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French Pages [128] Year 2022
Revue CRitique de Philologie Romane volume XXii (2022)
direction Massimo Bonafin (Università di Genova) – directeur exécutif Jacqueline Cerquiglini-Toulet (Université de Paris IV-Sorbonne) Maria Luisa Meneghetti (Università di Milano) Richard Trachsler (Universität Zürich) – directeur exécutif Michel Zink (Collège de France)
Comité de Rédaction Larissa Birrer (Universität Zürich), Fanny Maillet (Universität Zürich), Claudia Tassone (Universität Zürich)
Comité scientifique Carlos Alvar (Universidad de Alcalá) Roberto Antonelli (Sapienza Università di Roma) Pierre-Yves Badel (Université de Paris VIII) Craig Baker (Université libre de Bruxelles) Daron Burrows (University of Oxford) Ivo Castro (Universidade de Lisboa) Mattia Cavagna (Université Catholique de Louvain) Michele C. Ferrari (Universität Erlangen) Jean-Marie Fritz (Université de Bourgogne) Claudio Giunta (Università di Trento) Yan Greub (Atilf, CNRS et Université de Lorraine) Anthony Hunt (St. Peter’s College, Oxford) Sarah Kay (New York University) Pilar Lorenzo-Gradin (Universidad de Santiago de Compostela) Jean-Claude Mühlethaler (Université de Lausanne) Giovanni Palumbo (Université de Namur) Maria Ana Ramos (Universität Zürich) Nicolò Pasero (Università di Genova) Dietmar Rieger (Universität Giessen) Isabel de Riquer (Universidad de Barcelona) Alfredo Stussi (Scuola Normale Superiore di Pisa) Jean-Yves Tilliette (Université de Genève) Friedrich Wolfzettel (Universität Frankfurt am Main) François Zufferey (Université de Lausanne)
Secrétariat Larissa Birrer [email protected]
Adresse
Revue Critique de Philologie Romane Romanisches Seminar Universität Zürich Zürichbergstr. 8 CH-8032 Zürich – Suisse
Contacts [email protected] – [email protected] https://www.uzh.ch/cmsssl/rose/de/forschung/forschungamrose/zeitschriften/revuecritique.html
Revue Critique de Philologie Romane
publiée par Massimo Bonafin, Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Maria Luisa Meneghetti, Richard Trachsler et Michel Zink
tempus tacendi et tempus loquendi…
Volume XXII (2022)
Edizioni dell’Orso Alessandria
Abonnement annuel: Euro 40,00 (Italie) Euro 55,00 (Communauté Européenne) Euro 60,00 (autres pays de l’Europe) Euro 80,00 (Suisse et pays extraeuropéens) Modalités de paiement: par carte de crédit (CartaSi, Visa, Master Card) ou par virement bancaire (IBAN IT22J0306910400100000015892, Swift BCITITMM) à l’ordre des Edizioni dell’Orso S.r.l., Via Legnano n. 46 - 15121 Alessandria, avec indication (obligatoire) de l’objet du virement Les commandes directes, changements d’adresse et toute demande de renseignements sont à adresser aux Edizioni dell’Orso ([email protected])
© 2023 Copyright by Edizioni dell’Orso s.r.l. Sede legale: via Legnano, 46 15121 Alessandria Sede operativa e amministrativa: viale Industria, 14/A 15067 Novi Ligure (AL) tel. e fax 0143.513575 e-mail: [email protected] http://www.ediorso.it Publié avec le concours de l’Université de Zürich Impaginazione a cura di Francesca Cattina È vietata la riproduzione, anche parziale, non autorizzata, con qualsiasi mezzo effettuata, compresa la fotocopia, anche a uso interno e didattico. L’illecito sarà penalmente perseguibile a norma dell’art. 171 della Legge n. 633 del 22.04.41 ISSN 1592-419X ISBN 978-88-3613-392-5 Periodico registrato presso il Tribunale di Alessandria al n. 651 (10 novembre 2010) Direttore responsabile: Lorenzo Massobrio
Sommaire
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Verdades duplas. A verdade do texto e a verdade material. Cancioneiros e fragmentos galego-portugueses, ed. Déborah GONZáLEZ, Santiago de Compostela, Xunta de Galicia / Centro Ramón Piñeiro para a Investigación en Humanidades, 2022 (ArGaMed 5). Xabier Ron FERNáNDEZ
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Le Chevalier aux deux épées. Roman en vers du xiiie siècle, édité, présenté et traduit par Gilles ROUSSINEAU, Genève, Droz, 2022 (Texte courant 15). Rita PORqUEDDU
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éditorial I. Mises en relief Sur les Traces de Joseph Bédier, édité par Ursula BäHLER et Alain CORBELLARI, München, AVM Edition, 2019 (Romanische Studien. Beihefte 5). L’Ombre de Joseph Bédier, édité par Craig BAKER, Marcello BARBATO, Mattia CAVAGNA et Yan GREUB, Strasbourg, Eliphi, 2018 (études et Textes romans du Moyen Âge). Richard TRACHSLER II. Comptes rendus 1. Éditions Libro della natura degli animali. Bestiario toscano del secolo xiii, edizione critica a cura di Davide Checchi, Firenze, Edizioni del Galluzzo, 2020. Antonella SCIANCALEPORE Jean Wauquelin, Gerart de Roussillon. édition de Marie-Claude DE CRéCY, Paris, Classiques Garnier, 2021 (Textes littéraires du Moyen Âge 58). May PLOUZEAU Réponse au CR de May Plouzeau Marie-Claude DE CRéCY
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Revue Critique de Philologie Romane
2. Études Caccia alla volpe. Studi sul Rainaldo e Lesengrino, a cura di Giovanni BORRIERO e Nicoletta GIOVè MARCHIOLI, Roma, Viella, 2022. Massimo BONAFIN
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57
Jean-Claude DINGUIRARD, L’Épopée perdue de l’occitan (1983). Textes réunis et édités par Pierre Escudé. Préface de Joël H. Grisward, Limoges, Lambert-Lucas, 2020. Andrea GHIDONI
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65
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78
Fortunata Latella, Donne scortesi. La condizione femminile nello specchio della narrativa di corte, Lucca, Edizioni La Vela, 2021 (Studi Culturali 3). Marta MILAZZO
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81
Piero Andrea MARTINA, il romanzo francese in versi e la sua produzione manoscritta, Strasbourg, Eliphi, 2020. Mara CALLONI
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Dira mulier. La violenza delle donne nelle letterature del Medioevo, a cura di Francesco MOSETTI CASARETTO, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2022. Massimo BONAFIN
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L’espressione dell’identità nella lirica romanza medievale, a cura di Federico SAVIOTTI e Giuseppe MASCHERPA, Pavia, Pavia University Press, 2016. Gloria ZITELLI
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Géraldine TONIUTTI, Les derniers vers du Roman arthurien. Trajectoire d’un genre, anachronisme d’une forme, Genève, Droz, 2021 (Publications Romanes et Françaises CCLXXIII). Rita PORqUEDDU
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107
Valérie FASSEUR, Paradoxes du lettré. Le clerc-poète et son lecteur laïc à l’épreuve des polémiques intellectuelles (xiiie siècle), Genève, Droz, 2021 (Publications Romanes et françaises, 272). Thibaut RADOMME Réponse à Thibaut Radomme Valérie FASSEUR
éditoRial
La Revue Critique de Philologie Romane est une revue scientifique qui est constituée uniquement de comptes rendus. Sauf erreur, c’est la seule publication de ce type dans notre champ disciplinaire et c’est à coup sûr la seule revue qui prévoit un échange avec l’auteur de l’ouvrage recensé en lui offrant la possibilité de publier, s’il le souhaite, une réplique dans le même numéro, à la suite du compte rendu. Cette formule ‘dialogique’ a parfois fonctionné et continue, dans le présent fascicule, à donner lieu à des échanges de points de vue pour lesquels la Revue critique met à disposition un espace encadré, mais relativement libre. Nous attachons de l’importance à cette formule et souhaitons la conserver à l’avenir. Nous sommes amenés, par contre, à constater que le concept même du compte rendu est, comme on dit de nos jours, en crise. Considéré comme un genre mineur, un exercice pour débutants ou l’occasion de faire des éloges complices à un collègue de sa propre cordée ou, au contraire, noircir les tenants d’un autre clan universitaire, il n’a jamais eu la vie facile. Mais ce qui a changé ces dernières années c’est que les instances nationales et les grands organismes de recherche ont sorti le compte rendu de leur comptabilité: au moment de rendre nos rapports d’activités, d’établir nos CVs pour demander la prochaine bourse ou soumettre la prochaine requête pour un projet de recherche, les heures, les jours ou les semaines que nous avons investis pour écrire un compte rendu ne valent donc plus rien. Mécaniquement, la Revue Critique de Philologie Romane a plus de mal à trouver des collaboratrices et des collaborateurs motivés, en particulier parmi les collègues en début de carrière. En attendant que les organismes de recherche se rappellent que sans compte rendu sérieux la peer review à laquelle ils tiennent tant ne peut se faire et que la communauté scientifique a besoin de cette auto-évaluation explicite, nous avons pris la décision de nous adapter à cette nouvelle donne. Après deux décennies d’existence, la Revue Critique de Philologie Romane a donc changé de formule. Elle prévoit désormais trois types de rubriques correspondant à trois types de discussions de publications récentes: • des mises en relief, d’environ 6.000 à 10.000 mots, qui s’appuient sur une publication récente, en proposent une lecture critique et font aussi le point sur les recherches dans le domaine en question. Ce format permettra à la publication en question d’accéder au statut d’‘article’ et d’être valorisé comme il se doit. C’est la principale nouveauté.
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éditorial
• des comptes rendus ‘classiques’, qui présentent et discutent une publication – article ou livre – de façon critique. • des comptes rendus brefs, purement informatifs, qui signalent l’existence d’une publication. Les numéros anciens sont désormais téléchargeables sur le site du Romanisches Seminar de l’Université de Zurich: https://www.rose.uzh.ch/de/forschung/forschungamrose/zeitschriften/revuecritique.html Massimo BONAFIN & Richard TRACHSLER Co-directeurs de la Revue Critique de Philologie Romane
I. Mises en relief
Sur les Traces de Joseph Bédier, édité par Ursula Bähler et Alain Corbellari, München, AVM Edition, 2019 (Romanische Studien. Beihefte 5), 172 pp. L’Ombre de Joseph Bédier, édité par Craig Baker, Marcello Barbato, Mattia Cavagna et Yan Greub, Strasbourg, Éditions de Linguistique et de Philologie (Eliphi), 2018 (Études et Textes romans du Moyen Âge), 380 pp. Après Gaston Paris et Paul Meyer, les pères fondateurs de la Philologie romane en France, Joseph Bédier est probablement, parmi les représentants de la génération suivante, l’érudit qui a le plus attiré l’attention des spécialistes de l’histoire de la discipline. Successeur institutionnel et héritier spirituel de Gaston Paris, dont il a pourtant pris le contre-pied sur presque toutes les grandes questions, des fabliaux à la chanson de geste en passant par l’édition de texte, Bédier entretenait avec Paul Meyer des rapports beaucoup plus conflictuels, comme il en ressort clairement de la correspondance de toutes les personnes impliquées. À qui veut l’entendre, Bédier se plaint de l’inimitié que lui vouait le directeur de l’École des Chartes, alors que Meyer n’a de cesse de répéter que Bédier n’est pas «assez philologue» et essaie généralement d’appuyer d’autres candidats contre Bédier. À l’époque, la place de Bédier au sein de la communauté scientifique était donc controversée et l’héritage – la trace et l’ombre, pour reprendre les métaphores utilisées dans les deux ouvrages collectifs qu’il s’agit ici de présenter – de celui qui apparaît aujourd’hui comme la figure de proue d’une certaine tradition française, est moins monolithique qu’on ne le croirait. Les deux volumes, Sur les Traces de Joseph Bédier et L’Ombre de Joseph Bédier, ont paru presque simultanément et comme par magie se complètent idéalement puisque le premier volume, édité par Craig Baker, Marcello Barbato, Mattia Cavagna et Yan Greub, rassemble les contributions d’une rencontre organisée à Bruxelles pour le (quasi) centenaire de la parution du Lai de l’Ombre et a pour centre d’intérêt l’édition de texte, alors que le second, dû aux soins d’Ursula Bähler et d’Alain Corbellari, est issu d’une rencontre organisée à la Fondation Singer-Polignac, où les participants évoquaient des aspects institutionnels et certains dossiers centraux de la production bédiérienne, comme la chanson de geste et la matière tristanienne. De manière fortuite s’est aussi amorcé un dialogue entre les deux volumes puisque Alberto Varvaro, convié au colloque belge, a saisi l’occasion, dans ce
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Revue Critique de Philologie Romane
qui peut bien être l’une des dernières interventions du maître napolitain, pour s’exprimer sur une publication d’une participante à la rencontre parisienne. Mais prenons les choses dans l’ordre et commençons par le recueil, plus général, Sur les Traces de Joseph Bédier. Après un «Avant-Propos» d’Alain Corbellari (pp. 5-6), c’est Michel Zink, «Bédier au Collège de France» (pp. 9-16) qui rappelle l’existence d’une aura, pour nous aujourd’hui difficile à saisir, qui entourait à son époque le personnage de Bédier. Cette «face cachée» était précisément son côté public, son élégance, ses talents d’orateur et, surtout, d’écrivain. «À Joseph Bédier, aucun honneur, ni aucun succès n’auront été épargnés» (p. 10), écrit Michel Zink, listant les charges, réelles et honorifiques, qui étaient les siennes. Les archives du Collège de France permettent de comprendre la nature de cette aura au moment de l’élection de Bédier en 1903. Le rapport, établi par un Paul Meyer comme d’habitude hostile, fait peu de cas du Tristan bédiérien, alors que l’intervention de Michel Bréal en assemblée, comme le révèle le procès-verbal de la séance, en fait la pièce maîtresse du dossier. Avec Bréal, les électeurs voient en Bédier moins le médiocre philologue éditeur de Thomas que l’écrivain plébiscité qui venait de publier sa version de la légende de Tristan. Avec vingt-et-une voix, contre huit pour Alfred Jeanroy et cinq pour Ernest Langlois, et un vote blanc, Bédier est élu «pour son talent littéraire et parce que ses cours promettaient d’avoir du succès» (p. 12). Plus d’un siècle plus tard, la séduction intellectuelle de Bédier n’opère plus et nous avons, presque par voie de conséquence, aussi abandonné la plupart de ses vues sur les grands dossiers en histoire littéraire. Ursula Bähler, dans sa contribution «La philologie romane, recréée et créée par Joseph Bédier» (pp. 17-33), montre précisément comment fonctionnait la séduction de Bédier à l’écrit. En reprenant ses écrits sur les fabliaux et, surtout, les Légendes épiques, elle étudie comment Bédier construit un récit, où il apparaît lui-même, pour exposer sa matière et convaincre le lecteur à le suivre. Loin d’être un simple artifice rhétorique destiné à éblouir le lecteur, les récits présentent aussi, dans la mesure où ils célèbrent la force épistémologique de la réfutation, «une vision radicalement moderne de la marche de la science» (p. 25). Charles Ridoux revient lui aussi sur cette marche de la discipline en situant «Joseph Bédier dans la chaîne des générations de médiévistes» (pp. 35-47). Dans sa contribution, il montre comment Bédier se démarque de ceux qui l’ont précédé, que Bédier appelle les «paléographes», qui œuvrent, avec humilité et abnégation, à préparer les fondations pour la génération à venir. À la génération des érudits succède celle des penseurs, des auteurs de synthèses. La sienne. La correspondance de Gaston Paris et Paul Meyer fournit d’intéressants témoignages sur la manière dont les pères adoptifs voient l’arrivée de l’enfant prodigue. Ainsi, Gaston Paris cherche à apaiser un Paul Meyer excédé d’avoir dû corriger l’édition de Thomas que Bédier avait envoyée à la SATF, en lui disant que toutes les défaillances relevées par son confrère et ami s’arrangeront «très facilement en une demi-heure de conversation»
Sur les Traces de Joseph Bédier, édité par Ursula Bähler et Alain Corbellari
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(p. 43) entre Meyer et Bédier. Au vu du colloque bruxellois qui discute précisément le legs de Bédier dans ce domaine, on peut se demander ce que Meyer et Bédier se sont dit en ces trente minutes. Avec Véronique Dominguez, «Gustave Cohen et Joseph Bédier, une légende épique?» (pp. 49-66), on passe du côté des petits-enfants. Dans cette étude, Bédier n’est plus l’élève, mais le maître et père spirituel de ce «fils indigne» (l’expression est d’Alain Corbellari) que fut Gustave Cohen (1879-1958). Les relations entre les deux hommes furent d’abord, en effet, extrêmement amicales. Cohen, blessé en 1915 à la bataille de Vauquois, reçoit ainsi de Bédier une lettre touchante, que nous ne possédons pas, mais qu’évoque Cohen lui-même avec émotion. En tout cas, Bédier aide Cohen à rentrer d’Amsterdam, où il occupe depuis 1912 la chaire laissée vacante par Salverda de Grave, à Strasbourg, puis à la Sorbonne. Leurs différends apparaissent dans deux dossiers auxquels les deux hommes attachaient de l’importance, celui de l’origine des chansons de geste et celui du théâtre médiéval. C’est probablement ce dernier qui a conduit à la rupture. Bédier ne partageait pas l’enthousiasme de Cohen pour la production dramatique du Moyen Âge (en tout cas la production dramatique du Moyen Âge selon Gustave Cohen), tout comme Cohen n’arrivait pas à adhérer aux théories développées dans les Légendes épiques. Joan Tasker Grimbert, «Bédier et la légende tristanienne» (pp. 67-78) et Alain Corbellari, «Le Roman de Tristan et d’Iseut, roman symboliste» (pp. 7992) s’attaquent tous deux à une matière qui valut à Bédier sa célébrité. Avec son Roman de Tristan et d’Iseut, publié en 1900, il est admis dans les rangs des écrivains; avec son édition de Thomas pour la SATF et l’étude qui l’accompagna, en 1902-1905, il fait son entrée dans le cercle des philologues. L’étude de Joan Tasker Grimbert s’interroge sur les transformations que fait subir Bédier à la légende, en particulier en plaçant la passion des amants sous le signe de la mort, alors que celle d’Alain Corbellari rattache la version bédiérienne au courant du roman symboliste contemporain. On passe à la matière épique avec «Joseph Bédier et la Chanson de Roland» (pp. 93-113) de Christopher Lucken et «Le “différend” entre Joseph Bédier et Pio Rajna. Autour des origines de l’épopée française dans la Correspondance du Fonds Rajna de la Biblioteca Marucelliana de Florence et dans les Archives Bédier du Collège de France» (pp. 115-39) de Patrizia Gasparini. Le premier montre subtilement comment la théorie des origines de l’épopée de Bédier passe par la valorisation de la version d’Oxford et la création de l’auteur Turold, conditions préalables pour se détacher de la théorie traditionnaliste des maîtres; la seconde offre une vue de l’intérieur de la controverse entre Bédier et Rajna en exploitant du matériel d’archives. En mettant ensemble des lettres de Bédier conservées à la Biblioteca Marucelliana, qui héberge le Fonds Rajna, et des lettres de Rajna déposées dans les Archives Bédier du Collège de France, Patrizia Gasparini éclaire d’un jour nouveau la controverse entre les deux savants. L’intitulé «Affaire
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Rajna» que porte le dossier dans lequel sont conservées les lettres concernant le compte-rendu de bien soixante pages que fit Pio Rajna des Légendes épiques, n’est pas inapproprié. Rajna y détruit l’étude de Bédier à tous les niveaux, critiquant le plan, le contenu et le ton. Mais la correspondance prouve, sans l’ombre d’un doute, que sous le différend scientifique couvait le reproche d’ingratitude et de manque de respect à l’égard de Gaston Paris désormais décédé qui affecta Bédier presque davantage que l’aspect scientifique. Le point était tellement central que Madame Paris, «dépositaire incontestée de la mémoire “affective” du mari décédé» (p. 133), dut écrire une lettre pour assurer Bédier de son entière confiance, la sienne et celle de tous ceux qui le connaissaient. Avec Michelle R. Warren et sa contribution sur «La Chevalerie à la créole» (pp. 141-57) on revient à l’origine de la biographie de Bédier, qui, né à Paris, a pourtant passé toute son enfance et toute sa scolarité à la Réunion, jusqu’à son admission à l’École Normale Supérieure. De quoi faire de lui un créole qui porte en lui l’héritage de cette mythologie, à la fois familiale et insulaire, quand il étudie le Moyen Âge et écrit ses romans. On reviendra brièvement sur cet article plus bas. Christophe Labaune, avec sa contribution sur «Le “fonds Bédier”: singularité(s) et complexité(s)» (pp. 159-66), nous ramène à Paris (la ville), plus précisément au Collège de France, qui abrite, après une courte parenthèse d’une dizaine d’années à l’IMEC (Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine), le Fonds Bédier. Archiviste responsable de ce fonds, Christophe Labaune présente efficacement le contenu de cette masse qui comprend environ sept mètres linéaires. Elle se répartit, en gros, en deux ensembles. Le premier est de la main de Bédier: il s’agit de ses manuscrits, notes et brouillons, de ses cours, de ses conférences données à l’étranger. En volume, ces documents représentent environ 85% du fonds. Le second ensemble, moins important quantitativement, comprend surtout sa correspondance, dont soixante-dix lettres du jeune Jean Acher, et d’autres de son épouse Eugénie et de leurs enfants. De quoi alimenter encore de nombreuses rencontres scientifiques. Un index un peu rudimentaire clôt ce volume, riche et représentatif à la fois de l’œuvre de Bédier et du type d’études dont il fait aujourd’hui l’objet. Si les études présentées lors de la rencontre parisienne suivent les traces de Bédier dans l’histoire de la médiévistique et dans les paradigmes intellectuels et culturels en général, L’Ombre de Joseph Bédier s’occupe pour sa part d’un champ disciplinaire précis. Les quinze contributions parlent, à une exception près, de ce qu’on appelle parfois la philologie éditoriale, discipline que Bédier a contribué à façonner, d’abord par l’édition qu’il donna en 1914 du petit texte de Jean Renart dont le titre résonne dans l’intitulé du présent volume, puis, surtout, à travers son long essai programmatique de 1928. Craig Baker et Yan Greub, dans une introduction de très haut niveau (pp. 1-17), présentent rapidement le sujet de la rencontre bruxelloise et les
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différentes contributions, mais aussi, et surtout, le champ couvert par le volume. Il s’agit de revenir sur le moment historique – incluant certes un avant et un après – où a travaillé Bédier et moins de se demander s’il a eu tort ou raison et qui, aujourd’hui, parmi nous, est du côté de la vérité et qui a sombré dans l’erreur. Cela n’empêche pas, heureusement, de réfléchir, au-delà de la réception de Bédier, sur l’apport et le poids de son héritage parmi nous. Cela n’empêche pas non plus l’un ou l’autre des contributeurs d’exprimer une préférence, mais le fait même d’en avoir une prouve ce que nous devons à Bédier dans notre façon d’approcher l’édition de texte. Le volume comprend donc les quinze contributions de la rencontre bruxelloise ainsi que les «Discussions» qui ont suivi les présentations et qui ont été retranscrites au naturel1. Il comprend aussi deux interventions d’Alberto Varvaro, décédé quand est sortie de presse la publication, une au début, en français, et la «Discussion finale» en fin de volume, en italien, parce qu’elle avait été enregistrée, puis préparée pour la publication par Marcello Barbato et Giovanni Palumbo après le décès de leur maître. La première contribution est intitulée «Le prétendu ‘médiévisme créole’ de Joseph Bédier» (pp. 18-24) et est consacrée au livre de la même Michelle Warren qui a publié en français dans le volume co-édité par Ursula Bähler et Alain Corbellari une utile synthèse de son ouvrage2. Il s’agit en fait d’un véritable review article de cette étude qui fait un large usage de la notion de ‘médiévisme créole’, dont Bédier serait le représentant (l’unique, comme le note Alberto Varvaro), pour expliquer son œuvre. Après quelques pages denses mais claires du professeur napolitain, dans lesquelles intervient aussi un barman de la plage de Mondello près de Palerme, il ne reste plus rien du livre. «Les deux idées de Mme Warren, qu’il ait existé un médiévisme créole provenant de la Réunion qui aurait eu une profonde influence en Europe et que Bédier en ait été le représentant et le diffuseur, sont absolument farfelues. Elles ne sont que le fruit d’une volonté inconsidérée d’être à la mode et d’“épater le bourgeois”» (p. 24). Même si la formulation peut paraître un peu raide, on adhère assez facilement au sentiment d’Alberto Varvaro. Au sein de la rencontre bruxelloise sur la pratique éditoriale de Bédier, cette entrée en matière est un savoureux hors d’œuvre. Les autres plats s’enchaînent sans attendre selon un ordre souple mais efficace. En situant «Joseph
Au naturel, parce que les intervenants se tutoient quand ils se tutoient en ville. Mais lorsqu’ils allèguent des citations, celles-ci sont non seulement exactes, mais pourvues d’un renvoi précis, ce qui fait penser qu’on leur a donné l’occasion de compléter et de vérifier ce qu’ils sont censés avoir dit. Il en résulte qu’on peut effectivement utiliser ces éléments de discussion. Dans la table des matières ne figure d’ailleurs que la discussion sur le Lai de l’Ombre, 1913 et 1928. 2 Michelle R. Warren, Creole Medievalism. Colonial France and Joseph Bédier’s Middle Age, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2011. 1
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Revue Critique de Philologie Romane
Bédier entre Gaston Paris et Paul Meyer» (pp. 25-59), Gilles Roques revient aux débuts, quand Bédier n’était pas encore le grand professeur, mais l’élève, devant composer avec Gaston Paris et Paul Meyer. À ce grand retour en arrière, Gilles Roques ajoute une boucle supplémentaire en remontant même à la jeunesse des deux maîtres Paris et Meyer et à leurs convictions en matière d’édition de texte dans les années 1860. Comme des poupées russes, Gilles Roques fait alors sortir en cascade les protagonistes dont on ne parle jamais mais qui furent alors ceux qui éditaient les textes en ancien français, les premiers et les seuls: leurs aînés, Célestin Hippeau (1803-1883), Francisque Michel (1809-1887) et, sur un tout autre niveau, Natalis de Wailly (1805-1886). Ensuite leurs élèves et proches à qui ils ont transmis leur savoir: Léopold Pannier (1842-1875), Jacques Normand (1848-1931), Gaston Raynaud (18501911), puis, surtout, Ernest Langlois (1857-1924) et Léopold Constans (18451916), qui furent les vrais philologues autour de Paris et Meyer. Pour chacun, Gilles Roques donne, de manière compacte mais lisible, les données biographiques et leurs points de vue sur leur propre travail d’éditeur en ajoutant, le cas échéant, l’avis des maîtres. Langlois c’est le Roman de la Rose, Constans le Roman de Troie. C’est autre chose que le Lai de l’Ombre. «Et maintenant, comment Bédier est-il devenu éditeur de textes?» (p. 42). Apparemment parce que Gaston Paris le pousse vers la philologie. D’abord, avec peu de succès, avec son étude sur les fabliaux, ensuite, de manière plus évidente, avec le Lai de l’Ombre, travail fribourgeois, puis avec Colin Muset et, finalement, le Tristan de Thomas. En l’espace d’une vie, c’est ce que montre Gilles Roques, Bédier a évolué en fonction de ses expériences au point de pouvoir faire l’éloge, s’exprimant en 1923 en tant que président de la SATF, des éditions de Constans et de Langlois. Dans une contribution bien documentée et jamais réalisée auparavant, Craig Baker et Yan Greub proposent un tour d’horizon de l’activité éditoriale pour la période d’éclosion de la philologie romane en France: «“Sous le signe de Lachmann”: la domination de la méthode critique d’édition entre 1872 et 1913» (pp. 61-89). Ils partent du simple constat que tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a trois «âges» dans l’ère de l’édition de texte: l’âge de l’empirisme, l’âge de la maîtrise scientifique, qui démarre, symboliquement, avec l’édition du Saint Alexis de Gaston Paris, puis l’âge qui s’ouvre avec les écrits de Bédier. Mais – l’étude de Gilles Roques l’a déjà laissé entrevoir – il y a plusieurs méthodes ‘scientifiques’ et tous les éditeurs ne partagent pas les mêmes objectifs. Il y a par conséquent lieu de regarder de plus près ce que recouvrent les termes qui désignent les trois âges. En bonne méthode, Craig Baker et Yan Greub examinent donc de plus près les éditions parues dans la période comprise entre 1872 et 1913, ce qui représente un travail colossal dans la mesure où ils sont ainsi amenés à examiner une soixantaine d’éditions parues dans les collections les
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plus représentatives d’Allemagne et de France3. Dans un second pas, ils prennent même en considération toute la production des éditeurs de textes de la période, soit environ quatre-vingts chercheurs en tout. Quel que soit le corpus, on constate que les ‘trois âges’ de l’édition de textes se chevauchent et que même les éditeurs les plus ‘philologues’ n’ont pas, ou pas toujours, produit d’édition critique. Ensuite, on voit que même au sein de l’approche ‘reconstructionniste’, il y a une vaste gamme d’options, qui vont du recours au stemma pour intervenir sur le ‘sens’ du texte, à la toilette systématique ou occasionnelle des formes sur la base des attestations fournies par le manuscrit, les chartes contemporaines ou la phonétique historique. La contribution de Craig Baker et Yan Greub permet de la sorte de revisiter les positions de Gaston Paris, Wendelin Foerster ou Paul Meyer qu’on avait peut-être trop tendance à considérer comme les parfaits représentants du camp des éditeurs critiques alors qu’ils se situent certes dans la même mouvance, mais sans que leurs positions soient véritablement superposables. Giovanni Palumbo, «L’art d’éditer les anciens textes: Joseph Bédier philologue, entre théorie et pratique», pp. 91-124, se livre à l’exercice qu’on espère ne jamais voir appliqué à nos propres travaux: il examine les prises de position publiques de Bédier en matière de philologie éditoriale et vérifie ensuite comment il les a mises en pratique. Naturellement, il en ressort ce qu’on pouvait attendre: «faites ce que je vous dis et non pas ce que je fais», mais sous la plume de Giovanni Palumbo apparaissent tout de même des faits, qui permettent de mettre en relation ce motto universel avec le cas de Bédier. Tout d’abord: Bédier a très peu eu affaire à des traditions textuelles à témoins multiples puisque, sur la quinzaine d’éditions qu’il a publiées durant sa carrière, seuls le Lai de l’Ombre (1890) et quelques chansons de Croisade (1904) sont conservés dans plus d’un manuscrit. Or, ces deux éditions se situent dans la période ‘pré-bédiériste’, donc lachmannienne. Quand il aurait pu se poser la question de la faisabilité d’un stemma, au moment de s’occuper de la Châtelaine de Vergy, dont il connaissait pourtant huit manuscrits (1927), il déclare, sur la foi des éditeurs précédents, que la tradition est inextricable. Le Bédier de 1913 était passé par là. En relisant les parties consacrées aux rapports entre les manuscrits des chansons de Croisade, Giovanni Palumbo met astucieusement en évidence les contradictions entre ce que Bédier dit avoir fait et les faits eux-mêmes. La ‘méthode Bédier’ peut être résumée comme suit: d’abord, on dit qu’on a travaillé en toute indépendance par rapport à ses prédécesseurs, ensuite, on présente une partie de ses résultats, tout en renvoyant à ses prédécesseurs, finalement on déclare que
L’inclusion de la Biblioteca Normannica, où publiaient Suchier et ses élèves, n’aurait rien changé au tableau général, mais aurait fait apparaître une collection qui, sauf erreur, n’accueillait que des éditions critiques.
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ses propres résultats sont conformes à ceux de ses prédécesseurs. Dans l’univers lachmannien, où la scientificité de la méthode est garante de l’objectivité du résultat, cette façon de présenter les choses est naturellement gagnante. L’identité des résultats montre qu’on a raison. Sauf que, comme le montre Giovanni Palumbo, Bédier n’a ni pris les bons exemples pour faire ses classements ni n’est arrivé aux mêmes conclusions que ses prédécesseurs. Il ne fait que le dire. Muta‑ tis mutandis, le même écart entre les principes et leur application se vérifie pour la constitution du texte quand Bédier déclare ne pas toucher aux graphies du manuscrit, mais normalise, sans trop d’états d’âme, des formes qu’il juge déroutantes, non seulement pour un auteur comme Colin Muset, qui présente des graphies occasionnelles de l’Est pouvant gêner le lecteur, mais même pour la Chanson de Roland ou le Tristan, où il intervient constamment pour améliorer la rime, la déclinaison ou la métrique. Le Bédier ‘pré-bédieriste’ n’est pas du tout aussi conservateur qu’il ne l’a dit par la suite. Avec la deuxième édition de Lai de l’Ombre, et, surtout, le texte de 1928, la réflexion et la pratique de Bédier atteignent une nouvelle dimension. Si jusque-là l’identité du résultat obtenu indépendamment par deux chercheurs en garantissait la validité, c’est désormais le contraire: c’est la preuve que la méthode tout entière est douteuse car elle conduit toujours au même résultat, elle ne sert qu’à produire des stemmas bifides. La lecture par Giovanni Palumbo des deux écrits sur le Lai de l’Ombre met en évidence la batterie argumentative de Bédier qui conduit au ‘bédiérisme’, qui est, en fait, plus nuancé que celui de ses élèves puisque le maître admet, selon l’image frappante citée par plusieurs auteurs du volume, que l’automate, même dépourvu de son troisième bras, n’est pas totalement impuissant, car «les deux bras qui restent sont munis de fortes pinces» (Bédier, 1928, p. 13) et produit donc des résultats indéniables pour les étages inférieurs. Déjà aux étages intermédiaires, l’éditeur, selon Bédier, rencontre des barrières, qui le privent d’une base suffisamment solide pour intervenir. Cet argument, associé au spectre des ‘éditions médiévales’ et de possibles variantes d’auteur, qui méritent le respect qui leur est dû, immobilise, en 1928, les agiles bras du stemma. D’autant plus inattendu est son traitement de la Chanson de Roland (1927). C’est que, comme l’explique Giovanni Palumbo, l’éditeur de Turold a besoin de la méthode des fautes communes pour démonter les reconstructions de ses concurrents. Bédier raisonne ici en parfait Lachmannien, comme s’il n’avait jamais écrit les pages sur le Lai de l’Ombre. Si la séparation est frappante, elle n’est pas incohérente, car pour classer efficacement les manuscrits de la Chanson de Roland, les puissantes pinces de l’automate, parfaitement à même de nous renseigner sur les étages inférieurs, suffisent. Le classement de Bédier aboutit à un arbre à deux branches, dont l’une est «chargée d’un seul fruit» (p. 121). L’éditeur peut alors exercer la liberté de jugement qu’autorise le stemma lachmannien, tout en défendant la lettre de sa copie. Bédier a ainsi réalisé le mariage parfait du
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lachmannisme avec le bédiérisme. Dans les pages restantes de sa contribution, Giovanni Palumbo s’interroge sur ce qu’est ‘réellement’ le bédiérisme en examinant les deux éditions du Lai de l’Ombre et les trois éditions de Colin Muset. Au terme de l’analyse, menée à l’aide d’exemples concrets et de relevés, il peut constater que s’il y a certes une direction générale, dans la théorie et la pratique de Bédier, le chemin qui y conduit n’est pas linéaire. Sur le plan théorique, on relève des «replis tactiques ou des mouvements contradictoires», et sur le plan pratique, les éditions sont «en apparence homogènes, mais en réalité fort différentes l’une de l’autre» (p. 128). Alain Corbellari («Bédier au cabaret Voltaire: la réception du bédiérisme par ses premiers critiques», pp. 141-56) propose un tour panoramique de la réception par les comptes rendus de l’édition de 1913 (ou 1914, comme le suggère le chercheur suisse) et, surtout, de l’article de 1928. L’édition de 1914 n’a fait l’objet que d’un seul compte rendu, paru dans la Romanic Review, ce qui s’explique parfaitement par la guerre. C’est donc avec la publication de 1928 que le ‘bédiérisme’ a percé. De façon surprenante, les réactions, de la Scandinavie à l’Allemagne, en passant par le monde anglo-saxon et l’Italie, ont été plutôt positives, voire élogieuses parmi les médiévistes. Ce sont les antiquisants qui se sont montrés hostiles aux positions de Bédier. Giorgio Pasquali, qui a fourni au passage le titre de l’article d’Alain Corbellari, exprime, en allemand, son dédain, niché dans un compte rendu de la Textkritik de Maas (publié en 1927): «Auf die primitive Skepsis eines J. Bédier […] brauche ich wohl nicht einzugehen; es ist peinlich, einen solchen Gelehrten und einen solchen Künstler in eine Art wissenschaftlichen Dadaismus geraten zu sehen» (cité par Corbellari p. 150). La contribution suivante, de Giovanni Fiesoli, «Sous le signe de Bédier: la construction des paradigmes ecdotiques au début du xxe siècle», pp. 157-71, poursuit l’enquête sur la position de Bédier dans le panorama des différents courants d’édition de son temps. Il commence par rappeler qu’il est arrivé à Lachmann ce qui est arrivé à Bédier, c’est-à-dire qu’avec le temps il y a eu une réduction de son œuvre, tant théorique que pratique, à une forme de doctrine. Sauf que Bédier, naturellement, a joué un rôle actif dans l’apparition de l’image de Lachmann dans la critique postérieure, alors que pour Bédier ce sont d’autres facteurs qui ont joué. Giovanni Fiesoli replace la réflexion du professeur du Collège de France dans le contexte européen d’avant la Textkritik de Maas (1927) et la Storia della tradizione e critica del testo de Pasquali (1934). Dans la galerie de portraits de ceux qui se sont occupés, dans ces années, de critique textuelle, on retrouve Dom Quentin, mais également les noms de «Boeckh, promoteur d’une herméneutique philologique d’obédience hégélienne, du germaniste Paul, de Gercke, le précurseur le plus proche de Maas à défaut d’un autre, du pragmatique Stählin» (p. 167), mais surtout de l’extroverti Anglais Albert E. Housman, auteur du pamphlet The Application of Thought to Textual Criticism (1922). Tous ces
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chercheurs, comme Bédier, exprimaient, pour des raisons diverses, des réserves à l’égard de la ‘méthode de Lachmann’; tous ces chercheurs étaient en train de proposer des réflexions à maints égards proches de Bédier. Frédéric Duval («À la recherche des bédiéristes et de leurs avatars», pp. 18199), dans une contribution à la fois fort divertissante et fort savante, s’interroge précisément sur ce que peut recouvrir un concept dérivé d’un nom de famille, comme Bédier, surtout en français, italien et anglais. Outre le nom, il existe d’ailleurs le verbe ‘bédiériser’ (hapax) et les adjectifs ‘bédiérien’ et ‘bédiériste’, avec un ou deux accents, et ensuite des synonymes et para-synonymes nombreux qui glosent la famille lexicale par des termes comme ‘conservatisme’, ou l’opposent à ‘lachmannien’, ‘interventionniste’ ou ‘reconstructionniste’. Il y a aussi des ‘néobédiéristes’, comme il y a des ‘néo-lachmanniens’, mais même Frédéric Duval n’a pas réussi à les distinguer des ‘post-bédiéristes’. Si tout le monde est à peu près d’accord pour dire qu’il existe une manière de faire des éditions de texte qui dérive de la pensée de Bédier, il est assez difficile d’aller beaucoup plus loin, car la ‘méthode Bédier’, malgré l’existence d’‘écoles’, de ‘cordées’, de ‘chapelles’, fréquentées par des ‘élèves’, des ‘disciples’, des seguaci, n’existe pas. «Le bédiérisme […] est resté à un état infra-méthodologique» (p. 186) et les «étiquettes fonctionnent sur le principe du prototype et non sur celui des conditions nécessaires et suffisantes» (p. 191). C’est que l’exposé de Bédier, contrairement à celui des lachmanniens, comporte des angles morts et des non-dits, il n’a jamais voulu produire un mode d’emploi qui aurait guidé le lecteur des manuscrits connus au texte édité. On n’apprend ni ce que c’est qu’un ‘bon manuscrit’ ni ce que sont les ‘erreurs évidentes’. Les élèves ont complété, chacun à sa façon, les enseignements du maître, le résultat est la fausse précision que véhicule l’étiquette bédiériste. Philippe Ménard («La méthode de Bédier utilisée par ses successeurs. Réflexions critiques sur l’édition des romans de Chrétien de Troyes par Mario Roques et Félix Lecoy», pp. 207-26) se livre précisément à une enquête sur l’application de la méthode de Bédier faite par deux de ses successeurs, en l’occurrence Mario Roques et Félix Lecoy. L’édition de la copie Guiot, conçue et réalisée pour les Classiques Français du Moyen Âge fondés par Roques en 1910, permet efficacement de comparer les deux éditeurs au travail. Roques a édité pour les CFMA Erec et Enide et le Chevalier au Lion, Lecoy, le Conte du Graal. Même si la situation n’est pas exactement la même puisque la copie de Guiot, qui transmet l’intégralité des œuvres de Chrétien, donne, pour le Conte du Graal, un texte moins bon, sans doute en raison d’un modèle lui aussi moins bon que pour les autres œuvres, le travail de Philippe Ménard fait clairement émerger des différences: Dans son édition d’Erec et Enide, Roques, très souvent, a gardé une leçon non seulement suspecte, mais assez certainement fautive, sans indiquer de variantes, en ajoutant seulement soixante-treize notes pour justifier le maintien
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de la solution de Guiot. Lecoy, par contre, a certes lui aussi maintenu de nombreuses lectiones singulares, mais a plus souvent indiqué, pour les passages problématiques, des variantes et commenté, bien que rarement, certaines décisions. Philippe Ménard estime néanmoins que les deux ont été aveuglés par Guiot et Bédier et ont quelque peu perdu de vue le fait que le reste de la tradition textuelle pouvait fournir des repères à l’éditeur pour intervenir sur une copie dont le sens, manifestement, posait un problème. Dans une très intéressante contribution, Fabio Zinelli («La genèse de la méthode éditoriale de Bédier par la musique», pp. 227-44) a mis la main sur une pièce jusqu’alors méconnue du dossier de la genèse du bédiérisme. Tout au long de sa carrière, Bédier s’est occupé de l’édition de pièces lyriques. Or, contrairement aux chansonniers des troubadours, ceux des trouvères comportent généralement la notation musicale. Il était donc naturel que le professeur du Collège de France s’associât avec un musicologue. Vers les années 1900, peut-être avant, il développe une collaboration avec le personnage quelque peu tragique de Pierre Aubry (1874-1910) qui avait déjà été en relation avec Gaston Paris et avait travaillé avec Jeanroy. Aubry avait inventé une méthode de transcription rythmique pour mélodies médiévales qui connut un succès certain4. En 1904, Bédier et lui publient ensemble le texte et la musique de la Chanson de la Bele Aelis, avant de s’attaquer à une chanson de Conon de Béthune en 1909. C’est dans cette publication qu’on entrevoit avec le plus de netteté la spécificité de l’approche du musicologue, qui, au lieu de proposer un stemma orienté vers la reconstruction d’un seul original, comme Bédier le fait pour le texte, «ne va pas plus loin que la reconstruction de thèmes musicaux distincts pour chacun desquels la dénomination d’“original” est […] employée» (p. 235). En observant les commentaires du musicologue concernant la tradition musicale de cette chanson, Fabio Zinelli écrit astucieusement qu’on «ne peut s’empêcher de penser que P. Aubry est dans ces pages en train d’inventer la théorie du “meilleur” sinon même du “bon manuscrit” et ceci dans un livre édité par Bédier lui-même» (p. 238). L’influence des enseignements d’Aubry sur la pensée de Bédier devient évidente quand on examine les notes préparatoires pour le cours que consacra Bédier en 1926-1927 aux chansons du Châtelain de Coucy, document jamais pris en considération jusqu’à présent. Fabio Zinelli nous montre ici «qu’une partie importante de la révolution bédieriste s’est faite par le biais de la lyrique et via la musique» (p. 242).
La paternité de cette méthode lui fut disputée par Jean Beck (1881-1943), docteur de Strasbourg et élève de Gröber, qui accusa Aubry de plagiat. Aubry «s’en remit au jugement d’un jury d’universitaires français qui, à sa surprise, finit par lui donner tort. Accablé par ce qui lui parut une injustice (et qui l’était, au moins en partie), il décéda peu après des suites d’un “triste accident” le 31 août 1931» (p. 231). Notons que Bédier fit partie de ce jury.
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On me pardonnera de regrouper ici les quatre contributions suivantes en un seul paragraphe. Les organisateurs de la rencontre bruxelloise ont en effet eu la bonne idée de confier à des collègues un chapitre sur la réception de la méthode bédiériste dans les pays voisins. Ainsi, Franz Lebsanft s’occupe de l’Allemagne («Le Lai de l’Ombre de 1913 et les Allemands», pp. 255-71), Pedro SánchezPietro Borja de l’Espagne, («L’Ombre de Bédier dans la philologie espagnole», pp. 273-94), Madeleine Tyssens de la Belgique («La pratique liégeoise», pp. 295311) et Marcello Barbato de l’Italie («Notes sur Bédier et la critique textuelle en Italie», pp. 313-31). Pour des raisons à chaque fois différentes, que les quatre auteurs exposent avec clarté, l’influence de Bédier en dehors de la France a été assez limitée. Le ‘substrat’ national, c’est-à-dire l’état du système universitaire, la présence ou l’absence d’écoles établies en matière d’édition de textes, les personnalités des chercheurs en place ont conditionné l’accueil réservé à l’enseignement de Bédier. Selon les cas, il est arrivé sur un terrain déjà très occupé ou a atterri au contraire dans le vide. Dans les deux cas, l’enseignement n’a pas pris. Avec Lino Leonardi, on s’interroge sur le statut de la philologie comme science historique («Philologie, science historique? Une question d’anachronisme qui se pose depuis Bédier (à propos du texte du Lai de l’Ombre»), pp. 33357). Revenant rapidement sur le court-circuit qui oppose la philologie ‘science théorique, abstraite et mécanique» au «fait historique, concret et complexe’, Lino Leonardi rappelle que l’on a eu tendance à confondre, après Bédier, l’objet matériel qu’est le manuscrit avec la réalité historique et à privilégier la reproduction d’un texte au détriment de sa reconstruction historique, c’est-à-dire l’exigence qui incombe à la philologie de «retracer les processus de formation des documents textuels» (p. 335), y compris ceux qui se sont sédimentés dans le ‘bon manuscrit’. Il tente ensuite une expérience intéressante en revenant sur les cent premiers vers de l’édition du Lai de l’Ombre avec «les procédures stemmatiques “tempérées”» (p. 339). En prenant en considération la totalité de la tradition et en se servant de façon efficace d’un «arbre sans branches, qui pour Bédier était inutile» (p. 348), notre collègue parvient à faire le tri dans les leçons et parvient à produire un texte critique dont presque 85% peuvent remonter, avec une certitude élevée, à l’auteur, si l’on écarte, entre autres, les lectiones singulares et maintient les passages qui bénéficient du consensus omnium. Je reproduis ici la conclusion programmatique qu’il en tire, une fois admis que l’on n’arrivera jamais à reconstruire la totalité d’une œuvre avec un degré de certitude absolue: […] Pourquoi devrait-on renoncer à reconnaître que presque 85% de notre poème est parfaitement reconstructible? Et qu’une bonne partie du [sic] 15% qui reste incertain concerne des variantes insignifiantes? Pourquoi devrait-on renoncer à ce degré de connaissance du texte et de son mouvement dans les manuscrits? Il suffira d’avouer qu’un certain nombre de leçons, dans le texte
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qu’on publie, ne sont pas certaines; […] On ne parlera plus de “fidélité” à tel ou tel bon manuscrit. Le texte critique ne se trouvera, tel quel, dans aucun manuscrit. Si ce principe était jugé problématique, le problème concernerait en réalité toutes les éditions de textes médiévaux non diplomatiques (et encore). À la différence de tant d’éditions fondées sur un manuscrit de base, l’édition dont je parle ne dépend pas de la correction de fautes “évidentes” qui ne le sont pas, ni de “contrôles” arbitraires effectués sur d’autres manuscrits plus ou moins au hasard; elle fournit au contraire un texte qui trouve sa justification dans l’hypothèse la plus probable, quoique minimale, d’interprétation de la tradition dans son ensemble, en fournissant toutes les données permettant de vérifier cette hypothèse (pp. 353-54).
La dernière contribution revient à Roberto Antonelli («Le ‘vrai’ et le ‘relatif’: Bédier ou le texte comme problème», pp. 359-66). Le chercheur de Rome rappelle que Bédier est très généralement considéré comme un rationaliste, positiviste ou, selon le mot de Ferdinand Lot, comme un «cartésien» exemplaire. Avec sa prise de position contre la méthode lachmannienne, Bédier a objectivement ébranlé la confiance positiviste en cette approche et a proposé le paradigme différent que l’on sait. Roberto Antonelli souligne que «Bédier posait en effet un problème herméneutique et théorique d’une portée générale qui minait l’ambition du lachmannisme et de toute la tradition humaniste européenne de parvenir à une vérité absolue: la vérité du Texte, tel que l’avait voulu l’auteur. À la vérité de la parole de l’Auteur, Bédier substitue dès 1913 la vérité relative du copiste» (p. 359) et rajoute en 1928, avec l’idée du double Original, un paramètre supplémentaire au débat. À ce titre, Roberto Antonelli rappelle que la même année on a aussi vu paraître l’étude de Léon Pierre-Quint, Comment travaillait Proust, auquel fera écho Contini, qui avait suivi l’enseignement de Bédier, avec son Come lavora l’Ariosto en 1934, autant de travaux qui montrent l’existence de rédactions d’auteur et mettent à mal l’outil du stemma. La «discussion finale» consiste en une courte intervention d’Alberto Varvaro (pp. 367-70). Les directeurs du volume ont eu raison de la garder sous cette forme semi-orale, en italien. On a l’impression de voir reprendre vie, à partir des phrases imprimées, le conteur inégalable que fut le professeur napolitain, capable d’articuler, avec une apparente désinvolture, les choses les plus subtiles et d’exprimer les exigences les plus élevées sous forme de causerie. Ces trois pages sont un petit bijou et constituent un touchant témoignage à sa mémoire. Inversement, on y lit toute l’affection qu’il porta à ses élèves belgo-napolitains à l’origine de la rencontre. Un index des noms et des titres complètent le volume. La lecture suivie des contributions dans les deux volumes donne naturellement à réfléchir. Si l’éclairage produit par la rencontre parisienne met surtout en relief combien les positions de Bédier, en particulier sur la chanson de geste, ont mal résisté au passage du temps, le colloque bruxellois met pleinement en
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lumière l’actualité de Bédier dans le domaine des éditions de texte. En tout cas pour les francisants et pour ceux qui sont confrontés à ses pigri seguaci. Rétrospectivement, l’effet du battement de l’aile du papillon est en effet assez net: dans l’immédiat, les travaux de Bédier n’ont reçu que peu d’attention en dehors du rayonnement que pouvait leur garantir sa position académique dans l’Hexagone. Les pratiques éditoriales et les traditions manuscrites des textes qu’il s’agissait d’éditer étaient, avant 1928, suffisamment hétérogènes pour s’accommoder d’une option supplémentaire: il y avait les manuscrits uniques et les traditions pauvres, pour lesquels les réflexions de Bédier importaient de toute façon peu, et les deux pôles scientifiques qu’étaient l’édition imitative à l’extrême, pratiquée par les éditeurs paléographes, et celle qu’offrait Lachmann. Cette dernière régnait certes de manière absolue, mais dans les faits, comme le montre le volume bruxellois, même les éditeurs les plus philologues et ‘critiques’ s’autorisaient des dérogations pour des raisons pratiques. Ars longa… Deux prolongements pour des axes futurs émergent assez vite. En parlant d’art, justement, il me semblerait prometteur d’inclure dans la discussion aussi la dimension la plus matérielle: celle de procurer à un nombre toujours croissant d’érudits, mais aussi d’étudiants, des textes. Des textes toujours plus nombreux, des textes toujours moins chers. C’est ainsi que s’explique la fondation, en Allemagne, de la Romanische Bibliothek en complément de la Altfranzösische Bibliothek, les deux dirigées par Foerster. C’est ainsi que s’explique la naissance des CFMA en France malgré l’existence de la SATF. On voit là la course aux titres. Pour les maisons d’édition, mais aussi pour les auteurs. Il faut aller vite, publier ce que l’on a dans ses tiroirs avant que quelqu’un d’autre ne le fasse, pour pouvoir rester dans le peloton de tête dans la ruée vers les chaires, permanente surtout en Allemagne et en Autriche, dans ces premières années de croissance. L’editio minor pouvait offrir un raccourci, Bédier fournissait la feuille de vigne qui rendait l’économie noble. Le second prolongement, avec double effet papillon, si l’on peut dire, est la réception anglo-saxonne. À l’époque et aujourd’hui. Il est clair, et certaines contributions le mentionnent en passant, que la New Philology, les adeptes de la scribal version, et d’autres mouvements récents contiennent, probablement à travers les travaux de Bernard Cerquiglini, du Bédier mal assimilé, mais bien cité. Il vaudrait sans doute le coup de refaire l’historique de certaines positions institutionnelles comme celle du Pontifical Institute of Mediaeval Studies ou des grandes collections de textes américaines pour montrer l’ombre et la trace de Bédier même là où les auteurs ne les perçoivent plus. Richard Trachsler Universität Zürich
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Libro della natura degli animali. Bestiario toscano del secolo xiii, edizione critica a cura di Davide Checchi, Firenze, Edizioni del Galluzzo, 2020, 503 pp. L’intérêt du bestiaire toscan appelé Libro della natura degli animali et nouvellement édité par Davide Checchi (DC) est triple. Premièrement, nous pouvons reconnaître l’intérêt linguistique et traductologique: l’utilisation des langues vernaculaires pour transmettre les savoirs zoologiques au Moyen Âge posait des défis qui font de ce texte un laboratoire des méthodes de la traduction médiévale, et un témoin fondamental pour reconstruire l’histoire de la langue italienne. Deuxièmement, il y a l’intérêt ecdotique, et plus précisément celui lié à la difficulté d’éditer un volgarizzamento en s’aidant des principes classiques de l’ecdotique. Comme l’explique avec précision DC, les manuscrits du Libro présentent une foule de micro-variantes linguistiques ou variantes formelles qui n’aident pas à la reconstruction d’un stemma. De plus, chacune des trois sections du bestiaire présente un nombre de témoins différent et résulte d’une transmission différente, ce qui a contraint l’auteur à rédiger une recensio pour chaque section. Enfin, ce qui est une caractéristique de plusieurs volgarizzamenti, la tradition codicologique du Libro est caractérisée par les nombreuses contaminations parmi les familles des manuscrits. Ces caractéristiques se traduisent dans une série de liens de parenté codicologique incertains et qui sont presque impossibles à être représentés graphiquement. Pourtant, cette circonstance ne décourage pas DC de nous proposer un stemma de la section A. Troisièmement, il s’agit d’un texte qui a un grand intérêt pour l’histoire de la culture zoologique du Moyen Âge, à cause des unica de ses représentations des animaux, de la place excentrique du texte dans la tradition complexe des bestiaires vernaculaires en Europe, et de son programme de moralisation, qui change d’une section à l’autre et porte les traces d’auteurs, de destinataires et d’intentions expressives différentes. Dans sa longue introduction (pp. 3-199), DC donne un aperçu des témoins manuscrits du bestiaire qu’il édite, tout en faisant une distinction entre tradition directe et tradition indirecte, cette dernière comprenant les manuscrits qui transmettent des versions abrégées et une traduction catalane du bestiaire. Même parmi les quinze manuscrits de la tradition directe, l’auteur fait état de divergences dans l’ordre et le contenu des chapitres, ce qui le porte à distinguer entre
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une rédaction longue et une rédaction courte, en apportant des exemples des différences entre les deux. DC identifie les sources du Libro: le Bestiario della formica, c’est-à-dire un bestiaire perdu qui, à son tour, réunissait des notices du Bestiaire d’amour de Richard de Fournival et du Trésor de Brunet Latin; une collection de notices et fables sur les animaux similaire à celle transmise par le ms. Berlin, Staatsbibliothek, Hamilton 390; le livre XVIII du De proprietatibus rerum de Barthélémy l’Anglais. Dans son analyse des sources, DC souligne que les moralisations de la partie A sont probablement propres au Libro, alors que les notices et fables des sections B et C constituent une traduction mot par mot – parfois approximative – des sources latines, bien que les moralisations de C semblent des éléments originaux. Dans la section de l’introduction consacrée à la tradition du texte, DC intervient avec prudence pour corriger des corruptions du texte de base. Après avoir illustré son hypothèse sur le stemma de transmission du bestiaire, DC offre une mise en contexte de l’ouvrage. La datation proposée est, s’appuyant sur les sources utilisées, postérieure à 1267 pour les sections A et B, et au 1270 pour la section C; l’auteur de l’ouvrage serait à rechercher dans le milieu dominicain et pisan pour la section A, et probablement dans la bourgeoisie laïque pour la section C. DC propose un examen précis aussi de la tradition indirecte du l’ouvrage, c’est-à-dire des textes qui ont utilisé le Libro comme leur source: deux volgarizzamenti du Trésor de Brunet Latin et deux versions abrégées du Libro du xve siècle; DC renvoie à son article du 2019 pour une discussion de la traduction catalane du Libro, connue comme Bestiari català. L’analyse de la tradition directe et indirecte du bestiaire ramène DC à émettre l’hypothèse que chaque famille de manuscrits a eu des vecteurs de transmission différentes – le milieu des marchands et des prédicateurs de rue pour la famille δ, le seul cercle des ateliers de copie pour α et ɣ (p. 185) –, ce qui témoigne de la variété de publics et des usages d’un même bestiaire dans la tradition écrite en langue vernaculaire. Le texte critique (pp. 201-378) est le résultat d’une hypothèse reconstructive de la rédaction brève du Libro. DC utilise le ms. Vatican, BAV, Chig. M. vi. 137 (Ch1) comme manuscrit de base, choisi à cause de son ancienneté, sa dérivation pisane, et sa faible innovativité linguistique et de contenus. Dans l’apparat, DC registre les variantes, sauf les variantes formelles et les lectiones singulares des manuscrits les moins significatifs. Le texte critique est suivi par le commentaire philologique et par les lec‑ tiones singulares du ms. P (pp. 379-437). DC réserve l’appendice pour reporter intégralement des extraits des sources du Libro particulièrement intéressantes pour l’édition: il s’agit des extraits du manuscrit Hamilton 390, du Physiologus B, et deux fables du manuscrit Riccardiano 1765 (pp. 438-59). Le volume se clôt par un glossaire (pp. 461-75) et par les index des noms des animaux, des personnes et des textes cités (pp. 495-503).
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Le texte du Libro présente des caractéristiques d’un grand intérêt pour l’étude des bestiaires. L’emplacement initial est occupé par la fourmi, l’abeille et l’araignée (dont l’ordre en première, deuxième et troisième position est stable dans toute la tradition), caractéristique héritée du Bestiario della formica. Cette préférence, bien qu’il ne s’agisse pas d’une innovation absolue, donne le ton au bestiaire, qui valorise les animaux de la vie quotidienne comme sources d’inspiration pour le comportement du bon chrétien et du bon prédicateur. En plus, certaines notices présentent des originalités par rapport à la tradition: c’est le cas de la sirène, qui est décrite par l’auteur du Libro comme “meza come cavallo et meza come femina” (XVI, p. 239), une morphologie inusuelle dans la tradition écrite concernant la sirène. Le Libro transmet aussi des versions de fables et récits animaliers qui eurent un grand succès comme motifs narratifs au Moyen Âge: c’est le cas du récit du lion qui se bat contre un serpent et est ensuite reconnaissant au chevalier qui le délivre (LXXI, pp. 331-33). Le motif, immortalisé par Chrétien de Troyes dans Le chevalier au lion, apparaît dans le Libro dans la version qui attribue l’épisode à la vie de Golfier de Lastour (épisode qui nous est transmis aussi par la Gran Conquista de Ultramar). Enfin, les moralisations constituent un ultérieur aspect passionnant du texte: comme le montre bien DC dans son introduction, la section C est caractérisée par une typologie de moralisations “civiques”, tout à fait originales, qui font référence aux vertus et vices du gouvernement d’une ville ou de la gestion de la famille. C’est le cas du castor, qui est élevé au rang de modèle des subalternes qui choisissent avec sagesse de sacrifier la partie la meilleure de leurs avoirs aux puissants qui les molestent pour en sauvegarder le reste (CVI, p. 377). L’édition du texte est très claire et bien réfléchie, l’apparat critique est détaillé, l’apparat philologique très riche en indications sur les rapports entre les deux versions du texte, et sur les sources de chaque chapitre. Le seul regret, peut-être, est que DC n’ajoute pas, aux considérations très précises d’ordre philologique et intertextuel, une réflexion sur le contenu du texte, sur le rapport d’excentricité ou de continuité des descriptions et des fables des animaux dans le Libro par rapport au reste de la tradition zoologique – et même zoopoétique – des bestiaires médiévales. Mais il est indéniable que cette édition a le mérite de fournir pour la première fois à la communauté scientifique une édition philologique d’un texte indispensable pour explorer une branche de la tradition des bestiaires vernaculaires qui n’était pas suffisamment connue. Nous n’avons aucun doute que l’édition de DC servira à encourager des approfondissements sur le contenu de ce texte, et conduira à une révision de nos connaissances de l’histoire culturelle des animaux dans la tradition écrite médiévale. Antonella Sciancalepore Université catholique de Louvain
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Jean Wauquelin, Gerart de Roussillon. Édition de Marie-Claude de Crécy, Paris, Classiques Garnier, 2021 (Textes littéraires du Moyen Âge 58), 683 pp. § 1 Description d’ensemble1 Jean Wauquelin, un des escrivains travaillant pour Philippe le Bon, est bien servi au xxie siècle, comme en témoignent différentes publications, notamment par Marie-Claude de Crécy en personne2. Quant à Gérard de Roussillon, héros entre autres d’une chanson de geste, d’une Vita latine, d’un texte bourguignon en alexandrins3 (Wauquelin déclare ces deux derniers éléments parmi ses sources), le personnage et les œuvres qu’il a suscitées ont été amplement étudiés. MarieClaude de Crécy (dorénavant MCC) était donc surarmée pour préparer son volume, d’autant que le Gerart de Wauquelin a déjà été édité4. § 1.1. La «Description des manuscrits» [9-22] fournit pour chacun un luxe d’informations concernant aspect externe (reliure) et interne ainsi qu’une bibliographie. Des indications sur la date de composition et sur la langue des copies (sur ces deux points, je fournis dans la présente section ce que l’on retire de l’ensemble des données de l’Introduction) sont parfois apportées dans le chapitre suivant, «Examen des manuscrits et choix du manuscrit de base» [23-30]. Au total nous avons par ordre alphabétique du lieu où ils se trouvent: Beaune, Archives hospitalières, ms. 7, layette 123, n. 12, siglé Be; «commandé en 1469 et offert à l’hospice de Beaune en 1470» [10], écriture «cursive de la 2e moitié du xve» [9]; l’éditrice ne dit pas si la langue de Be présente une coloration régionale, mais signale qu’il est le seul à utiliser le verbe joucquier
Pour préparer le présent compte rendu, j’ai lu l’intégralité de l’ouvrage sous recension hormis les Variantes, le Glossaire, l’Index des noms propres, le Tableau de concordance des sources, les Exemples de transposition des sources et commentaires, les Proverbes et phrases d’allure sentencieuse […], ainsi que la Bibliographie, qui n’ont été consultés que ponctuellement. Le cas échéant, je me suis reportée à la numérisation des manuscrits du Gerart de Wauquelin disponibles en ligne. 2 Voir Sandrine Hériché, éd., Les Faicts et les conquestes d’Alexandre le Grand de Jehan Wauque‑ lin (xve siècle), Genève, Droz, 2000; Maria Colombo Timelli, éd., Jean Wauquelin, La Manequine, Paris, Classiques Garnier, 2010; Marie-Claude de Crécy, éd., Jehan Wauquelin, La Belle Hélène de Constantinople. Mise en prose d’une chanson de geste, Genève, Droz, 2002. 3 Sur la Vita et ce texte en alexandrins, voir § 1.3, passage sur «Analyses des textes-sources et de la prose de Wauquelin». Le texte en alexandrins, que j’appellerai «le Roman», a été édité par Edward Billings Ham en 1939; la préface très claire reste utile; je sigle cette édition GirRossHam, cf. Titres schématisés. 4 Voir GirRossMontille dans les Titres schématisés. Il est possible que pour le texte, cette édition ait rendu service, bien qu’il soit «non sans fautes» selon Paul Meyer, Romania 9 (1880), p. 319, la préface étant quant à elle, «d’une nullité désespérante», id., ibid., p. 315. 1
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[25]5; ce manuscrit est la base de GirRossMontille; – Bruxelles, KBR II 5928, siglé Br; «vers 1470» [13]6 et l’écriture est une «petite gothique du xve» (ibid.); «il doit s’agir d’une minute» (ibid.); la reliure ancienne est de Mons et deux mains se partagent la copie: table des chapitres et p. 1 à 172 du manuscrit pour la première, et tout le reste pour la seconde (ibid.); la langue, «marquée par des régionalismes, se rapproche de celle qui devait être celle de Wauquelin» [27]; ce sera la base de l’édition; – Paris, BnF fr. 852, siglé P1; «petite gothique très régulière du xve» [15], puis P1 et P2 (voir infra), sont dits «plus tardifs» [26] que V (voir infra) et Be7; – Paris, BnF fr. 12568, siglé P2; les filigranes permettent d’en situer l’exécution «en Bourgogne ou dans une région avoisinante, au début du xvie siècle» [17]; l’écriture est une «cursive peu soignée» (ibid.) de «4 mains au moins» (ibid.); le groupe «très stable» [26] formé par P1 et P2 «ne présente que peu de traits régionaux caractéristiques» (ibid.). MCC cite une occurrence de bachinés, une de teilz ainsi que «les formes en ‑ie(s)mes (ibid.)8; – Vienne, ÖNB 2549, siglé V; ce manuscrit réalisé pour Philippe le Bon, donc nécessairement avant sa mort (1467) est «difficile à dater» [23]; il serait postérieur à 1448 «si c’est Dreux Jehan qui a réalisé la copie et l’illustration» (ibid.); l’éventuelle participation de Dreux Jehan est discutée dans un autre chapitre [36-37]; «bâtarde bourguignonne soignée» [20]; le manuscrit comporte «quelques formes ou graphies régionales: prinche, niche, haraulx, verr‑, terr‑: fut. I ou II de venir, tenir; 19 désinences ‑iesmes» [24]. Les cinq manuscrits renferment exclusivement Gerart, puis une courte prose de saint Badilon en latin et pour finir une ballade de Wauquelin9. Ils sont tous sur papier, à l’exception du somptueux V, qui est sur parchemin, et le seul pour lequel MCC mentionne des illustrations. Selon MCC, se consultent en ligne P1, P2 et V. Il en va maintenant de même pour Be, placé dans la Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux (BVMM), où le manuscrit a été «ajouté le 14 septembre 2017»10. MCC fait aussi état d’un possible manuscrit perdu, dont l’existence se déduit de quelques mentions [22].
5 Le ‑qu‑ de cette forme est une graphie du Nord; mais le type jochier ne semble pas relever exclusivement de cette région; la question est difficile: voir Gilles Roques, RLiR 73 (2009), p. 594. 6 L’éditrice ne dit pas sur quoi se fonde la datation; le filigrane du papier de Br est déclaré «peu accessible» [13]. 7 MCC ne propose pas de date autre que xve siècle pour P1; Paul Meyer juge que Be est «certainement plus récent et en somme moins bon» que P1 dans Romania 9 (1880), p. 319. 8 Je ne sais si ces traits relèvent de «ce groupe» (P1 + P2) dans son ensemble, ou seulement d’un des deux manuscrits, comme le fait penser la mention de folios (mais sans que le sigle du codex où se trouvent ces folios soit donné). 9 Je ne m’explique pas la phrase «Le manuscrit ne contient que Gérard de Roussillon» [15] à propos de P1: Gérard y est suivi de la prose de saint Badilon et de la ballade de Wauquelin. 10 Communication de M. Cyril Masset, que je remercie.
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§ 1.2. «Examen des manuscrits et choix du manuscrit de base» [23-30]. La section n’est pas présentée sous forme de démonstration. Voici ce que j’en retiens. Les cinq manuscrits renferment des fautes communes [28]; V marque une nette propension à condenser la prose de Wauquelin; on ne peut décider si les apparentements de P1 et P2 sont dus à une source commune ou si P2 a suivi P1; ces deux manuscrits ont tendance à rajeunir le vocabulaire et à simplifier. Le texte de Br est «correct dans l’ensemble» [27] et, comme déjà noté, sa langue doit être assez proche de celle de Wauquelin. Il est choisi comme base, mais «n’a servi de base à aucun des autres manuscrits» [30] et comme il est le plus proche de Be, c’est sur ce dernier que s’appuieront les corrections, et, subsidiairement, sur V ou P1 (ibid.). § 1.3. L’«Étude littéraire» [31-86] s’ouvre sur «La carrière de Wauquelin» [31-38]. Dans ses textes, il se dit clerc et picard. Grâce à l’exploitation de nombreux documents d’archives, on sait qu’il s’installe à Mons «avant 1428» [32], qu’il travaille pour établissements religieux, grands seigneurs, et notamment pour Philippe le Bon sans doute dès 1445 [32]. Ses travaux recouvrent maints aspects des métiers du livre, de la rédaction à la présentation matérielle. Son activité foisonnante implique traductions du latin et mises en proses depuis le français. L’intérêt porté par le duc à la vie de Gérard se lit dans ses commandes et dans ce qu’on peut savoir des exemplaires en sa possession. Le tout, souvent documenté dans des notes touffues dont le difficile jeu avec le texte qui les surmonte semble parfois témoigner de l’étalement dans le temps du travail de l’éditrice. Viennent ensuite «Analyses des textes-sources et de la prose de Wauquelin» [39-62]. Les «analyses» sont en fait des résumés détaillés, mais non commentés, commençant par «Analyse de la vie latine» [39-44]. Ce qui est entendu par «la vie latine» est à chercher dans des notes de bas de page [38-39 n. 34 et n. 35, puis 44 n. 38, et 62 n. 39]. On apprend là que l’on possède deux états intégraux d’une vie latine: le premier, que je sigle Vita1 (voir Titres schématisés), de la fin du xie ou du début du xiie siècle, est renfermé dans le BnF lat. 13090, «copie vraisemblablement exécuté [sic] au xiiie siècle» [38], et publié par Paul Meyer; le second, que je sigle Vita2, est transmis par le ms. Bibl. Mazarine 1733 et publié dans GirRossHam. Nous avons de la Vita une traduction en prose du xiiie siècle très proche de Vita1 et dont la langue est bourguignonne; elle a été publiée par Paul Meyer en regard de son édition de Vita111. Voici des précisions apportées par Ham: le manuscrit de Vita2 est de 1448 et son texte est plus bref que celui de
Cette traduction ne semble pas mentionnée par MCC comme source possible du Roman (voir su‑ pra note 3) ni de Wauquelin: à supposer qu’ils en aient eu connaisssance, les savants latinistes n’en auraient pas eu besoin.
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Vita1, mais il contient des éléments absents de Vita1 qui se retrouvent dans la traduction bourguignonne mentionnée ci-dessus: voilà qui suggère l’existence d’une copie de Vita qui, peut-être, aurait été la source de Wauquelin: voir pp. 77-82 de GirRossHam. Nous n’avons pas de preuve que le BnF lat. 13090 ait appartenu à Philippe le Bon [38 n. 34]. Suit l’«Analyse du roman en vers» [44-52]. Cette section ne définit pas ce qui est entendu par «roman en vers». La lexie désigne le Girart de Roussillon rimé en couplets d’alexandrins du xive siècle, dit parfois aussi par MCC «roman en alexandrins» [63 n. 40, 624], «roman» ou «Roman» [69 n. 52], voire «la chanson du xive» [70 n. 62], ce qui peut déconcerter. Je rappelle que je dénomme ce texte «le Roman». Vérification faite, l’analyse, de même que les citations du Roman passim, s’appuient sur l’édition que je sigle GirRossHam. Vient enfin l’«Analyse de la mise en prose de Wauquelin» [52-62]. «Les sources de Wauquelin» [62-70] sont d’abord dévolues à une étude des sources (probables) de «la Vita» (en fait fondée sur Vita1) et à l’agencement des thèmes qui y sont traités. On y montre ensuite comment l’auteur du Roman (composé entre 1330-1334, cf. GirRossHam p. 12) réorganise les éléments de la Vita (qui est une de ses sources) en en utilisant d’autres, dont ce qui doit être un état d’une chanson de Gérard; Vita et Roman, chacun probablement dû à un moine de Pothières, en Bourgogne [63, 65], sont deux sources importantes avouées par Wauquelin, qui a consulté le Roman dans un livret rimet12 mis à sa disposition par le duc [65]; à quoi s’ajoutent «ponctuellement» [67] les Annales historiæ illus‑ trium principum Hannonniæ de Jacques de Guise; il a peut-être aussi eu recours à un état ancien et perdu d’une chanson de Gérard. La section se termine par un intéressant inventaire des termes par lesquels Wauquelin désigne ses sources13. «La mise en œuvre de Wauquelin» [71-86] rappelle la date de composition, 1447, donnée par deux fois par Wauquelin lui-même, énumère les procédés d’écriture de l’auteur, met en lumière son sérieux à répondre à la commande du duc, en écrivant la vie d’abord non exemplaire d’un guerrier devenu saint, dont les réflexions édifiantes de l’auteur en font un véritable «miroir des princes», tandis que l’ancrage géographique, bien développé, ajoute à la gloire de Philippe le Bon.
A-t-on trace de ce livret dans les archives du duc de Bourgogne? La question n’est pas abordée par MCC, dans cette section du moins. Ham démontre que des quatre manuscrits connus du Roman, Wauquelin n’a suivi ni M, ni B, ni P (or ces deux derniers ont appartenu au duc) et qu’inversement le ms. Montpellier, Faculté de Médecine H-349, siglé S, que Wauquelin pourrait avoir suivi, ne semble pas avoir jamais appartenu au duc (GirRossHam, pp. 17-18). 13 Les sources historiques appelées par Wauquelin Croniques (Histores) (des rois) de Fran‑ ce, la vraie Histore de France, l’istore des Franchois, etc., dénominations venant parfois du Roman et énumérées p. 70, ne font pas toujours l’objet d’identification, du moins à cet endroit de l’Introduction. 12
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Selon mon sentiment, l’ensemble des pages 39-86 ne permet pas de comprendre dans le détail le traitement par Wauquelin de ses sources, et surtout du Roman, qu’il «suit pas à pas» [72], tout en se montrant de façon générale bien plus prolixe. Une présentation synoptique des trois «analyses», assortie de commentaires de l’éditrice insérés dans le tableau aurait peut-être mieux rendu service. Mais il y eût fallu des prouesses de mise en page. Quoi qu’il en soit, sur la pratique de Wauquelin, on peut consulter les très éclairants «Exemples de transposition des sources et commentaires» (cf. infra), où se voit nettement comment Wauquelin paraphrase les vers du Roman, restant proche non seulement du contenu, mais aussi de la formulation, et les curieux pourront scruter tel ou tel passage grâce au non moins utile «Tableau de concordance des sources» (voir infra). § 1.4. L’«Étude linguistique» [87-138] est bien documentée. MCC informe d’entrée que des traits rattachent la copie «au Hainaut et peut-être à Mons» [87]. Les «Habitudes graphiques des copistes» sont traitées dans le chapitre suivant. § 1.5. Dans «Transcription et traitement du texte» [139-146] se trouvent notamment des informations sur le ductus des lettres (u et n ne sont pas toujours distinguables, de même que c et t [139], ce qui semble être écrit ubb à l’intérieur de certains mots sera transcrit uw [141 n. 6]), sur les séparations ou non-séparations entre les mots [142-143] et, spécifiquement, sur tres, tres‑ [140], sur la graphie trahy, passé simple du verbe traire, qui conduit l’éditrice à éditer (re)traÿ et atraÿ pour noter «l’hiatus» [141]14, sur la décision d’accentuer ‑éz final tonique pour la main 1, mais non pour la main 2 [141] qui rappelons-le, commence p. 172 du manuscrit, décision respectée dans les citations du présent compte rendu. L’accent grave figure dans à préposition, là et chà adverbes et où relatif. Les abréviations «ont été résolues suivant les formes majoritaires rencontrées en clair» [140]: il conviendrait de préciser si «majoritaires» signifie bien ‘majoritaires dans la main impliquée’. Les abréviations du manuscrit ne sont pas listées et les endroits où elles sont développées ne sont pas mis en évidence dans le texte imprimé, ce qui dérobe quelques informations. Voici un exemple qui rend perplexe: on lit p. 88 que dans la main 1, la réduction de ‑ier‑ à ‑er‑ ne se produit jamais à la sixième personne des passés simples des verbes du premier groupe: mais on trouve comencherent puis comenchierent XLV/83. Une reproduction de deux passages de Br, permettant de visualiser main 1 et main 2, aurait été bienvenue (le volume ne comporte aucune reproduction).
14 Sur ces formes, rectifier: non «XXII, 41; XXI, 42» [141 n. 5], mais «XXIII, 41; XXIV, 42». Et doit-on imprimer paÿens CXLIII/326? (Le y n’est en principe pas en hiatus dans ce mot.)
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Des notes de bas de page très denses et qui pourraient être plus explicites évoquent la scripta de Jacotin du Bois15. Retenons enfin que les habitudes graphiques des deux scribes sont «sans doute liées à l’atelier où ils travaillaient, en région wallonne, peut-être chez Wauquelin» [141 n. 7]. Concernant les variantes, quand MCC a corrigé sa base, sont communiquées les leçons de tous les manuscrits [145]; appelées par des lettres, ces variantes figurent en pied de page du texte. Si la base n’a pas été corrigée, les variantes, appelées par un nombre, sont rejetées après le texte. Dans ces variantes de deuxième type sont communiquées en principe «toutes les variantes de Be» (ibid.), mais sont exclues les leçons de V qui éliminent «les expressions superlatives» [24], et probablement bien d’autres: «il n’a pas été possible de relever la totalité des omissions plus ou moins longues qu’il [c’est-à-dire V] est seul à présenter» [23]; plus généralement, ne sont pas relevées «les variantes isolées [des manus‑ crits autres que Be] à moins qu’elles ne présentent un intérêt particulier» [145]. On aurait pu consigner des variantes éclairantes (voir § 2.2 à propos de anichier LII/100) et préciser quel est le manuscrit suivi dans le cas où une seule graphie de variante est communiquée pour une leçon partagée par «aut. mss». § 1.6. Description globale de la suite et fin du volume Après l’Introduction viennent «Table des chapitres» [147-157], texte [159413], «Variantes» autres que de bas de page [415-500], des «Notes» au texte [501-524], jamais oiseuses, un copieux «Glossaire» [525-610]. Pour l’«Index des noms propres» [611-622], MCC n’explique pas ses critères de sélection ni dans quelle mesure les articles seraient complets. Ainsi, on y lit bien Angevins ou Prouvenciaux, mais manquent Arginiens de A. ou Gregoix X/17, Roussillonnois ne se trouve pas seulement au chapitre XII, mais aussi au chapitre XIII; – Semur est interprété comme «Semur-en-Auxois», mais la note à quoi renvoie l’article propose deux identifications; – on constate que le mot Dieu est exclu. Mention spéciale à un beau «Tableau de concordance des sources» [623637], qui fait correspondre au texte édité, sans légende des titres choisis «Vita 1 ou 2», «Roman en alexandrins», «Contenu», et «Chanson renouvelée», c’est-àdire la chanson de geste du xiie siècle (dénomination empruntée à Paul Meyer16), dont on peut penser que les références (ce n’est pas précisé) renvoient à l’édition
Cf. p. 141 n. 4, pp. 141-142 n. 7. Rectifier la fin de la note 7, incompréhensible. Selon la note 39, pp. 62-63. Dans l’ouvrage allégué à cet endroit, cité comme «Girart de Roussil‑ lon, chanson de geste traduite pour la première fois par Paul Meyer, Genève, Slatkine-Reprints [sic], 1970 (1984)», il est dit que Meyer a exécuté sa traduction d’après l’édition de Foerster et al. donnée dans les Romanische Studien 5, 1 (on corrigera la date de «1980» en «1880»); il n’en est rien: «ma traduction n’est fondée sur aucune des éditions que nous possédons de Girart de Roussil‑ lon, […] je l’ai faite en m’aidant des manuscrits», dit Meyer, p. CLXXIII. 15 16
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Hackett17; en effet des éléments de la «Chanson renouvelée» concordent à l’occasion avec ceux des autres textes, même si selon MCC l’auteur du Roman et Wauquelin ne devaient pas être capables d’en déchiffrer la langue [66-68]. Suivent deux intéressantes séquences d’«Exemples de transposition des sources et commentaires» [639-655] impliquant XXVIII/50-51 comparés avec le Roman et CLIV/348-351 comparés avec le Roman et Vita1, avec des indications sur Vita2 (on trouve là en notes [639] des informations sur la façon dont Wauquelin se nomme lui-même), une liste de «Proverbes et phrases d’allure sentencieuse, citations bibliques ou d’auteurs chrétiens, exempla» [657-668] avec références aux ouvrages spécialisés (les proverbes distinguent ceux qui sont «en relation avec la Fortune» et les autres, classés par ordre d’apparition dans le texte: on aurait pu les indexer en fonction du contenu)18, «Bibliographie» [669-679] répartie entre «Ouvrages généraux» et «Dictionnaires et répertoires de locutions/ proverbes». § 2 Notes de lecture Je réserverai pour la fin du compte rendu des remarques sur l’Étude linguistique. § 2.1. Texte et variantes: présentation Au vu de la description des manuscrits, on attend avec gourmandise de pouvoir consulter les variantes: en quoi Be se démarque-t-il de ses congénères, puisqu’il est dit proche de Br, quelles séquences l’ont arrêté comme en témoignent ses «nombreux blancs» [11], comment les copistes réagissent-ils par rapport aux mots perçus comme régionaux ou archaïques. Mais l’espoir de s’immerger dans la variance est cruellement déçu puisque les variantes autres que celles qui appuient les corrections de MCC figurent après le texte. Or, elles sont très nombreuses: par exemple, de la page 180 comprise à la p. 190 comprise du texte imprimé, on compte 130 appels de telles variantes, et de surcroît ces appels sont difficilement repérables. Cette option éditoriale aurait pu se justifier si les mots ou passages objet de variantes avaient été écrits en toutes lettres dans cette section. Ce n’est pas le cas. Voici par exemple une séquence des variantes du chapitre LXXXV (je graisse les numéros des variantes, j’ajoute entre crochets l’objet de variante, où j’écris en clair les bornes, et je remplace les retours à la ligne de l’édition par des tirets): «10 tousjours Be, V. [var. à toudis] – 11 a. ja Be, V, P1. [var. à avons de la séquence avons parlet] – 12 c. q. le roy V. [var. à che qu’il] – 13 s. d. V, P1, s.
17 Winifred Mary Hackett, éd., Girart de Roussillon, Chanson de geste, Paris, Picard (Société des Anciens Textes Français), 3 vol., 1953-1955. 18 Peut-être ajouter en homme yvre n’a sens ne raison quelconcques LXXXII/171.
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cause P2. [var. à sans nulle desserte] – 14 e. c. mq. Be. [var. à en ce] – 15 part P1, P2. [var. à parchon] – 16 quelque V, P1, P2. [var. à quelconcque] – 17 j. monseigneur G. d. R. (d. R. mq. V, P1) Be, V, P1. [var. à jour Gerard de Roussillon] – 18 n. i. mq. P1, P2. [var. à ne irer dans courouchier ne irer] – 19 e. m. es. mq. P1, P2. [var. à et mon espeuse dans ma femme et mon espeuse] – 20 q. ainsi aut. mss. [var. à que] – 21 oublié V, P1, P2. [var. à entreoublié]». Placées en bas de page, non suivies de retour à la ligne, ces indications eussent épargné du papier et respecté le confort du lecteur. Ce confort est malmené par d’autres pratiques: «Les références au texte sont données au chapitre et à la page du manuscrit» [146]. Or tout chapitre comprend plusieurs pages du manuscrit et chaque page du manuscrit correspond à environ à 21(longues) lignes du texte imprimé; un séquençage en unités textuelles plus courtes aurait été de mise. En outre, la pagination du manuscrit est marquée sans trancher sur le reste du texte (pas d’italique, de gras, ou d’utilisation des marges). En l’état, c’est au lecteur de s’équiper de stylos pour compléter ce que l’impression n’a pas réalisé, en particulier lorsqu’il s’agit de repérer un mot à partir des données du Glossaire. On s’interrogera aussi sur l’opportunité de continuer à numéroter les chapitres par des chiffres romains, qui deviennent si dangereux dans les références des attestations. Bref, pour l’utilisateur, tout comme la maison des Sparkler dans Little Dorrit, le livre est «quite a triumph of inconvenience», un triomphe qui ne rend pas justice à l’énorme travail accompli par l’éditrice. § 2.2. Texte, variantes et Notes: quelques détails Je traite selon l’ordre d’apparition des occurrences dans le texte, y compris quand mes remarques portent sur des variantes ou sur les Notes à ces occurrences. Fermer les guillemets non après loenge, mais après recommandation XXXIV/64; – placer la virgule après roy, et non après delay XLI/77; – dans la séquence qui vient, douchement est curieux et pourrait être commenté: de son poing […] le fery [var. 9: il le f. au lieu de le fery dans les autres manuscrits; il représente Fouques] si douchement au plus pres de l’oeil vers l’oreille que il lui fist voler cel oeil hors de la teste, et le bouta si roidement de son cheval […] XLII/79, d’autant que la situation est rappelée comme suit: comment les poins du bon Foucques [var. dz: Br porte Fouchier, corrigé d’après les autres manuscrits] poisent et coment il les assiet durement et roidement XLIII/80; tous les manuscrits (j’ai vérifié) ont douchement (aux graphies près), et dans un cotexte similaire (même si MCC a omis des variantes de V); – la var. 3 le departement pour d. en XLIII/80 se voit non seulement dans P1 et P2 comme indiqué, mais aussi dans Be; – pour le mot lettres de ses l. XLIV/81, est donné comme var. 2 l. et ses breves dans Be, P1 et P2; de même pour le mot briefs de ses lettres et ses br. CIII/229 est donné en var. 3 breves dans Be: je supposes qu’il faut lire brevés, pluriel de brevet, ‘pièce écrite à caractère officiel’ (définition du DMF2020 sous
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brevet); – dans l’endemain de son departement LII/100, au lieu de departement, V et P1 portent partement, ce qui n’est pas signalé; curieusement (?) pour les six autres occurrences du mot consignées au Glossaire, departement ne fait pas l’objet de variante, j’ai vérifié sur les manuscrits; – il le convint widier et yssir du tout en tout sa terre LII/100, présente une construction remarquable de y.: noter que si Be porte le même texte, que si P1 et P2 ne s’en écartent que par de tout au lieu de du t., en revanche, V porte w. du tout en tout de sa terre; aucune de ces variantes n’est signalée. Aurait mérité une note anichier de son orgueil abattre et a. LII/100, traduit «anéantir» au Glossaire, qui ne fournit que cette occurrence. Aucune variante n’est communiquée; or et anichier manque en fait à V, P1 et P2 et par ailleurs, au lieu de et anichier, Be porte et anicheler, qui aurait pu figurer à titre de variante éclairante si on suppose que anichier est une graphie de anichiler (mais les articles anichiler de TL, annihiler de GdfC et du DMF2020, et nihil du FEW 7 ne font pas état d’une graphie anichier); du reste anicheler aurait pu être consigné pour sa simple valeur documentaire: l’ensemble des articles précités ne relève dans les écrits médiévaux qu’une seule forme du verbe anichiler (je choisis la graphie du lemme de TL) présentant ‑el‑ interne: aniceloit dans Jean d’Outremeuse (dans le DMF2020); si curieuse que soit la graphie anichier pour anichiler, il paraît difficile de voir dans anichier le verbe ainsi entré dans Gdf et TL, et anicher dans le DMF2020: il a certes pour lui d’être un picardisme, cf. Gilles Roques, RLiR 78 (2014), p. 594, mais aucun des sens répertoriés par ces dictionnaires, pas plus que ceux de l’article *nidicare du FEW 7 ne convient à notre passage; – introduire une virgule devant de hide LIII/103 et après joyeux LX/120. Le remena à seoir LX/120: plutôt éditer r. aseoir? (MCC signale que à de son texte manque à V, P1 et P2); – introduire une virgule après martire LXV/130; – pour montrer que Gérard et Berthe sont tombés dans une grande povreté LXV/130, l’auteur écrit: sachiés sans faulte que ilz n’avoient mies toudis froit, ossi n’avoient il mie toudis chault (ibid); les variantes (qui ne sont pas toutes communiquées) sont en fait: s. s. fa. qu’ilz n’a. m. tousjours fr. et aussi n’a. ilz m. tousjours ch. dans Be; saichiez qu’ilz n’a. m. t. fr. ne t. ch. dans V; s. s. fa. que il n’a. m. t. fr. ne t. ch. dans P1; et s. s. fa. que il n’a. pas t. fr. ne t. ch. dans P2; tous les manuscrits portent froit et la formulation pourrait étonner dans l’évocation d’une vie très dure; il en va de même dans le vers-source (non signalé) N’orent pas adés froit, n’orent pas adés chaut, GirRossHam 2317 (pas de variante communiquée; l’idée ne se trouve pas dans Vita1 ni dans Vita2); or ici le mot semble référer à une fraîcheur plaisante. Perception différente de celle du français moderne froid? Association en antithèse à chaut pas inconnue d’autres formules? À porter au Glossaire?; – l’indication de correction ho de LXXVIII/161 n’est pas claire; – la note LXXXIII/175 à propos d’échanges entre ‑able et ‑al(l)e dans des adjectifs appelle quelques compléments. On y apprend que campable (de bataille
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c.) que porte Br (corrigé en campale par MCC) se trouve en LXXXIII/175 et en LXXXIX/193 (la note porte par erreur «93» au lieu de «193»). Il faut consulter les variantes de bas de page pour savoir que Be utilise la forme en ‑ale dans la seconde occurrence, et se reporter au manuscrit pour constater qu’il en va de même dans la première occurrence, car la var. ib à LXXXIII/175 n’est pas claire. La note rappelle aussi que Br porte testimoniable en XIV/24 (lequel a été corrigé par MCC en testimoniale «d’ap. aut. mss», var. as à XIV/24, dans istore t.). On trouvera à la fin de l’article dévolu au suffixe ‑able du DMF2020 une série d’adjectifs qui pratiquent ces échanges, à quoi on pourra ajouter rurable: cf. l’article rurable de ce dictionnaire; – Et tous à une fois disoient: «Bataille, bataille, vivre ou morir à une fois». XC/195 interroge; l’éditrice ne fait pas de note et ne communique pas de variante; en fait, si Be porte le même texte, les mss V, P1 et P2 en diffèrent au début Et t. à une voix (vois dans P1 et P2) d., plus satisfaisant; – ajouter une virgule après humilie XCIV/203, avant deffendez CXIII/261, après mienne de laissier la mienne CXV/264; – l’indication de correction jb de CXV/265 est opaque; – introduire une virgule entre peuysse et mais CXXXIII/304; – mais, disoit il: «Sire […]» CXXXVI/310 se lirait mieux «Mais, disoit il, sire […]»; – introduire une virgule après retournassent CXLI/321; – les . VI. pars de je croy en verité que les .VI. pars des hommes du monde soient mors CXLII/325 est glosé en note «le septième»: la signification est ‘les six septièmes’, donc ‘six sur sept’; – dans la séquence commencherent incessanment à magnifiier et à glorifiier la pité et debonnaireté de Nostre Seigneur CLX/368, il est indiqué, var. 33, que Be porterait c. indefiniment ou i.; j’ai vérifié: dans Be, les prépositions à manquent, et, surtout ce n’est pas indefiniment que l’on lit; GirRossMontille donne indéfinentement, mais peut-être faut-il lire indefinienment ou indefinient‑ ment: à ce que je crois, le signe de nasalité qui précède ‑ment interdit de lire inde‑ finiment ou indefiniement; noter que l’adverbe indefiniement est rarissime dans la lexicographie: cf. DEAF et DMF2020; – le groupe en ce trescrueux angoisse et tourment CLXXXIII/413 aurait mérité d’être commenté quelque part pour la morpho-syntaxe. § 2.3. Remarques sur l’Étude linguistique § 2.3.1. Remarques sur la section «Phonétique/graphie» [87-101] À propos des formes coert, cuert et keurt de courir et composés citées p. 90, on ajoutera qu’elles sont particulièrement fréquentes dans le Nord; – la forme espeuse n’apparaît pas seulement en LXIII/126, comme on lit p. 90, mais aussi bien souvent avant et après, et je ne suis pas sûre que le texte présente jamais espo(u)se; je souligne que cette forme est très fréquente dans les manuscrits picards; ajouter qu’on trouve aussi espeus ‘époux’ CLXV/376, CLXVI/378; – en ce qui concerne les instances de réduction de ai à a [91], les références de clarons (non traduit, mot absent du Glossaire) sont à donner; il s’agit presque à coup sûr
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de ‘clairons’; clarons et aguillon, également mentionné, au lieu de présenter une réduction de ai à a peuvent être considérés comme maintenant les formes anciennes (cf. DMF2020, article clairon, et FEW 24 aculeo, note 1); à fasiés ajouter fasiéz LXXI/143; – frecq de cheval f. et nouvel ne peut être classé sous «ai = a» ibid.; – c’est sans doute par étourderie que rampronner, traduit «injurier, insulter» au Glossaire, est mis au nombre des formes qui témoigneraient d’une «disparition du e prétonique interne» [93]; en revanche, ranperonner, qui a le même sens, ne devrait pas être omis des cas présentant «un e svarabhaktique» ibid., d’autant que les copieux articles ramponer de TL, ramposner de Gdf 6, ramponner du DFM2020 et prothyrum du FEW 9 ne comportent aucune forme en ‑per‑; – p. 95, la forme d’infinitif oc(h)ir (à quoi on ajoutera occir LIX/117) est imputée à la chute de ‑e final; MCC précise que la forme se rencontre neuf fois (les références ne sont pas communiquées et le mot manque au Glossaire: l’éditrice ne dit pas si l’on rencontre la forme en ‑ire), alors qu’elle cite trois occurrences de Pouthiers pour Pouthieres et une seule occurrence de chacun des dix autres mots interprétés comme présentant une chute de e final. Si les chiffres sont significatifs (mais voir supra à propos de espeuse), ce nombre interroge, d’autant qu’un seul autre infinitif est mentionné comme faisant l’objet de cette chute, souffir (une seule occurrence communiquée: ajouter CLXIV/374); mais il manque à cette énumération desconfir attesté au moins en XLVII/87 et CVII/240. Il me semble que nous pouvons classer ces verbes dans la section «Morphologie», avec changement de terminaison d’infinitif: Pope, § 884 (avec bibliographie) attribue ocir, souffir et desconfir (je reproduis les graphies de Pope) à l’influence de l’analogie; en ce qui concerne oc(h)ir, j’en puis citer bien des exemples dans d’autres textes, qui ne figurent pas dans l’article occire du DMF2020, la plupart attestés par le mètre ou la rime; – touchant l’évolution de [k] (cf. pp. 95-96), consigner seghur ‘sûr’, l’adverbe seghurement, le verbe asseghurer (références au Glossaire pour ces mots), qui ont un caractère régional; – dans l’examen des consonnes labiales [97] manque la prise en compte de latin ‑ibula‑ et de son évolution picarde19 dans afuller, afullure (références au Glossaire); – le féminin de pesant sous la forme pesande ne se trouve pas seulement «chez Froissart» [98], cf. pesande colee dans JourdainM 22659 (référence absente de l’article pesant du DMF2020, qui ne relève pesande que dans Meliador). Peut-être citer ibid. le féminin verde LXIV/129. Latinisme? sonorisation? analogie?; – «mies (= mie) 4 occ.» [98] est donné pour un fait de «graphie inverse» dû à la «non-prononciation des consonnes finale»; les référence de mies ne sont pas communiquées et le mot manque au Glossaire; s’il s’agit bien de l’auxiliaire de la négation (voir supra § 2.2 à propos de froit LXV/130), on
Cf. Charles Théodore Gossen, Grammaire de l’ancien picard, Paris, Klincksieck, 1970, § 53.
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doit plutôt interpréter le ‑s comme un ‑s adverbial; les occurrences de mies en cet emploi sont bien plus nombreuses que ce que relèvent les dictionnaires, et surtout, noter les occurrences en rime consignées dans TL. § 2.3.2. Remarques sur la section «Morphologie» [101-112] À propos des possessifs, pour le type son féminin, on lit simplement que son précède «un mot féminin à initiale consonantique» [104]; préciser que ce type se trouve aussi (banalement?) devant des noms féminins à initiale vocalique, cf. son espee CXLVI/331; – à propos des démonstratifs et des adverbes [104-105], quelques remarques: les notions rendues par «emploi autarcique» et «forme longue» devraient être définies; celli, cely peut faire fonction de sujet, cf. XVIII/31, CXXV/287, ce qui n’est dit nulle part; et il n’est pas dit non plus que là peut acompagner le démonstratif, cf. chiulz là LXXIX/163; – «Le verbe prendre présente rarement un radical pren‑ […] à côté du radical courant prend‑» [108]; aucune attestation de prend‑ n’est donnée; citons (entre autres) prendés XVII/30, XXVIII/50, prendent LXVI/133 (indicatif présent), reprendoit XXXII Table et rubrique, pren‑ doit LXV/132, etc., prendoient LXV/130, etc., apprendoit CLXXXV/420, pren‑ dant XXIX/53, etc., entreprendant, cf. Glossaire; il faut peut-être considérer ce type de forme comme régional: «surtout au Nord, au Nord-Est et à l’Est» (FouchéVerbe, p. 107), «in the northern region» (Pope, § 937). On aurait pu relever par ailleurs attaindoit XLVII/88, attaindy XLVIII/89, attaindi CVIII/243, ataindist CXXXVIII/316, CXLVIII/335, constraindant CXLIX/338, constraindi(t), qui est mentionné p. 111 simplement pour sa désinence, estraindoit XXXVI/67, estraindant XXVII/49, XLI/77, joindant CXIII/260, joindi CLXXXV/421, oindi CXXII/281, plaindoit XCIII/202, etc., plaindi CXXXIII Rubrique et CXXXVI rubrique, plain‑ dy XXV/45. Ces formes (qui ne sont pas non plus mises en évidence au Glossaire) sont refaites sur la base de l’infinitif et se rencontrent «surtout au N.-E.» selon FouchéVerbe, p. 132, qui énumère Froissart, la Passion de Greban, Job, Dialogues Grégoire et Stavelot; pour Pope, elles se rencontrent «In Middle French at times and in the northern region earlier and more consistently» (§ 941); je peux compléter les textes cités dans ces ouvrages avec d’autres textes du Nord: plaindoit dans PercefR 4, p. 1051, complaindoient dans PercefR 2/1, § 257, 1, var. C, complain‑ doit, complaindit, plaindoit et oindi dans TroieCe, glossaire, plandis dans Jour‑ dainM 5397, enwoindy et enoindi dans MistLilleK 2, titre du mystère 18, et mystère 19, 535; – cuidece de à celle fin qu’on ne c. [selon les variantes communiquées, les autres manuscrits ont cuide] mie que j’en soye II/3 n’est pas un subjonctif imparfait [112], mais un subjonctif présent à ajouter aux exemples de la p. 110. § 2.3.3. Remarques sur la section «Syntaxe» [113-134] Avons-nous bien un complément circonstanciel [113] dans on fuist bien alez ung quart de lieuwe?; – à propos de nul sans ne exprimé [119] dans il dist […]
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que […] nul fuist jamais si hardis de en dire ung seul mot, etc., voir l’intéressante note dh de Saint Foursy, éd. Barale20; – je ne crois pas que dont soit «redondant […] avec comment» [120] dans le dernier exemple cité: dont me semble y signifier ‘chose pour laquelle, c’est pourquoi’; – non tu n’es vray, mais se tu n’es vray [129]; – l’adverbe meisment est considéré comme une «forme contractée» [131], qui se lit 29 fois, selon le Glossaire, l’«exception» étant meismement LXXXII/171; curieusement, cette graphie exacte manque aux articles meïsme de TL, mêmement du DMF2020, à l’article ipse, ‑a du FEW 4 et également (car il a pu y avoir confusions au Moyen Âge), aux articles maismement de TL et mascu‑ lus du FEW 6; le DEAFpré n’en relève que deux occurrences; il est possible que meismant et meesment de Gdf 5, 220c, soient à interpréter comme une contraction d’un ancien meïsmement (sous réserve d’étude de la langue des copies). Je ferai remarquer que 18 occurrences de meisment (et aucune de meismement) ont été relevées par Gabriella Parussa et Richard Trachsler dans les manuscrits Bruxelles, KBR 9242 et 9243 et Paris, BnF fr. 9342 des Chroniques de Hainaut et de l’Alexandre de Wauquelin21; – MCC n’a pas relevé un trait de syntaxe récurrent: point est un auxiliaire de la négation particulièrement fréquent, qui n’est pas accompagné de de + complément, par exemple dans nous ne l’avons point courut sus XC/194; cf. VIII/13, IX/15, XVIII/31, XVIII/32, etc.; mais mie(s) n’est pas inconnu, cf. supra § 2.2 à propos de froit LXV/130. § 2.3.4. Remarques sur la section «Lexique» [134-138] L’étude du lexique fait état de deux éléments qui constituent peut-être des premières attestations. On pourrait songer aussi à relever des archaïsmes tels que puisedi LXVI/133 (et non «LVI, 133» comme on lit au Glossaire): voir TroieCe, glossaire sous pussedi. Bien développée est la partie dévolue aux «termes [qui] présentent un caractère régional permettant de les localiser dans les régions du Nord, picarde, wallonne» [134]; y sont inclus quelques éléments qui sont peut-être moins à interpréter comme des vocables autonomes que comme le produit d’évolutions phonétiques particulières, comme triuler ‘triturer’, mais le départ est délicat. Nous allons voir que l’on peut étoffer cette partie au demeurant très riche. Peut-être ajouter le tour amer mieulx + à + infinitif; – ajouter despaisié ‘troublé, agité’ (en parlant de Gérard) LIX/116, cf. par exemple RoquesCoucy,
Elisabetta Barale, éd., Jean Miélot, La Genealogie, la vie, les miracles et les merites de saint Foursy, Paris, Classiques Garnier, 2018. 21 Voir p. 196 de Gabriella Parussa et Richard Trachsler, «La scripta de Jacotin du Bois, un copiste dans l’atelier de Jehan Wauquelin», in Jean Wauquelin, de Mons à la cour de Bourgogne, éd. par Marie-Claude de Crécy et al., Turnhout, Brepols, 2006, pp. 185-200. Je remercie Richard Trachsler de m’avoir communiqué un exemplaire de cet article. 20
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p. 236; les variantes communiquées, desappaisié dans Be et desplaisant dans P1 et P2 n’ont pas de caractère régional; – sur le caractère «picard, flamand, wallon» du mot encoste, noter que le passage auquel il est fait référence ne contient pas encoste, mais d’e.: et l’assist d’e. ly CLXXXIV/416; or, les autorités alléguées, dont j’ai relu les pages, ne traitent pas cette locution seule, mais par d’encoste; toutefois, on lit Achillés fu ensevelis […] Et ses cousins d’encoste ly, dans TroieCe 3969: le caractère régional de la lexie est commenté par Stefania Cerrito dans le glossaire de cette édition; il ne me serait pas difficile de compléter les attestations de d’encoste (et non par d’e.) dans les textes; – on aurait pu noter quelque part ensient, cinq occurrences selon le Glossaire, qui ne détaille pas les références: il se rencontre par exemple en CXXXVI/311 et CLXIX/383; cf. Guiron, éd. Trachsler et al., 200422, p. 36; – ajouter esparsin de il fist ung mervilleux esquiés et e. des gens Gerart XLVII/87, picardisme, cf. RLiR 70 (2006), p. 284; – ajouter famis ‘affamé’, références au Glossaire: voir Le Moyen Français 84 (2019), p. 105; – dans la notice faulder, supprimer la séquence «faulx: ‘hêtre’»; – ajouter felle, masculin, dans les malvais, crueulx et felles (pas de variante communiquée) LXXXV/179: cf. l’article spécifique consacré à felle adjectif masculin du DMF2020, qui précise «Picardie, Wallonie» et renvoie à une contribution de Gilles Roques; aux exemples de l’article du DMF2020, ajouter felle, masculin singulier, dans JourdainM 5453, et Qui estoit felles et engrez dans TroieCe 3386; – fleux est entré parmi les régionalismes, sans traduction (il est rendu par «fleuve» au Glossaire) ni renvoi bibliographique: ces informations sont remplacées par un point d’interrogation; le mot apparaît à propos de sang répandu dans une bataille: c’est comme on diroit ung fleux courant en tampz de lavasses ou de pleuves soudaines CXXXII/302; il ne fait pas l’objet de note ni de variante dans l’édition: en fait, V et P1 ont fleuve, qui semble être ce que porte aussi P2; GirRossMontille imprime fluves (je ne saurais assurer que c’est bien la leçon de Be); il pourrait s’agir du mot entré par TL et le DEAF sous fluet, qui est régional, mais ne semble pas relevé au-delà du xiiie siècle dans la lexicographie; – ajouter le syntagme en genoulx parmi les traits régionaux; il est commenté par MCC avant qu’elle aborde les traits régionaux: «en genoulx/à genoulx se trouve dans des proportions équivalentes dans les deux mains» [134] (l’éditrice n’indique pas combien de fois ni où se trouve en g. dans le texte) et, selon la note 61 p. 134, Goosse dans son édition du Myreur des histors de Jean d’Outremeuse «n’a pas trouvé cette locution [je suppose
Guiron le Courtois. Une anthologie sous la direction de Richard Trachsler, éditions et traductions par Sophie Albert, Mathilde Plaut et Frédérique Plumet, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2004.
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qu’il s’agit de en g.] dans les dictionnaires, mais il l’a rencontrée chez Froissart»; l’article genou1 du DMF2020 donne en effet de nombreuses occurrences de en g. chez Froissart (évidemment sous des graphies variées) et une dans le Myreur de Jean d’Outremeuse, sans citer d’autres auteurs; ajouter maintenant En genoulx lui crïa mercy dans TroieCe 2948; – ajouter horion ‘coup’ (six attestations selon le Glossaire), cf. entre autres FEW 25, 1004a, note 17, dont le nombre de textes cités peut être grandement augmenté; – ajouter huee ‘renommée, réputation d’excellence’ de tant faisoit d’armes que la h. en la partie des Franchois estoit sienne CVIII/244, cf. RLiR 58 (1994), p. 273; – ajouter incontinent, références au Glossaire, voir RLiR 60 (1996), p. 297; – ajouter labourier pour les labouriers des champs (qui font tondre leurs brebis) XXXII/60 et vrais labouriers en la vigne de Nostre Seigneur CLXV/375, cf. RLiR 71 (2007), p. 265; – ajouter maise ‘mauvaise’ dans maise mort, cf. références, sans citation, au Glossaire, et l’adverbe maisement (références au Glossaire): voir TroieCe, p. 45; mais mauvais fait l’objet de plus de 50 occurrences selon le Glossaire; les personnes de loisir se reporteront aux instructives variantes; – peut-être ajouter masselle, traduit «mâchoire» au Glossaire (sans citation); l’unique occurrence du mot se trouve dans en mettant la main à la m. LVIII/116, attitude typifiée marquant le préoccupation ou la tristesse, qui ne semble pas provenir du Roman (en tout cas, le mot ne se trouve pas dans GirRossHam, texte et variantes); que le scribe de Be laisse un blanc au lieu de ce mot tendrait à prouver qu’il n’a pas reconnu le régionalisme: selon Gilles Roques, dans ce type de locution, le mot est restreint au picardo-wallon depuis le milieu du xive siècle: voir RoquesVarLexicales; – ajouter au nuit, références au Glossaire, dont à la fois la forme et le sens ‘au soir’ sont du Nord; voir le riche commentaire de TroieCe, p. 45; – ajouter pietier ‘faire les cent pas’ XXVII/49, picardisme, cf. RLiR 63 (1999), p. 622; – ajouter purain ‘pur’ dans p. fourment XII/20 ‘froment pur’, mot du Nord, cf. RLiR 63 (1999), p. 628 et 71 (2007), p. 584; – ajouter ramonner ‘balayer’ LXVII/135: voir RLiR 60 (1996), 297; – ajouter remain, nom, ‘reste’, références au Glossaire: «Awallon. ahain. apik.» (FEW 10, 235a); – ajouter rengresser pronominal ‘s’irriter à nouveau’ CXXXIX/318: voir RoquesVarLexicales; – ajouter ronchy (sept occurrences selon le Glossaire), «Mit suffixw. Aflandre. apik.», FEW 10, 575b; – soumiron «(ou sommeron)» classé parmi les mots «à caractère régional» est suivi de la référence de l’unique attestation, mais non commenté: la source est peut-être FEW 12, 429b «alütt. sommiron JPreis, ahain. id. Froiss» (qui proviennent de Gdf); on lit au Glossaire sous soumi‑ ron, traduit «sommet»: «var. sommeron» (à italiciser); mais la source de cette variante n’est pas communiquée: la var. 8 indique simplement que soumiron manque dans V; – ajouter tombissement (voir Glossaire), cf. RoquesCoucy, pp. 239-240; – peut-être ajouter toullis ‘mêlée’, références au Glossaire, cf.
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Marco Robecchi dans Romania 137 (2019), p. 340; – ajouter trenchis ‘fossé, tranchée’ IX/16, mot du Nord, cf. PercefR 2/1, note au § 306, 11. Pour ne pas abuser de l’hospitalité de la Revue, je réserve pour ailleurs quelques observations sur le Glossaire. § 3 Conclusion On doit remercier Marie-Claude de Crécy d’avoir remis au jour une production de Wauquelin souvent ingrate et d’avoir organisé une masse de documents proprement inhumaine au prix d’un labeur dont on sent qu’il l’a occupée pendant une très longue période. Le volume sous recension offrira donc aux chercheurs une base indispensable pour étudier le devenir tant narratif que lexical de la légende de Gérard de Roussillon, singulièrement pour ceux qui disposeront du texte sous un format numérisé23. May Plouzeau Choix de codes et d’abréviations Signes [ ] quand les crochets droits entourent des nombres, ces nombres désignent en principe des numéros de page de l’édition sous recension; pour référer à une note dans une page, on lit par exemple «[141 n. 5]». Hors citation, les crochets droits entourent des transcriptions en Alphabet Phonétique International. les crochets brisés entourent des adresses de sites électroniques. Façons de référer à différentes parties de l’ouvrage sous recension Étude linguistique, Glossaire, Notes avec des majuscules, désignent des parties de l’édition que Marie-Claude de Crécy a appelées ainsi. Les numéros de page de l’ouvrage sont entourés de crochets droits: voir supra; – les occurrences du texte sont marquées par exemple comme suit «CXLIII/326»: telle est la pratique de l’éditrice, qui toutefois ferait imprimer «CXLIII, 326» et qui utilise à l’occasion le système qui se réalise par exemple dans «LXXXVI (184)», etc. p. 125 et suivantes. Désignation particulière Le Roman désigne le Girart de Roussillon en alexandrins du xive siècle.
Je tiens à la disposition de qui serait intéressé une liste de menues coquilles.
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Sigles de manuscrits Be = Beaune, Archives hospitalières, ms. 7, layette 123, n. 12; – Br = Bruxelles, KBR II 5928 (manuscrit de base); – P1 = Paris, BnF fr. 852; – P2 = Paris, BnF fr. 12568; – V = Vienne, ÖNB 2549. Titres schématisés DEAF = Baldinger, Kurt, puis al., Dictionnaire étymologique de l’ancien français, Tübingen, Max Niemeyer, etc., 1974-. DEAFpré = matériaux préparatoires du DEAF électronique, . Consulté le 25 février 2023. DMF2020 = Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500), , version de 2020. Consulté le 25 février 2023. FEW = Wartburg, Walther von, puis al., Französisches etymologisches Wörterbuch, Bonn, etc., 1922‑. FouchéVerbe = Fouché, Pierre, Le verbe français, étude morphologique. Nouvelle édition entièrement refondue et augmentée, Paris, Klincksieck, 1967. Gdf, GdfC = Godefroy, Frédéric, Dictionnaire de l’ancienne langue fran‑ çaise et de tous ses dialectes du ixe au xve siècle, Paris, Vieweg, 10 vol., 18801902; le Complément (GdfC) commence au vol. 8. GirRossHam = Ham, Edward Billings, éd., Girart de Rossillon, poème bour‑ guignon du xive siècle, New Haven, Yale University Press, 1939. GirRossMontille = Montille, Léonce de, éd., Chronicques des faiz de feurent Monseigneur Girart de Rossillon, a son vivant duc de Bourgoingne, et de dame Berthe, sa femme fille du conte de Sans, que Martin Besançon fist escripre en l’an m cccc lxix, Paris, Champion, 1880. JourdainM = Matsumura, Takeshi, éd., Jourdain de Blaye en alexandrins, Genève, Droz, 2 vol., 1999. MistLilleK 2 = Knight, Alan E., éd., Les Mystères de la Procession de Lille. Tome II, de Josué à David, Genève, Droz, 2003. PercefR 2/1 = Roussineau, Gilles, éd., Perceforest. Deuxième partie, tome I, Genève, Droz, 1999. PercefR 4 = Roussineau, Gilles, éd., Perceforest. Quatrième partie, ParisGenève, Droz, 2 vol., 1987. Pope = Pope, Mildred K., From Latin to Modern French, with Especial Consideration of Anglo-Norman. Phonology and Morphology, Manchester, The University Press, 1966. [Réimpression de la revised edition de 1952.] RLiR = Revue de Linguistique Romane. RoquesCoucy = Roques, Gilles, «Les régionalismes dans les diverses versions du Chastelain de Coucy et de la dame du Fayel», in Richesses médiévales du Nord et du Hainaut, éd. par Jean-Charles Herbin, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, 2002, pp. 229-42.
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RoquesVarLexicales = Roques, Gilles, «Les variations lexicales dans les mises en prose», in Mettre en prose aux xive-xvie siècles, éd. par Maria Colombo Timelli, Barbara Ferrari, Anne Schoysman, Turnhout, Brepols, 2010, pp. 9-31. TL = Tobler, Adolf, Erhard Lommatzsch, puis al., Altfranzösisches Wörter‑ buch, Berlin, etc., 12 vol., 1915-2008. TroieCe = Cerrito, Stefania, éd., Le rommant de l’abbregement du siege de Troyes, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2010. Vita1 = forme longue de la Vita de Gérard publiée dans Meyer, Paul, «La légende de Girart de Roussillon», Romania 7 (1878), pp. 161-235, texte de Vita1 pp. 178-224 aux pages paires. Vita2 = forme courte de la Vita de Gérard publiée dans GirRossHam, pp. 375-396. Réponse au CR de May Plouzeau Je remercie May Plouzeau pour sa lecture minutieuse et attentive de mon travail. Je saisis l’occasion pour répondre ici à quelques-uns des problèmes qu’elle a soulevés et pour rectifier, au passage, également quelques coquilles et imprécisions qui me sont apparues depuis la parution de mon livre. L’ordre de présentation reprend celui des observations de May Plouzeau. § 1.1. Description des manuscrits p. 2: Ces informations, notamment le filigrane et la date approximative de 1470, relevées dans le catalogue de Bayot (p. 297) sont à revoir à la lumière de celles qui sont données dans l’article de G. Parussa et R. Trachsler, «La scripta de Jacotin du Bois», dans Jean Wauquelin: (ca 1428-1452) de Mons à la cour de Bourgogne, éd. Marie-Claude de Crécy, Gabriella Parussa et Sandrine HérichéPradeau, Turnhout, Brepols, 2006, pp. 185-200. Je n’ai malheureusement pas pu identifier le(s) filigrane(s). N’ayant pas pu définir le filigrane, j’ai sollicité l’aide de la Bibliothèque Royale de Belgique qui ne m’a pas encore répondu… mais cette date me semble pouvoir être affinée (voir infra p. 6, note 15: la note a été coupée). p. 2: minute: il s’agirait d’une copie de travail pour un exemplaire plus luxueux. p. 2: bachinés (P1, 105r = P2, 60v); teilz (P1, 9v; telz P2, 8v); teil, teilz, fém. (P1, 101v; tel, P2, 86v); teil (P1, 194r; P2, tel, 124v); teille, teilz (P1, 13v; telle, tiez P2, 12v)… p. 2: note 7: l’affirmation de P. Meyer à propos de P1 ne s’appuie sur aucune preuve.
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p. 2: note 8: pour les désinences -ie(s)mes, -iemmes, elles se trouvent dans tous les manuscrits, à l’exclusion de Be, mais le nombre d’occurrences est variable (22 pour Br, 19 V, 13 P1, 10 P2, le nombre de mains de P2 faussant quelque peu les attestations; la lecture de ce dernier manuscrit est particulièrement délicate et éprouvante). p. 2, note 9: cette note doit disparaître puisque son contenu se trouve dans la description du manuscrit (Garnier, p. 16). § 1.2. Examen des manuscrits et choix du manuscrit de base p. 3: La section n’est pas présentée sous forme de démonstration: les manuscrits sont si voisins qu’il est difficile d’établir autre chose que des rapprochements, illustrés par quelques exemples, que j’aurais pu multiplier. Mise à part celle de Be 1469 (1470), la datation est imprécise: P1 (xve), P2 (début xvie), V après 1448, sans doute vers 1450, voir Chrystèle Blondeau, «Jean Wauquelin et l’illustration de ses textes. Les exemples des Faicts et conquestes d’Alexandre le Grand (Paris, BNF, MS. FR. 9342) et du Roman de Girart de Roussillon (Vienne, ÖNB, MS. 2549)», dans Jean Wauquelin: (ca 1428-1452) de Mons à la cour de Bourgogne, op. cit., pp. 213-24; Anne van Buren indique que la robe portée par Girart renvoie à la robe courte des environs de 1450, voir «Les portraits de Wauquelin et son rôle d’iconographe: l’apport du costume», dans ibid., p. 254; Br semblant être une copie de travail, il pourrait être le plus ancien, et les questions qu’il pose en justifient réellement l’étude. § 1.3. Étude littéraire p. 3 (= 38, note 34): coquille: «exécuté» pour «exécutée». p. 4: note 34 qui se poursuit p. 39: ajouter Vita 1 dans la parenthèse après 178-235 et Vita 2 p. dans la parenthèse après 375-91. Je signale que j’ai donné cette précision note 39. p. 4: Pour éviter les répétitions lassantes, j’ai utilisé pour désigner le roman en alexandrins les termes employés par Wauquelin lui-même, voir p. 69, et également par P. Meyer, voir p. 65, note 45. p. 4: Les sources de Wauquelin (Garnier p. 62 sq.): corriger la note 39, p. 63, 2e ligne 1880 (et non 1980). § 1.5. Transcription et traitement du texte p. 5: la décision d’accentuer le -éz final tonique ne se pose pas pour la main 2 qui ne note jamais -z après un e final muet. Dans la mesure où je distingue main 1 et main 2, «majoritaires» signifie dans la main impliquée. p. 5: Liste des abréviations: les abréviations sont les abréviations courantes; je n’en ai pas fourni la liste à cause des difficultés de transcription.
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p. 6: p. 88: la réduction de -ier- à -er- ne se produit jamais à la sixième personne des passés simples des verbes du premier groupe: comencherent XLV, 83, relevé par May Plouzeau, est la seule exception de la main 1; en revanche la main 2 ne comporte aucune forme -ierent. p. 6, note 15 = p. 142, rectification de la note 7 qui a été coupée: (87, 88). Les informations données par un compte du 27 décembre 1450 évoquent «trois quayers d’une autre histoire [que le second volume des Croniques de Belges que on dit l’Histoire de Haynnau]» sur parchemin (Cockshaw, op. cit., pp. 37, 45 et 46), alors que notre manuscrit en comporte huit sur papier. Quelques similitudes dans les particularités graphiques relevées par G. Parussa et R. Trachsler pour les manuscrits copiés par Jacotin apparaissent chez les deux copistes: on trouve soer (29 occ. main 1; 5 occ. main 2); dans la main 1 tos (18 occ.) / tost (17 occ.); tantos (14 occ. main 1) / tantost (9 occ.), mais dans la main 2 on ne trouve jamais tos ni tantos; si le copiste de la main 1 emploie régulièrement -z après un -e- tonique en position finale, il lui arrive de faire suivre un e atone d’un -z, notamment après -r- (ce qui n’est pas une pratique de Jacotin): autrez (27 occ. main 1, aucune dans la main 2); le deuxième copiste n’utilise jamais le -z après un -e- atone; l’adverbe meisment se trouve dans les deux parties du manuscrit (29 occ.; 10 occ.) / meismement LXXXII, 171 (occ. unique); les formes verbales -euyst- ne se trouve que dans la main 2 (90 occ.); les formes en -euw- dans les deux mains (59 occ. main 1); 43 occ. main 2)… La comparaison de ces graphies relevées dans l’article cité avec celles de la première partie du manuscrit ne permet peut-être pas de conclure que Jacotin en serait le copiste mais reste à approfondir; néanmoins l’étude des graphies est une piste intéressante pour essayer d’identifier l’origine des copies et peut-être l’atelier, notamment à partir des points communs ou des différences que présentent les deux copistes de notre manuscrit. («La scripta de Jacotin du Bois», art. cit., pp. 185-200). p. 6: les leçons des autres manuscrits sont toujours données dans le même ordre: Be, V, P1, P2. Il semble difficile de donner toutes les variantes graphiques; si un ms. a été mentionné pour une variante isolée, aut. mss. représente tous les autres, suivant l’ordre donné ci-dessus. Pour une leçon partagée par aut. mss. la graphie unique donnée est celle du premier ms. qui se déduit de ceux qui ne sont pas mentionnés. J’ai tenté de donner des variantes isolées intéressantes, mais il est possible que certaines m’aient échappé. p. 6: pour l’index des noms propres, sauf oubli, après d’infructueuses recherches Arginiens X, 17, que je ne pouvais que gloser par Gregoix, je les ai tous relevés. L’omission de Dieu est malencontreuse: Dieu 277 occ., Dieux 44 occ., Dieus LXXV, 154 (avec abréviation -us en fin de ligne) ainsi que celle de Nostre S(e)igneur 160 occ.
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J’ai signalé deux identifications en note pour Semur; c’est la 2e occurrence (CLIV, 349), qui reprenant des termes utilisés pour la première (CXXIX, 296) situe avec précision des lieux proches de Semur qui m’ont fait préférer Semuren-Auxois. p. 7: Proverbes: (LXXXII, 71): il me semble qu’effectivement on pourrait ajouter (p. 660) le proverbe suggéré: «En homme yvre n’a sens ne raison quelconques», proche de Mo 265. p. 7 § 2 Notes de lecture § 2.1. Texte et variantes: présentation Les variantes… sont rejetées après le texte: l’usage de la maison d’édition étant de renvoyer les variantes après le texte, il n’a pas été possible d’accéder à la demande que j’avais faite de proposer deux étages de notes en dessous du texte: corrections puis variantes, ce qui aurait plus confortable pour l’éditrice comme pour le lecteur. Quant à écrire en toutes lettres mots ou passages de ces variantes, y compris les variantes graphiques, outre que ce n’est pas l’usage, cela aurait conduit à une augmentation sensible du volume et n’aurait pas mis en évidence ce qui est commun et ce qui diffère. Il me semble qu’un séquençage du texte en unités textuelles plus courtes, possible quand il n’y a qu’un manuscrit, aurait alourdi considérablement la présentation déjà dense avec les appels de notes pour les corrections et les variantes. Numéroter les chapitres en chiffres romains n’est que la transcription, à quelques différences près (numérotation vigésimale pour le premier copiste…), de ce que donne le ms. (table ou chapitres). § 2.2. Texte, variantes et Notes: quelques détails Je remercie May Plouzeau de son attention à la ponctuation qui méritait quelques amendements. p. 9: XLII, 79, p. 214: douchement??? corr. Voir variante de V dans le cotexte: il le frappa si doulcement au plus prez de l’ueil vers l’oreille que il lui fist par force l’ueil voler hors de la teste: l’ajout du copiste de V évoque sa gêne devant frappa si doulcement (leçon commune) mais reste une intervention unique (j’ajoute que ce copiste emploie presque toujours frapper là où les autres ont ferir). XLIII, 80, p. 214, var. 3, p. 434: le (departement) ajouter Be à P1, P2. XLIV, 81, p. 215, var. 2, p. 434: lire brevés V, P1, P2; de même CIII, 229, p. 215, var. 3, p. 464 Be. LII, 100, p. 228: il le convint widier et yssir du (de P1, P2) tout en tout (de V) sa terre: construction remarquable de yssir (DMF objet interne); V w. du
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tout en tout de sa terre. Il ne me semble pas impossible que le premier verbe ait imposé sa construction. LII, 100, p. 228: et anichier: ajouter un appel de note pour la variante: e. anicheler Be, e.a. mq. V, P1, P2; je me demande si cela ne justifierait pas une correction? p. 10: LXXXIII, 175, p. 277: correction ib: ajouter + devant Be. (cf. ii p. 286). p. 10: LX, 120, p. 241: aseoir: peut-être, mais les formes du verbe comportent toujours -ss- et le a est nettement séparé du s-; à pourrait avoir une valeur finale: «il le prit par la main pour le faire asseoir à côté de lui»? p. 10: LX, 125, p. 242, ligne 6: corriger Apréz: le manuscrit donne Aprés. p. 10: LXXVIII, 161, p. 268: correction ho: après d’uy la phrase manque en totalité jusqu’à chose; le début de la correction présente quelques variantes jusqu’à quant et le reste (…) de l’ajout est commun à l’ensemble des mss. p. 10: LXXXII, 170, p. 274, 6e ligne du §: ajouter un accent: montéz et non montez. p. 10: XC, 195, p. 287: Br = Be: à une fois… à une fois: pour le 1e à une fois: à une voix est sans doute plus satisfaisant mais à une fois n’est pas incompréhensible: à une voix V, P1, P2; 2e occ: à une foiz V. p. 10: CXV, 265, p. 324: correction jb: déplacer l’appel après responce et supprimer d.m. p. 10, CXLII, 325, p. 356: corriger le septième en les six septièmes (voir Syntaxe p. 120). p. 11, CLXXXIII, 413, p. 404: en ce trescrueux angoisse et tourment: cruel ne présente plus de formes épicènes, l’adverbe est toujours cruellement; le masculin de ce syntagme peut surprendre en précession d’un substantif féminin; il semblerait que l’accord se soit fait par anticipation sur le dernier élément; Be, P2 présentent la même leçon que Br, V en ce trescruel tourment; un feuillet manque dans P1. § 2-3 Remarques sur l’étude linguistique § 2.3.1. Phonétique et graphie p. 11: espeux CLXV, 376; CLXVI, 378; espeuse (il s’agit d’un exemple; il y a 12 occ.); forme spécifiquement picarde; jamais espo(u)se. p. 11: clarons XCVII, 210 (2 occ.); C, 222; CVI, 239 (2 occ.); CXLV, 329; aguillon CLVIII, 361. p. 11: fasiés XXIV, 44 et LXXI, 143; ajouter fasiéz LXXI, 143. p. 11: ranperonner XLIII, 80: présence d’un e svarabhaktique, à classer autour de -r- p. 100. p. 11: frecq XLII, 78 à classer sous e fermé + y (< groupe sk).
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p. 11: infinitifs en -ir (et non -ire): occir LIX, 117, oc(h)ir 15 occ. (aucune occ. -ire); souffir LXXX, 167; CLXIV, 374; desconfir XLVII, 87; CVII, 240. À classer dans morphologie, avec changement de terminaison d’infinitif (comme suggéré). p. 12: évolution de k: ajouter k + -u-: seghur, seghurement, asseghurer: scripta wallonne. p. 12: ajouter l’évolution picarde du suffixe -ibula-: affuler, affullure LXVII, 13 (Gossen § 53). p. 12: mies VIII, 13; X, 17; XLVII, 87; LXV, 130 ajouter (auxiliaire de négation): -s adverbial. Plusieurs exemples chez Froissart relevés dans le DMF. § 2.3.2. Morphologie p. 12: pour le féminin du possessif devant initiale vocalique n’est-ce pas devenu courant? j’ai relevé ce qui est remarquable et non ce qui est devenu courant. p. 12: démonstratifs: après formes longues: la forme longue se rencontre 29 fois dans la main 1 (8 dét., 21 pr.): icelui adj. II (5, 2 occ.), iceulx 1 adj., 1 pr.; icelle (ycelle) 2 adj., 18 pr., icelles 3 adj., 2 pr.; 46 fois dans la main 2 (15 dét., 31 pr.); iceluy 4 adj., 4 pr.; iceulx1 pr.; icelle (ycelle) 8 adj., pr. 24; icelles (ycelles) adj. 3, pr. 2. (liste supprimée pour l’édition définitive). celli (8 occ.) se trouve uniquement dans la main 1 et cely dans la main 2, sauf XXVI, 46; ajouter que cel(l)i, cely masc. est parfois sujet XXXII, 59; LXII, 125; CXXV, 287; là n’accompagne le démonstratif qu’une seule fois chiulz là LXXIX, 163. p. 12-13: le verbe prendre et ses composés présentent un radical -prend- à quelques exceptions près: -pren-: 5 occ.: LXIII, 127; LXXVIII, 161; LXXX, 167; LXXXI, 168; CLV, 352; on peut ajouter les formes refaites sur l’infinitif pour les verbes dont le radical est une forme issue d’une palatalisation: at(t) aind- XLVII, 88; XLVIII, 89; CXXXVIII, 316; CXLVIII, 355; contraindre, estraindre, joindre, oindre, plaindre… formes qui se rencontrent surtout au N-E selon Fouché, et dans les régions du Nord, plus précocement et plus largement selon Pope § 941. Supprimer cuidece II, 3, non pas subj. impft, mais pst. à introduire p. 110 dans les subjonctifs en c(h)e. § 2.3.3. Syntaxe p. 13: ajouter se devant tu n’es vray repentans… (LVII, 112). p. 13: dont redondant…: le dernier exemple LXXXIV, 178 de la p. 120 est effectivement à supprimer. p. 13: meismement ne présente qu’une occ. (LXXXII, 171) / meisment (29 occ. graphie caractéristique relevée dans plusieurs œuvres de Wauquelin.
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p. 14: ne… point de: de tous autrez vivres n’avons point pour nous vivre seullement wit jours de terme XI, 19; mais non point de touttes les signouries desquelles par la permision de Dieu je possesse XXII, 38; n’en recepveroient point des griettés XXVIII, 51; je n’ay point de bien fait LXXVIII, 161; se n’y a il point de comparison de vous à eulx LXXX, 165; à ppaines y avoit il point de recouvrier XXXV, 65… § 2.3.4. Lexique Je remercie May Plouzeau des ajouts qu’elle propose, souvent avec la bibliographie afférente. p. 14: ajouter puisedi LXVI, 133 (archaïsme): corriger la référence LVI. Termes à caractère régional p. 14: ensient (5 occ., main 2; CIX, 249; CXXVIII, 295; CXXXVI, 311; CLIX, 364; CLXIX, 383) / essient (6 occ. main 1: III, 7; XV, 26; XLIII, 80; LIV, 105; LVI, 110; LVII, 111): exclusivement dans (je) cuide (bien) à mon e. p. 15: ajouter felle, LXXXV, 179: le texte est identique dans tous les mss. sauf V, qui omet et felles. p. 15: et fleux CXXXII, 302: V et P1 ont fleuve, Be plutôt fluves et P2: fluve; il faudrait peut-être gloser par «flux, écoulement, mouvement de l’eau (pour une rivière, Rey)», le contexte suggérant mouvement et abondance. p. 15: en genoulx: références: XXXV, 66; LI, 98; LVI, 110; LIX, 119; CLIX, 364, 365; CLXXXIV, 415 (proportion équivalente dans les deux mains); à ung genoul XXVIII, 72. p. 15: felles LXXXV, 179: masc. pl. leçon partagée par Be, P1, P2; omise par V. p. 15: s.v. labourier: modifier pour labourier des champs XXXII, 60: (qui font tondre leurs brebis); vrais labouriers en la vigne de Nostre Seigneur… p. 15: s.v. maise: ajouter devant les références: – mort: «mauvaise mort». p. 16: soumiron: ajouter variante sommeron P1, P2. p. 469, CXV, 265, note 20: ajouter faire après departement. Glossaire p. 514, LXXXIII, 175 (corr.), LXXXIX, 93 corriger 93 en 193. p. 562: s.v. fel: placer LXXXIX, 191 (comme adj.) après LXXXIV, 179. p. 17: Les occurrences du texte sont marquées comme suit: CXLIII/326: ce n’est jamais le cas, mais régulièrement CXLIII, 326; certaines occurrences, notées XXII (60) p. 115; 119; note p. 131; LXXXVI (184) et CXLIX (338) p. 125, soumiron CXXII (380) p. 138, ainsi qu’une vingtaine d’autres dans le chapitre Transcription et traitement du texte 139-45, ont échappé à ma vigilance et n’ont pas été harmonisées.
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Verdades duplas. A verdade do texto e a verdade material. Cancioneiros e fragmentos galego-portugueses, ed. Déborah González, Santiago de Compostela, Xunta de Galicia / Centro Ramón Piñeiro para a Investigación en Humanidades, 2022 (ArGaMed 5) 184 pp. ArGaMed est l’abréviation de Arquivo Galicia Medieval (Archive Galice Médiévale). C’est le nom que reçoit l’un des projets du Centro Ramón Piñeiro para a Investigación en Humanidades (www.cirp.gal), un centre de recherche scientifique galicien dédié principalement à la philologie, à la langue, à la littérature et à la documentation. Le projet en question incorpore quatre domaines: une base de données spécialisée de la littérature médievale galégo-portugaise (BIRMED), des éditions et des études sur la prose galégo-portugaise du Moyen Âge (Prosa Literaria Medieval), la lyrique médiévale (Lírica Profana GalegoPortuguesa) et les chansons à la vierge du Roi Sage, Alphonse X (Cantigas de Santa María). En 2019 est née la revue ArGaMed, dont la direction est assumée par la professeure Déborah González Martínez. La revue sert à enrichir les quatre domaines décrits auparavant. L’objectif est de publier deux numéros par an qui peuvent contenir des études ou des éditions (critiques ou paléographiques), être des monographies individuelles ou collectives ou des mélanges d’articles d’un même auteur ou de différents auteurs. Cinq numéros ont été publiés en ces trois années. Les numéros antérieurs contiennent la transcription paléographique du manuscrit de Florence des Cantigas de Santa María (nº 1/2019), des aspects linguistiques, sociolinguistiques et pragmatiques de la lyrique galégo-portugaise (nº 2/2020), un guide pour l’étude de la prose galicienne médiévale (nº 3/2020) et une transcription paléographique accompagnée d’une proposition d’édition de toutes les notes de Angelo Colocci dans les chansonniers galégo-portugais (4/2021). Le présent volume est un numéro thématique qui nous offre huit articles introduits par un bref commentaire de Déborah González sur la vérité du texte et la vérité matérielle que vont traiter les articles dont elle offre un petit résumé (pp. 5-10). Un aspect qui nous a semblé un peu contradictoire c’est la différence entre la description de l’éditrice des huits articles et leur ordre réel au sein du numéro, dont les divergences peuvent entraîner des confusions. Comme il est logique, dans ce compte-rendu nous suivrons l’ordre de présentation de la revue. Le premier article est de Helena Bermúdez Sabel, «L’édition numérique au service de la philologie matérielle. Modèles de la lyrique galégo-portugaise» (pp. 11-30). Le but de l’auteure est de montrer comment la philologie matérielle peut trouver un appui essentiel dans des ressources telles qu’une édition paléographique numérique. Pourtant, malgré l’enthousiasme du numérique, il
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ne faut pas oublier que l’ecdotique représente un travail, une technique qui réfléchit et prend des décisions raisonnées et vérifiables. Ce travail sera toujours nécessaire. C’est là que se trouve le véritable succès des ressources numériques à propos des principaux enjeux de la mise en page et de la mise en texte: 1) identification de mains; 2) contenu paratextuel; 3) édition en facsimilé; 4) transcription paléographique etc. Nous sommes contre l’idée ‘multi tasking’, si chère au capitalisme néolibéral. Le dialogue et la coopération doivent être toujours la base du travail en équipe. Les projets bien organisés du numérique ne sont pas si économiques que cela. Il faut une équipe bien définie et spécialisée. Si on doit chercher un trait identificateur celui-ci doit être la fidélité entre ce que nous présente le numérique et la source originale. Ensuite, la confiance. Cette chercheuse détaille une description de PalMed (2020), une base de données élaborée par le Centro Ramón Piñeiro para a Investigación en Humani‑ dades qui offre la transcription paléographique de tous les témoins de la lyrique profane galégo-portugaise. Les différents témoins paléographiques de chaque cantiga se relient à l’édition critique de référence de MedDB (2016). Nous nous trouvons face à une image en miroir de l’original (mise en page: texte en deux colonnes avec ses rubriques) et grâce à des éléments cliquables nous avons accès à des renseignements sur des aspects importants du point de vue de la compréhension de la transcription offerte. La deuxième ressource décrite est DIGA, un prototype de modèle ecdotique hyperdiplomatique crée par la chercheuse. Il ne repose pas sur une base de données pour structurer et gérer les informations et il n’a pas de moteur de recherche. Il est donc différent à PalMed. Son principal atout est d’offrir au public non spécialisé le choix de tester sa curiosité en modifiant les critères d’édition à travers ses 7 possibilités (voir page 22). À ce sujet nous voulons signaler une petite erreur de lecture de la ligne graphique nº 2 de B 728, fol. 158v, car nous voyons que coyta se trouve soudé à quelhi alors que le manuscrit présente une séparation entre les éléments. Le deuxième article est d’Ângela Correia, «Planeamento, execução e avaliação: as findas do Cancioneiro da Ajuda» (pp. 31-47). Il s’agit d’une intéressante approche à l’analyse réalisée par Carolina Michaëlis sur la fonction de certains émargements ou notes marginales de plusieurs cantigas avec finda du chansonnier A. La grande chercheuse notait que dans dix-sept cantigas les émargements avaient une fonction préventive et dans d’autres cantigas elle serait correctrice. Correia va interroger les intentions du copiste pour voir si Michaëlis avait ou non raison. Elle trouve que le copiste manifeste des doutes concernant l’espace réservé pour les lettres initiales des findas avec un traitement différencié par rapport au reste du texte. Ainsi, sur trente-six cantigas, cinq ont un espace pour la lettre initiale de la cantiga; deux des espaces pour
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l’initiale des strophes; vingt offrent un espace moyen et huit offrent encore beaucoup plus de doutes selon Correia. L’une des conclusions serait que la source originale présentait des difficultés. Le copiste ne devait pas seulement transcrire, il devait interpréter ce qu’il avait sous les yeux. Le système de la source originale serait plus pauvre avec une organisation moins nettement définie que celle de A. Il se peut qu’elle offrît au copiste des cantigas sans séparation de vers par ligne et qui sait si elles s’offraient sans séparation entre elles. Tout ceci manifestait des différences avec le système hiérarchique envisagé pour le Cancioneiro da Ajuda. Les doutes du copiste ont correspondance avec le travail du rubricateur qui n’a pas exécuté quatorze des initiales prévues. En ce qui concerne la fonction, Ângela Correia corrige un peu la considération de Michaëlis: l’émargement ‘fijda’ qui accompagne dix-sept cantigas signifierait que la cantiga devait être traitée de façon différente (en ce sens seulement elle serait correctrice) et aussi qu’elle signalerait des erreurs à ne pas commettre (en ce sens elle serait préventive). Le troisième article est dû à deux chercheurs de l’Université de SaintJacques de Compostelle, Elvira Fidalgo Francisco e Antonio Fernández Guiadanes, «Os copistas do Códice T das Cantigas de Santa María» (pp. 48-71). Les auteurs examinent le bon travail paléographique d’Elisa Ruiz sur les cinq mains qu’elle a distinguées dans le processus de transcription du manuscrit T des Can‑ tigas de Santa María (CSM): A, la main principale; A’, qui a copié l’index (fols. 1-3v); B, qui a transcrit le fol. 4r; C, auteure des tituli; D, qui a fait les prosifications) plus une main de la fin du xve ou début du xvie siècle. Après une analyse très fouillée les chercheurs peuvent introduire trois principales modifications à l’état des cinq mains décrites par Elisa Ruiz: a) une deuxième main, différente de A’, aurait copié le fol. 3v (pp. 51-55); b) une autre main, différente de A, aurait participé dans la copie du corpus du manuscrit en faisant les cantigas 5, 57-6, 145, 149, 152 (pp. 55-62); c) une autre main aurait participé aussi dans l’exécution des tituli. Ils la rebaptisent comme main x (qui fait les tituli de 110 cantigas) et main y (qui en fait 66) (pp. 62-67). Les exemples paléographiques choisis sont convaincants, mais en ce qui concerne le comportement différent de la deuxième main de l’index, nous croyons que le principal élément pour identifier la main est la façon de copier la lettre d onciale. Le copiste veut toucher avec le trait supérieur du d la lettre antérieure en le couchant (p. 54). Finalement, afin d’y voir mieux l’intervention des différents mains des tituli, les auteurs nous offrent une table descriptive très utile (pp. 70-71). Suit alors une contribution par Juan Paredes, «La tradición manuscrita de la poesía profana alfonsí: un problema de filología material» (pp. 72-85). Il analyse la tradition manuscrite des cantigas du Roi Sage, Alfonso X, assez instable et dépourvue de correspondance entre les deux apographes italiens, B et
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V. Le premier chansonnier a conservé une production assez hétérogène et V la production satirique. L’auteur donne une nouvelle édition du texte Mester avia don Gil, plus ancrée dans ce que transmet B 457 et propose, en deuxième lieu, une hypothèse sur le vers Johan Rodriguez veio vos queyxar qui figure au final de la colonne b de f. 105v. Selon Juan Paredes ce vers a sa continuité dans le texte que conserve V 61, E com’omen que quer mal doitear (f. 3v). La cause de cette rupture de continuité réside dans le système de copie alla pecia qui a caractérisé la transcription de B et V planifiée par l’humaniste Angelo Colocci. Le cinquième article est de Stephen Parkinson, «Deus, Deus! non me ma‑ ravilho. Internal textual transmission and textual criticism in the Cantigas de Santa Maria» (pp. 86-106) qui s’occupe plus particulièrement de trois canti‑ gas (335, pp. 87-92; 204, pp. 92-99; 124, 100-103) dont il va confronter les leçons transmises par les témoins manuscrits (Mss. E, T et F) afin de montrer que les différences ne peuvent pas s’expliquer par des copies divergentes d’un modèle commun. En effet, selon Parkinson, les différences exigent la reconstruction d’une séquence de copies intermédiaires qu’il définit comme transmission interne. Par exemple, la cantiga 335 nous indiquerait l’existence de deux copies intermédiaires entre l’antécédent et les copies individuelles de chaque cantiga. Une séquence de transmission qui est interne au scriptorium du Roi Sage. Nous complétons ce commentaire avec la deuxième cantiga, la 204, dont l’analyse ecdotique des deux leçons (F 32 et E 204) porte à l’établissement d’un stemma rotulorum qui incorpore une copie intermédiaire pour E et deux copies pour F. Maria Ana Ramos, spécialiste du Cancioneiro da Ajuda, livre une contribution intitulée «Cancioneiros. Entre lacunas e ausências textuais. O indício de uma letra de espera» (pp. 107-40). Elle définit la différence entre lacune et absence textuelle en regardant ce qui se passe dans le Cancioneiro da Ajuda. Pour la chercheuse ce chansonnier était destiné au chant et à la performance musicale, où chaque nouveau troubadour inaugurait un nouveau folio et nouvelle enluminure. Elle considère que les lacunes matérielles ont eu des conséquences pour la production poétique de quatorze auteurs et les lacunes qu’elle définit comme carence de source touchent cinq auteurs (p. 111). Elle indique que la plupart des vides textuels qui touchent la production de vingt-huit auteurs seraient dus à des lacunes par carence de la source, mais aussi par suffisance de la source, c’est-à-dire, par l’état de la production d’un auteur au moment où l’on réalisait le Cancioneiro da Ajuda. Elle insiste sur la nécessité de différencier bien les concepts. La lacune serait une dégradation que l’on peut combler par une conjecture de proximité, tandis que l’absence textuelle devrait utiliser une conjecture à distance, c’est-à-dire, employer comme élément de comparaison les autres chansonniers.
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Afin d’exemplifier la validité de ces deux conjectures, la chercheuse analyse la situation actuelle des cahiers III et VII. En ce sens, les problèmes matériaux qu’offre le cahier VII font penser que sa position actuelle n’est pas la bonne, ce qui pose des problèmes touchant la production poétique de Johan Perez d’Aboin et Johan Soarez Coelho. Une autre hypothèse se réfère à Airas Engeitado. Maria Ana Ramos pense que la situation du secteur final de A (cahiers XII, XIII, XIV e XIVª), où l’on voit des présences qui ne se trouvent pas chez B/V (auteurs anonymes) et d’autres altérations comme une lacune matérielle, permet de considérer Engeitado comme un auteur de A. Le septième article, «Lagoas e dislocacións. Unha aproximación material aos textos de Johan Soarez Somesso» (pp. 141-60) est rédigé par une jeune chercheuse de l’Université de Saint-Jacques de Compostelle, Carmen de Santiago Gómez, qui a réalisé sa thèse de doctorat sur le troubadour qui constitue le sujet de son article, Johan Soarez Somesso. La chercheuse veut vérifier les effets du maintien des trois critères qui auraient guidé l’organisation des premières anthologies (les critères esthétique, sociologique et chronologique) et comment la perte de ce maintien a des conséquences dans la transmission manuscrite des auteurs des premiers temps, en l’occurrence, Johan Soarez Somesso. La production poétique de cet auteur n’est conservée que dans le Cancio‑ neiro da Ajuda et dans l’apographe italien B, car V présente une lacune à la hauteur où devrait figurer Somesso. De Santiago offre des tableaux pour essayer de localiser les cantigas conservées dans A et B ainsi que leur correspondance (pp. 144-46). Signalons, afin d’éviter aux lecteurs des moments de confusion que les cantigas qui figurent sous le ms. A (nº 104-128) correspondent en réalité à B, et ceux de B (nos14-30) à A. En tenant compte de cette correction, si nous regardons les correspondances nous verrons qu’actuellement les cantigas B 124-128 ne figurent pas dans A à cause d’une lacune matérielle du chansonnier dans le premier cahier, qui a perdu un bifolio externe et qui a touché aussi la production de Vasco Fernandez Praga de Sandin. Au début de la production du troubadour en B figurent trois textes absents de A: B 104-B 105-B 106. L’absence de B 104 peut s’expliquer parce qu’il s’agit d’un texte satirique et non d’une chanson d’amour. Pour le chercheur portugais Antonio Resende de Oliveira ces textes-là ont disparu au même temps et pour les mêmes raisons que B 124-128, c’est-à-dire, à cause de la lacune matérielle de A. Carmen de Santiago, par contre, présente une hypothèse différente qui s’appuie sur le modus scribendi de Somesso. Le sujet féminin dans les deux textes n’est pas la senhor, mais une dona (B 105) et une donzela (B 106). L’emploi de ces deux mots semble délibéré et souligne une relation qui se crée entre les deux personnages et qui servent, selon la chercheuse, à articuler une aequi‑ vocatio qui sert à reformuler le motif de la chanson de change. Les traits en
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quelque sorte différents de ces deux textes pourraient expliquer son absence de A. Nous pensons, tout de même, qu’il faudrait tenir compte aussi du fait que le modèle des cantigas de amor est loin d’être un dogme fixé. C’est l’article de Yara Frasteschi Vieira, «Singularidades na preservação do corpus trovadoresco; as cantigas de Vidal, judeu d’Elvas» (pp. 161-84) qui clôt le volume. L’article étudie le corpus réduit de Vidal, le juif d’Elvas, une localité portugaise. Le corpus est constitué de deux chansons d’amour qui se trouvent copiées dans la section des cantigas de escarnio e maldizer (le genre burlesque et satirique) dans le groupe de ‘recolhas individuais’ (recueils individuels) du deuxième niveau de formation du grand recueil général de la tradition manuscrite de la lyrique galégo-portugaise, où les critères d’organisation du premier niveau ont été abandonnés. Un des traits le plus important est que les rubriques qui accompagnent les textes signalent leur caractère fragmentaire et, malgré ceci, le compilateur a décidé de préserver ces deux textes sans être gêné par le fait que ses deux chansons se trouvent insérées (B 1605 / V 1138; B 1606 / V 1139) entre les chansons de Fernand’ Esquio (B 1604 / V 1136; B 1604bis / V 1137; B 1607 / V 1140), ce qui indique une introduction assez tardive dans la tradition manuscrite. Il y a aussi quelques différences entre les leçons de B et V qui s’expliquent par la finalité différente de B (critère philologique) et V (critère esthétique). La Tavola Colocciana (une table d’auteurs possiblement réalisée sur le chansonnier B) n’indique pas la présence de Vidal, ce qui est peut-être due à une distraction de Colocci, le rédacteur de la Tavola, ou bien à une tradition manuscrite défectueuse. En analysant le système des rubriques attributives, Frateschi Vieira pense que Colocci ne rédigeait pas de rubrique si elle ne commençait pas la production poétique d’un nouvel auteur. De façon très pertinente, l’auteure établit une hypothèse sur la conformation d’un espace culturel troubadouresque à Elvas, ce qui expliquerait l’intégration des deux chansons de Vidal, malgré leur tradition manuscrite f ragmentaire. En somme, huit études qui nous permettent de saisir des aspects intéressants de la lyrique galégo-portugaise, de sa tradition manuscrite et des différents problèmes qu’elle offre à l’étude scientifique de cette lyrique troubadouresque. Xabier Ron Fernández IESP AMES / USC
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Le Chevalier aux deux épées. Roman en vers du xiiie siècle, édité, présenté et traduit par Gilles Roussineau, Genève, Droz, 2022 (Texte courant 15), XCIX+1004 pp. Lo Chevalier aux deux épées, romanzo arturiano in versi composto in lingua d’oïl attorno ai primi decenni del xiii secolo, è oggetto della nuova edizione curata da Gilles Roussineau, Professore Emerito alla Sorbonne Université. Redatto da un autore anonimo, il testo è tràdito da un manoscritto unico, il parigino fr. 12603 della Bibliothèque Nationale de France, una raccolta di varie opere narrative della fine del xiii o degli inizi del xiv secolo1, aperta proprio dallo Chevalier aux deux épées (cc. 1-71). Il romanzo, dalla lunghezza di oltre 12.000 versi, narra le avventure di un giovane cavaliere sconosciuto che assume il soprannome di ‘Cavaliere dalle due spade’, intrecciandole saldamente a quelle di Galvano, il celeberrimo nipote di re Artù. L’edizione Roussineau, che si aggiunge alle tre preesistenti2, fornisce anche una nuova traduzione francese dell’opera3. Nell’introduzione che apre il volume (pp. VII-XCIX), Roussineau si sofferma anzitutto sul manoscritto e sulla data di composizione (pp. VII-XII). Lo Chevalier aux deux épées viene datato ante 1235-1240 (p. IX), vale a dire prima della Suite du Roman de Merlin4, un’opera in prosa in cui compare l’analogo motivo di un ‘Cavaliere dalle due spade’5. Il roman sembra essere stato composto dopo la Vengeance Raguidel, dopo il Durmart le Gallois e dopo il Perlesvaus;
1 Cfr. R. Trachsler, «Le recueil Paris, BN fr. 12603», in Cultura Neolatina, LIV, 3-4 (1994), pp. 189-211. 2 Li chevaliers as deus espees, altfranzösischer Abenteuerroman zum ersten Mal herausgegeben von W. Foerster, Halle, Niemeyer, 1877 (rist. Amsterdam, Rodopi, 1996). L’edizione di Foerster è oggi accessibile online, al seguente indirizzo: http://archive.org/details/lichevaliersasde00foeruoft [ultima consultazione: 17 gennaio 2022]; Li Chevaliers as Deus Espees: A Critical Edition, ed. R.T. Ivey, Ph.D. dissertation, University of North Carolina, Chapel Hill, 1973 (poi in Li Chevaliers As Deus Espees: A Verse Romance from the Thirteenth Century, Lewiston, Edwin Mellen Press, 2006); French Arthurian Romance, Volume III: Le Chevalier as deus espees, edited and translated by P.V. Rockwell, Cambridge, D.S. Brewer, 2006 (Arthurian Archives XIII). 3 Oltre alle due traduzioni in lingua inglese, una in prosa in The Knight of the Two Swords. A Thirteenth-Century Arthurian Romance, translated, with notes and commentary, by R.G. Arthur and N.L. Corbett, Gainesville, University Press of Florida, 1996 e l’altra in Le Chevalier as deus espees, ed. Rockwell cit., è disponibile anche una traduzione francese in prosa: Le Chevalier aux deux épées. Roman arthurien anonyme du xiiie siècle, texte présenté et traduit par D. de Carné, Paris, Classiques Garnier, 2012 (Moyen Âge en Traduction 2). 4 Posteriore al ciclo della Vulgate, l’opera è datata al 1235-1240: cfr. La Suite du Roman de Mer‑ lin, édition critique par G. Roussineau, Genève, Droz, 1996 (Textes Littéraires Français 472), 2e éd. en un volume, 2006 (Textes Littéraires Français 972). 5 La Suite narra nella sua prima parte (§§ 71-238) la storia di Balaain, personaggio estraneo al resto della tradizione arturiana, il quale assume il soprannome di ‘Cavaliere dalle due spade’. Le storia di Balaain è stata oggetto di un’edizione a parte: Le Roman de Balain. A prose Romance of the
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potrebbe, inoltre, riflettere una conoscenza del ciclo del Lancelot-Graal (p. X). Lo studioso sospende il giudizio, invece, circa la relazione tra lo Chevalier e la Queste del Saint Graal (p. XI). In sintesi, Roussineau presenta una duplice possibilità di datazione: tra il 1210, dopo la Vengeance Raguidel e il Perlesvaus, e il 1225, prima della Queste; oppure tra il 1225 e il 1235, vale a dire dopo la Queste e il Perlesvaus e prima della Suite du Roman de Merlin (p. XII). In seguito, Roussineau dedica una parte dell’introduzione a «La tradition romanesque et l’esprit de l’œuvre» (pp. XII-XLI), sottolineando la ripresa di numerosi motivi e topoi arturiani all’interno della complessa trama del romanzo. Lo studioso analizza, però, anche la presenza di tipi/personaggi originali, quali il giovane cavaliere sconosciuto e ignaro del proprio nome (ereditato da testi quali il Conte du Graal, lo Chevalier de la Charrete, il Bel Inconnu, ma calato in un contesto nuovo che rende possibile misurare la distanza che separa i rispettivi disegni estetici delle opere), la damigella portatrice di una spada (singolare prototipo di ‘cavaliere al femminile’), o la stessa figura di Galvano, a cui è riservato un trattamento peculiare (l’eroe attraversa varie disavventure, prima di poter riconfermare il proprio valore). Roussineau evidenzia anche la straordinaria modernità del testo: «aujourd’hui encore, on peut être séduit par le foisonnement des aventures qui sont contées, par la richesse de l’imagination de l’auteur qui a su tenir avec maîtrise les fils de la narration en ménageant des effets de suspension qui attisent la curiosité de l’auditeur ou du lecteur» (p. XXIX). Lo studioso procede dunque all’analisi della lingua del manoscritto e dell’autore, individuato come originario della Piccardia o del Nord (pp. XLI-LXXIX), e spiega le proprie scelte editoriali: «à la suite des interventions des copistes qui se sont succédé, qu’ils soient d’origine picarde ou anglo-normands, certains vers sont devenus hypométriques ou hypermétriques. Nous avons été conduit à les corriger pour rétablir le compte juste des syllabes» (pp. LXXII-LXXIII). L’editore fornisce poi una dettagliata analisi della trama del roman (pp. LXXIX-XCVIII), assente nella precedente edizione Rockwell, ma di grande utilità per orientarsi all’interno del testo, anche grazie all’indicazione dei versi presi di volta in volta in considerazione nell’analisi. Un’ulteriore nota positiva, a questo proposito, è rappresentata dai titoletti posti nel margine superiore di ogni pagina del testo edito. L’introduzione si chiude con una breve sezione dedicata ai criteri di presentazione del testo (pp. XCVIII-XCIX). Corredano il libro anche un’importante sezione di note che approfondisce quanto esposto nell’introduzione (pp. 835-83), una scheda dedicata ai proverbi e
thirteenth century, ed. by M.D. Legge, Manchester, Manchester University Press, 1942 (French Classics).
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alle sentenze (p. 885), un ricco glossario (pp. 887-987), un indice dei nomi propri (pp. 989-95) e, infine, una bibliografia selezionata (pp. 997-1004). Il volume dell’edizione, disponibile anche in formato elettronico sul sito della casa editrice Droz, risulta molto agevole e, ci si augura, incoraggerà nuovi studi su un romanzo di sicuro interesse nel panorama della letteratura medievale. Rita Porqueddu Università degli Studi di Cagliari
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Caccia alla volpe. Studi sul Rainaldo e Lesengrino, a cura di Giovanni Borriero e Nicoletta Giovè Marchioli, Roma, Viella, 2022, 132 pp. Il volume raccoglie, come spiegano i curatori, gli atti di un seminario svoltosi all’università di Padova nell’ambito del progetto Atlante della letteratura del Veneto medievale. Il nesso con il progetto è illustrato da Luca Gatti e Fabio Sangiovanni nel primo contributo che fa da introduzione al volume e agli altri cinque contributi, focalizzati con assoluta prevalenza su aspetti codicologici, filologici e linguistici. Una ripresa di interesse per la propaggine italiana della tradizione renardiana è senz’altro benvenuta ed era attesa, dopo che anche nella nostra tradizione scientifica si è assistito a un rinnovamento degli studi critici sul Roman de Renart e il genere zooepico. Qui si darà conto per sommi capi delle linee di forza del volume, nella speranza che, dissodato il campo degli aspetti materiali del Rainaldo e Lesengrino, ci sia poi nuovo slancio anche per lo sviluppo degli aspetti interpretativi, sia in ordine alla sua collocazione nella galassia zooepica del Medioevo romanzo, sia in ordina al suo posto nella storia della letteratura italiana delle origini (e non solo, atteso l’interesse per la sua possibile vita carsica nel folklore e nella trasmissione orale almeno dell’Italia settentrionale). Nel primo contributo, di N. Giovè Marchioli e L. Pani, viene affrontato il profilo codicologico e paleografico del manoscritto udinese, uno dei due relatori dell’opera. L’attenta analisi delle unità di cui si compone il codice, l’individuazione delle due mani che lo avrebbero vergato, le caratteristiche grafiche, portano a concludere che si possa collocare probabilmente all’inizio del xiv secolo la sezione finale in cui alle carte 50v-64v si trova il testo del Rainaldo e Lesengrino. Nel secondo contributo, di G. Simeoni, l’attenzione è rivolta alle dodici illustrazioni del manoscritto udinese, che sono qualitativamente mediocri e piuttosto distanti dalla tradizione iconografica francese competente al soggetto zooepico; il legame fra racconto e immagini appare declinato in funzione sostanzialmente didascalica e di supporto a un intento moraleggiante e pedagogico che si segnala come una delle chiavi di lettura peculiari del ramo veneto dell’epopea renardiana. Ampio e articolato il terzo contributo, di D. Dotto e Z. Verlato, che sviluppa un’analisi stilistica e linguistica della tradizione del testo, di cui si perimetra anche lo stato dell’arte, con l’intento di apportare elementi di novità. Contestata è, per cominciare, l’ipotesi di una matrice giullaresca del Rainaldo e Lesengrino,
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laddove il testo ci è pervenuto allineato a una serie di poemetti di impianto e vocazione religiosa, dunque di ambiente piuttosto clericale, tanto da far pensare a una sorta di rifunzionalizzazione devozionale edificante della materia zooepica. La ‘monologizzazione’, per dirla in chiave bachtiniana, della nebulosa renardiana acclimatata in area veneta farebbe poi sistema con il gusto manifestato dal rimaneggiatore (o autore, se si preferisce) per una corretta ambientazione giuridica dell’intreccio, almeno limitatamente alla prima parte del racconto che è modellata sul tema del processo alla volpe, di cui il Roman de Renart originale offre più di una realizzazione, ciascuna con sue peculiarità pur in uno scenario fondamentale che permette di rappresentare la società feudale e i suoi conflitti attraverso lo zoomorfismo dei protagonisti. Nella parte del terzo contributo dovuta a D. Dotto, è infine studiato il dinamismo degli adattamenti lessicali, riflesso nel ricorso a gallicismi, tecnicismi giuridici e varietà espressive regionali, per concludere che, se nel relatore oxoniense «il fenomeno appare tendenzialmente inerziale» (p. 85), nel relatore udinese si riscontra una maggiore valorizzazione stilistica. Segue poi un quarto contributo di J. Garzonio, meramente linguistico, dal quale esce confermata la collocazione patavina e trevigiana e la probabile differenziazione diacronica delle due redazioni del Rainaldo e Lesengrino. Il quinto contributo, di L. Morlino, è indubbiamente quello più ricco di spunti «per una riconsiderazione della “provincia italiana” del Roman de Renart», come recita appunto il titolo; in esso l’esauriente bilancio critico e bibliografico dello stato dell’arte si unisce al consapevole sforzo di ripristinare a monte tutti i possibili collegamenti con il genere zooepico, nei suoi testi paradigmatici, non senza delineare anche qualche indizio a valle di persistenza latente di elementi di questa importante filiera culturale e folklorica. Vengono quindi riordinati e precisati i testimoni, sparsi e anche plurilingui, della presenza italiana di Renart, Isengrino, Chantecler e altri protagonisti del racconto zoomorfico d’oltralpe, spesso mere tracce onomastiche1, la cui varietà apparente riesce però spia non trascurabile di una circolazione più vasta, che non possiamo, in omaggio a un vetusto pregiudizio, ritenere limitata ai testi salvati dal naufragio della storia e dagli accidenti della trasmissione scritta. Si procede poi a rinvenire le corrispondenze fra Rainaldo e Lesengrino e il Roman de Renart a livello del racconto, sia sul piano dell’intreccio, dei temi e dei motivi, sia su quello più minuto degli stilemi e delle formule caratterizzanti, in modo da individuare o quantomeno ipotizzare una tradizione latente o un repertorio orale; a questa nebulosa, tradizione o repertorio
Non ravviso però da dove Morlino ricavi che Renarde sia una figlia (?) di Renart (p. 106), che ha figli maschi nella tradizione francese: un controllo si può fare agevolmente sia nei classici repertori del Roman de Renart (non solo Tilander, ma anche altri, e pure scorrendo, con i moderni mezzi di ricerca digitale, tutti i testi raccolti nell’edizione di Martin).
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che sia, andranno aggregati elementi come la struttura bipartita (Jugement Renart + nouvelle aventure), la fisionomia del Renart laboureur, la funzione dell’ingannatore-ingannato, la simulazione della malattia mortale, il favoritismo del leone nei confronti della volpe, quello che può essere considerato il blasone dell’eroe (la coppia engin et art). Sullo sfondo, ma non irrilevante affatto, la traslazione dell’universo feudale e cortese della Francia del xii-xiii secolo nel nuovo mondo comunale e proto-borghese dell’Italia settentrionale del xiii-xiv secolo. In conclusione, pare di poter dire che un rinnovato approccio comparatistico, nutrito di solide basi filologiche e linguistiche, ma capace di coniugare l’ottica microscopica con l’ottica telescopica, potrà offrire anche all’interpretazione e alla ri-valutazione del Rainaldo e Lesengrino quello slancio di cui forse aveva bisogno. Massimo Bonafin Università di Genova
Jean-Claude Dinguirard, L’Épopée perdue de l’occitan (1983). Textes réunis et édités par Pierre Escudé. Préface de Joël H. Grisward, Limoges, LambertLucas, 2020, 288 pp. La maggior parte dei testi che il volume qui recensito raccoglie non sono degli assoluti inediti1: infatti, la parte più cospicua del libro – e quella che dà il nome all’intera raccolta – è un lavoro di Jean-Claude Dinguirard (1940-1983), pubblicato nel 1983 in un numero monografico della rivista tolosana Via Do‑ mitia, di cui lo stesso Dinguirard era redattore capo2. Malauguratamente, il suo autore, scomparso prematuramente, non poté vedere la pubblicazione della sua estesa inchiesta sui resti dell’epopea occitanica, che restò allo stato manoscritto
Riporto qui la Table des matières del volume: «Préface» par Joël-Henri Grisward; «Avant-lire» par Pierre Escudé, Frédéric Dinguirard, Marc Arabyan; L’epopée perdue de l’Occitan [Bibliographie; Table des principales matières]; Annexes [«Méthode et règle du jeu de Jean-Claude Dinguirard» par Pierre Escudé; «Naimeri – n Aymeric», Mélanges Léon Couture, 1902, par Gaston Paris; «Le Père Menfouté», Romania, 1910, par Antoine Thomas; «Le camouflage de détails essentiels dans la Chanson de Guillaume», Cahiers de civilisation médiévale, 1960, par Rita Lejeune; «Résumé de la Chanson de Guillaume» par Blandine Longhi; «C.r. de. J.-H. Grisward, Archéologie de l’épopée médiévale» par Jean-Claude Dinguirard; «Les lions de Roncevaux» par Jean-Claude Dinguirard]. 2 Il curatore precisa: «Le texte réédité ici a été publié, peu de temps après le décès de l’auteur, dans le numéro 30 de la revue Via Domitia, dont il était rédacteur en chef. Ce numéro n’a pas d’achevé d’imprimer; il est simplement daté “1983, 2” en couverture» (p. 15). 1
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e che tuttavia venne stampata come opera postuma. La scomparsa improvvisa dell’autore e la provenienza da una scuola accademica – quella tolosana, fondata dal linguista Jean Séguy – suo malgrado marginalizzata e periferica ostacolarono senz’altro la circolazione e la diffusione delle tesi di Dinguirard, che restarono pressoché sconosciute alla maggioranza degli studiosi romanisti impegnati nello studio delle chansons de geste. A quasi quarant’anni da quel 1983, Pierre Escudé – linguista presso l’Université de Bordeaux – ha curato una nuova edizione di quel lavoro, impreziosendo l’opus di Dinguirard con un contorno di materiali che mettono a fuoco sia la poliedrica figura dello studioso tolosano che l’ambiente culturale e accademico in cui si formò. Inoltre, il volume è aperto da una prefazione firmata da Joël H. Grisward, alla cui Archéologie de l’épopée médiévale Dinguirard ricorre ampiamente a puntello delle sue ricerche3. L’ipotesi di lavoro di JCD è presto detta: gran parte delle leggende e dei testi che costituiscono il corpus più antico delle chansons de geste, in particolare quelle gravitanti attorno al ciclo di Guillaume, sono travestimenti in lingua oitanica di storie e poemi originariamente forgiati e scritti in seno alla cultura occitanica. Naturalmente, il problema delle origini meridionali dell’epopea antico-francese – ipotesi a cui è correlata la sostanziale assenza di lacerti di una tradizione epica provenzale – non è nuovo: nell’introduzione, JCD ripercorre le tappe del dibattito intercorso su questa tema, a partire da Claude Fauriel, passando per i tentativi di Gaston Paris e sfociando nel netto rifiuto dell’ipotesi occitanica opposto da Joseph Bédier, in un’epoca – quella antecedente lo scoppio della Grande Guerra – condizionata da virulenti nazionalismi e dallo spirito revanchista che impedisce in Francia una discussione non emotiva sulle origini delle gestes, che pertanto dovevano essere riportate esclusivamente e dogmaticamente al dominio oitanico. La questione delle “nazionalità” che si disputano l’origine delle chansons de geste – in cui è coinvolta da JCD anche l’ipotesi ispanica avallata da Menéndez Pidal – è un tema che riaffiora in più punti dell’Épopée perdue, non soltanto come argomento polemico contro quel nazionalismo che «conduit à dénigrer, voire à nier l’apport du voisin» (p. 52), ma anche come esame di coscienza dello studioso meridionale che si ritrova a rivendicare le origini occitaniche dell’epopea francese, quindi in teoria da una posizione non neutrale, non diversamente da quanto fatto dai suoi predecessori settentrionali o spagnoli. «Lucidité bien ordonnée commence donc par soi-même. Mais moi, moi qui suis gascon, ce même patriotisme inconscient dont je dénonce les ravages chez les autres, n’est-ce pas lui en définitive, qui m’aurait poussé à revendiquer pour la seule Occitanie l’origine du
3 J.H. Grisward, Archéologie de l’épopée médiévale. Structures trifonctionnelles et mythes indoeuropéens dans le cycle des Narbonnais, Paris, Payot, 1981.
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cycle de Guillaume d’Orange?» (p. 44). La risposta a questa domanda investe anche la conclusione del lavoro, come prima obiezione che l’autore rivolge a se stesso: «Je ne voudrais pas avoir donné carrière à des vantardises occitanes» (p. 127). JCD si sente in obbligo di fornire al lettore delle precisazioni sulla sua «équation personnelle». Essere guascone «n’est pas à mes yeux une nationalité, c’est un état d’esprit, ou peut-être un degré de civilisation» (p. 127). Ma soprattutto egli rivendica la separazione culturale tra Guascogna e Occitania. «Bref, c’est sans que mon ethnie soit concernée que je revendique pour l’Occitanie la version originale de la geste de Guillaume» (p. 128). Dunque, egli si dichiara «êt[re] parfaitement étranger à l’affaire». Nel riaprire la questione dell’epica occitanica, JCD intraprende una strada che in parte fa risalire a G. Paris: «Il ne nous a point paru utile de nous écarter des principes qui étaient déjà ceux de G. Paris, d’une quête de la méridionalité comme différence. L’ethnographie sera d’abord sollicitée: il est bien connu que certains thèmes ou éléments du cycle de Guillaume ne peuvent guère être nés en territoire d’oïl: mais s’ensuit-il forcement qu’ils viennent du Midi de la France? Puis, pour qu’en de telles matières l’indice d’origine soit irréfutable, il convient que la langue l’étaye: on n’a rien prouvé si l’on ne découvre pas de l’occitan sous le français de nos chansons de geste» (pp. 38-39). Il dossier che segue, infatti, si muove con l’intento di marcare le specificità – e dunque le origini – occitaniche sparse nei poemi del ciclo di Guillaume sul piano della cultura (etnografia) e sul piano della lingua. Le due parti in cui L’Épopée perdue è divisa costituiscono un «fichier» di «petites études» su punti circoscritti – singole parole, singoli versi, personaggi, elementi ricorrenti – che dimostrino l’occitanità del ciclo di Guillaume. Grosso modo, nella prima parte si concentrano schede “etnografiche”, cioè problemi che possono essere risolti secondo JCD con il ricorso a elementi culturali della civiltà occitanica4, nella seconda, invece, sfilano una serie di appunti di carattere linguistico-filologico su singoli loci delle chansons del ciclo narbonese (serie che, di fatto, prosegue anche nel bilan conclusivo dello studio), al fine di reperire sparsi occitanismi dietro alcuni passi di difficile lettura5. Di seguito, non affronterò tutte le questioni toccate dall’autore una per una, benché tutte interessanti e degne
4 I temi affrontati nel capitolo sono i seguenti: Oliviers [sulla presenza dell’olivo nelle chansons], Femmes e Femmes, femmes [due sezioni quasi con lo stesso titolo sul ruolo delle donne e sulla questione dell’ereditarietà dei feudi nel ciclo di Guillaume], Pour Rainouart [osservazioni sulle origini e la natura dell’eroe au tinel]. 5 Le questioni discusse nel capitolo sono le seguenti: Alcorbitanas [sulla Nota Emilianensis]; Com‑ marchis [sul toponimo che accompagna il nome di Beuve]; Jovens [sul significato di iuvenis nel Frammento dell’Aia]; Descunorted [v. 15 della Chanson de Guillaume]; Mecresdi [refrain della Ch. de Guillaume]; Nape [v. 6345 di Aliscans]; Cornebut [v. 297 e v. 1437 della Ch. de Guillaume].
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di discussione, perché si tratta comunque di un’opera non inedita e abbastanza datata. Inoltre, molte delle argomentazioni di JCD sono piuttosto fragili e complessivamente il dossier che istituisce è insufficiente per la dimostrazione della tesi che vi viene difesa: trovo perciò poco delicato insistere nella decostruzione delle tesi di uno studioso non più vivente. Pertanto, mi limiterò a un singolo campione dei contenuti e del metodo dell’autore. Circa al termine della prima parte, JCD discute origini, natura e funzioni di Rainouart6. In particolare, proponendo una sostanziale coincidenza originaria tra Vivien e Rainouart, egli si sofferma su alcune suggestioni onomastiche (non proprio solide): il nome Vivien richiamerebbe Rainouart attraverso il riferimento alla vita (viv-) e con la mediazione della vicinanza omofonica a René, re-natus; inoltre, l’accostamento sarebbe rafforzato dalla ballata popolare moderna dell’agonia del re Renaud, che utilizza formule affini a quelle impiegate per la morte di Vivien – e dunque ecco ancora il nesso Vivien-Renaud-Rainouart. Ma se non si sofferma su nessuna di queste ipotesi è perché, a suo avviso, «la nature de Rainouart importe en définitive moins que sa fonction» (p. 77). L’intuizione è interessante e apre la strada per una indagine che si stacchi dalla rigida adesione al nome proprio del personaggio (si veda la lezione del Saussure inedito delle note sulle leggende germaniche7), verso una ricerca di modelli antropologici, da ricercare anche in fonti folkloriche, che illustrino il ruolo del personaggio nello schema del racconto. L’approccio è promettente, ma fin dalla frase successiva, sorge il sospetto che l’ampliamento al folklore, lungi dall’illuminare le strutture antropologiche del racconto su Rainouart, sia strumentalizzato dalla ricerca della localizzazione della chanson: «S’étonnera-t-on si c’est une fois encore du côté du folklore occitan que nous avons cherché quelque analogie qui nous permît de mieux comprendre cette fonction?». JCD riporta quindi il testo di una specie di favola pirenaica (apparentemente raccolta nella tradizione orale dallo stesso JCD), in cui si racconta il combattimento tra l’Orso e il Toro, in cui alla fine quest’ultimo esce vincitore. L’interpretazione che l’autore fornisce di questo conte ruota attorno alla lotta tra l’animale civilizzato e quello selvaggio: «Or qu’en est-il de l’humanité? Nos civilisations
Per comprendere questa associazione basata sul significante, bisogna precisare che JCD segue un metodo “rousselliano” – da Raymond Roussel (1877-1933), scrittore e poeta francese cultore della Patafisica (alla quale aderiva lo stesso JCD), il quale in Comment j’ai écrit certains de mes li‑ vres aveva illustrato un metodo di creazione letteraria fondata su associazioni fonetiche tra parole che si richiamavano tra loro. 7 La nozione del personaggio narrativo come segno composto da un fascio di elementi in cui il nome è solo un attributo secondario appartiene a F. de Saussure ed è abbozzata nelle sue note inedite sulle leggende germaniche (si veda l’edizione-antologia F. de Saussure, Le leggende germani‑ che, ed. A. Marinetti e M. Meli, Padova, Zielo-Este, 1986). 6
Caccia alla volpe. Studi sul Rainaldo e Lesengrino
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la considèrent comme un acquis. Bien des cultures […] la voient plutôt comme un état précaire et constamment remis en question: pour elles, un retour à l’animalité menace perpétuellement l’homme et sa progéniture. Un tel état d’esprit, j’en suis persuadé, était courant à l’époque où se créa la silhouette de Rainouart; et il faut bien voir que, considéré par rapport aux siens, Rainouart leur est symétrique et inverse d’humanité. Rainouart n’est pas encore baptisé, mais il se veut chrétien: il est donc en train d’acquérir la seule humanité qui compte pour l’Occident médiéval» (p. 78). In sostanza, lo studioso tolosano fornisce una interpretazione antropologica del personaggio e del suo ruolo nel racconto, riportando le strutture profonde di quest’ultimo alla coppia binaria natura/cultura – termini oppositivi che entrano altresì in dialettica tra loro –, che regge numerosi miti raccolti dall’etnografia e tanti racconti folklorici, come quello del combattimento tra toro (cultura) e orso (natura). La conclusione, però, esce dal dominio antropologico ed arbitrariamente utilizza questi riscontri tematici per ottenerne una conferma sul piano storico: «En luttant contre l’ours dans un territoire que la Nature prétend reconquérir […], le taureau n’est pas seulement le champion de l’humanité, il acquiert ce faisant ses titres d’humanité. Le voici désormais intégré à la communauté, au groupe, au village. Il est devenu un VICINU, aurait-on dit dans le latin des Gaules: et faut-il s’étonner lorsqu’on voit que ce mot révélateur constitue aussi le radical de la seule étymologie acceptable du nom Vedian? Rainouart devient Vivien: nous voici redevenus à notre point de départ. Mais pour que ce personnage […] puisse être saisi dans ce qu’il a de grand et de profondément émouvant, il fallait quelques détour par le folklore: un folklore qui, jusqu’à plus ample informé, se révèle purement pyrénéen» (pp. 81-82). I dubbi (più che legittimi) circa la poligenesi dei temi del racconto folklorico si affacciano alla mente di JCD, ma sono subitamente scacciati: «Peut-être était-il donc à la portée de n’importe quelle culture de créer la silhouette de Rainouart, et de lui faire jouer le rôle que nous avons vu. Peut-être… Reste que nous n’avons été en mesure de déterminer ce rôle que grâce à un conte pyrénéen où le plus sauvage des animaux domestiques défend les hommes contre le plus anthropomorphe des animaux sauvages» (p. 82). Il nuovo nesso Vivien-Rainouart tramite il latino vicinus (un nesso eterogeneo perché dal lato di Vivien sarebbe etimologico, mentre dal lato di Rainouart sarebbe concettuale) è eufemisticamente tenue, mentre la strumentalizzazione (assai forzata) del racconto pirenaico per dimostrare le origini meridionali della Chanson de Guillaume comprova che, nonostante la dichiarazione di neutralità tra Francia e Occitania che abbiamo riportato sopra, l’appartenenza regionale (guascona, pirenaica) orienta fortemente le ipotesi dello studioso. D’altra parte, in questo lavoro certe chansons de geste del ciclo di Guillaume sono esplicitamente trattate «comme autant de documents ethnographiques, les seuls même que nous ayons, sur le très Haut Moyen Age pyrénéen» (p. 60).
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In appendice, il curatore Pierre Escudé intaglia una cornice esplicativa all’opera di JCD, sia attraverso un lungo saggio dedicato proprio alla figura dello studioso, in cui approfondisce tanto i rapporti con Jean Seguy e la sua scuola tolosana quanto la molteplice curiosità scientifica di JCD (non solo filologici, ma anche linguistici, dialettologici; si aggiunga inoltre il coinvolgimento nell’Oulipopo – ramo dell’Oulipo dedicato alla letteratura poliziesca – e l’interesse per gli studi lupiniani), sia attraverso alcuni saggi di vecchia data che permettono di inserire le ipotesi sull’epopea occitanica di JCD in una tradizione nobile (nella quale figurano Gaston Paris, Antoine Thomas, Rita Lejeune). Infine, il volume è chiuso dalla recensione entusiastica di JCD all’Archéologie di J. Grisward e da una proposta di articolo (rifiutata) che JCD sottopose a Romania. Per concludere questa veloce rassegna dei contenuti di L’épopée perdue, mi si permetta una nota sulla questione delle origini occitaniche delle chansons de geste. Per quanto la negazione di tale ipotesi (e, per converso, la dogmaticità che ha investito l’autoctonia oitanica delle gestes) sia stata provocata, soprattutto prima del 1914, da un cieco nazionalismo, nondimeno bisogna fare i conti col fatto che le chansons de geste che leggiamo sono indubitabilmente in veste francese e in tutta probabilità composte in tale lingua: le vestigia di una presunta “traduzione” o “versione” di originari poemi meridionali sono davvero impalpabili (senza contare che la singola prova, per quanto efficace, può essere contrastata da centinaia di prove in senso opposto). Questo non significa che non siano esistite tradizioni meridionali (al plurale), per quanto ben diverse dai testi che ci sono stati tramandati. Come dobbiamo immaginare le origini della tradizione eroica francese e quindi come deve essere correttamente impostato il problema? Trovo improbabile che il fluido confine linguistico tra le due regioni principali della Galloromania sia stato una barriera culturale: più che vedere all’origine una tradizione puramente oitanica o occitanica, troverei più appropriato ipotizzare una pluralità di tradizioni simili tra loro su entrambi i versanti linguistici, in costante dialettica, specialmente nella Grenzgebiet pittavina. Le prime chansons de geste, come gran parte delle prime testimonianze scritte delle culture romanze e volgari, lungi dal poter essere prese in ostaggio da un’unica nazionalità (o una specifica localizzazione), sono piuttosto testi o tradizioni frutto di compromessi sovraregionali, sia dal punto di vista culturale che da quello linguistico. Lo scopo di questi prodotti è più spesso quello di uscire dalla localizzazione, di costruire contesti di fruizione più ampi che non singole comunità dialettali, di forgiare linguaggi nella combinazione inclusiva di segni (singole parole, formule, motivi, topoi). Singoli occitanismi ci saranno senz’altro stati, senza che per questo si debba porre l’ipotesi di stadi precedenti puramente occitanici: le chansons de geste, pur maggioritariamente francofone, adottano volentieri espedienti compositivi e la tecnica delle tradizioni narrative (orali) meridionali. La stessa materia pseudo-carolingia integra tra loro
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personaggi della storia “franca” e una semiologia meridionale che evidentemente era divenuta tradizionale: JCD insiste sul fatto che l’olivo non potesse essere troppo noto a settentrione delle regioni mediterranee e che quindi la gestazione delle chansons de geste debba essere stata per forza meridionale; ma anche in questo caso si tratta di elementi eterogenei incorporati in una langue di una tradizione che si avvia a divenire sovraregionale, mescolando tratti semiologici settentrionali e meridionali. Quindi, sì, singoli occitanismi (culturali o linguistici) potrebbero essere reperiti nelle chansons, e JCD ha contribuito all’arricchimento del dossier con un apporto forse troppo entusiastico, un po’ ingenuamente partigiano e fragile, ma non del tutto privo di spunti interessanti: ma invece di vedervi in tali tasselli delle res, dei testi, una tradizione solida, vi vedrei piuttosto la versatilità della tecnica di trovieri immersi in un fascio di tradizioni polifoniche, polimorfe, plurilingui, che essi stessi apprendono a maneggiare e a cui essi, anche attraverso la composizione per iscritto, cercano di fornire una sempre maggiore coesione. A emergere per prestigio sarà soprattutto una singola tradizione, quella oitanica, che però avrà senz’altro serbato traccia delle tradizioni su cui aveva lavorato. Andrea Ghidoni Università degli studi di Genova
Valérie Fasseur, Paradoxes du lettré. Le clerc-poète et son lecteur laïc à l’épreuve des polémiques intellectuelles (xiiie siècle), Genève, Droz, 2021 (Publications romanes et françaises, 272), 768 pp. L’ouvrage de Valérie Fasseur, issu de son travail d’HDR, impressionne par son ampleur (plus de 750 pages), mais aussi par la richesse et la diversité, notamment linguistique, de son corpus: de la Genèse d’Evrat à la Chanson de la Croi‑ sade albigeoise, du Haut Livre du Graal au Barlaam et Josaphat de Gui de Cambrai, du Roman de la Rose à la poésie de Peire Cardenal, les textes composant le «corpus principal» de sa bibliographie (pp. 697-98) sont à la fois nombreux et variés. J’entamerai donc ce compte rendu par une protestation d’humilité, en saluant l’appétit de lecture remarquable de V.F.: tout en m’efforçant de rendre compte du livre dans sa globalité, je m’autoriserai à commenter prioritairement les pages traitant des œuvres qui me sont les plus familières. Le livre est centré sur ce que V.F. appelle la «littérature des querelles» (p. 23), soit des textes entretenant un rapport plus ou moins étroit avec les trois grandes polémiques intellectuelles ayant déchiré le xiiie siècle: la querelle des Mendiants et des séculiers à l’Université de Paris; les hérésies cathares; l’opposition à
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l’aristotélisme et à l’averroïsme, ou aristotélisme «intégral», en particulier. La thèse de V.F. est qu’au cours du xiiie siècle – du Roman de Thèbes, en amont du corpus (vers 1155), au Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud (1288) –, «c’est toute une pensée de l’œuvre littéraire et de son rôle didactique qui a été bouleversée» au contact des polémiques savantes (p. 26). L’interrogation de départ de V.F. porte sur l’existence même de cette «littérature des querelles»: pourquoi des auteurs lettrés ont-ils transposé en langue romane des «contenus savants que tout prédestine à être formulés en latin» (p. 23)? Reprenant à son compte l’appellation forgée par Jacques Verger, V.F. voit dans l’écriture littéraire en langue romane le «nouvel outil de ces ‘gens de savoir’» (p. 23), forgé pour transmettre un enseignement doctrinal aux laïcs et aux simples clercs. Or, la littérature présente une spécificité, une plus-value par rapport à la prédication et à la pastorale: «[…] la littérature appelle adhésion là où l’enseignement des hommes d’Église affirme, là où la catéchèse exige l’obéissance et la foi. Mais comment exiger la foi? C’est à la construire et à l’étayer que travaille le clerc qui choisit la littérature pour éduquer le laïc» (p. 26). Telle est donc la thèse de V.F.: au cours du xiiie siècle, une nouvelle manière didactique, non plus dogmatique, est élaborée dans le champ de la littérature en langue romane, déployée en particulier dans le registre allégorique conçu comme une éducation à la lecture complexe, c’est-à-dire comme un remède contre le littéralisme. V.F. se propose ainsi d’apporter une solution au problème de l’«écart difficilement compréhensible entre les poèmes allégoriques latins tardo-antiques et le succès de l’allégorisme en français» (pp. 35-36), que la critique a souvent constaté: la naissance de l’allégorie en français au début du xiiie siècle constituerait un mouvement de résistance au littéralisme dont sont accusés les juifs et les hérétiques. Ceci expliquerait la complexification progressive du discours allégorique, qui consacre le doute et l’équivocité comme voies d’accès à la vérité. Face au danger de l’hétérodoxie, le clerc-poète ferait un usage littéraire du paradoxe pour placer son lecteur dans un «inconfort doctrinal» nécessaire au «travail de restauration commun» de l’orthodoxie (p. 28): «L’allégorie prudemment guidée du début du siècle s’abstrait progressivement pour laisser place au doute, au brouillage du sens, aux perspectives aporétiques dont la détermination est laissée à l’initiative du seul lecteur» (p. 690). Ainsi se noue une conception de la littérature comme moyen de convaincre, plutôt que de contraindre: «En se construisant comme un lieu d’expérience subjective, la littérature s’affirme comme un exercice de liberté» (p. 524). L’ouvrage se compose de trois parties. Dans la première, V.F. construit l’assise «historique» de son étude en inscrivant le corpus littéraire dans son contexte culturel – c’est-à-dire en recherchant dans les textes des échos aux polémiques intellectuelles du xiiie siècle. Les deux parties suivantes élaborent, sur la base de cette contextualisation, une série d’analyses plus proprement littéraires, destinées
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à élucider des aspects particuliers de ces œuvres (les figures de l’auteur et du lecteur, le rapport à l’allégorie, la mise en scène du savoir antique…), envisagés dans la perspective de leur rapport supposé avec les querelles savantes. Il convient donc de ne pas se tromper sur la nature de ce livre: il ne relève pas, si ce n’est dans la première partie, de l’histoire ou de la sociologie de la littérature; il est de plein droit une étude littéraire, un essai herméneutique, fondé sur une «méthode inductive» (p. 558) qui amène l’auteure à déduire de l’observation de son corpus une série de règles relatives, pour l’essentiel, au fonctionnement du registre allégorique. La première partie est donc consacrée au passage en revue des trois champs polémiques et à l’examen de leurs modalités d’inscription dans la littérature romane, qui mettront en évidence «la constance des arguments polémiques et surtout du discrédit jeté sur le lettré, accusé au pire d’hérésie, au mieux d’hypocrisie» (p. 45). Dans le chapitre I (pp. 53-101), dédié à la querelle de l’Université de Paris, V.F. traite des deux corpus «classiques» de cette polémique, les dits hostiles aux Mendiants de Rutebeuf (pp. 59-80) et le discours de Faux-Semblant dans le Roman de la Rose de Jean de Meun (pp. 80-96). Ayant précédemment distingué entre la satire et l’allégorie, l’efficacité de la première étant fondée sur «la capacité à toucher» le lecteur, celle de la seconde sur l’«art de [le] guider vers l’implicite» (p. 34), V.F. décèle une rupture dans l’écriture de Rutebeuf, un glissement de la satire rude et littérale à l’allégorie, selon trois degrés de complexité croissante du montage allégorique: le Dit du mensonge, fondé sur la seule ironie, une antiphrase d’un seul tenant, dont il suffit de retourner «d’un bout à l’autre» la signification littérale, le lecteur étant ainsi «dispensé de tout effort herméneutique» (p. 66); Renart le Bestourné, un montage allégorique simple construit sur «un double sens lisible par ses contemporains», codé à partir de références au Roman de Renart et au contexte politique, qui ne suppose donc pas de «mobilité herméneutique particulière» (p. 66); enfin, la Leçon d’Hypocrisie et d’Humilité, offrant un montage allégorique complexe que le lecteur se doit de déchiffrer. V.F. associe cette «éclosion allégorique» (p. 64) à la conversion de Rutebeuf mise en scène dans la Repentance: Rutebeuf ne peut désormais plus se contenter de l’attaque frontale et purement circonstancielle, mais doit déployer une satire allégorique qui dise quelque chose de plus, qui s’ancre dans un autre rapport au temps, parce que «sa fin est moins, désormais, de lutter dans le siècle contre les imposteurs, que de faire de cette lutte le moyen de gagner le salut et de restaurer en lui l’image divine» (p. 63). C’est là une façon séduisante de relier le changement de manière de Rutebeuf à la biographie poétique que ses textes dessinent. Au sujet du Roman de la Rose, V.F. constate que le discours de Faux-Semblant, intégré comme une «pièce rajoutée» dans le dispositif allégorique complexe du roman, selon l’expression d’Armand Strubel (citée p. 98), rompt avec
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l’allégorie parce qu’il est paradoxalement d’une transparence absolue: FauxSemblant dit ce qu’il est et est ce qu’il dit, un menteur. Dès lors, sa manière rude de dire «stérilise, en quelque sorte, la faculté du langage des hommes à signifier simultanément diverses choses (alieniloquium)» (pp. 86-87). Jean de Meun dénonce donc son discours, qui «doit sa dangerosité au fait qu’il abolit la dimension allégorique et sollicite une lecture littérale capable de faire perdre au lecteur cette faculté de diffraction du sens qu’avaient développée en lui les longs discours à entente multiple de Raison, Nature ou Genius» (p. 98). V.F. conclut ce premier chapitre en affirmant que l’engagement de Rutebeuf et de Jean de Meun dans la querelle de l’Université «entraîne avec lui, par le traitement extrême des procédés allégoriques, un vertige interprétatif qui délite tout à la fois l’auto-représentation du poète et le savoir dont il est censé se faire le chantre» (pp. 103-04). Dès lors, «le doute devient la seule certitude herméneutique possible» (p. 185). Le chapitre II (pp. 103-84), consacré aux hérésies cathares dans le Midi, mérite sans doute d’être parcouru dans le désordre pour mieux en résumer l’argument. La réflexion de V.F. trouve son point de départ (pp. 140-56) dans la lecture comparée du Liber de duobus principiis, traité cathare attribué à Jean de Lugio, et des Novas del heretge, qui répondent à l’ouvrage hérétique en lui opposant non seulement des arguments rationnels contre la thèse dualiste, mais en menant aussi une charge brutale contre les hérétiques, accusés d’être des illettrés, littéralistes parce qu’incapables de comprendre un discours allégorique: «La vérité n’est donc accessible, l’orthodoxie possible, que par la connaissance des lettres, elle est réservée aux lettrés, de même que le privilège de transmettre et d’enseigner la vraie foi» (p. 151). V.F. propose dès lors de voir dans la façon poétique des poètes méridionaux pro-toulousains une réaction à la «démarche autoritaire et violente» des Novas: «on ne peut s’opposer efficacement à cette manière qu’en adoptant un discours exempt de toute ambiguïté – la rudesse – et en se mettant à l’abri de l’accusation d’hérésie en affirmant sa foi» (p. 153). Ceci expliquerait donc les caractéristiques partagées par la deuxième partie de la Chanson de la Croisade albigeoise, due à l’Anonyme (pp. 111-24), et par les poèmes satiriques de Peire Cardenal (pp. 12440): non seulement la présence d’une profession de foi orthodoxe, mais encore le choix de la rudesse et du littéralisme contre l’allégorie. En effet, «dans le monde bestourné édifié par les prélats et les Mendiants, [où] l’accusation d’hypocrisie et de mensonge peut être indéfiniment renvoyée d’un camp à l’autre» (p. 131), la profession de foi ne suffit plus à laver du soupçon d’hétérodoxie, notamment parce que la confiance dans la parole féodale s’est effritée au xiiie siècle. Elle doit s’accompagner d’une éthique renouvelée de la parole, fondée sur le littéralisme et la manière frontale de la satire, à la façon du premier Rutebeuf: «Une parole sans ambiguïté pour être sans fraude» (p. 133). Dans cette perspective, les poètes
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du Sud estiment n’avoir d’autre choix qu’une parole univoque et limpide, distante de toute allégorie. Par opposition à l’assimilation entre hérésie et illettrisme avancée dans les Novas, les poètes méridionaux associent les «lettrés» de l’Église de Rome et la subtilité de leur parole avec l’hypocrisie: le langage subtil se voit ainsi disqualifié dans la poésie pro-toulousaine, parce qu’il est considéré comme un «usage pervers de la parole» (p. 186). À la fin du siècle, le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud (pp. 156-82) marque l’éclosion de l’allégorie en langue d’oc, dans une période d’apaisement qui permet un «improbable dépassement de doctrines et de traditions réputées incompatibles» (p. 156): œuvre de synthèse et de réconciliation, le Breviari entend déplacer la frontière de l’hétérodoxie qui, d’après les Novas, séparait les lettrés des illettrés en s’employant à «ouvrir l’entendement de ses lecteurs laïcs à la connaissance allégorique» (p. 187). Ainsi, l’allégorie devient, sous la plume de Matfre Ermengaud, «un gage de paix», «le meilleur moyen de sortir de la guerre verbale pour proposer aux questions dogmatiques une solution ouverte, plus ouverte à la liberté individuelle, dans la mesure où elle sollicite […] l’engagement du lecteur» (p. 183). L’hypothèse de lecture formulée par V.F. est que le Breviari d’Amor – dont au passage la chercheuse remet en cause l’attribution franciscaine pour lui préférer une coloration cistercienne ou victorine (p. 164) – promet de donner à comprendre Dieu non pas seulement par un exposé catéchétique du dogme, mais en produisant une manifestation sensible du divin, une sorte de théophanie qui sera offerte au seul lecteur de qualité, digne d’en être gratifié au terme d’un parcours de lecture longuement analysé à la fin de l’ouvrage (cf. pp. 660-86). V.F. souligne d’ailleurs une progression dans la complexité du montage allégorique au fil de l’œuvre: «Les seuils herméneutiques se construisent ensuite de plus en plus subtilement» (p. 172). Cette progression est, selon V.F., consubstantielle à l’allégorie, qui «suppose une conscience aigüe des possibilités offertes par la matérialité du livre: une spatialité, une temporalité nouvelle du geste herméneutique, jusque-là réservée à certaines œuvres latines» (p. 187). Cela n’est pas sans rappeler, dans un autre registre, le cas de l’Ovide moralisé, dont Marylène Possamaï-Pérez a montré non seulement que la progression entre les différents types de lecture allégorique, oscillant entre «relais sensibles» très graduels et «sauts herméneutiques» plus abrupts, avait été savamment dosée, mais encore que les relais sensibles et les formules de transition tendaient à se raréfier au fil des livres, suggérant la confiance accrue de l’auteur en un lecteur aguerri à la lecture allégorique1. Ce parallèle entre deux textes qui, chacun à sa façon, donnent à lire «une représentation holistique de l’univers» (p. 158) mériterait sans nul doute d’être
Marylène Possamaï-Pérez, L’Ovide moralisé. Essai d’interprétation, Paris, Champion, 2006, pp. 365-79 et 639-648.
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exploré plus avant. Ce n’est pas le moindre des mérites du livre de V.F. que de proposer de telles pistes de réflexion, et d’élaborer des grilles d’analyse potentiellement applicables, au-delà de son corpus particulier, à une bonne part de la littérature vernaculaire des xiiie et xive siècles. Le chapitre III (pp. 185-263) examine l’opposition à l’aristotélisme et en particulier à l’aristotélisme «intégral» dans un corpus vernaculaire principalement constitué des trois versions romanes de Barlaam et Josaphat, à savoir la version «champenoise» en prose, la version octosyllabique de Gui de Cambrai et la version occitane. Ces versions de la légende reposent, d’après V.F., «sur l’opposition des figures de lettrés aux tenants de la sainte simplicité, seul moyen d’accès à la foi véritable» (p. 198). En effet, dans la controverse qui oppose Nacor aux clercs du roi Avenir (largement amplifiée dans le texte de Gui de Cambrai) est reproduite une partition entre le savoir et le non-savoir déjà affirmée par les Novas del heretge, qui «légitime […] l’autorité de la vraie foi par la science de ses représentants, tandis que l’humble origine et donc l’illettrisme de l’adversaire sont donnés comme preuve du mensonge de la religion opposée» (p. 206). Cependant, l’issue du rapport de force se trouve inversée dans Barlaam et Josa‑ phat, en faveur des ignorants: «les savants sont les représentants de la religion officielle, de la religion d’un pouvoir oppresseur auquel résistent les simples, qui sont aussi les justes» (p. 206). La thèse défendue par V.F. est qu’en transformant les clercs païens, d’astrologues dans la version latine en rhéteurs, en grammairiens et en philosophes, les versions romanes de Barlaam et Josaphat portent une critique contre «le trivium des Écoles urbaines» (p. 210) et s’inscrivent ainsi dans l’actualité des querelles scolastiques. Poussant plus avant son argument au sujet de la version de Gui de Cambrai, V.F. affirme que ce dernier s’en prendrait spécifiquement à l’averroïsme. Elle relève de fait dans le poème octosyllabique des références à des points de doctrine attribués aux averroïstes, en particulier le déterminisme astral (pp. 220-21) et la thèse de la double vérité (p. 243). Pourtant, comme V.F. le souligne, le déterminisme astral est fondé sur l’aristotélisme aussi bien que sur le platonisme et n’appartient donc pas en propre aux averroïstes; quant au second point, la description, certes paradoxale, que fait Gui de Cambrai du savant Ptolémée constitue-t-elle vraiment une allusion à la double vérité, plutôt que, simplement, à la fausse sagesse paulinienne? De manière générale, je me demande s’il n’y a pas dans ces pages une confusion entre la dénonciation d’un averroïsme strictement défini, tel qu’il sera condamné par l’évêque de Paris Étienne Tempier en 1270 et 1277, et celle des partisans de la philosophie aristotélicienne en général (parmi lesquels il convient de compter un penseur aussi orthodoxe que Thomas d’Aquin), qui tout au long du xiiie siècle s’efforceront d’introduire les écrits du Stagirite à l’Université de Paris et de les accommoder avec la doctrine chrétienne, et se trouveront pour cela en butte à l’hostilité de
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théologiens conservateurs tels que Bonaventure. Ainsi, lorsque V.F. suggère que le clerc païen Amalichon l’Indien serait une allusion à Pierre Abélard (pp. 23234) – lequel n’a rien à voir avec les averroïstes stricto sensu, mais bien avec les artiens en général –, ou encore lorsqu’elle rapproche l’opinion qu’elle prête à Gui de Cambrai d’une citation de Jacques de Vitry – dans laquelle c’est toute la philosophie antique, Boèce excepté, qui est rejetée, et non la seule réception averroïste d’Aristote –, peut-on assimiler ces allusions à une critique de l’aristotélisme «intégral»? Est-ce que le Barlaam et Josaphat de Gui de Cambrai ne se caractériserait pas par un anti-intellectualisme général (comme V.F. le suggère d’ailleurs à la p. 253), plutôt que par une hostilité à l’averroïsme en particulier? V.F. résout cette question en affirmant qu’il n’y a pas de solution de continuité entre l’un et l’autre: «Il [Gui de Cambrai] évolue en tout cas dans un milieu intellectuel néo-augustinien, qui instaure un continuum entre cette mouvance [d’hostilité cistercienne aux écoles] héritée du xiie siècle et la lutte contre l’averroïsme qui agite le xiiie siècle» (p. 249). C’est sans doute vrai. Le raccourci paraît pourtant hâtif lorsque, ayant brossé son portrait intellectuel (pp. 253-54), V.F. propose de voir en Gui de Cambrai un cistercien héritier de cette «tradition monastique hostile à la montée en puissance de la scolastique» (p. 256) représentée par Bernard de Clairvaux, Guillaume de Saint-Thierry, Alain de Lille, Hélinand de Froidmont et Jacques de Vitry, avant d’affirmer qu’il fait converger l’influence de tous ces illustres prédécesseurs «pour la dresser contre l’averroïsme contemporain, à l’occasion d’une fiction narrative» (p. 256). Le glissement d’un rejet général de la scolastique dans les milieux monastiques au xiie et au début du xiiie siècle à une lutte spécifique contre l’averroïsme – pour ainsi dire une sous-branche très particulière de la philosophie scolastique – dans la seconde moitié du xiiie siècle ne me paraît en effet pas entièrement convaincant. La thèse défendue par V.F. dans la première partie de son ouvrage est clairement résumée à la fin de ce troisième chapitre: «Le xiiie siècle littéraire roman […] a tellement malmené, à coup de satire, d’invectives, de parodies, d’apories, d’auto-dérision, la figure du lettré, tellement douté de toute forme de savoir intellectuel et de sa légitimité à faire autorité, que ces auteurs par qui le doute est arrivé fragilisent leur propre légitimité à transmettre un savoir et même à tenir un discours sur le savoir» (p. 263). Cette crise du savoir, le discrédit jeté sur le lettré rendent nécessaire l’élaboration d’une «maïeutique» littéraire (p. 47), c’està-dire une nouvelle façon de transmettre au lecteur la vérité, en convainquant plutôt qu’en assénant: «une vérité émanée de soi-même est bien moins discutable qu’une vérité assénée» (p. 47). Plutôt qu’une démarche dogmatique, «une conception de la lecture pensée comme le lieu d’une expérience subjective à la faveur de laquelle émerge, comme d’elle-même, la vérité mise en doute à l’occasion des querelles» (p. 47). C’est à l’analyse de cette reconquête de l’autorité
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perdue qu’est consacrée la deuxième partie de l’ouvrage, déclinée en deux temps: la construction de l’autorité de la figure auctoriale (chapitre IV), puis la figure du lecteur et l’élaboration d’une théorie de la lecture chez les écrivains de langue romane (chapitre V). Le chapitre IV (pp. 271-323) explore la mécanique, à l’œuvre dans les textes du corpus, de diffraction de la figure auctoriale dans les personnages du récit ou dans des figures historiques, la voix de l’auteur se trouvant ainsi «embusquée sous divers masques» (p. 320). V.F. suggère que ce mécanisme de camouflage est rendu nécessaire par la crise d’autorité dans laquelle le lettré a été plongé du fait des polémiques intellectuelles du xiiie siècle, et ce d’autant plus que cette crise survient au moment critique où il «entreprend de concurrencer et de relayer l’écrivain latin» en langue vernaculaire (p. 320). Le chapitre consiste en une série de brèves études monographiques consacrées à différentes œuvres du corpus, et d’abord aux romans arthuriens en prose du xiiie siècle et à la pseudonymie de leurs auteurs (pp. 272-86). V.F. s’attarde en particulier sur l’attribution de la Queste del Saint Graal et de la Mort le Roi Artu à Gautier Map, connu pour sa lutte contre les hérésies, laquelle s’est notamment traduite par sa présence au troisième concile de Latran de 1179, où fut décidée la croisade en terres d’oc: «le fait que Gautier Map ait une connaissance officielle de l’hérésie peut aussi expliquer qu’il ait été choisi pour affirmer l’autorité paradoxale d’une œuvre arthurienne à appeler ses lecteurs de cour à rejoindre les rangs de la chevalerie célestielle pour secourir la vraie foi» (p. 282). Abordant ensuite la figure de Rutebeuf (p. 291-307), V.F. reprend à son compte l’interprétation désormais traditionnelle de sa biographie poétique comme un itinéraire de conversion, mais en renouvelle la lecture en érigeant la pauvreté en motif structurant: «Le masque de pauvreté devient le maître du jeu en imposant une authentique expérience d’humiliation, qui devient humilité lorsque la pauvreté, de jouée, puis subie, est finalement consentie» (p. 295). Au terme de ce parcours, le je de l’humble Rutebeuf se fait discret jusqu’à disparaître; ce sont les saints qui désormais occupent le premier plan dans sa production hagiographique, le poète s’esquissant seulement «en ombre de sainteté» (p. 307), selon la très jolie formule de V.F. Dans les pages suivantes, V.F. examine la fameuse scène de la nomination des deux auteurs par Amour dans le Roman de la Rose (pp. 30711): elle suggère que la stratégie déployée par Jean de Meun pour élaborer son autorité consiste à inscrire la prophétisation de son nom dans «une temporalité narrative mimétique de celle de l’histoire sainte» (p. 310) – par la durée de 40 ans séparant les deux auteurs, typiquement biblique, mais aussi du fait que la créature, Amour, engendre le créateur, Jean Chopinel, aporie pouvant être rapprochée de celle que représente la Vierge Marie, mère de son propre père –, mais en conservant toujours une distance ironique, une forme d’autodérision. Enfin, dans le Breviari d’Amor (pp. 311-20), Matfre Ermengaud se compare à l’ânesse de Balaam pour proclamer que la vraie sagesse vient de Dieu; ce faisant, il peut
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se présenter comme un élu, un intermédiaire entre Dieu et les hommes. En fin de parcours, une interrogation demeure sur les raisons du choix de la diffraction par les écrivains romans pour construire leur autorité. Observant qu’il n’est «pas systématique, loin s’en faut, que les compilateurs médiévaux citent nommément leurs sources», V.F. explique que «ne pas affirmer son statut d’auteur, être présent à tous les niveaux de l’écriture sans jamais être à découvert est peut-être au fond le meilleur moyen de rejoindre tant d’autorités incontestées parce qu’anonymes, et de se construire soi-même en autorité» (p. 322). Le chapitre V (pp. 325-454) est consacré à la figure du lecteur et à sa place dans la relation de communication littéraire en langue vernaculaire. Il s’ouvre (pp. 325-33) par une réflexion sur l’usage de la langue romane, «un choix plus difficile que celui du latin, un choix plus généreux» (p. 328). Vient ensuite une étude substantielle de la notion de subtilité (pp. 333-81), prise en bonne ou en mauvaise part dans la littérature vernaculaire médiévale. V.F. distingue dans ces pages (pp. 336-38) entre deux définitions de la subtilité: l’une, entendue par opposition à la rudesse, désignant un style orné et l’autre, entendue par opposition à la littéralité, caractérisant un message qui nécessite un déchiffrage herméneutique. L’auteure révise ici un emploi à mon avis ambigu de la notion de rudesse dans la première partie de son ouvrage, où d’une part elle opposait chez Rutebeuf la rudesse satirique à l’écriture allégorique (p. 73) et où elle montrait d’autre part que Peire Cardinal revendiquait la rudesse de son langage pour mieux fustiger la subtilité mensongère des lettrés (p. 132). Dans les deux cas, V.F. employait donc la notion de rudesse pour caractériser un discours littéral, alors qu’elle l’emploie désormais ici – de façon plus claire, me semble-t-il – pour décrire un style dépouillé. Néanmoins, elle suggère ensuite l’existence d’un rapport dialectique entre rudesse formelle et subtilité du fond chez Gautier de Coinci, qui, si j’ai bien compris son propos, justifierait en quelque sorte a posteriori l’amalgame entre rudesse ornementale et «rudesse» sémantique opéré dans la première partie du livre: «Gautier de Coinci inaugure non seulement l’opposition rude-subtil, mais aussi son traitement dialectique, dialectique jusqu’à l’aporie, qui consiste à confronter l’autoportrait d’un poète rude à une manière d’écrire qui dément cette rudesse, et sollicite donc un geste herméneutique de décryptage, voire de réfutation» (p. 338). S’il est impossible de nier que la contradiction manifeste entre l’affirmation de la rudesse de son style par Gautier de Coinci et son étourdissante préciosité formelle interroge évidemment le lecteur, je ne suis pas certain pour autant qu’elle suscite le déclenchement d’un geste herméneutique; celui-ci serait d’ailleurs sans objet, puisque les miracles mariaux de Gautier ne sont pas allégoriques, qu’ils ne sont pas subtils au second sens du terme, et qu’il n’y a donc rien à y déchiffrer. L’œuvre de Gautier de Coinci est en effet, me semble-t-il, à la fois formellement subtile – en dépit des protestations de rudesse de son auteur – et sémantiquement simple, c’est-à-dire littérale. Après quelques pages consacrées
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aux réflexions des poètes médiévaux sur l’usage du langage figuré et de l’allégorie à destination des laïcs (pp. 362-81), V.F. clôt ce chapitre en examinant la place que les auteurs romans du xiiie siècle accordent à la subjectivité du lecteur dans la théorie de la lecture qu’ils élaborent (pp. 381-454). Sa belle étude des avatars de la parabole du Semeur (dans Barlaam et Josaphat, chez Rutebeuf, Peire Cardenal, Matfre Ermengaud et finalement Jean de Meun) permet de souligner le rôle essentiel joué par le lecteur dans la relation d’enseignement que l’œuvre littéraire élabore. Dans cette perspective, V.F. propose notamment de relire, au sein du Roman de la Rose, les fameuses exhortations sexuelles de Genius d’une part et la cueillette grivoise de la rose d’autre part comme une condamnation du littéralisme et une invitation à la fécondité herméneutique. D’après V.F., Jean de Meun associerait en effet la pratique sexuelle et le rapport à la lecture d’une façon qui a «quelque chose d’incongru et d’organique» (p. 418). «Incongru, car le rapport avec la lettre, autrement dit la fécondation herméneutique, est affaire de clercs. De clercs chastes» (p. 418). Organique, car «en n’opposant plus le charnel au spirituel, en faisant de la chair le véhicule de la signification spirituelle, il [Jean de Meun] construit entre elles un rapport d’analogie, qui définit bien plus que toutes ses références érudites la nature de son aristotélisme» (p. 419). Plus généralement, V.F. montre que les textes de son corpus établissent une relation claire entre l’incapacité à lire et le vice, voire l’hérésie: «[…] chacune des œuvres que nous étudions construit et revendique une frontière discriminante entre ceux que les signes, qu’ils soient divins ou disposés sur le parchemin, élisent et ceux qu’ils excluent. Mais la grâce de cette élection n’est jamais arbitraire: l’exclusion est toujours le fait d’une faute inhérente à l’exclu – roc ou broussailles épineuses de la parabole du semeur –, son élection pierre de touche de sa vertu. Le caractère initiatique de l’aventure tient à sa nature d’épreuve herméneutique, loin d’être qualifiante pour tous» (p. 443). C’est tout l’objet de la troisième partie de l’ouvrage que de mettre en lumière, par l’observation de ce que V.F. appelle des «parcours maïeutiques» (p. 47), le caractère initiatique des œuvres romanes du xiiie siècle: leurs auteurs les ont conçues en effet comme «un itinéraire didactique et progressif» (p. 47) destiné à apprendre à lire au lecteur laïc afin, précisément, de le tenir écarté du littéralisme et donc de l’hérésie. L’ambition herméneutique de cette littérature vernaculaire traduit en fait une intention pastorale, à savoir celle de garder le lecteur sur le chemin de l’orthodoxie (pp. 457-62). Ainsi, l’objectif de V.F. dans ces trois derniers chapitres est d’étudier le «transfert des procédés exégétiques dans les fictions romanes […] pour cerner, à partir de l’analyse de leur fonctionnement textuel, les contours du hors-texte que l’auteur, fort de ses réflexions sur la juste manière d’écrire pour les laïcs, construit entre lui-même et le lecteur, et au cœur duquel se forge l’intelligence herméneutique de celui-ci» (p. 469).
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Le chapitre VI (pp. 471-554) étudie quelques parcours d’initiation herméneutique mis en scène dans la littérature du xiiie siècle, destinés à permettre au lecteur laïc d’apprendre à lire par mimétisme. Les premières pages sont consacrées à la Queste del Saint Graal (pp. 471-504), dans laquelle la succession des dévoilements de senefiance forme «un parcours herméneutique régi par une progression réfléchie» (p. 478). L’enseignement essentiel pouvant être tiré de la Queste est ainsi la distinction entre l’explication littérale des aventures et leur interprétation allégorique: «L’écart entre la lettre et la senefiance […] définit l’écart entre chevalerie terrienne et chevalerie célestielle» (p. 501). V.F. compare ensuite la Queste au Merlin en prose (pp. 504-22): alors que dans le premier texte la compétence interprétative est réservée aux ermites (à l’exception de Bohort), dans le second elle se trouve enseignée par Merlin à Uter d’abord, qui apprend à reconnaître le magicien dans ses diverses métamorphoses, puis à Ulfin et, à travers eux, au lecteur. V.F. aborde ensuite le corpus des versions romanes de Barlaam et Josaphat (pp. 524-39), où l’apprentissage du déchiffrement constitue «le cœur irradiant du récit» (p. 525). En effet, les tentations, typiques du récit hagiographique, semant la route de Josaphat «mettent toutes à l’épreuve [son] aptitude herméneutique» (p. 537), jusqu’à ce que le héros, parvenu au terme de son initiation et de sa conversion, puisse évangéliser son peuple et convertir son propre père. Les dernières pages du chapitre (pp. 540-54) sont enfin consacrées à quelques «cas extrêmes de perturbation herméneutique» (p. 540), comme le songe de Bohort mettant en scène un oiseau blanc et un oiseau noir, qui fait l’objet d’une interprétation fallacieuse par un faux prêtre dans la Queste (pp. 54551). Ces épisodes impliquant un «brouillage extrême qui prive les signes de leur faculté de signifier» (p. 541) sont censés, d’après V.F., apprendre au lecteur à se départir de sa crédulité, voire de sa naïveté face aux textes. Le chapitre VII (pp. 555-604) examine une série de textes transposant en langue romane le schéma des quatre sens emprunté à l’exégèse biblique. Entamant un parcours chronologique inverse consistant à «remonter le temps» (p. 562) du Roman de la Rose (pp. 562-67) à la Genèse d’Evrat (pp. 589-93), en passant par la Queste et le Merlin (pp. 567-86), puis le Roman de Thèbes (pp. 586-89), V.F. souhaite observer «l’élaboration d’épisodes destinés au lecteur qui fonctionnent comme des exercices herméneutiques à quatre niveaux de sens assortis de leur mode d’emploi de plus en plus explicite au fil des siècles» (p. 586). Dans l’ensemble, les épisodes étudiés par V.F. paraissent tout à fait convaincants parce qu’ils donnent bien à lire des exégèses déclinées en quatre interprétations (et que, du reste, Evrat fait explicitement référence au schéma des quatre sens). Seul le cas du discours de Raison dans le Roman de la Rose me semble plus discutable. Quoique la nature de mode d’emploi de ce texte soit manifeste, je me demande en effet si la référence aux quatre sens elle-même
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doit bien y être lue: peut-on vraiment distinguer quatre étapes dans ce discours, et surtout faut-il les associer aux quatre niveaux de signification biblique (pp. 563-66)? L’application du schéma des quatre sens au discours de Raison me paraît, pour tout dire, rétroactivement motivée par les exemples plus assurés qui le suivent, plutôt que réellement fondée dans l’analyse du texte. Cette réserve exprimée, le septième chapitre n’en demeure pas moins passionnant. Il recèle des hypothèses à la fois très originales et extrêmement importantes, notamment au sujet de la Genèse d’Evrat: d’après V.F., ce texte comblerait, par son souci de l’agrément littéraire, le vide laissé dans l’histoire littéraire entre les textes-relais que sont les paraphrases bibliques, «qui restent malgré tout en marge du fait littéraire» (A. Strubel, cité p. 594), et les chefs-d’œuvre allégoriques du xiiie siècle, selon la théorie de H.R. Jauss et de M.-R. Jung sur les origines de la littérature allégorique en langue vernaculaire. Enfin, le chapitre VIII (pp. 605-86) se propose d’observer deux «parcours maïeutiques» particuliers destinés à guider le lecteur vers les mystères de la foi, à travers un geste de décryptage allégorique que V.F. qualifie d’«expérience» au sens aristotélicien du terme (pp. 679 et 684). Le premier de ces parcours singuliers est offert par le Haut Livre du Graal (pp. 606-60), au sujet duquel V.F. examine à frais nouveaux la question que la critique s’est depuis longtemps posée: la violence extrême du Perlevaus n’est-elle rien d’autre qu’un étalage complaisant de brutalité ou est-elle porteuse d’un plus haut sens? À la faveur d’une analyse rapprochée de trois épisodes du roman (le cannibalisme de Gurguran, le prêtre Alexis battant la croix du Christ et la beste glatissant), V.F. suggère que le regard du lecteur doit se convertir et apprendre à lire audelà de l’apparence des signes pour en découvrir la senefiance: «[…] ce roman est conçu comme une longue aventure, une épreuve discriminante, proposée au lecteur […]. Le Haut Livre du Graal porte en lui la possible rédemption du monde dont il dénonce la brutalité. Comprendre sa portée implique de retourner sa lettre» (p. 650). Le second texte analysé est le Breviari d’Amor et, en son sein, le Perilhos tractat d’amor en particulier (pp. 660-86). V.F. interroge la place et la signification de cette section au cœur du chef-d’œuvre de Matfre Ermengaud: s’agit-il d’un simple conservatoire lyrique, une sorte de chansonnier, comme cela a souvent été dit, ou bien d’un lieu, offert au lecteur, d’expérimentation des propositions de la foi catholique? Soulignant l’interdiction faite au lecteur de lire le Perilhos tractat (pp. 668-69), V.F. suggère que Matfre situe la lyrique des troubadours dans une histoire universelle de l’amour entre homme et femme où Ovide trouve aussi sa place, dans «une translatio historique» (p. 670) orientée vers l’amour de Dieu. Or, si le Breviari est «une analogie du Paradis terrestre», le Tractat est «une figuration de l’arbre de la science du bien et du mal» (p. 671), ce qui explique que la lecture en soit interdite et que
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le lecteur soit invité à passer directement à la section consacrée aux remèdes contre l’amour. Dès lors, lire le Perilhos tractat revient à céder à la tentation du péché originel par amour de l’amour, qui est le grand principe divin: «Le tour de force est de ne plus enseigner la doctrine comme un savoir, mais de la donner à découvrir par la connaissance» (p. 677). Cette «expérience intime déclenchée par l’agencement textuel» (p. 678) permet de réfuter le dualisme manichéen: le mal n’est rien d’autre en effet que le libre consentement au péché de l’homme, mû par l’amour inspiré de Dieu. Cela explique pourquoi Marcabru se voit frappé de damnation dans le Perilhos tractat: le troubadour a mal parlé de l’amour, parce qu’il en a parlé selon une logique dualiste et qu’il l’a donc rejeté, ainsi qu’en atteste son absence d’expérience en la matière (pp. 679-85). Chez Matfre Ermengaud, l’accusation d’illettrisme portée contre les hérétiques est ainsi remplacée par une accusation d’inexpérience amoureuse – ce qui, soit dit en passant, n’est pas sans rappeler l’association faite par Jean de Meun entre l’incapacité à lire et l’infécondité sexuelle. En définitive, V.F. offre un livre à la fois riche et passionnant, dont le foisonnement rend ardue la tâche de le résumer. J’achèverai ma recension en exprimant moins qu’une critique, à peine un regret. Il aurait sans nul doute été intéressant de jeter sur le corpus examiné une lumière sociologique: qui commandite les œuvres, auprès de qui, à destination de qui? Qui les fait copier et compiler dans des manuscrits d’usage aristocratique? Ces questions, qui auraient permis d’éclairer les conditions de production, de diffusion et de consommation des textes, auraient contribué à donner de l’épaisseur, de la chair aux figures du clerc-poète et du lecteur laïc que V.F. désigne dans le titre de son livre comme le destinateur et le destinataire de la relation de communication littéraire en langue romane. Comme je l’ai signalé au début de ma recension, l’auteure revendique cependant le parti-pris de mener une étude strictement herméneutique, vouée à la lecture du reste très scrupuleuse des textes2, considérés en eux-mêmes et pour eux-mêmes, et notamment détachés de leur contexte manuscrit. Cette limite parfaitement assumée par V.F. constitue d’ailleurs en même temps la grande force de son livre, qui compte plusieurs moments de grâce herméneutique: tel passage cent fois lu semble soudain trouver une clarté parfaite à la lumière des explications de l’auteure, comme ces pages où la grossièreté de l’image de la défloration dans le Roman de la Rose est justifiée par sa vocation à représenter le «mystère le plus sacré» (p. 557), conformément à la loi paradoxale édictée par A. Strubel selon laquelle l’efficacité d’un symbole est d’autant plus forte que le hiatus entre le signe et la chose signifiée est grand. De telles pages, où ce qui était demeuré
V.F. fait plusieurs plaidoyers en faveur de la microlecture, notamment à la p. 42 et aux pp. 694-96.
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jusque-là obscur est rendu soudainement évident, font du livre de V.F. une mise en œuvre parfaite de la thèse que cette dernière y soutient: il constitue lui aussi, à l’instar des chefs-d’œuvre de la littérature romane du xiiie siècle, un parcours maïeutique qui nous apprend à lire – ou à relire. Thibaut Radomme Université Jean Monnet Saint-Étienne Réponse à Thibaut Radomme Rares sont les revues qui accordent un droit de réponse aux comptes rendus. Il faut savoir gré à la Revue critique de philologie romane de faire partie de cette minorité et d’encourager ainsi le dialogue entre chercheurs. Il faut aussi remercier chaleureusement les collègues qui, malgré leurs lourdes charges, accordent du temps à la rédaction d’une recension aussi minutieuse que celle de Thibaut Radomme sur un livre dont on m’a plusieurs fois signifié depuis sa publication que la lecture en était coriace. Ce compte rendu rassure: le livre est lisible et compréhensible, grâce à Dieu et à l’auteur de la recension, qui me donne l’occasion de préciser certains points et de prolonger le questionnement. Je respecterai l’ordre du compte rendu, en synthétisant ce qui peut l’être. Les trois querelles retenues pour contextualiser l’ouvrage ne prétendent pas être les seules de l’époque: elles sont exemplaires de leur multiplicité, mais aussi de leur contiguïté voire de leur intrication. Les hérésies sont des polémiques, et des polémiques comme celle qui accompagne la montée de l’aristotélisme, ou la querelle des universités, ont donné lieu à des accusations d’hérésie. L’objet de la première partie est de montrer la perméabilité des champs polémiques. Il n’y a donc pas lieu de supposer une confusion de ma part à propos du Barlaam et Josaphat de Gui de Cambrai. Une œuvre comme celle-ci, composée par un auteur dont on ne sait à peu près rien et dont la formation intellectuelle a probablement été empirique, a certainement été propice à l’interpénétration des courants d’idées contre lesquels elle s’inscrivait en faux: Alain de Libera a bien montré que l’opposition radicale longtemps entretenue par la critique entre tenants du platonisme et zélateurs de l’aristotélisme était largement illusoire, et que la propension de la pensée médiévale au syncrétisme est dominante. A fortiori chez un auteur dont l’objectif est de discréditer en bloc le flatus vocis des intellectuels, au profit de l’action, et particulièrement de l’action militaire. À la faveur des questions polémiques mises en scène, on peut déceler dans la réécriture de Bar‑ laam par Gui de Cambrai un ancrage monastique très probable, plausiblement cistercien; l’auteur a tout d’un ancien admirateur des anciens cisterciens, contemplatifs hostiles aux débordements de la raison, déçu par les nouveaux cisterciens.
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L’aristotélisme intégral est l’une des émanations de la pensée antique que fustige sans nuance Gui de Cambrai, sans qu’il nomme ces courants. L’auteur de la recension et moi sommes donc d’accord, même si nous ne réussissons pas à entendre parfaitement nos arguments. J’aimerais comprendre plus précisément pourquoi l’analyse «ne convainc pas complètement» le recenseur, peu prolixe en arguments, d’autant que sa lecture fait glisser sans nuance le texte de Gui de Cambrai dans la seconde moitié du xiiie siècle, ce que je n’ai pas écrit. Sans doute conviendra-t-il, à l’occasion, que je précise mon propos, en mettant mieux en évidence les confusions opérées par Gui de Cambrai, dont l’objectif n’est pas de mener de subtiles distinctions entre courants de pensées, sans que cela empêche son lecteur-chercheur d’aujourd’hui (qui n’est pas tout à fait le même que son lecteur laïc initial) de tenter ces distinctions. Dans l’identification des modes de pensée qui ont pu imprégner les auteurs romans, et en l’absence de marqueurs précis comme peuvent l’être les citations de Pierre le Vénérable traitées à contre-sens dans le Haut Livre du Graal, la prudence s’impose; c’est pourquoi Paradoxes du lettré privilégie l’étude de l’interaction entre auteur et lecteur plutôt que l’identification des sources, et aussi pourquoi il n’affirme jamais que Matfre Ermengaud, cet homme du Midi, est plutôt victorin ou cistercien que franciscain: il se borne à constater qu’à rebours d’une idée répandue, aucune autorité franciscaine n’est citée dans le Breviari d’Amor, tandis que saint Bernard et Hugues de Saint-Victor (dans le sillage de saint Augustin et d’autres) le sont plusieurs fois – signe de la pénétration de la culture du nord dans l’aire d’oc après la croisade albigeoise. À propos de l’opposition rude-subtil inaugurée en langue d’oïl par Gautier de Coinci, je constate sans grande originalité l’évidente contradiction entre le discours et sa forme – contradiction qui n’est pas propre à Gautier de Coinci mais s’observe chez nombre d’auteurs: Alain de Lille, Rutebeuf parfois, Matfre Ermengaud, Guillaume de Machaut, plus tard Pétrarque, ne sont que quelques exemples de ce phénomène. Dans la mesure où la contradiction voyante de la forme et du sens, rebelle à l’exigence de conformitas souvent respectée, par les mêmes auteurs, jusqu’au cratylisme, se présente implicitement comme une interrogation provocatrice et donc comme un programme de lecture, elle exige bel et bien un geste herméneutique. De quelle portée? Il resterait à vérifier si les miracles mariaux sont uniment littéraux: même si c’est probable, on ne peut en être sûr qu’après les avoir analysés de près – ce qui n’était pas mon propos, Gautier de Coinci ne gravitant pas, jusqu’à preuve du contraire, dans l’orbe des polémiques; et, de toute façon, ne résoudrait pas la contradiction intrinsèque tant à la sémantique du mot «rude» qu’au propos, et irréductible à la particularité stylistique de la phrase subtile qui revendique la rudesse. Chez les auteurs postérieurs, la même contradiction est assurément le marqueur d’une modalité dialectique complexe, où les sens du mot «rude» ne se distinguent plus: en est-il autrement chez Gautier de Coinci? C’est possible, mais l’auteur des miracles n’en reste pas
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moins le premier à ouvrir le paradoxe dans lequel s’engouffrent avec jubilation ses successeurs scolastiques. Il est curieux, et en l’occurrence très amusant, que l’auteur du compte rendu perçoive «l’application du schéma des quatre sens au discours de Raison […] [comme] rétroactivement motivée par les exemples plus assurés qui le suivent, plutôt que réellement fondée dans l’analyse du texte». En effet, cette lecture, dans mon parcours intellectuel, a précédé les autres de nombreuses années, comme je l’écris en toutes lettres à la page 562: cette perception, toute subjective et qu’à ce titre je ne peux contester, montre bien comment un texte inséré a posteriori dans une œuvre plus vaste, comme l’est peut-être le discours de Faux Semblant dans le Roman de la Rose ou comme le sont des poèmes inachevés comme ceux de Guillaume de Lorris et de Guillaume de Tudèle dans de vastes ensembles continués, peut faire l’objet d’une analyse erronée, tant du point de vue génétique qu’herméneutique: si cette erreur peut être commise à propos de la démarche d’un collègue, que d’erreurs ne devons-nous pas proférer en essayant d’éclairer la signification des œuvres médiévales par la reconstitution de leurs conditions de production, dont nous ne savons souvent pas grand-chose! Il y a de grands risques à vouloir apporter une «lumière sociologique» sur des textes qui sont éloignés de nous de 800 ans, alors que nous pouvons commettre une erreur – en l’occurrence minime mais révélatrice – sur l’élaboration d’un ouvrage publié il y a deux ans. Outre qu’il y a quelque chose d’inquiétant à ne savoir plus nous satisfaire de la complétude de la littérature sans la faire passer par le filtre de la sociologie, outre qu’il semble difficile de regretter qu’un horizon d’attente personnel n’ait pas été satisfait alors que le livre porte sur un autre objet, il se trouve que le corpus ne permettait pas d’adopter l’approche sociologique que T. Radomme appelle de ses vœux: soit des tentatives ont déjà été faites, sans jamais convaincre complètement ou être tout à fait sûres d’elles-mêmes, pour éclairer les textes à la lumière de la biographie supposée de leurs auteurs (Jean de Meun à Bologne, chronologie des œuvres de Rutebeuf), soit les matériaux ne s’y prêtent pas: comment entreprendre une étude équilibrée de la production, de la réception, de la circulation des manuscrits, quand le corpus est formé du Roman de la Rose (300 manuscrits), du Merlin de Robert de Boron (manuscrit unique) et de la Queste del Saint Graal (50 manuscrits), du Barlaam de Gui de Cambrai (2 manuscrits), des chansons satiriques de Peire Cardenal (contenues dans des chansonniers d’oc, dont la production manuscrite est singulière), etc.? Quel parti tirer de l’identification des dédicataires de l’œuvre de Gui de Cambrai (Gilles de Marquais et sa femme), puisqu’on ne sait quasiment rien d’eux? La démarche ‘sociologique’ peut être tentée, et il faut savoir gré à l’auteur du compte rendu d’en suggérer la fructueuse possibilité. Cependant, elle ne peut qu’être condamnée à la reconstitution, et cette reconstitution, peut-être à tort, ne me semble pas plus sûre ni plus véritablement incarnée que l’essai de recontextualisation intellectuelle auquel je me suis livrée.
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Il y a dans l’ouvrage plusieurs pistes qui «contribuent à donner de la chair» aux clercs-poètes, si tant est qu’un travail universitaire, qu’il soit inscrit dans une méthode sociologique, historique ou intellectuelle, soit de la chair: le chercheur n’écrit pas de la littérature, justement. Mais s’interroger sur l’origine de la pensée de Gui de Cambrai ou de l’auteur du Haut Livre du Graal, n’est-ce pas donner un peu de chair possible à ces auteurs dont il faut bien admettre que non seulement ils sont morts depuis des siècles, que non seulement nous ne disposons pas de leurs portraits en images pour nous les figurer concrètement (le médiéviste est seul dans ce cas), mais encore que tout, ou peu s’en faut, de leur existence vive nous échappe? Manifestement, ces esquisses d’incarnation n’ont pas convaincu. La seule matière, la seule chair, dont nous disposons, c’est l’œuvre littéraire, dans la constance de son identité par-delà sa mouvance et sa plasticité. À titre personnel, je consens à ce que la chair de ces clercs-poètes en quête d’imitatio Christi par observation du modèle biblique se soit faite verbe. Valérie Fasseur Université Paul-Valéry Montpellier 3 CEMM (EA 4583)
Fortunata Latella, Donne scortesi. La condizione femminile nello specchio della narrativa di corte, Lucca, Edizioni La Vela, 2021 (Studi Culturali 3), 357 pp. Parlare di donne nel Medioevo significa evidentemente immettersi in una strada accidentata. Com’è noto, la presenza femminile rimane spesso in ombra: tanto che, per reagire alla coltre di silenzio dei documenti, anche gli storici più avvertiti ammettevano, anzi auspicavano, il ricorso a varie tipologie di fonti, fra cui quelle letterarie. L’operazione resta però delicata, nonostante la produzione letteraria medievale non possa dirsi silente rispetto alla figura femminile, affatto centrale. A parlare della donna, a condannarla o a celebrarla, sono però testi altamente formalizzati, articolati secondo specifiche codificazioni retoriche e contenutistiche. E questo, tanto nell’esaltazione laica della figura femminile che nella sua aperta ed inappellabile condanna. Ma è forse possibile tentare di scorgere anche nella pagina letteraria elementi eloquenti circa la reale condizione muliebre: questo, in sintesi, l’obiettivo che si prefigge Fortunata Latella. L’autrice si rivolge ad un corpus testuale piuttosto eterogeneo, scelto in ragione dell’ampio spazio ivi tributato alla donna: vengono così selezionati materiali tratti da differenti filoni narrativi cortesi, oitanici ed occitanici. Chiarisce Latella, nelle battute iniziali, di avere interrogato sia «opere in versi che possono
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definirsi dei classici della letteratura di corte galloromanza dei secoli xii e xiii» sia «testi “eccentrici” che fungano da pietra di paragone» (pp. 16-17). Trovano così posto voci altamente rappresentative – Maria di Francia, Chrétien de Troyes – come anche testi meno incisivi: il Roman de Silence, il Castia-gilos. Non mancano, inoltre, opportuni raffronti con generi e tipologie testuali differenti, utili in un’ottica contrastiva. Alla snella presentazione dei criteri metodologici sottesi all’allestimento del corpus, segue una comoda tavola riepilogativa, suddivisa per dominio linguistico e cronologia relativa (p. 18), che rende conto delle opere incluse. Il primo capitolo, Oltre lo stereotipo cortese (pp. 21-70), introduce ed esplicita le coordinate entro cui si situa l’asse di ricerca principale. Nell’intero libro, centrale è l’asserzione che, fin dalla primissima stagione narrativa medievale, sia possibile rintracciare numerosi personaggi femminili dotati di «una suggestiva profondità rispetto alla fissità del canone archetipico» (p. 21). Accanto alla com‑ munis opinio della dama bella e nobile, i cui pochi tratti distintivi si cristallizzano all’interno di uno stereotipo che ammette ben poche varianti, esiste anche un folto manipolo di fanciulle dotate di tutt’altro spessore narrativo, tale da ridurre «la distanza rispetto alle figure maschili e alla loro preminenza nelle azioni» (p. 21). La volitività di questi personaggi femminili costituisce, per Latella, il primo ed il più importante tratto da indagare nell’ottica di un’ampia comprensione e contestualizzazione della donna, capace di estendersi, appunto, oltre lo stereotipo cor‑ tese. Al riguardo, l’autrice fornisce una ricca messe di dati e procede affiancando esempi noti e meno noti, secondo una prassi che si ritrova uniformemente in tutto il libro. Niente affatto remissive ed abuliche sono Isotta o Lunete, evidentemente, ma le medesime osservazioni valgono anche per l’energica Galeron, eroina eponima del romanzo di Gautier d’Arras, e per la bella Helie nel Biaus Desconeüs. I testi romanzi vengono direttamente chiamati in causa tramite numerose citazioni in traduzione: la scelta è saggia e la lettura avanza scorrevole; le note, al termine di ciascun capitolo, permettono di recuperare i passi tradotti nell’edizione critica di riferimento. Dalla vigorosa risolutezza dei personaggi femminili discendono spesso tratti squalificanti. Non di rado, osserva Latella, le modalità tramite cui la donna persegue i propri fini ammettono mezzi tutt’altro che irreprensibili, se non esplicitamente riprovevoli. La volitività si esercita in particolare tramite l’atto comunicativo, che spesso risulta obliquo, tortuoso, finanche mendace. Su quest’ultimo punto si raccoglie l’attenzione dell’autrice, che ha la cura di illustrare come la menzogna risponda ad una pluralità di esigenze diverse, ciascuna con il proprio peso specifico. Per Ginevra, mentire significa aderire alla compostezza ed alla cumvenentia richieste dalla fin’amor; la spregiudicata Brunissen del Jaufré non sembra avere altra scelta per governare il regno che ha ereditato se non celare i suoi veri sentimenti; sulle bugie di Isotta, basti il rimando all’omonimo ed ormai
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classico libro1. Latella ha indubbiamente il merito di distinguere varie casistiche, senza per questo rinunciare al riconoscimento di tratti uniformi e di matrici comuni. Le dissimulazioni femminili, pur giustamente colte nelle loro specificità, partecipano infatti della stessa, più ampia, compagine socioculturale, ove centrale è il rispetto di una forma prescritta nel compimento delle proprie azioni. Non che l’uomo non aderisca alle esigenze della forma: ma, evidentemente, per la donna la questione è ben più stringente. Ecco perché, suggerisce Latella, la donna sembra essere maggiormente versata dell’uomo nell’arte della finzione: spia, questa, di una differente libertà di espressione fra i sessi. Il corposo capitolo seguente, La donna e l’uomo (pp. 71-168), si pone nel medesimo asse interpretativo, proseguendo ed arricchendo l’indagine tramite la valutazione della figura femminile in relazione a quella maschile. Da questa specola, è facile rinvenire quei materiali tipicamente misogini su cui la critica si è tanto interrogata: la donna-oggetto, ma anche la «donna-palio» (p. 75), la donna bisognosa della protezione maschile, etc. Latella discute il dato testuale non solo con originalità, ma anche con opportune attenzione e cautela: emerge così un quadro meno unitario del previsto, perché se «è persino superfluo notare che la mentalità medievale non approva, sul piano teorico, alcuna inversione dei ruoli» (p. 95), il côté ‘pratico’ registra una casistica assai più mossa e discorde. Nuovamente, oltre lo stereotipo cortese, esistono non poche dame piuttosto emancipate. Degno di nota è, in tal senso, l’esempio della donna-leader, categoria ove si concretizza maggiormente lo «scenario generale dinamico fino alla contraddittorietà» (p. 97) appena evocato. A tale categoria potrebbero essere debitamente ricondotti molti personaggi femminili, rilevanti sia da un punto di vista quantitativo che qualitativo, fra i quali spicca Lunete, ma anche Brunissen, Helie, Lienor, Florete, Fenice, e così via. Ad un esame più approfondito, la capacità di leadership esercitata dalla donna, spesso finanche nei confronti del proprio partner, sembra ben più presente di quanto una prima ricognizione non lasci supporre, nonostante il quadro culturale confliggente. E proprio l’opportuno riferimento alle coordinate socio-culturali costituisce uno dei versanti privilegiati da Latella per la ricostruzione di una visione d’insieme. Pertanto, il fidanzamento, il matrimonio, la dimensione erotico-sentimentale della donna vengono analizzati tramite l’intersezione con testi non solo squisitamente finzionali. Dai romanzi cortesi ai fabliaux, passando per la letteratura religiosa e moralistica, l’autrice traccia con mano ferma il profilo di uno scenario plurale, contro la fissità di un unico ed indubbio modello cortese. Si nota, a margine, che qualche snodo significativo avrebbe forse richiesto un supplemento d’indagine. Se è riconosciuto all’unanimità che numerose scene nuziali edulcorano pratiche
M. Fumagalli Beonio Brocchieri, Le bugie di Isotta. Immagini della mente medievale, Bari-Roma, Laterza, 1987 (Quadrante Laterza 3).
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ben più cruente – basti pensare al matrimonio fra Laudine e Yvain, che adombra il motivo celtico dell’aithed – il riferimento ad una questione così complessa come quella della rape culture (p. 86) andrebbe accompagnato da una più profonda contestualizzazione ed articolazione critica. Il terzo capitolo, Il potere della parola (pp. 169-208), costituisce il pendant del primo, entrambi dedicati alla particolare fisionomia assunta dalla parola femminile nella letteratura medievale. Nuovamente, Latella procede affiancando ad esempi notissimi – Isotta e Lunete, le donne più ‘scortesi’ dell’indagine – a personaggi meno noti ma egualmente significativi – Silence, la protagonista dall’eloquente nome dell’eponimo romanzo di Heldris di Cornovaglia. Ampie citazioni tratte dal corpus permettono di cogliere le molteplici sfaccettature della comunicazione e del linguaggio. Vista la forte continuità tematica con il primo capitolo, sarebbe forse stato auspicabile proporre un percorso sulla parola femminile, fra i temi portanti del libro, senza soluzione di continuità. Ma anche la lettura in due tempi funziona ed i capitoli si completano vicendevolmente, confermandosi e rinsaldandosi nel medesimo itinerario circolare. Il terzo capitolo recupera i suggerimenti del primo, ampliandoli e sviluppandoli; le inferenze con l’asse storicoculturale si fanno poi più fitte. Per Latella, la particolarità del linguaggio muliebre costituisce un sintomo di quella libertà d’espressione deficitaria, se non del tutto assente, di cui gode storicamente la donna. In questo senso, si comprende perché la comunicazione sia spesso considerata trasgressiva. Ma non solo. Dopo aver vagliato in altra sede il versante maggiormente squalificante della comunicazione – le menzogne, vieppiù necessarie, del primo capitolo – Latella evidenzia adesso l’esistenza di una doppia connotazione sottesa alla parola femminile. Quest’ultima è sì eversiva ed irregolare, ma può rivelarsi parimenti salvifica: basti qui il riferimento, notissimo, ad Enide. Sempre alla mancata libertà d’espressione Latella riconduce l’ambiguità che tipicamente qualifica la comunicazione femminile: coloro i quali si vedono precluso il parlare direttamente affinerebbero così tecniche di distorsione della comunicazione. Nuovamente, il ventaglio di casistiche che si propone è ampio e variegato, specie in termini di valutazione morale. Benché Fenice nel Cligés sia un exemplum positivo, le sue parole sono doppie ed il suo messaggio è diretto a due destinatari, ognuno con il relativo distinto livello di intendimento e significato; Lunete, manipolatrice scaltrita, arriva ad esercitare il suo vigoroso ascendente su Laudine e su Yvain tramite metodiche non dissimili dai criminosi plagiatori. Il quarto capitolo, Il lato oscuro (pp. 209-40), propone in climax ascendente una tassonomia di figure negative ed inquietanti: la vendicativa, l’abusatrice, la sanguinaria, l’apportatrice di morte, la carceriera. La classificazione di Latella, necessariamente plastica, circoscrive in più serie ben identificabili un ampio numero di personaggi. La raccolta rende conto di tratti e caratteristiche non isolati, ma categorizzabili, pur nella loro varietà. Tale operazione è esemplificativa della
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metodologia di cui si giova l’autrice, finalizzata alla restituzione di una visione razionalizzabile, ma non per questo stagnea e monolitica. Inoltre, il capitolo ha il merito di fornire un aperçu sull’Agnés et Meleüs, testo pressoché inedito di cui l’autrice sta procurando l’edizione critica2. La «nouvelle»3, benché eterodossa rispetto al corpus di riferimento, non è irrelata rispetto al tema d’indagine: la trama, articolata attorno al topico motivo del marito beffato, acquisisce una dimensione alquanto cruenta, giacché la vendicativa Agnés è direttamente responsabile della morte del consorte ingannato. In merito alla ferocia di certe figure femminili, particolarmente acute sono le considerazioni relative al «collegamento tra crudeltà e piano dei sentimenti personali», giacché «da un lato si dota la donna di qualità guerresche e mortifere che paiono avvicinarla all’ambito maschile, dall’altro si motivano queste stesse qualità come emanazioni estreme della sfera dei sentimenti, riconducendo così le anomalie al dominio femminile» (p. 225). Segue poi un capitolo più breve ma nondimeno denso (Di tutta l’erba un fascio: giudizi e pregiudizi, pp. 241-57), ove l’autrice offre un catalogo ragionato di quelle caratteristiche «che hanno la particolarità di essere motivate dall’osservazione di uno specifico personaggio femminile ma che vengono estese a tutte le donne e hanno dunque un sapore sentenzioso che rende il loro valore universale, secondo una pratica di generalizzazione che si applica volentieri al soggetto femminile» (p. 241). I clichés individuati, che muovono sempre dal particolare al generale, pertengono al repertorio misogino ben definito dalla tradizione, ma originali sono i nessi rinvenuti dall’autrice fra topoi diversi: si consideri, ad esempio, il caso dell’amie di Galvano nel Chevalier a l’espee, contraddistinta allo stesso tempo dalla proverbiale volubilità e dall’altrettanto stereotipica insaziabilità sessuale. Al capitolo conclusivo, La realtà dietro la finzione (pp. 258-74), è affidato il compito di ordinare i molteplici filoni dell’indagine entro le pertinenti coordinate storico-culturali. Donne scortesi, gioverà ribadirlo, impiega la letteratura come uno specchio capace di restituire un’immagine, seppur deformata, della realtà. A tal proposito, però, la produzione cortese resta una testimone fededegna per Latella, che infatti aveva chiarito: «è tuttavia più plausibile pensare di rintracciare accenti di realtà nei testi letterari, a causa della loro dipendenza dal vissuto, per quanto idealizzato, che in quelli principalmente votati all’orientamento delle coscienze e all’inculcamento dei valori e cercare di cogliere tracce di convincimenti, ideologie, anche di contraddizioni fra legge religiosa e codice cortese» (pp. 151-52). Resta inteso che tale operazione di reperimento è affidato all’acume Il testo, trasmesso da un unico manoscritto, è stato trascritto in edizione interpretativa ben 144 anni fa in P. Meyer, «Notice du ms. Plut. LXXVI n° 79 de la Laurentienne (Florence)», Bulletin de la Société des anciens textes français, 5 (1879), pp. 72-95. 3 Così il testo viene definito da J. Dufournet, «Agnés et Meleüs», in Dictionnaire des lettres fran‑ çaises: le Moyen Âge, édité par Geneviève Hasenohr et Michel Zink, Paris, Fayard, 1992, p. 23. 2
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del critico. Considerata la fisionomia del corpus – uno spazio letterario la cui ideologia pone al centro la donna – solo un’attenta lettura in filigrana permette di cogliere tratti che sfuggono agli autori e che vanno oltre il messaggio esplicito del testo. L’obiettivo di Latella, pienamente raggiunto, ha consistito pertanto nel rinvenire e sondare le intercapedini testuali che sfuggono alla codificazione letteraria. In tal senso, tutt’altro che banale e scontato è rammentare che il filtro della voce narrante è maschile, giacché la teoria cortese «come da più parti rilevato, se teoricamente valorizzava ed elevava la figura femminile, in realtà costituiva un organismo immaginato da uomini ad esclusivo beneficio del proprio sesso e del ceto aristocratico» (p. 262). Ma, al di là del filtro maschile, al di là dell’esistenza di un pubblico che evidentemente gradiva rappresentare le donne in un certo modo, al di là dello stereotipo cortese, esiste per l’autrice uno spazio aperto, molto più articolato e nebuloso, da ripensare incrociando meditati sondaggi interdiscorsivi ed interdisciplinari. Alcune considerazioni conclusive andrebbero forse ridimensionate o sostenute da indagini più ponderate. Per esempio, non è sufficientemente motivato perché «le rappresentazioni letterarie (…) con la massa di donne che ingannano, tradiscono, uccidono il consorte, potrebbero essere considerate la traduzione delle paure recondite maschili legate appunto alla minaccia di una rivolta muliebre» (p. 263). Ma è altresì vero che il pieno sviluppo di alcuni nodi, come quello in questione, esula probabilmente dagli intenti del libro, rivolto principalmente alla letteratura. Dal capitolo finale, emerge chiaramente che la questione femminile non può essere inquadrata solo nei termini dilemmatici della misoginia del Blasme des fames e dell’esaltazione del Bien des fames. L’indagine di Latella restituisce un quadro indiziario complesso e contraddittorio, tanto da far presuppore – questa la convincente ipotesi di lavoro proposta in chiusura – l’esistenza un dibattito circa lo status femminile. Qualche osservazione più generale, orientata a futuri spunti di ricerca4. Va anzitutto notato che il bilancio di Latella si misura con questioni complesse ed oggi quantomai dibattute5, senza cadere in pericolosi anacronismi. Le importanti problematiche sollecitate dai gender studies, di cui l’autrice non può non giovarsi, vengono analizzate tenendo ben fermo l’orizzonte storico-culturale di riferimento. Ad esempio, Latella si dimostra giustamente scettica circa l’eventualità, prospettata da alcuni, che l’uomo del basso Medioevo «per quanto colto, possedesse l’apertura mentale e l’indipendenza intellettuale per una matura consapevolezza rispetto alla portata e ai confini del condizionamento culturale legato
Le richieste di un supplemento d’indagine, appuntate supra e di seguito, vanno intese pertanto non come mancanze, ma come suggerimenti in direzione di sviluppi seriori. 5 Fra i recenti titoli di spicco, non si può non ricordare l’ultimo, bellissimo, lavoro di C. Frugoni, Donne medievali. Sole, indomite, avventurose, Bologna, Il Mulino, 2021. 4
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alla concezione binaria dei sessi tanto da metterla in discussione» (nota n. 8 a p. 63). La condizione femminile è inoltre sondata secondo un approccio intersezionale, che si fa carico anche di altre categorie sociali e culturali. La complessità dei gender studies declinati secondo la cronologia medievale viene dunque eminentemente gestita da Latella: e ci si augura di poter beneficiare in futuro di ulteriori riflessioni così acute ed avvertite. Quando presenti, i riferimenti a certe costellazioni lessicali (per es. a p. 80 o 230) si rivelano densi di significanza. Se l’ispezione lessicale, del resto, schiude sempre piste di ricerca affascinanti, va detto però che l’autrice ha chiarito fin da subito di aver privilegiato un altro versante, meno focalizzato sul testo in volgare e rivolto invece a temi e motivi, per riprendere una nota distinzione di Cesare Segre6. Non si può passare sotto silenzio la generosità dell’Appendice che chiude il libro: un riassunto rigoroso ed approfondito dei testi inseriti nel corpus (pp. 275-331). I riassunti permettono di poter esplorare dettagliatamente e comodamente il bacino d’indagine: si tratta pertanto di un prezioso lavoro di sintesi, utilissimo per chiunque si accosti alla letteratura di corte gallo-romanza. In conclusione, Donne scortesi ha il merito di fornire un’aggiornata mappatura delle linee di diffusione di più modelli femminili. Il dato indubbiamente caratterizzante dell’indagine di Latella è l’esauriente conferma di uno scenario vivace e contraddittorio: le indicazioni più nuove e pertinenti riguardano proprio l’impossibilità di ridurre la donna ad un unico profilo. Si aggiunga poi la finezza decifratoria dell’autrice, che procede secondo parametri critici convincenti e pienamente scientifici. Isidoro, riprendendo Girolamo, notava: «Eva interpretatur vita sive calamitas sive vae»7. Per chi voglia spingersi all’infuori di tale battuto (e limitato) perimetro, la lettura di Donne scortesi è caldamente raccomandata. Marta Milazzo Università di Padova
C. Segre, voce «Tema/motivo», Enciclopedia, XIV, Einaudi, Torino, 1981, pp. 3-23. Si cita da Isidoro di Siviglia, Etimologie o Origini, a cura di Angelo Valastro Canale, Torino, Utet, 2004 (Classici latini. Autori della tarda antichità, del Medioevo e dell’Umanesimo), t. I, VII, vi, 5-6. Sull’anagramma Ave-Eva-Vae si vedano le pregnanti riflessioni di F. Mancini, Ave-Eva-Vae, in «Studi e problemi di critica testuale» 33 (1986), pp. 5-7. 6 7
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Piero Andrea Martina, Il romanzo francese in versi e la sua produzione manoscritta, Strasbourg, Eliphi, 2020, 354 pp. Che cosa aveva tra le mani il lettore medievale nell’atto di sfogliare un romanzo? La monografia1 di Piero Andrea Martina prende le mosse proprio da questa domanda, che ha il merito di riportare l’attenzione degli studiosi della letteratura medievale sul manoscritto, principale – forse unico – dato concreto che resta in nostro possesso. L’autore si propone di indagare la storia materiale del roman en vers, genere narrativo largamente diffuso nel dominio gallo-romanzo, arrivando a delineare le caratteristiche fisiche del manoscritto-tipo destinato ad accogliere romanzi. L’obiettivo è già di per sé innovativo: se infatti sono stati variamente e a più riprese studiati i contesti materiali della produzione epica e lirica, una simile indagine, in prospettiva storica, sul romanzo in versi doveva ancora essere compiuta. In effetti, sebbene sia piuttosto fertile il campo degli studi relativi al romanzo medievale2, mi sembra che l’approccio di Martina contenga più di un carattere di originalità: la sua inchiesta non è finalizzata – quanto meno non solo – alla definizione e/o classificazione del genere letterario, ed essa non è condotta con gli strumenti classicamente adottati nelle riflessioni di carattere tassonomico, che spaziano dal riconoscimento di contenuti e stilemi tipici di un genere, all’osservazione dei fenomeni paratestuali (rubriche, posizionamento all’interno dei manoscritti, seriazione delle raccolte etc.) e ai riferimenti metatestuali. In questo caso, lo studio di genere viene compiuto esplorando il rapporto tra la tipologia testuale e la tipologia libraria, e come esso si sia evoluto nel tempo a seconda del mutamento delle esigenze di natura pratica ed economica e della trasformazione del gusto. Proprio per questa ragione, l’autore fornisce, nelle pagine introduttive, una definizione ampia e neutra di romanzo, da intendersi come «genere della narrativa lunga, di materia di finzione, in distici di ottosillabi» (p. 7), in modo da poter includere una serie di testi che non si configurano come ‘romanzi’ stricto sensu, ma che risultano significativi termini di confronto e utili a verificare l’esistenza di una certa idea di romanzo. Tali testi confluiscono in un repertorio che costituisce la seconda parte della monografia e che si presenta come un catalogo completo dei romanzi in versi.
Il presente lavoro è felice esito della ricerca condotta da Piero Andrea Martina durante il suo percorso dottorale, svolto sotto la supervisione di Sylvie Lefèvre e Alessandro Vitale-Brovarone, con una tesi dal titolo “La produzione manoscritta del romanzo francese in versi: modelli materiali e modelli di cultura”, discussa nel 2018. 2 L’autore riporta alcuni tra i più importanti studi monografici sul roman en vers alla nota 32 di p. 7. 1
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Ciascuna voce offre il rinvio alle principali opere di consultazione e alla Biblio‑ graphie del DEAF online, la datazione e la localizzazione proposta dal DEAF stesso; inoltre seguono la datazione accettata da Martina con una breve discussione, l’elenco dei testimoni manoscritti, eventuali copie citate da inventari di biblioteche antiche, una bibliografia aggiornata, che rende conto delle principali edizioni e degli studi più significativi riguardanti la tradizione manoscritta3. La prima sezione del libro, invece, è articolata in sette capitoli, a conclusione dei quali l’autore arriva a ipotizzare l’esistenza di un modello più o meno standardizzato di libro volto a contenere romanzi4, e a determinare alcune delle caratteristiche che lo rendevano materialmente riconoscibile. Un ulteriore elemento di originalità di questo studio è il ricorso a strumenti statistici quali grafici cartesiani e istogrammi, che hanno il merito di conferire un fondamento scientifico alla disamina compiuta dallo studioso: d’altra parte, rilevare matematicamente con che frequenza si presentasse un determinato fenomeno nei processi di mise en page e mise en texte si configura come la via più congeniale per stabilire quali effettivamente fossero le scelte privilegiate nel processo di compilazione di un manoscritto. I primi due capitoli si occupano di inquadrare da un punto di vista cronologico la produzione (cap. I, pp. 11-25) e la fortuna (cap. II, pp. 27-56) del roman en vers. Attraverso l’elaborazione di un grafico cartesiano sul quale sono disposti i testi e le relative datazioni, si rappresenta una scansione cronologica che combacia solo in parte con quella proposta da Erich Köhler, secondo cui la produzione del romanzo cortese, avviata a partire dalla seconda metà del xii secolo, con la triade antica, e fiorita nei decenni successivi, grazie a Chrétien de Troyes e ai suoi epigoni, si concluderebbe verso il 12305. Diversamente Martina rileva un secondo momento di vitalità del genere, poco dopo la metà del xiii secolo, riconducibile alle opere di Adenet le Roi e di Girart d’Amiens, che posticipa l’effettivo declino e abbandono del romanzo agli inizi del Trecento. L’utilizzo dello strumento del grafico, oltre a evidenziare delle sfumature precedentemente ignorate, permette di operare delle comparazioni tra i dati raccolti sullo sviluppo diacronico del roman en vers con quelli relativi ad altri generi, offrendosi come modello per nuove analisi. L’autore opera in primo
Tale repertorio viene aggiornato periodicamente da Piero Andrea Martina sulla piattaforma Jonas. Così come sembrano suggerire alcune scene di lettura, di significativo valore metaletterario, che si trovano descritte in alcuni romanzi francesi, come l’Yvain o Flamenca, rilevati dall’autore, il quale rinvia correttamente a Jacqueline Cerquiglini-Toulet, «La scène de lecture dans l’oeuvre littéraire au Moyen Âge», in Le goût du lecteur à la fin du Moyen Âge, études réunies par Danielle Bohler, Paris, Le Léopard d’Or, 2006 (Chaiers du Léopard d’Or 11), pp. 13-26. 5 Erich Köhler, «Il sistema sociologico del romanzo francese medievale», Medioevo Romanzo n. 3 (1976), pp. 321-44. 3 4
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luogo un paragone tra il romanzo e le canzoni di gesta, notando che la fortuna di queste ultime permane consistente per tutto l’arco del Duecento, contrariamente a quanto avviene per la produzione romanzesca, che diventa più discontinua dopo i primi decenni del xiii secolo; in un secondo momento confrontando il romanzo con le mises en prose, l’autore rileva che il processo di prosificazione esordisce verso la metà del xiii secolo, in un momento di relativa fortuna del romanzo, e che si afferma via via tra il xiv e il xv secolo, quando lo soppianterà definitivamente. Sempre grazie all’elaborazione di grafici che mostrano l’andamento cronologico dei testimoni che conservano dei romanzi cortesi, l’autore compie una serie di considerazioni relative alla fortuna del genere: viene evidenziato che i testi caratterizzati da una persistenza più longeva e consistente all’interno dei codici risalgono al xii secolo, e che la produzione manoscritta del romanzo segue la tendenza generale della produzione libraria francese, dal momento che anch’essa raggiunge l’apice tra la fine del xiii e l’inizio del xiv secolo, e si concentra principalmente nell’area parigina, sede universitaria e centro urbano in crescita demografica ed economica fino alle epidemie di peste del Trecento. Da questo dato, all’apparenza banale, l’autore trae una conclusione meno scontata: all’arresto della produzione dei testi dei romanzi, che si avverte già a partire dai primi del Duecento, non corrisponde una diminuzione dell’opera di confezionamento di copie manoscritte, che cresce, invece, fino alla fine del secolo. Sempre grazie all’incrocio dei dati disposti sui grafici, si registra che la produzione manoscritta dei romanzi di Chrétien de Troyes segue la tendenza generale della fortuna del roman en vers, contrariamente a quanto accade per il Roman de Troie, la cui diffusione permane pressoché costante oltre la metà del xiv secolo6: ciò potrebbe indicare che l’opera cristianiana era ancora il principale punto di riferimento della moda letteraria che si afferma alla fine del Duecento. Il terzo capitolo (pp. 57-75) prende in esame le dimensioni dei manoscritti, che per la gran parte sono comprese tra i 240 ei 330 mm di altezza e i 165 e i 235 di larghezza, dimostrando così che la maggior parte dei codici a noi pervenuti sono definibili come manufatti di medie dimensioni, secondo la classificazione proposta da Bozzolo ed Ornato7, adottata dal nostro autore. Osservando l’intero arco della produzione manoscritta dei romanzi, Martina evidenzia che i codici L’autore utilizza come termine di confronto il Roman de Troie, che con il suo lascito di 65 testimoni, risulta il romanzo più copiato del Medioevo. Cfr. p. 33. 7 Carla Bozzolo – Ezio Ornato, Pour une histoire du livre manuscrit au Moyen Âge. Trois essais de codicologie quantitative, Paris, Éditions du CNRS, 1980; Supplément, Paris, Éd. du CNRS, 1983. 6
Piero Andrea Martina, Il romanzo francese in versi e la sua produzione manoscritta
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tendono via via ad aumentare leggermente le loro dimensioni e, soprattutto, a uniformare le taglie, fino a una stabilizzazione, verso la seconda metà del xiv secolo: infatti, si rileva una notevole varietà di dimensioni all’interno della compagine dei manoscritti più antichi, che va progressivamente diminuendo nei decenni centrali del xiii secolo, proprio quando la produzione manoscritta aumenta in quantità considerevole. I capitoli successivi (IV, pp. 85-116; V, pp. 117-53) sono dedicati al censimento delle strategie di mise en page, che sembrano confermare l’idea che esistesse un modello standard di libro dal punto di vista visuale. Un primo dato fondamentale nel delineare il manoscritto-tipo è l’organizzazione dello spazio sulla pagina: a questo proposito, l’autore rileva che la gran parte dei manoscritti prevede una disposizione del testo su due colonne, in media di 40 linee di scrittura8. Ciò evidentemente non esclude il proliferare di altre soluzioni: si registra, infatti, nell’arco del Duecento, un certo incremento dei manoscritti con testo organizzato su tre colonne, talvolta quattro, e nel corso del xv secolo aumentano i casi a una colonna, da ricondurre probabilmente alla diffusione della carta come nuovo supporto materiale, meno costoso della pergamena. Inoltre, emerge che le colonne sono raramente separate da un intercolumnio e che, per la maggioranza, sono inserite in un riquadro di giustificazione del testo i cui margini interno ed esterno sono gli 8/11 l’uno dell’altro. Anche qui, grazie all’osservazione in diacronia delle dimensioni dei riquadri di giustificazione, si evince che esse restano pressoché costanti nel tempo: dunque, nota Martina, ciò significa un aumento dei margini sulla pagina, visto che la taglia dei manufatti procede allargandosi. La presenza di bianco sulla pagina si rivela un dato particolarmente interessante da rilevare per valutare e descrivere un manoscritto: l’autore, attraverso una ricerca incrociata, constata che i manoscritti duecenteschi e trecenteschi che hanno una percentuale più alta di bianco, utilizzano anche una maggiore quantità di oro nell’apparato decorativo e sono tutti prodotti di un certo pregio; del resto, l’elevato costo della pergamena rende l’ampiezza dei margini un parametro importante per definire il valore economico di un manufatto. In seguito, vengono prese in esame più da vicino le modalità di resa grafica del verso: in primo luogo, Martina sottolinea che in tutti i manoscritti, a eccezione del Florimont del ms. Bnf, fr. 353, a ciascuna riga corrisponde un verso, dimostrando che all’altezza cronologica della diffusione del romanzo, l’ottosillabo è percepito come un’unità metrica ben riconoscibile e graficamente rappresentata
Come annoterà nel quinto capitolo Martina, l’uso delle 40 righe per colonna è stato elaborato probabilmente nel xii secolo per evitare di separare due versi di uno stesso couplet. Cfr. p. 136.
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andando a capo9. La disposizione standard del testo, dunque, prevede che i versi siano incolonnati, uno per riga di scrittura, dopo lo stacco dell’iniziale in colonnetta. L’uso di isolare graficamente l’iniziale dal resto del testo, conformemente alla rigatura verticale, viene progressivamente sostituita, nel corso del xv secolo, con la pratica di evidenziare le iniziali con un tocco di inchiostro colorato, giallo o rosso. Questa nuova tendenza si verifica parallelamente alla semplificazione dello specchio di rigatura, e potrebbe essere dovuta da un lato all’adozione della carta come materiale di supporto, che, presentando vergelle o filoni, rendeva meno indispensabile un tracciato di rigatura, dall’altro all’affermarsi della disposizione del testo su una colonna. Al contrario, non conosce particolare fortuna la disposizione di ottosillabi ‘all’anglonormanna’, che consiste nell’isolare graficamente la sola iniziale del distico in colonnetta: a questo proposito, l’autore sottolinea che già a partire dal xii secolo, sembra perdersi gradualmente l’intenzione di voler conservare l’unità metrico-sintattica del couplet, tendenza che potrebbe essere collegata a un tipo di fruizione prevalentemente visuale e all’abbandono delle pratiche di lettura ad alta voce. Per quanto riguarda, infine, la resa grafica della fine del verso, un significativo, seppur minoritario, numero di testi presenta il punto metrico, la cui unica funzione sembra quella di conferire maggiore simmetria ed equilibrio all’aspetto della pagina. La trattazione è completata dall’analisi di alcuni casi che presentano soluzioni singolari, testimoniando una fase di sperimentazione di cui abbiamo scarsa traccia: infatti, nella fase ancora acerba della diffusione manoscritta del romanzo, tra il xii e il xiii secolo, si registra una maggiore varietà di soluzioni che vengono via via rigettate nel corso del xiii secolo, fino alla standardizzazione di un modello di pagina più semplice e regolare. Nel sesto capitolo (pp. 155-77), l’autore prende in considerazione i casi dei testimoni manoscritti di romanzi che presentano porzioni testuali con metri diversi dall’ottosillabo, al fine di osservare le strategie adottate dai copisti per illustrare graficamente il cambio di verso10. La tendenza generale è quella di marcare la distinzione tra i due generi anche dal punto di vista della mise en page. Sebbene esistano esempi come quello del ms. Reg. lat. 1725, pregevole testimone del Ro‑ man de la rose, cui l’autore riserva un’attenzione particolare per la vasta gamma di soluzioni elaborate dal copista, la via più praticata è quella di fare riferimento ai modelli grafici propri dei generi lirici, dunque disponendo i versi come prosa
Tuttavia, non si tratta di una tendenza che riguarda unicamente la produzione romanzesca: come sottolinea l’autore già dal xii secolo sono piuttosto rari gli esempi di manoscritti francesi in cui i versi sono scritti come prosa. 10 Molto più semplice è il caso dei manoscritti che conservano testi in versi e in prosa o in decasillabi, dove si osserva un cambio nel numero di colonne: questo è quanto succede quando un codice trasmette testi epici e romanzeschi. Cfr. p. 155. 9
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o di lasciare uno spazio bianco al di sopra dei versi stessi. L’autore evidenzia che nessuno dei manoscritti di romanzi con inserzioni risulta corredato da una notazione musicale, nonostante in molti casi si tratti di componimenti che la conservano in altri testimoni: l’attenzione prestata alla rappresentazione grafica degli inserti lirici sommata alla mancanza di interesse nel trasmettere la notazione musicale farebbe, ancora una volta, propendere per una fruizione puramente visuale di questi testimoni oggi conservati. Il capitolo finale (pp. 179-216) si occupa di studiare i romanzi all’interno del loro contesto manoscritto, verificando a quali tipologie testuali venissero accostati più frequentemente. L’autore passando al vaglio i testi e le unità codicologiche che compongono i manoscritti, osserva che all’interno dello scarno drappello di codici redatti tra la fine del xii secolo e i primi decenni del Duecento, che ci pervengono in modo non frammentario, la gran parte conserva un unico testo, e si tratta di manufatti di medie-piccole dimensioni, di massimo 200 carte, che contengono testi di materia antica, come l’Eneas o il Roman de Troie, o idealmente legati al mondo classico o orientale, come il Cligés o il Partonopeus de Blois. Allargando lo sguardo ai romanzi di Chrétien de Troyes si nota che essi sono più raramente trasmessi da codici che conservano un solo testo: spesso, infatti, essi sono collocati in sezioni ben individuabili dal punto di vista contenutistico e codicologico o sono affiancati a uno o più romanzi di Chrétien stesso, creando delle vere e proprie ‘sezioni d’autore’; fa eccezione il caso del Conte du Graal, che circola in manoscritti che contengono unicamente questo testo e le sue continuazioni. Ad ogni modo, dai grafici riportati a fine capitolo emerge che il numero di manoscritti contenenti un solo testo è più consistente e che esso aumenta progressivamente, in particolare a partire dal Trecento. Martina procede, poi, a confrontare la diffusione diacronica delle piccole e grandi raccolte, arrivando a desumere che queste ultime sono fenomeni del tutto marginali della produzione romanzesca, dal momento che riguardano l’arco temporale tra il 1250 e il 1350, concentrandosi nel consueto picco di fine xiii secolo, periodo di per sé particolarmente fertile dal punto di vista del lavoro di copiatura dei romanzi. La scarsa circolazione di queste grandi raccolte conduce l’autore a pensare che esse siano nate dall’assemblaggio di manoscritti che in origine contenevano un numero ridotto di testi; tale ipotesi è corroborata dal fatto che i romanzi sono raccolti in sezioni ben individuabili anche sul piano della fascicolazione. Un ultimo paragrafo si concentra sulle strategie della mise en recueil impiegate nella sistemazione dei materiali all’interno dei manoscritti: esse da una parte dimostrano che i copisti avevano coscienza del genere romanzo, dall’altra rivelano quali fossero i generi considerati a esso più affini, come la storiografia in ambiente anglonormanno o le chansons de geste, spesso incluse nelle raccolte a fianco dei romanzi, pur essendo ben distinguibili graficamente. Infine, un
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ulteriore sguardo ai contenuti dei codici consente di individuare ciò che, in tutta evidenza, non era considerato romanzo: il caso più illustre è quello del Roman de Renart, le cui branches non sono mai incluse nelle raccolte esaminate dallo studioso, a eccezione del ms. Chantilly, Musée de Condé 47211. In definitiva, il modello di codice per il roman en vers, delineato da Piero Andrea Martina sembra più che condivisibile: uno o pochi testi disposti su due colonne di 40 linee di scrittura ciascuna, accompagnati da un apparato decorativo semplice. Il percorso argomentativo che porta a questa conclusione è condotto con estrema precisione e notevole ampiezza: l’autore ci agevola lo studio completo di una produzione manoscritta composita e variegata, che viene considerata per tutto l’arco della sua proliferazione, offrendo come esempio numerose e puntuali rappresentazioni delle diverse tradizioni testuali. La monografia contribuisce, senz’altro, ad arricchire il quadro degli studi consacrati al genere del roman en vers e alla sua circolazione, offrendo nuovi spunti di riflessione utili ad ampliare il dibattito sulle modalità di ricezione e di lettura del Medioevo. Mara Calloni CNR – OVI Opera del Vocabolario Italiano
Dira mulier. La violenza delle donne nelle letterature del Medioevo, a cura di Francesco Mosetti Casaretto, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2022, pp. XL-402 pp. Come afferma il curatore nell’ampia introduzione («La violenza seconda del secondo sesso», pp. VII-XL) il tema proposto dal convegno, di cui questo volume raccoglie, rielaborate, le comunicazioni, è senza dubbio controcorrente, se ci riferiamo alla doxa mainstream che individua nelle donne le vittime della violenza, piuttosto che le protagoniste o artefici di essa. Ma il punto di vista adottato, cioè di esaminare a fondo una serie di rappresentazioni letterarie medievali che esemplificano la fenomenologia di comportamenti violenti in cui le donne sono attrici, implica che si possa passare a contrappelo le non poche testimonianze al riguardo, per tentarne una caratterizzazione, una contestualizzazione e anche per cogliere l’azione di paradigmi e modelli ricorrenti. Dopotutto, contrariamente a un’impressione superficiale, anche nelle condotte umane, per quanto variegate appaiano, e soprattutto nelle condotte di personaggi in qualche misura eminenti, Così come i romanzi cortesi non trovano spazio nei testimoni della materia renardiana.
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si possono riscontrare all’opera quelli che un antropologo sensibile alla storia e alla letteratura come Victor Turner chiamava root-paradigms1. In questo modo, introducendo cioè un’ottica antropologica e culturale, si potranno superare anche le banalità e gli stereotipi accecanti della sedicente poli‑ tically correctness. Perché non c’è dubbio che la violenza, comunque la si voglia intendere, non è prerogativa di un genere o dell’altro: è purtroppo, viene da dire, prerogativa della specie umana, inscritta nella sua memoria biologica o, meglio, etologica, che finora si è mostrata assai più resistente e resiliente di ogni tentativo filosofico o religioso o morale di addomesticarla. Ma in questa sede interessa soprattutto soffermarsi su alcuni interventi contenuti nel volume curato da F.M.C., che ricadono nel perimetro o almeno attraversano il territorio della letteratura romanza medievale2. Il primo saggio di cui mette conto di parlare è «“In figura Christi”: la violenza autoinflitta delle donne», di Alessandra Bartolomei Romagnoli (pp. 1-28), che s’interroga, a partire da alcuni casi esemplari, sulle motivazioni che hanno fatto delle donne, di alcune mistiche nella fattispecie, le protagoniste dei territori inquietanti della violenza sacra (p. 19), nella forma particolare dell’autoafflizione. Questa connotazione dell’esperienza delle mistiche sarebbe da mettere in relazione sia con la centralità che il sacrificio di Cristo acquisì nella teologia e nella prassi della comunità dei fedeli nel tardo Medioevo, scalzando il precedente primato della comunione eucaristica, sia con il cambiamento nel paradigma ascetico rispetto alla tradizione monastica, con la nuova percezione della corporeità nell’esperienza spirituale (p. 21). Questi elementi farebbero interpretare la violenza quasi selvaggia delle mistiche non come un allontanamento dalla fisicità, ma anzi come un suo attraversamento o una sua trasfigurazione. Senza poter entrare da competenti nella discussione di quanto sostenuto, si noterà marginalmente che la tipologia di dira mulier o di violenza femminile qui esplorata si colloca tutta interna al mondo delle donne e non coinvolge, se non forse di sponda o di sfondo, le relazioni con il mondo degli uomini. Nel saggio successivo Carlo Donà, con la consueta maestria, tratta di «Medea, o la violenza amorosa» (pp. 29-46), suggerendo una nuova prospettiva ermeneutica per questo archetipo di donna crudele, che la colloca in un contesto
Cfr. V. Turner, «Religious Paradigms and Political Actions: Thomas Becket at the Council of Northampton», in Id., Dramas, Fields and Metaphors, Ithaca and London, Cornell University Press, 1974, pp. 60-97. 2 Non senza avvertire, tuttavia, che, come spesso accade con gli atti dei convegni, un intervento più deciso in sede redazionale e di curatela avrebbe permesso di ridimensionare o espungere qualche intervento ridondante o estraneo al tracciato programmatico. Parimenti, sarebbe stato vantaggioso per l’aspetto del volume uniformare il trattamento delle citazioni da testi in lingue straniere, a volte assai ampie, che non sempre sono corredate dalla traduzione.
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comparativo più vasto e ne valorizza tutta una serie di tratti in senso lato fiabistici e folklorici. Medea appare dunque come archetipo ambivalente di donna soprannaturale, amorosa e fornita di poteri magici, pericolosa e assassina3. L’universo di riferimento è pertanto quello dell’immaginario, delle rappresentazioni di entità culturali che travalicano i confini di società, lingue e letterature, per attingere a una dimensione più profonda e al contempo più diffusa, in cui le dinamiche delle relazioni di genere inevitabilmente sfumano e trascolorano in una semantica più densa e complessa. Anche l’esempio di dira mulier discusso nel contributo di Greti DinkovaBruun, «The Dire Consequences of Hunger: Mary’s “teknophagia” and the Fall of Jerusalem» (pp. 55-73) si colloca alla periferia delle relazioni di genere, giacché discute un caso emblematico di madre crudele, narrato nella Guerra giudaica di Giuseppe Flavio e ripreso poi nella letteratura mediolatina successiva, con accenti e sfumature diverse. Qui il contesto di senso dell’episodio, di là dalla sua veridicità o meno4, è offerto prioritariamente dal conflitto ideologico fra cristianesimo e giudaismo e dal valore simbolico (punizione per i ‘delitti’ di Israele) dell’atto della madre, non solo assassina del figlio ma anche consumatrice del pasto cannibalico, quindi doppiamente violatrice dei sacri principi della maternità (p. 70). Veronica Orazi espone una fenomenologia di «Adultere, avvelenatrici, antropofaghe e assassine ne Lo Spill (1460) di Jaume Roig» (pp. 75-100), che ci porta a contatto con un testo satirico catalano dall’evidente intento moralistico, polarizzato nei due modelli femminili più convenzionali, quello positivo (la figura di Maria Vergine) e quello negativo (una galleria di donne peccaminose). I casi concreti di donne corrotte, violente, viziose, in preda alla lussuria, all’invidia, all’avidità, fattucchiere o ruffiane, assassine e imbanditrici di carne umana, realizzano un crescendo in cui la rappresentazione ricorre anche al registro basso materiale-corporeo per significare la condanna del genere femminile. Si tratta però, com’è quasi ovvio, di una messa in scena di comportamenti nocivi, crudeli e immorali delle donne operata da un punto di vista che si riallaccia a una tradizione consolidata di letteratura misogina o ginofobica: perlopiù opera di scrittori uomini, certo, ma qui si vuole sottolineare quanto pesi un determinato imprin‑ ting ideologico sulla costituzione dell’opera e delle sue figure; il che è altamente prevedibile se ci si muove nell’orbita della cultura medievale più ispirata alla religione e alla morale dominanti. Assai ampio è il contributo originale del curatore, Francesco Mosetti Casaretto, «“Dirae mulieres”. Femminile violenza nella letteratura mediolatina»
Cfr. C. Donà, La fata serpente. Indagine su un mito erotico e regale, Roma, Writeup, 2020. Ma nient’affatto inverosimile, date le condizioni estreme in cui si svolse secondo il racconto.
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(pp. 101-54), che ambisce a fornire una panoramica ampia e articolata del tema, intrecciando esemplificazioni tratte dalle fonti e spunti ermeneutici e comparativi5. Le fonti mediolatine sono larghe di esempi di donne violente, siano prese dalla cronaca e dalla storia, siano prese dall’immaginario culturale: non sorprende almeno fintantoché l’aggressività femminile viene ammessa come condotta possibile piuttosto che essere negata o rimossa perché socialmente inaccettabile (p. 105). Ciononostante, le donne in armi, le donne in abiti maschili, restano ai margini, trasgredenti la legge di natura (che le vuole madri) e/o la legge divina. Eppure, alcune di queste figure, Romilda, Emer, Pentesilea, sembrano esprimere una motivazione dei loro comportamenti violenti che non è incompatibile con la loro natura di procreatrici, perché si connette alla logica della selezione sessuale del partner migliore. Prevedibilmente, la violenza femminile nel Medioevo si dice in molti modi, perlopiù indiretti, dissimulati, declinati nelle forme dell’astuzia, dell’inganno, del tradimento (p. 113). Qui in effetti si potrebbe osservare intanto come l’antitesi fra forza e astuzia sia spesso sovraordinata alle differenze di genere, nella rappresentazione letteraria medievale, e non solo: basti pensare al Roman de Renart, in cui il protagonista eponimo ricorre a stratagemmi e imbrogli per avere ragione di avversari fisicamente più attrezzati di lui (il lupo, l’orso, ecc.). Insomma, è generalizzabile l’uso di risorse intellettuali alternative, incluse tattiche dissimulative, manipolative e capaci di strumentalizzare altri attanti, da parte di personaggi che la natura o l’allenamento non ha provvisto di forze sufficienti a contrastare i propri avversari. Indubbiamente, poi, nell’ideologia convenzionalmente trasmessa e diffusa, la donna è per costituzione più debole dell’uomo, dunque ideale candidata all’uso dell’inganno e di mezzi subdoli di aggressione. Certo, le testimonianze che leggiamo di violenza al femminile sono perlopiù, se non a stragrande maggioranza, scritte da autori di genere maschile: ma l’avvertenza di Simone de Beauvoir, «ciò che hanno scritto gli uomini delle donne dev’esserci sospetto perché essi sono al tempo stesso giudici e parti in causa» (p. 117), al di là della sua unilateralità ideologica6, può essere all’occorrenza ribaltato (ciò che scrivono le donne degli uomini dev’essere sospetto perché ecc.). L’excursus di Mosetti Casaretto tocca poi i paradigmi biblici di Giuditta e di Dalila, le loro affinità e le loro rifrazioni medievali (Rosmunda, e.g.), illuminando sia la potenza degli stereotipi sia la connotazione reattiva e vendicativa degli atti di violenza femminile raccontati e descritti nei testi (p. 128), fino a elencare una
In questa sede non è ovviamente possibile dare conto esauriente dei contenuti e degli aspetti trattati (in questo come negli altri saggi ricordati), ma ci si limita a percorrere alcune linee emergenti e problematiche, che paiono suscettibili di ulteriori messe a punto e arricchimenti. 6 Uno scrittore maschio non saprebbe forse immedesimarsi anche in un personaggio femminile? Tolstoj non avrebbe mai scritto Anna Karenina. 5
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serie di motivazioni che vanno dalla competizione e dalla gelosia, all’ira e all’avidità, dal sadismo alla vendetta, appunto. Le «radicali discrepanze» (p. 140) nelle fonti mediolatine che pure si osservano nei ritratti femminili, più che ridotte al denominatore comune della manipolazione psicologica o alla prevalenza sottesa del punto di vista maschile, o meglio misogino e ginofobico, si sarebbero potute sfruttare – in un contesto ancor più allargato, va da sé – per passare a contrappelo il significato superficiale o la replicazione di modelli e antimodelli nell’intento di provare a cogliere, pur fra molte contraddizioni e opacità, qualche brandello di un’immagine più dialettica e sfaccettata dei comportamenti reali7. Nell’intervento di Marina Montesano, «Giovanna d’Arco: mascolinità e violenza» (pp. 203-18) viene ripercorso uno dei casi più celebri di tutto il Medioevo; di nuovo qui non è in questione la condotta aggressiva nella dinamica dei rapporti di genere, quanto l’assunzione da parte di una donna di indumenti maschili e segnatamente cavallereschi, tutt’altro che sprovvista di antecedenti letterari, e l’esercizio della violenza in un contesto bellico, ma anche un certo alone di magia e determinate manifestazioni cultuali che l’accompagnavano. Una vicenda, scandita dai due tempi della condanna, prima, e della riabilitazione, poi, che esemplifica una volta di più la complessità e le sfaccettature di condotte che appaiono superficialmente in contraddizione patente con l’ideologia, la religione e gli stereotipi culturali dominanti. «Donne e violenza nella letteratura islandese antica» (pp. 219-39) è l’argomento del contributo di Rita Caprini e Caterina Saracco, che si focalizzano su alcune figure di donne particolarmente crudeli e spietate, di cui narrano le saghe dei popoli del Nord: femmine guerriere in nulla inferiori ai maschi, tantomeno nell’efferatezza, viragini temibili che non godono della simpatia di chi ne parla (Sassone Grammatico, e.g.) e sembrano confermare la notazione che la violenza sia un carattere etnico saliente degli Scandinavi e dei Germani, a prescindere dal genere. Quel che forse spicca, al confronto con altre testimonianze, è che norme giuridiche, documenti archeologici, antroponimi sembrano confermare che non si tratti solo di personaggi della mitologia o della letteratura, magari riflesso di inconsce ostilità maschili, come vorrebbe una certa doxa pseudo-femminista, ma di esempi reali e non isolati nella cultura e nella società del Nord (p. 234). Complementare a questa è la risultanza dell’intervento di Alessandro Zironi, «Il violento disordine delle donne nella letteratura germanica medievale» (pp. 241-57), che esplicitamente analizza alcune figure letterarie femminili distinte per la loro aggressività nei confronti degli uomini, per arrivare alla conclusione interpretativa che la violenza delle donne è rappresentata in queste
Un caso a parte discusso infine da Mosetti Casaretto è quello della violenza femminile monastica, nella fattispecie esercitata da donne su altre donne dai comportamenti devianti.
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opere soprattutto come motivazione del disordine, della rottura dell’equilibrio sociale (p. 253). «Il lato oscuro della dama cortese» (pp. 259-83) è al centro della disamina di Fortunata Latella, che ha poi sviluppato più ampiamente la sua ricerca in un volume monografico8. Anche qui sono dichiaratamente al centro dell’attenzione dei personaggi letterari femminili che si distinguono per tratti alternativi all’immagine paradigmatica della dama cortese. Le caratteristiche salienti evidenziate nella ricerca sono: la capacità di ordire complotti e stratagemmi, tipica delle donne prese in una relazione adulterina; la vendetta o la ritorsione (e.g. motivo della ‘moglie di Potifarre’); l’abuso nei confronti di altre donne sottoposte, tipico della relazione fra dame aristocratiche e serve o ancelle (e.g. Isotta e Brangania); l’assassinio, intenzionale o reale; la costrizione assoluta dell’amante (e.g. la Joie de la Court nel romanzo di Chrétien de Troyes). Come valutare queste rappresentazioni, sembra chiedersi l’autrice: è chiaro che se si considera il modello cortese comunque come una proiezione ideologica dell’universo maschile dominante queste figure possono anche essere rivalutate come espressioni, ambiguamente biasimate nei testi, di un qualche sforzo di riscatto da una condizione di subalternità di genere. Tuttavia, anche qui non andrà sottaciuto (vedi il caso della prevaricazione delle ancelle da parte delle loro signore) che s’intreccia e spesso prevale il rapporto di dominio sociale e la relazione fra le classi a quello di genere: trattandosi di dinamiche interiorizzate nelle opere letterarie, tanto più di un’epoca precapitalistica, occorre considerare tutti gli elementi coinvolti nell’universo culturale di riferimento, per non incorrere in valutazioni parziali, come riconosce la stessa autrice (p. 280). Il saggio di Gianfelice Peron, «“Ire de femme”: immagini di violenza e vendetta femminili in Thomas, Chrétien de Troyes e Marie de France» (pp. 285-311) consiste in un’analisi fine e accurata dei casi enunciati nel titolo, con ampie citazioni dei testi. Si tratta di esempi noti ai filologi romanzi, incentrati sulle condotte aggressive connesse ai motivi dell’adulterio, della vendetta e anche dell’infanticidio. Fra questi, si potrebbe notare come Maria di Francia, nel lai de Fresne, rappresenti criticamente la credenza che il parto gemellare sia indizio di un rapporto con due uomini, giacché la protagonista, dopo essersi servita di questo motivo per le sue macchinazioni infamanti, quando poi si trova in analoga situazione, ammette che si tratta di una mera superstizione calunniosa (p. 294). Il tema dell’istinto materno e, più in generale, dei risvolti psicologici ambivalenti della maternità, fino appunto all’estremo opposto dell’uccisione della prole, trascorre in effetti un po’ tutti i testi presi in considerazione, rifunzionalizzando sia materiali
F. Latella, Donne scortesi. La condizione femminile nello specchio della narrativa di corte, Lucca, La Vela, 2021.
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mitici classici (Progne) sia materiali leggendari nell’ottica di una rappresentazione che comunque perviene sempre a condannare la violenza delle donne, anche invocando l’attenuante della vendetta o della gelosia verso un uomo. Ancora violenza di donne immaginarie è il tema del contributo di Tommaso Braccini, «Lamie e geludi: tracce di donne mostruose nella letteratura bizantina» (pp. 337-68), in cui si indaga la fenomenologia e la persistenza di due tipologie di figure del folklore a partire dalla loro declinazione nel mondo greco medievale. Ed è singolare, o almeno meritevole di riflessione, che nuovamente ritorni in queste rappresentazioni l’espressione delle paure che certe donne possano derogare dalla loro natura di procreatrici e nuocere ai bambini (p. 354). Il volume si chiude con un saggio di Alvaro Barbieri, «Orchesse vogliose e viragini ritrose: incarnazioni letterarie del complesso ginecofobico dal Medioevo al Novecento» (pp. 369-402), che funge da ideale compendio comparativo e diacronico del tema della dira mulier. L’autore vi riprende, con il suo stile godibile e lussureggiante di citazioni, l’esame del motivo della colluttazione erotica fra l’efebo e l’amazzone, che ha già indagato in altri lavori9 e che sdoppia appunto il personaggio femminile nei profili etichettati rispettivamente come orchessa vogliosa e virago ritrosa. Un esempio paradigmatico è tratto dal repertorio delle pastorelle oitaniche, che rispetto a quelle occitaniche sono meno reticenti sull’aspetto carnale dell’incontro campestre; in particolare, quella esaminata (il n. LXXV della raccolta edita da J.C. Rivière)10 si distingue sì per essere improntata al grottesco e alla parodia, ma lascia anche trasparire un retroterra evocativo dei poteri della femminilità e delle paure che suscitano nella psiche maschile (p. 379). Assai efficaci sono poi gli esempi moderni allegati ed analizzati nel seguito del contributo a illustrare la persistenza carsica e gli affioramenti insospettabili del motivo e/o dei suoi attanti: da Amore e ginnastica di Edmondo de Amicis al poemetto di Ketty di Guido Gozzano, dalle disavventure erotiche del protagonista di America di Franz Kafka alle figure femminili che compaiono in Un amore di Dino Buzzati, confermano indirettamente la produttività di un approccio antropologico al testo medievale e anche moderno, in grado di rivelare costanti dell’immaginario e lunga durata di paradigmi culturali, dei quali quello della dira mulier, tematizzato in questo volume miscellaneo costituisce un caso assai interessante, anche perché permette di leggere a contrappelo medievalismi moderni e modernità medievali. Massimo Bonafin Università degli studi di Genova
Bibliografia ivi, p. 399. Pastourelles, Genève, Droz, 1976.
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L’espressione dell’identità nella lirica romanza medievale, a cura di Federico Saviotti e Giuseppe Mascherpa, Pavia, Pavia University Press, 2016, 150 pp. La miscellanea, curata da Federico Saviotti e Giuseppe Mascherpa, è il risultato dei lavori presentati in occasione del convegno internazionale, dal titolo L’espressione dell’identità nella lirica romanza, tra testo e musica, organizzato presso il Dipartimento di Studi Umanistici dell’Università degli Studi di Pavia il 19 e il 20 maggio 20151 ed inserito tra le attività del progetto FIR – Programma “Futuro in ricerca 2013” su “Identità e alterità nella letteratura dell’Europa medievale: lessico, topoi, campi metaforici” a cui hanno partecipato tre unità di ricerca: Pavia, i cui studiosi si sono occupati di poesia lirica, Sassari, che si è concentrata sulla produzione omiletica e odeporica, ed infine Roma, che ha fornito il suo contribuito per quanto riguarda l’epica e il romanzo. L’obiettivo condiviso nel corso delle attività è stato quello di «individuare e distinguere quanto può essere considerato comune all’immaginario medievale nel suo complesso e quanto, invece, costituisca un tratto specifico di ciascun genere, area o autore» (p. VII)2. I sette saggi, di altrettanti autori, sono preceduti da un’introduzione di Federico Saviotti («Per un’identità nel genere lirico medievale», pp. 1-9) e seguiti da una «Bibliografia» (pp. 127-39) ed un «Indice dei nomi» (pp. 141-46) a cura invece di Giuseppe Mascherpa. I contributi si presentano diversificati tanto per argomento quanto per impostazione metodologica, seppur tutti appaiano inerenti – appunto – al genere lirico medievale e concorrano all’inquadramento di quel concetto di identità che è in realtà moderno: come affermato da uno dei curatori del progetto, «non sembra» infatti «che il Medioevo disponesse nella sua strumentazione teorica di nulla di simile» ed è di conseguenza indispensabile mantenere un prudente equilibrio tra, da una parte, l’applicazione di quelle che vengono considerate come costanti antropologiche e, dall’altra, l’aderenza ad un contesto sociale e culturale assai diverso da quello in cui e per cui tali categorie sono state concepite» (p. 2). Non si può quindi parlare di identità – o di «processo
Il volume non accoglie due interventi presentati nel corso del suddetto convegno, in quanto sono stati concepiti dai rispettivi autori come riflessioni in forma soltanto orale: «Trovatori e ironia redux: identità e voci di secondo grado nella lirica cortese» di Simon Gaunt (King’s College London), deceduto prematuramente nel 2021, e le «Conclusioni» di Maria Luisa Meneghetti (Università di Milano). 2 Il progetto ha altresì portato alla creazione di una base dati e di un repertorio liberamente consultabile on-line del lessico e delle immagini topiche e metaforiche che esprimono l’identità e l’alterità all’interno di testi selezionati (Cfr. IDERITAS, a cura di Federico Saviotti, Annalisa Perrotta, Giovanni Strinna, Giuseppe Mascherpa e Lorenzo Mainini; elaborazione informatica di Lanfranco Fabriani). 1
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di identificazione»3 – senza fare riferimenti all’«alterità del Medioevo», ricercata ed analizzata nell’opera tanto nei contenuti quanto negli elementi formali – componenti lessicali, stilistiche, registrali – che la esprimono. Sebbene l’approccio filologico sia quello privilegiato, la questione dell’identità e – di riverso – dell’alterità è inoltre accolta, per esplicita dichiarazione dei curatori, in declinazioni molto ampie e varie, senza definizioni statiche e restrittive. Partendo dalle fondamentali monografie di Michel Zink4 e Sarah Kay5, gli studiosi si sono interrogati sul rapporto che intercorre fra espressione dell’identità ed espressione della ‘soggettività’, sulla misura in cui l’identità può rinviare a una dimensione collettiva, sul confronto tra l’alterità e l’identità poetica ed infine sugli strumenti espressivi impiegati dagli autori per inscrivere la propria identità nel discorso poetico. Si segnala altresì come i testi oggetto di studio appartengano a generi diversi tra loro: «dalla poesia lirica a quella narrativa, dalla predicazione religiosa alla letteratura di viaggio» (p. 3). Ad aprire la raccolta è il contributo di Michel Zink («Identité et duplicité. La signature comme dissimulation», pp. 11-23), il quale propone una riflessione sui concetti di ‘identità’ e ‘duplicità’, propri della lirica medievale ed apparentemente antitetici. L’identità è infatti «ce qui définit l’individualité comme unique et qui permet son ‘identification’», ma l’identità «peut désigner aussi la confusion entre deux individualités qui ne peuvent être distinguées car elles sont ‘identiques’» (p. 11). La ‘duplicità’, ugualmente, racchiude i concetti ambivalenti di ‘raddoppiamento’ e ‘dissimulazione’. Se dunque molte energie, a partire dalla filologia positivista, sono state rivolte all’identificazione degli autori e all’attribuzione delle opere, Michel Zink sottolinea come questo sforzo mal si concili con il gioco della poesia medievale sull’identico e sul doppio (p. 12: «d’où mon titre»): dissimulazione e rivelazione dell’identità del poeta, del resto, spesso alimentano la lirica stessa. Nonostante infatti sia frequente – all’interno dei testi – la presenza di un nome, il rapporto tra quest’ultimo e l’identità è «rarement simple et presque toujours duplice»: basti pensare – a titolo di esempio – ai senhals, agli acrostici, all’«identité faussement révélée par un sobriquet» o all’«identité empruntée à un mort» (pp. 12-13). Gli esempi, al riguardo, sono numerosi nel saggio dell’autore6 e spaziano dalla produzione dei secoli xii e xiii a François Villon: proprio
Stuart Hall, «Introduction: Who Needs Identity?», in Stuart Hall and Paul Du Gay (ed. by), Questions of Cultural Identity, London-Thousand Oaks-New Delhi, SAGE Publications, 1996, pp. 1-17, pp. 2-3. 4 Michel Zink, La subjectivité littéraire. Autour du siècle de Saint Louis, Paris, P.U.F., 1985. 5 Sarah Kay, Subjectivity in Troubadour Poetry, Cambridge, Cambridge University Press, 1990. 6 Senza alcuna pretesa di esaustività, cito Jakemés nel Roman du Chastelain de Couci et de la Dame de Fayel, Thibaut nel Roman de la Poire, Jean Renart nelle sue tre opere ed infine Simund de Freine nel Roman de Philosophie. 3
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in quest’ultimo, secondo Michel Zink, gli acrostici diventano fondamentali per l’ostentazione del proprio nome. Il successivo ed esteso articolo di Maria Sofia Lannutti («Figurae nominis et sententiae. Identità dell’autore e del dedicatario nella lirica italiana del DueTrecento», pp. 25-47) si ricollega, per l’attenzione agli espedienti formali e alle cosiddette «figure di lettere», al precedente contributo del volume: strutturato in tre sezioni, è dedicato però alla poesia italiana e – più precisamente – al Duecento, al Trecento e a due madrigali trecenteschi. Partendo dalla specificità del senhal, che – nella poesia romanza – «cela allusivamente l’identità, reale o simbolica, dell’amata, del dedicatario, dell’autore» (p. 25), la studiosa – nella prima parte del contributo – concentra la propria analisi su alcuni poeti italiani che «appartengono alla corrente ermetica di ascendenza tardo-romana e, poi ancora, altomedievale»7. Più specificatamente, ser Pace e Dello da Signa, guittoniani attivi nella seconda metà del Duecento, sono anche «partner in uno scambio di sonetti», Certi elementi diraggio presente e In decima e terç’à lo cominciare, e ricorrono – oltre a giochi enigmistici – a corrispondenze tra i numeri menzionati nel testo e l’ordine delle consonanti e delle vocali nell’elenco alfabetico, per formulare i relativi nomi. Analoghe «figure di lettere», descritte in maniera dettagliata, sono alla base anche del sonetto Di ciò ch’audivi dir primieramente di Dante da Maiano. Nella seconda parte del saggio l’analisi passa poi in rassegna alcune liriche dei poeti della generazione successiva – Fazio degli Uberti, Cecco Nuccoli e Petrarca – e, attraverso il puntuale riferimento ai testi, mette in risalto come il gusto per le figure di lettere, per gli acrostici e per il senhal – rivelatori, di volta in volta, del nome della donna amata, del nome e del cognome del dedicatario e dello stesso autore – sia molto diffuso. L’indagine, ricca di esempi, prende in considerazione anche la Summa artis ritmici vulgaris dictaminis di Antonio da Tempo, in cui l’autore descrive due tipi di figure di lettere, in un verso e su più versi. Nella terza ed ultima parte dell’articolo, infine, Maria Sofia Lannutti prende in considerazione due madrigali del Trecento, il semiletterato Lo lume vostro, dolce mio segnore, musicato da Jacopo da Bologna ed incentrato sulla descrizione dell’insegna araldica personale di Bernabò Visconti, e il madrigale trilingue – in italiano, latino e francese – La fiera testa che d’uman si ciba, musicato invece da Bartolino da Padova e da Nicolò del Preposto. Muovendo le fila dall’attribuzione de La fiera testa a Petrarca in un manoscritto del primo Quattrocento conservato a Parma, l’autrice sottolinea come alcuni riscontri testuali siano «interpretabili come manifestazioni della tecnica autoallusiva tipicamente petrarchesca» (p. 42) e, mettendo in luce come – in un complesso gioco di lettere – il dedicatario sia per
Concordanze della lingua poetica italiana delle origini (CLPIO), a cura di d’Arco Silvio AvalMilano, R. Ricciardi, 1992, p. 839.
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tre volte identificato nel nome Lapus, ipotizza si tratti di Lapo da Castiglionchio il Vecchio, noto per la sua amicizia con l’autore del Canzoniere. Dedicato al Notaro è il lavoro di Valentina Atturo («Identità, spirito e affetti in Giacomo da Lentini», pp. 49-68). La studiosa, partendo dalle considerazioni di Raffaele Pinto e prendendo in considerazione l’intero corpus lentiniano, nota come il poeta «si rivolga ad un’interlocutrice femminile in ben dodici casi su diciassette complessivi» (p. 50): la destinataria, con cui l’Io dialoga, non è, insomma, sottintesa ed anzi orienta l’intero discorso lirico in senso allocutivo. L’assenza della donna amata caratterizza invece le grandi canzoni ‘di lontananza’ (Troppo son dimorato, S’io doglio no è meraviglia e Poi no mi val), in cui si rifunzionalizza l’amore lontano di Jaufre Rudel, e – diventando muta l’interlocutrice femminile – «si potenzia l’espressione dell’Io» (Ibid.): questa eccezione, tuttavia, «conferma la tenuta del ‘sistema’» (p. 51) e il ruolo innovativo che il destinatario femminile ricopre nell’opera di Giacomo da Lentini. Con il prevalere della funzione conativa ed emotiva8, la donna è infatti «concepita come alterità, anche linguistica, che non deve venire meno, pena la cessazione del canto» (Ibid.). Tale paradigma è però rovesciato nei sonetti, di cui il Notaro è inventore: dei diciannove a lui attribuiti, solo cinque si rivolgono ad un’interlocutrice femminile. In quest’ultimi la donna amata si trasforma in figura – un’immagine «dipinta, fittizia o introiettata nel pensiero» (p. 52) – e «l’Io diviene il punto di riferimento per commisurare la realtà esterna» (p. 53), segnando un mutamento radicale di strategia comunicativa: «il sentire travalica il dire, denotando una fenomenologia amorosa» – dei cui marcatori psico-somatici l’autrice fornisce, all’interno del contributo, puntuali esempi tratti dai testi (sospiri, lacrime, angustia ecc) ed ipotizza un’ispirazione, da parte del Notaro, ad alcune teorizzazioni di Avicenna e di Alberto Magno – «che interiorizza il sentimento piuttosto che palesarlo esternamente». L’affievolimento dell’istanza corporea e il parallelo potenziamento di quella spirituale determinano così la «propensione ad incorporare l’elemento oggetto, il corpo della donna, nella soggettività» – e dunque nell’identità – «dell’Io maschile» (p. 67). L’argomentazione proposta da Valentina Atturo si collega strettamente ai contenuti presentati da Roberto Antonelli («La questione dell’Io, dal romanzo antico-francese alla lirica italiana», pp. 69-80). Come si evince dal titolo, il contributo dell’autore ripercorre la rappresentazione della Soggettività nella letteratura medioevale, dal romanzo antico-francese del xii secolo – in cui l’eroe, pur con il «rilievo tutto nuovo dato alla singola personalità del cavaliere», resta il «rappresentante di un gruppo» ed «exemplum» – fino all’Io petrarchesco. In particolare lo studioso evidenzia come il fil rouge di questo percorso, così diversificato per
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Roman Jakobson, Saggi di linguistica generale, Milano, Feltrinelli, 1979.
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generi e contesti socio-culturali, sia rintracciabile proprio nel fatto amoroso: «la nuova società cortese sceglie», insomma, «questo tema come fatto identitario e s’incontra e scontra su questo terreno […] con i vincoli sociali e i nuovi ceti che iniziano ad occupare la scena sociale» (pp. 69-70). La lirica, che «dice ‘Io’ per definizione» e «pone al centro della scrittura in modo esclusivo l’amore», si trova così a rappresentare al meglio «le istanze di autoriconoscimento della nuova cultura romanza» (p. 71): la quasi totale assenza del ‘Tu’, in riferimento alla donna amata, in – ad esempio – Guglielmo IX e Bernardo di Ventadorn non è tuttavia il «segno di raggiunta individualità e autorelazionalità interiore dell’Io ma della sua egemonia sul gruppo e della difesa contro altri gruppi ideologici» (p. 72). È piuttosto con Giacomo da Lentini e con il passaggio al sonetto che «il Soggetto necessariamente parla di sé ed, essendo il discorso d’amore l’oggetto privilegiato del discorso, si propone per la prima volta […] come Io lirico» (p. 78). Il quinto contributo («L’identità italiana nella poesia dei trovatori», pp. 81100), scritto da Marco Grimaldi, parte invece dalla suggestiva definizione di ‘identità’ come «parola avvelenata»9 fornita da Francesco Remotti. L’autore del saggio indaga infatti l’identità italiana – all’interno del corpus trobadorico, dove «mai compare la parola Italia» (p. 86) – da tre punti di vista: geografico, sociologico e politico. Attraverso una ricca analisi delle occorrenze dei termini «Italia», «Italiani», «Lombardia», «Lombardi» e «Latini», con riferimenti – a titolo di esempio – alle produzioni di Peirol, Gaucelm Faidit, Aimeric de Peguilhan, Elias Cairel e Raimbaut de Beljoc – lo studioso conclude come la costruzione dell’identità italiana appaia «legata sia all’affermazione del volgare nel corso del xiii secolo sia al recupero consapevole di fonti antiche in autori per i quali l’unità geografica si lega strettamente […] al riconoscimento di una precisa identità collettiva» (p. 100). Questi fenomeni non toccano però, secondo Marco Grimaldi, i testi trobadorici. Christelle Chaillou-Amadieu prova invece, nel suo lavoro dal titolo «Le chant du poète, entre convention et singularité» (pp. 101-14), a rispondere ad un altro interrogativo: «La musique des troubadours contient-elle une expression de l’identité?» (p. 101). A causa del primato concesso ai testi, della relativa semplicità delle melodie e della «méconnaissance de l’aspect rythmique» (p. 102) i repertori melodici dei trovatori sono infatti, a giudizio dell’autrice, erroneamente ritenuti omogenei: nonostante queste difficoltà, però, è possibile evidenziare dei tratti distintivi, collegabili all’identità dei compositori. Tre sono, in particolare, i metodi presi in esame dalla studiosa: lo studio comparativo delle varianti musicali, i motivi musicali comuni a più canti – ricollegabili a specifiche ‘scuole’ di composizione – e l’uso ricorrente di un particolare stile compositivo (p. 103:
Francesco Remotti, L’ossessione identitaria, Roma-Bari, Laterza, 2010, p. XI.
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«Premièrement, l’étude comparative des variantes musicales […] des motifs musicaux communs à plusieurs chansons […] le style musical d’un troubadour émergerait d’une utilisation récurrente d’un procédé de composition en particulier»). Attraverso l’attenta analisi dei corpora musicali di Gaucelm Faidit e Bernart de Ventadorn, l’autrice mette dunque in luce non solo il legame intrinseco tra formula musicale e struttura poetica, ma anche un forte principio di variazione, pur nella linearità dell’impianto formale. Più nel dettaglio quattro sono le tendenze nel corpus musicale – «la variation musicale», «la conservation de la forme musicale», «l’emploi de formules musicales types» e «le style formulaire» – e, attraverso di esse, «une chanson ou un groupe de chansons peuvent être signés» (pp. 113-14). Ancora estremamente suggestivo è il contributo di Davide Daolmi («Raccogliere liriche, inventare poeti. L’identità immaginaria dei primi trovieri», pp. 11525). Lo studioso, indagando l’identità di tre casi «fra loro correlati e insieme diversi» (p. 115) e riconducibili alla prima generazione di trovieri, giunge infatti alla conclusione che «le attribuzioni sono più spesso costruzioni letterarie» (p. 125). Più nello specifico la prima identità biografica presa in esame è quella del Castellano di Coucy, la cui vicenda è raccontata nel Roman du Chastelain de Coucy: nonostante vi sia stato uno scandaglio minuzioso della genealogia dei Coucy, secondo Davide Daolmi «non esistono chansons in cui riferimenti al suo nome esprimano la paternità della poesia» (p. 121). L’autore segnala, invece, «un paio di casi in cui un Castellano è evocato come amante sfortunato»10. Ugualmente «soprattutto letteraria» (p. 117) è la vicenda di Blondel de Nesle, noto per l’episodio di un récit che lo immagina liberare Riccardo Cuor di Leone: nonostante l’«insistito scandaglio nelle carte di famiglia» (Ibid.), lo studio riferisce come non sia stato possibile rintracciare alcun troviero ed anzi ipotizza che «sia bastata una sola chanson – Quant je pluz sui – […] per creare la figura di un troviero a tutto tondo» (p. 121). Infine, per quanto riguarda Riccardo Cuor di Leone, sebbene la figura storica non venga ovviamente messa in discussione, Davide Daolmi – ricollegandosi ai lavori di Reto Bezzola – evidenzia come non ci siano notizie in merito ai suoi interessi letterari e come «il corpus letterario superstite» – una prima lirica in lingua d’oc, Dalfin, ieu·us voill deresnier, e una seconda in lingua d’oïl, Ja nuns hons pris – «sia insolito» (p. 118). L’indagine appare forse ancora parziale, tuttavia risulta ambiziosa e pone l’accento sul ruolo del troviero, «immaginato nella Francia che guarda alle proprie origini letterarie» (p. 125). In conclusione, la miscellanea si presenta come un valido contributo per chiunque si interessi di lirica romanza medievale. I saggi appaiono ricchi ed
10 Davide Daolmi, Trovatore, amante, spia. Otto secoli di cronache attorno al celebre favorito che salvò re Riccardo, Lucca, LIM Editrice, 2015, pp. 120-21.
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estremamente eterogenei, tanto in termini di contenuti quanto di prospettive ed approcci metodologici, ma la struttura del volume – come dichiarato da uno dei curatori nell’«Introduzione» – mette ben in risalto i «punti di reciproca tangenza» tra le varie indagini, offrendo così un percorso di lettura organico, scrupoloso e dettagliato. Ancoraggio comune a tutti i contributi, anche quelli che offrono riflessioni maggiormente teoriche e musicologiche, resta infatti il dato testuale. Gloria Zitelli Università di Macerata
Géraldine Toniutti, Les derniers vers du Roman arthurien. Trajectoire d’un genre, anachronisme d’une forme, Genève, Droz, 2021 (Publications Romanes et Françaises CCLXXIII), 735 pp. (version PDF). Il volume di Géraldine Toniutti, frutto della sua ricerca dottorale condotta sotto la duplice egida delle Università di Lausanne e di Paris 3-Sorbonne nouvelle, si interroga sul rapporto tra forma narrativa (nello specifico, verso/prosa) e genere letterario nel primo romanzo moderno e segnatamente arturiano. Nell’accingersi a delineare tale studio, Toniutti sceglie come prospettiva di indagine preferenziale i romanzi arturiani in versi composti a partire dall’ultimo terzo del xiii secolo. Nell’introduzione (pp. 7-30), oltre a fornire un’efficace sintesi dello status quaestionis, la studiosa illustra in maniera convincente le ragioni di tale scelta. Se il romanzo si affaccia nel panorama letterario in lingua d’oïl nella sua forma in versi, nel corso del xiii sec. il genere subisce un lento ma definitivo trapasso alla forma in prosa. I romanzi in versi dell’ultima parte del secolo, pertanto, sono scritti in una forma divenuta anacronistica, che implica una visione diversa del mondo arturiano e dei suoi valori. La ricerca, che adotta una duplice prospettiva, storica e teorico-letteraria, è incentrata su un corpus di sei romanzi, tutti tràditi da un manoscritto unico e nel migliore dei casi da qualche frammento: Claris et Laris (ca. 1270); Floriant et Florete (ca. 1280); Rigomer di un tale Jehan (ca. 1268-1275); Biaudouz di Robert de Blois (1260-1269); Escanor di Girart d’Amiens (1281); Melyador di Jean Froissart (prima versione: 1362-1369, seconda: 1381-1383). L’indagine intende verificare anche l’influenza esercitata su tali testi dalla tradizione in prosa, distinta in tre generazioni: la prima è composta dal ciclo del Lancelot-Graal (primo terzo del xiii sec.); la seconda dal Tristan en prose nelle sue due versioni (1230 e 1250) e dalla Suite du Roman de Merlin (ca. 1240); la terza dal Meliadus (1235-1240), dal Roman de Guiron (1235-1240), dalla Su‑ ite Guiron (1230-1240) e dal Livre d’Artus (metà del xiii sec.). Inoltre, Toniutti
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affronta casi particolari come il Conte du Papegau e occasionalmente i romanzi in prosa posteriori al 1300 (Perceforest, Artus de Bretagne, Ysaïe le Triste), riservandosi di considerare anche un corpus secondario di cinque testi in versi che, pur non essendo propriamente romanzi, rivelano l’influenza del romanzo arturiano (Brun de la Montagne, Le Tournoi de l’Antéchrist, La Bataille Loquifer, Le Roman du Hem di Sarrasin, Blandin de Cornouailles). La tesi è sviluppata nei tre capitoli successivi, ciascuno dei quali si propone un obiettivo specifico: elaborare una teoria del genere letterario valida per la letteratura del Medioevo (cap. 1); esplorare le problematiche legate alla scrittura in versi dopo la metà del xiii secolo (cap. 2); definire, sulla base delle premesse teoriche costruite nei capitoli precedenti, la nuova estetica della tardività introdotta dai romanzi del corpus (cap. 3). Nel primo capitolo, «Choix de forme. Conséquences génériques» (pp. 31237), la studiosa si sofferma sugli indizi che possono rivelare una consapevolezza medievale dei generi letterari: le testimonianze di singoli scrittori e di trattati poetici in latino; l’auto-designazione delle opere con un’etichetta di genere (chanson de geste, roman, lai, fable, fablel); la costituzione delle raccolte di più testi (emblematico il caso del manoscritto Chantilly, Condé 472: ad eccezione del Perlesvaus e del Roman de Renart, questa raccolta tramanda solo romanzi arturiani in versi, che sembrano riuniti sulla base del genere letterario). La nozione di ‘genere’ è definita in un’accezione ampia: ogni testo partecipa a un dato genere, ossia si costruisce in rapporto all’orizzonte di attesa del pubblico1; quando tale orizzonte viene eluso, si danno esiti diversi, potenzialmente infiniti. Tra i criteri della «généricité médiévale» (p. 80), un posto di rilievo è occupato dalla forma, che include la lingua2 e le opposizioni formali tra verso/prosa, tra metri diversi e tra lunghezza/brevità del racconto. Particolarmente interessanti le pagine dedicate alla dialettica tra verso e prosa, in cui vengono rintracciate alcune possibili motivazioni per spiegare il successo di quest’ultima forma nel xiii secolo: «un medium plus simple, cognitivement abordable» (p. 85), garanzia di verità del racconto in quanto «langue de l’Écriture, la langue de Dieu» (p. 86), più vicina alla lingua quotidiana parlata, incline alla completezza, la prosa avrebbe così incoraggiato le continue riscritture dei grandi romanzi arturiani. Tuttavia, non è vano da parte della studiosa ricordare che le proprietà attribuite a una forma
1 Tali riflessioni sono elaborate sulla scorta delle teorie di H.R. Jauss, «Littérature médiévale et théorie des genres», in G. Genette, H.R. Jauss, J.-M. Schaeffer, R. Scholes, W.D. Stempel, K. Viëtor, Théorie des genres, Paris, Seuil, 1986, pp. 37-76. 2 Come noto, il termine ‘romanzo’ lega direttamente il genere alla lingua moderna, romanza, in cui esso è composto: è ancora possibile consultare con profitto Au. Roncaglia, «Romanzo. Scheda anamnestica di un termine chiave» (1981), in Il romanzo a cura di M.L. Meneghetti, Bologna, il Mulino, 1988, pp. 89-106.
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narrativa non sono intrinseche a quest’ultima, ma «résultent plus de l’imaginaire des auteurs» (p. 91). L’importanza del metro è esemplificata, invece, da Brun de la Montagne (inizi del xiv sec.), un testo singolare che si ispira anche al romanzo arturiano, scritto utilizzando non l’octosyllabe (metro canonico per i romanzi arturiani), ma l’alessandrino, un metro prestigioso che ha condizionato la ricezione dell’opera, associata nel manoscritto unico che la tramanda a una chanson de geste. Lo studio dei criteri della genericità include anche i concetti di historia e fabula, con approfondimenti sui temi del meraviglioso, del mito, del rapporto tra verità e finzione, non senza incursioni interessanti anche sul ruolo del narratore e sullo statuto della materia, intesa come «le matériau brut, en attente du travail de l’auteur qui devra le mettre en forme» (p. 159). Stabilito che il romanzo arturiano in versi è un genere a sé stante, Toniutti può svelare il meccanismo con cui la tradizione critica, nell’attribuire un ruolo di primo piano a Chrétien de Troyes in quanto precursore del genere, ha declassato gli autori successivi al rango di meri epigoni del maestro champenois. Nel dettaglio, la studiosa intende relativizzare la prospettiva normativa sostenuta nel lavoro pioneristico di Schmolke-Hasselmann3, secondo cui i romanzi più tardi segnerebbero inevitabilmente la decadenza del genere, poiché non rispettano più gli elementi tipici dei romanzi in versi canonici (Erec et Enide e gli altri testi di Chrétien). L’idea di canone proposta da Toniutti è meno prescrittiva e più ‘evolutiva’: le divergenze rispetto alla norma non sono ‘errori’, ma trasgressioni intenzionali parte dell’estetica della tardività. L’indagine coinvolge il Tournoi de l’Antéchrist d’Huon de Méry (tra 1295 e 1320) e la Bataille Loquifer (fine del xii sec.-inizi del xiii sec.), testi che non sono romanzi arturiani e in cui la presenza della figura di Artù risponde alla logica della «transfictionnalité» (p. 196), che presuppone l’esistenza di un universo narrativo resosi indipendente dall’autore e dall’opera che l’hanno creato e riutilizzato in altri testi, anche attraversando il confine tra i diversi generi letterari. L’esempio del Roman du Hem di Sarrasin (testo atipico, reportage di un torneo svoltosi nel borgo di Hem nel 1278) conferma che la materia arturiana è ormai divenuta un fenomeno culturale. Altrettanto preciso ed efficace risulta il discorso seguito da Toniutti per mostrare che il genere implica anche codici estetici e valori propri, la cui ripetizione nelle opere permette di delineare una sorta di «poétique latente» (p. 206). Quest’ultima si manifesta soprattutto dal punto di vista della struttura del romanzo, condizionata dalla quête e dall’erranza cavalleresca. Il caso di Blandin
Cfr. B. Schmolke-Hasselmann, Der arthurische Versroman von Chrestien bis Froissart: Zur Ge‑ schichte einer Gattung, Tübingen, Niemeyer Verlag, 1980; trad. inglese: B. Schmolke-Hasselmann, The Evolution of Arthurian Romance, trans. M. and R. Middleton, Cambridge, Cambridge University Press, 1998. 3
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de Cornouailles, testo in provenzale datato al xiv secolo, mostra che, in assenza della figura di Artù, la stessa avventura appare ormai svuotata di significato. Tuttavia, l’idea della decadenza del genere, che porta a vedere nei romanzi più tardi delle mere compilazioni monotone, prive di ogni sorta di originalità e interesse – emblematici, ad esempio, i giudizi espressi da Gaston Paris4 e Alexandre Micha5 rispettivamente a proposito di Claris et Laris e di Rigomer – ha fatto sì che si perdesse di vista la prospettiva del pubblico medievale. Quest’ultimo doveva apprezzare tali testi per il gusto nel riconoscere le allusioni alla tradizione precedente e per il modo in cui la materia arturiana viene riattualizzata: non è un caso se i testimoni dei romanzi più tardi sono manoscritti di pregiata fattura, segno di una committenza facoltosa. Nel secondo capitolo, «Les derniers vers: écrire en vers après la prose» (pp. 239-425), Toniutti propone un’attenta riflessione sulla distinzione tra prosa e verso, che sembra ricalcare quella tra ciclo (più opere collegate in un quadro narrativo d’insieme) e serie (un insieme di testi accomunati tra loro, pur in assenza di un’architettura globale): la prosa si organizza in cicli, mentre al verso corrisponde il meccanismo della serie. Se la narrazione della prosa abbraccia più generazioni, muovendosi in un tempo lineare, le avventure dei romanzi in versi coprono uno o due anni e si inscrivono in un tempo circolare, quasi sospeso. Se la prosa assume una visione pessimistica, poiché la sua prospettiva diacronica implica anche la morte dei personaggi e la fine dell’universo arturiano, il verso descrive l’apogeo di quel mondo. Tali distinzioni sono definite da Toniutti «chronotopiques» (p. 246) nel senso bachtiniano del termine: anche quando tempo e spazio sono gli stessi (la Bretagna, sotto il regno di Artù), il cronotopo è differente, poiché il tempo e lo spazio intrattengono relazioni diverse nel contesto dei romanzi in prosa e di quelli in versi. I romanzi tardivi conservano sempre una cronologia incerta e soprattutto la ciclicità delle avventure, potenzialmente infinite, anche quando complicano il cronotopo proprio dei romanzi in versi, ad esempio narrando la giovinezza degli eroi, come nel caso di Melyador, oppure esplorando altri episodi delle gesta arturiane, come la guerra di Artù contro Roma in Claris et Laris, o tentando una lettura cronologica della diegesi, come dimostrano le morti di alcuni personaggi nel finale di Escanor. Per la stessa via, la geografia di tali romanzi si allarga ben oltre i confini della Bretagna: Floriant et Florete, ad esempio, è ambientato in Sicilia.
«C’est un vrai produit de décadence, une perpétuelle imitation d’imitations, une interminable compilation de lieux communs», G. Paris, «Romans en vers du cycle de la Table Ronde», in His‑ toire Littéraire de la France, Paris, Imprimerie Nationale, vol. 30, 1888, pp. 124-36, a p. 124. 5 «Cette œuvre longue et diffuse marque l’épuisement de la veine arthurienne», A. Micha, «Mer‑ veilles de Rigomer», in Dictionnaire des lettres françaises. Le Moyen Âge, dir. G. Grente et al., Paris, Fayard, 1964, pp. 509-10, a p. 509. 4
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Toniutti si dedica poi a uno studio tipologico dei principali personaggi dei romanzi in versi e dei romanzi in prosa: da un lato Galvano, dall’altro Tristano, Lancillotto e Perceval, con approfondimenti anche sui personaggi che sono stati traghettati dalla prosa al verso, come Dinadan che dal Tristan en prose passa direttamente al racconto di Escanor6, o Merlino che viene integrato nel testo di Claris et Laris. La studiosa, inoltre, mostra che in tali testi al Graal è preferito il meraviglioso delle favole, privo di implicazioni morali o religiose, secondo lo stesso movimento di ritorno al fiabesco che si riscontra nei romanzi in prosa più tardi come Perceforest, Ysaïe le Triste o Artus de Bretagne. Sul versante stilistico, l’analisi si concentra sulla sintassi dei romanzi del corpus e individua come specificità della scrittura in versi, in particolare, la brisure du couplet e l’enjam‑ bement: anche dal punto di vista sintattico, i romanzi in versi tardivi conservano dunque la propria identità distinta da quella della prosa. L’indagine del processo di abbandono progressivo del verso come forma di scrittura romanzesca è incentrata su tre dimensioni di studio: l’esame degli ultimi romanzi in versi non arturiani composti nel xiv e nel xv secolo (Le Roman du comte d’Anjou, Le Roman de la Dame a la Lycorne et du Biau Chevalier au Lyon, Le Roman d’Eledus et Serene, Mélusine, Le Chevalier au Lion di Pierre Sala) e il modo in cui questi ultimi giustificano l’impiego della forma in versi; le inserzioni liriche in Escanor e Melyador, indice del fatto che il verso si specializza sempre più come espressione della soggettività, cioè delle emozioni e dei sentimenti dei personaggi (mentre la prosa si afferma come forma della narrazione); infine, la trasmissione manoscritta dei romanzi arturiani in versi alla fine del Medioevo (il genere sembra essere letto quasi esclusivamente in Francia in questo periodo). Il capitolo centrale dello studio di Toniutti è chiuso da un affondo sul fenomeno delle mises en prose arturiane prodotte a partire dal xiv secolo. Sono pervenute sette prosificazioni, quattro tratte dai romanzi di Chrétien (Erec et Enide, Cligès, Le Chevalier de la Charrette, Le Conte du graal), a cui si aggiungono quelle di Mantel mautaillé, Le Bel Inconnu e Floriant et Florete, l’unico testo del corpus a essere riscritto in prosa, oggetto di particolare attenzione da parte della studiosa. Il lavoro si sofferma, infine, sul Conte du Papegau (fine del xiv sec.inizi del xv sec.), hapax della letteratura medievale tardiva in quanto opera ibrida che, composta in prosa, presenta numerose caratteristiche del romanzo arturiano in versi e tradisce l’effimero tentativo di rinnovare tale genere.
Come dimostrato da R. Trachsler, «De la Prose au Vers. Le cas de Dynadan dans l’Escanor de Girart d’Amiens», in Actes du XXe Congrès International de Linguistique et Philologie Romanes, Université de Zurich (6-11 avril 1992), publiés par G. Hilty en collaboration avec les présidents de section, Tübingen-Basel, Francke, 1993, t. V, pp. 401-12. 6
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Nell’ultimo capitolo della ricerca, «Trajectoire du Roman tardif» (pp. 427630), la studiosa analizza le «transfictions tardives» (p. 427) a cui vanno incontro personaggi celeberrimi come re Artù o Keu. La figura di un Artù dux bellorum, ad esempio, in Escanor, Claris et Laris e Floriant et Florete, è sorprendente, alla luce della funzione statica attribuita al personaggio nei primi romanzi in versi (il cui cronotopo è legato ai dodici anni di pace del regno arturiano): il romanzo tardivo, invece, rappresenta il re nel pieno esercizio delle sue funzioni, di nuovo combattente attivo nella difesa del suo regno. Anche la figura del siniscalco Keu è sottoposta a variazioni: l’originalità di Escanor risiede nella promozione di Keu al rango di eroe, concentrandosi sulla sua storia d’amore con Andrivete, sulle sue avventure e sulle sue prodezze. Segue un approfondimento dedicato alla tipologia del cavaliere arturiano, attraverso la comparazione dei testi del corpus con i romanzi in prosa della terza generazione: cifra distintiva della tardività di tali testi, in versi e in prosa, è la difficoltà nell’individuare con chiarezza un solo eroe protagonista. Concentrandosi soprattutto sul personaggio di Escanor nell’omonimo romanzo, inoltre, Toniutti dimostra che gli autori dei romanzi tardivi rinunciano al manicheismo, a una chiara polarizzazione tra personaggi positivi o negativi, prediligendo consapevolmente la presentazione di figure caleidoscopiche, mai perfette né univoche, aprendo così a nuove e inesplorate possibilità narrative. L’influenza della tradizione in prosa è evidente anche nella struttura delle opere. La studiosa impiega un campione di quattro testi per indagare l’utilizzo dell’entrelacement delle avventure, tipico della scrittura in prosa, e per evidenziare l’allungamento del racconto: Rigomer (17.271 versi), Claris et Laris (30.372 versi), Escanor (25.938 versi) e Melyador (30.771 versi) duplicano o triplicano la lunghezza di un romanzo arturiano classico. Tali testi associano al loro interno, instancabilmente, la lunghezza dell’insieme (in competizione con l’estetica dei romanzi in prosa) alle forme brevi del racconto, nelle formule di abbreviatio e nell’inserzione di brevi segmenti narrativi, rispondendo così a un’esigenza sempre più sentita: quella di una lettura frammentata e selettiva. L’allungamento dei testi si riconnette all’ambizione di esaustività dei romanzi del corpus, preoccupazione che non è estranea neppure ai testi in prosa. Toniutti si concentra poi sulla propensione dei testi del corpus a includere elementi propri di altri generi letterari, esaminando cinque casi particolari: la riscrittura puntuale di alcune ekphràseis sviluppate nei romanzi di materia antica (nello specifico, la descrizione della tenda del re Adrasto del Roman de Thèbes e la descrizione della meravigliosa Chambre de Beautés del Roman de Troie); la ripresa di motivi epici nei romanzi del corpus; l’imitazione circoscritta della letteratura liturgica, nel finale di Escanor; l’adozione di un registro vicino a
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quello dei testi narrativi comici (i fabliaux o il Roman de Renart), in particolare in Rigomer; infine, il caso di Biaudouz, che accoglie nell’ambito della sua trama narrativa anche le opere didattiche del suo autore. Nella conclusione del volume, dal significativo titolo «Autopsie d’une forme» (pp. 631-42), viene osservato che i testi del corpus si scindono al loro interno in due differenti categorie. La prima è quella della «secondarité» (p. 637) a cui appartengono Claris et Laris, Floriant et Florete e Rigomer, i testi più antichi del corpus: il rapporto che essi intrattengono con la tradizione in versi è quello della ‘sopravvivenza’. I testi di Girart d’Amiens e Jean Froissart, invece, instaurano una rottura più netta: Escanor e Melyador si presentano come un tentativo di «résurgence» (p. 637) di un genere e di una forma la cui fine è ormai inevitabilmente sancita. Il romanzo di Biaudouz sfugge a entrambe le precedenti classificazioni: composto per accogliere le opere morali di Robert de Blois, costituisce una sorta di hapax, anche se Toniutti sente di poterlo definire «plus survivance que résurgence» (p. 638). Nel chiudere la sua ricerca, Toniutti può ribadire che «l’esthétique tardive n’est pas une décadence» (p. 639), ma è stata percepita come tale a causa dei criteri utilizzati per descriverla. I romanzi arturiani più tardi non sono dei ‘cattivi’ romanzi, anzi: essi hanno il merito di proporre una sintesi della letteratura arturiana precedente e contemporanea, poiché sono in dialogo anche con i romanzi in prosa della seconda e della terza generazione, il Tristan en prose e il ciclo di Guiron le courtois. Il valore di tali testi, pertanto, al di là del giudizio estetico sugli stessi, risiede nel loro ruolo di testimoni di un cambiamento epocale, che riguarda il genere romanzo nel suo complesso: quello dell’abbandono del verso narrativo, a profitto della nuova scrittura in prosa. Nelle pagine finali, si trovano quattro tavole dedicate rispettivamente ai romanzi arturiani in versi tardivi (Annexe A), a un’inserzione lirica in Escanor (An‑ nexe B), alla diffusione del romanzo arturiano in versi dopo il xiii secolo (Annexe C), al manoscritto BnF fr. 24301 e alle opere di Robert de Blois ivi contenute (Annexe D). Chiude il volume, infine, una nutrita bibliografia (pp. 657-725) che contiene al suo interno anche una sezione specifica per ogni romanzo del corpus. Lo studio di Géraldine Toniutti costituisce una lettura arricchente da molteplici punti di vista. In prospettiva storico-letteraria, si distingue anzitutto per il gran numero di conoscenze presentate. Inoltre, sul versante più propriamente metodologico, è notevole per il rigore con cui è stata condotta l’analisi: le riflessioni teoriche, infatti, non sono mai scisse dagli esempi puntuali tratti dal confronto diretto con i testi. Infine, una scrittura curata e controllata garantisce la piacevolezza della lettura, nonostante la corposità dello studio.
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Il volume è disponibile non solo in versione cartacea, ma anche in open ac‑ cess sul sito della casa editrice Droz, dove si può trovare, inoltre, un breve video di presentazione del libro in cui è l’autrice stessa a chiarire la tripartizione interna e i contenuti fondamentali7. Les derniers vers du Roman arthurien si rivela essere, in ultima analisi, un lavoro prezioso e originale, incoraggiante anche nella prospettiva di nuovi potenziali studi sui romanzi arturiani tardivi. Rita Porqueddu Università degli Studi di Cagliari
Il video è fruibile al seguente indirizzo: https://www.youtube.com/watch?v=m39dvl9_g6E [ultima consultazione: 18 gennaio 2023].
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Revue Critique de Philologie Romane Periodico internazionale diretto da Massimo Bonafin, Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Maria Luisa Meneghetti, Richard Trachsler, Michel Zink ISSN 1592-419X Cette revue, qui paraîtra une fois par an, se propose de signaler – en les analysant de façon approfondie et critique – les œuvres les plus importantes pour l’étude interdisciplinaire des littératures romanes. Il existe d’ores et déjà d’excellentes sections de comptes rendus dans plusieurs publications (Zeitschrift für romanische Philologie, Romania, Revue de Linguistique romane, Vox Romanica, Medioevo Romanzo, etc.). Ces recensions, cependant, ne sont ni systématiques ni exhaustives et il arrive parfois que des livres essentiels soient oubliés. Le défi que nous relevons consiste à présenter tous les ouvrages (éditions de textes, études, mélanges…) qui, sur le plan méthodologique, contribuent efficacement au progrès de notre discipline. En même temps, nous espérons, par le biais d’une discussion non dogmatique, souligner la pertinence d’une approche plurielle dans le domaine des études médiévales. 0 - 1999 - Numéro spécial (pp. 96, € 10,33) 1 - 2000 (pp. 224, € 25,82) 2 - 2001 (pp. 204, € 31,00) 3 - 2002 (pp. XII-196, € 31,00) 4-5 - 2003-2004 (pp. XIV-322, € 62,00) 6 - 2005 (pp. X-230, € 31,00) 7 - 2006 (pp. X-212, € 31,00) 8 - 2007 (pp. VIII-252, € 31,00) 9 - 2008 (pp. VIII-264, € 31,00) 10 - 2009 (pp. VIII-256, € 31,00) 11 - 2010 (pp. VIII-224, € 31,00) 12-13 - 2011-2012 (pp. VIII-248, € 62,00)
978-88-7694-484-2
978-88-6274-468-3
14 - 2013 (pp. VIII-188, € 31,00)
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15 - 2014 (pp. VIII-188, € 31,00)
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16 - 2015 (pp. VIII-248, € 31,00)
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17 - 2016 (pp. VIII-196, € 40,00)
978-88-6274-748-6
18 - 2017 (pp. VIII-136, € 40,00) 978-88-6274-904-6 Éditions de textes et traductions: Andrea Ghidoni • Marco Veneziale • Yan Greub • Richard Trachsler • Fanny Maillet • Richard Trachsler • Nadine Henrard • Larissa Birrer • Gabriele Giannnnini • Michela Margani • Andrea Ghidoni • Roland Zingg • Études: Paola Scarpini • Massimo Bonafin • Isabelle Godeby • Antonella Sciancalepore • Paola Scarpini • Gloria Zitelli. 19 - 2018-2019 (pp. X-216, € 40,00) 978-88-3613-039-9 Éditorial • I. Mises en relief: 1. Éditions de textes et traductions: Richard Trachsler • Elena Muzzolon • 2. Études: Jean-Jacques Vincensini • Andrea Ghidoni • Andrea Menozzi • José António Souto Cabo • II. Comptes Rendus: 1. Éditions de textes et traductions: Andrea Ghidoni • 2. Études: Andrea Ghidoni • Antonella Sciancalepore • Stephen Parkinson • Gabriele Giannini • Andrea Ghidoni • Laura-Maï Dourdy • Fanny Maillet. 20 - 2020 (pp. VIII-136, € 40,00) 978-88-3613-190-7 Éditorial • I. Mises en relief: 1. Éditions de textes et traductions: Piero Andrea Martina • II. Comptes rendus: Yan Greub • Claudia Tassone • Giovanna Alaia • May Plouzeau • 2. Études: Flavia Sciolette • Elena Podetti • Vito Santoliquido • Andrea Ghidoni • Lauren Mulholland. 21 - 2021 (pp. X-158, € 40,00) 978-88-3613-279-9 Éditorial • I. Review article: Andrea Beretta • II. Comptes rendus: 1. Éditions de textes et traductions: Mariateresa Prota • May Plouzeau • 2. Études: Andrea Ghidoni • PierreYves Badel • Benedetta Viscidi • Valeria Russo • Mariateresa Prota • Claudia Tassone • Richard Trachsler • Andrea Ghidoni • Laura Endress • III. Schede brevi: Marco Veneziale • Claudia Tassone.
Finito di stampare nel luglio 2023 da Litogì S.r.l. in Milano per conto delle Edizioni dell’Orso