Sept voix de femmes: (anthologie de poésie macédonienne) 9989321329, 9789989321320

NOTES SUR LES AUTEURS Svetlana Hristova-Jocik Poète, auteur de prose et d'essais. Née en 1939, à Resen. Elle exerce

109 58 11MB

French Pages 157 [164] Year 1999

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Table of contents :
TABLE
L’archipel féminin de la poésie
macédonienne contemporaine 5
Svetlana Hristova-Jocik 17
L'Invocateur 19
La dernière année du monde 21
La vie éternelle de la robe 22
La vie éternelle de Svetlana 23
La chemise consacrée 24
Une pierre à enlacer 26
Je mourrai dans la petite barque 27
Repentir 28
Barbaresque 30
L'ange fils 31
Que je meurs en dansant 32
Droit de rébellion pour la mort 34
La remise des clefs 35
Gordana Mihailova Bosnakoska 37
Tentatives 39
Découverte de la beauté 40
Baiser d'adieu 41
Les chemins de l'âme 42
Savoir pourquoi 43
La nouvelle 44
La fin du rêve 46
Corps féminin 47
Quand les petites filles dorment 48Olga Arbuljevska 51
Carillon 53
Le puits 55
L'œil du faucon 57
L'œil du hibou 59
Pelote 61
Lettre 62
pelote 64
pelote 65
L'ombre de Bucéphale 67
Katîca Kulavkova 69
Domino 71
Présentation du ciel 75
Chronos 80
Lune noire 84
Serpents aquatiques 86
Chaque matin 88
Le sang chaud 90
Via lasciva 92
Vesna Acevska 95
Dés-ordre, couleurs 97
Je t'aime rouge, je t'aime!? 98
Le perroquet vert qui ne parle pas 99
Le bleu est plus haut et plus profond 100
Si tu entres dans le cercle du blanc 101
Le noir accueille tout, accepte tout 102
Avant le désordre 103
L'ordre entre les lignes 104
Le dés-ordre et les mains 106
Sui generis 107
La baleine échouée 109
La clef du mot 110
Le mot nouveau 111
Le mot amer 112
Quelque chose 113
Le point 114
Corail 115Liljana Dirjan 117
lune gravide 119
Borian, le registre des naissances ' 121
Les fils 123
Bonnes nouvelles, premier jet 125
Le dragon de saint Georges 127
Ma peau 129
Avant un nouveau poème 131
Ainsi parlait Marina Tsvétaéva 132
Damas soie grège 133
Balkan 134
Vera Tchejkovska 135
Je ne sais si ce texte est à moi 137
Première expérience 138
Langues de serpents 139
Décomposition du paradis 140
Bosch 141
Psycho 142
J. W. G. 143
Amoureuses célestes 144
1.1. 145
Plastique 146
Living theater 147
O 148
Signes de multiplication 149
Le lac 150
Rêves de cristal 151
Paradis artificiels 152
Textes 153
NOTES SUR LES AUTEURS 155
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Sept voix de femmes: (anthologie de poésie macédonienne)
 9989321329, 9789989321320

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(ANTHOLOGIE

DE

POÉSIE

MACÉDONIENNE)

Chois etabli par Vlado Urosevik

Traduit du macédonien par Harita Wybrands

Sept voix de femmes (Anthologie de poésie macédonienne)

ISBN 99889-32-132-9 Edition Kultura, Skopje, République de Macédoine / L’Esprit des Péninsules, Paris, France, 1999

Ouvrage publié avec l’aide de l’UNESCO

Sept voix de femmes

(Anthologie de poésie macédonienne) Choix établi par Vlado Urosevic

Traduit du macédonien par Harita Wybrands

Kultura / L'Esprit des Péninsules

L'ARCHIPEL FÉMININ DE LA POÉSIE MACÉDONIENNE CONTEMPORAINE

Force est de constater que dans la poésie macédoni­ enne contemporaine, comme dans bien d'autres littératures, dominent les poètes masculins. Il s'agit d'une domination numérique qui vaut aussi pour les autres arts. Loin de mettre cette disparité sur le compte d'une quelconque déficience fémi­ nine, nous y voyons un phénomène de culture: des siècles d'oppression de l'être féminin, sa position passive et dépen­ dante par rapport au sexe et fort y sont pour quelque chose. Le mérite de l'époque moderne est d'avoir mis fin à ces inégalités et d'avoir libéré l'énergie émotive et créative de la femme dans tous les domaines de l'art, et notamment dans la poésie où son être profond trouve un lieu privilégié pour exprimer toutes ses nuances les plus subtiles. Cette anthologie en est la preuve. Chacune des sept poétesses qui participent à ce choix y est représentée de façon conséquente et avec un nombre de vers suffisant pour permet­ tre au lecteur étranger de se rendre compte d'une identité reconnaissable et d'un univers poétique personnel. Chacune est une voix singulière et, pour le dire d'une façon quelque peu imagée, chacune représente une île de l'archipel de la poésie macédonienne contemporaine. Le rassemblement de ces voix dans un même recueil a pour objectif de mettre en valeur non seulement l'intensité et l'énergie créatrice mais aussi la diver­ sité de la lyrique féminine en Macédoine. Il s'agit de personnalités représentatives qui possèdent une maturité poétique confirmée, ayant pour la plupart figuré dans diverses anthologies à travers le monde. En concevant ce

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cahier, notre parti pris a été de laisser parler les textes euxmêmes au lieu de les étouffer par des considérations théoriques abstraites. Chacun des auteurs est un monde à part entière et se présente avec l'expression poétique qui lui est propre. L'anthologie commence avec Svetlana Hristova Jocik, qui appartient a la tout comme Bosnakovska, à la troisième génération de poètes macédoniens qui ont introduit dans la poésie de ce sol une composante extatique typiquement méditerranéenne, faisant ressortir par là même la richesse méconnue du folklore macédonien. Svetlana Hristova Jocik en use en abondance, et très avantageusement, tantôt de façon emblématique, tantôt en l'amalgamant à d'autres formes poé­ tiques. D'une façon générale sa poésie est ancrée dans une expression proche du modèle syncrétique de création où le rite, avec son contenu magique, et le mot, comme logos de l'esprit, sont inextricablement mêlés. Sa poésie puise à des couches archaïques profondes du temps et des signes qui tantôt émer­ gent de l'inconscient et du rêve, tantôt sont directement prélevés sur le patrimoine folklorique avec ses contenus magico-rituels chargés de significations indéchiffrables. Ces con­ tenus sont presque toujours le fruit d'un vécu authentique, ils suivent la plupart du temps la courbe d'une complexe symbol­ ique baroque. Sa langue est le plus souvent opacifiée par la présence - surtout dans ses premiers livres - d'un lexique archaïsant. Celui-ci renvoie à l'essence sémantique de ce qui parfois se donne au premier abord comme une position prophétique, chamanique. La poésie de Svetlana Hristova Jocik gravite autour de deux thèmes étemels de la poésie: l'amour et la mort, avec un cortège de variations et de sous-thèmes qui s'imbriquent les uns dans les autres . Déchiré entre ces deux pôles, le moi sen­ sible de l'auteur, le sujet lyrique, se présente dans une tension dramatique peu commune, tout à la fois pénétré d'exaltation et

d'amour pour la vie, et transi de peur devant la mort. On recon­ naît l'ambivalence entre Eros et Thanatos. Thanatos, ne cesse de menacer Eros comme l'abîme terrifiant de la mort au sein de la vie. Ce déchirement peut cependant être dépassé, et c'est là, au sens propre, l'enjeu de l'écriture; qui, en l'occurrence, se substitue à la transcendance, c'est-à-dire à l'éternité, cela grâce au miracle de la lettre. Celle-ci recèle, dans le mystère des écrits ancestraux, et comme abritée en eux, l'étincelle salutaire qui sauve du chaos menaçant de la mort. Cette poésie est une sorte de journal lyrique intime, le témoignage poétique d'une âme passionnée pour laquelle la joie et la douleur sont, dans leur intensité, des expériences également importantes et un matériau précieux pour le poème. Gordana Mihailova Bosnakovska (née en 1940), a publié sept recueils de poèmes et un recueil de récits qui n'est qu'une subtile transposition de son monde poétique dans le langage de la prose. La poésie de Bosnakovska est d'une fac­ ture typiquement féminine. Son centre de gravité sont l'âme et le corps de la femme dans leur inextricable proximité, et tous les sentiments qui en procèdent: la nostalgie, l'amour, la pas­ sion. Loin de toute grandiloquence et de tout pathos, la lyrique de Bosnakovska. se tient au ras des choses, elle ne quitte jamais le monde des objets, montrant ainsi la nature corporelle des sensations et des sentiments. Ses poèmes d'amour sont ancrés dans le temps. Ils sont parfois une description détaillée, tâtonnante de l'instant qui est la graine du temps, le lieu où celui-ci émerge et se densifie. Il en ressort un érotisme incar­ né, concret, tantôt doux et nostalgique, tantôt impulsif et vio­ lent. Plutôt suggéré ou insinué dans le détail du vécu qu'affir­ mé de façon brutale, celui-ci est souvent coloré d'une dose dis­ crète d'ironie et d'auto-ironie. Cette poésie d'inspiration intimiste s'exprime souvent sous forme de longues confessions qui sont en fait des variations autour d'un même objet. Certains

de ses livres prennent un ton épistolaire extrêmement "dénudé" qui, sur le plan sonore, se plaît à la monotonie et sur le plan chromatique privilégie la monochromie. L'amour et la sensu­ alité, la possibilité et l'impossibilité de l'union du corporel et du spirituel, les séparations et la fugacité des sentiments, s'ap­ puient sur des objets et des détails de la vie quotidienne. Le style, léger et transparent, est celui d'un lyrisme discret, nulle­ ment prétentieux et qui ne se paye pas de mots. La sincérité et l'authenticité des émotions y sont le pain et le sel du poème qui, sans avoir besoin de chercher de grandes profondeurs, témoigne d'un exister féminin saturé de générosité et de frémissements secrets. Olga Arbuljevska (1949) appartient à la cinquième vague des poètes macédoniens, ceux qui se caractérisent par l'expérimentation de la langue, l'élargissement du champ sémantique, la rupture avec la tradition, l'insistance sur l'ironie et une certaine mise à distance des effusions directes et, par conséquent, le rejet du lyrisme pathétique qui qualifiait les meilleurs poètes macédoniens avant eux. Néanmoins, par-delà ces caractéristiques globales propres à sa génération, Olga Arbuljevska rejoint à sa façon le mouvement typiquement lyrique propre à la tradition de la poésie macédonienne con­ temporaine. Cela vaut plus particulièrement pour ses deux pre­ miers recueils Kanurki (1972) et Ikitelija (1981) dont les poèmes figurent dans ce choix. Son lyrisme vibrant et exta­ tique est tantôt harmoniquement dilué tantôt syncopé dans le rythme des images et des sonorités. Son langage poétique est métaphorique. Elle choisit des images fortes, souvent hermé­ tiques, sémantiquement opaques qui subliment, en les courtcircuitant, les lythmes amples de l'âme d'où la trame serrée du langage dans le poème. Tout comme Svetlana Hristova Jocik, Arbuljevska puise dans le patrimoine folklorique, fascinée par les lexiques aux consonances archaïques, mais elle en fait un

usage délibéré et réfléchi avec un sens bien plus aigu de son fonctionnement poétique. Le thème de l'oiseau revient fréquemment dans ses poèmes: l'aigle, le faucon, le hibou. Ce sont des symboles qui suggèrent l'espace et le temps transportés dans le rêve et l'éter­ nité. Dans cette éternité dérivée du rêve, le poète découvre tout un monde de choses perdues, l'émotion amoureuse qui ouvre les replis de la tendresse et confère sens à l'existence, mais qui creuse aussi les recoins sombres de la mort. Il s'agit là d'une lyrique intimiste subtilement tissée de visions oniriques où sur­ gissent par moments des paysages métaphysiques de l'âme, délicatement nuancés. Chez Arbuljevska, le monde extérieur est, de façon générale, le reflet du monde intérieur. Dans ses moments les plus heureux, nous avons l'impression que ses vers obéissent à la dictée d'une impulsion profonde et d'une intuition raffinée, ce qui les met à l'abri d'un lyrisme intimiste facile et leur donne une sorte de mystère néo-symboliste. Le monde poétique de Katica Kulavkova, se démar­ que par nombre de ses aspects, de celui d'Arbuljevska. Son intuitivité est d'un type tout à fait différent et ses poèmes hormis son premier recueil (énonciations) - rompent avec l'in­ spiration lyrique trop accentuée, en grande partie néo-romantique, qui caractérise la poésie macédonienne contemporaine jusqu'à l'arrivée des poètes nés dans les années 50. Sans nég­ liger la dimension intuitive, Kulavkova s'appuie en grande par­ tie sur la composante cérébrale du champ poétique. Son réper­ toire de thèmes, d'idées, de sensations, de pensées est sin­ gulièrement vaste. Parmi toutes les poétesses représentées dans ce recueil, son éros créatif est, on peut le dire, le plus curieux et le plus gourmand. Il plonge dans les recoins les plus enfouis de l'âme, il capte l'élément confidentiel dans son sur­ gissement en lui imprimant la forme poétique, puis, s'ouvre au corps et explore voluptueusement les abîmes de l'expérience

sensible. Cela vaut surtout pour le recueil Soifs (qui lui a valu le prix Braca Miladinovci en 1989) où Katica Kulavkova s'évertue à décrire dans un style lyrique, chargé d'émotion, les profondeurs abyssales de la passion chamelle et le vertige hédoniste de l'éros, libérant ainsi l'âme humaine de son fardeau - tabou et donnant libre cours à la sensualité féminine. Mais cette sensualité, exprimée dans un langage lui-même érotisé, ne cesse de frôler, tout comme dans la psychanalyse de Freud, la région de Thanatos. Eros et Thanatos tantôt séparés, tantôt complices, mais toujours en rapport, sont soumis, chez elle, à une hypostase extatique de l'intuition et des sens, où l'imagi­ naire et le corporel se trouvent amalgamés dans la langue de la poésie. Le poème Lune noire, présent dans ce choix, est sans doute un des plus exemplaires de ce genre. Plongé profondé­ ment dans les secrets du sentiment, du désir et des sens, la poésie de Katica Kulavkova est un rare témoignage de la richesse des pulsions qui meuvent l'âme et le corps de la femme. Dépassant la frontière strictement intime du discours lyrique, elle acquiert une dimension dramatique et un destin d'une plus grande ampleur qui communique avec l'énigma­ tique structure astrologique et la symbolique du cosmos, mais aussi avec l'alchimie, la théorie cabalistique des nombres qui s'inspire de Pythagore etc. En ce sens, l'Astrologue (dans h Présentation du ciel), est une sorte d'alter ego symbolique du poète, découvrant "la corrélation, l'angle et la position" de toutes choses dans le cos­ mos qui sans cesse se densifie en micro-images. Mais la poésie de Katica Kulavkova se nourrit aussi de références culturelles plus lointaines qui remontent à l'Assyrie et à Babylone et, en passant par la Grèce antique et le Moyen Age, retrouvent le monde contemporain avec ses connotations "post-modernes". ------- Post-moderne, c'est bien le qualificatif qui convient à cette 10 navigation "argonautique" à travers le temps et les mythes.

Vesna Acevska est une poétesse typiquement intro­ vertie d'inspiration éminemment moderne. Elle assigne au langage une tâche essentielle, ontologique, autrement dit, elle ne décrit pas l'objet des sentiments mais les exprime tels qu'ils sont en eux-mêmes, depuis leur centre, et s'identifie ainsi à leur être même. La langue comme telle, comme le secret et le contenu de notre existence, est l'un des axes thématiques prin­ cipaux de sa poésie. Toute une série de poèmes de cette anthologie est représentative de sa démarche. S'y révèle le phénomène du mot qui sans cesse "se tait et navigue à travers les pensées / cherchant un écueil et une réponse", tout d'abord pour la perfection , ensuite pour la mort, et souvent pour les deux à la fois. L'introversion de Vesna Acevska n'est pas tradition­ nellement intimiste comme celle de Svetlana Hristova Jokic ou de Olga Arbuljevska. Son monde intime a un caractère her­ métique et il est rationnellement élaboré. Elle ne s'abandonne pour ainsi dire jamais à la confession ouverte, si bien que le lecteur reste dans l'équivoque, ne sachant pas s'il s'agit de sen­ timents réels ou de simulation de sentiments. Chez Acevska les sentiments trouvent leur impulsion dans les sens et ils foi­ sonnent comme un tourbillon à partir de la zone de l'incon­ scient pour finir dans des images opacifiées du langage dont la structure associative est libre, "glissante", et la position du moi lyrique, ambivalente. Ce moi parle tantôt de façon autonome au nom de la langue, tantôt au nom du poète mais jamais sur un ton catégorique, démiurgique, ce par quoi il préserve sa dis­ crétion, tout en accentuant son mystère et son pouvoir lyrique caché. Cette démarche qui a été pratiqué par certains symbol-istes consiste à obscurcir délibérément les choses, les senti­ ments, les symboles et les références communes, ou bien à provoquer des situations ambivalentes afin de souligner l'indicibilité du monde.

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Contrairement à Acevska qui insiste sur l'indicibilité du monde et l'ambiguïté des sentiments et des choses, Liljana Diijan, quoique de la même génération, a une démarche tout à fait opposée. Nullement préoccupée par les recherches langag­ ières ni par ses structures hermétiques et ses strates ésotériques, comme par exemple, Katica Kulavkova et, dans une certaine mesure, Vera Cejkovska, elle pratique une poésie concrète, s'exprimant dans un langage matériel, objectiviste; La métaphore et le symbole, s'ils s'y trouvent, sont plus le fruit du "hasard" que de l'imagination. Le lyrisme de Liljana Diijan est âpre, robuste et rudimentaire. Il est réaliste, proche de la prose et le plus souvent enclin à la description qui, tout en étant lucidement poétisée, reste la plupart du temps vériste. En tant que tel, ce lyrisme est avant tout autobiographique, peut-être l'un des plus autobiographiques de la poésie macédonienne contemporaine, surtout si l'on songe à son côté "factographique" et direct, à son ton de confession plutôt dénudé qui, conjugué à une sensibilité puissante, résolument féminine, se dote d'une singulière fraîcheur poétique. Pas seulement par la concrétude des motifs, du décor et de la scène, mais aussi par l'usage spécifique de la première personne dans son énoncé, Lilijana Diijan souligne le côté autobiographique de sa poésie. Ce qui est dit de façon explicite dans un de ses vers: "Tout ce qui n'est pas autobiographie n'est pas" (Trois courts récits sur Martin Buber). On songe à la phrase de Paul Valéry: "La poésie est la biographie mise en forme." Même si Valéry, avec sa conception de "la langue dans la langue", s'éloigne de façon décisive du modèle descriptif de la réalité intérieure ou extérieure. La poésie de Liljana Diijan met à nu son intimité et son secret à travers le thème du quotidien, vu sous un aspect typiquement féminin. Elle aborde ce quotidien sous des angles différents. Parfois elle lui ôte sa banalité, le poétise, en l'asso-

ciant à un sentiment discret de sacralité intime, parfois le traite de façon ironique, évitant ainsi les clichés de l'expression et des sentiments. Enfin, quelques mots sur Vera Tchejkovska avec laquelle se termine cette anthologie. Même si elle n'a publié jusqu'à présent que trois recueils de poèmes, elle est un nom particulièrement important de la poésie macédonienne. Son écriture, en grande partie hermétique, d'une très grande orig­ inalité, est, pour ainsi dire, unique dans son genre dans l'e­ space macédonien. Cette poésie part d'une position mod­ erniste, avec une foi absolue dans les capacités du langage à exprimer non seulement les sensations et les couches les plus complexes de l'âme, mais aussi l'image phénoménologique du monde envisagée comme un magma langagier fait en quelque sorte de signes et de chiffres cryptographiques. Physicienne de formation, elle tire certaines de ses idées du monde de la physique et de la mécanique quantique, d'où procède en partie la structure linguistique serrée et atomisée de sa poésie. Hormis la physique, l'algèbre et la géométrie y jouent aussi un rôle et aiguillonnent l'imagination du poète de façon originale. Elle s'intéresse à la "symétrie abstraite" du microcosme et du cosmos comme "corps-espoce-temps". Elle cherche à transposer ou à diluer intuitivement dans le langage poétique, l'exact et le déterminé, tout comme elle cherche, d'un autre côté, à "déterminer" poétiquement l'émo­ tif et l'"indicible", en se servant de certaines notions, associ­ ations et allusions qui se rapportent à la sphère exacte de l'ex­ périence humaine. Ainsi, par exemple, elle va définir la volupté comme "une branche fruitière de l'évolution". Nous rencontrons, chez elle, en permanence une concrétisation des abstractions et, inversement, une abstraction du concret, tout comme un assemblage délicat entre le monde intérieur, psy­ chologique et le monde extérieur, matériel.

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La poésie de Vera Tchejkovska cherche son inspira­ tion dans des motifs archétypiques, les choses primordiales, les commencements de la vie et de la matière. Elle s'intéresse aux "époques géologiques", au "péché originel", à la "mémoire de la glaise", au "grand oubli", etc, abordant ces thèmes dans une synthèse d'expériences collectives et personnelles. Le langage poétique de Tchejkovska est, d'une part, associativement ouvert aux grandes questions de l'origine et de la durée, traitées à partir du corps-espace et du temps, d'autre part, il est séman­ tiquement dense et opaque, fait d'un amalgame de rêve et de matière, d'intuitions et de sensations. C'est le langage d'une expression poétique subtile et exigeante qui demande un lecteur intuitif, intelligent et profond. Il est temps de se demander quel est le dénominateur commun de la poésie écrite par des auteurs femmes en Macédoine? Est-ce qu'un tel dénominateur existe comme une caractéristique générale ou dominante, et si oui, est-il typique ou atypique pour elle. Nous espérons avoir suffisamment souligné par ce que nous venons de dire jusqu'ici les dif­ férences entre ces auteurs, cherchant à mettre en valeur surtout la singularité de leurs mondes, idées, strates thématiques et expressions linguistiques. Que le singulier, le détail participent à l'harmonie de l'ensemble, cela n'est pas seulement une vérité qui s'applique au cosmos et à la nature, mais aussi à l'art et donc à la poésie d'une époque, d'une nation, d'une génération. Cela vaut non seulement pour le rapport de chacune de ces poétesses avec l'ensemble de la poésie féminine mais aussi avec la poésie macédonienne contemporaine en général. Nous avons déjà dit plus haut qu'il s'agit ici de per­ sonnalités poétiques parfaitement mûres et accomplies qui ne feraient pas honte à une littérature à la tradition plus dévelop­ pée que celle de la Macédoine. Leur expression linguistique

même lorsqu'on la trouve émotionnellement "inaccessible" et sémantiquement opaque, comme c'est le cas avec Tchejkov­ ska, Kulavkova, ou Acevska, est toujours poétiquement claire­ ment définie. Il n'y a pas de place ici pour une intuitivité con­ fuse ou une vague cérébralité. Au contraire, les mécanismes émotif, intuitif et associatif de l'écriture de ces poétesses, comme de toutes les autres représentées dans ce recueil sont le plus souvent singulièrement perspicaces, lyriquement et sémantiquement maîtrisés. Rien n'est laissé au hasard, même si souvent les poèmes donnent l'impression d'avoir été écrits "au fil de la plume" et avec une grande facilité. Ce sont le plus souvent des poèmes d'une grande maturité qui nous laissent cette impression. Cela témoigne déjà de certaines similitudes générales qui ne sont pas toujours évidentes ni faciles à repérer. Au début de ce texte nous avons précisé que nous n'allions pas procéder à une analyse théorique de ce que l'on pourrait appeler récri­ tureféminine". Mais l'écriture poétique féminine, prise non pas strictement en rapport à son sexe, mais de façon plus générale, en rapport à une certaine sensibilité, une manière spécifique de se rapporter au monde, n'est-elle pas présente aussi chez des poètes hommes? Il ne serait pas inintéressant, dans le cadre d'une telle analyse, de prendre l'exemple de Rilke. Jung luimême n'affirmait-il pas que l'anima, comme sensibilité spéci­ fique et comme contenu psychologique, appartenait aussi, dans une plus ou moins large mesure, à l'homme. Mais si nous partons de l'idée que le sexe, surtout du point de vue du con­ tenu de sa sexualité et de son émotivité spécifique est ce qui détermine la zone de la sensibilité et le magnétisme de l'âme, cela permet de comprendre les considérations théoriques sur l'écriture féminine. Celle-ci, tout comme la sensibilité fémi­ nine, est d'une certaine façon plus contemplative et plus sincère que la masculine. L'être féminin "antéique" est attaché

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à la terre tandis que l'être masculin est "ahasvérique", argonautiquement lâché à travers les courants des eaux et des vents. L'être féminin est profondément enraciné dans la demeure, dans les objets qui habitent son intimité, et on pour­ rait le qualifier comme introverti, tandis que l'être masculin est extraverti, fasciné par l'histoire et les mythes historiques. Sur ce plan général, Pénélope et Ulysse pourraient être pris comme des archétypes. Pénélope vit son destin comme faisant partie de son être intime, de son âme et de son cœur, tandis qu'Ulysse le vit en dehors de lui sur les mers inconnues et dans les aven­ tures qui balisent son voyage nullement aléatoire. L'introversion de l'être féminin chez les poétesses représentées dans ce livre, tantôt discrète, tantôt hermétique jusqu'à l'opacité, est cependant, paradoxalement, sphériquement ouverte et développée dans des cercles concentriques qui se multiplient à partir d'un épicentre - l'âme, l'intelligence et l'émotivité féminines. Les cercles s'élargissent d'autant plus que la pierre de l'inspiration est jetée plus profondément dans cet épicentre. On laisse au lecteur le soin de découvrir par luimême, l'expression de cette profondeur chez chacune des sept poétesses ici représentées. Nous n'avons fait qu'entrouvrir la fenêtre pour un tel regard, nous avons montré certaines choses, nous rfavons fait que suggérer ou en effleurer d'autres, mais la plus grande part du mystère reste enfouie dans les poème. Le lecteur intuitif et cultivé n'aura pas de mal à trouver son chemin jusqu'à eux. Il n'est pas d'autre mode pour lire la poésie. Il en va tout autre chose de la lecture de la prose. Telle est du moins l'expérience de lecteur faite par l'auteur de ce texte. Eftim Kletnikov

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L'Invocateur

Splendeur d'antiques écrits. Dans une nouvelle étoile s'engendre un nouvel anneau. Le signes ancestraux se taisent. Où est Hronzi pour déchiffrer mon Dieu? Même la douce hirondelle a tu la hauteur de son vol.

Ô, on blasphème mon nom.

Quel contenu doit m'habiter Voici des chartes, des offrandes de la résine, une brindille de noisetier des tendeurs de raciries. Attendez, je guette la lueur de Proxima. Pas même le soleil ne dispense ses rayons. Voici des formules magiques, des sacrifices, une longue chevelure coupée - pour ouvrir le ciel nocturne.

Un son engendré par le temps, un axe magnétique autour de soi enroulé.

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Ô, on porte mon nom. Attendez qu'avec une mine de plomb je finisse de rédiger mon écrit que je l'arrose avec du sable, avec de la cire - et que j'inverse les signes. Moi - ce n'est pas la formule définitive.

Les signes ancestraux se taisent. Même la douce hirondelle a tu la hauteur de son vol. Dans une nouvelle étoile s'engendre un nouvel anneau Splendeur d'antiques écrits. Pour Asclépiade, il n'y aura ni coq ni chien ni serpent!

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La dernière année du monde

Mon corps - une aire en germination un haras de chevaux débridés à chaque expiration, un sabot luisant. Seigneur, laisse-moi mourir!

Au-dessus des entrailles un pieu arraché bourrier - temps éparpillé épis mouillés détrempés.

Troisième aire - meule vigoureuse prête à rouler pour faire bourgeonner les germes. Seigneur, tubas la dernière année du monde!

Tu frappes des chevaux morts.

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La vie éternelle de la robe

Tu Van Na s'est éteinte * elle se fond avec douceur dans la pierre tendre. Dans le jade. Tu Van Na un anneau factice embrasé. De l'huile dans la veilleuse fermée. Tu Van Na ruche d'or d'où s'égoutte de la mélisse.

Tu Van Na composée de colliers d'or sur le versant du vide. Où est Tuvana? Elle gît paisible avec l'Univers la robe de Tu Van Na.

22

* La princesse Tu Van est morte en 104 avant notre ère. Sa robe mortuaire a été confectionnée avec 2160 petites plaques de jade et de 703 carats d'or. Selon les Chinois deux éléments, l'or et le jade, assurent la vie étemelle.

La vie éternelle de Svetlana*

Svetlana s'est éteinte elle se fond avec douceur dans la glaise. Dans la boue.

Svetlana un tour de potier en rotation. Un col de lampe élancé. Svetlana une écuelle sur la dalle de terre dorée par la fange. Svetlana décomposée en fins colliers sur le versant du plein.

Où est Sve tla na? Il gît paisible avec l'Univers le corps de Svetlana.

* Selon ma grand-mère, Fimka, de Dorevci (dont la famille avait importé la poterie à Resen), trois éléments - la glaise, le soleil et les pigments assurent la vie étemelle.

La chemise consacrée

On me conduisit devant des portes ouvertes. On me conduisit en chemise blanche la chevelure dénouée. Deux prêtres des cierges à la main et moi devant le portail de l'église arrêtée... Moi nu-pieds en chemise blanche... Devant l'autel, devant l'autel sacré en chemise blanche la chevelure dénouée allongée par terre les bras en croix. Des anges chantaient. Ils chantaient, ils me consacraient. Je me gravais - croix vivante dans le sol au milieu de l'église. Ne lavez pas ma chemise... Ma chemise blanche. Que le temps la jaunisse, Qu'il altère la blancheur, Qu'il la dissolve comme de la cire sous la flamme, Qu'il la dissolve! Ne lavez pas ma blanche chemise. La consécration s'en ira... Oh, déjà elle s'en va... De la chemise tombe ce qui fut consacré.

24

La force s'est retirée de ma chemise. De ma chemise blanche. Comment me montrer devant Dieu sans force? Comment me montrer devant Dieu avec une chemise lavée?

25

Une pierre à enlacer

Il existe une pierre. Il existe une pierre emmurée. Il existe une pierre dans un mur blanc emprisonnée. Il existe une pierre d'une coupole surplombée. Il existe une pierre cachée au milieu d'une église. Et - il est une gardienne pour la pierre.

Il est une femme. Il est une femme en face de la pierre. Il est une femme en face. Il est une femme qui garde la clef. Et - qui ouvre la pierre. Entre et enlace la pierre. Tu écartes les bras, la pierre est grosse! Ecarte encore les bras! La troisième fois j'ai réussi à l'enlacer.

A présent, j'écarte les bras. Un enfant avec des clefs se précipite dans mes bras.

Quelle clef ouvre la pierre? Je trie parmi de nombreuses clefs j'en laisse derrière moi une rangée. Debout, tous attendent pour enlacer la pierre.

26

Je mourrai dans la petite barque

Je mourrai dans la petite barque. Au milieu du Lac. Tôt ou tard cette eau revivra et se mettra à me balancer: en haut - en bas en haut - en bas. Le lac tôt ou tard me portera: en haut - en bas en haut - en bas. Tôt ou tard je revivrai.

27

Repentir

Ouvrez-moi le repentir! Et laissez-moi avec le repentir. Laissez-moi 299 années avec le repentir enlacée comme une mère avec son enfant, son enfant le plus cher.

Quelle mère lâcherait son enfant! Ouvrez-moi le repentir car je cherchais à embraser la carapace de la tortue Car je la surchauffais. Pour qu'elle fondît.

Ta tortue était libre dans sa carapace!

A l'abri du saut mortel. Pour ne pas m'arrêter à mi-chemin - dans l'inconnu et l'inattendu Et ne pas tomber dans l'apathie, la fureur et la détresse! De l'effort, du vertige et du non-sens - donnez-moi pour voler sans tomber, voler droit comme un lourd oiseau, comme un corbeau qui ne chancelle pas.

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Donnez-moi la volonté, la jouissance, l'ambition, l'orgueil. Donnez-moi l'amour! Multipliez tout ce que j'aurai dépensé. Et-que je me libère!

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Barbaresque

Il m'a séduite, le barbare, il frappe mon visage sur la monnaie! Sur la monnaie, le visage d'une esclave? Donnez-moi un habit royal. De couleur pourpre. Avec des plis qui tombent comme chez une reine!

Je donne des ordres: pendant qu'on frappe mon visage sur la monnaie pendant qu'une esclave me vêt de mes habits royaux. De couleur pourpre. Châtiment pour le barbare.

30

L’ange fils

Je tiens les doigts dans le lac. Je tiens un psautier, de la dorure. Sur cent feuilles de parchemin je feuillette l'eau lustrale. L'ange fils se relève. Je tourne l'eau, des pages. Je tourne des franges, des couleurs. J'ouvre le psautier. L'ange fils sursaute.

Cent soixante dix-sept feuilles d'eau s'éparpillent. Je recueille l'écriture, la dorure.

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Que je meurs en dansant

Sur la pointe des pieds... Je me suis levée pour un tango. Orteil après orteil (c'est ainsi qu'une mère lave les orteils de son enfant) on lave les orteils des Danseurs. Dans le propre s'engendre le Cercle.

Quel danseur me reprend? Et me mène en dansant à travers des rythmes zigzaguants. Ô syncopes! Des courbes multipliées des corps déliés des sphères divisées par des zéros.

Qui m'applaudit?

Tournons. Tombons dans le Cercle avec des sécantes, des symétriques des degrés et des symboles Ô empreinte!

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Je me suis levée pour un tango la souple ondulation d'une feuille. D'un nourrisson.

Que le Cercle s'engendre dans le propre.

33

Droit de rébellion pour la mort

Personne ne lui souhaite la bienvenue. Personne ne lui tend la main.

Elle arrive seule au baptême Elle s'assoit seule au festin.

La mort a un droit de rébellion. Personne ne l'enlace. Personne ne l'embrasse. Mais nous faisons tous l'amour avec la mort!

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La remise des

clefs

Qu'on me détache seulement de ces murs, de ces ceintures de pierre qu'on me défasse seulement de ces tours sublimes expirations je soulèverai une rébellion amoureuse pour restituer un empire ravagé Mais j'ignore contre qui combattre! Je frappe dans le vide, je frappe à des portes closes le fracas me brise le corps j'attaque des serrures sans clefs pour sortir sur un champ de bataille amoureux pour ramener un empire emporté Mais j'ignore contre qui combattre!

Qu'on me laisse seulement m'affûter avec ces armes forgées de cris qu'on me laisse seulement m'ouvrir avec ces clefs confiées en rêve je soulèverai une rébellion amoureuse pour régénérer un empire délaissé Mais j'ignore contre qui combattre!

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Tentatives

Je cherche à trouver les lèvres pour les embrasser Je cherche à trouver la main pour la toucher Je cherche à trouver l'œil pour le voir pour qu'il me voit Et qu'il me montre où sont les lèvres pour les embrasser Où est la main pour la toucher Où est l'œil pour le voir L'œil que je ne vois pas

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Découverte de la beauté

Que tu dises - d'elle la femme que tu chéris, et que tu songes au même moment à la beauté qui passe, à l'éclat des jeunes années qui passent, à la peau douce tangible qui lentement tenacement se fripe sous le regard qui enregistre tout,

Que tu dises à la femme que tu chéris qu'elle est belle tout en sachant au même moment les conséquences d'une telle déclaration cela veut dire que tu découvres Elle est tout à fait différente.

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Baiser d'adieu

Juste comme ça il applique son baiser froid sur son visage juste comme ça répète la femme et il pose de nouveau son baiser froid sur son visage juste comme ça répétait la femme tandis que l'homme s'éloignait et elle ne savait pas quand elle le verrait de nouveau juste comme ça répétait la femme et il partait sans se retourner sans un regard juste comme ça disait l'homme qui partait en reprenant ses mots précisément comme ça.

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Les chemins de l'âme

Et pendant que je termine le texte et que j'évoque les chemins de l'âme un vent violent descend de la Sara et pénètre à l'intérieur dans l'air sec de la chambre. Le téléviseur s'allume spontanément et dans l'éther résonne le chant lointain des angelots assis les jambes croisées sur le nuage du ciel bleu.

Les voix des chérubins déploient le chant qui dit qu'elle - l'âme se montre au crépuscule, inéluctablement accompagnée par la mauvaise fortune.

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Savoir pourquoi

à Victoria Teodoru

Que tu ris sans savoir pourquoi Que tu pleures sans savoir pourquoi Que tu mordes dans la pomme sans savoir pourquoi Que tu regardes le soleil sans savoir pourquoi Que tu attendes la lune sans savoir pourquoi Que tu approches l'océan du rêve du désir unique étemel sans savoir pourquoi Que tu regardes le bateau, le bateau qui s'en va sans savoir pourquoi qui s'en va sans toi sans savoir pourquoi c'est comme si tu creusais un trou dans la terre sans savoir pourquoi

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La nouvelle

Si tu veux sortir de la maison tu te diriges vers la porte, mais tu ne peux pas l'ouvrir. Tu vas vers l'autre porte et vers les autres portes, et tu t'aperçois qu'elles sont toutes fermées. Tu te diriges vers les fenêtres. L'une après l'autre, tu essaies de les ouvrir. Tu vas vers les lucarnes de la salle de bains et des W-C, mais elles sont fermées aussi. Tu te diriges vers la grille du garage, mais tu ne peux te glisser à travers et soudain tu aperçois un trou inespéré dans le mur par lequel tu passes.

Tu te trouves dans la rue et tu te diriges vers la boutique où tous les jours tu achètes du pain. Tu tombes sur l'échoppe d'un cordonnier tu te dirige vers l'ancienne échoppe du cordonnier dans l'espoir d'y trouver la boulangerie mais tu trouves à présent un magasin de photocopies.

Dans le magasin on photocopie des actes de mariage, des actes de naissance et de décès. Tu aperçois ton acte de décès avec tes noms et prénoms et autres données, qui confirment ta mort. Eperdue tu cours vers la maison dans l'espoir d'échapper à la nouvelle de ta mort. Tu te diriges vers la porte elle est fermée. Tu cherches à entrer par d'autres portes tu essaies les fenêtres une à une elles résistent aussi. Tu essaies la grille du garage, mais tu ne peux t'y glisser. Tu te souviens du trou dans le mur par où tu es sortie. Il a été délibérément fermé.

Tu restes dehors sans pain, et le vent entasse sur toi, telles des feuilles d'automne, les feuilles du magasin de photocopie.

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La fin du rêve

Pendant que nous dormons dans le même lit une colline invisible divise par le milieu nos rêves, nos attouchements intimes, nos corps si accessibles.

Nous ne pouvons comprendre cette distance invisible, alors que toujours les yeux mi-clos nous fixons cette présence tout à fait essentielle quand s'achève le sommeil et quand le rêve touche à sa fin. Nous nous réveillons ensemble l'un à côté de l'autre nous sommes tout à fait proches nulle trace de la distance qui appartient à l'esthétique du rêve.

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Corps féminin

Corps qui enfante un autre corps d'une graine son propre grain de beauté, de l'instant errant du temps tout à fait passé. Un rapprochement oublié les ramène à l'inévitable confrontation, avec la date avec les choses qui jusqu'alors ne leur venaient pas à l'esprit. Il le ramène au feuillettement des calendriers et la découverte du jour qui doit arriver: que du corps féminin émerge une autre créature rose, blanche

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Quand les petites filles dorment

Quand les petites filles dorment dans la maison, dans la montagne, dans la chambre, dans le sommeil qui sombre dans leur lointain neigeux, tandis que le plafond descend bas jusqu'aux paupières de leur regard endormi et range tous les objets déplacés dans les entrailles du nuage, à proximité du large céleste dans l'étreinte inattendue des étoiles inespérément surprises

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Quand les petites filles dorment dans la maison, la nature se calme dans la montagne

les belettes engourdies s'en vont dans une autre demeure cherchant une nouvelle solitude, l'obscurité les ténèbres.

Quand les petites filles dorment dans la montagne dans la couronne des ténèbres elles multiplient le jour par l'ombre. Quand les petites filles dorment dans les lits de velours du nuage et tout s'en va de la maison sur un signe du sommeil, des petites filles enfoncées dans leur non partageable silence. Le vent loup-garou descend abruptement dans une quenouille de roses sur le sommeil des petites filles. Ainsi démesurément

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il cherche à pénétrer dans le jardin dans le clair de lune bleu au-dessus du seuil tourbillonnant. S'il entrouvrait les cils endormis pour se glisser à travers les tunnels des paupières il installait confortablement son œil obscurci au fond du sommeil mûrissant des petites filles il chercherait le miroir de son âme perdue. Le vent loup-garou leur offre une poire des graines sauvages des cormes. S'il se glissait à travers les cils endormis pour mettre fin à son maudit voyage infini il s'installerait pour toujours, dans la contrée de la montagne dans la contrée de la douce sécheresse des hauteurs.

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ArbuJj b '/ikii

Carillon

A la sortie de la ville je reste debout abasourdie transie par les cloches qui sonnent imprégnés par les phases du temps les carillons résonnent La distance assourdit le son

au fond du poème sur la pierre qui tinte depuis la patine du battant jusqu'aux cordes du silence

rouillée est la clef et répandu le vin devant les portes de l'horizon lestement sonne l'heure du voile de deuil jusqu'à l'habit de fête

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Sourdement gémissent les contrées de l'esprit et suffoquent derrière

la butte les sons du carillon s'étirent jusqu'aux ombres abruptement hérissées jusqu'à l'enfer du savoir Passe le dernier battement tapi dans le pouls secret - Le détachement de soi!

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Le puits

On se l'arrachait avec des pieux avec des haches avec des pierres On le bâtissait on le cloisonnait on se l'appropriait le fond circulaire de l'obscurité

La nuit les chauves-souris redécoupaient l'eau obscure du précipice

Dormait la profondeur les gens se balançaient au-dessus L'eau ayant avalée la hauteur appartenait vraiment à la terre

Mais

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La bâtissaient-ils La volaient-ils La pillaient-ils quand Ils se cloisonnaient eux-mêmes!

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L'œil du faucon

Quand, l'œil perçant, il s'élança dans les hauteurs la terre émiettée s'ébranla Quand avec les lames du bec il mordit le ciel et fendit l'espace Il se hissa majestueux dans le bleu, déchaîna les nuages

sous l'œil du faucon le soleil derrière la colline sanglota la hauteur s'enhardit sous le regard Il s'abandonna détendu son vol apaisé suivit la croissance étirée du cercle

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Pour fortifier ses ailes Pour éclaircir sa vue

Las avant d'entendre le son de l'appel Ce fier prisonnier du rêve soumis fixa une dernière fois le soleil pour l'avoir aussi dans l'obscurité aveuglé...

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L’œil du hibou

De la nuit dans le jour on voit emprisonné l'œil du hibou dans sa vue pointe le jour

Mauvais augure une tache noire épaisse et visqueuse abasourdie La canicule est le sang jaune de la charogne qui souille elle sait pressentir la mort dans l'œil du hibou

Effondrée au soleil quand elle éclate et reste décomposée poussière sonore dans le bec silence emprisonné dans le cri quand le silence s'arrache à lui-même céleste et quand dans l'air sauvagement s'envolent les empreintes des ailes dans la poitrine

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monte un gémissement étouffé Le temps engendre à contre temps De l'œil du hibou un cortège noir surgit...

Les entrailles déchiquetées de la terre guériront-elles l'écho des eaux secrètes dans la pupille rétractée du siècle je vois emprisonnée dans l'oeil du hibou la vue s'ajourer le Jour s'enténébrait la Nuit se muait en jour!

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Pelote

Le fleuve coule ignorant son cours Le cours des eaux est repos

La flamme brûle et ne connaît pas le Feu - cependant brûler pour elle c'est - couver La couvaison coule La flamme repose Les eaux brûlent parfois

le sens reste même dépourvu de son non sens

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Lettre

A l'aube quand je te séduis je prépare une couche de foin éclatant

rugissement d'Ikitélie et le temps ancestral qui se rapproche roussi

à l'aube

je vais à la rencontre de tout ce qui meurt à la naissance du jour et de quels péchés veux-tu donc que je te parle?

Ils ont allumés des huiles florales devant les icônes de la conscience se lamente Ikitélio avec des fleurs champêtres fanées ils ornent une mariée défunte

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Si tu chéris les immortelles de la poitrine et les fougères des montagnes assombries

Effleure-moi dans l'air et pardonne

à l'autre... Regarde des fourmis demeurant dans les branches picotent le ciel dans la Canicule se croisent des taureaux aux cornes acérées!

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Pelote

Souris à toi-même à ta soif de profondeur

Les mers se sont desséchées Souris à toi-même à ta soif de hauteur Les cieux ont descendu

Souris à toi-même à ta nostalgie de vastitude Les points cardinaux se sont écroulés

en ce moment Où chevauchent tassés les temps

Pelote

Le passé n'est pas passé mon amour

la mémoire

L'avenir n'est pas futur mon amour l'oubli

Depuis toujours Pour toujours mourant L'éphémère qui ne passe pas s'enfonce en lui-même Le présent jamais à lui-même

L'éternité n'est pas un temps mais un rêve pour toujours mon amour

Etemel est le retour des choses!

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L’ombre de Bucéphale

De loin arriva un étalon vagabond en songe il arriva dans la veille il était parti nul ne l'aperçut De la mélisse jaune s'épancha de seins bleus desséchés il coloria les herbes avant les aurores dans l'air se répandirent des relents de carnage

Fécondées hennissent les juments je rattache leurs chevauchements avec du chanvre vert moi-même attachée Nul ne m'aperçut dans la pourriture des racines, clouées avec des poignards transportée du ciel

dans le flamboiement des herbes échevelée. Tuez-moi en dormant car éveillée je fuirai! De loin arriva un étalon vagabond en songe il arriva dans la veille il était partit et nul ne s'aperçut que la terre surchauffée par les sabots, conçut...

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K ühi yh o y ü

Domino - Chant lyrique -

1. Le chiffre: la partie et le tout De un a neuf s'élève ton chiffre, Seigneur, le zéro - ceinture limitrophe matrice autogénétrice Aïn, arlequin tentation d'être obtusité amorphe autour de ton étendue mesurable

autour de l'enveloppe tournante - la rondeur solaire du visible.

2. Chemin Peux-tu troubler sa fidélité au terrestre, en ajoutant signe sur signe en découvrant les parties honteuses de ton système ton énigmatique méthode la céleste voûte-demeure

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pour que suive le même chemin pour que parvienne au même but

l'homme, qui, passée la ligne noire, aspire au semblable, redoute le différent rassemble l'un et l'autre:

un plus un, deux fois deux, septante deux il divise le nom en quatre éléments - LH.V.H. il tourne le tétragramme, le ramène en arrière enfile une ligne après l'autre apprend la vérité de la douleur envie et vanité, vanité et envie tout est pierre sans valeur, mais chiffre sacré et force

l'équation se glisse entre comme l'eau dans les fissures du rocher comme la lumière dans une chapelle obscure des taches blanches sur un fond noir divisé en deux: petit homme monoculaire Pan bicorne nymphe trioculaire cercle rectangulaire cinq pyramidal noir sur noir

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- éparpillée, enjouée, la Sagesse de la Lumière Lumière sage.

3. Jeu inégal Les triangles partent d'un même centre détruisent le carré, le funeste angle droit voici le six - le cercle versatile et infiniment trompeur avec au bout un crochet, une corne de bouc

mi-aveugles, mi-voyants les doigts coupent les yeux lient mais, s'ils dépassent la frêle membrane du visible s'ils oublient le Jeu, Domine, des chiffres invisibles jailliront séphirotes, racines et décimaux divisibles et indivisibles ils casseront l'œuf d'un geste infaillible ils démêleront l'essentiel de l'infidèle ils déchireront la fiction de trois cent soixante six degrés

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en deux-trois-quatre ils obtiendront des moitiés des oppositions, l'étoile avec l'étoile le carré dans le carré - cercle magie, perle de Babylone collier sur collier maille après maille, lamie - liberté.

Ainsi s'écrivent les destins ainsi se font des esquisses et des prédictions ainsi on scelle le diagramme et on lâche dans la maison le serpent gardien - terreur du foyer. L'important c'est que personne ne manque au rendez-vous, tout point perdu est pour toujours - une Partie perdue:

jeu inégal, dés jetés tric-trac, trica trac tra-tra-tra-tra-tra ac-ac-ac-ac-ac-ac un langage en pointillé, magique.

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Présentation du ciel - cantos -

1. Conseils à 1Astrologue Déploie donc le large plateau de l'univers que sa forme éclate ronde, plate, spiraloïde

spiritus movens. Tu possèdes, Astrologue une carte redoutable un manuscrit disséminé, un texte énigmatique capricieux, fugace, captivant d'un instant à l'autre: d'une néoménie à l'autre; tu disposes de la formule appropriée pour tout englober une synthèse mythique un indice menaçant: tout est corrélation angle et position;

tu as à faire à un mouvement concentré l'infatigable mouvance de l'énergie l'esprit, la Force avec des déplacements fervents vers les versions de l'au-delà

le texte céleste est mystérieusement chiffré mais toi, Astrologue, tu déchiffres le miracle, l'Esprit mirifique les entailles du silence, le mutisme les abîmes du sens l'immortelle semence de la mort la graine, le signe, la cible!

2. Passion astrale Halte là: tout n'est pas donné ni déjà vu dans le ciel attends-toi à des surprises: le nombre des planètes n'est pas définitif déjà plus Uranus, Pluton, Neptune mais une autre surgira à l'horizon déplacera les vides dotera de sens la distance avec un nom un point un essaim, de la brume, de la matière

à l'ombre des mouvants s'abritent les astres immobiles diaboliquement furibonds - Kanis, Antares Algom, Lilith, Dragon 00 huit étiré de l'infini donne-nous à voir un nouveau

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mais bienveillant espoir, donne!

3. L'homme: "croix dans le cercle" La croix scinde le ciel en oriental et occidental en haut et bas le cercle se referme:

- Deus homo est: l'inspiration est l'unique lien entre l'homme et le Créateur - anneau assoiffé d'Ordre.

Que ton sermon soit donc inspiré: l'un est divisé en d'innombrables empereurs et arlequins chanceux et infortunés l'iniquité est le principe suprême du Tout, l'univers lumineux sphérique, centré immatériellement matériel

et toi, l'observateur, tu comprends: le génie est un réveil destructeur de la substance le nœud sidéral de l'œuf blanchâtre signe de connivence entre les corps

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Dante Shakespeare - paraboles! Ne dors pas, Mater la discontinuité génère des cartes vides des thèmes plats l'absence du sceau divin

l'envasions de l'inconscience obtuse, visage anonyme engeance "sans qualité" le sien sans soi seul, mais étranger à soi, hélas!

4. L'insatiable spirale Si déjà tu prophétises à l'excès ô insatiable spirale astrale, épargne au moins ceux qui savent patienter ces frêles feuilles de l'âme sur lesquelles tu prodigues généreusement ton encre la puissance de l'amica, l'indigo

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de toi dépend la correspondance avec les cieux le rythme et la rime, à moins que tu sois impuissante toi aussi quand la densité se dilue

et les tensions se relâchent et se distendent les corrélations - alors seul le Père solitaire versifie l'être -l'esse essentiel essensifiant l'essence

en fait, comprimée entre quatre murs la liberté épie hagarde vers le haut et là (ooooooooooooo!) tout se meut à contre-sens vu d'en bas aaaaaaaaaaaaaaaaaaa: ou le temps coule à rebours ou l'homme est tourné à l'envers

Ô cruelle Loi, Ordre néfaste, apparition, as-tu un Nom?

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Chronos - homélie -

1. Assemblage diabolique Tu manges, tu dévores, tu grignotes, tu engloutis toujours affamé, vorace pour toujours béant. Ton absolu est inconcevable. Je me tiens ici sur une balle-toupie fière, assoiffée d'argent et de pouvoir j'essaie, non sans effort, de te comprendre!

J'invente des histoires, des mythes, des légendes pour t'exprimer: je te nomme, je te vise je te dépeins, te donne figure, t'incarne et, j'avoue, tout ce que j'écris s'adresse à toi! navigation sur l'eau, l'air, l'éther, la terre apprentissage de ton langage frayage de ton chemin.

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Chemin - et cependant, je te divise, te segmente, te fragmente te rogne, te découpe, te châtre, te castre je me dupe - je te tiens dans mes bras! je te place dans des livres

je te remémore, je transmets la mémoire des uns aux autres je fais des corrections, légation de signes, de formes multiples pour que tu me dises au moins quelque chose, mais je ne te possède pas.

2. L’envie, ô Saturne Tïi te glisses partout dans le vivant et dans le mort fielleux, empoisonneur, tu hantes mes rêves y a-t-il un lieu où tu n'es pas? Et cependant j'implore de te voir diable enchanteur, obsession!

Obsession, temps! Je m'accoutume à toi je m'accoutume à moi et je commence moi aussi tel un prince tout puissant à penser. A m'enorgueillir.

Partout autour: cartes, divinités, horoscopes tableaux, livres, mémoires, comptes, calculs et chronomètres tu es le point initial d'où tout

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peut s'accorder tu es l'assemblage diabolique la structure des structures Ô Temps, Littérature,

montre-moi le versant obscur l'irréductible, l'excès la nuit chronique notre envie mutuelle.

L'Envie, Saturne, mal comprise - la mécompréhension est le début du drame:

3. Le Temps, l’Homme Le drame, Saturne: Moi, je deviens le personnage porteur, l'adversaire Toi, la force primitive, l'aspiration au Tout; Je piétine entre ici et là Tu circules cyclique, circulaire;

Je raille les répétitions tu répètes, rarement mais consciencieusement to i, fils de démon - chronique, entier;

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J'efface, je chasse des époques, entends-tu, des é p o q u e s, ah, si je pouvais m'envoler Toi, tu regardes de haut tu survoles, tu écris.

Mais une chose nous rapproche: Tu dévores tes propres enfants je les dévore moi aussi; Cela te dit-il quelque chose? Ou tu es en moi ou je suis en Toi? Tout recommence à nouveau

A nouveau recommence toujours le temps, l'homme le temps dans l'homme, le vol, et pourtant - un monde du diable.

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Lune noire

Je m'habituai à vivre exclusivement au rythme de la décroissance lunaire

même le temps prenait sa mesure la nuit comme la femme on me compara au serpent au phallus et au dragon je perfectionnai la technique de l'obscurcissement, l'adultère je n'ai aucune raison de rivaliser avec les gens, je n'idolâtre ni les idées ni les objets mais je redoute moi aussi ô géant, Erote, le côté canaille de la soif, l'insatiabilité, l'appétit moi aussi des fureurs me tenaillent, des lubies ô Esprit Malin, je convoite sans relâche quelque chose de jeune - du nouveau, du croissant, du plein

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ma bouche écume à force de soulever des verges ma langue s'est raidie à force de trotter de traficoter par inspiration et par superstition j'ai peur moi aussi de voir l'aurore du déclin de perdre au jeu avec la lumière pour trois jours de leurres

trois jours de frénésie trois jours de vie tricorne, tricéphale et je désespère de ce que longtemps depuis très longtemps déjà il n'y a pas de renouvellement de révolution sidérale, de nuit blanche rien que ma lunaire, ton animale ceinture ô manège cosmique, anathème mâle mon Soleil.

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Serpents aquatiques - ode-

Quel est ce pleur quasi humain de corbeaux! Ce langage elliptique d'oiseaux, ce prologue perçant dans le Mot inachevé division où se glisse la peur: est-ce un roseau, est-ce un serpent? S'il s'engouffre et épie s'il flotte, s'il a peur lui-même, ne le tente pas, aquatique et docile c'est quand même - un serpent!

Des pupilles noires, verticales, allongées des cannes de cabaret, crayons de caravane cloches inaudibles, capuches effilées, vues de dos la hampe de la croix jésuites irradiés par une lumière aqueuse l'Ordre le plus austère dans l'histoire du lac, miracle à Ohrid!

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Royale est la voie des serpents ils coupent gracieusement les crêtes des vagues, se lovent dans les rochers furtivement, comme le soleil au couchant se glissent entre les jambes yeux dans les yeux, ils se croisent, disparaissent

ni passion, ni poison conscience toujours, d'où émergent les eaux, germent les petits dragons pour que l'équilibre invisible se maintienne - condition sans laquelle rien ne se peut en ce siècle.

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Chaque matin

Quand le jour et la nuit se désaccouplent les corps dans le délire prennent leur revanche:

La preuve en est le sperme giclé à mi-ciel, à mi-terre (réveillez-vous, enflammez-vous demain à 4h, sortez et regardez!) le jour se lève seul comme tout amant expérimenté - comme quoi rien ne s'est passé, alors que tout a été simultané en eux seuls résonne le langage accouplé des sexes le sien propre et celui de sa maîtresse à elle - l'hospitalité. que les montagnes le matin se lèchent généreusement, de l'intérieur

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dans les plis, les brèches, sur les mamelles dieu merci, les langues ne manquent pas et pour le ciel, et pour la terre et pour en-dessous

et pour au-dessus il faut respirer à plein poumons pour parer à l'arrivée du jour scellé dans son mutisme jusqu'à la prochaine rencontre avec la grammaire nocturne. Le jour et la nuit font ces choses jour et nuit, comme il se doit selon l'ordre domestique - le temps.

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Le sang

chaud

Je ne saurais froidement raconter un seul conte. Pourquoi, par exemple, le chasseur doit-il sauver le Chaperon rouge et pour quelle raison les personnages secondaires, nécessaires seulement pour le dénouement, doivent-ils s'en aller? Par quel prodige dans La Belle et la Bête l'animal difforme devient un jeune homme séduisant? Lequel des deux est le fantôme? Est-ce la magie de la métamorphose qui m'embarrasse ou le frisson à l'idée de devoir tomber en disgrâce pour être chère à quelqu'un? Combien d'hommes, de mâles en ce monde resteront non métamorphosés quand bien même la femme serait cet autre qui les relie?

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L'homme est désireux, la femme désirable et ainsi à l'infini l'émotion de la narration se réanime la langue est chaude comme le sang lascive quand elle gicle obscène quand elle durcit langue-anguille

parfaite quand elle est dénudée sans chemise sans carapace comme surgie d'un tourbillon! Ehonté soit mon discours étemelle la discordance entre l'apparence et l'essence! Il existe des histoires magiques où tout ressemble à la réalité où il n'y a rien que je pourrais expliquer froidement et indifféremment.

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Via lasciva

1. Je vois, par habitude, dans ma main gauche, le mur contre lequel je rebondis. Chut-t-t-t, silence, psyché. Reflet, miroir - mots décriés Je me reflète, donc je reviens quelqu'un suscite un écho durable triple mont de Vénus. La réalité est un choc en retour bourdonnement de signifiances et de lignes:

au commencement était la ligne la trace du monde.

2. Je compare la gauche à la droite le cœur tourne sur l'une scrute sur l'autre - je ne peux pas mentir où est le jour ou la nuit.

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La gauche traque les instincts la soif polycéphale, volubile la droite est l'utile, l'astucieuse, non-coïncidence entre la vie et le destin.

Non, tous les métiers ne sont pas morts sous ce ciel riche en maîtres logos, éros, poïesis.

3. Mes mains partout me devancent. Oublie - dis-je - le chiasme. Le volcan. Le karma. Le sel. Qui te gave n'étanche pas ta soif. Ne crache pas sur la cité qui t'a portée. Ne trouble pas la perfection du péché. La profusion des signes et des émotions ne t'épargnera pas. Jamais il ne t'arrivera d'aimer moins: les prétextes grouillent comme des insectes.

4. Mains lointaines: science et prescience - et l'essence et la lutte deux contre un. La césure est parfaite: mesure pour la croix et pour l'amour loi pour la lumière l'issue du monde.

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5. Au crépuscule les doigts palpitent comme le sang s'agite sous la pleine lune en connivence avec les ténèbres, ils frétillent agiles comme la campanule pudibonde comme l'œil, comme le nerf, comme l'onde sonore je frémis, patiente, sur le mont de Mars s'imprime une marque rouge les couleurs changent-elles la symbolique les objets, la couleur les hommes - les objets?

Les ombres des nymphes les incubes de Cupidon battent autour du destin - idiome effet lascif tragique sérénité autour de moi les ombres autour de moi les fléaux les idiomes, les prophéties à moi - l'infamie.

94

Dés-ordre,

couleurs

un enfant au milieu des fruits mûrs

Un enfant au milieu des fruits mûrs D'un verger sans enclos Découvre Pour la première fois L'attrait fatal De la volupté. Depuis, Bach et Apollon Sont dans sa proximité Et un paon dont le cri Embrase le vide de la voûte.

97

Je t'aime rouge, je t'aime!?

Je t'aime rouge, je t'aime!? Rouge retentit le rire Avec le suc velouté de la tulipe. Comme le rouge foncé des roses Les lèvres muettes de la dame de cœur. Dans le souvenir rouge Tout un monde rouge Avec son volcan et sa lave. Tu m'aimes rouge, tu m'aimes!?

98

Le perroquet vert qui ne parle pas

Le perroquet vert ne veut pas parler; Il a connu pourtant des pirates, des chamans, des souverains; Il sait combien pèse le casque, combien le masque, Il sait ce qui nous guérit, ce qui nous tue et nous endort. Le perroquet vert, sans parler, Nous décrit la chaîne verte, Qui s'étend jusqu'à mi-hauteur de l'Himalaya Et mi-profondeur de la mer. Ne le cherche jamais en rêve.

99

Le bleu est plus haut et plus profond

Le bleu est plus haut et plus profond, Il atteint les yeux du Dieu tri-nommé. Que ceux qui osent se risquer jusque là S'attendent au froid et au vertige, Au climat rude, à l'air raréfié Et au lourd silence qui monte Du fond non atteignable. Comme dans une école désertée, où tu es seul Et que les lumières sont éteintes Et tu deviens petit: un grain de sésame. Les ombres - d'énormes poules affamées!

100

Si tu entres dans le cercle du blanc

Si tu entres dans le cercle du blanc, - Nul n'a noté combien il est large Songe à emporter avec toi ton petit talisman Dans la blancheur qui aveugle. Tu es quelqu'un d'autre sur cette île Où le doute foisonne dans le lierre Pendant que tu oscilles dangereusement Entre le oui et le non: Qu'es-tu? Banni de ton espèce? Quelqu'un qui a surpassé le but ultime.

101

Le noir accueille tout, accepte tout

Le noir accueille tout, accepte tout. Un confesseur né, une grand-mère sourde, Il tient sa langue contre ses dents On passe chez lui à tout bout de champ Pour enterrer nos pensées noires Et nos plus sombres pressentiments. Quand le temps est à sa fin et qu'il n'y a plus où aller, - Un chat noir nous a coupé le chemin Il nous conduit, avec une bougie, au fond de la caverne.

102

Avant le désordre

Je m'approche de lui. Je l'appelle. Je lui parle d'une voix caressante. Ne trouverait-il pas une forme où se mouler, Un visage où resplendir, Cet excès qui se répand.

Moi à lui: ma sphinge\ Lui, embrase la nuit dans la nuit Le mutisme et la glace se fondent Le langage est une forêt épaisse Les cris - des pointes acerbes. Moi à lui: - Toi, semeur! Mais il resplendit à travers le prisme De toutes les couleurs de la pupille: Le tumulte est un oiseau de feu, La pourriture - un germe nouveau, un œuf à couver. Moi à lui: Toi, faucheur! Mais son regard me transperce: Il n'y a pas de nature morte! La chute est le plus sûr chemin, L'éboulement - inévitable!

103

L'ordre entre les lignes

Il touche le ciel du sommet de son crâne, Au crépuscule il chante et danse sur place Un même son se répand de toutes les gorges Un ton monocorde Dans la gamme de l'infini.

Contre le tumulte du monde Il nous entraîne, sans retour, vers l'embouchure Il surveille le feu et la langue Pour que la profusion ne l'emporte Et que le chiendent ne prenne le dessus.

Nul besoin d'un verre, ni de tabac ni d'impulsion lyrique. Il ne rêve pas, il ne s'use ni ne s'épuise. Cela fait des siècles qu'aucun scrupule ne le ronge. Le doute s'est jeté dans un désespoir profond Avant de se hisser jusqu'à sa forteresse.

104

Il raconte, il s'exhibe. Il doit pourtant avoir lui aussi son talon d'Achille Une demeure et un petit juron Qui ne soufflera à personne Où est son esprit caché.

Où es-tu? - lui dis-je - Comment es-tu? Ton aspect monotone S'est infiltré dans toutes les dimensions. Au crépuscule, il m'arrive même de danser entre les lignes, Tandis que par moments la transparence glacée siffle.

105

Le dés-ordre et les mains

Elles ne sont jamais qu'elles-mêmes. Mais qui est derrière? Qui? Le juge d'instruction découvre sans peine Des traces qui forment des cercles. Le cercle est déjà un carré, Deux mètres sous la terre.

C'est dans l'obscurité toujours plus évidente Que s'engendre la confusion. De là le passage est facile Pour ceux qui manient la lame et le symbole.

106

SUI GENERIS

Maintenant c'est facile. Mais alors, mais alors! Et quoi si ce n'est pas à travers le sable et l'ombre Et avec quoi sinon avec du feu et de l'eau Sinon avec un bâton et une pierre Sinon avec le coude et le pas Sinon avec la paume et le vernis, Pour être toi, pour être.

Maintenant c'est facile. Mais alors, mais alors! Ils avaient un secret et ils avaient de l'audace, Us n'avaient pas de mesure et n'avaient pas de balance, N'avaient pas de porte et n'avaient pas de clef Mais de la matière seule que l'ombre ploie Et une nudité qui resplendit Pour être toi, pour être.

La poussière frappe. Nous sommes là. Leur maison porte le numéro 13. Leur appartement, le numéro 7. Tu peux les appeler Si tu rappelles le jour, Si tu dis au clair de lune, Si tu dis. Eux, les antiques forgerons d'Ur.

107

Ils aimaient. Ils savaient Comment l'inescomptable Comment l'incommensurable Forge une gamme de temps Au bout de laquelle tu es Dont tu es la fin.

Maintenant c'est facile. Maintenant c'est possible, Mais tu fuis, tu te caches Tu glisses le long du parapet De la barrière du temps, La vitesse croît, tu te précipites Vers le commencement, Vers l'autre bout, Vers la fin. Fin.

108

La baleine échouée

Et pourquoi pas la mesure et pourquoi pas L'imperfection! Mieux vaut une poignée, mieux vaut un dé, Face à l'océan, face au ciel. Mais cela ce n'est pas toi et ce n'est pas ta voix. Quelqu'un d'autre parle à travers toi. Quelqu'un d'autre regarde à travers tes yeux; On n'y voit pas la fraîcheur du bois. Quelqu'un d'autre regarde à travers ton regard, Au lieu de l'infini - un mur Quelqu'un à recouvert ton corps Quelqu'un a verrouillé ton rire. Tu ne voles déjà plus Dans le feuillage déployé du son. Face à l'océan, face au ciel, Comme Orphée, tu choisis toi aussi D'être sacrifié Sur l'autel de la beauté.

Encore un geste, et tu es une baleine échouée. La cire de ton cerveau Donne aux visages des nymphes Un éclat de porcelaine.

109

La clef du mot

Tous le cherchent insatiablement, Ils Font pourtant sur le bout de la langue. Capricieux, il ouvre quand il veut Une nouvelle ivresse dans la carrière Un nouveau danger dans le combat, Te livrant au dragon Avec ses neuf têtes Devant les neuf portes secrètes Derrière lesquelles la récompense t'attend Terreur qui ne s'oublie pas. Et il ne se soucie nullement du temps Il surgit quand tu ne l'attends pas, Avec Krali Marko il s'enlace, Allume le feu, non pas à cause du froid, Et un rossignol lui chante dans le cœur. S'il te prend pour ami Alors, sans faute, pour le mot, il promet un mot.

110

Le mot nouveau

Comme dans tout récit, L'anneau et le cheval Sont obligatoirement présents Lors du passage secret De l'un à l'autre monde. Seul un miracle peut combattre le miracle Pour que s'usent des souliers en fer, Pour que la flèche une fois lancée Finisse par atteindre son but. Il s'agit ensuite de chanter avec ténacité son cocorico Jusqu'à faire taire les autres coqs Qui connaissent naturellement ce langage, Mais n'en ont pas pénétré le secret: On part à la recherche de - l'amour, On s'empare d'un - royaume!

111

Le mot amer

Depuis qu'il a trouvé un endroit sec, le corbeau lui a légué sa race et lui a cédé son serment: "la perfection ou la mort!" Il y a longtemps qu'il a traversé le jour et tous les océans de la mort sans trouver le détroit qui les sépare et les unit. Il se tait et navigue à travers les pensées, cherchant un écueil et une réponse: a-t-il découvert la perfection, ou la mort, ou toutes les deux?!

112

Quelque chose

Une branche saine où point une marque visible d'être. Une barque qui ne se détache pas clandestinement portant de - à, un - une, ceci - cela, la voix de quelqu'un pour la fin ou le commencement. Qu'importe ce que c'est, cela a son poids, son prix, suscite l'inquiétude, des ahasverus et des ions, se répand, se confie comme un legs ou une offrande, ne choisit ni le lieu ni le temps pour s'annoncer et faire éclater la cosse... (Etait-ce la foi ou le saint graal?)

113

Le point

Sanctuaire secret du monde, où le grand et l'ancestral se tiennent dos à dos la fin et le commencement coude à coude, bâtissent une tour un pont qui mène à la dernière côte de la pensée.

Il tire de sa manche miracle sur miracle, changeant lestement de côté il fait les meilleures pirouettes, contre les lois écrites. Aucune cage ne le retient aucune chaîne ne l'attache, il ne dans e que pour lui-même il bondit derrière la montagne, il clignote avec la dernière étoile, il se précipite vers nous, il croît en riant, il nous hisse dans son giron maternel.

114

Corail

Depuis qu'il a perdu la force, il a découvert la ruse et il a compris: le pouvoir est entre ses mains qui écrivent l'histoire sur le bref éclat des comètes et sur le reflet des ténèbres. Il n'eut pas le temps d'hésiter il finit par choisir un lieu propice pour les exactions, le pillage et la construction. Sage, il se ressaisit au bon moment: une bonne fin, c'est un roi mort, et il noua un fil sous sa gorge. Tantôt d'un pourpre resplendissant tantôt impudiquement blanc, il adhère au cou de la femme.

115

_Li!j'.HJh Jjirjiw

Lune gravide

Je te regarde en face en train d'écrire pendant qu'au fond de moi mon encre tarit dans le sable poème tu mets tes lunettes, tu reprends du papier ce qu'il faut pour une nuit et tu t'en vas dans ta solitude entre-temps la nuit grandit et derrière la fenêtre le gel et l'obscurité échangent leurs dons lui, des stalactites et du givre, elle, du lait noir épais moi je grandis de l'intérieur je vis avec deux cœurs tandis que l'enfant vivant mûrit inconnu dans mon sein sur l'écran les nouvelles sont comme toujours mauvaises mais l'on peut en marchant sur les lattes du parquet qui craquent sous les pas se trouver sur un bateau et, regardant par la fenêtre basse, au lieu du jardin gelé, contempler la mer avec la pleine lune et ainsi tout l'hiver - brise la glace, creuse un passage vers le pont où nous sommes toi et moi frissonnant au froid du large

119

avec les abysses au-dessous et le cri du goéland en moi le battement de ses ailes glacées qui n'ont pas (quel est ce lieu et ce temps?) où se poser janvier 1989

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Borian, le registre des naissances (extrait)

Je t'ai reconnu aussitôt toi qui venais vers moi pour la première fois t'annonçant par des pleurs pareils au déchirement d'un sachet en papier tes alvéoles non décollées se remplissaient du premier air qui sentait les médicaments et l'équipe de nuit dans l'hôpital et j'avais l'impression que la géographie s'était embrouillée car au même instant je revenais des forêts d'Amazonie je léchais la neige du Caucase et je courais après le safran jaune de Djaïpur cette distance me séparait de toi de mon cœur jusqu'à la gorge étroite par laquelle je me précipitais à travers des eaux sauvages eau sauvage - moi-même, séparant deux berges canot renversé, rivage, végétation depuis la passion de la graine à travers un roseau embrasé je respirai la vie et la mort jusqu'à toi ma nouvelle saison, le ciel

121

qui se renverse sur moi avec des pleurs, des faims pour que je t'enveloppe dans mon sein mon unique bien - le giron de la langue dans laquelle je t'éprouve foyer au centre de la maison qui me réchauffe et éclaire jusqu'au mot le plus éloigné du dictionnaire - levure tu gonfles dans ma chaleur - tu croîs j'accueille les ténèbres dans la demeure comme l'encre avec laquelle je trace la couleur de la malachite (la poudre la plus verte sous le ciel avec laquelle on peignait les yeux des saints dans nos contrées, pour qu'ils resplendissent de douleur) pour qu'elle resplendisse dans tes yeux à toi dans ton premier regard vers les hauteurs. 10/4/1989

122

Les fils

pour Katica Kulavkova

Les voici enfin parmi nous tardifs boulets éjectés de nos molles entrailles visant directement le printemps qui, vulnérable, se défend avec des brassées de perce-neiges et de primevères dans les montagnes avec des sucs de plantes qui sentent encore la neige il secoue l'hiver chrysalide (il éveille les serpents, remplit les ruisseaux, appelle le soleil au secours) tandis qu'ils - nos premiers fils attaquent avec des pleurs qui viennent de cette divine altitude qui nous donne le vertige en bas, dans le piémont nous déléguons de nouvelles armées du salut des munitions (notre plomb devient malléable à la chaleur notre poudre sent le lait) tandis que la langue se retourne cherchant des mots doux des couvertures qui protègent des sorts, du mauvais oeil et du gel

123

et nous couvrons leurs futurs corps de guerriers pour qu'ils persistent dans leur destination d'être plus forts que nos bastions féminins saturés de pollen et de ciguë que nous leur prodiguons dans notre arche de Noë avec les plantes et les animaux par paires après le déluge l'alphabet avec lequel s'écrit le froid qui ressemble à l'avenir où ils accosteront comme sur un rivage inconnu avril 1989

124

Bonnes nouvelles, premier jet

Dans un petit canot jaune que mon fils avait fabriqué dans la journée avec des légos cette même nuit nous bondissons de vague en vague un rire humide glisse sur nos joues un ciel bleu vert retourné à l'envers et au-dessus de nos têtes une prairie jaune ensoleillée nous ramons et le rire triomphe du vacarme le long de la rivière en aval le long des cascades - bonheur joie pure mon fils et moi retrouvés en même temps soudain notre petit canot n'est plus dans l'eau les rames ne sont plus là que des vallons secs et la terre nue stérile arrivent des inconnus (ils n'ont jamais vu un canot ni un enfant) ils dévisagent mon fils ils le touchent avec leurs mains, tournent autour je demande - où sommes-nous arrivés? ils disent ce lieu n'a pas de nom où est la rivière? - nous ignorons ce que c'est

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comment partir d'ici? - d'ici ni on part pas ni on arrive mais qui êtes-vous donc? - je demande mais autour de nous il n'y a personne 8 avril 1993

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Le dragon de saint Georges

à G Cemerski

C'est moi ce dragon à sept têtes et aux innombrables pattes qui affole ton cheval il écume et s'emporte au diable pendant que tout guindé, en cotte de maille, enveloppé dans ta cape tu brandis ton 'épée venant à ma rencontre

Quel fameux héros tu fais beau jeune élancé quand tu éperonnes ton cheval, et qu'il hennit jusqu'au ciel tandis qu'étalé par terre je te vois par en dessous je te capte dans mes sept regards de tous les côtés tu es parfait jeune et élancé Si seulement tu levais les yeux pour regarder alentour si tu remarquais le printemps, l'eau de la source le clapotis, la couleur du midi si tu pouvais descendre du cheval tu me verrais tout autrement

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Mais toi le héros des héros (pas un instant tu ne quittes ta monture tu manges à cheval tu dors à cheval) tu es décidé de passer par-dessus mon cadavre et pas une fois tu ne m'as regardé pour de bon. Transi de peur, ton cœur se glace tu cries en rêve, tu tombes de cheval dans mes bras Demande- moi un peu - j'ai sept récits à raconter sept songes à rêver sept vies de chat sur combien de pattes je tombe combien de feu je crache combien de bile je vomis

combien de perles je garde combien je connais de secrets sur la toison d'or combien de Shéhérazade je cache quand tout simplement tu passes à mes côtés 06/04/1992

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Ma peau

Ce matin tu effleures soudain ma mémoire toi l'ancienne alors que nous ne sous sommes jamais quittées adossées contre la même clôture nous arborions le même sourire et nous portions le parfum de tous les espaces traversés ce matin voici mes narines respirent la vapeur âcre lâchée par l'antilope aux pattes véloces quand elle fuyait au galop captive du fantôme de sa propre peur - le chasseur et chemin faisant je signe de ce même nom mes poèmes de jadis (et je crie en rêve -je n'ai pas peur et je crie éveillée - j'ai peur)

ma peau toi qui par ton souffle soyeux me protégeais alors des hommes au corps velouté - l'indifférente ménagerie et que jamais jusqu'à présent je n'ai eu le temps de remercier attendant interdite devant cette grille d'acier brûlée de froid

129

derrière laquelle Lui le tigre roux ocre et or se démenait nerveux ne s'arrêtant que pour terrasser du regard les hérons blancs qui fusaient vers les hauteurs ces exemplaires déjà passés de la liberté si longs et effilés, délestés et argentés ces âmes frêles - ces sœurs célestes

Couchée dans une chambre inconnue entourée de fleurs de givre sur les vitres dans ce no maris land je le vois libre regarder au-dedans allant mollement de haut en bas et je tire la couverture usée sur le visage non pas de peur mais de honte de ce que déjà depuis longtemps je ne suis pas (et toi non plus, ma peau) si douce si fraîche et juteuse face à ce nouveau regard jaune éblouissant qui fait fondre la glace avec un sourire et dans un chuchotement fait ployer les barreaux derrière lesquels mon âme ressemble toujours plus à un petit tas de laine feutrée

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Avant un nouveau poème

Je ne sais ce qui me rend plus heureuse quand je me découvre devant toi ou quand je te cache en moi

Je ne sais ce qui me détruit le plus quand tu me découvres ou quand tu me poses l'index sur la bouche

Que vois-tu en moi? Toi - à vingt ans de distance Que vois-je en toi? Moi, d'il y a vingt ans

(entre temps il n'y a pas de temps entre nous) 14/4/1993

131

Ainsi parlait Marina Tsvétaéva

"Ma prière: ne te rapporte pas à moi comme à une femme mais - disons, comme à un arbre qui chuinte en marchant à Ta rencontre. Tu ne pourrais pas accuser l'arbre pour un excès de sentiment." Ô, combien de nouveaux arbres à l'approche

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Damas soie grège

Touffeur jardins et fontaines voix à mi-chemin de Dieu minarets qui vacillent dans la chaleur foulards qui s'enroulent, yeux qui scintillent sources profondes ténébreuses Huile midi jaune sur des sables jaunes qui gravite autour de la Pierre temps de la prière je teins ma soie, chemin de soie pour arriver cette nuit auprès de toi te surprendre rayonnant Illuminé de l'intérieur tu bruis sous le voile tu vibres et ton corps est or et crèpe-satin je me couche à tes côtés on entend au passage le ciel crouler sombre lourde soie grège

133

Balkan

Assise face à ce monde printemps-été 1993 pieds nus débraillée verger délaissé tuile cassée, porte déglinguée rideaux agités par les vents brisée je dissuade les nouveaux poèmes d'approcher et de lécher le sel de ma main 25/4/1993

134

Je ne sais si ce texte est à moi

... "et cet affranchissement allait loin au-dessus d'elle, là où le ciel violet caressait l'eau qui souriait et où la douleur devenait toujours moindre à mesure que la tendresse se déversait en abondance. Et chaque chose vivait toujours plus près d'elle-même et de ce qui l'entourait. Les menus fragments du Tout s'entre-pénétraient: la mollesse palpitait, rassemblait tout en elle et tissait une harmonie que nul n'avait vu jusqu'alors, pas mêmê au ciel. Et dans l'air dansait le cœur, le cœur bleu de la sérénité. Un soleil léger se traînait langoureusement sur des sentiers poussiéreux comblant la distance entre ciel et terre"...

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Première expérience

j'arrachai la pomme rouge sur la branche sombre qui disparut sous la voûte... Je mordis dedans... Je mordais à pleines dents... La lumière changeait de couleur. On devinait le corps... Visqueuse comme le coquelicot, intime comme la pèche, fraîche comme le lait de coco était la peau du rêve qui, ensuite, se répandit sur la verdure...

Jamais plus le bleu n'eut un tel goût.

138

Langues de serpents

à travers les bosquets glissa un serpent. Je vis la peau lisse et soyeuse comme un Premier toucher et: une trace glacée s'enroula autour de mon corps.

une pléthore de langues de serpents jaillit comme des pommes rouges que l'on ne cueille pas et: des soifs bourgeonnèrent sur mon corps. Depuis je dis les cieux follement bleus sans pouvoir les atteindre

139

Décomposition du paradis

ma rétine adhère voluptueusement à la sombre branche céleste qui surgit sur l'écran de la télévision. Et: si je porte cette soie blanche me jetteras-tu des griottes pourries semence du Grand oubli

des hauteurs

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Bosch

hieronymus jette un regard sacro-séculaire sur la place de hertogenbosch: les diablotins en pierre du brabant prolifèrent sur les façades des églises: les prêtres sont des comptables, les livres saints des registres hieronymus jette un regard perspicace et à travers les sons: toutes les trompettes dorées de l'azur solennel passent dans un rythme saccadé infemalement insatiable pareil à la pluie: lorsque les gouttes comme les fantômes éphémères du firmament descendent vers: La gluante gloutonne profondeur: la rue est luciférienne.

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PSYCHO

est-ce l'entrelacement d'une droite orthodoxe et d'une courbe hétérodoxe? je permets une programmation semblable de mes minia­ tures dessinées, par exemple que les vers à soie procèdent des vagins du diable et de la semence du seigneur qu'ils sécrètent. Qu'ils soient de menus démiurges pratiques, des abraxas proliférants dans mon expression. Afin de faire valoir son irréfutable mobilité dans les limites du déterminisme. ou encore: la lumière est un dard de guêpe multiplié, l'obscurité, une myriade de fourmis; autre exemplaire de l'initiale vision mythique qui doit se transmettre sans discontinuer jusqu'à aujourd'hui et jusqu'à moi. Seule reste la conscience de certains bonds incisifs... imprévisibles comme les franges roses des constitutions usées...

142

J. W. G.

la profusion certaine de l'ourlet céleste du parc de Weimar se configure: dans des formes strictes comme les irruptions de Lotte dans le cœur brûlant de Goethe. ou: la volupté, rameau fruitier de l'évolution, revient en grappes de cristaux forestiers. ainsi germe la sagesse: l'amour des époques géologiques, qui se préfère lui-même à johann ou à moi. en le lisant, lui. ses autogerminations sont des élégies célestes, répartitions délicates du bleu. le dehors et le dedans.

143

Amoureuses célestes

lotte n'existe pas absolue et angélique, dans les plis trans­ parents. comme un voile transparent. il n'y a pas: avec sa forme - un étirement vide dans un écoulement tem­ porel désincarné, comme la géométrie nue dotée et offerte, comme des centimètres de symétrie abstraite. lotte arrive par doses voluptueuses d'auto-présence affirmée, comme le corps-propre-espace-temps.

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I. L *

entre deux cloches d'école la formule du calcium au tableau noir à présent un syllogisme émaillé entre deux thés. Puis: entre les cadres en os de l'intervalle certain: caoutchouc personnel (étirement) du temps enveloppement caractéristique de soi-même (densification) des images odeur singulière du personnel "ballon en cuir" * goût irreproductible de la vie comme les "prunes françaises" *

* L. N. Tolstoï: La Mort d'Ivan Ilitch

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Plastique

Goût unanime des pains quotidiens + déchet civilisationnel indécomposable + contenu permanent des mythes élargis + rouge à lèvre embaumé profané + simplification des données à cause de la synthèse des données + ramures clous ouvertures obturateurs glissent à travers la densité de l'atmosphère + passion stérile des gants de protection on clone: + poupées + vibrateurs + tampons dans les oreilles + ventre dur et souffle dosé + opération routinière + un rideau de polyvinyle tombe sur les yeux + plexiglas - soleil + l'asphalte brûlant geignant sous les fins talons métalliques + dans l'enregistrement du moment je compte les cris brimés comme des psychés en plastique

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Living theater

la réduction d'un état amène inéluctablement à l'hyperbole de certaines de ses composantes: la périphérie de la scène se réveille, se répand, embrasse le centre et devient elle-même un point scénique et mondial. la voix entonne à travers le premier le deuxième etc. poulpe, jusqu'au palais desséché sans reste. Le silence alors est une incision bleuâtre dans les paravents une percée céleste épurée

147

O

le vol puissant de la lumière vers les barrières les séparations en verre au-dessus des parallélépipèdes en verre au-dessus des parenthèses graduées est une pure brassée d'air une distribution systématique des miroirs impraticables est un euclide omni-droit dans une rue omni-brillante. La rondeur n'est que dans les petites gorges, les grains et les vaguelettes - volupté des automates. Et: le fragment de ciel je voulais le prononcer follement bleu

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Signes de multiplication

la bande dessinée ressemblait aussi à certaines démarches depuis longtemps déjà connues de dénuement, de dépouillement et de condensation de l'expression jusqu'à un sol dur non interchangeable. mais, la vision des villes comme de systèmes des contours parfaits dans la solennité étemelle d'un espace absolu, vide, s'efface. Aujourd'hui, je me souviens des espaces vierges de ses mains. les paroxysmes des environs. les bulles dans les verres de lait. les rayons soyeux, écailles d'aurore dans les yeux... nuées de jeunes rouges-gorges ■ qui se touchaient... les ombres sur la place léchaient le soleil pourpre, et lorsque même les fenêtres devinrent une langue, nos langues s'élancèrent en volutes embrasées vers des ciels profonds, inattendus.

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Le lac

Particularité des fenêtres et des balcons. incommensurable étendue écarlate écailleuse; bile dont s'arrache le soleil; gelée glauque de la terre; flaque vivante dans un nombril profond: elle s'évapore et anoblit l'environnement; fond bleu liquoreux de l'atmosphère; alléchante plaine-nylon; une multitude de foulards blancs ondoient au-dessus d'un glacier bleu, qui n'est pas un lac, mais un cercle bleu sur la carte géographique: la nuit: en collier de points électriques autour de mon cou.

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Rêves de cristal

l'arbre du cristal croît, brille l'immense cloche majestueuse pour montrer sa langue sa pomme-rubis.

lèvres vermeilles sur une joue pure cristalline la conséquence est: quatre yeux se boivent les uns les autres et quatre mains portent une pomme vers l'impétueuse langue-langue.

des langues bilieuses se caillent jusqu'aux cailloux la lumière au pied des claires contrées. ou: la volupté, rameau fruitier de l'évolution, revient en grappes de cristaux forestiers.

ainsi germe la sagesse: l'amour voué à des époques géologiques

et une suite de lettres symétriques

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Paradis artificiels

notre rétine s'aveugle dans l'amour irrépressible pour une sombre branche céleste surgie sur l'écran de la télévision. et dans l'air glaireux autour de la soie sacrée à travers laquelle fleurit la pourriture comme une olive...

olive morve - image et image dans une rime puissante morveuse. La morve est: matière de rêve qui se pense elle-même. Nous enveloppons une branche d'olivier dans des couches de soie fraîche appartenant à nos égoïtés.

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Textes

lèvres alchimiques et passionnées parmi les étoiles. lui, les feux primitifs de la sauvagerie. Les images ensauvagées dénudèrent le regard: la première surface se creuse en petits trous noirs au-dessus de la ville, nuages secrets des chaînes sonores. Quand nous fécondons les tendresses célestes: les pissenlits, petits ventres frêles... Ces enfants jamais nés du bonheur - maîtres invisibles des bizarreries vocales et lumineuses tous les enthousiasmes cognitifs portent les absences comme des colliers de perles incrustés dans le souffle.

Nous étions aveugles et pauvres quand nous nous agenouillions devant la voûte.

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NOTES SUR LES AUTEURS

Svetlana Hristova-Jocik Poète, auteur de prose et d'essais. Née en 1939, à Resen. Elle exerce la profession de coordinatrice de pro­ gramme à la radio macédonienne. Elle était rédacteur en chef de Stozer, revue de l'Association des Auteurs macédoniens. Recueils de poèmes: Invitation au mariage, 1970; Coffret secret, 1974; L'Azur, 1980; Un anneau de fer pour un tour (poésie pour enfant), 1981; EA, 1984; Haggadah, 1987; Création, 1990; Constitution poétique, 1992; Respiration, 1993; Réclusion poétique', S. l'immortelle, 1996. Elle est aussi l'auteur de nombreuses nouvelles. Membre du PEN centre de Macédoine.

Gordana Mihailova Bosnakoska Poète, auteur de prose et d'essais; née à Bitola en 1940. Elle travaille comme journaliste à la télévision (culture et cinéma). Actuellement, elle se consacre essentiellement à l'écriture. Elle a publié plusieurs recueils de poèmes: Le temps disparu, 1969; Lettres, 1974; Entrant dans le Delta, 1981; Le New-yorkais, 1993; Les amants nordiques, 1993; ainsi qu'un recueil de récits, L'Eté du Bosphore, 1994. Membre du PEN centre de Macédoine.

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Olga Arbuljevska Poète, essayiste et critique. Née en 1949, à Nis. Etudes de philosophie à Skopje. Elle travaille comme réal­ isatrice de télévision. Elle a publié les recueils de poèmes suivants. Pelotes, 1972; Ikitelia, 1981; Pierre sacrée, 1991. Elle est membre du PEN centre de Macédoine et, depuis 1974, de l'IEF (Association Internationale des Femmes Ecrivains), à Paris.

Katica Kulavkova Poète, critique et essayiste. Née en 1951 à Veles. Professeur à la Faculté de Philologie de Skopje. Présidente du PEN centre de Macédoine. Recueils de poèmes publiés: Anonciations, 1975; Acte, 1978; Notre consonne, 1981; Nouvelle soie, 1984; Points névralgiques, 1986; Pensée sauvage, 1989; Soifs, poèmes de transgression, 1989; Un autre temps (prose), 1989; Domino, 1993; Expulsion du mal, 1997; Time différence (en anglais), 1998; Via lasciva (en français), 1998. Outre son œuvre poétique elle a publié de nombreux livres de poétique et de critique.

Vesna Acevska

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Poète, romancière et traductrice. Née en 1952, à Skopje. Travaille comme lectrice à l'institut d'histoire nationale. Recueils de poèmes parus: Préparation pour le spectacle, 1985; Rocher pour sauter, 1991; Une ancre pour Noé, 1994; Causa sum (Bucarest), 1996; Désordre pour le

miroir, 1996. Elle a publié également trois romans pour les jeunes. Elle traduit du russe et d'autres langues slaves du Sud.

Liljana Dirjan Poète et journaliste. Née en 1953, à Skopje. Elle est rédactrice en chef de la revue Femme. Recueils de poèmes: Phénomène naturel, 1980; Mesure vivante, 1985; Champ d'absinthe (en français), 1996; Soie grège, 1998. Elle a été l'un des fondateurs des Ecrivains Indépendants de Macédoine.

Vera Tchejkovska Poète et essayiste. Née en 1954, à Skopje. Elle tra­ vaille à la Faculté des sciences de Skopje, dans le département de séismologie. Recueils de poésie: L'homme et la porte, 1975; Multiplication de la lettre, 1986; Expérience, 1992; L'absence du Doux, 1993. Membre du PEN centre de Macédoine.

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TABLE

L’archipel féminin de la poésie macédonienne contemporaine

Svetlana Hristova-Jocik L'Invocateur La dernière année du monde La vie éternelle de la robe La vie éternelle de Svetlana La chemise consacrée Une pierre à enlacer Je mourrai dans la petite barque Repentir Barbaresque L'ange fils Que je meurs en dansant Droit de rébellion pour la mort La remise des clefs

Gordana Mihailova Bosnakoska Tentatives Découverte de la beauté Baiser d'adieu Les chemins de l'âme Savoir pourquoi La nouvelle La fin du rêve Corps féminin Quand les petites filles dorment

5

17 19 21 22 23 24 26 27 28 30 31 32 34 35

37 39 40 41 42 43 44 46 47 48

Olga Arbuljevska Carillon Le puits L'œil du faucon L'œil du hibou Pelote Lettre pelote pelote L'ombre de Bucéphale

Katîca Kulavkova Domino Présentation du ciel Chronos Lune noire Serpents aquatiques Chaque matin Le sang chaud Via lasciva

Vesna Acevska Dés-ordre, couleurs Je t'aime rouge, je t'aime!? Le perroquet vert qui ne parle pas Le bleu est plus haut et plus profond Si tu entres dans le cercle du blanc Le noir accueille tout, accepte tout Avant le désordre L'ordre entre les lignes Le dés-ordre et les mains Sui generis La baleine échouée La clef du mot Le mot nouveau Le mot amer Quelque chose Le point Corail

51 53 55 57 59 61 62 64 65 67

69 71 75 80 84 86 88 90 92

95 97 98 99 100 101 102 103 104 106 107 109 110 111 112 113 114 115

Liljana Dirjan lune gravide Borian, le registre des naissances Les fils Bonnes nouvelles, premier jet Le dragon de saint Georges Ma peau Avant un nouveau poème Ainsi parlait Marina Tsvétaéva Damas soie grège Balkan

Vera Tchej ko vska

'

117 119 121 123 125 127 129 131 132 133 134

Je ne sais si ce texte est à moi Première expérience Langues de serpents Décomposition du paradis Bosch Psycho J. W. G. Amoureuses célestes 1.1. Plastique Living theater O Signes de multiplication Le lac Rêves de cristal Paradis artificiels Textes

135 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153

NOTES SUR LES AUTEURS

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