissimum nobis secundum intellectum (Ibidem) . SOLUTION. Oui , car l'être est la notion qui se présente en premier lieu à notre intelligence ; c'est aussi l'objet qui se rencontre le plus universellement ;

de plus, l'être est connu sans l'intermédiaire d'aucune autre notion : toute autre connaissance , au contraire , présuppose celle de l'être ; enfin , dans la connaissance sensible également, nous connaissons d'abord d'une manière confuse et générale . Réponse à une objection tirée de l'indétermination de la notion d'être : " ... intellectus enim procedit de potentia ad actum : quod igitur magis accedit ad naturam potentiae , magis est nobis notum ... Unde solum hoc concludit ratio · quod ens, quia propinquum est materiae magis, minimum habet de cognitione secundum se ; ex hoc tamen non concludit quod ens non sit notissimum nobis » . CITATIONS

Aristote (I Metaph .) ; Averroès ; Avicenne .

Q. 7. Utrum universalia sint priora secundum naturam (fol . 18 ) . SOLUTION. Il faut distinguer . L'universel en acte est postérieur aux parti culiers , puisqu'il est abstrait de ceux-ci par l'intelligence . Pour l'universel en.

QUESTIONS SUR LA PHYSIQUE

179

puissance , il faut encore distinguer : par rapport à la matière « quae rationem indeterminati habet » , la priorité de nature revient à l'universel ; mais par rapport à la forme , c'est le contraire , car le singulier est plus actuel , déter miné, connaissable de soi , que l'universel . CITATIONS : Aristote (I De Anima) ; Averroès (XI Metaph .) .

Q. 8. Utrum minus universalia sint nobis magis nota (fol . 19ra) . SOLUTION. Non, les choses les plus universelles sont pour nous les plus connues, puisqu'elles sont les plus rapprochées de l'être , notion première , et se présentent à notre esprit avant les choses moins universelles (Cfr Q. 6) . Il ne faut pas comparer l'universel et le sensible , car ces choses ne sont pas comparables , n'ayant pas de commune mesure mais appartenant à des ordres différents . CITATIONS : Aristote (I Poster .).

Q. 9. Utrum naturalis habeat arguere contra negantem principia sua (fol . 19rb) . SOLUTION. Le physicien ne doit pas argumenter contre celui qui nierait ses principes de démonstration (principia doctrinae) , car il n'a rien de plus connu à lui opposer. Il peut toutefois argumenter contre celui qui nierait les principes réels (principia in essendo) de la physique , comme , par exemple , l'existence de la matière .

CITATIONS : Aristote .

Q. 10. Utrum philosophi primi sit determinare prima principia in scientiis particularibus (fol . 19 ) . SOLUTION. Les principes médiats (ou seconds) sont déterminés au début de la science qu'ils concernent cu dans la science supérieure à celle - ci . Mais

les principes immédiats (ou premiers) relèvent de la philosophie première : c'est elle , en effet , qui considère le premier principe « in genere complexo rum » , lequel , étant le plus intelligible , est cause de la connaissance de tous les autres , soit par déduction positive , soit par réduction à l'absurde . C'est aussi la philosophie première qui établit le sens des termes généraux d'où dérivent les autres . Enfin, c'est elle qui détermine , à propos d'un sujet quelconque , « quid est et si est » , puisqu'elle considère « ens universaliter » . CITATIONS : Aristote (Physic .; I Poster.; IV Metaph.) .

Q. 11. Utrum motus supponatur in scientia naturali (fol . 19vb) . SOLUTION. Du sujet d'une science on présuppose « quid est et quia est » ; or le corpus mobile est le sujet de la science naturelle ; celle -ci suppose donc l'existence du mouvement . CITATIONS : Aristote (II Physic . ).

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

180

Q. 12. Utrum omnia naturalia moveantur (Ibidem) . SOLUTION. Les choses naturelles sont celles qui ont une nature ; toute nature est composée de matière et de forme ; la matière est principe du mouvement ; donc les choses naturelles ont toutes le principe du mouvement . Mais toutes se meuvent-elles en fait ? Averroès dit que les parties de la

terre qui en constituent le centre sont mobiles par nature , mais ne se meuvent pas en fait. Si ces parties étaient toujours immobiles , elles seraient immuables : « quia quod numquam movebatur nec etiam movebitur, impossibile est moveri ; hoc enim est definitio impossibilitatis : quod nec est, nec erit, ut Commentator dicit supra librum primum Caeli et Mundi » . En réalité , ces parties de la terre sont mues comme les autres sous l'action des astres . CITATIONS : Aristote (II Meteor. ); Averroès (I De Caelo) .

Q. 13. Utrum ens secundum unam rationem dicatur de substantia et acci dente (fol . 20™ ) . SOLUTION. Non , sinon l'être serait , par rapport à la substance et à l'acci dent, l'espèce commune ou du moins le genre commun ce qui est faux , car des différences s'ajoutent au genre pour former des espèces ; or rien ne peut être ajouté à l'être , qui lui soit étranger. D'ailleurs, l'être se dit « absolute » de la substance , « relative » de l'accident , qui est « ens entis » . L'être se dit de la substance et de l'accident , « non secundum unam rationem penitus, nec secundum diversas rationes penitus, sed dicitur de eis per attributionem quandam, sicut sanum... » . Si l'on parle couramment de l'être comme d'un terme commun, c'est < «< quia ens secundum analogiam praedicatur de omnibus suis suppositis , ana logia autem propinqua est unitati generis, et quae sunt propinqua, intellectus accipit ut eadem » . CITATIONS : Anaxagore ;

Aristote (Physic . ) ;

Avicenne ; Mélisse (écrit

Mollisius) ; Parménide ; Porphyre .

Q. 14. Utrum ens et unum convertantur (fol . 20¹ ) . SOLUTION . La notion d'unité implique celle d'indivision . S'il s'agit de l'indivision dans un genre particulier comme celui de quantité , l'unité ajoute à l'être la notion (ratio) de mesure , car l'unité quantitative est le principe du nombre, lequel se définit « multitudo mensurata per unum » . Mais s'il s'agit

de l'indivision dans l'ordre de l'être simpliciter, l'unité se confond avec l'être. et ne l'enrichit que d'un être de raison , l'indivision . CITATIONS : Aristote (IV Metaph .) .

Q. 15. Utrum unum et multa opponantur (fol . 20 ) . SOLUTION. Oui, mais il faut distinguer . L'un quantitatif s'oppose au mul tiple quantitatif privative (l'un et l'autre étant quelque chose de positif) ;

QUESTIONS SUR LA PHYSIQUE

181

tandis que l'un convertible avec l'être s'oppose au multiple negative (le multiple n'étant rien, en tant qu'il s'oppose à l'être) . Il faut noter qu'on peut être un par rapport à quelque chose et multiple par rapport à autre chose

par exemple , un en acte et multiple en puissance . Seul ce qui serait multiple absolument (et à tous points de vue), serait aussi non-être : « si autem unum dicat sic indivisionem in natura entis universaliter, multa quae opponitur illi uni esset penitus nihil ». CITATIONS : Aristote (X Metaph . ) ; Proclus .

Q. 16. Utrum sequatur : tantum unum est , non ergo multa (fol . 20 ) . SOLUTION. Oui , puisque multa est le contradictoire de unum . Mais l'unité , comme l'être , se dit en plusieurs sens : elle n'exclut donc que la multitude qui est la négation de l'unité dans un sens déterminé.

Q. 17. Utrum tantum unum ens sit (Ibidem) . SOLUTION. Parménide et Mélisse ont pris dans un sens absolu la propo sition : il n'y a qu'un être . Pour eux , le multiple n'est qu'apparent . Ce qui est manifestement faux .

La proposition « tantum unum ens est » est vraie dans ce sens : « seul ce qui est un , est être » , à condition de prendre unum et ens dans le même sens , comme il a été dit plus haut . CITATIONS : Boèce ; Mélisse (écrit Molissus) ; Parménide . REMARQUE . On lit dans le corps de la question : « Sed si quaeritur utrum ista propositio vera sit de veritate sermonis : tantum unum est, sicut quaeri mus in sophismatibus, respondendum etc ... » . Est-ce une allusion à un exer cice scolaire déterminé , dans lequel la proposition « tantum unum ens est » aurait été discutée , ou une simple référence aux exercices de sophistique en général ? On ne peut le dire avec certitude . Il semble cependant qu'il s'agit d'une référence d'ordre général . En tout cas la proposition examinée ici ne fait pas l'objet d'un des « sophismes » de Siger qui nous sont parvenus : voyez les Impossibilia et le Sophisma dont il est question plus loin .

Q. 18. Quaeritur consequenter utrum , cum materia dividatur in partes et etiam quantitas , cui istorum per prius conveniat partibilitas (fol . 21rb) . SOLUTION. La matière ou la substance matérielle est divisible de deux manières : en parties homogènes (similes) , numériquement différentes, et en parties formellement différentes grâce à la réception de formes différentes . Mais la matière est redevable à la quantité de ces deux modes de divi sibilité : la division en parties numériquement distinctes est l'effet propre de la quantité ; et la division en parties formellement distinctes présuppose la première , car une substance non quantifiée ne pourrait recevoir des formes

contraires .

182

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

Il faut noter, dans la réponse à une objection , cette mise au point fort. heureuse : « Quantitas est id quo aliquid habet partes ; totum autem compo situm ex materia et ipsa quantitate est quod habet partes » . CITATIONS : Aristote (Physic.; V et VII Metaph. ) ; Averroès (VII Metaph .; De Substantia Orbis).

Q. 19. Utrum totum et pars sint idem (fol . 21 ) . SOLUTION . Il faut distinguer le tout n'est ni simplement identique à sa partie , ni simplement différent d'elle ; mais le tout est identique à sa partie sous un rapport (secundum quid) et différent sous un autre rapport . Ainsi , l'homme est identique à son pied en tant que le pied n'est pas distinct de l'homme ; mais l'homme est différent de son pied en tant qu'il comporte d'autres parties , comme la tête . CITATIONS : Averroès .

Q. 20. Utrum, si ens sit tantum unum et infinitum , sit immobile (Ibidem) . SOLUTION. Tout ce qui se meut est mû par un autre ; dès lors , l'être unique et infini qu'imaginait Mélisse ne peut être mû . Il ne peut l'être , ni d'un mouvement local, rectiligne ou giratoire , ni d'un mouvement qualitatif , qui supposerait le premier . (Tout cela est expliqué et démontré conformément à la doctrine d'Aristote ) . CITATIONS : Aristote (I De Caelo) ; Mélisse (écrit Melissius) ; Parménide . 1 Q. 21. Utrum alia sit ratio accidentis et subiecti (fol . 21 ) . SOLUTION . «< ... subiectum et accidens sunt indivisa secundum subiectum :

accidentis enim est esse in alio , ut in subiecto . Si autem loquamur de uno secundum rationem , tunc aliud est esse accidentis et subiecti » . Q. 22. Utrum determinatio (ou dictio ?) exclusiva addita accidenti denotet exclusionem subiecti (fol . 22™ª) . SOLUTION . L'accident peut être pris « in concretione » ou «< in abstrac tione » . Dans le premier cas, il est vrai d'affirmer que le sujet est son accident et réciproquement , et dès lors la réponse à faire est négative . Dans le second cas , c'est le contraire . CITATIONS : Aristote .

Q. 23. Utrum sequatur : ens est infinitum , ergo est unum (fol . 22™ ) . SOLUTION . L'infini comme tel est évidemment un . Mais rien n'empêche que l'infini , unique dans l'ordre où il est infini , soit multiple dans un autre ordre : ainsi , ce qui est infini selon la quantité , est un selon la quantité , mais

1 ms = suscepti, mais dans la suite de la question, on lit plusieurs fois subiectum .

QUESTIONS SUR LA PHYSIQUE

183

peut être multiple sous un autre rapport , avoir , par exemple , diverses formes, comme la substance et l'accident . CITATIONS : Aristote ; Mélisse .

Q. 24. Quaeritur consequenter circa partem illam : « Sicut autem physici dicunt » ¹. Et primo , utrum contingat aliquid fieri ex nihilo (Ibidem) . SOLUTION. «< Dicendum quod manifestum est aliquid fieri ex nihilo . Et hoc patet supponendo duo : unum est quod omnia qualitercumque entia , ab una prima causa procedunt ; aliud est quod primum agens est infinitae virtutis in vigore » . (Puis l'auteur démontre , d'après ces deux principes , que quelque chose est fait de rien) . Mais cette production n'est pas un mouvement , car celui-ci suppose un sujet préexistant . Il faut donc distinguer la cause qui fait de rien et celle qui transforme , car l'opinion commune de tous les philosophes a été que rien n'est fait de rien par voie de changement, mais par une production que d'aucuns appellent création , Avicenne par exemple . CITATIONS : Aristote (II et V Metaph .) ; Avicenne .

Q.

25.

Consequenter quaeritur utrum

infinitum sit notum intellectui

(fol . 22va) . SOLUTION. Il faut distinguer : 1º L'infini selon la quantité : a) l'infinitum dans le sens de indeterminatum équivaut au non-être et , dès lors, à l'inintel ligible ; b ) l'infinitum se disant d'une puissance indéfinie , peut être pensé , non pas comme infini ni comme puissance , mais comme fini , en fait , actuel lement : c'est ainsi que le continu est intelligible comme fini , non comme indéfiniment divisible . 2° L'infini selon la substance , le non-limité , c'est-à -dire l'Etre premier, ne peut en aucune façon être intelligé par notre raison . CITATIONS : Aristote (I et III Physic . ; V Metaph . ; I De Caelo) ; Proclus ; Liber de causis .

Q. 26. Quaeritur utrum in naturalibus sit ponere minimum, et hoc gratia cuiusdam dicti in secunda ratione Aristotelis (fol . 22 ") . SOLUTION. Oui, car l'ensemble des êtres de la nature a une quantité déterminée : les éléments de cet ensemble ont aussi , par conséquent , une quantité déterminée . De plus, il existe un maximum de grandeur pour les choses naturelles : dès lors , le contraire doit exister également , c'est-à- dire un minimum . D'aucuns ont pensé qu'il y a un minimum de grandeur en deçà duquel l'être ne peut plus agir ou « minimum secundum actionem » ; mais qu'il n'y a pas de « minimum secundum virtutem » , c'est-à-dire de quantité telle qu'on

ARIST. , Physic. I , 4 ( 187 a 12) .

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

184

n'en puisse trouver de plus petite . Ils ont emprunté cette distinction au livre De Sensu et Sensato , où Aristote distingue le sensible secundum actionem et le sensible secundum virtutem, celui-là étant fini , celui-ci ne l'étant pas . Mais cette théorie est fausse , car un être qui n'aurait pas son opération propre , n'aurait pas non plus sa nature propre . En outre , elle trahit la pensée d'Aristote , pour qui le sensible actione est la partie séparée d'un tout et actuellement sensible , tandis que le sensible virtute est la partie considérée dans le tout. D'autres ont soutenu qu'il n'y a pas de minimum déterminé en vertu de

la nature des choses , mais bien en vertu de la nature de leur contenant . Mais toute chose naturelle a un rapport naturel à son contenant , car celui-ci est en quelque manière cause, puisque l'action de la cause supé rieure atteint l'effet par l'intermédiaire de son contenant dès lors , si la quantité d'une chose naturelle est déterminée par son contenant , il est mani feste qu'elle est déterminée aussi par la nature propre de la chose. Il faut donc dire avec Aristote qu'il existe pour chaque chose un minimum en deçà duquel sa nature périt et se résout dans son contenant . En voici la

raison

la nature donne à chaque individu , non seulement l'être , mais la

vertu de se conserver dans l'être ; cette vertu est finie et proportionnée à la grandeur du corps ; dès lors , il existe un minimum de grandeur et de vertu en deçà duquel le corps ne peut subsister par lui-même. CITATIONS : Aristote (IV De Caelo ; I Physic . ; IV Metaph . ; De Sensu et Sensato) ; Averroès (XII Metaph . ; I Physic .) . 1 Q. 27. Quaeritur circa partem illam : « Omnes igitur contraria » ¹ , ubi determinat de principiis secundum opinionem propriam. Et primo, utrum principia prima sint contraria vel opposita (fol . 23 ) . SOLUTION. Les choses naturelles existent par leur substance et elles chan gent ; leur changement n'est pas leur substance . Les principes qui constituent les substances matérielles ne sont pas des contraires : matière

et forme

« faciunt_unum per se » , ce qui n'est pas le cas pour les contraires . Quant aux principes qui expliquent le changement , les uns sont contraires (forme et privation) , les autres pas (matière et forme , matière et privation) . CITATIONS : Aristote . Q. 28. Utrum prima principia sint contraria proprie loquendo vel privativa (Ibidem) . SOLUTION . Matière , forme et privation sont les premiers principes de tout changement (mutatio) ; parmi eux, la forme et la privation sont des contraires (Q. 27) , mais pas proprement dits . Par contre , dans le mouvement au sens. propre (motus proprie dictus) il y a des contraires proprement dits : car

ARIST . , Physic . I , 5 ( 188 a 19) .

QUESTIONS SUR LA PHYSIQUE

185

« motus est de subiecto in subiectum, et mutatio est de non subiecto in sub iectum vel e converso : et ideo motus est successivus de necessitate , propter distantiam extremorum , et in omnibus istis est reperire terminos contrarios , ut patet ». CITATIONS : Aristote (V Physic .) .

Q. 29. Consequenter quaeritur utrum prima principia transmutationis sint in genere substantiae (fol . 23 ) . SOLUTION . Il faut distinguer. Les premiers en perfection sont dans la caté gorie de lieu, car le changement premier au point de vue de la perfection . formelle est le mouvement local . Les principes premiers dans l'ordre de la génération sont la forme et la privation , car ils sont les plus proches du sujet premier du changement (la matière) ; ces principes sont dans la catégorie de substance . CITATIONS : Aristote (II Physic .).

Q. 30. Consequenter quaeritur utrum principia omnium rerum naturalium sint eadem vel diversa (Ibidem) . SOLUTION. Tout changement individuel , concret , a ses principes numéri quement distincts des principes de tout autre changement il a sa matière , sa forme , sa privation . Chaque espèce de changement a ses principes spéci fiquement distincts des principes des autres espèces . Chaque genre de change ment (changement substantiel , quantitatif , qualitatif, ) a , de même , ses prin cipes génériques . De telle sorte que les principes universels du changement ne sont semblables , ni spécifiquement , ni même génériquement, mais pro portionnellement (secundum proportionem) , et cela de deux manières : 1° dans chaque genre de changement se retrouvent les trois principes

sujet , forme ,

privation ; 2° « per attributionem, quia omnia reducuntur ad eadem specie in illis : ... sicut omnes transmutationes inferiores reducuntur ad primam trans mutationem quae est ad ubi, sicut convenit reducere inferiora ad superiora , sic et principia transmutationum omnium inferiorum ad principia transmuta tionis primae quae est ad ubi » . CITATIONS : Aristote (XII Metaph . ) ; Averroès .

Q. 31. Deinde quaeritur de principiis in speciali . Et primo de privatione , utrum privatio sit principium (fol . 23™ ) . SOLUTION. La privation qui est « ablatio simpliciter » est pur non-être et pure négation : elle n'est pas un principe . Mais la privation qui est « ablatio alicuius in natura determinata , apta nata ad habitum » , cette privation-là est un principe : non un principe d'être , mais de changement ; non un principe intrinsèque , mais extrinsèque à la chose ; principe cependant, « quia id ex quo incipit aliquid , dicimus esse principium illius » . CITATIONS : Aristote (IV Metaph .) .

186

DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

Q. 32. Utrum privatio sit per se principium (fol . 24ra) . SOLUTION. La privation n'est pas cause per se du changement , car la cause per se exerce un influx et, pour cela, doit exister. La privation est donc cause per accidens, en tant qu'elle affecte la matière qui , elle , est une des causes du changement . Mais la privation est principe per se du changement, car tout changement a pour point de départ la privation . CITATIONS : Aristote (V Metaph.) .

Q. 33. Consequenter quaeritur utrum materia sit cognoscibilis per se (Ibidem) . SOLUTION . Non, car il faut être ens in actu pour être de soi connaissable : l'être est, en effet, l'objet premier de notre intelligence . Or la matière n'a pas de soi l'être . Elle n'est donc connue que par autre chose , et cela de trois manières : 1 ) per analogiam : l'analogie de la matière qui reçoit la forme de la statue ; 2) per privationem : la matière est le sujet privé de toute forme, substantielle ou accidentelle ; 3) per formam : car la forme est l'acte de la matière ; or toute chose est connue dans la mesure où elle est en acte. CITATIONS : Aristote (II, VII, IX, X Metaph .) ; Averroès (II Metaph .) .

Q. 34. Utrum potentia passiva sit idem quod substantia materiae (fol . 24b) . SOLUTION. La puissance passive première est la matière , car nous disons d'elle qu'elle est potens (c'est-à-dire , en puissance) ; or , elle doit être en puissance par elle-même

si elle l'était par un accident , encore faudrait- il

qu'elle soit par elle-même en puissance vis-à-vis de cet accident . A proprement parler cependant , ce n'est pas la matière qui est puissance passive , comme ce n'est pas la forme qui existe ; c'est le composé qui est, par la forme, et qui est en puissance , par la matière . Mais la matière est principe du posse comme la forme est principe de l'esse. Quant à la puissance qu'a la matière de recevoir différentes formes, cette puissance appartient à la catégorie de relation . CITATIONS : Aristote (II et XII Metaph . ) ; Averroès (I De Anima ; De Sub stantia Orbis ; IX Metaph.; I Physic .) .

Q. 35. Quaeritur utrum omnes potentiae passivae reducantur ad unum passivum primum, ut potentia intellectus et aggregati et superiorum et infe riorum (fol . 24va) . SOLUTION . Puissance passive se dit relativement à puissance active ( V Me taph. ) ; or toutes les puissances actives sont ordonnées à un « primum activum » ; donc les puissances passives doivent se réduire à un « primum passivum » . Pour Avicebron, ce primum passivum est la matière première , qui se retrou C'est confondre verait dans les Intelligences comme dans les êtres corporels . deux choses irréductibles : la puissance dans l'intelligence et la puissance dans

QUESTIONS SUR LA PHYSIQUE

187

la matière . Elles sont irréductibles parce que leur acte est différent : pour l'intelligence , il est universel ; pour la matière , il est particulier . De plus , leur mode de réception est différent : la matière reçoit sa forme per transmuta tionem , l'intelligence reçoit la sienne sine transmutatione . Il faut noter que la potentia ad esse diffère également de la potentia ad formas : son acte s'acquiert sans changement. Quel est donc le passivum primum ? « Ordo in passivis est secundum ordi nem potentiarum activarum » ; or l'activum primum n'est autre que l'Etre pre mier, « et primo ab eo causatum est esse : et ideo potentia passiva prima erit id per quod primo est aliquid in potentia ad esse , et illa potentia reperitur in separatis a materia » . Cette potentia ad esse est raison , dans les Intelligences , de la potentia ad intelligere et ad intelligibilia diversa ; celle-ci est raison de la potentia ad diversa ubi dans les corps supérieurs ; celle- ci , à son tour , est principe de la potentia ad diversas formas dans les corps inférieurs . REMARQUE . L'auteur est très près de la composition réelle entre l'esse et l'essentia, mais sa pensée n'est pas claire ; il semble que sa dialectique néo platonicienne l'égare quand il écrit : « et illa potentia (ad intelligere) ulterius reducitur ad potentiam quae est ad esse in ipsa intelligentia superiore , vel in seipsa si non sit superior ea ; et illa ulterius non reducitur ad aliam poten tiam, sed reducitur ad agens primum » . CITATIONS : Aristote (V, IX, X Metaph . ); Averroès (III De Anima) ; Avice bron (libro Fontis Vitae) ; Avicenne ; Proclus .

Q. 36. Utrum materia prima facta sit (fol . 25™ª) . Notons la seconde ratio in oppositum , tendant à démontrer que la matière n'existe pas par soi : « Item, materia est aliud a Primo

quod necesse est ex

se : quare duo erunt necessaria ex se , quod est impossibile , ut patet ex prae dictis, et est contra Avicennam et omnes Peripateticos ; quare materia facta est, cum sit aliud a Primo » ¹ . SOLUTION. « Est dicendum hic tria : primo quod materia non generatur, secundo quod facta est, tertio quod facta est secundum accidens » . Elle n'est pas engendrée, puisque la génération suppose la matière . Elle a été produite par l'Etre premier, comme tous les êtres distincts de lui , « ut manifestum est » . Elle n'a pas été faite per se, « quia materia non est ens per se , sed per for mam... Sed quia est pars alicuius aggregati quod fit per se, ideo et ipsa fit per factionem totius » .

A moins de voir dans Avicennam une faute de copie pour Aristotelem (qui serait plus naturel dans la phrase) , il est assez étrange, sous la plume de Siger, de voir Avicenne com mander le groupe péripatéticien , tandis qu'Aristote est passé sous silence . Siger aurait-il peur de prononcer son nom à propos de ce sujet délicat ?

188

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

Remarquons aussi ce passage : « in compositis quae procedunt ab aeterno , totum procedit per se et primo , ita quod nulla pars prius : unde et in elementis, si facta sint ab aeterno , non est facta materia eorum prius , sed totum simul et materia per totum, et similiter forma » . La préexistence d'un sujet n'est pas requise dans la création : « hoc non oportet in factis sine transmutatione , quae fiunt per hoc quod causantur ab aliquo agente secundum totam naturam suam : non enim oportet quod aliquid prius sit in potentia ad illud; nisi dicamus potentiam quae est non repugnantia terminorum ad esse » . CITATIONS : Aristote (VII Metaph. ); Avicenne ; Peripatetici .

Q. 37. Utrum materia procedat a Primo immediate vel mediante orbe (fol . 25rb) . SOLUTION. La matière ne peut être produite immédiatement par l'Etre pre mier, pour plusieurs raisons . 1. L'effet immédiat de Dieu est la créature la plus parfaite , puisqu'elle est la plus proche de la Cause première . La matière procède de l'Etre pre mier par l'intermédiaire du ciel (orbis) : en effet , « mediante eo procedunt. entia a Primo, mediante quo conservantur in esse ; sed entia generabilia con servantur in esse et secundum speciem mediante orbe... ». 2. Les choses qui changent ne peuvent procéder immédiatement de l'Etre

premier qui est absolument immuable ; or les choses matérielles changent . 3. « In omnibus quae essentialiter ordinantur secundum totum, semper superius habet aliquam causalitatem super inferius » ; on peut déduire de ce principe que le ciel exerce une causalité vis-à-vis de la matière des corps inférieurs . 4. La même conclusion résulte de ce qui a été dit plus haut (Q. 35) de la hiérarchie des puissances passives . « Et hoc est quod dicunt Algazel et Avicenna et omnes Peripatetici, quod inferiora ordinantur et reguntur a superioribus, et hoc (ou hic) quidam theo logi » . « Ad secundam (rationem) , cum dicitur quod illud quod fit ex non ente, fit immediate a Primo , dicendum quod non est verum : secundum enim inten tionem auctoris libri de Causis et etiam Procli , multa producuntur ex non ente , quae tamen non producuntur immediate a Primo : ut anima producitur me diante intelligentia et intelligentia inferior, superiore , et tamen manifestum est quod ex non ente producuntur » . CITATIONS : Algazel ; Avicenne ; Liber de causis ; Peripatetici ; Proclus ; quidam theologi .

Q. 38. Utrum materia omnium generabilium sit una (fol . 25va) . SOLUTION. 1. « Materia secundum se non est una neque plures in actu

QUESTIONS SUR LA PHYSIQUE

aliquo modo »

189

qu'il s'agisse d'unité numérique , spécifique ou générique ,

toute chose est « une » , comme elle est « être » par la forme ; de même , « materia habet quantitatem per formam » . 2. « Verumtamen , materia de se est in potentia una vel et plures » . CITATIONS : Aristote (IV Physic .; I De Gener.; II De Anima) .

Q. 39. Quaeritur de potentia materiae . Et primo utrum materia sit in potentia ad quantitatem infinitam (fol . 25b) . SOLUTION. Il ne peut y avoir de quantité actuellement infinie dans la nature , comme le prouve Aristote dans la Physique et le Traité du Ciel . D'ailleurs , toute quantité implique dans sa définition même , sa limite (termi natio eius) : la ligne se définit par ses points extrêmes , la surface , par sa périphérie , le volume par sa superficie . L'infini n'est donc pas une passio de la quantité, mais une privatio . Dans la réponse à une objection : « Cum dicitur quod primum Agens potest agere quantitatem infinitam , dicendum quod falsum est, quia hoc est de se prohibitum ; talia autem non agit Deus, ut hominem esse asinum et contradictoria esse simul vera, ut sedere et non sedere simul : talia enim de ratione sua sunt non entia , et ideo talia non agit » . Plus loin : « Facere aliquid ex non ente simpliciter, ut intelligentiam , est effectus infinitus , non est autem prohibitus de ratione sua » . CITATIONS : Aristote (III et VIII Physic .; I De Caelo; III Metaph . ) ; Averroès.

Q. 40. Utrum materia sit in potentia ad formas infinitas (fol . 26™) . SOLUTION . 1. La matière n'est pas en puissance vis- à- vis d'une infinité de formes qu'elle posséderait en même temps : chose évidemment impossible . 2. Elle n'est pas non plus en puissance vis- à- vis d'une infinité de formes successives , spécifiquement distinctes, car « differentiae substantiales rerum omnium finitae sunt ; istae autem sumuntur ex forma » . D'ailleurs , les espèces étant les parties principales de l'univers , celui- ci serait infini si celles-là l'étaient , et de nouvelles espèces apparaîtraient dans le monde : deux choses impos sibles selon Aristote . 3. La matière est en puissance vis-à-vis d'une infinité de formes succes sives, numériquement distinctes : « quia materia transmutatur de una forma ad aliam secundum numerum , et ex illa ad aliam , et sic in infinitum circu lando , secundum intentionem Aristotelis » . Dans la critique des objections : « infinita enim secundum speciem non potest agere Primum quia ipsa non possunt agi » . CITATIONS : Aristote (III Physic .; III De Caelo) .

:

190

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

LIVRE II

1 « orum autem quae sunt, alia quidem natura

)).

Q. I. Quia in isto secundo determinat Aristoteles de natura , ideo quaeritur primo utrum natura sit principium motus in eo in quo est per se (fol . 26™ ) . SOLUTION . Oui , la nature est , de soi , principe de mouvement , et elle appar tient aux êtres de la même manière que le mouvement ; or le mouvement peut être attribué à un être , soit active , soit passive , soit active et passive ; il en est donc de même pour la nature : « quaedam naturaliter movent tantum et sunt principium motus in alio, quaedam moventur tantum , quaedam movent et moventur » . CITATIONS : Aristote (I De Caelo ; VIII Physic .) ; Averroès (I De Caelo) .

Q. 2. Utrum natura sit principium quietis ( Ibidem) . SOLUTION. Le repos étant une privation , n'a pas de cause efficiente , per se ; il n'a , per se , qu'une cause subjective . Mais il a une cause positive per accidens, en tant qu'il résulte d'un effet produit par une cause positive : cet effet , c'est le terme du mouvement, atteint par le mobile qui y trouve sa perfection . On entend parfois par quies le terme lui-même du mouvement : dans ce sens , il a évidemment une cause positive . CITATIONS : Algazel ; Aristote ( V Physic . ; X Metaph .) .

Q. 3. Quaeritur, gratia cuiusdam dicti, utrum in eo quod fit sit ponere potentiam activam vel inchoationem formalem (fol . 26™ª) . SOLUTION. > ; vita uniuscuiusque viventis habeat certam mensuram et certam durationem et certam periodum ex virtute caeli (fol . 91vª) . SOLUTION. La durée de la vie des êtres vivants est fonction de leur com plexion naturelle , mais celle- ci est fortifiée ou débilitée par l'influence des énergies astrales . CITATIONS : Aristote ; Averroès (II De Generat . ) ; dius ?).

« Chalcius » (Chalci

Q. 12. Quaeritur utrum illatio sit perpetua 2 (Ibidem) . « Et quod etc. » .

1 illatio [ non ] ( exponctué) possit esse perpetua videtur... " ergo ,

« Contra : mundus potest esse novus : ergo motus primus potest esse novus. Consequens apparet, quia motus primus non praecedit mundum . Pro batio antecedentis : volitum procedit a voluntate secundum formam volun tatis ; nunc autem 1 potuit esse talis forma voluntatis divinae , ut ab aeterno voluisset mundum fieri in hora ; ergo mundus potest esse novus ; ergo et motus primus potest esse novus .

1 Exponctué , semble-t-il . 2 Dans la marge inférieure : « Quaeritur utrum motus primus potest esse novus » . 3 ms = quia (qz) . 1 De gros traits noirs couvrent les quatre dernières lignes de la colonne a, depuis «> parce qu'il est de nature à causer l'erreur dans l'intelligence . CITATIONS : Aristote (VI et VII Metaph .) ; Averroès ( VI Metaph .) .

Q.

10. Utrum in causis moventibus contingat procedere in infinitum

(fol . 97ra) . SOLUTION . Dans les causes essentiellement ordonnées,

non ;

dans les

causes ordonnées accidentellement, oui . (Longues explications) . CITATIONS : Aristote ; Averroès ( V Physic .) .

Q. 11. Consequenter dicit Aristoteles quod omnes partes infiniti sunt sim 1 pliciter mediae ¹ ... Et ideo quaeritur utrum in partibus infiniti sit accipere unam priorem, aliam posteriorem (Ibidem) . SOLUTION. Non , dans une série infinie comme telle , il n'y a ni antérieur , ni postérieur, puisqu'il n'y a ni premier, ni dernier terme et que l'antérieur et le postérieur se disent par rapport à un point de repère déterminé. CITATIONS : Aristote .

Commentaire . « At vero » etc. 2. Aristoteles probat finitatem esse in omni genere causae (fol . 97 ) . Dans chaque ordre de causalité , il faut s'arrêter à une cause première dans cet ordre , mais non à une cause simplement pre mière : ainsi, il n'y a pas de cause formelle absolument première , c'est-à- dire incausée , car toute forme est un effet ; de même pour la cause matérielle . La Cause simplement première est cause de toutes les autres causes . « Consequenter dicit Aristoteles " quod aliquid fieri ex aliquo est duplici ter ….. » L'enfant devient adulte immédiatement parce que sa matière est dans les dispositions voulues pour recevoir la forme de l'homme adulte , mais l'adulte ne peut devenir enfant . Au contraire , l'air peut devenir eau et l'eau peut devenir air immédiatement . CITATIONS : Aristote ; Avicenne ; « antiqui » .

Q. 12. Quaeritur utrum conveniat materiae , quantum est de se , quod sit in potentia ad formam spermatis existentem sub sanguine (fol . 97 ) . SOLUTION . La matière n'est pas par elle-même en puissance vis-à-vis de cette forme , mais parce qu'elle est disposée à la recevoir plutôt qu'une autre : toute génération suppose une matière propre , disposée , car les générations se font d'après un ordre déterminé,

existant dans l'intention du premier

Moteur. CITATIONS : Aristote (De Generat.; IX Metaph.).

1 ARIST. , ARIST., pitre 2 ; il se ARIST. ,

Metaph. I minor, 2 (994 a 16 sqq .) . Metaph. I minor, 2 (994 a 1 ) . Notons que l'auteur revient ici au début du cha trouvait déjà plus loin à la question 10. Metaph . I minor, 2 (994 a 22) .

304

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

Commentaire . « Amplius autem » etc.¹ . Intendit probare statum in causis finalibus et ponit quatuor rationes (Etc. , ibidem) . « Videndum est si agens naturale agat propter finem » . Nier la cause finale , c'est nier la cause efficiente , car tout agent agit nécessairement d'une manière déterminée , donc dans un but. (( Sed neque quod quid erat esse » 2. Probat statum in causis formali bus » . (Etc.) . CITATIONS : Aristote (III Metaph. ; II et V Physic .; De Caelo) ; Averroès .

3 Q. 13. Quaeritur quomodo dividitur intellectus rei, re existente indivisa ³ (Ibidem) . SOLUTION . >

(fol . 98. L'auteur expose , à la suite

d'Aristote , les diverses erreurs qui entravent la recherche de la vérité) . « Propter quod oportet » 2. Hic ostendit Aristoteles quae via quaerenda sit in inquisitione veritatis » . On ne peut s'enquérir à la fois de la science et de la méthode à suivre pour la créer ; « sed si aliquis fuisset instructus in logicalibus, non contingeret ei illud impedimentum » . + Il y a une logique acquise et une logique naturelle (d'après Avicenne) , une logique générale et une logique spéciale à chaque science . La même rigueur n'est pas requise dans toutes les sciences : les sciences naturelles et morales ont des principes soumis au changement ; d'autre part , la métaphysique est difficile parce que son objet est fort éloigné des sens ; les mathématiques évitent les inconvé nients de ces deux extrêmes et l'on doit y exiger des démonstrations rigou reuses . CITATIONS : Aristote (De Anima ; VI Metaph . ; Poster. Anal .) ; Averroès (VII Metaph.) ; Avicenne . « Sunt ergo in hoc secundo tria determinata : primo , quod cognitio veri.. tatis uno modo facilis, alio modo difficilis ; secundo , quod in omni genere causae est status ; tertio , quae sunt impedimenta cognitionis veritatis . Ita quod totus secundus consistit in modo considerationis veritatis » (fin du folio 98) .

LIVRE III

« Necesse est ad quaesitam » etc. " . In isto tertio Aristoteles dubitationes et difficultates in cognitione veritatum quas considerat haec scientia disputat, licet hic non determinet. (Etc. , fol. 99 ) . Q. I. Quidam dicunt quod impossibile sit cognoscere primam causam et substantias separatas essentialiter, et Averroes, tertio de anima, dicit oppo situm (Ibidem) . SOLUTION . On peut connaître la Cause première « non essentialiter » de plusieurs façons : « privatione ... ; secundum habitudinem causatorum ad ip

sum ... ; ut prima causa rerum et finis omnium ... ; in simili... (par l'analogie). Si la connaissance de Dieu « per essentiam » est possible pour nous, il semble que ce doit être grâce à une espèce intelligible qui soit la représen tation exclusive de l'essence divine . On ne peut objecter que nous n'avons aucune connaissance sensible de Dieu , car toute quiddité , et dès lors, toute espèce intelligible est immatérielle . « Ita videtur quod homo multum expertus in philosophia, a causatis a Primo posset pervenire ad intellectum essentiae Primi » . CITATIONS : Aristote (XII Metaph . ) ; Averroès (III De dam » ; Liber de causis .

ARIST. , Metaph. I minor, 3 (995 a 6) . ARIST. , Metaph . I minor, 3 (995 a 10) . ARIST., Metaph . II , 1 (995 a 24) .

Anima) ;

« qui

QUESTIONS SUR LA METAPHYSIQUE

307

Q. 2. Super quaedam prius dicta redeamus : tactum enim fuit de esse , utrum esse sit de essentia rei¹ (Ibidem) . L'être des créatures est une partici pation de celui de la Cause première ; or, dans toutes les choses qui parti cipent une perfection , le participant et le participé diffèrent : par conséquent l'essence participante et l'être participé sont distincts . SOLUTION. Participant et participé diffèrent réellement dans la « partici patio univocationis » ainsi, la blancheur est distincte du sujet qui est blanc . Mais cette distinction n'est pas requise dans la « participatio imitationis » . Affirmer que l'esse diffère de l'essence , c'est faire de l'esse un accident . Il veut Mais Aristote dit que « definitio non dicit esse vel non esse » . dire que la définition n'est pas un énoncé complexe dans lequel on affirmerait quelque chose d'un sujet. CITATIONS : Aristote ; Averroès ; Platon .

« Est autem dubitatio » etc." . Q. 3. In hoc tertio vult Philosophus disputare quaestiones difficiles , et primo enumerat istas quaestiones ... Quaeritur utrum ad unam scientiam per tinet considerare de diversis generibus causarum (fol . 99™ ) . SOLUTION. Oui , dans la mesure où ces différents genres de causes se réduisent à un genre unique ou à quelque objet unique considéré par cette science. Ainsi , la science divine (la métaphysique) considère la cause maté rielle , mais uniquement en tant que puissance , la puissance et l'acte étant des divisions de l'être . CITATIONS : Aristote (XII Metaph . ) ;

Averroès ;

« quidam sophistae » .

Q. 4. Secundo quaeritur utrum unum contrariorum sit principium cognos cendi reliquum (Ibidem) . SOLUTION . Oui , mais seulement en tant que privation de son contraire . CITATIONS Aristote (III De Anima ; X Metaph.) ; Averroès .

Q. 5. Consequenter dicit Aristoteles quod in immobilibus non est unum principium motus "... Utrum in mathematicis sit bonum (fol . 99va) . SOLUTION. Les objets mathématiques sont bons en tant qu'ils sont ; mais en tant que mathématiques , « abstrahunt a ratione boni quia abstrahunt a ratione motus » . CITATIONS : Aristote .

1¹ Cfr ci-dessus, Introduction à la Métaphysique, Q. 7 , p . 299. L'auteur examine ici quel ques difficultés qui n'ont pas été soulevées plus haut et complète les remarques qu'il a faites précédemment. 2 En marge . ARIST ., Metaph . II , 1 (995 b 4) . ARIST . , Metaph . II , 2 (996 a 22) .

308

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

Q. 6. Utrum aliquid immobile possit esse finis (Ibidem) . SOLUTION . Sans doute , la notion de fin est relative à celle de mouvement ; mais un être immobile peut être fin extrinsèque d'un mouvement . CITATIONS : Aristote (XII Metaph.) .

Q. 7. Philosophus in XII° Metaphysicae ponit quod omnis substantia sepa rata habet comparationem ad motum ... ; sed non videtur esse determinatum si una substantia separata sit causa alterius . Sed ab Aristotele habemus quod omnis causa effectiva ( effecta ? ) vadit ad aliquam causam efficientem non effectivam (effectam ?) , aut non haberemus causam efficientem ; utrum tamen sit una causa effectiva omnium, dubium est . Et ideo quaeritur utrum in intel ligentiis sint duo principia (Ibidem) . SOLUTION. Un être peut exister éternellement et pourtant être causé et subir des changements , puisque le mouvement est lui- même éternel . Mais comment prouver qu'une substance séparée est causée ? Pas par sa durée , puisqu'elle est éternelle ; pas par son devenir , car elle est nécessaire ; pas par sa dépendance d'accident, car elle est substance ; pas par son essence , car nous ne la connaissons pas en elle-même . Et cependant , « Avicenna , Aristoteles, fides et Proclus volunt quod una sit causa effectiva omnium ... » . Il faut un Moteur premier unique parce qu'il y a un mouvement premier unique ; mais en résulte -t-il que ce Moteur est la cause efficiente de tous les êtres ? Non , car il pourrait être premier dans l'ordre de la perfection sans l'être dans l'ordre de la causalité : l'homme est plus parfait que l'âne sans en être la cause . On n'a donc prouvé que ceci : il existe un être plus parfait que tous les autres et tous imitent plus ou moins sa perfection . « Verum est quod dicit Averroes, quod ad hanc conclusionem rationes Avicennae non excedunt probabiles rationes » . CITATIONS : Aristote (XII Metaph . ) ; Averroès ; Avicenne ; Proclus .

Q. 8. Utrum sit una causa effectiva omnium (fol .

100ra) 1. De ce qu'il

existe un Moteur premier, peut-on conclure qu'il existe une Cause efficiente unique ? - Il semble que oui, car l'être qui est le plus parfait est aussi la cause de tous les autres. Mais cette majeure est fausse : Aristote dit bien (II Metaph.) « quod est causa aliorum est maxime tale » , mais il ne dit pas « quod est maxime tale est causa aliorum » : l'homme est plus parfait que le cheval ; il n'en est pourtant pas la cause . SOLUTION.

' Entendez : « j'affirme qu'elle ne peut demeurer sans forme quant à son essence » . 2 On y lit ces mots : « respectu primae Causae nihil potest esse a casu , ut patebit sexto huius » . Siger avait donc l'intention de commenter le livre VI. 3 ARIST. , Metaph . IV, 3 ( 1014 a 26) . ▲ ARIST. , Metaph . IV , 4 ( 1014 b 16) .

330

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

Q. 13. Utrum natura sit principium motus et quietis in eo in quo est secundum se et non secundum accidens (Ibidem) . SOLUTION. La nature est principe de tous les mouvements qui partent d'un principe inhérent , de soi , au mobile. CITATIONS : Aristote (II Physic . ; VII Metaph . ; « saepe ») ; Averroès (II et III Physic. ; «< saepe ») .

Q. 14. Quaeritur utrum naturam esse sit per se notum (fol . 115b) . SOLUTION. On appelle « per se notum » , soit ce qui est manifeste aux sens et est connu sans aucun discours de l'intelligence , soit ce qui est déduit , sans long raisonnement, du « primum per se notum » . Or il est évident que cer tains êtres se meuvent par soi (ex se) . Dès lors , pour qui connaît le sens du mot « nature » , il est évident qu'il existe des natures . CITATIONS : Aristote (II et VIII Physic. ; IV Metaph . ) ; Averroès (V Me taph. ; II Physic . ) ; Zénon ; « quidam » .

Q. 15. Consequenter, ad videndum quae moventur natura et quae non , quaeritur utrum aliquid unum, per hoc quod compositum ex materia et forma vel ex subiecto et accidente , possit seipsum transmutare , ita quod secundum unum componentium moveat et secundum aliud moveatur (fol . 116ra) . SOLUTION. Le composé de matière et de forme peut se transformer lui même de plusieurs manières : 1 ) ses parties quantitatives peuvent s'altérer mutuellement , pourvu qu'elles aient des dispositions contraires ; 2) le com posé peut s'altérer « per accidens » : ainsi , en courant , le cheval s'échauffe ; 3) le composé peut aussi s'altérer « per accidens » en agissant sur un autre corps qui réagit sur lui . Les corps élémentaires ne peuvent s'altérer que de la seconde manière , donc « per accidens » : ainsi , en tombant, tout corps s'échauffe . Il ne suffit donc pas , pour qu'un corps se meuve lui- même « per se » , qu'il soit composé de matière et de forme , ou de substance et d'accident : il faut , en plus , la présence de qualités contraires . Ad secundum : L' « inchoatio formalis » requise dans le sujet d'un chan gement n'est que la disposition prochaine de la matière à recevoir telle forme : ainsi , pour recevoir la forme de la scie , il faut une matière dure . L' « inchoatio formalis » n'est donc pas une forme , même diminuée ou par tielle . Il n'y a qu'une forme , unique et indivisible , dans un être (VII Metaph . ) . Ad tertium : La substance est cause de ses accidents (passiones) , mais elle ne les produit pas après avoir été en puissance par rapport à eux : on ne peut causer ce dont on est privé soi - même . La substance « simul cum habet suam formam, habet et passionem ... ; agens qui transmutat ad formam, transmutat ad passionem » . CITATIONS : Aristote ( VII Metaph . ; I De Generat. ; I Physic . ; De Moti

QUESTIONS SUR LA METAPHYSIQUE

331

bus Animal.; II De Generat . Animal . ) ; Averroès (II Physic .) ; « medicorum quidam » .

« Necessarium dicitur sine quo non contingit »

. In parte ista distinguit

Philosophus. (Etc. , fol . 116 ) . Q. 16. Quod autem primo necessarium sit omnino simplex, verificatur sic " (fol . 117ra) .

SOLUTION . 1 ) L'Etre premier ne peut avoir aucune puissance passive : sinon , l'acte relatif à cette puissance lui serait antérieur . Or , pour qu'un composé soit un, il faut qu'un des composants soit puissance et l'autre , acte (VII Metaph. ). Donc l'Etre premier ne peut être composé . 2) Tout composé dépend d'une cause qui est raison de l'unité des com posants . Or l'Etre premier ne peut avoir de cause . 3) Dans tout genre , ce qui est plus simple , est aussi plus noble , car il possède d'une manière plus parfaite la détermination du genre . Or l'Etre premier, qui est Cause première , est le plus noble des êtres. 4) Aristote ajoute cette preuve : le premier nécessaire est immuable : donc il est simple . Il semble indiquer par là que tout composé est muable : ce qui est vrai , « nisi obstaret aliud » . (Sans explications) . CITATIONS : Aristote (II Physic .; VII Metaph . ) ; Proclus ; Sophocle .

Q. 17. Et quia definit Aristoteles necessarium per impossibile aliter se habere sive impossibile non esse, quaeritur utrum bene definiatur, secundum quod Avicenna dubitat (fol . 117rb) . SOLUTION. La définition d'Aristote est bonne : la notion de « nécessaire » suit celles de l'être , du non-être , du possible et de l'impossible . « Et dicit (Avicenna) omnes antiquos errasse in definiendo sic necessarium : ipse tamen erravit ». CITATIONS : Aristote (II , IV et XII Metaph . ) ; Avicenne .

« Unum dicitur aliquid secundum accidens » etc. ³ In capitulo isto distin guit Philosophus . (Etc. , ibidem) . Q. 18. Consequenter quaeritur de definitione continui quam ponit, quod continuum est cuius motus est unus , et videtur quod non valeat (fol . 117™³) . SOLUTION. L'énoncé d'Aristote n'est pas une définition, mais une descrip tion , car le mouvement n'est pas essentiel au continu : il n'en est qu'une propriété. Pour le reste , la description est exacte . CITATIONS : Aristote (V Physic .) .

¹ ARIST., Metaph . IV, 5 ( 1015 a 20) . La Q. 16 n'est pas une question proprement dite . 3 ARIST. , Metaph . IV, 6 ( 1015 b 16) .

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

332

Q. 19. Sed hic accidit dubitatio , quomodo punctus habet positionem, unitas autem non (fol . 118ra) . SOLUTION. L'unité est dans le continu en tant qu'indivisible , tandis que le point est dans le continu comme tel , (c'est-à-dire comme divisible) : dès lors l'unité comme telle n'a pas de position ni de parties distinctes par leur position

antérieur, milieu , postérieur.

Q. 20. Sed quoniam Aristoteles dicit quod unum numero sunt quorum materia est una , quaeritur utrum singulare sit singulare et unum numero , non 1 natum esse in multis, per materiam ¹ (Ibidem) . SOLUTION 2. On dit parfois que le singulier matériel est singulier grâce à la matière , parce que la matière n'est pas communicable à plusieurs ; la forme serait individuée par la matière et serait distincte des formes de même espèce par les dimensions quantitatives . Cette explication est insuffisante : on ne peut pas être individué par quelque chose et être distinct par autre chose : tant qu'on n'est pas distinct de tout autre , on n'est pas vraiment individué . Il faut donc dire que la forme matérielle est individuée parce qu'elle est reçue dans une matière de dimensions déterminées et , dès lors , distincte de toute autre matière . Mais il ne faut pas vouloir saisir cela par l'intelligence , mais par les sens , car le singulier est sensible seulement .

CITATIONS : Aristote . 3 « Ens dicitur hoc quidem secundum accidens » ³ . In parte ista distinguit Philosophus . (Etc. , fol . 118 ) . Q. 21. Sed hic statim dubitabit aliquis utrum accidens , ut albedo , sit ens secundum se vel secundum accidens (Ibidem) . SOLUTION. L'accident considéré en lui-même (absolute ) n'est pas un être « per accidens » , car son essence ne comporte pas deux éléments dont l'un est accidentel (accidit) à l'autre. CITATIONS : Aristote .

Q. 22. Utrum musicus sit homo per accidens (fol . 118 ) . SOLUTION. Oui , car il vérifie la définition qu'on vient de donner. CITATIONS : Aristote . Dans le commentaire qui suit la question 22 : Aris tote (IV et IX Metaph . ) ; Averroès ( V Metaph .) ¹ .

: M. Grabmann a édité cette question . Cfr Neuaufgefundene « Quaestionen » Sigers , pp . 142-145. Il semble que l'abréviation qm doive se lire « quoniam » et non pas « quum » . Les 23 premières lignes de la solution sont rendues illisibles . Elle débutait ainsi : « Primo intelligendum quod in formis » . On peut conjecturer que l'auteur y exposait des principes dan gereux au sujet de l'individuation des formes immatérielles ; peut-être insinuait-il que l'âme intellective ne peut être multipliée par la matière . Les principes posés, Siger continuait ainsi : « Tunc ad quaestionem » etc. Cfr le texte de M. Grabmann . 3 ARIST. , Metaph . IV, 7 ( 1017 a 7) . * Au pied de la colonne b, on lit ces mots : « Substantia dicuntur et corpora simplicia » .

SOPHISMA

333

LE « SOPHISMA MAGISTRI SEGERI DE BRABANTIA »

Le recueil de fragments dont nous avons parlé dans l'introduction de ce volume se trouvait autrefois aux Archives vaticanes et a passé depuis à la Bibliothèque 2. Il se compose de 8 folios en parchemin et porte le texte de cinq « sophismata » que nous énumérerons brièvement . 1 ) INCIPIT (fol . 1) : « Aliquis homo est substantia. Hoc est sophisma pro positum, circa quod duo quaerebantur » . EXPLICIT (fol . 3 ) : « Aliae autem rationes vel sunt conclusiones , vel solutio earum potest apparere ex dictis . Et haec de isto sophismate sufficient ». 2) INCIPIT (fol. 3" ) : « Animal admirativum est risibile . Hoc est sophisma propositum, circa quod quaerebatur utrum definitio sit in divisione » . EXPLICIT (fol . 4 ) : « Item haec est ratio cui totaliter nititur frater Egidius in secundo Posteriorum » . 3) INCIPIT (fol . 5 ) : « Nihil est contingens . Hoc est sophisma propositum , quod probatur sic : nihil quod habet causam per se et necessariam , est con tingens » . EXPLICIT (fol . 6') : « quia tamen essent multa accidentia respectu aliarum causarum, ideo nec adhuc haberetur propositum. Etc. Explicit so phisma determinatum a magistro Petro de sancto amore » . 4) INCIPIT (fol . 6') : « Omnis homo de necessitate est animal. Circa istam orationem et consimiles quaeritur utrum terminus communis virtute suae signi ficationis supponat sua supposita , tam praesentia quam praeterita et futura » . EXPLICIT (fol. 7 ) : « quod superius concessum est et sic patet solutio ad 3 quaesita prius . A magistro Segero de Brabantia » 5) INCIPIT (fol . 7 ) : « Omnis phenix est. Hoc est sophisma propositum, quod probatur sic

eius contradictoria est falsa » . EXPLICIT (fol . 8') : « Et sic

potest esse illa , dicendo : omnis phenix est, praeter non existentem : et sic patet solutio ad illud . A magistro Petro de Alvernia » . Le quatrième « sophisma » est attribué à Siger de Brabant . Après avoir donné le pour et le contre relativement à la question posée au début du morceau, l'auteur en pose une seconde : « Item circa orationem et consimiles quaeritur utrum terminus communis respectu cuiuslibet praedicati idem sup ponat, aut diversificatur illud quod supponit talis terminus secundum praedi catorum diversitatem » . Après avoir donné les raisons pro et les raisons contra , Siger passe à la solution ou détermination . Il déclare d'abord qu'il n'entend pas convaincre les sophistes , dont il

C'est l'incipit du chapitre 8 d'Aristote et c'était, sans doute , le report de l'incipit du cahier suivant. Celui-ci doit s'être perdu, car le folio 119 n'a rien de commun avec ce qui précède : parchemin, encre, écriture , largeur des marges et contenu diffèrent. ¹ Ci-dessus, p . 6 . Où il n'a pas encore de cote , du moins à notre connaissance . ³ Les cinq derniers mots sont écrits en grands caractères.

334

DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

dépeint la mauvaise foi, à la suite d'Aristote . Il ajoute que , pour résoudre les questions posées , sept principes doivent être rappelés et démontrés : 1 ) Le terme commun fait abstraction des conditions de temps et de lieu : c'est en ce sens que l'universel est « partout et toujours » . 2) Le terme « Socrate » peut signifier un sujet qui peut être blanc, sans pour cela signifier la blancheur . 3) Cela même qui est appelé « termini significatum » quand on le con sidère absolument , est appelé « termini suppositum » quand on le considère relativement à autre chose , c'est-à-dire à un sujet . 4) Le terme ne doit pas nécessairement « supposer » tout ce qu'est le sujet dont il est prédiqué . 5) Il n'est pas indifférent de dire qu'un terme « suppose » quelque chose et que quelque chose est le suppôt d'un terme . 6) « ... illud est suppositum termini absolute , de quo terminus est dicibilis aliquo modo et secundum abstractionem ... » . 7) (( ... aliud est supponere terminum aliquid, et terminum per praedica

tum esse-aliquid denominari... » . Ces points établis , l'auteur revient aux questions posées . En vertu de sa signification, le terme ne « suppose » pas d'une manière déterminée des sujets présents, passés ou futurs , mais les « suppose » indifféremment. D'autre part , les sujets présents ne sont pas sujets du terme commun de la même façon que les sujets passés ou futurs . Quant à la seconde question , il faut y répondre négativement et dire que le terme commun ne « suppose » pas toujours la même chose . Cette thèse est longuement démontrée d'après les principes de la logique . On le voit, le « Sophisma » de Siger est la rédaction d'un exercice sco laire de logique formelle . Il n'y a pas lieu de nous arrêter davantage ici à ce morceau qui est un nouveau témoin de l'importance accordée à la formation dialectique dans l'enseignement de la Faculté des Arts de Paris . CITATIONS

Aristote (I Poster . Anal.; II Physic. ; III De Anima) .

Avec le fragment de la Bibliothèque vaticane s'achève notre enquête à travers les sources inédites relatives à la philosophie de Siger de Brabant . La description qui en a été faite constitue un exposé analytique de l'enseigne ment du maître : après avoir tenté de résoudre , dans les prochains chapitres , les problèmes littéraires et historiques que pose l'œuvre de Siger, il suffira de reprendre et de grouper en un tableau synthétique les données éparses dans ce volume et dans l'ouvrage du P. Mandonnet, pour déterminer la place qui revient au maître brabançon dans l'histoire de la philosophie au XIIIe siècle ' .

' M. F. StegmüLLER , professeur à Fribourg-en -Brisgau , a découvert récemment , à Lisbonne , quelques questions inédites de Siger de Brabant ; elles se rapportent principalement à la philo sophie morale et seront publiées sous peu .

TABLE

DES

QUESTIONS INÉDITES '

Livre III du Traité de l'âme

1. Utrum intellectivum radicatur in eadem anima cum vegetativo et sen sitivo ... ... ... .. ... ... .. ... ... 2. Utrum intellectus sit aeternus 3. Utrum intellectus factus fuerit in nunc temporis vel nunc aeternitatis... •• .. ... ... •• ... 4. Utrum intellectus sit generabilis ...

...

5. Utrum intellectus sit corruptibilis... 6. Utrum intellectus sit compositus ex materia et forma ...

166

...

167

167 168

:

168

••

...



...

.. •• ... II. Utrum anima separata pati possit ab igne ... 12. Utrum intellectui sit innata cognitio aliquorum intelligibilium

...

170

•••

...

171

...

...

172 172

...

175

··

176

10. Utrum intellectus sit passibilis

...

···

..

...

:

..

9. Utrum sit unus intellectus in omnibus ...

••

166

...

7. Utrum intellectus sit perfectio corporis quantum ad substantiam... 8. Utrum intellectus sit in qualibet parte corporis ... ... ... ••

165 165

··

169

...

170

: :

13. Utrum intellectus possibilis agentem intelligat ... 14. Utrum exigantur species receptae in intellectu possibili ... 15. Dubia tria de intellectu ... •• ···

... ••

173



:

16, I. Utrum substantia separata se possit intelligere... ... ... 16 , II . Utrum una intelligentia aliam intelligat 17. Utrum intellectus noster cognoscat particulare particulariter...

...

175

: :

Physique I

..

... ...

...

:

:P

... 1. Utrum de rebus naturalibus sit scientia ... una scientia naturalibus sit omnibus Utrum de 2.

··

177 177

:

:

La table des Quaestiones de Anima éditées dans la première partie , fait suite au texte (pp . 157-159) .

SIGER DE BRABANT

336

3. Utrum natura sit subiectum in scientia naturali ...

178

··

178

4. Utrum corpus mobile sit subiectum in scientia naturali ... 5. Utrum ad cognitionem completam de aliquo exigatur cognitio cuius ··· ... •• ·· •• ... libet causae illius

178

...

...

178

..

...

178

...

179

6. Utrum illud quod est universalissimum sit notissimum nobis ·· 7. Utrum universalia sint priora secundum naturam ... 8. Utrum minus universalia sint nobis magis nota...

179

9. Utrum naturalis habeat arguere contra negantem principia sua ... 10. Utrum philosophi primi sit determinare prima principia in scientiis •• particularibus ... ... ... .. ... 11. Utrum motus supponatur in scientia naturali

179 179

···

180

13. Utrum ens secundum unam rationem dicatur de substantia et accidente

180

12. Utrum omnia naturalia moveantur

...

14. Utrum ens et unum convertantur

………

15. Utrum unum et multa opponantur

...

...

...

··



...

..

...

...

...

16. Utrum sequatur : tantum unum est , non ergo multa • 17. Utrum tantum unum ens sit ...

... ··

··

18. Utrum partibilitas conveniat per prius materiae vel quantitati .. 19. Utrum totum et pars sint idem ...

...

...

180

··

···

180

...

...

181

..

181

...

181

...

182 : 182

20. Utrum, si ens sit tantum unum et infinitum, sit immobile .. ·· 21. Utrum alia sit ratio accidentis et subiecti ...

··

182

22. Utrum determinatio exclusiva addita accidenti denotet exclusionem

subiecti

...

182

••

··

182

...

··

183

...

...

...

···

183

..

...

...

...

183

:

23. Utrum sequatur : ens est infinitum, ergo est unum... ... ... 24. Utrum contingat aliquid fieri ex nihilo….. 25. Utrum infinitum sit notum intellectui ... .. ...

:

184 :

:

27. Utrum principia prima sint contraria vel opposita... 28. Utrum prima principia sint contraria proprie loquendo...

:

:

26. Utrum in naturalibus sit ponere minimum...

•••

184

29. Utrum prima principia transmutationis sint in genere substantiae

··

185

30. Utrum principia omnium rerum naturalium sint eadem vel diversa ·· ... ... ... ··· ... 31. Utrum privatio sit principium ... •• .. ·· 32. Utrum privatio sit per se principium ...

..

185

...

185

...

...

186

:

:

33. Utrum materia sit cognoscibilis per se...

···

186

:

: 34. Utrum potentia passiva sit idem quod substantia materiae ...

186

35. Utrum omnes potentiae passivae reducantur ad unum passivum primum ... ... 36. Utrum materia prima facta sit ••• ... 37. Utrum materia procedat a Primo immediate ...

186 187

188

:

38. Utrum materia omnium generabilium sit una

188

: ...

...

189

:

:

39. Utrum materia sit in potentia ad quantitatem infinitam 40. Utrum materia sit in potentia ad formas infinitas ... ...

189

:

337

TABLE DES QUESTIONS INEDITES

II

...

1. Utrum natura sit principium motus.

..

...

..

2. Utrum natura sit principium quietis ...

...

190

...

190

:

190

...

...

6. Utrum universale possit abstrahi a particularibus ...

..

••

: ...

:

...

3. Utrum in eo quod fit sit ponere potentiam activam 4. Utrum materia sit natura ... ... ... ... ... ... 5. Utrum forma sit natura... .. .. •

••• ..

...

191 191

:

191

7. Utrum mathematica sint maioris abstractionis quam naturalia ▸ 8. Utrum finis sit aliqua causa... ·· ··· ... ·· 9. Utrum finis sit bonum per se • .. ·· ... ...

10. Utrum omnia entia ordinentur in aliquem unum finem...

...

192

... ..

15. Utrum absentia unius contrariorum sit causa generationis alterius O ... ... 16. Utrum aliqua sint a casu et fortuna in entibus ... 17. Utrum scientia divina de rebus excludat casum ab eis ...

192

193

...

··· ... ... 11. Utrum omne agens agat propter finem ... ... ... 12. Utrum in separatis a materia sit efficiens ... 13. Utrum causata a Primo indigeant eo ad conservationem sui esse 14. Utrum eiusdem rei possint esse plures causae per se

192

193 193

...

194

...

194

...

195

••

196

194

195

:

... :

... 18. Utrum Primum omnia provideat et ordinet ... 19. Utrum providentia divina excludat casum a rebus...

...

196

··

196

20. Utrum corpora superiora necessitent voluntatem et intellectum... 21. Utrum bonum determinet voluntatem ad volendum ... ... ... 22. Utrum ab agente indifferenti proveniat aliquid

··

23. Utrum contingens in paucioribus sit intentum ab efficiente ... 24. Utrum casus et fortuna sint causae ... ... ... ... • 4 ...

...

25. Utrum natura agat propter aliquid

••

196

...

197

...

197 198

··

198

26. Utrum in operibus naturae accidant monstra ...

...

..

198

27. Utrum araneae et formicae agant natura aut arte ...

...

...

198

28. Utrum necessitas naturalium sit attribuenda materiae vel fini

...

:

...

:

...

198

:

III ..

...

...

...

..

...

..

···

199

:

1. Utrum natura sit principium motus

...

199

: ………

199 199

...

200

...

200

:

2. Utrum, ignoto motu , necesse sit ignorare naturam... 3. Utrum motus sit .. ·· 4. Utrum motus sit in genere ... ... ··

··



:

8. Utrum actio possit esse praeter motum

...

200

:

5. Utrum motus sit in genere perfectionis ad quam est motus ... 6. Utrum motus de ratione sua sit continuus... ·· ••• ··· ·· ·· 7. Utrum motus sit in genere actionis

...

201

……… :

:

...

...

201

... :

...

:

9. Utrum actio et passio sint motus unus...

338

SIGER DE BRABANT

...

11. Utrum actio sit in patiente sicut in subiecto

...

201

... :

:

10. Utrum motus cadat in ratione actionis et passionis

..

:

: 12. Utrum actio et passio sint diversa genera praedicamentorum ……. •• 13. Utrum mutatio sit aliquis actus ...

201 201

...

202 202

... : :

14. Utrum mutatio sit actus entis in potentia vel entis in actu ….. ... ··· ... ... ... ..

15. Utrum quies sit aliquis actus

202

:

IV 1. Utrum locus habeat esse

...

...

..

...

..

2. Utrum naturalis debeat considerare de loco

..

...

203

...

··

...203

..

...

3. Utrum omnia entia sint in loco ...

203

203

...

...

:

4. Utrum locus habeat virtutem conservandi locatum 5. Utrum locus sit materia ·· ... ... ...

...

203

···

:

6. Utrum locus sit forma ...

204 :

:

··

7. Utrum locus sit dimensiones existentes inter latera continentis... :

204

...

..

204

..

:

8. Utrum locus sit ultimum continentis ... 9. Utrum locus sit immobilis ...

204

...

:

:

:

204

··

..

205

.. :

...

:

··

...

:

:

10. Utrum ipsum centrum sit locus terrae 11. Utrum locus terrae sit ultimum aquae

205 :

: :

:

:

205 :

12. Utrum locus sit idem ipsius aquae et terrae 13. Utrum ultimum aeris sit locus aquae

205

14. Utrum concavum orbis lunae sit locus ipsius ignis ...

: ••

205

16. Utrum corpus generabile de necessitate naturae suae sit in loco

206

..

:

15. Utrum corpus mixtum habeat aliquem locum naturalem

206

17. Utrum sphaerae inferiores sint in loco :

18. Utrum ultima sphaera sit in loco per se...

··

207

••

207

:

...

:

...

:

:

19. Utrum ultima sphaera sit in loco per accidens 20. Utrum mathematica sint in loco per se

208

.. :

:

:

··

···

208

:

208 :

... ... 21. Utrum anima sit in loco 22. Utrum vacuum de ratione sua importet dimensiones ... ·· .. 23. Utrum de vacuo possit esse scientia... ... …… . 24. Utrum vacuum sit in rerum natura ...

...

..

209 209

25. Utrum in vacuo possit fieri motus

209

26. Utrum, si esset vacuum in concavitate caeli , latera caeli concurrerent ...

210 210

27. Utrum , posito vacuo in concavitate caeli , posset caelum moveri .. ·· 28. Utrum, si ponatur cubus in aqua , aqua cedet ei ... 29. Utrum duo corpora possent esse in eodem loco ... .. 30. Utrum duae materiae possint esse simul ...

210 210

...

...

...

211

339

TABLE DES QUESTIONS INEDITES

VIII ..

211

2. Utrum primum Principium esse in entibus possit demonstrari...

211

1. Utrum primum Principium esse sit manifestum in entibus ...

3. Utrum pertineat ad philosophum primum demonstrare primum Prin ... ... ••• cipium esse

211

212 :

:

4. Utrum sit ponere Primum in entibus 5. Utrum quaedam alia a Primo ex se sint necesse esse….. ... 6. Utrum, motus sit aeternus ... ...

**

..

...

213

··

...

213

7. Utrum motus prius potuit incepisse , aut posterius , aut ab aeterno... .. ... .. ... ... ... ·· 8. Utrum motus aliquando deficiat

215. 215

...

...

215

10. Utrum instans sit principium unius temporis et finis alterius .. 11. Utrum Motor primus moveat intellectum humanum ... .. ... 12. Utrum voluntas reducatur ad Motorem primum

...

216

···

9. Utrum tempus sit aeternum

...

...

216

...



217 217

13. Utrum corpora superiora sint causa operationis intellectus 14. Utrum motus corporum superiorum sint causa voluntatis per se 15. Utrum animalia sufficienter moveantur ex se...

217 :

16. Utrum in quolibet motu sit assignare aliquam partem primam... ... ••• 17. Utrum gravia et levia moveantur ex se ... ... ... 18. Utrum generans grave et leve sit movens grave et leve ... ·· ... 19. Utrum locus sit movens gravia et levia ...

...

218

...

218

...

219 219

...

...

••

219

... 20. Utrum grave , remoto prohibente, moveatur ex se deorsum 21. Utrum in moventibus et motis necesse sit devenire ad primum

219

22. Utrum movens proximum magis sit causa motus , an movens primum • ... ... ··· ... ... 23. Utrum caelum moveatur ex se ...

220 220

24. Utrum motor caeli sit motor immobilis ...

221

220

··

...

...

221

26. Utrum causa generationis perpetuae sit aliquod unum, aut plura

...

222

27. Utrum motores corporum superiorum moveantur per accidens ...

··

222

28. Utrum motor qui movetur per accidens , possit facere motum aeternum

223

..

25. Utrum residuum possit movere residuum

Traité du sommeil et de la veille

1. Utrum de somno et vigilia possit esse scientia ... ... 2. Utrum somnus sit privatio vigiliae 3. Utrum cuius est potentia , eius sit actus...

··

...

...

...

··



..

223

...

224 224

:

...

...

...

224

...

224

...

225

...

···

224 :

...

:

:

:

6. Utrum primo insit animali somnus quam vigilia ... 7. Utrum in plantis insit somnus ... 8. Utrum plantis insit sensus ... ... ... ... ... ...

..

:

4. Utrum somnus et vigilia sint passiones totius coniuncti 5. Utrum omni animali insit somnus ... ... ... ...

223

...

340

SIGER DE BRABANT

9. Utrum in somno immobilitentur omnes sensus particulares ... ... 10. Utrum gustus insit omnibus animalibus ...

225 225

...

...

...

…..` ´226 226

...

226

226

11. Utrum somnus primo sit passio sensus communis 12. Utrum somnus finaliter insit animalibus propter salutem ... 13. Utrum somnus tamquam ad finem ordinetur ad vigiliam ... 14. Utrum ipsum cor sit organum sensus communis ... 15. Utrum dormientes possint facere opera vigiliae ···

226 227

227

:

16. Utrum dormientes exercentes opera vigiliae recolant factorum ... ... 17. Utrum solus sanguis sit nutrimentum animalium...

227

18. Utrum cor sit primum principium venarum ... :

227 :

228

:

19. Utrum somnus causetur ex evaporatione nutrimenti effective ... ... 20. Utrum intellectus immobilitetur in somno

228

21. Utrum somnium sit passio sensus communis... 22. Utrum somnium sit passio sensuum particularium ... :

:

23. Utrum simulacra sensibilium manent in organis sentiendi ...

:

228 229

: :

229

229

.. :

:

24. Utrum, quiescente primo movente , contingat fieri motum... 25. Utrum oculus aliquid agat in suum obiectum... ... ··

..

230

.

230

··

231

:

26. Utrum omnia quae apparent nobis ad sensum sint simulacra ... 27. Utrum omne phantasma quod apparet nobis sit somnium... 28. Utrum somnium tantum fiat ex simulacris a sensu receptis...

...

:

...

··

...

231

... :

29. Utrum divinatio sit possibilis

231 :

... 30. Utrum divinatio sit cognitio sensualis vel intellectualis 31. Utrum scientia de divinatione sit scientia immissa a Deo ...

231 :

33. Utrum idiotae sint boni interpretatores somniorum

...

232

..

:

32. Utrum omne possibile aliquando erit secundum actum

...

232

232

34. Utrum melancholici sint boni interpretatores somniorum

Traité des météores I ...

1. Utrum de impressionibus possit esse scientia ... 2. Utrum de omnibus impressionibus sit scientia una

••

233 233 234

3. Utrum ea quae accidunt in isto mundo fiant a natura inordinatiore... 4. Utrum omnia quae sunt in universo regantur a Causa prima ...

234

5. Utrum Causa prima immediate regat omnia...

235

6. Utrum dispositiones istius mundi ordinentur a corporibus superioribus 7. Utrum actiones intellectus ordinentur a corporibus superioribus

235 235

8. Utrum ignis comprehendatur vel ordinetur in concavo orbis lunae ... ··· .. ··

236 236

··

···

...

. ..

:

9. Utrum motus circularis ignis sit naturalis 10. Utrum aer sit naturaliter calidus

236 236

:

:

11. Utrum elementa , sint aequalia secundum quantitatem

341

TABLE DES QUESTIONS INEDITES

236

:

12. Utrum nubes possint generari in superiore parte aeris

237

13. Utrum locus medius aeris , in quo generantur nubes , sit frigidus :

...

···

..

237 237 238

:

15. Utrum corpora superiora habeant virtutem alterandi inferiora ... ·· 16. Utrum motus generet caliditatem . ...

:

14. Utrum ventus possit generari in parte superiore aeris ...

.. ... ... 17. Utrum lumen corporum superiorum generet caliditatem 18. Utrum in altis montibus magis generetur caliditas quam in vallibus ... 19. Utrum stella solis magis sit generativa caliditatis quam aliae partes... ... 20. Utrum vapor sit corpus simplex vel mixtum ... ……… 21. Utrum vapor possit generari ex quolibet corpore simplici ... ••• ... ... ...

240 240

...

..

240

•••

..

240

:

22. Utrum motus vaporis sursum sit naturalis

239 240

23. Utrum vapor calidus siccus altius moveatur ...

241

••

24. Utrum omnes ignes generati in loco superiore sint unius speciei 25. Utrum sidera discurrentia moveantur a calido ...

···

241 241

:

26. Utrum colores qui de nocte apparent in aere , sint ibi ... ...

241 ···

242

28. Utrum stella comata generetur ex coniunctione plurium stellarum ……… .. 29. Utrum stella comata generetur in sphaera elementari ...

242

27. Utrum visus aequaliter iudicet de albo et nigro

...

···

242

:

30. Utrum stella comata sit aliqua stella erratica cui continuatur coma... ·· 31. Utrum stella comata generetur in igne vel non ... ... ... ... 32. Utrum stella comata debeat moveri circulariter ... ... ...

243

33. Utrum stella comata sit signum siccitatum et ventorum 34. Utrum stella comata sit signum mortis principis .. •

...

243

...

244

35. Utrum circulus lacteus generetur in materia elementari... 36. Utrum solis latio sit causa impressionum humidarum ...

···

...

...

243 243

244 245

37. Utrum vapor calidus humidus sit materia illarum impressionum ... 38. Utrum nubes moveantur motu naturali ... ... ...

...

245

··

245

... ... ... 39. Utrum caligo sit signum serenitatis. 40. Utrum ex aere in loco superiore possit generari pluvia vel grando ··· .. 41. Utrum pluvia in loco superiore generetur continua ...

245

.. ... 42. Utrum ros generetur a frigido vel calido ... 43. Utrum ros possit generari in loco nubium vel supra 44. Utrum ros generetur flante vento australi... ...

...

45. Utrum pruina generetur a maiore frigiditate quam grando... 46. Utrum nix generetur in loco ipsarum nubium... ... ... ...

246

•••

…… .

245 246

..

246

···

245 246

...

247

...

··

47. Utrum in parte aeris superiore possit congelari aqua vel nubes….. ·· ... ... 48. Utrum unum contrariorum fortificet reliquum

..

247

...

247

..

248

51. Utrum aquae existentes in voraginibus terrae principium sint fluminum •

248 248

...

248

247

49. Utrum grando generetur in loco superiore aeris frigido 50. Utrum interius in ipsa terra inveniantur aliquae vacuitates...

...

52. Utrum mare sit principium omnium fluminum...

53. Utrum principium fontium et fluviorum sit ex montibus altis ...



342

SIGER DE BRABANT

54. Utrum motus aquae ad orificium fontis et fluminis sit naturalis…… .. 55. Utrum fluxus fluviorum sit sempiternus ... ... ... ...

...

249

...

249

II 249

:

D:

.. ...

250

... :

.. 1. Utrum terra aliquando fuerit cooperta aquis ... 2. Utrum mare generetur ex fontibus et fluminibus ... 3. Utrum locus maris sit locus naturalis aquarum… ..

250

..

250

.. 4. Utrum mare aliquando corrumpatur ... 5. Utrum salsedo maris causetur ex commixtione grossi et indigesti

250

6. Utrum salsedo generetur ex exhalatione calida sicca elavata ex fundo maris

250

7. Utrum exhalatio calida descendens per pluvias sit causa salsedinis ... ... ...

251 251

··

251

8. Utrum, si mare a principio esset dulce , posset fieri salsum … .. ...

...

251

..

··

...

...

252

··

252

0:3

9. Utrum mare possit fluere sine reditu ... 10. Utrum luna sit causa fluxus et refluxus maris ... 11. Utrum ventus sit motus aeris

••

... :

12. Utrum exhalatio calida sicca sit materia ventorum ...

:

13. Utrum venti universaliter sint calidi ...

...

..

...

14. Utrum ventus moveatur a virtute caelesti vel elementari 15. Utrum ventus moveatur a frigido repellente

..

··

...

253

...

253 253

...

16. Utrum terra inter tropicum hiemalem et polum meridionalem sit habi tabilis ... ... 17. Utrum terra quae interiacet duobus tropicis sit habitabilis...

···

···

253 254

18. Utrum pars terrae in qua habitamus sit habitabilis in circuitu ...

254

19. Utrum auster sit flans apud nos a polo meridionali ... 20. Utrum omnes venti sint unus ventus secundum speciem

254

254 ..

23. Utrum terrae motus maxime fiat circa meridiem

..

24. Utrum apud terrae motum fiat frigus forte...

...



:

:

..

21. Utrum exhalatio vel spiritus inclusus in terra moveat terram…… ... 22. Utrum spiritus in terra moveatur a frigido ... ...

••

··

255

··

255

··

255 256

25. Utrum angustia loci sit causa maioris durationis terrae motus 26. Utrum ad generationem tonitrui exigantur duae exhalationes 27. Utrum illae duae exhalationes simul eleventur…… . ... ...

255

...

256

··

256

•••

257

:

...

IV

1. Utrum qualitates primae sint differentiae essentiales elementorum ... ... ... ..

2. Utrum calidum, frigidum sint qualitates activae

256

3. Utrum humidum et siccum sint qualitates activae ···

257

4. Utrum elementa agant secundum suas formas substantiales vel acci ... ... dentales …… . ... ... ... ... ... ... ... ...

257

343

TABLE DES QUESTIONS INEDITES

258

.. :

:

5. Utrum definitio generationis sit convenienter data ... 6. Utrum generatio sit a calido et frigido

258

7. Utrum in omni generatione naturali calidum et frigidum obtineant ...

258

8. Utrum frigidum vel calidum obtineat in qualibet generatione .. 9. Utrum putrefactio sit naturalis

258

...

10. Utrum omnis corruptio naturalis sit via in putrefactionem ..

...

...

11. Utrum putrefactio sit contraria generationi simplici et universali ... •• ... 12. Utrum combustio sit naturalis ... ·· .. ··· ...

………

259

···

260

..

··

259 259

:

:

···

.. ...

260

:

:

••

...

260

:

13. Utrum putrefactio et combustio sint motus unus 14. Utrum corpus simplex putrefiat ... • ... 15. Utrum frigidum sit privatio calidi ...



...

259

:

: ...

...

19. Utrum digestio sit motus ad substantiam vel qualitatem .. 20. Utrum digestiones differant secundum speciem 21. Utrum sint tantum tres species digestionis ... ... ... ... ... 22. Utrum digestio sit perfectio ... ... ··

...

...

··

260

………

261

261

.. :

18. Utrum motus impediat putrefactionem

260

..

:

16. Utrum putrefactio causetur a frigiditate et caliditate ... 17. Utrum frigidum impediat putrefactionem ... ...

: :

:

:

..

...

...

261

··

...

··

262

:

:

...

...

...

262

:

:

••

262

··

:

··

..

:

262

23. Utrum digestio sit a calido proprio et naturali... 24. Utrum frigidum sit causa digestionis ...

25. Utrum calidi sit ingrossare per se

261

...

...

••

: ..

262

262 263

:

...

..

...

...

:

27. Utrum pepansis sit a calido intrinseco et naturali ... 28. Utrum pepansis sit digestio alimenti in fructiferis ...

:

26. Utrum indigestio per se causetur a frigido

Traité de la jeunesse et de la vieillesse

...

...

..

263 :

...

:

1. Utrum anima sit corpus vel materia ... 2. Utrum anima sit in parte aliqua corporis determinata

..

...

264

3. Utrum vegetativum et sensitivum sint partes vel potentiae animae .. 4. Utrum sensitivum commune sit in corde ...

···

264

··

265

...

265

:

5. Utrum principium nutritivae vel sensitivae sit in medio



266

6. Utrum primum principium venarum sit ex corde 7. Utrum viventia maiorem caliditatem habeant quam non viventia .. ... 8. Utrum primum principium caliditatis sit in corde ...

266

...

266

...

267

266 :

9. Utrum refrigeratio calidi sit necessaria omnibus viventibus ... ·· ... .. 10. Utrum calidum a seipso corrumpatur... ... ……. ... ... 11. Utrum minor flamma comburatur a maiore

...

...

267

:

267

12. Utrum ignis in flamma secundum aliquod tempus maneat idem... ... ... .. 13. Utrum ignis exstinguatur , apposito suffocatorio ···

..

267

14. Utrum fiat sufficiens refrigeratio per alimentum et per continens

··

267

344

SIGER DE BRABANT

Traité de la génération

I 1. Utrum de generabilibus et corruptibilibus possit esse scientia ... ... 2. Utrum universalia sint generabilia .. ...

268

...

268

·· • 3. Utrum generatio sit motus 4. Utrum naturalis debeat considerare factionem quae non sit generatio

269

...

5. Utrum in subiecto generationis requiratur aliqua potentia activa... 6. Utrum materia sit causa corruptionis ... ... ••

••

270 270

271

7. Utrum de generabilibus et corruptibilibus possit esse scientia ·· ... 8. Utrum de generatione sit scientia naturalis ... 9. Utrum alteratio differat a generatione...

270

271 271

... :

:

:

271

·· :

10. Utrum os, caro sint elementa terrae et aquae... 11. Utrum elementa sint intransmutabilia ...

...

:

:

272 :

:::

:

:

12. Utrum elementa sint generata ex chaos confuso 13. Utrum ista simplicia possint esse elementa mixtorum ... 14. Utrum elementa sint corpora generata ... ... 15. Utrum aliqua factio poterit esse non ex materia

271

...

...

...

...

...

272 ... ...

272 273

: ::

16. Utrum per generationem aliquid acquiratur nisi sola forma ... ... ... 17. Utrum generans per se corrumpit.... ..

273 ..

18. Utrum possit fieri transmutatio in passionibus posterioribus , non factis transmutationibus in primis qualitatibus ...

273

274

19. Utrum corpus possit esse simul divisum secundum quodque punctum ·· 20. Utrum generatio possit esse ex non ente simpliciter ..

274

21. Utrum materia prima possit esse simul sine omni forma... 22. Utrum transmutatio materiae ad formam sit alteratio materiae ...

275 275

23. Utrum, cum unum elementum transmutatur in aliud , communis qua litas remaneat una et eadem in numero ... 24. Utrum illud quod augmentatur mutat locum ... 25. Utrum alterata mutant locum

···

..

275 276

··

276

...

276 : ··

..

277 ::

:

27. Utrum ad augmentationem sequatur alteratio ... ... 28. Utrum augmentatione , generatio fiat novae quantitatis ... ... ... ... .. 29. Utrum augmentum sit possibile ... ...

:

:

:

:

26. Utrum illud quod generatur mutat locum...

...

274

...

277 277

...

277

:

...

30. Utrum motus alimenti ad partes singulas corporis sit naturalis 31. Utrum quaelibet pars aucti sit aucta ... 32. Utrum illud quod augetur debeat esse manens….. ··· ... ...

...

.. ... .. ... ... 33. Utrum augmentatio sit motus unus 34. Utrum illud quod augetur sit quantum in potentia tantum ···

...

277

··

277

..

: 278

::

278

::

278

35. Utrum anhomea augmentantur cum partes anhomeae augentur... 36. Utrum oportet statum esse in augmento animalium et plantarum

...

278

345

TABLE DES QUESTIONS INEDITES

...

279

:

...

279

...

···

...

:

38. Utrum duo corpora possint se tangere 39. Utrum mathematicis debeatur tactus ...

..

... :

37. Utrum animal, ex nutrimento posset se perpetuare

279

...

··

40. Utrum mathematicis corporibus debeatur locus ... ... 41. Utrum activa et passiva debeant esse in eodem genere...

...

280

..

...

280

•• :

280

42. Utrum passiva et activa communicant in una natura materiae ... 43. Utrum illud quod patitur, secundum quamlibet partem patitur ...

281 :

44. Utrum una pars alicuius continui possit pati ab alia

...

...

281

...

281

45. Utrum contingat dare primum alteratum ... 46. Utrum activa et passiva differant in specie

...

281

...

282

:

47. Utrum activa et passiva debeant esse contraria ·· 48. Utrum sit ponere poros in corporibus …..

··

...

...

282

••

49. Utrum contraria aequalia in virtute possent ad invicem agere et pati... ·· ……… ... ... ... ... 50. Utrum minus possit agere in maius ... ... ·· 51. Utrum oportet ponere aliquod ens immateriale

282 282

...

283

282

52. Utrum ipsa , si essent immaterialia , agerent sine omni passione ….. ... 53. Utrum mixtio elementorum sit possibilis ... ... 54. Utrum elementa secundum formam substantialem salvantur in mixto 55. Utrum forma substantialis possit intendi et remitti...

...

...

283 283 283

··

56. Utrum mixtum aequale sit possibile ...

284

57. Utrum tale mixtum est corruptibile , circumscriptis corrumpentibus ex terioribus ... · ·· •• •• ... ... ... ·· ·· ••

284

58. Utrum corpus simplex , circumscripto extrinseco corrumpente , corrum ... ... ... ... ... .. ... ··· ... ... ... ... peretur

284

II

1. Utrum generatio et corruptio inveniantur in omnibus per naturam ele .. ··· ... ... ·· ... •• ··· mentorum

...

285 285

...

285 286 285 :

5. Utrum corpus simplex possit esse nutrimentum mixtorum 6. Utrum omnia corpora mixta naturaliter sint in medio mundi ... 7. Utrum in perpetuis sit materia unica cum istis inferioribus ...

···

...

:

...

285

··

:

2. Utrum qualitates primae praecedant elementa …… .. 3. Utrum visus sit prior tactu 4. Utrum terra possit esse continua sine humido aquoso ...

•••

286 :

:

..

287

11. Utrum vita habeat certam mensuram ex virtute caeli

...

...

288

...

...

...

287

:

...

:

...

:

286

8. Utrum formae rerum generabilium sint in corpore caelesti 9. Utrum motus caeli sit causa generationis et corruptionis ... 10. Utrum motus caeli causa sit universaliter omnis motus ...

:

...

...

...

...

...

...

...

288

:

12. Utrum illatio sit perpetua

289

... :

14. Utrum de generabilibus et corruptibilibus possit esse scientia ...

:

13. Utrum generatio sit perpetua

...

289

:

346

SIGER DE BRABANT

.. •• ... ... 15. Utrum augmentum fiat in forma vel in yle ... 16. Utrum caro secundum speciem et secundum materiam sit una caro

290

290

Métaphysique INTRODUCTION 1. Imprimis videndum est quid ponendum sit hic pro supposito... 2. An de quaesitis in hac scientia debeat esse inquisitio de primo prin .. ·· ... cipio ... ...

296

··

297

3. An de specialibus subiectis scientiarum debeat facere mentionem 4. Quaeritur de ordine huius scientiae ad alias , an sit utilis in alias... 5. Quaeritur de ordine doctrinae , an haec scientia alias antecedat... ..

297 •••

...

297 297 299

...

::

::

6. Utrum procedat ex communibus vel ex propriis ... 7. Utrum ens vel esse pertineat ad essentiam causatorum... 8. Utrum ratio essendi in omnibus entibus sit a solo Deo...

296

...

...

300

···

301

:

:

1. Utrum cognitio veritatis sit nobis impossibilis ... 2. Utrum habeamus naturale desiderium ad sciendum

:

II

301

••

3. Utrum naturale desiderium possit esse otiosum 4. Utrum potentia hominis ad sciendum possit compleri per actum... 5. Utrum homo nascatur cum cognitione principiorum

301

.. ...

301 301

...

6. Utrum ad cognitionem sufficientem alicuius oporteat inducere usque •• ad cognitionem Causae primae ... ···

302

7. Utrum , quando aliquid inest causae et causato , excellentius insit ... ... ……… ... ·· .. ... ... ... ··· causae

302

••

302

...

10. Utrum in causis moventibus contingat procedere in infinitum

...

:

8. Utrum existentia semper, possint habere causam efficientem .. ... 9. Utrum veritas sit in rebus vel in intellectu ...

302

·· ..

303

:

··

11. Utrum in partibus infiniti sit accipere unam priorem

12. Utrum conveniat materiae , quantum est de se , quod sit in potentia ad ... formam spermatis existentem sub sanguine ... ... ... ... ...

303 304

...

: ...

304

:

13. Quomodo dividitur intellectus rei, re existente indivisa ... ·· ... ·· 14. Utrum continuum possit intelligi ...

303

15. Utrum intellectus noster possit intelligere infinita ...

..

...

:

:

16. Utrum Deus possit intelligere infinita ... 17. Utrum consuetudo audiendi frivola faciat ea credere esse vera ... 18. Utrum sensus possit errare consuetudine ...

··

304 304

..

...

19. Utrum qui credit opposita principiorum ex consuetudine , possit redire ……… ... ... ... .. .. ··· ... ad cognitionem veritatis

305 305

305

347

TABLE DES QUESTIONS INEDITES

III

306 307 307 307

:

3. Utrum ad unam scientiam pertinet considerare de diversis causis 4. Utrum unum contrariorum sit principium cognoscendi reliquum... 5. Utrum in mathematicis sit bonum... ··· ... ... ... ... .. ...

..

... :

1. Utrum impossibile sit cognoscere primam causam essentialiter ... 2. Utrum esse sit de essentia rei ... ... ...

307

:

...

...

308

:

7. Utrum in intelligentiis sint duo principia ...

:

………

6. Utrum aliquid immobile possit esse finis •••

··

308 :

...

··

...

...

308

:

8. Utrum sit una causa effectiva omnium

···



310

:

10. Utrum unius scientiae sit considerare de omni substantia

•••

:

9. Utrum unius scientiae sit considerare de omnibus principiis.. •

310

11. Utrum ad eandem scientiam pertineat considerare de substantia et accidentibus •• ... ••• ··

310

:P

··

12. Adhuc de unitate primae Causae...

310

...

13. Utrum sint substantiae praeter sensibiles , eaedem specie cum illis ... 14. Utrum genus sit principium vel pars speciei. ... 15. Utrum universalia sint separata a singularibus... ... 16. An eadem sint principia corruptibilium et incorruptibilium ... ·· ... 17. Utrum ens sit substantia entis ... ... ·· •••

...

311 312 312 313



………

314 314 314 315 315

22. Estne unum, principium numeri , praedicabile de magnitudine ? ……… .. .. ... 23. Utrum ex uno fiat magnitudo ...

315

18. Utrum ex non ente ponere aliquid fieri sit contradictoria facere …..

:

...

19. Utrum incorruptibile possit esse principium corruptibilis immediate... 20. Utrum sit eadem materia in corpore generabili et in corpore caelesti .. ·· ……… 21. Utrum ens possit participari ... ...

315 :

••

24. Utrum superficies generetur ...

..

...

...

...

...

..

...

...

..

...

...

316 316

:

:

25. Utrum調査 « nunc >» in tempore sit aliud et aliud ... 26. Utrum nunc corrumpatur, saltem per accidens

...

...

316

: :

:

27. Utrum primum principium sit actu vel potentia 28. Utrum prima principia sint universalia vel particularia …… .

317



...

317

IV

1. Utrum unius scientiae sit speculari opposita

••

318

2. Quomodo unum opponatur multo , utrum privative vel relative ··· ... 3. Utrum philosophus habeat considerare de inaequali ... ... 4. Utrum philosophus habeat considerare de contrario

...

318

...

318

••

318 318 319

319

:

5. Utrum contraria praedicta sint passiones entis secundum quod ens ... ·· ·· 6. Utrum philosophus in sui cognitione sit certissimus 7. Utrum in cognitione primi principii huius contingit errare ... 8. Utrum illud principium sit notissimum ... ... ... ... ... ... ...

319

348

SIGER DE BRABANT

319

9. Utrum illud principium naturaliter veniat ad habentem...

: ...

320

...

320

··

...

13. Utrum nomen significet aliquid naturaliter... 14. Utrum possit doceri quid significet nomen...

320 :

10. Utrum opiniones contradictoriorum sint contrariae... 11. Utrum illud principium sit primum principium aliarum dignitatum 12. Utrum qui interimit loquelam, ponit et sustinet loquelam ……… ...

321 321

15. Utrum quid significet nomen possit esse notum per rationem ... ·· ·· ..

16. Utrum nomen significet intellectum rei 17. Utrum significet quod quid est rei...

...

...

321

...

***

321



321

:

...

...

...

...

...

321

...

321

:

18. Utrum nomen possit significare infinita 19. Utrum nomen possit significare plura ...

..



20. Utrum, si homo significat animal bipes , necesse sit ipsum esse….. 21. Utrum nomen idem significet et univoce , re existente et non existente 22. Utrum accidens possit accidere accidenti essentialiter ... ... ...

322 322 322

:

23. Utrum omne accidens in substantia habeat causam propter quam inest 24. Utrum omnia sint accidentia ... ... ... ... ... dicat... ... aliquid 25. Utrum qui dicit contradictoria esse simul vera ,

322 322

323 323

27. Utrum qui dicit contradictoria differat a natis cogitare , qui non cogitant

323

28. Utrum aliquis ita mente possit disponi , quod aestimet contradictoria ... 29. Utrum habens rationem probabilem, necesse habeat credere conclu sioni ... ... ... ...

323

26. Utrum qui aestimat contradictoria , aliquid aestimet

..

323

30. Utrum habens rationes probabiles ad utramque partem , necessario habeat credere utrique ... ... ...

324

31. Utrum contraria possint esse simul in eodem in potentia

324

• ... 32. Utrum verum sit iudicandum multitudine loquentium ... 33. Utrum in iudiciis contrariis sensuum sit iudicium cui magis sit creden .. dum ... ... ... ··· ·· ·· yo ••• ... ... 34. Utrum sit aliqua opinio cui sit magis credendum ...

324

...

...

···

...

..

325 :

... ···

:

35. Utrum omnium sit ratio quaerenda 36. Utrum omnia sint ad aliquid ...

324 324

...

37. Utrum aliqua oratio destruat seipsam...

..

325

...

325

38. Utrum de eo quod transmutatur, verum sit aliquid enuntiare

325

V

... :

326

:.

1. Utrum primo dicatur nomen principium de fine .. ... •• 2. Utrum finis sit principium ...

...

..

326

3. Qualiter nomen principii conveniat aliis per attributionem ad primum .. .. 4. Utrum malum sit finis

326 326

5. Utrum materia sit causa rei ...

... :

···

...

..

···

..

327

... :

:

...

:

••

:

:

6. Quomodo forma sit causa

327

349

TABLE DES QUESTIONS INEDITES

7. Utrum finis habeat rationem causae ...

...

..

...

327

: :

..

...

...

...

···

...

11. Quod a Primo non procedat nisi unum immediate... 12. Utrum, si sit effectus in actu , necesse sit esse causam in actu ·· ·· 13. Utrum natura sit principium motus et quietis •••

...

14. Utrum naturam esse sit per se notum...

...

327

...

:

8. Cui causae primo conveniat nomen causae ... ... ·· 9. Utrum efficiens sit causa finis 10. Utrum materia et forma sint sibi invicem causae ...

...

328

329

...

...

330

330

··

...

327 328

330

15. Utrum compositum ex materia et forma possit seipsum transmutare ... .. ... ... ... ... 16. Quod primo necessarium sit omnino simplex ... ··· ... 17. Utrum necessarium bene definiatur ab Aristotele ...

331

18. Utrum continuum sit cuius motus est unus...

331

...

..

.. 19. Quomodo punctus habet positionem, unitas autem non ... ··· 20. Utrum singulare sit singulare et unum numero per materiam 21. Utrum accidens , ut albedo , sit ens secundum se vel secundum accidens

332 332 332

1. Utrum terminus communis virtute suae significationis supponat sua ·· ·· supposita , tam praesentia quam praeterita et futura •

333

2. Utrum terminus communis respectu cuiuslibet praedicati idem sup •• ... ... ... ... ... ... ... ... .. ponat ...

333

...

...

...

...

...

332

...

22. Utrum musicus sit homo per accidens...

………

331

Sophisma

TABLE

DES

CITATIONS

RELEVÉES DANS LES TEXTES INÉDITS

AESCHILUS . Météor . 243. ALBERTUS (Magnus) . Ame , 172. Météor . 254. Génér . 269. Métaph . 300 . ALBUMASAR. Météor . 239 , 244, 252. ALEXANDER (de Aphrodisia) . Ame , 167 , 172 , 173. Phys . 208 , 215. Météor . 237 240, 242 , 245 , 247 , 253-255 , 257 , 258 , 263. Génér . 274, 290. ALGAZEL . Phys . 188 , 190 , 195 , 213 , 215. Som . 223. ALPETRAGIUS . Météor . 236 , 252 . ANAXAGORAS . Phys . 180, 181 , 215. Météor. 242, 248. Génér . 270 , 272. Métaph . 304, 314, 327.

APOLLONIUS . Météor . 242 , 243 . APULEIUS . Sommeil , 232. ARISTOTES (Philosophus, Sapiens, Auctor), passim . Categoriae (Praedicamenta) . Phys. 200, 202 , 204, 219. Som. 223. Génér . 270, 280. De Interpretatione . Phys . 195. Métaph . 319 , 320 , 321 , 323 . Priora Anal . Phys . 195 . Poster . Anal . Ame , 172. Phys . 179 , 195 , 209 , 211. Som. 223 , 226. Météor . 234. Génér . 281. Métaph . 296 , 297 , 300 , 306, 310, 315 , 317, 319, 320 322 , 325. Sophisma , 334.

Topica. Génér. 279 . Sophistici Elenchi . Métaph . 312 . Physica. Ame , 166. Phys . passim . Som. 225 , 226 , 228 , 229. Météor . 236 , 239, 247, 253 , 257 , 259 , 261. Génér. 269, 270, 272-275 , 278 , 280 , 282 , 285 , 287 , 288. Métaph . 296 , 299 , 302 , 304 , 305 , 312 , 313 , 316-318 , 323 , 326-331 . Sophisma , 334 . De Caelo . Ame , 166 , 171. Phys. 178 , 182-184, 189, 190 , 195 , 205, 209 , 210, 215, 219, 221. Météor . 236 , 239, 241 , 249, 254, 257. Génér . 272 , 279, 281 , 285 , 286. Métaph. 304, 313, 315, 317, 328. De Generat. et Corrupt. Phys . 189, 191-193 , 197, 208 , 209. Som. 229, 232. Météor . 236 , 240, 256-258 . Jeun . 267. Génér. passim. Métaph . 303 , 312 , 313, 323 , 324 , 328-330. Meteorologica. Phys . 180 , 195 , 210. Météor . passim. Jeun . 267. Génér . 270, 273 , 282 , 284 , 286-288.

351

TABLE DES CITATIONS

De Anima . Ame , passim . Phys . 179 , 187 , 189 , 198 , 201 , 209 , 213 , 218 . Som. 224, 226 , 228-230 . Météor . 235. Jeun . 264 , 265. Génér. 278-280 , 288. Métaph. 297 , 300 , 305-307 , 312 , 316 , 319 , 321-323 , 325 , 328 . Sophisma, 334. De Sensu . Phys . 184 , 222. Som. 225-227 , 230. Météor . 242 , 250 , 251 , 257 , 258, 263. Génér. 278. Métaph . 325 . De Memoria. Météor. 233. Jeun . 266. Métaph . 305 . De Somno . Som. passim . Météor. 235. Métaph . 324 . De Longit. et Brevit. Vitae . Météor . 246. De Iuventute. Som. 226. Jeun . passim . Génér . 276 , 279. De Animalibus (sans précision) . Ame , 165. Phys . 191. Som . 224 , 226 , 227 . Génér . 270 , 286. Métaph . 299 , 313 (?) . De Partibus Animal. Jeun . 266. Métaph . 309 . De Animal. Motione . Phys . 210. Jeun . 264 , 265. Métaph . 314 , 330 . De Generat. Animal . Phys . 198. Som. 229. Métaph. 314, 329 , 331 . Metaphysica. Ame . 167, 168 , 170 , 172 , 176 , 177. Phys . 178-195 , 197 , 199, 200, 202 , 211 , 213 , 217 , 221. Som . 228. Météor . 239 , 260. Génér . 271 273 , 281 , 283 , 284 , 286 , 289. Métaph . passim . Ethica Nic . Ame , 171. Phys . 193. Météor . 233. Génér . 290. Métaph . 305 , 323, 325. Ethica ad Eud. (Capit. de bona fortuna) . Phys . 197 . Politica . Métaph . 299 , 321 . Rhetorica . Phys . 218. Métaph . 299 , 301 . Augustinus . Ame , 166 . AVEMPACE . Phys . 207 .

71

AVERROES (Commentator) . Références générales : Ame , 176. Phys . 178 , 182 , 185 , 189, 191 , 200-202 , 204 , 208-210, 215 , 216, 220-222 . Som . 224-228, 231-233 . Météor . 238 , 240 , 242 , 245 , 247. Génér. 269 , 270 , 275 , 276 , 278, 284, 285. Métaph . 301 , 302 , 304 , 305 , 307 , 308 , 313, 317. Poster. Anal. Phys . 211 . Physica . Ame , 168. Phys . 184 , 186 , 195 , 197-199 , 203 , 207 , 212 , 222. Som. 229. Génér . 275. Métaph . 296 , 302 , 303 , 305 , 309 , 328-331 . De Caelo . Phys . 180 , 190 , 194 , 198 , 215 , 222. Som. 232. Météor . 239 , 258. Métaph . 305 , 309, 328 , 329. De Generat, et Corrupt. Génér . 288 . De Anima. Ame , 165 , 167 , 168 , 170 , 172 , 173 , 175. Phys . 186, 192. Som. 231. Météor . 258. Génér . 271 , 283. Métaph . 306 , 312 , 321 , 323 , 325 . De Sensu. Phys . 219. Som. 223 , 226. Métaph . 324. Metaphysica. Ame , 171 , 172. Phys . 179, 182 , 184 , 186 , 191 , 193 , 199 , 204 . Météor . 257. Génér. 281 , 283 , 287. Métaph . 296, 299, 300 , 303 , 304 , 306, 312 , 316 , 317 , 323 , 325-327 , 329 , 330 , 332 . Ethica. Métaph . 321 .

352

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE I : LES ECRITS INEDITS

De Substantia Orbis . Phys .

182 ,

186 , 210. Génér . 272 , 276 , 284 , 285 .

Métaph. 315 , 323 , 327. 1 AVICEBRON. Phys . 187. AVICENNA. Ame , 170. Phys . 178 , 180, 183 , 187 , 188 , 194 , 195, 197 , 200 , 205 , 208 , 212 , 213 , 221. Som. 224-226 , 229 , 230 , 232.

Météor . 254. Jeun . 265 ,

266. Métaph . 296 , 297 , 299 , 300 , 302 , 303 , 305 , 306 , 308 , 309 , 311 , 313 , 315-318 , 320, 322 , 325 , 328 , 329 , 331 . BOETIUS . Ame , 168 , 177. Phys . 181 , 192 , 195 , 198. Som . 223. Metaph . 300 . CHALCIDIUS (?) . Génér. 288 . CICERO (Tullius) . Phys . 196 . DEMOCRITUS . Météor . 242. Jeun . 266. Génér . 271. Métaph . 323 . DIONYSIUS (Areopagita) . Ame , 168 . EMPEDOCLES . Phys . 198 , 215. Génér . 272. Métaph. 311 , 313 , 323 . GALIENUS . Phys . 215. Som . 225. Jeun . 266. Génér. 279 .

GILBERTUS PORRETANUS (Auctor sex principiorum) . Phys . 201 . HERACLITUS . Phys . 177. Météor . 233. Métaph. 319. HIPPOCRATES . Météor . 243. IOANNES GRAMMATICUS (Philoponus) . Phys . 204 , 207. Météor . 244. IOSEPH (Patriarcha) . Som. 233. LEUCIPPUS . Génér . 271 . MELISSUS . Phys . 180-183 . PARMENIDES . Phys . 180-182 . Génér. 269. Métaph . 323 . PLATO . Ame , 167 , 172 , 177. Phys . 177 , 191 , 206 , 208 , 215 , Som. 229. Météor. 233. Jeun. 265. Génér . 269-271 , 273 , 286. Métaph . 299 , 307, 312-317 . PORPHYRIUS . Phys . 180 , 203 . PROCLUS . Phys . 181 , 183 , 187 , 188 , 193 , 196 , 220. Météor. 235. Métaph . 302 , 308, 309, 311 , 331 . PTOLEMAEUS . Météor . 242 , 244 . PYTHAGORAS . Ame , 171. Métaph . 302 , 305 . SENECA . Météor. 237 , 242 , 252. SIMPLICIUS . Phys . 204 , 221 . SOCRATES . Som. 232. SOPHOCLES . Metaph . 331 . THEMISTIUS . Ame , 172. Phys . 208. Jeun . 264. THEOPHRASTUS . Météor . 253 . THOMAS (de Aquino ) . Métaph . 300 , 324 ( ?) . ZENO . Métaph . 325 , 330.

Antiqui. Phys . 195 , 203 , 204 , 209. Météor . 236 , 249 , 250. Génér . 273. Métaph. 303 , 305 , 323 , 326 .

Astrologi . Météor . 252 , 254. Doctores fidei catholicae . Phys . 195 . Medici. Som. 226. Météor . 259. Jeun. 265. Génér. 279. Métaph . 331 .



TABLE DES CITATIONS

353

Moderni . Métaph . 313 . Peripatetici . Phys. 188 , 215. Météor . 239 . Philosophi. Métaph. 309 , 323 . Platonici . Métah . 312 , 313 . Plures et famosi . Phys . 215. Poeta. Phys. 193 . Primi philosophantes . Phys . 203. Génér . 274 . Sacerdotes . Météor . 241 .

Sophistae . Métaph . 307. Theologi . Phys . 188 , 196 . Liber de causis . Ame , 172, 176. Phys . 183 , 188 , 196, 220. Météor . 235. Métaph. 300, 302 , 306, 313 , 327 . Liber de proprietatibus elementorum . Météor . 239 . Liber sex principiorum. Cfr GILBERTUS PORRETANUS . Liber de speculis . Météor . 239.

}

ERRATUM

Les questions de Siger sur le livre III du Traité de l'âme se dérobent , semble-t-il, à nos inquisitions . On s'en souvient, le P. Chossat les avait domi ciliées par erreur à la Bibliothèque vaticane (ci-dessus , p . 6, note 1 ) . Tout en reprenant le renseignement inexact de Chossat (Neuaufgef. Werke, p . 6 ; Neuaufgef. « Quaestionen » , p . 105) , Mgr Grabmann signalait d'autre part , dans ses articles de 1924, l'existence des Quaestiones in Illum de anima dans le ms 293 de Merton College à Oxford (Ibid. , p . 13 , note I ; p . 105) . Nous avons repris cette référence ici . En réalité , ces questions se trouvent dans le ms 292 de Merton College ; nous nous en étions aperçu à Oxford , mais , dans la suite , nous avons perdu de vue la rectification à faire . On voudra bien

?

lire 292 au lieu de 293 aux pages 6 (1. 11 ) , 7 (1. 9 à partir du bas) et p . 164 (1. 9 à partir du bas) , ainsi qu'aux pages 411 et 413 de notre article de la Revue néoscolastique (Cfr la Bibliographie ci-après) .

BIBLIOGRAPHIE DU PREMIER VOLUME

ARISTOTE .

Aristoteles graece ,

ex recensione Bekkeri . Ed . Academia regia

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355

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>

IMPRIMATUR .

LOVANII, DIE 31 JAN. 1931 ,

De mandato,

+ P. LADEUZE , RECT. UNIV .

Les

Philosophes

Textes

et

Belges

Études

Collection publiée par l'Institut supérieur de Philosophie de l'Université de Louvain sous la direction de Maurice De Wulf

TOME

SIGER

D'APRÈS

XIII

DE

SES

BRABANT

ŒUVRES

INÉDITES

PAR

FERNAND

VAN

STEENBERGHEN

PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN

SECOND

VOLUME

SIGER

DANS

L'HISTOIRE

DE

L'ARISTOTELISME

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NO RA

E ET

ET V

LOUVAIN ÉDITIONS DE L'INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE 2, PLACE CARDINAL MERCIER, 2 1942

OUVRAGE PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS

DE LA FONDATION UNIVERSITAIRE

DE BELGIQUE

LES

PHILOSOPHES

BELGES

Les

Philosophes

Textes

Belges

Études

et

Collection publiée par l'Institut supérieur de Philosophie de l'Université de Louvain sous la direction de Maurice De Wulf

TOME

SIGER

D'APRÈS

XIII

DE

SES

BRABANT

ŒUVRES

INÉDITES

PAR

FERNAND

VAN

STEENBERGHEN

PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN

SECOND

VOLUME

SIGER

DANS

L'HISTOIRE

DE

L'ARISTOTÉLISME

LOUVAIN ÉDITIONS DE L'INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE 2, PLACE CARDINAL MERCIER , 2

1942

PRÉFACE

DU

SECOND

VOLUME

Plus de dix ans se sont écoulés depuis la publication , en 1931 , du pre mier volume de cet ouvrage . Malgré notre vif désir de mener à bon terme l'entreprise commencée , des circonstances indépendantes de notre volonté nous en ont longtemps empêché. Les chercheurs qui ont pu être gênés dans leurs propres travaux par la promesse de ce nouveau volume , trop longtemps attendu, voudront bien trouver ici l'expression de nos regrets. Cependant les inconvénients de ce long retard sont peut-être compensés par quelques conséquences heureuses. Les innombrables travaux publiés depuis dix ans sur le XIIIe siècle ont singulièrement amélioré le terrain sur lequel nous allons nous engager. De notre côté, nous avons mis à profit ce délai pour acquérir une connaissance plus étendue du siècle de Siger et de son œuvre ; en 1937 , nous avons rédigé, en vue du concours annuel de l'Académie royale de Belgique, un premier essai sur l'activité littéraire et philosophique de Siger ; ce mémoire , couronné par l'Académie en 1938 et publié au cours de la même année , s'intitule : Les œuvres et la doctrine de Siger de Brabant . Comme son aîné de 1931 , l'ouvrage de 1938 a trouvé un accueil géné ralement favorable auprès du public savant . Mais , plus encore que les éloges, les critiques et les suggestions qui nous ont été adressées par divers historiens, ont été pour nous une aide précieuse , dont il nous est agréable de les remer cier ici et dont nous avons tiré tout le parti possible . Il faut regretter, toute fois, le ton de certaines critiques, inspirées par le zèle déréglé que de savants religieux manifestent pour l'honneur de leur famille spirituelle ; cet amour propre collectif nuit au bon renom de travailleurs très méritants, et les chicanes que ce travers engendre empoisonnent depuis trop longtemps les recherches médiévales.

Les critiques auxquelles nous venons de faire allusion nous fournissent l'occasion de préciser notre pensée au sujet de l'oeuvre du P. Mandonnet et de celle du P. Jules d'Albi.

VI

SIGER DE BRABANT Les talents du P. Mandonnet († 1936) et ses mérites exceptionnels comme

historien de Siger sont universellement appréciés dans le monde scientifique et nous avons eu à cœur de les proclamer (ci- dessus , tome I, pp . 1-5) , en des termes qui nous paraissent aujourd'hui excessifs (nous n'écririons plus que , « dans son ensemble, l'œuvre du P. Mandonnet a résisté à la critique impar tiale ») ; l'érudition, le flair historique et l'esprit de synthèse de l'historien étaient servis par la plume alerte de l'écrivain . Toutefois le Siger du P. Man donnet souffre de plusieurs défauts . L'édition des textes est peu soignée : les citations ne sont pas identifiées et de nombreuses lectures sont gravement fau tives. L'interprétation de certains passages importants a conduit à des erreurs flagrantes ; ailleurs des préjugés contraires aux principes de la méthode his torique ont faussé le sens des textes . Dans ses constructions historiques, le P. Mandonnet a exagéré le rôle de la conjecture en présentant comme indu bitables des thèses mal établies ou même incompatibles avec les faits . Dans notre mémoire de 1938, nous avons été amené par la nature du sujet à relever ces défauts dans l'oeuvre du P. Mandonnet ; que nous l'avons fait avec une modération les critiques sévères de Chossat, de Jules M. Gilson (Dante et la philosophie) ; on

des juges autorisés nous assurent extrême , qui fait contraste avec d'Albi et, tout récemment, de verra d'ailleurs au cours de ce

volume combien les reproches qui nous ont été adressés sont dépourvus de fondement.

Le P. Jules d'Albi, capucin français décédé en 1929, a publié en 1923 une brochure intitulée Saint Bonaventure et les luttes doctrinales de 1267-1277 . Il disposait de la documentation voulue pour réaliser un excellent travail scientifique et combler une lacune importante du Siger de Brabant de Man donnet. Entraîné par un fanatisme déplorable, il a fait paraître un travail hâtif, mal rédigé , où l'exposé historique voisine avec des diatribes passionnées, non seulement contre le P. Mandonnet, mais contre saint Thomas et contre les artisans de la renaissance thomiste voulue par Léon XIII . Nous avons fait mention de ces défaillances au début de cet ouvrage (tome I, p. 4) et nous y reviendrons ici . Les confrères du P. Jules d'Albi comprendront, nous vou lons l'espérer, qu'une pareille conception du travail historique n'est pas tolé rable, car elle complique sans aucun profit des recherches déjà suffisamment onéreuses. ***

Le premier volume de cet ouvrage contient, outre le texte inédit des • Quaestiones in libros tres de anima (1-160) , le premier chapitre d'une Etude historique et doctrinale sur Siger de Brabant ( 161-356) . Ce chapitre (Les écrits inédits attribués à Siger) forme , avec le texte des Quaestiones de anima, la base documentaire des recherches ultérieures : on y trouve la description des documents manuscrits utilisés et le résumé d'environ cinq cents questions inédites attribuées à Siger de Brabant.

PREFACE DU SECOND VOLUME

VII

Le chapitre II, qui ouvre ce nouveau volume , a pour objet de situer la carrière philosophique de Siger dans son cadre historique (La philosophie à l'Université de Paris avant Siger de Brabant) . Dans le chapitre III (L'activité littéraire de Siger), nous tentons de résoudre les problèmes d'histoire littéraire que soulèvent les écrits du maître brabançon . Le chapitre IV (La philosophie de Siger) offre un exposé de ses doctrines à la lumière de ses écrits . D'après nos projets primitifs, un dernier chapitre (La carrière philosophique de Siger) devait reconstituer les étapes de cette vie mouvementée et marquer la place du maître parisien dans l'évolution intellectuelle de son siècle . Mais nous avons constaté bientôt que cette étude appelait des développements consi dérables et qu'elle remplirait à elle seule tout un volume . On trouvera dans la conclusion de l'ouvrage un aperçu rapide sur les problèmes que pose la carrière de Siger. i,

Le volume qui paraît aujourd'hui porte comme sous-titre : Siger dans l'histoire de l'aristotélisme . C'est bien à déterminer la portée exacte de l'œuvre de Siger dans le mouvement aristotélicien du XIIIe siècle , que con vergent les trois chapitres de ce volume . Le premier est neuf ; les deux autres ont paru déjà dans le mémoire de 1938 , mais ils ont été entièrement refondus et ils ont reçu de notables développements. La contribution que cet ouvrage apporte aux études médiévales n'a nul

t

lement le caractère d'une œuvre définitive , ni même d'un travail exhaustif qui épuiserait provisoirement, dans l'état actuel des sources, les possibilités de la recherche en ce domaine . Tout au contraire, ce livre voudrait être un point de départ et fournir un bon état de la question. Notre inventaire des matériaux inédits est une invitation à publier ces textes, dont la plupart ont une portée philosophique considérable , mais qui ne pourront être pleinement exploités tant qu'ils demeureront difficilement accessibles . Les problèmes d'ordre littéraire , historique et doctrinal soulevés par l'œuvre de Siger re çoivent ici un premier essai de solution , qui est loin d'épuiser le sujet ; pour obtenir des résultats nouveaux, il faudrait se livrer à des enquêtes systéma tiques dans le domaine de la littérature manuscrite et poursuivre méthodique ment la comparaison des écrits de Siger avec ceux de ses devanciers, de ses contemporains et de ses successeurs ; ce travail présuppose, à son tour, le progrès des recherches dans d'autres domaines, notamment dans l'histoire de la Faculté des arts de Paris. Pour ne pas retarder davantage la publica tion de ce volume , nous avons laissé à d'autres ces nouvelles enquêtes .

***

Ce volume étant destiné à faire corps avec le précédent, nous avons adopté une pagination continue pour les deux. En outre , les tables qui figurent à la fin du tome II concernent l'ouvrage tout entier : les tables du

VIII

SIGER DE BRABANT

premier volume y sont ou bien reprises intégralement (Table des matières et Bibliographie) , ou bien rappelées par une référence . La table chronologique qui figurait dans notre mémoire de 1938 a été accueillie avec satisfaction par plusieurs critiques . Il nous a paru utile de la reproduire ici et de l'étendre à tout le XIIIe siècle . Cette table permet de saisir d'un coup d'œil rapide la succession réelle des événements et le syn chronisme de certains faits ; elle corrige ainsi l'inévitable dispersion et le morcelage que l'exposé littéraire introduit dans la trame de l'histoire.

***

Dom Odon Lottin et dom Henri Pouillon, moines de l'abbaye du Mont César à Louvain, ont bien voulu lire ce volume en épreuves et nous ont rendu de précieux services dans la mise au point de notre travail. Qu'ils veuillent bien trouver ici l'expression de notre vive gratitude .

Louvain, le 15 septembre 1942.

CHAPITRE

LA

A

II

PHILOSOPHIE

L'UNIVERSITÉ

AVANT SIGER

DE

DE

PARIS

BRABANT

Les innombrables travaux historiques que l'on a accumulés depuis un siècle en vue de dessiner une image fidèle de la pensée médiévale , sont 1 encore loin d'avoir épuisé ce vaste sujet d'étude ¹ . En ce qui concerne le grand siècle de la scolastique , la lecture du récent volume que M. De Wulf a consacré à cette brillante période , permet de se rendre compte des résultats acquis et du chemin qu'il faudra encore parcourir 2. En effet , si l'on compare cet exposé à celui de la précédente édition , antérieure d'une bonne dizaine d'années ( 1924-1925 ) , on est surpris de voir combien de maîtres nouveaux ont surgi, combien de problèmes critiques ont trouvé leur solution , à quel point certaines perspectives historiques ont pu être modifiées . Mais la fécon dité des études médiévales contribue aussi à mettre en relief les énormes lacunes de notre connaissance du XIIIe siècle et nous allons relever rapide ment, en parcourant le livre de M. De Wulf, les tâches multiples qui attendent encore leur réalisation .

1 Sur l'état présent des recherches touchant la scolastique , sur les problèmes de méthode et de collaboration qu'elles soulèvent, cf. M. DE WULF, Histoire de la philosophie médié vale®, t. I ( 1934) , pp . 32-33 ; F. VAN STEENBERGHEN, Le mouvement des études médiévales (1934) , ainsi que les bulletins ultérieurs de la Revue Néoscolastique, consacrés à la philosophie du moyen âge (août 1935 , février et août 1937, février 1938, mai, août et novembre 1939) ; voir aussi les bulletins annuels de philosophie médiévale publiés par la Revue des Sciences philosophiques et théologiques. 2 M. DE WULF, Histoire de la philosophie médiévale® , tome II ( 1936) : Le treizième siècle.

358

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS La vie intellectuelle du XIIIe siècle est dominée par un fait historique

capital, qui est étroitement lié aux origines de la philosophie de Siger : l'intro duction en Occident, par vagues successives allant du milieu du XIIe siècle au milieu du XIIIº , d'une abondante littérature philosophique et scientifique , d'origine grecque , juive et arabe . L'histoire de ce mouvement de traductions , arabo-latines et gréco-latines , constitue encore aujourd'hui un vaste champ de recherches ; à côté de conclusions fermes déjà nombreuses, de multiples questions touchant l'origine , la date , les circonstances de composition , la dépendance littéraire , la valeur des versions doivent encore être résolues ¹ . L'édition critique de ces versions médiévales , c'est-à-dire des principales sources auxquelles ont puisé les philosophes latins du moyen âge , est une des œuvres scientifiques les plus urgentes qui s'imposent à l'heure actuelle . Ce besoin a été reconnu et le grand projet de l'Union académique interna tionale qu'est la création d'un Corpus philosophorum medii aevi, est limité aujourd'hui , dans l'ordre des réalisations immédiates , à trois entreprises qui , toutes , ont pour objet les versions latines du moyen âge 2 . La première est l'Aristoteles latinus , c'est- à- dire l'édition critique des versions gréco -latines d'Aristote . Les travaux préliminaires sont très poussés et certains collaborateurs ont déjà achevé , ou à peu près, l'établissement critique du texte qui leur est réservé " . Cependant, tout compte fait , nous sommes encore loin du but 4. La Mediaeval Academy of America s'est chargée d'une seconde entre prise : l'Averroes latinus, c'est- à- dire l'édition critique des traductions latines

¹ Une section importante du volume de M. De Wulf a pour objet la nouvelle initiation philosophique de l'Occident (pp . 25-58) . Cette section a été mise à jour par Mgr A. Pelzer, dont l'érudition est universellement connue . Voir aussi , dans le tome premier ( 1934) , les pages où Mgr Pelzer décrit la bibliothèque philosophique dont disposaient les maîtres du haut moyen âge (pp. 64-80) . 2 La session annuelle de l'Union académique internationale se tient habituellement à Bruxelles, au Palais des Académies . Les comptes rendus des sessions paraissent dans les Bulletins de la Classe des Lettres de l'Académie royale de Belgique , où l'on peut suivre, d'année en année , les progrès du Corpus philosophorum medii aevi. Le dernier rapport a paru en 1938 : Union acad . intern . Compte rendu de la dix-neuvième session annuelle du Comité, 16-19 mai 1938, dans les Bulletins de la Classe des Lettres , 5e série , t . 24 ( 1938) , pp . 213-294 ; sur le Corpus, pp. 263-267 . 3 Deux brochures ont paru , à cette date, dans les Prolegomena in Aristotelem latinum : I. A. BIRKENMAJER, Classement des ouvrages attribués à Aristote par le moyen âge latin (1932) ; II . W. LORIMER, The Text Tradition of the Interpretatio Anonyma of pseudo-Aristotle « De Mundo » ( 1934) . Plus récemment a paru la première partie du catalogue des manuscrits aristotéliciens dont on dispose pour l'édition des versions latines d'Aristote : Aristoteles lati nus. Codices descripsit † Georgius LACOMBE... Pars prior ( 1939) . Cf. M. GRABMANN, dans Göttingische Gelehrte Anzeiger, 202 , 12 ( 1940) , pp . 501-515 . * Sur l'Aristoteles latinus , cf. A. MANSION , De Aristoteles latinus. Eerste verwezenlij kingen en verdere vooruitzichten ( 1941 ) ; De jongste geschiedenis van de middeleeuwsche Aristotelesvertalingen aan eigen bevindingen getoetst ( 1941 ) .

ETAT DE LA QUESTION

359

d'Averroès, auxquelles on joindra les versions arabo-latines d'Aristote . Ici , nous sommes encore plus éloignés des réalisations décisives ¹ . Enfin le Corpus platonicum medii aevi , que l'Union académique publie en collaboration avec la British Academy et dont l'exécution est confiée au Warburg Institute de Londres, comprendra un Plato latinus et un Plato arabus ; le plan de l'entreprise

et l'annonce

des prochaines réalisations

peuvent se lire dans une brochure de M. Klibansky 2 . La Faculté des arts de Paris et les autres centres d'étude analogues (Oxford , Naples , Sienne , etc. ) sont d'une importance primordiale pour l'his toire de la philosophie et , en particulier , pour l'histoire de l'aristotélisme au XIII° siècle . Pratiquement inexistante il y a vingt ans , l'histoire de ces milieux scientifiques a réalisé , depuis , de très notables progrès, dus principalement aux recherches de Mgr Grabmann : des personnalités inconnues ont surgi , une littérature copieuse a été mise à jour , l'orientation doctrinale de ces maîtres se précise 3. Mais ces premières ébauches ne sont qu'un modeste début à côté des résultats qu'il est permis d'entrevoir pour un avenir pro chain, soit dans le domaine de l'édition des textes , soit dans le domaine de l'histoire littéraire et doctrinale . Des réflexions analogues pourraient être faites au sujet des différentes écoles qui se partageaient les Facultés de théologie : séculiers , franciscains , dominicains, cisterciens et autres religieux . Bien que la littérature théologique du moyen âge ait été beaucoup plus exploitée , jusqu'ici , que la littérature proprement philosophique , l'oeuvre à réaliser est encore énorme et elle inté resse les plus grands maîtres du siècle aussi bien que les personnages de deuxième ou de troisième rang : il suffit de rappeler que nos éditions d'Albert le Grand et de Duns Scot sont très défectueuses ; que Thomas d'York, Gérard d'Abbeville , Roland de Crémone , Hugue de Saint-Cher , Richard Fishacre , Robert Kilwardby , Ulrich de Strasbourg , Jacques de Viterbe et bien d'autres sont encore presque totalement inédits ; enfin que des problèmes d'histoire littéraire se posent à chaque pas à propos des théologiens , sans excepter les plus grands . C'est donc à travers les artères encore mal tracées d'une cité en con struction que nous allons devoir nous engager ; nous devrons nous frayer un passage au milieu des matériaux accumulés de toutes parts et, pour situer notre propre édifice dans ce chantier toujours mouvant , nous aurons à en découvrir nous-mêmes les principales avenues et les principaux carrefours . ¹ Cf. les Bulletins de la Classe des Lettres de l'Académie royale de Belgique , 5ª série t. 18 ( 1932) , pp . 345-364 ; t . 23 ( 1937) , pp . 294-297 ; t . 24 ( 1938) , p . 265 . 2 R. KLIBANSKY, The Continuity of the Platonic Tradition during the Middle Ages ( 1939) . * Cf. M. DE WULF , Hist. , t . II , pp . 62-70 , 83-88 , 184-201 ; F. VAN STEENBERGHEN, Mono graphies récentes... ( 1937) , pp. 112-118 ; Travaux récents sur la pensée du XIIIe siècle ( 1939) , pp. 469-474. • Cf. M. Dɛ WULF , Hist. , t. II , pp. 70-83 , 88-184 , 202-251 , 267-352 .

360

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

Cependant les travaux de nos devanciers nous seront d'un grand secours dans la réalisation de cette tâche et c'est pourquoi nous allons rappeler maintenant les résultats généraux de leurs recherches .

Les monographies sans nombre qui ont paru sur le XIII° siècle en révèlent peu à peu la complexe et vivante réalité . Elles nous rapprochent de l'objectif visé dès le début des recherches médiévales par les historiens du siècle passé : reconstituer la vraie physionomie intellectuelle de cette période ,

puis en

découvrir la signification historique profonde , en démêlant l'écheveau des influences qui s'entrecroisent et en déterminant les principaux courants doc trinaux dont la vie et l'action expliquent pour une large part l'évolution des idées à l'âge d'or de la scolastique . Une série de travaux dans lesquels les préoccupations de synthèse historique sont dominantes , serviront à marquer les principales étapes de cette reconstitution historique du XIIIe siècle . L'hégémonie d'Aristote dans les écoles philosophiques et même dans les écoles théologiques du moyen âge n'est pas une découverte récente . Les humanistes et les réformateurs en faisaient déjà grief aux scolastiques et c'est contre l'accusation de servilité excessive à l'égard du Philosophe que Talamo entreprit, en 1873 , de défendre les maîtres du moyen âge¹ ; son ouvrage , qui est une apologie et dont l'érudition est évidemment dépassée aujourd'hui , contient des aperçus intéressants sur la renaissance aristotélicienne en climat chrétien ; deux ans plus tard paraissait l'adaptation allemande de Schneid 2. L'ère des recherches critiques sur l'action d'Aristote s'ouvre avec les articles du futur cardinal Ehrle sur le conflit entre l'augustinisme et l'aris 3 totélisme au XIIIe siècle : dans ces savantes études, Ehrle met pour la pre mière fois en lumière certaines péripéties des luttes doctrinales dont les écoles de Paris et d'Oxford furent le théâtre dans la seconde moitié du XIII° siècle ; il attire ainsi l'attention sur les deux courants doctrinaux les plus puissants qui traversent tout le moyen âge et qui s'alimentent aux deux sources les plus importantes de la pensée scolastique : Aristote et saint Augustin . Dix ans plus tard , l'œuvre du P. Mandonnet marque une nouvelle étape dans la découverte de la physionomie du XIIIe siècle : à côté du courant platonico-augustinien et de l'aristotélisme chrétien , qu'il identifie avec l'école

¹ S. Talamo , L'Aristotelismo della Scolastica nella storia della filosofia ( 1873 ; 3º éd . , 1900 ; trad. française en 1876) . 2 M. SCHNEID, Aristoteles in der Scholastik ( 1875) . ³ F. EHRLE, John Peckham über den Kampf des Augustinismus und Aristotelismus in der zweiten Hälfte des dreizehnten Jahrhunderts ( 1889) ; Der Augustinismus und Aristote lismus gegen Ende des dreizehnten Jahrhunderts ( 1889) . Cette dernière étude a été reprise et complétée dans : L'Agostinismo e l'Aristotelismo nella Scolastica del secolo XIII ( 1925) . Enfin l'auteur a exposé ses vues générales sur l'aristotélisme chrétien dans Die Scholastik und ihre Aufgaben in unserer Zeit² ( 1933) .

ETAT DE LA QUESTION

361

albertino-thomiste , le P. Mandonnet discerne une troisième école : l'aristo télisme averroïste ou l'averroïsme latin ¹ ; Renan avait déjà révélé l'existence de cette école au moyen âge , mais , en ce qui concerne le XIII° siècle , son essai de reconstitution était demeuré très imparfait et, en somme, rudimentaire 2. Quant au courant « platonico-augustinien » , le P. Mandonnet voit dans les augustiniens du XIIIe siècle les héritiers de l'esprit de saint Augustin et , par delà saint Augustin , les héritiers du « syncrétisme philosophico-religieux >> qui caractérise le platonisme et le néoplatonisme ; il souligne , comme trait distinctif de ce courant , l'absence de distinction formelle entre le domaine de la philosophie et celui de la théologie ; il y relève aussi une préférence marquée pour Platon au détriment d'Aristote . L'article de Chollet sur l'aristotélisme , paru en 1902 , est une bonne mise au point des travaux antérieurs 3 ; il a comme pendant l'article très érudit 4 de Portalié sur l'augustinisme médiéval ( 1903 ) * . Vers le même temps M. De Wulf conteste que le terme augustinisme convienne pour désigner le groupe de doctrines qui caractérisent la scolastique pendant la première moitié du XIII° siècle : il propose «< une désignation plus flottante et plus extensive : 5 telle que l'ancienne scolastique du XIIIe siècle ou l'école préthomiste » ³ . En 1904 paraît une bonne monographie de Luquet sur l'introduction d'Aris tote à Paris . Tous ces travaux , sauf le dernier, sont utilisés par le P. ManS donnet dans la seconde édition de son Siger de Brabant, en 1911 . Parallèlement aux recherches que nous venons d'évoquer, divers histo riens s'appliquent à déterminer l'influence du platonisme et du néoplatonisme au moyen âge . Il faut rappeler, entre autres , la thèse originale , et assuré ment excessive , de Picavet , selon qui le véritable maître de la scolastique 8 chrétienne serait Plotin et non pas Aristote ; Picavet a eu le mérite d'attirer l'attention sur un aspect essentiel de la pensée médiévale , car les recherches ultérieures ont révélé la part importante du néoplatonisme dans les concep tions philosophiques du XIIIe siècle : l'influence de Plotin et de Proclus s'est exercée par les voies les plus diverses, à travers le monde arabe et à travers ¹1 P. MANDONNET, Siger' (1899) , chap . II : De l'action d'Aristote sur la formation des courants doctrinaux du XIIIe siècle , pp . XLI-LXXIV . 2 E. RENAN, Averroès et l'averroïsme ( 1852 ; 4e éd . 1882) . • A. CHOLLET, Aristotélisme de la scolastique, dans le Dictionnaire de Théologie catho lique, t. I , fasc . VII ( 1902) . ¹ E. PORTALIÉ, Augustinisme (Développement historique de l') , ibidem, t. I , fasc. IX ( 1903) . M. DE WULF, Augustinisme et aristotélisme au XIIIe siècle ( 1901 ) . • G. H. LUQUET, Aristote et l'université de Paris pendant le XIIIe siècle ( 1904) . î On trouve un aperçu très substantiel sur ces premiers travaux dans Cl. BAEUMKER , Der Platonismus im Mittelalter' (1928) , p . 145 , note 17. • F. PICAVET, Esquisse d'une histoire générale et comparée des philosophies médiévales (1905) , surtout pp. 95-123 : Les vrais maîtres des philosophes médiévaux. Dans la seconde

édition ( 1907) , pp. 85-116.

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DEUXIEME PARTIE: CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

le monde latin . En 1916 et en 1917 , Baeumker couronne une série de mono graphies antérieures par deux brillantes études synthétiques sur le platonisme 1 médiéval ¹. En 1915 paraît une contribution du Dr Schneider à l'histoire de l'aristo télisme et de l'arabisme 2. L'auteur corrige et nuance la conception reçue jusqu'alors , d'après laquelle la renaissance philosophique au moyen âge daterait du XIIIe siècle et serait due , à peu près exclusivement , à la nouvelle littérature introduite vers le début de cette période ; il montre que la renais sance culturelle du moyen âge remonte au XIIe siècle , même pour la philo sophie , et qu'elle a seulement été intensifiée au XIIIe siècle grâce aux nouvelles traductions ; en outre , le XIIIe siècle ne consacre pas le triomphe exclusif de l'aristotélisme sur l'augustinisme platonisant de l'époque antérieure : l'augus tinisme se maintient au XIIIe siècle en face de l'aristotélisme et, d'autre part , l'influence de l'aristotélisme est déjà considérable au XIIe siècle , même en dehors du domaine de la logique ; cette influence est due , tantôt à la con naissance directe d'Aristote , tantôt à des intermédiaires latins (surtout Boèce) ou judéo-arabes. Tandis que M. De Wulf insistait sur la convergence des systèmes philo sophiques du moyen âge et croyait pouvoir en dégager ce qu'il appela long temps la synthèse scolastique , commune à la plupart des maîtres, du moins au XIIIe siècle , les travaux de M. Gilson tendent plutôt à mettre l'accent sur la variété des courants doctrinaux du moyen âge ; ainsi , M. Gilson souligne fortement l'opposition de l'aristotélisme et de l'augustinisme et plusieurs his toriens , entre autres le P. Chenu en France , M. Hessen en Allemagne , M. Sassen en Hollande , manifestent la même tendance 3. M. Gilson s'est appliqué en outre à analyser les composantes de l'augustinisme au XIIIe siècle ; il a mis en relief l'originalité de l'augustinisme franciscain, dont saint Bona 4 venture est le représentant le plus typique ; d'autre part , il a cru discerner l'existence , à côté d'un augustinisme aristotélisant, d'un courant qu'il appelle l'augustinisme avicennisant 5. M. De Wulf a contesté l'opportunité de ce classement nouveau

d'après lui , M. Gilson accorde une importance exces

sive à la théorie de la connaissance , lorsqu'il fait de la doctrine de l'illumi

' Cl . BAEUMKER, Der Platonismus im Mittelalter ( 1916) ; Mittelalterlicher und Renaissance Platonismus ( 1917) . Ces deux études ont été mises à jour et rééditées par Mgr GRABMANN , dans Cl . BAEUMker, Studien und Charakteristiken ... ( 1928) . 2 A. SCHNEIDER, Die abendländische Spekulation des zwölften Jahrhunderts in ihrem Verhältnis zur aristotelischen und jüdisch-arabischen Philosophie ( 1915) . 3 Cf. surtout E. GILSON, La philosophie au moyen âge ( 1922) ; La philosophie de saint Bonaventure ( 1924) ; Le thomisme¹ ( 1942) . E. GILSON, La philosophie de saint Bonaventure ( 1924) ; La philosophie franciscaine ( 1927) . Cf. aussi E. LONGPRÉ, Saint Augustin et la pensée franciscaine ( 1932) . 5 E. GILSON, Pourquoi saint Thomas a critiqué saint Augustin ( 1926) ; Les sources gréco arabes de l'augustinisme avicennisant ( 1929) .

363

ETAT DE LA QUESTION

nation divine le point de rupture entre l'aristotélisme et l'augustinisme au siècle ; M. De Wulf estime que la rupture se fait principalement en

XIII

métaphysique ; dès lors, il faudrait parler plutôt d'un augustinisme avicebro nisant, car le rôle d'Avicebron est capital dans la formation de la méta physique préthomiste ¹ . En 1931 paraissent deux études considérables sur l'averroïsme : celle de Mgr Grabmann exploite , comme de coutume , un riche matériel inédit ² ; l'article du P. Gorce , par contre , est un essai de synthèse où les vues per sonnelles de l'auteur ne s'appuyent peut-être pas suffisamment sur les faits 3. Deux ans plus tard , le P. Gorce élargit ses perspectives et brosse un tableau très vivant , qu'il qualifie lui-même de « tentative audacieuse » et de « syn 1 thèse toute provisoire » ¹ ; les aperçus historiques que son ouvrage développe sont multiples ;

des suggestions originales , parfois

assez inattendues ,

des

rapprochements ingénieux , parfois bizarres , stimulent constamment la curiosité du lecteur . Mais là où l'auteur ne se laisse pas aller à son inspiration , il dépend d'une manière trop servile des travaux antérieurs, notamment de l'ouvrage de Renan, auquel il accorde un crédit excessif . Il faut ajouter que plusieurs inexactitudes et de nombreuses incorrections de style déparent les publications du P. Gorce . Les travaux de M. Gilson et ceux du P. Gorce avaient souligné le rôle des Arabes et, en particulier, celui d'Avicenne dans la formation de la pensée latine . Le P. de Vaux fait un pas de plus en essayant de démontrer , textes 5 à l'appui , l'existence d'un courant doctrinal spécifiquement avicennien : le dessein de l'auteur est d'établir qu'on rencontre au début du XIIIe siècle des traces d'un avicennisme latin , analogue au mouvement hétérodoxe qui naîtra plus tard et que Renan a dénommé l'averroïsme latin ; des philosophes chré tiens auraient repris à leur compte la doctrine d'Avicenne dans son ensemble , même en ce qu'elle avait d'incompatible avec la pensée chrétienne . Nous aurons achevé notre tour d'horizon si nous évoquons les récents travaux de Mgr Grabmann sur l'aristotélisme médiéval. A côté d'une série impressionnante de monographies , auxquelles nous aurons à recourir bientôt, l'infatigable chercheur a publié quatre études de portée plus générale sur la renaissance aristotélicienne au moyen âge : la première a pour objet le pro

' M. DE WULF, L'augustinisme « avicennisant » ( 1931 ) ; Courants doctrinaux dans la phi losophie européenne du XIIIe siècle ( 1932) . 2 M. GRABMANN, Der lateinische Averroismus des 13. Jahrhunderts und seine Stellung zur christlichen Weltanschauung ( 1931 ) . 3 M.-M. GORCE, Averroïsme, dans le Dictionnaire d'Histoire et de Géographie ecclésias tiques (1931 ) . ¹ M.-M. GORCE , L'essor de la pensée au moyen âge . Albert le Grand. Thomas d'Aquin

(1933) . 5 R. DE VAUX , Notes et textes sur l'avicennisme latin aux confins des XII -XIIIe siècles ( 1934) .

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

364

blème des relations entre les deux pouvoirs ; la seconde reprend et rajeunit le thème traité autrefois par S. Talamo ; la troisième est de caractère plus technique, elle décrit les instruments de travail, les procédés pédagogiques et littéraires dont on s'est servi pour enseigner Aristote ; enfin la quatrième 1 traite de la réaction de l'Eglise devant la pénétration de l'aristotélisme ¹.

Les problèmes de synthèse Historique relatifs aux courants doctrinaux du XIIIe siècle se greffent à leur tour sur des problèmes plus larges encore : celui des rapports entre la foi chrétienne et la raison et , en dernière analyse , celui des rapports entre le christianisme et l'humanisme au moyen âge . Pro blèmes tellement vastes et tellement complexes que nous ne pouvons songer à en introduire ici un examen quelque peu développé . Il est indispensable cependant de rappeler au moins à grands traits les principales positions prises par les historiens de la pensée médiévale en face de ces problèmes. Nous entendons ici par et à l'Intellect « matériel » de l'espèce humaine . Car l'activité intellectuelle qui s'exerce et se diversifie dans 3 les individus humains a pour principes deux substances séparées ou imma térielles, deux formes subsistantes ,

éternelles et impérissables : l'Intellect

« agent » , qui est la dernière des Intelligences célestes et qui meut la sphère lunaire , et l'Intellect « matériel » , c'est-à-dire réceptif, qui reçoit en lui les formes intelligibles abstraites par l'Intellect agent . Situés à la limite du monde des esprits, ces deux Intellects ont une activité abstractive , dans laquelle ils s'unissent aux individus humains , car ce sont les « phantasmes » , c'est- à-dire les images cérébrales des individus , qui font l'objet du processus abstractif de l'Intellect agent séparé et qui , dès lors , spécifient l'opération de l'Intellect réceptif. C'est uniquement dans la mesure où l'Intellect réceptif agit en nous, que nous avons conscience de penser. La spiritualité et l'immortalité n'ap partiennent pas aux âmes des individus humains, mais seulement à l'Intellect de l'espèce . On entrevoit aisément les conséquences morales et sociales d'une telle doctrine qui, au plan humain , coïncide avec le matérialisme le plus radical. Dans son ensemble , l'œuvre d'Averroès marque un retour vers l'aristo

¹ E. BRÉHIER, La philosophie du moyen âge ( 1937) , pp. 228-235 . 2 Et cum ignoraverunt hoc quidam esse de opinione Aristotelis, dixerunt ipsum (Deum) non dicere causam agentem universum, sed causam moventem tantum ; et illud fuit valde absurdum (AVERROES, De substantia orbis, cap . 2. Opera, t . IX, 6 M - 7 A) . ' Cette dualité demanderait à être expliquée et nuancée, mais nous nous bornons ici à un exposé sommaire. Cf. M. HORTEN, dans B. GEYER, Fr. Ueberwegs Grundriss..., t. II¹¹ , pp. 318-319.

ARTICLE PREMIER : ANTECEDENTS HISTORIQUES

377

1 télisme authentique et une réaction contre la philosophie néoplatonicienne ¹. Toutefois l'aristotélisme du Commentateur comporte , par rapport à celui du Stagirite lui-même , des explicitations et des additions considérables , surtout en métaphysique (la causalité créatrice) et en psychologie (le monopsychisme) . Il est donc excessif de dire que , « dans leurs grandes lignes, les doctrines d'Averroès sont contenues soit explicitement, soit implicitement, dans celles 2 d'Aristote » ² .

Le développement de la philosophie chez les Juifs dans le monde arabe est singulièrement parallèle à celui de la philosophie arabe elle-même . Ici aussi le conflit éclate entre les philosophes et les esprits conservateurs, gar diens de la Loi et des traditions rabbiniques ; ici encore , deux figures dominent toutes les autres par l'influence qu'elles ont exercée dans le monde chrétien du XIIIe siècle : Avicebron et Maïmonide . Salomon Ibn Gebirol , connu chez les Latins sous le nom d'Avicebron , est un contemporain de saint Anselme ; il a vécu à Saragosse au XIe siècle († 1070) et est l'auteur d'un traité philosophique intitulé Source de vie (Fons vitae) . Il professe une doctrine nettement néoplatonicienne , dont l'hylémor phisme universel est la thèse la plus caractéristique : toutes les créatures , tant spirituelles que corporelles , sont composées de matière et de forme ; sur cette idée fondamentale se greffent , selon des schèmes plotiniens , une conception de la hiérarchie des formes parallèle à la hiérarchie des principes matériels , et l'explication du devenir universel par un processus émanatif de caractère intellectuel, car il résulte de l'illumination ou de l'impression exercée par les Intelligences supérieures sur la matière . Moïse Maïmonide est le grand penseur juif du XII° siècle ; contemporain d'Averroès, né comme lui à Cordoue , il mourut en Egypte en 1205. Son Guide des indécis est une somme de spéculations religieuses . Comme Aver roès, il retourne à Aristote ; mais il professe un aristotélisme nuancé de néo platonisme , souvent inspiré d'Avicenne . Le problème des rapports entre la philosophie et la religion l'a vivement intéressé et il conçoit surtout la philo sophie comme un instrument de la spéculation théologique , destiné à éclaircir les pages obscures des Livres saints . Maïmonide connaît d'ailleurs les points faibles de l'aristotélisme et oppose au naturalisme du Philosophe la notion biblique de la Providence . En somme , sa position est souvent assez voisine de celle de saint Thomas ".



¹ E. BRÉHIER, La philosophie du moyen âge, p. 235. "2 P. MANDONNET, Siger" , t . I , p. 155. Le P. Gorce reconnaît que , tout en étant excellent exégète d'Aristote, Averroès est aussi tributaire de l'arabisme et qu'il introduit dans son aristotélisme une bonne dose de néoplatonisme (Art . Averroïsme, col . 1034-1038) . ³3 Sur la pensée arabe et la pensée juive au moyen âge, voir la bibliographie rétrospective 11 dans B. GEYER, Fr. Ueberwegs Grundriss ... II. Die patristische und scholastische Philosophie ¹¹

1

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DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

Cette très rapide évocation de l'effort intellectuel accompli par les Grecs et par les Arabes et de ses principaux résultats , permet de mesurer l'ampleur du travail d'assimilation réalisé par le moyen âge chrétien , surtout au XIIIe siècle, lorsque , grâce à un afflux massif de matériaux littéraires exotiques , l'Occident latin a bénéficié pour la première fois de l'apport intellectuel presque complet de deux civilisations : celle des Grecs et celle des Arabes. Pour comprendre le bouleversement opéré dans les esprits par la littérature philosophique nouvelle , il est indispensable de se rappeler d'abord quelle était l'atmosphère intellectuelle de la chrétienté vers la fin du XIIe siècle .

Bilan philosophique du XII° siècle .

382

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

matérialisme pratique qui règne dans la société payenne , le christianisme primitif centre fortement l'idéal chrétien sur la destinée éternelle des âmes ; il prêche la recherche de l'unique nécessaire et le mépris des biens qui passent ; il oppose l'humble acceptation de la vérité divine par la foi , à la sagesse orgueilleuse du monde . Bref, si le message du Christ annonce le plus sublime des humanismes en invitant les hommes à une destinée divine et en conférant à la personne humaine une valeur surnaturelle , il est en con tradiction flagrante , du moins à première vue , avec l'humanisme entendu dans le sens courant du mot , car il semble imposer le mépris de toutes les valeurs humaines provisoires ou transitoires : richesses ,

plaisirs, honneurs,

sagesse . Cependant la vie chrétienne débute ici- bas et , dès lors , il faut organiser la cité terrestre , de manière à assurer aux hommes l'ensemble des conditions de vie qui doivent leur permettre de réaliser au mieux leur destinée person nelle . Par la force des choses , le problème de l'humanisme s'est posé dès l'origine aux communautés chrétiennes ; il s'est posé sous des aspects de plus en plus variés à mesure que l'Eglise croissait , et l'histoire montre que , une fois l'essentiel assuré , l'Eglise a favorisé de tout son pouvoir le développe ment de la civilisation ; après la destruction de l'Empire romain et les inva sions des barbares , elle a été la grande éducatrice du monde nouveau . Au plan de la vie intellectuelle , le même contraste apparaît entre la pré dication chrétienne primitive et l'action ultérieure de l'Eglise . Les premières générations chrétiennes sentent surtout la nécessité de réagir contre l'orgueil de l'esprit et contre la sagesse des philosophes , afin d'établir solidement la vision surnaturelle de toutes choses dans la lumière de la foi en la parole de Dieu . Tout en utilisant dans une mesure variable les résultats de la science grecque , les chrétiens des premiers siècles opposent volontiers la sagesse chrétienne à la sagesse payenne ; et lorsque le christianisme se trouve pour la première fois en présence d'une synthèse philosophique puissante , le néo platonisme , qui est à la fois système scientifique et sagesse de vie , les pre miers contacts ne sont point pacifiques : Porphyre surtout est l'adversaire. décidé des chrétiens . Bientôt cependant ce néoplatonisme âprement hostile à l'évangile du salut , devient l'âme de la philosophie augustinienne , et la pensée chrétienne prend un essor prodigieux dans l'oeuvre du grand intellec tuel que fut saint Augustin . Toutefois l'évêque d'Hippone ne renonce pas à la primauté de la foi sur la raison et de la sagesse chrétienne sur la sagesse humaine ; pour lui , la >

que

cultivent, dans les « facultés philosophiques » , les dialecticiens et les amateurs de « subtilités inutiles » ; l'auteur met les théologiens en garde contre l'intro duction de la philosophie dans l'étude de l'Ecriture sainte : odibiles Deo erimus, strepitum ranarum Egyptii in terra Gessen traducere molientes ; dans sa Summa theologiae , Prévostin ne cache pas sa colère devant la logomachia qui règne à la Faculté des arts 2. Ainsi donc , tout porte à croire que les interdictions de 1210 et de 1215 touchant la philosophie naturelle d'Aristote , ont été inspirées par la Faculté de théologie de Paris ; il faut y voir des mesures de défense en vue de pro téger la science sacrée contre les infiltrations payennes du nouvel Aristote ³ . Mgr Grabmann rappelle enfin que Robert de Courçon agissait en vertu d'un mandat spécial du pape Innocent III , qui avait étudié à Bologne et à Paris, où il avait été l'élève de Pierre le Chantre et le condisciple de son . futur légat ; or les écrits théologiques d'Innocent III présentent les mêmes caractères que ceux de son maître parisien et du groupe conservateur auquel ce dernier appartenait ; il n'est donc pas impossible que les mesures prises par Robert de Courçon contre la philosophie payenne répondissent à des préoccupations personnelles du grand pontife , dont le règne a été une longue 4 lutte contre les hérésies , pour la sauvegarde de la pureté de la foi ¹.

¹ M. GRABMANN , I divieti..., p . 38. 2 Ibidem, pp . 62-64. 3 lbidem, pp . 64-66. 4 Ibidem , pp. 67-69.

400

DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

Les événements de 1210 et de 1215 sont pour ainsi dire les seuls foyers de lumière qui éclairent aujourd'hui l'histoire de l'aristotélisme à Paris entre 1200 et 1230, car les documents relatifs à l'activité professorale ou littéraire des maîtres ès arts durant cette période sont presque inexistants . Il n'est pas 1 certain que David de Dinant ait enseigné à Paris ¹ ; Amaury de Bène y a été maître à la Faculté des arts avant d'enseigner la théologie , mais , nous l'avons dit , ses idées sont fort mal connues ; Jourdain de Saxe , qui entra chez les Prêcheurs en 1220 et qui y devint, deux ans plus tard , le premier successeur de saint Dominique à la tête de l'Ordre , avait enseigné les arts vers le temps des prohibitions d'Aristote , mais il s'est occupé surtout de grammaire et , s'il faut l'identifier avec Jourdain le Forestier (Jordanus Nemo rarius) , de mathématiques 2. Mgr Grabmann a pu exhumer une quantité im portante d'écrits de logique qui appartiennent à la fin du XIIe siècle et à la première moitié du XIII , mais presque tous ces écrits sont anonymes et très approximativement datés ; en ce qui regarde le premier usage que les artiens de Paris ont fait de la Métaphysique et des Libri naturales d'Aristote , nous ne possédons à l'heure actuelle aucun renseignement direct , à moins que le De finibus rerum naturalium d'Arnold de Saxe ne soit un produit de la Faculté des arts de Paris 3 Le petit écrit intitulé Disciplina scholarium apporte quelque lumière sur composé vers cette date , probablement par la Faculté des arts avant 1230 un étudiant anglais , Elias de Trickingham, qui avait reçu sa formation à Paris et qui fait part de ses expériences scolaires et pédagogiques , cet écrit met sur les lèvres de Boèce une description de l'organisation scientifique à la Faculté des arts de Paris ; il ne fait mention que des écrits logiques d'Aris 4 tote . Ce pseudo-Boèce a été commenté souvent dans la suite * . Tout compte fait , seules les interdictions de 1210 et de 1215 jettent un certain jour sur la période immédiatement antérieure , qui a été témoin de

¹ M. GRABMANN, I divieti..., p . 31 ; cf. G. THÉRY, Autour du décret de 1210. I. David de Dinant (1925) , p . 10 , note 1 . 2 Cf. M. ARON, Un animateur de la jeunesse ... , pp. 47-63 (Le maître ès arts) ; M. GRAB MANN, I divieti..., pp. 8-9 . ³ M. GRABMANN, I divieti..., pp . 48-49 . Le De finibus (mieux : De virtutibus) rerum natu ralium d'Arnold de Saxe a été composé entre 1220 et 1230 ; il reflète d'une manière très intéressante la curiosité philosophique de l'époque (cf. M. GRABMANN , Methoden und Hilfs mittel..., pp. 109-111 ; A. PELZER, dans M. De Wulf , Hist. , t . II , pp . 35-36) . En ce qui concerne les milieux italiens (Salerne) , espagnols (Tolède) et anglais , on pos sède des données plus nombreuses : cf. A. BIRKENMAJER, Le rôle joué par les médecins et les naturalistes dans la réception d'Aristote au XIIe et au XIIIe siècles ( 1930) ; M. GRABMANN, I divieti..., pp. 15 et 47-48 . * Cf. M. GRABMANN, Handschriftliche Forschungen ... ( 1936) , pp . 5-6 ; Methoden und Hilfsmittel... (1939) , p . 107 ; A. STEINER, The Autorship of De disciplina scholarium ( 1937) . Texte dans MIGNE, Patrol. lat., t. XLIV, 1223-1238.

ARTICLE II : L'ENTREE D'ARISTOTE A PARIS

401

la première pénétration de l'aristotélisme à Paris ¹ . Mais elles éclairent aussi l'avenir, car elles expliquent pourquoi , pendant la première moitié du siècle, l'étude des traités de physique et de métaphysique d'Aristote semble para lysée ou négligée , à Paris , au profit de la logique et de la philosophie réelle du Stagirite est avidement étudiée , dans d'autres milieux , notamment en Angleterre . Cette séquence normale des mesures prises à Paris au début

la morale , alors que à la même époque , situation est la con du siècle .

Une conclusion domine toute notre enquête sur les événements de 1210 et de 1215 : dès ce moment , un conflit existe entre la Faculté des arts et la Faculté de théologie . Nous verrons que ce conflit s'atténuera après 1230 au point de s'effacer presque complètement , pour reprendre de plus belle après 1260 et atteindre son paroxysme au moment de la grande condamnation de l'aristotélisme en 1277.

Tandis que les écoles de Paris connaissaient les premières secousses provoquées par l'invasion d'Aristote

et des philosophes payens,

d'autres

personnages s'apprêtaient à faire leur entrée à Paris pour y apporter un esprit nouveau : c'étaient les Mendiants . L'ordre de saint Dominique avait été institué canoniquement par une bulle d'Honorius III , datée du 22 dé cembre 1216 ; quelques mois plus tard , le 12 septembre 1217 , les premiers Prêcheurs arrivaient à Paris ; en août 1218 , ils s'établissaient dans la maison de Saint-Jacques et, lorsque saint Dominique visita le nouveau couvent au printemps de 1219 , il y trouva déjà une trentaine de frères 2. En la même année 1219 , les premiers Frères Mineurs franchissaient les portes de Paris . Dominicains et franciscains firent presque aussitôt de nombreuses recrues dans le monde des écoles , non seulement parmi les étudiants , mais aussi parmi les maîtres . Cette croissance rapide explique le rôle qu'ils vont jouer bientôt dans l'enseignement de la théologie .

Autour de la grève scolaire

Les événements qui s'échelonnent de 1228 et 1231 marquent une deu xième étape dans l'histoire de l'aristotélisme au XIIIe siècle . Le 7 juillet 1228 , le pape Grégoire IX adresse aux professeurs de la Faculté de théologie de Paris une lettre qui, dans un style farci d'images

¹ Le chroniqueur Robert d'Auxerre, parlant des événements de 1210, résume comme suit la situation : Librorum quoque Aristotelis, qui de naturali phylosophya inscripti sunt, et ante paucos annos Parisius ceperant lectitari, interdicta est lectio, quia ex ipsis errorum semina viderentur exorta . Cf. M. GRABMANN, I divieti..., pp. 10-11 . D'autres chroniques parlent dans le même sens (ibidem, pp . 11-13) . 2 Sur l'arrivée des premiers Prêcheurs à Paris , on peut lire M. ARON, Un animateur de la jeunesse au XIIIe siècle ( 1930) , pp . 65-73.

402

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

bibliques, met les théologiens en garde contre l'abus de la philosophie et leur rappelle la nature de la science sacrée , savoir dont les principes sont reçus par la foi et dépassent le niveau des raisonnements humains ; la philo sophie est servante vis-à-vis de la théologie , qui est la reine des sciences ; il ne faut donc pas renverser les rôles et mettre la souveraine sous l'autorité de la servante 1¹ . Le contenu de cette lettre est vague , mais elle éclaire cependant d'un jour assez vif l'évolution de la Faculté de théologie depuis 1215, surtout si l'on rapproche le texte pontifical d'une série de documents théologiques con temporains . C'est ce qu'a fait Mgr Grabmann à l'aide d'écrits et de sermons 2 universitaires qui reflètent les mêmes préoccupations que celles du Grégoire IX avait étudié la théologie à Paris et avait été, comme Innocent III , l'élève de Pierre le Chantre . Canoniste et théologien, ami des lettres et des sciences, il manifeste , dans le document du 7 juillet 1228 , l'anxiété qu'il ressent au spectacle de l'emprise croissante des « nouveautés profanes » dans l'enseignement théologique . Il faut en conclure que , malgré les mesures prises en 1210 et en 1215 , un nouveau courant d'idées s'était formé au sein de la Faculté de théologie , à côté de l'ancienne orientation conservatrice , fidèlement attachée à la méthode scripturaire et patristique : ce nouveau courant, alimenté sans doute par les jeunes recrues de la Faculté , qui avaient pris contact avec la philosophie nouvelle durant leur séjour à la Faculté des arts , accordait une place de plus en plus envahissante à la méthode spéculative ; s'il faut en croire les opposants , ces novateurs usaient des termes et des notions philosophiques dans l'interprétation des mystères , sans égard pour la nature de la connaissance de foi et de la science théo logique 3. Parmi les documents qui font écho aux admonitions de Grégoire IX , il est intéressant de relever un passage du Sermo ad scholares prononcé par le cardinal Jacques de Vitry, parce que ce dernier y enveloppe dans la même réprobation Platon et Aristote : Ex philosophis autem quaedam possumus assumere ad commodum causae nostrae . Boethius quidem , de consolatione , totus catholicus est et moralis . Alii autem multa falsa et vana dixerunt, sicut Plato, qui planetas deos asseruit, et Aristoteles, qui mundum aeternum fuisse dogmatizavit. Unde in libris, quos naturales appellant, valde cavendum est, ne ex nimia inquisitione erremus... Quum igitur libri theologici christiano 4 possunt sufficere , non expedit in libris naturalibus nimis occupari ¹ . C'est bien

¹ Le texte intégral de cette lettre peut se lire dans H. DENIFLE , Chartularium ..., I , pp. 114-116 , nº 59 ou dans M. GRABMANN, I divieti..., pp. 72-75 . 2 M. GRABMNan, I divieti..., pp. 75-87. ³ Il existe sans doute une certaine continuité historique entre ce courant spéculatif et les vieilles écoles abélardienne et porrétaine. * M. GRABMANN, I divieti..., p . 82.

403

ARTICLE II : L'ENTREE D'ARISTOTE A PARIS

du conflit entre l'esprit chrétien et le naturalisme payen qu'il s'agit , et non de la rivalité de deux philosophies , celle de saint Augustin et celle d'Aristote . Les premières constitutions de l'Ordre des Frères Prêcheurs , rédigées par saint Raymond de Pennafort en la même année 1228 , trahissent un état d'esprit analogue à celui que nous venons de trouver à la Faculté de théologie de Paris . L'Ordre ayant été fondé en vue de la prédication et de l'enseigne ment de la science sacrée ,

on prescrit aux religieux de s'appliquer aux

études théologiques à l'exclusion des études profanes ; ils pourront cependant consulter les livres des payens et des philosophes , mais sans s'y attarder ; seuls ceux qui auront obtenu une dispense pourront étudier les sciences pro fanes et les arts libéraux ¹ . Deux préoccupations assez opposées apparaissent dans ces dispositions . La règle qui est imposée à tous rappelle la conception traditionnelle , selon laquelle des religieux , voués au service de Dieu , doivent vaquer uniquement à l'étude des choses divines et s'interdire toute vaine curiosité et toute dissipation au contact du savoir profane ; l'idéal apostolique des Prêcheurs ne modifiait pas cette conception , du moins à première vue , puisque l'objet de leur prédication devait être , lui aussi , le message évangé lique . Cependant les exceptions admises par le texte des constitutions dé montrent qu'une préoccupation bien différente de la première a inspiré les législateurs : ils ont compris que les sciences profanes pouvaient être utiles à la théologie et qu'on ne pouvait en interdire absolument l'étude ; ils ont entrevu que la prédication dans les milieux intellectuels et la lutte contre les hérésies demandaient une formation solide , dont on ne pouvait exclure, sans plus, la philosophie et les arts libéraux . On verra bientôt que , par la force des choses, ces premières concessions n'ont cessé de s'étendre , et le temps est proche où les Prêcheurs et les Mineurs rivaliseront de zèle pour les conquêtes scientifiques, d'entre eux 2.

malgré

les

scrupules

persistants

de

quelques- uns

Les frictions étaient fréquentes, à Paris, entre le monde turbulent des écoles et les bourgeois . En 1229 , le mardi - gras fut l'occasion d'un conflit qui s'envenima rapidement : parti d'une querelle entre un groupe d'étudiants et un aubergiste , il aboutit , après des péripéties tragiques , à la suspension des cours et à une grève générale des maîtres , qui s'étaient solidarisés avec leurs étudiants " . Bientôt ce fut l'exode des clercs vers les villes de province ou

1 In libris gentilium et philosophorum non studeant, etsi ad horam inspiciant. Seculares scientias non addiscant, nec etiam artes quas liberales vocant, nisi aliquando circa aliquos magister ordinis vel capitulum generale voluerit aliter dispensare ; sed tantum libros theolo gicos tam iuvenes quam alii legant. Cf. M. GRABMANN , I divieti..., pp. 85-86. 2 Cf. P. MANDONNET, Siger " , t . I , pp . 31-33 ; M. GRABMANN , I divieti..., pp . 85-86. ³ Le décret du 27 mars 1229 , émanant des 21 proviseurs de l'Université, impose une suspension générale de l'enseignement, et cela pour une durée de six ans ! Il interdit même

404

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

vers leurs pays d'origine . Le pape s'occupa activement de l'affaire . Guillaume d'Auvergne avait été nommé évêque de Paris en avril 1228 et avait reçu à Rome même la prêtrise et l'épiscopat ; le 23 novembre 1229, Grégoire IX lui envoie une lettre dans laquelle il exprime le regret de l'avoir élu (Penitet hunc hominem nos fecisse !) et lui reproche en termes amers son inertie devant la crise très grave que traverse l'Université . Le pape multiplie ses démarches et ses consultations jusqu'au moment où, le terrain ayant été habilement préparé , il croit pouvoir résoudre le conflit par son intervention directe . C'est ce qu'il fait par sa lettre du 13 avril 1231 , adressée aux pro fesseurs et aux étudiants de l'Université . Ce document capital (Parens scien tiarum Parisius) , que Mgr Grabmann appelle , après Mgr Masnovo , la magna charta de l'Université de Paris, comporte des dispositions importantes pour notre sujet et nous y reviendrons bientôt ¹ . A l'heure même où s'était déclarée la crise de 1229 à Paris , l'Université de Toulouse prenait naissance , en exécution du traité conclu le Jeudi-Saint , 2 avril 1229, entre le jeune roi Louis IX et le comte de Toulouse Raymond VII ; ce traité mettait fin à la guerre albigeoise 2. Profitant de la situation créée à Paris par la grève scolaire , les dirigeants de la nouvelle Université adressèrent , vers la fin de 1229 , une circulaire de propagande aux maîtres et aux étudiants « ubicumque terrarum studentibus » , dans laquelle les mérites scientifiques du nouveau studium generale sont vantés et la plus grande liberté est promise aux gens d'étude . Or, parmi les avantages d'ordre scientifique que l'on fait miroiter aux yeux du public lettré , il en est un qui nous intéresse particulière ment : Libros naturales , qui fuerant Parisius prohibiti, poterunt illic audire qui volunt nature sinum medullitus perscrutari. Comme il a été dit plus haut, ce texte prouve clairement que les interdictions de 1210 et de 1215 étaient locales . Mais il révèle en outre que le cardinal Romano, légat pontifical en France et grand protecteur de la jeune Université de Toulouse , avait au sujet d'Aristote des vues plus larges que celles qui dominaient encore dans certains milieux parisiens . Il est probable qu'il entrevoyait la possibilité ,

le séjour dans la ville et le diocèse de Paris pour raison d'études. On sait toutefois par ailleurs que ce décret n'a pas été observé intégralement : dès l'automne de 1229 , Roland de Crémone inaugure sa chaire de théologie et les maîtres séculiers se plaindront avec amertume , en 1254 , de ce que les Prêcheurs aient profité de la situation pour s'introduire dans la place : in illa paucitate scolarium que remansit Parisius (H. DENIFLE , Chartularium ..., I , p . 253) ; les nom breux sermons universitaires qui datent des années 1230 et 1231 démontrent qu'il existe, à ce moment, un public estudiantin à Paris. Cf. M. M. DavY, Les sermons universitaires pari siens de 1230-1231 ( 1931 ) . ¹ Sur la crise universitaire de 1229-1231 , cf. H. DENIFLE , Chartularium ... , I , où l'on trouve les principaux documents ; A. MASNOVO, Da Guglielmo d'Auvergne a san Tomaso d'Aquino, t. I ( 1930) , pp . 1-55 ; A. Callebaut, Le sermon historique d'Eudes de Chateauroux... ( 1935) ; M. GRABMANN, I divieti..., pp. 88-92. 2 L. SALTET, L'ancienne université de Toulouse ( 1912) , p . 16.

1

ARTICLE II : L'ENTREE D'ARISTOTE A PARIS

pour la pensée chrétienne , d'assimiler l'aristotélisme et , au besoin ,

405

de le

corriger . Il est probable aussi que le cardinal- légat ne fut pas étranger aux mesures nouvelles prises par Grégoire IX en 1231 ¹. Installés à Paris depuis 1217 , les premiers dominicains avaient suivi les leçons de maître Jean de Barastre , leur bienfaiteur, et avaient pu conquérir leurs grades théologiques . En 1229 , pendant la grève scolaire , l'évêque de Paris confia une chaire universitaire à Roland de Crémone , qui avait obtenu la maîtrise en mai de la même année 2. Roland devint ainsi le premier titu laire de la première chaire dominicaine ; il n'enseigna qu'un an à Paris et fut remplacé , dès 1230 , par son disciple Hugues de Saint- Cher, qui professa de 1230 à 1235. Le 22 septembre 1230 , un maître séculier, Jean de Saint Gilles, prit l'habit de saint Dominique au couvent de Paris ; il conserva sa chaire , qui devint la deuxième chaire dominicaine au sein de la Faculté de théologie ; il eut comme successeur Guerric de Saint- Quentin , maître régent de 1233 à 1242. Cependant cette situation nouvelle , acceptée par le Chancelier Philippe, souleva plus tard une vive opposition de la part des maîtres sécu 3 liers, surtout à partir de 1252 , et elle ne fut pleinement reconnue qu'en 1259 ³ Ce fut également grâce à l'entrée dans l'Ordre d'un maître séculier que les Frères Mineurs obtinrent une chaire de théologie à Paris : Alexandre de Halès devint franciscain après la grève scolaire , probablement en 1231 , et il poursuivit son enseignement jusqu'en 1238 ou en 1241 ; il céda sa chaire à son disciple Jean de la Rochelle , qui l'occupa jusqu'à sa mort , survenue le 8 février 1245 4. Il n'est pas difficile de saisir la portée de cette incorporation des Ordres mendiants dans la Faculté de théologie . Ceux -ci vont prendre désormais une part active à la vie universitaire et aux conflits de tous genres qui agiteront les écoles de Paris . Leur rôle sera capital dans l'histoire ultérieure de l'aris totélisme parisien .

Nous pouvons revenir maintenant à la lettre du 13 avril 1231 , par laquelle Grégoire IX règla la pacification de l'Université . Le passage qui nous inté resse se rapporte à l'enseignement philosophique et théologique : Ad hec iubemus ut magistri artium unam lectionem de Prisciano et unum post alium ordinarie semper legant, et libris illis naturalibus, qui in Concilio pro

¹ Cf. H. DENIFLE, Chartularium..., I , pp. 129-131 , nº 72 ; A. MASNOVO, Da Guglielmo d'Auvergne a san Tomaso d'Aquino, I , pp . 22-23 ; M. GRABMANN, I divieti..., pp. 92-94. Une fâcheuse erreur, due 2 P. GLORIEUX, Répertoire des maîtres ..., I ( 1933) , p . 42. sans doute au traducteur italien, s'est glissée à la p. 94 de l'ouvrage de Mgr GRABMANN, I divieti... : à la ligne 10 , il faut lire « al magister Rolando » (et non Filippo) ; à la ligne 19 , il faut remplacer les mots « accanto a » par une virgule. 3 P. GLORIEUX , Répertoire des maîtres ..., I , p . 36. *4 P. GLORIEUX, Répertoire des maîtres ..., II , pp . 15 et 25. Mgr GRABMANN (I divieti.... p. 95) semble reprendre la thèse du P. Felder, abandonnée plus tard par son auteur, suivant

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

vinciali ex certa causa prohibiti fuere , Parisius non utantur, quousque exa minati fuerint et ab omni errorum suspitione purgati . Magistri vero et scolares theologie in facultate quam profitentur se studeant laudabiliter exercere , nec philosophos se ostentent, sed satagant fieri theodocti, nec loquantur in lingua populi et populi linguam hebream cum Azotica confundentes, sed de illis tantum in scolis questionibus disputent, que per libros theologicos et sanc torum patrum tractatus valeant terminari ¹ . Ce texte appelle un bref commentaire , qui s'appuyera sur ceux de Mgr Masnovo et de Mgr Grabmann 2. Lorsqu'on rapproche la lettre de 1231 de celle de 1228 , on aperçoit que le ton a changé : l'interdiction de 1210 tou chant Aristote est maintenue , mais provisoirement, jusqu'à ce que les libri naturales du Philosophe aient été examinés ; le pape ne dit pas qu'ils seront purifiés des erreurs qu'ils contiennent , mais de tout soupçon d'erreur qui pourrait peser sur eux ; les directives données aux théologiens s'inspirent de considérations méthodologiques plutôt que d'un péril doctrinal à écarter : le pape exhorte les théologiens à ne pas jouer aux philosophes , mais à respecter la nature propre de la science sacrée et à s'inspirer des sources traditionnelles de la théologie . On notera aussi la disposition relative à l'enseignement des Institutiones grammaticales de Priscien : il est probable que les artiens avaient manifesté la tendance à négliger la grammaire au profit de la philosophie, alors que les théologiens attachaient une grande importance à la grammaire et à la logique linguistique (ou grammaire spéculative), en raison des appli cations constantes de ces disciplines dans le domaine de la théologie , notam ment au chapitre des noms divins (de divinis nominibus) . Dix jours plus tard, par lettre du 23 avril 1231 , Grégoire IX institue une commission composée de trois membres et chargée de l'examen des libri naturales d'Aristote . Après un préambule où il rappelle que les Hébreux doivent s'enrichir des dépouilles des Egyptiens , le pape continue en ces termes : Ceterum cum, sicut intelleximus, libri naturalium , qui Parisius in Concilio provinciali fuere prohibiti, quedam utilia et inutilia continere dican tur, ne utile per inutile vitietur, discretioni vestre, de qua plenam in Domino

laquelle les franciscains auraient également possédé une seconde chaire , à partir de 1238 ; il n'affirme cependant pas que cette seconde chaire était une chaire officielle de la Faculté , de sorte que sa position peut se ramener à celle de M. GLORIEUX : « Il semble bien que les Mineurs n'aient possédé, pendant tout le cours du XIIIe siècle , qu'une seule chaire de théo logie officiellement reconnue par l'Université. Les arguments invoqués en faveur de deux chaires avant 1252 , ne sont point concluants . Ceci n'exclut pas d'ailleurs la possibilité d'une organisation intérieure où deux maîtres en théologie auraient enseigné simultanément dans le Grand Couvent ; un seul toutefois comptait aux yeux de l'Université pour la présentation aux examens et l'obtention des grades » (Répertoire..., II , p. 12) . 1 H. DENIFLE, Chartularium. ¹ .., I , p . 138 , nº 79. 2 A. MASNOVo, Da Guglielmo d'Auvergne ..., I , pp . 31-37 ; M GRABMANN , I divieti..., pp. 95-101 .

ARTICLE II : L'ENTREE D'ARISTOTE A PARIS

407

fiduciam obtinemus, per apostolica scripta sub obtestatione divini judicii fir miter precipiendo mandamus, quatinus libros ipsos examinantes sicut con venit subtiliter et prudenter,

que ibi erronea seu scandali vel offendiculi

legentibus inveneritis illativa , penitus resecetis, ut que sunt suspecta remotis, 1 incunctanter ac inoffense in reliquis studeatur ¹ . Grégoire IX est donc acquis à l'idée que l'étude d'Aristote pourrait être profitable à la science chrétienne . Il ordonne un examen approfondi , en des termes qui soulignent la grave responsabilité des membres de la commission. Il semble songer à un travail de dissection , qui consisterait à expurger les livres d'Aristote des passages suspects ou dangereux (penitus resecetis , que sunt suspecta remotis) ; mais sans doute laisse -t-il aux savants désignés , qui ont toute sa confiance , le soin de déterminer leur méthode de travail . Mgr Grabmann fait observer à ce propos que divers procédés , assez pratiques , pouvaient être adoptés et l'ont été , en effet , pour d'autres écrits, ainsi qu'en témoignent plusieurs documents manuscrits : on pouvait dresser la liste des erreurs d'Aristote et joindre cette liste à chaque exemplaire de ses œuvres ; on pouvait marquer d'un signe marginal les passages hétérodoxes ou dan gereux ; on pouvait même biffer ces passages dans les exemplaires déjà existants , et les omettre dans les copies ultérieures 2 . Des trois membres de la commission , le second, Simon d'Authie (Simon de Alteis) est connu seulement comme chanoine d'Amiens , mais on ne sait rien de son activité littéraire ou professorale 3. Les deux autres , au contraire , sont des personnalités intéressantes du monde universitaire . Le premier nommé, qui fut sans doute le président de la commission, est Guillaume d'Auxerre , archidiacre de Beauvais . Guillaume était professeur de théologie à Paris depuis plusieurs années déjà ; il s'était rendu à Rome en avril- mai 1230 , pour le compte du roi Louis IX ; à Rome , il avait été l'homme de confiance de Grégoire IX , qui l'avait consulté avant de régler les affaires de l'Université ; il est donc fort naturel que le pape ait songé à lui pour la mission délicate dont il s'agit ici . Guillaume avait d'ailleurs les qualités requises pour s'acquitter de cette tâche difficile : tempérament équilibré , caractère pacifice, ce théologien de haute réputation était entré en contact. avec le nouvel Aristote , sans toutefois renoncer aux tendances traditionnelles de l'école théologique de Paris . Quant au troisième membre de la commission pontificale , Etienne de Provins , chanoine de Reims , plus tard chanoine de Paris , il est célèbre par ses relations personnelles avec Michel Scot , le tra ducteur d'Averroès : Michel Scot lui dédie en 1227 sa traduction du De t caelo d'Aristote avec le commentaire d'Averroès ; s'appuyant sur les

' H. DENIFLE, Chartularium ..., I , pp . 143-144, nº 87. 2 M. GRABMANN , I divieti..., pp. 106-107. * M. P. GLORIEUX le compte parmi les maîtres régents de la Faculté de théologie , en exercice en 1231 (Répertoire ..., I , p . 312) .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

recherches du P. de Vaux et de M. Haskins , Mgr Grabmann pense qu'Etienne enseigna à la Faculté des arts et qu'il était , dans la commission, le vrai spé cialiste en matière d'aristotélisme , tandis que Guillaume d'Auxerre y repré 1 sentait plutôt les intérêts de la théologie ¹ . On ne possède aucune donnée sur l'activité de la commission chargée de corriger Aristote ou sur les résultats de ses travaux . Il est probable que l'initiative de Grégoire IX se heurta à des difficultés diverses dans l'ordre de l'exécution . « Sans compter qu'il aurait été difficile de faire accepter à des esprits chez lesquels la curiosité philosophique était puissamment éveillée , un texte mutilé , il restait le problème insurmontable de tailler avec les ciseaux de la censure à travers les traités si serrés d'Aristote » 2. Le P. de Vaux pense que la traduction des commentaires d'Averroès et leur intro duction à Paris peu de temps après 1230 ont précipité l'échec de la com mission en révélant à ses membres que leur entreprise était irréalisable 3³ . La mort de Guillaume d'Auxerre , décédé à Rome le 3 novembre 1231 * , est peut-être l'explication la plus naturelle de l'arrêt des travaux commencés sous sa direction . Quoi qu'il en soit , Aristote ne fut pas corrigé , puisque le 22 septembre 1245 , Innocent IV étend à Toulouse l'interdiction de lire les libri naturales d'Aristote , en se servant de la même formule que Grégoire IX en 1231 : Libris illis naturalibus, qui in Concilio provinciali ex certa causa prohibiti fuere , non utantur omnino Tolose , quousque examinati fuerint, et ab omni errorum suspicione purgati " . La tentative faite par Grégoire IX pour faciliter l'assimilation de l'aris totélisme témoigne de la clairvoyance de ce pontife et de son dévoûment à la cause de la science et à celle de l'Université de Paris . Hauréau l'a souligné avec complaisance . Il a même vu dans la lettre du 23 avril 1231 l'abrogation des décrets de 1210 et de 1215 , ce qui est évidemment excessif " .

¹ M. GRABMANN, I divieti..., pp. 104-106 . D'après M. Glorieux , Etienne de Provins fut maître en théologie à partir de 1231 (P. GLORIEUX , Répertoire des maîtres..., I , p . 228, tableau des maîtres régents) . On ne sait rien de son activité littéraire (ibidem , p. 303) ; il est peut-être l'auteur d'un recueil de questions théologiques conservé dans le manuscrit 434 de Douai (cf. Recherches de théologie ancienne et médiévale, 1938 , pp . 262-263) . 2 P. MANDONNET, Siger ², t. I , p . 21 . " R. DE VAUX , La première entrée d'Averroès chez les Latins ( 1933) , p . 219 . ¹ P. MANDONNET, La date de la mort de Guillaume d'Auxerre ( 1933) . 5 H. DENIFLE, Chartularium..., I , pp . 185-186, nº 149 ; P. MANDONNET, Siger , t. I , p . 22, note 1 . • Sur l'entrée d'Aristote à Paris et sur l'atmosphère intellectuelle qui règne au début du XIIIe siècle, voir aussi l'esquisse de U. MARIANI, La scolastica negli inizi del secolo XIII ( 1939) .

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

409

ARTICLE III

CROISSANCE

DE L'ARISTOTELISME ( 1230-1250)

Des documents littéraires relativement nombreux , du moins par compa raison avec l'extrême pénurie de la période antérieure , permettent de se représenter assez exactement la physionomie des écoles parisiennes entre 1230 et 1250. Mais avant de tenter une reconstitution de la vie philosophique au cours de ces années , nous devons rappeler les progrès du mouvement des traductions pendant cette période .

Nouvelle vague de traductions

Le problème de l'introduction d'Averroès dans le monde chrétien est 1 entré dans une voie nouvelle grâce aux recherches du P. de Vaux ¹ . Jus qu'aux environs de 1930 , on pensait communément que la pénétration d'Averroès remontait aux premières années du XIIIe siècle et on attribuait au philosophe de Cordoue un rôle dans les événements de 1210 et de 1215 . Nous avons dit plus haut que les commenta visés par le Concile de Paris devaient être ceux d'Avicenne et , peut-être , ceux d'Alfarabi , mais non pas ceux d'Averroès ; quant au célèbre Mauricius hyspanus nommé dans le statut de Robert de Courçon , nous avons montré que , même si l'on incline à y voir Averroès, la formule du légat n'inclut pas nécessairement l'existence d'écrits latins d'Averroès à cette époque . Une raison plus grave invitait à faire

remonter jusqu'au

début

du

XIII° siècle la traduction arabo -latine de la Métaphysique avec le commen taire d'Averroès : ces deux écrits sont cités par Guillaume d'Auxerre dans un même passage de son commentaire sur l'Anticlaudianus d'Alain de Lille ; or, si ce commentaire est de Guillaume , il est antérieur à la Summa aurea, qui date des environs de 1220. Mais le P. de Vaux montre que tout le con texte historique et littéraire « rend fort suspecte l'attribution de cette glose à Guillaume d'Auxerre » ; déjà quelques années auparavant , parlant de la connaissance que Guillaume aurait eue de la Métaphysique arabo-latine , M. Birkenmajer avait émis un avis plus net encore 3. ¹ R. DE VAUX , La première entrée d'Averroès chez les Latins ( 1933) . 2 Ibidem , p . 234 . 3› A. BIRKENMAJER , Le rôle joué par les médecins... ( 1930) , p . 14 : « Cette affirmation

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

Enfin deux manuscrits parisiens attribuent à Gérard de Crémone , mort en 1187 , la traduction de la paraphrase d'Averroès sur le De sensu et sensato : si le fait était exact, Averroès aurait pénétré chez les Latins bien avant la fin du XIIe siècle . Le P. de Vaux pense que cette attribution résulte d'une confusion avec le De sensu d'Alexandre d'Aphrodise , dont Gérard est effec tivement le traducteur, et il conclut qu'il ne faut pas compter Gérard de 1 Crémone parmi les traducteurs d'Averroès ¹ . Ainsi se trouvent éliminées toutes les raisons positives que l'on pouvait apporter en faveur d'un Averroès latin antérieur à 1225 . Il existe , par contre , des indices décisifs d'où il résulte qu'Averroès n'est pas connu dans les milieux chrétiens avant 1230. Les premières citations d'Averroès se lisent dans le De universo et dans le De anima de Guillaume d'Auvergne , ouvrages composés selon toute probabilité entre 1231

et 1236 ;

la manière dont l'évêque de Paris parle d'Averroès montre qu'il le connaît à peine , car il ne soupçonne pas le danger que l'oeuvre du philosophe arabe comporte pour la pensée chrétienne . Le chancelier Philippe est le deuxième témoin de l'existence d'un Averroès latin : dans sa Summa de bono, écrite entre 1228 et 1236, il cite une fois la Métaphysique et une fois le Traité de l'âme d'Averroès . Quelques années plus tard , la Summa de creaturis d'Albert le Grand , composée vers 1240 , compte environ 80 références à Averroès dans les deux premières parties (seules publiées) ; ces références visent la Méta physique, le Traité de l'âme , le Traité du ciel, un extrait du De animalibus et le De substantia orbis ; la Summa de creaturis connaît aussi la paraphrase des Parva naturalia , mais elle l'attribue à Alfarabi . Par contre Albert ne cite pas les commentaires sur la Physique, le Traité de la génération et le Traité des météores 2.• De tous ces faits se dégage la conclusion la plus sûre et la plus impor tante de l'article du P. de Vaux : « il n'y a eu avant 1230 aucune influence d'Averroès sur la pensée chrétienne . Guillaume d'Auvergne et Philippe le Chancelier sont les premiers à lui faire de timides emprunts , et il faut attendre 1240 et Albert le Grand pour en trouver une utilisation notable » Nous avons rapporté en premier lieu les résultats par lesquels le P. de

s'appuie uniquement sur l'attribution d'un commentaire sur l'Anticlaudien à notre Guillaume d'Auxerre, attribution qui selon mon avis est sans fondement » . Quant au Commentator in De somno et vigilia cité par Raoul de Longchamp dans son commentaire sur l'Anticlau dien (écrit vers 1215) , M. Birkenmajer constate qu'il ne s'agit pas d'Averroès, contrairement à ce que pensait Hauréau, car les textes cités ne se lisent pas dans Averroès (ibidem, p . 8 ; cf. R. DE VAUX, La première entrée..., pp. 231-32) . L'erreur de Hauréau a été reprise de divers côtés cf. par exemple B. GEYER, Fr. Ueberwegs Grundriss..., pp. 247 et 362 ; M. GORCE, art. Averroïsme , col . 1039 ; M. DE WULF, Hist. , t. I, p. 231 . ¹ R. de Vaux , La première entrée d'Averroès chez les Latins, pp . 194-196 . 2 Ibidem, pp. 235-241 . 3 ³ Ibidem, p . 242.

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

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Vaux clôture sa seconde enquête , relative à l'utilisation d'Averroès au début du XIIIe siècle, parce qu'ils éclairent d'un jour précieux les recherches plus laborieuses de la première partie , touchant l'origine et la date des versions d'Averroès . Ces recherches sont organisées autour de la personnalité du célèbre traducteur Michel Scot . Ecossais d'origine , on le rencontre pour la première fois à Tolède , où il achève , le 18 août 1217 , de traduire le Traité sur la Sphère de l'astronome arabe Al- Bitrûgi ( en latin Alpetragius) ; dès 1220 il est en Italie , car il parle lui-même d'une observation médicale qu'il a faite à Bologne le 21 octobre 1220 ( 1221 de l'ère pisane) ; de 1224 à 1227 , il est en rapports avec la Curie pontificale , sous Honorius III et sous Grégoire IX ; en 1227 ou peu après, il entre au service de l'empereur Frédéric II , roi de Sicile , dont il devient l'astrologue et le philosophe ; sa mort est antérieure à 1236. Au terme d'une enquête patiente et ingénieuse , le P. de Vaux parvient à des conclusions qu'il répartit lui-même en deux catégories . Il est certain que Michel Scot a traduit le De caelo d'Averroès après 1 1217 , car, dans sa dédicace à Etienne de Provins ¹ , il rappelle qu'il a traduit précédemment l'ouvrage d'Alpetragius . Il est certain qu'il a exercé son acti vité de traducteur à la cour de Frédéric II entre 1228 et 1235 , que celui-ci a envoyé , peu après 1230 , des traductions nouvelles aux universités d'Italie et que des traductions d'Averroès ont été introduites à Paris vers le même temps. Il est , en outre , probable que la première entreprise importante de tra ductions d'Averroès se place à la cour de Frédéric II entre 1227 et 1230, que Michel Scot y eut une part prépondérante , qu'il y traduisit notamment le De caelo, que ces traductions faisaient partie de l'envoi de Frédéric II aux universités d'Italie et qu'elles parvinrent à Paris peu après 2 . Il est difficile de déterminer quelles sont les traductions d'Averroès dont Michel est personnellement l'auteur, à part le De caelo et le De anima . Il est peut-être le traducteur du De generatione , du IV livre des Météores , des 3 Parva naturalia et du petit traité De substantia orbis " . Mgr Pelzer ne semble pas avoir été convaincu en tous points par l'essai de démonstration du P. de Vaux , puisqu'il attribue encore au séjour en Espagne, avant 1220, « les traductions de plusieurs ouvrages d'Aristote accom pagnés de commentaires d'Averroès : le De caelo et mundo (avec dédicace à Etienne de Provins) , le De anima, probablement la Physique, la Métaphy sique et d'autres écrits » ¹ . En ce qui concerne le De caelo , nous croyons avec le P. de Vaux que le texte de la dédicace à Etienne de Provins exclut la traduction de cet

1' Cf. ci-dessus, p . 407 . 2 * R. de Vaux , La première entrée d'Averroès..., pp . 196-219, surtout p . 219 . Ibidem, pp. 219-223 . ¹ A. PELZER, dans M. DE WULF, Hist. , t. II ( 1936) , p . 28. +

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

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ouvrage avant 1220 : en effet, Michel Scot recommande à Etienne de com pléter le De caelo à l'aide du livre d'Alpetragius « quem similiter dedi lati nitati et es in eo exercitatus » ; or le traité d'Alpetragius a été traduit le 18 août 1217 à Tolède ; Etienne n'a donc pas pu l'utiliser avant la fin de 1217 au plus tôt ; si le De caelo qui lui est dédié avait suivi de près le De sphaera, Etienne n'aurait pas eu le temps de s'exercer à l'emploi de ce premier ouvrage ¹ . On admettra donc plus volontiers que Michel passa à Paris lors de son retour d'Espagne (entre 1217 et 1220) , qu'il y rencontra Etienne de Provins, alors maître ès arts, et qu'il lui laissa un exemplaire du traité récemment traduit d'Alpetragius ; le De caelo, au contraire , aura été traduit plus tard, en Italie . D'autre part , l'argument par lequel le P. de Vaux prétend établir que Michel n'a probablement pas traduit Averroès entre 1220 et 1227 nous paraît peu solide . « Une telle entreprise , dit-il , supposait des conditions difficiles à réaliser » : il fallait des manuscrits et le secours d'un interprète . « Des manus crits et des interprètes, cela suppose tout un milieu judéo-arabe comme on n'en trouvait point partout » 2. Sans doute . Mais un traducteur qui avait séjourné à Tolède , qui avait pu s'y procurer des copies d'Averroès et s'assurer les bons services d'un socius juif, pouvait assez facilement, semble-t-il , si quelque motif inconnu de nous l'invitait à émigrer vers d'autres cieux , em porter avec lui quelques bagages et même son interprète . Mgr Pelzer rappelle qu'il y a eu, au témoignage des manuscrits, des traducteurs d'Averroès autres que Michel Scot, notamment maître Guillaume de Luna, à Naples, pour la paraphrase de l'Isagoge de Porphyre , et maître Théodoric pour le prologue du commentaire sur la Physique 3 ; en juin 1240, Hermann le Dalmate traduit le commentaire moyen d'Averroès sur l'Ethique 4 à Nicomaque et , en 1256 , son commentaire moyen sur la Poétique ¹. Retenons comme conclusion générale que la pénétration d'Averroès à

Paris n'est pas antérieure à 1230. Les traductions de ses œuvres s'échelonnent vraisemblablement le long d'une période assez considérable , mais on recon naîtra avec le P. de Vaux que l'entreprise la plus importante doit probable ment se situer à la cour de Frédéric II , aux alentours de 1230 : non point que Michel Scot n'ait pas pu poursuivre ses travaux entre 1220 et 1228 , ou que d'autres traducteurs n'aient pas pu travailler à la cour de Sicile avant son arrivée , mais plutôt parce que des traductions d'Averroès exécutées soit à Tolède avant 1220 , soit en Italie vers la même date , eussent été connues à Paris bien avant 1230 . Les témoignages de Roger Bacon confirment cette conclusion générale,

1 ¹ 2 ³ •4

R. DE VAUX, La première entrée d'Averroès ..., p . 196. Ibidem, pp . 198-199 . A. PELZER , dans M. DE WULF, Hist.º , t . II , p. 29. Ibidem , p . 30.

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

413

car Roger situe toujours aux environs de 1230 l'entrée d'Aristote dans le 1 monde chrétien ¹.• Un magnifique manuscrit de la Bibliothèque nationale de Paris , daté de 1243 , contient le corpus presque complet des œuvres d'Averroès qui ont été connues au XIIIe siècle 2. Témoignage précieux d'où il résulte que la péné tration d'Averroès était virtuellement terminée vers 1240. Un autre manuscrit parisien du XIIIe siècle , non daté, renferme une collection semblable d'écrits d'Averroès , plus complète même que la précédente : on y trouve des frag ments du De animalibus et le petit traité De intellectu , un des trois opuscules dans lesquels Averroès étudie l'union de l'âme humaine avec l'intellect 3 séparé " L'entrée d'Averroès dans le monde chrétien aura des conséquences incal culables , car l'influence du philosophe arabe va se prolonger, profonde et souvent néfaste , jusqu'au delà de la Renaissance . Mais il faudra un certain temps avant que les penseurs latins s'aperçoivent de la véritable nature de l'averroïsme et songent à se mettre en garde contre ses erreurs : le P. Salman a démontré qu'avant 1250 , les scolastiques accueillent Averroès avec sym pathie et sans la moindre méfiance . Nous y reviendrons bientôt.

Si l'introduction d'Averroès est l'événement capital dans l'histoire des versions pendant la première moitié du XIIIe siècle , d'autres entreprises de traduction doivent cependant être signalées pour cette période . Dans le domaine des traductions arabo - latines d'Aristote , Michel Scot 4 traduit à Tolède , dès avant 1220 , le De animalibus arabe en 19 livres * . Ensuite , les versions d'Averroès sont normalement accompagnées du texte d'Aristote commenté par le philosophe arabe on possède donc , avant 1240 , 5 la Métaphysique arabo-latine en 10 livres (les livres II à X et le livre XII de nos éditions actuelles) , appelée parfois dans les manuscrits metaphysica nova , et une série de nouvelles versions arabo-latines des livres d'Aristote . Parmi ces dernières , rappelons que quelques-unes sont connues avec plus de pré cision : Michel Scot est certainement le traducteur du De caelo et du De anima ; un autre traducteur de Tolède , Hermann l'Allemand , traduit l'Ethique à Nicomaque en 1240 , un résumé alexandrin du même écrit en 1243 ou 1244, 6 la Rhétorique vers 1250 , enfin la Poétique en 1256 º . D'autre part , les versions gréco -latines d'Aristote se multiplient égale

¹ R. de Vaux , La première entrée d'Averroès ..., pp . 213-217 . Ibidem , pp. 223-224 . Les œuvres traduites par Guillaume de Luna et Hermann l'Alle mand n'y figurent pas. ³ Ibidem, pp. 224-227 . • A. PELZER, dans M. DE WULF, Hist. , t . II , p . 28. 11 , si l'on compte le fragment du livre I joint au livre II : cf. A. Pelzer, ibidem, p . 27. note 2 et p . 39, note 62. • Ibidem, p . 30.

414

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

ment . Celles qui paraissent les plus anciennes sont anonymes : l'Ethica nova existe déjà en 1210 , d'après Mgr Grabmann ; il en est de même pour la Metaphysica media selon l'opinion de M. Franceschini

; divers autres frag

ments de l'Ethique à Nicomaque circulent dans la première moitié du XIIIe siècle et bientôt, vers 1240-1243 , Robert Grosseteste entreprend , en Angleterre , la première version gréco-latine de toute l'Ethique à Nicomaque ; 3 on lui doit aussi une version du De caelo jusqu'au début du livre III ³ . Parmi les ouvrages scientifiques d'autres écrivains grecs , arabes ou juifs, qui ont été traduits en latin au cours de la même période , les plus importants sont le De animalibus d'Avicenne , traduit par Michel Scot à la cour de Frédéric II , vers 1230 ; le Guide des indécis ou Guide des égarés de Moïse Maimonide, traduit de l'arabe en hébreu, puis de l'hébreu en latin pendant le premier tiers du siècle ³ ; les œuvres du pseudo-Denys , le De orthodoxa fide de saint Jean Damascène et des opuscules pseudo- aristotéliciens , le tout traduit par Robert Grosseteste " ; enfin divers ouvrages de médecine , de mathématique et d'astronomie.

On notera que la période antérieure à 1250 est surtout marquée , au point de vue de l'aristotélisme , par la traduction de l'Ethique à Nicomaque .

L'enseignement philosophique à Paris vers 1240

Plusieurs historiens ont pensé que la mitigation par Grégoire IX des mesures prises contre Aristote en 1210 et en 1215 avait entraîné pratiquement l'abandon de ces mesures : Hauréau voyait dans la lettre du 23 avril 1231 l'abrogation des décrets de 1210 et de 1215 ' ; Mandonnet estimait que l'’inter diction avait été maintenue en droit, mais que , pratiquement , «< on en a 8 peu ou point tenu compte » ; le P. de Vaux incline aussi à penser que , jointe à l'attitude de Grégoire IX, la pénétration d'Averroès « modifia la situation faite à Aristote dans l'enseignement parisien » 9 . Il ne paraît pas contestable que des infractions isolées contre les décrets de 1210 et de 1215 ont été commises dans les écoles de Paris dès avant 1231 :

1 Cf. ci-dessus, p . 392, note 2. 2 Ibidem , note 1 . ³ A. PELZER, dans M. Dɛ WULF , Hist. , t . II , pp. 39-41 . Ibidem , p. 29. 5 Ibidem , p . 31 . Ibidem, p . 41 . 7 B. HAURÉAU, Histoire de la philosophie scolastique, II , 1 , p . 117. 8 P. MANDONNET, Siger² , t . I , p . 22. Le P. Mandonnet a pressenti, cependant , que « la faculté des arts dut... ne pas aller tout d'abord à l'encontre des décrets, au moins dans la législation officielle qui la régissait » (ibidem , p. 23) . R. DE VAUX, La première entrée d'Averroès ….., pp . 216-217 .

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

415

on en a la preuve dans la lettre du 20 avril 1231 , adressée par Grégoire IX à l'abbé de Saint-Victor et au prieur de Saint-Jacques , lettre par laquelle il leur donne le pouvoir d'absoudre les maîtres et les étudiants qui ont encouru l'excommunication en transgressant les décrets du Concile de Paris ou de Robert de Courçon relatifs aux livres de philosophie naturelle ¹ . La menace d'excommunication n'ayant pas été maintenue en 1231 , il est probable que des transgressions se sont produites aussi après cette date . Cependant Mgr Grabmann a pu établir récemment , à la suite d'une impor tante découverte , que l'interdiction d'enseigner la Métaphysique et la Phi losophie naturelle à Paris a été respectée , dans l'ensemble , au moins pendant plusieurs années . Il est probable que cette situation s'est maintenue jusque vers 1245 et que la législation officielle de la Faculté des arts , modifiée seule ment en 1252 et en 1255 , reflète bien l'enseignement normal de la Faculté . Mgr Grabmann a retrouvé en 1927 , dans un manuscrit de Barcelone (Ripoll 109) , un écrit anonyme des plus intéressants, qui doit avoir été com posé à Paris entre 1230 et 1240 par un maître de la Faculté des arts 2. Ce dévoué professeur s'est rendu compte des difficultés que les candidats aux grades académiques doivent surmonter pour préparer leurs examens , étant donné la diversité des matières et la variété des questions posées par le jury ; il se propose donc de composer un vade-mecum du récipiendaire , où l'on trouvera exposées , selon l'ordre des matières figurant au programme , les questions que l'on pose le plus fréquemment aux examens et les réponses qu'il convient d'y donner ³ . A cet effet , il entreprend une description métho dique de chacun des livres qui sont employés dans l'enseignement , il en indique le contenu et les subdivisions , il pose à propos de chaque section un certain nombre de questions , auxquelles il fournit une réponse succincte . On devine sans peine l'intérêt primordial de ce document, surtout après lecture des différentes descriptions partielles que Mgr Grabmann en a données. Il faut souhaiter que l'éminent chercheur puisse nous donner bientôt le texte intégral de cet écrit si révélateur . En attendant, nous allons indiquer ici les ¹ H. DENIFLE, Chartularium ..., I , p . 143 , nº 86 : magistros et scolares, qui in sententiam latam Parisius ... occasione librorum naturalium , qui in eodem Concilio fuere prohibiti, inci derunt, juxta formam ecclesie absolvatis... 2 M. GRABMANN, Eine für Examinazwecke abgefasste Quaestionensammlung... ( 1934) ; Methoden und Hilfsmittel des Aristotelesstudiums im Mittelalter ( 1939) , pp. 112-116 ; Das Studium der Aristotelischen Ethik... ( 1940) ; I divieti ecclesiastici... ( 1941 ) , pp . 113-127 ; R.-M. MARTIN, Travaux récents relatifs à la faculté des arts ... ( 1935 ) , pp . 359-361 ; M. DE WULF , Hist. , t . II , pp . 83-85 . 3 Voici comment l'auteur anonyme expose l'objet de son travail : Nos gravamen ques tionum plurimarum et difficultatem attendentes in questionibus que maxime in examinibus solent fieri, eo quod nimium sunt disperse et in diversis facultatibus contente , nullum de hiis habentes ordinem vel continuitatem , dignum duximus in quadam compenditate huius modi questiones cum suis solutionibus pertractare (cité d'après M. GRABMANN , I divieti..., p. 114) .

416

DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

principaux renseignements que ce guide de l'étudiant nous livre touchant l'histoire de l'aristotélisme à Paris .

Quant à la date du document , le terminus ante quem résulte du fait que l'auteur ne connaît , en matière de morale , que l'Ethica vetus et l'Ethica nova ; il ignore les traductions d'Hermann l'Allemand ( 1240) et de Robert Grosseteste ( 1240-1243) ; il écrit donc avant 1240. Le terminus a quo s'établit d'une manière analogue : l'auteur connaît la Métaphysique arabo-latine " et cite le commentaire d'Averroès ; il écrit donc après l'entrée d'Averroès à Paris , c'est-à-dire après 1230 ³ . Notre anonyme commence son exposé par des considérations générales sur la philosophie , dont il rappelle la nature et la structure en s'inspirant de Boèce, comme on le faisait couramment dans les écrits de logique du XIIº et surtout du XIIIe siècle ; il combine ,

en somme ,

la vieille

classification

tripartite (rationalis, naturalis , moralis) avec la division de la philosophie en philosophie théorique et en philosophie pratique ; il adopte également la division de la philosophie théorique d'après les trois degrés d'abstraction ; le quadrivium devient une subdivision de la Mathematica , le trivium, une subdivision de la Philosophia rationalis . Le tableau ci-contre permet de se rendre compte du plan général que développe notre auteur ; on y trouve 4 aussi l'indication des ouvrages qu'il décrit en rapport avec chaque discipline ¹ . Ce tableau appelle un bref commentaire . La classification scientifique adoptée par notre auteur anonyme mérite d'être rapprochée des essais ana logues réalisés au moyen âge , notamment des classifications célèbres de Dominique Gundisalvi (De divisione philosophiae , vers 1150) et de Robert Kilwardby (De ortu et divisione philosophiae) ; ce dernier ouvrage doit avoir été composé à Paris , aux environs de 1240 , à l'époque où Robert était maître à la Faculté des arts ; le De ortu est donc presque contemporain de notre recueil , mais nous nous réservons d'en parler ultérieurement , à propos de la classification philosophique au moyen âge " . Quelques particularités doivent être relevées au sujet des livres de texte décrits par l'auteur du recueil de Barcelone . On remarquera que le Liber de causis est donné comme troisième partie de la Métaphysique d'Aristote . Traitant de l'astronomie , l'auteur écrit cette phrase obscure : Hec scientia

M. GRABMANN , I divieti..., pp . 121-122 . L'auteur anonyme écrit à propos de l'Ethique : Unde multi alii libri nobis deficiunt, qui forte apud graecos sunt vel apud arabicos, sed apud nos adhuc nondum sunt translati . 2 M. GRABMANN, Eine für Examinazwecke..., p . 215. ³ M. GRABMANN, Das Studium der aristotelischen Ethik..., pp . 350-351 (remarque perdue dans le petit texte) . C'est sans doute par distraction que , dans le même article , Mgr Grab mann indique comme date de composition 1220-1230 (p 344) . Ce tableau reprend et développe celui que le P. MARTIN a établi dans son étude déjà citée : Travaux récents relatifs à la faculté des arts..., p . 360. 5 Cf. ci-dessous, chapitre IV, article premier .

PHILOSOPHIA

1. NATURALIS . ...

1. Metaphysica .

...

...

:

:

:

:

:

2. Mathematica : 1. Astronomia : ···

...

... ..

:

:

3. Arithmetica 4. Musica . ···

:

2. Geometria ··

··· ··

ARISTOTELES : Metaphysica vetus. Metaphysica nova. Liber de causis traditur secundum unam partem in TOLOMEO, secundum aliam partem in Almagesto. EUCLIDES : Elementa.

...

NICOMACHUS-BOETHIUS : Institutio arithmetica. BOETHIUS : Institutio musica.

3. Physica (Scientia naturalis inferior) : 1. Corpus mobile in generali. ...

...

…….

ARISTOTELES : Physica.

2. Corpus mobile in particulari : 1. ingenerabile ... ...

..

··

ARISTOTELES : De caelo.

··

ARISTOTELES : De generatione. ARISTOTELES : Meteora.

: ···

: ···

...

:

2. generabile : ·· ...

:

:

1. simplex ... 2. mixtum ...

... :

3. animatum

...

... :

:

:

Aristoteles : De plantis. De animalibus. De anima [rationali] . Parva naturalia. [ALFREDUS ] : De motu cordis.

II. PRACTICA SIVE MORALIS . 1. Vita animae in Deo : theologia (supernaturalis). 2. Vita animae in bono aliorum : 1. in familia : ypotica ( = yconomica ?) ... 2. in civitate : politica ... ... ... ... ...

3. Vita animae in seipsa : ethica sive monastica :

[ CICERO] : Liber de vera justitia ( = De officiis) . Leges et decreta .

ARISTOTELES : Ethica nova. Ethica vetus. PLATO : Tymeus . BOETHIUS : De Consolatione.

III. RATIONALIS . 1. Rhetorica

...

2. Grammatica •

...

...

...

...

...

...

..

1. de esse logicae

...

...

………

···

**

CICERO : De inventione.

... ..

...

3. Logica :

2. de bene esse logicae ...

PRISCIANUS : Institutiones grammaticales . DONATUS : Barbarismus. Aristoteles : Kategorica. Perihermeneias. Analytica priora . Analytica posteriora. Topica . Elenchica. PORPHYRIUS : Isagoge. BOETHIUS : De syllogismo categorico. De syllogismo hypothetico. De differentiis topicis. De divisione. [GILBERTUS] : Liber sex principiorum .

418

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

traditur secundum unam sui partem in Tolomeo , secundum autem aliam partem traditur in Almagesto, et isti libri combusti sunt . Prend-il l'Almageste pour un auteur ? Le mot combusti est-il une faute de copie ? On ne peut L'alchimie est considérée comme faire à ce sujet que des conjectures . une science subalternée à la météorologie , comme la médecine est rattachée à la psychologie .

L'auteur ne connaît pas l'origine du De motu cordis ; il

sait cependant qu'il n'est pas d'Aristote : Hunc librum non fecit Aristoteles . La division de la Philosophie morale est faite du point de vue de la « vie de l'âme » et l'auteur est ainsi amené à faire de la théologie ou de la science sacrée une discipline pratique , une sorte de morale surnaturelle : conception qui répond assez bien , nous l'avons vu , aux tendances de la Faculté de théologie de Paris au début du siècle et, plus généralement, à la conception 1 Pour la morale économique , augustinienne de la sagesse théologique ¹ . que l'auteur appelle ypotica (ab ypos, quod est sub, quod est scientia de subditis) , Cicéron seul entre en ligne de compte comme auteur notre recueil ne connaît pas encore l'Economique ni la Politique d'Aristote . - Le Timée de Platon et la Consolation de Boèce sont rattachés à la morale ,

d'une

manière assez imprécise d'ailleurs : Ulterius notandum quod leguntur duo En grammaire , Priscien est lu , conformément aux ordinations de libri... Notons enfin que Robert de Courçon en 1215 et de Grégoire IX en 1231. notre anonyme ignore l'auteur du Liber sex principiorum . Voici maintenant l'observation la plus importante faite par Mgr Grab mann à la suite de l'examen de notre document . Dans ce recueil dont le but pratique est nettement indiqué par l'auteur, les matières exposées reçoivent un traitement fort inégal . Alors que la Métaphysique occupe à peine une demi colonne et la Physique un peu plus d'une colonne , malgré le grand nombre des libri naturales qu'elle comporte , plus de cinq colonnes sont réservées à la seule Ethique d'Aristote (Ethica nova et Ethica vetus), soit 242 lignes contre 90 seulement pour la Métaphysique et la Physique réunies ; le chapitre sur la Grammaire remplit 23 colonnes et le chapitre incomplet sur la Logique , environ 60. La différence de traitement est encore plus nette quand on considère le contenu de l'exposé

pour la Physique et la Méta

physique, on se contente d'indiquer sommairement l'objet de chaque traité et d'y joindre quelques remarques de caractère général ; pour la Morale , la Grammaire et la Logique, la divisio textus est suivie d'un nombre plus ou moins considérable de

questions relatives à l'ouvrage analysé

et chaque

question reçoit une réponse sommaire : ainsi , le Perihermeneias n'a pas moins de 87 questions à son actif ; les Priora Analytica en ont 63 ; le Liber Elen chorum en a 76 ; l'Isagoge de Porphyre en a 34. Une conclusion très claire se dégage de ces faits : la Métaphysique et les Libri naturales d'Aristote n'étaient pas exposés , à cette époque , à la Faculté des arts de Paris ; on

1 Cf. ci-dessus, p. 398 .

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

419

signalait l'existence de ces écrits , on en donnait peut-être une analyse som maire , mais on n'en usait pas comme livres de texte ¹ . C'est d'ailleurs ce qui explique l'absence totale de commentaires parisiens sur ces ouvrages avant 1240 . Il faut relever enfin , dans notre « guide du récipiendaire » , un intéressant symptôme de la mentalité qui est en voie de formation à la Faculté des arts et qui aboutira bientôt à la constitution du courant doctrinal que nous appel lerons désormais l'aristotélisme radical ou hétérodoxe . L'état d'esprit que nous visons se trahit dans les questions soulevées à propos de l'Ethique : la conception philosophique de la béatitude y est opposée d'une manière très nette à celle de la théologie ; la résurrection des corps est un miracle , qui ne répond pas aux lois naturelles

et dont les philosophes n'ont pas à

s'occuper 2. Tout cela est fort juste , et l'on ne peut que louer l'auteur ano nyme de départager si exactement les deux domaines . Mais nous avons ici le point de départ des tendances rationalistes et naturalistes qui seront con damnées en 1277 : le sens de l'autonomie des disciplines scientifiques aboutira bientôt, chez quelques artiens , à une juxtaposition inadmissible de la philo sophie et de la théologie , et leurs adversaires seront portés à voir dans les formules qui énoncent cette attitude intellectuelle , l'affirmation d'une double vérité . Pour le moment , rien de pareil ne peut être relevé à la charge de notre anonyme, bien au contraire . Ainsi , il se demande pourquoi Aristote ne traite pas de la vertu intellectuelle comme de la vertu morale au livre II de l'Ethique . Deux réponses sont possibles , dit-il

ou bien on dira que la vertu

intellectuelle s'exerce par la contemplation et la recherche des biens éternels , grâce auxquelles on parvient à aimer l'Etre premier par dessus tout , et qu'une telle vertu ne peut être objet de science parce qu'elle ne se manifeste pas par des opérations observables , mais demeure exclusivement spirituelle ; ou bien on répondra que pareille vertu existe seulement chez ceux qui sont au suprême degré sous l'influence de la grâce divine et que, dès lors, il ne 3 nous appartient pas d'en traiter " . Plus loin , l'auteur se demande pourquoi les mauvais anges ne peuvent trouver remède à leur faute . A la question de savoir si nous sommes causes de nos actes bons comme nous sommes causes

¹ M. GRABMANN , I divieti..., pp . 113-127 . 2 * Item queritur utrum corpus sit natum recipere felicitatem sicut anima . Et videtur quod sic, cum sit instrumentum per quod anima operatur bonum , et ita videtur corpus mereri sicut anima. Ad hoc dicimus quod secundum theologos hoc habet veritatem , quia ponunt animam rejungi corpori post mortem . Sed hoc est plus per miraculum quam per naturam. Simpliciter enim hoc est innaturale, et ideo non ponitur a philosophis (M. GRABMANN , Das Studium der aristotelischen Ethik..., p . 351 ) . ³ Vel potest dici quod talis virtus est solum in illis in quibus maxime inspiratur gratia divina, et propter hoc non est nostrum scire eius proprietates et ideo hic non agit de illa sicut de consuetudinali (M. GRABMANN, Das Studium der aristotelischen Ethik..., p . 352) .

420

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

de nos actes mauvais, il répond en distinguant nettement le point de vue du théologien de celui du philosophe ¹ . Dans tout cela , il n'y a pas l'ombre d'un conflit entre les deux Facultés , ni d'un malaise touchant les rapports. de la raison et de la foi 2.

Le recueil anonyme de Barcelone est un point de repère vraiment pré cieux pour l'historien qui essaie de se représenter la physionomie de l'aris totélisme naissant aux environs de

1240.

La publication intégrale

de

ce

document permettra de se faire une idée précise de l'enseignement à la Faculté des arts entre 1230 et 1240. Nous avons dit que , pour les premières décades du siècle ( 1200-1230) , l'activité des artiens de Paris est encore à peu 3 près totalement inconnue ³ . Pour les vingt années suivantes ( 1230-1250) , bien que les excellents travaux de Mgr Grabmann, de dom Lottin , de M. Steele et du P. Delorme ne dépassent guère le plan de l'histoire littéraire et que peu de textes aient été publiés jusqu'à ce jour , il est possible d'esquisser à grands traits l'histoire de l'enseignement philosophique à Paris durant cette période , en s'inspirant de la littérature mise à jour par ces érudits . On verra que les données fournies par cette littérature rejoignent parfaitement celles 4 que livre le recueil de Barcelone *.

La littérature philosophique

Jusqu'aux

environs de

1240 ,

la production littéraire

des

philosophes

parisiens se rapporte presque exclusivement à la logique . Elle révèle chez ces maîtres une connaissance approfondie des traités de l'Organon et de leurs commentaires , en même temps qu'une habileté remarquable dans l'usage de la logique aristotélicienne .

¹ Ad quod dicimus quod loquendo philosophice sumus tota causa utriusque ; loquendo tamen theologice, non sumus sufficientes ad bonum , sed oportet gratiam in nobis a Deo infundi, que a theologis sinderesis appellatur (ibidem, p . 353) . On notera la curieuse iden tification de la grâce et de la syndérèse . 2 Un lecteur de notre manuscrit semble avoir eu cependant quelque scrupule. A la ques tion : Utrum felicitas, de qua hic agitur, sit causata, l'auteur répond affirmativement. Quel qu'un y a vu sans doute une menace pour le dogme de la vision béatifique, car il a noté en marge : dubito, hic cave (ibidem, p . 351 ) . ³ Cf. ci-dessus , p . 400. Il existe d'autres écrits à peu près contemporains du recueil de Barcelone et qui reflètent d'une manière fort intéressante les préoccupations philosophiques de l'époque, mais il n'est pas établi qu'ils proviennent du milieu parisien . Les principaux sont : la Compilatio de libris naturalibus, peut-être de Philippe de Vitry, composée entre 1230 et 1240 (A. Pel ZER , dans M. DE WULF , Hist. , t. II , pp . 36-37 ; M. GRABMANN, Methoden und Hilfsmittel..., pp . 105-111 ) ; les Tabulae super libros Aristotelis (ibidem, pp . 126-129) ; les abrégés et extraits du De anima et de la Métaphysique conservés à Würzburg (ibidem, pp . 63-68) .

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

421

Le plus ancien parmi les professeurs de logique parisiens qui nous sont actuellement connus est maître Jean Pagus . Il est cité dans une lettre de Grégoire IX à saint Louis , datée du 6 mai 1231 ; le pape recommande à la bienveillance du roi maîtres Godefroid de Poitiers et Guillaume d'Auxerre , qui rentrent de Rome où ils ont traité auprès du pape les affaires de l'Uni versité , pendant la grève scolaire de 1229-1231 ; plus loin le document pon tifical joint aux deux précédents personnages maître Jean Pagus (Johannem Pagium) et met le souverain en garde contre les soupçons qu'il a pu con 1 cevoir à leur sujet ¹ . Jean Pagus devait être à ce moment maître à la Faculté des arts , puisqu'il paraît seulement comme bachelier en théologie vers 1240 12422 ; il a peut-être représenté la Faculté des arts au sein de la délégation 3 universitaire qui se rendit à Rome à la demande de Grégoire IX ³ , à moins qu'il n'ait accompagné Guillaume d'Auxerre dans son voyage à Rome au début de 1230 ; la Cour s'étant trouvée en conflit avec l'Université dans l'affaire qui avait provoqué la suspension des leçons , on comprend que les délégués rentrés de Rome se soient munis d'une recommandation dans laquelle le pape assure qu'ils n'ont rien fait contre l'honneur ou l'intérêt du roi. La carrière philosophique de Jean Pagus se situe donc aux alentours de 1230 et il doit avoir commencé ses études de théologie entre 1231 et 1235, puisqu'il est bachelier en théologie vers 1240-1242 . On possède de lui trois écrits de logique : les Appellationes , les Syncategoremata et les Rationes super predicamenta Aristotelis ; ce dernier ouvrage a fait l'objet d'une étude 4 considérable de M. Franceschini *. On a de bonnes raisons de penser que le logicien anglais Guillaume de Shyreswood a enseigné à Paris et qu'il y a été le maître de Pierre d'Espagne . Celui- ci ayant lui - même enseigné à Paris avant son départ pour Sienne , où on le trouve en 1246 , il faut sans doute situer le temps de ses études bien avant cette date , probablement avant 1240. L'enseignement parisien de maître Guillaume serait donc à peu près contemporain de celui de Guillaume de Saint-Amour, dont il sera question tantôt . Roger Bacon, qui a son com patriote en haute estime (longe sapientior Alberto , nam in philosophia com muni nullus maior est eo) , a pu le connaître à Paris . Entre 1255 et 1257 , Guillaume devint trésorier de la cathédrale de Lincoln et il occupait encore cette charge en 1267, au moment où Roger Bacon écrivait son Opus tertium . Sa mort se place entre 1267 et 1279. Son principal ouvrage , les Summulae

¹ H. DENIFLE, Chartularium... , I , p . 145 , nº 90 . 2 P. Glorieux , Répertoire….., I , p. 328 . * H. DENIFLE, Chartularium ..., I , p. 133 , nº 75. Les noms de trois de ces délégués sont connus, mais rien ne prouve qu'il n'y en eut pas davantage. Cf. R. DE VAUX, La première entrée d'Averroès ... , p . 212 . ¹4 E. FRANCESCHINI , Giovanni Pago ( 1934) ; M. GRABMANN , I divieti..., pp . 127-128. 5 M. GRABMANN, Die Introductiones in logicam des Wilhelm von Shyreswood ( 1937),

pp. 10-15.

422

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

logicales, est connu par un exemplaire unique , conservé à Paris ; il porte également comme titre dans le manuscrit : Introductiones Magistri Gulielmi de Shyreswood in logicam ; Mgr Grabmann en a publié récemment le texte intégral¹ ; ce petit manuel de logique formelle comprend six chapitres : de propositione , de predicabili, de syllogismo , de locis dialecticis, de proprieta tibus terminorum , de fallaciis . Guillaume est aussi l'auteur d'un second écrit de logique , conservé cette fois dans deux manuscrits : les Syncategoremata , dont Mgr Grabmann a édité l'introduction ; comme le précédent, ce traité a été composé à Paris , car cette ville est citée dans les exemples que l'auteur emploie pour expliquer les règles de la logique 2. Enfin on doit probablement restituer à Guillaume trois opuscules de logique , que l'on trouve dans le manuscrit de Paris à la suite des Summulae logicales et des Syncategore mata ; ces écrits sont intitulés : Insolubilia (sur les sophismes apparemment insolubles) , Obligationes (sur les fonctions du respondens et de l'opponens dans les disputes scolaires) et Petitiones contrariorum (sur les sophismes qui reposent sur des présupposés contradictoires) 3 . Le disciple de Guillaume de Shyreswood , Pierre d'Espagne ,

est plus

célèbre que son maître . Né à Lisbonne , maître à Paris jusque vers 1246 , il professe à Sienne en 1246 ; archevêque de Braga en 1272 , cardinal en 1273, il devient pape sous le nom de Jean XXI en septembre 1276 et meurt en mai 1277 ; c'est lui qui provoqua l'enquête dont l'issue devait être la grande condamnation de l'aristotélisme , le 7 mars 1277. Comme son maître Guil laume , il est l'auteur d'un manuel de logique , les Summulae logicales, mais la fortune de ce traité a été beaucoup plus considérable que celle du pré cédent : les Summulae logicales de Pierre d'Espagne ont été pendant plu sieurs siècles le manuel classique pour l'enseignement de la logique ; aussi les trouve-t- on dans d'innombrables manuscrits , elles ont été souvent com mentées et elles ont été imprimées à plusieurs reprises à partir de 1480 . Pierre est aussi l'auteur de deux autres écrits de logique , récemment identifiés par Mgr Grabmann : le Tractatus maiorum fallaciorum et les Syncategore mata . Tandis que ces ouvrages de logique se rattachent vraisemblablement à l'enseignement parisien de Pierre d'Espagne , on peut conjecturer que ses travaux de philosophie naturelle appartiennent plutôt à la période italienne , postérieure à 1245. C'est encore Mgr Grabmann qui a découvert l'important Liber de anima , véritable somme de psychologie , le plus ancien exposé 4 systématique de la psychologie aristotélicienne . L'ouvrage compte treize traités , subdivisés en chapitres ; l'explicit est ainsi conçu : Ego igitur Petrus Hispanus Portugalensis liberalium artium doctor, philosophice

sublimitatis

M. GRABMANN, Die Introductiones in logicam... , pp . 30-104. 2 Ibidem, pp . 18-20. › Ibidem, pp . 20-24. ¹ Cet ouvrage vient d'être publié à Madrid : M. ALONSO , Scientia libri de anima, por Pedro Hispano ( 1941 ) .

423

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

gubernator, medicinalis facultatis decor ac proficue rector, in scientia anime decrevi hoc opus precipuum componendum, pro cuius complemento divine bonitatis largitas gratiarum actionibus exaltetur. L'auteur

est

donc

à

ce

moment recteur de la Faculté de médecine , mais on ne dit pas dans quelle université ; il utilise , sans les citer , Aristote et les Arabes , et il met à profit ses connaissances médicales dans l'exposé des fonctions vitales . Enfin Mgr Grabmann a restitué à Pierre d'Espagne plusieurs commentaires aristotéli ciens : sur le De animalibus , sur le De morte et vita , sur le De anima, et un 1 commentaire des écrits du pseudo- Denys ¹ . Mgr Grabmann a retrouvé aussi des commentaires sur les deux Analy tiques, composés par Guillaume de Saint-Amour , l'adversaire célèbre des Mendiants , à l'époque de son enseignement à la Faculté des arts , de 1236 à 1247. Ces commentaires sont conservés dans le codex où se trouve le recueil anonyme de questions d'examens dont nous avons parlé précédemment . Le même manuscrit de Barcelone contient d'autres écrits de logique , peut-être contemporains . Un commentaire sur l'Isagoge de Porphyre est attribué à un certain Bernard de Sanciza , qui n'est pas connu par ailleurs ; du fait qu'il cite le livre X de l'Ethique à Nicomaque d'après la traduction de Robert Grosseteste , on peut conclure qu'il écrit après 1245. Un commen taire sur l'Elenchica, c'est-à- dire sur le traité d'Aristote consacré aux raisonne ments sophistiques, a pour auteur Robert de Aucumpno (Hautecombe ?) , qui est également inconnu ; il faut peut-être l'identifier avec le Robertus Pari siensis qui apparaît dans un manuscrit de Munich (Clm . 14.246, fol . 67"-82 ) comme l'auteur d'un commentaire sur le Liber sex principiorum . Enfin un traité (summa ) de sophistique , qui porte comme titre : Communes distinctiones

La plus importante monographie sur Pierre d'Espagne est actuellement celle que Mgr GRABMANN a publiée en 1936 : Handschriftliche Forschungen und Funde zu den philoso phischen Schriften des Petrus Hispanus, des späteren Papstes Johannes XXI († 1277) ; elle comprend une étude étendue sur les Summulae logicales (authenticité, contre le P. Simonin ; influence ; commentaires ; rapport avec l'enseignement de la Faculté des arts) et un aperçu sur les œuvres inédites de Pierre d'Espagne . Il faut y joindre les travaux antérieurs de Mgr Grabmann sur Pierre d'Espagne (cités dans l'ouvrage de 1936) et un article plus récent : M. GRABMANN, Die Lehre vom intellectus possibilis und intellectus agens im Liber de anima des Petrus Hispanus, des späteren Papstes Johannes XXI ( 1938) ; dans cette dernière étude , l'auteur publie des extraits importants du Liber de anima (pp . 182-208) . Cf. aussi M. GRAB MANN, I divieti..., p . 129 ; M. ALONSO , Scientia libri de anima... ( 1941 ) , pp . 5-42 . Le P. Th . SANDERS (Sint Bonaventura en het Aristotelisme, p . 320) range Pierre d'Espagne parmi les tenants de l'augustinisme , à côté de S. Bonaventure et de Pierre de Tarentaise . C'est accorder trop d'importance à une doctrine particulière, celle de l'intellect agent, à propos de laquelle Pierre d'Espagne adopte la solution que M. Gilson appelle l ' « augustinisme avicen nisant » . Sur les tendances avicenniennes et augustiniennes qui nuancent l'aristotélisme de Pierre d'Espagne, voir M. GRABMANN , Handschriftliche Forschungen ... ( 1936) , pp . 99-100 ; Die Lehre vom intellectus possibilis ... ( 1938) , pp . 173-182. 2 M. GRABMANN, Mittelalterliche lateinische Aristotelesübersetzungen und Aristoteleskom mentare in Handschriften spanischer Bibliotheken ( 1928) , pp . 55-62 .

424

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

circa sophismata, est attribué à maître Matthieu d'Orléans , tout aussi inconnu que les deux précédents ¹ . Lambert d'Auxerre enseigne la logique à Paris aux approches de 1250. logicales sont demeurées inédites , mais Hauréau et Prantl en summulae Ses ont publié des fragments . M. Michalski croyait que Pierre d'Espagne dépen dait de Lambert d'Auxerre , mais Mgr Grabmann incline au contraire à penser que Lambert a utilisé le manuel de Pierre d'Espagne 2. Le plus fécond des professeurs de logique de l'Université de Paris vers le milieu du XIIIe siècle est Nicolas de Paris . On possède de lui trois commen taires sur l'Isagoge de Porphyre , des commentaires sur les Catégories, le Perihermeneias , les Analytiques postérieurs , le Liber sex principiorum attribué à Gilbert de la Porrée , le De differentiis topicis et le De divisione de Boèce , sans compter des gloses logico- grammaticales sur les écrits de Donat et de Priscien . Nicolas de Paris ne s'intéresse pas seulement à la logique formelle , mais aussi à la grammaire spéculative et au problème de la classification scientifique . Il enseignait encore en 1263 ³ . Lorsque les productions littéraires de ces maîtres auront été étudiées de près et auront trouvé leur place exacte dans l'histoire de la logique , d'autres 4 écrits , anonymes et inédits , pourront être situés par rapport aux premiers ¹ . La dialectique n'était pas seulement, pour les maîtres du moyen âge , une discipline spéculative : elle était aussi , et davantage peut-être , un art. Il fallait pouvoir user avec dextérité de cet instrument universel du savoir ; le magister artium devait connaître tous les secrets de la discussion et de la démonstration scientifiques . Aussi voit - on de très bonne heure les exercices

¹ M. GRABMANN, Mittelalterliche lateinische Aristotelesübersetzungen und Aristoteleskom mentare in Handschriften spanischer Bibliotheken ( 1928) , pp . 62-63 ; I divieti ..., p . 127 . ² M. GRABMANN , Handschriftliche Forschungen ... ( 1936) , pp. 41-42. Sur Lambert d'Auxerre, cf. ibidem, pp . 30-58 ; aux pp. 43-58 , Mgr Grabmann donne des extraits parallèles des Sum mulae logicales de Guillaume de Shyreswood , de Pierre d'Espagne et de Lambert d'Auxerre. ⁹ M. GRABMANN , Die logischen Schriften des Nikolaus von Paris und ihre Stellung in der aristotelischen Bewegung des XIII . Jahrhunderts, dans Mittelalterliches Geistesleben ( 1926) , pp. 222-248. * Plusieurs de ces écrits anonymes ont été signalés par Mgr Grabmann dans ses travaux récents . Sur l'histoire de la logique, on consultera, outre les travaux classiques de PRANTL , de WILMANN et de GRABMAnn (cf. M. DE WULF, Histoire ... ", t. I , 1934 , p. 42) , les publica tions récentes de Mgr GRABMANN : Bearbeitungen und Auslegungen der aristotelischen Logik aus der Zeit von Peter Abaelard bis Petrus Hispanus ( 1937) ; Die Introductiones in logicam des Wilhelm von Shyreswood ( 1937) ; Kommentare zur aristotelischen Logik aus dem 12. und 13. Jahrhundert (1938) ; De fontibus historicis logicam S. Thomae de Aquino illustrantibus (1938) ; Ungedruckte lateinische Kommentare zur aristotelischen Topik aus dem 13. Jahrhun dert ( 1938 ; trad . italienne en 1939) ; Methoden und Hilfsmittel des Aristotelesstudiums im Mittelalter (1939) ; Die Sophismataliteratur des 12. und 13. Jahrhunderts mit Textausgabe eines Sophisma des Boetius von Dacien ( 1940) ; Gentile da Cingoli, ein italienischer Aristoteles erklärer aus der Zeit Dantes ( 1941 ) .

ARTICLE III : CROISSANCE DE L'ARISTOTELISME

425

pratiques prendre place dans l'enseignement à côté des leçons théoriques . On trouve l'écho et le fruit de ces joutes académiques dans un genre litté raire spécial , dont il existe de multiples témoins dans les manuscrits scolas tiques et que Mgr Grabmann appelle die Sophismataliteratur. Dans la mono graphie qu'il a consacrée récemment à ce sujet , l'éminent historien démontre que ces exercices de sophistique existaient déjà au XII° siècle ; il décrit toute une série de documents inédits relatifs à ces exercices et qui appartiennent au XII , au XIII et au XIVe siècle . Il est vraisemblable que plusieurs de ces documents proviennent des milieux scolaires parisiens pendant la première moitié du XIIIe siècle ¹ .

A côté des écrits de logique , qui occupent presque toute raire des philosophes parisiens avant le milieu du XIIIe siècle , quelques commentaires sur l'Ethique , dont la «< lecture » avait on s'en en souvient, par Robert de Courçon . La découverte de

l'activité litté on a retrouvé été autorisée ,

ces écrits de morale a été le fruit des recherches de dom Lottin , qui a pu mettre à jour trois commentaires de l'Ethique à Nicomaque antérieurs à la traduction inté grale de cet ouvrage par Robert Grosseteste vers 1240-1243 2. Les deux premiers (A et P) se bornent à l'Ethica vetus (livres II et III de l'Ethique à Nicomaque) et sont tous deux incomplets, du moins dans l'exemplaire unique qui en a été retrouvé . Le troisième (F) , qu'on a voulu attribuer , à tort , à Jean Peckham, puis à Gérard d'Abbeville , contient l'Ethica nova (livre I de l'Ethique à Nicomaque) et l'Ethica vetus . Le premier est sans doute très ancien, puisqu'il semble ignorer l'Ethica nova . Le deuxième cite Averroès et doit donc être situé entre 1230 et 1240. Le troisième est probablement 3 contemporain du précédent En ce qui concerne la méthode de ces commentaires , chaque leçon com

porte d'abord l'expositio litterae , puis un certain nombre de quaestiones amorcées par le texte d'Aristote et traitant de problèmes psychologiques ou moraux . Dom Lottin a mené une enquête très révélatrice à travers ces textes inédits, les interrogeant sur une série de questions classiques aux XIIIe siècle : distinction de l'âme et de ses facultés, pluralité des âmes dans l'homme , intellect agent et intellect possible, libre arbitre , vertu infuse et vertu acquise , vertu intellectuelle et vertu morale , bien moral et mal moral ; il a publié des fragments étendus des trois commentaires . Nous ne pouvons mieux faire que

¹ M. GRABMANN, Die Sophismataliteratur... ( 1940) . 2 O. LOTTIN, Psychologie et morale à la Faculté des arts de Paris aux approches de 1250 (1939) . Cf. aussi les études antérieures de dom Lottin , mentionnées dans cet article . * C'est sans doute par distraction que Mgr Grabmann écrit : « dopo il 1240 » (I divieti..., p . 131 ) ; l'année précédente il écrivait : « nicht nach 1240 entstanden ist » (Das Studium der aristotelischen Ethik..., p . 342) .

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DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

de reproduire ici les résultats de cette enquête , en y joignant quelques réflexions personnelles . Ces écrits de morale révèlent une parenté incontestable entre l'enseigne ment de la Faculté des arts et celui de la Faculté de théologie : on y trouve , en effet , des allusions certaines aux problèmes théologiques qui étaient dis cutés à cette époque . Dom Lottin incline à admettre , pour le premier (A) et le troisième (F) , une dépendance vis-à-vis du Chancelier Philippe. A côté de l'influence théologique et de celle d'Aristote , le deuxième commentaire (P) trahit l'influence , d'ailleurs modérée , d'Avicenne , par la manière dont il conçoit les deux intellects , agent et possible . Quant à l'état d'esprit que ces documents manifestent , dom Lottin écrit à propos des textes où l'on distingue vertu infuse et vertu acquise : PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

la publication de cet opuscule ; mais ici se pose la question de la date de publication du De unitate . Le P. Pelster voudrait la reculer jusque vers 2 1270 ¹ ; le P. Salman ne se prononce pas ² ; le P. Siedler , qui accepte la date proposée par le P. Pelster, en conclut que l'analyse de l'opuscule faite par le P. Salman est défectueuse , puisque ce dernier n'y découvre pas l'existence d'averroïstes latins, lesquels existaient certainement vers 1270 3. · La critique du P. Siedler est certainement inopérante , car il est incontes table que le texte de l'opuscule ne reflète pas l'atmosphère de la crise aver roïste de 1270 : Mgr Masnovo a établi qu'Albert ignore les positions carac téristiques de l'averroïsme aux environs de 1270

; de son côté , le P. Salman

a montré que rien ne révèle , dans la première rédaction d'Albert , l'atmos phère de lutte dans laquelle on se trouve à partir de 1267 avec les Collationes de saint Bonaventure , et que reflète également la seconde rédaction d'Albert, 5 insérée dans sa Somme théologique ³ . Une autre difficulté peut être soulevée contre l'hypothèse du P. Pelster : si l'opuscule date des environs de 1270 , quelques années à peine séparent les deux rédactions du traité , ce qui paraît incompatible avec la manière de parler d'Albert dans la Somme théologique : il y évoque le lointain souvenir de son séjour à la cour d'Alexandre IV et rappelle que son travail , publié dans la suite, a connu une large diffusion ; cette publication et cette diffusion ne semblent pas être présentées comme des faits récents . Les raisons dont nous venons de faire état nous portent à fixer la composition de l'opuscule antiaverroïste vers 1260 plutôt que vers 1270. Mais il faut reconnaître que le problème de la chronologie des paraphrases aristo téliciennes n'est pas résolu du coup . Si les données certaines de ce problème obligeaient malgré tout à fixer aux approches de 1270 la rédaction du De unitate dans le texte que nous possédons aujourd'hui , il resterait à envisager les deux hypothèses suivantes : selon la première , les citations des paraphrases dans l'opuscule auraient été ajoutées après coup et n'appartiendraient pas au texte primitif publié vers 1260 ; si cette hypothèse était exclue , il faudrait admettre qu'à l'annonce de la crise averroïste parisienne , Albert, éloigné de Paris et mal informé de la situation , aurait publié le texte démodé d'un travail vieux de plus de dix ans . Quant au problème de la chronologie des paraphrases, le P. Salman fait observer que la difficulté se trouve accrue du fait qu'un bon nombre des

¹ Cf. Scholastik, 1936 , p . 129 , ainsi que les travaux antérieurs du même critique (ci-des sus, p . 441 , note 1 ) . 2 D. SALMAN, Albert le Grand et l'averroïsme latin , p . 64. ³ D. SIEDLER, Intellektualismus und Voluntarismus bei Albertus Magnus ( 1941 ) , p . 161 , note 190. 4 Cf. ci-dessus, p . 473, note 3. 5 D. Salman, Albert le Grand et l'averroïsme latin, pp . 38-51 .

ARTICLE IV : L'ESSOR DE L'ARISTOTELISME LATIN

475

paraphrases d'Albert ont eu deux rédactions différentes ¹ . Bref, il faut attendre les résultats des travaux d'érudition avant d'opter pour une chronologie déter minée . La question est en somme accessoire à notre point de vue , car elle ne met en cause ni la portée générale de l'œuvre réalisée , ni l'influence qu'elle a exercée sur le mouvement philosophique avant l'avènement de l'aristotélisme hétérodoxe 2. Pour comprendre le rôle joué par Albert le Grand dans le développe ment de la pensée chrétienne , en même temps que la renommée extraordi naire et l'autorité exceptionnelle dont il a joui , déjà de son vivant, il faut se rappeler les étapes parcourues avant lui , dans le monde occidental , en vue d'atteindre à l'épanouissement intégral de la vie intellectuelle . Nous avons dit précédemment que les douze premiers siècles de l'ère chrétienne avaient été dominés par la vision chrétienne de l'univers et que cet état de choses avait retardé l'essor du mouvement des sciences pro 3 fanes ³ . La grande entrée d'Aristote au XIII° siècle vint modifier de fond en comble la situation pour la première fois , un système compact de disciplines scientifico-philosophiques forçait l'entrée du monde chrétien ; l'aristotélisme , chef d'œuvre de l'intelligence grecque , enrichi par les apports du néoplato nisme grec , juif et arabe , se dressait soudain en face de la théologie ; une sagesse payenne se trouvait tout à coup en présence de la sagesse chrétienne ; le savoir profane n'était plus représenté par le cortège modeste et inoffensif des arts libéraux , mais par la puissante synthèse scientifique du péripatétisme . Entre l'aristotélisme et la théologie chrétienne , le conflit était inévitable , puisque, en plusieurs points , les deux visions de l'univers accusent des diver gences profondes . A Paris , il devait mettre aux prises deux groupements universitaires rivaux la Faculté des arts et la Faculté de théologie . Nous avons assisté à une première escarmouche dès le début du XIIIe siècle : la victoire des théologiens a ralenti pour quelque temps la marche de l'aristo télisme , mais celui-ci s'est imposé malgré les interdictions , et le statut du 19 mars 1255 a consacré son triomphe . Les théologiens eux -mêmes n'ont pas pu échapper à son emprise , qui est allée grandissant depuis Guillaume d'Auxerre jusqu'à saint Bonaventure . C'est ici que se place l'intervention d'Albert le Grand. Le mérite principal d'Albert le Grand n'est pas d'avoir commenté Aris tote on le faisait depuis longtemps avant lui , à Paris , à Oxford et ailleurs ;

Thomas d'Aquin l'a fait après lui et ses commentaires littéraux dépassent en perfection les paraphrases de son maître . Le mérite principal d'Albert n'est pas non plus d'avoir usé de la philosophie d'Aristote dans la spéculation

1 D. SALMAN , Albert le Grand et l'averroïsme latin, p . 48, note 1. 2 Observons néanmoins que la diffusion tardive des paraphrases d'Albert le Grand ren drait plus explicable l'éclosion de cet aristotélisme hétérodoxe. *3 Cf. ci-dessus, pp. 379-384.

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE II : LA PHILOSOPHIE A PARIS

théologique : Guillaume d'Auvergne et Alexandre de Halès l'avaient fait avant lui dans une mesure sensiblement égale. Son mérite essentiel est ailleurs pour la première fois depuis l'origine du christianisme , Albert le Grand a nettement établi et clairement défini le statut des sciences dans la chrétienté . Par ce fait, il a fourni les principes qui devaient permettre de résoudre la crise redoutable provoquée par l'intro duction de l'aristotélisme dans le monde chrétien ; en outre , il a contribué d'une manière décisive au développement intégral de l'intelligence chrétienne . Le propre des esprits supérieurs est de dominer les détails et les con tingences et d'avoir la claire vision des besoins véritables de leur temps . En face de la situation nouvelle créée par la pénétration massive de la science gréco-arabe , Albert le Grand a compris que l'heure était venue , pour la chrétienté , d'achever son émancipation intellectuelle et d'entrer d'une façon définitive dans le mouvement scientifique ; qu'il fallait , par conséquent , accueillir Aristote et l'assimiler selon les exigences propres de la pensée latine et chrétienne ; enfin , que les erreurs , les déviations et les lacunes de la science payenne seraient surmontées plus efficacement par un effort con structif de réflexion et de critique , que par des interdictions ou par des muti lations pratiquées dans les textes . Obéissant à cette intuition fondamentale , 1 Albert conçut le projet de « refaire Aristote à l'usage des Latins » ¹ ; à cette fin, il entreprit de composer une œuvre encyclopédique destinée à enrichir la science chrétienne de toutes les découvertes scientifiques que les Grecs et les Arabes avaient accumulées au cours de leur histoire : «> 2. Présenter le thomisme comme une « régression » pure et simple vers l'aristotélisme intégral et comme le fruit d'un engoûment aveugle pour le Philosophe , c'est faire de la caricature et non de l'histoire 3. Affirmer que > (Scholastik, 1940 , p . 108) . M. De Wulf, Dom Lottin et le P. Dockx ont également accepté nos conclusions . " B. NARDI , Una nuova monografia su Sigieri di Brabante ( 1939) . ¹1 E. GILSON, Dante et la philosophie ( 1939) . Notre mémoire de 1938 est parvenu à M. Gil son tandis qu'il corrigeait les épreuves de son ouvrage sur Dante ; il a pu y introduire quel ques références à notre travail et surtout un Ve Eclaircissement , en appendice, Sur le thomisme de Siger de Brabant (pp . 316-325) : c'est là qu'est discuté ex professo le problème de l'authen ticité des Quaestiones de anima. Cf. aussi p . 257 , note 1 . 5 Il est entendu , comme l'observe M. Gilson , qu'à l'heure actuelle aucune des parties en cause n'est plus désintéressée : M. Nardi et M. Gilson ne le sont pas, puisqu'ils croient que l'authenticité des Quaestiones de anima ruinerait leur interprétation de la Divine Comé die ; nous ne le sommes pas davantage , puisque nous avons publié les Quaestiones de anima sous le nom de Siger (E. GILSON , Dante et la philosophie , p . 316 et pp . 319-321 ) . Essayons donc de faire abstraction de ces intérêts personnels : ce détachement n'est peut-être pas si difficile , à condition d'accepter d'avance que l'on puisse s'être trompé.

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

de documents anonymes et la critique interne n'interviendra plus que pour confirmer ou pour infirmer cette attribution . Sur quoi portent les mots a magistro Sogero ? Pour résoudre ce problème , il faut considérer attentivement les caractéristiques paléographiques du codex, sur lesquelles nous avons déjà attiré l'attention autrefois ¹ . Le manuscrit 9559 de Munich n'appartient pas à la catégorie des manuscrits calligraphiques exécutés par des copistes professionnels . Composé de parchemins grossiers et souvent mutilés d'avance (comme le prouve l'écriture qui évite les endroits détériorés) , ce manuscrit présente tous les caractères d'un cahier d'étudiant : écriture cursive , irrégulière , tantôt très serrée et tantôt plus large ; ratures sans élégance ; omissions signalées par un vide de quelques mots , parfois de plusieurs lignes ; caricatures et autres dessins en marge . Bref, il s'agit d'un recueil scolaire analogue à celui que M. Glorieux a restitué à Godefroid de Fontaines 2. D'autre part, la table des matières du folio 152 est de la même main 3 que la majeure partie du codex " , c'est-à- dire de la main de l'étudiant qui a réuni dans ce cahier la collection de commentaires aristotéliciens dont nous cherchons à connaître l'auteur . Il les énumère dans la table et termine le relevé par les mots a magistro Sogero . Voici le texte intégral de l'index 4 :

In hoc volumine continentur questiones super 4 libros phisicorum, duo paria . Item , tractatus albumazar super 5m, 6m, 7m, 8m phisicorum . Item , tractatus alexandri super capitulum de tempore et questiones super 8m phisicorum. Item, questiones super librum de sompno et vigilia. Item, questiones super primum, secundum et quartum metheororum. Item , questiones super librum de iuventute et senectute . Item , questiones super primum et secundum de anima. Item , questiones super primum, secundum , 3m , 4m et partim super 5m metaphisicorum a magistro Sogero. Item, scripta fratris thome super primum ethicorum et super primum et secundum phisicorum . Item, questiones super... ethicorum . Item, questiones super librum de divisione et tractatus alexandri super capitulum de aug mento . Cet index présente les deux anomalies suivantes . En premier lieu, les Questions sur la physique (I -IV) qui occupent les folios 18 à 39 du codex , ne sont pas mentionnées à leur place dans la table : elles devraient figurer entre

¹ Ci-dessus, t. I , surtout pp . 17 et 296. * P. GLORIEUX , Un recueil scolaire... ( 1931 ) . ³ M. GRABMANn , Neu aufgefundene Werke..., p . 8 . 4 D'après la transcription de Mgr GRABMANN , Neu aufgefundene Werke..., pp . 8-9 ; Neuaufgefundene « Quaestionen » ..., pp . 108-109 . Nous empruntons quelques légères correc tions à dom A. GRAIFF, Sigeri de Brabantia..., pp . XX-XXI. 5 Le reste du titre a été rendu illisible par une rature et la pièce correspondante a été enlevée du codex, de même que les deux pièces suivantes.

ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

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le tractatus alexandri super capitulum de tempore (fol . 15 ' ) et les Questions sur le livre VIII de la physique (fol . 40 à 44) ; or elles sont mentionnées en même temps que la série parallèle des folios 2 à 14 , sous le titre commun : questiones super 4 libros phisicorum, duo paria (deux pareils , c'est-à-dire 1 deux commentaires semblables) ¹ . En second lieu , les Questions sur le livre de la génération et de la corruption, qui occupent les folios 83 à 92 , sont omises dans la table , où elles devraient figurer entre les Questions sur le traité de l'âme et les Questions sur la métaphysique . En ce qui concerne la première de ces anomalies , observons d'abord

que l'index du Clm 9559 est de nature à égarer le lecteur sur le contenu des folios 14 à 17. Le tractatus albumazar super 5 , 6m, 7m, 8m phisicorum est un court abrégé des quatre derniers livres de la Physique , qui a pour auteur Alfarabi , et non pas Albumazar 2, et qui occupe exactement trois colonnes du manuscrit ( 14-15 ) ; ce morceau n'est donc qu'un complément ou un appendice ajouté au premier commentaire sur les livres I à IV de la Physique (fol. 2-14 ) . Le tractatus alexandri super capitulum de tempore est plus court encore : il occupe un peu moins de trois colonnes ( 15-15 ) et doit être con sidéré également comme un appendice au premier commentaire sur la Physique . Le folio 16" porte quelques définitions et quelques principes relatifs au continu ; le reste du folio 16 et le folio 17 sont vides . Les folios 14 à 17 forment donc une brève parenthèse qui brise malencontreusement , dans l'index , la collection des commentaires aristotéliciens ; mais l'étudiant qui a rédigé la table a jugé utile de détailler le contenu de ces quelques folios , et on ne peut que l'en féliciter . Pourquoi a-t- il cité sous un titre commun les deux séries de questions sur les livres I à IV de la Physique ? Simplement , semble-t-il , pour donner à son index un caractère plus systématique , en suivant l'ordre des livres d'Aristote ; peut-être aussi pour réparer la brisure produite dans le bloc des commentaires par la mention des écrits d'Albumazar et d'Alexandre . Retenons donc que les folios 14 à 17 portent des documents annexes aux questions précédentes et que nous nous trouvons en présence d'un véri table corpus de commentaires aristotéliciens , s'étendant du folio 2 au folio 118 du manuscrit de Munich. La seconde anomalie relevée dans la table du codex réside dans l'omis

1 M. Nardi a cru, à tort, que la seconde série de Questions sur la physique, I-IV et les Questions sur le livre VIII de la physique étaient omises dans la table (Il preteso tomismo ..., p . 27) ; il a reconnu son erreur quant au premier de ces écrits (Ancora ..., p . 162) , mais il ne semble pas l'avoir aperçue quant au second. 2 M. GRABMANN , Neu aufgefundene Werke ..., p. 11 ; Neuaufgefundene « Quaestionen » ….., p. 112. Cet écrit d'Alfarabi a été édité par A. BIRKENMAJER, Eine wiedergefundene Ueber setzung Gerhards von Cremona ( 1935) , pp . 475-481 . Cf. aussi D. SALMAN , The Mediaeval Latin Translations of Alfarabi's Works ( 1939) .

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sion des Questions sur la génération . L'écriture de ces questions étant diffé rente de celle des autres commentaires , on sera porté à croire qu'elles ont été introduites après la rédaction de la table . Cependant elles ont appartenu à l'étudiant qui a écrit les autres questions et qui a rédigé la table , car on y 1 trouve des notes et des additions marginales de sa main ¹ . Il est probable qu'il les a insérées lui -même à l'endroit où elles se trouvent encore aujourd'hui et qu'il a négligé de compléter la table en conséquence . Ces questions font donc partie intégrante du corpus de commentaires dont nous cherchons à connaître la provenance .

Plusieurs de ces commentaires ont été transcrits après 1270, pour la bonne raison qu'ils sont eux-mêmes postérieurs à cette date en effet , les questions sur la Physique (n° 8) , sur le Traité des météores et sur la Méta physique utilisent l'Elementatio theologica de Proclus , traduite seulement vers la fin de 1268 ; le commentaire sur la Physique (n° 8) utilise en outre le De caelo de Simplicius, traduit en 1271 , les commentaires de saint Thomas sur la Physique ( 1269-1271 ) et sur la Métaphysique ( 1266-1272) . D'autre part, la collection des commentaires aristotéliciens , y compris les Quaestiones de generatione , doit avoir été constituée avant la condam nation du 7 mars 1277. C'est ce que révèlent les fameuses ratures qui rendent illisibles certains passages des questions sur la Physique , sur le Traité de la 2 génération et sur la Métaphysique ² . Le contexte immédiat de ces passages permet de constater qu'il s'agit d'exposés hétérodoxes , atteints par la grande condamnation de l'aristotélisme ; le propriétaire du codex a jugé nécessaire de supprimer un certain nombre de passages au moyen de ces énormes traits noirs " , au point de rendre la plupart des mots suspects totalement illi sibles , malgré tous les efforts qui ont été faits pour les déchiffrer ; cette réaction ne peut se comprendre qu'au lendemain de la condamnation , au moment où l'on devait redouter les foudres de l'impétueux évêque de Paris ou celles de l'inquisiteur de France ; quelques années plus tard , Godefroid de Fontaines se permettait de discuter publiquement l'opportunité de l'acte du 7 mars 1277 4¹. La collection de commentaires conservée dans le Clm 9559 a donc été constituée entre 1270 et 1277 , par un étudiant qui a transcrit lui-même la plupart des pièces . Cette collection est faite de reportations, dont plusieurs , si pas toutes, reflètent un enseignement postérieur à 1270 . Un corollaire se dégage aussitôt de ces premières conclusions : l'étudiant qui a composé notre codex connaissait l'auteur de ces commentaires , à tout le moins de plusieurs d'entre eux , car un étudiant qui recopie, entre 1270

¹ Cf. ci-dessus , p . 268, note 1 . 2 Cf. ci-dessus, pp . 13, 214-216 , 288-289 , 312 , 328 , 332. 3 L'encre employée semble être identique à celle du texte lui-même. ¹ M. DE WULF, Hist. , t. II , pp . 265 et 294.

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et 1277, des notes de cours professés pendant la même période , n'ignore pas qui est l'auteur de ces leçons . Or, si l'on se reporte à la table du manuscrit , rédigée par l'étudiant en question , on constate qu'il a indiqué , dans la mesure où la chose lui était possible , les auteurs des écrits qu'il énumérait : il cite Albumazar, Alexandre , Siger , Thomas d'Aquin , puis de nouveau Alexandre . Il faut en conclure que les mots a magistro Sogero , par lesquels il termine l'énumération des commentaires aristotéliciens, désignent dans sa pensée l'auteur de la collection tout entière .

Nous ne songeons pas à prétendre que la démonstration établie jusqu'ici par l'étude paléographique du Clm 9559 jouisse d'une rigueur mathématique . L'historien doit se contenter souvent de certitudes plus modestes . Au surplus , cette démonstration appelle comme complément l'intervention de la critique. interne et nous devons nous demander maintenant si l'examen des textes apporte à nos conclusions une confirmation ou un désaveu . Comme l'a observé M. Nardi , il faut résoudre cette nouvelle question par l'étude détaillée de chacun des commentaires du codex de Munich ; chacun de ces écrits doit faire l'objet d'une comparaison attentive avec les écrits certainement authentiques de Siger et il faut tenir compte , dans cet examen, de toutes les données fournies par le contexte historique sur la personnalité et sur l'oeuvre du maître brabançon . Ce minutieux travail de critique interne est amorcé , mais il ne pourra être mené à bon terme qu'après la publication des textes encore inédits . On trouvera ici les résultats des recherches qui ont pu être effectuées jusqu'ici ; pour procéder méthodique ment, nous distinguerons le problème des analogies formelles et celui des analogies doctrinales . Au point de vue formel, c'est-à -dire au point de vue du style et des procédés littéraires , un contact assidu avec les commentaires de Munich pro duit, croyons-nous , une impression nettement favorable à leur authenticité. L'analogie avec les œuvres de Siger connues par ailleurs ne porte pas seule ment sur la technique générale du commentaire (nous reconnaissons avec M. Nardi que pareille analogie ne serait pas concluante) , mais sur la manière personnelle de penser et de dire qui se reflète jusque dans le style des repor tations , sur les caractéristiques littéraires qui trahissent le tempérament et la mentalité de l'auteur . Ce jugement a été partagé , en ce qui concerne les Questions sur la physique , par le récent éditeur de cet écrit ' . Quant aux Quaestiones in libros de anima, les difficultés d'ordre littéraire

soulevées par M. Nardi ne paraissent guère fondées et M. Gilson lui-même a jugé que l'objection ne portait pas 2. Pour arriver à un jugement objectif en pareille matière , il faut , bien entendu , tenir compte de tous les éléments

¹ Ph. DELHAYE, Siger de Brabant ..., pp. 8-9. 2 B. NARDI, Il preteso tomismo ..., p . 33 ; E. GILSON, Dante et la philosophie, p . 322.

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du problème. D'abord, de la nature de l'écrit que l'on examine : le texte du manuscrit de Munich est celui d'une reportation ; revue ou non par le maître , la reportation d'un enseignement oral n'a pas la même allure que l'exposé littéraire rédigé en vue d'une publication directe : il ne faut pas y chercher le fini et l'élégance d'un traité comme le De anima intellectiva ; ce n'est donc pas à ce traité , mais à d'autres questions reportées , comme les Questions sur la métaphysique, les Questions logiques, naturelles ou morales, qu'il faut comparer nos Questions sur l'âme . Il faut tenir compte ensuite de la nature du manuscrit : dans le texte d'Oxford (Merton 275) , que nous inclinons à considérer comme une reportation revue par l'auteur ¹ , l'obscurité d'un certain nombre de passages doit sans doute être mise au compte des copistes . Enfin l'utilisation de sources nouvelles peut expliquer, non seulement des variations doctrinales , mais aussi certaines modifications dans l'expression de la pensée d'un auteur . Ces réserves faites, les griefs de M. Nardi contre le style des Quaestiones de anima ne semblent pas fondés. En premier lieu, on ne retrouverait pas ici l'abondance de la polémique et la complexité de l'argumentation qui caractérisent les œuvres authentiques de Siger. En réalité , notre auteur s'étend quand le sujet traité mérite , à son sens , un développement ou une discussion : voyez les questions 8, 9, 10 du livre I ; 7 , 19 , 21 du livre II ; 7 et 21 du livre III . Par contre , des écrits cer tainement authentiques, comme les Quaestiones in metaphysicam, les Quaes tiones morales ou les Quaestiones naturales du manuscrit de Lisbonne , et le De anima intellectiva lui-même, renferment des exposés traités d'une manière plus sommaire que nos Quaestiones de anima. Quant à la vigueur de la discussion , il suffit de lire des morceaux comme la question 10 du livre I , les questions 6 et 7 du livre III , pour voir que l'auteur de nos questions ne le cède en rien , comme dialecticien et comme penseur, au Siger des Impossibilia . Remarquons enfin que plusieurs expressions assez caractéristiques rap pellent Siger : ainsi , la manière personnelle d'introduire ses solutions (Dico ..., Credo esse dicendum... , Ideo credo quod..., Credo quod iste ..., Tamen mihi ad praesens non videtur..., Ad aliud dico quod nescio quid tu vocas iudi care..., etc. ) ; la façon brutale d'opposer l'affirmation de la foi à l'opinion des philosophes (pp . 130 et 131 , corpus ; p . 156 : contrarium vult fides) ou de rejeter l'opinion d'autrui (Sed neutrum istorum veritatem habet... , Sed illud non solvit..., Istud autem non est verum ..., Istud est contra veritatem ..., Sed sic solventes sibi contradicunt et contra eos non est disputandum ..., Sed neutri verum dixerunt... , Sed illud non valet..., etc.) . Le problème des analogies doctrinales est plus important et plus com plexe . Pour le traiter d'une manière exhaustive , il faudrait résoudre d'abord

¹ Cf. ci-dessus, p . 17.

ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

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le problème de la chronologie relative des écrits attribués à Siger ; il faudrait ensuite étudier la doctrine du maître et ses variations doctrinales, à la lumière de ses œuvres certainement authentiques ; il faudrait enfin retracer le con texte historique dans lequel s'est déroulée

sa carrière

et déterminer les

influences qui ont pu agir sur l'évolution de ses idées . Tous ces problèmes seront traités en temps et lieu dans la suite de cet ouvrage . Pour le moment, il ne peut être question que d'une enquête préliminaire, forcément incom plète , dont les conclusions seront confirmées par nos recherches ultérieures . Voici d'abord le commentaire sur la Physique récemment édité par M. Delhaye . Comme le note celui-ci , M. Nardi s'est déclaré disposé à reconnaître l'authenticité de ce commentaire et il a relevé lui-même un parallèle frappant 1 entre les Questions sur la physique et le De anima intellectiva de Siger ¹ . De son côté , M. Delhaye a traité ex professo le problème des analogies doctri nales et il a conclu sans réserve à l'authenticité de l'ouvrage 2. L'attribution à Siger de ces importantes questions paraît donc solidement établie . Cette conclusion apporte une confirmation précieuse à la démonstration qui a été proposée pour l'ensemble des commentaires du Clm 9559. Car , si les Questions sur la physique sont l'oeuvre de Siger , l'auteur du recueil de Munich ne pouvait l'ignorer , on a vu pourquoi ; il savait donc que les mots a magistro Sogero visaient aussi ces questions et , dès lors , il devient difficile de nier que ces mots désignent l'auteur du corpus tout entier . La table des matières du manuscrit de Munich joint expressément les duo paria. deux séries de questions sur les livres I à IV de la Physique Cependant Mgr Grabmann a cru devoir les séparer : tandis qu'il considérait le second commentaire comme l'œuvre indubitable de Siger, il déclarait ne 3 pouvoir se prononcer sur l'origine du premier " . Nous avons accepté d'abord ces conclusions sans nouvel examen ; mais une enquête récente , amorcée par les travaux de M. Delhaye , nous porte à modifier le jugement de Mgr 4 Grabmann sur l'origine du premier commentaire sur la Physique ‘ . L'auteur de ce commentaire est un maître ès arts qui professe un aris totélisme radical et hétérodoxe : il enseigne l'éternité de la matière

; il

Ph. DELHAYE , Siger de Brabant..., p . 8. Ibidem, pp . 9-14 . M. GRABMANN, Neuaufgefundene « Quaestionen » ..., p . 110 . M. Ph . Delhaye , qui vient d'éditer la seconde série de Questions sur la Physique (fol . 18 à 44) et qui a entrepris l'étude de la première série (fol . 2-14) , s'est livré d'abord lui-même à une analyse de ce document et il a été frappé des nombreuses analogies qui existent entre les deux écrits . Notre impression personnelle confirme pleinement la sienne . M. Delhaye nous promettant une étude complète du commentaire inédit, nous pouvons nous borner ici aux indications essentielles. 5 A la question utrum materia prima sit facta de novo, il répond négativement et conclut son exposé par ces mots : ideo nullo modo potest esse de novo facta ; istud est quod de ea ¹ 2 '3 ¹

debet dici per rationem (fol . 6va) .

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affirme que l'âme humaine est une substance éternelle ¹ ; il considère l'éter nité du mouvement comme une conclusion philosophique nécessaire et le commencement du mouvement comme un fait d'ordre miraculeux 2 ; à propos de l'impossibilité du nombre infini, il répond à l'objection tirée de l'éternité de l'espèce humaine et de l'infinité actuelle des âmes (conséquence nécessaire de l'éternité de l'espèce), en proposant la solution d'Averroès, sans d'ailleurs la faire sienne expressément 3" . Notre auteur trahit sa mentalité dès la pre mière page de son commentaire , par les termes dont il use dans la solution de la toute première question : uirum sit aliqua scientia necessaria praeter philosophicas disciplinas ; il rejette sans doute la thèse rationaliste qui prétend exclure toute science distincte de la philosophie , mais sa manière de parler est caractéristique des milieux de la Faculté des arts gagnés à un certain «< philosophisme » : les Grecs n'ont point connu d'autres sciences que les sciences rationnelles et ils ont cru qu'elles épuisaient toutes nos possibilités de connaître ; mais il existe des sciences inaccessibles à la raison , comme la science de la « loi moderne », c'est-à-dire de la loi chrétienne 1. Par ailleurs, la première série de questions présente de nombreuses analogies avec la seconde, pour le style , la méthode d'exposition , le choix des problèmes et les solutions . Tous ces indices nous portent à y voir la reportation d'un premier exposé de la Physique fait par Siger tout au début de sa carrière :

¹ Dico tamen quod licet corpora caeli non imponant necessitatem actionibus animae ratio nalis, tamen actiones animae non possunt esse sine corpore caeli : licet anima sit substantia aeterna, [ non tamen est anima aeterna alparabius de proprietate animae est vivificare corpus, ] actiones tamen animae non possunt esse sine virtute caelorum (fol . 9ra) . Le texte que nous mettons entre crochets semble corrompu . On pourrait lire prout au lieu de alparabius ; ou encore secundum Alfarabi, prout. Répondant à la question utrum primus motus possit esse novus (fol . 10va) , il expose la thèse aristotélicienne, puis il ajoute qui sic dicunt, dicunt sicut per rationem dici potest ; ipsi innituntur rationibus et per rationes probari non potest quod primus motus sit novus (ms. motus). Dico tamen quod motus primus potest esse novus, et huius non potest dari ratio, quia miraculorum non est dare rationem, quia, si sic, non esset miraculum : arguat physicus quod corpora eadem numero non possunt resurgere et reviviscere , cum semel corrumpuntur, quod est contra fidem : ideo si solvere velis ad rationes, non potes nisi eius principia velis negare (fol. 1 | ra) . Ad argumentum dico quod Commentator concedit, 3º de anima, quod generatio aeterna est et infiniti homines corrupti sunt, et tamen non est numerus infinitus : dicit enim animam rationalem separari ab hoc corpore, sed non a corpore simpliciter. Sustinentes contrarium dicunt quod generatio non est aeterna. Scio quod physicus non potest ponere primum homi nem : ponit enim (ms. tamen) generationem aeternam esse ; omnis operatio naturalis generatio est et primus homo non potest esse generatus, et ideo naturalis non potest ponere primum, hominem (fol. 13r) . * Sed ista opinio est antiquorum philosophorum qui tantum in istis studuerunt. Sed haec positio non est vera, quia aliae sunt scientiae quae docent veritates ad quas non est possibilis scientia per inquisitionem humanam, sicut scientia legis modernae, idest christianae . Ideo dicendum quod aliae sunt scientiae praeter disciplinas philosophicas (fol . 2ra) .

ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

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le traitement des questions est souvent assez sommaire et généralement plus bref que dans la seconde série ; les citations sont moins nombreuses et nous 1 n'en avons relevé aucune qui oblige à situer le document après 1270 ¹ . L'examen des Questions sur les météores et des Questions sur la géné ration donne le même résultat que l'examen des Questions sur la physique : la doctrine que ces écrits professent les apparente étroitement aux autres commentaires aristotéliciens du codex de Munich et ils portent des traces incontestables d'aristotélisme hétérodoxe . Il ne nous paraît pas douteux qu'une étude plus approfondie de la question confirmera l'authenticité de ces com mentaires ; on apercevra que même les hésitations et les fluctuations de la pensée de Siger trahissent , à travers toute son œuvre d'exégète , l'identité foncière de sa mentalité, de ses tendances et de ses préoccupations ; d'ailleurs ces fluctuations sont peu profondes et, en plusieurs cas, l'évolution est plus apparente que réelle . L'authenticité des Questions sur les météores trouve une précieuse con firmation dans un passage non encore exploité jusqu'ici du manuscrit 491 de la Bibliothèque communale de Bruges . Les folios 259 à 315 de ce codex sont occupés par des questions anonymes sur le Liber sententiarum , dans lesquelles la doctrine de saint Thomas est défendue , Gilles de Rome et Henri de Gand sont souvent critiqués, Godefroid de Fontaines et Eckart le sont quelques fois et Siger (de Brabant) est visé une fois 2. Voici le passage relatif à Siger (folio 304a) : Item sciendum quod motus est causa caloris rarefaciendo et distrahendo partes . Contra hoc dicunt quidam [en marge , contre quidam : Sygerus] : immo e contrario, quia calor est causa raritatis . Sed ex dictis eorum potest solvi hoc , quia habitus sunt similes actibus ex quibus generantur. Et ideo, si raritas consequitur ignem , ergo mediante illa potest generari ignis, cum dispositio que sequitur formam disponat necessario ad introductionem forme. Item sufficit quod celum habeat in virtute illa que hic producit. Ad secundum (etc. ) . Or notre commentaire sur les Météores renferme , à la ques tion 16 du livre premier, un long exposé sur les rapports du mouvement et de la chaleur ; l'auteur y critique notamment ceux pour qui le mouvement est cause accidentelle de la chaleur en tant qu'il produit une disposition favo rable à la chaleur , la raréfaction ou la désagrégation des parties du mobile ; la raréfaction, dit-il, n'est pas la cause , mais, au contraire , l'effet de la chaleur . Le rapprochement est suffisamment suggestif . M. Glorieux a établi ¹ Comme l'a observé déjà Mgr Grabmann , le titre de la première question rappelle celui du premier article de la Somme théologique de saint Thomas : utrum sit necessarium praeter philosophicas disciplinas aliam doctrinam haberi. Mais les deux exposés ont peu de points communs et ceux-ci pourraient s'expliquer par une source antérieure commune. 2 O. LOTTIN, Le Quodlibet XV ... ( 1937) , pp. 299-300 . La description du manuscrit est de Mgr A. Pelzer , qui avait déjà étudié cet important codex en 1913 (Revue Néo-scolastique,

pp. 375-378) . 3 Cf. ci-dessus , p . 239 .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

que le codex 491 de Bruges était achevé en entier à la date du 31 juil let 1309 ¹ . Le problème se pose différemment pour les Quaestiones de anima, aux quelles on peut rattacher, avec M. Nardi , les deux commentaires sur les Parva naturalia : Quaestiones de somno et vigilia, Quaestiones de iuventute et senectute 2. Ici, en effet, la coupure est nette par rapport aux œuvres psychologiques de Siger qui nous sont connues par ailleurs ; pour maintenir l'attribution de ces commentaires au maître brabançon , il faut admettre qu'il a fait subir à ses doctrines hétérodoxes une modification profonde , qui les rapproche notablement de l'aristotélisme de saint Thomas . M. Nardi rejette cette hypothèse ; pour lui , les Quaestiones de anima n'ont rien d'averroïste ; rien dans la doctrine ne rappelle le Siger de Brabant des écrits authentiques, car les positions adoptées par l'auteur de ces questions contredisent tout ce qu'on sait par ailleurs du chef de l'averroïsme latin et on n'y trouve aucune trace d'une adhésion antérieure à l'averroïsme " . M. Gilson est moins caté gorique : il reconnaît que Siger est

un indécis et un inquiet , dont on ne saurait soutenir qu'il n'ait pas pu changer finalement d'opinion » 4 ; mais il tient pour invraisemblable que la « rétractation » supposée du maître bra bançon n'ait laissé aucune trace dans l'histoire et il ne croit pas que son ralliement au thomisme expliquerait sans difficulté sa présence au Ciel de Dante 5. Les objections soulevées par M. Nardi et par M. Gilson méritent assuré ment un examen très attentif et, bien qu'aucune d'elles ne nous paraisse péremptoire , nous reconnaissons volontiers qu'elles sont de nature à ébranler la certitude de la thèse contraire " . Mais elles ne sauraient , à elles seules,

¹ P. GLORIEUX , Une élection priorale à Gand en 1309 ( 1937) . 2 B. NARDI, Una nuova monografia..., p . 456. 3 B. NARDI, Il preteso tomismo ..., pp . 31-35 ; Ancora..., passim ; Una nuova monografia .... passim . E. GILSON, Dante et la philosophie , p . 321 . 5 Ibidem, pp . 322-325 . • M. Gilson a vu le signe d'un certain embarras et une inconséquence dans la manière dont nous avons conclu, en 1938, la discussion avec M. Nardi : « l'argument a porté » , dit-il, puisque tout en déclarant que les objections de M. Nardi nous paraissaient inconsistantes , nous avons cependant atténué le jugement de Mgr Grabmann , en présentant comme « morale ment certaine » l'authenticité des œuvres que ce dernier considérait comme « indubitablement authentiques » (E. GILSON, Dante et la philosophie , p . 319) . De son côté, M. Nardi relève la même inconséquence et il y trouve l'aveu voilé de l'influence de ses critiques (B. NARDI , Una nuova monografia ..., p . 453) . Il y a sans doute en tout cela une équivoque , car l'attitude que nous avons adoptée ne cache aucun aveu déguisé , mais elle est dictée par les conditions dans lesquelles se pose le problème . Dans l'état actuel de nos connaissances , la démonstration positive de l'authenticité des Quaestiones de anima n'aboutit qu'à une certitude morale , la quelle, de sa nature , n'exclut pas toute possibilité d'erreur ni de doute (dès lors , prise en rigueur de termes, la formule employée par Mgr Grabmann est excessive , car les commen

A

ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

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faire échec à l'argumentation qui nous a conduit à attribuer la collection des commentaires de Munich à Siger de Brabant ; il faudrait des raisons plus graves pour détacher les Quaestiones de anima ( et les Parva naturalia) du corpus dont elles font partie dans le célèbre codex . Nous espérons montrer , dans la suite de cet ouvrage , que les positions averroïstes de Siger en psy chologie se sont atténuées au cours de sa carrière et que les Quaestiones de anima peuvent fort bien représenter la dernière étape de son évolution ; nous tenterons de déterminer les causes de cette évolution et de replacer les Quaestiones dans la trame concrète de la vie de Siger et dans le cadre histo rique de la fin du XIIIe siècle . Il apparaîtra ainsi , croyons-nous, que toutes les difficultés soulevées contre l'authenticité de cet écrit peuvent être surmontées aisément .

Notre enquête sur l'authenticité des commentaires de Munich demeure provisoirement incomplète et elle devra se poursuivre tout au long de ce travail. Dès maintenant toutefois , les conclusions suivantes peuvent être dé gagées : l'attribution à Siger des Questions sur la physique (nº 8 ) paraît éta blie ; celle des Questions sur les météores et des Questions sur la génération ne semble pas devoir rencontrer de difficulté ; la première série de Questions sur la physique (n° 8ª) est probablement une œuvre de Siger ; les objections soulevées contre l'attribution à Siger des autres commentaires (De anima et Parva naturalia) ne paraissent pas décisives , mais elles devront faire l'objet d'un examen attentif ; bref, dans l'état présent des recherches, on a de très bonnes raisons d'attribuer à Siger de Brabant l'ensemble des commentaires du codex de Munich . Ce sont vraisemblablement ces écrits qui sont visés par Pierre Dubois, ancien élève de Siger à Paris , lorsqu'il souhaite que l'on mette à la dispo sition des étudiants un résumé des paraphrases d'Albert le Grand sur les libri naturales d'Aristote , ainsi que des questions choisies parmi les écrits de Thomas, de Siger et d'autres docteurs¹ : Siger apparaît ici , au même titre qu'Albert et Thomas , comme un auteur classique dont les œuvres doivent servir de guides dans l'enseignement .

taires de Munich ne sont pas « indubitablement » authentiques) . Or en pareil cas , et dans un problème dont la solution repose en partie sur l'appréciation personnelle d'un ensemble d'élé ments psychologiques , le désaccord des historiens est un fait qu'aucun d'eux n'a le droit de négliger. Il nous paraît donc tout à fait normal de tenir compte, en formulant la conclusion de ce débat, de l'opinion défendue par nos contradicteurs, même si leurs raisons ne nous semblent pas pertinentes . ¹ M. GRABMANN, Neu aufgefundene Werke ..., p . 7 ; Cl . Baeumker , Die Impossibilia des Siger von Brabant, p . 72 , note 3.

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

Rédactions personnelles et reportations

Mgr Pelzer a attiré l'attention sur la complexité des problèmes soulevés 1 par la pratique des reportations ¹ . Il faut procéder avec une extrême prudence dans l'appréciation des écrits scolastiques, car les oeuvres attribuées à un maître sont parfois de simples reportations , c'est-à-dire des sténographies de son enseignement oral ; dans ce cas , elles ne reflètent sa pensée que d'une manière approximative , lorsqu'elles ne la trahissent pas malencontreusement . Mais le texte ainsi «‹ reporté » servait souvent de base à l'édition authentique , le maître utilisant les notes d'un auditeur pour rédiger son texte définitif . Le problème des reportations se rattache donc étroitement au problème de l'authenticité . Il semble bien qu'une partie considérable des écrits attribués à Siger de Brabant est constituée de reportations non revues et n'offre donc qu'un écho imparfait de son enseignement oral . C'est le cas pour toutes les questions du codex 9559 de Munich, selon l'opinion de Mgr Grabmann, à laquelle nous nous rallions sans réserve et qui est confirmée par M. Delhaye pour les 2 Questions sur la physique ² ; c'est probablement aussi le cas pour plusieurs autres compositions : le Sophisma du Vatican (n° 4) , les Quaestiones natu rales de Paris (n° 5) et celles de Lisbonne (n° 6) , les Quaestiones in tertium de anima (nº 12) et les Quaestiones morales (nº 19) . Pour certains écrits , la chose est assez évidente . Ainsi , dans les Quaestiones in metaphysicam, un même problème est repris jusqu'à trois fois à quelques pages de distance ; tout se passe comme si des auditeurs avaient posé des objections au maître ou s'étaient montrés surpris de son enseignement , l'obligeant ainsi à préciser sa pensée au début de la leçon suivante " . Dans les Quaestiones in tertium de anima (n° 12) , on trouve des reprises semblables sur le thème difficile de l'union de l'intellect unique avec les individus humains 4 . Ailleurs , au contraire , Siger fait allusion aux péripéties de la leçon ou de la séance de discussion : Hoc enim quidam ex nostris auditoribus , etiam provectis, dubitaverunt ; Quibus oretenus tunc respondimus , et adhuc res 6 5 pondemus ... ; sicut argutum est in opponendo . Il s'agit donc ici de la rédaction de Siger lui-même . Les Impossibilia, tels que nous les possédons.

¹ A. Pelzer, Le premier livre des « Reportata Parisiensia » ... (1924) ( 1924) , pp . 449-455 . 2 M. GRABMANN , Neu aufgefundene Werke ..., p . 16 ; Ph . DELHAYE, Siger de Brabant..., pp. 5-7. ³ Cf. ci-dessus , pp . 308 , q . 7 et 8 ; 310 , q . 12 ; 314 , q . 18 et 19 . ¹ Ibidem, pp. 168 , q . 7 ; 169, g . 9 ; 171 , q . 12 ; 172, q . 14 ; surtout 173 , q . 15 . 5 Quaestiones logicales , éd . MANDONNET, pp . 58 et 59. 6 Quaestio utrum haec sit vera..., éd . MandONNET , p . 66 .

ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

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aujourd'hui , semblent dus également à la plume de Siger, à en juger par la phrase initiale qui met en scène un sophiste , dans un but littéraire ¹ . Il est souvent malaisé de savoir si l'on se trouve en présence d'une simple reportation ou d'un texte revu , corrigé et authentiqué par le maître lui-même . A ce point de vue l'héritage littéraire de Siger compte trois précieux exemples de revisions ou de remaniements , dont l'étude est instructive : trois de ses écrits nous sont parvenus sous une double forme ou dans une double rédac tion : la Quaestio de aeternitate mundi (n° 7) , la Quaestio de necessitate et contingentia causarum (nº 18) et les Quaestiones in libros tres de anima (nº 14) . Pour le De aeternitate mundi, le problème des deux textes a déjà toute une histoire , d'ailleurs féconde , car elle met en relief l'extrême complexité de ces questions de critique littéraire . Deux thèses sont aujourd'hui en pré sence

d'après le P. Dwyer, qui confirme le jugement porté en 1908 par le

P. Mandonnet, les copies A, C et D dérivent d'une reportation , tandis que 2 le manuscrit B reproduit le texte revisé par Siger lui-même ; d'après M. Barsotti , suivi par le P. Pelster , la recension A-C-D représente l'œuvre per sonnelle de Siger et le texte B est une copie abrégée de A , due à un rédacteur distinct de Siger " . Il est bien difficile de prendre parti pour l'une ou l'autre de ces opinions . Un nouvel examen des documents nous porte plutôt à admettre , avec M. Barsotti et le P. Pelster , que A-C-D est un texte rédigé en vue de la publication : l'exposé est plus littéraire et mieux lié que celui de B. Par contre , il nous paraît difficile d'admettre que B soit une copie abrégée de A. Comment expliquer, dans ce cas , la substitution de la division en trois parties à la division primitive en quatre parties ? Comment rendre compte des nombreuses variantes, dans la structure des phrases , qui n'en traînent aucun raccourcissement du texte ? Si l'on renonce à la solution pro posée par le P. Dwyer, il faut revenir, semble-t-il, à l'idée primitive du P. Mandonnet et voir dans B la copie d'une reportation 4* . Dans son étude sur le De aeternitate mundi, le P. Dwyer reprend égale ment la comparaison amorcée en 1931 , par M. Stegmüller , entre les deux

1

¹ Cf. ci-dessus, p. 504, note 3. 2 W. J. DWYER, Le texte authentique... ( 1937) ; reproduit dans L'Opuscule de Siger... (1937) , pp . 3-25 . * R. BARSOTTI, Sigeri de Brabantia ... ( 1933) , p . 7 ; F. PELSTER, dans Theologische Revue, 1937 , col . 447-450, et dans Scholastik, 1940, p . 109. ¹ On trouverait peut-être dans ce fait l'origine du primo (Quaeritur primo utrum..., inci pit de B) , auquel le P. Pelster semble attacher une importance excessive (Theol. Revue, 1937 , col . 449 ) : la quaestio de aeternitate mundi a pu être la première d'une série de ques tions développées au cours d'une leçon ou d'une séance académique . Mais on peut égale ment supposer que le primo a été ajouté par un copiste à la fois trop zélé et superficiel , qui a vu , à tort, dans la première phrase de l'opuscule , l'énoncé de la première des trois ques tions qui y sont effectivement développées .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

exemplaires du De necessitate et contingentia causarum ¹ . Les résultats de cette collation sont très suggestifs et les conclusions du P. Dwyer semblent avoir rallié tous les suffrages : le texte du manuscrit de Lisbonne représente une reportation ; le manuscrit de Paris livre le texte définitif de Siger 2 . Quant à la double rédaction des Quaestiones de anima, nous en avons traité à l'occasion de l'édition de cet écrit 3. Dans un article antérieur , nous avions reproduit, en colonnes parallèles , les variantes les plus typiques des deux manuscrits 4. A notre sens , le manuscrit de Munich représente une simple reportation ; celui d'Oxford dérive probablement du texte authentique revisé ou rédigé par l'auteur . Ces conclusions ont été assez généralement admises par les critiques . Le P. E. Hocedez estime que les raisons apportées « sont acceptables , sans être décisives » . Par contre le P. F. Pelster incline à voir dans le texte de Munich, non pas une reportation , mais une rédaction intentionnellement abrégée et plus précise ; il reconnaît cependant qu'il faudrait avoir comparé les deux textes pour se prononcer 6. M. J. Koch ne voit pas que les remarques du P. Pelster soient fondées et il se rallie à l'interprétation que nous avons proposée ' . La double recension des Quaestiones in metaphysicam soulève des pro

¹ W. J. Dwyer, Le texte authentique..., pp . 60-66 ; L'opuscule de Siger..., pp . 19-25 . 2 D'après le P. Dwyer, le texte authentique du De aeternitate et celui du De necessitate sont conservés dans le même codex 16297 de Paris , le célèbre recueil scolaire composé par Godefroid de Fontaines entre 1270 et 1272 , lorsqu'il était étudiant à la Faculté des arts de Paris ; Godefroid les aurait reçus, l'un et l'autre , de Siger lui-même (Le texte authentique..., p. 65 ; L'opuscule de Siger..., p . 24) . Si , au contraire , on considère le texte B du De aeter nitate mundi comme une reportation , on sera porté à croire que la rédaction définitive n'existait pas encore au moment où Godefroid composa son recueil . * Ci-dessus, pp . 15-18 . -1 F. VAN STEENBERGHEN, Siger de Brabant d'après ses œuvres inédites ( 1930) , pp. 414-417. 5 Revue Néoscolastique de Philosophie, t. 33 , 1931 , p. 419. 6 Scholastik, t . 7, 1932 , p . 130. S Le P. Pelster est revenu sur la question récemment (Scholastik, t. 15, 1940, p . 109) . Il hésite à voir dans le texte d'Oxford la rédaction authen tique et il se demande si les deux textes ne sont pas des reportations différentes d'un même ces reportations auraient été retravaillées ensuite, peut-être même collationnées entre Nous avons dit pourquoi l'hypothèse de deux reportations d'un même cours nous elles. paraît inacceptable : certaines variantes semblent exiger l'intervention de l'auteur lui-même (ci-dessus, p . 17) . Nous accepterions plus facilement l'idée de deux exposés oraux différents . La publication intégrale du texte de Munich permettrait d'étudier de plus près la question ; il faudra sans doute s'y résoudre tôt ou tard. 7 Historisches Jahrbuch, t . 52 , 1932 , pp . 209-210 ; Philosophisches Jahrbuch, t. 46, 1933, M. Koch se demande si les questions 18 à 21 du livre I , absentes du manus pp. 112-113. crit d'Oxford, font bien partie de l'ouvrage : elles lui paraissent étrangères au contexte. Comme nous l'indiquons à la question 19 (ci-dessus, p. 53) , l'étude du corps sphérique est suggérée par le texte d'Aristote (De anima , I , 403 a 13-14) . Nous avons d'ailleurs trouvé un énoncé presque identique à celui de la question 19 dans un commentaire averroïste anonyme du Traité de l'âme : cf. F. VAN STEENBERGHEN , Un commentaire averroïste..., ( 1935) , p. 845.

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ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

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blèmes encore plus complexes, que dom Graiff exposera dans l'introduction à l'édition critique de cet écrit . Les conclusions auxquelles dom Graiff était arrivé dans sa dissertation doctorale peuvent être résumées de la manière suivante . Le texte de Munich et celui de Paris représentent tous deux des reportations . Celui de Munich est plus abondant , plus développé , mais il s'arrête au cours du livre V de la Métaphysique . Celui de Paris , plus concis et plus clair, s'étend jusqu'au chapitre 14 du livre VII ; par contre , il omet de nombreuses questions et tous les commentaires littéraux à l'exception de trois ; cette reportation est un autographe de Godefroid de Fontaines , qui 1 doit l'avoir rédigée à domicile d'après des notes prises en classe ¹. En résumé , sur les dix -neuf écrits qui forment actuellement l'héritage littéraire de Siger , deux au maximum sont des productions indépendantes de l'enseignement : le Compendium de generatione et corruptione (n° 11 ) et le Tractatus de anima intellectiva (n° 13) . Six autres écrits sont des reportations revues par l'auteur ou des rédactions faites par le maître à l'aide des notes dont il se servait pour enseigner

les Quaestiones logicales (nº 1 ) , la Quaestio

utrum haec sit vera ... (n° 2) , les Impossibilia (nº 3) , la Quaestio de aeternitate mundi (n° 7), probablement d'après la recension A- C-D , les Quaestiones in libros tres de anima (n ° 14 ) d'après la recension d'Oxford et la Quaestio de necessitate et contingentia causarum (n° 18 ) d'après la recension de Paris . Tout le reste représente probablement de simples reportations : le Sophisma (nº 4) , les Quaestiones naturales de Paris (n° 5) et celles de Lisbonne (nº 6) , la Quaestio de aeternitate mundi (n° 7) , probablement d'après la recension de Paris (B) , les Quaestiones in librum tertium de anima (n° 12) , la Quaestio de necessitate et contingentia causarum (nº 18 ) d'après la recension de Lis bonne, les Quaestiones morales (nº 19) , tous les commentaires de Munich et , sans doute, les Quaestiones in metaphysicam de Paris (n° 17) . Un bon nombre de ces reportations nous sont parvenues dans des manus ce sont celles qui sont contenues crits autographes des auditeurs de Siger dans les deux recueils scolaires de Paris (Nat . lat . 16.297) et de Munich (Clm 9559) . Le recueil de Paris renferme le De aeternitate mundi, les Quaes tiones in metaphysicam (I -VII ) , les Impossibilia et le De necessitate et con tingentia causarum . Le recueil de Munich contient les commentaires aristo téliciens . Il ne semble pas que ces textes aient été écrits en classe sous la dictée du maître ; ils ont été copiés à domicile d'après des notes de cours ou d'après une copie antérieure : la chose est certaine s'il s'agit de repor tations revues par le maître , comme c'est le cas pour les Impossibilia et pour le De necessitate dans le recueil de Godefroid de Fontaines ; mais même pour les autres pièces, il ne paraît guère possible de réaliser, sous la dictée

¹ C. A. GRAIFF, Sigeri de Brabantia..., pp. xxx-xxxv.

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d'un professeur, le travail d'écriture relativement soigné que l'on trouve dans ces recueils , surtout si l'on tient compte du manque de confort des locaux 1 scolaires à cette époque ¹ .

Structure littéraire des écrits de Siger

Les reportations n'offrent pas de base suffisante pour apprécier les talents littéraires d'un maître ; elles permettent tout au plus de se rendre compte de l'allure générale de sa pensée , de ses méthodes d'exposition et de ses tournures préférées . Seuls les quelques écrits rédigés par Siger lui-même , et en particulier son petit traité De anima intellectiva, offrent des spécimens authentiques de son style . La langue de Siger est sobre , claire et souvent tranchante , comme sa pensée ; mais elle semble ignorer tout souci d'élégance et toute recherche de formes classiques ; elle n'est que l'instrument de la pensée 2 La prédilection de Siger pour la forme scolastique de la quaestio a été soulignée dès l'Introduction de cet ouvrage 3. Il y recourt notamment dans ses commentaires aristotéliciens . C'était la méthode la plus courante de son temps à la Faculté des arts : ainsi , dès avant 1250 , Roger Bacon , alors maître 4 ; Pierre d'Auvergne , le contem

séculier, expose Aristote de cette manière

porain de Siger, ne procède pas autrement ; plusieurs commentaires du Traité de l'âme , datant des environs de 1300 , se présentent sous la même 6 forme et l'on pourrait multiplier les exemples " .

¹ M. Delhaye estime cependant que le début des Questions sur la Physique (fol . 18 à 22rb) pourrait avoir été écrit pendant les leçons, puis complété et corrigé à domicile . Cf. Ph . Delhaye, Siger de Brabant..., p . 6. Mlle Aron décrit de la manière suivante les classes de philosophie aux environs de 1220 : « Les écoles de sciences libérales étaient installées la plupart non loin des rives de la Seine , aux alentours du Petit-Pont, ou dans la rue du Feurre ou du Fouarre , ainsi dénommée à cause de la vente qui s'y faisait de la paille et du foin qui fournissaient aux auditeurs des écoles la litière sur laquelle ils s'entassaient, accroupis . Les maisons, en effet , étaient étroites et le mobilier peu fourni » . M. Aron , Un animateur de la jeunesse au XIIIe siècle ( 1930) , p . 23. Pour apprécier le style de Siger , il y a lieu de se rappeler que les textes édités par le P. Mandonnet sont souvent défectueux ; la ponctuation , entre autres , est déroutante . Ces défauts sont attribuables tantôt aux manuscrits, tantôt à l'éditeur. 3 Ci-dessus, pp. 6-7. ¹ Opera hactenus inedita Rogeri Baconi, fasc . VII à XIII . 5 E. HOCEDEZ , Les Quaestiones in Metaphysicam de Pierre d'Auvergne ( 1932) . 6 M. GRABMANN, Studien über den Averroisten Taddeo da Parma ( 1930) ; F. VAN STEEN BERGHEN, Un commentaire averroïste... ( 1935) . 7 * Sur la méthode et la technique des commentaires aristotéliciens du moyen âge, cf. M. GRABMANN, Methoden und Hilfsmittel des Aristotelesstudiums im Mittelalter ( 1939) , III . Die

ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

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Cependant Siger ne délaisse pas complètement la méthode du commen taire littéral . Il y recourt dans son Compendium super librum de generatione et corruptione. Il la combine avec la méthode des questions dans son com mentaire sur la Métaphysique on peut s'en rendre compte en parcourant le résumé que nous avons donné de cet écrit ' . Enfin , dans les Quaestiones in libros tres de anima , deux brefs commenta sont perdus au milieu des ques tions du livre III dans le manuscrit d'Oxford

; le P. Pelster estime qu'il

s'agit de deux fragments oubliés, appartenant à un commentaire littéral pri mitivement mêlé aux questions " ; de son côté , M. De Corte a mis en relief l'analogie textuelle de ces deux commenta avec les passages correspondants du commentaire de saint Thomas sur le Traité de l'âme ¹ . Ce qui demeure énigmatique , c'est qu'aucun des deux commenta ne se trouve à sa place par rapport aux questions . Mais l'emprunt à saint Thomas ne paraît pas douteux . Dans ses commentaires sous forme de questions , Siger ne prétend pas épuiser le texte du Philosophe : il s'arrête à certains passages et laisse de côté des sections parfois considérables de l'exposé d'Aristote ; autour des passages choisis, il groupe les problèmes qu'il juge intéressants ; assez sou vent , ces problèmes n'ont qu'un rapport lointain avec le texte du Stagirite et la question soulevée par Siger fait figure de digression plutôt que de commentaire . Ce procédé permet évidemment de traiter, à l'occasion de la lettre d'Aristote , tous les thèmes favoris de l'époque 5 .

Œuvres perdues de Siger de Brabant

Au terme de cette étude sur les œuvres authentiques de Siger de Brabant, il n'est pas inutile de rappeler que notre catalogue de ses écrits est certaine ment incomplet . L'existence d'ouvrages aujourd'hui perdus est attestée par des textes dignes de foi et le P. Mandonnet a tenté autrefois d'établir la

geschichtliche Entwicklung der lateinischen Aristoteleskommentare nach ihrer Methode und Technik (pp. 17-53) . L'auteur montre que , vers le milieu du XIIIe siècle, la méthode des ques tions tend à se substituer à celle du commentaire littéral et à la méthode combinée (pp. 34-36) . Les deux méthodes continuent cependant à être représentées dans la littérature philosophique du XIVe et du XVe siècle (pp . 48-53) . Sur Siger de Brabant, voir pp . 36-38. 1 Ci-dessus, pp . 294-332 . " Ci-dessus, pp . 125 et 128 . ³ Scholastik, t. 7 , 1932, p . 130 . * Revue de Philosophie, t . 32, 1932 , pp . 596-598 . 5 On peut aisément se rendre compte de la méthode adoptée par Siger en étudiant la table des questions du récent volume publié par M. Ph . DELHAYE , Siger de Brabant.... pp. 237-241 .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

1 liste de ces œuvres non retrouvées jusqu'ici ¹ . On peut en retenir les deux compositions suivantes : 1. Un rescriptum sur la nature des universaux . Siger y renvoie à deux reprises dans ses Quaestiones logicales et en rappelle l'incipit : Significatum est nobis nonnullos doctores 2. 2. Un commentaire sur la Politique d'Aristote . L'existence de cet écrit , au moins sous forme de reportations , est attestée par ce témoignage explicite de Pierre Dubois : Ad hec facit id quod super Polytica Aristotelis determi navit precellentissimus doctor philosophie , cujus eram tunc discipulus, ma gister Segerus de Brabantia, videlicet quod longe melius est civitatem regi 3 legibus rectis quam probis viris ³ . Les autres indications relevées par le P. Mandonnet ne semblent pas devoir être retenues . La référence du De aeternitate mundi à un commentaire de Siger Super tertium de anima peut fort bien viser les questions du manus crit 292 de Merton College (n° 12 de notre catalogue) , dans lesquelles le pro blème de l'abstraction est étudié ex professo ; c'est à cette manière de voir 4 que le P. Dwyer se rallie dans son édition du De aeternitate mundi ¹ . Quant à l'allusion vague (de hoc alibi dictum est) qu'on lit dans la Quaestio utrum haec sit vera " , elle semble se rapporter aux Quaestiones logicales ; elle peut aussi viser le rescriptum sur la nature des universaux , puisqu'il s'agit du même problème ; cette référence imprécise n'autorise donc pas à affirmer

¹ P. MANDONNET, Siger ", t . I , pp . 140-141 . 2 " P. MANDONNET, Siger 2 , t. II , pp . 56 et 57. ³ Pierre DUBOIS , De recuperatione Terre sancte, éd . LANGLOIS ( 1891 ) , pp . 121-122. La thèse à laquelle Pierre Dubois fait allusion est défendue par Aristote vers la fin du livre III de la Politique ; saint Thomas en traite à la XIVe leçon de son commentaire . Le ms. 482 de la Bibliothèque communale de Bruges contient une série de commentaires anonymes, parmi lesquels Quaedam expositiones supra libros politicorum et ethicorum ; le commentaire sur la Politique occupe les folios 1 à 38 " . Dans son catalogue de 1859 , Laude écrivait à propos de ce codex : « Ces commentaires sur les œuvres d'Aristote pourraient bien être de Siger de Courtrai , qui était professeur à l'université de Paris au XIIIe siècle » (P. J. LAUDE, Catalogue..., p . 419) . Les derniers mots de la phrase prouvent que Laude visait, en réalité, Siger de Brabant (régulièrement confondu , à cette époque, avec Siger de Courtrai) ; G. WALLERAND (Les œuvres de Siger de Courtrai, p . 20 ) estimait qu ' « aucun élément sérieux ne permet d'attribuer ces œuvres à Siger (de Courtrai) » . Faut-il songer à Siger de Brabant ? Les événements actuels nous ont empêché de prendre connaissance du manuscrit. 1 ¹ W. J. DWYER, L'opuscule de Siger..., p . 37. — Il ne nous paraît pas douteux qu'il s'agit d'une référence à un Commentaire : l'expression super tertium de anima ne peut avoir d'autre sens et elle est d'un emploi courant au XIIIe siècle. Les remarques du P. Mandonnet en sens contraire (Siger², t. I , p . 313, dernier alinéa) nous semblent dépourvues de toute valeur. 5 P. MANDONNET, Siger ", t. II , p . 67 .

ARTICLE PREMIER : AUTHENTICITE DES ECRITS DE SIGER

535

l'existence d'un écrit distinct . Il en est de même pour une autre citation vague qui se lit un peu plus loin dans la même Quaestio (sicut alias diximus ¹ ) . Un problème plus complexe et plus délicat est soulevé par des textes de Jean Baconthorp , auxquels nous devrons revenir bientôt et qui sont corro borés par le témoignage analogue de Gilles de Rome . L'attention a été attirée sur ces passages des Quodlibets de Baconthorp par l'important article du P. Chossat " . Comme ce dernier l'a établi , le maître carme utilise manifestement un écrit de Siger distinct du De anima intellectiva et de toutes les œuvres publiées par Mandonnet . Dans cet écrit , Siger soutient des thèses très différentes de celles qu'il défend dans le De anima intellectiva , et ces thèses semblent visées par saint Thomas dans le De unitate intellectus . Quel est cet écrit ? Le P. Chossat hésite à y voir un commentaire sur le Traité de l'âme : la chose est probable , dit-il , mais non certaine 3. Cette hésitation paraît peu fondée , car on ne voit guère le moyen d'interpréter les mots in isto secundo , s'ils ne sont pas tirés d'un commentaire sur le deuxième livre du Traité de l'âme ; or ces mots ne peuvent être de Baconthorp , qui n'écrit pas un com mentaire , mais qui rédige son Quodlibet ; dès lors ils font partie du texte de 4 Siger cité par Baconthorp . Siger est donc , selon toute vraisemblance , l'auteur d'un commentaire sur le Traité de l'âme , livre II , qui est évidemment distinct des Quaestiones in libros tres de anima (n° 14) , car les doctrines critiquées par Baconthorp ne s'y rencontrent d'aucune manière . Les Quaestiones super tertium de anima (n° 12) seraient-elles un fragment

de ce commentaire perdu ? Nous ne le pensons pas . D'abord , ces questions semblent former un tout complet : c'est un petit traité sur l'intelligence , divisé en quatre chapitres ; nulle part il n'y est fait allusion à des questions précé dentes sur les livres I et II du Traité de l'âme . Ensuite la doctrine visée par Baconthorp , sans être strictement incompatible avec celle de ces questions , n'y apparaît nulle part : Siger n'y distingue jamais l'intellectus vere sumptus et l'intellectus passivus, il ne traite que du premier et ne semble pas laisser de place au second ".

¹ P. MANDONNET, Siger ", t. II , p . 69. 2 M. CHOSSAT, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant ( 1914) . 3 ³ Ibidem, p. 562. Voici le passage essentiel de Baconthorp : Si autem loquamur de intellectu in quo Philosophus ponit intellectum possibilem immaterialem, quem proprie vocamus animam intel lectivam in nobis, sic non probat Philosophus, ut dicit, in isto II°, quod anima intellectiva sit forma hominis. Puis viennent deux citations du livre II du Traité de l'âme (Quodl. , I , qu . 1 ; Venise, 1527) . – A notre sens, ut dicit se rapporte à Siger ; in isto IIº dépend de non probat Philosophus et fait partie du texte de Siger. 5 Baconthorp s'exprime comme suit : Sequitur de secunda conclusione, quam pono contra quemdam doctorem Syrigerium , qui concedit Aristotelem velle intellectum esse formam nostri

536

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

Il semble donc que les textes de Jean Baconthorp révèlent l'existence d'un commentaire de Siger sur le Traité de l'âme , distinct de ceux que nous possédons et antérieur à 1270.

} ARTICLE II

CHRONOLOGIE

DES

ÉCRITS

DE

SIGER

A l'aide des indications très sommaires que fournissent les sources histo riques , nous devons tenter d'établir la chronologie ,

au moins relative et

approximative , des écrits de Siger . Les difficultés de l'entreprise sont consi dérables . Elles sont dues, non seulement au manque de renseignements posi tifs directs , mais à l'incertitude qui entoure encore la chronologie des con temporains de Siger . Il faut regretter , à ce propos , que certains travaux historiques aboutissent à augmenter la confusion qui règne en ce domaine , du fait qu'ils mêlent sans discernement les conclusions probables et les con jectures, aux données les plus sûres fournies par les sources et aux con clusions solides de la critique ; le P. Mandonnet lui -même a présenté comme faits acquis des conjectures dont plusieurs doivent être définitivement écartées . Il est donc nécessaire d'instituer une revision générale des conclusions. historiques assez communément reçues, en partant de points de repère indis cutables .

Points de repère

Une série de données chronologiques importantes pour notre sujet est livrée par le Chartularium Universitatis Parisiensis . Plusieurs des traductions de Guillaume de Moerbeke sont datées d'une manière très précise et consti tuent de ce fait des points de repère précieux . D'autres données chronolo giques sont empruntées aux annotations de manuscrits de l'époque , aux sources primitives de la vie d'Albert le Grand , de Bonaventure, de Thomas d'Aquin ou d'autres contemporains de Siger, aux archives des Ordres men

vere informantem nos, sed dicit quod Aristoteles non loquitur de intellectu vere sumpto. Unde dicit quod secundum Aristotelem intellectus est forma hominis intelligendo hoc de intellectu passivo, de quo III° de anima : « Passivus intellectus corruptibilis est, et sine hoc nihil tenetur » ; et iste intellectus est vis imaginativa , ut ibidem dicit Commentator, com. 20, ibi : « dissolutio quaestionis » ; et in fine commenti dicit Commentator quod per istum intel lectum differt homo ab aliis animantibus. Si autem loquamur... (etc. , voir note précédente) .

ARTICLE II : CHRONOLOGIE DES ECRITS DE SIGER

537

diants, aux écrits de scolastiques postérieurs ; quelques renseignements pré cieux sont tirés des sources de l'histoire générale du XIII° siècle . En réunissant ces diverses données, on peut reconstituer de la manière suivante les cadres chronologiques solides dans lesquels s'insère la carrière professorale de Siger . C'est pendant le séjour de saint Thomas en Italie , de 1259 à 1268 , que maître Siger de Brabant entre en scène pour la première fois , à la date du 27 août 1266 : Il est accusé comme fauteur de troubles , dans l'ordination du légat pontifical Simon de Brion (le futur pape Martin IV) , chargé de rétablir 1 la paix au sein de la Faculté des arts de Paris ¹ . Siger est donc maître ès arts dès cette époque . L'année suivante ( 1267) , saint Bonaventure se trouve à Paris,

où ses

fonctions de Ministre général le rappellent fréquemment , et il donne pendant le carême , au couvent des Mineurs , une série de conférences spirituelles sur le Décalogue . Ces conférences , recueillies sous le nom de Collationes de decem praeceptis , contiennent des allusions aux erreurs qui se propagent à l'Université et qui seront condamnées en 1270. En 1268 , nouveau carême prêché par saint Bonaventure : les Collationes de donis Spiritus sancti ; nou velles allusions aux méfaits de la philosophie payenne 2. Au mois de mai 1269 , on retrouve Thomas d'Aquin à Paris , au chapitre général de son Ordre . Depuis quand est-il revenu ? On ne peut le déterminer avec précision : il passe de Rome à Viterbe vers la fin de 1267 , quitte très probablement Viterbe vers le 20 novembre 1268 et arrive à Paris vraisem blablement en janvier 1269 ³ . Il y demeurera jusqu'en 1272. Parmi les nom breux écrits qui appartiennent à ce dernier séjour parisien, deux sont datés avec une assez grande précision : le Quodlibet III est des environs de Pâques 1270 et le Quodlibet V, des environs de Noël 1271 +. Le 10 décembre

1270 est une date capitale pour l'histoire de Siger :

l'évêque de Paris , Etienne Tempier, condamne treize propositions erronées , inspirées de la philosophie payenne » . Bientôt les troubles renaissent à la Faculté des arts et l'élection du recteur, le 25 mars 1272 , est l'occasion d'une nouvelle scission ; Siger de er Brabant est le chef de la minorité dissidente . Le 1 avril , la majorité , ortho doxe et conservatrice , promulgue un règlement qui vise à réprimer toute 6 témérité et toute imprudence dans l'enseignement philosophique ".

H. DENIFLE, Chartularium ….., I , pp . 449-457 . " JULES D'ALBI, Saint Bonaventure ... ( 1923 ) ; P. GLORIEUX, La date des « Collationes » de saint Bonaventure ( 1929) . 3 P. MANDONNET, Thomas d'Aquin lecteur à la Curie romaine ( 1925) . ' M. GRABMANN, Die Werke des hl. Thomas von Aquin ( 1931 ) , pp . 283-284. * H. DENIFLE , Chartularium ..., I , pp . 486-487 , nº 432 . Ibidem , pp . 499-500 ; P. MANDONNET, Siger ", t. I, pp. 198-203 .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

Saint Thomas quitte Paris en 1272 , sans doute à la fin de l'année sco laire ¹ . Il inaugure son enseignement à Naples au cours de l'automne suivant. Saint Bonaventure reparaît à Paris en 1273 et prêche , de Pâques à la Pentecôte , une troisième série de conférences, consacrées à l'exégèse du récit de la création dans la Genèse . Ces Collationes in Hexaemeron reflètent d'une manière intéressante la situation déplorable des milieux universitaires parisiens ; l'aristotélisme hétérodoxe est visé très nettement 2 . L'année 1274 , qui est celle du concile œcuménique de Lyon , est marquée par la mort de saint Thomas et par celle de saint Bonaventure : le premier succombe le 7 mars , en route vers Lyon ; le second s'éteint à Lyon même , le 15 juillet, peu de temps après la clôture des travaux du concile . Le 2 mai de la même année , les maîtres de la Faculté des arts de Paris , vivement émus à la nouvelle de la disparition inopinée de Thomas d'Aquin , dont la réputation philosophique était considérable , envoient au chapitre général des Frères Prêcheurs, qui se tient à ce moment à Lyon, une lettre de condo léances en même temps qu'une pétition : la Faculté désire recevoir les der niers écrits du défunt et elle forme le vœu de voir sa dépouille mortelle revenir dans la cité universitaire que son génie a illustrée "3 . Le 7 mai 1275 , un acte d'arbitrage du légat Simon de Brion , qui était déjà intervenu en 1266 , rétablit l'unité et la paix à la Faculté des arts , divisée depuis 1272. Le légat désigne lui-même comme recteur Pierre d'Auvergne ; il stigmatise l'attitude des partisans de Siger et menace de châtiments exem plaires ceux qui troubleraient dans la suite l'union restaurée , mais il ne forB mule aucune prohibition ou condamnation de caractère doctrinal . Le 5 dé cembre de la même année 1275 , une ordination de la Faculté tend à réprimer les abus d'ordre disciplinaire qui sévissent dans le monde des artiens , mais , cette fois encore , le règlement est sans portée doctrinale . Il en va tout autrement l'année suivante , au cours de laquelle la situation des maîtres suspects se gâte visiblement . Le 2 septembre 1276 , un décret émanant de l'Université (et non plus seulement de la Faculté des arts) interdit l'enseignement dans des locaux privés : exception faite pour les matières inoffensives que sont la logique et la grammaire , les leçons devront se donner dans des locaux publics, accessibles à tous , de telle manière qu'elles n'échappent pas au contrôle de l'opinion et de l'autorité. Les théologiens sont de nouveau alertés ; les conséquences ne se feront pas attendre . Le 6 décembre 1276 , nouveau décret disciplinaire du légat .

¹ P. MANDONNET, Siger 2 , t. I , p . 203 , corrigé par P. SYNAVE, dans la Revue thomiste de 1926, p . 159. 2 JULES D'ALBI, Saint Bonaventure... ( 1923) ; P. GLORIEUX, La date des « Collationes » ….. ( 1929) . A. BIRKENMAJER, Der Brief der Pariser Artistenfakultät... ( 1922) .

ARTICLE II : CHRONOLOGIE DES ECRITS DE SIGER

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Bientôt les événements se précipitent . Pierre d'Espagne , qui avait enseigné à la Faculté des arts de Paris vers le milieu du siècle , occupe le trône pontifical depuis le 8 septembre 1276 sous le nom de Jean XXI . Le -18 janvier 1277 , le pape demande à l'évêque de Paris une enquête et un rapport sur les erreurs qui , d'après une grave relation parvenue à la curie , se propagent à nouveau dans les écoles de Paris. Tempier , toujours impétueux , fait dresser d'urgence une liste de propositions erronées et dès le 7 mars 1277, trois ans, jour pour jour , après la mort de Thomas d'Aquin , il publie un syllabus de 219 propositions condamnées . Cet acte inconsidéré , inspiré par les théologiens réactionnaires , vise le mouvement aristotélicien tout entier , y compris le thomisme . Onze jours plus tard , le 18 mars , Robert Kilwardby, archevêque de Cantorbéry, condamne à son tour une série de 30 propositions , dont plusieurs atteignent la doctrine de Thomas d'Aquin . Les mesures prises par Tempier ne semblent pas avoir déplu au pape , puisque le 28 avril 1277 ce dernier fulmine une seconde bulle , ordonnant à l'évêque de procéder à une nouvelle épuration de l'enseignement , tam in artibus quam in theologica . Le 20 mai Jean XXI meurt et le siège pontifical demeure vacant jusqu'en novembre . Tempier songe à étendre à Paris la pro hibition portée pour l'Université d'Oxford par son collègue de Cantorbéry : les thèses thomistes y étaient réprouvées d'une manière beaucoup plus expli cite que dans la condamnation du 7 mars . C'est probablement devant cette situation menaçante , et en tout cas au cours de 1277 , qu'Albert le Grand entreprend un dernier voyage de Cologne à Paris , pour y défendre l'ortho doxie et la mémoire de son illustre disciple Thomas d'Aquin . Bientôt les cardinaux qui dirigent la curie pendant la vacance du trône , donnent à Tempier l'ordre de surseoir à de nouvelles condamnations et d'attendre des directives . Le décret du 7 mars atteignait de nombreuses personnalités universitaires . Il semble avoir provoqué la citation de Siger de Brabant et de Bernier de Nivelles au tribunal de l'inquisiteur de France , Simon du Val . Du texte de cet acte judiciaire , daté du 23 novembre 1277¹ , il semble résulter que les accusés ont déjà pris la fuite et ne se trouvent plus sur le territoire du royaume. Le surlendemain , 25 novembre , Jean XXI reçoit un successeur en la personne de Nicolas III , qui règnera jusqu'en 1280 2 .

' Comme l'a déjà relevé BAEUMKER (Zur Beurteilung Sigers ..., p . 191 , note 3) , la fête de saint Clément tombe le 23 novembre et non le 24. Il est donc inutile de faire intervenir les premières vêpres pour rendre compte de la date de la citation , comme le fait MANDONNET (Siger², t. I , p. 255 , note) . Aux pages 254 et 260 , Mandonnet écrit par distraction 23 octobre au lieu de 23 novembre . 2 Sur les événements que nous venons de rappeler ( 1275-1277) , voir H. DENIFLE, Chartu larium ..., I , pp. 520-560 ; P. MANDONNET , Siger ", t . I , pp . 208-261 ; A CALLEBAUT, Jean

Pecham, O. F. M. et l'augustinisme ( 1925) , pp . 456-465.

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DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

Les dernières années de la vie de Siger sont pleines d'obscurité . La seule date certaine , mais approximative , est celle de sa mort, qui survient à Orvieto, siège temporaire de la curie papale , pendant le pontificat de Martin IV ( 1281-1285 ) . L'événement est antérieur à 1285 , car il est attesté par une lettre de Jean Pecham, datée du 10 novembre 1284 1¹. Telles sont les données chronologiques fermes sur lesquelles devront s'appuyer nos recherches ultérieures 2. Avant d'aborder le problème de la chronologie des écrits de Siger, nous allons essayer de compléter ces points. de repère par une enquête préalable portant sur la chronologie des œuvres de saint Thomas.

Chronologie des écrits de saint Thomas

Les problèmes philosophiques et théologiques soulevés par la pénétration de l'aristotélisme et du néoplatonisme dans le monde chrétien ont préoccupé saint Thomas pendant tout le cours de sa carrière . Or son activité littéraire (1252-1274) est à peu près contemporaine de celle de Siger (vers 1265-1277) , que le maître dominicain rencontra à Paris, au moins pendant son dernier séjour ( 1269-1272) , et avec qui il entra ouvertement en conflit à cette époque . Les écrits de saint Thomas constituent donc un élément de comparaison précieux, comme témoins de l'évolution du mouvement philosophique hété rodoxe ; élément vraiment indispensable , car les données relatives à la chro nologie de saint Thomas sont beaucoup plus nombreuses que celles dont on dispose pour Siger. Malheureusement la date de tous les écrits de saint Tho mas ne peut pas être fixée avec certitude et , sur quelques points, des diver gences de vues considérables subsistent entre les spécialistes de ces pro blèmes . La table qu'on va lire indique , pour les écrits qui intéressent plus ou moins directement notre sujet, la chronologie à laquelle nous nous sommes arrêté. Dans le commentaire qui suit, on trouvera la justification de ce choix quant aux ouvrages dont la date est encore contestée aujourd'hui ; les titres de ces écrits sont imprimés en italiques dans la table 3" .

¹ Sur les dernières années de Siger, voir P. MANDONNET, Siger , t. I , pp . 262-286. 2 Ces données seront reprises dans la table qui résumera, à la fin de ce volume , nos conclusions d'ordre chronologique . On trouve une bibliographie sommaire du sujet dans l'article récent du P. A. Walz , Chronotaxis vitae et operum S. Thomae de Aquino ( 1939) . Cf. aussi J. HOOGVELD, Inleiding tot leven en leer van S. Thomas van Aquino 3³ ( 1939) , pp . 15-42 . Il y a lieu de déplorer l'absence d'une biographie critique de saint Thomas, dans laquelle seraient groupés les résul tats des centaines de travaux disséminés dans les recueils les plus divers.

ARTICLE II : CHRONOLOGIE DES ECRITS DE SIGER



Scriptum super Sententiis . De ente et essentia. Quaestiones disputatae de veritate . Quaestiones quodlibetales VII à XI. Summa contra Gentiles. Commentarium in libros II et III de anima. Quaestiones disputatae de potentia. Summa theologica , la pars . Commentarium in Metaphysicam. Quaestiones disputatae de spiritualibus creaturis. Quaestiones disputatae de anima. Commentarium in Physicam. Commentarium in librum I de anima. Commentarium in librum de causis. Quodlibetum 1 . Quaestiones disputatae de malo. Quodlibetum II. Quodlibetum III . De unitate intellectus. Quodlibetum XII . De aeternitate mundi. Summa theologica, la Ilae partis. Quodlibetum IV. Quaestiones disputatae de virtutibus. Quodlibetum V. Summa theologica , IIa Ilae partis. Quodlibetum VI. Quaestio disputata de unione Verbi . De substantiis separatis. Summa theologica , IIIa pars. Commentaria in libros de Caelo , de Generatione, de Meteoris.

Le Commentaire sur les Sentences est communément rattaché aux années 1254-1256, mais ces dates doivent être rectifiées pour les motifs suivants. Saint Thomas a obtenu la licentia docendi avant mars 1256 , puisque , dans sa lettre du 3 mars 1256 , Alexandre IV loue le chancelier Hémeric de la lui 1 avoir conférée ; il devait donc avoir terminé en 1255 son stage comme bachelier sententiaire ; le P. Pelster estime qu'une année suffit pour le bacca lauréat biblique ( 1252-1253 ) et que Thomas a lu les Sentences de 1253 à 1255 ². D'autre part, le P. Motte a établi que la rédaction du IV livre des Sentences est postérieure au Quodlibet VII , mais antérieure au De veritate , qu . 8 ; elle se place donc, selon toute vraisemblance , entre Noël 1256 et mai 1257 ³ . Le Commentaire sur les Sentences a donc été composé entre 1253 et 1257.

' H. DENIFLE, Chartularium ..., I , p . 307 , nº 270 . * Scholastik, 1940 ( 15) , p . 109 . ³ Notes et communications du Bulletin thomiste, 1931-1933 ( 1 ) , pp . 29*-45* et 49*-61 * . La difficulté que le P. Motte aperçoit (p . 61 *) dans la courte durée qui est laissée pour la rédaction

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1253-1257 . 1254-1256 . 1256-1259 1256-1259 . 1258-1264 . 1264-1268 • 1265-1268 1266-1268 1266-1272 . 1268 (fin) • 1269 (début) • 1269-1271 . 1269-1273 . 1269-1273 . 1269 (Pâques) 1269-1271 . 1269 (Noël) 1270 (Pâques) 1270 . 1270 (Noël ) 1271 . 1271 . 1271 (Pâques) 1271-1272 . 1271 (Noël) 1271-1272 . 1272 (Pâques) 1272 .. 1272 ou 1273 1272-1273 . 1272-1273 .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

La chronologie des Quodlibets VII à XI est encore discutée . Le P. Man donnet les fixait à Paris , de 1256 à 1259. Mgr Grabmann les rattache à l'en seignement romain de saint Thomas, de 1265 à 1267. De P. Pelster les répartit comme suit : VII et VIII à Paris , 1256-1259 ; IX en Italie , 1260-1265 ; X et XI à Naples, 1272-1273 (de même que XII ) . M. Glorieux revient à la position du P. Mandonnet , tandis que le P. Walz adopte celle de Mgr Grabmann. D'autres critiques (Destrez , Synave , Castagnoli , etc. ) ont adhéré à l'une ou 1 l'autre de ces opinions avec des nuances diverses ¹ . Nous ne pouvons entreprendre ici une étude nouvelle de ce problème complexe , d'autant plus que nous n'aurons guère l'occasion de faire usage de ce groupe de questions quodlibétiques . Nous nous en tiendrons donc à la manière de voir aujourd'hui la plus commune , qui nous paraît la plus fondée et que M. Glorieux , le spécialiste bien connu de la littérature quodlibétique , résume en ces termes : « Pour ce qui est des Quodl . VII - XI , il ne doit plus être question désormais de « groupe italien » comme on l'avait cru et dit longtemps sur la foi de Nicolas Trivet . Son indication est erronée , car ces Quodlibets sont à attribuer au premier enseignement parisien de saint Tho mas, encore que leurs dates soient difficiles à fixer avec précision » ² . Une remarque encore à propos des suggestions du P. Pelster . Après avoir démontré que le Quodlibet IX est antérieur à la Somme théologique et au De potentia, mais postérieur au début du De veritate (qu . 8) , le critique allemand s'efforce de préciser ses conclusions et d'établir que ce Quodlibet a été composé en Italie , après la Somme contre les Gentils ; il s'appuie , pour ce faire, sur l'évolution de la pensée de saint Thomas dans la question de la possibilité d'une multitude infinie en acte " . Nous montrerons bientôt , à propos de la date du De aeternitate mundi, que le raisonnement de l'auteur n'est pas contraignant et que l'argument de critique interne doit être manié

du volumineux livre IV des Sentences et pour l'évolution des idées qu'il manifeste par rapport au Quodlibet VII , ne nous paraît pas considérable . Comme l'auteur l'observe lui-même, la rédaction a dû se faire d'après des notes manuscrites déjà existantes ; quant à la mise au point des idées , on sait que la pensée se précise souvent d'une manière surprenante à la suite d'un exposé oral et surtout à la suite d'une discussion ; le travail de rédaction produit, lui aussi, un effet analogue. On peut également, comme le suggère le P. Motte , faire remonter le Quodlibet VII à Noël 1255. La difficulté qu'il soulève contre cette hypothèse est inexistante , si saint Thomas a reçu la licentia docendi vers la fin de 1255 , ce qui est assez probable , puisque le pape en était averti au début de mars 1256. ¹ Cf. Bulletin thomiste, 1930 (7 ) , pp . 113-122 ; M. GRABMANN, Die Werke... ( 1931 ) , pp . 282-284 ; P. GLORIEUX , La littérature quodlibétique, II ( 1935) , p . 272 ; J. HOOGVELD, In leiding... ( 1939) , pp . 26-29 ; P. A. Walz, Chronotaxis... ( 1939) , pp . 467 et 471 ; F. Pelster dans Scholastik, 1940 , p . 109. Dom Lottin confirme la date de Pâques 1258 pour le Quod libet IX : cf. O LOTTIN , Psychologie et morale..., I ( 1942) , p . 418 , note 3. 2 P. GLORIEUX , La littérature quodlibétique, II ( 1935) , p . 272. Gregorianum, 1929 ( 10) , pp. 399-403.

ARTICLE II : CHRONOLOGIE DES ECRITS DE SIGER

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avec beaucoup de réserve ; en l'absence de preuves péremptoires , seule la convergence de nombreux indices, relevés à la suite de collations de textes portant sur plusieurs thèmes différents , peut engendrer une conclusion solide . Une étude de M. De Corte , complétée par une note du P. Salman , a jeté une clarté nouvelle sur la chronologie du Commentarium in libros de anima ' . Le premier livre , qui est le fruit d'une reportation de Raynald de Piperno, utilise abondamment le De anima de Thémistius , traduit selon toute vraisemblance par Guillaume de Moerbeke , dans la seconde moitié de 1268 2 : ce premier livre est donc postérieur à 1268. Les livres II et III , au contraire , ne font aucune mention de la paraphrase de Thémistius, malgré les multiples occasions qui se présentaient d'y recourir : ils sont donc antérieurs à 1268 ; du fait qu'ils renvoient à la traduction du De generatione animalium, il faut 3 les placer après 1260 ³ . Nous croyons que le terminus a quo doit être reporté vers 1264 , c'est à-dire après la composition de la Summa contra Gentiles , en raison de l'im portante allusion qui se lit vers la fin de la lectio VII du livre III : Sunt autem plura alia quae contra hanc positionem dici possunt, quae alibi dili gentius pertractavimus . Ce texte ne peut viser que la Somme contre les Gentils (livre II , ch . 59 à 73) ou le De unitate, qui contiennent tous deux une longue réfutation de l'erreur averroïste . Le De unitate étant postérieur à 1268 , seule la Somme peut entrer en considération ici . Le P. Pelster voudrait préciser davantage : il estime que le commentaire sur le Traité de l'âme a sans doute été commencé après le début des com mentaires sur la Physique et sur la Métaphysique ; et puisqu'il fixe la com position du commentaire sur la Physique vers 1267-1270, le commentaire du Traité de l'âme devrait être situé vers 1268 4. La chose est fort possible , mais l'argument mis en avant nous paraît sans valeur : dès le début de son com

¹ M. DE CORTE, Thémistius et saint Thomas d'Aquin ( 1933) ; D. SALMAN, Bulletin_tho miste, 1933 ( 10) , pp . [ 1014 ] - [ 1020 ] . " M. De Corte s'appuie ici sur l'autorité de M. A. Birkenmajer . Celui-ci considère comme extrêmement probable que Guillaume de Moerbeke a traduit le De anima de Thémistius en 1268, après l'Elementatio theologica de Proclus (achevée le 18 mai) et avant le De anima de Jean Philopon (achevé le 17 décembre) . Cf. Philosophisches Jahrbuch, 1930 (43) , p . 397. M L'opinion de M. Birkenmajer a pour elle toutes les vraisemblances, puisqu'il semble bien établi que saint Thomas n'a pas connu la paraphrase de Thémistius avant 1270 : voyez DE CORTE et SALMAN , aux endroits indiqués dans la note précédente. * M. De Corte affirme que la traduction du De generatione animalium a été terminée à la fin de 1259 (Thémistius ..., p. 72) ; le P. Pelster (Scholastik, 1940 , p . 109) rappelle que cette traduction date de la fin de 1260 , et non de 1259. Ma On peut faire observer, en outre, que c'est la traduction du De partibus animalium qui a été achevée à Thèbes le 23 décembre 1260 (M. GRABMANN , Forschungen ..., pp . 187-188) ; la traduction du De generatione animalium, qui fait suite au De partibus, est sans doute légèrement postérieure . ¹ Gregorianum, 1936 ( 17) , pp . 395-396 .

1

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mentaire sur le Traité de l'âme , remarque le P. Pelster, saint Thomas se sert du texte revisé par Guillaume de Moerbeke , ce qui n'est pas le cas pour la Physique et la Métaphysique, où saint Thomas utilise encore , au début, la vetus translatio ¹ .

Ce fait n'autorise aucune conclusion d'ordre chrono

logique, car toutes sortes de circonstances ont pu déterminer saint Thomas à utiliser la translatio nova du Traité de l'âme plus tôt que celle de la Phy sique ou de la Métaphysique ². La chronologie des Quaestiones disputatae de saint Thomas est soumise . depuis longtemps à la discussion ; seules les Quaestiones de veritate ont échappé à la controverse . Mais si l'on considère le chemin parcouru depuis l'étude fondamentale du P. Mandonnet " jusqu'à celle de M. Glorieux , on aperçoit que les nombreux travaux consacrés à ce problème n'ont pas été infructueux . Les dates indiquées dans le tableau dressé ci-dessus sont celles que propose M. Glorieux au terme de son article . Sur un point seulement nous avons cru devoir rectifier ses conclusions : nous pensons avec dom Lottin et avec le P. Pelster que le De virtutibus est postérieur au De malo . La thèse contraire de M. Glorieux repose surtout sur la date de composition qu'il attribue à la Secunda secundae ( 1270) , mais il résulte des travaux de dom Lottin que cette date doit être reculée jusqu'en 1272. D'autre part, le parallé lisme entre les questions disputées et les sections de la Somme théologique s'accommode beaucoup mieux de l'ordre que nous adoptons, de même que la proportion entre le nombre des articles et le nombre des semaines dis ponibles " L'antériorité des questions De spiritualibus creaturis et De anima par rapport au De unitate intellectus ( 1270) est aujourd'hui hors de contestation c'est là un élément précieux pour l'histoire de la controverse averroïste 6" .

1 Gregorianum , 1936 ( 17) , p . 396 . * M. De Corte ferait observer en outre que nous ne possédons plus le premier livre du commentaire primitif sur le Traité de l'âme et que, dès lors, nous ignorons si la nova trans latio y était utilisée . M. De Corte estime que ce premier livre a certainement existé (Thé mistius..., p . 70) , mais les raisons qu'il invoque ne nous semblent pas convaincantes : en particulier, nous ne voyons pas que l'adverbe supra vise le commentaire de l'auteur plutôt que le texte d'Aristote . Par ailleurs , une grave difficulté s'oppose à l'existence de ce premier livre comment expliquer qu'après avoir circulé pendant plusieurs années , peut-être , avec les deux autres et après avoir été multiplié comme eux , il ait disparu sans laisser de traces ? 3 P. MANDONNET, La chronologie des questions disputées... ( 1918) . ¹ P. GLORIEUX , Les questions disputées de saint Thomas et leur suite chronologique ( 1932) . La bibliographie du sujet est donnée au début de cet article, p . 5 , note 2. 5 Nous arrivons à la répartition suivante : De anima : 21 articles en 6 mois (janvier-juin 1269) . De malo : 101 articles en 2 ans ( 1269-1271 ) . De virtutibus et De unione verbi : 41 articles en 1 an ( 1271-1272) . 6 Aux données qu'utilise M. Glorieux pour fixer la date de composition des questions De spiritualibus creaturis avant 1270, on peut ajouter le renseignement fourni par M. Kleinei

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La date de la question De malo , que dom Lottin a fixée , dès 1928 , entre le 1 Quodlibet I et la Prima secundae , est également importante pour notre sujet ¹ . Cette dernière précision entraîne des conséquences relativement graves pour la chronologie de la Somme , ainsi que dom Lottin le constate lui-même dans son étude sur le De malo . Tandis que la Prima pars a été achevée , selon toute vraisemblance , en Italie , saint Thomas ne semble pas avoir commencé la rédaction définitive de la Prima secundae avant 1271 2. Les trois quarts de ce volumineux ouvrage ont donc été écrits en moins de trois ans ( 1271-1273) . La chose n'est pas invraisemblable si l'on songe que l'auteur a sans doute accumulé d'avance les matériaux et même des rédactions partielles de son œuvre ; d'ailleurs la rédaction définitive n'était , bien souvent, que la mise au point de ses écrits antérieurs ou le résumé de ses disputes scolaires . Le Commentaire sur la Métaphysique, commencé à une date qu'il est actuellement impossible de déterminer avec précision , n'a pas été achevé avant 1272 , car saint Thomas ne connaît le livre 11 (K dans l'édition de Bekker) qu'à partir de 1271 ; en outre , saint Thomas y cite le commentaire de Simplicius sur le De caelo , or la traduction de cet ouvrage a été achevée le 10 juin 1271. D'autre part l'ouvrage doit avoir été achevé en 1272 , car , dans son commentaire sur le De caelo ( 1272-1273) , saint Thomas corrige. 3 certains passages de son commentaire sur la Métaphysique ³. Pour le Commentaire sur la Physique , nous nous rallions aux conclusions

de Mgr Grabmann , confirmées et précisées par M. Mansion . L'ouvrage semble avoir été composé après 1268 ; il a été achevé avant le milieu de

dam : dans le XVe Quodlibet de Gérard d'Abbeville, soutenu aux approches de Noël 1269 , l'auteur vise, à la question III , l'article premier du De spiritualibus creaturis (E. KLeineidam , Das Problem..., pp . 38-40) . Pour le P. Keeler, toutefois, cette référence n'est pas certaine (L. W. KEELER, Sancti Thomae Aquinatis tractatus de spiritualibus creaturis , p . XII , note 15) . Dans cette édition posthume du De spiritualibus creaturis par le P. Keeler, le problème de la date et du lieu de composition de cet écrit est examiné (pp. X-XII) , mais l'auteur ne semble pas avoir d'opinion ferme quant aux points qui demeurent controversés. Il se déclare porté à situer la question De spiritualibus creaturis après la question De anima, « propter varia indicia interna » (p . XII ) . M. Nardi place également le De spiritualibus creaturis après le De anima : cf. B. NARDI, San Tommaso d'Aquino ... ( 1938) , pp . 63-67 . Jusqu'à plus ample informé, nous nous en tiendrons à la chronologie de M. Glorieux , la seule qui soit dûment motivée. 1¹ O. LOTTIN, La date de la question disputée « De malo » de saint Thomas d'Aquin (1928) . M Le P. P. CASTAGNOLI (Bulletin thomiste, 1934 , p . 139) est porté à maintenir le De

malo en Italie , de 1266 à 1268 . *2 O. LOTTIN, La date de la question disputée « De malo » ….., p . 388. * Cf. Bulletin thomiste, 1937 ( 14) , pp . 100-107 et les travaux cités dans cette étude critique Il est possible que saint Thomas ait commencé son commentaire à Rome, du P. Salman . vers 1266, et qu'il l'ait interrompu ensuite pour se livrer à d'autres travaux : cf. F. PELSTER dans Gregorianum , 1936 ( 17) , pp. 382-383.

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1 1271 ¹ . M. Geyer s'est demandé si le commentaire de saint Thomas ne dépendait pas de celui de Siger 2 , mais la récente édition de l'ouvrage de Siger ne permet plus aucune hésitation sur le fait de la dépendance en sens inverse 3 La date des Quodlibets III et V est attestée par des indications manus crites découvertes par Denifle . Le Quodlibet II est daté de Noël 1270 dans 5 un manuscrit de Paris " , mais il est probable qu'il faut lire 1269 au lieu de 1270 , car on a de bonnes raisons de penser que l'ordre des Quodlibets I à VI 6 est un ordre chronologique ; du coup les trois autres se logent aisément aux seules places libres que laisse le dernier séjour de saint Thomas à Paris , sauf qu'un certain jeu demeure pour le Quodlibet IV : Noël 1270 ou Pâques 1271 ; le P. Synave le fixait à Noël 1270 , tandis que le P. Mandonnet, suivi par M. Glorieux et par le P. Gorce , le plaçait à Pâques 1271 7. La date du Quodlibet XII est également discutée : tandis que le P. Pelster propose de le fixer à Naples, en 1272-1273 , M. Glorieux, le P. Synave , le P. Mandonnet, le P. Gorce et Mgr Grabmann le rattachent au dernier séjour parisien , soit vers Noël 1270 (Mandonnet , Glorieux , Gorce) , soit vers Pâques 1271 (Synave) 8 . Nous avons opté pour la chronologie proposée par le P. Mandonnet , M. Glorieux et le P. Gorce pour les Quodlibets IV et XII , tout en recon naissant que la thèse du P. Synave et celle du P. Pelster jouissent d'une réelle probabilité . Le De unitate intellectus contra averroistas est considéré à juste titre comme le pivot de la controverse averroïste au XIIIe siècle . Il est donc du plus haut intérêt d'en préciser la date de composition . La chose ne souffre plus guère de difficulté à l'heure actuelle . Mentionnons pour mémoire l'opinion soutenue par M. Ottaviano, d'après qui le De unitate de saint Thomas serait contemporain de celui d'Albert le Grand et remonterait à l'année 1256 9. Cette conjecture , qui ne repose sur

¹ M. GRABMANN, Die Werke des hl. Thomas... ( 1931 ) , p . 262 ; A. MANSION, Note sur les traductions... ( 1934) ; pp . 216-217 . 2 B. GEYER, F. Ueberwegs Grundriss... ( 1928) , p. 451 . " Ph. DELHAYE , Siger de Brabant... ( 1941 ) , p . 15 . + M. GRABMANN, Die Werke des hl. Thomas von Aquin ( 1931 ) , pp. 283-284. 5 Ibidem, p . 284. • Bulletin thomiste, 1926 (3) . p . [ 3 ] ; 1930 (7) , pp . [ 116] - [ 119 ] . Il suffit qu'un seul jambage ait été omis par un copiste pour transformer MCCLXIX en MCCLXX . ¡ Bulletin thomiste, 1926 (3) , p . [ 62 ] ; 1927 (4) , p . 95 ; 1930 (7) , p . [ 116 ] ; P. GLORIEUX , Répertoire des maîtres..., I ( 1933) , p . 96 ; M.-M. GORCE, L'essor de la pensée... ( 1933) , p. 279 . 8 Gregorianum, 1924 (5) , pp . 278-286 ; Bulletin thomiste, 1926 (3) , p . [ 62 ] ; 1927 (4) , p . 95 ; M.-M. GORCE, L'essor de la pensée... ( 1933) , pp . 277-279 ; M. GRABMANN, Thomas von Aquin " (1935) , p. 29. 9 C. OTTAVIANO, Tommaso d'Aquino... ( 1930) , pp . 57-77 ; cf. aussi la revue Sophia, 1933, pp . 101-104 ; 1935 , pp. 134-140.

T

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aucun fondement sérieux , a été réfutée par le P. Salman ' et n'est pas prise en considération par le récent éditeur du De unitate 2. Abstraction faite des arguments d'ordre externe , la date de 1256 est absolument exclue par les premières lignes du traité , où saint Thomas déclare à propos des erreurs 3 d'Averroès : Contra quae jam pridem plura conscripsimus ³ . Cette affirmation n'aurait aucun sens en 1256 . A la suite de Bernard de Rubeis et de Renan, le P. Mandonnet avait assigné comme date de composition de l'opuscule antiaverroïste le dernier séjour de saint Thomas à Paris ( 1269-1272 ) . Il n'avait pas hésité à préciser davantage et à fixer la publication du De unitate en 1270 4. Conclusion vrai semblable, assurément , mais non pas indiscutable : Mgr Grabmann optait autrefois pour 1268 ; le P. Chossat inclinait à penser que l'opuscule était postérieur à la condamnation du 10 décembre 1270 , et il en reculait ainsi la composition jusqu'en 1271 ou 1272 ". La raison invoquée par le P. Chossat en faveur d'une date postérieure à la condamnation repose sur une inexactitude . « Car lorsque saint Thomas y accule les averroïstes à l'une des treize propositions condamnées, il s'arrête brusquement et considère la question comme vidée » , écrit le P. Chossat . Cela n'est nullement vrai pour la première proposition de Tempier, relative à l'unicité de l'intellect : saint Thomas ne considère pas du tout la question comme vidée , puisqu'il consacre la moitié de son opuscule à réfuter cette erreur. Au surplus , il déclare expressément , au début du De unitate , qu'il va traiter le problème averroïste du point de vue strictement philosophique . Dès lors, s'il «< considère la question comme vidée » lorsqu'il parvient à l'objet de la seconde des thèses condamnées (Quod ista est falsa vel impropria : homo intelligit) , ce n'est pas pour un motif théologique , mais parce qu'il se trouve devant une donnée immédiate de la conscience (« je pense » ) , et qu'un fait aussi évident ne doit pas être démontré . Cette attitude semble d'ailleurs prouver qu'au moment où il écrit le De unitate , saint Thomas ignore l'étrange échappatoire qui est visée dans la seconde proposition du syllabus de 1270 et qui deviendra , après la condamnation , le point névralgique de la contro verse averroïste . La suggestion du P. Chossat a aussi contre elle l'argument du silence . Dans l'introduction et dans la conclusion du De unitate , saint Thomas sou ligne l'opposition qui existe entre la thèse averroïste et la vérité chrétienne ;

¹ D. Salman, Bulletin thomiste, 1934 ( 11 ) , pp . 144-147 . 2 L. W. KEELER, Sancti Thomae Aquinatis tractatus de unitate... ( 1936) , p . XXI , note 17 . 3 Ibidem, p . 2, lignes 12-13. · P. MANDONNET , Siger " , t. I , pp . 103-110 , surtout 110 . 5 M. GRABMANN, Die echten Schriften ... ( 1920) , pp . 140-142. L'auteur s'est rallié depuis à la date de 1270 : cf. Die Werke des hl . Thomas... ( 1931 ) , p . 293. • M. CHOSSAT, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant ( 1914) , p . 565 , note 2 .

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il reproche vivement à son adversaire , dans la dernière page du traité , son attitude antichrétienne ; s'il écrivait, après la sentence de l'évêque de Paris. et dans la ville épiscopale elle-même , l'absence de toute allusion à la con damnation impliquerait un manque de déférence et presque une incorrection 1 vis-à-vis du prélat ¹ . La découverte de l'intéressant colophon joint à un exemplaire anglais du De unitate a apporté un argument décisif en faveur de l'année

1270. Le codex 225 de Corpus Christi College à Oxford date du début du XIVe siècle et contient 19 opuscules de saint Thomas ; le texte du De unitate est accom

pagné de la note suivante : Haec scripsit taliter (lisez Thomas) contra magis trum Sigerum de Barbantia (sic) et alios plurimos Parisius regentes anno Dni M. CC . 70 2. L'année 1270 a d'ailleurs pour elle toutes les vraisemblances : le De unitate est postérieur aux questions disputées De spiritualibus creaturis (1268) et De anima ( 1269) 3 ; pour la première fois, saint Thomas y exploite la paraphrase de Thémistius sur le Traité de l'âme ; enfin la condamnation du 10 décembre 1270 révèle que la crise averroïste a atteint son paroxysme en cette année et nous venons de montrer que l'opuscule de saint Thomas est antérieur à la condamnation . 4 Il nous reste à parler de l'opuscule De aeternitate mundi . Cet écrit de polémique n'est pas dirigé contre l'aristotélisme hétérodoxe , mais , au con traire , contre les théologiens conservateurs qui voyaient une contradiction manifeste dans l'hypothèse d'une création éternelle . On situe d'ordinaire le De aeternitate mundi aux environs de 1270. « Sans aucun fondement » , déclare le P. Pelster , qui a tenté de démontrer que l'opuscule est antérieur à la Somme théologique

. Le savant critique s'appuie sur l'évolution de la pensée

de saint Thomas relativement au problème de la possibilité d'une série infinie en acte : tandis que saint Thomas se montre hésitant dans ses premières

¹ Relevons, à titre d'exemple, ce passage de l'introduction : Nec id nunc agendum est ut positionem praedictam in hoc ostendamus esse erroneam, quia repugnat veritati fidei chris tianae. Hoc enim satis in promptu cuique apparere potest. Subtracta enim ab hominibus diversitate intellectus , qui solus inter animae partes incorruptibilis et immortalis apparet, sequitur post mortem nihil de animabus hominum remanere nisi unicam intellectus substan tiam ; et sic tollitur retributio praemiorum et paenarum et diversitas eorundem (éd . Keeler , p. 2, lignes 17-24) . Aucune allusion à la sentence épiscopale . Par contre, les considérations qu'on vient de lire se trouvent déjà dans des écrits certainement antérieurs à la condamnation , par exemple dans le De spiritualibus creaturis (art. 9 , corpus ; éd . KEELER , p . 108 , lignes 3-5) . " L. W. KEELER, Sancti Thomae Aquinatis tractatus de unitate... ( 1936) , p . XII . › Cette opinion était partagée par le P. KEELER , Sancti Thomae Aquinatis tractatus de spiritualibus creaturis ( 1938) , p . XII . 4 Les mots contra murmurantes ajoutés au titre ne se trouvent pas dans les anciens cata logues et manuscrits . Certains manuscrits donnent un titre plus exact : De possibilitate aeter nitatis mundi . Cf. M. GRAbmann, Die Werke ... ( 1931 ) , p . 301.´ 5 Gregorianum, 1923 (4) , pp. 91-93 ; 1929 ( 10) , pp . 399-401 .

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œuvres (Sentences, De veritate , Contra Gentiles), il prend une attitude plus ferme dans le Quodlibet IX et rejette décidément la possibilité d'une série infinie dans la Somme théologique ; or le De aeternitate mundi n'adopte pas encore cette position décidée , puisque l'auteur déclare

et praeterea adhuc

non est demonstratum quod Deus non possit facere ut sint infinita actu ; par conséquent cet opuscule doit être situé avant la Somme théologique . Comme l'observait déjà en 1924 le P. Mandonnet, ce n'est pas « sans aucun fondement » qu'on situe le De aeternitate pendant le dernier séjour de saint Thomas à Paris : « Pour moi cette petite dissertation se rattache mani festement aux polémiques averroïstes parisiennes et j'ai daté sa composition de 1270 ; mais elle pourrait être d'une année ou deux plus tard » ¹ . Le De aeternitate renferme un des très rares passages de l'oeuvre littéraire de saint Thomas où ce dernier perd son imperturbable sérénité ; il est visiblement agacé par la prétention des théologiens qui , contre l'autorité des plus grands philosophes, déclarent absurde l'idée d'une création éternelle . Cet état d'esprit répond parfaitement à tout ce que nous savons de l'attitude prise par saint Thomas au cours des luttes doctrinales de 1269-1272 : défendre les thèses essentielles de l'aristotélisme à la fois contre les excès du groupe hétérodoxe dirigé par Siger de Brabant et contre les attaques inconsidérées des théo logiens réactionnaires .

L'impatience du Docteur Angélique s'explique au

mieux dans l'atmosphère de lutte qui entoure l'année 1270. M. Glorieux date l'opuscule du début de 1271 et nous promet la preuve de son affirmation 2. On peut se demander si le De aeternitate mundi n'est pas une pièce détachée du Quodlibet XII , que nous avons fixé à la Noël de 1270 et dont nous ne possédons qu'un résumé : le De aeternitate se présente comme la solution d'un doute soulevé à propos du dogme de la création (dubitatio mota fuit...) ; il pourrait constituer le texte intégral de l'article 7 du Quodlibet XII , article dont le résumé comporte à peine six lignes dans nos éditions .

Quant aux difficultés soulevées par le P. Pelster, remarquons , à la suite du P. Mandonnet , que le critique allemand a omis de faire figurer dans son dossier deux pièces importantes : le De unitate intellectus et le Quodlibet XII ³ . Dans le De unitate , saint Thomas rencontre une objection classique des averroïstes contre la multiplicité des âmes intellectives

pour Aristote, l'espèce

humaine est éternelle ; dès lors , si chaque homme possède son âme immor telle , il existe une infinité d'âmes , ce qui est impossible . Comme dans tous les endroits parallèles , saint Thomas répond par le texte d'Algazel qui recon naît la possibilité d'une série actuelle infinie , pourvu qu'elle ne soit pas essen

¹ Bulletin thomiste, 1924 ( 1 ) , p . [ 71 ] . 2 P. GLORIEUX , Un recueil scolaire... ( 1931 ) , p . 46 ; Répertoire ..., I ( 1933) , p . 96 . 3 Bulletin thomiste, 1924 ( 1 ) , pp . [ 71 ] - [ 72 ] .

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tiellement ordonnée ; mais tandis qu'il rejetait cette explication dans la Somme théologique, il ne formule ici aucun jugement personnel et conclut : Quid quid autem circa hoc dicatur, manifestum est quod ex hoc nullam angustiam 1 catholici patiuntur, qui ponunt mundum incepisse ¹ . Dans le Quodlibet XII, où il n'est pas expressément question de séries infinies, mais de la réalisation par Dieu d'un effet infini sous quelque rapport , saint Thomas concède que pareille réalisation non repugnat potentiae Dei absolute, quia non implicat contradictionem 2. Ainsi donc , le maître dominicain revient dans ses derniers écrits à l'attitude réservée de ses premières œuvres et, dans ces conditions , l'argument du P. Pelster touchant la date de composition du De aeternitate mundi perd toute consistance . Les fluctuations de la pensée de saint Thomas en cette matière s'ex pliquent aisément par les circonstances historiques . Nous montrerons plus loin que , devant le problème de la multitude infinie , le saint Docteur est constamment tiraillé en deux sens opposés . Lorsqu'il envisage pour elle-même la question de la pluralité infinie , ses principes métaphysiques le portent à rejeter l'infini , qui coïncide avec l'indéterminé dans l'ordre quantitatif 3. Mais lorsqu'il aborde le problème de l'infini à propos de l'éternité du monde , il est impressionné par l'attitude presque unanime des philosophes payens et il hésite à exclure toute possibilité de multitude infinie "4

¹ L. W. KEELER , Sancti Thomae Aquinatis tractatus de unitate ..., §§ 117-118, pp. 75-76 . Quodlibetum XII , art. 2. Quodlibet IX, art. 1 : Utrum Deus possit facere infinita esse actu ; Summa theologica, la , qu. 7, art. 4 : Utrum possit esse infinitum in rebus secundum multitudinem ; Quodlibet XII , art. 2 : Utrum Deus possit facere contradictoria esse simul vera et infinita esse simul actu. Dans le De veritate (II , 10) , la discussion du problème est remise à plus tard : elle a été abordée effectivement dans le Quodlibet IX. Sentences, II , dist. I , art . 5 : Utrum mundus sit aeternus ; Contra Gentiles , II , 38 : Rationes quibus quidam conantur ostendere mundum non esse aeternum ; De unitate intel lectus, §§ 117-118 ; Quodlibet XII , art. 2 ; De aeternitate mundi. L'inconséquence de saint Thomas est surtout frappante dans la Somme théologique . Les principes exposés à la question 7 (art. 4) devaient le conduire à rejeter toute possibilité d'un monde éternel, car il admet comme seule possibilité de multitude infinie la multitude infinie en puissance, c'est-à-dire la croissance indéfinie d'une série toujours finie (division du continu, série des nombres entiers, évolution indéfinie du temps, etc. ) . Or l'éternité du monde im pliquerait évidemment la réalisation , dans le passé, de séries infinies ; elle suppose donc de l'infini acquis, de l'infini en acte , bien que les unités de ces séries n'aient jamais existé en même temps. Cette conséquence semble échapper complètement à saint Thomas lorsqu'il discute le problème de l'éternité du monde à la question 46 (art. 2) : il confond ici la mul titude infinie en puissance avec la multitude infinie successive, qui est bel et bien une mul titude infinie en acte ; et tout en maintenant, contre Algazel, l'impossibilité d'une multitude infinie en acte (ad 8m) , il accepte la même multitude infinie en acte pourvu qu'elle ne soit pas simultanée (ad 4m , ad 7m) .

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Essai de chronologie des œuvres de Siger

On a vu que Siger apparaît pour la première fois dans l'histoire en 1266 . Maître à la Faculté des arts à cette date , il le sera encore en 1277 , lors de sa condamnation définitive . « Les professeurs d'arts passant régulièrement à l'étude de la théologie pour arriver au sacerdoce , il est difficile de donner de nombreuses années d'enseignement d'arts à Siger avant l'année 1266 » ¹ . Cette induction du P. Mandonnet est sujette à caution , car les habitudes du XIII° siècle en ce domaine ne sont pas clairement établies et ont peut-être été assez variables 2. Mais la conduite de Siger en 1266 est de nature à confirmer l'hypothèse, car il se livre à des voies de fait et à des actes de violence qui 3 semblent trahir l'impétuosité et l'irréflexion de la jeunesse " . Les données que l'on possède sur son activité littéraire invitent également à ne pas faire remonter le début de sa carrière professorale au delà de 1265 environ , car la plupart de ses écrits doivent être situés après 1270, comme nous allons le montrer. Ces données chronologiques sont encore assez maigres , mais il est possible de compléter et de corriger dans une large mesure les conclusions du P. Mandonnet ". Le problème fondamental à résoudre est de dater avec toute l'exactitude possible les écrits psychologiques attribués à Siger, car ces écrits trahissent une évolution intellectuelle très prononcée et ils traitent des problèmes cen In tertium de anima (n° 12 ) , traux de l'averroïsme . De ces trois écrits P Tractatus de anima intellectiva (n° 13) et Quaestiones in libros tres de anima (n° 14). mag le second occupe une position moyenne au point de vue doctrinal . Essayons de situer chronologiquement cet important traité . Le P. Mandonnet considérait le De unitate intellectus de saint Thomas comme la réfutation du De anima intellectiva de Siger et plaçait les deux traités en 1270, avant la condamnation du 10 décembre " . C'est là, comme on l'a démontré depuis, une des plus curieuses et des plus graves erreurs qui vicient sa construction historique . Curieuse , disons-nous , car elle ne repose sur aucune base solide et le rapprochement attentif des deux écrits suffit à l'écarter " .

¹ P. MANDONNET, Siger " , t. I , p . 65 . 2 Cf. M. ARON, Un animateur de la jeunesse au XIIIe siècle ( 1930) , pp . 26-27 . 3 P. MANDONNET, Siger ", t . I , p . 81 . • Cf. P. MANDONNET, Siger , t. t . II ,, pp . 114-115. ›5 P. MANDONNET, Siger “, t. I , p . 110. " En 1921 , au cours d'un travail d'étudiant sur le De unitate de saint Thomas, nous avions d'abord accepté sans arrière pensée l'affirmation du P. Mandonnet ; mais l'étude comparée des deux textes nous amena à la rejeter . Bientôt nous apprenions que le P. Chossat était arrivé à la même conclusion dès 1914.

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En écrivant le De unitate , saint Thomas ne connaissait pas le De anima intellectiva. Tout au contraire , ce dernier traité est une réplique de Siger à l'opuscule de saint Thomas. Nous avons longuement établi ce double fait historique dans notre mémoire de 1938 , en utilisant et en complétant la solide étude du P. Chossat ¹ . Cette démonstration ayant rallié tous les suffrages , nous nous bornerons à en rappeler ici la marche générale ; les spécialistes que la question intéresse pourront consulter notre travail antérieur 2. En premier lieu , le De unitate ignore les positions de Siger dans le De anima intellectiva . Ce fait peut être établi de deux manières : négativement , par l'absence de tout emprunt et de toute référence au De anima intellectiva dans le De unitate ; positivement , en montrant que le De unitate omet de réfuter les positions du De anima intellectiva et s'applique au contraire à établir des faits que le De anima intellectiva accorde d'avance . Nous allons développer rapidement ces différents aspects de la preuve . Dès 1910 , le P. Doncour notait combien lointaine est la ressemblance entre le Siger du De anima intellectiva et l'adversaire visé par saint Thomas : aucune citation , même libre , du De anima intellectiva ne peut être relevée dans le De unitate , alors que saint Thomas semble rapporter textuellement, à plusieurs reprises , les dires de son adversaire " . Les rapprochements suggérés par le P. Mandonnet, ou bien sont tout à fait arbitraires , ou bien visent des similitudes trop lointaines et trop banales pour étayer une preuve de dépen dance littéraire . Ainsi donc, le De unitate ne révèle aucun indice de dépendance vis-à-vis du De anima intellectiva. Mais on peut démontrer positivement que le De unitate ne connaît certainement pas le De anima . Pour ce faire , il suffit d'établir que les positions centrales du De anima ne sont pas atteintes, ni même visées , par le De unitate ; que ce dernier, au contraire , s'évertue à combattre des thèses formellement abandonnées par le De anima . Bref le De unitate est aux prises avec un averroïsme moins évolué que celui du De anima. En d'autres mots , si le De unitate prétendait répondre au De anima intellectiva , la réplique serait absolument inadéquate et insuffisante ; elle serait en outre étonnamment inadaptée , car saint Thomas se mettrait en peine pour enfoncer des portes largement ouvertes et pour établir des faits accordés d'avance . Il est donc hors de doute que saint Thomas ne connaissait pas le De anima intellectiva lorsqu'il écrivit le De unitate intellectus . On peut montrer ensuite que le traité de Siger est une réplique à l'opuscule de saint Thomas.

¹ M. Chossat, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant ( 1914) ; F. Van STEENBERGHEN , Les œuvres et la doctrine de Siger de Brabant ( 1938) , pp . 64-73 . 2 C'est le seul exposé du mémoire de 1938 qui ne soit pas repris dans le présent ouvrage. 3 P. DONCŒUR, Notes sur les averroïstes latins ( 1910) , pp. 501-502 .

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Ce fait a été solidement établi par le P. Chossat, qui s'appuyait surtout sur des données externes : le témoignage de François de Sylvestris , le commen tateur ferrarais de la Somme contre les Gentils, et le témoignage de Jean de Jandun¹ . Les textes de Jandun , qui prend le soin de citer l'incipit du De anima intellectiva , sont à eux seuls décisifs et le P. Chossat les a mis en excellente lumière . Dans la seconde partie de son étude , il examine égale ment le problème d'après les données internes, mais en se bornant à quelques textes : il montre que les cinq objections du De anima intellectiva , chapitre VII (pp . 165-167) sont empruntées au De unitate de saint Thomas et que les trois difficultés laissées sans solution à la fin du même chapitre VII (pp . 168-169) sont tirées également de saint Thomas (Quaestio de anima et De unitate) ".

Le De anima intellectiva de Siger est donc postérieur au De unitate intel lectus de saint Thomas . Est- il possible d'en préciser la date de composition ? En premier lieu , il semble qu'il faille la fixer après la condamnation du 10 décembre 1270 , donc au plus tôt en 1271 , car l'attitude d'extrême pru dence que Siger adopte et sa soumission respectueuse aux enseignements de la foi sont dues sans doute à l'intervention d'Etienne Tempier. La curieuse citation de François de Sylvestris suggère de reculer la date de composition du traité jusqu'après le départ de saint Thomas pour l'Italie et de la fixer à la fin de 1272 ou en 1273 . A vrai dire , cette citation est assez énigmatique . En voici le début : Alii, sicut Rugerius in Tractatu suo de intellectu, misso Beato Thomae pro respon sione ad tractatum suum contra Averroistas, illam consequentiam sic dedu cit 3. Au premier abord , ce texte paraît clair : Rugerius est une corruption de Sigerius, car il s'agit bien , dans tout le contexte , d'un averroïste et d'un contemporain de saint Thomas ; en outre , le titre Tractatus de intellectu est celui par lequel Jean de Jandun désigne le De anima intellectiva de Siger . Le Ferrarais affirme donc que Siger a envoyé son traité à saint Thomas : l'expression serait bien insolite , si Thomas se trouvait encore à Paris au moment où Siger publia sa réplique ; elle se comprend fort bien, au contraire ,

¹ M. CHOSSAT , Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant, pp . 569-575. 2 Ibidem, pp . 33-52. Diverses considérations peuvent être ajoutées aux preuves , déjà concluantes, du P. Chossat : cf. F. VAN STEENBERGHEN , Les œuvres ..., pp . 71-73. * FRANCISCUS DE SYLVESTRIS , Commentaria in Summam contra Gentiles, 1. III , c. 45 , IV, 2 (dans l'édition léonine de saint Thomas, t . XIV , p . 119, col . 2) . Saint Thomas établit dans ce chapitre quod non possumus in hac vita intelligere substantias separatas . Averroès, observe François de Sylvestris dans son commentaire , pensait autrement : Unde quod non sit impos sibile eas cognoscere arguit, quia alias essent frustra : sicut si esset aliquod visibile quod a nullo videri posset. Mais saint Thomas a réfuté cette consequentia d'Averroès et, depuis , les averroïstes se donnent beaucoup de mal pour échapper à la critique du saint Docteur. François cite alors Jean de Jandun, puis il poursuit : Alii, sicut Rugerius, etc. I expose le raisonnement de cet auteur et le réfute longuement.

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si l'auteur a fait parvenir son œuvre à saint Thomas déjà rentré en Italie. Italien lui-même et dominicain, François a pu être informé de ce fait par un document quelconque , peut-être par le manuscrit du De anima intellectiva qu'il utilise . Le traité étant parvenu à Naples peu de temps avant la mort de saint Thomas, on comprend que ce dernier n'en ait laissé aucune réfuta tion, comme le remarquait déjà le P. Chossat ¹ . Mais une difficulté sérieuse résulte du fait que la discussion évoquée par le Ferrarais ne se rencontre pas dans le De anima intellectiva . Le P. Chossat « Il serait facile de montrer que cela devait se trouver au cha répondait pitre X de ce traité , le chapitre qui nous manque » 2. Ce chapitre est annoncé dans le prologue sous ce titre : Decimum, utrum habeat (intellectus) in se formas rerum quas intelligit (p . 146) . Nous ignorons comment le P. Chossat pensait pouvoir établir que ce chapitre devait traiter le problème de notre connaissance des substances séparées, problème dont il est question dans la citation du Ferrarais. En tout cas ce problème pouvait fort bien y être abordé ; la question des species, c'est- à-dire des déterminations au moyen desquelles l'intelligence entre en rapport avec les objets connus, amenait tout naturellement des remarques sur l'extension de

notre

connaissance ,

puisque le mode abstractif de notre pensée détermine les limites de la connaissance que nous pouvons avoir du monde suprasensible . L'enchaînement des deux questions est très apparent dans les Quaestiones in libros tres de anima 3³. Le De anima intellectiva a donc été composé, selon toute vraisemblance , en 1272 ou en 1273. Certainement pas après la mort de saint Thomas ( 1274) , qui est cité avec Albert comme un auteur encore en vie : dicunt praecipui viri in philosophia Albertus et Thomas (p . 152). 4* .

Nous avons dit que le De anima intellectiva représente une position doctrinale intermédiaire par rapport aux deux autres écrits de psychologie

Saint Thomas ¹ M. CHOSSAT, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant, pp. 574-575 . écrit dans le De caelo (I , lect . 22) : Studium philosophiae non est ad hoc quod sciatur quid homines senserint, sed qualiter se habeat veritas rerum. Cette remarque pourrait viser le De anima intellectiva , où Siger écrit : ... quaerendo intentionem philosophorum in hoc magis quam veritatem, cum philosophice procedamus (VII , p . 164) . Cf. M. GRABMANN, Methoden ..., ( 1939) , p . 37. 2 M. CHOSSAT, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant, p . 569 , note 1 . ³ Cf. ci-dessus , pp. 153-155 . On remarquera que l'auteur y reprend la question de notre connaissance des substances séparées et qu'il y discute (objection 4) la consequentia d'Aver roès dont le Ferrarais traite longuement dans le passage où il cite Siger. Mais le raisonne ment que le Ferrarais attribue à Siger ne se rencontre pas plus ici que dans notre De anima intellectiva mutilé. Il ne rencontre pas davantage, semble-t-il , dans les Quaestiones in tertium de anima. 4 Nous ne pouvons donc pas accepter la date de 1276, que propose M. BRUNI (Note sopra un capitolo..., 1937 , p . 243) , sans d'ailleurs en donner de raison .

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que renferme le catalogue des œuvres de Siger (n° 12 et 14) . Même en lais sant de côté les Quaestiones in libros tres de anima (n° 14) dont l'authenticité est contestée , la comparaison des Quaestiones in tertium de anima (n° 12) et du De anima intellectiva (nº 13) permet d'établir que la pensée de Siger sur le problème délicat de la nature de l'intellect a connu des hésitations et des variations considérables . Mais la question se pose aussitôt

. cette évolution

intellectuelle s'est-elle opérée dans le sens de la modération ou dans le sens d'un averroïsme plus radical ? La chose ne peut se trancher par des raisons à priori , car il y a des vraisemblances de part et d'autre . Sans doute , la maturité croissante du juge ment, l'influence de la condamnation de 1270, l'effort réalisé par saint Thomas pour éclairer les averroïstes sont des éléments favorables à l'hypothèse d'une atténuation de leurs erreurs . Mais on peut objecter que l'homme est enclin à suivre jusqu'au bout le déroulement logique de sa pensée , que la réaction hostile des théologiens a dû froisser l'amour propre des artiens et a pu pro voquer l'accentuation de leur radicalisme . Les données historiques confirment cette double possibilité, puisque Gilles de Rome nous apprend qu'à la suite des premières oppositions rencontrées, les averroïstes se sont divisés en deux fractions : les uns ont adouci leurs formules et on concédé que le fait fon damental homo intelligit entraîne d'insolubles difficultés contre l'unicité de l'intellect ; les autres ont adopté une position radicale en rejetant l'affirJ 1 mation initiale de la conscience : homo intelligit ¹ . Heureusement , dans le cas de Siger nous ne sommes pas réduits à des conjectures . Plusieurs témoignages convergents permettent d'établir qu'il se range dans la première catégorie et qu'il a évolué , au cours de sa carrière , vers des positions plus modérées dans la solution du problème central de l'averroïsme : celui de la nature de l'intellect . Il est certain que Siger a défendu , en 1270 ou avant cette date , un aver roïsme plus radical que celui du De anima intellectiva . Ce fait résulte d'abord du témoignage de Jean Baconthorp . Le P. Chossat a prouvé que le maître carme utilise un écrit de Siger dont les positions , très différentes de celles du De anima intellectiva, sont celles que saint Thomas réfute en 1270 dans le 2 De unitate intellectus " . Indépendamment des citations de Baconthorp, on sait. par le témoignage de deux manuscrits anciens (début du XIV" siècle) que le 3 De unitate intellectus est dirigé principalement contre Siger de Brabant l'averroïsme intégral que saint Thomas dénonce chez son adversaire et son

¹ Aegidius ROMANUS , De plurificatione intellectus ; cf. M. CHOSSAT, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant, pp . 46-47. 2 M. CHOSSAT, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant, pp . 555-566. 3 Ces deux manuscrits sont : Oxford , Corpus Christi 225 et Munich, Clm 8001. Cf. L. W. KEELER, Sancti Thomae Aquinatis tractatus de unitate..., p . XII .

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mépris des enseignements de la foi ont donc été le fait de Siger avant 1270. En outre , de l'exposé historique que fait Gilles de Rome dans son traité De plurificatione intellectus on peut induire , comme l'a fait le P. Chossat , que Siger appartient, après 1270 , à la fraction modérée des averroïstes : il est de ceux qui, après avoir défendu les positions les plus tranchées de l'averroïsme , en vinrent à des affirmations plus humaines . Enfin la critique interne des Quaestiones in librum tertium de anima et du De anima intellectiva confirme pleinement ces données , comme on le verra au chapitre suivant .

Il résulte de tout cela que Siger, résolument rallié à la thèse averroïste jusque vers 1270 , manifeste dès 1272 ou 1273 , dans le De anima intellectiva , une vive inquiétude à son endroit et cherche à éviter, par un expédient nou veau (la forma intrinsecus operans) , les impasses où il se sent entraîné par Averroès . Les Quaestiones in tertium de anima (n° 12) , qui représentent des positions plus radicales que le De anima intellectiva, sont donc antérieures à ce traité , c'est-à-dire à 1272. Elles sont d'ailleurs citées , selon toute vrai semblance , dans le De aeternitate mundi " , qui est de 1271 ou 1272. Elles paraissent également antérieures à la condamnation de 1270, car les formules de prudence qu'on lit dans le De anima intellectiva et dans le De aeternitate mundi ne s'y rencontrent pas, alors que l'auteur affiche un averroïsme pro vocant ; on conçoit du reste plus facilement l'évolution doctrinale qui s'est accomplie entre les Quaestiones in tertium de anima et le De anima intellec tiva si ces deux écrits sont séparés par un intervalle de plusieurs années et surtout par l'intervention de l'évêque de Paris . Ces dernières remarques inclineraient à faire remonter la composition de ces questions au delà de 1270. L'examen de la doctrine qu'elles exposent révèle que ce commentaire n'est pas une œuvre de maturité et invite à le rattacher aux débuts de l'enseignement de Siger . Enfin les citations plaident dans le même sens : Proclus n'est pas nommé ; Thémistius est cité une fois , mais à travers Averroès ; le livre A de la Métaphysique semble désigné comme XIe 3. Nous avons dit déjà que ces questions ne semblent pas faire partie du

' M. CHOSSAT, Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant, pp . 43-52. 2 Dans l'Introduction de sa récente traduction du De unitate intellectus, M. Nardi estime également que les Quaestiones in tertium de anima représentent un stade de pensée antérieur au De anima intellectiva . Cf. B. NARDI , S. Tommaso d'Aquino.... ( 1938) , pp . 72-74. En remarquant que les premières lignes de ces Quaestiones ont déjà une saveur aver roïste (ci-dessus, p . 165 , ligne 1 ) , nous nous référions à la suite de cet écrit, et non pas à des œuvres ultérieures de Siger qui seraient davantage averroïstes . M. Mazzantini a mal pris ce passage (cf. Rivista di filosofia neo-scolastica, 1932, p. 219) . 3 W. J. DWYER, L'Opuscule de Siger..., p . 37. ¹ Cf. ci-dessus , p. 172. 5 Cf. ci-dessus, p. 176.

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commentaire sur le Traité de l'âme connu par les textes de Baconthorp¹ . On doit donc conclure à l'existence de deux écrits psychologiques de Siger antérieurs au De unitate . N'est-ce pas difficilement conciliable avec le texte où saint Thomas lance à son adversaire ce défi : non loquatur in angulis nec coram pueris qui nesciunt de tam arduis iudicare ; sed contra hoc scriptum rescribat, si audet (De unitate , § 124 ) ? D'après ce passage , l'adversaire de saint Thomas ne s'expose pas à la critique du public savant , mais il se con tente de faire école parmi les jeunes gens qui ne sont pas capables de se former une conviction personnelle . Ses théories ne sont donc pas publiées . Cette difficulté , plus apparente que réelle , nous invite à examiner le problème , longtemps discuté , des adversaires visés par le De unitate de saint Thomas . Pour Mandonnet, c'est le De anima intellectiva de Siger qui est réfuté principalement, si pas exclusivement 2. Pour le P. Doncœur, saint Thomas attaque plusieurs averroïstes , et le De anima intellectiva n'est pas son objectif principal " . Chossat a établi que le De unitate ne visait pas le De anima intellectiva, mais un autre écrit de Siger et peut-être aussi d'autres averroïstes . Enfin le récent éditeur du De unitate estime que , dans le corps de l'opuscule, saint Thomas ne vise pas un écrit particulier, mais la doctrine générale des averroïstes et celle d'Averroès lui-même ; quant aux allusions plus précises de la page finale , elles se référeraient à un écrit ou à une leçon de Siger 5. Cette dernière opinion , d'ailleurs voisine de celle du P. Chossat, nous paraît être la plus proche de la vérité . Le défi lancé par saint Thomas, joint à l'incertitude qu'il marque à plusieurs reprises touchant la position exacte de son adversaire (voyez , par exemple , le § 67, lignes 11-13) , semble bien exclure l'existence d'une véritable publication de Siger à ce moment : et ceci est un nouvel argument contre l'antériorité du Tractatus de anima intellectiva. Par ailleurs le P. Chossat a établi l'existence d'un écrit averroïste de Siger, antérieur au De unitate , et la finale de ce dernier opuscule comporte de véri tables citations. Mais toute difficulté s'évanouit si l'on admet que les écrits / averroïstes de Siger antérieurs à 1270 n'ont existé que sous forme de repor tations d'étudiants : les Quaestiones in tertium de anima (n° 12) sont visible ment des reportations , on l'a vu plus haut , car plusieurs passages trahissent l'enseignement oral " . Ainsi s'explique aisément le double fait que saint Tho mas semble utiliser et réfuter un texte , tout en reprochant à son contradicteur de ne pas rendre son enseignement public et contrôlable : il se sert probable ment de notes reportées .

¹ 2 ³ ¹ 5

Ci-dessus, p . 535 . P. MANDONNET, Siger , t. I, p . 313. P. Doncœur, Notes sur les averroïstes ... ( 1910) , p . 502. M. CHOSSAT , Saint Thomas d'Aquin et Siger de Brabant ( 1914) . L. W. KEELER, Sancti Thomae Aquinatis tractatus de unitate ..., pp . XIX-XX . Ci-dessus, p . 528.

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Les Quaestiones in tertium de anima sont- elles spécifiquement visées dans le De unitate ? Il est difficile de l'établir avec certitude . Mais en tout cas un certain nombre de doctrines soutenues dans les Quaestiones sont relevées ou combattues dans le De unitate . On pourra notamment trouver dans le De unitate un écho des passages suivants : l'homme est un être complexe résul tant de l'union de l'intellect unique de l'humanité avec une âme végétativo 1 sensitive et un corps ¹ ; l'intellect est uni au corps comme moteur, non comme forme substantielle , bien qu'il lui soit uni plus étroitement que les moteurs célestes ne le sont à leurs mobiles 2 ; Siger traite longuement la question du feu de l'enfer³ ; enfin Siger ne connaît, au moins directement , aucun péri patéticien en dehors d'Averroès et d'Avicenne ".

Au chapitre VII du De anima intellectiva , où il traite le problème de la multiplication de l'intellect , Siger conclut par des hésitations si formelles , que ses convictions averroïstes semblent être sérieusement ébranlées. Nous aurons à préciser ultérieurement la portée exacte de cette position nouvelle , qui marque une évolution incontestable vers l'aristotélisme de saint Thomas. En tout cas, il n'est nullement invraisemblable qu'il ait poussé plus loin, au cours des années suivantes, l'amendement de ses idées , sans d'ailleurs par venir à se dégager entièrement de ses erreurs premières , comme nous le montrerons en temps utile . C'est pourquoi l'attribution des Quaestiones in libros tres de anima (n° 14) au maître brabançon ne se heurte , sous ce rapport, à aucune difficulté : on y verra le troisième stade d'une évolution intellectuelle annoncée par les étapes antérieures . Quelle date peut-on assigner à ce troisième écrit psychologique de Siger ? Les citations de Proclus (pp . 47 et 71 ) ne permettent pas de le placer avant 1269 ; celles de saint Thomas (pp. 127 et 155) invitent à le situer après 1270 (De unitate), probablement après 1272 (Métaphysique) ; l'utilisation de Thé mistius confirme ces conclusions . D'ailleurs, puisque ces questions représen tent le dernier stade de l'évolution de la pensée de Siger, elles doivent se situer après le De anima intellectiva ( 1272 ou 1273) . Enfin, étant donné que l'exemplaire du codex 9559 de Munich doit avoir été écrit avant la con 5 et que , d'autre part , la carrière professorale de Siger damnation de 1277 paraît avoir été brisée par les événements de 1277 , nous sommes amenés à conclure que nos Quaestiones ont été enseignées entre 1272 et 1277. Si l'on considère la volte - face réalisée dans ce commentaire par rapport

au De anima intellectiva , on est porté à le reculer vers 1277 plutôt que

1 Qu . 1 , ci-dessus, p . 165 ; cf. De unitate, § 67 . 2 Qu. 7 et 8, ci-dessus , pp . 168-169 ; cf. De unitate , § 67. Qu. 11 , ci-dessus , pp . 170-171 ; cf. De unitate, § 123, lignes 23-28. • Cf. De unitate, § 2, lignes 28-30 ; § 121 , lignes 38-41 . 5 Cf. ci-dessus, p . 520 .

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vers 1272. Cette conjecture trouve une confirmation naturelle dans une série d'autres faits , ainsi que nous allons le montrer. Quels sont, en somme , les facteurs qui expliquent l'évolution de Siger vers l'aristotélisme orthodoxe ? On peut citer la condamnation de 1270 , la réflexion personnelle de Siger sur les difficiles problèmes de la psychologie 1 humaine ¹ , sa plus grande maturité d'esprit . Mais nous pensons que l'in fluence de saint Thomas a été primordiale . Le prestige dont jouissent à ses yeux Albert le Grand et Thomas d'Aquin apparaît dans plusieurs écrits de Siger : dans le De anima intellectiva, il les appelle praecipui viri in philo sophia

; ce sont les seuls contemporains qu'il lui arrive de citer en les nom

mant . Les œuvres de saint Thomas surtout sont copieusement exploitées par notre philosophe , entre autres dans ses commentaires sur la Métaphy 3 sique et sur la Physique ³ . Au lendemain de la condamnation de 1270 , Siger avait essayé de répondre au De unitate de frère Thomas d'Aquin et lui avait envoyé une copie de son traité De anima intellectiva . Peu de temps après, il apprenait la mort prématurée du maître illustre et l'on sait combien cette perte immense émut ses anciens collègues de l'Université , les maîtres de la Faculté des arts . Lorsque Siger reprit l'étude du Traité de l'âme , il recourut sans doute assidûment , pour la première fois , au commentaire de saint Tho mas sur le même traité et il faut avouer que cette exégèse serrée du texte d'Aristote , jointe à la dialectique non moins puissante du De unitate intel lectus, constituait pour un logicien de l'envergure de Siger un contre -poison efficace de l'averroïsme . D'autres influences ont dû agir dans le même sens : Thémistius, par exemple , qui est largement exploité dans nos Quaestiones, démontrait à Siger que l'interprétation averroïste d'Aristote ne s'imposait. nullement , même pour un exégète payen ; les témoignages d'Algazel et d'Avicenne parlaient dans le même sens , comme Siger le reconnaissait déjà dans le De anima intellectiva " . Mais peut-être ne faut-il pas exclure des influences plus immédiates . On sait que , le 7 mai 1275 , un acte d'arbitrage du légat pontifical Simon de Brion rétablit l'unité et la paix à la Faculté des arts de Paris , troublée par une scission de plus de trois ans . Cet événement heureux a dû favoriser le rapprochement des maîtres de la minorité (dont Siger était le chef) et de la majorité. Des relations personnelles entre Siger et le nouveau recteur de la Faculté , Pierre d'Auvergne , expliqueraient de la manière la plus naturelle

1

Siger écrit lui-même à propos de la multiplication de l'intellect : Et ideo dico propter difficultatem praemissorum et quorumdam aliorum, quod dubium fuit mihi a longo tempore quid via rationis naturalis in praedicto problemate sit tenendum (De anima intellectiva, VII ; P. MANDONNET, Siger 2 , t. II , p . 169) . 2 P. MANDONNET, Siger 2 , t. II , p . 152. ³ Pour ce dernier ouvrage, cf. Ph . DELHAYE, Siger de Brabant... , p . 15 . ¹ A. BIRKENMAJER , Der Brief der Pariser Artistenfakultät... ( 1922) . 5 P. MANDONNET , Siger " , t. II , p . 168.

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un changement d'attitude de la part de Siger, sous l'influence de celui que 1 Ptolémée de Lucques appelle le fidelissimus discipulus de saint Thomas ¹. Toutes les données historiques convergent donc vers la même conclusion et elles nous inclinent à fixer la composition des Quaestiones de anima entre 1275 et 1277. Cependant la rédaction définitive de l'ouvrage , qui semble être conservée dans le manuscrit d'Oxford , pourrait être postérieure à la con 2 damnation du 7 mars 1277 ².

Quatre compositions de Siger ont été réunies dans le recueil partiellement autographe de Godefroid de Fontaines (Paris , Nat . lat . 16.297) : les Impossi bilia, le De necessitate et contingentia causarum, le De aeternitate mundi et les Quaestiones in metaphysicam . Or M. Glorieux a établi que cette collection a été constituée , selon toute vraisemblance , au cours des années 1270 à 1272 ³. On peut donc assurer que les quatre écrits en question existaient vers 1272 ¹ . La date de composition du De aeternitate mundi a été serrée de plus près par le P. Dwyer du fait que Siger y désigne deux fois le livre A de la Méta physique d'Aristote comme douzième livre , le P. Dwyer conclut qu'il connaît le livre K et que , dès lors , le De aeternitate n'est pas antérieur à la fin de 1271 5. Puisque le texte du manuscrit de Paris semble être le fruit d'une reportation , on peut ajouter que ces questions appartiennent à l'enseignement de Siger pendant l'année scolaire 1271-1272 “ . Il est probable que les Impossibilia et le De necessitate sont à peu près contemporains du De aeternitate mundi. Remarquons d'abord que ces trois

¹ Sur Pierre d'Auvergne , voir les excellents travaux du P. E. Hocedez (cf. M. Dɛ Wulf, Histoire "..., t. II , p . 309) . L'étude attentive des œuvres philosophiques de Pierre d'Auvergne apportera, sans doute, bien des lumières sur les rapports entre Pierre et Siger. La compa raison de leurs commentaires respectifs sur la Métaphysique est très suggestive à cet égard . 2 M. Nardi estime que la manière de parler de l'auteur à la question 6 du livre III (con servé seulement dans le manuscrit d'Oxford ) se comprend mieux après la condamnation : cf. B. Nardi , Una nuova monografia ... ( 1939) , pp . 464-465. *3 P. GLORIEUX, Un recueil scolaire... ( 1931 ) . Le P. Pelster (Scholastik, 1940 , pp . 109-110) propose de laisser un peu plus de jeu pour le terminus ante quem de ces écrits, la démonstration de M. Glorieux n'étant pas rigoureuse. C'est pour répondre à cette suggestion que nous écrivons « vers 1272 » . 5 W. J. Dwyer, Le texte authentique... , pp . 47-49 ; L'Opuscule de Siger..., pp . 6-8 . Le raisonnement du P. Dwyer ne paraît pas solide au P. Pelster (Scholastik, 1940 , p . 110) . A tort, nous semble-t-il, car il n'est pas douteux que saint Thomas tenait à occuper les avant-postes du progrès scientifique en matière d'aristotélisme et qu'il a été mis au courant de l'entreprise de Guillaume de Moerbeke touchant le livre K, avant Siger de Brabant ; or il ne connaît pas le livre K avant la fin de 1271 . • La manière de citer le livre A se retrouve dans les trois autres manuscrits du De aeternitate. Dès lors , si l'on estime, avec le P. Dwyer, que ces trois exemplaires représentent le texte d'une reportation , il faut conclure également que le De aeternitate a été exposé en 1271 ou en 1272, mais il faut ajouter que le texte définitif, conservé par Godefroid de Fon taines, a été mis au point vers 1272.

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œuvres de Siger groupées par Godefroid de Fontaines se retrouvent précisé ment dans le manuscrit 2299 de Lisbonne ; or ces deux manuscrits sont indé pendants, puisqu'ils contiennent le De aeternitate et le De necessitate sous deux formes différentes ; ce voisinage répété pourrait bien trahir une proxi mité originelle . Ensuite , les Impossibilia citent le livre A de la Métaphysique comme livre XII dans le codex de Godefroid de Fontaines ; le De necessi tate cite de son côté Averroès , XII° Metaphysicae 2 : le raisonnement appliqué par le P. Dwyer au De aeternitate vaut donc également pour les deux autres écrits . Pour les Impossibilia, d'autres indices s'ajoutent aux précédents : la formule de prudence qui se lit à la fin du premier chapitre s'explique mieux après la condamnation de 1270 ; la citation de la Physique de saint Thomas " confirme toutes ces données , puisque le commentaire de saint Thomas semble être postérieur à 1268 et ne doit pas avoir été mis en circulation avant 1271 . La rédaction des Impossibilia et du De necessitate doit donc être fixée en 1271 ou en 1272 . Quant aux Questions sur la métaphysique, nous y reviendrons bientôt . Les Quaestiones naturales de Paris (n° 5) utilisent l'Elementatio theologica de Proclus, dont la traduction est datée du 18 mai 1268 ; elles doivent donc être situées après 1268. D'autre part, elles connaissent la doctrine du motor intrinsecus ou de l'operans intrinsecum (p . 99) , doctrine qui rappelle le De anima intellectiva . On peut donc les fixer avec vraisemblance dans le voisi nage de ce traité ( 1272-1273) . Les Quaestiones morales (n° 19) et les Quaestiones naturales (n° 6) du manuscrit de Lisbonne forment un tout et semblent provenir d'une séance académique ou d'un exercice scolaire analogue aux disputes théologiques de quolibet. En effet , la série physique est rattachée à la série morale (Tunc quaerebantur quaedam quaestiones naturales, p . 177) et , dans chaque série , les problèmes les plus disparates sont traités , comme dans les Impossibilia. Or la toute première question morale , sur l'humilité, s'inspire manifestement de la Secunda secundae de saint Thomas ( qu . 161 , art . 1 ) , composée vers 1271-1272 . Les questions de Lisbonne sont donc postérieures à 1272. Du

1¹ Ed. BAEUMKER , p . 2 ; éd . MANDONNET , p. 73. ² Ed . MandoNNET, p. 125 . Sans doute, ce raisonnement n'est pas à l'abri de toute critique, car il n'est pas incon cevable que Godefroid, recopiant en 1271 ou en 1272 des écrits de Siger, ait corrigé les citations d'Aristote et d'Averroès en tenant compte de la découverte récente du livre K. Mais une telle acribie de la part d'un étudiant ès arts n'est guère vraisemblable . · Ed . Baeumker, p . 7 ; éd . MANDONNET Mandonnet,, p . 77 . " Ed. BAEUMKER, p . 17 ; éd . MANDONNET , p . 84 . M. Stegmüller semble envisager l'hypothèse inverse : on trouverait dans la Somme l'écho des questions de Siger (Neugefundene Quaestionen ..., p . 171 , note 79) . Mais il nous paraît tout à fait invraisemblable que saint Thomas, peu après son conflit avec Siger ( 1270)

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reste , la troisième et la sixième des questions naturelles trahissent l'une et l'autre des hésitations touchant des problèmes qui n'ont cessé de préoccuper Siger de Brabant ; ces hésitations semblent exclure les années 1271-1272 , qui sont celles du De aeternitate et des Impossibilia ; elles évoquent plutôt la période de crise intellectuelle dont les premiers symptômes se manifestent dans le De anima intellectiva ( 1272-1273) . Les questions de Lisbonne semblent donc appartenir aux années 1273-1275 ¹ . Par contre les écrits logiques de Siger pourraient bien être antérieurs à 1270 2. Il est assez vraisemblable , à priori , que ces écrits appartiennent plutôt à la première période de la carrière de Siger , car la dialectique , qui avait longtemps constitué le seul enseignement philosophique officiel de la Faculté , demeurait la base de l'enseignement philosophique des maîtres ès arts . Mais il y a des indices plus positifs dans le même sens . La Quaestio utrum haec sit vera (nº 2). affirme sans ambages l'éternité des espèces et conclut qu'il faut se tenir fermement à cette thèse (p . 70) ; aucune formule de réserve ou de pru dence ne vient atténuer cette conclusion : le contraste avec le De aeternitate et les Impossibilia est net et semble bien marquer que la condamnation de 1270 n'a pas encore eu lieu . D'autre part, si la citation de la page 67 (et de hoc alibi dictum est) se rapporte aux Quaestiones logicales, celles- ci sont également antérieures à 1270.

Reste la collection des commentaires aristotéliciens . Le premier com mentaire sur la Physique (nº 8ª) semble être antérieur à 1270 et nous avons dit

et écrivant à Paris dans son voisinage immédiat, copie presque littéralement un article du maître hétérodoxe, et cela sur un thème comme celui de l'humilité. Au contraire, l'utilisation de la Somme par Siger, après le départ de saint Thomas, n'a rien d'invraisemblable. D'ail leurs l'article de Siger est manifestement un résumé de celui de saint Thomas. 1 ¹ M. Nardi rattache également les Quaestiones naturales de Lisbonne à la période au cours de laquelle Siger cherche à tempérer ses thèses hétérodoxes (Il preteso tomismo..., pp. 34-35, note 5) . Mais il a tort, croyons-nous, de les situer après la deuxième condamnation («< per sottrarsi alle due condanne parigine » ) , car il est peu probable que Siger ait enseigné après 1277. Le P. Salman voit dans les questions naturelles de Lisbonne une des toutes premières œuvres de Siger et il les place avant les Quaestiones in tertium de anima. Mais cette chro nologie ne paraît pas acceptable , car les questions naturelles font corps avec les questions morales, qui sont postérieures à la Secunda secundae de saint Thomas ; en outre, la question 3 cite le livre A de la Métaphysique comme XII , ce qui nous place après 1271 , et le P. Graiff pense que la question 6 trahit l'influence du commentaire de saint Thomas sur la Métaphy sique, livre XII ; d'autre part, l'exégèse de la quaestio tertia, sur laquelle le P. Salman fonde sa chronologie, ne vas pas sans difficultés . Nous y reviendrons plus loin . 2 Sauf, bien entendu, les Impossibilia, qui ne constituent d'ailleurs pas une composition de pure logique : ils relèvent de la logique en leur qualité d'exercices de sophistique, mais les problèmes qui y sont discutés sont d'un tout autre ordre.

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qu'il reproduisait probablement des leçons de Siger au début de sa carrière ¹ . Le commentaire sur le Traité de la génération pourrait également être anté rieur à 1270 : Siger y professe un aristotélisme plus radical que dans le second commentaire sur la Physique ; sa manière de parler de l'éternité du monde rappelle plutôt la position du premier commentaire sur la Physique ; nous le placerons donc , du moins provisoirement , avant 1270 2. Nous savons déjà 3 que les autres commentaires du Clm 9559 ont été exposés entre 1270 et 1277 ³ et nous avons suggéré naguère que l'ordre de succession des commentaires dans le manuscrit de Munich répondait peut-être à l'ordre chronologique selon lequel ils ont été professés . Cette hypothèse nous paraît aujourd'hui peu probable , pour les raisons qu'on va lire ; il semble plutôt que l'auteur du recueil de Munich a visé un certain ordre logique des matières . Quant à la succession chronologique des différentes pièces , on peut apporter les préci sions suivantes , étayées par de faibles indices. Rappelons d'abord que les Quaestiones de anima semblent devoir être situées entre 1275 et 1277. Les parva naturalia (De somno, De iuventute) appartiennent probablement à la même période . En ce qui concerne les Quaestiones in physicam , il y a lieu , semble-t-il , de séparer le livre VIII des quatre premiers . Les livres I à IV ont sans doute été commentés immédiate ment après la Métaphysique , c'est-à-dire vers 1273 : le livre premier est pos térieur aux Impossibilia et au De necessitate " , qui sont de 1271-1272 environ ; les positions de l'auteur dans la question de l'éternité du monde et dans celle de l'effet immédiat de Dieu , sont très voisines de celles qu'il défend dans les Questions sur la métaphysique ; d'autre part , on ne rencontre pas dans ce premier livre les hésitations qui vont se faire jour dans la sixième des Questions naturelles de Lisbonne , que nous avons datées de 1273-1275 : tous ces indices nous portent à situer les quatre premiers livres de la Phy

¹ Cf. ci-dessus, p . 524. 2 Les citations ne fournissent aucun indice précis sur la date du commentaire . La seule mention explicite d'un contemporain est celle d'Albert le Grand , De intellectu et intelligibili (cf. lib. I , qu . 1-2 ; ci-dessus , p . 269) . Il semble que l'auteur ne connaît pas le livre K de la Métaphysique. 3 Cf. ci-dessus , p . 520. ¹ F. VAN STEENBERGHEN , Les œuvres et la doctrine de Siger de Brabant ( 1938) , pp . 81-82 . 5 Cf. ci-dessus , p . 560 . Dom Lottin, qui a étudié l'évolution de Siger dans la question du libre arbitre , en conclut que la Physique est postérieure aux Impossibilia et au De necessitate, ce qui nous paraît exact . Mais, d'autre part, il voudrait dater la Physique de 1270 ou 1271 , parce qu'elle semble ignorer le De malo de saint Thomas (O. LOTTIN, Liberté humaine ..., p . 69, note 45) . Nous avons fixé les disputes De malo de 1269 à 1271. Le texte de ces disputes n'a peut-être pas été publié avant la fin de 1271 ou même avant 1272 ; en tout cas, il est possible que Siger n'en ait pas pris connaissance avant 1273 . Quant à M. Delhaye , il place la composition des Quaestiones in physicam entre 1271 et 1277 et s'abstient de préciser davantage (Ph. Delhaye, Siger de Brabant... , pp . 14-17) .

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DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE III : L'ACTIVITE LITTERAIRE DE SIGER

sique vers 1273. Le livre VIII , au contraire , est sans doute contemporain des Quaestiones de anima ( 1275-1277) , car c'est au chapitre 6 de ce livre qu'on enregistre un revirement notable de Siger dans le sens de l'orthodoxie. Par contre , les Quaestiones in metaphysicam sont probablement plus anciennes et datent sans doute de 1272 environ . Elles sont postérieures à 1271 , car elles citent le livre A de la Métaphysique comme XII

et elles uti

lisent , dès les premières questions , le commentaire de saint Thomas, achevé au début de 1272. D'autre part , elles ne doivent pas être postérieures à 1272 environ, puisqu'elles sont conservées dans le recueil scolaire de Godefroid de Fontaines , constitué vers cette date ; elles sont du reste antérieures aux Quaestiones naturales de Lisbonne , car elles ne connaissent pas encore les hésitations qui se lisent dans la sixième de ces questions touchant le principe ab uno non procedit nisi unum. Cette dernière remarque vaut également pour les Questions sur les mé téores, qui sont donc antérieures à 1273-1275 ; d'autre part , elles utilisent l'Elementatio theologica de Proclus et sont donc postérieures à 1268 . Quant au Compendium de generatione , on n'y trouve aucune indication qui puisse servir à le dater ; nous le joindrons provisoirement aux questions relatives au même traité d'Aristote .

Les résultats de notre enquête se concrétisent dans la table chronologique suivante , dont plusieurs éléments sont seulement probables (?) ou même con jecturaux (??) .

1265-1270

Ecrits de logique (nos 1 , 2 , 4) ( ?) . Questions sur la physique I-IV, première série (nº 8a) . Questions sur la génération (nº 10) ( ?) . Compendium de generatione (nº 11 ) (??) . Commentaire perdu sur le traité de l'âme. In tertium de anima (nº 12) .

1269-1273

Questions sur les météores (nº 9) .

1271-1272

Impossibilia (nº 3) . De aeternitate mundi (nº 7) . De necessitate et contingentia causarum (nº 18) .

1272 (vers)

Questions sur la métaphysique (nº 17) .

1272-1273

De anima intellectiva (nº 13) . { Quaestiones naturales de Paris (nº 5) ( ?) .

1273 (vers)

Questions sur la physique I-IV, seconde série (nº 8) ( ?) .

1273-1275

Quaestiones morales et naturales de Lisbonne (nºs 19 et 6) (?) .

1275-1277

Questions Questions Questions Questions

sur sur sur sur

la le le la

physique VIII (nº 8) (?) . traité de l'âme (nº 14) . sommeil (nº 15) ( ?) . jeunesse et la vieillesse (n° 16) (?) .

CHAPITRE

LA

IV

PHILOSOPHIE

DE

SIGER

Dans l'état actuel des sources , il est prématuré d'entreprendre un exposé complet et exactement nuancé de la philosophie de Siger. Son héritage litté raire n'est pas entièrement reconstitué ; la plupart de ses œuvres ne sont connues que par des reportations , en majeure partie inédites ; l'édition que le P. Mandonnet a donnée de quelques écrits importants est défectueuse et les textes publiés par M. Stegmüller réclament aussi de nombreuses correc tions ; enfin, trop d'incertitude entoure encore , dans le domaine de l'histoire littéraire , la figure du maître parisien . Mais l'intérêt historique de l'oeuvre de Siger réside moins dans la nou veauté ou la profondeur de ses idées personnelles que dans l'esprit, la men talité , les tendances dont cette œuvre témoigne ; en bien des cas , les con ceptions philosophiques et surtout les théories scientifiques qu'il défend sont dépourvues d'originalité et ont perdu tout intérêt . Or le matériel littéraire con sidérable dont nous disposons permet de déterminer dans une large mesure et avec une sécurité suffisante l'orientation de la pensée du maître brabançon , ses principales positions doctrinales et la courbe d'évolution de sa philosophie . Les graves inexactitudes que nous aurons à relever dans l'interprétation 1 de la pensée de Siger par le P. Mandonnet ne sont pas attribuables à titre principal, comme on pourrait le croire , à la pénurie des sources dont il dis posait . Elles sont dues surtout à un double défaut de méthode . En premier lieu, l'éminent historien semble avoir attaché une importance excessive , dans l'exégèse de Siger , au texte des condamnations de 1270 et 1277 ; de pareils textes sont évidemment suspects ,

car ils expriment en formules simples ,

¹ P. MANDONNET , Siger 2 , t . I , ch . VII : Siger de Brabant averroïste .

566

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE IV

tranchantes , dépourvues de nuances , les erreurs qu'ils veulent dénoncer ; en outre, Siger n'est pas le seul personnage visé par Tempier et, s'il fut le chef de la minorité hétérodoxe , ce fait n'implique nullement qu'il ait soutenu les thèses les plus radicales ; il est probable , au contraire , que des satellites de second rang ont défendu des positions extrêmes , au risque de compromettre leur chef de file . En second lieu, le P. Mandonnet s'est arrêté trop exclusive ment aux quelques doctrines hétérodoxes professées par Siger et son groupe , donnant ainsi l'impression qu'on se trouvait en présence d'un mouvement philosophique radicalement dissident et foncièrement antichrétien . Les observations qui viennent d'être faites dictent les principes dont nous allons nous inspirer dans cet exposé de la philosophie de Siger . D'abord , il s'agit d'une esquisse et non d'une étude exhaustive , qui serait prématurée et qui nous entraînerait d'ailleurs au- delà des limites normales de cet ouvrage . Ensuite, cet exposé est basé presque exclusivement sur les textes de Siger lui-même ; le

contexte

historique

et les sources n'interviennent dans

ce

chapitre que pour éclairer les textes de Siger et pour en garantir la portée véritable ; d'ailleurs l'étude des sources auxquelles notre philosophe a puisé est à peine amorcée dans ce travail et il faudra encore de longues recherches avant que ce problème ne soit résolu ¹ . Enfin toutes les doctrines professées par notre auteur ne recevront pas ici les mêmes développements : les expli cations pseudo- scientifiques, d'ailleurs fort peu originales, qui abondent notam ment dans les Questions sur les météores ou dans les Questions sur la géné ration et la corruption , seront relevées sommairement ; d'autre part , la philo sophie de Siger étant essentiellement aristotélicienne , le principe d'économie appelle ici l'emploi de la méthode de différenciation : là où Siger ne fait que reproduire les doctrines classiques du péripatétisme , il suffira d'en prendre. acte ; mais nous essayerons de montrer dans quelle mesure et par quels moyens le maître complète ou corrige le système d'Aristote .

Dans quel ordre convient-il de présenter les doctrines de Siger ? Le procédé le plus rigoureusement objectif consisterait sans doute à analyser une à une les oeuvres qui lui sont attribuées . Mais ce procédé entraînerait de graves inconvénients . D'abord , l'analyse des écrits de Siger ferait double emploi , au moins dans une large mesure , avec la description étendue qui a été faite de ses œuvres inédites (au chapitre premier) et avec le catalogue de ses écrits (au chapitre III ) . En outre , l'héritage littéraire de Siger est formé en grande partie de ses commentaires aristotéliciens , qui comptent plus de 500 questions relatives aux sujets les plus variés ; dans ces

¹ Remarquons que la situation est à peine différente pour les plus grands maîtres du XIIIe siècle : l'étude des sources de saint Thomas, par exemple, en est encore à ses débuts. Cf. ci-dessus, pp. 483-484 ..

LA PHILOSOPHIE DE SIGER

567

conditions , un exposé doctrinal lié étroitement à l'analyse de ces productions littéraires entraînerait une dispersion fâcheuse des problèmes et d'inévitables répétitions , avec le risque de laisser dans l'ombre l'unité organique de la doctrine . D'autre part, les données dont nous disposons actuellement permettent d'apercevoir les lignes de construction de la philosophie de Siger et , dès lors, d'en retracer la physionomie générale ; il est donc possible de tenter une reconstitution synthétique de sa pensée , à condition de découvrir les cadres dans lesquels il organisait lui-même ses doctrines . Ce sera l'objet d'un premier article

on y montrera en quel sens et en quelle mesure il peut être

question du système de Siger . Du même coup l'ordre suivi dans l'exposé de ses doctrines au cours des articles suivants se trouvera justifié . Un dernier article groupera les conclusions générales qui se dégagent de toute cette enquête sur la pensée de Siger . Ces conclusions porteront sur les traits domi nants et les sources de sa philosophie , puis sur la conception qu'il s'est faite de la recherche philosophique dans ses rapports avec la vie chrétienne . Il est sage de réserver ce dernier problème pour la fin de l'exposé , car tout porte à croire que , dans l'esprit de Siger lui-même , la question ne s'est pas posée dès le début de sa carrière : elle est née de la constatation brutale du divorce que certaines conclusions philosophiques établissaient entre sa pensée et sa vie . Dans cet essai de reconstitution de la philosophie de Siger , des références à ses écrits viendront constamment appuyer nos affirmations . Pour les Quaes tiones de anima (nº 14 ) et pour tous les écrits inédits , ces références visent 1 le premier volume du présent ouvrage ¹ ; pour les textes déjà publiés , elles renvoient aux éditions indiquées ici en note 2.

¹ Les résumés auxquels nous renvoyons pour les textes inédits fournissent eux-mêmes les références aux manuscrits. 2 Les abréviations suivantes serviront à désigner les écrits de Siger : Comp. Compendium de generatione (nº 11 ) . De aet. = De aeternitate mundi , éd. DWYER (n° 7) . C'est la seule édition qui donne toutes les variantes des quatre manuscrits . De an. = De anima intellectiva, éd . MANDONNET (nº 13). De neces. = De necessitate et contingentia causarum , éd . MANDONNET (nº 18) . Gen. Quaestiones de generatione (nº 10) . Impos. = Impossibilia, éd . MANDONNET (nº 3) . L'édition de Baeumker reste supérieure en raison de son apparat critique, mais nous renvoyons à l'ouvrage de Mandonnet parce qu'on y trouve l'ensemble des opuscules de Siger. In tertium Quaestiones in librum tertium de anima (nº 12) . luv. Quaestiones de iuventute et senectute (nº 16) . Metaph. = Quaestiones in metaphysicam (n° 17) . Mgr Grabmann a édité quelques-unes de ces questions (Neuaufgefundene « Quaestionen » ..., pp. 130-145) ; les références à ces textes seront indiquées par le mot « Grabmann » suivi de l'indication de la page. Quaestiones in librum meteororum (n° 9) . Meteor.

568

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE IV : LA PHILOSOPHIE DE SIGER

ARTICLE PREMIER

LE

SYSTÈME

DE

SIGER

On se trompe singulièrement lorsqu'on pense que les philosophes scolas tiques ont ignoré le problème de la systématisation proprement rationnelle . On a parfois évoqué , à propos de la pensée médiévale , l'image du cercle ou du système fermé : chaque point de la doctrine supposerait tous les autres , sans qu'on puisse assigner au système un point de départ ou une entrée . Cette conception est due à l'ignorance de la littérature philosophique du moyen âge. Jusqu'à la fin du siècle dernier, la pensée médiévale a été connue surtout à travers la littérature théologique des commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard, des sommes théologiques et des disputes sco laires. Or cette littérature ne traite pas ex professo de philosophie ; elle se borne à utiliser selon ses méthodes propres , les thèmes philosophiques qui l'intéressent ; tout au plus y trouve-t- on l'élaboration philosophique de cer tains problèmes déterminés ; la systématisation , dans la mesure où elle existe , y est d'ordre théologique . Mais dès qu'on aborde des ouvrages spécifiquement philosophiques et de caractère synthétique , les soucis de classification et de systématisation apparaissent . Il y a près de quarante ans , Baur éditait le De divisione philo sophiae de Dominique Gundissalinus , ouvrage capital en cette matière , com posé en Espagne vers 1150¹ ; le texte du traité est suivi, dans le travail de Baur, d'une savante étude critique qui comporte notamment une esquisse historique très fouillée sur la littérature d'introduction à la philosophie chez les Grecs , les Syriens , les Arabes et les Latins jusqu'à la fin de la Scolastique (pp . 316-397) . Nous allons évoquer ici les principaux résultats de cette remar quable enquête et la compléter à l'aide de quelques travaux plus récents 2.

Phys . Quaestiones in physicam , éd . DELHAYE (nº 8) . Nous n'avons pas tenu compte du premier commentaire sur la Physique (8ª) , dont l'authenticité n'est pas suffisamment établie. Q. de an. = Quaestiones in libros tres de anima (nº 14) . Q. log. = Quaestiones logicales, éd . MANDONNET (nº 1 ) . Q. mor. .. Quaestiones morales, éd . Stegmüller (nº 19) . Q. nat. = Quaestiones naturales, éd . MANDONNET (nº 5) . Q. nat. Lisb. = Quaestiones naturales de Lisbonne , éd. STEGMÜLLER (nº 6) . Q. utrum. = Quaestio utrum haec sit vera..., éd . MANDONNET (nº 2) . Somn. = Quaestiones de somno et vigilia (nº 15) . Soph. = Sophisma (nº 4) . ¹ L. BAUR, Dominicus Gundissalinus, De divisione philosophiae ( 1903) . 2 On trouvera des indications plus complètes sur l'histoire de la classification philoso phique dans F. Van Steenberghen , Réflexions sur la systématisation philosophique ( 1938) .

+ ARTICLE PREMIER : LE SYSTEME DE SIGER

569

Cette littérature d'introduction , dans laquelle les problèmes de classifi cation jouent un rôle très important, est née de circonstances diverses : besoin de coordonner, d'expliquer et de vulgariser en vue de l'enseignement les écrits scientifiques ou philosophiques des grands penseurs ; naissance de la bibliographie et de la bibliothéconomie , entraînant la nécessité de classer les écrits , d'en déterminer l'objet et la place dans l'ensemble du savoir ; soucis d'ordre pédagogique visant les méthodes à employer dans l'enseignement des différentes sciences et la succession chronologique des branches mises au programme des écoles ; le progrès scientifique lui-même , en accentuant de plus en plus la complexité du savoir humain , appelait la solution des pro blèmes généraux relatifs à l'objet , à la division et aux méthodes de la science . Le De divisione philosophiae de Gundissalinus occupe, dans l'histoire de ces écrits d'introduction à la philosophie , une place tout à fait marquante : c'est dans cet ouvrage , en effet , que s'opère pour la première fois la synthèse d'une double tradition , arabe et latine , issues l'une et l'autre de la pensée grecque . Voici le schéma de la classification des sciences proposé par l'archidiacre 1 de Ségovie ¹ : HUMANA SCIENTIa (ou Philosophia, Philosophie au sens large) . I. Scientiae eloquentiae (sciences propédeutiques). 1. Scientia litteralis (grammaire) . 2. Scientiae civiles (poétique et rhétorique). II . Scientia media (logique , en 8 parties) . III . Scientiae sapientiae (Philosophie au sens restreint) . Physica (8 sciences). Mathematica (7 sciences) . 1. Philosophia theorica. Theologia , Prima philosophia.

2. Philosophia practica .

Politica. Oeconomica (y compris les artes mechanicae) . Ethica.

DIVINA SCIENTIA (c'est la Théologie ou science de la Révélation) .

Le commentaire détaillé de ce tableau a été réalisé par Baur 2. Bornons nous à attirer l'attention sur quelques points . La distinction du savoir humain et du savoir théologique est parfaitement marquée . Quant à la logique , le problème de savoir si cette discipline devait être considérée comme pars ou comme instrumentum philosophiae avait divisé les esprits depuis l'époque néoplatonicienne ; Dominique le résout d'une manière conciliante , en adoptant à la fois les deux points de vue ; mais il

¹ L. BAUR, Dominicus Gundissalinus..., p . 193. 2 L. BAUR, Dominicus Gundissalinus ..., pp. 186-193.

DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE IV : LA PHILOSOPHIE DE SIGER

570

faut retenir surtout que la logique se présente , dans sa classification , comme science intermédiaire entre les disciplines purement propédeutiques, d'une part ,

et les disciplines proprement philosophiques, d'autre part ;

elle est

l'instrument de la recherche philosophique . Pour le reste , Dominique adopte les divisions de la philosophie inspirées par l'aristotélisme : philosophie théo rique et philosophie pratique , la première subdivisée d'après la doctrine des trois degrés d'abstraction . On observera que la vieille classification des arts libéraux s'évanouit dans le système de Dominique : les éléments du trivium (grammaire, rhétorique , dialectique) sont dispersés dans les deux premiers groupes des sciences humaines : scientiae eloquentiae (grammaire et rhéto rique) et scientia media (logique ou dialectique) ; quant au quadrivium (arith métique, géométrie , astronomie , musique ) , on en retrouve tous les éléments dans les subdivisions de la Mathematica . A partir de Gundissalinus , et dans une large mesure sous son influence , les cadres généraux d'une classification scientifique inspirée surtout de l'aris totélisme , tendent à s'imposer. Le De divisione philosophiae de Gundissalinus s'appuie principalement sur des sources arabes . Il en est de même pour l'écrit analogue de Michel Scot , mort vers 1235 , écrit dont on ne possède aujourd'hui que des fragments 1 incorporés dans le Speculum doctrinale de Vincent de Beauvais ¹ . Il résulte de cette prépondérance des sources arabes que , dans l'œuvre de ces deux écri vains , l'accent est mis sur le savoir profane ou philosophique . Par contre, les essais à peu près contemporains du De divisione philosophiae , réalisés par Hugues et par Richard de Saint-Victor, sont centrés sur la théologie et se rattachent à ce que Baur appelle le courant chrétien-théologique . La synthèse de ces deux tendances (chrétienne-théologique et arabe -pro fane) a été réalisée au XIII° siècle , notamment à la Faculté des arts de Paris, pendant la période qui précède immédiatement le professorat de Siger . Les problèmes de classification et de systématisation sont fréquemment abordés dans la littérature philosophique de cette époque et les trois principaux témoins de ce genre de préoccupations sont , actuellement , l'auteur inconnu du « guide de l'étudiant » que nous avons analysé plus haut , Robert Kil wardby et Nicolas de Paris . Le « guide du récipiendaire » retrouvé à Barcelone par Mgr Grabmann a été composé entre 1230 et 1240 2. Nous avons déjà attiré l'attention sur les caractères principaux de la classification philosophique que cet écrit met en 3 œuvre ³ . Comparée à celle de Gundissalinus , elle se caractérise par un retour à la classification platonico- stoïcienne (naturalis , moralis , rationalis) , qui est combinée avec la classification aristotélicienne ; l'ordre des degrés d'abstrac tion est renversé et la metaphysica occupe la première place ; la divina

Cf. L. BAUR, Dominicus Gundissalinus ..., pp. 358 , 363-67 et 398-400 . 3 Ibidem . 2 Cf. ci-dessus, p . 416.

ARTICLE PREMIER : LE SYSTEME DE SIGER

571

scientia de Gundissalinus devient ici une subdivision de la philosophia practica ou moralis ; le trivium est reconstitué , sous le nom de philosophia rationalis . Robert Kilwardby a été maître à la Faculté des arts de Paris avant d'entrer chez les Frères Prêcheurs, mais il n'est pas possible de préciser les dates de son enseignement parisien ¹ . Robert est l'auteur d'un ouvrage De ortu et divisione philosophiae , que Baur considère comme la plus importante des introductions médiévales à la philosophie . Cet écrit doit avoir été com posé à l'époque où l'auteur était encore professeur de philosophie , c'est à-dire avant 1245 ; le De ortu est donc à peu près contemporain du « guide de l'étudiant » dont nous venons de parler . En ce qui concerne la classi 3 fication philosophique , Kilwardby propose les cadres suivants : I. Philosophia rerum divinarum ( = Philosophie théorique) . Naturalis . Mathematica. Metaphysica. II. Philosophia rerum humanarum ( = Philosophie pratique).

Activa .

Ethica. Mechanica .

Sermocinalis

Grammatica. Logica. Rhetorica .

La classification de Kilwardby est en somme très voisine de la précé dente , mais elle présente aussi des analogies avec celle de Gundissalinus . On remarquera surtout le sort nouveau qui est fait à la logique ou science ration nelle : elle devient partie intégrante de la philosophie pratique ou du groupe des disciplines qui ont pour objet les « choses humaines » , c'est-à - dire tout ce qui résulte de l'activité de l'homme (ea quae sunt ex opere nostro) , soit dans l'ordre de l'agir volontaire (Ethica) , soit dans l'ordre de la production (Mechanica) , soit dans l'ordre du discours (Grammatica , Logica, Rhetorica) . Ainsi le trivium , qui occupait les premières places dans le tableau de Gun dissalinus, vient ici en dernier lieu comme dans le « guide du récipiendaire » . La classification proposée est une classification objective , en ce sens qu'elle est commandée par la différenciation des objets connaissables . Mais l'auteur fait observer, aux chapitres 63 et 64 de son traité , que d'autres prin

¹ Cf. ci-dessus, p. 433, note 1 . ² Cf. D. E. SHARP , The De ortu scientiarum of Robert Kilwardby ( 1934) , p . 3. Il ne saurait donc être question d'une dépendance de Robert par rapport à Thomas d'Aquin , ni même par rapport à Albert le Grand , comme Baur le supposait (pp . 376-377) . Il faut soupçonner plutôt une influence en sens inverse et le mérite de Robert n'en est que plus grand. 3³ Le schéma donné par Baur (p . 377) n'est pas tout à fait exact ; nous le corrigeons ici

d'après le texte de Kilwardby fourni par Baur lui-même.

+

572

DEUXIEME PARTIE. CHAPITRE IV : LA PHILOSOPHIE DE SIGER

cipes de classification sont possibles : ordre de découverte , ordre de dignité , degré de certitude , ordre pédagogique . A ce dernier point de vue , Kilwardby fait des suggestions intéressantes . Les sciences verbales (scientia sermocinalis : grammaire, logique, rhétorique) doivent précéder , suivies de l'éthique . Mais pour déterminer l'ordre ultérieur de l'enseignement, il convient de tenir compte de la capacité des élèves . Pour les moins doués , on commencera par les arts mécaniques, puis on passera, ou bien aux mathématiques et à la physique si l'on est en présence d'un tempérament imaginatif, ou bien à la métaphysique si l'intelligence est la faculté dominante . Pour les bons élèves , l'ordre à suivre sera (après les sciences verbales et l'éthique) : métaphysique , mathématiques, physique , arts mécaniques 1¹ . Nicolas de Paris s'est également intéressé à la classification philoso phique . Les divisions qu'il adopte ressemblent singulièrement à celles du «< guide de l'étudiant » 2. Les introductions médiévales à la philosophie , postérieures à celle de Robert Kilwardby, sont pour la plupart dépourvues d'originalité . Baur fait exception pour le petit ouvrage de Gilles de Rome , De partibus philosophiae essentialibus, qui est beaucoup plus personnel : l'auteur appuie sa classifiSNE cation sur des principes épistémologiques , qu'il s'efforce de puiser aux sources aristotéliciennes authentiques ". Gilles de Rome est un contemporain de Siger de Brabant . Les autres grands scolastiques de son temps n'ont pas ignoré davantage les problèmes de classification et de systématisation scientifiques pour s'en convaincre , il suffit d'évoquer les paraphrases d'Albert le Grand, le De reductione artium ad theologiam de saint Bonaventure , le commentaire de saint Thomas In Boethium de Trinitate . Nous ne pouvons nous arrêter plus longtemps à cette littérature , ni étudier ici les problèmes d'histoire littéraire qu'elle soulève . Ce que nous en avons dit permet d'affirmer que Siger n'a pas pu ignorer ces questions . Malheureusement , ses écrits ne renferment, sur le sujet, que des aperçus fragmentaires, dans lesquels une certaine confusion semble régner entre des points de vue connexes, qu'il eût fallu distinguer plus nettement : l'ordre méthodologique ou pédagogique (c'est- à-dire l'ordre à respecter dans l'enseignement des disciplines philosophiques) , l'ordre critique (c'est-à-dire la marche à suivre dans l'élaboration d'un système philosophique) et l'ordre. hiérarchique (c'est-à-dire les classements inspirés par la dignité des objets , la perfection des méthodes, la certitude des conclusions ) . A la lumière du con texte historique que nous venons d'esquisser, les indications qu'on relève

¹ Cf. D. E. SHARP , The De ortu scientiarum of Robert Kilwardby. 2 Cf. M. GRABMANN, Die logischen Schriften des Nikolaus von Paris ..., dans Mittelalter liches Geistesleben ( 1926) , pp. 236-238 . Plus loin (pp . 241-248) l'auteur analyse plusieurs docu ments du XIIIe siècle , dans lesquels des préoccupations analogues se font jour. 3 L. BAUR, Dominicus Gundissalinus..., pp . 380-385.

ARTICLE PREMIER : LE SYSTEME DE SIGER

dans les œuvres de Siger sur l'organisation de sa philosophie ,

573

prennent

cependant quelque relief.

On doit s'attendre à trouver chez notre philosophe , dont la ferveur aris totélicienne est bien connue , une prédilection pour les classifications qui s'inspirent du Philosophe . C'est bien ce qu'on observe à propos de la logique : renonçant aux cadres reçus avant lui à la Faculté des arts , Siger laisse entendre que la première place , parmi les sciences, appartient à la logique ; il revient, en somme , aux idées de Dominique Gundissalinus et voit dans l'Organon l'instrument universel du savoir (Metaph . II , 19 , commentaire , p . 306 ; cf. p . 298 , fragment d'authenticité douteuse ¹ ) . Quelle place faut- il réserver à la philosophie première ou à la métaphy sique ? La question intéresse visiblement Siger, car il y revient à plusieurs reprises . La philosophie première se trouve , vis-à-vis des autres sciences , dans une situation paradoxale . D'une part , en effet , elle les précède et leur est nécessaire à plusieurs titres : elle détermine l'objet propre des autres sciences (scientiae particulares) , ou du moins des plus générales d'entre elles , de manière à fixer les frontières qui la séparent de ces autres disciplines (Metaph . Introd . , 3 , 297) ; elle leur fournit les principes premiers , communs à tout savoir et à toute recherche (principia doctrinae) , ainsi que les notions les plus générales (Intr . , 4, 297 ; 1 , 296 ; IV, 6 , 319) ; elle les oriente vers leur fin, puisqu'elle traite de Dieu , qui est le terme dernier de toute contemplation (Intr. , 4, 297) . D'autre part , la métaphysique dépend de la philosophie natu relle , car elle lui emprunte certaines conclusions , comme l'existence du Pre mier Moteur ; elle dépend aussi des mathématiques , qui déterminent le nombre des substances séparées ; de plus , la métaphysique est une science difficile , car son objet est fort abstrait : de ce chef, il semble qu'elle doive être étudiée après les autres sciences , physique et mathématique (Intr . , 5 , 297 ; II , 19, comment . , 306 ; IV , 6, 319) . Ainsi donc , la métaphysique est première par son objet , dans l'ordre réel (ordine rei) , mais elle est dernière dans l'ordre de l'enseignement (ordine doctrinae) ; par ailleurs elle fournit aux autres disci plines les principes de la science (principia doctrinae) , bien qu'elle leur emprunte certaines données réelles (principia rerum ) 2 . Les mêmes idées sont développées dans la Physique . La philosophie

première établit les premiers principes , et en particulier le premier de tous (le principe de non contradiction) ; elle fixe le sens des termes les plus uni versels ; elle étudie d'une manière générale la quiddité et l'existence de toute chose (Phys . I , 10, 33) . La théorie générale des causes relève également de

¹ Dom A. Graiff, qui prépare l'édition des Quaestiones in metaphysicam, tient ce fragment pour authentique. Comparez Metaph. , Introd . , 5 , 297 (Grabmann , p . 132) et IV , 6 , 319. La doctrine est très cohérente, mais le vocabulaire est déroutant.

574

DEUXIEME PARTIE . CHAPITRE IV : LA PHILOSOPHIE DE SIGER

la métaphysique , tandis que la physique ne les étudie qu'en rapport avec le mouvement (II , 8 , 93 ) . En ce qui concerne la démonstration de l'existence de Dieu, Avicenne complète la doctrine d'Averroès : Dieu comme Premier Moteur est prouvé en physique , mais , comme Cause première et Etre néces saire , il est découvert par le métaphysicien (VIII , 3 , 191 ) . D'après l'introduction du Commentaire sur la génération , la philosophie comporte trois parties : la métaphysique , la mathématique et la physique (Gen. 269, Prooemium) . La métaphysique est citée en premier lieu , comme dans le « guide du récipiendaire » analysé plus haut. Ces réflexions de notre philosophe sur la place et le rôle du savoir méta physique sont très suggestives . Siger n'est pas conscient , sans doute , de la nature exacte des problèmes qu'il soulève et des difficultés qu'il rencontre . Mais le recul de l'histoire nous permet d'apercevoir ici un des aspects du conflit latent entre les tendances aristotéliciennes et les tendances néoplato niciennes qui voisinent dans son esprit. L'empirisme d'Aristote donne la première place à la physique et ne s'élève que progressivement vers l'objet de l'abstraction métaphysique ; le néoplatonisme , au contraire , construit la philosophie à partir des intuitions métaphysiques premières et s'efforce de rejoindre le monde de l'expérience par une déduction logique qui imite le mouvement réel de l'émanation des êtres à partir de l'Unité suprême . La position de Siger semble être un compromis entre les deux tendances : la philosophie naturelle garde une place importante dans son œuvre , les mé thodes aristotéliciennes y sont en honneur et la métaphysique conserve des liens étroits avec la physique ; mais , par ailleurs , sous l'influence du néo platonisme, en particulier sous l'influence de Proclus et d'Avicenne , les prin cipes métaphysiques commandent visiblement toute sa synthèse , y compris la philosophie naturelle , et sa métaphysique mérite pleinement l'appellation de « philosophie première » . Cette primauté effective de la métaphysique dans l'œuvre de Siger ressortira nettement de l'exposé de ses doctrines et nous devrons en tenir compte dans l'organisation de ce chapitre . Quant à la hiérarchie des disciplines philosophiques sous le rapport de la dignité , elle résulte de deux éléments : l'excellence de l'objet et la certi tude des démonstrations . Pour l'excellence de l'objet , la métaphysique est première, puis vient la morale , puis la science de l'âme , puis les sciences mathématiques et naturelles . Au point de vue de la certitude , c'est encore la métaphysique qui l'emporte , puis viennent les mathématiques , ensuite la science de l'âme (il n'est pas question des autres sciences de la nature) , enfin la morale ; à certains égards les mathématiques , qui procèdent par déduction , ont une certitude supérieure à celle de la métaphysique , dans la mesure où celle-ci connaît les causes (Dieu , par exemple) à partir de leurs effets (Metaph. II , 19, comm., 306 ; IV, 6 , 319 ; Q. de an. I , 5 , 30-31 ) . Les indications éparses que nous venons de recueillir et l'examen des

grands commentaires aristotéliciens de Siger permettent d'entrevoir les lignes.

ARTICLE II : LA LOGIQUE ET LES THEMES CONNEXES

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de construction de sa philosophie . A la base se trouve la logique, c'est-à-dire l'Organon d'Aristote , tel qu'il était étudié et commenté à la Faculté des arts . La métaphysique ou philosophie première vient ensuite : c'est la pièce maî tresse qui commande tout l'édifice et qui s'achève par l'étude de l'Etre pre mier. La mathématique fait suite à la métaphysique, mais Siger, comme son maître Aristote , semble avoir accordé peu d'attention à cette discipline . Par contre, il s'intéresse vivement à la physique ou philosophie naturelle , avec toutes les subdivisions aristotéliciennes . Enfin la philosophie pratique est représentée dans son œuvre par quelques questions relatives à l'éthique et par des commentaires perdus sur la politique.

Dans les articles suivants, les doctrines de Siger seront exposées d'après le plan qui vient d'être indiqué . On verra qu'elles s'organisent de la manière la plus naturelle dans ces cadres .

ARTICLE II

LA LOGIQUE

ET

LES

THÈMES

CONNEXES

La «< logique » ou la « dialectique » , qui occupe une place considérable . dans l'enseignement des écoles d'arts libéraux et dans la littérature philoso phique du moyen âge , est une discipline beaucoup plus riche que la « logique formelle » telle que nous l'entendons aujourd'hui . L'Organon lui-même ouvrait la voie à mainte recherche de psychologie , de métaphysique ou de critique , et, dès la fin de l'antiquité , on avait vu des commentateurs d'Aristote , Por phyre , puis Boèce , soulever le célèbre problème des universaux , que le haut moyen âge s'était appliqué à résoudre . Ce problème est , en somme , celui de la connaissance conceptuelle : thème de psychologie, mais aussi , de cri tique ; l'aspect critique est même demeuré à l'avant-plan dans les controverses médiévales sur la nature et l'origine des universaux . Car les penseurs du moyen âge n'ont pas ignoré les préoccupations cri tiques . L'absence de soucis de cet ordre serait bien surprenante chez des hommes qui étaient pétris de la doctrine d'Aristote et de la pensée de saint Augustin

le premier leur offrait, outre l'« instrument » de la science que

constitue l'Organon, une critique du scepticisme ancien , une théorie de la vérité , l'art de mettre en question et de discuter les opinions reçues ; de son côté , saint Augustin , libéré des pièges du scepticisme et du matérialisme , avait légué au moyen âge cette affirmation du primat de la conscience , cette dialectique passionnée contre le doute absolu , cette critique de la sensation et cette transposition remarquable de l'idéalisme platonicien qui l'ont fait appeler le premier penseur moderne . En réalité , le moyen âge n'a jamais cessé de s'intéresser à divers aspects de la critique de la connaissance, et

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nous allons retrouver, dans les écrits de notre philosophe , les principaux thèmes de cette critique médiévale . Le catalogue des œuvres de Siger ne renferme , du moins jusqu'à ce jour, aucun écrit de pure logique . Les Quaestiones logicales, la Quaestio utrum haec sit vera... et le Sophisma traitent du problème des universaux et ressor tissent à la critique de la connaissance plutôt qu'à la logique formelle ; les Impossibilia intéressent la dialectique en leur qualité d'exercices de sophis tique , mais les sujets discutés relèvent tous d'autres disciplines . C'est en parcourant tous les écrits de Siger qu'il faut glaner des indications sur sa logique et sur sa formation dialectique . Il en va de même pour les thèmes de méthodologie et de critique, qui forment , dans la tradition scolastique , le prolongement naturel de la logique proprement dite .

Logique

Comme tous ses contemporains, Siger reprend en ce domaine les enseigne ments du Philosophe et de ses commentateurs les plus célèbres . Quant aux nuances personnelles qui pourraient mériter une mention , il est prématuré d'en faire le relevé, faute de textes sûrs . Bornons- nous à noter quelques traits saillants . La logique enseigne la méthode à suivre dans la recherche du vrai et , à

ce titre , elle est fondamentale et indispensable. La logique acquise ne fait qu'élaborer la logique naturelle de l'esprit . On doit distinguer la logique géné rale et les logiques spéciales qui déterminent les méthodes propres à chaque science (Metaph. II , 19, comm . , 306 ; cf. 298, fragment douteux) . L'œuvre de Siger renferme des développements classiques sur la nature du genre (Phys . , III , 12 , 140-141 ; Metaph . , III , 14 , 312) , sur la classification logique des prédicaments (Phys . , III , 12 , 140-142) , sur les contradictoires et les contraires (Impos . , VI , 92-93 ; Metaph . , IV , 10 , 320) , sur la définition (Phys . , IV, 23, 176-177 ; Q. de an. , I , II à 14 et 17, pp . 42-47 et 51-52 ; III , 12 , pp . 141 142) , sur la signification des mots et la communication du savoir par le lan gage (Metaph. , IV, 13-15 , 321 ; Q. de an . , II , 38-39 , 112-113).. Siger connaît de près les traités de l'Organon et en utilise constamment les principes, les distinctions et les classifications . Sa formation à la Faculté des arts a fait de lui un dialecticien rompu aux discussions scolaires .

Problème des universaux

Les discussions séculaires sur le problème des universaux avaient abouti , dès le XII° siècle , à la formule du réalisme modéré , à laquelle la plupart des scolastiques du XIIIe siècle se sont ralliés : le réel est individuel et concret,

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mais il est « universel en puissance », car les êtres particuliers possèdent vrai ment des déterminations semblables , qui fondent la prédication universelle ; l'universel comme tel ou « en acte » n'existe que dans la pensée , il est le fruit d'une activité spirituelle qu'on nomme l'abstraction . Siger est un partisan convaincu du réalisme modéré . Certains aspects du problème l'intéressent vivement, car il y revient sans cesse , et ce sont pré cisément des aspects épistémologiques et métaphysiques . Quel est l'objet signifié par le terme universel ? se demande -t-il dans l'unique Quaestio logicalis qui nous est parvenue . Est- ce le concept mental ou la réalité extérieure ? Il répond , en se référant à un écrit antérieur où il avait traité le problème de la nature de l'universel , que le terme commun signifie deux choses : une nature qui existe dans le monde réel et le mode conceptuel sous lequel cette nature est saisie par l'intelligence humaine : car la signification des mots est parallèle à l'intellection , les mots n'ayant d'autre fonction que d'exprimer la pensée ; or l'intellection , pour nous , est essen tiellement conceptuelle . L'objet principal signifié par le terme commun est donc la réalité concrète , mais le concept de l'esprit en est l'objet secondaire. D'autre part, le caractère abstrait dont est affectée la signification du terme . fluctuations ainsi le mot « César » le met à l'abri des du réel changeant continue , même après la mort de César , de signifier l'être réel que ce mot désigne , car il le désigne comme objet de pensée , affranchi , comme tel , des conditions temporelles . Tout cela est exposé avec grande finesse , mais le texte publié par Man donnet est manifestement corrompu en plusieurs endroits . Les deux autres questions logiques annoncées traitaient le même pro blème de la signification des termes communs : signifient-ils la forme seule , comme le voulait Platon , ou le composé de matière et de forme tout entier ; peuvent-ils signifier la matière elle-même ? Ces questions sont perdues, mais nous allons en retrouver la solution ailleurs . C'est encore le problème des termes communs qui fait l'objet du Sophisma de Siger. Mais ici l'aspect envisagé est différent : il ne s'agit plus de la « signi fication » des termes communs, mais de leur « supposition » . Deux questions sont abordées : d'une part , le rapport du terme commun avec les sujets qu'il supplée ; d'autre part , le rapport de ce terme avec les divers prédicats qui peuvent l'affecter dans une proposition . A la première question , Siger répond que le terme commun , en vertu de sa signification , supplée indifféremment des sujets présents , passés ou futurs ; à la seconde , il répond que la suppo sition d'un terme varie suivant la diversité des prédicats de la proposition. Le chapitre II de l'opuscule De aeternitate mundi est également con sacré aux universaux (pp . 33-39 ) . On y trouve une brève réfutation de l'idéa lisme platonicien (34-35 ) et un exposé de la doctrine de l'abstraction (35-37) . Albert le Grand avait enseigné que l'universel en acte possède une certaine

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réalité avant de déterminer l'intellect, l'universel ayant, selon lui , un rôle 1 causal dans l'actuation de la pensée ¹ . C'était , en fait , retomber dans le réalisme outré . Siger lui répond, sans le nommer, que cette causalité est superflue : l'opération de l'intelligence s'explique suffisamment par l'intellect agent et par les images (37-38) . Sur le problème des universaux , et en particulier sur la portée des termes communs , on trouve dans la Métaphysique des aperçus identiques à ceux que nous venons de rencontrer dans les écrits logiques ; l'exemple de César y est repris (Metaph . , III , 15 , 312 ; III , 28 , 317 ; IV , 16-21 , 321-322) . L'abstrac tion et l'universel sont encore expliqués en d'autres passages (Phys . , I , 7-8 , 27-31 ; II , 6 , 89-91 ; Gen. I , 2 , 268-269 ; Q. de an . I , 8-11 , 34-43) ; partout on retrouve la même doctrine jusque dans le détail , les mêmes citations re viennent, les mêmes distinctions , parfois les mêmes exemples 2.

Dans la Quaestio utrum haec sit vera : homo est animal, Siger aborde de front l'aspect métaphysique du problème des universaux , au point de devoir trahir ses attaches avec l'aristotélisme hétérodoxe et dévoiler quelques unes de ses positions les plus originales . Le problème soulevé est classique ; il était discuté au XIIIe siècle dans les termes mêmes que l'on retrouve ici : s'il n'existe aucun homme , demeure -t-il vrai de dire : « l'homme est un animal » ? Pour tout platonicien , la réponse est certaine , car l'universel préexiste à l'individuel. Sans verser dans le plato nisme proprement dit, Albert le Grand admettait, on vient de le voir , une certaine priorité de l'universel par rapport à l'individuel ; Siger expose la doctrine d'Albert, après avoir rejeté plusieurs autres opinions (66-67) ; il la déclare plus probable que les précédentes , mais la rejette cependant (67-68) . Au terme de cet exposé critique , au cours duquel Siger a passé en revue cinq essais de solution et en a montré très finement les faiblesses , on s'attend à une réponse inspirée de l'exemplarisme : le fondement ultime de toute possibilité se trouve dans la pensée divine et dans l'être même de Dieu con sidéré comme participable ; toute vérité logique s'appuie en dernier ressort sur la Vérité première et subsistante . A la lumière de ces principes, en effet , les idées platoniciennes , le monde idéal , l'ordre des essences ou des possibles , si justement critiqués par Siger , apparaissent comme de pauvres transpositions humaines du mystère de l'Intelligence infinie , dans laquelle se trouve la raison . dernière de la stabilité et de la nécessité de nos affirmations . Il n'est donc pas nécessaire qu'un homme existe pour que la proposition homo est animal soit vraie .

¹1 ALBERTUS MAGNUS , De intellectu et intelligibili, tract. II . 2 Dans les Quaestiones de anima , l'influence de saint Thomas se fait sentir plus qu'ail leurs cf. B. NARDI, Una nuova monografia... ( 1939) , p . 455 .

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C'est dans une tout autre direction que s'engage la pensée de Siger. Toutes les solutions proposées aboutissent à des impasses, dit- il, parce qu'elles reposent sur un présupposé absurde , impliquant une contradiction : ce pré supposé, c'est que tous les individus humains pourraient , en même temps , ne pas être . En réalité , l'espèce humaine est nécessaire et éternelle , comme toutes les espèces ; et comme toutes les espèces réalisées dans la matière , elle comporte toujours un certain nombre d'individus existants , qui se per pétuent grâce à la génération . Dès lors , si l'on pose l'hypothèse absurde de la non existence de tout individu humain , on arrive inévitablement à des conclusions contradictoires qui paraissent également vraies car on peut tout aussi bien prouver que la proposition homo est animal est vraie ou qu'elle est fausse. Il faut donc se tenir fermement à la solution indiquée (Q. utrum, 68-70).. Cette solution, on le devine aisément, implique toute une métaphysique , 1 dont plusieurs éléments sont d'ailleurs esquissés dans la présente Quaestio ¹ . Nous y reviendrons dans l'exposé de la métaphysique de Siger. Notons seule ment ici combien le problème des universaux dépasse , dans l'œuvre du maître brabançon, les limites d'un problème de logique ou même de critique . Le texte publié par Mandonnet est défectueux , mais, malgré ces imperfections, il n'est pas difficile d'apercevoir la vigueur et la finesse de la pensée qui s'y exprime . On trouve au début du Commentaire sur la génération (1 , 1-2 , 268-269) un exposé qui est , pour une large part , le résumé littéral de cette intéressante Quaestio critique de la distinction entre l'être actuel et l'être essentiel, et critique de l'opinion d'Albert de Cologne dans son traité De intellectu et intel ligibili. Le rapprochement est suggestif au point de vue de l'authenticité du De generatione (cf. aussi Metaph . , III , 13 , ad 2", 311 ) . Relevons enfin un passage dans lequel Siger montre que la théorie de des formes dans une même substance repose sur une conception pluralité la inexacte de l'universel et de l'abstraction (Q. nat . , 101 ) .

L'empirisme aristotélicien , qui voit dans la sensation la source de toutes nos connaissances, joint à la doctrine de l'abstraction et de l'intellection par concepts universels , pose un nouveau problème , critique et psychologique tout à la fois : celui de la connaissance intellectuelle du singulier. Le réalisme est évidemment lié à la solution de ce problème. Partout où il traite avec quelque développement la question des univer saux , Siger affirme que l'objet de l'intellection n'est pas le concept , mais la réalité objective saisie dans un de ses aspects intelligibles et universels ; le

' Le P. Mandonnet ne semble pas en avoir saisi toute la portée ; cf. Siger ² , t . I , p . 118 , note 5.

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concept est l'objet secondaire de la pensée , l'intelligence ayant le pouvoir de réfléchir sur son acte ¹ . Cette doctrine est exposée ex professo dans les Ques tions sur l'âme ( III , 9-10 , 137-140) : l'objet propre de l'intelligence est la quiddité de la chose , la substance matérielle ; la species n'est qu'un inter médiaire instrumental, connu seulement par réflexion ; le rôle de la species est d'assurer la présence intentionnelle (per similitudinem), de l'objet et de constituer ainsi l'intelligence en acte de penser (species est rei cognitio) . L'intelligence a donc pour objet propre l'universel présent dans le par ticulier . Mais n'atteint-elle en aucune manière le particulier comme tel ? S'il faut opter pour la négative , la réalité concrète n'est d'aucune façon objet de science et l'intelligence n'est pas capable de distinguer un particulier d'un autre . Dans son petit traité In tertium de anima, Siger déclare que le particulier ne peut être pensé ni directement (primo et per se) ni indirectement (ex con sequentia) , car une « application » de l'universel au particulier ne paraît pas concevable , pas plus que la saisie du particulier grâce aux images dont les idées sont abstraites . Mais le particulier est atteint d'une certaine manière dans l'universel , en tant qu'il s'identifie avec lui (In tertium, 17, 176-177) . Comme il arrive assez souvent , la critique que fait Siger des opinions reçues est plus satisfaisante que l'explication qu'il propose pour les remplacer . Dans les Questions sur l'âme , cette explication assez décevante semble dépassée , car l'auteur admet une connaissance indirecte ou réflexe du sinaut gulier ; mais il se contente d'une affirmation , appuyée sur un fait de con science

nous connaissons intellectuellement la différence de l'universel et du

singulier, donc nous connaissons les deux termes . Aucune explication n'est fournie sur la manière dont les choses se passent (Q. de an . , III , 13 , 142-143) .

Science et méthodologie scientifique

La théorie de la science est intimement liée à la solution du problème des universaux . On le remarque aisément à lire Siger : presque tous ses com mentaires débutent par une question sur la possibilité d'une science qui étudierait les objets considérés dans l'ouvrage d'Aristote dont il entreprend l'exégèse (Phys. , I , 1 , 19-21 ; Somn . , 1 , 223 ; Meteor. , I , 1 , 233 ; Gen. , I , I , 268 ; I , 7 , 271 ; II , 14 , 289 ; Q. de an . , I , 1 , 23-26) ; et partout l'objection revient : il n'y a de science que de l'universel ; or les objets de notre expé rience sont particuliers ; donc on ne peut pas les connaître scientifiquement . La réponse est toujours substantiellement la même : grâce à l'abstraction , les

¹ Cf. ci-dessus, pp . 577-578 , les passages cités à propos du problème des universaux .

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choses concrètes et changeantes sont connues sous un aspect d'universalité et de nécessité qui rend la science possible , sans qu'il faille souscrire au platonisme ou à d'autres théories voisines . La science est la connaissance certaine d'une chose par ses causes essen tielles (Gen. I , 7, 271 ) ; elle est un habitus intellectuel, acquis par le syllo gisme démonstratif ( Gen. , II , 14 , 289) . Les conditions à réaliser pour constituer un objet de science sont énumérées avec des variantes : elles sont trois dans le Traité du sommeil : ens , universale , habens causas et principia ; elles sont quatre dans le Traité des météores : universale, incorruptibile , natura aliqua, habens partes et passiones ; dans le Traité de l'âme , on énumère aussi quatre conditions, mais elles diffèrent en partie des précédentes : ens universale , incorruptibile, habens proprias passiones , primo cognitum . Ces nuances diverses sur le fond commun de la doctrine aristotélicienne semblent appelées 1 par la nature spéciale des objets considérés dans ces différents commentaires ¹ • Le principe de la distinction des sciences entre elles doit être cherché dans leur objet formel respectif, et non pas dans leur objet matériel : en raison de notre connaissance conceptuelle , la même réalité peut être saisie sous des aspects intelligibles multiples qui donnent lieu à des sciences dis tinctes (Q. de an . , I , 2 , 26-27) 2. Mais cette diversité d'objets formels implique une diversité dans les méthodes, c'est-à-dire dans la manière de définir , de procéder, de démontrer (Q. de an . , I , 5 , 7 , 12 à 14 , 17 , pp . 30-52 ; Metaph. , cf. Grabmann , p . 132 ; Introd . , 6, 297 ; II , 19, com Introd . , 3 , corpus ment. , 306) . L'unité d'une science peut être une unité d'attribution ou de rapport , laquelle est compatible avec une diversité d'objets : c'est le cas pour la science des météores , qui tous sont rapportés à un sujet unique , le mixte , et à une cause unique , le mouvement (Meteor. , I , 2 , 233-234) . On peut glaner çà et là , dans l'œuvre de Siger, des remarques générales sur la recherche scientifique . Nous avons le désir naturel de connaître (Metaph. , II , 2 , 301 ) et notre puissance de savoir peut être parfaitement actuée , car le nombre des « espèces » à connaître est limité et nous pouvons arriver à un mode de science humainement parfait, par la définition ou la démonstration (ibid. , II , 4, 301 ) . C La connaissance parfaite d'une chose implique la connaissance de toutes ses causes et , dès lors , son rattachement à la Cause première ; mais chaque science particulière ne doit pas remonter jusqu'à ce principe absolument premier (ibid . , II , 6 , 302 ; cf. Phys . , I , 5 , 24-25) . La critique des opinions manifestement erronées n'est guère utile ; la méthode d'exposition positive entraîne par voie de conséquence la solution

1 Sur la nature et les conditions de la science d'après Siger , voir les excellentes pages de dom J. P. MÜLLER , Philosophie et foi chez Siger de Brabant ( 1938) , pp . 43-49. 2 A partir de ce principe , l'auteur détermine la place, l'excellence et l'utilité de la science de l'âme (Q. de an. , I , 2-6, 26-32) .

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des difficultés (Q. utrum, 66 et 68) . Il faut être sobre dans la discussion , Les savoir s'arrêter à temps et ne pas s'encombrer de mots (ibid . , 70 , fin) . théories scientifiques ne peuvent pas contredire l'évidence immédiate de la conscience (Q. nat. Lisb . , 3 , 179 , lignes 37-38 ; In tertium, 15 , 1 , 174 ; De an. , III, 150-157 ; Q. de an. , III , 7, 133-134) ou de l'expérience (Q. nat. Lisb . , 4, 180, lignes 21-22) ; sans l'appui des données sensibles , ces théories demeurent 1 de simples hypothèses (Meteor . , II , 16 , 253-254) ¹ .

Critique de la connaissance

Le problème de la valeur de notre connaissance est souvent abordé dans l'œuvre de Siger de Brabant . Sans parler de l'aspect critique du problème des universaux , dont nous avons suffisamment traité , on trouve dans ses écrits , outre la notion classique de la vérité logique, les éléments d'une théorie de l'erreur, intimement liée à la critique de la connaissance et au problème de la certitude .

Ces questions sont traitées une première fois dans les Impossibilia , articles II et VI .

A l'article II , le « sophiste » essaie de démontrer que les objets perçus dans la sensation n'ont pas de consistance et que nous ne pouvons être cer tains de l'existence de quelque chose . Il s'appuie sur les illusions de la con(d naissance sensible, dans le rêve ou à l'état de veille , sur la dépendance de la connaissance intellectuelle vis-à-vis de la sensation , sur le désaccord qui règne entre les hommes lorsqu'il s'agit de porter un jugement. Ce scepticisme n'est pas fondé , répond notre auteur . Car toute connais sance particulière peut être contrôlée par d'autres connaissances . Lorsque l'objectivité d'une sensation n'est pas démentie par une sensation plus digne ou par un jugement de l'intelligence s'appuyant sur une sensation plus digne , nous sommes légitimement certains de l'existence de l'objet sensible perçu . De même , l'existence de certains objets de pensée est garantie lorsqu'elle n'est pas contestée par un jugement supérieur de l'esprit ou par un jugement basé sur une sensation plus digne . En d'autres mots , le problème de la certi tude revient à un problème de discernement, car tous les éléments de notre connaissance ne méritent pas au même titre notre créance . La certitude est parfaite lorsqu'il y a concordance entre les jugements des différents sens d'une part et celui de l'intelligence d'autre part : à tel

¹ Les causes qui expliquent la difficulté de la recherche scientifique seront examinées en même temps que les causes de l'erreur dans la connaissance. Quant au problème de la classi fication des sciences, il a été examiné à l'article précédent.

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point qu'il paraîtrait « surnaturel » (supernaturale) et « miraculeux » (miracu losum) d'admettre le contraire . Mais lorsqu'il n'y a pas concordance universelle entre toutes nos puis sances cognitives , comment établir entre elles une hiérarchie ? Comment savoir quelle est la sensation la plus digne ? Des critères d'évidence immé diate permettent d'y arriver sans difficulté : ainsi , il est manifeste que l'homme dont le palais est infecté ne peut juger des saveurs avec la même autorité que l'homme sain ; celui qui veille est plus digne de foi que celui qui dort celui qui est près de l'objet l'emporte sur celui qui en est éloigné , et ainsi de suite . Quiconque n'admettrait pas cette hiérarchie de valeurs comme une donnée immédiate et refuserait d'accepter comme objective n'importe quelle sen sation, serait voué sans remède au scepticisme universel . Car il faut bien qu'on s'arrête à un « premier connu » , à une donnée de soi évidente . Et si le contrôle d'une connaissance supérieure permet d'établir que , dans tel cas particulier, l'objet d'une perception est imaginaire , il n'en résulte nullement que toutes les perceptions sensibles sont de pareille nature . L'article VI rencontre le scepticisme dans ses derniers retranchements : le > dans la mesure où ils sont aristotéliciens et où l'averroïsme coïncide avec l'aristotélisme . Mais c'est là un emploi très impropre , et d'ailleurs inusité , du terme