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French Pages 166 [168] Year 1987
BEIHEFTE ZUR ZEITSCHRIFT FÜR ROMANISCHE
PHILOLOGIE
B E G R Ü N D E T VON GUSTAV G R Ö B E R F O R T G E F Ü H R T VON WALTHER VON WARTBURG H E R A U S G E G E B E N VON KURT B A L D I N G E R
Band 216
I
GEORGES
KLEIBER
Relatives restrictives et relatives appositives: une opposition »introuvable«?
MAX N I E M E Y E R V E R L A G T Ü B I N G E N 1987
CIP-Kurztitelaufnahme der Deutschen Bibliothek Kleiber,
Georges:
Relatives restrictives et relatives appositives: une Opposition »introuvable«? / Georges Kleiber. - Tübingen : Niemeyer, 1987. (Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie ; Bd. 216) NE: Zeitschrift für romanische Philologie / Beihefte ISBN 3-484-52216-X
ISSN 0084-5396
© Max Niemeyer Verlag Tübingen 1987 Alle Rechte vorbehalten. Ohne Genehmigung des Verlages ist es nicht gestattet, dieses Buch oder Teile daraus photomechanisch zu vervielfältigen. Printed in Germany. Druck: Weihert-Druck G m b H , Darmstadt. Einband: Heinrich Koch, Tübingen.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1. D'une opposition tranquille à une opposition controversée . . . 2. Une double mission 3. Une note terminologique
7 7 8 9
NOTES
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CHAPITRE I : UNE IMAGE D'ÉPINAL : LA PRÉSENTATION CLASSIQUE DE L'OPPOSITION RELATIVE RESTRICTIVE/RELATIVE APPOSITIVE
13
1. Définitions sémantiques 1.1. Définition en termes d'extension du concept 1.2. Définition en termes de classe/sous-classe 1.3. Définition en termes d'identification du réfèrent 2. Caractérisations et critères de reconnaissance 3. Représentations syntaxiques
13 14 15 16 17 24
NOTES
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CHAPITRE II : UNE OPPOSITION TRADITIONNELLE «DÉPASSÉE» : LES RELATIVES PAR MONTS ET PAR VAUX
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1. Relatives spécifiantes et relatives non spécifiantes 1.1. Mise en relief et caractérisation de l'opposition 1.1.1. Lecture générique et lecture spécifique 1.1.2. Prédicat spécifiant/prédicat non spécifiant
34 34 34 35
4
G. KLEIBER
1.2. Manifestations 1.3. Conséquences 2. Les trois définitions sont-elles adéquates ? 2.1. Relatives avec article défini 2.1.1. Descriptions non équivalentes 2.1.1.1. Combinaison (i) : Les hommes qui sont pieux sont charitables 2.1.1.2. Combinaison (ii) : Les élèves qui ont triché hier ont été punis 2.1.1.3. Combinaison (iii) : L'élève qui a triché hier a été puni . . . . 2.1.1.4. Combinaison (iv) : Les élèves qui sont forts en maths ont été récompensés 2.1.1.5. Combinaison (v) : L'élève qui est fort en maths a été récompensé 2.1.2. Les relatives compléments d'un verbe de perception 2.2. Relatives avec d'autres déterminants 2.2.1. Article indéfini spécifique 2.2.1.1. Essai de description en termes d'identification référentielle et d'extension conceptuelle 2.2.1.2. Ambiguïté pragmatique et relatives non spécifiantes . . . . 2.2.2. Verbes virtuels et propositions relatives : spécificité et non spécificité 2.2.2.1. Statut de la relative 2.2.2.2. Alternance de mode et spécificité 2.2.2.2.1. Spécificité/non spécificité : SN non modifié UN N 2.2.2.2.2. Spécificité/non spécificité : SN modifié 2.2.2.2.3. SN modifié : UN + N + RELATIVE 2.2.3. En conclusion : autres cas possibles 3. Les critères d'identification NOTES
41 44 44 44 44 45 46 48 49 50 52 54 54 55 57 59 60 62 62 68 69 75 75 78
CHAPITRE III : RELATIVES RESTRICTIVES/RELATIVES APPOSITIVES : DEPASSEMENT(S) AUTORISÉ(S) 83
1. Tendance à la réduction 1.1. Remplacement de l'opposition par une autre distinction . . . . 1.2. Réduction à une simple différence de degré 1.3. Réduction à une différence langue-discours 1.4. Réduction à une simple différence de présupposition pragmatique 1.5. Réduction à une différence de déterminants en structure profonde
84 84 85 87 90 94
5
1.6. Réduction à la différence fonction référentielle/fonction attributive 2. T e n d a n c e à la m u l t i p l i c a t i o n du n o m b r e de types de relatives 2.1. La version «informationniste» de P. Larreya (1979) 2.2. La version «identificationnelle» de P. Le Goffic (1979) 3. Tendance à circonscrire le phénomène à certains SN 3.1. Une différence de portée 3.2. Les versions présuppositionnelles 3.2.1. En termes de présupposition sémantico-logique 3.2.2. Dans le cadre d'une théorie de l'énonciation 4. Pour un changement de cap ?
100 102 102 104 108 109 111 111 114 115
NOTES
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CHAPITRE IV : UNE «DUALITÉ DE FONCTIONNEMENT»
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1. Construction détachée et construction intégrée 1.1. Un problème mal posé 1.2. Du côté de l'adjectif épithète et de l'adjectif en apposition . . 1.3. Dualité de construction et définitions sémantiques 1.4. Mise à l'épreuve sur les exemples «récalcitrants» 2. Retour vers le sens 2.1. Relative et prédicat de la phrase-matrice 2.2. Une différence d'interprétation pronominale 2.2.1. Pronoms référentiels et pronoms non référentiels 2.2.2. Une opposition en termes d'une différence d'emploi pronominal 2.3. Autres éléments pour la relative appositive 2.4. Le problème de l'interprétation de la fonction épithète 2.5. Le problème de l'interprétation des restrictives spécifiantes . . NOTES
119 119 121 123 126 130 130 134 134 136 141 143 149 151
CONCLUSION : QUELQUES REPÈRES POUR TERMINER ... ET POUR CONTINUER 153 BIBLIOGRAPHIE
155
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
7
INTRODUCTION
1.
D ' U N E O P P O S I T I O N TRANQUILLE A UNE O P P O S I T I O N CONTROVERSEE
A problème classique réponse généralement classique aussi. Un sillon linguistique trop fortement labouré se transforme bien vite en ornière grammaticale. La distinction classique relative restrictive/relative appositive (1) n'a pas échappé à ces règles. Son existence, érigée peu à peu en dogme grammatical, a été acceptée, jusqu'à ces deux dernières décennies, par quasiment toutes les religions linguistiques. L'adhésion n'est toutefois plus aussi aveugle aujourd'hui. Et des questions à vocation plus ou moins schismatique se font jour : - Qu'en est-il actuellement de l'opposition relative restrictive/relative appositive ? - Faut-il continuer d'affirmer, comme l'enseigne une longue et riche tradition, qu'il y a deux types de relatives : les restrictives et les appositives ? - Est-il encore pertinent de s'interroger au détour d'une phrase sur l'identité, restrictive ou appositive, de la relative qu'elle comporte ? Les présentations pédagogiques, même les plus récentes (2), assurent une permanence plus ou moins sereine : il y a toujours deux types de relatives définies en termes de restriction/non restriction de l'extension dénotée par l'antécédent, en termes de sous-classe découpée dans la classe représentée par l'antécédent, ou encore en termes d'identification référentielle. Il y a toujours des tests de reconnaissance plus ou moins explicites, plus ou moins reliés aux définitions sémantico-logiques, qui permettent de faire un pronostic sur la relative examinée. Les deux types de relatives sont solidement implantés dans le paysage grammatical et tous les voyages à vocation pédagogique dans le pays des relatives mentionnent un arrêt recommandé aux sites restrictif et appositif.
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G. KLEIBER
La situation dans les travaux de recherche est moins étale. La distinction classique n'y subsiste sans altération majeure que dans les études qui s'en servent à des fins argumentatives étrangères aux relatives. Dans presque tous les autres cas, que ce soient des travaux sur l'histoire des deux types (3), des descriptions générales ou particulières des propositions relatives, ou des analyses portant sur l'opposition elle-même, l'image claire et simple du couple restrictif/appositif est considérablement transformée, bouleversée, à telle enseigne même que sa disparition peut-être souhaitée (4). A l'origine de ce renouvellement, il y a, d'une part, les entreprises d'explication du processus de relativisation, et, d'autre part, surtout, le constat maintes fois établi des limites des définitions sémantiques classiques (5) et de l'incapacité des tests et procédures d'identification à régler le sort de toutes les relatives rencontrées (6). 2. UNE DOUBLE MISSION
Quelle est dans ces conditions l'ambition exacte de ce travail supplémentaire sur les deux types de relatives ? L'objectif visé est double. Nous proposons au lecteur une pérégrination en quatre étapes (7) dont le but n'est certes pas la formulation d'une nouvelle théorie «achevée» des deux types de relatives, mais néanmoins, en prolongement d'une explicitation claire et argumentée des tenants et aboutissants de la présentation classique, l'expression raisonnée d'une problématique différente qui soit k même de faire progresser les recherches dans un domaine où bien trop souvent les pas en avant s'accompagnent d'un retour en arriére. D'un côté, nous aurons donc pour tâche prioritaire d'effectuer une mise au point, - entreprise salutaire, eu égard aux hésitations et confusions constatées çà et là -, en établissant un constat approfondi du contenu et des limites des analyses et identifications standard. De l'autre, nous nous attacherons, après un transit à travers les différents essais de «débordement» tentés ces dernières années, à mettre sur pied une conception nouvelle fondée sur une ambivalence structurale et pronominale qui puisse rendre compte des effets prédits sur les définitions et critères traditionnels et en même temps surmonter leurs inconséquences et défaillances. Notre parcours aura pour point de départ obligé la présentation classique de l'opposition relative restrictive/relative appositive : définitions sémantiques, identification et caractérisations, représentations syntaxiques. Nous montrerons, dans un second temps, les limites de ces approches standard, avant d'examiner, dans notre partie centrale, les différentes tentatives de dépassement auxquelles elles ont donné lieu ces quinze dernières années. L'échec relatif de ces analyses alternatives nous conduira à réexaminer la question de la nature exacte des distinctions opérées. Nous essaierons de montrer dans le dernier chapitre que l'impasse à laquelle aboutissent la
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plupart des descriptions a pour origine une confusion entre niveau sémantique et niveau fonctionnel. Cette mise au point nous guidera, enfin, dans une réinterprétation sémantique de la distinction fonctionnelle établie, réinterprétation au cours de laquelle nous rendrons justice conjointement aux définitions classiques et à certains tests identificatoires, en même temps que nous poserons les principaux problèmes en suspens.
3. UNE NOTE TERMINOLOGIQUE
A côté de l'appellation relative restrictive/relative appositive, la plus répandue, l'on trouve également, couramment pour les restrictives, les termes de déterminatives et de sélectives, et, pour les appositives, ceux de descriptives, d'explicatives, de non restrictives et de non déterminatives (8). Plus que la transparence plus ou moins totale et plus ou moins justifiée de ces différentes dénominations fonctionnelles, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir, il faut noter l'absence d'une étiquette négative pour les restrictives. On ne parle jamais de non appositive, non explicative, non descriptive. Ce fait est révélateur, car il montre que l'orientation de l'approche descriptive de l'opposition ne se fait que dans un sens : l'appositive est envisagée négativement, comme n'étant pas une restrictive. L'avantage que procure le choix de la dénomination négative est certain : il laisse ouverte la possibilité d'une sous-classification positive ultérieure de ces non restrictives ou non déterminatives en continuatives (narratives), adverbiales, et même ... appositives (9). Mais ceci nous emporte déjà au-delà de notre sujet qui tient dans la question : à quoi correspond donc l'opposition reconnue sous cette double classe de dénominations ?
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NOTES
( 1) A la différence du phénomène de relativisation, l'opposition restrictive/appositive n'est pas un universel du langage. Bien des langues ne possèdent pas d'appositives (cf. l'exemple du chinois cité par C. Hagège, 1982, p. 61). Pour avoir un aperçu sur le problème général des relatives, qui dépasse le cadre des langues indo-européennes, on se reportera à H. Seiler (1960), au célèbre Relative Clause Festival (The Chicago which hunt, 1972, Chicago Linguistic Society), à E. Keenan et B. Comrie(1977), C. Lehmann (1979), C. Touratier(1980)etaux comptes rendus qu'ont suscités certains de ces ouvrages (C. Hagège, 1981 a et 1981 b ; C. Moussy, 1981). ( 2) Une exception : l'article relatives dans M. Arrivé, F. Gadet, et M. Galmiche (1986). ( 3) L'étude historique de la constitution de l'opposition menée par S. Auroux et I. Rosier (à paraître) révèle «pourquoi il n'est pas du tout évident que l'opposition soit un fait de langue, analysable dans des manuels de surface». Pour une analyse des conceptions médiévales, voir les différents travaux d'I. Rosier, pour une approche «raisonnée» de Port-Royal, voir M. Dominicy (1979, 1981 et 1984), S. Auroux (1981), J. C. Pariente (1984 et 1985) et S. Auroux et I. Rosier (à paraître). ( 4) Cf. Le titre révélateur de l'article de P. Le Goffic (1979) : Propositions relatives, identification et ambiguïté, ou Pour en finir avec les deux types de relatives. ( 5) Voir G. Kleiber (1981 a) pour les relatives avec l'article défini. Pour celles combinées avec d'autres déterminants, notamment l'article indéfini spécifique, voir A. Grésillon(1974), C. F u c h s e t J . Milner(1979)etG. Kleiber (1984). Voir surtout le numéro de Langages dirigé par C. Fuchs. ( 6) V o i r A. G r é s i l l o n (1974 et 1975), C. F u c h s et J . M i l n e r M. H. Maniez-Pérennec (1979) et C. Touratier (1980).
(1979),
( 7) Pérégrination entreprise depuis 1980 à travers différents articles, repris ici sous une forme plus ou moins remaniée. Il s'agit de Où en est-on de l'opposition relative restrictive/relative appositive ? (L'information grammaticale, n° 7, pp. 12-17, 1980), Relatives restrictives, SN génériques et interprétation conditionnelle (Travaux de linguistique et de littérature, XVIII, 1, pp. 79-95, 1980), Relatives spécifiantes et relatives non spécifiantes (Le français moderne, vol. 49, n° 3, pp. 216-233,1981), ¿ î î définitions sémantiques classiques de l'opposition relative restrictive/relative appositive (Revue de linguistique romane, t. 45, n° 177-178, pp. 1-16,1981), Verbes virtuels et propositions relatives : spécificité et non spécifi-
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cité ( T r a v a u x d e l i n g u i s t i q u e e t d e l i t t é r a t u r e , X I X , 1, pp. 293-311,1981 ), Remarques sur l'opposition relative restrictive/relative appositive et l'article indéfini UN spécifique (Travaux de linguistique et de littérature, XXII, 1, pp. 179-191) et Relatives restrictives et relatives appositives : dépassements) autorisé(s), (Langages, 1987). ( 8) Les termes de déterminative et d'explicative proviennent de la logique de Port-Royal. Le terme de sélective est parfois réservé, comme chez K. Ebert ( 1971 ) aux relatives non spécifiantes (G. Kleiber, 1981 a). On trouve aussi l'appellation essentielle (restrictive)/non essentielle (appositive). ( 9 ) V o i r O . Jespersen(1909-1949),Y. ZivetP. Cole(1974),A. Cornilescu(1981).Le terme de narratives se trouve chez J. J. Brunner(1981). Pour les adverbiales, voir E. Carabulea (1959) citée par A. Cornilescu (1981).
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CHAPITRE I
UNE IMAGE D'ÉPINAL : LA PRÉSENTATION CLASSIQUE DE L'OPPOSITION RELATIVE RESTRICTIVE/RELATIVE APPOSITIVE
1. DÉFINITIONS SÉMANTIQUES
Une question tout d'abord. Pourquoi aborde-t-on habituellement cette distinction sous l'angle sémantique ? Une réponse historique ne résout rien. La vraie raison se trouve dans les exemples comme 1)
1) Les Alsaciens gui boivent de la bière sont obèses
qui, par opposition à un exemple comme 2),
2) J'ai rencontré hier un linguiste gui a été au Festival des relatives à Chicago
exigent que l'on rende compte, à quelque niveau que ce soit, de la double interprétation à laquelle ils donnent lieu. Or, la reconnaissance des deux lectures possibles, quel que soit le statut qu'on leur accorde, a pour conséquence inévitable de mettre au premier plan le rôle de la relative. Ipso facto,
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G. KLEIBER
ce rôle est avant tout conçu comme un rôle sémantique et la différence de fonctionnement de la relative suivant le contenu énoncé sera traduite également en termes de sens. Rien d'étonnant donc à ce que les définitions classiques de l'opposition relative restrictive/relative appositive soient des définitions sémantiques et rien d'étonnant non plus à ce qu'elles s'appuient prioritairement sur des exemples avec l'article défini comme déterminant de l'antécédent, c'est-à-dire des phrases potentiellement ambiguës.
1.1. Définition en termes d'extension du concept
A l'origine de cette définition se trouve Port-Royal {La logique et l'art de penser) qui installe dans l'analyse des propositions incidentes l'opposition, déjà connue au Moyen-Age, entre explication et détermination. Nous rappellerons simplement (1) que pour Arnauld et Nicole la relative explication est une addition qui ne change pas la compréhension de l'idée du premier terme et qui, en conséquence, ne restreint pas l'étendue de cette idée. Ainsi la relative de 3)
3) L'homme qui est un animal doué de raison
parce qu'elle ne fait que développer une idée déjà contenue dans l'idée du mot homme, - elle «explique» (2) homme -, ne modifie pas l'idée de ce terme et ne la restreint donc pas «à ne signifier qu'une partie des hommes» (pp. 65-66). En revanche, la relative de 4) 4) Les hommes qui sont savants
est une addition déterminative, puisque l'idée d'homme ne renferme ni n'exclut l'idée d'un être savant. La relative restreint l'étendue du premier terme «en faisant (...) que le mot d'homme ne signifie plus qu'une partie des hommes» (p. 96). Il n'y a plus simple explication ou description comme avec la relative de
S) Alexandre qui est fils de Philippe
dont l'addition est une idée déjà enveloppée dans l'idée individuelle exprimée par Alexandre. Cette fois-ci, il y a détermination, dans la mesure où l'idée
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totale f o r m é e p a r l ' a d d i t i o n de l ' a n t é c é d e n t et de l'incidente n'est pas égale à l'idée de l'antécédent. O n n o t e r a que la relative déterminative ne restreint pas la c o m p r é h e n s i o n d u p r e m i e r terme, c o m m e on l ' a f f i r m e parfois, mais son extension. La c o n t r e p a r t i e , en ce q u i c o n c e r n e la c o m p r é h e n s i o n , se t r o u v e d a n s l ' a f f i r m a t i o n que la restrictive f o r m e avec le premier terme une idée totale, une idée complexe, n o n équivalente à l'idée d u premier terme. O n peut d o n c facilement rétablir l'étape qui reste implicite d a n s le r a i s o n n e m e n t de P o r t - R o y a l : à cette idée complexe nouvelle c o r r e s p o n d , c o m m e à t o u t e idée, une c o m p r é h e n s i o n et une é t e n d u e ; cette é t e n d u e est p a r r a p p o r t à l'étendue d u p r e m i e r terme é v i d e m m e n t réduite ; de là l ' a f f i r m a t i o n que la relative déterminative restreint l'étendue de l'idée d u premier terme. La définition de P o r t - R o y a l a été reprise avec le r e m p l a c e m e n t d u m o t étendue p a r celui d'extension et celui d'idée p a r celui de concept et avec la mise a u second p l a n , voire l ' a b a n d o n p u r et simple, de la relation d'inclusion. La relative restrictive (ou déterminative) est alors définie c o m m e étant une relative qui restreint l'extension d u c o n c e p t e x p r i m é p a r l'antécédent ( N ou SN) (3) qu'elle m o d i f i e , et la relative appositive (ou explicative) c o m m e une relative qui laisse cette extension inchangée (4). L ' a p p o r t positif que représente, d a n s le cas de la relative explicative, l'équivalence entre l'idée de l'ensemble antécédent + relative explicative et la seule idée du p r e m i e r terme, a d i s p a r u a u p r o f i t d ' u n e définition f o n d a m e n t a l e m e n t négative : une relative appositive n ' a a u c u n e action sur l'extension du terme antécédent.
1.2. Définition en termes de classe/sous-classe U n seul c h a n g e m e n t p a r r a p p o r t à la définition p h i l o s o p h i q u e précédente : la n o t i o n d ' e x t e n s i o n d u c o n c e p t d i s p a r a î t au p r o f i t de celle de classe (ou d ' e n s e m b l e ) et de sous-classe (ou de sous-ensemble) dénotée p a r l'antécédent ( N o u SN). Une relative restrictive devient ainsi une relative qui «restreint l'ensemble dénoté p a r le n o m et sélectionne u n e sous-classe (5)». Une appositive, au contraire, n ' a rien de sélectif : elle «ne restreint pas l'ensemble qui doit être délimité i n d é p e n d a m m e n t de la relative» (6). Repren o n s l'exemple 1) de nos Alsaciens b u v e u r s de bière. La relative est restrictive, lorsqu'elle restreint (7) la classe des Alsaciens à la sous-classe des seuls Alsaciens qui boivent de la bière. Elle est appositive (ou n o n restrictive, n o n sélective) lorsqu'elle n ' a f f e c t e pas la classe des Alsaciens. C o m p r i s d a n s ce sens, 1) signifie que l'ensemble des Alsaciens boit de la bière et est obèse. Cette seconde définition est très p r o c h e de la première, mais n'en est p a s p o u r a u t a n t u n e simple v a r i a n t e n o t a t i o n n e l l e , c o m m e le pense C. T o u r a t i e r ( 1980, p. 248). N o u s v e r r o n s ci-dessous qu'elle p e r m e t de décrire des énoncés qui se m o n t r e n t récalcitrants à la première.
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1.3. Définition en termes d'identification du réfèrent Avec la troisième définition, le c h a n g e m e n t est radical p a r r a p p o r t a u x d e u x premières. L'idée d e r e s t r i c t i o n / n o n restriction cède la place à celle d ' i d e n t i f i c a t i o n / n o n identification et celle de concept ou classe à la n o t i o n de réfèrent. Cette nouvelle a p p r o c h e fait de la relative restrictive un i n s t r u m e n t d ' i d e n t i f i c a t i o n référentielle ou de détermination référentielle : elle i d e n t i f i e / d é f i n i t / d é t e r m i n e o u encore spécifie le référent d é n o t é p a r l ' a n t é c é d e n t o u l ' a n t é c é d e n t t o u t c o u r t (N ou SN). La relative appositive, en revanche, ne c o n t r i b u e pas à une telle o p é r a t i o n d'identification : le référent doit être déterminé, identifié, défini p a r d ' a u t r e s m o y e n s (8). Soit l'énoncé 6)
6) L'homme
qui a commis le crime a tout
avoué
On parlera de relative restrictive d a n s l'interprétation où la relative identifie ou d é t e r m i n e le référent c o m m e é t a n t celui qui a c o m m i s le crime. O n d i r a , p a r o p p o s i t i o n , qu'elle est appositive ( n o n déterminative) d a n s l ' i n t e r p r é t a tion o ù le référent d u SN L'homme se t r o u v e d é j à d é t e r m i n é ou identifié. Le rôle d e la relative se limite d a n s ce cas à a p p o r t e r u n e d e s c r i p t i o n , une indication s u p p l é m e n t a i r e sur ce référent spécifié i n d é p e n d a m m e n t . L'étiquette d e déterminative, utilisable d a n s les deux premières définitions, subsiste, o n le voit, d a n s la troisième, mais avec u n i m p o r t a n t glissement de sens. D e la d é t e r m i n a t i o n notionnelle, en p a s s a n t p a r la d é t e r m i n a t i o n d ' u n e sous-classe, o n a b o u t i t à une d é t e r m i n a t i o n en t e r m e s d ' i d e n t i f i c a t i o n référentielle. P o u r t e n t a n t e qu'elle soit, une définition qui se limiterait à la seule n o t i o n d e d é t e r m i n a t i o n est d ' a v a n c e v o u é e à l'échec. La solution d e M . R o t h e n b e r g (1972) est à cet égard typique. E n définissant les relatives déterminatives c o m m e des p r o p o s i t i o n s «qui d é t e r m i n e n t u n t e r m e a n t é c é d e n t » et les relatives n o n déterminatives c o m m e des p r o p o s i t i o n s «qui ne d é t e r m i n e n t pas u n t e r m e a n t é c é d e n t » , elle ne r é s o u t q u ' a p p a r e m m e n t le p r o b l è m e d ' u n e définition unitaire de la distinction restrictive/appositive. Le terme déterminer, ainsi qu'il ressort des exemples et des c o m m e n t a i r e s qu'elle présente, est e m p l o y é de f a ç o n a m b i g u ë , signifiant t a n t ô t , d a n s le sens de la première définition, d é t e r m i n a t i o n notionnelle, t a n t ô t d a n s le sens d e la troisième définition, d é t e r m i n a t i o n référentielle. D a n s l'énoncé 7)
7) Marie console un enfant qui pleure
la relative, selon M. R o t h e n b e r g (1972, pp. 182-183), «détermine de quel
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
1?
type d'enfant il s'agit, un enfant qui pleure, et non un enfant qui chante ou qui se tait», elle «distingue entre un enfant qui pleure et d'autres qui ne pleurent pas». La relative de l'énoncé 8), par contre,
8) Marie console Paul qui pleure
est une appositive, parce qu'elle «ne détermine pas de quel Paul il s'agit», les noms propres portant déjà «leur détermination en eux-mêmes». Il est même possible de lier ces définitions entre elles et de faire de l'identification ou non identification une conséquence de la restriction ou non restriction extensionnelle. Une relative déterminative, parce qu'elle limite l'extension de son antécédent, sera nécessaire à l'identification de cet antécédent, alors qu'une explicative, parce qu'elle reprend toute l'extension de l'antécédent, n'est absolument pas impliquée dans la reconnaissance identificatoire du référent (M. Lavancy, 1981). Pour commode qu'elle soit, cette solution ne résout qu'apparemment la difficulté que constitue l'ambiguïté de la notion de détermination (9). Une relative peut déterminer dans le sens notionnel sans pour autant déterminer dans le sens référentiel. H. Bonnard (1977, p. 5022) voit dans cette discordance la raison probable du changement de dénomination opéré par K. Sandfeld (1936, p. 157). C'est «sans doute, écrit-il, parce qu'une relative peut restreindre l'ensemble désigné par l'antécédent sans aboutir à une détermination achevée : Je veux une montre qui indique la date que K. Sandfeld a remplacé déterminative par restrictive». Les trois définitions, comme nous aurons l'occasion de le montrer, ne sont ainsi pas équivalentes.
2. CARACTÉRISTIQUES ET CRITÈRES DE RECONNAISSANCE
La plupart des auteurs qui traitent de l'opposition relative restrictive/ relative appositive ne se contentent pas d'une définition sémantique, mais l'appuient par des traits descriptifs et des critères d'identification supplémentaires. Trois raisons à cela. En premier lieu, l'incomplétude de la définition de la relative appositive : dans les trois types de définitions, la relative appositive est présentée de façon négative (10). Elle n'intervient ni dans la restriction de l'extension du concept ou de la classe dénotée par l'antécédent, ni dans l'identification du référent dénoté par l'antécédent. Cette constatation conduit tout naturellement à chercher la contre-partie positive de cette non ingérence restrictionnelle pu identificationnelle. La seconde raison tient
18
G. KLEIBER
au désir de t r o u v e r u n e t r a d u c t i o n f o r m e l l e de cette d i f f é r e n c e logico-philosophique ( p o u r les d e u x premières définitions) ou référentielle ( p o u r la troisième) établie entre les d e u x types de relatives. « P o u r qu'elle paraisse pertinente au point de vue linguistique, écrit C. T o u r a t i e r (1980, p. 264), on v o u d r a i t q u ' à une telle différence de sens c o r r e s p o n d e une différence de f o r m e » . T r o i s i è m e m e n t , enfin, l'existence d ' é n o n c é s a m b i g u s c o m m e 1) ou 6) pose directement le p r o b l è m e des critères de reconnaissance de la lecture pertinente. U n rappel illustré p o n c t u é de quelques réflexions critiques, suffira. Les faits sont c o n n u s (11) et, p o u r certains d ' e n t r e eux, sujets à de sérieuses discussions (12). Il s'agit aussi bien de propriétés syntaxiques q u e sémantiques, de traits p r o s o d i q u e s (graphiques) que de traits p r a g m a t i q u e s , de critères internes à la relative que de critères externes (J. A. H a w k i n s , 1978), de restrictions p o r t a n t sur les constituants que de contraintes liées à la position, de tests p a r a p h r a s t i q u e s que de calculs vériconditionnels. Certaines de ces p r o p r i é t é s sont p r o p r e s à une langue d o n n é e , - la virgule, p a r exemple, indique l'appositivité en f r a n ç a i s et en anglais, mais n o n en a l l e m a n d -, d ' a u t r e s , c o m m e p a r exemple l'impossibilité d ' a v o i r une relative appositive avec u n d é t e r m i n a n t universel c o m m e chaque ou tout, semblent se retrouver d ' u n e langue à une autre. D e u x o b s e r v a t i o n s préliminaires sont nécessaires. Il ne f a u t pas p e r d r e de vue que ces différents critères et tests reposent t o u s sur une connaissance p r é a l a b l e des d e u x t y p e s d e r e l a t i v e s , c o n n a i s s a n c e q u i est a s s i s e , rappelons-le, sur les exemples avec l'article défini. C'est d o n c p a r r a p p o r t à l ' o p p o s i t i o n telle qu'elle se m a n i f e s t e d a n s les p h r a s e s c o m p o r t a n t un antécédent précédé d ' u n article défini que s'établissent ces p r o c é d u r e s de reconnaissance. Rien a priori, ne g a r a n t i t , p a r c o n s é q u e n t , leur validité o u efficacité en d e h o r s de ce site. Il ne f a u t pas, seconde mise en garde, être maximaliste et rejeter, c o m m e certains sont tentés d e le faire (13), ces différents critères, p a r c e qu'ils ne g a r a n t i s s e n t pas à c o u p sûr l'identification de toute relative. U n critère ne perd pas t o u t e pertinence lorsqu'il ne se révèle fiable que d a n s son application positive. La présence de la virgule, p a r exemple, peut subsister c o m m e m a r q u e identificatoire de l'appositive, alors m ê m e q u e sa c o n t r e p a r t i e négative, l'absence de virgule, n ' a a u c u n e valeur critériale fixe (ni p o u r le s t a t u t de restrictive, ni p o u r le s t a t u t d'appositive). P o u r le français, les caractéristiques et critères suivants p e r m e t t e n t d'étayer la distinction entre relative restrictive et relative appositive (14) : (i) A l'écrit, la présence d ' u n e virgule entre le SN antécédent et la relative est un indice f a v o r a b l e au s t a t u t appositif de la relative, son absence ne signifie pas p o u r a u t a n t la restrictivité :
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I) Les Alsaciens, qui boivent de ia bière, sonl obèses
Le correspondant oral de la virgule est une pause que peut accompagner une intonation parenthétique (H. Seiler, 1960, p. 25 ; J. C. Milner, 1973 ; J. J. Brunner, 1981, R. Becker, 1978, P. Wunderli, 1983, etc.) (15). Ce critère nous paraît i m p o r t a n t , contrairement à ce q u ' o n en dit généralement, car, on ne le remarque pas assez, il implique que la différence entre les deux types de relatives est un phénomène accessible, - dans certains cas au moins -, à l'observation directe et donc qu'il s'agit de deux structures de surface différentes. Il est vrai cependant, comme le notent C. Fuchs et J. Milner (1979), que l'usage de la virgule tend à disparaître : le fonctionnement de ce critère n'a jamais été impeccable. (ii) La nature du p r o n o m relatif peut servir de révélateur pour la relative appositive lorsqu'il s'agit du p r o n o m relatif lequel en fonction de sujet (H. Bonnard, 1971, p. 5023). La substitution de.lesquels &uqui de 1) entraîne la lecture appositive :
9) Les Alsaciens, lesquels boivent de la bière, sont obèses
Ce test pose, par contre-coup, le problème de la relativisation des lequel restrictifs (voir à ce sujet les traitements de R. Kayne 1974 et 1975, J. R. Vergnaud, 1974 et G . Cinque, 1982). (iii) La nature de l'antécédent fournit, dans certains cas, un instrument de discrimination fiable. N o m propre non articulé, p r o n o m personnel, et pronom démonstratif de la forme celui-ci/là se font suivre d'une relative appositive (K. Sandfeld, 1936) :
10) - Paul, qui boit de la bière, est obèse - Lui, qui boit de la bière, est obèse - Celui-ci, qui boit de la bière, est obèse
Inversement, le nom propre articulé (modifié) et le démonstratif celui précèdent une relative toujours restrictive :
I I ) - Le Paul que je connais boit de la bière - Ceux qui boivent de la bière sont obèses
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G. KLEIBER
(iv) Le déterminant a son rôle à jouer, mais seuls les déterminants universels chaque et tout et le négatif aucun sont à notre avis des indicateurs sûrs (16) : ils ne sont c o m p a t i b l e s qu'avec des relatives restrictives (cf. C. Smith, 1964 ; J. R. Ross. 1967 ; H. Bonnard, 1977 ; R. Becker, 1978 ; G. N. Carlson, 1977 ; J . D. M c C a w l e y , 198 et G. Evans ; 1980) :
12) - Chaque Alsacien qui boit de la bière est obèse - Tout Alsacien qui boit de la bière est obèse - Aucun Alsacien
qui boit de la bière n'est
obèse
(v) L o r s q u e le SN antécédent est en position attributive (SN prédicatif), il n ' a c c e p t e guère de relatives a p p o s i t i v e s (W. M o t s c h , 1965, p. 116 ; R. Becker, 1978, p. 4) :
13) - Médor est le chien que j'ai acheté hier - ? Médor est le chien, que j'ai acheté hier - Médor est un chien qui n'aboie pas - ? Médor est un chien, qui n'aboie
pas
(vi) L'insertion d'adverbes de phrase c o m m e curieusement, malheureusement, franchement, vraisemblablement, et celle d'incises c o m m e dit-on, comme on sait, etc., passent pour être un test révélateur du statut appositif des relatives (C. Rohrer, 1971 ; J. C. Milner, 1973 ; R. Becker, 1978, etc.) :
14) - Les Alsaciens qui, curieusement/malheureusement/ franchement/vraisemblablement/dit-on/comme on sait, boivent de la bière sont obèses
D e s é n o n c é s c o m m e 15) montrent cependant que les résultats ne sont pas toujours positifs et qu'il faut entreprendre une analyse différenciée des adverbes utilisés :
15) - Celui qui probablement/malheureusement/vraisemblablement/manifestement va gagner la course s'appelle Tabarly - L'homme qui vraisemblablement a commis le crime a été arrêté (11)
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
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O n t r o u v e r a c h e z A . G r é s i l l o n ( 1 9 7 4 ) et M . H . M a n i e z - P é r e n n e c (1979) (18) une vue plus détaillée de la question. Le d é b a t est d ' i m p o r t a n c e , car il d é b o u c h e directement sur le statut (asserté ou p r é s u p p o s é ?) de la relative restrictive. (vii) Parallèlement à (vi), on dispose avec les particules logiques, m a r q u e u r s et connecteurs p r a g m a t i q u e s , d ' u n outil d'identification des appositives. L ' i n t r o d u c t i o n de particules logico-conversationnelles c o m m e cependant, donc, d'ailleurs, etc., n'est en effet compatible qu'avec une lecture appositive :
16) Les Alsaciens qui, d'ailleurs/donc/cependant, la bière sont obèses
boivent de
La c o n n a i s s a n c e de plus en plus détaillée du f o n c t i o n n e m e n t s é m a n t i q u e des différents types d ' a d v e r b e s de p h r a s e et le d é v e l o p p e m e n t actuel des recherches sur les m a r q u e u r s et c o n n e c t e u r s p r a g m a t i q u e s ne peuvent que c o n t r i b u e r à une explication et à une a p p r é c i a t i o n plus justes des p h é n o mènes à l'oeuvre d a n s (vi) et (vii). C o r o l l a i r e m e n t , ils c o n d u i r o n t aussi à une caractérisation moins fragile du statut des relatives apposées. (viii) Depuis P o r t - R o y a l (Grammaire générale et raisonnée et la Logique ou l'art de penser) ( 19), il est devenu usuel de se servir de la p a r a p h r a s e p a r une c o o r d i n a t i o n en et p o u r mettre en relief le s t a t u t appositif d ' u n e relative. L ' é n o n c é 1), d a n s son i n t e r p r é t a t i o n appositive, accepte d'être p a r a p h r a s é p a r 17) :
17) - Les Alsaciens, et ils boivent de la bière, sont obèses - Les Alsaciens boivent de la bière et les Alsaciens sont obèses
L ' i n t e r p r é t a t i o n restrictive, p a r contre, n ' a u t o r i s e nullement une telle glose. Le critère est intéressant à d o u b l e titre : parce qu'il fournit une source possible à la représentation des appositives (voir ci-dessous), et, d ' a u t r e part, parce qu'il met l'accent, à travers l'exigence de coréférence pleine qu'il exhibe, sur la différence de « d é v e l o p p e m e n t » entre le qui explicatif et le qui d é t e r m i n a t i f , et o u v r e , p a r c o n s é q u e n t , la voie à des stratégies de relativisation divergentes. (ix) F a i s a n t p e n d a n t à et, la c o n j o n c t i o n si sert de révélateur aux relatives restrictives des SN génériques ( G . Kleiber, 1980, b)). O n en trouve, là aussi, déjà trace d a n s P o r t - R o y a l (M. D o m i n i c y , 1981, pp. 104-105 et 1984, p. 196). La conditionnelle 18) ne saurait être r a p p r o c h é e que de la lecture restrictive de I) :
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G. KLEIBER
18) Les Alsaciens, s'ils boivent de la bière, sont obèses
(x) Les conditions de vérité ne sont pas les mêmes. La fausseté (ou omission) (20) de la relative explicative n'affecte pas la valeur de vérité de la proposition principale, de la proposition principale seulement, et non de l'énoncé tout entier, comme il est dit parfois dans La logique ou l'art de penser (M. Dominicy, 1984, p. 207) ou ailleurs (J. J. Brunner, 1981, p. 13). Dans le cas de la lecture appositive de 1), le fait que les Alsaciens ne boivent pas de bière n'empêche nullement une vérification de leur état d'obésité. Avec une relative restrictive, cette indépendance vériconditionnelle ne tient plus. Nous ne sommes plus en présence de deux propositions qui peuvent être niées ou affirmées séparément. La comparaison, on l'oublie trop souvent, ne peut cependant se faire directement, parce que, premièrement, pour parler de fausseté de la relative restrictive, il faut rétablir l'assertion qui doit être niée, - ce qui ne va pas de soi comme le montre l'embarras de Port-Royal vis-à-vis de ces incidentes «non affirmées» et qui sont pourtant des propositions (21) , et parce que, deuxièmement, il ne s'agit plus d'analyser la répercussion de la fausseté de la relative sur la valeur de vérité de la proposition principale, mais sur celle de l'énoncé global. Ce dernier fait explique l'amalgame dénoncé ci-dessus entre proposition principale et phrase tout entière. Si l'on n'y prend garde, la conclusion risque d'être identique pour les deux cas de relatives : leur fausseté entraîne à chaque fois celle de l'assertion globale. On voit par là-même l'importance du calcul vériconditionnel. Il suppose, si l'on entend dépasser l'affirmation de l'indépendance vériconditionnelle de l'appositive par rapport à la principale, un engagement logico-sémantique plus poussé sur le statut de la relative restrictive. Nous en parlerons ci-dessous avec les définitions présuppositionnelles. On aura remarqué que c'est une interprétation erronée de ce critère qui est à l'origine directe des affirmations classiques sur le caractère sémantique essentiel, - indispensable au sens où à la compréhension -, des relatives appositives (22). L'objectif réel de telles caractérisations était de rendre compte de l'autonomie vériconditionnelle de la relative appositive par rapport à la proposition principale. (xi) Le critère de l'interrogation (A. Grésillon, 1975, p. 104 ; F. Benzakour, 1980) fournit un moyen d'identification supplémentaire. La réponse 20) à l'interrogation 19) indique l'interprétation appositive de 1), la réponse 21) l'interprétation restrictive :
19) Qui est obèse ? 20) Les Alsaciens 21) Les Alsaciens qui boivent de la bière
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
23
On notera toutefois que 21) n'est pertinent que moyennant l'intervention de la maxime conversationnelle de quantité. Il est à souligner également que seule la lecture appositive autorise la question-réponse 22) portant cette fois-ci sur la relative :
22) Qui boit de la bière ? - Les Alsaciens
(xii) Lorsque le SN est au pluriel, le critère (xi) se laisse traduire en termes de quantificateurs universel et restrictif (R. Becker, 1978, p. 9). L'interprétation appositive de 1) peut être mise en évidence par la paraphrase 23), la lecture restrictive par la paraphrase 24) :
23) Tous les Alsaciens sont obèses 24) Des Alsaciens, seuls ceux qui boivent de la bière sont obèses
La liste n'est évidemment pas close (23), la douzaine de critères présentés rassemblant ceux que l'on rencontre le plus fréquemment. Ils suffisent cependant à établir ls conclusions suivantes : - La relative appositive gagne en caractérisation positive : un dénominateur commun ressort de ces tests : son autonomie, dont il conviendra de préciser la nature exacte (référentielle, assertive, énonciative ?) - Le lien entre les définitions sémantiques présentées ci-dessus et les critères de reconnaissance est le plus souvent transparent. Seuls certains phénomènes comme l'incompatibilité entre les déterminants universels et la relative appositive, échappent à une explication directe à l'aide des définitions avancées. - La vérification de la validité des tests s'est faite sur la base des définitions sémantiques de l'opposition relative restrictive/relative appositive. C'est rappeler leur dépendance par rapport aux exemples privilégiés qui ont fondé ces définitions, c'est-à-dire principalement par rapport aux phrases où l'antécédent est précédé de l'article défini.
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G. KLEIBER
3. REPRÉSENTATIONS SYNTAXIQUES
Faut-il traduire ou non en termes syntaxiques l'opposition entre relative restrictive et relative appositive telle qu'elle est présentée classiquement ? La plupart des modèles essaient d'en rendre compte dans leur composante syntaxique. On soulignera cependant que cela n'est pas une nécessité absolue (24), eu égard à la définition essentiellement sémantique de la distinction. Dans la grammaire transformationnelle des années soixante, les deux types de relatives reçoivent le même traitement : elles apparaissent comme étant toutes deux soeurs du déterminant et du nom :
Dét
C. Smith (1964, p. 40) les place en structure profonde dans le déterminant, mais sans les distinguer autrement, d'un point de vue syntaxique que par une différence de marqueurs R et A : SN
Déterminant
/ \ R
SN
Nom.
, Déterminant
Nom
A
Le fait est cependant rare. D'habitude, on tient à marquer l'opposition par une différence de structure syntaxique qui reflète plus ou moins bien la différence sémantique. La relative restrictive connaît trois grands types de traitements : - elle forme avec le nom un constituant ; - elle forme avec le SN un constituant ; - elle est rattachée au Déterminant (un constituant du déterminant).
25
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
Les différentes versions de la première analyse (25) répondent toutes à une structure (de surface du moins) du type 25), où la relative, en tant que modificateur du nom (ou d'un nom lui-même déjà modifié), apparaît comme étant la nièce du déterminant :
25)
Déterminant
SN
N
Relative
Les seules différences portent sur l'étiquetage des catégories syntaxiques et principalement sur la caractérisation du constituant N + Relative (26). Une telle analyse est fidèle aux rapprochements classiques entre relatives et adjectifs (27) et conforme à la thèse bien connue selon laquelle les adjectifs épithètes proviennent de relatives restrictives. Mais nous la jaugerons surtout par rapport aux définitions sémantiques. Elle reflète assez bien les deux premières définitions, lorsque l'antécédent est compris comme étant N et non SN. Elle s'accommode plus difficilement, du moins directement et sans explication supplémentaire, de la troisième, dans la mesure où ce n'est pas N qui se trouve identifié, - ce qui correspondrait à une interprétation directe de la structure -, mais le référent du syntagme tout entier. Elle ne traduit pas directement non plus les cas de restriction (première ou deuxième définition) qui portent sur des N déjà restreints (28) (cf. par exemple le cas de Les élèves qui ont triché ont été punis compris comme 'les élèves de cette classe'). C'est dire que, telle quelle, sans additif dérivationnel, elle s'applique essentiellement aux SN génériques. La seconde analyse, exemplifiée, dans différents modèles, chez J. R. Ross (1967), G. Lakoff et S. Peters (1969), E. L. Keenan (1975), E. Bach et R. Cooper (1978) et B. Rigter (1980), familiarisée sous le nom de NP-S Analysis, fait de la relative restrictive un modificateur du SN, selon la structure terminale 26), où elle apparaît comme étant une soeur du SN et, si l'on veut poursuivre avec J. D. McCawley cette généalogie nodale, comme une tante du déterminant et du nom :
26
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26)
SN
SN
Dét
Relative
N
On observe qu'elle est identique à la première analyse en ce qu'elle n'est pas, et pour les mêmes raisons, directement compatible avec la définition en termes identificationnels (voir ici la critique de B. Partee, 1975). Elle convient directement, par contre, pour représenter la restriction extensionnelle ou le découpage d'une sous-classe d'un N déjà restreint, si, et seulement si, la classe ou l'extension déjà restreinte ne se réduit pas à l'unité. Ainsi convient-elle pour Les élèves qui ont triché ont été punis, mais non pour L'élève quia triché a été puni. Par ailleurs, et c'est important, il est clair qu'elle suscitera des difficultés, que ne rencontrera pas la première, lorsque le déterminant sera un quantificateur partitif. La troisième analyse, quelle que soit sa forme, rattache d'une manière ou d'une autre la relative restrictive au déterminant. VART-S Analysis (voir W . Motsch, 1965,p. 97 ;R. P. Stockweller alii, p. 423) combine l'article et la relative pour en faire le constituant Déterminant. J. Dubois et F. Dubois-Charlier (1970, p. 254), considérant qu'elle joue le rôle d'un déterminant, enchâssent la relative restrictive à la place Dém. Dans les versions X-barre, elle s'intègre dans le [Spec, NT (J. C. Milner, 1973 ; J. R. Vergnaud, 1974). Ce type d'analyse rend compte de la détermination référentielle des relatives restrictives, c'est-à-dire de la troisième définition, mais s'accorde plutôt difficilement avec les deux premières. Un point est à noter : cette solution ne peut être qu'une structure abstraite, éloignée de la réalisation effective, ce qui pose le problème du niveau de l'interprétation s é m a n t i q u e en r e l a t i o n avec les e x i g e n c e s d ' u n e s é m a n t i q u e compositionnelle. Les trois analyses ont en commun de faire de la relative restrictive une surbordonnée insérée dans le SN. Nous ne les avons envisagées ici qu'en fonction des définitions sémantiques données de la relative restrictive. Si cette comparaison constitue un élément d'appréciation qui ne peut être négligé, elle ne saurait pour autant être un argument décisif. Bien d'autres éléments, cruciaux, sont en jeu. Le traitement syntaxique des relatives appositives se divise principalement en deux grandes conceptions : ou la relative appositive est conçue
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
27
comme formant un constituant avec l'antécédent, ou elle apparaît comme étant séparée, même en surface, du SN. La première hypothèse en fait un phénomène de subordination (mettant enjeu des transformations d'imbrication), la seconde un phénomène de coordination (ou du moins de juxtaposition), mettant en jeu des transformations de conjonction. Entre les deux se place la tentative de J. Dubois et F. Dubois-Charlier(1970,p. 254) qui, tout en la considérant comme une subordonnée, l'insèrent à la place d'un SP de P, pour rendre compte de sa proximité sémantique avec les circonstancielles. La première solution, la Subordinate-Clause-Hypothesis, comme l'appelle J. Emonds (1979), correspond à la seconde analyse des propositions restrictives : l'appositive est présentée comme un modifieur du SN. Une telle position est défendue par C. Touratier (1980), dans le cadre d'une grammaire en constituants immédiats, et par A. Cornilescu (1981) (29) et A. von Stechow (1979), dans le cadre de la grammaire de Montague. Il est intéressant de souligner qu'une telle solution est compatible avec les trois définitions sémantiques de l'appositive, dans la mesure où la configuration SN + Relative peut être interprétée comme reflétant la non restriction (première et deuxième définitions) ou la non identification (troisième définition) par la relative appositive d'un antécédent déjà constitué, en l'occurrence le SN auquel s'adjoint l'appositive. Il ne s'agit là que de la traduction possible du caractère définitoire négatif de la relative appositive. Il apparaît immédiatement que cette analyse se heurte à un obstacle de taille, celui de l'interprétation à donner à l'ensemble constitué par l'adjonction du SN et de la relative appositive. Cet obstacle se trouve en partie levé dans le traitement transform a t i o n n e l d e H . H u o t ( 1 9 7 8 . p p . 117-118) : la relative appositive est inscrite directement dans la base à droite du constituant qui lui sert d'antécédent selon la règle N'U-(Spec, N') N' S. La seconde solution, \aMain-Clause-Hypothesis (J. Emonds, 1979), fait de la relative appositive une phrase coordonnée en structure profonde à la phrase contenant l'antécédent. Une première analyse, qui rappelle le traitement des explicatives par Port-Royal, due à J. R. Ross (1967), utilise directement la conjonction et (voir aussi Z. S. Harris, 1970). Pour éviter les critiques suscitées par ce choix, on substitue à la conjonction et soit un symbole postiche (J. Emonds, 1979), soit différentes relations dont la coordination n'est qu'un type possible (P. Werth, 1974). D'autres recherches concluent à la coordination de deux actes de langage différents, la relative appositive correspondant chez B. Drubig ( 1970) à un acte de type déclaratif, et chez J. D. McCawley (1981) à un acte de rappel (remind) ou à un acte d'information (informing). L'énoncé 27)
27) Est-ce que Jean, qui était encore là il y a quelques minutes, est parti ?
28
G. KLEIBER
se voit assigner par J. D. McCawley (1981, p. 120), à qui l'on doit cette dernière hypothèse, la structure 28) :
Je
V
SN
SN
Je
V
SN
vous
S
demande vous
S
SN
V
SN
quitter
Jean
/I
Jean
rappelle
SN
être là il y a quelques minutes
Quelle que soit finalement la source exacte, l'important dans toutes ces analyses est que les relatives appositives apparaissent à un stade donné, précoce ou tardif, peu importe, comme des propositions parenthétiques. On trouvera chez J. R. Vergnaud (1974) des propositions qui renoncent à la coordination, mais mettent au premier plan le caractère parenthétique des appositives. Deux choses sont à remarquer : ces différentes analyses, que l'on peut réunir, par commodité, sous l'étiquette de traitements parenthétiques, s'accordent parfaitement avec les trois définitions sémantiques de la relative appositive, en ce qu'elles impliquent, par la séparation radicale qu'elles postulent, coréférence (ou quelque chose d'approchant) mise à part, la non restrictivité et le rôle non identificatoire de l'appositive. Elles ont, en outre, l'avantage, par rapport à la Subordinate-Clause-Hypothesis, de saisir (ou, du moins, de vouloir saisir) plus ou moins directement certains aspects positifs de la caractérisation standard des appositives : autonomie, paraphrase par et, insertion d'adverbes de phrase, etc. Qu'on ne s'y méprenne point, ici aussi, il ne s'agit que d'un parallèle tracé entre la caractérisation sémantique
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
29
et la caractérisation syntaxique, et non d'un jugement en faveur de telle ou telle origine syntaxique. D'autres pièces, et de taille, on s'en doute, figurent à ce dossier. On aura compris, par là-même, que cette rapide (et sous certains traits caricaturale) revue syntaxique de l'opposition relative restrictive/relative appositive n'est que le complément descriptif syntaxique d'une opposition abordée en des termes sémantiques. Et, si, comme on l'a vu, elle pose quelques jalons explicatifs et quelques limites interprétatives, dont tout traitement syntaxique doit tenir compte, elle ne préjuge évidemment en rien de l'option à choisir. Il va de soi que toute solution doit s'inscrire dans un traitement global des relatives, ce qui n'est pas, on en conviendra, un mince problème. Secundo, il est à rappeler que, quoique la plupart des auteurs y souscrivent sans réexamen préalable, rien ne garantit a priori la pertinence de l'opposition sémantique classique. Il est clair que si les données sémantiques sont changées, les données syntaxiques le seront également. Or, un examen un peu plus approfondi fait apparaître bien vite les limites de cette présentation sémantique standard (définitions et caractérisation).
30
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NOTES
( 1) Il existe une abondante littérature sur les relatives de Port-Royal. Pour avoir une vue moins cavalière de la doctrine d'Arnauld et Nicole et pour en voir les antécédents et conséquents, on se reportera à R. Donzé (1967), N. Chomsky ( 1 9 6 9 ) , J . C. C h e v a l i e r (1968), S. A u r o u x ( 1 9 7 8 , 1979 et 1981), M. H. Maniez-Pérennec (1979), M. Dominicy (1979,1981 et 1984), C. Touratier (1980), C. Fuchs et J. Milner (1979), J. C. Pariente (1984 et 1985) et S. Auroux et I. Rosier (à paraître). ( 2) D'où l'étiquette de relative explicative. Aujourd'hui, toutefois, celle-ci s'interprète plus dans un sens circonstanciel en relation avec le prédicat de la phrase matrice. Dans l'interprétation appositive de 1) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèse, la relative exhibe une fonction explicative : si les Alsaciens sont obèses, c'est parce qu'ils boivent de la bière. Le sens originel d'explicitation des traits déjà enfermés dans l'idée de l'antécédent est donc perdu. On rappellera que la nomenclature grammaticale officielle de 1975 a retenu ce terme. ( 3) L'utilisation du terme d'antécédent permet d'éviter cette sérieuse difficulté. Si, dans certains cas, comme celui des énoncés génériques, il est indifférent de prendre N ou SN comme antécédent, dans d'autres, au contraire, le choix est crucial. Rien d'étonnant à cela : il s'agit du problème central de la relativisation, celui de l'option coréférentielle à prendre. ( 4) Cf. par exemple C. Rohrer (1971, p. 204 et 1973, p. 407). ( 5) J. C. Milner (1973, p. 34). Voir aussi E. Bach (1968) et W. Hartung (1968, p. 4). ( 6) J. C. Milner (1973, p. 34). Pour une représentation ensembliste dans un manuel pédagogique, voir B. Combettes et alii (1979, p. 100). Pour la conception ensembliste du SN, se reporter à G. Van Hout (1973). ( 7) Ou sélectionne, découpe dans la classe dénotée par l'antécédent une sous-classe. L'étiquette sélective répond à cette fonction de partition. ( 8) Définition que l'on trouve, entre autres, chez O. Grannis et A. Buscha et F. Kempter (1983). Voir aussi la relative «non contrastive» de P. Le Goffic (1979) et la distinction entre modificateur restrictif et modificateur non restrictif dans R. Quirk et alii (1972). ( 9) Voir M. Dominicy (1984, pp. 199-200), qui dénonce l'ambiguïté de la notion de détermination utilisée par Port-Royal.
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(10) D a n s les traités de logique médiévaux, les traits décrivant la relative non restrictive sont également avant tout négatifs (S. A u r o u x et I. Rosier, à paraître). (11) W. M o t s c h ( 1 9 6 4 , 1 9 6 5 e t 1966),D. Clément ( 1968), D. Clément et W. Thiimmel (1968), B. D r u b i g (1972), A. Grésillon (1974 et 1975), C. Rohrer (1971), J . C . M i l n e r ( 1 9 7 3 ) , R. B e c k e r ( 1 9 7 8 ) , C. F u c h s et J . M i l n e r (1979), M. H. Maniez-Pérennec (1979), C. Touratier (1980), F. Benzakour (1980), J. A. Hawkins (1978), J. J. Brunner (1981), etc. ( 12) Cf. en particulier le p r o b l è m e de l'insertion des adverbes de phrase (A. Grésillon, 1974 ; M. H. Maniez-Pérennec, 1979). (13) Cf. p a r exemple M. H . Maniez-Pérennec (1979, p. 12) : «il ne reste alors au linguiste désemparé plus que des critères p u r e m e n t sémantiques p o u r distinguer les deux types de relatives». ( 14) N o u s laissons de côté le critère d u c h a n g e m e n t de sens (l'omission de l'explicative ne change pas le sens de la phrase) et celui du caractère indispensable (une relative restrictive est indispensable au sens de la phrase, une relative appositive ne l'est pas), parce q u ' à l'évidence il s'agit de critères totalement faux. Voir à ce sujet, C. Touratier (1980, p. 241). On y raccrochera toutefois les étiquettes de relatives essentielles ou nécessaires p o u r les restrictives et celles de non essentielles ou non nécessaires p o u r les appositives (O. Behaghel, 1928). (15) L'absence de pause et d ' i n t o n a t i o n spécifique est-elle pertinente p o u r isoler le caractère restrictif ? La réponse est délicate, il semble que là aussi une prononciation intégrée, sans césure et sans intonation parenthétique, ne soit pas une m a r q u e de reconnaissance infaillible. (16) Pour d ' a u t r e s , c o m m e l'adjectif démonstratif, par exemple, qui est généralement présenté c o m m e le c o m p a g n o n d ' u n e relative appositive (K. Sandfeld, 1936), on ne peut exprimer d'avis aussi tranché (cf. ci-dessous). (17) A r a p p r o c h e r de Le vainqueur probable de la course, le meurtrier
probable.
(18) N. F u r u k a w a (1986) a également souligné ce fait. (19) Voir R. D o n z é (1967) et M. Dominicy (1981, pp. 103-104 et 1984, pp. 195-196). N. Beauzée (1767), c o m m e le rappelle (M. Dominicy, 1981), étend cette paraphrase aux conjonctions mais, donc, or, et aux «explicatives», - nous retrouvons là notre sens circonstanciel de relative explicative -, c o m m e car, parce que, puisque, vu que, par la raison que. (20) P o u r saisir la dimension historique de ce critère, voir S. A u r o u x et I. Rosier (à paraître). (21) Pour s'en sortir, on le sait, ils recourent à la notion d'assertion virtuelle, de convenance possible et non factuelle (la logique ou l'art de penser, p. 172). (22) Voir chez S. A u r o u x et I. Rosier (à paraître) les conceptions de Condillac. (23) Cf. par exemple le critère sémantique de l'hyponymie, d'extension réduite (R. Becker, 1978, p. 10) : Les baleines, qui sont des mammifères... présente une relative uniquement appositive.
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(24) P. Henry (1975, p. 98) estime «qu'il n'y a pas lieu de (les) différencier d'un point de vue syntaxique». (25) A savoir analyse en constituants immédiats (C. Touratier, 1980), version transformationnelle connue sous le nom de NOM-S Analysis (R. P. Stockwell et alti, 1973 ; B. H. Partee, 1975), version X-barre (R. S. JackendofT, 1977), analyse dans le cadre de la «un-syntax» de J. D. Me Cawley (1981) et traitement de syntaxe catégorielle dans la grammaire de Montague (A. Cornilescu, 1981 ; A. von Stechow, 1979). (26) Dans une grammaire en constituants immédiats, ce sera MN ou GN, dans la NOM-S Analysis, c'est NOM, dans le modèle X-barre, N' ou N", dans la syntaxe catégorielle de la grammaire de Montague, Nom. Dans la conception «plus libre» de McCawley, on retrouve N' également, mais avec une signification différente de celle qu'il a dans la syntaxe X-barre (voir J. D. McCawley, 1981). (27) Voir C. Touratier (1980). Dans une grammaire catégorielle, la relative restrictive répond, jusqu'à un certain point, à la même catégorie syntaxique que l'adjectif : elle est de la catégorie N / N , c'est-à-dire de la catégorie qui avec un N donne un autre N (A. Cornilescu, 1981). (28) Voir G. Kleiber (1981 b). (29) La relative appositive appartient alors à la catégorie syntaxique SN/SN.
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CHAPITRE II
UNE OPPOSITION TRADITIONNELLE «DÉPASSÉE» : LES RELATIVES PAR MONTS ET PAR VAUX
Nous ferons délibérément un détour qui peut apparaître de prime abord inutile, mais qui est moins gratuit qu'il n'y paraît, pour deux raisons : l'une est qu'il nous permettra d'opposer à la distinction relative restrictive/relative appositive une distinction véritablement autonome, à savoir l'opposition spécifiante/non spécifiante, et l'autre, décisive, est que cette distinction nouvelle constituera un des instruments essentiels de notre critique des conceptions et définitions sémantiques classiques. Cette critique se déroulera en trois mouvements. Nous procéderons tout d'abord, k une application des définitions standard au secteur privilégié que constituent les relatives dont l'antécédent est déterminé par l'article défini : l'application des délimitations classiques à différents types de relatives et l'existence des relatives compléments d'un verbe de perception prouveront l'inadéquation foncière de l'approche traditionnelle. Nous passerons, ensuite, i d'autres sites : celui de l'article indéfini spécifique et celui, plus restreint encore, des verbes dits virtuels. In fine, nous effectuerons une mise en test des critères d'identification eux-mêmes. Toutes ces analyses convergent vers une même conclusion : la présentation standard de l'opposition est insuffisante à caractériser correctement la distinction relative restrictive/relative appositive.
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1. RELATIVES SPÉCIFIANTES ET RELATIVES N O N SPÉCIFIANTES
La présentation standard donne à penser que toute relative est en soi ou appositive ou restrictive. Opinion erronée : on ne saurait parler d'une relative comme étant en soi restrictive ou appositive (J. C. Milner, 1973, p. 36 et P. Henry, 1975, p. 97). Il existe toutefois deux types de relative», les relatives spécifiantes et les relatives non spécifiantes que l'on peut distinguer, indépendamment de leur fonctionnement, d'après le prédicat, spécifiant ou non, qu'elles comportent (1).
1.1. Mlie m relief et caractérisa tloe de r oppositkn 1.1.1. Lectare géaériqae et lectvre «p¿dficpe Nous partirons d'une observation relative à l'interprétation générique ou spécifique d'une phrase. La prhase 1) est susceptible d'une lecture spécifique ('il s'agit de singes précis dont on dit qu'ils sont amusants') comme d'une lecture générique ('il s'agit des singes en général dont on dit qu'ils sont amusants') :
1) Les singes sont amusants
Appliquons cette distinction aux phrases 2), 3), 4) et 5) comportant des relatives restrictives :
2) Les fllles qui parlent le basque sont travailleuses 3) a) Les singes qui sont gros sont amusants b) Le singe qui est gros est amusant 4) l*s fllles que f ai rencontrées sont travailleuses 5) a) Les singes qui ont été attrapés hier sont amusants b) Le singe qui a été attrapé hier est amusant
On observe que 4) et 5) n'admettent plus qu'une lecture spécifique, alors que 2) et 3) restent ouverts aux deux interprétations. La proposition relative est le seul élément qui varie de 2) à 4) et dc3)k5). Le remplacement de qui parlent le basque et qui est gros par que fai rencontrées et qui a été attrapé élimine l'interprétation générique au profit de la seule interprétation spécifique du SN. Les propositions relatives du type qui a été attrapé, que fai rencontrées,
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employées restrictivement, déterminent par avance la spécificité du SN. Nous les appellerons relatives spécifiantes. Utilisées dans les mêmes conditions, celles de 2) et 3) laissent indéterminé le caractère générique ou spécifique du SN. Nous les appellerons relatives non spécifiantes. En quoi consiste la différence entre ces deux types de relatives ? Le pronom relatif est opaque. Les seuls renseignements qu'il laisse transparaître concernent, selon le cas, soit la fonction syntaxique à l'intérieur de la proposition relative (cf. qui sujet opposé & que complément d'objet), soit l'opposition (± humain) (cf. avec qui je suis parti opposé à avec quoi je suis parti), soit encore le genre et le nombre lorsqu'il s'agit de lequel, auquel, etc. Le fait essentiel est qu'il suspend toute indication relative aux quantificateurs et, par li-même, à la spécificité ou non spécificité du SN. De 1A, les difficultés rencontrées par les transformationalistes pour restituer les éléments opacifiés. De là aussi, les diverses théories de redéploiement proposées. Il est clair, par conséquent, que la différence entre ce que nous avons appelé relative spécifiante et relative non spécifiante ne peut se localiser au niveau du pronom relatif, mais est à chercher dans le restant de la proposition relative, plus précisément du côté du prédicat verbal. Il s'agit donc de mettre en relief ce qui sépare les prédicats de 2) et 3) de ceux de 4) et S).
1.1.2. Prédicat ipédflait/piédJcat m spécifiait La différence entre les deux types de prédicats apparaît clairement lorsqu'on les combine avec des SN quantifiés par Un (2). A la différence des phrases 7) et 8), la phrase 6) ne peut être interprétée spécifiquement. Elle n'échappe à l'anomalie que si elle est susceptible d'une lecture générique comme 9) :
6) * Un singe est gros (3) 7) Un singe a été attrapé hier soir 8) Tai rencontré une fille 9) Un singe est amusant Les phrases 10) s'opposent de la même façon aux phrases 11) : 10) a) *Un homme est grand/gentil/chauve b) *Quelqu'un est grand/gentil/chauve c) • Une botte est grande d) * Quelque chose est grand
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11) a) Un homme est venu me voir b) Quelqu'un est venu me voir c) Une botte est tombée par terre d) Quelque chose est tombé par terre On remarquera encore, à la suite de P. F. Strawson (4), que s'il est possible d'affirmer 12) a) et b), l'inverse 13) n'est pas permis : 12) a) Une chaise était renversée b) Une table était brisée 13) a) •Une chose renversée était une chaise b) *Une chose brisée était un tableau Il suffit de substituer aux SN indéfinis de 6) et 10) une expression «définie» ou le SN Un des N pour que la lecture spécifique soit autorisée : 14) a) Le/Ce/Mon singe est gros b) Paul est grand c) La/Cette botte est grande 15) a) Un des singes est gros b) Un des hommes est grand/gentil/chauve c) Une des bottes est grande Pour I. Bellert (1970, pp. 22-23), les énoncés 6), 10) et 13) ne peuvent être interprétés spécifiquement, parce qu'ils apportent trop peu de renseignements sur l'objet particulier de la référence. Cette réponse, trop générale, demande à être explicitée (S). A la notion de SN spécifique s'attache avant tout celle de contingence empirique. Les individus «spécifiques» (ou particuliers) nécessitent des points d'ancrage empiriques, une délimitation spatio-temporelle. Ils doivent être localisés. Or, le SN Un + substantif indique simplement à quelle classe appartient le référent particulier (6). Pour qu'un énoncé de structure UnN+ SVpuisse donc être interprété spécifiquement, le prédicat doit fournir les points de délimitation nécessaires. Il doit être spécifiant, c'est-à-dire comporter des indices référentiels (ou points de référence) (7) comme le temps et le lieu, qui sont i même de localiser un particulier non encore délimité. Qu'il s'agisse bien du prédicat est prouvé par la comparaison de 16) avec 17) :
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16) Paul a volé une bicyclette 17) Paul veut une bicyclette K. Ebert (1973, p. 2) a remarqué que le« trait» spécifiant» se trouvaient dans le contenu sémantique de voler plutôt que dans le nom propre Paul. En effet, bien que présent dans 17), le nom propre n'impose pas une lecture spécifique du SN indéfini. L'agent n'est pas essentiel pour la spécificité de Une bicyclette comme le montre 18) ; c'est au contraire le procès qui est primordial, parce que c'est lui qui implique pour l'objet un ancrage spatio-temporel dans un monde donné : 18) a) On a volé une bicyclette b) Une bicyclette a été volée Examinons de ce point de vue les prédicats des phrases 6), 10) et 13). Ce sont tous des prédicats qui décrivent une propriété, un attribut du référent. Ils ne peuvent servir, selon P. Attal (1976, p. 136), «qu'à caractériser un objet, en le distinguant d'autres objets». Ils n'impliquent aucune localisation externe, aucun point de référence spatio-temporel, ou, si l'on préfère, leur sens ne requiert pas le recours au hic et nunc de l'énonciation. On peut dire, au contraire, qu'ils ne sortent pas de l'objet de référence. Ce sont des prédicats internes (8) dans la mesure où ils constituent des propriétés qui ne se localisent précisément que par rapport à l'objet auquel ils s'appliquent. Une occurrence individuelle de grand, par exemple, ne peut être repérée que si le particulier qui satisfait à cette propriété est déjà repéré lui-même. O. Ducrot(1972,p. 323) signale à ce propos que même si la syntaxe française permettait de dire ce grand, sans sous-entendre un substantif, «l'expression ne suffirait pas à faire savoir, même si l'on montre simultanément un endroit de l'espace où se trouve seulement un livre, s'il s'agit du livre même qualifié de grand, ou d'une grande portion du livre, ou de son grand intérêt, etc.». Les prédicats être gros/grand/gentil/chauve/un tableau/une chaise, etc., ne sauraient par conséquent servir à localiser un nouveau référent. Ils sont non spécifiants et c'est leur caractère non spécifiant qui est à l'origine de l'anomalie des phrases 6), 10) et 13) lues spécifiquement. Les prédicats de 7), 8), 11) et 12) sont, par contre, spécifiant*. En effet, alors qu'une occurrence particulière d'un prédicat non spécifiant ne peut être repérée que si le particulier auquel elle s'applique est déjà localisé lui-même, les occurrences particulières de prédicats comme être attrapé, rencontrer, renverser, etc., bien qu'ils supposent soit un agent, soit un objet, etc., peuvent être localisées indépendamment de la localisation de l'individu particulier, parce que leur sens implique des points de référence spatio-temporels. A la
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différence des prédicats non spécifiants qu'une relation inhérente unit à l'objet de référence, les prédicats spécifiants sont des prédicats externes dont les occurrences particulières présentent une action, un événement, une position obligatoirement localisés à un moment donné, dans un lieu donné, de telle sorte que le prédicat peut être vérifié, sans que les référents (responsable de l'action, bénéficiaire, objet, etc.) que, sémantiquement, il présuppose soient eux-mêmes déjà localisés. Prenons le verbe voler dans le sens de 'dérober'. L'énoncé On a volé fournit deux indications. Il prouve, en premier lieu, qu'une occurrence spécifique de voler peut être repérée sans l'aide d'autres particuliers, puisqu'on peut affirmer la réalité du fait, sans que le voleur, ni le «volé», ni les objets volés ne soient spécifiés (cf. la paraphrase II y a eu un vol). L'action, comme le souligne P. Attal, qui appelle ce genre de phrases phrases verbales (9), est «l'objet exclusif de l'assertion». Fait significatif, constaté par P. Attal (1976, p. 136), les prédicats non spécifiants ne peuvent se combiner avec On ou II impersonnels. Il n'existe, en effet, pas de tournures impersonnelles avec prédicat non spécifiant qui correspondraient aux phrases impersonnelles 19) :
19) a) n pleut/Il neige b) Il arrive un train 20) a) *Il est grand/gentil/chauve/gros b) *Il est grand/gentil/chauve/gros/un homme Par ailleurs, lorsque le pronom On se distribue avec les prédicats non spécifiants comme dans 21), il ne s'agit plus du On impersonnel, mais du On qui se substitue au pronom Nous, comme le met en relief 22) : 21) On est grand/gentil/chauve/gros 22) Nous, on est grand/gentil/chauve/gros La seconde indication concerne les indices référentiels spatio-temporels. Pour qu'un énoncé comme On a volé puisse être déclaré vrai ou faux, il faut spécifier le moment et le lieu. Il faut faire appel à des points de référence. Le fait essentiel est que ces points de référence font partie du contenu propositionnel même de l'énoncé. Dans le sens de On a voléest inscrit le recours au hic et nunc de l'énonciation. La phrase On a volé comporte des expressions (comme le temps, par exemple) qui réfléchissent l'énonciation de la phrase en tant qu'occurrence, d'où leur nom d'expressions token-reflexives. A partir du fait que constitue leur énonciation, elles nous obligent en effet «à prendre en considération non seulement ce fait, mais aussi le fait de l'énonciation de la phrase et les faits qui, appartenant au même cadre spatio-temporel, lui sont liés» (F. Récanati, 1979, p. 163).
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Ces indices référentiels sont nécessaires ( 10), pour que l'on puisse parler de prédicat spécifiant. Non repéré s patio-tempo Tellement, un prédicat tel que voler est en effet identique aux prédicats attributifs comme être gros, gentil, etc., en ce qu'il décrit, dans ces conditions, uniquement une propriété interne du référent auquel il s'applique. Il est alors non spécifiant. Ainsi 23) est susceptible d'une lecture nomique (ou non événementielle) 'Paul vole habituellement' ou 'Paul est un voleur' comme d'une lecture événementielle 'Paul vole en ce moment' ou 'Paul est en train de voler'. S'il s'agit de la lecture événementielle, le prédicat est spécifiant, alors que dans le cas de l'interprétation nomique, il est non spécifiant, comme le met en relief la paraphrase attributive Paul est un voleur (voir G. Kleiber, 1985).
23) Paul vole Ce fait se trouve corroboré également par l'impossibilité de combiner un tel prédicat non événementiel avec un SN Un + A'spécifique. L'énoncé 24) n'est susceptible que de deux interprétations, une lecture générique, où le SN générique se combine au prédicat nomique, et une lecture spécifique avec la combinaison SN spécifique + prédicat événementiel : 24) Un chien aboie La troisième interprétation, que l'on pourrait envisager sur le modèle de 23), où un SN spécifique (Paul) se combine soit avec un prédicat nomique, soit avec un prédicat événementiel, est exclue. La phrase 24) ne répond pas à l'association Un chien (spécifique) + aboie (nomique). Nous pouvons préciser, à présent, l'ambiguïté de la phrase 2) Les filles qui parlent le basque sont travailleuses. Lue spécifiquement, 2) reste ambiguë, la relative étant spécifiante s'il s'agit de la lecture événementielle de qui parlent le basque, et non spécifiante dans le cas d'une lecture nomique. En lecture générique, 2) ne présente pas une telle ambiguïté : la relative est non événementielle. Parce qu'ils peuvent être localisés indépendamment d'un autre particulier, grâce aux coordonnées spatio-temporelles qu'ils mettent en jeu, les prédicats spécifiants fournissent des points d'ancrage spatio-temporels qui permettent de localiser un individu particulier non encore délimité. Dans les phrases 7), 8), 11) et 12), c'est le prédicat spécifiant qui est à l'origine de l'interprétation spécifique des SN indéfinis. La vérité du procès ou de l'événement conditionne en effet l'existence de l'individu particulier comme le prouve la négation de ce type de phrases :
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25) Aucun singe n'a été attrapé hier soir 26) Je n'ai pas rencontré de fille Il n'est plus question d'existence spécifique dans les phrases 25) et 26), car les référants particuliers ont disparu avec le procès. La reprise coréférentielle, possible lorsque la phrase est positive, est de ce fait ici interdite (cf. 27) opposé à 28)) :
27) Un singe a été attrapé hier soir. Il s'était échappé du zoo 28) 'Aucun singe n'a été attrapé hier soir. Il s'était échappé du zoo La spécificité de Un singe dans la phrase 7) Un singe a été attrapé hier soir s'explique donc aisément. S'il est vrai qu'il y a eu un événement spécifique, à savoir une capture spatio-temporellement déterminée et s'il est vrai que c'est un singe qui a été attrapé, alors il ne peut s'agir que d'un singe spécifique également, c'est-à-dire d'un individu particulier et non de n'importe quel singe. La spécificité du prédicat entraîne dans ce cas nécessairement la spécificité du référent. La différence entre les énoncés 6). 10), 13) et les énoncés 7), 8), 11) et 12) s'explique donc par le caractère spécifiant ou non du prédicat. La régie suivante peut être retenue : un SN indéfini spécifique ne peut se combiner avec un prédicat non spécifiant, c'est-à-dire un prédicat qui n'entiatne aucun point de référence autre que ceux du particulier. Il peut se combiner, par contre, avec tout prédicat spécifiant, car il pourra être localisé par rapport aux points de référence spatio-temporels mis en jeu par ce prédicat. Une précision reste à apporter sur la forme des prédicats spécifiants et non spécifiants. De même que les énoncés attributifs ne sont pas les seuls à présenter des prédicats non spécifiants (cf. Un homme a du courage ou la lecture nomique du Un chien aboie), les prédicats spécifiants ne sont pas à assimiler aux verbes d'action. Les prédicats des phrases locatives 29) sont également spécifiants : 29) a) Un livre est posé sur la table b) Une voiture est dans le garage c) Un homme est à côté de moi
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1.2. MaaifetUtio« Nous redéfinirons donc les relatives spécifiantes comme des relatives comportant un prédicat spécifiant et les relatives non spécifiantes comme des relatives présentant un prédicat non spécifiant. Une première manifestation de cette opposition a été décrite ci-dessus. Les énoncés avec une relative restrictive spécifiante ne peuvent être que spécifiques. C'est la conséquence directe du caractère spécificateur du prédicat. La décomposition de 4) et 5) en 30) et 31) montre en effet clairement le mécanisme spécificateur. L'interprétation spécifique des SN indéfinis Des fllles, Des singes et Un singe est à porter au crédit des prédicats spécifiants qui figurent dans le premier membre de la paraphrase :
30) J'ai rencontré des filles. Elles sont travailleuses 31) a) Des singes ont iti attrapés hier soir. Ils sont amusants b) Un singe a été attrapé hier, n est amusant
La pertinence de la distinction relative spécifiante/relative non spécifiante se manifeste, en second lieu, par une différence de distribution avec les tournures impersonnelles existentielles. Le tour impersonnel ¡¡existe... n'est compatible qu'avec les relatives non spécifiantes, alors que la tournure II y a... admet les deux types de relatives :
32) a) Il existe des fllles qui parlent le basque b) Il y a des fllles qui parlent le basque c) Il existe des singes qui sont gros d) Il y a des singes qui sont gros 33) a) Il y a des singes qui ont été attrapés hier soir b) Il y a un livre qui est posé sur la table 34) a) *Il existe desfllles qui sont en train de parler le basque b) *Il existe des singes que fai attrapés hier soir c) *fl existe un livre qui est posé sur la table S'agit-il encore de «vraies» relatives ou pas (11) ? La question n'a pas d'importance pour notre propos. Le point essentiel est de souligner que le tour impersonnel II existe... paraît réservé à l'expression de l'existence non spécifique. On observe, en troisième lieu, qu'à la différence des relatives non spécifiantes (cf. 35)), les relatives spécifiantes ne sont pas susceptibles d'être reprises anaphoriquement par Te! (cf. 36)) :
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35) Pierre a acheté un vélo qui permet de faire de la montagne. Un tel vélo (c'est-à-dire un vélo qui permet...) comporte un double plateau 36) Pierre a acheté un vélo qu'il a vu au marché. ? Un tel vélo (c'est-à-dire un vélo qu'il a vu au marché)... En relation directe avec ce fait, on notera que les relatives spécifiantes ne peuvent apparaître dans les comparaisons analogiques de forme Comme un N+ relative, TelunN+ relative. Semblable à un N+ relative, Pareil àunN+ relative :
37) Achille est menaçant comme un lion qui est en colère 38) ? Achille est menaçant comme un lion que f ai vu hier au zoo D'un autre côté, seules les relatives spécifiantes peuvent être employées comme des relatives progressives (cf. M. Rothenberg, 1972), dont la caractéristique est de présenter une action chronologiquement postérieure à celle de la principale. Il est clair que les relatives non spécifiantes, non événementielles par définition, sont exclues d'un tel emploi :
39) a) Il mit un chapeau qu'il enleva aussitôt après b) Ilfrappa à une porte qui s'ouvrit c) Nous découvrîmes des oiseaux qui se mirent à crier On sait qu'avec le quantificateur Tout les classes de référence non primaires doivent pouvoir être des classes hypothétiques (cf. R. Martin et G. Kleiber, 1977, pp. 32-33). Une des manifestations les plus marquantes de ce fait est l'impossibilité, pour un SN quantifié par Tout, d'apparaître dans une phrase comportant un prédicat spécifiant telle que 40) : 40) *Tai accepté toute solution 41) J'accepterai toute solution Alors que le futur de 41) laisse la porte ouverte i l'inexistence, la vérité du procès de 40) entraîne, obligatoirement comme nous l'avons vu, l'existence de solutions «spécifiques» et entre en conflit, par conséquent, avec le carac-
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tire hypothétique de Tout. Tout, de ce fait, ne se distribue pas non plus avec les relatives spécifiantes comme le montre 42) :
42) *fat lu tout livre que tu as acheté hier Nous citerons, en dernier lieu, la différence d'utilisation référentielle. Employées restrictivement, relatives spécifiantes et non spécifiantes peuvent apparaître dans des descriptions définies utilisées pour référer à un individu particulier :
43) Va me chercher rhomme qui a un nez rouge ! 44) Va me chercher le livre que f ai laissé dans la voiture ! Leur utilisation référentielle varie toutefois selon la présomption du locuteur sur les connaissances de l'interlocuteur. Si l'objet de référence n'est pas présent soit dans la situation dénonciation, soit dans le contexte linguistique, le locuteur ne peut utiliser, dans un acte de référence définie unique, une description définie comportant une relative non spécifiante que s'il présume que l'interlocuteur connaît déjà le référent. Autrement dit, en cas d'absence du référant, il ne peut introduira au moyen d'une telle description un nouveau référant. Admettons que «l'homme qui a un nez rouge» soit Pierre. Le locuteur peut référer & Pierre à l'aide de cette description (i) s'il présume que l'interlocuteur sait que Pierre est l'homme qui a un nez rouge ou (ii) s'il présume que, Pierre étant présent dans la situation de communication, les indications fournies par la description sont suffisamment univoques pour permettra à l'interlocuteur de reconnaître qu'il s'agit de Pierre. Reconnaissons que dans ce dernier cas la réussite de l'acte référentiel est moins sûre que dans le cas (i). Si Pierre est absent de la situation de communication et si le locuteur présume que l'interlocuteur ne sait pas qui est l'homme qui a un nez rouge, alors la description définie avec la relative non spécifiante ne peut servir pour l'acte de référence. On ne peut, en effet, exécuter un ordre comme 43) si l'on ne connaît pas l'homme en question, ou si la situation de communication ne nous permet pas de l'identifier. Avec les relatives spécifiantes, la stratégie référentielle est différente. Le locuteur peut employer une description définie comportant une relative spécifiante pour introduire un nouveau référant. Même si le locuteur présume que l'interlocuteur ne connaît pas l'existence du livre en question, il peut y référer, que le livre soit présent ou non dans la situation de communication, parce que la relative spécifie le référant particulier, comme le montre la décomposition de 44) en 45) :
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45) J'ai laissé un livre dans la voiture. Va me le chercher ! L'ordre 44) peut ainsi être exécuté dans les conditions qui rendent impossible l'exécution de 43) (12). On rattachera à ce phénomène l'observation suivante relative à l'hypothèse de Z. Vendler (1967) sur les SN déterminés par l'article défini. Z. Vendler émet l'hypothèse que toute description définie comporte une relative restrictive présente ou non en surface. La représentation sémantique d'un SN tel que L'homme de L'homme est venu exige donc que l'on recouvre la relative restrictive effacée. La récupération peut se faire soit par le contexte linguistique s'il s'agit du Le «anaphorique» (cf. J'ai vu un homme. L'homme (que f ai vu)...), soit par la situation s'il s'agit du Le «situationnel». La validité de l'hypothèse nous importe peu ici. Le point qu'il nous parait, par contre, essentiel de signaler est que ces relatives récupérées ne sont que des relatives spécifiantes.
1.3. CoMéqaMces La mise à jour de cette opposition sémantico-fonctionnelle n'est donc pas gratuite. Outre qu'elle permet de rendre compte de tel ou tel autre fait de combinaison (cf. par exemple la difficulté signalée par N. Furukawa (1986), de lier une relative spécifiante appositive à un SN spécifique défini), elle a l'avantage primordial de fournir un moyen de jauger les différentes conceptions proposées pour cerner la distinction relative restrictive/relative appositive. Nous verrons ci-dessous le râle qu'elle joue dans notre critique des traitements de S. A. Thompson et de S. Y. Kuroda. Elle nous servira dans l'immédiat i prendre la mesure des trois définitions standard. La question posée sera celle de leur adéquation.
2. LES TROIS DÉFINITIONS SONT-ELLES ADÉQUATES ? 2.1. Relative« avec article défiai 2.1.1. Description MM éqafraleates Il convient, en premier lieu, de s'assurer s'il s'agit de variantes notationnelles ou non. Si elles ne sont pas équivalentes, elles ne peuvent plus passer toutes trois pour des définitions de l'opposition relative restrictive/relative appositive. L'examen auquel nous allons les soumettre, non seulement prou-
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vera qu'elles ne se recouvrent pas totalement, mais en plus révélera qu'aucune d'entre elles n'est à même de décrire de façon satisfaisante tous les exemples du cas privilégié que constituent les énoncés avec l'article défini. Pour tester leur validité, nous allons étudier leur distribution avec cinq types de phrases comportant toutes l'article défini. Cette entreprise est doublement justifiée : d'une part, parce que quasiment tout le monde s'accorde à reconnaître que l'article défini peut se faire suivre d'une relative restrictive comme d'une relative appositive et, d'autre part, parce que les trois définitions classiques que nous mettons à l'épreuve proviennent, comme nous l'avons souligné dans notre introduction, d'analyses d'exemples comprenant l'article défini. Les paramétres dont nous nous sommes servi pour établir les cinq types de phrases sont au nombre de trois : la variation singulier/pluriel pour l'article défini, l'opposition SN générique/SN spécifique (13) et la distinction relative spécifiante/relative non spécifiante. La combinaison Les, générique, relative spécifiante est interdite, parce que la relative spécifiante entraîne la spécificité du référent et exclut donc par avance la généricité. Nous obtenons par conséquent cinq combinaisons possibles illustrées par les énoncés 46), 47), 48), 49) et 50) :
- combinaison (i) : Les, générique, relative non spécifiante 46) Les hommes qui sont pieux sont charitables • combinaison (ii) : Les, spécifique, relative spécifiante 47) Les élèves qui ont triché hier ont été punis - combinaison (iii) : Le, spécifique, relative spécifiante 48) Uélève qui a triché hier a été puni - combinaison (iv) : Les, spécifique, relative non spécifiante 49) Les élèves qui sont forts en maths ont été récompensés - combinaison (v) : Le, spécifique, relative non spécifiante 50) L'élève qui est fort en maths a été récompensé 2.1.1.1. CobMmImm (I) : Les hommes qmi tout pieux sont ckarttakUs
a) Définition en termes d'extension du concept (Définition A) La définition A convient parfaitement pour décrire 46). Dans l'interprétation restrictive, la relative restreint l'extension du concept dénoté par l'antécédent hommes ou Les hommes (14). Le prédicat sont charitables ne concerne pas tous les hommes, mais uniquement ceux qui sont pieux.
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Homme et pieux forment ensemble une idée complexe ou, si l'on veut, un concept nouveau. Les sémanticiens générativistcs parleraient à propos du prédicat complexe 'homme pieux' d'item lexical possible. Lorsque la relative est appositive, seconde lecture possible de 46), la relative laisse effectivement l'extension du concept exprimé par homme inchangée.
b) Définition en termes de classe/sous-classe (Définition B) La définition B convient également pour 46). La relative restrictive restreint la classe dénotée par N ou SN à la sous-classe des hommes qui sont pieux, alors que l'appositive laisse cette classe intacte. Dans une représentation ensembliste, la lecture restrictive se laisse représenter par l'inclusion ( 15), ou, si l'on accepte que d'autres êtres que les hommes puissent être pieux, par l'intersection (16). On notera, dans cette optique, l'effet contrastif de l'interprétation restrictive. La sous-classe des «hommes qui sont pieux» se trouve opposée à la sous-classe complémentaire des «hommes qui ne sont pas pieux». Le caractère contrastif d'une telle lecture peut être souligné par une glose comme 51) qu'on opposera à la glose 52), qui se rattache à la lecture appositive :
51) Tous les hommes ne sont pas charitables. Seuls ceux qui sont pieux le sont. 52) Tous les hommes sont charitables et tous les hommes sont pieux. c) Définition en termes d'identification du réfèrent (Définition C) La définition C n'est guère apte à décrire l'ambiguïté de 46). Etant donné que dans les deux interprétations il s'agit d'un SN générique, il n'y a pas de problème d'identification référentielle comme il y en a avec les SN spécifiques. La référence actuelle (17) se confond ici avec la référence virtuelle (ou sens), de telle sorte qu'il n'y a aucun sens à parler d'identification du réfèrent.
2.1.1.2. ComMute» (U) : Us ilèvts qui ont triché hier ont M punis a) Définition A
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La définition A se révile inadéquate. On peut certes, d'un côté, défendre l'idée d'une relative restrictive qui restreint l'extension du concept dénoté par élèves à l'extension des seuls élèves qui ont triché hier, mais, d'un autre côté, on ne peut soutenir que la relative appositive laisse cette extension inchangée, pour la bonne et simple raison que le SN Les élèves, dans l'interprétation appositive de 47), est un SN spécifique dont l'extension est de ce fait réduite par rapport à celle du concept dénoté par hommes. Une échappatoire est possible : considérer que l'extension que vient restreindre la relative restrictive est déjà réduite au départ, de telle sorte que, dans l'interprétation appositive, la relative laisserait cette extension déjà réduite inchangée et non une autre. Cette façon de procéder a l'avantage de rendre compte correctement de l'interprétation appositive, mais elle rend caduque du même coup la définition initiale, puisque la notion d'extension du concept dénoté par N ou SN a disparu au profit de celle d'extension du SN antécédent. On remarquera qu'il n'est plus guère possible de parler d'idée complexe, de concept nouveau, d'item lexical possible pour l'ensemble que forment l'antécédent et la relative restrictive. Le statut d'affirmation virtuelle, qu'assignent les logiciens de Port-Royal à la relative déterminative pour échapper à une contradiction qu'engendre leur «logique» des propositions (18), n'est plus de mise non plus. Si la définition de la relative déterminative comme «une affirmation tacite et virtuelle, non de la convenance actuelle de l'attribut au sujet auquel le qui se rapporte, mais de la convenance possible» (LA LOGIQUE OU L'ART DE PENSER, p. 172) peut s'appliquer d'une certaine manière à la relative restrictive de 46), elle n'a absolument plus aucune pertinence pour la relative restrictive de 47). Dans 47), interprété de façon restrictive, il s'agit bien d'un fait actuel (Des élèves ont triché hier !) qui d'aucune façon ne saurait être envisagé sous un angle hypothétique. La «convenance» entre ont triché hier et le «sujet auquel le qui se rapporte», ne peut, à l'évidence, être décrite comme une compatibilité d'idées virtuelle.
b) Définition B La définition B convient parfaitement, à condition de préciser pour l'appositive que la classe qu'elle laisse intacte n'est pas celle dénotée par N, mais par SN, ou, si l'on préfère, que c'est une sous-classe déjà restreinte qu'elle ne modifie pas. En lecture appositive, l'énoncé 47), comme le prouve la paraphrase 53), ne signifie en effet pas que les élèves en général ont triché, mais uniquement qu'une sous-classe spécifique d'élèves a triché :
53) Tous les élèves ont triché hier et tous les élèves ont été punis.
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Le problème est légèrement différent avec la relative restrictive. Elle peut être dite restreindre la classe dénotée par N, comme elle peut être dite restreindre celle dénotée par SN, c'est-à-dire une sous-classe, déjà restreinte par d'autres moyens. Dans le premier cas, la relative restreint la classe des élèves (en général) à celle des élèves qui ont triché hier. Dans le second cas, elle découpe une sous-classe d'élèves qui ont triché hier à l'intérieur d'une sous-classe déjà restreinte d'élèves (les élèves du lycée, par exemple). Le contraste n'est effectif que dans ce dernier cas : les élèves tricheurs (du lycée) se trouvent opposés aux élèves non-tricheurs (du lycée). Dans le premier cas, il ne semble pas pertinent de considérer que la sous-classe spécifique des élèves qui ont triché hier s'oppose à la partie complémentaire des élèves non-tricheurs (en général). La glose contrastive 54) ne répond effectivement qu'au second cas :
54) Tous les élèves n'ont pas été punis. Seuls ceux qui ont triché hier l'ont été. c) Définition C La définition C s'applique sans difficulté à ce type de phrases. La relative restrictive identifie/détermine/spécifie le référent dénoté par le SN Les élèves comme étant précisément ceux qui ont triché, alors que, dans le cas de la relative appositive, le référent de Les élèves est identifié ou déterminé par d'autres moyens.
2.1.1.3. ConbiufKM (iii) : £ VU** qui m triché hier m été puni a) Définition A La définition A ne convient pas, parce qu'on ne saurait parler de différence d'extension du concept dénoté par l'antécédent entre la lecture appositive et la lecture restrictive, puisque, dans les deux cas, l'extension du concept se trouve réduite à un et un seul individu. Il est à remarquer que, comme pour la combinaison (ii), les notions d'idée complexe, de concept nouveau, de compatibilité virtuelle et d'item lexical possible ne se révèlent pas pertinentes pour décrire l'ensemble élève qui a triché hier. b) Définition B La définition B ne convient que partiellement. La relative restrictive se laisse ici définir comme une relative qui découpe un singleton (ou ensemble
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unaire), soit à l'intérieur de la classe dénotée par N (donc les élèves, en général), soit à l'intérieur d'une sous-classe déjà restreinte dénotée par SN (les élèves du lycée, par exemple). L'appositive, par contre, ne peut être définie dans ce cadre, car elle ne laisse inchangée ni la classe N (les élèves, en général), ni la sous-classe SN (les élèves du lycée), classes sur lesquelles la relative restrictive opère la restriction. C'est, en revanche, une autre sous-classe unaire qu'elle laisse intacte, comme le montre la paraphrase 55) :
55) L'élève a triché hier. L'élève/Il a été puni. c) Définition C La définition C s'avère particulièrement judicieuse pour rendre compte de la combinaison (iii). La relative restrictive identifie/détermine le référent dénoté par l'antécédent (De quel élève s'agit-il ? - De rélève qui a triché hier), tandis que l'appositive n'exerce aucune fonction identifïcatoire ; elle n'apporte qu'une information supplémentaire sur un référent déjà identifié. L'élève en question est, en quelque sorte, déjà «connu».
2.1.1.4. CoMblaaisoi (h) : Us élèvtt qui tout forts en matki ont été récompensât a) Définition A Etant donné la relative non spécifiante, la définition A s'applique à la lecture restrictive de l'énoncé 49), dans la mesure où l'on peut considérer que l'extension du concept dénoté par élèves est restreinte aux seuls élèves forts en maths, l'antécédent élèves et la relative qui sontforts en maths formant une idée ou concept complexe auquel il serait possible de substituer effectivement un seul item lexical. La relative appositive ne se laisse toutefois pas décrire dans les termes de la définition A, car le SN Les élèves est spécifique et ne peut donc correspondre à l'extension du concept dénoté par N. Partant, même si la relative restrictive s'accommode de la définition A, c'est malgré tout la définition en termes d'identification référentielle qui est préférable, parce que, dans les deux cas, il s'agit d'un SN spécifique.
b) Définition B La présence de la relative non spécifiante à la place de la relative
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spécifiante de l'énoncé 47) n'a aucune répercussion sur l'application de cette définition ¿ la combinaison (iv). On se reportera donc aux remarques faites au paragraphe 2.1.1.2. b). c) Définition C La définition C s'applique au type de phrase (iv) de la même manière qu'aux combinaisons (ii) et (iii). Une différence est à rappeler, d'ordre pragmatique. La relative non spécifiante «n'identifie» pas de la même façon qu'une relative spécifiante. Nous avons vu avec 43) et 44) que l'on ne peut, en dehors de la présence du (ou des) référent(s) dans la situation de communication, introduire un (ou des) nouveau(x) référent(s) & l'aide d'une relative non spécifiante, alors qu'une telle opération est possible avec une relative spécifiante. On ne peut, en effet, exécuter l'ordre 56) si l'on ne sait au préalable de quel élève il s'agit, tandis que l'ordre 57) peut être accompli en l'absence d'une telle connaissance préalable, parce que la relative spécifiante localise le réfèrent en question :
56) Va me chercher l'élève qui est fort en maths l 57) Va me chercher f élève qui est dans le couloir !
2.1.1.5. CoaWuiMM (v) ; L'élève qmi est fort em mmtht a été récompensé Pour la définition A, on se reportera à 2.1.1.4. a), pour la définition B à 2.1.1.3. b) et pour la définition C k 2.1.1.4. c). Les résultats suivants peuvent être retenus : - Aucune des trois définitions sémantiques ne convient pour tous les types de phrases. - Les trois définitions ne sont pas équivalentes et ne peuvent être considérées comme des variantes notationnelles d'un même phénomène, puisqu'elles ne se recouvrent que partiellement. - L'analyse a fait apparaître des corrélations entre la définition en termes d'extension conceptuelle et les SN génériques et, à un degré moindre, le caractère non spécifiant de la relative ; la définition en termes de classe/sous-classe et l'article défini pluriel ; la définition en termes d'identification du réfèrent et les SN spécifiques et, à un degré moindre, le caractère spécifiant de la relative (19). - La définition en termes d'extension conceptuelle ne s'applique parfaitement qu'aux SN génériques, la définition en termes de classe/sous-classe qu'aux SN quantifiés par Les et la définition en termes d'identification
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qu'aux SN spécifiques. - Le paramètre relative spécifiante/relative non spécifiante n'exerce aucune influence sur l'application de la première définition, mais se révile décisif pour l'application de la seconde, puisque seules les relatives restrictives non spécifiantes peuvent ¿tre décrites à l'aide de la première. Les relatives spécifiantes se prêtent, par contre, tout naturellement, à un traitement par la définition en termes d'identification. On trouvera confirmation de certains de ces résultats dans un traitement logique différent des relatives restrictives des SN génériques. Quoique présentant le même déterminant (Les), les énoncés 46) et 47) se voient assigner dans la logique des prédicats standard une transcription différente. Seul 46) se laisse représenter par la proposition universelle ( V x) (Homme(x) / s Pieux(x) » Charitable(x)) et paraphraser par un énoncé conditionnel comme 58) :
58) Si un homme est pieux, alors il est charitable Quelle que soit, en effet, la représentation logique exacte que l'on donne par ailleurs de 47) (20), il est patent, étant donné la factualité de la relative, qu'il ne saurait en aucune manière être transcrit par une implication universelle et glosé, de près ou de loin, par une phrase conditionnelle. 59) ? Si des Hives ont triché, ils ont été punis On sait que certains des tenants (21) d'une interprétation conditionnelle des relatives restrictives des SN génériques sont conduits i ranger même de telles relatives parmi les «pseudo-relatives», avec les phrases clivées et les phrases existentielles (R. P. Stockwell et alii, 1973, p. 430). Mais que l'on adhère finalement à l'interprétation conditionnelle ou non (22) importe peu ici. L'essentiel est d'avoir montré une répercussion logique possible de la différence d'adéquation descriptive des définitions sémantiques de la relative restrictive. La conclusion que l'on tire de ce premier test évaluatif est que les trois définitions standard ne sont pas fausses. Leur capacité à décrire certains types d'énoncés le prouve. Mais, comme aucune des trois n'est satisfaisante dans tous les cas, elles ne sauraient passer que pour des descriptions et non pour des définitions de l'opposition relative restrictive/relative appositive. On est en effet en droit de s'attendre à ce qu'une réelle définition s'applique à chacune des cinq combinaisons relevées ci-dessus et prévoie correctement
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pourquoi les trois définitions classiques conviennent dans certains cas et pas dans d'autres. Il ne faut pas perdre de vue que nous ne sommes pas encore sorti du site privilégié des exemples avec article défini.
2.1.2. Les relatives conpliaeats «Ta verbe de perception Dans ce mime site, une seconde confirmation de l'inadéquation des définitions standard est apportée par des exemples comme 60) : 60) Je vois la mire qui pleure L'énoncé 60) est ouvert à trois interprétations : 60) a) 'Je vois celle qui pleure' (celle — la miré) b) 'Je vois la mire et la mire pleure' c) 'je la vois qui pleure'/'Je vois la mire pleurer' Les deux premières lectures correspondent respectivement au cas de la relative restrictive et à celui de la relative appositive. Le problème qui se pose est celui de la relative de 60) c). Ce type de relatives connues sous le terme de relatives prédicatives (A. Tobler, 1884 et 1896 ; W. Meyer-Lübke, 1899 ; E. Polentz, 1903), de relatives attributives (K. Sandfeld, 1936 ; M. Rothenberg, 1979 ; H. Prebensen, 1982), de relatives complétives (C. Schwarze, 1974) ou encore de relatives déictiques (P. Cadiot, 1976 ; F. Benzakour, 1984) met & jour l'insuffisance des trois définitions classiques de la relative appositive. Leur application à 60), dans l'interprétation c), conclut au statut appositif, puisque la relative n'a aucun rôle restrictif ou identificatoire sur l'antécédent. C'est la raison pour laquelle C. Touratier (1980, pp. 338-339), fort logiquement, les considère comme d'authentiques relatives explicatives. Selon lui, l'interprétation particulière à laquelle elles donnent lieu ne serait qu'un effet de sens résultant de la combinaison du rapport de simultanéité temporelle entre le verbe de la relative et celui de la principale et de l'expression par la relative d'une action du sujet qui est «directement observable» : «Si l'on dit en effet que l'on voit quelqu'un et si l'on affirme incidemment & propos de cette personne une action qui est directement observable et simultanée i celle du verbe principal de perception, cela implique qu'à ce même moment le locuteur a aussi vu faire cette action, d'où le rapport sémantique entre Je le vois qui vient et Je vois qu'il vient. En expliquant ainsi les choses, nous n'entendons pas nier l'originalité de ce qu'on appelle les relatives
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complétives ; nous voulons simplement montrer qu'il s'agit d'un cas particulier de relative adjointe» (1980, p. 339). L'existence de 60) b) montre toutefois que l'hypothèse de l'effet de sens ne tient pas : il s'agit bien dans 60) c) d'un fonctionnement particulier de la relative différent de celui de 60) b) et de celui de 60) a). Fonctionnement particulier dont n'arrivent pas 4 rendre compte les définitions classiques de la relative appositive, puisqu'elles déclarent identiques 60) b) et 60) a). On peut, certes, défendre un tel résultat en faisant de la relative de 60) b) et de celle de 60) c) deux sous-classes d'une hypothétique catégorie générale des appositives, définie uniquement par la non restriction et la non identification. Mais une telle solution est peu satisfaisante, car, ce faisant, il faut renoncer du même coup aux principales caractérisations et propriétés «positives» mises en relief pour les appositives. La relative de 60) c) n'est pas autonome 60) c) ne se laisse pas paraphraser par une coordination de phrases ; l'insertion d'adverbes de phrase est exclue, etc. Il est intuitivement préférable, dans ces conditions, de maintenir totalement séparés ces deux types de relatives et donc de conclure à l'insuffisance des définitions sémantiques classiques de la relative appositive. Mentionnons rapidement qu'un tel résultat peut être évité d'une autre façon : en refusant à la relative de 60) c) le statut même de relative. Cela peut se faire de deux manières, soit en suggérant comme C. Fuchs et J. Milner (1979, pp. 112-113) que l'on a affaire, non pas à un phénomène de subordination, mais à une sorte de phrase simple comportant la trace d'une opération spécifique de repérage selon la modalité du certain (Je vois), soit en postulant, à l'origine de telles constructions, une complétive (M. Gross, 1968 ; D. Clément, 1971 ; C. Schwarze, 1974), ou encore une autre source non relative (R. Kayne, 1977, p. 126). Les deux traitements sont toutefois inadéquats :1e premier, parce que, comme le prouve C. Blanche-Benveniste ( 1982), les indices syntaxiques d'une subordination, notamment la pronominalisation de l'antécédent (Je LA vois qui pleure), sont certains. Le second, parce que, d'une part, la complétive ne peut être retenue comme origine (cf. H. Huot, 1974 ; P. Cadiot, 1976 ; H. Prebensen, 1982 ; F. Benzakour, 1984) et parce que, d'autre part, le simple fait de ne pas être une appositive ne saurait être un argument pour la rejeter comme relative. En conséquence, les relatives compléments d'un verbe de perception gardent toute leur valeur d'argument contre la définition de l'appositive et, qui plus est, elles sont un premier témoin suggestif de l'ambiguïté dont font preuve les approches classiques de la notion de relative appositive.
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2.2. Relative» avec (faatres déternlaaats Lorsqu'on délaisse le secteur prototypique des phrases à article défini pour appliquer les trois définitions à des SN munis d'autres déterminants, les choses se compliquent encore plus et attestent bien vite de l'impraticabilité de ces voies définitoires standard. Les résultats ne sont pas nets, c'est le moins que l'on puisse dire, comme le prouve éloquemment le désaccord qui régne en la matière. Nous choisirons comme exemple d'investigation l'article indéfini spécifique (23). Trois types de traitements sont disponibles : a) les relatives qui suivent l'article indéfini Un spécifique ne sont que des relatives appositives (cf. J. Dubois et F. Dubois-Charlier, 1970) ; b) elles ne sont que des relatives restrictives (cf. par exemple B. Du Castel, 1978, p. 102) ; c) elles peuvent être ou restrictives ou appositives (cf. entre autres C. Smith, 1961 et 1964, M. Rothenberg, 1972, A. Grésillon, 1974, etc.). La plupart des linguistes qui adoptent l'attitude c), de loin la plus fréquente, soulignent toutefois que la distinction relative restrictive/relative appositive se retrouve plus difficilement avec l'article Un qu'avec l'article défini (24). Certains, comme C. Fuchs et J. Milner (1979, pp. 122-124), la restreignent d'ailleurs à l'emploi des verbes dits virtuels comme chercher, souhaiter, vouloir, etc., qui mettent en jeu, comme on sait, l'opposition spécifique/non spécifique de l'article indéfini. Ce point sera abordé ci-dessous en 2.2.2.
2.2.1. Article ladéfai spédflqw Qu'on ne se méprenne point sur le but de notre démarche. Il ne s'agit pas de prouver qu'une relative après Un spécifique ne peut être ni restrictive ni appositive, mais uniquement de montrer que la distinction relative restrictive/relative appositive telle qu'on la présente définitoirement pour l'article défini ne s'applique pas pleinement à ce site. Deux remarques avant de commencer. Nous rappellerons, en premier lieu, que les exemples avec l'article indéfini spécifique sont rarement utilisés pour illustrer l'opposition relative restrictive/relative appositive. Il faut souligner, en second lieu, qu'un des arguments les plus pertinents en faveur de l'existence de deux types de relatives, à savoir l'ambiguïté, ne trouve quasiment guère sa place avec l'article Un spécifique. Alors que l'ambiguïté d'énoncés comme 47), 48) et 61) :
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47) Les ¿lèves qui ont triché Hier ont été punis 48) L'élève qui a triché hier a été puni 61) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèses est immédiatement perceptible, il est beaucoup plus difficile de voir en quoi pourrait consister l'ambiguïté d'un énoncé comme 62) : 62) Un ami que f ai rencontré hier soir m'a insulté N. Furukawa(1986,p. 223) oppose, certes, un énoncé comme Un homme qui portait une cravate est entré à un correspondant «appositif» Un homme, qui portait une cravate verte, est entré, mais il note toutefois que la différence sémantique est vraisemblablement moins marquée entre ces deux énoncés que celle qui sépare les énoncés définis correspondants (L'homme qui portait une cravate verte est entré / L'homme, qui portait une cravate verte, est entré).
2.2.1.1. Essai de descriptk* eu ternes d'ideatiftcatioa réfénatMk et d'extewtoa coacepfrelk La distinction restrictive/appositive en termes d'identification référentielle ne s'applique guère à la relative de 62) (25). Admettons qu'elle soit appositive. Le référent devrait être défini (ou déterminé, ou identifié) par le SN Un ami lui-même, ce qui évidemment n'est pas le cas. Le référent de Un ami reste non identifié. Admettons à présent que la relative soit restrictive. Elle devrait par conséquent définir ou identifier le référent visé par un ami. Or, il n'en est rien non plus. Dans cette hypothèse également, le référent reste non identifié. La conclusion est claire : la distinction restrictive/appositive en termes d'identification du référent, qui correspond aux relatives combinées avec l'article défini Le spécifique, n'est pas pertinente pour les relatives qui se distribuent avec l'article indéfini Un spécifique. Aussi curieux que cela puisse paraître, l'opposition en termes de restriction de l'extension du concept n'est apparemment pas exclue, i cause du caractère extracteur de l'article indéfini Un (26). En envisageant que Un puisse tantôt opérer sur la classe délimitée par le substantif N, tantôt sur la sous-classe délimitée par l'ensemble N+Relative, on retrouve la distinction relative restrictive/appositive mise en relief par l'analyse des SN déterminés par Les ou Le générique. Dans le premier cas, la relative est appositive, car elle ne restreint pas l'extension du concept auquel renvoie N ; dans le second cas, elle est restrictive, puisqu'elle restreint l'extension de ce concept en
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délimitant avec le substantif Nune sous-classe référentielle. Une telle analyse assignera A 62) l'interprétation appositive a) 'j'ai rencontré des amis hier et j'ai été insulté par un de ces amis'. On remarquera que la lecture restrictive exige que le membre J'ai rencontré des amis hier soit présupposé. Or, il ne peut s'agir d'une présupposition sémantique. L'existence d'amis que j'ai rencontrés hier n'est nullement présupposée simantiquement par l'énoncé 62). La différence avec les énoncés 61) et 47) est aussi nette. C'est l'article défini qui, dans ces énoncés lus restrictivement, impose sémantiquement les présuppositions existentielles 'Il y a des Alsaciens qui boivent de la bière' et 'Des élives de cette classe ont triché'. Dans 62), au contraire, l'existence d'une sous-classe d'amis que f ai rencontrés hier ne se trouve présupposée sémantiquement par aucun élément de la phrase. Qu'elle puisse être présupposée pragmatiquement ou non est une autre affaire que nous examinerons ci-dessous. Nous soulignerons pour l'instant que 62) ne peut être sémantiquement ambigu comme le sont 61), 47) et 48). Partant, il est erroné de lui faire correspondre les représentations sémantiques a) et b) (27). La possibilité de le considérer comme pragmatiquement ambigu reste par contre ouverte. On pourrait en effet arguer que la présupposition 'J'ai rencontré des amis hier', qu'exige la lecture restrictive b) de 62), est une présupposition pragmatique. Si tel était le cas, l'énoncé 62), dans sa lecture b), devrait être équivalent à l'énoncé 63) :
63) Un des amis que f ai rencontrés hier m'a insulté Autrement dit, le SN un ami quef ai rencontré hier devrait être pragmatiquement équivalent au SN un des amis que fai rencontrés hier. Il ne lui est pourtant pas référentiellement identique. S'il pouvait effectivement servir à référer à un individu spécifique extrait d'une sous-classe spécifiée par la relative, il devrait être compatible avec un prédicat non spécifiant. La comparaison 64) avec 65) montre qu'il n'en est rien : 64) Un des amis que fai rencontrés hier est blond/gentil 65) ? Un ami que fai rencontré hier est blond/gentil On notera, par ailleurs, en faveur de la différence référentielle entre les deux SN, que le SN Un des amis que fai rencontrés hier peut constituer une suite (»référentielle correcte à l'énoncé J'ai rencontré des amis hier, alors que le SN Un ami que fai rencontré hier ne parait pas pouvoir jouer ce rôle :
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66) fai rencontré Mer des amis (...) Un de ces amis/Un des amis que fai rencontrés hier... 67) fai rencontré hier des amis (...)? Un ami que fai rencontré hier... L'hypothèse de l'ambiguïté pragmatique relative restrictive ('J'ai rencontré des amis hier. Un de ces amis m'a insulté')/relative appositive ('Un ami m'a insulté, J'ai rencontré cet ami hier') est par conséquent à abandonner pour l'énoncé 62).
2.2.1.2. AnMgrité pregna tiq«e et relatives MM spédflaatet On ne peut toutefois l'écarter pour toutes les relatives. La relative de 62) peut être dite spécifiante, dans la mesure où elle comporte un prédicat spécifiant. Considérons donc le cas des relatives non spécifiantes avec l'énoncé 68) : 68) Un étudiant qui parle le russe m'a insulté On peut concevoir cette fois-ci que la relative restreigne ou ne restreigne pas l'extension du concept auquel renvoie étudiant. Dans l'hypothèse de la restriction, elle forme avec le substantif étudiant une sous-classe référentielle des étudiants qui parlent le russe, de laquelle l'article Un extrait un individu (28). Une telle interprétation présuppose donc l'existence d'étudiants qui parlent le russe. Dans l'hypothèse de la non restriction, cette présupposition existentielle n'est pas de mise. 68) correspond alors à 'Un étudiant m'a insulté et cet étudiant parle le russe'. On peut se demander pourquoi une telle ambiguïté pragmatique, sur laquelle nous reviendrons ci-dessous, est ouverte aux relatives non spécifiantes et non aux relatives spécifiantes. La raison en est la différence de sousnrlasse découpée par la relative dans l'interprétation restrictive. La relative non spécifiante délimite avec le substantif une sous-classe également non spécifique, alors que nous avons vu que, dans le cas d'une hypothétique lecture restrictive de 62), la sous-classe découpée par la relative spécifiante devrait être une sous-classe spécifique, celle des amis que j'ai rencontrés hier, la présupposition pragmatique exigée par cette interprétation étant 'j'ai rencontré hier des amis'. Or, la comparaison des énoncés 62) et 63) a établi que le SN Un ami que fai rencontré hier ne pouvait avoir le râle pragmatique, c'est-à-dire l'utilité référentielle, du SN Un des amis quefai rencontrés hier. Il
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est vrai que l'énoncé 68), dans son interprétation restrictive, n'est pas équivalent non plus à 69), mais il n'a pas à être mis en correspondance avec 69), pour la même raison qui fait que 70) n'a pas à être mis en correspondance avec 71) : 69) Un des étudiants qui parlent le russe m'a insulté 70) Un étudiant m'a insulté 71) Un des étudiants m'a insulté La lecture restrictive de 68) n'implique, en effet, nullement une sous-classe spécifique, puisque la relative n'est pas spécifiante. En définitive, seuls les syntagmes Un +N+ Relative non spécifiante sont susceptibles de présenter l'ambiguïté relative restrictive/relative appositive, la relative pouvant former ou non avec N une sous-classe référentielle. Encore ne s'agit-il, rappelons-le, que d'une ambiguïté pragmatique, même si la possibilité de substituer & la séquence N + Relative non spécifiante un seul item lexical peut faire croire le contraire. Si un substantif présuppose a priori l'existence d'une classe référentielle lui correspondant, il n'en va pas ainsi d'une séquence telle que N + Relative, N + adjectif, etc. Ainsi, si étudiant présuppose bien l'existence d'une classe d'étudiants, le groupe étudiant qui parle le russe ne contient pas l'indication existentielle 'Il existe des étudiants qui parlent le russe'. Une telle présupposition est véhiculée, par contre, par le syntagme Les étudiants qui parlent le russe, grftce & l'article défini. A la différence des énoncés 61), 47) et 48), où le sens restrictif contient les présuppositions 'Il existe des Alsaciens qui boivent de la bière', 'Des élèves de cette classe ont triché', etc., le sens de 68) ne présente pas la présupposition 'Il existe des étudiants qui parlent le russe'. Une telle présupposition, exclue sémantiquement, peut être envisagée pragmatiquement, dans la mesure où il est possible que le locuteur et l'interlocuteur, selon leurs connaissances et leurs croyances, croient ou ne croient pas à l'existence d'une sous-classe d'étudiants qui parlent le russe. L'ambiguïté référentielle de 68) est donc uniquement une ambiguïté pragmatique. Résumons-nous : d'un point de vue sémantique, qu'elle soit définie en termes de restriction de l'extension du concept ou en termes d'identification référentielle, on ne peut appliquer aux relatives combinées avec l'article Un spécifique l'opposition restrictive/appositive telle qu'elle se manifeste avec l'article défini. Ce n'est qu'à un niveau pragmatique, et uniquement pour les relatives non spécifiantes, qu'il est possible de concevoir en termes de restriction de l'extension du concept un jeu interprétatif entre une lecture restrictive et une lecture appositive similaire à celui que l'on observe du côté du défini. Ce résultat se trouve confirmé par l'étude du site particulier des verbes dits «virtuels».
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2.2.2. Verbes rirtoeb et propodtioM relathes : spécfflté et MU «pédfldté Les verbes virtuels (29) ou verbes modaux (L. Karttunen, 1969) tels vouloir, chercher, désirer, espérer, etc., sont des verbes dont le complément peut être décrit comme un complément propositionnel (30) qui n'est pas vrai i l'instant t, temps dénonciation du verbe virtuel (31), mais peut le devenir A un moment t + i, c'est-à-dire dans un monde possible (32). Ainsi la rencontre du locuteur avec Pierre, objet du verbe vouloir dans l'énoncé Je veux rencontrer Pierre, est un fait uniquement virtuel, qui ne se trouve pas vérifié au temps présent de l'acte d'énonciation, mais qui peut avoir lieu dans le futur. Lorsque le complément est un syntagme indéfini (ou comporte un syntagme indéfini) modifié par une relative, le subjonctif (ou le conditionnel) (33) fait concurrence à l'indicatif dans la proposition relative : 72) Je cherche une étudiante qui sait quinze langues (34) 73) Je cherche une étudiante qui sache quinze langues L'explication traditionnelle de cette opposition de mode est à la fois sémantique et syntaxique. Sémantique, parce que l'indicatif se trouve lié à l'interprétation spécifique du SN, alors que le subjonctif va de pair avec une interprétation non spécifique. Syntaxique, parce que la relative est dite appositive s'il y a l'indicatif et restrictive si c'est le subjonctif. La thèse classique (35) établit donc une corrélation ternaire entre d'une part le caractère spécifique du SN, le mode indicatif et le statut appositif de la relative, et d'autre part le caractère non spécifique du SN, le mode subjonctif et le statut restrictif de la relative. Nous montrerons, en premier lieu, que l'opposition de mode indicatif/ subjonctif ne répond pas à la distinction relative appositive/relative restrictive et que même, de façon plus générale, elle ne dépend nullement du statut de la relative. Dans une seconde partie, nous aborderons la question de la correspondance indicatif/spécificité du SN d'un côté et subjonctif/non spécificité du SN de l'autre. L'examen de l'ambiguïté référentielle Spécifique/ Non spécifique appliquée d'abord aux SN indéfinis Un N sans modificateur, puis aux SN Indéfinis avec expansion nous conduira k rejeter la thèse classique. Notre hypothèse sera que l'alternance indicatif/subjonctif dans ce type de construction exprime, à l'intérieur d'une interprétation non spécifique, une différence existentielle d'un ordre différent que celle qui correspond à l'opposition spécifique/non spécifique : elle marque l'opposition entre une sous-classe référentielle posée comme vraie et une sous-classe référentielle potentielle.
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2.2.2.1. S U t * de la retathe L'analyse classique fait de la relative de la phrase 72) une appositive et de celle de la phrase 73) une restrictive en s'appuyant sur le caractère spécifique ou non spécifique du SN indéfini. Dans 72), le SN est spécifique, parce qu'il renvoie i une étudiante précise, dans 73), au contraire, le locuteur n'a aucune étudiante particulière à l'esprit, il cherche une étudiante qui sache quinze langues, n'importe laquelle : le SN est donc non spécifique. Si l'on définit la relative restrictive comme une relative qui restreint l'extension du concept dénoté par l'antécédent et l'appositive comme une relative qui laisse cette extension inchangée, les raisons du lien privilégié entre le caractère non spécifique du SN et le statut restrictif de la relative apparaissent clairement. La relative de 73) ne peut être en effet que restrictive, car, si c'était une appositive, 73) signifierait que le locuteur cherche n'importe quelle étudiante et non seulement une étudiante qui sache quinze langues. La relative de 73) restreint au contraire l'objet de la recherche du locuteur aux seules étudiantes qui connaissent quinze langues. La corrélation spécifique-appositive s'explique plus difficilement, parce que ni la définition de l'appositive en termes d'extension conceptuelle ni celle en termes d'identification référentielle ne conviennent exactement. La première définition ne peut s'appliquer convenablement à la relative de 72), car, étant donné qu'il s'agit d'une interprétation spécifique, il est absurde de parler d'une variation de l'extension du concept dénoté par Net ceci que l'on considère la relative comme restrictive ou appositive. La seconde, qui fait de la relative restrictive celle qui identifie le référent et de l'appositive celle qui n'apporte qu'une explication ou description supplémentaire sur un référent déjà identifié n'est pas pertinente non plus, parce que, dans l'hypothèse d'une restrictive comme dans l'hypothèse d'une appositive, le référent ne se trouve pas identifié. La relative de 72) peut malgré tout être considérée comme une appositive si on tient compte du trait commun que présente l'appositive dans les deux définitions. L'appositive n'intervient ni dans l'identification référentielle ni dans la restriction de l'extension conceptuelle : dans les deux cas, elle ne fait qu'apporter une information supplémentaire, description ou explication. Or, c'est exactement un tel rôle qu'elle assume dans 72) interprété spécifiquement. Le locuteur de 72) cherche une étudiante particulière dont une des caractéristiques, 'connaître quinze langues', est précisée par la relative, qui, de ce fait, a plutôt un rôle descriptif que restrictif. Elle sera donc appositive. La justesse des corrélations subjonctif-restrictive et indicatif-appositive dans la construction examinée dépend en fait de la pertinence des trois affirmations suivantes :
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(i) la distinction restrictive/appositive s'applique à toute relative ; (ii) avec comme antécédent un SN Un N spécifique, une relative est toujours appositive, qu'il y ait ou non un verbe virtuel ; (iii) la phrase 72) (avec l'indicatif) n'est ouverte qu'à une interprétation spécifique, l'énoncé 73) (avec le subjonctif) qu'à une interprétation non spécifique. Considérer la relative de 72) comme uniquement appositive à cause du caractère spécifique du SN a pour conséquence directe l'affirmation (ii) selon laquelle toute relative d'un antécédent Un N spécifique est appositive. Or, ceux-là mêmes qui postulent la correspondance spécifique-indicatifappositive dans les phrases à verbes virtuels acceptent difficilement l'assertion (ii) et considèrent, comme C. Rohrer (1971, pp. 236-238), par exemple, que la relative d'une phrase comme La banque vient dacquérir une maison qui coûte 100 000 Frs est susceptible aussi bien d'un fonctionnement restrictif qu'appositif. Pour éviter une telle contradiction, il n'est que deux solutions possibles : ou l'on maintient le point (ii) et l'on renonce à l'ambiguïté de la relative qui coûte 100 000Fri, ou l'on remet en cause le lien univoque entre le trait spécifique, l'indicatif et le statut appositif dans la phrase 72). C'est cette dernière voie qu'a choisie A. Grésillon (1974, p. 39). Tout en maintenant la relation ternaire non spécifique-subjonctifrestrictive, elle n'établit plus de corrélation entre le caractère spécifique du SN et le statut appositif de la relative. La relative qui suit Un spécifique dans des constructions avec verbe virtuel peut être appositive ou restrictive. Partant, la différence de mode dans la phrase 72) et 73) ne se laisse plus expliquer par la différence du type de la relative. Il faut aller encore plus loin dans la critique. La position de A. Grésillon reste soumise aux points (i) et (iii). Nous venons de montrer, en ce qui concerne le point (i), que l'opposition restrictive/appositive n'était pas pertinente pour Un spécifique (36), la seule ambiguïté envisageable étant d'ordre pragmatique et réservée aux relatives non spécifiantes. L'est-elle pour Un non spécifique ? La corrélation subjonctif-restrictive semble ici indubitable, parce que, mis à part J. Dubois et F. Dubois-Charlier (1970) qui du fait de leur théorie de la relativisation (37), sont tenus à inclure la relative de 73) dans la classe des appositive«, la plupart des linguistes s'accordent à lui reconnaître le statut de restrictive. Quitte à se contredire, J. Dubois et F. Dubois-Charlier (1970, p. 260) reconnaissent d'ailleurs eux-mêmes que ces relatives, qu'ils appellent relatives de but, ont une interprétation proche de celle d'une restrictive (38). Et pourtant, même dans ce cas, la discussion théorique reste ouverte (39), si on compare ce type de relatives aux relatives restrictives avec l'article défini le. Par rapport à l'énoncé Les Alsaciens qui boivent de la biire sont obèses qui, interprété restrictivement, présuppose
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l'existence d'une sous-classe d'Alsaciens, les Alsaciens buveurs de bière, un ¿noncé comme 73) ne véhicule pas de semblable présupposition, bien au contraire. On peut, si l'on veut, affirmer que la sous-classe référentielle des étudiantes qui connaissent quinze langues est posée, mais en aucun cas soutenir qu'elle est présupposée. Partant, il est possible, en se fondant sur le trait présuppositionnel, de défendre l'idée qu'une relative après Un non spécifique, comme après Un spécifique, est une relative ni restrictive ni appositive, mais d'un type différent. Il est certes vrai que la définition en termes d'extension conceptuelle de la restrictive s'applique à la relative de 73) (40), et on peut dire que la relative qui sachent quinze langues forme avec étudiantes un nouveau concept (ou une nouvelle notion ou une sous-classe référentielle) dont l'extension est réduite par rapport à celle d'étudiantes, mais on ne saurait retenir une telle caractérisation comme une définition générale de l'opposition restrictive/appositive, puisqu'elle se révèle caduque et fait place à la définition en termes d'identification référentielle dès qu'on l'applique à des phrases aussi simples que Le chien quef ai écrasé est mort qui comportent l'article défini spécifique et une relative spécifiante (41). Conclusion ? La discussion du point (i) montre qu'il n'est pas crucial de lier le sort de l'alternance indicatif-subjonctif au statut restrictif ou appositif de la relative, étant donné que la distinction entre les deux types de relatives ne s'applique pas aussi facilement aux relatives qui suivent Un, spécifique ou non spécifique, qu'à celles qui suivent l'article défini. Cela est d'autant plus vrai que l'affirmation (iii), qui est une des conditions sine qua non du parallélisme indicatif-appositive, et subjonctif-restrictive, se révèle également erronée. L'énoncé 72) Je cherche une étudiante qui sait quinze langues, comme nous le préciserons ci-dessous, est en effet susceptible d'une lecture spécifique et d'une lecture non spécifique, ce fait seul prouve la caducité de la correspondance ternaire entre le caractère référentiel du SN, le mode de la relative et le type de la relative. La question de l'alternance de mode reste donc entière. Nous allons l'examiner sous l'angle de la spécificité, abstraction faite de la nature de la relative.
2.2.2.2. Alterna« ée moit et spécificité 2.2.2.2.1. Spédflqae/Noa spédfljM : SN mm Modifié Un N L'ambiguïté référentielle des SN indéfinis qui se distribuent avec un verbe virtuel est un fait bien connu : 74) Je veux épouser une Tahitienne
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La phrase 74) est susceptible soit d'une lecture spécifique : 'Je veux épouser une Tahitienne précise', soit d'une lecture non spécifique : 'Je veux épouser une Tahitienne, n'importe laquelle'. La tournure II y a, l'insertion de certain (42), la reprise coréférentielle par un pronom défini ou par un nom propre (43) et les questions Quel N?ou Qui est-ce ? servent généralement de révélateurs à la lecture spécifique, alors que la lecture non spécifique est mise en relief par l'ajout de n'importe lequel ou de quel qu'il soit : 75) a) Il y aune Tahitienne que je veux ipouser b) Je veux épouser une certaine Tahitienne c) Je veux épouser une Tahitienne. Elle habite Paris d) Je veux épouser une Tahitienne. - Où l'as-tu rencontrée ? e) Je veux épouser une Tahitienne, Maeva f ) Je veux épouser une Tahitienne. - Quelle Tahitienne ? Qui est-ce ? 76) a) Je veux épouser une Tahitienne, n'importe laquelle b) Je veux épouser une Tahitienne, quelle qu'elle soit. Les verbes virtuels sont directement à l'origine d'une telle ambiguïté. Les verbes compléments, aussi bien ceux qui sont présents (cf. épouser) que ceux que l'on rétablit (cf. trouver pour chercher ou avoir pour désirer) sont en effet des prédicats spécifiants c'est-à-dire, nous l'avons vu, des verbes qui, parce qu'ils sont événementiels ou situationnels, spécifient ou localisent obligatoirement le SN indéfini sujet ou objet, lorsqu'une de leurs occurrences particulières se trouve vérifiée. Cest ainsi que l'assertion de l'événement dans 77) a) entraîne la spécificité du SN Une Tahitienne, l'interprétation non spécifique, comme le montre 77) a), étant exclue : 77) a) J'ai épousé une Tahitienne b) *fai épousé une Tahitienne, n'importe laquelle. Si ces verbes sont niés, c'est-à-dire s'il n'y a pas d'événement, il n'y a du même coup plus de réfèrent et donc pas d'interprétation spécifique possible : 78) Je n'ai pas épousé de Tahitienne. Soumis aux verbes virtuels, les verbes spécifiants ne se trouvent ni affirmés, puisque l'événement n'a pas encore eu lieu, ni niés, puisque l'événement doit pouvoir avoir lieu. Ils ne peuvent par conséquent imposer ni une interpréta-
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tion spécifique ni une interprétation non spécifique. Partant, le SN indéfini est référentiellement ambigu : je puis vouloir épouser une Tahitienne précise comme une Tahitienne quelconque. Il faut bien voir que la notion de potentiel, ou de situation hypothétique, ou encore de référent virtuel, généralement employée, sans plus de précision, pour caractériser uniquement l'interprétation non spécifique, s'applique en fait à deux niveaux différents qu'il faut distinguer soigneusement. Quel que soit le caractère référentiel, spécifique ou non, du SN objet, il y a d'abord potentialité pour un des arguments du verbe virtuel, le complément propositionnel. La particularité sémantique des verbes virtuels est, comme nous l'avons souligné ci-dessus, de présenter à l'instant t, temps de la principale, c'est-à-dire le temps d'énonciation de l'attitude propositionnelle, une proposition qui n'est pas vérifiée, mais qui doit pouvoir l'être à un moment t + /. Les conditions de vérité d'une phrase avec verbe virtuel telle que 77), que le SN soit spécifique ou non, sont par conséquent les suivantes : la phrase 74) est vraie si, à l'instant /, le complément p épouser (moi, Tahitienne) est faux (44), c'est-à-dire t : • f pet si, à un instant t+/ou, si l'on veut, dans un monde possible,p peut se révéler vraie, c'est-à-dire t + i : • 0 p (45). Il s'ensuit logiquement que la phrase 74) cesse d'être vraie, dés que p devient vraie. Que ce soit une Tahitienne précise ou une Tahitienne quelconque que je veux épouser, il va de soi que si je ¿'ai épousée ou si\'EN ai épousé UNE, je ne peux plus «vouloir» le faire. La potentialité ou référence virtuelle de p a pour conséquence directe celle du SN objet de la lecture non spécifique. Voici pourquoi. Si à l'instant t le SN indéfini est non spécifique, il est par contre obligatoirement envisagé comme spécifique à l'instant / + /du fait de la vérité de p à cet instant-là. A l'instant t + i, l'événement que dénote le verbe complément spécifiant est en effet présenté comme vrai. Ce dernier impose par conséquent la spécificité du SN indéfini, spécificité qui n'est que potentielle, puisqu'elle est soumise à la réalisation de p qui n'est elle-même que potentielle : t : Je veux épouser une Tahitienne (n'importe laquelle) / + / : J'ai épousé une Tahitienne (»n'importe laquelle). Dans le cas de la lecture spécifique, la notion de potentiel ou de virtuel ne s'applique qu'à la vérité, possible, de p. Il est évident que si, à l'instant t, le SN indéfini est spécifique, il le reste à l'instant hypothétique d'arrivée t + i. Une différence cependant, la deuxième apparition dans une même séquence discursive est obligatoirement définie, puisque la chaîne coréférentielle indéfinie *Un Nj... Un Ni— est interdite dans les langues naturelles. Elle se présente donc sous la forme d'un pronom défini, d'un nom propre, d'une description définie, etc. :
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t : Je veux épouser une Tahitienne (Maeva) t + / : Je l'ai épousée/J'ai épousé Maeva/J'ai épousé la fille que je voulais épouser. L'indéfini (cf. J'ai épousé une Tahitienne, la Tahitienne que je voulais épouser) n'est possible que dans un discours différent, mais ce fait nous paraît important, car il souligne une certaine identité entre l'interprétation spécifique et l'interprétation non spécifique de 74). Si, au départ t, les deux interprétations sont notablement différentes, comme le prouve leurs différences de conditions de vérité, elles se rejoignent d'une certaine manière à l'instant hypothétique d'arrivée t + i, dans la mesure où il ne peut s'agir, s'il y a eu mariage, que d'une Tahitienne particulière qui a été épousée. Nous sommes en mesure à présent de préciser l'emploi non spécifique de Un dans 74) par rapport à son emploi, non spécifique également comme le prouve le test de n'importe lequel/que! qu'il soit, dans les phrases génériques telles que 79) : 79) Un singe (n'importe lequel/quel qu'il soit) est un animal intelligent. Dans 79), il n'y a aucune visée vers une réalisation spécifique. Ce qui est dit du 'x qui est singe' quelconque est vrai indépendamment du temps. En définissant un monde donné comme l'ensemble des points de référence qui sont nécessaires pour qu'une phrase puisse recevoir une valeur de vérité, on peut dire aussi que la phrase 79) est vraie quel que soit le monde donné. Bref, le SN Un singe est envisagé comme non spécifique quel que soit l'instant t du temps. Nous avons vu qu'il en allait différemment avec le SN non spécifique Une Tahitienne de 74), que l'on peut qualifier par contraste avec le Un générique ou Un de «généralité» (R. Martin, 1980), de «potentiel», puisque la vérité de 74) exige que le complément p puisse être envisagé comme vrai dans un monde t + / et que cette vérification, hypothétique, entraîne obligatoirement, eu égard au caractère spécifiant du verbe complément, la spécificité, hypothétique également, du SN. Chez Jackendoff (1972), la différence entre Un générique et Un non spécifique est exprimée par une différence de conditions modales. A l'opérateur modal vouloir est associé, avons-nous dit, la condition C NON RÉALISÉ, qui stipule que le référent du SN, dans le cas d'une lecture non spécifique, ne sera identifiable que si la situation non réalisée indiquée par le complément propositionnel se réalise. Aux opérateurs modaux génériques correspond la condition modale C GÉNÉRIQUE, selon laquelle il n'y a pas de référent identifiable. Notre explication a l'avantage, par rapport à celle de
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Jackendofî, de rendre compte explicitement, grâce au concept de prédicat spécifiant, de l'origine du caractère référentiel virtuel du SN non spécifique de 74). Par ailleurs, la condition C NON RÉALISÉ, telle qu'elle est définie, entraîne des difficultés insurmontables lorsqu'on l'applique à des énoncés comme Je désire comprendre les animaux où le SN est lu génétiquement. Le système de Jackendofî prévoit en effet deux lectures possibles dont l'une manifestement n'a aucune pertinence. Dans le premier cas, le SN générique est en dehors du champ du verbe modal et n'est donc pas soumis à la condition C NON RÉALISÉ. Il s'agit de l'interprétation naturelle de l'énoncé Je désire comprendre les animaux lorsque le SN complément est générique. Dans le second cas, le SN se trouve dans le champ du verbe vouloir et est donc soumis à C NON RÉALISÉ, ce qui fait du référent de ce SN, générique, rappelons-le, un référent identifiable dans l'hypothèse où la situation évoquée par le complément du verbe se réalise. Il est clair que l'énoncé Je désire comprendre les animaux ne permet guère une telle interprétation, qui met en jeu l'identifiabilité virtuelle du référent d'un SN générique. Différents types de représentation ont été proposés pour rendre compte de l'ambiguïté référentielle d'une phrase comme 74). Nous nous contenterons de signaler ici les principaux choix possibles, car, quelle que soit l'option retenue, elle constitue une prise de position vis-à-vis du statut de l'article indéfini Un et dépasse donc largement les limites de ce travail. L'opposition Spécifique/Non spécifique a été représentée soit à l'aide de traits affectant le SN indéfini comme (± spécifique), (± existant), etc. (cf. C. Fillmore, 1967 ; M. Bierwisch, 1970 ; C. Rohrer, 1971), soit par la variation de champ du quantificateur existentiel (L. Karttunen, 1969), soit au moyen de structures modales (R. S. Jackendoff, 1972), soit encore par des opérateurs (ou opérations) spéciaux tels que l'opérateur de liaison x de D. Lewis (1972), l'opérateur RÉF(érentiel) d'I. Bellert (1969), l'opération d'extraction et les deux types de repérage situationnel (dans le modèle d'A. Culioli), l'opération de tirage aléatoire INDÉF(inition) et l'opération de sélection d'un x précis INDÉT(ermination) de R. Martin (1980 et R. Martin et G. Kleiber, 1977), appelées opération extractive aléatoire non universelle et opération extracttve non aléatoire dans R. Martin (1983). On n'oubliera pas non plus le traitement récent de G. Fauconnier (1984) en termes d'espaces. Ces diverses représentations ignorent toutes, exception faite de celle de G. Fauconnier, que la phrase 74) Je veux épouser taie Tahitienne est en fait susceptible d'une troisième interprétation (46). Si l'on considère qu'outre l'opération de quantification, en extension, on peut effectuer sur une classe référentielle une opération de «qualification», en intension (47), la phrase 74) a une troisième lecture possible 74"') qui s'ajoute à l'interprétation spécifique 74') et à l'interprétation non spécifique 74") :
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74') : Je veux épouser une Tahitienne (= Maeva) 74") : Je veux épouser une Tahitienne, n'importe laquelle 74"'): Je veux épouser une Tahitienne, mais pas n'importe laquelle, une Tahitienne (Fun certain type. Les critères suivants peuvent être retenus pour caractériser l'interprétation 74"') par rapport à 74') et 74") : l'auxiliaire devoir, dans son interprétation radicale de nécessité, la pronominalisation, la formation d'une description définie, la locution n'importe lequel et les interrogations. L'auxiliaire devoir avec sa valeur d'obligation (cf. les paraphrases 77faut, il est nécessaire que) live l'ambiguïté en faveur de l'interprétation 74"') : 80) Je veux épouser une Tahitienne. Elle doit itre (Il faut/Il est nécessaire qu'elle soit...et ait...) grande et avoir des yeux verts. Lorsque le SN indéfini est spécifique, devoirpréteate la valeur épistémique de probabilité (48). L'énoncé 80) montre en même temps que la pronominalisation par Elle, exclue par l'interprétation 74"), est possible pour 74"') comme elle l'est pour 74'). On remarquera aussi que seules les interprétations 74') et 74"') donnent lieu à la formation de descriptions définies à partir de 77) : 81) La Tahttienne que je veux épouser ïappelle Maeva 74') 82) La Tahttienne queje veux épouser doit itre grande... 74"') 83) *La Tahitienne que je veux épouser... 74"). Bien que le locuteur n'ait dans l'interprétation 74"') aucune Tahitienne particulière i l'esprit, la locution n'importe lequel n'est pas compatible avec cette troisième lecture. L'énoncé Je veux épouser une Tahitienne. n'importe laquelle ne correspond en effet qu'à l'interprétation 74"). On signalera encore que l'interrogation 84) caractérise l'interprétation 74"') par opposition aux questions Qui est-ce ?/Quelle Tahitienne ? qui mettent en relief la lecture spécifique : 84) Quel genre/quel type de Tahitienne ? Aux trois interprétations de Je veux épouser une Tahitienne, nous associerons les présuppositions sémantiques et pragmatiques suivantes :
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a) Dans les trois cas, l'existence d'une classe référentielle de Tahitiennes est présupposée sémantiquement par l'emploi substantif de Tahitiennes. Il s'agit d'une vérité référentielle analytique (cf. G. Kleiber, 1978). b) L'interprétation spécifique s'accompagne d'une présupposition pragmatique d'existence. Le locuteur croit en l'existence spécifique d'un référent (49). Par existence spécifique, nous entendons une existence qui n'est envisagée comme vraie que dans un monde donné, c'est-à-dire une existence que l'on peut appeler extensionnelle, par opposition à l'existence non spécifique (ou notionnelle) qui est envisagée comme vraie quel que soit le monde donné et que l'on peut donc qualifier d'intensionnelle. c) Une telle présupposition pragmatique est absente dans les interprétations 74") et 74"') : le locuteur ne croit pas en l'existence spécifique d'un référent i l'instant /, mais en la possibilité d'une telle existence à l'instant i + i. d) Dans l'interprétation 74"'), on ne peut dire si le locuteur croit & l'existence non spécifique de la sous-classe de Tahitiennes dont il veut épouser un exemplaire ou si elle lui apparaît uniquement comme potentielle.
2.2.2.2.2. Spédflqw/Noa spécifique : SN modifié On retrouve la même ambiguïté référentielle avec les SN modifiés de type Un + N + Modificateur : 85) Je veux épouser une Tahitienne aux yeux verts L'énoncé 85) est ouvert aux trois interprétations assignées à l'énoncé 74), l'interprétation 'une Tahitienne aux yeux verts d'un certain type' étant toutefois beaucoup moins naturelle que les deux autres (50) : 85') Je veux épouser une Tahitienne aux yeux verts (= Maeva) 85") Je veux épouser une Tahitienne aux yeux verts, n'importe laquelle 85"') Je veux épouser une Tahitienne aux yeux verts - Quel type de Tahitienne aux yeux verts ? Nous pouvons faire abstraction ici de cette troisième interprétation. Le passage du SN non modifié Un + Af au SN modifié Un + N + Mod entraîne un changement de classe référentielle. A la classe primaire X, définie
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par N et qui est présupposée sémantiquement, fait place la sous-classe référentielle X', définie par la notion complexe Tahitiennes aux yeux verts' et dont l'existence n'est pas acquise a priori. En effet, à la différence de la classe X, dont l'existence est une vérité référentielle analytique, l'existence d'une sous-classe X' de Tahitiennes aux yeux verts peut être posée comme vraie (I!y a des Tahitiennes aux yeux verts), présentée comme potentielle (S'il y a des Tahitiennes aux yeux verts...) ou même envisagée comme irréelle (S'il y avait des Tahitiennes aux yeux verts...). Dans le cas présent de 85), elle est posée comme vrai si l'énoncé 85) est interprété spécifiquement, le locuteur croit en l'existence spécifique d'un réfèrent. S'il est interprété non spécifiquement, cette présupposition pragmatique est absente, mais, et c'est li le point important, il y a une présupposition pragmatique d'existence non spécifique : le locuteur croit en l'existence d'une sous-classe de Tahitiennes aux yeux verts.
2.2.2.2.3. SN modifié : UN + N + RELATIVE Un premier point est à noter. Toute relative ne donne pas lieu à l'ambiguïté spécifique/non spécifique dans la construction examinée. Seules les relatives non spécifiantes sont concernées. Les relatives spécifiantes sont exclues, car, comme celle de 86), elles entraînent l'interprétation spécifique du SN : 86) Je veux épouser une Tahitienne que f ai rencontrée il y a un mois Les tests révélateurs de la spécificité s'avèrent effectivement positifs, alors que ceux de la non spécificité se révèlent négatifs : 87) Je veux épouser une Tahitienne que f ai rencontrée il y a un mois. Elle s'appelle Maeva 88) *Je veux épouser une Tahitienne que f ai rencontrée il y a un mois, n'importe laquelle/quelle qu'elle soit On observe d'ailleurs que le subjonctif ne peut alterner avec l'indicatif dans l'énoncé 89) et que, si le conditionnel par contre peut s'y substituer, l'interprétation spécifique du SN n'en est pas affectée pour autant, dans 90), il s'agit encore toujours d'une Tahitienne précise que je veux épouser :
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89) *Je veux épouser une Tahitienne quefaie rencontrée il y a un mois 90) Je yeux épouser une Tahitienne que f aurais rencontrée il y a un mois Avec les relatives non spécifiantes, l'alternance indicatif/subjonctif est possible et est en relation directe avec la distinction référentielle spécifique/non spécifique : 91) Je veux épouser une Tahitienne qui a des yeux verts 92) Je veux épouser une Tahitienne qui ait des yeux verts Les tests montrent que 91) est ouvert à l'interprétation non spécifique comme i l'interprétation spécifique, et que 92) ne permet qu'une lecture non spécifique du SN indéfini : 91) a) - Je veux épouser une Tahitienne qui a des yeux verts. Elle s'appelle Maeva - Qui est-ce ?/Quelle Tahitienne aux yeux verts ? -Il y a une Tahitienne qui a des yeux verts que Je veux épouser -Je veux épouser une certaine Tahitienne b) Je veux épouser une Tahitienne qui a des yeux verts, n'importe laquelle/quelle qu'elle soit 92) - *Je veux épouser une Tahitienne qui ait des yeux verts. Elle s'appelle Maeva - * Qui est-ce ?/Quelle Tahitienne aux yeux verts ? -*Ilya une Tahitienne qui ait des yeux verts que je veux épouser Puisque l'énoncé 91) est susceptible d'une interprétation non spécifique également, les explications en termes de spécifique/non spécifique proposées pour rendre compte de la différence de mode dans ce type de construction ne sont plus satisfaisantes. On ne peut maintenir les corrélations indicatifspécifique (ou actuel) et subjonctif-non spécifique (ou virtuel) (SI), surtout que, dans certains cas tels que 93) où le SN est non spécifique, le subjonctif n'est pas permis dans la relative :
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93) a) Une maison qui est trop grande est difficile à chauffer b) *Une maison qui soit trop grande est diffìcile à chauffer C'est ainsi que l'explication fournie par H. Bonnard (1977, p. 5024) pour distinguer le SN un dessinateur qui ait du talent du SN un dessinateur qui a du talent ne nous semble pas adéquate, parce qu'elle lie également l'emploi de l'indicatif à une interprétation spécifique. «Le subjonctif, dit H. Bonnard, présente le talent comme une propriété virtuelle s'ajoutant à celles qui définissent tout dessinateur», alors que «l'indicatif le présente comme une propriété actuellement constatée dans la personne désignée par le nom». Il nous semble toutefois possible, contrairement à l'affirmation de H. Bonnard selon laquelle «on dira donc obligatoirement Je cherche (ou il faut) un dessinateur qui AIT du talent», de dire Je cherche (ou Ufaut) un dessinateur qui A du talent (n'importe lequel). On ne peut plus non plus se contenter de dire qu'il s'agit d'une différence existentielle du type (+ existant)/(— existant) (cf. E. Bach) ou existence réelle opposée i existence virtuelle, sans préciser de quelle existence il est question, puisqu'avec l'indicatif également on a l'opposition possible entre existence spécifique ou réelle d'un référant (lecture spécifique) et non existence spécifique ou existence virtuelle (lecture non spécifique). Il est vrai qu'on évite toutes ces difficultés en dissociant d'abord, ainsi que le font B. Hall-Partee (1970) et M. L. Rivero (1975), la distinction spécifique/non spécifique de toute considération référentielle et en l'assimilant ensuite à l'ambiguïté usage référentiel/usage attributif des descriptions définies mise en relief par K. Donnellan ou, comme C. Rohrer (1973), à l'ambiguïté de dicto-de re. Nous avons montré ailleurs (G. Kleiber, 1979) qu'une telle assimilation est erronée. Nous maintiendrons par conséquent que l'opposition spécifique/non spécifique des SN indéfinis correspond & une différence existentielle (52). Lorsque le SN indéfini est spécifique, le locuteur croit en l'existence spécifique d'un référent particulier ; lorsqu'il est non spécifique, une telle présupposition pragmatique est absente. La phrase 92) et l'interprétation non spécifique de 92) s'opposent donc à l'interprétation spécifique de 91). Autrement dit, pour expliquer l'alternance indicatif/subjonctif, il faut uniquement comparer 92) à l'interprétation non spécifique de 91). On voit alors que la différence entre 91) Je veux épouser une Tahitienne qui a des yeux verts (n'importe laquelle) et 92) Je veux épouser une Tahitienne qui ait des yeux verts est une différence existentielle également, mais d'un ordre différent de celle qui sépare l'interprétation spécifique de l'interprétation non spécifique : elle concerne uniquement l'existence non spécifique de la sous-classe référentielle délimitée par N + Relative. Dans le cas de 91), lu non spécifiquement, le locuteur croit en l'existence de 'telles Tahitiennes*. La
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sous-classe référentielle 'Tahitiennes qui ont des yeux verts' est posée comme vraie, c'est-à-dire comme n'étant pas vide. Le «non spécifique» (ou «virtuel») ne concerne ici que l'existence spécifique d'une telle Tahitienne. Le subjonctif de 92) marque au contraire l'absence d'une telle présupposition pragmatique. Le locuteur n'est pas sûr de l'existence de telles Tahitiennes. La sous-classe référentielle délimitée par N + Relative n'a qu'une existence potentielle, il se peut qu'elle soit vide, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de Tahitiennes aux yeux verts. L'opposition entre la phrase 91), dans son interprétation non spécifique, et la phrase 92) correspond donc à une différence d'existence non spécifique : dans le premier cas, l'existence non spécifique de la sous-classe référentielle est considérée comme acquise ; dans le second cas, elle n'est qu'hypothétique. On comprend à présent pourquoi l'existence spécifique d'un référent particulier paraît plus virtuelle dans 92) que dans la lecture non spécifique de 91). Il est clair que si l'existence non spécifique de la sous-classe est elle-même déjà hypothétique, l'existence spécifique d'un référent appartenant à cette sous-classe ne peut l'être que davantage, puisque la vérité de cette dernière est subordonnée à celle de la première. On comprendra surtout pourquoi le subjonctif entraîne obligatoirement la lecture non spécifique. On sait que la corrélation constante entre le subjonctif dans la relative et le caractère non spécifique du SN constitue l'argument principal des défenseurs de la thèse du subjonctif marqueur de la non spécificité référentielle. Or, cette corrélation s'explique aisément si l'on fait du subjonctif non le marqueur de l'existence spécifique hypothétique, mais celui de l'existence non spécifique hypothétique. L'existence spécifique d'un AT qui est 'tel-et-tel' exclut à l'évidence la possibilité d'inexistence de N qui sont 'tels-et-tcls'. L'argument «pour» devient finalement un argument «contre». C'est parce que le subjonctif indique que la sous-classe délimitée par N + Relative peut être vide que l'interprétation spécifique est exclue, et que, par conséquent, il s'accompagne toujours de la non spécificité. Résumons-nous. Au lieu de la correspondance entre d'une part l'indicatif et le caractère spécifique du SN indéfini et d'autre part le subjonctif et le caractère non spécifique du SN indéfini, nous avons affaire à trois possibilités pour ce type de construction : a) La relative est à l'indicatif et le SN indéfini est spécifique. Présupposition pragmatique : le locuteur croit en l'existence d'un référent particulier (connu ou non connu). b) La relative est à l'indicatif, mais le SN est non spécifique. La présupposition pragmatique d'existence spécifique est absente. L'existence non spécifique de la sous-classe référentielle délimitée par N+Relative est, par contre, posée comme vraie. Présupposition pragmatique : le locuteur
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croit en l'existence d'une telle sous-classe. c) La relative est au subjonctif, le SN ne peut être que non spécifique, parce que l'existence non spécifique de la sous-classe référentielle n'est que potentielle. La présupposition pragmatique d'existence non spécifique est absente : le locuteur n'est pas sûr de l'existence de N 'tels-et-tels'. On notera à l'appui de notre hypothèse l'impossibilité pour chaque de se distribuer avec une relative au subjonctif : 94) *Je désire visiter chaque maison qui ait des volets verts 95) Je désire visiter chaque maison qui a des volets verts La phrase 94) est anomale, parce que contradictoire, la présupposition existentielle positive attachée à chaque entrant en contradiction avec la modalité potentielle exprimée par le subjonctif. En effet, lorsque chaque est le quantificateur d'un SN de forme N + Modificateur, il présuppose l'existence d'une sous-classe référentielle non vide qui correspond i N+ Modificateur (cf. R. Martin et G. Kleiber, 1977). L'existence de cette sous-classe ne saurait donc être envisagée hypothétiquement. Le subjonctif est par conséquent exclu de la relative. On remarquera à cet égard que le test de n'importe lequel/quel qu'il soit, révélateur de la non spécificité, ne saurait être appliqué de façon naturelle à l'énoncé 92) Je veux épouser une Tahitienne qui ait des yeux verts, parce que ces locutions véhiculent les mêmes présuppositions existentielles que chaque. L'énoncé 96) parait en effet anomal dans l'interprétation où n'importe laquelle et quelle quelle soit portent sur l'ensemble N+ Relative et non seulement sur N : 96) ?Je veux épouser une Tahitienne qui ait des yeux verts, n'importe laquelle/quelle qu'elle soit On aura plutôt recours, si l'on veut marquer que l'identité ou le type référentiels importent peu, à des énoncés tels que 97) où les expressions n'importe quel/n'importe lequel ne s'appliquent qu'à la classe des Tahitiennes : 97) a) Je veux épouser n'importe quelle Tahitienne, pourvu quelle/à condition qu'elle ait des yeux verts b) Je veux épouser une Tahitienne, n'importe laquelle, pourvu qu'elle/à condition qu'elle ait des yeux verts
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Le quantificateur Tout est également incompatible, dans une telle construction, avec une relative au subjonctif : 98) a) *Je veux acheter toute maison qui soit abandonnée b) Je veux acheter toute maison qui est abandonnée Il s'agit dans ce cas d'une tautologie. Avec Tout, la sous-classe référentielle doit pouvoir être vide (cf. R. Martin et G. Kleiber, 1977). Tout marque ainsi lui-même déjà la possibilité de l'inexistence d'une sous-classe référentielle attachée kN + Relative. L'ajout d'une conditionnelle existentielle met également en relief la différence entre la relative à l'indicatif et la relative au subjonctif. L'expression s'il y en a est difficilement compatible avec le subjonctif comme le montre l'opposition entre les phrases 99) et 100) : 99) Je veux épouser une Tahitienne qui a des yeux verts, s'il y en a 100)? Je veux épouser une Tahitienne qui ait des yeux verts, s'il y en a On sait que sip, dans la construction sip, q, pose un cadre hypothétique pour la principale q, q ne prenant sa valeur de vérité qu'à l'intérieur du monde fictif construit par si p. La subordonnée hypothétique de 99) et 100) établit ainsi l'existence non spécifique de Tahitiennes qui ont des yeux verts, existence qui, du même coup, ne peut évidemment plus être envisagée comme potentielle dans la principale. Partant, le subjonctif en est exclu. On remarquera aussi que s'il y en a, en tant que réplique d'un interlocuteur, paraît plus naturelle après la relative à l'indicatif qu'après la relative au subjonctif : 101) Je veux épouser une Tahitienne qui a des yeux verts -S'il y en a! 102) Je veux épouser une Tahitienne qui ait des yeux verts -? S'il y en a! Avec la réplique S'il y en a, l'interlocuteur remet en cause la vérité de l'existence de la sous-classe référentielle postulée par le locuteur. Pour lui, il n'est pas sûr qu'il existe des Tahitiennes aux yeux verts. Une telle répartie polémique n'est guère possible après 92), parce que le subjonctif marque déji
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la possibilité d'inexistence, de telle sorte qu'une restriction existentielle de la part d'un interlocuteur apparaîtrait incongrue. La preuve en est qu'après la réplique de 102) le locuteur peut à son tour répondre de façon polémique (Mais je n'ai jamais dit qu'il y en avait, au contraire !), alors qu'une telle riposte est difficilement envisageable comme une suite naturelle A l'échange 101).
2.2.3. Ea coadwk» : a«très CM powihlM L'article indéfini, spécifique ou non, n'est évidemment pas le seul déterminant autre que l'article défini à faire difficulté. On pourrait multiplier les exemples, notamment à propos des déterminants à définitude «complète» ou «saturée» comme l'adjectif possessif ou l'adjectif démonstratif. Les définitions classiques, surtout celles en termes d'identification (53), prédisent après de tels déterminants des relatives uniquement appositives (K. Sandfeld, 1936 ; D. Clément et W. Thûmmel, 1968 ; J. Dubois et F. Dubois-Charlier, 1970 ;C. Rohrer, 1971 et E. Haden, 1973), étant donné que l'antécédent déjà restreint ou déterminé par les déterminants ne saurait l'être une seconde fois par la relative (Z. Vendler, 1968, p. 14 ;B. Combettes etalii, 1979, p. 101). Or, des relatives comme celles de 106), appelées parfois emphatiques (J. P. Durafour, 1981) : 106) Tu te souviens de ce professeur qui ne donnait que de bonnes notes ? sont difficilement traitables comme des appositives (E. Czachorowska, 1978), mais aussi, on le remarquera, comme des restrictives (54).
3. LES CRITÈRES D'IDENTIFICATION Etant donné que les critères d'identification ratissent plus large que les définitions sémantiques, on est en droit de s'attendre k une efficacité plus grande de leur part. Force est cependant de constater que dans des sites autres que les phrases avec article défini, ils ne donnent plus de résultats concordants, ce qui limite singulièrement leur validité, mais laisse intact, par contre, le plaisir de la «chasse» au statut de la relative.
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L'application à 103) Des amis que fai rencontrés hier soir m'ont payé à boire des tests de reconnaissance qui lui conviennent débouche sur trois résultats divergents : certains militent en faveur du statut appositif, d'autres en faveur du statut restrictif, d'autres enfin ne permettent pas de trancher, ni dans un sens, ni dans l'autre. L'impossibilité de paraphraser 103) par une conjonction de deux phrases présentant le même déterminant milite en faveur du caractère restrictif de la relative :
104) Des amis m'ont payé à boire et fai rencontré hier soir des amis Même si on renonce à l'identité des déterminants, on s'aperçoit que la paraphrase de discours 105) que l'on peut fournir pour rendre compte de 103) (B. Du Castel, 1978a ; S. Y. Kuroda, 1968) n'a pas l'autonomie de celle qui correspond à l'appositive d'un énoncé avec article défini : 105) Des amis m'ont payé à boire. J'ai rencontré ces amis hier soir La séquence paraphrastique n'obéit qu'à l'ordre Phrase matrice Relative, alors que dans le cas d'une appositive combinée à l'article défini, la séquence d'ordre inverse est permise. Le remplacement possible du pronom qui par le pronom lequel (fai rencontré des amis qui m'ont payé à boire —»-fai rencontré des amis lesquels m'ont payé à boire) et l'insertion d'adverbes de phrase dans la relative (Des amis que fai, malheureusement, rencontrés hier soir m'ont payé à boire) peuvent donner à croire qu'il s'agit d'une appositive. Le critère de l'interrogation fait apparaître le caractère «neutre» de la relative. Si l'interrogation 106) peut avoir pour réponses 107) comme 108), on ne peut plus dire, comme dans le cas de l'article défini, que 107) correspond i l'interprétation appositive et 108) à l'interprétation restrictive : 106) Qui t'a payé à boire ? 107) Des amis 108) Des amis que fai rencontrés hier soir Le calcul vériconditionnel donne des résultats similaires. D'un côté, on peut soutenir que la fausseté de la relative n'empêche pas la vérité de la princi-
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pale : des amis peuvent fort bien m'avoir payé i boire, alors qu'il est faux que j'ai rencontré des amis hier soir (statut appositif). De l'autre, on peut arguer que la fausseté de la relative entraîne celle de l'énoncé tout entier : si je n'ai pas rencontré d'amis hier soir, il est évident que de «tels» amis n'ont pas pu me payer A boire (statut restrictif). Il est inutile de poursuivre : la discordance classificatoire dont nous faisions état ci-dessus traduit suffisamment l'impuissance relative des critères d'identification lorsqu'on les applique à toutes les relatives. La conclusion s'impose d'elle-même. Comme pour les définitions, on ne niera pas la réalité des phénomènes mis en avant par les critères, mais on leur refusera la portée critériale «universelle» qu'on leur prête généralement. La mise en relief des insuffisances de la présentation classique des deux types de relatives, définitions, caractérisations et critères de reconnaissance, ne peut déboucher que sur une remise en cause de l'opposition, un réexamen définitoire et une redéfinition de sa portée.
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NOTES
( 1) La différence qu'établit J. M. Zemb (1978) entre la fonction désignative (ou thématique) et la fonction significative (ou rhématique) permet de diitinguer entre relativa désignatives et relatives significatives. ( 2) Il en est de même avec l'article indéfini des comme le montre l'étude de P. Attal (1976). ( 3) La question de l'anomalie de 6) s'avère plus délicate lorsque 6) figure dans certains contextes comme : Au zoo de notre ville, un singe est gros et méchant, U tyrannise ses congénères... exemple communiqué par H. Bonnard). Il nous semble pourtant que, même là, il y a une anomalie dans l'expression. On signalera toutefois l'avis contraire de M. Galmiche (1986) pour qui des phrases comme 6) ne sont ni agrammaticales ni asémantiques : «elles sont tout simplement peu pertinentes sur le plan sémantique» (p. 47). ( 4) P. F. Strawson, 1974, pp. 106-107. Strawson analyse ce fait tout à fait différemment. L'anomalie de 13) par rapport à 12) révélerait la force référentielle supérieure de chaise et de tableau. ( S) Voir i ce sujet la critique de M. Riegel (1985). ( 6) Cf. O. Kkiber, 1981 d, ch. V et VI. ( 7) Cf. O. Dahl, 1975. ( 8) Cf. O. Kleiber, 1981 d et M. Riegel (1985) pour l'opposition prédicats centripètes/ prédicats centrifuges. ( 9) P. Attal (1976, pp. 135-137) pv\e de phrases verbales pour les énoncés comme on a sonné et Des gens sont venus et de prédicats à structure verbale pour les énoncés comme J'ai ht des romans. ( 10) L'élément essentiel est incontestablement le temps. Le lieu ne saurait à lui tout seul remplir ce rôle. Un énoncé comme Les carottes qui poussent ici sont plus grosses que les autres peut présenter une interprétation générique du SN malgré la présence du déictique Ici (G. Kleiber et H. Lazzaro, 1987). (11) Cf. la distinction entre vraie relative et fausse relative chez C. Fuchs et J. Milner (1979).
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(12) A condition, bien entendu, que le prédicat de la principale l'y prête (cf. Va me chercher le livre que f ai acheté hier !). (13) Nous ne prendrons que des exemples où la phrase elle-même est générique et ferons abstraction de l'emploi de Le générique. (14) Dans ce cas, la différence entre N et SN ne tire pas à conséquence. (15) Voir, par exemple, B. Combettes et atii (1979, p. 100). (16) Cf. l'excellente présentation de C. Touratier (1980, pp. 247-248). (17) Pour l'opposition référence virtuelle/référence actuelle, voir J. C. Milner, 1978. (18) La contradiction est la suivante : d'un côté, ils ne reconnaissent pas à la relative déterminative le statut de proposition (ou d'affirmation) à part entière, puisque «l'attribut de la proposition incidente n'est pas proprement affirmé du sujet auquel le qui se rapporte» (p. 164), d'un autre côté, comme il y a un verbe, dont le principal usage est précisément celui de «signifier l'affirmation» (p. 151), il y a d'une manière ou d'une autre proposition. La contradiction est évitée grâce à l'hypothèse de l'affirmation virtuelle (voir sur ce sujet C. Touratier, 1980, p. 255). (19) M. Dominicy (1984, p. 204) a fort bien montré que «toute l'approche de Port-Royal bascule dans l'incohérence» lorsqu'elle aborde les déterminât!ves des SN non génériques. La notion de détermination est, rappelons-le, fondamentalement ambiguë. (20) C. Rohrer (1971, p. 240) propose de recourir à l'opérateur universel (le All-Operator) de I. Bellert (1969) qui évite les difficultés qu'engendre l'application du quantificateur universel de la logique des prédicats en ce que, contrairement à celui-ci, il contribue, comme l'opérateur iota, à former un argument et non une proposition et s'accompagne d'une croyance en l'existence d'entités qui vérifient la propriété de l'argument ainsi construit. (21) Nombreux sont les défenseurs de la thèse de l'interprétation conditionnelle : P. T. Geach (1962), Z. Vendler (1967 et 1968), Z. S. Harris (1970), C. Rohrer (1971 et 1973), Stockwell et atii (1973) et S. A. Thompson (1971) l'appliquent à tous les SN génériques. C. Fuchs et J. Milner (1979) et E. Tabakowska (1980, p. 206) la réservent aux SN génériques introduits par l'article indéfini Un. On n'oubliera pas, bien sûr, de rappeler que Port-Royal suggère qu'elle vaut pour toute relative restrictive. Voir aussi chez N. Beauxée (M. Dominicy, 1981). (22) Nous avons pris position contre cette thèse dans G. Kleiber (1980 b). Pour avoir une vue complète de ce problème, on se reportera à Y. Ziv (1973), D. Lewis (1975), W. Van Langendonck (1980) et G. N. Carlson (1979). (23) Pour l'article indéfini Un générique, voir G. Kleiber (1980 b). On rappellera que la possibilité, dans ce cas, de paraphraser un énoncé tel que Une baleine qui est malade ne chante plus par une phrase conditionnelle comme Si une baleine est malade, elle ne chante plus, conduit à s'interroger sur le statut même de relatives de telles propositions. (24) «Dans ce cas, écrit N. Furukawa (1986, p. 223), l'opposition entre la relative restrictive et la relative appositive n'est pas si nette».
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(25) Pour N. Furukawa (1986), cela découle de la fonction attributive qu'il prête à l'article indéfini : dans ce ca«, écrit-il, «le locuteur ne demande pas à son interlocuteur d'identifier le référent du SN antécédent» (p. 223). (26) Pour l'opération d'extraction, voir C. Fuchs et M. Pécheux (1970). (27) Nous nous séparons sur ce point d'A. Grésillon (1974, p. 37), qui considère des énoncés tels que Er zeigte mlr eln GetUcht/das Dut sein ganzes Leben verfolgt halte comme sémantiquement ambigus. Sur la notion de présupposition sémantique, voir F. Kiefer (1977). (28) Cf. l'interprétation de Marie console un enfant qui pleure par M. Rothenberg (1972, p. 182) :1a relative «détermine de quel type d'enfant il s'agit, un enfant qui pleure et non un enfant qui chante ou qui m tait». (29) Cf. E. Bach 1968 (1*" version 1966, cité par C. Rohrer, 1971). (30) Le fait qu'il n'y ait parfois pas de proposition explicite en surface ne représente qu'une difficulté apparente. La décomposition de chercher en 'essayer de trouver', par exemple, permet de retrouver le caractère propositionnel du complément. (31) Ce premier trait les range donc parmi les verbes non [actifs mis en relief par P. Kiparsky et C. Kiparsky (1970). (32) D'où l'appellation de «world-creating predicates» par les sémanticiens générativistes. (33) Nous laissons volontairement de côté le conditionnel pour éviter la confusion possible entre l'interprétation non spécifique du SN et l'interprétation spécifique où le conditionnel marque le caractère incertain de l'événement rapporté par la relative. La phrase Je cherche une étudiante qui saurait quinze tangues est en effet ambigul. Elle peut signifier 'je cherche une étudiante qui saurait quinze langues, n'importe laquelle', mais également 'Je cherche une étudiante précise qui, paralt-il, saurait quinze langues'. (34) Nous prendrons toujours Je comme sujet du verbe virtuel, pour éviter des interférences avec l'ambiguïté référentielle transparence/opacité. Lorsque le sujet du verbe d'attitude propositionnelle n'est pas le locuteur, comme dans Paul veut épouser une TaMitienne, l'énoncé, interprété spécifiquement, peut en effet être lu de façon transparente (le locuteur est responsable de la description indéfinie) ou opaque (le sujet est responsable de la description indéfinie). Cf. G. Kleiber, 1979. (35) Cf. par exemple C. Rohrer, 1971, pp. 205etsuiv.C. Fuchs et J. Milner(1979),à la page 122 de leur ouvrage, présentent encore une telle position, mais se montrent beaucoup plus nuancées page 140 où l'opposition entre l) et 2) ne correspond plus exactement à la différence restrictive/appositive, parce que d'une part, avec Un spécifique, la distinction entre les deux types de relatives tend à s'estomper et parce que d'autre part, avec Un non spécifique, il s'agit plutôt d'une situation hypothétique que d'une restriction. (36) Cela est également l'avis de C. Rohrer (1973). Rappelons que les conclusions de C. Fuchs et J. Milner( 1979) suggèrent aussi que la différence entre les deux types de relatives se trouve estompée avec Un spécifique.
RESTRICnVES/APPOSmVES
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(37) Pour J. Dubois et F. Dubois-Charlier, toute relative qui suit le déterminant Un est appositive, parce que le trait non Défini est incompatible avec le trait Défini exigí par les deux SN concernés par la transformation relative restrictive. (38) La présentation qu'ils donnent de ce type de relatives est d'ailleurs paradoxale. Comme elles s'enchAssent i la place du SP de P, les relatives appositives expriment une circonstance comme la cause, le but, etc. Or, si la plupart des relatives après Un se montrent réfnotaires à une telle interprétation sémantique, - quelle relation circonstancielle imaginer entre J'ai rencontré un homme et Cet homme portait toi chapeau vert de la phrase Tal rencontré un homme gui portait un chapeau vert 7 -, nos relatives avec le subjonctif, étant donné le sémantisme du verbe virtuel, se prêtent beaucoup plus aisément à une telle analyse, puisqu'on peut y voir une valeur circonstancielle de but. D'un autre côté cependant, ces relatives de «but» sont celles qui répondent le moins bien au statut d'appositives si on définit celles-ci comme des relatives qui laissent l'extension de inchangée. Cest le constat que font J. Dubois et F. Dubois-Charlier lorsqu'ils leur assignent une interprétation proche de la restrictive. Indice révélateur, dans ce cas, ils n'encadrent pas la relative de virgules, alors qu'elles sont bien présentes ailleurs (cf. Un ami, que tu connais, est venu). (39) Cf. par exemple C. Rohrer (1973), qui, interprétant Un comme le quantificateur existentiel, dénie le statut de restrictive à la relative de 2), ou C. Fuchs et J. Milner (1979), qui soulignent à la fin de leur ouvrage que de telles relatives différent des restrictives en le, parce que «la relative peut difficilement être considérée comme une ré-importation d'assertion, dans la mesure où justement la relation argument-prédicat n'y est présentée que comme envisagée hypothétiquement» (p. 139). (40) La définition en termes d'identification référentielle ne convient évidemment pu, puisqu'on ne saurait parler de réfèrent identifié. (41) La définition en termes d'extension conceptuelle ne convient pas ici, car si l'on peut envisager, pour l'interprétation restrictive, que la relative que fai écrasé restreigne l'extension du concept 'chien' au seul chien que j'ai écrasé, on ne peut concevoir, par contre, pour l'interprétation appositive, qu'elle laisse cette extension inchangée, parce que la phrase aurait un sens tout à fait différent. (42) Cf. J. T. Heringer, 1969. (43) a . L Karttunen, 1969. (44) R. S. Jackendoff (1972, pp. 279 et suiv.) associe aux verbes virtuels la condition modale non réalisé. (45) • représente l'opérateur de nécessité,
celui de possibilité et n j la négation.
(46) Cf. O. Grannis (1973) et G. Kleiber (1979). (47) A. Culioli, 1973. Cela correspond aussi & l'une des trois INDET(ermination) que distingue R. Martin (1980), l'indétermination de sous-classe, les deux autres étant l'indétermination contrainte (cf. Tout vendredi suit un jeudi) et l'indétermination d'élément. (48) Fait signalé par L. Karttunen (1969, p. 19 et p. 36).
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(49) Une telle conception de la spécificité le retrouve chez J. T. Heringer (1969), S. Kuno (1970) et N. Roju (1977). L'opposition «pécifique/non spécifique ne correspond en effet pas à la différence 'connu/non connu du locuteur' à laquelle l'assimilent A. KasheretD. L. Gabbay(1976),etT. G. Pavel (1976). Une analyse détaillée de ce problème se trouve dans G. Kleiber (1979, pp. 262 et suiv.). (30) Les deux premières sont dominantes, car beaucoup plus simples que 15"'), qui constitue un découpage d'une sous-classe non explicite dans une sous-classe explicite. (51) Cf. par exemple R. Zuber (1974) qui signale que l'alternance modale permet de dissocier les deux interprétations. Voir aussi l'opposition entre les traits (particularisé) • (connu du locuteur) de C. Rohrer (1971, p. 206). C. Fuchs et J. Milner( 1979) distinguent deux situations de repérage : SIT 0 , qui correspond à une mise en situation du type de soit, Imaginons, considérons, donnons-nous... et SITj, qui correspond à une mise en situation comme Je dis qu'il y a (pour mol-ici-malntenant). La relative avec l'indicatif correspond alors à un repérage par rapport à SITj. Comme on le voit, cette analyse ignore également le fait qu'une phrase telle que 22) est susceptible d'être ambiguë et donc de présenter un réfèrent repéré soit par rapport à SIT|, soit par rapport à SITQ. (32) On trouvera chez G. Fauconnier (1984) une explication concurrente satisfaisante en termes de rôles et de valeurs de l'indéfini. (33) On rappellera à ce propos l'affirmation de C. Smith (1964, p. 37) selon laquelle «le déterminant du nom est l'élément décisif». La définitude est associée à la relative appositive, l'indéfinitude à la relative restrictive. Les déterminants sont ainsi divisés en trois catégories, suivant qu'ils ne sont compatibles qu'avec les appositive«, qu'avec les restrictives ou alors qu'ils peuvent se faire suivre des deux. La faille du système, on l'aura remarqué, est qu'il requiert une distinction préalable de l'opposition restrictive/appositive, ce qui enlève toute pertinence à la tripartition des déterminants. (34) En allemand, la distinction dies/Jen- fait que seul jen- apparaît dans de tels emplois.
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
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CHAPITRE III
RELATIVES RESTRICTIVES/RELATIVES APPOSITIVES : DÉPASSEMENT(S) AUTORISÉ(S) (1)
Si la mise en relief des insuffisances de la «théorie» traditionnelle des deux types de relatives a débouché dans la majeure partie des recherches de ces quinze dernières années sur une remise en cause de l'opposition, un réexamen définitoire et une redéfinition de sa portée, elle n'a pas donné lieu, on s'en doute, à des solutions identiques. Trois tendances se laissent dégager : - une tendance à la réduction de l'opposition (cf. infra 1.) ; - une tendance à la multiplication du nombre de types de relatives (cf. infra 2.) ; - une tendance à circonscrire le phénomène à certains SN (cf. infra 3.). Les «choses» sont-elles réglées pour autant ? Nous aimerions montrer à travers l'exposé de ces trois courants que la question n'est pas encore close : que le(s) dépassement(s) reste(nt) toujours autorisés. Nous proposerons dans notre chapitre IV un changement de cap : un déplacement du problème de l'ambiguïté sémantique vers celui d'une ambivalence fonctionnelle.
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1. TENDANCE A LA RÉDUCTION
Les six analyses que nous avons réunies ci-dessous ne forment pas vraiment un ensemble homogène. La distance est grande entre, par exemple, les vues de M. Lavency et celles de S. K u r o d a et B. Du Castel, ou entre les conceptions de J. Van den Broeck et celles de S. A. Thompson. Un double fil rouge les relie cependant : a) elles conservent le cadre classique de l'opposition en ce qu'elles acceptent à la fois qu'il existe deux types de relatives et que cette opposition s'étend à toutes les relatives ; b) elles refusent par contre le contenu traditionnel de l'opposition et proposent en conséquence de la réduire à d'autres éléments. M. Lavency (cf. infra 1.1.) lui substitue partiellement une autre distinction ; J. Van den Broeck (cf. infra 1.2.) l'amoindrit jusqu'à en faire une simple différence de degré ; P. Henry (cf. infra 1.3.) et S. A. Thompson (cf. infra 1.4.) l'atténuent par des redéfinitions en termes de langue-discours ou de présupposition pragmatique, alors que S. Kuroda et B. D u Castel (cf. infra 1.5.) la ramènent à une différence de déterminants en structure profonde. N. Furukawa (1986) (cf. infra 1.6.), enfin, y voit la différence fonctionnelle référentiel/attributif.
1.1. Remplacement de l'opposition par une autre distinction Pour expliquer la variation modale indicatif/subjonctif dans les propositions relatives latines (2) M. Lavency (1981) substitue à la distinction classique restrictive/appositive l'opposition entre relatives déterminatives et relatives qualificatives. Les premières ne correspondent pas aux relatives déterminatives classiques (ou restrictives). Par la distinction qu'il propose M. Lavency entend en effet rendre compte des relatives qui définissent l'antécédent en extension, les déterminatives, et de celles qui le définissent en compréhension, les qualificatives. Les premières fonctionnent dans l'énoncé à l'instar d'un adjectif déterminatif, du type hic, les secondes à l'instar d'un adjectif qualificatif, du type talis. Ainsi les relatives de 1) et 2)
1) ei munitioni quant fecerat 2) cum eo hoste res est qui ferre fortunam
non possit
qui sont toutes deux considérées comme des restrictives dans la présentation classique, puisqu'elles limitent en quelque sorte l'antécédent, seront reclassées respectivement en déterminative pour celle de 1) parce qu'elle «identifie l'antécédent en fournissant de lui une définition en extension (cette ligne
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fortifiée et pas une autre)» (p. 460), et en qualificative, pour celle de 2), parce qu'elle «fournit de son antécédent une qualification, donc une définition en compréhension (un ennemi de tel genre)» (p. 460). On pourrait penser que cette distinction ne s'applique qu'aux restrictives. Il n'en est rien : elle est en fait indépendante des rapports antécédent-relative, et ne dépend en dernier ressort, même si ce n'est pas dit explicitement par M. Lavency, que du contenu de la relative elle-même. Elle correspond, en fait, peu ou prou à la différence que nous avons établie entre relative spécifiante et relative non spécifiante, ce qui autorise M. Lavency à parler de relative déterminative apposée comme de relative qualificative apposée (3). L'opposition restrictive/appositive devient, dans ce cadre classificatoire, une simple opposition fonctionnelle, celle entre épithète et apposition (4). On observe que ce changement ne régie pas le fond du problème, la différence fonctionnelle étant elle-même redevable d'une explication. Rien n'est dit sur la différence entre une relative déterminative ou qualificative épithète (c'est-à-dire une appositive). Rien n'est dit non plus des effets restrictifs et identificatoires, du pourquoi des tests de reconnaissance, etc. Malgré cela, nous voyons une vertu principale à cette tentative, celle d'avoir mis l'accent sur le rôle que joue le caractère fonctionnel dans la détermination de l'opposition.
1.2. Réduction à une simple différence de degré J. Van der Broeck (1973) reprend la thèse de C. Smith (1964) sur l'affinité de la relative restrictive avec le caractère indéfini du SN et celle de l'appositive avec le caractère défini, mais constatant qu'il existe des degrés de définitude, il substitue à l'opposition tranchée restrictive/appositive une échelle qui mène de la «restrictivité» absolue à la «non restrictivité» absolue et qui comprend huit types, trois du côté de la restrictivité et quatre du côté de la non restrictivité, le type du milieu (0) correspondant aux cas où même le contexte ne dissipe pas l'ambiguïté :
restrictivité 3
2
non restrictivité 1
0
1
2
3
4
Côté restrictives, les types 3 et 2 forment le noyau dur et rassemblent les relatives dont la restrictivité n'est habituellement pas discutée. La différence entre le type 3 et 2 est simplement destinée à séparer les relatives qui, en anglais, sont construites sans marqueur (type 3) des autres. Sous 1 restrictif et 0 figurent les relatives qui n'apportent pas une détermination nécessaire à l'antécédent et qui pourraient donc être omises sans que le contenu informa-
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tif de la phrase en soit grandement modifié. Si l'information que de telles relatives apportent est particulièrement importante, elles seront classées en 1, si non en 0. L'exemple 3) répond, selon J. Van de Broeck à 1 restrictif, 4) à 0 :
3) He brought a great leather pouch which held a pound of powder (J. Van den Broeck, 1973, p. 40) 4) Ifound him by the help of a rope which I slung round him (p. 41)
Côté appositives, deux subdivisions expliquent la répartition en quatre types. Les types 2 et 4 sont à séparer des types 1 et 3 en tant que relatives progressives (ou continuatives) opposées aux non progressives. Le type 4, illustré par l'exemple 5) de J. Van den Broeck (p. 42) :
5) Here the chariot was stopped by two men in masks, who, at each side, put in their hands
se différencie du type 2, illustré par 6) (p. 42) :
6) In the original manuscript there was a description of a fourth, whichthose, who had the papers in their power bottled out
en ce qu'il est plus progressif : la substitution par une coordonnée commençant par et produit de meilleurs résultats. Le type non progressif 3 réunit les relatives qui véhiculent une information qui, sans être essentielle, n'est néanmoins pas superflue, dans la mesure où elle permet de mieux saisir le référent de l'antécédent :
7) Here was a weighty difficulty ! but the distinguishing brother, for whom we shall hereafter find a name, proved by a very good argument that... (p. 43)
Le type non progressif 1 est, par opposition, d'une nécessité plus grande pour la compréhension de la phrase ou du contexte :
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8) my father, who had been abroad in his youth, said that this remarks were curious (p. 43)
Le paramètre 'plus ou moins essentiel' explique pourquoi la progressive 6) s'inscrit entre le type 3 et 1 : elle aussi apparaît comme étant essentielle. Y a-t-il réel progrès ? Il est sûr qu'une saisie continue des choses peut sembler plus commode (5) qu'une vision discontinue, parce qu'elle permet, comme le prouvent certaines analyses guillaumiennes, de faire un sort aux données les plus réfractaires à la classification, mais, en l'occurrence, il apparaît clairement que la gradation adoptée par J. Van den Broeck traduit avant tout la confusion qui règne dans la définition et la reconnaissance des deux types de relatives : elle constitue plus un bulletin d'enregistrement des hésitations possibles dans l'affectation des relatives à un des deux types qu'un réel pas en avant.
1.3. Réduction à une différence langue-discours P. Henry (1975) postule une seule structure en langue pour les deux types de relatives. «Ce n'est que du point de vue discursif, affirme-t-il, qu'il y a une différenciation» (p. 98). Ce n'est pas tellement ce résultat qui est intéressant, - puisqu'il participe finalement à un débat plus global concernant la détermination du sens -, que la reformulation de l'opposition relative restrictive/relative appositive en des termes nouveaux. La compréhension de la nouvelle approche définitoire exige cependant que l'on replace la question des relatives dans le cadre discursif général élaboré par P. Henry. Dans un premier temps, P. Henry dénonce la conception classique de la détermination mise en jeu dans la distinction des deux types de relatives par Port-Royal et ses vrais ou faux héritiers, transformationnalistes ou non, et a u - d e l à m ê m e , à t r a v e r s la c r i t i q u e de l ' a u t o n o m i e r é f é r e n t i e l l e frégéo-milnérienne, la conception dénotative du sens en général. Selon lui, une telle théorie de la détermination porte au crédit de la langue des résultats imputables au discours. Une relative, souligne-t-il, n'est en soi ni restrictive, ni appositive : c'est son fonctionnement qui est l'un ou l'autre (p. 97). L'explication de la distinction passe donc par la caractérisation d'un énoncé réel (séquence discursive). Une séquence discursive se trouve doublement déterminée, par les règles linguistiques (ce que P. Henry appelle l'autonomie relative de la langue) et par ce qu'il nomme les formulations discursives, étiquette sous laquelle il entend les paraphrases discursives (qui ne sont donc pas au niveau de la langue) substituables à une unité dans une position et un
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contexte donnés et qui sont constitutives des effets de sens (c'est-à-dire en fait qui produisent le sens référentiel). Une séquence discursive connaît deux types de rapports saturés possibles, dans le sens de mise en rapport globale, avec les formulations discursives ; un rapport interséquence qui met en rapport deux séquences discursives distinctes, et un rapport intra-séquence, comme dans le cas des phénomènes de reprise et de reformulation, où une séquence discursive est mise en rapport avec elle-même. L'application aux relatives de ce cadre théorique fournit alors les résultats suivants : — La présence du pronom relatif fait que le rapport entre l'antécédent et la relative apparaît comme un rapport intra-séquence. — Dans le cas d'un fonctionnement restrictif de la relative, le rapport inter-séquence, qui, sur la base linguistique, doit nécessairement intervenir, apparaît comme étant lié au r a p p o r t intra-séquence : «le r a p p o r t inter-séquence est effacé par le rapport intra-séquence» (p. 97). Il ne faut pas chercher ailleurs l'effet «subjectif d'antériorité, d'implicitement admis, etc.» (p. 97), qu'il appelle aussi préconstruit. — Dans le cas d'un fonctionnement appositif de la relative, le rapport inter-séquence subsiste à côté du rapport intra-séquence. — L'effacement du rapport inter-séquence par le rapport intra-séquence, c'est-à-dire la production du sens restrictif, dépend des «conditions de production et d'interprétation» des énoncés. La preuve en serait apportée par les cas d'ambiguïté avec l'article défini (Les syndicats qui défendent les travailleurs sont démocratiques). Il y a un point avec lequel on ne peut être que d'accord : il s'agit de l'idée de fonctionnement différent, qui remplace avantageusement celle d'une existence en soi de relatives restrictives et appositives. Mais ne s'agit-il que d'une simple différence discursive ? Il nous semble au contraire qu'il y a réellement fonctionnement linguistique différent, et même, plus précisément, fonctionnement formel différent. L'argument de l'ambiguïté n'est pas pertinent. Ce n'est pas parce que la reconnaissance peut être liée aux conditions de production et d'interprétation que l'on doit en inférer qu'il n'y a pas phénomène syntaxique différent. Par ailleurs, nous voyons mal comment une composante discursive seule peut expliquer certaines restrictions signalées dans les caractérisations et tests d'identification. Pourquoi, par exemple, un nom propre non articulé, c'est-à-dire dans son emploi non modifié de terme singulier, ne se fait-il suivre que d'une appositive ? Pourquoi un antécédent déterminé par un quantificateur universel comme chaque, ou tout n'accepte-t-il en revanche qu'une relative restrictive (6) ? A quoi s'ajoute, défaut plus grave, que la reformulation, même sur le seul niveau discursif, se heurte finalement aux mêmes difficultés que les définitions qu'elle entend remplacer, avec en plus le désavantage de présup-
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poser la reconnaissance préalable de l'opposition. Alors qu'une définition en termes de restriction ou d'identification peut constituer en même temps un critère de reconnaissance possible (7), celle de P. Henry n'est pas vérifiable par elle-même, mais exige le concours descriptif des caractérisations concurrentes. Elle est soumise, de ce fait, aux mêmes limitations que connaissent celles-ci, et, partant, aux mêmes difficultés de classification. On observera ainsi que le site privilégié de l'opposition reste l'article défini. Deux raisons à cela. C'est là surtout que la notion de préconstruit (ou de présupposition) s'avère pertinente pour la restrictive et c'est là aussi que l'ambiguïté trouve son meilleur terreau. Mais prenons un secteur différent comme celui de l'énoncé 9)
9) Des amis que j'ai rencontrés m'ont payé à boire
On s'aperçoit que la nouvelle définition de P. Henry ne permet pas plus que les conceptions antérieures un traitement univoque de la relative. Admettons, en effet, qu'il s'agit d'un fonctionnement restrictif. Le rapport inter-séquence devrait donc être gommé par le rapport intra-séquence. Or, contrairement à un énoncé avec article défini, comme notre exemple canonique des Alsaciens buveurs de bière
10) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèses
l'énoncé 9) n'est pas compatible de façon naturelle avec une telle description : on ne voit pas en quoi il y a effacement du rapport inter-séquence. L'effet d'antériorité, de préconstruit, qui est immédiatement perceptible dans le cas d'un fonctionnement restrictif de la relative de 10) ne semble pas évident avec l'énoncé 9). Autrement dit, si la séquence discursive Des Alsaciens boivent de la bière ou II y a des Alsaciens qui boivent de la bière apparaît sous un angle intra-séquentiel et non inter-séquentiel, il n'en va pas de même, avec la séquence discursive Tai rencontré des amis hier soir correspondant à 9). Dirons-nous alors que la relative de 9) est appositive ? Une réponse affirmative n'est pas convaincante non plus, car, là aussi, la définition en termes de rapport inter-séquences non gommé ne semble pas correspondre de façon satisfaisante au cas envisagé : le rapport entre Tai rencontré des amis et Des amis m'ont payé à boire subsiste-t-il vraiment comme il subsiste entre les paraphrases discursives de 10) appositif Les Alsaciens boivent de la bière et Les Alsaciens sont obèses ? La question reste posée et montre suffisamment que la réponse fournie par P. Henry au problème de la délimitation des deux types de relatives, si elle met l'accent sur le caractère articulatif discursif du fonctionnement des constructions relatives, n'est à tout prendre
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pas plus satisfaisante que les définitions classiques en termes de détermination référentielle.
1.4. Réduction à une simple différence de présupposition pragmatique S. A. Thompson (1968 et 1971) rompt radicalement avec les traitements syntaxiques classiques en considérant toutes les phrases avec relatives comme étant non plus un fait de subordination, mais un phénomène de conjonction. La structure profonde des phrases avec relatives représente une coordination de deux schémas propositionnels portant sur le même argument. Une telle conception requiert que les déterminants, comme le et un, par exemple, ne figurent pas dans la représentation sémantico-logique profonde, mais soient introduits à un autre niveau de la dérivation que les morphèmes pleins. Une même représentation sous-jacente peut donner naissance, par conséquent, à différentes phrases avec relatives : différentes quant aux déterminants, différentes quant au type restrictif ou appositif et différentes quant aux choix de la matrice et de la constituante de surface. Ces diverses réalisations de surface dépendent des présuppositions du locuteur sur les connaissances de l'interlocuteur (8). La notion de présupposition utilisée par S. A. Thompson correspond donc à une version informationniste pragmatique. Soit donc la structure sous-jacente 11)
11) (Tai rencontré fille) (fille parle basque)
composée d'une double prédication conjointe J'ai rencontré... et ...parle le basque portant sur le même argument fille. Trois situations sont à envisager (9) : 1° Le locuteur L présuppose que l'interlocuteur I ne sait pas que L a rencontré une fille, ni qu'une certaine fille parle le basque. Quatre phrases répondent à cet état de faits, dont deux avec relatives :
12) a) Tai rencontré une fille et elle parle le basque b) Il y a une fille qui parle le basque et je l'ai rencontrée c) Tai rencontré une fille qui parle le basque d) Une fille que j'ai rencontrée parle le basque
RESTRICTIVES/APPOSITIVES
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2° L présuppose que I sait que L a rencontré une fille. On obtient alors 13) :
13) La fille que j'ai rencontrée parle le basque
3° L présuppose que I connaît la fille qui parle le basque. Il en résulte l'énoncé 14) :
14) fai rencontré la fille qui parle le basque
Les situations 2° et 3° donnent lieu à des relatives restrictives, la relative appositive, par contre, est à rattacher à la situation 1°, c'est-à-dire la situation où L présuppose que I ne sait ni que L a rencontré une fille ni que cette fille parle le basque. La situation 1° se laisse en effet diviser en deux sous-situations suivant que L présume que I connaît déjà ou ne connaît pas la fille en question : 1°' L pense que I ne connaît pas la fille en question. On obtient alors les énoncés 12). 1°" L présume que I connaît déjà la fille en question. Le résultat en est les énoncés 15) avec, cette fois-ci, une relative appositive :
15) a) La fille, que j'ai rencontrée, parle le basque b) fai rencontré la fille, qui parle le basque
Il ressort clairement de cette présentation que la distinction relative restrictive/relative appositive n'a plus de caractère privilégié. Première raison, l'appositive ne s'oppose plus directement à la restrictive, mais concurrence les phrases avec l'article indéfini un, ici en l'occurrence 12) c) et d). Second point, nous avons affaire, non plus à une relative appositive, qui s'opposerait à une relative restrictive, mais, étant donné la combinatoire présuppositionnelle, à deux relatives appositives, identiques quant aux présuppositions de L sur les connaissances de I, face à deux relatives restrictives, différentes elles, quant aux présuppositions de L sur les connaissances de I. Troisième raison enfin, il ne s'agit plus d'une distinction sémantique. Le jeu présuppositionnel qui rend compte de la différence entre 13), 14) et 15) est d'ordre pragmatique. Une même structure sémantique est à la source des différents énoncés correspondant aux situations 1°', 1°", 2° et 3°. La conception de S. A. Thompson est par là-même proche de celle de P. Henry.
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Elle est redevable du coup de la même critique que nous avons adressée à celle de P. Henry concernant le caractère uniquement discursif de l'opposition. Mais il y a plus aussi. Indépendamment même de la question du niveau auquel se place la distinction des deux types de relatives, quatre critiques (10) sont à émettre contre le mécanisme présuppositionnel de S. À. Thompson (11).
En premier lieu, l'omission de la distinction relative spécifiante/relative non spécifiante se traduit par des réalisations peu naturelles comme
12) d) Une fille que j'ai rencontrée parle le basque
En second lieu, l'application du système à des énoncés comme
16) Paul connaît des jeux que Marie ne connaît pas
est vouée à l'échec, parce que la structure profonde 17), sous-jacente à 16) :
17) (Paul connaît jeux) (Marie ne connaît pas jeux)
conduit aussi, selon les situations, à des énoncés tels que 59), 60) et 61) :
18) Marie ne connaît pas des jeux que Paul connaît (ou plutôt II y a des jeux que Marie ne connaît pas et que Paul connaît) 19) Paul connaît les jeux que Marie ne connaît pas 20) Marie ne connaît pas les jeux que Paul connaît où l'équivalence référentielle est manifestement battue en brèche. Si l'on peut supposer que dans 12), 13) et 14), c'est le même argument qui subsiste, une telle supposition est à l'évidence hors de mise dans le cas de 16), 18) et 19). Ceci nous conduit directement à la troisième critique. La théorie de S. A. Thompson ne s'applique qu'à des arguments conçus comme des entités individuelles spécifiques. C'est dire, entre autres, qu'elle ne convient pas pour les relatives des SN génériques. S. A. Thompson exclut les relatives comme celles de 21)
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21) Les hommes qui fument la pipe ont ¡'air distingué
en prétextant que la structure sous-jacente 22)
22) (Hommes fument pipe) (hommes ont air distingué)
n'est «manifestement» (p. 83) pas adéquate. Or, il nous semble que le manifestement n'est pas à sa place. En effet, pour peu que l'on se rappelle que la conjonction prédicative exige un argument identique, rien n'interdit de penser que 21) a pour source la conjonction 22) où l'argument hommes renvoie à quelque chose comme 'certains hommes'. Il n'y a alors plus rien d'incompatible entre la structure 22) ainsi comprise et la phrase 21). Et, partant, contrairement à l'avis de S. A. Thompson et celui de O. Grannis, ce n'est pas la structure profonde qui est inadéquate (12) et qui motive le renvoi de telles relatives dans le giron des pseudo-relatives, sous l'étiquette de conditionnelles, mais c'est le mécanisme dérivationnel lui-même qui se montre défaillant, parce qu'il débouche sur des paires d'énoncés tout à fait différents :
23) Il y a des hommes qui ont l'air distingué et ils fument la pipe 24) Il y a des hommes qui fument la pipe et ils ont l'air distingué 21) Les hommes qui fument la pipe, ont l'air distingué 25) Les hommes qui ont l'air distingué fument la pipe
En dernier lieu, il est à souligner que la notion de présupposition déployée, à savoir la présupposition du locuteur sur les connaissances de l'interlocuteur, ne se révile pas déterminante dans le choix de la réalisation de surface. Contrairement aux prévisions de S. A. Thompson, l'énoncé 13) La fille que j'ai rencontrée parle le basque peut aussi correspondre à la situation 3", comme le montre la possibilité d'utiliser un tel énoncé après la question Quellefille parle le basque ? Par ailleurs, les limites de cette conception présuppositionnelle se trouvent aussi dans le statut des relatives appositives. Il ne semble pas, comme en témoigne l'insertion possible d'incises comme comme tu sais, qu'elles puissent être définies comme étant toujours de l'information nouvelle :
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26) La fille, que j'ai rencontrée, comme tu sais, hier soir, parle le basque
A quoi s'ajoute, non une critique supplémentaire, mais une constatation significative, celle que l'opposition restrictive/appositive concerne prioritairement les phrases avec article défini. Rien n'est dit du statut de la relative dans les énoncés avec article indéfini 12) c) et d). Est-elle appositive ou restrictive, ou encore différente ? La seule affirmation à ce sujet que donne S. A. Thompson (1971, p. 82) n'est pas bien éclairante : «Les propositions relatives avec des noms indéfinis, écrit-elle, ne restreignent pas ces noms de la façon dont les propositions relatives avec des noms définis semblent le faire».
1.5. Réduction à une différence de déterminants en structure profonde A la source de cette redéfinition de l'opposition entre les deux types de relatives se trouve directement la tentative de S. Y. Kuroda (1968) (13). En postulant qu'aux phrases 27)-30) correspondent les structures profondes 27')-30") :
27) That which lay on the table was the tissue 28) Something which surprised Mary pleased John 29) That, which surprised Mary, pleased John 30) Anything which surprised Mary pleased John 27') That Pro (wh + Some Pro lay on the table) tissue 28') Some Pro (wh + That Pro surprised Mary) John 29') That Pro (wh + That Pro surprised Mary) John 30') Some Pro (wh + Some Pro surprised Mary) John
was the pleased pleased pleased
Kuroda fournit par là-même une délimitation de la distinction restrictive/appositive en termes d'une différence de déterminants en structure profonde. Dans le cas de la relative restrictive de 27), le déterminant du SN de la relative est différent de celui du SN antécédent et se présente sous la forme d'un indéfini. Dans le cas de l'appositive de 29), les déterminants, au contraire, coïncident et ce sont des définis. Le point important est que la justification de ces structures profondes différentes ne peut se faire par des
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éléments internes au mécanisme dérivationnel élaboré. Etant donné la définitisation qui opère sur le déterminant indéfini de la structure 27') pour en faire un défini de surface (le pronom relatif), la structure obtenue est identique à celle de l'appositive où le déterminant de la relative est défini dès le départ. Pour prouver la pertinence de la structure profonde sous-jacente à la phrase avec relative restrictive, Kuroda recourt à des considérations sémantiques sous la forme d'une justification paraphrastique. Il note ainsi qu'à 27) et 27') correspond la paraphrase de discours 31) :
31) Something lay on the table. It was the tissue
A l'énoncé 32) comportant une relative appositive répondent au contraire les paraphrases de discours 33) :
32) That which lay on the table, was the tissue 33) a) That lay on the table. It was the tissue b) That was the tissue. It lay on the table
B. D u Castel ( 1978 a) a repris cet aspect de l'étude de Kuroda en tentant de justifier pour le français, le rapprochement opéré entre phrases avec relatives et paraphrases de discours. La démonstration se fonde sur deux séries d'exemples. Aux énoncés 34), 35) ne correspondent respectivement que les discours 36) et 37) :
34) Luc est à un point de sa carrière qui lui laissera de grands souvenirs 35) Luc est au point de sa carrière qui lui laissera de grands souvenirs 36) Luc est à un certain point de sa carrière. Ce point de sa carrière lui laissera de grands souvenirs 37) Un certain point de sa carrière lui laissera de grands souvenirs. Luc est à ce point de sa carrière.
On observe en effet qu'un discours avec deux déterminants définis est interdit ( ' L u c est au point de sa carrière. Le point de sa carrière lui laissera de grands souvenirs), que le déterminant indéfini un doit y être accompagné d'un modifieur (cf. ILuc est à un point de sa carrière ; *l'eau est à une température) et enfin que 34) ne peut être paraphrasé par 37), et 35) par 36), comme le montre l'exemple 38) :
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38) Vivre est d'une complexité qui m'effraie
A 38), qui est du type 34), ne correspond pas un énoncé du type 35) :
39) * Vivre est de la complexité qui m'effraie
corollairement, 38) n'est paraphrasable que par un discours du type 36) et non de type 37) :
40) Une certaine complexité m'effraie. Vivre est de cette complexité
D'un autre côté, si l'on prend un énoncé comme 42)
42) Le service est à l'appréciation du client, qui est généralement bienveillante
l'on peut constater que les seules paraphrases permises comportent le déterminant défini dans les deux phrases du discours :
43) Le service est à l'appréciation du client. L'appréciation du client est généralement bienveillante 44) L'appréciation du client est généralement bienveillante. Le service est à l'appréciation du client
Les combinaisons Un...Ce sont en effet difficilement envisageables :
45) *Le service est à une certaine appréciation du client. Cette appréciation du client est généralement bienveillante 46) ? Une certaine appréciation du client est généralement bienveillante. *Le service est à cette appréciation du client
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Sur la base de cette argumentation, B. Du Castel juge fondées les paraphrases de Kuroda et propose en conséquence les mises en correspondance suivantes pour le français :
47) L'objet qui est sur la table m'amuse 48) Un certain objet est sur la table. Cet objet m'amuse 49) Un objet qui m'effraie a surpris Marie 50) Un certain objet a surpris Marie. Cet objet m'effraie 51) La cruche, qui est sur la table, m'amuse 52) a) La cruche est sur la table. La cruche m'amuse b) La cruche m'amuse. La cruche est sur la table
Les énoncés 47) et 49) présentent, selon lui, des relatives restrictives, l'énoncé 51) une relative appositive. On notera pour les cas traités ici, c'est-à-dire ceux de l'article indéfini et l'article défini, que l'ordre d'apparition des déterminants dans la paraphrase discursive répondant aux relatives restrictives correspond toujours à Un...Ce, qu'il n'y a de relative appositive qu'avec l'article défini, et que les deux déterminants de la paraphrase discursive appositive correspondante sont des articles définis (14). La distribution des déterminants dans ces paraphrases de discours marque par ailleurs l'autonomie de la relative appositive, par rapport à la phrase matrice, en face de la dépendance de la relative restrictive. Dans le cas de la relative restrictive avec l'article défini le, l'ordre des phrases du discours approprié est l'inverse de celui des phrases du discours correspondant à la relative restrictive avec l'article indéfini un : Relative + matrice Matrice + relative. On peut interpréter ceci comme une différence de détermination. Dans le premier cas, c'est la relative restrictive qui est responsable de la définitude du SN de la matrice (en somme du le), alors que dans le second cas c'est au contraire la matrice qui définit la relative. Le fonctionnement d'une relative restrictive n'est donc pas le même selon le déterminant du SN antécédent, et, surtout, cela indique que l'ordre n'est pas pertinent pour la définition de la relative restrictive elle-même. D'après ces paraphrases de discours, l'opposition relative restrictive/relative appositive correspond donc finalement à une simple différence de déterminants, que l'on peut exprimer comme suit pour les relatives combinées avec l'article défini le et l'article indéfini un : — il y a relative restrictive lorsque la paraphrase de discours présente la suite de déterminants non identiques Un... Ce — il y a relative appositive lorsque la paraphrase de discours appropriée présente la suite de déterminants identiques le... le... Les paraphrases de discours de Kuroda et de Du Castel, dont on rappellera que le but premier n'est pas une définition des deux types de
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relatives, mais une justification du phénomène de relativisation postulé par Kuroda, constituent incontestablement un apport intéressant au problème de la distinction restrictive/appositive par la saisie paraphrastique de la restrictive. Aussi convient-il d'examiner plus particulièrement la validité des paraphrases de discours «restrictives». Une première difficulté, signalée par Kuroda (1968, p. 261 et 265) rejetée par Du Castel (1978 b, pp. 284-285) et que nous avons relevée déjà à propos de Thompson, concerne les relatives non spécifiantes. Un énoncé comme 53)
53) La cruche qui est rouge est cassée
se laisse difficilement paraphraser par 54)
54) Une (certaine) cruche est rouge. Cette cruche est cassée
parce que les SN indéfinis spécifiques sont, on le sait, allergiques aux adjectifs attributs (15). Beaucoup plus grave que cette incompatibilité avec les non spécifiantes est le fait que le système paraphrastique se trouve pris en défaut lorsqu'on passe aux SN génériques. Quelques précisions supplémentaires sont nécessaires au préalable. Nous avons souligné dans nos commentaires des paraphrases «restrictives» 48) et 50) que l'ordre des phrases composant le discours approprié était inversé. Une telle constatation pourrait servir d'argument à un non alignement de la relative après un sur celle combinée avec l'article défini. Mais, en fait, bien que cela ne soit pas dit explicitement par Du Castel et que cela soit masqué par le changement de phrase entre 47) et 49), le jeu paraphrastique légitime la réunion des relatives de 47) et 49), dans la mesure où c'est la même paraphrase de discours qui s'avère pertinente en cas d'identité. C'est ainsi que l'énoncé
55) Un certain objet qui m'amuse est sur la table
correspond également au discours 48) et que l'énoncé 56) répond à celui de 50) :
56) Un certain objet qui m'effraie a surpris Marie
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Ceci pose é v i d e m m e n t le p r o b l è m e , réglé p a r S. A. T h o m p s o n au m o y e n des p r é s u p p o s i t i o n s , de l ' a p p a r i t i o n des deux t o u r n u r e s c o n c u r r e n t e s , mais on o b s e r v e r a s u r t o u t q u ' u n tel fait exige, t o u t c o m m e chez, S. A. T h o m p s o n , une certaine équivalence référentielle entre les deux t o u r n u r e s mises en c o r r e s p o n d a n c e avec la m ê m e p a r a p h r a s e de discours. Cette c o n d i t i o n est remplie d a n s le cas des SN spécifiques. Il n'y a pas de discordance référentielle entre 47), 48) et 55) :
47) L'objet
qui est sur la table
m'amuse
48) Un certain objet est sur la table. Cet objet m'amuse 55) Un certain objet qui m'amuse est sur la table
Elle ne tient plus, p a r c o n t r e , avec les SN génériques. R e p r e n o n s l'exemple 21) de T h o m p s o n :
21) Les hommes
qui fument
la pipe ont l'air
distingué
La p a r a p h r a s e a p p r o p r i é e est 57)
57) Certains hommes fument distingué
la pipe. Ces hommes
ont l'air
O r , cette m ê m e p a r a p h r a s e c o r r e s p o n d aussi à l'énoncé 58)
58) Certains hommes
qui ont l'air distingué fument
la pipe
qui s'écarte m a n i f e s t e m e n t de 21). Leurs c o n d i t i o n s de vérité sont différentes : 21) exige que les f u m e u r s de pipe aient en général l'air distingué, la vérité de 58), p a r c o n t r e , nécessite u n i q u e m e n t que certains h o m m e s distingués f u m e n t la pipe. Cette seconde critique contient déjà en g e r m e n o t r e troisième, sans d o u t e la plus forte. La p a r a p h r a s e de discours associée aux relatives avec l ' a r t i c l e i n d é f i n i n ' e s t p a s a d é q u a t e , c o m m e le m o n t r e la p a i r e d ' é n o n c é s 59)-60) (16) :
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59) Jean possède des livres que Victor Hugo a écrits 60) Jean possède des livres. Victor Hugo a écrit ces livres
Le discours 60) donne à penser que V. H u g o a écrit (tous) les livres que Jean possède, (c'est-à-dire que Jean ne possède que des livres écrits par Victor Hugo). L'énoncé 59) ne suggère, à l'évidence, rien de tel : Jean peut posséder des livres d'autres auteurs sans que la validité de 59) en soit écornée tant soit peu. La meilleure preuve en est l'énoncé avec relative restrictive combinée à l'article défini qui correspond aussi à la paraphrase 60) : 61) Victor Hugo a écrit les livres que Jean possède
Cet énoncé marque bien cette fois-ci l'interprétation tirée de 60).
Conclusion, les seules paraphrases de discours correctes semblent être celles postulées pour l'article défini (relative restrictive et relative appositive). Seconde conclusion, étant donné le rejet de la paraphrase de discours proposée pour Un + relative, il n'y a plus rien de commun entre la relative restrictive combinée avec l'article défini et la relative précédée de l'article indéfini. Cette dernière est-elle restrictive ou appositive ? La question reste sans réponse. C'est dire que nous nous retrouvons quasiment au point de départ avec une reformulation en termes de différence de déterminants qui, encore une fois, semble limitée au domaine de l'article défini.
1.6. Réduction à la différence fonction référentielle/fonction
attributive
Dans le chapitre VII (pp. 205-236) de son ouvrage sur L'article et le problème de la référence enfrançais, N. Furukawa ( 1986) propose de caractériser l'opposition relatives restrictives/relatives appositives à l'aide de la célèbre distinction référentielle de K. Donnellan (1971) usage référentiel/ usage attributif. La thèse défendue se résume en trois points (pp. 227-228) : (i) «La fonction référentielle et la fonction attributive qu'on peut reconnaître dans les SN en général sont assumées, dans les relatives, respectivement par la relative restrictive et la relative appositive.» (ii) «La relative restrictive a pour fonction essentielle de fournir à l'interlocuteur une information qui lui permettra d'identifier le référent du SN...». (iii) «La relative appositive a pour fonction essentielle de prédiquer quelque chose du référent du SN antécédent déjà identifié : elle n'intervient nullement dans l'identification du référent du SN antécédent. Elle peut avoir un
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rapport intime avec le contenu sémantique de la proposition principale, bien que syntaxiquement de façon indirecte, c'est-à-dire par l'intermédiaire de son SN antécédent». Il n'est guère besoin de se pencher longuement sur ces définitions pour s'apercevoir qu'en fait il ne s'agit là que d'une variante de la conception traditionnelle en termes d'identification du référent qui veut que la relative restrictive identifie son référent et que la relative appositive le décrive. En aucun cas, on ne saurait parler de fonction référentielle ou de fonction attributive dans le sens voulu par K. Donnellan. La distinction mise en relief par K. Donnellan n'a en effet de pertinence que p o u r les SN et ne saurait trouver une application au niveau d'une phrase ou d'une proposition. Le déplacement opéré par N. Furukawa n'est ainsi pas justifié. Contrairement à ce qu'il pense, dans le cas de l'usage attributif d'une description définie, il y a également référence, ainsi que nous l'avons démontré dans G. Kleiber (1981 d) (voir aussi M. Galmiche, 1983). Ce qui change d'un usage à l'autre, c'est la nature du référent. Dans le cadre de G. Fauconnier (1984), le référent correspondant à l'usage référentiel peut être conçu comme la valeur de la description définie, et celui qui correspond à l'usage attributif comme étant \erôle de la description définie. La situation est ainsi radicalement différente de celle de l'opposition relative restrictive/relative appositive. Deux arguments suffiront pour montrer le caractère erroné de l'assimilation opérée par N. Furukawa. En premier lieu, l'existence de SN comportant une relative restrictive et ouverts aux deux lectures référentielles contredit la thèse formulée par N. Furukawa. Les SN L'homme qui a tué Smith et Celui qui va gagner la course sont en effet utilisables aussi bien pour un rôle référentiel (cf. la suite possible : c'est-à-dire François) que pour une fonction attributive (cf. la suite possible : quel qu'il soit). Dans les deux cas, pourtant, la relative apparaît comme étant une relative restrictive. Comment concilier ce fait avec le caractère référentiel que lui prête N. Furukawa ? Le second argument tient aux tests classiques d'identification de l'opposition usage référentiel/usage attributif. Aucun d'entre eux ne s'applique à la distinction des deux types de relatives. Ni le critère de en tant que tel, ni celui de quel qu'il soit, qui peuvent être utilisés pour révéler le statut attributif des SN, ne trouvent un écho du côté de la relative appositive. Certes, le test de c'est-à-dire convient au cas des relatives restrictives comme celles des SN L'homme qui a tué Smith et Celui qui va gagner la course lorsque le SN est employé référentiellement, mais, comme nous l'avons vu, dès que l'emploi est attributif, il devient inopportun, alors que la relative ne change nullement de statut. On pourrait s'attendre à ce que N. Furukawa produise d'autres moyens de reconnaissance, d'autres éléments en faveur de son hypothèse. Il est révélateur de constater que la seule démonstration qu'il propose est néga-
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tive : «Pour prouver la validité de cette hypothèse, nous nous proposons d'examiner les principales thèses qui ont été avancées jusqu'à présent à propos des relatives. En effet, si les critiques que notre hypothèse nous permettra de leur adresser se révèlent convaincantes, on pourra penser que celle-ci a été vérifiée» (p. 205). Tout commentaire est superflu. Bien loin de fournir une nouvelle définition des deux types de relatives, l'hypothèse de N. Furukawa n'est finalement qu'une variante notationnelle de la classique conception identificationnelle. Elle est, du coup, exposée aux mêmes critiques : difficulté avec les SN génériques, inadéquation lorsque l'antécédent est déterminé par l'article indéfini, etc. Bref, elle ne se révèle rentable, ainsi que N. Furukawa le remarque lui-même lorsqu'il aborde les cas avec article indéfini (comme signalé ci-dessus à propos de L'homme qui portait une cravate verte est entré/l'homme, gui portait une cravate verte, est entré), que dans les secteurs privilégiés. Le «dépassement» reste donc à effectuer !
2. TENDANCE A LA MULTIPLICATION DU NOMBRE DE TYPES DE RELATIVES
Cette tendance se retrouve chez P. Larreya (1979, pp. 50-57), qui reprend en la modifiant l'hypothèse présuppositionnelle de S. A. Thompson, et chez P. Le GofTic (1979), qui distingue cinq types de relatives fondés sur le concept culiolien d'identification. Dans les deux traitements proposés, la distinction restrictive/appositive perd le caractère privilégié qu'elle a dans la présentation classique.
2.1. La version «informationniste» de P. Larreya (1979) La version sémantique du système de Thompson, qu'offre Larreya, vise à éviter les difficultés qu'entraîne la conception informationniste de la notion de présupposition qui y est contenue. On rappellera qu'un énoncé comme La fille que j'ai rencontrée parle le basque vaut pour plusieurs situations présuppositionnelles, contrairement aux règles du mécanisme présuppositionnel. La version «revisitée» de Larreya est donc à examiner avant tout sous cet angle de la présupposition. P. L a r r e y a a d h è r e à la thèse de la « c o n j o n c t i o n » c o m m e s o u r c e des relatives, ainsi q u ' a u p r i n c i p e d ' u n m é c a n i s m e p r é s u p p o s i t i o n n e l c o m m e
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facteur explicatif des différentes réalisations de surface. Avec une différence cependant : les structures présuppositionnelles sont intégrées dans la composante sémantique même avec la structure logique. Il conserve également l'opposition connu-nouveau, mais la situe sur deux plans différents en introduisant la triple distinction posé, présupposé et sous-présupposé. Un élément d'information d'une phrase P (argument, prédicat, proposition) peut par conséquent être posé, c'est-à-dire nouveau pour l'interlocuteur, ou présupposé, s'il est d é j à c o n n u de l ' i n t e r l o c u t e u r , ou e n c o r e sous-présupposé, s'il est posé, c'est-à-dire nouveau, par rapport à P, et en même temps présupposé, c'est-à-dire connu, par rapport à une proposition P'. L'énoncé La fille que j'ai rencontrée parle le basque nous permettra d'illustrer l'opposition présupposition/sous-présupposition : s'il fait suite à la demande Parle-moi de la fille que tu as rencontrée !, il aura une structure présupositionnelle sous-jacente qui comprend deux éléments présupposés j'ai rencontré x et x est une fille et un élément posé x parle le basque. S'il répond, par contfe à la question Quelle fille parle le basque ?, l'élément j'ai rencontré x ne sera plus présupposé, comme le sont les deux autres, x parle le basque et x est une fille, puisque, ainsi que le montre la question, il est nouveau par rapport à la réponse. Il ne peut cependant avoir le statut de posé tout court, parce que l'interlocuteur doit déjà savoir, d'une manière ou d'une autre, que le locuteur a rencontré une fille, sinon celui-ci ne pourrait employer le SN La fille que j'ai rencontrée. Il sera par conséquent sous-présupposé. Voyons les résultats de cette t r i p a r t i t i o n sur l'exemple de S. A. Thompson. Au lieu des trois situations présuppositionnelles prévues précédemment, la structure logique 62) (17).
62) ( 3 x) ( S y) (fille yA x a rencontré y A y parle le basque)
où x — je, donne lieu à 27 structures présuppositionnelles différentes, en pratique 25 seulement, puisqu'on ne peut avoir des structures où tout est présupposé, ou tout sous-présupposé. Autrement dit, nous aboutissons à 25 énoncés sémantiquement différents. Si tout est nouveau, sauf, bien sûrje, on obtient les mêmes phrases que celles obtenues dans la situation 1° de Thompson. Si une des sous-propositions est présupposée et les deux autres posées, on obtient l'énoncé J'ai rencontré une fille qui parle le basque dans le cas où x a rencontré y est présupposé, l'énoncé Une fille que j'ai rencontrée parle le basque dans le cas où x parle le basque est présupposé, etc., l'interrogation servant de contrôle :
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Qui as-tu rencontré ? — J'ai rencontré la fille qui parle le basque Qui parle le basque ? — Une fille que j'ai rencontrée parle le basque Il serait fastidieux d'énumérer les 25 possibilités. L'important est de voir les retombées sur la distinction des deux types de relatives. L'énoncé La fille que j'ai rencontrée parle le basque n'est plus seulement deux fois ambiguë (lecture restrictive et lecture appositive), mais se voit assigner au minimum cinq interprétations présuppositionnelles différentes. La distinction relative restrictive/relative appositive disparaît, on le voit, au profit d'oppositions multiples structurées par les axes posé, présupposé et sous-présupposé. Il est intéressant toutefois de noter que, sous la diversité présuppositionnelle des relatives possibles, on retrouve malgré tout une constante qui rappelle l'opposition restrictive/appositive. On observe, en effet, que les structures de La fille que j'ai rencontrée parle le basque, dans lesquelles la relative est présupposée ou sous-présupposée, se laissent toutes ramener à l'interprétation restrictive, alors que celles qui présentent la relative comme posée répondent à l'interprétation appositive. Ainsi la structure présuppositionnelle de 62) o ù f i l l e y et x a rencontré y sont présupposés et y parle le basque est posé débouche sur la lecture restrictive (cf. parle-moi de la fille que tu as rencontrée — La fille que j'ai rencontrée parle le basque, tandis que la structure présuppositionnelle qui fait, par exemple, de x a rencontré y un posé, de fille y un sous-présupposé et de y parle le basque) un présupposé aboutit à la classique lecture appositive (cf. Qui parle le basque ? — La fille, que j'ai rencontrée, parle le basque). D u coup, on s'aperçoit que, même si elle rend compte de l'utilisation possible d'un énoncé comme La fille que j'ai rencontrée parle le basque pour plusieurs situations présuppositionnelles, - obstacle auquel se heurtait l'analyse de Thompson -, la nouvelle conception présuppositionnelle de Larreya, en présupposé et sous-présupposé, révèle des limites identiques à celle de Thompson : elle fait de la relative apposition une information nouvelle, ce que dément, on l'a vu, un énoncé comme La fille, que j'ai, comme tu sais, rencontrée, parle le basque. Pour le reste, les autres critiques adressées à rencontre de la conception de Thompson, sauf bien sûr celle de faire de la distinction relative restrictive/relative appositive une simple différence pragmatique, restent ici pertinentes.
2.2. La version «identiflcationnelle» de P. Le Goffic (1979) «Pour en finir avec les deux types de relatives», P. Le Goffic (1979) aborde l'étude des relatives en analysant l'opération d'identification dont elles sont la trace. La thèse centrale est que toute relative suppose une identification comprise comme une opération prédicative de mise en équivalence entre deux termes, dont le p r o n o m qu- est la marque (18). La diversité
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et la complexité des opérations d'identification conduisent P. Le Goffic à distinguer (au moins) cinq types de relatives au lieu de la classique opposition binaire relative restrictive/relative appositive. 1° Relative descriptive (ou appositive) Lorsque l'énoncé 63)
63) Le médecin qui est venu ce matin n'a rien voulu dire
est interprété descriptivement comme signifiant 63) a)
63) a) Le médecin est venu ce matin ; il n'a rien voulu dire
il y a une opération d'identification entre les sujets des deux verbes, qui aboutit à une sorte de reprise anaphorique. La relative ne sert cependant pas à identifier le médecin, dans le sens de faire connaître qui est le médecin concerné. Cette connaissance est assurée par d'autres moyens. Le type d'identification simple se laisse gloser par 63) b) et visualiser par le schéma 63) c) :
63) b) Le médecin/ledit médecin est venu ce matin/n'a voulu dire 63) c) Le médecin/( ) est venu/, ... I I identification
rien
2° Relative restrictive Compris restrictivement, c'est-à-dire comme signifiant contrastivement 'le médecin qui est venu ce matin n'a rien voulu dire (alors que celui de l'autre jour ne demandait qu'à parler)', l'énoncé 63) comporte cette fois-ci des opérations d'identification supplémentaires qui identifient le médecin en question comme étant, par rapport aux autres membres de la classe, le médecin-qui-est-venu-ce-matin. L'identification aboutit ici à un effet d'identification et, dans le cas d'énoncés comme 10) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèses, à un effet de sélection d'une sous-classe, les Alsaciens buveurs de bière, par intersection entre la classe des Alsaciens et celle des buveurs de bière. Par opposition à la descriptive, on aura les gloses 64) et le schéma 65) pour traduire le dédoublement identificationnel opéré par une restrictive :
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64) a) Le médecin/ledit médecin est le médecin qui est venu ce matin/n'a rien voulu dire b) Le médecin/qui est le médecin qui est venu/... 65) Le médecin/ ( ) est le médecin ( ) est venu/... I Il I I I ident. ident. ident.
3° Relative non contrastive P. Le Goffic observe que très souvent un énoncé comme 63), lecture descriptive mise à part, n'est pas utilisé de façon contrastive, pour opposer le médecin en question à tel(s) autre(s) médecins ne possédant pas la propriété d'être venu ce matin. Un tel énoncé peut servir à informer l'interlocuteur que ce matin, il y a le (ou un) médecin qui est venu et qui n'a rien voulu dire. Il répond alors à la question Qu'est-ce qui s'est passé ? plutôt qu'à la question Qui est venu ?. La relative dans ce cas n'est ni une restrictive, - elle n'oppose pas le médecin en question aux autres membres de la classe -, ni une descriptive, puisque le médecin ne se trouve pas identifié par lui-même. La relative ne sert qu'à identifier celui dont on dit qu'il n'a rien voulu dire, c'est-à-dire le-médecin-qui-est-venu-ce-matin. Au lieu d'identifier une sous-classe des N, la structure le(s) N qui P assure dans cette interprétation non contrastive l'identification du terme qui vient remplir la place indiquée par le(s)... le(s) x(x - N qui P) Une telle relation peut être glosée par 66) et représentée par 67) :
66) le x/qui est le médecin qui est venu/... 67) Le ( )/( ) est le médecin ( ) est venu/... I Il I I I ident. ident. ident. On voit ainsi que la relative non contrastive, beaucoup plus «naturelle» que la restrictive, «apparaît comme à mi-chemin entre les deux (descriptive, et restrictive), tenant à la fois de la restrictive (en ce qu'elle fait partie d'un processus d'identification) et de la descriptive (en ce qu'elle qualifie son antécédent plus qu'elle ne le restreint)» (1979, p. 138). 4° Relative «qualificative» L'interprétation naturelle de 68)
68) L'imbécile qui m'a répondu au téléphone ne m'a même pas laissé m'expliquer
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n'est ni restrictive ni descriptive ; elle n'est pas simplement non contrastive non plus, car il s'agit bien d'identifier un individu comme étant la personne qui m'a répondu au téléphone, il s'y ajoute l'appréciation sous-jacente : cette personne est un imbécile. D ' o ù la paraphrase 69) et la représentation 70) où la flèche indique que l'identification se fait de droite à gauche (19) :
69) le x/qui est l'imbécile qu'est le x qui m'a répondu/... 70) le ( )/( ) est l'imbécile ( ) est le ( )( ) m'a répondu/... I Il II Il Il I ident. ident. ident. ident. ident.
5° Relative «sélective» Une quatrième interprétation est possible pour l'énoncé 63), si l'on met en relief prosodiquement l'antécédent. L'interprétation est alors proche de 'Je dis bien le médecin est venu ce matin, et non pas l'avocat ni le conseiller, ni aucun de tous ceux qui sont également venus ce matin'. La glose 71) et la structure 72) montrent la complexité de la chaîne d'identification :
71) le x qui est le médecin qu'est le x qui est venu ce matin... 72) le ( )/( ) est le méd. ( )estle( )( )venu( )estméd./... ] Il I 1 Il ll-J I I
On voit que par une voie tout à fait différente P. Le Goffic aboutit à des conclusions analogues à celles de P. Larreya. La théorie des deux types de relatives est à abandonner, car elle se révèle trop étroite, puisqu'un énoncé comportant une relative n'admet pas seulement deux interprétations, la lecture restrictive et la lecture appositive, mais est susceptible d'être cinq fois au moins ambigu. En a-t-on vraiment «fini» pour autant avec les deux types de relatives ? Il nous semble que non. On remarquera que, tout comme chez P. Larreya, la dichotomie restrictive/appositive persiste d'une certaine manière sous la diversité des interprétations mises en relief. Ainsi s'aperçoit-on, pour garder les termes identificatoires de P. Le Goffic, que, dès qu'il y a opération d'identification complexe, l'interprétation appositive est exclue. Les quatre types de relatives, autres que la descriptive, se laissent en fait tous ramener au type restrictif. Ce qui est prouvé par cette multiplication du nombre de relatives «restrictives», c'est tout simplement que la définition en termes de restriction de l'extension du concept dénoté par l'antécédent ou de la classe dénotée par l'antécédent ne convient pas pour tous les cas. Mais il ne s'agit, à
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l'évidence, pas d'une preuve de la non existence de l'opposition elle-même. On peut toujours défendre l'idée, comme nous l'avons fait dans G. Kleiber (1981 a), qu'il s'agit d'effets de sens qui découlent d'un dénominateur commun à formuler en d'autres termes. Si l'on regarde de plus près le type 2° et le type 3° de P. Le Goffic, on constate que le premier correspond aux deux premières définitions standard (en termes d'extension du concept et en termes de classe/sous-classe) et le second à la troisième en termes d'identification du référent. On pourrait fort bien conclure de ce résultat qu'il s'agit vraiment de deux types de relatives différents. Une telle conclusion se doit toutefois d'expliquer pourquoi relative «restrictive» et relative «non contrastive» présentent des propriétés communes, ainsi qu'il ressort clairement des tests de reconnaissance utilisés. Non seulement l'intuition, mais surtout des traits de caractérisation identiques conduisent à voir dans les quatre types de relatives non appositives dégagés par P. Le Goffic un phénomène unique, qui s'oppose en bloc à l'interprétation appositive. Une telle position ne nie nullement la validité des descriptions identificatoires fournies, encore que la puissance du concept d'identification soit tellement grande qu'elle parait difficile à maîtriser, mais elle les replace à un niveau inférieur : la restriction apportée par la relative, l'identification non contrastive, la qualification supplémentaire et la sélection ne sont que des effets du fonctionnement restrictif. Les différentes structures identificatoires, tout comme les structures présuppositionnelles «informationnistes» de P. Larreya, négligent cet amont unificateur en présentant comme données de base des significations secondes. Dans les deux cas, l'on ne montre qu'une chose, à savoir la diversité d'emplois possibles d'une relative restrictive. Dans les deux cas aussi, par conséquent, l'opposition relative restrictive/relative appositive sort intacte de la tentative de multiplication du nombre de types de relatives. Intacte, mais toujours non définie, eu égard aux insuffisances des définitions sémantiques classiques.
3. TENDANCE A CIRCONSCRIRE LE PHÉNOMÈNE A CERTAINS SN
Les différentes tentatives analysées jusqu'à présent, n'évitent pas les deux écueils sur lesquels butent les définitions sémantiques classiques : elles sont également difficilement applicables en dehors des relatives avec article défini et les redéfinitions qu'elles proposent, reformulations ou éclatement de l'opposition, ne sont pas non plus aptes à saisir pleinement, dans son unité, le phénomène tel qu'il se manifeste dans le site canonique de l'article défini.
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La troisième tendance, que nous allons présenter ci-dessous, essaie de remédier prioritairement au second point en s'attachant plus particulièrement à redéfinir de façon plus satisfaisante, c'est-à-dire, plus générale, l'opposition restrictive/appositive telle qu'elle apparaît avec l'article défini. De telles approches, qui visent à pallier les insuffisances des définitions classiques en termes d'extension conceptuelle et d'identification référentielle, débouchent presque inévitablement, on le verra à travers la «traduction» logique de Rohrer et les versions présuppositionnelles, sur une délimitation de l'aire d'application de la théorie des deux types. L'opposition restrictive/appositive y garde son caractère privilégié, mais voit son domaine considérablement restreint.
3.1. Une différence de portée La logique des prédicats permet de traduire la différence entre l'interprétation restrictive et l'interprétation appositive de 73)
73) L'appartement
que Marie a loué est petit
par une variation de champ. La représentation 74) marque, selon C. Rohrer (1971 et 1973) la lecture restrictive, la représentation 75) la lecture appositive :
74) Petit (( 1 x) appartement(x) a a loué (Marie, x))) 75) Petit (( 1 x) appartement (x)) a a loué (Marie ( 1 x) appartement (x))
La différence de portée est significative : dans le premier cas, la relative fait partie de l'argument auquel on applique le prédicat petit, dans le second cas, elle est en dehors du champ de l'opérateur iota ( 0 ) et constitue elle-même un prédicat comme petit. L'intéressant dans ce type de représentation ne réside pas tellement dans la transcription de l'appositive. Il est avant tout dans la localisation de la restrictive comme constituant de l'argument formé par l'opérateur iota. Une telle caractérisation a en effet l'avantage, par rapport aux définitions classiques, de pouvoir être appliquée, moyennant ajustements lorsqu'il s'agit de l'article défini pluriel (20), à tous les emplois avec l'article défini. A quoi s'ajoute qu'elle rend compte, jusqu'à un certain point, de ces différentes définitions. L'effet restrictif (extension conceptuelle réduite comme découpage d'une sous-classe) et l'effet identificatoire possi-
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bles peuvent s'expliquer comme étant des conséquences de ce fonctionnement sémantico-logique particulier. Dans cette lignée se placent toutes les analyses qui présentent la relative restrictive comme participant à la délimitation du domaine sur lequel s'effectue la q u a n t i f i c a t i o n . On c i t e r a , p o u r un exemple r é c e n t , la predicate-conjunct analysis de J. D. Me Cawley (1981) : la structure profonde 77) assignée à 76) présente la relative comme un constituant restricteur du domaine sur lequel opère le quantificateur (p. 125) :
76) Chaque livre qu'écrivit Hemingway a été bien accueilli 77)
x
livre
Une telle conception, si elle n'est pas assistée par des principes complémentaires, ne s'applique naturellement qu'à des SN comme ceux déterminés par l'article défini, le quantificateur universel chaque, etc. La transcription logique d'une relative, avec un spécifique ne débouche, comme l'a montré Rohrer à propos de 78), ni sur une représentation identique à celle de l'appositive 74), ni sur une représentation identique à celle de la restrictive 75) :
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78) La banque a acheté une maison qui coûte 20 000 dollars 79) (3x)(a acheté(C\y) banque (y), x)/\ maison(x) coûte... (x))
Dans la version «quantification restreinte», la limitation se traduit par l'impossibilité d'interpréter de façon naturelle le domaine qui serait ainsi délimité. L'extension de l'analyse effectuée à propos de 76) à un énoncé comme 78) ou comme J'ai lu un livre qu'écrivit Hémingway réclame en effet la constitution préalable du domaine maisons qui coûtent 20 000 dollars ou livres qu'écrivit Hémingway, sur lequel s'exerce la partition qu'effectue Un,ce qui, à la différence des énoncés avec article défini (ou avec chaque), ne semble pas indispensable, voire même dans certains cas contre-indiqué (voir G . Kleiber, 1984).
3.2. Les versions présuppositionnelles Se laissent rassembler sous cette étiquette générique (et commode, sous certains aspects) de versions présuppositionnelles toutes les analyses qui présentent le contenu de la relative comme ayant un statut sémantique différent de celui de la relative appositive quant à la façon dont il est exprimé. La présupposition, on le sait, après avoir été la bonne à tout faire des études sémantiques, n'attire plus grand monde, victime qu'elle a été de son succès et de l'hétérogénéité des données sémantiques qu'on a jetées pêle-mêle dans cette valise du non-dit. Il nous semble malgré tout qu'elle peut encore rendre service dans la description des relatives liées à l'article défini. Nous essaierons de le prouver en présentant d'abord une approche orthodoxe, en termes de présupposition sémantique, puis, dans le cadre d'une théorie de l'énonciation, une version plus oecuménique, celle que C. Fuchs et J. Milner (1979) formulent à l'aide des concepts culioliens d'extraction, de fléchage, de repérage et de situation.
3.2.1. En termes de présupposition sémantico-logique A l'origine directe de la caractérisation de la restrictive comme présupposition se trouve, encore une fois, Port-Royal. On se rappellera deux faits : les Messieurs ne reconnaissent pas à la relative déterminative le statut de proposition (ou d'affirmation) à part entière, puisque «l'attribut de la proposition incidente n'est pas proprement affirmé du sujet auquel le qui se rapporte» {La logique ou l'art de penser, p. 164) et, second fait, qui confirme indirectement le premier, la fausseté d'une relative explicative n'empêche pas la vérité de la principale.
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La venue de la notion de présupposition a permis de théoriser ces remarques, - qu'on n'oublie pas qu'un des exemples-source frégéens est une relative en Celui qui : Celui qui a découvert que l'orbite des planètes est elliptique est mort dans la misère -, en faisant de la relative restrictive une présupposée et de l'appositive une posée. Les exploitations de Thompson et de Larreya ont montré que la définition que l'on donne de la notion de présupposition est capitale dans l'évaluation du résultat. Le premier choix à faire est entre une option pragmatique (dans le sens de non conventionnel) et une option sémantique (dans le sens des implicatures conventionnelles de L. Karttunen et S. Peters (1979)). La première solution ne s'avère pas pertinente ainsi qu'il ressort de la tentative de Thompson. Un second choix conduit alors à retenir au plan du conventionnel une conception vériconditionnelle (ou dénotative) au détriment d'une définition informationniste (cf. P. Larreya) ou illocutoire (cf. A. Grésillon, 1974). La définition en termes de 'nouvelle/ancienne information' a pour conséquence une multiplication non maîtrisée des types de relatives. La définition en termes d'absence/présence du sujet énonciateur, si elle explique, au premier abord et au premier abord seulement, l'absence dans les restrictives (cf. à ce sujet H. Maniez-Pérennec, 1979) des adverbes de phrase impliquant le sujet énonciateur (A. Grésillon, 1974), s'avère peu praticable, parce qu'elle s'appuie sur des équivalences, admises certes a priori par un grand nombre de pragmaticiens, mais qui ne sont pas indiscutables pour autant, comme celle entre implication ou posé, par exemple, et asserté d'un côté, présupposé et implicite, etc., de l'autre. Troisième et dernière décision, il ne suffît pas de dire que la relative restrictive est présupposée, il faut préciser quelle est la présupposition, c'est-à-dire qu'il faut désopacifier le pronom relatif (21). On obtient alors pour 10) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèses la présupposition Des Alsaciens boivent de la bière ou plutôt II y a des Alsaciens qui boivent de la bière et pour 80) L'élève qui a triché hier a été puni la présupposition Un élève a triché hier. On retrouve ainsi, mais placés sous le sceau de la présupposition, les premières phrases des paraphrases de discours de Du Castel. On n'engagera pas le débat contre les partisans d'une appositive également présupposée (E. Keenan, 1971 ; O. Ducrot, 1972 ; J . A. Hawkins, 1978). Les tests classiques de la négation et de l'interrogation sont en leur faveur, mais le calcul vériconditionnel milite contre leur thèse, dans la mesure où la faillite du présupposé restrictif prive l'énoncé entier d'une valeur de vérité (le rend ni vrai ni faux, si l'on préfère) alors que celle du contenu appositif le rend plutôt faux (22). Contrairement à ce que pense N. Furukuwa (1986, p. 215), dans sa critique de la version présuppositionnelle de J . B. Hooper et S. A. Thompson (1973), la fausseté de la relative restrictive d'énoncés tels que :
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L'homme qui boit du Pernod est mon oncle La maison que tu vois là-bas est hantée par un fantôme à visage affreux
prive la phrase tout entière de valeur de vérité. Ceci ne signifie évidemment pas pour autant qu'il y a échec référentiel. Il est possible de réussir un acte référentiel avec une description définie fausse (G. Kleiber, 1981 d). L'argument de la fonction d'identification ou fonction référentielle brandi par N. Furukawa contre les thèses présuppositionnelles n'est ainsi pas pertinent. Il repose sur une assimilation illicite entre fonction référentielle et sens vériconditionnel qui aboutit à des conséquences pour le moins surprenantes : il y aurait, selon N. Furukawa, deux types de relatives restrictives, celles qui, comme la relative de La maison que tu vois là-bas est hantée par un fantôme à visage affreux, ne seraient «ni présupposées ni assertées» (p. 217), et celles qui, telle la relative de Le livre qui franchement (ou je dois le dire, vraisemblablement, peut-être, probablement, assurément) m'a le plus passionné est le livre d'Untel (p. 219), seraient assertées, parce qu'elles acceptent la présence d'une expression de modalité (adverbe de phrase, incise, injure, etc.). Le critère de l'adverbe de phrase, on l'aura remarqué, ne peut être retenu que si l'on définit la présupposition en termes de présence/absence du sujet énonciateur. Dans l'hypothèse d'une définition vériconditionnelle, le statut de la relative restrictive est, par contre, présupposé pour les deux énoncés : il y a une maison que tu vois là-bas et il y a un livre qui, plus que les autres, a passionné le locuteur. Cette solution présuppositionnelle n'éprouve aucune peine à justifier les effets de sens non équivalents consignés dans les définitions sémantiques classiques, étant donné le facteur décisif que constitue l'article défini dans l'établissement du statut présuppositionnel. Elle a par ailleurs l'avantage de rendre compte de la valeur fonctionnelle que revêt parfois l'opposition. Il a été souvent noté (cf. par exemple C. Hagège, 1981 a) que les appositives servent à véhiculer une information nouvelle et sont donc, dans ce sens, Thématiques, alors que les relatives restrictives, par leur caractère présupposé ou pré-construit, apparaissent plutôt comme des éléments thématiques. Reconnaissons que cette interprétation en termes de thème/rhème n'a pas la netteté que lui accordent certains commentateurs. Et ce pour deux raisons : d'une part, à cause du flou définitoire de l'opposition thème/rhème elle-même, et, d'autre part, parce que les relatives appositives peuvent fort bien servir à rappeler une information déjà connue (ainsi que le prouvent les solutions qui en font également des présupposées). La solution présuppositionnelle s'avère, en revanche, très vite inopérante lorsqu'on l'applique à d'autres secteurs, tout particulièrement lorsqu'on l'exerce sur les syntagmes à déterminants indéfinis (pour Un cf. ci-dessus et G. Kleiber, 1984).
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3.2.2. Dans le cadre d'une théorie de l'énonciation La version énonciative de C. Fuchs et J. Milner (1979) est proche de la thèse présuppositionnelle, puisque la relative est présentée comme une sorte «d'assertion ré-importée» (p. 119), d'un triplet déjà repéré, pré-déterminé, par rapport à une situation. A l'opposition posé/présupposé fait écho une opposition en termes d'opérations de fléchage, d'extraction et de repérages situationnels. On rappellera que l'extraction «désigne une opération de détermination consistant à isoler un ou des éléments à l'intérieur d'une classe» et que le fléchage renvoie à «une opération d'identification d'un ou plusieurs éléments déjà extraits» (p. 122). On ajoutera que SIT 1 correspond à des mises en situation comme : je dis qu'il y a... (pour moi-ici-maintenant) : que SIT + désigne la situation actuelle d'énonciation et que SIT - désigne la situation f o n c t i o n n a n t comme source de la pré-détermination et pré-assertion de l'énoncé (p. 122). La distinction relative restrictive/relative appositive, en ce qui concerne l'article défini non générique, se laisse alors représenter de la manière suivante : 1° Relative restrictive avec article défini - repérage de la principale : SIT 1 + - détermination de l'argument dans la principale : extraction - repérage de la subordonnée : SIT 1 - détermination de l'argument dans la subordonnée : extraction 2° Relative descriptive avec article défini - repérage de la principale : SIT 1 + - détermination de l'argument dans la principale : fléchage - repérage de la subordonnée : SIT 1 + - détermination de l'argument dans la subordonnée : extraction La différence, on le voit, se situe dans l'opposition SIT 1 + /SIT 1 - pour le repérage de la subordonnée. Dans le cas de la restrictive, elle est prédéterminée, dans celui de l'appositive, elle est simplement assertée. Les conséquences de ce mécanisme énonciatif sont dans l'ensemble similaires à l'option présuppositionnelle : il prévoit les effets de sens restrictifs et identificatoires d'un fonctionnement restrictif de la relative et corroborent les paraphrases de discours avancées par Du Castel pour les relatives combinées avec l'article défini. Il conclut également à une application difficile de l'opposition classique aux relatives dont l'antécédent est précédé d'un article indéfini. Du point de vue de la production, C. Fuchs et J. Milner (p. 124) soulignent que seule l'opération de fléchage et non celle d'extraction a pour caractéristique d'opposer les éléments identifiés à tous les autres, la sous-classe à son complémentaire. Aussi «l'opposition restrictive/descriptive s'estompe-t-elle avec les verbes non virtuels» (p. 124), puisqu'un énoncé comme 81)
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81) Je connais des gens qui viennent (Tacheter une maison de campagne
étant donné la glose possible Ce ne sont pas forcément les seuls qui... permet difficilement de décider entre une interprétation descriptive : Je connais des gens et ils... = Les gens que je connais viennent de... et une interprétation restrictive : Nous parlons des acheteurs de résidences secondaires : j'en connais. Au niveau de la reconnaissance, la situation est identique. Pour un énoncé comme 82)
82) Un loup, qui sentait venir la mort, se coucha à terre
il semble indifférent de procéder d'abord à l'extraction d'un élément par rapport à SIT 1, puis à la prédication du prédicat (lui-même repéré par rapport à SIT 1) à propos de cet élément, ou bien de procéder dans un ordre différent : repérer d'abord le prédicat par rapport à SIT 1 et prédiquer un élément ainsi extrait, par ce prédicat : «les deux solutions paraissent rigoureusement identiques» (p. 140).
4. POUR UN CHANGEMENT DE CAP ?
Peut-on en rester là et donc restreindre l'opposition restrictive/appositive à certains SN seulement, dont évidemment les SN avec article défini ? Avant de répondre à cette question, on notera deux résultats positifs dans ce dernier groupe d'études : elles constituent, chacune à sa manière, un incontestable progrès dans l'analyse de l'opposition - dans la mesure où elles fournissent une reformulation qui convient à toutes les occurrences de relatives dont l'antécédent est précédé de l'article défini. Le second point positif réside dans la démonstration de la validité très restreinte des définitions classiques. Ce double résultat atteint, on est en droit de considérer que l'opposition classique redéfinie en des termes plus couvrants ne se révèle pertinente que dans des secteurs privilégiés, dont des études ultérieures devront préciser les contours. Une telle attitude, légitime en un certain sens, ne va toutefois pas sans risque : on court effectivement le même danger qu'avec les descriptions classiques, celui de n'offrir qu'une vue trop étriquée de la distinction, une vue par trop dépendante du prototype que constituent les relatives combinées avec l'article défini. Rien n'interdit a priori de penser que les différentes reformulations, tout comme les définitions standard
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G. KLEIBER
qu'elles supplantent, restent en quelque sorte l'esclave de l'exemple canonique choisi et qu'elles portent ainsi au crédit de la relative des vertus qui appartiennent en fait à d'autres constituants, déterminant en tête, de la construction. Une telle hypothèse n'acquiert de la pertinence que si les conditions suivantes sont remplies : - il faut trouver dans le contexte même de l'emploi avec article défini un principe d'opposition plus général, libéré de l'article défini, qui soit cependant à même de prévoir les résultats sémantiques obtenus par la combinaison des différents éléments, c'est-à-dire qui fasse un sort aux définitions classiques restrictives et identificatoires en même temps qu'à leurs concurrentes plus récentes ; - ce principe oppositif doit se révéler efficace dans des cas où, comme, par exemple celui de l'article indéfini Un spécifique, les théories «restreintes» échouent. Il nous semble que ces deux conditions peuvent être satisfaites, pour peu que l'on déplace le problème de l'ambiguïté sémantique vers une ambivalence fonctionnelle.
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NOTES
( l)Ce chapitre constitue la version, augmentée de 1.6., d'un travail présenté dans le numéro de Langages dirigé par C. Fuchs. Je tiens à remercier C. Fuchs dont les nombreuses remarques et suggestions m'ont permis d'améliorer ce texte. ( 2) Pour le français, ce problème est traité dans B. Eriksson (1979). Sur la question classique de l'alternance Je cherche un étudiant gui sache l'alsacien/qui sait l'alsacien, voir G. Kleiber (1981 c) et ci-dessus. E. Hejno (1985) opère une analyse contrastive du subjonctif dans les relatives du français et du polonais. Pour une étude comparative anglais/polonais, voir E. Tabakowska (1985). ( 3) Et, pour le latin, même de relative déterminative ou qualificative attribut. ( 4) Solution choisie également par C. Touratier (1980). ( 5) En réalité, comme le fait remarquer C. Fuchs, il s'agit plutôt d'une complication que d'une simplification. ( 6) Phénomène signalé par C. Smith (1964), J. R. Ross (1967), H. Bonnard (1977), R. Becker (1978), G. N. Carlson (1977), G. Evans (1980) et J. D. Me Cawley (1981) : Chaque/tout/aucun Alsacien qui boit de !a bière (n')est obèse ( 7) Le plus souvent d'ailleurs, l'on y voit l'élément décisif. ( 8) E. Tabakowska (1980) défend également la thèse que le choix du déterminant résulte de la fonction pragmatique de la relative dans un discours. Une telle conception est aux antipodes de celle de C. Smith (1964). On se reportera aussi à K. Ebert (1973). ( 9) Pour une présentation plus complète du système de S. A. Thompson, voir C. Fuchs et J. Milner (1979, p. 95). (10) Il y en a en fait une cinquième, qui vise l'argumentation même de S. A. Thompson. Le recours à l'ambiguïté d'énoncés indirects comme Charly présumait que le livre qui était brûlé n'était pas brûlé pour justifier la conjonction prédicative au lieu du classique enchâssement n'est décisif que si l'ambiguïté en question est du ressort sémantique et non pragmatique, ce qui est loin d'être acquis (G. Kleiber, 1979 et 1981 d). (11) Pour une critique de S. A. Thompson, voir aussi O. Grannis(1975)etC. Fuchset J. C. Milner (1979).
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(12) Elle s'avère, par contre, incapable de rendre compte des relatives figurant dans les SN prédicatifs comme Jean est un linguiste qui trafique les relatives, parce que la structure (Jean linguiste) (linguiste trafique relatives) postule une interprétation référentielle de linguiste contraire à son statut prédicatif. Voir la critique de J. D. Me Cawley (1981). ( 13) Pour une présentation plus détaillée, voir C. F u c h s e t J . Milner(1979,pp. 68-76), B. Du Castel (1978 b) et J. R. Vergnaud (1974, pp. 8-12). (14) Il est bien connu qu'on ne saurait avoir avec l'article indéfini une paraphrase appositive sur le modèle de celle de l'article défini, puisque une séquence Un ... Un ... ne peut être coréférentielle. ( 15) Voir G. Kleiber ( 1981 d) et surtout M. Riegel (1985). Pour une position opposée, voir M. Galmiche (1986). (16) Voir G. Evans (1980). (17) Dans laquelle nous avons fait disparaître l'indication du nombre (cf. 3 *)• correspond au quantificateur existentiel et A à la conjonction logique.
3
( 18) Sur le concept d'identification de A. Culioli, voir la Transcription du Séminaire de D.E.A., Paris VII, 1975-1976. (19) La structure 70) incorpore la relation Le répondeur est un imbécile sous la forme l'imbécile qu'est le répondeur (p. 139). (20) Lorsqu'il s'agit de les spécifique, il faut recourir à un opérateur qui soit différent du quantificateur universel classique, parce qu'un énoncé comme Les élèves qui ont triché ont été punis ne peut correspondre de loin ou de près à une proposition hypothétique de forme Si les élèves ont triché, alors ils ont été punis. C. Rohrer (1971, p. 240) propose de recourir à l'opérateur universel postulé par I. Bellert (1969), le All-Operator, qui évite les difficultés qu'engendre l'application du quantificateur universel de la logique des prédicats en ce que, contrairement à celui-ci, il contribue, à la manière de l'opérateur iota, à former un argument et non une proposition. Les énoncés génériques autorisent, par contre, une «analyse conditionnelle» (voir Y. Ziv, 1973 ; G. N. Carlson, 1979, G. Kleiber, 1980 b ; D. Farkas et Y. Sugioka, 1983), mais rien n'interdit de leur appliquer également la solution de l'opérateur universel formateur d'argument, ce qui a l'avantage de donner un traitement unique pour toutes les relatives restrictives combinées avec l'article défini (G. Kleiber, 1980 b). (21) Il est en effet possible de définir l'appositive et la restrictive comme des présupposées et de les séparer en montrant que les contenus présupposés sont logiquement contradictoires. C'est la position de J. A. Hawkins (1978, p. 287) .Les danois qui sont riches présuppose, en lecture appositive, ¿ f i danois sont riches, et, en lecture restrictive, Certains danois sont riches. (22) D'autres tests favorables sont possibles (cf. par exemple le test de Mais mis au point par R. Martin (1976, pp. 40-41).
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CHAPITRE IV
UNE «DUALITÉ DE FONCTIONNEMENT»
1. CONSTRUCTION DÉTACHÉE ET CONSTRUCTION INTÉGRÉE 1.1. Un problème mal posé
J. C. Milner souligne avec raison que l'on ne remarque pas assez que l'ambiguïté restrictive/appositive n'est pas «une ambiguïté structurale de type classique» (1973, p. 35). Il s'agit d'une «dualité de fonctionnement» c'est-à-dire de deux constructions différentes en surface et non d'une seule structure de surface (ou d'une homonymie de structures de surfaces) à laquelle répondent des structures profondes sous-jacentes différentes. Vue sous cet angle, l'opposition entre les deux types de relatives doit d ' a b o r d être décrite en termes syntaxiques et non pas prioritairement sous l'aspect d'une ambiguïté sémantique. Si l'on accepte l'hypothèse de deux structures de surface distinctes, il est évident qu'il faut d'abord définir cette différence. Ce n'est qu'ensuite q u ' o n pourra la relier à une opposition sémantique. La démarche inverse, les faits le prouvent, conduit à méconnaître la source même de la distinction. Quels faits p e u t - o n invoquer en faveur d ' u n e dualité de fonctionnement ? Reprenons l'exemple 1)
1) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèses
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et opposons-le à l'exemple classique des ambiguïtés structurales, celui du complément du nom de 2)
2) La critique du professeur est stupide
S'agit-il d'ambiguïtés de même nature ou non ? On observe qu'aux deux lectures possibles de 2) ne correspond en surface aucune marque directe. Aux deux lectures de 1), par contre, il est possible, dans une certaine mesure, d'associer certains éléments directement accessibles à l'observation. Il s'agit, bien entendu, des phénomènes prosodiques (intonation parenthétique, pause) et de leur correspondant graphique, la virgule, qu'on peut relier à la lecture appositive. Que ce ne soient pas des garants sûrs pour la reconnaissance, - l'absence de virgule n'est pas du tout déterminante -, n'invalide pas pour autant l'hypothèse d'une différence entre l'ambiguïté de 1) et celle de 2). Elle explique tout au plus partiellement pourquoi on a pu négliger ce facteur structural. S'il y avait véritablement identité entre 1) et 2), il faudrait en effet trouver pour 2) un correspondant au marqueur de surface, même limité, disponible pour 1). Ceci est absolument impossible et justifie la séparation en deux constructions différentes de l'interprétation restrictive et appositive de 1). Cela admis, la question porte sur la nature de cette différence de construction. Sans s'engager dans une caractérisation qui se voudrait définitive, on peut l'exprimer par une opposition en termes de construction intégrée/construction détachée. La relative appositive se présente comme une construction détachée discontinue (J. D. Me Cawley, 1981) ou encore parenthétique (J. R. Vergnaud, 1974 ; H. Huot, 1978), qui, à aucun moment, ne forme avec le N ou le SN antécédent un constituant. La relative restrictive, au contraire, apparaît comme une construction intégrée, qui constitue avec le N ou le SN antécédent un ensemble. Militent en faveur de cette thèse les marqueurs prosodiques, bien sûr, l'extraposition de certaines relatives et également le fait qu'une relative restrictive ne saurait suivre une relative appositive, alors que l'ordre inverse n'est pas interdit. On notera ainsi que 3) est possible, mais non 4), dans une éventuelle lecture restrictive de la seconde relative (1) :
3) Le serpent que j'ai vu hier, qui est dangereux, ne m'a pas mordu 4) Le serpent, que j'ai vu hier, qui est dangereux ne m'a pas mordu
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Il est à souligner que si les définitions classiques n'y font pas allusion, les critères de reconnaissance, par contre, y sont sensibles, certains directement d'autres indirectement. Dans les premiers figurent la présence de la virgule ou celle de la pause, mais aussi l'impossibilité d'avoir une appositive après un SN prédicatif ou avec un antécédent déterminé par un quantificateur universel comme chaque. Dans ces deux cas, l'on se fonde non pas sur une explication sémantique, mais tout simplement sur la perception de l'impossibilité d'avoir une relative détachée. Au niveau de la reconnaissance, l'on ne fait pas jouer en premier lieu une éventuelle restriction ou non restriction, identification ou non identification, mais l'on se laisse guider par la difficulté d'avoir une coupure après ces deux types d'antécédents :
4) ? Chaque Alsacien, qui boit de la bière, est obèse 5) ? Paul est un étudiant, qui travaille bien
On remarquera, en effet, à propos de 5) et 6), que rien dans les définitions sémantiques n'interdit a priori une telle interprétation. Avec d'autres critères, le lien est moins direct, mais néanmoins perceptible. Le test de l'insertion des adverbes de phrase et particules logiques, pour certaines de ces expressions du moins, l'utilisation des paraphrases p a r et ainsi que la distribution exclusive de lequel sujet avec des appositives sont, par opposition à d'autres tests sémantiquement plus transparents, comme celui de l'interrogation, par exemple, plus proches de la caractérisation structurale que de la description sémantique classique. Avons-nous régressé ? Apparemment, oui, puisque le résultat de cette revue fonctionnelle de l'opposition correspond à quelque chose de bien connu, à savoir que la relative restrictive devient une relative à fonction d'épithète (2) et la relative appositive une relative à fonction d'apposition. Résultat maigre et peu parlant, mais dont le mérite est indéniable, parce qu'il m o n t r e , c o m m e l'a r e m a r q u a b l e m e n t a n a l y s é C. T o u r a t i e r (1980, pp. 374-381), que la distinction est «avant tout syntaxique, même si ce sont des logiciens qui l'ont remarquée les premiers» (p. 377). Résultat appréciable surtout, parce qu'il nous oblige à reprendre le problème sémantique sur de nouvelles bases, sans pour autant ignorer les données sémantiques classiques.
1.2. Du côté de l'adjectif épithète et de l'adjectif en apposition La comparaison avec l'adjectif est éloquente (qu'on voie dans la relative la source de l'adjectif épithète ou non, peu importe), car il règne une confusion, dans le domaine de leur fonctionnement, analogue sur plusieurs points
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à celle qui se manifeste dans l'opposition restrictive/appositive. La grammaire scolaire distingue sur une base fonctionnelle la fonction épithète de l'adjectif de sa fonction d'apposition (3), la première se caractérisant par une intégration dans le SN, la seconde par un détachement (ou discontinuité) marqué par la virgule ou la pause. Une approche du rôle sémantique des adjectifs, dans la lignée des analyses sémantiques de l'opposition restrictive/appositive, conduit à une répartition en deux classes, voire trois : l'adjectif peut servir à décrire, classifîer et identifier, cette dernière fonction pouvant être, selon les présentations, rattachée à la seconde. L'adjectif blanc, selon B. Warren (1983), a une fonction descriptive dans Lesfalaises blanches de Douvre, puisqu'il est non restrictif et correspond à la question Comment sont les falaises de Douvre ? Il est classifiant dans les SN Le vin blanc, la race blanche, puisqu'il restreint le domaine de référence de vin et de race. Il est identifiant dans un SN comme La Maison Blanche, puisqu'il peut servir à répondre à la question Quelle maison ? Dans un SN comme le roi sage, l'adjectif est ambigu (4)(J. A. Hawkins, 1978, p. 283) : il est ou descriptif ou restrictif, ce que Hawkins met en relief, - la boucle étant bouclée -, par une glose à l'aide d'une relative appositive (Le roi, qui est sage...) et d'une relative restrictive (Le roi qui est sage...). On voit bien que la classification sémantique ne recouvre pas la séparation fonctionnelle intégration/détachement et qu'un adjectif épithète peut apparaître comme une expression descriptive ou identifiante, et que, par conséquent, la glose proposée par Hawkins n'est pas adéquate dans l'hypothèse d'une distinction restrictive/appositive placée sous le signe de l'opposition construction intégrée/construction détachée. Mais on voit aussi le lien assymétrique entre les deux : dans le cas de l'article défini, un adjectif en fonction d'apposition (syntaxique) ne saurait être un adjectif sémantiquement restricteur. On devine déjà qu'on est en présence ici d'une des raisons de la primauté des approches sémantiques de la théorie des deux types de relatives. Avant d'explorer plus avant cette voie, il nous faut souligner un écart important entre adjectif et relative qui trouble un peu l'image d'Epinal fonctionnelle que nous avons tracée jusqu'ici. Les seules relatives que l'on peut valablement mettre en regard avec les adjectifs sont les relatives non spécifiantes, ce qui veut dire que lorsqu'il s'agira d'interpréter ou d'expliquer le résultat sémantique de la combinaison intégrée ou détachée des relatives, on ne pourra en rester à la seule évocation des adjectifs épithètes et adjectifs en apposition. Autrement dit, une relative «épithète» ou une relative «appositive» n'aura pas forcément le rôle sémantique d'un adjectif épithète ou d'un adjectif en apposition (5).
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1.3. Dualité de construction et définitions sémantiques Il n'empêche que la confrontation avec la situation de l'adjectif est éclairante dans la mesure où elle fait ressortir l'ambiguïté dans laquelle est placée l'opposition restrictive/appositive, ambiguïté qu'il convient de dissiper si l'on veut sortir de l'impasse que constitue cette appréhension équivoque, soumise à des traits sémantico-logiques et des principes de structuration formels qui ne coïncident pas totalement. La mise au premier plan du paramètre relatives parenthétiques/relatives non parenthétiques fait surgir tout naturellement la question de la primauté accordée aux descriptions sémantiques. Ou, pour l'exprimer autrement, pourquoi les définitions sémantiques classiques paraissent-elles si naturelles au point de figer toute recherche sur ce sujet en ramenant presque inévitablement, à un moment donné ou à un autre, la reconnaissance (ou non reconnaissance) à une histoire de restriction extensionnelle ou de contribution à l'identification référentielle ? La raison a été donnée au début de ce travail : ce sont les exemples avec l'article défini qui en sont les principaux responsables, parce que, dans ce site, la différence entre la construction intégrée de la relative et la construction parenthétique se traduit toujours par la différence sémantique (restriction extensionnelle, ou découpage d'une sous-classe ou encore identification du référent) notée dans les définitions classiques. Si la relative est détachée, on peut le vérifier, elle ne peut être dite agir de façon restrictive ou identificationnelle sur le SN antécédent, puisqu'elle ne forme pas de constituant (même en surface) avec N ou SN. A aucun moment, dans l'histoire sémantique compositionnelle de l'énoncé, on n'est obligé de fournir une interprétation sémantique de SN + Relative appositive ou de + Relative appositive, étant donné la non intégration de ces deux constituants. Ce fait est identique, nous l'avons souligné, chez les adjectifs, où pour les mêmes motifs un adjectif en apposition (syntaxique) en relation avec un substantif déterminé par l'article défini ne peut se voir attribuer une fonction restrictive ou sélective. Mais ce qui est remarquable du côté des relatives, et qui donne à réfléchir sur l'origine présumée des relatives comme source des adjectifs épithètes, c'est que, contrairement à l'adjectif épithète, qui, nous l'avons signalé ci-dessus, peut avec l'article défini présenter une fonction restrictive comme descriptive, la relative restrictive (dans le sens d'intégrée) ne présente jamais cette dernière fonction. C'est, nous semble-t-il, le point essentiel, qui explique qu'à la différence de l'adjectif, où l'on a dissocié le fonctionnement syntaxique d'épithète ou d'apposition du rôle restrictif ou descriptif, l'on n'a pas séparé pour les relatives ces deux aspects, ou plutôt l'on a accordé au phénomène sémantique manifesté un statut définitoire en quelque sorte immérité, puisqu'on l'a exporté sans contrôle en dehors du domaine d'origine, tablant sur la correspondance presque parfaite qu'on y constate entre l'effet restricteur ou identificatoire et l'intégration, d'une part, l'effet de non restriction ou de non identification et le détachement, d'autre part. Le corollaire de cette symétrie est la mise à l'arrière-plan de la différence
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structurale elle-même, à telle enseigne que l'opposition restrictive/appositive apparaît comme une ambiguïté sémantique classique, à savoir une structure observable (de surface, si l'on veut) à laquelle correspondent deux interprétations sémantiques. L'on comprendra aussi que la virgule, témoin du détachement appositif, soit plus respectée dans le cas de l'adjectif en apposition que dans celui de la relative appositive avec article défini : sa présence n'est pas indispensable eu égard à l'univocité du processus interprétatif. D a n s le cas de l'article défini, l'on peut se fonder dans la majorité des cas sur les définitions sémantiques classiques pour identifier le type de relatives, parce qu'une interprétation restrictive ou identificatoire de la relative ne se produit que si la relative est intégrée dans le SN. On rappellera cependant les limites d'une telle procédure, limites qui prouvent incontestablement qu'il s'agit d'un phénomène qui ne se réduit pas à l'ambiguïté sémantique habituellement présentée. Lorsque l'interprétation est non restrictive ou non identificatoire, il n'est pas permis de conclure automatiquement au statut détaché de la relative, - et doni: à une relative appositive -, comme nous l'avons vu ci-dessus en II.2.1.2. a(kec 7):
7) Je vois la mère qui pleure
L'existence de trois interprétations différentes, dont deux, la lecture appositive classique et celle où la relative apparaît dômme une sorte d'objet du verbe de perception, mettent en jeu une relative non identifïcatrice et non restrictive, prouve indiscutablement la pertinellice du phénomène du détachement pour l'appositive. Si nous revenons à présent aux versions de la «troisième tendance», celles qui conduisent à circonscrire l'opposition restrictive/appositive à certains SN seulement, dont prioritairement ledi SN avec l'article défini, l'on saisira mieux les raisons de cette limitation : elles aussi, qu'elles soient exprimées en termes présuppositionnels ou non, relèguent, implicitement ou explicitement, le facteur structural au second plan. L'avantage qu'elles ont, par rapport aux définitions sémantiques classiques, c'est de fournir on le rappellera, des reformulations définitoires unitaires, qui couvrent de façon plus régulière et plus satisfaisante la diversité des relatives avec article défini. Nous avons suggéré qu'elles restaient, elles aussi1, tributaires du site privilégié de l'article défini. La cause en est le sens de l'article défini. Dans le cas du fonctionnement restrictif de la relative, c'est-à-dire dans le cas où la relative forme avec N (ou SN) un constituant, l'article défini de par son sens, - q u ' o n lui prête la vertu de véhiculer une présupposition existentielle, q u ' o n l'associe à l'opération de fléchage ou encore q u ' o n en fasse un indicateur d'ensemble ou un article extensif (M. Wilmet, 1983 ifet 1986) -, a pour effet une présentation tout à fait particulière du constituant formé par N + relative.
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Nous avons vu que l'option présuppositionnelle associait à la relative restrictive de 1) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèses la présupposition existentielle 'Il y a des Alsaciens qui boivent de la bière', que la théorie énonciative de C. Fuchs et J. Milner la présentait similairement comme une assertion ré-importée et que, dans les analyses dans la lignée de celle de J. D. Me Cawley (1981), elle participait à la restriction du domaine de quantification. L'effet de ces différents traitements est de présenter l'ensemble N + Relative comme un donné, un pré-construit, pour utiliser un autre terme que présupposé, sur lesquels opère le déterminant les. En d'autres termes, peut-être plus clairs, on peut dire qu'il y a deux étapes dans la dérivation sémantique de ce type de phrases avec restrictives : il y a d'abord des Alsaciens buveurs de bière (ce qui correspond dans ce cadre à l'interprétation N + relative), et ensuite les indique que c'est l'ensemble de ces Alsaciens qui est pris «n considération. Une telle conception de la relative restrictive convient pc*!ir d'autres déterminants comme chaque (cf. ci-dessus Chaque livre qu'écrivit Hemingway a été bien accueilli) par exemple, mais s'applique difficilement, comme nous l'avons dit, aux SN précédés de l'article indéfini Un spécifique ou des. Il faudrait en effet que l'on puisse interpréter l'ensemble N + Relative formé dans ce cas comme constituant un ensemble sur lequel Un et des effectuent une extraction partitive. Or, une telle interprétation, si elle esit pragmatiquement possible dans certains cas, spécialement comme le cas des relatives non spécifiantes, s'avère peu pertinente la plupart du temps (G. Kleiber, 1984). Rappelons le raisonnement de C. Fuchs et J. Milner & propos de l'énoncé 81) du chapitre III Je connais des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne : une éventuelle interprétation restrictive correspondrait à 'Nous parlons des acheteurs de résidence secondaire : j'en connais'. Il est clair qu'une telle interprétation serait peu naturelle et surtout ne se trouve nullement imposée comme dans le cas des relatives restrictives combinées à l'article défini. Le recours à une interprétation appositive est certes possible, mais C. Fuchs et J. Milner ont fort justement remarqué qu'il n'était pas du tout évident que 81) ait la signification 'Je connais des gens et ils viennent d'acheter une maison de campagne'. L'exemple nous semble révélateur : si l'application de l'opposition restrictive/appositive y semble échouer, c'est parce que la contrainte sur la lecture restrictive est trop forte : on veut y retrouver la classe pré-construite des «acheteurs de résidence secondaire» que postulerait indiscutablement le même énoncé avec un antécédent précédé de l'article défini :
8) Je connais les gens qui viennent d'acheter une maison de campagne
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Or, si l'on adopte le point de vue fonctionnel, qui consiste à partir d'une différence de construction entre les deux types de relatives, une construction intégrée (épithétique) pour la restrictive et une construction parenthétique (en appositon) pour l'appositive, l'on peut sauvegarder l'idée d'un fonctionnement restrictif et d'un fonctionnement appositif pour une relative combinée avec des déterminants, comme l'article indéfini Un spécifique, où semble s'arrêter la validité des définitions classiques et de leurs concurrentes unitaires plus récentes. Une telle hypothèse n'évite pas les considérations sémantiques, sinon ce ne serait qu'un tour de passe-passe, mais avant même d'aborder le problème de savoir quelles sont les conséquences sémantiques d'une construction détachée ou intégrée, il nous faut satisfaire à la seconde condition posée ci-dessus, celle qui exige que le principe de remplacement formulé s'applique là où les théories «restreintes» échouent.
1.4. Mise à l'épreuve sur les exemples «récalcitrants» Nous reprendrons à cet effet les exemples 81) et 82) du chapitre III :
81) Je connais des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne 82) Un loup, qui sentait venir la mort, se coucha à terre
et nous ferons l'hypothèse que dans 81) nous avons affaire à une construction intégrée (relative restrictive) et dans 82) une relative parenthétique (relative appositive). Si la distinction ainsi faite est pertinente, il faut pouvoir l'appuyer par une différence d'interprétation, sinon on retombe dans le cas de la neutralité précédente, à savoir que cela ne vaut finalement pas la peine de distinguer les deux types. Or, une telle différence semble bien exister. Dans le cas de la construction parenthétique, on obtient la glose 9)
9) Un loup se coucha à terre. Ce loup sentait venir la mort
alors que dans le cas de la construction intégrée, une glose similaire n'est pas adéquate :
10) Je connais des gens. Ces gens viennent d'acheter une maison de campagne
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Le même raisonnement que celui appliqué ci-dessus (chapitre III) à 59) et 60) :
59) Jean possède des livres que Victor Hugo a écrits 60) Jean possède des livres. Victor Hugo a écrit ces livres
prévaut ici. La paraphrase de discours 10) établit que (tous) les gens que connaît le locuteur viennent d'acheter une maison de campagne. Une telle lecture de 81), sans être totalement exclue, est cependant difficilement compatible, parce qu'il semble bien que le prédicat principal de 81) porte sur l'ensemble du SN (Dét + N + Relative). Et, surtout, on observera que cette interprétation «intégrée» de la relative ne correspond absolument pas à la lecture restrictive mise en relief avec l'article défini : 81) ne signifie en effet pas : 'Nous parlons des acheteurs de résidence secondaire : j'en connais'. Le partitif des, n'opère pas sur une classe pré-établie d'acheteurs de résidence secondaire. Le lien avec l'intégration de la relative dans le SN est primordial. Dans l'hypothèse d'une lecture qui correspondrait à la paraphrase 10), la relative ne peut plus être intégrée : 81) répond alors à la structure de 9) avec une construction détachée de la relative. Une telle phrase a cependant un degré d'apparition beaucoup plus faible pour des raisons qui tiennent au prédicat connaître des gens et au savoir extra-linguistique qui y est associé. Il est à rappeler, fait significatif, que, dans ce cas de figure et dans ce cas de figure seulement, le rapprochement avec l'énoncé à article défini 11) est permis :
11) Les gens que je connais viennent d'acheter une maison de campagne
Le paradoxe que constitue cette mise en correspondance d'une appositive avec une restrictive n'est qu'apparent, si l'on se souvient des caractéristiques présuppositionnelles ou de pré-assertion liées à la relative restrictive employée avec un article défini. D'autre part, 11) souligne, sous un autre angle, les raisons du peu de naturel d'une construction appositive de la relative de 81). La différence de localisation des prédicats est prédominante : le prédicat principal de 81) passe dans la relative de 11) et celui de la relative détachée de 81) devient le prédicat principal de 11). Il parait en effet plus logique de dire des gens que l'on connaît qu'ils viennent d'acheter une maison de campagne que de dire q u ' o n connaît des gens, - information quasiment nulle -, et d'ajouter ensuite la parenthèse ils viennent d'acheter une maison de campagne.
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La justification de la construction intégrée comme origine de la lecture non appositive de 81) peut s'établir par la pronominalisation, comme en témoignent 12) et 13) où en reprend l'ensemble du groupe substantif + relative : 12) Ten connais aussi 13) Des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne, j'en connais aussi
On peut vérifier avec 14) que le détachement dans un énoncé comme 13) n'est pas autorisé :
14) ? Des gens, qui viennent d'acheter une maison de campagne, j'en connais aussi
Une autre preuve est apportée par la possibilité d'ajouter un membre coordonné de la même classe d'entités que celles dénotées par le substantif-tête, expansion non tolérée dans le cas de la relative parenthétique. On aura ainsi 15), avec deux relatives intégrées, mais non 16), avec deux relatives parenthétiques :
15) Je connais campagne même 16) ? Un loup, fatigué, se
des gens qui viennent d'acheter une maison de et d'autres qui sont sur le point de faire de qui sentait venir la mort, et un autre, qui était couchèrent à terre
La glose 17) correspondant à la lecture de 16) explique un tel blocage :
17)* Un loup et un loup (ou un autre) se couchèrent à terre. Ce loup sentait venir la mort et ce loup était fatigué Il nous semble donc pertinent de distinguer pour des cas comme ceux de 81) et 82) entre un fonctionnement restrictif (dans le sens d'intégré) et un fonctionnement appositif (dans le sens de détaché) de la relative. L'avantage de cette dualité de fonctionnement est une aire d'application plus grande que celle des théories «restreintes». Notre seconde condition se trouve, par conséquent, remplie. Il reste à formuler le correspondant sémantique de la différenciation structurale mise en avant. Nous aborderons ce problème par
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le biais de la relation sémantique entre une relative appositive avec article indéfini spécifique et une relative restrictive avec le même déterminant. Une telle mise en relief complète l'explication avancée à propos de l'échec des caractérisations sémantiques classiques et plus récentes à parler d'appositive ou de restrictive pour l'article indéfini un spécifique et prédit aussi les embarras et hésitations possibles dans l'interprétation. Soit donc 18) et 19) :
18) Des gens, qui viennent d'acheter une maison de campagne
19) Des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne
Opposons-les au couple avec article défini 20) et 21) :
20) Les gens, qui viennent d'acheter une maison de campagne 21) Les gens qui viennent d'acheter une maison de campagne On observe entre 18) et 19) une relation qui ne tient pas entre 20) et 21). En effet, entre 18) et 19) s'installe une sorte de rapport implicatif qui peut s'exprimer de la façon suivante : si je puis dire de certaines gens qu'il est vrai qu'elles viennent d'acheter une maison de campagne, ce qui correspond grosso modo au cas de l'appositive de 18), ces «gens» sont alors «des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne», ce qui correspond à la structure intégrée de 19). Une telle inférence n'est pas possible avec 20) et 21) à cause de l'article défini : si je puis dire de certaines gens («des gens») qu'elles viennent d'acheter une maison de campagne, - cas de l'appositive de 20) -, ces gens ne sont pas «les gens qui viennent d'acheter une maison de campagne», - cas de la restrictive de 21) -, mais, comme auparavant, «des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne». Cette comparaison est ainsi instructive à double titre. Elle explique, d'une part, pourquoi une reconnaissance du statut de la relative uniquement basée sur le rapport entre l'antécédent et la relative a de fortes chances d'échouer lorsqu'il s'agit de l'article indéfini spécifique, mais réussit, par contre, lorsqu'il s'agit de l'article défini. Elle fournit, d'autre part, un dénominateur commun inattendu, qui renforce notre thèse sur l'unité du phénomène : la même conclusion ressort de l'appositive de 18) et de celle de 20), à savoir que les référents dans chaque cas peuvent être envisagés comme étant des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne.
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2. RETOUR VERS LE SENS
Voilà qui nous place directement au coeur du problème des conséquences sémantiques qu'entraîne la différence entre relative intégrée dans le SN et relative parenthétique. La question est complexe et soulève de multiples difficultés que nous ne sommes pas en mesure de résoudre toutes ici. Certains éléments peuvent néanmoins être avancés avec plus ou moins de certitude.
2.1. Relative et prédicat de la phrase-matrice En premier lieu, se trouve confirmée la différence de portée dont nous avons parlé à propos du traitement logique de C. Rohrer. Le détachement de la relative appositive a pour conséquence de laisser la relative en dehors du champ du prédicat de la phrase matrice. Informellement, cela signifie, pour l'énoncé 82), par exemple que le prédicat se coucha à terre se rapporte au seul syntagme Un loup, dans l'hypothèse de la construction parenthétique de la relative, et à l'ensemble complexe Un loup gui sentait venir la mort, dans l'hypothèse d'une construction intégrée de la relative. Cette caractérisation n'a rien de fondamentalement nouveau, l'appositive étant classiquement reconnue comme autonome ou indépendante, mais on n'en a pas tiré toutes les leçons. En effet, il n'y a pas que l'identification vériconditionnelle que l'on peut inférer de l'autonomie de l'appositive. D'autres faits, qui ont leur importance, en découlent. On notera ainsi que les relatives compléments d'un verbe de perception (cf. Je vois la mère qui pleure), quelle que soit par ailleurs leur identité référentielle avec les appositives, ne peuvent être considérées comme des appositives, puisqu'elles ne se révèlent pas autonomes par rapport au prédicat de perception. On comprendra aussi qu'un SN attributif (cf. Médor est un chien qui n'aboie pas) n'accepte guère de relatives appositives. Le SN constituant lui-même le prédicat (d'où l'appellation parfois de S N p r é d i c a t i f ) exclut, par avance, la possibilité d'une relative indépendante du prédicat. Etant donné la relation référentielle, la relative se trouve ipso facto reliée au prédicat principal. Mais, surtout, on retiendra de cette indépendance de l'appositive par rapport au prédicat de la phrase-matrice un moyen d'identifier le statut de la relative, notamment là où les procédures faisant intervenir les définitions classiques tournées vers le rôle de la relative sur l'antécédent se révèlent inefficaces. Nous avons vu que les tests qui traduisent l'idée de restriction ou d'identification de l'antécédent ne convenaient qu'avec les SN déterminés par l'article défini ou des déterminants autorisant les mêmes raisonnements et que, face à des SN déterminés par les articles indéfinis spécifiques, ils concluaient à un type différent de relative. La mise au premier plan de la différence de portée par rapport au prédicat
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invite précisément à chercher des critères qui se rapportent à la relation prédicat principal/relative et qui permettent, en conséquence, de se libérer du test trop contraignant de la relation extensionnelle ou identificatoire avec l'antécédent. L'idée-guide est la suivante : la relative est appositive chaque fois que l'on dispose d'indices en faveur de l'indépendance de la relative par rapport au prédicat principal. Ces indices sont de différents ordres et n'ont pas tous le même degré opératoire. L'antéposition de la relative est, évidemment, une marque significative : lorsque la relative précède l'antécédent indéfini, comme d a n s / / voit, qui file, un rat, exemple cité par C. Hagège (1982, p. 61), elle ne peut avoir que le statut d'une détachée, donc celui d'une appositive. Ce critère est toutefois, on le sait, limité, puisque dans les langues SVO les relatives suivent généralement l'antécédent. Se révèle en revanche particulièrement fiable la présence des marqueurs d'opposition comme cependant, pourtant, etc., dans la relative, lorsque et uniquement lorsque ces adverbes établissent un rapport d'opposition entre le contenu de la relative-hôte et le contenu de la phrase-matrice elle-même. Dans ce cas-là, la relative est appositive, parce que l'opposition sémantique introduite par le marqueur oppositif place la relative en dehors du champ du prédicat de la principale. On l'a illustré ci-dessus avec des exemples présentant l'article défini (cf. Les Alsaciens, qui, cependant, boivent de la bière, sont obèses) : on le vérifiera cette fois-ci à propos de relatives combinées avec l'article indéfini. Le fait de faire naître dans la relative de 22)
22) Un loup, qui, pourtant, n'avait pas faim, a dévoré trois agneaux
une opposition externe à la relative entraîne un détachement sémantique de cette relative par rapport au prédicat a dévoré trois agneaux, détachement qui répond, on le voit, à la caractérisation sémantique de la construction appositive des relatives. Lorsqu'on est en présence de deux relatives coordonnées, le test n'est plus valide, comme le souligne C. Touratier (1980, p. 285) à l'aide de l'exemple 23) comportant deux relatives déterminatives :
23) Que penser des français qui n'approuvent pas la politique de cet homme et qui pourtant votent régulièrement pour lui ?
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Le champ d'action externe nécessaire à pourtant est constitué par la première relative déterminative (6). Les autres limitations qu'il propose nous semblent par contre moins justifiées : le critère ne serait plus effectif dans le cas où l'antécédent n'est pas un sujet antéposé. Les exemples 24) et 25) qu'il a relevés dans la presse ne nous paraissent pas probants :
24) Ainsi se forment les encombrements aux portes de la nouvelle société : ainsi s'ankylosent les audaces .-ainsi se ferment les esprits qui pourtant voudraient s'ouvrir. Et s'ajoutant les uns aux autres, ces blocages individuels opposent une fantastique force d'inertie à l'élan de vie et de métamorphose, qui, pourtant, par la grâce de Dieu, souffle en chacun de nous 25) Certains (— évêques) même, manifestant alors eux aussi ce 'cléricalisme de gauche' non moins contestable que celui de droite, condamnent une politique de défense nationale qui a été cependant démocratiquement approuvée par la nation
Une interprétation appositive reste ouverte pour chacune des trois relatives de ces deux exemples, alors qu'une interprétation restrictive est à notre avis mal formée. On notera que les deux arguments apportés par C. Touratier pour étayer son affirmation ne sont pas pertinents. Il explique, en premier lieu, que, lorsque «l'antécédent n'est pas un sujet antéposé, pourtant peut établir une opposition avec autre chose que la principale » (p. 285). Ce fait expliquerait l'apparition possible de pourtant dans une relative restrictive comme celles de 24) et 25) et son exclusion dans une relative restrictive dont l'antécédent est un sujet antéposé. Or, si nous prenons 24) et 25), nous nous apercevons que l'opposition instaurée par pourtant s'exerce bien contre le contenu de la phrase-matrice. Il en ressort, du coup, que, si les relatives de 24) et 25) sont bien des restrictives, il faut aussi renoncer à l'explication avancée pour rendre compte de l'appositivité entraînée par pourtant dans une relative comme celle de 22), où l'antécédent est un sujet antéposé. Une telle conclusion nous semble peu satisfaisante : il est préférable de renoncer au statut restrictif des relatives de 24) et 25). Et ceci d'autant plus que le critère utilisé par C. Touratier pour justifier la restrictivité de ces relatives est celui de la détermination référentielle, dont nous avons vu les limites, notamment lorsqu'il s'applique aux antécédents précédés de l'article indéfini. Contrairement à ce que pense C. Touratier à propos du dernier exemple, le fait que «les évêques dont il est question ne condamnent pas n'importe quelle politique de défense nationale, mais une politique bien particulière» n'entraîne pas nécessairement (p. 286) qu'il s'agit d'une relative déterminative. Si ce raisonnement était correct, il faudrait conclure au statut restrictif de toute relative
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qui suit un antécédent déterminé par Un spécifique. On clora (provisoirement ?) ce débat avec trois exemples fabriqués, mais qui reflètent le modèle oppositif de 24) et 25) :
26) - J'ai repeint les volets qui pourtant n'avaient pas besoin de l'être - Ainsi meurent les animaux qui pourtant ne voulaient pas mourir 27) Paul a épousé une femme qu'il n'aime pas pourtant
Nous suggérons simplement que la situation de 24) et 25) est identique à celle de 26) et 27) : une éventuelle lecture restrictive rendrait ces énoncés difficilement acceptables, dans la mesure oùpourtant s'oppose à l'intégration dans le champ du prédicat de la phrase-matrice de la relative. Les connecteurs conversationnels comme du reste, d'ailleurs, en outre, en plus, etc., sont à rapprocher des marqueurs oppositifs : eux, également, servent de révélateur à la relative appositive, parce qu'ils impliquent une opposition avec un contenu externe à la relative dans laquelle ils figurent. On notera de nouveau avec C. Touratier que, semblables en cela aux adverbes d'opposition, ils peuvent apparaître dans la seconde relative d'une coordination de relatives déterminatives (7) :
28) Le linguiste qui a écrit ce livre et qui d'ailleurs l'a fort bien écrit essaie d'établir la thèse suivante (C. Touratier, 1980, p. 285)
et dans une «restrictive» d'une apposition en ce qui :
29) Il est parti en colère, ce qui d'ailleurs n'étonna personne
Dans les autres cas de relatives, la délimitation discursive qu'ils impliquent a pour conséquence l'indépendance de la relative et en fait des témoins précieux pour le statut appositif :
30) Le voisin, qui, par ailleurs, est charmant, interdit à mon chat de traverser son jardin 31) Un voisin, qui, par ailleurs, est charmant, interdit à mon chat de traverser son jardin
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La délimitation peut s'exercer à rencontre du prédicat substantival de l'antécédent (8) :
32) Un professeur de maths, maître-nageur, a réussi...
qui,
en outre,
était
L'indépendance de la relative appositive par rapport au prédicat de la principale se traduit parfois aussi par une relation circonstancielle (conséquence, cause, postériorité temporelle) que l'on peut postuler entre la relative et la phrase-matrice. Il est clair que si l'on perçoit dans la relative une «explication», une conséquence ou une suite «temporelle» de l'état de choses exprimé par la phrase-matrice, la relative ne peut plus être dans le SN auquel on applique le prédicat principal. On peut reciter ici l'exemple du loup qui sentait venir la mort (Un loup, qui sentait venir la mort, se coucha à terre) ou celui des fameuses continuatives ou narratives. Le dernier indice en relation avec cette différence de portée peut être trouvé, selon le cas, dans le prédicat de la phrase-matrice lui-même. Le fait que, dans certains cas comme celui de Je connais des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne, on ne puisse envisager d'omettre la relative sans obtenir un résultat sémantique trivial (cf. Je connais des gens) constitue un indice non négligeable de l'intégration de la relative dans le SN auquel se rapporte le prédicat. L'impossibilité d'avoir une appositive dans une phrase existentielle en II y a/Il est s'explique par ce phénomène :
33) Il y a des linguistes qui aiment la choucroute 34) ? Il y a des linguistes, qui aiment la choucroute
L'énoncé 34) est déviant, parce que l'assertion existentielle II y a des linguistes s'avère tautologique, puisque déjà présupposée par l'emploi substantival de linguistes.
2.2. Une différence d'interprétation pronominale 2.2.1. Pronoms référentiels et pronoms non référentiels G. Evans (1980) et P. Bosch (1980 et 1983) insistent sur le double emploi possible d'une même forme pronominale (9). Leur idée centrale est qu'un pronom comme il, par exemple, est susceptible d'un emploi pleine-
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ment référentiel, - il s'agit alors d'un E-typepronoun pour G. Evans et d'un pronom référentiel pour P. Bosch -, et d'un emploi non référentiel, le pronom étant dans ce cas assimilé à une variable liée (bound pronoun) chez G. Evans et à un pronom daccord syntaxique chez P. Bosch. Le premier cas de figure se rencontre dans 35) (exemple de P. Bosch, 1980, traduit en français) :
35) Paul est pâle et Fred pense qu'il est malade
où il renvoie kPaul. Le second survient dans 36) lorsqu'il correspond à Fred :
36) Fred pense qu'il est malade
Dans cette dernière hypothèse, le pronom il, selon P. Bosch, fonctionne à la manière d'un morphème de personne ; il constitue un pronom d'accord dans le prédicat complexe formé par la principale et la subordonnée : «a complex verb like to think that one is sick is marked for person agreement with its subject in two places in its finite form : in the inflection of its main verb think and in its agreement pronoun» (P. Bosch, 1980, p. 66). La justification peut se faire par l'intermédiaire de SN antécédents non référentiels comme personne, aucun N, etc. Lorsqu'on substitue une expression clairement non référentielle comme aucun homme à Paul dans 35), on observe que la relation anaphorique aucun homme - il n'est pas possible :
37) Aucun homme n'est pâle et Fred pense qu'il est malade
Le remplacement de Fred, dans 36), par cette même expression conserve, par contre, le lien anaphorique aucun homme - il :
38) Aucun homme ne pense qu'il est malade
Quel que soit le traitement (en variable liée ou en pronom d'accord, etc.) que l'on réserve ultérieurement aux pronoms non référentiels, l'intéressant pour notre propos est de voir qu'ils apparaissent lorsqu'ils occurrent à l'intérieur de la construction de leur antécédent. Pour G. Evans (1980, pp. 257-258), la condition nécessaire correspond à la relation grammaticale être en construction avec de E. Klima (1964) : «when the pronoun is in construction with its antecedent, as in
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Some man loves his mother No man is happy when he is in love
the result is a bound pronoun». Dans le cadre théorique des modèles contextuels de P. Bosch (1983), l'explicitation de cette relation grammaticale se fait par l'intermédiaire d'une contrainte appelée syntactic agreement constraint (SAC) qui stipule qu'un pronom non référentiel peut être anaphoriquement relié à un SN si, et seulement si, il occurre, sans y être identique, à l'intérieur de l'expression fondeur ou argument dont le SN est respectivement ou l'argument ou le foncteur (10) et s'il s'accorde syntaxiquement avec ce SN.
2.2.2. Une opposition en termes d'une différence d'emploi pronominal Quoi qu'il en soit de la formulation exacte de la relation grammaticale ou fonctionnelle qui entraine l'apparition possible d'un pronom non référentiel, ce que nous venons d'en dire suffit pour montrer que dans le cas des pronoms relatifs la notion de pronom non référentiel se révèle particulièrement pertinente. Le pronom relatif apparaît comme non référentiel, lorsque la relative est en construction intégrée, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une relative restrictive. Le détachement de la relative appositive a, au contraire, pour conséquence d'en faire un pronom pleinement référentiel. La différence entre les deux types de relatives peut s'exprimer alors par une différence d'emploi pronominal : - Si la relative est appositive, c'est-à-dire dans le cas d'une construction détachée de la relative, le pronom relatif n'étant pas «gouverné» par le SN antécédent, est un pronom véritablement référentiel, comme l'est celui de 39) :
39) Paul possède un âne et Jean le bat
- Si la relative est restrictive, c'est-à-dire dans le cas d'une construction intégrée de la relative, le pronom relatif fonctionne comme pronom non référentiel. Il n'a en aucun cas la plénitude référentielle que lui confère la structure appositive. Cette caractérisation n'est pas entièrement nouvelle non plus, mais il faut bien reconnaître qu'elle n'a pas connu non plus une exploitation claire et univoque. Utilisée surtout avec les syntagmes nominaux définis, parce qu'ils autorisent une reprise identique de l'antécédent (cf. Les Alsaciens, qui boivent de la bière, sont obèses — Les Alsaciens boivent de la bière et les Alsaciens sont
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obèses), elle apparaît peu et mal lorsqu'il s'agit des relatives combinées avec l'article indéfini. Or, comme l'a déjà montré l'exemple Je connais des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne et comme le prouve l'exemple 40) ci-dessous, emprunté à G. Evans (1980), elle se révèle également pertinente pour caractériser, dans ce site, le sens d'une appositive par rapport à celui d'une restrictive :
40) Jean possède des moutons que Harry vaccine
Lorsque la relative est parenthétique, cas de l'appositive, le pronom relatif reprend coréférentiellement le référent introduit par la phrase-matrice. L'énoncé 40) équivaut alors à 'Jean possède des moutons et Harry vaccine les moutons que Jean possède'. La paraphrase 41) rend compte de ce rapport pronominal :
41) Jean possède des moutons. Harry les (ces moutons) vaccine
Lorsqu'au contraire la construction intègre la relative dans le SN, cas de la restrictive, l'énoncé 40) ne présente plus un pronom relatif plein, qui reprend coréférentiellement le référent 'les moutons que Jean possède'. Il ne signifie pas que Harry vaccine (tous) les moutons que Jean possède, mais uniquement qu'il y a des moutons que Jean possède et que Harry vaccine. Il n'exige donc nullement pour être vrai que Harry vaccine tous les moutons de Jean. On rappellera les raisons qui peuvent empêcher la reconnaissance de ce fait : la construction appositive se trouve liée à la lecture restrictive, dans la mesure où si Harry vaccine les moutons de Jean (interprétation appositive), ces moutons sont alors des moutons que Harry vaccine (interprétation restrictive). Tout comme la différence de portée, cette donnée pronominale a des conséquences certaines sur les stratégies de relativisation, dont nous évoquerons le problème ci-dessous. Pour le moment, il nous paraît plus important de signaler l'utilité de ce facteur. Il explique, en premier lieu, l'incompatibilité des relatives appositives avec les quantificateurs universels comme chaque et leur correspondant négatif comme aucun. Ce phénomène, mentionné ci-dessus dans le chapitre I sous 12) et repris ici sous 42), ne peut s'expliquer, rappelons-le, à partir des seules définitions extensionnelles et identificatoires :
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42) - Chaque Alsacien qui boit de la bière est obèse - Tout Alsacien qui boit de la bière est obèse - Aucun Alsacien qui boit de la bière n'est obèse
Or, si les constructions détachées de la relative ne sont pas possibles, comme le montre 43) •
43) ? Chaque Alsacien/Tout Alsacien, qui boit de la bière, est obèse ? Aucun Alsacien, qui boit de la bière, n'est obèse
c'est parce que le pronom relatif devrait être, étant en dehors du SN quantifié, un pronom référentiel autonome, ce qui n'est pas permis, comme le prouvent les paraphrases 44) correspondantes :
44) * Chaque Alsacien est obèse et il boit de la bière *Tout Alsacien est obèse et il boit de la bière *Aucun Alsacien n'est obèse et il boit de la bière
En second lieu, cette mise en relief de la valeur référentielle pleine du pronom relatif de la construction appositive fournit une série de tests identificatoires nouveaux, dont l'utilité est d'autant plus précieuse qu'elle se manifeste dans des secteurs où les critères classiques font chou blanc. On mentionnera de nouveau le test de un autre ou d'autres employé ci-dessus (11) avec les énoncés Je connais des gens qui viennent d'acheter une maison de campagne et Un loup qui sentait venir la mort se coucha à terre. Lorsque la relative est parenthétique, il n'est pas possible de faire suivre la séquence dét + N + Relative du membre coordonné et dét + autre + Relative avec une relative différente de la première. Ainsi ne peut-on avoir ni 45), ni 16) repris ici sous 46) :
45) ? Le loup, qui sentait fatigué, se couchèrent 46) ? Un loup, qui sentait fatigué, se couchèrent
venir la mort, et l'autre, qui était à terre venir la mort, et un autre, qui était à terre
Les pronoms relatifs n'étant pas «gouvernés» par les SN doivent être considérés comme des pronoms «pleins». L'existence des deux SN à substantif-tête
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identique rend cette coréférence impossible ainsi qu'en témoignent la glose 47) et la glose 17) reprise ici sous 48) :
47) ? Le loup et l'autre se couchèrent à terre. Il (ce loup) sentait venir la mort et il (ce loup) ¿tait fatigué 48) ? Un loup et un autre se couchèrent à terre. Il (ce loup) sentait venir la mort et il (ce loup) était fatigué.
La leçon suivante peut être retenue de ce critère pour les définis spécifiques : lorsqu'il y a lieu de penser, pour des raisons diverses (traits sémantiques, connaissances socio-culturelles, etc.) que le référent dénoté par le SN antécédent n'est pas le seul de son espèce, alors il y a de fortes chances pour que la relative soit une restrictive. Nous ne sommes pas loin des définitions en termes de restriction, mais le chemin suivi est tout à fait différent ainsi que la mise en pratique du critère. Nous l'avons déjà présenté ci-dessus en relation avec la différence de portée, lorsque nous avons souligné que dans certains cas l'omission de la relative pouvait représenter un indice non négligeable de l'intégration de la relative dans le SN auquel se rapporte le prédicat. La version présente consiste à mettre en relief de façon plus précise les raisons de l'échec relatif de l'omission. Prenons un énoncé comme 49) :
49) Paul a une dent qui lui fait mal
Dans le cas d'une construction appositive de la relative, l'énoncé correspond à 'Paul a une dent. Elle lui fait mal'. Cette lecture, qui n'est pas impossible est généralement écartée, tout simplement parce que nous savons que Paul a d'autres dents. Il faut toutefois reconnaître que l'efficacité de ce raisonnement est très réduite : dans la majeure partie des cas, il est impossible de trancher : il est permis de penser qu'il y en a d'autres comme de croire l'inverse. Ainsi si l'on examine sous cet angle l'énoncé Un loup qui sentait venir la mort se coucha à terre, il est impossible de conclure au statut restrictif ou appositif de la relative, le segment Un loup se coucha à terre laissant ouvertes les deux possibilités. On s'explique par là-même pourquoi de tels énoncés peuvent donner à croire que l'opposition restrictive/appositive ne s'y applique pas. Un autre critère est fourni par les expressions de quantification comme tous, presque tous, pour la plupart, dans leur majorité, dans leur ensemble, chacun, certains, les numéraux cardinaux, etc. : leur présence dans une relative indique que le pronom relatif auquel elles se rapportent est en dehors de la construction syntaxique de l'antécédent et est un pronom pleinement référentiel. Elles constituent donc un test révélateur du statut appositif :
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50) - Les Alsaciens, qui, tous/presque tous/pour la plupart/dans leur majorité/dans leur ensemble, boivent de la bière, sont obèses - Tai rencontré des linguistes hier soir, qui, presque tous, ont été au Festival des Relatives à Chicago - Quatre linguistes, qui ont trouvé chacun un type nouveau de relative, ont étéfaits chevaliers de /' Ordre des Relatives - Le gouvernement américain a récemment indiqué que l'Union soviétique disposait de 351 SS 20, dont 243 seraient braqués sur l'Europe de l'Ouest, et le reste sur l'Asie (Le Monde, 10 mai 1983) - Le mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples a constitué onze panneaux, dont certains présentent des documents inédits... (Le M o n d e , 10 mai 1983)
On le vérifiera avec les paraphrases correspondantes 51) :
51)- Les Alsaciens sont obèses. Tous/presque tous... boivent de la bière - Tai rencontré des linguistes hier soir. Presque tous ont été au Festival des relatives à Chicago - Quatres linguistes ont étéfaits chevaliers de Y Ordre des Relatives. Ils ont trouvé chacun un nouveau type de relative - Le gouvernement américain a récemment indiqué que l'Union soviétique disposait de 351 SS 20. 243 de ces (351 SS 20) seraient... - Le mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples a constitué onze panneaux. Certains de ces (onze) panneaux présentent des documents...
et avec l'impossibilité d'avoir ce type d'expressions dans les existentielles comme 52) :
52) - *Il y a des linguistes qui presque tous/dans leur majorité/... aiment la choucroute - *Il y a des linguistes dont trois/certains aiment la choucroute
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L'apparition d'un pronom personnel de «renforcement» dans la relative, appuyé ou non par un au moins justificateur, entraîne de la même façon le statut appositif. L'avantage de ce critère est de valoir aussi pour les SN déterminés par un singulier :
53) Les Alsaciens, qui, eux au moins, boivent de la bière, sont obèses 54) fai rencontré un linguiste qui, lui au moins, croit en l'existence des deux types de relatives
On notera, une fois de plus, que les impersonnelles existentielles sont réfractaires à une telle construction :
55) *Il y a des Alsaciens, qui, eux au moins, boivent de la bière
II faut aller évidemment plus loin dans la caractérisation de l'opposition restrictive/appositive, dans la direction d'une spécification plus grande du statut sémantique de la construction parenthétique et dans celle d'une approche moins grossière de la construction intégrée. Les deux premiers éléments de réponse que nous venons de formuler nous semblent, malgré leur incomplétude, centraux, parce qu'indispensables pour toute analyse du phénomène qui ne voudrait pas retomber dans les descriptions classiques. Les prolongements qui vont suivre ne sont que des indications possibles sur un développement ultérieur de la recherche. Elles restent sur de nombreux points problématiques.
2.3. Autres éléments pour la relative appositive Du côté de la construction parenthétique, il faut poursuivre la caractérisation sémantique par une mise au clair de la notion d'autonomie. Si l'on est quasiment d'accord aujourd'hui pour abandonner l'idée d'une simple coordination comme source de la relative appositive et si l'on reconnaît dans l'appositive une véritable phrase parenthétique, les avis divergent par contre sur le statut précis de cette phrase. S'agit-il d'actes illocutoires différents ? Si, oui de quels actes ? etc. Nous avons présenté ci-dessus quelques solutions possibles (cf. B. D r u b i g e t J . D. McCawley). Nous nous contenterons, faute d'avoir une religion précise en ce domaine, de verser au dossier trois faits,
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dont deux, d'ailleurs, figurent classiquement dans la batterie des tests identificatoires des deux types de relatives. Le premier consiste en une réinterprétation par J. D. McCawley (1981) du critère vériconditionnel. L'analyse d'une phrase avec une relative appositive comme constituée de deux actes de langage différents a pour conséquence de rendre absurde toute interrogation sur la vérité de l'ensemble. Demander la valeur de vérité d'une phrase avec appositive est, selon McCawley, aussi déraisonnable que de s'enquérir de la pointure des chaussures du JuilliardString Quartet : la question est pertinente pour les parties, mais non pour l'ensemble. Le second fait a trait aux adverbes dits performatifs (S. Schlyter, 1977) comme franchement, sérieusement, dont une des caractéristiques est d'être réticents à une insertion dans une subordonnée. Or, on sait qu'ils sont insérables dans une relative appositive, ce qui est une indication précieuse sur le statut illocutoire particulier de ce type de proposition :
56) Les Alsaciens, qui, franchement (dit)/sérieusement (dit), boivent trop de bière, prétendent ne pas boire d'alcool 57) Un linguiste, qui, franchement (dit)/sérieusement (dit) ne connaît rien aux vins alsaciens, se vante partout d'avoir découvert le secret du Gewürztraminer
Cette donnée se trouve confirmée par le recours au discours indirect. R. Martin a observé que la relative appositive est toujours prise en charge par le locuteur de l'énoncé. C'est ainsi que seule l'assertion Les Alsaciens sont obèses est soumise au verbe d'attitude propositionnelle et donc susceptible d'une remise en cause de la part du locuteur :
58) Paul dit que les Alsaciens qui boivent de la bière, sont obèses
L'énoncé 58) peut avoir pour suite monologale 59), mais non 60) :
59) mais Paul se trompe, ils ne sont pas obèses du tout 60) *Mais il se trompe, ils ne boivent pas de bière du tout
On observera de même que dans 61) :
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61) Paul prétend que la baleine, qui, pourtant, est un mammifère, est un poisson
L'assertion la baleine est un mammifère échappe à la «fausse pensée» de Paul et est en réalité prise en charge par le rapporteur. Lorsque le locuteur tient à marquer ses distances par rapport au contenu de l'appositive, il lui faut r e c o u r i r à des m a r q u e u r s e x p l i c i t e s c o m m e selon lui ou le conditionnel :
62) Paul a dit que les élèves, qui, selon lui/Marie ont triché, ont été punis 63) Paul a dit que les élèves, qui auraient triché, ont été punis
Ce phénomène se retrouve avec l'article indéfini, quoique plus rarement pour des raisons d'identification liées à l'article :
64) Paul a dit qu'une actrice, qu'il prétend avoir rencontrée au Festival des relatives à Chicago, l'a engagé pour tourner un film
2.4. Le problème de l'interprétation de la fonction épithite Du côté des relatives restrictives, le problème crucial qui subsiste, c'est celui de l'interprétation sémantique de l'intégration de la relative dans le SN. Autrement dit, c'est celui d'une caractérisation sémantique de la fonction épithète, avec une différence de taille par rapport à l'adjectif, toutefois : seules les relatives non spécifiantes peuvent être alignées sur le modèle sémantique de l'adjectif épithète. Qu'en est-il alors du modèle épithétique ? L'accord est presque complet pour voir dans la fonction épithète de l'adjectif une combinaison substantif adjectif qui est l'équivalent sémantique d'un nouveau substantif. Quelle que soit l'école sémantique dont on se réclame, il faut reconnaître d'une façon ou d'une autre que l'épithète, comme le formule J. L. Gardies (1975, p. 189), «sert d'abord à constituer un nom». Elle est dans une grammaire catégorielle de la catégorie N/N, celle donc qui avec un nom forme un autre nom. Dans la logique des prédicats, elle constitue un prédicat de second ordre, qui est la propriété d'une classe (R. Martin, 1976, pp. 146-147), et que l'on peut représenter par P ( x ) où P représente l'adjectif épithète et la prédication
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interne au substantif ( G . Kleiber et R. Martin, 1977). Nous retrouvons là l'idée complexe de Port-Royal, la formation d'un nouveau concept et donc la question de l'extension. L'interprétation du nouveau «signifié»N + Adjectif conduit en effet à la notion de classe, de référents virtuels. «La fonction sémantique de l'épithète, écrit M. H. Pérennec (1985, p. 9), serait donc de permettre la création de nouveaux concepts : j'entends par concept la structuration par l'esprit du monde extra-linguistique en classes». La particularité de ce nouveau «nom», par opposition aux substantifs simples, est de ne pas être codé. Autrement dit, il ne présuppose pas l'existence d'une classe d'entités lui correspondant a priori : c'est pour cette raison que J . L. Gardies le qualifie de nom positionnel, c'est-à-dire de nom dont la mention affirme l'existence. Ce point est important, car il permet de dissiper certaines confusions que l'on retrouve généralement dans le traitement des combinaisons épithétiques. Etant donné que le substantif présuppose déjà l'existence d'une classe référentielle vérifiant le prédicat qu'il représente, l'on est tenté d'associer la même représentation sémantique à la prédication interne complexe de l'ensemble substantif + adjectif et de conclure, par exemple, à partir de l'ensemble femme rousse à l'existence a priori d'une classe d'entités vérifiant la propriété d'être 'femme rousse*. Une telle analyse est erronée, car elle conduit, dans le cas des SN quantifiés par des indéfinis, à des traitements présuppositionnels inadéquats. Soit l'exemple de f ai rencontré une femme rousse. La démarche qui nous semble fausse est celle qui consiste à postuler dans un premier temps l'existence d'une classe de femmes rousses et de dire ensuite que le quantificateur un extrait de cette classe ainsi présupposée un exemplaire non déterminé (ou identifié). Une telle analyse revient à 1° il y a des femmes qui sont rousses (présupposé) et 2° j'en ai rencontré une (asserté ou posé). L'exemple choisi favorise certes un tel traitement interprétatif, - appuyé par ailleurs par la possibilité d'omettre le substantif : une rousse -, mais les connaissances socio-culturelles favorables à la présupposition 1° ne doivent pas tromper : il n'y a pas présupposition sémantique, comme le rappellent deux faits, l'opposition entre 65) et 66) :
65) *Il existe des femmes 66) Il existe des femmes rousses
et la possibilité de nier une telle existence :
67) Il n'existe pas de femmes rousses
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Prenons un autre exemple comme Tai rencontré une girafe verte. Si nous lui appliquons le raisonnement précédent : il faudrait conclure à l'existence d'autres girafes vertes, puisqu'un seul exemplaire de la classe des girafes vertes est choisi. Force est de considérer qu'une telle conclusion est moins naturelle que dans le cas des femmes rousses et que si l'on présuppose sans peine l'existence d'autres femmes rousses que celle que le locuteur a rencontrée, il est plus difficile de croire à la même chose lorsqu'il s'agit des girafes vertes. Que se passe-t-il en fait ? Il est indéniable que Tai rencontré une femme rousse comme Tai rencontré une girafe verte ont un rapport certain a v e c l l y a desfemmes rousses et II y a des girafes vertes mais ce rapport n'est pas celui de présupposition, mais d'implication : en même temps que j'énonce Tai rencontré une femme rousse et Tai rencontré une girafe verte, je pose l'existence d'une classe référentielle correspondante, qui ne peut avoir qu'un exemplaire. Il faut insister sur le fait que cette implication n'est pas synonyme d'assertion. Contrairement à des affirmations courantes en ce domaine, il n'y a pas d'équivalence entre présupposé et implicite d'une part, posé ou implication et assertion de l'autre. La différence devient claire lorsqu'on considère le couple d'énoncés 68) et 69) :
68) Tai acheté des tulipes 69) Tai acheté des fleurs
69) est impliqué par 68) et non présupposé : il s'agit pourtant d'un contenu implicite, qui n'est pas littéralement asserté. Il en va de même croyons-nous avec la combinaison épithétique une girafe verte ou une femme rousse des énoncés factuels présentés ci-dessus : il y a implication, mais non assertion d'une classe existentielle correspondante. S'il est vrai que j'ai rencontré une girafe verte, il est aussi vrai alors qu'il existe des girafes vertes. La négation pourrait laisser croire le contraire, mais on observera qu'un énoncé comme Je n'ai pas rencontré de girafe verte ne renvoie à la vérité de II y a des girafes vertes que par l'intermédiaire préalable d'un énoncé explicite ou implicite qui implique précisément l'existence de la classe en question. Je ne peux dire valablement Je n'ai pas rencontré de girafes vertes que si je puis appuyer mon assertion sur l'établissement antérieur de l'existence de girafes vertes : il faut que j'aie une raison ou une autre de croire en l'existence de girafes vertes et cette raison ne se trouve que dans la restitution d'un contenu qui implique l'existence référentielle en question. La meilleure preuve de ce raisonnement sur l'adjectif épithète est apportée par la phrase existentielle elle-même : Il existe/Il y a des girafes vertes. Il est clair, dans ce cas, que des n'opère pas sur une classe présupposée de girafes vertes, l'énoncé ne signifiant pas l'assertion de l'existence d'une sous-classe de la classe déjà existante des girafes vertes. Il
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n'y a pas d'abord constitution d'une classe de girafes vertes, puis ensuite sélection à l'aide de des d'une partie de cette classe. L'existentielle a, au contraire, pour rôle premier l'assertion de l'existence d'une sous-classe de girafes, les girafes vertes. Notre thèse est que, dans une phrase comme J'ai rencontré une/des girafes vertes, le processus est le même : des ne découpe pas un sous-ensemble dans l'ensemble des girafes vertes. Il est différentes façons possibles de rendre compte de cette donnée, qui nous semble primordiale. On appellera à la rescousse la tautologie Les girafes vertes sont des girafes vertes : l'anomalie de cet énoncé ne provient pas d'une contradiction dans la quantification, ce qui serait le cas si des girafes vertes s'interprétait comme 'des occurrences de la classe des girafes vertes', mais de la redondance qui consiste à asserter ce qui est déjà présupposé. Il nous suffit d'avoir montré que dans un SN comme Des girafes vertes, des n'opère pas sur une classe présupposée ou préconstruite, bref, donnée a priori, constituée par l'ensemble substantif + adjectif épithète. Il en va de même avec les relatives restrictives non spécifiantes. Soit l'énoncé 70) :
70) J'ai rencontré des linguistes qui aiment la choucroute
Il faut traiter de la même façon le SN des linguistes qui aiment la choucroute que le SN des girafes vertes. L'existence de la sous-classe des linguistes qui aiment la choucroute est posée (impliquée) par l'énonciation de la phrase, de telle sorte que des n'agit pas sur une classe déjà constituée de linguistes choucroutophiles en y opérant une partition. Comme pour les femmes rousses, il est permis de croire en l'existence préalable d'une telle classe, mais une telle croyance reste dans le domaine des présuppositions purement pragmatiques (12). On remarquera à nouveau que l'existentielle correspondante ne donne pas lieu à discussion en ce domaine. L'énoncé 33), que nous reprenons ici sous 71) :
71) Il y a des linguistes qui aiment la choucroute
ne présente évidemment pas une quantification partitive qui s'exerce sur la sous-classe des linguistes choucroutophiles. Et pourtant, comme l'adjectif dans le cas de II existe des girafes vertes, la relative semble bien former avec le substantif-tête un ensemble. Il est, certes, possible d'éliminer qui aiment la choucroute en la considérant comme une fausse relative, mais on observera que cela ne peut être fait sur des bases sémantiques relatives au domaine de
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quantification, rejet opéré par J. D. Me Cawley (1981), mais sur des considérations syntaxiques (comme s'agit-il d'une vraie subordonnée ? etc.), position défendue par C. Fuchs et J. Milner (1979). Le critère de Me Cawley, qui consiste à prendre en compte le standard de la quantification, aboutit finalement à faire de toutes les relatives restrictives combinées aux articles indéfinis et partitifs des «pseudo-relatives», dans la mesure où le domaine de quantification n'est pas non plus constitué par l'ensemble N + relative. Ce long développement n'a qu'un but, c'est celui de rendre attentif au traitement sémantique à apporter à la relative restrictive non spécifiante. Si l'on accepte que comme l'adjectif épithète elle constitue, en surface du moins, un ensemble avec le substantif-tête, - rapprochement qui semble confirmé par la possibilité d'une substitution par tel -, il faut éviter de tomber dans le piège d'une interprétation présuppositionnelle du constituant N + Relative. Le danger est surtout grand dans une sémantique compositionnelle, qui requiert que l'interprétation de chaque constituant soit une fonction de l'interprétation de ses constituants les plus immédiats. C'est ainsi que si l'on reprend le schéma de l&NOM-S Analysis et des analyses similaires, dans une optique de sémantique compositionnelle, il appert immédiatement qu'il n'est satisfaisant que pour les déterminants comme l'article défini, chaque, beaucoup de (13), etc., c'est-à-dire ceux dont le sens entraîne la présupposition de l'existence d'une classe référentielle dénotée par N + Relative : 72)
qui aime(nt) la choucroute
Rien n'empêche en effet dans le cas de 72) de considérer que NOM + Relative forme un nouveau NOM, qui constitue le domaine de quantification sur lequel opère le déterminant. Une telle interprétation est moins satisfaisante si le déterminant est, par exemple, des :
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73)
SN
Dét
NOM
NOM
des
linguistes
Relative
qui aiment la choucroute
parce qu'elle conduit, comme précédemment, à associer au nouveau NOM constitué une classe référentielle sur laquelle vient opérer le partitif des. Les solutions ne manquent pas, qui sauvegardent l'essentiel, à savoir le maintien d'un constituant N + Relative (ou à un degré moindre celui d'un constituant SN + Relative), et qui résolvent ou contournent la difficulté d'interprétation signalée. On peut recourir à la différence posé/présupposé pour séparer 72) de 73), mais en ajoutant alors un traitement complémentaire. On peut aussi songer à une approche non quantificationnelle (donc non partitive) de des (cf. P. Attal, 1976). Il est aussi permis de renoncer à une interprétation en termes de classe référentielle et de postuler une interprétation purement conceptuelle de l'ensemble TV + Relative (cf. la fonction significative de la relative restrictive chez J. M. Zemb et la distinction entre extensité et extension chez M. Wilmet, 1983 et 1986). Rien n'interdit, enfin, de penser que le choix d'un processus de relativisation adéquat est à même de régler ce problème. Nous n'avons en effet pour le moment qu'évoqué la question des stratégies de relativisation. L'analyse sémantique des relatives appositives que nous avons faite, même si elle n'est que partielle, exige sans équivoque possible un traitement «anaphorique» du pronom relatif, le plus souvent une anaphore coréférentielle, qui permet une matching analysis (voir H. Huot, 1978), - les exemples appositifs présentés jusqu'ici sont de ce type -, mais aussi une anaphore non pleinement coréférentielle du type antécédent SN spécifique, pronom relatif SN générique, comme illustré dans l'exemple 74) (14) :
74) Paul a été blessé au coeur, qui, on le sait, est l'organe le plus fragile du corps
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L'idée d'un pronom relatif pleinement référentiel nous semble acquise, ce qui reste ouvert et qui correspond aux caractéristiques sémantiques non explorées, c'est l'endroit et le moment de la génération. Il n'est pas exclu que cet aspect des appositives soit à subdiviser et qu'il amène par conséquent à leur sous-classification. Le débat, à ce niveau, reste ouvert.
2.5. Le problème de l'interprétation des restrictives spécifiantes La présentation des restrictives non spécifiantes, surtout si l'on accepte que les propositions en qui des impersonnelles existentielles sont aussi des relatives, montre qu'une approche anaphorique classique ne va pas sans difficultés. Le problème est encore beaucoup plus urgent dans le cas des relatives restrictives spécifiantes. Une interprétation conceptuelle est en effet exclue. Le parallèle avec l'adjectif est rompu, comme le montre l'impossibilité d'une substitution par tel (des hommes que j'ai rencontrés — ? de tels) et la difficulté d'avoir une tournure impersonnelle existentielle en II existe *Il existe desfilles qui sont en train de chanter (15). Il en résulte, pour les relatives restrictives spécifiantes, qu'une interprétation du constituant N + Relative, là où le traitement en termes de classe référentielle fait faillite, ne peut plus être envisagée sous l'angle de la signification comme avec les adjectifs et les relatives non spécifiantes. Dans le cadre de l'opposition extensité/extension, on dira que hommes que j'ai rencontrés entraine, de par les points d'ancrage spatio-temporaux que comporte la relative, le passage du côté de l'extensité. Si l'on a manqué généralement de voir ce fait, c'est qu'avec les déterminants «présuppositionnels» le traitement est identique à celui des non spécifiantes : on peut parler à propos de Les hommes que j'ai rencontrés de la classe des 'hommes que j'ai rencontrés', parce que l'article défini oblige à croire en la vérité préalable de fai rencontré des hommes. Une telle analyse n'est plus possible avec un SN comme Des hommes que j'ai rencontrés pour les mêmes raisons qui l'interdisent dans le cas des SN correspondants avec relatives non spécifiantes. Elle est d'autant plus fortement malvenue, que, cette fois-ci, même une présupposition pragmatique semble exclue (voir ci-dessus chapitre II et G. Kleiber, 1984). Pour s'en sortir, il faut sans doute se tourner vers un traitement où le déterminant s'applique à N avant même que l'assemblage N + Relative ne soit réalisé. La raising analysis (ou copying analysis) postulée par M. Brame, dans un travail non publié, signalé dans M. Brame (1976), et reprise par S. Chiba(1972), P. Schachter(1973)et J. R. Vergnaud( 1974) offre une telle possibilité, en ce que le nom-tête de la relative restrictive est originaire de la relative elle-même. Autrement dit, il n'y a qu'un SN lexicalement réalisé dans
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la structure profonde, le noeud SN de la matrice recouvrant un symbole postiche. Une transformation de copiage et une opération de montée expliquent le passage du SN de la relative à la place du noeud dominant le symbole postiche dans la phrase matrice. Est-ce la bonne solution ? Nous sommes mal placé pour en juger. Soulignons simplement que le passage qu'elle autorise de Tai rencontré des hommes à des hommes que j'ai rencontrés résout la difficulté de l'interprétation du constituant N + Relative avec des déterminants comme des, un, etc., et que ceci est un argument non négligeable en sa faveur. Seul un traitement plus global des pronoms relatifs et des pronoms tout court permettra d'avancer en ce domaine des hypothèses plus fermes.
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NOTES
( 1) J. D . Me Cawley (1981) avance d ' a u t r e s a r g u m e n t s p o u r l'anglais, mais d o n t certains n o u s paraissent sujets à caution. Il recourt essentiellement au test d ' e f f a c e m e n t des N répétés ou des SV répétés, dans le cas de la restrictive, le p r o n o m de reprise reprend l'ensemble f o r m é par N + relative, dans le cas de l'appositive, la relative échappe à la reprise pronominale. ( 2) G . Van H o u t (1973) parle d'épithète
relative.
( 3) On sait que la f o n c t i o n d'apposition est elle-même ambiguë. La situation qui y p r é v a u t rappelle celle de la distinction des deux types de relatives. Des deux thèses principales en présence l'une ne fait de la p o n c t u a t i o n , du détachement q u ' u n facteur secondaire, alors que l'autre l'érigé en principe structurant. Pour l'adjectif, la n o n intégration s'avère être le facteur décisif. Pour plus de détails, voir R. Rioul (1983). ( 4) Voir aussi M. H. Maniez-Pérennec (1979, p. 30), qui assigne, selon le contexte, à l'adjectif weinrot de im weinroten Zimmer une fonction identificatrice ou non. ( 5) Ainsi, nous semble-t-il, il n'est guère pertinent de faire figurer c o m m e m e m b r e du Qualificateur une relative c o m m e Qu'Horace a tués de l'énoncé Les Albains qu'Horace a tués (G. Van H o u t , 1973, t. III, p. 138). ( 6) Si o n considère les relatives de ce qui... c o m m e des restrictives, il f a u t également exclure, note C. T o u r a t i e r ( 1980, p. 285), «les relatives qui représentent l'apport s é m a n t i q u e d ' u n e apposition c o m m e dans : Il est parti en colère, ce qui pourtant n'avait aucune raison d'être». La glose partielle (Etre parti en colère), c'est pourtant une chose qui n'avait aucune raison d'être, par opposition à l'impossibilité de celle en (Etre parti en colère), c'est une chose qui pourtant n'avait aucune raison d'être éclaire sur les raisons du phénomène. ( 7) Cette donnée infirme, n o u s semble-t-il, l'explication avancée par C. Touratier. Ce dernier pense que c'est parce que ces connecteurs « d ' a d j o n c t i o n annexe» introduisent une observation subsidiaire que le locuteur fait plus ou moins passer au second plan, qu'elles conviennent aux appositives et sont incompatibles avec les restrictives. ( 8) Les différentes possibilités de combinaison des différents connecteurs conversationnels avec les relatives appositives seraient à étudier de façon plus précise. ( 9) Il ne s'agit pas de la distinction opérée par P. Geach (1962) entre p r o n o m s de paresse et pronoms-variables liées.
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(10) Pour l'opposition foncteur/argument, voir P. Bosch (1983). (11) Voici un exemple caractéristique tiré du Monde du 10 mai 1983 : «C'est la première fois - après 17 mois d'état de guerre - qu'est ainsi formé un front commun syndical regroupant, au côté des anciens de Solidarité, des militants qui appartenaient à une organisation (branche) sur laquelle avait compté le parti dont ils étaient très souvent membres, et d'autres, ceux du Z.N.P. et des syndicats autonomes qui, avant l'état de guerre, étaient placés au milieu de l'échiquier syndical». Nous avons souligné les antécédents et les relatives concernées. (12) Voir ci-dessus chapitre III et G. Kleiber (1984). (13) Pour beaucoup de, il s'agit de phrases comme Beaucoup de linguistes qui aiment la choucroute aiment aussi la bière. (14) On notera cependant que ce fait, relevé entre autres par G. Nunberg (1978) et G. Fauconnier (1984), obéit à des contraintes très spéciales, qu'il conviendrait de préciser. Alors qu'il se rencontre plus librement dans le cas du démonstratif dit générique (l'usage de Ces enseignants pour renvoyer à la classe des enseignants en général s'appuie toujours sur une occurrence spécifique de cette classe présente dans le contexte immédiat), ainsi que dans l'emploi d'un SN générique pluriel survenant après la mention d'exemplaires précis de la classe concernée (cf. Pierre et Alice ne nous ont pas entendu revenir. Les amoureux sont toujours seuls au monde), il est beaucoup plus contraint dans le cas du pronom relatif, dans la mesure où, si effectivement on ne saurait conclure à une coréférence nette, on ne saurait pas non plus parler de spécificité nette pour l'antécédent, comme le montre l'impossibilité absolue d'avoir un énoncé comme : Le coeur de Paul, qui, on le sait est l'organe le plusfragile du corps, a été touché, lorsque le pronom relatif est interprété comme renvoyant au coeur en général. (15) Pour plus de détails, voir G. Kleiber (1981 a) et ci-dessus chapitre II.
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CONCLUSION
QUELQUES REPÈRES POUR TERMINER... ET POUR CONTINUER
La loi du genre conclusif voudrait que l'on soulignât que les objectifs fixés au début de ce travail ont été tous atteints. En fait, tout le monde sait que si l'auteur a le droit de porter un jugement sur son propre travail, ce jugement ne prend sa véritable résonance que dans l'écho évaluatif d'autrui. Nous dérogerons donc à la coutume de l'auto-happy-end scientificouniversitaire et laisserons à d'autres le soin de juger si la double mission, - à savoir un essai de mise au point et une tentative d'aggiomamento théorique dans laquelle nous nous sommes engagé au début de cette étude a été remplie totalement, partiellement ou pas du tout. Nous nous contenterons de quelques repères pour terminer... et pour continuer. Nous en proposerons symboliquement sept, qui découlent tous de la thèse principale défendue, à savoir que l'opposition relative restrictive/relative appositive doit être appréhendée comme une opposition fonctionnelle entre une construction relative intégrée dans le SN et une construction relative parenthétique (détachée), à partir de laquelle il convient de (recalculer les effets sémantiques : 1° Une telle option a l'avantage d'expliquer de façon satisfaisante les limites des définitions sémantiques classiques en dehors du site privilégié que représentent les relatives dont l'antécédent est déterminé par l'article défini. 2° Elle s'applique à des secteurs où les théories «restreintes» échouent. 3° Elle prévient aussi l'existence de zones d'indécidabilité. 4° Elle fournit une (ré)interprétation de certains tests d'identification classiques et, surtout, elle en suggère de nouveaux. 5° Elle invite à une caractérisation sémantique plus poussée des deux types de construction en liaison avec une analyse de leur utilité pragmatique.
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6° Elle rappelle que le problème central gît dans la problématique plus générale des stratégies de relativisation. 7° Elle débouche, enfin, sur une ouverture théorique dont l'intérêt et la justification résident dans le caractère non ad hoc du phénomène mis en relief. A l'intérieur du cadre des pronoms en général, l'opposition relative restrictive/relative appositive trouve une traduction en termes d'une différence de fonctionnement pronominal : le pronom relatif d'une restrictive exhibe un usage non pleinement référentiel, celui d'une appositive, par contre, oeuvre comme un pronom pleinement référentiel.
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