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French Pages 318 [317] Year 2014
GENIE ATOMIQUE
Physique, fonctionnement et suˆrete´ des REP Le re´acteur en production
Hubert Grard
17, avenue du Hoggar Parc d’activitie´s de Courtaboeuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France
Illustration de converture : Me´diathe`que Alstom
Imprime´ en France ISBN: 978-2-7598-0839-7 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous proce´de´s, re´serve´s pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des aline´as 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement re´serve´es a` l’usage prive´ dy copiste et non destine´es a` une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemples et d’illustration, « toute repre´sentation inte´grale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (aline´a 1er de l’article 40). Cette repre´sentation ou reproduction, par quelque proce´de´ que ce soit, constituerait donc une contrefac¸on sanctionne´e par les articles 425 et suivants du code pe´nal.
Ó EDP Sciences 2014
Introduction à la collection « Génie Atomique » Au sein du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) est un établissement d’enseignement supérieur sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Industrie. La mission de l’INSTN est de contribuer à la diffusion des savoir-faire du CEA au travers d’enseignements spécialisés et de formations continues, tant à l’échelon national, qu’aux plans européen et international. Cette mission reste centrée sur le nucléaire, avec notamment l’organisation d’une formation d’ingénieur en « Génie Atomique ». Fort de l’intérêt que porte le CEA au développement de ses collaborations avec les universités et les écoles d’ingénieurs, l’INSTN a développé des liens avec des établissements d’enseignement supérieur aboutissant à l’organisation, en co-habilitation, de plus d’une vingtaine de Masters. À ces formations s’ajoutent les enseignements des disciplines de santé : les spécialisations en médecine nucléaire et en radiopharmacie ainsi qu’une formation destinée aux physiciens d’hôpitaux. La formation continue constitue un autre volet important des activités de l’INSTN, lequel s’appuie aussi sur les compétences développées au sein du CEA et chez ses partenaires industriels. Dispensé dès 1954 au CEA Saclay où ont été bâties les premières piles expérimentales, la formation en « Génie Atomique » (GA) l’est également depuis 1976 à Cadarache où a été développée la filière des réacteurs à neutrons rapides. Depuis 1958 le GA est enseigné à l’École des applications militaires de l’énergie atomique (EAMEA) sous la responsabilité de l’INSTN. Depuis sa création, l’INSTN a diplômé plus de 4800 ingénieurs que l’on retrouve aujourd’hui dans les grands groupes ou organismes du secteur nucléaire français : CEA, EDF, AREVA, Marine nationale. De très nombreux étudiants étrangers provenant de différents pays ont également suivi cette formation. Cette spécialisation s’adresse à deux catégories d’étudiants : civils et militaires. Les étudiants civils occuperont des postes d’ingénieurs d’études ou d’exploitation dans les réacteurs nucléaires, électrogènes ou de recherches, ainsi que dans les installations du cycle du combustible. Ils pourront évoluer vers des postes d’experts dans l’analyse du risque nucléaire et de l’évaluation de son impact environnemental. La formation de certains officiers des sous-marins et porte-avions nucléaires français est dispensée par l’EAMEA. Le corps enseignant est formé par des chercheurs du CEA, des experts de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), des ingénieurs de l’industrie (EDF, AREVA...). Les principales matières sont : la physique nucléaire et la neutronique, la thermohydraulique, les matériaux nucléaires, la mécanique, la protection radiologique, l’instrumentation nucléaire, le fonctionnement et la sûreté des réacteurs à eau sous pression (REP), les filières et le cycle du combustible nucléaire. Ces enseignements dispensés sur une durée de six mois sont suivis d’un projet de fin d’étude, véritable prolongement de
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
la formation réalisé à partir d’un cas industriel concret, se déroulent dans les centres de recherches du CEA, des groupes industriels (EDF, AREVA) ou à l’étranger (États-Unis, Canada, Royaume Uni...). La spécificité de cette formation repose sur la large place consacrée aux enseignements pratiques réalisés sur les installations du CEA (réacteur ISIS, simulateurs de REP : SIREP et SOFIA, laboratoires de radiochimie, etc.). Aujourd’hui, en pleine maturité de l’industrie nucléaire, le diplôme d’ingénieur en « Génie Atomique » reste sans équivalent dans le système éducatif français et affirme sa vocation : former des ingénieurs qui auront une vision globale et approfondie des sciences et techniques mises en œuvre dans chaque phase de la vie des installations nucléaires, depuis leur conception et leur construction jusqu’à leur exploitation puis leur démantèlement. L’INSTN s’est engagé à publier l’ensemble des supports de cours dans une collection d’ouvrages destinés à devenir des outils de travail pour les étudiants en formation et à faire connaître le contenu de cet enseignement dans les établissements d’enseignement supérieur, français et européens. Édités par EDP Sciences, acteur particulièrement actif et compétent dans la diffusion du savoir scientifique, ces ouvrages sont également destinés à dépasser le cadre de l’enseignement pour constituer des outils indispensables aux ingénieurs et techniciens du secteur industriel. Joseph Safieh Responsable général du cours de Génie Atomique
Avant-propos
L’ouvrage s’adresse au lecteur ayant déjà des connaissances en neutronique, sur l’architecture, les systèmes et principales régulations des réacteurs à eau-pressurisée. Les ouvrages de la même collection, « La chaudière des réacteurs à eau pressurisée » coordonné par J.-P. Py et le « Précis de neutronique » de Paul Reuss sont recommandés à ce titre. Le lecteur pourra également étudier avec grand profit « Exploitation des cœurs de REP » de N. Kerkar et P. Paulin pour approfondir certains thèmes tels que le système de protection, les gestions du combustibles, les essais périodiques cœur. « Physique, fonctionnement et sureté des REP – le réacteur en production » se situe à la transition entre l’enseignement académique et les métiers. C’est pourquoi il pourra sembler aller trop loin dans son propos ; les nombreuses précisions données dans les annexes ont simplement pour but d’introduire le lecteur à la complexité du système constitué par une tranche nucléaire, et de l’amener à envisager différents aspects : les phénomènes physiques, les actions de conduite, l’I&C, la démonstration de sûreté, la performance thermodynamique. Malgré tout le soin apporté à l’élaboration de l’ouvrage, des inexactitudes peuvent s’y trouver : les lecteurs qui auront l’obligeance de les signaler à l’auteur en sont par avance remerciés. Le logiciel d’enseignement EasyRep développé par l’auteur a permis de réaliser les illustrations relatives à l’approche sous-critique et la divergence, au pilotage en mode A pour un réacteur CP0, à l’étude des empoisonnements xénon et samarium, aux oscillations xénon, au comportement dynamique et aux interactions primaire-secondaire. Les expressions « modèle simplifié de pilotage » et « modèle dynamique » employées dans le texte désignent différentes fonctionnalités du logiciel EasyRep. L’auteur remercie vivement toutes les personnes qui lui ont apporté une aide: JeanLucien Mourlevat (AREVA), Jean-François Petetrot (AREVA), Philippe Paulin (EDF), Xuan Nguyen (EDF), Fabien Joly (EDF), Jacques Rivailler (consultant, anc. EDF), Gwilherm Poullenec (RTE), Jean-François Vidal (CEA), Jean-Luc Bechade (CEA), Paul Reuss (Professeur émérite à l’INSTN).
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Sommaire Avant-propos ........................................................................................
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Chapitre 1. L’histoire du parc de production nucle´aire : une aventure technique, politique et industrielle 1.1. 1.2. 1.3. 1.4.
1.5.
1.6.
1.7. 1.8.
Le CEA, la dissuasion et les origines de la filie`re graphite-gaz ................ Les de´buts d’EDF dans le nucle´aire ................................................... La commission PEON .................................................................... La construction du parc de re´acteurs a` eau pressurise´e : les origines ....... 1.4.1. L’appel d’offre de la SENA ................................................. 1.4.2. Framatome et la licence Westinghouse ................................. 1.4.3. La construction et la mise en service de la SENA.................... 1.4.4. La pe´riode d’incertitude jusqu’a` la commande de Tihange ....... Le tournant des anne´es 1967–1969 ................................................... 1.5.1. L’abandon des UNGG et le choix de la filie`re a` eau le´ge`re ...... 1.5.2. PWR versus BWR ............................................................. Le lancement du programme a` eau le´ge`re .......................................... 1.6.1. Les premie`res commandes : les tranches REP du Bugey et la seconde tranche de Fessenheim .......................................... 1.6.2. Le marche´ des BWR de Saint-Laurent-des-Eaux ...................... 1.6.3. L’acce´le´ration du programme – la mise en place de l’outil industriel franc¸ais ............................................................. 1.6.4. La fermeture de la parenthe`se BWR ..................................... 1.6.5. Une alternative franc¸aise a` la licence Westinghouse ? ............. 1.6.6. La nuit du 4 aouˆt 1975 et ses conse´quences .......................... 1.6.7. Re´sume´ des commandes et constructions de centrales ............. 1.6.8. Les hommes du REP.......................................................... 1.6.9. La suˆrete´ nucle´aire au lancement du programme .................... La francisation .............................................................................. Les paliers et la standardisation ........................................................ 1.8.1. La recherche de l’effet de se´rie ........................................... 1.8.2. Les effets de se´rie et leur impact sur la compe´titivite´ e´conomique .................................................................... 1.8.3. Standardisation et e´volutions ..............................................
1 2 3 3 3 4 4 6 7 7 9 11 11 11 12 13 13 13 14 16 16 16 18 18 18 18
Physique, fonctionnement et suˆrete´ des REP : Le re´acteur en production
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1.9. 1.10. 1.11. 1.12.
Le pilotage des re´acteurs du palier CP0 ............................................. Le passage du mode A au mode G ................................................... Le palier N4 ................................................................................. Le re´acteur de nouvelle ge´ne´ration « EPR » ou « European Pressurizer Reactor » .....................................................................................
19 20 23 23
Chapter 2. E´le´ments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP 2.1.
2.2.
2.3. 2.4.
2.5. 2.6.
E´volution du combustible et re´activite´ ............................................... 2.1.1. E´volution du combustible................................................... 2.1.2. Dilution et re´activite´ ......................................................... 2.1.3. Poisons consommables et re´activite´ ..................................... 2.1.4. E´volution de l’efficacite´ diffe´rentielle du bore soluble au cours d’un cycle complet d’exploitation........................................ 2.1.5. Taux de combustion, JEPP et longueur de cycle ..................... Effets de tempe´rature du mode´rateur ................................................. 2.2.1. Ge´ne´ralite´s sur les effets de tempe´rature du mode´rateur........... 2.2.2. Exercice : la re´partition du CTM en deux effets se´pare´s bore et eau ............................................................................ 2.2.3. Exercise : reconstitution de l’abaque du CTM en fonction de la temperature et parame´tre´ suivant la concentration en bore ....... 2.2.4. Valeur du CTM en de´but de vie .......................................... 2.2.5. CTM en prolongation de cycle ............................................ 2.2.6. Effet de tempe´rature du mode´rateur et suˆrete´ ......................... Effet de tempe´rature du mode´rateur et effet de redistribution.................. Effet Doppler : influence de la temperature du combustible sur la re´activite´ .................................................................................. 2.4.1. Effet d’une augmentation de la temperature du combustible ..... 2.4.2. E´volution du coefficient Doppler en function de la tempe´rature..................................................................... 2.4.3. Notion de tempe´rature effective .......................................... 2.4.4. De´termination du coefficient Doppler-puissance .................... 2.4.5. Importance de l’effet Doppler dans les etudes d’accident ......... Notion de de´faut de puissance ......................................................... Aspects dynamiques de l’empoisonnement xe´non................................ 2.6.1. Proprie´te´s nucle´aires du xe´non-135 ..................................... 2.6.2. Calcul analytique de l’empoisonnement xe´non ...................... 2.6.3. E´tablissement d’un mode`le simplifie´ de pilotage ..................... 2.6.4. Pic xe´non ....................................................................... 2.6.5. E´volution du xe´non lors de transitoires de variation de charge ....................................................................... 2.6.6. Les oscillations axiales xe´non ............................................. 2.6.7. Les oscillations radiales azimutales et radiales........................
25 25 27 29 32 33 33 33 37 39 42 43 46 47 48 48 50 50 51 55 56 58 59 59 62 63 67 68 81
Table des matie`res
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Chapter 3. Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP 3.1.
3.2.
3.3.
3.4. 3.5. 3.6.
3.7. 3.8. 3.9.
E´tude de la dynamique libre d’un re´acteur a` eau pressurise´e ................. 3.1.1. Introduction .................................................................... 3.1.2. Mode´lisation de la dynamique libre : puissance extraite aux GV et puissance thermique primaire .................................... 3.1.3. Mise en e´vidence des difficulte´s pose´es par la dynamique libre............................................................................... 3.1.4. Prise en compte de la partie secondaire de la tranche ............. 3.1.5. Re´ponse en dynamique libre a` une variation de re´activite´ ........................................................................ La ne´cessite´ d’un re´glage de la tempe´rature moyenne primaire .............. 3.2.1. Choix de la tempe´rature de consigne ................................... 3.2.2. Re´glage de la tempe´rature moyenne primaire ........................ Cas particulier du secondaire commande´ en pression ........................... 3.3.1. Controˆle en pression du secondaire et conse´quences pour la tempe´rature moyenne primaire ........................................... 3.3.2. Fonctionnement en attente a` chaud ..................................... 3.3.3. Monte´e en puissance par extraction de grappes...................... 3.3.4. Monte´e en puissance par dilution – correction de la tempe´rature moyenne par action au GCT-c ........................... Synthe`se sur les comportements dynamiques e´tudie´s ............................ Que se passerait-il si la tempe´rature e´tait exclusivement re´gle´e avec un unique groupe de grappes de commande ?......................................... Le pilotage en mode A ................................................................... 3.6.1. Mode`le utilise´ dans cette section et les suivantes .................... 3.6.2. Le pilotage en mode A avant les crite`res ECCS 1973 ............... 3.6.3. La mitigation des effets sur la distribution axiale de puissance pour maintenir l’axial offset constant.................................... 3.6.4. Le pilotage en mode A a` axial offset constant ........................ 3.6.5. Trajectoire dans le diagramme de pilotage en mode A assoupli....................................................................... 3.6.6. Exercice : calcul du de´bit maximal de dilution sur le premier palier bas........................................................................ 3.6.7. Mode A et re´glage de fre´quence.......................................... Introduction au concept de mode de pilotage ..................................... Le mode A : des performances dynamiques limite´es............................. Introduction au pilotage mode G...................................................... 3.9.1. Ge´ne´ralite´s...................................................................... 3.9.2. Principes de conception des GCP ........................................ 3.9.3. Le groupe de re´gulation de tempe´rature................................ 3.9.4. Commande des groupes de compensation de puissance........... 3.9.5. Calibrage des GCP : actualisation pe´riodique de la courbe G3 ...................................................................... 3.9.6. Re´alisation d’un transitoire en mode G ................................. 3.9.7. Les limites des performances du mode G ..............................
84 84 86 88 90 91 93 93 95 97 97 97 99 100 101 101 103 103 103 104 104 107 109 109 109 110 111 111 113 115 116 119 121 122
Physique, fonctionnement et suˆrete´ des REP : Le re´acteur en production
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3.9.8. 3.9.9.
Exigences des STE ............................................................ Controˆles des instabilite´s xe´non dans un re´acteur exploite´ en mode G ..................................................................... 3.10. Effets du re´glage de fre´quence sur le cœur d’un REP ............................ 3.10.1. Inte´reˆt de la question ........................................................ 3.10.2. Re´glage primaire en dynamique libre ................................... 3.10.3. Mouvements de R pour le re´glage de tempe´rature .................. 3.10.4. Que se passe-t-il en stretch, lorsque la tranche fait du re´glage primaire ?............................................................. 3.11. Passage en manuel du groupe de re´gulation de tempe´rature (groupe R).................................................................................... 3.12. Sche´ma d’organisation ge´ne´rale des REP 1 300 MWe...........................
127 128 128 128 129 130 130 130 131
Chapter 4. Distribution de puissance dans les cœurs de REP De´finitions de l’axial offset et du de´se´quilibre axial de puissance. Introduction au diagramme de pilotage des REP 1 300 MWe ................. 4.1.1. De´finitions de l’AO et du DPAX.......................................... 4.1.2. Le diagramme de pilotage des REP 1 300 MWe ..................... 4.2. De´termination du profil axial de la tempe´rature du fluide primaire ......... 4.3. Distribution axiale et radiale de puissance en de´but de vie avec un cœur totalement neuf ..................................................................... 4.3.1. Distribution axiale de puissance avec un cœur totalement neuf, a` une puissance infe´rieure au seuil Doppler .......................... 4.3.2. Distribution axiale de puissance avec un cœur totalement neuf, en de´but de vie a` 100 % de puissance.......................... 4.4. Influence de la puissance totale du re´acteur sur la distribution axiale de puissance..................................................................................... 4.5. E´volution de la distribution axiale tout au long du cycle ....................... 4.6. Sensibilite´ du DPAX a` diffe´rent parame`tres......................................... 4.6.1. Sensibilite´ a` la position du groupe R .................................... 4.6.2. Sensibilite´ a` la tempe´rature moyenne : pilotage chaud/pilotage froid .............................................................................. 4.7. E´volution du flux neutronique dans les extre´mite´s haute et basse du cœur ...................................................................................... 4.8. Influence sur le RFTC de l’avancement dans le cycle ........................... 4.9. E´volution de la forme axiale de puissance assemblage par assemblage .... 4.10. E´volution radiale de la distribution de puissance au long du cycle d’exploitation ............................................................................... 4.11. Principes de la maıˆtrise de l’axial offset dans les transitoires de variation de puissance en mode G ................................................................ 4.11.1. Effet d’un groupe de grappes sur la distribution axiale ............. 4.11.2. Effet de l’insertion des GCP ................................................ 4.11.3. Mise en œuvre d’un controˆle de l’axial offset dans les modes de pilotage avance´s .......................................................... 4.12. Analyse d’un transitoire de variation de puissance ............................... 4.1.
133 133 134 135 137 137 139 140 141 143 143 145 145 147 148 151 154 154 154 156 157
Table des matie`res
4.12.1. Observation des effets axiaux ............................................. 4.12.2. Effet radial et effet axial de l’insertion de G1 et G2 ................. 4.12.3. Corre´lation entre la position de G2 et le DPRAD.................... 4.12.4. Gestion du palier bas par l’ope´rateur ................................... 4.13. E´tude d’une oscillation xe´non en cours de stretch : de´termination d’un coefficient de re´activite´ en pcm/%AO ............................................... 4.14. E´volution des pics radiaux de puissance en fonction de l’avancement dans le cycle ....................................................................................... 4.15. Aspects azimutaux.........................................................................
xi
158 160 162 163 164 166 168
Chapter 5. De´marrage d’un REP apre`s rechargement : a` partir de l’arreˆt a` chaud, monte´e en puissance 5.1.
5.2.
5.3. 5.4.
Aspects neutroniques d’une monte´e en puissance ............................... 5.1.1. Illustration : monte´e en puissance d’un re´acteur du palier CP0 ...................................................................... 5.1.2. Bilan de re´activite´ de la monte´e en puissance d’un REP 1 300 MWe apre`s rechargement ........................................ De´roulement de la monte´e en puissance d’un REP 1 300 ..................... 5.2.1. Pre´paration de la partie conventionnelle .............................. 5.2.2. E´volution de la concentration en bore pendant le rede´marrage du re´acteur ................................................... 5.2.3. E´tat initial : re´acteur en AN/GV et recherche de divergence autorise´e ........................................................ 5.2.4. Approche sous-critique, divergence ..................................... 5.2.5. Essais physiques a` puissance nulle ...................................... 5.2.6. Monte´e a` une puissance thermique coeur de 1 %Pn .............. 5.2.7. Couplage des circuits primaire et secondaire ........................ 5.2.8. Basculement GCT-a/GCT-c ............................................... 5.2.9. Mise en service d’une TPA ................................................ 5.2.10. Basculement ASG/ARE ..................................................... 5.2.11. Passage en mode automatique du niveau d’eau du condenseur .................................................................... 5.2.12. Basculement sur vapeur vive ADG ..................................... 5.2.13. Monte´e a` 8 %Pn, lancement de la turbine et couplage ........... 5.2.14. Monte´e a` 15 %Pn ........................................................... 5.2.15. Monte´e entre 45 % et 50 %Pn sur limiteur et palier de puissance ....................................................................... 5.2.16. Monte´e en puissance entre 75 % et 80 %Pn ......................... 5.2.17. Monte´e jusqu’a` un palier entre 99 et 100 %Pn et mise a` disposition de la tranche au re´seau .................................. Tableaux de synthe`se .................................................................... Comple´ment : l’approche sous-critique .............................................
171 171 176 177 178 178 178 180 181 182 183 183 184 184 185 185 185 188 189 191 192 192 197
Physique, fonctionnement et suˆrete´ des REP : Le re´acteur en production
xii
Chapter 6. Le transitoire d’ıˆlotage 6.1. 6.2. 6.3. 6.4. 6.5. 6.6.
6.7.
6.8. 6.9.
Ge´ne´ralite´s : ˆılotage automatique et ˆılotage manuel ............................. Quelques principes sur l’ıˆlotage ....................................................... De´roulement chronologique d’un ˆılotage manuel ................................ Ce qui doit eˆtre e´vite´ lors de l’ıˆlotage................................................ Re´flexions sur le de´roulement du transitoire et l’atteinte de l’e´tat final de la tranche ................................................................................ Quelques calculs simples pour l’ıˆlotage ............................................. 6.6.1. Gradient de baisse de puissance nucle´aire en fonction de l’insertion des grappes de commande ................................... 6.6.2. Amplitude du pic de tempe´rature en de´but d’ıˆlotage et dure´e d’obtention du pic de tempe´rature ....................................... 6.6.3. Calcul the´orique de l’e´tat final tranche REP 1 300 MWe (P’4) apre`s ˆılotage.................................................................... Un incident inte´ressant a` analyser : l’ıˆlotage sans mouvement de grappes ................................................................................... 6.7.1. L’ıˆlotage sans grappes de Chooz.......................................... 6.7.2. Exercice : de´termination analytique de l’e´tat d’e´quilibre d’un REP 1 300 MW (P’4) a` l’issue d’un ˆılotage sans grappes .......................................................................... E´laboration de la grandeur image de la charge totale : pourquoi la consigne d’ouverture et non pas l’ouverture effective ? ...................................... Conduite de la tranche apre`s les premie`res minutes d’ıˆlotage.................
201 202 203 214 215 216 216 218 220 222 222
223 224 226
Principales sources utilise´es ................................................................. 229 Annexe 1. Les protections du re´acteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucle´aire A1.1. A1.2. A1.3. A1.4. A1.5. A1.6. A1.7.
A1.8. A1.9.
Introduction au syste`me de protection du re´acteur ............................... L’arreˆt automatique du re´acteur........................................................ Protections globales et protections locales .......................................... Les protections spe´cifiques relatives au flux et a` la puissance thermique .................................................................................... Le syste`me de protection et la function de suˆrete´ « surveillance »........... Les protections ge´ne´riques : parame`tres d’entre´e des calculs.................. Calculs pour les protections ge´ne´riques : puissances thermiques et puissances neutroniques, distribution de puissance axiale P(z) ............... A1.7.1. Puissances thermiques ....................................................... A1.7.2. Puissances neutroniques .................................................... A1.7.3. Distribution axiale de puissance .......................................... Calculs des facteurs de pic radiaux ................................................... Calculs de la puissance line´ique maximale a` la cote z et du facteur d’e´le´vation d’enthalpie ................................................................... A1.9.1. Puissance line´ique maximale a` la cote z ...............................
234 235 236 237 238 238 239 239 240 240 242 243 243
Table des matie`res
A1.9.2. De´finitions du Q(z) et du facteur de point chaud FQ ............... A1.9.3. Facteur d’e´le´vation d’enthalpie ........................................... A1.10. Calcul du RFTC ............................................................................ A1.11. Calcul des parame`tres de pilotage DPAX et DPRAD............................. A1.12. Calcul du DPazn........................................................................... A1.13. Les essais pe´riodiques cœur ............................................................ A1.14. Annexe : calcul de la puissance line´ique moyenne et du flux thermique surfacique moyen .......................................................................... A1.14.1. Puissance line´ique moyenne a` puissance nominale ................. A1.14.2. Flux thermique surfacique moyen ........................................ A1.15. A` propos des seuils en puissance line´ique .......................................... A1.16. Les permissifs et verrouillages .......................................................... A1.16.1. Les verrouillages .............................................................. A1.16.2. Les permissifs .................................................................. A1.17. Comple´ment : la prise en compte de l’IPG dans le SPIN et les STE ......... A1.17.1. Phe´nome`nes.................................................................... A1.17.2. Le risque IPG en situation de classe 2 : syste`me de protection et limites du domaine de fonctionnement.............................. A1.17.3. Prise en compte du FPPI par les STE .................................... A1.17.4. La remonte´e en puissance apre`s arreˆt pour rechargement ......... A1.17.5. Autres prescriptions des STE relatives a` l’IPG ......................... A1.18. Comple´ment : l’instrumentation nucle´aire .......................................... A1.18.1. Emplacements des de´tecteurs.............................................. A1.18.2. Chaıˆnes niveau source (CNS) .............................................. A1.18.3. Chaıˆnes niveau interme´diaire (CNI)...................................... A1.18.4. Chaıˆnes niveau puissance (CNP) .........................................
xiii
245 245 245 248 249 250 250 250 250 251 251 251 251 252 252 255 256 256 257 257 257 258 260 260
Annexe 2. Les circuits eau et vapeur d’une tranche P’4 A2.1. Les circuits de vapeur principale VVP et VPU ..................................... A2.1.1. Le syste`me VVP ............................................................... A2.1.2. Le syste`me VPU ............................................................... A2.2. Le syste`me de contournement de la turbine principale.......................... A2.2.1. GCT-c ............................................................................ A2.2.2. GCT-a ............................................................................ A2.3. Le circuit vapeur a` partir de l’admission turbine .................................. A2.3.1. Quelques rappels ............................................................. A2.3.2. La turbine ....................................................................... A2.3.3. Les soutirages .................................................................. A2.3.4. GSS ............................................................................... A2.3.5. Calcul de la puissance me´canique du groupe turbo-alternateur .............................................................. A2.3.6. Le condenseur ................................................................. A2.3.7. Le choix d’une turbine a` mi-vitesse (half speed turbine) ........... A2.4. Le circuit d’eau alimentaire : poste d’eau basse pression .......................
263 263 264 265 265 266 266 266 267 269 270 271 272 272 273
Physique, fonctionnement et suˆrete´ des REP : Le re´acteur en production
xiv
A2.5.
A2.6.
A2.7. A2.8.
A2.9.
A2.4.1. L’extraction d’eau au condenseur ........................................ A2.4.2. Le poste ABP ................................................................... La baˆche ADG.............................................................................. A2.5.1. Les fonctions de la baˆche de´gazante .................................... A2.5.2. Niveau et pression dans la baˆche ........................................ A2.5.3. L’alimentation en vapeur de la baˆche................................... A2.5.4. La fonction de contournement vapeur .................................. Le circuit d’eau alimentaire : les turbopompes alimentaires ................... A2.6.1. Description du syste`me APP et fonctions............................... A2.6.2. La re´gulation de vitesse des TPA ......................................... Le circuit d’eau alimentaire : le poste d’eau haute pression ................... L’alimentation en eau des GV : le syste`me ARE................................... A2.8.1. Fonction et description du syste`me ...................................... A2.8.2. Les vannes re´glantes de niveau ........................................... A2.8.3. Le P eau-vapeur ............................................................ A2.8.4. Principes de la chaıˆne de re´glage du P eau-vapeur ............... Repre´sentation dans un diagramme thermodynamique – les schemas eau et vapeur ...............................................................................
273 274 274 274 274 275 276 276 276 277 277 278 278 278 279 279 280
Annexe 3. Re´gulation du groupe turbo-alternateur A3.1.1. A3.1.2. A3.1.3. A3.1.4. A3.1.5. A3.1.6. A3.1.7. A3.1.8. A3.1.9. A3.1.10. A3.1.11. A3.1.12.
Structure ge´ne´rale............................................................. Module vitesse/fre´quence................................................... Module puissance ............................................................ Commutateur en position automatique ................................. Basculement en asservissement de l’ouverture........................ Fonctionnement en asservissement de l’ouverture ................... Fonctionnement sur limiteur. Limitation de la pression « premie`re roue turbine » P1RT .......................................... Signaux logiques de re´duction de charge .............................. Chaıˆne de commande des soupapes..................................... Limiteur de vitesse et d’acce´le´ration..................................... Aspects « exploitation »..................................................... Points de consigne et re´seau e´lectrique – de´finitions ...............
283 284 284 286 286 287 287 288 288 288 288 289
Annexe 4. Les flux d’e´nergie dans un REP A4.1. Puissance primaire et puissance e´change´e aux GV............................... A4.2. Passage de la puissance me´canique a` la puissance e´lectrique nette......... A4.3. Sensibilite´ de la puissance me´canique aux performances thermodynamiques du cycle eau-vapeur ............................................ A4.4. Diagramme des flux.......................................................................
Index..................................................................................................
291 291 293 295 297
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L’histoire du parc de production nucléaire : une aventure technique, politique et industrielle
1.1. Le CEA, la dissuasion et les origines de la filière graphite-gaz En 1958, le général de Gaulle inaugure à Marcoule, au nord d’Avignon, le centre militaire dépendant de la Direction des productions du CEA, devenue COGEMA en 1976. Ce centre comportait les trois réacteurs plutonigènes1 , dits « de production », G1, G2, G3, ainsi que l’usine de retraitement UP1 (dont la période d’exploitation s’étend de 1958 à 1997), construite pour retraiter le combustible de G1, G2 et G3 et en extraire par des opérations mécano-chimiques complexes le plutonium de qualité militaire2 destiné à la force de dissuasion. En vue de progresser dans la voie de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins électrogènes, EDF et le CEA décident l’adjonction d’une installation de récupération de l’énergie pour produire de l’électricité (5,5 MWe, soit moins que la consommation des auxiliaires, 7 MWe), en quelque sorte un sous-produit du plutonium. L’origine, en France, de la filière graphite-gaz remonte au réacteur G13 , qui a permis la mise au point des réacteurs jumeaux G2 et G34 .
1 Les réacteurs plutonigènes permettent d’obtenir des combustibles ayant un taux de combustion limité. En principe, ce sont soit des réacteurs dotés de machines de chargement-déchargement des combustibles pendant le fonctionnement (par exemple les réacteurs UNGG, ou bien les réacteurs canadiens modérés à l’eau lourde de type Candu qui ont l’avantage d’accroître la production de plutonium), soit des réacteurs rapides au sodium alimentés en plutonium ou uranium enrichi et dotés de couvertures en uranium naturel ou appauvri, où se créé du plutonium de qualité militaire. 2 Le vecteur isotopique du plutonium de qualité militaire a des composantes quasi nulles en isotopes pairs (plutonium-240, plutonium-242). 3 Utilisant l’uranium métal naturel comme combustible et le graphite comme modérateur, ce réacteur était refroidi directement par de l’air à la pression atmosphérique. D’une puissance thermique de 42 MWth, il a fonctionné de 1956 à octobre 1968. G1 a fourni les premiers kWh électriques français d’origine nucléaire. 4 Le refroidissement de G2 et G3 était assuré par du CO , la puissance thermique était de 260 MWth. G2 2 a été mis en service en avril 1959 et G3 en avril 1960 ; les réacteurs ont été exploités jusqu’en 1980 et 1984 respectivement.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
1.2. Les débuts d’EDF dans le nucléaire À partir de 19555 , EDF s’engage dans la voie du nucléaire en établissant un programme français de centrales nucléaires à uranium naturel, prenant la suite des piles G1, G2 et G3. En effet, la France ne dispose pas encore de moyens de production d’uranium enrichi. L’objectif de ce programme est de réaliser une série de prototypes de puissance électrique croissante, permettant d’acquérir l’expérience industrielle de la construction et de l’exploitation des centrales nucléaires de puissance. Plusieurs protocoles6 signés entre le CEA et EDF7 , ainsi que des réunions à haut niveau entre les deux organismes, permettent d’engager leur collaboration. Des ingénieurs d’EDF sont formés aux sciences et techniques nucléaires par le CEA, et constituent la première promotion du génie atomique de 19558 . L’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) est créé au sein du CEA en 1956 pour organiser la formation d’ingénieurs en génie atomique. La première étape pour EDF est celle du réacteur EDF19 de Chinon, destiné cette fois-ci à la production d’électricité, et mis en service en juin 1963. Les projets successifs de la filière uranium naturel-graphite-gaz carbonique ne se caractérisent pas seulement par une augmentation des puissances unitaires, mais aussi par de nombreuses innovations et évolutions techniques, tant sur le combustible que sur l’architecture10 . La construction des derniers réacteurs de la filière uranium naturel graphite-gaz (SaintLaurent 1 et 2, Bugey 1) est décidée entre 1963 et 1966. Différentes filières sont également mises en œuvre dans un souci de diversification : EDF, pour la partie conventionnelle, et le CEA procèdent à la construction d’EL4, la centrale à eau lourde des monts d’Arrée, couplée au réseau en 1967. La même année, le CEA met en service le réacteur rapide expérimental Rapsodie à Cadarache et le réacteur à eau pressurisée construit par EDF en association avec les Belges à Chooz est couplé au réseau. En 1967, rien ne permet encore de pronostiquer la future prédominance de la filière à eau pressurisée.
5 C’est l’année de la conférence technique intergouvernementale sous les auspices de l’ONU, qui s’est tenue en août 1955 au palais des Nations à Genève. Le programme de la conférence était très vaste, puisqu’il comprenait tous les aspects importants des applications de l’énergie atomique à des fins pacifiques. La communication effectuée par le CEA exposait le programme français. 6 Le protocole d’accord de 1954 pour une première expérience de récupération d’énergie, l’assistance demandée au CEA pour la réalisation d’EDF1 en 1956 en sont deux exemples. 7 L’ordonnance de création du CEA précisait que celui-ci devait « réaliser à l’échelle industrielle les dispositifs générateurs d’origine atomique », alors que la loi de nationalisation de l’électricité de 1946 confiait à EDF l’étude, la réalisation et l’exploitation des moyens de production d’électricité. Les textes qui avaient présidé à la constitution des deux organismes étaient porteurs d’ambiguïtés. 8 Neuf ingénieurs de la Direction des études et recherches d’EDF suivent ce cours, et les cinq d’entre eux inscrits en tant qu’étudiants reçoivent le diplôme d’ingénieur en génie atomique. 9 EDF1 (70 MWe net) sera suivi par EDF2 (deux groupes turboalternateurs de 125 MWe) et EDF3 (deux groupes de 250 MWe) à Chinon, puis EDF4 et EDF5 à Saint-Laurent-des-Eaux, et Bugey 1. 10 Par exemple, la totalité du circuit CO d’EDF4 est incorporée dans le caisson, ce qui conduit à une architecture 2 très compacte.
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1.3. La commission PEON En avril 1955, une commission dite PEON (production d’énergie d’origine nucléaire), composée à l’origine de hauts cadres du CEA et d’EDF, est instaurée pour conseiller le gouvernement sur les questions d’énergie nucléaire : c’est une première tentative pour institutionnaliser la coopération entre les deux organismes. Jusqu’à la fin des années soixante, les décisions sont négociées directement entre le CEA et EDF, la commission ne faisant qu’entériner. Son rôle croît lors de la « guerre des filières ». Cette commission consultative jouera par la suite un rôle fondamental dans le déploiement du programme nucléaire civil, en élaborant pendant plus de vingt ans la politique nucléaire française. La commission PEON réunit jusqu’à une trentaine d’experts de haut niveau issus de l’administration et de l’industrie (Thomson, Péchiney, Alsthom, CGE, Babcok & Wilcox, Framatome, Creusot-Loire…), les trois quarts de ses membres étant des polytechniciens des corps des Mines et des Ponts. Onze rapports sont produits par la commission entre 1964 et 1979 ; elle formule également des avis à l’intention du gouvernement sur les projections de coût des nouveaux projets nucléaires.
1.4. La construction du parc de réacteurs à eau pressurisée : les origines 1.4.1. L’appel d’offre de la SENA En 1959, il est techniquement possible d’envisager en France une production, à terme, d’uranium enrichi. D’autre part, Euratom vient d’être constitué et encourage la construction de centrales nucléaires de type américain11 . Le 25 mai 1960, EDF12 constitue, à parts égales avec le producteur d’électricité belge Centre et Sud, la Société d’énergie nucléaire franco-belge dite SENA. La SENA lance un appel d’offre international pour une centrale à uranium enrichi, d’une puissance de l’ordre de 150 MW, la technologie (eau pressurisée ou bouillante) n’étant pas imposée.
11 D’après Georges Lamiral, dès la première année de fonctionnement d’Euratom, les États-Unis conclurent avec la Communauté européenne (six pays en 1957) un accord doté d’avantages exceptionnels destinés à favoriser la pénétration des centrales de type américain, et le gouvernement français subit alors de fortes pressions de la part d’Euratom et du gouvernement belge pour entreprendre une opération dans le cadre de cet accord. 12 À la fin de l’année 1958, le général de Gaulle promulgua un décret permettant à EDF de s’associer avec les compagnies d’électricité belges pour la réalisation en commun de centrales nucléaires dans le cadre de l’accord États-Unis/Euratom. Cela permit la création des centrales de Chooz et de Tihange qui allaient constituer pour la France et la Belgique le démarrage d’importants programmes nucléaires, dans la technologie PWR.
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1.4.2. Framatome et la licence Westinghouse Issue de plusieurs sociétés filiales du groupe Schneider13 , la société franco-américaine de constructions atomiques (Framatome) est créée le 1er décembre 1958, avec pour principal objectif l’exploitation de la licence Westinghouse dans le domaine des réacteurs nucléaires à eau pressurisée. Un accord de licence et d’assistance technique est signé en février 1959. Pour permettre de mener à bien la construction de Fessenheim, il sera renouvelé en 1971. En 1980, désireux de détenir la grande majorité du capital de Framatome, CreusotLoire achète les 15 % détenus par Westinghouse, ramenant ainsi la société américaine à une position de pur licencieur. En 1981, Creusot-Loire annonce à Westinghouse que les pouvoirs publics souhaitent mettre fin, de façon anticipée, au contrat de licence. Ce contrat est remplacé par un accord de coopération technique, dit « NTCA », qui consacre le fait que Framatome a acquis un niveau de compétence technique égal à celui de son licencieur. L’accord de licence aura duré vingt et un ans au total. L’accord NTCA perdura lui-même jusqu’en 1989.
1.4.3. La construction et la mise en service de la SENA La société Framatome, seulement un an après sa création, associée avec les Ateliers de construction électrique de Charleroi (ACEC)14 et le concepteur américain Westinghouse, répond à l’appel d’offre en proposant, à un prix serré, un réacteur du type PWR sous licence Westinghouse. La SENA sélectionne l’offre de Framatome et le contrat est signé en septembre 1961. Ce projet est à l’origine du développement industriel du Creusot et de Framatome dans le domaine nucléaire, qui prennent de l’avance sur leurs concurrents. Le chantier est ouvert en 1962 à Chooz, dans les Ardennes. La plupart des principaux composants de la centrale (cuve, générateurs de vapeur, pressuriseur, mécanismes de commande des barres de contrôle) sont réalisés dans les usines françaises et belges, et en particulier la cuve est calculée et fabriquée au Creusot15 . L’utilisation de la technologie de « béton précontraint » pour la construction du bâtiment réacteur n’étant pas encore totalement maîtrisée, le réacteur est implanté dans une caverne. 13 Au cours des XIXe et XXe siècles, les Schneider, avec les de Wendel, régnaient sur l’industrie lourde. Le
Creusot occupait le centre de leur empire, qui s’étendait à l’Europe entière. En 1960, l’usine du Creusot était la plus grosse usine d’Europe occidentale dans le domaine de la métallurgie et comptait 12 000 personnes. Après la mort du dernier Schneider (Charles, en 1960), le jeune baron belge Édouard-Jean Empain prit en 1963 le contrôle (25 % des actions) de cet énorme ensemble industriel et financier. Parmi les sociétés et filiales du groupe Schneider : SFAC, SW, Forges et Ateliers de combustion électrique de Jeumont, Société de modernisation industrielle, Merlin Gérin, Citra, Spie. En prenant le contrôle de Schneider, le baron Empain a également pris le contrôle de Framatome. Lorsque le général de Gaulle apprit que les Empain contrôlaient en partie le premier groupe français de la métallurgie et de l’atome, il imposa à la tête du groupe Schneider le haut-fonctionnaire Roger Gaspard, ancien président d’EDF. 14 Les Ateliers de construction électrique de Charleroi, l’équivalent belge de la Compagnie générale d’électricité (CGE) française, ont été vendus par le baron Empain à Westinghouse en 1970. Puis les participations de Westinghouse furent rachetées par la CGE en 1985. 15 Philippe Boulin, ancien PDG de Creusot-Loire, Jeumont Schneider, Merlin Gérin et Framatome, témoigne qu’à la même époque les fournisseurs de General Electric et Westinghouse faisaient faillite les uns après les autres. Westinghouse avait même suggéré au Creusot de mettre en fabrication trois cuves pour être sûrs d’aboutir à une cuve conforme, étant données les difficultés de réalisation.
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Le réacteur de la SENA, également appelé aujourd’hui Chooz A (en raison de l’implantation du palier N4 avec les deux tranches Chooz B1 et B2) diverge en octobre 1966 puis est couplé au réseau le 3 avril 196716 . C’est un REP à quatre boucles similaire au réacteur américain Yankee Rowe (Yankee Nuclear Power Station, exploité de 1960 à 1992), mais avec une puissance et une pression primaire plus élevées. La technologie de la SENA incorpore un contrôle de la réactivité par le bore soluble17 et une instrumentation de mesure de flux neutronique à l’intérieur de la cuve, de type « Aeroball », que l’on retrouvera quelques années plus tard, améliorée, sur le réacteur EPR. Le cœur est constitué de 120 assemblages 15 × 15 de type boîtier18 , rechargés chaque année avec un fractionnement de 1/3. La pression de fonctionnement est de 138 bars. Contrairement aux réacteurs REP qui seront mis en service en France après la SENA, les absorbants mobiles de neutrons de la SENA ne sont pas des grappes de tiges s’insérant dans les tubes guides de certains assemblages combustibles, mais des croix de contrôle s’insérant entre des assemblages combustibles19 . Le 24 décembre 1967, alors que la centrale fonctionne depuis six mois, les opérateurs observent qu’il est impossible d’insérer complètement une croix de contrôle dans le cœur. Sur les conseils de Westinghouse, on pratique l’ouverture de la cuve sans pouvoir déceler l’origine de l’anomalie. Le même incident se produit un mois plus tard, le 30 janvier 1968. Le réacteur est arrêté, la cuve ouverte et on s’aperçoit que le panier porte-cœur s’est incliné – il n’est donc plus dans l’alignement des croix de contrôle, ce qui explique l’observation initiale – et a entraîné avec lui le bouclier thermique20 , produisant ainsi des vibrations et des ruptures de boulons retenant le bouclier. L’incident traduit une connaissance insuffisante de l’hydrodynamique de la cuve. La réparation, portant sur les GV endommagés par des débris métalliques provenant du cœur et sur la cuve, durera deux ans21 . Le bouclier n’est pas réinstallé : on préfère remplacer les assemblages combustibles les plus proches de la cuve – ceux qui sont responsables du flux de neutrons maximum reçus par la cuve – par des assemblages postiches. Plus tard, la puissance sera augmentée (avec un nombre d’assemblages actifs inférieur), ce qui montre l’importance des marges à la conception. SENA fonctionne sans problèmes jusqu’en 1992.
16 La puissance initiale de 242 MW fut ultérieurement portée à 305 MW. Les caractéristiques de la vapeur sont 34 bars à 240 ◦ C. La turbine de fabrication Rateau Schneider, dotée d’un corps HP et de trois corps BP double flux, tourne à 3 000 tours/min. 17 Les variations de concentration en bore sont obtenues par l’adjonction d’une solution à 2 500 ppm de bore ou par passage sur des résines de déboratation. 18 De la même façon que dans les REB, le réfrigérant primaire assurant le refroidissement du cœur est compartimenté dans chaque assemblage-boîtier, ce qui ne permet pas l’existence de débits transverses entre les assemblages, comme dans les REP exploités aujourd’hui. 19 Comme le volume d’eau, donc de modérateur déplacé lors d’une extraction complète des croix de contrôle, était important, il s’ensuivait une variation locale conséquente du rapport de modération, et donc une augmentation de réactivité se traduisant par l’apparition d’un pic de flux et de puissance dans les assemblages voisins. Pour éviter cela, les croix de contrôle comportaient des prolongateurs passifs à leur base afin que le volume libéré par l’extraction de la partie absorbant les neutrons ne soit pas occupé par de l’eau, mais par de la matière inerte. Cette conception avait pour conséquence que la hauteur de la cuve était égale à trois fois la hauteur du cœur (deux fois dans la conception actuelle). 20 Le bouclier est installé pour diminuer le flux de neutrons reçus par la cuve. 21 La centrale est remise en exploitation le 18 mars 1970.
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1.4.4. La période d’incertitude jusqu’à la commande de Tihange Après la réalisation de Chooz et des centrales du type graphite-gaz22 s’ouvre une période d’incertitude dans les projets nucléaires français, incertitude amplifiée par les prix bas des combustibles fossiles. Le petit réacteur à eau lourde EL4 (70 MWe), mis en service en Bretagne en 1967, n’aura pas de suite. Framatome doit alors traverser une longue période creuse de huit années, avant d’obtenir une seconde commande de réacteur. En 1966, EDF et les électriciens belges décident de poursuivre la collaboration amorcée à Chooz et de construire, cette fois-ci en Belgique, une deuxième centrale commune, de puissance triple à celle de la SENA, faisant franchir un pas décisif, ce projet préfigurant ce que pourrait être un jour le programme français. En juillet 1969, un REP de 900 MWe est commandé pour le site de Tihange en Belgique. Au démarrage en 1975, le réacteur de Tihange 1, d’une puissance thermique de 2 650 MWth, est rechargé avec un cœur de 157 assemblages 15 × 15, ce qui se traduit par une puissance linéique moyenne beaucoup plus élevée (28 % supérieure) à celle des REP 900 MWe qui sont ensuite démarrés en France avec des assemblages 17 × 17. Pour améliorer la disponibilité des tranches de Tihange, deux turbines de 510 MWe23 sont installées par tranche.
Passage du 15 × 15 au 17 × 17 Quand les nouveaux critères ECCS sont établis par l’US-AEC (United States Atomic Energy Commission, qui a existé de 1946 à 1975), Westinghouse étudie de nouveaux systèmes d’injection de sûreté et de nouveaux designs du cœur. Les études du design 17 × 17 mettent en évidence des avantages significatifs en termes de performances et de fiabilité en fonctionnement normal, qui s’ajoutent à ce qui est recherché vis-à-vis des critères ECCS. Le design 17 × 17 se traduit par un passage de 204 à 264 crayons combustibles, et de 20 à 24 tubes guides pour le passage des absorbants de neutrons dont le diamètre a été réduit. Le tube central est maintenu inchangé, ainsi que les dimensions externes de l’assemblage (214 mm de côté). Le diamètre extérieur des crayons de combustible
22 Le premier réacteur UNGG, G1, a été mis en service par le CEA en 1956 ; le dernier, Bugey 1, a été mis en service par EDF en 1972 et arrêté en 1992. Une particularité des réacteurs UNGG a été l’utilisation d’une machine de chargement en continu, réacteur en fonctionnement. Cette machine était pilotée par ordinateur dont la technologie, la seule disponible à l’époque, était « à lampes ». On peut ainsi dire que les UNGG avaient un contrôle-commande numérique bien avant l’heure ! EDF a créé et conservé un atelier de maintenance sur le site de Bugey jusqu’à l’arrêt de la filière. Les contraintes de conception et d’exploitation entraînées par le principe de chargement en continu devaient être supportées car ce mode de chargement était une nécessité absolue liée à la faible réserve de réactivité due à l’utilisation de l’uranium naturel, sinon la réaction en chaîne s’étouffait rapidement. Cette complexité est d’ailleurs à l’origine de l’accident survenu le 17 octobre 1969 sur le réacteur de Saint-Laurent-des-Eaux. 23 Chaque turbine est constituée d’un corps HP et de deux corps BP. La vitesse de rotation est de 1 500 tours/min, l’alternateur étant doté de deux paires de pôles.
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est réduit de 10,72 à 9,50 mm. La masse d’uranium par assemblage est maintenue constante (459 kg). L’impact du passage à des assemblages 17 × 17 sur le design de l’îlot nucléaire est très faible : la cuve, les internes inférieurs, les GV, les pompes primaires, les mécanismes de commande de grappes et les systèmes auxiliaires ne sont pas affectés. En revanche, les tubes guides logés dans les internes supérieurs et les grappes de commande sont modifiés. En conditions d’APRP, l’assemblage 17 × 17 apporte une baisse significative de la température maximale atteinte par la gaine. L’effet combiné de la réduction du diamètre des crayons et de l’augmentation du nombre de crayons est une réduction de 12 % du flux thermique surfacique (la puissance thermique surfacique passe de 68,5 W/cm2 à 60 W/cm2 ). La baisse de la puissance linéique (elle passe de 230 à 178 W/cm) se traduit par des températures à cœur plus faibles (gain de 280 ◦ C). Les marges de fonctionnement liées à la température au cœur du combustible (risque de fusion au centre de la pastille), et au RFTC sont donc améliorées. Les performances et la fiabilité du combustible sont également améliorées par un moindre relâchement des gaz de fission dans le gap, une réduction du gonflement des pastilles. Un assemblage prototype est testé en cœur par Westinghouse en 1974, et un cœur complet en 1975. Les tranches nucléaires Fessenheim 1 et 2, et Bugey 2 et 3, alors en construction, sont modifiées en vue de recharger un premier cœur 17 × 17.
1.5. Le tournant des années 1967–1969 1.5.1. L’abandon des UNGG et le choix de la filière à eau légère « Le parc nucléaire standardisé est issu d’une gestation où controverses techniques, enjeux technico-économiques, et choix politiques ont donné lieu à un brassage de recherches, de débats et de lobbyings si intense qu’on l’appela la guerre des filières » (Le management du parc nucléaire d’EDF, par Aline Kenedi et Dominique Clémentet). Les années 1967–1969 marquent un tournant dans l’histoire du développement de l’énergie nucléaire en France, puisqu’elles voient l’abandon de la filière « française » graphite-gaz au profit de la filière américaine à eau légère24 . 24 Réacteur à eau pressurisée ou réacteur à eau bouillante.
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D’âpres conflits opposent le CEA d’une part, fervent défenseur de la filière qu’il a développée, en particulier sous la houlette de Jules Horowitz, et EDF d’autre part, faisant valoir dès 1966 les performances économiques projetées des réacteurs à eau légère américains. À partir de 1967, l’usine militaire de Pierrelatte25 entre en service pour fournir à la France de l’uranium enrichi à des fins militaires. Cette maîtrise de l’enrichissement de l’uranium par la France permet alors d’envisager l’approvisionnement des REP, ce qui modifie la position française par rapport aux vendeurs d’uranium enrichi (États-Unis, URSS). Le président de la République, Charles de Gaulle, est favorable à la filière française UNGG ; son Premier ministre Georges Pompidou est séduit par la puissance industrielle des États-Unis, qui ont développé les réacteurs à eau pressurisée et les réacteurs à eau bouillante. Le gouvernement demande l’élaboration d’un rapport commun CEA et EDF, dit « rapport Horowitz-Cabanius », les deux rapporteurs étant respectivement directeur des Piles atomiques au CEA et directeur de l’Équipement à EDF. L’élaboration de ce rapport atteste de la divergence entre les deux organismes. Les deux hommes ne peuvent dans un premier temps converger vers un rapport de synthèse commun prévu : Jean Cabanius remet son rapport le 25 janvier 1967 tandis que Jules Horowitz remet le sien le 1er février. Une note de synthèse, qui se fait attendre jusqu’en juin, atteste des divergences quant à l’avenir de la filière graphite-gaz. Le 7 décembre 1967, un conseil restreint se tient à l’Élysée et décide la poursuite du programme nucléaire avec un projet de deux tranches graphite-gaz à Fessenheim, tout en permettant à EDF de participer à 50 % à la réalisation d’une seconde centrale à eau légère avec les Belges, à Tihange. La maîtrise d’œuvre est cédée aux trois sociétés qui dominent le secteur : CGE, Schneider et Babcock. Leur proposition financière dépasse si largement les coûts des précédents réacteurs qu’EDF refuse le projet et conteste la décision de poursuivre le programme UNGG. Le directeur général d’EDF, André Decelle, remet sa démission au printemps 1967 pour marquer sa désapprobation. Le nouveau directeur général d’EDF, Marcel Boiteux, à l’instar de son prédécesseur, est favorable à la cause des réacteurs à eau légère et tente d’influer en faveur de ces derniers. Un rapport de la commission PEON, en avril 1968, demande à sursoir à la construction des deux réacteurs graphite-gaz à Fessenheim. Le remaniement gouvernemental du 10 juillet 196826 favorise l’évolution du point de vue de la haute administration, en faveur de la filière à eau légère.
25 L’usine militaire de Pierrelatte, dite « usine haute », a fourni de l’uranium enrichi à plus de 90 % pour les armes. Elle a été mise à l’arrêt en juin 1996. L’usine de Pierrelatte utilise le procédé « ancestral » d’enrichissement par diffusion gazeuse, dont les principes sont maîtrisés depuis le projet Manhattan et ont été divulgués en août 1945. Ce sera également le procédé mis en œuvre dans l’usine civile du Tricastin, baptisée George Besse en 1988. À l’étranger, le procédé d’ultracentrifugation, 50 fois plus performant d’un point de vue énergétique, a été appliqué industriellement en URSS dans ses quatre usines, à partir de 1964 pour la première, et par la société européenne URENCO dans ses trois usines de Capendhurst (Grande-Bretagne) en 1972, d’Almedo (Pays-Bas) en 1973 et Grosnau (RDA) en 1985. 26 Les élections législatives des 23 et 30 juin 1968, provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale voulue par Charles de Gaulle suite aux évènements de mai 1968, débouchent sur une victoire de la majorité présidentielle. Le 10 juillet 1968, le général de Gaulle décide de changer de Premier ministre et nomme à ce poste Maurice Couve de Murville.
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À puissance électrique égale, les investissements nécessaires pour un REP sont réputés être inférieurs de 20 % à ceux d’un réacteur à uranium naturel. Cependant, certains acteurs de l’époque expliquent la réputation de meilleure performance économique dont jouissent les technologies américaines à eau légère par le pouvoir de propagande des industriels américains27 . Le 17 octobre 1969, soit le lendemain de l’allocution prononcée sur site par M. Boiteux28 pour l’inauguration de Saint-Laurent-des-Eaux, il se produit un accident de fusion partielle du cœur29 sur le réacteur graphite-gaz n◦ 1. Le 13 novembre 1969, un comité interministériel présidé par le nouveau président de la République Georges Pompidou décide officiellement l’abandon définitif de la filière uranium naturel-graphite-gaz et autorise EDF à engager une tranche nucléaire à eau légère.
1.5.2. PWR versus BWR Le choix de la plupart des producteurs d’électricité du monde s’oriente vers des réacteurs à eau légère. Il est donc impératif pour l’industrie française, désireuse d’exporter des centrales nucléaires, d’opter pour les réacteurs à eau légère. Ce tournant va conduire à une réorganisation complète au sein des différents acteurs impliqués dans le jeu nucléaire français, que ce soit au CEA, à EDF, dans l’industrie ou encore dans l’administration. L’industrie française, aidée par ses licencieurs américains et par sa propre expérience, peut envisager d’assurer la construction de réacteurs à eau légère.
27 Dans Superphénix – le nucléaire à la française, Claude Bienvenu, ancien fondateur et chef du service Études et projets thermiques et nucléaires, puis ancien directeur des Études et recherches d’EDF, explique que les coûts du kilowatt du graphite-gaz s’appuyaient sur la réalité des réalisations industrielles et sur des factures, tandis que les Américains mettaient en avant les chiffres fournis par les bailleurs de licence et qui n’étaient que des affirmations gratuites. À l’époque, ni Westinghouse, ni General Electric n’avaient mis en service de réacteurs de la puissance de ceux proposés à la France. À leur mise en service aux États-Unis, les réacteurs de cette taille avaient largement dépassé les délais et les coûts annoncés. 28 « Il nous faut reconnaître, déclare Boiteux, que la filière à eau légère n’est pas plus éprouvée que la filière graphite-gaz sur le plan de la fiabilité […]. Mais il y a actuellement dans le monde environ 80 000 MW en construction ou en commande dans les filières à eau légère, alors que dans la filière gaz-graphite il y en a 8 000 en service ou en commande. Vous voyez la disproportion… Continuer, en France, dans nos petites frontières, à poursuivre une technique à laquelle le monde ne s’intéresse pas, cela n’a plus de sens aujourd’hui. Le fait que le marché mondial soit maintenant nettement orienté vers la filière à eau légère fait que nos industriels ne pourront se placer dans le monde industriel que dans la mesure où ils ont eux-mêmes un acquis valable dans la filière à laquelle le monde s’intéresse. » (Allocution de Marcel Boiteux, prononcée le 16 octobre 1969 lors de l’inauguration de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux constituée de deux unités de production, où il présente la centrale de la Loire comme la dernière, signifiant l’abandon de la filière UNGG au profit des réacteurs à eau légère. La première unité de production est couplée au réseau le 14 mars 1969.) 29 La fusion est estimée à 50 kg d’UO . Cet accident ne doit pas être confondu avec celui survenu sur le 2 réacteur graphite-gaz n◦ 2, le 13 mars 1980, qui conduisit à la fusion de 20 kg d’UO2 et qui a rendu le réacteur indisponible pendant trois ans et demi environ. Malgré une quantité de combustible fondu moins importante qu’en 1969, l’accident est plus grave en raison d’un taux de combustion plus élevé.
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La Compagnie générale d’électricité (CGE30 ) se rapproche de General Electric pour obtenir la licence de son système à eau bouillante (BWR). General Electric organise une rencontre le 17 novembre 1969 à Paris : le groupe américain et la CGE parviennent rapidement à un accord de cession de licence pour la technologie BWR. L’accord de licence est signé officiellement le 17 mars 1970 par la CGE et Alsthom. Cette licence, qui porte sur la chaudière, met à disposition de la CGE, pour une durée de 15 ans, l’ensemble des techniques en matière de réacteurs à eau bouillante. La filiale commune entre CGE et Alsthom, la SOGERCA31 , est chargée de porter une offre intégrée comprenant l’ensemble de la centrale (réacteur et îlot conventionnel). À la fin de l’année 1969, le président Pompidou a vent de l’intention du baron JeanÉdouard Empain de céder à Westinghouse, auquel il a déjà vendu les Ateliers de construction électrique de Charleroi, sa filiale Jeumont-Schneider (à l’époque dix usines employant dix mille salariés). En décembre 1969, il s’oppose au baron Empain en refusant la vente de cette entreprise à l’américain Westinghouse et tente d’imposer une solution française : la reprise de Jeumont-Schneider par la CGE. En réponse, le baron Empain décide de conserver Jeumont-Schneider. Au début des années 1970, la CGE est présente dans tout ce qu’une centrale peut comprendre de matériels électriques, de travaux publics et de contrôle-commande. Toutefois, la CGE ne détient ni les compétences métallurgiques ni les moyens et compétences en mécanique et en chaudronnerie lourde nécessaires pour l’îlot nucléaire : à la veille du lancement du programme nucléaire français, la CGE peut tout construire dans une centrale nucléaire, sauf l’essentiel. Jean-Édouard Empain est alors à la tête d’un groupe imposant32 , employant cent vingt mille salariés et contrôlant cent cinquante sociétés dont Framatome. Le 2 février 1970, EDF lance un appel d’offre pour la fourniture d’une chaudière à eau légère destinée à Fessenheim, prenant en référence une centrale de même type en construction aux États-Unis. La licence des réacteurs à eau pressurisée, détenue par la société américaine Westinghouse, est portée en France par Creusot-Loire et sa filiale Framatome ; tandis que l’autre technologie américaine à eau légère et à uranium enrichi, le BWR développé par General Electric, est proposée par la CGE. C’est la proposition de Framatome, basée sur le modèle de la centrale de Beaver Valley, déjà choisie comme référence pour la centrale franco-belge de Tihange, qui est retenue par EDF, en raison d’un prix que le CGE juge « anormalement bas »33 . En effet, la proposition 30 La CGE profite des grandes recompositions industrielles de la fin des années 1960 : en particulier la reprise d’Alcatel en 1968, l’accord de juin 1969 avec le groupe Thomson qui entraîne la prise de contrôle d’Alsthom par la CGE. Dans le domaine des travaux publics, la CGE acquiert, en 1966, la Société générale d’entreprises. Dans le nucléaire, la position de la CGE est renforcée par la prise de contrôle d’Alcatel (Société alsacienne de constructions atomiques et de télécommunications). Par cette opération, la CGE prend pied dans une autre société, le GAAA, Groupement atomique alsacienne atlantique, futur Novatome. La CGE est alors dirigée par Ambroise Roux, qui a occupé pendant près de 40 ans une place importante dans la vie politique, financière et industrielle de la France. 31 La SOGERCA, Société générale pour l’entreprise de réacteurs et de centrales atomiques, est une structure créée en 1968. 32 Le groupe Empain comprenait : Schneider, Framatome, la fabrication d’armes du Creusot, la Banque de l’union parisienne, les chantiers navals de Dunkerque, la Société métallurgique de Normandie, Spie-Batignolles, alors première entreprise de travaux publics, et Creusot-Loire. Mais également les aciéries Phénix Steel et Steel corporation aux États-Unis, Electrorail une puissance holding belge, des mines et des forêts en Afrique (Congo). 33 CA CGE 30 septembre 1970, cité par Yves Bouvier.
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du Creusot se situe à un prix inférieur de 10 % au prix actualisé de Tihange et l’emporte face à l’offre concurrente de CGE, 56 % plus chère. La percée est faite. Le groupe turbo-alternateur est en revanche commandé à Alsthom.
1.6. Le lancement du programme à eau légère 1.6.1. Les premières commandes : les tranches REP du Bugey et la seconde tranche de Fessenheim À partir de 1970, la tendance à la baisse des cours du pétrole s’inverse. Un nouvel appel d’offres est lancé en 1971 pour la construction de la centrale de Bugey, mettant à nouveau en concurrence le réacteur à eau pressurisé et le BWR, le réacteur à eau bouillante. Il ne s’agit pas, pour EDF, d’une stricte opposition entre deux technologies, le BWR et le PWR, mais d’organiser le marché de ses fournisseurs en imposant une réelle concurrence afin d’éviter les rentes de situation d’un monopole industriel34 . En octobre 1971, après examen des offres des constructeurs, le conseil d’administration d’EDF fait le choix de la technologie PWR et décide d’installer à Bugey deux tranches35 jumelées. Ce choix présente l’avantage de consolider la position de Framatome associé à CreusotLoire. Les tranches 2 et 3, puis 4 et 5 de Bugey sont copiées sur le modèle des tranches 1 et 2 de la centrale américaine de North Anna d’une puissance de 900 MWe. Les tranches 4 et 5 sont en circuit fermé, le refroidissement étant assuré par des aéroréfrigérants de façon à limiter les rejets thermiques dans le Rhône. En novembre 1971, EDF confirme la commande pour la construction d’une seconde tranche à Fessenheim, jumelle de la première.
1.6.2. Le marché des BWR de Saint-Laurent-des-Eaux En septembre 1972, la CGE présente le BWR/636 , le nouveau réacteur General Electric qui dispose d’une plus grande puissance à chaudière égale grâce à des améliorations portant sur le combustible. L’Américain Babcock37 est retenu pour la fabrication de la chaudière, car Stein, la filiale de la CGE, n’est pas en mesure de la réaliser. L’alternative de l’eau bouillante trouve de nombreux soutiens au sein de la puissante Direction de l’équipement d’EDF. Le concept de standardisation ne s’est pas encore 34 C’est pour cette raison qu’EDF était opposée à un projet de regroupement industriel CGE-Alsthom-CreusotLoire, licencié de Westinghouse avec la technologie PWR, qui fut l’objet de discussions discrètes entre les industriels concernés et les pouvoirs publics en novembre 1970. 35 Elles portent les numéros 2 et 3, la tranche 1 de Bugey étant un réacteur UNGG de 540 MWe. 36 Le BWR/6 est issu de la lignée des BWR/1 à 5 et constitue le sixième stade d’évolution d’un design débuté en 1955. En 1972, dans le monde, les compagnies d’électricité se sont engagées sur 87 réacteurs de type BWR, dont 36 sont en service. La puissance du BWR/6 (3 900 MWth et 1 360 MWe) est très proche de celle d’un REP 1 300. Remarque : les BWR de Fukushima sont des BWR/3, 4 et 5. 37 Babcock était un chaudiériste traditionnel, disposant de bons moyens de chaudronnerie. Dans le domaine nucléaire, il proposait la technologie de sa maison mère américaine, voisine de la technique Westinghouse.
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imposé et la culture qui règne à l’équipement d’EDF s’accommode de technologies et de fournisseurs différents pour les réacteurs. À la différence, en théorie du moins, de Fessenheim, il est prévu de mettre la centrale de référence américaine de Saint-Laurent-des-Eaux en service après l’installation française. Le conseil d’administration d’EDF du 25 mai 1973 prend la décision de commander deux réacteurs BWR/6 pour le site de Saint-Laurent-des-Eaux. Le 4 février 1974, EDF notifie officiellement à la CGE la commande ferme de deux BWR et six en option.
1.6.3. L’accélération du programme – la mise en place de l’outil industriel français Lorsque la guerre du Yom Kippour, en octobre 1973, déclenche la première crise pétrolière, EDF propose au Premier ministre Pierre Messemer de lancer un premier programme nucléaire quantitatif. L’engagement de l’industrie est nécessaire pour rendre ce programme crédible. Afin de pouvoir remporter de nouvelles commandes de réacteurs à eau pressurisée, Framatome décide de se doter des moyens industriels nécessaires et de construire une usine de fabrication de composants nucléaires lourds. Dans une lettre adressée fin 1973 au Premier ministre, Creusot-Loire (Philippe Boulin) et Framatome (Jean-Claude Leny) se déclarent prêts à mettre en place l’outil industriel permettant de construire six tranches par an. Le site de Saint-Marcel près de Chalonsur-Saône38 est choisi. Lancée en début 1974, l’usine est mise en service à l’automne 1975. Elle est alors l’usine de fabrication de composants nucléaires lourds la plus moderne du monde. La croissance ultérieure des équipes d’ingénierie de Framatome montre l’ampleur du programme nucléaire français : vingt-cinq personnes en 1969, quatre cents en 1974, cinq mille en 1982. Dans un contexte où les cours du pétrole ont quadruplé à la fin de l’année 1973, l’engagement des industriels pèse probablement beaucoup dans la décision que prend le gouvernement le 6 mars 1974 : en comité interministériel, le président Georges Pompidou lance un vaste programme nucléaire, appelé « plan Messmer », prévoyant la mise en chantier de treize tranches nucléaires de 900 MWe en deux ans, soit six la première année et sept la deuxième. Ceci marque un véritable tournant dans la politique énergétique de la France. En effet, le gouvernement de Pierre Messemer avait jusque-là freiné le programme nucléaire, en raison de son lourd poids financier. Creusot-Loire reçoit en avril 1974 la notification d’une commande ferme de douze tranches et de six en option. La CGE reçoit une commande ferme de douze turboalternateurs de 1 000 MW et de six en option.
38 Le site géographique du Creusot est exclu en raison des difficultés de transport d’équipements lourds comme les cuves ou les GV. Chalon/Saint-Marcel est équipé d’une darse qui permet l’embarquement des équipements lourds sur chaland et leur transport par voie fluviale. Pour parvenir jusqu’à Fessenheim, les GV descendent la Saône puis le Rhône, franchissent le détroit de Gibraltar, sont transférés sur barge à Rotterdam et remontent le Rhin, soit un périple de 5 000 km pour relier deux sites distants de 250 km.
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Fin novembre 1973, le gouvernement prend la décision de la construction39 de l’usine Eurodif d’enrichissement d’uranium ; le dossier technique issu de plusieurs années de travail est déjà prêt.
1.6.4. La fermeture de la parenthèse BWR Au 1er mars 1975, dix mille documents ont déjà été transmis par General Electric, plus de deux cents missions ont été effectuées aux États-Unis et 388 personnes de la CGE travaillent à temps plein sur le projet. C’est au cours de cette phase intense de lancement de la réalisation que la CGE opère un revirement stratégique, à la suite d’un changement à la tête d’Alsthom. La CGE demande à EDF un relèvement de prix très important (20 %) concernant la commande BWR ; ce relèvement est jugé inacceptable par EDF. L’électricien prend de façon formelle l’initiative de la rupture et la responsabilité de l’arrêt de la filière BWR. Le retrait du marché des BWR, voulu par la CGE, mais annoncé comme une décision d’EDF, permet de négocier une compensation de taille : le renforcement de la position d’Alsthom par la création d’Alsthom/CEM40 et la réservation d’une part importante du marché français à Alsthom. Pour la CGE, il s’agit bien plus d’un repli élastique que d’une déroute.
1.6.5. Une alternative française à la licence Westinghouse ? Depuis l’abandon de la filière UNGG, le CEA, qui porte la responsabilité essentielle du cycle du combustible, étudie une solution alternative au PWR sous licence Westinghouse, à partir des chaufferies de propulsion navale dont il maîtrise la technologie depuis 1964. Le prototype à terre, le PAT41 , est proposé à EDF sous l’appellation Champlain. Marcel Boiteux42 ne retient pas cette possibilité.
1.6.6. La nuit du 4 août 1975 et ses conséquences Les acteurs du nucléaire français choisissent la nuit du 4 août43 1975 pour organiser ce secteur industriel. 39 Le chantier est ouvert au dernier trimestre 1974. Cependant, la société Eurodif SA, dont George Besse est le premier président du directoire, existe depuis le 27 novembre 1973. 40 À la fin de l’année 1976, Alsthom rachète, à la Compagnie électromécanique (CEM), l’usine du Bourget aujourd’hui spécialisée dans la fabrication de turbines à vapeur destinées à équiper les centrales nucléaires. Le 3 février 1983, la prise de contrôle de CEM par Alsthom sera acceptée par les pouvoirs publics. 41 En 1959, les États-Unis acceptent de vendre à la France 440 kg d’uranium très enrichi pour le démarrage du programme français de propulsion navale par la filière uranium enrichi-eau légère (premier cœur à plaques métalliques, à uranium très enrichi et incorporation de poisons consommables). La construction du PAT à Cadarache commence en 1960. La fabrication de la cuve et le montage du circuit primaire sont effectués par l’établissement Indret et le réacteur diverge en 1964. 42 Dans son livre Haute tension (éditions Odile Jacob), Marcel Boiteux relate sa rencontre avec André Giraud qui lui propose le PAT. 43 Ils étaient visiblement férus d’histoire.
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EDF fait le choix exclusif d’une technologie, la technologie PWR à eau légère et à uranium enrichi qui concentre désormais tous ses efforts, et retient un unique fournisseur de chaudières nucléaires, le groupe Empain-Schneider. Le marché nucléaire français, avec une moyenne d’environ cinq cuves par an jusqu’à la fin des années quatre-vingt, assure la viabilité économique d’une usine de cuves et justifie un producteur national, à condition que celui-ci ait tout le marché. Ceci ferme, de facto, le marché français à des firmes étrangères. Des pans entiers de branches industrielles (électromécanique, travaux publics, métallurgie, transport et distribution d’électricité, etc.) s’interconnectent pour former un complexe industriel, au sein duquel quatre grands acteurs se partagent les tâches : • le CEA et sa filiale la COGEMA réalisent la R&D sur les réacteurs et le cycle du combustible, • EDF est l’exploitant unique des centrales nucléaires, et sa puissante Direction de l’équipement est l’architecte industriel de leur réalisation, • le groupe Empain-Schneider, par ses filiales Creusot-Loire, Framatome44 , JeumontSchneider, Merlin-Gérin, est le fournisseur de l’îlot nucléaire et fabrique lui-même environ les deux tiers de la valeur de la chaudière, • CGE, par sa filiale Alsthom-Atlantique, réalise l’îlot conventionnel et en fabrique les turbo-alternateurs. Le capital de Framatome45 est restructuré et le CEA en obtient une part importante : Westinghouse cède la totalité de sa participation : 30 % du capital au CEA et 15 % à Creusot-Loire. Un programme conjoint de R&D est mis en place entre Framatome, EDF, Westinghouse et le CEA.
1.6.7. Résumé des commandes et constructions de centrales • Commandes reçues de 1961 à 1975 : Chooz, et les six tranches du contrat pluriannuel n◦ 0 (dit CP046 ) : les deux tranches de Fessenheim et les quatre tranches du Bugey. Il s’agit de réacteurs de 900 MWe à trois boucles. • Après le choc pétrolier de 1973, alors que les centrales de Fessenheim et Bugey sont en cours de construction, EDF répond au plan Messemer en engageant la construction de douze tranches identiques de 900 MWe à Tricastin (quatre unités), Gravelines (unités 1 à 4), Dampierre (quatre unités), ensemble nommé « tagada ». Avec les quatre 44 Alors que l’exceptionnelle réussite du programme français permet à Framatome d’acquérir une position de leader mondial, sa maison mère le Creusot connaît des difficultés dramatiques au début des années 1980. L’entreprise est mise en liquidation en 1984. 45 Détenu alors à 51 % par Creusot-Loire et à 45 % par Westinghouse. 46 CP signifie « contrat pluriannuel » ou « contrat de programme ». Les deux tranches de Fessenheim et les quatre tranches du Bugey ont été nommées rétrospectivement CP0 lors de la décision d’engager les contrats pluriannuels CP1 et CP2.
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tranches du Blayais pour lesquelles une option avait été prise, puis les tranches 5 et 6 de Gravelines s’ajoutant aux quatre premières, cet ensemble d’unités de production constitue ce que l’on appelle le premier contrat pluriannuel dit CP1 (18 tranches). • Deuxième contrat pluriannuel pour le palier 900 MW (CP247 ), décidé fin 1975. Il porte sur les dix tranches de : Chinon B (quatre unités), Cruas-Meysse (quatre unités), Saint-Laurent B (deux unités). • Le palier P4 (pressurisé quatre boucles) de 1 300 MWe est engagé en 1977, date de la commande d’une première tranche pour le site de Paluel, suivie de trois autres. Une évaluation du coût du premier réacteur P4 de Paluel met en évidence un coût dépassant de 52 % celui de Fessenheim 1 et 2. Des modifications sont étudiées afin de faire baisser le coût des centrales suivantes et donnent lieu à une version amendée48 du P4 : le palier P’4. • Les paliers P’4 et H4. Dans un premier temps, les centrales de Saint-Alban et de Flamanville, engagées en 1979, sont mises en chantier trop tôt pour pouvoir intégrer la totalité des modifications du palier P’4. Pour ces deux sites, les modifications ne sont intégrées que partiellement, c’est pourquoi les tranches concernées sont dites hybrides P4-P’4 ou H4. La partie primaire de Saint-Alban et Flamanville est de type P4, mais du point de vue secondaire seules les tranches de Paluel sont P4. Le palier P’4 est celui des centrales de Cattenom, Belleville, Nogent, Penly, et Golfech. Le bâtiment réacteur des paliers de puissance 1 300 MWe se différencie de ceux du palier précédent, dit CPY, par le doublement de l’enceinte de confinement constituée d’une double paroi en béton au lieu d’une seule paroi doublée d’une peau d’étanchéité en acier. La répartition des différents paliers techniques pour les réacteurs de 1 300 MWe est résumée dans le tableau 1.1 qui précise le nombre de tranches concernées. Tableau 1.1. Les différents paliers techniques des réacteurs 1 300 MWe.
P4 P’4 H4
PAL 4
FLA
SAL
2
2
CAT
BEL
NOG
PEN
GOL
4
2
2
2
2
La dernière tranche du palier 1 300 MW est couplée au réseau électrique en 1993. Il s’agit de Golfech 2 implantée au bord de la Garonne près d’Agen.
47 CP1 et CP2 sont usuellement regroupés sous l’appellation CPY : CPY regroupe donc toutes les tranches 900 MWe sauf celles de Fessenheim et Bugey. 48 Le volume des bâtiments de l’îlot nucléaire P’4 est réduit par rapport à celui des bâtiments P4, ce qui diminue la quantité de béton et le coût. Les BAN (bâtiments auxiliaires nucléaires) P’4 sont également plus petits ; un bâtiment de traitement des effluents (BTE) a été créé pour le P’4. Une réduction des dimensions de la salle des machines P’4 a également été obtenue.
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Avec cette dernière tranche du palier 1 300 MW s’achève la construction des réacteurs à eau sous pression réalisés partiellement sous licence américaine.
1.6.8. Les hommes du REP Pour EDF, le premier contact avec l’exploitation d’une centrale à eau pressurisée se fait à Chooz, en partenariat avec les Belges. La pleine responsabilité d’exploitant de REP débute réellement pour EDF à Fessenheim, où se retrouvent un grand nombre d’ingénieurs transfuges de la filière graphite-gaz, après une période d’immersion aux États-Unis. Le vivier des agents EDF ayant une expérience de l’exploitation nucléaire étant insuffisant pour permettre le gréement des unités mises en service, la majeure partie des dirigeants et exploitants est recrutée dans les centrales thermiques classiques. L’INSTN, avec sa formation en génie atomique, joue un rôle actif dans la montée en compétence des nouveaux venus au nucléaire.
1.6.9. La sûreté nucléaire au lancement du programme L’incident d’origine mécanique à la SENA amène l’administration des mines à renforcer son poids dans le contrôle de la sûreté. Au début de l’année 1971, le service des mines (Ditem) entreprend la rédaction d’une réglementation relative au circuit primaire. Le travail aboutit à l’arrêté du 26 février 1974. Conformément à la tradition française en matière de réglementation, les règles de l’art sont laissées à la charge des concepteurs, constructeurs et exploitants. En 1974, pour assurer sa mission de contrôle, l’administration se dote du Bureau de contrôle de la construction nucléaire, le BCCN. L’adoption en France des réacteurs à eau pressurisée américains intervient dans un contexte où le domaine de la sûreté est en bouleversement : le début des années soixantedix est marqué aux États-Unis par un grand bond en avant de la réglementation. En France, EDF et Framatome ont l’obligation de se conformer à toutes les règles de sûreté applicables à la centrale américaine de référence. Ces règles de sûreté connaissent des évolutions significatives entre la commande de Fessenheim et sa mise en service en 1977.
1.7. La francisation Toutes les chaudières de ces cinquante-quatre réacteurs ont été conçues, fabriquées et montées par Framatome, sous licence Westinghouse. Moyennant le versement d’une redevance par le licencié au licencieur, la licence a donné accès aux dossiers et aux informations ayant permis au licencié de reproduire la chaudière d’une centrale de référence construite par Westinghouse aux États-Unis. La licence de Westinghouse s’arrête à la chaudière nucléaire elle-même et ne prend pas en compte l’architecture d’ensemble de la centrale ; par exemple, l’agencement de la salle de commande et la partie conventionnelle ne sont pas inclus dans le champ de la licence.
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La centrale de référence de Fessenheim est Beaver Valley, tête de série des REP 900, dont l’exploitation a démarré en 1976, donc postérieurement49 au contrat CP0 et au début du chantier de construction de Fessenheim. Les tranches du palier CPY ont pour base de définition les tranches 4 et 5 de la centrale du Bugey, dont la centrale de North Anna50 (États-Unis) est la centrale de référence. La première tranche de 1 300 MWe sous licence Westinghouse mise en construction est la centrale américaine de South Texas, dont le chantier a démarré en 1976, un an avant la première tranche de Paluel. Le projet de South Texas ayant connu d’importants retards (et dépassement de budget), la mise en service des deux unités, en 1988 et 1989, fut postérieure au démarrage des quatre tranches de Paluel (4e tranche couplée au réseau en avril 1986). Même si la licence, par définition, a donné accès aux connaissances de base sur la réalisation d’une chaudière (définition des matériaux, dimensionnement des équipements et des systèmes, etc.), elle n’apportait pas tous les éléments scientifiques et techniques, comme c’est le cas pour un transfert de technologie. Cela compliquait d’autant la tâche du licencié lorsqu’il s’agissait d’adapter la centrale aux caractéristiques locales ou aux exigences de l’exploitant (fonctionnement en suivi de charge et téléréglage). Une telle adaptation n’est possible qu’à partir d’une bonne compréhension des raisons des choix opérés. Selon Pierre Bacher, il a fallu une dizaine d’années aux ingénieurs français pour passer du stade des compétences de base à une véritable connaissance des problèmes pointus des REP. La nécessité d’adapter le produit aux spécifications et aux besoins du client EDF et la volonté des industriels français, notamment de Framatome, d’être présents sur les marchés étrangers à l’exportation passaient par une francisation de la filière PWR de manière à ne plus être tributaires de la licence et de ses contraintes, comme la nécessité d’obtenir l’accord du détenteur des brevets d’origine pour intégrer des nouveautés techniques. En juin 1978, une équipe d’avant-projet est créée par Framatome, au sein de laquelle sont intégrés des ingénieurs du CEA. Les travaux réalisés au cours de cette phase d’avantprojet conduisent à un choix d’options innovantes, portant essentiellement sur le circuit primaire. L’existence de ce dossier de réacteurs francisé permet à Framatome d’aboutir en mars 1981 à un accord de partenariat avec Westinghouse (NTCA) se substituant aux accords de licence antérieurs. La francisation porte sur d’autres volets que la chaudière : • contrôle commande numérique et salle de commande informatisée, • turbine Arabelle développée par GEC-Alsthom.
49 Dans leur ouvrage Light Water – How the Nuclear Dream Dissolved (Basic Books, New York, 1978), les auteurs s’attachent à démontrer comment General Electric et Westinghouse, les deux géants américains, ont pu influencer les producteurs d’électricité du monde entier en lançant des offres clés en mains à des prix de dumping. Ces propositions créèrent un mouvement généralisé en faveur de ce type de réacteurs, laissant croire que leur compétitivité économique était déjà acquise alors qu’il s’agissait de prototypes. 50 L’exploitant de la centrale de North Anna 1 a obtenu de la NRC l’accord d’une prolongation de licence d’exploitation de 40 ans à 60 ans le 20 mars 2003 (autorisation de fonctionnement jusqu’en 2038).
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En septembre 1981, Framatome peut faire une offre commerciale à EDF pour une tête de série de réacteurs N451 (nouveau quatre boucles) : l’industrie nucléaire s’engage dans une nouvelle étape totalement française. En novembre 1985, Framatome se transforme en société anonyme. Ce changement de statut du constructeur est un des éléments de la réorganisation générale de l’entreprise52 .
1.8. Les paliers et la standardisation 1.8.1. La recherche de l’effet de série Toutes les tranches d’un même contrat pluriannuel ne sont pas identiques, ne serait-ce qu’en raison de leur situation géographique qui détermine leur mode de refroidissement. Cependant, dans la conception des systèmes et des ouvrages, on a cherché le plus possible à créer un effet de série, tout en évitant de s’enfermer dans des définitions rigides pour tenir compte de l’évolution des technologies et des concepts de sûreté. Le lancement de programmes répétitifs aussi importants a eu de profondes répercussions dans l’organisation de l’industrie nucléaire française.
1.8.2. Les effets de série et leur impact sur la compétitivité économique La dimension technique de la notion de palier ne doit pas nous faire oublier que c’est une approche économique qui en est à l’origine. La construction en série des réacteurs a permis de réduire les coûts, par des effets de volume, de cadence et de régularité, des gains sur les pièces de rechange. Ce sont non seulement les études et la fabrication qui bénéficient de l’effet de série, mais également les modifications introduites après la mise en service industrielle. Une centrale construite en série coûte 100 là où une centrale construite à l’unité coûte 14053 . Il ne semble pas que l’augmentation de la puissance et la réduction des coûts soient corrélées ; en effet, une dérive des coûts de 20 % par rapport aux prévisions apparaît lors du passage de 900 MWe à 1 300 MWe.
1.8.3. Standardisation et évolutions Malgré une standardisation poussée en vue d’une réduction des coûts, les tranches de puissance 900 MWe électriques présentent des différences. 51 Deux tranches sont construites à Chooz et deux à Civaux. 52 Cette réorganisation est marquée par une nouvelle répartition du capital : CGE (40 %), CEA (35 %), Dumez
(12 %), EDF (10 %), cadres de Framatome (3 %). 53 Revue d’économie industrielle n◦ 23, 1er trimestre 1983 : « La politique industrielle nucléaire française : les raisons et les limites d’un succès ». L’article précise également qu’EDF a comprimé les intérêts intercalaires en faisant construire ses centrales en 5,5 ans et en empruntant parfois à taux bas. Les intérêts intercalaires représentent 11,5 % du coût direct d’investissement pour EDF, alors que pour l’Allemand KWU, où les durées de construction atteignent 9 ans, ils représentent environ 13,7 %. L’Allemagne, qui ne fait pas assez de série et construit trop lentement, est pénalisée par des coûts d’investissement supérieurs de 50 % à ceux d’EDF.
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Les tranches 900 MW CP0 et CP1 se caractérisent par un bâtiment réacteur à enceinte simple et peau d’étanchéité métallique abritant les trois boucles du circuit primaire. La salle des machines, commune aux différentes tranches, est disposée parallèlement à l’axe constitué par l’alignement des bâtiments réacteur. Dans cette salle des machines, les différents groupes turbo-alternateurs sont disposés en long et accessibles par le même pont roulant. Chaque turbine est constituée d’un corps HP et de trois corps BP. Les tranches CP2 sont dotées d’un îlot nucléaire identique à celui des tranches CP1. La réalisation des turbines bénéficie des études qui ont été effectuées par CEM pour les BWR, la technologie de CEM permettant de réduire de trois à deux le nombre des corps basse pression, pour une puissance électrique de 900 MWe. Pour chaque réacteur, la salle des machines dédiée et le bâtiment réacteur sont positionnés sur le même axe, et non plus parallèlement (comme c’est le cas pour les paliers CP0 et CP1), afin d’éviter tout risque d’agression de l’îlot nucléaire par un projectile54 émis par le groupe turbo-alternateur.
1.9. Le pilotage des réacteurs du palier CP0 Le pilotage du réacteur, disponible à l’origine sur les tranches de Fessenheim et Bugey, était un pilotage à axial offset constant55 qui pouvait se faire suivant deux modes complémentaires, avec la possibilité de passer d’un mode à l’autre : • le pilotage sans grappes courtes (mode A56 ). Il s’agit du mode de pilotage le plus simple, recommandé par Framatome. En mode A, les grappes courtes ne sont pas insérées dans le cœur et les grappes longues57 . participent au contrôle de l’axial offset. Le mode A ne permet que des variations de charge lentes, et de plus en plus lentes au fur et à mesure de l’avancement dans le cycle58 ; 54 L’accident de Porcheville du 22 août 1977 a conduit EDF à revoir la disposition de la salle des machines par rapport au bâtiment réacteur (pris en compte à partir du palier CP2 900 MWe). La rupture d’une ailette de la turbine, par un enchaînement de causes et d’effets, entraîna la destruction d’une partie de la turbine ; des débris furent projetés dans l’espace (dont l’un de deux tonnes). Pour les paliers CP0 et CP1, un mur vertical antimissile s’interpose entre chaque GTA et le bâtiment réacteur correspondant. 55 Avant l’apparition des critères de sûreté ECCS 73, les réacteurs présentaient une aptitude à suivre la demande du réseau, sans contraintes sur le pilotage grâce à un large « trapèze de fonctionnement ». Le pilotage du cœur à axial offset constant (avec une tolérance), consistant à contrôler la forme axiale de puissance de façon à limiter les points chauds (puissance linéique élevée) dans le cœur, a permis de prendre en compte les critères de sûreté ECCS 73. 56 Le mode A, comme le mode B, a été mis au point par Westinghouse. Le mode A n’utilise que les grappes longues (système RGL), réparties en six groupes : deux groupes d’arrêt et quatre groupes de régulation (D, C, B, A) en recouvrement ; les grappes sont laissées préférentiellement en haut du cœur afin de ne pas trop perturber la distribution axiale de flux dans le cœur. En conséquence, le bore soluble joue un grand rôle en mode A. Les variations de concentration sont lentes, ce qui ne permet pas aux réacteurs pilotés en mode A de suivre les variations rapides de puissance. 57 Le lecteur trouvera une description des grappes longues au chapitre 3 « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ». 58 L’étude des performances de manœuvrabilité des réacteurs exploités en mode A est effectuée au chapitre 3.
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• le pilotage avec les grappes courtes59 (mode B). Les grappes courtes ont été installées sur les réacteurs de Fessenheim et Bugey. Elles sont insérées pour le contrôle de l’axial offset avec un ajustement manuel, tandis que les grappes longues sont insérées pour compenser les variations des effets de température Doppler et modérateur, et sont de fait beaucoup plus insérées qu’en mode A. Le mode B permet la remontée en puissance rapide à tout moment, avec une rampe de 5 %Pn/min. En 1976, Westinghouse et Framatome ont demandé à leurs clients de ne pas se servir du mode B, pour une double raison : • l’insertion des grappes courtes provoque des distributions axiales pénalisantes (y compris quand l’axial offset est nul) et rend les chaînes de protection incapables de protéger le cœur vis-à-vis de la crise d’ébullition, • les phénomènes d’interaction pastille-gaine60 . Sur les réacteurs de Fessenheim et Bugey, les essais de démarrage ont inclus les systèmes de grappes courtes, mais ces derniers n’ont jamais été utilisés pour le pilotage et ont été démontés par la suite. Les grappes courtes n’ont pas été installées sur les tranches « tagada », pour lesquelles seul le mode A était disponible au démarrage.
1.10. Le passage du mode A au mode G Quand la part du nucléaire dans un système de production électrique dépasse un certain seuil, l’aptitude des centrales nucléaires à faire varier leur puissance pour contribuer à l’équilibre offre-demande d’électricité devient nécessaire pour la sûreté du système électrique. Malheureusement, les réacteurs PWR exploités en mode A ne sont pas totalement capables de se plier aux exigences du réseau électrique, notamment sous l’aspect du retour rapide en puissance. La figure 1.1 représente la monotone de production par filière, sur une année, divisée en 8 760 heures. Les moyens de production sont empilés dans l’ordre arbitraire : nucléaire, charbon, gaz, fioul, hydraulique. L’hydraulique n’est pas scindé en lac / éclusée / fil de l’eau, ce qui ne permet pas d’établir la distinction entre l’hydraulique fatal, contribuant à la base, et l’hydraulique de pointe.
59 Les grappes courtes, également appelées Part Length ou PL, font partie du système RGX. Leur partie active en AIC correspond à 25 % de la longueur des grappes longues, soit 91 cm. Leur efficacité différentielle change de signe au cours de leur insertion au-delà de la moitié du cœur et leur efficacité intégrale passe par un maximum de 350 pcm. Leurs déplacements sont lents, régis par des mécanismes à vis, ce qui fait qu’elles ne chutent pas en cas d’arrêt automatique du réacteur. 60 En mode B, la présence prolongée d’une grappe très insérée suivie d’un retrait se traduit par un pic de puissance, mettant en jeu le phénomène d’interaction pastille-gaine (IPG en français, PCI en anglais).
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80000
75000
70000
65000
60000
Hydraulique Fioul + Pointe Gaz
55000
Charbon Nucléaire
50000
45000
40000
35000 1
501 1001 1501 2001 2501 3001 3501 4001 4501 5001 5501 6001 6501 7001 7501 8001 8501 9001 9501
Figure 1.1. Monotone de charge et production par filière. Courbe réalisée à partir des données publiques RTE (période juillet 2010 à juillet 2011).
Cette courbe met en évidence que le nucléaire est bien loin de constituer une production de base en France et qu’il contribue avec une amplitude importante à l’équilibre production-consommation. La France est le premier pays où la nécessité d’adapter la production électronucléaire à la demande d’électricité est apparue. Ce problème de la participation du nucléaire à la modulation du plan de charge s’est posé en France avec l’extension du parc électronucléaire consécutive aux programmes CP1 et CP2. En particulier, EDF (la partie « transport ») émit une exigence très contraignante, celle de pouvoir remonter sans préavis à 100 % de la puissance nominale (PN) avec un gradient de 5 %PN/min. Cette exigence ne pouvait être satisfaite qu’en utilisant les grappes de contrôle, et non le bore soluble dont les variations de concentration sont trop lentes (surtout la dilution en seconde moitié de cycle). Le rôle accru des grappes de contrôle avec la nécessité de les laisser insérées, y compris en palier bas lors d’un fonctionnement en suivi de réseau, a amené le concepteur à diminuer leur efficacité afin de réduire leur impact négatif sur la distribution de flux et de puissance dans le cœur. Ces grappes à efficacité réduite sont appelées « grises ». Des études lancées sur cette question dès 1976 par EDF en collaboration avec Framatome et le CEA61 ont débouché, en 1981, sur une campagne d’essais réalisés sur la tranche n◦ 3 de la centrale du Tricastin62 ; deux autres campagnes eurent lieu en 1982.
61 Le CEA a mené trois campagnes d’expérimentation d’un fonctionnement de type suivi de réseau dans la chaudière avancée prototype de Cadarache, chargée pour les besoins avec des éléments combustibles à crayons. À l’issue des campagnes, tous les crayons étaient sains. 62 Donc dès la mise en service industrielle (MSI) de cette tranche, le 11 mai 1981. Tricastin 3 avait divergé le 29 novembre 1980 et avait été couplée au réseau pour la première fois le 11 février 1981.
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La centrale du Tricastin, refroidie par l’eau du canal de Donzère-Mondragon (dérivation du Rhône), dans le Sud de la Drôme, appartient à la génération des centrales nucléaires commandées en 1974 dans le cadre du premier contrat pluriannuel. Elle est constituée de quatre tranches d’une puissance électrique unitaire de 915 MW63 . Comme toutes les tranches du premier contrat pluriannuel, Tricastin 3 était normalement équipée du pilotage en mode A, à l’aide de grappes de contrôle dites noires car fortement absorbantes, et disposait également de grappes dites grises car moins absorbantes, en position de sécurité : elle était donc pré-équipée, au niveau de ses grappes de commande, pour passer en pilotage mode gris dit mode G. En revanche, le contrôle-commande associé à ce nouveau type de pilotage n’existait pas. Il a donc fallu disposer en salle de commande un pupitre d’essai spécial permettant de commuter du mode de pilotage normal en mode de pilotage gris, afin de pouvoir effectuer les essais. En octobre 1984, à la centrale du Tricastin, EDF et Framatome ont procédé à une démonstration du système de pilotage en mode gris, devant des spécialistes étrangers. La puissance d’une tranche a été abaissée de 915 MWe à 450 MWe en 8 minutes, puis remontée à 915 MWe pendant le même laps de temps. Le succès de cette démonstration couronnait plusieurs années de recherches et d’expérimentations sur ce dispositif à manœuvrabilité accrue64 permettant aux centrales nucléaires de s’adapter en des temps très courts aux variations de la demande d’électricité. Ce nouveau mode de pilotage, le mode G, est entré en service en 1984 et a été déployé sur les centrales CP1 et CP2 déjà en construction ou en exploitation, ainsi que sur les centrales P4 et P’4. Sur la tranche 3 du Tricastin, le passage du pilotage du réacteur en mode noir au pilotage en mode G s’est fait au cours de l’arrêt pour rechargement en février 1986. Les douze tranches « tagada », démarrées en mode A, ont ultérieurement basculé en mode G. Les améliorations apportées sur le mode de pilotage, avec le mode G, ont également été accompagnées d’améliorations des systèmes de surveillance et de protection du cœur, afin de dégager des marges de fonctionnement tout en améliorant les marges de sûreté. Ceci s’est traduit par l’installation de détecteurs de neutrons à six sections sur les réacteurs de 1 300 MWe au lieu de deux sur les 900 MW, en vue de mesurer directement la distribution axiale de puissance dans le cœur. Le mode G a été le premier élément de conception à s’écarter de la licence Westinghouse. Le second fut le système de protection intégré numérique, mis en œuvre sur les réacteurs de 1 300 MWe. 63 Les quatre tranches du Tricastin sont raccordées au poste électrique 225 kV d’Eurodif, qui assure l’interconnexion avec le réseau électrique national 400 kV et l’usine George Besse I. La puissance électrique délivrée par ces quatre tranches était essentiellement destinée à l’alimentation en énergie de l’usine d’enrichissement de l’uranium par le procédé de diffusion gazeuse, située à proximité. Cette usine, d’une capacité nominale de 10,8 millions d’UTS/an, absorbait annuellement 15 TWh, soit environ les deux tiers de la production de la centrale. Cette capacité en UTS/an était dimensionnée pour alimenter en combustible enrichi un parc d’une centaine de réacteurs. Depuis le début de l’année 2012, la quasi-totalité de la production des quatre tranches du Tricastin est évacuée vers le réseau de transport de RTE et non plus vers l’usine Georges Besse I. Le procédé d’enrichissement par ultracentrifugation mis en œuvre dans l’usine Georges Besse II (7,5 millions d’UTS/an) est 50 fois moins consommateur d’énergie que la diffusion gazeuse. GB II Nord a été mise en production commerciale le 29 mars 2013, deux ans après GB II Sud. 64 Les brevets ont été déposés par Framatome.
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1.11. Le palier N4 La salle de commande du palier N4 a été conçue sur la base d’un principe fondamental : réduire les risques dus aux facteurs humains par une amélioration de la qualité de la conduite. L’approche par états (APE) a été intégrée dès la conception ; la conduite s’effectue assise, l’opérateur dispose d’une interface identique pour la présentation des informations et l’émission des ordres. Grâce aux consignes de conduite informatisées, les actions de l’opérateur sont guidées et contrôlées. La première tranche du palier N4 construite sur le site de Chooz, le même que SENA, a divergé en juillet 1996, puis la seconde en mars 1997. Ont suivi les deux tranches de Civaux construites au bord de la Vienne près de Poitiers fin 1997 et fin 1999. Pour le palier N4, le mode X, plus performant que le mode G, a été développé pour assurer un contrôle automatique du déséquilibre axial de puissance. Les essais de développement ont été menés à Saint-Alban. Au démarrage de Chooz B1, le mode X a été testé avec succès. Cependant, les quatre tranches N4 sont exploitées en centrale de base, donc en mode A (elles sont conçues pour être exploitées en bimode A/X). En effet, les études IPG effectuées à cette époque ont montré que la présence d’un groupe fortement inséré accroissait le risque IPG. EDF a décidé de ne pas commander les études de la gestion Alcade en mode X, ce qui a exclu ce mode de pilotage de l’exploitation des tranches N4.
1.12. Le réacteur de nouvelle génération « EPR » ou « European Pressurizer Reactor » De multiples raisons, aussi bien politiques qu’industrielles, poussèrent les sociétés Framatome et Siemens à se rapprocher dès la fin des années 1980. Siemens avait aussi été licenciée de Westinghouse mais avait quitté la licence beaucoup plus tôt que Framatome, dès le milieu des années 1970. Grâce à un cadre réglementaire spécifique, Siemens a développé une ligne de réacteurs PWR, dits « Konvoy », considérés comme très performants. Après une première tentative de rapprochement et de développement en commun d’un réacteur PWR de la classe des 1 000 MWe appelé « E1000 », Framatome et Siemens créent, en septembre 1989, une filiale commune à 50-50, appelée Nuclear Power International, pour le développement d’un produit commun. Les études technico-économiques amènent vite à développer un réacteur de forte puissance – 4 300 MWth – équipé d’un gros cœur composé de 241 assemblages (205 pour les réacteurs N4). Les réflexions « post-TMI » et les chutes d’avions militaires en Allemagne (les chasseurs F104) poussèrent à améliorer la mitigation des accidents graves et à concevoir un bâtiment réacteur résistant au crash d’avions militaires. Il est aussi décidé de concevoir un réacteur « évolutionnaire » en s’appuyant sur des options de conception éprouvées, ce qui fait pencher pour un réacteur à sûreté « active », pour lequel la fonction de refroidissement assurée par les systèmes de sauvegarde utilise des pompes dont l’alimentation électrique est nécessaire, par opposition à un réacteur à sûreté passive pour lequel cette fonction repose sur des phénomènes de convection naturelle.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
La phase conceptuelle démarre au début des années 1990, puis se succèdent les phases de Basic Design et de Basic Design Optimization auxquelles sont associés EDF et les exploitants allemands au cours de la décennie 1990. Les options de conception les plus frappantes sont alors le « core catcher » ou cendrier en matière réfractaire placé sous la cuve et capable de recevoir le cœur en fusion ayant traversé la cuve lors d’un accident grave, la double enceinte en béton précontraint capable de résister non seulement au crash d’avions militaires mais aussi à celui d’avions commerciaux de grande taille comme le Jumbo, la gestion automatique de l’accident de rupture de tubes de générateurs de vapeur, ou RTGV, et la possibilité de faire de la maintenance en fonctionnement. Avec quatre trains de sauvegarde, un core catcher et la double enceinte, l’EPR est considéré comme le réacteur le plus sûr du monde. D’un point de vue industriel et juridique, Framatome et Siemens décident de franchir un pas supplémentaire et de s’associer en créant la société Framatome Advanced Nuclear Power en janvier 2001. La part Framatome est de 66 % et celle de la Division nucléaire de Siemens, KWU, de 34 %. La société NPI est alors dissoute progressivement. Puis c’est la création d’AREVA le 1er septembre 2001 avec la réunion de Framatome ANP et de la société COGEMA. On doit aussi signaler l’achat de la Division nucléaire de la société américaine Babcock and Wilcox par Framatome, et la constitution, en plusieurs étapes commençant en 1990, d’une filiale américaine 100 % de Framatome nommée désormais AREVA Inc. L’EPR voit son premier succès commercial en Finlande avec la commande, en 2003, d’un réacteur EPR par l’exploitant TVO à construire sur le site d’Olkiluoto. La construction débute en août 2005 pour une mise en service en 2009, mais celle-ci est plusieurs fois repoussée et l’on parle maintenant de 2014. L’histoire finlandaise de l’EPR n’est peut-être pas finie puisque le gouvernement finlandais a autorisé la construction de deux nouveaux réacteurs pour TVO et Fennovoima. En mai 2006, EDF commande un réacteur EPR pour être construit sur le site de Flamanville. La construction commence en décembre 2007. En février 2007, la compagnie chinoise CGNPC commande deux EPR pour le site de Taishan dans la province du Guangdong. La construction débute en novembre 2009 pour la tranche 1 et en avril 2010 pour la tranche 2 ; le chantier avance comme prévu et il est probable que ce soit en Chine que démarre le premier EPR. Mais c’est l’offre perdue dans les Émirats arabes unis qui va provoquer quelques remous dans le monde de l’industrie nucléaire française. Contre toute attente, alors qu’AREVA s’attendait à recevoir la commande, c’est une société coréenne du sud, Kepco65 , qui se la voit attribuer. AREVA est en discussion avec EDF pour construire deux EPR en Grande-Bretagne. Les Autorités de sûreté nucléaires britanniques viennent de certifier le modèle EPR.
65 À partir d’un accord de licence avec la société américaine de construction de réacteurs nucléaires de type PWR – Combustion Engineering, rachetée par Westinghouse –, Kepco a développé un réacteur sur la base du modèle CE80+ amélioré pour en faire un réacteur de génération III (bien que ne disposant pas de systèmes de mitigation des accidents graves appartenant à cette génération). Ce type de réacteur est caractérisé par le fait qu’il comporte quatre branches froides et deux branches chaudes, donc deux gros générateurs de vapeur.
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Éléments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
Ce long chapitre constitue une passerelle entre les connaissances fondamentales de la neutronique et la neutronique « appliquée » pratiquée par les ingénieurs d’exploitation ou d’études.
2.1. Évolution du combustible et réactivité 2.1.1. Évolution du combustible On s’intéresse aux variations des quantités de noyaux fissiles par des neutrons thermiques et de noyaux fertiles dans le cœur, en fonction de l’irradiation. Des bilans matières calculés pour un combustible en gestion Garance1 sont donnés dans le tableau 2.1. Tableau 2.1. Masses (exprimées en grammes) d’uranium et de plutonium pour une tonne initiale de métal lourd (uranium, tous isotopes confondus), en fonction du taux de combustion.
uranium-235 uranium-236 uranium-238 plutonium-239 plutonium-240 plutonium-241 plutonium-242 facteur de conversion
Taux de combustion massique2 en MWj/tonne 0 10 500 21 000 31 500 42 000 37 000 26 340 18 315 12 240 7 784 0 1 928 3 284 4 201 4 757 963 000 956 470 949 120 941 100 932 400 0 3 663 5 190 5 780 5 928 0 536 1 308 2 005 2 555 0 216 745 1 252 1 619 0 17 136 386 740 0,36 0,46 0,57 0,69
1 La gestion Garance est une gestion 1/4 3,7 % déployée sur une part des réacteurs REP 900 CPY. 2 On rappelle que le taux de combustion massique (usuellement appelé BU, acronyme de burn-up), est défini
comme le rapport entre l’énergie thermique produite et la masse de métal lourd initial (élément chimique uranium pour du combustible UO2 ). Le BU peut être défini en moyenne pour un crayon, un assemblage ou le cœur entier.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Les taux de combustion indiqués dans le tableau correspondent à un enchaînement de cycles à l’équilibre sans prolongation de cycle3 . Le taux de combustion moyen de décharge est d’environ 42 500 MWj/t. Dans la réalité, cette valeur est plus élevée car les tranches effectuent en général une phase de stretch out à l’issue du cycle naturel d’exploitation. La baisse de la masse de noyaux fissiles4 est partiellement compensée par la production de nouveaux noyaux fissiles (plutonium-239, plutonium-241) à partir de noyaux fertiles (uranium-238, plutonium-238, plutonium-240). Le facteur de conversion est défini comme le nombre de noyaux fissiles produits par capture sur des noyaux fertiles, rapporté au nombre de noyaux fissiles détruits (par capture ou par fission). Dans un REP, ce facteur vaut en moyenne 0,5. En moyenne, chaque fois que deux atomes fissiles disparaissent, il se forme un atome de plutonium. Malgré cette régénération partielle du combustible, le nombre total de noyaux fissiles diminue dans le cœur au cours de l’irradiation, ce qui se traduit par une perte de réactivité du cœur. Cette perte est également accentuée par l’accumulation de produits de fission dans le combustible. La réactivité varie presque linéairement en fonction du taux de combustion du cœur, environ 0,7 pcm/MWj.t−1 . La baisse de réactivité apparaît dans le facteur de multiplication du combustible ηc , qui correspond au nombre de neutrons obtenus pour un neutron absorbé dans le combustible. De manière à maintenir le cœur critique tout au long du cycle d’exploitation, il est nécessaire de retirer du cœur un empoisonnement volontaire introduit en début de vie, en compensation de l’excédent de réactivité. Cet excédent de réactivité en début de cycle est en effet nécessaire5 pour maintenir le cœur critique pendant la durée d’un cycle (12 mois ou 18 mois selon les gestions). Cet empoisonnement volontaire peut prendre différentes formes selon les types de réacteurs à eau pressurisée : • étant données les contraintes d’encombrement, les réacteurs de propulsion navale ne disposent pas de système de contrôle volumétrique et chimique (RCV, CVCS en anglais). Dans ce cas, la fonction de compensation est réalisée par des absorbants de neutrons insérés dans le cœur et qui sont extraits progressivement (empoisonnement amovible) ;
3 La première partie du cycle d’exploitation, appelée cycle naturel, se termine quand la concentration en acide borique atteint 10 ppm, valeur en deçà de laquelle il est vain de tenter de la diminuer. La prolongation de cycle fait suite au cycle naturel. Elle est couramment dénommée stretch out, en général simplement abrévié par le mot stretch. 4 Implicitement fissiles par des neutrons thermiques. 5 Il est impossible de réaliser un déchargement/rechargement avec un réacteur REP en production pour des raisons technologiques évidentes : nécessité de dépressuriser le réacteur, d’ouvrir la cuve, c’est pourquoi un excédent de réactivité est nécessaire en début de cycle.
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
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• dans les REP électrogènes, la fonction de compensation de l’excédent initial de réactivité est remplie essentiellement par le bore introduit sous la forme d’acide borique en solution (empoisonnement amovible). Au fur et à mesure de l’usure du cœur, l’opérateur réalise une dilution de l’eau du circuit primaire, abaissant la concentration massique en acide borique. Cette concentration est définie par : Cb =
masse de bore masse d eau
(exprimée en ppm6 ) ;
• la fonction de compensation par retrait d’absorbants mobiles ou de bore soluble est en général complétée par l’introduction d’un poison neutronique, dit « consommable », disposé à dessein dans les assemblages. Le poids neutronique du poison consommable se réduit en raison des captures radiatives qui réduisent la quantité d’isotopes neutrophages. Ce point est développé dans les pages qui suivent.
2.1.2. Dilution et réactivité On se place dans le cas d’un réacteur REP 1 300 exploité en gestion Gemmes : il s’agit d’une gestion avec des cœurs enrichis à 4 %, rechargés par tiers, certains assemblages contenant du gadolinium, en tant que poison consommable. À l’équilibre xénon à 100 %Pn, en début de vie, on suppose que la concentration en acide borique est de 1 180 ppm. La diminution de cette concentration en acide borique améliore l’utilisation thermique des neutrons.
Figure 2.1. Facteurs f et p calculés par le code Apollo en fonction de la concentration en bore.
La figure 2.1 montre l’évolution du facteur antitrappe p et du facteur d’utilisation thermique f en fonction de la Cb , pour un combustible neuf enrichi à 4 % en réseau infini, dans les conditions isothermes, le modérateur et le combustible étant tous deux à une température de 306,4 ◦ C. On remarque que le facteur antitrappe varie légèrement, ce facteur étant lié à la concentration en uranium-238 qui ne varie que faiblement au cours d’un cycle. 6 1 ppm signifie une partie par million, soit 10−6 .
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Avec les facteurs p et f, on peut calculer la variation de réactivité imputable à la variation de la concentration en acide borique, entre le début de vie, à l’équilibre xénon et l’entrée en stretch (Cb = 10 ppm) : Cb équ. xénon équilibre xénon DDV 1 1 df − dp = − ln (f ) + ln (p) fin de cycle naturel εd dCb = − − f p Cb =10ppm ce qui fait environ 10 000 pcm. Cette valeur peut être comparée à la variation de réactivité déduite de la courbe d’efficacité différentielle du bore soluble. L’efficacité différentielle du bore soluble est définie comme la sensibilité de la réactivité à une variation de la concentration en acide borique : εd =
δρ δCb
Elle peut être calculée comme la dérivée logarithmique du facteur d’utilisation thermique en fonction de la Cb . On peut ajouter, au second ordre, la dérivée logarithmique du facteur antitrappe : εd (pcm/ppm) =
10−5 df 10−5 dp + f dCb p dCb
La figure 2.2 donne le résultat typique, par un calcul de cœur, de l’efficacité différentielle du bore soluble en fonction de l’avancement dans le cycle, pour un cœur de REP 1 300 MWe en gestion Gemmes.
Figure 2.2. Efficacité différentielle du bore soluble, en fonction de la concentration en bore.
La réactivité apportée par dilution est donnée par l’intégrale de la courbe d’efficacité différentielle : sur cet exemple on obtient 9 150 pcm, valeur proche de l’estimation précédente. Si l’on ajoute la contribution du poison consommable gadolinium (contribution qui sera explicitée au paragraphe suivant), l’empoisonnement du réacteur en début de vie, à la fois par le bore soluble et par le gadolinium, permet de compenser la réactivité excédentaire en réserve, entre la première divergence et l’entrée en stretch7 . 7 L’entrée en stretch est caractérisée par une concentration en acide borique de 10 ppm.
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
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Cette réactivité excédentaire disparaît tout au long du cycle en raison de la baisse du nombre de noyaux fissiles et de l’accumulation des produits de fission. Pour une longueur de campagne naturelle de 370 JEPP8 , on fait l’hypothèse d’une perte de réactivité égale à environ 9 700 pcm (compensée par la dilution et la consommation des isotopes impairs du gadolinium) : ce qui permet d’estimer la perte de réactivité à –26,2 pcm/JEPP.
2.1.3. Poisons consommables et réactivité Contrairement à l’acide borique qui est un poison amovible (son retrait du cœur est effectué par l’opérateur du réacteur), la baisse de l’empoisonnement neutronique dû au poison consommable se fait par captures sous flux neutroniques. Le poison consommable « idéal » est celui dont la consommation compense exactement, du point de vue du maintien de la réactivité, la perte en matière fissile. Deux défauts doivent être évités : • une disparition trop rapide de l’empoisonnement qui entraînerait une augmentation de réactivité en cours de cycle ; • un empoisonnement résiduel en fin de vie, pénalisant pour la longueur de cycle. Le rôle d’un poison consommable est de contribuer à la compensation de l’excédent de réactivité du cœur neuf. Les terres rares sont les éléments utilisés en tant que poisons consommables dans le combustible des REP. Le gadolinium, métal des terres rares, est utilisé dans les REP exploités par EDF en tant que poison consommable. D’autres exploitants étrangers utilisent un combustible dans lequel le poison consommable est l’erbium, introduit dans la gaine des crayons combustibles. L’antiréactivité due au gadolinium au moment de la divergence du réacteur permet d’être critique avec une Cb plus faible. Cette réduction de la valeur de concentration en bore à la divergence permet d’obtenir un coefficient de température du modérateur un peu plus négatif et d’éviter un coefficient de température du modérateur positif. Le gadolinium naturel est constitué de six isotopes stables (gadolinium-154, gadolinium155, gadolinium-156, gadolinium-157, gadolinium-158, gadolinium-160) et d’un radioélément gadolinium-152. L’isotope 157, présent à 15,65 % dans le gadolinium naturel, offre une remarquable section efficace d’absorption des neutrons thermiques : environ 254 000 barns (tableau 2.2). L’empoisonnement au gadolinium est utilisé dans les gestions Cyclades9 (1/3 de cœur, 4,2 %) et Gemmes (1/3 de cœur, 4 %). Le gadolinium est introduit sous la forme d’oxyde de gadolinium Gd2 O3 , poudre qui est mélangée à celle d’oxyde d’uranium avant le compactage et le frittage des pastilles. Tous les crayons d’un assemblage combustible ne sont pas gadoliniés, les emplacements sont soigneusement étudiés, ce qui donne lieu à un zonage. 8 JEPP : jour équivalent pleine puissance. 1 JEPP représente l’accroissement du taux de combustion qui serait obtenu si le réacteur fonctionnait pendant 24 h à puissance nominale. 9 La gestion Cyclades est déployée sur les tranches CP0 depuis 2002 et la gestion Gemmes sur toutes les tranches 1 300 MWe, à l’exception de la tranche 2 de Nogent qui est en transition de retour vers la gestion Gemmes après l’abandon de la gestion Galice.
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Tableau 2.2. Les isotopes du gadolinium. Source : ENDF/B-VI.
Tous les assemblages d’une recharge ne sont pas gadoliniés. Par exemple, en gestion Gemmes, une recharge de 64 assemblages neufs comporte 24 assemblages gadoliniés. Les crayons combustibles contenant du gadolinium n’ont pas le même enrichissement que les crayons purement UO2 . Cette diminution de l’enrichissement a pour objectif de limiter la puissance des crayons gadoliniés. En effet, le point de fusion de l’oxyde de gadolinium est de 2 330 ◦ C et la structure cristalline d’une pastille UO2 + Gd2 O3 a une température de fusion plus faible que celle des pastilles UO2 . De plus, la conductivité thermique des pastilles UO2 + Gd2 O3 est également dégradée. L’enrichissement plus faible en uranium-235 des pastilles UO2 + Gd2 O3 permet donc de limiter les températures à cœur. Dans la gestion Gemmes, l’enrichissement en uranium-235 des pastilles UO2 + Gd2 O3 est limité à 2,5 %. La teneur en gadolinium est de 8 %. Il est impropre de parler de disparition du gadolinium. Les réactions de capture radiative qui se produisent pendant le fonctionnement en puissance modifient le vecteur isotopique du gadolinium. Les isotopes impairs, qui sont les plus neutrophages (155 et 157), disparaissent tandis que les isotopes pairs atteignent une teneur à saturation (figure 2.3). La capture de neutrons thermiques par les isotopes 156 et 158 est très faible mais elle n’est cependant pas négligeable, ce qui fait qu’il demeure un empoisonnement résiduel, ou pénalité résiduelle, en fin de cycle. Le gadolinium-159 issu de la capture radiative sur gadolinium-158 subit une décroissance β− de courte période (18,5 h) vers le terbium-159. Le gadolinium introduit dans les assemblages remplit deux rôles : • en début de vie, il contribue à réduire la réactivité initiale du cœur et se substitue en partie au bore soluble dont il permet de limiter la concentration, assurant ainsi un coefficient de température du modérateur négatif à la divergence ; • grâce à une répartition appropriée des assemblages gadoliniés dans le cœur, il est possible d’atténuer les hétérogénéités radiales de puissance (caractérisées par les Fxy : se reporter au chapitre « Distribution de puissance dans les REP »). Il est intéressant de noter que l’antiréactivité apportée par le gadolinium n’est pas proportionnelle à sa teneur car elle subit la loi des rendements décroissants (effet d’autoprotection
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Figure 2.3. Évolution isotopique du gadolinium en fonction du taux de combustion.
spatiale : le gadolinium situé au centre des pastilles d’UO2 voit peu de neutrons, beaucoup étant capturés en périphérie). C’est la raison pour laquelle la diminution de la teneur isotopique en noyaux de gadolinium-155 et 157 ne produit pas d’effet visible sur la réactivité du cœur au cours de la première moitié du cycle. La réactivité libérée par la disparition des isotopes impairs du gadolinium ne devient observable que dans les derniers pourcents de teneur massique en isotopes impairs. Cela s’observe sur les deux courbes qui se resserrent entre 7 000 et 11 000 MWj/t. Ce comportement est également confirmé par l’évolution des Fxy présentée dans le chapitre « Distribution de puissance dans le cœur des REP ». La figure 2.4 représente l’évolution de l’antiréactivité apportée par le bore soluble en fonction de l’avancement dans le cycle et une estimation (indicative) de cette antiréactivité en tenant compte du bore soluble et du gadolinium. Si l’on souhaite obtenir une estimation, par calcul, de l’antiréactivité du gadolinium au moment de la divergence, il faudrait réaliser deux simulations de calculs de cœur afin de les comparer : • une simulation en début de cycle après une recharge en mode Gemmes, • une simulation en début de cycle après une recharge de 64 assemblages d’UO2 enrichis à 4 % et non gadoliniés. L’antiréactivité du gadolinium s’obtiendrait facilement en multipliant l’écart entre les concentrations en bore critique par l’efficacité différentielle du bore soluble.
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antiréactivité Bore + gadolinium
Figure 2.4. Compensation de l’excédent de réactivité du cœur : évolution de l’antiréactivité du bore soluble et du gadolinium (la courbe « antiréactivité bore + gadolinium » est donnée à titre indicatif et ne résulte pas d’un calcul).
2.1.4. Évolution de l’efficacité différentielle du bore soluble au cours d’un cycle complet d’exploitation L’effet en réactivité du Bore, quantifié par l’efficacité différentielle εd dépend à la fois : • de la température du modérateur : quand elle augmente, εd est de moins en moins négatif ; • du taux de combustion : quand il augmente, εd est de moins en moins négatif en raison du durcissement du spectre neutronique10 ; • de la concentration en bore Cb : quand elle augmente, εd est de moins en moins négatif. Le durcissement du spectre neutronique qui se produit quand Cb augmente tend à rendre le bore de moins en moins efficace (comportement en rendement décroissant). On s’intéresse à l’évolution de l’efficacité différentielle du bore soluble depuis la divergence au redémarrage jusqu’à la fin du stretch. L’effet dominant est souligné en caractères gras. • Pendant la dilution effectuée lors de la montée en puissance au redémarrage, la dilution tend à rendre εd de plus en plus négatif, mais l’augmentation de la température moyenne primaire11 tend à rendre εd de moins en moins négatif. 10 Le durcissement du spectre signifie que le décalage entre le spectre de fission et le spectre thermique se réduit. 11 Température moyenne dans le cœur d’un REP 900 MWe : 286 ◦ C à 0 %Pn et 305,1 ◦ C à 100 %Pn (+19,1 ◦ C). Température moyenne dans le cœur d’un REP 1 300 MWe : 297,2 ◦ C à 0 %Pn et 307,7 ◦ C à 100 %Pn (+10,5 ◦ C).
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
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• Lors de l’avancement dans le cycle, on se trouve en présence de deux phénomènes en compétition : l’accroissement du taux de combustion massique (BU) tend à rendre εd de moins en moins négatif, mais la dilution tend à rendre εd de plus en plus négatif. • En période de prolongation de cycle (stretch), on se trouve également en présence de deux phénomènes en compétition : l’accroissement du BU tend à rendre εd de moins en moins négatif, mais le refroidissement du réacteur en stretch12 tend à rendre εd de plus en plus négatif.
2.1.5. Taux de combustion, JEPP et longueur de cycle Le tableau 2.3 établit la correspondance entre le taux de combustion moyen du cœur et le nombre de JEPP. Tableau 2.3. Relation entre JEPP et MWj/t. Un assemblage Cœur complet Puissance thermique nominale Puissance spécifique 1 JEPP
538 kg d’uranium 103,834 t 3 800 MW 36,6 W/g 36,6 MWj/t
Pour un cœur en gestion Gemmes, la longueur de cycle naturel, évaluée par un calcul d’enchaînement de cycles prolongés par 60 JEPP de stretch, est de 365 JEPP. La longueur totale d’un cycle est donc de 425 JEPP. Avec ces valeurs, le taux de combustion moyen de décharge peut être estimé à : 3 × 425 × 36,6 × 10−3 ∼ = 46,7 GWj/t La longueur calendaire du cycle est différente de la longueur exprimée en JEPP. Elle s’obtient en tenant compte du facteur de charge Kp 13 du réacteur (rapport de l’énergie effectivement fournie, durant un intervalle de temps déterminé, à l’énergie théorique maximale). En supposant Kp = 75 %, on obtient une durée calendaire de 566 jours, soit environ 18 mois.
2.2. Effets de température du modérateur 2.2.1. Généralités sur les effets de température du modérateur Les effets de température du modérateur sont les phénomènes physiques produisant des variations de réactivité consécutives à des variations de la température du modérateur. 12 Sur un REP 1 300 MWe, les différents programmes en température qui sont successivement implantés abaissent la Tmoy de 306,4 ◦ C à 285,2 ◦ C, soit un refroidissement de 21 ◦ C. 13 K ne doit pas être confondu avec le coefficient de disponibilité K , qui quantifie la disponibilité du réacteur p d pour fournir de l’énergie (laquelle n’est pas forcément appelée par le réseau électrique). Kd est le rapport de l’énergie disponible, durant un intervalle de temps déterminé, à l’énergie théorique maximale.
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Le chapitre « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP » explique pour quelles raisons et par quels moyens la température moyenne dans les REP évolue linéairement de façon croissante avec la puissance, en suivant une loi14 de température dite « température de référence » ou « température de consigne ». En raison des effets de température du modérateur, les variations de puissance entraînent donc des variations de réactivité. Ces effets sont exprimés par un coefficient, appelé coefficient de température du modérateur, exprimé en pcm/◦ C et usuellement noté : CTM, CTMOD, αmod ou Cθ (notation usuelle pour les réacteurs de propulsion navale). Ce coefficient de température doit être négatif dans toutes les situations rencontrées en exploitation, avec le cœur critique. C’est une exigence de sûreté. Un CTM négatif assure une contre-réaction, tendant à stabiliser le cœur, car l’effet (une diminution de la réactivité) s’oppose à la cause qui lui donne naissance (une augmentation de la puissance nucléaire). Le coefficient de température négatif se traduit également par une adaptation naturelle de la puissance thermique primaire à la puissance extraite au secondaire : ceci est étudié dans le chapitre « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ». La détermination du coefficient de température du modérateur nécessite de prendre en compte de nombreux effets. Nous négligerons les effets suivants, qui ne pèsent que –1 à –2 pcm/◦ C chacun : • si la température du modérateur augmente, le spectre des neutrons thermiques se durcit, ce qui affecte la réactivité par le biais des sections efficaces15 ; • augmentation des fuites neutroniques quand la température moyenne primaire augmente (diminution de la probabilité de non-fuite). Quand la température moyenne primaire augmente, la dilatation du fluide primaire va avoir des conséquences importantes sur le bilan neutronique. Deux facteurs vont être très impactés par un changement de densité de l’eau : • « facteur antitrappe » p : il représente la probabilité pour un neutron abordant le domaine du ralentissement de ne pas être capturé de manière improductive (capture stérile), en échappant aux captures résonnantes de l’uranium-238, du plutonium-240 et du plutonium-242 ; • « facteur d’utilisation thermique » f : il représente la probabilité qu’un neutron, une fois thermalisé, soit absorbé utilement, c’est-à-dire dans le combustible plutôt que dans un autre milieu (le modérateur, le bore ou la gaine). Une première approche qualitative peut être effectuée, visant à étudier l’influence de la densité de l’eau sur la réactivité. La dilatation de l’eau va agir sur les facteurs p et f via les deux noyaux suivants : l’hydrogène de l’eau et l’isotope 10 B de l’acide borique en solution dans le circuit primaire. Conséquences, via l’hydrogène, de la dilation du fluide : la dilation du fluide entraîne une réduction du nombre de noyaux d’hydrogène présents dans le cœur, ce qui produit deux effets opposés. Le facteur antitrappe diminue car le ralentissement des neutrons est 14 L’expression « programme en température » est également couramment employée. 15 On rappelle que dans le domaine thermique, les sections efficaces décroissent avec l’augmentation de l’éner-
gie relative neutron/noyau.
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dégradé. Cependant, le facteur d’utilisation thermique des neutrons est amélioré car l’hydrogène capture de façon parasite une partie des neutrons thermiques, qui sont perdus pour l’entretien de la réaction en chaîne. Ce qui importe est l’évolution du produit p × f à la suite d’une augmentation de température. Il est possible de faire l’étude du produit p × f en fonction du rapport géométrique de modération, défini comme le volume occupé par le modérateur divisé par le volume occupé par l’UO2 . Mais ceci ressort de la neutronique et n’appartient pas au périmètre du présent ouvrage. La figure 2.5 donne l’allure générale des courbes p, f et p × f en fonction du rapport de modération. p,f
Choix de conception : réseau sous-modéré On se place àgauche de l’optimum de modération
1,0
p
0,9
P après augmentation de Tmoy
0,8
F après augmentation de Tmoy
0,7
f
0,6
p´f
0,5
Effet déstabilisant : augmentation de la réactivité
0,4
Effet stabilisant : baisse de la réactivité
0,3
Valeurs approximatives pour p et f. Sans échelle pour p x f
0,2 0,1
Rapport de modération Vm/Vc
0
1
2
3
4
5
6
7
Figure 2.5. Influence d’une augmentation de la température moyenne primaire sur les facteurs p, f et la réactivité, en fonction du rapport de modération géométrique.
L’optimum de modération correspond au produit p × f le plus élevé. On peut voir que le rapport de modération est, par design, inférieur à l’optimum de modération. Toute augmentation de température se traduit par une baisse de p × f . La baisse de réactivité associée à la baisse de p × f provoque une baisse de puissance nucléaire, il s’agit d’un effet stabilisant, d’une contre-réaction qui vient s’opposer à la hausse de température. Conséquences, via le bore, de la dilation du fluide : la dilatation de l’eau fait baisser le nombre de noyaux de bore présents dans le cœur, ce qui augmente le facteur d’utilisation thermique et donc la réactivité. Cet effet est donc déstabilisant. L’ensemble des effets peut être résumé dans le logigramme de la figure 2.6. Quand la concentration en acide borique est nulle, il n’existe plus que la branche de gauche du logigramme. C’est dans ce cas que la contre-réaction est la plus forte : le coefficient de température du modérateur est le plus fortement négatif.
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Augmentation de la température moyenne de l’eau
Dilatation
Effet sur l’eau
Le facteur «f» augmente
Effet sur le Bore
Le facteur «p» diminue
CTM_eau< 0 Le réseau étant sous-modéré, l’effet global est une baisse de réactivité
Le facteur «f» augmente
CTM_Bore> 0 Et D’autant plus élevéque la Cb est élevée
Figure 2.6. Conséquences d’une augmentation de la température moyenne de l’eau sur la réactivité.
Figure 2.7. Coefficient de température du modérateur en fonction de la concentration en bore.
Plus la concentration en acide borique est élevée, plus la branche de droite du logigramme a un poids élevé, donc moins le CTM est négatif. On peut également concevoir qu’au-delà d’une certaine concentration en bore, ce coefficient puisse devenir positif. La figure 2.7 donne le CTM d’un cœur REP 1 300 MWe (gestion Gemmes), en fonction de Cb . La valeur du CTM augmente en valeur absolue avec la baisse de Cb . Implicitement,
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la valeur du CTM tient compte de l’augmentation du taux de combustion sous-jacente à la dilution.
2.2.2. Exercice : la répartition du CTM en deux effets séparés bore et eau L’objectif de cet exercice est de séparer et de quantifier les effets du bore et de l’eau. Nous effectuons les calculs à 306,4 ◦ C, c’est-à-dire en supposant la tranche à puissance nominale.
2.2.2.1. Détermination de la contribution du bore au coefficient de température du modérateur Dans cet exercice, on considère le CTM comme résultant de deux contributions, toutes deux fonction de la température et donc de la densité de l’eau : • les variations des captures thermiques du fluide primaire (eau + bore), caractérisées par le facteur f(T), dépendant de la température16 ; • les variations du pouvoir modérateur de l’eau, qui est caractérisé par le facteur p(T), dépendant de la température. Ceci nous permet de considérer le CTM comme la somme de deux composantes, une composante liée à l’eau (agissant sur les facteurs p et f ) et une composante liée à la présence du bore dans l’eau (action sur le facteur f ). Ce qui s’écrit : CTM = CTMbore + CTMeau Nous montrons comment CTMbore peut être estimé en supposant connue l’efficacité différentielle du bore soluble. Quand la température moyenne primaire augmente, en raison de la dilatation de l’eau, le nombre de noyaux de bore présents dans le cœur diminue et cet effet seul tend à augmenter la réactivité. Pour estimer cette augmentation de réactivité, il suffit de déterminer quelle est la variation de concentration en bore effectuée à température constante qui entraîne la disparition du même nombre de noyaux de bore dans le cœur, et de multiplier ensuite cette variation de concentration par l’efficacité différentielle du bore soluble. Le coefficient d’expansion thermique de l’eau est défini par : cexpth (T ◦ C) =
ρ(T ) − ρ(T + δT ) 1 × ρ(T + δT ) δT
On note cexpth (306, 4 ◦ C) le coefficient d’expansion à 306,4 ◦ C et 155 bars. 16 Le facteur f dépend également de la température du modérateur sous un autre aspect, celui du spectre neutronique. En effet, si la température augmente, le spectre des neutrons thermiques se durcit, c’est-à-dire que la distribution en énergie des neutrons se déplace vers les énergies plus élevées. Les effets portent sur la diffusion des neutrons et s’observent sur le facteur f.
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On peut écrire pour les masses volumiques ρ : ρ(306,4 ◦ C) = 1 + cexpth (306,4 ◦ C) × δT ρ(306,4 ◦ C + δT ) On considère le volume d’eau présent dans le cœur, ce qui permet d’écrire le rapport entre les masses d’eau contenues dans le cœur : meau cœur (306,4 ◦ C) = 1 + cexpth (306,4 ◦ C) × δT meau cœur (306,4 ◦ C + δT ) Lors d’une variation de température, la concentration en bore ne change pas étant donné qu’elle est un rapport de masses. La masse de bore change d’une quantité δmbore cœur : Cb
= =
mbore cœur (306,4 ◦ C) + δmbore cœur meau cœur (306,4 ◦ C + δT ) mbore cœur (306,4 ◦ C) + δmbore cœur (1 + cexpth (306,4 ◦ C) × δT ) meau cœur (306,4 ◦ C)
Étant donné la valeur de cexpth (306,4 ◦ C) × δT
17
très faible devant 1, on considère que : 1 (1 + cexpth (306,4 ◦ C) × δT ) est le DL à l’ordre 1 de . 1 − cexpth (306,4 ◦ C) × δT
Ce qui permet d’écrire : Cb = Sachant que Cb =
mbore cœur (306,4 ◦ C) + δmbore cœur meau cœur (306,4 ◦ C) × (1 − cexpth (306,4 ◦ C) × δT )
mbore cœur (306,4 ◦ C) meau cœur (306,4 ◦ C) ,
il vient :
δmbore cœur = −meau cœur (306,4 ◦ C) × cexpth (306,4 ◦ C) × Cb δT On s’intéresse maintenant au processus de dilution/borication. La variation de quantité de bore dans le cœur, due à un changement de la concentration en bore, peut s’écrire : δmbore cœur = meau (306,4 ◦ C) × δCb = meau (306,4 ◦ C) ×
δρ εd (Cb )
L’équation ci-dessus nous a permis de calculer l’effet en réactivité dû à une perte de noyaux de bore dans le cœur, à partir de l’efficacité différentielle du bore soluble. D’où : 1 δρ × meau (306,4 ◦ C) × = −meau cœur (306,4 ◦ C) × cexpth (306,4 ◦ C) × Cb δT εd (Cb ) On en déduit la part du bore dans le coefficient de température du modérateur : CTMbore =
δρ = −cexpth (306,4 ◦ C) × Cb × εd (Cb ) δT
◦ C et 155 bars, le coefficient d’expansion thermique vaut c expth (306,4 0, 003 095 53/ ◦ C. 17 À 306,4
◦ C; 155 bars) =
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
39
2.2.2.2. Application numérique : calcul de CTMeau et CTMbore Pour un cœur en gestion Gemmes, on dispose des données suivantes : • efficacité différentielle en fonction de la concentration en bore soluble, • coefficient de température du modérateur CTM. À partir de l’équation établie au paragraphe 2.2.1, on peut calculer la contribution du bore au coefficient de température du modérateur. En faisant la soustraction entre le CTM et la contribution du bore, on peut tracer la contribution de l’eau (figure 2.8).
Figure 2.8. Augmentation de la température du modérateur : effet sur l’eau seule, effet sur le bore seul.
On peut s’attendre, en première approximation, à ce que cette valeur soit assez stable en fonction de la Cb . Cette contribution est de plus négative tout au long de l’avancement dans le cycle : elle passe de –53,8 pcm/◦ C à –66 pcm/◦ C. Ceci peut s’expliquer par la compétition entre le 10 B et 1 H pour la capture des neutrons thermiques. Plus la concentration en bore est élevée, plus les captures de neutrons sur le bore se font au détriment des captures sur l’hydrogène. Dans ce cas, une diminution de densité de l’eau apporte de moins en moins de réactivité au cœur ; la contribution de l’eau au CTM et de moins en moins négative.
2.2.3. Exercice : constitution de l’abaque du CTM en fonction de la température et paramétré suivant la concentration en bore On souhaite établir l’abaque du CTM en fonction de la température et paramétré suivant la Cb , en disposant des données d’entrée suivantes : • tables de l’eau, • valeurs des facteurs d’utilisation thermique f(T, Cb ) et antitrappe p(T, Cb ) en fonction de la température et de la concentration en acide borique (figure 2.9).
40
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Figure 2.9. Facteurs f et p en fonction de la température et de la Cb .
Ces facteurs18 sont calculés par le code Apollo, pour un réseau infini d’assemblages UO2 neufs enrichis à 4 %, sans gadolinium, toutes barres extraites, sans empoisonnement xénon, le combustible et le modérateur étant supposés isothermes. Pour une Cb donnée, on suppose une augmentation de température de δT. Quand la température de l’eau passe de T à T + δT, pour un neutron abordant le domaine thermique, le nombre de neutrons perdus par captures thermiques dans le modérateur 18 Pour obtenir ces facteurs, le domaine en énergie a été découpé en deux groupes, thermique et rapide, la limite étant égale à 0,625 eV. Les fissions sont donc comptabilisées comme « rapides » au-dessus de cette limite et « thermiques » en dessous.
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
41
diminue et passe de : (1 − f (T ))
à
(1 − f (T )) × (1 − cexpth (T ) × δT )
En effet, la masse d’eau présente dans le cœur est multipliée par : (1 − cexpth (T ) × δT ). Pour un neutron abordant le domaine thermique, le nombre de neutrons économisés par l’augmentation de température δT est : (1 − f (T )) × cexpth (T ) × δT On peut en déduire le gain de réactivité : δρf = (1 − f (T )) × cexpth (T ) × δT × 105
pcm
Le facteur f est directement lié à la quantité de noyaux ralentisseurs présents dans le cœur du réacteur, ce qui fait que δρf est aisé à déterminer. L’effet de l’augmentation de la température du modérateur sur le facteur antitrappe ne peut pas se trouver avec un raisonnement aussi simple. En effet, p(T) dépend des sections efficaces de capture (capture résonnante) des isotopes pairs (uranium-238, plutonium-240 et 242), de capture et de diffusion de l’hydrogène, et de la densité volumique de l’ensemble de ces noyaux dans le cœur. Il est possible de démontrer19 que quand la température de l’eau augmente de T à T + δT , le gain sur la réactivité est : 1 × cexpth (T ) × δT × 105 pcm δρp = − Log p(T ) Le coefficient CTM résulte de l’addition de ces deux gains de réactivité : CTM(T ) =
δρf + δρp
δT Dans les calculs de p et de f utilisés pour la construction de l’abaque, le combustible et l’eau sont isothermes (réacteur à puissance nulle). C’est pourquoi il est nécessaire de retrancher le coefficient Doppler du CTM(T) précédemment calculé. D’où, pour une Cb donnée : 1 × cexpth (T ) × 105 − αdop (pcm/◦ C) CTM(T ) = 1 − f (T ) − Log p(T ) Les résultats des calculs permettent de tracer l’abaque en figure 2.10. Les valeurs obtenues à 300 ◦ C sont très proches de celles calculées par EDF pour un cœur Gemmes. Cet abaque nous permet-il d’estimer le coefficient de température du modérateur d’un réacteur à puissance nominale ? Deux effets mériteraient d’être pris en compte : • la présence des grappes de commande dans le cœur, en raison de leur influence sur l’utilisation des neutrons thermiques ; • le fait qu’en puissance le combustible et le modérateur ne sont pas isothermes : la température plus élevée du combustible conduit à un facteur antitrappe plus faible, ce qui se répercute sur le calcul du coefficient de température du modérateur. 19 Physique des réacteurs nucléaires, Robert Barjon (1993), p. 652.
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CTMOD en fonction de la température moyenne et de la Cb - enrichissement 4% - conditions isothermes entre l'eau et le combustible
15 10 5 0
0 200
pcm / °C
-5
400
-10
600
-15
800
-20
1200
-25
1400
-30
1800
1000
1600 2000
-35 -40 -45 -50 -55 -60 -65 -70 100
110
120
130
140
150
160
170
180
190
200
210
220
230
240
250
260
270
280
290
300
température moyenne primaire (°C)
Figure 2.10. Abaque donnant le CTM en fonction de la température moyenne primaire et paramétré selon la Cb .
2.2.4. Valeur du CTM en début de vie C’est à la première divergence qu’un réacteur à la criticité est en présence de la concentration en acide borique la plus élevée. Cette concentration diminue lors de la montée en puissance (compensation du défaut de puissance) et jusqu’à l’atteinte de l’empoisonnement xénon à l’équilibre à 100 %Pn. C’est donc à la première divergence que le CTM d’un cœur à la criticité est le plus faiblement négatif. Cette concentration à la divergence est très variable d’un cycle à l’autre. En effet, elle dépend du potentiel de réactivité des deux tiers d’assemblages irradiés (dans le cas d’une gestion tiers) qui sont rechargés dans le cœur. Ce potentiel dépend du passé du cœur : en premier lieu du cycle précédent (n – 1) et dans une moindre mesure du cycle n – 2. Ce sont les deux dernières campagnes qui déterminent principalement le potentiel de réactivité d’un cœur. Par exemple, si le réacteur a effectué une anticipation avant la fin de la campagne naturelle (de 40 JEPP par exemple), la concentration en bore critique à la première divergence est plus élevée que si le cycle précédent s’était conclu avec 60 JEPP de stretch. Un calcul en « coin de table » permet d’estimer la différence entre les Cb critiques d’un nouveau cœur faisant suite à un cycle n – 1 arrêté avec 40 JEPP d’anticipation dans le premier cas, et après 60 JEPP de stretch dans le second cas. L’écart entre les deux longueurs de cycle est 100 JEPP, soit environ 2 600 pcm. On ne considère que les deux tiers de cet écart, correspondant aux deux tiers rechargés, soit 1 730 pcm. Ceci se traduit par un écart d’environ 220 ppm entre les Cb de première divergence et par un écart de 4 pcm/◦ C entre les coefficients de température du modérateur. Des valeurs plus précises, observées sur un réacteur, sont indiquées dans le tableau 2.4.
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Tableau 2.4. Exemples de conditions de divergence, avec anticipation et après stretch. Cœur en gestion Gemmes. Cycle n − 1 Cycle n : Cb TBH critique de 1re divergence Cycle n : CTM TBH à la 1re divergence
40 JEPP d’anticipation
60 JEPP de stretch
2 000
1 750 ppm
–2,5 pcm/◦ C
–6,5 pcm/◦ C
Les concentrations en bore à la première divergence sont typiquement comprises entre 1 700 ppm et 2 000 ppm. Au-delà de 2 200 ppm environ, le coefficient de température du modérateur présente le risque d’être positif.
2.2.5. CTM en prolongation de cycle Le stretch out, également appelé « prolongation de cycle », est avantageux d’un point de vue économique puisqu’il a comme conséquence une meilleure utilisation du combustible. Pour une gestion donnée, si l’on compare deux enchaînements de cycles à l’équilibre, l’un avec un rechargement dès que la Cb atteint 10 ppm20 et l’autre comprenant systématiquement 60 JEPP de prolongation de cycle, on constate que les cycles avec prolongation permettent d’obtenir des taux de combustion plus élevés, ce qui indique une meilleure utilisation du combustible. Pour illustrer la meilleure utilisation du combustible apportée par les prolongations de cycle, nous disposons de valeurs calculées en gestion Garance (1/4 ; 3,7 %), présentées dans le tableau 2.5. Tableau 2.5. Influence du stretch sur le taux de combustion de décharge. Valeurs en gestion Garance.
Longueur de cycle Taux de combustion de décharge
Cycles enchaînés sans stretch 278 JEPP 41 625 MWj/t
Cycles enchaînés avec stretch 240 + 60 JEPP 45 263 MWj/t
Cependant, la manœuvrabilité du réacteur est limitée en stretch et il n’est pas possible de réaliser du suivi de réseau : les variations de charges ne sont pas permises en stretch, ni le téléréglage (réglage secondaire de fréquence). La régulation turbine est passée en mode direct. Toutes les tranches, en stretch, peuvent participer au réglage primaire de fréquence21 , ce qui contribue à la sûreté du réseau électrique. Pour les REP 1 300 MWe, la participation au réglage primaire est limitée à 27 MWe. 20 Dans ce cas, on dit que le réacteur effectue simplement un cycle naturel (sans prolongation). 21 Néanmoins, si la valeur du crédit K en fin de cycle est inférieure à une valeur minimale, le réglage primaire
de fréquence en stretch n’est pas autorisé. Le crédit K est une image de l’état de conditionnement du combustible, il est calculé de façon journalière en CNPE par les techniciens « essayeurs » conformément aux prescriptions IPG des STE. Le lecteur peut se reporter à la section consacrée à l’IPG dans l’annexe 1 « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire ».
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Figure 2.11. Programmes en température en cycle naturel et pendant le stretch (REP 1 300).
La phase de stretch débute lorsque l’usure du combustible ne peut plus être compensée par la dilution. Ceci marque la fin naturelle de la campagne, caractérisée par les paramètres ci-dessous (pour un réacteur exploité en mode G) : • Tmoy ne pouvant plus être maintenue à Tréf (il s’agit en fait du programme Tréf0 ), • Cb < 10 ppm, • groupes de compensation de puissance extraits, • équilibre xénon. Pendant les 60 JEPP de la prolongation de cycle, la température moyenne primaire est abaissée de 306,4 ◦ C à 285,2 ◦ C (à partir de 55 JEPP). La baisse de température moyenne primaire n’est autorisée, ou possible, qu’à l’intérieur de certaines limites dépendant de la puissance. Elles définissent un domaine de fonctionnement autorisé22 . La droite oblique sur la figure 2.11 délimite le domaine de fonctionnement autorisé. 22 Toute baisse de la température moyenne primaire à puissance constante conduit à une baisse de pression vapeur et à une augmentation du taux d’humidité à la sortie des GV. Le respect de critères sur la qualité de la vapeur impose une pression vapeur minimale et donc une température moyenne minimale à chaque niveau de puissance. De plus, la pression à l’admission vapeur doit être suffisante pour réaliser un niveau de puissance donné, la pression minimale nécessaire étant celle obtenue à la pleine ouverture des quatre vannes d’admission vapeur à la turbine et permettant d’atteindre la puissance voulue. Cette pression vapeur minimale est également convertie en température moyenne primaire minimale. La prise en compte de ces deux contraintes (qualité de la vapeur et pression suffisante à l’admission vapeur) se traduit par la droite oblique de la figure 2.11.
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
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De plus, les STE imposent une température moyenne primaire minimale de 283 ◦ C. Le fonctionnement en stretch oblige à modifier certains paramètres des chaînes de régulation. Différents programmes en température sont successivement implantés pendant le déroulement du stretch. Le programme Tréf0 est le programme classique du fonctionnement pendant le cycle naturel, il est suivi des programmes Tr éf 1 à Tr éf 11 . La bande morte du groupe de régulation de température est élargie23 en stretch. L’élargissement de la bande morte permet d’éviter que la régulation de température ne provoque des mouvements du groupe R (donc susceptibles d’initier une oscillation xénon), en réponse aux variations de température moyenne primaire induites par les fluctuations de puissance secondaire24 , dues au réglage primaire de fréquence. Enfin, le groupe R est positionné à 254 pas extraits à l’entrée en stretch. On peut également noter que le passage en stretch se traduit par une dégradation du rendement thermodynamique de l’installation, étant donné les plus faibles valeurs de la température de la vapeur dans le GV. Les différents programmes et les limites spécifiques à la partie secondaire en stretch sont donnés sur la figure 2.11. Comme nous le mettons en évidence dans le chapitre « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP », le comportement en dynamique libre25 d’un réacteur subissant une perte lente et progressive de réactivité se traduit par une puissance constante et un refroidissement continu du circuit primaire. Pendant le stretch, l’usure du combustible est donc naturellement compensée par un apport de réactivité lié à la baisse progressive de la température moyenne primaire (effet modérateur). De façon à ce que le réacteur reste à l’intérieur du domaine autorisé (température moyenne primaire, puissance), l’opérateur réalise des baisses de puissance d’une amplitude de 2 %Pn, effectuées entre deux périodes de refroidissement. Il est donc facile de calculer le gain de réactivité apporté par le refroidissement en dessous de 306,4 ◦ C, en fonction de la température moyenne primaire. Les résultats sont donnés sur la figure 2.12 : le refroidissement de 306,4 ◦ C jusqu’à la température de référence du programme Tréf11 (283 ◦ C) apporte une réactivité de 1 400 pcm, permettant d’exploiter le réacteur pendant 53 JEPP environ. La durée maximale autorisée pour le stretch est de 60 JEPP pour tous les paliers. C’est cette durée qui a été prise en compte dans les études d’accidents du rapport de sûreté. Elle permet d’atteindre le dernier programme en température (y compris le bas de la bande morte). À partir des valeurs de p et f à Cb = 10 ppm et des différentes valeurs de température, on peut estimer le coefficient de température du modérateur qui évolue en fonction de la baisse de température moyenne primaire (figure 2.13).
23 −1, 6 ◦ C à +0,8 ◦ C dès le début du stretch. Quand (T ◦ réf – Tmoy ) atteint 1,6 C, on modifie le programme de température (passage à Tréf1 ) en élargissant la bande morte de −1,6 ◦ C à +1,6 ◦ C. 24 Le lecteur peut se référer au chapitre 3 « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP » qui explique les effets du réglage primaire de fréquence sur le cœur. 25 C’est-à-dire sans action des moyens d’action sur la réactivité, les grappes de commande et le bore soluble.
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Figure 2.12. Refroidissement en stretch et JEPP.
Figure 2.13. CTM en stretch.
2.2.6. Effet de température du modérateur et sûreté Le début des essais physiques à puissance nulle a lieu après le rechargement, en arrêt à chaud, dans le domaine d’exploitation arrêt normal sur GV (AN/GV). L’exploitant de la centrale nucléaire a la responsabilité de la réalisation des essais physiques au redémarrage conformément au chapitre X des règles générales d’exploitation (RGE). Durant les essais physiques au redémarrage, l’exploitant mesure le coefficient de température isotherme du réacteur, dans une configuration toutes barres hautes, à puissance nulle. Pour cela, il fait varier la puissance extraite au secondaire par ouvertures/fermetures partielles du GCT-a d’un des GV. Le coefficient isotherme est la somme des deux coefficients de température : • le coefficient de température du modérateur, • le coefficient de température du combustible (coefficient Doppler-température). Le fait d’additionner les deux coefficients n’a un sens physique que si le flux neutronique est suffisamment faible pour ne pas produire le phénomène de chauffage nucléaire : dans ce cas, les variations de température subies par le combustible sont uniquement la conséquence des variations de température du modérateur. En pratique, le chauffage nucléaire est réputé apparaître quand la puissance nucléaire est d’environ 0,1 %PN.
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
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Le CTM est obtenu en effectuant la soustraction : CTM = αiso − αdop La sûreté requiert une valeur négative du CTM ; c’est une exigence imposée par les spécifications techniques d’exploitation. C’est le seul essai de la série à puissance nulle auquel est associé un critère de sûreté. Dans le cas d’un CTM positif lors des essais physiques au redémarrage à puissance nulle, des limites d’extraction des groupes de grappes de commande sont définies. Ces limites sont à respecter lors de la remontée en puissance, car elles se traduisent par une Cb (t) plus faible garantissant une valeur de coefficient de température modérateur négatif.
2.3. Effet de température du modérateur et effet de redistribution On envisage une augmentation de puissance de 25 %Pn à 100 %Pn, dans un REP 1 300 ; la température moyenne primaire est maintenue égale à sa consigne (le programme en température des REP 1 300 est présenté au chapitre 3, figure 3.14). La figure 2.14 met en évidence l’évolution du profil axial de température du modérateur quand le réacteur passe de 25 %Pn à 100 %Pn. L’évolution du profil de température apparaît comme la combinaison d’une translation suivie d’une « rotation ».
Figure 2.14. Illustration de l’effet modérateur et de l’effet de redistribution.
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La translation est égale à la différence entre les températures moyennes dans le cœur, initiale et finale. Cette translation sert de base au calcul de l’effet appelé « effet de température moyenne du modérateur » ou simplement « effet de température du modérateur ». Il s’agit d’un effet global, que l’on quantifie à partir du changement de température moyenne dans le circuit primaire. Le profil de température à 100 %Pn apparaît comme étant pivoté par rapport au profil à 25 %Pn translaté : le haut du cœur se trouve réchauffé et le bas du cœur refroidi. Ceci a également une influence sur la réactivité globale du cœur. Le chapitre 4 « Distribution de puissance dans les REP » montre que tout au long du cycle naturel d’exploitation (c’est-à-dire avant l’entrée en prolongation de cycle), la puissance est préférentiellement produite dans la moitié inférieure du cœur. Ce déséquilibre axial de puissance est en pratique assez faible (inférieur à 5 %), cependant étant intégré au cours du cycle naturel, il produit un déficit d’irradiation dans la partie supérieure du cœur qui s’accentue au fur et à mesure de l’avancement dans le cycle. Sur la vue de droite de la figure 2.14, on peut observer l’irradiation axiale26 produite pendant une durée de cycle de 12 000 MWj/t environ. Une comparaison avec la courbe symétrique par rapport au milieu de cœur met en évidence le déficit d’irradiation dans la moitié supérieure (l’irradiation est plus faible que celle à la position symétrique dans le bas du cœur) et l’excédent d’irradiation dans la moitié inférieure. Dans le cas d’une augmentation de puissance, le profil axial de température de l’eau pivote, la température augmente dans la moitié supérieure du cœur, qui est moins irradiée, et diminue dans la moitié inférieure, qui est plus irradiée. Ceci se traduit par une perte de réactivité. La variation de réactivité associée au pivotement du profil axial de température de l’eau lors d’une variation de puissance augmente en valeur absolue tout au long du cycle naturel, car le déficit d’irradiation de la partie supérieure des assemblages est de plus en plus élevé. On l’appelle « effet de redistribution ». Il s’ajoute à l’effet de température moyenne du modérateur et à l’effet de température du combustible, traité dans le paragraphe suivant.
2.4. Effet Doppler : influence de la température du combustible sur la réactivité 2.4.1. Effet d’une augmentation de la température du combustible L’élévation de la température du combustible se traduit par une dilatation très faible de l’oxyde d’uranium, les effets de cette variation de densité sur la réaction en chaîne sont négligeables. 26 Sur le profil d’irradiation axiale, on observe des décrochages, appelés creux de grilles ; ils sont dus aux dépressions du flux neutronique à l’endroit des grilles de maintien des assemblages de combustible (dix grilles sur les assemblages REP 1 300 et huit grilles sur les assemblages REP 900).
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En revanche, la vitesse moyenne d’agitation thermique des noyaux augmente. Supposons que l’énergie du neutron soit proche de l’énergie à laquelle la courbe de section efficace de capture du noyau présente une résonance. Si l’on considère le noyau au repos absolu (0 K), en théorie seuls les neutrons d’énergie égale à l’énergie à laquelle se situe la résonance seront capturés au cours du ralentissement par le noyau. La probabilité de capture résonnante est minimale. Le noyau cible absorbant n’est en réalité pas au repos mais animé d’une agitation thermique, qui modifie de manière aléatoire la vitesse relative noyau-neutron. Si l’on tient compte de l’agitation thermique des noyaux, la vitesse relative noyauneutron n’est plus une valeur unique mais une valeur affectée d’une probabilité et située dans un intervalle d’autant plus large que la température du matériau est élevée. Tous les neutrons dont l’énergie est proche de l’énergie à laquelle la courbe de section efficace de capture du noyau présente une résonance sont susceptibles d’être capturés. Le phénomène est analogue à un élargissement de la résonance doublé d’un tassement. L’intégrale de résonance (aire sous la courbe) reste constante. Cependant, l’élargissement de la résonance joue bien d’avantage que l’abaissement du pic. L’augmentation de la température d’agitation du noyau cible se traduit par une augmentation de l’absorption résonnante (essentiellement par l’uranium-238, mais également par le plutonium-240, 242) et une perte de réactivité. Le facteur antitrappe est en conséquence diminué. On rappelle que la section efficace effective est définie comme la section efficace qui, appliquée au flux macroscopique, donne le même taux d’absorption que la section efficace appliquée au flux de structure fine (le flux de structure fine est déprimé au niveau des résonances). L’intégrale effective Ieff est définie comme l’intégrale sur tout le domaine des résonances des sections efficaces effectives de chaque résonance : Ieff =
σa,eff (u)du
σa,eff : section efficace effective de la résonance. De la même façon que les sections efficaces effectives de chaque résonance, l’intégrale effective augmente avec la température du combustible. Approximativement, elle augmente comme la racine carrée de la température du combustible. Cette intégrale permet d’exprimer la probabilité de dans l’ensemble des
non-absorption Na Ieff 27 ∼ résonances, ou encore facteur antitrappe : p = exp − ξ s Na : la densité volumique du noyau absorbant dans le matériau, s : section efficace macroscopique de diffusion par le modérateur, ξ : perte logarithmique moyenne d’énergie par choc E → E’, c’est-à-dire ln
E E
. La
valeur est 1 dans le cas de l’hydrogène. Le coefficient Doppler de réactivité est calculé à partir de la dérivée logarithmique du facteur antitrappe : 1 dp αdop = p dT 27 Cette formule classique du facteur antitrappe correspond à un système homogène.
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En supposant que ξNa varie de façon négligeable avec la température, on peut écrire : s Na dIeff − αdop ∼ = ξ dT (en pcm/◦ C). s
2.4.2. Évolution du coefficient Doppler en fonction de la température On dispose en donnée d’entrée du coefficient Doppler calculé pour un combustible non irradié à la température de 300 ◦ C. En supposant que l’intégrale effective augmente comme la racine carrée de la température du combustible, on peut écrire :
◦
300 + 273,15 αdop T C ≈ αdop 300 ◦ C T + 273,15 Il est donc facile de tracer, comme sur la figure 2.15, une courbe d’évolution du coefficient Doppler, en fonction de la température de l’UO2 . Ce coefficient est appelé coefficient Doppler-température.
Figure 2.15. Coefficient Doppler, pour un combustible UO2 non irradié.
2.4.3. Notion de température effective Avec des hypothèses simplificatrices (source de fission uniforme dans le combustible, conductivité thermique constante), la solution mathématique au problème de la thermique du combustible est une parabole avec la température la plus élevée au centre. Elle représente une solution approchée du problème réel. Il est intéressant de pouvoir calculer l’effet Doppler (variation de réactivité) à partir de la connaissance d’une seule valeur de température, servant de relais, et que l’on multiplie par le coefficient Doppler-température. Cette température-relais pour le calcul est appelée température effective.
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
51
La température du combustible utilisée pour le calcul de l’effet Doppler est la température dite effective, c’est-à-dire celle qui donnerait le même coefficient Doppler si le combustible était uniformément à cette température. Elle est déterminée par la formulation empirique de Rowlands28 : Teff = aTsurface + (1 − a)Tcentre avec a = 5/9 pour un cylindre. Cette formule peut être comprise aisément. Si les températures en surface et au centre du combustible varient de Tsurface et Tcentre , alors un calcul géométrique permet de calculer la variation moyenne (dans le volume du cylindre) de la température : Tmoy =
1 1 Tsurface + Tcentre 2 2
Cependant, l’effet Doppler global dû au changement des deux températures, en surface et au centre, ne peut pas être obtenu en multipliant Tmoy par un coefficient Dopplertempérature. En effet, comme on l’a vu au paragraphe précédent, quand la température de l’UO2 est plus élevée, le coefficient Doppler-température est plus faible en valeur absolue. Une augmentation de la température au centre est donc moins efficace pour produire une baisse de réactivité par effet Doppler qu’une même augmentation de température en surface. La formulation de Rowlands permet de sous-pondérer les variations de température au centre par rapport aux variations de température à la surface du combustible. On définit une variation de température, dite effective, par : Teff =
5 4 Tsurface + Tcentre 9 9
2.4.4. Détermination du coefficient Doppler-puissance Dans ce paragraphe, on s’attache à obtenir, par des calculs simples, une estimation d’un coefficient appelé Doppler-puissance pour un REP 1 300 MWe exploité en mode Gemmes. Quand la puissance du réacteur varie, la température de chaque crayon combustible varie radialement et axialement. Le chapitre « Distribution de puissance dans les REP » montre que la puissance linéique locale (exprimée en W/cm) peut être très différente de la puissance linéique moyenne sur l’ensemble du cœur. En fonctionnement normal, le facteur de point chaud FQ, défini comme la puissance linéique maximale divisée par la puissance linéique moyenne, dépasse couramment 2. Les températures du combustible sont donc hétérogènes dans le cœur. On adoptera néanmoins les hypothèses simplificatrices suivantes : • le cœur est constitué de trois lots d’assemblages (Gemmes est une gestion par 1/3) ; • dans chaque lot, la puissance linéique est uniforme sur l’ensemble des crayons et varie entre 0 et 170,2 W/cm selon la puissance du cœur. (On suppose qu’à 100 % de puissance, la puissance linéique moyenne est de 170,229 W/cm.) 28 Paul Reuss, Précis de neutronique, p. 366. 29 Le calcul de cette puissance linéique moyenne est détaillé dans l’annexe 1 « Les protections du réacteur –
l’instrumentation nucléaire ».
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Le coefficient Doppler-puissance permet de calculer la variation de réactivité imputable à l’effet Doppler entre deux niveaux de puissance stables. Ce coefficient ne s’applique en principe qu’à des états quasi stationnaires du réacteur, car la cinétique thermique n’est pas prise en compte. En pratique, on peut l’utiliser sans difficulté dans les transitoires de suivi de charge, qui peuvent être considérés comme une succession d’états quasi stationnaires. Si l’on veut faire le lien entre la température effective et la puissance, un calcul de thermique du combustible est nécessaire. Il s’agit d’un problème très classique pour les étudiants en sciences et techniques nucléaires. La conduction à travers l’UO2 est exprimée par la loi de Fourier qui relie la densité de flux thermique (W/m2 ) et la conductivité thermique du matériau (W.m−1 .K−1 ) : −−→ ϕ = −λgrad(T ) Équation bilan classique, en régime permanent : on effectue un bilan classique exprimé par unité de volume : div ϕ−q =0 En combinant les deux équations, il vient : −−→ div( − λgrad(T )) − q = 0 λT + q = 0 On rappelle la formule du laplacien en coordonnées cylindriques : f =
1 ∂ 2f 1 ∂f ∂ 2f ∂ 2f + 2 2+ 2 + 2 r ∂r ∂r r ∂θ ∂z
On assimile le combustible à un cylindre infiniment long d’UO2 , pour lequel l’écoulement de la chaleur est exclusivement radial, ce qui permet d’écrire : T =
d 2T 1 dT + 2 r dr dr
λ dT d 2T +q =0 + 2 dr r dr On relie la température au cœur de la pastille à la température à l’interface gainecombustible, en introduisant la puissance linéique ql : λ
T0 − Ti =
q qa2 = l 4λ 4πλ
La conductivité thermique λ de l’oxyde d’uranium n’est pas constante et dépend de la température, comme l’illustre la figure 2.16. Il convient donc d’écrire l’équation précédente sous forme différentielle : dT=
ql 4πλ(T )
´ ements ´ 2 – El de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP
53
Figure 2.16. Conductivité thermique de l’UO2 en fonction du taux de combustion.
L’intégrale de conductivité est définie par :
T0
Ti
λ(T )dT =
ql 4π
Pendant son irradiation en réacteur, le combustible subit de nombreuses transformations entraînant des variations de la conductivité thermique. Les produits de fission en solution dans la matrice30 contribuent de façon prépondérante à la diminution de la conductivité quand le taux de combustion augmente. En connaissant λ(T), on peut calculer la température au centre du combustible « moyen » en fonction de la puissance du réacteur. Ceci nécessite de connaître les variations successives de température, en partant de la température moyenne du cœur et en remontant jusqu’à la température au centre : • le T de la couche limite thermique (20 ◦ C pour 170,2 W/cm), • le T à travers la gaine (30 ◦ C pour 170,2 W/cm), • le T du jeu pastille-gaine. Le T dans la lame de gaz du jeu pastille-gaine est particulièrement intéressant dans ce problème, car il est sensible à l’évolution du combustible. T =
ql 2πrh
avec : r : rayon externe des pastilles, h : coefficient d’échange combustible-gaine. Ce coefficient prend en compte les trois composantes de l’échange de chaleur : conduction 30 On rappelle que la céramique UO se présente sous la forme d’une structure cubique à faces centrées, 2 permettant l’incorporation de produits de fission en solution solide.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
54
(laquelle dépend de la nature des gaz présents dans le jeu radial), rayonnement et transfert thermique par contact. Quand le combustible est neuf, il existe entre lui et la gaine un jeu radial pressurisé à l’hélium gaz inerte et doté d’une assez bonne conductivité thermique. Le coefficient d’échange entre le combustible et la gaine est alors faible, et conduit à un T du jeu pastille-gaine élevé : nous retenons la valeur de 215 ◦ C pour une puissance linéique de 170,2 31 W/cm. Sous irradiation, le jeu radial va se réduire, apportant une conductivité de contact de plus en plus élevée. Le T du jeu pastille-gaine diminue significativement en fonction de l’irradiation (figure 2.17).
Figure 2.17. Chute de température dans le jeu radial à 170,2 W/cm, en fonction du taux de combustion.
Quand le taux de combustion augmente, on se retrouve en présence de deux phénomènes agissant de façon opposée : • la diminution de la conductivité de l’oxyde d’uranium accentue la montée en température du combustible quand la puissance augmente, et tend donc à augmenter la contre-réactivité Doppler ; • l’amélioration du coefficient d’échange du jeu pastille-gaine apporte une diminution de la température à la surface du combustible, la courbe de température du combustible se trouve déplacée vers des valeurs plus faibles. On peut ainsi calculer la température en surface du combustible, la température à cœur, la température effective, et cela pour quatre valeurs de taux de combustion (0 ; 15 640 MWj/t soit un cycle de 365 JEPP + 60 JEPP en stretch ; 31 280 MWj/t ; 46 920 MWj/t). Les courbes de la figure 2.18 permettent de comparer les températures effectives d’un crayon moyen neuf et d’un crayon moyen ayant effectué trois cycles complets. On observe que l’élévation de température est plus élevée dans le cas du combustible plus irradié, mais le T du jeu radial qui est plus faible permet d’obtenir des valeurs moins élevées de température effective. L’évolution de la composition isotopique en noyaux lourds au cours de l’irradiation a une influence sur le coefficient Doppler-température, mais cette influence est négligeable devant l’influence de l’évolution du jeu radial. 31 Le calcul de la puissance linéique moyenne dans le cœur est effectué dans l’annexe 1 « Les protections du
cœur – l’instrumentation nucléaire ».
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55
Figure 2.18. Température effective, en surface et au centre en fonction de la puissance. Comparaison entre le combustible neuf et le combustible au taux d’irradiation de décharge (Gemmes).
L’antiréactivité Doppler intégrale est définie comme l’intégration de l’antiréactivité par effet Doppler entre la puissance nulle et un niveau de puissance donné. À partir de l’évolution de la température effective en fonction de la puissance et du coefficient Doppler-température, on peut calculer la courbe d’antiréactivité Doppler intégrale pour chacune des quatre valeurs de taux de combustion (combustible neuf ; après un cycle, après deux cycles ; après trois cycles), puis pour un cœur REP 1 300 en DDC et FDC. Ceci permet d’obtenir les courbes de la figure 2.19. Le coefficient Doppler-puissance est la dérivée de l’antiréactivité Doppler intégrale (figure 2.20).
2.4.5. Importance de l’effet Doppler dans les études d’accident Le coefficient Doppler est un coefficient « prompt » en ce sens que dès que le flux augmente, la température du combustible augmente (ce qui traduit un dépôt d’énergie dans le combustible), faisant apparaître l’antiréactivité Doppler. L’effet Doppler est le seul phénomène qui, par son apparition quasi instantanée, permet de limiter les conséquences des accidents à cinétique très rapide tel l’accident d’éjection de grappe ou le retrait instantané de groupes à puissance nulle (RIGZ : retrait instantané de groupes à zéro puissance).
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Figure 2.19. Antiréactivité Doppler intégrale en DDC et FDC. Calcul effectué à l’aide d’une modélisation simplifiée thermique-neutronique.
Figure 2.20. Coefficient Doppler-puissance, en DDC et FDC. Calcul effectué à l’aide d’une modélisation simplifiée thermique-neutronique.
2.5. Notion de défaut de puissance Toute augmentation de la puissance du réacteur se traduit par une baisse de réactivité produite par les différents effets physiques suivants : • effet de température du modérateur : la température moyenne du modérateur augmente quand la puissance augmente, entraînant une baisse de réactivité ;
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Figure 2.21. Défaut de puissance : exemples de valeurs en gestion Gemmes.
• effet de température du combustible, appelé effet Doppler. La température du combustible augmente quand la puissance nucléaire augmente, entraînant une baisse de réactivité ; • effet de redistribution. Le défaut de puissance à une puissance p, noté DP(p), est défini comme la réactivité perdue quand la puissance du réacteur passe de la puissance nulle à la puissance p. La figure 2.21 nous montre les courbes de défaut de puissance (exemples de valeurs pour un cœur en gestion Gemmes) pour le début, le milieu et la fin de vie. Nous allons tenter d’établir une répartition des différentes contributions au défaut de puissance. L’effet global du modérateur entre 0 % et 100 % de puissance est obtenu en multipliant le coefficient de température du modérateur par l’écart entre la température moyenne primaire32 à 100 %Pn et celle à 0 %Pn. Le tableau 2.7 propose une répartition entre les différents effets, pour le cœur pris en exemple. 32 En exploitation, les opérateurs ne disposent que de la température moyenne primaire. Le coefficient de température du modérateur est calculé pour être multiplié par la température moyenne primaire. En pratique, ceci revient à surestimer en valeur absolue l’effet modérateur, car le CTM est moins négatif quand la température est plus faible (voir Figure 2.10).
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Tableau 2.6. Température moyenne dans le circuit primaire et dans le cœur. Puissance 0 %Pn 100 %Pn
Température moyenne primaire (◦ C) (à multiplier par CTM) 297,2 306,4
Température moyenne dans le cœur (◦ C) 297,2 307,7
Tableau 2.7. Synthèse des différents effets en réactivité.
Avancement dans le cycle BU = 150 MWj/t BU = 4 000 MWj/t BU = 10 000 MWj/t Fin du cycle naturel
CTM (pcm/◦ C)
DP à 100 %
−27,1 −38,5 −55,3 −65,9
1 280 1 540 2 000 2 290
Effet modérateur entre 0 et 100 % CTM × T moy −250 −350 −510 −610
Effets Doppler + redistribution entre 0 et 100 % −1 030 −1 190 −1 490 −1 680
L’effet de redistribution s’oppose de plus en plus à la montée en puissance au fur et à mesure que le réacteur avance dans le cycle. Il est important de retenir que le défaut de puissance n’est pas correctement évalué en faisant la simple addition de l’effet modérateur et de l’effet Doppler.
2.6. Aspects dynamiques de l’empoisonnement xénon Pourquoi s’intéresser avant tout au xénon, et non pas au samarium ? Le samarium joue un rôle négligeable dans l’étude des transitoires de variation de puissance, sur une échelle de temps en heures. Lors de ces transitoires, l’effet quantitatif des variations de l’empoisonnement au samarium sur la réactivité est largement moindre que celui des variations de l’empoisonnement au xénon. Le samarium mérite d’être pris en compte lors d’un démarrage après plusieurs semaines d’arrêt. La montée en puissance creuse le samarium, qui remonte ensuite jusqu’à son équilibre pendant une cinquantaine de jours. En ce qui concerne le xénon-135, sa chaîne d’évolution est représentée sur la figure 2.22.
Figure 2.22. Chaîne d’évolution du xénon-135.
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Figure 2.23. Section efficace totale des réactions induites par neutrons sur le xénon-135.
2.6.1. Propriétés nucléaires du xénon-135 Parmi tous les isotopes présents dans le cœur d’un réacteur, le xénon est le plus fort absorbant de neutrons thermiques. Il présente une section efficace d’absorption thermique exceptionnelle de 2 650 000 barns, très supérieure à celles du gadolinium et du bore (les sections efficaces d’absorption de neutrons à 2 200 m/s sont de 254 000 barns pour gadolinium-157et 3 840 barns pour le bore-10). Le fait que le xénon-135 possède 81 neutrons et que le neutron supplémentaire complète la couche à 82, nombre magique, rend le xénon-135 particulièrement avide de neutrons. Cette forte section efficace est causée par la présence d’une résonance et n’est donc pas en 1/v. Elle diminue très vite avec l’énergie et devient inférieure à 1 barn au-delà de 10 eV. Le choix de la section efficace du xénon afin de réaliser des calculs d’empoisonnement constitue une source d’approximation importante. Entre 0,1 eV et 0,4 eV, la section efficace de capture du xénon évolue de manière très importante. Moyennée sur le spectre thermique d’un réacteur REP, cette absorption vaut 1,5 · 106 barns33 .
2.6.2. Calcul analytique de l’empoisonnement xénon Les données utilisées et les grandeurs calculées sont résumées dans le tableau 2.8. 33 C’est-à-dire 1,5·10−18 cm2 .
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Tableau 2.8. Données d’entrée pour un modèle simplifié de pilotage. Symbole
φ γI γX λX λI f
σX NX NI f
η ηc a c a m a structures
ν ρX
Nom Flux thermique Rendement de fission de l’iode Rendement de fission du xénon Période de décroissance radioactive du xénon Période de décroissance radioactive de l’iode Section efficace macroscopique de fission Section efficace microscopique d’absorption du xénon, moyennée Concentration volumique en xénon Concentration volumique en iode Facteur d’utilisation thermique des neutrons Facteur de multiplication d’un isotope fissile Facteur de multiplication du combustible Section efficace macroscopique d’absorption dans le combustible Section efficace macroscopique d’absorption dans le modérateur Section efficace macroscopique d’absorption dans les structures Nombre moyen de neutrons émis par fission Antiréactivité apportée par le xénon
Valeur 6,2·10−2 2·10−3 2,106 6·10−5 2,930 6·10−5
Unité n/cm2 .s
s−1 s−1 cm−1
1,5·10−18
cm2 noyaux/cm3 noyaux/cm3 sans unité
Une valeur par isotope
sans unité
Dépend de l’enrichissement
sans unité cm−1 cm−1 cm−1
Une valeur par isotope
sans unité pcm
La résolution des équations différentielles de l’évolution des concentrations volumiques en iode et en xénon est un problème classique des ouvrages et des cours de neutronique : ⎧ dI ⎪ ⎪ ⎪ dt = γI f − λI I ⎨ ⎪ ⎪ ⎪ ⎩ dX = γ + λ I − (λ + σ )X I X X X f dt On peut ainsi établir assez aisément que, pour un flux thermique constant, une solution stationnaire existe pour les concentrations en xénon et en iode : (γX + γI )f λX + σX γI f NI = λI NX =
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61
Pour les valeurs élevées de flux, en pratique supérieures à 1014 n/cm2 .s, la concentration en xénon ne dépend plus du flux mais atteint une valeur à saturation, car au dénominateur λX devient négligeable devant σX : la fraction se simplifie alors par le flux. La concentration en iode est proportionnelle à f ; cette concentration est donc proportionnelle à la puissance volumique du réacteur. Le passage de la concentration en noyaux de xénon à l’antiréactivité apportée par ce poison neutronique est un peu plus délicat. Les noyaux de xénon présents au sein des assemblages combustibles vont réduire la réactivité ; on considère que le xénon est distribué de manière uniforme dans l’ensemble des crayons combustibles. Le problème peut ensuite être envisagé de deux manières : • assimiler l’action du xénon à celle d’un matériau de structure additionnel qui va venir diminuer le facteur d’utilisation thermique f, ce qui revient à dire que le nombre de neutrons thermiques absorbés utilement, c’est-à-dire dans le combustible, diminue ; • considérer la diminution du facteur de multiplication du combustible, étant donné qu’un certain nombre de captures neutroniques réalisées à l’intérieur des crayons combustibles sont imputables au xénon et ne produisent pas de neutrons. On utilise la première approche et on s’intéresse au changement de la valeur du facteur d’utilisation thermique f, qui devient f quand on introduit du xénon dans le cœur f =
a c
a m + a structures + a c a m + a structures 1 −1= f a c 1 a m + a structures + NX σX 1 NX σX −1= = −1+ f a c f a c f −f NX σX =f f a c NX σX ρX ≈ −f a c Dans l’équation ci-dessus, on remplace NX par l’expression de la solution stationnaire. On introduit ensuite le facteur de multiplication du combustible qui s’exprime, avec la double hypothèse d’un milieu homogène et de neutrons monocinétiques, de la façon suivante : ηc = ν f a c f (γX + γI )σX a c λX + σX ηc = ν f a c η (γ + γI )σX ρX ≈ −f c X ν λX + σX ρX ≈ −f
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À partir de cette dernière équation, on peut tracer l’antiréactivité normalisée à 1 (la valeur de saturation pour les valeurs élevées de flux) en fonction du flux thermique. La figure 2.24 met en évidence que l’effet xénon est inexistant pour les réacteurs de très faibles flux.
Figure 2.24. Antiréactivité xénon normalisée.
Par analogie avec l’antiréactivité du xénon, on introduit une grandeur fictive, l’antiréactivité potentielle de l’iode. L’antiréactivité potentielle de l’iode désigne l’antiréactivité xénon obtenue en remplaçant chaque noyau d’iode par un noyau de xénon-135. ρI et ρX sont reliées directement entre elles dans les équations différentielles de façon analogue à NI et NX (λX + σX )γI ρI ≈ ρX (γX + γI )λI ou encore : ρI ≈ −f
NI σX γ σX = −f I f a c λI a c
2.6.3. Établissement d’un modèle simplifié de pilotage Dans cette section, nous présentons les principes d’un calcul 0D pour le xénon, intégré à un modèle simplifié de pilotage utilisé dans ce chapitre et dans le chapitre 3 « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ». On souhaite calculer, par les équations établies au paragraphe 2.6.2, des valeurs estimées de l’antiréactivité xénon, dans différentes gestions (actuelles ou passées), et en tenant compte de l’avancement dans le cycle. Ceci nécessite de disposer de valeurs pour les facteurs f, ηc et le flux thermique moyen à puissance nominale. Tout en ne disposant que de quelques données d’entrée34 , il est 34 On dispose de deux valeurs du flux thermique moyen dans un réseau d’éléments combustibles enrichis à 3,7 % : 0,366 62·1014 n/cm2 /s à 0 MWj/t et 0,457 1·1014 n/cm2 /s à 42 500 MWj/t. L’antiréactivité xénon à l’équilibre dans un cœur Gemmes en début de vie, à puissance nominale, est de 2 720 pcm.
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Tableau 2.9. Facteur de multiplication du combustible en fonction de l’enrichissement. x
ηc
0,007 1 1,328
0,022 8 1,769
0,031 1,842
0,036 1,872
0,04 1,891
0,042 1,899
possible, par des considérations physiques simples, d’obtenir ces valeurs de façon approchée. Par exemple : • une règle de proportionnalité permet d’estimer le flux pour d’autres enrichissements, toutes choses égales par ailleurs : il suffit de considérer que le taux de réactions de fission f × φ ne dépend que de la puissance volumique du réacteur. En première approximation, le flux évolue de manière inversement proportionnelle à l’enrichissement ; • si l’on raisonne au premier ordre, et en supposant que les fuites thermiques et rapides sont constantes tout au long du cycle, alors on peut considérer que la dilution réalisée pour compenser l’usure du combustible a pour effet d’augmenter le facteur d’utilisation thermique f, alors que le facteur ηc se dégrade en raison de l’évolution du combustible. Ceci se traduit par un produit ηc × f constant. Considérer le produit ηc × f comme étant constant convient très bien pour le calcul de l’empoisonnement xénon, car les équations donnant les antiréactivités xénon et iode, ρX et ρI , nous montrent que ces deux facteurs dépendent du produit ηc × f et non pas de l’un des deux facteurs seuls ; • à partir des sections efficaces de fission et d’absorption (uranium-235, uranium-238), et de l’enrichissement x, il est possible de calculer le facteur de multiplication du combustible neuf dans différents enrichissements : ηc = ν
xσf 1 + (1 − x)σf 2 xσa1 + (1 − x)σa2
Le tableau 2.10 résume les principales données utilisées dans le modèle simplifié de pilotage et les résultats obtenus sur les empoisonnements xénon et iode. En ne considérant que les gestions UO2 , le tableau montre que l’antiréactivité xénon à puissance nominale est peu dépendante de la gestion du combustible. AREVA avait calculé 2 850 pcm pour le cœur de démarrage35 ; valeur très proche de celle obtenue par le modèle simplifié.
2.6.4. Pic xénon Après l’arrêt du réacteur, l’évolution de l’iode et du xénon devient : dI = −λI I dt dX = λI I − λX X dt 35 Il s’agit du cœur de premier démarrage de la tranche 1 de Paluel, en 1984 (palier P4 de 1 300 MWe).
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64
Tableau 2.10. Principales données du modèle simplifié de pilotage pour le calcul de l’empoisonnement xénon dans différentes gestions.
Type de cœur
REP 1 300 REP 1 300 REP 1 300 REP 1 300 CP0 démarrage standard 1/3 « étude » 1/3 Gemmes 1/3 Cyclades 1/3
Enrichissement combustible neuf x moyen
2,28 %
3,1 %
3,6 %
4%
4,2 %
(n/cm2 /s) cœur début de cycle
5,789·1013
4,29·1013
3,729·1013
3,325·1013(36)
3,248·1013
f × ηc corrigé σX λX + σX ρI (pcm) détermine la hauteur du pic xénon
1,344
1,425
1,448
1,462
1,469
0,804 8
0,753 4
0,726 4
0,703 0
0,698 1
10 182
7 997
7 064
6 362
6 243
2 855
2 832
2 775
2 713
2 706
ρX (pcm)
Ce système d’équations différentielles permet d’établir la solution analytique de l’évolution temporelle du xénon après un passage à l’arrêt du réacteur : noyaux : X (t ) = (γX + γI )f
1 1 exp ( − λI t ) exp ( − λX t ) − + λI − λX σX λI − λX
antiréactivité : ρX (t ) =
λI ρI (t = 0) exp ( − λI t ) − exp ( − λX t ) + ρX (t = 0) exp ( − λX t ) λX − λI
Le terme ρX (t = 0) exp ( − λX t ) représente l’effet sur la réactivité de la décroissance radioactive des noyaux xénon présents au moment de l’arrêt. λ ρ (t =0) Le terme λI I −λ exp ( − λI t ) − exp ( − λX t ) représente le bilan sur l’antiréactivité X I xénon de la décroissance de l’iode initialement présent dans le cœur. Dans le mécanisme de pic xénon, la hauteur du pic sera d’autant plus importante que la concentration en iode accumulée avant la baisse de puissance est élevée. Le pic de 100 % à 0 % est plus élevé que le pic de 50 % à 0 %. Il faut noter également que si le flux avant un arrêt est suffisamment faible, le pic xénon n’apparaît pas. La figure 2.25 nous donne l’évolution de l’antiréactivité xénon à la suite d’un AAR, calculée par le modèle simplifié de pilotage. La concentration en iode, déterminée par la puissance initiale du réacteur (dans notre exemple 100 %Pn) apporte une production de xénon qui excède sa disparition, étant donnée la diminution des captures neutroniques consécutive à la baisse de puissance. 36 Pour les REP 1 300 Gemmes, la valeur indiquée est un peu faible ; une valeur de 3,72·1013 n/cm2 /s est plus
proche de la réalité. Remarque similaire pour la colonne REP CP0.
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Figure 2.25. Évolution du xénon et de l’iode après un AAR.
Après le passage du pic, l’empoisonnement xénon converge vers sa nouvelle valeur à l’équilibre, qui est fonction du nouveau niveau de puissance. Remarque. Alors que le calcul de l’empoisonnement xénon à l’équilibre est robuste, l’estimation de la valeur au pic et en cours de décroissance est en revanche nettement plus entachée d’incertitudes. Il faut s’attendre à des écarts d’une centaine de pcm, voire plus, entre différents calculs de pics, selon les niveaux des modélisations effectuées (calculateur xénon 0D, modélisation neutronique 1D ou 3D). La figure 2.26 nous permet d’observer l’influence de l’amplitude de la réduction de puissance sur le pic xénon.
Figure 2.26. Pics xénon faisant suite à des baisses de puissance d’amplitudes différentes.
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Figure 2.27. Pics xénon faisant suite à des AAR à partir de différents niveaux de puissance.
Le pic, défini comme la différence entre l’empoisonnement maximum et l’empoisonnement à l’équilibre avant le transitoire, est d’autant plus important que l’amplitude de la réduction de puissance est élevée. La figure 2.27 montre l’empoisonnement xénon à la suite d’un arrêt du réacteur, à partir de différents niveaux de puissance. Sur la figure 2.28, la montée en puissance du réacteur, à partir de différents niveaux de puissance avec un empoisonnement à l’équilibre, se traduit par un phénomène du creusement du xénon.
Figure 2.28. Montée à l’équilibre à 100 % de puissance à partir de différents niveaux de puissance à l’équilibre.
Ce phénomène n’existe pas, bien sûr, quand on part de la puissance nulle, l’empoisonnement xénon étant alors inexistant. L’enrichissement du combustible est un autre facteur important. Une valeur élevée de flux thermique tend à majorer le phénomène de pic d’antiréactivité xénon, comme l’illustrent les résultats obtenus avec le modèle simplifié de pilotage.
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Figure 2.29. Influence de la gestion combustible sur le pic xénon (gestions UO2 uniquement).
Il convient de distinguer, dans le raisonnement, les concentrations en noyaux et l’antiréactivité. En effet, la concentration en iode à l’équilibre dépend du taux de réaction de fission dans le cœur (nombre de fissions par unité de volume et de temps) : pour un type de réacteur donné, elle dépend de la puissance nucléaire. Cependant, la décroissance de l’iode en xénon produit un effet d’autant plus important sur la réactivité que le flux thermique est important, les noyaux de xénon issus de la décroissance de l’iode étant « vus » par un nombre plus important de neutrons thermiques. Le modèle de pilotage simplifié permet d’estimer de façon approchée la sensibilité du pic xénon à l’enrichissement. Les résultats sont donnés sur la figure 2.29. Ceci permet d’expliquer la valeur importante de pic calculée par AREVA pour les cœurs de démarrage des REP 1 300 MW : un peu plus de 6 000 pcm. En effet, ces cœurs de démarrage étaient constitués de trois familles ou régions d’assemblages, donnant un enrichissement moyen pour le cœur de 2,28 %37 . L’avancement dans le cycle modifie la composition isotopique du combustible, la quantité de noyaux lourds fissiles par des neutrons thermiques étant plus faible qu’en début de cycle. On peut établir un raisonnement analogue avec l’influence de l’enrichissement : l’amplitude des pics xénon tend à augmenter significativement avec l’avancement dans le cycle, comme l’illustre la figure 2.30.
2.6.5. Évolution du xénon lors de transitoires de variation de charge La remontée en puissance faisant suite à un palier bas entraîne un creusement de l’empoisonnement xénon. Le xénon est consommé par capture neutronique, sans que cette 37 La région 3 avec un enrichissement de 2,95 %. Les 64 assemblages étaient positionnés sur la couronne extérieure du cœur. La région 2, avec un enrichissement de 2,4 %, comportait 64 assemblages également. La région 1, avec un enrichissement de 1,5 %, comportait 64 assemblages dont l’assemblage central. Les assemblages des deux régions 1 et 2 étaient positionnés de manière alternée en damier.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 2.30. Influence de l’avancement dans le cycle sur le pic xénon.
Figure 2.31. Évolution du xénon lors de transitoires de variation de charge.
destruction puisse être compensée par la décroissance de l’iode : en effet, la concentration en iode n’a pas cessé de diminuer pendant tout le palier bas du réacteur. La simulation d’un transitoire en DDC avec le modèle simplifié de pilotage permet d’illustrer l’évolution de l’empoisonnement xénon (figure 2.31).
2.6.6. Les oscillations axiales xénon Les courbes illustrant ce chapitre sont issues du modèle simplifié de pilotage, sur lequel nous apportons quelques précisions complémentaires. Il s’agit d’un modèle à deux mailles axiales, le cœur étant considéré comme étant constitué de deux moitiés superposées, chacune étant parfaitement homogène (figure 2.32). Les neutrons peuvent diffuser entre chaque moitié de cœur. Le modèle calcule une succession de pas statiques, pour lesquels un bilan de réactivité est effectué de façon à ce que la réactivité totale soit nulle. Le but de ce modèle est de reproduire autant que possible les variations d’axial offset observées en pilotage et de fournir les bilans de réactivité (réacteurs CP0 uniquement).
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69
PH
Diffusion des neutrons
PB
Figure 2.32. Modélisation des oscillations par un cœur à deux zones axiales.
D’un point de vue physique, les moitiés haute et basse du cœur sont couplées, c’est-àdire que les neutrons diffusent du haut vers le bas et du bas vers le haut du cœur. Quand les puissances « haute » et « basse » sont différentes, cette diffusion agit dans le sens d’un rétablissement de l’équilibre. Dans chaque moitié de cœur, les variations de puissance se traduisent par des variations de réactivité, via le coefficient Doppler-puissance. Dans le modèle simplifié de pilotage, ce coefficient est égal à –13,6 pcm/%Pn en début de vie et plus faiblement négatif en fin de vie. Il varie également en fonction du niveau de puissance, comme cela a été montré au paragraphe 2.4 consacré à l’effet Doppler. Une perturbation initiale sur la distribution axiale de puissance se traduit par un changement de puissance dans la zone supérieure, qui se répercute par le changement symétrique dans la zone inférieure, la puissance totale étant supposée constante (le réacteur est en effet considéré comme couplé au réseau électrique à puissance stabilisée).
2.6.6.1. Aspects théoriques des oscillations xénon Dans un réacteur en marche à l’équilibre, la distribution de flux est en équilibre avec la distribution du xénon et de l’iode. Lors d’une perturbation (variation de puissance, mouvement de grappe de commande), le flux va augmenter en relatif dans une région du cœur et diminuer en relatif dans la région opposée, ceci pouvant donner lieu à l’établissement d’un régime oscillatoire de la distribution du xénon, de l’iode et de la puissance38 . Le mécanisme d’oscillation s’explique par un phénomène parfaitement analogue au pic xénon étudié précédemment : une diminution de flux dans une région du cœur produit un phénomène d’accumulation du xénon, en raison du déséquilibre entre la décroissance de l’iode (on suppose que l’iode est à saturation avant la perturbation dans la distribution de puissance) et la capture du xénon (diminution du flux). Cette accumulation du xénon renforce la baisse de flux neutronique. La pseudo-période des oscillations xénon est de 25 à 30 heures. 38 Le mécanisme de l’oscillation xénon est un phénomène qui est bien décrit dans plusieurs ouvrages, se reporter
en particulier à la collection « Génie Atomique », Exploitation des cœurs de REP (N. Kerkar et P. Paulin).
70
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Les REP électrogènes peuvent être sujets au phénomène d’oscillation xénon radialement, azimutalement et axialement. Cette propension à l’instabilité dépend de différents paramètres que nous allons examiner ici. Qualitativement, le réacteur est instable si les effets déstabilisants l’emportent sur les effets stabilisants.
2.6.6.2. Les effets déstabilisants • Une valeur élevée de flux thermique tend à majorer le phénomène de pic d’antiréactivité xénon. Il est évident que les oscillations ont d’autant plus de chances de se développer que l’importance neutronique du xénon est élevée. Le niveau du flux de neutrons thermiques est donc déterminant : les oscillations ne peuvent pas s’amorcer si la disparition radioactive du xénon est prépondérante devant la capture neutronique, ce qui impose en pratique un niveau de flux suffisant. Le niveau de flux des REP permet effectivement le développement des oscillations axiales. La variation de concentration en xénon dans une zone du cœur est proportionnelle au flux (−σx φX ). Quand le flux augmente, la concentration en xénon diminue et la réactivité augmente proportionnellement à la variation de flux. Si la réactivité augmente, le flux augmente, en première approximation, proportionnellement avec la réactivité. On se retrouve avec une double proportionnalité qui indique que l’instabilité du cœur dépend du carré du flux de neutrons thermiques. La figure 2.33, qui présente une oscillation simulée en DDC pour trois gestions, différentes montre que l’influence de l’enrichissement est prépondérante, étant donné que l’enrichissement se répercute sur le flux thermique. On observe que pour une gestion à 4,2 % d’enrichissement, l’amplitude diminue nettement. Ceci indique que l’oscillation est convergente. À 3,6 % d’enrichissement, l’oscillation est légèrement convergente tandis qu’à 3,1 % d’enrichissement, l’oscillation est franchement divergente. Ces observations ne sont pas à prendre de manière absolue étant donné les limites du modèle simplifié de pilotage, mais c’est la tendance qu’il convient de noter. Une diminution de l’enrichissement tend à rendre l’oscillation divergente. C’est bien ce que met en évidence le retour d’expérience de l’exploitation des cœurs en gestion Gemmes des réacteurs du palier 1 300 MW : ces cœurs sont plus stables que ceux de la gestion initiale (dite gestion standard, à 3,1 % d’enrichissement). • Un facteur de forme privilégiant un flux élevé dans la périphérie du cœur est également un facteur déstabilisant. Un aplatissement du flux dans le cœur, donnant une plus grande importance neutronique aux bords du cœur par rapport au centre, a un effet déstabilisant. En effet,
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Figure 2.33. Oscillation simulée en DDC pour trois gestions différentes.
dans cette situation, les bords extrêmes sont en quelque sorte « neutroniquement découplés ». L’existence d’un réflecteur, comme par exemple le baffle lourd de l’EPR, est un facteur favorable aux instabilités radiales ou azimutales.
2.6.6.3. Les effets stabilisants • La migration des neutrons. La migration39 des neutrons dans le cœur tend à uniformiser le flux entre les différentes zones, à les coupler neutroniquement, ce qui s’oppose aux oscillations spatiales de puissance. Elle ne pourra jouer son rôle stabilisant que pour les réacteurs de petite taille. On observe effectivement que les oscillations xénon n’apparaissent que dans les grands cœurs thermiques40 , comme les REP mais aussi les UNGG, CANDU. La taille est donc un facteur important d’instabilité : plus le cœur est grand, plus le découplage neutronique entre les bords opposés est important. 39 On rappelle que M2 , l’aire de migration, représente 1/6e du carré de la distance parcourue par les neutrons à vol d’oiseau. Elle se décompose en aire de ralentissement τ + aire de diffusion L2 . Lorsque la capture des neutrons
augmente, l’aire de ralentissement τ et l’aire de diffusion L2 diminuent. Dans une cellule de REP à 300 ◦ C : L2 = 5,81 cm2 et τ = 49,95 cm2 . La migration est donnée par : M2 φ. 40 Certains auteurs donnent un critère approximatif : les oscillations peuvent se manifester quand la dimension des cœurs représente plus de 30 fois la longueur de migration (cf. Nuclear Reactor Analysis, de James J. Duderstadt), soit 2,2 mètres environ. La hauteur active d’un REP 1 300 (426 cm) ou son diamètre (317 cm) autorisent le développement d’oscillations.
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Dans les réacteurs à eau, l’aire de migration est très faible et l’essentiel des fuites porte sur les neutrons rapides car l’aire de diffusion est quasiment nulle (un neutron thermalisé dans un réacteur à eau est pratiquement absorbé sur place). Les faibles valeurs de τ et surtout de L2 par rapport aux dimensions des cœurs de REP expliquent le couplage très relâché entre les régions du cœur. • Les effets de température. L’instabilité xénon se traduit par une augmentation de flux dans une zone du réacteur et par une diminution dans la zone opposée. Les effets de température, en s’opposant tant à l’augmentation de flux neutronique qu’à sa diminution, s’opposent aux instabilités xénon. Le coefficient négatif de température du combustible, dont l’action est immédiate sur la réactivité, contribue essentiellement à l’amortissement des oscillations xénon, en s’opposant aux variations de flux neutronique. Le CTM négatif, dont la constante de temps est faible devant celle du xénon, a lui aussi une action stabilisante. • La présence d’assemblages MOX dans le cœur se traduit par un nombre de neutrons faible dans le domaine thermique, ce qui réduit l’efficacité des captures neutroniques par le xénon (mais aussi par les grappes d’absorbants…). En conséquence, les cœurs moxés sont plus stables que les cœurs UO2 .
2.6.6.4. Conséquences de l’avancement dans le cycle Les exploitants d’EDF ont observé que les oscillations xénon des réacteurs REP 1 300 MW sont convergentes en début de cycle et tendent à être divergentes en cours de cycle. Il en est de même pour la gestion Cyclades, pour laquelle les oscillations deviennent divergentes en cours de cycle. Pour l’expliquer, il faut rechercher quels sont les facteurs déstabilisants qui s’accroissent en cours de cycle et les facteurs stabilisants qui s’affaiblissent. En considérant les effets stabilisants et déstabilisants exposés au cours des deux sections précédentes, ce changement de comportement du cœur peut s’expliquer par le cumul des influences déstabilisantes suivantes : • le flux thermique tend à augmenter quand le taux d’irradiation des assemblages combustibles augmente, • le coefficient Doppler-puissance est plus faible en valeur absolue en fin de vie qu’en début de vie (diminution de ce coefficient de 10 % environ), ce qui réduit son effet stabilisant, • la distribution axiale de puissance est plus aplatie en fin de vie qu’en début de vie (se reporter au chapitre « Distribution de puissance dans les REP »), comme l’illustre la figure 2.34. L’aplatissement de la nappe de flux tend à augmenter le découplage neutronique entre le haut et le bas du cœur (la diffusion de neutrons d’une zone à l’autre devient plus faible).
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Figure 2.34. Aplatissement axial de la distribution de puissance entre le début et la fin de cycle.
2.6.6.5. Cas du fonctionnement en stretch En stretch, il est indispensable de ne pas laisser se développer un début d’oscillation xénon, étant donnée la plus grande instabilité du cœur : par exemple en gestion Cyclades, les oscillations sont divergentes en stretch. De plus, la faible concentration en acide borique réduit la possibilité de manœuvre du groupe de régulation de température et donc la possibilité de maîtriser une oscillation. Ainsi, il convient d’éviter le déplacement des grappes dans le cœur, susceptible d’initier une oscillation xénon. L’élargissement de la bande morte de la régulation de température pendant le fonctionnement en stretch permet de compenser les petites fluctuations de puissance secondaire sans générer de mouvements de grappes.
2.6.6.6. Oscillations naturelles – oscillations déclenchées On rappelle les définitions suivantes : AO puissance : AOp = DPAX ou I :
PH − PB PH + PB
I = AOp · PR
Par simplification, l’AOp est couramment désigné AO. PR est la puissance relative (entre 0 et 1).
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Les oscillations axiales du xénon peuvent s’établir naturellement – dans ce cas elles sont indésirables – ou bien être déclenchées par l’opérateur en vue de réaliser des mesures neutroniques sur le cœur en balayant une large plage de distribution axiale de puissance. Les oscillations naturelles étaient une préoccupation des opérateurs de conduite au temps des gestions enrichies à 3,1 % ou 3,25 %. C’est moins le cas aujourd’hui, car les cœurs actuels sont caractérisés par des enrichissements plus élevés ainsi que par l’utilisation du MOX. La maîtrise de la stabilité axiale demeure néanmoins un enjeu quand il s’agit d’obtenir le respect des critères de stabilité pour la réalisation d’essais périodiques. Pour déclencher une oscillation vers le bas du cœur, l’opérateur insère le groupe réglant la température moyenne primaire de quelques pas. En réalisant une séquence insertion puis extraction, il est possible de lancer une oscillation vers le haut du cœur. Ces mesures neutroniques sont réalisées dans le cadre des essais périodiques EP RPN 1241 . La réalisation d’un EP RPN 12 est très contraignante pour la disponibilité de la tranche et pour les équipes en charge de sa réalisation et de son traitement. On estime à deux jours par essai l’indisponibilité de la tranche pour le suivi de réseau : les variations de puissance et le téléréglage ne sont plus possibles pendant la période de stabilisation de la tranche précédant l’essai et durant l’essai lui-même. Une démarche de simplification des essais, généralisée à l’ensemble des REP 1 300 depuis 2001, a permis de supprimer cet essai et gagner en disponibilité. Pour les tranches CPY et N4, la périodicité est restée à 90 JEPP. L’essai est réalisé à 100 %Pn et les groupes de compensation de puissance des tranches CPY sont extraits. Au cours de l’oscillation sont réalisées des cartes de flux, dont les résultats permettent de recalibrer l’instrumentation nucléaire ex-core. Une oscillation pure est obtenue à partir d’une perturbation initiale. L’intensité de la perturbation initiale n’influe pas sur le caractère divergent ou convergent de l’oscillation, mais détermine son amplitude. Les courbes de la figure 2.35 montrent l’allure des oscillations pures que l’on obtiendrait avec un cœur en gestion Cyclades en début de vie. Les perturbations initiales sont trois échelons d’insertion du groupe D, de différentes amplitudes. Dans la pratique, des déformées de flux sont effectuées, plutôt que de pures oscillations. La déformée de flux est obtenue en forçant les évolutions de l’AOp avec des insertions/extractions de grappes effectuées tout au long de l’essai, avec l’objectif de balayer la plage d’AOp requise. Cette approche permet de gagner du temps et apporte une meilleure maîtrise des évolutions d’AO : le risque de sortir du domaine de fonctionnement est diminué et la réalisation d’une déformée assure de pouvoir balayer la plage d’AOp requise. Les déformées de flux sont en particulier justifiées sur les cœurs MOX intrinsèquement plus stables. Les courbes de la figure 2.36 permettent d’observer la réalisation d’une déformée de flux effectuée au début d’un cycle sur un réacteur CP0 en gestion Cyclades.
41 Le lecteur se réfèrera utilement à l’ouvrage de la collection « Génie Atomique » : Exploitation des cœurs de
REP.
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Figure 2.35. Influence de l’amplitude de la perturbation initiale sur une oscillation.
Le groupe D est alternativement inséré puis extrait sur des amplitudes totales de 10 à 15 pas, ce qui permet de balayer une plage d’axial offset de plus de 10 %. Les insertions et les extractions sont respectivement accompagnées de dilutions et de borications. Les variations de réactivité induites par les mouvements de grappes et les borications/dilutions se compensent ; la température moyenne primaire reste proche de sa valeur de consigne pendant la réalisation de l’essai. Sur l’exemple précédent, on voit que la méthode de la déformée de flux ne laisse pas le temps au phénomène d’oscillation de s’établir pleinement. À l’issue de l’exploration de la plage d’AO (terminée vers t = 1 320 minutes), 5 heures suffisent pour reprendre le contrôle de la distribution axiale de puissance. Le paragraphe qui suit montre que le contrôle d’une oscillation pure est beaucoup plus long, environ une trentaine d’heures.
2.6.6.7. La méthode Shimazu De la même façon que l’on a défini l’AOp, on peut définir : AOx =
CxH − CxB CxH + CxB
et
AOi =
CiH − CiB CiH + CiB
CxH , CxB sont respectivement les concentrations en xénon (nombre de noyaux par unité de volume) dans les moitiés haute et basse du cœur. CiH et CiB sont les concentrations en iode. La méthode proposée par Yoichiro Shimazu consiste à étudier la trajectoire du point de fonctionnement dans le plan (AOp−AOx, AOi−AOx), ou diagramme de Shimazu. L’équilibre se caractérise par des répartitions spatiales « en phase » du flux neutronique, de la concentration en iode et en xénon : dans ce cas, le point de fonctionnement est au centre du diagramme de Shimazu. L’oscillation xénon est initiée par un changement rapide de la distribution spatiale du flux neutronique, qui se trouve ne plus être en phase avec l’iode et le xénon. La figure 2.37 nous donne l’évolution de l’axial offset à la suite d’une oscillation déclenchée vers le haut du cœur par insertion (en A) puis retrait de grappes (en B).
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Figure 2.36. Déformée de flux réalisée sur un réacteur CP0 ; reconstruction AOi , AOxe, AOp.
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Figure 2.37. Lancement d’une oscillation par le haut et observation dans le plan de Shimazu. Source : Proceedings of ICAPP 2008 Anaheim, CA, USA, June 8-12, 2008, Paper 8018 : « Optimal Control Search of Xenon Oscillation Control in Large PWRs Using a Characteristic Ellipse Trajectory Drawn by Three Axial Offsets » by Yoichiro Shimazu.
Quand l’oscillation est stable, c’est-à-dire ni convergente ni divergente, l’allure de la trajectoire dans le plan (AOp−AOx, AOi−AOx) est une ellipse dont l’axe principal est constitué par une droite inclinée à un angle déterminé. Le point de fonctionnement décrit un tour d’ellipse dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre au cours d’une période, d’une durée d’environ 25 à 30 heures. Cette méthode de représentation est non seulement très riche d’un point de vue didactique, mais elle permettrait en théorie de contrôler une oscillation de manière optimale. La figure 2.38 permet d’observer dans le plan de Shimazu deux oscillations avec une perturbation initiale de –2 % sur l’AOp : la première est divergente, la seconde est convergente. La trajectoire de l’oscillation divergente est analogue à une spirale d’Archimède s’éloignant de son centre.
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Figure 2.38. Lancement d’une oscillation par le haut et observation dans le plan de Shimazu.
2.6.6.8. Le contrôle d’une oscillation xénon Le modèle simplifié de pilotage permet également de mettre en évidence comment il est possible de visualiser une oscillation xénon et de la contrôler. On considère un réacteur CP0 en gestion Cyclades, en début de vie. L’oscillation est déclenchée par une insertion du groupe de D qui passe de 217 pas extraits à 205 pas extraits. Une vingtaine d’heures après le début de l’oscillation, on engage un contrôle de l’oscillation sur l’axial offset 0 % par des mouvements adaptés du groupe D. La phase de contrôle de l’oscillation dure environ une période, soit une trentaine d’heures. À l’issue du contrôle de l’AO, le réacteur retrouve quasiment un état d’équilibre avec le même axial offset et la même position de D qu’à l’instant initial, comme le montre la figure 2.39. D’un point de vue théorique, il existe une stratégie élégante de contrôle de l’oscillation en deux actions : une insertion des grappes de commande et une extraction environ 3 heures après. Cette stratégie permet de ramener rapidement le point de fonctionnement final auquel le réacteur se serait stabilisé après l’amortissement de l’oscillation. Néanmoins, elle ne présente qu’un intérêt théorique et nullement pratique : elle n’est pas robuste, si l’on s’éloigne un peu de la solution optimale, l’oscillation n’est pas du tout maîtrisée ! Les résultats de cette stratégie sont présentés sur la figure 2.40.
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Figure 2.39. Maîtrise d’une oscillation xénon.
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Figure 2.40. Maîtrise d’une oscillation xénon en deux actions.
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+
(a)
+
+ -
--
81
-
-
+
(b)
(c)
Figure 2.41. Les oscillations radiales et azimutales.
2.6.7. Les oscillations radiales azimutales et radiales Les oscillations de distribution de puissance peuvent être non seulement axiales, mais également radiales (cœur de gauche) ou azimutales (les deux cœurs à droite), comme l’illustre la figure 2.41. Les oscillations radiales concernent les puissances produites dans les zones centrale et périphérique (figure 2.41a), et les oscillations azimutales les puissances fournies dans les quatre quadrants du cœur (figures 2.41b et 2.41c). Le cœur est plus stable du point de vue azimutal ou radial qu’axialement. En effet : • la distance à parcourir pour migrer d’une zone opposée à l’autre est plus faible qu’en axial ; • pendant les transitoires de variation de puissance, les symétries sont mieux conservées du point de vue azimutal ou radial que du point de vue axial. De plus, les plans de chargement visant à limiter la fluence subie par la cuve rendent les cœurs moins propices aux oscillations azimutales ou radiales de la distribution de puissance. Même si le cœur est plus stable du point de vue azimutal ou radial qu’axialement, la transition d’un niveau de puissance à l’autre ne se fait pas de façon parfaitement symétrique dans chaque quadrant. Le faible déséquilibre préexistant entre les quadrants du cœur évolue, et en conséquence une excursion du déséquilibre azimutal se manifeste pendant la transition entre deux niveaux de puissance. Cette excursion initie un phénomène d’oscillation azimutale xénon, toujours convergente. Ces derniers phénomènes constituent la composante dynamique42 du déséquilibre azimutal. Ce comportement est détecté à partir des mesures de l’instrumentation externe (chaînes neutroniques externes du système RPN). Le chapitre « Les protections du cœur » explique comment est élaborée l’alarme de déséquilibre de puissance azimutal élevé. 42 Cette composante dynamique s’ajoute à un léger déséquilibre azimutal statique, qui a même été observé lors du démarrage de cœurs neufs. Ce déséquilibre azimutal statique est appelé tilt : cf. chapitre « Distribution de puissance dans les REP ».
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• baisse de charge (palier bas de quelques heures) Niveau de puissance
60%PN
Excursion du déséquilibre azimutal, due aux transitions de puissance Déséquilibre azimutal neutronique filtré oscillation azimutale de puissance
Figure 2.42. Déséquilibre azimutal lors d’une baisse de charge. • convergence (arrêt de 24 heures)
0%PN
Pas d’excursion de déséquilibre azimutal car la puissance passe à 0%PN
Figure 2.43. Déséquilibre azimutal lors d’un arrêt de 24 heures. •
convergence (arrêt de 3 jours) Pas de rebond (ou excursion) car l’arrêt a été assez long pour entraîner la disparition du Xénon
100%PN
0%PN
Figure 2.44. Déséquilibre azimutal lors d’un arrêt long (3 jours).
Les différents comportements observés lors de transitoires peuvent s’illustrer par les figures 2.42 à 2.44 : • baisse de charge (palier bas de quelques heures) • convergence (arrêt de 24 heures) • convergence (arrêt de 3 jours) Une oscillation azimutale peut également être induite par le désalignement d’une grappe, un écart du débit entre boucles, un déséquilibre entre les puissances extraites aux GV.
3
Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
Remarques préliminaires Le concept de pilotage s’applique à une plage de variation de puissance d’à peine deux décades (de quelques %PN jusqu’à 100 %PN), étroite si on la compare aux onze décades de variation du flux depuis le chargement jusqu’à la puissance nominale. Le comportement du réacteur sur les décades les plus basses, en dessous de 0,1 %PN environ et que l’on qualifie de fonctionnement à puissance nulle, est très différent du fonctionnement en pilotage, puisque des effets physiques essentiels ne se manifestent pas : • l’effet xénon est négligeable ; • absence de contre-réaction par effet Doppler. En effet, un simple calcul permet de s’en convaincre. Par exemple à 0,01 %PN, la puissance nucléaire (fissions de la réaction en chaîne) est d’environ 380 kW. Si l’on divise cette valeur par la longueur linéique totale du cœur, soit 217 kilomètres1 , on obtient une puissance linéique moyenne de 1,7 W/m. Dans ces ordres de grandeur, la température du combustible est insensible aux variations du flux neutronique ; par exemple, une multiplication ou une division par deux du flux neutronique ne produit aucun changement de température du combustible. Il n’y a donc pas de contre-réaction associée à l’effet Doppler ; • absence de contre-réaction par effet modérateur : les variations de flux ne produisant pas d’effet thermique, il n’y a pas non plus de contre-réaction par effet modérateur2 . Dans le fonctionnement à puissance nulle, le contrôle du flux se fait par action sur les grappes. Pour augmenter le niveau de flux à partir d’un état critique, on extrait les grappes puis lorsque celui-ci a atteint la valeur souhaitée, on remet les grappes à la cote critique. Étant donné que les variations de flux ne produisent pas d’effet thermique, la température du fluide primaire ne dépend pas de la position des grappes. Elle est contrôlée
1 Dans un REP 1 300, on effectue le produit entre le nombre d’assemblages (193), le nombre de crayons par assemblage (264) et la longueur fissile de chaque crayon (4,26 m) : 217 km. 2 Une variation de la puissance extraite au secondaire peut induire une variation de la température du fluide primaire, et donc une variation de réactivité et de flux neutronique ; cependant, cet effet de température ne produit pas de contre-réaction si la variation de flux est sans effets thermiques.
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indirectement à sa valeur de consigne à puissance nulle par le système de contournement de la turbine (voir le paragraphe A2.2). Avertissement : le lecteur qui n’est pas familiarisé avec les notions d’axial offset (AO), de DPAX (également noté I ou delta I) ou de diagramme de pilotage peut se reporter au début du chapitre 4 « Distribution de puissance dans les REP ».
3.1. Étude de la dynamique libre d’un réacteur à eau pressurisée 3.1.1. Introduction On appelle dynamique libre le comportement dynamique d’une tranche nucléaire lors de variations de la puissance active de l’alternateur, sans qu’aucun moyen d’action sur la réactivité ne soit mis en œuvre (ni grappes, ni bore). Ce comportement dynamique libre est assez peu observable en pratique, étant donné que les moyens d’action sur la réactivité sont mis en œuvre dans le cadre du pilotage. Cependant, ce comportement dynamique libre est instructif à étudier et permet une bonne compréhension du système. On suppose une augmentation de la consigne de puissance électrique, selon la figure 3.1.
40 MWe / min
+ 25% puissance électrique nominale
Environ 50% puissance électrique nominale
Figure 3.1. Consigne de puissance électrique.
Le fonctionnement transitoire de la tranche jusqu’à la stabilisation est décrit par un enchaînement de causes et d’effets, représentés sur la figure 3.2. Après la rampe de variation de puissance, la tranche trouve donc un nouvel état d’équilibre caractérisé par une puissance thermique primaire égale à la puissance échangée aux GV, une température moyenne primaire stable (mais à une valeur anormale, trop basse), une réactivité nulle. Les seules variations de réactivité qui agissent en dynamique libre sont : • l’effet de température du modérateur, • l’effet Doppler, • les effets liés aux variations du profil axial de température et du profil axial de puissance, • la variation de l’empoisonnement du xénon : elle peut être négligée pendant la durée d’une rampe de variation de puissance.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
85
Figure 3.2. Comment la puissance est suiveuse de la puissance électrique en dynamique libre.
La figure 3.3 illustre les variations de réactivité entre le début et la fin du transitoire. Ce fonctionnement en dynamique libre pose deux problèmes, qui le rendent inacceptable. • Quand la puissance active produite par l’alternateur augmente, la pression secondaire aux GV baisse fortement, ce qui entraîne à la fois une baisse du rendement du cycle thermodynamique et une dégradation de la qualité de la vapeur délivrée à la turbine. En effet, le titre en eau de la vapeur tend à augmenter quand la pression baisse, les dispositifs de séparation mécanique eau-vapeur devenant moins performants. La dégradation de la qualité de la vapeur entraîne non seulement une baisse du rendement de la détente, mais également un risque d’érosion dans les premiers aubages du corps HP de la turbine.
+
Réactivité libérée par refroidissement du fluide primaire
ρ= 0
—
Réactivité perdue par augmentation de la température du combustible
Figure 3.3. Équilibre des variations de réactivité entre le début et la fin d’un transitoire.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
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• Les variations de la température moyenne du circuit primaire sont incontrôlées et de grande amplitude. Elles nécessitent donc un pressuriseur de « grande dimension », capable d’absorber les expansions et contractions volumiques du fluide primaire.
3.1.2. Modélisation de la dynamique libre : puissance extraite aux GV et puissance thermique primaire Dans cette section, nous montrons comment il est possible de modéliser simplement l’interaction primaire-secondaire en dynamique libre et d’obtenir par ce moyen un comportement dynamique assez proche de la réalité. On dispose des données rassemblées dans le tableau 3.1. Tableau 3.1. Données pour un modèle d’interaction primaire secondaire basé sur un REP 1 300 MWe. Symbole Pth nom Pth PGV h.S MCp CTM CDP
Nom Puissance thermique nominale Puissance thermique primaire Puissance extraite aux GV Coefficient d’échange aux GV Capacité calorifique de la chaudière3 Coefficient de température du modérateur Coefficient Doppler-puissance, auquel on ajoute l’effet de redistribution (cf. Tab. 2.7)
Valeur 3 800
4,642 2 720 -27,1 en DDV -65,9 en FDV -10,5 en DDV -16,8 en FDV
Unité MW %Pn % %/◦ C MJ/◦ C pcm/◦ C pcm/%Pn
Le déséquilibre entre la puissance thermique primaire et la puissance extraite aux GV induit une variation de température : Pth nom (Pth − PGV )dt = MCp dT 100 dT P Pth − PGv = th nom dt 100 MCp On applique l’hypothèse selon laquelle à chaque pas de temps, l’effet de température du modérateur et l’effet Doppler se compensent, ce qui s’exprime par l’équation suivante : CTM dT + CDP dPth = 0 Cette hypothèse permet d’obtenir une solution analytique simple. Elle se justifie dans la mesure où un bilan de réactivité effectué entre le début et la fin du transitoire se traduit par un équilibre en réactivité entre les deux effets de température, comme représenté sur la figure 3.3. Cette hypothèse est néanmoins physiquement absurde : si à chaque pas de temps, la réactivité globale du cœur était nulle, alors la puissance nucléaire ne pourrait pas augmenter ! P P CDP dPth = th nom Pth − th nom PGV − CTM dt 100MCp 100MCp 3 Une estimation de la capacité calorifique de la chaudière est effectuée au chapitre 7, dans la section « Quelques calculs simples pour l’îlotage ».
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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On obtient l’équation différentielle typique des systèmes linéaires du premier ordre, comme le circuit électrique intégrateur RC4 : dPth + dt
CTM Pth nom CDP 100MCp
Pth =
CTM Pth nom CDP 100MCp
PGV
Cette équation montre qu’en dynamique libre, la réponse de la puissance thermique à la puissance extraite aux GV peut être assimilée à celle d’un système du premier ordre. L’équation de la réponse à échelon de puissance extraite aux GV est : Pth = PGV
Pth nom − CTM t CDP 100MCp 1−e
La constante de temps du système est : τ=
CDP MCp 100 CTM Pth nom
On peut calculer qu’en fin de vie, τ = 18 secondes environ, contre 27 secondes en début de vie. Le primaire réagit à une extraction de puissance aux GV plus rapidement en fin de vie qu’en début de vie, cependant la variation de température est plus petite. En conclusion, cette modélisation très simplifiée permet d’assimiler l’interaction primaire-secondaire à un système du premier ordre. La réponse de la puissance thermique primaire à une rampe de puissance extraite aux GV est une rampe avec un retard égal à la constante de temps. Afin d’obtenir un comportement dynamique plus proche du comportement réel, il est nécessaire d’améliorer ce premier modèle. En effet, les effets modérateurs et Doppler se compensent de façon exacte in fine, mais d’un point de vue dynamique ils sont décalés dans le temps. Un nouveau modèle de REP 1 300, que nous appelons modèle dynamique, est programmé. Il effectue le calcul, à chaque pas de temps, de la réactivité. À partir des équations de la cinétique, il détermine l’évolution de la puissance thermique. La partie conventionnelle est également prise en compte de façon simplifiée, et le modèle permet de fixer la puissance électrique (plus de précisions sont apportées au paragraphe 3.1.4). La figure 3.4 montre le cumul de l’effet de température du modérateur et de l’effet Doppler, lors d’une rampe de montée en puissance électrique calculée avec le modèle dynamique. Il s’agit d’une rampe de puissance électrique nette de 53 % à 78 %, effectuée en un peu plus de 8 minutes, avec un cœur en fin de vie (Cb = 150 ppm). Dans cet exemple, à chaque instant la réactivité est positive, ce qui permet à la puissance primaire d’augmenter, en suivant l’augmentation de la puissance secondaire. La figure 3.5 nous donne la réactivité calculée par le modèle dynamique sur l’ensemble de ce transitoire de rampe de montée en puissance électrique. 4 La capacité thermique MCp est analogue au condensateur.
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Figure 3.4. Décalage temporel entre les effets de température au cours d’une rampe de puissance en dynamique libre.
Figure 3.5. Réactivité pendant la rampe de montée en puissance.
3.1.3. Mise en évidence des difficultés posées par la dynamique libre Nous analysons plus en détail le transitoire précédent. La figure 3.5 montre que la rampe de puissance thermique primaire est supportée par un créneau de réactivité de 4 à 5 pcm. On peut observer sur la figure 3.6 que la puissance thermique primaire présente un retard d’environ 18 secondes (on retrouve la constante de temps du système du premier ordre) par rapport à la puissance extraite aux GV. Ce transitoire produit un refroidissement moyen de 6,1 ◦ C du fluide primaire. La température à saturation aux GV diminue significativement. Les calculs effectués en début de vie sur le même transitoire donnent des résultats différents, caractérisés par une constante de temps plus importante, un refroidissement primaire plus élevé (8,7 ◦ C) et une baisse plus marquée de la température de la vapeur à saturation des GV. Il est important de noter que les variations de température obtenues sont dépendantes des valeurs associées aux effets en réactivité : modérateur, doppler et redistribution. Les résultats sont donnés sur la figure 3.7. En début de vie et en dynamique libre, le refroidissement de la température moyenne primaire entre le début et la fin du transitoire entraine une variation du volume massique de 3, 31·10−5 m3 /kg.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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Figure 3.6. Modélisation d’une rampe de puissance en dynamique libre, en FDC.
En supposant la masse d’eau primaire hors pressuriseur constante et égale à 267 tonnes, on obtient une contraction de volume de 8,8 m3 . Cette valeur est élevée, alors que la variation de puissance n’est que de 25 %Pn. En extrapolant au cas d’un transitoire de forte amplitude, entre la puissance nominale et le minimum technique théorique de la tranche5 , on obtient une variation de volume dont l’ordre de grandeur est de 30 m3 . La section intérieure de la partie cylindrique des pressuriseurs du palier 1 300 MWe étant de 5,08 m2 , une telle variation volumique mobiliserait une hauteur de 6 mètres dans la partie cylindrique6 , qui reste toutefois compatible avec les dimensions réelles du pressuriseur, vase d’expansion du circuit primaire. De plus, le fonctionnement en dynamique libre pénalise les performances thermodynamiques de la tranche. En effet, les GV constituent la source chaude du cycle eau-vapeur et toute baisse de température de la source chaude dégrade le rendement du cycle. 5 Le minimum technique théorique est défini comme étant la puissance minimale qui peut être produite dans de bonnes conditions de stabilité avec les régulations en service, le contournement de vapeur au condenseur et la décharge atmosphérique étant fermés. Sa valeur est voisine de 25 % de la puissance thermique nominale. Il définit le seuil minimal de suivi de charge. La plage de puissance [2 %Pn ; MTT] est une zone de transition. 6 Le pressuriseur des REP 1 300 a les caractéristiques suivantes : volume intérieur total = 60,1 m3 , volume intérieur de la partie cylindrique = 51,6 m3 , hauteur de la partie cylindrique = 10,15 m. Entre 0 % et 100 % de puissance, avec réglage de la température moyenne primaire, le niveau varie sur une hauteur d’environ 4 m, soit 20 m3 .
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Figure 3.7. Modélisation d’une rampe de puissance en dynamique libre, en DDC.
En conclusion, un fonctionnement en dynamique libre, s’il était mis en œuvre, conduirait à : • des expansions et contractions volumiques du fluide primaire non contrôlées et d’une amplitude élevée et subie, • une diminution du rendement thermodynamique quand la puissance augmente, • des sections de passage de la vapeur plus importantes (tuyauteries, turbine) en raison d’une plus faible densité de la vapeur.
3.1.4. Prise en compte de la partie secondaire de la tranche Le retard observé, entre la rampe de puissance électrique et la puissance extraite aux GV s’explique par l’inertie de l’ensemble du système eau-vapeur. Cette inertie du système eau-vapeur réside essentiellement dans la vapeur stockée dans les GV. La bâche alimentaire dégazante7 (ADG) qui constitue la réserve d’eau 7 La bâche ADG est la réserve d’eau en amont des TPA. Elle permet également de dégazer l’eau du secondaire.
La conception du poste d’eau des REP 900 MWe CP0 et CP1 est différente de celle des REP CP2, P4, P’4 et N4. Dans ces 24 premières tranches nucléaires de 900 MWe (6 tranches CP0 et 18 tranches CP1), il n’y a pas de bâche ADG : c’est le condenseur qui assure le dégazage de l’eau du secondaire par barbotage et les pompes alimentaires aspirent directement dans les tuyauteries issues du poste d’eau basse pression sans passer par un réservoir à surface libre (la bâche alimentaire).
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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Figure 3.8. Réponse du modèle à l’introduction d’un échelon de réactivité.
d’alimentation des GV (son volume d’eau est réglé à 450 m3 , à 100 %Pn8 ) confère également de l’inertie à la tranche nucléaire en raison de la capacité thermique de la masse d’eau qu’elle contient. L’inertie du système eau-vapeur est prise en compte dans notre modèle dynamique.
3.1.5. Réponse en dynamique libre à une variation de réactivité On se place dans le cas d’un réacteur en puissance, avec alternateur couplé au réseau, sans téléréglage ni réglage primaire, et l’on suppose une extraction intempestive d’un groupe de grappes de quelques pas. Ce comportement peut être simplement simulé à l’aide du modèle dynamique. L’état initial est caractérisé par une puissance primaire de 50 %Pn, le réacteur est considéré en début de vie. On applique un échelon instantané de réactivité de 8 pcm. Les résultats sont présentés sur la figure 3.8. 8 La consigne de niveau bâche est une fonction croissante de la charge. Son volume total interne est de 600 m3
pour les REP 1 300 MWe.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
La réponse dynamique du système à la perturbation que constitue l’injection d’un échelon de réactivité est constituée par l’enchaînement suivant : • une augmentation de la puissance nucléaire, en raison de la réactivité positive apportée ; • un déséquilibre entre la puissance thermique primaire et la puissance extraite aux GV. En effet, la puissance extraite aux GV évolue dans une moindre mesure que la puissance primaire, étant donné que la puissance électrique est réglée sur sa consigne fixe ; • une augmentation de la température moyenne du circuit primaire en raison de ce déséquilibre entre la puissance thermique primaire et la puissance extraite aux GV, et une augmentation de la température à saturation des GV ; • une perte de réactivité (le coefficient de température du modérateur est négatif) ; la réactivité entre en territoire négatif car le déséquilibre de puissance n’est pas résorbé quand la réactivité s’annule (peu avant t = 60 secondes sur la simulation) ; • une baisse de la puissance nucléaire et de la puissance extraite aux GV qui reviennent à leur valeur de départ. En une dizaine de minutes, un nouvel état d’équilibre s’établit, caractérisé par une température moyenne du circuit primaire plus élevée et un groupe de grappes en position plus extraite, le bilan de réactivité de ces deux changements étant nul. Dans cet exemple, l’extraction d’un groupe de grappes est une perturbation agissant sur un système à l’équilibre. Ce système est intrinsèquement stable et « absorbe » la perturbation en retrouvant ensuite un nouvel état d’équilibre. On envisage maintenant une perte lente de réactivité, agissant de façon continue. Ceci peut également être simulé avec le modèle dynamique. Le cœur, toujours en début de cycle, subit une perte continue de 2 600 pcm/JEPP (c’est-à-dire l’usure du combustible multipliée par un facteur 100). Les résultats d’un calcul en début de cycle sont donnés sur la figure 3.9. Dans ce cas, le système se trouve en régime quasi permanent : la puissance thermique primaire est constante mais légèrement en retrait par rapport à la puissance extraite aux GV et il se produit un refroidissement continu du fluide primaire. Le gradient de refroidissement observé (2 ◦ C/h) est le résultat d’un équilibre entre le gradient positif de réactivité (environ 54 pcm/h par effet modérateur + 5 pcm/h par effet doppler) dû au refroidissement et le gradient négatif de la perte lente de réactivité (1 400 pcm/24 h). Dans la réalité, ces gradients sont à diviser par 100, l’usure du combustible étant d’environ 26 pcm/JEPP. Par un raisonnement par l’absurde, il est facile de démontrer que cet équilibre est inévitable : par exemple, si le gradient positif de réactivité est trop faible et que globalement le système perd de la réactivité, alors la puissance thermique primaire diminue et donc le déséquilibre de puissance primaire-secondaire s’accentue. En conséquence, le gradient de refroidissement augmente et donc le gradient positif de réactivité augmente également. Le gradient positif de réactivité ne peut être qu’égal en valeur absolue au gradient négatif de perte de réactivité.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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Figure 3.9. Réponse du modèle dynamique à une perte lente de réactivité.
Le lecteur peut se reporter au calcul qui relie le gradient de refroidissement en stretch avec la perte de réactivité par usure du cœur, dans la section sur l’étude d’une oscillation xénon en cours de stretch (chapitre 4 « Distribution de puissance dans les REP »).
3.2. La nécessité d’un réglage de la température moyenne primaire Nous avons vu dans le paragraphe précédent que le comportement en dynamique libre n’est pas acceptable pour une utilisation industrielle des REP. En conséquence, la température moyenne du circuit primaire n’est pas laissée libre, mais elle est réglée de façon à être toujours égale à une température dite « température de référence » ou « température de consigne ». La fonction température de consigne = f (niveau de puissance) est appelée « programme de température ».
3.2.1. Choix de la température de consigne Le fonctionnement de la tranche en puissance obéit aux principes suivants : • la puissance active délivrée par l’alternateur est réglée par la régulation de puissance du groupe turbo-alternateur (se reporter à l’annexe 3) ; les organes de réglage sont
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
les vannes d’admission vapeur à la turbine et les grandeurs réglantes sont les débits massiques de vapeur envoyés à la turbine ; • on suppose que la puissance mécanique du GTA est égale à la puissance active de l’alternateur, ce qui n’est vrai, aux pertes près, qu’en régime permanent ; • la puissance échangée aux GV subit directement les variations de la puissance mécanique du GTA ; • la puissance thermique primaire s’ajuste à la puissance échangée aux GV. À partir de la formule approchée de puissance échangée aux GV, PGV ≈ h.S(Tmoy − T sat ), on voit apparaître deux variables imposées et une variable libre. La puissance échangée au GV est imposée par la puissance active délivrée par l’alternateur et la température moyenne est supposée égale à sa température de consigne. Dans ce cas, la variable libre est la température à saturation dans le GV. Plus la température moyenne primaire sera élevée, plus la température secondaire sera élevée. Cependant, pour une valeur trop élevée de température moyenne primaire à 100 %Pn, la température du fluide primaire dans la partie supérieure des assemblages risque d’être trop proche de la température de saturation. Pour le point de fonctionnement à pleine puissance, il a fallu trouver un compromis entre : • une Tmoy conduisant à une Tsat la plus élevée possible ou la moins basse possible ; • mais pas au risque d’atteindre une valeur trop élevée de la température en sortie cœur. On peut tout au plus tolérer en haut des assemblages combustibles une ébullition sous-saturée, caractérisée par : – dans la couche limite thermique en paroi, le liquide est à la température de saturation ; – au cœur de l’écoulement, la température est inférieure à la température de saturation. Le choix de la température à puissance nulle est aussi l’objet d’un compromis. La conception neutronique voudrait qu’elle soit la plus haute possible afin de minimiser le besoin en antiréactivité nécessaire lors du passage à puissance nulle, et donc de diminuer le nombre de grappes de contrôle et le nombre de pénétrations dans le couvercle de cuve. Cependant, c’est à puissance nulle que la pression de vapeur à saturation est la plus élevée. L’intervalle entre la pression de conception du circuit secondaire et la pression de vapeur à puissance nulle doit permettre de dimensionner les seuils d’ouverture du contournement turbine, du contournement à l’atmosphère et d’ouverture des soupapes GV. Cette contrainte sur le réglage des seuils conduit à limiter la température à puissance nulle. Entre la puissance nulle et la pleine puissance, l’évolution du programme de température est linéaire.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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Figure 3.10. Programme en température des REP 1 300 MWe.
Pour les REP 1 300 MWe, le programme en température issu du meilleur compromis est présenté sur la figure 3.10. La température de sortie étant choisie, la température d’entrée se déduit du débit fourni par les pompes primaires : l’écart entre la température en entrée et en sortie cuve est proportionnel au niveau de puissance, les températures d’entrée et de sortie cuve sont centrées sur la température moyenne primaire. La température à saturation dans le GV est la variable libre, elle n’est pas déterminée de manière fixe. En effet, elle dépend de la loi d’échange thermique et donc de l’encrassement des tubes du GV. Avec un GV encrassé, Tsat (100 %) = 282,7 ◦ C. Avec un GV propre, Tsat (100 %) = 284,9 ◦ C.
3.2.2. Réglage de la température moyenne primaire Le lecteur trouvera une présentation détaillée de la régulation de la température moyenne primaire dans la partie V de l’ouvrage La chaudière des réacteurs à eau sous pression. On rappelle que si la puissance thermique primaire et la puissance échangée aux GV sont égales, alors la température moyenne primaire est constante. Toute évolution de la température moyenne primaire est la conséquence d’un déséquilibre entre ces deux puissances. Il est donc possible de régler la température moyenne primaire en agissant sur la puissance thermique primaire.
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(a)
(b)
Figure 3.11. Les schémas d’implantation des REP 900 MWe. Source : cours « Master of science in Nuclear Energy », EDF, H. Billat.
Dans tous les réacteurs de la filière REP, le moyen de réglage de la température thermique primaire est constitué d’un groupe de grappes de commande, dédié à cette fonction. Pour les réacteurs exploités en mode G, c’est le groupe R qui assure le réglage de la température moyenne primaire. Il est composé de neuf grappes fortement absorbantes dites « noires ». Pour les réacteurs 900 MWe exploités en mode A9 (c’est-à-dire les centrales nucléaires du palier CP0), le réglage de température est effectué par les groupes A, B, C et D. Cette régulation est assurée par trente-deux grappes noires longues réparties en quatre groupes de huit grappes, travaillant en recouvrement10 constant. L’insertion en séquence avec recouvrement des groupes permet d’éviter des perturbations trop importantes de la distribution axiale de puissance. Le premier groupe à s’insérer est le groupe D. La figure 3.11a permet d’observer le schéma d’implantation des grappes de commande des réacteurs 900 MWe exploités en mode A. Sur la figure 3.11b est représenté le schéma d’implantation en mode G. Les réacteurs 900 MWe exploités en mode G disposent d’un nombre plus important de grappes de commande : quatre pour G1, huit pour G2, huit pour N1 et huit pour N2.
9 Les quatre tranches du palier N4 sont également exploitées en mode A. 10 Le recouvrement entre deux groupes n et n + 1 peut être défini de la façon suivante : hauteur du cœur en pas
– écart de position entre les extrémités des groupes n et n + 1.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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3.3. Cas particulier du secondaire commandé en pression Cette section, basée sur l’exemple des REP 1 300, constitue une parenthèse dans le chapitre « Introduction au fonctionnement pilotage des REP ». En effet, lors du fonctionnement en puissance, la puissance extraite aux GV dépend de la puissance appelée à la turbine. Cependant, en attente à chaud ou en arrêt à chaud, le secondaire est commandé en pression par le système de contournement de la turbine au condenseur GCT-c (dont la régulation maintient la pression au barillet vapeur à sa valeur de consigne) ou par le système de contournement de la turbine à l’atmosphère.
3.3.1. Contrôle en pression du secondaire et conséquences pour la température moyenne primaire La relation approchée PGV ≈ h.S(Tmoy − T sat ) nous montre que, dans le cas où le secondaire est commandé en pression, deux variables sont imposées : • Tsat , dont la valeur dépend de la régulation de pression du GCT-c ; • PGV : la puissance échangée aux GV est alignée sur la puissance thermique primaire qui, aux pertes près (cf. A4.1), est la somme de la puissance résiduelle, de la puissance nucléaire (nulle en arrêt à chaud et inférieure à 2 %PN en attente à chaud) et de la puissance thermique apportée par les GMPP, soit 23,2 MW. Indirectement, le contrôle de la pression secondaire assure un contrôle de la température moyenne primaire. Lors du démarrage de la tranche, l’opérateur extrait le groupe R en manuel et dilue la concentration en acide borique pour effectuer l’augmentation de la puissance jusqu’au palier à 8 %Pn ; par conséquent, la température moyenne primaire augmente et s’écarte de Tréf . En agissant sur le point de consigne du GCT-c, il peut réduire l’écart entre Tmoy et Tréf , préalablement au passage du groupe R en mode automatique (se reporter au chapitre « Démarrage d’un réacteur après rechargement »).
3.3.2. Fonctionnement en attente à chaud Pour les arrêts courts, l’état d’attente à chaud, c’est-à-dire critique avec une puissance nucléaire inférieure ou égale à 2 %PN, est privilégié car il permet des redémarrages plus faciles ; en effet, la dilution de l’arrêt à chaud jusqu’à la Cb critique, le point d’arrêt chimie, le basculement GCT-a/GCT-c ainsi que le basculement ASG/ARE ne sont pas à réaliser. De plus, en attente à chaud, les GV sont alimentés par le système ARE et leurs niveaux sont réglés de façon automatique par les vannes ARE petit débit : le risque d’AAR par niveau GV est réduit. Cependant, en situation d’attente à chaud faisant suite à un fonctionnement en puissance, l’opérateur doit être attentif à l’évolution du xénon et à la puissance nucléaire qui
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n’est pas sous la dépendance de la puissance extraite au secondaire, contrairement à ce qui se passe dans le fonctionnement turbine couplée. Alors que dans le fonctionnement turbine couplée, une perte de réactivité se trouve naturellement compensée par un refroidissement du cœur et que la puissance reste stable, en attente à chaud le comportement de la chaudière est différent : un apport continu d’antiréactivité se traduit par une baisse de la puissance nucléaire, qui est en partie freinée par l’effet Doppler si le flux neutronique est au-dessus du seuil de chauffage nucléaire11 . La température moyenne primaire n’évolue pas de façon significative (baisse de quelques dixièmes de degrés), la pression secondaire est maintenue constante par le GCT-c. Quand le réacteur passe en dessous du seuil de chauffage nucléaire, aucune contreréaction ne vient freiner la baisse de la puissance nucléaire. Cette baisse de la puissance nucléaire peut passer inaperçue aux yeux de l’opérateur, car elle ne s’accompagne pas d’une baisse significative de la température moyenne primaire. Dans ce cas, il est possible que le réacteur converge ; le seuil du permissif P612 peut éventuellement être atteint. Par la suite, en l’absence de toute action de l’opérateur, la baisse de l’empoisonnement xénon faisant suite au pic peut ultérieurement entraîner une divergence du réacteur. L’opérateur constatant avec retard la convergence du réacteur peut même être amené à « sur-réagir » et à trop diluer. Une telle divergence serait considérée comme imprévue et non contrôlée. De plus, la remise en service des CNS peut entraîner un AAR par haut flux niveau source si l’opérateur n’a pas le temps d’inhiber les CNS lorsque P6 disparaît lors de la remontée du flux. En résumé, du point de vue du pilotage cœur en attente à chaud, le principal risque est celui d’une convergence du réacteur et d’un étouffement de la réaction en chaîne, qui pourraient être suivis d’une divergence non contrôlée, éventuellement d’un AAR. L’exploitation de la tranche à faible puissance sur une durée prolongée au-delà de quatre jours n’est pas recommandée, il convient alors de passer en arrêt à chaud (réacteur sous-critique). En effet, en attente à chaud, les opérateurs doivent surveiller : • le faible niveau de flux neutronique sur les chaînes niveau intermédiaire (pour s’assurer que le cœur reste critique), • la puissance nucléaire qui doit rester inférieure à 2 %PN (respect des STE), • la baisse de puissance résiduelle. La puissance résiduelle et les GMPP assurent un niveau de puissance primaire produisant un débit de vapeur suffisant pour la TPA en service et pour le GCT-c qui assure le maintien de la température moyenne primaire. Au fur et à mesure, la puissance résiduelle diminue et le débit de vapeur qui part au GCT-c diminue, alors que celui de la TPA est maintenu constant par la régulation de vitesse. Tant que le contournement est ouvert, la TPA dispose de suffisamment de vapeur. Si GCT-c se ferme, alors il y a un risque de refroidissement primaire car la pression au barillet vapeur n’est plus maintenue constante. Dans ce cas, il faut passer d’ARE en ASG, avec arrêt de la TPA et refroidissement par GCT-a. 11 Le seuil de chauffage nucléaire, couramment appelé seuil Doppler, désigne un niveau de flux neutronique (en pratique, c’est environ 0,1 %PN) au-dessus duquel la réaction en chaîne produit des effets thermiques sur le combustible. Au-dessus de ce seuil, une baisse de puissance nucléaire entraîne un refroidissement du combustible et un gain de réactivité. 12 Courant CNI inférieur à 10−10 A ; lors d’une baisse de flux, les CNS sont remises en service automatiquement lorsque 2/4 des CNI délivrent un courant inférieur à P6.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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Figure 3.12. Montée en puissance jusqu’à une puissance thermique 1 %Pn par extraction des grappes (modèle dynamique).
3.3.3. Montée en puissance par extraction de grappes La figure 3.12 illustre la montée en puissance à partir du seuil Doppler (puissance nucléaire 0,1 %PN) jusqu’à une puissance thermique cœur de 1 %Pn, par extraction de R. La réactivité introduite par l’extraction de R est consommée par l’effet Doppler, jusqu’à stabilisation de la puissance.
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Figure 3.13. Montée en puissance de 1 à 8 %Pn par dilution ; correction de la température moyenne primaire par action sur le point de consigne GCT-c (modèle dynamique).
3.3.4. Montée en puissance par dilution – correction de la température moyenne par action au GCT-c La figure 3.13 illustre la possibilité de ramener la température moyenne primaire à sa référence au cours d’une montée en puissance, avec un secondaire commandé en pression. La pression de vapeur saturée est diminuée de 82,3 bars à 81,3 bars (par trois baisses successives de la consigne du GCT-c dans cet exemple).
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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3.4. Synthèse sur les comportements dynamiques étudiés Tableau 3.2. Synthèse de quelques comportements dynamiques. Secondaire commandé en
Perturbation
Tmoy
Pth
Puissance extraite aux GV : PGV
Ces situations sont rencontrées en exploitation pendant… (exemples)
Pression
Extraction d’un groupe de grappes
et > Tréf
avance
retard
Montée jusqu’à 1 %Pn au redémarrage
Pression
Rampe de réactivité (par exemple dilution)
et > Tréf
avance
retard
Montée de 1 % à 8 %Pn par dilution, au démarrage après rechargement
Pression
Diminution de la pression de consigne au barillet vapeur
et > Pth
Correction de la température moyenne par action sur la consigne GCT-c
Puissance
Rampe de puissance extraite aux GV en dynamique libre
et < Tréf qui augmente
retard
avance
Montée au-dessus de 8 % de Pn, alternateur couplé (l’opérateur corrige la baisse de température qui se produit réen dynamique libre en alisant une dilution)
Puissance
Extraction d’un groupe de grappes
et > PGV
Puissance
Rampe d’antiréactivité
Constante et légèrement inférieure à PGV
Correction à la hausse de la température moyenne primaire Constante
Montée du xénon à la suite d’une baisse de puissance Usure du combustible
3.5. Que se passerait-il si la température était exclusivement réglée avec un unique groupe de grappes de commande ? On considère le cas, non réel13 , d’un REP dans lequel les seuls moyens d’action sur la réactivité utilisés au cours d’un transitoire de puissance sont un groupe de grappes de commande effectuant le réglage de la température moyenne primaire. Le transitoire considéré est une baisse de puissance. Lors d’une baisse de puissance en dynamique libre, la température moyenne primaire augmente : c’est la tendance naturelle. De façon à ce que la température moyenne primaire soit conforme au programme de température, il faut qu’à tout moment de la baisse de puissance, la puissance thermique primaire soit inférieure à la puissance échangée aux GV, ce qui produit un refroidissement. 13 Non réel, mais utile d’un point de vue didactique.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
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Insertion du groupe de grappes de commande réglant la température moyenne primaire
Apport d’antiréactivité par les grappes
Pendant la baisse de puissance : Antiréactivité + réactivité < 0
En raison du déséquilibre Pth < PGV, la température moyenne primaire diminue La température du combustible diminue également ; car elle évolue dans le même sens que la puissance nucléaire.
A la fin du transitoire : Antiréactivité + réactivité =0
Apport de réactivité par les 2 effets de température : modérateur et doppler
Baisse de puissance, dans la situation non réelle où le seul moyen d’action sur la réactivité qui intervient est le groupe de grappes de commande réglant la température
Figure 3.14. Variations de réactivité pendant une variation de puissance, avec réglage de température.
Grâce à l’insertion du groupe de grappes de commande réglant la température moyenne primaire, la puissance thermique primaire diminue de manière anticipée, devançant la puissance extraite aux GV. La figure 3.14 résume les variations de réactivité lors d’une baisse de puissance. Il est possible de calculer le déplacement des grappes de commande pendant la baisse de puissance. À la fin du transitoire, toute l’antiréactivité apportée par les grappes se trouve compensée par la réactivité libérée par le refroidissement du combustible et du modérateur. On considère, par exemple, une variation de puissance de 100 %Pn à 50 %Pn et on admet que la réactivité libérée par effets modérateur et Doppler est de l’ordre de 1 000 pcm. Le groupe de grappes réglant la température moyenne primaire, pour compenser une telle réactivité, se trouverait inséré en totalité. On comprend aisément que le réglage de la température moyenne primaire sous l’action d’un groupe de grappes de commande, même d’un poids neutronique important, nécessiterait des insertions ou extractions de très forte amplitude lors des variations de puissance. Des insertions trop prononcées poseraient les problèmes suivants : • déformation de la nappe de flux neutronique et augmentation du facteur de point chaud, • violation de l’insertion limite avec deux conséquences : – diminution du niveau de sous-criticité atteint après un arrêt automatique réacteur et de la marge d’antiréactivité, – violation des conditions initiales des études de l’accident d’éjection de grappe.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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3.6. Le pilotage en mode A 3.6.1. Modèle utilisé dans cette section et les suivantes Pour cette section qui concerne le pilotage, nous n’utilisons plus le modèle dynamique mais le modèle simplifié de pilotage présenté au chapitre 2.
3.6.2. Le pilotage en mode A avant les critères ECCS 1973 À l’origine, le pilotage des réacteurs à eau pressurisée mis au point par Westinghouse reposait essentiellement sur le respect d’une limite sur la puissance linéique visant à garantir la non-fusion à cœur (18 kW/ft, soit 591 W/cm garantissant une température au cœur des pastilles d’UO2 inférieure à 2 260 ◦ C). Le principe du pilotage en mode A peut se décrire de la façon suivante : afin de limiter l’amplitude des mouvements des grappes de commande qui contrôlent la température moyenne primaire, il faut faire varier la concentration en acide borique. En pratique, lors d’une baisse de charge, l’opérateur engage une borication avec un débit qui ne permet pas à lui seul d’assurer le refroidissement du cœur selon le programme de température. La température moyenne tend à être supérieure à la température de référence correspondant au programme de température, ce qui provoque une insertion du groupe D, qui est plus faible que ce qu’elle aurait été en l’absence de borication. Le respect de la limite sur la puissance linéique est assuré en maintenant le point de fonctionnement du réacteur à l’intérieur d’un trapèze14 de fonctionnement dans le plan (P, I). Il était initialement possible de conduire le réacteur sans précautions spéciales sur l’AO, et donc éventuellement avec des oscillations axiales, à condition de rester dans les limites du trapèze. Cependant, la fin des années soixante et le début des années soixante-dix aux États-Unis sont marqués par de vifs débats d’experts sur des questions de sûreté épineuses15 . À partir de 1973, de nouveaux critères de sûreté (ECCS 197316 ) relatifs aux accidents de perte de réfrigérant primaire sont imposés. Le critère de 1 204 ◦ C17 va se traduire, en tenant compte des différents types de brèches, par une valeur maximale de la puissance linéique à chaque cote axiale z (soit Q(z)). La mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de pilotage, imposant de maintenir l’axial offset constant (avec une tolérance de ±5 %PN autour de Iréf ), apporta la garantie du 14 La méthode permettant de passer d’une limitation de la puissance linéique à un domaine trapézoïdal, au moyen du tracé de la « Fly Speck », est expliquée dans Exploitation des cœurs de REP de N. Kerkar et P. Paulin. 15 Ces questions sont la possibilité de la rupture de la cuve, le LOCA (ou APRP) et l’efficacité de l’ECCS, l’ATWS (Anticipated Transient Without Scram), c’est-à-dire une défaillance de l’AAR lors d’un transitoire de catégorie 2. 16 La possibilité d’un manque d’efficacité du système de refroidissement de secours (ECCS : Emergency Core Cooling System), ayant pour conséquence une fusion du cœur lors d’un accident de perte de réfrigérant primaire, va être une question fortement controversée tout au long des années soixante-dix. À la suite des auditions de scientifiques et d’experts menées en 1972 et 1973 (125 jours d’auditions, dont les retranscriptions emplissent 22 380 pages, avec un millier de références), le gouvernement américain publie le 28 décembre 1973 « Acceptance Criteria for Emergency Core Cooling System for Light-Water-Cooled-Nuclear Power Reactors ». Cette publication n’éteint cependant pas les controverses et débats. 17 Toujours en vigueur ; le lecteur peut se reporter à l’annexe 1 « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire ».
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respect de ces nouveaux critères de sûreté. Elle évite également le développement d’oscillations xénon génératrices de distributions de puissance très déformées et qui produisent des facteurs de point chaud.
3.6.3. La mitigation des effets sur la distribution axiale de puissance pour maintenir l’axial offset constant Dans le chapitre « Distribution de puissance dans les REP »18 , nous expliquons que le basculement du profil axial de température dans le cœur (la température étant supposée réglée et égale à sa consigne) lors d’une baisse de puissance tend à redistribuer le flux neutronique vers le haut du cœur. On se retrouve donc en présence de deux phénomènes agissant dans des sens opposés. Par exemple, lors d’une baisse de puissance : • l’insertion des grappes de commande effectuant le réglage de température tend à repousser le flux vers le bas du cœur19 , • l’évolution du profil de température axialement tend à redistribuer le flux vers le haut du cœur. On conçoit aisément qu’il est possible, par le moyen de borications/dilutions adaptées, d’équilibrer les deux phénomènes opposés de façon à ne pas changer la répartition du flux entre le haut et le bas du cœur lors des variations de puissance. C’est ce que l’on appelle le pilotage à axial offset constant en mode A.
3.6.4. Le pilotage en mode A à axial offset constant Contrôler le point de fonctionnement dans la bande Iréf ± 5 %PN pendant la rampe de baisse de puissance revient à ajuster le débit de borication : si l’axial offset dérive vers les valeurs positives (flux plutôt en haut du cœur), l’opérateur diminue le débit de borication pour induire des insertions de D. L’opérateur peut également augmenter la pente de prise de charge. Si le point de fonctionnement dérive vers les valeurs négatives, l’opérateur augmente le débit de borication, le groupe D ne s’insère plus, l’évolution du profil axial de la température du réfrigérant primaire tend à favoriser la réaction en chaîne en haut du cœur et à ramener le point de fonctionnement dans la bande Iréf ± 5 %PN. Arrivant au palier bas, l’opérateur doit très rapidement lancer une dilution pour compenser l’augmentation de l’empoisonnement xénon. En effet, celui-ci ne peut pas être compensé par une extraction du groupe D, qui doit rester positionné pour ne pas entraîner de dérive de l’axial offset. Compte tenu de l’inertie du système RCV (volume dans les lignes de charge et de décharge) et du faible gradient d’évolution de la concentration en acide borique dans le cas d’une dilution, cette action de l’opérateur ne doit pas être différée. 18 À la section « Évolution de la distribution axiale au cours de la montée en puissance en début de vie ». 19 Cette tendance n’est vraie que si les grappes sont insérées dans la première moitié du cœur ; elle s’inverse
dans la seconde moitié.
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Les données pour les opérations de borication et dilution sont les suivantes : • les débits maximums pour la borication et la dilution sont respectivement 10 t/h et 24 t/h, • les concentrations en acide borique des bâches REA bore et eau sont respectivement de 7 500 ppm20 et 0 ppm. Pour illustrer comment il est possible d’assurer un contrôle de l’axial offset en mode A, deux simulations sont effectuées avec le modèle de pilotage simplifié. Il s’agit d’un REP CP0, en gestion de cœur Cyclades 1/3 4,2 %. Les calculs sont effectués sur une durée de 36 heures, au cours de laquelle deux transitoires de type 12-3-6-321 sont réalisés : le premier palier bas est à 50 %Pn et le second à 60 %Pn. Le point de départ est un réacteur à 100 %Pn, à l’équilibre. La concentration initiale en bore est de 800 ppm, ce qui correspond à un burn-up de 5 000 MWj/t. Le modèle simplifié de pilotage permet de choisir la part de la variation du défaut de puissance qui est reprise par le bore. La température moyenne primaire suit sa consigne. Dans la première simulation, le pilotage mis en œuvre est le suivant : • une borication est engagée pendant toute la durée des baisses de puissance ; cette borication apporte une antiréactivité égale à la moitié de la variation du défaut de puissance (par exemple le gain en réactivité associé à la variation du défaut de puissance22 entre le début et la fin de la première baisse de puissance vaut 940 pcm, et la borication apporte une antiréactivité de 450 pcm) ; • une dilution est engagée pendant toute la durée des prises de puissance ; elle apporte une réactivité égale à la moitié de la variation du défaut de puissance ; • sur les paliers de puissance, la Cb est ajustée pour compenser les variations d’empoisonnement xénon ; • les performances maximales du RCV pour la borication et la dilution sont prises en compte ; • le groupe D se déplace pour maintenir la température moyenne primaire égale à sa consigne. Les résultats de cette simulation sont tracés sur la figure 3.15. La borication engagée pendant la baisse de charge détermine l’amplitude de l’insertion de D qui règle la température moyenne primaire ; à la fin de la première baisse de puissance, D atteint la position de 173 pas extraits. Dans cette simulation, l’effet de D sur l’AO est plus faible que l’effet contraire de redistribution vers le haut du cœur dû au changement de profil axial de température primaire dans le cœur. Par conséquent, l’AO dérive à la hausse pendant la rampe de baisse de puissance et atteint +2 % au début du palier bas (augmentation de 4,6 %). Le cœur a été placé en situation de déséquilibre, une oscillation axiale du xénon est déclenchée vers le haut. 20 La solution d’acide borique ne doit pas dépasser 7 500 ppm pour éviter tout risque de cristallisation dans les tuyauteries ou réservoirs et doit être supérieure à 7 000 ppm pour assurer l’efficacité requise. 21 La durée des variations de puissance est de 3 heures, le palier bas dure 6 heures et la tranche retourne à 100 %Pn pendant 12 heures. 22 La notion de défaut de puissance est présentée au chapitre 2 « Éléments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP ».
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Figure 3.15. Transitoire en mode A avec borication/dilution de la moitié du défaut de puissance.
Sur le palier bas, une dilution visant à compenser le pic xénon est engagée. La hauteur du pic xénon est calculée à 3 250 pcm. Après l’atteinte du pic, la décroissance de l’empoisonnement xénon demande une borication, démarrée 430 minutes après le début de la simulation.
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Figure 3.16. Transitoire en mode A avec une borication des trois quarts du défaut de puissance, représenté dans le diagramme de pilotage.
Dans cette première simulation, on constate que le cœur n’est pas stable axialement et que l’axial offset fluctue dans une large bande de –6 à +6 %.
3.6.5. Trajectoire dans le diagramme de pilotage en mode A assoupli On peut tracer la trajectoire du point de fonctionnement de ce transitoire dans un diagramme de pilotage, également appelé « trapèze de fonctionnement ». Le diagramme de pilotage de la figure 3.16 est celui du mode A assoupli, qui offre un domaine de fonctionnement plus large qu’antérieurement23 . Cependant, ce mode A assoupli ne libère pas l’opérateur de l’objectif de piloter en maintenant l’axial offset le plus constant possible. Des actions de pilotage inappropriées peuvent conduire à des sorties de domaine, comme cela s’est déjà produit en exploitation. Une sortie entraîne l’application d’un évènement significatif pour la sûreté (ESS). À 100 %Pn, les limites du diagramme nous indiquent que la valeur maximale autorisée pour le DPAX est +6 %PN. Dans cette première simulation, le point ne dépasse pas la limite du domaine de fonctionnement autorisé. Dans la seconde simulation, la stratégie de pilotage vise à assurer un axial offset constant. Cette seconde simulation, illustrée sur la figure 3.17, montre qu’une borication ou une dilution réalisée pendant les variations de puissance de manière parfaitement adaptée permet de maintenir le cœur à un axial offset à peu près constant. 23 On rappelle qu’avant l’introduction du mode A assoupli, il était prescrit de maintenir le point de fonctionne-
ment dans une bande de ±5 %PN en delta I, autour de delta Iréf .
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Figure 3.17. Transitoire en mode A avec pilotage à axial offset constant.
De cette façon, le cœur est maintenu à l’équilibre d’un point de vue axial pendant toute la durée de la simulation. Les débits de borication et de dilution sont adaptés en permanence de façon à déterminer des mouvements de D tels que l’AO soit à peu près constant. Dans cette dernière simulation, les variations de Cb effectuées pendant les rampes de puissance correspondent à un peu moins de la moitié (43 % sur cet exemple) des variations du défaut de puissance. En pratique, l’ajustement permanent de ces débits n’est pas un levier souple d’utilisation (en raison de l’inertie du procédé), c’est pourquoi l’opérateur peut également agir sur la pente de variation de puissance. Il faut faire remarquer que les réacteurs CP0 en gestion Cyclades sont intrinsèquement un peu plus stables face aux instabilités axiales du xénon que les réacteurs REP 1 300 en gestion Gemmes, étant donné la hauteur active plus faible (3,66 m contre 4,27 m) et l’enrichissement plus élevé (4,2 % contre 4 %)24 . 24 Se reporter au chapitre « Éléments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP ».
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Ils sont plus stables qu’autrefois quand ils étaient exploités en gestion standard 1/3 3,25 %. De plus, le domaine de pilotage des réacteurs CP0 en mode A assoupli est large, en particulier en dessous de 75 %Pn.
3.6.6. Exercice : calcul du débit maximal de dilution sur le premier palier bas La dilution effectuée sur le premier palier bas a pour objectif de contrôler la température moyenne primaire sans que le groupe D soit sollicité, ce qui permet de maintenir stable la distribution axiale de puissance. Le débit maximal de dilution se rencontre au début du palier, là où le gradient de montée de l’antiréactivité du xénon est le plus élevé : 2,4 pcm/min. En supposant l’efficacité différentielle égale à 7,25 pcm/ppm, cela fait une baisse de Cb de 0,33 ppm/min. La masse d’eau déminéralisée REA à injecter par minute est par conséquent : m = 202 ln
800 = 0,859 tonnes 800 − 0,33
On obtient un débit maximal de dilution de 5,15 t/h au début du palier bas, compatible avec les performances du RCV.
3.6.7. Mode A et réglage de fréquence Les tranches françaises les plus anciennes, celles du palier CP0 (Bugey et Fessenheim) participent au réglage de fréquence (primaire et secondaire) tout en fonctionnant en mode A, c’est-à-dire avec une régulation de température moyenne, sans groupe de compensation de puissance. La bande morte de la régulation de température, compte tenu du coefficient de température du modérateur, permet d’absorber l’essentiel des variations de puissance dues au réglage primaire25 . Les variations de charge consécutives au téléréglage sont accompagnées par des actions de dilution/borication visant à maintenir la température moyenne primaire dans sa bande morte, ce qui permet de réduire les sollicitations du groupe de réglage de température.
3.7. Introduction au concept de mode de pilotage Cette première approche du pilotage par l’exemple du mode A nous permet d’introduire le concept général de mode de pilotage. Le pilotage à proprement parler ne concerne que les variations de puissance entre le minimum technique et 100 %PN. On appelle mode de pilotage la stratégie d’utilisation des moyens de contrôle de la réactivité, c’est-à-dire les grappes de commande et le bore soluble. 25 Se reporter au paragraphe 10 « Effets du réglage de fréquence sur le cœur d’un REP ».
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La définition de ces moyens (emplacement des grappes de commande, efficacité neutronique des grappes, affectation des grappes à différents groupes) et leurs fonctions respectives caractérisent chaque mode de pilotage. La finalité du pilotage d’un réacteur est de maîtriser le point de fonctionnement, tout en respectant le cahier des charges du client en ce qui concerne la manœuvrabilité (pentes de baisse de charge et de reprise de charge). La température moyenne primaire, la distribution axiale de puissance, l’insertion des grappes de contrôle doivent être maintenues dans un domaine appelé domaine de fonctionnement normal. Le respect de ce domaine permet d’assurer que le fonctionnement du réacteur se situe à tout moment dans le cadre des conditions initiales utilisées dans les études d’accidents. La notion de point de fonctionnement du réacteur inclut à la fois : • la température moyenne primaire en fonction du niveau de puissance. Une augmentation de la température moyenne primaire en dehors de la bande morte, à plus de 2 ◦ C de la température moyenne de consigne, constitue une sortie du domaine en pression et température (P, T) ; • des limites d’insertion à ne pas dépasser fixées pour les différents groupes de grappes présents dans le cœur (de façon à assurer une marge d’antiréactivité suffisante en cas d’AAR et à limiter la réactivité injectée en cas de retrait de grappe ou de groupe et en cas d’éjection de grappe de façon à respecter les conditions initiales d’études de ces accidents) ; • la distribution spatiale du flux neutronique dans le cœur. Le contrôle de l’axial offset permet de respecter les distributions axiales de puissance utilisées comme conditions initiales dans les accidents sensibles aux phénomènes à risque pour la première barrière et d’éviter le développement d’oscillations axiales du xénon. D’où un domaine à respecter dans le plan (P, I) ; • d’un point de vue dynamique, l’évolution du point de fonctionnement doit respecter différents gradients fixés par les STE. Le diagramme de pilotage des réacteurs, dont un exemple, celui des réacteurs CP0, a été présenté à la section précédente, est l’un des constituants du domaine de fonctionnement normal.
3.8. Le mode A : des performances dynamiques limitées Nous avons vu précédemment que des dilutions sont nécessaires en mode A sur les paliers bas pour contrer l’accumulation du xénon, mais également lors des reprises de charge. Les débits de dilution réalisables ne permettent pas dans tous les cas de compenser le xénon et de reprendre la charge tout en maîtrisant l’AO, surtout en fin de cycle. Il est indispensable de ralentir la vitesse de prise de charge, pour la rendre compatible avec l’efficacité de la dilution. Seuls sont réalisables en mode A : • les transitoires lents, en particulier en ce qui concerne la reprise de charge,
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• les transitoires effectués au-dessus d’une concentration en acide borique minimale, donc avant d’atteindre une limite en burn-up avant la fin du cycle. Afin de mettre en évidence les limites du mode A, des transitoires de baisse de charge de 100 %Pn à 50 %Pn sont simulés avec le modèle de pilotage simplifié. On se place à une Cb initiale de 650 ppm, soit 50 % d’avancement dans le cycle. La baisse de puissance est effectuée avec une pente de 20 MWe/min, le palier bas est d’une durée de 6 heures. La reprise de charge est effectuée à la pente de 6,5 MWe/min. Le contrôle de l’axial offset permet de maintenir celui-ci dans une bande de quelques pourcents de large. La figure 3.18 nous montre que pendant la reprise de puissance, on atteint la limite en débit de la capacité de dilution du système RCV, soit 24 t/h. Une limite de manœuvrabilité est atteinte. En effet, si l’on augmente la pente de prise de charge, l’alternative est la suivante : • privilégier le contrôle de l’AO (la position de D imposée de façon à conserver l’AO constant) ; dans ce cas, l’atteinte de la limite de la capacité de dilution ne permet plus de maintenir la température moyenne à sa constante ; • laisser D contrôler la température moyenne ; dans ce cas, la limite de la capacité de dilution amène le groupe D à s’extraire trop vite pendant la remontée de puissance et il n’est pas possible de maintenir l’AO à une valeur à peu près constante. Pour cette Cb initiale de 650 ppm, la pente de reprise de charge ne doit pas dépasser 6,5 MWe/min si l’on veut pouvoir assurer une maîtrise de l’axial offset lors de la reprise de charge. On comprend aisément que, plus le réacteur avance dans le cycle, plus les pentes de prise de charge doivent être limitées pour tenir compte de la perte d’efficacité croissante de la dilution sur le contrôle de la réactivité. Une étude paramétrique avec le modèle de pilotage simplifié permet d’évaluer quelles sont les limites de manœuvrabilité des réacteurs CP0 ; les résultats sont donnés dans le tableau 3.3. On retrouve, présentées sur la figure 3.19, des limites similaires à celles qui sont données dans les règles de conduite normale des réacteurs du palier CP0 (document RCN d’EDF pour le palier CP0). La manœuvrabilité des réacteurs CP0, bien que limitée, est de plus en plus sollicitée depuis les années 2000 en raison des évolutions du système électrique.
3.9. Introduction au pilotage mode G 3.9.1. Généralités Les performances recherchées lors de la conception du mode G résidaient essentiellement dans la possibilité d’effectuer du suivi de charge à tous les niveaux de puissance, la capacité de remonter en puissance sans préavis à une vitesse de 5 %Pn/min à tout moment d’un palier bas et l’aptitude au téléréglage.
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Figure 3.18. Transitoire en mode à axial offset constant à la limite des performances.
Le mode de pilotage G est rendu possible par un ensemble d’équipements rassemblés sous le nom de « dispositif de manœuvrabilité accrue » (DMA). Dans ce mode de pilotage, la compensation des effets de réactivité liés aux variations de puissance est intégralement effectuée avec des grappes de contrôle, qui constituent un ensemble appelé GCP (groupes de compensation de puissance).
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Tableau 3.3. Pentes maximales de prise de charge déterminées avec un modèle de pilotage simplifié. Avancement dans le cycle (%) Pente maximale pour la reprise de puissance MW/min (modèle simplifié)
10 12
20 10
50 6,5
60 4,75
70 2,6
80 1,8
Figure 3.19. Pentes maximales de prise de charge comparées avec la limite des RCN.
À tout instant du transitoire, les GCP doivent être insérés à une cote qui compense le plus exactement possible le défaut de puissance. Une des conséquences est la présence de grappes insérées dans le cœur plus longtemps et plus profondément qu’en mode A. Le schéma d’implantation des grappes de commande en mode G, pour les réacteurs REP 1 300, est donné sur la figure 3.20. Un groupe de grappes de commande, dit groupe R composé de neuf grappes noires (huit sur les 900 MWe), associé à une régulation en boucle fermée, assure le maintien de la température moyenne primaire dans sa bande morte de ±0,8 ◦ C.
3.9.2. Principes de conception des GCP Les GCP sont constitués de quatre groupes de grappes : • deux groupes gris (G1 et G2) : chacune des grappes de ces groupes est composée de huit crayons en alliage argent-indium-cadmium (AIC) et de 16 crayons en acier ; • deux groupes noirs (N1 et N2) : chacune des grappes de ces groupes est constituée de 24 crayons neutrophages. Dans le cas des REP 1 300, ces crayons sont hybrides : leur partie haute est constituée de carbure de bore B4 C et leur quart inférieur d’un alliage AIC. Ces quatre groupes de grappes manœuvrent en recouvrement constant selon un programme de chevauchement pour respecter les recouvrements.
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Figure 3.20. Schéma d’implantation des grappes pour les cœurs de REP 1 300 MWe.
La « compensation » globale de la réactivité est assurée à l’aide d’un asservissement de la position des groupes de compensation de puissance (G1, G2, N1 et N2) en fonction de la puissance demandée au secondaire. De façon à être positionnés à la cote compensant le défaut de puissance, les GCP sont déplacés en fonction du niveau de puissance secondaire. Les efficacités des groupes et leur échelonnement, leurs emplacements dans le cœur, la séquence d’insertion axiale (les recouvrements) ont été étudiés afin de diminuer autant que possible l’effet des grappes sur la déformation de la distribution de puissance. On peut donc dire qu’un contrôle intrinsèque de l’axial offset est partiellement réalisé en mode G. Les effets des groupes de compensation de puissance sur la distribution axiale de puissance et l’explication physique du contrôle intrinsèque du DPAX sont présentés dans le chapitre 4 « Distribution de puissance dans les REP ». Les poids neutroniques (efficacités intégrales) de chacun de ces groupes considéré seul sont les suivants : • G1 environ 300 pcm, • G2 environ 500 pcm, • N1 environ 1 000 pcm, • N2 environ 1 000 pcm. Les groupes sont insérés par ordre d’antiréactivité croissante. La figure 3.22 donne l’efficacité différentielle et intégrale de l’ensemble des GCP. G1 s’insère seul pendant 185 pas.
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Figure 3.21. Position des groupes G1, G2, N1, N2 et position en pas cumulés.
G2 s’insère quand G1 est arrivé à 75 pas extraits : ces deux groupes s’insèrent ensemble pendant 70 pas, jusqu’à la fin de l’insertion de G1 à 5 pas extraits26 . Quand G2 est inséré de 175 pas (sa position est de 85 pas extraits), N1 s’insère. N1 et G2 manœuvrent ensemble pendant 80 pas, jusqu’à la fin de l’insertion de G. Quand N1 s’est inséré de 160 pas (sa position est de 100 pas extraits), N2 s’insère. Les recouvrements étant constants, la position des GCP est donnée « en pas cumulés » sur une plage élargie, égale à 4 fois 260 moins les recouvrements entre les groupes, soit 770 pas. Ceci se résume sur la figure 3.21.
3.9.3. Le groupe de régulation de température Le groupe R, constitué de neuf grappes noires, assure le réglage de la température moyenne primaire. Il est asservi à la température moyenne par une boucle de régulation fermée (comme en mode A). Ce groupe est confiné dans une bande de manœuvre27 située dans la partie supérieure du cœur. • En effet, lors du fonctionnement en puissance, le groupe R est inséré au-delà d’un minimum assurant une efficacité différentielle supérieure à 2,5 pcm/pas. Cette insertion minimale (appelée bite, de l’anglais to bite = mordre) définit le haut de la bande de manœuvre. • La limite basse de la bande de manœuvre permet d’assurer une distribution acceptable de puissance. La hauteur de la bande de manœuvre est de 27 pas. La bande de manœuvre est assez étroite et elle correspond environ à 10 % de la hauteur du cœur. 26 Le respect de la limite de 5 pas extraits correspond au fait que l’on ne veut pas que le bas des grappes s’insèrent dans la partie rétrécie des tubes guides de l’assemblage (« dashpot ») pour éviter un éventuel coincement mécanique. 27 En ce qui concerne le positionnement de cette bande dans le haut du cœur, se reporter à la section 5 consacrée à l’évolution du flux dans les extrémités du cœur, dans le chapitre 4 « Distribution de puissance dans les REP ».
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Figure 3.22. Courbes d’efficacité différentielle et intégrale des groupes de compensation de puissance.
La position conseillée pour le groupe R est donc de 13 pas sous l’insertion minimale. En cas de franchissement du haut de la bande de manœuvre, une fiche d’alarme (RGL 011 AA) demande de diluer. En cas de franchissement du bas de la bande de manœuvre, la fiche d’alarme associée (RGL 013 AA) demande de boriquer. Le groupe R est aussi tenu de respecter une limite d’insertion, à laquelle des alarmes sont associées. La limite très basse d’insertion délimite les conditions initiales du rapport de sûreté. Une borication est alors requise. Si les GCP sont parfaitement calibrés et si l’on suppose que l’empoisonnement xénon reste constant, alors la température moyenne primaire est égale à sa consigne pendant les variations de puissance, et ceci en l’absence de tout déplacement du groupe R. Dans la réalité, les imperfections du calibrage des GCP et les variations d’empoisonnement xénon tendent à éloigner la température moyenne primaire de sa référence. En conséquence, le groupe s’insère ou s’extrait de façon à assurer le contrôle de la température. La figure 3.23 donne l’efficacité différentielle et intégrale du groupe R.
3.9.4. Commande des groupes de compensation de puissance Le mode de pilotage G, adopté sur les REP 900 MWe CPY et 1 300 MWe en France, requiert l’insertion en séquence dans le cœur des GCP asservis à la puissance secondaire.
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Figure 3.23. Courbes d’efficacité différentielle et intégrale du groupe R.
Le signal de « consigne de puissance » utilisé pour l’asservissement des groupes de compensation de puissance est élaboré : • à partir de signaux issus de la régulation turbine. Les fonctionnements en mode automatique et direct de la régulation turbine sont à distinguer : voir le schéma simplifié de la régulation en page suivante, ainsi que l’annexe 5 « Régulation de puissance du groupe turbo-alternateur ». En fonctionnement normal en suivi de charge, la régulation turbine est en mode automatique et le signal de consigne de puissance est constitué de la somme du réglage primaire de fréquence, du téléréglage et de la « référence charge » (niveau de puissance requis par le programme de suivi de charge journalier (réglage tertiaire) ; ou bien lorsque la turbine fonctionne sur le limiteur de charge (et dans ce cas la tranche ne participe pas au réglage primaire de fréquence) : • à partir de la limite de pression vapeur première roue turbine, la relation pression première roue-niveau puissance étant obtenue par l’intermédiaire d’un générateur de fonction. La pression première roue n’est représentative que si la vapeur est aux conditions nominales de température et de pression. Le schéma de la figure 3.24 présente l’élaboration de la consigne de puissance des groupes de compensation de puissance. Il est important de noter que quand le contournement de la turbine au condenseur est ouvert, une grandeur image de la charge totale se substitue à la puissance turbine
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Figure 3.24. Élaboration de la consigne de position des groupes de compensation de puissance.
Figure 3.25. Exemples de courbes G3 pour différents avancements dans le cycle (en réalité, l’ordonnée de la courbe G3 est la consigne de puissance, exprimée en MWe).
pour l’élaboration de la consigne de puissance. Le lecteur se reportera au chapitre 6 « Le transitoire d’îlotage » pour plus de précisions sur l’élaboration de la grandeur image de la charge totale.
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Les régulations élaborées par Alstom (la régulation turbine) et Framatome (la commande des groupes de compensation de puissance) ont une forte interface, des signaux issus de la régulation turbine étant des données d’entrée pour la commande des GCP : c’est la liaison GRE/RGL. La loi d’insertion des GCP en fonction de la puissance est appelée courbe de calibrage des groupes de compensation de puissance (courbe G3), elle est élaborée périodiquement en effectuant une baisse à 50 %Pn ; il s’agit de l’essai périodique l’EP RGL 4, assez contraignant pour l’exploitant. La consigne de position issue de la courbe G3 (encore appelée position calculée, c’est la cible à atteindre) est comparée à la position commandée aux mécanismes (c’est-à-dire la position réelle, sauf en cas de blocage de grappe ou de désalignement) pour élaborer un signal d’écart. Le sens du mouvement (insertion ou extraction) est calculé en fonction de l’écart. Le déplacement des GCP se fait à vitesse constante de 60 pas/min. La bande morte de 38 MWe (courbe G2) permet au réglage primaire de fréquence de ne pas solliciter les GCP et limite l’usure mécanique des mécanismes de commande de grappes. Le réglage primaire de fréquence induit des variations de la température moyenne. Si cette dernière sort de sa bande morte de régulation, alors le groupe R se déplace. Les groupes de compensation de puissance des tranches exploitées en mode G présentent l’avantage de limiter les variations de température de l’eau induites par le téléréglage, et donc de limiter les sollicitations thermomécaniques de la chaudière nucléaire. Des exemples de courbes G3 sont donnés sur la figure 3.25 pour un réacteur REP 1 300, à différents avancements dans le cycle. En effet, comme cela est précisé au paragraphe suivant, la courbe G3 d’un réacteur est actualisée périodiquement en cours de cycle. L’opérateur dispose de la possibilité de décalibrer les GCP, ce qui revient à translater la courbe de calibrage G3 vers le bas : pour un niveau de puissance donné, le décalibrage va déplacer les GCP à une position plus extraite28 , qui serait celle obtenue si la puissance secondaire était décalée à une valeur plus élevée. Cette disposition va dans le sens de la sûreté puisque les GCP sont plus extraits, la marge d’antiréactivité est améliorée. Ceci introduit un peu de souplesse dans le fonctionnement du mode G. Par exemple, l’opérateur peut s’en servir momentanément pour compenser une variation de température liée au xénon. Le décalibrage, également appelé « terme correctif » par l’exploitant, s’exprime en MWe.
3.9.5. Calibrage des GCP : actualisation périodique de la courbe G3 La courbe de calibrage, dite G3, donne en pas cumulés (somme des pas extraits de chaque groupe) la position requise des groupes de compensation de puissance en fonction de la puissance secondaire. Si les GCP sont parfaitement calibrés, leur insertion compense l’augmentation de réactivité engendrée lors du transitoire de baisse de charge, moyennant l’hypothèse Tmoy = Tréf . 28 Le décalibrage se traduit par une position plus extraite, ce qui va dans le sens de la sûreté : la marge d’anti-
réactivité est améliorée.
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Il est nécessaire de recalibrer périodiquement cette courbe G3 lors de l’avancement dans le cycle, en raison de deux phénomènes physiques distincts : • le défaut de puissance (constitué du cumul des contre-réactions Doppler et modérateur) croît avec l’irradiation du combustible. En effet, l’effet modérateur augmente en valeur absolue en raison de la diminution de la concentration en bore du circuit primaire. Par conséquent, l’insertion des GCP doit être plus importante afin de compenser cet effet ; • la modification de la distribution axiale du flux neutronique lors de l’avancement dans le cycle29 change l’efficacité des GCP. La réactualisation est réalisée dans le cadre de l’essai périodique RGL4 (EPRGL4). Cet essai est réalisé tous les 60 JEPP pour les tranches du palier 1 300 MWe et tous les 90 JEPP pour les tranches des paliers 900 MWe CPY. L’essai consiste à effectuer une baisse de charge jusqu’à 50 %Pn avec une pente déterminée. La courbe G3 obsolète ne permet pas à l’insertion des GCP de compenser exactement le défaut de puissance, c’est pourquoi un écart de température Tmoy – Tréf va apparaître : • en cas de « surcompensation » par les GCP, il y a une quantité trop importante d’antiréactivité introduite dans le cœur. Par conséquent, la température moyenne du modérateur se trouve diminuée ; • en cas de « sous-compensation » par les GCP, il y a un excès de réactivité introduite dans le cœur, par conséquent la température moyenne du modérateur se trouve augmentée, ce qui est le cas le plus fréquent. Les variations de température par rapport à la température de référence, auxquelles on soustrait la contribution de l’effet xénon déterminée par calcul, donnent la correction sur la réactivité qui doit être apportée par les groupes de compensation de puissance, donc la position corrigée de ces groupes. Le niveau xénon va varier au cours de l’essai. Il faut donc simuler par calcul l’essai tel qu’il est réalisé et soustraire les variations de réactivité liées au xénon de celles calculées à partir de l’écart de température Tmoy – Tréf . Afin que le calcul des variations de réactivité dues au xénon soit le plus juste, il convient de partir de l’équilibre xénon. C’est pourquoi un fonctionnement sur limiteur de charge (PMD) est requis pendant 48 heures avant l’essai. L’écart de température ne doit pas être pollué par une dilution/borication ou un mouvement du groupe R : c’est pourquoi ce dernier est passé en manuel et maintenu au centre de sa bande de manœuvre. La Cb est maintenue constante. La réalisation de cet essai se traduit non seulement par une baisse de charge et donc un manque à produire, mais de plus la disponibilité aux services systèmes30 est réduite puisqu’il n’est pas possible de réaliser du réglage primaire de fréquence durant les 48 heures précédant l’essai et pendant l’essai lui-même. 29 Cette évolution est détaillée dans le chapitre « Distribution de puissance dans les cœurs de REP », paragraphe 5. 30 Les services systèmes sont le réglage de fréquence et le réglage de tension.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
121
On obtient une courbe d’essai donnant la position des GCP en fonction de la puissance thermique, qui est obtenue pendant le transitoire selon le principe du BIL SPIN, ou bilan enthalpique primaire. La courbe d’essai, déterminée entre 100 et 50 %Pn, est ensuite extrapolée jusqu’à 0 %Pn. La courbe d’exploitation, dite G3, est déduite de la courbe d’essai en faisant une conversion puissance thermique en puissance électrique MWe. La nouvelle courbe de calibrage constitue la limite d’insertion des groupes de compensation de puissance au sens des STE. La pertinence de la courbe G3 implantée est susceptible d’être affectée par le rendement de la partie conventionnelle. En fonctionnement à PMD (se référer au tableau A.5.3), les GCP sont censés être totalement extraits. Une diminution du rendement se traduit par une puissance électrique plus faible à PMD, et donc une légère insertion des groupes. Pour cette raison, des réajustements de la courbe G3 sont parfois effectués.
3.9.6. Réalisation d’un transitoire en mode G Si le début ou le milieu de la campagne coïncide avec des périodes pendant lesquelles la demande en énergie électrique est faible, des baisses profondes peuvent être journalières, voire même réalisées deux fois par 24 heures. Elles ont lieu généralement la nuit (avec un retour en puissance vers 6 heures, avant la pointe de 7 heures), parfois entre midi et 14 heures qui correspond à un creux relatif de consommation. Pour réaliser un transitoire de baisse de charge, l’opérateur initie la baisse de charge sur la platine de la régulation turbine, en choisissant une valeur finale et une pente parmi les dix pentes de charge prédéterminées qui sont disponibles. Les groupes G1, G2, N1 et N2 s’insèrent de manière automatique, en fonction de la baisse de la puissance électrique. Si la compensation du défaut de puissance par les GCP n’est pas parfaite, la régulation de température moyenne primaire peut solliciter le groupe R, en général dans le sens de l’insertion. Une fois le palier bas atteint, l’opérateur doit lancer une dilution immédiatement pour compenser l’accumulation du xénon. Sur le palier, le maintien du DPAX près de sa valeur de référence31 (qui est fonction du niveau de puissance) est un principe de base du pilotage, y compris en mode G. Si l’opérateur laisse dériver le point de fonctionnement plus d’une heure, la distribution axiale de puissance devient plus difficile à maîtriser car une oscillation axiale de xénon est en train de naître. Toute dérive du DPAX peut être contrée en agissant sur le débit de dilution qui va entraîner une variation de température moyenne : si la dérive du DPAX correspond à une augmentation de la puissance dans le haut du cœur, il faut que le groupe R s’insère et pour cela, il faut diluer plus que le xénon ne l’exige pour que la tendance soit à l’échauffement. Le retour en puissance se fait sans difficulté puisque les GCP sont restés à la cote idéale qui compense le défaut de puissance. Le xénon est toujours compensé par le bore. 31 La valeur de référence I réf à un niveau de puissance donné est la valeur que prend le I quand le cœur est à l’équilibre, avec AOp = AOi = AOx. Iréf dépend du niveau de puissance (profil axial de température) et de la position des GCP, elle-même dépendante de la puissance.
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Les GCP permettent de satisfaire l’exigence fondamentale de retour rapide à pleine puissance sans préavis.
3.9.7. Les limites des performances du mode G Toutes les données de cette section sont basées sur la gestion Gemmes. Après une baisse de charge, le xénon s’accumule pendant le palier bas, ce qui tend à refroidir le primaire. En l’absence de toute action de l’opérateur, le groupe de régulation R s’extrairait sous l’action de la régulation de température moyenne, équilibrant de fait l’antiréactivité apportée par le xénon en cours d’accumulation. Cependant, la bande de manœuvre du groupe R se situe dans la partie supérieure du cœur et le groupe R ne peut pas en pratique apporter plus d’une centaine de pcm. C’est pourquoi il est nécessaire de compenser le xénon par un autre moyen, l’opérateur peut agir avec les deux leviers suivants : • une dilution, • une extraction des groupes de compensation de puissance par décalibrage partiel. En effet, sur le palier bas faisant suite à la baisse de charge, l’extraction des GCP ne peut pas se faire sous l’action de la commande automatique, étant donné que son principe repose sur une relation biunivoque entre la puissance électrique qui est constante et la position commandée. Cependant, deux écueils sont à considérer : – un décalibrage est susceptible de perturber l’axial offset, en le décalant vers les valeurs positives, – la capacité de retour à 100 %PN sans préavis est perdue puisque l’extraction des GCP à partir de la cote atteinte après décalibrage ne compense plus la variation du défaut de puissance. Le tableau 3.4 montre que la réactivité pouvant être libérée par un décalibrage complet des GCP est toujours supérieure à la hauteur du pic xénon, et cela même en début de cycle quand les GCP sont moins insérés sur le palier bas. En conséquence, il est toujours possible, du point de vue du bilan de réactivité, de compenser le pic xénon d’un palier bas de puissance par une extraction des GCP. Cette stratégie fait l’économie d’une dilution pendant la montée du xénon et d’une borication pendant sa décroissance ; elle est donc la plus économe en effluents. Elle présente cependant l’inconvénient, qui est rédhibitoire dans la plupart des baisses de charge en exploitation, de rendre la tranche incapable de faire un retour en puissance à la demande du réseau32 . Il est intéressant de remarquer que par conception, les modes de pilotage avancés, comme le mode X et le mode T (« Total maneuverability ») de l’EPR, donnent le choix à l’opérateur entre une stratégie de pilotage minimisant les effluents et une stratégie favorisant la remontée en puissance, ces deux objectifs étant antagonistes. 32 En réponse aux spécifications techniques imposées par le réseau électrique, les tranches exploitées en mode G
sont capables de faire des montées en puissances dites RIP (retour instantané en puissance) à 5 %Pn/min.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
123
Tableau 3.4. Hauteur des pics xénon et défaut de puissance. Hauteur du pic xénon DP (xx %) - DP (100 %) DP (xx %) - DP (100 %) DP (xx %) - DP (100 %) calculée par le modèle de pilotage simplifié
DDV
MDV
FDV
1 016
1 424
1 832
710
762
1 068
1 374
Baisse de 390 100 % à 60 %
430
508
712
916
Baisse de 180 100 % à 80 %
190
254
356
458
DDV
FDV
Baisse de 970 100 % à 20 %
1 070
Baisse de 650 100 % à 40 %
La stratégie de compensation du pic xénon par décalibrage des GCP n’est donc possible que si l’exploitant a la certitude que la durée de palier bas est suffisante pour que la reprise de charge se fasse après le passage du pic xénon. Cette stratégie est par exemple parfaitement concevable dans le cas d’un palier bas d’une douzaine d’heures. Le retrait des GCP induit cependant une dérive du DPAX, qui complique le contrôle axial du cœur. Si l’on ne met pas en œuvre le décalibrage, alors l’opérateur engage une dilution. Cette dilution doit être capable de compenser l’antiréactivité maximale apportée par le xénon au moment du pic. De plus, c’est au début du palier que l’accumulation de xénon se fait le plus rapidement. Cette accumulation va ensuite ralentir, jusqu’à devenir nulle au moment du pic. Si la réactivité apportée par la dilution est en retard par rapport à l’accumulation de xénon, le groupe R risque d’être sollicité de façon trop importante par la régulation de température afin de combler l’écart. Le débit de réactivité (en pcm/min) apporté par une dilution effectuée au débit volumique maximum dépend à chaque instant de la concentration en bore, selon les équations ci-dessous : Q dρ = −εd (Cb (t )) Cb (t ) dt MRCP −Qt Cb (t ) = Cb (0) + Cb REA − Cb (0) (1 − e MRCP ) En début de cycle, une dilution engagée au débit maximum de 36 tonnes/heure apporte un gradient de réactivité de 20 pcm/min, qui n’est plus que de 6 pcm/min à 70 % d’avancement dans le cycle (Cb = 360 ppm) et 2,6 pcm/min à 90 % d’avancement dans le cycle (Cb = 120 ppm). Le cumul d’antiréactivité lié à l’accumulation du xénon, au début d’un palier bas, est de l’ordre de 1 à 6 pcm/min et dépend de l’amplitude de la baisse de puissance et de la rampe de la baisse. Plus celles-ci sont élevées, plus l’accumulation de xénon se fera avec cinétique élevée (jusqu’à 6 pcm/min).
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 3.26. Compétition entre l’antiréactivité xénon et la réactivité apportée par dilution (palier bas après baisse de puissance).
Il est donc intéressant de comparer, en fonction du temps, l’apport de réactivité dû à la dilution avec l’apport d’antiréactivité du xénon. La figure 3.26 nous montre qu’à 70 % d’avancement dans le cycle, l’antiréactivité apportée par la dilution permet de compenser en permanence l’antiréactivité apportée par le xénon, pour des baisses de charge allant jusqu’à 80 % d’amplitude, et cela jusqu’à l’atteinte du pic xénon. À 80 % d’avancement dans le cycle (c’est-à-dire pour une Cb initiale de 240 ppm), la dilution seule permet tout juste de faire face à des réductions de puissance de 100 %Pn à 40 %Pn. Pour une baisse d’amplitude plus importante, de 100 %Pn à 20 %Pn, cette compensation n’est plus possible, ce qui se traduirait par un refroidissement ou une extraction du groupe de régulation de température. À 90 % d’avancement dans le cycle, la dilution n’est plus capable de faire face seule à des baisses de charge, même de faible amplitude. En conclusion, selon l’amplitude de la variation de puissance et l’avancement dans le cycle, l’antiréactivité apportée par le xénon peut être momentanément non compensable par dilution. Le modèle de pilotage simplifié présenté dans le chapitre « Éléments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP » permet de simuler un tel transitoire et de mettre en évidence l’antiréactivité non compensable par dilution. On s’intéresse à un transitoire de baisse de puissance de 100 % à 25 % (on suppose que le minimum technique de la tranche est de 25 %Pn), avec une concentration initiale en acide borique de 185 ppm (environ 85 % d’avancement dans le cycle).
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
125
Les hypothèses sont les suivantes : • les GCP sont parfaitement calibrés et compensent de manière exacte le défaut de puissance, • la dilution est engagée dès le début de la rampe de baisse de puissance, • les baisses de puissance sont effectuées à 1 %Pn/min et les reprises de puissance sont effectuées avec la pente caractéristique des RIP (retour instantané en puissance), soit 5 %Pn/min, • les débits maximums pour la borication et la dilution sont respectivement 10 t/h et 36 t/h, • les concentrations en acide borique des bâches REA bore et eau sont respectivement de 7 500 ppm et 0 ppm. Sur la figure 3.27, on observe que pendant un intervalle de temps de plusieurs heures (1 heure 37 minutes à 4 heure 55 minutes), la capacité de dilution ne permet pas la compensation de la montée du xénon. Le contrôle de la température moyenne primaire nécessite un apport supplémentaire de réactivité (240 pcm) par les grappes de commande : extraction du groupe R (apport limité car le groupe R doit être maintenu dans sa bande de manœuvre) et décalibrage des GCP. Cette réactivité apportée par les grappes permet de compenser la part d’antiréactivité du xénon qui ne peut pas être prise en charge par la dilution. Les courbes (Cb dilution max – Cb ) et (Cb borication max – Cb ) nous donnent à chaque pas l’écart entre la Cb courante et la Cb qui serait atteinte si l’opérateur engageait une dilution ou une borication aux capacités maximales du RCV. Une étude paramétrique permet d’aboutir à une représentation sous forme de nappe en 3D de l’antiréactivité non compensable par dilution, en fonction de la concentration en bore et de la puissance du palier bas, la puissance initiale étant de 100 %Pn (figure 3.29). Ces résultats mettent en évidence que des limitations doivent être imposées aux amplitudes des variations de puissance si l’on veut que les variations d’empoisonnement xénon puissent être compensées intégralement par la dilution, ou bien si l’on souhaite limiter la sollicitation des grappes de commande. Dans la figure 3.29, on choisit une limite ρ inférieure à 50 pcm, ce que l’on peut assimiler au maintien du groupe R dans sa bande de manœuvre et absence de décalibrage. Les RCN PIL (règles de conduite normale pour le pilotage en puissance du réacteur) fixent les limitations imposées aux amplitudes de variations de puissance. Elles imposent de fait une puissance « plancher » appelée MTC, acronyme de minimum technique courant. Le respect du MTC permet à la tranche d’assurer les pentes contractuelles de remontée de puissance. Le diagramme donné en figure 3.29 permet de comparer la limite des RCN PIL à la limite obtenue par le modèle de pilotage simplifié de REP. À partir de 65 % d’avancement dans le cycle, le MTC peut être plus contraignant que le minimum technique théorique. Le minimum technique réalisable par la tranche est le plus pénalisant entre le MTC et le MTT, c’est-à-dire max [MTC ; MTT].
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Figure 3.27. Baisse de puissance de 100 % à 25 %Pn, avec une Cb initiale de 185 ppm.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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Antiréactivité xénon non compensée par dilution à la suite d'une baisse de charge 1200 1100 1000 900 800 700 pcm 600 500 400 300 200 100 0
1100-1200 1000-1100 900-1000 800-900 700-800 600-700 500-600 400-500 310 300 290 280 270 260 250 240 230 220 210 200 190 180 170 160 150 140 130 120 110 100 90 80 70 60 50 40 30 20
300-400 200-300 100-200 20
0-100
50
Concentration initiale en Bore
80
Puissance sur le palier bas
Figure 3.28. Antiréactivité non compensable par dilution.
Figure 3.29. Limitation de l’amplitude des baisses de puissance : comparaison RCN et modèle de pilotage simplifié.
3.9.8. Exigences des STE Les spécifications techniques d’exploitation (STE) définissent des limites à l’intérieur desquelles le réacteur doit être normalement exploité, conformément à un référentiel de conception. Lorsque le réacteur est critique, du point de vue du pilotage, les STE exigent que : • les groupes de compensation de puissance G1, G2, N1 et N2 soient sur, ou au-dessus (possibilité de décalibrage), de la courbe G3,
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• le groupe de régulation de température moyenne soit sur, ou au-dessus, de sa limite d’insertion précisée dans le DSS (dossier spécifique de sûreté de la recharge). Les STE interdisent de monter en puissance à une vitesse supérieure à 5 %Pn/min.
3.9.9. Contrôles des instabilités xénon dans un réacteur exploité en mode G Le contrôle des instabilités axiales xénon fait partie du pilotage. Le groupe R disposant d’une certaine liberté de positionnement dans sa bande de manœuvre, l’opérateur peut l’utiliser pour parfaire le contrôle de la distribution axiale de puissance. L’action correctrice peut se faire par une prise en manuel du groupe R. Néanmoins, la prise en manuel du groupe R, au-dessus du verrouillage C20, ne doit pas entraîner un écart |Tmoy − Tréf | supérieur à 2 ◦ C, et il est recommandé de maintenir la température dans la bande morte de la régulation. Les mouvements de R sont précédés par des opérations de borication/dilution ; cette anticipation permet de maintenir |Tmoy − Tréf | inférieur à 2 ◦ C. La durée d’exploitation du groupe R en mode manuel pour le contrôle d’une oscillation xénon ou pour le contrôle du DPAX doit être réduite au minimum.
3.10. Effets du réglage de fréquence sur le cœur d’un REP 3.10.1. Intérêt de la question Le réglage primaire de fréquence, mais surtout le réglage secondaire, sollicitent les mécanismes de commande de grappe : • le groupe R se déplace quand les fluctuations de la température moyenne primaire excèdent la bande morte de la régulation de température ; • les GCP manœuvrent en réponse au signal de téléréglage, mais sont insensibles au réglage primaire de fréquence. On rappelle que lors de l’élaboration de la consigne de puissance des GCP, l’introduction d’une bande morte de ±38 MWe absorbe intégralement les variations de puissance induites par le réglage primaire de fréquence. Il est concevable que des limites sur le nombre de mouvements élémentaires des mécanismes puissent être atteintes en cas d’extension de la durée de vie des centrales. Le changement des mécanismes, une opération complexe et coûteuse, serait alors nécessaire33 . 33 Les phénomènes d’usure des mécanismes de commande de grappes se manifestent à partir de quelques millions de pas. Les mécanismes du groupe G1, qui est le plus sollicité, sont les plus susceptibles d’être remplacés.
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
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3.10.2. Réglage primaire en dynamique libre On considère un réacteur fonctionnant à Pcmax 34 (point de consigne = 97,6 %Pn). En réglage primaire de fréquence, les fluctuations de puissance électrique sous l’action du régulateur proportionnel kf ont une amplitude située dans une limite de ±2 % ; en pratique, les fluctuations observées ont une amplitude plus faible. Le modèle dynamique qui nous a permis d’étudier la réponse de la puissance thermique primaire à un appel de puissance au secondaire, au début de ce chapitre, nous permet également d’évaluer l’allure de la puissance thermique primaire lors d’un fonctionnement en dynamique libre avec réglage primaire de fréquence. Dans l’exemple illustré par la figure 3.30, la puissance électrique est issue de données enregistrées.
Figure 3.30. Modélisation simplifiée de la réponse du cœur au réglage primaire de fréquence. Calcul en dynamique libre, pour un cœur en DDV.
Si l’on impose le même signal de puissance électrique, avec un comportement dynamique de fin de vie, l’amplitude des fluctuations de température moyenne primaire est atténuée, comme le montre la figure 3.31. L’effet de température du modérateur, qui permet à la puissance primaire de s’adapter à la puissance électrique, limite fortement les déséquilibres entre ces puissances, et donc l’amplitude des excursions de température. 34 Se reporter au tableau A5.3.
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Figure 3.31. Modélisation simplifiée de la réponse du cœur au réglage primaire de fréquence. Calcul en dynamique libre, pour un cœur en FDV.
3.10.3. Mouvements de R pour le réglage de température Le réglage de température, en réglage primaire de fréquence, se traduit par des mouvements du groupe R (limités à quelques pas), dont l’occurrence et l’amplitude se réduisent au fur et à mesure de l’avancement dans le cycle.
3.10.4. Que se passe-t-il en stretch, lorsque la tranche fait du réglage primaire ? Pendant la période de stretch, le coefficient de température du modérateur a tendance à augmenter, c’est-à-dire à devenir de moins en moins négatif au fur et à mesure que l’on autorise la température moyenne du primaire à diminuer. Ceci a légèrement tendance à accentuer l’amplitude des fluctuations de température moyenne observée en réglage primaire alors que l’on avance dans le stretch. Cependant, en raison de l’élargissement de la bande mode, la tranche se comporte comme en dynamique libre et on n’observe (quasiment) pas de mouvements du groupe R.
3.11. Passage en manuel du groupe de régulation de température (groupe R) Certaines phases d’exploitation nécessitent le passage en manuel du groupe de régulation de température. Il s’agit de : • la réalisation de certains essais périodiques cœur, l’implantation d’un programme en température, • l’EP RGL4, • la maîtrise d’une oscillation xénon, • le contrôle du déséquilibre axial de puissance. Néanmoins, l’opérateur doit toujours maintenir la température mesurée dans sa bande morte (certains essais, comme l’EP RGL4, dérogent à cette obligation).
3 – Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP
131
Figure 3.32. Illustration du lien entre la régulation de puissance du GTA (supposée en mode auto) et le pilotage du réacteur (mode G).
Pour les réacteurs exploités en mode G, l’insertion des GCP, qui se produit en cas de réduction brutale de charge secondaire, permet de réduire la puissance primaire et de limiter le déséquilibre de puissance primaire/secondaire. L’augmentation de température moyenne primaire est également contrée par l’insertion du groupe R. Le problème est différent si l’on se place dans le cas des réacteurs exploités en mode A. Si le groupe de régulation de température d’un réacteur CP0 est en manuel au moment où se produit une réduction brutale de charge, les contre-réactions par effet de température du modérateur sont seules à agir pour diminuer la puissance nucléaire et réduire le déséquilibre de puissance. L’augmentation de température primaire est alors beaucoup plus élevée, ce qui génère des surpressions primaires et secondaires (risque d’AAR). Le lecteur est invité à se reporter à la section étudiant le déroulement d’un îlotage sans grappes, dans le chapitre 6 « Le transitoire d’îlotage ».
3.12. Schéma d’organisation générale des REP 1 300 MWe Le schéma général de la figure 3.32 illustre le fonctionnement d’une tranche REP 1 300 MWe en variation de puissance, avec un contrôle du secondaire (régulation de puissance du GTA) effectué en parallèle avec le contrôle du cœur (pilotage du réacteur).
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L’interface entre le système de pilotage du cœur et la régulation de puissance du GTA est une spécificité du mode G. En mode X ainsi que pour le mode T de l’EPR, cette interface n’existe plus. Cette interface n’existe pas pour les réacteurs du palier CP0, exploités en mode A. Le mode X réalise le contrôle automatique de la température moyenne primaire et celui de l’axial offset, par deux boucles fermées imbriquées et possédant chacune leurs bandes mortes, points de consigne, hystérésis... propres.
4
Distribution de puissance dans les cœurs de REP
4.1. Définitions de l’axial offset et du déséquilibre axial de puissance. Introduction au diagramme de pilotage des REP 1 300 MWe 4.1.1. Définitions de l’AO et du DPAX L’axial offset de puissance est défini ainsi : AO(%) =
PH − PB 100 PH + PB
PH et PB étant les puissances générées respectivement dans les moitiés haute et basse du cœur. Le déséquilibre axial de puissance, encore appelé différence axiale de puissance, est indifféremment noté I ou DPAX. Il est défini de la façon suivante : I(%PN) =
PH − PB 100 Pnominale
Pnominale est la puissance nominale du cœur. La relation entre axial offset de puissance et différence axiale de puissance s’en déduit immédiatement : I = AO Pr où Pr est la puissance relative du cœur. Selon les paliers de réacteurs, le paramètre de pilotage utilisé par l’opérateur est l’AO (palier N4) ou le I. C’est l’AO qui est le plus intéressant, car d’un point de vue physique, c’est la stabilisation de l’AO qui permet de prévenir le développement d’oscillations axiales du xénon. L’élaboration du DPAX par le système de protection intégré numérique (SPIN) des réacteurs du palier 1 300 MW est expliquée dans la section « Complément : calcul des paramètres de pilotage DPAX et DPRAD » du chapitre « Les protections du cœur ». Le lecteur intéressé par des développements plus approfondis sur le système de protection intégré numérique consultera l’ouvrage de la même collection Exploitation des cœurs de REP.
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4.1.2. Le diagramme de pilotage des REP 1 300 MWe La sûreté de l’installation est garantie par les études d’accidents faites dans le rapport de sûreté. Les calculs de transitoires accidentels, qui démontrent le respect des critères de sûreté, partent de conditions initiales caractérisant l’état du cœur et de la chaudière avant l’accident. Ces conditions initiales font alors partie intégrante de la démonstration de sûreté. Elles ne doivent jamais être franchies : elles définissent les limites du domaine de fonctionnement normal et sont matérialisées par des alarmes en salle de commande. En ce qui concerne les accidents cœur pour lesquels le rapport d’ébullition critique (RFTC) et/ou la puissance linéique maximale sont des conditions initiales déterminantes pour le déroulement de l’accident, les REP 1 300 MWe disposent d’un système de surveillance qui utilise les chambres ex-core à six sections capables de mesurer la distribution axiale de puissance à partir de laquelle on va calculer les marges RFTC et puissance linéique1 . À l’intérieur du domaine de fonctionnement normal (dit de classe 1), le réacteur est couvert par les études d’accident. Le diagramme de pilotage est élaboré par un plan (P, I) dans lequel l’évolution du point de fonctionnement du réacteur se présente sous la forme d’une trace. Ce diagramme contribue à délimiter le domaine de fonctionnement normal. Il est représenté sur la figure 4.1. Les limites liées aux risques de puissance linéique élevée et de crise d’ébullition sont évaluées et traitées en temps réel par le SPIN2 . Elles n’apparaissent donc pas dans le domaine de fonctionnement. La partie gauche du diagramme ne présente pas de limite ; cependant, en pratique les distorsions axiales de puissance vers le bas du cœur sont limitées indirectement par les alarmes sur la puissance linéique. Le déséquilibre axial de puissance DPAX est maintenu inférieur à la limite droite3 du diagramme de pilotage. Le diagramme de pilotage n’a pas la même signification que sur les REP 900 car il ne participe pas à la surveillance du RFTC et de la puissance linéique. Cependant, quel que soit le type de réacteur, le couple (puissance, I) caractérise le point de fonctionnement et offre une synthèse lisible de l’état du cœur qui facilite le pilotage du réacteur. La limite droite est définie par les points de coordonnées suivantes : • à 100 %Pn, DPAX = 6 %PN, • à 15 %Pn, DPAX = 15 %PN. La définition de l’AO et du DPAX nous montre que toute droite passant par l’origine dans un plan (puissance, I) correspond à un axial offset constant. 1 La marge en RFTC est définie comme la différence entre la valeur de REC mesurée courante et une alarme dite « Bas-REC » dont le seuil est défini par les études d’accidents du RDS. Le lecteur est invité à se reporter à l’annexe 1 « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire ». 2 Se reporter à l’annexe 1 « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire ». 3 Les STE prescrivent : « si la puissance du réacteur est inférieure à 15 % de la puissance nominale, le fonctionnement est autorisé sans limitation sur le déséquilibre axial de puissance ». « Si 15 %Pn < P < 100 %Pn, le déséquilibre axial de puissance DPAX sera maintenu à une valeur inférieure à la limite définie par les points de coordonnées : à 100 %Pn, DPAX = 6 %PN et à 0 %Pn, DPAX = 16,6 %PN.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
135
Figure 4.1. Diagramme de pilotage des REP 1 300 MWe.
La droite Iréf est une droite passant par l’origine, ce qui indique qu’elle est un ensemble de points de fonctionnement de même axial offset. Iréf (100 %Pn) est la distribution axiale naturelle du cœur, calculée pour des concentrations en xénon et en iode à l’équilibre à 100 %Pn, toutes les grappes de compensation de puissance extraites, et le groupe de régulation de la température moyenne primaire R au centre de sa bande de manœuvre. Cette droite delta Iréf est actualisée tous les 30 jours calendaires, à l’occasion des essais périodiques EP RPN 114 .
4.2. Détermination du profil axial de la température du fluide primaire On cherche à déterminer le profil axial de la température du fluide primaire, à partir de la connaissance du profil axial de puissance. 4 Lors de cet essai sont réalisés une carte de flux complète et un bilan enthalpique au secondaire (BIL 100)
pour…
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
136
Si l’on considère le problème posé par un simple canal vertical chauffant, et connaissant le flux thermique surfacique le long de l’axe vertical, il est facile d’établir un bilan thermique sur un segment du parcours du fluide : δW (z) = φ(z)δS δW (z) δT (z) = Qm Cp (T ) avec : • T (z) la température (◦ C) du fluide primaire à la position axiale z, • φ(z) est le flux thermique surfacique moyen du cœur (W/cm2 ), • δW(z) est la puissance (W) reçue par le fluide balayant une surface δS lors de sa circulation le long de la paroi, • Qm est le débit massique (kg/s), • Cp est la chaleur massique à pression constante (kJ/kg/◦ C, pour une pression de 155 bars), qui dépend de la température de l’eau. Ce raisonnement peut être transposé à un cœur de REP, considéré comme un simple canal chauffant (approximation 1D). Le flux thermique axial se déduit directement de la distribution axiale de puissance normalisée P(z) et de la puissance totale du cœur. P(z), que l’on peut également qualifier de « facteur de forme de la puissance » ou de « profil axial de puissance », est reconstitué à partir de cartes de flux effectuées périodiquement. Il est également calculé en ligne par le système de protection intégré numérique ; le lecteur peut consulter l’annexe 1 « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire. » La figure 4.2 montre le profil axial de température de l’eau, calculé à partir du flux thermique axial. Les données utilisées dans ces calculs sont résumées dans le tableau 4.1. Dans les réacteurs REP, nous savons que la température moyenne du circuit primaire n’est pas libre mais qu’elle est réglée suivant une fonction linéaire croissante avec la charge. L’écart en température entre les branches chaude et froide est proportionnel à la puissance du cœur. Le lecteur peut se reporter à la figure 3.14, au chapitre précédent, qui présente le programme en température. En supposant que le P(z) reste inchangé (ce qui n’est pas exact), on peut facilement calculer l’allure générale de la température primaire le long de son parcours vertical dans le cœur pour différentes puissances du réacteur. Sur la figure 4.3, on observe que le profil axial de température pivote quand la puissance varie. Ceci tend à augmenter l’axial offset lors d’une baisse de puissance, les conditions devenant plus favorables à la réaction en chaîne dans la partie supérieure du cœur (baisse de température) et un peu moins favorables dans la partie inférieure (augmentation de température). À 0 %Pn, le profil axial de température est plat, les températures en entrée et en sortie cœur sont égales à la température moyenne à charge nulle, qui est un choix de conception (297,2 ◦ C pour les REP 1 300 MWe). En fonctionnement, cette température à charge nulle est obtenue par le contrôle de la pression secondaire.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
137
Figure 4.2. Flux thermique axial et profil axial de température. Tableau 4.1. Données pour le calcul du flux thermique surfacique. Surface d’échange cœur 6 482 m2 Débit massique 63 330 t/h Entrée cœur Température 288,8 ◦ C Cp 155 bars 5,2219 kJ.kg−1 .◦ C−1
Sortie cœur 326,5 ◦ C 6,5024 kJ.kg−1 .◦ C−1
4.3. Distribution axiale et radiale de puissance en début de vie avec un cœur totalement neuf 4.3.1. Distribution axiale de puissance avec un cœur totalement neuf, à une puissance inférieure au seuil Doppler Lors du premier démarrage d’un nouveau réacteur, le cœur est totalement neuf. On considère un tel réacteur à la criticité, avec un niveau de flux neutronique inférieur au seuil Doppler (en pratique inférieur à 0,1 %Pn). Par commodité, ce niveau de puissance est appelé « puissance nulle ».
138
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 4.3. Élévation de la température du réfrigérant primaire le long du cœur, pour différents niveaux de puissance.
De façon à aplatir la distribution radiale de puissance, le cœur est divisé en régions d’enrichissements différents. Les écarts d’enrichissement sont réduits, de façon à limiter les facteurs radiaux de puissance. L’enrichissement le plus élevé est choisi au mieux pour être compatible, du point de vue des facteurs radiaux, avec l’enrichissement de la première recharge du cycle 2, qui est en principe celui de la gestion d’équilibre. Par exemple, les réacteurs du palier 1 300 MWe ont été démarrés avec les cœurs suivants : • 65 assemblages enrichis à 1,5 % ; • 64 assemblages enrichis à 2,4 % ; • 64 assemblages enrichis à 2,95 %, disposés dans la couronne périphérique du cœur. La gestion d’équilibre était la gestion dite « standard » : rechargements par tiers5 de cœur et enrichissement de 3,1 %. Après le premier cycle d’exploitation, le tiers le moins enrichi a été définitivement déchargé et remplacé par un tiers d’assemblages neufs enrichis à 3,1 %, enrichissement caractéristique de la gestion standard. 5 Les calculs de gestion du combustible effectués au début des années soixante-dix ont montré qu’un fractionnement par tiers de cœur permettait d’atteindre une longueur de cycle à l’équilibre d’un an, satisfaisante pour l’exploitant, en respectant un épuisement moyen de décharge de 33 000 MWj/t, qui était la valeur maximale autorisée à l’époque.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
139
La période de transition progressive vers la gestion du combustible à l’équilibre était de quatre cycles. Si l’on est à puissance nulle avec un cœur 100 % neuf, alors le cœur du réacteur peut être considéré comme homogène en ce qui concerne la distribution axiale d’épuisement, c’est-à-dire la distribution axiale de concentration des différents noyaux présents (nature et densité volumique). On suppose de plus que le flux neutronique est inférieur au seuil Doppler en tout point du réacteur. En conséquence, la température du combustible est indépendante du flux local et on peut la considérer comme uniforme dans l’ensemble des crayons combustibles. Le flux est alors distribué axialement et radialement selon un cosinus tronqué et relevé aux extrémités par une réflexion partielle des neutrons. De façon simplifiée, on peut représenter le flux comme sur la figure 4.4.
Figure 4.4. Profil axial de flux, à puissance nulle, pour un cœur de premier démarrage.
Aux cycles ultérieurs, la distribution axiale d’épuisement des assemblages n’étant pas uniforme, la distribution axiale de flux à puissance nulle présente un AO très fortement positif de l’ordre de 70 %.
4.3.2. Distribution axiale de puissance avec un cœur totalement neuf, en début de vie à 100 % de puissance À 100 % de puissance, le profil axial de température dans le cœur n’est plus plat : la partie supérieure du cœur est à une température plus élevée qu’à puissance nulle, tandis que la température au bas du cœur se retrouve à une température plus basse qu’à puissance nulle.
Figure 4.5. Profil axial de flux, à puissance nominale, pour un cœur de premier démarrage.
140
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
La distribution axiale de flux neutronique perd son allure sinusoïdale et sa symétrie par rapport au milieu du cœur. En raisonnant par différence avec la situation à puissance nulle, et compte tenu de la valeur négative du coefficient de température du modérateur, on justifie que la production de neutrons par fissions se trouve favorisée dans la partie inférieure du cœur et désavantagée dans la partie supérieure, d’où un AO négatif de l’ordre de −15 %.
4.4. Influence de la puissance totale du réacteur sur la distribution axiale de puissance Dans cette partie, on considère maintenant un réacteur REP 1 300 MWe en début de vie et à l’équilibre dans sa gestion combustible Gemmes. On s’intéresse à l’influence du niveau de puissance sur la distribution axiale de flux neutronique, en considérant différents niveaux de puissance situés au-dessus du seuil Doppler. À très faible puissance, le problème est différent du cas d’un cœur totalement neuf, pour lequel on a un système homogène axialement à tous points de vue, et donc une distribution de puissance symétrique, de type sinusoïdal. Dans le cas d’un cœur à l’équilibre dans sa gestion combustible, les deux tiers du cœur sont irradiés et cette irradiation est loin d’être homogène axialement. Ce qui signifie que nous ne sommes plus en présence d’un système homogène axialement6 . La puissance du réacteur étant supérieure au seuil Doppler, nous nous trouvons en présence de deux inhomogénéités axiales : une inhomogénéité axiale de température (combustible et modérateur) et une inhomogénéité axiale d’irradiation. Aux faibles puissances, l’effet prédominant est celui de l’inhomogénéité axiale d’irradiation. En conséquence, aux faibles puissances, la distribution axiale de puissance s’écarte de la fonction sinus observée pour un cœur 100 % neuf et tend à favoriser les fissions dans la partie supérieure du cœur, moins irradiée. Plus la puissance considérée est élevée, plus la température au bas du cœur est faible et plus la température en haut du cœur est importante. Cette évolution du profil axial de température moyenne s’oppose à l’influence du profil axial d’irradiation. C’est pourquoi, à 100 % de puissance, la distribution du flux neutronique est quasiment symétrique (entre le haut et le bas du cœur). La figure 4.6 montre la distribution axiale de puissance obtenue pour des calculs effectués en configuration toutes barres hautes (TBH) à différents niveaux de puissance. La valeur du DPAX en début de vie, à 100 % de puissance, est située dans un intervalle de quelques pourcents autour de zéro et dépend de l’irradiation axiale des assemblages usés, et donc de l’historique du cycle précédent (la longueur de la prolongation de cycle en particulier). 6 Le paragraphe 4.9 permet de comprendre pourquoi les assemblages usés présentent une irradiation plus
élevée dans la moitié inférieure que dans la moitié supérieure.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
141
Figure 4.6. Calcul 1D (EDF) du profil axial de puissance en début de cycle, toutes barres hautes et pour différents niveaux de puissance.
4.5. Évolution de la distribution axiale tout au long du cycle La figure 4.7 permet de résumer les principales phases d’évolution du DPAX7 , pendant le cycle naturel et pendant le stretch. Au paragraphe 4.7, « Évolution du flux neutronique dans les extrémités haute et basse du cœur », on verra, en le justifiant, que le groupe R est de plus en plus extrait tout au long du cycle. Pour cette raison, on peut s’attendre à ce que le flux remonte vers le haut du cœur et c’est l’inverse qui se passe pendant le cycle naturel. L’évolution à la baisse de l’axial offset peut s’expliquer par l’évolution du coefficient de température du modérateur.
7 On rappelle qu’à 100 %Pn, les valeurs d’AO et de DPAX sont égales. Pendant le stretch, le DPAX s’écarte de
l’AO, étant égal à l’axial offset que multiplie la puissance relative inférieure à 1 pendant le stretch.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
142
DPAX à 100% Pn
Cou
rt st
retc
0 − 2,5 %
h
−4%
h
retc
g st
Lon
Effet de mémoire : cette phase dépend des conditions dans lequel le cycle précédent s’est terminé
DDC
~ 4000 MWd/t
Début de la période de stretch FDC
1000 MWd/t ~ 1 mois calendaire Cette évolution du DPAX est vraie à 100%Pn, mais elle diffère aux puissances intermédiaires.
Figure 4.7. Les différentes phases de l’évolution du DPAX.
La valeur absolue du CTM augmente tout au long du cycle naturel. Typiquement, en gestion Gemmes, elle passe de –25 pcm/◦ C (à 150 MWj/t, soit l’équilibre xénon à 100 %Pn en début de cycle) à –65 pcm/◦ C en fin de cycle naturel. Dans la moitié inférieure du cœur, la température du fluide primaire est plus basse que dans la moitié supérieure. Du point de vue de la réactivité, l’avantage relatif de la moitié inférieure du cœur, par rapport à la moitié supérieure, devient de plus en plus important tout au long du cycle naturel. Cette tendance est en compétition avec l’évolution de l’irradiation axiale : avec un AO négatif, l’épuisement est plus important dans la moitié inférieure du cœur et le combustible y devient moins réactif. L’effet lié à l’évolution du coefficient de température du modérateur l’emporte et ceci explique la migration du flux dans la moitié inférieure pendant le cycle naturel. En fin de cycle naturel, avant l’entrée en stretch, on observe une remontée de l’AO. • Le haut des assemblages, vers la fin du cycle naturel, présente un retard d’irradiation par rapport au bas du cœur, ceci entraîne une tendance à attirer le flux neutronique vers le haut du cœur qui devient de plus en plus forte et finit par l’emporter. • Quelques jours avant l’entrée en stretch, les opérateurs remontent le groupe R à 254 pas extraits, position requise en stretch. Cette remontée se poursuit et s’accentue pendant le stretch. • Les baisses de température moyenne primaire obtenues pendant le fonctionnement en stretch produisent une diminution en valeur absolue du coefficient de température
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
143
du modérateur. Du point de vue de la distribution du flux neutronique, l’avantage relatif du bas du cœur, par rapport au haut du cœur, se réduit. De plus, les baisses de puissance qui sont réalisées pendant le stretch diminuent l’écart en température entre haut et bas du cœur et viennent également réduire l’avantage relatif du bas par rapport au haut. En conséquence, le DPAX augmente. • On rappelle que pendant le stretch, les groupes de compensation de puissance sont totalement extraits et que le groupe R est fixe. L’évolution à la hausse de l’AO pendant le stretch n’est pas due à un déplacement d’un groupe de grappes vers le haut du cœur. Quel est l’impact de la durée du stretch sur l’AO au début du cycle suivant ? Le taux de combustion de la partie supérieure des assemblages augmente significativement pendant la phase de stretch : ce qui se traduira par une valeur de l’AO plus négative ou moins positive au début du cycle suivant si la phase de stretch a été longue (jusqu’à 60 JEPP au maximum). Si l’on veut appréhender plus finement l’évolution de la distribution axiale tout au long de l’avancement dans le cycle, la connaissance du DPAX ne suffit pas ; il faut avoir accès à la distribution axiale de puissance P(z). En effet, DPAX n’est qu’un indicateur global des déséquilibres entre les moitiés supérieure et inférieure du cœur. La nappe représentée sur la figure 4.8 montre l’allure typique des P(z) internes mesurés par cartes de flux (le réacteur est stable, à puissance nominale), pour un cœur de REP 1 300 MW en mode Gemmes. Nous rappelons que le P(z) constitue un facteur de forme axial, normalisé à 1. La figure 4.8 montre que le flux migre pendant le cycle naturel vers les extrémités haute et basse du cœur, qui sont les moins irradiées au début du cycle. Corrélativement, il se creuse sur une large partie centrale du cœur. L’intervalle [0 ; 4 000 MWj/t] correspond à une période de transition : la mémoire du cycle précédent s’efface. La figure 4.9 permet également de comparer les distributions axiales en début, milieu et fin de cycle naturel.
4.6. Sensibilité du DPAX à différents paramètres 4.6.1. Sensibilité à la position du groupe R À un taux d’irradiation donné, le DPAX dépend de la position du groupe R, qui peut occuper une position quelconque à l’intérieur de sa bande de manœuvre. La sensibilité du DPAX à la position du groupe R « toutes choses égales par ailleurs » est de l’ordre de −3 %PN/10 pas pendant le cycle naturel.
144
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 4.8. Évolution du facteur de forme de puissance axiale P (z) au long du cycle.
Figure 4.9. Profil axial P (z) pour un REP 1 300 en gestion Gemmes (DDV, MDV, FDV).
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
145
4.6.2. Sensibilité à la température moyenne : pilotage chaud/pilotage froid En cas de dérive de la distribution axiale de puissance vers le haut du cœur, alors que le réacteur fonctionne à puissance constante, il est possible d’agir sur celle-ci sans que le groupe R soit sollicité. Ceci peut être intéressant lorsque l’opérateur veut contrer une dérive de l’AO vers les valeurs positives alors que le groupe R est dans le bas de sa bande de manœuvre. L’opérateur peut engager une dilution à puissance constante qui a pour effet de chauffer le fluide primaire8 , et si la température reste à l’intérieur de la bande morte de la régulation, le groupe R ne s’insère pas. Les températures d’entrée cœur et de sortie cœur se trouvent translatées à des valeurs plus élevées. Cette augmentation globale de température produit un effet dissymétrique entre le haut et le bas du cas, qui peut s’expliquer comme suit. Si l’on raisonne en considérant deux moitiés de cœur, l’écart entre les températures moyennes du fluide primaire dans chaque moitié de cœur est de 20 ◦ C environ à pleine puissance. L’abaque du CTMOD9 nous montre qu’autour de 300 ◦ C, pour un écart de 20 ◦ C, les coefficients de température du modérateur présentent un écart10 : le CTMOD de la moitié supérieure est plus fortement négatif. D’un point de vue relatif, la moitié supérieure du cœur se trouve désavantagée par rapport à la moitié inférieure en cas d’augmentation de la température moyenne du fluide primaire : le pilotage chaud tend à redistribuer la puissance vers le bas du cœur. La sensibilité du DPAX au pilotage chaud est d’environ –0,8 %PN/◦ C en fin de vie et la moitié en début de vie.
4.7. Évolution du flux neutronique dans les extrémités haute et basse du cœur La figure 4.10 montre l’évolution typique du P(z) au cours du cycle naturel et met en évidence l’évolution du flux neutronique dans les extrémités haute et basse. On appelle « bite » l’insertion minimale du groupe R, qui constitue le haut de la bande de manœuvre et a pour objectif d’assurer une efficacité différentielle minimale de 2,5 pcm/pas (capacité de R à « mordre » le flux). La figure 4.11 permet de montrer pourquoi la remontée du flux dans la partie supérieure du cœur a une influence sur la valeur du bite. On voit sur la nappe de P(z) qu’une courbe de niveau située vers le haut du cœur (sur le graphique, il s’agit de la transition entre P(z) égal à 0,9 et P(z) égal à 1) remonte axialement pendant le cycle.
8 Se reporter à la section « Quelques comportements dynamiques qu’il est bon de connaître » du chapitre « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ». 9 Cet abaque est présenté dans le chapitre 2 « Éléments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP ». 10 Cet écart vaut 10 pcm/◦ C en DDV et 20 pcm/◦ C en FDV.
146
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Figure 4.10. Mise en évidence de l’évolution du flux neutronique dans les extrémités haute et basse au long du cycle.
Figure 4.11. Remontée du bite associée à l’évolution du flux neutronique en haut du cœur.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
147
Figure 4.12. Évolution de la position recommandée du groupe R.
Cette remontée est observée sur environ deux mailles. Cela nous fournit une estimation de la remontée du bite lors du cycle. On peut comparer ce résultat à une courbe d’évolution de la position recommandée du groupe R, représentative de la plupart des cas (figure 4.12). La position recommandée, située au milieu de la bande de manœuvre du groupe R large de 27 pas, est donc fixe par rapport au bite. L’évolution de la position recommandée est donc la même que celle du bite, soit 16 pas entre le début et la fin du cycle. Cette valeur est cohérente avec le déplacement de la courbe de niveau sur deux mailles axiales.
4.8. Influence sur le RFTC de l’avancement dans le cycle Le rapport RFTC11 est élaboré dans le SPIN par quatre chaînes redondantes. Les calculs sont effectués à partir des profils axiaux de puissance P(z), des facteurs radiaux Fxy (z), ainsi que des données de puissance, température, pression et débit. L’augmentation du P(z) dans la partie haute du cœur au cours du cycle se traduit également par une baisse du RFTC. En effet, le flux critique décroît avec l’élévation dans le cœur (car l’enthalpie de l’eau s’élève ; se reporter à la figure A1.5). Une augmentation du P(z) dans le haut du cœur tend 11 Anciennement noté REC ou DNBR. C’est le ratio entre le flux thermique et le flux thermique critique. Le
lecteur peut se reporter à l’annexe 1 « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire ».
148
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 4.13. Évolution du RFTC lors de l’avancement dans le cycle.
donc à rapprocher le flux thermique du flux critique, ce qui se traduit par une baisse du RFTC. On obtient typiquement l’allure donnée en figure 4.13.
4.9. Évolution de la forme axiale de puissance assemblage par assemblage Dans cette section, on s’intéresse au DPAX de chaque assemblage et à son évolution le long d’un cycle naturel d’exploitation. Le lecteur peut se reporter à la figure 4.17 qui donne la structure d’un plan de chargement en gestion Gemmes. Deux représentations du cœur (cœur à l’équilibre, à 100 %Pn), l’une en début de vie (figure 4.14) et l’autre en fin de cycle naturel (figure 4.15) permettront d’illustrer et d’appréhender les évolutions spatiales de la puissance nucléaire au cours d’un cycle. Les facteurs d’influence pour le DPAX d’un assemblage sont les suivants : • la présence du groupe R dans l’assemblage : les assemblages situés sous le groupe R ont tendance à avoir un axial offset faible ou négatif ; • la puissance de l’assemblage : plus elle est élevée, plus le DPAX de l’assemblage tend à être négatif ; • l’irradiation axiale des assemblages : au début d’un cycle d’exploitation, les assemblages neufs sont les seuls à être parfaitement homogènes. Les assemblages usés, de deuxième et troisième cycles, présentent une irradiation axiale plus élevée dans la partie inférieure12 et tendent donc à avoir un DPAX moins négatif ; 12 Le DPAX des assemblages est négatif pendant toute la durée du cycle naturel, même s’il peut devenir positif pendant la période de stretch. La durée du stretch en JEPP (60 JEPP au maximum) est nettement inférieure à la durée du cycle naturel. Les assemblages de deuxième ou troisième cycles présentent donc un déficit d’irradiation dans leur moitié supérieure. Ce déficit d’irradiation de la moitié supérieure se traduit par une tendance à produire un DPAX nettement moins négatif que les assemblages neufs.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
149
• le coefficient de température du modérateur : un coefficient plus fortement négatif en fin de vie aura tendance à favoriser la production de puissance dans le bas de l’assemblage. On peut observer sur la figure 4.14 qu’en début de cycle, tous les assemblages présentent un axial offset négatif. Ceci s’explique qualitativement. R
P
N
M
L
K
J
H
G
F
E
D
C
B
A
1
-7 à -8
2
-6 à -7
3
-5 à -6
4
-4 à -5
5
-3 à -4
6
-2 à -3
7
-2 à -1
8
-1 à 0
9
0à1
10
1à2
11 12
Cœur en début de vie
13 14 15
Figure 4.14. DPAX assemblage par assemblage en début de vie.
Les 28 assemblages situés sur les bords (A5 à A11, etc.) sont des assemblages de premier cycle, donc parfaitement homogènes axialement. L’axial offset de ces assemblages est donc négatif, en raison du profil axial de température et du coefficient de température du modérateur lui-même négatif. Des grappes de commande du groupe R sont insérées dans les assemblages des positions L5, E5, L11 et E11 ainsi que dans l’assemblage central. Ces cinq assemblages présentent un DPAX sensiblement plus négatif que celui de leurs voisins. Les assemblages de type (N2, P3) sont également des assemblages périphériques, mais pour limiter la fluence de la cuve, ce sont des assemblages fortement épuisés du troisième cycle. La puissance de ces assemblages ne représente qu’un tiers de la puissance moyenne d’un assemblage du cœur. Le déficit d’irradiation que ces assemblages présentent dans leur partie supérieure explique pourquoi ils ont un DPAX nettement moins négatif que les 28 assemblages périphériques neufs. Les assemblages du carré central (un carré de 25 assemblages moins l’assemblage central) sont un mélange d’assemblage deuxième cycle (majorité) et d’assemblages troisième cycle. Ils ne sont pas situés sous le groupe R.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
150
Ces assemblages présentent un déficit d’irradiation dans la partie supérieure, ce qui explique pourquoi dans le cœur du réacteur, leurs DPAX sont proches de zéro (dans l’exemple étudié). L’AO global du cœur dépend des AO de chacun des assemblages, pondérés par la puissance des assemblages. L’essentiel de la puissance étant porté par la partie centrale du réacteur (9 × 9 assemblages) et non pas par la périphérie, c’est la partie centrale qui détermine l’axial offset global et la dynamique du cœur. Après un stretch de courte durée, il est possible que l’axial offset du cœur, déterminé par la partie centrale, soit positif en début de cycle. Si l’on observe le cœur en fin de cycle naturel, sur la figure 4.15, on constate que les évolutions d’axial offset d’un assemblage au cours du cycle peuvent se faire dans le même sens que l’axial offset du cœur ou bien en sens opposé. R
P
N
M
L
K
J
H
G
F
E
D
C
B
A
1 2
-7 à -8
3
-6 à -7
4
-5 à -6
5
-4 à -5
6
-3 à -4
7
-2 à -3
8
-2 à -1
9
-1 à 0
10
0à1
11
1à2
12 13
Cœur en fin de cycle naturel
14 15
Figure 4.15. DPAX assemblage par assemblage en fin de vie.
Les DPAX des 28 assemblages périphériques évoluent très nettement à la hausse tout au long du cycle. Deux phénomènes sont en compétition : • l’évolution du coefficient de température du modérateur tend à entraîner le DPAX de ces assemblages vers le bas ; • chaque JEPP de fonctionnement avec un DPAX fortement négatif (entre −5 et −8 %PN en DDV) accentue le déséquilibre d’irradiation et tend donc à une remontée de la puissance vers la moitié supérieure de l’assemblage. Pour ces 28 assemblages périphériques, le second phénomène est prépondérant et le flux migre vers la zone axiale supérieure de ces assemblages périphériques. L’évolution des DPAX de ces assemblages est esquissée sur la figure 4.16. Elle est à l’opposé de l’évolution globale du cœur en cours de cycle naturel.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
151
Figure 4.16. Évolution du DPAX des assemblages périphériques.
En ce qui concerne les assemblages du carré central, plus on avance dans le cycle, plus le CTMOD devient négatif. Ceci a tendance à entraîner le flux vers le bas. Le DPAX de ces assemblages étant faiblement négatif pendant le cycle d’exploitation, la balance d’irradiation entre la moitié haute et la moitié basse de ces assemblages reste presque inchangée. Seule compte l’évolution du CTMOD, ce qui explique pourquoi le DPAX de ces assemblages diminue pendant le cycle naturel. Les évolutions pendant le cycle naturel peuvent être résumées schématiquement de la façon suivante : dans la partie centrale, la puissance tend à migrer vers le bas. En ce qui concerne les assemblages périphériques, le fort déséquilibre négatif initial se réduit. Mesure du DPAX par le SPIN On rappelle que le DPAX ex-core reconstitué par le SPIN est calculé à partir des mesures de neutrons venant des assemblages périphériques de chaque quadrant du cœur. Les CNP sont essentiellement alimentées en neutrons par les assemblages localisés contre le baffle face aux CNP. Plus de 50 % des neutrons sont issus des assemblages de type (N2, P3). Les quatre fois deux assemblages (de type N2, P3) situés devant les CNP évoluent très peu, du point de vue du DPAX. Le recalage périodique du DPAX estimé par le SPIN sur le DPAX global du cœur élaboré à partir des cartes de flux permet de suivre l’évolution globale du cœur au cours du cycle. Lors des transitoires, l’évolution du DPAX des assemblages périphériques de type (N2, P3) caractérise assez bien l’évolution du DPAX global du cœur. De par sa conception, et compte tenu des calibrages périodiques, le SPIN est capable de suivre aussi bien le DPAX dans son évolution en cours de cycle que dans ses variations en transitoires de fonctionnement.
4.10. Évolution radiale de la distribution de puissance au long du cycle d’exploitation Au démarrage du cycle, la forme de la nappe radiale de puissance est gouvernée par le plan de chargement.
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152
R
P
N
M
L
K
J
H
G
F
E
D
C
B
A
1 2 Assemblages 1 cycle
1
3
Assemblages 2 cycles
2
4
Assemblages 3 cycles
3
5
Assemblages gadolinié
Gd
6
Assemblage central
Gd
Gd
7
Gd Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
8 9 10 11
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
Gd
12 13 14
Gd
Gd
Figure 4.17. Structure d’un plan de chargement en gestion Gemmes.
La figure 4.17 nous montre la structure d’un plan de chargement en gestion Gemmes. Les cœurs Gemmes sont empoisonnés au gadolinium13 et l’évolution de la distribution radiale de puissance n’est pas facile à appréhender, car plusieurs tendances globales sont à l’œuvre : • à la disparition des isotopes impairs du gadolinium, les crayons gadoliniés présentent un sous-épuisement en uranium-235 : la puissance tend à augmenter dans les zones du cœur où sont présents les assemblages gadoliniés ; • le flux neutronique tend à augmenter en couronne périphérique au cours du cycle d’exploitation (retard d’irradiation en périphérie). Sur des cœurs en exploitation, on peut observer que les mesures des CNP et des CNI (se reporter à la figure A1.7 de l’annexe 1 pour l’emplacement des détecteurs) peuvent évoluer de manière opposée : les puissances délivrées par les assemblages faisant face aux CNP augmentent tout au long du cycle, tandis que les mesures des CNI tendent à baisser. Le DPRAD est calculé par l’équipement de surveillance des distributions de puissance (ESDP) comme étant la différence entre la puissance thermique moyenne (moyenne entre les quatre quadrants du cœur, estimée dans chaque quadrant par un bilan thermique de type 13 Voir le chapitre « Éléments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP ».
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
153
Recalages périodiques de l’instrumentation ex-core
DPRAD = Pth moyenne – PRPN moyenne Figure 4.18. Évolution du DPRAD en fonction des recalages périodiques. Source : « Les distributions de puissance dans un REP » (Jacques Rivailler, cours ENSAM 2012).
Q Cp T ) et la puissance nucléaire moyenne mesurée par les CNP (se référer à l’annexe 1 : « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire »). L’augmentation de la puissance vue par les CNP au cours du cycle incite à surestimer la puissance nucléaire par rapport à la puissance thermique. Cela se traduit par une diminution continuelle du DPRAD (figure 4.18), ce qui est conservatif. La puissance nucléaire étant utilisée pour les protections par haut flux, elle ne doit pas sous-estimer la puissance du réacteur représentée par la puissance thermique. Une valeur positive de DPRAD (> 2 %) indiquerait a contrario une dégradation de la surveillance du cœur par la puissance nucléaire. Un recalage périodique permet de limiter cette dérive : PN et Pth sont recalées mensuellement sur un bilan enthalpique effectué au secondaire de l’installation. Si l’on ne le faisait pas, on risquerait lors des transitoires de reprise de charge d’atteindre le seuil C2 de blocage de l’extraction des grappes réglé à 103 %PN sans que la puissance thermique primaire ait atteint 100 %Pn. Les observations effectuées sur la distribution radiale de puissance, et la distribution axiale par assemblage montrent que l’évolution globale de la distribution spatiale de puissance d’une REP 1 300 en cours de cycle est assez complexe. Si les REP 1 300 étaient équipés d’une surveillance en ligne basée sur une reconstruction 3D du flux neutronique dans le cœur, cela permettrait de réduire le caractère enveloppe des marges de fonctionnement et de supprimer un certains nombre de pénalités prises en compte dans le SPIN.
154
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
4.11. Principes de la maîtrise de l’axial offset dans les transitoires de variation de puissance en mode G 4.11.1. Effet d’un groupe de grappes sur la distribution axiale Tandis que l’efficacité des grappes sur la réactivité présente un maximum vers le milieu du cœur et baisse progressivement aux extrémités, l’efficacité des grappes sur l’axial offset, quant à elle, s’annule vers le milieu du cœur et augmente aux extrémités. Les effets de l’insertion d’un groupe de grappes de commande sur la distribution axiale du flux neutronique sont représentés schématiquement sur la figure 4.19.
Figure 4.19. Effets d’un groupe de grappes sur la distribution axiale de puissance.
4.11.2. Effet de l’insertion des GCP Le recouvrement permet lors des mouvements de grappes de minimiser la déformation axiale de puissance. L’insertion de G1 pousse la distribution de puissance vers le bas et, en même temps, la baisse du niveau de puissance tend à faire évoluer la distribution de puissance vers le haut du cœur. Ces deux effets se compensent partiellement et le DPAX évolue de façon limitée vers les valeurs négatives. Quand G1 dépasse la première moitié du cœur, son insertion ne peut plus compenser l’effet lié à la baisse de puissance, mais au contraire l’amplifie. Il est alors impératif qu’un second groupe s’insère à son tour. Ainsi, l’insertion séquentielle de deux groupes décalés en hauteur selon un programme prédéfini et optimisé permet de compenser par le second groupe les perturbations induites par le premier groupe et la baisse du niveau de puissance. Le programme d’insertion des quatre groupes G1, G2, N1 et N2 repose sur ce principe.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
155
Figure 4.20. Correspondance entre la position en pas cumulés (courbe G3 en fonction de la puissance) et la position de chacun des groupes G1, G2, N1 et N2. Courbe G3 élaborée à 6 000 MWj/t.
La figure 4.20 permet d’établir la correspondance entre la courbe G3 (se reporter au chapitre 3 « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ») et la position de chacun des groupes G1, G2, N1 et N2. On peut en déduire une représentation d’« artiste » (figure 4.21) des effets sur l’axial offset des sources de perturbation, considérées chacune séparément : l’insertion des quatre groupes et le basculement du profil axial de température moyenne primaire (on néglige l’influence de l’empoisonnement xénon sur la distribution axiale). Ce programme d’insertion compense partiellement le basculement axial consécutif aux baisses de charge. Le poids des grappes et le programme d’insertion sont conçus de façon à ce que : • la variation de réactivité apportée par le déplacement des grappes annule la variation de réactivité apportée par les effets de puissance (variation du défaut de puissance), • la perturbation axiale introduite par les grappes compense quasiment la perturbation axiale induite par la variation de puissance. C’est un des principes de conception du mode G. Le mode G ne réalise pas un contrôle du DPAX à proprement parler. De par la conception du mode G, la distribution axiale de flux est, quelle que soit la puissance, proche de la distribution à 100 % de la puissance nominale Pn toutes grappes extraites ; il en est de même de la distribution xénon, ce qui limite les risques d’oscillations axiales xénon lors
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 4.21. Principe de la maîtrise du DPAX en mode G.
des variations de charge. Les effets résiduels sur la distribution axiale de puissance peuvent être repris par l’opérateur.
4.11.3. Mise en œuvre d’un contrôle de l’axial offset dans les modes de pilotage avancés Le contrôle de l’axial offset avec le mode X de pilotage, conçu pour les réacteurs du palier N4, repose sur les effets axiaux exposés précédemment. Le principe repose sur l’utilisation conjointe de deux groupes de grappes de commande, l’un inséré dans la moitié inférieure et l’autre dans la moitié supérieure. En rapprochant les deux groupes (insertion du groupe situé dans la moitié supérieure et extraction du groupe situé dans la moitié inférieure), on peut obtenir les deux effets suivants : • réactivité globale inchangée, • flux repoussé vers le bas (diminution de l’axial offset). L’éloignement des deux groupes (extraction du groupe situé dans la moitié supérieure et insertion du groupe situé dans la moitié inférieure) permet d’augmenter l’axial offset. Si la température moyenne primaire est trop élevée, l’ensemble des groupes s’insère simultanément. Le groupe inséré dans la moitié supérieure et celui inséré dans la moitié inférieure ont des effets opposés sur l’axial offset qui se neutralisent, permettant à l’axial offset de ne pas être perturbé par l’action de la régulation de température.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
157
Le mode X réalise un vrai contrôle de l’axial offset, c’est-à-dire par le moyen d’une régulation. Cependant, comme l’expose le chapitre 1 « Histoire du parc de production nucléaire », le mode X n’est pas utilisé.
4.12. Analyse d’un transitoire de variation de puissance On s’intéresse à un transitoire de baisse de puissance effectué sur un REP 1 300 exploité en mode Gemmes. Le réacteur effectue un palier bas à environ 56 %Pn, pendant une durée de 2 heures 40 minutes. La concentration initiale en acide borique est de 275 ppm ; le transitoire est effectué à 77 % d’avancement dans le cycle. La figure 3.35 nous montre qu’à 77 % d’avancement dans le cycle, l’amplitude maximale des baisses de puissance est de 50 %. La baisse réalisée étant de 44 % d’amplitude, ce transitoire est proche des limites de manœuvrabilité. Les figures 4.22 et 4.23 donnent l’évolution des paramètres d’intérêt pour l’analyse de ce transitoire.
Figure 4.22. Transitoire de variation de puissance : puissances, positions des grappes, concentration en bore.
158
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 4.23. Transitoire de variation de puissance : DPAX, DPRAD, Tmoy et Tréf .
Figure 4.24. Profil axial de puissance avant la baisse de puissance.
4.12.1. Observation des effets axiaux On s’intéresse, du point de vue axial, à l’effet des groupes de grappes de commande sur la répartition du flux neutronique dans le cœur du réacteur.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
159
L’évolution de la distribution axiale de puissance P(z) mesurée par le SPIN, avant le début de la baisse de puissance, est représentée par la nappe de la figure 4.24. La figure 4.25 montre l’évolution axiale au cours de la baisse de puissance.
Figure 4.25. Profil axial de puissance pendant la rampe de la baisse de puissance : mise en évidence de l’effet de l’insertion de G1 et G2.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 4.26. Transitoire dans le diagramme de pilotage.
La figure 4.26 montre le transitoire tracé dans le diagramme de pilotage (c’est-à-dire dans un plan %Pn-DPAX), tel qu’il peut être visualisé en salle de commande.
4.12.2. Effet radial et effet axial de l’insertion de G1 et G2 Pour appréhender la distribution radiale de puissance, il est nécessaire de tenir compte de l’emplacement des groupes de grappes, représenté sur la figure 4.27. On représente sur la figure 4.28 la nappe radiale par une coupe suivant l’axe de symétrie (R1 ; A15), ce qui permet d’expliquer l’effet radial de l’insertion de G1 puis de G2. Les grappes grises de G1 (quatre grappes au total), situées en couronne intermédiaire, produisent une augmentation du flux neutronique en couronne périphérique. La mesure de la puissance nucléaire est augmentée momentanément au début de l’insertion de G1, avant que ne commence l’insertion de G2. Le DPRAD diminue momentanément au début de l’insertion de G1. Le groupe G2 est constitué de huit grappes situées en couronne périphérique. L’insertion des grappes du groupe G2 (figure 4.30) produit une dépression du flux neutronique dans les assemblages périphériques, en particulier dans ceux situés en face des chaînes de mesure CNP. La mesure du flux neutronique dans le cœur par les CNP se trouve donc minorée, ce qui se traduit par une augmentation du DPRAD tout au long de l’insertion de G2, et cela bien que G1 suive le même mouvement que G2.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
R 1
P
N
M
L
CNP
2
K
161
J
H
G
F
E
D
1
2
3
4
5
6
7
C
B
A
CNP
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
R
3
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
G1
4
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
G2
5
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
N1
6
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
N2
7
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
8
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
103
104
9
105
106
107
108
109
110
111
112
113
114
115
116
117
118
119
10
120
121
122
123
124
125
126
127
128
129
130
131
132
133
134
11
135
136
137
138
139
140
141
142
143
144
145
146
147
148
149
12
150
151
152
153
154
155
156
157
158
159
160
161
162
13
163
164
165
166
167
168
169
170
171
172
173
174
175
176
177
178
179
180
181
182
183
184
185
186
187
188
189
190
191
192
193
14 15
CNP
Figure 4.27. Position des grappes de commande et emplacement des CNP.
Figure 4.28. Effet radial de l’insertion du groupe G1.
CNP
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
162
Figure 4.29. Effet radial de l’insertion de G2. DPRAD en fonction de la position de G2 entre les instant 2h36min34s et 4h 3 2,5 2 1,5 1
230
240
210
220
200
190
170
180
160
150
140
130
110
120
90
100
80
60
70
50
40
30
20
0
0 -0,5
10
0,5
-1 -1,5 -2 -2,5 -3
Figure 4.30. Corrélation entre G2 et le DPRAD.
D’un point de vue axial, l’insertion de G2 tend à diminuer le flux dans la moitié supérieure du cœur et le DPAX est de plus en plus négatif tant que G2 s’insère dans la moitié supérieure du cœur. Quand G2 passe dans la moitié inférieure du cœur, l’évolution du DPAX s’inverse. Ceci est conforme à l’action des grappes sur le flux présentée à la section 9.
4.12.3. Corrélation entre la position de G2 et le DPRAD La corrélation entre les mouvements des groupes de compensation de puissance et le DPRAD est étudiée entre les instants 2:36:00 et 4:00:00. Le nuage de points de la figure 4.30 représente la valeur de DPRAD en fonction de la position du groupe G2. Ce tracé met en évidence une bonne corrélation entre G2 et le DPRAD. La corrélation entre G2 et le DPRAD montre que la position des grappes influe le sur le flux vu par les CNP, même si la puissance globale du cœur est constante. Les effets de l’insertion des grappes, à puissance globale constante, sur les mesures effectuées par les CNP ont conduit à implanter dans le SPIN un modèle de correction
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
163
des mesures effectuées par les CNP. Il s’agit de la matrice [COR], qui est calculée en permanence par le SPIN pour tenir compte de la position des grappes.
4.12.4. Gestion du palier bas par l’opérateur Sur le palier bas, l’opérateur engage une dilution de façon à compenser la montée de l’antiréactivité xénon. Le gradient de l’antiréactivité xénon peut être facilement calculé en fonction du temps à partir de la courbe de puissance, comme le montre la figure 4.31.
Figure 4.31. Détermination du gradient d’accumulation du xénon en pcm/min.
À chaque instant, l’évolution de la concentration en bore doit compenser l’évolution de l’antiréactivité xénon. Le débit de dilution se calcule à partir de la concentration en bore et de sa dérivée : MRCP Cb (t + dt ) − MRCP Cb (t ) = dm(Cb REA − Cb (t )) dC (t ) dm dm + Cb (t ) = Cb REA MRCP b dt dt dt Pour une dilution, Cb REA = 0, d’où: Q=−
dCb (t ) MRCP dt Cb (t )
164
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Le débit de dilution permettant de compenser la montée du xénon sur le palier bas est maximal au début du palier. Le gradient de réactivité apporté par la dilution est de 3,5 pcm/min, alors que Cb = 275 ppm. Le coefficient d’efficacité différentielle de la dilution est εd = −8, 15 pcm/ppm. Ceci permet de calculer le débit de dilution au début du palier bas, qui permet de compenser exactement la montée du xénon : 28 t/h.
4.13. Étude d’une oscillation xénon en cours de stretch : détermination d’un coefficient de réactivité en pcm/%AO Cette oscillation xénon, observée pendant la période de stretch d’un réacteur du parc REP 1 300, apparaît comme stable ou faiblement amortie. Elle est représentée sur les figures 4.32 et 4.33.
Figure 4.32. Oscillation pendant le stretch : DPAX, position de R, puissance thermique.
Cet exercice permet de mettre en évidence que le déplacement du flux neutronique dans le cœur induit des variations de réactivité. En effet, une redistribution du flux vers le haut du cœur permet de mobiliser les zones axiales supérieures faiblement irradiées des assemblages pour la réaction en chaîne, ce qui se traduit par un gain de réactivité que nous allons nous attacher à quantifier. À partir du moment où le réacteur fonctionne à puissance électrique constante, toute variation de réactivité du cœur est naturellement compensée par une variation de température moyenne primaire.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
165
Figure 4.33. Oscillation pendant le stretch : DPAX, Tmoy .
D’un point de vue dynamique, en raisonnant avec un réacteur « ponctuel » et en l’absence de toute action des moyens de contrôle de la réactivité, le système se comporte de la façon suivante : • la puissance électrique est constante (sur un palier) ; • la puissance électrique impose le niveau de puissance thermique du cœur : en l’absence de tout moyen de contrôle de la réactivité, le réacteur se conforme au principe turbine prioritaire-cœur suiveur ; • la réactivité moyenne du cœur est nulle malgré les variations naturelles de réactivité qui se produisent au fil des heures : usure neutronique du cœur, redistribution spatiale de la puissance dans le cœur ; • les empoisonnements globaux xénon et samarium sont constants ; • la température du combustible est constante, aux variations de température moyenne près ; • toutes les variations de réactivité sont naturellement compensées par un refroidissement ou un réchauffement du fluide primaire. Dans le transitoire étudié, deux variations de réactivité se superposent. • En effet, la perte de réactivité associée à l’usure neutronique du cœur qui ne peut plus être compensée par une dilution (les dilutions étant stoppées après l’entrée en stretch, déterminée sur le critère Cb =10 ppm). La température moyenne dérive lentement à la baisse en stretch pendant les paliers de puissance.
166
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
• La redistribution de puissance produite par l’oscillation xénon entraîne des variations de réactivité. Il convient de quantifier le premier phénomène (dérive de refroidissement). La dérive à la baisse de la température moyenne primaire mesurée sur la courbe est de 0,38 ◦ C/jour à 91 %Pn. Un calcul simple permet de vérifier les valeurs classiques de perte de réactivité par JEPP. Étant donnée la valeur de la puissance thermique 91 %Pn, on peut estimer l’avancement dans le stretch à environ un tiers. À cet avancement dans le cycle, pour ce cœur en gestion Gemmes, le coefficient de température du modérateur : −57,3 pcm/◦ C. Le coefficient isotherme vaut −60 pcm/◦ C. Le gain de réactivité consécutif à la dérive de la température moyenne peut être estimé à : 0,38 × 60 = 22,8 pcm/jour. D’autre part, à 91 %Pn, l’usure du cœur est de : 26,2 × 0,91 pcm/jour = 23,6 pcm/jour. À quelques pourcents près, on constate l’équilibre entre l’usure neutronique du cœur et le gain de réactivité par refroidissement. La connaissance de la dérive en température moyenne primaire imputable à l’usure neutronique permet de calculer une nouvelle courbe d’évolution de température, centrée sur zéro quand l’axial offset du réacteur est nul. Il s’agit de la courbe « Tmoy : variations, hors dérive de refroidissement ». On observe que cette nouvelle courbe « Tmoy : variations » et DPAX sont quasiment superposables. La réactivité augmente donc quand le DPAX augmente (vers les AO positifs) et diminue dans le cas inverse. La moitié supérieure du cœur étant moins irradiée, on peut s’attendre à ce qu’une montée du flux neutronique dans la moitié supérieure (et une baisse corrélative dans la moitié inférieure) se traduise par une augmentation de réactivité, le flux attaquant des zones axiales des assemblages combustibles moins irradiées. D’après les courbes, on obtient une relation approchée : 10 pcm/%DPAX.
4.14. Évolution des pics radiaux de puissance en fonction de l’avancement dans le cycle Les pics radiaux de puissance sont définis dans l’annexe 1. Ils sont affectés par deux effets : • l’accroissement du taux de combustion, • la disparition progressive des isotopes impairs du gadolinium. Les cartes de flux réalisées par l’exploitant permettent de connaître les Fxy (z) TGE réels. Lors de cartes de flux complètes, les chambres à fission explorent les 58 canaux instrumentés du cœur. On dispose alors de 58 traces utiles, à partir desquelles les codes de
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
167
dépouillement reconstituent la distribution de puissance dans les trois dimensions, sur les 193 assemblages du cœur. Les Fxy (z) TGE décroissent pendant la première moitié du cycle : en effet, l’usure neutronique du cœur tend à gommer les hétérogénéités de puissance dans le cœur du réacteur. Aussi longtemps que les isotopes impairs du gadolinium sont présents, une partie des neutrons susceptibles d’induire des fissions dans un crayon gadolinié est capturée par le gadolinium : la compétition entre les deux réactions nucléaires préserve l’uranium-235. À la disparition des isotopes impairs, des pics de puissance se produisent dans les crayons gadoliniés en raison de leur sous-épuisement en uranium-235 : les Fxy (z) TGE mesurés augmentent. C’est ce que l’on appelle le pic gadolinium. La figure 4.34 montre les valeurs typiques de Fxy TGE pour des cœurs de REP 1 300 en gestion Gemmes. Sur cette figure, on observe que les valeurs de Fxy sont particulièrement élevées sur les extrémités basse et haute du cœur, dans la première moitié du cycle. Les puissances linéiques aux extrémités d’un cœur sont nettement plus faibles qu’au milieu du cœur, comme le montrent les distributions axiales de puissance P(z).
Figure 4.34. Valeurs typiques de Fxy TGE.
Les contre-réactions (par effet Doppler) sont donc plus faibles, ce qui tend à exalter les facteurs de pic radiaux. Nous avons vu dans la section « Sensibilité du DPAX au niveau de puissance et à la position du groupe R » que la distribution axiale de puissance évolue en cours de cycle. L’augmentation du P(z) aux extrémités du cœur gomme en partie cet effet et les Fxy dans les parties supérieure et inférieure du cœur se rapprochent (sauf en ce qui concerne les dernières mailles bien sûr) des Fxy dans le reste du cœur. La figure 4.35 nous permet d’observer une baisse d’environ 4 % des pics radiaux, entre 0 et 4 000 MWj/t. Elle est suivie d’une remontée des pics radiaux entre 7 000 MWj/t et 11 000 MW/t, due à une baisse des captures neutroniques par les isotopes impairs du gadolinium.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 4.35. Valeurs typiques de Fxy TGE (autre échelle).
Ceci explique pourquoi des majorations sont appliquées aux Fxy TGE avant leur implantation dans le SPIN, de façon à couvrir l’augmentation qu’ils peuvent subir dans la période d’un mois qui précède la carte de flux suivante. Ce cas de figure ne se rencontrait pas dans la gestion standard, puisque les Fxy ne faisaient que diminuer avec l’épuisement.
4.15. Aspects azimutaux Le retour d’expérience d’exploitation des REP 900 MWe a mis en évidence l’existence de phénomènes statiques de déséquilibre interne entre les quadrants du cœur, mesurés par cartes de flux lors de redémarrages après arrêt pour rechargement. Lors du démarrage de Paluel 1 en 1984, sur un cœur neuf et donc parfaitement équilibré par conception, des écarts de puissance entre les quadrants du cœur ont été observés. Lors des essais de premier démarrage de Chooz B2, un léger déséquilibre azimutal a également été observé à l’occasion des cartes de flux à basse puissance. Le déséquilibre interne entre les quadrants du cœur (également appelé tilt interne) est évalué à chaque carte de flux, dans les conditions nominales de fonctionnement de la tranche (tranche stable à 100 %PN, équilibre xénon) lors des EP RPN 11. À partir de la distribution (x, y) de puissance reconstituée déduite des activités intégrées mesurées dans les assemblages instrumentés, on dispose de huit valeurs de tilt qui correspondent aux huit quadrants définis sur la figure 4.36. Le tilt caractérise la puissance radiale du quart de cœur le plus puissant.
4 – Distribution de puissance dans les coeurs de REP
169
1
5
6 4
8
7
2
3
Figure 4.36. Les quadrants du cœur.
Si Pi est la puissance relative du quadrant n◦ i, on a : 1 Pi = 1 4 4
i=1
et
1 Pi = 1. 4 8
i=5
Le tilt statique apparaît habituellement comme un déséquilibre de puissance de part et d’autre d’un diamètre du cœur. Cette composante statique est favorisée par des plans de chargement à forte puissance périphérique et plus faible puissance centrale. Inversement, les plans de chargement limitant la fluence de la cuve tendent à le réduire. Lors de la montée en puissance, les contre-réactions (effet de température du combustible) atténuent en partie le tilt, qui diminue. Le tilt diminue lors de l’avancement dans le cycle, qui tend à gommer les hétérogénéités de puissance dans le cœur. Les études de sûreté pour les trois paliers 900 MW, 1 300 MW et N4 ont été effectuées avec un tilt à pleine puissance de 3 %.
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
5
Démarrage d’un REP après rechargement : à partir de l’arrêt à chaud, montée en puissance
Le démarrage d’un REP après rechargement est une phase d’exploitation particulièrement intéressante, son étude permet d’aborder différents thèmes comme le fonctionnement du secondaire, l’interaction entre le primaire et le secondaire, le pilotage, les essais physiques et les protections du cœur. Ce chapitre couvre les opérations depuis l’autorisation de divergence jusqu’à la tranche mise à la disposition du réseau électrique. Au cours de ce chapitre, le lecteur peut se reporter à l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur ».
Terminologie OPR et OPS désignent respectivement l’opérateur primaire et l’opérateur eau-vapeur. %Pn : puissance thermique du cœur en pourcent(s) de la puissance nominale. %PN : puissance nucléaire.
5.1. Aspects neutroniques d’une montée en puissance Dans ce paragraphe, nous nous intéressons aux aspects neutroniques d’une montée en puissance, et en particulier aux bilans de réactivité.
5.1.1. Illustration : montée en puissance d’un réacteur du palier CP0 Les aspects neutroniques de la première montée en puissance après rechargement sont illustrés par l’exemple d’un réacteur CP0 en gestion Cyclades. On dispose des mesures suivantes pendant une durée de sept jours : • puissance thermique primaire, • position de D, • température moyenne primaire, • concentration en acide borique, • axial offset puissance.
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En utilisant ces mesures comme données d’entrée dans le modèle simplifié de pilotage, on obtient les résultats de calculs suivants : • l’antiréactivité xénon, samarium • la concentration en acide borique permettant d’équilibrer le bilan de réactivité, • l’axial offset, qui dépend des mouvements de D, de l’évolution du profil axial de température dans le cœur et des variations d’empoisonnement xénon dans les moitiés haute et basse du cœur. La figure 5.1 permet d’observer l’évolution de l’empoisonnement xénon. Le démarrage étudié faisant suite à une première tentative suivie d’un retour à puissance nulle, l’antiréactivité du xénon à t = 0 n’est pas nulle. La dilution qui est effectuée pendant ces sept jours, de 1 740 ppm jusqu’à 1 289 ppm effectue l’essentiel de la compensation de l’antiréactivité apportée par l’augmentation de l’empoisonnement xénon, et l’antiréactivité due aux effets de température1 . L’extraction de D apporte également de la réactivité, dans une moindre mesure. Pour comprendre l’évolution de l’axial offset mesuré, il est nécessaire de tenir compte de l’iode et du xénon présents dans le cœur. Le modèle simplifié permet de recalculer l’axial offset puissance (qui diffère un peu de celui qui a été mesuré) et de calculer également l’AOi et l’AOx. Les résultats sont donnés sur la figure 5.2. L’évolution à la hausse de l’axial offset au début de la montée en puissance, entre t = 0 et t = 900 minutes, s’explique par la forte extraction de D (148 à 220 pas extraits). On observe qu’à partir de t = 900 minutes environ, l’axial offset baisse fortement jusqu’à 15 % (à t = 2 400 minutes), alors que le groupe D et la puissance sont relativement stables pendant cet intervalle de temps. Il s’agit d’un phénomène d’instabilité de la distribution axiale de puissance dû à l’action de l’iode et du xénon. Dans l’intervalle [0 ; 900 minutes], de l’iode s’accumule dans la partie supérieure du cœur. Quand la cause tendant à tirer le flux vers le haut du cœur (extraction de D) cesse d’agir, alors la distribution de puissance devient le jouet des variations de l’empoisonnement xénon dans les moitiés haute et basse du cœur. L’axial offset iode fortement positif produit une augmentation de l’axial offset xénon, qui induit une baisse de l’axial offset puissance : c’est le mécanisme de l’oscillation xénon. La figure 5.3 montre la trajectoire de ce transitoire de montée en puissance dans le diagramme de pilotage. Juste avant la montée entre 46 %Pn et 88 %Pn, l’opérateur réalise une insertion de D (219 à 203 pas extraits) qui permet de ramener l’axial offset mesuré de 10 % à environ 3 %. Cet axial offset sera ensuite maintenu constant pendant la montée en puissance, l’opérateur utilisant la compensation de deux effets : • l’extraction de D pendant la remontée tend à augmenter l’axial offset, • le pivotement du profil axial de température du fluide primaire dans le cœur, au fur et à mesure de la montée en puissance, tend à diminuer l’axial offset. 1 La montée en puissance s’accompagne d’une augmentation de la température du combustible et de la température moyenne primaire que l’opérateur s’efforce de maintenir proche de sa consigne, quand la régulation de température par D n’est pas en mode automatique.
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Figure 5.1. Démarrage d’une tranche CP0 après arrêt.
Figure 5.2. Démarrage d’une tranche CP0 après arrêt ; axial offset puissance, iode et xénon.
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Figure 5.3. Démarrage d’une tranche CP0 après arrêt ; trajectoire dans le diagramme de pilotage (valeurs mesurées). Tmoy et Tréf 310
°C
305 300 295
285
0 360 720 1080 1440 1800 2160 2520 2880 3240 3600 3960 4320 4680 5040 5400 5760 6120 6480 6840 7200 7560 7920 8280 8640 9000 9360 9720 10080
290
Temps (min)
Figure 5.4. Démarrage d’une tranche CP0 après arrêt ; respect du programme en température.
Arrivé à 88 %, le cœur est déjà dans un état stable. Après 18 heures sur ce niveau de puissance, l’opérateur commence une déformée de flux par insertion du groupe D, visant à balayer une large plage d’axial offset. Après cette déformée de flux, une insertion suivie d’une extraction de D permet de ramener l’axial offset proche de 0 %.
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Figure 5.5. Démarrage d’une tranche CP0 après arrêt ; bilan de réactivité.
La figure 5.4 nous montre que pendant toute la montée en puissance, l’opérateur maintient la température moyenne primaire proche de sa consigne. Le modèle simplifié de pilotage permet d’établir un bilan de réactivité qui couvre toute la montée en puissance et de montrer comment s’équilibrent les variations positives et négatives de réactivité (figure 5.5). Les différentes variations de réactivité entre l’instant initial et l’instant final sont données dans le tableau 5.1. Cette montée en puissance a nécessité d’importants volumes d’eau REA : environ 80 m3 d’eau déminéralisée et 6 m3 d’eau borée à 7 500 ppm, comme le montre la figure 5.6.
Tableau 5.1. Bilan de réactivité du démarrage d’une tranche CP0 après arrêt. Déplacement Changement de Variation Variation du Modification de la Usure du de D puissance (DP) du xénon samarium Cb coeur +330 pcm −1 320 pcm −2 020 pcm +100 pcm +3 020 pcm −110 pcm
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Figure 5.6. Masses d’eau et d’eau borées injectées pendant le démarrage. Tableau 5.2. Exemples d’états critiques d’un REP 1 300 au démarrage. Cb Première
DP
Anti ρ
Anti ρ
Anti ρ
grappes
xénon
samarium
la montée
0
625 pcm
0
–6,5 pcm/◦ C
2 710 pcm
500 pcm
−100 pcm
−27 pcm/◦ C
1 730 ppm
0
R = 242 :
100 %Pn en début
1 180 ppm
−1 280 pcm
R = 231 :
de cycle, xénon à
Soit
divergence
Usure pendant CTM = f (Cb )
50 pcm 65 pcm
l’équilibre et R au ρ = 3 950 pcm ρ = −1 280 pcm ρ = +15 pcm ρ = −2 710 pcm ρ = +125 pcm ρ = −100 pcm milieu de sa BdM
5.1.2. Bilan de réactivité de la montée en puissance d’un REP 1 300 MWe après rechargement Entre deux états critiques du réacteur, le premier à la divergence, le second à 100 %Pn, xénon à l’équilibre, les variations de réactivité constituent un jeu à somme nulle. Les variations négatives sont : • le défaut de puissance à 100 %Pn (DP), dû à la montée en température du modérateur et à celle du combustible (l’effet de redistribution influence également la réactivité du cœur), • l’accumulation de xénon dans le cœur jusqu’à l’empoisonnement à l’équilibre (figure 5.7). Ces variations négatives sont essentiellement compensées par dilution. Le creusement du samarium apporte également de la réactivité, environ une centaine de pcm à l’atteinte de 100 % Pn. Le tableau 5.2 établit un bilan de réactivité entre les deux états critiques considérés. L’allure de la montée en puissance qui apparaît sur la figure 5.7 est indicative ; en effet, en exploitation, les durées sont variables d’un redémarrage à l’autre. 2 La C mesurée au moment de la divergence, avec R inséré dans le cœur, est transposée en valeur de C TBH. b b 3 Ce qui correspond à une efficacité différentielle moyenne du bore soluble de 7,3 pcm/ppm.
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Figure 5.7. Exemple de montée en puissance d’un REP 1 300 MWe.
5.2. Déroulement de la montée en puissance d’un REP 1 300 Les sections ci-dessous décrivent les principales actions de conduite et activités liées au redémarrage après rechargement d’un réacteur REP 1 300 MWe en gestion Gemmes. Les opérations de redémarrage décrites dans ce chapitre sont considérées à partir de l’état standard d’arrêt à chaud, avant la réalisation de l’essai de temps de chute des grappes. Le lecteur notera qu’il s’agit d’un démarrage à froid, et que les actions de conduite portant sur la partie conventionnelle diffèrent de celles d’un démarrage à chaud (par exemple faisant suite à un déclenchement turbine). Par rapport aux actions réelles de conduite, de nombreuses simplifications sont effectuées. Par exemple, tout ce qui est relatif à la chimie (primaire ou secondaire) n’est pas pris en compte dans le texte. Le coefficient de température du modérateur en configuration TBH, déterminé lors des essais physiques à puissance nulle, est supposé négatif, ce qui est quasiment toujours le cas4 . Les essais physiques réalisés pendant le démarrage du réacteur après rechargement sont constitués des essais physiques à puissance nulle, complétés par les essais en puissance. Le programme d’essais de la première montée en puissance après rechargement permet de vérifier la conformité du cœur aux calculs de recharge, et permet également de calibrer l’instrumentation utilisée en exploitation normale pour la surveillance et la protection du réacteur. Ces essais sont effectués à quatre niveaux de puissance différents jusqu’à l’atteinte du palier nominal : entre 6 et 8 %Pn, entre 45 et 50 %Pn, entre 75 et 80 %Pn et entre 99 et 100 %Pn. Il est important de noter que tant que les essais physiques au redémarrage après rechargement ne sont pas achevés, la conformité du nouveau cœur aux études de sûreté n’est pas établie. Cela conduit à déroger en partie aux STE ; c’est le respect des REPR (règles des 4 Le chapitre 2 « Éléments de physique et de neutronique pour le fonctionnement normal des REP » explique pourquoi une Cb TBH critique de première divergence très élevée est la condition pour obtenir une CTM TBH positif, ce qui présuppose une forte anticipation de l’arrêt au cycle précédent.
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essais physiques au redémarrage) à puissance nulle et en puissance qui assure la sûreté du réacteur. On se place dans le cas d’une turbine équipée du régulateur REC70, présenté dans l’annexe 5 « Régulation du groupe turbo-alternateur ».
5.2.1. Préparation de la partie conventionnelle La préparation du poste d’eau est effectuée en amont, alors que le réacteur est complètement déchargé ou en arrêt pour rechargement. Cette préparation comprend, de façon schématique, le remplissage en eau du condenseur et le démarrage d’une des trois pompes d’extraction, la mise sous vide du condenseur, le remplissage des trois files du poste d’eau basse pression (ABP), de la bâche ADG, des TPA, du poste d’eau haute pression (AHP) et des lignes ARE. Après remplissage de la bâche, on procède au dégazage de son eau ainsi qu’à celle du poste d’eau HP par des recirculations de l’ensemble de cette masse d’eau. La bâche ADG est alimentée avec la vapeur distribuée par le système de vapeur auxiliaire SVA5 à une pression de 1,5 bar abs. La température de la bâche et du poste HP atteint environ 110 ◦ C. Les opérations de préparation de la partie conventionnelle comprennent également la préparation du groupe turbo-alternateur.
5.2.2. Évolution de la concentration en bore pendant le redémarrage du réacteur Les valeurs de Cb rencontrées au cours du démarrage qui est décrit dans ce chapitre sont cohérentes avec les valeurs du tableau 5.2, elles correspondent à un cœur donné, choisi comme exemple. Le lecteur est invité à se reporter au tableau 5.3 (en fin de chapitre) synthétise les principales informations relatives à la concentration en bore au cours des opérations de démarrage après rechargement : les prescriptions qui s’appliquent, les évolutions de la concentration en bore en fonction des états standards. La Cb initiale, 2 385 ppm, est Cb RECH (Cb de rechargement)et vérifie la prescription « Cb > 2 385 ppm avant l’essai de temps de chute des grappes ». L’exigence d’un écart à la criticité de 5 000 pcm en APR et API (et donc en configuration toutes grappes insérées) est moins contraignante, puisqu’elle conduirait à une Cb de 1 890 ppm. Dans la pratique, l’exploitant augmente les valeurs visées (Cb RECH , Cb INIT ) d’un supplément de concentration en bore (75 à 100 ppm) en raison des incertitudes sur les mesures délivrées par le boremètre. Nous n’en tenons pas compte dans ce chapitre.
5.2.3. État initial : réacteur en AN/GV et recherche de divergence autorisée L’autorisation de divergence, nécessaire pour commencer l’approche sous-critique, a été donnée. 5 SVA délivre la vapeur produite par le système STR (transformation de vapeur) de l’une des autres tranches en service, ou bien par une des deux chaudières à chauffe électrique (système XCA : les chaudières sont normalement à l’arrêt et sont utilisées en particulier lors du démarrage de la tranche). La production par STR est la solution privilégiée qui permet de ne pas utiliser les chaudières auxiliaires.
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L’état initial de la tranche est l’arrêt normal, avec un refroidissement par les GV (AN/GV), caractérisé par : • la pression RCP = 154 bars relatifs, • la concentration initiale en acide borique est de 2 385 ppm, c’est une valeur comprise entre 2 385 et 2 575 ppm6 , • la température primaire est maintenue stable à 297 ◦ C par la régulation de pression du GCT-atmosphère en automatique, • le groupe SB est totalement extrait7 , les autres groupes sont à 5 pas d’extraction, • les quatre GMPP sont en service, • les quatre GV sont disponibles8 , les niveaux étant réglés à leur valeur de consigne à puissance nulle 45 % par l’OPR au moyen du système ASG9 . Le débit ASG est limité par la capacité de réalimentation de la bâche ASG, • les vannes VVP (principales et de by-pass) sont fermées. Les GV étant alimentés par ASG, leurs niveaux sont contrôlés manuellement. Avant la divergence, la puissance thermique du cœur se résume à la puissance résiduelle et vaut jusqu’à 0,15 %Pn pour un arrêt court10 . La puissance évacuée au secondaire par la décharge de vapeur à l’atmosphère (GCT-a) comprend également la puissance des quatre pompes primaires. L’essai de temps de chute des grappes est réalisé ; après cet essai, l’OPR engage une prédilution qui diminue la Cb jusqu’à la valeur Cb INIT , point de départ de la dilution réalisée dans le cadre de l’approche sous-critique de la première divergence : Cb INIT = max (2 000 ppm, Cb DIV 11 + 200 ppm). Cette formule de calcul de Cb INIT assure le respect de la prescription Cb > 2 000 ppm tant que les essais physiques à puissance nulle ne sont pas réalisés. Cb INIT garantit un écart à la criticité minimum ainsi qu’un délai opérateur suffisant en cas d’accident de dilution. Dans notre exemple, les calculs prévisionnels indiquent une concentration en bore critique à la divergence Cb DIV = 1 720 ppm (calcul effectué avec R à 205 pas extraits) : la prédilution est effectuée jusqu’à Cb INIT = 2 000 ppm. 6 La borne supérieure, 2 575 ppm, est la C max de la bâche PTR qui permet de se prémunir contre le b phénomène de cristallisation du bore soluble. 7 Le respect de la position des grappes requise (toutes grappes insérées sauf SB extrait) ainsi qu’une concentration en bore supérieure à la Cb minimale assurent un écart à la criticité supérieur aux 2 000 pcm requis en arrêt à chaud (keff < 0,98). De plus, la chute de SB en arrêt à chaud en cas d’AAR permet de ramener le réacteur sous-critique au cours d’un accident de réactivité (dilution intempestive). 8 Un GV est considéré comme disponible quand les conditions suivantes sont vérifiées : son niveau est contrôlé et réglé dans sa gamme étroite, il est alimentable par une voie ASG, le circuit de décharge à l’atmosphère GCT correspondant est disponible. 9 Système d’alimentation de secours des générateurs de vapeur. 10 L’arrêt pour simple rechargement (ASR) a une durée de l’ordre de 30 jours, contre 60 environ pour la visite partielle (VP) et 90 pour la visite décennale (VD) qui inclut des contrôles approfondis et réglementaires des principaux composants. 11 C b DIV est la Cb de divergence attendue, avec R positionné à 205 pas.
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5.2.4. Approche sous-critique, divergence NB : quelques rappels théoriques et développements sont donnés à la fin de ce chapitre sur l’approche sous-critique. La première divergence est gérée par le chapitre X des RGE (REPR). Après manutention d’assemblage de combustible, étant donnée l’incertitude sur la conformité du cœur, la divergence est effectuée dans le cadre spécifique des essais physiques à puissance nulle. Ces essais, assimilables à des essais de requalification, constituent un cas particulier d’exploitation. La divergence doit être obtenue par un seul moyen : soit par la dilution, soit par une extraction des grappes. Les groupes d’arrêt SA, SC et SD, puis les groupes de compensation de puissance (G1, G2, N1 et N2) sont extraits en position haute ; le groupe R de régulation de température est ensuite relevé jusqu’à 205 pas. Formellement, le changement de domaine d’exploitation (passage de réacteur en AN/GV à réacteur en production, RP) se fait lors de la levée du premier groupe d’arrêt. Les quatre groupes de chaufferettes TOR sont en service pour que la régulation de pression déclenche l’aspersion, dans le but d’assurer l’homogénéisation du primaire et de réduire l’écart entre la Cb du pressuriseur et celle des boucles primaires. L’opérateur réacteur réalise la dilution du primaire par le bas du ballon RCV, deux orifices de détente du système RCV sont ouverts. L’approche sous-critique par inverse du taux de comptage est surveillée au niveau des mesures de chambre neutroniques du niveau source CNS. L’inverse du taux de comptage, dit 1/N, est obtenu en inversant le comptage des CNS, mesuré en coups par seconde. 1/N est initialisé à 1 au début de la dilution, à Cb INIT (2 000 ppm dans notre exemple). Il se démontre aisément que le flux neutronique est proportionnel à l’intensité du terme source de neutrons12 et inversement proportionnel à (1 − keff ). Ce qui s’écrit, en introduisant l’inverse du taux de comptage : 1 1 − keff % N S L’erreur commise en considérant la relation entre la Cb et keff comme étant linéaire est négligeable. On peut considérer que l’inverse du taux de comptage évolue linéairement en fonction de la Cb . Si keff → 1 alors 1/N → 0. En prolongeant la droite d’inverse du taux de comptage en fonction de la concentration en bore, on peut prédire la concentration en bore de divergence (valeur à l’ordonnée zéro). L’extrapolation de la courbe d’inverse du taux de comptage pointe une concentration en bore critique de 1 718 ppm (pour une position de R = 205 pas) ; on a supposé qu’on retrouve la Cb prévisionnelle, cependant en réalité il existe un écart. Les règles de conduite demandent de diminuer le débit de dilution à plusieurs reprises au fur et à mesure que le réacteur se rapproche de la divergence (selon les valeurs de 1/N) et d’arrêter la dilution quand l’inverse du taux de comptage devient inférieur à 0,1. Dans notre exemple, la Cb se stabilise à 1 741 ppm à l’arrêt de la dilution, soit une Cb un peu en dessous de celle correspondant à 1/N = 0,1 (1 746 ppm) compte tenu la queue de dilution. 12 C’est-à-dire le nombre de neutrons émis par unité de temps, indépendamment de la réaction en chaîne, ce qui inclut les dispositifs autonomes producteurs de neutrons et/ou les sources inhérentes de neutrons (réactions nucléaires productrices de neutrons au sein des assemblages irradiés : fissions spontanées, réaction (α, n)).
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Figure 5.8. Approche sous-critique et divergence par extraction de R.
La figure 5.8 illustre cette approche sous-critique. L’écart à la divergence après l’arrêt de la dilution est estimé par Cb × εd , soit 23 × 7,0613 ≈ 166 pcm. L’obtention de la criticité nécessite un apport de réactivité de 166 pcm par des extractions de R, effectuées après l’homogénéisation de la Cb primaire. Dans notre exemple, les conditions critiques sont les suivantes : Cb = 1 741 ppm ; position de R = 242 pas extraits. Quand le réacteur devient critique, le flux est stabilisé une décade en dessous du seuil d’AAR (105 coups/s sur les CNS), juste au-dessus du permissif P614 . Le signal permissif P6 est élaboré quand les flux mesurés par les CNI dépassent 10−10 A ; en logique 3/4, il permet à l’opérateur d’inhiber l’AAR par haut flux niveau source avant de poursuivre la montée en puissance et de couper l’alimentation HT des CNS15 .
5.2.5. Essais physiques à puissance nulle L’objectif est de démontrer que les caractéristiques physiques du cœur à puissance nulle sont cohérentes avec celles prévues par les études de conception et de sûreté. Ces essais sont réalisés à environ 0,01 %Pn pour être une décade en dessous du niveau Doppler16 (0,1 %Pn). 13 On suppose que l’efficacité différentielle du bore soluble, à 297 °C et aux environs de 1 750 ppm, vaut −7,05 pcm/ppm. Cette valeur est plus faible en valeur absolue que la valeur moyenne entre la divergence et la montée en puissance au redémarrage, soit −7,4 pcm/ppm. En effet, la forte dilution effectuée pendant la montée en puissance tend à rendre l’efficacité de plus en plus négative même si a contrario l’augmentation de la température moyenne primaire tend à rendre l’efficacité différentielle de moins en moins négative. 14 Se reporter à l’annexe 1 « Les protections du réacteur ». 15 Lors d’une baisse de charge, les CNS sont remises en service automatiquement lorsque 2/4 des CNI délivrent un courant inférieur à P6. Le passage sous P6 indique une convergence du réacteur. 16 On rappelle que le niveau Doppler est un niveau de flux au-dessus duquel apparaît le chauffage nucléaire et les contre-réactions par effet Doppler : toute variation de flux effectuée au-dessus du niveau Doppler se traduit par une variation de la température du combustible et donc par une variation de réactivité. Ce niveau Doppler se situe à environ 10−6 A (courant CNI). Au-dessus de cette valeur, le réacteur est présumé diverger.
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Pour la description des essais physiques à puissance nulle, le lecteur est invité à étudier le chapitre correspondant du livre Exploitation des cœurs de REP dans la même collection. En gestion Gemmes, la pesée des groupes de grappes est maintenant réalisée suivant la méthode de pesée dynamique des grappes et non plus par dilution. Les groupes G1, G2, N1 et N2 sont pesés individuellement par échange avec le groupe R. Après la pesée finale, celle de G1, le groupe R est remonté en haut du cœur, dans sa bande de manœuvre. À la fin des essais physiques à puissance nulle : • les groupes de compensation de puissance sont totalement extraits 17 , • les groupes S sont complètement extraits, • le groupe R est dans sa bande de manœuvre, • la puissance du réacteur est maintenue à une valeur inférieure au niveau Doppler.
5.2.6. Montée à une puissance thermique cœur de 1 %Pn La puissance du réacteur est augmentée par extraction de R, jusqu’à être stabilisée à 1 %Pn. La montée à 1 %Pn nécessite un apport de réactivité d’environ 10 à 15 pcm. L’opérateur extrait le groupe R de quelques pas et la puissance se stabilise à environ 1 %Pn quand la réactivité apportée par l’extraction se trouve compensée par l’effet Doppler (c’est en début de vie et à très faible puissance que le coefficient Doppler-puissance est le plus élevé en valeur absolue) et, de façon moindre, par l’effet modérateur car l’échauffement de l’eau est très faible. Le lecteur peut se reporter au chapitre 3 « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ». Un niveau de puissance de 1 %Pn garantit largement un débit de vapeur vive18 suffisant pour démarrer et alimenter une première TPA, tout en restant compatible avec la capacité d’alimentation de la bâche ASG. La puissance extraite aux GV comprend de façon simplifiée la somme de la puissance thermique du cœur et de la puissance thermique issue de la dégradation de la puissance
17 On rappelle que la sûreté d’une recharge est déterminée par les paramètres clés suivants :
– les facteurs radiaux de point chaud pour différentes configurations de grappes, – la marge d’antiréactivité à l’arrêt en fin de campagne, – le coefficient de température du modérateur CTM TBH en début de cycle à puissance nulle. Ce dernier coefficient doit être négatif en fonctionnement normal. Cependant, il peut arriver que ce coefficient soit légèrement positif en début de campagne, à puissance nulle, grappes extraites. Dans ce cas, des consignes d’exploitation particulières doivent être appliquées. Une concentration en bore limite et une limite d’extraction des groupes sont d’application pendant les premières semaines du cycle afin de rendre le CTM TBH négatif. Le couple (Cb max , limite d’extraction des groupes de compensation de puissance) permet de garantir un coefficient de température du modérateur négatif. La montée en puissance ne peut pas se faire TBH par dilution, elle doit alors se faire par extraction des groupes de compensation de puissance. 18 À basse charge, les TPA sont alimentées par de la vapeur HP. Les TPA sont alimentées en vapeur surchauffée en aval des GSS (l’alimentation APP est représentée sur la figure A2.1).
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mécanique absorbée sur les arbres des GMPP19 (environ 23,2 MW), moins les pertes. La puissance nécessaire pour le démarrage et le fonctionnement d’une première TPA est assurée avec 1 %Pn. De plus, une puissance de 1 %Pn est compatible avec la production du dégazeur ASG20 . Si le débit d’eau fourni par l’ASG aux GV excédait la capacité de production du dégazeur, un bas niveau sur la bâche ASG risquerait d’être atteint. La montée de l’antiréactivité xénon sur le palier à 1 %Pn est très faible21 (de l’ordre de 20 pcm pour un palier à 1 %Pn de 12 heures), mais doit cependant être compensée par extraction de R ou dilution, sinon le cœur effectue le chemin inverse de la montée en puissance à 1 %Pn ! L’opérateur secondaire est autorisé à conditionner les lignes vapeur du second tronçon VVP.
5.2.7. Couplage des circuits primaire et secondaire Ces opérations peuvent avoir lieu avant la divergence si la puissance résiduelle le permet. Un débit de vapeur est mis en place dans le second tronçon de chacune des quatre lignes VVP par ouverture des vannes d’isolement (VVP 121 VV, 122 VV, etc. ; voir la figure A2.1) des lignes de contournement des vannes principales, suivie de l’ouverture progressive des vannes réglantes de contournement (VVP 131 VV, 132 VV, etc.). Le débit de vapeur dans le second tronçon est ajusté de manière à respecter une vitesse maximale de chauffage et à éviter un refroidissement du circuit primaire (le gradient de température souhaité est de 150 ◦ C/h). De plus, le GCT-a doit rester entrouvert. Quand l’écart entre les pressions des GV et la pression en aval de ces vannes devient inférieur à 2,5 bars, les vannes d’isolement principales (VVP 111 VV, 112 VV, etc.) sont ouvertes. Ensuite, les vannes d’isolement des lignes de contournement sont fermées. Ce conditionnement du second tronçon de chacune des quatre lignes VVP réalise le couplage des circuits primaire et secondaire de la tranche REP. La vapeur des GV peut alors être envoyée au condenseur au lieu de l’atmosphère.
5.2.8. Basculement GCT-a/GCT-c On rappelle que la condition d’ouverture du contournement de la turbine au condenseur nécessite la concomitance entre un ordre (ou demande) d’ouverture (ce qui se produit quand la pression mesurée au barillet vapeur est supérieure à la consigne) d’une part, et une autorisation d’ouverture (c’est-à-dire l’absence de verrouillage d’ouverture) d’autre part. 19 Les pompes primaires des REP 1 300, dites « modèle 100 », ont les caractéristiques suivantes : débit volumique de la pompe « best estimate » : Qv = 23 600 m3 /h ; hauteur manométrique totale dans une boucle primaire : H = 99 mCF ; puissance électrique à chaud : 6 420 kW ; puissance sur l’arbre (encore appelée puissance absorbée sur l’arbre) : Pabs = 5 800 kW. Avec la masse volumique en branche froide ρ = 0,748 5 g/cm3 , on peut calculer ∼ 82%. la puissance utile de la pompe : Pu = ρgHQv = 4 770 kW ; rendement hydraulique : η = PPu = abs
20 La capacité du dégazeur ASG est de 80 m3 /h, soit 20 m3 /h par GV, ce qui correspond à 1 %Pn (1 945 t/h
à puissance nominale). La bâche ASG peut également être alimentée par le CEX de la tranche ou de la tranche voisine. 21 À l’équilibre, l’empoisonnement xénon à 1 %PN nucléaire est d’à peine 100 pcm.
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Pour le basculement GCT-a/GCT-c, cette autorisation d’ouverture est manuelle : à Tmoy = 297 ◦ C, l’opérateur a la possibilité de déverrouiller les cinq vannes22 du groupe 1 (déverrouillage partiel en mode opérateur). Il fixe en manuel une consigne de pression de 84 bars relatifs sur le GCT-c, qui est suffisamment élevée pour déverrouiller le GCT-c sans risquer d’ouverture intempestive. Cette consigne de pression sur le GCT-c est ensuite abaissée jusqu’à 81,6 bars relatifs. La pression de consigne du GCT-atmosphère est progressivement remontée jusqu’à 83,5 bars relatifs sur les quatre GV. Cette pression devenant supérieure à celle du GCT-c, tout le débit de vapeur bascule de GCT-a à GCT-c. À l’issue du basculement : • le GCT-c est ouvert avec une consigne de pression fixée en manuel à 81,6 bars relatifs, correspondant à une température moyenne primaire de 297 ◦ C à charge nulle ; les deux vannes de maintien en attente à chaud GCT10VV et GCT20VV suffisent au contrôle de la pression ; • le GCT-a est fermé sur les quatre GV, les seuils d’ouverture à 83,5 bars relatifs se situant au-dessus de la consigne du GCT-c. Le seuil de 83,5 bars relatifs (84,5 bars absolus) se situe en dessous du seuil d’ouverture des soupapes de sûreté du GV, égal à 86,5 bars absolus.
5.2.9. Mise en service d’une TPA Une des deux TPA est démarrée sur débit nul (les vannes de débits nuls des TPA vers la bâche ADG sont ouvertes). Le RCM23 « consigne P eau-vapeur24 » est placé en mode automatique, de façon à ce que le régulateur de P eau-vapeur élabore un signal de consigne de vitesse. La vitesse de la TPA mise en service est augmentée progressivement par action directe sur son RCM « vitesse » et des paliers à vitesse constante sont réalisés pour permettre de réchauffer le corps de la turbine et d’uniformiser les températures. Quand la vitesse de la TPA concernée est égale au signal de consigne de vitesse, le régulateur de vitesse est passé en mode automatique. La mise en service de la TPA réduit le débit massique de vapeur au contournement GCT-c.
5.2.10. Basculement ASG/ARE Le basculement ASG/ARE consiste à transférer l’alimentation en eau des GV, jusque-là effectuée par l’ASG, au circuit d’eau alimentaire normale ARE. Pour envisager le basculement, la puissance du réacteur doit être stable entre 0,5 % et 1,5 %Pn, et les niveaux des GV stables à la consigne à charge nulle (45 % en gamme étroite). 22 N.B. : tant que le permissif P12 est présent (température moyenne primaire inférieure à 295 ◦ C), les groupes 2, 3 et 4 du GCT ainsi que le soutien vapeur ADG sont verrouillés et l’opérateur ne peut déverrouiller que les vannes GCT10VV et 20VV du groupe 1. 23 Le relais de commande à main se substitue au signal donné par une régulation pour agir sur un organe réglant (vanne par exemple). Il est situé en fin de chaînes de régulation. Sur la position « auto » du RCM, l’ouverture dépend de la régulation ; sur sa position « manu », elle est directement commandée par l’opérateur. 24 On rappelle qu’il s’agit de l’écart en pression entre l’eau du barillet d’alimentation des GV et la vapeur du barillet en sortie des GV (cf. annexe 2 « Les circuits eau et vapeur »).
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L’opérateur secondaire confirme que les quatre vannes d’isolement gros débit ARE sont fermées et ouvre les vannes d’isolement petit débit ARE. Puis, il ouvre les vannes réglantes petit débit ARE de façon à mettre progressivement les lignes ARE en communication avec le poste d’eau AHP et à les pressuriser lentement. Les vannes réglantes sont ensuite passées sous la dépendance de la régulation de niveau des GV. Les vannes réglantes ASG sont alors progressivement fermées, pour diminuer l’alimentation en eau des GV par ASG, jusqu’à coupure de l’ASG. De façon à assurer le maintien du niveau d’eau des GV, la régulation de niveau compense cette fermeture progressive en ajustant le petit débit ARE. Après la fermeture des vannes ASG, l’opérateur secondaire arrête les pompes ASG et ouvre les vannes réglantes ASG à 100 %.
5.2.11. Passage en mode automatique du niveau d’eau du condenseur Lorsque le niveau du condenseur est à sa valeur de consigne, la régulation de niveau est passée en mode automatique. Le niveau est réglé par les soupapes placées au refoulement des pompes d’extraction.
5.2.12. Basculement sur vapeur vive ADG Le réacteur est dans le domaine d’exploitation RP, « réacteur en production », l’état standard est attente à chaud, caractérisé par un réacteur critique à une puissance inférieure à 2 %Pn. Le basculement sur vapeur vive ADG a pour objectif d’assurer le soutien de vapeur à la bâche alimentaire avec de la vapeur vive25 . La régulation de pression règle cette dernière à 2,5 bars abs. Remarque : l’armement turbine n’est pas encore effectué et le soutirage n◦ 4 vers la bâche ADG26 n’est pas disponible. On peut également mentionner le basculement de SVA à VPU (vapeur vive) pour alimenter le système d’étanchéité (CET27 ).
5.2.13. Montée à 8 %Pn, lancement de la turbine et couplage Dans cette section, c’est le couplage manuel qui est présenté en raison de son intérêt pédagogique. Dans le parc REP, il est plutôt recommandé d’effectuer le couplage en automatique. 25 Le soutien permet à la régulation de pression de maintenir une pression suffisante de 2,5 bars dans le dégazeur de la bâche ADG, et donc à l’aspiration des pompes nourricières. Les pompes nourricières améliorent les conditions d’aspiration des pompes alimentaires : en effet, l’eau aspirée dans la bâche alimentaire est à saturation. 26 En fonctionnement en puissance, au-dessus du minimum technique, la bâche alimentaire est maintenue en pression par une liaison avec le soutirage n◦ 4 de la turbine (sortie du corps HP). 27 Ce système, commun à la turbine principale et aux turbines des TPA, assure l’étanchéité des sorties d’arbre en empêchant les entrées d’air dans les parties sous vide et les fuites de vapeur. Pour cela, il impose une pression de vapeur légèrement supérieure à la pression régnant dans la turbine.
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Dans cette séquence, les régulations sont dans la configuration suivante : • en ce qui concerne le module « puissance », le commutateur CMAD est sur le mode direct, ce qui signifie que l’ouverture des vannes réglantes HP (vannes GRE réglant la charge) est asservie à la consigne de puissance P0 (de valeur initiale 0 MW) ; • en ce qui concerne le module « vitesse », les choix du mode direct et du mode manuel sont tous les deux possibles à l’aide du commutateur CMD. Le mode direct, actuellement privilégié par l’exploitant, implique que la montée en vitesse se fera à pente constante jusqu’à la vitesse nominale (se reporter à l’annexe 3 « Régulation du groupe turbo-alternateur »). La montée en puissance se fait par extraction de R et par dilution, jusqu’au palier de 8 %Pn. En abaissant le point de consigne en pression du GCT-c, l’OPR déplace le point de fonctionnement de la tranche et abaisse de façon contrôlée la pression aux GV et donc la température moyenne primaire, de façon à réduire l’écart entre Tmoy et Tréf à une valeur inférieure à 0,8 ◦ C. Le lecteur est invité à se reporter au paragraphe 3.3, « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ». La dilution est prolongée sur le palier, afin de compenser la montée de l’antiréactivité xénon qui se poursuit sur le palier. L’antiréactivité est de l’ordre de plusieurs centaines de pcm, selon la durée du palier. Une pratique usuelle est d’envoyer des petits paquets d’eau périodiquement, par exemple 100 litres toutes les 10 minutes. L’absence de dilution se traduirait par une baisse de puissance thermique primaire et une baisse de la température moyenne. De nombreux essais sont réalisés lors du palier. Ainsi, on distingue trois catégories d’essais réalisés en parallèle : • les essais physiques cœur, réalisés sous couvert de la REPR en puissance. Il s’agit alors de réaliser des cartes de flux, afin de mesurer la distribution de puissance dans le cœur. Ceci permet de vérifier la conformité du cœur aux études de sûreté de la recharge et de recalibrer les chambres externes avant d’atteindre 10 %28 . Ces essais sont suivis de l’implantation des paramètres ; • les essais portant sur le GTA : – les essais de la turbine, – les essais de couplage, portant principalement sur GEX (système d’excitation de l’alternateur) et GRE (système de régulation de la turbine) ; • les essais ASG « plein débit » portant sur les turbopompes de secours (TPS) et les les motopompes de secours (MPS). Le lancement turbine est constitué de l’ensemble des opérations conduisant à amener le GTA à 1 500 tours par minute en vue de son couplage sur le réseau. 28 À ce niveau de flux, le signal permissif P10 apparaît ; P10 en logique 2/4 élabore P7, ce qui rend opérationnelles les protections du RPR, en particulier celles élaborées par le SPIN. Cf. l’annexe « Les protections du réacteur ».
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L’OPS donne l’ordre d’armement turbine, ce qui entraîne l’ouverture des organes d’arrêt. La montée en vitesse de la turbine est effectuée avec le module « vitesse » de la régulation du groupe turbo-alternateur en mode direct, suivant une pente de 250 tours/min/min, et en respectant différents paliers de vitesse (200 tours/min, puis 500 tours/min) pendant la montée. La vitesse finale à atteindre est de 1 500 tours/min29 . La prise de vitesse nécessite une puissance mécanique donnée par : P = J ×ω×
dω dt
En supposant que J = 692, 4·103 kg.m2 , on trouve une puissance de 15,8 MW au début de la deuxième rampe de prise de vitesse, à ω = 500 tours/min et 47,5 MW à l’atteinte de 1500 tours/min. Ces puissances sont suffisantes pour entraîner une légère baisse de pression aux GV, qui est compensée avec un temps de retard par GCT-c dont la régulation referme un peu les vannes de contournement de façon à maintenir la pression au barillet vapeur constante. Le débit nécessaire à la prise de vitesse du GTA est en quelque sorte prélevé sur le débit de contournement, mais transitoirement la pression des GV baisse : ceci entraîne un refroidissement primaire momentané, de l’ordre de 0,5 ◦ C à 1 ◦ C. L’OPS ferme le disjoncteur d’excitation et met en service l’excitation qui permet de régler la tension aux bornes de l’alternateur : le régulateur de tension agit sur le courant inducteur pour maintenir la tension constante et égale à 20 kV. Le couplage du groupe turbo-alternateur au réseau électrique est effectué pendant le temps d’implantation des paramètres issus du dépouillement des essais physiques cœur. Trois conditions sont nécessaires pour la réalisation de couplage : • les tensions efficaces des forces électromotrices induites dans les phases du stator et des phases du réseau sont égales ; • la fréquence du groupe doit être égale à celle du réseau qui est de 50 Hz, ce qui correspond à une rotation à 1 500 tours/min ; • les phases alternateur et réseau doivent être en concordance. Ceci est obtenu au moyen d’un glissement entre les phases, en faisant tourner la turbine à une vitesse légèrement supérieure à 1 500 tours/min. En effet, au moment du couplage, l’alternateur doit être moteur et non pas récepteur. Dans ces conditions, la fermeture n’entraîne donc aucune circulation de courant entre l’alternateur et le réseau. La figure 5.9 montre deux systèmes triphasés pour lesquels les conditions de couplage ne sont pas réunies. Lors d’un couplage manuel, le voltmètre différentiel, le fréquencemètre double et le synchronoscope sont mis sous tension de façon à ce que l’opérateur secondaire puisse surveiller l’atteinte des conditions de couplage. Le module vitesse de la régulation du GTA est passé en mode manuel pour la réalisation du couplage, ce qui permet à l’opérateur de modifier la vitesse du GTA par des actions sur un bouton plus ou moins vite. 29 Se reporter à l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur » pour une justification de la demi-vitesse 1 500 tours/min.
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Tension du réseau F.E.M alternateur
Figure 5.9. Les tensions triphasées du réseau et de l’alternateur (conditions de couplage non encore réunies).
Quand les conditions de couplage sont atteintes, l’opérateur informe l’URSE30 que la tranche est prête à être couplée au réseau et réalise manuellement le couplage par la fermeture du disjoncteur de couplage. Dès que l’alternateur est couplé, étant donné qu’il s’agit d’un démarrage à froid, l’opérateur secondaire ouvre la vanne tout ou rien de by-pass (GSS003VV) de la soupape réglante de vapeur de chauffe, ce qui apporte un faible débit de vapeur vive qui conditionne thermiquement les lignes jusqu’aux faisceaux des GSS. L’opérateur prend progressivement une charge de 70 MWe, valeur un peu supérieure à la puissance électrique brute nécessaire pour les auxiliaires (se reporter à l’annexe « Évacuation d’énergie »). Une puissance électrique brute de 70 MWe nécessite une puissance thermique un peu supérieure à 8 %Pn. La décharge au condenseur évacue l’excédent d’énergie qui n’est pas utilisé par la TPA et la turbine. Au cours de la prise de charge sur le GTA, le GCT-c se referme progressivement. À la fin de cette prise de charge, la température saturée des GV est donnée par la consigne d’ouverture du GCT-c si le contournement est encore ouvert, ou légèrement inférieure si le contournement est refermé. La température moyenne primaire est supérieure à sa valeur de référence déterminée pour une puissance de 8 %. L’OPS met ensuite le synchronoscope hors service et le commutateur CMAD en mode direct.
5.2.14. Montée à 15 %Pn La montée au-dessus de 8 % se fait en fixant la consigne de puissance P0 de la turbine. Quand la puissance du réacteur atteint 10 %Pn : • l’OPS ouvre les vannes motorisées gros débit ARE (fin de l’isolement de l’ARE gros débit) ; • puis les vannes réglantes gros débit ARE sont passées sous la dépendance de la régulation de niveau GV ; • l’OPS bascule le CMAD du mode direct vers le mode automatique ; 30 Que l’on appelait autrefois « centre de dispatching » ou CRES (Centre régional d’exploitation du système).
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• l’OPR vérifie la disparition du seuil C20 (le signal C20 est présent si deux chaînes sont en dessous de 10 %Pn en logique 2/4) et l’OPS vérifie la présence du P1331 ; le signal permissif P10 est élaboré. Le permissif P10 assure la même fonction vis-à-vis du recouvrement des CNI et CNP que le P6 vis-à-vis du recouvrement des CNS et CNI32 . Le P10, en logique 3/4, permet à l’opérateur de bloquer manuellement l’AAR par haut flux CNI et l’AAR par haut flux CNP seuil bas. P10 en 2/4 élabore P7 : les protections du RPR, en particulier celles élaborées par le SPIN, sont opérationnelles ; • en dessous du seuil de verrouillage C20, le groupe R est en mode manuel étant donné qu’à ces niveaux de puissance, l’évolution des paramètres d’entrée de la chaîne de régulation ne lui permet pas un fonctionnement fiable. À la disparition du C20, le groupe R est passé en mode automatique par l’OPR dès que le critère |Tmoy − Tréf | < 0, 8◦ C est vérifié ; • l’OPR décalibre les GCP de façon à ce que la position commandée, obtenue à partir de la courbe G3 corrigée du terme de décalibrage, soit égale à la position réelle. De toute façon, le passage en mode automatique des GCP33 n’entraîne aucun mouvement. On rappelle que si le coefficient de température du modérateur TBH est négatif, alors à cet instant du processus de démarrage, les GCP sont totalement extraits. L’OPR passe les GCP en mode automatique. La continuation de la montée en puissance tend à refroidir le primaire et l’OPR procède à une dilution du circuit primaire de façon à maintenir le groupe R dans sa bande de manœuvre. À partir de 10 %, la soupape réglante de vapeur de chauffe (GSS001VV) s’ouvre sous l’action de sa régulation de pression de vapeur de chauffe, et le by-pass peut être refermé. Des essais GRE sont effectués entre 11 %Pn et 15 %Pn. Ensuite, le réacteur poursuit sa montée de charge à 15 %Pn. L’état final de cette séquence est : réacteur à 15 %Pn, groupe R et GCP en mode automatique, GTA couplé.
5.2.15. Montée entre 45 % et 50 %Pn sur limiteur et palier de puissance Après un arrêt pour rechargement (c’est également vrai dans le cas d’un arrêt avec manipulation d’assemblages combustibles), les STE34 fixent une limite au gradient de montée en 31 Le permissif P13 correspond à un seuil sur la mesure de pression première roue turbine ; P13 apparaît, de façon indicative, au-dessus de 10 %Pn. 32 Cependant, contrairement aux CNS qui ne sont plus en service du dessus du P6, les CNI restent en service même après inhibition de leur AAR par haut flux. 33 Il convient toutefois de préciser que les grappes de compensation de puissance peuvent fonctionner en automatique sur toute la gamme de puissance, tandis que le groupe de grappes de régulation de température (groupe R) ne fonctionne en automatique qu’au-dessus du seuil C20. 34 Les STE prescrivent : « Au cours du redémarrage du réacteur faisant suite à un rechargement ou à un arrêt au cours duquel il y a eu manipulation d’assemblages, la vitesse moyenne de montée en puissance sera limitée à 3 % de la puissance nucléaire nominale par heure glissante entre 15 % et 100 % ».
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puissance pour éviter les risques d’interaction pastille-gaine. Cette limite est de 3 %Pn/h entre 15 %Pn et 100 %Pn. Si les GCP sont extraits, alors ce gradient limite est relaxé à 2 %Pn/min entre 15 %Pn et 50 %Pn. On se place dans le cas où le coefficient de température du modérateur TBH est négatif. La montée en puissance du réacteur s’effectue alors à une pente maximale de 2 %Pn/min, par dilution. Si la prise de puissance au secondaire était effectuée sans dilution, le réacteur serait dans un fonctionnement en dynamique libre et la température moyenne primaire baisserait au lieu de suivre sa consigne qui est une fonction croissante de la puissance secondaire. Il est donc nécessaire d’agir également au primaire, par une dilution qui permet à la puissance primaire de devancer la puissance extraite aux GV et d’assurer une augmentation de la température moyenne, conformément à la consigne. La prise de charge au secondaire se fait au limiteur, ce qui permet de s’affranchir de perturbations venant du réseau, via le réglage primaire de fréquence. De plus, une pente fixée à 15 MWe/min35 assure le respect du gradient limite de 2 %Pn/min. La limite droite du diagramme de pilotage doit être respectée. Vers 15%Pn. Les réchauffeurs R5 et R6 commencent à recevoir des débits de soutirage : la température de l’eau alimentaire bénéficie du réchauffage HP et devient supérieure à celle de la bâche. L’opérateur met en service l’évacuation des purges des sécheurs vers la bâche alimentaire. On observe l’ouverture totale des vannes réglantes petit débit d’eau alimentaire des GV (ARE) et le début d’ouverture des vannes réglantes grand débit ARE. La régulation de niveau des GV est alors assurée par les vannes grand débit ARE. Vers 25 %Pn. Au fur et à mesure de la prise de charge, la pression augmente aux piquages du soutirage n◦ 4 jusqu’à devenir égale à la pression dans la bâche ADG. À l’équilibre des pressions (2,5 bars), qui se produit vers 25 %Pn, les clapets antiretour s’ouvrent et la vapeur de soutirage peut alimenter le dégazeur, dont la pression augmente. La régulation de pression de la bâche entraîne la fermeture des vannes de soutien vapeur ; le soutirage prend le relai du soutien vapeur. À partir de là, la température dans la bâche ADG augmente jusqu’à sa valeur maximale atteinte à pleine charge, environ 180 ◦ C. À 30 %Pn. Le contournement vapeur GCT-c, qui est fermé, est passé en mode automatique. La seconde TPA est mise en attente à 2 000 tours/min. La soupape de vapeur de chauffe s’ouvre totalement (cas d’un démarrage froid). À 35 %Pn. Une seconde pompe d’extraction CEX est mise en service. La soupape de vapeur de chauffe s’ouvre totalement (cas d’un démarrage froid). Le passage de la puissance nucléaire au-dessus de 40 %Pn se traduit par la présence du permissif P16, qui valide en logique 2/4 l’AAR par déclenchement turbine. Sur le palier de puissance à 50 %Pn, une dilution est effectuée de façon à compenser l’antiréactivité xénon et éviter ainsi que le groupe R soit sollicité. Un bilan enthalpique36 au secondaire est effectué au cours de ce palier. Une carte de flux conditionnelle peut être également réalisée. 35 Il s’agit de l’une des neuf pentes prédéterminées, dans le cas du régulateur turbine REC70. Cette pente est
appliquée jusqu’à 50 %Pn. 36 Il s’agit du BIL100 : bilan de puissance de référence de la chaudière. Ce bilan enthalpique effectué au secondaire permet de calibrer le SPIN pour les calculs de la Pth et de la PN.
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La mesure des courants CNI et CNP permet d’effectuer des réglages de seuils de protection. Par exemple, le seuil d’AAR par haut flux CNI est réglé à 25 %PN et le seuil d’AAR par haut flux CNP est réglé provisoirement à 95 %PN. La seconde TPA doit être mise en service au palier effectué entre 45 et 50 %Pn. En effet, pour des puissances plus élevées, une seule TPA ne pourra assurer un débit d’eau alimentaire égal au débit de vapeur. La charge maximale avec une seule TPA est de 67 %Pn. La vitesse de la seconde TPA est augmentée, en manuel, dans le but d’atteindre une valeur sensiblement égale à celle de la vitesse de la première TPA, puis la régulation de vitesse est passée en mode automatique.
5.2.16. Montée en puissance entre 75 % et 80 %Pn Au-delà de 50 %Pn, la pente de prise de charge s’effectue à 2,5 %Pn/h à l’aide du limiteur, ce qui assure le respect du gradient maximal de 3 %Pn/h imposé par les STE. De plus, au-dessus de 50 %Pn, les groupes de compensation de puissance ne doivent pas s’extraire à plus de 3 pas/heure. Afin de s’affranchir de cette limitation, la montée en puissance s’effectue TBH s’il n’y a pas de limitation à l’extraction des groupes de compensation de puissance. Au cours de la montée en puissance, l’OPE réduit le décalibrage des GCP, le groupe R est maintenu dans sa bande de manœuvre. Le réacteur est stabilisé sur un palier de puissance compris entre 75 %Pn et 80 %Pn par le limiteur. Le respect de critères de stabilité37 en niveau de puissance et en distribution spatiale de puissance est requis pour la réalisation de cartes de flux. Une stratégie de pilotage appropriée pendant la montée en puissance permet d’aboutir à une dérive de DPAX inférieure au critère requis et d’engager, au plus tôt à l’issue de la durée incompressible de 6 heures, la réalisation des essais. La règle d’essais en puissance au redémarrage (REPR) demande, au palier entre 75 et 80 %Pn, de générer une déformée axiale de puissance et la réalisation de cartes de flux : • une carte de flux complète (carte de référence) dont l’objectif est de mesurer la distribution de puissance par assemblage dans le cœur ; • des cartes de flux partielles effectuées à différentes valeurs de DPAX pendant la déformée axiale de flux, afin d’effectuer le calibrage des CNP (en particulier la détermination des matrices [S] et [T] du SPIN). Des bilans thermiques secondaires sont également associés aux différentes cartes de flux. Après implantation de ces paramètres, le réglage définitif des seuils C2 et AAR des quatre CNP est également effectué. La montée en puissance peut alors être poursuivie jusqu’à la puissance nominale. 37 La température moyenne primaire est stable, à moins de 0,5 ◦ C de sa consigne, le groupe R est immobile (marge ±2 pas) dans sa bande de manœuvre, les trois déséquilibres de puissance (axial, radial et azimutal) ont une dérive faible : < 0,3 %Pn/h pour le DPAX sur les six dernières heures ; < 0,5 %Pn en 6 h pour le DPRAD et < 1 %Pn en 6 h pour le DPAZN.
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5.2.17. Montée jusqu’à un palier entre 99 et 100 %Pn et mise à disposition de la tranche au réseau La montée en puissance s’effectue sur limiteur à un gradient maximal de 2,5 %Pn/h. Au palier entre 99 et 100 %Pn sont réalisés de nombreux essais : une carte de flux cœur complet, des bilans enthalpiques au secondaire, une mesure manuelle par les chimistes de la concentration en bore primaire, une mesure du déséquilibre axial de référence pour le pilotage, une mesure du débit de cuve et un calibrage des groupes de compensation de puissance (EP RGL 4) après 72 heures de fonctionnement au palier. Le respect de 72 heures de fonctionnement à puissance maximale, qui est requis après manipulation d’assemblages, permet à l’exploitant d’initialiser le « crédit K »38 . L’ensemble des résultats permet d’actualiser et de calibrer le SPIN, de contrôler la réactivité du cœur, de connaître le domaine de pilotage conseillé et d’actualiser la courbe de calibrage des GCP. La tranche est ensuite à la disposition du réseau. L’exploitation du réacteur se poursuit dans le respect des limites définies par les STE.
5.3. Tableaux de synthèse Le tableau 5.3 synthétise les principales informations relatives à la concentration en bore. Les tableaux de synthèse 5.4 à 5.7 décrivent la remontée en puissance en suivant les principales phases de façon chronologique et sous quatre angles de vue différents : • les interactions primaire/secondaire : en particulier le passage d’un secondaire contrôlé en pression à un secondaire contrôlé en débit de vapeur (tableau 5.4) ; • les actions de pilotage mises en œuvre (tableau 5.5) ; • les actions de conduite au secondaire de l’installation (tableau 5.6) ; • l’adaptation progressive du système de protection (tableau 5.7).
38 Le lecteur peut se reporter à la section « La prise en compte de l’IPG » de l’annexe 1 « Les protections du
réacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucléaire ».
Domaine d’exploitation
État standard
APR
Arrêt à froid pour rechargement
Concentration en bore (exemple)
API
Cb minimale en arrêt à froid (*) (exemple)
Cb minimale en arrêt à chaud (*) (exemple)
Cb RECH = max (2 385 ; 1 890) = 2 385 ppm La Cb de recherche de divergence est la valeur la plus élevée associée aux deux prescriptions Cb > 2 385 ppm et ECR < 5 000 pcm.
Écart à la criticité requis
Position des grappes
Prescriptions sur la Cb
keff < 0,95
TGI 5 pas extraits à partir de P > 26 bars
Cb < 2 575 ppm Après manutention assemblage et avant les essais physiques à P = 0 : Cb > 2 000 ppm Avant la mesure du temps de chute des grappes : Cb > 2 385 ppm
ECR > 5 000 pcm
Dans cet exemple, la Cb assurant un écart à la criticité de 5 000 pcm en APR et API, calculée avec des marges, est de 1 890 ppm. AN/RRA
AN/GV
1840 ppm
keff < 0,98
(0 MWj/t et xénon nul)
ECR > 2 000 pcm
SA et SB extraits
Arrêt intermédiaire diphasique RRA isolé Arrêt intermédiaire diphasique sur GV Arrêt à chaud
Réalisation de l’essai de temps de chute des grappes à Cb RECH
1370 ppm (0 MWj/t et xénon nul)
Après l’essai de temps de chute :
Cb < 2 575 ppm Cb > 2 000 ppm
SB extrait
Prédilution jusqu’à Cb INIT = Max (2 000 ; Cb DIV + 200) = 2 000 ppm dans notre exemple RP
Recherche de la criticité
Dilution jusqu’à 1/N = 0,1 Cb = 1 741 ppm, R = 205 pas
Attente à chaud
Divergence à R = 242 pas et Cb = 1 741 ppm
Seul R est inséré
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(*) Les Cb minimales en arrêt à froid et arrêt à chaud sont calculées pour chaque recharge et dépendent de l’avancement dans le cycle, ainsi que de la présence ou non d’un empoisonnement xénon supérieur à 2 000 pcm.
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Tableau 5.3. Synthèse sur la concentration en bore au cours des opérations de démarrage après rechargement.
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Tableau 5.4. Synthèse des interactions primaire/secondaire au cours du démarrage après rechargement.
Approche sous-critique, divergence, essais physiques à puissance nulle Montée et stabilisation à 1 %Pn Opérations au secondaire
Montée à 8 %
Palier à 8 %
Montée à 15 % [passage à 10 %]
Montée entre 45 % et 50 %
Interaction primaire/secondaire La puissance des GMPP et la puissance résiduelle sont évacuées par le GCT-a, qui fixe la pression secondaire. La puissance primaire est constante (GMPP + puissance résiduelle) et n’est pas soumise à contre-réactions. La température moyenne primaire résulte de la pression secondaire et de la puissance primaire. Le secondaire est contrôlé en pression par GCT-a. La puissance primaire et la température moyenne primaire sont régies par les évolutions de la réactivité : un apport de réactivité amène, après une phase transitoire, à un nouvel équilibre entre la puissance primaire et la puissance extraite aux GV. L’augmentation de Tmoy compense l’apport de réactivité. L’écart Tmoy – Tsat correspond à la nouvelle puissance extraite aux GV. Le secondaire est contrôlé en pression par GCT-c. La puissance extraite au secondaire est évacuée directement au condenseur. La puissance primaire et la température moyenne primaire sont régies par les évolutions de la réactivité. La température moyenne primaire ayant tendance à augmenter, Tmoy peut être ramenée à une valeur proche de Tréf (respect du programme en température) en abaissant le point de consigne du GCT-c. La montée en vitesse du GTA se fait par paliers (0 à 200 tours/min ; 200 à 480 ; 480 à 1 500) avec des rampes de 250 tours/min2 . Le passage d’un palier de vitesse à l’autre implique des appels de puissance, donc de vapeur à la turbine. Tant que la puissance appelée lors des montées en vitesse est inférieure à la puissance évacuée par GCT-c, il n’y a pas de baisses de pression aux GV ni de refroidissement primaire, car ces baisses sont contrées par l’action de la régulation du GCT-c qui se referme en partie, le débit de vapeur vers la turbine augmentant. Un très léger refroidissement primaire est observable en fin de montée en vitesse. Le couplage et la prise de charge à 70 MWe fait passer d’un secondaire commandé en pression (par GCT-c) à un secondaire commandé en puissance, effectif à la fermeture complète du GCT-c. À partir du moment où le GCT-c est complètement fermé, le débit de vapeur est entièrement sous la dépendance de la régulation de puissance. Le secondaire est alors commandé en puissance. Au-dessus du 8 % et jusqu’au passage en mode auto de R, la température moyenne est ajustée par des dilutions. La puissance extraite au secondaire est régie par le débit de vapeur à la turbine, sous la dépendance de la régulation de puissance. Les variations de réactivité par borication/dilution agissent sur le déséquilibre de puissance primaire/secondaire et permettent de maintenir Tmoy dans la bande morte sans que la régulation de température soit sollicitée.
´ ` rechargement : a` partir de l’arret ˆ a` chaud, montee ´ en puissance 5 – Demarrage d’un REP apres
Tableau 5.5. Synthèse sur le pilotage du cœur au cours du démarrage après rechargement.
Approche sous-critique, divergence, essais physiques à puissance nulle Montée et stabilisation à 1 %Pn Montée à 8 % Palier à 8 %
Montée à 15 % [passage à 10 %]
Montée entre 45 % et 50 %
Palier Montée entre 75 % et 80 %
Pilotage Extraction en position haute des GCP et des groupes d’arrêt. Dilution jusqu’à 1/N < 0,1. Divergence par extraction de R. Augmentation de la puissance du réacteur par extraction de R, jusqu’à stabilisation à 1 %Pn. Une dilution permet de maintenir la température moyenne stable à 1 % en raison de la montée du xénon. Prise de charge par extraction de R jusqu’en haut de sa BdM et par dilution. Il est souhaitable de se placer à Tmoy −Tréf ∼ 0,2◦ C pour encaisser un éventuel refroidissement consécutif à la montée en vitesse du GTA. À la disparition du C20 (10 %Pn), le groupe R est passé en mode automatique, à condition que l’écart Tmoy – Tréf soit inférieur à 0,8 ◦ C en valeur absolue. Les GCP sont également passés en mode automatique (ils sont totalement extraits si CTM TBH < 0). La continuation de la montée en puissance tend à refroidir le primaire. C’est pourquoi après le passage de R en mode automatique, l’OPR procède à une dilution pour maintenir R dans sa bande de manœuvre. Montée par dilution, cœur TBH. Les STE imposent une pente maximale de 5 %Pn/min entre 8 et 15 %Pn puis de 2 %Pn/min entre 15 et 50 %Pn (à la condition que CTM TBH ait été déterminé négatif lors des essais à puissance nulle). Une durée minimale de montée en puissance est également imposée par les STE : 20 minutes. La montée est effectuée avec un seul orifice RCV en service, ce qui est compatible avec le gradient de prise de charge. 15 MW/min à la turbine, donc la montée dure un peu moins de 40 minutes. À l’arrivée sur le palier, la pente est stabilisée par action sur le limiteur. Au-delà de 50 %, la prise de charge s’effectue avec un gradient maximal de 3 %Pn/h (prise en compte du risque IPG). Dans la pratique, les pentes de prise de charge sont en dessous de la limite imposée par les STE pour éviter toute sortie de domaine. Couramment, la montée dure 16 heures, et dans les meilleurs cas 12 heures.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
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Tableau 5.6. Synthèse des principales actions au secondaire au cours du démarrage après rechargement.
Montée et stabilisation à 1 %Pn Opérations au secondaire
Palier à 8 %
Montée à 15 % [passage à 10 %]
Montée entre 45 % et 50 % Palier
Actions au secondaire de l’installation Après la montée à 1 % : couplage des circuits primaire et secondaire, puis basculement GCT-a vers GCT-c. Le GCT-c est ouvert avec une consigne de pression de 81,6 bars rel. Démarrage de l’une des deux TPA : augmentation de la vitesse de la TPA par paliers. Basculement ASG/ARE. Mise en service d’ABP. Basculement sur vapeur vive ADG. Basculement CET sur vapeur vive. Le début du palier à 8 % est marqué par la réalisation d’essais : montée en vitesse de la turbine, essais sur le GTA (survitesse, vérification d’étanchéité, déclenchement par masse stator, déclenchement turbine par rupture de synchronisme), essais ASG. Tout essai impliquant une variation de la vitesse du GTA peut perturber la Tmoy par interaction primaire/secondaire. Les essais ASG sont engagés dès l’atteinte de 6 %Pn. La période de stabilité pour la CDF commence en parallèle à ces essais. Le couplage du GTA est réalisé pendant l’implantation des paramètres issus du dépouillement des essais physiques cœur. À l’issue du couplage, l’opérateur prend une charge de 70 MWe. La montée en puissance au-dessus de 8 % se fait par prise de charge à la turbine. À partir de 10 %Pn, les vannes gros débit ARE règlent le niveau des GV. Un palier de puissance entre 11 % et 15 % permet de réaliser les essais GRE. À 35 %, une seconde pompe d’extraction CEX est mise en service. Mise en service de la seconde TPA.
Tableau 5.7. Synthèse relative au système de protection au cours du démarrage après rechargement.
Palier à 8 % Montée à 15 % [passage à 10 %] Montée entre 45 % et 50 % Palier Montée entre 75 % et 80 % Palier
Système de protection (seuils) Réglage du C1 et de l’AAR sur les CNI. À 10 %Pn, le P10 permet à l’opérateur de bloquer manuellement l’AAR par haut flux CNI et l’AAR par haut flux CNP seuil bas. Les protections élaborées par le SPIN sont opérationnelles. L’apparition du P16 à 40 % valide l’AAR par très haut niveau dans un GV (cette autorisation était déjà présente au-dessus de P7). Réglage provisoire des seuils sur les CNP (C2 et AAR) et réglage définitif sur les CNI (C1 et AAR).
Après implantation des paramètres, le réglage définitif des seuils C2 et AAR des quatre CNP est effectué.
´ ` rechargement : a` partir de l’arret ˆ a` chaud, montee ´ en puissance 5 – Demarrage d’un REP apres
197
5.4. Complément : l’approche sous-critique Le lecteur peut se reporter au paragraphe A1.18.2 de l’annexe 1. En régime sous critique, on rappelle le système d’équation de la cinétique en présence d’une source S de neutrons : ⎧ ⎨ dn = ρ − β · n + λi · ci + S dt l ⎩
dci dt
=
βi l
i
· n − λi · ci
Ce système admet une solution stationnaire, qui dépend de la réactivité et de l’intensité de la source : ⎧ ⎨ ns = l · S −ρ ⎩ ci,s = βi · S −ρ · λ i
Après chaque augmentation de la réactivité, le flux augmente jusqu’à ce que les pertes de neutrons dues à la sous-criticité du système atteignent le niveau de production de neutrons par la source : le flux converge vers une nouvelle solution stationnaire. Ceci est illustré par la figure 5.10 qui montre le résultat d’une simulation avec le modèle de cinétique ponctuelle du cœur d’un REP 1300, au cours de laquelle la réactivité est augmentée par échelons de 50 pcm toutes les 10 minutes. La figure 5.11 montre le passage d’une réactivité initiale de −1000 pcm à 0 pcm, par des échelons de 50 pcm toutes les 10 minutes. Plus le cœur se rapproche de la criticité, plus la convergence vers la solution stationnaire est longue. À la criticité, il n’y a plus de solution stationnaire. On peut supposer que, si l’évolution de la réactivité est suffisamment lente, alors le système est en régime quasi-permanent, et dans ce cas le flux neutronique peut être considéré comme égal, à chaque instant, à sa solution stationnaire.
Figure 5.10. Augmentation en échelons de la réactivité pour un cœur sous-critique.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 5.11. Augmentation en échelons de la réactivité de −1 000 pcm jusqu’à la criticité.
Pour un niveau de source donné, l’inverse du taux de comptage par les CNS du flux ayant convergé vers sa solution stationnaire est proportionnel à −ρ : 1 −ρ % N(c/s) l ·S La courbe d’inverse du taux de comptage est tracée en fonction de la valeur du paramètre modifiant la réactivité. Dans le cas d’un REP, il s’agit de la concentration en acide borique. La méthode de l’inverse du taux de comptage permet de prédire les conditions de divergence : en effet si 1/N évolue linéairement par rapport à la Cb , il suffit de prolonger la droite jusqu’à son intersection avec l’ordonnée zéro : la concentration en bore à l’intersection est la Cb à la criticité, toutes choses égales par ailleurs. À l’atteinte de la criticité, le flux neutronique augmente linéairement en fonction du temps, par intégration dans le temps du terme source de neutrons. Cette évolution reste linéaire tant que le niveau source est de l’ordre de grandeur du flux neutronique. Pour des niveaux de flux importants, en négligeant S devant n et sur une durée d’observation limitée, le flux neutronique apparait constant pour ρ = 0. Peut-on considérer que l’inverse du taux de comptage d’un REP effectuant une approche sous-critique par dilution évolue linéairement en fonction de la Cb ? Pour que 1/N puisse être considéré, dans son principe, comme linéaire en fonction de la Cb , il est nécessaire que : • l’évolution de la réactivité soit suffisamment lente pour qu’on puisse considérer que le flux est à chaque instant égal à sa solution stationnaire. Cette condition est de moins en moins vérifiée au fur et à mesure qu’on se rapproche de la criticité ;
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Figure 5.12. Approche sous-critique par dilution ; puis extraction de R jusqu’à la criticité.
• la réactivité évolue elle-même linéairement en fonction de la concentration en acide borique, ce qui revient à considérer l’efficacité différentielle du bore soluble comme étant constante ; • la mesure des CNS augmente linéairement avec le flux neutronique. En exploitation, l’approche sous-critique est engagée avec un débit de dilution de 36 t/h. Ce débit est réduit à 10/t quand 1/N devient inférieur à 0,3 ; puis la dilution est arrêtée quand 1/N devient inférieur à 0,1. La réduction du débit de dilution à 10 t/h, au lieu d’un maintien à 36 t/h, présente l’avantage de conserver le flux plus proche de sa valeur asymptotique, et de mieux préserver la quasi-linéarité de la courbe 1/N.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Tableau 5.8. Approche sous-critique par dilution. Cb au début de l’approche sous critique Réactivité au début de l’approche sous-critique Cb à 1/N = 0,3 Cb à l’arrêt de la dilution (1/N = 0,87 ≈ 0,1) Réactivité après arrêt de la dilution
2 000 ppm −1 960 pcm 1 800 ppm 1 741 ppm −166 pcm
Si la dilution était poursuivie en dessous de 1/N = 0,1, la courbe d’inverse du taux de comptage ne serait plus linéaire. L’écart à la criticité est facilement estimé quand la dilution est arrêtée, la courbe d’inverse du taux de comptage est linéaire entre 1/N = 1 et 1/N = 0,1. Les mesures sont cependant sujettes à incertitudes et les mesures des 4 CNS peuvent présenter des écarts entre-elles. Le réacteur peut ensuite être rendu critique de façon anticipée et maîtrisée, par une extraction appropriée du groupe de grappes R. La figure 5.12 et le tableau 5.8 synthétisent l’approche sous-critique « idéale » d’un REP 1300, prise comme exemple pour ce chapitre.
6
Le transitoire d’îlotage
Sauf mention contraire, les courbes qui illustrent le texte de ce chapitre sont issues de l’enregistrement des données de tranche lors d’un îlotage effectué sur une tranche P’4, équipée du régulateur REC70. Les pressions sur ces courbes sont en bars relatifs.
6.1. Généralités : îlotage automatique et îlotage manuel On parle d’îlotage quand le groupe turbo-alternateur se déconnecte brutalement du réseau électrique, ce qui entraîne un contournement de la turbine par décharge de vapeur au condenseur. L’îlotage est un transitoire normal d’exploitation et fait partie des conditions de fonctionnement de catégorie 1 (fonctionnement normal du réacteur et transitoires normaux d’exploitation). L’îlotage permet à la tranche de se protéger d’une perturbation du réseau électrique. Dans le cas d’un défaut réseau persistant, tout fonctionnement prolongé à pleine puissance pourrait avoir des conséquences néfastes vis-à-vis de la sûreté de la tranche. La déconnexion brutale du réseau électrique s’effectue par ouverture du disjoncteur de ligne. De grandes défaillances des réseaux se sont déjà produites en France : 19/12/1978 Effondrement quasi total pendant plusieurs heures 26/12/1999 Tempête de 1999 Dans la plupart des autres pays, les groupes s’îlotent quand la fréquence du réseau électrique atteint 47,5 Hz (norme CEI des machines tournantes). En France, le signal basé sur la fréquence du réseau électrique donne un ordre d’îlotage à 47 Hz. Il existe également un signal d’îlotage par basse vitesse de deux pompes primaires, en raison du risque de baisse excessive du débit primaire. Ce signal d’îlotage est émis à 93,7 % de la vitesse nominale (compte tenu du glissement1 , la vitesse nominale est de 1 485 tours par minute), soit une fréquence du réseau de 46,85 Hz.
1 Le moteur des GMPP est un moteur asynchrone triphasé. Le rotor, partie mobile, tourne au centre du stator fixe qui génère un champ tournant produit par trois enroulements parcourus par des courants alternatifs déphasés de 120◦ . Le rotor d’un moteur asynchrone tourne moins vite que le champ tournant du stator : c’est le phénomène de glissement.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
L’îlotage peut survenir à la suite d’une perturbation localisée sur la liaison d’évacuation ou d’un incident sévère sur le Système. Dans le premier cas, un seul groupe est concerné et les conséquences d’un succès ou d’un échec ne sont qu’économiques. De grandes défaillances des réseaux se sont déjà produites en France : un effondrement quasi-total pendant plusieurs heures le 19/12/78 et la tempête du 26/12/1999. En cas d’effondrement total du réseau, RTE doit entreprendre dès que possible la « reconstitution du réseau », en s’appuyant sur les groupes de forte puissance ayant réussi leur îlotage et autour desquels vont se constituer des ossatures régionales de réseaux 400 kV. C’est pourquoi le taux de réussite des îlotages des groupes nucléaires, ainsi que la tenue des groupes en îlotage conditionnent la rapidité de reconstitution du système. En moyenne glissante sur ces dernières années, le taux de réussite constaté des îlotages est de 85 %. L’îlotage est également un essai, dans ce cas, il est déclenché manuellement par ouverture du disjoncteur de ligne. Ce transitoire sollicite de façon importante les systèmes et leur régulations, c’est pourquoi son étude est intéressante. Nous rappelons, en qui qui concerne l’alimentation électrique2 de la tranche, que : • tous les auxiliaires de chaque tranche sont alimentés normalement à partir du réseau 400 kV par le transformateur de soutirage, branché côté 400 kV du transformateur principal ; • en îlotage, cette alimentation est assurée par l’alternateur principal et se fait au travers du transformateur de soutirage ; Remarque sur le déclenchement turbine (DT) : le DT se traduit par la fermeture des vannes d’arrêt et des vannes réglantes HP, l’isolement et la mise sous vide du corps HP, la fermeture des clapets de soutirage, la fermeture de la soupape de vapeur de chauffe et la fermeture du by pass, la désexcitation de l’alternateur. Ce transitoire est proche de l’îlotage et sollicite de façon similaire les systèmes et leurs régulations. Lors d’un DT, l’alimentation électrique des auxiliaires est assurée par le réseau électrique.
6.2. Quelques principes sur l’îlotage En situation d’îlotage, le GCT-c régule la pression du barillet vapeur à une valeur (point de consigne fixe en cas d’îlotage) permettant de maintenir la puissance appelée au secondaire à environ 30 %Pn, moyennant l’hypothèse selon laquelle la température moyenne primaire est égale à sa température de consigne. Cette température de consigne est élaborée en fonction de la charge totale au secondaire, tenant compte de la puissance admise à la turbine et de celle évacuée en by-pass de la turbine par le GCT-c.
2 Le lecteur est invité à se reporter au chapitre « Les alimentations électriques » de l’ouvrage La chaudière des
réacteurs à eau sous pression dans la même collection.
6 – Le transitoire d’î lotage
203
Une puissance de 30 %Pn environ permet à la tranche de garder toutes les régulations primaires et secondaires, la charge étant au-dessus du minimum technique3 et de remonter facilement en puissance suivant les besoins du réseau. En cas de chute rapide de la pression permière roue turbine (passage de P > 40 %Pn à P < 28 %Pn, caractéristique de l’îlotage), la pression de consigne est obtenue par application d’un décalage automatique à la valeur de pression de consigne à charge nulle ; ce décalage vaut 6 bars pour les tranches P4 et 7 bars pour les tranches P’4. Par exemple, pour une tranche P’4, la pression de consigne en situation d’îlotage est : 82,6 bars abs4 – 7 = 75,6 bars abs. Il est à noter que la régulation GCT-c a pour objet la pression du barillet vapeur et non pas la pression dans les GV. La perte de pression entre les GV et le barillet vapeur, environ 2,3 bars à pleine puissance dans les REP P’4, est due aux pertes de charges dans l’écoulement de la vapeur5 .
6.3. Déroulement chronologique d’un îlotage manuel L’ouverture du disjoncteur de ligne provoque la réduction de la charge à l’alternateur (disparition d’une partie du couple résistant électrique) ; la charge à l’alternateur tombe à la valeur consommée par les auxiliaires, soit un peu moins de 5 % de la puissance électrique brute dans les conditions nominales. Les vingt premières secondes • Accélération de la ligne d’arbre et montée en vitesse du GTA, ce qui amène la fréquence à 52,7 Hz environ, soit 1 581 tours/min pour la turbine et environ 1 563 tours/min pour les GMPP qui subissent toujours le glissement (figure 6.1). • L’augmentation de la vitesse des pompes primaires produit une augmentation du débit primaire dans chacune des boucles : l’effet immédiat est en théorie une légère baisse de la température moyenne (non visible sur la courbe de la figure 6.1). Le pic de vitesse enregistré sur les GMPP dure moins d’une minute, immédiatement après l’îlotage. • Compte tenu du coefficient de température du modérateur, le léger refroidissement entraîne une augmentation de la puissance nucléaire, qui présente un pic de 2 à 3 %PN. • Le LVA est sollicité6 , ce qui provoque la fermeture des vannes d’admission vapeur à la turbine HP et BP. La vitesse maximale atteinte par le GTA est de l’ordre de 3 Le minimum technique est défini comme étant la puissance minimale qui peut être produite dans de bonnes conditions de stabilité avec les régulations en service, le contournement de vapeur au condenseur et la décharge atmosphérique étant fermés. Sa valeur est voisine de 25 % de la puissance thermique nominale. Il définit le seuil minimal de suivi de charge. 4 La précision « abs » permet de distinguer les bars absolus des bars relatifs (à la pression atmosphérique) : 1 bar abs = 0 bar rel. 5 Une partie des pertes de charge se produit dans le GV, avec les dispositifs de séchage de la vapeur. 6 Se repporter à l’annexe 3.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 6.1. Accélération de la ligne d’arbre et augmentation de la vitesse des pompes primaires.
Figure 6.2. Action du LVA et chute de la pression première roue turbine.
1 580 tours/min, ce qui fait que les survitesses électriques et mécaniques ne sont pas sollicitées. La pression première roue chute rapidement en conséquence de la fermeture des organes d’admission7 (figure 6.2). 7 Lorsque l’accélération du groupe devient inférieur au seuil de l’accéléromètre (LVA), celui-ci cesse d’agir et
les organes de réglage restent fermés tant que la régulation turbine ne demande pas leur ouverture.
6 – Le transitoire d’î lotage
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• La situation d’îlotage est détectée par la décroissance brusque de la pression première roue turbine (critère : passage de la puissance – estimée à partir de la P1RT – d’une valeur supérieure à 40 % à une valeur inférieure à 28 % en moins de 10 secondes), ce qui entraîne la validation de la pression de consigne fixe d’îlotage (pression du barillet vapeur), dont la valeur a été choisie de façon à ce que la tranche se stabilise à environ 30 %Pn. • La fermeture des vannes réglantes d’admission à la turbine provoque une chute de la puissance extraite aux GV. • La vapeur produite dans les GV n’étant plus évacuée, la pression augmente dans les GV et le barillet vapeur (figure 6.5). • La régulation turbine passe automatiquement en mode direct (c’est-à-dire en asservissement de l’ouverture8 ). La référence de puissance P0 n’est pas modifiée. • La fermeture des vannes réglantes d’admission à la turbine provoque également un phénomène de fort tassement9 de niveau dans les GV. Cette baisse transitoire de niveau est la réponse naturelle d’un GV à un échelon négatif de débit de vapeur (figure 6.3).
Figure 6.3. Tassement et gonflement du niveau d’eau des GV.
Le phénomène de tassement va être accentué par le refroidissement de l’eau alimentaire ARE. En effet, la chute de pression dans les corps HP et BP, consécutive à la 8 L’ouverture des soupapes est fixée en boucle ouverte à partir de la référence charge P0 corrigée de kf. Se référer à l’annexe 3 « Régulation du groupe turbo-alternateur ». 9 Les phénomènes de tassement et de gonflement du niveau d’eau dans l’espace annulaire (downcomer) sont induits par des échelons négatifs ou positifs de débit de vapeur. Les variations de débit vapeur modifient fortement les pertes de charges diphasiques de la circulation montante d’émulsion eau + vapeur autour des tubes en U. Les conditions de l’équilibre dynamique entre la colonne d’eau de l’espace annulaire et de la colonne diphasique dans la partie centrale du GV se trouvent modifiées en cas de changement du débit massique de vapeur, et le niveau d’eau varie en conséquence. Le lecteur se reportera à l’ouvrage de la même collection La chaudière des réacteurs à eau pressurisée au chapitre 14, où ce phénomène et la régulation de niveau sont expliqués.
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Figure 6.4. Position commandée (c’est-à-dire réalisée) des groupes de compensation de puissance et position de R.
fermeture des vannes réglantes HP (vannes GRE qui règlent la charge), entraîne une fermeture des clapets des soutirages alimentant les réchauffeurs des postes d’eau HP et BP. De plus, le débit de vapeur du soutirage n◦ 4 en sortie de corps HP s’annule (fermeture des clapets antiretour, par inversion du différentiel de pression entre le corps HP et le dégazeur) : la pression et la température dans la bâche ADG diminuent. Le gradient de refroidissement de l’eau alimentaire est toutefois limité par l’inertie thermique de la bâche. L’opérateur eau-vapeur surveille le niveau des GV mesuré en gamme étroite. • La température moyenne de référence Tréf prend sa valeur définitive (300,3 ◦ C environ) élaborée à partir de la grandeur image de la charge totale qui est d’environ 30 % (également appelée image de la puissance secondaire10 ). • Les groupes de compensation de puissance (GCP) reçoivent un ordre d’insertion jusqu’à la consigne de position élaborée à partir de la grandeur image de la puissance secondaire. Ils rejoignent cette consigne de position à la vitesse de 60 pas/min (770 pas – 36611 pas = 404 pas ; à 60 pas/min12 , cela fait un minimum théorique de
10 Le signal caractéristique de la puissance totale secondaire adressé à la régulation de température moyenne primaire est élaboré à partir de la pression de consigne GCT-c et de la pression première roue (image de la charge totale). 11 On suppose ici que la courbe de calibrage donne une position de 366 pas pour une puissance secondaire de 30 %. 12 On rappelle que le déplacement des groupes de compensation de puissance se fait à vitesse constante de 60 pas/min et n’est effectif que si le signal d’écart dépasse une bande morte.
6 – Le transitoire d’î lotage
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6 minutes 45 secondes). La courbe G313 fait la correspondance entre la position des GCP à la fin de leur insertion et la grandeur image de la puissance secondaire. • La régulation de température moyenne combine l’action dérivée (dite de déséquilibre de puissance primaire/secondaire) et la chaîne fermée (d’écart entre la température moyenne primaire mesurée et sa consigne), qui commandent toutes deux l’insertion du groupe R. • L’OPR met deux orifices de détente du système RCV en service, en prévision de dilutions/borications (borication pour la limite très basse d’insertion du groupe R et dilution pour contrer le xénon). • L’opérateur primaire surveille la LTBI (limite très basse d’insertion14 ) qui est atteinte par le groupe R et signalée par une alarme émise par le système RGL. Huit minutes de fonctionnement sont autorisées sous la LTBI ; une borication à 36 m3 /h est engagée pour que R remonte au-dessus de la LTBI à l’issue des huit minutes. • Dans un premier temps, la puissance primaire est supérieure à la puissance extraite aux GV ; la température moyenne cœur augmente jusqu’à un maximum atteint au croisement entre les deux puissances. • La puissance nucléaire baisse sous l’action conjuguée des insertions de R et des GCP, et de l’augmentation de la température moyenne primaire. • L’augmentation de la température moyenne entraîne un pic de pression primaire, qui est limité par l’ouverture en grand des deux lignes d’aspersion dans le pressuriseur. • Ouverture des vannes réglantes ARE gros débit sous l’action de la régulation des niveaux GV, en réponse aux tassements de niveaux. • Signaux de demande de déverrouillage : apparition du C7A15 autorisant l’ouverture des groupes 1 et 2 du GCT-c16 et apparition du C7B17 autorisant l’ouverture des groupes 3 et 4. De 20 secondes jusqu’à 2 minutes • La puissance primaire devient inférieure à la puissance secondaire, la température moyenne primaire diminue et le niveau dans le pressuriseur baisse. • La température moyenne est supérieure à la référence et la puissance nucléaire est également supérieure à la grandeur image de la charge totale secondaire. 13 Se reporter à la section sur la commande des groupes de compensation de puissance du chapitre 3 « Introduction au fonctionnement et au pilotage des REP ». 14 Les limites d’insertion des groupes de grappes sont une hypothèse importante des études de sûreté, d’où la nécessité de les respecter au cours de l’exploitation des tranches. La LTBI de R est plus haute dans la seconde moitié du cycle que dans la première. Elle s’enfonce dans le cœur linéairement avec l’augmentation de puissance. Dans notre exemple, elle se situe entre 185 pas extraits (à 100 %Pn) et 197 (à 30 %Pn). 15 Délestage estimé sur l’évolution de la P1RT ; supérieur à 15 %Pn en instantané ou dépassant 7,5 %Pn/min. 16 Le GCT-c n’est autorisé à s’ouvrir que si la température moyenne primaire est supérieure à 295 ◦ C (P12) et le condenseur disponible. 17 Délestage estimé sur l’évolution de la P1RT supérieur à 50 %Pn en instantané ou dépassant 25 %Pn/mn.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 6.5. Pression du barillet vapeur et ouverture du GCT-c.
Figure 6.6. Ouverture du GCT-c et gonflement de niveau dans les GV.
• La pression au barillet augmente rapidement, dans un premier temps le signal dérivée18 provoque l’ouverture rapide de tous les groupes de soupapes GCT-c (figure 6.5). Cela a pour conséquence un gonflement des niveaux d’eau dans les GV (figure 6.6). L’ouverture rapide du quatrième groupe de vannes GCT-c déclenche l’ouverture en grand des vannes de soutien vapeur ADG117VV et ADG118VV, qui participent au contournement 18 La pression du barillet vapeur est filtrée puis dérivée, la sortie du dérivateur est utilisée pour élaborer une
demande d’ouverture rapide (en cas de variation rapide de cette pression) ou bien d’ouverture modulée.
6 – Le transitoire d’î lotage
209
de la turbine. Ceci anticipe l’action de la régulation associée à la dépressurisation de la bâche, et de ce fait contribue à limiter la baisse de pression dans la bâche ADG. Puis la régulation du soutien vapeur agit sur l’ouverture des deux vannes (pleine ouverture jusqu’à 2 minutes après le début de l’îlotage) pour limiter la vitesse de dépressurisation du dégazeur et assurer une pression minimale19 . Les ordres d’ouverture rapide s’éteignent successivement pour les groupes 4, puis 3, puis 2, puis pour les vannes 31 à 33VV. Le régulateur proportionnel module20 l’ouverture du GCT-c en réponse à la consigne fixe de pression de 75,6 bars abs. • L’ouverture du GCT-c permet d’observer (figure 6.7) le comportement de la chaîne de régulation du P eau-vapeur21 (TPA).
Figure 6.7. Vitesse des TPA.
La vitesse des TPA est asservie de façon à ce que la pression au refoulement des TPA réalise un P barillet eau-vapeur égal à une consigne, qui est une fonction de la charge. Les variations de vitesse des TPA s’expliquent par les évolutions du P barillet eau-vapeur de consigne, et par les évolutions des valeurs de pression : – la consigne étant élaborée à partir du débit massique de vapeur, elle évolue selon l’ouverture du GCT-c (ouverture rapide, puis modulée) ; – pendant les deux premières minutes, la pression au barillet vapeur augmente (augmentation de 9 bars pendant la première minute) et la pression dans la bâche ADG diminue : la pression au refoulement des TPA doit augmenter afin de compenser l’augmentation de l’écart entre la pression de la bâche ADG et celle du barillet vapeur. 19 Le lecteur peut se reporter à l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur ». 20 À terme, seuls restent ouverts les groupes 1 (vannes GCT31 à 33VV) et 2 en ouverture modulée, ainsi que les
vannes 10 et 20VV en ouverture totale, pour régler la pression du barillet vapeur et anisi fixer la pression vapeur en sortie des GV. 21 Le lecteur peut se reporter à l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur ».
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Figure 6.8a. Courbe caractéristique d’une pompe équivalente à l’ensemble pompe alimentaire + pompe nourricière.
L’augmentation des vitesses jusqu’à t = 1 minute s’explique par l’ouverture rapide du GCT-c (augmentation du P barillet eau-vapeur de consigne) ainsi que par l’augmentation de l’écart entre la pression de la bâche ADG et celle du barillet vapeur. Après t = 1 minute, la TPA ralentit : en effet, le GCT-c réduit son ouverture et la pression au barillet n’augmente presque plus. À partir de t = 2 minutes, les vitesses des TPA se stabilisent à une valeur proche de la valeur précédant l’îlotage. Ceci indique que les points de fonctionnement, avant et après le déclenchement de l’îlotage, sont situés sur des courbes caractéristiques de pompe quasiment indentiques (dans le plan (HMT, Qv )). La figure 6.8a représente l’allure de la courbe caractéristique d’une pompe équivalente à l’attelage pompe alimentaire + pompe nourricière et les points de fonctionnement avant et après l’îlotage. En îlotage, le P apporté par les TPA (pompes équivalentes) est plus élevé qu’en fonctionnement à puissance nominale, étant donné que la valeur de la pression de la bâche alimentaire est plus faible et que celle de la pression au barillet vapeur plus élevée. La figure 6.8b montre le résultat du calcul manuel des valeurs de pression aux points d’intérêt situés entre la bâche et le barillet vapeur, pour le fonctionnement à puissance nominale et l’îlotage. La chaîne de réglage du P eau-vapeur assure le maintien du P aux bornes des soupapes ARE à 3 bars. Le lecteur peut se reporter à l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur ». • À partir de la fermeture des vannes d’admission vapeur à la turbine, cette dernière ralentit depuis sa vitesse maximale atteinte (environ 1 580 tours/min). En effet, la puissance électrique active fournie par l’alternateur aux auxiliaires (environ 60 MWe) n’est pas compensée par une puissance mécanique motrice égale ; l’énergie cinétique de rotation du GTA se consomme. L’évolution de la vitesse rotor du groupe dépend du déséquilibre entre la puissance mécanique produite par le groupe et la puissance électrique, que l’on peut écrire suivant la relation fondamentale de la dynamique : Pméca − Pélec r ésist = JΩ ddtΩ
6 – Le transitoire d’î lotage
211
Figure 6.8b. Valeurs de pression entre la bâche alimentaire et le barillet vapeur. Comparaison entre le fonctionnement à puissance nominale et l’îlotage.
• À environ 1 570 tours/min, la loi d’ouverture des soupapes modératrices (admission vapeur BP) demande leur ouverture ce qui a pour effet de dégonfler les GSS (la vapeur des GSS part dans les corps BP) ainsi que le corps HP. Cela limite le ralentissement du GTA, la décélération observée étant plus faible que la valeur calculée avec la relation ci-avant en supposant la puissance mécanique nulle (292 tours/min2 ). • Les vannes réglantes HP se rouvrent à partir d’une vitesse de 1560 tours/min sous l’action du réglage primaire de fréquence (régulateur proportionnel). Cette vitesse correspond à P0 + kf qui devient positif (avec un statisme de 4 %, une vitesse de 1 560 tours/min c’est-à-dire une déviation de fréquence de 4 % entraîne une action correctrice P = −P0). • Le débit vapeur turbine se stabilise à environ 5 % du débit nominal. • Après la réouverture des vannes GRE, la grandeur image de la charge totale est calculée à sa valeur finale qui tient compte de la P1RT. Après t = 2 minutes • La pression primaire diminue jusqu’à atteindre 150 bars. En effet, la baisse du niveau pressuriseur, après le passage par son maximum, détend un matelas de vapeur qui a préalablement subi une aspersion, d’où une baisse importante de la quantité de vapeur. Les chaufferettes du pressuriseur remontent progressivement la pression à 155 bars. • La température moyenne rejoint Tréf sous l’action des grappes régulant la température.
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Figure 6.9. Puissance primaire en cours d’îlotage.
• Alors que les GCP continuent à s’insérer, Tmoy a déjà rejoint Tréf et le déséquilibre de puissance primaire/secondaire s’est réduit ; on pourrait s’attendre à ce que R se stabilise (si la dilution compense la montée du xénon). Cependant, on observe alors une extraction de R qui compense l’antiréactivité apportée par G1, G2, N1 et N2 jusqu’à ce que ces groupes aient fini de s’insérer. • L’opérateur engage une dilution pour compenser l’augmentation de l’antiréactivité xénon. Le risque est l’extraction complète qui entraîne la perte de contrôle de la température moyenne par le groupe R. Stabilisation de la tranche Dans l’exemple étudié, la tranche se stabilise vers 38 %Pn (figure 6.9). En fin d’îlotage, seuls restent ouverts les groupes 1 (vannes CGT31 à 33VV) et 2 en ouverture modelée, ainsi que les vannes 10 et 20VV en ouverture totale. La pression dans la bâche ADG est maintenue à 2,5 bars par le soutien vapeur, le soutirage n◦ 4 n’intervient pas, car la pression à la sortie du corps HP est inférieure à 2,5 bars en raison de la faible charge à la turbine. En situation d’îlotage, la pression de vapeur de chauffe aura diminué lentement (en un quart d’heure afin d’éviter les variations de température trop rapide des faisceaux) sous l’action de la régulation de vapeur de chauffe, jusqu’à un talon de 6 bars. La pression des soutirages des corps BP de la turbine a chuté, l’eau d’extraction n’est plus réchauffée par le poste d’eau basse pression et entre dans la bâche ADG à la température du condenseur ; l’eau de la bâche est réchauffée par le soutien vapeur, sa température est donc de 127 ◦ C. Étant donné l’absence de réchauffage HP, c’est également la température de l’eau alimentaire. La vitesse se stabilise à 1 557 tours/min : l’opérateur eau/vapeur ajuste en manuel la référence charge P0 avec une pente de 200 MW/min pour ramener la vitesse du GTA à 1 500 tours/min, soit 50 Hz (figure 6.10). Ce qui revient à régler P0 à une valeur correspondant à la consommation effective et réelle des auxiliaires.
6 – Le transitoire d’î lotage
213
Action du LVA Ralentissement : l’énergie cinétique du GTA est consommée par les pertes et la puissance électrique absorbée par les auxiliaires Début de l’action engagée par l’opérateur pour ramener la vitesse à 1500 tours/minute. Le réglage primaire intervient, arrête le ralentissement du GTA, et stabilise la vitesse à 1557 tours/minute. Le débit de vapeur à la turbine permet l’alimentation des auxiliaires
Figure 6.10. Correction par l’OPS de la vitesse du groupe turbo-alternateur.
Figure 6.11. Détermination de la fréquence de stabilisation en cas d’îlotage, avant la correction par l’OPS.
L’évolution de la vitesse du GTA peut s’expliquer de la façon suivante. En mode direct, ou référence charge, la position des vannes qui règlent le débit d’admission vapeur à la turbine est déterminée par (P 0 + k f ). La puissance de consigne P0 de l’alternateur est de 100 % de la puissance nominale, alors que la consommation des auxiliaires de tranche n’est que de 60 MWe22 environ. La vitesse de rotation du GTA se stabilise et demeure constante quand la puissance fournie est égale à la puissance absorbée. Mais à quelle vitesse ce régime permanent va-t-il s’établir ? C’est ce que nous allons déterminer (se reporter à la figure 6.11). 22 Se reporter à l’annexe 4 « Évacuation d’énergie ».
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Le point de fonctionnement initial est caractérisé par le couple (P0 ; f0 = 50 Hz). Le point de fonctionnement final est caractérisé par (P0 + kf ≈ 60 MWe ; f0 + f ). C’est le régulateur proportionnel (réglage primaire de fréquence) qui va imposer le point de fonctionnement final. Le réglage primaire apporte un terme correctif à la commande des vannes de façon à ce que la vitesse reste proche de 1 500 tours/min. L’action correctrice P est proportionnelle à l’écart en fréquence constaté entre la fréquence mesurée et la fréquence de consigne : f = f – f0 . Dans un plan fréquence/puissance, le point de fonctionnement final est situé à l’intersection entre la droite verticale d’abscisse ≈ 60 MW qui caractérise le procédé physique et la droite de statisme déterminée par la conception de la régulation (régulateur proportionnel). La droite de statisme passe par le point de fonctionnement initial et sa pente est de f 1 P = k . Dans le cas d’un îlotage à partir d’une puissance initiale de 100 %, le terme correctif à appliquer est une réduction de la puissance motrice que l’on peut considérer comme égale à 95,6 %. Un calcul rapide permet d’obtenir la fréquence de stabilisation, avant l’action correctrice de l’opérateur. Compte tenu du statisme du réglage primaire de fréquence égal à 4 %, une puissance électrique d’environ 4,4 % (alimentation des auxiliaires) se traduit par une fréquence : P f = f0 + f = f0 1 + 4% PN 23 de 1 557 tours/min. f = 50 1 + 4% 95,6 100 = 51,9 Hz soit une vitesse turbine
6.4. Ce qui doit être évité lors de l’îlotage • La sollicitation de la décharge pressuriseur (la décharge s’effectue dans le RDP24 ), • la sollicitation du GCT-a, • la décharge par les soupapes GV, • un arrêt automatique du réacteur par bas ou haut niveau GV, • un AAR par variation trop rapide du flux nucléaire niveau puissance. La conception de cette protection tient compte de l’effet des variations de vitesse pompes primaires et de température branche froide sur le flux nucléaire, afin d’éviter des AAR intempestifs lors de l’îlotage. Il s’agit du risque le plus courant. Le risque est plus élevé en fin de vie étant donné les valeurs plus négatives de coefficient modérateur. Cet AAR est conçu pour intervenir en cas d’éjection de grappe à puissance intermédiaire ou de chute intempestive de grappe susceptible de conduire à un bas RFTC, 23 Les GMPP se stabilisent à une vitesse légèrement plus faible, en raison du glissement. 24 Réservoir de décharge du pressuriseur, situé dans le bâtiment réacteur.
6 – Le transitoire d’î lotage
215
• une montée du groupe R en butée haute en fin de transitoire, • un refroidissement excessif par effet xénon. Les régulations doivent assurer le fonctionnement correct de la tranche au cours du transitoire.
6.5. Réflexions sur le déroulement du transitoire et l’atteinte de l’état final de la tranche La formule simplifiée de la puissance échangée aux GV, PGV ≈ h.S(Tmoy − Tsat ), permet de comprendre que le fait de fixer une valeur de température moyenne et une pression secondaire revient à déterminer la puissance finale à laquelle le système va se stabiliser. L’état final de la tranche, qui peut être caractérisé par la puissance thermique primaire et la température moyenne primaire est déterminé par : • la pression secondaire, qui dépend de l’action de la régulation du GCT-c visant à obtenir la pression de consigne au barillet vapeur, • la température moyenne, réglée à sa valeur de consigne par le groupe de grappes R. La température moyenne de consigne est élaborée à partir de l’image de la puissance secondaire. Cette image de la puissance secondaire est obtenue par combinaison linéaire – moyennant des gains qui assurent la mise à l’échelle – de la pression première roue turbine P1RT et de la pression de consigne d’ouverture du GCT-c. Cette grandeur image de la charge totale se substitue à la puissance turbine lorsque le contournement est ouvert. Elle est exprimée en MWe : par exemple 360 MWe. Pour la commande des groupes de compensation de puissance, la grandeur image de la charge totale est comparée, après filtrage, dans un sélecteur de maximum au signal issu de la régulation de la turbine. La sortie du sélecteur de maximum est convertie en demande de position des groupes de compensation de puissance (GCP). Après un fonctionnement transitoire, la tranche se stabilise dans l’état final. Comment le rejoint-elle ? Dans l’îlotage, le principe turbine prioritaire et cœur suiveur est sans objet puisque le secondaire est commandé en pression. Cette situation est comparable à celle de la montée en puissance de la tranche avant le couplage de l’alternateur au réseau, et dans ce cas la puissance nucléaire est commandée par les moyens de contrôle de la réactivité. Dans la première partie de l’îlotage correspondant à la phase de réchauffement primaire, la puissance thermique est supérieure à la puissance extraite au secondaire. La puissance thermique primaire diminue en raison des insertions des différents groupes de grappes et des contre-réactions associées à l’effet de température du modérateur. Au moment où la puissance thermique et la puissance extraite au secondaire se rejoignent, qui correspond à l’atteinte de la température moyenne maximale (environ 27 secondes après le début de l’îlotage), le système passe par un état potentiellement stable. Après son croisement avec la puissance extraite au secondaire, la puissance thermique ne cesse de diminuer, en raison de l’action des groupes de grappes R et GCP qui continuent à s’insérer.
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Une diminution de la puissance thermique du réacteur entraîne un refroidissement primaire, qui fait diminuer la puissance extraite au secondaire. À partir de l’ouverture modulée du GCT-c, la puissance extraite au secondaire est suiveuse, avec retard, de la puissance thermique primaire. Ce processus se déroulera jusqu’à ce que les GCP aient atteint leur position finale. Quand les grappes de commande cessent d’agir sur la puissance thermique primaire, le système s’installe dans un presque état d’équilibre.
6.6. Quelques calculs simples pour l’îlotage 6.6.1. Gradient de baisse de puissance nucléaire en fonction de l’insertion des grappes de commande La puissance nucléaire est gouvernée par l’insertion des grappes de commande pendant l’îlotage. Le réacteur étant en puissance, il est nécessaire de prendre en compte les effets de température. Les contre-réactions thermiques (effet de température du modérateur et effet Doppler) viennent freiner la baisse de puissance, qui n’obéit plus aux seules équations de la cinétique. Le problème est paradoxalement plus facile à traiter que celui de la cinétique pure. On assimile l’antiréactivité apportée par les grappes qui s’insèrent dans le cœur à une succession d’échelons négatifs, en marches d’escalier. Si l’on considère que les variations de réactivité dues à l’effet modérateur sont négligeables, l’hypothèse d’un régime quasi permanent illustrée par la figure 6.12 montre que l’on peut déclarer égales en valeur absolue l’antiréactivité apportée par les grappes tout au long de leur insertion et la réactivité apportée par le refroidissement du combustible entre le début et la fin du transitoire. Nous pouvons maintenant réaliser un bilan de réactivité pour illustrer ce raisonnement à partir de l’îlotage illustrant ce chapitre. On considère la baisse de puissance entre 100 % et 70 %, représentée sur la figure 6.13. L’épuisement étant d’environ 6 000 MWj/t, on prendra les données suivantes, interpolées à partir des valeurs du tableau 2.7 : coefficient de température du modérateur : αmod = −44pcm/◦ C, coefficient Doppler-puissance : −12,3 pcm/%Pn. La température moyenne primaire augmente au début de l’îlotage avant de diminuer ensuite. L’écart de température entre les deux instants étudiés (30 secondes et 1 minute 30 secondes) est à peine de +1 ◦ C : on néglige l’effet de température du modérateur. L’effet Doppler contribue à la variation de réactivité. Le gain de réactivité par effet Doppler est de : ( − 30) × ( − 12,3) = 370 pcm. Lors de l’îlotage considéré, entre 100 %Pn et 70 %Pn : • il s’écoule 1 minute ; • le groupe R s’insère de 220 − 150 = 70 pas. On retrouve la vitesse maximale d’insertion de R, 72 pas/min ; • le groupe G1 s’insère de 242 − 182 = 60 pas. On retrouve la vitesse nominale d’insertion des groupes de compensation de puissance, 60 pas/min.
6 – Le transitoire d’î lotage
217
Hypothèse: effet modérateur = zéro
Antiréactivitéinsérée par les grappes
Réactivité globale du coeur «décomposée pas àpas»
Réactivité globale du coeur Chaque échelon négatif de réactivité apporté par les grappes entraîne une baisse exponentielle (la pulsation de l’exponentielle diminue quand la réactivité revient vers zéro) du flux neutronique, donc une baisse de la température du combustible, ce qui va libérer de la réactivité. Le système trouve un équilibre quand la baisse de température du combustible, liée à la décroissance du flux, vient àcompenser la baisse de réactivité introduite par l’échelon négatif de réactivité.
Flux neutronique
On fait l’hypothèse selon laquelle le système est en permanence à cet équilibre lors de l’insertion des grappes.
Figure 6.12. Insertion des grappes et régime quasi permanent.
Figure 6.13. Puissance et insertion de R et G1 au début de l’îlotage.
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Les effets en réactivité de l’insertion des groupes peuvent être quantifiés en prenant les efficacités différentielles suivantes : • −5 pcm/pas pour le groupe R, • −1 pcm/pas pour le groupe G1 au début de son insertion (les autres groupes immobiles). L’insertion globale d’antiréactivité par les grappes est de −410 pcm. En première approximation, l’insertion des grappes compense les effets de température.
6.6.2. Amplitude du pic de température en début d’îlotage et durée d’obtention du pic de température La température moyenne primaire est gouvernée par l’écart entre la puissance primaire et la puissance extraite par les générateurs de vapeur. La chaleur reçue par le fluide primaire jusqu’au pic de température est obtenue en intégrant la différence entre la puissance primaire et la puissance extraite aux GV. Cette énergie reçue peut être utilisée pour calculer l’élévation de température, à condition de connaître la capacité calorifique de la tranche (c’est-à-dire l’énergie qu’il faut apporter pour élever la température moyenne primaire de 1 ◦ C). Il est difficile d’estimer correctement la puissance extraite par les générateurs de vapeur à partir des données enregistrées sur tranche. En effet, dans un fonctionnement transitoire comme celui de l’îlotage, il se produit des variations importantes du débit massique de vapeur fournie par les GV, ainsi que des déséquilibres entre la puissance cédée par le primaire aux GV et la puissance fournie par les GV au secondaire. Au moment de la fermeture des vannes d’admission vapeur à la turbine, le bilan enthalpique ci-dessous n’est pas applicable pour estimer la puissance extraite car le débit de vapeur devient quasi nul25 au début de l’îlotage, et cela jusqu’à l’ouverture du contournement turbine au condenseur : Qvap hvapeur saturée − QARE heau alimentaire Cependant, même si le GV ne fournit plus ni matière ni énergie au secondaire, il continue à extraire de la puissance au circuit primaire par transfert de chaleur du circuit primaire vers la masse d’eau présente au secondaire. On se trouve donc en présence, au niveau du GV, de phénomènes d’accumulation (ou de déstockage) de masse et d’énergie. La formule TML ne s’applique pas non plus, puisqu’elle suppose implicitement une circulation des fluides en régime permanent. La puissance extraite par le GV pourrait être calculée par un bilan thermique effectué côté primaire, entre l’entrée et la sortie du GV. Pcéd ée = QCp (Tentrée GV − Tsortie GV ) Cependant, les températures à l’entrée et à la sortie du GV ne sont pas mesurées, la formule ci-dessus est donc inapplicable. Il ne faudrait pas commettre l’erreur de prendre à la place des températures en entrée et sortie de GV les températures d’entrée et de sortie cœur, car ce faisant c’est la puissance 25 Quasi nul : en effet, il reste les soutiens de vapeur et l’alimentation des TPA.
6 – Le transitoire d’î lotage
219
Figure 6.14. Détermination de l’énergie du circuit primaire qui n’est pas extraite au secondaire.
thermique du cœur que l’on calculerait ! À un instant donné, en régime transitoire, les températures en sortie du cœur et en entrée du GV sont différentes, ainsi que les températures en sortie du GV et en entrée du cœur26 . Une simulation effectuée avec le simulateur SOFIA permet de tracer (figure 6.14) la différence entre la puissance primaire totale (c’est-à-dire la puissance thermique du cœur + la puissance absorbée sur l’axe des GMPP qui est dégradée sous forme de chaleur) et la puissance extraite aux quatre GV (par production de vapeur). La puissance extraite aux quatre GV provient d’un calcul CATHARE. L’intégration de ce déséquilibre de puissance primaire/secondaire donne une énergie de 4 150 MJ. On peut lire également sur la courbe que le pic de température est atteint vers 27 secondes. Une valeur de la capacité calorifique peut être établie ; elle dépend en partie de la dynamique du transitoire. Au cours de l’îlotage, le pic de température étant rapidement atteint, on peut émettre l’hypothèse que tous les matériaux de structure (enveloppe en acier du circuit primaire) ne montent pas en température et n’accumulent pas de chaleur27 . Une estimation de la capacité calorifique est détaillée dans le tableau 6.1. On peut donc estimer par calcul que le réchauffement primaire est de 4 150 / 2 720 = 1,5 ◦ C, avec une température moyenne primaire maximale atteinte environ 27 secondes après le début de l’îlotage. Cette augmentation de température entraîne une montée du niveau dans le pressuriseur et une excursion de pression, combattue par l’aspersion. 26 Le temps mis par le fluide primaire pour effectuer le trajet d’une boucle d’un REP 1 300 MWe est d’environ
15 secondes. 27 A contrario du transitoire de montée dans le diagramme (P, T), pour lequel le gradient de montée en température est plus lent (et limité par les règles de conduite à 14 ◦ C/h sous 50 ◦ C et 28 ◦ C/h au-dessus).
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220
Tableau 6.1. Détermination de la capacité calorifique du primaire couplé thermiquement au secondaire. Masse d’eau considérée (tonnes)
Masse × Cp
5,458
267 Masse d’eau primaire
1 457
4,65
68 Masse d’eau secondaire dans un GV à puissance nominale
1 265 pour les quatre GV
Pression et température de l’eau
Cp Chaleur massique
155 bars ; 300 ◦ C 70 bars ; 230 ◦ C
à pression constante (kJ.kg−1 .◦ C−1 )
Capacité calorifique du primaire couplé thermiquement au secondaire Hypothèses :
(MJ.◦ C−1 )
2 720
• les structures ne sont pas prises en compte, cette estimation de la capacité ne peut être utilisée que pour les transitoires rapides ; • on suppose que les températures primaire et secondaire évoluent pareillement.
6.6.3. Calcul théorique de l’état final tranche REP 1 300 MWe (P’4) après îlotage L’état d’équilibre de la tranche peut facilement être obtenu par calcul, moyennant les hypothèses suivantes. • On néglige le débit de soutien vapeur dans l’état final d’îlotage (l’ordre de grandeur est de 100 t/h de vapeur, directement à la bâche ADG). • Le statisme de la régulation proportionnelle de pression par le GCT-c demande 20 % d’ouverture du contournement par bar d’écart. La pression de consigne au barillet vapeur est de 75,6 bars. • La capacité totale du GCT-c (à pleine ouverture) correspond à 76 %28 du débit nominal de vapeur. • La consommation des auxiliaires (qui représente environ 5 % de la puissance électrique brute nominale) mobilise environ 8 % de la puissance thermique nominale. • La température moyenne primaire est supposée être à l’intérieur de la bande morte de la régulation de température, centrée sur la température de consigne29 de 300,35 ◦ C. • La puissance extraite au secondaire est proportionnelle à l’écart en température Tmoy – Tsat : PGV = h.S (Tmoy – Tsat ) avec h.S = 4,642 %Pn/◦ C.
28 Pour simplifier l’exercice, on suppose cette valeur constante malgré la variation de pression au barillet vapeur en cours d’îlotage. 29 On rappelle que la température de consigne est élaborée à partir de la grandeur image de la charge totale.
6 – Le transitoire d’î lotage
221
• La pression de saturation du GV est supérieure à la pression du barillet vapeur, la différence entre les deux étant due aux pertes de charge. Pour une puissance de 100 %Pn, on suppose cet écart égal à 2,3 bars. L’état de la tranche nucléaire à l’équilibre, solution du problème d’îlotage, est caractérisé par : • la puissance thermique primaire est égale à la puissance extraite au secondaire ; • la puissance extraite au secondaire est la somme de la puissance électrique brute de l’alternateur (on néglige les pertes de la conversion mécanique/électrique) nécessaire à l’alimentation des auxiliaires et de la puissance évacuée à la source froide par le contournement de la turbine au condenseur ; • la puissance évacuée au GCT-c est proportionnelle à l’ouverture du contournement ; • l’ouverture du contournement est proportionnelle à l’écart entre la pression effective du barillet vapeur et sa pression de consigne (un régulateur proportionnel commande l’ouverture du contournement en proportion du nombre de bars d’écart). La solution au problème de l’état d’équilibre de la tranche est obtenue par l’intersection entre deux droites, tracées en figure 6.15, dans un plan (pression de saturation des GV, puissance thermique primaire) : • la première est la pression du barillet vapeur, calculée à partir de la courbe de pression à saturation du GV ; • la seconde est la pression du barillet vapeur qui permet au GCT-c d’évacuer la puissance primaire en complément à la puissance évacuée à la turbine. Il s’agit en fait de la droite de statisme de la régulation du GCT-c. Les caractéristiques de l’état d’équilibre obtenu sont résumées dans le tableau 6.2. Tableau 6.2. Point d’équilibre de la tranche en îlotage. T moy = T réf (◦ C) 300,35
T sat (◦ C) 292,9
P th
P sat GV
Bars d’écart
P barillet
(%Pn) 34,55
(bars abs) 77,62
par rapport à 75,6 bars 1,75
vapeur (bars abs) 77,35
Cependant, le point de fonctionnement atteint par la tranche îlotée n’est pas déterminé de façon univoque : en effet, il est dépendant de la température moyenne, qui peut prendre différentes valeurs dans sa bande morte de ±0,8 ◦ C. En conséquence, la puissance de la tranche en fin d’îlotage est indéterminée à ± 3 %Pn près.
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Figure 6.15. Détermination du point d’équilibre de la tranche en îlotage.
6.7. Un incident intéressant à analyser : l’îlotage sans mouvement de grappes 6.7.1. L’îlotage sans grappes de Chooz Un évènement significatif s’est produit le 2 octobre 2010 sur la tranche 1 du CNPE de Chooz (BU = 31 JEPP), lors de l’essai périodique d’îlotage à partir d’un fonctionnement à 100 %Pn. Lors de cet îlotage, un blocage électronique des grappes a empêché leur insertion dans le cœur. Les tranches du palier N4 étant exploitées en mode A, les conséquences de ce blocage des grappes ont uniquement porté sur la régulation de température moyenne primaire.
6 – Le transitoire d’î lotage
223
Lors d’un îlotage, comme nous l’avons vu précédemment, il se produit une montée en température de 1,5 à 2 ◦ C, la température maximale étant atteinte une trentaine de secondes après le déclenchement de l’îlotage. L’absence de régulation de température moyenne lors de cet îlotage du 2 octobre 2010 s’est traduite par une élévation de température moyenne sensiblement plus importante : +3,2 ◦ C. On rappelle que pendant un îlotage, le secondaire est commandé en pression, donc la puissance secondaire n’est pas imposée par une régulation, comme c’est le cas quand la turbine est couplée au réseau (lors du fonctionnement normal en puissance). Le fonctionnement observé en îlotage est donc type « cœur prioritaire » et « secondaire suiveur ». Dans un îlotage réalisé en mode A, la puissance thermique primaire est diminuée par l’insertion des grappes de commande jusqu’à ce que la température moyenne mesurée rejoigne la température moyenne de référence. Ceci fixe les conditions de stabilisation de la tranche en fin de transitoire. En abaissant la puissance thermique primaire, la puissance extraite au secondaire baisse, avec retard. Si un îlotage s’effectue sans grappes, le déséquilibre de puissance primaire/secondaire entraîne une augmentation de la température moyenne primaire plus élevée (jusqu’à +3,2 ◦ C dans l’exemple considéré), qui par effet de température du modérateur entraîne une baisse de puissance nucléaire. La puissance thermique primaire Pth et la puissance extraite au secondaire finissent donc par se rejoindre ; en effet, tant que Pth est plus élevée que la puissance extraite, la température moyenne primaire augmente et Pth diminue. Quand les puissances se rejoignent, un point d’équilibre est trouvé. Le 2 octobre 2010, la puissance thermique primaire et la puissance secondaire se sont alignées à environ 91 %Pn. Les GCT condenseur et atmosphère étant ouverts à 100 %. La correction du défaut par les automaticiens, 10 minutes après le début de l’îlotage, a permis l’insertion des grappes de régulation et la baisse de la Pth . La tranche s’est ensuite stabilisée à 28 %Pn sur GCT condenseur.
6.7.2. Exercice : détermination analytique de l’état d’équilibre d’un REP 1 300 MW (P’4) à l’issue d’un îlotage sans grappes On considère la situation très hypothétique d’un REP 1 300 MW P’4 effectuant un îlotage à partir d’un état à 100 %Pn, alors que toutes les grappes (GCP et R) sont bloquées à une position fixe. On ne s’intéresse tout d’abord qu’aux premières minutes du transitoire, c’est-à-dire à la valeur à laquelle la puissance va se stabiliser, sans tenir compte de la montée de l’empoisonnement xénon. On reprend les hypothèses utilisées pour le calcul théorique de l’état final de la tranche effectué précédemment, avec les hypothèses supplémentaires : • CTM = −30 pcm/◦ C ; • coefficient Doppler puissance CDP = −12 pcm/%Pn.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Pour résoudre le problème et déterminer le point d’équilibre, on étudie quatre variables en fonction de la puissance thermique nominale. • Le premier tracé considère les valeurs possibles pour la température moyenne primaire et la température à saturation aux GV. En ce qui concerne la température moyenne primaire, on suppose que le bilan de réactivité établi entre l’état final du transitoire et l’état initial est caractérisé par un gain de réactivité par refroidissement du combustible qui est compensé par une perte par échauffement du fluide primaire : Tmoy − Tmoy (100 %Pn) =
CDP (100 − Pth finale ) CTM
Ceci permet d’obtenir la droite donnant l’ensemble des points possibles pour le couple (Tmoy , Pth finale ). On en déduit la valeur de Tsat pour chaque température moyenne par la relation : Tmoy − Tsat Pth finale = 100 h·s • Le second tracé étudie la pression du barillet vapeur, établie à partir de la pression du GV d’une part, et à partir de la droite de statisme d’autre part. La solution du problème correspond à l’intersection des deux droites de pression du barillet vapeur. La figure 6.16 montre que l’on peut estimer ainsi la puissance stabilisée à 80,9 %Pn, pour une pression de vapeur saturante au GV de 81,86 bars abs. Ce transitoire, effectué avec le simulateur SOFIA30 , aboutit à une puissance finale de 81,6 %Pn, pour une pression de vapeur saturante de 80 bars (figure 6.17).
6.8. Élaboration de la grandeur image de la charge totale : pourquoi la consigne d’ouverture et non pas l’ouverture effective ? Pourquoi, dans l’élaboration de l’image de la puissance secondaire, est-ce la pression de consigne du GCT-c qui est utilisée, et non pas son ouverture effective ? 30 La version du simulateur SOFIA de l’INSTN est basée sur la tranche nucléaire Golfech 2, qui fut la dernière
tranche du palier 1 300 MW à être couplée au réseau électrique, en 1993.
6 – Le transitoire d’î lotage
225
Figure 6.16. Point de fonctionnement pour l’exercice de l’îlotage sans grappes.
La nécessaire stabilité du système justifie ce choix. Le raisonnement qui suit tente de le montrer. On suppose que la puissance thermique chaudière et la puissance extraite au secondaire sont égales. Si l’image de la puissance secondaire est élaborée à partir de P1RT et de la consigne d’ouverture du GCT-c, alors le système se stabilise nécessairement, de la façon suivante : • si Tmoy est supérieure à Tréf , alors le groupe R s’insère ; • Pth diminue, Tmoy diminue ; • la puissance extraite au secondaire diminue ;
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure 6.17. Transitoire d’îlotage sans grappes sur le simulateur SOFIA.
• le GCT-c se referme un peu ; • Tréf reste inchangée et le système se stabilise quand Tmoy rejoint Tréf . Si l’image de la puissance secondaire est élaborée à partir de P1RT et de l’ouverture effective du GCT-c, alors le système apparaît potentiellement instable (cela dépend des valeurs des différentes grandeurs physiques) : • si Tmoy est supérieure à Tréf , alors le groupe R s’insère ; • Pth diminue, Tmoy diminue ; • la puissance extraite au secondaire diminue ; • le GCT-c se referme un peu ; • Tréf diminue, ce qui s’oppose à l’action de la régulation de température, visant à diminuer Tmoy jusqu’à ce qu’elle soit égale àTréf .
6.9. Conduite de la tranche après les premières minutes d’îlotage La réduction de puissance nucléaire consécutive à l’îlotage entraîne une accumulation du xénon dans le cœur ; le contrôle de la température moyenne primaire nécessite d’engager une dilution. L’équipe de conduite estime la durée maximale de maintien en puissance en situation d’îlotage, qui tient compte de la possibilité de compenser le xénon. Dans le cas le plus défavorable, la durée maximale de maintien peut être de 1 heure.
6 – Le transitoire d’î lotage
227
Le crédit restant pour un fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire (FPPI31 ) peut également être une contrainte sur le palier bas. À l’issue de la durée maximale de maintien en puissance, l’alternative qui se présente est la suivante : • le retour au réseau. La tranche est recouplée au réseau dès qu’elle reçoit cette demande de la part de l’Unité régionale du système électrique (URSE) dont elle dépend ; • le repli immédiat. Une baisse de puissance est alors effectuée par action de l’opérateur eau-vapeur sur le GCT-c. Après le passage sous le permissif P1032 , l’opérateur provoque le déclenchement de la turbine, ce qui entraîne l’AAR.
31 Le lecteur peut se référer à l’annexe 1 « Les protections du réacteur – l’instrumentation nucléaire » dans lequel la section est consacrée au risque IPG et au FPPI. 32 P10 est élaboré par les CNP à environ 10 %Pn. En 2/4, il valide l’AAR par déclenchement turbine (C8).
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Principales sources utilisées
Pour le chapitre « L’histoire du parc de production nucléaire : une aventure technique, politique et industrielle » « Description des réacteurs G2 et G3 », rapport CEA n◦ 952 (année 1958). « Le programme nucléaire français », rapport CEA n◦ R2697 (conférence de Genève de 1964) par J. Cabanius (EDF) et J. Horowitz (CEA). « La centrale de Bugey » EDF, Direction de l’équipement. « Les bifurcations de la politique énergétique française depuis la guerre », article de L. Puiseux dans les Annales économies, sociétés, civilisations, 37e année, n◦ 4, 1982, pp. 609–620. « Le nucléaire en France », dossier de P. Reuss publié par la revue Regards sur l’actualité, n◦ 373, août/septembre 2011 (Éd. La documentation française). « Histoire de la sureté de l’énergie nucléaire civile en France (1945–2000) », thèse de doctorat en histoire contemporaine soutenue par C. Foasso en 2003 à l’université Lumière Lyon 2. « La politique industrielle nucléaire française : les raisons et les limites d’un succès », article de la Revue d’économie industrielle, vol. 23, 1er trimestre 1983, pp. 286–292. « Qui perd gagne : la stratégie industrielle de la Compagnie Générale d’Électricité dans le nucléaire, des années 1960 à la fin des années 1980 » de Y. Bouvier, A. Beltran, C. Bouneau, D. Varaschin et J.-P. Williot (dir.), État et énergie. XIXe -XXe siècle, Paris, Éditions du Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2009. « Le management du parc nucléaire d’EDF » d’A. Kenedi et D. Clément (Éd. de L’Harmattan). « Superphénix – le nucléaire à la Française » de Claude Bienvenu (Éd. L’Harmattan). « Grande et petite histoire du programme nucléaire français », de P. Boulin, Bulletin de l’académie François Bourdon, n◦ 2, janvier 2001. « Framatome. Du bureau d’ingénierie nucléaire au groupe international » (Éditions Albin Michel), 1995.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
« Chronique de trente années d’équipement nucléaire à Électricité de France », de Georges Lamiral (éditions AHEF). « The PWR 17 × 17 fuel assembly – a design incorporating improved safety margins » de L.P. Arnsberger (GmbH, Germany) et S. Nakazato (Westinghouse Nuclear Fuel Division, USA). « Centrales nucléaires PWR : rappel des limites physiques de fonctionnement du réacteur. Différents modes de pilotage » de F. Hourtoulle, EDF/DE/SEPTEN, 1976. Pour les autres chapitres et annexes « La chaudière des réacteurs à eau pressurisée », ouvrage coordonné par J.-P. Py, collection Génie Atomique, EDP Sciences. « Exploitation des cœurs de REP », de N. Kerkar et P. Paulin, collection Génie Atomique, EDP Sciences. « Physique des réacteurs nucléaires », de R. Barjon, Institut des sciences nucléaires, 1993. « Précis de neutronique », de P. Reuss, collection Génie Atomique, EDP Sciences. « Le combustible nucléaire des réacteurs à eau sous pression et des réacteurs à neutrons rapides », édité par H. Bailly, D. Ménessier, C. Prunier. Eyrolles, Collection du Commisariat à l’énergie atomique, 1996. « Xenon oscillation control in large PWRs using a characteristic ellipse trajectory drawn by three axial offsets », de Y. Shimazu, Journal of Nuclear Science and Technology, vol. 45, n◦ 4, 2008, pp. 257–262. « Les cycles thermodynamiques des centrales nucléaires », ouvrage coordonné par T. Normand, J. Andreani et V. Tejedor, Presses des Mines (Mines Paris Tech). « Surveillance écologique et halieutique du site Électronucléaire de Paluel – année 2005 », Ifremer (mars 2006 – Rapport RST – LERN 06/01). « Examen des critères techniques de sûreté du combustible nucléaire », publié par l’Agence pour l’énergie nucléaire. « The history of LOCA embrittlement criteria », de G. Hache (IPSN, France) et H.M. Chung (Argonne National Laboratory, USA). « Westinghouse emergency core cooling system evaluation model – Summary », de F.M. Bordelon, H.W. Massie, T.A. Zordan (PWR Systems Division, June 1974). « Last stage blade 75 – Improving efficiency » (Alstom Nuclear product solutions). « Evolution des modes de pilotage », article de J.-L. Mourlevat, Revue générale nucléaire, année 1993, n◦ 4. « Rapport définitif de sûreté – palier 1 300 MWe », 1998. « Accidents de réactivité. Transfert des connaissances », EDF SEPTEN, 1992. « Règle de conduite normale PIL – Pilotage des tranches après mise à disposition du réseau », EDF UNIE.
´ Principales sources utilisees
231
« Sur une adaptation erronée de la commande des turbines au réglage de fréquence », J. Barret, EDF, DPT, Centre national des mouvements d’énergie, 1983. « Problèmes posés par l’asservissement de la puissance des turbines », J. Barret, EDF DTG, 1978. « Bilan sûreté 2010 », J.-P. Paul (RTE Mission audit-sûreté, note de 2011). « Référentiel technique de RTE » (RTE, Juillet 2006). « Formation sur simulateur principe de base 1 300 MWe. Dossier technique animateur », EDF, DEPT, DF. « Formation SPIN », document stagiaire, stage n◦ 5919 – EDF ex-SFP Pôle conduite thermique. « Les distributions de puissance dans un REP », support de cours de J. Rivailler, cours ENSAM. « Support de stage FTC 1300 Le secondaire », Service de formation Paluel, EDF, 1994. « La partie conventionnelle des centrales nucléaires à eau sous pression », support de formation de M. Dufrost, mars 2013. « Grandeurs réglées, chaînes de régulation », support de cours de J.-F. Pétetrot, session d’études Centrales à eau sous pression. « Paramètres nucléaires agissant sur la réactivité et la distribution de puissance », A. Darraud, document de formation de l’École de formation d’AREVA. « Optimisation des essais physiques de redémarrage sur un REP 1 300 MWe », rapport de PFE Génie Atomique de L. Courtigné, effectué à EDF/DPN/CNPE de Penly. « Modélisation de la réponse des détecteurs de flux neutronique externes à la cuve (CNS) lors du rechargement des cœurs du parc nucléaire EDF », rapport de PFE Génie Atomique de F. Duplessis, effectué à EDF/UNIE/GECC. « Optimisation de la maintenance des détecteurs neutroniques à EDF », rapport de PFE Génie Atomique de C. Le Berre, effectué à EDF/DPN/UNIE/GMAP. « Étude sur l’optimisation du réglage des détecteurs neutroniques de niveau intermédiaire installés sur le parc », rapport de PFE Génie Atomique de G. Piolain, effectué à EDF/DPN/UNIE/GMAP. « Étude des performances thermodynamiques du palier N4 », rapport du PFE Génie Atomique de Bastien Léger, effectué au CNPE de Civaux (2009).
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A1
Les protections du réacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucléaire
Cette annexe décrit, d’un point de vue fonctionnel, les protections des réacteurs de 1 300 MWe. Deux complément sont apportés, à la fin de cette annexe : la prise en compte du risque IPG dans le système de protection et les STE, ainsi que l’instrumentation nucléaire. Le complément relatif à l’instrumentation nucléaire apporte également des informations sur d’autres paliers. Les valeurs numériques indiquées dans ce chapitre sont celles de la gestion Gemmes. Rappel sur les notations : %Pn : puissance thermique du cœur en pourcent(s) de la puissance nominale, %PN : puissance nucléaire.
A1.1. Introduction au système de protection du réacteur Le système de protection du réacteur (RPR) est un sous-ensemble du contrôle/commande de la tranche nucléaire. Il a pour but la préservation des trois barrières physiques qui s’interposent entre le combustible et l’environnement. Conformément au concept de défense en profondeur, le RPR déclenche un certain nombre d’actions : • alarme : prévient l’opérateur d’une sortie du domaine de démonstration de sûreté, c’est-à-dire quand le point de fonctionnement de la tranche n’est plus dans les hypothèses des études d’accident. L’apparition de l’alarme exige ensuite une action de l’opérateur ; • verrouillage : il s’agit d’une action automatique enclenchée de manière préventive, avant l’atteinte d’une limite entraînant une action de protection, en particulier l’AAR (arrêt automatique du réacteur). Le verrouillage agit sur une ou plusieurs régulations. Par exemple, le franchissement du seuil C3 par le RFTC (calcul effectué par le SPIN) tente d’éviter l’AAR en provoquant un blocage de l’extraction des grappes ainsi qu’une réduction programmée de la charge turbine. Le franchissement du seuil C4 par la Plin provoque les mêmes actions.
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ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
La réduction de charge turbine, le verrouillage du contournement de vapeur au condenseur et le verrouillage du soutien en vapeur vive de la bâche alimentaire constituent d’autres actions de verrouillage ; • protection : les actions de protection ont pour objectif de ramener la chaudière dans un état sûr et de prévenir l’atteinte des limites physiques. L’arrêt automatique du réacteur (AAR) est la principale et la plus connue des fonctions de protection du RPR. D’autres actions de protection ont pour objectif de s’opposer aux sousrefroidissements ou bien aux sur-refroidissements du circuit primaire ; • sauvegarde : le démarrage des actions de sauvegarde a pour objectif de limiter les conséquences d’un accident. Les principales actions de sauvegarde sont : l’injection de sûreté, l’isolement de l’enceinte, l’aspersion enceinte, l’isolement de l’eau alimentaire normale, la mise en service de l’ASG, l’isolement vapeur. Le RPR comprend une pièce maîtresse, le système de protection intégré numérique (SPIN). Le SPIN acquiert des informations telles que les positions des grappes de commande, les vitesses des pompes primaires, des mesures thermodynamiques (températures, pressions) et nucléaires (courants des CNP). Ces informations sont traitées par les algorithmes du SPIN, afin de fournir en continu une évaluation de la situation du réacteur exprimée en tant que marges, relatives à des critères basés sur la puissance linéique et le RFTC1 . Nous rappelons que trois phénomènes physiques sont susceptibles de porter atteinte à l’intégrité de la première barrière lors des accidents de catégorie 2 : • l’ébullition critique qui provoque l’apparition d’un film de vapeur autour de la gaine dégradant fortement l’échange thermique avec le caloporteur, • la fusion à cœur de la pastille d’UO2 , • la rupture de gaine par interaction pastille-gaine (IPG2 ). L’IPG est susceptible de se produire lors des transitoires conduisant à des déformations de la distribution de puissance ou à des augmentations de la puissance du cœur. Les transitoires concernés sont l’augmentation excessive de charge (AEC), le retrait de groupes en puissance3 , la dilution intempestive et la chute de grappes4 . 1 RFTC : rapport de flux thermique critique (terminologie en vigueur). Il s’agit du rapport entre la valeur de
flux thermique conduisant à la crise d’ébullition et la valeur du flux thermique existant. Les anciens synonymes, consacrés par l’usage, sont REC (rapport d’échauffement critique) et les équivalents anglais sont DNBR (Departure from Nucleate Boiling Ratio) ou CHF (Critical Heat Flux ratio). Ce rapport est calculé à l’aide de la corrélation expérimentale Westinghouse Rod Bundle, dite WRB1, qui établit une relation mathématique entre le flux thermique critique et les paramètres mesurés en exploitation (comme par exemple la pression, la vitesse des pompes primaires, l’enthalpie du fluide en entrée cœur). 2 Se reporter à la section 17. 3 À ne pas confondre avec le retrait d’une grappe en puissance, qui est un accident avec un comportement dissymétrique du cœur, et de catégorie 3. 4 La chute de grappes (une ou plusieurs grappes d’un sous-groupe) entraîne une insertion rapide d’antiréactivité, qui provoque un déséquilibre de puissance primaire-secondaire et un refroidissement primaire. L’effet modérateur et la régulation de température moyenne primaire tendent à ramener le réacteur à la puissance initiale, mais avec une distribution radiale très perturbée. La chute de grappes peut également provoquer la crise d’ébullition.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
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Ces phénomènes ne sont pas mesurables directement mais peuvent être conditionnés par deux grandeurs physiques élaborées par mesure et calcul, et comparées à des valeurs limites à ne pas dépasser : le RFTC et la puissance linéique. Ceci explique l’existence de deux chaînes de protection dans le SPIN : la chaîne puissance linéique élevée et la chaîne bas RFTC.
A1.2. L’arrêt automatique du réacteur L’AAR se traduit par la chute sous l’action de la gravité de toutes les grappes de commande, consécutive à l’ouverture des interrupteurs d’alimentation électrique des bobines de maintien des grappes. La puissance du cœur devient égale à la puissance résiduelle. Les différents types d’arrêts du réacteur peuvent être classés de la façon suivante : • manuels, par bouton poussoir en salle de commande. Dans ce cas, on utilise l’acronyme AMR5 ; • issus des chaînes RPN (relatifs au flux neutronique) : haut flux CNS, CNI ou CNP ; dφ dt élevé (augmentation ou décroissance). Tous les niveaux de puissance sont couverts par ces protections neutroniques, étant donné le recouvrement des gammes d’instrumentation (se reporter au paragraphe A1.18 de cette annexe, consacrée à l’instrumentation nucléaire). Ces AAR protègent en cas d’accidents caractérisés par une cinétique rapide et/ou une évolution dissymétrique de la distribution de puissance, les deux chaînes de protection du SPIN ne pouvant pas suivre correctement l’évolution de la puissance ; • issus des algorithmes du SPIN : puissance linéique élevée, bas RFTC, enthalpie sortie cœur élevée, titre sortie cœur élevé ; • relatifs au pressuriseur : très basse (131 bars abs) ou très haute pression pressuriseur (165 bars abs), haut niveau pressuriseur ; • relatifs aux pompes primaires et au débit primaire : bas débit primaire dans deux boucles, bas débit primaire dans une boucle6 , très basse vitesse de deux pompes7 ; • relatifs aux générateurs de vapeur : très bas (15 %, en 2/4) ou très haut niveau dans un GV (82 %, en 2/4 et validé par P16) ; • consécutifs à l’ordre d’IS, au déclenchement turbine (validé par P10 et condenseur indisponible). 5 Contrairement à EDF, la majorité des exploitants ne laissent pas aller le réacteur jusqu’à l’AAR : en cas de dégradation des marges disponibles, et si un AAR est prévisible, alors les exploitants étrangers anticipent l’AAR par un arrêt manuel. À EDF, la pratique est de laisser agir les protections sans les devancer. Ces différences de pratiques introduisent un biais sur les comparaisons exprimées en nombre d’AAR par réacteur par an. 6 Les AAR par bas débit dans une ou deux boucles protègent le cœur contre la crise d’ébullition. 7 Point de consigne à 92,5 %. L’AAR est déclenché en 2/4 et validé par P7. Cet AAR déclenche également l’ouverture du disjoncteur d’alimentation électrique des pompes, la décroissance de vitesse, limitée par le volant d’inertie, étant préférable à une vitesse trop basse causée par une baisse de la fréquence électrique.
236
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
D’autres actions de protection sont également mises en œuvre, mais ne sont pas présentées dans cette annexe. Par exemple, le déclenchement turbine, l’isolement des lignes vapeur et la fermeture des vannes ARE (les vannes réglantes et d’isolement) permettent de lutter contre le sur-refroidissement du cœur.
A1.3. Protections globales et protections locales On distingue les protections globales et les protections locales. • Les protections locales ou génériques ont pour objectif la protection de la gaine, sans a priori sur le scénario accidentel. Elles sont complexes, plutôt adaptées aux accidents à cinétique lente au cours desquels la distribution radiale de puissance évolue de façon symétrique. La chaîne bas REC, ou RFTC, protège le cœur contre la crise d’ébullition et la chaîne de puissance linéique protège le combustible contre la fusion à cœur de l’UO2 et le phénomène IPG. Le phénomène de la crise d’ébullition dans le cœur peut être provoqué par l’évolution de plusieurs paramètres physiques : la température d’entrée du cœur, la pression primaire, le débit primaire, le niveau moyen de puissance, la distribution de puissance. Il y a alors un risque de rupture des gaines des crayons combustibles. Lors de certains transitoires accidentels, le flux de chaleur local peut atteindre des valeurs élevées pouvant mener à l’atteinte de la température de fusion au centre de la pastille. La puissance linéique locale caractérise la température au centre de la pastille. L’écart au risque IPG et l’écart au risque de fusion de la pastille sont évalués par la puissance linéique maximale à la cote z, Plin (z), comparée à des valeurs limites, qui sont fonction de la cote z. L’écart au risque de crise d’ébullition en un point du cœur est évalué par le ratio : φthermique . RFTC = critique φthermique r éel • Les protections globales ou spécifiques. Les protections génériques sont affectées des limitations suivantes : – les chaînes puissance linéique élevée et bas RFTC ont un temps de réponse incompatible avec la cinétique des accidents rapides ; – les chaînes puissance linéique élevée et bas RFTC ont de plus une efficacité limitée dans les situations incidentelles ou accidentelles radialement dissymétriques car les déformations radiales de flux ne sont pas détectées (par exemple en cas d’accident de retrait d’une grappe de régulation réacteur en puissance) ; – le SPIN n’est efficace qu’en puissance, au-delà de 10 %PN et ne couvre pas les accidents initiés à puissance nulle (rupture de tuyauterie vapeur par exemple). C’est pourquoi des chaînes de protection dédiées aux accidents non couverts par les protections génériques sont nécessaires. Elles sont appelées spécifiques puisque chacune repose
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
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sur un paramètre mesuré, indépendant de la distribution de puissance, et caractéristique d’un ou plusieurs accidents. Ce paramètre est comparé à un seuil et l’AAR est déclenché en cas de dépassement. Ces protections sont adaptées aux cinétiques rapides. Les accidents concernés sont, par exemple, la chute d’une grappe ou d’un sous-groupe, les pertes de débit primaire, les brèches primaires/secondaires.
A1.4. Les protections spécifiques relatives au flux et à la puissance thermique Les AAR relatifs au flux neutronique sont résumés dans le tableau A1.1. Tableau A1.1. AAR relatifs au flux neutronique. Description
Logique
Seuil
Flux élevé chaînes sources CNS Flux élevé CNI
2/4
7·10−5 %PN (105 coups/s)
2/4
25 %PN
Flux élevé CNP seuil bas
2/4
25 %PN
Flux élevé CNP seuil haut
2/4
109 %PN
Variation rapide à la hausse du flux CNP
2/4
Variation rapide à la baisse du flux CNP
2/4
Le flux passe par un filtre dérivateur et la sortie est comparée à un seuil positif : +5,9 %PN/s Le flux passe par un filtre dérivateur et la sortie est comparée à un seuil négatif : −4,8 %PN/s Après dépassement du seuil DNBRS
1/4
Accidents susceptibles de solliciter ces AAR (quelques exemples) Dilution incontrôlée Retrait incontrôlé de groupes de grappes réacteur sous-critique Retrait incontrôlé de groupes de grappes réacteur sous-critique Augmentation excessive de charge Retrait incontrôlé de groupes réacteur en puissance Éjection d’une grappe (survenant à partir de n’importe quel niveau de puissance) Chute de grappes
Le tableau A1.1 amène les précisions suivantes. Sur les CNP, il existe deux seuils d’arrêt flux nucléaire CNP : le seuil bas (25 %PN) et le seuil haut (109 %PN). L’AAR à 25 %PN, niveau de puissance atteint par deux des quatre CNI ou CNP (seuil bas), est efficace dans le cas d’un retrait incontrôlé de groupes de régulation, réacteur sous-critique. Après passage du P10, l’AAR par seuil bas peut être bloqué manuellement par l’OPR en même temps que l’AAR haut flux nucléaire CNI (25 %PN). La puissance thermique primaire ne doit pas dépasser la valeur de 102 %Pn, utilisée dans les conditions initiales des études d’accidents survenant à puissance nominale
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
238
(soit 3 876 MW). Une alarme activée à 100,4 % de la puissance nominale, tenant compte des diverses incertitudes (1,6 % au total), permet d’assurer que cette limite de 102 %Pn n’est pas dépassée. Si la puissance thermique dépasse 112,3 %Pn, un AAR validé par P7 se déclenche (en 2/4). Le verrouillage C2 à 103 %PN bloque l’extraction des grappes de façon à éviter l’AAR par flux élevé CNP seuil haut à 109 %.
A1.5. Le système de protection et la fonction de sûreté « surveillance » Les alarmes exigent des actions des opérateurs, afin de garantir que les conditions « préaccidentelles » (état initial de la chaudière et du cœur), qui sont partie intégrante de la démonstration de sûreté, soient toujours respectées. Ceci revient à limiter le domaine de fonctionnement normal de classe 1. Si l’on se limite aux aspects « cœur », cette surveillance des conditions initiales des études d’accident est assurée par : • le respect de la limite droite en déséquilibre axial de puissance : l’opérateur dispose en permanence de la position du point de fonctionnement dans le diagramme de pilotage8 ; • le respect des limites de puissance linéique et RFTC, ce qui nécessite le calcul en ligne de la marge en puissance linéique et de la marge RFTC par rapport aux alarmes associées. Les calculs de ces marges sont présentés plus loin dans ce chapitre.
A1.6. Les protections génériques : paramètres d’entrée des calculs Le système de protection intégré numérique (SPIN) est constitué de quatre chaînes indépendantes (capteurs et traitement) ; la logique de déclenchement de l’AAR est en 2/4. La surveillance du cœur assurée par le SPIN s’appuie sur la connaissance en continu de la distribution spatiale de puissance dans le cœur. Cette connaissance permet d’évaluer beaucoup plus finement les marges par rapport aux phénomènes à risque et de lever de nombreux conservatismes sur la protection du réacteur par rapport aux REP 900 MWe. Pour assurer sa mission, le SPIN acquiert en permanence des paramètres physiques. Les données d’entrée d’une chaîne du système sont les suivantes : • les six courants relatifs aux six sections d’une chambre neutronique ex-core multiétagée (se reporter au dernier paragraphe de ce chapitre) dans un quadrant donné ; 8 Le diagramme de pilotage est présenté dans le chapitre « Introduction au fonctionnement et au pilotage des
REP ».
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
239
• quatre positions mesurées des groupes de grappes de commande R, G1, G2 et N1 (une grappe par groupe de contrôle dans chaque chaîne) ; • la température branche chaude de la boucle considérée (deux sondes de température sont situées en branche chaude) ; • la température branche froide de la boucle considérée (deux sondes de température sont situées en branche froide) ; • la pression pressuriseur : la pression est mesurée sur les quatre piquages communs aux mesures de niveaux. Sur ce dispositif, on dispose donc de quatre mesures de pression indépendantes ; Ω de la boucle. • la vitesse relative de la pompe primaire Ω 0
A1.7. Calculs pour les protections génériques : puissances thermiques et puissances neutroniques, distribution de puissance axiale P (z ) A1.7.1. Puissances thermiques La puissance thermique calculée par l’une des quatre chaînes (notée k) est obtenue en multipliant le débit volumique dans le cœur par la masse volumique en entrée du cœur et par l’écart entre les enthalpies massiques en sortie et entrée du cœur. Le calcul suivant est effectué par le SPIN en utilisant une image du débit primaire, calculée et recalée périodiquement9 , appelée Qcal , corrigée de la vitesse relative de la pompe primaire : k k k Ω = Qcal ρk0 hCk − hFk Pth Ω0 Une protection est associée à cet algorithme de calcul de la puissance thermique : AAR à 112,3 %Pn (validé par P7, en logique 2/4). Cet AAR est redondant avec l’AAR flux élevé CNP seuil haut à 109 %PN, dans le cas où celui-ci ne serait plus disponible ou opérationnel. La puissance thermique moyenne est obtenue en faisant la moyenne : Pth moyenne =
4 1 k Pth 4 k =1
9 Tous les mois, lors de chaque essai périodique EP RPN 11, les Q cal de chaque chaîne sont ajustés de façon à ce que la puissance thermique mesurée par le SPIN soit égale à la puissance résultant d’un bilan thermique de la chaudière réalisé au secondaire, le « BIL100 ». Cet ajustement permet de prendre en compte d’éventuels effets de dérive de capteurs (température, pression, débit).
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
240
A1.7.2. Puissances neutroniques À partir des six courants issus de chacune des quatre CNP, l’armoire RPN appelée « équipement de surveillance des distributions de puissance » (ESDP) effectue un calcul de la puissance nucléaire par chaîne (k = 1 à 4) : k k PRPN = K k KHk IH + KBk IBk 1 + γ T0 − TFk Avec, pour chaque chaîne k : • K : gain utilisé chaque semaine pour recaler la puissance neutronique sur la puissance thermique (EP RPN 8), • IH : somme des trois courants des trois sections hautes, • IB : somme des trois courants des trois sections basses, • KHk et KBk : coefficients de calibrage de l’instrumentation externe en niveau de puissance, qui prennent en compte les différences de sensibilité entre les sections haute et basse. Ils sont recalés lors d’essais périodiques EP RPN 15, • T0 : température branche froide de référence (289 ◦ C en campagne naturelle), • TF : température branche froide mesurée dans la boucle correspondant à la CNP, • 1 + γ T0 − TF : ce coefficient correctif compense le fait qu’une lame d’eau plus froide en périphérie du cœur tend à réduire le nombre de neutrons rapides arrivant sur les CNP. La puissance nucléaire moyenne s’en déduit : PRPN moyenne =
4 1 k PRPN 4 k =1
A1.7.3. Distribution axiale de puissance D’un point de vue théorique, la distribution axiale de puissance peut être définie de la façon suivante : moy Plin (z) P (z) = moy Plin (cœur ) La figure A1.1 illustre cette définition. De par sa définition, la distribution axiale de puissance est une grandeur normalisée à 1, c’est-à-dire que les deux surfaces représentées sur la figure A1.2 sont égales. On peut dire que P(z) est un « facteur de forme axial ». À partir des six courants issus de chacune des quatre CNP et de la connaissance de la position des grappes, le SPIN reconstruit quatre distributions axiales de la puissance interne, sur 31 points.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
P(z) =
241
puissance dans la tranche d’épaisseur dz située à la cote z hauteur du coeur × puissance dans l’ensemble du réacteur dz
Figure A1.1. Illustration de P (z).
Figure A1.2. P (z) est une distribution normalisée à 1.
À partir des mesures de chaque quadrant, on passe donc d’une vision périphérique (ex-core) à une vision interne (in-core). Dans chaque quadrant, le vecteur à six composantes (les six intensités des chambres multi-étagées) est multiplié par une fonction de transfert, afin d’obtenir P(z). La fonction de transfert (produit de matrices10 [G].[COR].[T−1 ].[S−1 ] ) permettant le passage de la vision périphérique à la vision interne fait l’objet d’un recalage périodique (matrices [T] et [S]). La matrice [COR] est calculée en permanence par le SPIN pour tenir compte de la position des grappes à chaque instant. 10 La matrice COR permet de prendre en compte l’effet de l’insertion des grappes sur les mesures des CNP. Se
reporter au chapitre 4.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
242
Figure A1.3. Illustration des facteurs radiaux Fxy .
La comparaison entre les quatre P(z) élaborés par le SPIN et la distribution P(z) issue des cartes de flux démontre11 la performance des algorithmes du SPIN et la qualité des recalages périodiques effectués par l’exploitant.
A1.8. Calculs des facteurs de pic radiaux Les facteurs de pic radiaux peuvent être définis de la façon théorique suivante : Fxy (z) =
max (z) Plin moy
Plin (z)
.
La figure A1.3 illustre cette définition. Les Fxy des zones non grappées, dits « Fxy TGE » sont déterminés périodiquement12 sur toute la hauteur du cœur par carte de flux dans les conditions toutes grappes extraites, à puissance nominale, à l’équilibre xénon. Cette actualisation périodique permet d’améliorer les marges de fonctionnement par rapport aux seuils d’alarme et d’arrêt automatique du réacteur. Les Fxy TGE mesurés se voient appliqués des majorations avant leur implantation dans le SPIN. Une de ces majorations permet de prendre en compte de façon anticipée l’augmentation des Fxy consécutive à la disparition des isotopes impairs du gadolinium. De cette façon, les paramètres implantés sont conservatifs pendant la période d’un mois qui sépare deux cartes de flux. Le SPIN calcule la puissance linéique quelles que soient les conditions de fonctionnement du réacteur sur les 31 mailles axiales, ce qui nécessite de prendre en compte la présence éventuelle de grappes. Pour cela le SPIN dispose en mémoire de plusieurs séries de Fxy , dits « Fxy zones grappées ». Ces Fxy des zones grappées (différentes configurations grappées sont prises en compte) sont issus de calculs13 et ne sont pas actualisés en cours de cycle. Dans chaque maille axiale du SPIN, les configurations possibles sont : • zone sans grappes (TGE)
déterminés périodiquement par carte de flux
• G1 présent
non actualisés ; calculés
11 À l’exclusion des extrémités du cœur (dernières mailles SPIN), les écarts sont inférieurs à 2 %. 12 Tous les mois, lors de l’essai périodique EP RPN 11. 13 Calculés lors des études de sûreté associées à la nouvelle recharge.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
• R présent
non actualisés ; calculés
• G1 + R présents
non actualisés ; calculés
• G1 + G2 présents
non actualisés ; calculés
• G1 + G2 + R présents
non actualisés ; calculés
• configurations normales avec N1
non actualisés ; calculés
• configurations anormales
non actualisés ; calculés
243
Les valeurs de Fxy à 100 %Pn pour ces huit configurations possibles sont enregistrées dans un tableau [31, 8] : c’est ce que l’on appelle les Fxy tabulés. Les Fxy (z) sont calculés par le SPIN à partir des valeurs tabulées, en tenant compte des conditions particulières de fonctionnement de la tranche (niveau de puissance) et après application de coefficients correcteurs ou pénalités) : calculé tabulé (z) = Fxy (z)Kp[1 + 0,3(1 − Pthr )]Fxénon . Fxy
• Le terme [1 + 0,3(1 − Pthr )] permet de corriger les facteurs de pic radiaux en fonction de la puissance thermique relative Pthr (entre 0 et 1). En effet, en raison des contreréactions, les Fxy diminuent quand la puissance thermique augmente. • Kp : pénalités couvrant d’éventuels désalignements de grappes14 . • Fxénon : pénalité pour intégrer d’éventuelles oscillations radiales du xénon. Il s’agit d’un facteur multiplicatif ajustable pour intégrer également d’autres incertitudes. Fxénon = 1,04 vaut pendant la campagne.
A1.9. Calculs de la puissance linéique maximale à la cote z et du facteur d’élévation d’enthalpie A1.9.1. Puissance linéique maximale à la cote z Le calcul suivant est effectué par quatre chaînes : moy
max calculé (z) = P (z)Fxy (z)[Plin (cœur )Pthr ]KGL Plin (z)
max (z) est en général notée P Remarque : Plin . lin La puissance linéique maximale à la cote z est obtenue à partir de la puissance linéique moyenne à puissance nominale (170,23 W/cm, se reporter au paragraphe A1.14), multipliée par :
• la distribution axiale de puissance P(z) : facteur de forme axial qui permet de corriger la puissance linéique moyenne du cœur pour obtenir la puissance linéique moyenne de la maille z ; 14 Il peut y avoir un désalignement entre grappes d’un même groupe non détecté par le SPIN, qui ne connaît les positions des grappes qu’à 8 pas près. Un tel désalignement produirait une dissymétrie de la distribution radiale et une augmentation des facteurs radiaux de puissance à l’extrémité des grappes. Kp est différent de 1 sur les deux mailles spin situées à l’extrémité de la grappe.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
244
calculé (z) le facteur de pic radial ; • Fxy
• KGL : facteur de correction de grille. max (z) par le SPIN permet d’élaborer des protections. En effet, la La détermination de Plin puissance linéique doit respecter certaines limites à chaque cote axiale :
• la puissance linéique maximale, qui permet de préserver l’intégrité de la pastille en évitant la fusion à cœur et la dégradation de la gaine par IPG : – AAR à 379 W/cm validé par P7 (le seuil d’AAR est décalé en dessous de la limite physique IPG, qui est de 435 W/cm, pour prendre en compte les incertitudes globales de la chaîne), – C4 à 368 W/cm, – seuil d’alarme à 357 W/cm (soit 3 % en dessous du C4) ; • la limite APRP, dont le respect est assuré par une alarme en condition préaccidentelle, permet de garantir la sûreté en cas d’accident de perte de réfrigérant primaire : – seuil d’alarme à 411 W/cm pour les points 1 à 28 (compte tenu des incertitudes de la chaîne en fonctionnement normal, la limite APRP étant alors de 460 W/cm) et décroissant jusqu’à 274 W/cm entre les points 28 à 31. Ces limitations sur la puissance linéique, à chaque cote z, permettent de respecter en cas d’APRP des critères limites sur la température maximale atteinte par la gaine, ainsi que sur son oxydation15 . Ceci permet de garantir la tenue mécanique de la gaine et de limiter la réaction chimique exothermique zirconium-eau16 . La valeur de la température maximale de la gaine est fonction de l’énergie initiale emmagasinée localement dans le combustible, et donc fonction de la puissance linéique à laquelle fonctionnait cette portion de combustible avant l’accident. En conclusion, le seuil d’alarme de la chaîne puissance linéique élevée est élaboré avec les limites les plus contraignantes : 357 W/cm jusqu’au point 28 (correspondant au seuil d’alarme par puissance linéique élevée, à 3 % sous le C4) et décroissant jusqu’à 274 W/cm entre les points 28 à 31 (c’est le seuil d’alarme associé à la limite APRP qui est le plus contraignant). La marge en puissance linéique est calculée de la façon suivante : alarme (z) − P max (z) Plin lin max (z) Plin
100Pth
15 De nombreux essais de trempe et de ductilité effectués sur des tubes de zircaloy non irradiés ont montré que, si la température du gainage reste inférieure à 2 200 F (1 204 ◦ C) et que son oxydation totale (appelée ECr, c’est-à-dire Equivalent Cladding reacted) ne dépasse pas 17 % de l’épaisseur de gaine avant oxydation, alors le gainage n’est pas fragilisé et le maintien d’une géométrie refroidissable est assuré. 16 On rappelle que le zirconium réagit de façon exothermique avec l’eau pour donner de la zircone (oxyde de zirconium) et de l’hydrogène gazeux : Zr + 2 H2 O → ZrO2 + H2 ↑. Les caractéristiques mécaniques de la gaine se dégradent avec son degré d’oxydation.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
245
A1.9.2. Définitions du Q(z ) et du facteur de point chaud FQ Q(z) =
max (z) Plin moy Plin (cœur)
FQ = max(Q(z))
A1.9.3. Facteur d’élévation d’enthalpie De façon générale, le facteur d’élévation d’enthalpie F H d’un cœur de réacteur est défini comme le rapport entre l’élévation maximale d’enthalpie, rencontrée dans le canal chaud, à l’élévation moyenne d’enthalpie du cœur. Ce qui peut s’écrire : (HS − HE )max cœur F H = (HS − HE )moyen cœur avec : • HS enthalpie à la sortie, • HE enthalpie à l’entrée. Cette définition du facteur d’enthalpie est transposée dans le SPIN, dans lequel on ne considère plus le rapport entre le canal le plus chaud (celui produisant l’élévation d’enthalpie la plus élevée) et le canal moyen, mais le rapport entre le crayon le plus chaud et le crayon moyen : F H =
puissance du crayon le plus chaud puissance moyenne des crayons du cœur
En pratique, le SPIN calcule le F H par l’algorithme suivant : 1 L calculé F H = F (z)P (z)dz L 0 xy Cet algorithme montre que le SPIN considère que le crayon chaud du cœur est en quelque sorte un crayon fictif, constitué de la superposition axiale des tronçons de crayons chauds de chaque cote z. Comme le montre la figure A1.4, ce crayon est effectivement fictif car les « rondelles » les plus chaudes à chaque position axiale ne sont pas superposées verticalement et n’appartiennent pas toutes au même crayon.
A1.10. Calcul du RFTC La crise d’ébullition doit être évitée pour les transitoires de classe 1 et 2. Le phénomène de crise d’ébullition se produit à la cote z quand le flux thermique surfacique d’un crayon atteint la valeur de flux thermique critique, qui dépend des conditions de l’écoulement à la cote axiale considérée.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
246
Figure A1.4. Notion de crayon fictif.
La corrélation WRB1, utilisée par AREVA et EDF depuis 1980, permet de calculer le flux thermique critique à partir des conditions thermohydrauliques avec le modèle d’un canal unique fermé. C’est le long du crayon fictif (c’est-à-dire dans le canal chaud) que la crise d’ébullition est susceptible de se produire. C’est pourquoi le SPIN effectue le calcul du flux thermique le long du crayon fictif, par l’algorithme suivant : thermique
φcrayon fictif (z) = 0,974φ0 FQe Pthr P (z)FH Le flux thermique du crayon fictif est obtenu à partir de la puissance thermique du cœur rapportée à la surface d’échange gaine/fluide φ0 (58,52 W/cm2 ), que l’on multiplie par : • 0,974 = 1–2,6 %. En effet, 2,6 % de la puissance nominale sont générés directement dans le réfrigérant par l’absorption des rayonnements gamma dans l’eau et le ralentissement des neutrons dans le modérateur ; ces 2,6 % ne participent donc pas à l’échauffement du combustible ; • FH : facteur d’élévation d’enthalpie. Cette multiplication permet de prendre en compte le fait que le calcul de flux thermique à chaque maille est effectué sur le crayon fictif ; • FQe = 1 : facteur d’incertitude technologique ; • Pthr : la puissance thermique relative ; • P(z) : facteur de forme axial. Le rapport RFTC est défini par : thermique
RFTC (z) =
φcritique (z) thermique
φcrayon fictif (z)
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
247
Figure A1.5. Exemple de flux thermique « du crayon fictif » comparé au flux critique, à 100 %Pn.
La figure A1.5 permet de comparer, sur un exemple de cœur REP 1 300 à 100 %Pn, le flux thermique du crayon fictif (ou le plus pénalisant) et le flux critique résultant du calcul avec la corrélation WRB1. Les valeurs du RFTC indiquées sur la courbe du flux thermique critique correspondent aux positions axiales situées en amont d’une des dix grilles des assemblages, là où se rencontrent les valeurs minimales de RFTC. En effet, les grilles jouent un rôle important dans le mélange, ce qui améliore significativement le RFTC en aval des grilles. On peut remarquer que le minimum de RFTC ne se rencontre pas à la position axiale pour laquelle le flux thermique est maximal, étant donné que le flux critique diminue tout au long de l’écoulement dans le cœur (en raison de l’augmentation de la température du fluide primaire). Sur l’exemple de la figure A1.5, le RFTC minimum est localisé à une position axiale proche de 3,50 mètres et sa valeur atteint au plus 2,46. La valeur moyenne du flux thermique du crayon le plus pénalisant est, sur cet exemple, de 80,7 W/cm2 , et le facteur d’élévation d’enthalpie FH vaut : FH =
80,7 = 1,56 58,52 × 0,974
Le RFTC calculé avec la corrélation de flux critique WRB1 doit rester supérieur à 1,17 compte tenu des incertitudes. La prise en compte de pénalités de fléchissement sur les crayons (4,5 %) impose le critère suivant : Critère RFTC > 1,2317 . La protection du réacteur contre la crise d’ébullition se fait par la chaîne de protection « bas RFTC » à trois niveaux : • AAR bas RFTC = 1,52 en 2/4, validé par P7. Le critère 1,23 est majoré des incertitudes de calculs du SPIN pour aboutir à 1,52. L’AAR bas RFTC est efficace 17 Pour les REP CPY, le critère est de 1,3 en raison de leur utilisation de la corrélation W3, qui est entachée
d’une plus grande incertitude.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
248
(dimensionnement adapté des constantes de temps) en cas de dilution intempestive, de retrait incontrôlé des grappes en puissance18 , à dynamique lente ; • verrouillage C3 ; ce qui entraîne une réduction programmée de charge. Il est situé à 8 % du seuil d’AAR, soit 1,64 ; • alarme bas RFTC = 1,95. L’alarme bas RFTC joue un rôle de surveillance en prévenant l’opérateur que le cœur n’est plus protégé vis-à-vis de certains transitoires nécessitant une protection spécifique contre la crise d’ébullition. Le seuil d’alarme a été dimensionné pour empêcher la crise d’ébullition, en se basant sur l’étude des dφ accidents tels que la chute d’une grappe non vue par dt , les pertes de débit primaire, les brèches primaires et secondaires, les retraits rapides de groupes de grappes. Marge en RFTC :
RFTC (z)−RFTCalarme . RFTCAAR
Le verrouillage est situé à 8 % en dessous de l’AAR. Corrélativement à l’AAR bas RFTC, d’autres signaux provoquent également l’AAR, par exemple le dépassement d’une limite sur le titre (= 0,3) à la sortie du canal chaud (la corrélation de RFTC n’est plus valable si le titre dépasse cette limite) ou le dépassement d’une limite en enthalpie en sortie du cœur, qui doit être inférieure à l’enthalpie de saturation avec un écart de 16,3 kJ/kg. Les calculs du titre à la sortie du canal chaud et de l’enthalpie en sortie du cœur ne sont pas présentés dans cette annexe.
A1.11. Calcul des paramètres de pilotage DPAX et DPRAD Le déséquilibre de puissance axiale moyen du cœur est calculé par le SPIN19 par chacune des quatre chaînes (une CNP dans chaque quadrant) faites par les six sections axiales des CNP : 3 6 k k j=4 Pj − j=1 Pj k DPAX = Pth moyenne 6 k j=1 Pj Dans la formule ci-dessus, les Pjk sont les puissances nucléaires par section et par quadrant (k = 1 à 4). 18 En cas d’accident dissymétrique de retrait incontrôlé d’une seule grappe, le RFTC calculé par le SPIN pourrait être supérieur de peu au seuil d’AAR (= 1,52) alors que des crayons seraient en crise d’ébullition. Pour y parer, le seuil d’AAR par bas RFTC est relevé à 2,08 pour tenir compte de la déformation radiale de la nappe de puissance qui accentue le risque de crise d’ébullition. Ce nouveau seuil n’est validé que sur un critère caractéristique de l’accident de retrait d’une grappe : une élévation anormale de la température branche chaude, au-delà de 329,4 ◦ C. 19 Au démarrage des REP 1 300 MW, le DPAX n’était pas calculé par le SPIN étant donné que les algorithmes calculant le RFTC et la puissance linéique maximale à la cote z n’en ont pas besoin. Il était effectué dans l’ESDP. La détermination du DPAX par le SPIN est une modification qui a été faite en prévision de la gestion Galice (Nogent 2). En effet, dans cette gestion, la limite IPG en puissance linéique (protection par puissance linéique élevée) dépend du DPAX.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
249
Pour les obtenir, et ce dans chaque quadrant, le vecteur à six composantes constitué par les six intensités des chambres multi-étagées est multiplié par les matrices [T−1 ].[S−1 ], de façon à passer de la vision ex-core sur six points à la vision in-core sur six points. La matrice [G], permettant l’interpolation de 6 à 31 points, n’a pas lieu d’être. Le SPIN en déduit le déséquilibre axial nucléaire moyen : DPAXmoy =
4 1 DPAX k 4 k =1
Le DPAXmoy est une grandeur utilisée par les opérateurs pour le pilotage du réacteur, accessible en salle de commande. Cette grandeur présente l’inconvénient de donner une estimation biaisée des déséquilibres axiaux à basse puissance, en raison de la pondération par la puissance relative du réacteur. Ainsi, lors de la première carte de flux à 8 %, le DPAX est typiquement de l’ordre de 2,5 %. Cette faible valeur masque un axial offset élevé de 2,5 / 8 % = 31,25 %. Quant au DPRAD, il est défini comme l’écart entre la puissance thermique moyenne et la puissance neutronique moyenne. Il s’agit d’un paramètre de surveillance et non pas de protection. Le DPRAD n’est pas calculé par le SPIN mais dans l’ESDP.
A1.12. Calcul du DPazn Le DPazn est un estimateur du déséquilibre de puissance dans le plan azimutal sous l’aspect neutronique, calculé par l’ESDP. On rappelle que la puissance neutronique du cœur est calculée quatre fois à partir des six courants issus de chacune des quatre CNP : k k PRPN = K k KHk IH + KBk IBk 1 + γ T0 − TFk Le déséquilibre azimutal nucléaire maximum DPaznmax est défini comme la différence entre les puissances neutroniques maximale et minimale des quatre chaînes : max min − PRPN . DPaznmax = PRPN
Le DPaznmoy se calcule en comparant la puissance neutronique d’un quadrant à la puissance neutronique moyenne (issue des quatre chaînes) : DPazn moy =
4 1 k PRPN − PRPNmoyenne . 4 k =1
Le seuil de l’alarme pour le déséquilibre azimutal externe RPN est fixé à 3,5 % pour le REP 1 300 en mode Gemmes : si le DPaznmax ou DPaznmoy dépasse 3,5 %, alors une alarme est élaborée. En effet, le calcul des facteurs de pic radial Fxy (z) utilisés pour la protection et la surveillance fait appel à un facteur de pénalité Fxe , qui permet de couvrir l’effet d’oscillations
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
250
azimutales sur les Fxy . Quand le déséquilibre azimutal de puissance donné par les chambres externes est inférieur à 3,5 %, la majoration des Fxy liée à la génération d’oscillations radiales et azimutales du xénon est couverte dans le SPIN par le terme FACT. Mais au-delà, ce n’est plus le cas.
A1.13. Les essais périodiques cœur Tout au long du cycle d’exploitations, avec des périodicités définies, l’exploitant réalise un certain nombre d’essais appelés périodiques, qui ont pour but de réactualiser les valeurs des paramètres de protection et de pilotage. Ce sujet des essais périodiques cœur est développé dans l’ouvrage de la même collection Exploitation des cœurs de REP.
A1.14. Annexe : calcul de la puissance linéique moyenne et du flux thermique surfacique moyen A1.14.1. Puissance linéique moyenne à puissance nominale La puissance linéique moyenne dans le cœur peut être calculée facilement : moy
Plin cœur = 170,23 =
3800 × 106 × 0,974 (W/cm) 193 × 264 × 426,72
3800 × 106 = puissance nominale (W), 193 = nombre d’assemblages, 264 = nombre de crayons par assemblage (264 = 172 – 24 tubes guide – 1 tube central pour le passage de l’instrumentation interne du cœur), 426,72 = longueur fissile totale d’un crayon combustible en cm.
A1.14.2. Flux thermique surfacique moyen (0, 974 × φ0 ), c’est-à-dire le flux thermique surfacique moyen à puissance nominale, se calcule facilement par : 170, 23 = 57 W/cm2 (diamètre extérieur des gaines = 9,5 mm) 0,95π ou encore : 3800·106 0,974 = 57,1 W/cm2 (la surface totale d’échange du cœur S S = 6 482·104 cm2 ).
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
251
A1.15. À propos des seuils en puissance linéique La température de l’oxyde d’uranium doit rester inférieure à la température de fusion 2 590 ◦ C (valeur limite tenant compte de la diminution de la température de fusion de la céramique UO2 avec l’irradiation, et des incertitudes), ce qui impose une puissance linéique maximale de 720 W/cm : c’est la valeur limite de sûreté. Les marges prises à la conception amènent à retenir un critère TUO2 = 2 260 ◦ C, ce qui implique une puissance linéique maximale de 590 W/cm. La valeur retenue pour l’AAR se situe en deçà : 379 W/cm (c’est une valeur abaissée pour tenir compte également du risque IPG). Cette valeur prend en compte les incertitudes du système de protection, ainsi que des marges. Le seuil de verrouillage C4 est fixé à 3 % en dessous de l’AAR, à 368 W/cm. Le verrouillage C4 est validé par P7 (se reporter au chapitre « Démarrage d’un réacteur après rechargement ») et élaboré lorsque deux chaînes sur quatre délivrent Plin > 368W/cm. Il entraîne une réduction programmée de charge, un blocage de l’extraction des grappes et un passage de la turbine en mode direct. Le domaine du fonctionnement normal est délimité par le seuil d’alarme puissance linéique élevée, à 357 W/cm pour les points 1 à 28 du SPIN (soit 3 % en dessous du C4), et décroissant jusqu’à 274 W/cm entre les points 28 et 31. La marge de fonctionnement utilisable pour les transitoires normaux d’exploitation se situe entre 170,23 et 357 W/cm, ce qui fait un facteur de point de chaud de 2,097.
A1.16. Les permissifs et verrouillages A1.16.1. Les verrouillages Le système RPR élabore les signaux de verrouillage qui commandent des actions s’opposant aux régulations, à l’approche des seuils d’arrêt automatique du réacteur, afin d’arrêter tout développement qui pourrait conduire à l’AAR. Par exemple, les verrouillages C3 et C4 permettent d’éviter l’AAR respectivement par bas RFTC et par puissance linéique élevée. Seuls les permissifs et les verrouillages mentionnés dans cet ouvrage sont récapitulés dans les tableaux A1.2 et A1.3. Ces tableaux ne sont donc pas exhaustifs. Les permissifs qui valident les signaux provoquant les actions de sauvegarde (P11, P12, P14 et P15) ne sont pas présentés.
A1.16.2. Les permissifs Afin d’éviter que des actions de protection soient déclenchées de façon inappropriée aux circonstances de fonctionnement du réacteur, les ordres émanant des logiques de protection sont contrôlés par des signaux appelés permissifs élaborés dans le RPR. Selon les circonstances, les permissifs valident ou bloquent les fonctions de protection. La validation est nécessaire lorsque le réacteur passe d’un état dans lequel la fonction est inutile ou incompatible avec l’exploitation à un autre état dans lequel la fonction participe à la sûreté de l’installation.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
252
Tableau A1.2. Les verrouillages mentionnés dans cet ouvrage. Verrouillage
Élaboration
Actions de verrouillage
C1
Flux CNI supérieur à 20 %PN en 2/4 Et AAR CNI non bloqué
Blocage de l’extraction des grappes auto et manu (groupe R et GCP)20
C2
Flux CNP supérieur à 103 %PN en 2/4
Blocage de l’extraction des grappes (…)
C3
RFTC inférieur à 1,65 en 2/4 et P7
Blocage de l’extraction des grappes (…) Réduction de charge turbine Passage de la régulation turbine en mode direct
C4
Plin supérieure à 368 W/cm en 2/4 et P7 Blocage de l’extraction des grappes (…) Réduction de charge turbine Passage de la régulation turbine en mode direct
C7A
Baisse de charge à la turbine avec un Autorise l’ouverture GCT-c groupes 1 et 2 échelon supérieur à 15 %Pn et/ou pente (première partie des 4 groupes de vannes) supérieure à 7,5 %Pn/min Calcul effectué à partir de la P1RT
C7B
Baisse de charge à la turbine avec un Déverrouillage total : autorise l’ouverture GCT-c échelon supérieur à 50 %Pn et/ou pente groupes 3 et 4 (seconde partie des 4 groupes de supérieure à 25 %Pn/min vannes) Calcul effectué à partir de la P1RT
C8
Fermeture des vannes d’arrêt (DT) en 3/4 Valide l’AAR par {P10 et C8 et C9} Ou manque de pression d’huile de sécu- Sous P16 : autorise l’ouverture des groupes 1 et 2 du rité en 2/3 GCT-c par C7A ; valide la consigne du GCT à 0 %Pn Au-dessus de P16 : autorise l’ouverture des 4 groupes GCT-c par C7A et C7B
C9
Condenseur et secondaire disponibles
Inhibe l’AAR si C8 (déclenchement turbine) et P10
C20
Flux CNP inférieur à 10 % en 2/4
Blocage de l’extraction automatique du groupe R Remarque : lorsque la puissance est inférieure à C20, le fonctionnement du groupe R doit être obligatoirement passé en manuel. Au-dessus du C20, la prise en manuel du groupe R n’est autorisée que si Tmoy est dans sa bande morte
C22
Tréf – Tmoy > max 4 (5 ◦ C)
Réduction de charge turbine Mémorisation consigne GCP Passage de la régulation turbine en mode direct
Mauvais fonctionnement de la régulation de température
Selon le même principe, une fonction de protection devenue inutile est bloquée par un permissif. Les permissifs permettent également l’inhibition manuelle de certaines fonctions de protection, qui sont automatiquement réactivées dès que les conditions permissives ne sont plus réunies.
A1.17. Complément : la prise en compte de l’IPG dans le SPIN et les STE A1.17.1. Phénomènes Dans un crayon combustible neuf à chaud, la gaine et la pastille présentent un jeu initial de 170 microns environ, pressurisé à l’hélium à 26 bars (26 bars est la valeur à froid, la pression 20 Ces dernières ne peuvent plus s’extraire sous l’action de leur régulation automatique.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
253
Tableau A1.3. Les permissifs mentionnés dans cet ouvrage. Permissif
Élaboration
Actions
P4
Compte-rendu d’AAR : 2/4 disjoncteurs d’AAR ouverts
Déclenche la turbine : ceci évite un refroidissement par appel de vapeur Verrouille GCT groupes 2, 3, 4 et soutien vapeur ADG (…)
P6
courant CNI > 10−10 A Soit environ 10−4 × 0,1 %PN
En 3/4
P10
Flux CNP > 10 %PN
Valide le blocage manuel de l’AAR par haut flux CNS Autorise la coupure de la HT des CNS Inhibe l’alarme flux élevé à l’arrêt P6 permet, lors d’une augmentation du flux neutronique depuis l’arrêt, de remplacer la protection de flux niveau source par la protection de flux niveau intermédiaire. L’AAR par haut flux CNS est suffisamment au-dessus de P6 pour que l’OPR ait le temps de l’inhiber lors du démarrage. La remise en service de cet arrêt est automatique en dessous de P6, lors d’un passage à l’arrêt. En dessous de P6, le réacteur est présumé convergé. En 2/4 Élabore P7 Valide l’ARR par déclenchement turbine (C8) et secondaire indisponible (C9) En 3/4 Bloque l’AAR par haut flux CNS (en assistance au blocage manuel au-dessus de P6) et coupe HT sur les CNS Valide le blocage manuel de l’AAR par haut flux CNI (action nécessaire lors de la montée en puissance) Valide le blocage manuel de l’AAR par haut flux CNP seuil bas
P13
La mesure de pression de vapeur au premier étage turbine (P1RT) indique une puissance > 10 %Pn
En 2/4
P7
P10 en 2/4 ou P13 en 2/4 Plus sûr que P10 en raison de l’imprécision de la mesure de flux neutronique à faible charge
Valide un certain nombre d’AAR. Très haut niveau dans un GV (82 %), très bas niveau dans un GV (15 %), basse pression pressuriseur (131 bars abs), haut niveau dans le pressuriseur (85 %), bas RFTC (1,52), puissance thermique élevée (112,3 %Pn), surpuissance linéique (379 W/cm), très basse vitesse de deux pompes primaires (92,5 %), bas débit dans deux (ou plus) boucles primaires (89,4 %). Valide l’îlotage par basse vitesse de deux pompes primaires (93,8 %)
P16
Flux CNP > 40 %PN
Élabore P7
En 2/4 Valide AAR par très haut niveau dans un GV
254
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
à chaud est ≈ 65 bars). Cette pressurisation permet de réduire les contraintes mécaniques subies par la gaine en raison de la différence de pression (155 bars dans le circuit primaire – 65 bars), et de retarder la mise en contact de la pastille et la gaine (rattrapage du jeu). En effet, la gaine se déforme en fluage sous flux neutronique (pression différentielle entre le primaire et la pression du jeu) et son diamètre diminue au fur et à mesure de l’irradiation du combustible. Les effets conjugués du gonflement de l’UO2 21 (rétention des produits de fission, fracturation) et de la déformation en fluage de la gaine, activé par le flux neutronique, réduisent progressivement le jeu entre la pastille et la gaine, qui finissent par entrer en contact (d’abord un contact faible, ensuite un contact fort). Sollicitée jusqu’alors uniquement en pression externe, la gaine est mise en pression interne à partir d’un certain taux de combustion. Le phénomène IPG22 désigne les interactions entre la pastille et la gaine. On se place dans le cas où la puissance augmente, puis reste constante. La gaine se trouve soumise à une déformation imposée, étant donné que la pastille se dilate plus que la gaine. Cette dernière subit des contraintes tangentielles qui augmentent pendant la montée en puissance. Au palier haut de puissance, la déformation imposée devient constante et les contraintes décroissent en fonction du temps jusqu’à une valeur très inférieure à la limite élastique du matériau, par le phénomène de relaxation23 . On dit que la gaine se trouve alors conditionnée à ce niveau de puissance, qui est appelé puissance de conditionnement. Ensuite, on considère que la puissance diminue jusqu’à atteindre une valeur basse. Le jeu à chaud entre la pastille et la gaine s’ouvre et la gaine est mise en compression sous l’effet de la différence de pression entre l’intérieur du crayon et le fluide primaire. Puis, le phénomène de fluage de la gaine, activé par le flux neutronique, se manifeste : sous contrainte prolongée, le jeu se referme progressivement, jusqu’à fermeture complète. Ceci permet de comprendre pourquoi le fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire accroît le risque IPG. Dans un tel fonctionnement, la puissance de conditionnement diminue, jusqu’à atteindre la puissance de conditionnement du niveau bas de puissance si ce dernier est maintenu pendant une durée suffisante. Une limitation de la durée de fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire est donc nécessaire. Une rupture de gaine par interaction IPG requiert deux conditions pour se produire : l’amorçage d’une fissure induite par le phénomène de corrosion sous contrainte24 et une contrainte locale suffisante : la fissure se propage jusqu’à ce que la contrainte exercée dans la partie de gainage supportant la charge dépasse la charge limite de rupture.
21 Il faut noter que dans un premier temps, la pastille se densifie puis gonfle. 22 En anglais : PCI, Pellet/Clad Interaction. 23 Pendant la relaxation, la déformation plastique croît aux dépens de la déformation élastique, accommodant ainsi les contraintes. 24 Le phénomène de corrosion sous contrainte consiste en l’action conjuguée d’une contrainte mécanique de tension et d’un milieu corrosif généralement aqueux, chacun de ces facteurs pris séparément n’étant pas susceptible à lui seul d’endommager le matériau ou la structure. La présence d’halogènes rend le milieu corrosif (des halogènes courants sont le fluor, le chrome, le brome et l’iode). Le mécanisme d’IPG est sensible à la composition du gaz présent dans le gap entre les pastilles et la gaine ; le zirconium est très sensible à la présence d’iode, on parle alors de CSC-I. Plus le taux de combustion est élevé, plus la quantité d’iode relâchée est importante, le milieu devient donc plus corrosif avec l’augmentation du taux de combustion. De plus, la capacité de déformation plastique du zirconium diminue quand le taux de combustion augmente. Ces deux raisons expliquent pourquoi les éléments de combustibles neufs ne deviennent pas défectueux par IPG.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
255
Il est à noter que des concentrations de contraintes se produisent aux interpastilles25 et en cas de présence d’un fragment d’UO2 dans le gap pastille-gaine. Le risque de rupture de la gaine par interaction IPG est maximal quand la différence entre la puissance locale et la puissance de conditionnement est maximale, ce qui correspond à un maximum de contraintes tangentielles en traction. Une augmentation brutale26 de la puissance neutronique locale peut alors conduire à une rupture de la gaine par IPG.
A1.17.2. Le risque IPG en situation de classe 2 : système de protection et limites du domaine de fonctionnement La prise en compte du risque IPG en classe 2 fut une exigence de l’Autorité de sûreté à partir de 198227 , pour la mise en place des gestions Garance (REP 900 MWe), et ensuite Gemmes, ainsi qu’au début de l’exploitation des tranches N4. L’enjeu est de se prémunir de tout risque de dégradation de la gaine lors de transitoires de catégorie 2 initiés en puissance et conduisant à de fortes augmentations locales de la puissance linéique, par déformation de la distribution de puissance ou par élévation de la puissance cœur. Les transitoires tels que l’AEC (augmentation excessive de charge), le retrait de groupes de grappes, la CDG (chute de grappes) sont concernés. Les approches suivantes permettent de se prémunir contre la rupture de gaine par IPG en situation de classe 2 : • le dimensionnement des seuils d’alarme et d’AAR en puissance linéique dans le SPIN. La chaîne puissance linéique élevée du SPIN prend en compte la protection contre le risque IPG par des valeurs abaissées pour les seuils d’AAR (379 W/cm, seuil élaboré à partir de la limite physique IPG de 435 W/cm) et les seuils de verrouillage C4 et d’alarme qui s’en déduisent. En raison de ces restrictions sur les marges de fonctionnement (seuils d’alarme et d’AAR abaissés), la prise en compte du risque IPG est contraignante pour l’exploitant ; • la limitation du domaine de fonctionnement normal, domaine où est initié le transitoire (limite droite du diagramme de pilotage28 ). dφ • La logique de protection par dt (variation rapide à la baisse du flux CNP) bascule en 1/4 en dessous d’un seuil de RFTC (dit DNBRS) de façon à être capable de déclencher l’AAR29 en cas de chute de deux grappes (chute considérée comme non détectée en 2/430 ). Ainsi tout accident de chute de deux grappes est détecté et le risque IPG associé à ce transitoire est couvert. 25 La pastille, du fait d’un gradient thermique entre sa périphérie et son centre, se met en diabolo et des concentrations de contraintes sont générées dans la gaine autour des interpastilles. 26 En effet, les contraintes obtenues sont d’autant plus élevées que la vitesse de déformation est grande. 27 Auparavant, les études IPG et les STE associées étaient établies sur la base d’un fonctionnement de catégorie 1. 28 Se reporter au chapitre 4 « Distribution de puissance dans les REP » pour une présentation du diagramme de pilotage. 29 Cet AAR est validé par une variation significative du niveau de puissance (variation supérieure à un seuil), qui caractérise la chute de deux grappes, et par la présence du P7. 30 Le critère de défaillance unique impose de ne pas prendre en compte la réponse du détecteur le plus favorable vis-à-vis de la détection de l’accident.
256
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
A1.17.3. Prise en compte du FPPI par les STE Le fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire induit un déconditionnement du combustible, ce qui est favorable à une dégradation de la gaine par IPG. L’objectif recherché est d’assurer que les transitoires de classe 2 entraînant une augmentation rapide de la puissance linéique, effectués par une tranche en FPPI munie des protections spécifiques à l’IPG et respectant les limitations du domaine de fonctionnement normal, ne conduisent pas à une rupture de gaine par IPG. À cet effet, un suivi permanent de l’état de conditionnement du combustible est mis en place en cycle naturel, pour assurer des marges suffisantes en contraintes dans la gaine lors de ces transitoires. Ceci se traduit, au niveau des STE, par le suivi d’un coefficient, ou crédit, K, qui est une image de la marge en contrainte disponible. EDF est le seul exploitant de réacteur au monde à mettre en œuvre une telle disposition. Le crédit K est consommé si la tranche opère en fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire31 : c’est le cas de toutes les baisses de charge avec un palier bas de plus de 8 heures. Le crédit se reconstitue par le fonctionnement en base (100 %PMD32 ), auquel se superposent éventuellement les réglages primaire (fonctionnement en Pcmax ) et secondaire de fréquence (le fonctionnement en Pcomax inclut les réglages primaire et secondaire). Le calcul du crédit K est effectué via des coefficients de consommation de marge et de des coefficients de reconstitution de marges (reconditionnement). Quand ce crédit passe en dessous d’une valeur limite à la suite d’un fonctionnement prolongé de la tranche à puissance intermédiaire, le suivi de charge est interdit. La valeur du crédit K détermine donc le nombre de jours de FPPI autorisés.
A1.17.4. La remontée en puissance après arrêt pour rechargement À la remontée en puissance après arrêt au cours duquel il y a eu manipulation d’assemblages, des limitations sur la pente de variation de la puissance s’appliquent afin de se prémunir du risque IPG33 . En effet, toute manipulation d’éléments combustibles irradiés est susceptible de produire le déplacement de fragments d’UO2 entre le combustible et la gaine, produisant des concentrations de contraintes dans la gaine. La mesure préventive de limitation de la vitesse à 3 %Pn/h permet le reconditionnement thermomécanique progressif du combustible et prévient le risque IPG lié à la montée en puissance. Les limitations qui s’appliquent à la montée en puissance sont explicitées au chapitre 5 « Démarrage d’un réacteur après rechargement ». 31 En cycle naturel, on déclare du fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire (FPPI) quand la tranche dépasse 8 heures de fonctionnement à puissance intermédiaire FPI (c’est-à-dire à un point de consigne inférieur à 92 %PMD) par 24 heures. Les définitions de FPI et FPPI sont différentes en stretch. 32 En ce qui concerne PMD, Pc max et Pcomax , le lecteur peut se reporter au tableau A5.3 de l’annexe 5 « Régulation du groupe turbo-alternateur ». 33 Des ruptures de gaine au redémarrage ont été constatées pour la première fois sur le réacteur Point Beach 1, un REP à deux boucles mis en service en 1970, au début de son troisième cycle. Une monté en puissance très rapide (40 %Pn/h) avait conduit à une activité importante du circuit primaire, conséquence d’une perte d’intégrité de la première barrière. Westinghouse a mené des études empiriques qui ont abouti à la recommandation de limiter la rampe de puissance à 3 %Pn/h dans le cas d’un redémarrage après rechargement, ce qui permet aux contraintes dans la gaine de se relaxer. De la même manière, Westinghouse a recommandé une limitation de la rampe de puissance après un fonctionnement prolongé à puissance réduite.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
257
A1.17.5. Autres prescriptions des STE relatives à l’IPG Les STE incluent d’autres prescriptions relatives au risque IPG : • la tranche doit fonctionner 72 heures à puissance maximale après un arrêt au cours duquel il y a eu manipulation d’assemblages pour être mise à disposition du réseau électrique. Le combustible est alors considéré comme totalement conditionné et le crédit K est initialisé ; • dans le cas de l’épuisement du crédit K, la tranche doit remonter au-dessus du seuil de fonctionnement à puissance intermédiaire et, en cas d’impossibilité de rejoindre ce seuil, elle doit se replier en attente à chaud34 ; • en prolongation de cycle, le crédit K n’est plus utilisé mais une durée maximale cumulée de FPPI est imposée.
A1.18. Complément : l’instrumentation nucléaire Ce paragraphe présente l’instrumentation des REP 1 300 MWe et précise les principales différences avec les autres paliers. Afin de surveiller en permanence le flux neutronique quel que soit son niveau, l’instrumentation nucléaire est étagée sur trois gammes de mesure, conçues chacune sur un type de détecteurs neutroniques (encore appelés chaînes) installés ex-core : • la gamme source composée de quatre chaînes identiques et indépendantes fournissant une mesure redondante du flux neutronique à l’arrêt et durant la phase initiale du démarrage ; • la gamme intermédiaire composée de quatre chaînes identiques et indépendantes fournissant une mesure redondante du flux ; • la gamme puissance composée de quatre chaînes identiques et indépendantes fournissant une mesure redondante du flux sur six sections verticales. Les recouvrements des gammes de ces trois types de chaînes assurent la continuité de la protection et du contrôle du réacteur entre l’arrêt et la pleine puissance. En faisant l’hypothèse d’un flux de 3,7·1013 n.cm−2 .s−1 à puissance nominale, la figure A1.7 montre que l’instrumentation nucléaire couvre onze décades, de 102 n.cm−2 .s−1 jusqu’à plus de 3·1013 n.cm−2 .s−1 . Les variations de flux du domaine d’exploitation RP (réacteur en production) ne sont qu’une faible part des variations de flux obtenues entre le rechargement et la pleine puissance.
A1.18.1. Emplacements des détecteurs Les figures A1.6 et A1.7 montrent respectivement les emplacements axiaux et radiaux des détecteurs de neutrons dans les REP 900 MWe et 1 300 MWe. 34 L’attente à chaud ne produit pas de déconditionnement du combustible, le flux neutronique étant trop faible
pour rendre possible le fluage de la gaine.
258
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure A1.6. Emplacement axial des détecteurs CNS-CNI-CNP pour les REP 900 (a) et les REP 1 300 (b). Source : PFE de Gildas Piolain.
A1.18.2. Chaînes niveau source (CNS) Pendant le rechargement, et jusqu’à la divergence, le niveau de flux neutronique est faible mais le rayonnement gamma est élevé. Cela nécessite l’utilisation de détecteurs impulsionnels.
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire
259
Figure A1.7. Emplacement radial des détecteurs CNS-CNI-CNP pour les REP 900 (a) et les REP 1 300 (b).
Les CNS sont des compteurs proportionnels à dépôt de bore fonctionnant en impulsions, très sensibles aux neutrons et peu influençables par les gamma. Ces compteurs proportionnels sont constitués d’une électrode placée au centre d’un cylindre métallique. La face interne du cylindre comporte un dépôt surfacique de bore et ce cylindre est rempli d’un mélange gazeux argon-CO2 . Le cylindre est placé à l’intérieur d’un matériau constitué de polyéthylène (C2 H4 )n , qui thermalise les neutrons incidents. Quand un neutron thermique arrive dans le cylindre, il se produit une réaction avec un atome de bore-10 pour former des particules chargées alpha et lithium-7. Ces particules ionisent le gaz de remplissage. Les charges ainsi produites sont collectées grâce à la différence de potentiel appliquée aux bornes du détecteur. Il y a alors formation d’un signal électrique impulsionnel. Les impulsions inférieures à un certain seuil (seuil de discrimination) sont éliminées, ce qui permet de ne pas compter le rayonnement γ. De cette manière, seules les impulsions ayant pour origine les neutrons, significatives du niveau de flux neutronique, sont comptées. La mesure effectuée par les CNS s’exprime en coups par seconde. Les CNS sont adaptées aux faibles niveaux de flux neutronique, soit une gamme de puissance d’environ 10−9 à 10−3 %PN. Chacune des CNS est constituée d’un seul détecteur, disposé dans un caisson. Les CNS sont positionnées axialement à un quart de la hauteur du cœur (donc dans la moitié inférieure). Dans le chapitre « Distribution de puissance dans les REP », nous montrons que le DPAX de chaque assemblage est négatif, ce qui implique que l’irradiation des crayons est plus élevée dans leur moitié inférieure. Avant la divergence, le cœur est un système sous-critique qui se comporte comme un amplificateur de neutrons ; dans ce cas, le flux n’est pas établi dans le cœur suivant son mode fondamental, mais il épouse la distribution spatiale des sources de neutrons. Dans les assemblages irradiés, les réactions de fission spontanée, mais également les réactions
260
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
(α, n) et les réactions photonucléaires sont des sources inhérentes productrices de neutrons35 . Ces réactions se produisent préférentiellement dans la moitié inférieure du cœur qui est plus irradiée, ce qui justifie le placement vertical des CNS au niveau du quart inférieur. Il y a deux CNS pour les réacteurs du palier 900 et quatre pour ceux des paliers 1 300 et N4. Les informations remontées en salle de commande des réacteurs 1 300 MWe sont deux indicateurs de temps de doublement et quatre indicateurs de taux de comptage. Une alarme « flux CNS élevé à l’arrêt » est disponible en salle de commande.
A1.18.3. Chaînes niveau intermédiaire (CNI) À plus haut niveau de flux neutronique, la fréquence des impulsions délivrées par un détecteur impulsionnel devient trop élevée (au point que celles-ci sont confondues). Ceci nécessite l’utilisation de détecteurs en régime courant. Les CNI sont des chambres d’ionisation à dépôt de bore et compensées aux γ36 . De la même façon que les CNS, les détecteurs CNI sont placés à l’intérieur d’un thermaliseur en polyéthylène. Les CNI fonctionnent en permanence ; le seuil d’arrêt d’urgence est calé à 25 %PN. Il y a deux CNI pour le palier 900 et quatre CNI pour les paliers 1 300 et N4. Pour tous ces paliers, un détecteur CNS et un détecteur CNI sont placés dans le même container. Les informations remontées en salle de commande des réacteurs 1 300 MWe sont deux indicateurs de temps de doublement et quatre indicateurs des courants CNI. En ce qui concerne les CNI, une alarme « temps de doublement inférieur à 18 secondes37 » est disponible en salle de commande. Cette alarme joue un rôle pendant l’approche sous-critique ; en l’absence de cette alarme, l’opérateur est assuré de disposer d’un délai de 1 minute pour effectuer le blocage manuel de l’AAR par haut flux CNS après le passage du P6.
A1.18.4. Chaînes niveau puissance (CNP) La gamme de mesure des CNP correspond au fonctionnement du réacteur en puissance au-dessus du seuil de chauffage nucléaire. Les CNP sont multi-étagées et comportent six sections alignées verticalement et insérées dans un caisson. Sur le palier 900, ces six sections sont réparties en deux groupes 35 Les réactions (α, n) se produisent sur les éléments légers, comme par exemple l’oxygène-17 et l’oxygène-18 présents dans les combustibles oxydes UOx et MOx. L’émission de neutrons par fission spontanée prédomine dans un rapport 10 par rapport aux réactions (α, n). La production de neutrons par fissions spontanées provient en quasi-totalité des isotopes 242 et 244 du curium. L’émission de neutrons d’un assemblage REP 900 3,7 % irradié à 45 000 MWj/t (c’est-à-dire un assemblage en gestion Garance ayant effectué quatre cycles de 240 JEPP suivis de 60 JEPP de stretch) est de l’ordre de 6·108 neutrons/s, elle est donc comparable à celle d’une source autonome de neutrons ! 36 La compensation des gamma a pour objectif d’éliminer, dans le courant collecté, la composante due à la contribution des gammes aux ionisations du gaz de remplissage. 37 Avec un temps de doublement de 18 secondes, la puissance s’accroît d’une décade en une minute :
≈ 60. 18 lnln(10) (2)
´ ´ A1 – Les protections du reacteur (REP 1 300 MWe) – l’instrumentation nucleaire AAR Φélevé CNP seuil haut Verrouillage C2 Permissif P16 AAR Φélevé CNP seuil bas Permissif P10/verrouillage C20
109% PN 103% PN 40% PN 25% PN 10% PN −3
1,00E+02
1,00E+01
10 AAR Φ élevéCNP seuilbas 25%PN
261
Intensité(A)
AAR flux élevé CNI 25%PN
P10/C20
1,00E+00
1,00E–01
Début du chauffage nucléaire
1,00E–02 coups/s
6
1,00E–03
10
5
1,00E–04
1,00E–05
AARHaut flux
Permissif P6
10
−10
10
−11
10
1,00E–06
1,00E–07
Réacteur présumé convergé
1,00E–08 rechargement
1,00E–09
1
1,00E–10
Figure A1.8. REP 1 300 MWe : gammes de mesure et recouvrements des CNS-CNI-CNP. Permissifs, verrouillages et AAR associés.
(section haute et section basse). Sur les paliers 1 300 et N4, les six sections sont indépendantes les unes des autres. Il y a quatre CNP pour les paliers 900 MW, 1 300 MW et N4, chacune mesurant un quadrant du cœur.
262
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Les CNP se distinguent des CNI par les caractéristiques suivantes : • quand le réacteur est en puissance, la fraction du courant due aux photons γ peut être négligée : un dispositif de compensation n’est pas nécessaire. Ceci explique pourquoi les CNP sont des chambres d’ionisation fonctionnant en courant, à dépôt de bore et non compensées ; • les CNP bloquent les neutrons thermiques : le détecteur est placé à l’intérieur d’une enveloppe en cadmium qui est un puissant capturant de neutrons thermiques (jusqu’à 0,5 eV environ, énergie de coupure de la section efficace de capture radiative du cadmium) ; • les CNP mesurent les neutrons rapides : après avoir franchi l’enveloppe en cadmium, les neutrons rapides traversent une zone de polyéthylène qui modère les neutrons, ce qui rend possible la réaction (n, α) sur le bore-10 du détecteur ; • la forme géométrique de la partie en polyéthylène permet de « collimater les neutrons », c’est-à-dire de ne prendre en compte que les neutrons rapides issus du quadrant faisant face à la CNP. Les CNP sont essentiellement alimentées en neutrons par les assemblages localisés contre le baffle face aux CNP. Le mélange gazeux est constitué d’azote, d’argon et d’hélium.
A2
Les circuits eau et vapeur d’une tranche P’4
Le poste d’eau présenté dans cette annexe est celui d’une tranche P’4. La conception du poste d’eau P4 est différente, tant sur sa partie haute pression que sur sa partie basse pression.
A2.1. Les circuits de vapeur principale VVP et VPU Les lignes principales de vapeur VVP et VPU sont les tuyauteries indépendantes qui se situent entre les GV et les vannes d’arrêt de la vapeur (figure A2.1). Pour les REP déjà en exploitation, VVP est un système de responsabilité AREVA. Ces lignes sont connectées à la partie supérieure des générateurs de vapeur, sortent de l’enceinte, se rejoignent deux à deux en salle des machines, dans deux collecteurs de vapeur. Ces derniers sont reliés par une tuyauterie, appelée barillet vapeur. Le lecteur peut se reporter à la figure A2.1. L’admission de vapeur au corps HP se fait ensuite au travers de quatre vannes d’arrêt associées chacune à une vanne réglante de charge (système GRE).
A2.1.1. Le système VVP À partir de chaque GV, les lignes vapeurs sont chacune constituées de : – limiteurs de débit placé à la sortie des GV : leur rôle est de limiter le débit de vapeur relâchée en cas de rupture de tuyauterie vapeur, pour éviter un refroidissement excessif du cœur. Chaque limiteur de débit est constitué par un ensemble de sept tuyères convergentes-divergentes, disposé dans la tubulure de sortie de chaque générateur de vapeur. – à l’extérieur du bâtiment réacteur : • sept soupapes de sûreté qui assurent la protection des circuits secondaires contre les surpressions. Elles déchargent directement à l’atmosphère. Les soupapes de sûreté, étant tarées au-dessus de la pression de calcul, n’ont pas de rôle à jouer dans les situations de deuxième catégorie pour lesquelles les surpressions sont limitées par les contournements de vapeur à l’atmosphère et au condenseur ; l’incident de deuxième catégorie le plus sévère vis-à-vis de la surpression secondaire est l’îlotage non réussi ;
264
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
• un piquage vers le contournement vapeur à l’atmosphère ; • une vanne d’isolement vapeur (VVP 111VV, VVP 112 VV, etc.) pour laquelle l’ordre de fermeture est élaboré par le système de protection (RPR), par exemple sur les signaux suivants : pression élevée dans l’enceinte, basse pression vapeur. Les vannes d’isolement ont pour rôle d’empêcher la décharge de vapeur de l’ensemble des GV, après un accident de rupture d’une tuyauterie vapeur dans l’enceinte ; • un piquage pour la tuyauterie de vapeur vers les turbines entraînant les pompes d’eau d’alimentation de secours (les TPS du système ASG) ; • un piquage de purge du premier tronçon. Les vannes de by-pass des vannes d’isolement vapeur sont fermées en fonctionnement normal et ne sont utilisées qu’au démarrage pour le conditionnement en température et pression des tuyauteries vapeur lorsque les vannes d’isolement sont fermées et pour l’équilibrage des pressions amont-aval préalablement à leur ouverture. Sur le plan de la sûreté, VVP a pour rôle d’évacuer la puissance primaire, dans toutes les conditions de fonctionnement normal ou accidentel.
A2.1.2. Le système VPU Le périmètre du système VPU est constitué des tuyauteries vapeur depuis les vannes d’isolement des générateurs de vapeur jusqu’aux robinets d’arrêt GRE. VPU comprend : • un départ vers l’admission haute pression de la turbine (vers le système GRE) ; • deux collecteurs de vapeur. Sur le premier collecteur partent : – deux lignes de soutien vapeur à la bâche ADG, – une alimentation du système GSS en vapeur de chauffe, – deux alimentations APP pour fournir de la vapeur vive à la turbine d’entraînement d’une turbopompe, au démarrage de la tranche, – une alimentation STR (système de transformation de vapeur, qui permet à une tranche en service de produire de la vapeur pour une tranche en redémarrage), – une alimentation CET (étanchéité des sorties d’arbre, se raporter au chapitre 5, note 27 en bas de page) ; • un barillet vapeur qui relie entre eux les deux collecteurs et d’où partent 14 lignes équipées de soupapes de décharge vers le GCT condenseur.
A2 – Les circuits eau et vapeur d’une tranche P’4
265
A2.2. Le système de contournement de la turbine principale A2.2.1. GCT-c Le contournement au condenseur assure un exutoire pour la vapeur lors des transitoires de réduction brutale de la puissance du groupe turboalternateur (îlotages, échelons de puissance). En cas d’arrêt automatique du réacteur, il permet d’éviter l’échauffement excessif du circuit primaire et évacue la puissance résiduelle et maintient le primaire dans les conditions d’arrêt à chaud. Il permet de régler manuellement le refroidissement du réacteur et d’effectuer le passage de l’état d’arrêt à chaud à l’état d’arrêt à froid, jusqu’aux conditions de mise en service du système RRA (180 ◦ C, ≈ 30 bars). Sur les REP 1 300 MWe, il existe 14 vannes de contournement, réparties en quatre groupes : les trois derniers groupes comprennent trois vannes et le premier comprend trois vannes + deux vannes supplémentaires (GCT10VV et CGT20VV). En réglant la pression secondaire, ces deux vannes assurent le maintien dans les conditions de température moyenne primaire en attente à chaud et en arrêt à chaud. L’ouverture effective des groupes 1 et 2 (5 + 3 = 8 vannes) nécessite de façon concomitante une demande d’ouverture et l’apparition du verrouillage C7A (déverrouillage partiel, ou autorisation d’ouverture des 8 premières vannes) et celle des groupes 3 et 4 l’apparition du verrouillage C7B. Le lecteur peut se reporter au tableau A.1.2. La demande d’ouverture du contournement au condenseur est élaborée à partir de la mesure de la pression au barillet vapeur, comparée à la consigne d’ouverture. L’ouverture des vannes du contournement peut se faire selon une logique « rapide », en cas d’évolution franche de la pression au barillet vapeur ou « modulée ». L’ouverture modulée est commandée par un régulateur proportionnel et dérivée. La partie proportionnelle du régulateur utilise l’écart entre la pression au barillet filtrée et une valeur de consigne. La capacité de contournement du GCT-c (en ouverture totale des 14 vannes) est de 76 % du débit nominal de vapeur, sous pression nominale. Avant son admission au condenseur, la vapeur est détendue (passage au travers de diaphragmes) puis désurchauffée (pulvérisation d’eau prélevée au refoulement des pompes d’extraction). Quand la tranche est en puissance, la pression vapeur évolue quasi linéairement sur la droite définie par (82,6 bars ; 0 %Pn) et (69 bars ; 100 %Pn). Le point de consigne d’ouverture du GCT-c suit la pression vapeur avec un décalage de 3,2 bars. Pour une charge inférieure à 20 %Pn, le point de consigne du GCT-c est fixé à 82,6 bars. Ce point de consigne prend des valeurs particulières dans les situations suivantes : • une valeur égale à la pression à charge nulle en cas d’AAR (mode automatique), • une valeur fixe en cas d’îlotage ou de DT sans AAR (mode automatique), • une valeur fonction de la puissance de repli pour les autres cas de délestage (mode automatique), • une consigne fixée par l’opérateur lors des démarrages (mode opérateur).
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A2.2.2. GCT-a Le contournement à l’atmosphère est utilisé lorsque le contournement au condenseur, ou le condenseur lui-même, est indisponible. Pour chaque GV, la soupape de décharge à l’atmosphère est commandée de façon modulée pour régler la pression de la ligne vapeur à une valeur de consigne. Chacune des vannes réglantes du GCT-a peut évacuer 430 t/h de vapeur sous une pression amont de 82,6 bars.
A2.3. Le circuit vapeur à partir de l’admission turbine Un schéma simplifié du circuit vapeur est donné sur la figure A2.8. Les valeurs affichées sur ce schéma, ainsi que sur le schéma du circuit d’eau alimentaire, ne constituent pas des valeurs « de référence » (par exemple les débits de vapeur pour l’alimentation de CET ne sont par pris en compte) ; il s’agit de valeurs réalistes, dont beaucoup ont été calculées par l’auteur.
A2.3.1. Quelques rappels La concentration massique en vapeur et le titre thermodynamique sont définis respectivement par : c=
MV ML + MV
et
xth =
h − hLsat hVsat − hLsat
h est l’enthalpie moyenne de l’écoulement. xth peut être négatif (liquide sous-saturé) ou supérieur à 1 (vapeur surchauffée). Dans l’hypothèse d’un mélange liquide-vapeur à l’équilibre thermodynamique (phases liquide et vapeur à la température de saturation), xth et la concentration massique sont égaux. Dans cette annexe, par simplification, on considère que c’est le cas et on emploie indifféremment les expressions « titre thermodynamique » ou « concentration massique » . Le rendement isentropique d’une turbine réelle est défini, pour une même chute de pression, comme le rapport entre la variation d’enthalpie massique (avant et après détente) et la variation d’enthalpie massique d’une détente idéale, c’est-à-dire isentropique. La détente isentropique est celle qui fournit le plus de puissance mécanique. Le rendement isentropique d’une turbine performante est d’environ 85 % avec de la vapeur sèche à l’admission. Ce rendement se dégrade quand le taux d’humidité de la vapeur admise à l’entrée de la turbine augmente ; la puissance mécanique baisse de 1 % pour une augmentation d’humidité de 1 %1 . 1 C’est la fameuse règle empirique de K. Baumann, formulée il y a un siècle (Recent Developments in Steam
Turbine Practice, par K. Baumann, 1912).
A2 – Les circuits eau et vapeur d’une tranche P’4
267
Figure A2.1. Les lignes vapeur.
A2.3.2. La turbine En fonctionnement normal, le débit de vapeur est réglé par les vannes réglantes de charge du système GRE. La turbine des REP 1 300 MWe est une turbine à réaction constituée d’un corps à haute pression (HP) et de trois corps à basse pression (BP). Sur chacune des 4 lignes de vapeur vive, l’admission HP se fait par une soupape dite réglante précédée d’une vanne d’arrêt. L’admission à chaque corps BP se fait par 2 lignes vapeur, chacune équipée d’une vanne d’interception puis d’une soupape dite modératrice. Chaque corps comprend une partie mobile, le rotor, constitué de l’arbre qui porte les roues, elles-mêmes supportant les ailettes. Les rotors du corps HP et des corps BP sont accouplés, ce qui constitue une seule ligne d’arbre, supportée par sept paliers. Tous les corps sont à double flux (en forme de diabolo) de façon à annuler les poussées axiales qui se produiraient dans un corps à simple flux, suivant le principe de l’action réciproque. La vapeur quasiment sèche et à saturation produite par les GV subit une perte de pression2 (environ 3 bars à pleine charge) en raison du passage dans les tuyauteries vapeur et les soupapes réglantes, avant son admission dans le corps à haute pression (HP) de la turbine. 2 Ces pertes de pression se traduisent par une production d’entropie et affectent, à la baisse, le rendement du
cycle.
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Au fur et à mesure de sa détente dans le corps HP, la vapeur se charge d’eau. À la sortie du corps HP, le titre est xth = 0,86. Les gouttelettes, produites au fur et à mesure de la détente dans une turbine, peuvent provoquer de l’érosion en particulier au niveau des dernières ailettes. Si la vapeur issue de la détente HP était admise directement dans les corps BP, l’humidité et l’érosion des aubages BP seraient trop importantes. C’est pourquoi la vapeur d’échappement HP est séchée puis surchauffée dans deux sécheurs-surchauffeurs (GSS) en parallèle, avant l’admission BP. Ceci permet de limiter le phénomène d’érosion au cours de la détente BP. De plus, en assurant un titre en vapeur plus élevé pendant la détente BP, le séchagesurchauffage préserve le rendement isentropique de la détente (réduction des irréversibilités lors de la détente). La vapeur séchée et surchauffée est admise en parallèle dans les trois corps à basse pression (BP) de la turbine, où elle termine sa détente jusqu’à la pression de saturation au condenseur. La vapeur s’échappe de chacun des trois corps BP par deux flux d’échappement. Pour un flux, la section de sortie du rotor est annulaire, elle correspond à la surface balayée par les ailettes. La vitesse axiale de la vapeur qui quitte l’étage de sortie de la turbine s’obtient en divisant le débit volumique par la section de sortie : 37,35 m2 pour deux flux, en supposant que la longueur des ailettes est de 1,45 m et que le diamètre de la dernière roue, ailettes comprises, est de 5,55 m. Le tableau A2.1 donne une estimation de la vitesse axiale et de l’énergie résiduelle que l’on obtiendrait si l’échappement des corps BP au condenseur se faisait sans diffuseur. Sans diffuseur, une part importante de la chute d’enthalpie, laquelle n’est pas intégralement convertie en énergie mécanique, serait perdue sous forme d’énergie cinétique de la vapeur, dissipée dans le condenseur : ˙ × hentr ée m
BP
− hsortie
BP
= Pméca +
˙ m 2 × Vsortie 2
BP
2 − Ventr ée
BP
˙ : débit massique en kg.s−1 m h : enthalpies massiques en J.kg−1 V : vitesse en m.s−1 Tableau A2.1. Calcul de la vitesse axiale de la vapeur à l’échappement d’un corps BP, sans diffuseur. Débit massique à l’échappement d’un corps BP, soit deux flux
Volume massique (vapeur 52 mbar ; x th = 86,2 %)
Vitesse axiale
Puissance perdue par E c résiduelle
(kg/s) 369
(m3 /kg) 23,4
(m/s) 231,4
(1 corps) 9,88 MW
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Figure A2.2. Dessin de la section de sortie d’un corps BP.
Il convient de noter que le volume massique de la vapeur augmente significativement quand la pression diminue (39 m3 /kg à 30 mbar ; 12,8 m3 /kg à 100 mbar pour des titres d’environ 86 %), ce qui entraine une vitesse axiale plus élevée. La section de sortie des corps BP doit donc être plus importante3 si la source froide est la mer baltique que s’il s’agit de l’océan indien ! En réalité, les corps BP sont équipés d’un conduit divergent, appelé diffuseur, placé entre la sortie de la dernière roue BP et le condenseur. Le diffuseur dévie l’écoulement de la vapeur de 90◦ , la guide au condenseur tout en la ralentissant4 , avec des pertes de charges aussi faibles que possible. Dans le bilan d’énergie d’un diffuseur, supposé adiabatique, seules les variations d’enthalpie et d’énergie cinétique apparaissent. Le passage au travers du diffuseur entraîne une perte d’énergie cinétique, compensée par un gain d’enthalpie. La présence du diffuseur, en aval de la détente, modifie les propriétés de l’écoulement en amont, et la chute d’enthalpie dans les corps BP de la turbine s’en trouve augmentée. Dans notre calcul de cycle, on prend comme hypothèse que le diffuseur permet de récupérer sous forme d’énergie mécanique environ la moitié de l’énergie cinétique qui serait perdue en l’absence de diffuseur. Un rééquipement des corps BP de la turbine d’un réacteur en exploitation, visant à optimiser les diffuseurs et l’échappement de vapeur au condenseur, serait susceptible d’augmenter la puissance de plusieurs MW et constituerait une opération avantageuse d’un point de vue économique.
A2.3.3. Les soutirages Des soutirages de vapeur sont effectués en cours de détente. La vapeur soutirée est utilisée pour élever la température de l’eau alimentaire : plus la température de l’eau alimentaire 3 C’est la raison pour laquelle Alstom réalise des développements technologiques sur la longueur des ailettes
en sortie de détente basse pression, afin de réduire les pertes à l’échappement et apporter un gain de puissance. La longueur des LSB (last stage blade) est passée de 57 pouces à 69 pouces en 2009, puis 75 pouces (1,90 m) aujourd’hui. Selon Alstom, avec la LSB75 (pas encore en exploitation), la surface à l’échappement serait de 58 m2 pour un corps BP, ce qui est spécialement adapté aux conditions froides. 4 L’écoulement dans le diffuseur est extrêmement complexe et sa modélisation nécessite des calculs 3D.
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se rapproche de la température de vapeur saturante aux GV, meilleur est le rendement du cycle. La mise en œuvre industrielle du cycle thermodynamique des tranches REP vise donc à un optimum technico-économique mettant en balance la complexité et le coût de la partie secondaire d’une part (qui est fonction du nombre de soutirages), et l’impact économique du rendement du cycle d’autre part.
A2.3.4. GSS Le système GSS réalise le séchage et le surchauffage de la vapeur issue de la détente HP. Le séchage de vapeur est purement mécanique (statique), tandis que la surchauffe fait l’objet, au moyen de la vanne réglante GSS001VV, d’une régulation de la pression en aval de cette vanne, selon une consigne qui est fonction de la charge. En suivi de charge et en repli de puissance, cette vanne est totalement ouverte au-dessus de 10 % : la pression en aval se déduit alors de la pression au barillet vapeur en décomptant les pertes de charge des tuyauteries vapeur. Deux dispositifs identiques sont implantés en parallèle entre l’échappement HP et l’admission BP. Ils sont situés sur le plancher principal de la salle des machines, de part et d’autre du corps HP. Chaque dispositif est lui-même constitué de deux ensembles identiques et en parallèle, comprenant chacun un circuit vapeur à sécher et surchauffer et un circuit vapeur de chauffe. • La vapeur de chauffe (281,9 ◦ C) est de la vapeur vive prise sur un collecteur VPU, son débit de 704 t/h représente une fraction de 9,1 % du débit total de vapeur produite par les GV. Elle est aspirée par la condensation qui se produit au contact des parois internes de tubes refroidies par la vapeur humide issue du sécheur (182 ◦ C). En fournissant sa chaleur latente de condensation, la vapeur de chauffe surchauffe la vapeur issue des sécheurs, ce qui améliore les performances de la détente BP. Les condensats de chacun des deux dispositifs (recueillis dans deux ballons par dispositif) sont évacués vers les réchauffeurs R6 en fonctionnement normal, et vers le condenseur au démarrage ou en secours. À puissance nominale, chaque faisceau surchauffeur échange une puissance d’environ 75 MW. Soit 300 MW pour les deux dispositifs GSS 001 ZZ et GSS 002 ZZ. • Le circuit vapeur à sécher et à surchauffer dispose de trois sorties alimentant chacune un corps BP via une vanne réglante. L’eau récupérée après séchage est recueillie dans deux ballons séparateurs de phases (un ballon par dispositif de séchage-surchauffage) ; elle est évacuée par une pompe de reprise pour chaque ballon vers la bâche alimentaire, en fonctionnement normal. À la sortie des GSS, on obtient de la vapeur surchauffée (T = 268 ◦ C, P = 10,1 bars) contenant un reliquat d’eau saturée (P = 10,1 bars), avec une concentration massique en vapeur de 99,55 %. On peut calculer l’enthalpie moyenne du mélange eau + vapeur : 0,9955hV + 0,0045 hLsat = 2972,3 kJ/kg
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Figure A2.3. Détermination de la puissance associée aux chutes d’enthalpie dans la turbine (52 mbar au condenseur).
Le point représentant dans un diagramme thermodynamique (h, P) ou (h, S) la sortie des GSS ne décrit pas un état physique de l’eau, les deux états liquides et vapeur ne sont pas à l’équilibre5 et l’enthalpie est une moyenne pondérée des enthalpies de la vapeur surchauffée et de l’eau saturée. Les condensats des deux faisceaux d’un surchauffeur sont évacués au réchauffeur R6 correspondant (poste d’eau haute pression) par l’intermédiaire de deux ballons de recueil des condensats.
A2.3.5. Calcul de la puissance mécanique du groupe turbo-alternateur En admettant que le processus est adiabatique, la puissance mécanique délivrée par les corps de la turbine s’obtient en multipliant les débits massiques de vapeur par les variations d’enthalpie massique, au cours de la détente, et en retranchant in fine l’énergie cinétique résiduelle. Il est nécessaire de tenir compte des débits massiques qui partent vers les soutirages. La figure A2.3 résume un calcul de la puissance des corps HP et BP, effectué pour une pression au condenseur de 52 mbar. Ce calcul aboutit aux résultats suivants : • corps HP : 496,8 MW, • trois corps BP : 907,6 MW. Il convient de retrancher les pertes dues à l’énergie cinétique résiduelle estimée à l’échappement du diffuseur, ce qui nous permet d’estimer la puissance mécanique totale, dans le cas où la pression au condenseur est de 52 mbar : Pméca = 496,8 + 907,6 − 17,8 = 1386,6 MW. 5 Ici, le titre thermodynamique et la concentration massique ne sont pas égaux.
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A2.3.6. Le condenseur En transférant la chaleur à la source froide, le condenseur condense la vapeur issue de l’échappement basse pression, de l’échappement des turbopompes alimentaires, du contournement de la turbine par GCT-c (en situation d’îlotage, d’AAR et de déclenchement turbine). Le mélange de vapeur d’eau et d’air, à l’intérieur du condenseur, n’a pas une température uniforme ; cependant la pression peut être considérée constante. Le condenseur récupère également les condensats issus des réchauffeurs R1. La vapeur en se condensant produit une dépression atmosphérique, ou « vide » , qui est d’autant plus importante que l’eau du condenseur est froide. Cette température est supérieure de quelques degrés à la température de sortie de l’eau de circulation. Le lecteur peut se reporter au tableau A4.2 au sujet de la sensibilité de la puissance électrique brute à la température de la source froide. Pour le rendement, on a intérêt à avoir la température au condenseur la plus basse possible. • Un débit élevé de circulation d’eau de la source froide en limite le réchauffement. Le circuit d’eau de circulation CRF est constitué de deux files, chacune des deux pompes assurant un débit nominal de 21,5 m3 /s. • Maintenir le vide permet de préserver le rendement. Le condenseur est en effet un composant dont la pression de fonctionnement est plus faible que la pression atmosphérique. En conséquence des entrées d’air extérieur dans les compartiments condenseur sont inévitables (par exemple aux joints turbines BP-manchette) et augmentent la pression interne au condenseur : la température de la vapeur et celle de l’eau augmentent. En fonctionnement, la pression partielle d’air est maintenue la plus faible possible par les motopompes du système CVI qui extraient les gaz incondensables (système de vide au condenseur). La mise sous vide d’air est effectuée au démarrage de la tranche, le condenseur ayant été ouvert.
A2.3.7. Le choix d’une turbine à mi-vitesse (half speed turbine) La turbine des REP P’4, comme celle de tous les REP exploités en France, est une turbine à mi-vitesse, c’est-à-dire tournant à 1 500 tours/min pour produire du 50 Hz (3 000 périodes par minute). La production de 50 Hz avec une turbine tournant à 1 500 tours/min se fait par un alternateur à deux paires de pôles. Dans le monde, on constate que les turbines de centrales nucléaires d’une puissance supérieure à 1 200 MW sont systématiquement à mi-vitesse, tandis que les turbines de puissance inférieure à 600 MW sont pleine vitesse. Comment expliquer cette différence ? À l’échappement des corps basse pression, il est nécessaire, à la fois pour le rendement de la détente et la tenue du condenseur, de limiter la vitesse axiale de la vapeur à l’échappement, donc de prévoir de grandes surfaces annulaires d’échappement possibles. Cependant, pour un corps BP, les dimensions de l’échappement sont limitées par la contrainte centrifuge admissible sur la dernière roue, qui est celle de plus grand diamètre.
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Les limitations imposées à la surface de l’échappement ne permettent pas actuellement de construire des turbines de plus de 1 000 MW et tournant avec une vitesse de rotation de 3 000 tours/min (production d’électricité à 50 Hz, à pleine vitesse). Cette contrainte centrifuge est encore plus restrictive pour les centrales alimentant des réseaux à 60 Hz, car la pleine vitesse est de 3 600 tours/min. La multiplication du nombre de corps BP afin d’offrir à la vapeur la surface d’échappement requise n’est pas une solution : en effet, le nombre de corps BP doit être limité pour que la ligne d’arbre reste constructible. Une division par deux de la vitesse de rotation (1 500 au lieu de 3 000 tours/min) autorise une longueur d’ailettes plus grande, et donc une augmentation de la surface d’échappement, tout en limitant la contrainte centrifuge. La surface d’échappement plus importante des turbines à mi-vitesse entraîne moins de pertes dues à l’énergie cinétique de la vapeur d’échappement, ce qui se traduit par un rendement de la turbine supérieur. Cette augmentation du rendement de la turbine procure un gain économique significatif, comme en témoigne le passage à mi-vitesse pour le projet Ling Ao phase II. Les unités 1 et 2 de Ling Ao, mises en service en 2002–2003 sont équipées de turbines pleine vitesse d’Alstom. Les unités 3 et 4 (Ling Ao phase II), mises en service en 2010 et 2011, sont basées sur des réacteurs de même puissance (2 904 MWth), mais sont équipées de la turbine mi-vitesse Arabelle qui accroît la surface d’échappement. Alstom quantifie un gain de 81 MW, associé au changement de technologie.
A2.4. Le circuit d’eau alimentaire : poste d’eau basse pression Le circuit d’eau alimentaire est représenté sur la figure A2.9. Il s’agit d’un schéma simplifié. Par exemple, les ventilations des réchauffeurs qui évacuent les incondensables vers CEX ne sont pas représentées, de nombreuses vannes réglantes sont omises. L’échangeur et les lignes associées, permettant de récupérer la chaleur des purges des GV6 par de l’eau du circuit CEX prélevée au refoulement des pompes d’extraction et renvoyée à la bâche alimentaire, ne sont pas représentés.
A2.4.1. L’extraction d’eau au condenseur L’installation comporte trois pompes à axe vertical, deux pompes en fonctionnement assurent l’extraction de l’eau du puits du condenseur et la troisième pompe est en secours. L’eau est refoulée à travers le poste d’eau basse pression jusqu’à la bâche alimentaire dégazante. Les pompes d’extraction compensent les pertes de charges des réchauffeurs du poste d’eau basse pression et le P statique du dénivelé entre le condenseur et la bâche ADG, située en hauteur dans la salle des machines à plus de 23 mètres au-dessus du puits du condenseur. 6 Les purges sont réinjectées au condenseur, après filtration/déminéralisation, ou bien rejetées vers les circuits
TER, ou KER.
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A2.4.2. Le poste ABP Le poste d’eau basse pression (système ABP) est constitué de trois files de réchauffeurs en parallèle, horizontaux : R1, R2 et R3. Il réchauffe l’eau d’extraction au moyen de la vapeur des soutirages S1, S2 et S3. R1 et R2 sont installés au sein de la manchette de liaison, qui est une gaine de raccordement entre les corps BP et les boîtes à eau du condenseur. Dans chaque file, l’évacuation des condensats R1 se fait directement dans le condenseur ; les condensats de R2 et R3 sont admis dans le ballon de reprise des condensats, puis refoulés à l’amont de R3 côté eau alimentaire par l’intermédiaire d’une pompe de reprise des condensats.
A2.5. La bâche ADG A2.5.1. Les fonctions de la bâche dégazante Le dégazeur est situé au-dessus de la bâche alimentaire et permet de réduire la teneur en oxygène de l’eau alimentaire afin de protéger l’ensemble du secondaire contre la corrosion. L’eau d’extraction en provenance du poste de réchauffage BP est pulvérisée dans le dégazeur en gouttelettes. Ces dernières permettent aux gaz dissous de disposer des surfaces et du temps nécessaires pour s’échapper7 de l’eau pulvérisée. La solubilité d’un gaz dans un liquide diminue quand la température du liquide augmente et tend vers zéro lorsque les conditions de saturation sont atteintes. Le réchauffage effectué en amont par ABP favorise le dégazage. L’eau dégazée est recueillie par la bâche alimentaire, située sous le dégazeur. Le dégazeur et la bâche alimentaire constituent un espace de réchauffage8 de l’eau d’extraction (en provenance du poste d’eau basse pression) par mélange avec la vapeur issue du soutirage 4 en sortie du corps HP de la turbine, et avec l’eau des condensats des sécheurs GSS (environ 183 ◦ C) et des réchauffeurs HP. La bâche constitue la réserve d’eau d’alimentation des GV.
A2.5.2. Niveau et pression dans la bâche Le condenseur est réglé à un niveau constant. Les variations volumiques du circuit eauvapeur (selon la dilatation et le taux de vide dans le GV) ainsi que les variations de masse d’eau dans les GV sont compensées par les variations de volume dans la bâche alimentaire. La bâche alimentaire joue le rôle de vase d’expansion du système secondaire. La consigne de niveau dans la bâche est une fonction de la charge. Afin d’éviter le phénomène de cavitation, la pression de saturation ne doit être atteinte en aucun point de la pompe nourricière ; il faut donc que la pression à l’entrée excède la pression de saturation d’une valeur suffisante qui est le NPSH requis (net positive suction 7 Les incondensables sont évacués vers le condenseur. 8 La bâche ADG pourrait être appelée réchauffeur n◦ 4, les réchauffeurs ABP étant numérotés de 1 à 3 et les
réchauffeurs AHP étant numérotés de 5 à 6.
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head). Le dénivelé d’une vingtaine de mètres entre la bâche ADG et les TPA apporte un NPSH disponible de 21 mCF qui couvre largement le NPSH requis. La pression au refoulement de la pompe nourricière assure l’absence de cavitation de la pompe principale : le NPSH disponible est d’environ 21 + 115 mCF. De plus le dégazage a pour conséquences de supprimer une grande partie des gaz, qui constituent des germes de cavitation permettant au phenomène de naître et de se développer. La dépressurisation maximale admise pour le fonctionnement des TPA est de 50 mbar/s. Un contrôle de la dépressurisation s’effectue par le soutien vapeur9 . À pleine puissance, la pression dans la bâche est d’environ 10,3 bars, la pression du soutirage 4 est légèrement plus élevée (10,6 bars).
A2.5.3. L’alimentation en vapeur de la bâche La figure A2.4 permet d’observer trois modes d’alimentation en vapeur de la bâche ADG, décrits ci-dessous : • le soutirage n◦ 4, constitué de deux tuyauteries piquées sur la liaison corps HPsécheurs, assure normalement la fourniture de vapeur à la bâche alimentaire ADG. C’est le cas lors du fonctionnement normal en puissance ; il y a alors autorégulation de la pression. Le soutirage 4 ne débite de la vapeur au dégazeur qu’au-dessus de 25 %Pn10 ; • soutien vapeur : à basse puissance (inférieure à 25 %Pn), la régulation de pression de la bâche ADG impose une pression de 2,5 bars abs11 en commandant l’ouverture des vannes ADG 117 VV et ADG 118 VV, de façon à réaliser des injections de vapeur de soutien. Ceci se traduit, à basse puissance, par une température saturée dans la bâche de 127 ◦ C, qui devient également la température de l’eau alimentaire des GV. Tandis qu’à pleine puissance, la température de l’eau alimentaire, environ 230 ◦ C, est largement supérieure à la température en sortie de bâche, 180 ◦ C, en raison de l’action des réchauffeurs HP. En fin de transitoire d’îlotage, la pression dans la bâche se stabilise à 2,5 bars ; • soutien en vapeur auxiliaire : avant le basculement sur vapeur vive qui est effectué à 1 %Pn au cours du démarrage, la bâche ADG est alimentée par le système de vapeur auxiliaire SVA. Ce système délivre la vapeur produite par une des deux chaudières à chauffe électrique. Une régulation maintient la bâche en pression à 1,5 bar absolu. 9 Les soupapes sont fermées pour une dépressurisation inférieure ou égale à 10 mbar/s. Pour les dépressurisations élevées, de 20 mbar/s à 50 mbar/s, les soupapes sont grandes ouvertes et de plus une limitation du débit d’eau CEX est sollicitée. 10 Comme cela est expliqué au chapitre 5 « Démarrage d’un réacteur après rechargement » , la pression du soutirage 4 devient supérieure à la pression minimale de la bâche ADG, c’est-à-dire 2,5 bars, à partir de 25 %Pn. 11 Nécessaire pour les deux TPA à basse puissance (constituées d’une pompe alimentaire et d’une pompe nourricière).
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Figure A2.4. La bâche ADG et son alimentation en vapeur.
A2.5.4. La fonction de contournement vapeur Les deux vannes de soutien vapeur ADG 117 VV et ADG 118 VV sont asservies à la régulation en pression de la bâche. De façon à anticiper les dépressurisations rapides de la bâche dans des transitoires comme l’îlotage ou le déclenchement turbine, ces deux vannes s’ouvrent en grand en cas de demande d’ouverture rapide du quatrième groupe des vannes GCT-c. Les vannes de soutien vapeur contribuent ainsi à augmenter la capacité de contournement de la turbine (sous pression mominale, avec les 16 vannes ouvertes : environ 85 %).
A2.6. Le circuit d’eau alimentaire : les turbopompes alimentaires A2.6.1. Description du système APP et fonctions Les GV d’une tranche sont alimentés en eau grâce à deux groupes turbopompes alimentaires (TPA) à demi-débit montés en parallèle et aspirant dans la bâche ADG. Ils sont constitués : • d’une turbine d’entraînement, • d’une pompe nourricière entraînée par la turbine via un réducteur, • d’une pompe alimentaire entraînée directement, • d’un dispositif de filtration (filtre à tamis) situé entre la pompe nourricière et la pompe alimentaire. Les TPA refoulent l’eau alimentaire vers les générateurs de vapeur à travers le poste de réchauffage HP, puis vers un barillet commun d’où partent les lignes d’alimentation en eau de chaque GV (comprenant les vannes réglantes de niveau d’eau). Au démarrage et à faible niveau de puissance (jusqu’à 20 % de charge), l’alimentation des turbines d’entraînement s’effectue uniquement avec de la vapeur vive (vapeur haute
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pression saturée) provenant du barillet vapeur. Ensuite, l’alimentation passe progressivement de vapeur vive à vapeur surchauffée piquée sur la liaison GSS-corps BP. Au-dessus de 60 % de charge environ, elle s’effectue uniquement en vapeur surchauffée. L’échappement des turbines se fait au condenseur. Le fonctionnement maximal avec une seule TPA est de 67 %Pn. Les TPA fournissent la charge nécessaire pour vaincre les pertes de charges en eau associées au débit d’eau alimentaire, entre la bâche ADG et le tore d’alimentation en eau des GV. La bâche alimentaire est à une hauteur proche du tore d’alimentation en eau des GV. Quand la tranche est à puissance nominale, la hauteur manométrique totale fournie par une TPA (pompe nourricière et pompe alimentaire), à puissance nominale, peut être estimée à 770 mCF (mètres de colonne de fluide, c’est-à-dire d’eau à 181 ◦ C), ou encore 66,9 bars. La pompe nourricière y contribue pour environ 115 mCF. La puissance utile d’une pompe alimentaire se calcule facilement : Pu (W ) = H(m)gQm (kg/s) soit Pu = 655 × 9,81
3 890 = 6,94·106 W 3,6
La puissance absorbée sur l’arbre par une pompe alimentaire s’en déduit, compte tenu de son rendement : Pu = 8,07 MW. Pa = η La puissance mécanique absorbée sur l’arbre d’une TPA (pompe nourricière + pompe alimentaire) est d’environ 9,5 MW. Cette valeur est cohérente avec un bilan de puissance ˙ x h sur l’alimentation de vapeur. m
A2.6.2. La régulation de vitesse des TPA Les TPA ont une vitesse variable réglée en fonction de la charge ; la régulation de vitesse est justifiée à la section « L’alimentation en eau des GV ».
A2.7. Le circuit d’eau alimentaire : le poste d’eau haute pression Le poste d’eau haute pression réchauffe l’eau alimentaire extraite de la bâche alimentaire par les deux TPA. Il est constitué de deux files de réchauffeurs en parallèle, chaque file étant composée de réchauffeurs R5 et R6 en série. Les réchauffeurs R5 et R6 assurent la désurchauffe des soutirages, leur condensation et le refroidissement des condensats qui en résultent. Chaque réchauffeur R6 reçoit un soutirage S6, ainsi que les condensats des deux surchauffeurs du GSS en liaison avec la file de réchauffeurs HP. Chaque réchauffeur R5 reçoit un soutirage S5 et les condensats de vapeur du R6 de la même file. La pression des soutirages S5 et S6 croît presque linéairement avec la charge du réacteur. Au cours d’un démarrage, les débits des soutirages 5 apparaissent quand la pression S5 devient supérieure à la pression dans la bâche ADG, ce qui se produit vers 15 % de
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Figure A2.5. Températures de la bâche ADG et de l’eau alimentaire, et débit d’eau alimentaire.
puissance (la pression dans la bâche ADG est alors de 2,5 bars). La pression S6 est supérieure à S5, mais des pertes de charges supplémentaires s’interposent entre S6 et ADG (traversée de R6). On peut considérer que les débits des soutirages S5 et S6 apparaissent vers la même puissance, environ 15 %Pn. La figure A2.5 donne une estimation de la température de l’eau alimentaire et de celle de la bâche ADG en fonction de la charge. Les condensats des réchauffeurs R5 se dirigent vers la bâche ADG, en raison de l’écart de pression entre les réchauffeurs et la bâche ADG. Le régulateur de niveau des réchauffeurs R5 et R6 commande l’ouverture des soupapes d’évacuation normale des condensats (vers la bâche pour R5, vers R5 pour R6).
A2.8. L’alimentation en eau des GV : le système ARE A2.8.1. Fonction et description du système Le système ARE assure la distribution de l’eau alimentaire issue du poste d’eau haute pression aux quatre GV, tout en maintenant leur niveau à une valeur de consigne fonction de la charge. À partir d’un barillet commun situé en aval du réchauffeur R6, l’eau alimentaire est répartie en lignes associées chacune à un GV.
A2.8.2. Les vannes réglantes de niveau Sur chaque ligne, deux vannes réglantes montées en parallèle règlent le niveau d’eau des GV : • une vanne petit débit : – réglante jusqu’à 15 %Pn (au démarrage et à très basse puissance), – ouverte en grand au-dessus de 15 %Pn ;
A2 – Les circuits eau et vapeur d’une tranche P’4
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Figure A2.6. Le P eau-vapeur de consigne.
• une vanne gros débit : – fermée en dessous de 15 %Pn, – réglante au-dessus de 15 %Pn. Les quatre régulations de niveau d’eau, associées chacune à un GV, agissent de façon indépendante entre elles. Des seuils d’AAR par très bas niveau ou très haut niveau dans un GV empêchent le dénoyage du tore d’alimentation ou la production de vapeur avec un excès d’humidité inacceptable pour la turbine.
A2.8.3. Le P eau-vapeur Le P eau-vapeur est défini comme l’écart de pression entre le barillet d’alimentation en eau des GV et le barillet vapeur. Il comprend les composantes suivantes (les valeurs sont données à puissance nominale) : – P des pertes de charge en vapeur entre le GV et le barillet vapeur – environ 2,3 bars ; – P statique, entre le barillet d’alimentation en eau et les tores – 14 mètres à × 830 230,5 ◦ C soit 1,3729 = 1, 14 bar (se reporter à la figure A2.6) ; 1 000 – P des pertes de charge en eau dans les lignes environ 2,5 bars ; – P des soupapes ARE : il est lié au P moteur des TPA. En effet, les pressions au barillet vapeur et dans la bâche alimentaire dépendent de la puissance. Si le P moteur des TPA est élevé, alors les vannes réglantes ARE sont plus ouvertes.
A2.8.4. Principes de la chaîne de réglage du P eau-vapeur Que se passerait-il lors d’une augmentation de charge si la vitesse des TPA était constante ?
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Leur vitesse étant, pour le raisonnement, supposée constante, les TPA apportent un P constant. Le débit massique de vapeur appelé à la turbine augmente ; en conséquence, les niveaux d’eau baissent dans les GV (bilan de masse eau-vapeur) et les régulations de niveaux augmentent l’ouverture des vannes ARE de façon à augmenter les débits d’eau alimentaire12 et maintenir les niveaux. Si la vitesse des TPA était constante, alors les vannes ARE, en faisant varier leur résistance hydraulique, assureraient seules les modifications des débits d’eau alimentaire des GV nécessaires pour régler les niveaux des GV. Dans la réalité, l’augmentation de la vitesse de rotation des TPA avec la charge du réacteur leur permet de fournir un accroissement de P moteur, ce qui a pour effet de limiter le travail d’ouverture des vannes ARE. La chaîne de réglage du P eau-vapeur, en agissant sur l’admission vapeur aux turbines des TPA, modifie la pression au refoulement des TPA, donc au barillet eau, ce qui permet de limiter l’amplitude des ouvertures/fermetures des vannes ARE lors des variations de puissance. Cette chaîne de réglage peut être décrite de la façon simplifiée suivante. • Une consigne de P eau-vapeur est élaborée suivant une différence programmée de pression en fonction de la charge, cette dernière étant estimée à partir de la mesure du débit de vapeur total des quatre GV13 (figure A2.6). La différence programmée de pression permet d’obtenir un P des soupapes ARE à peu près constant à 3 bars quelle que soit la charge. • Le régulateur de P eau-vapeur élabore une consigne de vitesse des TPA à partir de l’écart entre le P eau-vapeur de consigne et le P eau-vapeur réel. • Le régulateur de vitesse de chaque TPA élabore la position d’ouverture demandée de la soupape réglante d’admission vapeur à la turbine de la TPA. • L’asservissement d’ouverture de chaque TPA asservit l’ouverture effective de la soupape réglante à la position demandée.
A2.9. Représentation dans un diagramme thermodynamique – les schémas eau et vapeur Les cycles thermodynamiques eau-vapeur sont habituellement tracés dans un diagramme de Mollier14 (h, S). 12 La baisse de pression dans les GV contribue à l’augmentation de débit, mais de façon insuffisante. 13 Le débit de vapeur est quasiment proportionnel à la charge. Il est calculé à partir de la mesure de la perte de
charge entre le dôme du générateur de vapeur et un point en aval sur la tuyauterie de vapeur. Un extracteur de racine carrée fournit la valeur du débit. 14 À la conférence thermodynamique en 1923 à Los Angeles, le professeur Mollier (1863–1935), enseignant de l’université de Dresde et pionnier de la représentation graphique pour l’enseignement de la thermodynamique, était honoré par la désignation de tous les diagrammes thermodynamiques, ayant l’enthalpie pour l’un des axes, par le nom de « diagramme de Mollier ». Cette expression désigne les diagrammes (h, S) et (h, P).
A2 – Les circuits eau et vapeur d’une tranche P’4
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Figure A2.7. Diagramme enthalpie pression du cycle thermodynamique d’une tranche P’4.
Le diagramme (h, S) permet de mettre en évidence les rendements isentropiques des composants du cycle, en particulier les turbomachines. Pour illustrer ce chapitre, nous faisons le choix du diagramme (h, P ). Ce diagramme est souvent utilisé dans le cas des machines frigorifiques. De la même façon que sur le diagramme (h, S), les enthalpies mises en jeu se lisent sur un des axes. Par convention, dans le diagramme (h, P ) l’enthalpie est représentée sur l’axe des abscisses. Dans la zone liquide, les isothermes sont pratiquement verticales sauf à proximité du point critique. Dans la zone mixte, la pression et la température sont reliées par la loi de pression saturante, les isothermes sont horizontales. Le cycle est représenté sur la figure A2.7. Le rendement du cycle thermodynamique étudié dans ce chapitre (avec, parmi d’autres hypothèses, un condenseur à 52 mbar) s’obtient en divisant la puissance mécanique par la puissance extraite aux GV : 1 386,6/3 817 = 36,33 %. Le rendement complet de la tranche est, obtenu en divisant la puissance électrique nette par la puissance thermique du cœur : 1 310/3 800 = 34,5 %. Le lecteur peut se reporter à l’annexe 4 « Évacuation d’énergie ».
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Figure A2.8. Circuit vapeur d’une tranche P’4, à partir de la détente HP.
Figure A2.9. Circuit d’eau alimentaire d’une tranche P’4.
A3
Régulation du groupe turbo-alternateur
Il faut en permanence que la puissance des centrales couplées au réseau électrique corresponde à la demande. Les évolutions du déséquilibre entre puissance produite sur le réseau et puissance consommée se traduisent par des variations du couple résistant s’opposant à la rotation, et donc par des variations de la vitesse de rotation des groupes et de la fréquence électrique. Toutes les tranches nucléaires sont équipées d’un régulateur : • REC70 pour les tranches CP0, CP1 et CP2 et pour 14 tranches REP 1 300 MWe (P4, H4 et la moitié des tranches P4’) ; • MicroREC pour six tranches P’4 (Cattenom 3 et 4, Penly 1 et 2, Golfech 1 et 2) et pour le palier N4. C’est le régulateur REC70 qui sert de référence au présent chapitre. La régulation de la turbine assure plusieurs types de fonctions : • démarrage et arrêt du GTA (groupe turbo-alternateur), • contrôle de la vitesse à tout instant, • asservissement de la puissance électrique fournie par le groupe turbo-alternateur à une consigne fixée, • limitation de la puissance fournie. Le régulateur de la turbine assure également un contrôle de la température de la vapeur surchauffée en réglant l’admission de la vapeur de chauffe par une action sur la soupape GSS 001 VV (figure A2.8) suivant une consigne croissant avec la charge.
A3.1.1. Structure générale La structure générale de la chaîne de commande se présente de la façon suivante : le régulateur élabore une consigne (commande de l’admission turbine : position commandée des soupapes ou référence ouverture turbine) transformée par les actionneurs en une position des soupapes réalisée qui commande le débit admis dans la turbine. Le régulateur possède deux parties distinctes : le module vitesse/fréquence et le module puissance.
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F0
N.Pr
P0
Régulateur
Consigne
Position soupapes
Turbine
Actionneurs
Couple
Alternateur
Puissance électrique mesurée Vitesse mesurée
Figure A3.1. Structure générale de la commande du groupe turbo-alternateur. Tableau A3.1. Choix des vitesses. Mode Direct Manuel
Pente 1 2 3
Valeur (tours/min2 ) 25 250 750
A3.1.2. Module vitesse/fréquence Le module vitesse/fréquence remplit l’une ou l’autre des deux fonctions : • Il assure la montée en vitesse du groupe avant couplage. La vitesse mesurée est comparée à une consigne variable issue du commutateur CMD (écart de vitesse pour la montée en vitesse). • Il assure le réglage primaire de fréquence. La fréquence mesurée est comparée à la consigne f0 = 50 Hz (écart de fréquence). À partir de l’un de ces deux signaux d’écart, il élabore k f (cf. relation P − P0 = k (f − f0 )) ; k étant l’inverse du statisme de la régulation et f la déviation de fréquence. La montée en vitesse peut s’effectuer dans deux modes différents : manuel (M) ou direct (D) grâce au commutateur CMD. Le mode direct correspond à un fonctionnement automatique qui assure la montée en vitesse avec une pente prédéterminée jusqu’à la référence de vitesse fixée par l’opérateur. En mode manuel, des impulsions sur un bouton ± vite permettent de changer la vitesse de consigne avec un gradient de 750 tr/min2 .
A3.1.3. Module puissance Le module de puissance assure quatre fonctions : • montée en puissance du groupe, • élaboration de la consigne d’ouverture, • basculement automatique d’un fonctionnement en asservissement de puissance à une commande en ouverture, • prise en compte du téléréglage.
´ A3 – Regulation du groupe turbo-alternateur
285
Tableau A3.2. Type d’asservissement en fonction de la position du commutateur CMAD. Position du commutateur Consigne Type d’asservissement1 Automatique P0 + kf + NPr De la puissance Manuel Contenu de la mémoire analogique + kf de l’ouverture Direct P0 + kf De l’ouverture
Le fonctionnement de la boucle ou module de puissance peut se faire selon trois modes : automatique, manuel ou direct (commutateur CMAD HMP). P0 est la référence puissance, ou consigne de puissance électrique brute, utilisée en mode automatique ou en mode direct. On l’appelle également réglage tertiaire. Cette valeur est ajustée par l’opérateur. kf représente l’action correctrice du réglage primaire de fréquence. Cette action correctrice est proportionnelle à l’écart entre la fréquence mesurée et la fréquence de consigne f0 (50 Hz). N.Pr représente l’action du réglage secondaire de fréquence, ou téléréglage. Le schéma de principe de la boucle de puissance est représenté sur la figure A3.2. Il fait apparaître les liaisons avec le système RGL. Avec : Pmesurée : puissance électrique instantanée, Tf : constante de temps du système de mesure de Pmesurée , P0 : consigne de puissance en mode automatique ou direct. Comme pour la montée en vitesse, la consigne utilisée pour la montée en puissance peut être élaborée de deux manières différentes : • en mode automatique ou direct, un programmateur digital (système de génération de rampe, également dit « de recopie ») permet de réaliser des variations de charge suivant une rampe à pente constante prédéterminée (avec une pente maximum de +70 MW/min) jusqu’au palier à atteindre. Neuf pentes de charge prédéterminées sont disponibles : 2, 4, 6, 10, 15, 25, 40, 50 et 70 MWe/min. Les variations de puissance sont commandées par sélection d’une valeur finale et d’une pente ; • en mode manuel : l’opérateur agit manuellement par des impulsions sur les boutonspoussoirs ±. 1 La question du type d’asservissement, d’ouverture ou de puissance, est un ancien sujet de débat technique. L’asservissement direct fait le lien entre une puissance attendue et l’ouverture des organes d’admission, avec l’inconvénient de la non-linéarité de la relation entre la position de l’organe d’admission et la puissance (qui varie en fonction de la pression vapeur par exemple). Des linéarisations électroniques permettent de compenser ces non-linéarités. Le rajout d’une fonction de transfert de type PI en amont est une idée introduite dans les années 1960 permettant l’asservissement dit de puissance, censé réaliser la fourniture de puissance attendue en réglage secondaire de fréquence. Par choix, le réglage secondaire de fréquence n’est disponible qu’en asservissement de puissance (mode automatique). Les premiers essais de l’asservissement de puissance sur un REP ont été réalisés en Belgique sur la centrale de Tihange en 1978.
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Figure A3.2. Schéma simplifié de la boucle de puissance. Le module vitesse/fréquence est simplifié, seul apparait le réglage de fréquence.
A3.1.4. Commutateur en position automatique La position automatique correspond au fonctionnement normal du régulateur, en asservissement de la puissance. Ce mode permet de faire à la fois du téléréglage et du réglage primaire de fréquence. La position commandée des soupapes est ajustée en permanence, elle résulte de la sortie d’un régulateur PI qui asservit la puissance électrique mesurée à (P 0 + NPr + k f ). Cette boucle est plus complexe que celle de l’asservissement d’ouverture. Avec le commutateur en position automatique, la puissance fournie est indépendante des conditions vapeur. Les dégradations du rendement au secondaire de l’installation sont compensées par une ouverture plus importante des vannes d’admission vapeur à la turbine. Avec l’asservissement de la puissance, la boucle réalisée est plus complexe qu’avec l’asservissement de l’ouverture, puisqu’elle inclut la réponse de la turbine et un couplage avec l’ensemble alternateur + réseau. En mode automatique, les perturbations sur le réseau se répercutent sur l’admission de la turbine. Seul le mode automatique permet de faire du téléréglage.
A3.1.5. Basculement en asservissement de l’ouverture Comme les autres groupes de production, les REP basculent automatiquement en mode ouverture sur de grandes variations de fréquence ou de puissance électrique. Le basculement en asservissement d’ouverture s’effectue si l’écart entre la puissance électrique débitée par le groupe et la consigne de puissance est supérieur à 10 %. La consigne de téléréglage est alors annulée.
´ A3 – Regulation du groupe turbo-alternateur
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A3.1.6. Fonctionnement en asservissement de l’ouverture L’asservissement de l’ouverture se base sur une relation à l’équilibre, statique, entre la puissance et l’ouverture des vannes réglantes d’admission vapeur à la turbine : c’est l’ouverture qui représente la puissance. Il s’agit d’un fonctionnement en boucle ouverte. La boucle d’asservissement est alors simple, et sons problème de stabilité. Le principe de l’asservissement de l’ouverture est de convertir une consigne de puissance issue du mode direct ou du mode manuel en position commandée d’ouverture des organes d’admission à la turbine (référence ouverture turbine). En raison de la non-linéarité entre la position des vannes réglantes et la puissance mécanique délivrée par la turbine, des dispositifs électroniques linéarisent la relation entre le débit de vapeur et la commande issue du régulateur. La puissance délivrée par la turbine dépend aussi de la pression vapeur. En conséquence, la puissance délivrée par la turbine peut présenter des écarts par rapport à la puissance de consigne. On commande des variations de puissance par affichage d’une valeur finale et d’une rampe.
A3.1.7. Fonctionnement sur limiteur. Limitation de la pression « première roue turbine » P1RT On entend par « pression première roue turbine » la pression mesurée après la première roue dans le corps HP de la turbine. Cette pression est une image de la puissance mécanique délivrée par la machine, mais elle est cependant dépendante du rendement au secondaire. En effet, quand la régulation turbine est en mode automatique, l’ouverture plus importante des vannes d’admission vapeur entraîne une augmentation de la pression première roue turbine. En fixant une valeur maximale de la pression, on impose une limite à la puissance fournie par la turbine. Dans un fonctionnement sur limiteur, l’opérateur fixe une consigne de pression première roue turbine ainsi qu’une référence puissance P0 (en MWe) supérieure à la puissance électrique correspondant à la P1RT. L’écart entre les deux, 80 MWe, constitue ce que les exploitants appellent la marge d’« enquillage » du limiteur. En raison du sélecteur de minimum, seul l’écart entre la P1RT mesurée et sa valeur de consigne est utilisé pour l’ouverture des soupapes réglantes. Le fonctionnement sur limiteur, avec P0 au-dessus du limiteur, revient à réguler la P1RT sur sa consigne. Le fonctionnement sur limiteur est en particulier utilisé lors des essais neutroniques en puissance. Si P0 + k f devient inférieur au signal de la chaîne du limiteur de pression, étant donné le sélecteur de minimun, P0 + k f devient prioritaire et il se produit une sortie du limiteur : on perd la stabilité en puissance exigée pour les essois.
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A3.1.8. Signaux logiques de réduction de charge Certains signaux de protection issus de la chaudière (C3, C4, C21 et C22)2 ou de l’alimentation en eau des GV (perte d’une TPA) interviennent au niveau du sélecteur de MIN et provoquent une réduction de charge jusqu’à disparition du signal.
A3.1.9. Chaîne de commande des soupapes L’ensemble de la chaîne de commande des soupapes permet de convertir le signal de commande des soupapes en position réelle des soupapes réglantes (HP) et modératrices (BP). La loi d’ouverture des soupapes modératrices demande une pleine ouverture à partir de 10 % de charge ; l’ouverture des soupapes réglantes est croissante avec la charge. Les soupapes réglantes ne sont pas pleinement ouvertes à PMD : une réserve de laminage, par rapport à la pleine ouverture, leur permet de compenser par une ouverture plus importante une pression vapeur aux GV diminuée (ce qui se produit en cas d’encrassement des GV).
A3.1.10. Limiteur de vitesse et d’accélération Le LVA a pour but de provoquer la fermeture rapide de l’ensemble des soupapes modératrices (admission BP) et réglantes (admission HP) lors des délestages et des îlotages. Quand l’accélération de la ligne d’arbre ou la vitesse de rotation sont supérieures à un seuil, un signal de fermeture est envoyé à la chaîne de commande des soupapes (ce signal est maintenu pendant une durée maximale de 0,5 secondes). Cela permet d’éviter que la vitesse du groupe turboalternateur atteigne le seuil de déclenchement lors des délestages brutaux, tout en améliorant la stabilité du groupe couplé au réseau. Quand le LVA agit, l’admission turbine est complétement fermée.
A3.1.11. Aspects « exploitation » La RCN PIL3 d’EDF prescrit de garder en permanence le CMAD en position automatique, à l’exception du fonctionnement en stretch pendant lequel la régulation de puissance est en mode direct. En mode automatique, la consigne de position des GCP (se reporter au chapitre « Introduction au fonctionnement et pilotage des REP » ) est élaborée en fonction de la puissance secondaire suivant la courbe G3 mise à jour à chaque essai période EP RGL4. En mode direct, cette consigne de position est élaborée en passant par la courbe de correction G1 permettant de convertir la position commandée des soupapes en valeur de puissance, puis par la courbe G3. 2 Le franchissement du seuil C3 par le DNBR (calcul effectué par le SPIN) tente d’éviter l’AAR en provoquant un blocage de l’extraction des grappes ainsi qu’une réduction programmée de la charge turbine. Le franchissement du seuil C4 par la Plin provoque les mêmes actions. C21 correspond à une limite IPG et C22 à un écart élevé entre Tmoy et Tréf (> 5 ◦ C). 3 « Règle de conduite normale PIL – pilotage des tranches après mise à disposition du réseau ».
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Le fonctionnement en mode automatique permet d’être indépendant de l’élaboration de la courbe G1 et d’obtenir une meilleure réponse des GCP4 aux variations de puissance secondaire. C’est donc l’existence d’une interface entre le système de pilotage du cœur et la régulation de puissance du GTA qui justifie de prescrire le fonctionnement en asservissement de la puissance (mode automatique). En suivi de charge, les STE limitent la pente de variation de charge à 50 MWe/min. En suivi de charge et réglage de fréquence superposés (suivi de réseau), la pente de variation de charge doit être limitée à 40 MWe/min. Les STE limitent la participation au réglage secondaire (téléréglage) à 5 % de la puissance nominale (70 MWe). La participation globale (réglages primaire et secondaire de fréquence) est limitée à 7 % (97 MWe).
A3.1.12. Points de consigne et réseau électrique – définitions La PCN, puissance continue nette, est la puissance électrique nette maximale réalisable en continu par l’équipement de la tranche et qui peut être obtenue sans limitation de durée autre que celle due à l’entretien normal, la chaudière étant à la puissance maximale autorisée. La PMD est la puissance électrique nette maximale disponible en régime continu et dans les conditions réelles du moment, eu égard à l’état technique des installations et à leur possibilité de fonctionnement. La PMD est susceptible de varier en fonction du rendement de l’installation, en particulier en fonction de la température de la source froide. Il s’agit d’un fonctionnement sur limiteur, réglé à 100 %Pn. Dans un fonctionnement à PMD, le réglage de fréquence n’est pas possible. Par extension, on appelle PMDs la PMD d’une tranche n’ayant pas d’indisponibilité entraînant la réduction de la puissance thermique cœur. Quelques points de consigne usuels : • Pc : consigne de puissance électrique nette intermédiaire avec participation au réglage primaire ; • Pcmax : consigne de puissance nette maximale avec réglage primaire (±2 % de la puissance électrique nominale) ; • Pc xxx MW : consigne de puissance nette de xxx MW avec réglage primaire ; • Pcmin : consigne de puissance électrique nette minimale avec réglage primaire ; • Pco : consigne de puissance électrique nette de xxx MW avec participation au réglage primaire et réglage secondaire ; 4 La commutation du CMAD entre les positions auto et direct peut entraîner des écarts de consigne de position
des GCP allant jusqu’à 60 pas et un déplacement des GCP.
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
290
Tableau A3.3. Points de consigne et participation au réglage de fréquence. Situation
Référence charge P 0 (MWe)
Puissance thermique primaire obtenue
Réglage du limiteur opérateur
(%Pn)
En % du L1005 relatif à la pression 1re roue turbine
Réglage primaire
Téléréglage
PMD
80 MW au-dessus de Lim OP CMAD direct
100 %
100 %
0 % – hors service
0 % – hors service
Pcmax
27 MW sous Lim OP CMAD auto
97,6 % PMD – 2,4 %
99,6 %
±2 % Bande de 54 MWe
0 % – hors service
Pcomax
97 MW sous Lim OP CMAD auto
92,6 % PMD – 7,4 %
99,6 %
±2 % ±5 % Bande de 54 MWe Bande de 135 MWe
Pcomin
97 MW au-dessus de MT CMAD auto
MT + 7 %
±2 % ±5 % Bande de 54 MWe Bande de 135 MWe
Pcmin
27 MW au-dessus de MT CMAD auto
MT + 2 %
±2 % Bande de 54 MWe
0 % – hors service
MT
0 % – hors service
0 % – hors service
MT (minimum technique)
• Pcomax : consigne de puissance nette maximum, tranche en téléréglage et réglage primaire, permettant de dégager la réserve primaire maximale du groupe quel que soit le niveau de participation au réglage secondaire ; • Pcomin : consigne de puissance électrique nette minimale en téléréglage et réglage primaire. Le tableau A3.3 permet de faire le lien entre les points de consigne et la participation au réglage de fréquence. On rappelle que le signal de réglage primaire de fréquence kf est compris dans une bande de ±2 %Pn, et peut traverser cette bande quasi-instantanément. En réglage primaire, la consigne de puissance nette maximale est Pcmax = 97,6 %Pn, ce qui veut dire que la tranche fournit en théorie tout au plus 99,6 %Pn. La présence d’une marge de 0,4 % permet de prévenir un éventuel dépassement de la puissance thermique primaire lors des fluctuations de la puissance électrique. De plus, lorsqu’une tranche nucléaire participe au réglage de fréquence, le limiteur de pression première roue turbine est fixé à 99,6 % de sa valeur nominale. La marge de 0,4 % correspond à une estimation enveloppe de l’amplitude d’éventuels dépassements transitoires de puissance thermique en réglage primaire de fréquence. 5 Le L100 est la pression première roue turbine, exprimée en MW, déterminée lors du bilan enthalpique BIL100
effectué à PMD (EP RPN11).
A4
Les flux d’énergie dans un REP
Les puissances présentées dans cette annexe constituent un exemple de valeurs que l’on peut rencontrer dans une tranche REP 1 300 MWe à pleine charge. Elles sont cohérentes avec les calculs et les valeurs de l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur ».
A4.1. Puissance primaire et puissance échangée aux GV La puissance échangée aux quatre GV (3 817 MW) est inférieure à la somme entre la puissance thermique cœur (3 800 MW) et la puissance absorbée sur les arbres des GMPP (23,2 MW). Des pertes doivent être décomptées de la puissance véhiculée par le fluide primaire, en particulier les déperditions calorifiques à l’intérieur du BR (3,9 MW) et le refroidissement apporté par RCV (injection d’eau froide aux joints des GMPP et débit de charge à une température inférieure à celle du primaire, soit au total environ 1,6 MW).
A4.2. Passage de la puissance mécanique à la puissance électrique nette La puissance mécanique produite dans les corps HP et BP de la turbine subit des pertes sur les paliers (supposées égales à 2 MW) et la conversion par l’alternateur en puissance électrique se fait avec un rendement de 99 %. On peut estimer la puissance électrique brute, en reprenant la puissance mécanique calculée dans l’annexe 2 (1 386,6 MW), qui fait hypothèse d’une pression au condenseur de 52 mbar : Pélec
brute
= (1 386, 6 − 2) × 0, 99 = 1370, 75 MWe
La puissance électrique brute est produite à une tension de 201 kV ; sa mesure est effectuée à la sortie de l’alternateur. Elle est ensuite élevée à 400 kV par le transformateur 1 Pour les REP 900 MWe, la tension est de 24 kV.
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292
Tableau A4.1. Valeurs représentatives des puissances d’un REP 1 300 MWe (52 mbar au condenseur).
principal, avec des pertes de transformation de 5 MWe. Puis, la puissance se répartit, à pleine charge, comme suit : • environ 95 % vers le réseau électrique, • environ 5 % passant par un transformateur de soutirage (passage de 400 kV en 6,6 kV) consommés par les auxiliaires électriques de la centrale : moteurs d’entraînement des pompes et des ventilateurs, etc. La puissance continue nette représente la puissance que la tranche est capable de fournir au réseau électrique. Elle est donc évaluée à la frontière entre la tranche et le réseau électrique. Les programmes journaliers de puissance, envoyés par le Centre d’optimisation production marchés (COPM) aux unités de production, sont toujours exprimés en puissance électrique nette. Les transformateurs sont à l’origine de pertes : • 5 MWe pour les pertes du transformateur principal, • 0,5 MWe pour les pertes du transformateur de soutirage. Le terme « puissance des auxiliaires » englobe la consommation des auxiliaires (sous 6,6 kV), les pertes du transformateur principal et celles du transformateur auxiliaire. On suppose cette puissance égale à 60 MW. Ce n’est qu’à partir de 8 % de puissance thermique nominale environ que la tranche peut délivrer au réseau une puissance électrique nette. À ce niveau de puissance, toute la puissance électrique brute de l’alternateur est absorbée via le transformateur de soutirage, pour alimenter les auxiliaires. D’où la formule : %Pélec nette =
100 (%Pn − 8) 100 − 92
avec : %Pn : pourcent de la puissance thermique nominale. À 8 %Pn, on peut noter le faible rendement du cycle thermodynamique, environ 20 %. En effet, à ce niveau de puissance, il n’y a pas de réchauffage de la bâche ADG par le soutirage S4, ni de débit de soutirage dans les réchauffeurs R5 et R6. L’eau alimentaire est à une faible enthalpie (sa température n’est que de 127 ◦ C).
´ A4 – Les flux d’energie dans un REP
293
Figure A4.1. Enthalpie à l’entrée du diffuseur en fonction de la pression au condenseur.
A4.3. Sensibilité de la puissance mécanique aux performances thermodynamiques du cycle eau-vapeur La puissance mécanique, et par conséquent la puissance électrique brute, subit les variations des performances thermodynamiques du cycle eau-vapeur. Ces variations de performances sont principalement dues aux variations du vide au condenseur, qui dépend de la source froide, et qui peut également être dégradé2 par des entrées d’air. La puissance mécanique délivrée par la turbine tend à être plus élevée quand la pression au condenseur est plus basse, en raison de l’augmentation de la chute d’enthalpie consécutive à la détente alors que, de manière opposée, le rendement de la détente dans les corps BP est plus faible (il décroit quand la pression au condenseur diminue, en raison d’une énergie cinétique résiduelle à l’échappement plus élevée3 ). Nous rappelons que le diffuseur de vapeur, à la sortie de la dernière roue BP, a pour objectif de réduire les pertes par énergie cinétique résiduelle d’un corps BP. En raison de ces deux effets opposés, la puissance mécanique présente un maximum situé aux alentours de 40 à 50 mbar. Pour estimer la perte de puissance par réduction de la chute d’enthalpie, pour chaque millibar supplémentaire au condenseur, nous estimons l’évolution de l’enthalpie à l’issue de la détente BP en fonction de la pression (figure A4.1). La variation d’enthalpie de la vapeur lors de la détente BP subit une diminution, exprimée par millibar de pression supplémentaire au-dessus de 52 mbar : δh ∼ −1 −1 = 1,29 kJ·kg ·mbar δPcond 2 L’encrassement du condenseur nuit à l’échange et affecte également les performances thermodynamiques. 3 Se reporter à l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur ».
294
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
La perte de puissance mécanique s’en déduit : δPuiss δh = Qvap BP δPcond δPcond Le débit massique total de vapeur aux sorties des trois corps BP (donc après les soutirages S1) est donné dans l’annexe 2 « Les circuits eau et vapeur » : Qvap BP = 3 989
1 000 kg/s 3 600
D’où une estimation de la perte de puissance mécanique par réduction de la chute d’enthalpie, pour chaque millibar supplémentaire au condenseur : δPuiss ∼ −1 = 1,43 MW·mbar (valable autour de 52 mbar) δPcond La mise en œuvre de la récupération de l’énergie des purges APG améliore de quelques mégawatts la puissance électrique. Il est toutefois possible de fonctionner à pleine charge sans récupération d’énergie avec un échangeur refroidi par RRI ; ceci se traduit par une perte de puissance. Les valeurs du tableau A4.1 correspondent donc à une pression au condenseur donnée, à une installation secondaire donnée et à certaines options de fonctionnement (par exemple la mise en œuvre de la récupération d’énergie des purges). Les performances des tranches sont sujettes à des évolutions saisonnières. Si l’on considère par exemple un site en bord de mer, l’évolution de la température de la source froide (supposée4 de 6 ◦ C à 20 ◦ C de l’hiver à l’été) se répercute sur la température de saturation, et donc sur la pression au condenseur. À pleine puissance, l’eau de mer se réchauffe de 14 ◦ C entre l’entrée et la sortie du condenseur, pour un débit d’eau de circulation de 435 m3 /s. La température de saturation6 au condenseur est environ 6 ◦ C au-dessus de la température de l’eau de mer à la sortie du condenseur. Le T entre la température de la mer et celle de saturation est d’environ 20 ◦ C7 . La figure A4.2 montre l’amplitude de la variation saisonnière de puissance électrique pour un site en bord de mer, calculée avec un modèle simplifié qui tient compte des effets opposés liés à la chute d’enthalpie et à l’énergie cinétique de la vapeur à l’échappement du diffuseur. 4 Valeurs typiques mesurées en mer à Penly. 5 Le débit d’eau de circulation est plus élevé pour une tranche en bord de rivière (typiquement 46,5 m3 /s). 6 La température de saturation peut être obtenue à partir des valeurs mesurées sur la tranche de la température
en aval des pompes d’extraction CEX ou à partir de la pression au condenseur. 7 Le T entre la température de saturation et la température de la source froide en sortie du condenseur dépend également de la puissance de la tranche : en effet, plus le débit massique de vapeur qui arrive au condenseur est élevé, plus la pression y est importante.
´ A4 – Les flux d’energie dans un REP
295
Figure A4.2. Sensibilité de la puissance électrique brute à la température de la source froide. Estimations avec un modèle simplifié.
Sur un site en bord de fleuve, l’amplitude des variations de pression au condenseur est plus élevée (ceci est vrai pour les variations saisonnières et journalières) ; la pression peut dépasser 100 mbar.
A4.4. Diagramme des flux Le diagramme de la figure A4.3 représente les flux de puissances dans une tranche REP 1 300 MWe (P’4) à puissance nominale.
296
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
Figure A4.3. Flux simplifiés des puissances dans une tranche REP P’4.
Index Trigrammes systèmes ABP
ADG
AHP
APG APP
ARE
ASG CET
CEX
Poste d’eau basse pression. Réchauffe l’eau d’extraction par les soutirages BP 1, 2 et 3. Bâche alimentaire dégazante
Poste d’eau haute pression. Réchauffe l’eau d’extraction par les soutirages HP 5 et 6 Purges des générateurs de vapeur 2 groupes pompes fonctionnant en parallèle et composés chacun d’une pompe nourricière, d’un filtre, d’une pompe principale (turbopompe) et d’un débit nul Alimentation en eau REgulation, nom du circuit de régulation de l’alimentation en eau des GV. ARE régule le niveau d’eau des GV et assure l’isolement des GV côté secondaire. Alimentation de secours des GV Par le moyen d’une alimentation en vapeur, ce système assure une étanchéité aux extrémités des rotors de la turbine et des TPA, ainsi que le long des tiges des organes d’admission de façon à éviter les entrées d’air dans le cycle eau vapeur et des fuites de vapeur hors du cycle Extraction de l’eau du condenseur (condensats en puits de condenseur), assurée par 3 motopompes. En marche normale, 2 pompes sont en service et 1 pompe est en secours.
90, 128, 196, 212, 273, 274
90, 178, 184, 185, 190, 196, 206, 208–212, 220, 234, 253, 264, 270, 273–279, 292 178, 185, 271, 274, 277, 278
294 182, 264, 276
97, 98, 178, 184, 185, 188, 190, 196, 205, 207, 210, 236, 278–280
97, 98, 179, 182–186, 234, 264 196, 264
183, 190, 196, 273, 275, 294
298
CRF
GCT
GRE GSS
RCV REA RGL RRA SVA VPU
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Eau de circulation assurant le refroidissement du faisceau tubulaire du condenseur. 2 pompes CRF assurent un débit de 2 fois 25 m3 /s G pour Groupe turbo-alternateur, C pour Contournement, T pour Turbine. Système de contournement de la turbine principale, qui assure un exutoire pour la puissance primaire lors des transitoires induisant un déséquilibre de puissance primaire/secondaire. Les équipements assurant la décharge à l’atmosphère sont appelés GCT-a, et ceux assurant la décharge au condenseur sont appelés GCT-c. Le GCT-a est utilisé lorsque le condenseur ou le GCT-c sont indisponibles. GCT-a évacue la puissance résiduelle en cas d’AAR, maintient les conditions primaires d’AAC et d’attente à chaud, refroidit le primaire jusqu’à la mise en service du RRA. turbine avec régulation et protection associée Groupes sécheurs surchauffeurs. Séparent l’eau et la vapeur après la détente HP, et surchauffent la vapeur. Les GSS limitent l’érosion des turbines BP par l’eau et améliorent le rendement du cycle. Il y a deux GSS identiques entre échappement HP et admission BP. Système de contrôle volumétrique et chimique Appoint en eau et en bore Commande des grappes longues Refroidissement du réacteur à l’arrêt Distribution de vapeur auxiliaire Tuyauteries vapeur et purges circuits vapeur
272
84, 97, 98, 100, 101, 179, 183, 184, 186–188, 190, 194, 196, 202, 203, 206–210, 214–216, 220, 221, 223– 227, 252, 253, 264–266, 272, 275
119, 186, 189, 196, 206, 211, 263, 264, 267 182, 188, 189, 211, 264, 268, 270, 271, 274, 276, 277, 283
26, 109, 111, 125, 180, 195, 207, 291 105, 109, 125 19, 116, 119, 207, 285 193, 265 178, 185, 275 185, 263, 264, 270
Index
VVP XCA
299
Soupapes de sûreté et évents, vannes d’isolement Chaudière auxiliaire
179, 183, 263, 264 178
Autres trigrammes et acronymes AAR
Arrêt automatique du réacteur
AN/GV
Arrêt normal, refroidissement assuré par les GV Arrêt normal, refroidissement assuré par RRA Axial offset. Implicitement il s’agit de l’AO puissance ; un AO est également défini pour l’iode et le xénon. Arrêt pour intervention (état standard) Arrêt pour rechargement (état standard) Accident par perte de réfrigérant primaire Arrêt simple rechargement Bande de manœuvre
AN/RRA AO
API APR APRP ASR BdM BP
CMD CNI
Basse pression (partie conventionnelle BP) Verrouillage C1 Verrouillage C2 Verrouillage C3 Verrouillage C4 Verrouillage C20 Verrouillage C7A Verrouillage C7B Carte de flux Commutateur manuelautomatique-direct Commutateur manuel-direct Chaîne niveau intermédiaire
CNP
Chaîne niveau puissance
C1 C2 C3 C4 C20 C7A C7B CDF CMAD
97, 98, 103, 110, 131, 179, 181, 189– 191, 196, 214, 227, 233–235, 237– 239, 242, 244, 247, 248, 251–253, 255, 260, 261, 265, 272, 278, 288 46, 178–180, 193 193 19, 20, 68, 73–78, 84, 103, 105, 108, 110, 111, 121, 133, 134, 139–143, 145, 150, 164, 166, 172, 174 178, 193 193, 7, 103, 244 179 115, 116, 120, 122, 125, 128, 143, 145–147, 176, 182, 189, 191, 195 19, 203, 205, 206, 211, 212, 267, 268–274, 288 196, 252 153, 191, 196, 238, 252, 261 233, 248, 251, 252, 288 233, 244, 251, 252, 255, 288 128, 189, 195, 252, 261 207, 252, 265 207, 252, 265 135, 168, 190–192, 196, 242, 249 186, 188, 285, 288, 289, 291 186, 284 98, 152, 181, 189, 191, 196, 235, 237, 252, 253, 258–262 152, 153, 160–168, 189, 191, 196, 227, 234, 235–241, 248, 249, 252, 253, 255, 258–262
300
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
CNS
Chaîne niveau source
CP0
Palier de réacteurs 900 Mwe (appelé retrospectivement contrat programme n◦ 0) Palier de réacteurs 900 Mwe (contrat programme n◦ 1) Palier de réacteurs 900 Mwe (contrat programme n◦ 2) Paliers CP1 et CP2 Coefficient de température du modérateur (pcm/◦ C)
CP1 CP2 CPY CTM ou CTMOD
DMA DPAX
ECCS EP RGL 4 FPPI G3 GCP
GMPP
GTA
Dispositif de manoeuvrabilité avancée Déséquilibre axial de puissance
Emergency Core Cooling System Essai périodique RGL 4 Fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire courbe G3 Groupes de compensation de puissance, constitué des grappes G1, G2, N1, N2 (mode G) Groupe MotoPompe Primaire, ensemble de la pompe primaire et de son moteur d’entraînement Groupe turbo alternateur
H4 HP
Palier hybride P4 / P’4 Haute pression (partie conventionnelle HP)
HT
Haute tension d’alimentation des CNS Interaction pastille-gaîne
IPG
98, 180, 181, 189, 231, 235, 237, 253, 258–261 14, 17, 19, 29, 64, 68, 74, 76, 78, 90, 96, 105, 108–111, 131, 132, 171, 173–175, 283 14, 15, 19, 21, 22, 90, 283 14, 15, 19, 21, 22, 90, 283 15, 17, 25, 74, 116, 120, 247 29, 30, 34–39, 43, 45–47, 57, 58, 72, 87, 92, 109, 130, 140–142, 145, 149–151, 166, 176, 177, 182, 189, 190, 195, 203, 216, 223, 224 112 23, 46, 48, 73, 84, 107, 114, 121, 123, 128, 130, 133, 134, 140–143, 145– 151, 154–158, 160, 162, 164, 165, 167, 191, 238, 248, 249, 259 6, 19, 103 119, 120, 288 227, 256, 257 118–121, 127, 155, 189, 207, 288 44, 74, 112–123, 125, 127, 128, 130, 143, 154, 162, 180, 182, 189–192, 195, 206, 207, 212, 215, 216, 223, 252, 288, 289 97, 98, 179, 183, 194, 201, 203, 214, 219, 291 11, 14, 19, 93, 94, 131, 132, 178, 186– 189, 194–196, 201, 203, 205, 210– 213, 256, 271, 283, 284, 289 15, 283 5, 6, 19, 85, 178, 182, 185, 186, 190, 202, 203, 205, 206, 211, 212, 263, 264, 267, 268, 270, 271, 274–278, 282, 287, 288 181, 253 20, 23, 43, 192, 195, 227, 233, 234, 236, 244, 248, 251, 252, 254–257, 288
Index
MPS OPR OPS
301
P6 P7
Motopompe de secours Opérateur réacteur Opérateur secondaire, ou eauvapeur référence charge, référence puissance, ou encore consigne de puissance électrique Permissif P6 Permissif P7
P10
Permissif P10
P13 P16 P1RT
Permissif P13 Permissif P16 Pression première roue turbine, c’est-à-dire mesurée après la première roue dans le corps HP de la turbine. Palier technique P4 (réacteurs 1300 Mwe) Palier technique P’4 (réacteurs 1300 Mwe)
P0
P4 P’4 Pcmax PI REPR RGE RIP RP SPIN
STE
Proportionnel et intégral : propriétés du régulateur Règles d’essais physiques au redémarrage Règles générales d’exploitation Retour instantané en puissance Réacteur en production Système de protection intégrée numérique (les numéros de page de l’annexe 1 ne sont pas pris en compte) Spécifications techniques d’exploitation
STR AAR
Transformateur de vapeur Arrêt automatique du réacteur
AN/GV
Arrêt normal, refroidissement assuré par les GV
186 171, 179, 186, 189, 195, 207, 237, 253 187–189, 213 186, 188, 205, 211–214, 284–287, 290, 291 98, 181, 189, 253, 260, 261 186, 189, 196, 235, 238, 244, 247, 251–253 186, 189, 196, 227, 235, 237, 252, 253, 261 189, 253 190, 196, 235, 252, 253, 259 117, 189, 204, 206, 207, 211, 215, 225, 226, 252, 253, 287, 291
15, 22, 63, 90, 203, 253, 263, 283 15, 22, 90, 201, 203, 220, 223, 263, 272, 281–283, 295, 296 128, 152, 185–187
177, 180, 186, 191 46 122, 125 180, 185, 193 121, 133, 134, 147, 151, 153, 159, 162, 163, 168, 186, 189–192, 196, 288 43, 45, 98, 110, 121, 127, 128, 134, 177, 189, 191, 192, 195, 233, 252, 255–257, 289 264 20, 64, 102, 131, 179, 181, 189–191, 196, 214, 227, 233–235, 237–239, 242, 244, 247, 248, 251–253, 255, 260, 261, 265, 272, 278, 288 178–180, 193
ˆ e´ des REP : Le reacteur ´ Physique, fonctionnement et suret en production
302
Autres termes techniques bande morte Barillet (eau ou vapeur) boremètre calibrage
intervalle d’inaction d’une régulation
Dispositif de mesure de la Cb Calibrage de l’instrumentation neutronique chauffage Production de puissance thernucléaire mique par la réaction en chaîne Cyclades Gestion du combustibles de certaines tranches 900 Mwe, par tiers de cœur ; enrichissement 4,2 % et empoisonnement au gadolinium Dégazage Action consistant à Doppler L’effet doppler désigne l’augmentation des captures neutroniques par l’uranium 238 consécutive à l’augmentation de la température du combustible dynamique Comportement dynamique de la libre tranche nucléaire, en l’absence de toute action des moyens de contrôle de la réactivité Gemmes Gestion du combustibles des tranches 1300 Mwe, par tiers de cœur, 4 % et empoisonnement au gadolinium Limiteur Limiteur de charge, ou encore de pression (P1RT). minimum Minimum technique théorique technique (MTT) ou minimum technique courant (MTC) permissif Signaux logiques contrôlant les ordres émanant du système de protection Pompe La turbopompe alimentaire est ganourrivée par une pompe nourricière. cière Poste Comprend le poste d’eau haute d’eau pression, le poste d’eau basse pression, la bâche ADG
45, 73, 109, 110, 113, 119, 128, 130, 145, 194, 206, 220, 221, 252 97, 98, 101, 183, 184, 187, 202, 203, 205, 208, 209–211, 215, 220, 221, 224, 263–265, 270, 276, 278–280 178 151, 191, 240 46, 98, 181, 260 29, 64, 72–74, 78, 105, 108, 171
90, 178, 274 46, 48–52, 54–58, 69, 72, 83, 84, 87, 98, 99, 102, 120, 137, 139, 140, 167, 181, 182, 216, 223
45, 84, 85, 87–91, 93, 101, 128–130, 190
27–31, 33, 36, 39, 43, 51, 55, 57, 62, 64, 70, 108, 122, 140, 142–144, 148, 152, 157, 166, 167, 177, 182, 233, 249, 255 117, 120, 189–192, 195, 287, 289–291 89, 109, 124, 125, 185, 203, 291
251–253
210, 275–277
90, 178, 212, 271, 273, 274, 277, 278
Index
303
réglage primaire
Réglage primaire de fréquence
stretch
Prolongation de cycle
téléréglage
Réglage secondaire de fréquence
verrouillages
Signaux qui commandent des actions s’opposant aux régulations, à l’approche des seuils d’arrêt automatique du réacteur
43, 45, 91, 109, 117, 119, 120, 128– 130, 190, 211, 213, 214, 284–286, 290, 291 26, 28, 32, 33, 42–46, 54, 73, 93, 130, 141–143, 148, 150, 164–166, 256, 260, 288 17, 43, 74, 91, 109, 111, 117, 119, 128, 284–286, 289–291 251, 252, 261