Qohelet 9789042946316, 9789042946323, 9042946318

Contrairement aux apparences, le livre de Qohelet n'est pas decousu et n'est pas un tissu de contradictions. S

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Table of contents :
TABLE DES MATIÈRES
LE PROLOGUE
LE DIEU CRÉATEUR
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Qohelet
 9789042946316, 9789042946323, 9042946318

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pontificia universitas gregoriana rhetorica biblica et semitica

Contrairement aux apparences, le livre de Qohélet n’est pas décousu et n’est pas un tissu de contradictions. Sa composition permet de mettre en évidence les tensions qui l’animent. Deux leitmotivs sous-tendent tout le livre, celui de la « buée » et celui de la « joie ». La buée n’est autre, en définitive, que celle de la mort, la joie en revanche est celle de la vie. Il n’est pas possible de les concilier. Toute la question est celle de leur articulation. Le refrain de la buée est très fréquent dans le premier versant du livre, mais, le centre dépassé (7,1-14), il disparait presque pour ne resurgir qu’au dernier moment. Inversement, les sept occurrences du refrain de la joie, dans le boire et le manger, et dans le travail accompli, ponctuent régulièrement et en crescendo toute la surface du livre. Ce double itinéraire contraire de la buée et de la joie manifeste comment la vie l’emporte finalement sur la mort. Pas plus que quiconque, Qohélet ne sait rien de ce qui arrive à l’homme après sa mort. Mais il est une chose qu’il sait, c’est que « le souffle retourne à Dieu qui l’a donné » (12,7). On a coutume de dire qu’à cette époque, il n’existait pas en Israël la moindre croyance en ce qu’on a ensuite appelé « la vie éternelle ». Toutefois, penser qu’une telle affirmation ne serait qu’une manière de parler, qu’elle ne voudrait pratiquement rien dire, serait accorder bien peu de crédit aux dernières paroles de Qohélet qui sonnent comme un testament. La maison d’éternité de l’homme n’est pas son tombeau. La figure d’Abel, dont le nom signifie « buée », domine tout le livre. Le récit de la Genèse ne rapporte pas la moindre parole qu’Abel ait prononcée durant sa vie, et pas davantage celle qui lui aurait été adressée. Après sa mort, il n’est pas dit que son souffle retourna à Dieu. Il est dit que son sang crie vers Dieu du sol où il a été versé. Il n’est interdit de penser que Qohélet lui prête sa voix pour faire entendre son cri à nos oreilles.

Roland Meynet  Qohélet

Roland Meynet, Qohélet

Roland Meynet

QOHÉLET

L’Auteur : Roland Meynet, jésuite, est professeur émérite de théologie biblique à l’Université grégorienne de Rome.

PEETERS-LEUVEN

PEETERS

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26/04/2021 15:49

QOHÉLET

Roland Meynet

QOHÉLET

Rhetorica Biblica et Semitica XXXI

PEETERS leuven – paris – bristol, ct 2021

SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BlBLIQUE ET SÉMITIQUE

Il existe de nombreuses sociétés savantes dont l’objet est l’étude de la rhétorique. La plus connue est la « Société internationale pour l’histoire de la rhétorique ». La RBS est la seule : • qui se consacre exclusivement à l’étude des littératures sémitiques, la Bible essentiellement, mais aussi d’autres, des textes musulmans par exemple ; •  qui s’attache par conséquent à inventorier et à décrire les lois particulières d’une ­rhétorique qui a présidé à l’élaboration des textes dont l’importance ne le cède en rien à ceux du monde grec et latin dont la civilisation occidentale moderne est l’héritière. Il ne faudrait pas oublier que cette même civilisation occidentale est héritière aussi de la tradition judéo-chrétienne qui trouve son origine dans la Bible, c’est-à-dire dans le monde sémitique. Plus largement, les textes que nous étudions sont les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam. Une telle étude scientifique, condition première d’une meilleure connaissance mutuelle, ne saurait que contribuer au rapprochement entre ceux qui se réclament de ces diverses traditions. La RBS promeut et soutient la formation, les recherches et les publications :

• surtout dans le domaine biblique, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament ; • mais aussi dans celui des autres textes sémitiques, en particulier ceux de l’islam ; • et encore chez des auteurs nourris par les textes bibliques, comme saint Benoît et Pascal.

Pour cela, la RBS organise

• les années paires un colloque international dont les actes sont publiés dans la présente

collection ; année des séminaires de formation à sa méthodologie, en différentes langues.

• chaque

La RBS accueille et regroupe d’abord les chercheurs et professeurs universitaires qui, dans diverses institutions académiques, travaillent dans le domaine de la rhétorique biblique et sémitique. Elle encourage de toutes les manières les étudiants, surtout de ­doctorat, dans l’apprentissage de sa technique propre. Elle est ouverte aussi à tous ceux qui s’intéressent à ses activités et entendent les soutenir. Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique Pontificia Università Gregoriana — Piazza della Pilotta, 4 — 00187 Roma (Italie) Pour plus de renseignements sur la RBS, voir : www.retoricabiblicaesemitica.org.

ISBN 978-90-429-4631-6 eISBN 978-90-429-4632-3 D/2021/0602/79

A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2021, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.

Rhetorica Biblica et Semitica Beaucoup imaginent que la rhétorique classique, héritée des Grecs à travers les Romains, est universelle. C’est en effet celle qui semble régir la culture moderne, que l’Occident a répandue sur l’ensemble de la planète. Le temps est désormais venu d’abandonner un tel ethnocentrisme : la rhétorique classique n’est pas seule au monde. La Bible hébraïque, dont les textes ont été écrits surtout en hébreu mais aussi en a­ raméen, obéit à une rhétorique bien différente de la rhétorique gréco-romaine. Il faut donc reconnaitre qu’il existe une autre rhétorique, la « rhétorique hébraïque ». Quant aux autres textes bibliques, de l’Ancien Testament et du Nouveau, qui ont été soit traduits soit rédigés directement en grec, ils obéissent largement aux mêmes lois. On est donc en droit de parler non seulement de rhétorique hébraïque, mais plus largement de « rhétorique biblique ». En outre, ces mêmes lois ont ensuite été reconnues à l’œuvre dans des textes akkadiens, ougaritiques et autres, en amont de la Bible hébraïque, puis dans les textes arabes de la Tradition musulmane et du Coran, en aval de la littérature biblique. Il faut donc admettre que cette rhétorique n’est pas seulement biblique, et l’on dira que tous ces textes, qui appartiennent à la même aire culturelle, relèvent d’une même rhétorique qu’on appellera « rhétorique sémitique ». Contrairement à l’impression que ressent inévitablement le lecteur occidental, les textes de la tradition sémitique sont fort bien composés, à condition toutefois de les ­analyser en fonction des lois de la rhétorique qui les gouverne. On sait que la forme du texte, sa disposition, est la porte principale qui ouvre l’accès au sens. Non pas que la ­composition fournisse, directement et automatiquement, la signification. Cependant, quand l’analyse formelle permet d’opérer une division raisonnée du texte, de définir de manière plus objective son contexte, de mettre en évidence l’organisation de l’œuvre aux différents niveaux de son architecture, se trouvent ainsi réunies les conditions qui permettent d’entreprendre, sur des bases moins subjectives et fragmentaires, le travail d’interprétation.

Introduction Il est de ces livres dont on pourrait dire qu’ils sont particulièrement féconds, dans la mesure où ils ont donné lieu à tant d’interprétations diverses et même opposées1. Tel est le cas, par exemple, du Cantique des cantiques, lu comme un poème d’amour, érotique s’il en est, ou comme une œuvre éminemment spirituelle qui chante l’alliance de Dieu et de son peuple, et même mystique qui célèbre la relation de l’âme avec son Seigneur2. Le Cantique est le premier des « cinq rouleaux » qui est lu à la synagogue durant la fête de Pâques. Quant à la dernière fête de l’année liturgique, sukkôt, ou fête des cabanes, la fête des récoltes qui rappelle le temps du désert et du don de la Loi, elle s’achève par Simḥat Torâ, « La joie de la Tora ». Or c’est durant cette fête, joyeuse s’il en est, qu’on lit le livre de Qohélet, réputé le plus triste de toute la Bible. Du moins par un certain nombre d’interprètes, la majorité sans doute. Pour ceux-là, ce qui domine, c’est le fameux dit par lequel commence le livre et qui est dans toutes les mémoires : en latin, Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes, vanitas vanitatum, omnia vanitas, ce qui donne, dans une traduction littérale mais trompeuse, « Vanité des vanités, dit Qohélet, vanité des vanités, tout est vanité ». Traduit de l’hébreu, « Buée de buées, dit Qohélet, buée de buées, tout est buée ». C’est l’interprétation pessimiste3. Une autre perspective est celle du scepticisme, voire de l’agnosticisme. Il est aussi celle du sage qui préconise la doctrine du juste milieu. D’un autre côté, il ne manque pas d’auteurs qui insistent sur la joie à laquelle Qohélet invite son lecteur jusqu’à sept fois4. Qohélet ne serait donc ni sceptique, ni stoïcien, ni cynique, mais épicurien... Tout commentaire n’a qu’une visée, comprendre le texte et l’interpréter pour le lecteur. Pour ce faire, bien des opérations sont nécessaires, à commencer par la critique textuelle, la lexicographie, la philologie. À notre époque s’affirme de plus en plus l’importance de la composition du livre. Non pas dans le sens de la « critique littéraire » qui veut reconstituer l’histoire de la formation du texte, en ses différentes couches rédactionnelles. Cette visée — qu’on a pu appeler, à juste titre, « décomposition » du texte5 — semble avoir fait son temps6. La perspective synchronique s’impose toujours davantage. Elle considère le texte tel 1

Pour l’état de la question, voir, entre autres, A. BARUCQ, « Qohélet », 633-640 ; Vílchez Líndez, 25-42 ; A. BONORA, Il libro di Qoèlet, 17-24 ; Mazzinghi, 25-29. 2 Voir R. MEYNET, Le Cantique des cantiques, 8-9. 3 Par ex., PODECHARD, L’Ecclésiaste, 269 ; Ravasi, 38. 4 D. BUZY, L’Ecclésiaste. 5 Di Fonzo, 27. 6 Sur les contradictions du livre et les diverses solutions pour les lever, en particulier celle de la pluralité des sources, voir, entre autres, Di Fonzo, 27-35 ; Mazzinghi, 31-39.

8

Qohélet

qu’il nous est parvenu comme un tout cohérent, malgré les apparences. Ce qui apparait comme des contradictions insurmontables n’est plus guère interprété comme les traces et les preuves d’une pluralité de sources et de gloses successives, mais comme les tensions inévitables, surtout dans un texte de réflexion comme celui de Qohélet. « Gommer les aspérités du texte est le plus sûr moyen pour qu’il vous glisse entre les doigts7. » Une saine exégèse ne lisse pas ces saillies, mais s’y accroche, comme l’alpiniste qui, de prise en prise, progresse sur la paroi, pour surmonter enfin l’obstacle et atteindre un point de vue plus élevé. Notre époque accorde de plus en plus d’attention et d’importance à la composition des livres bibliques. Certes, il ne manque pas d’auteurs qui continuent à nier que Qohélet soit composé. En 1973, Osty écrivait : « Après maint examen et plusieurs essais infructueux, nous avons renoncé à présenter un plan d’ensemble de Qohélet. Nous nous sommes contenté de transcrire ici les titres des divers paragraphes que nous avons distingués8. » Suit la liste des titres que le traducteur a donnés à ses vingt-huit « paragraphes » ou péricopes : trois d’entre elles sont intitulées également « Maximes diverses » (6,7-12 ; 8,1-8 ; 10,1-20). Pour la Bible de Jérusalem (encore en 1998), « Il n’y a pas de plan défini, mais ce sont des variations sur un thème unique, la vanité des choses humaines »9 ; toutefois, dans le texte, deux parties sont distinguées : 1,2–6,12 et 7,1–12,14. Plus récente, la TOB distingue trois parties dans le livre, outre le prologue et l’épilogue : 1,12–2,26 ; 3,1–6,12 ; 7,1–12,7. Ces trois traductions font apparaitre le mouvement de la recherche exégétique sur la question de la composition du livre. Je ne présenterai pas ici un état de la question. D’autres l’ont fait et je me contente de renvoyer à leurs travaux10. Les propositions concernant la composition de Qohélet sont nombreuses, et elles sont très diverses, sans qu’un quelconque consensus ne se dessine. Rien de très étonnant, car c’est le cas pour la plupart des autres livres bibliques. Cet état de fait est dû non seulement à la faiblesse de la méthodologie utilisée, mais aussi au manque de métier. Il ne suffit pas de posséder la meilleure grammaire et le dernier dictionnaire d’une langue pour être capable de la pratiquer, de la comprendre et de s’y exprimer ; il y faut un entrainement systématique, patient et persévérant. Un double principe méthodologique a toujours guidé ma recherche. Avant tout, affronter le texte à mains nues, sans regarder ce qu’ont fait ses prédécesseurs, pour éviter le piège de se trouver engagé sur des rails dont il serait difficile, sinon impossible, de se dégager11. Et surtout, appliquer rigoureusement

7

Adaptation d’une image de P. Beauchamp. La Bible Osty, 1337. 9 La Bible de Jérusalem, 1099 (déjà dans la première édition de 1955, 847). 10 En 1968, A.G. WRIGHT, « The Riddle of the Sphinx: the Structure of the Book of Qoheleth » ; en 1992, V. D’ALARIO, Il libro del Qohelet. Struttura letteraria e retorica, 19-58 ; en 2013, Schoors, 9-19. 11 Voir J. ELLUL, Reason for Being. A Meditation on Ecclesiastes, 1-3. 8

Introduction

9

les procédures d’une méthodologie dont les origines remontent à plus de deux siècles, et qui, désormais, a largement fait ses preuves12. Un des aspects les plus importants de la méthodologie est celle de la pluralité des niveaux d’organisation du texte. Il ne suffit pas, en effet, de distinguer un certain nombre de parties dans l’ensemble du livre, c’est-à-dire de se contenter d’un seul niveau d’organisation, ni même de deux ou de trois. Trop de « plans » ou de « structures » ressemblent encore à la liste des péricopes d’Osty13. Le texte doit être analysé à tous les niveaux de sa composition, systématiquement, en partant de l’unité de base de tous les textes bibliques, le « segment », formé la plupart du temps de deux membres mais aussi de trois (sans compter le cas du segment unimembre, ou monostique), jusqu’à celui du livre, en passant successivement — selon mon système — par ceux du « morceau », de la « partie », du « passage », de la « séquence », de la « section », et, éventuellement de la « sous-partie », de la « sous-séquence » et de la « sous-section »14. Dans le segment bimembre suivant : : 8 (Plus) BONNE : (plus) BONNE

la fin la longueur-d’esprit

d’une chose que la hauteur-

que son début, d’esprit.

les deux membres sont parallèles : « la longueur-d’esprit » correspond à « la fin », tandis que « la hauteur d’esprit » renvoie à « son début ». Le contexte de ce segment, son intégration avec les deux segments qui l’encadrent, permet de mieux comprendre ce que ce proverbe signifie, en le mettant, pour ainsi dire, en situation : – 7 OUI, l’oppression – et perd : 8 (Plus) bonne : (plus) bonne – 9 Ne te hâte pas – OUI, l’irritation

rend-fou le cœur

un don.

la fin la longueur-d’esprit

d’une chose que la hauteur-

dans ton esprit dans le sein

de t’irriter,

LE SAGE

DES INSENSÉS

que son début, d’esprit. repose.

Commençant avec « oui », les membres extrêmes opposent « le sage » et « les insensés ». « La hauteur d’esprit », à savoir l’orgueil, conduit à « l’oppression » qui n’hésite pas à recourir au « don », c’est-à-dire au cadeau offert au juge pour le corrompre (7), le tout provoquant ou étant provoqué par « l’irritation » (9). Ces trois versets forment la partie centrale d’un passage qui comprend deux autres parties formées chacune de trois « morceaux » (7,1-14). Au niveau supérieur, ce passage constitue la séquence centrale d’une sous-section qui 12

Voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique. Voir, entre autres, les 25 divisions de Crenshaw, 48, de Schoors, 18-19. 14 Voir, p. 15-17, le « Lexique des termes techniques ». 13

10

Qohélet

compte deux autres séquences formées de trois passages (5,10–8,15). Cette soussection est la sous-section centrale de la deuxième section du livre. Elle est encadrée par deux autres sections (1,12–3,9 et 9,11–12,8), et le tout est précédé par le Prologue et suivi par l’Épilogue. En somme, le livre sera analysé systématiquement aux dix niveaux successifs de son organisation. L’étude de la structure d’un texte est importante, indispensable même, mais elle n’est qu’un moyen. « Les symétries de la rhétorique biblique ne sont pas une fin en soi : admirer des structures aussi éblouissantes que les cristaux formés par le gel sur les vitres ne nous intéresse aucunement. [...] Ouvrant la porte du sens, cet exercice préserve déjà de ce qui serait purement cérébral et alimente une attention vivante15. » Tout ce travail minutieux et rigoureux n’a qu’un but : mieux comprendre le texte, en tenant ensemble tous ses éléments dans leurs rapports mutuels, en décelant le mouvement du texte, son évolution. Un plan, une structure qui n’a aucune incidence sur le sens du texte, n’a pas plus d’utilité que le papier cadeau qui ne sert qu’à « faire beau », et qui, bien souvent, ne l’est même pas. Dans la plupart des commentaires, l’interprétation n’intervient qu’à un seul niveau, que ce soit celui du verset ou de la péricope. Ici, comme dans tous les ouvrages de la collection Rhetorica Biblica et Semitica, le texte sera interprété, comme par vagues successives, à six niveaux, à partir de celui du passage, puis de la sous-séquence et de la séquence, de la sous-section et de la section et enfin à celui de l’ensemble du livre. Il ne m’a pas paru indispensable de renvoyer sans cesse aux commentaires que j’ai utilisés tout au long de mon travail, surtout pour les questions textuelles. Ce sont essentiellement ceux de Di Fonzo, Vílchez Líndez, Seow et Schoors, mais aussi de quelques autres, comme Crenshaw, Krüger, Lohfink, Longman, Ogden16. Pour le Cantique des cantiques, j’avais accordé une certaine importance à la typologie. La femme du Cantique est l’antitype d’Ève. La première femme fut privée de parole de la part de son homme : ils n’échangent pas un seul mot. Le dialogue amoureux du Cantique répare heureusement cette erreur, ce malheur initial. Il en irait de même pour Qohélet où le nom d’Abel, « buée », résonne trente-huit fois au long du livre. Selon le texte hébreu de Gn 4, Abel, comme Ève sa mère, est privé de parole : il ne dit rien et personne ne lui adresse le moindre mot. Dans son livre, Qohélet fait entendre, en quelque sorte, la voix d’Abel dont la courte vie ne fut que buée. « Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! » (Gn 4,10).

15 16

P. BEAUCHAMP, « Préface », 12-13. Ainsi que L. MAZZINGHI, Ho cercato e ho esplorato.

Introduction

11

Remerciements Sylvaine Reboul a bien voulu relire mon manuscrit. Son acribie a permis de corriger bien des erreurs. Qu’elle en soit vivement remerciée17.

17 Qu’elle veuille bien me pardonner de continuer à suivre, comme toujours, l’orthographe « modernisée » en 1990, « recommandée » par l’Académie française. Le lecteur ne s’étonnera donc pas de lire « maitre » au lieu de « maître », « interpelé » au lieu d’« interpellé », « relai » au lieu de « relais ».

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AB al. AUSS BEThL BiTr BJ BKAT CBQ CCL chap. DBS ed. EDB EtBib FolOr JBL Joüon JSOT LeDiv LiBi litt. MUSJ NICOT nt. Osty OTL p. par ex. par. RBS

Anchor Bible alii, autres Andrews University Seminary Studies Biblioteca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium Bible Translator Bible de Jérusalem Biblischer Kommentar. Altes Testament Catholic Biblical Quarterly Corpus christianorum. Series latina Chapitre Dictionnaire de la Bible. Supplément edidit, ediderunt Edizioni Dehoniane Bologna Études bibliques Folia Orientalia Journal of Biblical Literature P. Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1923 Journal for the Study of the Old Testament Lectio Divina Lire la Bible littéralement Mélanges de l’Université Saint-Joseph The New International Commentary on the Old Testament note La Bible, trad. É. Osty, Paris 1973 Old Testament Library page(s) par exemple Paragraphe Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique RBSem Rhetorica Biblica et Semitica (Peeters) ReBib Retorica biblica ReBibSem Retorica biblica e semitica RhBib Rhétorique biblique (Cerf) RhSem Rhétorique sémitique (Lethielleux, Gabalda) RHPR Revue d’histoire et de philosophie religieuses ScE Science et esprit Traité 2007.2012 R. Meynet, Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Paris 2007 ; 2e éd. revue et corrigée, RhSem 12, Pendé 2013

14 Traité 2021 TOB trad. v. vol. VT

Qohélet R. Meynet, Traité de rhétorique biblique. 3e édition revue et augmentée, RBSem 28, Leuven 2021 Traduction Œcuménique de la Bible traduction verset(s) volume(s) Vetus Testamentum

Les commentaires ne sont cités que par le nom de l’auteur (ou des auteurs) en minuscules, suivi des numéros de page(s). Ex. : Schoors, 241 ; Vílchez Líndez, 139-146. Les abréviations des livres bibliques sont celles de La Bible de Jérusalem (BJ).

LEXIQUE DES TERMES TECHNIQUES

1. TERMES QUI DÉSIGNENT LES UNITÉS RHÉTORIQUES Il arrive souvent, dans les ouvrages d’exégèse, que les termes « section », « passage », mais surtout « morceau », « partie »..., ne soient pas utilisés de façon univoque. Voici la liste des termes qui désignent les unités textuelles à leurs niveaux successifs. LES NIVEAUX « INFÉRIEURS » (OU NON AUTONOMES) À part les deux premières (le terme et le membre), les unités de niveau inférieur sont formées de une, deux ou trois unités du niveau précédent. TERME

le terme correspond en général à un « lexème », ou mot qui appartient au lexique : substantif, adjectif, verbe, adverbe.

MEMBRE

le membre est un syntagme, ou groupe de « termes » liés entre eux par des rapports syntaxiques étroits. Le « membre » est l’unité rhétorique minimale ; il peut arriver que le membre comporte un seul terme (le terme d’origine grecque est « stique »).

SEGMENT

le segment comprend un, deux ou trois membres ; on parlera de segment « unimembre » (le terme d’origine grecque est « monostique »), de segment « bimembre » (ou « distique ») et de segment « trimembre » (ou « tristique »).

MORCEAU

le morceau comprend un, deux ou trois segments.

PARTIE

la partie comprend un, deux ou trois morceaux.

LES NIVEAUX « SUPÉRIEURS » (OU AUTONOMES) Ils sont tous formés soit d’une, soit de plusieurs unités du niveau précédent. PASSAGE

le passage — l’équivalent de la « péricope » des exégètes — est formé d’une ou de plusieurs parties.

SÉQUENCE

la séquence est formée d’un ou de plusieurs passages.

SECTION

la section est formée d’une ou de plusieurs séquences.

LIVRE

enfin le livre est formé d’une ou de plusieurs sections.

16

Qohélet

Il est quelquefois nécessaire d’avoir recours aux niveaux intermédiaires de la « sous-partie », de la « sous-séquence » et de la « sous-section » ; ces unités intermédiaires ont la même définition que la partie, la séquence et la section. VERSANT

ensemble textuel qui précède ou qui suit le centre d’une construction ; si le centre est bipartite, le versant correspond à chacune des deux moitiés de la construction.

2. TERMES QUI DÉSIGNENT LES RAPPORTS ENTRE LES UNITÉS SYMÉTRIQUES SYMÉTRIES TOTALES CONSTRUCTION PARALLÈLE

figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière parallèle : A B C D E | A’B’C’D’E’. Quand deux unités parallèles entre elles encadrent un élément unique, on parle de parallélisme pour désigner la symétrie entre ces deux unités, mais on considère l’ensemble (l’unité de niveau supérieur) comme une construction concentrique : A | x | A’. Pour « construction parallèle », on dit aussi « parallélisme » (qui s’oppose à « concentrisme »).

CONSTRUCTION SPÉCULAIRE

figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière antiparallèle ou « en miroir » : A B C D E | E’D’C’B’A’. Comme la construction parallèle, la construction spéculaire n’a pas de centre ; comme la construction concentrique, les éléments en rapport se correspondent en miroir. Quand la construction ne comprend que quatre unités, on parle aussi de « chiasme » : A B | B’A’.

CONSTRUCTION CONCENTRIQUE

figure de composition où les unités symétriques sont disposées de manière concentrique : A B C D E | x | E’D’C’B’A’, autour d’un élément central (cet élément peut être une unité de l’un quelconque des niveaux de l’organisation textuelle). Pour « construction concentrique », on peut aussi dire « concentrisme » (qui s’oppose à « parallélisme »).

CONSTRUCTION ELLIPTIQUE

figure de composition où les deux foyers de l’ellipse articulent les autres unités textuelles : A | x | B | x | A’.

Lexique des termes techniques

17

SYMÉTRIES PARTIELLES TERMES INITIAUX

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent le début d’unités textuelles symétriques ; l’« anaphore » de la rhétorique classique.

TERMES FINAUX

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’unités textuelles symétriques ; l’« épiphore » de la rhétorique classique.

TERMES EXTRÊMES termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les extrémités d’une unité textuelle ; l’« inclusion » de l’exégèse traditionnelle. TERMES MÉDIANS

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’une unité textuelle et le début de l’unité qui lui est symétrique ; le « mot-crochet » ou « mot-agrafe » de l’exégèse traditionnelle.

TERMES CENTRAUX termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les centres de deux unités textuelles symétriques. Pour plus de détails, voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Paris 2007 ; 2e éd. revue et corrigée, RhSem 12, Pendé 2013 ; 3e édition revue et augmentée, RBSem 28, Leuven 2021. PRINCIPALES RÈGLES DE RÉÉCRITURE – à l’intérieur du membre, les termes sont généralement séparés par des blancs ; – chaque membre est généralement réécrit sur une seule ligne ; – les segments sont séparés par une ligne blanche ; – les morceaux sont séparés par une ligne discontinue ; – la partie est délimitée par deux filets ; il en va de même pour les sous-parties. – à l’intérieur du passage, les parties sont encadrées (sauf si elles sont très courtes, comme une introduction ou une conclusion) ; les éventuelles sousparties sont disposées dans des cadres contigus ; – à l’intérieur de la séquence ou de la sous-séquence, les passages, réécrits en prose, sont disposés dans des cadres séparés par une ligne blanche ; – à l’intérieur de la séquence, les passages d’une sous-séquence sont disposés dans des cadres contigus. Sur les règles de réécriture, voir Traité, 2007.2011, chap. 5, 283-344 (sur la réécriture des tableaux synoptiques, voir chap. 9, 471-506) : 3e éd. 2021, 215269 ; 297-432.

PERSPECTIVE CAVALIÈRE DU LIVRE DE QOHÉLET

Après le Prologue (1,1-11) et avant l’Épilogue (12,9-14), le livre est organisé en trois sections : Prologue

1,1-11

SECTION A : LE ROI SALOMON

1,12–3,9

Section B : FILS D’ADAM, FILS DE DIEU

3,10–9,10

SECTION C : LE DIEU CRÉATEUR

9,11–12,8

Épilogue

12,9-12

La première et la dernière section sont formées chacune de deux séquences, la première comprenant deux sous-séquences (1,12–2,26 ; 9,1–11,6), la deuxième un seul passage (3,1-9 ; 11,7–12,8). Prologue : 1,1-11 1,12-18

5,10-19

9,11-12

2,1-11 3,10-17 6,1-6 8,16-17

3,18-22 6,7-12 9,1-2

9,13–10,4

2,12-19

2,20-26

4,1-6 7,1-14 9,3

4,7-16 7,15-25 9,4-6

10,5-15

10,16–11,6

3,1-9 4,17–5,9 7,26–8,8 9,7-10

8,9-15

11,7–12,8

Épilogue : 12,9-12

Nettement plus développée, la section centrale comprend trois sous-sections, la sous-section centrale étant plus développée que les deux autres : ses séquences extrêmes sont formées de trois passages (5,10–6,12 ; 7,15–8,15), tandis que la séquence centrale est de la taille d’un seul passage (7,1-14).

LE PROLOGUE Qo 1,1-11

La composition des premiers versets du livre est très discutée1. La plupart considèrent que le premier verset est le titre du livre, mais certains lui adjoignent le verset suivant pour en faire le « Préambule à Qohélet »2, ou les deux versets suivants, intitulés « Titre et prologue du livre »3. D’autres sont d’avis que le titre (1) est suivi d’une « préface » qui comprend les versets 2 à 114. Pour la grande majorité, 4-11 est un poème qui suit les trois premiers versets introductifs. Les onze premiers versets du livre sont ici considérés comme une séquence qui comprend deux passages. Le second passage (3-11) est d’une construction concentrique très élaborée ; il explicite le sens des premières paroles de Qohélet qui forment le premier passage.

A. LE TITRE DU LIVRE (1,1-2) TEXTE 1,1 Paroles de Qohélet, fils de David, roi à Jérusalem : buée des buées, tout (est) buée. V. 1

2

Buée des buées, dit Qohélet,

: « QOHÉLET »

De forme féminine, ce nom propre, de la racine qhl, « assembler », « réunir », a donné, à travers le latin, « Ecclésiaste ». Sur les sept occurrences de ce nom, une (12,8) porte l’article. Puisqu’il s’adresse à une assemblée, on l’a considéré comme un nom commun et donc rendu par « le Prédicateur ». V. 2

: « BUÉE DES BUÉES »

Le substantif hebel signifie « air », « souffle », « vapeur » ; il est souvent mis en parallèle avec rûaḥ, « vent » (1,14.17 ; 2,11.17.26 ; 4,4.16 ; 6,9). Il revient 38 fois dans le livre (sur 73 occurrences dans la Bible hébraïque, dont huit fois en Gn 4). Il est généralement traduit, à la suite du grec et du latin, par « vanité » ; on le rend ici par « buée » qui rend mieux son sens concret et qui calque l’original du point de vue phonique. « Buée des buées » est la manière hébraïque d’exprimer le superlatif, comme dans « Seigneur des seigneurs », « Cantique des cantiques »5.

1

Voir, par exemple, F. ROUSSEAU, « Structure de Qo 1,4-11 », 201-202. Vílchez Líndez, 139-146. 3 Di Fonzo, 120. 4 Seow, 100. 5 Voir, par ex., Vílchez Líndez, 454-461 ; Mazzinghi, 365-388. 2

24

Qohélet

COMPOSITION DU PASSAGE ·· 1,1 PAROLES : fils : roi

de QOHÉLET, de David, à Jérusalem :

·······················································

+ 2 Buée ·· DIT

des buées, QOHÉLET,

+ buée + tout

des buées, (est) buée !

À « paroles de Qohélet » dans le premier morceau (1a) correspond « dit Qohélet » dans le deuxième (2b). Le premier morceau (1) dit quel est l’auteur ou le sujet des « paroles » de Qohélet, le second (2) l’objet de ce qu’il « dit », à savoir que « tout » est « buée ». CONTEXTE AMOS Le titre de Qohélet ressemble à celui d’Amos : 1,1 PAROLES

d’AMOS,

– qui fut : qui eut-des-visions – aux jours : et aux jours deux ans

parmi les contre

d’Ozias, de Jéroboam fils de Joas, avant

éleveurs

de TÉQOA, ISRAËL,

roi de JUDA roi d’ISRAËL, le tremblement-de-terre ;

···················································································································· 2

et IL DIT : – « Le SEIGNEUR – et de JÉRUSALEM

de SION il donne

rugit de la voix :

: alors se flétrissent : alors se dessèche

les pâturages le sommet

des du

bergers CARMEL. »

Là aussi, le premier morceau présente le sujet des « paroles » et le second le contenu de ce qu’« il dit »6.

6

Voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 25-34.

Le prologue (1,1-11)

25

ABEL Le nom commun hebel, répété cinq fois, apparait pour la première fois au début de la Genèse : « Abel » (hebel) est le nom propre du deuxième fils d’Adam et Ève, dont aucune parole n’est rapportée et qui mourra, sans descendance, sous les coups de Caïn, son frère ainé (Gn 4)7. ADAM Juste après le nom d’« Abel » sera prononcé celui d’« Adam », traduit par « l’humain » : « Quel profit pour l’Adam dans tout son travail qu’il peine sous le soleil ? » (1,3). Ce qui renvoie à Gn 3,17-19. « TOUT ADAM EST ABEL » Osty traduit Ps 39,12 : « Rien qu’un souffle tous les humains ! » et la TOB : « Oui, tout homme c’est du vent ». Littéralement, « Vraiment, Abel est chaque Adam ». En Ps 62,10 : « Oui, Abel sont les fils d’Adam, mensonge les fils d’homme ; montant sur la balance, eux sont moins qu’Abel ensemble » ; selon la BJ : « Un souffle seulement, les fils d’Adam, un mensonge, les fils d’homme ; sur la balance s’ils montaient ensemble, ils seraient moins qu’un souffle ». En Ps 144,4 : « Adam à Abel ressemble, son jour comme ombre passe », ou selon la BJ : « L’homme est semblable à un souffle, ses jours sont comme l’ombre qui passe » (voir aussi Ps 94,11).

INTERPRÉTATION PARADOXE Si vraiment « tout » est buée, et même « buée de buées », cela doit englober jusqu’aux « paroles » de Qohélet. L’auteur a bien pris soin de répéter, au beau milieu des mots de sa thèse, que telles sont ses propres paroles. Et il n’est pas jusqu’au parallélisme du second morceau qui ne mette en relation directe ce qu’il « dit » et « tout est buée ». Pourquoi alors se donner la peine d’écrire tout un livre pour dire que cela n’en vaut pas la peine ? Tel est le paradoxe de cette œuvre : si tout est vain, il faut le dire et qu’on le sache ! Il faut surtout que le lecteur y réfléchisse, en compagnie de l’auteur.

7

Voir A. NEHER, Notes sur Qohélet, 71-91 ; J. ELLUL, Reason for Being. A Meditation on Ecclesiastes, 58-60 ; R. ANTIC, « Cain, Abel, Seth, and the Meaning of Human Life as Portrayed in the Books of Genesis and Ecclesiastes ».

B. « TOUT EST FATIGUE » (1,3-11) TEXTE 3

Quel profit pour l’humain dans tout son travail qu’il peine sous le soleil ? 4 Une génération va et une génération vient, et la terre pour toujours subsiste. 5 Et se lève le soleil et vient le soleil et vers son lieu aspire, se levant lui là-bas. 6 Allant vers le sud et tournant vers le nord, tournant, tournant ; allant le vent et sur ses alentours, revenant le vent. 7 Tous les fleuves vont vers la mer et la mer pas elle remplie ; vers le lieu où les fleuves vont, là-bas eux reviennent pour aller. 8 Toutes les paroles fatigantes ne peut pas un homme parler ; ne se rassasie pas l’œil de voir et ne se remplit pas l’oreille d’entendre. 9 Ce qui a été ce qui sera et ce-qui a été fait ce-qui sera fait ; et il n’y a pas de tout nouveau dessous le soleil. 10 Y a-t-il une chose dont on dise : Voisceci, nouveau lui ? Déjà il a été depuis toujours, lequel il a été avant nous. 11 Il n’y a pas de souvenir pour les premiers et aussi pour les derniers qui seront ; il ne sera pas pour eux de souvenir avec (ceux) qui seront en dernier. V . 3A

: « QUEL PROFIT POUR L’HUMAIN »

Le terme yitrôn signifie « profit » ou « avantage » ; ’ādām est traduit par « humain », sauf dans le syntagme qui sera rendu par « fils d’Adam ». V. 3BC

: « TRAVAIL/PEINER »

Cette racine ‘ml revient souvent dans Qohélet. Elle signifie le « travail » sous son aspect fatigant, pénible1. C’est pourquoi le substantif est rendu par « travail » et le verbe par « peiner ». V . 8A

: « TOUTES LES PAROLES, FATIGUE »

Le terme dābār est ambigu : il peut signifier « parole » (comme en 1,1a) ou « chose » (comme en 1,10a). La Septante a opté pour la première solution, la Vulgate pour la deuxième. Il est de même racine que le dernier mot du segment, « parler ». Au niveau du passage, on a choisi de le traduire par « chose », car il est repris en 10a. Une autre solution serait de laisser de côté aussi bien « paroles » que « choses » et de dire, comme dans le titre donné à ce passage, simplement « tout », ou, mieux encore « Absolument tout », ce qui engloberait paroles et choses. Le terme suivant est lui aussi ambigu. En effet, yegē‘îm peut être compris comme actif (« Toutes les paroles/choses sont fatigantes ») ou comme passif (« Toutes les paroles/choses sont fatiguées »). Pour maintenir l’ambiguïté, on traduira : « Toutes les paroles (sont) fatigue ». Tous les auteurs notent la difficulté du premier segment du verset2. Certains sont allés jusqu’à le considérer comme une glose marginale intégrée ensuite dans le texte : si on la supprimait, le texte se développerait de manière plus naturelle. 1 2

Voir, par ex., Vílchez Líndez, « Excursus III : il lavoro in Qoèlet », 462-465. Voir, par exemple, Vílchez Líndez, 162-167.

28

Qohélet

C’est tout simplement un exemple de plus d’une loi de la rhétorique biblique : le centre d’un texte est toujours énigmatique3. COMPOSITION DU PASSAGE Le passage comprend cinq parties organisées de manière concentrique autour du v. 84. La centralité de ce verset est, pour ainsi dire, confirmée par le fait que certains le placent à la fin de la première partie du poème 5 et d’autres au début de la deuxième6. LA PREMIÈRE PARTIE (1,3-4) + 3 Quel profit – dans tout – qu’il peine 4

– Une génération – et une génération + et la terre

pour l’humain son travail dessous

le soleil ?

va vient, pour toujours

subsiste.

« L’humain » est mis en relation avec « le soleil » à la fin du premier segment, avec « la terre » à la fin du second. « Travail/peine » revient dans les deux derniers membres du premier segment, « génération » dans les deux premiers membres du second, ce qui laisse entrevoir un rapport entre les deux activités de l’homme, son « travail » et sa « génération ». LA DEUXIÈME PARTIE (1,5-7) Le premier morceau traite du « soleil », le second du « vent », le troisième des « fleuves » ; chacun de ces termes revient deux fois dans son morceau (5a.b ; 6d.f ; 7a.c). Le morceau central se distingue des deux autres car il est le seul qui soit formé de deux trimembres et dont chaque membre comprenne deux termes seulement ; c’est aussi le seul dont les verbes sont au participe. Les morceaux extrêmes ont en commun « là-bas », dans leurs derniers membres, et « son/le lieu » dans les avant-derniers membres. Les deux derniers morceaux sont liés par la quintuple reprise du verbe « aller » (6a.d ; 7a.c.d) et par « revenir » dans leurs

3

Voir Traité 2007.2013, 417 ; Traité 2021, 347. « C’est comme une respiration et une courte pause de transition entre le sujet des versets précédents et le suivant » (Di Fonzo, 230) ; de même Vílchez Líndez, 163. Voir P. AUFFRET, « “Rien du tout de nouveau sous le soleil”. Étude structurelle de Qo 1,4-11 » ; T. NISHIMURA, « Un mashal de Qohelet 1,2-11 » ; M. BARANIAK, « The Sun or the wind ». 5 Ainsi Seow, 113 6 Ainsi Ravasi, 75 ; Vílchez Líndez, 162 ; D’Alario, 67 ; Mazzinghi, 134, qui pourtant entrevoit la fonction de pont de ce verset (141-142). 4

Le prologue (1,1-11)

29

derniers membres. Dans les trois morceaux est reprise la préposition « vers » (5c ; 6a.b ; 7a.c). + 5 Et se lève + et vient

le soleil le soleil

+ et vers SON LIEU + se levant

aspire, lui

LÀ-BAS.

·············································································

– 6 ALLANT – et tournant – tournant,

vers le sud vers le nord, tournant ;

– ALLANT – et sur– REVENANT

le vent ses alentours, le vent.

············································································· 7

= Tous les fleuves = et la mer

n’est pas

= vers LE LIEU = LÀ-BAS

où les fleuves eux

vers la mer remplie ;

VONT

VONT, REVIENNENT

POUR ALLER.

LA TROISIÈME PARTIE (8) Le lien entre les deux segments est marqué par les rapports entre les trois derniers membres, la négation au début, les trois verbes, « parler », « voir » et « entendre » qui appartiennent au même champ sémantique. De même que l’homme « ne peut pas parler » « toutes les paroles », ainsi son œil ne peut pas tout voir et son oreille ne peut pas tout entendre. + 8 Toutes + ne peut pas

LES PAROLES

un homme

PARLER

– ne se rassasie pas – et ne se remplit pas

l’œil l’oreille

de voir d’entendre.

fatigantes ;

30

Qohélet

LA QUATRIÈME PARTIE (9-10) + 9 Ce-qui A ÉTÉ + et ce-qui a été fait – et il n’y a pas – dessous

(est) ce-qui SERA (est) ce qui sera fait ; de tout NOUVEAU le soleil.

···································································································

– 10 Y a-t-il – Vois-ceci, + Déjà + lequel

une chose NOUVEAU IL A ÉTÉ IL A ÉTÉ

dont on dise : lui ? depuis toujours avant nous.

Les deux morceaux se correspondent de manière spéculaire. Les segments extrêmes reprennent chacun deux fois le verbe « être », le premier visant le futur avec « ce qui sera » et « ce qui sera fait », le dernier le passé avec « depuis toujours » et « avant nous ». Le premier segment médian (9cd) nie qu’il y ait du « nouveau », et le deuxième (10ab) y revient par une question qui trouvera une réponse négative dans le dernier segment. LA CINQUIÈME PARTIE (11) + 11 Il n’y a pas :: et aussi

DE SOUVENIR

+ il ne sera pas :: avec (ceux)

pour eux qui seront

pour les derniers

pour les premiers qui seront ; DE SOUVENIR,

en dernier.

Les deux segments sont parallèles. C’est la même négation du « souvenir » « pour les premiers » (11a.c) comme « pour les derniers » (11b.d) ; la seule différence est celle du temps, le présent dans le premier segment, le futur dans le second. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (1,3-11) Aux extrémités, à « une génération » qui « va » et « une génération » qui « vient » correspondent « les premiers » et « les derniers ». Comme les générations humaines passent sans « profit », ainsi elles ne laissent aucun « souvenir ». La seconde et l’avant-dernière partie, qui sont plus développées que les autres, traitent des éléments de ce monde, « soleil », « vent » et « fleuves » dans l’une (5-7), de façon plus générale dans l’autre (9-10) où le terme « chose » correspond au « soleil », au « vent » et aux « fleuves ». « Soleil » revient deux fois en 5a et une en 9c. Rien de « nouveau » (deux fois, en 9c.10a), tout « revient » sans cesse (deux fois, en 6b.7b).

Le prologue (1,1-11) 1,3 Quel profit pour l’humain 4 Une génération VA

dans tout son travail et une génération VIENT

5

Et se lève LE SOLEIL et vers son lieu aspire,

31 qu’il peine SOUS LE SOLEIL ? et la terre POUR TOUJOURS subsiste.

et VIENT LE SOLEIL se levant lui là.

····································································································· 6

IL VA vers le IL VA le vent

sud

et tourne vers le nord, et sur-ses alentours

tourne, tourne ; revient le vent.

····································································································· 7

Tous les fleuves VONT vers la mer vers le lieu où les fleuves VONT 8

Toutes les choses sont fatigantes, ne se rassasie pas l’œil de voir 9

Ce-qui A ÉTÉ, et ce-qui a été fait, et il n’y a pas de tout nouveau

et la mer pas elle (est) remplie ; là eux reviennent pour ALLER. ne peut pas un homme parler ; et ne se remplit pas l’oreille d’entendre. ce qui SERA ce qui sera fait ; SOUS LE SOLEIL.

····································································································· 10

11

Y a-t-il une chose dont on dise : Déjà IL A ÉTÉ DEPUIS TOUJOURS

Vois-ceci, nouveau lui ? lequel IL A ÉTÉ avant nous.

Il n’y a pas de souvenir pour les premiers pour eux de souvenir

et aussi pour les derniers qui SERONT ; avec ceux qui SERONT en dernier.

IL NE SERA PAS

Dans la partie centrale (8), « choses » et « parler » du premier segment sont de même racine que « une chose » (10a) dans la partie suivante ; « ne se remplit pas » du second segment renvoie à « pas elle est remplie » (7a) dans la partie précédente. En outre, son premier terme, « toutes » reprend « toute » de la première partie (3) et « tous » de la deuxième partie (7a) et annonce « tout » de l’avant-dernière partie (9c). Les trois négations de cette partie centrale seront reprises trois fois dans les deux parties suivantes (9c.10a.11a). À « travail » de la première partie (3) correspond « fatigantes » de la partie centrale. « Sous le soleil » revient dans la première partie (3) et dans l’avant-dernière (9c) ; en outre, « soleil » est repris deux fois dans la deuxième partie (5a). CONTEXTE « À QUOI SERVIRAIT À UN HOMME DE GAGNER LE MONDE ENTIER... ? » La question par laquelle commence le passage ressemble à celle qui se trouve en plein centre du deuxième évangile (Mc 8,36). Il y est également question de profit, de l’homme et du tout. Chez Marc, cette question renvoie à Gn 2–3 : si l’humain veut vivre, il doit renoncer à la totalité, à « gagner le monde entier »7. 7

Voir R. MEYNET, L’évangile de Marc, 2014, 288-291 ; 2021, 294-297.

32

Qohélet

GN 1–3 Comme dans les premiers chapitres de la Genèse, l’humain est présenté dans la création : ici, « le soleil » et « la terre » de la première partie, « le soleil » avec « le vent », avec « les fleuves » et « la mer » dans la deuxième partie. Avec « créer », « ce qui a été fait » est un des deux verbes de la création, et le verbe « être » (qui ne revient pas moins de sept fois dans le deuxième versant du passage) apparait aussi très souvent, avec « faire » et « créer », dans le premier récit de la création : « Que la lumière soit ! Et la lumière fut » (Gn 1,3). En parallèle avec « pour toujours » (4), « depuis toujours » (10b) renvoie à l’origine. Enfin, le premier mot de la partie centrale pourra être considéré comme motclé, d’autant plus qu’il revient trois autres fois (3.7a.9c). Ce que le Seigneur interdit à l’humain, sous peine de mort, c’est le « tout ». Il peut tout manger, sauf tout. L’acceptation de la limite est vitale pour lui8.

INTERPRÉTATION « SOUS LE SOLEIL » Dès le début, le soleil surplombe toute la scène, un soleil qui parait implacable, rappelant à l’homme jour après jour sa caducité, l’inanité de toute la peine qu’il se donne. Alors que l’homme finit par s’en aller, ne laissant pas le moindre souvenir derrière lui, le soleil ne cesse de se lever chaque matin, depuis toujours et pour toujours. Sans cesse renouvelée, sa lumière révèle à l’homme combien il ne fait que passer. RADICALEMENT INSATIABLE Comme la mer ne se remplit jamais, malgré tous les fleuves qui reviennent sans cesse vers elle, ainsi le désir de l’humain ne saurait être comblé, ni de ce qu’il voit ni de ce qu’il entend. Il sera à jamais incapable de nommer toutes les choses de ce monde ; sa parole sera pour toujours en deçà de la réalité. Rien de nouveau en cela : comme au jardin de la Genèse, la totalité est interdite à chacun des fils d’Adam. TRAVAIL ET FATIGUE Toute chose, toute parole est épuisante (8a) ; toute la vie de l’homme n’est que « travail » (3). La tonalité de tout le passage en est fort assombrie ; et l’omniprésence du soleil ne fait que la renforcer, par contraste. On croit entendre ce que Dieu dit à Adam après sa faute : « maudit soit le sol à cause de toi ! À force de peines tu en tireras subsistance tous les jours de ta vie » (Gn 3,17). Et la 8

Sur les rapports entre Qohélet et Gn 2–3, voir P. BEAUCHAMP, « Entendre Qohélet », 347-349

Le prologue (1,1-11)

33

succession des générations (3.11) rappelle la suite du discours de Dieu à l’humain : « À la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes l’humus, puisque tu en fus tiré. Car tu es poussière et à la poussière tu retourneras » (3,19). « VERS SON LIEU » Le soleil aspire « vers son lieu » (5) et de même les fleuves (7b). Et ce dernier « lieu » est nommé, et même deux fois : c’est « la mer » (7a). Comme le soleil, comme le vent, comme les fleuves, l’humain « va », « s’en va » (4). Il ne peut aller, comme eux, que « vers son lieu », mais son nom n’est pas prononcé, pas une seule fois. Comme s’il n’y avait pas « souvenir » de lui (11).

C. LE PROLOGUE (1,1-11) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE 1,1 PAROLES de Qohélet, 2 BUÉE des BUÉES, BUÉE des BUÉES, 3 4

Quel-profit pour l’humain Une génération va

fils de David, DIT Qohélet, TOUT est BUÉE.

roi à Jérusalem :

dans TOUT son travail et une génération vient

qu’il peine sous le soleil ? et la terre pour toujours subsiste.

5

Et se lève le soleil et vers son lieu aspire,

et vient le soleil se levant lui là.

··································································································· 6

Il va vers le sud il va LE VENT

et tourne vers le nord, et sur-ses alentours,

tourne, tourne ; revient LE VENT.

··································································································· 7

TOUS les fleuves vont vers la mer vers le lieu où les fleuves vont 8

TOUTES LES PAROLES sont fatigantes, ne se rassasie pas l’œil de voir 9

Ce-qui a été, et ce-qui a été fait, et il n’y a pas de TOUT nouveau

et la mer n’est pas remplie ; là eux reviennent pour aller. ne peut pas un homme PARLER ; et ne se remplit pas l’oreille d’entendre. c’est ce qui sera c’est ce qui sera fait ; sous le soleil.

··································································································· 10

Y a-t-il une chose dont on dise : Déjà il a été depuis toujours 11

Il n’y a pas de souvenir pour les premiers il ne sera pas pour eux de souvenir,

Vois-ceci, nouveau lui ? lequel il a été avant nous. et aussi pour les derniers qui seront ; avec ceux qui seront en dernier.

Le premier terme du premier passage, « paroles » (1), suivi de « dit » (2a), est repris au centre du second (8a), suivi par « parler » (8a). « Tout », à la fin du premier passage (2b), revient quatre fois dans le deuxième passage (3.7a.8a.9c). Aux cinq occurrences de « buée(s) » (2) font écho les deux de « vent » (6b), car ces deux termes reviennent souvent ensemble (voir p. 23).

CONTEXTE ABEL ET ADAM À la fin du premier passage revient cinq fois le terme hebel, traduit par « buée », qui est aussi le nom propre d’« Abel », deuxième fils d’Adam et Ève. Quant au second passage, il commence avec le terme ’ādām, traduit par « humain », qui est aussi le nom propre d’Adam, père d’Abel.

36

Qohélet

INTERPRÉTATION TEL PÈRE, TEL FILS Les premières paroles de Qohélet se résument en un seul mot, « buée », porté à son paroxysme par la répétition et surtout par la formule superlative. Le deuxième passage l’explicite longuement. La buée dramatique du fils renvoie à celle de son père. Abel est bien le fils d’Adam. Éliminé brutalement, sans avoir eu le temps de dire la moindre parole, sans laisser de descendance, premier mort, père en quelque sorte de tous les morts à venir, il mérite assurément son nom de « buée ». Son inanité, son inconsistance renvoie à celle de son père, lui qui n’a jamais échangé un mot avec sa femme durant toute sa vie. QOHÉLET ET LE CANTIQUE Le Cantique des cantiques met en scène un couple qui est l’antitype du couple originel, Adam et Ève. Alors que la mère des vivants n’avait pas pu dire un seul mot, parlée qu’elle était par son homme1, les amants du Cantique développent une long dialogue amoureux où la part belle est celle de la femme. Quant à Qohélet, il présente, dès son Prologue, Adam et Abel. À la relation sponsale du Cantique, pourrait correspondre la relation filiale dans le livre de Qohélet. Cependant, quand on pense à Abel, on pense inévitablement à son frère ainé, celui qui devait le tuer, le faire taire pour toujours, Caïn.

1

Voir A. WÉNIN, D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain, 76-81.

LE ROI ACQUÉREUR La première section Qo 1,12–3,8

38

La première section (1,12–3,9)

La section est organisée en deux séquences. La première (A1) comprend deux sous-séquences, chacune formée de deux passages. La deuxième séquence (A2) est de la taille d’un seul passage complexe, d’un genre très différent.

A1 : VOILÀ CE QUE J’AI FAIT AVEC SAGESSE COMME ROI

A2 : « UN TEMPS POUR ENFANTER ET UN TEMPS POUR MOURIR »

1,12–2,11

3,1-9

I. MA SAGESSE DE ROI AURA-T-ELLE UN AVENIR ? La séquence A1 : 1,12–2,26 A. VOILÀ CE QUE J’AI FAIT AVEC SAGESSE COMME ROI La première sous-séquence : 1,12–2,11 Cette sous-séquence comprend deux passages. J’AI ÉTUDIÉ

PAR LA SAGESSE

TOUT CE QUE FONT LES HOMMES

J’AI PRATIQUÉ

PAR LA SAGESSE

TOUT CE QUE J’AI FAIT MOI-MÊME

1,12-18

2,1-11

1. J’ai étudié par la sagesse tout ce que font les hommes (1,12-18) TEXTE 1,12 Moi, Qohélet, j’ai été roi sur Israël à Jérusalem. 13 Et j’ai donné mon cœur à rechercher et à explorer par la sagesse sur tout ce qui se fait dessous le ciel : c’est une occupation malheureuse qu’a donnée Dieu aux fils d’Adam pour s’occuper en elle. 14 J’ai vu toutes les œuvres qui se font dessous le soleil : et voici, tout (est) buée et poursuite de vent ! 15 Le courbé ne peut pas être redressé et le manquant ne peut pas être compté. 16 J’ai parlé, moi, avec mon cœur disant : Moi, voici, j’ai augmenté et j’ai ajouté la sagesse plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem : et mon 17 cœur a vu abondance de sagesse et de connaissance. Et j’ai donné mon cœur pour connaitre la sagesse et connaitre la sottise et la folie : j’ai su que aussi cela c’est poursuite de vent, 18 car abondance de sagesse, abondance de chagrin et ajout de connaissance, ajout de douleur. V. 14

: « POURSUITE DE VENT »

Le substantif re‘ût ainsi que son synonyme ra‘yôn (17) renverraient au troisième sens de la racine r‘h : « désirer », « rechercher ». On peut aussi y percevoir une connotation avec le premier sens de la racine, « paitre », « se nourrir de ». V. 17

: « POUR CONNAITRE LA SAGESSE ET CONNAITRE LA SOTTISE ET LA FOLIE »

À la suite des versions, certains coupent différemment, faisant de « la sagesse et la connaissance » un couple dont le correspondant est « la sottise et la folie ». Selon le texte massorétique, que nous suivons, le deuxième « connaitre » est un verbe et non un substantif.

40

La première section (1,12–3,9)

COMPOSITION DU PASSAGE LA PREMIÈRE PARTIE (1,12) 1,12 Moi, j’ai été sur Israël

Qohélet, roi à Jérusalem.

Le locuteur se présente en trois membres de deux termes : il dit son nom (12a), sa fonction (12b), le lieu de son activité (12c). LA DEUXIÈME PARTIE (13-14) + 13 Et j’ai donné + à rechercher :: sur TOUT ce qui = c’est = qu’a donnée = pour s’occuper

mon cœur et à explorer

par la sagesse

SE FAIT

DESSOUS

LE CIEL :

une occupation Dieu en elle.

malheureuse aux fils

d’Adam

·················································································································· 14

+ J’ai vu :: qui = et voici, = et poursuite

TOUTES SE FONT

LES ŒUVRES DESSOUS

(est) de vent !

buée

TOUT

LE SOLEIL

:

Les deux morceaux sont parallèles ; le premier comprend deux trimembres, le second deux bimembres. Les premiers segments commencent par un verbe aux mêmes modalités (13a.14a) et s’achèvent avec des syntagmes très semblables (13c.14b) ; « tout/tous » revient à la fin du premier et au début du second. Alors que le premier segment parle de la recherche, l’autre en énonce le résultat. Les seconds segments donnent l’évaluation des deux étapes de l’activité du roi : non seulement la recherche est une tâche malheureuse donnée par Dieu (13def), mais encore le résultat de cette recherche est décevant, « buée » et « vent » (14cd).

Séquence A1 (1,12–2,26)

41

LA TROISIÈME PARTIE (15) 15

Le courbé et le manquant

ne peut pas ne peut pas

être redressé être compté.

Le parallélisme des deux membres est strict. Il y a une progression entre ce qui est défectueux, « le courbé », et ce qui n’existe même pas, « le manquant ». LA QUATRIÈME PARTIE (16-18) + 16 J’ai parlé,

moi,

AVEC MON CŒUR

+ Moi, + j’ai augmenté + plus que tous ceux qui

voici, ET J’AI AJOUTÉ ont été

avant moi

disant :

LA SAGESSE

= ET MON CŒUR = ABONDANCE

a vu

= J’AI SU = c’est

qu’aussi poursuite

cela de vent,

: 18 car dans L’ABONDANCE : et AJOUT

DE SAGESSE, DE CONNAISSANCE,

AJOUT

sur Jérusalem :

DE SAGESSE ET DE CONNAISSANCE. ··············································································································· + 17 Et j’ai donné MON CŒUR LA SAGESSE + pour CONNAITRE + et CONNAITRE la sottise et la folie :

ABONDANCE

de chagrin ; de douleur.

Les deux morceaux se correspondent en parallèle. Aux deux premiers segments du premier morceau correspond le premier segment du second : ils commencent par deux membres semblables, les verbes initiaux étant aux mêmes modalités, avec la reprise de « mon cœur ». Ces segments disent la recherche de la sagesse. Au dernier segment du premier morceau (16ef) correspondent les deux derniers du second morceau, avec la reprise d’« abondance », de « sagesse » et de « savoir ». Ils disent le résultat de la recherche, mais la fin du deuxième morceau qualifie l’« abondance » dont il était question à la fin du premier morceau comme « poursuite de vent » (17e). Et la partie s’achève sur la raison qui en est donnée (18) : les deux occurrences de « l’abondance » (18a) rappellent celle de 16f et les deux occurrences de « ajout » (18b) renvoient à « j’ai ajouté » de 16c. « Sagesse » et « connaissance » coordonnés à la fin du premier morceau sont couplés dans le dernier segment du second morceau. « Sagesse » revient deux fois dans chaque morceau (16c.f ; 17b.18a), « connaissance » une seule fois tout à la fin du premier morceau, mais quatre fois dans le second (17b.c.d.18b). Il n’est question de « la sottise et la folie » que dans le deuxième morceau (17c), et de même pour le « chagrin » et la « douleur » (18a.b).

42

La première section (1,12–3,9)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (1,12-18) 1,12 MOI, j’ai été sur Israël

Qohélet, roi À JÉRUSALEM.

+ 13 ET J’AI DONNÉ + à rechercher :: SUR TOUT CE QUI

MON CŒUR et à explorer SE FAIT

= c’est = qu’a donnée = pour s’occuper

une occupation Dieu en elle.

par LA SAGESSE DESSOUS

LE CIEL

malheureuse aux fils

d’Adam

:

·····························································································································

+ 14 J’AI VU :: QUI

toutes

les œuvres

SE FONT

DESSOUS

TOUT (EST) DE VENT !

BUÉE

ne peut pas ne peut pas

être redressé être compté.

+ 16 J’AI PARLÉ,

MOI,

AVEC MON CŒUR disant :

+ MOI, + j’ai augmenté + PLUS QUE TOUS CEUX

voici et j’ai ajouté

= ET VOICI, = ET POURSUITE 15

Le courbé et le manquant

QUI

FURENT

LA SAGESSE AVANT MOI

LE SOLEIL

:

SUR JÉRUSALEM

:

= et mon cœur = abondance

A VU DE SAGESSE et de connaissance. ·····························································································································

+ 17 ET J’AI DONNÉ + pour connaitre + et connaitre

MON CŒUR LA SAGESSE

la sottise

et la folie :

= J’AI SU = C’EST

QU’AUSSI POURSUITE

CELA DE VENT,

: 18 car abondance : et ajout

DE SAGESSE, de connaissance,

abondance ajout

de chagrin de douleur.

Dans une première partie introductive (12), le locuteur se présente. Après quoi son discours s’organise en trois parties, deux longues encadrant une partie centrale qui ne comprend qu’un seul segment bimembre (15). Les deux grandes parties sont parallèles entre elles. Le premier membre de la deuxième partie (13a) est repris au début du second morceau de la dernière partie (17a), précédé d’un membre semblable au début du premier morceau (16a). Chacun de leurs quatre morceaux s’achève par une constatation, négative

Séquence A1 (1,12–2,26)

43

dès le premier morceau, car la recherche est « une occupation malheureuse » (13def) et son résultat n’est que « poursuite de vent » (14cd ; 17de). En revanche, la conclusion de 16ef renvoie à 14ab, où est repris le verbe « voir ». Il est question de « la sagesse » tout au long (13b ; 16cf.17b.18a). Les deux membres semblables de la deuxième partie, « sur tout ce qui se fait dessous le ciel » (13c) et « qui se font dessous le soleil » (14b), trouvent un écho dans la dernière partie avec « plus que tous ceux qui furent avant moi sur Jérusalem » (16d). Aux trois occurrences de « tout/tous » dans la deuxième partie (13c.14a.14c) correspondent les trois occurrences de « abondance » dans la dernière (16f.18a bis). Le tout premier terme, « moi », en tête de l’introduction, sera repris deux fois au début de la dernière partie (16ab). « Jérusalem » à la fin de l’introduction reviendra dans le premier morceau de la dernière partie (16d). Quant à la courte partie centrale (15), elle tranche nettement sur le reste du passage : c’est un double proverbe qui n’a aucun mot commun avec le reste du passage. On se rappellera que le centre d’une construction concentrique en est la clé de voute et qu’il est toujours énigmatique1. On pourra remarquer que cette double négation peut être mise en relation avec la double constatation que tout est « buée » et « poursuite de vent » (14cd.17de) ; et aussi que « manquant » s’oppose à « tout » (13c.14a) et à « abondance » (16f.18a).

CONTEXTE LA SAGESSE DE SALOMON Le premier livre des Rois insiste sur la sagesse sans limites de Salomon : 9

Dieu donna à Salomon une sagesse et une intelligence extrêmement grandes et un cœur aussi vaste que le sable qui est au bord de la mer. 10 La sagesse de Salomon fut plus grande que la sagesse de tous les fils de l’Orient et que toute la sagesse de l’Égypte. 11 Il fut sage plus que n’importe qui, plus que l’Ezrahite Etân, que les fils de Mahôl, Hémân, Kalkol et Darda ; sa renommée s’étendait à toutes les nations d’alentour. 12 Il prononça trois mille sentences et ses cantiques étaient au nombre de mille cinq. 13 Il parla des plantes, depuis le cèdre qui est au Liban jusqu’à l’hysope qui croît sur les murs ; il parla aussi des quadrupèdes, des oiseaux, des reptiles et des poissons. 14 On vint de tous les peuples pour entendre la sagesse de Salomon et il reçut un tribut de tous les rois de la terre, qui avaient ouï parler de sa sagesse (1R 5). 23

Le roi Salomon surpassa en richesse et en sagesse tous les rois de la terre. 24 Tout le monde voulait être reçu par Salomon pour profiter de la sagesse que Dieu lui avait mise au cœur (1R 10).

1

Voir Traité 2007.2013, 417 ; 2021, 347.

44

La première section (1,12–3,9)

INTERPRÉTATION Dans le cas d’une construction concentrique, selon la troisième règle herméneutique, il faut « partir du centre »2. LE TOUT ET LE MANQUE La recherche de la sagesse royale s’étend à tout, à « tout ce qui se fait dessous le ciel » (13c), à « toutes les œuvres qui se font dessous le soleil » (14ab). Le roi veut tout savoir, il veut explorer non seulement la sagesse, mais aussi « la sottise et la folie » (17abc). Il n’est pas de limite à son désir. Une telle « occupation » est « malheureuse » (13def), elle est « courbée », tordue, et ne saurait être redressée (15a). Selon le parallélisme progressif entre les deux membres du proverbe, non seulement elle est tordue, qui plus est, elle est vaine, inexistante, « manquante » : qui pourrait la compter ? La recherche de la sagesse et de la connaissance ne peut, en fin de compte, que produire buée et vent (14cd.17de). Pire, « abondance » et « ajout » de sagesse et de connaissance ne font que générer davantage de « chagrin » et de « douleur » (18). À la totalité que vise la recherche humaine, s’oppose frontalement « le manque » qui la frappe d’inanité. L’INCAPACITÉ RADICALE DE L’HUMAIN Le double « ne peut pas », qui résonne au centre du passage, souligne l’incapacité de l’homme à changer quoi que ce soit dans ce monde tordu où il se trouve, le manque congénital et l’inanité de ses efforts auxquels il est affronté. Il n’a pas la moindre prise sur « la sottise et la folie », il ne peut mettre la main sur la sagesse et la connaissance qui lui échappent comme la buée et le vent. Le remède à une telle incapacité radicale ne peut être que la reconnaissance de la limite et l’acceptation du manque. Car, loin d’être un mal, celui-ci est la condition sine qua non de la sérénité et de la joie : « L’angoisse [...] surgit quand fait défaut l’appui d’un manque » (Jacques Lacan)3. LA VOIX DU SERPENT Le roi, dont la sagesse dépasse celle de tout autre, qualifie la recherche assidue du tout d’« occupation malheureuse » car elle ne peut déboucher que sur le vide, sur la buée et sur le vent. Il attribue ce malheur à Dieu ; c’est lui qui l’a donné aux hommes, et c’est un don empoisonné. Il semble que le roi a écouté la voix du serpent qui voulut faire croire à Ève que Dieu veut le mal de l’humain, qu’il entend l’empêcher d’atteindre à la totalité, qu’il lui interdit d’accès à la connaissance, celle du bien et du mal, de la sagesse et du savoir, de la sottise et de la folie (Gn 3,4). 2 3

Traité 2007.2013, 567 ; Traité 2021, 493. J.-A. MILLER, « Introduction à la lecture du séminaire L’angoisse de Jacques Lacan », 79-80.

2. J’ai pratiqué par la sagesse tout ce que j’ai fait moi-même (2,1-11) TEXTE 2,1 Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la joie et vois le bonheur ! Et voici, cela aussi (est) buée. 2 Du rire je dis : « Sottise », et de la joie : « Quoi celle-ci fait ? » 3 J’ai pensé dans mon cœur livrer au vin ma chair, et mon cœur conduisant dans la sagesse, et m’attacher à la folie jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour les fils d’Adam lequel ils font dessous le ciel, le nombre des jours de leur vie. 4 J’ai grandi mes œuvres, je me suis bâti des bâtiments, je me suis planté des vignes. 5 Je me suis fait des jardins et des vergers et j’ai planté en eux des arbres 6 de tout fruit ; je me suis fait des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant arbres. 7 J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, fut à moi aussi des troupeaux de gros-bétail et de petit-bétail ; beaucoup fut à moi, 8 plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem. Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des rois et des provinces. Je me suis fait des chanteurs et des chanteuses et tout le luxe des fils d’Adam, concubine et concubines. 9 Et j’ai grandi et j’ai ajouté plus que tout ce qui fut avant moi à Jérusalem ; mais ma sagesse est restée pour moi. 10 Et tout ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé mon cœur de toute joie, car mon cœur se réjouissait de tout mon travail et cela fut ma part en tout mon travail. 11 Et je me suis tourné, moi, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire ; et voici, tout (est) buée et poursuite de vent et il n’y a pas de profit dessous le soleil ! V. 1

: « JE TE FERAI-ÉPROUVER »

Au piel, nsh signifie normalement « éprouver », mais le parallélisme avec le membre suivant conduit à le comprendre comme un factitif1. V . 3A

: « J’AI PENSÉ »

Ailleurs, le verbe tûr a le sens d’« explorer », « rechercher » (1,13 ; 7,25). V . 3B

: « LIVRER MA CHAIR AU VIN »

Le sens du verbe est très disputé et les propositions de correction ne manquent pas2. En Ps 28,3 il signifie « trainer » ou « pousser » (« Ne me traine pas avec les méchants »). V. 8

: « CONCUBINE ET CONCUBINES »

Le sens de ce syntagme a été diversement interprété par les anciennes versions, considéré par certains modernes comme une glose. Il s’agit du harem royal3. Selon 1R 11,3 Salomon « eut sept cents épouses de rang princier et trois cents concubines ». 1

Seow, 126-127. Voir, par ex., Vílchez Líndez, 194-195. 3 Di Fonzo, 148-149. 2

46

La première section (1,12–3,9)

COMPOSITION DU PASSAGE Le passage est organisé en trois parties. LA PREMIÈRE PARTIE (2,1-3) + 2,1 Je dis, :: Viens donc, :: et VOIS = Et voici, 2

= Du rire = et de la joie :

moi, je te ferai-éprouver LE BONHEUR !

la joie

cela aussi

(est) buée.

je dis : « Quoi celle-ci

FAIT

DANS MON CŒUR

:

« Sottise », ?»

·················································································································

+ 3 J’ai pensé – livrer :: et MON CŒUR – et m’attacher :: jusqu’à ce que :: quel - lequel - le nombre

DANS MON CŒUR

au vin conduisant

ma chair, dans la sagesse,

à la folie JE VOIE BONHEUR ILS FONT

des jours

pour les fils

d’Adam

dessous de leur vie.

le ciel,

Le premier morceau est construit de manière concentrique autour de la formule de 1d. Les segments extrêmes commencent avec « je dis » ; « la joie » revient en 1b et 2b, et l’on peut considérer que le « rire » (2a) renvoie à « bonheur » (1c). Le second morceau est formé d’une seule phrase complexe. La principale (3a) régit deux complétives : « livrer au vin » (3b) et « m’attacher à la folie » (3d) : la première complétive régit une participiale, de sens concessif (3c), la seconde complétive régit une temporelle (3ef) et le morceau s’achève par une relative (3gh) dont l’antécédent est « bonheur ». Les deux morceaux commencent avec un verbe suivi de « dans mon cœur », jouant le rôle de termes initiaux. Les deux occurrences de « voir » sont suivies de « le bonheur » (1c.3ef). Les deux occurrences de « faire » se trouvent à la fin des morceaux (2b.3g).

Séquence A1 (1,12–2,26)

47

LA DEUXIÈME PARTIE (4-9) + 4 J’AI FAIT-GRAND : je me suis bâti :: je me suis planté

mes œuvres, des bâtiments, des vignes.

- 5 JE ME SUIS FAIT :: et j’y ai planté

des jardins en eux

et des vergers des arbres

de tout

des citernes par elle

d’eau la forêt

produisant les arbres.

6

- JE ME SUIS FAIT : pour arroser

fruit ;

····································································································································

– 7 J’ai acquis – fut à moi

des serviteurs aussi des troupeaux

– beaucoup = PLUS QUE TOUS

fut à moi, CEUX QUI FURENT

: 8 Je me suis amassé aussi de l’argent : et le trésor des rois

et des servantes de gros-bétail

et des fils de la maison, et de petit-bétail ;

AVANT MOI

À JÉRUSALEM.

et de l’or, et des provinces.

···································································································································· - JE ME SUIS FAIT des chanteurs et des chanteuses

: et tout le luxe : concubine

des fils et concubines.

d’Adam,

+ 9 Et JE FUS-GRAND = PLUS QUE TOUT

et j’ai ajouté CE QUI FUT

AVANT MOI

:: mais ma sagesse

est restée

pour moi.

À JÉRUSALEM ;

Le premier morceau est consacré aux bâtiments entourés de jardins et vergers, irrigués par l’eau des citernes. « Faire » revient dans les membres initiaux des trois segments et « planter » marque le début des derniers membres des deux premiers segments ; aux « bâtiments » du premier segment correspondent les « citernes » du dernier. Le second morceau concerne les possessions, domestiques et troupeaux dans le premier segment, trésors d’argent et or dans le troisième, dont la quantité est marquée au centre, par rapport à tous ses devanciers. « Fut à moi » revient dans les deux premiers segments (7b.c). Les verbes initiaux des segments extrêmes sont synonymes et sont affectés des mêmes modalités. Dans le troisième morceau, il est question de « tout le luxe » (8d), représenté en particulier par « chanteurs » et « chanteuses » (8c) et par le grand nombre des concubines (8e). Le deuxième segment dit combien le roi a surpassé tous ses prédécesseurs dans ce domaine, mais le troisième segment, un unimembre, précise que, malgré tout, la sagesse ne l’a jamais abandonné. « J’ai fait-grand », « je fus grand » (4a.9a), ainsi que les reprises de « je me suis fait » marquent les morceaux extrêmes (5a.6a.8c). Dans les deux derniers morceaux, les seconds membres des deuxièmes segments sont presque identiques (7d.9b).

48

La première section (1,12–3,9)

LA TROISIÈME PARTIE (10-11) . 10 Et TOUT . je ne refusais pas . je n’ai pas privé

ce que à eux,

demandèrent

mon cœur

de TOUTE

- car mon cœur - et cela fut

se réjouissait ma part

de TOUT en TOUT

MES YEUX

joie, MON TRAVAIL MON TRAVAIL.

·····················································································································

: 11 Et je me suis tourné, : vers TOUTES : et au TRAVAIL

moi, les œuvres que J’AI PEINÉ

= et voici, = et poursuite = et IL N’Y A PAS

TOUT de vent de profit

que firent à faire ;

MES MAINS

(est) buée dessous

le soleil !

Dans le premier morceau, le roi ne s’est rien refusé de tout ce qu’il pouvait désirer (10abc), ce qui lui faisait trouver la joie dans les « travaux » de ses entreprises (10de). « Tout » revient deux fois dans chaque segment ; les deux occurrences de « mon cœur », ainsi que « joie » et « se réjouissait », agrafent les deux segments. Le second morceau est une évaluation de tout ce qu’il a fait et peiné (« fait/ faire » revient trois fois, « travail/peiné » deux fois en 11bc) : à « tout est buée » (11d) correspond « il n’y a pas de profit » (11f). Aux quatre « tout » du premier morceau (10a.c.d.e) répondent les deux du second (11b.d), à quoi s’oppose en finale « il n’y a pas » (11f). Alors que le premier morceau parle de ce que « les yeux » (10a) et « le cœur » (10c.d) désirent, le second traite de ce qu’« ont fait » « les mains » (11b). L’ENSEMBLE DU PASSAGE (2,1-11) Dans les parties extrêmes reviennent « la joie/se réjouir » (1a.2 ; 10a.b), « mon cœur » (1a.3a bis ; 10a.b), « dessous le ciel/le soleil » en finale (3c.11d) ; « voir » (1a.3b) et « yeux » (10a) appartiennent au même champ sémantique. « Et voici, cela aussi est buée » (1b) et « Et voici tout est buée » (11c) font inclusion ; la progression est marquée par le passage de « cela » à « tout ». Reviennent dans les deux premières parties « les fils d’Adam » (3b.8c) et « sagesse » : « et mon cœur conduisant dans la sagesse » (3a) et « mais ma sagesse est restée pour moi » (9b) représentent deux sortes de restriction. Les deux dernières parties sont marquées par la reprise de « tout/s » (5.7b.8c. 9a ; 10a.10b ter.11a.11c) ; « tout » ne revient pas dans la première partie, mais « le nombre des jours de leur vie » (3c) signifie « tous les jours de leur vie ». « Faire/fait » se trouve dans chacune des trois parties (2.3c ; 4.5.6.8c ; 11ter).

Séquence A1 (1,12–2,26)

49

2,1 Je dis, moi, dans MON CŒUR : Viens donc je te ferai-éprouver LA JOIE et vois le bonheur ! ET VOICI, CELA AUSSI EST BUÉE. 2 DU RIRE JE DIS : « SOTTISE », ET DE LA JOIE : « QU’EST-CE QUE CELLE-CI FAIT ? » ··································································································································· 3

J’ai pensé en MON CŒUR livrer au vin ma chair, et MON CŒUR conduisant dans LA SAGESSE, et m’attacher à la folie jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour LES FILS D’ADAM lequel ILS FONT DESSOUS LE CIEL, LE NOMBRE des jours de leur vie. 4

J’ai fait-grands MES ŒUVRES, je me suis bâti des bâtiments, je me suis planté des vignes, JE ME SUIS FAIT des jardins et des vergers et j’ai planté en eux des arbres de TOUT fruit ; 6 JE ME SUIS FAIT des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant les arbres. 5

······························································································································· 7

J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, furent à moi aussi des troupeaux de gros et de petit bétail, beaucoup fut à moi, plus que TOUS ceux qui furent avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des rois et des provinces. ·······························································································································

JE ME SUIS FAIT des chanteurs et des chanteuses et TOUT le luxe DES FILS D’ADAM, concubine et concubines. 9 Et j’ai été-grand et j’ai ajouté plus que TOUT ce qui fut avant moi à Jérusalem, mais MA SAGESSE est restée pour moi. 10

Et TOUT ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé MON CŒUR de TOUTE JOIE, car MON CŒUR SE RÉJOUISSAIT de TOUT mon travail et cela fut ma part en TOUT mon travail. ··································································································································· 11

Et je me suis tourné, moi, vers TOUTES LES ŒUVRES QUE FIRENT mes mains peiné À FAIRE ; ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT, ET IL N’Y A PAS DE PROFIT DESSOUS LE SOLEIL !

et au travail que j’ai

CONTEXTE LA SAGESSE DE SALOMON La partie centrale du passage rappelle le Premier livre des Rois où la sagesse de Salomon « fut plus grande que la sagesse de tous les fils de l’Orient et que toute la sagesse de l’Égypte... » (1R 5,10). C’est surtout au moment de la visite de la reine de Saba que cette sagesse éclate : 4

Lorsque la reine de Saba vit toute la sagesse de Salomon, le palais qu’il s’était construit, 5 le menu de sa table, le placement de ses officiers, le service de ses gens et leur livrée, son service à boire, les holocaustes qu’il offrait au Temple de Yhwh, le cœur lui manqua 6 et elle dit au roi : « Ce que j’ai entendu dire sur toi et ta sagesse dans mon pays était donc vrai ! 7 Je n’ai pas voulu croire ce qu’on disait avant de venir et de voir de mes yeux, mais vraiment on ne m’en avait pas appris la moitié : tu surpasses en sagesse et en prospérité la renommée dont j’ai eu l’écho (1R 10).

Le chapitre suivant précise le nombre de ses épouses et concubines : « Il eut sept cents épouses de rang princier et trois cents concubines » (11,3).

50

La première section (1,12–3,9)

Les premières œuvres mentionnées au début de la partie centrale du passage sont les constructions de Salomon : « je me suis bâti des bâtiments ». Le Premier livre des Rois consacre plusieurs chapitres à ces constructions, celle de son palais (7,1-12) mais surtout du Temple (5,15–6,38 ; 7,13-51) — dont Qohélet ne dit pas un mot.

INTERPRÉTATION UN DÉSIR SANS LIMITE... Les réalisations et les possessions de Salomon, telles que les présente la partie centrale sont grandioses : par deux fois, le roi affirme qu’elles dépassent tout ce qui s’était fait avant lui. Il a « amassé » (8c) vraiment « beaucoup » (7b) : bâtiments et jardins avec leurs citernes, serviteurs et troupeaux, argent et or, enfin chanteurs des deux sexes, concubines en grand nombre. Rien ne lui a manqué. Ce « tout » déborde même dans les parties extrêmes : en effet, le roi ne s’est rien refusé des désirs de ses yeux et de son cœur ; pas même le vin et sa folie (3), tout ce qui pourrait lui causer « joie » et « bonheur » (1), tous les jours de sa vie. Même les peines du travail que lui valaient ses multiples œuvres auront contribué à la joie de son cœur (10d). ... TEMPÉRÉ PAR LA SAGESSE Deux petites incises semblent modérer l’appétit insatiable du roi. Il entend s’adonner au plaisir et à l’ivresse que procure le vin, à sa « folie », mais non sans quelque retenue, se conduisant selon la sagesse de son cœur (3a). Il insistera ensuite, non sans quelque orgueil, sur le fait qu’il a dépassé tous ceux qui l’ont précédé dans l’accumulation des richesses (7), dans le luxe et les plaisirs (9) ; mais il ajoute, en finale (9b), que ce fut toujours sans se départir de sa sagesse. Ces deux brèves restrictions pourraient presque passer inaperçues ; toutefois, elles manifestent que la raison n’a jamais manqué de l’emporter sur la passion. ... MAIS QUI DÉBOUCHE SUR LE VIDE Tout ce qu’a pu faire Salomon, tout ce qu’il a pu désirer, il se rend compte que ce n’est rien, « buée » et « vent ». Et il est remarquable qu’il ne le dise pas seulement à la fin de sa longue réflexion (11cd), mais d’entrée de jeu (1b-2a). Si bien que tout son discours est comme pris en étau entre cette double maxime. Il est vrai qu’au début ce jugement négatif peut sembler limité, ne portant que sur « le rire » et « la joie ». Toutefois, le rire et la joie, la recherche du « bonheur » en somme, sont ce qui motive tout ce que peut désirer et faire l’homme. Pour grande qu’elle puisse être, la surface de l’activité humaine est bordée de tous côtés par un vide sans fond.

3. Voilà ce que j’ai fait avec sagesse comme roi (1,12–2,11) COMPOSITION DE LA SOUS-SÉQUENCE 1,12 Moi, Qohélet, j’ai été roi sur Israël à Jérusalem. 13 Et j’ai donné mon cœur à rechercher et à explorer par LA SAGESSE sur TOUT ce qui se fait DESSOUS LE CIEL : c’est une occupation malheureuse que Dieu a donnée aux fils d’Adam pour s’occuper en elle. 14 J’ai vu TOUTES les œuvres qui se font DESSOUS LE SOLEIL : ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ! 15

Ce qui est courbé ne peut pas être redressé et ce qui manque ne peut pas être compté.

16

J’ai parlé, moi, avec mon cœur disant : Moi, voici, j’ai augmenté et j’ai ajouté LA SAGESSE plus que TOUS ceux qui furent avant moi à Jérusalem : et mon cœur a vu abondance de SAGESSE et de connaissance. 17 Et j’ai donné mon cœur pour connaitre LA SAGESSE et connaitre la SOTTISE et la FOLIE : j’ai su que AUSSI CELA C’EST POURSUITE DE VENT, 18 car abondance de SAGESSE, abondance de chagrin et ajout de connaissance, ajout de douleur. 2,1 Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la joie et vois le bonheur ! ET VOICI, CELA AUSSI EST BUÉE. 2 DU RIRE JE DIS : « SOTTISE », ET DE LA JOIE : « QU’EST-CE 3 QUE CELLE-CI fait ? » J’ai pensé dans mon cœur livrer au vin ma chair, et mon cœur conduisant dans LA SAGESSE, et m’attacher à la FOLIE jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour les fils d’Adam lequel ils font DESSOUS LE CIEL, le nombre des jours de leur vie. 4

J’ai fait-grand mes œuvres, je me suis bâti des bâtiments, je me suis planté des vignes. 5 Je me suis fait des jardins et des vergers et j’ai planté en eux des arbres de TOUT fruit ; 6 je me suis fait des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant arbres. 7 J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, furent à moi aussi des troupeaux de gros et de petit bétail ; abondance fut à moi, plus que TOUS ceux qui furent avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des rois et des provinces. Je me suis fait des chanteurs et des chanteuses et TOUT le luxe des fils d’Adam, concubine et concubines. 9 Et j’ai augmenté et j’ai ajouté plus que TOUT ce qui fut avant moi à Jérusalem ; mais MA SAGESSE est restée pour moi. 10

Et TOUT ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé mon cœur de TOUTE joie, car mon cœur se réjouissait de TOUT mon travail et cela fut ma part en TOUT mon travail. 11 Et je me suis tourné, moi, vers TOUTES les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire ; ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ET IL N’Y A PAS DE PROFIT DESSOUS LE SOLEIL !

– Les formules introductives des parties extrêmes du premier passage (1,13a. 16a) ont leur correspondant, deux fois aussi, dans la première partie du second passage (2,1a.3a) ; toutes comportent « mon cœur » qui revient encore en 1,16b. 17a ; 2,3a.10b bis. – « Jérusalem » revient deux fois dans chaque passage (1,12.16b ; 2,7c.9b). – Aux cinq occurrences de « sagesse » dans le premier passage (1,13b.16a.c. 17a.18b) répondent les deux du second passage (2,3b.9b). – « Tout/tous » revient quatre fois dans le premier passage (1,13b.14bis.16b) et dix fois dans le second (2,5b.7c.8c.9a.10quart.11bis). – « Faire/œuvres » sont repris en 1,13b.14bis et en 2,2b.3c.4.5.6.8b.11ter.

52

La première section (1,12–3,9)

1,12 Moi, Qohélet, j’ai été roi sur Israël à Jérusalem. 13 Et j’ai donné mon cœur à rechercher et à explorer par LA SAGESSE sur TOUT ce qui se fait DESSOUS LE CIEL : c’est une occupation malheureuse que Dieu a donnée aux fils d’Adam pour s’occuper en elle. 14 J’ai vu TOUTES les œuvres qui se font DESSOUS LE SOLEIL : ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ! 15

Ce qui est courbé ne peut pas être redressé et ce qui manque ne peut pas être compté.

16

J’ai parlé, moi, avec mon cœur disant : Moi, voici, j’ai augmenté et j’ai ajouté LA SAGESSE plus que TOUS ceux qui furent avant moi à Jérusalem : et mon cœur a vu abondance de SAGESSE et de connaissance. 17 Et j’ai donné mon cœur pour connaitre LA SAGESSE et connaitre la SOTTISE et la FOLIE : j’ai su que AUSSI CELA C’EST POURSUITE DE VENT, 18 car abondance de SAGESSE, abondance de chagrin et ajout de connaissance, ajout de douleur. 2,1 Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la joie et vois le bonheur ! ET VOICI, CELA AUSSI EST BUÉE. 2 DU RIRE JE DIS : « SOTTISE », ET DE LA JOIE : « QU’EST-CE 3 QUE CELLE-CI fait ? » J’ai pensé dans mon cœur livrer au vin ma chair, et mon cœur conduisant dans LA SAGESSE, et m’attacher à la FOLIE jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour les fils d’Adam lequel ils font DESSOUS LE CIEL, le nombre des jours de leur vie. 4

J’ai fait-grands mes œuvres, je me suis bâti des bâtiments, je me suis planté des vignes. 5 Je me suis fait des jardins et des vergers et j’ai planté en eux des arbres de TOUT fruit ; 6 je me suis fait des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant arbres. 7 J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, furent à moi aussi des troupeaux de gros et de petit bétail ; abondance fut à moi, plus que TOUS ceux qui furent avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des rois et des provinces. Je me suis fait des chanteurs et des chanteuses et TOUT le luxe des fils d’Adam, concubine et concubines. 9 Et j’ai augmenté et j’ai ajouté plus que TOUT ce qui fut avant moi à Jérusalem ; mais MA SAGESSE est restée pour moi. 10

Et TOUT ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé mon cœur de TOUTE joie, car mon cœur se réjouissait de TOUT mon travail et cela fut ma part en TOUT mon travail. 11 Et je me suis tourné, moi, vers TOUTES les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire ; ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ET IL N’Y A PAS DE PROFIT DESSOUS LE SOLEIL !

– « Dessous le ciel » et « dessous le soleil » sont repris dans le même ordre dans chacun des deux passages (1,13b.14a ; 2,3c.11c). – Les formules de la vacuité marquent la fin des parties extrêmes du premier passage (1,14.17b) et les extrémités du second passage (2,1b-2.11bc). – « Plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem » revient en 1,16b et 2,7c, et « plus que tout ce qui fut avant moi à Jérusalem » en 2,9ab ; en 1,16 et en 2,9, les phrases commencent avec « J’ai augmenté et j’ai ajouté ». – « Sottise » et « folie » agrafent les deux passages (1,17b ; 2,2a.3b). – « Voir » revient en 1,14a.16b ; 2,1a.3b, à quoi correspond « yeux » en 2,10a. – Le syntagme « les fils d’Adam » revient en 1,13c ; 2,3c.8c. – « Abondance » de 1,16b.18 bis est repris en 2,7b. – Enfin, « ma part » à la fin (2,10b) rappelle le don de Dieu au début (1,13c).

Séquence A1 (1,12–2,26)

53

CONTEXTE LA PART DONNÉE PAR DIEU Le terme « part » revient deux fois en 5,17-18, lié au don de Dieu : 17

Voici ce que j’ai vu : le bonheur qui convient à l’homme, c’est de manger et de boire, et de trouver le bonheur dans tout le travail qu’il accomplit sous le soleil, tout au long des jours de la vie que Dieu lui donne, car c’est là SA PART. 18 Et tout homme à qui Dieu donne richesses et ressources, qu’il laisse maitre de s’en nourrir, d’en recevoir SA PART et de jouir de son travail, cela est un don de Dieu.

Ailleurs, « part » est lié à « héritage » : « Tu ne négligeras pas le lévite qui est dans tes portes, puisqu’il n’a ni part ni héritage avec toi » (Dt 14,27 ; voir aussi Dt 10,9 ; 2S 20,1).

INTERPRÉTATION LA SAGESSE DE LA CONNAISSANCE Le premier passage trace un premier portrait de la sagesse. C’est celle qui « recherche et explore » « tout ce qui se fait sous le ciel », qui veut « connaitre ». C’est la sagesse des yeux : elle désire « voir » sans limite, tout connaitre des faits du monde, des œuvres de la nature et des hommes. C’est la sagesse de « l’abondance » insatiable, de la science qui pousse l’homme à poursuivre sa recherche toujours plus loin, qui ne saurait jamais s’arrêter. LA SAGESSE DU FAIRE Le portrait de la sagesse sur lequel s’attarde longuement le second passage est bien différent. Ce n’est plus la connaissance qui est recherchée, mais « la joie » et « le bonheur » (2,1.10). La sagesse de la science laisse la place à celle du « faire » ; à la connaissance pure succède l’expérimentation concrète, celle qui n’hésitera pas à toucher au vin et aux autres folies qui pourraient conduire au bonheur. C’est la sagesse technique qui bâtit, qui plante et construit les systèmes d’irrigation, qui organise la société et conduit les troupeaux, qui gère les richesses jusqu’au plus grand luxe. En somme, c’est la sagesse du travail et de la peine. Non plus la sagesse des yeux, mais celle des mains (2,11). LA SAGESSE DU FREIN Dans le premier passage, la sagesse de la connaissance pousse les fils d’Adam à désirer tout, à se lancer dans une course effrénée pour s’approprier, par la connaissance, la totalité du réel. Dans le deuxième, en revanche, par deux fois la recherche du bonheur et l’accumulation des œuvres et des richesses se trouvent limitées, contenues, freinées par « la sagesse » (2,3.9). Une sagesse qui, du reste,

54

La première section (1,12–3,9)

n’est pas une sagesse en soi, mais assumée, intégrée, intériorisée, celle que le roi n’hésite pas à appeler « ma sagesse » (2,9). « TOUT EST BUÉE » La sagesse ne se contente pas de modérer le désir insatiable de l’homme. Toute sa science, toute sa joie, tout son travail, absolument tout n’est que « buée », tout ce qu’il « recherche et explore » n’est que « poursuite de vent ». Tel est le refrain lancinant qui conclut chaque partie du premier passage et encadre l’ensemble du deuxième. Après tout ce qui a été dit des multiples réalisations de la sagesse, on ne peut que rester perplexe devant un tel paradoxe. Un tel nihilisme ne laisse pas de faire problème. LE DON DE DIEU Le nom de « Dieu » n’est prononcé qu’une seule fois, mais c’est au début de la séquence (1,13) et on se doute bien que ce n’est pas par inadvertance ; il se pourrait bien que cette mention doive servir de clé de lecture de tout l’ensemble. Et de fait, à la fin de la séquence, la constatation que « cela fut ma part en tout mon travail » (2,10) y fait écho, cette part ne pouvant être que la part d’héritage que Dieu nous a laissée. Au début, c’est la recherche du savoir qui est qualifiée d’« occupation malheureuse » ; à la fin, « ma part », c’est la joie que procure le travail accompli dans la peine. D’un côté le malheur, de l’autre le bonheur. Nouveau paradoxe, semble-t-il. Mais réaliser qu’une certaine forme de recherche de la connaissance est un véritable malheur, ne serait-ce pas un don de Dieu ?

B. MAIS QUE FERA LE SUCCESSEUR DU ROI ? La deuxième sous-séquence : 2,12-26 Cette sous-séquence comprend deux passages. PAS DE SOUVENIR

POUR LE SAGE

DANS LES JOURS À VENIR

QUE RESTE-T-IL

POUR LE SAGE

DE TOUS SES JOURS DE PEINE

2,12-19

?

2,20-26

1. Pas de souvenir pour le sage dans les jours à venir (2,12-19) TEXTE 2,12 Et je me tourne, moi, à voir la sagesse et la sottise et la folie : car quoi (fera) l’humain qui viendra après le roi ? Ce que déjà ils l’ont fait. 13 Et je vois, moi, qu’il y a avantage de la sagesse sur la folie comme avantage de la lumière sur l’obscurité. 14 Le sage ses yeux (sont) sur sa tête et l’insensé dans l’obscurité marche. Et je connais, moi aussi, qu’un sort unique ressort à tous. 15 Et je dis, moi en mon cœur : comme le sort de l’insensé à moi aussi ressort et pourquoi serais-je sage, moi, même trop ? Et je parle dans mon cœur : cela aussi (est) buée. 16 Oui, il n’y a pas de souvenir pour le sage avec l’insensé pour toujours, car déjà dans les jours suivants tous sont oubliés. Et comment meurt le sage avec l’insensé ? 17 Et je déteste la vie, car mauvaise pour moi l’œuvre qui se fait dessous le soleil : oui, tout (est) buée et poursuite de vent. 18 Et je déteste, moi, tout mon travail que moi j’ai peiné dessous le soleil, que je laisse à l’humain qui sera après moi : 19 Et qui connait si sage il sera ou fou ? Et il sera-maitre de tout mon travail que j’ai peiné et j’ai été sage dessous le soleil : cela aussi (est) buée. V. 12

; « CAR QUOI (FERA) L’HUMAIN... »

Redoutable croix de l’interprète, la fin du premier verset a donné lieu à des corrections variées. Le premier membre est une phrase nominale, « car quoi l’humain », où l’on sous-entend « sera » ou, mieux, « fera », en référence au dernier mot du verset. Le rapport entre les deux premiers segments n’est pas évident, mais c’est surtout le sens du dernier membre qui est le plus difficile à saisir1. V. 14D.F

: « UN SORT RESSORT »

La traduction a voulu rendre le jeu de mots entre les deux termes qui sont de la racine qrh, « arriver ». Le substantif miqreh pourrait aussi être rendu par 1

Voir surtout Schoors, 174-180.

56

La première section (1,12–3,9)

« condition » (humaine). Il n’implique pas directement « le sort final », c’est-àdire la mort. V. 15

: « ALORS TROP ? »

La fin du verset est très discutée. Certains, interprétant yôter comme un substantif, font des deux derniers mots une phrase : « Où est l’avantage ? »2. Cependant, yôter peut être un adverbe qualifiant le verbe précédent. Il est tentant par ailleurs de supprimer l’avant-dernier mot ’āz, « alors », comme ont fait la plupart des anciennes versions ou de le remplacer par ’ak, « vraiment »3. Quoi qu’il en soit, la composition du morceau montre que les deux derniers mots ne forment pas une phrase, mais font partie du même membre. La composition du texte devrait aider à résoudre ces difficultés.

COMPOSITION DU PASSAGE Le passage comprend deux longues parties qui encadrent une partie beaucoup plus courte (16). LA PREMIÈRE PARTIE (12-15) Alors que dans le premier segment du morceau initial le roi veut examiner et la sagesse et son contraire, dans le segment suivant il se demande de quel côté penchera son successeur. L’unimembre final donne une réponse quelque peu énigmatique. Le problème étant de savoir si le successeur du roi sera sage ou fou à l’avenir, la réponse renvoie au passé : avant le roi, il y eut des sages et des fous. Dans le deuxième morceau, une double comparaison met en relation « la sagesse » et « la lumière » d’une part, et « la folie » et « la ténèbre » de l’autre. Le premier segment présente le jugement du roi. Dans le dernier morceau, le segment central articule les deux autres. Comme dans le premier segment, le verbe initial est suivi de « moi » ; comme dans le segment final, le premier membre s’achève avec « dans mon cœur ». Les deux premiers segments parlent du « sort » de « tous » (14d), c’est-à-dire de « l’insensé » et du roi sage. Les deux derniers segments s’achèvent par un constat semblable : pourquoi la sagesse ? Pour la buée ! Les deux premiers morceaux commencent avec un verbe à la première personne du singulier ; dans le dernier morceau, ce sont chacun des trois segments qui commencent de cette façon. À part la dernière fois, le verbe en question est suivi de « moi ». Les morceaux extrêmes se correspondent : les deuxièmes segments contiennent une question, à laquelle répond le dernier segment. Le morceau central énonce le jugement que porte le roi en faveur de la sagesse. 2 3

Par ex., Crenshaw, 86 ; Vílchez Líndez, 209. Voir Seow, 135.

Séquence A1 (1,12–2,26) + 2,12 ET JE ME TOURNE, :: pour voir :: et LA SOTTISE

MOI,

.. Oui, que (fera) .. qui viendra

l’humain après

le roi ?

déjà

ils l’ont fait.

= Ce que

57

LA SAGESSE et LA FOLIE.

····················································································································

+ 13 ET JE VOIS, :: qu’il y a :: comme avantage

MOI,

avantage de la lumière

de LA SAGESSE sur LA FOLIE sur la ténèbre ;

- 14 LE SAGE - et L’INSENSÉ

ses yeux (sont) dans la ténèbre

sur sa tête marche.

····················································································································

+ ET JE CONNAIS, :: qu’un sort

MOI aussi,

unique

ressort

à tous.

+ ET JE DIS, :: comme le sort :: et pourquoi

MOI,

dans mon cœur : aussi à MOI MOI,

ressort alors trop ?

+ ET JE PARLE = cela aussi

dans mon cœur : (est) buée.

15

DE L’INSENSÉ

SERAIS-JE SAGE,

LA DEUXIÈME PARTIE (16) Cette partie est de la mesure d’un trimembre de type aa’b. Les deux premiers membres disent que c’est pour « tous », c’est-à-dire pour « le sage avec l’insensé » qu’il n’y a pas de souvenir, mais le second membre va plus loin que le premier en précisant que l’oubli est très rapide. Quant au troisième membre, il pose la question de l’égalité du sage et de l’insensé devant la mort. – 16 Oui, il n’y a pas de souvenir – car déjà dans les jours :: Et comment meurt

pour le sage suivants le sage

avec l’insensé pour toujours, tous sont oubliés. avec l’insensé ?

58

La première section (1,12–3,9)

LA TROISIÈME PARTIE (17-19) – 17 ET JE DÉTESTE – car mauvaise – qui se fait = OUI, TOUT = ET POURSUITE

la vie, pour moi

l’œuvre

DESSOUS

LE SOLEIL

:

(EST) BUÉE DE VENT.

······································································································

– 18 ET JE DÉTESTE, – que moi – que je laisse

moi, j’ai peiné à l’humain

qui sera

– 19 Et qui – si sage

connait il sera

ou fou ?

= Et il sera maitre = et que j’ai été sage = CELA AUSSI

de tout mon travail DESSOUS (EST) BUÉE.

tout mon travail DESSOUS

LE SOLEIL, après moi.

que j’ai peiné :

LE SOLEIL

Le premier morceau est très général, car on ne sait rien de ce que recouvre « l’œuvre qui se fait ». Ce sera le morceau suivant qui le dira. Le sujet est celui de la succession, c’est-à-dire la transmission du fruit du travail d’un homme à celui qui viendra après lui (18) ; personne ne sait ce qu’il sera (19ab) sinon qu’il prendra possession de tout ce que son prédécesseur aura accumulé par sa peine et par sa sagesse. Les deux occurrences de « Et je déteste » jouent le rôle de termes initiaux pour les deux morceaux ; « oui, tout est buée et poursuite de vent » (17de), et sa reprise abrégée en conclusion du second morceau (19e) remplissent la fonction de termes finaux. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (2,12-19) Aux cinq verbes initiaux à la première personne du singulier dans la première partie (12a.13a.14c.15a.15d) correspondent les deux « Et je déteste » dans la troisième partie (17a.18a). Le pronom « moi » accompagne ces verbes dans chaque morceau de la première partie (12a.13a.14c.15a.c) et deux fois dans le dernier morceau de la troisième partie (18a.b). Les deux occurrences de « cela aussi est buée » (15e.19e) jouent le rôle de termes finaux. « Faire/fait » reviennent à la fin du premier morceau de la première partie (12f) et au début du premier morceau de la dernière partie (17b.c). Dans les morceaux extrêmes, les deuxièmes segments sont des interrogations (12de.19ab) qui posent la même question ; « l’humain qui viendra après le roi » (12de) trouve un écho en 18c. « Connaitre » revient en 14c et en 19a.

Séquence A1 (1,12–2,26)

59

2,12 ET JE ME TOURNE, MOI, pour voir LA SAGESSE et la sottise et LA FOLIE : Oui, que (fera) QUI VIENDRA

L’HUMAIN APRÈS

LE ROI

?

= Ce que déjà ILS L’ONT FAIT. ························································································································· 13 ET JE VOIS, MOI, qu’il y a avantage DE LA SAGESSE sur LA FOLIE comme avantage

de la lumière

sur la ténèbre.

14

ses yeux (sont) dans la ténèbre

sur sa tête marche.

LE SAGE et L’INSENSÉ

························································································································· MOI aussi,

ET JE CONNAIS, qu’un sort 15

unique

ressort

à tous.

MOI, de L’INSENSÉ

dans mon cœur : à moi aussi moi,

ressort alors trop ?

ET JE DIS, comme le sort et pourquoi

SERAIS-JE SAGE,

ET JE PARLE = CELA AUSSI

EST BUÉE.

16

Oui, il n’y a pas car déjà Et comment 17

ET JE DÉTESTE car mauvaise QUI SE FAIT

= OUI, TOUT = ET POURSUITE

dans mon cœur :

de souvenir dans les jours meurt

POUR LE SAGE avec L’INSENSÉ pour toujours, suivants tous sont oubliés. LE SAGE avec L’INSENSÉ ?

la vie, pour moi dessous

L’ŒUVRE

le soleil :

EST BUÉE

DE VENT. ························································································································· 18 ET JE DÉTESTE, MOI, tout mon travail que MOI j’ai peiné dessous le soleil, que je laisse À L’HUMAIN QUI SERA APRÈS MOI. 19

Et qui si SAGE = Et il sera maitre = et que J’AI ÉTÉ SAGE = CELA AUSSI

connait il sera

ou FOU ?

de tout mon travail dessous

que j’ai peiné le soleil :

EST BUÉE.

L’opposition entre sage et insensé (12bc.13b.14ab.15bc ; 19b) se retrouve dans la courte partie centrale (16a.c). « Tous » de 16b se trouvait déjà en 14d ; « tout »

60

La première section (1,12–3,9)

reviendra trois fois dans la dernière partie (17d.18a.19c). L’opposition entre « meurt » et « la vie » agrafe les deux dernières parties (16c.17a).

CONTEXTE L’ANXIÉTÉ DE LA SUCCESSION MONARCHIQUE La succession de David déjà fut très problématique (1R 1), mais Salomon assura la continuité et l’expansion de la royauté. Il n’en fut pas de même pour la succession de Salomon. Jéroboam, que Salomon avait d’abord estimé et en qui il avait mis sa confiance (1R 11,28), se révolta contre lui et consomma le schisme entre le royaume du Nord et celui du Sud ; il ne resta à Roboam, fils de Salomon, que la seule tribu de Juda.

INTERPRÉTATION UNE SEULE CERTITUDE Personne n’est immortel, pas même les rois. La mort touche tous les hommes, les sages et les insensés, indistinctement. Leur sort est unique. On pourrait penser, ou au moins espérer que les sages seraient honorés, longtemps encore après leur mort. Eh bien, non, tous sont oubliés également, et même très vite, dès les jours qui suivent leur disparition. Quel avantage alors pour celui qui aura été sage durant sa vie, qui aura même excellé dans la sagesse ? Si rien ne distingue le fou du sage, alors la vie ne peut être que détestable. L’ANGOISSE DU LENDEMAIN Chacun, même le roi, devra laisser la place à son successeur. Mais qui sait ce qu’il sera ? Sera-t-il sage comme celui qui l’a précédé, sera-t-il fou ? Personne n’en sait rien (19). La seule chose qui est sûre, c’est que ce sera comme par le passé : il y aura toujours des insensés avec les sages (12). La sagesse veut qu’une succession se prépare, que le roi prenne bien soin de choisir la personne la plus qualifiée pour poursuivre son œuvre. Mais, quelque soin qu’il prenne, rien n’est jamais assuré, sinon que celui qui viendra après lui héritera de toute la peine qu’il aura endurée par sa sagesse. « TOUT EST BUÉE » Si tous sont soumis à la mort et à l’oubli, qu’ils aient été sages ou insensés, si absolument rien ne peut être assuré pour l’avenir, et même si l’on reste persuadé qu’« il y a avantage de la sagesse sur la folie », comment ne pas en conclure que tout est vain, aussi inconsistant que la buée et le vent ?

2. Que reste-t-il pour le sage de tous ses jours de peine ? (2,20-26) TEXTE 2,20 Et je reviens, moi, à désespérer mon cœur pour tout le travail que j’ai peiné dessous le soleil ; 21 car il est un humain qui a peiné avec sagesse et avec connaissance et avec compétence, et à un humain qui point n’a peiné il le donne (comme) sa part : cela aussi (est) buée et mal abondant. 22 Oui, que reste-t-il à l’humain de tout son travail et de la poursuite de son cœur que lui a peinés dessous le soleil ? 23 Oui, tous ses jours (sont) douloureux et chagrin (est) son occupation, aussi dans la nuit ne se repose pas son cœur : cela aussi (est) buée lui. 24 Pas de bonheur pour l’humain (sinon) de manger et de boire et il fait-voir à son âme du bonheur dans son travail ; cela aussi je vois, moi, que de la main de Dieu lui, 25 car qui mangera et qui jouira sinon de lui ? 26 Oui, à l’humain bon devant lui il donne sagesse et connaissance et joie, et au pécheur il donne (comme) occupation d’accumuler et d’amasser pour donner au bon devant Dieu. Cela aussi (est) buée et poursuite de vent. V. 21

: « COMPÉTENCE »

Le substantif kišrôn ne se trouve que dans Qohélet (2,21 ; 4,4 ; 5,10). Il peut signifier « habileté », « compétence » mais aussi « réussite », « succès ». Sous forme verbale il revient en 10,10 et 11,61. V. 25

: « ET QUI JOUIRA, SINON DE LUI »

Le verbe ḥûš a toujours fait problème. Il serait tentant de lire « boire » comme en 24b, ce qu’ont fait certaines versions. Il est bien difficile de choisir entre les diverses significations qui sont attribuées au verbe ; « jouir » semble mieux convenir au contexte que « s’inquiéter ». Le texte massorétique a « de moi », alors que plusieurs manuscrits hébreux ainsi que les versions ont « de lui ».

1

Voir Di Fonzo, 157 ; Schoors, 197-198.

62

La première section (1,12–3,9)

COMPOSITION DU PASSAGE LA PREMIÈRE PARTIE (20-21) + 2,20 Et je reviens, + à désespérer

moi, mon cœur

+ pour tout + que J’AI PEINÉ

LE TRAVAIL

dessous

le soleil ;

···································································································

:: car il est :: avec sagesse

un humain et avec connaissance

QUI A PEINÉ

:: et à un humain :: il le donne

qui point (comme) sa part :

N’A PEINÉ

21

= cela aussi = et mal

et avec compétence,

(est) buée abondant.

Dans le premier morceau, les termes finaux des segments, « mon cœur » et « le soleil », semblent opposer le sentiment le plus intérieur de l’homme à la dureté de la peine qu’il doit supporter sous l’implacable chaleur du soleil. Introduit par « car », le deuxième morceau donne la raison de la déception que le locuteur exprime dans le premier ; elle concerne « le travail/peine » qui revient deux fois dans chacun de ces deux morceaux, une peine dont profitera un autre qui n’a point peiné. Le dernier segment conclut la partie avec la formule devenue classique de « la buée », qualifiée pour finir de « mal abondant ». LA DEUXIÈME PARTIE (2,22-23) + 2,22 Oui, que – de TOUT .. et de la poursuite

reste-t-il son travail de SON CŒUR

– que lui .. dessous

a peinés le soleil ?

à l’humain

···························································································

:: 23 Oui, TOUS ses jours :: et chagrin :: aussi dans la nuit = cela aussi

(sont) douloureux (est) son occupation, ne se repose pas SON CŒUR ; (est) buée

lui !

Le premier morceau est une seule longue question. Les deux membres du second segment sont parallèles aux deux derniers membres du premier segment ; ainsi « dessous le soleil » correspond à « son cœur », comme la dure réalité

Séquence A1 (1,12–2,26)

63

extérieure au désir intime. Le segment suivant explicite la peine du premier morceau : la douleur et le chagrin ne laissent aucun répit à l’humain, ni de jour (23a) ni de nuit (23c). La formule de la « buée » conclut la partie. LA TROISIÈME PARTIE (2,24-26) :: 2,24 Pas de :: (sinon) de manger :: et il fait-voir

BONHEUR

pour L’HUMAIN

et de boire à son âme

du BONHEUR

- cela aussi - que de la main

je vois, de DIEU

moi, lui,

- 25 car qui - et qui - sinon

mangera jouira de LUI ?

dans son travail ;

··················································································································

+ 26 Oui, à L’HUMAIN + il donne

sagesse

– et au pécheur – d’accumuler – pour donner

il donne et d’amasser au BON

BON

devant LUI et connaissance

et joie,

(comme) occupation devant

DIEU.

···············································

= Cela aussi = et poursuite

(est) buée de vent.

Dans le premier morceau, le premier segment dit en quoi consiste le « bonheur » qui accompagne l’homme dans son travail. Les deux segments suivants insistent sur l’origine divine de ce bonheur. À « manger et boire » du premier segment (24b) correspond le couple « manger » et « jouir » dans le dernier (25ab). Le deuxième morceau poursuit sur le don de Dieu, d’abord à l’homme « bon » (26ab) puis au « pécheur » (26cde). L’homme qui est « bon devant Lui/Dieu » reçoit directement de lui « sagesse, connaissance et joie », et du pécheur les richesses qu’il aura accumulées. « Bon devant lui » et « bon devant Dieu » font inclusion ; le verbe « donner » revient trois fois (26b.c.e). Le troisième morceau est la conclusion devenue habituelle de la « buée » et de la « poursuite de vent ». Dans les deux premiers morceaux, « l’humain » revient au début ; aux deux occurrences de « bonheur » dans le premier morceau (24a.c) correspondent les deux de « bon » dans le deuxième (le même ṭôb, en 26a.e) ; il s’agit toujours du don de « Dieu » (24e.26e).

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La première section (1,12–3,9)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (2,20-26) 2,20 Et je reviens, à désespérer pour tout que J’AI PEINÉ

moi, MON CŒUR LE TRAVAIL

dessous

le soleil ;

······························································································ 21

CAR il est avec SAGESSE

UN HUMAIN et avec CONNAISSANCE

QUI A PEINÉ

et à UN HUMAIN

qui point comme sa part.

N’A PEINÉ

IL LE DONNE

= CELA AUSSI = ET MAL 22

et avec compétence,

EST BUÉE ABONDANT.

à L’HUMAIN

OUI, que reste-t-il de tout et de la POURSUITE

de SON CŒUR

que lui

A PEINÉS

dessous

le soleil ?

SON TRAVAIL

······························································································ 23

OUI, tous ses jours et chagrin aussi dans la nuit

sont douloureux est son OCCUPATION ; ne se repose pas

SON CŒUR.

EST BUÉE

LUI

Pas de sinon de manger et il fait-voir

bonheur et de boire à son âme

pour L’HUMAIN

cela aussi que de la main

je vois, de Dieu

moi, lui,

25

mangera jouira de lui ?

= CELA AUSSI 24

car qui et qui sinon

!

du bonheur

DANS SON TRAVAIL

;

······························································································ 26

OUI, à L’HUMAIN IL DONNE et au pécheur d’accumuler POUR DONNER

SAGESSE

bon

devant lui et CONNAISSANCE

IL DONNE

comme OCCUPATION

et d’amasser au bon

devant

et joie,

Dieu.

·······················································································································

= CELA AUSSI = ET POURSUITE

EST BUÉE DE VENT.

Dans les deux premiers passages, « mon/son cœur » revient au début (20b. 22c) et « travail/peiner » est repris six fois (20c.d.21a.c ; 22b.d) ; les premières occurrences de « le travail » sont précédées de « tout » (20c.22b). C’est toujours « sous le soleil » que l’homme peine (20d.22e). Dans les deux parties, il s’agit

Séquence A1 (1,12–2,26)

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pour « l’humain » (21a.22a) du fruit de son travail qui passe à un autre qui n’a pas peiné (21c) et dont il ne lui reste rien (22). La troisième partie introduit un personnage nouveau, « Dieu », dans ses deux morceaux (24e.26e). Elle représente en quelque sorte la réponse à la question de la partie centrale : ce qui « reste » à l’homme, c’est de jouir simplement du « bonheur » que Dieu lui donne, de « manger et boire ». « Sagesse et connaissance » reviennent dans les parties extrêmes, avec « compétence » (21b), avec « joie » (26b), la dernière partie précisant que c’est un don de Dieu. Alors que dans la première partie celui qui n’a rien fait reçoit le fruit de la peine de celui qui a travaillé (21), dans la dernière partie c’est « le pécheur » qui amasse pour celui qui est bon aux yeux de Dieu (26). Au « mal » avec lequel s’achève la première partie (21f) s’opposent les quatre ṭôb (traduits par « bonheur » et par « bon ») de la dernière partie (24a.c.26a.e). « Poursuite » se trouve dans les deux dernières parties (22c.26g), ainsi que « occupation » (23b.26c). Les premiers morceaux de ces parties sont marqués par une interrogation (22.25). La première personne du singulier marque uniquement le premier morceau ; après quoi on passe à la troisième personne, généralisant donc à tous ce qui arrive au locuteur.

INTERPRÉTATION QUE RESTE-T-IL À L’HOMME ? La désillusion, le désespoir qu’éprouve Qohélet (20), il se rend vite compte que c’est le lot de tous et de chacun. Tout ce qu’il a réussi à faire durant sa vie, au long des jours et des nuits, la peine qu’il s’est donnée « avec sagesse et avec connaissance et avec compétence », tout cela passera à quelqu’un qui le recevra gratuitement, comme on touche un héritage, sans qu’on n’ait rien fait pour le mériter. Que reste-t-il à cet homme, sinon le travail, la fatigue, la douleur qu’il a dû supporter, puisque le fruit de son travail lui échappera inéluctablement ? Tel est le sort de Qohélet, tel est le sort de tout homme. LE DON DE DIEU En fin de compte, le sage doit bien reconnaitre qu’il y a quand même du « bon » dans son travail : ce sont les choses les plus simples, le manger et le boire, mais ce sont celles qui entretiennent la vie. Et la vie n’est pas le fruit de mon travail, elle est don de Dieu. Être « bon » devant Dieu, c’est voir que « sagesse, connaissance et joie » viennent non pas de moi (21), mais du seul Dieu qui le « donne » gratuitement (26). La véritable sagesse consiste sans doute à croire que le fait de « donner comme sa part » le fruit de tout son travail à celui qui n’a rien fait me fait ressembler à Dieu, en somme. Le don de Dieu pourrait

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La première section (1,12–3,9)

même arriver à me faire profiter du travail du pécheur qui ne sait pas qu’il accumule et amasse pour un autre. « CELA AUSSI EST BUÉE » Voilà donc un refrain par lequel s’achève chacune des trois parties du passage. Un refrain souligné au début par un ajout qui le renforce terriblement : ce qui est d’abord qualifié de « buée », c’est-à-dire de vacuité, sans consistance, devient positivement un « mal » et un mal « abondant », comme pour marquer le caractère révoltant de la situation qui vient d’être décrite. Le ton s’apaise ensuite avec une formule dépouillée, sans ajout (23d), et enfin par une formule redoublée certes, mais simplement synonymique (26fg). Il n’en reste pas moins que Qohélet en revient toujours à la même conclusion. Celle-ci ne manque pas de surprendre en finale, après ce qui vient d’être dit sur le don de Dieu...

3. MAIS QUE FERA LE SUCCESSEUR DU ROI ? (2,12-26) COMPOSITION DE LA SOUS-SÉQUENCE – Les deux expressions synonymes, « Et je me tourne, moi, », « Et je reviens, moi, » jouent le rôle de termes initiaux (12a.20a). – Les formules de « buée » remplissent la fonction de termes finaux (15c.19c ; 21bc.23b.26cd) ; celle de 17b marque la fin du premier morceau de la dernière partie du premier passage, et c’est la seule où « tout » est qualifié de « buée ». – « Dessous le soleil » revient trois fois dans le premier passage (17a.18b.19c) et deux fois dans le second (20ab.22b). – « Tout mon/le/son travail que j’ai peiné » revient deux fois dans le premier passage (18ab.19b) et une fois dans le deuxième (20a), mais « tout son travail » est repris aussi en 22a, et « peiner/travail » en 21a.21b.24b. – « Je vois, moi » introduit deux déclarations positives aux extrémités (13a.24b25) ; « Voir/faire voir » reviennent deux autres fois (12a.24a). – « Sagesse/être sage » revient en 12a.13b.14a.15b.16a.b.19b.19bc ; 21a.26b. – « Humain » est repris deux fois dans le premier passage (12b.18b) et cinq fois dans le second (21a.b.22a.24a.26a). – « Cœur » revient deux fois dans le premier passage (15a.15c) et trois dans le deuxième (20a.22a.23b). – « Mal » se trouve en 17a et en 21c. Les premières parties abordent la question de la succession de celui qui s’est donné de la peine (12 ; 20-21). Les parties centrales se correspondent aussi : « pas de souvenir pour le sage » après sa mort (16), il ne reste rien à l’homme de tout son travail (22-23). Les dernières parties, en revanche, sont différentes : alors que le successeur jouira de tout le travail de celui qui l’a précédé (18-19), à la fin Dieu entre en scène et donne au pécheur d’amasser pour le sage (26).

Séquence A1 (1,12–2,26)

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2,12 ET JE ME TOURNE, MOI, à VOIR LA SAGESSE et la sottise et la folie : car que fera l’humain qui viendra après le roi ? Ce que déjà ils l’ont fait. 13 Et JE VOIS, MOI, qu’il y a avantage de LA SAGESSE sur la folie comme avantage de la lumière sur l’obscurité. 14 LE SAGE ses yeux sont sur sa tête et l’insensé dans l’obscurité marche. Et je sais, moi aussi, qu’un sort unique ressortira à tous. 15 Et je dis, moi dans mon cœur : comme le sort de l’insensé à moi aussi ressortira et pourquoi AI-JE ÉTÉ SAGE, moi, même trop ? Et je parle dans mon cœur : CELA AUSSI EST BUÉE. 16

Oui, il n’y a pas de souvenir pour LE SAGE avec l’insensé pour toujours, car déjà dans les jours suivants tous sont oubliés. Et comment meurt LE SAGE avec l’insensé ? 17

Et je déteste la vie, car MAL pour moi l’œuvre qui se fait DESSOUS LE SOLEIL : Oui, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT. 18 Et je déteste, moi, TOUT MON TRAVAIL QUE MOI J’AI PEINÉ DESSOUS LE SOLEIL, que je laisse à l’humain qui sera après moi : 19 Et qui sait si SAGE il sera ou fou ? Et il sera maitre de TOUT MON TRAVAIL QUE J’AI PEINÉ et J’AI ÉTÉ SAGE DESSOUS LE SOLEIL : CELA AUSSI EST BUÉE. 20

ET JE REVIENS, MOI, à désespérer mon cœur pour TOUT LE TRAVAIL QUE J’AI PEINÉ DESSOUS LE 21 car il est un humain QUI A PEINÉ avec SAGESSE et avec connaissance et avec compétence, et à un humain QUI POINT N’A PEINÉ il le donne comme sa part : CELA AUSSI EST BUÉE ET MAL ABONDANT. SOLEIL ;

22

Oui, que reste-t-il à l’humain de TOUT SON TRAVAIL et de la poursuite de son cœur 23 Oui, tous ses jours sont douloureux et chagrin est son occupation, aussi dans la nuit ne se repose pas son cœur : CELA AUSSI EST BUÉE LUI. DESSOUS LE SOLEIL ?

24

Pas de bonheur pour l’humain sinon de manger et de boire et IL FAIT VOIR à son âme du bonheur dans SON TRAVAIL ; cela aussi JE VOIS, MOI, que de la main de Dieu lui, 25 car qui mangera et qui jouira sinon de lui ? 26 Oui, à l’humain qui est bon devant lui il donne SAGESSE et connaissance et joie, et au pécheur il donne comme occupation d’accumuler et d’amasser pour donner à celui qui est bon devant Dieu. CELA AUSSI EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT.

INTERPRÉTATION « TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT » C’est une obsession. Il y revient sans cesse, à la fin de chaque raisonnement. Un raisonnement qui revient toujours sur la même réalité désespérante : j’ai peiné toute ma vie avec le maximum de sagesse et qui sait si mon successeur en fera autant ou si, au contraire, il se conduira sottement ? De toute façon, sage ou fou nous aurons le même sort. Cela n’est que buée (12-15). Et de même c’est buée que celui qui viendra après moi devienne maitre de tout ce que j’ai fait (1819). Et encore, que toute mon œuvre passe en définitive à quelqu’un qui n’a rien fait, n’est-ce pas buée (20-21) ? Que reste-t-il à l’homme qui a travaillé, sinon

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La première section (1,12–3,9)

douleur et chagrin : buée encore et toujours (22-23). Manger, boire, le bonheur vient de Dieu, et même « sagesse, connaissance et joie ». Ce qui veut dire que rien ne vient de l’homme. « Cela aussi est buée et poursuite de vent » (24-26). En somme, « Oui, tout est buée et poursuite de vent » (17). UNE LUMIÈRE DANS LES TÉNÈBRES Cette désillusion radicale n’empêche pas que le sage soit convaincu de la supériorité de la sagesse sur la sottise et la folie. Jamais il ne regrette d’avoir été sage. Il peut se demander à quoi sa sagesse servira finalement si son successeur devait être fou, mais jamais il ne se repent d’avoir marché dans la lumière. Il le dit d’emblée, de manière claire (13) et ne s’en départira pas. En fait, sa grande préoccupation est de savoir si son successeur sera sage ou non. À la fin, on peut se demander s’il n’a pas commencé à comprendre que ce qu’il « laisse » à celui qui viendra après lui (18), ce ne serait pas un don, gratuit, comme celui qu’il a reçu gratuitement de Dieu (26).

C. MA SAGESSE DE ROI AURA-T-ELLE UN AVENIR ? COMPOSITION DE LA SÉQUENCE A1 – En termes extrêmes, « donner » et « occupation/s’occuper » (1,13bc / 2,26b). – En termes finaux, « joie » et « bonheur » « dans le travail » à la fin de la première sous-séquence (10b bis ; annoncé légèrement au début du passage en 2,1a) et à la fin de la seconde sous-séquence (24a.b.25b.26b, avec « manger » et « boire » en 24a.25b) ; ce sont des termes spécifiques du thème de la jouissance. – En termes initiaux, les deux occurrences de « roi » (1,12 ; 2,12b). – En termes médians, les deux occurrences de « Et je me tourne, moi, » (2,11 ; 2,12a) ; de même, « profit » à la fin de la première sous-séquence (2,11), traduit par « avantage » au début de la deuxième (2,13bis). – Le couple « chagrin » – « douleur/douloureux » marque la fin du premier passage (1,18) et le centre du dernier (2,23). – Le refrain de « la buée » revient quatre fois dans la première sous-séquence (1,14b.17b / 2,1b.11b) et cinq fois dans la deuxième (2,15b.17ab.19b / 21b.26c). – « Sagesse/(être)sage » est repris sept fois dans la première sous-séquence (1,13b.16a.b.17a.18a / 2,3b.9b) et dix fois dans la seconde (2,12a.13a.14a.15b. 16a.b.19a.b / 21a.25b). – « Connaitre/connaissance, savoir » (yd‘) cinq fois dans le premier passage de la première sous-séquence (1,16c.17a bis.b.18b) et quatre fois dans la deuxième sous-séquence (2,14b.19a / 21a.26b). – « Mon/son cœur » neuf fois dans la première séquence (1,13a.16a.b.17a / 2,1.2b bis.10a.b) et cinq fois dans la seconde (2,15a.b / 20.22a.23b).

Séquence A1 (1,12–2,26)

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1,12 Moi, Qohélet, j’ai été ROI sur Israël à Jérusalem. 13 Et j’ai donné mon cœur à rechercher et à explorer par LA SAGESSE sur tout ce qui se fait DESSOUS LE CIEL : c’est une OCCUPATION malheureuse que Dieu A DONNÉE aux fils d’Adam pour S’OCCUPER en elle. 14 J’ai vu toutes les œuvres qui se font DESSOUS LE SOLEIL : ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ! 15 Ce qui est courbé ne peut pas être redressé et ce qui manque ne peut pas être compté. 16 J’ai parlé, moi, avec mon cœur disant : Moi, voici, j’ai augmenté et j’ai ajouté LA SAGESSE plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem : et mon cœur a vu abondance de SAGESSE et de connaissance. 17 Et j’ai donné mon cœur pour connaitre LA SAGESSE et connaitre la sottise et la folie : j’ai connu que AUSSI CELA C’EST POURSUITE DE VENT, 18 car abondance de SAGESSE, abondance de chagrin et ajout de connaissance, ajout de douleur. 2,1 Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la JOIE et vois le BONHEUR ! ET VOICI, CELA AUSSI EST BUÉE. 2 Du rire je dis : « Sottise », et de la joie : « Qu’est-ce que celle-ci fait ? » 3 J’ai pensé dans mon cœur livrer au vin ma chair, et mon cœur conduisant dans LA SAGESSE, et m’attacher à la folie jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour les fils d’Adam lequel ils font DESSOUS LE CIEL, le nombre des jours de leur vie. 4 J’ai fait-grand mes œuvres, je me suis bâti des bâtiments, je me suis planté des vignes. 5 Je me suis fait des jardins et des vergers et j’ai planté en eux des arbres de tout fruit ; 6 je me suis fait des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant arbres. 7 J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, furent à moi aussi des troupeaux de gros et de petit bétail ; abondance fut à moi, plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des rois et des provinces. Je me suis fait des chanteurs et des chanteuses et tout le luxe des fils d’Adam, concubine et concubines. 9 Et j’ai augmenté et j’ai ajouté plus que tout ce qui fut avant moi à Jérusalem ; mais MA SAGESSE est restée pour moi. 10 Et tout ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé mon cœur de toute JOIE, car mon cœur SE RÉJOUISSAIT de tout mon travail et cela fut MA PART en tout mon travail. 11 ET JE ME TOURNE, MOI, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire ; ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ET IL N’Y A PAS DE PROFIT DESSOUS LE SOLEIL !

2,12 ET JE ME TOURNE, MOI, à voir LA SAGESSE et la sottise et la folie : car que fera l’humain qui viendra après le ROI ? Ce que déjà ils l’ont fait. 13 Et je vois, moi, qu’il y a AVANTAGE de LA SAGESSE sur la folie comme AVANTAGE de la lumière sur l’obscurité. 14 LE SAGE ses yeux sont sur sa tête et l’insensé marche dans l’obscurité. Et je sais, moi aussi, qu’un sort unique ressortira à tous. 15 Et je dis, moi dans mon cœur : comme le sort de l’insensé à moi aussi ressortira et pourquoi AI-JE ÉTÉ SAGE, moi, même trop ? Et je parle dans mon cœur : CELA AUSSI EST BUÉE. 16 Oui, il n’y a pas de souvenir pour LE SAGE avec l’insensé pour toujours, car déjà dans les jours suivants tous sont oubliés. Et comment meurt LE SAGE avec l’insensé ? 17 Et je déteste la vie, car mal pour moi l’œuvre qui se fait DESSOUS LE SOLEIL : Oui, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT. 18 Et je déteste, moi, tout mon travail que moi j’ai peiné DESSOUS LE SOLEIL, que je laisse à l’humain qui sera après moi : 19 Et qui sait si SAGE il sera ou fou ? Et il sera maitre de tout mon travail que j’ai peiné et J’AI ÉTÉ SAGE DESSOUS LE SOLEIL : CELA AUSSI EST BUÉE. 20

Et je reviens, moi, à désespérer mon cœur pour tout le travail que j’ai peiné DESSOUS LE SOLEIL ; car il est un humain qui a peiné avec SAGESSE et avec connaissance et avec compétence, et à un humain qui point n’a peiné il le DONNE comme SA PART : CELA AUSSI EST BUÉE ET MAL ABONDANT. 22 Oui, que reste-t-il à l’humain de tout son travail et de la poursuite de son cœur DESSOUS LE 23 SOLEIL ? Oui, tous ses jours sont douloureux et chagrin est son OCCUPATION, aussi dans la nuit ne se repose pas son cœur : CELA AUSSI EST BUÉE LUI. 24 Pas de BONHEUR pour l’humain sinon de MANGER et de BOIRE et il fait-voir à son âme du 25 BONHEUR dans son travail ; cela aussi je vois, moi, que c’est de la main de Dieu, car qui 26 MANGERA et qui JOUIRA sinon de lui ? Oui, à l’humain qui est bon devant lui IL DONNE SAGESSE et connaissance et JOIE, et au pécheur IL DONNE comme OCCUPATION d’accumuler et d’amasser pour donner à celui qui est bon devant Dieu. CELA AUSSI EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT. 21

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La première section (1,12–3,9)

– « Dessous le ciel/soleil » quatre fois dans la première sous-séquence (1,13b. 14b / 2,3d.11b) et cinq fois dans la deuxième (2,17a.18a.19b / 20.22ab). – « Faire/œuvres » dans les deux passages de la première séquence (1,13b.14a.b / 2,2.3c.4.5.6.8b.11a bis), mais seulement dans le premier passage de la deuxième séquence (2,12a.b.17a bis). – « La sottise et la folie » dans les premiers passages de chaque sous-séquence (1,17ab / 2,12a). – « Travail/peiner » seulement dans le second passage de la première séquence (2,10b.c.11a.b), mais dans les deux passages de la seconde séquence (2,18a bis.19b bis / 20bis.21a.b.22a.24b). – « Part » revient à la fin de chaque sous-séquence (2,10b / 2,21b). 1,12 Moi, Qohélet, j’ai été ROI sur Israël à Jérusalem. 13 Et j’ai donné mon cœur à rechercher et à explorer par LA SAGESSE sur tout ce qui se fait DESSOUS LE CIEL : c’est une OCCUPATION malheureuse que Dieu A DONNÉE aux fils d’Adam pour S’OCCUPER en elle. 14 J’ai vu toutes les œuvres qui se font DESSOUS LE SOLEIL : ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ! 15 Ce qui est courbé ne peut pas être redressé et ce qui manque ne peut pas être compté. 16 J’ai parlé, moi, avec mon cœur disant : Moi, voici, j’ai augmenté et j’ai ajouté LA SAGESSE plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem : et mon cœur a vu abondance de SAGESSE et de connaissance. 17 Et j’ai donné mon cœur pour connaitre LA SAGESSE et connaitre la sottise et la folie : j’ai connu que AUSSI CELA C’EST POURSUITE DE VENT, 18 car abondance de SAGESSE, abondance de chagrin et ajout de connaissance, ajout de douleur. 2,1 Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la JOIE et vois le BONHEUR ! ET VOICI, CELA AUSSI EST BUÉE. 2 Du rire je dis : « Sottise », et de la joie : « Qu’est-ce que celle-ci fait ? » 3 J’ai pensé dans mon cœur livrer au vin ma chair, et mon cœur conduisant dans LA SAGESSE, et m’attacher à la folie jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour les fils d’Adam lequel ils font DESSOUS LE CIEL, le nombre des jours de leur vie. 4 J’ai fait-grand mes œuvres, je me suis bâti des bâtiments, je me suis planté des vignes. 5 Je me suis fait des jardins et des vergers et j’ai planté en eux des arbres de tout fruit ; 6 je me suis fait des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant arbres. 7 J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, furent à moi aussi des troupeaux de gros et de petit bétail ; abondance fut à moi, plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des rois et des provinces. Je me suis fait des chanteurs et des chanteuses et tout le luxe des fils d’Adam, concubine et concubines. 9 Et j’ai augmenté et j’ai ajouté plus que tout ce qui fut avant moi à Jérusalem ; mais MA SAGESSE est restée pour moi. 10 Et tout ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé mon cœur de toute JOIE, car mon cœur SE RÉJOUISSAIT de tout mon travail et cela fut MA PART en tout mon travail. 11 ET JE ME TOURNE, MOI, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire ; ET VOICI, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ET IL N’Y A PAS DE PROFIT DESSOUS LE SOLEIL !

Séquence A1 (1,12–2,26)

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2,12 ET JE ME TOURNE, MOI, à voir LA SAGESSE et la sottise et la folie : car que fera l’humain qui viendra après le ROI ? Ce que déjà ils l’ont fait. 13 Et je vois, moi, qu’il y a AVANTAGE de LA SAGESSE sur la folie comme AVANTAGE de la lumière sur l’obscurité. 14 LE SAGE ses yeux sont sur sa tête et l’insensé marche dans l’obscurité. Et je sais, moi aussi, qu’un sort unique ressortira à tous. 15 Et je dis, moi dans mon cœur : comme le sort de l’insensé à moi aussi ressortira et pourquoi AI-JE ÉTÉ SAGE, moi, même trop ? Et je parle dans mon cœur : CELA AUSSI EST BUÉE. 16 Oui, il n’y a pas de souvenir pour LE SAGE avec l’insensé pour toujours, car déjà dans les jours suivants tous sont oubliés. Et comment meurt LE SAGE avec l’insensé ? 17 Et je déteste la vie, car mal pour moi l’œuvre qui se fait DESSOUS LE SOLEIL : Oui, TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT. 18 Et je déteste, moi, tout mon travail que moi j’ai peiné DESSOUS LE SOLEIL, que je laisse à l’humain qui sera après moi : 19 Et qui sait si SAGE il sera ou fou ? Et il sera maitre de tout mon travail que j’ai peiné et J’AI ÉTÉ SAGE DESSOUS LE SOLEIL : CELA AUSSI EST BUÉE. 20

Et je reviens, moi, à désespérer mon cœur pour tout le travail que j’ai peiné DESSOUS LE SOLEIL ; car il est un humain qui a peiné avec SAGESSE et avec connaissance et avec compétence, et à un humain qui point n’a peiné il le DONNE comme SA PART : CELA AUSSI EST BUÉE ET MAL ABONDANT. 22 Oui, que reste-t-il à l’humain de tout son travail et de la poursuite de son cœur DESSOUS LE 23 SOLEIL ? Oui, tous ses jours sont douloureux et chagrin est son OCCUPATION, aussi dans la nuit ne se repose pas son cœur : CELA AUSSI EST BUÉE LUI. 24 Pas de BONHEUR pour l’humain sinon de MANGER et de BOIRE et il fait-voir à son âme du 25 BONHEUR dans son travail ; cela aussi je vois, moi, que c’est de la main de Dieu, car qui 26 MANGERA et qui JOUIRA sinon de lui ? Oui, à l’humain qui est bon devant lui IL DONNE SAGESSE et connaissance et JOIE, et au pécheur IL DONNE comme OCCUPATION d’accumuler et d’amasser pour donner à celui qui est bon devant Dieu. CELA AUSSI EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT. 21

INTERPRÉTATION L’OCCUPATION DONNÉE PAR DIEU AUX FILS D’ADAM C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de chercher la sagesse, d’explorer la connaissance de tout ce qui se fait sous le soleil. D’entrée de jeu, Qohélet affirme pourtant que c’est là une « occupation malheureuse » (1,13) qui ne procure que « chagrin » et « douleur » (1,18 ; 2,23) ; en somme un cadeau empoisonné. Toutefois, à la fin de son discours, il reconnait que Dieu distingue entre le « bon » et le « pécheur » : au premier, avec « sagesse » et « connaissance » « il donne » aussi « la joie », tandis que « l’occupation » donnée au pécheur est de peiner au bénéfice de celui qui est « bon devant le Seigneur » (2,26). LA JOIE ET LE BONHEUR QUE DIEU DONNE L’homme ne recherche pas seulement la « sagesse » (1,13), il est aussi en quête de la « joie » et du « bonheur » (2,1.3). C’est avant tout dans son « travail » qu’il trouve joie et bonheur (2,10.24). C’est aussi dans le « manger » et le « boire » qu’il expérimente la joie (2,24-25). On peut comprendre, évidemment, que c’est grâce à son travail qu’il peut manger et boire et jouir de la vie. Toutefois, tout ce dont il se réjouit lui vient, en réalité, « de la main de Dieu » (2,24). Son propre travail n’est pas la source ultime de son bonheur ; il est « la

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La première section (1,12–3,9)

part » (2,10), la meilleure part d’héritage qu’il reçoit gratuitement de celui qui lui a donné la vie. « TOUT EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT » On ne pourra que s’étonner d’entendre avec quelle insistance Qohélet répète que « tout cela est buée et poursuite de vent » ; et il ajoute même que, pour tout le travail qu’il a réalisé, « il n’y a pas de profit dessous le soleil » (2,11). Il dira plus loin que « cela aussi est buée et mal abondant » (2,21), mais ce n’est pas du don que Dieu fait aux hommes qu’il parle alors, mais du scandale que représente le fait que le fruit du travail d’un homme soit récolté par quelqu’un qui n’a point peiné pour cela. Il en va de même pour le successeur du roi qui « sera maitre de tout son travail », sans qu’on sache s’il en fera bon usage (2,17-19). Est buée encore « qu’un sort unique ressortira à tous », à l’insensé comme au sage (2,1415). Et même le jugement de Dieu en faveur de celui qui a été bon devant lui, « cela aussi est buée et poursuite de vent » (26). En somme est buée ce qui échappe à l’homme, ce sur quoi il n’a pas prise et c’est avant tout le futur, ce qui arrivera après lui. Il n’est alors pas étonnant que cela reflue sur le présent de sa vie, de son travail, de sa recherche de la connaissance et de la sagesse (1,14.17), et même par conséquent de sa joie et de son bonheur (2,1.11), en somme de « tous ses jours » qui sont douleur et chagrin, tant qu’il ne peut trouver de repos durant la nuit (23).

II. UN TEMPS POUR ENFANTER ET UN TEMPS POUR MOURIR Séquence A2 : 3,1-9

Cette séquence ne comprend qu’un seul passage. TEXTE 3,1 Pour tout un moment et un temps pour toute chose dessous le ciel. 2 Un temps pour enfanter et un temps pour mourir ; un temps pour planter et un temps pour arracher le planté. 3 Un temps pour tuer et un temps pour guérir ; un temps pour détruire et un temps pour bâtir. 4 Un temps pour pleurer et un temps pour rire ; le temps de gémir et le temps de danser. 5 Un temps pour lancer des pierres et un temps de ramasser des pierres ; un temps pour embrasser et un temps pour s’abstenir d’embrassements. 6 Un temps pour chercher et un temps pour perdre ; un temps pour garder et un temps pour jeter. 7 Un temps pour déchirer et un temps pour coudre ; un temps pour se taire et un temps pour parler. 8 Un temps pour aimer et un temps pour haïr ; le temps de guerre et le temps de paix. 9 Quel profit a le faisant dans ce que lui il peine ? V. 1

: « CHOSE »

Le terme ḥēpeṣ signifie « plaisir », « désir » (8,3.6), mais aussi « chose »1. V . 2A

: « UN TEMPS POUR ENFANTER »

Beaucoup comprennent le verbe au sens passif de « être enfanté », c’est-à-dire de « naitre », ce qui ferait une opposition plus directe avec « mourir » ; mais le sens actif, « enfanter », « engendrer » (voir, par ex., Gn 4,18), est celui qu’ont retenu pratiquement toutes les versions antiques2. Cette interprétation peut être soutenue par le parallélisme avec le segment suivant, « planter » étant actif comme « enfanter »3. Certains même sont d’avis que le second segment redirait en termes métaphoriques la même chose que le premier4. V . 2B

: « ET UN TEMPS POUR ARRACHER LE PLANTÉ »

Le verbe signifie « arracher », mais certains pensent qu’il s’agit de la récolte5. Le parallélisme avec le segment précédent rend difficile une telle interprétation : si « planter » correspond à « enfanter », alors « arracher » renvoie à « mourir ». 1

Voir, par ex., Schoors, 235-236. Voir Mazzinghi, 198. 3 Crenshaw, 93. 4 Seow, 130 ; Mazzinghi, 199. 5 Par ex., Vílchez Líndez, 230. 2

74

La première section (1,12–3,9)

COMPOSITION DU PASSAGE 3,1 Pour tout et un temps dessous

un moment pour toute chose le ciel.

+ 2 Un temps – et un temps

pour enfanter pour mourir,

+ un temps – et un temps

pour planter pour arracher

le planté.

··········································································

– 3 Un temps + et un temps

pour tuer pour guérir,

– un temps + et un temps

pour démolir pour bâtir.

··········································································

– 4 Un temps + et un temps

pour pleurer pour rire,

– le temps + et le temps

de gémir de danser.

+ 5 Un temps – et le temps

pour JETER d’amasser

des pierres des pierres,

+ un temps – et un temps

pour embrasser pour s’éloigner

d’embrasser.

+ 6 Un temps – et un temps

pour chercher pour perdre,

+ un temps – et un temps

pour garder pour JETER,

– 7 un temps + et un temps

pour déchirer pour coudre.

··········································································

– Un temps + et un temps

pour se taire pour parler,

+ 8 un temps – et un temps

pour aimer pour haïr,

– le temps + et le temps

de guerre de paix.

9

profit lui

Quel dans ce que

(a) le faisant il peine ?

Séquence A2 (3,1-9)

75

Les parties extrêmes (1.9) introduisent et concluent le passage. La longue liste des antithèses comprend quatorze segments, premier multiple de sept, chiffre traditionnel de la totalité. Toutefois cette liste n’est pas organisée en deux groupes de sept. Deux parties de six items encadrent une partie qui ne comprend que deux items. Les parties les plus longues s’achèvent par un item différent des précédents : en effet, au lieu des finales introduites par « pour », on a la construction nom et complément du nom : infinitifs en 4cd, substantifs en 8cd. La traduction ne doit donc pas gommer cette différence. La partie centrale par ailleurs se distingue des deux autres par le plus grand nombre de ses termes ; on notera aussi que la construction de 5b est semblable à celle des segments finaux des deux autres parties. La partie 2-4 s’organise en trois morceaux de deux segments chacun. L’ordre des deux derniers morceaux est inverse de celui du premier : le négatif précède le positif. Les deux premiers morceaux sont parallèles, traitant des êtres humains (2ab.3ab) puis des plantes et des constructions (2cd.3cd). Le troisième morceau se distingue des deux autres, car il traite non plus des actions, mais des émotions qu’elles suscitent. Les six segments de la partie 6-8 se répartissent en deux morceaux de trois segments chacun. Le premier morceau traite d’actions physiques sur des choses ; le troisième segment clôt la série sur le positif. Le second morceau généralise avec les relations entre personnes ; les trois segments s’enchainent en passant du négatif au positif, puis au négatif et finalement au positif. Ainsi les deux morceaux s’achèvent sur le positif. Quant au morceau central (5), il est le seul où les deux membres de chaque segment répètent « pierres » d’abord, « embrasser » ensuite. Comme il arrive la plupart du temps, le centre est énigmatique6. Ici c’est surtout le premier segment qui fait problème7. Jeter des pierres dans un champ cultivé serait l’acte malveillant d’un ennemi : « Vous frapperez toutes les villes fortes, vous abattrez tous les arbres de rapport, vous boucherez toutes les sources et vous désolerez tous les meilleurs champs en y jetant des pierres (2R 3,19 ; voir aussi 3,25). La difficulté est de savoir alors que signifie « amasser des pierres ». Le Midrash comprend qu’il s’agit du rapport sexuel : « Il y a un temps pour jeter des pierres quand ta femme est pure, et il y a un temps pour amasser des pierres quand elle est impure »8. Ce sens est soutenu par le parallélisme avec le segment suivant, celui des embrassements. On ajoutera qu’il pourrait y avoir un jeu de mots entre « pierres » (’ăbānîm) et « fils » (bānîm). Enfin, ce segment central serait en relation avec le premier où il s’agit d’« enfanter » (2a).

6

Voir p. 43. Crenshaw, 94-95 ; Mazzinghi, 200-201. 8 Voir D’Alario, 100 ; Schoors, 241. 7

76

La première section (1,12–3,9)

CONTEXTE LES JOURS DE LA CRÉATION Le premier récit de la création est scandé par le refrain : « Il y eut un soir, il y eut un matin, premier jour (Gn 1,5), [...] deuxième jour (8), [...] troisième jour... » (13). Le premier jour voit instituée la différence entre la lumière et les ténèbres, entre le jour et la nuit. Le quatrième jour sont créés « les luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit ; qu’ils servent de signes tant pour les fêtes que pour les jours et les années » (14). Ainsi Dieu organise le temps, il « sépare » les temps, pour tous les vivants et en particulier pour les hommes.

INTERPRÉTATION LES TEMPS DES ÉPOUX Pour l’homme, le temps est rythmé par l’alternance des périodes où il peut s’approcher de sa femme parce qu’elle est pure et de celles où il ne peut pas parce qu’elle ne l’est pas. Voilà la manière très concrète avec laquelle le monde de la Bible exprime les choses. Ce qui est en jeu, en plein cœur de la longue liste des vingt-huit actions humaines, ce n’est donc rien moins que les circonstances et les conditions de l’engendrement, que le don de la vie. Et c’est sans doute pour cela que la première de toutes ces nombreuses actions est celle d’« enfanter ». Et qu’est-ce donc qu’engendrer, sinon le remède à la mort ? « Un temps pour enfanter et un temps pour mourir » (2ab). LES TEMPS HUMAINS Selon le premier récit de la création, les temps sont marqués par les astres, avant tout le soleil et la lune, les jours se succèdent par l’alternance de la lumière et de la nuit. Ici, les temps sont uniquement ceux des actions de l’homme — « planter et arracher », « démolir et bâtir » (2-3), « garder et jeter », « déchirer et coudre » (6-7) — et de ses sentiments — « pleurer et rire » (4), « aimer et haïr » (8). Le premier récit de la création montrait Dieu à l’œuvre, ici il n’en est pas question du tout : on le dirait absent. On est « dessous le ciel ». QUEL PROFIT ? Il y a un moment pour tout. Telle est l’affirmation initiale. Or, celle-ci fait un contraste strident avec l’interrogation finale. La question est celle de la relation entre deux temps, celui de la peine qu’éprouve celui qui travaille, et celui de son résultat, de son profit. La façon dont la question est posée laisse entendre que ce qui est en cause n’est pas la quantité ou la qualité du profit, mais son existence même. Le profit est-il celui de mourir après avoir engendré (2ab), ou celui de

Séquence A2 (3,1-9)

77

danser après avoir gémi (4cd) ? Est-il celui de perdre après avoir cherché (6ab) ou celui de la paix après celui de la guerre (8cd) ? Curieuse manière de conclure par une telle question aussi ouverte !

III. LE ROI ACQUÉREUR L’ensemble de la première section : 1,12–3,9 COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX SÉQUENCES 1,12 Moi, Qohélet, j’ai été roi sur Israël à Jérusalem. 13 Et j’ai donné mon cœur à rechercher et à explorer par la sagesse sur tout ce qui se fait DESSOUS LE CIEL : c’est une occupation malheureuse que Dieu a donnée aux fils d’Adam pour s’occuper en elle. 14 J’ai vu toutes les œuvres qui se font DESSOUS LE SOLEIL : et voici, tout est buée et poursuite de vent ! 15 Ce qui est courbé ne peut pas être redressé et ce qui manque ne peut pas être compté. 16 J’ai parlé, moi, avec mon cœur disant : Moi, voici, j’ai augmenté et j’ai ajouté la sagesse plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem : et mon cœur a vu abondance de sagesse et de connaissance. 17 Et j’ai donné mon cœur pour connaitre la sagesse et connaitre la sottise et la folie : j’ai su que aussi cela, c’est poursuite de vent, 18 car abondance de sagesse, abondance de chagrin et ajout de connaissance, ajout de douleur. 2,1 Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la joie et vois le bonheur ! Et voici, cela aussi est buée. 2 Du RIRE je dis : « Sottise », et de la joie : « Qu’est-ce que celle-ci fait ? » 3 J’ai pensé dans mon cœur livrer au vin ma chair, et mon cœur conduisant dans la sagesse, et m’attacher à la folie jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour les fils d’Adam lequel ils font DESSOUS LE CIEL, le nombre des jours de leur vie. 4 J’ai fait-grand mes œuvres, JE ME SUIS BÂTI DES BÂTIMENTS, JE ME SUIS PLANTÉ des vignes. 5 Je me suis fait des jardins et des vergers et J’AI PLANTÉ en eux des arbres de tout fruit ; 6 je me suis fait des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant arbres. 7 J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, furent à moi aussi des troupeaux de gros et de petit bétail ; abondance fut à moi, plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des rois et des provinces. Je me suis fait des chanteurs et des chanteuses et tout le luxe des fils d’Adam, concubine et concubines. 9 Et j’ai augmenté et j’ai ajouté plus que tout ce qui fut avant moi à Jérusalem ; mais ma sagesse est restée pour moi. 10 Et tout ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé mon cœur de toute joie, car mon cœur se réjouissait de TOUT MON TRAVAIL et cela fut ma part en 11 TOUT MON TRAVAIL. Et je me suis tourné, moi, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au TRAVAIL que J’AI PEINÉ à faire ; et voici, tout est buée et poursuite de vent et il n’y a pas de PROFIT DESSOUS LE SOLEIL !

Le genre de la deuxième séquence est très différent de celui de la première. Cependant, elles ont un certain nombre de points communs. – « Dessous le ciel » de 3,1 revenait en 1,13 et 2,3 (« dessous le soleil » en 1,14 ; 2,11 ; 17.18.19 ; 20.22). – « faire » de 3,9 apparaissait dans les trois premiers passages (1,13.14 ; 2,4.5.6. 8.11ter ; 2,12bis.17bis). – « Rire » de 3,4 se trouvait déjà en 2,2.

L’ensemble de la première section (1,12–3,9)

79

– « Travail » de 3,9 revenait à la fin du deuxième passage (2,10-11) et dans les deux passages de la deuxième séquence (2,18-19 ; 20-22.24). – « Bâtir » et « planter » de 3,2-3 se trouvaient en 2,4-5. – « Profit », accompagné de « faire » et de « travail », en 3,9 se trouvait en 2,11. – « Rechercher » de 1,13 et « chercher » de 3,6 sont des synonymes. 2,12 Et je me tourne, moi, à voir la sagesse et la sottise et la folie : car que fera l’humain qui viendra après le roi ? Ce que déjà ils l’ont fait. 13 Et je vois, moi, qu’il y a PROFIT de la sagesse sur la folie comme PROFIT de la lumière sur l’obscurité. 14 Le sage ses yeux sont sur sa tête et l’insensé dans l’obscurité marche. Et je sais, moi aussi, qu’un sort unique ressortira à tous. 15 Et je dis, moi dans mon cœur : comme le sort de l’insensé à moi aussi ressortira et pourquoi ai-je été sage, moi, même trop ? Et je parle dans mon cœur : cela aussi est buée. 16 Oui, il n’y a pas de souvenir pour le sage avec l’insensé pour toujours, car déjà dans les jours suivants tous sont oubliés. Et comment MEURT le sage avec l’insensé ? 17 Et je déteste la vie, car mal pour moi l’œuvre qui se fait DESSOUS LE SOLEIL : Oui, tout est buée et poursuite de vent. 18 Et je déteste, moi, TOUT MON TRAVAIL que moi J’AI 19 PEINÉ DESSOUS LE SOLEIL, que je laisse à l’humain qui sera après moi : Et qui sait si sage il sera ou fou ? Et il sera maitre de TOUT MON TRAVAIL que J’AI PEINÉ et j’ai été sage DESSOUS LE SOLEIL : cela aussi est buée. 20

Et je reviens, moi, à désespérer mon cœur pour TOUT MON TRAVAIL que J’AI PEINÉ ; 21 car il est un humain qui A PEINÉ avec sagesse et avec connaissance et avec compétence, et à un humain qui POINT N’A PEINÉ il le donne comme sa part : cela aussi est buée et mal abondant. 22 Oui, que reste-t-il à l’humain de toute SA PEINE et de la poursuite de son cœur 23 DESSOUS LE SOLEIL ? Oui, tous ses jours sont douloureux et chagrin est son occupation, aussi dans la nuit ne se repose pas son cœur : cela aussi est buée lui. 24 Pas de bonheur pour l’humain sinon de manger et de boire et il fait voir à son âme du bonheur dans SON TRAVAIL ; cela aussi je vois, moi, que de la main de Dieu lui, 25 car qui mangera et qui jouira sinon de lui ? 26 Oui, à l’humain qui est bon devant lui il donne sagesse et connaissance et joie, et au pécheur il donne comme occupation d’accumuler et d’amasser pour donner à celui qui est bon devant Dieu. Cela aussi est buée et poursuite de vent. DESSOUS LE SOLEIL

3,1 Pour tout il y a un moment et un temps pour toute chose DESSOUS LE CIEL. Un temps pour enfanter et un temps pour MOURIR, un temps pour PLANTER et un temps pour arracher LE PLANT. 3 Un temps pour TUER et un temps pour guérir, un temps pour démolir et un temps pour BÂTIR.4 Un temps pour pleurer et un temps pour RIRE, le temps de gémir et le temps de danser. 5 Un temps pour jeter des pierres et le temps d’amasser des pierres, un temps pour embrasser et un temps pour s’éloigner d’embrasser. 6 Un temps pour chercher et un temps pour perdre, un temps pour garder et un temps pour jeter, 7 un temps pour déchirer et un temps pour coudre. Un temps pour se taire et un temps pour parler, 8 un temps pour aimer et un temps pour haïr, le temps de guerre et le temps de paix. 9 Quel PROFIT a celui qui fait dans ce que lui IL PEINE ? 2

80

La première section (1,12–3,9)

CONTEXTE LE PSAUME 127 « DE SALOMON » 1

des montées

DE SALOMON.

+ Si YHWH . en vain

ne BÂTIT peinent

LE BÂTIMENT, SES BÂTISSEURS

+ si YHWH . en vain

ne garde veille

LA VILLE,

Chant

dedans ;

le gardien.

··························································································································

– 2 EN VAIN

pour vous,

:: anticipants :: retardants :: mangeants Oui, + 3 Voici, + récompense .. 4 comme traits .. ainsi

le lever, le coucher, un pain

de douleurs.

il donne

À SON BIEN-AIMÉ

(en) sommeil.

héritage

de YHWH DU VENTRE

DES FILS,

LE FRUIT

dans la main

d’un héros,

:

LES FILS de la jeunesse. ·························································································································· – 5 HEUREUX l’homme

:: lequel

a rempli

son carquois

= ils ne rougiront pas = quand ils parleront

avec les ennemis

à LA PORTE.

avec eux :

Le psaume central du recueil des quinze psaumes des montées est attribué à Salomon, celui qui avait été surnommé « le bien-aimé de Yah » (2S 12,24-25), ainsi qu’il est appelé au centre du psaume. Le psalmiste joue sur les mots : le terme « fils » (bēn, pluriel bānîm ; 3-4), au début de la dernière partie, serait de même racine que « bâtir » (banah) et même que « maison » (bayit) au début de la partie symétrique (1bc). Ce que, au centre du psaume, le Seigneur « donne » durant le sommeil à son bien-aimé, ce sont les fils dont parle la partie suivante. On aura remarqué que le psaume a en commun avec la section de Qohélet – dans le premier verset : « bâtir » « bâtiment(s) » (Qo 2,4), « peiner » (Qo 1,10...) et « garder » (Qo 3,6c) ; – « donner » au centre (Qo 2,24-26) ; – au début de la dernière partie : « fruit » (Qo 2,5)1.

1

Pour l’analyse du psaume, voir R. MEYNET, Les psaumes des montées, 90-100 ; ID., Le Psautier. Cinquième livre, 293-401.

L’ensemble de la première section (1,12–3,9)

81

INTERPRÉTATION LE MOMENT DE QOHÉLET Qohélet parle à un moment précis de sa vie, à un tournant décisif entre le passé et le futur, sur la ligne de partage entre les deux moitiés de la première séquence. Dans la première, il s’est tourné vers ce qu’il a fait tout au long des jours de sa vie, à l’instar de tous les autres hommes qui travaillent sous le ciel. Et il résume : « Et je me tourne, moi, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire » (1,11), avant de conclure que « tout est buée et poursuite de vent ». Aussitôt, du passé il se tourne vers l’avenir : qu’en sera-t-il de celui qui viendra après lui ? Il doit bien reconnaitre qu’il n’en sait rien. Il est persuadé que la sagesse vaut mieux que la folie, mais il se demande s’il n’aura pas été sage en vain, laissant à son successeur en héritage tout ce qu’il aura fait dans la peine, sans avoir la moindre assurance sur ce qu’il en fera. DEUX TEMPS OPPOSÉS POUR LA MORT La longue liste des moments et des temps que contemple Qohélet à la fin de son règne exprime bien comment se prolonge sa méditation pleine de perplexité et d’angoisse. Son successeur démolira-t-il les bâtiments qu’il a tant peiné à bâtir ? Arrosera-t-il les jardins qu’il s’était faits ou bien arrachera-t-il les arbres fruitiers qu’il avait plantés, interrompant le cycle de la vie ? Jettera-t-il ce que lui avait tenu à garder ? Déchirera-t-il le royaume qu’il avait cousu ? Fera-t-il retomber le pays dans la guerre, alors que son règne fut un règne de paix ? DEUX TEMPS SUCCESSIFS POUR LA VIE La mort que le roi a devant les yeux, sa propre mort est inéluctable. Mais estelle sans remède ? Est-il vraiment impossible d’en « guérir » ? Le tout premier terme de la liste des vingt-huit actions de l’homme fournit la réponse. C’est en engendrant qu’on dépasse la mort : « Un temps pour enfanter et un temps pour mourir ». Comme cela est dit avec tant d’insistance en plein cœur de la liste des temps, s’il est un temps où les époux doivent renoncer aux embrassements, il est aussi un temps où ils peuvent s’unir pour transmettre la vie. Ainsi, la mort n’a pas le dernier mot. LA RÉPONSE FINALE EST LAISSÉE AU LECTEUR La question sur laquelle s’achève la section, ou mieux qu’elle ouvre, peut être interprétée de manières diverses, et même totalement opposées. Quel profit y a-til pour celui qui a peiné dans tout ce qu’il a fait ? En réalité, tout dépend de ce qu’on entend par le faire de l’homme. Ses œuvres se limitent-elles aux édifices qu’il a bâtis, aux jardins qu’il a faits, aux arbres à fruits qu’il a plantés, aux ingénieux systèmes d’irrigation qu’il a imaginés et mis en œuvre ? N’a-t-il pas aussi engendré des enfants ? Et, au-delà même de tout cela, aurait-il été le seul à

82

La première section (1,12–3,9)

« faire » ? À la fin de la première séquence, Qohélet a reconnu que c’est de la main de Dieu qu’il reçoit nourriture et boisson, qu’il a reçu « sagesse et connaissance et joie ». Et Dieu est celui qui donne de donner (2,26). Qui pourrait oublier l’histoire des pères et des mères d’Israël, que c’est Dieu qui leur a donné à tous d’engendrer ? Au lecteur de poursuivre à son propre compte la réflexion de Qohélet, à lui de conclure.

FILS D’ADAM, FILS DE DIEU La deuxième section Qo 3,10–9,10

84

La deuxième section (3,10–9,10)

La deuxième section est nettement plus développée que les sections extrêmes. Elle s’organise en trois sous-sections :

LE SAGE

RÉPOND

LA SAGESSE

LE SAGE

CONDUIT

AUX QUESTIONS

DES FILS D’ADAM

HÉRITAGE

DES FILS DE DIEU

5,10–8,15

À LA VIE

LES FILS D’ADAM

8,16–9,10

3,10–5,9

I. LE SAGE RÉPOND AUX QUESTIONS DES FILS D’ADAM La première sous-section : 3,10–5,9 La première sous-section s’organise en trois séquences. Aux extrémités, deux séquences qui comprennent chacune deux passages ; au centre, une courte séquence de la taille d’un seul passage.

B1 : L’HOMME

B2 : LES MORTS

B3 : SEUL

EST-IL FAIT

POUR L’ÉTERNITÉ

NE VOIENT PAS

LE MAL

L’HOMME

EST SANS AVENIR

?

3,10-22

4,1-6

4,7–5,9

A. L’HOMME EST-IL FAIT POUR L’ÉTERNITÉ ? La séquence B1 : 3,10-22 La première séquence comprend deux passages : Ce que DIEU donne

à l’homme est-il pour toujours ?

3,10-17

Comme L’ANIMAL

l’homme

3,18-22

est-il sans futur ?

1. Ce que Dieu donne à l’homme est-il pour toujours ? Le premier passage : 3,10-17 TEXTE 3,10 Je vois l’occupation laquelle donne Dieu aux fils d’Adam pour s’occuper en elle : 11 tout ce qu’il fait (est) beau en son temps. Aussi l’éternité il a donné dans leur cœur, mais sans que trouve l’humain l’œuvre que fait Dieu du début et jusqu’à la fin. 12 Je sais qu’il n’y a pas de bonheur en eux, sinon de se réjouir et de faire le bonheur durant sa vie. 13 Et aussi tout humain qui mange et boit et voit du bonheur dans tout son travail, un don de Dieu cela. 14 Je sais que tout ce que fait Dieu cela sera pour l’éternité. À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher et Dieu fait qu’ils craignent devant sa face. 15 Ce qui est déjà lui et ce qui sera déjà fut et Dieu recherche le persécuté. 16 Et encore je vois dessous le soleil : à la place du droit, là la méchanceté, et à la place de la justice, là la méchanceté. 17 Je dis, moi, dans mon cœur : le juste et le méchant jugera Dieu, car un temps pour toute chose et pour tout fait là. V. 11

: « L’ÉTERNITÉ IL A DONNÉ DANS LEUR CŒUR »

Le terme ‘ôlām a fait difficulté. Ailleurs, quand il est précédé de la préposition le, le‘ôlām est traduit par « pour toujours » (1,4 ; 2,16) ; en 1,10 toujours précédé de le, le terme est au pluriel et il est traduit, selon le contexte, par « depuis toujours ». En 9,10, précédé de ‘ôd « encore », il est traduit par « plus jamais ». Dans tous ces cas, ‘ôlām n’a pas l’article. Ici, en revanche, précédé non seulement par l’article mais d’abord par la « particule de l’accusatif », ’et (’ethā‘ōlām), le terme n’est pas adverbe de temps, mais complément d’objet direct de « il a donné » ; de même, en 12,5 le terme est défini par le pronom suffixe : litt., « car s’en va l’humain vers la maison de son toujours » et il est traduit par « vers la maison de son éternité », ou « vers sa maison d’éternité ».

88

La deuxième section (3,10–9,10)

Or, c’est justement là que réside la difficulté pour beaucoup de commentateurs : à l’époque on ne croyait pas à « l’éternité de l’âme »1. Et c’est pourquoi, un grand nombre de corrections ont été avancées pour écarter ce problème 2, qui n’est pas textuel mais d’interprétation. V. 15

: « LE PERSÉCUTÉ »

Le dernier mot du verset est fort discuté. Alors que la Vulgate le comprend comme « ce qui a disparu », les autres versions antiques le traduisent : « le persécuté », comme en Si 5,3b. La première interprétation est suivie par la majorité des commentateurs, car elle s’accorderait mieux avec le contexte, c’està-dire le contexte restreint du verset 13. Toutefois, le contexte plus large montre que 15c correspond à 14e : les deux membres sont complémentaires. La seconde interprétation semble préférable.

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (3,10-11) :: 3,10 Je vois :: laquelle :: pour s’occuper

l’occupation

– 11 tout ce – (est) beau

QU’IL FAIT en son temps.

DONNE

DIEU

aux FILS

D’ADAM

en elle :

································································································································

:: Aussi – mais sans – que – du début

l’éternité

IL A DONNÉE

dans leur cœur,

que FAIT et jusqu’à

trouve DIEU la fin.

L’HUMAIN

L’ŒUVRE

Dans le premier morceau, le second segment qualifie le don de Dieu dont parle le premier segment : ce don fait partie de « tout » ce que « fait » Dieu. Dans le deuxième morceau, le second segment exprime une restriction par rapport au premier. À « l’éternité » que Dieu a donnée à l’homme, est mise une limite : ce dernier ne peut « trouver », c’est-à-dire comprendre ou connaitre ce « que fait Dieu ». Le dernier membre, « du début et jusqu’à la fin », renvoie à « l’éternité » qu’il explicite.

1

« Le discours sur l’éternité de l’homme est complètement hors sujet et hors contexte » (Ravasi, 148) ; « il n’y a pas trace de la doctrine d’une vie au-delà de la tombe » (, 247). 2 Voir, par ex., Vílchez Líndez, « Excursus VI », 475-479 ; Schoors, 258-261.

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6)

89

Les deux morceaux sont parallèles. Les premiers segments traitent d’un don fait par Dieu aux hommes, « occupation » d’abord, « éternité » ensuite. Dans les seconds segments, il s’agit du « faire » de Dieu, « en son temps » à la fin du premier morceau, « du début jusqu’à la fin » à la fin du deuxième. LA DEUXIÈME PARTIE (3,12-15) :: 3,12 JE SAIS ;; sinon 13

+ Et aussi + et voit = un don

qu’il n’y a pas de se réjouir

de bonheur ET DE FAIRE

en eux, le bonheur

tout humain du bonheur de DIEU

qui mange dans tout cela.

et boit son travail,

durant sa vie.

······················································································································

:: 14 JE SAIS :: cela

que tout ce sera

QUE FAIT pour l’éternité.

– À cela – et de cela = et DIEU

il n’y a pas il n’y a pas FAIT

à ajouter à retrancher qu’ils craignent

est sera recherche

déjà déjà le persécuté.

15

– Ce qui – et ce qui = et DIEU

DIEU

devant sa face. lui fut

Dans le premier morceau, le second segment ajoute quelque chose de nouveau par rapport au premier. Il explicite en quoi consiste « le bonheur » : « se réjouir » (12b) consiste à « manger » et « boire » (13a) ; « bonheur » revient trois fois (12a.b.13b). Et surtout, la fin du deuxième segment contient la nouveauté la plus importante : tout ce « bonheur » (12-13b) est « don de Dieu ». À l’affirmation par laquelle commence le second morceau (14ab), sont ajoutés deux trimembres de type AA’B. Ce qui vient d’être affirmé (14ab) est intouchable (14cd) et immuable (15ab) ; les derniers membres sont complémentaires, « Dieu » faisant que les hommes le craignent (14e) et secourant le persécuté (15c). Les deux morceaux commencent par « Je sais ». Les derniers membres des trimembres par lesquels s’achève chaque morceau mentionnent une action de Dieu (13c.14e.15c). « Tout ce que fait Dieu » au début du deuxième morceau renvoie au « bonheur » donné par Dieu dans le premier morceau. En outre, « pour l’éternité » à la fin du premier segment du second morceau (14b) correspond à « durant sa vie » en même position dans le premier morceau (12b) ; le don de Dieu est sans repentance, il dure « pour toujours ».

90

La deuxième section (3,10–9,10)

LA TROISIÈME PARTIE (3,16-17) :: 16 Et encore

JE VOIS

+ à la place – LÀ

LA MÉCHANCETÉ,

dessous

le soleil :

du droit,

DE LA JUSTICE, LA MÉCHANCETÉ. ····································································································· :: 17 JE DIS, moi, dans mon cœur :

+ et à la place – LÀ

= LE JUSTE = jugera

et LE MÉCHANT Dieu,

- car un temps - et sur tout

pour toute fait

chose LÀ.

Dans le premier morceau, ce que l’auteur « voit », « la méchanceté » qui prévaut sur le « droit » et la « justice », dans le deuxième ce qu’il « dit » : que Dieu jugera « juste » et « méchant ». « Je vois » et « je dis » sont accompagnés de deux compléments de lieu opposés : « dessous le soleil » et « dans mon cœur ». « Un temps pour toute chose » (17d) désigne les deux temps, celui de l’injustice des hommes du premier morceau et celui du jugement divin du second. Le « là » final (17e) qui correspond aux deux « là » de 16c et 16e semble indiquer le lieu du jugement.

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (3,10-17) Les parties extrêmes commencent avec « Je vois », les deux morceaux de la partie centrale commencent avec « Je sais » ; dans la dernière partie, au « Je vois » initial correspond « Je dis » au début du deuxième morceau. « Dieu » est nommé deux fois dans la première partie (10b.11e), une fois dans la dernière partie (17c) et quatre fois dans la partie centrale (13c.14a.14e.15c). « Faire/ œuvre » revient aussi dans les trois parties, la plupart du temps avec « Dieu » pour sujet (11a.d.e.14a.e), mais en 12b le sujet est l’homme ; quant à « toute œuvre » de la fin (17e), elle semble renvoyer à la fois au faire injuste des hommes et au faire justice de Dieu. Enfin, « tout(e) » est repris en 11a ; 13a.b.14a ; 17d.e). Les parties extrêmes ont aussi en commun « dans leur/mon cœur » (11c.17a) et « temps » (11b.17d). Dans les deux premières parties reviennent « donner/don » (10b.11c ; 13c), « Adam/humain » (10b.11d ; 13a) et « éternité » (11c ; 14b).

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6) + 3,10 JE VOIS laquelle pour s’occuper 11

tout ce est beau

91

l’occupation DONNE

DIEU

D’ADAM

aux FILS

en elle : QU’IL FAIT en son TEMPS.

····································································································· Aussi L’ÉTERNITÉ IL A DONNÉE DANS LEUR CŒUR,

que FAIT et jusqu’à

trouve DIEU la fin.

L’HUMAIN

+ 12 JE SAIS sinon

qu’il n’y a pas de se réjouir

de bonheur

en eux, le bonheur

13

tout HUMAIN du bonheur de DIEU

qui mange dans tout cela.

cela

sera

POUR L’ÉTERNITÉ.

À cela et de cela et DIEU

il n’y a rien il n’y a rien FAIT

à ajouter à retrancher qu’ils craignent

15

est sera recherche

déjà déjà le persécuté.

lui fut

+ 16 Et encore

JE VOIS

dessous

le soleil :

à la place là

du droit, la méchanceté,

et à la place là

de la justice, la méchanceté.

mais sans lequel du début

Et aussi et voit

ET DE FAIRE

L’ŒUVRE

durant sa vie.

et boit son travail,

UN DON ·············································································································· + 14 JE SAIS que tout ce QUE FAIT DIEU

Ce qui et ce qui et DIEU

devant sa face.

····································································································· + 17 JE DIS, moi, DANS MON CŒUR :

le juste jugera

et le méchant, DIEU,

car UN TEMPS et pour toute

ŒUVRE

pour toute

chose là.

92

La deuxième section (3,10–9,10)

CONTEXTE L’ÉTERNITÉ Un certain nombre de commentateurs excluent l’idée que Qohélet ait pu penser que l’homme est fait pour « l’éternité » ; ils admettent tout au plus qu’il puisse éprouver dans son cœur un « désir d’éternité »3, « le sens du temps »4, voire seulement « une certaine vision d’ensemble »5. Or, juste avant l’Épilogue, le dernier passage du livre (11,7–12,8) laisse entendre que Qohélet croit à l’éternité du souffle de l’homme. En effet, comme on le verra en son temps, les deux sous-parties de la dernière partie du passage (12,3-7) s’achèvent sur deux segments qui se correspondent. Le dernier segment (7) distingue « la poussière » de l’homme qui retourne à la terre d’où elle a été prise de son « souffle » qui « retourne à Dieu qui l’a donné ». En 5a on peut comprendre que la « maison d’éternité » de l’homme est la tombe où son corps sera déposé « pour toujours » ; mais, si l’on considère que ce complément de lieu correspond à la fin de 7, « à Dieu qui l’a donné », il faut bien reconnaitre que la maison d’éternité où va l’homme après sa mort est celle de Dieu luimême. + 5 Oui, s’en va l’humain – et tournent

vers sa maison d’éternité sur la place les pleureurs.

– 7 retourne la poussière + et le souffle retourne

sur la terre comme elle était à Dieu qui l’a donné.

INTERPRÉTATION Il y a ce que Qohélet « voit » (16) et ce qu’il « dit » (17). Il voit, il constate que la méchanceté l’emporte sur le droit sous le soleil, mais il dit, il sait que Dieu jugera entre le méchant et le juste. Il semble qu’il y a la même différence entre ce qu’il « voit » dans la première partie et ce qu’il « sait » dans la seconde. CE QUE VOIT QOHÉLET Il voit d’abord que tout ce que fait Dieu est beau (11ab), y compris la vie, « l’occupation » qu’il donne aux fils d’Adam (10). Il voit « aussi » qu’il leur a donné l’éternité, même s’ils sont bien incapables de saisir toute l’étendue de l’œuvre de Dieu. Il voit aussi, malheureusement, que les hommes défigurent la beauté de la tâche que Dieu leur a donnée. La méchanceté en effet prend trop souvent la place du droit et de la justice.

3

Voir Vílchez Líndez, 478. Morla, 64 5 Ravasi, 149. 4

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6)

93

CE QU’IL SAIT Il sait, bien sûr, et il le « dit », ne serait-ce que « dans son cœur », que le méchant ne restera pas impuni (17) et que celui qu’il « persécute » sera délivré par le Seigneur (15). Il « sait » aussi — et c’est là le cœur de toute sa réflexion — que le bonheur réalisé par l’homme durant sa vie est une belle chose (12) et que cela aussi est un don de Dieu (13). Il voit bien que « tout ce que fait Dieu est beau en son temps » (11a) ; mais il sait, il croit en outre que cela va beaucoup plus loin, que ce sera pour toujours, « pour l’éternité » (14ab). Et pour appuyer son dire, il souligne à double trait que tout est là (14cd) et que c’est immuable (15ab). Il sait enfin que le salut du persécuté, comme la crainte de Dieu, sont aussi un don que le Seigneur fait aux hommes (14e.15c). UN DISCOURS TOTALISANT La réflexion de Qohélet ne porte pas sur tel ou tel aspect de l’existence, de Dieu et de l’homme. Ce qui l’intéresse concerne « tout » ce que fait Dieu (11.14), « toute chose et toute œuvre » (17de), et aussi ce qui advient à « tout humain », « dans tout son travail » (13). Et le point qui semble lui tenir à cœur plus que tout est celui de « l’éternité », l’éternité de tout ce que fait Dieu, l’éternité qu’il a donnée dans le cœur de l’homme. L’éternité est le comble de la totalité. Et comme « rien » est ici le corollaire de « tout », une fois qu’il a énoncé ce qu’il « sait », à savoir que « tout » ce que fait Dieu sera pour « toujours », il précise qu’il n’y a « rien » à ajouter ni à retrancher à cela (14).

2. Comme l’animal l’homme est-il sans futur ? Le deuxième passage : 3,18-22 TEXTE 3,18 Je dis, moi, en mon cœur, à propos des fils d’Adam : les éprouve Dieu et ils voient que eux (sont) des animaux eux pour eux ; 19 oui, le sort des fils d’Adam et le sort des animaux et un sort unique pour eux. Comme la mort de celui-ci, ainsi la mort de celui-là, et souffle unique tous ; et la supériorité de l’humain sur l’animal il n’y a pas, oui, tout (est) buée. 20 Tout s’en va vers un lieu unique : tout fut de la poussière et tout retourne à la poussière. 21 Qui sait le souffle des fils d’Adam s’il monte lui vers le haut et le souffle de l’animal s’il descend lui en bas, vers la terre ? 22 Et je vois qu’il n’y a pas de bonheur sinon que se réjouisse l’humain de ses œuvres ; oui, cela sa part. Oui, qui le fera-venir pour voir ce qui sera après lui ? V. 18BC : « LES ÉPROUVE DIEU ET ILS VOIENT...

»

Au lieu de l’actif « pour voir », les antiques versions ont lu le hiphil, « fairevoir ». Suivant le texte massorétique on peut traduire « et ils voient », le sens étant : « Dieu les éprouve de sorte qu’ils voient ». V. 18E : « EUX POUR EUX

»

Cette curieuse expression a donné lieu à bien des discussions. Elle reprend le « eux » du membre précédent, en insistant qu’il s’agit bien d’eux, signifiant quelque chose comme « eux en tant que tels » ; on peut aussi comprendre que l’expression est parallèle aux deux derniers termes du membre précédent, que le premier pronom renvoie aux hommes, et le deuxième aux animaux (behēmâ est certes un féminin singulier, mais en tant que collectif, il peut s’entendre comme un pluriel). L’expression serait donc une autre manière de souligner la ressemblance fondamentale entre l’homme et l’animal. V. 20

: « TOUT S’EN VA VERS UN LIEU UNIQUE »

Il faut comprendre : « Chacun s’en va », mais une traduction littérale se devait de conserver la quadruple répétition de hakkōl, « tout » (19h.20abc). V. 21B.D

: « S’IL MONTE [...] S’IL DESCEND »

Le texte massorétique a vocalisé le préfixe des deux termes comme un article, tandis que les versions l’ont considéré, justement, comme interrogatif indirect, traduit ici par « si ».

96

La deuxième section (3,10–9,10)

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (18-19) + 3,18 Je dis, + à propos

moi,

– les éprouve – et ils voient – eux

Dieu que eux

: 19 oui, le sort : et le sort : et un sort

DES FILS

en mon cœur, :

D’ADAM

DES FILS

POUR EUX

(sont) DES ANIMAUX ; D’ADAM

DES ANIMAUX

unique

POUR EUX.

Le deuxième segment est l’objet de « je dis » au début du premier segment ; l’épreuve à laquelle Dieu soumet les hommes consiste à leur faire voir qu’ils sont des animaux. Le dernier segment confirme ce qui est affirmé dans le segment précédent : si les « fils d’Adam » sont des animaux, ils partagent avec eux le même « sort ». Les deux derniers segments s’achèvent avec « pour eux ». LA DEUXIÈME PARTIE (19D-21) + 19d Comme la mort – ainsi la mort = et souffle

UNIQUE

TOUS

:: et la supériorité :: car TOUT

de L’HUMAIN (est) buée.

SUR L’ANIMAL

de celui-ci, de celui-là, ; il n’y a pas,

···············································································································

- 20 TOUT - TOUT - et TOUT

s’en va vient retourne

vers un lieu de la poussière à la poussière.

UNIQUE

:

···············································································································

+ 21 Qui sait : s’il monte

le souffle lui

– et : s’il descend

le souffle lui

DES FILS

D’ADAM

vers le haut DE L’ANIMAL

en bas,

vers la terre ?

Dans le premier morceau, après avoir affirmé que devant la mort l’homme et l’animal sont égaux (19de), que leur « souffle » est le même (19f), l’auteur nie la supériorité de l’un sur l’autre (19g) avant de conclure avec la formule de la « buée » qui les concerne « tous ». Le morceau central insiste sur la fin de « tout », dans « la poussière ». Mais le troisième morceau corrige les deux précédents par une double question : un doute subsiste concernant le destin non plus de « la poussière », mais du « souffle » de l’humain et de l’animal.

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6)

97

LA TROISIÈME PARTIE (22) + 22 Et je vois + sinon que + oui, cela

qu’il n’y a pas se réjouisse sa part.

de bonheur l’humain

: Oui, qui : ce qui

le fera-venir sera

pour voir après lui ?

de ses œuvres ;

Les deux segments opposent la « part » de l’homme durant sa vie, la joie qu’il éprouve dans ce qu’il fait, et ce qui lui adviendrait après lui, après sa mort. Les deux segments sont agrafés par la double occurrence de « oui ». L’ENSEMBLE DU PASSAGE (3,18-22) 3,18 JE DIS, à propos

DES FILS

D’ADAM

les éprouve et ILS VOIENT eux

Dieu que eux pour eux ;

(sont) DES ANIMAUX

DES FILS

D’ADAM

19

oui, le sort et le sort et un sort

moi,

en mon cœur, :

DES ANIMAUX UNIQUE

pour eux.

Comme la mort ainsi la mort et souffle

de celui-ci, de celui-là, UNIQUE

tous ;

et la supériorité oui, tout

de L’HUMAIN est buée.

SUR L’ANIMAL

il n’y a pas,

·········································································································· 20 Tout s’en va vers un lieu UNIQUE :

tout et tout 21

fut retourne

de la poussière à la poussière.

·········································································································· le souffle DES FILS D’ADAM

QUI SAIT s’il monte

lui

vers le haut

et s’il descend

le souffle lui

DE L’ANIMAL en bas,

ET JE VOIS sinon que oui, cela

qu’il n’y a pas se réjouisse sa part ;

L’HUMAIN

oui, qui ce qui

le fera-venir sera

POUR VOIR après lui ?

22

vers la terre ?

de bonheur de ses œuvres ;

98

La deuxième section (3,10–9,10)

3,18 JE DIS, à propos

DES FILS

D’ADAM

les éprouve et ILS VOIENT eux

Dieu que eux pour eux ;

(sont) DES ANIMAUX

DES FILS

D’ADAM

19

oui, le sort et le sort et un sort

moi,

en mon cœur, :

DES ANIMAUX UNIQUE

pour eux.

Comme la mort ainsi la mort et souffle

de celui-ci, de celui-là, UNIQUE

tous ;

et la supériorité oui, tout

de L’HUMAIN est buée.

SUR L’ANIMAL

il n’y a pas,

·········································································································· 20 Tout s’en va vers un lieu UNIQUE :

tout et tout

fut retourne

de la poussière à la poussière.

·········································································································· 21

QUI SAIT s’il monte

le souffle lui

vers le haut

et s’il descend

le souffle lui

DE L’ANIMAL en bas,

ET JE VOIS sinon que oui, cela

qu’il n’y a pas se réjouisse sa part ;

L’HUMAIN

oui, QUI ce qui

le fera-venir sera

POUR VOIR après lui ?

22

DES FILS

D’ADAM

vers la terre ?

de bonheur de ses œuvres ;

Les trois parties ont en commun « humain » et « fils d’Adam » (18b.19a ; 19g.21a ; 22b). On peut dire que « Qui sait » de 21a correspond à « Je dis » de 18a et « je vois » de 22a. Les parties extrêmes commencent par un verbe à la première personne du singulier. « Ils voient » (18d) et « pour voir » (22d) ont en hébreu la même forme : lir’ôt. Par ailleurs, « part » (22c) est un quasi-synonyme de « sort » (19abc) et enfin, le même « oui » (kî) est repris en 19a et en 22c.d. Les deux premières parties ont en commun « animaux/animal » (18d.19b ; 19g.21c), « unique » (19c ; 19f.20a). Les deux dernières parties ont en commun « il n’y a pas » (19g.22a) et l’interrogatif « qui » (21a.22d) ; les dernières phrases de ces parties sont des questions qui concernent également le sort de l’humain après sa mort.

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6)

99

CONTEXTE LE SOUFFLE DE DIEU DANS LES NARINES DE L’HUMAIN Au second chapitre de la Genèse, « Yhwh Dieu modela l’homme avec la poussière de l’humus, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). Les animaux seront créés plus tard, après le jardin : « Yhwh Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel » (19) ; comme l’humain, les animaux sont modelés de la glaise du sol, mais pour eux il n’est pas dit que Dieu mit son souffle dans leurs narines. De même, dans le premier chapitre de la Genèse, seul l’humain est fait à l’image et selon la ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-27).

INTERPRÉTATION UNE ÉPREUVE POUR LES HUMAINS Ce sont les fils d’Adam qui sont mis à l’épreuve (18-19c), et c’est l’un d’eux, Qohélet, qui l’affirme. Et puis, lui-même réfléchira tout haut au problème qu’il a su identifier (19d-21), avant de conclure (22). Quant aux animaux dont on parle, ils ne sont évidemment pas concernés ; personne ne leur parle et ils ne disent rien. Tout cela laisse entendre que les humains ne sont pas des animaux, en tout cas, pas comme les autres, ceux qui n’ont pas la parole. Seul, l’homme parle, entend les questions qui se posent, y réfléchit et y répond. L’ÉPREUVE DE LA MORT Il est vrai que les humains et les bêtes se ressemblent terriblement, personne ne saurait le nier. Ils ont tous été modelés de la même poussière de la terre. Ils vivent jusqu’au moment où leur souffle vient à manquer et ils meurent de même. Ils sont également enterrés, ils retournent tous à la poussière. De ce point de vue, il n’est aucune différence entre l’homme et l’animal, pas la moindre supériorité des humains sur les bêtes. Tout finit dans un trou. LA QUESTION QUI RÉPOND À LA QUESTION « Qui sait ? » À l’épreuve que Dieu lui envoie, l’homme finit, en quelque sorte, par lui retourner la question. Cette question est la question de confiance, la pierre de touche de la vérité dernière. Oui, sans le moindre doute, la poussière retourne à la poussière, mais qu’en est-il du « souffle » des uns et des autres ? Si la double question est adressée à celui qui l’a soumis à l’interrogation de l’épreuve, on peut en conclure que l’humain n’est pas loin de croire que Dieu, et lui seul sans doute, peut y répondre.

100

La deuxième section (3,10–9,10)

SAIT-ON JAMAIS ? Il y a ce que l’on voit et ce que l’on dit. Qohélet « dit » que l’humain est soumis à la question radicale de savoir s’il n’est qu’un animal comme les autres. Il en vient à « voir » que « la part » de l’homme est le bonheur qu’il trouve dans ce qu’il fait. Comme Dieu — soit dit entre parenthèses —, qui avait trouvé « bon » et même « très bon » ce qu’il avait fait ! C’est là sa « part », la part d’héritage de celui qui a été fait, comme un fils, à l’image et selon la ressemblance de son Créateur. Quant à « savoir » ce qui viendra après lui (22e), et si son souffle montera vers le haut (21b), personne ne le sait, à part, bien sûr, celui qui le lui a insufflé dans les narines. Poser une telle question, en renonçant à savoir, n’est-ce pas cela qui s’appelle la foi ? parler de la résurrection à mots couverts a ses avantages. Elle ne sera jamais une vérité possédée, elle reste un mystère, objet de foi. Elle est un bien absolu et définitif qui se donne à désirer à partir d’expériences relatives et passagères. Beaucoup d’interprétations des Écritures, et surtout sur les points essentiels, ne sont pas à confondre avec des démonstrations. Cela n’empêche pas d’argumenter, mais on peut raisonner pour fonder une espérance sans qu’elle s’impose comme une contrainte pour la raison1.

1

P. BEAUCHAMP, Cinquante portraits bibliques, 250.

3. L’homme est-il fait pour l’éternité ? L’ensemble de la séquence B1 : 3,10-22 COMPOSITION 3,10 JE VOIS l’occupation que donne DIEU aux FILS D’ADAM pour s’occuper en elle : 11 tout ce qu’il FAIT est beau en son temps. Il a aussi donné l’éternité dans leur cœur, mais sans que L’HUMAIN trouve l’OEUVRE que DIEU FAIT du début et jusqu’à la fin. JE SAIS qu’il n’y a pas de BONHEUR en eux, sinon de SE RÉJOUIR et de FAIRE le BONHEUR durant sa vie. 13 Et aussi tout HUMAIN qui mange et boit et voit du BONHEUR dans tout son travail, cela est un don de DIEU. 14 JE SAIS que tout ce que FAIT DIEU cela sera pour l’éternité. À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher et DIEU fait qu’ils craignent devant sa face. 15 Ce qui est a déjà été et ce qui sera déjà fut et DIEU recherche le persécuté.

12

16

Et JE VOIS encore dessous le soleil : à la place du droit, là la méchanceté, et à la place de la justice, là la méchanceté. 17 JE DIS, MOI, DANS MON CŒUR : le juste et le méchant, DIEU les jugera, car il est un temps pour toute chose et pour toute OEUVRE là. 18

JE DIS, MOI, DANS MON CŒUR, à propos des FILS D’ADAM : DIEU les éprouve et ils voient qu’ils sont des animaux eux pour eux ; 19 oui, le sort des FILS D’ADAM et le sort des animaux et un sort unique pour eux. Comme la mort de celui-ci, ainsi la mort de celui-là, et un souffle unique tous ; et il n’y a pas de supériorité de L’HUMAIN sur l’animal, oui, tout est buée. 20 Tout s’en va vers un lieu unique : tout fut à partir de la poussière et tout retourne à la poussière. 21 QUI SAIT si le souffle des FILS D’ADAM monte lui vers le haut et si le souffle de l’animal descend lui en bas, vers la terre ? 22

Et JE VOIS qu’il n’y a pas de BONHEUR sinon que L’HUMAIN SE RÉJOUISSE de ses OEUVRES ; oui, cela est sa part. Oui, qui le fera-venir pour voir ce qui sera après lui ?

– « Je vois » (10.22) jouent le rôle de termes extrêmes. – « Je dis, moi, dans mon cœur » (17.18) sont termes médians qui agrafent les deux passages. – Les trois occurrences de « savoir » (12.14 ; 21) remplissent la fonction de termes centraux, car elles marquent les parties centrales des deux passages. – « Dieu », sujet de « donne/éprouve », et « fils d’Adam » marquent le début des passages, jouant donc le rôle de termes initiaux. – « Fils d’Adam/humain » reviennent en 10a.11b.13a ; 18a.19a.d.21a.22a. – « Dieu » est repris en 10a.11b.13b.14b.c.15b.17b ; 18a. – « Œuvre/faire » en 11ter.12a.14a.17c ; 22b. – « Bonheur » et « se réjouir » reviennent ensemble en 12-13 et en 22a. – « Tout(e)/tous » est repris six fois dans le premier passage (11a.13a.b.14a.17b bis) et cinq fois dans le second (19c.d.20a ter).

102

La deuxième section (3,10–9,10)

Les titres donnés aux deux passages tentent de mettre en évidence leurs rapports essentiels : Ce que DIEU donne

à l’homme est-il pour toujours ?

3,10-17

Comme L’ANIMAL

l’homme

3,18-22

est-il sans futur ?

CONTEXTE LE DON ET L’ÉPREUVE Le don précède la mise à l’épreuve ; il ne peut pas y avoir de loi si elle n’est pas précédée du don : « 16 Et Yhwh Dieu ordonna à l’humain en disant : “De tous les arbres du jardin manger tu mangeras. 17 Mais de l’arbre du connaitre bien et mal tu n’en mangeras pas, car au jour où tu en mangeras, mourir tu mourras” » (Gn 2,16-17)1. La ruse du serpent, c’est d’avoir travesti l’interdit en passant le don sous silence, le niant ainsi : « Il dit à la femme : “Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin” ? » (3,1). SAVOIR OU CROIRE Ce que le serpent promet, c’est la connaissance : « Mourir vous ne mourrez pas ! Oui Dieu est connaissant qu’au jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux connaissant bien et mal » (Gn 3,4-5). Pour connaitre, ils désobéiront à la voix du Seigneur, lui refusant leur confiance. Faire confiance à un autre, mettre sa foi en lui signifie qu’on renonce à savoir. L’HUMAIN ET LES ANIMAUX Voulant donner une aide à l’humain pour qu’il ne soit pas seul, Dieu modèle de la poussière du sol les animaux et les fait défiler devant l’humain pour voir comment il les nommerait. Mais il ne trouva pas en eux l’aide qui lui fut assortie (Gn 2,18-20).

INTERPRÉTATION DIEU DONNE... Le premier passage détaille les dons de Dieu. Il donne aux fils d’Adam une tâche à accomplir qui n’est pas autrement précisée (10) ; mais la fin du passage permet de comprendre qu’il s’agit de la « justice » sur laquelle il sera jugé (17). 1

Je reprends les traductions d’A. WÉNIN, D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain, 62.88.

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6)

103

Et cela est une belle chose, comme tout ce que Dieu fait (11). Il lui donne aussi « le bonheur » et de « se réjouir » « durant sa vie », par les simples choses que sont le manger et le boire (12-13). Et pour couronner ses dons, il lui donne « l’éternité » (11). ...ET ÉPROUVE L’HUMAIN Comme dans le récit de la Genèse, après le don vient l’épreuve à laquelle Dieu soumet l’humain (18), « pour connaitre ce qu’il y a dans son cœur » (Dt 8,2). Et c’est là tout le sujet du deuxième passage. L’épreuve, la tentation peuvent être interprétées comme une démarche pédagogique, qui doit permettre à celui qui l’affronte de réfléchir et aussi de prendre position, de décider. La question est de savoir si l’homme n’est qu’un animal comme tous les autres. Il en a tout l’air, puisque sa condition est la même, qu’il est doté du même souffle que tous les vivants, et enfin qu’il meurt comme eux. Il ne manque certes pas d’hommes qui sont persuadés que leur destin n’est pas différent de ceux des bêtes et qu’une fois dans la tombe, tout est fini pour eux comme pour elles. Première face de l’épreuve. « QUI SAIT ? » L’épreuve a une autre face, non plus celle qui est tournée vers l’animal, mais celle qui regarde Dieu. Si l’homme n’est pas un simple animal, s’il ne lui est pas réductible, serait-il comme Dieu, lui est-il assimilable ? Déjà dans le premier passage, quand Qohélet affirme que Dieu a donné aux humains l’éternité, aussitôt il y voit une limite : l’œuvre de Dieu leur est inaccessible dans toute son extension, « du début et jusqu’à la fin » (11). Si, au centre du premier passage, se fait entendre un « je sais » déterminé et, pour ainsi dire, sûr de lui, non seulement pour ce qui touche au bonheur de cette vie, mais aussi pour l’éternité, il n’en va plus de même dans le deuxième passage. Le souffle de l’homme est-il différent de celui de la bête ou, au contraire, retourne-t-il à celui qui le lui a donné ? Qui le sait ? (21) Qui le sait sinon le Dieu d’où il vient ? Lui seul sait « ce qui sera après lui » (22). Poser la question en ces termes est sans doute une manière de renoncer au savoir et de s’en remettre à un autre. C’est ce qu’on appelle la foi.

B. LES MORTS NE VOIENT PAS LE MAL La séquence B2 : 4,1-6 La deuxième séquence comprend un seul passage. TEXTE 4,1 Et je reviens, moi, et je vois toutes les oppressions lesquelles se font dessous le soleil : et voici le pleur des opprimés et pas à eux de consolateur, et du côté des oppresseurs la force et pas à eux de consolateur. 2 Et je félicite, moi, les morts qui déjà sont morts plus que les vivants lesquels eux (sont) vivants encore. 3 Et plusbon que les deux lequel encore ne vit pas, lequel ne voit pas l’œuvre de mal, laquelle se fait dessous le soleil. 4 Et je vois, moi, tout travail et tout succès faits que c’est jalousie d’un homme pour son prochain : aussi cela (est) buée et poursuite de vent ! 5 L’insensé se croise les mains et mange sa (propre) chair ; 6 (plus) bon plein une paume de repos que pleines deux-poignées de travail et poursuite de vent. V. 4

: « SUCCÈS »

En 2,21 le terme signifie « compétence » (voir p. 61) ; ici, le sens est plutôt celui de « succès » ; on a évité « profit » qui traduit yitrôn.

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (1) + 4,1 Et je reviens, + et je vois + lesquelles

moi, toutes se font

LES OPPRESSIONS

dessous

le soleil :

··················································································································

– et voici : et pas

le pleur à eux

DES OPPRIMÉS

– et du côté : et pas

DES OPPRESSEURS

la force de consolateur.

à eux

de consolateur,

Les « oppressions » du premier morceau (1b) sont présentées dans le second morceau, d’abord du point de vue des « opprimés » (1d), puis de celui de leurs « oppresseurs » (1f). Les deuxièmes membres du second morceau sont identiques : la répétition a un clair effet d’insistance sur le sort misérable des « opprimés » que personne ne console.

106

La deuxième section (3,10–9,10)

LA DEUXIÈME PARTIE (2-3) + 4,2 Et je félicite, . qui déjà

moi, sont morts

les morts

– PLUS QUE LES VIVANTS . lesquels

eux

(sont) VIVANTS

ENCORE.

················································································································

:: 3 Et bon - lequel - lequel - laquelle

PLUS QUE les ENCORE

deux

ne voit pas se fait

NE VIT PAS,

l’œuvre dessous

de mal, le soleil.

Dans le premier morceau, la préférence est donnée aux « morts » sur « les vivants ». « Déjà » dans le second membre du premier segment s’oppose à « encore » dans le second membre du deuxième segment, ce qui est une manière indirecte de signifier que tous sont soumis à la mort, que ce soit « déjà » fait, ou pas « encore ». Le deuxième morceau poursuit la logique de la préférence en l’accordant à une troisième catégorie de personnages, ceux qui ne vivent pas encore. Le deuxième segment (3cd) donne, en quelque sorte, la raison de cette deuxième préférence : celui qui n’est pas encore né ne voit pas le mal qui se commet en ce monde. Ainsi, on passe des morts (2ab) à ceux qui sont encore vivants (2cd) et finalement à ceux qui ne sont pas encore vivants (3). « Plus que » se retrouve au début des segments médians (2c.3a). Les deux occurrences de « encore » agrafent les deux morceaux (2d.3b). On comprend que seuls les vivants voient le mal, au contraire des morts du début et de ceux qui ne sont pas encore vivants de la fin.

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6)

107

LA TROISIÈME PARTIE (4-6) + 4,4 Et je vois, + tout TRAVAIL – que c’est

moi, et tout succès jalousie

= aussi cela = ET POURSUITE

DE VENT

faits d’un homme

pour son prochain :

(est) buée !

····························································································································

– 5 L’insensé – et mange

se croise sa (propre) chair ;

: 6 (plus) bon : que pleines = ET POURSUITE

pleine deux-poignées DE VENT.

les mains une paume

de repos

DE TRAVAIL

Dans le segment initial du premier morceau, toute activité de l’homme, « travail » et « succès », est réduite à la « jalousie » entre les hommes ; après quoi, vient la conclusion qui s’impose avec la formule pleine du « refrain » de la « buée » et du « vent » (4de). Alors que le premier morceau comprend un trimembre suivi d’un bimembre, c’est l’inverse dans le deuxième morceau. « Mains » (souvent traduit, à juste titre, par « bras »), « paume » et « poignées » appartiennent au même champ sémantique. L’insensé n’ayant rien dans les mains est contraint à manger sa propre chair. Le deuxième segment semble contredire la critique du premier, puisque le « repos » est préféré au « travail ». La dépréciation du travail est consacrée par le dernier membre, quand il est assimilé à la « poursuite de vent ». Les deux occurrences de « travail » jouent le rôle de termes extrêmes ; « et poursuite de vent » de termes finaux. Celui qui se croise les bras au début du deuxième morceau s’oppose au « travail » et au « succès » de l’homme au début du premier morceau. Ainsi, travail et oisiveté sont mis sur le même plan, étant tous deux « poursuite de vent ».

108

La deuxième section (3,10–9,10)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (4,1-6) 4,1 ET JE REVIENS, ET JE VOIS

MOI, TOUTES

les oppressions

LESQUELLES SE FONT DESSOUS LE SOLEIL : ·······················································································································

et voici et pas

le pleur à eux

des opprimés de consolateur,

et du côté et pas

des oppresseurs à eux

la force de consolateur.

MOI,

les morts

2

ET JE FÉLICITE, qui déjà

sont morts

plus que les vivants lesquels eux

sont vivants

encore.

······················································································································· 3

Et PLUS-BON est celui qui

que les deux encore

ne vit pas,

lequel

NE VOIT PAS

L’ŒUVRE

de mal,

LAQUELLE

SE FAIT

DESSOUS

LE SOLEIL.

4

Et JE VOIS, travail que c’est

MOI,

TOUT

et TOUT succès jalousie

aussi cela et poursuite

(est) buée de vent !

FAITS

d’un homme

pour son prochain :

······················································································································· 5

L’insensé et mange

se croise sa propre-chair ;

les mains

6

pleine deux-poignées de vent.

une paume de travail

PLUS-BON que pleines et poursuite

de repos

Les parties extrêmes commencent avec « je vois », « moi », suivis de « tout » (1ab.4ab) ; à cette vision s’oppose, à la fin de la partie centrale, le fait que celui qui ne vit pas encore « ne voit pas » le mal que voit Qohélet. La partie centrale commence elle aussi avec un verbe à la première personne du singulier, suivie de « moi » (2a). « Se font » (1c), « l’œuvre » « se fait » (3c.d), « faits » (4b) sont de même racine. À « les oppressions » au début de la première partie (1b) correspondent « tout travail et tout succès », c’est-à-dire la « jalousie » au début de la dernière partie (4c) et « l’œuvre de mal » à la fin de la partie centrale (3c). Les deux premières parties sont liées aussi par les membres 1c et 3d. Dans les deux dernières parties est repris « plus-bon [...] que » (3a.6a) ; « faits » et « l’œuvre » « se fait/faits » (3c.4b) se trouvent en termes médians.

Première sous-section, séquence B2 (4,1-6)

109

CONTEXTE LE DÉLUGE Avant Qohélet, c’est Dieu lui-même qui « voit » le mal qui s’est répandu sur la terre : « Le Seigneur vit que multiple était le mal de l’humain sur la terre et tout ce que modèlent les pensées de son cœur n’est que mal tout le jour » (Gn 6,5). « La terre était détruite devant Dieu et la terre était remplie de violence. Dieu vit la terre, et voici elle était détruite, car toute chair avait détruit son chemin sur la terre » (11-12)1.

INTERPRÉTATION TOUT EST ŒUVRE DE MAL Il y a d’abord « toutes les oppressions » qui se voient en ce monde, « dessous le soleil » (1). Celles-ci sont clairement visibles, avec leurs conséquences sur ceux qui les subissent et qui en pleurent. Mais il y a aussi ce qui n’apparait pas au premier regard, ce qui se cache sous le voile du « travail » et du « succès ». Qohélet voit que cela aussi n’est que « jalousie » entre les hommes (4). Rien n’échappe à un tel jugement, car c’est « tout travail » et « tout succès » qui sont déclarés finalement « œuvre de mal ». Nous voici donc reportés à la veille du déluge. LA MORT Si tel est l’état déplorable de l’humanité, radicalement corrompue par le mal, par la jalousie et l’oppression, alors à quoi bon vivre ? Les morts assurément sont en bien meilleure position que les vivants, car ils ne voient plus le mal, ils en sont délivrés à jamais. Qohélet semble aller plus loin encore dans son raisonnement : ceux qui ne sont pas arrivés à l’existence sont encore plus heureux que les vivants et même que les morts. Toutefois, un doute est permis, car ceux qu’il évoque sont ceux qui ne sont « pas encore » nés. Certes, ils ne connaissent pas le mal, mais il vaudrait mieux dire qu’ils ne le connaissent « pas encore ». Faut-il voir dans cette mention une espérance qui rappellerait celle du Dieu qui avait fait périr tous les méchants en ne laissant survivre dans l’arche le seul qui fut « juste et intègre parmi ses contemporains » ?

1

La traduction est celle d’A. Wénin, D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain, 177.

C. SEUL, L’HOMME EST SANS AVENIR La séquence B3 : 4,7–5,9 La troisième séquence comprend deux passages : Sans compagnon

L’HOMME

ne serait que buée

4,7-16

Ce que L’HOMME

refuserait à Dieu

ne serait que buée

4,17–5,9

1. Sans compagnon l’homme ne serait que buée Le premier passage : 4,7-16 TEXTE 4,7 Et je reviens, moi, et je vois une buée dessous le soleil. 8 Il y a un-seul et il n’y a pas de deuxième, aussi ni fils ni frère il n’y a pas à lui ; et il n’y a pas de fin à tout son travail, aussi son œil ne se rassasie pas de richesse : « Et pour qui, moi, je peine et me prive de bonheur ? » Aussi cela (est) buée et occupation mauvaise elle. 9 (Plus) bons les deux que le-seul, auxquels il y a à eux salaire bon dans leur travail. 10 Car s’ils tombent, l’un relève son compagnon ; mais malheur au-seul qui tombe et il n’y a pas de deuxième pour le relever ! 11 Aussi s’ils couchent à deux, et il fait chaud pour eux, mais pour le-seul comment ferait-il chaud ? 12 Et si un maitrise leseul, les-deux se dressent en face de lui et le fil triple pas rapidement se rompt. 13 (Plus) bon un enfant pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé lequel ne sait pas prendre-conseil davantage. 14 Oui, de la maison des prisonniers il était sorti pour régner et aussi dans le royaume il était né indigent. 15 Je vois tous les vivants, ceux qui vont dessous le soleil, avec l’enfant, le deuxième lequel se dressera après lui ; 16 il n’y a pas de fin à tout le peuple à tout ce qui était avant eux, aussi les derniers ne se réjouiront pas en lui. Oui, aussi cela (est) buée et poursuite de vent. V. 12

: « SI UN MAITRISE LE SEUL »

Litt., « si un le maitrise, le seul ». Le pronom objet « le » est ensuite explicité en apposition par « le seul ». V. 14

: « IL ÉTAIT SORTI [...] IL ÉTAIT NÉ »

Le référent du sujet de ces deux verbes est « l’enfant » du verset précédent ; en effet, « indigent » (14b) renvoie à « pauvre » (13a). V. 15-16

: « APRÈS LUI [...] AVANT EUX [...] EN LUI »

La difficulté majeure de ces deux versets est d’identifier les référents de ces pronoms. « Le deuxième » n’est pas un troisième personnage, il est apposé à « l’enfant » ; « qui se dressera après lui » signifie après le roi vieux et insensé. « Avant eux » indique le vieux roi et son successeur ; certains interprètent :

112

La deuxième section (3,10–9,10)

« celui qui était devant eux » (en Nb 27,17 ; 1S 8,20 ; 18,16, etc. c’est toujours « sortir devant eux », ce qui n’est pas le cas ici). Le dernier pronom semble renvoyer à l’enfant. Ces difficultés ne sont pas tellement d’ordre textuel ; elles relèvent essentiellement de l’interprétation de tout le passage. COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (4,7-8) – 4,7 Et je reviens, – et je vois

moi, une BUÉE

dessous

le soleil.

·····························································································································

:: 8 Il y a :: aussi

un-seul ni fils

et il n’y a pas ni frère

de deuxième, il n’y a pas à lui ;

= et il n’y a pas = aussi

de fin son œil

à tout ne se rassasie pas

son travail, de richesse :

= « Et pour qui, = et me prive

moi, de bonheur ? »

je peine

····························································································································· cela (est) BUÉE

– Aussi – et occupation

mauvaise

elle.

De la mesure d’un segment bimembre, les morceaux extrêmes ont en commun « buée », précisée à la fin comme « occupation mauvaise ». Dans le morceau central, « il n’y a pas » revient trois fois dans les deux premiers segments, et « ainsi » est repris au début de leurs deuxièmes membres. Le troisième segment est une question au style direct, regardant le travail, comme dans le segment précédent. Les trois « il n’y a pas » rappellent les deux occurrences de « buée » dans les morceaux extrêmes. LA DEUXIÈME PARTIE (4,9-12) La première sous-partie (9) énonce la loi générale qui veut que le travail à deux est préférable qu’à celui qui est fait par « un seul ». La dernière sous-partie (12) va plus loin, car le seul maitrisé par un ennemi reçoit le secours de deux de ses amis qui se dressent contre l’agresseur. La souspartie s’achève donc logiquement par le proverbe du « fil triple ». La sous-partie centrale offre deux exemples, construits en parallèle ; d’abord le cas heureux des deux qui tombent, l’un aidant l’autre à se relever, puis des deux qui couchent ensemble, se tenant chaud, et, en opposition, le cas malheureux de qui tombe sans personne pour le relever, et de celui qui couche seul, ne pouvant se réchauffer. On notera que la sous-partie s’achève par une question. Les trois sous-parties sont liées par le thème des deux et du seul ; mais la partie s’achève sur une progression : de deux en effet dont il était question jusqu’ici, on arrive en finale à trois.

Première sous-section, séquence B3 (4,7–5,9) + 4,9 (Plus) bons = auxquels = salaire

il y a bon

qu’UN-SEUL, à eux dans leur travail.

tombent, relève

SON COMPAGNON

au-SEUL de DEUXIÈME

qui tombe pour le relever !

LES DEUX

:: 10 Car S’ILS :: L’UN – mais malheur – et il n’y a pas

113

;

················································································································

:: 11 Aussi S’ILS :: et il fait chaud

couchent pour eux,

– mais pour UN-SEUL – comment + 12 Et SI + LES-DEUX = et le fil

À DEUX,

ferait-il chaud ? un maitrise se dressent TRIPLE

LE-SEUL,

en face de lui, pas rapidement

se rompt.

LA TROISIÈME PARTIE (4,13-16) Dans le premier morceau, « l’enfant » est préféré au « roi vieux et insensé » : il a su être sage, en se délivrant de la prison et de l’état de « pauvre » « indigent » où il était. + 4,13 (Plus) bon – qu’un roi – lequel 14

: OUI, de la maison : et aussi

UN ENFANT

pauvre

et sage

vieux ne sait pas

et insensé prendre-conseil

davantage ;

des prisonniers dans son royaume

il était sorti il était né

indigent.

pour régner

····························································································································

+ 15 Je vois + qui vont

tous dessous

les vivants le soleil

+ AVEC L’ENFANT, + lequel

le deuxième, se dressera

après lui ;

de fin ce qui les derniers

à tout était ne se réjouiront pas

16

:: il n’y a pas .. à tout .. aussi

le peuple, avant eux, en lui,

···························································································································· = OUI, aussi cela (est) buée

= et poursuite

de vent.

Dans le second morceau, « tous les vivants » (15a), suivent « l’enfant », à savoir celui qui a succédé, « le deuxième », au vieux roi (15cd). Le segment

114

La deuxième section (3,10–9,10)

suivant (16) traite du « peuple ». « Il n’y a pas de fin » pour lui : dans le passé, il « était avant eux », avant l’enfant et avant le vieux roi insensé ; dans l’avenir, il continuera, et ceux qui viendront ensuite, « les derniers », ne seront pas satisfaits non plus de l’enfant. Au début de chaque segment, « tout le peuple » (16a) renvoie à « tous les vivants » (15a). La partie se conclut dans « la buée ». + 4,13 (Plus) bon – qu’un roi – lequel 14

: OUI, de la maison : et aussi

UN ENFANT

pauvre

et sage

vieux ne sait pas

et insensé prendre-conseil

davantage.

des prisonniers dans son royaume

il était sorti il était né

indigent.

pour régner

······························································································································

+ 15 Je vois + qui vont

tous dessous

les vivants le soleil

+ AVEC L’ENFANT, + lequel

le deuxième, se dressera

après lui ;

de fin ce qui les derniers

à tout était ne se réjouiront pas

16

:: il n’y a pas .. à tout .. aussi

le peuple, avant eux, en lui,

···························································································································· = OUI, aussi cela (est) buée

= et poursuite

de vent.

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (4,7-16) Les trois parties ont en commun : – « deux(ième) » (8a ; 9a.10d.11a.12b ; 15c) et « compagnon » (10b), – et « il n’y a pas » (8abc ; 10d ; 16a). Les parties extrêmes reprennent : – « je vois » (7b ; 15a), – « dessous le soleil » (7b ; 15b), – « il n’y a pas de fin à tout » (8c ; 16a), – suivi de la négation en 8d et 16c, – « buée/aussi cela est buée » (7b.8g ; 16d), – « pauvre » (13a) s’oppose à « richesse » (8d). Les deux premières parties : – « il y a » (8a ; 9b), – « un seul/l’un » (8a ; 9a.10b.c.11c.12a). Les deux dernières parties : – « (Plus) bon(s) » (9a ; 13a), – « se dresser » (12b ; 15d).

Première sous-section, séquence B3 (4,7–5,9) 4,7 Et je reviens, et JE VOIS

moi, UNE BUÉE

LE SOLEIL.

DESSOUS

·······················································································································

IL Y A aussi

UN-SEUL

ni fils

et IL N’Y A PAS ni frère

IL N’Y A PAS

et IL N’Y A PAS aussi

DE FIN son œil

À TOUT ne se rassasie pas

son TRAVAIL, de richesse :

« Et pour qui, et me prive

moi, de bonheur ? »

je peine

8

de DEUXIÈME, à lui ;

·······················································································································

AUSSI

CELA

EST BUÉE

ET OCCUPATION

MAUVAISE

ELLE.

LES DEUX

IL Y A bon

que LE-SEUL, à eux dans leur TRAVAIL.

tombent, relève

SON COMPAGNON

au-SEUL de DEUXIÈME

qui tombe pour le relever !

9

PLUS-BONS auxquels salaire 10

Car s’ils

L’UN

mais malheur et IL N’Y A PAS

;

······················································································ 11

Aussi s’ils et il fait chaud

couchent pour eux,

À DEUX,

mais pour UN-SEUL comment ferait-il chaud ? 12

Et si

un maitrise

LE-SEUL,

SE DRESSENT TRIPLE

en face de lui, pas rapidement

PLUS-BON qu’un roi lequel

un enfant vieux ne sait pas

pauvre et insensé prendre-conseil

davantage.

14

des prisonniers dans le royaume

il était sorti il était né

pour régner indigent.

LES-DEUX

et le fil 13

Oui, de la maison et aussi

se rompt. et sage

················································································································ 15

JE VOIS ceux qui vont

tous

les vivants,

DESSOUS

LE SOLEIL

avec l’enfant, lequel

LE DEUXIÈME, SE DRESSERA

après lui ;

16

DE FIN ce qui les derniers

À TOUT était ne se réjouiront pas

IL N’Y A PAS

à tout aussi

le peuple avant eux, en lui.

················································································································

OUI, AUSSI CELA

EST BUÉE

ET POURSUITE

DE VENT.

115

116

La deuxième section (3,10–9,10)

CONTEXTE JOSEPH ET MÊME DAVID Le jeune qui, par sa sagesse, réussit à sortir de prison pour accéder à une position de pouvoir rappelle l’histoire de Joseph, fils de Jacob, mis en prison après dénonciation mensongère, qui en est délivré par sa sagesse, sa capacité d’interpréter les songes, et qui finit par devenir le second de Pharaon, établi sur tout le pays d’Égypte (Gn 41,39-43). Le jeune David, qui se reconnait « pauvre » (1S 18,23), lui aussi vient après Saül rejeté par Dieu et devenu insensé (à partir de 1S 18,6). « IL N’EST PAS BON QUE L’HOMME SOIT SEUL ! » Telle est la réflexion de Dieu, après qu’il eut façonné l’humain à partir de la poussière du sol et qu’il eut insufflé dans ses narines une haleine de vie (Gn 2,18).

INTERPRÉTATION « En 4,13-16 on passe à un sujet complètement différent »1. Le rapport, très étroit, entre les parties extrêmes devrait permettre de mieux déchiffrer l’énigme de la dernière partie, avec son vieux roi et l’enfant qui lui succède. DEUX PERSONNAGES SEULS Il y a d’un côté un homme seul, sans fils ni frère qui puissent lui succéder. Il est riche, mais « son œil ne se rassasie pas de richesse », car il n’aura personne à qui la transmettre le moment venu. Il y a d’autre part un enfant, né pauvre et à peine sorti de prison, en somme sans personne qui le précède et l’aide. L’un n’aura pas d’héritier qui puisse lui succéder, l’autre n’a personne de qui il puisse hériter. Ils sont seuls, l’un comme l’autre. L’un est seul sans deuxième, l’autre est deuxième sans premier. Pour l’un, « il n’y a pas de fin à tout son travail », puisqu’il n’aura pas de deuxième qui en héritera ; pour l’autre, « il n’y a pas de fin à tout le peuple » qui se met à sa suite, mais qui finira par ne plus se réjouir de lui. Décidément, leur sort à tous deux n’est que « buée », « occupation mauvaise » et « poursuite de vent » ! VAE SOLI ! Au cœur du passage est énoncée la loi de l’aide mutuelle : mieux deux et trois qu’un seul. C’est d’abord le cas du « travail » fait à deux et qui profite à chacun, au lieu d’être vain comme celui de qui n’a ni fils ni frère. Ce sont ensuite deux 1

D’Alario, 121.

Première sous-section, séquence B3 (4,7–5,9)

117

situations qui illustrent bien comment le fait d’être à deux permet de surmonter la difficulté, tandis que la solitude est malheureuse, laissant la personne à terre ou livrée à la morsure du froid. Enfin, si quelqu’un est attaqué, le secours de deux amis permet de mettre en fuite l’agresseur, les trois amis formant une alliance aussi solide que le fil triple qui ne rompt pas facilement.

2. Ce que l’homme refuserait à Dieu ne serait que buée Le deuxième passage : 4,17–5,9 TEXTE 4,17 Surveille ton pied lorsque tu vas à la Maison de Dieu et approcher pour écouter mieux que le donner des insensés un sacrifice, car point ne savent qu’ils font le mal. 5,1 Ne hâte pas sur ta bouche et ton cœur ne se presse pas de faire-sortir une parole devant Dieu, car Dieu est au ciel et toi sur la terre, c’est pourquoi, que soient tes paroles peu-nombreuses. 2 Car vient le songe de l’abondance d’occupation et la voix insensée de l’abondance des paroles. 3 Lorsque tu voues un vœu à Dieu, ne tarde pas à l’acquitter, car il n’y a pas de plaisir pour les insensés ; ce que tu as voué, acquittele. 4 Bon que tu ne voues pas (plus) que tu voues et n’acquittes pas. 5 Ne donne pas ta bouche de pécher contre ta chair et ne dis pas devant le messager que inadvertance cela. Pourquoi s’irriterait Dieu pour ta voix et ruinerait l’œuvre de tes mains ? 6 Car dans l’abondance des songes et les buées (sont) des paroles nombreuses. Oui, Dieu crains. 7 Si oppression de l’indigent et violation de jugement et de justice tu vois dans le pays, ne sois pas étonné de la chose car un haut-placé au-dessus d’un hautplacé veille et des haut-placés au-dessus d’eux. 8 Et le profit d’un territoire pour tous lui, un roi d’un champ est servi ; 9 qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent, et qui aime l’opulence (n’a) pas de revenu. Cela aussi (est) buée. V. 4,17C : « ET APPROCHER POUR ÉCOUTER MIEUX QUE LE DONNER...

»

Le premier terme, qārôb, peut être infinitif ou adjectif. Certains y voient une continuation de l’impératif par lequel, en position symétrique, commence le segment précédent1. Comme il est suivi de min, « plus que », on le tient plutôt pour un infinitif absolu. Par ailleurs, il est plus probable que le sujet de « donner » soit « les insensés » et non le même que celui de « surveille » et « approcher pour écouter », ce qui donnerait « mieux que de donner un sacrifice d’insensés ». V. 5,6B : « (SONT) DES PAROLES NOMBREUSES

»

Le waw avec lequel commence le membre est considéré comme un waw d’apodose2. V. 5,8

: « ET LE PROFIT D’UNE TERRE À TOUS LUI... »

Le verset est particulièrement problématique et les solutions les plus diverses ont été avancées. Il semble que le parallélisme de 8-9 avec 7 permette de proposer une solution.

1 2

Joüon, 123u. Joüon, 176f, comme, par ex., en Ps 49,21 ; 90,2.

120

La deuxième section (3,10–9,10)

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (4,17–5,2) + 4,17 SURVEILLE + lorsque

ton pied tu vas

+ et approcher – mieux que le donner

DES INSENSÉS

– CAR ils ne sont pas – de faire

connaissant le mal.

à la Maison

de DIEU

pour écouter un sacrifice,

····························································································································· .. 5,1 NE HÂTE PAS sur ta bouche

.. et ton cœur . de faire-sortir

ne se presse pas une parole

devant

DIEU,

.. CAR DIEU .. et toi . c’est pourquoi,

(est) aux cieux sur la terre, que soient

tes paroles

peu-nombreuses.

de l’abondance de l’abondance

d’occupation de paroles.

2

= CAR vient = et la voix

le songe INSENSÉE

Dans le premier morceau, le second segment explicite le sens du premier. En effet, il met en opposition deux buts possibles de la venue au temple, « écouter » ou offrir un sacrifice comme celui des insensés. Le dernier segment excuse en quelque sorte ces derniers. Le deuxième morceau est tout entier consacré à la « parole » ; le terme se trouve dans chacun des membres finaux des trois segments. Les deux premiers segments invitent à limiter la parole ; les deux occurrences de « Dieu » agrafent ces segments. Sous forme d’un proverbe, le dernier segment donne la raison des conseils précédents : trop d’occupation et de paroles ne peuvent produire que « songe » et « voix insensée ». LA DEUXIÈME PARTIE (5,3-6) Le premier morceau traite des vœux. Il faut les acquitter sans tarder (3abc) ; mieux s’en abstenir que d’en faire un sans l’acquitter (3d-4b). Il s’agit ensuite de ce qui sort de « la bouche » (5a), ce qu’on « dit » (5b), « la voix » (5d), « les paroles » (6b). Au début, l’erreur est redoublée quand celui qui a péché en paroles prétend s’en excuser en disant qu’il ne l’a pas fait exprès. C’est que les paroles risqueraient de ruiner les actions. À la fin, la raison des conseils précédents : l’abondance des paroles n’est que le fruit de « songes » et « buées ». Et tout s’achève sur un dernier conseil, celui de craindre le Seigneur. Les deux morceaux commencent par des défenses (3b.5a.b) ; le nom de « Dieu » revient trois fois (3a.5d.6c).

Première sous-section, séquence B3 (4,7–5,9) + 5,3 Lorsque – ne tarde pas à – CAR il n’y a pas

tu voues l’acquitter, de plaisir

un vœu

+ ce que + 4 bon – (plus) que tu voues

tu as voué, que et n’acquittes pas.

acquitte-le, tu ne voues pas

121 à DIEU,

pour les insensés ;

···························································································································

– 5 Ne donne pas – et ne dis pas .. QUE inadvertance

ta bouche devant cela.

de faire-pécher le messager

ta chair

- Pourquoi - et ruinerait

s’irriterait l’œuvre

DIEU de tes mains ?

pour ta voix

– 6 CAR dans l’abondance des songes – (sont) des paroles nombreuses. .. OUI, DIEU

et des buées crains.

LA TROISIÈME PARTIE (5,7-9) Le premier morceau oppose « l’indigent » (7a) et les « haut-placés » (7ef) qui « veillent » les uns sur les autres, qui se protègent mutuellement. À cet état de fait, le second morceau oppose une autre conception : les ressources de la terre doivent profiter à « tous » et « le roi » se contenter du produit de son « champ ». Mais il y a ceux qui sont insatiables (9ab). Les deux morceaux sont parallèles : à celui que rend « indigent » la « violation de la justice » correspond « tous » (8a) ; « territoire » (8a, litt., « terre » ou « pays ») rappelle « pays » (7c, souvent rendu par « province ») ; « les hautplacés » (7ef) sont ceux qui aiment l’argent et ne sont jamais rassasiés, ce qui est « buée » (9c). – 5,7 Si oppression – et violation – tu vois

de l’indigent de jugement dans le pays,

et de justice,

: ne sois pas étonné : car un haut-placé : et des haut-placés

de la chose au-dessus au-dessus d’eux.

d’un haut-placé

veille

·······················································································································

+ 8 Et le profit + un roi

d’un territoire d’un champ

pour tous est servi ;

: 9 qui aime : et qui aime : aussi cela

l’argent l’opulence (est) buée.

ne se rassasie pas d’argent, (n’a) pas de revenu :

lui,

122 – 5,7 Si oppression – et violation – tu vois : ne sois pas étonné : car un haut-placé : et des Haut-placés

La deuxième section (3,10–9,10) DE L’INDIGENT de jugement dans le pays,

et de justice,

de la chose au-dessus au-dessus d’eux.

d’un haut-placé

veille

·····················································································································

: 8 Et le profit : un roi – 9 qui aime – et qui aime – aussi cela

d’un territoire d’un champ

à tous est servi ;

lui,

l’argent l’opulence (est) buée.

ne se rassasie pas (n’a) PAS DE REVENU :

d’argent,

Mais il est une autre interprétation de cette partie si discutée. Les « hautplacés » sont aujourd’hui interprétés par la majorité comme les puissants injustes qui se couvrent jusqu’au plus haut niveau. Toutefois, certains suivent l’interprétation de nombreux anciens rabbins pour lesquels « les Haut-placés » serait un pluriel de majesté pour désigner Dieu. Une assonance ne peut être niée entre gebōhîm (« haut-placés ») et ’ĕlōhîm (« Dieu »). La composition serait spéculaire. Les segments extrêmes se correspondent, l’oppression étant commise par qui aime l’argent et « n’a pas de revenu » pour aider le « pauvre » ; ces deux termes synonymes jouent le rôle de termes extrêmes. Le « Haut-placés » qui veille au-dessus de tous les autres (7def), est celui qui veut que le profit du territoire soit pour « tous » et que le roi se contente de son champ. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (4,17–5,9) Les deux premières parties ont beaucoup de points communs et sont parallèles entre elles. La troisième partie, en revanche, est fort différente ; seul le substantif « buée » de la fin (9c) était déjà utilisé au pluriel à la fin de la deuxième partie (6a). Le passage est donc du type AA’B. Dans les deux premières parties, les premiers morceaux parlent de « sacrifice » (4,17d) et de « vœux » (3-4), tandis que les seconds morceaux ne traitent que de la parole : – en termes initiaux, un impératif négatif suivi de « ta bouche » (5,1a / 5,5a) ; « parole(s) » (5,1c.f.2b / 6b), « voix » (5,2b / 5d), – en termes finaux, « songe(s) », « abondance » et « paroles » (5,2 / 6). Par ailleurs « insensé(s) » revient en 4,17d ; 5,2b et en 3c. « Dieu » revient une fois dans les premiers morceaux (4,17b / 5,3a) et deux fois dans les seconds morceaux (5,1cd /5d.6c). Les trois parties sont liées par les impératifs, tous négatifs sauf le premier (4,17a ; 5,1a.b / 3b.5a.b / 7d).

Première sous-section, séquence B3 (4,7–5,9) 4,17 Surveille lorsque

ton pied tu vas

et approcher mieux que le donner

pour écouter

car ils ne sont pas de faire

connaissant le mal.

DES INSENSÉS

à la Maison

de DIEU

un sacrifice,

·····························································································································

5,1 Ne hâte pas et ton cœur de faire-sortir

UNE PAROLE

devant

DIEU ;

car DIEU et toi c’est pourquoi,

est aux cieux sur la terre, que soient

TES PAROLES

peu-nombreuses.

de L’ABONDANCE de L’ABONDANCE

DES PAROLES.

un vœu

à DIEU,

2

Car vient et LA VOIX 3

sur TA BOUCHE ne se presse pas

LE SONGE DE L’INSENSÉ

Lorsque ne tarde pas car il n’y a pas

tu voues à l’acquitter, de plaisir

Ce que 4 bon plus que tu voues

tu as voué, que et n’acquittes pas.

d’occupation

POUR LES INSENSÉS.

acquitte-le, tu ne voues pas

····························································································································· 5

Ne donne pas et ne dis pas qu’inadvertance

devant cela.

Pourquoi et ruinerait 6 Car dans L’ABONDANCE sont DES PAROLES Oui,

7

de faire-pécher le messager

ta chair.

s’irriterait l’œuvre

DIEU de tes mains ?

POUR TA VOIX

DES SONGES

et les BUÉES

nombreuses. crains

DIEU.

TA BOUCHE

Si oppression et violation tu vois

de l’indigent de jugement dans le pays,

et de justice,

ne sois pas étonné car un haut-placé et des haut-placés

de la chose au-dessus au-dessus d’eux.

d’un haut-placé

veille

····························································································································· 8

Et le profit un roi

d’un territoire d’un champ

pour tous est servi ;

lui,

9

l’argent l’opulence est BUÉE.

ne se rassasie pas n’a pas de revenu :

d’argent,

qui aime et qui aime aussi cela

123

124

La deuxième section (3,10–9,10)

CONTEXTE LA SECTION CENTRALE DU LIVRE D’AMOS Les deux premières parties traitent du culte, tandis que la dernière est consacrée à la justice sociale. Cela rappelle le rapport entre culte (séquences B3.B5) et justice (B2.B6) qui structure la deuxième section du livre d’Amos 3 : B1: Un piège B2: La multiplication B3: La multiplication

les Fils d’Israël

3,1-8

DES RICHESSES

ne sauvera pas les Fils d’Israël

3,9–4,3

DES SACRIFICES

ne sauvera pas les Fils d’Israël

4,4-13

LA VIERGE D’ISRAËL

5,1-17

perverti

ne sauvera pas la Maison d’Israël

5,18-27

pervertie

ne sauvera pas la Maison d’Israël

6,1-7

B4: LAMENTATION FUNÈBRE

B5: UN CULTE B6: UNE RICHESSE

pour

SUR

B7: Le poison

de

la Maison d’Israël

6,8-14

LE DÉCALOGUE Ce sont aussi les deux dimensions des devoirs envers Dieu et envers le prochain dont parle le Décalogue4. LES SACRIFICES On n’offre pas en sacrifice une bête qui aurait une tare : 21

Si quelqu’un offre à Yhwh un sacrifice de communion pour s’acquitter d’un vœu ou pour faire un don volontaire, de gros ou de petit bétail, l’animal devra, pour être agréé, être sans défaut ; il ne s’y trouvera aucune tare. 22 Vous n’offrirez pas à Yhwh d’animal aveugle, estropié, mutilé, ulcéreux, dartreux ou purulent. Aucune partie de tels animaux ne sera déposée sur l’autel à titre de mets pour Yahvé (Lv 22).

3

Voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 102. Voir R. MEYNET, « Les dix commandements, loi de liberté ; analyse rhétorique d’Ex 20,2-17 et de Dt 5,6-21 » ; repris et corrigé dans Le fait synoptique reconsidéré, « Premier excursus : les deux versions du Décalogue », 66-100. 4

Première sous-section, séquence B3 (4,7–5,9)

125

LES VŒUX ET... LE PRÊT À INTÉRÊT La deuxième partie sur les vœux est très proche de Dt 23,22-24 : 22

Lorsque tu auras voué un vœu à Yhwh ton Dieu, tu ne tarderas pas à l’acquitter : sinon Yhwh ton Dieu ne manquerait pas de t’en demander compte, et il y aurait en toi un péché. 23 Mais si tu t’abstiens de faire des vœux, il n’y aura pas en toi de péché. 24 Ce qui sort de tes lèvres, tu l’observeras et l’exécuteras, selon ce que tu auras voué à Yhwh ton Dieu, comme offrande volontaire que tu auras énoncée de ta bouche.

On notera que ce commandement sur les vœux est précédé de celui qui interdit le prêt à intérêt pour le « frère », c’est-à-dire le fils d’Israël ; ce genre de prêt n’est permis que pour l’étranger (Dt 23,20-21). À la partie sur les vœux, fait suite la partie sur l’injustice sociale qui réduit certaines personnes à l’indigence.

INTERPRÉTATION LE SACRIFICE DES INSENSÉS Dans la première partie, Qohélet met en garde contre le sacrifice des insensés, mais ne précise pas ce qu’il entend par là. C’est le parallélisme de cette partie avec la suivante qui permet de comprendre. Quand on a fait un vœu, il faut l’acquitter sans tarder ; concrètement, cela veut dire délier les cordons de sa bourse pour acquitter sa promesse, pour payer le prix du vœu. La tentation est au contraire de renvoyer à plus tard, peut-être même sine die. Car « qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent » (9a). Il en va sans doute de même pour la manière d’offrir un sacrifice : la tentation est d’éviter de payer trop cher, et donc d’offrir en sacrifice un animal qui a un défaut, ce qui permet d’économiser : « Qui aime l’opulence n’a pas de revenu » (9b), n’a pas les moyens d’offrir un sacrifice coûteux. Ce sont là des comportements d’« insensés ». PAROLE ET SONGES L’insistance mise sur la parole ne laisse pas de surprendre et d’interroger. En effet, c’est à elle que sont consacrés les seconds morceaux des deux premières parties. Les paroles abondantes dont il est question dans la première partie sont généralement interprétées comme des prières démesurément prolongées. Ce qui est ici dénoncé semble être l’hypocrisie de qui pense couvrir le fait d’avoir offert un sacrifice d’insensé par un flot de prières d’autant plus abondant que sa faute est grande. Écouter la parole de Dieu vaut mieux que se gargariser de ses propres paroles en refusant d’obéir à la loi de Dieu. Dans la partie suivante qui traite des vœux, Qohélet adresse à son destinataire deux mises en garde qui regardent la parole : d’abord celle de prononcer un vœu de façon inconsidérée, et ensuite de demander son annulation au « messager », c’est-à-dire à l’officiant qui avait le

126

La deuxième section (3,10–9,10)

pouvoir d’en délier l’insensé. De telles paroles n’ont pas plus de consistance qu’« abondance de songes et de buées ». ON NE SE MOQUE PAS DE DIEU Les deux premières parties s’achèvent sur un ordre bref et incisif : « Oui, crains Dieu ! » (5,6c). Craindre Dieu, c’est le respecter. Le contraire, c’est faire comme s’il n’entendait pas, comme s’il ne voyait pas, comme si on pouvait le tromper à sa guise, en lui offrant des sacrifices d’insensés, au rabais, en s’arrangeant pour ne pas acquitter ses vœux. Pour qui le prend-on ? Dieu est Dieu, ce n’est pas un homme dont on pourrait se moquer. « Dieu est au ciel et toi sur la terre. » ON NE SE MOQUE PAS DES HOMMES La dernière partie pourrait sembler hors sujet. Le nom de Dieu n’y apparait pas une seule fois, alors qu’il revenait six fois auparavant. Plus question de sacrifice ni de vœux ; nous ne sommes plus dans la maison de Dieu. Il s’agit maintenant de « l’indigent » nommé dès le début, de l’indigent opprimé, et opprimé par qui aime l’argent et n’en est jamais rassasié, par qui est protégé par la hiérarchie des haut-placés. Qui aime l’opulence ne saurait avoir de revenu pour l’indigent. Or on ne peut pas plus se moquer des hommes, mépriser le faible, accaparer les richesses pour soi, alors que « le profit d’un territoire est pour tous », que le roi devrait se contenter de son propre champ. Au temple ou dans le pays, c’est toujours la même logique de l’argent qu’on refuse au pauvre comme on le refuse à Dieu.

3. L’homme seul serait sans avenir L’ensemble de la séquence B3 : 4,7–5,9 COMPOSITION 4,7 Et je reviens, moi, et JE VOIS une BUÉE dessous le soleil. 8 Il y a UN-UNIQUE et il n’y a pas de deuxième, aussi ni fils ni frère il n’y a pas à lui ; et il n’y a pas de fin à tout son travail, aussi son œil ne se rassasie pas de richesse : « Et pour qui, moi, je peine et me prive de bonheur ? » CELA AUSSI EST BUÉE et OCCUPATION MAUVAISE elle. Plus-bons les deux que L’UNIQUE, auxquels il y a à eux salaire bon dans leur travail. Car s’ils tombent, L’UNIQUE relève son compagnon ; mais malheur à L’UNIQUE qui tombe et il n’y a pas de deuxième pour le relever ! 11 Aussi s’ils couchent à deux, et il fait chaud pour eux, mais pour L’UNIQUE, comment ferait-il chaud ? 12 Et si quelqu’un maitrise L’UNIQUE, deux se dressent en face de lui et le fil triple pas rapidement se rompt. 9

10

13

Plus-bon un enfant pauvre et sage qu’un roi vieux et INSENSÉ lequel NE SAIT PAS prendre-conseil davantage. 14 Oui, de la maison des prisonniers il était sorti pour régner et aussi dans le royaume il était né INDIGENT. 15 JE VOIS tous les vivants, ceux qui vont dessous le soleil, avec l’enfant, le deuxième lequel se dressera après lui ; 16 il n’y a pas de fin à tout le peuple à tout ce qui était avant eux, aussi les derniers ne se réjouiront pas en lui. Oui, CELA AUSSI EST BUÉE et poursuite de vent.

4,17 Surveille ton pied lorsque tu vas à la Maison de DIEU et approcher pour écouter mieux que le donner des INSENSÉS un sacrifice, car ILS NE SAVENT PAS qu’ils font LE MAL. 5,1 Ne hâte pas sur ta bouche et ton cœur ne se presse pas de faire-sortir une parole devant DIEU, car DIEU est au ciel et toi sur la terre, c’est pourquoi, que soient tes paroles peu-nombreuses. 2 Car vient le songe de l’abondance d’OCCUPATION et la voix INSENSÉE de l’abondance des paroles. Lorsque tu voues un vœu à DIEU, ne tarde pas à l’acquitter, car il n’y a pas de plaisir pour les INSENSÉS ; ce que tu as voué, acquitte-le. 4 Bon que tu ne voues pas plus que tu voues et n’acquittes pas. 5 Ne donne pas ta bouche de pécher contre ta chair et ne dis pas devant le messager que c’est inadvertance. Pourquoi DIEU s’irriterait-il pour ta voix et ruinerait-il l’œuvre de tes mains ? 6 Car dans l’abondance des songes et les BUÉES sont des paroles nombreuses. Oui, crains DIEU. 3

7

Si oppression de L’INDIGENT et violation de jugement et de justice TU VOIS dans le pays, ne sois pas étonné de la chose car un haut-placé au-dessus d’un haut-placé veille et des haut-placés au-dessus d’eux. 8 Et le profit d’un territoire est pour tous, un roi d’un champ est servi ; 9 qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent, et qui aime l’opulence n’a pas de revenu. CELA AUSSI EST BUÉE.

Première sous-section, séquence B3 (4,7–5,9)

129

Les deux passages sont du même type AA’B, les dernières parties se différenciant des deux premières, comme on l’a vu plus haut (p. 116 et 122). Dans les dernières parties se retrouvent : – un « pauvre » (4,13a) « indigent » (4,14b ; 5,7a) et un « roi » (4,13a : 5,8b), – « je/tu vois » (4,15a ; 5,7a) – et, en termes finaux, « cela aussi est buée » (4,16b : 5,9b). Dans les deux premières parties de chaque passage reviennent : – « buée » aux extrémités (4,7 / 5,6b), – « occupation » (4,8d / 5,2a), – « mauvaise/mal » (traduisant le même terme : 4,8d / 4,17b), – « plus-bon... que » (4,9 / 5,4), – aux six occurrences de « unique » (4,8a.9.10bis.11b.12b) correspondent les six occurrences de « Dieu » (4,17a ; 5,1b bis.3a.5c.6b) ; tous portent l’article sauf la première occurrence de « unique » (4,8a). Cela attire l’attention sur le rapport entre l’homme et son compagnon qui est parallèle à la relation entre l’homme et Dieu. En outre, – en termes extrêmes des deux passages, « ne se rassasient pas de richesse/ d’argent » (4,8c / 5,9ab), – en termes finaux des deux passages, « cela aussi est buée » (4,16b / 5,9b) – et aussi en termes finaux des parties extrêmes (4,8d / 5,9b), – en termes médians, « la maison » (4,14a / 17a) et « ne sait/savent pas » (4,13a / 17b), – en termes initiaux des parties extrêmes, « je vois » et « tu vois » (4,7a / 5,7a). Les titres donnés des deux séquences entendent montrer leurs rapports essentiels : Sans compagnon

L’HOMME

ne serait que buée

4,7-16

Ce que L’HOMME

refuserait à Dieu

ne serait que buée

4,17–5,9

CONTEXTE LE DIEU UNIQUE C’est ainsi que le Dieu d’Israël est désigné : par exemple en Dt 6,4 : « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Dieu unique. »

130

La deuxième section (3,10–9,10)

INTERPRÉTATION DIEU ET LE COMPAGNON Le rapport qui avait été découvert entre les deux premières parties du second passage et la troisième, à savoir entre Dieu et le prochain, se retrouve entre les deux passages. En effet, la relation dans le premier passage entre deux êtres humains, entre « l’un » et « le deuxième », entre « le seul » et son « compagnon », trouve son pendant dans le deuxième passage avec la relation entre « toi » et « Dieu ». D’un côté, « le deuxième » secourt « l’un », « le compagnon » aide l’autre à se relever, les deux se tiennent chaud. De l’autre, Dieu peut soutenir l’homme qui lui offre un sacrifice pur, qui acquitte le vœu qu’il lui a fait. En réalité, cela est présenté sous forme d’avertissement : celui qui aurait présenté un sacrifice d’insensé se verrait séparé du Dieu qui resterait « au ciel », bien loin de l’homme demeuré seul « sur la terre » ; celui qui ne s’acquitterait pas de son vœu verrait Dieu s’irriter contre lui et ruiner l’œuvre de ses mains. « CELA AUSSI EST BUÉE » L’homme seul, sans fils ni frère, dont « l’œil ne se rassasie pas de richesse » mais dont aucun héritier ne pourra profiter, voilà bien qui est « buée et occupation mauvaise ». Il en va de même pour l’enfant pauvre et sage ayant succédé à un roi vieux et insensé et qui finira pourtant rejeté par la génération suivante : « Cela aussi est buée et poursuite de vent ». Quant à la fin de la séquence, « l’indigent » est opprimé en violation de tout jugement, victime des puissants, de qui « ne se rassasie pas d’argent », c’est le comble de l’injustice. La formule conclusive est sèche, sans ajout : « Cela aussi est buée ». « Malheur » à l’homme seul qui tombe sans compagnon pour le relever, à celui que personne ne réchauffera ; malheur aussi à qui serait séparé de Dieu ou châtié par lui pour ne l’avoir pas craint. Cela aussi est buée.

C. LE SAGE RÉPOND AUX QUESTIONS DES FILS D’ADAM L’ensemble de la première sous-section : 3,10–5,9 COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES B1 ET B3 Les quatre passages se correspondent de manière spéculaire. 3,10 JE VOIS L’OCCUPATION que DONNE DIEU aux fils d’Adam pour S’OCCUPER en elle : 11 tout ce qu’il fait est beau en son temps. Il a aussi DONNÉ l’éternité dans leur cœur, mais sans que l’humain trouve l’œuvre que fait DIEU du début et jusqu’à la fin. JE SAIS qu’il n’y a pas de BONHEUR en eux, sinon de se réjouir et de faire le BONHEUR durant sa vie. Et aussi tout humain qui mange et boit et voit du BONHEUR dans tout son travail, cela est un DON de DIEU. 14 JE SAIS que tout ce que fait DIEU cela sera pour l’éternité. À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher et DIEU fait qu’ils CRAIGNENT devant sa face. 15 Ce qui est, déjà lui et ce qui sera, déjà fut et DIEU recherche le persécuté. 12 13

16

Et JE VOIS encore dessous le soleil : à la place du JUGEMENT, là la méchanceté, et à la place de la JUSTICE, là la méchanceté. 17 Je dis, moi, dans mon cœur : le juste et le méchant, DIEU les jugera, car il est un temps pour toute chose et pour toute œuvre là. [...]

4,17 Surveille ton pied lorsque tu vas à la Maison de DIEU et approcher pour écouter mieux que le 1 DONNER des insensés un sacrifice, car ILS NE SAVENT PAS qu’ils font le mal. 5, Ne hâte pas sur ta bouche et ton cœur ne se presse pas de faire-sortir une parole devant DIEU, car DIEU est au ciel et toi sur la terre, c’est pourquoi, que soient tes paroles peu-nombreuses. 2 Car vient le songe de l’abondance d’OCCUPATION et la voix insensée de l’abondance des paroles. 3

Lorsque tu voues un vœu à DIEU, ne tarde pas à l’acquitter, car il n’y a pas de plaisir pour les insensés ; ce que tu as voué, acquitte-le. 4 BON que tu ne voues pas plus que tu voues et n’acquittes pas. 5 NE DONNE PAS ta bouche de pécher contre ta chair et ne dis pas devant le messager que c’est inadvertance. Pourquoi DIEU s’irriterait-il pour ta voix et ruinerait-il l’œuvre de tes mains ? 6 Car dans l’abondance des songes et les buées sont des paroles nombreuses. Oui, CRAINS DIEU. 7

Si oppression de l’indigent et violation de JUGEMENT et de JUSTICE TU VOIS dans le pays, ne sois pas étonné de la chose car un haut-placé au-dessus d’un haut-placé veille et DES HAUTPLACÉS au-dessus d’eux. 8 Et le profit d’un territoire est pour tous, un roi d’un champ est servi ; 9 qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent, et qui aime l’opulence n’a pas de revenu : aussi cela est buée.

Les passages extrêmes ont en commun le nom de « Dieu », sept fois dans le premier passage, six dans le second (sept si l’on compte « des Haut-placés » comme nom divin), « donner » (Dieu à homme : 3,10.11b.13a / l’homme à Dieu : 4,17b ; 5,5a), « craindre » (3,14b / 5,6b), « bon(heur) » (3,12bis.13a / 5,4a), « savoir » (3,14a / 4,17b), « occupation » (3,10 / 5,2b). Les parties extrêmes reprennent « « jugement » et « justice » (3,16 / 5,7a), « Je/tu vois » (3,10.16a / 5,7a). Ce rapport étroit entre les parties finales conforte l’interprétation qui reconnait dans le pluriel de majesté « les Haut-placés » un nom divin semblable à Élohim, qui a lui aussi une forme plurielle.

132

La deuxième section (3,10–9,10)

3,18 Je dis, MOI, dans mon cœur, à propos des FILS d’Adam : Dieu les éprouve et ils voient que eux sont des animaux eux pour eux ; 19 oui, le sort des FILS d’Adam et le sort des animaux et un sort UNIQUE pour eux. Comme la mort de celui-ci, ainsi la mort de celui-là, et souffle UNIQUE tous ; et la supériorité de l’humain sur l’animal il n’y a pas, oui, tout est BUÉE. 20 Tout s’en va vers un lieu UNIQUE : tout fut de la poussière et tout retourne à la poussière. 21 QUI SAIT si le souffle des FILS d’Adam monte lui vers le haut et si le souffle de l’animal descend lui en bas, vers la terre ? 22

Et JE VOIS qu’il n’y a pas de BONHEUR sinon que l’humain SE RÉJOUISSE de ses œuvres ; oui, cela est sa part. Oui, qui le fera-venir pour VOIR CE QUI SERA APRÈS LUI ? [...] 4,7 Et je retourne, MOI, et JE VOIS une BUÉE dessous le soleil. 8 Il y a UN-UNIQUE et il n’y a pas de deuxième, aussi ni FILS ni frère il n’y a pas à lui ; et il n’y a pas de fin à tout son travail, aussi son œil ne se rassasie pas de richesse : « ET POUR QUI, MOI, JE PEINE ET ME PRIVE DE BONHEUR ? » Cela aussi est BUÉE et occupation mauvaise elle. 9

Plus-bons les deux que L’UNIQUE, auxquels il y a à eux salaire bon dans leur travail. 10 Car s’ils tombent, L’UNIQUE relève son compagnon ; mais malheur à L’UNIQUE qui tombe et il n’y a pas de deuxième pour le relever ! 11 Aussi s’ils couchent à deux, il fait chaud pour eux, mais pour L’UNIQUE, comment ferait-il chaud ? 12 Et si quelqu’un maitrise L’UNIQUE, deux se dressent en face de lui et le fil triple pas rapidement se rompt. Plus-bon un ENFANT pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé lequel NE SAIT PAS prendreconseil davantage. 14 Oui, de la maison des prisonniers il était sorti pour régner et aussi dans le royaume il était né indigent. 15 JE VOIS tous les vivants, ceux qui vont dessous le soleil, avec L’ENFANT, le deuxième LEQUEL SE DRESSERA APRÈS LUI ; 16 il n’y a pas de fin à tout le peuple à tout ce qui était avant eux, aussi les derniers NE SE RÉJOUIRONT PAS en lui. Oui, cela aussi est BUÉE et poursuite de vent. 13

Le dernier passage de la première séquence et le premier de la séquence finale ont en commun : – en termes initiaux « moi » (3,18a / 4,7), – « unique » (3,19b.c.20a / 4,8a.9.10b bis.11b.12a), – « je vois » (3,22a / 4,7.15a), – « souffle/vent » qui traduisent le même terme (3,19c.21a.b / 4,16c), – « buée » (3,19d / 4,7.8d.16b), – « retourne » (3,20b / 4,7), – « bon(heur) » (3,22a / 4,8c.13a), – « se réjouir » (3,22a / 4,16b), – « qui sait / ne sait pas » (3,21a / 4,13a), – « fils/enfant » trois fois dans chaque passage (3,18a.19a.21a / 4,8b.13a.15b), – à « ce qui sera après lui » à la fin du premier passage (3,22b) correspond à la fin de l’autre passage « lequel sera après lui » (4,15b), même si « après » traduit deux mots différents. Le même thème se retrouve aussi en 4,8c avec « Et pour qui, moi, je peine et me prive de bonheur ? », question que se pose l’homme qui n’a pas d’héritier, personne qui vient après lui.

L’ensemble de la première sous-section (3,10–5,9)

133

LES RAPPORTS ENTRE LA SÉQUENCE CENTRALE B2 ET LES PASSAGES CONTIGUS 3,18 Je dis, MOI, dans mon cœur, à propos des fils d’Adam : Dieu les éprouve et ils voient que eux sont des animaux eux pour eux ; 19 oui, le sort des fils d’Adam et le sort des animaux et un sort unique pour eux. Comme la mort de celui-ci, ainsi la mort de celui-là, et souffle unique tous ; et la supériorité de l’humain sur l’animal il n’y a pas, oui, tout est BUÉE. 20 Tout s’en va vers un lieu unique : tout fut de la poussière et tout retourne à la poussière. 21 Qui sait si le souffle des fils d’Adam monte lui vers le haut et si le souffle de l’animal descend lui en bas, vers la terre ? Et JE VOIS qu’il n’y a pas de BONHEUR sinon que l’humain se réjouisse de ses ŒUVRES ; oui, cela est sa part. Oui, qui le fera-venir pour voir ce qui sera après lui ? 22

4,1 Et je retourne, MOI, et JE VOIS toutes les oppressions lesquelles SE FONT dessous le soleil : et voici le pleur des opprimés et pas à eux de consolateur, et du côté des oppresseurs la force et pas à eux de consolateur. 2

Et je félicite, MOI, les morts qui déjà sont morts plus que LES VIVANTS lesquels eux sont VIVANTS encore. 3 Et PLUS-BON que les deux est celui qui encore NE VIT PAS, lequel NE VOIT PAS L’ŒUVRE de mal, laquelle SE FAIT dessous le soleil. Et JE VOIS, MOI, tout TRAVAIL et tout succès FAITS que c’est jalousie d’un homme pour son prochain : aussi cela est BUÉE et poursuite de vent ! 5 L’INSENSÉ se croise les mains et mange sa propre-chair ; 6 PLUS-BON pleine une paume de repos que pleines deux-poignées de TRAVAIL et poursuite de vent. 4

4,7 Et je retourne, MOI, et JE VOIS une BUÉE dessous le soleil. 8 Il y a un-unique et il n’y a pas de deuxième, aussi ni fils ni frère il n’y a pas à lui ; et il n’y a pas de fin à tout son TRAVAIL, aussi son œil ne se rassasie pas de richesse : « Et pour qui, moi, JE PEINE et me prive de BONHEUR ? » Cela aussi est BUÉE et occupation mauvaise elle. PLUS-BONS les deux que l’unique, auxquels il y a à eux salaire BON dans leur TRAVAIL. 10 Car s’ils tombent, l’unique relève son compagnon ; mais malheur à l’unique qui tombe et il n’y a pas de deuxième pour le relever ! 11 Aussi s’ils couchent à deux, il fait chaud pour eux, mais pour l’unique, comment ferait-il chaud ? 12 Et si quelqu’un maitrise l’unique, deux se dressent en face de lui et le fil triple pas rapidement se rompt. 9

PLUS-BON un enfant pauvre et sage qu’un roi vieux et INSENSÉ lequel ne sait pas prendre-conseil davantage. 14 Oui, de la maison des prisonniers il était sorti pour régner et aussi dans le royaume il était né indigent. 15 JE VOIS tous LES VIVANTS, ceux qui vont dessous le soleil, avec l’enfant, le deuxième lequel se dressera après lui ; 16 il n’y a pas de fin à tout le peuple à tout ce qui était avant eux, aussi les derniers ne se réjouiront pas en lui. Oui, cela aussi est BUÉE et poursuite de vent. 13

Avec le passage précédent : en termes initiaux, « moi » (3,18a / 4,1a.2a.4a), « retourne » (3,20b / 4,1a), « souffle/vent » (3,19c.21a.b / 4,4b.6b), « buée » (3,19d / 4,4b), « œuvre(s)/faire » (3,22a / 4,1a.3a.b.4a), « bon(heur) » (3,22a / 4,3a), « je vois » (3,22a / 4,1a.4a). Avec le passage suivant : en termes initiaux, « Et je retourne, moi » (1a / 7a), « je vois » (1a.4a / 7a.15a) et « ne voit pas » en 3a, « vivants/vivre » (2a bis.3a / 15a), « plus-bon » (3a / 9a.13a), « travail/peiner » (4a.6a / 8b.c.9), « insensé » (5a / 13a), « buée et poursuite de vent » (4b.6b / 16bc).

134

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LA SÉQUENCE CENTRALE B2 ET LES PASSAGES EXTRÊMES 3,10 JE VOIS l’occupation que donne Dieu aux fils d’Adam pour s’occuper en elle : 11 tout ce qu’il FAIT est beau en son temps. Il a aussi donné l’éternité dans leur cœur, mais sans que l’humain trouve L’ŒUVRE que FAIT Dieu du début et jusqu’à la fin. Je sais qu’il n’y a pas de BONHEUR en eux, sinon de se réjouir et de faire le BONHEUR durant sa vie. Et aussi tout humain qui mange et boit et voit du BONHEUR dans tout son travail, cela est un don de Dieu. 14 Je sais que tout ce que FAIT Dieu cela sera pour l’éternité. À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher et Dieu FAIT qu’ils craignent devant sa face. 15 Ce qui est, déjà lui et ce qui sera, déjà fut et Dieu recherche le persécuté. 12 13

16

Et JE VOIS encore dessous le soleil : à la place du jugement, là la méchanceté, et à la place de la justice, là la méchanceté. 17 Je dis, moi, dans mon cœur : le juste et le méchant, Dieu les jugera, car il est un temps pour toute chose et pour toute ŒUVRE là. [...]

4,1 Et je retourne, moi, et JE VOIS toutes LES OPPRESSIONS lesquelles SE FONT dessous le soleil : et voici le pleur des OPPRIMÉS et pas à eux de consolateur, et du côté des OPPRESSEURS la force et pas à eux de consolateur. 2

Et je félicite, moi, les morts qui déjà sont morts plus que les vivants lesquels eux sont vivants encore. 3 Et PLUS-BON que les deux est celui qui encore ne vit pas, lequel NE VOIT PAS L’ŒUVRE de MAL, laquelle SE FAIT dessous le soleil. 4

Et JE VOIS, moi, tout travail et tout succès FAITS que c’est jalousie d’un homme pour son prochain : AUSSI CELA EST BUÉE et poursuite de vent ! 5 L’INSENSÉ se croise les mains et mange sa propre-chair ; 6 plus-bon pleine une paume de repos que pleines deux-poignées de travail et poursuite de vent. [...]

4,17 Surveille ton pied lorsque tu vas à la Maison de Dieu et approcher pour écouter mieux que le donner des INSENSÉS un sacrifice, car ils ne savent pas qu’ils FONT le MAL. 5,1 Ne hâte pas sur ta bouche et ton cœur ne se presse pas de faire-sortir une parole devant Dieu, car Dieu est au ciel et toi sur la terre, c’est pourquoi, que soient tes paroles peu-nombreuses. 2 Car vient le songe de l’abondance d’occupation et la voix INSENSÉE de l’abondance des paroles. 3

Lorsque tu voues un vœu à Dieu, ne tarde pas à l’acquitter, car il n’y a pas de plaisir pour les ; ce que tu as voué, acquitte-le. 4 BON que tu ne voues pas plus que tu voues et n’acquittes pas. 5 Ne donne pas ta bouche de pécher contre ta chair et ne dis pas devant le messager que c’est inadvertance. Pourquoi Dieu s’irriterait-il pour ta voix et ruinerait-il L’ŒUVRE de tes mains ? 6 Car dans l’abondance des songes et les BUÉES sont des paroles nombreuses. Oui, crains Dieu. INSENSÉS

7

Si OPPRESSION de l’indigent et violation de jugement et de justice TU VOIS dans le pays, ne sois pas étonné de la chose car un haut-placé au-dessus d’un haut-placé veille et des hautplacés au-dessus d’eux. 8 Et le profit d’un territoire est pour tous, un roi d’un champ est servi ; 9 qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent, et qui aime l’opulence n’a pas de revenu : AUSSI CELA EST BUÉE.

Avec le premier passage – « Je vois » en termes initiaux des parties extrêmes (3,10.16a / 4,1a.4a), – « faire » (3,11b.c.14a.b.17b / 4,1a.3b bis.4a), – « bon(heur) » (3,12bis.13a / 4,3a), – « dessous le soleil » (3,16a / 4,1a.3b).

L’ensemble de la première sous-section (3,10–5,9)

135

Avec le dernier passage – « Je vois » (4,1a.4a / 5,7a) et « ne voit pas » (4,3a), – « faire » (4,1a.3b bis.4a / 17b ; 5,5b), – « oppression » (4,1a.b / 5,7a), – « mal » (4,3b / 17b), – « insensé(s) » (4,5a / 17b ; 5,2b.3b), – « aussi cela est buée » (4,4b / 5,9b) « buées » aussi en 5,6a. Voici le schéma de la sous-section qui fait voir les rapports entre les cinq passages : Séquence B1 :

L’HOMME

EST-IL FAIT

POUR L’ÉTERNITÉ

Ce que Dieu

donne à l’homme

est-il

pour toujours ?

3,10-17

est-il

sans futur ?

3,18-22

Comme l’animal

l’homme

?

Séquence B2 : QUI NE VIT PAS ENCORE NE VOIT PAS LE MAL COMMIS SOUS LE SOLEIL

Séquence B3 :

L’HOMME SEUL

SERAIT

SANS AVENIR

l’homme

ne serait

que buée

4,7-16

refuserait à Dieu

ne serait

que buée

4,17–5,9

Sans compagnon Ce que l’homme

4,1-6

La première séquence pose des questions auxquelles la dernière donne des réponses. INTERPRÉTATION ÉCHANGE DE DONS Tout ce que l’homme est et possède est don de Dieu (3,10-15). L’occupation qu’il a reçue de Dieu est « belle » durant sa vie, à partir des choses à la fois les plus simples et les plus vitales, comme manger et boire et trouver du plaisir dans le travail. Ce don de Dieu est sans repentance, il est assuré pour toujours, même si l’homme est incapable d’en comprendre toute l’étendue. De son côté, l’homme entend présenter à celui qui lui a tout donné quelque offrande, comme une sorte de don en retour (4,17–5,6). Ce don ne peut, évidemment, qu’être fort partiel et limité : un sacrifice, l’acquittement d’un vœu, soit la promesse de quelque don. La limite de l’homme se manifeste en outre par la résistance qu’il oppose à sa générosité : la tentation est grande pour lui d’offrir un sacrifice au rabais, de renvoyer à plus tard l’acquittement de ses vœux.

136

La deuxième section (3,10–9,10)

DIEU RÉTABLIT LA JUSTICE L’injustice que l’insensé manifeste dans sa relation à Dieu se manifeste aussi dans ses rapports avec ses semblables. « Jugement » et « justice » sont bafoués quand le juste est écrasé par le méchant (3,16), quand l’indigent est opprimé par celui qui aime l’argent (5,7). Tel est le mal que chacun peut voir sous le soleil (4,3). Mais Dieu est celui qui « recherche le persécuté » (3,15). Dieu jugera entre le juste et le méchant (3,17), le Très-Haut veille sur l’indigent pour le délivrer de l’oppresseur (5,7). L’ANIMAL ET LE FILS Partageant le même souffle que les animaux, les fils d’Adam semblent ne pas leur être supérieurs ; un souffle qu’ils rendent également quand ils retournent les uns comme les autres à la poussière. Tout s’achève à la mort pour l’homme comme pour l’animal, sans que l’homme sache ce qui pourrait venir après lui (3,18-21). Tel serait le sort de celui qui, n’ayant ni fils ni frère, ne pourrait s’appuyer sur personne ni transmettre à quiconque le fruit de son travail. Mais l’homme peut compter sur un compagnon qui le relèvera, qui lui tiendra chaud, qui le défendra contre un agresseur. L’enfant succèdera au vieux roi qui ne se fie plus à personne (4,7-16). « TOUT EST BUÉE » Même si le premier passage s’achève sur la « méchanceté » qui s’impose contre « le jugement » et « la justice » (3,16), c’est toutefois le seul qui est exempt de « buée ». Dès le deuxième passage, l’affirmation est la plus radicale : « Oui, tout est buée » (3,19), ce qui sera détaillé longuement par la suite. « Tout travail et tout succès » n’est que jalousie : « cela aussi est buée et poursuite de vent » (4,4). Qui est seul, sans frère ni fils, pour qui travaille-t-il ? « Cela aussi est buée et occupation mauvaise » (4,7-8). Même l’enfant pauvre et sage qui succède au vieux roi insensé finira par être rejeté : « Oui, cela aussi est buée et poursuite de vent » (5,18). L’abondance de paroles devant Dieu aussi est « buée » (5,6) et l’oppression du riche insensible, « cela aussi est buée » (5,7-9). La buée comme la ténèbre s’étend sur pratiquement toute la sous-section. CELUI QUI NE VIT PAS ENCORE Heureux ceux qui sont déjà morts, mais bien davantage celui qui ne vit pas encore ! (4,2-3). En effet, il ne voit pas « le mal » qui se commet « sous le soleil » (3,6-17), ni « toutes les oppressions », ni la « jalousie » qui entache « tout travail et tout succès » (5,7-9). Tout cela, du passé des morts au futur de ceux qui ne sont pas encore nés, n’est que « buée et poursuite de vent ». Serait-il toutefois interdit d’entrevoir une lueur d’espoir, si celui qui est à naitre est préférable aux vivants et aux morts ?

II. LA SAGESSE HÉRITAGE DES FILS DE DIEU La deuxième sous-section : 5,10–8,15 La deuxième sous-section comprend trois séquences organisées de manière concentrique. Les séquences extrêmes comprennent chacune trois passages ; la séquence centrale est de la taille d’un seul passage.

B4 : LES ÉNIGMES

DE LA VIE

B5 : EN TOUT CONSIDÉRER LA FIN DERNIÈRE

B6 : LES RÉPONSES

DU SAGE

5,10–6,12

7,1-14

7,15–8,15

A. LES ÉNIGMES DE LA VIE La séquence B4 : 5,10–6,12 La première séquence comprend trois passages : « Quel avantage

pour l’homme

« N’est-ce pas vers un lieu unique

« Qui annoncera

à l’homme

d’avoir peiné en vain ? »

5,10-19

que tous s’en vont ? »

6,1-6

ce qui sera après lui ? »

6,7-12

1. « Quel avantage pour l’homme d’avoir peiné en vain ? » Le premier passage : 5,10-19 TEXTE 5,10 En abondances du bien, abondent ses mangeurs, et quel succès pour son maitre, sinon une vision pour ses yeux ? 11 Doux le dormir du serviteur si peu et si abondamment il a mangé ; mais la satiété pour le riche n’est pas lui permettant de dormir. 12 Il est un mal malade que je vois dessous le soleil : la richesse gardée par son maitre pour son mal 13 et est perdue cette richesse celle-là dans une affaire mauvaise, et il engendre un fils et il n’y a pas en sa main rien. 14 Comme il était sorti du ventre de sa mère, nu il retournera s’en aller comme il était venu et rien il ne retirera de son travail qui aille en sa main. 15 Et aussi cela est un mal malade que tout comme il était venu ainsi il s’en aille. Et quel avantage à lui d’avoir peiné pour le vent ? 16 Aussi tous ses jours dans l’obscurité il mange et un chagrin abondant et sa maladie et l’irritation. 17 Voici ce que je vois, moi, un bonheur qui (est) beau : de manger et de boire et de voir le bonheur dans tout son travail qu’il peine dessous le soleil, (tout) le nombre des jours de sa vie lesquels lui donne Dieu, car cela est sa part. 18 Aussi tout humain lequel lui donne Dieu richesse et ressources, et le laisse manger d’elles et en recevoir sa part et se réjouir de son travail, cela est un don de Dieu lui. 19 Car pas abondamment il se souvient des jours de sa vie car Dieu l’occupe à la joie son cœur. V. 18

: « ET LE LAISSE MANGER D’ELLES »

Litt., « et lui donne-pouvoir, le laisse-maitre de manger ».

140

La deuxième section (3,10–9,10)

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (5,10-14) : 5,10 En abondances : et quel : sinon 11

du bien succès une VISION

abondent

ses mangeurs,

POUR SON MAITRE,

pour ses yeux ?

+ Doux + si peu

le dormir et si abondamment

du serviteur, il a mangé ;

– mais la satiété – n’est pas

pour LE RICHE lui permettant

de dormir.

·························································································································

: 12 Il est : que JE VOIS

un mal dessous

– LA RICHESSE – 13 et est perdue – dans une affaire

gardée

PAR SON MAITRE

LA RICHESSE

celle-là

= et il engendre = et il n’y a pas

un fils

: 14 Comme : nu

il était sorti il retournera

du ventre s’en aller

= et RIEN = qui aille

il ne retirera

de son travail

EN SA MAIN.

malade le soleil : pour son mal

mauvaise,

EN SA MAIN RIEN. ·························································································································

de sa mère, comme il était venu

Dans le premier morceau, le « maitre » de bien abondant est d’abord présenté comme dépouillé par les « mangeurs », devant se contenter de le « voir » ; les deux segments suivants opposent les « dormir » du « serviteur » et du « riche ». Les trois termes de la racine de l’abondance (10a bis.11b), suivis du synonyme « satiété » (11c), relient les trois segments. Le deuxième morceau envisage un autre mal (12ab), celui d’un homme qui perd sa « richesse » (12c-13b) et ne peut donc rien laisser à son fils (13cd). Les trois occurrences de « mal/mauvaise » relient les deux premiers segments. « Rien » (13d) s’oppose à « richesse » (12c.13a). Dans le troisième morceau, « nu » du premier segment annonce « rien » du second. Les deux segments sont liés aussi par la reprise du même verbe « aller ». Les deux premiers morceaux sont reliés par la reprise de « son maitre » (10b.12c) et de « riche/richesse » (11c.12c.13a). Dans les deux derniers morceaux, « en sa main rien » et « rien [...] en sa main » jouent le rôle de termes finaux (13d.14cd).

La deuxième sous-section, séquence B4 (5,10–8,15)

141

LA DEUXIÈME PARTIE (5,15-16) – 15 Et AUSSI : que tout comme : ainsi - Et quel - d’avoir peiné – 16 AUSSI : et un chagrin : et SA MALADIE

cela il était venu il s’en aille.

(est) un mal

MALADE

dans l’obscurité

il mange

avantage à lui pour le vent ? tous ses jours abondant et irritation.

Les segments extrêmes sont des trimembres de type abb’ ; les deux occurrences de « aussi » jouent le rôle de termes initiaux et « malade/maladie » de termes extrêmes ; on notera aussi la reprise de « tout » (15b.16a). Au centre, une question, à laquelle les segments extrêmes répondent : le « profit » est « pour le vent », il est nul puisqu’il s’en va « comme il était venu » (15abc), puisque ce n’est qu’« obscurité », « chagrin », « maladie » et « irritation » (16). LA TROISIÈME PARTIE (5,17-19) + 5,17 Voici + un bonheur

ce que lequel

je vois, (est) beau :

moi,

:: de MANGER :: et de voir :: qu’IL PEINE

et de boire le bonheur dessous

dans tout le soleil,

SON TRAVAIL

– (tout) le nombre – LESQUELS – car cela

DES JOURS DE SA VIE LUI DONNE DIEU, (est) SA PART. ·············································································································

+ 18 Aussi + LEQUEL + richesse

LUI DONNE

:: et le laisse :: et en recevoir :: et SE RÉJOUIR

MANGER SA PART de SON TRAVAIL,

tout humain DIEU

et ressources, de lui

EST UN DON de DIEU lui. ············································································································· . 19 Car pas abondamment il se souvient DES JOURS DE SA VIE . car DIEU (l’)occupe PAR LA JOIE de son cœur.

– cela

Dans le premier morceau, les deux derniers segments détaillent ce qu’est le « bonheur » « beau » que « voit » Qohélet (17ab) : les activités qui permettent à

142

La deuxième section (3,10–9,10)

l’homme de « manger et boire », c’est-à-dire de vivre, prenant du plaisir dans son travail (17cde), et cela tout au long de sa vie (17fgh). + 5,17 Voici + un bonheur

ce que lequel

je vois, (est) beau :

moi,

:: de MANGER :: et de voir :: qu’IL PEINE

et de boire le bonheur dessous

dans tout le soleil,

SON TRAVAIL

– (tout) le nombre – LESQUELS – car cela

DES JOURS DE SA VIE LUI DONNE DIEU, (est) SA PART. ·············································································································

+ 18 Aussi + LEQUEL + richesse

LUI DONNE

:: et le laisse :: et en recevoir :: et SE RÉJOUIR

MANGER SA PART de SON TRAVAIL,

tout humain DIEU

et ressources, de lui

EST UN DON de DIEU lui. ············································································································· . 19 Car pas abondamment il se souvient DES JOURS DE SA VIE (l’)occupe PAR LA JOIE de son cœur. . car DIEU

– cela

Le deuxième morceau reprend et développe le deuxième segment du premier morceau (17cde), avec le « manger » et la joie du « travail » ; mais 18b et 18g aux extrémités rappellent 17g avec le don de Dieu. Très court, le troisième morceau correspond au dernier segment du premier morceau avec la reprise de « Dieu » et de « les jours de sa vie ». « La joie de son cœur » (19b) renvoie au « bonheur dans tout son travail » dans le premier morceau (17d) et à « se réjouir de son travail » dans le deuxième (18f). L’ENSEMBLE DU PASSAGE (5,10-19) Les rapports entre les trois parties – « Abonder » et termes de même racine jouent le rôle de termes extrêmes (5,10a bis.11b / 19a) et de termes finaux pour les deux dernières parties (16b / 19a) ; – « manger/mangeurs » (10a.11b / 16a / 17c.18d) ; – « travail/peiner » (14c / 15c / 17de.18f) ; – « succès » (10b) et « avantage » (15c) sont quasi synonymes ; ils se trouvent dans une question semblable, au début de la première partie et au centre de la deuxième ; « part » (17h.18e) appartient au même champ sémantique.

La deuxième sous-section, séquence B4 (5,10–8,15) 5,10 En ABONDANCES et quel sinon

DU BON, UNE VISION

ABONDENT pour son maitre, pour ses yeux ?

11

Doux si peu

le dormir et si ABONDAMMENT

du serviteur, IL A MANGÉ ;

mais la satiété n’est pas

pour le riche lui permettant

de dormir.

SUCCÈS

SES MANGEURS,

···················································································································· 12

Il est que JE VOIS

UN MAL

MALADE

dessous

le soleil :

LA RICHESSE

gardée

13

CETTE RICHESSE

par son maitre celle-là

et est perdue dans une affaire

mauvaise,

et il engendre et il n’y a pas

un fils en sa main

pour son mal

rien.

···················································································································· 14

Comme nu

il était sorti il retournera

du ventre S’EN ALLER

et rien qui aille

il ne retirera en sa main.

de SON TRAVAIL

cela IL ÉTAIT VENU

est UN MAL AINSI IL S’EN AILLE.

MALADE

D’AVOIR PEINÉ

pour le vent ?

dans l’obscurité et sa maladie

IL MANGE

JE VOIS,

moi,

15

Et aussi QUE TOUT COMME Et quel 16

Aussi et un chagrin 17

AVANTAGE

à lui

TOUS SES JOURS

ABONDANT

Voici UN BON

ce que qui

de MANGER et de VOIR qu’IL PEINE

et de boire LE BON dessous

dans tout le soleil,

(tout) le nombre lesquels car cela

DES JOURS

DE SA VIE

lui donne est sa PART.

Dieu,

de sa mère, COMME IL ÉTAIT VENU.

et l’irritation.

(est) beau : SON TRAVAIL

···················································································································· 18

Aussi lequel

tout humain lui donne et ressources,

Dieu

et le laisse et en recevoir et se réjouir

MANGER

de lui

cela

est un don

RICHESSE

sa PART de SON TRAVAIL, de Dieu

lui.

····················································································································

Car pas ABONDAMMENT car Dieu 19

il se souvient l’occupe

DES JOURS

DE SA VIE

à la joie

son cœur.

143

144

La deuxième section (3,10–9,10)

5,10 En ABONDANCES et quel sinon

DU BON, UNE VISION

ABONDENT pour son maitre, pour ses yeux ?

11

Doux si peu

le dormir et si ABONDAMMENT

du serviteur, IL A MANGÉ ;

mais la satiété n’est pas

pour le riche lui permettant

de dormir.

SUCCÈS

SES MANGEURS,

···················································································································· 12

Il est que JE VOIS

UN MAL

MALADE

dessous

le soleil :

LA RICHESSE

gardée

13

CETTE RICHESSE

par son maitre celle-là

et est perdue dans une affaire

mauvaise,

et il engendre et il n’y a pas

un fils en sa main

pour son mal

rien.

···················································································································· 14

Comme nu

il était sorti il retournera

du ventre S’EN ALLER

et rien qui aille

il ne retirera en sa main.

de SON TRAVAIL

cela IL ÉTAIT VENU

est UN MAL AINSI IL S’EN AILLE.

MALADE

D’AVOIR PEINÉ

pour le vent ?

dans l’obscurité et sa maladie

IL MANGE

JE VOIS,

moi,

15

Et aussi QUE TOUT COMME Et quel 16

Aussi et un chagrin 17

AVANTAGE

à lui

TOUS SES JOURS

ABONDANT

Voici UN BON

ce que qui

de MANGER et de VOIR qu’IL PEINE

et de boire LE BON dessous

dans tout le soleil,

(tout) le nombre lesquels car cela

DES JOURS

DE SA VIE

lui donne est sa PART.

Dieu,

de sa mère, COMME IL ÉTAIT VENU.

et l’irritation.

(est) beau : SON TRAVAIL

···················································································································· 18

Aussi lequel

tout humain lui donne et ressources,

Dieu

et le laisse et en recevoir et se réjouir

MANGER

de lui

cela

est un don

RICHESSE

sa PART de SON TRAVAIL, de Dieu

lui.

····················································································································

Car pas ABONDAMMENT car Dieu 19

il se souvient l’occupe

DES JOURS

DE SA VIE

à la joie

son cœur.

La deuxième sous-section, séquence B4 (5,10–8,15)

145

Les rapports entre les parties extrêmes – En termes initiaux, « bon » (10a / 17b.d) ; – « je vois » a comme objet « le mal » en 12b, le « bon » en 17a ; « vision/ voir » se trouvent aussi en 10c et 17d) ; – « riche/richesse » (11c.12c.13a / 18c); – « dessous le soleil » (12b / 17e). Les rapports entre les deux premières parties – « Mal malade » au début du morceau central de la première partie et au début de la partie centrale (12a.13a) ; – « s’en aller comme il était venu » (14b) trouve un écho au centre (15b) ; Les rapports entre les deux dernières parties – À « tous ses jours » (16a) correspondent « les jours de sa vie » (17f.19a) ; La spécificité de la dernière partie Le nom de « Dieu », du Dieu qui « donne », n’apparait que dans la troisième partie (17g.18b.18g.19b).

INTERPRÉTATION NE VOIR QUE LE MAL Tout au long de la première partie et jusqu’à la fin de la deuxième, ce que « voit » Qohélet est « le mal », et même « un mal malade ». Cette maladie congénitale affecte l’être humain de la naissance à la mort : c’est la nudité radicale qu’aucun « bien », aucune « richesse » ne saurait couvrir, et encore moins guérir. Toute richesse en effet est éphémère ; bien plus, elle ne peut que priver son maitre de sommeil, qu’être mangée par d’autres, qu’être perdue, sans possibilité d’être transmise à un fils qui n’héritera que d’un beau « rien ». Il n’est d’abondance en définitive que celle du chagrin ; la vie est une maladie qui ne saurait provoquer que l’irritation, la colère de celui qui en est atteint. Tel est le point de vue de l’homme sans Dieu. VOIR AUSSI LE DON DE DIEU Au début de la dernière partie, le ton change du tout au tout. Le mal qui se commet sous le soleil n’est pas nié, il n’est pas possible de ne pas le voir. Mais il est un autre point de vue, bien différent. Le « bon » n’est pas avant tout ce qui peut être pris, c’est d’abord et avant tout un don de Dieu. La limite des jours de la vie n’est pas abolie, mais l’homme qui jouit du bonheur que lui procure son

146

La deuxième section (3,10–9,10)

travail, qui est heureux de vivre, de manger et de boire, ne passe pas son temps à y penser, tout à la joie de son cœur que Dieu lui donne. PROFIT DU TRAVAIL OU PART D’HÉRITAGE ? La différence est grande entre « le succès », le profit que l’homme peut escompter des biens qu’il possède, ou « l’avantage » qu’il retirera de son travail et « la part » qu’il reçoit de Dieu. Le fruit de ses biens est convoité et souvent mangé par la foule des profiteurs, d’autant plus nombreuse que sa fortune est abondante. Une mauvaise affaire peut aussi lui faire perdre cette richesse, et son fils ne recevra plus rien en héritage. Voilà bien de quoi lui enlever le sommeil et le rendre malade. Il est, en revanche, une autre manière de comprendre l’existence, non plus centrée sur soi-même et ses propres œuvres, mais sur un autre, celui de qui nous tenons la vie. Il a tout donné et cela est « bon » et « beau ». Tout ce que nous avons et dont nous pouvons jouir, c’est notre part d’héritage. L’homme peut être préoccupé de savoir ce qu’il laissera à son fils, il peut au contraire tourner les yeux avec reconnaissance vers celui qu’il considère implicitement comme son père. Cette joie ne saurait lui être enlevée.

2. « N’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? » Le deuxième passage : 6,1-6 TEXTE 6,1 Il y a un mal que je vois dessous le soleil et abondant lui pour l’humain : 2 un homme à qui donne Dieu richesse et ressources et gloire, et il n’est pas manquant pour son âme de tout ce qu’il désire, mais ne le laisse pas Dieu manger de cela et 3 un homme étranger en mange. Cela est buée et maladie mauvaise elle. Si engendre un homme cent (enfants) et des années abondantes il vit et abondance que furent les jours de ses années, et son âme n’est pas rassasiée de bonheur et aussi de tombeau il n’y a pas pour lui : je dis que plus-bon que lui l’avorton. 4 Oui, dans la buée il est venu et dans la ténèbre il s’en va, et dans la ténèbre son nom est couvert 5 aussi le soleil il n’a pas vu et n’a pas connu : plus de repos pour celui-ci que pour celui-là. 6 Et même s’il a vécu mille années deux-fois, et le bonheur il n’a pas vu, n’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ?

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (6,1-2) = 6,1 Il y a = que = et abondant

UN MAL

je vois lui

dessous pour l’humain :

le soleil

···················································································································

+ 2 un homme + richesse

à qui et ressources

donne et gloire

+ et il n’est pas + de tout

manquant ce qu’

pour son âme il désire,

– mais ne le laisse pas – et un homme

Dieu étranger

manger en mange.

Dieu

de cela

···················································································································

= Cela = et maladie

(est) buée MAUVAISE

elle.

Les morceaux extrêmes introduisent et concluent la partie : « mauvaise » (rā‘) fait écho à « mal » (rā‘â). Le long morceau central décrit ce « mal ». Le dernier segment s’oppose aux deux premiers : non seulement cet « homme » ne peut pas « manger » (2e) de tout ce qu’il désirait (2cd) et que Dieu lui avait donné (2ab), mais c’est « un homme étranger » qui en mangera (2f).

148

La deuxième section (3,10–9,10)

LA DEUXIÈME PARTIE (3-6) + 3 Si engendre + et DES ANNÉES + et ABONDANCE

un homme

cent (enfants)

ABONDANTES

IL VIT

que furent

les jours

– mais son âme – et aussi

NE

se rassasie PAS de tombeau

il N’y a PAS

DE SES ANNÉES,

DE BONHEUR

pour lui :

que lui l’avorton. (plus) BON ······························································································

:: je dis que

: 4 Oui, dans la buée : et dans la ténèbre

il est venu IL S’EN VA,

: et dans la ténèbre : 5 aussi LE SOLEIL

IL N’A PAS VU

est couvert et n’a pas connu :

:: (plus) de repos

pour celui-ci

que pour celui-là.

son nom

······························································································ + 6 Et même s’il A VÉCU MILLE ANNÉES IL N’A PAS VU, – et LE BONHEUR

deux-fois,

:: n’est-ce pas

S’EN VONT ?

vers un lieu

unique

que tous

Le premier morceau oppose l’abondance de la vie d’un homme qui a « cent » enfants (3a) et vit de nombreuses années (3bc) à sa misère qui le laisse sans « bonheur » durant sa vie (3d) et sans « tombeau » après sa mort (3e). Mettant son sort en rapport avec celui de « l’avorton », l’unimembre final (3f) prépare le morceau suivant. Le morceau central semble organisé lui aussi en trois segments, parallèles à ceux du premier morceau : au lieu d’une vie longue (3bc), une vie à peine ébauchée entre « buée » et « ténèbre » (4ab), nom couvert dans la ténèbre de celui qui n’a pas vu le soleil (4c-5a) comme celui qui n’a pas de tombeau (3e), enfin et surtout même comparaison de leur sort (3f.5b). Le dernier morceau conclut la partie. Les deux premiers membres (6ab) renvoient au premier segment du premier morceau ainsi qu’au membre suivant (3a-d) ; le dernier membre (6c) correspond aux derniers segments des deux premiers morceaux (3f.5b). L’ENSEMBLE DU PASSAGE (6,1-6) Il s’agit dans les deux parties d’« un homme » comblé (2a-d / 3abc.6a), mais pourtant privé de bonheur (2ef / 3de.6b) ; la première partie dit aux extrémités que cela est « un mal », « une maladie mauvaise », la deuxième que le sort d’un tel homme est pire que celui de « l’avorton » (3f.5b), tous deux promis à la même fin (6c). Autres reprises lexicales entre les deux parties : « voir » (1b.5a.6b), « le soleil » (1b.5a), « son âme » (2c.3d), « abondant/abondance » (1c.3b.c).

La deuxième sous-section, séquence B4 (5,10–8,15) = 6,1 Il y a = que = et ABONDANT

149

un mal JE VOIS

lui

dessous LE SOLEIL pour l’humain :

···········································································································

+ 2 UN HOMME + richesse

à qui et ressources

donne et gloire,

+ et il n’est pas + de tout

manquant ce qu’

il désire ;

– et ne le laisse pas – et UN HOMME

Dieu étranger

manger en mange.

Dieu

POUR SON ÂME

de cela

···········································································································

= Cela = et maladie

est BUÉE mauvaise

+ 3 Si engendre + et des années + et ABONDANCE

ABONDANTES que furent

cent (enfants) il vit les jours

de ses années,

– et SON ÂME – et aussi

n’est pas rassasiée de tombeau

de bonheur il n’y a pas

pour lui :

= je dis que

plus-bon

que lui

est l’avorton.

UN HOMME

elle.

···········································································································

– 4 Oui, dans la BUÉE – et dans la ténèbre

il est venu il s’en va,

– et dans la ténèbre – 5 aussi LE SOLEIL

IL N’A PAS VU

est couvert et n’a pas connu :

= plus de repos

pour celui-ci

que pour celui-là.

son nom

···········································································································

+ 6 Et même s’il – et le bonheur

a vécu IL N’A PAS VU,

mille

années

= n’est-ce pas

vers un lieu

unique

que tous s’en vont ?

deux-fois,

CONTEXTE JOB Job avait été comblé de bienfaits par le Seigneur, richesses et fils nombreux. Mais Dieu avait permis qu’il soit frappé dans tous ses biens et dans sa descendance, certain que son serviteur ne se départirait pas de sa justice (Jb 1).

150

La deuxième section (3,10–9,10)

Après avoir accepté que Dieu lui ait donné et lui ait repris, il n’en maudit pas moins le jour de sa naissance, qu’il voudrait voir couvert par les ténèbres (3,2-9), il en vient à souhaiter n’être pas né (10-15) et même à avoir eu le sort de l’avorton : « Ou bien, tel l’avorton caché, je ne serais pas, comme les petits qui n’ont pas vu la lumière » (16).

INTERPRÉTATION LES BIENFAITS DE DIEU ET LEUR CONTRAIRE « Dieu » n’est nommé qu’une seule fois, mais en tête du passage (2a) ; et l’on comprend que tous les bienfaits viennent de lui, « richesse et ressources et gloire » (2b), longévité personnelle et progéniture nombreuse (3abc.6a). Cependant, le bonheur parfait n’est pas de ce monde et bien des obstacles s’y opposent. La richesse d’un homme peut lui échapper et c’est un étranger qui le mangera (2ef). Même riche, rempli de jours et de fils, un homme n’est pas assuré de voir « le bonheur » (3d.6b) ; et, comble de malheur, il est même possible qu’il soit privé de tombeau (3e). Tout cela est attribué à Dieu, au même titre que ses dons, car tout vient de lui et rien ne peut se faire sans sa permission. « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris ; béni soit le nom du Seigneur ! » (Jb 1,21). MIEUX VAUDRAIT NE PAS VOIR LE JOUR Qohélet ajoute le cas d’un homme qui ressemble beaucoup à Job. Voir confisquées sa richesse et sa gloire par un étranger est certainement « un mal », « une maladie mauvaise », une pure « buée ». Mais n’avoir jamais vu « le bonheur » durant sa vie, et même se trouver, tel l’avorton, privé de sépulture, après avoir engendré tant de fils et avoir vécu si longtemps, voilà vraiment de quoi faire regretter d’avoir été mis au monde. Dans de telles conditions, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Pour un homme réduit à un tel état, il n’est pas étonnant que Dieu ne soit pas mentionné une seule fois, comme s’il était absent.

3. « Qui annoncera à l’homme ce qui sera après lui ? » Le troisième passage : 6,7-12 TEXTE 6,7 Tout le travail de l’humain (est) pour sa bouche et aussi son aspiration n’est pas Quel (avantage) à l’indigent remplie. 8 Car quel avantage au sage sur l’insensé ? qui sait aller devant les vivants ? 9 (Plus) bonne la vision des yeux que l’aller de l’aspiration. Aussi cela (est) buée et poursuite de vent ! 10 Ce qui fut déjà a été appelé son nom et l’on sait ce qu’est un humain et il ne peut contester avec (plus) fort que lui ; 11 car il y a des paroles abondantes, faisant-abonder la buée. Quel avantage pour l’humain ? 12 Oui, qui sait ce qui est bon pour l’humain pendant la vie, le nombre des jours de la vie de sa buée et il passe comme une ombre ? Car qui annoncera pour l’humain ce qui sera après lui dessous le soleil ? V. 7B.9B : « SON ASPIRATION

»

La signification de nepeš est très large : « gorge », « souffle », « âme » ; ici « aspiration » convient mieux au contexte. V. 8A.11C : « QUEL AVANTAGE [...] QUEL (AVANTAGE) »

Le terme yôtēr est de la même racine que yitrôn (5,15) ; c’est pourquoi les deux termes sont traduits par le même « avantage » ; ce sont des synonymes de kišrôn (5,10), traduit par « succès ». « Avantage » est sous-entendu après le second interrogatif. V. 11A : «

QUAND IL Y A »

Le kî initial est interprété comme subordonnant temporel. V. 12D

: « CAR QUI ANNONCERA... »

Le relatif ’ăšer a ici le sens causal1. COMPOSITION Le passage est composé de deux parties.

1

Joüon, 170e.

152

La deuxième section (3,10–9,10)

LA PREMIÈRE PARTIE (7-9) + 7 Tout le travail :: et aussi

de l’humain son aspiration

(est) pour sa bouche n’est pas remplie.

····························································································································

- 8 Car quel - Quel - qui-sait

avantage (avantage) aller

au sage à l’indigent devant

sur l’insensé ? les vivants ?

··························································································································.· 9

+ (Plus) bonne :: que l’aller

la vision de l’aspiration ;

= aussi cela = et poursuite

(est) buée de vent !

des yeux

Le premier morceau et le premier segment du dernier morceau sont parallèles : en fin des premiers membres, « yeux » correspond à « bouche », et « son aspiration » revient en seconde position dans les seconds membres. Au centre, deux questions commençant par « quel » ; « l’indigent qui sait » est « sage ». « Vent » à la fin du second morceau est un quasi-synonyme du terme traduit par « aspiration », mais qui signifie souvent aussi « souffle ». LA DEUXIÈME PARTIE (10-12) + 10 CE QUI FUT + et L’ON SAIT + et il ne peut 11

- CAR il y a - faisant-abonder

déjà ce qu’est contester

a été appelé

des paroles la BUÉE.

abondantes,

son nom

UN HUMAIN

avec (plus) fort

······························································································· : Quel avantage POUR L’HUMAIN ? ······························································································· 12 Oui, QUI SAIT ce qui est bon POUR L’HUMAIN

+ + le nombre + et il passe

des jours de la vie comme une ombre ?

- CAR - CE QUI SERA

qui annoncera après lui

que lui.

pendant la vie, de sa BUÉE

POUR L’HUMAIN

dessous

le soleil ?

De même composition, les morceaux extrêmes sont complémentaires, l’un regardant le passé, l’autre le futur ; « ce qui fut » et « ce qui sera » font inclusion. Le second segment du premier morceau (11ab) donne la raison du membre précédent : les paroles de contestation ne font qu’augmenter « la buée ». Le morceau final (12) met en relation la brièveté de la vie humaine et ce qui suivra. Au centre, la question de 11c concerne les deux aspects de la vie de l’humain, passé et futur. « Buée » revient en 11b et 12b, « savoir » en 10b et 12a.

La deuxième sous-section, séquence B4 (5,10–8,15)

153

L’ENSEMBLE DU PASSAGE 6,7 Tout le travail et aussi

DE L’HUMAIN

son aspiration

(est) pour sa bouche n’est pas remplie.

··························································································································

: 8 Car QUEL : Quel : QUI SAIT

AVANTAGE (avantage) aller

au sage à l’indigent devant

sur l’insensé ? LES VIVANTS ?

·························································································································· 9 (Plus) BONNE la vision des yeux

que l’aller

de l’aspiration ;

aussi cela et poursuite

(est) BUÉE de vent !

10

Ce qui fut et L’ON SAIT et il ne peut

déjà ce qu’est contester

a été appelé

11

des paroles la BUÉE.

abondantes,

Car il y a faisant-abonder

son nom

UN HUMAIN

avec (plus) fort

································································································· : QUEL AVANTAGE POUR L’HUMAIN ? ································································································· 12 Oui, QUI SAIT ce qui est BON POUR L’ HUMAIN

le nombre et il passe

des jours de LA VIE comme une ombre ?

Car ce qui sera

qui annoncera après lui

POUR L’ HUMAIN dessous

que lui.

pendant LA VIE, de sa BUÉE

le soleil ?

Le fait le plus marquant est la correspondance des morceaux centraux qui commencent avec « quel avantage » (8a.11c). « L’humain » au début de la première partie est repris quatre fois dans la deuxième partie (10b.11c.12a.12d), « savoir » revient en 8c et 10b.12a, « bon(ne) » en 9a et 12a, « buée » en 9c et 11b.12b, « vivants/vie » en 8c et 12ab.

INTERPRÉTATION UN DÉSIR INSATIABLE L’homme ne peut se satisfaire entièrement que ses seuls besoins physiques soient assouvis. Sa faim n’est pas seulement matérielle, elle va bien au-delà. Ce n’est pas uniquement celle de sa bouche et de ses yeux. Son désir le fait aspirer à un « plus » qui va jusqu’à le pousser à contester la situation précaire dans laquelle il a été placé. C’est au « plus fort que lui » que s’adresse cette aspiration qui dépasse le monde présent et semble vouloir rejoindre l’infini.

154

La deuxième section (3,10–9,10)

ACCEPTER DE PORTER TANT D’INTERROGATIONS Certes, Qohélet déclare que ce qu’on peut « voir » de ses propres « yeux » est préférable à l’objet invisible du désir (9ab). Car une telle « aspiration » n’est que « buée et poursuite de vent », insaisissable. Pourtant, sa réflexion est marquée par le grand nombre des questions qu’il se pose et auxquelles il se garde bien, peut-on dire, de donner la moindre réponse. Le lecteur pourra se demander à qui il pouvait bien penser dans sa dernière question : celui qui annoncera à l’homme ce qui sera après lui ne serait-il pas « le plus fort » qu’il avait évoqué quelques instants auparavant (10c) ?

4. Les énigmes de la vie L’ensemble de la séquence B4 : 5,10–6,12 COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LES PASSAGES EXTRÊMES 5,10 En ABONDANCES du bon, ABONDENT ses MANGEURS, et QUEL SUCCÈS pour son maitre, sinon une vision pour ses yeux ? 11 Doux le dormir du serviteur si peu et si ABONDAMMENT IL A MANGÉ ; mais la satiété ne permet pas au riche de dormir. 12 Il est un mal malade que je vois dessous le soleil : la richesse gardée par son maitre pour son mal 13 et est perdue cette richesse celle-là dans une affaire mauvaise, et il engendre un fils et il n’y a pas en sa main rien. 14 Comme il était sorti du ventre de sa mère, nu il retournera s’en aller comme il était venu et rien il ne retirera de son TRAVAIL qui aille en sa main. 15

Et aussi cela est un mal malade que tout comme il était venu ainsi il s’en aille. Et pour lui d’avoir PEINÉ pour le VENT ? 16 Aussi tous ses jours dans l’obscurité IL MANGE et un chagrin ABONDANT et sa maladie et l’irritation. QUEL AVANTAGE

Voici ce que je vois, moi, un bonheur qui est beau : de MANGER et de boire et de voir le bonheur dans tout son TRAVAIL qu’il PEINE dessous le soleil, tout le nombre des jours de SA VIE lesquels lui donne Dieu, car cela est sa part. 18 Aussi tout HUMAIN lequel lui donne Dieu richesse et ressources, et le laisse MANGER d’elles et en recevoir sa part et se réjouir de son TRAVAIL, cela est un don de Dieu lui. 19 Car pas ABONDAMMENT il se souvient des jours de SA VIE car Dieu l’occupe à la joie son cœur. 17

[...]

6,7 Tout le TRAVAIL de L’HUMAIN est pour SA BOUCHE et aussi son aspiration n’est pas remplie. 8 Car QUEL AVANTAGE pour le sage sur l’insensé ? QUEL avantage à l’indigent qui sait aller devant les VIVANTS ? 9 Plus-bonne la vision des yeux que l’aller de l’aspiration. Aussi cela est buée et poursuite de VENT ! 10

Ce qui fut déjà a été appelé son nom et l’on sait ce qu’est un HUMAIN et il ne peut contester avec plus fort que lui ; 11 car il y a des paroles ABONDANTES, FAISANT-ABONDER la buée. QUEL AVANTAGE pour L’HUMAIN ? 12 Oui, qui sait ce qui est bon pour L’HUMAIN pendant la VIE, le nombre des jours de LA VIE de sa buée et il passe comme une ombre ? Car qui annoncera pour L’HUMAIN ce qui sera après lui dessous le soleil ?

– « Quel succès/avantage ? » deux fois dans chaque passage (5,10a.15b / 6,8a.11b) ; – « le nombre des jours de sa/la vie » (5,17bc.19b / 6,8b.12b) ; – « une vision pour ses yeux/la vision des yeux » (5,10b / 6,9a) + 5,19b / 6,8b ; – « dessous le soleil » (5,12b.17b / 6,12c) ; – « abondant » et famille (5,10a bis.11a.16b.19a / 6,11a bis) ; – « bon(heur) » (5,10a.17a.b / 6,9a.12a) ; – « manger » (5,10a.11ab.17a.18b) « sa bouche » (6,7a) ; – « travail/peiner » (5,14b.15b.17b bis.18c / 6,7a ; – « humain » (5,18a / 6,7a.10a.11b.12a.c) ; – « vent » (5,15b / 6,9b).

156

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LE PASSAGE CENTRAL ET LES DEUX AUTRES 5,10 En ABONDANCES du bien, ABONDENT ses MANGEURS, et quel succès pour son maitre, sinon une vision pour ses yeux ? 11 Doux le dormir du serviteur si peu et si ABONDAMMENT IL A MANGÉ ; mais la satiété pour le riche n’est pas lui permettant de dormir. 12 Il est UN MAL malade que JE VOIS dessous le soleil : la richesse gardée par son maitre pour son MAL 13 et est perdue cette richesse celle-là dans une affaire MAUVAISE, et il ENGENDRE un fils et il n’y a pas en sa main rien. 14 Comme il était sorti du ventre de sa mère, nu il retournera s’en aller comme il était venu et rien il ne retirera de son travail qui aille en sa main. 15

Et aussi cela est UN MAL malade que tout comme il était venu ainsi il s’en aille. Et quel avantage pour lui d’avoir peiné pour LE VENT ? 16 Aussi tous ses jours dans l’obscurité IL MANGE et un chagrin ABONDANT et sa maladie et l’irritation.

Voici ce que JE VOIS, moi, un bonheur qui est beau : de MANGER et de boire et de voir le bonheur dans tout son travail qu’il peine dessous le soleil, tout le nombre des jours de sa VIE lesquels lui donne DIEU, car cela est sa part. 18 Aussi tout HUMAIN lequel lui donne DIEU RICHESSE ET RESSOURCES, et le laisse MANGER d’elles et en recevoir sa part et se réjouir de son travail, cela est un don de DIEU lui. 19 Car pas ABONDAMMENT il se souvient des jours de sa VIE car DIEU l’occupe à la joie son cœur. 17

6,1 Il y a UN MAL que JE VOIS dessous le soleil et ABONDANT lui pour L’HUMAIN : 2 un homme à qui DONNE DIEU RICHESSE ET RESSOURCES et gloire, et il n’est pas manquant pour son âme de tout ce qu’il désire, mais ne le laisse pas DIEU MANGER de cela et un homme étranger en MANGE. Cela est BUÉE et maladie mauvaise elle. 3

Si ENGENDRE un homme cent enfants et des années ABONDANTES IL VIT, et ABONDANCE que furent les jours de ses années, et son âme n’est pas rassasiée de bonheur et aussi de tombeau il n’y a pas pour lui : je dis que plus-bon que lui l’avorton. 4 Oui, dans la BUÉE il est venu et dans la ténèbre il s’en va et dans la ténèbre son nom est couvert ; 5 aussi le soleil il n’a pas vu et N’A PAS CONNU : plus de repos pour celui-ci que pour celui-là. 6 Et même s’il a vécu mille années deux-fois, et le bonheur il n’a pas vu, n’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? Tout le travail de L’HUMAIN est pour SA BOUCHE et aussi son aspiration n’est pas remplie. 8 Car quel avantage pour le sage sur l’insensé ? Quel (avantage) à l’indigent 9 QUI SAIT aller devant les VIVANTS ? Plus-bonne la vision des yeux que l’aller de l’aspiration. Aussi cela est BUÉE et poursuite de vent ! 7

10

Ce qui fut déjà a été appelé son nom et l’on sait ce qu’est un HUMAIN et il ne peut contester avec plus fort que lui ; 11 car il y a des paroles ABONDANTES, FAISANT-ABONDER la 12 BUÉE. Quel avantage pour L’HUMAIN ? Oui, QUI SAIT ce qui est bon pour L’HUMAIN pendant la VIE, le nombre des jours de la VIE de sa BUÉE et il passe comme une ombre ? Car qui annoncera pour L’HUMAIN ce qui sera après lui dessous le soleil ?

Entre les trois passages – « Abondant » et famille (5a bis.11a.16b.19a / 6,1.3a bis / 11a bis) ; – « bien/bon(heur) » (5,10a.17a.b / 6,3b.c.6a / 9a.12a) ; – « manger » et « bouche » (5,10a.11b.17a.18b / 6,2c.d / 7a) ;

La deuxième sous-section, séquence B4 (5,10–8,15)

157

– « humain » (5,18a / 6,1 / 6,7a.10a.11b.12a.c) : – « dessous le soleil » (5,12b.17b / 6,1 / 6,12c) ; – « vie/vivants » (5,17c / 6,3a / 6,8b.12b bis) ; – « jours » (5,16a.17b.19b / 6,3b / 6,12b). Entre les deux premiers passages – « je vois » (5,12b.17a / 6,1) ; – « mal/mauvais » (5,12a.b.13b.15a / 6,1) ; – « Dieu donne richesse et ressources » (5,18b / 6,2b) + « donne/don » (5,17c. 18c) + « riche/richesse » (5,11b.12b.13b) ; – « comme il est venu il s’en va » (5,14ab.15a / 6,4b) : – « satiété/rassasier » (5,11b / 6,3b) ; – « engendrer » (5,13b / 6,3a) ; – « Dieu » (5,17c.18b.c.19b / 6,2b.c). Entre les deux derniers passages – « (aussi) cela est buée... » (6,2d / 9b) + « buée » (6,4b / 11b.12b) ; – « âme/aspiration » (nepeš : 6,2c.3b / 7a.9b) ; – « connaitre/savoir » (yd‘ : 6,4c / 8b.12a). La dernière partie du premier passage (5,17-19) correspond à la première partie du dernier passage (6,7-9) : il y est en effet question de la part du bonheur dont l’homme peut jouir en mangeant et voyant le fruit de son travail.

INTERPRÉTATION UN MALHEUR MALADE La liste des maux est longue. C’est d’abord celui de voir le fruit du travail d’un homme mangé par des profiteurs (5,10) et celui à qui « Dieu avait donné richesse, ressources et gloire » dépouillé par un étranger qui mange son bien (6,1-2). À cela s’ajoute que, quand il la possédait, la satiété que lui procurait sa richesse l’empêchait de dormir (5,11) ! La richesse peut aussi se perdre au point que l’homme se retrouve sans rien, incapable de léguer quoi que ce soit à son fils (5,13). Et il n’aura même pas un tombeau (6,3). Nu, il était venu au monde, nu il le quittera (5,14.15). « Quel avantage pour lui d’avoir peiné pour le vent ? » (5,15). Et tout culmine, au centre de la séquence, quand le sort de l’avorton est dit préférable à celui de qui, tout au long de ses nombreuses années et malgré les cent enfants qu’il a engendrés, n’a pas connu le bonheur (6,3.6).

158

La deuxième section (3,10–9,10)

UN BONHEUR BEAU Pour sombre qu’elle soit, la méditation de Qohélet n’est toutefois pas désespérée. Certes, il ne se voile pas la face devant les maux divers qui marquent la vie de l’homme du début à la fin, au point de s’abandonner à penser que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue et que le sort de l’avorton est préférable. Toutefois, il ne voit pas seulement le malheur et, s’il a qualifié le mal de « malade », il affirme aussi que le bonheur existe et qu’il est « beau ». Ce bonheur pourra paraitre bien terre à terre, limité au manger, boire et se réjouir de son travail. Mais dire que telle est « la part » de l’homme, que cette part est « don » de Dieu, c’est lui reconnaitre une valeur qui dépasse le seul monde humain. Ainsi, en effet, est suggéré que l’homme est héritier de Dieu. D’où lui vient sa beauté. Cela n’empêche pas l’homme de demeurer insatisfait de son sort et d’aspirer à plus que ce que peut manger sa bouche et ce que peuvent voir ses yeux (6,7-9). DES QUESTIONS SANS RÉPONSE Les questions ne manquent pas, bien au contraire. Et elles ne sont pas purement rhétoriques. C’est ainsi que commence la séquence : « Quel succès pour son maitre... ? » (5,10), question qui rebondira au centre du premier passage : « Et quel avantage pour lui d’avoir peiné pour le vent ? » (15). À la fin du passage central, la question est plus radicale : « N’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? » (6,6). Et tout finira, dans le dernier passage, par un feu roulant de cinq questions. Dans les deux premières (6,8). Qohélet s’interroge sur la valeur de la sagesse par rapport à la richesse de l’insensé. Avec les deux dernières, il se demande ce qui est bon pour l’homme durant sa vie, et ce qu’il en sera « après lui » (6,12). Oui, « quel avantage pour l’humain ? » Ces questions ne sont pas lancées à la cantonade, c’est le lecteur qui est invité à tenter d’y répondre.

B. EN TOUT CONSIDÉRER LA FIN DERNIÈRE La séquence B5 : 7,1-14 Cette séquence ne comprend qu’un seul passage. TEXTE 7,1 Bon un nom plus-que le parfum bon et le jour de la mort plus-que le jour de 2 l’enfantement. Bon d’aller à la maison du deuil plus-qu’aller à la maison du banquet, puisque celle-ci (est) la fin de tout humain ; et le vivant (le) donnera à son cœur. 3 Bon le chagrin plus-que le rire, car dans le mal du visage est bon le cœur. 4 Le cœur des sages dans la maison du deuil et le cœur des insensés dans la maison de la joie. 5 Bon d’écouter le reproche du sage plus-qu’un homme écoute le chant de l’insensé ; 6 car telle la voix des épines dessous le chaudron, ainsi le rire de l’insensé, et cela aussi (est) buée. 7 Oui, l’oppression rend-fou le sage et perd le cœur un don. 8 Bonne la fin d’une chose plus-que son début, bonne la longueur-d’esprit plus-que la hauteur-d’esprit. 9 Ne te hâte pas dans ton esprit de t’irriter, oui, l’irritation dans le 10 sein des insensés repose. Ne dis pas : « Comment est-ce que les jours premiers furent bons plus-que ceux-ci ? » Car ce n’est pas de sagesse que tu questionnes sur cela. 11 Bonne la sagesse avec un héritage, et (c’est) un avantage pour les voyant le soleil. 12 Car à l’ombre de la sagesse à l’ombre de l’argent, et l’avantage de la connaissance, la sagesse qui fait-vivre ses maitres. 13 Vois l’œuvre de Dieu : car qui peut redresser ce qu’il a courbé ? 14 Au jour du bonheur, sois dans le bonheur, et au jour du malheur, vois : aussi cela en face de cela a fait Dieu, de sorte que point ne trouve l’humain après lui rien. V . 1A

: « NOM ET PARFUM »

Les deux termes (šēm et šemen) sont en rapport paronomastique ; šemen signifie « huile » mais aussi « parfum », car les parfums étaient conservés dans l’huile. Ce membre est un bon exemple de construction spéculaire (a b b’ a’). V . 2B

: « LA MAISON DU BANQUET »

Le rapport entre 1b et 2ab, où « la maison du deuil » renvoie à « mort », peut laisser penser que « la maison du banquet » peut être avant tout celle où l’on célèbre une naissance. V . 2D

: « LE VIVANT DONNERA À SON CŒUR »

Le « cœur » étant le lieu de la réflexion et de l’intelligence, l’expression signifie « le vivant (les) mettra dans son cœur », y réfléchira (voir 9,1 ; Si 50,28). V . 7B

: « ET PERD LE CŒUR UN DON »

Le « don » représente ici le cadeau fait au juge pour l’acheter. Ce genre de don perd le cœur, c’est-à-dire fait perdre la raison, le jugement.

160

La deuxième section (3,10–9,10)

V. 14E : « DE SORTE QUE POINT NE TROUVE L’HOMME APRÈS LUI RIEN

»

Cette proposition pose deux problèmes. Tout d’abord, s’agit-il d’une finale ou d’une consécutive ? Il semble plus probable qu’il s’agisse d’une consécutive. Ensuite, quel est le référent du pronom « lui » ? Si c’est Dieu, cela signifie que l’homme ne trouve rien à redire à l’action divine : cela correspondrait bien au membre symétrique en 13b : « car qui peut redresser ce qu’il (Dieu) a courbé ? » Si au contraire c’était l’homme, le sens serait que ce dernier est incapable de savoir ce qui arrivera après lui, c’est-à-dire après sa mort1. Certains sont d’avis que ce pronom est une sorte de fossile ; le terme ’aḥărāyw serait semblable à yaḥdāw, « ensemble », et signifierait simplement « après », « dans le futur »2. L’ambiguïté n’est peut-être pas intentionnelle, mais il est permis de penser qu’il faille la respecter.

COMPOSITION Plusieurs voient dans ce passage un septénaire de « Bon... plus que » (1.2.34.5-7.8-10.11-12.13-14)3. Ce n’est pas ainsi qu’est composé le passage. LA PREMIÈRE PARTIE (7,1-6) + 7,1 BON + et le jour

un nom de la mort

plus-que le parfum plus-que le jour

+ 2 BON –

d’aller plus-qu’aller

À LA MAISON À LA MAISON

celle-ci (le) donnera

(est) la fin à son CŒUR.

: puisque : et le vivant

BON

de l’enfantement. DU DEUIL

du banquet, de tout humain ;

··············································································································· = 3 BON le chagrin plus-que LE RIRE, EST-BON le CŒUR. = car dans le mal du visage ··············································································································· + 4 Le CŒUR des sages DANS LA MAISON DU DEUIL des insensés DANS LA MAISON de la joie. – et le CŒUR

+ 5 BON – plus-qu’un homme : 6 car telle la voix : ainsi : et cela aussi

1

d’écouter écoute

le reproche le chant

du sage de l’insensé ;

des épines

dessous de l’insensé,

le chaudron,

LE RIRE

(est) buée.

En 3,22 et 6,12 « après lui » signifie « après sa mort » (voir p. 98.151). Voir Schoors, 530-532. 3 R. GORDIS, « The Heptad » ; S.D. OSBORN, « A Guide for Balanced Living. An Exegetical Study of Ecclesiastes 7:1-14 ». 2

La deuxième sous-section, séquence B5 (7,1-14)

161

Le rapport entre les deux membres du premier segment peut surprendre ; le parallélisme suggère que « le nom », la renommée, est mise en relation avec « la mort » et le « parfum » avec « l’enfantement », le nom demeurant, contrairement au parfum qui s’évapore. Le segment suivant (2ab) correspond au membre précédent (1b). Le dernier segment (2cd) donne la raison de ce qui vient d’être affirmé, ajoutant que le vivant doit bien réfléchir à sa « fin ». Le dernier morceau est de même composition que le premier : le troisième segment (6) donne la raison des affirmations précédentes. Le premier segment (4) oppose les « sages » et les « insensés », et de même le second segment : « le reproche » est triste comme « le deuil » (4a) et « le chant » de l’insensé correspond à « la joie » (4b). Le segment conclusif ne parle que de « l’insensé ». On notera l’élargissement final par le trimembre. Le morceau central est beaucoup plus court que les deux autres. Le second membre précise en quoi « le chagrin » du premier « est bon », « plus-bon » que le rire : au « mal du visage » s’oppose ce qui est bon dans la réflexion du cœur. Ce morceau assure le lien avec les deux autres : le « (plus) bon » initial, ainsi que le « est bon » du second membre, renvoient aux deux « plus-bon » du premier morceau (1a.2a) et à celui du dernier morceau (5a) ; « le rire » sera repris à la fin par celui « de l’insensé » (6b) et « le cœur » revient en termes médians à distance (2d ; 4ab). LA DEUXIÈME PARTIE (7,7-9) – 7 OUI, l’oppression rend-fou – et perd le cœur : 8 Bonne : bonne – 9 Ne te hâte pas – OUI, l’irritation

LE SAGE

un don.

la fin la longueur-d’esprit

d’une chose plus-que la hauteur-

dans ton esprit dans le sein

DES INSENSÉS

plus-que son début, d’esprit.

de t’irriter, repose.

Les deux membres du segment central sont parallèles, « la longueur-d’esprit » correspondant à « la fin », et « la hauteur d’esprit » à « son début ». Les membres extrêmes commencent avec « oui » et opposent « le sage » et « les insensés » ; en même position, « le sein » (9b) correspond à « le cœur » (7b). Les reprises d’« esprit » agrafent les deux derniers segments. « La hauteur d’esprit », soit l’orgueil, conduit à « l’oppression » qui n’hésite pas à recourir au « don », c’est-à-dire au cadeau offert au juge pour le corrompre (7), ainsi qu’à « l’irritation » (9).

162

La deuxième section (3,10–9,10)

LA TROISIÈME PARTIE (7,10-14) – 7,10 Ne dis pas : – furent

« Comment est-ce

– Car ce n’est pas – que tu questionnes

de SAGESSE sur cela.

BONS

que les JOURS premiers plus-que ceux-ci ? »

··································································································· : 11 BONNE LA SAGESSE avec un héritage : et (c’est) un avantage pour les VOYANT le soleil,

: 12 car à l’ombre : à l’ombre

de LA SAGESSE de l’argent,

+ et l’avantage + (c’est) LA SAGESSE

de la connaissance, qui fait-vivre

ses maitres.

··································································································· 13 VOIS l’œuvre de Dieu :

+ – car qui peut

redresser

ce que

il a courbé ?

:: Au JOUR :: et au JOUR

du BONHEUR, du malheur,

sois

dans le BONHEUR,

+ aussi cela – de sorte que – après lui

en face de cela point rien.

a fait ne trouve

14

VOIS

: Dieu, l’humain

Le premier morceau oppose la « sagesse » à la prétention que les jours passés étaient meilleurs que ceux d’aujourd’hui. Le dernier morceau répète l’impératif positif « vois » (13a.14b), qui correspond à l’impératif négatif par lequel commence le premier morceau. Le segment central oppose « le jour du bonheur » et celui du « malheur ». Dans les segments extrêmes, les premiers membres disent « l’œuvre de Dieu », les membres suivants une incapacité de l’homme, l’une concernant le passé (13b), l’autre le futur (14de). Ainsi, les morceaux extrêmes se correspondent : la « sagesse » (10c) est de « voir » (13a.14b) la réalité ; aujourd’hui comme dans les « jours » passés, il y a les « jours » du bonheur et du malheur. On pourra noter qu’aux extrémités, « premiers » (hāri’šōnîm, 10a) s’oppose à « après » (’aḥărāyw, 14e). Dans le morceau central, le deuxième segment explicite le premier : « l’argent » de « l’héritage » est un bon complément de « la sagesse », tous deux protégeant l’homme de leur « ombre ». Le dernier segment corrige toutefois le premier, car ce qui « fait vivre », c’est la sagesse et la connaissance. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (7,1-14) – Le fait le plus marquant est la reprise de « bon », douze fois, dont sept « bon... plus-que » (1 bis.2a.3ab.5a ; 8ab ; 10b.11a.14a bis). – Les occurrences de « jour(s) » font inclusion pour la dernière partie (10a.14ab) et pour l’ensemble (1b.14ab) ; en 1 et 10 elles jouent le rôle de termes initiaux.

La deuxième sous-section, séquence B5 (7,1-14)

163

7,1 BON et LE JOUR

un nom de la mort

plus-que le parfum plus-que LE JOUR

BON

2

BON plus-qu’aller

d’aller à la maison

à la maison du banquet,

du deuil

puisque et le vivant

celle-ci (le) donnera

est LA FIN à son cœur.

de tout HOMME ;

de l’enfantement.

··············································································································· 3 BON car dans le mal

le chagrin du visage

plus-que le rire, le cœur.

EST BON

··············································································································· 4

Le cœur et le cœur

DES SAGES DES INSENSÉS

dans la maison dans la maison

du deuil de la joie.

5

d’écouter écoute

le reproche le chant

DU SAGE DE L’INSENSÉ

des épines le rire est buée.

dessous

le chaudron,

DE L’INSENSÉ,

BON plus-qu’un homme 6

- car telle la voix - ainsi - et cela aussi 7

;

Oui, l’oppression et perd

rend-fou le cœur

8

LA FIN d’une chose la longueur-d’esprit que la hauteur-

plus-que SON DÉBUT, d’esprit.

dans ton esprit dans le sein

DES INSENSÉS

repose.

que LES JOURS plus-que ceux-ci ? »

PREMIERS

BONNE

BONNE 9

Ne te hâte pas Oui, l’irritation 10

Ne dis pas : furent

BONS

« Comment est-ce

Car ce n’est pas que tu questionnes

de SAGESSE sur cela.

LE SAGE

un don.

de t’irriter,

························································································· 11

BONNE et c’est un avantage

LA SAGESSE

pour les voyant

12

car à l’ombre à l’ombre

de LA SAGESSE de l’argent,

mais l’avantage c’est LA SAGESSE

de la connaissance, qui fait vivre

avec un héritage le soleil,

ses maitres.

························································································· 13

Vois car qui peut

l’œuvre redresser

de Dieu : ce qu’

14

Au JOUR et au JOUR

du BONHEUR, du malheur,

sois vois :

- aussi cela - de sorte que - APRÈS LUI

en face de cela point rien.

a fait ne trouve

il a courbé ? dans le BONHEUR, Dieu, L’HUMAIN

– « Humain » revient dans les morceaux extrêmes (2c.14d).

164

La deuxième section (3,10–9,10)

7,1 BON et LE JOUR

un nom de la mort

plus-que le parfum plus-que LE JOUR

BON

2

BON plus-qu’aller

d’aller à la maison

à la maison du banquet,

du deuil

puisque et le vivant

celle-ci (le) donnera

est LA FIN à son cœur.

de tout HOMME ;

de l’enfantement.

··············································································································· 3 BON car dans le mal

le chagrin du visage

plus-que le rire, EST BON

le cœur.

··············································································································· 4

Le cœur et le cœur

DES SAGES DES INSENSÉS

dans la maison dans la maison

du deuil de la joie.

5

d’écouter écoute

le reproche le chant

DU SAGE DE L’INSENSÉ

des épines le rire est buée.

dessous

le chaudron,

DE L’INSENSÉ,

BON plus-qu’un homme 6

- car telle la voix - ainsi - et cela aussi 7

;

Oui, l’oppression et perd

rend-fou le cœur

8

LA FIN d’une chose la longueur-d’esprit que la hauteur-

plus-que SON DÉBUT, d’esprit.

dans ton esprit dans le sein

DES INSENSÉS

repose.

que LES JOURS plus-que ceux-ci ? »

PREMIERS

BONNE

BONNE 9

Ne te hâte pas Oui, l’irritation 10

Ne dis pas : furent

BONS

« Comment est-ce

Car ce n’est pas que tu questionnes

de SAGESSE sur cela.

LE SAGE

un don.

de t’irriter,

························································································· 11

BONNE et c’est un avantage

LA SAGESSE

pour les voyant

12

car à l’ombre à l’ombre

de LA SAGESSE de l’argent,

mais l’avantage c’est LA SAGESSE

de la connaissance, qui fait vivre

avec un héritage le soleil,

ses maitres.

························································································· 13

Vois car qui peut

l’œuvre redresser

de Dieu : ce qu’

14

Au JOUR et au JOUR

du BONHEUR, du malheur,

sois vois :

- aussi cela - de sorte que - APRÈS LUI

en face de cela point rien.

a fait ne trouve

il a courbé ? dans le BONHEUR, Dieu, L’HUMAIN

– Les sept occurrences de « sagesse/sages » n’apparaissent que de 4 à 12 (4a.5a.7a.10c.11a.12a.d).

La deuxième sous-section, séquence B5 (7,1-14)

165

– « Insensé(s) » ne revient qu’à la fin de la première partie et dans la partie centrale (4b.5b.6b.9b). – « Début » (8a) et « premiers » (10a) sont de même racine. – Le nom de « Dieu » n’apparait que tout à la fin du passage (13a.14c). – « La fin » dans le premier morceau de la première partie (2c) et au centre de la deuxième (8a) traduit deux synonymes (sôp et ’aḥărît) ; à la fin de la troisième partie (14e), « après lui » (’aḥărāyw) est de même racine que aḥărît. Pour mieux marquer le rapport entre l’affirmation centrale et les derniers mots du passage on pourrait traduire 8a ainsi : « Plus-bon l’après d’une chose que son avant ». Ces trois termes marquent l’architecture du passage.

CONTEXTE « ET DIEU VIT QUE CELA ÉTAIT BON » Le premier chapitre de la Genèse rapporte le récit de la création durant les jours de la semaine originelle. Celui-ci est scandé par la septuple reprise de « bon » : « Et Dieu vit la lumière qu’elle était belle » (Gn 1,4), puis les cinq occurrences du refrain qui clôt les journées suivantes : « Et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1,10.12.18.21.25), avant la variante du dernier jour : « Et Dieu vit que cela était très bon » (31).

INTERPRÉTATION Ce passage peut paraitre une simple « Collection de proverbes »4 ; toutefois, il semble préférable de le considérer comme un véritable discours, même si sa logique n’est pas facile à discerner. MIEUX VAUT UN NOM Il y a d’un côté le bon parfum du banquet de la naissance, le rire, la joie et le chant de l’insensé qui finit dans le crépitement des épines au feu sous le chaudron, et il ne reste en définitive que le rien de la buée. De l’autre côté, c’est la mort regardée en face, la maison du deuil, car telle est la fin de tout humain qui accepte d’y réfléchir, qui choisit d’être sage en écoutant le reproche qui fait mal et fait grimacer le visage, qui cause du chagrin, mais qui, au bout du compte, procure un nom qui passe les limites de la mort. MIEUX VAUT LA LONGUEUR D’ESPRIT La hauteur d’esprit de l’insensé, son orgueil le conduit à l’oppression et à la perversion qui cherche à acheter le juge (7) ; elle ne tarde pas à enflammer la 4

Crenshaw, 132.

166

La deuxième section (3,10–9,10)

colère (9). La longueur d’esprit, au contraire, ne se laisse pas entrainer dans ces maux ; elle considère la fin de toute chose ; elle juge en fonction de la fin dernière, car elle sait que c’est à partir de cette extrémité que tout doit être mesuré et pesé. MIEUX VAUT LA SAGESSE Il se trouve toujours, autrefois comme aujourd’hui, des gens qui prétendent que c’était mieux autrefois. Il y a aussi ceux qui se demandent pourquoi il en va ainsi. Une telle question est aussi peu sage que celle de ceux qui prétendraient redresser ce que Dieu a courbé. La sagesse consiste à voir les choses comme elles sont, comme Dieu les fait, car tout vient de lui. Au temps du bonheur, quand la sagesse est accompagné de l’argent de l’héritage, que l’homme sache en profiter, mais au jour du malheur, qu’il réfléchisse : lorsque l’héritage aura fondu, quand l’homme ne trouvera rien derrière lui, c’est la sagesse qui le fera vivre. MIEUX VAUT LA FIN Le passage tout entier est focalisé sur cette affirmation étonnante : « Mieux vaut la fin d’une chose que son début » (8a). La tendance naturelle va dans le sens contraire, prétendant que les jours d’autrefois étaient meilleurs que ceux d’aujourd’hui (10ab) ; sur quoi Qohélet s’empresse de dire que ce n’est pas sagesse. D’entrée de jeu il avait asséné la même idée de manière encore plus brutale : « Mieux vaut la mort que le jour de l’enfantement » (1b). C’est la sagesse qui conduit à préférer la maison du deuil à celle du banquet et de la joie. La solution de l’énigme semble se trouver à la fin ; la fin n’est-elle pas meilleure que le début ? La fin révèle un nom, un nom propre : « Dieu ». C’est en reconnaissant et en acceptant ses limites, celles que Dieu a posées, que l’homme trouvera la vie : « l’avantage de la connaissance, c’est la sagesse qui fait vivre ceux qui la possèdent » (12cd). « COMMENT LES JOURS PREMIERS FURENT BONS PLUS QUE CEUX-CI ? » Il serait bien difficile de ne pas entendre dans les sept « bon... plus que » du discours de Qohélet un écho des sept « et Dieu vit que cela était (très) bon » de la première page de la Bible qui rapporte « l’œuvre de Dieu » (Qo 7,13). Alors, les jours, tous les jours étaient bons. Et pourtant, tous les jours d’aujourd’hui ne sont pas bons : à côté du « jour de l’enfantement », il y a celui de la mort (1), à côté du « jour du bonheur », il y a « le jour du malheur » (14). Or, Qohélet avertit son lecteur : « Ne dis pas : “Comment est-ce que les jours premiers furent bons plus que ceux-ci ?” Car ce n’est pas de sagesse que tu questionnes sur cela » (10). Mais n’est-ce pas un paradoxe que ce soit justement cette question qu’il pose du début à la fin de son propos ? Le paradoxe est redoublé quand il prétend que le jour de la mort est préférable au jour de la naissance. Il semble que ce soit là le renversement complet de l’œuvre originelle de Dieu.

La deuxième sous-section, séquence B5 (7,1-14)

167

« BONNE EST LA FIN D’UNE CHOSE PLUS QUE SON DÉBUT » Ce n’est pas le début des choses qui permet de juger ; c’est à partir de la fin que l’on peut comprendre. Si le chagrin est meilleur que le rire, c’est qu’il rend bon le cœur, le siège profond de la sagesse, même s’il fait mal à la superficie du visage (3). Il en va de même pour le reproche du sage, plus profitable en fin de compte que le chant de l’insensé (5-6). C’est aussi la fin du discours de Qohélet qui permet de connaitre son début. « La sagesse qui fait vivre » (12), c’est de se tourner vers Dieu, de « voir son œuvre », que tout vient de lui, même ce qui parait « courbé », ce qui semble « malheur » (13-14). Devant ce que « fait Dieu », mieux vaut « la longueur d’esprit » qui sait attendre « la fin » (8).

C. LES RÉPONSES DU SAGE La séquence B6 : 7,15–8,15 Cette séquence comprend trois passages.

LE SAGE LE SAGE LE SAGE

PRATIQUE

LA MODÉRATION

ACCEPTE

SES LIMITES

S’EN REMET À DIEU

POUR LE JUGEMENT

7,15-25 7,26–8,8 8,9-15

1. Le sage pratique la modération Le premier passage : 7,15-25 TEXTE 7,15 Tout j’ai vu en mes jours de buée : il y a un juste périssant dans sa justice et il y a un méchant prolongeant (sa vie) dans sa mauvaiseté. 16 Ne sois pas juste à l’excès et ne sois-pas-sage trop, pourquoi te détruirais-tu ? 17 Ne sois-pas-méchant à l’excès et ne sois pas fou, pourquoi mourrais-tu avant ton temps ? 18 Bon que tu tiennes à ceci et aussi de cela ne lâche pas ta main, car le craignant Dieu accomplit les deux. 19 La sagesse rend fort le sage plus que dix gouverneurs lesquels sont dans une ville. 20 Oui, d’humain il n’est pas de juste sur la terre lequel fait le bon et ne pèche pas. 21 Aussi à toutes les paroles lesquelles ils parlent ne donne pas ton cœur, que tu n’entendes pas ton serviteur te maudire ; 22 car aussi des fois nombreuses a connu ton cœur que toi aussi avais maudit les autres. 23 Tout cela j’ai essayé avec sagesse ; j’ai dit : « Je serai sage », et elle éloignée de moi ! 24 Éloigné ce qui fut et profond ; profond, qui le trouvera ? 25 J’ai tourné, moi et mon cœur, à connaitre et à explorer et à chercher la sagesse et la réflexion, à connaitre la méchanceté pour une absurdité et la folie pour une sottise. V. 18C

: « ET LE CRAIGNANT DIEU ACCOMPLIT LES DEUX »

Litt., « sort les deux ». Le sens du verbe est discuté. Certains l’interprètent, à la lumière de Jg 16,20 ; Ez 15,7, etc., comme « s’en sortir », « y échapper ». D’autres, rapprochant l’expression d’une formule rabbinique, pensent qu’il signifie « accomplir »1.

1

Schoors, 548-549.

170

La deuxième section (3,10–9,10)

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (7,15-19) + 15 Tout : il y a : et il y a

j’ai vu UN JUSTE

UN MÉCHANT

en mes jours périssant prolongeant

de buée : dans SA JUSTICE dans sa mauvaiseté.

······················································································································ – 16 Ne sois pas JUSTE à l’excès – et NE SOIS-PAS-SAGE trop,

: pourquoi

te détruirais-tu ?

17

– NE SOIS-PAS-MÉCHANT à l’excès FOU, – et ne sois pas : pourquoi mourrais-tu 18

+ Bon + et aussi :: car le craignant

que de cela Dieu

avant

ton temps ?

tu tiennes ne lâche pas accomplit

à ceci ta main, les deux.

······················································································································

+

19

LA SAGESSE : plus que dix : lesquels

rend fort gouverneurs sont

LE SAGE

dans une ville.

Le premier morceau oppose le « juste » et le « méchant » dont le sort est contraire : alors que le premier périt malgré sa justice, l’autre prolonge sa vie bien qu’il soit mauvais. Dans le morceau central, les deux premiers trimembres sont parallèles entre eux. Une équivalence y est posée entre « juste » et « sage » (16) et entre « méchant » et « fou » (17). Une même modération est conseillée — sauf pour la folie (17b) —, sous peine de mort prématurée (16c.17c). Le troisième segment continue sur la même lancée de l’équilibre à tenir entre « les deux », justice et méchanceté. Dans le dernier morceau, il n’est plus question de « juste » mais seulement du « sage » mais, étant donné que le début du morceau précédent met sur le même plan juste et sage, on comprend que le sage final est un juste qui se garde de « l’excès ». Il est opposé non pas au « fou », mais par la vertu de sa « sagesse » à la force politique des « dix gouverneurs » d’une ville2.

2

Il s’agit peut-être des dix membres du conseil qui gouvernait les villes hellénistiques.

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

171

LA TROISIÈME PARTIE (7,21-25) + 7,21 Aussi à toutes :: ne donne pas = que 22

+ car aussi :: a connu = que

les paroles

lesquelles

ils parlent

tu n’entendes pas

ton serviteur

te maudire ;

des fois

nombreuses

TON CŒUR,

TON CŒUR

toi aussi

avais maudit

les autres.

······································································································

+ 23 Tout cela + j’ai dit : – et elle 24

– Éloigné – profond,

j’ai essayé « JE SERAI SAGE », éloignée

avec SAGESSE ;

ce qui fut qui

et profond ; le trouvera ?

de moi !

······································································································

+ 25 J’ai tourné, + à connaitre + LA SAGESSE

moi et à explorer et la réflexion,

et MON CŒUR, et à chercher

– à connaitre – et LA FOLIE

la méchanceté pour une sottise.

pour une absurdité

Dans le premier morceau, les deux trimembres sont parallèles entre eux, le conseil du premier segment étant motivé par le second. Le deuxième morceau oppose le désir de sagesse (23ab) et son éloignement (23c) ; le second segment renforce le membre précédent en ajoutant « profond » à « éloigné ». Dans le troisième morceau, la poursuite de la « sagesse » (25abc) se double de la volonté de connaitre le contraire, « méchanceté » et « folie ». Alors que le premier morceau est adressé à une seconde personne, les deux suivants sont à la première personne du singulier. Il semble qu’après le conseil de sagesse donné à un autre, Qohélet reconnait que lui-même est encore bien loin d’être sage (23-24), mais qu’il poursuit sa recherche (25).

172

La deuxième section (3,10–9,10)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (7,15-25) 7,15 Tout il y a et il y a

j’ai vu

en mes jours

de buée :

UN JUSTE périssant dans SA JUSTICE UN MÉCHANT prolongeant dans sa mauvaiseté. ··························································································································· 16 Ne sois pas JUSTE à l’excès et NE SOIS-PAS-SAGE trop,

pourquoi 17

NE SOIS-PAS-MÉCHANT et ne sois pas pourquoi

18

BON et aussi car le craignant

19

te détruirais-tu ? à l’excès FOU,

mourrais-tu

avant

ton temps ?

que de cela Dieu

tu tiennes ne lâche pas trouvera

à ceci ta main, les deux.

··························································································································· LA SAGESSE rend fort LE SAGE

plus que dix lesquels

gouverneurs sont

dans une ville.

il n’est pas fait

DE JUSTE LE BON

sur la terre et ne pèche pas.

Aussi à toutes ne donne pas que

les paroles ton cœur, tu n’entendes pas

lesquelles

ils parlent,

ton serviteur

te maudire ;

22

des fois ton cœur toi aussi

nombreuses

20

Oui, d’humain lequel 21

car aussi a su que

avais maudit

les autres.

······················································································································ 23 Tout cela j’ai essayé avec SAGESSE ; j’ai dit : « JE SERAI SAGE »,

et elle

éloignée

de moi !

24

ce qui fut qui

et profond ; le trouvera ?

Éloigné profond,

····························································································· 25

J’ai tourné,

et mon cœur, et à chercher

LA SAGESSE

moi et à explorer et la réflexion,

à connaitre et LA FOLIE

LA MÉCHANCETÉ

pour une absurdité

pour une sottise.

à connaitre

Dans les parties extrêmes alternent les morceaux contenant des défenses (16ab.17ab.18b au centre de la première partie, 21b au début de la dernière) et les autres, marqués par la première personne du singulier (15a ; 23a.25a).

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

173

« Juste » au début de la première partie (15b.16a) est repris dans la partie centrale (20a). L’opposition entre « juste/sage » et « méchant/fou » au début de la première partie (15bc.16-17) revient à la fin de la dernière partie avec « sagesse » et « méchanceté/folie » (25cde). On pourra aussi noter que « bon » de 18a est repris en 20b. La courte partie centrale donne la raison fondamentale des réflexions et des conseils des deux autres parties : si personne n’est « juste » ou « sage », alors la modération est de mise pour celui qui parle et pour ceux à qui il s’adresse.

INTERPRÉTATION JUSTICE ET SAGESSE Tout commence avec une opposition frontale entre « juste » et « méchant », « justice » et « mauvaiseté » (15). Aussitôt cependant, le « juste » est mis en rapport d’équivalence avec le « sage » (16) et le « méchant » avec le « fou » (17). Dès lors il ne sera plus question que de sagesse (19.23-25), au détriment du « juste » dont la partie centrale affirme clairement que personne ne l’est sur la terre ; il n’en est aucun qui ne pèche pas. NI JUSTE NI SAGE Tous sont pécheurs, tel celui auquel Qohélet s’adresse qui a si souvent maudit les autres (22). Lui-même du reste reconnait qu’il a beau rechercher la sagesse de tout son cœur, elle demeure « éloignée » de lui (23), tellement « profonde » qu’il est incapable de la « trouver » (24). Et ce n’est pas faute d’en estimer la valeur (19) et de la rechercher, méprisant la « méchanceté » et la « folie » qu’il traite d’« absurdité » et de « sottise » (25). LA MODÉRATION Le monde est ainsi fait que le juste peut périr « avant son temps » dans sa justice tandis que « le méchant » prolonge tranquillement sa vie dans sa « mauvaiseté » (15). Qohélet prône donc une saine mesure, il conseille vivement d’éviter aussi bien les excès de justice et de sagesse que ceux de méchanceté et de folie (16-18). Celui qui a maudit les autres si souvent fera bien de se garder d’écouter tout ce qu’on dit, pour éviter la mauvaise surprise de se découvrir maudit lui-même par son serviteur (21-22). Une telle conduite semble combiner humilité pour soi-même et miséricorde pour autrui.

2. Le sage accepte ses limites Le deuxième passage : 7,26–8,8 TEXTE 7,26 Et je trouve, moi, plus amère que la mort la femme qui elle est des pièges, et des filets son cœur, des chaînes ses bras ; bon devant Dieu qui se délivre d’elle, mais le pécheur est pris par elle. 27 Vois ce que je trouve, dit Qohélet, un par un pour trouver une raison 28 que encore cherche mon âme et point ne la trouve : un humain un (seul) sur mille, je trouve mais une femme sur toutes celles-là, je ne trouve pas. 29 Seulement vois ce que je trouve : que a fait Dieu l’humain droit, et eux cherchent et qui connait l’explication des raisons abondantes. 8,1 Qui (est) comme le sage d’une affaire ? La sagesse de l’humain fait-luire sa face et la dureté de sa face est changée. 2 Moi : la bouche du roi garde et à cause du serment de Dieu, 3 ne te presse pas de sa face t’en aller, ne te dresse pas dans une affaire mauvaise, car tout ce qu’il désire, il fait, 4 parce que la parole du roi (est) domination, et qui lui dira : « Que fais-tu ? » 5 Qui garde le commandement ne connait pas une affaire mauvaise 6 car pour tout désir il y a temps et et temps et jugement connait le cœur du sage, 7 jugement car le malheur de l’humain (est) abondant pour lui. Oui, il n’est pas connaissant ce qui sera, oui, comme ce sera, qui le lui annoncera ? 8 Il n’y a pas d’humain dominant le souffle pour retenir le souffle et il n’y a pas de domination sur le jour de la mort. Et il n’y a pas de relâche à la guerre, et ne délivre pas la méchanceté son maitre. V. 26

: « LA FEMME QUI ELLE EST DES PIÈGES... »

La proposition relative peut être comprise comme explicative (toutes les femmes sont des pièges) et c’est ainsi qu’interprète Osty, lequel change l’ordre des mots et rend la relative par une causale : « Et je trouve la femme plus amère que la mort, parce qu’elle est un piège » ; de même Dhorme et la BJ qui traduisent le relatif par « car ». Cependant, la relative peut être interprétée comme déterminative ou restrictive (il ne s’agit que de celles qui sont des pièges) ; c’est le choix de la TOB qui respecte l’ordre des mots et traduit la relative par une temporelle : « Et je trouve, moi, plus amère que la mort une femme quand elle est un traquenard ». C’est cette dernière possibilité qui semble la plus probable (c’est pourquoi on ne met pas de virgule avant la relative), même si la fin du verset 28 peut conforter la première interprétation. Le mieux serait sans doute de respecter l’ambiguïté. V. 27-28 : « UN PAR UN POUR TROUVER LA RAISON QUE ENCORE CHERCHE MON ÂME... »

Le moins qu’on puisse dire est que la phrase n’est pas claire. Elle joue avec les six occurrences de « trouver ». Il semble que le premier mot du verset 28 soit un relatif dont l’antécédent est le mot précédznt, « raison ».

176

La deuxième section (3,10–9,10)

V. 8,1B : « QUI CONNAIT L’EXPLICATION D’UNE AFFAIRE

»

C’est la seule fois dans la Bible hébraïque qu’apparait le terme pešer. Il est en revanche très usité dans les textes postérieurs ; il signifie « explication », et dans les textes de Qumran où il est fréquent, il est employé pour « l’interprétation » d’un texte. Son équivalent araméen (pišrā’) est utilisé, dans ce sens, en Dn 4,3-6. V. 8,1C

: « LA DURETÉ DE SA FACE EST CHANGÉE »

La difficulté de cette proposition a inévitablement entrainé un certain nombre de corrections. Le premier terme, ‘ōz, signifie la plupart du temps « force ». Le parallélisme avec le membre précédent conduit à penser à une opposition : l’aspect sombre, dur ou sévère du visage du sage est changé par la lumière de la sagesse.

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (7,26-29) + 7,26 Et JE TROUVE, – LA FEMME

moi, qui

– et des filets – des chaînes

son cœur, ses bras ;

:: bon – mais le pécheur

devant est pris

plus amère elle

que la mort (est) des pièges,

DIEU par elle.

qui se délivre

d’elle,

····················································································································· + 27 VOIS CE QUE JE TROUVE,

+ dit

Qohélet,

: un : 28 que : et point

par un encore

– UN HUMAIN – mais UNE FEMME + que – et eux

POUR TROUVER

UNE RAISON

CHERCHE

mon âme

un-seul sur toutes

sur mille, celles-là,

JE TROUVE

a fait CHERCHENT

DIEU

L’HUMAIN

DES RAISONS

abondantes.

NE LA TROUVE

:

JE NE TROUVE PAS. ····················································································································· + 29 Seulement VOIS CE QUE JE TROUVE :

droit,

Les deux premiers segments du premier morceau décrivent « la femme » dont il est question. Le dernier segment oppose celui qui lui « échappe » et celui qui « est pris ». Dans le deuxième morceau, Qohélet semble prendre ses distances à propos de la double affirmation finale (28cd). Dans le premier segment, il annonce qu’il a

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

177

« trouvé » quelque chose, dans le second, il confesse qu’ayant examiné les faits en détail, « un par un », il n’a toujours pas trouvé la raison qu’il cherche encore ; cette « raison » pourrait être celle qui justifierait ce qui est dit dans le dernier segment. Les deux derniers membres du troisième morceau opposent l’œuvre bonne de Dieu et ce que les humains en ont fait. Les trois morceaux commencent par l’annonce d’une trouvaille, les deux dernières fois avec la même expression (27a.29a). Les deux occurrences de « la femme » font inclusion pour les deux premiers morceaux (26b.28d). « Dieu » revient dans les morceaux extrêmes (26e.29b). « Chercher » est repris dans les deux derniers morceaux (28a.29c), « raison(s) » (ḥešbôn et ḥiššebōnôt)1 en 27c et 29c.

DAME SAGESSE ET LA FEMME INSENSÉE À la fin de la première partie du livre des Proverbes, le poème de Pr 9 oppose Dame Sagesse (1-6) à la femme stupide (13-18)2 : 9,1 LA SAGESSE A CONSTRUIT sa maison, 2 elle a abattu ses bêtes, préparé son vin, 3 4

Elle a envoyé ses servantes appeler « Qui est inexpérimenté qu’il vienne ici ! » 5 6

« Venez, mangez de mon pain Abandonnez les inexpérimentés et VIVEZ

elle a taillé ses sept colonnes, elle a aussi dressé la table. sur les buttes, en haut de la ville : À qui est dénué de sens elle dit : et buvez du vin que j’ai préparé. et allez dans le chemin de L’INSTRUCTION.

7

Qui corrige un railleur s’acquiert le déshonneur et qui réprimande un méchant l’affront. Ne réprimande pas le railleur qu’il ne te haïsse, mais réprimande LE SAGE et il t’aimera. 9 Donne au SAGE et il deviendra plus SAGE, fais-connaitre au juste et il ajoutera à son acquis. 8

10

Le principe de LA SAGESSE et la CONNAISSANCE du SAINT 11 12

13

Car par moi se multiplieront tes jours Si TU ES SAGE, c’est pour toi que TU ES SAGE

c’est la crainte de YHWH voilà L’INSTRUCTION. et il te sera ajouté des années de VIE. et si tu es railleur, c’est toi seul qui le porteras. »

La femme stupide est impulsive,

naïve et NE CONNAISSANT rien.

14

sur un siège, en haut de la ville. ceux qui vont droit leur route : À qui est dénué de sens elle dit :

Elle s’assied à la porte de sa maison Elle appelle les passants du chemin 16 « Qui est inexpérimenté qu’il vienne ici ! » 15

17 18

1 2

« Les eaux dérobées sont douces et le pain des cachettes est délicieux. » Or il NE CONNAIT PAS que les ombres sont là et dans les profondeurs du schéol ses appelés.

De même racine, les deux termes ont été traduits tous deux par « raison ». Voir R. MEYNET, « Le triptyque de Pr 9,1-18 ».

178

La deuxième section (3,10–9,10)

LA DEUXIÈME PARTIE (8,1) + 8,1 Qui (est) + et qui

comme LE SAGE connait

l’explication

d’une affaire ?

+ LA SAGESSE + et la dureté

de l’humain de sa face

fait-luire est changée.

sa face

Les deux segments disent les avantages de « la sagesse » : savoir expliquer quelque chose (1ab) pour la lumière de sa joie (1cd). LA TROISIÈME PARTIE (8,2-8) : 8,2 Moi : : et À CAUSE

la bouche du serment

du roi de Dieu,

- 3 ne te presse pas - ne te dresse pas - car tout ce qu’

de sa face DANS UNE AFFAIRE

t’en aller ; mauvaise, il fait,

: 4 parce que : et qui

IL DÉSIRE, LA PAROLE

lui dira :

du roi « Que

GARDE,

(est) DOMINATION, fais-tu ? »

···································································································································

+ 5 QUI GARDE :: et temps

le commandement et jugement

:: 6 car pour tout DÉSIR il y a – car le malheur DE L’HUMAIN

ne connait pas

UNE AFFAIRE

connait

le cœur

temps (est) abondant

et jugement pour lui.

mauvaise du sage,

···································································································································

– 7 Oui, il n’est pas – oui, comme

connaissant ce sera,

ce qui qui

sera, le lui annoncera ?

– 8 Il n’y a pas – pour retenir – et il n’y a pas

D’HUMAIN

DOMINANT

le souffle

le souffle, de DOMINATION

sur le jour

de la mort.

= Et il n’y a pas = et ne délivre pas

de relâche la méchanceté

à la guerre, son maitre.

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

179

Le premier morceau donne un conseil de sagesse regardant l’attitude à adopter devant « le roi ». Les segments extrêmes sont complémentaires : respecter la parole du roi, sa « bouche » (2a) et ne pas lui poser de question déplacée (4b), « à cause » du serment que Dieu lui a fait (2b) et « parce que » c’est lui qui détient le pouvoir (4a). Au centre, deux défenses, motivées par le troisième membre. Le premier segment du deuxième morceau dit ce que « le sage », « qui garde le commandement », ne connait pas et connait. Le second segment en donne les raisons. Les deux segments se correspondent de manière spéculaire : « mauvaise » (rā‘) et « malheur » (rā‘â) dans les membres extrêmes, et « un temps et un jugement » dans les membres intérieurs. Le troisième morceau est marqué par la quadruple reprise de la négation en début de membres (7a.8a.cd). L’humain ne connait pas l’avenir (7), il n’est pas plus maitre du jour de la mort que de son souffle (ou : que du vent, 8abc), et la « méchanceté » comme « la guerre » ne laissent aucun répit à qui la fait (8de). « Garder » marque le début des deux premiers morceaux (2a.5a). Dābār est rendu par « affaire » (3b.5a), par « parole » (4a), et « à cause de » est de même racine (2b, dibrâ) ; « affaire » est qualifiée de « mauvaise » (3b.5a). À « désir » (6a) correspond « il désire » (3c). Dans les deux derniers morceaux, les trois occurrences de « connaitre » jouent le rôle de termes initiaux (5a.b.7a) ; « humain » est repris en 6b et 8a. Entre les morceaux extrêmes, « dominer/ domination » revient en 4a et 8a.c. Il n’est plus question du « roi » dans le dernier morceau et l’on peut se demander si le morceau central le concerne encore : si « temps et jugement » (5b.6a) sont de Dieu, comme il semble, « le commandement » pourrait lui aussi être celui de Dieu.

180

La deuxième section (3,10–9,10)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (7,26–8,8) 7,26 Et je trouve, la femme

MOI, qui elle

et des filets des chaînes

son cœur, ses bras ;

bon mais le pécheur

EN FACE DE est pris

plus amère est des pièges,

que LA MORT

DIEU par elle.

qui SE DÉLIVRE

d’elle,

································································································································ 27

Vois dit

ce que Qohélet,

je trouve,

un 28 que et point

par un encore ne la trouve :

pour trouver cherche

une raison mon âme

UN HUMAIN

un-seul sur toutes

sur mille, celles-ci,

je trouve je ne trouve pas.

mais une femme

································································································································ 29

Seulement que et eux

ce que DIEU des raisons

L’HUMAIN

CONNAIT

l’explication

D’UNE AFFAIRE

DE L’HUMAIN

fait-luire est changée.

SA FACE

de SA FACE

2

MOI : et à cause

la bouche du serment

du roi de DIEU,

garde

3

de SA FACE

t’en aller, mauvaise, il fait,

8,1 Qui est et qui LA SAGESSE et la dureté

ne te presse pas ne te dresse pas car tout ce qu’ 4

parce que et qui

vois a fait cherchent

je trouve : droit,

ABONDANTES.

comme LE SAGE

DANS UNE AFFAIRE

il désire, LA PAROLE

lui dira :

du roi « Que

?

est domination, fais-tu ? »

································································································································ 5

Qui garde et temps 6

car pour tout désir car le malheur

le commandement et jugement

NE CONNAIT PAS

UNE AFFAIRE

CONNAIT

le cœur

il y a

temps est ABONDANT

et jugement pour lui.

DE L’HUMAIN

mauvaise du SAGE,

································································································································ 7

Oui, il n’est pas oui, comme

CONNAISSANT

ce sera,

ce qui qui

sera : le lui annoncera ?

8

D’HUMAIN

Il n’y a pas pour retenir et il n’y a pas

dominant

le souffle

le souffle de domination

sur le jour

de LA MORT.

Et il n’y a pas et NE DÉLIVRE PAS

de relâche la méchanceté

à la guerre, son maitre.

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

181

Les rapports entre les trois parties – « Face » (7,26e ; 8c.d.3a) ; – « humain » (7,28c.29b / 8,1c / 6b.8a). Les rapports entre les parties extrêmes – Les deux occurrences de « la mort » font inclusion (7,26a / 8,8c) ; – « moi » en termes initiaux (7,26a / 8,2a) ; – « (se) délivrer » (7,26e / 8,8e) ; – « Dieu » se trouve en termes médians à distance (7,29b / 8,2b) et en 7,26e ; – « abondant(es) » revient en 7,29c et 8,6b. Les rapports entre la partie centrale et les deux autres À part « humain » et « face », la partie centrale n’a de termes communs qu’avec la troisième partie : – « sage/sagesse » (8,1a.c / 5b) ; – « connaitre » (8,1b / 5a.b.7a) ; – « affaire/parole » (dābār : 8,1b / 3b.4a.5a). Cependant, il n’est pas interdit de penser que « connaitre » ne renvoie pas seulement à la dernière partie, mais aussi aux nombreuses occurrences de « trouver » dans la première partie (27a.c.28b.c.d.29a).

CONTEXTE LA FEMME DANGEREUSE Il ne manque pas de femmes dangereuses dans la Bible. La première fut celle de Gn 3, qui, ayant donné foi au mensonge du serpent, fit manger du fruit défendu à son homme. Samson fut victime de sa première femme (Jg 14,12-20) puis de la deuxième, Dalila qui lui fut fatale (Jg 16). Jézabel est le type de la femme étrangère qui entraine son mari, le roi Achaz dans l’idolâtrie (1R 16,31-34), et fait son malheur en faisant tuer Nabot (1R 21). Il avait été de même pour Salomon dont les femmes étrangères l’avaient conduit au culte de leurs idoles (1R 11,1-13). DAME SAGESSE ET LA FEMME STUPIDE Voir ci-dessus, p. 1773.

3

Le texte en a été présenté à cet endroit pour une simple raison de mise en pages.

182

La deuxième section (3,10–9,10)

INTERPRÉTATION LE MYSTÈRE DE LA FEMME La première partie montre Qohélet réfléchissant, perplexe, sur l’énigme de la femme. Cela commence par une affirmation ambiguë, qui peut être interprétée de deux manières bien différentes : la femme dont il parle est-elle seulement la femme insidieuse ou bien ce sont toutes les femmes qui sont des pièges ? Il se pourrait bien que le lecteur soit placé devant le même choix que l’auteur. C’est ensuite une autre trouvaille, mais qui, en réalité, n’en est pas une ; il semble que devant une opinion courante pour laquelle il ne se trouve pas une seule femme digne de confiance, Qohélet cherche avec soin une raison d’adopter une telle attitude, mais sans la trouver. C’est donc là une deuxième perplexité. Cependant, en finale, il parait prendre parti quand il remarque l’opposition entre le dessein de Dieu sur les humains et ce que ceux-ci, sans distinction désormais entre homme et femme, en ont fait par leurs raisonnements. L’ACCEPTATION DU SAGE Le sage est celui qui sait rester à sa juste place, qui n’est ni celle du roi, ni celle de Dieu. Il lui faut donc demeurer dans l’obéissance aux commandements, se maintenir en leur présence selon son désir, en s’abstenant de toute affaire mauvaise. Le sage est aussi celui qui accepte de ne pas connaitre ce qui sera ; certes, il sait fort bien que « temps et jugement » viendront, comme viendra la mort, mais sans que personne ne puisse en préciser le jour. N’étant maitre ni du vent ni du souffle de sa vie, il n’en est pas moins tout à fait conscient qu’il est prudent de s’abstenir de toute « méchanceté », car elle ne délivre pas celui qui s’y livre. QUELLE QUESTION ! La courte partie centrale a toujours été reconnue comme problématique. La chose n’est pas étonnante, car on sait que le centre d’une construction concentrique est très souvent occupé par une question et qu’il est pratiquement toujours énigmatique. Plusieurs se demandent si elle renvoie à ce qui précède ou plutôt à ce qui suit4. Le centre de ce genre de composition remplit la fonction de clé de voute, de clé de lecture pour l’ensemble du passage. La double question initiale n’est pas « rhétorique », laissant entendre que personne n’est sage. La réponse semble se trouver d’abord dans le second segment, mais ce dernier a donné lieu à bien des discussions et à des interprétations diverses et même opposées.

4

Par exemple, Ogden, 150 ; Schoors, 594-595.

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

183

QUI EST COMME LE SAGE ? Le sage est celui qui, comme Joseph et Daniel, sait interpréter. On peut certes penser que la question centrale est une manière d’affirmer qu’il n’est pas de sage, que personne n’est capable d’expliquer quoi que ce soit. Cependant, il n’est pas sûr que ce soit la seule façon de comprendre la question. La réponse pourrait être fournie au début des deux parties principales du passage : « Qui est comme le sage ? » (8,1a). Réponse : « Moi. » (7,26a ; 8,2a). Le sage est celui qui ose affronter les énigmes de la vie. Et la première n’est autre que celle de la femme. Le sage examine les choses, une par une, il cherche à trouver une raison de croire à ce qu’on dit sur elle. Il en arrive à sa propre conclusion : c’est l’être humain qui a dévoyé, tordu ce que Dieu avait créé droit. D’autre part, le sage est celui qui s’en remet humblement au jugement de plus fort, plus sage que lui, que ce soit le roi ou Dieu lui-même. N’est-il pas une simple créature qui ne connait pas le futur et n’est pas maitre du jour de sa mort ? Le sage est donc à la fois celui qui est heureux d’avoir trouvé ce qui éclaire son visage et celui dont la face est détendue par l’acceptation sereine de ses limites.

3. Le sage s’en remet à Dieu pour le jugement Le troisième passage : 8,9-15 TEXTE 8,9 Tout cela j’ai vu, en donnant mon cœur à toute œuvre laquelle se fait dessous le soleil, au temps où domine l’humain sur l’humain, pour le mal de lui. 10 Et avec cela j’ai vu des méchants enterrés, et ils vont du lieu saint ils viennent, et ils oublient 11 dans la ville ce qu’ils firent ; cela aussi est buée ! Parce que ne se fait pas la sentence contre qui fait le mal rapidement, pour cela est plein le cœur des fils 12 d’Adam en eux de faire le mal ; que le pécheur fasse le mal cent (fois), il prolonge (sa vie) pour lui. Oui, aussi, je sais, moi, que il y aura du bon aux craignant 13 Dieu parce qu’ils craignent devant sa face ; et le bon il n’y aura pas pour le méchant et il ne prolongera ses jours, comme l’ombre, parce qu’il n’est pas craignant devant la face de Dieu. 14 Il y a une buée laquelle se fait sur la terre : que il y a des justes lesquels il arrive à eux selon l’œuvre des méchants. Et il y a des méchants qu’il arrive à eux selon l’œuvre des justes ; je dis que cela aussi est buée. 15 Et je loue, moi, la joie, selon laquelle il n’y a de bon pour l’humain dessous le soleil sinon de manger et de boire et de se réjouir ; et cela l’accompagne dans son travail aux jours de la vie laquelle lui donne Dieu dessous le soleil. V. 10

: « ET AVEC CELA J’AI VU DES MÉCHANTS ENTERRÉS... »

Ce verset est très discuté et les propositions de corrections sont nombreuses et variées. Le contexte de la partie invite à suivre de près le texte massorétique. Le sujet de « ils vont » et « ils viennent » et de « ils oublient » représente ceux qui ont accompagné le défunt (« on va »... représente une très bonne traduction) ; quant à celui de « ils firent », ce sont les « méchants ». L’identification du « lieu saint » fait problème : pour certains, c’est le tombeau ou le cimetière, pour d’autres, au contraire, ce ne peut être que le Temple qui se trouve dans la « ville » de Jérusalem. V. 13

: « IL NE PROLONGERA SES JOURS COMME L’OMBRE »

« Comme l’ombre » est à comprendre à la lumière de 6,12 (« et il passe comme une ombre ») ou de Ps 109,23 : « comme l’ombre qui décline je m’en vais ».

186

La deuxième section (3,10–9,10)

LA PREMIÈRE PARTIE (8,9-12B) + 8,9 Tout cela + en donnant + laquelle

SE FAIT

:: au temps où :: pour LE MAL

domine de lui.

J’AI VU, mon cœur

à toute dessous

ŒUVRE

L’HUMAIN

sur L’HUMAIN,

le soleil,

···················································································································

+ 10 Et avec cela + et ils vont – et ils oublient

J’AI VU du lieu dans la ville

– cela aussi

est buée !

des méchants saint ce qu’

enterrés, ils viennent, ILS FIRENT ;

··················································································································· – 11 Parce que NE SE FAIT PAS la sentence

– contre QUI FAIT

LE MAL

rapidement,

– pour cela – en eux

est plein

le cœur

DE FAIRE

LE MAL

– 12 que le pécheur – il prolonge (sa vie) pour lui.

FASSE

des fils

D’ADAM

LE MAL

cent (fois),

;

Dans le premier morceau, ce que Qohélet voit et examine (9abc), c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, ce qui produit « le mal », d’abord sans doute pour la victime, mais peut-être aussi pour son bourreau. Dans le troisième morceau, les lenteurs de la justice (11ab) encouragent ceux qui font le mal à persévérer (11cd) ; ainsi, « le pécheur » peut continuer à multiplier par cent le mal, sans que sa vie soit écourtée (12). On pourra voir une opposition entre « rapidement » (11b) et « prolonge » (12b). Enfin, tout culmine dans le morceau central : ayant tranquillement prolongé leurs jours (12), les « méchants » demeurent impunis même après leur mort, puisqu’on oublie comment ils se comportèrent. Les termes de la racine « faire » abondent (9,b.c.10c.11a.b.d.12a). Les deux premiers morceaux commencent avec « j’ai vu » ; « le mal » à la fin du premier morceau (9e) est repris trois fois dans le dernier (11b.d.12a), à quoi correspond « les méchants » dans le second (10a). « Humain/Adam » revient aussi dans les morceaux extrêmes (9d.11c). LA DEUXIÈME PARTIE (8,12C-13) Les deux segments sont opposés : le « bon » sera pour les « craignant Dieu » (12d) et non pas pour les « méchants » (13a). Alors que les troisièmes membres se correspondent étroitement, l’avant-dernier membre du second segment (13b) n’a pas de correspondant dans le premier segment.

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15) + 12c Oui, aussi, + que + parce qu’

je sais, IL Y AURA

DU BON

ILS CRAIGNENT

devant sa face ;

– 13 e t LE BON – et il ne prolongera – parce qu’

IL N’Y AURA PAS ses jours, il n’est pas

pour LE MÉCHANT comme l’ombre,

187

moi,

CRAIGNANT

AUX CRAIGNANT

DIEU

devant la face

de DIEU.

LA TROISIÈME PARTIE (8,14-15) Commençant par « il y a », les deux premiers morceaux se correspondent en miroir : « buée » marque les extrémités (14a.14i), tandis que les trimembres médians s’opposent en parallèle. Dans le dernier morceau, le second segment ajoute au premier la dimension temporelle de toute la vie de travail pendant laquelle l’humain pourra se réjouir. « Dessous le soleil » revient dans chaque segment (15b.f). Les deux derniers morceaux sont agrafés par « je dis » et « je loue » (14i.15a). Les cinq occurrences de ’ăšer marquent les morceaux extrêmes en tête des membres 14b.c.d.15b.f. = 8,14 IL Y A = LAQUELLE

UNE BUÉE

se fait

sur la terre :

+ QUE .. LESQUELS – selon l’œuvre

IL Y A

des justes à eux

.. qu’il arrive + selon l’œuvre

à eux des justes ;

il arrive

DES MÉCHANTS. ··············································································· – Et IL Y A DES MÉCHANTS

= je dis que cela aussi (EST) BUÉE. ························································································································· + 15 Et je loue, + selon LAQUELLE + sinon

moi, il n’y a de bon de manger

la joie, pour l’humain et de boire

+ et cela + aux jours + LAQUELLE

l’accompagne de la vie lui donne

dans son travail Dieu

dessous

le soleil

et de se réjouir ;

dessous

le soleil.

188

La deuxième section (3,10–9,10)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (8,9-15) + 8,9 Tout cela + en donnant + laquelle

J’AI VU, mon cœur

à toute

SE FAIT

DESSOUS

ŒUVRE LE SOLEIL,

:: au temps où :: pour le mal

domine de lui.

L’HUMAIN

sur L’HUMAIN,

·············································································································· + 10 Et avec cela J’AI VU DES MÉCHANTS enterrés,

+ et on va – et on oublie

du lieu dans la ville

– CELA AUSSI

EST BUÉE !

saint ce qu’

on vient,

ils firent ;

·············································································································· – 11 Parce que NE SE FAIT PAS la sentence – contre QUI FAIT le mal rapidement,

– pour cela – en eux

est plein

– 12 que – IL PROLONGE (sa vie)

le pécheur pour lui.

+ Oui, aussi, + que + parce qu’

DE FAIRE

JE SAIS, il y aura ils craignent

– 13 et LE BON il n’y aura pas – et IL NE PROLONGERA PAS ses jours, – parce qu’ il n’est pas

le cœur le mal ;

des fils

D’ADAM

FASSE

le mal

cent (fois),

aux craignant

DIEU

pour LE MÉCHANT comme l’ombre, craignant DEVANT LA FACE DE

DIEU.

MOI, DU BON DEVANT SA FACE

;

= 14 IL Y A = laquelle

UNE BUÉE SE FAIT

sur la terre :

+ que – lesquels – selon L’ŒUVRE

il y a il arrive

des justes à eux

– qu’il arrive + selon L’ŒUVRE

à eux des justes ;

= je dis

QUE CELA AUSSI

DES MÉCHANTS. ··················································································· – Et il y a DES MÉCHANTS

EST BUÉE.

······························································································································· + 15 Et JE LOUE, MOI, la joie, + laquelle il n’y a DE BON pour L’HUMAIN DESSOUS LE SOLEIL

+ sinon

de manger

et de boire

+ et cela + aux jours + laquelle

l’accompagne de la vie lui donne

dans son travail DIEU

et de se réjouir ;

DESSOUS

LE SOLEIL.

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

189

Les rapports entre les trois parties – « J’ai vu » (9a.10a) / « Je sais, moi » (12c) / « Et je loue, moi » (15a) ; – « méchant(s) » (10a / 13a / 14e.f) ; – ’ăšer (9c.d.10c.11a.c.12a / 12e.13c / 14b.c.d.15b.f) ; – à « dessous le soleil » des parties extrêmes (9c / 15b.f) s’oppose dans la partie centrale « devant la face de Dieu/sa face » (12e.13c). Les rapports entre les parties extrêmes – « Faire/œuvre » (‘śh : 9b.c.11a.b.12a / 14b.e.h) ; – « cela aussi est buée » « il y a une buée » (10d / 14a.i)1 ; – « humain/Adam » (9d bis.11c / 15b) ; – « dessous le soleil » (9c / 15b.f). Les rapports entre la première partie et la partie centrale – « Prolonger » (12b / 13b). Les rapports entre la partie centrale et la dernière partie – « Bon » (12d.13a / 15b) ; – « Dieu » (12d.13c / 15f).

INTERPRÉTATION CE QUE JE VOIS Ce que constate Qohélet, c’est « la buée », le vent, l’inanité, en un mot l’injustice flagrante qui marque les rapports entre les fils d’Adam. Des hommes en « dominent » d’autres et les exploitent, alors que Dieu avait prévu que la domination de l’homme devait s’exercer sur les animaux (9). La perversion de la justice qui renvoie toujours à plus tard la condamnation des méchants n’a d’autre effet que de les encourager à faire le mal, impunément (11). Tant et si bien que tout se trouve perverti, les justes subissant le sort normalement réservé aux méchants, et ces derniers étant traités comme s’ils étaient justes (14). Et, comble d’injustice, les méchants sont honorés même après leur mort (10). CE QUE JE SAIS Immergé dans ce monde d’injustice, cerné par lui de toutes parts, Qohélet n’en demeure pas moins absolument convaincu que, « devant la face de Dieu », il n’en va pas de même que dans le monde des fils d’Adam, « dessous le soleil ». 1

Dans la dernière partie, « faire » et « buée » ne se retrouvent que dans les deux premiers morceaux.

190

La deuxième section (3,10–9,10)

Il « sait », il croit qu’une sentence, juste celle-là même si elle sera tardive, ne manquera pas d’être prononcée par le juge suprême : le « bon » sera réservé à ceux qui le craignent, qui le respectent, tandis que le méchant s’évanouira « comme l’ombre ». CE QUE JE LOUE En fin de compte, que doit faire le juste en attendant le juste jugement de Dieu ? Profiter des joies de la vie que Dieu lui donne, mangeant et buvant, se réjouissant ainsi de pouvoir jouir du fruit de son travail. Quant au jugement des méchants, comme du reste de la récompense qui lui est réservée ainsi qu’à tous ceux qui craignent Dieu, il ne s’en occupe pas, mais s’en remet à son Seigneur.

4. Les réponses du sage L’ensemble de la séquence B6 : 7,15–8,15 COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LES PASSAGES EXTRÊMES – En termes initiaux, « Tout j’ai vu » (7,15a) / « Tout cela j’ai vu » (8,9a) ; – « cœur » (7,21a.22a.25b / 8,9a.11b) en termes médians ; – « juste/justice » (7,15a bis.16a.20a / 8,14a.b) surtout dans les parties extrêmes ; – « en mes jours de buée » (7,15a) / « cela aussi est buée » (8,10bc.14c), « il y a une buée » (14a) ; – « (être)méchant(s) » (7,15b.17a / 8,10a.13a.14b bis) ; – « bon » (7,18a.20b / 8,12c.13a.15a) ; – « mauvaiseté/mal(heur) » (7,15b / 8,9b.11a.b.12b ; – « pécher/pécheur » (7,20b / 8,12a) ; – « prolonger (sa vie) ses jours » (7,15b / 8,12b.13a) ; – « craindre » (Dieu) (7,18b / 8,12c bis.13b) ; – « Dieu » (7,18b / 8,12c.13b.15c).

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15) 7,15 TOUT J’AI VU

191

: il y a un JUSTE périssant dans sa JUSTICE et il y a un dans sa mauvaiseté. 16 Ne sois pas JUSTE à l’excès et ne sois-pas-sage trop, pourquoi te détruirais-tu ? 17 Ne SOIS-PAS-MÉCHANT à l’excès et ne sois pas fou, pourquoi mourrais-tu avant ton temps ? 18 BON que tu tiennes à ceci et aussi de cela ne pas lâche ta main, car le craignant Dieu accomplit les deux. 19 La sagesse rend fort le sage plus que dix gouverneurs lesquels sont dans une ville. EN MES JOURS DE BUÉE

MÉCHANT PROLONGEANT (SA VIE)

20

Oui, D’HUMAIN il n’est pas de JUSTE sur la terre lequel fait LE BON et ne pèche pas. 21

Aussi à toutes les paroles lesquelles ils parlent, ne donne pas ton cœur, que tu n’entendes pas ton serviteur te maudire ; 22 car aussi des fois abondantes a connu ton cœur que toi aussi avais maudit les autres. 23 Tout cela, j’ai essayé avec sagesse ; j’ai dit : « Je serai sage », et elle éloignée de moi ! 24 Éloigné ce qui fut et profond ; profond, qui le trouvera ? 25 J’ai tourné, moi et mon cœur, à connaitre et à explorer et à chercher la sagesse et la réflexion, à connaitre la MÉCHANCETÉ pour une absurdité et la folie pour une sottise. [...]

8,9 TOUT CELA J’AI VU, en mettant mon cœur à toute œuvre laquelle se fait dessous le soleil, au temps où l’humain domine l’humain, pour son malheur. 10 Et avec cela j’ai vu des MÉCHANTS enterrés, et on vient du lieu saint on s’en va, et l’on oublie dans la ville ce qu’ils firent ; CELA 11 AUSSI EST BUÉE ! Parce que ne se fait pas la sentence contre qui fait le mal rapidement, pour cela est plein le cœur des fils d’Adam en eux d’œuvrer le mal ; 12 que le pécheur fasse le mal cent fois, IL PROLONGE (SA VIE) pour lui. Oui, aussi, je sais, moi, qu’il y aura DU BON pour les craignant Dieu parce qu’ils craignent devant sa face ; 13 et LE BON il n’y aura pas pour LE MÉCHANT et IL NE PROLONGERA PAS SES JOURS, comme l’ombre, parce qu’il n’est pas craignant devant la face de Dieu. 14

IL Y A UNE BUÉE laquelle se fait sur la terre : qu’il y a des JUSTES lesquels il arrive à eux selon l’œuvre des MÉCHANTS. Et il y a des MÉCHANTS qu’il arrive à eux selon l’œuvre des JUSTES ; je dis que CELA AUSSI EST BUÉE. 15 Et je loue, moi, la joie, selon laquelle il n’y a de BON pour l’humain dessous le soleil sinon de manger et de boire et de se réjouir ; et cela l’accompagne dans son travail aux jours de la vie que Dieu lui donne dessous le soleil.

192

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LE PASSAGE CENTRAL ET LES DEUX AUTRES Entre les trois passages – « Voir » : « tout (cela) j’ai vu » aux extrémités (7,15a / 8,9a.10a) et l’impératif « vois » au centre (7,27a.29a) ; – « connaitre/savoir » (yd‘, 7,22a.25b bis / 8,1a.5b bis.7 / 12c) ; – « Dieu » (7,18b / 26b.29a ; 8,2 / 12c.13b.15c) ; – « humain(s) » (7,20a / 28b ; 8,1b.6a.8b / 9b bis.11b.15a) ; – « bon » (7,18a / 26b / 8,12c.13a.15a) ; – « mal(heur)/mauvaiseté » (7,15b / 8,3b.5b.6 / 9b.11a.b.12a) ; – « (être)méchant(s)/méchanceté » (7,15a.17a.25c / 8,8c / 10a.13a.14b bis) ; – « pécher/pécheur » (7,20b / 26b / 8,12a) ; – « cœur » (7,21a.22a.25b / 26b ; 8,5b / 9a.11b). Entre les deux premiers passages – En termes médians, « trouver » (7,24 / 26a.27.28b.c ter.29a) et « chercher » (7,25b / 27b) ; – « sage/sagesse » (7,16a.19a bis.23a bis.25b / 8,1a.b.5b). Entre les deux derniers passages – En termes médians, « dominer/domination » (8,4b.8b bis / 9b) ; – « face » (8,1b bis.3b / 12d.13b).

INTERPRÉTATION LE PRINCIPE DE LA SAGESSE Le sage est d’abord celui qui sait « voir », qui observe « tout » (7,15 ; 8,9), qui « cherche » à « connaitre » (7,25), même s’il est bien conscient que la sagesse demeure bien éloignée de lui (7,23-24). C’est encore celui qui invite les autres à « voir » ce qu’il « trouve » et aussi ce qu’il n’arrive pas à trouver (7,27-29). Ses limites ne le découragent pas de poursuivre sa recherche. « Le principe de la sagesse est de chercher la sagesse » (Pr 4,7). Le point de départ ne peut être que de reconnaitre que chacun en est dépourvu, que personne n’est juste, que tous sont pécheurs (7,20) ; tel est le point focal du premier passage. Et c’est pourquoi Qohélet, pécheur comme les autres, invite à la modestie, à la modération qui veut qu’on s’abstienne d’être trop méchant, certes, mais aussi qu’on évite d’être « juste à l’excès ».

La deuxième sous-section, séquence B6 (7,15–8,15)

193

7,15 Tout J’AI VU en mes jours de buée : il y a un juste périssant dans sa justice et il y a un MÉCHANT prolongeant (sa vie) dans sa mauvaiseté. 16 Ne sois pas juste à l’excès et NE SOIS-PAS-SAGE trop, pourquoi te détruirais-tu ? 17 NE SOIS-PAS-MÉCHANT à l’excès et ne sois pas fou, pourquoi mourrais-tu avant ton temps ? 18 BON que tu tiennes à ceci et aussi de cela ne pas lâche ta main, car le craignant DIEU accomplit les deux. 19 LA SAGESSE rend fort LE SAGE plus que dix gouverneurs lesquels sont dans une ville. 20 Oui, D’HUMAIN il n’est pas de juste sur la terre lequel fait LE BON et ne pèche pas. 21

Aussi à toutes les paroles lesquelles ils parlent, ne donne pas ton cœur, que tu n’entendes pas ton serviteur te maudire ; 22 car aussi des fois abondantes A CONNU ton cœur que toi aussi avais maudit les autres. 23 Tout cela, j’ai essayé avec SAGESSE ; j’ai dit : « Je serai SAGE », et elle éloignée de moi ! 24 Éloigné ce qui fut et profond ; profond, qui le TROUVERA ? 25 J’ai tourné, moi et mon cœur, à CONNAITRE et à explorer et à CHERCHER LA SAGESSE et la réflexion, à CONNAITRE la MÉCHANCETÉ pour une absurdité et la folie pour une sottise. 26

Et JE TROUVE, moi, plus amère que la mort la femme qui elle est des pièges, et des filets son cœur, des chaînes ses bras ; BON devant DIEU qui se délivre d’elle, mais le pécheur est pris par elle. 27 VOIS ce que JE TROUVE, dit Qohélet, un par un pour trouver une raison 28 que encore CHERCHE mon âme et POINT NE LA TROUVE : UN HUMAIN un seul sur mille, JE TROUVE, mais une femme sur toutes, JE NE TROUVE PAS. 29 Seulement VOIS ce que JE TROUVE : que DIEU a fait L’HUMAIN droit, et eux cherchent des raisons abondantes. 8,1 Qui est comme LE SAGE et qui CONNAIT l’explication d’une affaire ? LA SAGESSE de L’HUMAIN fait-luire sa face et la dureté de sa face est changée. 2

Moi : la bouche du roi garde, et à cause du serment de DIEU, 3 ne te presse pas t’en aller de sa face, ne te dresse pas dans une affaire mauvaise, car tout ce qu’il désire, il le fait, 4 parce que la parole du roi est DOMINATION, et qui lui dira : « Que fais-tu ? » 5 Qui garde le commandement NE CONNAIT PAS une affaire mauvaise et le cœur du SAGE CONNAIT temps et jugement, 6 car pour tout désir il y a temps et jugement car le malheur de L’HUMAIN est abondant pour lui. 7 Oui, IL N’EST PAS CONNAISSANT ce qui sera ; oui, comme ce sera, qui le lui annoncera ? 8 Il n’y a pas D’HUMAIN DOMINANT le souffle pour retenir le souffle, et il n’y a pas de DOMINATION sur le jour de la mort. Et il n’y a pas de relâche à la guerre, et la MÉCHANCETÉ ne délivre pas son maitre. Tout cela J’AI VU, en mettant mon cœur à toute œuvre laquelle se fait dessous le soleil, au temps où DOMINE L’HUMAIN sur L’HUMAIN, pour son malheur. 10 Et avec cela J’AI VU des MÉCHANTS enterrés, et on vient du lieu saint on s’en va, et l’on oublie dans la ville ce qu’ils firent ; cela aussi est buée ! 11 Parce que ne se fait pas la sentence contre qui fait le mal rapidement, pour cela est plein le cœur des fils d’ADAM en eux de faire le mal ; 12 que le pécheur fasse le mal cent fois, il prolonge sa vie pour lui. 9

Oui, aussi, JE SAIS, moi, qu’il y aura DU BON pour les craignant DIEU parce qu’ils craignent devant sa face ; 13 et LE BON il n’y aura pas pour le MÉCHANT et il ne prolongera pas ses jours, comme l’ombre, parce qu’il n’est pas craignant devant la face de DIEU. 14

Il y a une buée laquelle se fait sur la terre : qu’il y a des justes lesquels il arrive à eux selon l’œuvre des MÉCHANTS. Et il y a des MÉCHANTS qu’il arrive à eux selon l’œuvre des justes ; je dis que cela aussi est buée. 15 Et je loue, moi, la joie, selon laquelle il n’y a de BON pour L’HUMAIN dessous le soleil sinon de manger et de boire et de se réjouir ; et cela l’accompagne dans son travail aux jours de la vie que DIEU lui donne dessous le soleil.

194

La deuxième section (3,10–9,10)

LA FIN DE TOUTE CHOSE Tous les hommes sont pécheurs, la méchanceté gouverne le monde, la justice est bafouée de partout. Il n’empêche que, si « homme domine l’homme » (8,9), les uns sont dominants et les autres dominés, les uns sont « justes » et les autres sont « méchants ». Et c’est un grand scandale que leur sort soit la plupart du temps renversé, les justes recevant le salaire des méchants et les méchants celui des justes. Le sage est celui qui sait attendre la fin ; et il connait que la fin de toute chose est en Dieu. Tout converge, en finale de la séquence, sur le jugement de Dieu qui ne saurait manquer d’advenir (9,12c-13). VIVRE LE PRÉSENT DANS LA JOIE Le jugement final n’est pas pour aujourd’hui et il faut bien vivre dans ce monde où le mal est roi, où l’injustice demeure largement impunie. « Qui est comme le sage et qui sait expliquer les choses ? » Telle est la question qui se fait entendre en plein cœur de la séquence (8,1a). Qui est capable d’interpréter le monde tel qu’il est, d’indiquer concrètement quelle est la conduite à tenir dans le présent ? Une conduite qui permette d’illuminer le visage et d’en adoucir la rigueur (8,1b). La réponse ne sera donnée qu’à la fin, et de manière surprenante, inattendue : après « la buée » du mal, vient le présent de Dieu, ce qu’il donne à l’homme qui accepte de vivre dans ce présent de la joie, la joie simple qui consiste à manger et à boire et à se réjouir en sa présence (9,15).

D. LA SAGESSE HÉRITAGE DES FILS DE DIEU L’ensemble de la deuxième sous-section : 5,10–8,15 COMPOSITION La deuxième sous-section comprend trois séquences organisées de manière concentrique. Les séquences extrêmes comprennent chacune trois passages ; la séquence centrale est de la taille d’un seul passage. Séquence B4 : « Quel avantage « N’est-ce pas « Qui annoncera

LES ÉNIGMES

DE LA VIE

pour l’homme

d’avoir peine en vain ? »

vers un lieu unique

que tous s’en vont ? »

à l’homme

ce qui sera après lui ? »

6,7-12

LA FIN DERNIÈRE

7,1-14

Séquence B5 : EN TOUT CONSIDÉRER

Séquence B6 : Le sage Le sage Le sage

5,10-19 6,1-6

LES RÉPONSES

DU SAGE

pratique

la modération

7,15-25

accepte

ses limites

7,26–8,8

s’en remet à Dieu

pour le jugement

8,9-15

196

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES 5,10 En abondances du BIEN, abondent ses mangeurs, et quel succès pour son maitre, sinon UNE VISION POUR SES YEUX ? 11 Doux le dormir du serviteur si peu et si abondamment il a mangé ; mais la satiété pour le riche n’est pas lui permettant de dormir. 12 Il est UN MAL malade que JE VOIS DESSOUS LE SOLEIL : la richesse gardée par son maitre pour son MAL 13 et est perdue cette richesse celle-là dans une affaire 14 MAUVAISE, et il engendre un fils et il n’y a pas en sa main RIEN. Comme il était sorti du ventre de sa mère, nu il retournera s’en aller comme il était venu et RIEN il ne retirera de son travail qui aille en sa main. 15 Et aussi cela est UN MAL malade que tout comme il était venu ainsi il s’en aille. Et quel avantage pour lui d’avoir peiné pour LE VENT ? 16 Aussi tous ses jours dans l’obscurité il mange et un chagrin abondant et sa maladie et l’irritation. 17 Voici ce que JE VOIS, moi, un BONHEUR qui est beau : de manger et de boire et de voir le BONHEUR dans tout son travail qu’il peine DESSOUS LE SOLEIL, tout le nombre des jours de sa vie lesquels lui donne DIEU, car cela est sa part. 18 Aussi tout humain lequel lui donne DIEU richesse et ressources, et le laisse manger d’elles et en recevoir sa part et se réjouir de son travail, cela est un don de DIEU lui. 19 Car pas abondamment il se souvient des jours de sa vie car DIEU l’occupe à la joie son cœur. 6,1 Il y a UN MAL que JE VOIS DESSOUS LE SOLEIL et abondant lui pour l’humain : 2 un homme à qui donne DIEU richesse et ressources et gloire, et il n’est pas manquant pour son âme de tout ce qu’il désire, mais ne le laisse pas DIEU manger de cela et un homme étranger en mange. Cela est BUÉE et maladie mauvaise elle. 3 Si engendre un homme cent enfants et des années abondantes il vit, et abondance que furent les jours de ses années, et son âme n’est pas rassasiée de BONHEUR et aussi de tombeau il n’y a pas pour lui : je dis que plus-BON que lui l’avorton. 4 Oui, dans la BUÉE il est venu et dans la ténèbre il s’en va et dans la ténèbre son nom est couvert ; 5 aussi le soleil IL N’A PAS VU et N’A PAS CONNU : plus de repos pour celui-ci que pour celui-là. 6 Et même si il a vécu mille années deux-fois, et le BONHEUR IL N’A PAS VU, n’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? Tout le travail de l’humain est pour sa bouche et aussi son aspiration n’est pas remplie. 8 Car quel avantage pour le sage sur l’insensé ? Quel (avantage) à l’indigent QUI SAIT aller devant les vivants ? 9 Plus-BONNE LA VISION DES YEUX que l’aller de l’aspiration. Aussi cela est BUÉE et poursuite de vent ! 10 Ce qui fut déjà a été appelé son nom et l’on sait ce qu’est un humain et il ne peut contester avec plus fort que lui ; 11 car il y a des paroles abondantes, faisant-abonder la BUÉE. Quel avantage pour l’humain ? 12 Oui, QUI SAIT ce qui est BON pour l’humain pendant la vie, le nombre des jours de la vie de sa BUÉE et il passe comme une ombre ? CAR QUI ANNONCERA POUR l’humain CE QUI SERA APRÈS LUI DESSOUS LE SOLEIL ?

7

– À la fin du premier passage (5,17-19) et à la fin du dernier (8,15), les joies simples de la vie que Dieu donne, avec un lexique commun très dense ; – « bon(heur)/bien » (5,10a.17a bis ; 6,3b.c.6b.9.12a / 7,18a.20b.26b ; 8,12b.13a. 15a ; – « mal(heur)/mauvais(eté) » (5,12a.b.13a.15a ; 6,1 / 7,15b ; 8,3b.5b.6b.9b. 11b.c.12a) ; – « voir/vision/yeux » (5,10ab.12a.17a ; 6,1.5a.6b.9 / 7,15a.27a.29a ; 8,9a) ; – « humain » (5,18a ; 6,1.7.10a.11b.12a.b / 7,20a.29a; 8,1b.6b.8b.9b bis.11c. 15a); – « Dieu » (5,17b.18a.19b ; 6,2b.c. / 7,18b.26b.29a ; 8,2.12b.13b.15c) ; – « buée/vent » (5,15b ; 6,2cd.9.11a.12b / 7,15 ; 8,10b.14a.c) ; – « dessous le soleil » (5,12a ; 6,1.12c / 8,9a.15a.c) ; – « qui annoncera ce qui sera ? » à la fin de la première séquence (6,12cd) et à la fin du passage central de la dernière (8,7b) ; – « connaitre/savoir » (yd‘ : 6,5a.8b.12a / 7,22a.25b bis ; 8,1a.5b bis.7b.12b).

L’ensemble de la deuxième sous-section (5,10–8,15)

197

7,15 Tout J’AI VU en mes jours de BUÉE : il y a un juste périssant dans sa justice et il y a un méchant prolongeant (sa vie) dans sa MAUVAISETÉ. 16 Ne sois pas juste à l’excès et ne sois-pas-sage trop, pourquoi te détruirais-tu ? 17 Ne sois-pas-méchant à l’excès et ne sois pas fou, pourquoi mourrais-tu avant ton temps ? 18 BON que tu tiennes à ceci et aussi de cela ne pas lâche ta main, car le craignant DIEU accomplit les deux. 19 La sagesse rend fort le sage plus que dix gouverneurs lesquels sont dans une ville. 20 Oui, d’humain il n’est pas de juste sur la terre lequel fait LE BON et ne pèche pas. 21 Aussi à toutes les paroles lesquelles ils parlent, ne donne pas ton cœur, que tu n’entendes pas ton serviteur te maudire ; 22 car aussi des fois abondantes A CONNU ton cœur que toi aussi avais maudit les autres. 23 Tout cela, j’ai essayé avec sagesse ; j’ai dit : « Je serai sage », et elle éloignée de moi ! 24 Éloigné ce qui fut et profond ; profond, qui le trouvera ? 25 J’ai tourné, moi et mon cœur, à CONNAITRE et à explorer et à chercher la sagesse et la réflexion, à CONNAITRE la méchanceté pour une absurdité et la folie pour une sottise. 26

Et je trouve, moi, plus amère que la mort la femme qui elle est des pièges, et des filets son cœur, des chaînes ses bras ; BON devant DIEU qui se délivre d’elle, mais le pécheur est pris par elle. 27 VOIS ce que je trouve, dit Qohélet, un par un pour trouver une raison 28 que encore cherche mon âme et point ne la trouve : un humain un seul sur mille, je trouve, mais une femme sur toutes, je ne trouve pas. 29 Seulement VOIS ce que je trouve : que DIEU a fait l’humain droit, et eux cherchent des raisons abondantes. 8,1 Qui est comme le sage et qui CONNAIT l’explication d’une affaire ? La sagesse de l’humain fait-luire sa face et la dureté de sa face est changée. 2 Moi : la bouche du roi garde, et à cause du serment de DIEU, 3 ne te presse pas t’en aller de sa face, ne te dresse pas dans une affaire MAUVAISE, car tout ce qu’il désire, il le fait, 4 parce que la parole du roi est domination, et qui lui dira : « Que fais-tu ? » 5 Qui garde le commandement 6 NE CONNAIT PAS une affaire MAUVAISE et le cœur du sage CONNAIT temps et jugement, car pour tout désir il y a temps et jugement car LE MALHEUR de l’humain est abondant pour lui. 7 Oui, 8 IL N’EST PAS CONNAISSANT ce qui sera ; oui, comme ce sera, qui le lui annoncera ? Il n’y a pas d’humain dominant le souffle pour retenir le souffle, et il n’y a pas de domination sur le jour de la mort. Et il n’y a pas de relâche à la guerre, et la méchanceté ne délivre pas son maitre.

Tout cela J’AI VU, en mettant mon cœur à toute œuvre laquelle est faite DESSOUS LE SOLEIL, au temps où domine l’humain sur l’humain, pour son MALHEUR. 10 Et avec cela J’AI VU des méchants enterrés, et on vient du lieu saint on s’en va, et l’on oublie dans la ville ce qu’ils firent ; cela aussi est BUÉE ! 11 Parce que n’est pas faite la sentence contre qui fait LE MAL rapidement, pour cela est plein le cœur des fils d’Adam en eux de faire LE MAL ; 12 que le pécheur fasse LE MAL cent fois, il prolonge sa vie pour lui. Oui, aussi, JE SAIS, moi, qu’il y aura DU BON pour les craignant DIEU parce qu’ils craignent devant sa face ; 13 et LE BON il n’y aura pas pour le méchant et il ne prolongera pas ses jours, comme l’ombre, parce qu’il n’est pas craignant devant la face de DIEU. 14 Il y a une BUÉE laquelle est faite sur la terre : qu’il y a des justes lesquels il arrive à eux selon l’œuvre des méchants. Et il y a des méchants qu’il arrive à eux selon l’œuvre des justes ; je dis que cela aussi est BUÉE. 15 Et je loue, moi, la joie, selon laquelle il n’y a de BON pour l’humain DESSOUS LE SOLEIL sinon de manger et de boire et de se réjouir ; et cela l’accompagne dans son travail aux jours de la vie que DIEU lui donne DESSOUS LE SOLEIL.

9

– « Mal(heur)/mauvaiseté » a un sens moral dans la dernière séquence, ce qui n’était pas le cas dans la première ; – le couple « juste – méchant » ne se trouve que dans la dernière séquence1 ; à la fin de la première séquence (6,8) se trouvait le couple « sage – insensé » ; – « faire/œuvre » (‘śh) ne se trouve pas une seule fois dans la première séquence, mais souvent dans la dernière (7,20b ; 8,3b.4b.9a bis.10b.11b bis.11c.12a).

1

« Juste/justice » (7,15a.16a.20a ; 8,14a.b) ; « méchant/méchanceté » (7,15a.17a.25b ; 8,8c. 10a.13a.14b bis). Ces deux termes n’étaient plus apparus après 3,17.

198

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LA SÉQUENCE CENTRALE ET LES DEUX AUTRES 7,1 Plus--BON un nom qu’un BON parfum et le jour de la mort que le jour de l’enfantement. 2 Plus--BON d’aller à la maison du deuil qu’aller à la maison du banquet, puisque celle-ci est LA FIN de tout homme ; et le vivant le donnera à son cœur. 3 Plus--BON le chagrin que le rire, car dans LE MAL du visage le cœur est BON. 4 Le cœur DES SAGES est dans la maison du deuil et le cœur des insensés dans la maison de la joie. 5 Plus--BON d’écouter le reproche DU SAGE qu’un homme écoute le chant de l’insensé ; 6 car telle la voix des épines dessous le chaudron, ainsi le rire de l’insensé, et cela aussi est BUÉE. 7

Oui, l’oppression rend-fou LE SAGE et un don perd le cœur. 8 Plus--BON L’APRÈS d’une chose que son début, plus--BONNE la longueur-d’esprit que la hauteur-d’esprit. 9 Ne te hâte pas dans ton esprit de t’irriter, oui, l’irritation repose dans le sein des insensés. 10

Ne dis pas : « Comment est-ce que les jours premiers furent plus--BONS que ceux-ci ? » Car ce n’est pas de SAGESSE que tu questionnes sur cela. 11 BONNE est LA SAGESSE avec un héritage et c’est un avantage pour ceux qui voient le soleil, 12 car à l’ombre de LA SAGESSE à l’ombre de l’argent, mais l’avantage de la connaissance, c’est LA SAGESSE qui fait vivre ses maitres. 13 VOIS l’œuvre de DIEU : car qui peut redresser ce qu’il a courbé ? 14 Au jour du BONHEUR, sois dans le BONHEUR, et au jour du MALHEUR, VOIS : DIEU a fait aussi cela en face de cela, de sorte que l’humain ne trouve RIEN APRÈS LUI.

Les deux mots-clés de la séquence centrale sont « (plus)-bon(heur) », douze fois (1bis.2a.3a.b.5a.8a.b.10a.11a.14a bis) et « sage/sagesse », sept fois (4a.5a.7. 10b.11a.12a.b), deux nombres de totalité. Ces deux termes se retrouvent dans les deux autres séquences : – « bon(heur)/bien » (sept fois, 5,10a.17a bis ; 6,3b.c.6b.9 / six fois, 7,18a.20b. 26b ; 8,12b.13a.15a) ; – « sage/sagesse » (une seule fois, 6,8b / neuf fois, 7,16a.19a bis.23 bis.24b ; 8,1a.b.5b. « La fin » et « après » (2b.8a.14c) forment système ; « après lui » se retrouve en 6,12c à la fin de la première séquence. Les deux occurrences de 6,12c et 7,14c jouent le rôle de termes finaux pour les deux premières séquences. Lié à « la fin » et « après », « la mort » marque fortement la séquence centrale (7,1a), accompagnée de « deuil » (2a.4a). Or, « la mort » marque surtout les passages centraux des séquences extrêmes : le terme encadre le passage central de la dernière séquence (7,26a ; 8,8c) ; quant au centre de la première séquence, si « mort » n’y revient pas, « avorton » lui correspond, plus fort encore puisque sa mort précède sa naissance (6,3c). « Cela aussi est buée » ne revient qu’une seule fois, à la fin de la première partie (7,6b), à quoi correspond « rien » à la fin de la troisième partie (14c) ; « buée/vent » se trouve aussi dans les deux autres séquences (5,15b ; 6,2cd.9.11a.12b / 7,15 ; 8,10b.14a.c) et « rien » deux fois au début de la première séquence (5,13b.14b). « Dieu » est nommé deux fois à la fin (7,13b.14b), comme dans les deux autres séquences (5,17b.18a.b.19b ; 6,2b.c / 7,18b.26b.29a ; 8,12b.13b.15c). On pourra aussi noter les deux occurrences de « mal(heur) » (7,3b.14b) qui revient si souvent dans les deux autres séquences, et des deux « vois » (13a.14b), terme lié à la sagesse, très fréquent dans les autres séquences.

L’ensemble de la deuxième sous-section (5,10–8,15)

199

INTERPRÉTATION LE MALHEUR Tout commence par une longue séquence des malheurs qui s’abattent sur les fils d’Adam. Les exemples se multiplient. D’entrée de jeu, ce sont les « mangeurs » qui abondent inévitablement dès que des biens, des richesses abondent quelque part (5,10), si bien que leur possesseur, qui déjà était privé de sommeil, en est bien vite dépouillé ; et le voilà incapable de rien laisser à son fils ! Puis c’est le cas de celui qui a reçu de Dieu richesses, ressources et gloire, et c’est un étranger qui en profite à ses dépens (6,1-2). Et puis encore un autre, comblé d’années et de fils, mais que le bonheur fuit et qui n’aura même pas l’honneur d’un tombeau (3-6). Voilà donc qui ne peut manquer de soulever toute une série de questions, toutes plus radicales les unes que les autres : « Quel avantage pour l’homme d’avoir peiné pour le vent ? », déjà au centre de la première partie (5,15). Et dans la dernière partie, c’est l’explosion en rafale de cinq questions : « Quel avantage pour le sage sur l’insensé ? Quel avantage pour l’indigent qui sait aller devant les vivants ? » (6,8) ; et la séquence s’achève avec trois autres questions consécutives : « Quel avantage pour l’humain ? Oui, qui sait ce qui est bon pour l’humain pendant la vie, le nombre des jours de la vie de sa buée et il passe comme une ombre ? Car qui annoncera pour l’humain ce qui sera après lui dessous le soleil ? » (11-12). Ainsi, la dernière question est celle de la fin de l’homme, question qui fait écho à celle sur laquelle s’achevait la partie centrale : « N’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? » (6,6). Après tous les malheurs de la vie, le malheur des malheurs n’est autre que la mort qui ouvre sur l’inconnu. « PLUS-BON UN NOM... » Toute la sous-section tourne autour de la question de ce qui est « bon », de ce qui est « plus-bon » pour l’homme. La séquence centrale a des allures de litanie : douze fois — une fois pour chacune des douze tribus d’Israël — résonne, comme un gong, le monosyllabe ṭôb, « bon » ; ce qui fait écho au septénaire qui scande le récit de la semaine originelle (Gn 1). C’est d’abord une série de comparaisons qui donnent la préférence à ce qui peut paraitre négatif au dernier degré, « la mort » avant tout, et tout ce qu’elle entraine, « la maison du deuil », « le chagrin », « le reproche », « la fin d’une chose ». Puis, peu à peu est dévoilé ce qui est « bon » plus que tout, et qui « fait vivre » (12), « la sagesse », dont le nom avec celui des « sages », répété sept fois, se trouve accolé définitivement à ce qui est bon. Au centre de la séquence centrale, la dimension morale de la sagesse est illustrée par la « longueur d’esprit » déclarée meilleure que la « hauteur d’esprit ». La sagesse a un nom propre, un « nom » meilleur que le meilleur des parfums (7,1), qui n’est dévoilé qu’à la fin de la séquence, mais par deux fois, celui du « Dieu » qui a tout fait, le malheur comme le bonheur (13-14). « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris ; béni soit le nom du Seigneur ! » (Jb 1,21).

200

La deuxième section (3,10–9,10)

LE MAL La sagesse fait prendre conscience aux fils d’Adam que le mal n’est pas seulement un malheur qui lui arrive de l’extérieur. Ce peut être aussi quelque chose qui habite le cœur de l’homme, et qui a pour nom la « méchanceté ». Ce terme réapparait tout à coup au tout début de la dernière séquence (7,15) et l’accompagnera jusqu’au bout (8,14) ; le « méchant » est évidemment opposé au « juste ». Tenant à la méchanceté de l’homme, à sa « mauvaiseté » (15b), le mal ressemble au malheur dont parle la première séquence, car il renverse, il pervertit l’ordre des choses et des valeurs : c’est ainsi que le juste « périt » avant l’heure, tandis que le méchant « prolonge sa vie » (15). Le plus grand malheur, c’est que le mal, « le péché », puisqu’il faut l’appeler par son nom, n’est pas le fait de quelquesuns : « Il n’est pas de juste sur la terre, qui fasse ce qui est bon et ne pèche pas » (7,20). Femme ou homme, tous avaient été créés droits mais tous, aussi bien « Adam » que « la femme », ont perverti son œuvre par leurs raisonnements (29). LA SAGESSE Aux questions qu’au début l’homme doit affronter devant les malheurs qui le frappent, devant la mort qui l’attend et l’inconnu qui marque ce qui adviendra « après lui », c’est la sagesse qui à la fin donne ses réponses et propose ses conseils. Si tous sont pécheurs, rien ne servirait de vouloir faire l’ange. Il vaut mieux s’en tenir humblement à un juste milieu, ni juste à l’excès ni méchant outre mesure (7,16-17), la crainte de Dieu aidant. Qui pourrait condamner un autre, alors qu’il maudit son prochain comme lui ? (21-22). Être sage, c’est être conscient qu’on ne l’est pas (23-24). Devant Dieu comme devant le roi, le sage sait rester à sa place, reconnaissant et acceptant ses limites. Et la première comme la dernière de ces limites est marquée par sa mort. Enfin, au milieu d’un monde où règnent le mal et la domination, le sage ne s’érige pas en juge de quiconque, laissant à Dieu temps et jugement, pour ceux qui le craignent et pour ceux qui ne s’en soucient pas (8,12-13). LE DON DE DIEU La fin de l’homme est en Dieu, comme son origine est en lui. Entre ces deux limites de sa vie, qui passe comme une ombre, le sage indique la voie du bonheur : manger, boire et se réjouir de son travail. Ce n’est pas là un conseil mineur, donné en passant. Il est répété, en position de relief, marquant le début et la fin de toute la sous-section (5,17-19 ; 8,15). À première vue, un tel bonheur peut paraitre sans grandeur, et même d’une extrême platitude. Le secret, la clé se trouve dans deux mots : « le don » et « sa part ». Manger, boire, se réjouir de tout son travail, tous les jours de sa vie, tout cela est un don de Dieu, c’est pour l’homme sa part d’héritage. « Et je loue, moi, la joie... » (8,12). La grandeur de

L’ensemble de la deuxième sous-section (5,10–8,15)

201

cette joie, c’est que c’est celle de celui qui se reconnait fils de Dieu, son héritier, qui voit en celui qui lui donne la vie la face de son Père. « Plus-bonne la longueur d’esprit que la hauteur d’esprit ». Ce proverbe, au centre de la sous-section (7,8), est éclairé par le double conseil qui l’enserre sur « le bonheur qui est beau » (5,15). « La longueur d’esprit » est la patience, la prévoyance qui ouvre les yeux sur ce qui se trouve à la fin, plus justement, sur Celui qui se trouve à la fin. Quant à « la hauteur d’esprit », c’est la superbe, l’orgueil, tout ce que repousse le psalmiste quand il dit au psaume 131 : 1

Cantique des montées, de David. Seigneur, ne se hausse pas mon cœur et ne s’élèvent pas mes yeux et je ne vais pas par des grandeurs et par des merveilles plus que moi. 2 Mais que non, je tiens égale et tiens silencieuse mon âme ; comme un enfant contre sa mère, comme l’enfant contre moi est mon âme. 3 Espère, Israël, en le Seigneur, de maintenant et pour toujours.

III. LE SAGE CONDUIT À LA VIE LES FILS D’ADAM La troisième sous-section : 8,16–9,10 La troisième sous-section comprend trois séquences organisées de manière concentrique. Les séquences extrêmes comprennent chacune deux passages ; la séquence centrale est de la taille d’un seul passage.

B7 : LA RECHERCHE

B8 : LE MAL

B9 : LA RECHERCHE

DE LA SAGESSE

DES FILS D’ADAM

DE LA VIE

8,16–9,2

9,3

9,4-10

A. LA RECHERCHE DE LA SAGESSE La séquence B7 : 8,16–9,2 La première séquence comprend deux passages : L’HOMME NE PEUT TROUVER

LA SAGESSE

8,16-17

LES ŒUVRES DES SAGES SONT

DANS LA MAIN DE DIEU

9,1-2

1. L’homme ne peut trouver la sagesse Le premier passage : 8,16-17 TEXTE 8,16 Quand j’ai donné mon cœur à connaitre la sagesse et à voir l’affaire laquelle se fait sur la terre, car aussi de jour et de nuit le sommeil dans ses yeux il n’est pas voyant, 17 alors j’ai vu toute l’œuvre de Dieu car ne peut l’humain trouver l’œuvre laquelle se fait dessous le soleil dans ce que peine l’humain à chercher et point ne trouve, et aussi si dit le sage connaitre, il ne peut trouver.

Tout le passage forme une seule phrase complexe, protase introduite par « Quand » (16), apodose introduite par un simple waw, qu’on peut traduire par « alors » (17). V. 16EF : « CAR AUSSI DE JOUR ET DE NUIT...

»

Introduits par « car » (kî), les deux derniers membres de 16 sont une incise, le sujet de la proposition (l’humain, sous-entendu) étant différent de celui de la principale (16a). V. 17B : « CAR NE PEUT L’HUMAIN TROUVER L’ŒUVRE... »

La fonction de cette proposition introduite par kî est très discutée, certains la tenant pour le second objet de « j’ai vu », d’autres comme une causale. C’est cette dernière solution qui est retenue ; comme celui de 16e, ce nouveau kî est donc traduit par « car ». V. 17D

: « DANS CE QUE PEINE L’HUMAIN À CHERCHER »

La proposition est introduite par l’expression bešel ’ăšer qui est traduite littéralement.

206

La deuxième section (3,10–9,10)

COMPOSITION + 8,16 Après que + à CONNAITRE

LA SAGESSE

+ et à VOIR = laquelle

l’affaire SE FAIT

sur la terre,

– car aussi – le sommeil

de jour dans ses yeux

et de nuit il n’est pas

- car ne peut = laquelle

l’humain SE FAIT

trouver dessous

L’ŒUVRE

:: dans ce que - et point

peine

l’humain

à chercher

ne trouve,

:: et aussi, - il ne peut

LE SAGE

CONNAITRE,

trouver.

j’ai donné

mon cœur

VOYANT, ······································································································· + 17 alors J’AI VU toute L’ŒUVRE de Dieu

si dit

le soleil

Le passage est de la taille d’une partie formée de deux morceaux. Le premier est la protase, le second l’apodose. Dans les deux premiers segments du premier morceau, « la sagesse » que cherche à « connaitre » Qohélet (16b) porte sur ce qui se fait « sur la terre » (16cd) ; le troisième segment précise que cette « affaire » ne laisse pas l’homme dormir tranquillement. « Voir » revient aux extrémités des deux derniers segments (16c.f). Le deuxième morceau pose en commençant « l’œuvre de Dieu » et poursuit en insistant sur le fait que « l’humain » est incapable de « trouver » (17b.e.g), c’est-à-dire de comprendre « l’œuvre qui se fait sous le soleil » (17bc), à laquelle « il peine » (17d), même s’il prétend la « connaitre » (17f). Cette « œuvre » est déclarée être celle « de Dieu » (17a). Les deux morceaux sont agrafés par le verbe « voir » (16f.17a) ; à « laquelle se fait sur la terre » (16d) correspond « laquelle se fait dessous le soleil » (17c). Les deux occurrences de « connaitre » « la sagesse/le sage » font inclusion (16b.17f).

INTERPRÉTATION LE DÉSIR IRRÉPRESSIBLE DE VOIR Comme tout homme digne de ce nom, Qohélet cherche à comprendre. Il veut « connaitre la sagesse », c’est-à-dire saisir le sens de ce qui se fait sur la terre, de ce qu’il fait. Cette préoccupation occupe son esprit « jour et nuit », mais ne le laisse pas dormir. Il veut voir, mais il ne peut même pas voir le sommeil.

La troisième sous-section, séquence B7 (8,16–9,2)

207

VOIR L’INVISIBLE Ses efforts n’auront pas été vains. Son désir de voir est comblé : « alors j’ai vu ». Toutefois, et c’est là le paradoxe, ce qu’il a vu, c’est que l’homme ne peut pas trouver, ne peut rien comprendre de tout ce qui se fait sous le soleil. Et s’il lui arrivait de penser et de prétendre être sage au point de connaitre quelque chose, il serait dans l’illusion la plus complète. La seule chose qu’il sait, c’est qu’il ne sait pas. Cela peut paraitre bien peu de chose, mais en réalité, c’est beaucoup, et c’est sans doute l’essentiel, l’essence du savoir.

2. Les œuvres des sages sont dans la main de Dieu Le deuxième passage : 9,1-2 TEXTE 9,1 Oui, à tout cela j’ai donné à mon cœur et j’ai éprouvé tout cela : que les justes et les sages leurs services (sont) dans la main de Dieu ; aussi l’amour aussi la haine ne sait pas l’humain (que) tout est devant eux. 2 Tout (est) pareil pour tous : un sort unique pour le juste et pour le méchant, pour le bon et pour le pur et pour l’impur, pour le sacrifiant et pour qui n’est pas sacrifiant ; comme pour le bon comme pour le pécheur, le jurant comme qui le jurement craint. V . 1B

: « ET J’AI ÉPROUVÉ »

L’infinitif précédé du coordonnant « continue le verbe précédent »1 ; c’est pourquoi il est traduit par un verbe fini aux mêmes modalités que celle de « j’ai donné » (comme en 8,9ab). V . 1D

: « LEURS SERVICES »

Ce terme, unique dans la bible hébraïque, est de la racine ‘bd ; il désigne les actions des « serviteurs » (2,7 ; 5,11 ; 7,21 ; 10,7). Il est donc traduit par « services », ce qui inclut le service liturgique dont il sera question dans le dernier segment du passage (2def). V. 1EFG

: « AUSSI L’AMOUR AUSSI LA HAINE NE SAIT PAS L’HUMAIN (QUE)... »

Le verbe semble avoir deux compléments d’objet : « l’amour et la haine » et la proposition nominale finale, « que tout (est) devant lui », « tout » renvoyant à « l’amour et la haine ». Le référent de « eux » est « l’humain » ; comme ce dernier terme est un collectif, l’accord se fait au pluriel. V. 2

: « TOUT COMME À TOUS »

La Septante et la Syriaque lisent le premier mot, hkl, comme hbl, « buée », qui se trouve rattaché à la fin du verset précédent : « tout devant eux (est) buée ». Selon le texte hébreu, le premier membre du verset introduit la suite : « tout », c’est-à-dire « un sort unique », est pareil « pour tous », à savoir pour le juste comme pour le méchant...

1

Voir Joüon, 124p.

210

La deuxième section (3,10–9,10)

COMPOSITION + 9,1 Oui, à tout cela j’ai donné + et j’ai éprouvé tout cela :

mon cœur

:: que :: leurs services

LES JUSTES

et les sages de Dieu ;

– aussi L’AMOUR – ne sait pas – (que) tout

aussi LA HAINE l’humain, (est) devant eux.

(sont) dans la main

·····························································································································

- 2 Tout - un sort - pour LE BON

(est) pareil unique et pour LE PUR

pour tous pour LE JUSTE et pour L’IMPUR,

- pour LE SACRIFIANT et pour qui N’EST PAS - comme pour LE BON comme pour LE PÉCHEUR, - LE JURANT comme qui LE JUREMENT

et pour LE MÉCHANT, SACRIFIANT

;

CRAINT.

Dans le premier morceau, ce sont deux choses que Qohélet a examinées : d’une part que Dieu tient dans sa main les actions des justes (1cd), et d’autre part que l’homme est incapable de distinguer entre « l’amour » et « la haine » qui sont devant lui (1efg). Dans le second morceau, « tout », c’est-à-dire « un sort unique » est « pareil pour tous », ce dernier « tous » comprenant également « juste » et « méchant » (2b) ; cette opposition est ensuite détaillée dans les membres suivants. Dans le dernier segment, les membres extrêmes concernent des actions du culte, sacrifices et vœux. Alors que les quatre membres 2bcde présentent le couple « bon » – « pécheur » dans le même ordre positif – négatif, c’est l’inverse dans le dernier membre ; c’est là un classique phénomène de clôture2. Deux occurrences de « tout/tous » se retrouvent aux extrémités du premier morceau et au début du deuxième. « Justes » de 1c est repris au singulier en 2b. L’opposition entre « amour » et « haine » (1e) annonce la longue série d’oppositions du second morceau.

INTERPRÉTATION L’INCONNAISSANCE DE L’HOMME Il est bien difficile de décider si « l’amour » et « la haine » sont le fait de l’homme ou de Dieu. Est-ce le choix que l’homme doit opérer dans sa vie morale, ou s’agit-il plutôt de l’agir divin qui agrée les actions humaines ou qui les repousse ? Les avis des commentateurs sont partagés. Il se pourrait que 2

Voir R. MEYNET, « Phénomènes de clôture dans les textes bibliques ».

La troisième sous-section, séquence B7 (8,16–9,2)

211

l’ambiguïté soit une manière de souligner le fait que l’homme « ne sait pas » ce qui est devant lui, ni ses propres actions ni le jugement de Dieu. LA SEULE CHOSE ABSOLUMENT CERTAINE Parmi toutes les choses indécidables, une seule ne saurait être mise en doute. C’est « le sort unique » qui est réservé à tous, sans exception aucune : la mort, qui atteindra le juste et le pécheur également. Celle-ci ne fait pas de différence entre celui respecte les règles de pureté édictées dans la Loi et celui qui ne s’en soucie pas, entre ceux qui sont fidèles aux prescriptions cultuelles, qui offrent les sacrifices prescrits, qui prennent soin d’éviter les serments. Tous sont logés à la même enseigne, celle du tombeau. JUSTES, SAGES... SERVITEURS Partout ailleurs, les actions de l’homme sont appelées ses « œuvres », du verbe « faire », les mêmes termes qui sont utilisés pour parler des actions de Dieu. Et c’est ainsi qu’il en était question dans le passage précédent (8,17). Curieusement, c’est un autre terme qui est employé ici, un terme qui est un hapax, et non seulement dans Qohélet, mais même dans toute la bible hébraïque. L’être humain est ainsi présenté, indirectement, comme un « serviteur », au service de son seul maitre, le maitre de l’univers. Le sort unique, non seulement des justes et des sages, mais de « tous », se trouve « dans la main de Dieu ». Dire que les hommes sont ses serviteurs, c’est dire par le fait même que Dieu est leur maitre, le maitre de la vie et de la mort. Le fait que le passage s’achève sur le verbe « craindre » n’est sans doute pas fortuit. Dans le langage biblique, la « crainte » de Dieu est un autre nom, plus pudique, de l’amour. C’est proprement le terme qui convient le mieux au serviteur, tel que le furent Moïse, Josué, David et tous les autres : « Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur » (Ps 113,1).

3. La recherche de la sagesse L’ensemble de la séquence B7 : 8,16–9,2 COMPOSITION 8,16 Après que J’AI DONNÉ MON CŒUR à connaitre LA SAGESSE et à voir l’affaire laquelle se fait sur la terre, car aussi de jour et de nuit il ne voit pas le sommeil dans ses yeux, 17

alors j’ai vu toute l’œuvre de DIEU car L’HUMAIN ne peut trouver l’œuvre qui se fait dessous le soleil dans ce que peine L’HUMAIN à chercher et point ne trouve, et aussi, si LE SAGE dit connaitre, il ne peut trouver. 9,1 Oui, à tout cela J’AI DONNÉ MON CŒUR et j’ai éprouvé tout cela : que LES JUSTES et LES SAGES leurs services sont dans la main de DIEU ; aussi l’amour aussi la haine L’HUMAIN ne sait pas que tout est devant eux. 2

Tout est pareil pour tous : un sort unique pour LE JUSTE et pour le méchant, pour LE et pour LE PUR et pour l’impur, pour QUI SACRIFIE et pour qui ne sacrifie pas ; comme pour LE BON comme pour le pécheur, celui qui jure comme qui CRAINT de jurer. BON

Chaque passage est de la taille d’une partie formée de deux morceaux. – Les deux occurrences de « j’ai donné mon cœur » jouent le rôle de termes initiaux (8,16a ; 9,1a). – « Connaitre/savoir » revient en 8,16a et 9,1c. – À « sagesse/sage » (8,16a.17c) correspondent « les sages » (9,1ab) et les termes qui lui sont associés : « le(s) juste(s) » (9,1a.2a), « le bon » (2ab.c), « le pur » et « qui sacrifie » (2b), et enfin « qui craint de jurer » (2c). – « L’humain » est repris en 8,17a.b et en 9,1b. – « Dieu » est nommé en 8,17a et en 9,1b.

INTERPRÉTATION LA QUÊTE DE LA SAGESSE Connaitre est un besoin irrépressible de tout être humain. Qohélet en est un exemple particulièrement remarquable ; il ne cesse d’y donner tout son cœur. L’homme « cherche » à comprendre ce qui se fait « dessous le soleil », à « trouver » ce qu’il y fait lui-même, quel est le sens de son travail. LA SAGESSE EST HORS DE LA PORTÉE DE L’HOMME L’homme veut voir, mais la seule chose qui est à sa portée, c’est qu’il ne peut voir le sommeil que cherchent ses yeux ; son insatisfaction le poursuit jour et nuit et l’empêche de dormir. Paradoxalement, la sagesse qu’atteint Qohélet, avec

214

La deuxième section (3,10–9,10)

tous ses pairs, c’est de découvrir, de voir qu’elle lui échappe, qu’elle n’est pas à sa portée. Il ne peut trouver ce qu’il cherche pourtant avec tant d’obstination. Il se trouve même incapable de connaitre l’amour et la haine, tels qu’ils s’offrent à son choix, ou tels que Dieu peut les éprouver à l’égard de ce qu’il fait. En définitive, la seule certitude qui s’impose à tous, c’est « le sort unique » de la mort inéluctable. LA SAGESSE EST EN DIEU SEUL Qohélet ne voit pas seulement que l’homme est incapable de voir. Il voit aussi et surtout, en fin de compte, que les œuvres des serviteurs de Dieu sont dans sa main (9,1). Ce qui veut dire que lui seul les connait et les accueille. Telle est « l’œuvre de Dieu » que voit le sage (8,17) : si l’homme ne peut trouver ce qu’il cherche, même s’il peut lui arriver de le prétendre, tel n’est pas le cas de son Maitre et Seigneur.

B. LE MAL DÉBOUCHE SUR LA MORT La séquence B8 : 9,3 La deuxième séquence ne comprend qu’un seul passage, par ailleurs fort court, puisqu’il est de la taille d’un morceau. TEXTE V . 3F

: « SON APRÈS »

L’expression est figée (3,22 ; 6,12 ; 7,14) et c’est pourquoi le pronom suffixe ne s’accorde pas avec « les fils d’Adam », comme « leur cœur », « leur vie ».

COMPOSITION - 3 Cela - dans tout - qu’un sort

(est) un mal, ce qui unique

: et aussi : et les sottises : et après lui

le cœur (sont) dans leur cœur chez les morts.

se fait dessous (soit) pour tous ;

le soleil,

des fils d’Adam durant leur vie

de mal,

(est) plein

Un premier « mal » est « le sort unique » réservé à tous (3abc), le second est le « mal » moral qui affecte les hommes « durant leur vie » (3de), avant qu’il rejoigne « les morts » (3f). Chaque segment s’achève donc sur la mort.

INTERPRÉTATION LE PLUS GRAND MAL La vie de l’homme est pleine de « mal », non pas tant des malheurs qui le frappent du dehors, mais de ce qui sourd de mauvais de « son cœur ». Là se trouve la source de tout ce qui fait souffrir, ce qui ravage les autres et aussi ce qui blesse l’auteur de la violence lui-même. Il est cependant un autre « mal », qui ne dépend pas de l’homme, dont il est victime et auquel personne ne peut échapper : c’est la mort qui frappe chacun à son tour. Il n’est pas de mal plus douloureux que celui-ci.

C. LA RECHERCHE DE LA VIE La séquence B9 : 9,4-10 La troisième séquence comprend deux passages : L’HOMME N’EST CERTAIN

QUE DE SA MORT

LES ŒUVRES DES VIVANTS

SONT AGRÉÉES PAR DIEU

9,4-6

9,7-10

1. L’homme n’est certain que de sa mort Le premier passage : 9,4-6 TEXTE 9,4 Oui, (pour) celui qui est uni à tous les vivants il y a de la certitude ; oui, un chien 5 vivant lui (plus) bon qu’un lion mort. Oui, les vivants savent qu’ils mourront, mais les morts ne sont pas connaissant rien. Il n’y a plus pour eux de salaire, car est oublié leur souvenir ; 6 aussi leur amour, aussi leur haine, aussi leur jalousie déjà ont péri ; et de part il n’y a pour eux plus jamais dans tout ce qui se fait dessous le soleil. V. 4-5B : « OUI, [...] OUI, [...] OUI »

Les trois segments du premier morceau commencent par kî. La valeur causale de ces particules est très faible ; en outre, pour respecter ces termes initiaux, ils sont tous les trois traduits par « oui ». V . 4A

: « OUI, CELUI QUI EST UNI À TOUS LES VIVANTS... »

Le pronom mî est interprété par la Septante et la Vulgate comme un interrogatif ; suivi de ’ăšer, il peut être considéré comme un simple pronom relatif, traduit par « celui qui ». V . 4B

: « IL Y A DE LA CERTITUDE »

Ce terme est un hapax en Qo. En 2R 18,19 (= Is 36,4), ses deux seuls autres emplois, le terme signifie « confiance ». La Septante l’a traduit par « espoir » ; « certitude » semble mieux correspondre au contexte où le terme s’oppose à « ne connaissant rien » (5b).

218 V . 4C

La deuxième section (3,10–9,10) : « OUI, UN CHIEN VIVANT... »

« Chien » est précédé de lamed qui est généralement tenu pour un lamed emphatique. COMPOSITION + 9,4 Oui, (pour) celui + il y a

qui de la certitude ;

est uni

à tous

+ oui, un chien – qu’un lion

vivant mort.

lui

(plus) bon

+ 5 Oui, les vivants – mais les morts

connaissent

qu’ils mourront,

– car est oublié

leur souvenir ;

les vivants

NE SONT PAS connaissant rien. ····························································································································· – IL N’Y A plus pour eux de salaire, 6

– aussi leur amour, – déjà

aussi leur haine, ont péri,

aussi leur jalousie

– et de part – dans tout

IL N’Y A pour

plus se fait

ce qui

eux

jamais dessous

le soleil.

Les trois segments du premier morceau sont liés non seulement par le « oui » initial, mais aussi par la reprise dans leurs premiers membres de « vivant(s) ». « Mort », qui apparait dans le deuxième segment, est repris par « mourir/mort » dans les deux membres du dernier segment. Le deuxième morceau décrit le sort des morts. Tout leur est enlevé, « salaire » et « souvenir » (5cd), « amour », « haine », « jalousie » (6a), « part » (6c). « Il n’y a plus pour eux », dans le premier membre du premier segment, est repris, dans un ordre différent, dans le premier membre du dernier segment. Les deux morceaux sont liés par la reprise de la même négation ’ên, traduite par « ne sont pas » et par « il n’y a (pas) » (5b.5c.6c). INTERPRÉTATION LA CERTITUDE DES VIVANTS Les vivants ont conscience d’exister, ils en ont la certitude. Ils éprouvent non seulement « l’amour », mais aussi « la haine » et « la jalousie » envers leurs semblables. Ils connaissent « le salaire » que leur valent leurs actions bonnes et aussi mauvaises. Ils voient « ce qui se fait sous le soleil ». Et la chose la plus certaine qu’ils connaissent et dont ils ne sauraient douter est que tout cela finira dans la mort.

La troisième sous-section, séquence B9 (9,4-10)

219

LE NÉANT DES MORTS Les morts, au contraire, ne connaissent rien. Savent-ils même qu’ils furent vivants et que désormais ils sont morts ? Ce « rien » englobe, pour ainsi dire, tout, tout ce qui faisait la vie, « salaire », « souvenir », « amour », « haine » et « jalousie ». « Tout ce qui se fait sous le soleil » leur échappe à tout jamais, ils n’y ont plus la moindre « part ». Le sort d’un chien vivant est meilleur que celui d’un homme mort, même s’il fut considéré comme un lion durant son existence passée.

2. Les œuvres des vivants sont agréées par Dieu Le deuxième passage : 9,7-10 TEXTE 9,7 Va, mange avec joie ton pain et bois de cœur bon ton vin, car déjà a agréé Dieu tes œuvres ; 8 en tout temps soient tes habits blancs et que le parfum sur ta tête ne manque pas. 9 Vois la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de la vie de ta buée que il te donne dessous le soleil, tous les jours de ta buée, car lui (est) ta part dans la vie et dans le travail que toi tu peines dessous le soleil. 10 Tout ce que trouve ta main à faire, dans ta force fais-le, car il n’y a ni œuvre, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse dans le Schéol que toi tu vas là-bas. V . 9A

: « VOIS LA VIE AVEC LA FEMME QUE TU AIMES »

« Vois » est souvent traduit par « profiter de », « jouir de » ; il semble qu’il vaut mieux ne pas lisser le texte. Le substantif ’iššâ (« femme ») n’a pas l’article ; la question est donc débattue de savoir s’il s’agit de l’épouse ou de n’importe quelle femme. En hébreu, il n’est pas rare qu’un substantif sans article soit néanmoins défini ; et c’est le cas plus souvent encore dans Qo ; entre tant d’autres exemples, lāda‘at ḥokmâ (8,16) ne signifie pas « pour connaitre une sagesse » ! Quoi qu’il en soit, la traduction respecte l’ambiguïté. Enfin, il est possible de comprendre la phrase de deux façons différentes : Ou bien : « Vois et contemple la vie, toi-même et ton épouse avec toi » (car tu ne pourrais pas sans une telle épouse voir tout seul la vie) ou : « Considère et vois-les tous deux — ta vie et ta femme — dans les jours de ta buée.1 » V . 9C

: « QUE IL TE DONNE »

Le sujet du verbe n’est pas précisé, mais on comprend qu’il s’agit de Dieu, qui est mentionné en 7c ; le même verbe « donner » a Dieu pour sujet et a le même complément d’objet, « jours », en 5,17 (« (tout) le nombre des jours de sa vie lesquels lui donne Dieu » et 8,15 (« aux jours de la vie laquelle lui donne Dieu dessous le soleil »). L’antécédent du relatif ’ăšer, traduit ici par « que » pour respecter l’ambiguïté, est plus probablement « les jours », mais certains pensent qu’il s’agit plutôt de « la femme ». D’une part, un tel antécédent est trop éloigné et, d’autre part, « la femme » est déjà déterminée par une relative : « la femme que tu aimes ».

1

JÉRÔME, saint, Comm. in Eccl., PL 23, 1086 ; CCL 72, 328.

222

La deuxième section (3,10–9,10)

COMPOSITION : 9,7 Va, : et bois - car déjà

de cœur a agréé

avec joie bon Dieu

ton pain ton vin,

: 8 EN TOUT TEMPS : et que le parfum

soient

tes habits

blancs

sur ta tête

ne manque pas.

mange

TES ŒUVRES

;

···················································································································

+ 9 Vois + TOUS LES JOURS + que

la vie de la vie il te donne

+ TOUS LES JOURS + car cela + que toi

de ta buée, (est) ta part tu peines

avec la femme de ta buée

que tu aimes,

dessous

le soleil,

dans la vie

et dans le travail

dessous

le soleil.

···················································································································

: 10 TOUT CE QUE : dans ta force

fais-le,

– car il n’y a – ni connaissance, – que

ni sagesse toi

trouve NI ŒUVRE,

ta main

À FAIRE,

ni réflexion, dans le Schéol tu vas

là-bas.

Le premier morceau est marqué par cinq volitifs, « va », « mange », « bois » (7ab), « soient » et « ne manque pas » (8ab). C’est d’abord la nourriture, « pain » et « vin » (7ab), puis « habits » et « parfum » qui habillent le corps (8). Le dernier membre du premier segment dit que Dieu agrée tout cela. Le morceau central est tout entier consacré à « la femme que tu aimes ». L’insistance est mise sur « la vie » (9a.b.e) et sur sa durée, avec « tous les jours » (9b.d). Les deux segments reprennent « ta buée » et s’achèvent avec « dessous le soleil ». « La vie avec la femme » est aussi celle du « travail » (9ef). Le troisième morceau ajoute aux deux autres le travail, ce qu’on « fait », ce qui suppose non seulement « la force » (10ab), mais aussi « réflexion », « connaissance » et « sagesse » (10cd). Le dernier segment (10cde) s’oppose au précédent. Les trois morceaux comprennent des volitifs, cinq dans le premier, un dans chacun des deux autres (9a.10b). La totalité se trouve dans chaque morceau, du temps en 8a et en 9b.d, et avec « tout ce que », des œuvres de l’homme dans le dernier morceau (10a). « Œuvres » et « faire » (‘śh) se retrouvent dans le premier morceau (7c) et trois fois dans le dernier (10abc) ; ce terme y est annoncé par « travail/peiner » à la fin du morceau central (9ef).

La troisième sous-section, séquence B9 (9,4-10)

223

INTERPRÉTATION LE CORPS AVANT TOUT Tout commence par une invitation qui peut paraitre purement hédoniste : manger et boire, s’habiller de blanc et se parfumer la tête. C’est sans doute une manière de ramener l’homme sur terre, aux humbles réalités concrètes de la vie ordinaire, cette vie matérielle qu’il faut sustenter par le manger et le boire, qu’il faut protéger par ce dont le corps a besoin, le vêtement et le parfum qui le distinguent des animaux. LA SAGESSE EN FIN DE COMPTE Le corps a, certes, ses besoins. Mais les besoins de l’homme ne peuvent être satisfaits sans ses « œuvres ». Les fils d’Adam ne se nourrissent pas de l’herbe des champs et ne peuvent se contenter de l’eau des ruisseaux. Le pain qu’ils mangent et le vin qui réjouit leur cœur sont élaborés par son travail, par sa sagesse de cultivateur, de meunier et de boulanger, de viticulteur et de vinificateur. Et que dire du vêtement et du parfum, produits de l’ingéniosité laborieuse de l’homme, de son « œuvre », de sa « réflexion », de sa « connaissance », en un mot de sa « sagesse ». LA SAGESSE SAIT COMPTER La sagesse pratique suppose que l’on sache compter. Ici, cependant, ce sont « tous les jours de la vie » qui sont pris en compte par le sage. Il sait non seulement que leur nombre est limité, mais aussi que ce sont les jours de sa « buée ». Ce n’est pas que la vie en elle-même est inconsistante : au contraire, elle est source de « joie », d’une joie agréée par Dieu, partagée par la femme aimée. La buée de l’être humain est le fait que ses jours passent, qu’ils passent vite et qu’à la fin il n’en reste rien : là où il va, il n’y a plus « ni œuvre, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse ». Paradoxalement, la sagesse est consciente de sa fin, de sa disparition. LA SAGESSE DE L’AMOUR Manger, boire, bien s’habiller et se parfumer, faire son travail, le tout dans la joie n’aurait guère de sens si l’homme restait seul, sans personne avec qui partager les biens de la vie. Manger et boire seul n’est pas véritablement humain, on ne s’habille et on ne se parfume pas seulement pour soi-même, et le travail est forcément mené avec d’autres. La femme aimée est le partenaire privilégié de l’homme entre tous. On pourra s’étonner que des fils ne soient pas mentionnés. Cela ne signifie pas que la filiation soit absente de cette vie.

224

La deuxième section (3,10–9,10)

« CELA EST TA PART » Toutes les belles choses de la vie, le manger et le boire, le vêtement et le parfum des jours de fête, les œuvres du travail et, surtout, la femme de sa vie, tout cela lui a été donné gratuitement par Dieu, c’est la part d’héritage qu’il a reçue de lui. Voilà donc une manière, discrète, mais non moins réelle, de dire la relation de filiation qui unit l’homme et son Dieu.

3. La recherche de la vie L’ensemble de la séquence B9 : 9,4-10 COMPOSITION 9,4 Oui, pour celui qui est uni à tous LES VIVANTS il y a de la certitude ; oui, un chien VIVANT lui est plus-BON qu’un lion MORT. 5 Oui, LES VIVANTS savent qu’ILS MOURRONT, mais LES MORTS ne savent rien. Il n’y a plus pour eux de salaire, car leur souvenir est oublié. 6 Aussi leur AMOUR, aussi leur haine, aussi leur jalousie déjà ont péri ; et de PART il n’y a pour eux plus jamais dans tout ce qui SE FAIT dessous le soleil. 7

Va, mange avec joie ton pain et bois de BON cœur ton vin, car déjà Dieu a agréé ; 8 en tout temps que tes habits soient blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. 9 Vois LA VIE avec la femme que TU AIMES, tous les jours de LA VIE de ta buée qu’il te donne dessous le soleil, tous les jours de ta buée, car cela est ta PART dans LA VIE et dans le travail que toi tu peines dessous le soleil. 10 Tout ce que ta main trouve à FAIRE, FAIS-LE dans ta force, car il n’y a ni ŒUVRE, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse dans LE SCHÉOL où toi tu vas là-bas. TES ŒUVRES

– L’opposition entre la vie et la mort se retrouve dans les deux passages : « les vivants » – « mort(s)/mourir » (4-5) ; « la vie » (9ab) – « le schéol » (10b). – « Faire/œuvres » jouent le rôle de termes médians (6c.7b) et se retrouvent à la fin (10a ter). – « Dessous le soleil » est repris trois fois (6c et 9b.c). – « Connaitre/connaissance/savoir » est repris en 5ab et 10b. – « Bon » revient en 4b et 7a. – « Amour/aimer » en 6a et 9a. – « Part » en 6b et 9b. – La même négation revient en 5c.6b et en 10a.

INTERPRÉTATION UN CHIEN VIVANT L’image du chien et du lion frappe, en quelque sorte, plus que tout le reste ; d’autant plus qu’elle est assénée au début de la séquence. C’est que le contraste est des plus violents entre le symbole par excellence de la puissance et l’animal le plus méprisé en ce temps-là. C’est là une manière particulièrement efficace d’exalter la vie, dans un monde que le premier passage dépeint de manière si sombre. Il insiste en effet sur l’état des morts qui sont privés de tout absolument, de « salaire » et de « souvenir », d’« amour » comme de « haine » et de « jalou-

226

La deuxième section (3,10–9,10)

sie ». Ils sont précipités à jamais dans le néant le plus total. Décidément, une vie de chien vaut mieux que la mort. « VOIS LA VIE » Le deuxième passage contrebalance heureusement le premier. Quoiqu’elle doive finir, cette « vie de chien » vaut tout de même la peine d’être vécue. C’est que la mort n’est pas la seule « certitude » qui s’impose à l’homme. Il y a le pain et le vin des repas et des banquets où l’on se rend en vêtements blancs et parfumé de la tête aux pieds, il y a surtout « la femme que tu aimes » et avec laquelle tu contempleras la vie tout au long des jours de ta buée. Et enfin, il y a ce « Dieu » qui te donne tout, jusqu’à la joie que tu éprouveras dans les œuvres de ton travail, et qui en somme te traite comme un fils.

D. LE SAGE CONDUIT À LA VIE LES FILS D’ADAM L’ensemble de la troisième sous-section : 8,16–9,10

COMPOSITION La troisième sous-section compte trois séquences organisées de manière concentrique. Les séquences extrêmes comprennent chacune deux passages ; la séquence centrale est de la taille d’un seul passage. Séquence B7 : LA RECHERCHE

L’homme

DE LA SAGESSE

ne peut trouver

Les œuvres des sages

8,16-17

sont dans la main de Dieu

Séquence B8 : LE MAL DÉBOUCHE Séquence B9 : LA RECHERCHE

L’homme

la sagesse

n’est certain que

9,1-2

9,3

SUR LA MORT

DE LA VIE

de sa mort

Les œuvres des vivants sont agréées

9,4-6 par Dieu

9,7-10

228

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES B1 ET B3 8,16 Après que j’ai donné mon cœur à CONNAITRE LA SAGESSE et à VOIR l’affaire laquelle SE FAIT sur la terre, car aussi de jour et de nuit IL NE VOIT PAS le sommeil dans ses yeux, 17

alors J’AI VU toute l’œuvre de DIEU car l’humain ne peut trouver L’ŒUVRE qui SE FAIT dessous le soleil dans ce que peine l’humain à chercher et point ne trouve, et aussi, si LE SAGE dit CONNAITRE, il ne peut trouver. 9,1 Oui, à tout cela j’ai donné mon cœur et j’ai éprouvé tout cela : que les justes et LES SAGES leurs services sont dans la main de DIEU ; aussi L’AMOUR aussi la HAINE l’humain NE CONNAIT PAS que tout est devant eux. 2

Tout est pareil pour tous : un sort unique pour le juste et pour le méchant, pour le bon et pour le pur et pour l’impur, pour qui sacrifie et pour qui ne sacrifie pas ; comme pour le bon comme pour le pécheur, celui qui jure comme qui craint de jurer. [...]

9,4 Oui, pour celui qui est uni à tous les vivants, il y a de la certitude ; oui, un chien vivant lui est plus-bon qu’un lion mort. 5 Oui, les vivants SAVENT qu’ils mourront, mais les morts NE SAVENT RIEN. Il n’y a plus pour eux de salaire, car leur souvenir est oublié. 6 Aussi leur AMOUR, aussi leur HAINE, aussi leur jalousie déjà ont péri ; et de part il n’y a pour eux plus jamais dans tout ce qui SE FAIT dessous le soleil. 7

Va, mange avec joie ton pain et bois de bon cœur ton vin, car déjà DIEU a agréé tes ŒUVRES ; 8 en tout temps que tes habits soient blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. 9

VOIS la vie avec la femme que TU AIMES, tous les jours de la vie de ta buée qu’il te donne dessous le soleil, tous les jours de ta buée, car cela est ta part dans la vie et dans le travail que toi tu peines dessous le soleil. 10

Tout ce que ta main trouve à FAIRE, FAIS-LE dans ta force, car il n’y a ni ŒUVRE, ni réflexion, ni CONNAISSANCE, ni SAGESSE dans le Schéol où toi tu vas là-bas.

– Les deux occurrences de « sagesse » font inclusion (8,16a / 9,10b) ; « sage(s) » revient en 8,17c et 9,1b. – « Connaitre/connaissance/savoir » (8,16a.17c ; 9,1c / 9,5a.b.10b). – « Voir » (8,16a.b.17a / 9,9a). – « Faire/œuvre » (8,16b.17a bis / 9,6c.7b.10a ter). – « Dieu » (8,17a ; 9,1b / 9,7a). – « Dessous le soleil » (8,17b / 9,6c.9b.c). – « Aussi l’amour, aussi la haine » (9,1b / 6ab) et « tu aimes (9,9a). – « Travail/peiner » (8,17b / 9,9c bis).

L’ensemble de la troisième sous-section (8,16–9, 10)

229

LES RAPPORTS ENTRE LA SÉQUENCE CENTRALE ET LES DEUX AUTRES 8,16 Après que j’ai donné mon CŒUR à connaitre la sagesse et à voir l’affaire laquelle SE FAIT sur la terre, car aussi de jour et de nuit il ne voit pas le sommeil dans ses yeux, 17 alors j’ai vu toute L’ŒUVRE de Dieu car L’HUMAIN ne peut trouver L’ŒUVRE qui SE FAIT dessous le soleil dans ce que peine L’HUMAIN à chercher et point ne trouve, et aussi, si le sage dit connaitre, il ne peut trouver. 9,1 Oui, à tout cela j’ai donné mon CŒUR et j’ai éprouvé tout cela : que les justes et les sages leurs services sont dans la main de Dieu ; aussi l’amour aussi la haine L’HUMAIN ne connait pas que tout est devant eux. 2 Tout est pareil POUR TOUS : UN SORT UNIQUE pour le juste et pour le méchant, pour le bon et pour le pur et pour l’impur, pour qui sacrifie et pour qui ne sacrifie pas ; comme pour le bon comme pour le pécheur, celui qui jure comme qui craint de jurer. 3

Cela est un mal, dans tout ce qui SE FAIT dessous le soleil, qu’UN SORT UNIQUE soit POUR TOUS ; et aussi le CŒUR des FILS D’ADAM est plein de mal, et les sottises dans leur CŒUR durant leur VIE et après lui chez LES MORTS. 9,4 Oui, pour celui qui est uni à tous les VIVANTS il y a de la certitude ; oui, un chien VIVANT lui est plus-bon qu’un lion MORT. 5 Oui, les VIVANTS savent qu’ils MOURRONT, mais LES MORTS ne savent rien. Il n’y a plus pour eux de salaire, car leur souvenir est oublié. 6 Aussi leur amour, aussi leur haine, aussi leur jalousie déjà ont péri ; et de part il n’y a pour eux plus jamais dans tout ce qui SE FAIT dessous le soleil. 7

Va, mange avec joie ton pain et bois de bon CŒUR ton vin, car déjà Dieu a agréé tes ŒUVRES ; 8 en tout temps que tes habits soient blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. 9 Vois la VIE avec la femme que tu aimes, tous les jours de la VIE de ta buée qu’il te donne dessous le soleil, tous les jours de ta buée, car cela est ta part dans la VIE et dans le travail que toi tu peines dessous le soleil. 10 Tout ce que ta main trouve à FAIRE, FAIS-LE dans ta force, car il n’y a ni ŒUVRE, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse dans LE SCHÉOL où toi tu vas là-bas.

Entre les trois séquences – « faire/œuvre » (8,16b.17a bis / 9,3a / 6c.7b.10b ter) ; – « dessous le soleil » (8,17b / 9,3a / 6b.9b.c) ; – « cœur » (8,16a ; 9,1a / 3b.c / 7a). Entre les deux premières séquences – « un sort unique / pour tous » (9,2a / 3ab) ; – « humain/Adam » (8,17a.b ; 9,1b / 3b). Entre les deux dernières séquences – « vie/vivant(s) » (9,3c / 4a bis.5a.9a bis.9c) ; – « mort(s)/mourir » (9,3c / 4b.5a.b) et « schéol » en 10c.

230

La deuxième section (3,10–9,10)

INTERPRÉTATION UN PREMIER MAL L’homme est soumis à un mal, pour ainsi dire, extérieur, contre lequel il ne peut rien, un mal qu’il ne peut que subir. Durant sa vie, c’est la préoccupation, l’angoisse qui ne permet pas à ses yeux de voir le sommeil (8,16). C’est de constater que, malgré son plus cher désir, malgré toutes ses recherches, il se voit incapable d’atteindre la sagesse (17). Et c’est surtout de savoir qu’il mourra, que son sort final ne sera pas différent de celui du méchant, de l’impur, que tout disparaitra, son « salaire », son « souvenir », tout ce qui a fait sa vie. C’est surtout cela qui obsède sa pensée (9,2-3.5-6.10). UN AUTRE MAL Il est cependant un autre mal qui ronge l’homme. Celui-ci ne lui est pas imposé de l’extérieur ; il provient de l’intérieur. C’est le mal que l’homme commet, le mal du « méchant », de celui qui est « impur », qui ne se soucie pas d’accomplir les sacrifices, qui ne craint pas de prêter serment (9,2). C’est le mal de ceux qui, loin de pratiquer « l’amour », se laissent aller à « la haine » et à la « jalousie » meurtrière (9,1.6). DANS LA MAIN DE DIEU Le mal pourtant n’a pas le dernier mot. C’est « la joie » que Dieu agrée durant la vie de l’homme, celle que ce dernier éprouve en mangeant son pain et en buvant de bon cœur son vin, en partageant sa vie avec la femme qu’il aime, en se réjouissant dans le travail qu’il accomplit, dans les œuvres qu’il partage avec son Seigneur (9,7-10). C’est aussi dans la main de Dieu que se trouvent les services des justes et des sages (9,1). On pourra se demander s’ils y sont seulement durant les jours de leur vie dessous le soleil.

IV. FILS D’ADAM, FILS DE DIEU L’ensemble de la deuxième section : 3,1–7,11 COMPOSITION La deuxième section s’organise en trois sous-sections, chacune étant de construction concentrique autour d’une séquence qui ne comprend qu’un seul passage. Dans les sous-sections extrêmes, les première et troisième séquences comprennent deux passages (B1 et B3 ; B7 et B9) tandis que dans la soussection centrale, elles comprennent trois passages (B4 et B6). LE SAGE RÉPOND AUX QUESTIONS DES FILS D’ADAM

B1 : L’HOMME B2 : Les morts B3 : L’HOMME SEUL

EST-IL FAIT POUR L’ÉTERNITÉ ? ne voient pas

3,9-22

le mal

4,1-6

NE SERA QUE BUÉE

4,7–5,9

LA SAGESSE HÉRITAGE DES FILS DE DIEU

B4 : LES ÉNIGMES

DE LA VIE

B5 : En tout

considérer

B6 : LES RÉPONSES

5,10–6,12 la fin dernière

DU SAGE

7,1-14 7,15–8,15

LE SAGE CONDUIT À LA VIE LES FILS D’ADAM

B7 : LA RECHERCHE

DE LA SAGESSE

B8 : Le mal

débouche

B9 : LA RECHERCHE

8,16–9,2 sur la mort

9,3

DE LA VIE

9,4-10

Du point de vue quantitatif, la troisième sous-section est un peu moins longue que la moitié de la première ; la sous-section centrale est un peu plus longue que l’ensemble des deux autres sous-sections (3 660 + 1 586 = 5 246) :

5,10-19 929

3,9-17 805 6,1-6 599 8,16-17 345

3,18-22 539 6,7-12 478 9,1-2 334

4,1-6 554 7,1-14 941 9,3 152

4,7-16 841 7,15-25 789 9,4-6 310

4,17–5,9 921 7,26–8,8 982 9,7-10 445

3 660 8,9-15 887

5 605 1 586

Les comptes sont faits en nombre de signes de la translitération, espaces compris, sans les numéros de versets.

232

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX PREMIÈRES SOUS-SECTIONS (B1-3 ; B4-6) Entre les premières séquences : B1 (3,10-22) et B4 (5,10–6,12) B1 3,10 Je vois l’occupation que Dieu donne aux fils d’Adam pour s’y occuper : 11 tout ce qu’il fait est beau en son temps. Il a aussi donné l’éternité dans leur cœur, mais sans que l’humain trouve l’œuvre que fait Dieu du début et jusqu’à la fin. 12 Je sais qu’il n’y a pas de bonheur en eux, sinon de se réjouir et de faire le bonheur durant sa vie. 13 Et aussi tout humain qui mange et boit et voit du bonheur dans tout son travail, cela est un don de Dieu. 14 Je sais que tout ce que fait Dieu cela sera pour l’éternité. À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher et Dieu fait qu’ils craignent devant sa face. 15 Ce qui est a déjà été et ce qui sera déjà fut et Dieu recherche le persécuté. 16 Et je vois encore dessous le soleil : à la place du droit, là la méchanceté, et à la place de la justice, là la méchanceté. 17 Je dis, moi, dans mon cœur : le juste et le méchant, Dieu les jugera, car il est un temps pour toute chose et pour toute œuvre là. 18

Je dis, moi, dans mon cœur, à propos des fils d’Adam : Dieu les éprouve et ils voient qu’ils sont des animaux eux pour eux ; 19 oui, le sort des fils d’Adam et le sort des animaux et un sort unique pour eux. Comme la mort de celui-ci, ainsi la mort de celui-là, et un souffle unique pour tous ; et il n’y a pas de supériorité de l’humain sur l’animal ; OUI, TOUT EST BUÉE. 20 Tout s’en va vers un lieu unique : tout fut à partir de la poussière et tout retourne à la poussière. 21 Qui sait si le souffle des fils d’Adam monte lui vers le haut et si le souffle de l’animal descend lui en bas, vers la terre ? 22 Et je vois qu’il n’y a pas de bonheur sinon que l’humain se réjouisse de ses œuvres ; oui, cela est sa part. OUI, QUI LE FERA-VENIR POUR VOIR CE QUI SERA APRÈS LUI ?

La séquence B1 s’achève par deux questions regardant ce qui arrivera à l’homme après sa mort (3,21.22b) ; B4 ne comprend pas moins de huit questions, dont six portent sur le « succès », « l’avantage », « le bon » (5,10.15 ; 6,8bis.11b.12ab). La dernière concerne les fins dernières de l’homme ; ainsi les deux séquences sont marquées par des termes finaux qui regardent la question de « ce qui sera après lui ». Les titres donnés aux deux séquences, ainsi qu’aux passages qui les composent, marquent ce rapport : ce sont tous des interrogations (voir p. 135 et 195) : Séquence B1 :

L’HOMME

EST-IL FAIT

POUR L’ÉTERNITÉ

Ce que Dieu

donne à l’homme

est-il

pour toujours ?

3,10-17

est-il

sans futur ?

3,18-22

Comme l’animal Séquence B4 : « Quel avantage « N’est-ce pas « Qui annoncera

l’homme LES ÉNIGMES

DE LA VIE

pour l’homme

d’avoir peiné en vain ? »

vers un lieu unique que tous

s’en vont ? »

à l’homme

après lui ? »

ce qui sera

?

5,10-19 6,1-6

6,7-12

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

233

B4 5,10 En abondances de bien, abondent ses mangeurs, et quel succès pour son maitre, sinon une vision pour ses yeux ? 11 Doux est le dormir du serviteur, si peu ou si abondamment il a mangé ; mais la satiété pour le riche ne lui permet pas de dormir. 12 Il est un mal malade que je vois dessous le soleil : la richesse gardée par son maitre pour son mal 13 et cette richesse-là est perdue dans une affaire mauvaise, et il engendre un fils et il n’y a rien en sa main. 14 Comme il était sorti du ventre de sa mère, nu il s’en ira de nouveau comme il était venu et il ne retirera rien de son travail qui aille en sa main. 15 Et aussi cela est un mal malade que tout comme il était venu ainsi il s’en aille. Et quel avantage pour lui d’avoir peiné pour le vent ? 16 Aussi tous ses jours il mange dans l’obscurité et un chagrin abondant et sa maladie et l’irritation. 17 Voici ce que je vois, moi, un bonheur qui est beau : de manger et de boire et de voir le bonheur dans tout son travail qu’il peine dessous le soleil, tout le nombre des jours de sa vie que Dieu lui donne, car cela est sa part. 18 Aussi tout humain auquel Dieu donne richesse et ressources, et le laisse en manger et en recevoir sa part et se réjouir de son travail, cela est un don de Dieu. 19 Car il ne se souvient pas abondamment des jours de sa vie car Dieu l’occupe à la joie son cœur. 6,1 Il y a un mal que je vois dessous le soleil et il est abondant pour l’humain : 2 un homme à qui donne Dieu richesse et ressources et gloire, et il ne manque pas pour son âme de tout ce qu’il désire, mais Dieu ne le laisse pas manger de cela et un homme étranger en mange. CELA EST BUÉE ET MALADIE MAUVAISE. 3 Si un homme engendre cent enfants et vit des années abondantes, et abondance furent les jours de ses années, mais son âme n’est pas rassasiée de bonheur et aussi il n’y a pas pour lui de tombeau : je dis que plus-bon que lui est l’avorton. 4 Oui, dans LA BUÉE il est venu et dans la ténèbre il s’en va et son nom est couvert dans la ténèbre ; 5 aussi il n’a pas vu le soleil et ne l’a pas connu : il y a plus de repos pour celui-ci que pour celui-là. 6 Et même s’il a vécu deuxfois mille ans et n’a pas vu le bonheur, n’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? 7 Tout le travail de l’humain est pour sa bouche et aussi son aspiration n’est pas remplie. 8 Car quel avantage pour le sage sur l’insensé ? Quel avantage pour l’indigent qui sait aller devant les vivants ? 9 Plus-bonne est la vision des yeux que l’aller de l’aspiration. AUSSI CELA EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ! 10 Ce qui fut a déjà été appelé per son nom et l’on sait ce qu’est un humain et il ne peut contester avec plus fort que lui ; 11 car il y a des paroles abondantes qui font abonder LA BUÉE. Quel avantage pour l’humain ? 12 Oui, qui sait ce qui est bon pour l’humain pendant la vie, durant le nombre des jours de la vie de SA BUÉE, et il passe comme une ombre ? CAR QUI ANNONCERA À L’HUMAIN CE QUI SERA APRÈS LUI DESSOUS LE SOLEIL ?

La dernière partie du premier passage de la séquence B4 est consacrée au « bonheur » donné par Dieu à l’homme durant sa vie (5,17-19) ; ce sujet est réparti dans les deux passages de la séquence B1 (3,12-13 et 22). Le même vocabulaire s’y retrouve. Le refrain de la « buée » revient une fois en B1 (5,19d) et deux fois en B4 (6,2cd.9ab), à quoi il faut ajouter que « buée » revient aussi en 6,4a.11a.12b. « Tout s’en va vers un lieu unique » (3,20ab) annonce la question : « N’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? » (6,6b). « Je vois dessous le soleil » est repris en B1 (3,16a) et en B4 (5,12ab ; 6,1) ; « dessous le soleil » revient aussi en 5,17b et 6,12c.

234

La deuxième section (3,10–9,10)

Entre les dernières séquences : B3 (4,7–5,9) et B6 (7,15–8,15) B3 4,7 Et je reviens, moi, et JE VOIS une buée dessous le soleil. 8 Il y a un-unique et il n’y a pas de deuxième, aussi ni fils ni frère il n’y a pas à lui ; et il n’y a pas de fin à tout son travail, aussi son œil ne se rassasie pas de richesse : « Et pour qui, moi, je peine et me prive de bonheur ? » CELA AUSSI EST BUÉE ET OCCUPATION MAUVAISE. 9 Plus-bons les deux que l’unique, pour qui il y a bon salaire dans leur travail. 10 Car s’ils tombent, l’unique relève son compagnon ; mais malheur à l’unique qui tombe et il n’y a pas de deuxième pour le relever ! 11 Aussi s’ils couchent à deux, et il fait chaud pour eux, mais pour l’unique, comment ferait-il chaud ? 12 Et si quelqu’un maitrise l’unique, deux se dressent en face de lui et le fil triple pas rapidement se rompt. 13 Plus-bon un enfant pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé qui ne sait pas prendre-conseil davantage. 14 Oui, il était sorti de la maison des prisonniers pour régner et aussi dans le royaume il était né indigent. 15 JE VOIS tous les vivants, ceux qui vont dessous le soleil, avec l’enfant, le deuxième qui se dressera après lui ; 16 il n’y a pas de fin à tout le peuple à tout ce qui était avant eux, aussi les derniers ne se réjouiront pas en lui. OUI, CELA AUSSI EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT. 4,17 Surveille ton pied lorsque tu vas à la Maison de DIEU et approcher pour écouter vaut mieux que le sacrifice offert par des insensés, car ils ne savent pas qu’ils font le mal. 5,1 Ne hâte pas sur ta bouche et ton cœur ne se presse pas de faire-sortir une parole devant DIEU, car DIEU est au ciel et toi sur la terre, c’est pourquoi, que tes paroles soient peu-nombreuses. 2 Car le songe vient de l’abondance d’occupation et la voix insensée de l’abondance des paroles. 3 Lorsque tu fais un vœu à DIEU, ne tarde pas à l’acquitter, car il n’y a pas de plaisir pour les insensés ; ce que tu as voué, acquitte-le. 4 Plus-bon que tu ne voues pas plutôt que tu voues et ne l’acquittes pas. 5 Ne donne pas à ta bouche de PÉCHER contre ta chair et ne dis pas devant le messager que c’est inadvertance. Pourquoi DIEU s’irriterait-il pour ta voix et ruinerait-il l’œuvre de tes mains ? 6 Car dans l’abondance des songes et les buées sont des paroles nombreuses. Oui, crains DIEU. 7 Si tu vois l’oppression de l’indigent et la violation du jugement et de la justice dans le pays, ne sois pas étonné de la chose, car un haut-placé veille au-dessus d’un haut-placé et des hautplacés au-dessus d’eux. 8 Et le profit d’un territoire est pour tous, un roi par un champ est servi ; 9 qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent et qui aime l’opulence n’a pas de revenu. CELA AUSSI EST BUÉE.

Les séquences finales — B3 et B6 — représentent les réponses aux questions posées dans les premières séquences — B1 et B4 — (voir p. 135 et 195) : Séquence B3 :

L’HOMME SEUL

SERAIT

SANS AVENIR

Sans compagnon l’homme

ne serait

que buée

4,7-16

Ce que l’homme refuserait à DIEU

ne serait

que buée

4,17–5,9

Séquence B6 : Le sage Le sage Le sage

LES RÉPONSES

DU SAGE

pratique

la modération

7,15-25

accepte

ses limites

7,26–8,8

s’en remet à DIEU

pour le jugement

8,9-15

Ces séquences se caractérisent par les nombreux volitifs adressés à la seconde personne du singulier, totalement absents des séquences B1 et B4 : neuf dans le dernier passage de B3 (4,17a. ; 5,1a.b.c.3a.b.5a bis.7b) et dix dans les deux premiers passages de B6 (7,16a bis.17a bis.21a.27a.29a ; 8,2.3a.b).

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

235

B6 7,15 Tout J’AI VU en mes jours de BUÉE : il y a un juste périssant dans sa justice et il y a un méchant prolongeant sa vie dans sa mauvaiseté. 16 Ne sois pas juste à l’excès et ne sois-pas-sage trop ; pourquoi te détruirais-tu ? 17 Ne sois-pas-méchant à l’excès et ne sois pas fou ; pourquoi mourrais-tu avant ton temps ? 18 Il est bon que tu tiennes à ceci et aussi que ta main ne lâche pas cela, car qui craint DIEU accomplit les deux. 19 La sagesse rend fort le sage plus que dix gouverneurs qui sont dans une ville. 20 Oui, d’humain il n’est pas de juste sur la terre qui fasse le bon et ne PÈCHE pas. 21 Aussi à toutes les paroles qu’ils disent, ne donne pas ton cœur, que tu n’entendes pas ton serviteur te maudire ; 22 car bien des fois ton cœur a su que toi aussi avais maudit les autres. 23 Tout cela j’ai essayé avec sagesse ; j’ai dit : « Je serai sage », et elle éloignée de moi ! 24 Éloigné ce qui fut et profond ; profond, qui le trouvera ? 25 J’ai tourné, moi et mon cœur, à connaitre et à explorer et à chercher la sagesse et la réflexion, à connaitre la méchanceté pour une absurdité et la folie pour une sottise. 26

Et je trouve, moi, plus amère que la mort la femme qui est des pièges, et son cœur des filets, des chaînes ses bras ; bon devant DIEU qui se délivre d’elle, mais le PÉCHEUR est pris par elle. 27 Vois ce que je trouve, dit Qohélet, un par un pour trouver une raison 28 que mon âme cherche encore et point ne la trouve : un humain un seul sur mille, je le trouve, mais une femme sur toutes, je ne la trouve pas. 29 Seulement vois ce que je trouve : que DIEU a fait l’humain droit, et eux ils cherchent bien des raisons. 8,1 Qui est comme le sage et qui connait l’explication d’une affaire ? La sagesse de l’humain fait-luire sa face et la dureté de sa face en est changée. 2 Moi : garde la bouche du roi, et à cause du serment de DIEU 3 ne te presse pas de t’en aller de devant sa face, ne te dresse pas dans une affaire mauvaise, car tout ce qu’il désire, il le fait, 4 parce que la parole du roi est domination, et qui lui dira : « Que fais-tu ? » 5 Qui garde le commandement ne connait pas une affaire mauvaise et le cœur du sage connait temps et jugement, 6 car pour tout désir il y a temps et jugement, car le malheur de l’humain est abondant pour lui. 7 Oui, il ne sait pas ce qui sera ; oui, comment ce sera, qui le lui annoncera ? 8 Il n’y a pas d’humain qui domine le vent pour retenir le vent, et il n’y a pas de domination sur le jour de la mort. Et il n’y a pas de relâche à la guerre, et la méchanceté ne délivre pas son maitre. 9

J’AI VU tout cela, en mettant mon cœur à toute œuvre qui se fait dessous le soleil, au temps où l’humain domine l’humain, pour son malheur. 10 Et avec cela J’AI VU des méchants enterrés, et on vient du lieu saint on s’en va, et on oublie dans la ville ce qu’ils firent ; CELA AUSSI EST BUÉE ! 11 Parce que la sentence contre qui fait le mal ne se fait pas rapidement, pour cela le cœur des fils d’Adam est plein en eux de faire le mal ; 12 que le PÉCHEUR fasse le mal cent fois, il prolonge sa vie pour lui. Oui, aussi, je sais, moi, qu’il y aura du bon pour ceux qui craignent DIEU parce qu’ils craignent devant sa face ; 13 et il n’y aura pas de bon pour le méchant et il ne prolongera pas ses jours, comme l’ombre, parce qu’il ne craint pas devant la face de DIEU. 14 IL Y A UNE BUÉE qui se fait sur la terre : qu’il y ait des justes auxquels il arrive selon l’œuvre des méchants. Et il y a des méchants auxquels il arrive selon l’œuvre des justes ; JE DIS QUE CELA AUSSI EST BUÉE. 15 Et je loue, moi, la joie, selon laquelle il n’y a de bon pour l’humain dessous le soleil sinon de manger et de boire et de se réjouir ; et cela l’accompagne dans son travail aux jours de la vie que DIEU lui donne dessous le soleil.

– « Je vois/j’ai vu » (4,7.15 / 7,15 ; 8,9.10 ; « vois » à la deuxième personne (5,7a / 7,27a.29a). – Le refrain de la « buée » (4,8d.16b ; 5,8bc / 8,10b.14bc ; « buée » revient aussi en 7,15 ; 8,14). – « Dieu » (4,17a ; 5,1b bis.3a.5b.6b / 7,18b.26b.29a ; 8,2.12c.13b.15c). – « Pécher/pécheur » (5,5a / 7,20.26b ; 8,12a). – « Dessous le soleil » dans les passages extrêmes (4,7.15a / 8,9a.15ab.15c).

236

La deuxième section (3,10–9,10)

Les questions, qui marquent les séquences initiales, ne sont pourtant pas absentes des séquences finales ; il y en a presque le même nombre dans les deux groupes : dix dans les premières, neuf dans les dernières. Cependant, alors que toutes les questions de B1 et B4 sont à la troisième personne et regardent toutes le profit de l’homme durant sa vie et son sort final, – 3,21 Qui sait si le souffle des fils d’Adam monte lui vers le haut et si le souffle de l’animal descend lui en bas, vers la terre ? – 22 Oui, qui le fera-venir pour voir ce qui sera après lui ? – 5,10 quel succès pour son maitre, sinon une vision pour ses yeux ? – 15 Et quel avantage pour lui d’avoir peiné pour le vent ? – 6, 6 Et même s’il a vécu deux-fois mille ans et n’a pas vu le bonheur, n’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? – 8 Car quel avantage pour le sage sur l’insensé ? – Quel avantage pour l’indigent qui sait aller devant les vivants ? – 11 Quel avantage pour l’humain ? – 12 Oui, qui sait ce qui est bon pour l’humain pendant la vie, durant le nombre des jours de la vie de sa buée, et il passe comme une ombre ? – Car qui annoncera à l’humain ce qui sera après lui dessous le soleil ?

il n’en va pas de même dans les séquences finales. Deux sont prononcées par un personnage mis en scène (4,8c ; 8,4b), trois sont des mises en garde adressées à une deuxième personne du singulier (5,5bc ; 7,16b.17b), deux regardent l’intelligence (5,24 ; 8,1), une la solitude (4,11). Seule, la dernière (8,7) concerne l’avenir, et probablement ce qui arrivera après la mort, ce qui rappelle les questions des premières séquences et en particulier celles de 3,21.22 et de 6,12b : – 4,8 « Et pour qui, moi, je peine et me prive de bonheur ? » – 11 mais pour l’unique, comment ferait-il chaud ? – 5,5 Pourquoi Dieu s’irriterait-il pour ta voix et ruinerait-il l’œuvre de tes mains ? – 7,16 pourquoi te détruirais-tu ? – 17 pourquoi mourrais-tu avant ton temps ? – 24 profond, qui le trouvera ? – 8,1 Qui est comme le sage et qui connait l’explication d’une affaire ? – 4 et qui lui dira : « Que fais-tu ? » – 7 oui, comment ce sera, qui le lui annoncera ?

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

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Entre les séquences centrales : B2 (4,1-6) et B5 (7,1-14) B2 4,1 Et je reviens, moi, et JE VOIS toutes LES OPPRESSIONS qui se font dessous le soleil : et voici le pleur des OPPRIMÉS et ils n’ont pas de consolateur, et du côté des OPPRESSEURS la force et ils n’ont pas de consolateur. 2

Et je félicite, moi, LES MORTS qui déjà SONT MORTS plus que LES VIVANTS qui sont encore 3 Et PLUS-BON que les deux CELUI QUI NE VIT PAS ENCORE, qui ne voit pas l’œuvre de MAL qui se fait dessous le soleil. VIVANTS.

4 Et JE VOIS, moi, tout travail et tout succès faits que c’est jalousie d’un homme pour son prochain : CELA AUSSI EST BUÉE ET POURSUITE DE VENT ! 5 L’insensé se croise les mains et mange sa propre chair ; 6 PLUS-BON une paume pleine de repos que deux-poignées pleines de travail ET POURSUITE DE VENT.

B5 7,1 PLUS-BON un nom qu’un BON parfum et le jour de LA MORT que le jour de L’ENFANTE2 MENT. PLUS-BON d’aller à LA MAISON DU DEUIL qu’aller à la maison du BANQUET, puisque celle-ci est la fin de tout humain ; et LE VIVANT le donnera à son cœur. 3 PLUS-BON le chagrin que le rire, car dans le MAL du visage est BON le cœur. 4 Le cœur des sages est dans LA MAISON DU 5 DEUIL et le cœur des insensés dans la maison de LA JOIE. Il est PLUS-BON d’écouter le reproche 6 du sage que d’écouter le chant de l’insensé ; car telle la voix des épines dessous le chaudron, ainsi le rire de l’insensé, et CELA AUSSI EST BUÉE. 7

Oui, L’OPPRESSION rend-fou le sage et un don perd le cœur. 8 PLUS-BONNE est LA FIN d’une chose que son DÉBUT, PLUS-BONNE la longueur-d’esprit que la hauteur-d’esprit. 9 Ne te hâte pas dans ton esprit de t’irriter ; oui, l’irritation repose dans le sein des insensés. 10 Ne dis pas : « Comment est-ce que les premiers jours furent PLUS-BONS plus que ceux-ci ? » Car ce n’est pas sagesse que tu questionnes sur cela. 11 PLUS-BONNE la sagesse avec un héritage, et c’est un avantage pour ceux qui voient le soleil. 12 Car à l’ombre de la sagesse à l’ombre de l’argent, et l’avantage de la connaissance, c’est la sagesse qui FAIT-VIVRE ses maitres. 13 VOIS l’œuvre de Dieu : car qui peut redresser ce qu’il a courbé ? 14 Au jour du bonheur, sois dans le bonheur, et au jour du malheur, VOIS : Dieu a fait aussi cela en face de cela, de sorte que l’humain ne trouve rien après lui.

– En B2 « je vois » revient deux fois (4,1a.4a), et en B5 c’est l’impératif « vois » qui revient aussi deux fois (7,13a.14b). – « Oppressions » au début de B2 avec « opprimés » et « oppresseurs » (4,1ab) est repris au singulier au centre de B5 (7,7). – L’opposition entre « morts » et « vivants » au centre de B2, avec « celui qui ne vit pas encore » (4,2-3), trouve son correspondant avec « la mort », « la maison du deuil », « la fin » opposés à « l’enfantement », le « banquet », « la joie », le « début » (7,1.2.4.8ab), à quoi il faut ajouter « fait-vivre » en 7,12b. – « Plus-bon » revient deux fois en B2 (4,3a.6a) et huit fois en B5 (7,1a.2a.3a.5a. 8a.b.10a.11a) et « bon » est repris aussi en 7,1 et 3b. – « Insensé(s) » de B2 (4,5a) revient en B5 (7,4b.5b.6b.9b). – « Mal » de 4,3b est repris en 7,3b.

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La deuxième section (3,10–9,10)

LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX DERNIÈRES SOUS-SECTIONS (B4-6 ; B7-9) Entre les premières séquences : B4 (5,10–6,12) et B7 (8,16–9,2) B4 5,10 En abondances de bien, abondent ses mangeurs, et quel succès pour son maitre, sinon une VISION pour SES YEUX ? 11 Doux est LE DORMIR du serviteur, si peu ou si abondamment il a mangé ; mais la satiété pour le riche ne lui permet pas de DORMIR. 12 Il est un mal malade que JE VOIS dessous le soleil : la richesse gardée par son maitre pour son mal 13 et cette richesse-là est perdue dans une affaire mauvaise, et il engendre un fils et il n’y a rien en sa main. 14 Comme il était sorti du ventre de sa mère, nu il s’en ira de nouveau comme il était venu et il ne retirera rien de son travail qui aille en sa main. 15 Et aussi cela est un mal malade que tout comme il était venu ainsi il s’en aille. Et quel avantage pour lui d’avoir peiné pour le vent ? 16 Aussi tous ses jours il mange dans l’obscurité et un chagrin abondant et sa maladie et l’irritation. 17 Voici ce que JE VOIS, moi, un bonheur qui est beau : de manger et de boire et de voir le bonheur dans tout son travail qu’il peine dessous le soleil, tout le nombre des jours de sa vie que DIEU lui donne, car cela est sa part. 18 Aussi tout HUMAIN auquel DIEU donne richesse et ressources, et le laisse en manger et en recevoir sa part et se réjouir de son travail, cela est un don de DIEU. 19 Car il ne se souvient pas abondamment des jours de sa vie car DIEU l’occupe à la joie son cœur. 6,1 Il y a un mal que JE VOIS dessous le soleil et il est abondant pour L’HUMAIN : 2 un homme à qui donne DIEU richesse et ressources et gloire, et il ne manque pas pour son âme de tout ce qu’il désire, mais DIEU ne le laisse pas manger de cela et un homme étranger en mange. Cela est buée et maladie mauvaise. 3 Si un homme engendre cent enfants et vit des années abondantes, et abondance furent les jours de ses années, mais son âme n’est pas rassasiée de bonheur et aussi il n’y a pas pour lui de tombeau : je dis que plus-bon que lui est l’avorton. 4 Oui, dans la buée il est venu et dans la ténèbre il s’en va et son nom est couvert dans la ténèbre ; 5 aussi il n’a pas vu le soleil et ne l’a pas connu : il y a plus de repos pour celui-ci que pour celui-là. 6 Et même s’il a vécu deuxfois mille ans et n’a pas vu le bonheur, n’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? 7 Tout le travail de L’HUMAIN est pour sa bouche et aussi son aspiration n’est pas remplie. 8 Car quel avantage pour le sage sur l’insensé ? Quel avantage pour l’indigent qui sait aller devant les vivants ? 9 Plus-bonne est la vision des yeux que l’aller de l’aspiration. Aussi cela est buée et poursuite de vent ! 10 Ce qui fut a déjà été appelé per son nom et l’on sait ce qu’est un HUMAIN et il ne peut contester avec plus fort que lui ; 11 car il y a des paroles abondantes qui font abonder la buée. Quel avantage pour L’HUMAIN ? 12 Oui, qui sait ce qui est bon pour L’HUMAIN pendant la vie, durant le nombre des jours de la vie de sa buée, et il passe comme une ombre ? Car qui annoncera à L’HUMAIN ce qui sera après lui dessous le soleil ?

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

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B7 8,16 Après que j’ai donné mon cœur à connaitre la sagesse et à VOIR l’affaire laquelle se fait sur la terre, car aussi de jour et de nuit IL NE VOIT PAS LE DORMIR dans SES YEUX, 17 alors J’AI VU toute l’œuvre de DIEU car L’HUMAIN ne peut trouver l’œuvre qui se fait dessous le soleil dans ce que peine L’HUMAIN à chercher et point ne trouve, et aussi, si le sage dit connaitre, il ne peut trouver. 9,1 Oui, à tout cela j’ai donné mon cœur et j’ai éprouvé tout cela : que les justes et les sages leurs services sont dans la main de DIEU ; aussi l’amour aussi la haine L’HUMAIN ne sait pas que tout est devant eux. 2 Tout est pareil pour tous : un sort unique pour le juste et pour le méchant, pour le bon et pour le pur et pour l’impur, pour qui sacrifie et pour qui ne sacrifie pas ; comme pour le bon comme pour le pécheur, celui qui jure comme qui craint de jurer.

– Le rapport le plus frappant est la reprise, en termes initiaux de « dormir » (5,11a.b ; 8,16b), accompagné de « voir/vision » et « ses yeux » (5,10b ; 8,16b). La chose est d’autant plus notable que « dormir », substantif ou verbe, ne revient pas ailleurs dans le livre. – « Je vois/j’ai vu » revient dans les deux séquences (5,12b.17a ; 6,1 / 8,17a précédé de « voir » en 16a). – Souvent lié à « voir », « dessous le soleil » (5,12b.17b ; 6,1.12c / 8,17b). – « Dieu » (5,18a.b.19 ; 6,2b.c / 8,17b ; 9,1b). – « L’humain » (5,18a ; 6,1.7.10a.11b.12a.c / 8,17b.c ; 9,1b). – enfin, à « un lieu unique » (6,6b) correspond « un sort unique » (9,2a).

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La deuxième section (3,10–9,10)

Entre les dernières séquences : B6 (7,15–8,15) et B9 (9,4-10) B6 7,15 Tout j’ai vu en mes jours DE BUÉE : il y a un juste périssant dans sa justice et il y a un méchant prolongeant sa vie dans sa mauvaiseté. 16 Ne sois pas juste à l’excès et ne sois-pas-sage trop ; pourquoi te détruirais-tu ? 17 Ne sois-pas-méchant à l’excès et ne sois pas fou ; pourquoi 18 MOURRAIS-TU avant ton temps ? Il est BON que tu tiennes à ceci et aussi que ta main ne lâche pas cela, car qui craint Dieu accomplit les deux. 19 La sagesse rend fort le sage plus que dix gouverneurs qui sont dans une ville. 20 Oui, d’humain il n’est pas de juste sur la terre qui FASSE le BON et ne pèche pas. 21 Aussi à toutes les paroles qu’ils disent, ne donne pas ton cœur, que tu n’entendes pas ton serviteur te maudire ; 22 car bien des fois ton cœur A CONNU que toi aussi avais maudit les autres. 23 Tout cela j’ai essayé avec sagesse ; j’ai dit : « Je serai sage », et elle éloignée de moi ! 24 Éloigné ce qui fut et profond ; profond, qui le trouvera ? 25 J’ai tourné, moi et mon cœur, à CONNAITRE et à explorer et à chercher la sagesse et la réflexion, à CONNAITRE la méchanceté pour une absurdité et la folie pour une sottise. 26

Et je trouve, moi, plus amère que LA MORT LA FEMME qui est des pièges, et son cœur des filets, des chaînes ses bras ; BON devant Dieu qui se délivre d’elle, mais le pécheur est pris par elle. 27 Vois ce que je trouve, dit Qohélet, un par un pour trouver une raison 28 que mon âme cherche encore et point ne la trouve : un humain un seul sur mille, je le trouve, mais une FEMME sur toutes, je ne la trouve pas. 29 Seulement vois ce que je trouve : que Dieu A FAIT l’humain droit, et eux ils cherchent bien des raisons. 8,1 Qui est comme le sage et qui CONNAIT l’explication d’une affaire ? La sagesse de l’humain fait-luire sa face et la dureté de sa face en est changée. 2 Moi : garde la bouche du roi, et à cause du serment de Dieu 3 ne te presse pas de t’en aller de devant sa face, ne te dresse pas dans une affaire mauvaise, car tout ce qu’il désire, il le FAIT, 4 parce que la parole du roi est domination, et qui lui dira : « Que FAIS-TU ? » 5 Qui garde le commandement NE CONNAIT PAS une affaire mauvaise et le cœur du sage CONNAIT temps et jugement, 6 car pour tout désir il y a temps et jugement, car le malheur de l’humain est abondant pour lui. 7 Oui, IL NE SAIT PAS ce qui sera ; oui, comment ce sera, qui le lui annoncera ? 8 Il n’y a pas d’humain qui domine le vent pour retenir le vent, et il n’y a pas de domination sur le jour de LA MORT. Et il n’y a pas de relâche à la guerre, et la méchanceté ne délivre pas son maitre. 9

J’ai vu tout cela, en mettant mon cœur à toute ŒUVRE qui se fait dessous le soleil, au temps où l’humain domine l’humain, pour son malheur. 10 Et avec cela j’ai vu des méchants enterrés, et on vient du lieu saint on s’en va, et on oublie dans la ville ce qu’ils FIRENT ; CELA AUSSI EST BUÉE ! 11 Parce que la sentence contre qui FAIT le mal NE SE FAIT PAS rapidement, pour cela le cœur des fils d’Adam est plein en eux de FAIRE le mal ; 12 que le pécheur FASSE le mal cent fois, il prolonge sa vie pour lui. Oui, aussi, JE SAIS, moi, qu’il y aura du BON pour ceux qui craignent Dieu parce qu’ils craignent devant sa face ; 13 et il n’y aura pas de BON pour le méchant et il ne prolongera pas ses jours, comme l’ombre, parce qu’il ne craint pas devant la face de Dieu. 14 Il y a UNE BUÉE qui SE FAIT sur la terre : qu’il y ait des justes auxquels il arrive selon L’ŒUVRE des méchants. Et il y a des méchants auxquels il arrive selon L’ŒUVRE des justes ; JE DIS QUE CELA 15 AUSSI EST BUÉE. Et je loue, moi, la joie, selon laquelle il n’y a de BON pour l’humain dessous le soleil sinon de manger et de boire et de se réjouir ; et cela l’accompagne dans son travail aux jours de la vie que Dieu lui donne dessous le soleil.

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

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B9 9,4 Oui, pour celui qui est uni à tous les vivants il y a de la certitude ; oui, un chien vivant lui est PLUS-BON qu’un lion MORT. 5 Oui, les vivants SAVENT qu’ils MOURRONT, mais les MORTS NE SAVENT RIEN. Il n’y a plus pour eux de salaire, car leur souvenir est oublié. 6 Aussi leur amour, aussi leur haine, aussi leur jalousie déjà ont péri ; et de part il n’y a pour eux plus jamais dans tout ce qui SE FAIT dessous le soleil. 7

Va, mange avec joie ton pain et bois de BON cœur ton vin, car déjà Dieu a agréé tes ŒUVRES ; en tout temps que tes habits soient blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. 9 Vois la vie avec LA FEMME que tu aimes, tous les jours de la vie de TA BUÉE qu’il te donne dessous le soleil, tous les jours de TA BUÉE, car cela est ta part dans la vie et dans le travail que toi tu peines dessous le soleil. 10 Tout ce que ta main trouve à FAIRE, FAIS-LE dans ta force, car il n’y a ni ŒUVRE, ni réflexion, ni CONNAISSANCE, ni sagesse dans LE SCHÉOL où toi tu vas là-bas. 8

– Le rapport le plus fort est la reprise, en termes finaux, de l’invitation à la « joie » « tous les jours de la vie » (8,15 / 9,7-9), avec les termes habituels de ces « refrains » : « manger », « boire », « pain », « vin », etc. – « Mort(s)/mourir » (7,17b.26a ; 8,8b / 9,4b.5a et « schéol » en 10b) . – « Connaitre/connaissance/savoir » (yd‘, 7,22a.25b bis ; 8,1a.5b bis.7a.12c / 9,5a.b.10b). – « Faire/œuvre(s) » (7,20.29a ; 8,3b.4.9a.10b.11 ter.12a.14ab ter / 9,6c.7.10a ter). – « (Plus)-bon » (7,18a.26b ; 8,12c.13a.15a / 9,4b.7a). – (« Jours de ») « buée » (7,15 ; 8,10b.14a.bc / 9,9b.c). – « Dessous le soleil » (8,9a.15 bis / 9,6c.9 bis). – « Femme » (7,26a.28c / 9,8b).

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La deuxième section (3,10–9,10)

Entre les séquences centrales : B5 (7,1-17) et B8 (9,3) B5 7,1 Plus-bon un nom qu’un bon parfum et le jour de LA MORT que le jour de l’enfantement. 2 Plus-bon d’aller à la maison du DEUIL qu’aller à la maison du banquet, puisque celle-ci est la fin de tout HUMAIN ; et le vivant le donnera à son cœur. 3 Plus-bon le chagrin que le rire, car dans le MAL du visage est bon le cœur. 4 Le cœur des sages est dans la maison du DEUIL et le cœur des insensés dans la maison de la joie. 5 Il est plus-bon d’écouter le reproche du sage que d’écouter le chant de l’insensé ; 6 car telle la voix des épines dessous le chaudron, ainsi le rire de l’insensé, et cela aussi est buée. 7 Oui, l’oppression rend-fou le sage et un don perd le cœur. 8 Plus-bonne est la fin d’une chose que son début, plus-bonne la longueur-d’esprit que la hauteur-d’esprit. 9 Ne te hâte pas dans ton esprit de t’irriter ; oui, l’irritation repose dans le sein des insensés. 10

Ne dis pas : « Comment est-ce que les premiers jours furent plus-bons plus que ceux-ci ? » Car ce n’est pas sagesse que tu questionnes sur cela. 11 Plus-bonne la sagesse avec un héritage, et c’est un avantage pour ceux qui voient le soleil. 12 Car à l’ombre de la sagesse à l’ombre de l’argent, et l’avantage de la connaissance, c’est la sagesse qui fait-vivre ses maitres. 13 Vois l’œuvre de Dieu : car qui peut redresser ce qu’il a courbé ? 14 Au jour du bonheur, sois dans le bonheur, et au jour du MALHEUR, vois : Dieu a fait aussi cela en face de cela, de sorte que L’HUMAIN ne trouve rien après lui. B8 9,3 Cela est un MAL, dans tout ce qui se fait dessous le soleil, qu’un sort unique soit pour tous ; et aussi le cœur des fils d’ADAM est plein de MAL, et les sottises dans leur cœur durant leur vie et après lui chez LES MORTS.

– « La mort » et « les morts » (7,1 ; 9,3c) font inclusion à distance ; « la mort » est suivie de « la maison du deuil » (7,2a.4a). – « Mal(heur) » (7,3b.14b / 9,3a.b). – « Humain » (7,2b.14b / 9,3b). – « Cœur » revient cinq fois en B5 (7,2b.3b.4a bis.7) et deux fois en B8 (9,3b bis). – « Le soleil » (7,11b / 9,3a).

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

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LA MORT AUX POINTS STRATÉGIQUES Les séquences centrales des trois sous-sections : B2 (4,1-6), B5 (7,1-14), B8 (9,3) B2 4,1 Et je reviens, moi, et je vois toutes les oppressions qui SE FONT dessous le soleil : et voici le pleur des opprimés et ils n’ont pas de consolateur, et du côté des oppresseurs la force et ils n’ont pas de consolateur. 2

Et je félicite, moi, LES MORTS qui déjà SONT MORTS plus que les vivants qui sont encore vivants. 3 Et plus-bon que les deux CELUI QUI NE VIT PAS ENCORE, qui ne voit pas L’ŒUVRE de MAL qui SE FAIT dessous le soleil. 4

Et je vois, moi, tout travail et tout succès FAITS que c’est jalousie d’un homme pour son prochain : cela aussi est buée et poursuite de vent ! 5 L’insensé se croise les mains et mange sa propre chair ; 6 plus-bon une paume pleine de repos que deux-poignées pleines de travail et poursuite de vent. B5 7,1 Plus-bon un nom qu’un bon parfum et le jour de LA MORT que le jour de l’enfantement. 2 Plus-bon d’aller à la maison du DEUIL qu’aller à la maison du banquet, puisque celle-ci est la fin de tout humain ; et le vivant le donnera à son cœur. 3 Plus-bon le chagrin que le rire, car dans le MAL du visage est bon le cœur. 4 Le cœur des sages est dans la maison du DEUIL et le cœur des insensés dans la maison de la joie. 5 Il est plus-bon d’écouter le reproche du sage que d’écouter le chant de l’insensé ; 6 car telle la voix des épines dessous le chaudron, ainsi le rire de l’insensé, et cela aussi est buée. 7 Oui, l’oppression rend-fou le sage et un don perd le cœur. 8 Plus-bonne est la fin d’une chose que son début, plus-bonne la longueur-d’esprit que la hauteur-d’esprit. 9 Ne te hâte pas dans ton esprit de t’irriter ; oui, l’irritation repose dans le sein des insensés. 10

Ne dis pas : « Comment est-ce que les premiers jours furent plus-bons plus que ceux-ci ? » Car ce n’est pas sagesse que tu questionnes sur cela. 11 Plus-bonne la sagesse avec un héritage, et c’est un avantage pour ceux qui voient le soleil. 12 Car à l’ombre de la sagesse à l’ombre de l’argent, et l’avantage de la connaissance, c’est la sagesse qui fait-vivre ses maitres. 13 Vois L’ŒUVRE de Dieu : car qui peut redresser ce qu’il a courbé ? 14 Au jour du bonheur, sois dans le bonheur, et au jour du MALHEUR, vois : Dieu A FAIT aussi cela en face de cela, de sorte que l’humain ne trouve rien après lui. B8 9,3 Cela est un MAL, dans tout ce qui SE FAIT dessous le soleil, qu’un sort unique soit pour tous ; et aussi le cœur des fils d’Adam est plein de MAL, et les sottises dans leur cœur durant leur vie et après lui chez LES MORTS.

Ces trois séquences sont les seules qui sont de la taille d’un seul passage. « Mort(s)/mourir » reviennent dans les trois passages (4,2bis, suivi de « celui qui ne vit pas encore » en 3 / 7,1, suivi de « deuil » en 2a et 4a / 9,3c). On pourra noter aussi les reprises de : – « mal(heur) » (4,3b / 7,3b.14b / 9,3a) ; – « faire/œuvre(s) » (4,1a.3a.b.4a / 7,13a.14b / 9,3a) ; – « (dessous) le soleil » (4,1a.3b / 7,11b / 9,3a).

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La deuxième section (3,10–9,10)

Les séquences extrêmes : B1 (3,10-22) et B9 (9,3) B1 3,10 Je vois l’occupation que Dieu donne aux fils d’Adam pour s’y occuper : 11 tout ce qu’il fait est beau en son temps. Il a aussi donné l’éternité dans leur cœur, mais sans que l’humain trouve l’œuvre que fait Dieu du début et jusqu’à la fin. 12 Je connais qu’il n’y a pas de bonheur en eux, sinon de se réjouir et de faire le bonheur durant sa vie. 13 Et aussi tout humain qui mange et boit et voit du bonheur dans tout son travail, cela est un don de Dieu. 14 Je connais que tout ce que fait Dieu cela sera pour l’éternité. À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher et Dieu fait qu’ils craignent devant sa face. 15 Ce qui est a déjà été et ce qui sera déjà fut et Dieu recherche le persécuté. 16 Et je vois encore dessous le soleil : à la place du droit, là la méchanceté, et à la place de la justice, là la méchanceté. 17 Je dis, moi, dans mon cœur : le juste et le méchant, Dieu les jugera, car il est un temps pour toute chose et pour toute œuvre là. 18

Je dis, moi, dans mon cœur, à propos des fils d’Adam : Dieu les éprouve et ils voient qu’ils sont des animaux eux pour eux ; 19 oui, le sort des fils d’Adam et le sort des animaux et un sort unique pour eux. Comme LA MORT de celui-ci, ainsi LA MORT de celui-là, et un souffle unique pour tous ; et il n’y a pas de supériorité de l’humain sur l’animal ; OUI, TOUT EST BUÉE. 20 Tout s’en va vers un lieu unique : tout fut à partir de la poussière et tout retourne à la poussière. 21 Qui connait si le souffle des fils d’Adam monte lui vers le haut et si le souffle de l’animal descend lui en bas, vers la terre ? 22 Et je vois qu’il n’y a pas de bonheur sinon que l’humain se réjouisse de ses œuvres ; oui, cela est sa part. Oui, qui le fera-venir pour voir ce qui sera après lui ?

B9 9,4 Oui, pour celui qui est uni à tous les vivants il y a de la certitude ; oui, un chien vivant lui est plus-bon qu’un lion MORT. 5 Oui, les vivants connaissent qu’ILS MOURRONT, mais les MORTS ne connaissent rien. Il n’y a plus pour eux de salaire, car leur souvenir est oublié. 6 Aussi leur amour, aussi leur haine, aussi leur jalousie déjà ont péri ; et de part il n’y a pour eux plus jamais dans tout ce qui se fait dessous le soleil. 7

Va, mange avec joie ton pain et bois de BON cœur ton vin, car déjà Dieu a agréé tes ŒUVRES ; en tout temps que tes habits soient blancs et que le parfum ne manque pas sur ta tête. 9 Vois la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de la vie de TA BUÉE qu’il te donne dessous le soleil, tous les jours de TA BUÉE, car cela est ta part dans la vie et dans le travail que toi tu peines dessous le soleil. 10 Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le dans ta force, car il n’y a ni œuvre, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse dans LE SCHÉOL où toi tu vas là-bas. 8

« Mort/mourir » revient seulement dans le deuxième passage de la première séquence (3,19c) et dans le premier passage de la dernière séquence (9,4b.5a.b) ; la dernière séquence et donc toute la section s’achève avec « le schéol » dont c’est la seule occurrence dans le livre (9,10b). On pourra noter aussi les reprises de : – « connaitre/connaissance » (3,12a.14a.21a / 9,5b.10b) – « dessous le soleil » (3,16a / 9,6c.9 bis), – « buée » (3,19d / 9,9b.c), – et surtout le refrain de la « joie » (3,12-13.22 / 9,7-9).

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

245

Les passages centraux de B4 (7,26–8,8) et de B6 (6,1-6) 7,26 Et je trouve, moi, plus amère que LA MORT la femme qui est des pièges, et son cœur des filets, des chaînes ses bras ; bon devant Dieu qui se délivre d’elle, mais le pécheur est pris par elle. 27 Vois ce que je trouve, dit Qohélet, un par un pour trouver une raison 28 que mon ÂME cherche encore et point ne la trouve : un HUMAIN un seul sur mille, je le trouve, mais une femme sur toutes, je ne la trouve pas. 29 Seulement vois ce que je trouve : que Dieu a fait L’HUMAIN droit, et eux ils cherchent bien des raisons. 8,1 Qui est comme le sage et qui connait l’explication d’une affaire ? La sagesse de L’HUMAIN fait-luire sa face et la dureté de sa face en est changée. 2 Moi : garde la bouche du roi, et à cause du serment de Dieu 3 ne te presse pas de t’en aller de devant sa face, ne te dresse pas dans une affaire MAUVAISE, car tout ce qu’il désire, il le fait, 4 parce que la parole du roi est domination, et qui lui dira : « Que fais-tu ? » 5 Qui garde le commandement ne connait pas une affaire MAUVAISE et le cœur du sage connait temps et jugement, 6 car pour tout désir il y a temps et jugement, car le MALHEUR de L’HUMAIN est abondant pour lui. 7 Oui, il ne connait pas ce qui sera ; oui, comment ce sera, qui le lui annoncera ? 8 Il n’y a pas D’HUMAIN qui domine le vent pour retenir le vent, et il n’y a pas de domination sur le jour de LA MORT. Et il n’y a pas de relâche à la guerre, et la méchanceté ne délivre pas son maitre. 6,1 Il y a un MAL que je vois dessous le soleil et il est abondant pour L’HUMAIN : 2 un homme à qui donne Dieu richesse et ressources et gloire, et il ne manque pas pour son ÂME de tout ce qu’il désire, mais Dieu ne le laisse pas manger de cela et un homme étranger en mange. Cela est buée et maladie MAUVAISE. 3 Si un homme engendre cent enfants et vit des années abondantes, et abondance furent les jours de ses années, mais son ÂME n’est pas rassasiée de bonheur et aussi il n’y a pas pour lui de 4 TOMBEAU : je dis que plus-bon que lui est L’AVORTON. Oui, dans la buée il est venu et dans la ténèbre il s’en va et son nom est couvert dans la ténèbre ; 5 aussi il n’a pas vu le soleil et ne l’a pas connu : il y a plus de repos pour celui-ci que pour celui-là. 6 Et même s’il a vécu deux-fois mille ans et n’a pas vu le bonheur, n’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ?

« Mort » revient aux extrémités du passage central de B4 (7,26a ; 8,8c), à quoi correspond « l’avorton » (6,3c), c’est-à-dire l’enfant mort avant de naitre ; « tombeau » (6,3c) appartient au même champ sémantique. On pourra noter aussi les reprises de : – « mal(heur)/mauvaise » (8,3b.5b.6a / 6,1.2d) ; – « humain » (7,28b.29a ; 8,1a.6a.8b / 6,1) ; – « âme » (7,28a / 6,2b.3b). Le schéma suivant illustre la figure régulière formée par les occurrences de la mort :

5,10-19

3,9-17

3,18-22

4,1-6

4,7-16

4,17–5,9

6,1-6

6,7-12

7,1-14

7,15-25

7,26–8,8

8,16-17

9,1-2

9,3

9,4-6

9,7-10

8,9-15

– au centre de chaque section (4,1-6 ; 7,1-14 ; 9,3), – au centre des séquences extrêmes de la sous-section centrale (6,1-6 ; 7,26–8,8), – enfin dans le dernier passage de la première séquence (3,18-22) et dans la première de la dernière séquence (9,4-6).

246

La deuxième section (3,10–9,10)

Le schéma suivant montre la figure, régulière elle aussi, formée par les occurrences du « refrain » du « jouir de la vie », « manger », « boire »...

5,10-19

3,9-17

3,18-22

4,1-6

4,7-16

4,17–5,9

6,1-6

6,7-12

7,1-14

7,15-25

7,26–8,8

8,16-17

9,1-2

9,3

9,4-6

9,7-10

8,9-15

– Réparti dans les deux passages de la première séquence (B1 : 3,9-22) et concentré dans le dernier passage de la dernière séquence (B9 : 9,7-10) ; – dans les passages extrêmes de la section centrale (5,10-19 ; 8,9-15). Ainsi les passages où se trouvent la mort se trouvent aux centres, et ceux qui concernent la jouissance de la vie aux extrémités. Les titres des séquences permettent d’illustrer l’articulation de la section : B1 : L’HOMME B2 : Les morts

EST-IL FAIT POUR L’ÉTERNITÉ ? ne voient pas

B3 : L’HOMME SEUL

NE SERA QUE BUÉE

B4 : LES ÉNIGMES

DE LA VIE

B5 : En tout

considérer

B6 : LES RÉPONSES

DU SAGE

B7 : LA RECHERCHE

DE LA SAGESSE

B8 : Le mal

débouche

B9 : LA RECHERCHE

DE LA VIE

le mal

3,9-22 4,1-6 4,7–5,9

5,10–6,12

la fin dernière

7,1-14

7,15–8,15

8,16–9,2 sur la mort

9,3 9,4-10

Dans les deux premières sous-sections, les premières séquences (B1 et B4) énoncent les questions, les énigmes qui se posent à l’homme, tandis que les réponses sont fournies dans leurs dernières séquences (B3 et B6). Dans la dernière section, la première séquence (B7) correspond à la dernière séquence de la sous-section centrale (B6), car il y est question de la sagesse ; quant à la dernière séquence de la dernière section (B9), elle renvoie à la

L’ensemble de la deuxième section (3,10–9, 10)

247

première séquence de la sous-section centrale (B4) où il s’agit également de la vie. Ce renversement serait un cas de phénomène de clôture1. La sous-section centrale est de loin la plus importante, déjà du point de vue quantitatif (p. 231). Beaucoup plus courte, la sous-section finale apparait comme une reprise conclusive, tandis que la sous-section initiale pourra sembler préparer la suivante.

INTERPRÉTATION LES MALHEURS DE L’HOMME Tant de mal durant cette vie Cela commence fort. À peine a-t-on entendu que « tout ce que fait (Dieu) est beau en son temps » (3,11) que résonne le constat terrible : « à la place du droit la méchanceté et à la place de la justice la méchanceté » (16). Le ton est donné et il se maintiendra tout au long de la section. Ce que voit Qohélet et qu’il n’aura de cesse de dénoncer, ce sont les oppressions : « je vois toutes les oppressions qui se font sous le soleil : et voici le pleur des opprimés et ils n’ont pas de consolateur » (4,1) et il ajoute : « Et je vois, moi, que tout travail et tout profit que c’est jalousie d’un homme pour son prochain » (4). Il ne faut pas s’en étonner (5,7). Combien de fois les biens accumulés à force de travail par le juste sont dévorés par les profiteurs, tant et si bien qu’il ne peut rien laisser à son fils : « Quel avantage pour lui d’avoir peiné pour le vent ? » (5,10-15). Pire encore : « Quel avantage du sage sur l’insensé ? » (6,8). « Que le pécheur fasse le mal cent fois, il prolonge sa vie » (8,12 ; 7,15). « Oui, il n’est pas de juste sur la terre, qui fasse le bien et ne pèche pas » (7,20). « Le cœur des fils d’Adam est plein de mal, et les sottises dans leur cœur, et après lui chez les morts » (9,3). Et à la fin la mort Toute la section pivote autour de la mort. Cette pensée s’impose au cœur de chacune de ses trois sous-sections et même au centre des séquences extrêmes de la longue section centrale. La mort a tendu sa toile, systématiquement, sur toute la surface du texte, enveloppant tout le discours dans une obsession lancinante qui ne laisse guère de repos. Dès le début et de la manière la plus brutale, la question est posée : « Oui, le sort des fils d’Adam et le sort des animaux est un sort unique pour eux » (3,19). « Comme il était sorti nu du ventre de sa mère, nu il s’en retournera » (5,14). Privé de bonheur et même de tombeau, « l’avorton vaut mieux que lui » (6,3). S’il en est ainsi, « mieux vaut le jour de la mort que le jour de l’enfantement » (7,1). Le comble est qu’il y ait « un sort unique pour le juste et pour le méchant, pour le bon et le pur et pour l’impur » (9,2). 1

Voir R. MEYNET, « Phénomènes de clôture dans les textes bibliques » ; Traité 2021, 205.

248

La deuxième section (3,10–9,10)

LES RÉPONSES DU SAGE Garder présents le mal et la mort Rien ne servirait de se voiler la face. Le mal existe, la mort aussi, il ne faut pas avoir peur de les regarder en face, de les garder présents tout au long de la vie. Au contraire. C’est que la mort représente la fin du mal : les morts ne le voient plus, « et mieux encore, celui qui ne vit pas encore, qui ne voit pas l’œuvre de mal qui se fait sous le soleil » (4,2-3). Dans le schéol, il n’y a plus rien, « ni œuvre, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse » (9,10) ; plus de mal non plus, plus de sottise chez les morts (9,3). Tout doit donc être mesuré à l’aune de la fin, car « meilleure est la fin d’une chose que son début » (7,8). C’est pourquoi Qohélet peut en arriver à poser le paradoxe que « meilleur est le jour de la mort que le jour de l’enfantement » (7,1). Ce sont les « insensés » qui fuient la réalité dans une joie et un rire aussi factice et éphémère que les craquements des épines qui se consument sous le chaudron (3-5). Jouir de la vie, présent de Dieu La vraie joie est celle du sage, le vrai réaliste qui accepte ses limites, qui ne prétend pas être sage à l’excès, comme il ne sera pas méchant outre mesure (7,16-18). Il sait qu’il vient de la poussière et qu’il y retournera bientôt (3,20 ; 6,12). Au jour du bonheur, il accepte d’être dans le bonheur et au jour du malheur d’être dans le malheur, car tout vient de Dieu (7,14). Il répètera à l’envi, dès le début (3,12-13.23), tout au long (5,17-19 ; 8,15) et jusqu’à la fin (9,7-10), l’invitation à jouir de la vie et des biens que Dieu nous donne dans cette vie, telle qu’elle est. Tout en considérant sa fin, dans cette vie qui passe comme une ombre (6,12), le sage vit dans le présent, n’oubliant jamais que tout cela est le don, la part, le présent qu’il reçoit gratuitement de la main de Dieu. Il est vrai qu’il n’est jamais question d’action de grâce, mais l’insistance sur la reconnaissance du don ne saurait manquer d’y faire penser. Du reste, la première soussection s’achève dans « la Maison de Dieu » où le fidèle se rend pour écouter la voix de son Seigneur et acquitter ses vœux.

LE DIEU CRÉATEUR La troisième section Qo 9,11–12,8

250

Qohélet

La section est organisée en deux séquences. La première (C1) comprend deux sous-séquences, la première formée d’un seul passage de type introductif, la deuxième de trois passages. La deuxième séquence (C2) est de la taille d’un seul passage complexe.

C1 : C’EST DIEU

C2 : « SOUVIENS-TOI

QUI FAIT TOUT

9,11–11,6

DE TON CRÉATEUR »

11,7–12,8

I. C’EST DIEU QUI FAIT TOUT La séquence C1 : 9,11–11,6

A. TEMPS ET CONTRETEMPS ARRIVENT À TOUS La première sous-séquence : 9,11-12 Cette sous-séquence ne comprend qu’un seul passage de la taille d’une partie. TEXTE 9,11 J’ai tourné à voir dessous le soleil que pas aux rapides la course et pas aux forts la guerre, et aussi pas pour les sages du pain et aussi pas pour les intelligents de la richesse et aussi pas pour les savants de la faveur. Oui, temps et contretemps arrivent à eux tous. 12 Oui, aussi ne connait pas l’humain son temps : comme les poissons qui sont pris au filet mauvais, comme les oiseaux qui sont pris au piège, comme eux sont surpris les fils des humains au temps mauvais, quand il tombe sur eux soudain. V. 11A : «

DE NOUVEAU J’AI VU »

Littéralement, « Je suis revenu et voir », construction tardive, qui signifie « J’ai vu de nouveau », « J’ai vu encore ». V. 11G

: « TEMPS ET CONTRETEMPS ARRIVENT À EUX TOUS »

Le sens du second terme est discuté : certains pensent qu’il est opposé au premier (« contretemps, incident »), d’autres sont d’avis qu’ils sont pratiquement synonymes. Sa signification est difficile à déterminer, car il ne revient qu’une seule fois ailleurs dans la Bible. Salomon fait dire à Hiram : « Maintenant, Yhwh mon Dieu m’a donné le repos de toute part : plus d’adversaire ni d’histoire mauvaise » (1R 5,18, la BJ traduit « contrariété du sort », la TOB « menace de malheur »). Dans ce contexte, le sens est clairement défavorable ; toutefois si pega‘ avait en lui-même un sens négatif, il n’aurait peut-être pas eu besoin d’être déterminé par « mauvais » ; le rapport entre les deux termes pourrait donc être du même type que celui qui lie « moment » et « temps » en 3,1. Cette phrase constitue le centre de la construction et il n’est donc pas étonnant qu’elle soit énigmatique. On remarquera d’abord que « tous » ne renvoie pas seulement aux personnes louables mentionnées dans le premier morceau, mais aussi à tout « humain », tous « les fils d’Adam » dont il est question dans le dernier morceau. Par ailleurs, si « temps » sera repris deux fois dans le dernier morceau, il ne serait pas étonnant que le second terme renvoie au premier mor-

252

La troisième section (9,11–12,8)

ceau : c’est pourquoi « contretemps » convient mieux aux situations anormales dans lesquelles se trouvent les personnes de ce morceau initial1.

COMPOSITION + 9,11 De nouveau

j’ai vu

dessous

– que PAS – et PAS

pour les rapides pour les forts

la course la guerre,

– et aussi PAS – et aussi PAS – et aussi PAS

pour les sages pour les intelligents pour les savants

du pain de la richesse de la faveur.

le soleil

···················································································································

Oui, TEMPS

et contretemps

arrivent

à eux tous.

···················································································································

+

12

Oui, aussi

NE connait PAS

l’humain

SON TEMPS

: comme les poissons : comme les oiseaux

qui sont pris qui sont pris

au filet au piège,

mauvais,

: comme eux : AU TEMPS : quand il tombe

sont surpris mauvais, sur eux

les fils

d’Adam

:

soudain.

Le deuxième segment du premier morceau traite d’actions physiques en temps de guerre, le dernier de qualités intellectuelles en temps de paix. La même négation affecte les cinq exemples. Dans le dernier morceau, le premier segment est ensuite illustré par une comparaison entre poissons et oiseaux capturés (12bc) et les humains quand le malheur tombe sur eux à l’improviste (12def). « L’humain » (12a) est repris par « les fils d’Adam » (12d) et « mauvais » est répété en fin de membres (12b.e). Les parties extrêmes sont de même composition : un unimembre suivi d’un bimembre et d’un trimembre. La négation marquent les deux parties (11b-f ; 12a). « Temps » de la partie centrale est repris deux fois dans la dernière partie (12a.12e). « Tous » annonce « les fils d’Adam » (12d), mais rappelle aussi les cinq personnages du premier morceau.

1

C’est ainsi que traduisent Dhorme, la BJ et Osty.

La séquence C1 (9,11–11,6)

253

INTERPRÉTATION LA NÉGATION Le couple « temps et contretemps » pourrait faire penser qu’à côté du malheur il y a aussi le bonheur. Mais ce n’est pas cela que dit ici Qohélet. Il est d’abord frappé par le fait que, dans quelque domaine que ce soit, les plus valeureux ne sont pas assurés de réussir dans leurs entreprises, en tout cas pas toujours (11a-f). Il ajoute que l’homme est absolument incapable de prévoir le temps où le malheur, où ce malheur dont il vient de parler, l’atteindra (12). L’homme ne sait absolument rien, ni si ce qu’il fait aura du succès ou non, ni quand le malheur lui tombera dessus soudain. Telle est la loi qui s’applique à tous.

B. LE ROI EST INVITÉ À LA SAGESSE La deuxième sous-séquence : 9,13–11,6 Cette sous-séquence comprend trois passages. « MIEUX LA SAGESSE

QUE LA FORCE

»

« IL Y A PROFIT

À EXERCER LA SAGESSE

C’EST SAGESSE

QUE DE RISQUER

9,13–10,4

»

10,5-15

10,16–11,6

1. « Mieux la sagesse que la force » Le premier passage : 9,13–10,4 TEXTE 9,13 Cela aussi j’ai vu (comme) sagesse dessous le soleil et grande elle pour moi. 14 Une ville (était) petite et des gens dedans peu ; et vint contre elle un roi grand et il assiégea elle et il bâtit contre elle des ouvrages grands. 15 Et il y trouva un homme pauvre sage et il délivra la ville par sa sagesse ; et (pas) un humain ne se souvient de cet homme pauvre celui-là. 16 Et je dis, moi : (plus) bonne la sagesse que la force, mais la sagesse du pauvre est méprisée et ses paroles point ne sont écoutées ; 17 les paroles des sages avec calme sont à écouter (plus) que les cris de qui commande aux 18 insensés. (Plus) bonne la sagesse que les armes du combat et un pécheur seul détruit un bon nombreux. 10,1 Des mouches mortes gâtent le vase d’huile du parfumeur. (Plus) pesante que sagesse, que gloire, sottise un peu. 2 Le cœur du sage à sa droite et le cœur de l’insensé à sa gauche. 3 Et aussi sur la route quand un sot va, son cœur manque et il dit à chacun que sot lui ! » 4 Si l’humeur de qui commande se monte contre toi, ta place ne quitte pas, car le calme évite des péchés grands. V. 9,13 : «

CELA AUSSI J’AI VU (COMME) SAGESSE... »

Littéralement : « Aussi celle-ci j’ai vu sagesse ». Le verbe a deux sujets, le second spécifiant le premier. V. 9,14 : « DES OUVRAGES GRANDS

»

Le texte massorétique a meṣôdîm, « des pièges » ; mais quelques manuscrits et les versions ont lu meṣûrîm, « des ouvrages » de siège.

256

La troisième section (9,11–12,8)

V. 10,1A : «

DES MOUCHES MORTES GÂTENT LE VASE D’HUILE DU PARFUMEUR »

Litt., « des mouches de mort ». La difficulté du texte massorétique est que le sujet, « des mouches » est au pluriel tandis que les verbes suivants sont au singulier. Les antiques versions soutiennent le pluriel du sujet. En outre, le sens du deuxième verbe est débattu ; dans la Septante et la Syriaque, c’est un nom que plusieurs interprètent comme le récipient qui contient l’huile1. On sait qu’autrefois les parfums n’étaient pas dissous dans l’alcool, mais dans l’huile. V. 10,1B : «

(PLUS) PESANTE QUE SAGESSE... »

C’est évidemment le contexte des deux segments qui précèdent qui permettent de comprendre le sens du premier mot, yāqār. Il ne signifie pas « précieux », mais « qui a du poids », « qui compte ». V. 10,3C : « ET IL DIT À CHACUN QUE SOT LUI

»

La phrase est ambiguë : on peut comprendre que, par son comportement, il manifeste à tous qu’il est insensé, ou qu’il dit à chacun qu’il est insensé. Il est sans doute meilleur de conserver l’ambiguïté dans la traduction. V. 17A : « LES PAROLES DES SAGES AVEC CALME SONT À ÉCOUTER

»

« Avec calme » détermine « les paroles des sages » : ce calme s’oppose aux cris du second membre. L’opposition entre 16 et 17 permet de comprendre que le participe traduit par « sont écoutées » signifie « doivent être écoutées » ; c’est pourquoi on traduit : « sont à écouter ». COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (9,13-15) Le premier morceau sera ensuite illustré par l’histoire ou la parabole suivante. Dans le deuxième morceau, le contraste est saisissant entre la ville « petite » et « peu » peuplée d’une part, et les « grands » ouvrages que met en œuvre le « grand roi » pour l’assiéger. Le dernier morceau oppose, quant à lui, l’action d’éclat de « l’homme pauvre et sage » et l’oubli dans lequel il est tombé.

1

Voir, par ex., Schoors, 704-706.

La séquence C1 (9,11–11,6) :: 9,13 Cela aussi :: et GRANDE

j’ai vu elle (est)

(comme) SAGESSE pour moi.

257 dessous

le soleil

···············································································································

+ 14 UNE VILLE + et des gens

(était) petite dedans

– et vint – et il assiégea – et il bâtit

contre elle elle contre elle

peu ; un roi

GRAND

des ouvrages

GRANDS.

···············································································································

+ 15 Et il y trouva + et il délivra

un homme LA VILLE

pauvre par SA SAGESSE ;

– et (pas) un humain – de cet homme

ne se souvient pauvre

celui-là.

SAGE

LA DEUXIÈME PARTIE (9,16-17) L’unimembre initial introduit deux affirmations. La première oppose la supériorité de la sagesse sur la force, au fait que le sage, s’il est pauvre, n’est pas pris en compte. Le dernier segment oppose aux « paroles » calmes des sages « les cris » de ceux qui « commandent aux sots ». Ces derniers sont ceux qui exercent « la force » dont parle le segment précédent (16b). Les deux occurrences de « paroles » et de « sont à écouter » agrafent les deux derniers segments. Les deux derniers segments sont opposés : pauvre, le sage n’est pas écouté, alors que les paroles des sages devraient l’être davantage que « les cris » de qui « commande » et détient « la force ». • 9,16 Et je dis,

moi :

+ (plus) bonne – mais la sagesse – et ses paroles

la sagesse du pauvre point

que la force, est méprisée ne sont écoutées ;

+ 17 les paroles – (plus) que les cris

des sages de qui commande

avec calme aux sots.

sont à écouter

258

La troisième section (9,11–12,8)

LA TROISIÈME PARTIE (9,18–10,4) + 9,18 (Plus) bonne – et UN PÉCHEUR

seul

que les armes détruit

– 10, Des mouches + le vase

mortes d’huile

gâtent du parfumeur.

+ (Plus) pesante – sottise

QUE SAGESSE,

que gloire,

un peu.

1

LA SAGESSE

du combat un bon

nombreux.

····················································································································

: 2 Le cœur : et le cœur

DU SAGE

- 3 et aussi - son cœur - et il dit

sur la route manque à chacun

de l’insensé

à sa droite à sa gauche ; quand un sot

va,

que sot

lui !

····················································································································

:: 4 Si l’esprit :: ta place :: car le calme

de qui commande se monte ne quitte pas, évite DES PÉCHÉS

contre toi, grands.

Dans les trois segments du premier morceau, c’est toujours la même idée : il faut peu de chose — « un seul pécheur », « des mouches mortes », « un peu de sottise » — pour gâter tout ce qui est bon, « sagesse » ou « bon nombreux », « le vase d’huile du parfumeur », « la sagesse et la gloire ». Les deux segments du deuxième morceau opposent « le cœur » du sage et celui de « l’insensé » ou du « sot ». L’insistance porte sur l’insensé dont le cœur, c’està-dire l’intelligence est du mauvais côté (10,2b), lui « manque » (3b), le conduit à montrer à tous ce qu’il est, lui faisant projeter sur tous les autres sa sottise. Le troisième morceau (4) se distingue des précédents, car il passe de la troisième personne à la deuxième du singulier. Les segments extrêmes ont en commun « pécheur » et « péchés » (9,18b ; 10,4c) ; par ailleurs, la colère de « qui commande » (10,4a) rappelle « les armes du combat » (9,18a). Ne pas bouger et rester calme (10,4bc) est faire preuve de « sagesse » (9,18a). Les deux premiers morceaux opposent « sagesse » (9,18a ; 10,1c.2a) et « sottise » (10,1d ; 3a.c). L’ENSEMBLE DU PASSAGE (9,13–10,4) Comme la première partie, la partie centrale commence par une phrase introductive à la première personne du singulier (9,13.16). La partie centrale articule les deux autres. Son deuxième segment renvoie à la première partie : « la sagesse » « du pauvre » meilleure que la force (16b) correspond à la délivrance de la ville par « le pauvre » grâce à sa « sagesse » (15ab) ; mais on ne se souviendra pas du pauvre (15cd) et on ne l’écoutera pas (16cd).

La séquence C1 (9,11–11,6)

259

Le début de la partie centrale (16b) trouve un écho au début de la troisième partie (13a), jouant le rôle de termes initiaux. En termes finaux des deux dernière parties, aux cris et à l’agressivité « de qui commande » (9,17b ; 10,4a) le sage réagit « avec calme » (9,17a ; 10,4bc). « Insensés » à la fin de la partie centrale (9,17b) est repris dans la dernière partie par « insensé » (10,2b) et par « sottise/ sot » (10,1d.3a.c). • 9,13 Cela aussi • et GRANDE

j’ai vu elle est

comme SAGESSE pour moi.

dessous

le soleil

··············································································································

+ 14 Une ville + et des gens

était petite dedans

– et vint – et il assiégea – et il bâtit

contre elle elle contre elle

PEU ; un roi

GRAND

des ouvrages

GRANDS.

··············································································································

+ 15 Et il y trouva + et il délivra

un homme la ville

– et pas un humain – de cet homme

ne se souvient PAUVRE

• 16 Et je dis,

moi :

+ plus bonne – mais LA SAGESSE – et ses paroles

LA SAGESSE DU PAUVRE

17

+ les paroles – plus que les cris

point

PAUVRE par sa SAGESSE

SAGE

;

celui-là.

que la force, est méprisée ne sont écoutées ;

DES SAGES

AVEC CALME

DE QUI COMMANDE

aux INSENSÉS.

LA SAGESSE

+ 18 Plus bonne – et un pécheur

seul

que les armes détruit

– 10,1 Des mouches + le vase

mortes d’huile

gâtent du parfumeur.

+ Plus pesante – SOTTISE

que SAGESSE, PEU.

que gloire,

sont à écouter

du combat un bon nombreux.

··············································································································

+ 2 Le cœur – et le cœur

du SAGE de L’INSENSÉ

à sa droite à sa gauche ;

– 3 et aussi – son cœur – et il dit

sur la route manque à tous

quand UN SOT

va,

que SOT

lui !

··············································································································

– 4 Si l’esprit + ta place + car LE CALME

DE QUI COMMANDE

se monte

contre toi,

ne quitte pas, évite

des péchés

GRANDS.

Dans les parties extrêmes reviennent « peu » (9,14b ; 10,1d) et « grand(s) » (9,13b.14c.e : 10,4c). « Sagesse/sage(s) » reviennent trois fois dans chaque partie (9,13a.15ab / 9,16bc.17a / 9,18a ; 10,1c.2a).

260

La troisième section (9,11–12,8)

INTERPRÉTATION TOUS HUMILIÉS, VAINCU ET VAINQUEUR La force du grand roi doit céder devant la sagesse du pauvre ; ainsi le sage l’emporte sur le puissant violent qui s’attaque au petit en déployant de grands moyens. Cependant, celui qui a vaincu par sa sagesse est bien vite oublié et personne n’écoute ce qu’il dit. Ainsi, tous deux se trouvent humiliés, l’un malgré la grandeur de sa force, l’autre malgré sa sagesse. Même destin malheureux pour tous. MAIS LA SAGESSE L’EMPORTE LA FORCE Les paroles du sage ne sont pas écoutées, alors qu’elles devraient l’être (9,1415). Si tout le premier versant du passage est pessimiste, sans illusion, le second l’est beaucoup moins. Même si un seul pécheur peut faire de grands dégâts, même si des mouches mortes gâteront l’huile du parfumeur, même si un peu de sottise a plus de poids que la sagesse, cependant l’insensé reste un insensé qui sera toujours du mauvais côté. Et si le puissant se monte contre le sage, celui-ci par son calme peut résister à sa violence et ne pas le suivre dans son péché. Commencé avec une parabole qui souffle d’abord le chaud puis le froid (9,1415), le passage s’achève par un conseil qui ne manque pas d’espoir malgré les difficultés (10,4).

2. « Il y a profit à exercer la sagesse » Le deuxième passage : 10,5-15 TEXTE 10,5 Il y a un mal que je vois dessous le soleil, comme erreur qui sort de devant le souverain : 6 a été donnée la folie dans les hauteurs importantes et des riches dans le bas restent. 7 Je vois des serviteurs sur des chevaux et des princes allant comme des serviteurs sur la terre. 8 Qui creuse une fosse, dans elle tombe et qui sape un mur, le 9 mord un serpent ; qui extrait des pierres, se blesse avec elles, qui fend des bois, 10 risque avec eux. Si est émoussé le fer et lui pas les faces aiguise, les efforts il forcera. Il y a profit à exercer la sagesse. 11 Si mord le serpent pas charmé, il n’est pas de profit pour le maitre de la langue. 12 Les paroles de la bouche du sage (sont) faveur, et les lèvres de l’insensé le perdent ; 13 le début des paroles de sa bouche est folie et la fin de sa bouche sottise de mal 14 et l’insensé multiplie les paroles. Ne connait pas l’humain ce qui sera et ce qui sera après lui, qui (l’)annoncera à lui ? 15 La peine de l’insensé le fatigue, lui qui ne connait pas aller à la ville. V. 6

: « DANS LES HAUTEURS IMPORTANTES »

C’est-à-dire « dans les lieux les plus élevés ». Contrairement à la division massorétique, il serait possible que le quatrième terme soit coordonné au suivant au début du second membre : « des importants et des riches vont... », ce qui respecterait mieux le parallélisme avec le segment suivant, en tout cas du point de vue du rythme. V. 10ABC : « SI EST ÉMOUSSÉ LE FER

»

On peut aussi analyser le verbe comme transitif, « S’il a émoussé le fer », le sujet « lui » au début du second membre étant le sujet des trois verbes du segment. V. 10D

: « IL Y A PROFIT À EXERCER LA SAGESSE »

Cette phrase a donné lieu à un très grand nombre d’interprétations1. Qu’elle soit énigmatique ne doit pas étonner, étant donné qu’elle se trouve au centre de la partie centrale du passage. « La sagesse » est l’objet du verbe à l’infinitif, « profit » est le prédicat. V. 11

: « LE MAITRE DE LA LANGUE »

Plutôt que la langue du serpent, il s’agit de celle du charmeur qui par sa voix ou ses formules magiques domine le serpent. 1

Voir la longue liste de Schoors, 730-732.

262 V. 15

La troisième section (9,11–12,8) : « LA PEINE DE L’INSENSÉ LE FATIGUE »

Le texte massorétique a le pluriel, « insensés », mais la Septante, le Targum ainsi que plusieurs manuscrits ont le singulier.

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (10,5-9) :: 5 Il y a :: comme erreur

un mal qui sort

que je vois de devant

dessous le soleil, le souverain.

– 6 A été donnée – et des riches

la folie dans le bas

dans les hauteurs restent ;

importantes

– 7 je vois – et des princes

des serviteurs allant

sur des chevaux comme des serviteurs

sur la terre.

························································································································

= 8 Qui creuse = et qui sape

une fosse, un mur,

dans elle le mord

tombe un serpent ;

= 9 qui extrait = qui fend

des pierres, des bois,

se blesse risque

avec elles, avec eux.

Dans le premier segment, « le mal » qu’on voit en ce monde est ensuite qualifié d’« erreur » de la part du « souverain ». Les deux segments suivants sont parallèles entre eux : « les serviteurs », c’est-à-dire « la folie » sont exaltés, tandis que « des princes » « riches », sont abaissés. Le second morceau reprend la même constatation mais avec deux couples de proverbes : il s’agit toujours d’un renversement anormal et inattendu. LA DEUXIÈME PARTIE (10-11) .. 10 Si est émoussé .. et lui = les efforts :: Le PROFIT ..

11

Si mord = il n’est pas de PROFIT

le fer pas les faces il forcera.

aiguise,

assure

la sagesse.

le serpent pour le maitre

pas charmé, de la langue.

La séquence C1 (9,11–11,6)

263

Les segments extrêmes sont de même construction syntaxique, conditionnelle introduite par le même « si », suivie de la principale en apodose. La négation affecte les deux conditionnelles (10b.11a). Au centre, un unimembre qui tire la leçon générale des deux exemples qui l’encadrent. LA TROISIÈME PARTIE (12-15) + 12 Les paroles – et les lèvres

de la bouche DE L’INSENSÉ

du sage le perdent ;

(sont) faveur,

– 13 le début – et LA FIN – 14 ET L’INSENSÉ

des paroles de sa bouche multiplie

de sa bouche sottise les paroles.

est folie de mal

·········································································································

:: NE CONNAIT PAS :: et cela qui :: qui

l’humain

ce qui sera

sera

APRÈS LUI,

(l’)annoncera

à lui ?

········································································································· 15

– La peine – lui qui

DE L’INSENSÉ NE CONNAIT PAS

le fatigue, aller

à la ville.

Dans le premier morceau, « les paroles » (12a.13a.14a) « de la bouche » (12a. 13a.13b) de « l’insensé » (12b.14a) sont longuement opposées à celles du « sage » (12a) ; le second segment insiste sur le fait que l’insensé « multiplie » les paroles, du « début » à « la fin ». Les morceaux extrêmes traitent de « l’insensé », opposé au « sage » tout au début, alors que le morceau central parle de « l’humain » en général. Les verbes finaux de 12b et de 15a sont de même schème : teballe‘ennû et teyagge‘ennû (« le perdent » et « le fatiguent »). Comme il arrive souvent, le centre est une question. « Après lui » (14c) et « la fin » (13b) sont de même racine. « Ne connait pas » (14b) est repris à la fin (15b).

264

La troisième section (9,11–12,8)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE – 10,5 Il y a – comme erreur

un MAL qui sort

que je vois de la face

dessous le soleil, du souverain :

– 6 a été donnée : et des riches

LA FOLIE

dans les hauteurs restent ;

importantes

dans le bas

– 7 je vois : et des princes

des serviteurs allant

sur des chevaux comme des serviteurs sur la terre.

························································································································

: 8 Qui creuse : et qui sape 9

: qui extrait : qui fend .. 10 Si est émoussé .. et lui = les efforts + Il y a profit ..

11

SI MORD = pas de profit

une fosse, un mur,

dans elle

tombe

LE MORD

UN SERPENT

des pierres, des bois,

se blesse risque

avec elles, avec eux.

le fer pas les faces il forcera.

aiguise,

à exercer

LA SAGESSE.

LE SERPENT

pas charmé, de la langue.

pour le maitre

+ 12 Les paroles – et les lèvres

de la bouche de l’insensé

DU SAGE

– 13 le début – et la fin – 14 et l’insensé

des paroles de sa bouche multiplie

de sa bouche sottise les paroles.

;

sont faveur,

le perdent ; est FOLIE de MAL

························································································································

:: Ne sait pas :: et ce qui :: qui

l’humain sera l’annoncera

ce qui sera après lui, à lui ?

························································································································

– 15 La peine – lui qui

de l’insensé ne sait pas

le fatigue, aller

à la ville.

Comptant chacune dix membres, les parties extrêmes sont plus développées que la partie centrale. Les reprises lexicales sont peu nombreuses : « mal » (5a.13b), « folie » (6a.13a) et « aller » (7b.15b). Toutefois, à « tombe » (8a), « se blesse » et « risque » (9a.b) correspondent les deux verbes négatifs eux aussi, « le perdent » (12b) et « le fatigue » (15a). La partie centrale reprend « mord le serpent » de la première partie (8b.11a), à quoi on peut ajouter « face(s) » (5b.10b). À « la sagesse » (10d) correspondra dans la dernière partie « sage » (12a) et « la langue » sera reprise par « la bouche » (12a.13a.b) et « lèvres » (12b).

La séquence C1 (9,11–11,6)

265

INTERPRÉTATION UN BIEN GRAND MAL Le « mal » déploré par Qohélet (5a) est l’erreur fatale d’un « souverain » qui confie des responsabilités à des personnes incapables, qui font preuve de « folie », après avoir écarté ceux qui étaient dignes de remplir les fonctions de véritables princes. Pour ces derniers il a creusé une fosse, il a sapé leur mur (8). Son manque de sagesse lui retombera sur la tête ; pris à son propre piège, il sera blessé, bien plus, il sera empoisonné par le venin du serpent. Pour gouverner, il faut savoir maitriser la parole, savoir l’utiliser pour domestiquer l’animalité, comme le charmeur qui sait comment éviter que le serpent ne le morde (11). Le souverain insensé au contraire se laisse dominer par ses propres paroles, les multipliant, du matin au soir, du début à la fin (13-14a). La peine qu’il se donne le fatigue, il s’y épuise jusqu’à se perdre et ne pas savoir trouver la grande route qui conduit à la ville, sa capitale (15). « LA SAGESSE ASSURE LE PROFIT » Le passage a une tonalité fort sombre. Il semble être submergé par la folie et le mal. Toutefois, la sagesse n’en est pas absente. La dernière partie commence par souligner la valeur du sage et de ses paroles. Et surtout, le centre, la clé de voute de toute la composition, est occupé par une déclaration claire : « La sagesse assure le profit ». Quand le tranchant du fer est émoussé, c’est sottise d’insister et de s’épuiser en vain : la sagesse veut qu’on prenne le temps d’affuter son outil. Il est prudent aussi d’avoir eu la patience de charmer le serpent, pour éviter qu’il ne morde. De même, un souverain digne de ce nom, prendra-t-il le temps de préparer ses collaborateurs, de les rectifier, de maitriser leur mordant, pour pouvoir utiliser leurs capacités pour le mieux. « CE QUI SERA APRÈS LUI » Le centre de la dernière partie (14bcd) peut surprendre et même paraitre une insertion, une glose qui n’a pas grand-chose à voir avec ce qui l’entoure. Or, étant donné le contexte, « l’humain » qui « ne connait pas » ne peut être que le « souverain » dont il est question depuis le début. Bien que « souverain », il n’en est pas moins un « humain » comme tout un chacun. Si, par ailleurs, c’est un « insensé », pourrait-il savoir, mieux que tous les autres humains, ce que demain sera ? Bien plus, qui oserait lui dire « ce qui sera après lui » ? S’il n’est que « folie » et « sottise », personne ne pourra jamais l’avertir que ce qui l’attend est la fosse et la morsure du serpent. À moins de comprendre que la question vise la succession : un souverain sage, en effet, est celui qui sait prévoir et préparer celui qui viendra après lui.

3. C’est sagesse que de risquer Le troisième passage : 10,16–11,6 TEXTE 10,16 Malheur à toi, pays dont ton roi est un gamin, et ses princes dès le matin mangent ! 17 Heureux toi, pays dont ton roi est fils noble, et ses princes au tempsvoulu mangent pour la force et non pour boire ! 18 Pour deux-paresseuses cède la poutre et pour la négligence des deux-mains goutte la maison 19 Pour s’amuser ils font un pain et le vin réjouit les vivants et l’argent répond à tout. 20 Même en pensée le roi ne maudis pas et dans les chambres de ton coucher ne maudis pas le riche, car un oiseau du ciel emporterait la voix, et celui qui a des ailes redirait la parole. 11,1 Lance ton pain sur la face de l’eau car dans l’abondance des jours tu le retrouveras ; 2 donne une part à sept et aussi à huit car tu ne connais pas ce que sera 3 le malheur sur la terre. Si sont remplis les nuages de pluie, sur la terre ils déverseront ; et si tombe un arbre au sud et si au nord, l’endroit où est tombé l’arbre là il sera. 4 Qui observe le vent ne sème pas et qui regarde les nuages ne moissonne pas ; 5 de même que tu n’es pas connaissant quel est le chemin du vent, comme des os dans le ventre de la pleine, de même tu ne connais pas l’œuvre de Dieu lequel fait tout. 6 Le matin sème ta semence et le soir ne repose pas ta main ; car tu n’es pas connaissant si ceci réussira, si ceci ou cela, ou si les deux comme un (seront) bons. V. 10,18 : «

POUR DEUX-PARESSEUSES CÈDE LA POUTRE »

Le premier terme est au duel comme « les deux-mains » du membre suivant. Le dernier terme est un hapax : il est interprété comme « la poutre » ou « le plafond ». V. 10,19A : « ILS FONT UN PAIN

»

« Pain » et « vin » sont les éléments essentiels de tout repas ; comme il s’agit d’un repas de fête pour « se divertir », « pain » peut être traduit par « banquet ». V. 10,19C : « ET L’ARGENT RÉPOND À TOUT

»

Le dernier membre a été interprété de manières très diverses. Ainsi, certains traduisent : « mais c’est l’argent qui les occupe tous »1. Le problème est d’identifier le référent du sujet de « ils font » : les « princes » insensés de 16 ou les sages de 17. Autrement dit, le verset 19 est-il une critique des mauvais princes, ou au contraire loue-t-il ceux qui mangent et boivent avec modération et en temps voulu ? La composition de la première partie devrait permettre de prendre position.

1

Voir Schoors, 757-756.

268 V. 11,1-2

La troisième section (9,11–12,8) : « LANCE TON PAIN SUR LA FACE DE L’EAU... »

Les deux premiers versets de la partie centrale sont énigmatiques et ont donné lieu aux interprétations les plus variées. Cela n’est pas étonnant, quand on sait que le centre d’une construction concentrique fait toujours question. V. 11,3F : « LÀ IL SERA

»

La forme étrange du verbe final est discutée. Mais, quelle que soit la solution adoptée, le sens est clair. V. 11,5 : « LE CHEMIN DU VENT, COMME DES OS DANS LE VENTRE DE LA PLEINE

»

Certains interprètent rûaḥ comme le « souffle » vital qui anime les os de l’embryon. Il semble préférable de considérer qu’il s’agit de deux comparaisons, « le chemin du vent » et celui du fœtus. Le dernier terme a été traduit littéralement, car il peut désigner non seulement la femme enceinte, mais aussi toute femelle d’animal.

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (10,16-20) – 10,16 Malheur à toi, – et ses princes

pays dès le matin

dont TON ROI mangent !

est un gamin,

+ 17 Heureux toi, + et ses princes + pour de la force

pays en temps-voulu et non

dont TON ROI mangent pour boire !

est fils noble,

·······················································································································

– 18 Pour deux-paresseuses cède – et pour la négligence des deux-mains

la poutre goutte

la maison.

······················································································································· 19

– Pour s’amuser – et le vin – et l’argent

ils font réjouit répond

un pain les vivants à tout ;

: 20 même : et dans les chambres

en pensée de ton coucher

LE ROI

ne maudis pas

ne maudis pas le riche,

: car un oiseau : et celui qui a

du ciel des ailes

emporterait redirait

la voix, la parole.

La séquence C1 (9,11–11,6)

269

Les deux segments du premier morceau opposent deux régimes, un irresponsable et un noble, celui où « les princes » mangent « dès le matin » et celui où ils mangent « en temps-voulu ». Le dernier morceau commence par dénoncer ceux qui banquètent sans compter, pour le plaisir (19) ; et conseille de ne pas les maudire, même en pensée (20). « Le riche » de 20b renvoie à « l’argent » de 19c. Dans le dernier morceau, le couple « le roi » et « le riche » (20ab) rappelle celui du « roi » et de « ses princes » du premier morceau (16ab.17ab). Dans les deux morceaux il s’agit de « manger » « du pain » et de « boire » du « vin ». Au centre, une sorte de proverbe qui annonce la ruine de la « maison », c’està-dire du royaume : les mains paresseuses sont celles de ceux qui ne pensent qu’à festoyer. LA DEUXIÈME PARTIE (11,1-3) + 11,1 Lance = car en beaucoup

ton pain de jours

sur la face de l’eau tu le retrouveras ;

+ 2 donne une part à sept = car tu ne connais pas ce que sera

et aussi le malheur

+ 3 Si sont remplis = SUR LA TERRE

les nuages ils déverseront ;

de pluie,

+ et si tombe = l’endroit

un arbre où est tombé

au sud l’arbre

à huit

SUR LA TERRE. ·························································································································

et si là

au nord, il sera.

Les deux segments du premier morceau sont complémentaires : le premier invite à investir ses biens dans le commerce maritime pour en tirer un bénéfice futur, le second conseille de les partager avec sept et même huit personnes besogneuses, comme une sorte d’investissement en cas de malheur futur. Les deux proverbes du second morceau illustrent les conseils qui viennent d’être adressés au destinataire. La « pluie » contenue dans « les nuages » qui sera déversée sur la terre renvoie au « pain » investi dans le commerce qui donnera du fruit. Le deuxième proverbe semble correspondre au deuxième conseil du premier morceau : les différents côtés où l’arbre tombe renvoient aux divers bénéficiaires des aumônes, et « l’endroit » au singulier au donateur qui serait tombé dans le malheur. La fin du verset 3 pourrait être divisée en deux segments bimembres : + et si tombe + et si

un arbre au nord,

au sud

= l’endroit = là

où est tombé il sera.

l’arbre,

Quoi qu’il en soit, se vérifie la loi de l’élargissement final.

270

La troisième section (9,11–12,8)

LA TROISIÈME PARTIE (11,4-6) + 11,4 Qui observe + et qui regarde

le vent les nuages

NE SÈME PAS

– de même que :: quel (est) le chemin :: comme des os

TU N’ES PAS du vent, dans le ventre

CONNAISSANT

– de même :: l’œuvre :: lequel

TU NE CONNAIS PAS

5

de Dieu fait

ne moissonne pas ;

de la pleine,

tout.

··································································································

+ 6 Le matin + et le soir – car TU N’ES PAS :: si ceci :: ou si

SÈME

TA SEMENCE

ne repose pas

ta main ;

CONNAISSANT

réussira, les deux

si ceci comme un

ou cela, (seront) bons.

Dans le premier morceau, la double constatation du premier segment est suivie d’une comparaison qui insiste sur l’ignorance de l’homme : il ne connait ni les phénomènes naturels, celui du « vent » (5b) qu’il observe (4a) et celui de la grossesse de la femme (5c) comme celle des nuages (4b), et à plus forte raison l’œuvre de Dieu qui en est la cause (5def). Dans le deuxième morceau le double conseil initial est motivé par le fait que l’homme ne sait pas ce qu’il adviendra de son travail. Les deux morceaux sont construits sur le même modèle : une mise en garde (4) et un conseil (6ab) concernant tous deux les semailles, suivies par une motivation qui fait référence à l’ignorance de l’homme. Toutefois, alors que le premier morceau semble contempler la cause ou l’origine des phénomènes, le second envisage le résultat ou la conséquence de l’action humaine. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (10,16–11,6) Les parties extrêmes sont plus développées que la partie centrale. Elles ont en commun « le matin » (10,16b ; 11,6a), « main(s) » (10,18b ; 11,6b), « faire » (10,19a ; 11,5e.f) et « tout » (10,19c ; 11,5f). La partie centrale n’a en commun avec la première partie que « pain » (10,19a ; 11,1a) ; les liens lexicaux sont plus nombreux avec la dernière partie : « tu ne connais pas » (11,2b ; 11,5a.5d.6c), « sont remplis » (3a) annonce « la pleine » (5c) et « nuages » de 3a est répété en 4b. Dans les parties extrêmes, les avant-derniers segments contiennent deux impératifs, négatifs la première fois (« ne maudis pas » : 10,20a.b), positif et négatif à la fin (« sème », « ne repose pas : 11,6a.b) ; la deuxième partie commence avec deux impératifs positifs, « lance » et « donne » (11,1a.2a).

La séquence C1 (9,11–11,6)

271

10,16 Malheur à toi, et ses princes

pays dès LE MATIN

dont le roi mangent !

est un gamin

17

pays au temps-voulu et non

dont le roi mangent pour boire !

est fils noble

Heureux toi, et ses princes pour la force

················································································································ 18

Pour deux-paresseuses et pour la négligence

cède DES MAINS

la poutre goutte

la maison.

················································································································ 19

Pour s’amuser et le vin et l’argent

ILS FONT réjouit répond

UN PAIN

20

même et dans les chambres

en pensée de ton coucher

le roi ne maudis pas

ne maudis pas le riche,

car un oiseau et celui qui a

du ciel des ailes

emporterait redirait

la voix la parole.

TON PAIN

sur la face tu le retrouveras ;

de l’eau

de jours à sept ce que sera

et aussi le malheur

à huit sur la terre.

11,1 Lance car après beaucoup 2

donne une part car TU NE CONNAIS PAS

les vivants à TOUT ;

·················································································································· 3

Si SONT REMPLIS sur la terre

LES NUAGES ils déverseront ;

de pluie,

et si tombe l’endroit

un arbre où est tombé

au sud l’arbre

4

Qui observe et qui regarde

le vent LES NUAGES

ne sème pas ne moissonne pas ;

5

de même que quel est le chemin comme des os

TU N’ES PAS du vent, dans le ventre

CONNAISSANT

de même L’ŒUVRE lequel

TU NE CONNAIS PAS

de Dieu FAIT

et si là

DE LA PLEINE,

TOUT.

················································································································ 6

LE MATIN et le soir

sème ne repose pas

car TU N’ES PAS si ceci ou si

CONNAISSANT

réussira, les deux

ta semence ;

TA MAIN

si ceci comme un

ou cela, seront bons.

au nord, il sera.

272

La troisième section (9,11–12,8)

CONTEXTE ENVOYER DES PORTIONS AUX VOISINS ET AUX PAUVRES Dans le livre d’Esther, Mardochée invite les juifs à fêter leur libération, « à faire de ces journées des jours de festin et de joie, d’envoyer des portions chacun à son voisin et des dons aux pauvres » (Est 9,22 ; voir aussi Ne 8,10.12).

INTERPRÉTATION DES GOUVERNANTS INSENSÉS « Malheur à toi ». Le ton est donné pour la première partie. S’il y est brièvement question du pays dont le roi et les princes sont sages, ce n’est en quelque sorte que pour faire mieux ressortir la sottise des gouvernants irresponsables qui ne pensent qu’à festoyer à toute heure, sans se soucier de préparer le lendemain et qui ainsi laissent leur maison prendre l’eau et s’effondrer (10,18). Celui à qui s’adresse Qohélet est finalement mis en garde de façon appuyée : ces insensés sont incorrigibles, ils sont incapables d’entendre la critique et il est sage de s’en abstenir avec la plus grande prudence (20). GOUVERNER, C’EST PRÉVOIR Au lieu de manger tout son pain, de s’enivrer et d’y consacrer son argent, le sage prévoit l’avenir. Il investit dans le commerce international jusqu’au-delà des mers, sachant que le sacrifice qu’il fait ainsi lui rapportera plus tard (11,1) ; il investit aussi en partageant ses biens avec les besogneux, n’hésitant pas à envoyer des parts à beaucoup d’entre eux, préparant ainsi leur avenir et... le sien, en cas de malheur (2). Le sage sait s’instruire des leçons de la nature (3). Quand les nuages se sont longuement chargés d’eau, la pluie bienfaisante ne manquera pas de fertiliser la terre ; comme l’arbre restera là où il est tombé parmi tous les endroits possibles, ainsi l’aide attendue viendra d’un côté ou de l’autre parmi les sept ou les huit qu’on aura préparés. SEMER SA SEMENCE Rien ne sert de regarder le ciel, d’observer le vent qui pourrait faire tomber les arbres, d’attendre que la pluie veuille vient descendre des nuages (11,4). Il faut semer sans attendre, si l’on veut un jour moissonner, travailler de ses mains, du matin au soir (6) ; en somme, faire tout le contraire des responsables qui dès le matin « mangent » (10,16). Qui sème renonce au pain d’aujourd’hui pour préparer l’avenir, pour récolter davantage que ce qu’il a sacrifié de sorte qu’il pourra manger et se rassasier, tout en mettant de côté la semence pour l’année suivante.

La séquence C1 (9,11–11,6)

273

RENONCER AU SAVOIR Dès le centre du passage et, avec la plus grande insistance, jusqu’à la fin, Qohélet redit que l’homme ne sait pas, qu’il n’a aucune garantie que ce qu’il projette réussira. Il doit donc faire confiance, à ceux avec lesquels il s’engage dans une relation commerciale, à ceux qu’il aura aidés dans leur dénuement, à la pluie qu’il espère, à la semence qu’il abandonne à la terre. Et en fin de compte, il est invité à se fier à celui « qui fait tout » (11,5ef) et dont il est bien incapable de connaitre les œuvres. L’image de la semence jetée en terre n’est certainement pas sans rapport avec la vie qui croit dans le secret du ventre. « Semence » en hébreu signifie le grain, mais aussi la descendance. Encore une fois, la préoccupation du roi sage est celle de sa succession.

4. LE ROI EST INVITÉ À LA SAGESSE L’ensemble de la deuxième sous-séquence 9,13–11,6

COMPOSITION La composition est de type AA’B. En effet, les deux premiers passages ont beaucoup de points communs qui ne se retrouvent pas dans le troisième : – En termes initiaux, « j’ai vu » « dessous le soleil » (9,13 / 10,5) : les choses vues sont opposées, « sagesse » d’abord, « mal » ensuite. – « Sagesse/sage » (9,13a.15b bis.16bis.17a.18a ; 10,1b.2a / 10,10b.12a) sont opposés à « insensé/sottise/sot/folie » (9,17b ; 10,1b.2b.3a.b / 10,6a.12.13b bis.14a.15). Les deux derniers passages – insistent sur l’ignorance de l’homme : « il ne connait pas, il n’est pas connaissant » (10,14b.15 / 11,2a.5b.c.6b) ; deux fois il est dit qu’il ignore le futur, « ce qui sera » (10,14b / 11,2a). – Le souverain est accompagné dans les deux derniers passages par « des riches » et « des princes » (10,6a.7a / 10,16.17a.20b). Les trois passages ont en commun : – « Le roi » et ses synonymes « le souverain » et « qui commande » reviennent en 9,14a.17b ; 10,4a / 10,5 / 10,16.17a.20a. – « Force/forcer » revient en 9,16a ; 10,10a ; 10.17b. – « Parole(s) » est repris en 9,16b.17a / 10,12.13b.14b / 10,20c. Les passages extrêmes ont en commun « bon(ne) : 9,16a.18a bis ; 11,6c.

La séquence C1 (9,11–11,6)

275

9,13 Cela aussi J’AI VU comme SAGESSE DESSOUS LE SOLEIL et grande elle pour moi. 14 Une ville était petite et des gens dedans peu ; et vint contre elle UN ROI grand et il assiégea elle et il bâtit contre elle de grands ouvrages. 15 Et il y trouva un homme pauvre SAGE qui délivra la ville par sa SAGESSE ; et pas un humain ne se souvient de cet homme pauvre. 16 Et je dis, moi : plus BONNE LA SAGESSE que LA FORCE, mais LA SAGESSE du pauvre est méprisée et ses paroles ne sont point écoutées ; 17 les paroles des SAGES avec calme sont à écouter plus que les cris de QUI COMMANDE aux insensés. 18 Plus BONNE LA SAGESSE que les armes du combat et un seul pécheur détruit un BON nombreux. 10,1 Des mouches mortes gâtent le vase d’huile du parfumeur. Plus pesante que SAGESSE, que gloire, un peu de sottise. 2 Le cœur du SAGE est à sa droite et le cœur de l’insensé à sa gauche. 3 Et aussi quand un sot va sur la route, son cœur manque et il dit à tous qu’il est un sot ! » 4 Si l’humeur de QUI COMMANDE se monte contre toi, ne quitte pas ta place, car le calme évite de grands péchés. 10,5 Il y a un mal que J’AI VU DESSOUS LE SOLEIL, comme erreur qui sort de devant 6 LE SOUVERAIN : la folie a été donnée dans les hauteurs importantes et DES RICHES restent 7 dans le bas. J’AI VU des serviteurs sur des chevaux et DES PRINCES allant comme des serviteurs sur la terre. 8 Qui creuse une fosse tombe dedans et qui sape un mur un serpent le mord ; 9 qui extrait des pierres se blesse avec elles, qui fend des bois risque avec eux. 10 Si le fer est émoussé et qu’on n’aiguise pas les faces, les efforts IL FORCERA. LA SAGESSE assure le profit. 11 Si mord le serpent pas charmé, il n’est pas de profit pour le maitre de la langue. 12 Les paroles de la bouche du SAGE sont faveur et les lèvres de l’insensé le perdent ; 13 le début des paroles de sa bouche est folie et la fin de sa bouche sottise de mal 14 et l’insensé multiplie les paroles. L’humain NE SAIT PAS ce qui sera et ce qui sera après lui, qui le lui annoncera ? 15 La peine de l’insensé le fatigue, lui qui NE SAIT PAS aller à la ville. 10,16 Malheur à toi, pays dont LE ROI est un gamin et SES PRINCES dès le matin mangent ! 17 Heureux toi, pays dont LE ROI est fils noble et SES PRINCES au temps voulu mangent pour LA FORCE et non pour boire ! 18 Pour deux-paresseuses cède la poutre et pour la négligence des deux-mains goutte la maison. 19 Pour s’amuser ils font un pain et le vin réjouit les vivants et l’argent répond à tout. 20 Même en pensée LE ROI ne maudis pas et dans tes chambres à coucher ne maudis pas LE RICHE, car un oiseau du ciel emporterait ta voix et celui qui a des ailes redirait ta parole. 11,1 Lance ton pain sur la face de l’eau car dans l’abondance des jours tu le retrouveras ; 2 donne une part à sept et aussi à huit car TU NE SAIS PAS ce que sera le mal sur la terre. 3 Si sont remplis les nuages de pluie, sur la terre ils la déverseront ; et si un arbre tombe au sud ou au nord, l’endroit où l’arbre est tombé là il sera. 4 Qui observe le vent ne sème pas et qui regarde les nuages ne moissonne pas ; 5 de même que TU N’ES PAS SACHANT quel est le chemin du vent, comme des os dans le ventre de la pleine, de même TU NE SAIS PAS l’œuvre de Dieu lequel fait tout. 6 Le matin sème ta semence et le soir ne repose pas ta main ; car TU N’ES PAS SACHANT si ceci réussira, si ceci ou cela, ou si les deux comme un seront BONS.

276

La troisième section (9,11–12,8)

INTERPRÉTATION OÙ L’ON PARLE DE ROIS INSENSÉS Du début de la séquence à la fin il est question de souverains qui manquent de sagesse. Malgré sa grandeur et celle des moyens mis en œuvre contre la petite ville qu’il assiégea, le premier a été repoussé par la sagesse d’un homme pauvre dont personne ne se souviendra (9,14-15). Preuve que la sagesse vaut mieux que la force ! Le deuxième souverain est lui aussi un insensé, qui confie des responsabilités à ses semblables, écartant ceux qui en seraient dignes (10,5-7). Il devra subir les conséquences douloureuses de son manque de sagesse. Le troisième cas est celui du roi immature qui profite de sa position pour jouir, sans penser à préparer le lendemain (10,16-17). LE SAGE SE GARDE DE L’INSENSÉ QUI COMMANDE Devant des dirigeants insensés, la critique n’est pas de mise, car elle attirerait inéluctablement leur vindicte. Le subalterne doit avant tout savoir garder son calme et rester à sa place quand celui qui commande prend la mouche contre lui (9,4). Bien plus, il lui faut faire preuve de la plus extrême prudence en face du roi et du riche irascibles : la malédiction serait fatale et seul le silence le plus strict est de mise (10,20). Les responsables insensés sont en effet totalement fermés à la moindre critique. « LA SAGESSE ASSURE LE PROFIT » Au cœur d’une longue séquence marquée par la stupidité et la folie des dirigeants, qui sont évidemment incapables d’accepter que quiconque remette en cause leurs agissements, Qohélet déclare avec force que « la sagesse assure le profit » (10,10b) ; il y a profit à exercer la sagesse. Il ne s’adresse jamais au roi, à ses princes et aux riches, car il sait que cela ne servirait à rien, sinon à s’attirer leurs foudres. C’est au sage qu’il parle, pour le mettre en garde, par deux fois, contre les dangers que pourraient lui faire courir les puissants, s’il osait s’opposer à eux (10,4.20). C’est à lui qu’à la fin de la séquence il donne le conseil de préparer l’avenir, en contraste avec la conduite des responsables assez fous pour se contenter de profiter du moment présent (11,1-2.6). LE SOUCI DU FUTUR Gouverner consiste à prévoir, à travailler dans le présent en fonction du futur, pour le préparer autant qu’il est possible. Se contenter de jouir du présent, pour boire et s’enivrer, au lieu de manger pour refaire ses forces en vue des travaux à poursuivre, est faire preuve de sottise et de folie. Qui entreprend une œuvre quelconque, creuser une fosse ou saper un mur, extraire des pierres ou fendre du bois, doit savoir prévoir les dangers encourus pour les éviter. Pour un roi, le

La séquence C1 (9,11–11,6)

277

souci de l’avenir doit aller jusqu’à prévoir et préparer « ce qui sera après lui » (10,16), le premier souci du vrai responsable étant de penser à sa succession. LA FOI L’avenir n’appartient pas à l’homme. Mais cela ne doit pas l’empêcher de s’y risquer, en faisant confiance. Le roi digne de ce nom est celui qui s’appuie sur « ses princes », ceux qui savent manger pour refaire leurs forces et non pour s’enivrer. La foi est le contraire du savoir. Celui qui croit met sa confiance en ceux sur lesquels il peut compter, au premier chef ou en dernière instance à au seul qui est capable de faire tout (11,5). Le nom de « Dieu » n’est prononcé qu’une seule fois, mais c’est en finale, comme en conclusion décisive : c’est lui qui oriente le vent et qui prépare un héritier dans le ventre de la femme.

C. C’est Dieu qui fait tout L’ensemble de la séquence C1 : 9,11–11,6 COMPOSITION 9,11 J’ai tourné à VOIR DESSOUS LE SOLEIL que pas aux rapides la course et pas aux FORTS la guerre, et aussi pas pour LES SAGES du pain et aussi pas pour les intelligents de LA RICHESSE et aussi pas pour les savants de la faveur. Oui, temps et contretemps arrivent à eux tous. 12 Oui, aussi l’humain NE CONNAIT PAS son temps, comme les poissons qui sont pris au filet MAUVAIS, comme les oiseaux qui sont pris au piège, comme eux sont surpris les fils des humains au temps MAUVAIS, quand il TOMBE sur eux soudain.

De la taille d’un court passage, la première sous-séquence sert d’introduction à la deuxième sous-séquence. Le premier morceau (9,11abc) annonce les deux premiers passages de la sousséquence suivante avec la reprise de « voir » « dessous le soleil » (9,11a / 9,13 ; 10,5) et de « sage/sagesse » (11,11b suivi de « intelligents » et « savants » / 9,13a.15b bis.16a bis.17a.18a ; 10,1b.2a / 10,10b.12). Le troisième morceau (9,12) annonce les deux derniers passages de la sousséquence suivante avec la reprise – de « mal/mauvais » (9,12b.c / 10,5a.13 ; 11,2a), – de « tomber » (9,12c / 10,8a ; 11,3b bis) – et de « ne pas connaitre/ne pas être connaissant » (9,12a / 10,14b.15 ; 11,2a. 5b.c.6b). Deux fois, le complément de « ne pas savoir » est « ce qui sera » (10,14b ; 11,2b). Les quatre passages sont liés par – « forts/force/forcer » (9,11b / 9,16a ; 10,10a ; 10,17b), – « richesse/riches » (9,11c / 10,6a ; 10,20b) ; ces termes sont liés à « roi », « qui commande », « souverain » et « princes » (9,14a.17b ; 10,4a.5b.7a.16bis.17a bis.20a). On notera en outre que – « humain(s) » revient en 9,12a.c / 9,15b ; 10,14b, – « faveur » en 9,11c et 10,12, – « temps(-voulu) » en 9,11d et 10,17a.

La séquence C1 (9,11–11,6)

279

9,13 Cela aussi J’AI VU comme SAGESSE DESSOUS LE SOLEIL et grande elle pour moi. 14 Une ville était petite et des gens dedans peu ; et vint contre elle un roi grand et il assiégea elle et il bâtit contre elle de grands ouvrages. 15 Et il y trouva un homme pauvre SAGE qui délivra la ville par sa SAGESSE ; et pas un humain ne se souvient de cet homme pauvre. 16 Et je dis, moi : plus bonne LA SAGESSE que LA FORCE, mais LA SAGESSE du pauvre est méprisée et ses paroles ne sont point écoutées ; 17 les paroles des SAGES avec calme sont à écouter plus que les cris de qui commande aux insensés. 18 Plus bonne LA SAGESSE que les armes du combat mais un seul pécheur détruit un bon nombreux. 10,1 Des mouches mortes gâtent le vase d’huile du parfumeur. Plus pesante que SAGESSE, que gloire, un peu de sottise. 2 Le cœur du SAGE est à sa droite et le cœur de l’insensé à sa gauche. 3 Et aussi quand un sot va sur la route, son cœur manque et il dit à tous qu’il est un sot ! » 4 Si l’humeur de qui commande se monte contre toi, ne quitte pas ta place, car le calme évite de grands péchés. 5

Il y a UN MAL que J’AI VU DESSOUS LE SOLEIL, comme erreur qui sort de devant le souverain : 6 la folie a été donnée dans les hauteurs importantes et DES RICHES restent dans le bas. 7 J’AI VU des serviteurs sur des chevaux et des princes allant comme des serviteurs sur la terre. 8 Qui creuse une fosse TOMBE dedans et qui sape un mur un serpent le mord ; 9 qui extrait des pierres se blesse avec elles, qui fend des bois risque avec eux. 10 Si est émoussé le fer et lui pas les faces aiguise, les efforts IL FORCERA. LA SAGESSE assure le profit. 11 Si mord le serpent pas charmé, il n’est pas de profit pour le maitre de la langue. 12 Les paroles de la bouche du SAGE sont faveur et les lèvres de l’insensé le perdent ; 13 le début des paroles de sa bouche est folie et la fin de sa bouche sottise de MAL 14 et l’insensé multiplie les paroles. L’humain NE SAIT PAS ce qui sera et ce qui sera après lui, qui le lui annoncera ? 15 La peine de l’insensé le fatigue, lui qui NE SAIT PAS aller à la ville. 16

Malheur à toi, pays dont le roi est un gamin et ses princes dès le matin mangent ! Heureux toi, pays dont le roi est fils noble et ses princes au temps-voulu mangent pour LA FORCE et non pour boire ! 18 Pour deux-paresseuses cède la poutre et pour la négligence des deux-mains goutte la maison 19 Pour s’amuser ils font un pain et le vin réjouit les vivants et l’argent répond à tout. 20 Même en pensée le roi ne maudis pas et dans tes chambres à coucher ne maudis pas LE RICHE, car un oiseau du ciel emporterait ta voix et celui qui a des ailes redirait ta parole. 11,1 Lance ton pain sur la face de l’eau car dans l’abondance des jours tu le retrouveras ; 2 donne une part à sept et aussi à huit car TU NE SAIS PAS ce que sera LE MAL sur la terre. 3 Si sont remplis les nuages de pluie, sur la terre ils la déverseront ; et si un arbre TOMBE au sud ou au nord, l’endroit où l’arbre EST TOMBÉ là il sera. 4 Qui observe le vent ne sème pas et qui regarde les nuages ne moissonne pas ; 5 de même que TU N’ES PAS SACHANT quel est le chemin du vent, comme des os dans le ventre de la pleine, de même TU NE SAIS PAS l’œuvre de Dieu lequel fait tout. 6 Le matin sème ta semence et le soir ne repose pas ta main ; car TU N’ES PAS SACHANT si ceci réussira, si ceci ou cela, ou si les deux comme un seront bons. 17

280

La troisième section (9,11–12,8)

INTERPRÉTATION « TEMPS ET CONTRETEMPS POUR TOUS » Par cinq fois, Qohélet affirme en commençant que ni la vitesse ni la force, et pas davantage la sagesse, l’intelligence ou la science ne portent à coup sûr au succès. Il y reviendra ensuite à loisir, illustrant sa thèse par divers exemples. Le premier montre comment un pauvre homme l’emporte sur la force d’un grand roi par sa sagesse, sauvant ainsi sa ville ; mais « le temps » est suivi de son « contretemps », puisque personne ne se souvient du pauvre (9,14-15), que sa sagesse est méprisée et ses paroles ignorées (16). Mais à peine a-t-il constaté ce contretemps qu’il se doit de le contrebalancer par son contraire (17). Et ainsi alterneront « temps et contretemps » tout au long de la séquence. Le temps du mal de la folie qui renverse l’ordre des choses ne dure pas toujours et qui creuse ainsi une fosse finit pas y tomber. Malgré tout ce qui parait lui être contraire, « la sagesse est meilleure que la force » (9,16) et, en plein cœur de la deuxième sousséquence est énoncée comme la conclusion de toute la réflexion : « La sagesse assure le profit » (10,10b). « LE TEMPS MAUVAIS » Le « temps » que Qohélet envisage à la fin de l’introduction est un « temps mauvais » (9,12c) ; c’est celui de la mort pour les poissons et les oiseaux capturés par le piège et le filet mauvais. Un temps d’autant plus redoutable qu’il tombe sur les fils d’Adam à l’improviste. C’est en réalité le « contretemps » qui arrive à tous, inéluctablement, sans que personne ne soit en mesure de le prévoir. Qui creuse une fosse ne s’attend pas à y tomber, qui sape un mur est surpris qu’un serpent le morde (10,8.11). « L’HUMAIN NE SAIT PAS SON TEMPS » Il a beau être rapide et fort, sage, intelligent et savant, le fils d’Adam ne sait pas grand-chose. Ne parlons pas de l’insensé, lui qui ne sait même pas comment aller à la ville (10,15). Même le plus sage, celui qui sait lancer son pain sur la face de l’eau pour en tirer bénéfice, qui partage largement (11,1-2), qui sème dès le matin et ne se repose pas le soir, celui-là ne sait pas ce qu’il en sera, si ses entreprises réussiront ou non (11,6), si au contraire le mal arrivera sur la terre (11,2). Il sait encore moins « ce qui sera après lui » (10,14). Il ignore « le chemin du vent », il n’a aucune idée de la façon dont ses os ont été formés dans le sein de sa mère. Alors, comment pourrait-il connaitre l’œuvre de Dieu, lui qui a tout fait (11,5) ?

La séquence C1 (9,11–11,6)

281

LE CRÉATEUR Le nom de « Dieu » n’apparait qu’une seul fois dans la séquence, tout à la fin, comme par surprise. Mais c’est le Créateur, « celui qui fait tout ». Une telle mention ne saurait être anodine, d’autant plus qu’elle est retardée au dernier moment, comme la signature. Ce n’est certes pas le tout dernier mot, mais celuilà non plus n’est pas à prendre à la légère. « Bon » est en effet le mot qui scelle, par sept fois, les étapes successives du premier récit de la création. C’est ainsi que s’achève la séquence, rendant pour ainsi dire présent celui qui était, discrètement, depuis le commencement.

II. « SOUVIENS-TOI DE TON CRÉATEUR » La séquence C2 : 11,7–12,8 Cette séquence ne comprend qu’un seul passage. TEXTE 8 11,7 Douce (est) la lumière et bon pour les yeux de voir le soleil. Oui, si de nombreuses années vit l’homme, en toutes qu’il se réjouisse et qu’il se souvienne des jours de ténèbre, car nombreux ils seront. Tout ce qui vient (est) buée. 9 Réjouistoi, jeune-homme, en ton enfance et te rende heureux ton cœur aux jours de ta jeunesse. Et va selon les voies de ton cœur et selon les regards de tes yeux, et sache que sur tout cela te fera-venir Dieu en jugement ; 10 et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le mal de ta chair. Car l’enfance et les cheveux-noirs (sont) buée ! 12,1 Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ta jeunesse, avant que ne viennent les jours du malheur et qu’arrivent les années dont tu diras : « Il n’y a pas en elle de plaisir », 2 avant que ne s’enténèbrent le soleil, et la lumière et la lune et les étoiles, et 3 que retournent les nuages après la pluie. Au jour où tremblent les gardiens de la maison et se courbent les hommes de force, et s’arrêtent celles qui moulent car elles diminuent, et s’enténèbrent celles qui regardent par les fenêtres, 4 et se ferment les deux-battants sur la place, au décliner de la voix de la meule, il se lève à la voix de 5 l’oiseau, et faiblissent toutes les filles du chant, aussi la hauteur ils craignent et terreur sur le chemin ; et il dédaigne l’amande et est pesante la sauterelle et est inefficace la câpre. Oui, s’en va l’humain vers la maison de son éternité et tournent sur la place les pleureurs. 6 Avant que ne se rompe la corde d’argent et se brise la lampe d’or, et se casse la cruche à la fontaine et soit brisée la poulie à la citerne, 7 retourne la poussière sur la terre comme elle était, et le souffle retourne à Dieu lequel l’a donné. 8 Buée des buées, dit le Qohélet, tout est buée !

V. 11,9EF : « SACHE QUE SUR TOUT CELA DIEU TE FERA VENIR EN JUGEMENT

»

La fin du verset 9 fait difficulté, à tel point que plusieurs considèrent que c’est une glose1. Il se trouve que cette phrase constitue le centre la sous-partie 9-10 : il n’est donc pas étonnant qu’elle soit énigmatique. Le problème n’est pas d’ordre textuel mais interprétatif. V. 12,1 : « SOUVIENS-TOI DE TON CRÉATEUR »

En hébreu, « Créateur » est au pluriel, mais les versions antiques ont le singulier. On a pensé qu’il s’agissait d’un pluriel de majesté, mais les propositions de corrections ne manquent pas. 1

Voir, entre autres, Lohfink, 136 ; Vílchez Líndez, 421.

284

La troisième section (9,11–12,8)

V. 12,3C : « ET S’ARRÊTENT CELLES QUI MOULENT CAR ELLES DIMINUENT

»

La traduction entend respecter l’ambiguïté de l’hébreu. En effet, il est possible de comprendre que leur nombre diminue ou qu’elles sont diminuées par l’âge. V. 12,4A : « ET SE FERMENT LES DEUX-BATTANTS SUR LA RUE

»

Litt., « les deux-portes ». Le duel fait penser aux deux battants de la porte qui donne sur la rue. V. 12,4C : « IL SE LÈVE À LA VOIX DE L’OISEAU

»

Un grand nombre de solutions diverses ont été proposées2. Le texte hébreu ne pose pas de difficulté majeure : la personne âgée se lève tôt, dès que les oiseaux se mettent à chanter. Le waw par lequel le segment commence est interprété ici comme waw d’apodose, après la longue liste de temporelles précédentes (3-4b). V. 12,4D

: « ET FAIBLISSENT TOUTES LES FILLES DU CHANT »

Le parallélisme avec le membre précédent laisse entendre que « les filles du chant » correspondent à « la voix de l’oiseau » dont il vient d’être question. Les deux membres du segment semblent opposés : le vieillard entend de moins en moins le chant des oiseaux. V. 12,5CDE : «

ET IL DÉDAIGNE L’AMANDE... »

C’est là sans doute le segment le plus discuté du passage. Le sens du premier verbe n’est pas assuré : ou il s’agit du hiphil de n’ṣ, « dédaigner », « l’amande » étant son complément objet, ou du hiphil de nṣṣ, « fleurir », « l’amandier » étant le sujet du verbe. D’où deux interprétations opposées : pour l’une, tandis que l’homme va vers la mort, la nature refleurit3, pour l’autre c’est la description de la décadence du vieillard qui continue : après son lever, et sa promenade, vient le moment du repas. Le deuxième terme peut être compris comme « l’amandier » ou comme son fruit, « l’amande » : la variété de « sauterelle » dont il est question est comestible et fort prisée ; « la câpre » est considérée soit comme un condiment qui stimule l’appétit, soit comme un aphrodisiaque. Il s’agirait donc de trois choses délicieuses que le vieillard n’est plus capable d’apprécier. V. 12,6 : «

AVANT QUE NE SE ROMPE LA CORDE D’ARGENT... »

Selon le Ketib le premier verbe signifie « être loin » et l’on peut comprendre « se détacher » ; selon le Qeré « être lié ». La Vulgate a compris « se rompre ». Quand la corde cède, la lampe d’or à laquelle elle est suspendue se brise et sa lumière s’éteint. 2 3

Voir, par ex., Mazzinghi, 292. Ainsi, par ex., Vílchez Líndez, 424.431-432.

La séquence C2 (11,7–12,8)

285

COMPOSITION Deux parties comprenant chacune deux sous-parties encadrent une partie plus courte. LA PREMIÈRE PARTIE (11,7-10) La première sous-partie (7-8) + 11,7 Douce = et bon = de voir

(est) la lumière, pour les yeux le soleil.

·····································································································

: 8 Oui, si de nombreuses – en TOUTES

années vit qu’il se réjouisse

– et qu’il se souvienne : car nombreux

des jours ils seront.

l’homme,

de ténèbre,

·····································································································

+ TOUT ce qui vient

(est) buée.

Construit de manière spéculaire, le morceau central coordonne la joie de toutes ses « nombreuses années » (8ab) et le souvenir des « jours de ténèbre » qui seront « nombreux » eux aussi (8cd). Avec « la lumière » du « soleil », si « douce », le premier morceau (7) annonce le premier segment du morceau central ; la « buée » du dernier morceau (8e) correspond aux « jours de ténèbre » du dernier segment du morceau central. « Tout(es) » revient en 8b et 8e : le paradoxe est que l’homme est invité à se réjouir dans « toutes » les années de sa vie, bien que « tout » soit buée. La deuxième sous-partie (9-10) + 9 Réjouis-toi, + et te rende-heureux

jeune-homme,

en ton ENFANCE

TON CŒUR aux jours ································································································ : Et va selon les voies de TON CŒUR

: et - et sache - te fera-venir : 10 et écarte : et éloigne

selon les regards

de tes yeux,

que sur tout Dieu

cela en jugement ;

le chagrin le mal

de TON CŒUR de ta chair.

································································································

+ Car L’ENFANCE

et les cheveux-noirs

(sont) buée !

de ta jeunesse.

286

La troisième section (9,11–12,8)

+ 11,9 Réjouis-toi, + et te rende-heureux

jeune-homme,

en ton ENFANCE

TON CŒUR aux jours ······························································································· : Et va selon les voies de TON CŒUR

: et - et sache - te fera venir : 10 Et écarte : et éloigne

selon les regards

de tes yeux.

que sur tout Dieu

cela en jugement.

le chagrin le mal

de TON CŒUR de ta chair.

de ta jeunesse.

·······························································································

+ Car L’ENFANCE

et les cheveux-noirs

(sont) buée !

Dans le morceau central, les segments extrêmes se correspondent. Leurs premiers membres s’achèvent avec « de ton cœur », les seconds membres avec deux termes du même champ sémantique ; le jeune homme est invité à rechercher les choses positives (9cd) et éviter les négatives (10ab). Le segment central fait intervenir Dieu et le jugement qu’il portera sur « tout cela », qui renvoie à l’ensemble des choses positives et négatives. Le dernier morceau qualifie de « buée » la joie et le bonheur du premier. L’ensemble de la partie (7-10) + 11,7 Douce est la lumière + et IL EST HEUREUX pour LES YEUX de voir le soleil. 8

Oui, si de nombreuses années vit l’homme, en toutes QU’IL SE RÉJOUISSE et qu’il se souvienne des JOURS de ténèbre, car nombreux ils seront.

= Tout ce qui vient est BUÉE. + 9 RÉJOUIS-TOI, jeune-homme, en ton enfance + et TE RENDE-HEUREUX ton cœur aux JOURS de ta jeunesse. Et va selon les voies de ton cœur et selon les regards de TES YEUX, et sache que sur tout cela Dieu te fera venir en jugement. 10 Et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le mal de ta chair. = Car l’enfance et les cheveux-noirs sont BUÉE !

Les deux sous-parties sont parallèles. Elles commencent avec le bonheur : « il est heureux » est de même racine que « te rende-heureux ». Elles continuent avec des conseils, à la troisième personne du singulier dans la première souspartie (« qu’il se réjouisse et qu’il se souvienne »), à l’impératif dans la seconde (« va », « sache », « écarte » et « éloigne »). Elles s’achèvent avec la « buée », mais tandis que dans le premier cas c’est le futur des jours de ténèbre qui est visé par « tout ce qui vient », dans le deuxième cas c’est la jeunesse.

La séquence C2 (11,7–12,8)

287

LA DEUXIÈME PARTIE (12,1-2) + 12,1 Souviens-toi + aux jours

de ton Créateur de ta jeunesse,

·························································································································

: avant que – et qu’arrivent – « Il n’y a pas : 2 avant que : et la lumière – et que retournent

ne viennent

les jours

les années en elles

dont de plaisir »,

ne s’enténèbre et la lune les nuages

le soleil, et les étoiles, après

du malheur tu diras :

la pluie.

Cette partie ne comprend qu’une seule phrase complexe, principale dans le premier morceau, doubles temporelles dans le second. « Aux jours de ton enfance » du premier morceau (1b) s’opposent « les jours du malheur » du long morceau suivant (1c). Les deux trimembres du second morceau commencent avec « avant que ne ». Dans le premier segment, les « jours » du malheur deviennent des « années ». Le « plaisir » qui a disparu (1e) est celui de « la lumière » non seulement du « soleil » (2a) mais aussi des astres (2b). Le morceau s’achève avec l’image hivernale où les nuages succèdent à la pluie. LA TROISIÈME PARTIE (12,3-7) La première sous-partie (12,3-5) : 3 Au jour : et se courbent

où tremblent les hommes

les gardiens de force,

– et s’arrêtent – et s’enténèbrent

celles qui moulent celles qui regardent

car elles diminuent par les fenêtres,

: 4 et se ferment – au décliner

les deux-battants

SUR LA PLACE

DE LA MAISON

DE LA VOIX de la meule, ······················································································································· il se lève À LA VOIX de l’oiseau

:: :: et faiblissent

toutes les filles

du chant,

: aussi : et terreurs

la hauteur sur le chemin ;

ils craignent

– et il dédaigne – et est pesante – et est inefficace

l’amande la sauterelle la câpre.

5

······················································································································· = Oui, s’en va l’humain VERS SA MAISON d’éternité SUR LA PLACE les pleureurs. = et tournent

288

La troisième section (9,11–12,8)

: 12,3 Au jour : et se courbent

où tremblent les hommes

les gardiens de force,

– et s’arrêtent – et s’enténèbrent

celles qui moulent celles qui regardent

car elles diminuent par les fenêtres,

: 4 et se ferment – au décliner

les deux-battants

SUR LA PLACE

DE LA VOIX

de la meule,

DE LA MAISON

·······················································································································

:: il se lève :: et faiblissent

À LA VOIX

: 5 aussi : et terreurs

la hauteur sur le chemin ;

– et il dédaigne – et est pesante – et est inefficace

l’amande la sauterelle la câpre.

toutes les filles

de l’oiseau du chant, ils craignent

·······················································································································

= Oui, s’en va = et tournent

l’humain SUR LA PLACE

VERS SA MAISON

les pleureurs.

d’éternité

On considère que le premier morceau est une longue liste de temporelles, tandis que le second accumule les principales ; en effet, après un premier inaccompli, les verbes du premier morceau sont à l’accompli, et ceux du morceau suivant sont à l’inaccompli4. Le premier segment du premier morceau concerne les hommes (3ab), le second les femmes (3cd) ; le premier membre du troisième segment (4a) renvoie au premier membre du premier segment (3a), les « deux-battants » de la porte étant fermés par « les gardiens », et le deuxième membre rappelle le premier membre du deuxième segment (3c), « la meule » étant celle de « celles qui moulent ». Les deux premiers segments semblent distinguer les serviteurs, « les gardiens de la maison » (3a) et les servantes qui moulent (3c) des maitres, les « hommes de force » (ou de noblesse : 3b) et leurs épouses qui observent par les fenêtres (d)5 ; le dernier segment ne concerne que les serviteurs, hommes (4a) et femmes (4b). Comprenant lui aussi trois segments, le deuxième morceau décrit pour ainsi dire la journée du vieillard : il se lève tôt, entendant à peine le chant des oiseaux (4cd), il marche avec difficulté (5ab), insensible aux meilleures nourritures (5cde). Le dernier morceau conclut la sous-partie par la mort de l’homme, pleuré sur la place. « L’humain » rappelle « les hommes » (3b), « la maison d’éternité » s’oppose à « la maison » où il habitait (3a) ; les deux occurrences de « sur la place » marquent la fin des morceaux extrêmes (4a.5g). Les deux occurrences de « la voix » remplissent la fonction de termes médians qui agrafent les deux premiers morceaux (4b.4c)6. 4

Voir Ogden, 201. Voir, par ex., Mazzinghi, 289. 6 Traditionnelle, la lecture métaphorique n’est pas exclue : « les gardiens de la maison » seraient les bras, « celles qui moulent » le reste des dents, « celles qui regardent par les fenêtres, les yeux, 5

La séquence C2 (11,7–12,8)

289

La deuxième sous-partie (12,6-8) :: 6 Avant que – et se brise

ne se rompe la lampe

la corde d’or,

– et se casse :: et soit brisée

la cruche la poulie

sur la fontaine à la citerne,

d’argent

············································································································· 7

= retourne = et le souffle

la poussière retourne

sur la terre à Dieu

comme elle était, lequel l’a donné.

Quatre temporelles (6) sont suivies par les deux principales coordonnées, chacune régissant une brève subordonnée (7ab)7. Dans le premier morceau, les seconds membres commencent avec un verbe de même racine. Il semble que les deux segments soient construits en miroir, la lampe se brisant parce que la corde s’est rompue, la cruche se cassant parce que la poulie a cédé. En comparaison, la vie de l’homme est encore plus brève (7). L’ensemble de la partie (12,3-8) 12,3 Au jour où tremblent les gardiens de la maison et se courbent les hommes de force, et s’arrêtent celles qui moulent car elles diminuent et s’enténèbrent celles qui regardent par les fenêtres, 4 et se ferment les deux-battants sur la place au décliner de la voix de la meule, il se lève à la voix de l’oiseau et faiblissent toutes les filles du chant, 5 aussi la hauteur ils craignent et terreurs sur le chemin ; et il dédaigne l’amande et est pesante la sauterelle et est inefficace la câpre, = car s’en va l’humain à sa maison d’éternité = et tournent sur la place les pleureurs. 6 Avant que ne se rompe la corde d’argent et se brise la lampe d’or, et se casse la cruche sur la fontaine et soit brisée la poulie à la citerne, = 7 retourne la poussière = et le souffle retourne

sur la terre à Dieu

comme elle était qui l’a donné.

Les deux sous-parties commencent avec une liste de temporelles, introduites par « Au jour où », « Avant que ». Elles s’achèvent par un segment bimembre où « retourne » correspond à « s’en va », et « à Dieu qui l’a donné » précise le sens de « à sa maison d’éternité ». « L’humain » est appelé « la poussière ». jusqu’aux cheveux blancs de l’amandier en fleurs et à la sauterelle désormais incapable de sauter, la câpre devenue inefficace devant une impuissance définitive. Voir, par ex., Di Fonzo, 318-319 ; Schoors, 805. 7 Le waw par lequel commence le verset 7 est considéré comme un waw d’apodose.

290

La troisième section (9,11–12,8)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE 11,7 Douce est LA LUMIÈRE et bon pour les yeux de VOIR LE SOLEIL. 8 Oui, si de nombreuses années vit L’HUMAIN, en toutes qu’il se réjouisse et QU’IL SE SOUVIENNE des jours de TÉNÈBRE, car nombreux ils seront. = Tout ce qui vient est BUÉE. 9

Réjouis-toi, jeune-homme, en ton enfance et te rende heureux ton cœur AUX JOURS DE TA JEUNESSE. Et VA selon les CHEMINS de ton cœur et selon les regards de tes yeux, et sache que sur tout cela DIEU te fera venir en jugement. 10 Et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le mal de ta chair. = Car enfance et cheveux-noirs sont BUÉE ! 12,1 SOUVIENS-TOI de ton CRÉATEUR AUX JOURS DE TA JEUNESSE, avant que ne viennent les jours du malheur et qu’arrivent les années dont tu diras : « Il n’y a pas en elles de plaisir », 2 avant que ne S’ENTÉNÈBRENT LE SOLEIL et LA LUMIÈRE et la lune et les étoiles, et que retournent les nuages après la pluie. 3

Au jour où tremblent les gardiens de la maison et se courbent les hommes de force, et s’arrêtent celles qui moulent car elles diminuent, et s’enténèbrent celles qui VOIENT par les fenêtres, 4 et se ferment les battants sur la place, au déclin de la voix de la meule, il se lève à la voix de l’oiseau et faiblissent les filles des chants, 5 aussi ils craignent la hauteur et terreurs sur le CHEMIN ; et il dédaigne l’amande et est pesante la sauterelle et est inefficace la câpre. = Oui, S’EN VA L’HUMAIN vers sa maison d’éternité = et tournent sur la place les pleureurs. 6

Avant que ne se rompe la corde d’argent et que se brise la lampe d’or, et se casse la cruche sur la fontaine et soit brisée la poulie à la citerne, = 7 retourne la poussière sur la terre comme elle était = et le souffle retourne à DIEU qui l’a donné. 8

BUÉE des BUÉES, dit le Qohélet, tout est BUÉE !

Le verset final (12,8) ne fait pas partie de la troisième partie ; on peut dire qu’il conclut le passage. En effet, il correspond à la conclusion des deux sousparties de la première partie (11,8c.10b) ; on notera que « tout » revient en 11,8c et 12,8. Les deux sous-parties des parties extrêmes s’achèvent par des conclusions semblables : comme la jeunesse (11,10b), tout ce qui vient est buée (11,8c), c’est-à-dire en définitive la mort (12,5cd.7ab). « Au jour où » au début de la dernière partie (12,3a) correspond aux « jours de ténèbre » du début (11,8b). Le

La séquence C2 (11,7–12,8)

291

nom de « Dieu » est repris en finale (11,9d ; 12,7b). On pourra aussi noter la reprise de « voir » (11,7 ; 12,3d), « l’humain » (11,8a ; 12,5c), « chemin(s » (11,9c ; 12,5a) et « aller » (11,9c ; 12,5c). La partie centrale articule les deux autres. Le premier morceau (12,1a) renvoie à la première partie : « souviens-toi » correspond à « qu’il se souvienne » de 11,8b, « aux jours de ta jeunesse » se trouvait déjà en 11,9b. Le deuxième morceau (12,1b-2) annonce « les jours du malheur » dont parlera la partie suivante (« Au jour où » en 3a) ; les deux « avant que » de 12,1b.2a seront repris au début de la seconde sous-partie de la dernière partie (6a), « retourner » de 2b reviendra deux fois à la fin (7ab). D’autre part le deuxième morceau de la partie centrale a en commun un certain nombre de termes avec la première partie : « venir » (11,8c ; 12,1b), « jours » (« de ténèbre » en 11,8b ; « de malheur » en 12,1b), « années » (11,8a ; 12,1c), « le soleil » et « la lumière » (11,7 ; 12,2a), et « s’enténèbrent » de 12,2a rappelle « ténèbre » de 11,8b. À « Créateur » au début de la partie centrale (12,1a) correspondent les deux occurrences de « Dieu » à la fin des parties extrêmes (11,9d ; 12,7b).

CONTEXTE GN 1–3 Les premiers mots du passage, « Douce est la lumière », renvoie au premier jour de la création : Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. 4 Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. 5 Dieu appela la lumière « jour » et les ténèbres « nuit. » Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour (Gn 1).

« Bon », qui est répété sept fois dans le premier récit de la création, apparait dès le deuxième membre : « et il est bon pour les yeux de voir le soleil » (11,7a) ; à quoi fera écho « te rende-heureux ton cœur » en 9b. « Jour » et « ténèbre » se trouvent dans le verset suivant : « qu’il se souvienne des jours de ténèbre ». Quant au « soleil », ainsi que « la lune et les étoiles » (Qo 11,7a ; 12,2a), ils seront créés le quatrième jour (Gn 1,14-18), le jour central de la semaine originelle. « L’humain » (11,8a ; 12,5c) venu de « la poussière » y « retournera » (Qo 12,7a), comme le créateur le lui dit en Gn 3,19 : « À la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car poussière tu es et à la poussière tu retourneras. » Mais c’est sa poussière qui retourne à la terre ; quant à son souffle, il retourne à Dieu qui le lui a donné, comme le rapporte Gn 2,7 : « Alors Yhwh Dieu modela l’humain avec la poussière du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’humain devint un être vivant. »

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La troisième section (9,11–12,8)

Enfin, « Dieu » (11,9d ; 12,7b) est appelé au début de la partie centrale « ton Créateur » (12,1a) ; c’est la seule fois que Dieu est appelé Créateur dans tout le livre. Cette mention fait difficulté pour certains8. 11,7 Douce est LA LUMIÈRE et bon pour les yeux de VOIR LE SOLEIL. 8 Oui, si de nombreuses années vit L’HUMAIN, en toutes qu’il se réjouisse et QU’IL SE SOUVIENNE des jours de TÉNÈBRE, car nombreux ils seront. = Tout ce qui vient est BUÉE. 9

Réjouis-toi, jeune-homme, en ton enfance et te rende heureux ton cœur AUX JOURS DE TA JEUNESSE. Et VA selon les CHEMINS de ton cœur et selon les regards de tes yeux, et sache que sur tout cela DIEU te fera venir en jugement. 10 Et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le mal de ta chair. = Car enfance et cheveux-noirs sont BUÉE ! 12,1 SOUVIENS-TOI de ton CRÉATEUR AUX JOURS DE TA JEUNESSE, avant que ne viennent les jours du malheur et qu’arrivent les années dont tu diras : « Il n’y a pas en elles de plaisir », 2 avant que ne S’ENTÉNÈBRENT LE SOLEIL et LA LUMIÈRE et la lune et les étoiles, et que retournent les nuages après la pluie. 3

Au jour où tremblent les gardiens de la maison et se courbent les hommes de force, et s’arrêtent celles qui moulent car elles diminuent, et s’enténèbrent celles qui VOIENT par les fenêtres, 4 et se ferment les battants sur la place, au déclin de la voix de la meule, il se lève à la voix de l’oiseau et faiblissent les filles des chants, 5 aussi ils craignent la hauteur et terreurs sur le CHEMIN ; et il dédaigne l’amande et est pesante la sauterelle et est inefficace la câpre. = Oui, S’EN VA L’HUMAIN vers sa maison d’éternité = et tournent sur la place les pleureurs. 6

Avant que ne se rompe la corde d’argent et que se brise la lampe d’or, et se casse la cruche sur la fontaine et soit brisée la poulie à la citerne, = 7 retourne la poussière sur la terre comme elle était = et le souffle retourne à DIEU qui l’a donné. 8

BUÉE des BUÉES, dit le Qohélet, tout est BUÉE !

8 Voir Schoors, 795 : « La mention du Créateur est tout à fait inattendue dans ce contexte : elle serait étrange dans l’ensemble du livre et particulièrement dans la structure de la péricope 11,7– 12,7. C’est pourquoi un certain nombre de chercheurs considèrent v. 1a comme une glose orthodoxe ».

La séquence C2 (11,7–12,8)

293

INTERPRÉTATION QUEL TITRE ? Les auteurs bibliques ne donnent pratiquement jamais de titre à leurs écrits. Comme s’ils en laissaient le soin au lecteur. Quand celui-ci le fait, il cherche à résumer au maximum le contenu du texte, mais, ce faisant, il s’exprime lui-même, disant comment il a compris. En voici quelques exemples : « Chant suprême des jours horribles »9 penche du côté de la mort ; « Jouis de la vie aussi longtemps que tu peux »10 penche de l’autre côté. « Joie durant la jeunesse dans la perspective de la vieillesse et de la mort »11 vise l’équilibre entre les deux côtés. Plus prudent, un autre choisit l’incipit, « Douce est la lumière »12, à la façon dont les livres de la Torah sont intitulés en hébreu : « Au commencement », « Les noms », « Et il appela »... Le choix d’un titre est une épreuve : c’est le premier mot de la réponse que le texte suscite chez son lecteur. « RÉJOUIS-TOI ! » Il pourrait sembler que tout le passage concerne le « jeune-homme », « l’enfant », l’adolescent à qui l’auteur s’adresse à la deuxième personne du singulier (11,9–12,1). Celui-ci serait vivement encouragé à jouir des beaux jours, pendant qu’il est temps. Toutefois le texte commence à la troisième personne et il n’y est pas question du jeune homme mais de « l’homme », « l’humain » invité à se réjouir tout au long de sa vie : « si de nombreuses années vit l’homme, en toutes qu’il se réjouisse » (11,8a). Tant que l’homme est vivant, tant qu’il voit « la lumière » du « soleil », qu’il profite de la vie qui lui est donnée. Le soleil ne brille pas seulement pour les jeunes, sa lumière est douce pour tous les âges de la vie. LE PRÉSENT Le vieillard n’a pas besoin de se souvenir des jours de ténèbre ; il ne risque pas de les oublier, ils se rappellent à lui dès « la voix de l’oiseau ». La pensée de sa fin qui s’approche lui est toujours présente. Le jeune homme au contraire, qui croit qu’il a toute la vie devant lui, pourrait penser que la mort ne le concerne pas : elle est si loin. C’est pourquoi il est invité à tenir présents les jours de ténèbre qui ne manqueront pas de venir. Il lui faut se réjouir du temps présent de la jeunesse, en gardant toujours présente la vieillesse et la mort.

9

Ravasi, 328. Schoors, 780. 11 Lohfink, 135. 12 Mazzinghi, 267. 10

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La troisième section (9,11–12,8)

« IL EST BON DE VOIR LE SOLEIL » La création est bonne, la vie est belle. Voir la lumière, c’est « vivre », non seulement dans la Bible, mais aussi dans notre langage commun : « voir le jour », c’est naitre, c’est accéder à la vie. Ainsi commence ce poème à la tonalité si sombre, et ce serait péché que de l’oublier. La lumière de la vie porte la joie : « Oui, si l’homme vit de nombreuses années, en toutes qu’il se réjouisse ». Tel est le premier commandement du passage. Rabbi Nahman de Bratslav le redit à sa manière : « C’est un grand commandement que d’être toujours dans la joie ». « Et sache que sur tout cela Dieu te fera venir en jugement » (11,9d). Qui n’est pas d’avis que cette déclaration est une glose, l’interprète souvent comme une limitation, une mise en garde : « Va selon les chemins de ton cœur [...] éloigne le mal de ta chair », oui, mais avec modération, sans exagérer, avec retenue. D’autres, surtout des rabbins, pensent au contraire qu’aux yeux de Dieu, ce serait un péché que de ne pas se réjouir franchement, de ne pas suivre résolument les désirs de son cœur et de ses yeux. « LES JOURS DE TÉNÈBRE » Tous les jours de la vie ne sont pas lumineux. Comme la lumière du jour finit pas laisser la place à l’obscurité de la nuit, quand disparait le soleil, ainsi plus les années passent et plus la lumière s’atténue ; jusqu’à ce que « s’enténèbrent celles qui voient par les fenêtres » (12,3d), elles qui, autrefois, trouvaient si « bon » de « voir le soleil » (11,7). Le poète s’attarde longuement sur la description des effets de la vieillesse, faisant ainsi sentir combien le temps est long quand tout s’en va, combien la vie ralentit avant que « se brise la lampe d’or » qui ne pouvait certes pas remplacer la douce lumière du soleil. LA BUÉE DE LA MORT La jeunesse est buée (11,10b), car elle s’évapore bien vite et les cheveux noirs ne tardent pas grisonner puis à blanchir. Mais ce n’est pas seulement la jeunesse qui est buée : « tout ce qui vient » ne l’est pas moins (11,8c). Du début jusqu’à la fin, la vie entière n’est que buée, bientôt dissipée. Même si l’homme vit de nombreuses années, elles s’achèvent inéluctablement par la mort. C’est donc la mort qui jette son voile de buée sur l’ensemble de l’existence et qui obscurcit sa douce lumière. QUI DONC AURA LE DERNIER MOT ? La mort est présente dès le premier jour. Toutefois, elle n’est pas la seule, et l’homme est invité à se souvenir dès sa jeunesse de son Créateur. C’est sur cette invitation que culmine le poème. L’homme est donc appelé à se rappeler d’où il vient, mieux, de qui il vient, de qui il a reçu le don de la lumière de la vie. Le créateur est celui qui a mis à sa disposition tout le reste du créé, pour sa joie et

La séquence C2 (11,7–12,8)

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son bonheur (11,9b-10a). À la fin du poème, comme naturellement, est marqué le terme : si la poussière d’où l’humain a été tiré finit par retourner à la terre, son souffle en revanche « retourne à Dieu qui l’a donné » (12,7). L’être de poussière est accompagné à sa demeure définitive par les pleureurs, son être divin, l’image de Dieu tel qu’il a été conçu retourne à celui qui a le dernier mot de notre courte existence.

III. LE DIEU CRÉATEUR L’ensemble de la section : 9,11–13,8 COMPOSITION LES POINTS COMMUNS ENTRE LES DEUX SÉQUENCES 9,11 J’ai tourné à VOIR DESSOUS LE SOLEIL que pas aux rapides la course et pas aux forts la guerre, et aussi pas pour les sages du pain et aussi pas pour les intelligents de la richesse et aussi pas pour les savants de la faveur. Oui, temps et contretemps arrivent à eux tous. 12 Oui, aussi l’humain ne sait pas son temps, comme les poissons qui sont pris au filet MAUVAIS, comme les oiseaux qui sont pris au piège, comme eux sont surpris les fils d’Adam au temps MAUVAIS, quand il tombe sur eux soudain. 13

Cela aussi J’AI VU comme sagesse DESSOUS LE SOLEIL et grande elle pour moi. 14 Une ville était petite et des gens dedans peu ; et vint contre elle un roi grand et il assiégea elle et il bâtit contre elle de grands ouvrages. 15 Et il y trouva un homme pauvre sage qui délivra la ville par sa sagesse ; et pas un humain NE SE SOUVIENT de cet homme pauvre. 16 Et je dis, moi : plus bonne la sagesse que la force, mais la sagesse du pauvre est méprisée et ses paroles ne sont point écoutées ; 17 les paroles des sages avec calme sont à écouter plus que les cris de qui commande aux insensés. 18 Plus bonne la sagesse que les armes du combat mais un seul pécheur détruit un bon nombreux. 10,1 Des mouches mortes gâtent le vase d’huile du parfumeur. Plus pesante que sagesse, que gloire, un peu de sottise. 2 Le cœur du sage est à sa droite et le cœur de l’insensé à sa gauche. 3 Et aussi quand un sot va sur le chemin, son cœur manque et il dit à tous qu’il est un sot ! » 4 Si l’humeur de qui commande se monte contre toi, ne quitte pas ta place, car le calme évite de grands péchés. 5

Il y a un MAL que J’AI VU DESSOUS LE SOLEIL, comme erreur qui sort de devant le souverain : 6 la folie a été donnée dans les hauteurs importantes et des riches restent dans le bas. 7 J’ai vu des serviteurs sur des chevaux et des princes allant comme des serviteurs sur la terre. 8 Qui creuse une fosse tombe dedans et qui sape un mur un serpent le mord ; 9 qui extrait des pierres se blesse avec elles, qui fend des bois risque avec eux. 10 Si est émoussé le fer et lui n’aiguise pas les faces, les efforts il forcera. La sagesse assure le profit. 11 Si le serpent pas charmé mord, il n’est pas de profit pour le maitre de la langue. 12 Les paroles de la bouche du sage sont faveur et les lèvres de l’insensé le perdent ; 13 le début des paroles de sa bouche est folie et la fin de sa bouche sottise de MAL 14 et l’insensé multiplie les paroles. L’humain ne sait pas ce qui sera et ce qui sera après lui, qui le lui annoncera ? 15 La peine de l’insensé le fatigue, lui qui ne sait pas aller à la ville. 16

Malheur à toi, pays dont le roi est un gamin et ses princes mangent dès le matin ! 17 Heureux, toi, pays dont le roi est fils noble et ses princes mangent au temps-voulu pour la force et non pour boire ! 18 Pour deux-paresseuses cède la poutre et pour la négligence des deux-mains goutte la maison 19 Pour s’amuser ils font un pain et le vin réjouit les vivants et l’argent répond à tout. 20 Même en pensée ne maudis pas le roi et dans tes chambres à coucher ne maudis pas le riche, car un oiseau du ciel emporterait ta voix et celui qui a des ailes redirait ta parole. 11,1 Lance ton pain sur la face de l’eau car dans l’abondance des jours tu le retrouveras ; 2 donne une part à sept et aussi à huit car tu ne sais pas ce que sera le MAL sur la terre. 3 Si les nuages sont remplis de pluie, ils la déverseront sur la terre ; et si un arbre tombe au sud ou au nord, l’endroit où l’arbre est tombé là il sera. 4 Qui observe le vent ne sème pas et qui regarde les nuages ne moissonne pas ; 5 de même que tu n’es pas sachant quel est le chemin du vent, comme des os dans le ventre de la pleine, de même tu ne sais pas l’œuvre de DIEU QUI FAIT TOUT. 6 Le matin sème ta semence et le soir ne repose pas ta main ; car tu n’es pas sachant si ceci réussira, si ceci ou cela, ou si les deux comme un seront BONS.

298

La troisième section (9,11–12,8)

11,7 Douce est la lumière et BON pour les yeux de VOIR LE SOLEIL. 8 Oui, si de nombreuses années vit l’humain, en toutes qu’il se réjouisse et QU’IL SE SOUVIENNE des jours de ténèbre, car nombreux ils seront. = Tout ce qui vient est buée. 9

Réjouis-toi, jeune-homme, en ton enfance et te rende-heureux ton cœur aux jours de ta jeunesse. Et va selon les chemins de ton cœur et selon les regards de tes yeux, et sache que sur tout cela DIEU te fera venir en jugement. 10 Et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le MAL de ta chair. = Car enfance et cheveux-noirs sont buée! 12,1 SOUVIENS-TOI de TON CRÉATEUR aux jours de ta jeunesse, avant que ne viennent les jours du MAL et qu’arrivent les années dont tu diras : « Il n’y a pas en elles de plaisir », 2 avant que ne s’enténèbrent LE SOLEIL et la lumière et la lune et les étoiles, et que retournent les nuages après la pluie. 3

Au jour où tremblent les gardiens de la maison et se courbent les hommes de force, et s’arrêtent celles qui moulent car elles diminuent, et s’enténèbrent celles qui voient par les fenêtres, 4 et se ferment les battants sur la place, au déclin de la voix de la meule, il se lève à la voix de l’oiseau et faiblissent les filles des chants, 5 aussi ils craignent la hauteur et terreurs sur le chemin ; et il dédaigne l’amande et est pesante la sauterelle et est inefficace la câpre. = Oui, s’en va l’humain vers sa maison d’éternité et tournent sur la place les pleureurs. 6

Avant que ne se rompe la corde d’argent et que se brise la lampe d’or, et se casse la cruche sur la fontaine et soit brisée la poulie à la citerne, = 7 retourne la poussière sur la terre comme elle était et le souffle retourne à DIEU qui l’a donné. 8

Buée des buées, dit le Qohélet, tout est buée !

– La première séquence s’achève avec « bon » (11,6c) et la deuxième commence avec le même mot (11,7a) : les deux séquences sont donc agrafées par ces termes médians. « Bon » et « rendre-heureux » qui sont de même racine reviennent en 9,16a. 18bis ; 11,9a). – Les trois occurrences de « voir » « dessous le soleil » (9,11a.13; 10,5) et de « voir le soleil » (11,7) jouent le rôle de termes initiaux. – « Dieu qui fait tout » à la fin de la première séquence (11,5c) correspond à « ton Créateur » au centre de la deuxième séquence (12,1a) et à « Dieu » à la fin de ses parties extrêmes (11,9c ; 12,7). – « L’humain » revient quatre fois dans la première séquence (9,12a.12b.15b ; 10,14b) et deux fois dans la deuxième (11,8b ; 12,5c). – « Mal/mauvais » est repris cinq fois dans la première séquence (9,12a.c ; 10,5a. 13b ; 11,2) et deux fois dans la deuxième (11,10a ; 12,1c). – À « l’abondance des jours » (11,1) correspond « les jours » « nombreux » (11,8b) ; « jours » revient aussi en 11,9a et 12,1a bis.3a. – En outre — sans prétendre être exhaustif — sont repris « chemin » (10,3b ; 11,5b / 11,9b ; 12,5b), « se souvenir » (9,15b / 11,8b ; 12,1a), « donner » (10,6b ; 11,2 / 12,7), « nuages » (11,3b / 12,2b).

L’ensemble de la troisième section (9,11–13,8)

299

LES DIFFÉRENCES ENTRE LES DEUX SÉQUENCES 9,11 J’ai tourné à VOIR DESSOUS LE SOLEIL que pas aux rapides la course et pas aux forts la guerre, et aussi pas pour les sages du pain et aussi pas pour les intelligents de la richesse et aussi pas pour les savants de la faveur. Oui, temps et contretemps arrivent à eux tous. 12 Oui, aussi l’humain ne sait pas son temps, comme les poissons qui sont pris au filet MAUVAIS, comme les oiseaux qui sont pris au piège, comme eux sont surpris les fils d’Adam au temps MAUVAIS, quand il tombe sur eux soudain. 13

Cela aussi J’AI VU comme sagesse DESSOUS LE SOLEIL et grande elle pour moi. 14 Une ville était petite et des gens dedans peu ; et vint contre elle un roi grand et il assiégea elle et il bâtit contre elle de grands ouvrages. 15 Et il y trouva un homme pauvre sage qui délivra la ville par sa sagesse ; et pas un humain NE SE SOUVIENT de cet homme pauvre. 16 Et je dis, moi : plus bonne la sagesse que la force, mais la sagesse du pauvre est méprisée et ses paroles ne sont point écoutées ; 17 les paroles des sages avec calme sont à écouter plus que les cris de qui commande aux insensés. 18 Plus bonne la sagesse que les armes du combat mais un seul pécheur détruit un bon nombreux. 10,1 Des mouches mortes gâtent le vase d’huile du parfumeur. Plus pesante que sagesse, que gloire, un peu de sottise. 2 Le cœur du sage est à sa droite et le cœur de l’insensé à sa gauche. 3 Et aussi quand un sot va sur le chemin, son cœur manque et il dit à tous qu’il est un sot ! » 4 Si l’humeur de qui commande se monte contre toi, ne quitte pas ta place, car le calme évite de grands péchés. 5

Il y a un MAL que J’AI VU DESSOUS LE SOLEIL, comme erreur qui sort de devant le souverain : 6 la folie a été donnée dans les hauteurs importantes et des riches restent dans le bas. 7 J’ai vu des serviteurs sur des chevaux et des princes allant comme des serviteurs sur la terre. 8 Qui creuse une fosse tombe dedans et qui sape un mur un serpent le mord ; 9 qui extrait des pierres se blesse avec elles, qui fend des bois risque avec eux. 10 Si est émoussé le fer et lui n’aiguise pas les faces, les efforts il forcera. La sagesse assure le profit. 11 Si le serpent pas charmé mord, il n’est pas de profit pour le maitre de la langue. 12 Les paroles de la bouche du sage sont faveur et les lèvres de l’insensé le perdent ; 13 le début des paroles de sa bouche est folie et la fin de sa bouche sottise de MAL 14 et l’insensé multiplie les paroles. L’humain ne sait pas ce qui sera et ce qui sera après lui, qui le lui annoncera ? 15 La peine de l’insensé le fatigue, lui qui ne sait pas aller à la ville. 16

Malheur à toi, pays dont le roi est un gamin et ses princes mangent dès le matin ! 17 Heureux, toi, pays dont le roi est fils noble et ses princes mangent au temps-voulu pour la force et non pour boire ! 18 Pour deux-paresseuses cède la poutre et pour la négligence des deux-mains goutte la maison 19 Pour s’amuser ils font un pain et le vin réjouit les vivants et l’argent répond à tout. 20 Même en pensée ne maudis pas le roi et dans tes chambres à coucher ne maudis pas le riche, car un oiseau du ciel emporterait ta voix et celui qui a des ailes redirait ta parole. 11,1 Lance ton pain sur la face de l’eau car dans l’abondance des jours tu le retrouveras ; 2 donne une part à sept et aussi à huit car tu ne sais pas ce que sera le MAL sur la terre. 3 Si les nuages sont remplis de pluie, ils la déverseront sur la terre ; et si un arbre tombe au sud ou au nord, l’endroit où l’arbre est tombé là il sera. 4 Qui observe le vent ne sème pas et qui regarde les nuages ne moissonne pas ; 5 de même que tu n’es pas sachant quel est le chemin du vent, comme des os dans le ventre de la pleine, de même tu ne sais pas l’œuvre de DIEU QUI FAIT TOUT. 6 Le matin sème ta semence et le soir ne repose pas ta main ; car tu n’es pas sachant si ceci réussira, si ceci ou cela, ou si les deux comme un seront BONS.

La première séquence se distingue de la seconde, car c’est la seule : – où il est question de « sagesse/sages » (9,11b.13.15-18 ; 10,1a.2.10.12) et d’« insensés/sot » (9,17 ; 10,2.3.12-15), – de « roi », « qui commande », « souverain », « princes », « riches » (9,14b. 17b ; 10,4b.5.6b.7b.16.17b.20a).

300

La troisième section (9,11–12,8)

11,7 Douce est la lumière et BON pour les yeux de VOIR LE SOLEIL. 8 Oui, si de nombreuses années vit l’humain, en toutes qu’il se réjouisse et QU’IL SE SOUVIENNE des jours de ténèbre, car nombreux ils seront. = Tout ce qui vient est buée. 9

Réjouis-toi, jeune-homme, en ton enfance et te rende-heureux ton cœur aux jours de ta jeunesse. Et va selon les chemins de ton cœur et selon les regards de tes yeux, et sache que sur tout cela DIEU te fera venir en jugement. 10 Et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le MAL de ta chair. = Car enfance et cheveux-noirs sont buée! 12,1 SOUVIENS-TOI de TON CRÉATEUR aux jours de ta jeunesse, avant que ne viennent les jours du MAL et qu’arrivent les années dont tu diras : « Il n’y a pas en elles de plaisir », 2 avant que ne s’enténèbrent LE SOLEIL et la lumière et la lune et les étoiles, et que retournent les nuages après la pluie. 3

Au jour où tremblent les gardiens de la maison et se courbent les hommes de force, et s’arrêtent celles qui moulent car elles diminuent, et s’enténèbrent celles qui voient par les fenêtres, 4 et se ferment les battants sur la place, au déclin de la voix de la meule, il se lève à la voix de l’oiseau et faiblissent les filles des chants, 5 aussi ils craignent la hauteur et terreurs sur le chemin ; et il dédaigne l’amande et est pesante la sauterelle et est inefficace la câpre. = Oui, s’en va l’humain vers sa maison d’éternité et tournent sur la place les pleureurs. 6

Avant que ne se rompe la corde d’argent et que se brise la lampe d’or, et se casse la cruche sur la fontaine et soit brisée la poulie à la citerne, = 7 retourne la poussière sur la terre comme elle était et le souffle retourne à DIEU qui l’a donné. 8

Buée des buées, dit le Qohélet, tout est buée !

La deuxième séquence se distingue de la première parce que c’est la seule : – où il est question de « se réjouir » (11,8b.9a), – où reviennent les « refrains » de « buée » (11,8c.10b ; 12,8). Dans la première séquence Qohélet s’adresse par deux fois à son lecteur avec des impératifs (10,4b.20a) et de même dans la seconde séquence (11,9a bis.9b bis.10a bis ; 12,1a ; ces impératifs sont précédés par deux cohortatifs en 11,8b bis) ; toutefois, ce sont des mises en garde contre les dangers qui viennent des puissants dans la première séquence, et au contraire des encouragements dans la deuxième.

INTERPRÉTATION VOIR LE SOLEIL Une chose est « voir dessous le soleil » tout « le mal » qui est énuméré tout au long de la première séquence, que la sagesse n’est pas récompensée par le succès, que le pauvre est bien vite oublié malgré la sagesse qui lui a fait délivrer sa ville, qu’un seul pécheur détruit un grand bien et qu’un peu de folie a plus de poids que sagesse et gloire, que des serviteurs sont à cheval tandis que les princes vont à pied sur la terre, qu’il serait dangereux de maudire le roi, même en pensée. C’est tout une autre chose que de « voir le soleil » lui-même : en opposition au « mal » que l’on voit « sous le soleil », « voir le soleil » est « bon » comme « douce est la lumière ». Le contraste entre les deux séquences est frappant.

L’ensemble de la troisième section (9,11–13,8)

301

LES MALHEURS DE LA VIE ET DE LA VIEILLESSE Au mal qui se voit dessous le soleil durant la vie de l’homme (10,5), tel que la première séquence le décrit sous toutes ses formes, la deuxième séquence ajoute le mal de la vieillesse, des années dont on dira qu’elles sont dénuées de tout plaisir (12,1). Elle radicalise ainsi la première séquence, la portant à son paroxysme, à son terme. Cependant, le ton change nettement, et dès les premiers mots : « Douce est la lumière ». Certes, la vieillesse et tous ses maux sera longuement évoquée, mais Qohélet dit d’abord à l’homme comment se comporter durant sa jeunesse : il l’invite à jouir de la vie et pour cela à « éloigner le mal » de sa chair (11,10). C’est là une nouveauté par rapport à tout ce qui précède. Malgré tous les maux qu’elle comporte, la vie est belle, comme la lumière du soleil. Et ce serait grand péché de ne pas s’en réjouir franchement. SE SOUVENIR DE SON CRÉATEUR Le jeune homme est invité, en plein cœur de la deuxième séquence, à se souvenir de son Créateur. C’est sans doute qu’il risque de l’oublier, comme il ne pense guère aux « jours de malheur » de la vieillesse qui ne manqueront pourtant pas d’arriver. Bien plus, comme il est dit à la fin de la première séquence, il est incapable de connaitre « l’œuvre de Dieu qui fait tout » (11,5), l’œuvre de son Créateur. C’est ce Dieu qui, dès le premier jour, lui donne la lumière du soleil et de la vie, qui le réjouit et le rend heureux en l’invitant à suivre les désirs de son cœur. C’est le Dieu qui, lors de son dernier jour, recueillera son souffle quand sa poussière retournera à la terre. « BUÉE DES BUÉES, DIT LE QOHÉLET, TOUT EST BUÉE ! » Telle est la conclusion de toute la section, voire du corps entier du livre. De telles paroles, si solennellement énoncées, pourraient sembler contredire ce qui vient d’être dit du souffle qui « retourne à Dieu qui l’a donné ». Si le souffle de l’homme était synonyme de « buée », d’évanescence, d’inconsistance, de vide, d’inanité, alors il faudrait en dire autant de celui qui l’a donné. La juxtaposition entre « le souffle » divin et la « buée des buées » ne laisse pas de faire question. Ce n’est pas le souffle donné par Dieu à l’homme et qui retourne à Dieu après la mort qui est buée ; ce n’est pas non plus la tombe qui est la « maison d’éternité » de l’homme, mais bien Dieu en qui retourne son souffle. Ce qui est buée, c’est la poussière qui retourne à la terre comme elle était, poussière qui ne dure qu’un temps, et un temps fort court, qui passe comme la buée, l’espace d’un instant.

L’ÉPILOGUE Qo 12,9-14

TEXTE 12,9 Et en plus que fut Qohélet un sage, encore il a enseigné la connaissance au peuple et il a pesé et a scruté, a ajusté des proverbes nombreux. 10 Il a cherché Qohélet à trouver des paroles agréables et un écrit de droiture, des paroles de vérité. 11 Les paroles des sages comme aiguillons et comme piquets plantés les maitres de recueils, qui sont donnés par un berger unique. 12 Et en plus de ces-choses, mon fils, sois averti que faire des livres nombreux n’a pas de limite et qu’une étude nombreuse fatigue la chair. 13 Fin de la parole, tout est entendu : Dieu crains et ses commandements garde, car cela (est) tout l’humain. 14 Car toute œuvre Dieu fera-venir en jugement, sur tout le caché, soit bien et soit mal. V . 9A

: « ET EN PLUS QUE »

Tenu pour un substantif, le premier mot signifierait « Un ajout : » qui introduirait et qualifierait les versets 9-11, puis 12-14 ; cette solution est défendue par ceux qui pensent que l’épilogue n’est pas de la main de l’auteur du livre mais lui a été ajouté ultérieurement. Considéré comme adverbe ou conjonction de subordination, « En plus que » (9) introduit une subordonnée, régie par la principale qui suit, « encore il a enseigné... » ; et « en plus de » (12) introduit un simple complément : « Et en plus de ces (choses),... ». V . 9B

: « IL A PESÉ »

Ce verbe peut être compris comme le piel de ’zn, « prêter-l’oreille », souvent utilisé en parallèle avec šm‘, « écouter » (Dt 32,1). Mais ce serait le seul cas où ’zn est utilisé au piel au lieu du hiphil habituel. C’est pourquoi, certains le rattachent à mō’zenayim, « balance », et le rendent par « peser ». V. 11AB : « AIGUILLONS ET PIQUETS

»

Le premier terme ne se retrouve qu’en 1S 13,21. Le second, maśmerôt, est un hapax mais il est rapproché de masmēr, « clou » (Is 41,7 ; Jr 10,4), mais aussi « piquet » (Nb 3,37). L’aiguillon excite l’animal, le piquet auquel ce dernier est attaché le maintient arrêté. V. 11B : « LES MAITRES DE RECUEILS

»

Véritable croix de l’interprète. Le dernier terme est interprété soit dans le sens des personnes « assemblées », soit dans le sens de choses rassemblées, donc de « recueils ». En parallèle avec le membre précédent, « les maitres des recueils » seraient complémentaires des « paroles des sages », comme l’écrit l’est de la production orale.

306

Qohélet

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (9-11) + 12,9 Et en plus – encore .. et il a pesé

que fut IL A ENSEIGNÉ

et a scruté,

QOHÉLET la connaissance A AJUSTÉ

UN SAGE,

au peuple des proverbes

nombreux.

·································································································································

= 10 Il a cherché - à trouver : et UN ÉCRIT - 11 LES PAROLES : et comme piquets = qui sont données

QOHÉLET DES PAROLES

agréables

de droiture,

DES PAROLES

DES SAGES

comme aiguillons les maitres DES RECUEILS, unique.

plantés par un berger

de vérité.

Le premier morceau est un trimembre de type abb ; les deux derniers membres détaillent l’activité du sage Qohélet, enseignement d’une part (9b) et d’autre part recherche et publication (9c). Le second morceau va reprendre et développer la double face de son travail, orale par les « paroles » (10b.11a) et écrite par « un écrit » et « des recueils » (10c.11b). Les deux trimembres sont construits en miroir, les membres extrêmes (10a.11c) mettant en relation « Qohélet » et « un berger unique » qui reste à identifier, les uns pensant qu’il s’agit de Qohélet–Salomon, les autres que c’est Dieu lui-même. Le problème ne pourra être résolu qu’au niveau supérieur de l’ensemble du passage. Les trois occurrences de « paroles » (10bc.11a) correspondent à « il a enseigné » (9b), « un écrit » (10c) et « des recueils » (11b) correspondant à « a ajusté » (9c). « Sage » (9a) est repris au pluriel dans le deuxième morceau (11a). LA DEUXIÈME PARTIE (12-14) Les deux derniers membres du trimembre initial mettent en parallèle « les livres » et l’« étude », tous deux « nombreux ». Le deuxième morceau est une sorte de résumé de « la parole », c’est-à-dire de « tout » le livre qui s’achève (13a) : le deuxième segment indique ce que l’humain doit faire, le troisième ce que fera Dieu. « Tout(es) » revient quatre fois (13b.e.14a.b).

L’épilogue (12,7-14) + 12 Et en plus .. que faire – et qu’UNE ÉTUDE

de ces-choses, DES LIVRES nombreuse

307

mon fils, nombreux fatigue

sois averti n’a pas de limite la chair.

·····························································································································

- 13 Fin - tout

DE LA PAROLE, est entendu :

+ DIEU + et ses commandements = car cela

crains garde, (est) tout l’humain.

:: 14 Car toute œuvre :: sur tout le caché,

DIEU soit bien

fera-venir et soit mal.

en jugement,

D’un morceau à l’autre, « la parole » (13a) renvoie à « livres » (12b), et les quatre occurrences de « tout » (13b.e.14a.b) aux deux de « nombreux » (12b.c). En outre, « limite » (12b) est un synonyme de « fin » (13a). L’ENSEMBLE DU PASSAGE (12,9-14) + 12,9 ET EN PLUS – encore .. et il a pesé

que fut il a enseigné et a scruté,

Qohélet la connaissance A AJUSTÉ

un sage, au peuple des proverbes

NOMBREUX.

·····························································································································

= 10 Il a cherché - à trouver - et UN ÉCRIT 11

- LES PAROLES - et comme piquets = qui sont donnés + 12 ET EN PLUS .. que faire – et qu’une étude

Qohélet DES PAROLES

agréables

de droiture,

DES PAROLES

des sages plantés PAR UN BERGER

comme aiguillons les maitres DE RECUEILS, UNIQUE.

de ces-choses, DES LIVRES

NOMBREUX

NOMBREUSE

fatigue

mon fils,

de vérité.

sois averti n’a pas de limite la chair.

·····························································································································

- 13 Fin - tout

DE LA PAROLE,

est entendu :

+ DIEU crains + et SES COMMANDEMENTS garde, = car cela (est) tout l’humain. :: 14 Car toute œuvre :: sur tout le caché,

DIEU soit bien

fera-venir et soit mal.

en jugement,

Les deux parties sont parallèles entre elles : les premiers morceaux sont de la taille d’un segment trimembre, les deuxièmes morceaux comprennent six membres, formant deux trimembres en 10-11, formant trois bimembres en 13-14.

308

Qohélet

Elles commencent avec le même « Et en plus ». La première rappelle ce que fit « Qohélet », la deuxième est adressée à « mon fils », les deux termes se trouvant en même position (9a.13a) ; « livres nombreux » (12b) rappelle « a ajusté des proverbes nombreux » (9c). + 12,9 ET EN PLUS – encore .. et il a pesé

que fut il a enseigné et a scruté,

Qohélet la connaissance A AJUSTÉ

un sage, au peuple des proverbes

NOMBREUX.

·····························································································································

= 10 Il a cherché - à trouver - et UN ÉCRIT 11

- LES PAROLES - et comme piquets = qui sont donnés + 12 ET EN PLUS .. que faire – et qu’une étude

Qohélet DES PAROLES

agréables

de droiture,

DES PAROLES

des sages plantés PAR UN BERGER

comme aiguillons les maitres DE RECUEILS, UNIQUE.

de ces-choses, DES LIVRES

NOMBREUX

NOMBREUSE

fatigue

mon fils,

de vérité.

sois averti n’a pas de limite la chair.

·····························································································································

- 13 Fin - tout

DE LA PAROLE,

est entendu :

+ DIEU crains + et SES COMMANDEMENTS garde, = car cela (est) tout l’humain. :: 14 Car toute œuvre :: sur tout le caché,

DIEU soit bien

fera-venir et soit mal.

en jugement,

Dans les deuxièmes morceaux, « parole(s) » (10b.c.11a) revient au singulier ensuite (13a), car désignant la totalité du discours de l’auteur. Cette parole de Qohélet, renvoie à celle de Dieu, à ses « commandements » (13d). En termes finaux, « Dieu » (13c.14a) correspond à « un berger unique » (11c).

CONTEXTE LA CRAINTE DE DIEU L’impératif, « Oui, crains Dieu », était déjà apparu en 5,6, à la fin de la partie concernant les vœux (voir p. 121). Il ne faut ni être sage à l’excès ni être méchant à l’excès, mais tenir l’un et l’autre. « Celui qui craint Dieu accomplit les deux » (7,18 ; voir p. 170). « Dieu fait qu’ils le craignent devant sa face » (3,14 ; voir p. 89). Au jugement, « il y aura du bon pour ceux qui craignent Dieu, parce qu’ils craignent devant sa face », mais pas pour le méchant « parce qu’il ne craint pas devant la face de Dieu » (8,12c-13 ; voir p. 188).

L’épilogue (12,7-14)

309

« GARDER LE COMMANDEMENT » Le syntagme de 12,13d se retrouve en 8,5 où « commandement » est au singulier (voir p. 178)1. Mais le contexte du morceau précédent (8,2-4) peut faire penser que « le commandement » dont il est question n’est pas celui de Dieu mais du roi ; cependant on peut hésiter et plusieurs commentateurs pensent qu’il s’agit du commandement divin ou des deux2.

INTERPRÉTATION Beaucoup d’auteurs modernes sont d’avis que l’Épilogue n’est pas de la main de Qohélet, mais qu’il a été ajouté, en une ou plusieurs fois, par d’autres3. Plusieurs pensent que ces ajouts avaient pour but de justifier l’acceptation du livre dans le canon, en atténuant ou même en corrigeant la doctrine par trop critique et bien peu orthodoxe du recueil. L’Épilogue ne pourrait pas avoir été écrit par Qohélet, puisque son auteur parle de lui à la troisième personne et parce que le vocabulaire qu’il y utilise est très différent de celui du livre lui-même. Or il n’est pas rare dans les écrits bibliques qu’un auteur parle de lui à la troisième personne du singulier ; ainsi en Qo 7,27 où « Vois ce que je trouve, dit Qohélet,... » correspond à 7,26, « Et je trouve, moi, plus amère que la mort... », et à 7,29 « Seulement vois ce que je trouve... » (voir p. 176). À moins de dire, comme certains, que 7,27-28 est une glose, ajoutée par un disciple. Chacun sait que la quatrième page de couverture d’un livre est, la plupart du temps, rédigée par l’auteur lui-même. Il présente d’abord son livre à la troisième personne du singulier, puis il se présente lui-même, toujours à la troisième personne. Personne ne prétendra que la première page de couverture ne soit de la plume de l’auteur, même si elle est répétée dans la page de titre, à l’intérieur du livre ! Quant au vocabulaire, il n’est pas étonnant que, parlant pour la première fois de son activité d’enseignant et d’écrivain, l’auteur utilise des termes qu’il n’avait pas employés jusque-là. Pour ce qui est de la doctrine, ce n’est pas parce que « commandements » n’est pas employé une seule fois au pluriel dans le corps du livre, que cela représente une nouveauté absolue : garder les commandements de Dieu est simplement une manière d’expliciter ce que veut dire craindre Dieu, dont il est souvent question au cours du volume. Il n’est pas rare qu’un texte s’achève sur une nouveauté, qui crée un effet de surprise. Ainsi le long Psaume 119 s’achève sur ces mots : « J’erre comme brebis perdue, cherche ton serviteur, car tes commandements je n’oublie pas » (Ps 119,176). C’est la première et la seule fois qu’une « brebis » apparait dans le psaume (et même dans tout le Psautier), une 1

« Commandement » est aussi au singulier une fois dans le Ps 119 : « immense ton commandement beaucoup » (Ps 119,96). 2 Voir Di Fonzo, 252 ; Crenshaw, 151 ; Schoors, 605. 3 Sur ce sujet, voir spécialement J.-M. AUWERS, « Problèmes d’interprétation de l’épilogue de Qohélet » ; Mazzinghi, 313-364.

310

Qohélet

telle image ne pouvant pas ne pas marquer le lecteur4 ; il faut ajouter que, si « errer » était déjà apparu une fois seulement au verset 110, il n’en va pas de même pour « chercher » dont c’est la seule occurrence dans tout le psaume5. Fautil pour cela que ce dernier verset soit dû à une autre main que celle de l’auteur du psaume ? QOHÉLET FUT UN SAGE Dans toute la première section, Qohélet–Salomon se présente d’emblée comme celui qui applique son cœur « à rechercher et à explorer par la sagesse tout ce qui se fait dessous le soleil » (1,13) et il ne tarde pas à affirmer : « Moi, voici que j’ai augmenté et j’ai ajouté la sagesse plus que tous ceux qui furent avant moi sur Jérusalem, et mon cœur a vu abondance de sagesse et de connaissance » (16). Et il en vient à énumérer toutes les œuvres de sa sagesse royale, constructions, plantations irriguées, serviteurs et troupeaux, jusqu’aux chanteurs et chanteuses et concubines à l’envi (2,1-11). IL A ENSEIGNÉ LE PEUPLE Qohélet ne s’est pas contenté d’être un sage pour lui-même, il a aussi voulu partager sa sagesse avec les autres. Et c’est ce qu’il fait déjà dans la première section mais surtout dans les sections suivantes. Il enseigne au peuple ce qu’il voit, ce qu’il connait. Et c’est seulement à partir de la fin de la première soussection de la deuxième section qu’il s’adresse à son destinataire — à son auditoire —, à la deuxième personne du singulier : « Surveille ton pied lorsque tu vas à la Maison de Dieu » (4,17). Et au centre de cette même section, et donc de tout le livre : « Ne te hâte pas dans ton esprit de t’irriter » (7,9), « Au jour du bonheur sois dans le bonheur et au jour du malheur, vois... » (14). Et cela se poursuivra dans la troisième section (10,4.20 ; 11,1-2.5-6.9 ; 12,1) et jusqu’à la fin de l’épilogue. Ainsi, il « aiguillonne » ceux qui l’écoutent, les arrête pour les faire réfléchir. « TOUT EST ENTENDU » Enfin, il résume tout son enseignement en deux mots, en un seul conseil, qu’il reprend une dernière fois : « crains Dieu », respecte-le, non point en paroles, mais en actes, c’est-à-dire en « gardant ses commandements ». Et il motive cette parole unique par la considération du jugement divin. C’est en effet lui qui a le dernier mot, comme c’est lui, le « berger unique », qui avait donné à l’auteur les « paroles de vérité » que le sage Qohélet a pris la peine de consigner dans « un écrit de droiture ». 4

« Le psaume s’achève au v. 176 avec une image impressionnante » (F.L. HOSSFELD – E. ZENGER, Psalms 3, 283. 5 Voir R. MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre, 319.

QOHÉLET L’ensemble du livre

312

Qohélet

Le livre est organisé de manière concentrique : Prologue : 1,1-11 Section A 1,12-18

2,1-11

2,12-19

2,20-26

4,1-6 7,1-14 9,3

4,7-16 7,15-25 9,4-6

3,1-9

Section B 5,10-19

Section C 9,11-12

3,10-17 6,1-6 8,16-17

3,18-22 6,7-12 9,1-2

9,13–10,4

10,5-15

10,16–11,6

4,17–5,9 7,26–8,8 9,7-10

8,9-15

11,7–12,8

Épilogue : 12,9-12

– Le Prologue et l’Épilogue introduisent et concluent le livre. – Les sections A et C comprennent chacune deux séquences : · les premières sont formées de deux sous-séquences, 1,12–2,11 et 2,12-26 pour la section A, 9,11-12 et 9,13–11,6 pour la section C ; · les secondes séquences comprennent un seul passage, 3,1-9 et 11,7–12,8. – La section centrale comprend trois sous-sections, chacune composée de manière concentrique : . dans les sous-sections extrêmes, les séquences extrêmes comprennent deux passages ; · dans la sous-section centrale, les séquences extrêmes comprennent trois passages ; · les séquences centrales ne comprennent qu’un seul passage (4,1-6 ; 7,1-14 ; 9,3). D’un point de vue quantitatif, – le Prologue compte 832 signes et l’Épilogue 489 – la section A 3 613 signes, la section C 3 984 Total Prologue et Section A : 4 445 Total Section B et Épilogue : 4 473 – la section B est nettement plus développée : 1re sous-section : 3 660 2e sous-section : 5 605 3e sous-section : 1 586 Total section B : 10 851 Elle est plus longue que l’ensemble formé par tout ce qui précède et tout ce qui suit (4445 + 4473 = 8 918).

L’ensemble du livre

313

COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LE PROLOGUE ET L’ÉPILOGUE Prologue (1,1-11) 1

1, Paroles de QOHÉLET, fils de David, roi à Jérusalem : 2 Buée des buées, dit QOHÉLET, buée des buées, tout est buée. 3 Quel profit pour L’HUMAIN dans tout son travail qu’il peine sous le soleil ? 4 Une génération va et une génération vient, et la terre pour toujours subsiste. 5 Et se lève le soleil et vient le soleil et vers son lieu aspire, se levant lui là-bas. 6 Allant vers le sud et tournant vers le nord, tournant, tournant ; allant le vent et sur ses alentours, revenant le vent. 7 Tous les fleuves vont vers la mer et la mer n’est pas remplie ; vers le lieu où les fleuves vont, là-bas eux reviennent pour aller. 8 Toutes les paroles sont FATIGANTES, un homme ne peut pas parler ; l’œil ne se rassasie pas de voir et l’oreille ne se remplit pas d’entendre. 9 Ce qui a été est ce qui sera et ce qui A ÉTÉ FAIT ce qui SERA FAIT ; et il n’y a pas de tout nouveau dessous le soleil. 10 Y a-t-il une chose dont on dise : Vois ceci, c’est nouveau ? Déjà il a été depuis toujours, lequel a été avant nous. 11 Il n’y a pas de souvenir pour les premiers et aussi pour les derniers qui seront ; il ne sera pas pour eux de souvenir avec ceux qui seront en dernier.

Épilogue (12,9-14) 9

12, Et en plus que fut QOHÉLET un sage, encore il a enseigné la connaissance au peuple et il a pesé et a scruté, a ajusté des proverbes nombreux. 10 Il a cherché QOHÉLET à trouver des paroles agréables et un écrit de droiture, des paroles de vérité. 11 Les paroles des sages comme aiguillons et comme piquets plantés les maitres de recueils, qui sont donnés par un berger unique. 12

Et en plus de cela, mon fils, sois averti que FAIRE des livres nombreux n’a pas de limite et qu’une étude nombreuse 13 FATIGUE la chair. Fin de la parole, tout est entendu : crains Dieu et garde ses commandements, car cela est tout L’HUMAIN. 14 Car toute ŒUVRE Dieu fera-venir en jugement, sur tout le caché, soit bien et soit mal.

– Le nom de « Qohélet » revient deux fois dans chaque texte (1,1a.2a / 12,9b. 10b) ; – « parole/parler/chose » revient quatre fois dans chaque texte (dbr ; 1,1a.8a.b. 10a / 12,10c.d.11a.13b) ; – « faire/œuvre » deux fois dans chaque texte (‘śh ; 1,9a.b / 12,12b.14b) ; – « l’humain » une fois (1,3a / 12,13e) ; – « fatigue(r) » une fois (1,8a / 12,12e) ; – « entendre » une fois (1,8d / 12,13b) ; – à quoi on peut ajouter « tout », cinq fois dans le Prologue (1,2b.3a.7a.8a.9b) et quatre dans l’Épilogue (12,13b.e.14a.c) ; – au début, Qohélet se présente comme « fils » de David (1,1a) ; à la fin, il s’adresse à son « fils » (12,12a). Par ailleurs, « la buée » (1,2) est absente de l’Épilogue. Le deuxième passage du Prologue insiste sur la totale absence de nouveauté et sur l’incapacité où se trouve l’homme de « parler » (1,8a.b) ; mais cela n’a pas empêché l’auteur de « trouver des paroles agréables » (12,10c).

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Qohélet

LES RAPPORTS ENTRE LES SECTIONS A ET C Entre les séquences A1 et C1 A1 1,12 Moi, Qohélet, j’ai été ROI sur Israël à Jérusalem. 13 Et j’ai donné mon cœur à rechercher et à explorer par LA SAGESSE sur tout ce qui se fait dessous le ciel : c’est une occupation malheureuse que DIEU a donnée aux fils d’Adam pour s’occuper en elle. 14 J’ai vu toutes les œuvres qui se font dessous le soleil : et voici, tout est buée et poursuite de vent ! 15 Ce qui est courbé ne peut pas être redressé et ce qui manque ne peut pas être compté. 16 J’ai parlé, moi, avec mon cœur disant : Moi, voici, j’ai augmenté et j’ai ajouté LA SAGESSE plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem : et mon cœur a vu abondance de SAGESSE et de CONNAISSANCE. 17 Et j’ai donné mon cœur pour CONNAITRE LA SAGESSE et CONNAITRE la sottise et la folie : j’ai su que aussi cela c’est poursuite de vent, 18 car abondance de SAGESSE, abondance de chagrin et ajout de CONNAISSANCE, ajout de douleur. 2,1 Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la joie et vois le bonheur ! Et voici, cela aussi est buée. 2 Du rire je dis : « Sottise », et de la joie : « Qu’est-ce celle-ci fait ? » 3 J’ai pensé dans mon cœur livrer au vin ma chair, et mon cœur conduisant dans LA SAGESSE, et m’attacher à la folie jusqu’à ce que je voie quel bonheur pour les fils d’Adam lequel ils font dessous le ciel, le nombre des jours de leur vie. 4 J’ai fait-grand mes œuvres, je me suis bâti des bâtiments, je me suis planté des vignes. 5 Je me suis fait des jardins et des vergers et j’ai planté en eux des arbres de tout fruit ; 6 je me suis fait des citernes d’eau pour arroser par elle la forêt produisant arbres. 7 J’ai acquis des serviteurs et des servantes et des fils de la maison, furent à moi aussi des troupeaux de gros et de petit bétail ; abondance fut à moi, plus que tous ceux qui furent avant moi à Jérusalem. 8 Je me suis amassé aussi de l’argent et de l’or, et le trésor des ROIS et des provinces. Je me suis fait des chanteurs et des chanteuses et tout le luxe des fils d’Adam, concubine et concubines. 9 Et j’ai augmenté et j’ai ajouté plus que tout ce qui fut avant moi à Jérusalem ; mais MA SAGESSE est restée pour moi. 10 Et tout ce que demandèrent mes yeux je ne refusais pas à eux, je n’ai pas privé mon cœur de toute joie, car mon cœur se réjouissait de tout mon travail et cela fut ma part en tout mon travail. 11 Et je me tourne, moi, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire ; et voici, tout est buée et poursuite de vent et il n’y a pas de profit dessous le soleil ! 12

Et je me tourne, moi, à voir LA SAGESSE et la sottise et la folie : car que fera l’humain qui viendra après LE ROI ? Ce que déjà ils l’ont fait. 13 Et je vois, moi, qu’il y a avantage de LA SAGESSE sur la folie comme avantage de la lumière sur l’obscurité. 14 LE SAGE ses yeux sont sur sa tête et l’insensé dans l’obscurité marche. Et JE CONNAIS, moi aussi, qu’un sort unique ressortira à tous. 15 Et je dis, moi dans mon cœur : comme le sort de l’insensé à moi aussi ressortira et pourquoi AI-JE ÉTÉ SAGE, moi, même trop ? Et je parle dans mon cœur : cela aussi est buée. 16 Oui, il n’y a pas de souvenir pour LE SAGE avec l’insensé pour toujours, car déjà dans les jours suivants tous sont oubliés. Et comment meurt LE SAGE avec l’insensé ? 17 Et je déteste la vie, car mal pour moi l’œuvre qui se fait dessous le soleil : Oui, tout est buée et poursuite de vent. 18 Et je déteste, moi, tout mon travail que moi j’ai peiné dessous le soleil, que je laisse à l’humain qui sera après moi : 19 Et qui CONNAIT si SAGE il sera ou fou ? Et il sera maitre de tout mon travail que j’ai peiné et J’AI ÉTÉ SAGE dessous le soleil : cela aussi est buée. 20

Et je reviens, moi, à désespérer mon cœur pour tout le travail que j’ai peiné dessous le soleil ; 21 car il est un humain qui a peiné avec SAGESSE et avec CONNAISSANCE et avec compétence, et à un humain qui point n’a peiné il le donne comme sa part : cela aussi est buée et mal abondant. 22 Oui, que reste-t-il à l’humain de tout son travail et de la poursuite de son cœur dessous le soleil ? 23 Oui, tous ses jours sont douloureux et chagrin est son occupation, aussi dans la nuit ne se repose pas son cœur : cela aussi est buée lui. 24 Pas de bonheur pour l’humain sinon de manger et de boire et il fait-voir à son âme du bonheur dans son travail ; cela aussi je vois, moi, que de la main de DIEU lui, 25 car qui mangera et qui jouira sinon de lui ? 26 Oui, à l’humain qui est bon devant lui il donne SAGESSE et CONNAISSANCE et joie, et au pécheur il donne comme occupation d’accumuler et d’amasser pour donner à celui qui est bon devant DIEU. Cela aussi est buée et poursuite de vent.

– « Dessous le soleil » revient sept fois en A1 (1,14ab ; 2,11b ; 2,17a.18a.19b. 20.22b) et trois fois en C1 (9,11a.13 ; 10,5). – Les termes initiaux semblables (2,12a.20 / 9,11a, avec « j’ai vu » repris en 9,13 et 10,5).

L’ensemble du livre

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C1 9,11 J’ai tourné à voir dessous le soleil que pas aux rapides la course et pas aux forts la guerre, et aussi pas pour LES SAGES du pain et aussi pas pour les intelligents de la richesse et aussi pas pour les savants de la faveur. Oui, temps et contretemps arrivent à eux tous. 12 Oui, aussi l’humain NE SAIT PAS son temps, comme les poissons qui sont pris au filet mauvais, comme les oiseaux qui sont pris au piège, comme eux sont surpris les fils d’Adam au temps mauvais, quand il tombe sur eux soudain. 13

Cela aussi j’ai vu comme SAGESSE dessous le soleil et grande elle pour moi. 14 Une ville était petite et des gens dedans peu ; et vint contre elle UN ROI grand et il assiégea elle et il bâtit contre elle de grands ouvrages. 15 Et il y trouva un homme pauvre SAGE qui délivra la ville par sa SAGESSE ; et pas un humain ne se souvient de cet homme pauvre. 16 Et je dis, moi : plus bonne LA SAGESSE que la force, mais LA SAGESSE du pauvre est méprisée et ses paroles ne sont point écoutées ; 17 les paroles des SAGES avec calme sont à écouter plus que les cris de QUI COMMANDE aux insensés. 18 Plus bonne LA SAGESSE que les armes du combat mais un seul pécheur détruit un bon nombreux. 10,1 Des mouches mortes gâtent le vase d’huile du parfumeur. Plus pesante que SAGESSE, que gloire, un peu de sottise. 2 Le cœur du SAGE est à sa droite et le cœur de l’insensé à sa gauche. 3 Et aussi quand un sot va sur le chemin, son cœur manque et il dit à tous qu’il est un sot ! » 4 Si l’humeur de QUI COMMANDE se monte contre toi, ne quitte pas ta place, car le calme évite de grands péchés. 5

Il y a un mal que j’ai vu dessous le soleil, comme erreur qui sort de devant LE SOUVERAIN : 6 la folie a été donnée dans les hauteurs importantes et des riches restent dans le bas. 7 J’ai vu des serviteurs sur des chevaux et des princes allant comme des serviteurs sur la terre. 8 Qui creuse une fosse tombe dedans et qui sape un mur un serpent le mord ; 9 qui extrait des pierres se blesse avec elles, qui fend des bois risque avec eux. 10 Si est émoussé le fer et lui n’aiguise pas les faces, les efforts il forcera. LA SAGESSE assure le profit. 11 Si le serpent pas charmé mord, il n’est pas de profit pour le maitre de la langue. 12 Les paroles de la bouche du SAGE sont faveur et les lèvres de l’insensé le perdent ; 13 le début des paroles de sa bouche est folie et la fin de sa bouche sottise de mal 14 et l’insensé multiplie les paroles. L’humain NE SAIT PAS ce qui sera et ce qui sera après lui, qui le lui annoncera ? 15 La peine de l’insensé le fatigue, lui qui NE SAIT PAS aller à la ville. 16

Malheur à toi, pays dont LE ROI est un gamin et ses princes mangent dès le matin ! 17 Heureux, toi, pays dont LE ROI est fils noble et ses princes mangent au temps-voulu pour la force et non pour boire ! 18 Pour deux-paresseuses cède la poutre et pour la négligence des deux-mains goutte la maison 19 Pour s’amuser ils font un pain et le vin réjouit les vivants et l’argent répond à tout. 20 Même en pensée ne maudis pas LE ROI et dans tes chambres à coucher ne maudis pas le riche, car un oiseau du ciel emporterait ta voix et celui qui a des ailes redirait ta parole. 11,1 Lance ton pain sur la face de l’eau car dans l’abondance des jours tu le retrouveras ; 2 donne une part à sept et aussi à huit car TU NE SAIS PAS ce que sera le mal sur la terre. 3 Si les nuages sont remplis de pluie, ils la déverseront sur la terre ; et si un arbre tombe au sud ou au nord, l’endroit où l’arbre est tombé là il sera. 4 Qui observe le vent ne sème pas et qui regarde les nuages ne moissonne pas ; 5 de même que TU N’ES PAS SACHANT quel est le chemin du vent, comme des os dans le ventre de la pleine, de même TU NE SAIS PAS l’œuvre de DIEU qui fait tout. 6 Le matin sème ta semence et le soir ne repose pas ta main ; car TU N’ES PAS SACHANT si ceci réussira, si ceci ou cela, ou si les deux comme un seront bons.

– « Roi(s) » (1,12 ; 2,8b.12b / 9,14b ; 10,16.17b.20a) avec « qui commande » (9,17b ; 10,4b) et « souverain » (10,5). – « Dieu » qui fait inclusion en A1 (1,13c ; 2,24b.26b) marque la fin des deux séquences (2,24b.26b / 11,5b). – Les termes les plus fréquents sont « (être)sage/sagesse, dix-sept fois en A1 (1,13b.16a.b.17a.18a ; 2,3b.9b.12a.13a.14a.15b.16a.b.19a.b.21b.26a) et onze fois en C1 (9,11b.13.15a bis.16a bis.17a.18a ; 10,2a.10.12b) et « connaitre/ connaissance/savoir », huit fois en A1 (1,16b.17a bis.18b ; 2,14b.19a.21b.26a) et sept fois en C1 (9,12a ; 10,14a.15 ; 11,2a.5b.c.6b). Il faut noter qu’en C1 « connaitre/ savoir » est toujours affecté de la négation ; en A1 (2,19), le verbe n’est pas affecté de la négation mais la question en est pratiquement l’équivalent.

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Qohélet

En A1 Qohélet, roi, raconte comment il a cherché la sagesse et comment il l’a mise en pratique dans ses travaux ; il se soucie aussi de ce que fera le roi son successeur. En C1 Qohélet ne parle plus de lui-même mais en général et il s’adresse aussi à une deuxième personne du singulier (« tu ne sais pas » en 11,2.5a.b.6b), souvent à l’impératif (10,4b et surtout en finale : 10,20a.b ; 11,1a. 2a.6a.b) ; cette deuxième personne est un sujet du roi : « ne maudis pas le roi, ne maudis pas le riche » (10,20). Il s’adresse aussi à des pays (10,16-17). Enfin, « la buée » mentionnée neuf fois en A1 (1,14b ; 2,1b.11b.15c.17a.19b. 21c.23b.26c) a complètement disparu en C1. Entre les séquences A2 et C2 A2 3,1 Pour tout il y a UN MOMENT et UN TEMPS pour toute CHOSE dessous le ciel. 2 UN TEMPS pour ENFANTER et UN TEMPS pour mourir, UN TEMPS pour planter et UN TEMPS pour arracher le plant. 3 UN TEMPS pour tuer et UN TEMPS pour guérir, UN TEMPS pour démolir et UN TEMPS pour bâtir. 4 UN TEMPS pour pleurer et UN TEMPS pour rire, LE TEMPS de GÉMIR et LE TEMPS de danser. 5 UN TEMPS pour jeter des pierres et LE TEMPS d’amasser des pierres, UN TEMPS pour embrasser et UN TEMPS pour s’éloigner d’embrasser. 6 UN TEMPS pour chercher et UN TEMPS pour perdre, UN TEMPS pour garder et UN TEMPS pour jeter, 7 UN TEMPS pour déchirer et UN TEMPS pour coudre. UN TEMPS pour se taire et UN TEMPS pour parler, 8 UN TEMPS pour aimer et UN TEMPS pour haïr, LE TEMPS de guerre et LE TEMPS de paix. 9 Quel profit a celui qui fait dans ce que lui il peine ? C2 11,7 Douce est la lumière et bon pour les yeux de voir le soleil. 8 Oui, si DE NOMBREUSES ANNÉES vit l’humain, en toutes qu’il se réjouisse et qu’il se souvienne des JOURS DE TÉNÈBRE, car nombreux ils seront. Tout ce qui vient est buée. 9 Réjouis-toi, jeune-homme, EN TON ENFANCE et te rende heureux ton cœur AUX JOURS DE TA JEUNESSE. Et va selon les chemins de ton cœur et selon les regards de tes yeux, et sache que sur tout cela Dieu te fera venir en jugement. 10 Et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le mal de ta chair. Car ENFANCE et cheveux-noirs sont buée ! 12,1 Souviens-toi de ton Créateur AUX JOURS DE TA JEUNESSE, avant que ne viennent LES JOURS DU MALHEUR et qu’arrivent LES ANNÉES dont tu diras : « Il n’y a pas en elles de PLAISIR », 2 avant que ne s’enténèbrent le soleil et la lumière et la lune et les étoiles, et que retournent les nuages après la pluie. 3

AU JOUR où tremblent les gardiens de la maison et se courbent les hommes de force, et s’arrêtent celles qui moulent car elles diminuent, et s’enténèbrent celles qui voient par les fenêtres, 4 et se ferment les battants sur la place, au déclin de la voix de la meule, il se lève à la voix de l’oiseau et faiblissent les filles des chants, 5 aussi ils craignent la hauteur et terreurs sur le chemin ; et il dédaigne l’amande et est pesante la sauterelle et est inefficace la câpre. Oui, s’en va l’humain vers sa maison d’éternité et tournent sur la place LES PLEUREURS. 6 Avant que ne se rompe la corde d’argent et que se brise la lampe d’or, et se casse la cruche sur la fontaine et soit brisée la poulie à la citerne, 7 retourne la poussière sur la terre comme elle était 8 et le souffle retourne à Dieu qui l’a donné. Buée des buées, dit le Qohélet, tout est buée !

– Le temps est global au début de chaque séquence : « il y a un moment et un temps pour toute chose dessous le ciel » (3,1), « si de nombreuses années vit l’humain » (11,8ab). – Puis deux temps sont distingués, positif et négatif, « un temps pour enfanter et un temps pour mourir » (3,2ab), décliné quatorze fois en A2, mais sans jugement

L’ensemble du livre

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de valeur ; en C2, il y a, d’une part, le temps de « l’enfance » (11,9a.10b) et « les jours de ta jeunesse » (11,9ab ; 12,1a) et, d’autre part, « les jours de ténèbre » (11,8b), « les jours du malheur » (12,1ab), « les années dont tu diras : Il n’y a pas en elle de plaisir » (12,1bc), « Au jour où tremblent... » (3). – « Enfanter » (3,2b) et « enfance » (11,9a.10b) sont de même racine (yld). – « Gémir » (3,4) et « pleureurs » (12,5c) sont de même racine (spd). – Le même terme signifie « chose » en 3,1 et « plaisir » en 12,1c. « Buée » n’apparait pas en A2 mais trois fois en C2 (11,8c.10b ; 12,8 redoublé) ; ainsi le refrain de la buée revient dans les séquences extrêmes (A1 et C2) mais pas dans les deux autres (A2 et C1). LES RAPPORTS ENTRE LES TROIS SECTIONS La buée Les toutes premières « paroles » de Qohélet sont ce qu’on a coutume d’appeler « le refrain de la buée » : « Buée des buées, dit Qohélet, buée des buées, tout est buée » (1,2). Ces paroles ainsi que ses diverses variantes méritent le nom de « refrain », car elles reviennent vingt-quatre fois tout au long du livre. « Tout » sera repris quatre fois : à la fin, dans le refrain de conclusion, « Buée des buées, dit le Qohélet, tout est buée ! » (12,8), mais aussi dès la seconde occurrence (1,14) où « tout » désigne « toutes les œuvres qui se font dessous le soleil », puis en 2,17 où « tout » est en outre la vie même : « Et je déteste la vie, car mauvais pour moi l’œuvre qui se fait dessous le soleil ». Au début de la deuxième section, il s’agit du fait qu’il n’y a pas de différence entre le sort final de l’homme et celui des animaux (3,19). Ce qui est buée est non seulement « l’œuvre qui se fait sous le soleil », mais mon propre « travail » : « Et je me suis tourné, moi, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire » (2,11). La formule y est fort développée : « Et voici, tout est buée et poursuite de vent et il n’y a pas de profit dessous le soleil ! » Un peu plus loin, il sera précisé que « tout mon travail » sera laissé à un autre qui n’aura rien fait et dont je ne sais pas s’il sera sage ou fou (2,19 ; de même en 2,21). Même la recherche de la sagesse est buée : « Et j’ai donné mon cœur pour connaitre la sagesse et connaitre la sottise et la folie : j’ai su qu’aussi cela c’est poursuite de vent » (1,17 ; de même 2,26) ; à quoi bon, si le sort de l’insensé est le même que le mien ? (2,15). Il en va de même de la joie et du bonheur : « Je dis, moi, dans mon cœur : Viens donc, je te ferai-éprouver la joie et vois le bonheur ! Et voici, cela aussi est buée » (2,1). En somme toute la vie n’est que douleur : « Oui, tous ses jours sont douloureux et chagrin est son occupation, aussi dans la nuit ne se repose pas son cœur. Cela aussi est buée ! » (2,23). Voilà pour la première section, où le refrain de la buée est repris dix fois (1,14.17 ; 2,4.11.15.17.19.21.23.26). Dans la deuxième section, il revient aussi

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Qohélet

dix fois (3,19 ; 4,4.8.16 ; 5,9 ; 6,2.9 ; 7,6 ; 8,10.14), mais cette section est bien plus développée que la première (10 815 signes contre 3 613) : la densité du refrain y est donc bien moindre. La deuxième section commence très fort : « pas de supériorité de l’homme sur l’animal », ils ont un sort final identique (3,19). Un jugement fort sévère est porté sur tout le travail et toute la réussite de l’homme : il est buée parce que ce n’est que « jalousie d’un homme pour son prochain » (4,4). Le mal règne, car un homme comblé par Dieu de richesses, s’en voit dépouillé et c’est un étranger qui les mange (6,1-2) ; un homme dont le travail n’a pas de fin, mais n’a ni frère ni fils à qui transmettre ses richesses : « Et pour qui, moi, je peine et me prive de bonheur ? » (4,7-8) ; et même quand un successeur arrive, on ne se réjouit pas en lui (4,15-16). L’oppression s’étend de la part de qui aime l’argent et n’est jamais rassasié (5,7-9 ; aussi 8,9-10). « Quel avantage du sage sur l’insensé ? » (6,7-9). « Le chant de l’insensé » est buée (7,5-6), mais « il y a des justes lesquels il arrive à eux selon l’œuvre des méchants, et il y a des méchants qu’il arrive à eux selon l’œuvre des justes ; je dis que cela aussi est buée » (8,14). Outre les occurrences du refrain, le terme « buée » revient plusieurs autres fois, désignant la vie, la vie qui passe « comme une ombre » : « Oui, qui sait ce qui est bon pour l’humain pendant la vie, le nombre des jours de la vie de sa buée et il passe comme une ombre ? » (6,12) ; « Tout j’ai vu en mes jours de buée » (7,15) ; « Vois la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de la vie de ta buée qu’il te donne dessous le soleil, tous les jours de ta buée, car cela est ta part » (9,9). Et aussi : « Il y a des paroles abondantes, faisant abonder la buée » (6,11). Le refrain de la buée est totalement absent de la dernière sous-section (8,16– 9,10) de la deuxième section. Il ne reparaitra qu’à la fin de la troisième section, dans la dernière séquence. Avant de conclure que « tout est buée » (12,8), Qohélet dit que non seulement « tout ce qui vient est buée » (11,8), ce qui désigne « les jours de ténèbre » de la vieillesse, mais aussi que « jeunesse et cheveux-noirs sont buée » (11,10). On remarquera que la distribution des refrains de la buée va décroissant : dix occurrences dans la courte première section, dix fois aussi dans la très longue section centrale, et trois seulement dans la dernière section (11,8.10 ; 12,8). Il est aussi notable qu’un tournant se produit après le centre du livre : en effet, le refrain disparait dans la troisième sous-section de la section centrale et dans toute la première séquence de la troisième section. Il ne revient qu’en finale, faisant inclusion avec le Prologue.

L’ensemble du livre

319

Prologue (1,1-11) A1 1,12-18

5,10-19

2,1-11

2,12-19

2,20-26

B1

A2 3,1-9

3,10-17

3,18-22

B2 4,1-6

4,7-16

4,17–5,9

B4 6,1-6

6,7-12

B5 7,1-14

7,15-25

B6 7,26–8,8

9,1-2

B8 9,3

9,4-6

B7 8,16-17

B3

B9

C1 9,11-12

9,13–10,4

10,5-15

8,9-15

10,16–11,6

9,7-10 C2 11,7–12,8

Épilogue (12,7-14)

Vie et mort La dernière séquence de la première partie (A2 : 3,1-9) présente, en une longue énumération de quatorze segments, l’opposition entre bonheur et malheur, entre vie et mort, mais sans donner le moindre jugement de valeur : « Pour tout il y a un moment et un temps pour toute chose dessous le ciel. Un temps pour engendrer et un temps pour mourir... ». C’est un fait, voilà tout ! Dans la section centrale, le ton change dans tous les passages centraux, la mort étant préférée à la vie : – au centre de la première sous-section (B2 : 4,1-6) : « Je félicite, moi, les morts qui déjà sont morts plus que les vivants qui eux sont encore vivants » (4,2) ; – au centre de la sous-section centrale (B5 : 7,1-14), de manière lancinante et, pour ainsi dire, systématique : « Plus bon [...] le jour de la mort que le jour de la naissance. Plus bon d’aller à la maison du deuil qu’aller à la maison du banquet... » (7,1-2) ; – au centre de la première séquence de la sous-section centrale (B4, deuxième passage 6,1-6) : « Si un homme engendre cent (enfants) et vit des années abondantes et abondance que furent les jours de ses années, et son âme n’est pas rassasiée de bonheur et aussi de tombeau il n’y a pas pour lui : je dis que plus bon que lui est l’avorton » (6,3) ; – au centre de la dernière séquence de la sous-section centrale (B6, deuxième passage 7,26–8,8), il est encore question de « la mort », une première fois où pire que la mort est « la femme qui est des pièges » (7,26), une deuxième fois où

320

Qohélet

l’homme n’en est pas maitre : « Il n’y a pas d’humain dominant le souffle pour retenir le souffle et il n’y a pas de domination sur le jour de la mort » (8,8) ; – enfin, au centre de la très courte troisième sous-section (B8 : 9,3), c’est le mal qui domine la vie de l’homme après quoi il va chez les morts : « Et aussi le cœur des fils d’Adam est plein de mal et les sottises sont dans leur cœur durant leur vie, et après lui chez les morts ». Le centre de la section (B5) marque donc un tournant, car après lui ne se trouve plus la préférence de la mort sur la vie. A1 1,12-18

2,1-11

2,12-19

B1 3,18-22

B2 4,1-6

6,7-12

B5 7,1-14

9,1-2

B8 9,3

3,10-17

5,10-19

B4 6,1-6 B7 8,16-17

A2 3,1-9

2,20-26 B3 4,7-16

4,17–5,9

7,15-25

B6 7,26–8,8 B9

9,4-6

C1 9,11-12

9,13–10,4

10,5-15

8,9-15

10,16–11,6

9,7-10 C2 11,7–12,8

L’invitation à la joie En voici les sept occurrences où sont mis en évidence les termes communs : – La « joie » revient partout (2,25b.26b ; 3,12a ; 3,22a ; 5,18b.19b ; 8,15a.b ; 9,7a ; 11,8a.9a) ; – « bon(heur)/rendre-heureux » (2,24a.b.26a.c ; 3,12a bis.13a ; 3,22a ; 5,17a.b ; 8,15a ; 9,7a ; 11,7a ; 9ab) ; – « manger » et « boire » (2,24a ; 3,13a ; 5,17a.18b ; 8,15b ; 9,7a) ; – « travail » et « œuvres » (2,24b ; 3,13a ; 3,22a ; 5,17b.18c ; 8,15b ; 9,7ab.9bc. 10a.b bis) ; – Dieu « donne » « un don » (2,25b.c ; 3,13ab ; 5,17c.18a.c ; 8,15c ; 9,8b) ; – ce don est « part » d’héritage (3,22b ; 5,17c.18b ; 9,9b). On remarquera que dans la dernière occurrence (C2), il ne s’agit plus ni de « travail/œuvres », ni de « manger » et « boire », ni même de « don » ou de « part », mais, comme en conclusion, « sache que sur tout cela Dieu te fera venir en jugement » (11,9c), dont il n’avait pas été question précédemment.

L’ensemble du livre

321

PREMIÈRE SECTION — séquence A1 — 2e sous-séquence — 2e passage (2,20-26) Pas de bonheur pour L’HUMAIN sinon de MANGER et de BOIRE et il fait voir à son âme du bonheur dans son travail ; cela aussi je vois, moi, que de la main de Dieu lui, 25 car qui MANGERA et qui JOUIRA sinon de lui ? 26 Oui, à L’HUMAIN qui est bon devant lui IL DONNE sagesse et connaissance et JOIE, et au pécheur IL DONNE comme occupation d’accumuler et d’amasser pour donner à celui qui est bon devant Dieu. Cela aussi est buée et poursuite de vent. 24

DEUXIÈME SECTION — 1re sous-section — séquence B1, 1er passage (3,10-17)

Je sais qu’il n’y a pas de bonheur en eux, sinon de SE RÉJOUIR et de faire le bonheur durant sa vie. 13 Et aussi tout HUMAIN qui MANGE et BOIT et voit du bonheur dans tout son travail, UN DON de Dieu cela. 14 Je sais que tout ce que fait Dieu cela sera pour l’éternité. À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher et Dieu fait qu’ils craignent devant sa face. 12

DEUXIÈME SECTION — 1re sous-section — séquence B1, 2e passage (3,18-22)

Et je vois qu’il n’y a pas de bonheur sinon que SE RÉJOUISSE L’HUMAIN de ses œuvres ; oui, cela SA PART. Oui, qui le fera-venir pour voir ce qui sera après lui ?

22

·································································································································

DEUXIÈME SECTION — 2e sous-section — séquence B4, 1er passage (5,10-19) 17 Voici ce que je vois, moi, un bonheur qui (est) beau : de MANGER et de BOIRE et de voir le bonheur dans tout son travail qu’il peine dessous le soleil, (tout) le nombre des jours de sa vie lesquels lui DONNE Dieu, car cela est SA PART. 18 Aussi tout HUMAIN lequel lui DONNE Dieu richesse et ressources, et le laisse MANGER d’elles et en recevoir SA PART et SE RÉJOUIR de son travail, cela est UN DON de Dieu lui. 19 Car pas abondamment il se souvient des jours de sa vie car Dieu l’occupe à LA JOIE son cœur.

DEUXIÈME SECTION — 2e sous-section — séquence B6, 3e passage (8,9-15)

15 Et je loue, moi, LA JOIE, selon laquelle il n’y a de bonheur pour L’HUMAIN dessous le soleil sinon de MANGER et de BOIRE et de SE RÉJOUIR ; et cela l’accompagne dans son travail aux jours de la vie laquelle lui DONNE Dieu dessous le soleil.

·································································································································

DEUXIÈME SECTION — 3e sous-section — séquence B9, 2e passage (9,7-10)

9,7 Va, MANGE avec JOIE ton pain et BOIS de bon cœur ton vin, car déjà a agréé Dieu tes œuvres ; 8 en tout temps soient tes habits blancs et que le parfum sur ta tête ne manque pas. 9 Vois la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de la vie de ta buée que il te DONNE dessous le soleil, tous les jours de ta buée, car lui (est) TA PART dans la vie et dans le travail que toi tu peines dessous le soleil. 10 Tout ce que trouve ta main à faire, dans ta force fais-le, car il n’y a ni œuvre, ni réflexion, ni connaissance, ni sagesse dans le Schéol que toi tu vas là-bas.

TROISIÈME SECTION — séquence C2 (11,7–12,8) 11,7 Douce la lumière et bon pour les yeux de voir le soleil. 8 Oui, si de nombreuses années vit l’homme, en toutes QU’IL SE RÉJOUISSE et qu’il se souvienne des jours de ténèbre, car nombreux ils seront. Tout ce qui vient (est) buée. 9 RÉJOUIS-TOI, jeune-homme, en ton enfance et te rendeheureux ton cœur aux jours de ta jeunesse. Et va selon les voies de ton cœur et selon les regards de tes yeux, et sache que sur tout cela te fera-venir Dieu en jugement ; 10 et écarte le chagrin de ton cœur et éloigne le mal de ta chair. Car l’enfance et les cheveux-noirs sont buée !

322

Qohélet

Cette invitation (en rouge) revient une fois dans les sections extrêmes, et cinq dans la section centrale : deux dans la première sous-section (B1), deux dans la sous-section centrale (B4 et B6), et une dans la troisième sous-section (B9). Le terme « invitation » est commode, mais il n’est pas exact. En effet, jusqu’au centre, toutes ces « invitations » sont à la troisième personne et regardent « l’humain » (2,24a.26a ; 3,13a ; 3,22a ; 5,18a ; 8,15a) ; c’est ce que l’auteur « voit » (2,24b ; 3,22a), ce qu’il « sait » (3,12a.14a), ce qu’il « loue » (8,15a). En revanche, après la sous-section centrale de la deuxième section, on passe au volitif : « Va, mange » (9,7), « qu’il se réjouisse », « réjouis-toi » (11,8b.9a). On a vu que, dans la deuxième section, l’invitation à la joie de vivre se trouve aux extrémités des sous-sections extrêmes (3,10-22 et 9,7-10), ainsi qu’aux extrémités de la sous-section centrale, 5,10-19 et 8,9-15 (voir p. 246). Dans la première section, elle apparait dans la dernière partie du dernier passage de la séquence A1 (2,24-26) ; dans la dernière section, elle se retrouve, sous une forme différente, au début de la séquence C2 (11,8a.9.10a). À noter que les positions des lieux où il est question de la mort (bleu) et ceux où il s’agit de jouir de la vie (rouge) sont régulières et complémentaires. A1 1,12-18

2,1-11

2,12-19

B1 3,18-22

B2 4,1-6

6,7-12

B5 7,1-14

9,1-2

B8 9,3

3,10-17

5,10-19

B4 6,1-6 B7 8,16-17

A2 3,1-9

2,20-26 B3 4,7-16

4,17–5,9

7,15-25

B6 7,26–8,8 B9

9,4-6

C1 9,11-12

9,13–10,4

10,5-15

8,9-15

10,16–11,6

9,7-10 C2 11,7–12,8

Vu ce qui a été dit sur la répartition du refrain de la buée, et surtout sur celle des passages où vie et mort sont mises en regard, il apparait que, au centre de la composition, la séquence B5 représente le sommet, le climax de la crise, après quoi le calme revient peu à peu. La composition révèle donc la dimension dramatique du livre.

L’ensemble du livre

323

CONTEXTE L’immanence humaine du destin dont parle Qohélet est vivement soulignée par le choix du mot hebel. Car si l’on peut tirer de ce concept l’image d’un souffle et l’idée d’une déception, il conserve néanmoins pour l’oreille biblique, une valeur initialement concrète. Il désigne non pas une chose, mais un homme. Hebel c’est le deuxième fils d’Adam, celui que dans nos traductions de la Genèse nous appelons Abel. Lorsque la Bible dit hebel, il y a donc amphibologie. Le texte peut désigner à la fois la notion de buée et l’homme incarnant cette notion, dans le texte biblique. Les exégètes de Qohélet n’ont pas formulé cette remarque, à ma connaissance ; à plus forte raison n’en ont-ils pas tenu compte. Elle me parait pourtant très importante, parce qu’elle permet de dégager un premier sens à la recherche philosophique de Qohélet. Elle rattache le destin au mythe d’un être qui fut investi d’un rôle dans l’histoire aux origines de l’humanité 1.

LE LIVRE D’ABEL, LA BUÉE La femme du Cantique des cantiques est la nouvelle Ève. Alors que la première ne prononce pas un seul mot durant tout le récit, et qu’aucune parole ne lui avait été adressée par Adam, c’est elle surtout qui parle dans le Cantique, mais en duo avec le bien-aimé qui lui répond2. Il en va de même pour Abel dont on n’entend pas la voix et auquel personne n’adresse la parole, pas même son frère selon le texte massorétique : « Caïn dit à Abel, son frère. Or tandis qu’ils étaient dans la campagne, Caïn se dressa contre Abel, son frère, et le tua » (Gn 4,8). La Septante a voulu compléter le texte hébreu en ajoutant, après « Caïn dit à Abel son frère : “Allons dehors” ». On pourra donc se demander si Abel ne prend pas la parole dans le livre du Qohélet non pas seulement pour proclamer son nom jusqu’à trente-huit fois, mais surtout pour dire combien sa courte vie, qui fut brisée par le premier meurtre dû à la jalousie, qui ne lui laissa même pas le temps d’engendrer un fils, ne fut que « buée ». Si le Cantique reprend et restaure la relation sponsale entre l’homme et la femme, entre Adam et Ève, le Qohélet revisite la relation filiale entre Adam et Abel, entre père et fils ; le thème de la filiation marque fortement tout le livre. Il revisite aussi la relation fraternelle, celle qui avait failli entre Caïn et Abel son frère. LE ROI ACQUÉREUR La première section avait d’abord été intitulée « Le roi bâtisseur », en opposition à « Le Dieu créateur » de la dernière section. Ce titre faisait référence à la première des œuvres de Salomon, roi de Jérusalem : « Je me suis bâti des bâtiments » (2,4). À la réflexion, il a paru que « Le roi acquéreur » convenait mieux, car tel est le premier mot du morceau central du passage où le roi énumère ses 1 A. NEHER, Notes sur Qohélet, 73-74 ; sur la figure d’Abel dans Qohélet, p. 71-91. Sur le fait que les exégètes n’ont pas retenu la figure d’Abel, voir J.J. LAVOIE, « Hābel habālīm hakol hābel Histoire de l’interprétation d’une formule célèbre ». 2 Voir R. MEYNET, Le Cantique des cantiques, 73-74.196.

324

Qohélet

œuvres : « J’ai acquis des serviteurs et des servantes... » (7 ; voir p. 49). Il se trouve que le verbe « acquérir » est de même racine que le nom de Caïn (qnh)3. Selon le récit de la Genèse, Caïn fut le premier qui « bâtit » une ville à laquelle il donna le nom de son fils. Ses descendants de la septième génération furent les ancêtres de « ceux qui vivent sous la tente et ont des troupeaux », de « tous ceux qui jouent de la lyre et du chalumeau », de « tous les forgerons en cuivre et en fer » (Gn 4,18-22). « Si d’Abel il ne reste rien, de Caïn il reste toujours plus. À la précarité de l’haleine s’oppose la concentration de plus en plus lourde de l’acquit »4. Par ailleurs, le passage qui précède celui des œuvres de Salomon (1,12-18 ; voir p. 51) est focalisé sur « ce qui manque ne peut être compté » (1,15) ; or, qui est celui qui manque et ne compte pas sinon Abel ? À la fin de son discours, Salomon-Caïn confesse qu’il est bien le frère d’Abel : « Et je me suis tourné, moi, vers toutes les œuvres que firent mes mains et au travail que j’ai peiné à faire ; et voici, tout est buée et poursuite de vent et il n’y a pas de profit dessous le soleil ! » (2,11). « Vraiment, tout homme est Abel » (Ps 39,12). « Le bilan de Caïn c’est d’en être arrivé au même point qu’Abel. Et, à juger ainsi par la fin, Caïn est aussi Abel, hebel buée »5. Salomon est très préoccupé par celui qui viendra « après lui » : « Que fera l’humain qui viendra après le roi ? » (2,12) ; « Et qui connait si sage il sera ou fou ? Et il sera-maitre de tout mon travail que j’ai peiné et j’ai été sage dessous le soleil : cela aussi (est) buée » (19). Or le premier homme qui vint après Caïn fut son frère Abel. UN TEMPS POUR TUER ET UN TEMPS POUR GUÉRIR » La deuxième séquence de la première section énumère les temps opposés qui scandent l’existence de l’homme (3,1-9 ; voir p 74). Le premier morceau de la première partie commence avec « un temps pour enfanter et un temps pour mourir », mais un verset plus loin, on lit : « un temps pour tuer et un temps pour guérir » (3,3). Le temps de tuer était celui du quatrième chapitre du livre de la Genèse ; celui de « guérir » pourrait être celui du livre de Qohélet. « IL Y A UN SEUL, ET PAS DE DEUXIÈME » Le mot « frère » n’apparait qu’une seule fois dans tout le livre de Qohélet. C’est au début de la séquence B3 qui a été intitulée « Seul, l’homme est sans avenir » (4,7–5,9) ; le premier de ses deux passages a reçu comme titre « Sans compagnon, l’homme ne serait que buée » (4,7-16). « Je vois une buée dessous le soleil. Il y a un seul et il n’y a pas de deuxième, aussi ni fils ni frère il n’y a

3

Dans le même verset, « troupeau » (miqneh) est aussi de même racine que Caïn. A. NEHER, Notes sur Qohélet, 79. 5 A. NEHER, Notes sur Qohélet, 79. 4

L’ensemble du livre

325

pas à lui » (4,7-8 ; voir p. 115). Il est bien difficile de ne pas penser à Abel, le « deuxième » fils d’Adam et Ève que son frère ainé tué et qui demeura seul.

INTERPRÉTATION LA BUÉE Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes, vanitas vanitatum, omnia vanitas. La traduction de saint Jérôme résonne encore à toutes les oreilles. D’entrée de jeu, la buée étend son voile noir. Tellement ténu qu’il en est invisible, il semble assombrir paradoxalement, « comme une ombre », tout le livre. Le caractère éphémère de la vie, son évanescence, s’impose de manière lancinante, obsédante. Qohélet le répétera cinq fois, du début à la fin : « Tout est buée ». Puis il le détaille systématiquement. Ma recherche de la sagesse est buée, tout mon travail et la peine que je prends sont aussi buée, même la joie et le bonheur sont buée ; tout ce qui se fait sous le soleil, en somme, la vie n’est autre que buée. Et l’on pourrait oublier qu’une éclaircie survient peu à peu et, quand le centre du livre est franchi, le sombre nuage de la buée finit par s’évanouir. Ce n’est, bien sûr, pas que le caractère éphémère de la vie de l’homme ait disparu de l’horizon ; toutefois, la crise semble résolue et la sérénité retrouvée. LA MORT Le comble de la buée n’est autre que la mort. Celle-ci en effet met un terme définitif à la recherche de la sagesse. Le travail et sa peine s’arrêtent et le profit que l’homme en aura retiré, il ne le prendra pas avec lui ; il passera à un autre, à un successeur qui n’en sera peut-être pas digne, à un étranger qui n’aura pas peiné. Alors que dans la première section, la vie et la mort étaient contemplés, pour ainsi dire d’un œil égal et tranquille, comme les deux moments et les deux temps de toute existence, se noue ensuite une crise terrible où la mort, le néant sont préférés à la vie. Le point culminant du drame est atteint dans la séquence centrale du livre : « Mieux vaut le jour de la mort que le jour de l’enfantement. Mieux vaut aller à la maison du deuil qu’aller à la maison du banquet, puisque celle-ci est la fin de tout homme » (7,1-2). Toutefois, la décrue s’amorce dès la fin de la séquence : « Au jour du bonheur, sois dans le bonheur, et au jour du malheur, vois : Dieu a fait aussi ceci en face de cela, de sorte que l’homme ne trouve rien après lui » (14). Après quoi, vient l’accalmie jusqu’à la fin du livre : « Oui, si l’homme vit de nombreuses années, en toutes qu’il se réjouisse » (11,8). RÉJOUIS-TOI Si la buée finit pas s’éclaircir après le centre du livre et l’obsession de la mort s’apaiser peu à peu au cours du deuxième versant de la construction, il n’en va

326

Qohélet

pas de même de l’invitation à la joie et au bonheur. Celle-ci se maintient avec une belle constance tout au long du discours. Une fois la crise dépassée, elle prend même une allure appellative pressante, qu’elle n’avait pas auparavant. Tout à la fin de la longue section centrale, le lecteur est interpelé d’une manière toute nouvelle : « Va, mange avec joie ton pain et bois de bon cœur ton vin » (9,7). Et c’est la première fois qu’il entend : « Vois la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de ta buée qu’il te donne dessous le soleil » (9). Certes, le soleil ne disperse pas la buée, il ne l’élimine pas, mais elle est éclairée d’une lumière qui finit par la transfigurer. Jeunesse aussi bien que les jours de ténèbre du grand âge sont buée (11,8.10), mais « Oui, si l’homme vit de nombreuses années, en toutes qu’il se réjouisse » (11,8). Non pas seulement durant les années fugaces de la jeunesse, mais « en toutes » les nombreuses années de sa vie. S’il ne le faisait pas, il encourrait le juste jugement de Dieu (9). TA PART D’HÉRITAGE Le plus grand péché serait de ne pas apprécier le don de Dieu. Ne pas se réjouir, mépriser les simples joies de la vie, le manger et le boire, la satisfaction du travail accompli, ce serait refuser de recevoir sa « part » d’héritage. Cela reviendrait à nier sa propre filiation, à bafouer la paternité de Dieu. L’homme pourrait-il se soucier de celui qui viendra après lui, de son fils et successeur, s’il oubliait d’où il vient et de qui il reçoit la vie et l’être ? Certes, Qohélet n’invite jamais directement à la reconnaissance et à l’action de grâce ; toutefois, il ordonne, par deux fois : « Crains Dieu » (5,6 ; 12,13). La crainte de Dieu n’est pas la peur, c’est le respect, l’obéissance filiale, « la certitude tremblante de l’amour »6. Voilà ce que Qohélet, à la fin de l’Épilogue, dit avoir voulu transmettre à son fils : « Et en plus de cela, mon fils, [...] crains Dieu et garde ses commandements, car cela est tout l’homme » (12,12-13).

6

P. BEAUCHAMP, L’Un et l’Autre Testament. I, 272.

Conclusion « Qohélet n’est pas un traité. On ne peut résumer une musique1. » Ce n’est pas davantage un recueil de sentences. Ce n’est pas non plus un récit, comme serait le compte-rendu d’un drame vécu par son auteur. La composition de cet écrit semble néanmoins révéler la trace d’une crise qui culmine au centre du livre et, à partir de là, s’achemine vers son dénouement. Encadré par un Prologue et un Épilogue, le livre se développe en trois mouvements, en trois sections ; deux plus courtes aux extrémités et une beaucoup plus étendue au centre. Après le Prologue, où Qohélet déclare que tout est buée et qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, la première section comprend deux séquences : la première compte quatre passages où Qohélet-Salomon rappelle comment il a exercé sa sagesse durant son règne et se demande si son successeur sera sage. La section s’achève sur une courte séquence qui égrène les temps opposés de la vie, enfantement et mort... Avant l’Épilogue, une troisième section fait pendant à la première. C’est d’abord une longue séquence de quatre passages qui invite le roi à exercer la sagesse. Après quoi, une deuxième séquence invite le jeune homme à se souvenir de son Créateur avant que ne viennent les jours de la vieillesse et de la mort. C’est pourquoi la première section a été intitulée « Le roi acquéreur » et la dernière « Le Dieu créateur ». La section centrale (3,9–9,10) est notablement plus développée. Elle s’organise en trois sous-sections. Dans la première, « le sage répond aux questions des fils d’Adam », dans la dernière, « le sage conduit à la vie les fils d’Adam ». Quant à la sous-section centrale, plus longue que les deux autres, elle a été intitulée « La sagesse, héritage des fils de Dieu ». Il se trouve que deux thèmes apparaissent aux points stratégiques de l’architecture du livre. Celui qui sans doute frappe le plus le lecteur est celui de la mort. Il marque les dernières séquences des sections extrêmes, celle où est entonnée la litanie « un temps pour enfanter et un temps pour mourir... », et celle qui s’achève par la litanie des malheurs de la vieillesse et de la mort. Ce même thème se retrouve aux centres des trois sous-sections de la section centrale, culminant dans le passage central du livre : « Plus bon le jour de la mort que le jour de l’enfantement » (7,1-14). En contre point, un deuxième thème anime lui aussi tout le livre, en des lieux stratégiques complémentaires de ceux du thème de la mort. Ce deuxième thème est celui de l’invitation à se réjouir dans les biens de la vie que sont le manger et le boire, ainsi que la satisfaction du travail. Il apparait à l’articulation des deux 1

P. BEAUCHAMP, L’Un et l’Autre Testament, I, 130.

328

Qohélet

séquences des sections extrêmes, ainsi qu’aux extrémités de la section centrale, et aux extrémités de la sous-section centrale. La régularité de ces deux réseaux est on ne peut plus étonnante. Ainsi, ces deux leitmotivs parcourent et sous-tendent tout le livre, celui de la « buée » et celui de la « joie », selon une contradiction majeure, une tension extrême. La buée n’est autre, en définitive, que celle de la mort, la joie en revanche est celle de la vie. Il n’est pas possible de les concilier. Toute la question est celle de leur articulation. Comment tenir les deux bouts de la chaine ? Le fait est que le refrain de la buée est très fréquent dans tout le premier versant du livre, mais que, une fois le centre dépassé (7,1-14), il disparait presque pour ne resurgir qu’au dernier moment. Inversement, les sept occurrences du refrain de la joie, dans le boire et le manger, et dans le travail accompli, ponctuent régulièrement toute la surface du livre, et manifestent même un crescendo certain. En effet, c’est seulement à la fin de la longue section centrale que Qohélet invite personnellement son lecteur à se réjouir avec la femme qu’il aime (9,7-10) ; et c’est là qu’il insiste sur le fait que c’est « en tout temps » que l’homme est appelé à se réjouir, « tous les jours de sa buée ». Quant à la dernière occurrence, elle arrive tout à la fin du livre, quand le jeune homme est appelé à se réjouir dans toutes les années de sa vie, sans pour autant oublier « les jours de ténèbre » et que « tout ce qui vient est buée » (11,8). Ce double itinéraire contraire de la buée et de la joie manifeste comment la vie l’emporte finalement sur la mort. Pas plus que quiconque, Qohélet ne sait rien de ce qui adviendra après lui, de ce qui arrive à l’homme après sa mort. Mais il est une chose qu’il sait et c’est sur cela qu’il achève sa réflexion : « le souffle retourne à Dieu qui l’a donné » (12,7). Certes, cela ne dissipe pas la buée car il ajoute aussitôt : « Buée de buées, dit Qohélet, tout est buée ! » On a coutume de dire que, à cette époque, il n’existait pas en Israël la moindre croyance en ce qu’on a ensuite appelé « la vie éternelle », encore moins en « l’immortalité de l’âme ». Toutefois, penser que l’affirmation « le souffle de l’homme retourne à Dieu qui l’a donné » ne serait qu’une manière de parler, qu’elle ne voudrait pratiquement rien dire, serait accorder bien peu de crédit à Qohélet, à ses dernières paroles qui sonnent comme un testament. La maison d’éternité de l’homme n’est pas son tombeau. La « buée » ne saurait dissimuler un personnage, elle le révèle au contraire. La figure d’Abel, dont le nom signifie « buée » domine tout le livre ; même si la buée s’efface une fois le sommet atteint, elle ne disparait pas. Le récit de la Genèse ne rapporte pas la moindre parole qu’Abel ait prononcé durant sa vie, et pas davantage le plus petit mot qui lui aurait été adressé. Après sa mort, il n’est pas dit que son souffle retourna à Dieu qui le lui avait donné. Il est dit que son sang crie vers Dieu du sol où il a été versé. Il n’est interdit de penser que Qohélet lui prête sa voix, pour faire entendre son cri à nos oreilles.

Conclusion

329

Les Pères de l’Église ont vu en Jésus l’antitype d’Abel. Le Speculum humanae salvationis met en parallèle les deux personnages, après leur mort2 :

Alors que le corps d’Abel est soutenu par ses parents, Adam et Ève, le corps de Jésus est accueilli par Marie sa mère et par Jean son disciple. Jésus ne part pas sans descendance. Abel non plus, grâce à Qohélet.

2

Heilsspiegel. Die Bilder des mittelalterlichen Erbauungsbuches «Speculum humanae salvationis», 55.

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332

Qohélet

ELLUL, J., Reason for Being. A Meditation on Ecclesiastes, Grand Rapids (MI) 1990 (original français, La Raison d’être. Méditation sur l’Ecclésiaste, Empreintes, Paris 1987). GORDIS, R., “The Heptad as an Element of Biblical and Rabbinic Style », JBL 62 (1943) 17-26. Heilsspiegel. Die Bilder des mittelalterlichen Erbauungsbuches «Speculum humanae salvationis», mit Nachwort und Erläuterungen von Horst APPUHN, Die bibliophilen Taschenbücher 267, Dortmund 1981. HOSSFELD, F.-L. – ZENGER, E., Psalmen 101–150, Die Neue Echter Bibel. Altes Testament, Freiburg im Breisgau – Basel – Wien 2008 ; trad. anglaise, Psalms 3: a Commentary on Psalms 101-150, Hermeneia, Minneapolis (MN) 2011. JÉRÔME, saint, Commentarius in Ecclesiasten, PL 23, 1010-1116 ; CCL 72, Turnhout 1959, 247-361. JOÜON, P., Grammaire de l’hébreu Biblique, Rome 1923.1965. KRÜGER, Th., Kohelet (Prediger), BKAT 19, Neukirchen-Vluyn 2000: trad. anglaise, Qohelet. A Commentary, Hermeneia, Minneapolis (MN) 2004. LAVOIE, J.J., « Hābel habālīm hakol hābel Histoire de l’interprétation d’une formule célèbre et enjeux culturels », ScE 58 (2006) 219-249. LOHFINK, N., Kohelet, Die Neue Echter Bibel, Würzburg 1980) ; trad. italienne, Qohelet, L’Antico Testamento commentato, Brescia 1997 ; trad. anglaise, Qoheleth. A Continental Commentary. Minneapolis (MN) 2003. LONGMAN III, T., The Book of Ecclesiastes, NICOT, Grand Rapids (MI) 1998. LUND, N.W., Chiasmus in the New Testament. A Study in Formgeschichte, Chapel Hill 1942 ; reprint, Chiasmus in the New Testament. A Study in the Form and Function of Chiastic Structures, Peabody (MA) 1992. MAZZINGHI, L., Ho cercato e ho esplorato. Studi su Qohelet, Collana biblica, Bologna 20092. MEYNET, R., « Les dix commandements, loi de liberté ; analyse rhétorique d’Ex 20,2-17 et de Dt 5,6-21 », MUSJ 50 (1984) 405-421 (+ 7 planches hors texte). ——, L’Analyse rhétorique. Une nouvelle méthode pour comprendre la Bible. Textes fondateurs et exposé systématique, Initiations, Paris 1989. ——, « Phénomènes de clôture dans les textes bibliques », Annales de l’Institut de Lettres Orientales (In Memoriam Professeur Louis Pouzet) 9, 20022010, 157-177. ——, Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Paris 2007 ; deuxième édition revue et corrigée, RhSem 11, Pendé 2013 ; troisième édition revue et amplifiée, RBSem 28, Leuven 2021.

Bibliographie

333

MEYNET, R., L’évangile de Marc, RhSem 16, Pendé 2014. ——, Le fait synoptique reconsidéré, ReBibSem 7, Roma 2015. ——, Les psaumes des montées, RBSem 9, Leuven 2017. ——, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), RBSem 12, Leuven 2017. ——, Le Cantique des cantiques, RBSem 25, Leuven 2020. ——, «„Почетокот на мудроста е стравот Господов и познавањето на Светиот е поука“. Триптихот од Изреки 9,1-18 », in G. GJORGJEVSKI – al., ed., International Conference — St. Sophia : “Wisdom has built her House” (Pr 9,1) Ohrid – Struga, 11-13 October 2019, Saints Cyril And Methodius University of Skopje – Faculty of Orthodox Theology „St. Clement Of Ohrid“, Skopje, Skopje 2020, 17-30 (« Le triptyque de Pr 9,118 »; « Il trittico di Pr 9,1-18 », www.academia.edu). MILLER, J.-A., « Introduction à la lecture du séminaire L’angoisse de Jacques Lacan », La Cause freudienne 59 (2005) 65-103. MORLA, A., Eclesiastés : el colapso del sentido, Estudios bíblicos 64, Estella (Navarra) 2018. NEHER, A., Notes sur Qohélet (L’Ecclésiaste), Paris 1951. NISHIMURA, T., « Un mashal de Qohelet 1,2-11 », RHPR, 59 (1979) 605-615. OGDEN, G., Qohelet, Readings: A New Biblical Commentary, Sheffield 1987. 20072. OSBORN, S.D., « A Guide for Balanced Living. An Exegetical Study of Ecclesiastes 7:1-14 », BiTr 21 (1970) 185-196. PODECHARD, L’Ecclésiaste, EtBib, Paris 1912. RAVASI, G., Qohelet, Parola di Dio, Torino 1988 ; Qohelet : il Libro più originale e «scandaloso» dell’Antico Testamento, Parola di Dio. Seconda serie 63, Cinisello Balsamo (MI) 2012. ROUSSEAU, F., « Structure de Qo I 4-11 et plan du livre », VT 31 (1981) 200217. SCHOORS, A., Ecclesiastes, Historical Commentary on the Old Testament, Leuven 2013. SEOW, C.L., Ecclesiastes. A New Translation with Introduction and Commentary, AB 18C, New York 1997. Traduction œcuménique de la Bible, Paris 1972.1977. VÍLCHEZ LÍNDEZ, J., Eclesiastés o Qohélet, Nueva Biblia Española – Sapienciales 3; Estella (Navarra) 1994; trad. italienne, Qoèlet. Commenti biblici, Roma 1997. WÉNIN, A., D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain : lecture de « Genèse » 1,1-12,4, LiBi 148, Paris 2007.

334

Qohélet

WRIGHT, A.G., « The Riddle of the Sphinx: the Structure of the Book of Qoheleth », CBQ 30 (1968) 38-51.

INDEX DES AUTEURS CITÉS

Antic : 25 Auffret : 28 Auwers : 309 Baraniak : 28 Barucq : 7 Beauchamp : 8, 10, 32, 100, 325, 327 Bonora : 7 Bovati : 24, 124 Buzy : 7 Crenshaw : 9, 10, 56, 73, 75, 165, 309 D’Alario : 8, 28, 75, 116 Dhorme : 175, 252 Di Fonzo : 7, 10, 23, 28, 45, 61, 289, 309 Ellul : 8, 25 Gordis : 160 Hossfeld : 310 Jérôme : 221, 323 Joüon : 13, 119, 151, 209 Krüger : 10 Lavoie : 323 Lohfink : 10, 283, 293

Longman : 10 Mazzinghi : 7, 10, 23, 28, 73, 75, 284, 288, 293, 309 Meynet : 7, 9, 17, 24, 31, 80, 124, 177, 210, 247, 310, 323 Miller : 44 Morla : 92 Neher : 25, 323, 324 Nishimura : 28 Ogden : 10, 182, 288 Osborn : 160 Osty : 8, 9, 25, 175, 252 Podechard : 7 Ravasi : 7, 28, 88, 92, 293 Rousseau : 23 Schoors : 8, 9, 10, 14, 55, 61, 73, 75, 88, 160, 169, 182, 256, 261, 267, 289, 292, 293, 309 Seow : 10, 23, 28, 45, 56, 73 Vílchez Líndez : 7, 10, 14, 23, 27, 28, 45, 56, 73, 88, 92, 283, 284 Wénin : 36, 102, 109, 333 Wright : 8 Zenger : 310

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

Gn 1–3 : 32, 291 Gn 1,3-5 : 291 Gn 1,3 : 32 Gn 1,4 : 165 Gn 1,5 : 76 Gn 1,10.12.18.21.25 : 165 Gn 1,14-18 : 291 Gn 1,26-27 : 99 Gn 1,31 : 165 Gn 2–3 : 31 Gn 2,7 : 99, 291 Gn 2,18-20 : 102 Gn 2,18 : 116 Gn 2,19 : 99 Gn 3 : 181 Gn 3,4-5 : 102 Gn 3,4 : 44 Gn 3,17-19 : 25 Gn 3,17 : 33 Gn 3,19 : 33, 291 Gn 4 : 10, 25 Gn 4,8 : 323 Gn 4,10 : 10 Gn 4,18 : 73 Gn 41,39-43 : 116 Gn 6,5 : 109 Gn 6,11-12 : 109

Dt 32,1 : 305 Jg 14,12-20 : 181 Jg 16,20 : 169 1R 1 : 60 1R 5,10 : 49 1R 5,15–6,38 : 50 1R 5,18 : 251 1R 5,9-14 : 43 1R 7,1-12 : 50 1R 7,13-51 : 50 1R 10,4-7 : 49 1R 10,23-24 : 43 1R 11,1-13 : 181 1R 11,3 : 45, 49 1R 11,28 : 60 1R 16,31-34 : 181 1R 21 : 181 2R 3,19 : 75 2R 3,25 : 75 2R 18,19 : 217 1S 8,20 : 112 1S 18,6 : 116 1S 18,16 : 112 1S 18,23 : 116

Lv 22,21-22 : 124 Nb 27,17 : 112 Dt 6,4 : 129 Dt 8,2 : 103 Dt 10,9 : 53 Dt 14,27 : 53 Dt 23,20-21 : 125 Dt 23,22-24 : 125

2S 12,24-25 : 80 2S 20,1 : 53 Ne 8,10.12 : 272 Est 9,22 : 272 Jb 1 : 149 Jb 1,21 : 150, 199

338

Qohélet

Jb 3,2-16 : 150

Pr 9,1-18 : 177

Ps 28,3 : 45 Ps 39,12 : 25, 324 Ps 62,10 : 25 Ps 94,11 : 25 Ps 109,23 : 185 Ps 113,1 : 211 Ps 119,96 : 309 Ps 119,176 : 309 Ps 127 : 80 Ps 131 : 201 Ps 144,4 : 25

Is 36,4 : 217 Ez 15,7 : 169 Dn 4,3-6 : 176 Am 1,1-2 : 24 Am 3,1–6,14 : 124 Mc 8,36 : 31

TABLE DES MATIÈRES Introduction ................................................................................................. Sigles et abréviations ................................................................................... Lexique des termes techniques ....................................................................

PERSPECTIVE CAVALIÈRE DE L’ENSEMBLE DU QOHÉLET

7 13 15

19

LE PROLOGUE 1,1-11 ............................................

21

LE ROI ACQUÉREUR La première section : 1,12–3,8 ..............................

37

1. Ma sagesse de roi aura-t-elle un avenir ? La séquence A1 : 1,12–2,26 .....................................................................

39

A. Voilà ce que j’ai fait avec sagesse comme roi La première sous-séquence : 1,12–2,11 ................................................. 1. J’ai étudié par la sagesse tout ce que font les hommes (1,12-18) .... 2. J’ai pratiqué par la sagesse tout ce que j’ai fait moi-même (2,1-11) 3. Voilà ce que j’ai fait avec sagesse comme roi (1,12–2,11) .............

39 39 45 51

B. Mais que fera le successeur du roi ? La deuxième sous-séquence : 2,12-26 ................................................. 1. Pas de souvenir pour le sage dans les jours à venir (2,12-19) .......... 2. Que reste-t-il pour le sage de tous ses jours de peine ? (2,20-26) .... 3. Mais que fera le successeur du roi ? (2,12-26) ................................

55 55 61 66

C. Ma sagesse de roi aura-t-elle un avenir ? L’ensemble de la séquence A1 : 1,12–2,26 ............................................

68

2. Un temps pour engendrer et un temps pour mourir La séquence A2 : 3,1-9 ...........................................................................

73

3. Le roi acquéreur L’ensemble de la première section : 1,12–3,9 ........................................

78

340

Qohélet FILS D’ADAM, FILS DE DIEU La deuxième section : 3,9–9,10 ............................

83

I. Le sage répond aux questions des fils d’Adam La première sous-section : 3,10–5,9 .........................................................

85

A. L’homme est-il fait pour l’éternité ? La séquence B1 : 3,10-22 ....................................................................... 1. Ce que Dieu donne à l’homme est-il pour toujours ? (3,10-17) ......... 2. Comme l’animal l’homme est-il sans futur ? (3,18-22) ..................... 3. L’homme est-il fait pour l’éternité ? (3,10-22) ..................................

87 87 95 101

B. Qui ne vit pas encore ne voit pas le mal commis sous le soleil La séquence B2 : 4,1-6 ...........................................................................

105

C. L’homme seul serait sans avenir La séquence B3 : 4,7–5,9 ....................................................................... 1. Sans compagnon l’homme ne serait que buée (4,7-16) ...................... 2. Ce que l’homme refuserait à Dieu ne serait que buée (4,17–5,9) ...... 3. L’homme seul serait sans avenir (4,7–5,9) ........................................

111 111 119 128

D. Le sage répond aux questions des fils d’Adam L’ensemble de la première sous-section : 3,10–5,9 ................................

131

II. La sagesse héritage des fils de Dieu La deuxième sous-section : 5,10–8,15 .....................................................

137

A. Les énigmes de la vie La séquence B4 : 5,10–6,12 ................................................................... 1. « Quel avantage pour l’homme d’avoir peiné en vain ? » (5,10-19) .... 2. « N’est-ce pas vers un lieu unique que tous s’en vont ? » (6,1-6) ...... 3. « Qui annoncera à l’homme ce qui sera après lui ? » (6,7-12) ........... 4. Les énigmes de la vie (5,10–6,12) ......................................................

139 139 147 151 155

B. En tout il faut considérer la fin La séquence B5 : 7,1-14 .........................................................................

159

C. Les réponses du sage La séquence B6 : 7,15–8,15 ................................................................... 1. Le sage pratique la modération (7,15-25) .......................................... 2. Le sage accepte ses limites (7,26–8,8) ............................................... 3. Le sage s’en remet à Dieu pour le jugement (8,9-15) ........................ 4. Les réponses du sage (7,15–8,15) ......................................................

169 169 175 185 190

D. La sagesse héritage des fils de Dieu L’ensemble de la deuxième sous-section : 5,10–8,15 ............................

195

Table des matières

341

III. Le sage conduit à la vie les fils d’Adam La troisième sous-section : 8,16–9,10 .....................................................

203

A. La recherche de la sagesse La séquence B7 : 8,16–9,2 ..................................................................... 1. L’homme ne peut trouver la sagesse (8,16-17) .................................. 2. Les œuvres des sages sont dans la main de Dieu (9,1-2) ................... 3. La recherche de la sagesse (8,16–9,2) ...............................................

205 205 209 213

B. Les maux des fils d’Adam La séquence B8 : 9,3 ..............................................................................

215

C. La recherche de la vie La séquence B9 : 9,4-10 ......................................................................... 1. L’homme n’est certain que de sa mort (9,4-6) ................................... 2. Les œuvres des vivants sont agréées par Dieu (9,7-10) ..................... 3. La recherche de la vie (9,4-10) ..........................................................

217 217 221 225

D. Le sage conduit à la vie les fils d’Adam L’ensemble de la troisième sous-section : 8,15–9,10 .............................

227

IV. Fils d’Adam, fils de Dieu L’ensemble de la section B : 3,9–9,10 .....................................................

231

LE DIEU CRÉATEUR La troisième section : 9,11–12,8 ..........................

249

I. C’est Dieu qui fait tout La séquence C1 : 9,11–11,6 ..................................................................... A. Temps et contretemps arrivent à tous La première sous-séquence : 9,11-12 ....................................................

251 251

B. Le roi est invité à la sagesse La deuxième sous-séquence : 9,13–11,6 ................................................ 1. « Mieux vaut la sagesse que la force » (9,13–10,4) ........................... 2. « Il y a profit à exercer la sagesse » (10,5-15) .................................... 3. C’est sagesse que de risquer (10,16–11,6) ......................................... 4. Le roi est invité à la sagesse (9,13–11,6) ...........................................

255 255 261 267 274

C. C’est Dieu qui fait tout L’ensemble de la séquence C1 : 9,11–11,6 ............................................

278

II. « Souviens-toi de ton Créateur » La séquence C2 : 11,7–12,8 .....................................................................

283

III. Le Dieu créateur L’ensemble de la section : 9,11–13,8 ......................................................

297

342

Qohélet ÉPILOGUE 12,9-12 ..............................................

303

QOHÉLET L’ensemble du livre ...................................

311

Conclusion .................................................................................................. Bibliographie ............................................................................................... Index des auteurs cités ................................................................................ Index des références bibliques ....................................................................

327 331 335 337

RHÉTORIQUE BIBLIQUE Collection dirigée par Roland Meynet et Pietro Bovati 1.

ROLAND MEYNET, L’Évangile selon saint Luc. Analyse rhétorique, Éd. du Cerf, Paris 1988.

2.

PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Le Livre du prophète Amos, Éd. du Cerf, Paris 1994.

3.

ROLAND MEYNET, Jésus passe. Testament, jugement, exécution et résurrection du Seigneur Jésus dans les évangiles synoptiques, PUG Editrice – Éd. du Cerf, Rome – Paris 1999.

RHÉTORIQUE SÉMITIQUE Collection dirigée par Roland Meynet avec Jacek Oniszczuk 1.

ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Lethielleux, Paris 2005.

2.

TOMASZ KOT, La Lettre de Jacques. La foi, chemin de la vie, Lethielleux, Paris 2006.

3.

MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, Lethielleux, Paris 2007.

4.

ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Lethielleux, Paris 2007.

5.

ROLAND MEYNET, Appelés à la liberté, Lethielleux, Paris 2008.

6.

ROLAND MEYNET, Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, Lethielleux, Paris 2009.

7.

ALBERT VANHOYE, L’Épitre aux Hébreux. «Un prêtre différent», Gabalda, Pendé 2010.

8.

ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Gabalda, Pendé 20113.

9.

MICHEL CUYPERS, La Composition du Coran, Gabalda, Pendé 2012.

10. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates, Gabalda, Pendé 2012. 11. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Gabalda, Pendé 20132. 12. ROLAND MEYNET – J. ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique, Gabalda, Pendé 2013. 13. JACEK ONISZCZUK, La première lettre de Jean, Gabalda, Pendé 2013. 14. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, Gabalda, Pendé 2013. 15. MICHEL CUYPERS, Apocalypse coranique. Lecture des trente-trois sourates du Coran, Gabalda, Pendé 2014. 16. ROLAND MEYNET, L’Évangile de Marc, Gabalda, Pendé 2014.

RETORICA BIBLICA collana diretta da Roland Meynet, Pietro Bovati e Jacek Oniszczuk EDIZIONI DEHONIANE ROMA 1.

ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, ED, Roma 1994.

2.

PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos, ED, Roma 1995.

3.

ROLAND MEYNET, «E ora, scrivete per voi questo cantico». Introduzione pratica all’analisi retorica. 1. Detti e proverbi, ED, Roma 1996. EDIZIONI DEHONIANE BOLOGNA

4.

ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai vangeli sinottici, EDB, Bologna 2001.

5.

ROLAND MEYNET, La Pasqua del Signore. Testamento, processo, esecuzione e risurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, EDB, Bologna 2002.

6.

TOMASZ KOT, La fede, via della vita. Composizione e interpretazione della Lettera di Giacomo, EDB, Bologna 2003.

7.

ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, seconda edizione, EDB, Bologna 2003.

8.

GIORGIO PAXIMADI, E io dimorerò in mezzo a loro. Composizione e interpretazione di Es 25–31, EDB, Bologna 2004.

9.

ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai Vangeli Sinottici, seconda edizione rivista e ampliata, EDB, Bologna 2006.

10. ROLAND MEYNET, Trattato di retorica biblica, EDB, Bologna 2008. 11. JACEK ONISZCZUK, La Prima Lettera di Giovanni, EDB, Bologna 2008. 12. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, EDB, Bologna 2009. 13. ROLAND MEYNET, Chiamati alla libertà, EDB, Bologna 2010. 14. ALBERT VANHOYE, L’epistola agli Ebrei. «Un sacerdote differente», EDB, Bologna 2010. 15. JACEK ONISZCZUK, La passione del Signore secondo Giovanni (Gv 18–19), EDB, Bologna 2011. 16. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 2. Atti del secondo convegno RBS, EDB, Bologna 2011. 17. ROLAND MEYNET, La lettera ai Galati, EDB, Bologna 2012. 18. GERMANO LORI, Il Discorso della Montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), EDB, Bologna 2013.

RETORICA BIBLICA E SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet et Jacek Oniszczuk 1.

JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), G&B Press, Roma 2013.

2.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Esercizi di analisi retorica, G&B Press, Roma 2013.

3.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2013.

4.

ROLAND MEYNET, Luke: the Gospel of the Children of Israel, G&B Press, Roma 2015.

5.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2015.

6.

ROLAND MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, G&B Press, Roma 2015.

7.

ROLAND MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, G&B Press, Roma 2015.

8.

ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, G&B Press, Roma 2016.

RHETORICA BIBLICA ET SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet, Jacek Oniszczuk, puis Francesco Graziano 9.

ROLAND MEYNET, Les psaumes des montées, Peeters, Leuven 2017.

10. MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, deuxième édition, Peeters, Leuven 2017. 11. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2017. 12. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), Peeters, Leuven 2017. 13. JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), 2° edizione, Peeters, Leuven 2018. 14. ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, Peeters, Leuven 2018. 15. JACEK ONISZCZUK (†), «Se il chicco di grano caduto in terra non muore...» (Gv 11– 12), Peeters, Leuven 2018. 16. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Premier livre (Ps 1–41), Peeters, Leuven 2018. 17. MASSIMO GRILLI – † JACEK ONISZCZUK – ANDRÉ WÉNIN, ed., Filiation, entre Bible et cultures. Hommage à Roland Meynet, Peeters, Leuven 2019. 18. FRANCESCO GRAZIANO – ROLAND MEYNET, ed., Studi del sesto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2019. 19. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Troisième livre (Ps 73–89), Peeters, Leuven 2019. 20. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72), Peeters, Leuven 2019.

21. PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos. Seconda edizione rivista, Peeters, Leuven 2019. 22. FRANCESCO GRAZIANO, La composizione letteraria del Vangelo di Matteo, Peeters, Leuven 2020. 23. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Quatrième livre (Ps 90–106), Peeters, Leuven 2020. 24. ROLAND MEYNET, Le Psautier. L’ensemble du Livre des Louanges, Peeters, Leuven 2020. 25. ROLAND MEYNET, Le Cantique des cantiques, Peeters, Leuven 2020. 26. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates. Deuxième édition revue, Peeters, Leuven 2021. 27. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques. Troisième édition revue, Peeters, Leuven 2021. 28. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique. Troisième édition revue et amplifiée, Peeters, Leuven 2021. 29. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique biblique. Deuxième édition revue, Peeters, Leuven 2021. 30. FRANCESCO GRAZIANO – ROLAND MEYNET – BERNARD WITEK, ed., Studi del settimo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2021. 31. ROLAND MEYNET, Qohélet, Peeters, Leuven 2021.